COLLECTION
DE
L'ÉCOLE 50
FRANÇAISE
DE
ROME
GEORGES FABRE
LIBERTUS
RECHERCHES À LA FIN SUR DELES LA RÉPUBLIQUE RAPPORTS PATRON-AFFRANCHI ROMAINE
ÉCOLE FRANÇAISE DE ROME PALAIS FARNESE 1981
- École française de Rome - 1981 ISSN 0223-5099 ISBN 2-7283-0016 Diffusion en France: DIFFUSION DE BOCCARD 11 RUEDEMÉDICIS 75006 PARIS
Diffusion en Italie: «L'ERMA» DI BRETSCHNEIDER VIA CASSIODORO, 19 00193 ROMA
SCUOLA TIPOGRAFICA S. PIO X - VIA ETRUSCHI, 7-9 - ROMA
Λ/.
AVANT-PROPOS
Cet ouvrage, dont les imperfections ne peu vent être imputées qu'à moi-même, n'aurait pu voir le jour sans certains concours que je me plais à signaler ici. J'ai contracté une dette particulière envers l'École française de Rome qui, après m'avoir accordé une bourse à l'automne 1976, a bien voulu accepter mon travail dans le cadre de ses publications. Que M. Georges Vallet reçoive le témoignage de ma profonde reconnaissance pour l'accueil et les facilités que lui-même et son équipe m'ont offerts. Je joins à son nom celui de M. Jacques Heurgon qui, avec la plus grande générosité, a bien voulu se faire mon avocat devant le Conseil Scientifique de l'École. Que M.Robert Etienne, qui fut mon profes seurà l'Université de Bordeaux et qui encoura gea mon goût pour l'archéologie et l'épigraphie, soit affectueusement remercié pour avoir suivi pas à pas la naissance de ce travail et, surtout, pour avoir admis très libéralement que mes points de vue ne coïncident pas toujours avec les siens.
Je ne saurais oublier les conseils et sugges tionsque les membres du jury, M. G. Boulvert, Mme M. Leveque et M. C. Nicolet, m'ont faits soit lors de la soutenance, soit au cours d'entretiens ultérieurs, soit encore en me communiquant très largement leurs notes. Nombre d'erreurs ont ains ipu être heureusement corrigées. M. H. Solin, Professeur à l'Université d'Helsink i, en acceptant de m'adresser les épreuves, cor rigées de sa main, du nouveau supplément au CIL, que le regretté A. Degrassi n'a pu publier, a assuré de façon inestimable les bases de mon travail. Qu'il soit assuré de mes sentiments de reconnaissance. Je tiens à souligner l'obligeance de l'Institut Archéologique Allemand de Rome qui m'a facili té l'accès à ses fichiers et m'a fourni, dans les meilleures conditions, une part importante de l'illustration que je présente. Que MM. H. Krause et H. Sichtermann soient vivement remerciés pour leur aide.
INTRODUCTION GENERALE
Étudier d'une façon isolée le groupe des affranchis est une entreprise qui a tenté peu d'auteurs depuis H. Lemonnier, dont l'enquête, tout comme celle, devenue classique, d'A. M. Duff, est d'ailleurs consacrée à la période impér iale1. Tous les historiens, ou presque, quelles que soient leurs orientations idéologiques ou leurs préoccupations de méthode, ont intégré l'étude de cette catégorie d'individus dans celle des esclaves en général : ceci est vrai pour H. Wall on, W. Buckland, L. Halkin, W. L. Westermann2 ou, plus récemment encore, pour E. M. Staerman3 qui a donné une synthèse assez remarqua-
1 H. Lemonnier, Étude historique sur la condition privée des affranchis aux 3 premiers siècles de l'Empire Romain, Paris, 1887, (= Lemonnier, Condition Privée). A. M. Duff, Freedmen in the Early Roman Empire, Oxford, 1928, (Cambridge 1958) (= Duff, Freedmen). 2 H. Wallon, Histoire de l'esclavage dans l'Antiquité, 2e éd., Paris, 1879, 3 vol. (»Wallon, Esclavage). A été écrit avant la parution des principaux volumes du CIL et insiste trop sur la contamination morale de la société romaine par les esclaves importés (t.2, chap. X «de l'affranchissement»). W. W. Buck land, The Roman Law of Slavery = the condition of the Slave in private Law from Augustus to Justinian, Cambridge, 1908 (1970) (= Buckland, Slavery). Encore très utile, L Halkin, Les esclaves publics dans l'Empire Romain, dans Bibl. Fac. Philo. Lettres Liège, 1, 1897 (Rome 1965) («Halkin, Esclaves Publics). W. L. Westermann, The Slave Systems of Greek & Roman Antiquity, dans MAPhS, XL, Philadelphie, 1955, (=Westermann, Slave Systems), critiqué fortement, sur un plan idéolo gique, par A. R. Korsunkij, V. I. Kuziscin et I. S. Svencickaja dans VDI, 1958, 4, p. 148-158. 3 E. M. Staerman, Die Blütezeit der Sklavenwirtschaft in der römischen Republik (traduit du russe), Wiesbaden, 1969. (= Staerman, Blütezeit). Remarquable par l'utilisation impec-
ble. Tous ont insisté, dans leurs œuvres, sur la solidarité qui existe, tant au plan juridique qu'économique, entre les esclaves et leurs collè gues ayant accédé à la liberté; car ils sont rap prochés, à première vue, par une commune dépendance vis-à-vis d'un même homme, maître ou patron, au service duquel ils exercent, total ement ou en partie, leur activité. Il y aurait donc quelqu'imprudence à vouloir rompre avec cette tradition bien établie, si, ces dernières années, diverses publications n'avaient transformé assez radicalement notre connaissan ce des problèmes de l'esclavage, notamment à l'époque républicaine, et n'avaient mis en év idence la place particulière, mais ambiguë - puis que située à mi-chemin entre la masse des escla veset l'ensemble des ingénus - occupée par les affranchis. En effet, d'une part, certains juristes ont pré cisé les conséquences politiques de l'affranchi ssement régulier et ont éclairé les rapports exis tant entre ce dernier et l'obtention du droit de cité4. D'autre part, au plan du droit privé, les
cable des sources littéraires et par une préface qui fait le point, à la date de 1964 (parution de l'ouvrage en russe), des axes de recherche de l'historiographie soviétique, sous, et après Staline. 4 Ainsi, F. De Visscher, De l'acquisition du droit de cité romaine par l'affranchissement. Une hypothèse sur les origines des rites d'affranchissement, dans SDHI, 12 (1946), p. 69-85. E. Volterra, Manomissione e cittadinanza, dans Studi Paoli, Flo rence, 1955, p. 695-716 (= Volterra, Manomissione). H. Chantraine, Die Entstehung der Freilassung mit Bürgerrechtserwerb in Rom, dans AUNRW, I, 2, 1972, p. 59-67.
Vili
INTRODUCTION GÉNÉRALE
origines et le contenu de la puissance patronale5, de l'époque républicaine. S'il faut rendre hom le rôle spécifique des affranchis dans le mode de mage au courage de l'entreprise, nous ne pou production, notamment artisanal, et les activités vons que souligner les profondes insuffisances d'affaires, ont été mieux mis en lumière, ce qui a de cette étude; regrettons, notamment, un permis de souligner, sinon d'individualiser par découpage interne artificiel, une enquête prosofaitement, les composantes de Yordo libertinopographique apparemment incomplète9, et sur rum0 par rapport à la multitude anonyme des tout, une erreur de perspective qui justifie, a esclaves. Enfin, et surtout, deux monographies contrario, notre propre tentative; l'auteur, en effet, consacre un nombre de pages relativement consacrées aux seuls affranchis, sous l'Empire, et réduit10 à la position des affranchis face à leur sous la République, ont relancé l'intérêt porté à ce domaine d'études, soit par leur apport pro patron, laissant entendre que leurs rapports, pre, voire l'originalité de leurs thèses soit par les même envisagés sur un plan juridique, ne revê critiques qu'elles ont appelées ou peuvent suscit tent qu'une importance limitée, alors que tout au long de l'ouvrage, les documents utilisés - en er. C. Cosentini, dont le travail n'a pas eu l'a vue d'analyser les formes et motifs de la manuudience qu'il aurait méritée, a fait exclusivement missio, les métiers et carrières suivis ou la parti œuvre de juriste; mais à partir d'une thèse discut cipation à la vie politique - mettent l'accent, à able, mettant en valeur une sorte de liberté chaque moment, sur la rôle capital de cette idyllique de l'affranchi, antérieurement aux dépendance dans la vie personnelle, profession réformes prétoriennes de la fin du second et du nelle et civique des affranchis. début du premier siècles, et tout en appliquant Il nous apparaît en effet, en tenant compte de une méthode que l'historien ne peut suivre, car l'ensemble de la documentation disponible con cernant les affranchis à la fin de la République, fondée exclusivement sur des textes juridiques, il a consacré l'essentiel de son enquête à la que même en prenant acte de la dimension formulation des rapports affranchi-patron et publique de l'affranchissement («conforme au insisté, notamment, sur la question fondamental droit et à la loi»), qui fait de l'esclave un libertie de la transmission des droits patronaux aux nus doté de certains droits au plan civique, liberi patroni1. même en admettant que, dans le domaine écoPlus récemment, S. Treggiari, dans une syn thèse vivante et utile, mais qui a suscité fort peu de compte-rendus sérieux8, a donné le premier 9 Un exemple de chapitre introduit de façon artificielle coup d'œil d'ensemble sur les affranchis à la fin dans le sujet est donné par le § 1 de l'Introduction intitulé «The origins of freedmen» (p. 1-11) qui n'aboutit, en fait, à aucune conclusion propre aux affranchis, mais retombe sur le problème des origines des esclaves. Par ailleurs, les termes 5 C'est à M. Kaser que ce domaine doit, avant tout, libertus et libertinus sont utilisés sans essai préalable de d'avoir été exploré : Der Inhalt der «patria potestas», dans définition. Ainsi, p. 37, nous rencontrons un titre : «Libertini ZRG, 58 (1938), p. 62-87. Die Geschichte der Patronatsgewalt in public law». Or, la définition du terme libertinus n'inter über Freigelassene, dans ZRG (58), 1938, p. 88-135. Ainsi que vientqu'à partir de la p. 52, dans le § intitulé «Eligibility for son compte rendu de Cosentini, dans ZRG (68), 1951, p. 576office in State and Municipality». De la même manière, p. 208-215, un § est consacré à la vie 586. 6 Soulignons l'intérêt de deux études fondamentales de familiale des affranchis {«The family»), alors que p. 81-86 on R, E. Liast : Le problème des rapports entre le travail servile et parle (sous la rubrique «Legal position of Libertini in relation le travail libre dans l'industrie, au premier siècle avant Jésusto Ingenui others than their Patroni) du manage des affran chis,en particulier avec des ingénus. Christ, dans VDI, 1963, 2, p. 99-114. La manumission des esclaves artisans au premier siècle avant Jésus-Christ, dans Signalons enfin, les interprétations erronées de : CIL, F, 1363 = VI, 24430 = ILLRP 427, Cn Pompée étant VDI, 1968, 2, p. 107-120. 7 C. Cosentini, Studi sui liberti Contributo allo studio della confondu avec Sex tus (p. 251, n. 10). CIL, I2, 1132 = VI, 21696 = ILS, 7967 = ILLRP, 928, où une condizione giuridica dei liberti cittadini, I, Univ. Catania, Pubi ά Fac. di Giurisprud., XI, Catane, 1948. II, Univ. Catania, Luscia T. 1. Montana aurait, à en croire l'auteur (p. 210, n. 2), Pubbl. d Fac. di Giurisprud., XIV, Catane, 1950. affranchi son mari T. Attius D. 1. Auctus! CIL, VI, 2246, où C. Rabirius Post 1. Hermodorus devient, Cf. le compte-rendu très critique de Kaser, cité à la note sous la plume de l'auteur (p. 205), Rabirius Postumus Hermod 5; l'auteur a trop tendance à minimiser la toute puissance patronale, antérieurement au premier siècle. orus, probablement un affranchi de Rabirius Postumus»! 10 Freedmen, p. 68-81. 8 Hormis celui de G. Boulvert, Iura, XX, 1969, p. 682-7.
INTRODUCTION GENERALE
IX
nomique, comme dans celui des relations social es,l'affranchi peut jouer un rôle qui, souvent, dépasse le seul domaine de la confrontation avec le patron, celle-ci constitue le cadre essent iel,fondamental, dans lequel l'ensemble de l'existence du libertiis est circonscrit. Qu'il s'agis se de l'activité économique, de la création et de l'épanouissement de liens familiaux ou d'amitié, c'est à l'intérieur ou à la tête de la familia patro nale, dans la dormis même du patron, bien sou vent, et au service, sinon exclusif, du moins prioritaire de celui-ci, que se déroule la vie du libertus dont, bien souvent, les enfants naturels peuvent être eux-mêmes les esclaves ou affran chisdu patron. C'est dire que nous ne pouvons qu'être persuadé du bien-fondé d'une recherche consacrée à un tel rapport d'homme à homme. Mais cette dépendance du libertus, de la deuxième Guerre Punique à l'époque augustéenne, a subi des transformations considérables. Cependant, cette période forme sinon un tout uniforme, du moins, un ensemble chronologique qui possède une certaine cohérence, dans la perspective du thème que nous avons choisi. D'une part, la guerre contre Hannibal a créé des changements considérables sur les plans économique et social, non seulement à travers les bouleversements qu'ont entraînés les opérat ionsmilitaires, ou par le nouveau champ qui a été offert à la conquête romaine. Mais désormais Rome entre résolument dans un système de pro duction faisant un appel de plus en plus large à l'utilisation des esclaves. Les problèmes liés à l'affranchissement acquièrent ainsi une impor tancecroissante, en liaison avec la multiplication des manumissiones dont les effets sont sensibles dans le domaine privé comme sur le plan politi que. Mais surtout, c'est de l'extrême fin du troisi èmesiècle que datent les premières formes d'édits du préteur ou des édiles11, ainsi qu'une série de lois qui transforment de façon systémat ique plusieurs pans du droit privé fondés sur la loi des XII Tables, ou leur interprétation12. C'est
à cette époque qu'un premier «dépoussiérage» dans le domaine des rapports patrons-affranchis est intervenu; même si les prescriptions décemvirales sont, pour trois quarts de siècle encore, l'objet d'un certain respect, on peut voir là une tentative qui a ouvert la voie à une «laïcisation» progressive du droit et aux transformations déci sives de la fin du second siècle. Ajoutons que c'est au lendemain de cette guerre nationale que pour la première fois, dans la Péninsule Ibéri que, les Romains se trouvent confrontés au diffi cile problème de l'harmonisation de leurs con ceptions juridiques, concernant l'esclave et l'a ffranchi, avec une réalité locale qui n'est pas forcément adaptable à leurs propres schémas : ainsi, les expériences de Carteia ou de Lascutau, bien que n'ayant pas eu d'écho immédiat, appar aissent comme les premières étapes d'un pro cessus d'intégration de formes non-romaines d'esclavage ou de libération, processus qui au tournant des second et premier siècles a connu une accélération décisive pour aboutir, sous Auguste, à la création des affranchis Juniens ou déditices. Quant au terminus proposé, l'époque augustéenne, il apparaît indiscutable. Même si nous tenons compte du fait que, dans plusieurs domaines concernant les affranchis (dévolution des bona, mise en exergue d'une catégorie d'af franchis aisés dont les biens sont l'objet d'un régime de transmission particulier, lois matrimon iales,reconnaissance des affranchissements in formels), Auguste a été moins novateur qu'on l'a souvent dit et qu'il a parfaitement tenu compte des acquis de la période antérieure, les faits suivants semblent justifier la coupure proposée : - d'une part, la création d'une sorte de cor pus législatif embrassant tous les aspects de la «libertinité» (affranchissement, - âge, et rapport avec le droit de cité -, mariage, bona, operae) qui n'a pas d'équivalent, même si des précédents, plus ou moins timides, peuvent être décelés à l'époque républicaine, au temps de Sylla ou de César14;
11 Le premier édit prétorien, signalé par Tite Live, date de 213 avant Jésus-Christ (XXV, 1, 12). Cf. A. Watson, Law Making in the Later Roman Republic, Oxford, 1974 (= Watson, Law Making), p. 45-50. 12 Lex Atilia de tutore dando (vers 210), Lex Cincia de donis et muneribus (204), Lex Furia testamentaria (entre 204 et 169).
13 Nous nous permettons de renvoyer à notre contribu tion Les affranchis et la vie municipale dans la Péninsule Ibérique, sous le Haut-Empire Romain : quelques remarques, dans Actes du Colloque sur l'esclavage (Besanson 1973), Paris, 1976, p. 419457 (p. 419-421 notamment). 14 Sur les lois touchant au droit privé et portant le nom de Sylla, cf. G. Rotondi, Leges publicae populi romani, Milan,
INTRODUCTION GENERALE - d'autre part, la naissance de la Familia Caesaris, constituée d'une masse considérable de serviteurs personnels de l'Empereur, ou acquis par donation ou héritage15, a créé les bases d'une participation plus active des affranchis au service de l'Etat, mais a certainement influencé la pratique des rapports privés que les maîtres ou patrons entretenaient avec leurs dépendants; - surtout, les conditions dans lesquelles s'opérait le travail des spécialistes chargés d'adapter les formes du droit privé aux transfor mations de la vie économique et sociale, à Rome et dans l'Empire, ont subi une modification radi cale. Désormais, aux Veteres ou aux spécialistes qui, issus des milieux sénatoriaux ou équestres16, enseignaient mais surtout éclairaient librement, par leurs responsa, les magistrats17, succèdent des techniciens, souvent élèves des précédents, mais qui ne disposent d'aucune liberté d'inter prétation, parce qu'ils sont les dépositaires d'un ius respondendi dont Yauctoritas de l'Empereur est la seule source18;
1912 (Hildesheim, 1996), p. 356-363 (= Rotondi, Leges publicae). Cf. aussi : Watson, Law Making, chap. 6 (The problem of reform and the autocrats). 15 Notre connaissance, dans ce domaine, a été renouvelée grâce à trois auteurs : P. R. C. Weaver, Familia Caesaris, A Social Study of the Emperor's Freedmen and Slaves, Cambridg e, 1972 (où l'auteur reprend toute une série d'études publiées depuis 1964 sur ce thème) (= Weaver, Familia Caesar is).G. Boulvert, Esclaves et affranchis impériaux sous le Haut-Empire Romain, rôle politique et administratif, Naples 1970 (= Boulvert, EAI). et Domestique et fonctionnaire sous le Haut Empire Romain, Annales Littéraires Univ. Besançon, 151, Paris, 1974, (= Boulvert, Domestique et fonctionnaire). H. Chantraine, Freigelassene und Sklaven im Dienst der römi schen Kaiser. Studien zu ihrer Nomenklatur, Wiesbaden, 1967 (= Chantraine, Freigelassene). 16 Sur le recrutement et la qualification des juristes, cf. Watson, Law Making, p. 95 à 100. W. Kunkel, An Introduction to Roman Legal and Constitutional History, 2e éd., Oxford, 1973, p. 107-113. Et surtout du même: Herkunft und soziale Stellung der römischen Juristen, 2e éd., Graz/Vienne, Cologne, 1967. Ν. Schiavone, Nascita della giurisprudenza. Cultura aris tocratico e pensiero giuridico nella Roma tardo-republicana, Bari, 1976. J. Kodrebski, Der Rechtsunterricht am Ausgang der Republik und zu Beginn des Prinzipals, dans AUNRW, II, 15, 1976, p. 177-196. 17 O. Behrends, Les «Veteres» et la nouvelle jurisprudence à la fin de la République, dans RHDF, 1977, p. 7-33 (= Behrends, «Veteres·»). 18 Cf. Duff, Freedmen, p. 137-140, et notre travail cité à la note 13, p. 444, n. 24.
- enfin, l'originalité de la période impériale apparaît dans le coup d'arrêt qui a été donné à la participation des affranchis à la vie civique, tant au plan de l'Etat - l'accès au Sénat leur est interdit - que dans le domaine municipal où les possibilités offertes par la Lex lidia Municipalis ne sont désormais plus de mise19. Si la période qui couvre presque les deux derniers siècles de la République présente une réelle originalité, malgré les évolutions que l'on pense y déceler, au plan des relations patronaffranchi, c'est aussi à cause de la complémentar ité des documents dont nous disposons pour l'étudier. C'est dans la mise en œuvre de ceux-ci que nous voudrions défendre une méthode d'en quête. En effet, le grand défaut que l'on peut déceler dans un certain nombre de travaux, notamment ceux de Treggiari, concerne l'utilisa tion d'un seul type de sources, particulièrement les œuvres de caractère littéraire, aux dépens des autres moyens de connaissance. Loin de nous l'intention de minimiser tout ce que peuvent apporter les écrivains antiques. Mais nous voudrions observer tout d'abord que l'information, dans ce domaine, n'émane pas des affranchis eux-mêmes, mais d'auteurs qui sont liés pour la plupart aux milieux aristocratiques, sénatoriaux ou équestres. L'Histoire, à Rome, à cette époque, est encore un genre noble20, qui reste l'apanage d'individus d'assez haute extrac tion,car elle est inséparable de la vie et de l'action politiques. Suétone peut, à juste titre, insister sur le fait que Voltacilius Pilutus, auteur du premier siècle avant Jésus-Christ, aurait été le premier affranchi qui ait écrit un ouvrage d'histoire {primus omnium libertinorum scribere historiam orsus)21 : or, il ne s'agissait que d'écrire la biographie de Pompée dont l'auteur était un
19 Cf. Fr. Wieacker, Augustus und die Juristen seiner Zeit, dans Tijdschr., XXXVII, 3-4, 1969, p. 331-349 (= Wieacker, Augustus) p. 346-9 notamment. 20 Vue d'ensemble dans J. Heurgon, L'interprétation histo rique de l'historiographie latine de la République, dans BAGB, 1971, 2, p. 219-230, qui insiste sur les falsifications auxquelles les Annalistes, du fait des prétentions nobiliaires des gentes, se sont livrés (en opposition, pense-t-il, à l'honnêteté de Tite live). Pompeius' 21 Rhet.,- 3Freedman - Sur l'identité Biographer du personnage, again, danscf.CR, S. Treggiari N.S., 19, 1969, p. 26-46.
INTRODUCTION GENERALE client. En réalité, les affranchis, nous aurons l'occasion de le redire, n'interviennent que com mebiographes de leur patron ou protecteur ou comme auxiliaires de ces derniers dans le domaine littéraire22. Ils n'apparaissent qu'en tant qu'auteurs techniques ou érudits23, ou comme satiristes. Et encore, dans ce dernier domaine, leurs intentions sont-elles difficiles à apprécier; ainsi, Pompeius Lenaeus écrit une satire, mais c'est après la mort de Pompée, son patron, et pour déchirer Salluste, l'historien, qui avait sali la mémoire de ce dernier24. D'autre part, l'œuvre de Publilius Syrus, dont nous possédons une collection de bons mots, n'est pas facilement appréhendable, parce qu'elle concerne indiff éremment hommes libres et esclaves25 et qu'elle offre, à travers un mélange de résignation et de fierté26, une morale qui dépasse les limites du monde servile et s'adresse à tous, puisque même la notion de patria est illustrée27. D'autre part, les sous-entendus politiques, appropriés sans doute à la situation politique à Rome sous César, mais qui peuvent soit émaner de l'auteur luimême, soit avoir été ajoutés par l'opinion publi que28, troublent encore la lisibilité de ces «Sen-
22 Contrairement à ce que laisserait entendre J. Vogt (Arts libéraux et population non libre dans l'ancienne Rome, dans VDI, 1967, p. 98-103, (=Vogt, Arts libéraux, en russe), p. 101, furent biographes de leur patron : Cornelius Epicadus, affranchi de Sylla et Tiron, affranchi de Cicéron. Ateius Philologus aida C. Sallustius et Asinius Pollio dans leurs activités d'historiens. Timagenes, serviteur du fils de Sylla, écrivit une biographie d'Auguste. 23 Cf. les renseignements donnés par Suétone, à propos des Rhéteurs et Grammairiens. 24 Suét., Gramm., 15. 25 Les deux meilleures éditions sont celles de : G. Meyer, Publilii Syri Sententiae, Leipzig (Teubner, 1880) et de J. W. et A M. Duff, Publilius Syrus, Sententiae, dans Minor Latin Poets, Londres, 1934, 1954, (Loeb), p. 3-111. C'est à cette dernière que nous faisons référence. Sur ce caractère universel de la morale de Publilius, cf. Vogt, Arts libéraux, p. 102. Les deux études fondamentales sont celles de : O. Skutsch, Publilius, 28, dans RE, XXIII, 2, col. 1920-1928, et de F. Giancotti, Mimo e gnome, Studio su Laberio e Publilio Siro, Messine, Florence, (Bibl. di Culi contemp., 8), 1967. 26 Cf. Qui docte servit partent dominatus tenet (596). 27 Populi est mancipium quisquis patriae est utilis (519). 28 Cf. l'étude approfondie de P. Hamblene, L'opinion romaine en 46-43 et les sentences «politiques» de Publilius Syrus, dans AUNRW, I, 1973, p. 631-702, qui relève 75 «senten ces» ayant une possible signification politique.
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tences». De toute façon P. Syrus ne nous permet qu'une approche individuelle, sans allusion clai reaux problèmes concrets de la vie de l'affran chi, même si, occasionnellement, nous le ver rons, la probitas du bon affranchi ou la supériorit é du serviteur cultivé sont mises en évidence. Si bien que le seul auteur d'origine servile dont on puisse utiliser l'œuvre, pour approcher la vision qu'un affranchi pouvait avoir de sa condition ou de celle de ses congénères, con frontés à la puissance patronale, est Térence29; on croit déceler son originalité dans la manière grave, le ton souvent pathétique mais résigné, dont les personnages de statut affranchi atten dent dans ses pièces leur liberté, qu'ils conçoi vent comme la récompense d'une conduite d'es claves irréprochables plutôt que comme le résul tatdes intrigues ou des débrouillardises, dont les servi callidi de Plaute étaient familiers30. Il faut joindre à ces auteurs, qui ont vécu directement l'expérience de l'esclavage, Horace qui, en tant que fils d'affranchi, et soumis pour cette raison aux railleries de certains membres de l'aristocratie en place, est amené à défendre avec véhémence la mémoire de son père, l'édu cation qu'il en reçut, mais aussi se laisse aller à vanter ses «amours libertines» ou à brocarder Tigellius ou tels affranchis rapaces, mais anony mes,qui essaient de s'enrichir par les moyens les plus immoraux31. En fait, l'essentiel des données qui nous sont accessibles provient d'auteurs qui n'ont aucun lien direct avec les milieux serviles ou d'affran chis. C'est le cas de l'historien Salluste, ou de César32, dans l'œuvre desquels la vie personnelle
29 Cf. Suet., Vita Terentii. Nous avons utilisé l'édition don née par J. Marouzeau, Comédies, (CUF), 3 vol., 1947-19561961. 30 Cf. P. P. Spranger, Historische Untersuchungen zu den Sklavenfiguren des Plautus und Terenz, Wiesbaden, 1960 (= Spranger, Untersuchungen), qui analyse de façon minutieus e les «caractères» respectifs des esclaves et affranchis pré sentés par les auteurs, ainsi que la part due aux modèles grecs. 31 Odes et Epodes, Epitres, Satires, édit F. Villeneuve, CUF, Paris, 1959, 1961, 1958. 32 Les œuvres de Salluste ont été consultées dans l'édition procurée par J. C. Rolfe, Coll. Loeb., 1921, (l'édition de B. Maurenbrecher, Leipzig, 1891-3 (Teubner) est trop critique). Celles de César, dans l'édition de A. Klotz - Ο. Seel, Coll. Teubner, 1927-1961.
XII
INTRODUCTION GENERALE
de ces derniers· n'intervient jamais, alors que leur rôle politique est évoqué de façon ambiguë, car confondu avec celui des esclaves. C'est sur tout le cas de Tite Live qui, bien sûr, n'a pas vécu la majorité des événements qu'il décrit33, mais qui ne parle d'affranchis qu'en rapport avec la vie de l'Etat Romain, ainsi lorsqu'il narre les affranchissements réalisés au nom du Peuple Romain, lors de la Deuxième Guerre Punique, ou lorsqu'il évoque le rôle de Fecennia Hispala dans l'affaire des Bacchanales, ou la fondation de la «colonie latine et d'affranchis» de Carteia. Aussi, les deux auteurs qui nous permettent, l'un au début, l'autre à la fin de la période que nous envisageons, d'approcher le mieux la réali té des rapports patron-affranchi, sont-ils Plaute et Cicéron. Dans le théâtre du premier, où les personna ges d'origine ou de statut servile, jouent un rôle essentiel, la conquête de l'affranchissement et des moyens financiers d'y parvenir, mais aussi les détails de la vie quotidienne des affranchis (la rivalité des matronae et des libertinae, la morale de l'affranchie courtisane, la position de l'affranchi relayant l'autorité du maître) sont exposés avec verve; mais on peut toujours se demander si le démarquage des modèles grecs peut garantir l'authenticité de cette vue souvent intime du couple patron-affranchi, présentée à une époque où les formes de dépendance issues des XII Tables n'ont pas encore été totalement effacées34. Surtout, Cicéron apparaît comme la base de toute étude35; et il est incontestable que ses plaidoyers, ses traités, comme sa correspondanc e, témoignent non seulement de sa culture de «jurisconsulte», de praticien du droit36, mais aus-
33 Tite Live, Histoire Romaine, Ed. W. Weissenborn - H. J. Müller, Leipzig-Berlin, 1880-1924 (Berlin 1962), 10 vol. Pour les Periochae, éd. Teubner, Rossbach, 1910. 34 Plaute, Comédies (éd. A. Ernout, CUF, 7 volumes, 1956 à 1961). 35 Les Discours ont été consultés dans l'édition CUF, (20 vol. 1918-1966), la Correspondance, dans l'édition de R. J. Tyrrell -LC. Purser, 5e éd. Londres, 1897-1918. 36 Cf. l'ouvrage classique de E. Costa, Cicerone giurecons ulto, 2e éd. (Brini) Bologne, 1927, 2 vol. Cf. aussi M. Schanz C. Hosius, Geschichte der römischen Literatur, I, Die römis cheLiteratur in der Zeit der Republik, 4e éd. Munich, 1927, p. 404-527. Cf. aussi J. Michel, Sur les origines du «tus gen-
si de sa situation de témoin et d'acteur, à la tête d'une familia de serviteurs nombreux. Mais l'on a le plus souvent le tort de suivre à la lettre un discours bien ordonné, sans tenir compte de la portée idéologique de ses propositions37, ni, sur tout, des contradictions du personnage ou de sa mauvaise foi, qui le font passer de l'enthousias me au dénigrement le plus vif dans ses relations avec Chrysippe, Denys, ou Philotime. Si bien que ce témoignage direct, vécu souvent au jour le jour, et grâce auquel nous pouvons connaître de petits incidents (comme l'attente ou les réac tions que suscite l'affranchissement d'un servi teur, les échanges de lettres, l'inquiétude au sujet de la santé de Tiron, les déplacements au loin d'affranchis, portant des messages ou faisant des «affaires»), présente une valeur limitée, car il ne concerne que des affranchis de grands personnages, souvent anonymes, et dont, par exemple, la vie familiale n'est jamais évoquée; d'autre part, ce «carnet de bord» est entaché par les préjugés d'un homme, dont la nostalgie d'un passé où les affranchis étaient plus durement menés par les maiores, et les changements d'hu meur ne constituent pas les traits les moins marquants de la personnalité. Nous sommes donc contraints de recourir à un certain nombre d'œuvres datant de l'époque impériale : Virgile, pour son évocation de Tityre38, Valére Maxime ou Velleius Paterculus pour
tium», dans RIDA, III, 1956, p. 313-348 où l'apport de Cicéron est au centre de l'enquête. 37 Cf. Les matériaux et réflexions réunis dans l'introduc tion et les contributions du recueil consacré par le Centre de Recherches d'Histoire Ancienne de Besançon : Texte, politique, idéologie : Cicéron (Pour une analyse du système esclavagiste : le fonctionnement du texte Cicéronien), (Annales Littéraires Université de Besançon, 187), Paris, 1976. A. Daubigney, Contri bution à l'étude de l'esclavagisme : la propriété chez Cicéron, p. 13-71 (= Daubigney, Contribution). E. Smadja, Esclaves et affranchis dans la Correspondance de Cicéron : les relations esclavagistes, p. 73-108 (= Smadja, Relations esclavagistes). F. Favory, Classes dangereuses et crise de l'État dans le discours cicéronien (d'après les écrits de Cicéron, de 57 à 52), p. 109-233 (= Favory, Classes dangereuses). M. Clavel-Lévêque, Les rap ports esclavagistes dans l'idéologie et la pratique politique de Cicéron : leurs représentations et leur fonctionnement d'après la correspondance des années 50-49 avant notre ère, p. 235-302, (= Clavel-Lévêque, Rapports esclavagistes). 38 Voir J. Heurgon, Tityre, Alfenus Varus et la première Églogue de Virgile, dans Cah. de Tunisie (Mélanges Saumagne), XV, 1967, p. 39-45. Les commentaires de Servius ont été
INTRODUCTION GENERALE quelques anecdotes moralisantes39, Aulu Gelle, Macrobe ou Festus pour des précisions étymolog iques40; mais Pline l'Ancien, bien que se faisant l'écho d'un sentiment hostile aux affranchis influents de son époque41, est digne de foi, tout comme Suétone42, dont les «Vies» de César et Auguste, mais surtout la biographie de Térence et les notices concernant les rhéteurs et gram mairiens célèbres43, sont très précieuses, voire irremplaçables. Plutarque, dont on ne peut attendre un comportement d'historien, nous offre mainte anecdote ou détail, et nous permet de connaître nombre de liberti des grands hom mes de la République, de Caton l'Ancien à Marc Antoine44. Quant à Appien, il nous livre une documentation importante, dans son tableau des Guerres Civiles; mais nous devons tenir compte du fait qu'il a tendance, en raison de la tradition à laquelle il se rattache, à classer les affranchis en bons et mauvais, en appliquant comme critè rela fidélité à leur patron45; d'autre part, on croit déceler quelques doublets, qui laisseraient supposer qu'il a inventé certains exemples de serviteurs46. utilisés dans l'édition de G. Thilo et H. Hagen (Servii Grammitici qui feruntur in Vergila Carmina commentarii, Leipzig 1881-1902 (Teubner) 3 t. (Hidelsheim 1961). 39 Velleius Paterculus, Histoire Romaine (Ed. C. Stegman von Pritzwald, 2e éd., Stuttgart, Teubner, 1965). Valére Maxi me,Éd. K. Kempe, Leipzig, Teubner, 1888. 40 Aulu Gelle, Nuits Attiques (éd. M. Hertz - C. Hosius, Leipzig (Teubner), 1903, 2 vol. Festus, De verborum significatione (ed. W. M. Lindsay, Leipzig (Teubner) 1913 (Hildesheim 1965). Macrobe, Saturnales, ed. J. Willis, Leipzig 1963 (Teubn er),2 vol. 41 Pline l'Ancien, Histoire Naturelle (Ed. L. Janus - C. Mayoff, Leipzig, Teubner, 1870-1898 [6 vol.]). 42 Suétone, Vie des 12 Césars (3e éd. H. Ailloud, CUF, Paris 1961 CL). Œuvres complètes (éd. M. Ihm, Stuttgart, Teubner, 1964, 2 t.). 43 Sur les biographies de Grammairiens et Rhéteurs, par milesquels les affranchis occupent une place importante, cf. E. Cizek, Structure du «De Grammaticis et Rhetoribus», dans REL, LU, 1974, p. 303-317. 44 Vitae Parallelae (C. Sintenis, R. Hercher, K. Fuhr, 5 vol., Leipzig, Teubner, 1889-1912. 45 Œuvres, (éd. P. Vierek - A. G. Roos, 2 vol., Leipzig, Teubner, 1905-1939 rééd. E. Gabba, 1962). Les livres I et V de Guerres Civiles ont été édités par E. Gabba (Bibl di Studi Superiore 37 et 45, Florence, 1958 et 1967). Sur le témoignage d'Appien, voir du même auteur, Appiano e la storia delle guerre civili, Florence, 1956 (capital sur les affranchis de Sex. Pompée). 46 Ainsi Bell. Civ., IV, 44 et 47 où sont racontés deux
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Enfin, pour la période du triumvirat, l'œuvre de Dion Cassius est d'un intérêt considérable, mais n'embrasse que l'ensemble des événe ments, sans livrer une information supplément aire sur le sujet qui nous concerne47. Il nous apparaît donc que la connaissance de la pratique quotidienne des relations patronsaffranchis, si elle ne peut se concevoir sans util isation des auteurs que nous venons de citer, doit impérativement recourir aux autres types d'indi cations que, bien souvent, les historiens ont eu tendance à négliger; il s'agit, en particulier, des sources juridiques. N'étant pas juriste de formation, c'est à tra vers la lecture des travaux de certains historiens ouverts à une connaissance globale des problè messociaux48, ou de juristes intégrant à leur domaine des analyses littéraires49 ou des don nées tirées de l'épigraphie50, que nous avons compris la nécessité d'insérer, dans le champ de l'investigation historique, les richesses que recèl e la jurisprudence de la fin de la République. Or cette «conversion» a été facilitée par l'a tténuation des excès critiques auxquels certains spécialistes de la «chasse» aux interpolations s'étaient livrés. Même si les risques de remanie mentstardifs doivent être pris en considération, on remarque que mainte glose explicative n'altè re pas des citations ou résumés de textes d'épo querépublicaine, parfaitement utilisables. Sur ce plan, la méthode pragmatique et «ouverte» d'A. Watson, qui a si profondément renouvelé notre connaissance dans le domaine du droit privé républicain, offre un précieux encouragem ent51. épisodes étrangement similaires, à propos d'affranchis qui auraient caché leur patron dans des tombeaux. 47 Histoire Romaine, édit. U. P. Boissevain, Berlin, 18951931, 3 vol., (2« éd., Berlin 1955). 4S Par exemple, Cl. Nicolet, L'ordre équestre à l'époque républicaine (312-43 avant Jésus-Christ), I Définitions juridiques et structures sociales, dans BEFAR, 217, Paris, 1966. (= Nicolet, Ordre Équestre, I). 49 Par exemple, A. Watson, The Law of Persons in the Later Roman Republic, Oxford, 1967 (= Watson, Persons), p. 29-31 (a marriage cum manu in Plautus), p. 48-56, à propos du divorce, utilisation de textes de Plaute et Cicéron. Cf. aussi J. H. Michel, Le prologue de la «Cosina» et les mariages d'esclaves, Coll. Latomus, XLIV, Bruxelles, 1960. 50 Les deux ouvrages de Boulvert cités à la note 15. 51 Toute une série d'ouvrages d'ensemble (en dehors de Persons et Law Making) ont permis à l'auteur d'appliquer sa
XIV
INTRODUCTION GENERALE
D'autre part, le classement des œuvres et, surtout les relations entre les divers auteurs ont été récemment éclairés. C'est ainsi que l'appella tion de Veteres parfois étendue aux créateurs des XII Tables52, ou par laquelle M. Kaser a voulu désigner indistinctement, les juristes des trois derniers siècles de la République53, a reçu une définition plus précise, qui semble se limiter aux auteurs de la génération de Q. Mucius Scaevola, alors qu'une «nouvelle jurisprudence» aurait vu le jour avec Servius Sulpicius Rufus54. Même si l'on remarque qu'autour des années 80/70, l'acti vitéjuridique est marquée par le triomphe d'une forme d'interprétations ponctuelles, très prag matiques, (caractérisées par des préoccupations d'ordre économique, et non plus par un souci d'ordre moral), et par l'abandon de l'esprit plus systématique propre à Q. Mucius55, nous devons souligner que tous ces hommes, issus des milieux sénatoriaux puis équestres, ont été des professionnels et même des enseignants. Tous sont caractérisés par leur implication dans la réalité esclavagiste et la plupart ont été amis ou relations de Cicéron56. Or, de Q. Mucius à Labeo, tous ces auteurs sont dignes d'intérêt, car non seulement ils sont notre moyen unique d'appré hender des aspects aussi fondamentaux que les formes concrètes de l'affranchissement (notam menttestamentaire), le legs du pécule, la condi-
méthode à tous les domaines du droit privé de la fin de la République. The Law of Obligations in the Later Roman Repub lic,Oxford 1965 (= Watson, Obligations). The Law of Property in the Later Roman Republic, New-York-Oxford, 1968 (= Wats on, Property). Roman Private Law around 200 B.C., Edim bourg, 1971. The Law of Succession in the later Roman Repub lic, Oxford, 1971, (= Watson, Succession). Rome of The XII Tables - Persons & Property, Princeton, 1975. 52 Cf. Gaius, I, 45. 53 M. Kaser, Zur juristichen Terminologie der Römer, dans St. Biondi, I, 1965, p. 97. 54 Cf. l'étude capitale de Behrends, citée note 17. 55 A. Watson, Morality, Slavery and Jurists in the Later Roman Republic, dans TLR, XLII, 1968, p. 289-303 (= Watson, Morality). Narrow, rigid and littéral interpretation in the Later Roman Republic, dans Tijdschr., XXXVII, 1969, p. 353-368 (= Watson, Interprétation). Limits of juridic decision in the Later Roman Republic, dans AU NRW, I, 2, Berlin, 1972, p. 215-225 (= Watson, Limits). 56 Q. Aelius Tubero est le fils du légat de Q. Cicero en Asie. Cicéron écrit des lettres de recommandation à Servius Sulpicius, en faveur des affranchis C. Avianius Hammonius et L. Cossinius Anchialus.
tion du statuliber, la prestation des operae, la définition du filius, englobant éventuellement le fils né en esclavage puis affranchi, mais encore ils forment une sorte de chaîne continue puis que Servius Sulpicius eut comme auditores, P. Aufidius Namusa, P. Alfenus Varus, A. Ofilius et a été approuvé généralement par Q. Aelius Tubero. Alors que Labeo, qui vit sous Auguste, il est vrai, a été un élève de Trebatius Testa (le contemporain de Cicéron), dont il suit en génér alles avis57.
57 Sur Q. Mucius Scaevola, cf. Watson, Law Making, p. 143-158 - Behrends, Veteres, p. 14-22. Il aurait consacré un livre à la liberté testamentaire, un aux statuliberi et un aux affranchis procurateurs. (D. 40.7.29, 1 Statuliber). Sur Serv. Sulpicius Rufus, cf. Nicolet, Ordre Equestre, II, p. 1028-9. E. Kubier, Sulpicius dans RE, 2 R IV, col. 851-60. Behrends, loc. cit., p. 26-33. Nous avons retenu de lui 17 textes concernant la liberté (D.35.1.6.1./D. 33.8.14 - D. 33.8.15 - D. 40.1.6. - D. 40.1.7. D. 40.4.35 - D. 40.7.14 - D. 40.7.14.1 - D. 40.4.48 - D. 40.7.39 pr. - D. 40.7.3.2.), l'acquisition de la possession par l'intermédiai re d'un affranchi (D. 34.2.4.), les operae de l'affranchi médecin (D. 38.1.26), l'existence d'une societas entre 2 colliberti (D. 17.2.71.1), les droits des filii du citoyen ayant subi une capitis deminutio (D. 48.22.3), la rétroactivité de la responsabil ité ou du dépôt à propos d'un esclave affranchi (D. 44.7.20 D. 46.3.35); enfin le régime des operae antérieurement aux réformes prétoriennes est connu grâce à Ulpien, citant Ser vius (D. 38.2.1. Ulp. 1. XLII ad ed.). C. Aquilius Gallus - cf. Nicolet, Ordre Équestre, II, p. 783-4 - legs d'un statuliber (D. 40.7.39 pr.). P. Aufidius Namusa, legs d'une somme due par son maître à un esclave libéré par testament (D. 35.1.40.3). P. Alfenus Varus, cf. Watson, Law Making, p. 162-3, Wieacker, Augustus, p. 341. Nicolet, op. cit., Il, p. 770-2. Sur un esclave affranchi après avoir dépensé l'argent du pécule auprès d'une muliercula (D. 11.3.16.), A. Ofilius. Wieacker, loc. cit., p. 341. Nicolet, op. cit., H, p. 963-4. Aurait écrit des livres consacrés notamment à la XX" libertatis. Affranchissement testamentaire (D. 40.2.39.1. D. 40.4.40.1.). Q. Aelius Tubero - legs d'un fundus à un esclave libéré (D. 32.9.29.4), legs du pécule (D. 15.1.5.4.), les affranchis sont compris dans l'octroi du domus usus (D. 9.8.2.1.). C. Trebatius Testa, (Nicolet, op. cit., II, p. 10434) : libération testamentaire (D. 40.7.39.4 - D. 40.7.39.2 - D. 40.7.3.11 D. 40.7.3.12 - D. 28.8.11) - les jours où les magistrats peuvent procéder à des affranchissements (Macrobe, Sat., I, VI, 28) legs d'argent à un esclave libéré (D. 32.30.2) - condition de validité d'un legs et d'une libération (D. 28.5.21 pr.). M. Antistius Labeo, cf. A. Pernice, M. Antistius Labeo, Das römische Privatrecht im ersten Jahrhundert de Kaiserzeit, 1, lere éd., 1873 - 3, 1, 2e éd., 1910. Α. Μ. Honore, Labeos «Posteriora» and the Digest Commission, dans Daube Noster, Edimbourg Londres, 1974, p. 160-181. J.A.C. Thomas, Pithanon Labeonis a Paulo Epitomatorum libri Vili, ibid. p. 317-325. Wieacker, loc. cit., p. 345-6.
INTRODUCTION GENERALE C'est dire l'intérêt considérable de ces sourc es,qui émanent d'hommes qui, au jour le jour, avec un remarquable sens du concret58, ont cherché à mettre en accord le droit privé et la réalité sociale et économique changeante de la fin du second et du premier siècles. Leurs posi tions ne sont pas intégrées dans des traités théo riques; mais elles constituent des actes de la pratique : ces responsa émanent de praticiens et il serait tout à fait illégitime de ne pas les utili ser, d'autant plus que c'est grâce en grande part ie à ces hommes que la mise à jour de la législation des XII Tables et son remplacement, à propos des rapports affranchi-patron, nous sont connus59. C'est donc de propos délibéré que nous avons systématiquement utilisé et pris le risque de traduire leurs avis, afin d'en tirer le plus grand fruit possible. Enfin, notre démarche nous a conduit à accorder une place privilégiée aux sources épigraphiques, que nous avons tenu dans la mesure de nos moyens à approcher directement. En effet, si nous disposions de recueils classiques60, nous avons eu le privilège, grâce à Mr. H. Solin, d'accéder au supplément du CIL, P, encore iné dit; et des publications récentes, concernant Aquilée, Rhénée ou des collections comme celles du musée de Palerme, et accompagnées de pho tographies, nous ont permis d'avoir une bonne appréciation de quelques documents importants. Mais à l'occasion de deux missions à Tarragone, nous avons pu bénéficier de la science de Mr. G. Alföldy, qui préparait l'édition de son importante publication61; un voyage à Carthagène nous permit de voir un certain nombre d'ins criptions, notamment funéraires. Surtout, lors d'une mission menée à l'automne de 1976, à
58 Cf. Watson, Interpretation, à propos notamment d'Alfenus Varus. 59 L'autre grande source, dans ce domaine est Gaius, dont nous avons utilisé l'éd. des Institutes, donnée par J. Reinach, CVF, 1950 (cf. aussi F. De Zulueta, The Institutes of Gaius, t. II, Commentary, Oxford 1967). 60 Notamment A. Degrassi, Inscriptiones Latinae Liberae Reipublicae, 1. 1, Florence, 1957 (2e éd., 1965) - t. II, Florence, 1963 (= Degrassi, ILLRP) et du même Inscriptiones Latinae Liberae Reipublicae Imagines Berlin, 1965 (= Degrassi, Imagin es). 61 Die römische Inschriften aus Tarraco (DAI, Madrid), Berlin 1975, 2 vol. (=RIT).
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Rome (dont nous présentons quelques reliefs inédits), Préneste (déjà H. Kolbe nous avait adressé un certain nombre de clichés de docu ments inédits), Capoue (Museo Campano), Nap les, Pompéi (où nous avons pu relire certains inédits signalés par P. Câstren62 dans la nécropol e de la Porta Nuceria), nous avons eu la possibil ité de vérifier la lecture de plusieurs centaines d'inscriptions, mais surtout d'être confirmé dans la conviction que, par exemple, la mise en page des épitaphes, revêtait une grande signification, dans la mesure où elle permettait de mettre en valeur le nom du patron, ou sa mention dans la nomenclature de l'affranchi. D'autre part, l'i mportance du support lui-même et des représentat ions sculptées qui, éventuellement, l'accompa gnent nous a été rendue plus évidente; en dehors des corrections apportées, par exemple à la compréhension de la stèle de C. Rabirius Hermodorus63, nous avons puisé les éléments d'un certain nombre des conclusions que nous pré sentons. Ainsi avons-nous pu embrasser une documentation en majorité romaine et italienne (cf. cartes n° 1 et n° 2), mais qui est assez vaste pour nous permettre d'éclairer les rapports indi viduels et familiaux, les relations entre co-affranchis, les occupations notamment artisanales, les divinités associées à la libération, les règles de la nomenclature, les goûts en matière de représent ationssculptées64. C'est grâce par ailleurs à
62 Ordo Populusque Pompeianus, Polity and Society in Roman Pompei, Acta Inst. Rotn. Finland, Vili, Rome, 1975 (=Castren, Ordo), p. 148 n. 91,4/152, n. 12/168 n. 169,l/p.2256n.395/p.230n.412,l. 63 Cf. pi. 4. Le troisième personnage à droite, Usia Prima, prétresse d'Isis, porte une coiffure d'époque flavienne. L'ins cription et le portrait, ainsi que le buste, ont été gravés après que le champ eût été évidé, ce qui fait que le personnage et son épitaphe sont «enfoncés» par rapport aux deux autres bustes et aux inscriptions qui leur correspondent. CIL, VI, 2246 est à amender, ainsi que l'interprétation de Treggiari, Freedmen, p. 205. 64 Nous avons été conforté dans notre conviction par l'étude récente, mais avant tout descriptive, de P. Zanker, Grabreliefs römischer Freigelassener, dans JDAI, (R.A.), 90, 1975, p. 267-315 (= Zanker, Grabreliefs). Le travail de D.E. Kleiner, Roman group Partraiture. The Funerary Reliefs of the Late Republic a Early Empire, Diss. Columbia Univ., N. York, 1976 est très décevant. Nous regrettons de n'avoir pu consulter le travail de H. G. Frenz, Untersuchungen zu deit frühen römischen Grabreliefs, Diss. Frankfort, 1977.
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INTRODUCTION GÉNÉRALE
quelques elogia que les qualités et valeurs moral esmises en exergue par les affranchis euxmêmes ont pu nous être accessibles. Ainsi, s'il existe une possibilité, même réduite, de connaît re les aspirations des affranchis et l'univers affectif et moral dans lequel leur vie d'hommes et de femmes, soumis à la puissance d'un patron, était plongée, c'est, en l'absence de lettres ou de mémoires écrits par de tels individus, de la lec ture des épitaphes qu'ils ont composées ou com mandées que nous pourrions l'attendre. Le parti a donc été pris de donner à cette étude la base documentaire la plus large, d'en faire le développement d'une enquête aussi sy stématique que possible; les sources les plus délaissées ou les moins accessibles ont ainsi fait l'objet d'une attention particulière. Tels sont le sujet, les limites chronologiques, et les fondements de ce travail. Notre dessein découle de cet appel à tous les instruments
d'informations : essayer de remonter à l'origine même de l'acte libératoire; retrouver, grâce à l'épigraphie, mais en la confrontant aux œuvres de Cicéron, les formes et la signification sociale de la nomenclature de l'affranchi, analyser les aspects proprement personnels de la relation patron-affranchi, mais en essayant de prendre en considération le statut ou la position sociale de ce dernier, mesurer enfin, l'étendue des obliga tions économiques, et notamment, des services dûs par les liberti. Telles sont les étapes d'une analyse systématique à l'issue de laquelle nous serons en mesure d'apprécier les possibilités d'autonomie dont ont pu disposer, avant et à la suite de l'œuvre de la jurisprudence républicaine et de l'action du préteur, des individus, sortis certes de l'esclavage et dotés de certains droits civiques, mais dont le degré de dépendance à l'égard de leur ancien maître doit être recherché avec précision dans tous les domaines.
LIVRE I
LE LIEN PATRON-AFFRANCHI : FONDEMENTS ET EXPRESSION
Si l'on veut étudier les rapports établis entre les patrons et leurs affranchis (et vécus par eux), on ne peut faire abstraction des conditions juridiques dans lesquelles s'est créé le nouveau lien qui s'est substitué aux relations de maîtres à esclaves. C'est en effet de la nature même de l'acte libératoire que dépend la reconnaissance plus ou moins officielle de l'état de liberté dans lequel est placé, au moins en théorie, le nouvel affranchi: qu'il y ait eu ou non affranchisse ment régulier change notablement la position recon nueà l'ancien maître, tant au plan de l'exercice de l'autorité patronale proprement dite qu'à celui des droits économiques exercés aux dépens de l'affran chi. Par ailleurs, dès qu'il a pris naissance, le nouveau lien rattachant le patronus au libertus acquiert une
dimension publique, non seulement parce qu'un magistrat du Peuple Romain (en tant qu'officiant), ou un certain nombre de citoyens Romains (agissant à titre de témoins) sont impliqués, mais aussi parce que les transformations intervenues dans la nomenclature de l'individu libéré traduisent, d'une manière percept iblepar tous, le changement de statut en même temps que le maintien de ce dernier dans une situa tion d'étroite dépendance à l'égard du patron. S'il importe, donc, de reconnaître les fondements et les formes attachés aux différents procédés juridi quescréatifs de la liberté, il est tout aussi essentiel de mesurer la signification profonde de la nouvelle déno mination de l'affranchi, telle qu'elle appraraît notam mentdans nos sources épigraphiques.
A - LA CRÉATION DU LIEN : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
On ne naît pas affranchi, on le devient C'est ce que la célèbre définition de l'homme libre, donnée par Gaius et valable déjà pour l'époque républicaine, exprime nettement (InsL, I, 10 et 11) : Rursus liberorum hominum, alii ingenui sunt, alii libertini. Ingenui sunt, qui liberi nati sunt; libertini, qui ex iusta servitute manumissi sunt1. Certes, l'affranchi est l'ancien esclave de son patron; de ce fait, malgré toutes les définitions juridiques, les rapports nouveaux créés entre le libertus et le patronus ne peuvent pas ne pas continuer, au moins en partie, des habitudes de soumission apprises et subies souvent pendant de longues années. Cependant, par la manumission, l'affranchi quitte la catégorie des servi pour entrer dans celle des liberi; et le fait qu'il soit désormais pourvu de droits, notamment civils, mais aussi personnels, tout à fait démesurés par rapport à son ancienne condition d'esclave apparaît dans ceci : alors qu'en tant qu'affranchi, il peut être l'objet d'une capitis deminutio, son affranchisse ment n'est pas conçu comme une status commut ano de ce type2. Mais les conditions dans lesquelles est créé un lien qui n'est pas tout à fait assimilable à la potestas paternelle et n'a plus rien à voir avec le droit sur les bona (dont fait partie l'esclave) ne sont pas sans susciter des difficultés d'appréciat ion.
1 «Parmi les hommes libres, les uns sont ingénus, les autres affranchis. Sont ingénus ceux qui sont nés libres; sont affranchis, ceux qui ont été libérés d'une servitude conforme au droit». 2 Cf. M. Käser, Das römische Privatrecht, I, 2e éd. Munich, 1971, (= Käser, RPR, I2), p. 234-5 (cf. p. 258).
Ces difficultés tiennent tout d'abord à ce que l'acte juridique libérant l'esclave s'inscrit à la fois au plan du droit privé et au plan du droit public : il a des répercussions non seulement sur les rapports entre individus, mais aussi au niveau du corps civique, puisque l'esclave de citoyen, à condition d'être régulièrement affranc hi, obtient le droit de cité. D'autre part l'opacité de ce processus est accentuée à la fin de la République, et au moins au premier siècle, par l'intervention du préteur qui fait apparaître au premier plan, en leur accordant une certaine reconnaissance, des modes officieux qui, jusque là, parce qu'étran gers au droit romain, n'avaient aucune valeur. Enfin, il ne faut pas, a priori, penser que l'avènement de l'Empire a entraîné une rupture totale avec la période républicaine : il importe, en effet, de démêler, dans la législation augustéenne, et malgré les interprétations qui en ont été souvent données, les mesures originales et celles qui continuent les processus engagés anté rieurement, de même que les dispositions qui furent propres à favoriser ou, au contraire, à limiter les possibilités d'affranchissement. Pour mener à bien cette étude, il faut être bien persuadé de l'intérêt primordial que pré sentent les sources juridiques (et éventuellement certains passages du «jurisconsulte» Cicéron); mais il faut signaler, d'ores et déjà, qu'évoquant des cas individuels, les responsa des juristes de la fin de la République ne procèdent que d'un souci pratique et n'obéissent à aucun esprit de système (à la difference des jurisconsultes de l'Empire) : ce n'est pas une conception philoso phique de l'homme, mais, peut-être, le sens de l'intérêt des propriétaires d'esclaves qu'ils sont, qui sert de point commun à leurs décisions.
CHAPITRE I
LES MODES FORMELS D'AFFRANCHISSEMENT : L'EXPRESSION DE LA «VOLUNTAS DOMINI»
Définissant les conditions dans lesquelles un esclave peut devenir pleinement libre, Cicéron affirme de façon absolue que seuls trois moyens sont possibles : «si neque censu, neque vindicta, neque testamento liber sit, non est liber»1. Cette présentation est confirmée par plu sieurs auteurs de l'époque impériale, ainsi Gaius2, qui précise sa position à propos des individus in mancipio*, le fragment de Dosithée ou Ulpien4. Cette unanimité, chez des auteurs distants de près de deux siècles et demi, nous donne donc 1 « Si ce n'est ni par le recensement, ni par la vindicte, ni par testament qu'il a été affranchi, il n'est pas un homme libre». (Top., II, 10). Il ne s'agit pas ici, d'une liberté de fait, limitée aux seuls rapports esclave-maître, mais de la liberté accompagnée de droits civiques telle que Cicéron, par ai l eurs la définit : Qui enim potest iure Quiritium liber esse, qui in numero Quiritium non est (Pro A Caecina, 33, 96). (Cf. De domo, 80 - Verr., II, V, 66). 2 Gaius I, 17 «Celui qui est libéré par un affranchisse ment conforme au droit et aux lois, c'est-à-dire par la vindict e, ou par le recensement, ou par testament, devient citoyen ■ Romain». I, 35 « (L'esclave) libéré par la vindicte, ou le recensement, ou par testament... devient à la fois citoyen Romain, et affranchi de celui qui a réitéré l'affranchissement». 3 « Les personnes qui sont en état de mainprise, si elles sont affranchies par la vindicte, par le recensement, ou par testament, deviennent juridiquement autonomes» I, 138. 4 Fragm. Dosith, 5: «Antea», c'est-à-dire avant les réfor mes augustéennes «Auparavant, il n'y avait qu'une sorte de liberté et l'affranchissement s'effectuait par la vindicte, ou par testament, ou par le recensement». Ulp., Reg., I, 5 «Sont citoyens romains, les affranchis qui ont été libérés conformé ment à la loi, c'est-à-dire par la vindicte, par le recensement ou par testament, à condition qu'il n'y ait aucun empêche ment d'ordre juridique».
l'image d'une pratique qui, au-delà des variations dues à des commodités nouvelles (ainsi, le cens ne figure plus qu'en deuxième position dans les textes d'époque impériale, sans doute parce que cette procédure, inadaptée, est tombée en désuét ude), conserve une certaine permanence. Mais si le contenu de chacune des formes d'affranchissement citées donne lieu à des dis cussions, c'est surtout à propos de leur origine : actuellement encore, les historiens du droit, aux prises avec des sources peu cohérentes et sou vent tardives, se divisent profondément. Or, éclairer les conditions d'apparition de ces procé dures c'est, dans une large mesure, cerner leur nature et évaluer leur degré d'évolution à la fin de la période républicaine. C'est pourquoi, avant d'analyser chacun des procédés de manumiss ion, et sans vouloir (à propos d'institutions dont on s'accorde à reconnaître qu'elles avaient pour effet de donner à l'esclave affranchi, et au moins à l'époque qui nous intéresse, non seulement une liberté de fait mais aussi des capacités d'or dre politique), remonter à une sorte de «préhis toire»du droit romain, nous pouvons légitim ement tenter de faire une sorte de bref rappel à propos de deux thèmes de controverse liés l'un à l'autre : la date d'apparition des moyens officiels d'affranchissement et leurs rapports originels avec le droit de cité. LA DATE D'APPARITION DES FORMES RÉGULIÈRES D'AFFRANCHISSEMENT Qu'il faille chercher l'origine de ces procédés officiels assez haut dans l'histoire de Rome, c'est
LE LIEN PATRON-AFFRANCHI : FONDEMENTS ET EXPRESSION ce que semblent indiquer certaines remarques de G. Dumézil5, tendant à retrouver dans les trois formes d'affranchissement par le cens, la vindicte et le testament, comme l'écho de la tripartition fonctionnelle de la société indo-euro péenne- et donc romaine primitive : la manumissio vindicta, liée à une cérémonie de caractè re rituel renverrait à la fonction religieuse; la manumissio censu, opération originellement mili taire6 aurait été liée à la deuxième fonction; quant à la manumissio testamento, due à la volont é du maître de disposer librement d'un bien marchand7, elle serait à rattacher à la troisième fonction économique. Il est évident que cette approche déjà ancienn e, appuyée sur des bases discutées8 et que l'auteur, semble-t-il n'a pas reprise, ne peut, si séduisante soit-elle dans sa simplicité, nous suffi re.Pourquoi Rome aurait-elle, seule parmi les peuples «indo-européens» connu un tel sché ma?9. Que par ailleurs, cette question des origines concerne le sujet que nous avons délimité au plan chronologique ressort de la position de Mommsen lui-même. S'appuyant sur le fait que, dans la Lex Cincia de 204 avant Jésus- Christ, le
5 Jupiter, Mars, Quirinus, IV, Paris, 1948, p. 172-3. Explicité dans, Mariages indo-européens, Paris, 1979, p. 24-26. 6 Sur ce point, il s'appuie sur des remarques de Momms en, Droit Public, IV, p. 77 et de H. Last, The Servian Reforms, dans JRS, XXXV, 1945, p. 30-48 (= Last, Reforms), p. 45 notam ment. 7 L'auteur retrouve dans le terme orcinus, qui désigne le libertus d'un mort, une notation «infernale», conforme à la nature même de la troisième fonction. 8 II fait siennes les théories d'H. Levy-Briihl, sur la vin dicte, théories qui, nous le verrons, ont été sérieusement ébranlées. 9 On pourrait même relever qu'à la limite, l'identification des procédés d'affranchissement aux «fonctions» n'est peutêtre pas exacte. S'il n'est pas discutable que la manumissio vindicta ait des résonnances de caractère religieux,-on ne saurait oublier que le lustrum, qui voit l'affranchi, libéré par inscription au cens, entrer dans le groupe des citoyens placés sous la protection des dieux de la cité, a lui aussi une portée religieuse indéni able. Quant à la manumissio vindicta, nous pouvons déjà soulig nerque, par ses rites, elle vise à favoriser un passage, une agrégation de l'esclave au groupe civique; elle met l'accent sur la nature «étrangère» de l'esclave et donc ce serait tout aussi bien avec la fonction «militaire» qu'elle pourrait être mise en rapport.
terme servi™ semble englober les affranchis, il affirmait qu'à la fin du troisième siècle encore, les affranchis étaient toujours placés dans une situation de totale dépendance par rapport à leurs patrons, n'avaient qu'une liberté de fait et non de droit et qu'ils n'auraient réussi à conquér ir leur égalité juridique (et politique) avec les ingénus que vers le milieu du second siècle avant notre ère, sans doute autour de 146". Un tel patronage, accordé à une position aussi tran chée nous conduit donc à aborder ce problème qui, à en croire Mommsen, trouverait un de ses aboutissements dans notre période. En fait, nous disposons d'un dossier des plus délicats à interpréter: nous y trouvons tout d'abord le fameux texte de Tite Live à propos de l'affranchissement de Vindicius rapporté à la première année de la République12 et conforté par un texte de Plutarque13 et peut-être par un passage de Denys d'Halicarnasse14; ensuite, nous disposons du récit de Denys15 rapportant l'a f ranchis ement par le cens aux réformes de Servius Tullius; enfin, la loi des XII Tables qui doit servir de base à la recherche de l'apparition de l'affranchissement par testament. Or, non seulement les deux passages de Denys doivent être utilisés avec réserve, car il s'agit d'un grec, prêt à s'étonner et à rattacher toute institution romaine inompréhensible à un passé le plus lointain possible16, ou à embellir la naissance de la République en l'opposant au «regnum» haïssable17 et en utilisant des sources de caractère aristocratique18, mais le récit de 10 Sur la date, voir notamment, Rotondi, Leges Publicae, p. 261-3). C'est la date acceptée par C. Casavola, Lex Cincia, contributo alla storia delle origini della donazione romana (Pubbl. Fac. Giurid. dell'Univ. di Napoli, XLIV), Naples 1960 (= Casavola, Lex Cincia), p. 21-4. 11 Mommsen, Libertini Servi, dans G. S., IH, Berlin 1907, p. 21-2. 12 Tite Live, II, 5, 9. 13 Popi VII, 7. 14 V, 13. •5 IV, 22-3. 16 Cf. les remarques de D. Daube, Two early Patterns of manumission, JRS, XXXVI, 1946, p. 55-75 (= Daube, Patterns), p. 74, à propos du cens. 17 Cf. U. Coli, Regnum, dans SDHI, XVII, Rome, 1951, (=Coli, Regnum), p. 17-18. 18 Sources sans doute d'époque sullanienne, cf. E. Gabba, Studi su Dionigi da Alicamasso, II : II regno di Servio Tullio, dans Athenaeum, XXXIX, 1961, p. 98-121 -p. 114-6.
LES FORMES D'AFFRANCHISSEMENT Tite Live sur l'affranchissement de Vindicius n'est pas de nature à nous renseigner sur l'a f ranchis ement «vindicta»™ : en effet, Plutarque ne parle pas de la présence du maître, mais insiste sur le rôle du consul Valerius Poplicola20; d'autre part, il ne fait pas de lien entre vindicta et Vindicius, pourtant présenté par cet auteur comme récompensé par le droit de cité21. En fait, c'est sans doute à une inscription au cens qu'est due l'attribution de la liberté et du droit de cité à Vindicius22. En réalité ces deux formes d'affranchiss ement - par le cens et la vindicte - sont sans doute apparues avant l'affranchissement par tes tament, que certains auteurs relient à la loi des XII Tables. Cet ordre d'apparition, dont Cicéron se ferait en quelque sorte l'écho {Top. II, 10), n'est pas accepté par tous. Ainsi G.Vitucci23, se fondant sur le parallèle grec de la παραμονή et sur l'avantage inestimable qu'offrait une procédure permettant au patron de ne pas se priver, de son vivant, des services de son futur affranchi, pense que la manumissio vindicta est plus récente que la manumissio testamento. Alors que M. Lemosse24 semble placer l'apparition de l'affranchiss ement par le cens, au moins dans ses effets civils, avant les deux autres. Enfin, pour C. Cosentini25, l'ordre d'apparition aurait été le suivant : vindict e, cens, testament (les juristes de l'époque impér iale auraient donc mieux respecté cette succes sion dans le temps que ceux de l'époque républi caine,dont Cicéron?). Quant à Max Kaser26, il 19 Ainsi qu'il ressort de l'analyse de M. Lemosse, Affran chissement, clientèle, droit de cité,, dans RIDA, III, 1949, p. 37-68 (= Lemosse, Affranchissement), (p. 57-9). 20 Alors qu'une scolie de Juvénal (8, 267) se fait l'écho du rôle joué par Brutus lui-même «Celui que Brutus affranchit pour avoir sauvé la patrie, mais qu'il fit mettre en croix pour avoir dénoncé ses maîtres». 21 Popi., VII, 7. Par contre les passages de la Paraphrase de Théophile (I, 5,4) et, surtout, Pomponius (D I, 2, 2, 24), qui établissent un lien entre Vindicius et les vindiciae du procès de Virginie, sont totalement fantaisistes - cf. S. Tondo, Aspetti simbolici e magici della manumissio vindicta, Milan, 1967, (»Tondo, Aspetti), p. 44 (et n. 9), 59-182. 22 Cf. Lemosse, Affranchissement, p. 59. 23 Vitucci, Liberias, 908. 24 hoc. cit., p. 37-68. 25 C. R. des travaux de Lemosse, dans Iura, I, 1950, p. 532-9 - p. 536. , I2, p. 101-102.
défend l'hypothèse selon laquelle la manumissio vindicta serait à peu près contemporaine de la manumissio testamento connue dès les XII Tables, alors que la manumissio censu serait plus récente. Mais il rejoint Lemosse pour penser que la manumissio testamento n'aurait pas eu, à ses débuts, des effets civiques et pour insister sur la réforme de 312 avant Jésus-Christ. Affranchissement et droit de cité En fait, tous ces désaccords sont liés à l'idée que tous les auteurs se font des rapports exis tant entre affranchissement et droit de cité. Pour Mommsen27, les trois procédures signa léesauraient permis, originellement, d'attribuer une liberté de fait, ce qui était du ressort du maître, mais pas le droit de cité : seul un rapport de clientèle aurait été établi28. L'affranchiss ement inter vivos aurait été impossible à l'origine, car le pater familias ne pouvait vendre son fils dans le Latium, et donc il ne pouvait rendre libre son esclave. Quant au testament comitial29, il ne pouvait constituer un moyen individuel d'accès à la citoyenneté. Ce ne serait que par des artifices de procédure (cens, vindicte) que l'a f ranchis ement aurait acquis ses pleins effets sur le plan civil. Sans suivre un point de vue aussi radical, d'autres savants ont, au moins pour la période la plus ancienne, adopté une position assez voisine, ainsi Vitucci qui insiste sur le fait que l'affranchi continue alors à appartenir à la famille du manumissor, ce qui convient mal à une libération totale30. En fait, tous ces auteurs dénient le droit original du pater familias à faire entrer dans le cadre de la cité, par un acte de caractère pure ment familial, un esclave libéré à sa seule initia tive. C'est une position plus nuancée qu'adopte, sans totalement rompre avec Mommsen, Lemos27 Cf. R Staatsrecht, III, p. 58-60 - Plus récemment, E. Levy, Liberias et civitas, dans ZRG, 78, 1961, p. 142-272. 28 Dans ce sens, V. Premerstein, RE, VII, col. 23-55 (col. 30-1). 29 Droit Public, VI, 1, p. 44. 30 Vitucci, Libertus, p. 907-8. Il suit, sur ce point, V. Arangio-Ruiz - G. Pugliese Caratelli, Tabulae Herculanenses, V, dans PP, X, 1955, p. 448-477.
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LE LIEN PATRON-AFFRANCHI : FONDEMENTS ET EXPRESSION
se31, qui pense que l'affranchissement certes, ne peut-être conçu comme automatiquement lié au droit de cité, mais que le cens, sans doute très tôt, aurait permis de faire citoyens des esclaves nouvellement libérés, et cela sans doute dès 443/43 132, alors que ce serait seulement sous Appius Claudius en 312 avant Jésus-Christ, que le vindicte et le testament33, qui jusque là n'avaient qu'un effet d'ordre privé, auraient reçu la même portée civile que la manwnissio censu34. Thèse critiquée par M. Kaser35 qui pense que la manumissio censu, mais aussi la manumissio vindicta, antérieure à 312, devaient toutes les deux avoir des effets sur le plan du status de l'esclave libéré, et qui insiste, à la suite de C. Co sentini, sur le fait qu'elle ne sont pas, à l'origine, distinctes l'une de l'autre («die anfangs nicht voneinander zutrennen sind»). Inversement, et pour se limiter à des contri butions assez récentes, d'autres auteurs ont sou ligné l'unité fondamentale de la manumissio, dont les deux aspects, privé et civil, auraient été inséparables dès l'origine. Ainsi, P. Bonfante36 31 Lemosse, Affranchissement, p. 37-68 et L'affranchissement par le cens, dans RHDF, 26, 1949, p. 161-203 (= Lemosse, Cens). 32 Cens, p. 189-190 notamment. Mais C. Cosentini fait remarquer, avec bon sens (Iura, I, 1950, p. 535) que vouloir accorder à une réforme qui a visé, de l'aveu même de Lemosse, à exclure les non-propriétaires fonciers des tribus, la possibilité d'affranchir par le cens, peut paraître paradox al. Mais faut-il pour autant voir dans cette contradiction la preuve que la manumissio censu existait bien avant le milieu du cinquième siècle? 33 L'institution du statuliber remonte bien aux XII Tables, nous le verrons plus bas. Mais faut-il penser qu'elle représent e la première forme d'affranchissement par testament, fo rme conditionnelle et faisant du bénéficiaire, au moins pour un temps, un esclave soumis à l'héritier? ou bien que la loi n'a fait que réglementer un système préexistant et lié à l'institution même du testament? 34 Même mise en avant du census dans R. Danieli, Contri butialla storia delle manomissioni romane, I Origine ed effica ciadelle forme civili di manomissione, dans Studi Urbinatilì (1952-3), Milan 1953, 74 p. - p. 3841. Critiqué par E. Volterra, Manomissione e cittadinanza, dans Studi Paoli, Florence, 1955, p. 694-716 (= Volterra, Manomissione), p. 694 et 707. 35 C. R. de Cosentini, Studi sui liberti, dans ZRG (RA), 68, 1951, p. 576-586 - p. 578 et n. 9 où il précise son article plus ancien, Die Anfänge der Manumissio und das fiduziarisch gebundene Eigentum, dans ZRG (RA) 61, 1941, p. 153-186 (p. 172-6, surtout). 36 Corso, I, Diritto di famiglia, Rome 1925 (= Bonfante, Corso, I.) p. 126-7 -p. 162-3.
insistait sur la dimension politique originelle de la potestas de père de famille37. Cette unité est soulignée par F. de Visscher38, qui pense que la position de Mommsen est inte nable et qui relève que la manumissio est une institution qui ne s'applique pas qu'à l'esclave à libérer, mais aussi à l'individu in mancipio et que les rites et les effets de la procédure appliquée aux deux catégories d'individus sont identiques. Pour cet auteur les rites concernant les esclaves ne constitueraient «qu'une transposition des procédés envisagés pour la libération des per sonnes in mancipio» (à condition, bien sûr, que de tels esclaves soient possédés en vertu du «droit des Quintes»). Ce n'est donc que dans un deuxième temps de son histoire, que l'esclavage (que l'auteur croit avec E. Benveniste39 d'origine étrangère) aurait été concerné par des procédés visant, à l'origine, à libérer des citoyens romains d'une puissance domestique40. De même, pour E. Volterra41, il y a une étroi te corrélation entre liberté et droit de cité, qui fait qu'obligatoirement l'esclave libéré devait avoir un statut juridique au sein de la cité42. Et pour soutenir cela, l'auteur n'hésite pas à mont rer que la position de Rome n'est pas originale dans la mesure où les métèques athéniens devaient avoir dans la cité la même situation que les affranchis romains, c'est-à-dire une posi tion inférieure à celle des ingénus43. Cette unité de la manumissio, C. Cosentini la retient à propos de la manumissio testamento. Pour lui, le testament per aes et libram pourrait 37 Cf. cependant les critiques de F. De Visscher, De l'acqui sition du droit de cité romain par l'affranchissement. Une hypo thèse sur les origines des rites d'affranchissement, dans SDHI, XII, 1946, p. 69-85 (=De Visscher, Affranchissement), (p. 71) et de Cosentini, Studi, p. 16. 38 Affranchissement, p. 69-85. 39 Le nom de l'esclave à Rome, dans REL, 1932, p. 429-440. 40 Peu de choses sont à retenir des critiques sommaires de Vitucci, Libertus, p. 909. 41 Manomissione, p. 695, 716 - II utilise largement les travaux de E. Betti, (Istitutionioni di diritto romano, Padoue, 1943, ρ. 40-41) et de Ch. Wirzubski, Liberias as political Idea, Cambridge, 1950, p. 34 notamment. 42 Cf. Manumissione, p. 710-715, notamment. 43 II suit de près les conclusions de l'ouvrage très ancien de M. Clerc, Les métèques athéniens, Paris, 1893, p. 288-295 surtout. Cf. aussi P. Gauthier, «générosité» romaine et «avari ce»grecque: sur l'octroi du droit de cité, Mél Seston, Paris, 1974, p. 207-216.
LES FORMES D'AFFRANCHISSEMENT avoir donné dès son origine, c'est-à-dire dès l'époque des XII Tables, le droit de cité et aurait consacré une égalité entre affranchis et ingénus qui n'aurait été entamée qu'ultérieurement44. En fait, toutes ces discussions, que nous avons à dessein limitées en définissant les princi palesorientations, sont peut-être vouées à rester stériles eu égard à une information bien fragile. Ce qui reste sûr, c'est l'importance de la période qui va du milieu du cinquième siècle (institution du cens, création du testament par les XII Tables) à la fin du siècle suivant; période de maturation sans doute, à l'issue de laquelle il est possible, coïncidant avec l'activité d'Appius Claudius qui répartit, pour la première fois, les affranchis dans les tribus45, que les trois formes
44 Cf. notamment, Studi, I, p. 37-8. Sur ce point de l'affra nchissement par testament, il est probable que la date de 312 doive être retenue, en ce qui concerne sa pleine efficacité civile. En fait, 3 thèses, principalement, s'affrontent : - pour Bonfante (Corso, I, p. 164), le fondement de la portée civile du testament serait à chercher dans la dimens ion«politique» de la voluntas domini. - pour Lemosse, Appius Claudius, dans le cadre de son intégration des affranchis dans l'organisation tribale, aurait fait reconnaître sa pleine efficicacité à ce mode de libéra tion. - Enfin Cosentini pense (cf. en particulier, lura, I, 1950, p. 532-3) que les deux premières formes du testament, actes publics, ne pouvaient contenir d'autre disposition que l'i nstauration d'un héritier. C'est seulement avec le testament per aes et libram, et en rapport avec les XII Tables, que l'affranchissement aurait pu avoir lieu par testament, et avec plein effet au plan civil. Pour défendre sa thèse, l'auteur est amené à valoriser Ulp. Tit. ex corpore, 1, 9 Ut testamento manumissi liberi sint, lex XII Tabularum facit, quae confirmât... (cf. Studi, I p. 32-34) et à rattacher ce passage à une prescrip tion decemvirale dont le texte de la loi ne nous donne pas l'original. Pour lui, et contrairement à ce que voulait Bonfant e ce ne serait pas la voluntas domini qui aurait légitimé l'affranchissement, mais la loi qui aurait donné sa force juridique à cette voluntas. Thèse critiquée par Kaser dans (ZRG RA), 68, 1951, p. 578-580), qui accepte le fait que seul le testament per aes et libram ait pu conférer la cité, mais qui pense qu'avant 312 le testament ne pouvait donner qu'une liberté de fait, plaçant l'affranchi au rang des clients, soumis à la fides patroni; juridiquement, comme déjà Mommsen l'avait indiqué, il serait resté, jusqu'à cette date, un esclave (cf. aussi M. Kaser, Die Geschichte der Patronatsgewalt über Freigelassene, dans ZRG (RA), 58, 1938, p. 88-135 (= Kaser, Patronatsgewalt). 45 Nous reviendrons sur l'œuvre d'Appius Claudius à l'égard des affranchis. On peut seulement se poser la ques tion de savoir si l'entrée de ceux-ci dans les tribus a été décidée en même temps que la portée civique des trois
d'affranchissement reconnues comme officielles aient eu leur pleine efficacité civique. C'est donc dès cette époque, au plus tard, que les termes iusta ac légitima, appliqués par les juristes romains46 à la manumissio formelle, auraient eu leur pleine signification. Iusta41 dési gnait l'affranchissement accompli conformément au droit, c'est-à-dire par le cens ou la vindicte, tandis que légitima se serait référé à la manumiss io testamento, accomplie en conformité avec la Lex (des XII Tables)48. Ce sont ces procédés, dont nous allons essayer à présent de montrer le fonctionnement à la période qui nous occupe, qui ont permis, à des titres divers, à de nombreux esclaves de citoyens de devenir des affranchis citoyens romains, ainsi que le Frag. Dosith, 5 évoquant la période antérieure aux réformes augustéennes, nous le suggère : Antea enim «una libertas» erat et manumissio jiebat vindicta vel testamento vel cen· su «et civitas Romana competebat manumissis» : quae appellatur iusta manumissio49.
formes d'affranchissement était officiellement affirmée ou si cette répartition dans les tribus n'était pas le résultat logique d'une multiplication des affranchissements créant de nou veaux citoyens que l'on ne pouvait laisser en dehors du système des tribus? 46 Utilisée par Gaius, notamment (Inst., I, 17). 47 Cf. Cicéron, Pro A Caecina, 34, 99: Qui in servitine iusta fuerint censu liberentur. 48 Sur ce point, cf. Cosentini, Studi I, p. 9-10 et p. 34-5, qui rejette, comme post-classiques, Ulpien, Tit. ex corp., III, 4 et Frag. Dosithée, V, où seuls iuste manumissus et iusta manum issio, respectivement, sont employés pour désigner les trois formes d'affranchissement. Mais on peut rétorquer que ces deux passages ont d'autant moins de chances d'être tardifs qu' Ulpien (Tit. ex corp. I, 23) déclare que iusta libertas testamento potest dari. En outre (ibid., I, 6), il applique l'e xpres ion legitime manumissi aux esclaves libérés selon les trois modes. (On peut utiliser un autre texte d'Ulpien, Tit. ex corp. 12, 1 : curatores aut legttimi sunt, idest qui Lege Duode· dm Tabularum dantur... Mais le texte n'est peut-être pas classique). Donc, sous l'Empire, la distinction entre legitime et iuste n'est plus faite à ce sujet, sans doute parce que l'on n'est plus sensible à l'origine stricte des moyens de manumission ni à la question du processus, originel ou non, qui leur a donné une valeur «officielle». 49 «Auparavant, en effet, il n'y avait qu'une sorte de liber té et l'affranchissement s'accomplissait soit par la vindicte, soit par testament, soit par recensement et la citoyenneté Romaine était conférée aux affranchis, c'est ce qui s'appelait l'affranchissement conforme au droit».
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LE LIEN PATRON-AFFRANCHI : FONDEMENTS ET EXPRESSION I - LA «MANUMISSIO CENSU»
L'utilisation de cette procédure, à la fin de la République encore, est nettement attestée. A deux reprises, Cicéron y fait référence, dans le Pro A. Caecina50 et le De oratore51. Pour sa part, Ulpien confirme l'existence de cette forme d'affranchissement à la même épo que, mais laisse entendre qu'elle n'a plus d'appli cation de son vivant52. Au-delà des discussions portant sur la date d'apparition et l'origine de ce mode d'affranchi ssement officiel, tous les auteurs ont insisté sur l'intervention de la puissance publique : il s'agit du moyen le plus propre à intégrer un ancien esclave dans le corps civique, grâce à un acte de droit public53. Le déroulement pratique des opérations d'ins cription du nouvel affranchi peut être démonté avec assez de précision, notamment grâce au texte d'Ulpien cité ci-dessus54; quatre étapes sont, sans doute, à distinguer : 1) la professio censu, c'est-à-dire, la présenta tion de l'esclave à affranchir, devant le magistrat, auquel il demande son inscription sur les listes. Sü 34,99 « Étant donné que ceux qui ont connu un esclava ge conforme au droit sont affranchis par l'inscription sur les rôles du cens, celui qui, alors qu'il était libre, n'a pas voulu se faire recenser, a de lui-même renoncé à sa liberté». 51 I, 183 «Dans les questions concernant la liberté, qui sont les plus graves sur lesquelles ont ait à se prononcer, la controverse ne peut-elle concerner un point de droit civil, comme par exemple lorsque l'on s'interroge sur le point de savoir si l'esclave qui, sous l'autorité de son maître est inscrit sur les registres du cens, acquiert la liberté aussitôt ou seulement après la clôture du cens?» 52 1, 8 « Etaient jadis affranchis par recensement, ceux qui lors du cens quinquennal, à Rome, sur l'ordre de leur maître, se faisent inscrire parmi les citoyens Romains». La procédure devait être tombée en désuétude à l'époque de Gaius, malgré les références nombreuses que celui-ci fait au cens (en utilisant le présent comme s'il s'agissait d'une réalité encore vivante cf. Institutes, I, 17, 44, 138, 140). « Si un esclave, avec l'assentiment ou sur l'ordre formel de son maître se faisait inscrire sur les registres du cens, il devenait citoyen Romain et était délivré des chaînes de l'esclavage» (Boethius, ad Cic, Top., 1, 2, 10). 53 La bibliographie concernant cette question sera don née dans le cours de l'exposé. Mais il faut rappeler l'impor tant article de fond de Lemosse, Cens, p. 161-203 éclairé par le C.R. de Cosentini, Iura, I (1950), p. 532-9. 54 Cf. Lemosse, loc. cit., p. 165-184.
Et l'hypothèse a été émise que, contrairement à ce qui se produit dans le cas de la manumissio vindicta, l'esclave agirait en tant que «sujet actif»55, 2) le iussus domini, qui permet de valider l'acte56, 3) l'inscription sur la liste, 4) la lustrano, sorte de contre-épreuve qui, de par son caractère sacré, donne toute sa valeur à l'action libératoire. Mais ce schéma, que l'on doit tenir pour plausible, ne manque pas de soulever des diff icultés fondamentales, parfois insolubles. 1 - Tout d'abord, de quel droit un esclave se présenterait-il devant le censeur? Certains auteurs, relevant le caractère de res que possède, en droit, l'esclave, pensent que, si celui-ci peut agir ainsi, c'est parce que, préalable ment, sa condition de civis, par une fiction quel conque, a été reconnue, le cens ne faisant que donner valeur régulière à une situation de fait. Dans cette perspective, le cens n'aurait pas, en lui-même, valeur créatrice, constitutive de la liberté, mais simplement valeur déclaratrice. C'est la position de Mommsen57, pour qui le cens ne crée pas une nouvelle situation juridique mais l'officialise. De même, Cosentini58 rappro che la manumissio censu de la manumissio vin dicta, comme se présentant «sous la forme de la reconnaissance d'une liberté préexistante». Mais cette position a été vigoureusement combattue par H. Last59 et D. Daube60 qui pen sent que les listes du cens étaient le fondement même de l'état de citoyenneté (et donc de la liberté de l'esclave), alors que Lemosse a
se C'est l'opinion de Lemosse, utilisant le commentaire de Boetius 5i quis ... nomen detulisset. 56 Ulpien emploie le terme iussus. Les juristes modernes, ont retenu iusswn cf. Lemosse, Affranchissement, p. 162 et p, 169-174. Voir aussi E. Steinwenter, RE, X, col. 1306-1308 (Iussum) - ou Daube, Patterns, p. 64. 57 Droit Public, VI, I, 64 - Suivi assez généralement par W. Buckland, The Roman Law of Slavery: the condition of the Slave in private Law from Augustus to Justinian, Cambridge 1908 (1970) (= Buckland, Slavery), p. 439. 58 Studi, I, p. 15/16. 59 Reforms, p. 35-7. 60 Patterns, p. 58.
LES FORMES D'AFFRANCHISSEMENT du l'idée que l'esclave ne change de statut qu'au moment de sa parution devant le censeur61. Quelles que soient les critiques que l'on peut adresser à la position de Mommsen, on doit relever, à l'encontre de ses adversaires, qu'une sérieuse anomalie aurait existé, puisque, pour les citoyens, l'inscription au cens n'avait qu'une valeur déclarative, alors qu'elle aurait eu valeur constitutive du droit de cité dans le cas d'un esclave62. Et la conviction réaffirmée de Lemosse, notamment63, n'éclaire pas cette difficulté. Il n'est pas impossible, en tout cas, à la lumiè re d'un autre texte de Cicéron64, de penser qu'à la fin de l'époque républicaine, l'inscription sur les listes du cens ne suffisait pas à conférer par elle-même la citoyenneté, mais que cela avait pu être le cas plus anciennement. Au temps de Cicéron, elle aurait cependant suffi à créer une «présomption de citoyenneté»65. Mais on peut écarter la possibilité que notre auteur, dans ce passage, ait eu en tête le cens en général, en tant qu'inscription de l'ensemble des gens qui ont un statut civique, y compris les esclaves affranchis par la vindicte et par testament entre deux cen sures, sans penser à l'affranchissement par le cens qui, à son époque, ne représenterait qu'un moyen peu usité; en effet, le plaidoyer date de 62 avant Jésus-Christ; or en 65/64 et 61/60 le cens fut normalement tenu66. Le débat est donc encore ouvert, mais on ne saurait oublier un passage de Gaius, malheureu sement incomplet, et qui concerne la possibilité pour un affranchi de Latin d'accéder par iterano de l'affranchissement à la citoyenneté (sans dout eaprès promotion de son patron) : même si nous tenons compte du fait que la procédure n'a
61 Cens, p. 169, suivi par G. Pieri, L'histoire du cens jusqu'à la fin de la République Romaine {Pubi. Inst. Droit Romain Univ. Paris 26), Paris 1968, p. 38-42. 62 Cette difficulté a été relevée par E. Weiss, Manumissio, dans RE, XIV, 2, col. 1366-1377 (col. 1371). 63 Affranchissement, p. 45-46. 64 «Mais puisque le recensement ne garantit pas le droit de cité, et qu'il révèle seulement que celui qui s'est fait recenser s'est comporté, ce faisant, en citoyen...» (Pro Archia, V, 11). 65 Sur ce point on peut se rallier à la thèse prudente de Watson, Persons, p. 185-190, suivi par Treggiari, Freedmen, p. 26-27. 66 Cf. P.A. Brunt, Italian Manpower, 225 B.C. - AD. 14, Oxford 1971 (= Brunt, Manpower), p. 105.
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plus la même utilisation au second siècle de notre ère que sous la République67, on ne peut suspecter que pour Gaius c'est l'inscription au cens qui crée la liberté dans toutes ses accept ions; d'une part, le parallélisme avec les deux autres formules, ainsi que l'utilisation du terme fit insistent bien sur cette transformation d'un esclave en homme libre. D'autre part, Gaius ne dit pas libertinus fit, donc ne cantonne pas les effets de l'affranchissement censu, à la reconnais sance de la seule liberté politique, mais libertus, c'est-à-dire que l'inscription au cens semble créer officiellement le lien même du patronat68. 2 - Un deuxième point de controverse porte sur la signification de ce iussus domini dont nous parle Ulpien (iussu domino mm) et qui fait écho à la voluntas domini citée par Cicéron69. On peut penser que ce iussus est à l'origine même de la présentation de l'esclave devant le censeur. C'est lui qui habiliterait un être jurid iquement incapable et permettrait son admission dans la cité. Il serait un acte relevant non pas du seul droit privé, mais du droit public. Par lui, le maître agirait en tant que médiateur et introduc teur de l'esclave dans la cité. Cette interprétation70 est cependant critiquab le, en effet si le iussus avait eu cette seule portée «politique», n'importe quel citoyen aurait pu, à la limite, jouer ce rôle d'intermédiaire 67 Cf. F. De Zulueta, The Institutes of Gaius - Part II Commentary, 3e éd., Oxford, 1967 (=De Zulueta, Institutes, II), p. 25. 68 Si la formule sit liber qu'emploie Cicéron (De Orat., I, 183) est ambigue, il faut noter que, dans le contexte, celui-ci est plus attentif à la question du statut juridique (civique) qu'à la position personnelle de l'esclave libéré par rapport à son patron. Cependant dans A. Caecina 34,99, Cicéron reste toujours aussi ambigu; d'un côté il semble opposer servitute iusta à censu liberentur (ce qui accorderait au cens valeur créatrice de la liberté, dans tous ses aspects), mais d'autre part, il semble sous-entendre que la libertas accordée par le cens est la liberté civique, car celui qui, libre, n'est pas recensé, ne perd pas sa liberté de fait pour autant. C'est une faute, mais qui n'entraîne pas capitis deminutio (sur ce point, voir les remarques justes de Lemosse, Cens, p. 182/3). Notons enfin que Boethius (ad Cic, Top., 1, 2, 10) repro duitle schéma que Ciceron donne dans A. Caecina 34,99 : civis romanus fiebat et servitutis vinculo salvebatur. 69 De Orat., I, 183; consentiente vel jubente domino dit Boethius. 70 Défendue essentiellement par Lemosse, loc. cit., p. 171-174.
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entre l'esclave et la cité (représentée par le cen seur)71. En fait, il faut insister sur la portée réelle du iussus : c'est la démonstration apportée au censeur que la maître voulait renoncer à sa puissance sur l'esclave. Il nous paraît probable que, malgré le déve loppement des formes officieuses d'affranchisse ment, à la fin de l'époque républicaine, les trois formes régulières, et singulièrement la manumissio censu, n'avaient pas de valeur simplement «politique» et n'intervenaient pas normalement, dans un deuvième temps, après la renonciation de la part d'un citoyen à ses droits de maître sur l'esclave : abandon de la potestas du maître et inscription parmi les citoyens sont intimement liés. 3 - Un troisième problème a été évoqué par les auteurs romains eux-mêmes : à quel moment l'affranchissement devenait-il effectif? L'inscrip tion sur les registres suffisait-elle déjà? Ou fal lait-il attendre la célébration du lustrum? Sur ce point, les hésitations de Cicéron72 sont prolongées par le Frag. Dosith, /7 se référant non à la situation de la fin du second siècle, mais à une controverse plus ancienne73 qu'il reproduit assez mécaniquement74. L'importance du lustrum avait été mise en évidence par Mommsen75. C'est semble-t-il, et avec des nuances76, la position de Lemosse qui pense qu'entre l'inscription et le
71 Nous acceptons les critiques, sur ce point, de Cosentini, Iura, I, 1950, p. 536-9. 72 Cf. n. 53. 73 Brunt, Manpower, p. 701/2. 74 Texte donné dans F. Girard - F. Senn, Textes de Droit Romain, 7e éd., 1. 1, 1967 (= Girard, Textes,) p. 468. «En outre les opinions des spécialistes divergent sur le point de savoir si tous les actes acquièrent leur valeur à partir du moment où le recensement est tenu, ou à partir du moment où le recensement est clôturé. Certains juristes pensent en effet que les actes réalisés pendant la durée du recensement ne prennent réellement effet qu'à partir du jour qui suit la clôture du cens; ils considèrent en effet que le recensement n'est pleinement accompli qu'à partir du jour de clôture et non pas à compter du jour où les registres sont ouverts». 75 Droit Public, IV, p. 4 - VI, p. 64. 76 Sa position est d'ailleurs assez changeante : tantôt il affirme que «c'est l'inscription elle-même qui accomplit la transformation de l'esclave en citoyen» (Cens, p. 177), tantôt, et il semble que cela soit sa doctrine, il se demande : «entre l'inscription et le lustrum (l'esclave) est-il libre?» (ibid., p. 178).
lustrum, l'ancien esclave ne disposait que d'une liberté de fait, par rapport à son ancien maître (il emploie d'ailleurs l'expression servus qui in liberiate moratur), une liberté qui n'aurait encore reçu ni sanction juridique, ni sanction religieuse. C'est dans ce sens aussi que H. Last concluait 77 : seule la publication des listes pouvait signifier que liberté personnelle et droits civiques étaient désormais possédés par le nouvel affranchi. Ceci est défendable pour l'époque antérieure au premier siècle avant notre ère, mais, à partir de cette époque, il arrive souvent que le lustrum ne soit pas tenu; or, on ne peut penser que les actes des censeurs aient pu être, pour cette raison, tenus pour nuls. On doit donc supposer qu'alors la sanction religieuse n'était plus néces saire pour donner aux affranchissement accomp lis devant les censeurs leur pleine validité : le moment de l'inscription sur les listes devait constituer le point de départ de la nouvelle situation de l'esclave libéré78. En liaison avec le fonctionnement du cens, d'autres précisions méritent d'être apportées. Tout d'abord, il est évident que la thèse de Eismein79, selon laquelle, pendant le lustrum, les deux autres formes officielles d'affranchissement auraient été impraticables, au bénéfice du seul cens, ne repose sur aucune preuve et va à l'encontre de l'évolution d'une institution qui a de moins en moins d'importance à la fin de la République. Par ailleurs, elle ne tient pas compt e du fait que les possibilités d'affranchissement selon les deux autres formes régulières n'étaient pas limitées à la seule ville de Rome. Une autre question connexe, est la suivante : est-ce que le statut de citoyens des affranchis libérés entre deux recensements et donc selon la vindicte ou par testament, restait en suspens jusqu'au lustrum ayant suivi leur libération, ou prenait-il effet immédiatement? Autrement dit, la sanction du censeur était-elle indispensable pour que toute sa portée soit reconnue à une manumission autre que «censu»? Cela semble improbable. D'une part un texte de Cicéron déjà cité, semble indiquer clairement l'existence des
77 Reforms, p. 58. 78 Voir, dans ce sens, les remarques de Brunt, Manpower, p. 105/106 et p. 701/2. 79 Dans RNH, 1883, p. 494-8 - p. 497.
LES FORMES D'AFFRANCHISSEMENT droits civiques avant l'inscription au cens, dans le cas des affranchis par la vindicte ou par testa ment. D'autre part, le fait qu'à propos du Sénatus-Consulte de 177 avant Jésus-Christ80, le cen seur figure, après le consul, parmi les magistrats qui peuvent affranchir et conférer la citoyenneté ne rendrait pas compte d'une telle intervention du censeur si elle avait existé. Il n'en demeure pas moins que le rôle du censeur à l'égard de l'affranchi déborde son intervention en tant que garant de la liberté, dans le cadre de la manumissio censu. Tout d'abord, s'il ne faut pas attribuer à ce magistrat le pouvoir de vérifier les conditions dans lesquelles l'affranchi a été autrement libé ré81, il peut paraître étonnant82 qu'il n'ait pas pu ni cherché à vérifier la sincérité de la professio et du iussus. Sur quel critère pouvait-il se fonder pour inscrire un esclave sur les listes? L'hypo thèsede Daube83, qui voyait assez bien le cen seur inscrire de lui-même l'esclave, sans tenir compte de l'avis du maître, n'est pas tenable, eu égard à tous les textes cités. Même M. Lemosse84 envisage la présentation de l'esclave par le maît re. Et dans ce cas, la seule présence du dominas atteste bien la volonté de se dernier d'affranchir son esclave. D'ailleurs, la procédure prévue par le sénatus-consulte de 177 avant' Jésus-Christ et exigeant un iusiurandum de la part de ceux qui affranchissent, y compris devant le censeur, lais sepenser que la présence du maître était norma lement requise et que le rôle des censeurs ne se limitait pas à un seul jeu d'écriture. A plus forte raison, les précautions concernant le consente ment et aussi le statut du maître doivent avoir été d'autant plus sérieuses lorsque le maître était absent85. Dans le cas où le iussus émane d'un non citoyen, le censeur peut vérifier que le maître ne figure pas sur les listes86.
MPro Archia.,V, 11. 81 Comme le voulait, par exemple, O. Kariowa, Römische Rechtsgeschichte, (= Kariowa, Rechtsgeschichte), II, Leipzig, 1901, p. 134. 82 Ainsi que le laisse entendre Lemosse, Cens, p. 175. 83 Patterns, p. 60 - cf. aussi p. 66-7. 84 Cens, p. 179. 85 Ainsi que le souligne judicieusement Treggiari, Freedmen, p. 26/27. 86 C'est l'opinion de Lemosse, Cens, p. 175/6 - p. 181.
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Quant au fait que le maître est bien propriét aire de l'esclave ex iure Quiritium, le magistrat peut s'en assurer en vérifiant la liste de ses biens; et vu l'âge d'affranchissement en général (le délai de six ans, indiqué par Cicéron comme celui que doit attendre un bon esclave pour recevoir sa liberté, représente vraiment un mini mum), la liste du précédent recensement peut même être utilisée, au cas où le maître n'a pas été à nouveau recensé. D'ailleurs, Ulpien confir me bien que les esclaves sont recensés parmi les bona et que des précisions sont demandées à leur sujet87. Il est probable que le censeur pouv ait s'assurer de la réalité des droits du futur patron. Il n'est pas exclu non plus que le censeur comme d'ailleurs les autres magistrats ayant droit de procéder à des affranchissements, ait pu apprécier éventuellement la qualité de l'esclave. Pourquoi, par exemple, l'esclave puni pour enlè vement, en vertu de la Lex Fabia, n'aurait-ii été pénalisé que dans le cas d'un affranchissement par testament (puisque le délai de dix ans pen dant lequel il ne pouvait recevoir la liberté part ait, et seulement dans ce cas, non du moment de la condamnation, mais de la mort du maître)? Cela n'impliquerait-il pas que le censeur ou les autres magistrats pouvaient refuser l'admission dans la cité de tels esclaves? Une autre possibilité d'intervention des cen seurs est révélée par un texte mutilé de Papinien, citant Ulpien88, Paul89, mais aussi les Veteres 90
87 « En ce qui concerne l'inscription des esclaves, il faut veiller à ce que notamment leurs nations d'origine, leurs âges, et leurs métiers soient soigneusement enregistrés» (1. II De Censibus, D. 50, 15, 4, 5). 88 Responso, lib. IX, 2-3 Girard, Textes, p. 269 - A comparer avec les restitutions de Lemosse, Cens, p. 181, à propos du § 2/3. 2. «On a admis que les esclaves affranchis par celui qui n'a pas clos le recensement (et avant que celui-ci n'ait été accusé de cette faute) parviennent à la liberté. Les affranchis aussi, au même titre que leur patron, tomberont sous le coup de l'accusation touchant ceux qui ne se sont pas fait recen ser». [Girard, Textes, p. 269 donne une variante («Servos ab eo. qui ... census est») qui permettrait de lier la faute concernée
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Ces textes restitués concernent deux cas où le maître de l'esclave libéré ne s'inscrit pas au cens. Si la liberté était conférée avant le cens (§ 2 ante crimen inlatum manumissos) l'affra nchissement n'était pas remis en cause. Et on peut penser, que dans cette hypothèse, ce sont les affranchissements vindicta et ex testamento (du moins ceux qui ne concernaient pas les orcini) ainsi que les affranchissements accomplis aux cens précédents qui étaient visés. Dans la deuxième hypothèse, il s'agit d'une faute commise par les affranchis eux-mêmes qui, libérés au moment du recensement même, ne se sont pas présentés devant le magistrat. Dans ce dernier cas, ce sont les esclaves libérés, non par le censeur, mais selon les autres procédures (ce qui détruit encore l'opinion d'Esmein déjà signal ée)qui sont visés : ils ont obligation de se pré senter devant le censeur. Dans les deux cas, la peine est identique pour
non au magistrat, mais au patron qui ne s'est pas fait recens er,ce qui semble plus plausible.] Ulpien «Ceux qui auront été affranchis durant le recense mentmais ne se seront pas fait enregistrer comme hommes libres»... [Girard, ibid., considère la phrase comme cohérente Qui a me census tempore non fuerint liberi... mais la construction n'est pas acceptable.] Paul «S'ils ont été affranchis après la clôture du recense mentet s'ils ne sont pas enregistrés au recensement suivant, ils se verront infliger les peines frappant ceux qui ne se sont pas fait recenser». [Girard, ibid., donne non tenentur: dans ce cas, si le recensement n'a pas eu lieu, les peines ne peuvent être appliquées aux affranchis libérés après le recensement pré cédent, solution aussi inacceptable que la précédente.] Paul «C'est pourquoi eux-mêmes, s'ils ont été affranchis, après la clôture du recensement...» 3. La restitution proposée par Lemosse est discutable, car l'expression Apud Veteres... constitit («les auteurs anciens reconnaissent que, sont d'accord pour» cf. Cic, De Or., I, 104 ut inter homines peritos constare video) forme un tout. La lecture de Girard {Apud Veteres... libertates obtinere constitit) semble donc préférable. De même, il faut corriger indicaretur par iudicaretur qui fait écho à ante crimen inlatum (§ 2) - C'est dire que les bases sur lesquelles Lemosse a fondé son étude sont quelque peu fragiles. 89 Non cité par Lemosse, Cens, p. 181. 90 Non cité par id., ibid., p. 181.
l'affranchi : il encourt le châtiment réservé aux incensi et que signalent Gaius91 et Ulpien92. C'est-à-dire donc qu'il perd tous ses droits civils, et risque de retomber en esclavage même si le censeur n'a pas le pouvoir (n'ayant pas d'imperium) d'ordonner la vente93. Mais on ima gine mal un affranchi, déjà pourvu de la liberté et de la citoyenneté, et éventuellement recensé déjà une fois, ne pas se signaler ni signaler son patron éventuellement absent ou défaillant lors du cens suivant, au risque de perdre ses droits civiques et, à coup sûr, sa liberté personnelle. D'ailleurs, cette discussion est un peu une querelle théorique, car la Table d'Héraclée94 pré cise qu'au moins à la fin de la période républi caine,les nom, prénom, nom du père, du patron, tribu et surnom étaient exigés : l'affranchi recen sé était donc amené à indiquer l'identité de son patron. C'est sans doute à une parodie de cette pratique qu'Horace se livre lorsque Marcius Philippus ordonne à Demetrius de s'enquérir de l'identité d'un nouveau venu95.
91 «La grande diminution de capacité se produit lorsque quelqu'un perd dans le même temps et le droit de cité et la liberté : c'est ce qui arrive à ceux qui ne sont pas fait recenser et qui, en vertu des dispositions réglant le recense ment,doivent être vendus» (Institutes, I, 160). 92 Girard, Textes, p. 427. «La diminution de capacité maxi male est celle par laquelle la citoyenneté et la liberté sont enlevées, comme par exemple si un individu non recensé est mis en vente» (Tit. ex corp. Vip., XL 11). 93 Lemosse, Cens, p. 181/3 nous semble minimiser le risque encouru par celui qui est l'objet d'une telle capitis deminutio dont Paul (D. 4, 5, 11) donne toute la mesure: «nous disposons de trois biens, la liberté, le droit de cité, notre famille. Par conséquent, lorsque nous les perdons, tous, - liberté, droit de cité, famille - nous connaissons la diminution de capacité maximale». Sur les peines pesant sur l'incensus, voir E. Volterra. Sull'incensus in diritto romano, dans RAL ser. 8a, XI, 1956, p. 205-219. 94 Cf. les remarques toujours utiles de V. Gardthausen, Namen und Zensus der Römer, dans Rh. Mus, N. F., LXXII, 1917, p. 358-361 - cf § 145/6 et de E. G. Hardy, The «professiones» of the Heraclean Table, dans C.Q., 1917, p. 27-37. «Que le recensement ait lieu et que leurs noms de famill e,leurs prénoms, l'identité de leurs pères ou patrons, leurs tribus, leurs surnoms et leurs âges (soient enregistrés) ». *' « Demetrius, va, renseigne-toi et reviens me dire le domicile de cet individu, son identité, sa situation, qui est son père ou son patron...» (Ep., I, VII, v. 51-52).
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Et il ne faut pas oublier que, pour que les crit dans le cadre de la politique césarienne (même si elle a été publiée par Marc Antoine, censeurs aient pu sanctionner l'affranchi incencontient justement des dispositions sur le cens sus ou d'incensus, il eût fallu qu'ils eusent tou local, en accord avec une formule publiée à jours adopté la même position et, surtout, que le Rome : les listes devaient être établies sur place, cens fût tenu régulièrement à la fin de la Répub lique. P. A. Brunt96 est obligé, malgré son opt avant d'être expédiées et centralisées à Rome101. La fin du Fragment Dosith. 17, où il est question imisme, de reconnaître que non seulement les des professionibus concerne vraisemblablement censeurs de 89, 65, 64, 55, 42 n'ont pas accompli ces déclarations faites au plan local. Il est à le lustrum, mais encore que les chiffres du recen noter, cependant, que n'importe quel citoyen, sement accompli par les censeurs de 65, 64, 61, même non domicilié dans YUrbs pouvait aller 55 ne sont pas connus (simple hasard ou imposs faire sa professio à Rome même, et ce en vertu ibilité historique?) et que le recensement génér même de la table d'Héraclée. alaccompli par César était «grossly defective». Il est donc légitime de se demander si les On peut penser que l'époque des guerres civiles affranchissements censu n'étaient valables qu'à avec ses meurtres, ses fuites et déplacements Rome102 ou pouvaient avoir lieu devant les volontaires ou non, ne devait guère être propice magistrats chargés du cens au plan local. En à la tenue à jour des listes ni à l'organisation des l'absence de toute indication formelle, il n'est opérations. peut-être pas exclu qu'au moins après 90 et en C'est là un inconvénient majeur qui a dû Italie,103 les maîtres aient eu la possibilité d'af beaucoup jouer dans l'effacement de cette pro franchir leurs esclaves en les inscrivant au cens cédure d'affranchissement que deux importantes dans leur cité d'origine. Mais ce n'est qu'une lourdeurs frappaient déjà : hypothèse, contre laquelle on peut évoquer un - tout d'abord, bien sûr, ce type d'affra argument de bon sens: si cette possibilité de nchissement ne pouvait se réaliser à n'importe manumission avait ainsi existé, au plan local, elle quel moment97; aurait dû, avec l'essor des créations coloniales et - d'autre part, plusieurs sources indiquent municipales sous César puis Auguste, connaître que l'affranchissement censu n'était possible qu'à Rome, ainsi, Ulpien98 et le Frag. Dosith, 17". Cette «centralisation» ne correspondait év idemment plus aux besoins des citoyens en Italie dans CIL, I, 3, p. 89 - cf. en dernier lieu Brunt, Manpower, p. ou hors d'Italie au milieu du premier siècle. 519-523 appendice 2. Cependant, la Table d'Héraclée100, qui s'insCelui-ci pense que la loi d'Héraclée n'est pas un texte conçu d'un seul jet, à l'époque césarienne; il s'agirait d'une compilation, postérieure à 89 a.C, et réunissant des textes dont les plus anciens dateraient des années 80 (4° section) et les plus récents des années 50-40 (ainsi le § 122 cf. p. 521). ** Manpower, p. 104/105. Les autorités locales auraient réalisé une sorte de «digest» 97 C'est un inconvénient relevé, en particulier, par Cosent de lois romaines où, pour tenir compte d'évolutions récentes, ini,Studi, I, p. 14. elles auraient «interpolé» certaines clauses ou dispositions. 98 1, 8. En tout cas, dès les années 80-70 des recensements locaux 99 Texte donné par Girard, Textes, I, p. 468 (et p. 464/5 sur auraient été pratiqués (ibid. p. 42). la date du document: original du deuxième/troisième siè 101 Cf. Sherwin-White, Citizenship, p. 170-172 (mais qui ne cle). Cf. le début du § Et qui censu manumittur... Census relève pas l'allusion aux professiones locales, dans Fragment autem Romae agi solet... Dosith. 17). «Mais il est bien établi que c'est seulement dans la Sur l'application de telles dispositions dans la Péninsule capitale, à Rome, que se déroule le recensement; alors que Ibérique, cf. H. Galsterer, Untersuchungen zum römichen dans les provinces, on procède plutôt à des déclarations». Städtewesen auf der Iberischen Halbinsel, dans Madr. For Sur ce point, voir Kariowa, Rechtsgeschichte, I, p. 200; schungen, 8, 1971, p. 56-7. Mommsen, Droit Public, IV, p. 45; N. Sherwin-White, Roman 102 C'est la position, notamment, de Sherwin-White, op. Citizenship, 2e edit., Oxford 1973, (= Sherwin-White, Citizens cit., p. 330 n. 1. hip), p. 330. 103 Brunt, Manpower, p. 207, n'exclut pas (mais en des 100 § 144-145. Texte donné dans CIL, I2, 593 (plus p. 724 termes assez ambigus) cette possibilité pour la période anté 739 - 883) = FIRA, 1 2, 13 et repris, avec toute la bibliographie, rieure à 90 avant Jésus-Christ, dans le cas des cités latines.
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un certain succès. Or ni les leges coloniales de cette période, ni les leges municipales du pre mier siècle de notre ère ne font allusion à elle, alors que le rôle des duoviri, par exemple, dans l'affranchissement par la vindicte, est signalé, ainsi dans le chapitre CVIII de la lex Ursonensis, nous y reviendrons. En tout cas, il apparaît que cette procédure était inadaptée aux dimensions du monde Romain (et donc à la dispersion des citoyens propriétaires d'esclaves) et aux nécessités prati ques de l'affranchissement. Si l'on peut admettere qu'en 177 avant notre ère, elle ait pu jouer encore un rôle important, on peut se demander si les allusions contenues dans plusieurs textes de Ciceron104 ne sont pas liées au respect d'une vieille institution ou à l'horizon géographiquement limité d'un homme qui, au moins à la fin de sa vie, n'a dû affranchir ses esclaves qu'à Rome. Il reste, cependant, que dans ce mode d'a f ranchis ement le rôle du maître n'est pas second aire. C'est lui qui a l'initiative de l'inscription de l'esclave et c'est de la réalité de sa décision que le censeur s'enquiert avant tout. Au contrai re de ce qui se passe dans le cas de la libération d'un individu in mancipio, à propos duquel le iussum du manceps n'est pas requis, ainsi que le souligne nettement Gaius105, la volonté du maît re légitime est la condition essentielle exigée pour que le censeur joue son rôle. Et sur ce point, la possibilité «théorique» évoquée par S. Treggiari 106 que par similitude avec le cas de Vin mancipio, le censeur puisse inscrire, sans le con sentement du patron, l'esclave, est sans fonde ment. C'est le iussum du maître qui habilite l'esclave, juridiquement incapable, à comparaître devant le censeur et non ce dernier qui habilite l'esclave d'autri107. Le iussum est en fait une manifestation de Yauctoritas du maître108, à 104 Top. II, 10 - De Orat., I, 183 - Pro A Caecina, 34,99. 105 1, 140. Sur ce passage, cf. Cosentini, Studi, I, p. 539 et Lemosse, Le cens, p. 171/3 (qui explique cela par le fait qu'on a affaire à un individu qui, auparavant, était citoyen. «Bien mieux, malgré l'opposition de celui en mainprise duquel ils se trouvent, le recensement peut leur attribuer la liberté... 106 P. 27. Elle dépend en partie de Daube, Patterns, p. 67. 107 Sur le sens de iussum, cf. Steinwenter, RE, X, col. 1306-8. 108 Sur cette liaison, cf. E. Volterra, dans RIDA, I, 1948, p. 217.
laquelle rien ne permet de dire que le censeur pouvait se substituer. Enfin, il faut insister sur l'unité profonde qui existe dans le cas de cet affranchissement censu, entre liberté personnelle et civique, unité que Gaius réaffirme109. La proposition, en forme de diatribe, faite par Denys D'Halicarnasse110 d emandant aux censeurs (ou aux consuls) de n'at tribuer la citoyenneté qu'aux affranchis les plus dignes, en vertu d'une sorte de lectio, comparab le à celle des sénateurs et chevaliers, aurait abouti à dénaturer la manumissio censu, puisque c'est l'inscription même qui confère la liberté personnelle à l'esclave. On ne peut donc penser, si l'on fait grâce à Denys de cette absurdité, qu'à la possibilité pour celui-ci pensé visé les autres formes d'affranchissement, l'affranchissement par le cens n'ayant plus de réalité à son époque.
II - LA «MANUMISSIO VINDICTA» C'est la forme de manumissio inter vivos la plus courante à l'époque qui nous intéresse, bien qu'elle nécessite, en principe, la présence d'un magistrat prétorien. Ainsi, à propos des affra nchissements destinés à donner la citoyenneté romaine à des fils de sodi latini et visés par la Lex Claudia de 177 avant Jésus-Christ et un sénatus consulte, les magistrats concernés sont, en dehors des censeurs (et si l'on met de côté dictateur et interroi), les «consuls et les pré teurs», termes qui n'englobent pas dans le cas présent, sans doute, les gouverneurs de provin-
109 Inst., I, 35. 110 IV, 24, 8. «Et je souhaiterais que les censeurs de préfé rence, ou, à défaut, les consuls, prennent sur eux de s'occu perde cette question, étant donné qu'elle demande le con trôle d'une magistrature eminente, et qu'ils enquêtent sur les individus qui sont affranchis, chaque année, - (afin de savoir) qui ils sont, pour quelles raisons et dans quelles conditions ils ont été libérés - de la même façon qu'ils s'informent du style de vie des chevaliers et des sénateurs. C'est ensuite qu'ils pourraient enrôler dans les tribus ceux qu'ils juge raient dignes d'être citoyens et leur permettraient de demeur er dans la cité, mais qu'inversement ils chasseraient la troupe des individus vils et corrompus sous le prétexte de les envoyer dans une colonie».
LES FORMES D'AFFRANCHISSEMENT ces (vu la date haute et le fait que le passage cité relate des problèmes essentiellement italiens), mais qui, avant la fin de la République, devaient sans doute les désigner aussi. Malgré tout, des deux formes d'affranchiss ement inter vivos c'était la moins malcommode. D'autant plus qu'au milieu du premier siècle, il est possible que les magistrats locaux aient pu procéder à de tels affranchissements111. Il faut en effet, faire cas"2 du chapitre CVIII de la lex Ursonensis113. Il s'agirait bien de la manumission d'esclaves de citoyens114 et d'esclaves des deux sexes115. La référence aux duoviri ne laisse place qu'à l'a f ranchis ement par la vindicte. C'est là une conclusion devant laquelle cer tains auteurs, qui par ailleurs acceptent la resti tution du texte dans les termes indiqués, ont, encore récemment, reculé116. Or, si le texte est admis, une seule conclusion nous paraît admissi ble : dans la colonie césarienne d'Urso117 (et sans doute dans les autres colonies de citoyens
111 Sherwin-White, Citizenship, p. 330, tirant argument du «silence des juristes», est d'un avis totalement opposé. 112 «Si un colon de la Colonia Genetiva lulia, auprès des duovirs chargés de dire le droit, affranchit son esclave de façon à le faire accéder de l'esclavage à la liberté, que cet esclave, qui aura été affranchi dans ces conditions auprès des duovirs chargés de dire le droit dans la Colonia Genetiva lulia, soit libre». Sur la reconstitution du passage, à partir des fragments trouvés à El Rubio, cf.: A. D'ors, dans Emerita, 9 (1941), p. 138-154 et photo 1-11 = AE, 1946, 120, dans Emerita, 14 (1946), p. 219-236 = AE, 1952, 48, dans Emerita, 16 (1948), p. 254267 = AE, 1952, 50; J. Mallon, dans A.E. Arq., 17 (1944), p. 213-237 (cf. AE, 1946, 123) et dans Emerita, 12 (1944), p. 193-230 {AE, 1946, 123); L. Wenger, dans A A WW, 86, 1949, p. 245-272 ( AE, 1951, 32); F. Schulz, dans Studi Solazzi, Naples, 1948, p. 451460. C'est le texte proposé par A. D'Ors (Epigrafia Juridica de la Espana Romana, Madrid, 1953 (= D'Ors, Epigrafia Juridica), p. 167-180) qui est repris dans CIL, I, 2, p. 90. 113 Nous avons volontairement omis cette partie de la restitution, que nous aborderons plus loin dum ne quis pupil· lus neve quae virgo mulierve sine / tutore auctore manumittat, qui servus ita aput eos / II vitios)... (cf. Chap. II). 114 Et non de latins, comme cela a été plus tard le cas, d'après la Lex Salpensana, chap. 28. 115 Malgré l'emploi du masculin. Dans ce sens, D'Ors, Epi grafia Juridica, p. 241-2. 116 Ainsi Brunt, Manpower, p. 207 et n. 1 qui pense que «les affranchissements vindicta ne pouvaient être effectués qu'en Italie, à cette époque». 117 La date de 45 avant Jésus-Christ est à retenir.
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romains) désormais118 les affranchissements vin dicta entraient dans la compétence des duoviri. Sinon quel rôle ceux-ci auraient-ils pu jouer? Et cette «décentralisation» des responsabilit és nous semble s'accorder avec ce que nous avons dit de la politique césarienne en matière de cens (et donc d'affranchissement par le cens), dont les opérations peuvent se dérouler à partir de professiones locales, en vertu de la loi d'Héraclée. Il semblerait donc que devant la multiplica tion des actes d'affranchissement, et en raison des difficultés qu'il y avait à opérer dans le cadre juridique et administratif traditionnel, César ait pensé (et Marc Antoine a prolongé ses inten tions) à faciliter les manumissiones inter vivos hors d'Italie. Mais doit - on penser que ceci a été facilité par le fait que ces affranchis d'outre mer n'avaient que peu de chances de venir exprimer leurs nouveaux droits de citoyens dans les assemblées romaines? Nos sources attestent, tout au long des second et premier siècles, le recours à ce type de libération des esclaves. Ainsi, dans les textes littéraires, les mentions sont très fréquentes, notamment dans le théâtre de Plaute. Le recours au préteur est signalé dans un texte du Persa"9, qui montre que le magistrat, à l'occasion de ces affranchissements n'est pas obligé de siéger pro tribunali120, dans un passage du Rttdens121, qui indique le rôle souverain du magistrat, ainsi que le caractère impromptu de
118 Et même dans les municipes selon d'Ors. 119 «Cours au forum te renseigner auprès du prêteur, si tu ne veux vraiment pas me croire. Elle est libre, je te le dis!» (v. 487-488). 120 II en est ainsi encore, au second siècle de notre ère, selon Gaius (I, 20); celui-ci évoque le cas de l'esclave âgé de plus de 30 ans, donc non soumis à l'appréciation de la iusta causa manumissionis par un conseil, en vertu de la Lex Aelia Sentia : «les esclaves âgés de plus de trente ans peuvent être affranchis, à n'importe quel moment, ainsi par exemple lors que le prêteur ou le proconsul se rend aux bains ou au théâtre». Cette latitude très peu protocolaire doit continuer la pratique républicaine, alors qu'à Rome, comme dans les provinces, la libération des esclaves âgés de moins de 30 ans ne peut s'opérer qu'à des jours déterminés. 121 (v. 927). «L'occasion t'est offerte à présent, Gripus, d'être libéré sur le champ par le prêteur». Cf. Tite Live, XXIV, 14, 6 discours de Tiberius Gracchus aux volones qu'il commande, avant de livrer bataille devant Bénévent, en 214 avant Jésus-Christ: «Celui qui ramènerait la tête d'un ennem i,il ordonnerait sur le champ qu'il soit libre».
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la cérémonie, et enfin dans le Pseudolus122. Il semble que l'affranchissement par la vindicte ait pu être réalisé non seulement les jours des nundinae (en vertu de la Lex Hortensia12* sans doute, à en croire une sentence de Trebatius, rapportée par Macrobe124), mais encore les jours néfastes, bien que le texte qui fasse allusion à une telle possibilité soit de Varron, donc date de la fin de la période étudiée 125. Donc au cas où le préteur aurait prononcé les mots à proscrire les jours néfastes, l'affranchissement, selon Varron, n'en serait pas moins valable, bien que vitio : il n'y a pas d'annulation, mais le préteur doit réparer son imprudence en sacrifiant126. D'autres allusions peuvent être relevées, dans les pièces de Plaute, notamment dans le Miles Gloriosus127 ou le Curculio,128, où la mention d'un aspect partiel de la procédure (festuca, vindicta) ne peut renvoyer qu'à ce type d'affranchisse ment. Au premier siècle, Cicéron, à plusieurs repri ses,nous l'avons dit, fait mention de ce procédé, à côté des deux autres procédures régulières et en termes généraux129, mais aussi en tant que 122 «Jamais je ne courrai aussi vite auprès du prêteur pour qu'il m'affranchisse» v. 358. 123 De 286 avant Jésus-Christ, cf. Rotondi, Leges publicae, p. 238-241. 124 Sat., I, VI, 28. «Et on pourrait m'objecter ce que Trebat iusdit dans son livre I des Observances Religieuses,... à savoir que, le jour des nundines, un magistrat peut affranchir et accorder une action». 125 L L·, VI, 30. «Les jours opposés (à ceux-ci) sont appelés «jours néfastes», lors desquels il est contraire aux lois rel igieuses que le prêteur prononce les mots do (je donne), dico (je prononce), addico (j'assigne); c'est pourquoi aucune action en justice ne peut-être entreprise car il est nécessaire d'utiliser l'un de ces mots, si l'on veut respecter les formes légales. Mais si, lors d'un tel jour, le prêteur a utilisé un tel terme par inadvertance, celui qu'il a affranchi n'en est pas moins libre, mais sous de mauvais auspices, tout comme un magistrat élu en dépit d'auspices défavorables, est tout de même magistrat. Le prêteur qui a alors utilisé un tel mot, est lavé de son offense en procédant au sacrifice d'une victime expiatoire, s'il n'a pas agi intentionnellement». 126 Sur ce passage, cf. H. Lévy-Bruhl, Recherches sur les actions de la loi, Paris, 1960, p. 104-105. 127 V. 961. «Quel est sa condition? est-elle ingénue ou la baguette l'a-t-elle libérée de l'esclavage». 128 V. 212. «Donne toi-même la réponse en m'affranchissant». 129 Top., II, 10 si neque censu, neque vindicta, neque testa mento.. Pro C. Rabido, 16 an vero servos nostros... dominorum benegnitas «vindicta una liberai».
patron dont l'affranchi a été libéré de cette manière130. C'est encore à l'affranchissement par la vin dicte que semble faire allusion Horace dans un passage qui fait presque écho à Cicéron131, mais qui est plutôt consacré à l'émancipation du fils de famille132. De tous ces témoignages ressortent et la liberté d'action du préteur et l'importance de son rôle, puisqu'il est l'acteur qui officialise et garantit l'authenticité de la cérémonie133. C'est ce que confirme un passage de Tite Live (tou jours à propos des volones que Tib. Gracchus s'engage, après accord du Sénat, à affranchir)134, qui exprime bien ce rôle de garant joué par le magistrat. Or, à côté de tels témoignages (confirmés ou déformés par des indications plus tardives135) un document exceptionnel, car figuré, doit-être ver séau dossier. Il s'agit du fameux relief de Mariemont136, document d'autant plus important137 qu'après avoir été daté de l'époque augustéenne par E. Cuq138, il a été replacé récemment par G.
130 Ainsi dans Ad Att., VII, 2, 8, sur lequel nous reviendrons plus loin. Ce ne peut être qu'à ce procédé qu'il est fait allusion dans une lettre à Tiron (Fam., XVI, 14, 2) dies promissorum adest, quem etiam repraesentabo si adveneris. 131 «(Toi) que la baguette, 3 ou 4 fois imposée, ne pourrait jamais délivrer de la misérable crainte (dans laquelle tu vis), Sat., II, 7, ν. 76-77. Cic, C. Rabirio, 16. 132 Cf. Gaius, Inst., 1, 132, en application d'un principe remontant à la loi des XII Tables «si le père a vendu 3 fois le fils de famille». 133 Cf. Plaute, Persa, v. 483-4. 134 XXXIV, 14, 8. «Le garant de leur liberté, ce n'était pas lui seul, mais le consul M. Marcellus, mais les Pères unani mes,qu'il avait consultés et qui l'avaient autorisé à décider de leur liberté». 135 Puisque parmi les pièces du dossier les plus souvent citées, figurent un texte de Boèce (Cic. Top., 2, 10), un commentaire de Cornutus (Perse, V, 88) et un développe ment de Pseudo-Acron (Horace, Sat., II, 7, 76). 136 R. 14 (26), n° du catalogue publié par B. V. de Walle, P. Leveque, M. Renard etc., Les antiquités... du Musée de Mariemont, Bruxelles, 1952, (= Renard, Antiquités), p. 138 et pi. 149. Voir fig. n° 1. 137 Malgré ses dimensions modestes = 0,89 x 0,62. 138 Une scène d'affranchissement par la vindicte, dans CRAI, 1915, p. 537-551 - p. 446. Cette datation est acceptée par S. Tondo, Aspetti simbolici e magici nella struttura giuridi ca della manumissio vindicta, Milan, 1967 (= Tondo, Aspetti), p. 143-159.
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LES FORMES D'AFFRANCHISSEMENT Ville139 au début de la deuxième moitié du pre mier siècle avant Jésus-Christ, donc à l'époque césarienne140. Les données du problème posé par l'interprétation de cette œuvre ont été parfaitement exposées par E. Cuq, Ville et S. Tondo141. Mais il nous apparaît que la solution proposée par Ville est la seule plausible142. Il ne peut s'agir d'une scène d'affranchissement, dans la mesure où le magistrat n'apparaît pas et la figure du maître, pour des raisons de composition, ne pouvait être représentée; or la présence de celui-ci est néces saire au déroulement de la cérémonie. D'autre part, les sources littéraires associent régulièrement le port du pileus et le fait que le nouvel affranchi soit raso capite, alors qu'ici les pseudo-affranchis ont la tête bouclée. La tenue de ces derniers, portant le pagne, est inadéquate à une comparution devant le magistrat (au forum ou ailleurs). On ne voit pas la raison d'être du fouet que tient l'un des personnages en pagne. La forme du pileus1*3 n'est pas en accord avec celle du pileus libertatis. Par ailleurs, la prosternation de l'un des deux personnages, censés affranchis, n'est indiquée dans aucune de nos sources et paraît incompatible avec la dignité d'un nouvel affranchi. Enfin, la poignée de main que le porteur du pileus, debout, échange avec un personnage à droite, disparu, ainsi que la position du corps (jambes écartées, l'une devant l'autre) sem blent écarter la possibilité d'un contact propre à créer le vertigo dont parlent plusieurs sources. Même si l'interprétation ultérieure (scène de cir que) ne nous intéresse pas directement, la critique résolue de Ville nous prive d'un document dont on s'était servi depuis longtemps pour expliquer et ordonner les indications parfois confuses des données littéraires. En effet, et à partir de ces dernières, toutes sortes d'hypothèses ont vu le jour, concernant la nature juridique et le déroulement de la manumissio vindicta. Notamment, une querelle d'école oppose les tenants de l'hypothèse selon laquelle cette forme d'affranchissement ne serait qu'un 139 Le relief R. 14 (26) de Mariemont ne figure pas un affra nchissement par la vindicte, mais une scène de cirque, dans Latomus, XXII, 1963, p. 14-30 et pi. III (= Ville, Mariemont). 140 Renard, Antiquités..., plaçait ce document au premier siècle avant Jésus-Christ, sans plus de précision. 141 Aspetti, p. 143-147 et 158-162. 142 Mariemont, p. 18/20 où est donnée la liste des hypothès es établies sur le postulat qu'il s'agissait d'une scène d'a f ranchis ement. 143 Cf. l'enquête minutieuse de Ville, loc. cit., 1962, p. 21-33.
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cas de vindicatio in libertatem144 et ceux qui ont tenté de souligner l'originalité de cet affranchi ssement:ainsi H. Lévy-Briihl145, qui a essayé de montrer qu'il ne s'agissait pas d'un procès fictif, ni d'une forme d'in ture cessio, mais qu'il se limitait à une simple déclaration du maître de l'esclave à libérer, devant le préteur146. De même les rapports de cette forme d'a f ranchis ement avec la manumissio sacrorum causa ont donné lieu à de nombreuses hypothès es bien difficiles à vérifier147. En fait, il semble qu'à la fin de la République, on soit, à propros de cette institution, dans une période de transition et que le caractère d'in ture cessio, gommé par le droit classique, se soit encore maintenu148. Ceci ressort, notamment de la présence d'un adsertor libertatis, contestée par Lévy Brühl149, mais attestée par plusieurs textes de Vairon150 et surtout Cicéron : ainsi AU., VII, 2, 144 C'est la position de Buckland (Slavery, p. 441), Duff, (Freedmen, p. 23-24), Bonfante, (Corso, I, 1925, p. 164). Cf. aussi, E. Cuq, Institutions juridiques des Romains, Paris, 2e éd., 1928 (=Cuq, Istitutions Juridiques), p. 95 - P. F. Girard, Manuel élémentaire de Droit Romain, 8e éd., Paris, 192 , p. 131. Ch. Appleton, dans Mélanges Fournier, 1929, p. 2 et 9) et, plus récemment, de V. Arangio-Ruiz (Istituzioni, 9e éd., 1947, p. 80 - p. 484) ou M. Staskow, Le commentaire de Gaius sur la vindicta, dans Labeo, 1962, p. 317-329 (= Staskow, Commentaire ). Pour Cosentini, (Studi, I, p. 1-14), il s'agit d'une sorte de procès, dans lequel la décision sur le statut de l'esclave est remise entre les mains du magistrat. 145 Quelques problèmes du très ancien Droit Romain, Paris, 1934 (= Lévy-Bruhl, Problèmes), p. 56 (cf. aussi dans RHDF, 1930, p. 609-610 et 1932, p. 218). 146 Thèse développée par Ph. Meylan, L'individualité de la manumissio vindicta, dans St. Arangio-Ruiz, IV, Naples 1953, p. 469-481. 147 H. Lévy-Bruhl voit dans la manumissio sacrorum causa une forme un peu particulière de l'affranchissement par la vindicte. II est d'accord avec la position de L Aru (Breve nota sulla manussio vindicta, dans Studi Solini, 2, Milan, 1941, p. 303-313) pour voir dans la manumissio sacror un causa un résultat de la volonté du patron de rendre possible la célé bration des sacra par le nouvel affranchi (dans un sens opposé, Mommsen, Droit Public, VI, 2, p. 2, n. 3). Lemosse (Affranchissement, p. 39-42) voit même dans la manumissio sacrorum causa la forme primitive de l'affranchissement par la vindicte (thèse en partie reprise par Tondo, Aspetti, p. 121-2, 131-3). 148 Dans ce sens, Kaser, RPR, I, p. 101-102 - p. 253. Cf. aussi De Visscher, Affranchissement, p. 79-80 - Watson, Per sons, p. 191 et Law Making, p. 89. 149 Problèmes, p. 60-1 : il pense que c'est le maître qui assume la vindicatio. 150 L L, VI, 64 adserere manufm] in libertatem...
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LE LIEN PATRON-AFFRANCHI : FONDEMENTS ET EXPRESSION
8 où c'est sur la base d'une addictio prononcée alors qu'il n'y avait pas de tiers pour la vindicatio que Cicéron veut remettre en cause l'affranchi ssement où il a joué le rôle de magistrat et de patron (praesertim cum adesset nemo a quo «recte» vindicarentur){SX . De même, évoquant l'affra nchissement des fils de sodi Latini, signalé par Tite Live en liaison avec le passage consacré aux mesures prises par le Sénat pour empêcher les manumissions destinées à provoquer un change mentde cité, l'auteur écrit (XLI, 9, 1 1) : apud eorum quem qui manumitteretur, in libertatem vindicaretur, ce qui revient à insister sur la natu rede vindicatio in libertatem de l'affranchiss ement vindicta et sur la présence d'un adsertor. Que par ailleurs, à la fin de la période répub licaine, la signification profonde des rites et gestes accompagnant cet affranchissement soit oubliée ou raillée, et que, en particulier, le sens du port du pileus, du rasage de la tête, ou du toucher exercé par le maître, ait été perdu, ou (et) que l'on ne soit plus très strict sur le vocabul aire utilisé (festuca et vindicta étant employés de façon indifférente), cela n'est pas contestable. Mais ce qui est non moins certain c'est que, devenue un acte purement civil, la manumissio vindicta garde une valeur d'agrégation solennelle à la cité, qui implique la présence d'un magistrat en fonction et de rang prétorien, sans doute assisté d'un licteur152. A cette cérémonie, le maître assiste. Même si l'on n'accepte pas la théorie de Lévy Brühl sur l'exercice de la vindicatio par le maître, il reste que l'interdiction faite au mutus/ surdus d'affran chir par la vindicte, interdiction encore en
151 On n'a peut-être pas porté assez d'attention à l'adverbe recte : il y a sans doute eu un témoin, car Cicéron connaissait son droit et Chrysippe n'était pas n'importe qui. Mais cet adsertor, pour une raison qui nous échappe, n'était pas apte à v'indicare «recte·». 152 Dont on ignore le rôle exact : joue-t-il le rôle d'adsertor? Est-ce lui qui tient la festuca? Cf. R. Monier, Contribution à l'étude des rites de la manumissio vindicta, dans Studi Albertario, I, Rome, 1953, (= Monier, Contribution), p. 197-200. V. Devilla, La manumissio vindicta nel diritto giustiniano, dans Studi De Francisci, II, Milan, 1956, (= Devilla, Manumissio), p. 273-295 (p. 278). On notera, par ailleurs, que sous la République, des affranchis peuvent occuper les fonctions de licteurs (cf. par exemple, CIL, I2, 1 889 = 1LLRP, 796 = où deux licteurs sont signalés).
vigueur sous l'Empire153, ne peut s'expliquer si, à un moment ou à un autre, le maître n'a pas à exprimer son consentement formel à l'affra nchissement : si sa seule présence devant le magistrat affranchisseur avait suffi, porquoi une telle interdiction154? Enfin, cette procédure exige la présence d'un tiers exerçant la vindicatio, et, symboliquement, touchant l'esclave dont la liberté est revendiquée155. Profondément, au-delà des interprétations tardives et de l'inconsistance des restes «archéo logiques» la concernant, la manumissio vindicta semble avoir porté la marque de plusieurs rites de passage156 : rite de rupture avec le passé d'étranger de l'esclave : ce serait le sens du pivo tement, transformant l'esclave-étranger, «être
IS3M. Wlassack, Der Gerichtmagistrat in gesetzlischen Spruchverjahren, dans ZRG, 28, 1907, p. 22, nie cette interdic tion. Alors que, par exemple, Monier, (Contribution, p. 199) la retient. Tondo insiste sur l'expression domino tacente qui apparaît dans plusieurs textes juridiques du Haut empire - et sur UIp. ad Sab., D. 40.9.1. Celsus libro < vicensimo secun do?> digestorum utilitatis gratia motus surdum ita natum manumittere posse ait. Mais cela valait-il à l'époque antérieu re à Celsus? D'autre part, Paul (Sentent., IV, 12, 2), insiste sur l'interdiction faite au sourd-muet «d'affranchir autrement qu'inter amicos (c'est peut-être cela qu'autorisait Celsus Mutus et surdus servum vindicta liberare non possunt: inter amicos tarnen et per epistulam manumittere non prohibentur. Marcianus (D. 40, 2, 10), de son côté, signale que le fils du sourd-muet peut servir d'intermédiaire, mais cela peut repré senter une innovation relativement récente (cf. Buckland, Slavery, p. 441). On peut voir une indication de la possibilité d'intervention orale du patron dans la cérémonie, dans la procédure que les magistrats sont tenus d'appliquer, à partir de 177 avant Jésus-Christ. En effet, il est question du serment que le patron doit prêter, portant l'engagement que l'affra nchissement n'avait pas pour but un changement de citoyen neté(T. Uve, XLI, IX, 11). IS4 Sur cette question, le point est fait par Tondo, (Aspetti, p. 26-51), qui pense, à tort, que le maître a un rôle totalement passif. '" Pour Monier (Contribution, p. 199) c'est le maître qui exerce la vindicatio. Dans ce sens, semble-t-il, J. Gaudemet, Institutions de l'Antiquité, Paris, 1972, p. 329. Pour Kaser, RPR, I, p. 253, le maître doit prononcer une formule solennelle : mais est-ce la formule vindicatoire elle-même? Mais on n'a peut-être pas assez utilisé un passage de Gaius (II, 24 - cf. D. 40.8.23) domino tacente aut negante, ce qui implique la nécessité pour le maître de pouvoir parler, mais exclut, à notre avis, que celui-ci ait, à chaque opération, prononcé une formule déterminée (tacente). Watson, Persons, p. 191 et 197-8 n'est pas convaincu de la nécessité de la présence d'un tiers lorsque le patron officie en tant que magistrat. η6 Comme l'a bien vu Tondo, Aspetti, (p. 179-183 et 192-5).
LES FORMES D'AFFRANCHISSEMENT sacré», potentiellement bienfaisant ou malfais ant,en affranchi-familier intégré au monde prof ane157. C'est un rite de séparation de l'état anté rieur que représente encore, le sacrifice des che veux158. Quant à la flagellation simulée, elle const itue un rite de séparation, puis d'intégration dans la communauté civique159. Enfin, il ne faut pas négliger les rites de rapprochement que représentent le contact (poignée de main, souff let) et la commensalité qui suit souvent la céré monie, en la prolongeant160. Une question reste, cependant, pendante; l'a f ranchis ement apud se, pratiqué par un magist ratde rang prétorien sur son propre esclave, est-il, à la fin de la République, possible? C'est dans un sens négatif que plusieurs auteurs ont conclu sur ce point161. Tirant argu ment d'une lettre de Cicéron à Atticus, concer nant la libération de Chrysippus162 et où Cicéron parle de la non validité possible de cette manumission, à laquelle il a procédé en tant que magistrat, R. Monier163, à la suite de Gönnet164 exclut cette possibilité : appliquant ici les vues de Lévy-Briihl, il estime en effet, que Cicéron
'" Cf. A. Van Gennep, Les rites de passage, Paris, 1909, (1969), p. 16-17 et 36-37. 158 Van Gennep, op. cit., p. 238-240 - cf. Tondo, Aspetti, p. 143-157 où tête rasée et port du pileus sont associés. •"Van Gennep, op. cit., p. 112-113 et 248-9. Sur le rôle apotropaïque de la festuca, cf. Tondo, Aspetti, p. 187-201. 160 Cf. le repas qui suit l'affranchissement des volones libérés par Tib. Gracchus, selon Tite Live (XXIV, 16, 8). 161 Cf. cependant Tondo, Aspetti, p. 26-32 sur les effets réels d'une telle manumissio. Différent est le cas du magistrat filiusfamilias qui ne pouvait sans doute pas procéder à de tels affranchissements (dans ce sens, Tondo, ibid., p. 30-1 s'appuyant de 2 textes de Paul: D. 1.7.32/D. 1.14.2 (lib. IV ad Sab), tout au moins avant le Haut Empire (cf. Devilla, Manumissio, p. 281). 162 «C'est pourquoi j'ai usé de cette vieille sentence, attr ibuée à Drusus, le préteur, et visant l'affranchi qui ne renouv elait pas dans des termes identiques son serment, pour dire que je n'ai pas procédé à l'affranchissement de ces vauriens, d'autant plus qu'il n'y avait personne qui pût les revendiquer selon le droit établi. Tu jugeras dans le sens qui te convien dra: moi, je t'approuverai». Au., VII, 2, 8. Cf. E. Costa, Cicerone Giureconsulto, 2e éd. 2 vol. Bologne 1927, p. 78-81. l6} Contribution, p. 199. 164 Le droit du magistrat romain de faire dans propre intérêt des actes juridiques volontaires, dans RHDF, 1937, p. 193-241, (spécialement p. 232, en ce qui concerne de tels affranchisse ments irréguliers selon cet auteur, sous la République), cf. Boulvert, Domestique et fonctionnaire, p. 95-6.
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n'aurait pu exercer la vindicatio incombant au maître et agir, dans le même temps, en tant que magistrat. Or, cette remise en cause, de la part de Cicé ron, est liée avant tout à la détérioration de ses rapport avec Chrysippus. Pour se venger de ce dernier, le juriste Cicéron va jusqu'à «déterrer» les plus vieux artifices de procédure et rien ne nous dit qu'à son époque de tels arguments aient été encore probants ni que l'affranchissement de Chrysippus et de son co-esclave ait été, pour cela, annulé. D'autre part, lorsque Labeo, l'aieul du juriste, après la bataille de Philippes et avant de se donner la 'mort, fait pirouetter l'esclave auquel il demande de l'aider à mourir, c'est sans doute parce que, s'estimant encore investi du pouvoir prétorien, il procède à un affranchiss ement apud se, afin de récompenser cet esclave fidèle, et sans doute de devoir la mort à un homme libre165. Enfin, Q. Cicéron lui-même a procédé, sans doute, à un affranchissement apud se, celui de Statius alors qu'il était proconsul, en Asie et en 59 avant Jésus-Christ166. Pour termi ner,il est bon de rappeler le cas, lors de la deuxième guerre Punique, des esclaves affran chispar Tib. Gracchus en 214; certes celui-ci n'est pas propriétaire des volones (qui appartien nent au Peuple Romain), mais il est bien le représentant, dûment mandaté, du Populus Romanus en même temps qu'il officie en tant que magistrat : il s'agit là d'une manumissio apud se, qui a dû recevoir des applications nombreus es au fur et à mesure que les conquêtes se sont multipliées (l'action du préteur Canuleius à Carteia, et, plus tôt, de Scipion l'Africain à Carthagène l'attestent). Il apparaît donc que Cicéron, tout comme son frère Quintus, n'avait pas d'autre moyen pour affranchir ses propres esclaves, alors qu'il gouvernait une province, que de recourir à une formule que, depuis un siècle et demi, les nécess itéspratiques avaient imposée. Il reste à signaler un problème qui a donné lieu, parfois, à une interprétation erronée : il
165 Appien, BC, IV, 135. Cet affranchissement ne pouvait, cependant, pas avoir d'effet réel, puisque Labeo n'était pas régulièrement investi et qu'il n'y avait, par ailleurs, personne pour témoigner de la libération de l'esclave en question. 166 Cf. Cic, Ad An., II, 18, 4.
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s'agit de l'affaire, évoquée en plusieurs passages par Tite Live, et généralement interprêtée com meportant sur la vente par des sodi latini de leurs enfants, comme esclaves, à des citoyens Romains, afin que ces derniers, affranchissant ces jeunes, les fassent accéder à la citoyenneté romaine, soit par le cens, soit par la vindicte167. Or il est dit mancipio dabant, à propos de l'acte par lequel ces fils de latins passaient, juridique ment, sous le mancipium de citoyens romains. Cela n'implique pas une réduction en esclavage, mais une capitis deminutio minima168, les maria gescontractés avant ces actes étant toujours valides. Cependant ces mancipati étaient servorum loco par rapport à leurs «maîtres» et pou vaient être émancipés par le cens, la vindicte ou le testament169. Deux passages tirés de la série des biogra phiesde grammairiens écrites par Suétone, peu vent montrer que cette pratique, au niveau indi viduel, n'a pas disparu après 177 avant JésusChrist. Ainsi le cas de C. Melissus est édifiant170 : il s'agit d'un individu de naissance libre, sans aucun doute pérégrin, exposé, puis recueilli, enfin donné comme esclave à Mécène. Or, il n'est pas un homo liber bona fide serviensxlx puis qu'il a été reconnu par sa mère et que celle-ci a (ou pouvait) quamquam asserente matre procédé à une vindicatio in libertatem172. C'est donc volon167 XLI, VIII, 10-12 - XLI, IX, 9-11. C'est l'interprétation que Watson, (Persons, p. 192) semble soutenir. Sur la vente de latins ou peregrins comme moyen d'accéder à la citoyen neté cf. Brunt, Manpower, p. 207. 168 Cf. Gaius, Institutes, I, 119, - II, 14. 169 À partir de l'époque d'Auguste, les restrictions inst ituées par la Lex Fufia Caninia (portant sur le nombre d'escla ves qu'un même maître pouvait affranchir dans son test ament) et la Lex Aelia Sentia (au sujet de l'âge du maître et de l'esclave au moment de la libération) ne sont pas appliquées aux individus in mancipio (cf. Gaius, I, 138-139). 170 Gramm., XXI. «C. Melissus, né à Spolète, ingénu, mais exposé par suite d'un désaccord entre ses parents, reçut, grâce aux soins attentifs de celui qui le recueillit, une instruction des plus poussées et fut offert en don à Mécène comme grammairien. Ayant obtenu la faveur de ce dernier, qui le plaça au rang d'un véritable ami, il choisit, bien que sa mère l'eût revendiqué, de demeurer dans cet état de servitu de, et préféra sa situation présente à son statut originel. Aussi fût-il rapidement affranchi...». 171 Sur la définition de cette expression, cf. Watson, Per sons, p. 218-225. 172 Nous ferons allusion indirectement, à un cas semblab le : D. 40.4.29 Scaevola 23 dig. (cf. note 228). Ici le personna ge en question retrouve sa condition d'homme libre.
tairement que Melissus est resté esclave, sans doute pour pouvoir, c'est une des raisons log iques que l'on peut trouver à son refus, bénéfic ier,ultérieurement, de la citoyenneté romaine. Il est possible que nous soyons en présence d'un cas semblable avec M. Antonius Gnipho173. Dans ce passage, il n'est pas explicite que le personna ge ait connu son origine véritable; mais à moins de supposer que Suétone ait inventé cette origi neingénue, on doit penser que celle-ci n'était pas ignorée de Gnipho lui-même. Il est possible que, une fois encore, un fils de pérégrin ait préféré servir comme esclave puis, par affran chissement, accéder à la citoyenneté. Il reste que s'il y a entre manumissio ex mancipatione et manumissio ex servitute, et au moins sous la République, des rapports formels174, le fondement des deux procédures n'est pas identi que. Malgré toutes les obscurités et les origines magiques que les auteurs d'époque tardive n'ont pas contribué à éclaircir, l'affranchissement par la vindicte était sans doute la forme la plus commode pour libérer inter vivos, un esclave. D'autre part, même certains auteurs qui ont voulu réduire le rôle du maître à une simple figuration, ont donné au mot vindicta une signif ication et une étymologie (vis-dicta175) propres à en faire le symbole d'une force rituelle, dont l'esclave est l'enjeu, mais dont le maître, jusqu'à la libération au moins, est le détenteur. Il a fallu sans doute attendre le règne d'Au guste, et peut-être le vote d'une loi dispensant l'Empereur, lors de l'affranchissement de ses esclaves, de se plier aux rites de la vindicte (dès
173 Gramm., VII. «M. Antonius Gnipho, naquit, ingénu, en Gaule, mais fut exposé : affranchi par celui qui le recueilli t...». 174 Sur les rapprochements et les différeces à établir entre les deux procédures, cf. De Visscher, (Affranchissement, p. 82), qui insiste sur la confusion qui peut s'établir lorsque l'affran chi libère son fils naturel esclave (ou que le patron affranchit son esclave-fils naturel). Cf. aussi Bonfante, Corso, I, p. 61-2 Staerman, Blütezeit, p. 227 - Devilla, Manumissio, p. 276-7 notamment. 175 Cf. Tondo, Aspetti, p. 77-80 - Cf. Staskow, Commentaire, p. 324-9). Par ailleurs, G. Mac Cormak, Formalism, symbolism and magie, dans Tidjschr., XXXVII, 3-4, 1969, p. 439-468, p. 449-451 notamment, expose les différentes hypothèses con cernant la signification profonde de la Festuca, symbole de iustum dominium.
LES FORMES D'AFFRANCHISSEMENT lors, la reconnaissance de la seule voluntas du dominas - Empereur remplace l'accomplisse ment du rite), pour que le rôle du patron dans la cérémonie d'affranchissement perde de son importance. Mais de toute façon, la voluntas d'affranchir reste le fondement et le point de départ de cette manumissio.
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l'histoire du testament que les affranchissements au nom du défunt furent rendus possibles181. Certes, il s'agit d'une procédure apparem ment lourde, encore à la fin de la République, puisque cinq témoins, le libripens et le familiae emptor tous citoyens doivent figurer182 et assister à la déclaration de ce dernier et à celle du testateur (nuncupatio), tandis que la teneur même du testament est précisée sur des tablett es.Mais la présence d'aucun magistrat n'est III - L'AFFRANCHISSEMENT PAR requise, celle des cinq témoins devant «officiali TESTAMENT ser» les opérations. Ainsi, à Rome même, comme en Italie ou dans les provinces, un tel procédé était offert à n'importe quel citoyen romain183. C'est le troisième procédé d'affranchissement Ceci suffit sans doute à expliquer le succès régulier, caractérisé par le fait que, contraire d'une formule qui avait, en outre, l'avantage de ment aux deux autres formes officielles inter reposer sur des documents écrits et de permett vivos, il ne prend effet, au plus tôt, qu'au re toutes les subtilités, en particulier l'attribu moment de la mort du maître de l'esclave et tion soit directe (assortie ou non de conditions), après l'ouverture du testament. soit par fideicommis, de la liberté, sans que le La doctrine moderne s'accorde à peu près, testateur soit privé, jusqu'à la fin de sa vie, des pour reconnaître que, sans doute, et au plus services de son esclave. tard, depuis 312176 cette formule a eu un plein Cet avantage a bien plus joué dans le succès effet sur le plan civil et qu'à notre époque, com de l'affranchissement par testament qu'une sorte me plus tard sous l'Empire, elle constitue le de mode, signalée par Denys d'Halicarnasse184, et moyen le plus répandu (sans doute parce que le plus commode et «décentralisé») dont dispo saient les propriétaires désireux de libérer régu lièrement leurs esclaves177. 181 Cf. Watson, Succession, p. 11/21. C'est à cette évolution, Soulignons tout d'abord que le développe largement postérieure à la Lex XII Tabularum, que l'on doit ment de cette procédure est inséparable de l'a rapporter le texte suivant de Pomponius (D. 50.16.120) : «D'après les termes de la Loi des XII Tables «qu'il ait le pparition et du succès du testament per aes et droit de léguer sa famille», il semble qu'une faculté très large libram, et en tout cas de la deuxième phase de ait été accordée et d'instituer un héritier, et de procéder à son évolution, lorsque - et ceci bien avant le un legs, ainsi qu'à des affranchissements, et aussi d'établir second siècle178, le rôle du familiae emptor, des tuteurs». auquel, à l'origine était dévolu un pouvoir sans Il semble qu'en utilisant le présent, Pomponius ait voulu indiquer qu'il ne s'agissait pas d'une possibilité originelle partage179, devint symbolique avec l'institution reconnue dans les XII Tables ou immédiatement après leur d'héritiers180. C'est dans cette deuxième phase de promulgation, contrairement à Cosentini qui voudrait y voir la marque des Xviri. (Sur ce point voir Kaser, dans ZRG, 62, 1951, p. 579-280). 176 Cf. ce que nous avons dit plus haut, au sujet des 182 Ainsi que le signale Gaius (Institutes, II, 104): «Celui origines de la manumissio. qui fait son testament, en présence, comme dans les autres 177 C'est l'opinion, par exemple, de Duff, Freedmen, p. 25actes de mancipation, de cinq témoins citoyens romains pubères et d'un «peseur», après avoir rédigé les tablettes 26, ou de Watson, Persons, p. 194 - cf. aussi, malgré des réserves, Treggiari, Freedmen, p. 27-28. portant le testament, mancipe à un tiers, de façon fictive, son π» Watson, Succession, p. 11-12. patrimoine». 183 Cf. Watson, Succession, p. 11-12. 179 Puisque, selon Gaius {Institutes, II, 103), il agissait en 184 IV, 24, 6 : «Je sais le cas d'un certain nombre (de tant qu'héritier unique et exécuteur des volontés de défunt. Dans ce cas les affranchissements d'esclaves ne pouvaient patrons) qui ont fait affranchir leurs esclaves après leur avoir lieu qu'inter vivos : les nouveaux affranchis avaient mort, afin qu'on puisse dire d'eux qu'ils étaient bons, alors qu'ils étaient morts, et que beaucoup d'individus portant leur donc comme patron le familiae emptor et non leur défunt maître. Sur ce point. Cf. Cosentini, Studi, I, p. 24-33. bonnet d'affranchi puissent suivre leurs obsèques; en fait, un 180 Cf. Käser, RPR, I, p. 93/4 - Watson, Succession, p. 40certain nombre de ceux qui prennent part à ces cortèges, ainsi qu'on l'a appris de gens bien informés, sont des malfai60.
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qui aurait tenu au désir des défunts de faire en sorte que leurs obsèques fussent suivies par leurs nouveaux affranchis couverts du pileiis™1. Par ailleurs, il n'est pas sûr que les citoyens accordant la liberté dans de telles conditions aient eu conscience de procéder à un véritable potlach186. En réalité, en dehors de cette commodité technique, nous aurons l'occasion, notamment en citant certains textes juridiques, de relever que beaucoup de raisons ont joué, depuis la volonté de pallier l'absence d'un fils, jusqu'à celle de faire payer ses dettes par un esclave. Enfin, au-delà des raisons pratiques qui pou vaient rendre difficile ou non souhaitable le recours aux procédures inter vivos qui requé raient la présence d'un magistrat, au moins de rang prétorien, il ne faut pas oublier les motifs psychologiques qui faisaient accorder par les citoyens Romains disposant de quelques biens, la plus grande importance à la rédaction de leur testament187, dont Cicéron188 fait un des él éments qui prouvent la survie post mortem. En ce qui concerne les modalités pratiques reliées à la manwnissio testamento, deux possibil ités étaient offertes : l'une répond à la volonté même du testateur et fait de l'esclave, immédia tementaprès la mort du maître ou à plus long terme, l'affranchi du défunt; l'autre fait interven ir, sous forme de fideicommis, la bonne volonté de l'héritier auquel il est demandé de libérer un esclave faisant partie de la succession. 1 - La libération directe Le véritable affranchissement par testament nous est décrit par les juristes de la fin de la
teurs à peine sortis de prison et ayant commis des crimes par milliers». "" Deux textes tardifs font allusion au port du pileus, l'un par les affranchis orcini (Inst., VII, 2, 10), l'autre, également, par les esclaves auxquels l'héritier devra donner la liberté (Inst., VII, 6, 1, 5) - Cf. Wlassak, Freilassungen, p. 373. 186 P. Veyne, Vie de Trimalcion, dans AESC, 1961, p. 213-247 (=Veyne, Trimalcion), p. 221. 187 Cf. Genzmer, Fideicommis, p. 320-5. 188 Tusc, 1, 31; Cf. aussi le cas de Caton l'Ancien dont un des trois plus grands regrets aurait été d'avoir vécu un jour entier sans testament (Plutarque, Cato Maior, 9, 6).
République et du Haut Empire comme donnant «directement la liberté» ou «la liberté directe», C'est l'opinion de Paul189, de Gaius et d'Ulpien190, selon qui l'affranchissement de l'esclave tire son origine de la volonté du testateur et se réalise sans le recours à un intermédiaire. D'ailleurs cette liberté, malgré des rapproche ments tardifs191, n'est pas un legs comme les autres, mais est liée intrinsèquement à la confec tion même du testament. Pour que la libération de l'esclave devienne effective, il faut que le testament per aes et libram192 contienne à son sujet des clauses répondant à un formulaire et des précisions juridiques très nets. C'est ainsi, que le droit de propriété (selon le ius Quiritium) du testateur, tant au moment de la rédaction du testament, qu'au moment de la mort doit être réel: ainsi, un esclave que l'on espère acquérir après la confection du testament, ou que l'on a donné en gage ou vendu depuis, n'entrent pas dans ce cas. D'où les précisions données par Servius193 (et qui sont maintenues sous l'Empire, ainsi que l'atteste par ailleurs Ulpien194). .
189 Cf. note 193. Cf. Modestin, D. 40.5.12.2. 190 «La liberté peut aussi être attribuée directement... celui qu'on a décidé de libérer directement...». Tit. ex corpore Ulpiani, II, 7 et 8 - Cf. Gaius, Inst., II, 267. 191 Ainsi chez Paul, D. L. 16.80. 192 Nous ne pouvons accepter la conjecture de Zulueta, Institutes, II, p. 87 et n. 3 (cf. Gaius, II, 101) qui estime que le testament comitial aurait pu contenir des dispositions en vue d'affranchir. En tout cas, et à en croire Cicéron, De Orat., I, 53, cette forme de testament semble être tombée en désuétu de vers le milieu du 2e siècle avant Jésus-Christ. Dans ce sens, Kaser, dans ZRG, 68, 1951, p. 578-9, qui suit Cosentini dans Iura, I, 1950, p. 532-9. 193 «Servius pensait que la liberté pouvait être donnée, par testament, aux esclaves qui, à la fois au moment où le testament était rédigé et lors de la mort du testateur, appar tenaient à ce dernier». D. 40.4.35. Paul 50 ad ed. Sur l'exégèse du texte, cf. Beseler, dans ZRG, LIV, 1934, p. 19, qui rattache l'utilisation de l'imparfait existimabat soit à un changement d'opinion de Servius, soit à l'indication (émondée) d'une opinion contraire. Pour le commentaire, Watson, Persons, p. 194-5. 194 Tit. ex corp. Vip., I, 23: «La liberté conforme au droit peut être accordée, par testament, aux esclaves qui, au moment de la rédaction du testament et à la mort du testateur, ont appartenu à ce dernier en vertu du droit quiritaire». Remarquons que, malgré la différence de nature, c'est la même exigence qui pèse sur l'auteur d'un legs «per vindicationem» (Watson, Succession, p. 123).
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afin d'éviter que les esclaves éventuellement Ainsi, l'expression serviis meus intervient dans le formulaire, alors que son absence entraî affranchis par le testament puissent échapper au ne la nullité de la disposition libératoire195 :volo tourment200· L'héritier contrevenant voyait l'hé Stichum esse liberum n'a aucun effet juridique, ritage passer à l'État. Si le détail de la mesure en particulier parce que Stichus peut être l'escla n'intéresse pas la fin de la République, l'impor ve d'un autre maître que le testateur. C'est ce tancecapitale reconnue à l'ouverture du test qui explique que, dans les testaments contenant ament est cependant à retenir. la libération d'esclaves, revienne, comme un lei Mais d'autres conditions doivent être respect tmotiv, la formule »l'esclave qui sera mien quand ées,afin que le testament puisse provoquer la je mourrai», ainsi : servus meus... cum moriar (D. libération de l'esclave. 33, 8, 14, Alf. Varus). Si Stichus et Dama mei servi Tout d'abord, il faut que chaque esclave soit in potestate mea erunt cum moriar (D. 32, 29, 4). individuellement nommé, du moins si l'on pense Si Andronicus servus meus... dederit (D. 40, 7, 29, que certaines dispositions indiquées pour l'épo 2, Pomp. 1 ad Q. Mue)196. queaugustéenne ont pu valoir déjà antérieure Cette nécessité d'appartenance au testateur ment : ainsi, selon Paul, dans son commentaire à au moment de sa mort, affirmée par Gaius197, la Lex Fufia Caninia201, et, déjà Gaius202, il vaut montre que c'est vraiment l'ouverture du test mieux désigner l'esclave par son propre sur ament qui représente le point de départ de la nom203, afin d'éviter toute erreur204. Mais il n'est pas sûr que la pratique républi liberté de l'esclave. Certes, la rédaction même est essentielle, mais c'est la mort du testateur caineait été, sur ce point, aussi «tatillonne» que qui représente la condition constitutive de la la législation augustéenne : ainsi, du fait qu'il n'y liberté198. a pas de numerus clausus applicable, les pres On pourrait en voir une preuve dans le fait criptions de la lex Fufia Caninia interdisant que la Lex Fabia (de plagiis), en vigueur au moins d'écrire, par exemple, le nom de plusieurs escla au premier siècle avant Jésus-Christ199 et qui vesà libérer, en cercle, sont inconnues205. D'auinterdit au maître d'affranchir avant dix ans l'e sclave puni pour enlèvement, fait partir ce délai, dans le cas d'un affranchissement testamentaire, 2DU Paul, Sentent., III, 5, 12: «Et même si l'assassin est non de la date de constitution du testament, ni identifié, il faut cependant faire subir la question à l'esemble de celle de la condamnation, mais du moment des esclaves, afin que l'on puisse retrouver l'instigateur du de la mort du testateur et donc de l'ouverture. crime». Une autre indication peut être tirée du S. C. Il semble qu'un passage de Rhet. ad Herenn., (1,14,24) Silanianum, daté de 10 après Jésus-Christ, et vise la situation antérieure au S. C. puisque l'affranchiss ement de l'esclave meurtrier de son maître est considéré concernant le cas d'un maître tué «par ses escla comme possible. ves» : tous les esclaves présents sur les lieux 201 «Les esclaves nommément désignés peuvent être devaient être soumis à la torture. Or le S. C. affranchis par testament, en vertu de la Loi Fufia». Sent., TV, faisait défense absolue d'ouvrir le testament du 14, 1. 202 «La liberté non plus ne peut être accordée à un indivi défunt et de procéder à Xaditio hereditatis, ceci du à l'identité incertaine, étant donné que la loi Fufia Caninia impose que les esclaves soient libérés s'ils ont été nommé mentdésignés» (Inst., II, 239). 2U1 Cf. Berger, Dictionnary, p. 597 (nominatim). 204 Malgré l'avis de D'Ors, Derecho Privado Romano, Pamws Dulf, Freedmen, p. 25-6. l% C'est la même précision que l'on trouve à propos des pelune, 1968, p. 252 n. 1, qui pense que si cet adverbe voulait legs d'esclaves : Attia iixor mea optato Philargyrum puerum, dire «par son nom», cela n'aurait aucun sens dans les formul Agatheam ancillam, qui mei erunt cum moriar D. 35.1.28 Paul, es testamentaires où il est question d'héritiers posthumes, et iuris epist; Alfeni dig. (cf. note 206). qui s'appuie notamment sur Gaius, Inst., II, 127. Mais just 197 II, 267: «Et nul ne peut acquérir directement, par ement n'y a-t-il pas de latitude lorsque dans le testament il s'agit d'individus vivants : car, au moins dans le cas d'escla testament, la liberté qu'à la condition d'avoir appartenu en vertu du droit quiritaire au testateur, tant lorsque celui-ci a ves, tous les textes juridiques que nous avons examinés et rédigé son testament qu'au moment où il est mort». datés de la fin de la République indiquent le nom de l'escla 198 Sur ce point, on peut accepter l'analyse de Cosentini, ve à libérer (Stichus). 2oï Prescriptions qui ont pour but de faire établir un ordre Studi, I, p. 35-36. '** A en croire Cicéron, Pro Rab., 3, 8. de préférence, au cas où il y aurait plus d'esclaves inscrits
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tre part, un exemple donné par Servius ou Alfenus Varus et cité par Paul laisse entendre que dans les cas d'homonymie, des confusions étaient possibles206 : la substitution d'une esclave à une autre n'a pas empêché - et cela du fait que les deux ancillae ont porté la même surnom, Servius ou Alfenus de reconnaître la validité de la disposition. Bien sûr, il s'agit d'un legs d'escla ve, mais de telles confusions pouvaient se pro duire dans le cas d'esclaves à affranchir. D'autre part, comme le reste du testament, la partie contenant l'indication de l'affranchiss ement doit être rédigée exclusivement en latin207. En troisième lieu, les noms des futurs affran chisdoivent êtres lisibles, sous peine d'annula tion : Q. Mucius Scaevola l'indique nettement208, tout comme Alfenus Varus209. L'étroite ressem blance des deux textes doit bien traduire l'unani mitéde la jurisprudence tardo-républicaine sur ce point. Ajoutons qu'un certain ordre, dans l'expres sion des volontés du testateur, doit être respect é : c'est ainsi que la mention de la libération d'un esclave doit précéder celle du legs dont, éventuellement, il est l'objet. Il semble que dans le cas d'une libération directe21?, ce point de qu'il n'était permis d'en libérer. Cf. Gaius, Inst., 1,46: «En effet, si la liberté est accordée par testament à des esclaves dont les noms sont écrits en cercle, étant donné qu'on ne peut établir aucun ordre de priorité, aucun de ces esclaves ne deviendra libre, parce que la Loi Fufia Caninia annule les actes qui sont accomplis en fraude d'elle-même. 206 «Qu' Attica mon épouse prenne Philargyrus mon jeune esclave et Agathe(a) ma servante qui seront en ma posses sionlorsque je mourrai»; celui qui avait rédigé ainsi son testament, vendit Agathe(a), qu'il possédait au moment de la confection du testament, et, par la suite, acheta des servant es; à l'une d'entre elles, il donna le nom d'Agathe(a). Il fut demandé si celle-ci faisait partie aussi du legs. (Alfenus) répondit qu'à son avis elle avait été léguée». D. 35,1,28,1, Pauli iuris epit. Alfeni dig. 207 Cette obligation de rédiger les testaments dans cette langue s'est maintenue jusqu'en 439 après Jésus-Christ! (cf. Watson, Succession, p. 12). 208 « Les dispositions testamentaires qui ont été rédigées de telle sorte qu'elles sont incompréhensibles, doivent être tenues pour n'avoir jamais été écrites» D. 50,17,73,3. 1W «Les dispositions testamentaires qui auraient été rédi gées de telle manière qu'on ne puisse en comprendre la signification n'ont pas plus de valeur que si elles n'avaient pas été rédigées; cependant, les autres dispositions conser ventleur propre valeur» D. 34,8,2, Alf. Varus 5 dig. 210 Dans le cas d'un affranchissement conditionnel, Trebatius et Labeo lient l'octroi du legs à l'accomplissement de la
forme n'ait pas eu grande importance, du moins aux yeux d'Alfenus Varus211. Par ailleurs, le nom de l'héritier doit apparaître en premier, sinon, l'affranchissement (ainsi que les legs) ne peut être validé; sur ce point, Gaius rappelle un prin cipe qui remonte à l'histoire «républicaine» du testament per aes et libram2n. Il est bien évident que la rédaction d'un test ament vise à instituer un (ou plusieurs héritiers) et il est normal que leur désignation précède toute autre disposition. Même à une époque où le favor libertatis est devenue de plus en plus manifeste, le manquement à cet antique précept e ne peut permettre les affranchissements pré vus. Ce formalisme213 se manifeste enfin dans le fait que la clause d'affranchissement doit, en principe214, utiliser deux expressions précises qui affirment, dans leur concision et le droit du défunt sur l'esclave à libérer et sa volonté de le voir accéder à la position d'un homme libre. Selon Gaius, ces deux formules sont : Stichus servus meus, liber esto ou Stichum servum meum liberum esse iubeo215. Or nous les retrouvons
condition (cf. D. 32.30.2 Labeo 2 post a Iavoleno epit). Nous aurons plus loin l'occasion de signaler ce texte. 211 «Quelqu'un avait rédigé cette disposition dans son te stament "que Pamphilus, mon esclave, reçoive, à ma mort, son pécule et devienne libre..." (Alfenus) répondit que, dans les dispositions conjointes, il n'y avait pas de priorité» D. 33,8,14. Alfenus Varus 5 dig. 212 «Que les legs auxquels on procède avant d'instituer un héritier, sont nuls, parce que les testaments tirent leur valeur de l'institution d'héritier et pour cette raison, l'institution d'un héritier doit être considérée comme le point essentiel et le fondement de tout le testament. Pour la même raison on ne peut procéder non plus à des libérations d'esclaves avant la désignation d'un héritier». Inst., 11,229-230. 213 Qui a dû se renforcer et se préciser lorsque la nuncupatio orale a été complétée par l'usage des tabulae cachetées. Cf. De Zulueta, Institutes, II, p. 90 (ad Gaium, II, p. 102). 214 Selon W. Buckland, A Textbook of Roman Law from Augustus to Justinian, 3e éd., Oxford, 1963, p. 74 (cf. aussi Käser, RPR, I, p. 101) la formulation devait être faite strict ement, alors que Watson, Succession, p. 21, pense que même Gaius IL 267, n'est pas décisif dans ce sens. 215 Inst., II, 267. Ulpien (Tit. ex corp. Ulpiani, 11,7) donne une troisième formule : Liberias et directo potest dari hoc modo : Liber esto, Liber sit, Liberum esse iubeo, il y aurait donc eu innovation depuis l'époque Antonine. Alors que Paul (Sent., IV, 14) ne signale qu'une expression, sans doute tou jours la plus courante à son époque Nominatim autem manumittere intellegitur hoc modo «Stichus liber esto».
LES FORMES D'AFFRANCHISSEMENT dans la jurisprudence de la fin de la République, liber esto2i6 apparaissant plus fréquemment, peut-être parce que cette tournure était aussi utilisée dans le cadre de la manumissio vindicta, et donc plus familière. En tout cas, c'est bien un iussum217, une volonté expresse, qui, pourvu qu'elle s'inscrive dans les formes juridiques prescrites, a, au-delà de la disparition de son auteur, une efficacité aussi grande que les pratiques impliquant la présence du maître. Dominus servum testamento manumiserat (D. 33, 8, 22, 1 Labeo 2 post, a Epit), qui testamento libertatem acceperunt (D. 40, 4, 39 Scaevola 23 dig.), si quis acceperit libertatem (D. 40, 7, 3, 12, Ulp. 27 ad Sab), liberari ex testamento (D. 40, 7, 39, 2, Jav. 4 ex post Labeonis). Toutes ces expressions émanent de commentaires posté rieurs mais traduisent bien cette force étonnante que prend, sur le plan du droit, une volonté qui a été mise en branle parfois de longue date, mais dont l'effet ne se traduit qu'après la disparition de celui qui l'a manifestée. Il est net qu'il s'agit plus que de la transmis sion d'un bien quelconque, puisqu'il y a transfor mation de l'esclave en homme libre et en citoyen, et que la place du patron n'est pas prise par l'héritier (même s'il s'agit du fils du défunt), mais qu'elle est conservée, par delà la tombe, par l'ancien maître. On peut donc imaginer que certains propriétaires d'esclaves aient pu, même s'ils étaient pourvus de descendants, recourir à
21ft Liber esto D. 33.8.14 Alf. Varus / D. 32.30.2. Labeo 2 post, a Iavoleno epit. / D. 40.7.39.4. Iavolenus 4 ex post. Labeoni / D. 32.29.4. Labeo 2 post a Iavoleno epit. (Liberi sunto à propos de 2 esclaves) / D. 28.5.21 pr. (Pomp., I ad Sab.) / D. 28.8.11. Javolenus, 4 ex post. Labeonis / D. 40.7.29.1 (Pomp. 14 ad Q. Mucium) / D. 40.7.39 pr. Iavolenus 4 ex post Labeon is / D. 40.7.39.1. Iavolenus, 4 ex post. Labeonis / D. 40.7.3.12 Ulp. 27 ad Sab. / D. 40.7.39.3. / D. 40.7.14.1 / D. 40.4.48 / Liberum esse iubeo:D. 35.1.40.3 (Iavol. 2 ex post. Labeonis) / D. 21.2.69.3. (Scaevola 2 quaest.) / D. 40.7.14 pr. Alf. Varus & dig. / D. 40.1.6. (Alf Varus 4 Dig.). 217 On peut supposer que, de même que le censeur vérif iait la réalité du iussum lors de l'affranchissement auquel on lui demandait de procéder, de même que dans la cérémonie de la manumissio vindicta le prêteur ou le magistrat compét ents'assurait du consentement du maître, à plus forte raison, en cas de contestation portant sur la libération de l'esclave le préteur devait chercher, à travers la correction du formulaire, à retrouver la volonté du maître défunt.
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un semblable procédé, qui leur permettait d'e scompter que leur affranchi conserverait la mémoire d'un bienfait dont ils avaient seuls la responsabilité. Ces affranchis sont donc des orcini liberti2™, selon la définition d'Ulpien219. C'est dire qu'ils sont affranchis du testateur défunt, contraire ment aux affranchis par fideicommis qui le sont de l'héritier, Gaius l'indique nettement220. Ce sont donc des affranchis d'une condition privilé giée,dans la mesure où ils sont exemptés de toute obligation réelle envers un patron, même s'ils conservent quelques devoirs envers l'éven tuelfils du testateur221. Le fait que, dans un certain nombre de cas leur pécule222 ou quelqu'autre bien223 ou somme ait pu leur être légué dans le même temps, montre qu'il s'agissait d'es claves jouissant de la considération de leur défunt patron. Il est à noter que le fait qu'un esclave puisse être institué héritier (et à plus forte raison s'il n'est que légataire) ne suffit pas, si la mention expresse de sa liberté n'est pas faite, à en faire un affranchi. C'est un empêchement qui a cours
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encore sous l'Empire, ainsi que l'atteste Gaius224. De même, la nomination de l'esclave comme tuteur, sans la mention de la liberté, ne semble pas avoir eu d'effet, et cela même sous l'Empire : selon Gaius, le tuteur continue à faire partie de l'héritage, donc demeure esclave225. Dans la pratique, pourtant, ce luxe de précaut ionsn'évite pas les contestations, le plus sou vent, il est vrai, au sujet des legs dont bénéfi cientles nouveaux affranchis, et dont prennent ombrage les héritiers, ou des obligations aux quelles ils sont soumis, mais parfois aussi à propos de leur libération. C'est d'ailleurs grâce à la jurisprudence, con servée dans le Digeste, que nous disposons d'une trentaine de textes, portant les sentences d'Alfenus Varus, Labeo, Q. Mucius Scaevola, Trebatius, essentiellement, et qui nous permettent et de penser que la manumissio testamento directe était un moyen très utilisé à la fin de la Républiq ue226(et donc un thème de controverses), mais
224 II, 186: «Mais l'esclave en question doit être à la fois désigné comme héritier et affranchi» - 187: «Car s'il est institué héritier sans avoir reçu la liberté». Si entre la constitution et l'ouverture du testament l'escla ve a été aliéné (Gaius, II, 187), il ne peut ni recevoir la liberté ni bénéficier de l'héritage. 2" Inst., II, 231 :« Labeo et Proculus sont d'avis qu'un tuteur peut être donné, parce que l'attribution d'un tuteur ne diminue en rien le montant de la succession». Cf. Kaser, RPR, I, p. 253. Et même Paul (Sentent., IV, 13, 3) interdit la libération par fideicommis du tuteur, même si la liberté est inscrite dans le testament: «quelqu'un, avait donné après sa mort, la liberté à ses esclaves, dans les termes suivant : «je veux qu'un tel et un tel deviennent libres et je les donne comme tuteurs à mes fils» - La liberté accordée en vertu d'un tel fideicommis ne peut être attribuée, car les mineurs, sans l'aval de leur tuteur, ne peuvent affranchir, et s'ils ont des tuteurs, ne peuvent s'en voir donner d'autre». 22(1 C'est à un affranchissement de cette sorte que fait allusion Horace (Sat., II, V. ν. 99-101) : «Lorsqu'il t'aura déli vré d'un long esclavage et d'un tourment prolongés, et que, sûr de ne pas rêver, tu auras bien entendu «qu'Ulysse soit mon héritier pour un quart»... L'épigraphie mentionne sans doute aussi de tels cas : ainsi CIL, I2, 1703 (=ILLRP, 825) isque familiam suam manwnisit et CILl2, 2131+2132 a, c, (=ILLRP, 947) où, sur un monument dédié par trois affranchis à leur patron, la formule Quod suis dédit apparel doit faire référence à une libération par testa ment.
aussi d'en saisir assez précisément les mécanis mes. En réalité, l'affranchissement direct par te stament pouvait être soit immédiat, soit différé. Il pouvait être immédiat, c'est-à-dire prendre effet à partir du moment où le testament était ouvert et l'acceptation par l'héritier accomplie. C'est évidemment le cas le plus favorable à l'e sclave : une huitaine d'indications entrent dans ce cas227. Mais cela ne veut pas dire que la libération soit automatique ni qu'il n'y ait aucune contesta tion à son sujet. Ainsi lorsqu'il est question228 d'un fils d'un premier lit, né après la répudiation de sa mère, et dont le père ignorait l'existence. Reconnu par sa mère et sa grand'mère maternell e après la mort de son père, il devient le legitimus hères de celui-ci. Le testament antérieur à la reconnaissance du fils, est nul: les affranchiss ements qui y sont prévus doivent-ils être annulés? La réponse de Scaevola est que si les affranchis sont restés en liberté pendant cinq ans, ils doi vent conserver leur statut229.
227 D. 33.8.14 (Alf. Varus) / D. 32.29.4 Labeo 2 post a Iavoleno epit. / D. 33.8.15 (Alf. Varus, 2 dig. a Paulo epit. / D. 33.8.22.1 Labeo 2 post, a Iavoleno epit. / D. 28.5.21 ρ r. (Pomponius I ad Sab.) / D. 35.1.40.3. Iavolen. 2 ex post. Labeonis / D. 40.1.6 Alg. Varus 4 dig. / D. 40.4.29 Scaevol a 23 Dig. 22S D. 40.4.29 (Scaevola, 23, Dig.). « Un homme avait répu dié son épouse enceinte, et s'était remarié. La première femme, après avoir accouché, exposa son fils; celui-ci, après avoir été recueilli, fut élevé par un tiers et fut appelé du nom de son père (nourricier); tant que vécut le père (naturel), celui-ci comme la mère ignoraient si leur fils étaient encore vivant. Après la mort du père (naturel), et l'ouverture de son testament (dans lequel le fils n'était ni exhédéré ni institué héritier), le fils fut reconnu par sa mère et sa grand-mère paternelle, de telle sorte qu'il reçût l'héritage de son père, ab intestat, en tant que fils légitime. On demanda (à Scaevola) si les esclaves dont la liberté avait été accordée par le test ament étaient libres ou esclaves. Il (Scaevola) répondit que le fils n'avait subi aucun préjudice si son père ne l'avait pas reconnu, et que, puisqu'il était sous la puissance d'un père qui ignorait son existence, le testament était nul. Quant aux esclaves affranchis, s'ils étaient demeurés au moins cinq ans en liberté, il apparaissait contraire au préjugé favorable à la liberté d'annuler la liberté qui leur avait été accordée une première fois». 229 Sur ce texte, voir le commentaire de Watson, Persons, p. 81-82.
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De même, il peut y avoir contestation, si le maître défunt a prévu une condition non pas positive, mais négative, à l'affranchissement. Ains i,le cas rapporté 28, 8, 11 (Iavolenus 4 ex post. Labeonis) : un testateur, qui avait un fils affran chi et qu'il avait institué héritier, décidait d'af franchir son esclave Dama, si lui-même n'avait aucun fils pubère. Or, au moment de la mort, l'affranchi était le seul fils (naturel) du père. D'où discussion sur le point de savoir si le terme filius, dans l'expression : si mihi filins nullus eût pouvait ou non englober le fils libertinus et donc si Dama devait être ou ne pas être affranchi. Trebatius pense qu'un affranchi peut être appelé fils, à l'encontre de Labeo : pour le premier, Dama devait donc rester esclave, pour le second, il pouvait être affranchi230. Signalons, d'ailleurs que, dans certains cas, cet affranchissement par testament pouvait être le résultat d'un pacte de liberté passé entre l'esclave et son maître231. Alfenus Varus signale le cas suivant : ayant passé avec son patron un pacte en vue de sa libération, un esclave avait payé la somme convenue; le maître, décédé avant de l'affranchir, avait inscrit sa libération dans son testament. Cette fois, la contestation ne porte que sur le legs du pécule232. Ce document peut nous conduire à nuancer la générosité dont les esclaves pouvaient
cier de la part de leurs défunts maîtres : que se serait-il passé si l'esclave n'avait pas figuré dans le testament? ou si le maître l'avait vendu ou donné en gage? Assurément, il eût gardé son statut. Inversement, il est vrai, un texte extrait de la Rhet ad Herenn, (1, 14, 24) et qui doit se rapport er à l'époque républicaine233, semble indiquer qu'un esclave meurtrier de son maître peut, en principe, s'il est couché sur le testament de ce dernier être affranchi234. Seule la mort infligée à l'esclave par le frère de la victime, réussit à empêcher l'affranchissement de se réaliser. Mais l'affranchissement de l'esclave, prévu par le testament, peut être différé, car lié à l'accomplissement d'une condicio positive; tant que cette condition n'est pas remplie, l'esclave est dit statuliber235. Sur ce point les définitions de Festus, de Gaius ou d'Ulpien236 peuvent être appliquées à la période républicaine. Mais dans ce cas encore, lorsque l'affranchissement inter vient, ce n'est pas le bénéficiaire de la condition (généralement l'héritier) qui devient patron: le patron est le maître défunt. Si bien que lorsque le statuliber est vendu par l'héritier, il doit deve nirlibre dès qu'il a accompli la condicio à laquell e sa liberté était subordonnée, mais cette fois-ci en faveur de son acquéreur. Ceci semble un principe acquis dés les origines mêmes de cette
-'" D. 28,8,1 1 : «Un homme, qui avait un fils de condition libertine, l'avait institué héritier; il avait ensuite rédigé (dans son testament) cette disposition: «Si je n'ai pas de fils qui devienne son propre tuteur, [qui soit majeur], alors que mon esclave Dama devienne libre». Ce fils était mineur et affran chi.La question était de savoir si Dama était libre [à la mort du testateur]. Trebatius répond négativement, car le terme de fils comprend aussi les affranchis. Labeo pense le contrair e, car sous cette appellation seul un fils légitime doit être compris. J'approuve la position prise par Trebatius, s'il est établi, cependant, que c'est bien de ce fils que veut parler le testateur». 211 Sur cette notion de pacte, cf. Gaius, D. 16, 1, 13 pr. Cf. Cuq, Institutions Juridiques, p. 369. 232 D. 40,1,6 (Alf. Varus, 4 dig.): «Un esclave avait passé une convention en vue de sa libération et avait versé à son maître la somme prévue. Le maître, avant d'avoir pu procé derà l'affranchissement, était mort et avait prévu, dans son testament, la libération de l'esclave, auquel il avait légué son pécule. L'esclave demandait si l'argent qu'il avait versé à son maître en vue de sa libération devait lui être remboursé par les héritiers du patron ou non».
2U 1,14,24 : C'est l'opinion de Watson, Persons, p. 195. Nous la justifions par le fait que, dans ce cas, il n'est pas fait allusion aux dispositions prévues par le S. C. Silanianunt : il ne peut donc s'agir que d'un exemple remontant à la période antérieure a 10 après Jésus-Christ. 2U «Quelle légèreté montrée par ce personnage qui mit à mort un esclave qui avait tué son maître, et dont lui-même était le frère, avant d'ouvrir les tablettes du testament dans lequel l'affranchissement de cet esclave était indiqué!». 21i Sur ce thème, voir la contribution capitale de Watson, Persons, p. 201-207. Cf. G. Donatuti, Lo statulibero (Fondazione Castelli XIX), Milan, 1940, 333 p. (= Donatuti, Statulibero) sur d'éventuels rapport avec le monde gréco-oriental, cf. Lamb ert, Operae, p. 63-64. 216 Festus «On appelle statuliber l'esclave dont l'affranchi ssement a été prévu par testament sous une condition bien précisée» s.v. Gaius, Inst., II, 200 «du statuliber, c'est-a-dire de l'esclave dont l'affranchissement a été prévu par testament». Ulpien, (Tit ex corpore Vip., II, I) «Celui dont la liberté, sous condition, a été prévue par testament, est appelé statuliber».
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institution, origines qui se situent dans les XII Tables237, à suivre Ulpien238 ou Modestin239. Que la position du statuliber ait été, en droit et en fait, celle d'un esclave par rapport à l'héritier, on ne peut en douter. C'est ainsi que l'héritier a tous les droits sur son pécule. L'esclave ne peut pas utiliser pour se libérer la somme qui lui a été confiée par l'héri tierpour faire du commerce; ni Trebatius, ni Labeo ne semblent distinguer cette somme du pécule240. Par ailleurs, un autre texte (qui incidemment semble reconnaître au statuliber le droit de sou tenir son bon droit aiebat), montre que c'est au service de l'héritier qu'il doit accomplir ses operae 241 D'autre part, le statuliber peut être l'objet d'un legs de la part de l'héritier du maître : dans 237 Peut-être la tabula VI, 1, d'après Warmington (édit. Loeb.). 238 «Si la liberté d'un esclave a été prévue dans ces termes: «s'il donne 10.000 (sesterces)», et si cet esclave a été aliéné par l'héritier, il pourra devenir libre en payant à celui qui l'a acheté la somme prévue». Tit. ex corp. Ulpiani, II, 4. 239 « Les lois des XII Tables ont prévu que les statuliberi pouvaient être vendus» ad Dig. 40, 7, 25. Ce rôle des XII Tables est confirmé par Pomponius Dig., 40, 7, 29, 1 : Lex XII Tabulanim emptionis verbo omnem alienationem complexa. Sur ce thème voir, notamment, M. Käser, Das altrömische lus, Göttingen 1949, p. 160-1. Mais la tradition ne paraît pas très assurée à G. Voci, Diritto ereditario romano, I, Milan, 1960, p. 73. 240 D. 40,7,39,2 (Iavol. 4 ex post. Labeonis : «Si l'héritier a donné à l'esclave une somme afin qu'il fasse des affaires, (cet esclave, s'il est) statuliber, ne peut, en lui payant cette même somme, accéder à la liberté en application du testament. C'est ce qu'ont répondu Labeo et Trebatius, parce que ce faisant, il apparaît qu'il (l'esclave) rend plus qu'il ne donne (à l'héritier) ». Modestin adopte une position plus nuancée : «Je pense, pour ma part, que si cette somme appartient au pécule, le statuliber, en application du testament, doit devenir libre». 241 D. 40,7, 14 pr. Alf. Varus, 4 dig. :«Un esclave dont le maître, par testament, et à la condition qu'il donnerait une somme de 10 à l'héritier, avait décidé la libération, versait régulièrement de l'argent à l'héritier en remplacement de ses services. Comme l'héritier avait reçu, du fait de ces verse ments, plus de 10, l'esclave prétendait être libre; c'est sur ce point que portait la consultation. Il (Alfenus) répondit que l'esclave ne lui paraissait pas devoir être libre; en effet, ce n'était pas pour payer sa liberté, mais en remplacement de ses services qu'il avait versé cet argent et il n'en était pas plus libre pour cela que s'il avait géré un domaine pour le compte de son maître et s'il avait versé à celui-ci les revenus de ce domaine».
ce cas la condicio doit être remplie auprès de l'héritier de l'héritier (cf. D. 31, 11, pr. Lab. Pomp Statuliberum ab herede legatimi). Même sous l'Empire, Ulpien le décrit à plu sieurs reprises comme l'esclave de l'héritier242. S'il s'agit d'une femme, son «fruit» appartient à l'héritier243. Il peut être livré noxalement, sans perdre sa possibilité d'atteindre la liberté244. Enfin, comme tous les esclaves, il peut être tor turé, notamment en cas d'adultère245. Nul doute que ces dernières contraintes aient pesé sur le statuliber à l'époque républicaine. Soulignons cependant, que la jurisprudence de la fin de la République reconnaît implicit ement au statuliber une originalité par rapport à l'esclave normal, c'est qu'il peut attendre sa liberté non du bon plaisir de l'héritier, mais d'une condition définitivement fixée et que rien ni personne ne peut aggraver246. En tout cas, la clause suspensive de la liberté est toujours d'ordre économique et en faveur de l'héritier. Il peut s'agir : du versement d'une som me247 ou d'une prestation de services : rester
242 Tit. ex corpore Ulpiani, II, 2 : «Le statuliber aussi long temps que la condition n'est pas remplie, demeure l'esclave del'héritier». (D. 40.7.9. pr. Ulp.) «Nul ne peut ignorer que le statuliber, dans l'intervalle (entre l'acceptation de l'héritage et l'accom plissement de la condition), est l'esclave de l'héritier». (D. 10.2.12. § 2 Ulp.): «au statuliber... qui pendant ce temps appartient aux héritiers». 243 «Tout enfant auquel une statulibera donne le jour devient l'esclave de l'héritier» D. 40,7,16 Ulp. 244 « C'est pourquoi il pourra être donné en gage, mais même après avoir été ainsi donné il pourra conserver son espoir d'être libéré». D. 40, 7,9 pr. Ulp. 28 ad Sab. 245 D. 48, 5,28,10 Ulp. 3 de adult. Sed et si servus sit, cui statuta (libertas) speratur, torqueri eum posse magis est (cf. D. 48, 18, 8,1 Paul 2 de adult.). (D'une façon générale, en ce qui concerne les peines, le statuliber est donc la situation d'un esclave jusqu'à Antonin le Pieux. 246 Ce n'est que sous l'Empire que la notion de spes libertatis, appliquée au statuliber est clairement définie et affirmée (M. Bartosek, Spes en droit Romain, dans RIDA, II, 1949 (Mélanges De Visscher, I), p. 19-64 - p. 32-37. 247 «Si Stichus donne une somme de 1000 à Attia, qu'il soit libre» D. 40,7,39,4 / «Si Andronicus, mon esclave, donne une somme de 10 à mon héritier, qu'il soit libre» D. 40,7,29,1 / «Quoi donc, celui qui doit donner une somme de 10» / «S'il a été prescrit qu'un esclave donne (la somme prévue) dans les 30 jours suivant la mort du testateur...» D. 40,7,3,11 / «Si la liberté a été donnée a un esclave dans les termes suivants :
LES FORMES D'AFFRANCHISSEMENT deux ans au service de l'héritier248 ou fournir ses operae pendant sept ans249, toujours en faveur de l'héritier, thème qui revient à deux reprises dans le Digeste. Dans ce cas, on demande au statuliber d'être simplement «au service de l'héritier»; l'obligation est moins lourde que celle qui pèse sur les statuliberi qui outre les operae doivent fournir de l'argent. Que ces versements en espèces ou presta tionsen nature concernent exclusivement l'héri tierressort de la consultation de Trebatius à propos de la volonté, libellée de façon un peu obscure, d'un testateur. Pour Trebatius250, cela ne veut pas dire que, dès que l'esclave dispose de la somme indiquée, il sera libre (comme si le maître défunt avait voulu l'inciter à faire des économies), mais que la condition ne sera remp lie, donc la liberté accordée, que lorsque cette somme aura été payée à l'héritier251. Bien sûr, rien n'empêche l'héritier de consi dérer que le statuliber n'a pas à remplir la condicio, alors celui-ci peut devenir libre252. Mais, inversement (et ce devait être le cas le plus fréquent), l'héritier pouvait tenter de profiter de la situation. Les cas d'abus sont assez clairs : ainsi, l'heres peut exagérer la somme que le statuliber doit payer. Il est par exemple question d'un héritier qui, pour ven dre plus cher l'esclave, prétend que celui-ci doit ver-
« lorsqu'il sera en mesure de verser une somme de 10...» D. 40,7,3,12 - cf. D. 40,7,39,2 / «Un esclave qui, en application d'une disposition du testament de son maître «quand il aura donné 10 à l'héritier». D. 40,7,14, pr. 24!<«Si Stichus reste au service de mon héritier pendant deux ans, qu'il devienne libre». D. 32,30,2 Labeo 2 post a Iavoleno epit. 249 Pour Staerman, Bhitez.eit, p. 147, l'institution du staluliber serait à mettre en rapport avec le désir d'intéresser les esclaves à leur travail. Des dispositions de ce genre iraient assez dans le sens de cette interprétation. 2S" «Trebatius déclare, que, pourvu qu'il dispose de la somme de 10 ou qu'il soit en mesure d'acquérir et de conserver un pécule d'une valeur égale, il parviendra a la liberté mais à la condition exclusive qu'il donne ou qu'il n'ait pas dépendu de lui qu'il n'ait pas versé cette somme...». D. 40,7,3,12, Ulp. 37 ad Sab. -M On peut utiliser le texte de Pomponius, D. 40.7.8. pr. qui affirme qu'au cas où le bénéficiaire de la candido n'est pas indiqué, il ne peut s'agir que de l'héritier - cf. Watson, Persons, p. 215. 2S2 Cf. D. 40.7.3.2. Ulp. 27 ad Sab., Texte très interpolé, mais interprété dans ce sens par Watson, ibid., p. 204-208 qui fait le point sur les principales tentatives de reconstitution.
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ser vingt et non dix253. Il est révélateur que la dispute signalée porte sur le dommage subi par l'acheteur et non sur le tort causé à l'esclave . . . D'ailleurs la posi tion de Servius, qui a prévalu, a consisté à écarter Yactio auctoritaris qui aurait consisté à faire payer au vendeur le double du prix mentionné dans la mancipatio, et à ne retenir que Yactio ex empto2h*. L'héritier pouvait encore refuser de payer ou de faire payer par un tiers au statuliber qui a reçu le legs de son pécule, une somme due au pécule par le maître ou le tiers en question. Dans ce cas, Servius et Labeo établissent la responsabilité de l'héritier dans la mora libertatis supportée par l'esclave et Servius pense que celui-ci doit parvenir à la liberté : en effet, c'est par son pécule que le statuliber doit payer sa liberté. Sa capacité à remplir la condicio est limitée par l'attitude de Yheres255. Un autre exemple de «réticence» manifesté par un héritier à l'égard de la libération d'un statuliber: d'après Trebatius et Labeo, dans le cas où la condicio consiste dans le paiement d'une somme dans les tren tejours suivant la mort du maître, ce n'est que si l'héritier hésite de mauvaise foi à accepter l'hérita ge256,qu'est refusée la possibilité de reporter le paie ment, et donc l'affranchissement, dans les trente jours suivant l'aditio hereditatis. Mais on ne voit pas dans quelles conditions des sanctions pouvaient être infl igées, ni même la mauvaise foi reconnue257.
2i'«Quoi donc, ne ment-on pas en ce qui concerne la condicio lorsque l'on prétend que (le statuliber) qui doit payer 10 devrait payer 20»? D. 21,2,69,3 (Scaevola 2 quaest.). 2i4 Sur «l'ingénuité» relative du texte et la subtilité de l'argumentation de Servius, voir Watson, Obligations, p. 7578. 2" Texte qui a été jugé interpolé et qui a fait l'objet de nombreuses tentatives de reconstitution. Mais pour l'essent iel, Watson, (Persons, p. 204-208), le juge digne de confiance. Nous l'utiliserons plus loin, lorsque nous examinerons la notion de favor libertatis (chapitre III). 2^ Ce texte confirme bien que le moment capital ou se place, en fait et en droit, l'émergence de la liberté, c'est celui de Yaditio hereditatis. Dès lors que celle-ci a eu lieu, la liberté ne dépend plus que de l'accomplissement de la condicio imposée au statuliber. Cf. D. 40, 7,9,3 Ulp. 28 ad Sab.: «La condition imposée au statuliber est immuable, à la seule condition que l'héritage ait été accepté par l'héritier». (Voir Donatuti, Statulibero, p. 78-80). 2" «Dans le cas ou un esclave s'est vu imposer de donner a l'héritier (la somme prévue pour sa libération) dans les 30 jours suivant la mort du testateur, et ou l'héritier a accepté l'héritage une fois ce délai passé, Trebatius et Labeo sont d'avis que, si c'est de bonne foi que l'héritier a tardé, l'escla ve accède a la liberté a la condition de payer a ce dernier (la somme convenue) dans les 30 jours suivant l'acceptation de l'héritage : cet avis me parait tout à fait juste. Mais que se
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En tout cas, cet exemple, par la rapidité du délai qu'il indique, nous fait sentir l'une des raison d'être essentielles de ce type de libération : éviter que l'héri tier,du fait de la libération directe d'un esclave qui faisant partie du patrimoine du défunt mais n'a pas été légué, soit lésé. Mais, en dehors de la mauvaise foi de l'héri tier, d'autres empêchements à la libération de l'esclave pouvaient intervenir. Ainsi, l'esclave peut apparaître comme une sorte de «provision» destinée à garantir les intérêts de l'héritier tant que la sitution financière du défunt n'est pas éclaircie258, mais la suite du commentaire laisse place à la mauvaise volonté de l'héritier259. Or, une fois encore, les juristes de l'époque Républi caine ne font pas entrer dans le champ de leurs considérations l'intérêt de l'esclave qu'éventuel lement l'héritier, en apportant du retard à l'apuration des comptes, peut léser, mais celui des créanciers (envers lesquels Stichus peut servir de gage) et de l'héritier (dont la responsabilité auprès des créanciers n'intervient donc qu'après que l'esclave, éventuellement, ait été gagé ou donné en paiement). Dans ces conditions, le cas le plus favorable, évidemment, est celui où l'héritier prévu meurt avant le testateur. Que devient la clause pré voyant la liberté d'un esclave, lorsque l'héritière étant morte, le testateur décède à son tour? Sur ce point, les avis divergent : si Attia est morte avant la confection du testament, il n'est pas question de liberté; par contre, si elle est morte après, la libération de l'esclave doit avoir lieu.
passe-t-il si ce relard est imputable a la mauvaise volonté de l'héritier? Est-ce que pour ce motif, l'esclave parvient a la liberté des que l'héritage a été accepte? Et qu'arrive-t-il s'il n'est plus en possession de la somme nécessaire, après l'acceptation de l'héritage, alors qu'il la possédait (dans le délai de 30 jours)? Mais dans ce cas, la condition semble remplie étant donné que ce n'est pas par sa faute qu'il n'a pas été en mesure de la remplir». D. 40,7,3,1 1. -"«Que Stichus soit libre lorsque l'argent qui m'est du aura été payé ou que satisfaction aura été donnée a mes créanciers». D. 40,7,39,1 (lavol., 4 ex post. Labeonis). 2î'«Bien que l'héritier ait été manifestement en mesure de présenter du repondant, Labeo et Olilius lurent d'a\is que Stichus ne deviendrait pas libre avant que les créanciers ou bien aient reçu assez d'argent ou bien aient pris des sûre tés».
Alors que Labeo et Ofilius refusent la possibilité d'affranchissement dans les deux cas260. Toutes ces controverses nous permettent d'entrevoir la lourdeur relative de ces testa ments, que l'on ne modifiait pas à loisir; d'où des contestations possibles au moment de leur ouverture; d'autre part, cette procédure d'affra nchissement direct mais différé est destinée à léser le moins possible l'héritier et, bien souvent, le sort de l'esclave est lié, sinon en droit, du moins en fait, au bon vouloir de celui-ci261. C'est ce qui fait que, bien que la volonté du mort soit intangible (condicio immutabilis est)262, et que le statuliber soit appelé à devenir l'affran chi du défunt, ce type de libération soumise à délai pouvait se rapprocher dans la réalité, de l'affranchissement en vertu d'un fideicommis. Et il n'était sans doute pas rare que des maladress es de rédaction aient pu faire hésiter les Veteres sur le point de savoir si tel esclave, dont la liberté était prévue dans le testament de leur maître, devait être considéré, à la mort de ce dernier comme un statuliber ou comme un escla vefaisant l'objet d'un legs particulier. Ainsi, le cas suivant : Stichum Attio do lego, et si is ei nummos centum dederit, liber esto263. La difficulté
-w'«Si Stichus donne mille (pieces) a Attia, qu'il soit libre». Allia décéda alors que le testateur vivait encore Labeo et Ofilius lurent d'avis que Stichus ne pouvait devenir libre. Trebatius était du même avis, si Attia était morte avant la redaction du testament. Si elle était morte après, (Stichus), selon lui, devait devenir libre». Naturellement la position de Trebatius apparaît plus con forme aux idéaux de l'époque impériale: «L'avis de Labeo et d'Ofilius ne manque pas de fondements, mais nous interpré tons le droit de maniere a ce que cet esclave, en application du testament, soit libre». D. 40,7,39,4. Voir le commentaire de C. Cosentini, Condicio impossibilis, Milan, 1952 p. 110-2 - cf. aussi Buckland, Slavery, p. 488-9. :M C'est ce que semble sous-entendre la deuxième partie de la définition donnée par Festus (s.v. statuliber): «Et si l'héritier est responsable du fait que le statuliber ne soit pas en mesure de fournir ce qu'il doit fournir, celui-ci n'en est pas moins libre». Bien sur, la fin de la phrase fait écho a la jurisprudence de l'époque impériale, qui a mieux fait respec ter les droits de la personne et donc de la liberté, mais le début du texte signale bien la possibilité de fait, dont dispos aitl'héritier, de gêner l'accomplissement de la condicio. ÎM Cf. D. XL. 7.9.3., Ulp, 28 ad Sab., cite a la note 256. :m «Je donne et je lègue Stichus à Attius et s'il donne 100 (pieces) a celui-ci, qu'il soit libre». D. 40,7,39 pr. Iavolenus 4 ex post. Labeonis.
LES FORMES D'AFFRANCHISSEMENT réside dans le fait, que normalement, le statuli ber est, jusqu'à son affranchissement, un esclave de l'héritier et non d'un légataire quelconque. Q. Mucius, Gallus et Labeo pensent que, malgré tout, Stichus doit être classé dans la catégorie des statuliberi, alors que Servius et son élève Ofilius sont d'un avis contraire264. Mais avant de parler de la manumission en application d'un fideicommis, il n'est pas inutile de rappeler que la liberté d'affranchir directe ment,par testament n'était pas totale, même au premier siècle avant Jésus-Christ. En effet, on pense toujours, selon la doctrine courante, que c'est la lex Fufia Caninia qui aurait, la première dans la série des lois restrictives de la période augustéenne, mis un coup d'arrêt à des habitu des trop larges d'affranchissement. Et cette loi, datée de 2 avant Jésus-Christ, est habituellement présentée comme conservatrice, voire réactionn aire265. Que la loi ait eu une valeur limitative, c'est évident, mais essentiellement en ce qui concerne les familiae les plus importantes; pour les autres, moins de dix esclaves, la proportion des affranchissements autorisés est assez large. En fait, ce sont les affranchissements massifs qui sont visés. Nous pouvons penser que cette loi n'est pas sans précédent. En effet, dans le premier tiers -"* «Labeo pense que si l'esclave, en application du test ament a donné la somme à Attius, l'héritier ne peut la récl amer pour lui, parce que Attius a reçu cet argent de son propre esclave et non d'un esclave appartenant à l'héritier. Mais Quintus Mucius, Gallus et Labeo lui-même pensent qu'il (l'esclave) est statuliber, alors que Servius et Ofilius sont d'un avis opposé. J'approuve la première position, à cette nuance près que l'esclave appartient à l'héritier et non au légataire, vu que l'existence du statuliber suprime celle du legs». Malgré la concision du passage, on peut penser que l'attitude négative de Servius et Ofilius doit se fonder sur l'argument avancé après eux par Labeo, a savoir que Stichus étant l'objet d'un legs, il n'est pas l'esclave de l'héritier et donc ne peut être considéré dans la position du statuliber, ce qui a la lettre, semble raisonnable. On ignore sur quoi reposait la conviction inverse de Q. Mucius et Gallus. Mais on peut imaginer que Labeo, qui avait pourtant cerné la difficulté, a voulu favoriser la liberté, dans la mesure, peutêtre, où elle correspondait à la volonté du testateur et où le vesement prévu d'une somme par l'esclave, était de nature à ne pas léser les intérêts du légataire. 26S«Ce fut d'abord la manumissio ex testamento qui fut visée, car la plus nuisible» (Duff, Freedmen, p. 31-2).
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du second siècle avant notre ère (sans doute entre 204, date de la Lex Ciucia, et 169, date de la Lex Voconia)266, fut votée une Lex Furia Testa mentaria interdisant d'accepter des legs d'une valeur de plus de mille as267. Or, selon Gaius268, dans le cadre des XII Tables, et jusqu'au vote de la lex Furia, il était possible de multiplier legs et affranchissements directs, aux dépens des héri tiers qui, souvent, n'avaient d'autre ressource que de refuser un héritage sans réalité. Malheureusement, on ne voit pas en quoi la loi empêche la pratique large des affranchisse ments, à moins d'assimiler la liberté à un legs (mais Gaius lui-même distingue bien legatis atque libertatibus)269 . Et les textes que nous avons déjà eu l'occasion d'examiner semblent indiquer que la loi n'a pas empêche le legs de leur pécule à un certain nombre d'esclaves privilégiés. D'autre part, à supposer que la situation péni ble des héritiers n'ait pas été grossie par Gaius270, qu'advenait-il des statuliberi lorsque les héritiers refusaient l'héritage? Dans ce cas, et à cette époque, les dispositions de la Lex XII Tab. devaient jouer (V, 4) qui renvoyaient l'héritage, en cas de défection des sui heredes (enfants et femme in manu), au plus proche agnat. Et dans cette familia figure bien l'esclave à libérer sous condicio271. En fait, l'ensemble des § 224 à 228 du livre II de Gaius est composé autour du thème de la dilapidation des patrimoines : ce que cet auteur
2(1(1 Cf. Rotondi, Leges publicae, p. 282-283. 267 Watson, Succession, p. 163-4 - Kaser, RPR, I2, p. 629 et n. 2. Un avis différent est exquissé par Wesel, Über den Zusammenhang der lex Furia, Voconia und Falcidia, dans ZRG, 81, 1964, p. 310 η. 2. 2Μ Inst., II, 224: «Mais autrefois il était certes permis de dilapider tout un patrimoine par des legs ou des affranchi ssementset de ne rien laisser à l'héritier que le vain nom d'héritier. La loi des XII Tables semblait le permettre ... c'est pourquoi les héritiers désignés s'abstenaient de la succession et il en résultait que la majorité (des citoyens) mouraient intestats». 269 Et de toute façon 1000 as ou 100 deniers ne représenter aient pas le prix d'un esclave digne de la liberté, donc sortant de l'ordinaire et pourvu de quelque qualification. 270 Watson, Succession, p. 163-7 pense que Gaius exagère. 271 «S'il meurt intestat et s'il n'a pas d'héritier interne, que l'agnat le plus proche recueille sa famille et ses biens. S'il n'a pas d'agnat, que les membres de sa gens recueillent sa famille et ses biens».
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dit de la Lex Furia (§ 225), puis de la Lex Voconia, datée de 169 avant notre ère, et enfin de la Lex Falcidia (§ 227) de 40 avant Jésus-Christ272, con cerne les legs. Le § 228 envisage les mesures prises dans le domaine des manumissions test amentaires : In libertatibus quoque dandis nimiam licentiam conpescuit Lex Fufia Caninia. Cette der nière loi prendrait donc la suite d'une série de mesures, sans doute inefficaces273, étalées sur plus d'un siècle et demi, et visant à préserver la situation des héritiers et à garantir les patrimoin es. Même s'il y a un effort de reconstruction, de la part de Gaius, et même si cette belle continuit é est due à un artifice de professeur, ce fait n'est peut-être pas à négliger274. Il y aurait peutêtre, par conséquent, trop de facilité à ne voir dans la Lex que le reflet d'une volonté délibérée de diminuer le nombre des affranchissements, alors que des préoccupations d'ordre économi que et fiscal ont sans doute joué un rôle déter minant. 2 - La liberté par fideicommis Mais, à la fin de la République, une autre forme d'affranchissement, liée à une volonté tes272 Watson, Succession, p. 170-2 qui relève le texte d'Appien BC, V, 67 signalant la corrélation vraisemblable existant entre cette loi et l'établissement d'une taxe pesant sur la possession d'esclaves et le successions. Cette loi aurait-elle eu pour effet d'encourager les affranchissements soit inter vivos, soit surtout, les affranchissements directs par test ament (alors que les transferts d'esclaves à l'héritier pou vaient être frappés)? C'est loin d'être assuré. 273 «En matière d'affranchissements (testamentaires) la loi Fufia Caninia empêche aussi une licence excessive». Nous avons sans doute un exemple d'affranchissement de l'ensemble d'une familia (dont malheureusement nous ne pouvons connaître l'importance) dans l'inscription CIL, I2, 1703 = ILLRP, 825 (Venouse) : isque familiam suam manumisit (Et A. Degrassi a sans doute raison de citer à ce propos un passage du Satiricon (71) où il est question pour Trimalcion de libérer tous ses esclaves omnes illos in testamento meo manumittd). Cependant le personnage célébré sur l'épitaphe en tant qu'auteur de cette largesse est lui-même un affran chi : faut-il donc, éventuellement, inclure dans cette familia sa famille naturelle? 274 II est à noter qu'au livre I, 42-4, dans l'exposé des motifs de la loi, Gaius ne dit rien des autres raisons qui auraient éventuellement présidé à sa rédaction. Pour lui, l'explication «patrimoniale» semblerait donc la seule, ou, du moins, la plus importante.
tamentaire, mais d'une efficacité différente sur le plan du droit et de la pratique, s'est développée, à savoir la libération d'esclave en application d'un fideicommis215. Il s'agit à l'origine, et en fonction même de la lourdeur relative de la procédure testamentaire, d'un usage qui s'est répandu surtout à partir du début du second siècle avant Jésus-Christ276, usa ges'intégrant dans ce que Cicéron appelait les commendationes morientium277 , c'est-à-dire des volontés exprimées in extremis, et pour lesquell es il n'était pas nécessaire (ou, peut-être plus temps) de recommencer la rédaction du test ament; leur application était confiée par le «futur défunt» à la fides d'un tiers et, plus précisément à la pietas de l'héritier ou d'un légataire. Or, cette recommandation qui se faisait dans n'importe quels termes278, tend à être intégrée dans le testament, sans doute pour qu'elle acquierre une certaine publicité, le mort ne s'en remettant pas seulement au sens moral de l'héri tierou légataire. Mais en même temps, cette procédure justifie son autonomie dans la mesure où le testateur voulait que l'esclave désigné devînt l'affranchi de l'héritier ou légataire et donc cherchait à ménager au mieux les intérêts de ces derniers. Cependant, à la fin de la République, les fideicommissa restent sans force juridique et peut-être sans beaucoup d'application pratique. Dans un passage du Code de Justinien279, le caractère facultatif des fideicommis est nett ement souligné; la voluntas qui s'exprime à leur
275 Sur la question, à côté de Kaser, RPR, I2, p. 630-1 et des études de détail signalées dans le cours de l'exposé, il faut signaler deux contributions capitales : E. Genzmer, La genèse du fideicommis comme institution juridique, dans RHDF, XL (1962), p. 319-350 (= Genzmer, Fideicommis) et Watson, The Early History of fideicommissa, dans Index I, p. 178-183 (= Succession, p. 35-39). 276 Même si nos sources sont surtout datables du premier siècle avant Jésus-Christ, cf. Genzmer, (Fideicommis, p. 331). 277 De Finib., III, 20, 65. 278 Ce n'est que sous l'Empire qu'une formule précise fut instituée. D. 36.1.20.2 a te peto, Sei, uti tu Stichum manumitteres : dedi unde faceres. 274 «II faut savoir qu'à l'origine tous les fideicommis étaient sans valeur ... et on les a appelé ainsi fideicommis parce que leur valeur n'était liée à aucune exigence d'ordre juridique, mais seulement aux sentiments d'honneur de ceux qui étaient ainsi sollicités» 2,23,1.
LES FORMES D'AFFRANCHISSEMENT occasion n'est pas celle du testateur, mais celle de l'héritier qui ne peut être contraint280. Autre ment dit, un testateur ne pouvait, dans le cadre de cette formule, forcer celui auquel il transmett rait un esclave à l'affranchir. Il n'était pas possi blede sauvegarder les droits économiques du nouveau maître, liés à l'utilisation de l'esclave, et d'être assuré que l'esclave parviendrait, cepend ant,à la liberté. En fait, le système du statuliber était le moins impropre à réaliser ce double (et contradictoire) impératif. Et il est remarquable que le droit prétorien ne soit pas du tout (sous la République) préoccupé de cette question281. De toute façon, dans le cas où l'affranchiss ement recommandé par le mort est réalisé, le patron n'est pas, comme dans la véritable manumissio testamento, le défunt, mais le propriétaire (par héritage ou legs) de l'esclave, qui ne peut le libérer qu'inter vivos (ou éventuellement, à son tour, par testament)282. Quelques documents attestent l'existence de cette procédure; ainsi, dans unne'texte repris par Pomponi us283, le terme condicio doit pas faire illusion, il ne s'agit pas d'un véritable affranchissement condit ionnel284, mais bien d'un véritable fideicommis (hères esse iussus erat, que Pomponius, conformément au
2SÜ Cf. aussi les deux cas rapportés par Cicéron : au sujet de la succession de P. Sextilius Rufus (De finibus, II, 17, 55) et de celle de P. Trebonius (Verr., I, 123-124); dans cette dernière affaire, seul l'affranchi du défunt accepte de suivre la volonté de celui-ci. 1M Cf. Genzmer, Fideicommis, p. 343/8. M2 Cf. Gaius, Institutes, II, 263-7, notamment). Sous l'Empir e, l'idèe s'est peu à peu imposée que le fideicommissaire n'est pas appauvri en libérant un esclave dont, à l'origine, il n'avait pas la propriété. Cf. J. Michel, Gratuité en droit romain, Bruxelles, s. d., p. 1634. 285 D. 35,1,6,1, (Pompon. 3 ad Sabin.) :« Quelqu'un devait hériter à condition d'affranchir des esclaves déterminés. Cer tains d'entre eux étant morts antérieurement (à la mort du testateur), Neratius répondit que la condition n'était pas valide et il ne pensait pas qu'il fût en mesure de se soumett re ou non à la condition. Mais Servius répondit, à propos d'un cas où le testament portait "si ma fille et ma mère sont vivantes" et où la seconde était morte, que la condition était valide. On retrouve la même position dans l'œuvre de Labeo. Sabinus et Cassius sont d'avis que de telles conditions figu rant dans un testament et impossibles à réaliser devaient être considérées comme n'ayant pas été édictées; c'est à cet avis qu'il faut se ranger». 284 Cf. Watson, Succession, p. 102-104. Cosentini, Condicio, p. 128-9.
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droit de son temps285 exprime sous forme d'obligat ion), qui est à la charge de l'héritier. Dans ce cas, on peut penser que ce dernier a voulu donner une justif ication juridique à son refus; et il a argué la disparition d'un des esclaves avant l'ouverture du testament pour expliquer sa position (que ni Servius, ni Labeo n'ap prouvent, d'ailleurs)286. Un autre texte287, qui offre de grandes difficultés, notament parce que Pomponius se laisse quelque peu emporter par les vues de son époque sur le caractère obligatoire du fideicommis (narn in omnibus fere eausis fideicommissas libertates pro directo datis habandas2SS, écrit-il dans le cours du commentaire, souli gnant ainsi la confusion qui s'est opérée, au Haut Empire, entre deux pratiques juridiques encore sépa rées sous la République), tendrait à laisser entendre que dès l'époque d'Ofilius (fin République ou tout début de l'Empire289), les fideicommis auraient un caractère obligatoire. Ceci est inacceptable. D'autre part, la mention d'une condicio, positive cette fois, nous laisse entendre une fois de plus, que l'institution, qui relève encore du fait, et non du droit, n'est pas conçue, dans son mécanisme, d'une façon très nette. On doit peut-être en conclure que les fide icommis ayant pour but la libération d'un esclave ne devaient pas être aussi répandus que certains auteurs l'ont affirmé290. Ce qui est certain, c'est qu'Auguste, le pre mier ayant été chargé par L. Lentulus, mort durant son proconsulat en Afrique, en 4 après Jésus-Christ, d'un fideicommis, aurait, sur les cons eils de Trebatius, accepté d'appliquer les désirs
285 Cf. O. Gradenwitz, Libertatem imponere, dans ZRG, 1902, p. 337-347. 286 C'est avec raison que Watson, Succession, p. 103, rap proche la position de Servius et Labeo de celle de Tubero dans un texte déjà signalé (D. 32.29.4 Labeo, 2 post a Iavoleno epit.), alors que Labeo concluait en sens contraire. (Ce qui confirme bien que les juristes de la fin de la République jugeaient chaque cas indépendamment des autres). 257 «Mais dans le cas d'un esclave auquel la liberté est donnée, sous une condition, par fideicommis, ... Ofilius disait que si le testateur avait donné la liberté par fideicommis afin d'éviter de procéder à un legs, cette conclusion était justifiée. Mais par contre si le légataire apportait la preuve que l'héritier avait été chargé par le testateur, la contrevaleur (de l'esclave) ne devait pas moins être versée au légataire (par l'héritier)». D. 40,4,40,1 Pomp. 5 ex Plautio. 258 « Car dans presque tous les cas, les libérations accomp liesen vertu d'un fideicommis, doivent être considérées comme ayant été accordées directement» (par le testateur). 289 Watson, Persons, p. 195/6. 2W Ainsi, Duff, Freedmen, p. 31-2, à contre sens.
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du mort et préparé la voie à la reconnaissance juridique de ce type de volonté291. 291 Cf. C. J. 2. 23 pr. 1 Postea primus Divus Augustus... iussit consulibus auctoritatem suam imponere... tantusque favor eorum factus est, ut paulatim etiam praetor proprius crearetur qui fideicommissis iudiceret, quem fideicommissarium appellabant (cf. aussi C. J. 2. 25. pr. Ante Augusti tempora, constat ius codicillorum non fuisse). Cf. Watson, Succession, p. 38-9 - cf. De Zulueta, Institutes, II, p. 114 (à II, 25). En fait ce n'est que sous Néron par le S. C. Trebellianum que les fideicommissa furent transformés en institution juridi que(cf. Genzmer, Fideicommis, p. 344-9).
Le début de l'ère chrétienne a donc marqué, dans ce domaine, le point de départ d'une amél ioration qui n'a pu que profiter aux esclaves que leur maître ne voulait pas libérer inter vivos et dont il voulait qu'ils deviennent les affranchis de son héritier. Mais auparavant, la libération d'un esclave en vertu d'un fideicommis reste très aléatoire; et si elle se produit, elle est beaucoup moins avanta geuse, pour le nouvel affranchi, que la véritable manumission par testament, puisqu'il est soumis aux droits d'un patron vivant.
APPENDICE
L'ADOPTION D'UN ESCLAVE
C'est là une question délicate, qui avait été étudiée de façon minutieuse par Wlassack, au début de ce siècle1 et qui a donné lieu à de nombreuses discus sions, avant de recevoir à nouveau un traitement complet de la part d'A. Watson2. Le dossier est fort mince, car il se réduit, en fait à deux textes qui ne sont même pas d'époque républi caine. Le premier est d'Aulu Gelle3. La conclusion de Wlassack, qui n'utilisait que les deux dernières phra sesdu passage, était que, à n'en pas douter (iuris veteris auctores), un maître pouvait faire adopter son esclave par un tiers, au cours d'une cérémonie prési déepar le préteur; dans le cadre de celle-ci, adoptio et manumissio vindicta étaient réduites à une vindicatio4
' M. Wlassak, Die prätorischen Freilassungen, dans ZRG, (26), 1905, (= Wlassak, Freilassungen), p. 385-390. 2 Persons, p. 90-98. Peu de chose dans Kaser, RPR, I2, p. 59-60 qui repousse cependant, et à juste raison, la thèse de S. Perozzi, (Problemi di origini I, Manomissione dei servi, dans Scritti Giuria., Ill, Milan 1948, p. 438-9) pour qui l'esclave pouvait être adopté, à l'époque ancienne, dans le cadre d'un testament comitial (calatis comitiis). Malgré un titre prometteur (Problemas de la adopcion de uno esciavo, dans RIDA, 3e sér., XIV, 1967, p. 247-262), l'étude d'A. Calonge n'apporte aucune vue personnelle sur le problè me (= Calonge, Adopcion). 3 « Mais les affranchis peuvent même être adoptés, con formément au droit, par des ingénus, ainsi que Masurius Sabinus l'a écrit. Mais il déclare qu'il n'est pas permis, et il pense qu'il ne faut jamais permettre, que des hommes appar tenant à l'ordre des affranchis puissent, par le biais de l'adoption, s'arroger les droits des ingénus. Par ailleurs, si l'on conserve cette antiquité juridique, même un esclave peut être adopté, sous l'autorité du prêteur, par son maître. Selon (Masurius), beaucoup de juristes anciens ont attesté cette possibilité» ΝA, V, XIX, 11-14. 4 Dans ce sens, cf. Bonfante, Corso, I, p. 17-18.
simple, le maître jouant le rôle d'adsertor libertatis5; attribution de la liberté et établissement de la puis sance paternelle auraient donc été concomitants. Le deuxième texte est tiré des Institutes de Justinien6. Cette fois-ci, il s'agit de l'adoption d'un esclave par le maître lui-même (le pluriel servi laisse du reste enten drequ'il ne s'agit pas d'un cas exceptionnel). Dans ce cas, le maître procède à une mancipatio de l'esclave en faveur d'un tiers, un ami, puis, comme dans le pre mier cas, revendique l'esclave comme son fils pro pre7. En tout cas, et contrairement à ce que pensait, par exemple, W. Buckland8, il ne peut y avoir, dans le cadre du deuxième texte, d'adrogatio, celle-ci ne pou vant concerner qu'un sui iuris, un affranchi à la rigueur; or libération et adoption ne sont pas disso ciées ici. Sans entrer dans trop de détails (en particulier nous n'avons pas à discuter les subtilités d'A. Watson concernant la reductio ad absurdutn dans le premier texte ou au sujet de Masurius Sabinus), nous pouvons dégager les quelques éléments suivants. Sous la République, et peut-être jusqu'au début du premier siècle avant Jésus-Christ au plus tard (Cicéron ne cite pas ce quatrième moyen d'affranchisse-
5 Wlassack, Freilassungen, p. 387. 6 « La tradition rapporte que Caton a écrit justement que les esclaves, par le fait même d'être adoptés par leurs maît res, deviennent libres. Quant à nous, informés de ceci, nous avons décidé dans notre constitution que l'esclave, que devant magistrat le maître aura désigné pour fils, est libre, bien que ceci ne suffise pas pour qu'il bénéficie de tous les droits attachés à un fils» 1, 11, 12. 7 Cf. Wlassack, -Freilassungen, p. 387-9 et Bonfante, Corso, I, p. 17-18 sont d'accord sur ce schéma. 8 Textbook, p. 127.
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ment)9, l'adoption a pu constituer une forme de manumission implicite, du moins tant que le principe juridique selon lequel l'adopté recevait le statut juridi quede l'adoptant fut maintenu. Par la suite (avant l'époque cicéronienne?), ce principe ayant été aban donné, l'esclave ne pouvait plus être adopté, (un citoyen ne pouvant pas exercer sa patria potestas sur un non-Romain). D'autre part, rien n'empêchait de procéder, dans le cas d'une adoption par le maître même de l'esclave, à une in iure cessio, sans avoir à manciper l'esclave à un ami, mais en présence de cet ami (figurant l'opposant fictif à Yactio). Mais si l'on accepte se schéma, et notamment la date de disparition de ce type d'adoption10, on peut encore souligner qu'il n'est peut-être pas suffisant de rejeter le texte et la «paraphrase» de Théophile" dans une simple note, comme le font la plupart des auteurs. En effet, selon cet auteur, les Veteres auraient affirmé que Caton12 pensait que l'adoption n'avait pas de valeur juridique, dans le cas d'un esclave, car elle ne pouvait concerner que des individus libres, mais, que, cependant, elle avait pour résultat (et résultat unique) de rendre l'esclave libre, donc affranchi. Or ceci n'est absolument pas contradictoire avec C. J. I, 11, 12 servi si a domino adoptati sint, ex hoc ipso posse liberari13 : l'intention d'adopter aurait été ramenée à une volonté tacite d'affranchir, sans qu'elle débouchât sur la création d'une nouvelle paternité. Dans ce cas, l'adoption comme moyen d'affranchissement aurait pu survivre à l'adoption de l'esclave ayant plein effet. D'autre part, si l'adoption d'un esclave par un tiers avait été si facile qu'il suffît de passer devant le
9 G. Impallomeni, La manomissione mortis causa, Milan, 1963, p. 22 suppose que l'adoption de l'esclave par la maître a peut-être disparu à partir de l'époque des Catons. 10 Cf. Calonge, Adopcion. "Cf. texte latin d'O. Reitz, I, fol 120, cité par Calonge, Adopcion, p. 246. 12 II s'agit de Caton le fils du Censeur. Cf. Calonge, ibid., p. 247. 13 Nous ne pouvons accepter totalement la lecture de Calonge, {ibid., p. 246) à propos de la fin du passage : « à l'époque de Justinien, la nominano filii réalisée par le maître de l'esclave, actis intervenientibus, ne suffit pas pour octroyer la position de fils à l'esclave - ad ius filii accipiendum non sufficit - mais pour lui concéder la liberté : ex hoc ipse posse liberari. Or, cette dernière expression fait corps avec le reste de la citation et se rapporte bien au raisonnement tenu par Caton. Après quoi, unde et nos, in nostra constitutione etiam tradui sentla position de Justinien.
préteur pour y procéder, quelle utilité l'adrogatio d'un affranchi aurait-elle eue? Pourquoi aurait-on dédoublé un processus qui aurait pu se limiter à une seule opération? Et si l'on pouvait, au moins jusqu'à une certaine époque, donner à un tiers un esclave afin de l'adopter, pourquoi les affranchis n'auraient-ils pu être adrogati que par leur seul patron14. N'y aurait-il pas là l'indication que Xadrogatio liberti, bien attestée nous le savons, à l'époque étudiée, n'a pas pris le relai de Yadoptio servi? Il ne faut peut-être pas négliger les indications contenues dans plusieurs passages de Plaute15 qui pourraient être l'écho d'une pratique relativement courante au tournant des troisième et second siècles. Mais on remarquera qu'il s'agit, à chaque fois, de l'adoption d'esclaves qui étaient nés libres. L'interpré tation reste donc conjecturale. Pour nous, il semble donc que dans ce dossier très difficile et sommaire16, il ne puisse y avoir de certitu de ni sur les procédures mises en œuvre, ni sur la date de disparition de cette iuris antiquitas dont parle Aulu Gelle. Peut-être l'adoption de l'esclave par son maître a-t-elle été abandonnée dès la première moitié du second siècle17. Et doit-on dire qu'elle a été relayée par Xadrogatio dont Masurius Sabinus dit qu'elle est, à son époque, possible (au début du premier siècle après Jésus-Christ)? Elles ont en commun le souci, sans doute, de pallier l'absence de fils légitime, à moins qu'elles répondent au souci de légitimer un fils naturel18.
14 Cf. Watson, {Persons, p. 93, η. 2). " Menaechmi, ν. 60-2 / Poenuliis ν. 75-77 / ibid. 119/ 120 etc.. 16 La thèse de Bergmann, Beiträge zum römischen Adopt ionrecht, Lund-Leipzig 1912, p. 121-4 qui pense que jusqu'au deuxième siècle avant Jésus-Christ, Vadoptio servi englobe Yadoptio liberti, car il n'aurait pas existé d'opposition réelle entre les deux statuts (dans le cas où l'affranchi avait encore son patron), nous semble séduisante, mais méconnaît le fossé qui, au plan juridique, sépare les deux statuts et oublie que les liberti, parce que sui iuris, ne peuvent faire l'objet d'une adoptio, mais d'une adrogatio (contrairement à ce qui devait être le cas à propos des esclaves). 17 La doctrine de S. Perozzi, {Problemi di origini, I, Manom issione dei servi, dans Scrìtti Giuria, III, Milan, 1948, p. 509-510), qui pense qu'à l'origine la manumission n'est pas autre chose qu'une adoption, est commode mais inacceptab le. 18 Mais il ne faut peut-être pas surestimer ce genre de motif. D. 28.8.11 (Iavolenus 4 ex post. Labeonis), déjà expli quéà propos de l'affranchissement par testament, nous don nel'exemple d'un fils naturel, affranchi, institué héritier et, qui, pour autant n'est pas adrogatus.
LES FORMES D'AFFRANCHISSEMENT Quant à l'adoption par un tiers, elle a pu durer un peu plus longtemps et le fait que Cicéron19 n'en dise rien, n'est peut-être pas contraignant; mais ce silence est malgré tout une incitation à penser qu'à la fin de la République il s'agissait là d'un «fossile» juridique. En tout cas, sous l'Empire, une telle procédure d'adoption, ou même d'affranchissement n'est pas
19 Notamment dans Top., II, 10.
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attestée20. Et il est peu douteux, vu le peu de traces qu'elle a laissé dans la littérature juridique, qu'elle ait joué un faible rôle à Rome.
20 Cf. E. Volterra, Novissimo Digesto Italiano, I, 1, Turin 1957, p. 287-8. Staerman, {Blütezeit, p. 176) a sans doute rai son de lier la disparition de cette procédure à celle des rapports patriarcaux réglés par le vieux droit sacré. Il y aurait un rapprochement à faire avec la définition plus stricte des gentiles que donne Cicéron, écartant les affranchis.
CHAPITRE II
LA LIMITATION DE LA «VOLUNTAS DOMINI» : MODES PARTICULIERS D'AFFRANCHISSEMENT ET INTERVENTION DE L'ÉTAT
I - MODES PARTICULIERS D'AFFRANCHISSEMENT 1 - L'affranchissement de l'esclave commun A en croire les témoignages épigraphiques abondants (sur lesquels nous reviendrons dans le chapitre IV), les patronages multiples exercés sur un affranchi, et donc la possession puis la libération d'esclaves communs représentent une donnée, d'ordre notamment juridique, que l'on ne saurait négliger1. Or, concernant les aspects juridiques de la manumissio de tels esclaves, deux textes nous permettent, dans une certaine mesure de juger l'évolution accomplie entre la deuxième guerre Punique et l'avènement de l'Empire. Le premier document émane de Gaius2, et prend place dans le commentaire que celui-ci 1 La jurisprudence de la fin de la République rend bien compte de cette importance prise par la possession (et l'aliénation) d'esclaves communs. Plusieurs textes essentiels en font foi: D. 24.1.38 Alf. Varus 3 Dig a Paulo epit: don d'esclave par un servus communis à la femme d'un des deux maîtres / D. 10.3.27 Paul lib. 3 epit quaestio reconnue à l'un des propriétaires d'un esclave commun / D. 10.3.26 Alf. Var. 2 Dig.: sur le thème de la blessure reçue par un esclave commun alors qu'il travaillait chez l'un des propriétaires / D. 33.8.22. 1 Labeo 2 post, a Iavoleno epit: esclave commun d'un maître et de l'esclave de ce dernier, légué après la mort du premier. 2 Instit., III, traduction de l'édition donnée par J. Reinach, CUF, 1965, p. 122. 154 a. «Mais il est un autre genre de société propre aux citoyens romains. Jadis, en effet, lorsque le chef de famille
consacre à la notion de societas. Après avoir évoque la societas de type consensuel, il nous fait donc connaître3 ce qui a été sans doute la plus ancienne forme de société, ce que les juristes ont appelé consortium4 ou encore, comme Gaius, société ercto non cito5 qui pouvait être contrac tée soit «naturellement» à la mort du paterfamil ias, soit à la suite d'une intervention du préteur. Ce genre de société indivise est renvoyé à une antiquité certaine par Gaius (olim) et il s'agit d'une forme juridique révolue en son temps6.
venait à mourir, il existait entre ses héritiers (internes), une sorte de société à la fois légale et naturelle, qui s'appelait ercto non cito, c'est à dire fondée sur l'indivision de la propriété (erctum signifie en effet propriété, d'où vient le mot erus désignant le propriétaire; ciere veut dire diviser, c'est pourquoi nous utilisons aussi à ce sujet les termes partager et diviser)». 154 b. «Les autres (personnes) qui voulaient fonder une société de ce type pouvaient y parvenir en demandant au préteur l'application d'une certaine action de la loi. Dans cette société entre frères ou entre individus qui, à l'image d'une société fraternelle, fondaient une société d'internes, il y avait ceci de caractéristique que . . . même si un seul des sociétaires affranchissait un esclave commun, il le rendait libre et procurait à tous un affranchi ... ». 3 Sur la bibliographie concernant ces deux paragraphes, ne figurant pas dans le manuscrit de Vérone, cf. De Zulueta, Institutes, II, p. 174-8. 4 Cf. De Zulueta, Ibid., p. 175. Cf. J. Gaudemet, Les com munautés familiales, Paris, 1963 (= Gaudemet, Communautés), p. 63-83, p. 71/2 notamment. 5 Sur les essais d'étymologie de Gaius, cf. De Zulueta, Ibid., p. 175/6. 6 L'emploi du présent, à la fin du § 154 a été lié au seul souci pédagogique de l'auteur (dans ce sens Gaudemet, Com munautés, p. 75/6).
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Les juristes modernes s'accordent d'ailleurs à penser que la disparition progressive a commenc é au troisième ou au début du second siècle, au moment où l'évolution des données économi ques a suscité la naissance et le développement de la société consensuelle7. C'est donc au début de la période que nous étudions qu'il y a eu effacement de ce type de propriété commune. Or qu'il ait été réalisé selon l'un ou l'autre cas prévu aux § 154 a et b du livre III de Gaius, le consortium apparaît remarquable à ce dernier en ce qu'il donne la possibilité à l'un des socii, quel qu'il soit, d'affranchir régulièrement l'esclave commun (manumittendo liberum faciebat, dit Gaius avec quelque insistance) qui devenait ainsi l'affranchi de tous les sociis. Ceci convenait à une époque où la vie communautaire était enco re forte et où, sans doute aussi, l'attachement de l'affranchi à l'égard du groupe limitait ses possi bilités d'indépendance9. Or l'évolution de la notion (et de la pratique) de societas a laissé, à la fin de la République, le champ libre à des controverses portant sur les droits respectifs de chaque socius à libérer l'e sclave commun et sur les modes mêmes d'affra nchissement. Un texte mentionnant un avis de Servius10 confirme que l'affranchissement d'un esclave commun est alors possible, à condition que les socii, les co-propriétaires manifestent leur volonté de libérer ce dernier. Dans le cas signalé, l'affranchissement devait se faire en deux temps : 1) Une libération par testament liée à une condition,
7 Watson, Obligations, p. 126 parle du troisième siècle, Gaudemet, Communautés, p. 77, de la fin du troisième siècle (en dehors des campagnes) et De Zulueta, Institutes II, p. 178, du deuxième siècle. 8 «Chaque membre du groupe avait (donc) un pouvoir de disposition sur le tout ... et ... à l'inverse ses acquisitions étaient faites au profit de tous». 9 Cf. Kaser, RPR2, I, p. 87-8 et 477. 10 Commentaire rapide de Watson, Persons, p. 196, p. 235. D. 40, 4, 48, Papin. 10 Quaest. : «Si un associé, par testament, a accordé la liberté (à un esclave commun) dans ces termes "que Pamphilus, si mon associé l'affranchit, soit libre", Ser vius a répondu que si l'associé accomplit l'affranchissement, l'esclave devient l'affranchi commun de la famille (du défunt?) et de celui qui l'a affranchi. Il n'y a rien de nouveau ni d'inconnu dans le fait que la liberté soit accordée en vertu de formes juridiques diverses à un esclave commun».
2) la manumissio par le socius survivant, selon sans doute une procédure inter vivos. Ceci tendrait à confirmer la thèse de M. Bretone", selon laquelle l'esclave commun ne pouv ait, en droit classique, parvenir à la liberté (si l'un des socii manifestait par testament sa volont é d'affranchir) qu'à la condition que «parvenu dans le dominium exclusif de l'autre propriétair e, il fût, à son tour, affranchi par ce dernier»12. A en croire cet auteur, le texte cité viserait un cas d'application du tus adcrescendi (sur la natu re duquel, sous l'Empire, Proculiens et Sabiniens ont émis des avis divergents)13 : l'un des maîtres ayant renoncé à ses droits, l'autre, devenu pro priétaire, a tout loisir de libérer l'esclave. Mais il y a une difficulté: si la tournure affirmative du texte indique bien que vario ture veut dire que, dans le cas où il y a eu testament, l'affranchissement ne peut valoir que par un autre mode d'affranchissement (donc inter vivos), la mention du patronage, auquel l'esclave affranchi est soumis, rend perplexe. Dans la log ique de la thèse de Bretone, le propriétaire survi vant aurait dû être le seul patron. Or, le texte dit bien : socio manumittente, communem fieri libertum familiae atque manumissoris. De quelle familia s'agit-il? Probablement, celle du propriétaire défunt, mais par quelle voie? Il faut peut-être prendre en considération la formulation du te stament {Pamphilus si eum socius manumiserit, liber esto). La comparaison faite avec les textes cités au sujet de l'affranchissement par test ament, pourrait faire penser à une forme de manumissio directe, destinée à faire de l'esclave Pamphilus un orcinus libertus. Mais pour qu'une telle possibilité puisse être réalisée, il faut nous l'avons vu, que le défunt soit le seul propriétaire de l'esclave au moment où le testament est ouvert, ce qui n'est pas le cas ici. Il y a donc
11 Servus communis, Contributo alla storia della comprop rietàromana in età classica, Pubi, della Fac. Giurid. dellVniv. di Napoli, XXX, 1958, (= Bretone, Servus Communis), p. 145. 12 Ce qui excluerait, par exemple, que l'esclave soit affran chi simultanément par les deux testaments de ses copropriét aires (cf. p. 145). 13 Cf. J. Macqueron, La controverse classique sur le «ins adcrescendi» en matière d'affranchissement, dans RHDF, 4° sér. 8, 1929, p. 580-600 (= Macqueron, Controverse), p. 595-600.
LA LIMITATION DE LA «VOLUNTAS DOMINI. contradiction entre la situation juridique de l'e sclave et la voluntas du socitis défunt. En fait, il ne peut s'agir que d'un fideicommis. Dans le cas où le sociiis survivant est d'ac cord, Servius (qui a pu, à l'occasion, prendre des positions favorables à la liberté)14 a peut-être pensé tenir compte du droit (c'est-à-dire que l'affranchissement n'étant pas effectif à la mort du premier sociiis, l'esclave est passé à ses héri tiers - familia) et de la voluntas et du défunt et du socius survivant: pour lui l'affranchissement est possible et le nouveau libertus l'est pour moitié du socius survivant, qui l'a réellement libéré, et pour l'autre moitié du (ou des) héritier(s) du défunt. Il reste que la nature de la condition imposée par le testateur, qu'il n'est pas dans la possibilité de l'esclave de remplir, enlève tout caractère impératif au liber esto cité. Dans ce mécanisme un peu particulier, il y a, en fait, substitution de l'héritier au défunt. Il n'y a donc pas de place faite à un «accroissement» quelconque en faveur du socius survivant qui n'est devenu ni seul propriétaire, ni patron unique de l'esclave com mun15. C'est sans doute par la vindicte6 mais l'in scription au cens n'est pas totalement à exclure17 qu'un tel esclave peut, dans ces conditions, deve niraffranchi commun selon les normes régulièr es. Il est à noter que le droit classique18 stipule bien que si l'un des socii renonce par affranchi ssement à son droit de propriété, le ius adcrescendi joue en faveur de l'autre (ou des autres) socius (n)19. Et il est évident que, même à l'époque classi que, l'affranchissement informel, par exemple inter amicos, pratiqué par l'un des socii n'a aucun effet ni sur le statut de l'esclave, ni sur les droits
14 Cf. D. 35.1.6.1. Pomp. lib. 3 ad Sab. - D. 33.8.14. Alf. Varus lib 5° Dig. 15 Selon Macqueron, Loccit., p. 582, «le fideicommis de liberté ne peut, à lui seul, provoquer un accroissement». 16 Malgré les difficultés qu'imposerait la présence de plu sieurs maîtres lors de la cérémonie (cf. Bretone, Servus Communis, p. 146-8). 17 Ibid., p. 148, n. 32. 18Ulp., I, lS-PaulIV.12.1. 19 Même, semble-t-il, en dehors des procédures «inter vivos» (cf. Gaius, ïnst., II, 7, 4).
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de tous les socii, y compris de celui qui a affran chi officieusement20. Tout ceci tient au fait que les principes qui avaient présidé à l'établissement de l'antique consortium avaient été remplacés dans le cadre de la societas par consensus, par des considérat ions nouvelles : désormais, et dès la fin de la République, chaque dominus sans être propriét aire d'une part de l'esclave commun, participe à la possession générale en proportion des droits qu'il a acquis. Ce type de propriété ne peut convenir qu'à des groupements d'intérêt et est de nature à éviter toute initiative individuelle d'un des socii, ainsi qu'un affranchissement. En tout cas, la situation évoquée par D. 40, 4, 48, Papinian. 10 Quaest. apparaît à Gaius comme encore actuelle (Neque enim novum aut incognitum) ainsi que l'utilisation du présent dans le dernier membre de phrase le laisse entendre. 2 - L'affranchissement de l'esclave d'une femme Nous sources, notamment épigraphiques21, nous donnent la preuve que le nombre des affranchis qui devaient leur libération à une femme, était relativement important. Mais cette capacité d'affranchir, reconnue aux femmes, n'était pas totale et celles-ci voyaient leur volunt as,dans ce domaine, guidée ou supplantée même par un certain nombre de personnages, dont la prééminence juridique leur était impos ée : tuteur ou mari, éventuellement. L'intervention des tuteurs, en matière d'a f ranchis ement, est attestée par un passage où Cicéron, fustigeant les actes de Claudia, déclare qu'en affranchissant ses esclaves, elle a été, pour une fois, en accord avec les siens. Les termes sententia, utilisé deux fois, et auctoritas souli gnent bien la responsabilité dominante jouée par les tuteurs de Claudia (qui d'ailleurs sont, en l'occurrence, des cognati) : dans ce domaine, l'inï-
20 Fr. Dosith., 10 «Un esclave commun affranchi par un seul des associés ne parvient pas à la liberté et devient entièrement l'esclave de son autre maître en vertu du droit d'accroissement ». 21 Nous les évoquerons dans le chapitre IV, à propos de l'indication du patron dans la nomenclature de l'affranchi.
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LE LIEN PATRON-AFFRANCHI : FONDEMENTS ET EXPRESSION
dative d'une femme sous tutelle, eût-elle la personalité d'une Claudia, passe au second plan22. Simplement, pour se manifester, Γ« autorité» des tuteurs doit être liée à un avis unanime de ceux-ci (ce qu'exprime sans doute le pluriel sententiis). Ces indications cicéroniennes sont confir mées par le texte de la loi d'Urso, d'époque césarienne23, dans le chapitre qui définit les for malités auxquelles devaient être soumis les affranchissements auxquels voudraient procéder les colons. Le rapprochement que l'on peut faire entre les textes de Cicéron et de la Lex, à propos de Yauctoritas tutoris laisse bien entendre que ce précepte n'a pas été inventé à l'époque césarien ne, mais est bien antérieur. C'est encore à Cicéron que nous devons un texte affirmant la prééminence du mari dans l'utilisation de la dot, et dans le cas d'un mariage cum manu, il semble que le mari avait toute latitude pour disposer des esclaves dotaux et, éventuellement, les affranchir24.
22 « Pourtant les esclaves en question, c'est sur l'avis des cognats (de Claudia), hommes de la plus brillante noblesse, qu'ils ont été affranchis. Enfin nous découvrons un acte dont on peut affirmer que cette femme l'a accompli sur la déci sion et sous l'autorité de ses proches, qui sont des gens d'une haute distinction» Pro Caelio, 68. Sur le rôle des tuteurs par rapport aux femmes, cf. par exemple, Watson, Persons, p. 146-154. N'oublions pas que cette tutelle peut jouer en dehors du mari, dans le cas d'un mariage sine manu (cf. Cicéron, Pro Fiacco, 34, 84 Nihil potest de tutela legttimi nisi «omnium tutorum auctoritate» deminui, passage qui reprend les termes du § 68 du Pro Caelio, déjà cité). Cette tutelle sur la femme joue à plus forte raison, lors qu'il s'agit d'affranchies soumises à la tutelle légitime de leur patron. Celui-ci, pour mieux contrôler leur pécule pouvait les empêcher de libérer leurs propres esclaves. Inversement, la femme ayant plusieurs enfants pouvait, dans certains cas, échapper à cette tutelle (cf. Watson, Persons, p. 147). 23 Cf. A. D'ors, Epigrafia Juridica de la Espana Romana, Madrid 1953, p. 241-2. (= D'ors, Epigrafia Juridica). CVIII. « Si quelque colon . . . affranchit un esclave qui lui appartient de telle sorte que celui-ci passe de la servitude à la condition d'homme libre, à condition qu'aucun mineur ou qu'aucun femme non mariée ou mariée n'affranchisse sans l'aval de son tuteur». uTop., 4, 23: «Quand une femme passe sous l'autorité légale d'un mari, tout ce qui a appartenu à la femme devient propriété du mari, sous l'appellation de dot». Sur ce point, rien dans Watson, Persons, où pourtant un chapitre (p. 56-76)
C'est, cependant, à partir de l'étude de la législation augustéenne que nous pouvons es sayer de mieux cerner la question, et en particul ier à l'aide de la Lex Julia et Papia. Il apparaît, en effet, que celle-ci a donné une extension nou velle à Yactio rei uxoriae déjà connue sous la République25 mais qui, semble-t-il, ne concernait pas les esclaves dotaux affranchis par le mari. On peut penser que cette loi a reconnu à la femme le droit de réclamer les acquis reçus par le mari en tant que patron, du fait de l'affra nchissement de l'esclave dotal; que l'obligation était indépendante des intentions de la femme au regard de son mari quand il avait procédé à la manumission26; et enfin que Yactio, qui doit intervenir soluto matrimonio, est indépendante de l'absence de la femme lors de la cérémonie de l'affranchissement. Mais en aucun cas la manumissio n'est remise en cause et la position du mari, en tant que patronus, n'est pas, sur le plan juridique, enta mée, même si, le mariage étant rompu, il doit restituer ce qu'il a acquis par, et depuis, l'affra nchissement. En fait, d'après la Lex Iulia, et sans doute dès la fin de la période républicaine, la faculté d'a f ranchis ement du mari est totale; le consente ment de la femme in manu n'est pas requis: il faut simplement qu'au moment de la manumiss io le mariage dure toujours et qu'une procédure inter vivos, évidemment, soit utilisée27.
est consacré à la dot. On peut seulement citer C. Cosentini, Appunti sull'actio ex lege Julia et Papia de servis dotalibus a viro manumissis, dans SDHI, 9, 1943, p. 291-300 (= Cosentini, Actió). 25 Cf. Watson, Persons, p. 67-76. 26 Pour Cosentini, Actio, p. 299, la «voluntas (mulieris)», mais aussi Y «invita uxor» étaient, pour le droit classique, des précisions superflues. 27 Cosentini, Actio, p. 296 met en relief le texte suivant : (C.J. 5,12,3) inter vivos, manumittendi mancipa dotalia, cons tante matrimonio, libérant (sous-entendu maritus) habet facultatem. En droit, le principe est reconnu, au moins sous le Haut Empire, que quamuis in bonL· mariti dos sit, tarnen mulieris est (Dig. 23.3.75 cf. 24.3.24). Mais en réalité le mari dispose de bien plus qu'une jouissance et son rôle dépasse celui de sa femme. C'est lui qui exerce la potestas sur l'escla ve puis l'affranchi dotal (cf. D. 38.16.32). D'ailleurs, sous l'Empire, la femme est admise à faire une donation fictive à son mari, lorsqu'elle est d'accord sur
LA LIMITATION DE LA « VOLUNTAS DOMINI« On comprend ainsi la situation difficile (et donc comique) dans laquelle se trouve le pauvre Demaenetus, dont la femme conserve tout pou voir sur Saurea, l'esclave dotal: il s'agit du cas limite d'un pauvre bougre qui a épousé la fille à dot, mais n'a pu disposer en fait de celle-ci28. Tout autre était, à ce qu'il semble, la situation des servi recepticii. Sur le sens juridique à donner à ce terme, les avis étaient partagés, puisque Verrius Flaccus, cité par Aulu Gelle29, donnait, dans le livre deux de son commentaire (De obscuriis Catonis), une expli cation qu'Aulu-Gelle, citant un autre passage de Caton ne retient pas30. A partir de cette double tradition, l'esclave recepti cius peut être conçu d'une double manière : - ou bien il s'agit d'un esclave faisant partie d'une dos recepticia, c'est-à-dire d'une dot dont la restitution a fait l'objet d'une stipulation31. Dans ce cas, pendant que durait l'union, le mari devait pouvoir affranchir l'esclave de la manière que nous avons évoquée plus haut.
l'affranchissement d'un de ses esclaves (Lambert, Operae, p. 188). Mais le consentement de la femme n'est pas obligat oire,et en cas de défaut, les droits du mari restent entiers (ibid). Enfin, il peut y avoir contrat entre mari et femme pour permettre l'affranchissement par le mari d'un esclave dotal; c'est du moins ce qu'affirme Ulpien, Dig., 24.3.24 Si vir voluntate mulieris servos datales manumiserit, si quidem donare ei mulier voluit . . . Quod si negotium inter eos gestum est ... Il y a en tout cas, beaucoup de chances pour que déjà sous la République, un certain nombre d'affranchis ayant un homme pour patron soient en fait des anciens esclaves dotaux. On ne peut accepter la conjecture de X. D'ors, La ley Aelia Sentia y las manumissiones testamentarias, dans SDHI, XL, 1974, p. 425-434, (= D'ors, Aelia Sentia), selon laquelle la Lex Iulia de nto. aurait empêché «d'affranchir sans le consente ment de la femme, les esclaves dotaux». 2S Plaute, Asin, v. 85-87. Spranger, Untersuchungen, p. 75 η. 3 adopte une formulation ambigue «Saurea est un esclave dotal, c'est-à-dire qu'il a été apporté par la femme au mari, reste sous ses ordres, et veille sur sa dot». Ceci est le fait, mais contredit le droit. 29 N. Att., XVII, VI. L'explication de Verrius Flaccus a été reprise dans Festus (s. v. Recepticius servus) et Nonius Marcellus (De Compendiosa Doctrina, s. v. Recepticius servus). 30 N. Att., XVII, VII. Nonius Marcellus reprend sa défini tion. 31 Cf. A. De Senarclens, Servus Recepticius, dans TRG, 13 (1932), p. 390407, p. 400-1. Watson, Persons, p. 66 et n. 3 Selon ce dernier auteur, ce type de dot n'a pu exister qu'à partir de 230 avant Jésus-Christ, date du divorce de Carvilius Ruga.
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- Mais si l'on suit de plus près la définition d'Aulu Gelle, l'esclave recepticius ferait partie de ce que la femme a gardé personnellement sur la dot et qui n'est pas passé avec celle-ci au mari32. Dans ce cas, la femme aurait disposé de ce qu'elle avait conservé et donc affranchi sans le consentement de son mari. Il y aurait donc eu des esclaves dotaux et des esclaves recepticii appartenant tous, au départ, à la dot, mais dont seuls les premiers auraient fait partie de celleci. C'est à l'autorité propre de la femme qu'Aulu Gelle, d'ailleurs semble faire allusion (XVII, VI) lorsqu'il déclare : non enim servo mariti imperare hoc mulierem fas erat, sed proprio suo. L'esclave propre c'est le recepticius; quant à l'esclave du mari: c'est celui qui appartient en propre à celui-ci, ou bien, ce qui corres pondrait mieux au fond du commentaire, l'esclave dotal, qui est devenu celui du mari et sur lequel, bien qu'ayant apporté la dot, et tant que dure le mariage, la femme n'a aucun droit. Il apparaît, sans doute, qu'à la différence des anciens esclaves dotaux, qui, après dissolution du mariage, étaient dans une position inconfortable, puis que leur patron officiel était le mari (qui avait procé dé à leur affranchissement), les anciens esclaves recept iciisuivaient le sort de leur maîtresse. Il est possible que Terentius Philotimus ait appartenu à cette catégor ie;ce qui expliquerait pourquoi il a adopté aussi facilement le parti de sa maîtresse et patronne, en 46 avant notre ère et n'a plus entretenu de liens avec Cicéron, par la suite33. Mais de toute façon, il ne faut pas négliger le fait que le mariage de Cicéron et Terentia était un mariage sine manuu ce qui nous ramène à la situation de la femme placée sous la tutelle, mais pas de son mari.
32 Cf. H. Kornhardt, Recipere und servus recepticius, dans ZRG, 1938, p. 162-4. Et surtout, Bonfante, Corso I, 1925, p. 3734 et Solazzi, Servus recepticius e dos recepticia, dans SDHI, 5 (1939), p. 222-5. 3Î Treggiari, Freedmen, p. 263-4 n'insiste pas assez sur cet terupture. Il est possible qu'il soit fait allusion à des esclaves recepticii et à leur libération dans Fam., XIV, 4,4, où Cicéron distingue bien le sort des esclaves de sa femme, dont Orpheus, des autres esclaves, c'est-à-dire les siens propres, dont l'affranchissement, contrairement à celui des premiers, ne dépend que de lui : l'exil de Cicéron ne changeant rien au sort d'Orpheus et de ses co-esclaves, qui ne dépendent que de Terentia. 34 On ne peut accepter l'affirmation de A. Haury (Philotime et la vente des biens de Milon, dans REL, XXXIV, 1956, (= Haury, Philotime), p. 186 à propos de Philotime «sans dout efaisait-il partie de son douaire» (de Terentia).
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3 - L'affranchissement d'esclaves accompli par le filius familias ou par le mineur sous tutelle Le théâtre de Plaute est rempli d'allusions à des affranchissements accomplies par des «fils de famille» malgré, ou le plus souvent à l'insu de leur père, et qui ont pour objet les bonnes «amies» de ces derniers : amans adulescens scortum liberei clam suum patrem, conclut le chef de troupe dans les Captivi, résumant ainsi une intr igue exemplaire35. Cette capacité (réelle ou non) d'affranchir, et donc d'aliéner une partie du peculium, de la part du filius familias (que l'esclave en ait fait partie dès l'origine ou qu'il ait été acquis grâce à une somme entrant dans le cadre du pécule), a rete nul'attention des romanistes, qui se sont demand é, en particulier, dans quelle mesure l'affra nchissement du servus peculiaris, sans le consente ment du père, et tel qu'il apparaît chez Plaute, pouvait être relié à la réalité romaine ou à des antécédents grecs. Il est possible que l'on ait ici 35 V. 1032 : Les références à ce genre d'affranchissement sont nombreuses: Epidicus (v. 509). Mercator (v. 152). Mostellaria (Arg. I, v. 167.204.971) Poenuhis (v. 164). Pseudolus (v. 419-494) etc. . . 2 passages, tirés l'un du Pseudolus (v. 482-3), l'autre d'Epidicus (v. 267-9) montrent que le désir d'affranchir, de la part du filius familias ne suffit pas si le père s'y oppose. Inversement, cette supériorité de la volonté paternelle en matière d'affranchissement apparaît dans la Casina, où Olympio, s'adressant à Cleostrata (épouse de Lysidamus), déclare (v. 314-6) : Quin si tu nolis filiusque edam tuiis / Vobis invitis atque amborum ingratiis / Una libella liber possum fieri : tablant ainsi sur la potestas du maître, Olympio pense qu'il pourra balayer les oppositions conjugées de son épouse et de son jeune fils. L'affranchissement de Syrus, esclave d'Aeschinus, sans doute esclave péculiaire est exemplaire. En réalité, c'est Micio, pére adoptif d'Aeschinus, qui procède à la manumiss ion avec l'accord de ce dernier (Terence, Adelph). De même Antiochus, libertus paternus du jeune Flaccus (Cicéron, Pro Fiacco, 89) a sans doute été affranchi par le père de celui-ci, alors qu'il faisait partie du pécule : Si ista omnis pecunia huic «adulescentulo» L Fiacco reddita est, si petita, si redacta per hune Antiochum paternum huius adulescentis libertum servi UH Fiacco probatissimum. Le qualificatif adulescentulus fait penser à un individu très jeune, donc incapable d'affranchir du fait de son âge, et en tout cas sous puissance paternelle. Pour terminer, il faut noter, dans les comédies de Plaute, le parallélisme qui existait entre les comportements du fils du famille et de l'esclave, essayant de faire libérer «leurs amours» à tout prix (cf. Persa, v. 1-2).
un emprunt à la loi Attique, relativement souple, qui permettait au fils majeur de posséder et libérer comme il l'entendait des esclaves36. Mais dans le droit romain, une telle possibilité, même à la fin de la République est à exclure. En réalité, le seul texte qui concerne cette question conserve un point de vue d'Alfenus Varus37. Pour Watson, qui a donné un commentaire complet de ce passage38, il s'agit d'un cas d'a f ranchis ement inter vivos {vivo pâtre) et régul ier39, sans doute accompli par le cens (en raison de l'allusion au iussum : quam filius eum libertini esse iussisset). Mais il n'est pas exclu40 que le texte soit interpolé, car on ne comprend pas bien pourquoi l'esclave est dit d'abord libertus (or c'était sur ce point que portait la discussion) puis, à la fin du passage, servus. En fait, on peut essayer de trouver une autre explication. Alfenus Varus distingue bien deux cas : dans la premier, le testament étant rédigé, l'affranchissement intervient en deuxième lieu; dans le second, l'affranchissement par l'un des fils intervient avant que le père fasse son test ament. Dans la première hypothèse, on peut penser que le père a pu approuver, lui qui a prévu de léguer l'esclaves, une décision qui a pu lui être
36 Dans ce sens, les conclusions de Watson, Persons, p. 198-9 (cf. aussi p. 99-100) paraissent acceptables (cf. aussi Obligations, p. 48-9). Sur ce thème, cf. Buckland, Slavery, p. 459. 37 « Deux fils non émancipés avaient, tous les deux, mais séparément, des esclaves faisant partie de leur pécule : l'un d'eux affranchit son esclave péculiaire, du vivant de son père : le père avait prélégué par testament (cet esclave) aux deux fils. On demandait si cet esclave devait être considéré comme l'esclave des deux (fils) ou comme l'affranchi de celui par qui il avait été affranchi. Il (Alfenus) répondit que si le père avait rédigé son testament avant que le fils affranchisse l'esclave ce dernier était l'affranchi de ce seul fils, parce qu'il paraissait avoir été légué au titre du pécule. Mais que si le père avait rédigé son testament postérieurement (à l'affra nchissement par le fils), il ne paraissait pas avoir eu l'intention de léguer l'esclave qui avait été affranchi, et que cet esclave, puisqu'il n'avait pas été prélégué, était devenu esclave des deux fils, à la mort du père» D. 40,1,7, Alf. Varus, 7, dig. 38 Persons, p. 187-8. 39 Malgré Wlassack, Die prätorischen Freilassungen, dans ZRG.26, 1905, (= Wlassack, Freilassungen), p. 424 (cf. dans ZRG, 28, 1907, p. 12). 40 Comme le voulait Buckland, Slavery, p. 459-719.
LA LIMITATION DE LA «VOLUNTAS DOMINI. suggérée par son fils. Mais dans la deuxième hypothèse, le fait que le père ait prévu de léguer un esclave que son fils a affranchi prouve qu'il n'est pas d'accord non videri earn mentem eins fuisse : c'est contraire à sa voluntas et donc l'e sclave, même si le fils l'a affranchi, reste esclave, donc objet d'un legs : à ce titre il devient, après la mort du père, un servus communis des deux fils. Ceci étant précisé, quelle procédure le fils avait-il adoptée? Sur ce point, Watson a raison de remarquer que s'il s'était agi d'un affranchi ssement informel, Alfenus n'en aurait pas parlé. D'autre part, l'affranchissement par testament étant totalement exclu, et la manumissio vindicta réclamant la présence du père, la seule possibili té est effectivement l'inscription au cens, le cen seur n'ayant pas trop «fouillé» la réalité du iussum et se contentant du iussum informel du fils, alors que celui du père était juridiquement requis. D'où la possibilité, au cens suivant, de ne plus faire figurer sur les listes l'esclave indûment enregistré au lustre précédent. Mais rien n'em pêchait évidemment que les fils, après la mort <4e leur père, s'entendissent pour affranchir inter vivos leur esclave désormais commun. Remarquons que Papinien fait exactement le même raisonnement qu'Alfenus Varus : ce qui compte, à leurs yeux, c'est la volonté paternelle, à plus forte raison si elle est exprimée dans un testament41. Cette prééminence de la volonté paternelle explique que les juristes de l'Empire ont con stamment affirmé le principe selon lequel le filius familias ne peut affranchir de lui-même un escla ve faisant partie du pécule42. C'est le iussum du
41 D. 33,8,19, §2 Respons. «Un fils mineur à qui son père légua son pécule, affranchit un esclave faisant partie de ce pécule, alors que son père vivait encore; il est l'esclave commun de tous les héritiers, ayant été prélevé sur le pécule en vertu de la décision du seul fils, parce que ce pécule appartient au legs, et doit se trouver dans cette situation à la mort du père». Cf. sur ce point les remarques encore justes de H. Erman, Servus vicarius - l'esclave de l'esclave romain, Lausanne, 1896 (= Erman, Servus vicarius), p. 519-527. 42 Cf. Paul (D. 40,8,18 pr.) filius familias manumittere non potest. Modestin (D. 37,14,13 filius familias servum peculiarem manumittere non potest). Cf. aussi le passage de la Vie de Tibère de Suétone (15), où, voulant montrer combien Tibère, adrogatus par Auguste, avait été respectueux des normes
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père, sa voluntas qui importent: le fils n'ayant pas la propriété juridique du servus peculiaris, ne peut aliéner, ni affranchir43. Et il en était sans aucun doute ainsi à la fin de la République. Quant aux mineurs placés sous tutelle, leur cas est réglé par un passage de la Lex Ursonensis (CVIII), déjà cité. Le mineur, garçon ou fille, ne pouvait donc affranchir sans que la «responsabil ité» de son tuteur fût engagée. Cette mesure de bon sens devait être destinée à éviter la dilapida tion des patrimoines, par le biais de manumiss ions qui auraient pu être dues aux pressions, ou à l'influence d'esclaves dotés de charmes ou d'une personnalité très forte44. Notons, cepend ant,qu'il ne s'agit sans doute pas d'une inven tioncésarienne, mais de l'affirmation d'un prin cipe plus ancien, principe qui a été repris pres que intégralement par la Lex Aelia Sentia qui s'est contentée de préciser l'âge minimum requis - pour qu'un fils émancipé puisse libérer réguli èrement un esclave45 (quatorze ans par testament, vingt ans par la vindicte). Mais il n'est pas pensa ble que, sur ce point, César ait ouvert la voie à Auguste46.
régissant sa nouvelle condition, l'auteur écrit Nec quidquam postea pro patrefamilias egit, aut «tus, quod amiserat», ex ulla parte reûnuit. Ham neque donavit, «neque manumissit»; ne hereditatem quidem aut legata percepii ulla aliter «quant ut peculio re ffere t accepta »! Alors que le droit classique a peu à peu reconnu au filius familias la possibilité d'affranchir par la vindicte, mais en application de la voluntas du père. Sur ce point cf. W. Buckland, Manumissio vindicta par un fils de famille, dans NRH, 27, 1903, p. 737-744. 4! Ceci explique que, même sous l'Empire, le testament du fils émancipé obéit à la bononim possessio contra tabulas liberti de la part du père, exemple patroni dit Ulpien (I, 45 D. 37,12,1 pr.). 44 Malgré son caractère restrictif, la Lex Aelia Sentia réser veune place particulière à l'affranchissement, par un mineur, de sa nourrice ou de son pédagogue. 45 Sur les prescriptions de la Lex Aelia Sentia, dans ce domaine, cf. le texte de Gaius, Institutes, I, 38-9 - Sur leur caractère restrictif, Duff, Freedmen, p. 30-34. Il est remarquable que les prescriptions de la loi d'Urso soient intégralement reprises dans la Lex Salpensana, avec simplement l'ajout des conditions d'âge requises (cf. CIL, II, 1963, p. 876 = ILS, 6088, avec le commentaire de D'ors, Epig. Juridica, p. 298-300 à ce § XXVIII). 46 Cf. ce que nous avons dit à propos de l'affranchiss ement par la femme sous-tutelle : le § CVIII de la loi d'Urso, sur ce point, reprend un principe bien antérieur à l'époque césarienne.
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LE LIEN PATRON-AFFRANCHI : FONDEMENTS ET EXPRESSION 4 - L'affranchissement accompli au nom d'un esclave
II s'agit en théorie, de l'affranchissement d'un vicarius par l'esclave ordinaire ou, de la part de ce dernier, de la volonté de faire libérer n'import e quel esclave faisant partie de son pécule. Or, nous retrouvons un peu les même problè mesqu'à propos de l'affranchissement accompli par le fils de famille : l'esclave n'est pas propriét airede son pécule ex hire Quiritimn; par ail leurs, il n'est apte, juridiquement, ni à aliéner ni à affranchir. Ce n'est donc que par une fiction juridique (ou un artifice théâtral) qu'il peut, non pas donner lui-même la liberté, mais faire accé derà la liberté son propre esclave. Certes, Plaute nous offre un sujet de discus sion.En effet, l'argument du Persa (v. 1-2) nous indique que Profecto domino, suos amores Toxilus / emit atque curât leno ut emittat manu. Donc, Toxilus «achète» Lemniselenis (qui devient alors son esclave peculiaris), puis demande au leno, Dordalus, de l'affranchir47. L'affranchissement aurait eu lieu sur le forum, devant le prêteur48. Sur le plan juridique, le patron est le leno49. Mais étant donné que c'est Toxilus qui a payé (ou plutôt, a trouvé l'argent nécessaire à la libéra tion)il se considère (et elle le considère) comme son patron de fait : Ego sum tibi patronus plane, qui huic pro te argentum dedi (v. 842), dit-il, à l'issu de sa tirade sur l'ingratitude des affranchis! Patrone m(ii), intra, amabo, ad cenam (v. 849), lui répond-elle50. Le scénario, plausible, n'est cependant pas admissible, dans la mesure où l'esclave n'aurait pas le droit de modifier, sans l'autorisation de son maître, la composition de son pécule, qui lui a été concédé et dont ce maître est le seul propriétaire, au plan juridique. Ce n'est que plus tard, au premier siècle avant Jésus-Christ51, que les jurisconsultes ont conçu le pécule comme ce 47 Même s'il devenait, à son tour, affranchi, Toxilus, ne pourrait devenir en aucun cas le patron de Lemniselenis, devenue affranchie de Dordalus. 48 V. 487 / ad forum, e praetore exquire, si quidem credere mihi non vis. 49 Cf. v. 484 lam libertà auctu's dit Toxilus à Dordalus. V. 491 Ubi nunc libertast. 50 Cf. aussi l'allusion ironique du leno à Toxilus Ν am iam inclinabo me cum libertà tua (v. 737). 51 Dans ce sens, Watson, Obligations, p. 188/9.
que l'esclave, avec la permission du maître, détient, en marge des comptes de celui-ci : Peculium autem Tubero quidern sic définit, ut Celsus libro sexto digestorum refert, «quod servus domini permissu separatum a rationibus dominicis habet», deducto inde si quid domino debetur: c'est donc le maître, qui a l'initiative de cette comptabilité séparée52. Mais cela n'impliquait nullement une totale indépendance de l'esclave ni une absence de responsabilité de la part du maître dans l'ut ilisation du peculium par ce même esclave53. D'autre part, dans le processus décrit, Lemnis elenis est devenue, en droit, l'esclave puis l'a ffranchie de Dordalus, du leno. Or, on peut dou ter qu'un esclave ait eu la possibilité de vendre ou de donner à l'insu du maître54; et le maître aurait eu, au moins au premier siècle, la possibil ité d'intenter une actio servi corrupti55. De toute façon, on voit difficilement un escla ve,surtout à aussi haute époque, utiliser libr ement son pécule, si l'on songe au contrôle que Caton exerçait sur celui de ses esclaves56. En fait, les nombreux exemples, tirés des textes juridiques, et où le pécule est concédé à l'esclave en même temps que la liberté, laisse raient penser que l'esclave peculiosus préférait devenir le propriétaire de son (ou de ses) esclave(s) et les affranchir lui-même, après sa libéra tion,ou, à la rigueur, les faire affranchir par le patron lui-même, s'il s'agissait d'une gne 57
52 D. 15.1.5.4 Ulp 29 ad Sab. (cf. D. 15.1.9.2). Tout ceci est lié, au plan juridique, à la création d'un actio de peculio (sur ce point, voir Watson, op. cit., p. 185-9). La traduction du passage est donnée dans le chapitre consacré aux bona de l'affranchi. 53 Cf. D. 15.3.16 (Alf. 2 dig.) commenté par Watson op. cit., p. 185-8, où V actio de peculio peut toucher aussi le maître. 54 Cf. D. 41.3.34 (Alf. Varus, 1 dig. a Paulo epit.) Si servus insciente domino rem peculiarem vendidisset, emptorem «usucapere» posse: «que si un esclave à l'insu de son maître a vendu une partie de son pécule, l'acheteur peut acquérir par prescription» : l'usucapio est reconnue à l'acheteur mais non la possessio. 55 D. 11.3.16. Alf. Varus 2 dig. 56 Cf. aussi le cas d'un maître et d'un esclave «co-propriétaires» d'un vicarius, ce qui implique un «droit de regard» au bénéfice du maître (D. 33.8.22.1 Labeo post, a Iavoleno epit). " Nous y reviendrons à propos des unions contractées par les affranchis. Cf D. 33.8.15 Alf. Varus, 2 dig a Paulo epit. «Un esclave, affranchi, avait reçu, à titre de legs, son pécule : dans un autre chapitre du testament, le maître avait
LA LIMITATION DE LA « VOLUNTAS DOMINI. II semble donc que les indications de Plaute, confrontées à une jurisprudence pourtant posté rieure ne puissent être interprêtées comme révé latrices d'une large initiative laissée aux esclaves en matière d'acquisition ou de libération «indi recte» d'esclaves faisant partie de leur pécule.
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En étudiant le déroulement des divers procé désofficiels d'affranchissement, nous avons vu que l'Etat, par l'intemédiaire de ses magistrats (surtout dans le cas des affranchissements inter vivos), jouait un rôle décisif. Mais ce rôle ne se limite pas à l'officialisation d'une décision privée ayant pour résultat de créer un nouveau citoyen Romain. L'interven tion de l'Etat se marque aussi par le fait qu'il affranchit de son propre chef et pour son compt e, dans des circonstaces qui sont parfois except ionnelles, et qui peuvent donner lieu à des libérations, soit individuelles, soit massives. Nous ne nous intéressons évidemment pas ici aux manumissions d'esclaves publics apparte nant à l'Etat58, mais aux affranchissements d'es claves privés, accomplis par l'Etat, et qui peu vent donc constituer une empiétement sur les prérogatives juridiques, et éventuellement le droit de propriété, de propriétaires privés. L'action de l'Etat, dans ce domaine, se traduit de plusieurs manières59. Tout d'abord, la liberté
peut être, à titre de récompense, donnée indiv iduellement : c'est ce qu'indique Cicéron, dans un texte très souvent utilisé (Pro Balbo, 24) Servos denique quorum, ins, fortuna, condicio, infima est, «bene de republica meritos» persaepe «liberiate», id est civitate, publiée donari videmus. Il s'agit là, sans doute, d'un rappel historique, mais aussi d'une allusion possible à une réalité récente (le discours date de 56 avant Jésus-Christ). Les exemples correspondant à une telle récompense se placent dans une liste qui ne s'ouvre pas seulement au second siècle, mais qui commence par l'épisode de Vindicius60 et qui s'est considérablement allongée durant la deuxième Guerre Punique : ainsi un esclave qui avait dénoncé un complot reçut la liberté et vingt mille as61; treize esclaves qui avaient empê chéla destruction du temple de Vesta furent rachetés et affranchis62; Manus, un esclave des Calavii de Capoue qui dénonça ses maîtres, fut gratifié de la liberté et vingt mille as63 et les esclaves des Blossii bénéficièrent, pour des rai sons identiques, de la liberté et de dix mille as64. Pour l'époque suivante, nous pouvons relever encore de nombreux cas : en 197 avant JésusChrist, une conspiration d'esclaves d'otages car thaginois éclata à Sétia, et devait gagner Norba et Circei; trois dénonciateurs la révélèrent, dont deux esclaves, qui reçurent la liberté et vingt cinq mille as65. Entre 168 et 145, Cn. Publicius Alexander fut affranchi pour avoir servi d'interprète à une commission sénatoriale (peut-être après la défai te de Persée ou la prise de Corinthe)66.
légué toutes ses servantes à son épouse; or dans le pécule de l'esclave, figurait une servante. Il répondit qu'elle appartenait à l'esclave». Il semble que, sous l'Empire, le legs de la liberté et du pécule ait pu s'accompagner de la liberté du vicarius (ou de la vicaria), l'ordinarius et son esclave devenant tous les deux orcini liberti. Cf. Ulpien (D. 33.8.6.3.) cf. aussi CIL, II, 2265. 53 On peut encore consulter L. Halkin, Les esclaves publics chez les Romains, Bruxelles, 1897 (Rome, 1965) (= Halkin, Esclaves Publics), p. 22-32 notamment. Sur les aspects juridi quesde l'affranchissement des esclaves de l'État, cf. R. Dull, Rechtsprobleme in Bereich des römischen Sakralrechts, dans ANRW, I, 2, 1972, p. 283-294 (= Düll, Rechtsprobleme), (p. 2878). Voir aussi Ν. Rouland, A propos des servi publici Populi Romani, Chiron, 7, 1977, p. 261-278. 59 M. Käser, Die Anfänge der manumissio und das fiduziarisch gebundene Eigentum, dans ZRG, 1941, p. 153-186 (p. 166-
8). RPR, P, p. 100-1. Meylan, Vindicta, p. 496-71. Vitucci, Libertus, p. 909. Watson, Persons, p. 199-200 Treggiari, Freedmen, p. 19. 60 Tite Live II, 9 et 10 - cf. aussi la libération des dénonc iateurs d'un complot servile (Tite Live, IV, 45, 1-2) ou celle de Servius Romanus en 404 avant Jésus-Christ (Tite Live, IV, 61, 10). 61 Tite Live, XXII, 33, 2. 62 Tite Live, XXVI, 27, 4. 63 Tite Live, XXVI, 27, 7 - cf. XXVI, 27, 9. 64 Tite Live, XXVII, 3,4 et 5. 65 Tite Live, XXXII, 26. Leur prix fut payé aux maîtres : ceux-ci étaient-ils romains? 66 Le cas est évoqué par Cicéron, Pro Balbo, 28 et dans D. 49.25.5.3 (Pomp. 37 ad Q. Mucium).
II - L'INTERVENTION DE L'ÉTAT 1 - Affranchissement d'esclaves privés au nom de l'état
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LE LIEN PATRON-AFFRANCHI : FONDEMENTS ET EXPRESSION
En 89 avant Jésus-Christ, à la suite du meurt redu préteur Asellius, la Sénat promit aux éventuels dénonciateurs de condition servile, la liberté67. En 88, l'esclave dénonciateur de Sulpicius Rufus fut affranchi, avant d'être supplicié du haut de la Roche Tarpéienne68. Scaeva fut affranchi pour avoir tué L. Saturninus selon le témoignage de Cicéron69. Lors de la conjuration de Catilina, le Sénat promit la liberté et cent mille sesterces à tout esclave dénonciateur, en vain semble-t-il70. Enfin les guerres civiles furent l'occasion de nouvelles décisions de ce type: ainsi, en 43, les Triumuirs réglèrent les conditions suivant le squelles les proscriptions se dérouleraient. Appien nous dit que la récompense, pour un escla ve,était la liberté et dix mille deniers71. Ce même auteur nous cite le cas de l'esclave d'Aterius qui, pour avoir tué son maître, fut libéré, puis, pour avoir voulu racheter les biens de celui-ci, remis en esclavage72. Déjà, en 49 avant notre ère, César, malgré la pression populaire, avait refusé d'intégrer dans la loi interdisant de posséder plus de quinze mille deniers une clause accordant la liberté aux esclaves dénonciateurs de leur maître73. En 39, un esclave se prétendant libre aurait brigué, selon Dion Cassius, la preture; reconnu, il fut affranchi avant d'être supplicié74. Mais, la même année, à la conférence de Misène, il fut proposé de donner la liberté aux esclaves fugit ifs75. Notons que cette pratique ne disparut pas tout à fait avec l'avènement d'Auguste, puisque le S. C. Silanianum accordait la liberté à l'esclave qui dénonçait l'assassin de son maître (cf. D. XXXVIII, 2, 4, Paul Sì necem domini detexerit servus, praetor statuere solet). Signalons, enfin, l'attitude, toute circonstancielle, adoptée par Octavien, en 36 avant Jésus-Christ, au mépris du
67 Appien, BC, I, 54, 239. 68 Tite Live, Per., LXXVII. 69 Cicéron, Pro C. Rabirio, 31. 70 Cf. Salluste, Catilina, XXVI, 5 (cf. XXX, 6). 71 BC, IV, 7 et IV, 11. 72 BC, IV, 29. 73 Cass. Dio, XLI, 38, 3. 74 Cass. Dio, XLVIII, 34. 75 Cass. Dio, XLVIII, 36.
pacte de Misène : des esclaves libérés sur la demande de Sex. Pompée et qui avaient servi, libres, sous ses ordres, furent restitués, au nom brede trente mille, à leurs anciens propriétaires; six mille, qui ne furent pas réclamés, furent tués76. Dans la plupart de ces cas, le Sénat inter vient77 ou bien les magistrats les plus import ants, ainsi les triumuiri engageant la responsabil ité de l'Etat78. Parfois le maître est dédommagé, mais le plus souvent, celui-ci ayant été l'objet de la trahison de l'esclave, l'Etat n'a évidemment pas à le payer79. Sur un plan pratique comme juridique, il semble que les esclaves délateurs récompensés par un sénatus-consulte étaient considérés comme n'ayant pas de patron80, ce qui équivalait à en faire presque des ingénus. Quelles conséquences de tels affranchiss ements entraînaient-ils sur le plan de la citoyen neté?A consulter nos sources, c'est seulement en 43 que les triumuiri décidèrent d'accorder aux nouveaux affranchis le même droit que pos sédait leur maître : dans ce cas, l'octroi de la citoyenneté romaine n'était donc pas automatiq ue81. Dans les autres cas, aucune précision n'est donnée, et il est vraisemblable que, surtout dans
76 Cf. Appien, BC, V, 72, 307 (cf. 318) - V, 137, 544-5 - cf. Oros, VI, 18, 33. Res Gestae 25, 1 - Cass. Dio, XLIX, 12, 4-5 cf. le commentaire de Gabba au livre V d'Appien, p. 218. 77 Ainsi, dans la libération de Nicias, intendant du roi de Chypre, Ptolémée, le rôle de Caton s'est borné à demander la liberté et non à l'accorder de lui-même (Plutarque, Cato Minor, XXXIX). 78 Dans ce sens, Halkin, Esclaves publics, p. 27, utilisant Varrò, De LL, VIII, 41 (qui manumissi, antequam sub magis trates nomina, qui eos libérant succedere coeperint). 79 Sur le fait que l'État peut obliger le maître à lui vendre l'esclave, cf. Halkin, ibid., p. 25 et n. 3. 80 Cf. D. 38, 2, 4 Paul. « Et il apparaît que celui qui a reçu la liberté comme en vertu d'un Sénatus-Consulte, n'est l'a ffranchi de personne». (Cf. D. 40, 8, 5 Marcien). Cf. Halkin, ibid., p. 125-130. Inversement, il n'y a pas de doute que les esclaves de Marius (Appien, BC, V, 272) ou de particuliers affranchis par Sylla, (qui pourtant agissait au nom de l'État) sont devenus les affranchis de celui-ci, dans les faits, (cf. aussi BC, I, 100 et 104). Sur ce point voir le commentaire de E. Gabba, au livre V d'Appien (p. 175/6). 81 Peut-être est-ce parce qu'ils s'attendaient à enregistrer un grand nombre de dénonciations que les triumuirs, afin de ne pas bouleverser le corps civique, ont apporté cette dis tinction?
LA LIMITATION DE LA « VOLUNTAS DOMINI» les cas d'individu isolés, c'était la cité romaine qui était accordée. L'hypothèse de S. Treggiari82 selon laquelle les dénonciateurs des Blossii auraient reçu la citoyenneté Capouane, paraît gratuite; on voit mal le Sénat, dans des condi tions graves, se limiter à un tel octroi. Quant à l'autre exemple que cet auteur propose, celui de Cassius qui, en 43, à Rhodes83, et sans doute aussi à Xanthos84, avait promis la liberté aux esclaves dénonciateurs des détenteurs d'or ainsi que la citoyenneté locale, il est irrecevable, dans la mesure où Cassius agissait alors qu'il était un hors la loi, et non pas au nom du Peuple Romain, en tant que magistrat. Il s'agit donc d'une pratique exceptionnelle, liée à des temps de crise85, et qui se réalise aux dépens des maîtres, dans la mesure où, le plus souvent, ceux-ci sont dépouillés de la propriété de l'esclave et où, toujours, la décision d'affran chir leur est enlevée, ce qui les prive de tout droit sur le nouvel affranchi. Il y a là un procédé qui, pour être officiel, n'en représente pas moins un danger pour les possesseurs d'esclaves, par l'exemple qu'il fournit. Ceci est une des compos antes qu'il ne faut pas oublier, lorsque l'on veut savoir dans quelles conditions le processus bien rôdé des affranchissements réguliers a pu se développer pendant cette époque troublée. D'autre part, en période de crise militaire, l'Etat peut, en «forçant la main» des propriétair es, emprunter ou racheter, souvent pour les affranchir, des esclaves de particuliers. C'est ce qui s'était produit lors de la deuxiè me Guerre Punique, dès 215 avant Jésus-Christ, lorsque des volones avaient été enrôlés86. Or,
82 Freedmen, p. 19. 83 Appien, BC, IV, 73. «Appien, BC, IV, 81. 85 II est évident que la pratique, attribuée par Cicéron à Denys de Syracuse, échappe à notre propos (cf. Tiisc. V, 57) : Credebat eorum nemini, sed Us quod ex familiis locupletium servos delegent, quibus nomen servitutis ipse detraverat . . . Acte de tyrannie de la part du souverain, certes; mais il y a peut-être une allusion perfide à la situation romaine en 45 avant Jésus-Christ. 86 Déjà, en 217/216, sur proposition de Tib. Gracchus, consul, le Sénat décida d'acheter aux frais de l'Etat, 24.000 esclaves (Val. Max., VII, 6, I), voir Ν. Rouland, Les esclaves romains en temps de guerre, dans Coll. Latomus, 1973, p. 48-62.
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d'après Tite Live, il s'agissait de vrais volontaires octo milia87 iuvenum validorum ex servitiis, prius siscitantes singulos vellentne militare, empio publico armaverunt Si c'était vrai, cela aurait repré senté un empiétement sur les droits des maîtres seuls aptes, légalement, à choisir l'affectation de leurs esclaves88. C'est seulement en 214, après avoir acquis l'accord du Sénat89 que Tiberius Gracchus les affranchit à Bénévent90. Quant aux maîtres, qui ont accepté d'attendre le paiement de la contre-valeur, ils y renoncent, certains défi nitivement91. Moins heureux furent les esclaves engagés comme rameurs en 21592 et qui furent mis à la disposition de l'Etat par leurs maîtres : ils ne reçurent pas la liberté93; il est vrai que les ri sques étaient moindres. Ce même procédé a été utilisé sous l'Empire, lorsqu'Auguste lors des affaires de Germanie recruta des esclaves qui avaient été préalabl ement libérés, selon Dion Cassius94.
87 XXII, 57, 11. Chiffre confirmé par Macrobe, Sat., I, XI, 30-31. 88 Tite Live, à ce sujet, évoque le manque d'hommes (Et aliam formam novi dilectus inopia liberorum capitum ac «né cessitas» dédit). Cette nécessitas, quelle est-elle, si l'on ne retient pas le problème des effectifs signalé explicitement? Peut-être voulait-on prévenir les effets de la proposition qu'Hannibal avait faite dès 218 mais qu'il avait sans doute réitérée lors de son avance en Italie : Servis quoque, dominos prosecutis, libertatem proponit, binaque pro iis mancipia dominis se redditurum (XXI, 45, 7). D'où sans doute le souci de payer les maîtres, exprimé par les autorités romaines. 89 Cf. Tite Live, XXIV, 14, 5 : De eo permissum ipsi erat quod a re publica ducerei esse - cf. XXIV, XIV, 8 : Libertatis auctorem eis non se fore solum, sed consulem M. Marcellum, sed «universos patres», quod consultos a se de liberiate eorum sibi permisisse. 90 Ci. Tite Live, XXIV, 18, 22: Quos Tib. Gracchus ad Beneventum manu émiserai. Texte important, car il rapporte un fait qui a pu servir de précédent pour l'affranchissement par des magistrats, aux moins prétoriens, dans les provinces, après la guerre. Et il s'agissait bien d'accorder le droit de cité (cf. XXV, 6, 21 : operae pretium habent libertatem ciuitatem· que). 91 Cf. Tite Live, XXIV, 18, 12. Notons que ces mêmes volones ont servi, plus tard, dans les XIXe et XXe légions (XXVII, 38, 8-10). «Tite Live, XXIV, 11,7. 93 Tite Live, XXIV, 11, 8 et 9. 94 Cass. Dio, LV, 31. Déjà, en 37 avant Jésus-Christ, Octavien avait affranchi des esclaves destinés à servir dans la marine (Suet., Aug., XVI, 2. Cf. Boulvert, EAI, p. 61/2).
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LE LIEN PATRON-AFFRANCHI : FONDEMENTS ET EXPRESSION
Dans une certaine mesure, les enrôlements d'affranchis95, peuvent être rattachés à ceux d'es claves, parce que, même s'il n'y a pas substitu tion de l'Etat aux patrons au plan juridique, ces derniers ne peuvent, cependant, bénéficier des operae de leurs liberti pendant que ceux-ci sont mobilisés. Et ce droit aux operae peut totalement disparaître si les affranchis sont tués ou grave ment blessés au cours des opérations. Ainsi, l'action de l'Etat a été importante96 et a contribué, en Italie notamment, à faire passer la volonté des maîtres des esclaves, même quand ils étaient dédommagés, au second plan. La voluntas domini en période de crise militaire ou politique n'est donc pas toute puissante face aux besoins de l'Etat.
95 Sur l'enrôlement des affranchis, et ses aspects juridi ques, cf. Mommsen, Rom. Staatrecht, III, p. 246-448-9. Il y avait des précédents : déjà, sans doute, Appius Clau dius, durant sa fameuse censure, avait soumis les affranchis aux charges militaires. En 296, selon Tite Live (X, 21, 4) : Sed seniorum etiam cohortes factas libertinique centuriati. En 217 (Tite Live, XXII, 11, 8), on enrôle les affranchis ayant l'âge d'être pères de famille. En 172/170, lors des préparatifs en vue de la guerre contre la Macédoine, des équipages furent composés d'affranchis levés sans doute à Rome même, puisque C. Licinius, chargé du recrutement en 172, est prêteur urbain (cf. Tite Live, XLII, 27, 3 - XLII, 31, 7 - XLIIL 12, 19). Durant la guerre sociale, des affranchis furent appelés pour défendre les côtes, en 90 (cf. App. I, 49, - Tite Live, Per., LXXrV; Macrobe, Sat., I, XI, 32). \ Enfin, sous Auguste, des affranchis furent enrôlés au moment de la crise du recrutement liée aux événements de Germanie (cf. Veli. Patere, II, 3 - Tacite, Ann., I, 31, 3 - Suet., Aug., 25, 2 - Macrobe, Sat., I, XI, 32 - Cass. Dio, LV, 31, 1 LVI, 23, 3 - LVII, 5, 4. 96 L'affranchissement des artisans travaillant dans les arsenaux de Carthagène, affranchissement promis par Scipion, en 212 (Polybe, X, 17, 9 - cf. Tite Live, XXVI, 47, 2) ne nous concerne pas, dans la mesure où Tite Live dit que ces artisans devinrent esclaves publics (plubicos fore) par droit de conquête. (D'ailleurs, contrairement à ce que Halkin, Esclaves Publics, p. 25-6 pense, c'est sans doute en tant que général vainqueur que Scipion a agi; le fait que les artisans en question, malgré un spe(s) propinqua libertatis aient con servé leur statut d'esclaves jusqu'à la fin de la guerre, laisse entendre que l'initiative du chef romain n'avait pas été «avalisée» par le Sénat). De même, l'affranchissement des Hastiensium servei en 189 a.c. concerne des individus considérés comme esclaves publics (Ch. Saumagne, Le droit latin et les cités romaines sous l'Empire, Paris 1965, p. 69; H. Galsterer, Untersuchungen zum Städtewesen der Iberischen Halbinsel, Madr. Forschungen 8, 1971, p. 14-15.
2 - L'intervention du prêteur a) les affranchissements informels accomplis par des citoyens romains1*1 Même aux second et premier siècles avant Jésus-Christ, et alors que l'affranchissement avait reçu une définition juridique précise, de nom breuses raisons pouvaient inciter des maîtres, citoyens romains, à ne pas accorder à leurs esclaves une libération pleine, au plan du droit, et à se contenter, provisoirement98, d'une recon naissance à caractère privé, qui n'était donc sanctionnée ni par un document écrit, tel le testament, ni par l'intervention d'un magistrat. Parmi les raisons invoquées, certains au teurs99 ont placé l'effet des distances; l'affra nchissement par la vindicte n'aurait pu se déroul er habituellement qu'à Rome et dans les villes des provinces où siégaient les gouverneurs100. C'est dans ce sens que J. Hatzfeld, dans un pre mier temps, avait conclu à propos de l'affra nchissement des esclaves des citoyens romains résidant à Délos : faute de magistrat résidant dans l'île, les libérations n'auraient pu avoir lieu qu'en Italie, à l'occasion d'un voyage de l'esclave et du patron101. Le fait que, dans notre épigra-
97 Sur cette question, le travail de base est celui de M. Wlassak, Die prätorischen Freilassungen, dans ZRG, 26 (1905), p. 367-431. Voir aussi, E. Volterra, Manomissioni di schiavi compiuti da peregrini, dans Studi P. De Francisci, (= Volterra, Manombsioni), VI, Milan, 1956, p. 73-105. A. Biscardi, Manumissio per mensam e affrancazioni pretorie, Florenc e, 1939, 92 p. (p. 5-14) (= Biscardi, Manumissio). Käser, RPR, F, p. 254. De Zulueta, Institutes, II, p. 25-6. B. Albanese, Ancora sulla manumissio inter amicos, dans Scritti Ambrosini, Milan, 1970, p. 19-30. M. de Dominicis, Les Latins Juniens dans la pensée du législateur romain, dans RIDA, XX, 1973, p. 311-324 (= Dominicis, Latins Juniens) et / latini iuniani nel pensiero del legislatore romano, dans Annali della Fac. di Giurisprud. dellVniv. di Perugia, N.S., I, 1973, p. 513-527. 98 Faut-il penser que la plaisanterie contenue dans le vers 223 de la Mostelleria (Te liberasso denuo . . .) repose sur un fond de vérité et porte l'indication d'une confirmation offi cielle apportée à un affranchissement informel? 99 Ainsi, Sherwin- White, Citizenship, p. 300. Nous avons déjà abordé, à propos de la manumissio censu et de la manumissio vindicta, la question de la «décentralisation» des procédures au moins au premier siècle. 100 Cf. pour l'Empire, les indications de Gaius, Institutes, I, 20, I, 35 et II, 25. 101 Dans BCH, XXXVI, 1912, p. 17/18 - cf. aussi p. 139 n. 1 où il rejette, en fonction de son hypothèse, l'interprétation
LA LIMITATION DE LA « VOLUNTAS DOMINIphie, des esclaves aient pu figurer en tant que tels à Délos et en tant qu'affranchis en Campani e102,pourrait confirmer cette hypothèse. Mais il ne faut pas oublier que les maisons de com merce pouvaient utiliser leurs divers réseaux pour recourir aux services de gouverneurs de provinces orientales. D'autre part, à Délos, nous avons une grande proportion d'affranchis ayant plusieurs patrons; en cas d'indisponibilité de l'un d'entr'eux, un autre pouvait accompagner l'esclave devant le magistrat103. Enfin, comme Hatzfeld lui-même l'a reconnu, l'affranchisse ment, par testament ne pouvait poser aucun problème à Délos, où il ne manquait pas de citoyens romains pouvant servir de témoins104. On peut cependant se demander si, à Délos, comme dans le reste de l'Orient romain, les consécrations d'esclaves aux dieux, accomplies par des Italici ne correspondent pas dans cer tains cas, à des affranchissements informels, des tinés lorsque l'occasion se présenterait, à être officialisés?105. On a mis aussi ces affranchissements infor mels en rapport avec le désir d'échapper au paiement de la XXa Libertatis frappant les manumissions régulières. P. A. Brunt, en particulier106, a attiré l'attention sur le fait qu'il y aurait un rapport entre l'évolution, au premier siècle avant Jésus-Christ, du nombre des bénéficiaires des distributions alimentaires et la considération apportée par les autorités romaines aux affran chis«officieusement» libérés. Pour cet auteur, l'accroissement du nombre des bénéficiaires des frumentationes, avant 56, aurait été lié à la politi quelaxiste de Sex. Cloelius, créature de Clo-
donnée par P. Jouguet à l'inscription BCH, XXIII, 1899, p. 78 n° 99 (dédicace faite par 4 esclaves pour célébrer l'affranchi ssement d'un cinquième). 102 Ainsi, Philodamus, esclave de M. Paccius, signalé en 46 sur une bilingue de Samothrace {CIL, I2, 2939 = ILLRP, 1281) doit être le même individu que nous retrouvons sous le nom de M. Paccius M. 1. Philodamus, à Formies (CIL, X, 6148) où il a peut-être été affranchi. 103 II est évident que les améliorations de l'époque césa rienne n'ont pu s'appliquer à l'époque de la splendeur des Italiens de Délos. 104 Hatzfeld, Trafiquants, p. 247. 105 Cf. Hatzfeld, op. cit., p. 246/7 et note 5 sur la possibilité de consécration au Dieu (l'hypothèse de la manumissio test amento évoquée ici est improbable). Cf. aussi p. 39 n. 2. 106 Manpower, p. 102-380.
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dius107 qui aurait inscrit aussi les esclaves affran chisde façon informelle. A l'inverse, la politique de Pompée, puis celle de César, auraient tendu à écarter de tels affranchis du bénéfice des distr ibutions. A ce moment, le désir, chez les patrons, de conserver leurs droits sur leurs esclaves et de ne pas payer la XXa sur les affranchissement réguliers, l'aurait emporté, sur l'attrait d'une ration supplémentaire108. Explication plausible, mais qui va à l'encontre de la thèse habituell ement admise109 selon laquelle le souci de bénéfi cier des frumentationes aurait aiguisé, en particul ier chez les patrons les plus pauvres, le désir d'affranchir leurs esclaves. En tout cas, que de tels affranchissements aient été pratiqués, nous n'en pouvons douter. Tout d'abord dans le théâtre de Plaute, nous trouvons quelques allusions à ce thème : ainsi, dans Epidicus (v. 730), At ob earn rem liber esto dit Periphanes à Epidicus; malgré la solennité de la formule, il ne peut s'agir que d'un affranchi ssement officieux110. Dans les Menaechmi, Messenio est affranchi deux fois officieusement111; mais contrairement à ce que croit A. Watson112, nous ne pensons pas qu'il y ait, dans ce cas, forcément référence au droit attique : en effet, Messenio précise bien Sed meliorest opus auspicio, ut liber perpetuo stem (v. 1149); ce qui nous paraît sous-entendre qu'il voudrait avoir plus de chance que lors de son précédent affranchiss ement et bénéficier d'une libération définitive, donc officielle. Dans les Adelphi de Terence (v. 959-984), Syrus reçoit la liberté à titre officieux (liber esto dit Micio, pére adoptif d'Aeschinus), ainsi que la promesse de la libération de Phrygie, sa compag ne.Mais lorsque Demea souhaite que Micio accomplisse son devoir jusqu'au bout, celui-ci comprend qu'il s'agit de donner un petit capital à Phrygie, mais l'exhortation ne portait-elle pas, aussi, sur la libération officielle de Phrygie?
107 Manpower, p. 380 - cf. Cicéron, De Domo, 25. 108 Manpower, p. 102-103. 109 Treggiari, Freedmen, p. 27-8. 110 Dans ce sens, Watson, Persons, p. 198 qui pense que l'on a, ici, l'écho des facilités accordées par le droit attique. 111 V. 1022-1034, avec un quiproquo portant sur les deux maîtres, et vers 1055-9 plus 1146-9. 112 Persons, p. 198.
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LE LIEN PATRON-AFFRANCHI : FONDEMENTS ET EXPRESSION
C'est peut-être aussi à un tel affranchiss ement qu'il est fait allusion dans X'Andria lorsque Simo, s'adressant à Sosia, déclare : Feci ex servo ut esses libertus mihi (v. 35); à prendre le texte à la lettre, mihi laisserait supposer qu'il ne s'agit que d'une procédure privée. On comprend donc pourquoi, à l'occasion, tel personnage, par exemple de Plaute, prend la peine de préciser qu'il a affranchi régulière ment113: ainsi, dans la Mostellaria (v. 974) Theo propides déclare à Phaniscus, à propos de la libération de Philematium par Philolaches : Liberavit valide. Mais si des influences de la pratique grecque, tirée des modèles comiques de Plaute, ne sont pas exclues"4, d'autres exemples, il est vrai pos térieurs, confirment que dans la réalité romaine de la fin de la République, les manumissions informelles étaient pratiquées. Ainsi, il est possible que Tiron ait été affran chiinformellement, par Cicéron en 54-53, la manumission officielle étant intervenue peu après, à Rome même115. De même, on a évoqué la possibilité d'un affranchissement officieux au bénéfice de la familia de Cicéron, en 58 avant Jésus-Christ; mais l'interprétation du passage utilisé n'est pas évidente116. L'histoire édifiante, que conte Appien (IV. 135) à propos de Labeo, le philosophe et ancêtre du juriste, nous indique que celui-ci, après la bataille de Philippes, parvenu au point de se faire donner la mort, « prit par la main l'esclave qui lui était le plus fidèle, lui fit faire une pirouette, selon la pratique en usage chez les Romains, envers les esclaves qu'ils veulent affran chir». Il s'agit là d'un rite officiel"7, intégré dans la manumissio vindicta, mais qui, ici, ne peut avoir d'effet 113 Cf. ce que nous avons dit à propos des mentions du prêteur dans le § consacré à la manumissio vindicta. 114 Cf. Persa, ν. 474/5 : Sum lepidus civis qui Atticam hodie civitatem / maxumam maiorem feci atque auxi civi femina. Mais Spranger, Untersuchungen, p. 89 pense qu'en fait, étant donné que l'affranchissement en droit attique ne donnait pas accès à la citoyenneté, il s'agit d'une référence voilée à la réalité romaine. Sur les pratiques non formelles grecques et leur influence à Rome, cf. Biscardi, Manumissio, p. 19-28. 115 Sur ce point, Treggiari, Freedmen, p. 261. 116 Cf. Treggiari, op cit., p. 18 et n. 3 - Fam., XIV, 4, 4 : nous proposons un autre interprétion par ailleurs. 117 Dans un sens contraire, et à propos de ce passage, Cuq, Une scène, p. 541 et 543 conclut, à tort, que le vertigo, comme le port du pileus sont liés à un affranchissement informel.
juridique, car Labeo n'est pas un magistrat en titre et ne peut procéder, par exemple, à un affranchissement apud se. Il a sans doute voulu donner une certaine solennité, le caractère d'un beau (dernier) geste, à une décision qui ne pouvait avoir qu'un effet privé d'au tant plus qu'il n'y avait aucun témoin pour certifier, après la mort du patron, la réalité de cette libération. Mais en dehors de ces cas, où, de propos délibéré, ou du fait des circonstances, un esclave était définitivement ou provisoirement considéré comme libre, en fait, mais pas en droit, il existait aussi des situations de même nature, liées à l'accomplissement défectueux des modes offi ciels d'affranchissement. Un passage d'une lettre de Cicéron118, nous invite à conclure dans ce sens. La lettre datée de novembre 50, et adressée de Brindes, contient une diatribe de Cicéron contre Chrysippus, un de ses esclaves dont nous savons qu'il l'affranchi en tant que magistrat et qui aurait abandonné le jeune Cicéron, dont il avait la surveillance, sans doute dans le cadre de ses operae119. Cicéron présente les deux argu ments qu'il a sans doute utilisés pour demander l'annulation de ces deux affranchissements : le non renouvellement du tus iurandum portant sur les operae et la non validité de Yaddictio que lui-même a prononcée en tant que magistrat. Nous avons là un exemple typique du com portement de chicaneau que Cicéron pouvait adopter; en effet si l'affranchissement apud se avait été impossible, ou si la manumission s'était déroulée en l'absence de témoins qualifiés (c itoyens?), Chrysippus, un «lettré», se serait-il prê té à un tel «faux»?; d'autre part, il est bien étonnant que Cicéron si soucieux de ses intérêts, n'ait pas exigé le renouvellement du serment promissoire. Surtout, si l'on pense, avec S. Tregg iari120 que la «défection» de Chrysippus s'est produite entre août et décembre 51, le délai de réflexion que s'est donné Cicéron apparaît bien long! En tout cas, si des vices de forme se sont produits, ou bien Cicéron «jurisconsulte» s'était réservé, à l'avance, une possibilité d'annulation, ou bien l'avocat a «soufflé» au patron, après coup, des moyens de se tirer d'affaire. 118 Cité à propos de la manumL·sio apud se pratiquée par un magistrat au sujet de son propre esclave Ad Au., VII, 2, 8. 119 Dans ce sens, Treggiari, op. cit., p. 23 n. 1. 120 Ibid.
LA LIMITATION DE LA « VOLUNTAS DOMINI. Mais la question est de savoir si la solution défendue par le préteur à la fin du deuxième siècle et qui visait, dans le cas de la manumissio vindicta, au respect méticuleux des formes, tenait toujours au siècle suivant. Autrement dit, le caractère d'in hire cessio que, nous l'avons dit ailleurs, l'affranchissement par la vindicte a pris à cette époque, n'a-t-il pas supplanté le formalis me que Cicéron, pour les besoins de la cause, a mis en avant? Et finalement, cet affranchisse ment (double) a-t-il été annulé? Et dans ce cas, les deux personnages ont-ils été remis en escla vage ou gratifiés, sous la surveillance du préteur, d'une liberté de fait? La première solution nous semble a priori exclue, dans la mesure, notam ment, où, nous allons le voir, la tuitio praetoris n'aurait pu, au milieu du premier siècle, que faire respecter l'intention d'affranchir qu'en tout état de cause, Cicéron ne pouvait nier avoir eue 121 Pour définir la situation des esclaves affran chisde façon non officielle, ainsi que l'action du préteur à leur sujet, nous disposons de docu ments juridiques datant de l'époque impériale, mais qui, évoquant les effets des lois Augustéennes, font allusion à la situation à la fin de la République. Le texte essentiel est le Fragmentum Dositheanum, datant sans doute du deuxième ou troisième siècle122, dont il convient de scruter en 121 On ne comprend pas bien ce que Watson, {Persons, p. 198) entend lorsqu'il dit «certainement Cicéron semble satisfait de la punition qu'il a infligée aux esclaves qu'il a affranchis». Car la sanction n'appartient pas à Cicéron, mais au prêteur. Par contre, l'auteur conclut dans le même sens que nous, à savoir qu'il y a eu, au pire, transformation de l'affranchiss ement officiel en affranchissement informel. 122 Cf. Girard-Senn, Textes, p. 464-5. Frag. Dosith. 4 «II semb lepréférable de commencer ce commentaire par les affran chiset tout d'abord de traiter des (affranchis) Latins, afin d'éviter d'avoir à revenir trop souvent sur les mêmes explicat ions.Tout d'abord, donc, examinons ce que l'on dit de ceux qui, jadis étaient affranchis «entre amis»: ils n'étaient pas pleinement libres, mais de par la volonté de leur maître demeuraient dans un état de liberté (de fait) et n'étaient que délivrés de la crainte attachée à la servitude». 5: «Auparavant en effet, la liberté était une et l'affra nchissement était accompli par la vindicte, ou par testament, ou par inscription au cens, et la citoyenneté romaine s'appli quaitaux esclaves affranchis : c'est ce qu'on appelle l'affra nchissement régulier. Quant aux esclaves qui, par la volonté de leur maître étaient placés dans une liberté de fait, ils restaient en droit des esclaves; mais si ceux qui leur avaient
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détail les paragraphes 4 à 8 et qui est en partie confirmé par Gaius123 : les deux auteurs retra cent une évolution historique, dont le tournant se situe au moment du vote de la Lex Iunia; il y a donc d'une part la situation antérieure (o/im)124 et la situation postérieure à la loi (sed nunc/nunc), ce que, dans les deux textes, le
accordé cette liberté avaient l'audace de les replacer à nou veau, de force, dans l'esclavage, le prêteur intervenait et ne permettait pas que l'esclave ainsi affranchi soit réduit à la situation d'un esclave véritable. Cependant, un tel affranchi acquérait comme un esclave, au profit de celui qui l'avait affranchi, de telle sorte que s'il s'était fait promettre quelque chose par stipulation, ou s'il recevait par mancipation ou s'il acquérait un bien pour quelque autre raison, tout ceci deve nait propriété de son maître, c'est-à-dire que tous les biens d'un tel affranchi appartenaient au patron». 6: «Mais de nos jours, ceux qui sont affranchis, "entre amis" bénéficient d'ue forme particulière de liberté, et deviennent Latins Juniens; en effet, la loi Iunia qui leur a donné la liberté, les met au même rang que les Latins coloniaux qui, alors qu'ils étaient affranchis citoyens romains, faisaient enregistrer leur nom dans une colonie (latine)». 7 : «A l'égard de ceux qui sont affranchis "entre amis", il faut considérer la volonté du maître; la loi Iunia, en effet, prescrit d'attribuer le statut de Latins à ceux que leur maître a eu l'intention de rendre libres. Pour qu'il en soit ainsi, il faut que le maître manifeste sa volonté d'affranchir. Il résulte de ce principe que s'il a affranchi sous la menace physique ou verbale exercée par une foule quelconque ou par un seul individu, l'esclave ne peut accéder à la liberté, car on ne peut considérer que celui qui a agi sous la contrainte a exercé librement sa volonté». 8 : « De même, pour que l'esclave puisse acquérir la libert é,il doit appartenir à une catégorie telle que le prêteur ou le proconsul ait à protéger sa liberté; c'est en effet ce à quoi la loi Iunia a veillé. Mais il existe de nombreux cas dans lesquels le proconsul ne protège pas la liberté (de l'esclave) cas que nous étudierons plus loin dans l'exposé». Gaius, III, 56 : «Afin que cette partie du droit soit exposée avec plus de clarté, nous devons faire remarquer - nous avons déjà exposé ce point dans un autre passage - que ceux que l'on appelle de nos jours Latins Juniens étaient autrefois, au regard du droit des Quirites, des esclaves; mais que, grâce à l'intervention du prêteur, l'usage s'était créé qu'ils servent tout en disposant d'une liberté formelle; ceci avait pour conséquence que leurs biens revenaient normalement au patron en vertu du droit concernant le pécule; mais par la suite, grâce à la loi Iunia tous ceux que le prêteur veillait à maintenir libres (dans les faits) devinrent libres en droit et furent appelés Latins Juniens». 125 Instit., III, 56. 124 On peut s'accorder pour penser que olim se rapporte à la situation à la fin de la République et au règne d'Auguste. Dans ce sens, Buckland, Slavery, p. 444-5, suivi plus récem mentpar Watson, Persons, p. 197-8.
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passage du parfait ou de l'imparfait au présent souligne bien. Si des doutes subsistent sur la date de la Lex Iunia, il est à peu près sûr qu'elle est d'inspiration augustéenne, même si elle est légèrement postérieure au règne même d'August e125. Quels ont donc été les termes de cette évolu tionqui, en réalité, comporte trois étapes? Le Frag. Dosith (4) nous dit, que, avant la loi, les affranchis qui n'étaient pas libérés de façon formelle, selon les trois modes reconnus, pou vaient être l'objet d'une libération officieuse : inter amicos olim manumittebantur, ce dernier verbe ne doit évidemment pas être pris au sens strict; d'ailleurs le texte oppose cette pratique à la iusta manumissio (5); l'esclave libéré informellement n'accède pas à la libertas pleine, c'està-dire la citoyenneté (non esse liberos). En droit, ces esclaves incomplètement libérés restaient des esclaves (ex ture Quiritium servos fuisse dit Gaius, III, 56 - manebant servi Frag. Dosith, 5); et c'est sans doute la raison d'être essentielle de cette pratique : les maîtres récupéraient les biens de tels individus et tout ce qu'ils acqué raient revenait aux patrons (omnia bona ad patronum pertinebant Fr. Dosith. 5, le terme patronus n'étant pas pris, ici, au sens officiel). Le terme bona ne convient d'ailleurs pas (l'auteur est, semble-t-il, influencé par la Lex Iunia qui utilisait ce terme), alors que Gaius, sur ce point, est plus précis, car il parle des droits du patron, exercés sur un pécule, renvoyant donc à une situation de fait proche de celle d'un esclave (unde edam res eorum peculii iure ad patronos pertinere solita est) ce qui veut dire, en particu125 Cf. le résumé des discussions anciennes chez Kaser, RPR, F, p. 254. Treggiari, Freedmen, p. 30 place le vote de la loi en 17 avant Jésus-Christ, à la suite de Duff (Freedmen, p. 210-4 - p. 75). De Zulueta, Institutes, II, p. 26 fait référence à 19 après Jésus-Christ, à cause de l'appellation Norbana don née par Gaius (I, 5, 3), mais pense qu'il n'est pas exclu que cette loi fût antérieure à la Lex Aelia Sentia de 4 après Jésus-Christ (dans ce sens aussi H.Last, CAH, X, p. 888-9). Alors que la plupart des auteurs se rallient à la date de 19 après Jésus-Christ, ainsi Biscardi, Manumissio, p. 8 et 9 (et n. 2). Et enfin, Sherwin-white, Citizenship, p. 332-4 qui pense que de doute manière, l'inspiration est augustéenne, car contraire à la politique restrictive de Tibère. De Dominicis, Latins Juniens, p. 313 maintient l'antériorité de la Lex Junta, qu'il situe en 25 ou 17 avant Jésus-Christ, le deuxième qualifi catifNorbana étant dû, selon lui, «à une grossière erreur des compilateurs de l'époque de Justinien».
lier, que ces pseudo-affranchis ne pouvaient rien transmettre par testament. Les avantages que ces derniers retiraient d'une telle solution étaient bien minces, en fin de compte : in Übertäte morari, in liberiate eranti26; mais cette pseudo-liberté n'a qu'un caractère personnel; elle est sans doute assortie d'une plus grande considération accordée par le maître (et tantum serviendi metti dimitti, Frag ment, 4)127 : les mauvais traitements devaient être, habituellement, évités, mais la torture judi ciaire ne devait pas plus être épargnée qu'aux esclaves. Quant à la vie familiale, elle ne devait pas être différente de celle des esclaves, au moins sur le plan juridique : on imagine mal un servus, même jouissant d'une certaine liberté de fait, exercer sa potestas sur des enfants. En réalité dans un tel contexte, tout est à l'avantage du patron qui pouvait, au pire, revenir sur une telle concession, qui n'avait qu'une por tée domestique. Au mieux, une telle situation pouvait servir de probation avant un affranchi ssementofficiel. Or cette pratique, qui était sans doute la continuation d'une habitude antérieure à l'épo que où, progressivement, la manumissio a pu avoir un effet juridique plein, n'est pas restée inchangée, ou du moins à une date que l'on peut sans doute placer au second siècle avant JésusChrist128 au plus tôt, le préteur129 est intervenu pour que les maîtres ne puissent revenir sur cette liberté de fait et replacer réellement dans l'esclavage ceux auxquels ils avaient fait espérer
126 Sur le sens de cette expression, cf. Wlassack, Freila ssungen, p. 378 et n. 1. Toute différente est l'acception de la formule in liberiate esse sine dolo maio, au moins à l'époque républicaine (cf. Watson, Persons, p. 221/2). 127 Cicéron, parlant de cette libération de la crainte, visait, cependant, les formes officielles d'affranchissement : Pro C. Rabirio, 16 (An vero servos nostros horum suppliciorum omnium «metu» dominorum benegnitas vindicta una liberai). 128 Après le vote de la Lex Aebutia et avant les leges Iuliae (judiciaires de 17/16 avant Jésus-Christ). Selon Watson, Per sons, p. 222. La Lex Aebutia a été datée entre 199 et 125 a.c. (ou même plus tard). Cf. Berger, Dictionnary, p. 547 (Rotondi, Leges Publicae, p. 304-5, retient la fourchette 149-125 a.c). 129 Sans doute cette intervention se faisait-elle au moyen de la denegatio petitionis ex liberiate in servitutem et en vertu de l'édit si controversia erit, utrum ex servitute in libertatem petatur (cf. Watson, Persons, p. 222).
LA LIMITATION DE LA « VOLUNTAS DOMINI. une liberté régulière (in libertatis forma servari solitos dit Gaius - interveniebat praetor et non patiebatur mamimissum servire, Frag. Dosith 5). Donc, l'action du préteur n'a pas consisté à don ner une valeur officielle à des actes qui ne pou vaient en avoir, mais à exercer sa tuitio (quos praetor in liberiate tuebatur dit Gaius), c'est-à-dire à accorder sa protection à des individus que leur situation ambigue entre servitude de droit et liberté réelle, plaçait à la merci des humeurs de leur maître. Même, si nous l'avons dit, la date à laquelle la tuitio praetoris est apparue peut être discutée, on peut penser qu'il faille la mettre en rapport avec la multiplication de tels affranchissements, sans doute à la fin du second ou en tout cas, au premier siècle130. Cependant, il faudrait pouvoir apprécier les moyens de connaissance et d'action dont dispos aitle préteur131; comment pouvait-il être info rméde tels actes privés? si le maître, et pour cause, ne disait rien, le préteur pouvait-il être saisi par l'esclave lui-même? et le préteur n'étaitil pas prêt à favoriser des citoyens (les patrons) au détriment de non citoyens? Ce sont autant de questions auxquelles nous ne pouvons répond re.
130 Sans entrer, ici, dans le détail des réformes prétorien nes de la fin du deuxième siècle, concernant la définition des operae dues par les affranchis, ne pourrait-on pas mettre en rapport cette augmentation du nombre des affranchisse ments informels avec le fait que les patrons ne pouvaient plus dicter des obligations excessives aux affranchis réguli èrement libérés? D'où la tentation pour les propriétaires d'esclaves de recourir aux libérations privées qui leur per met aient, tout en offrant un «stimulant» à leurs servi «mérit ants», de continuer à bénéficier de l'intégralité de leurs services? 131 Alors que Gaius parle seulement de l'intervention du prêteur, aussi bien pour la période antérieure à la Loi Iimia (auxilio praetoris), que pour l'époque postérieure (per legem Iuniam omnes quos praetor in liberiate tuebatur), le Fragin. Dosith. fait intervenir le prêteur seul (§ 5), puis pour l'époque ayant suivi la Lex, le prêteur et le proconsul (§ 8). Ce qui veut peut-être dire que sous la République, les gouverneurs de provinces ne pouvaient prolonger cette tuitio, ce qui aurait été modifié par la Lex lunia. A moins de penser que la Lex Iunia, tenant compte du partage du gouvernement des pro vinces, opéré en 27 a.c, fait intervenir les gouverneurs des provinces impériales (préteur) et ceux des provinces sénator iales(proconsul), ce qui est vraisemblable. Mais de toute façon, rien ne dit que, sous la République, il y ait eu «décentralisation» de l'intervention prétorienne.
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Le nombre des esclaves ainsi libérés devait être considérable pour que P. Clodius ait tenté non seulement de les faire admettre comme les affranchis réguliers aux distributions publiques, mais pour qu'encore il ait voulu leur accorder la pleine citoyenneté132. Et le problème posé dut avoir assez d'acuité pour que, sous le règne d'Auguste, ou peu après, des mesures importantes dussent être prises. Si l'on accepte l'antériorité de la Lex Aelia Sentia par rapport à la Lex Iunia, c'est à la première que l'on doit attribuer ce qui serait une première mesure, rapportée par Gaius133. Ce texte paraît difficile à expliquer, dans la mesure où à première vue, il semblerait que, selon Gaius, la Lex Aelia Sentia ait créé un privi lègede paternité, au profit des Latins Juniens, ce qui expliquerait que ceux-ci aient existé avant 4 après Jésus-Christ. Mais il est probable que Gaius utilise ce terme pour désigner une catégor ie d'individus que par la suite on qualifia de Juniens (eos qui mine Latini Iuniani dicuntur, III, 56) confusion justifiée par la proximité dans le temps, des deux lois (Statim, I, 29). Autrement dit, la loi Aelia Sentia aurait recon nu aux esclaves affranchis de façon informelle le droit d'épouser des cives romanas, latinas coloniarias ou des femmes de même condition qu'eux; faut-il penser à des mariages ouverts, ou bien la notation vel eiusdem condicionis cuius et ipsi essent, doit-elle laisser penser que seules les affranchies de citoyens romains ou de latins
"2 Cf les remarques, à ce sujet, de De Dominicis, Latins Juniens, p. 313 et de C. Nicolet, Rome et la conquête du monde méditerranéen, I, p. 218-219-227. 133 Inst., I, 29: «En effet, aussitôt (après), sur la base de la loi Aelia Sentia, la loi lunia disposa que les esclaves âgés de moins de 30 ans, affranchis et faits latins, s'ils épousaient des femmes, soit citoyennes romaines, soit latines des colonies, soit ayant le même statut qu'eux, et s'ils pouvaient produire au moins 7 témoins citoyens romains et pubères pour le prouver, et s'ils avaient engendré un fils, recevaient la facult é,en vertu de cette loi, de comparaître devant le préteur ou, dans les provinces, devant le gouverneur de la province, et d'administrer la preuve qu'ils avaient pris femme dans les conditions prévues par la loi Aelia Sentia et qu'ils étaient père d'un fils né d'elle et âgé d'un an; et si le magistrat devant lequel le motif est prouvé se prononce dans ce sens.alors le Latin Junien lui-même et aussi son épouse, si elle a un statut identique au sien, sont reconnus citoyens Romains». Sur ce point, cf. les commentaires de Sherwinwhite, Citizenship, p. 332-3.
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pouvaient convoler avec eux? Cette dernière hypothèse semblerait, à première vue, plus con forme à un statut d'individus qui n'est pas enco refixé134. De toute façon, cela nous indiquerait que la Lex Iunia serait dans la droite ligne de ce que la Lex Aelia Sentia, entièrement augustéenne, avait prévu135. Quant à la Lex Iunia, que nous ne voulons pas détailler ici, disons qu'elle a apporté des changements considérables. Tout d'abord, elle a brisé, ou du moins rendu officielle la rupture de l'unité de la manwnissio, ainsi que Gaius le faisait remarquer dans le texte cité plus haut (Inst. IH, 56)lì6 et, sur ce point, elle a parachevé ce que les lois Aelia Sentia et Fufia Caninia avaient commencé d'indiquer: désormais, il n'y a plus de lien automatique entre affranchissement et citoyenneté du maître; le maître citoyen romain peut, à sa guise, recour ir aux formes officielles d'affranchissement ou aux autres; dans le premier cas, il crée un civis romanus, dans le second, un Latin junien. Mais l'aspect le plus marquant de la loi est la reconnaissance et la définition de la voluntas domini. Bien sûr, la notion elle-même n'est pas nouvelle, et nous l'avons vu intervenir, à la fin de la République, dans le cadre des affranchiss ements officiels. Mais l'officialisation de cette voluntas demandait alors l'intervention d'un magistrat (et donc et l'Etat). Or désormais, sans intervention directe de l'Etat (le préteur conti nueà exercer sa tuitio, mais sans doute unique mentau moment des conflits), le maître peut faire «bénéficier» son esclave d'une liberté qui pour être moindre est, cependant, pourvue d'une définition juridique. C'est là un progrès considérable et l'affranchi est désormais dans une meilleure posture137 que ne l'était l'esclave 134 II ne faut évidemment pas négliger le but «démogra phique»de la loi. 135 C'est un point de vue acceptable, même si nous devons nous méfier du statim de Gaius; du fait du recul chronologi que et aussi en raison de son esprit de système, il a peut-être donné à la politique augustéenne plus de continuité qu'elle n'en a eu. 136 Cf. Volterra, Manomissioni, p. 87-90. 137 On pourrait cependant aussi bien penser que ce statut nouveau avait été établi dans un but dissuasif, dans le but d'éviter que des maîtres scrupuleux ne soient tentés, afin de ne pas léser leurs esclaves devant recevoir la liberté, de leur donner directement accès à la citoyenneté.
non affranchi régulièrement sous la République, d'autant plus que la protection du préteur est relayée, dans les provinces par celle des gouver neurs. Par ailleurs, la Lex Iunia offre une possibilité à de tels affranchis d'accéder, ainsi éventuell ement que leur femme, à la citoyenneté romaine, à condition, nous dit Gaius (I. 29), d'avoir un fils de plus d'un an138. Et d'autre part, le maître avait toujours la possibilité, par un recours à une forme officielle de procéder, ultérieurement à une iteratio et de faire bénéficier l'affranchi de tout ce que celui-ci aurait pu avoir s'il avait été affranchi de façon régulière la première fois, ceci à condition que l'individu en question ait plus de trente ans (Gaius /, 35). Donc sur le plan du droit individuel et du statut dans la cité, la Lex Iunia a atteint une sorte de maximum dans la générosité et consti tuaitun incontestable progrès par rapport à la période antérieure. Seulement, et on l'oublie trop souvent, l'e ssentiel n'a pas été changé : les Latins Juniens, en tant que tels, ne peuvent disposer de leurs biens, même s'ils sont mariés et ont des enfants (non mâles), ou du moins, s'ils jouissaient du lus commercii de leur vivant, ils ne pouvaient trans mettre leurs bona qui entraient, comme un pecuHum servile, dans Yhereditas du patron. Donc, les intérêts économiques des patrons ont été sauve gardés quitte à faire comme si, dans ce domaine, la loi n'avait pas eu d'effet139. Désormais, celle-ci officialise l'usage : c'est d'un quasi pécule que ces affranchis jouissent, pécule qui, à leur mort, revient au patron. Nul doute que cette formule ait eu du succès auprès des patrons. Et comme on sait, par ail leurs, quelle influence les patrons avaient dans le domaine du mariage de leurs affranchies, on peut penser que le nombre d'affranchis Juniens
138 Ce qui constitue encore un indice du souci de dévelop pement démographique qui habitait Auguste. 139 Cf. Gaius, III, 55-63. Commentaire pertinent de De Zulueta, Institutes, II, p. 27 p. 131. Gaius, III, 56: «Le législateur a voulu veiller à ce que leurs biens continuent à appartenir à celui qui leur a donné la liberté, tout comme si la loi n'avait pas vu le jour; c'est pourquoi, en application, dans une certaine mesure, du droit concernant le pécule, les biens des (affranchis) Latins appar tiennent, en vertu de cette loi, à ceux qui les ont libérés ».
LA LIMITATION DE LA « VOLUNTAS DOMINI. ayant eu un enfant mâle de un an et pouvant accéder à la citoyenneté (et donc user plus libr ement de leurs bona) ne devait pas, à la conve nance des patrons soucieux de leurs intérêts, être très important. La générosité de la loi se limitait aux aspects non économiques de cette forme de libertinitém. D'autre part, cette notion de vohmtas domini que nous avons évoquée reçoit une définition qui semble assez négative. Si nous reprenons le Fr. Dosith 5, nous y lisons : Et autem, qui «domin i» voluntate in liberiate erant, manebant servi ce qui revient à affirmer le bon vouloir, la totale liberté du maître durant la période antérieure à la Lex lunia. Mais l'auteur ajoute aussitôt : Sed si manumissores ausi erant in servitutem denuo eos per vim ducere, «interveniebat praetor et non patiebatur». Autrement dit, d'une part, le préteur n'admettait pas le retour (en arrière) d'une quasi liberté à l'esclavage intégral; d'autre part, la voluntas domini était censée s'exercer non pas à tout moment, mais dans un sens positif, lors de la mise in libertate(m). Le préteur prenait donc acte d'une décision créative de la liberté et ne tenait pas compte des regrets, caprices, désir de vengeance, etc.. de la part du patron. De ce point de vue, l'action du préteur, à la fin de la République, est favorable à l'ancien esclave. Or, la Lex lunia va apparemment dans ce sens, puis que la tuitio praetoris est réaffirmée et que le rôle actif de la voluntas domini est souligné141. Mais pour que cette volonté soit reconnue, il faut désormais, qu'elle s'exerce dans des condi tions bien précises (Frag. Dosith, 7) : Quia non
140 Et n'oublions pas que les Juniens n'étaient pas dispen sés de fournir leurs operae à leurs patrons Lambert, Operae, p. 54-5). 141 Cette voluntas peut être définie comme une intention délibérée de donner la liberté. Dans ce sens, Volterra loc. cit., p. 89/90) a raison de rappeler que, déjà à propos des autres formes de manumission, la voluntas du maître était requise. (Mais on peut remarquer, en ce qui concerne la manumissio testamento que la reconnaissance des fideicommis et donc des libérations qui leur sont liées, a amplifié, à partir précisé mentde l'époque augustéenne, cette notion de vohmtas). Sur ce thème, cf. Wlassack, Freilassungen, p. 374. Notons qu'il y a un rapport a établir avec les conditions d'émancipat ion du fils de famille à laquelle, jusqu'à Justinien (Bonfante, Corso I, 1925, p. 64), le paterfamilias ne peut être contraint.
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intellegitur voltasse qui coactus est. La question que l'on peut se poser est de savoir si cette nécessité pour le maître de manifester une voluntas souveraine est la condition de la recon naissance de l'octroi de la liberté propre aux Juniens ou bien, ce qui semble au moins aussi plausible, si elle n'est pas un recours offert aux patrons, afin qu'ils puissent revenir sur ces affranchissements en arguant qu'ils ont été cont raints. Autrement dit, alors que le préteur, à la fin de la période républicaine, sanctionnait la violence (per vim, Fr. Dosith, 5) des patrons, la loi lunia vise essentiellement la violence exercée par l'esclave en vue de sa libération. Telles sont les innovations, mais aussi les limites (essentiellement d'ordre économique), dans lesquelles s'inscrivent les mesures de la Lex lunia. Si l'on admet, avec nombre d'auteurs que nous avons déjà cités, que les premiers affran chissements, historiquement, n'ont été qu'infor mels,c'est-à-dire maintenaient les affranchis dans une quasi-servitude, dans une catégorie inférieure de clients et sans accès à la citoyennet é, c'est donc une histoire très longue et ancien ne qui aurait été, au moins sur le plan des personnes (mais non de leurs biens), définitiv ement close. b) Les affranchissements accomplis selon des modes non romains La pratique de l'affranchissement n'est pas réservée aux seuls citoyens romains et, notam mentdans les pays marqués par l'hellénisme, des formes d'affranchissement, souvent ancien nes, se sont maintenues au temps de la dominat ion romaine. Ces formes n'avaient évidemment aucun effet sur le plan de la citoyenneté romain e. Il n'est nullement question de faire une étude systématique de ces procédés, mais d'en rappel er l'existence à la fin de la Répubblique et de marquer en quoi ils ont pu, d'une part influencer l'affranchissement vindicta, d'autre part susciter l'attention du préteur. Ces manumissions selon des habitudes nonromaines ont souvent en commun d'avoir un caractère religieux et de se rattacher à ce qu'on peut appeler la manumission sacrale.
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Ces formes d'affranchissement se sont main tenues, mais en Grèce même, par exemple142, elles on duré jusqu'au Bas Empire143! Bien sûr les actes d'affranchissement delphiques144 montrent que la portée «internationale» de la consécration au dieu s'est maintenue, par exemple chez les Syracusains après 215I4S, mais encore chez les Romaioi qui, au second et au premier siècles, ont commercé dans la mer Egée et la Grèce centrale146. De même, à Buthrote quatre cents esclaves sont affranchis sans doute au milieu du second siècle pour la plupart147 et, malgré les formulai res variés utilisés (consécration ou non au dieu), on peut les considérer comme des ΐεροι, même s'ils ne sont pas attachés au sanctuaire. Quant à l'Orient hellénisé il a lui aussi connu, à notre époque, ce type de manumission; il nous suffit de renvoyer aux conclusions de P. Debord qui en souligne les caractères grecs et non grecs, en Asie Mineure notamment, mais aussi en Egypte148. Mais il est remarquable que des formes d'a f ranchis ement sacral aient existé plus près de Rome, et notamment en Italie; on pense bien sûr au sanctuaire de Vénus Érycine149 à propos
duquel Cicéron nous donne des renseignements directs et, en particulier, une définition des liens rattachant Agonis, libertà Veneris Erycinae à la divinité150. Cicéron parle d'une pratique fréquent e, alors que Strabon semble suggérer qu'il s'agit d'un rite moins répandu que dans le passé. Or n'oublions pas que ce culte de Vénus Érycine est établi à Rome extra portarvi Collinam et que c'est dans son temple, qu'était célébré, le vingt cinq avril, le dies meretricum, à l'occasion duquel les affranchies jouaient un rôle import ant151. Et l'on a pu essayer d'utiliser ce rappro chement afin de montrer que la manumissio vindicta pouvait avoir «englobé» des pratiques qui, originellement, appartenaient à la manumiss ion sacrale152. Par ailleurs, à Larinum, selon le témoignage de Cicéron, il existait des esclaves consacrés à Mars153, tout comme il y en avait à Venus en Sicile; étant donné l'analogie proposée par Cicé ron lui-même, on ne peut douter qu'il y ait eu aussi des affranchis de Mars154. Surtout, il est possible que le culte de Feronia ait donné lieu au moins dans le sanctuaire de Terracine, à un type d'affranchissement avec consécration à la divinité155. On sait aussi que ce
142 Sur ce point, le livre d'A. Calderini, La manomissione et la condizione dei liberti in Grecia, Milan 1908 (rééd. Rome 1965), (= Calderini, Manomissione) est loin d'être totalement dépassé. Voir les remarques d'ensemble p. 44-47. 143 D. Nörr, Bemerkungen zur sakralen Freilassung in der späten Prinzipatszeit, dans Studi Voiterra, II, Milan, 1969, p. 619-645. 144 Cf. G. Daux, Delphes au IIe et au Ie siècles avant JésusChrist, dans BEFAR, 131, 1926, p. 46-59, (= Daux, Delphes) - On peut toujours se reporter à F. Bömer, Untersuchungen H {Die sogenannte sakrale Freilassung in Griechenland und die (δού λοι) ίεροί, Akad. Mainz, 1960, 1, Wiesbaden, 1960 (= Bömer, Untersuchungen). 145 Cf. M. T. Manni, Contribution épigraphique à l'étude de l'esclavage en Sicile, dans Actes du Colloque Besançon 1973, Paris, 1975, p. 391 et n. 4 - cf Daux, Delphes, p. 39, n. 3. 146 Hatzfeld, Trafiquants, p. 12 n. 3 - p. 26 - p. 67 n. 1 p. 64-5 - 27-28 - 19-20. 147 P. Cabannes, Les inscriptions du théâtre de Bouthrôtos, dans Actes du Colloque Besançon 1972, Paris 1974, p. 105-209 a donné une étude complète des inscriptions du théâtre de Butrint. Il pense (p. 109) que les actes les plus récents seraient postérieurs à 167 avant Jésus-Christ. I4S P. Debord, L'esclavage sacré, état de la question, dans Actes du Colloque de Besançon 1971, Paris, 1973, p. 135-150. 149 Cf. Düll, Rechtsprobleme, p. 284-7.
150 Turn ilia, ut «mos in Sicilia est» omnium Venereorum et eorum qui a Venere se liberaverunt, ut praefecto UH religionem Veneris nomenque obiiceret, dixit et se et omnia sua Veneris esse» (Divin, in Q. Caecil., XVII, 55-7). Cf. Pro Cluentio, 43. Sur la condition de ces affranchis, nous renvoyons à R, M. Haywood, Some traces of serfdom in Cicero's day, dans AJPh, LIV, 2, 1933, p. 145-153. V. Scramuzza, Were the Venerii in Sicily serfs!, dans AJPh, LVII, 2, 1936, p. 326-330. Strabon, VI, 2, 6. 151 CIL, I2, p. 316. Ovide, Fasti, 865. Bömer, Untersuchungen, II, p. 82 et n. 1. 152 Ainsi, Tondo, Aspetti, p. 136-7; nous combattons la thèse de l'auteur plus bas, à propos du culte de Feronia. 153 Martiales quidam Larini appellabantur, ministri publici Martis atque ei deo veteribus institutis religionibusque Larinatium consecrati. Quorum cum satis numenis esset, cumque item ut in Scicilia permulti Venerii sunt, sic Uli Larini in Martis familia numerarentur (Pro Cluentio, 43). 154 Une inscriptions de Capoue, signale que 12 magistri achètent un esclave attaché au service de Iuno Gaura (cf. CIL, I2, 686. Heurgon, Recherches, p. 337) Heiscfe) magistiii) ex pagei scitu in servom lunonis Gaurae contule(runt). Mais nous n'avons aucune indication d'affranchissement de tels escla ves. 155 Cf. G.Wissowa, RE, VI, 2 (1909), col. 2218. Fr. Altheim, Römische Religiongeschichte, I, Berlin 1956 (= Altheim, Reli gionsgeschichte), p. 176. P. Hebischer, Le culte de Feronia et le
LA LIMITATION DE LA « VOLUNTAS DOMINI» culte est attesté dans de nombreux points du Latium et des confins {Lucus Feroniae, près de Capène - Trebula Mutuesca, en Sabine - Amiternum, chez les Vestirti - chez les Piceni et, enfin, en Ombrie), ainsi qu'en Istrie156. Mais à Terracine existait une importante zone sacrée, avec un temple157, un source158, et un lucus. C'est là que se trouve le point le plus méridional où le cultes soit attesté. Or, Servius159 nous précise la nature de ce culte. Son récit, qui semble cohérent, associe la divinité à la libération d'esclaves qui se produit dans son temple; dans celui-ci, les esclaves aspi rant à la liberté recevaient le pileus libertatis (après avoir fait raser leur crâne) et, symbolique ment, s'asseyaient sur un siège de pierre, dont l'inscription résumait la signification symbolique du rite: «que les esclaves qui ont bien mérité (de leurs maîtres) s'assoient, et que se lèvent les (nouveaux) affranchis». Il importe de savoir dans quelles conditions cette manumissio de caractère sacré s'accompliss ait : s'agissait-il de consacrer des esclaves à la divinité, ou de faire celle-ci témoin, garante de la libération de ces esclaves? Mais auparavant, il faut se demander si ce culte était très ancien. Si l'on ne tient compte que de la correction du sénaire, on ne peut remonter plus haut que le troisième siècle, et même la seconde moitié de ce siècle160. Mais on
gentilice Feronius, dans RBPhH, 13, 1934, p. 5. G. Dumézil, La religion romaine archaïque, Paris, 1966, (= Dumézil, Religion), p. 402409. Tondo, Aspetti, p. 153-5. IS6 Où une inscription est dédiée Iunoni Feron[iae] (CIL, V, 412). Cf. Servius, Ad Aen., 7, 799, qui associe Junon et Feronia. Cf. aussi CIL, V, 8307/8 (Aquilée) dédiées à Feronia par les aquatores Feronienses. '" Pline, NH, 55, 146. Tite Live, I, 30, 5. Pseudo Acron, ad Hor. Sat., I, 5, 24. Servius Ad Aen. 8, 564. 158 Nympha Campamae Porphyr, ad. Sat., I, 5, 24. Est autem fons in Campania iiixta Terracinam, Servius, Ad Aen, 7, 799. 159 Servius, Aen., 7, 800 (Cf. 8, 564) «Elle est aussi la déesse des affranchis et c'est dans son temple que, le crâne rasé, ils prenaient le bonnet (d'affranchis); . . . dans son temple, à Terracine, se trouvait un banc de pierre sur lequel était gravé ce vers "que les esclaves qui ont bien mérité de leur maître s'assoient, que se lèvent les affranchis". Varron dit qu'elle est la déesse Liberté, et que Feronia est presque identique à Fidonia». 160 Dans ce sens, K. Latte, Römische Religionsgeschichte, Munich 1960, (= Latte, Religionsgeschichte), p. 190.
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pourrait penser que le sanctuaire était plus ancien que l'inscription161. Quant au rite lui-même de l'assoiement et du relèvement, F. Altheim162 l'a éclairé par un ra pprochement avec un texte de Crates163 et K. Latte par le rappel d'une inscription de Cos164 où il est question d'asseoir l'esclave qui demande asile sur l'autel du dieu, afin d'en faire un escla ve de celui-ci, puis de l'affranchir165. Si bien que certains auteurs, comme S. Tondo pensent que, dans le sanctuaire de Feronia, on procédait bien à des affranchissements sacrés : la taille des che veux, consacrés à la divinité, représentant la marque de la soumission à l'autorité divine, la prise de pileus symbolisant la consécration de l'esclave proprement dite166. Mais, fondamentalement, se pose une quest ion, qui nous entraîne à anticiper sur ce que nous dirons à propos des divinités qui permett ent la liberté aux esclaves. S. Tondo, dans son étude si minutieuse de la manumissio vindicta, relève le rôle essentiel que, aussi bien dans l'a f ranchis ement devant le préteur (donc typique ment romain), que dans l'affranchissement décrit par Servius, le pileus joue, au plan symbol ique{pileus blanc et tête rasée auraient une valeur sacrée, voire sacrificielle, associée à la liberté)167. Pour cet auteur, il n'y a pas de doute que la cérémonie de la manumissio vindicta aurait «intégré» des éléments symboliques qui auraient valu non seulement dans le cadre du sanctuaire de Terracine, mais aussi pour celui de Capène {Lucus Feroniae) et même à Rome, où une fête de Feronia figure dans le calendrier des Arvales, aux ides de novembre168. Cette argu mentation est impressionnante169, mais nous paraît en partie inacceptable.
"·' Cf. E. Fräenkel, dans Hermes, 62 (1927), p. 357. Thèse reprise par Tondo, Aspetti, p. 153. 162 Religionsgeschichte, I, p. 176. 163 E. Diehl, Anthol. Lyric. Graec\ 1 (1949), p. 125 (fra gment 16). 164 Latte, Heiliges Recht, Berlin, 1920, p. 106. 165 Sur certains rapports avec des sources concernant Argos, cf. Tondo, Aspetti, p. 154-5. 166 Ibid., p. 155. 167 Ibid.. p. 144-152. 168 ILLRP, 9. 169 D'autant plus que Festus (158 M = 148 Lindsay s.v. manumitti) écrit : (Manumitti dicitur) servi sacrorum (causa, cum dominus eins tenens m)odo caput (modo membrum aliud
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LE LIEN PATRON-AFFRANCHI : FONDEMENTS ET EXPRESSION
D'une part, seul Servius parle du Incus de Terracine, il a donc pu, à propos de deux sanctuaires de Feronia, faire un «transfert». Et, de toute façon, dédui re de la présence d'un Incus à Terracine et près de Capène que les rites pratiqués étaient identiques, ici et là, est sans doute risqué. D'autre part, à propos du culte de la déesse à Rome, il faut tenir compte de la récente révision opérée par M. Torelli170. Revenant sur une inscript ion171 (découverte en 1905, dans la nécropole de la Via Salaria et dédiée à un certain Epigoni Volusiano opens exactor(i) ab Luco Feroniae, qui avait suggéré à divers auteurs172 qu'à côté du temple sur le Campus Martius173, il y aurait eu, dans un endroit pour le moment inconnu, un lucus consacré à cette divinité, l'auteur n'a pas de peine à démonter que le mort désigné dans cette épitaphe (datant du début de l'Em pire) est un esclave de la colonie Julienne, donné à celle-ci par les Volusii dont justement la villa est liée au sanctuaire de Capène. Cet esclave aurait été chargé d'un opus de quelque importance, non pas dans le cadre de l'agrandissement de la villa de ses anciens maîtres174, mais à propos de travaux publics accomp lis dans la colonie même, par les Volusii, Volusius Saturninus, le consul de 12 avant notre ère, ayant été, sans doute peu après, le patron de la colonie, ainsi
euisdem servi ita) édicté : (Hune hominem liberum esse volo ac) pro eo auri puri probi profani mei solvam si usquam digne (diatur a sacris cum fuerit iuris) sui Dum his ser(vum circumagit et manu homùnem liberum mit (tit) (restitution sur la base de Festus 159 M =149 Lindsay + 250 M = 296 Lindsay). Or, d'une façon générale, on ne peut savoir s'il s'agit d'une manumissio sacrale ou d'une manumissio vindicta véri table. Et même si l'on acceptait le raisonnement de Tondo (p. 122-5, notamment) qui voit là la preuve irréfutable de l'existence de la manumissio sacrorum causa à Rome, et que manumissio soit un terme qui, avant d'englober les formes civiles régulières ou non aurait désigné avant tout la manum issio sacrorum causa (p. 121-4) et qu'enfin la manumissio vindicta aurait emprunté son symbolisme même à cette der nière, on ne peut, à partir de l'hypothèse que la manumissio sacrorum causa s'est diffusée dans les environs de Rome au début du IIIe siècle (p. 138-9), conclure que le culte de Feronia, à l'époque qui nous intéresse avait cette forme, à Capènes, ni que la manumissio vindicta ait eu encore un caractère religieux. 170 Feronia e Lucus Feroniae in due iscrizione latine, dans Arch. Class., 25-26, 1976, p. 741-750 (»Torelli, Feronia). 171 CIL, VI, 37422 = ILS, 9051 (cf. VI, 37.423) = AE, 1975, 62. 172 Notamment Platner-Nashby, Topogr. Dictionnary, Ox ford, 1929, p. 317. 173 CIL, P, 335 = Inscr. It. XIII, 2, p. 530-1. 174 Torelli, Feronia, p. 748 - voir aussi M. Moretti, dans Autostrade, X, 8, Août 1968 (deuxième phase de transformat ion sous le consul de 12 avant Jésus-Christ).
que l'atteste une inscription rédigée au nom des décur ions175. (Il y aurait donc eu une sorte de mainmise des Volusii sur le sanctuaire et la colonie). En tout cas, le lucus Feroniae de Romains serait bien celui de Capène, et il serait vain de le chercher à Rome même. D'ailleurs, si l'on reprend le récit de Tite Live concer nantla pénétration d'Hannibal en Italie centrale, on est bien convaincu que le seul Lucus Feroniae existant, sous cette appellation, près de Rome, était celui de Capène : là était le temple dont la célébrité avait touché Hannibal, qui y pilla les richesses176, en 211. C'est là encore, en 210, que des prodiges se produisir ent177.C'est certainement là, que déjà, au début de 217, pour conjurer des prodiges, les affranchies avaient été invitées à aller porter leurs offrandes178. Tite Live nous aurait bien donné des précisions s'il s'était agi du lucus de Rome ou d'un autre lucus. Par contre, le temple de Capène, inclutum divitiis"9, même s'il tire une partie de ses richesses des dons liés aux aspects agraires du culte de la déesse, ne peut que convenir à cette démarche des affranchies. En tout cas, l'archéologie non seulement a confi rmé l'importance du sanctuaire de Capène et des des tructions opérées par Hannibal180, mais elle a permis de retrouver un témoignage épigraphique d'importan ce : il s'agit d'une inscription votive, datée de peu avant 21 1181 et dont la lecture, renouvelée par M. Torelli, est la suivante182 : Pesco. Sal(via) / Plaria T. L / Fero(niae) don (o) / / (q)uod a[f Luc(o)] / dedet libes / m(erente) mereto / . Nous avons donc affaire à une affranchie, (dont la nomenclature est caractéristique de la fin du troisième siècle) qui remercie «à juste titre» la déesse; il n'y a rien dans le texte qui puisse faire allusion à un rite de caractère sacré semblable à celui qui a été relevé pour Terracine; et d'autre part, c'est le seul témoignage épigraphique, concernant le Lucus Feroniae, qui soit en rapport avec un affran chi183 à Rome même. '" R. Bartoccini, dans Autostrade, 7-8, juillet-août, 1963, p. 12. 176 Tite Live, XXVI, 11, 8-10. De là, Silius Italicus, 13, 83. 177 Tite Live, XXVII, 4, 14. 178 Tite Live, XXII, 1, 17-19. Dans le même temps, on sacrifie à Juno Sospita à Ardée et Lanuvium. '"Tite Live, XXVI, 11, 8. 180 R. Bloch - I. Foti, dans Rev. Phil, ser III, XXVII, 1953, p. 65-77. 18 ME, 1953, 195 = ILLRP, 93 a. 182 Feronia, p. 741-746 et pi. CXXX - CIL, F, 2867 (A. Degrassi ne se ralliait pas fermement à cette réinterprétat ion) = AE, 1975, 369. 183 L'inscription de Rome CIL, VI, 147 = 30702 = ILS, 3477 (Hedone /M. Crassi ancilla / Feroniae / VSLM) ne mention ne pas le Lucus. Et cette plaque de bronze vient-elle sûre ment de Rome?
LA LIMITATION DE LA « VOLUNTAS DOMINI» On notera par ailleurs qu'à Trebula Mutuesca184, un affranchi qui fait une dédicace à Feronia (d(at) l(ibens) tn(erito)) porte une nomenclature parfaitement romaine, datable du second ou du début du premier siècle (Sex(tus) Audienus C(ai) Lfibertus). De ces témoignages nous pouvons conclure que nous n'avons pas affaire, jusqu'à preuve du contraire, à des affranchis sacrés, libérés selon des modes non romains, mais à des gens qui ont sans doute, à en juger d'après leur nomenclatur e, été affranchis régulièrement185. Il ne faut donc pas se méprendre sur le rôle de Feronia à Capène186 : c'est en accomplisse ment d'un voeu exaucé (mereto) sans doute celui de recevoir la liberté, que la déesse est remerc iéepar des dons privés. Feronia serait, dès la fin du troisième siècle, une déesse propice à la libération d'un esclave, mais qui, au Lucus Feroniae en tout cas, n'accomplit pas cette libération elle-même; du moins elle ne joue aucun rôle dans la manumissio telle que le droit romain l'a définie à la fin de la République. N'oublions pas d'ailleurs que Feronia, à Lucus Feroniaem, comme à Trebula Mutuesca188 ou Amiternum189 a aussi des adeptes qui sont des ingénus et qui, par conséquent, viennent lui demander autre chose que de favoriser leur accession à la liberté190. G. Dumézil191 a dégagé la figure complexe de la divinité; tout d'abord, malgré Latte192, elle n'est pas étrusque, mais sabine (ce que confirme incidemment Torelli)193. D'autre part, la vertu
l!t4 CIL, I2, 1832 = IX, 4873 = ILS, 3478 = ILLRP, 90. 185 L'aancilla» de M. Licinius Crassus (lequel?), qui porte un surnom grec, n'a sûrement pas été affranchie par consé cration à la déesse. 186 Trebula Mutuesca. 187 ILLRP, 93 b L. Calpurnius. 188 ILLRP, 91 C. Modieius C. f. C. n. Manc(ia ou-ianus). ILLRP, 92 Q. Pescenn[ius . . f?]. 189 T. Corvio(s) A[p?] f. ILLRP, 93. 190 Accomplissement d'un voeu : ILLRP, 93, 93 b. 191 Religion, p. 402-409. 192 Religionsgeschichte, p. 189 et n. 1. Cf. J. Heurgon, Trois études sur le ver sacrum, dans Coll. Latomus, 26, 1957, p. 11-19. 193 Feronia, p. 744 : analysant le mot pesco, Torelli pense qu'il est sabin, mais se retrouve chez les Marses et les Osques, avec le sens de sacrificium ou precatio, ou même piaculum. Dumézil, qui n'utilisait que la lecture Tesco de Bloch-Foti, pensait déjà qu'il s'agissait d'un terme sabin.
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«curative» de la déesse, révélée par la découvert e de terres cuites au Lucus Feroniae (Capène), et portant sur les hommes comme sur les ani maux, peut expliquer que des ingénus, peut-être même des propriétaires agricoles importants, lui aient adressé des demandes de guérison et des dons. La déesse serait bien la divinité présidant au passage de l'état de barbarie194 à la liberté et, en ce sens, le rapport avec les affranchis est clair. Mais Dumézil n'a peut-être pas assez souligné le fait que, comme il le signale lui-même, le sanctuaire de Capène est situé à la limite (près du confluent du Tibre et du Capena) du territoi re Sabin et du Latium et a servi de point d'échanges. Pourquoi ne pas lier à la divinité une autre acception de l'affranchissement, conçu comme rite de passage, si l'affranchissement est fondamentalement le moyen de naturaliser l'étranger195, Yhostis; Feronia aurait pu ancienne ment jouer le rôle de divinité présidant à l'int égration dans le territoire Romain. Surtout, il nous paraît qu'il ne faut mettre sur le même plan tous nos documents et mêler ce qui concerne la «préhistoire» de cette divinité et ce qui, attesté avec quelque précision, concerne une période plus récente. Il nous semble qu'à l'époque de la deuxième Guerre Punique, et à plus forte raison après, le sanctuaire de Capène, le plus proche de Rome, n'est pas (ou n'est plus) un lieu où la manumiss ion sacrale puisse s'accomplir, même s'il reste, de son passé le plus ancien, un lien entre la déesse et l'espoir d'affranchissement que pou vaient ressentir des esclaves de citoyens romains, notamment. Tandis que le sanctuaire de Terracine, si l'on suit le récit de Servius (mais pour quelle époque est-il utilisable?) est profondément marqué par des influences grecques, sur lesquelles Latte, à juste titre, a attiré l'attention196 : la forme de la
194 Le nom de Feronia serait à rattaccher à Férus; la déesse symboliserait «les forces encore sauvages de la natur e,mais pour les mettre au service de l'homme». Religion, p. 405-406. 196 Si l'on suit la vieille théorie de H. Lévy-Bruhl, Théorie de l'esclavage, dans Quelques problèmes du très ancien droit romain, Paris, 1934, p. 15-33 (=RGD, 55, 1931, p. 1-17). 196 Religionsgeschichte, p. 190 et n. 1.
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manumission sacrale qui s'y produit n'a rien à voir avec les modes d'affranchissement civils reconnus à Rome, même au troisième siècle. Il est possible que l'imposition du pileus et l'exi stence d'un droit d'asile à Rome197 puissent être le lien qui remonterait à une certaine forme de manumission sacrale, mais les objections ne sont pas minces et dire que cette manumission aurait été la même à Rome et à Terracine ne paraît pas fondé198. En tout cas, même si l'on admet l'antiquité d'une tradition sacrée à Lucus Feroniae, il faut admettre qu'au troisième siècle, cette tradition s'est estompée et n'a plus qu'une portée morale. Dès cette époque, le rôle de Feronia nous paraît réduit à l'entretien d'un espoir de libération chez les esclaves; peut-être la déesse garantiss ait-elle la promesse d'affranchissement faite par les maîtres (c'est peut-être cela que sous-entendent le benemeriti gravé sur la pierre)199. Au mieux, l'intervention divine aurait pu, à l'époque qui nous intéresse, à la fois canaliser les aspira tionsdes esclaves, rendre plus crédibles les pro messes faites à ceux-ci ou servir de prolonge ment religieux à des pratiques civiles déjà bien éprouvées. S'il n'est pas impossible que l'évolu tion signalée ailleurs ait pu permettre à la divini té de maintenir son activité en tant que garante des affranchissements informels, il n'en reste pas moins que d'un point de vue Romain, elle ne pouvait en aucun cas faire accéder à une quel conque liberté juridique que seul l'affranchiss ement régulier (et civil) pouvait conférer. c) Affranchissements accomplis par des peregrins et des latins et intervention prétorienne Que des formes d'affranchissement de carac tèresacré ou civil aient pu subsister dans le 197 Droit d'asile qui, selon Tondo, {Aspetti p. 157-8) serait lié à Veiovis, lui-même assimilé à Apollon du Mont Soratte, auquel, peut-être, Feronia de Capène serait rattachée! Ces hypothèses en cascade nous semblent pour le moins fragi les. 198 «Anche nell'antica Roma ebbe cittadinanza la particola re manomissione sacrale che era pratica a Terracina»! (p. 158). Mais la démonstration n'est pas faite. 199 Sur ce point, l'hypothèse exprimée par Cuq, Une scène, p. 541 est plausible «Dès que le maître avait manifesté la volonté de lui donner la liberté, l'esclave faisait couper ses cheveux et allait recevoir dans le temple de Feronia le bonnet d'affranchi».
monde Romain, en Italie ou dans des régions conquises plus récemment, cela est certain. Que ces formes aient été le fait de communautés ou d'individus de statut pérégrin ou latin, sans qu'elles aient pu déboucher sur l'octroi de la cité romaine, est non moins évident200. Mais la question essentielle qui se pose est de savoir si ces affranchissements «non-romains» pouvaient, à l'époque qui nous intéresse, être reconnus d'une certaine manière par le droit romain et susciter l'intervention éventuelle du préteur pérégrin201. Est-ce qu la tuitio praetoris que nous avons vu s'exercer à l'égard de certains esclaves libérés de façon informelle pouvait s'étendre à des esclaves libérés selon des modes non romains? Les documents dont nous disposons sont peu nombreux. Faut-il déjà voir un indice de cette «reconnaissance» des procédés d'affranchisse-
200 Sur les affranchissements chez les Vénètes, attestés par l'emploi du terme li
LA LIMITATION DE LA «VOLUNTAS DOMINI» ments non romains dans le récit des dispositions prises, au lendemain de la chute de Capoue par les Romains, lors de la deuxième Guerre Puni que? Tite Live (XXVI, 16, 8) relatant la «réorgani sation»de la ville par les Romains, écrit Urbi frequentandae multimelo incolarum libertinorumque et institorwn opificwnque retenta. Il doit s'agir, selon toute vraisemblance, d'esclaves qui ont été libérés par des Capouans, sans doute appartenant aux plus riches familles. Et il est possible que, sans leur donner aucunement la citoyenneté romaine (à la différence de ce qui avait été fait en faveur d'esclaves dénonciateurs, nous l'avons vu), le Sénat ait reconnu cet état de non servitude de facto, sans doute d'autant plus facilement que ces mêmes grandes familles avaient été épurées. On pourrait aussi, et à condition d'accepter l'hypothèse d'H. Galsterer202 concernant l'organi sationde la colonie de Carteia, dans l'Espagne Ultérieure, en 171 avant Jésus-Christ, penser que les fils de vétérans de Scipion et de peregrines, eux-mêmes de statut peregrins (au moment où ils ont adressé leur requête au Sénat de Rome), avaient affranchi des esclaves selon des modes non romains; la décision du Sénat (Latinam earn coloniam esse libertinorumque appellari, Tite Live, XLIII, 3, 3) aurait marqué une sorte de «recon naissance» après coup de ces affranchissement qui, eu égard au droit romain, n'étaient que de fait; cette reconnaissance, cependant n'entraîne pas l'octroi de la citoyenneté203. En fait, c'est une lecture, à rebours, des textes concernant les affranchissement accomplis par des peregrins, et entrant dans le cadre des lois Augustéennes {Aelia Sentia et Iunia), qui permet peut-être d'avancer quelques hypothèses à pro pos de la période tardo-républicaine204. 202 Op. cit., p. 7 et 8. 203 L'un des points essentiels de la critique adressée par Galsterer à Ch. Saumagne (p. 63) porte sur la lecture manumisisset ou manumisissent dans le texte de Tite Live. Dans le premier cas (c'est l'hypothèse de Saumagne), c'est le prêteur, L Canuleius, qui aurait affranchi les fils des vétérans conçus d'Espagnoles (considérées comme esclaves) et en aurait fait des affranchis du Peuple Romain; la deuxième lecture, plus proche de la meilleure leçon des manuscrits, n'est pas, cependant, sans soulever des difficultés (cf. M. Humbert, Liberias id est civitas, dans MEFRA, 88, 1976, I, p. 221-242). 204 II y a peu de choses à tirer, pour la période républicain e, de l'essai de Mommsen, Bürgerlischer und peregrinischer
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II faut sans doute partir de la constatation que selon les auteurs classiques205, seuls les citoyens romains pouvaient exercer sur les «cho ses» (et donc les esclaves) à la fois un dominium ex hire Quirit et Vin bonis habere, alors que les peregrins, par exemple, pouvaient seulement in bonis habere, sous la tutelle, vraisemblablement, du préteur pérégrin. Cette reconnaissance de Vin bonis relevait simplement du ius gentium. Quant à la transmission et à l'acquisition de la propriét é de la part des peregrins, elle ne pouvait s'exercer que par traditio (puisque, normale ment, le ius commercii leur était dénié). C'est en partant de ces remarques qu'E. Volterra pense que le droit d'affranchir était impli citement reconnu, ainsi qu'un texte d'Ulpien (D.I., 1, 4, Ulp. 1, Inst.) l'indique: Manumissiones quoque iuris gentium stint... Mais si l'on accepte ces indications (le texte a cependant dû être remanié tardivement), on peut se demander quand ce principe a été reconnu. Sur ce point, l'utilisation des § 4, 5, et 7 du Frag. Dosith ainsi que de Gaius, III, 56, déjà indiqués permet d'af firmer que la Lex Aelia Sentia et la Lex Iunia, en conséquence de l'action du préteur, ont consacré l'éclatement de l'unité manumission-citoyenneté et ont permis, nous l'avons vu, de façon désor mais nette, que le patron citoyen romain ne fasse pas participier son affranchi à son statut. Il est probable que c'est lorsque le préteur a com mencé à s'intéresser aux affranchissements accomplis par des citoyens en dehors des formes répondant aux exigences du ius civile, qu'il s'est penché sur les affranchissements accomplis, au moins à Rome, par des peregrins. Cette interven tion aurait coïncidé avec la distinction entre le dominium ex iure Quiritium et le dominium in bonis exercés sur l'esclave. La preuve de cette reconnaissance et de cette tuitio, apportée par le préteur sur de tels affran chis,avant 19 après Jésus-Christ (date probable de la Lex Iunia), peut être décelée dans un autre paragraphe (12) du Frag. Dosith. Le texte établit bien que le préteur pérégrin (tout en tenant compte de la Lex peregrina, c'est
Freiheitschutz in römischen Staat, dans GS III (JS III), 1907 (1965), p. 1-20. L'étude fondamentale, dont nous suivons les grandes lignes est celle de Volterra, Manomissioni, p. 76-105. 205 Cf. notamment Gaius, I, 54 - II, 40.
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à dire de la coutume et du statut particulier de l'affranchisseur), veille sur les bénéficiaires d'a f ranchis ements qui conféraient un statut que le maître pouvait rendre proche de la servitude. La Lex Iunia aurait entraîné une amélioration en permettant à ces affranchis d'être mieux protég és, cette fois hors de Rome aussi, puisque désormais les magistrats des provinces étaient compétents206. Que cette tuitio praetoris ait ainsi pu jouer, au moins à la fin de la République, et à Rome, nous pouvons aussi le déduire de quelques docu ments littéraires qu'E. Volterra n'a pas utilisés. Tout d'abord, les vers 27-45 de la première Eglogue de Virgile qui ont fait l'objet d'un import ant commentaire de J. Heurgon207. On peut pen ser que Tityre était un de ces dépendants, miesclaves mi-pénestes208 auxquels le droit étrus quetraditionnel reconnaissait une forme, év idemment non-quiritaire de propriété. Or, les décisions prises par les triwnuiri, après Philippes, de procéder à des installations de vétérans à Crémone ont eu pour effet de provoquer un empiétement sur le territoire de Mantoue, voisi nede cette dernière Mantua vae miserae nimium vicina Cremonae (Bue, IX, v. 28). Tityre aurait été victime d'une expropriation dont le responsable aurait pu être Alfenus Varus lui-même. Ne pou vant sans doute faire valoir ses droits de pro priétaire sur place, car sa semi-liberté de fait lui interdisait de posséder au sens romain du terme, 2U0 Frag. Dosith, 12 : «Le pérégrin qui procède à un affra nchissement ne peut faire accéder son esclave au statut de Latin, parce que la loi Iunia, qui a créé la catégorie des Latins, ne s'applique pas au cas des patrons peregrins, ainsi qu'Octavenus le soutient lui aussi. Mais le prêteur (pérégrin) ne permet pas à l'esclave ainsi libéré de rester dans l'esclava ge, à moins qu'une loi peregrine en dispose autrement». 207 Tityre, Alfenus Varus et la première Eglogue de Virgile, dans Cahiers de Tunisie XV, (Mélanges Saumagne), 1967, p. 39-45 (= Heurgon, Tityre). 208 Sur l'affranchissement dans l'Etrurie indépendante, puis Romaine, voir notamment : E. Vetter, Die etruskische Personnennamen lethe, lethi lethia und die Namen unfreier und halbfreier Personen bei den Etruskern, dans JOAI, XXXVII, 1948, p. 56-1 12. J. Heurgon, Les pénestes étrusques chez Denys d'Halicarnasse, dans Latomus, XVIII, 1959, p. 713-723; La vie quotidienne en Étrurie, Paris, 1961, p. 81-6; Classes et Ordres chez les Etrusques, dans Colloque CNRS Caen 1969, Paris, 1970, p. 29-41. M. Th. Frankfort, Les classes serviles en Étrurie, dans Latomus, XVIII, 1959, p. 2-33. M. Torelli, L'esclavage en Etrurie, dans Actes du Colloque Besançon 1973, Paris, 1976, p. 101-113.
il est «descendu» à Rome où il obtient gain de cause. L'opinion de Heurgon nous paraît acceptable jusqu'ici, et les rapprochements qu'il opère entre le texte de Virgile et l'oeuvre d'Alfenus Varus sont particulièrement éclairants. Mais il ne nous paraît pas que «Tityre n'(ait) donc (eu) d'autre recours que de se faire affranchir selon des lois romaines»209. La situation de Tityre est la suivante: c'est un lautni à la mode étrusque (l'allusion au spes libertatis et au peculium laissent entendre qu'il a reçu la liberté à la mode locale), qui a peut-être perdu son patron ou qui est un esclave public210. Il ne peut se faire affran chir,ou plutôt «réaffranchir» selon la vindicte, dans la mesure où il n'est pas possédé selon le droit quiritaire. Ce qu'il vient chercher à Rome, c'est la reconnais sance par le préteur pérégrin, d'une liberté qui aux yeux du droit romain n'est que de fait et qu'Alfenus Varus, sur place à Mantoue, refusait de prendre en considération. Autrement dit, Tityre vient solliciter à Rome la tuitio praetoris afin, d'une part, de ne pas être considéré comme esclave et, d'autre part, de se voir reconnaître Vin bonis habere, propre aux peregrins, sur son petit domaine211. Il est remarquable de consta ter que l'avis du préteur (Hic mihi responsum primus dédit ille petenti, v. 44) avec l'aval d'Octavien, a prévalu sur celui d'Alfenus Varus, pourtant très proche de ce même Octavien. Le rôle du préteur devait être suff isamment appuyé sur une tradition de plusieurs décennies, au moins, pour que le détenteur du pou voir de fait en Italie tienne à le respecter. Mais cette tuitio ne s'exerçait que depuis Rome212, et tous les affranchis «peregrins» ne disposaient peut-être pas des moyens économiques nécessaires à un déplace mentet à un séjour dans la capitale. Or cette attitude d'Octavien, entérinant le point de vue du préteur, répond à une politique délibérée, c'est ce qui ressort d'un texte d'Appien (Bell Civ., IV, 11, cf. IV, 7), dans lequel l'auteur signale les récompenses réservées aux individus qui apporteraient aux triwnuiri, à partir des
209 P. 45. 210 Un esclave public cultivateur, cela ne nous paraît guère plausible. Sur ce point, cf. Heurgon, Tityre, p. 45. 211 Mais il n'est pas sûr que Tityre ait pu garder son domaine (cf. Bue, IX, v. 7-10 et 11 où on laisse entendre que la promesse d'Octavien ne fut pas tenue). 212 Mais de toute façon, elle débordait, contrairement à ce que pense E. Volterra, les cas des affranchissements accomp lis par des peregrins à Rome même.
LA LIMITATION DE LA « VOLUNTAS DOMINI. décisions prises en 43 avant Jésus-Christ, la tête d'un proscrit: les esclaves recevaient «dix mille drachmes attiques, et de plus la liberté, et les mêmes droits de cité dont (leur) maître aura la jouissance»213. Il apparaît donc que les triumuiri ne peuvent (ou ne veulent) affranchir selon des modes romains des esclaves d'individus qui n'avaient pas la citoyenneté romaine, et ceci bien que les maîtres aient trouvé la mort; l'escla ve récompensé et qui appartient à un pérégrin (ou un latin) reçoit la liberté selon les modes locaux en vigueur dans la patrie de son maître. Mail il est évident que les triumuiri »reconnais sent» et «garantissent» la liberté de fait d'un tel esclave, tout comme le préteur «reconnaît» et «garantit» la liberté de fait de Tityre. Ajoutons à notre dossier un troisième texte qui concerne une époque antérieure : Plutarque, dans sa Vie de Sylla, nous parle du tribun de la plèbe Sulpicius, un des adjoints de Marius. Dénonçant les vices du personnage (VIII, II) il nous dit que celui-ci «vendait ouvertement, à des affranchis et des peregrins, le droit de cité romaine». Le passage est difficile à comprendre,
™Bell. Civ., IV, 11 (cf. IV, 7).
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dans la mesure où l'on voit mal en vertu de quel pouvoir Sulpicius aurait ainsi conféré la citoyen neté.Mais on peut retenir l'allusion faite à des affranchis qui, ne disposant pas au départ de la citoyenneté, en sont, à titre payant, gratifiés. Il nous paraît difficile qu'il puisse s'agir d'affran chis «inter amicos» dépendant de citoyens, car cela eût constitué une spoliation et aurait suppos é un effacement du rôle du préteur ou des censeurs. L'association «affranchis» - «pérégrins» laisserait plutôt entendre qu'il s'agissait de «faire citoyens» des individus libérés selon des modes non romains. Si cette hypothèse paraît la moins manuvaise, la question des moyens d'action de Sulpicius n'est pas pour autant résolue. Quant aux affranchissements accomplis par des latins, nous pouvons penser qu'ils ont subi la même évolution214. Mais on pourrait accepter l'idée que les Latins, ayant le ius commercii, pouvaient affranchir selon la vindicte, l'affranchi devenant à son tour latin215. Mais en l'absence de toute preuve, ce ne sont là que conjectures. 214 Volterra, du moins, le pense, Manomissioni, p. 104-105. 215 C'était l'hypothèse de Buckland, Slavery, p. 251-2 p. 594.
CHAPITRE III
ESCLAVAGEET LIBERTÉ
Le développement de la tuitio praetoris et l'attention portée par les Veteres, au moins à partir de la fin du second siècle, à des affranchi ssementsqui n'entraient pas dans le cadre strict du droit des personnes et qui ne pouvaient don ner lieu à l'attribution du droit de cité, ainsi que l'utilisation de plus en plus fréquente de la manumissio par testament ont entraîné des con testations de plus en plus nombreuses portant sur la réalité de voluntas domini. Ceci nous invi teà nous demander si, dans leurs consultations, les juristes de la fin de la République ont défini et appliqué des principes favorables systémat iquement à la liberté des esclaves concernés ou si, appartenant à la même classe sociale que les grands propriétaires d'esclaves, ils ont avant tout cherché à préserver les intérêts des maîtres.
I - «FAVOR LIBERTATIS» 1 - L'affranchissement frauduleux Sous cette appellation, acceptée par les roman istes1, deux sortes de fraudes, qui, au moins à l'époque d'Auguste, furent associées, sont dési1 Sur ce thème voir, en particulier, Fr. Schulz, Die Fraudatorische Freilassung, dans ZRG, 48, 1928, p. 197-284 (essent iel)(= Schulz, Freilassung). A. Guarneri-Citati, En matière d'a f ranchis ement frauduleux, dans Mélanges P. Cornil, Paris, 1926, p. 427-513 (= Guarneri-Citati, Affranchissement). G. Impallomeni, In tema di manomissioni fraudolente, dans Synteleia Arangio Ruiz, II, Naples, 1953, p. 922-933 (=Impallomeni, Manumissioni). A. Metro, La Lex Aelia Sentia e le manomission i fraudelente, dans Labeo, 7, 1961, p. 137-200 (= Metro, Lex Aelia Sentia). H. Wagner, Zur Freiheitserteilung an den einem
gnées : il s'agit de manumissions pouvant léser soit le patron d'un affranchi, soit un créancier du maître. La «frans patroni» en matière d'affranchissement2 Elle concerne les actes, attentatoires aux inté rêts reconnus du patron, et commis par un affranchi qui, par aliénation (et donc, vente ou donation d'esclave ou affranchissement), dimi nuela part du patron sur ses bona. Déjà, sous la République, deux actions sont attestées, dont la date n'est pas assurée, mais qui, de toute façon sont antérieures au règne d'Auguste3. Malgré l'avis de Fr. Schulz4 et G. Generalpfandnexus unterliegenden Sklaven, dans SDHI, XXXIII, 1967, p. 163-188 (= Wagner, Freiheitserteilung). MaGaZoz, Restitutio in integrum e manomissioni coatte, dans SDHI, XXXXIX, 1973, p. 115-128. A. Wilinski, Intorno all'accusatio e revocatio in servitutem del liberto ingrato, dans St Volterra II, Milan, 1956, p. 559-569 (= Wilinski, Revocatio). Quelques indi cations, enfin, dans X. D'Ors, La Ley Aelia Sentia y las manomissiones testamentarias, SDHI, XXXVII, 1974, p. 425-434 (= D'ors, Aelia Sentia). 2 L'expression fraus patroni n'apparaît, dans la littérature juridique, que sous Auguste, si l'on interprète à la lettre l'indication de Gaius (Inst., 1, 37), se rapportant aux mesures contenues dans la Lex Aelia Sentia : vel in fraudem patroni manumittit. Mais le concept de fraude aux dépens du patron s'est sans doute peu à peu élaboré, à partir de la fin de la République. 3 Cf. Schulz, Freilassung, p. 199. Cf. aussi Watson, Persons, p. 204 et surtout Property, p. 105, où l'auteur fait remarquer que les actions liées à un nom de personne seraient généra lement datables de la première moitié du premier siècle avant Jésus-Christ (mais l'exemple de l'actio Rutiliana de 118 avant Jésus-Christ peut faire remonter ce type d'actio à la fin du deuxième siècle). 4 Schulz, Freilassung, p. 199.
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Impallomeni5, on peut se rallier à l'hypothèse que ces deux actions étaient destinées à apport erune restriction à la capacité d'affranchir exercée par des affranchis6. C'est ainsi que Vacuo Fabiana7 interdit, de la part de l'affranchi, de mettre des legs à la charge du patron, ainsi que les aliénations frauduleuses entre vifs : la bonne foi de l'acquéreur ne le met pas à l'abri de cette actio. Quant à Yactio Calvisiana8, sans doute posté rieure, elle donne à cette disposition une ampleur nouvelle, en englobant le cas de l'a ffranchi mort intestat (et qui aurait lésé les droits exclusifs du patron sur ses bona et par consé quent ses esclaves). Dans quelles conditions exactes ces deux actiones complémentaires se déroulaient? On ne peut le savoir, mais elles devaient avoir pour effet de limiter l'initiative des affranchis en matière de manumissions. Déjà, ceux qui étaient dépourvus d'héritiers légitimes ne pouvaient affranchir par testament; les autres devaient savamment calculer la part du patron pour être sûrs que leurs affranchissements testamentaires ne seraient pas contestés. Quant aux affranchissements inter vivos, il est possible que Yactio Fabiana devait autoriser le patron de l'affranchi manumissor à s'y opposer éventuellement, ce qui, sur le plan de l'exercice du droit de patronage que les affranchis-patrons pouvaient avoir, nous laisse entrevoir une sérieuse infériorité par rapport aux ingénus. La «fraus creditorum» en matière d'affranchiss ement C'est un thème de portée plus générale puis qu'il concerne les actes soit d'ingénus, soit d'af franchis donnant la liberté à l'un de leurs escla ves,en fraude des créanciers. La plupart des actiones qui concernent les dettes, notamment en liaison avec la mise en gage, éventuellement d'un esclave (pignus), sont malgré la tradition romanistique sur ce point, 5 Impallomeni, Manomissioni, p. 925. 6 Dans ce sens, Cuq, Institutions, p. 586-8. Kaser, RPR, 1 2, p. 218-526-591. 7 D. XXXVIII, 5,1,15 Ulp. h. t. (cf. Pomp., id. l, 14). 8 Ο. Lenel, Das Edictum Perpetuum, 3 e edit., Leipzig, 1927 (=Lenel, Edictum Perpetuum), §225-268 (cf. 151).
sans doute postérieures à la République : ainsi Yactio Pauliana ou Yactio Serviana sur le pignus ou les droits du bonorum emptor ne sont sans doute pas antérieures à l'Empire9. Il n'en demeure pas moins que, dès Caton l'Ancien10, une actio avec prise de gage, en cas de vente, pouvait être intentée; actio de caractère juridique, puisque Caton fait allusion à une pro tection légale. Le problème reste de savoir si les droits réels s'exerçaient aux dépens de l'ache teurseulement ou, solidairement, contre le tiers et l'acheteur. Il est donc possible que la vente, par le débi teur, d'un esclave mis en gage (ou l'aliénation par testament, par donation, ou par affranchisse ment) n'ait pas été permise. Mais nous ne savons rien de précis sur ce point. De même, nous apprenons, grâce à Cicéron11 que, lorsqu'un débiteur réalisait une transaction frauduleuse, avec la complicité de celui avec lequel il faisait affaire, le préteur accordait une in integrum restitutio ou prononçait un interdictumn\ mais cela ne touche avec certitude que les ventes et n'est pas attesté à propos des manumissions. Nous n'avons donc à première vue, aucun document précis qui puisse faire penser que, même au premier siècle avant Jésus-Christ, les droits du créancier aient pu être protégés dans le cas d'un affranchissement, y compris celui d'un esclave donné en gage. Rappelons cependant un texte que nous avons déjà cité, à propos de l'affranchissement testamentaire13 et 9 Dans ce sens, Watson, Property, p. 105 (Mais la dénomin ation de ces actions ferait plustôt penser à une datation républicaine). L'hypothèse de Watson, Obligations, p. 181, qui, jusqu'à preuve du contraire, n'exclut pas l'hypothèse que Caton ait pu faire référence à Yactio Serviana ne repose, selon son propre aveu, sur aucun argument positif. Sur l'antériorité de Yactio Pauliana par rapport à l'époque augustéenne, et, en tout cas, à la Lex Ael'ia Sentia, cf. D. 42, 8,6,6 qui montre que Labeo la connaît. 10 Agric, 146, 2 - 150, 2 - et, surtout, 149, 2 : ... donicum pecuniam solvent aut satisfecerit aut delegarit, pecus et familia quae illic erit pignon sunto. Si quid de iis rebus controversiae erit, Romae iudicium fiat. 11 AU., I, 1.3. 12 Dans ce sens, Watson, Obligations, p. 263. 13 «Que Stichus soit libre quand l'argent qui m'est dû aura été payé ou que satisfaction aura été donnée à mes créanciers. Bien que l'héritier ait été manifestement en
ESCLAVAGEET LIBERTE à propos duquel il semble14 qu'on ne puisse expliquer la condicio qui fait de l'esclave, après la mort de son maître, un statuliber en l'attribuant aux scrupules du testateur (ou à sa méconnaissance de ses propres affaires, qui ferait qu'au moment de la rédaction du testament il serait incapable de savoir l'état possible de sa fortune). En fait, ce texte n'a de sens que si l'on pense que Stichus a été donné en gage. Le testateur, au moment où il fait son testament, ne sait pas s'il sera libéré de sa dette avant de mourir: c'est seule ment si la dette est remboursée par l'héritier (et à condition que celui-ci accepte) que la libération de Stichus peut devenir effective, sinon l'esclave est con damné à rester l'esclave du ou des créanciers du défunt. On peut donc se demander si, à la fin de la République, au moins, il n'existait pas une aedo empêc hant l'affranchissement de l'esclave donné en gage, y compris par testament. C'est au moins l'idée que sug gère ce texte. On peut d'ailleurs trouver un appui dans une lettre de Cicéron, datée d'avril 58 (Cicéron est en exil et écrit depuis Brindes), et adressée à Terentia plus particulièrement15. L'interprétation habituelle du texte, à partir de ceterorum servorum est la suivante : Cicéron ayant été l'objet d'une proscriptio, normalement la proscripdo bonorum avec mise aux enchères, peut intervenir. Cicéron évoquerait donc le cas où il ne pourrait racheter les autres esclaves, c'est-à-dire les siens pro pres (distingués de ceux de Terentia, évoqués en pre mier lieu)16. Mais on ne peut, dans ce cas expliquer la possibilité, pour les esclaves en question, de devenir affranchis de Cicéron que par un affranchissement informel, car on voit mal, en particulier, comment celui-ci, coupé de ses serviteurs, pouvait les faire libérer régulièrement. D'autre part, l'idée que Cicéron mesure de présenter des garanties, Labeo et Ofilius répondi rent que Stichus n'accéderait pas à la liberté, avant que les créanciers ou bien aient reçu assez d'argent, ou bien aient pris des sûretés. D. 40,7,39,1 Iavolenus, 4 ex post. Labeonis. 14 Ce que Watson, (Persons), p. 212), ne semble pas avoir vu. · 15 «En ce qui concerne la libération des esclaves, il n'y a pas de quoi t'inquiéter. Tout d'abord tu as promis aux tiens d'agir selon les mérites de chacun; or, jusqu'ici, Orpheus a rempli son devoir à ton égard, mais en dehors de lui, il n'y a personne. La situation des autres esclaves se présente ainsi : au cas où l'affaire nous (m') échapperait, il seraient nos (mes) affranchis, à condition qu'ils puissent obtenir (la val idation de leur affranchissement); si l'affaire nous (me) reven ait, ils resteraient esclaves, à quelques exceptions près». Fam., XIV, 4, 4. 16 «Si l'enchère m'échappait» (CUF - cf. aussi Tyrell & Purser, t I, p. 364).
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puisse affranchir les esclaves après l'enchère (or c'est seulement à moment-là qu'il pourra savoir s'ils lui échappent), c'est-à-dire en fraude est inacceptable, même si à première vue, elle peut rendre compte du si obtinere potuissent. Mais une solution ingénieuse a été proposée par A. A. Rupprecht Jr17. Retenant que la majorit é des manuscrits donnent abesset et non abisset, il suggère de lire si spes a nobis abesset, ce qui voudrait dire «si je suis condamné à mourir en exil». Ce qui est plausible, étant entendu cepen dantqu'il ne peut s'agir d'une éventualité envisa gée à long terme; car le ton de la lettre suggère une préoccupation immédiate : Cicéron suggère à mot couvert ou que ses ennemis pouvaient essayer de se débarrasser rapidement de lui, ou même qu'il n'écarte pas l'idée de se donner la mort18. Dans ce cas, que Cicéron pense à l'éventualité de la libération de ses esclaves propres après sa mort, donc par testament, ne paraît pas illog ique: s'il ne meurt pas et revient, les esclaves en question restent les siens, s'il meurt, ils sont affranchis si obtinere potuissent. Cette dernière phrase n'a de sens que si l'on pense aux condi tions financières effroyables dans lesquelles Cicéron est alors plongé19. Le texte fait allusion semble-t-il, à la possibilité d'une non réalisation des affranchissements prévus par testament, du fait des dettes trop lourdes de Cicéron. Celui-ci a peut-être conscience d'être, à ce moment-là, un débiteur insolvable. Si cette reconstitution est acceptée, elle nous amènerait à conclure à l'exi stence d'une actio contre le débiteur de cette catégorie et donc à un empêchement légal à l'affranchissement réalisé en fraudant le créanc ier.Et donc notre interprétation de D. 40, 7, 39, I, Javolen. 4 ex post Labeonis serait confortée. La législation augustéenne en matière d'affranchi ssement frauduleux Nous avons la possibilité de mieux approcher la réalité de cette question, pour la période 17 A study of Slavery in the Late Roman Republic from the Works of Cicero, Ann. Arbor, 1960 (= Rupprecht, Study), p. 51-54. 18 Sur la tentation du suicide, cf. Rupprecht, op. cit., p. 53. Sur les menaces, par exemple de la part de L. Piso {An., Ill, 8, 2 - Fam., XIV, 1, 3). 19 Cf. Rupprecht, op. cit., p. 52-53.
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républicaine, grâce à la connaissance que nous avons de la Lex Aelia Sentia dont les dispositions sont destinées à réagir contre le abus de l'épo quedes guerres civiles. Ce rôle de la Lex Aelia Sentia a été souligné abondamment, par Gaius20 à deux reprises21, Ulpien22, le Frag. Dosith, 162i, ou encore Paul24. La loi a donc défini des empêchements géné raux à l'affranchissement par le débiteur ou l'a ffranchi. Nous n'avons pas à entrer dans la polé mique, récemment relancée et portant sur le point de savoir si le champ d'application de la Lex Aelia Sentia, dans ce domaine, était limité à la seule manumission testamentaire ou concern ait aussi les formes d'affranchissement inter vivos. C'est à la deuxième hypothèse que la plu part des romanistes se sont rallié, notamment G. Impallomeni qui a pris vigoureusement position contre les conclusions limitatives de Metro25. Contre ce dernier, qui pensait que la Lex Aelia Sentia avait prévu, non la nullité mais l'inefficaci té de la maniimissio testamento et aurait rendu la manumissio vindicta révocable grâce à la confir mation de Vin integrum restituito prétorienne, G. Impallomeni a tenté de montrer que celle-ci n'aurait pu jouer dans le domaine civil (car elle s'opposerait alors à toute l'évolution de l'action prétorienne, favorisant la «liberté»)26, et que les
20 Insu, I, 37 : «Car celui qui, en fraude des créanciers, ou en fraude du patron, procède à un affranchissement, accomp lit un acte nul, parce que la loi Aelia Sentia empêche (dans ce cas) toute libération». 21 Insu, I, 47 : «II faut savoir que la loi Aelia Sentia dispose que les esclaves affranchis dans le but de frauder des créanc iers, n'accèdent pas à la liberté». 22 TU. ex corp. Ulp., I, 15: «Cette même loi (Aelia Sentia) empêche d'affranchir en fraude du créancier et du patron». 23 «En effet, la loi Aelia Sentia s'oppose à la liberté, dans la mesure où elle empêche l'esclave affranchi afin de frauder les créanciers, de devenir citoyen Romain». 24 «II ne semble pas qu'il y ait fraude au détriment du patron, lorsque celui-ci a donné son consentement : et les donations accomplies par l'affranchi avec l'accord du patron ne pourront être révoqués en vertu de l'action (Fabienne)» D. 38,5,11, Paul 3 lex Ael. Sentia. 25 Metro, Lex Aelia Sentia, p. 137-200. Voir la bibliographie complète sur la question donnée par Impallomeni, Manomiss ioni, p. 922 n. 1 et 2. 26 L'auteur relève deux textes d'Ulpien D. 4.3.7. et D. 4.49.6. montrant l'un et l'autre, que l'in integrum restituito est inapplicable à une autre disposition de la Lex concernant les mineurs.
textes parlent d'empêchement général à la manumission sans en viser une forme particulièr e. Plus récemment, X. D'Ors27 a soutenu mais à propos, il est vrai, des esclaves mis en gage, le point de vue que c'était seulement les affranchi ssementstestamentaires qui étaient prévus. Sans vouloir prendre parti sur le fond de la discussion, et en rappelant un argument de bon sens (pourquoi une seule forme d'affranchiss ement serait-elle touchée?) nous voudrions avan cerdeux arguments en faveur de la thèse tradi tionnelle. Le premier est tiré d'un passage de Gaius (Inst. I, 47) déjà cité : In summa sciendum est... ut creditorum fraudandorum causa manumissi liberi non fiant, «hoc etiam ad peregrinos pertinere»... Or l'on sait que les peregrins, n'ayant pas le ins commercii ne peuvent faire un testament, à la différence des latins, par exemple28. La loi sem ble donc viser (aussi) les formes d'affranchiss ement inter vivos29. D'autre part, un texte qui doit être mis en rapport avec la Lex Aelia Sentia30, et concernant l'affranchissement de l'esclave dotal par le mari, ne paraît pas exclure l'affranchissement entre vifs, mais avoir une portée générale : Servum dotalem vir qui solvendo est constante matrimon io, manumittere potest: si autem solvendo non est.JK II semblerait donc qu'il faille conclure dans le sens d'une action large de la loi, même si, les possibilités de fraude étant plus grandes dans le cas du testament, l'accent était mis, en pratique, sur ce dernier32.
27 Aelia Sentia, p. 425-434. 28 Cf. de Zulueta, Institutes, II, p. 91. 29 Mais l'argument peut être retourné dans la mesure où Gaius précise aussitôt : Senatus ita censuit, ex auctoritate Hadriani : si l'on a ajouté cette disposition sous Hadrien, c'est que à l'origine, pourrait-on déduire, seuls les cas d'individus pouvant tester pouvaient être signalés. 30 Cf. D'Ors, Aelia Sentia, p. 432. 31 «Le mari, à condition d'être solvable, peut, durant le mariage, affranchir l'esclave dotal; mais s'il n'est pas solva ble». Pap. 13 resp. D. 40,1,21. 32 Dans le cas d'un affranchissement par le cens ou par la vindicte, le magistrat devait théoriquement vérifier les droits du patron et donc le créancier ou le patron pouvait empê cher l'affranchissement (en principe). Alors que l'addictio du testament par l'héritier conférait automatiquement la liberté aux esclaves destinés à devenir des orcini liberti non soumis
ESCLAVAGEET LIBERTE Par ailleurs, relevons la complémentarité ou la symétrie qui est établie, dans la Lex, entre le patron et le créancier. Il est normal que dans une loi générale sur l'affranchissement (ou dans les manuels et responso, la commentant) des regroupements de notions aient eu lieu, mais dans ce cas, le rapprochement ne nous semble ni fortuit, ni lié à un souci de commodité. En fait, nous y voyons non seulement la reconnais sance des droits que les patrons ont sur les bona (et donc les esclaves) de leurs affranchis, mais, au premier chef, l'acceptation explicite du fait que le patron est dans une position de créancier par rapport à l'affranchi et que cette créance est évidemment liée à l'octroi de la liberté. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point quand nous parlerons des obligations de l'affranchi envers son «bienfaiteur». (Précisons que la Lex Aelia Sentia empêchait l'affranchissement de l'e sclave mis en gage, en fraude de l'héritier, sauf peut-être dans le cas d'un gage alternatif, c'està-dire portant sur deux esclaves, dont un seul, au choix, est vraiment l'objet du pignus)53. Il semble donc que cette loi ait considérable ment étendu la protection des créanciers et, de ce fait, ait rendu les affranchissements plus diffi ciles, car au lendemain des guerres civiles, une remise en ordre était nécessaire, dans ce domain e. Il est possible que la fin de la République ait constitué une époque assez favorable aux pro priétaires d'esclaves endettés, qui pouvaient
à une condicio. Dans ce cas le créancier ou le patron ne pouvait réclamer que l'annulation. 33 Guarneri-Citati (Affranchissement), a essayé de mettre en lumière l'existence d'un consilium fraudis, d'une volonté délibérée de frauder (p. 482-3). Il pense que, si un débiteur n'a que deux esclaves comme biens et qu'il les met en gage en vertu d'une obligation alternative, il ne peut affranchir l'un d'eux, car au cas où l'autre mourait, le créancier serait fraudé. Inversement, rien n'empêchait le débiteur qui avait d'autres biens et d'autres esclaves d'affranchir, car en cas de mort du second esclave, il pouvait défrayer le créancier (alors que si un esclave est engagé specialiter, l'affranchiss ement est nul, même si le débiteur est riche, p. 503/4). Sur ce point, Guarneri-Citati a raison contre D'Ors, Aelia Sentia, p. 425-32 qui a oublié de réfléchir au début du texte discuté lui. 64 dig. D. 40.9.5.2. 5/ Titius nihil ampliiis in bonis quam Stichum et Pamphilum habeat. Quant à Wagner (Freiheitsertei lung), il relève un texte de Gaius qu'il ne croit pas interpolé (D. 40.9.29 cf. Fr. Dosith. 16) concernant l'esclave mis en gage generaliter et qui peut être affranchi : si lex Aelia Sentia non impedii libertatem.
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affranchir leurs esclaves même mis en gage sans encourir de trop grands risques : on ne voit pas en effet qu'il y ait eu, systématiquement, révoca tiondes affranchissements frauduleux. Il est bien connu que tout au long du premier siècle avant Jésus-Christ, l'endettement, dans les mi lieux populaires, a été important34 et notamment à propos des loyers. On peut penser que les affranchissements venant d'hommes de basse condition et endettés n'ont pas dû être empêc hésou révoqués de ce fait, sinon la jurispruden ce en porterait trace. Cependant, nous l'avons vu, il y a eu peut-être dès cette époque, une aedo visant l'affranchissement frauduleux par test ament (mais la plebs infima faisait-elle des testa ments?). Mais l'atmosphère des luttes civiles, le jeu des proscriptions et des vengeances polit iques ou privées ne devaient pas permettre aux créanciers de faire valoir normalement leurs droits. Enfin, la loi Aelia Sentia permet l'affranchiss ement de l'esclave âgé de moins de trente ans, en fraude du créancier, à condition qu'il soit seul héritier de son maître, ce que Gaius35, et surtout Ulpien36 soulignent. Ce dernier montre que la loi a obéi à des principes d'ordre économique : l'e sclave affranchi par testament et fait héritier, à condition qu'il soit seul héritier (s'il y a d'autres esclaves institués héritiers et affranchis, le pre mier dans la liste est seul pris en considération) d'un maître insolvable, par le fait même qu'il endosse les dettes de ce dernier, peut devenir affranchi. Il sera même affranchi citoyen Romain
34 Cf. Z. Yavetz, Fluctuations monétaires et condition de la plèbe à la fin de la République, dans Colloque Caen 1969, Paris, 1970, p. 133-157 (cf. p. 148, les mesures prises par César). 35 Inst., I, 21 : «En outre l'esclave âgé de moins de 30 ans et affranchi, peut devenir citoyen Romain, s'il a été affranchi et fait héritier par (un maître) insolvable». 36 Tit ex corp., I, 14 : « L'esclave qui, par testament, est affranchi et institué héritier par un maître insolvable, même s'il est âgé de moins de 30 ans, ou se trouve dans un cas tel qu'il doive (normalement) devenir déditice, devient citoyen Romain et héritier, si toutefois personne d'autre n'est insti tué héritier en vertu de ce testament. Au cas où deux esclaves, ou davantage, sont affranchis, et faits héritiers, celui d'entre eux dont le nom a été inscrit en premier rang, devient libre et héritier; c'est ce que dispose la loi Aelia Sentia. Cette même loi interdit formellement de procéder à des affranchissements en fraude du créancier ou du patron».
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alors, que théoriquement, cet affranchissement se fait aux dépens du créancier, puisque l'esclave représentait un élément solvable (qu'il ait été donné en gage ou non); ceci constitue déjà une sorte d'exception à des principes que, par ail leurs, cette même loi veut illustrer. D'autre part, l'esclave en question est légi timement affranchi, même s'il a moins de trente ans, contrairement à une autre innovation de la Lex. Et il est entendu implicitement (Vel in ea causa sit, ut dediticius fieri iussi) qu'il peut avoir été le pire des esclaves37, porter une marque, et pourtant accéder à la citoyenneté romaine. Peu de textes font éclater aussi nettement la vanité des considérations apparemment morales ou politiques qui entourent, dans nos sources, et notamment d'époque augustéenne, les condi tions d'accès à la liberté la plus large. La loi Aelia Sentia ne laisse aucun doute : pourvu qu'il soit peculiosus™, l'esclave qui a le moins de mérit esau plan humain ou intellectuel, celui qui a le plus contesté l'autorité de son maître peut avoir accès à la liberté. A la limite, un tel affranchiss ement que le maître pouvait considérer comme une peine (puisqu'imposant une charge au nou vel affranchi), aboutissait à une promotion au plan civil. Ceci nous incite donc à la prudence lorsque nous imaginons qu'Auguste aurait voulu à tout prix «préserver la pureté du corps civ ique». Il reste à savoir, évidemment, si le processus décrit concernait un grand nombre de cas39. Nul doute, cependant que, d'une façon génér ale, la loi Aelia Sentia ait eu des effets négatifs 37 Cf. Gaius, I, 13 : «C'est pourquoi, il est prévu par la loi Aelia Sentia que les esclaves qui, à titre de peine, ont été mis aux chaînes par leurs maîtres, et ceux qui ont été marqués, ou qui ont été livrés à la question et torturés en raison d'un délit et qui ont été reconnus coupables, ainsi que ceux qui ont été livrés pour combattre à l'arme blanche ou contre les bêtes, ou bien ont été ramassés pour l'école (de gladiateurs) ou la prison, et qui, par la suite, ont été affranchis par leur maître ou un tiers, reçoivent la liberté selon le même statut qui est accordé aux peregrins déditices». 38 Et la loi reconnaît bien l'autonomie du pécule de l'esclave, puisque le maître endetté n'a pu s'en servir pour rembourser le(s) créancier(s). w Les gladiateurs heureux pouvaient être concernés, puisqu'ils figurent parmi les esclaves qui, affranchis, ne peu vent accéder qu'à la catégorie des déditices (cf. Gaius I, 13 Quique ut ferro aut cum bestiis depugnaverent traditi sint inve ludum ... conlecti fuerint).
par rapport au laxisme apparent qu'avait connu le dernier siècle de la République. 2 - L'affranchissement : un acte irrévocable? Deux exemples d'affranchissement réalisés à des fins particulières nous sont donnés par Cicéron. Le premier concerne l'affranchissement des esclaves de Claudia, à l'occasion duquel Cicéron invoque, avec ironie, plusiers motifs possibles : Sed scire cupio quid habeat argumenti ista manumissio; in qua aut crimen est Caelio quaesitum aut «quaestio sublata» aut multarum consciis servis cum causa praemium persolutum40. Or ce thème de la manumissio destinée à empêcher les esclaves dêtre soumis à la torture (et donc de révéler un secret dangereux pour leur maître) est signalé à nouveau par Cicéron, au sujet de la familia de Milon41, libérée aussitôt après l'assassinat de Clodius: Cur igitur eos manumisit? Metuebat scilicet ne indicaretur, ne dolorem preferre non possent, ne torrnentis cogerentur occisum esse a servis Milonis in Appia Via Publium Clodiwn confiteri42. Peut-être faut-il signaler aussi l'accusation portée par Cicéron contre Verres d'avoir arraché à la torture par affranchissement, des esclaves siciliens accusés de conspirer. Mais, dans ce cas, le préteur semble agir en tant que magistrat; et les esclaves, appartenant à un certain Leonidas avaient déjà été condamnés43. 40 «Mais je voudrais bien savoir quelle signification peut avoir un tel affranchissement; grâce à lui, on a cherché un moyen ou bien d'accuser Caelius, ou bien d'arracher les esclaves à la question, ou bien encore de payer à des escla vesmis au courant de trop de secrets, une juste récompens e». Pro Caelio, 68. 41 Cf. Ascon, in Mil., 12:« Les raisons pour lesquelles Milon, dès le lendemain, avait affranchi douze esclaves qui avaient manifesté un zèle particulier dans l'accomplissement de leur tâche». Cf. Dio Cass. XL, 48, 2. 42 Pro Milone, 57: «Pourquoi donc les a-t-il affranchis? Il redoutait, c'est évident, qu'ils le dénoncent, qu'ils ne puissent supporter la douleur, que des tortures ne les amènent à avouer que c'est par les esclaves de Milon que, sur la Voie Appienne, Appius Claudius a été assassiné». 43 Verr., II, V, 10: «Mais toi, ces esclaves que tu avais toi même convaincus d'avoir voulu prendre les armes et de faire la guerre en Sicile, et que, sur l'arrêt de ton propre conseil, tu avais condamnés, ces esclaves qui avaient déjà été livrés
ESCLAVAGEET LIBERTE En tout cas, il n'y a aucune indication que des affranchissements accomplis de telle manière aient été révoqués ni qu'il ait existé, sous la République des dispositions visant à les empêc her. La Lex lidia de Adulteriis, de 18 avant JésusChrist semble avoir présenté une première mesure limitative, dans ce domaine, puisqu'elle prévoit qu'en cas d'adultère, les esclaves, tant du mari que dé la femme, peuvent être soumis à la torture; en conséquence, ils ne peuvent être affranchis ni par la femme, s'il y a eu divorce, ni par ses parents (père, mère notamment, même par un testament) dans un délai de soixante jours après le divorce44. Un peu plus tard, le S. C. Silanianum, auquel nous avons déjà fait allusion, et qui vise, lui, les cas d'assassinat du maître, interdit l'ouverture du testament de ce dernier avant un délai de soixante jours, afin que les esclaves dont l'affra nchissement serait indiqué puissent être soumis à la torture45. Cepedant, les esclaves complices de leur maît re, puis affranchis par lui46, n'échappaient pas totalement à leur responsabilité. Il ne faut sans doute pas tenir compte d'un texte d'Orose47, qui n'est sans doute qu'une déformation grossière du récit de Valére Maxime concernant la puni tion infligée à son fils par Q. Fabius Maximus Servilianus, en 105 avant Jésus-Christ. En tout cas, il n'y pas d'allusion à une annulation de la
pour être suppliciés selon la coutume établie par nos ancêt res, tu as osé les arracher des bras mêmes de la mort (CUF) et les gratifier de la liberté; si bien que la croix que tu avais fait planter pour recevoir des esclaves condamnés régulière ment,tu voulais sans doute la réserver à des citoyens romains condamnés sans jugement». Sur Cicéron et la tortur e,cf. R. Etienne, Cicéron et les esclaves, dans Actes Colloque Besançon 1970, Paris, 1972, p. 82-5. 44 Cf. la discussion des textes (et de leurs interpolations) dans R. Yaron, Alienation and manumission, dans RIDA, II, 1955, p. 381-7 (= Yaron, Alienation). 45 Paul Sent., III, 5, 12. 46 Sur les délits commis par les esclaves, cf. Watson, Obligations, p. 274-282, qui dénombre au moins six édits du préteur sur ce thème, à la fin de la République. 47 «A la même époque, Q. Fabius mit à mort, par l'inte rmédiaire de deux esclaves, instruments de ce parricide, son fils, un jeune homme, qu'il avait relégué à la campagne, et affranchit aussitôt après ces esclaves pour prix de leur crime. Au jour fixé, Cn. Pompée ayant soutenu l'accusation, il fut condamné». V, 16 - Val. Max., VI, 1,5 .
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mamimissio, ni à une responsabilité des deux esclaves (interferii). Par contre, un texte d'Alfenus Varus semble indiquer qu'un siècle plus tard, l'irresponsabilité de l'esclave n'était plus admise. Malgré de possi bles interpolations, ce passage paraît, dans son sens général, tout à fait acceptable48 et semble constituer le premier exemple de responsabilité attribuée, au-delà même de l'affranchissement, à un esclave;et d'autre part, étant donné le sens des situations concrètes propre à Alfenus Varus, il doit correspondre à une donnée presque quo tidienne. En fait, deux directions semblent suggérées : dans le cas où, sur ordre, l'esclave tue un hom me, ou commet un furtum, sa responsabilité est engagée; et même s'il commet un acte de pirater ie, il peut être poursuivi après son affranchisse ment. Ce qui laisse entendre que tel est le cas en cas de crime49, car on ne voit pas pourquoi seul le cas de piraterie serait visé et non celui de meurtre. Mais, inversement, peut-on accepter cette rétroactivité dans le cas du furtum? Ceci semble excessif, sauf si l'on accepte qu'il n'y ait pas eu d'opposition originelle entre furtum et damnum iniuria datum prévu par la Lex Aquilia de 287 Jésus-Christ50. Mais Alfenus introduit une réserve de princi pe qui porte sur la Rixa ex litibus et contentione nata (c'est-à-dire consécutive, notamment à un procès), et qui semble affirmer que le fait, pour un esclave, d'intervenir à côté du maître dégager ait sa responsabilité et même pourrait consti tuerune sorte de «légitime défense» de ce der nier. C'est peut-être ce que laisse entendre Cicéron lorsqu'à propos de l'affranchissement des escla vesde Milon, il évoque une intervention de Caton le Jeune51. 48 D. 44,7,20, Alf. 5 dig. Cf. Watson, Persons, p. 174-177. 49 C'est peut-être une raison de penser que «aut furtum alicui facere» est interpolé. so Cf. Watson, op. cit., p. 175, Obligations, p. 234-5. S1 Pro Mil., 58 : «Ce n'est seulement la liberté, mais toutes les plus hautes récompenses qu'avaient mérité ces esclaves qui avaient défendu la vie de leur maître. En effet, quelle récompense est assez grande envers des esclaves si bien disposés, si braves, si fidèles grâce auxquels il est encore en vie». Ascon, In. Mil., 11, reprend la thèse de la légitime défen se : « Car aussitôt après le meurtre (de Clodius), Milon les
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LE LIEN PATRON-AFFRANCHI : FONDEMENTS ET EXPRESSION
II semble en effet que l'idée d'une responsabil ité de l'esclave qui a défendu son maître contre un inimicus soit totalement écartée, non seule ment par Cicéron pour le compte de son plai doyer, mais même par Caton. Ce qui ne veut pas dire que Cicéron ne soit pas embarrassé; il est, en effet, pris entre deux nécessités contradictoir es, d'une part condamner le meurtre et, par ailleurs plaider la légitime défense. Reste à savoir si cette dernière thèse a été acceptée. On pourrait en douter, à suivre Asconius Pedanius52, qui semble confirmer le point de vue défendu par Alfenus Varus. En tout ca, ni Cicéron, ni Alfenus dans les passages signalés (ni Asconius) n'indiquent une remise en cause de l'affranchissement; il n'est question que des poursuites pénales encourues par de nouveaux affranchis pour des délits com mis en tant qu'esclaves. Nulle part, il n'est fait allusion à une remise en esclavage. Ce sont des dispositions ne semblant pas remettre en cause la liberté de l'esclave que nous retrouvons dans d'autres textes juridiques. Ainsi, alors que la Lex Aelia Sentia réduit, normalement, l'esclave puni à la situation de déditice (s'il est affranchi), c'est-à-dire un statut infamant53, la Lex Fabia qui vise les esclaves criminels, n'empêche pas leur affranchissement régul ier après un délai de dix ans. C'est ce que laisse entendre, Horace, dans YEpode IV où il décrit un personnage devenue chevalier, alors qu'il est sorti de l'esclavage et qu'en tant qu'esclave sectus flagellis hic triumviralibus/ praeconis ad fastidium54. Pour sa part, Dion Cassius, faisant allusion aux événements de 43 avant Jésus-Christ, cite le cas d'un esclave «marqué» et qui aurait sauvé son maître; pour ce fait, il aurait été «comblé d'honneurs» et dut sans doute recevoir la liberté (XLVII, 10).
avait affranchis sous prétexte qu'ils avaient défendu légitim ement sa vie». 52 «Appius requit auprès de Domitius que Milon produisît les 54 esclaves et celui-ci ayant déclaré que les esclaves nommés n'étaient plus en son pouvoir, Domitius, appliquant la sentence des juges, proclama que l'accusateur désignerait autant d'esclaves qu'il le voudrait parmi ceux de Milon». Milon, 25. 53 Gaius, Inst., I, 12 - III, 74-76. Ce statut implique, en particulier l'interdiction de résider à moins de 100 milles de Rome, sous peine de retour en esclavage. 54 «Lui qui a subi les verges triumvirales au point que le crieur public en fût épuisé», v. 11-12.
Dans le même sens, une controverse entre Servius et Labeo55 est instructive : dans le cas d'un statuliber, ni Labeo, ni Servius ne comment ent d'éventuelles conséquences que la condamn ation publique signalée pouvait avoir sur le plan de la libération de l'individu concerné. Leur point de désaccord est purement d'ordre écono mique et porte sur l'accomplissement des operae. Ni l'un ni l'autre de ces auteurs ne font référence à une loi ou édit pour justifier une non accession éventuelle de l'esclave à la liberté. De même, il semble que l'esclave fugitif, puis reve nuauprès de son maître, n'ait pas été privé du droit à la liberté complète s'il était affranchi normalement par le maître. Ainsi, dans un texte, où un tel cas est évoqué, ce sont encore les préoccupations d'ordre économique qui sont mises en lumière56. Certes, on pourrait mettre l'interprétation de Ser vius ou d'Alfenus Varus57, en rapport avec le désir de respecter la volonté du défunt; mais on peut penser que cette volonté portait sur sept années de services continus (le mort n'avait pas prévu la fuite...). Il faut donc faire intervenir, ou une volonté de favoriser la liberté, ou un souci de limiter le raisonnement à l'accomplissement exact d'une clause à caractère éco nomique. Or une fugue d'un an est une affaire sérieus e; et on ne sait avec certitude si l'esclave est revenu de lui-même ou par force. Et pourtant cette sentence «gomme» complément cet aspect de l'événement. Enfin, malgré la réaffirmation du principe de la «rétroactivité» qu'il avait déjà exposé, Alfenus Varus a propos d'un dispensator dont le maître, avant d'en avoir reçu les comptes et après l'avoir affranchi, cons tate qu'il a détourné une somme, laisse entendre que l'affranchissement n'est pas remis en question58. " « Que mon esclave Dama, lorsqu'il aura accompli 7 ans de services en faveur de mon héritier, reçoive la liberté». Or cet esclave avait été l'objet d'une condamnation publique moins de 7 ans (après la mort du testateur) et la septième année écoulée. Servius déclare que l'esclave ne doit pas accéder à la liberté - Mais Labeo ajoute que si, par la suite, il a accompli ses sept ans de services, il pourra devenir libre, ce qui est vrai ». D. 40,7,39,3. 56 « Un esclave, à condition de servir durant 7 ans auprès de l'héritier, devait recevoir la liberté : cet esclave avait pris la fuite et était resté toute une année en fuite. A l'écoulement des 7 années, l'esclave n'était pas libre, répondit (Servius ou Alfenus) [...], Mais selon lui, si le testament disposait qu'il deviendrait libre à condition de servir 7 ans, il pouvait être libéré, pourvu qu'il continue à servir pendant un temps égal à la durée de sa fugue». D. 40,7,14,1. " Donatuti, Statulibero, Milan, 1940, p. 276. 53 « Un maître affranchit son esclave dépensier; par la suite, il se fit remettre les comptes du solde, et comme
ESCLAVAGEET LIBERTE Certes, c'est la responsabilité de la «petite femme» qui est mise en avant, mais, l'esclave n'en a pas moins dépensé l'argent du maître; or, dans ce cas encore, la liberté accordée à ce «dépensier» malhonnête, n'est pas remise en cause.
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Ainsi donc, à travers tous ces exemples, appar aît le caractère pratiquement irrévocable de l'affranchissement. Et la tuitio praetoris a fini par donner cette même force à l'affranchissement pratiqué de façon informelle. Il y a des empêchem ents, des contestations mais pas de retour en arrière :59 la revocano in servitutem est en fait une notion d'époque impériale, liée en apparen ce à un critère moral, l'ingratitude, mais sanc tionnant, en fait, des manquements de la part d'un affranchi, dans la prestation des operae dues au patron. Il est impossible de penser, pour la Républi que à une solution de ce type, malgré un texte de Donat (Ad Andr. 1, 1,15) qui du reste n'est pas afflrmatif: An secundum his... loquitur quod adversus libertos ingratos est ut in servitutem revocerentur?. On ne peut sur le témoignage d'un auteur aussi tardif, conclure à l'existence d'une telle sanction, alors que Cicéron, nous l'avons vu, ne peut invoquer, contre Chrysippus, (nihil ingratius 60) que le vieil édit de Livius Drusus. Il est certain que c'est la Lex Aelia Sentia qui a donné son premier contenu à l'accusation d'in gratitude61, même si elle n'a pas prévu la
no in servitutem de l'affranchi, limitant la peine à la relégation au-delà du centième mille62 et, pour le cas les plus graves, aux travaux publics63. Certes, sous Claude, dans un cas particulier, il y eut retour en esclavage d'un affranchi64 mais la mesure ne fut aucunement généralisée et lors que, sous Néron, cette extension fut envisagée, elle ne fut pas retenue65. En fait, cette mesure, souvent évoquée ne fut adoptée qu'à l'époque post-classique. D'où sans doute, la nostalgie de Valére Maxime lorsqu'il rappelle les usages des Athéniens66, ou même ceux des Marseillais qui, laissant trois chances à leurs affranchis, les remettaient en esclavage au quatrième manquem ent67. En tout cas, sous la République, même si la réalité de l'ingratitude des affranchis n'était pas ignorée68, la révocation en esclavage pour ce motif n'existait pas. Peut-être y aurait-il eu quel que contradiction, pour le préteur, à donner, en même temps, une actio sur ce thème au patron de l'affranchi libéré selon les modes officiels et à empêcher le retour à la situation stricte d'escla ve de l'affranchi informel. Il aurait été illogique de donner une valeur définitive à la voluntas domini dans le second cas, et à la remettre en cause dans le cas de manumissions régulières à propos desquelles le censeur s'était enquis du iussum du maître ou le préteur de la décision souveraine du patron.
ceux-ci n'étaient pas exacts, il apprit que l'affranchi avait dépensé l'argent manquant auprès d'une «petite femme»; on demandait si l'on pouvait intenter une «action pour corrupt ion d'esclave» à l'encontre de cette femme, alors même que l'esclave était devenu libre. J'ai répondu que c'était possible, mais qu'on pouvait aussi intenter une action concernant le vol de l'argent que l'esclave lui avait versé». D. 11,3,16, Alf. Varus 2 dig. 59 On pourrait trouver une exception à ce principe dans un texte d'Appien {BC, IV, 29) où il est question de l'esclave d'un certain Ateius (un proscrit) qui, pour avoir trahi son maître, est récompensé du don de la liberté par les triumv irs.Ayant essayé de racheter pour son compte, aux enchèr es,les biens de son ancien maître, il est désigné par le «peuple» à l'attention des triumvirs qui le renvoient en esclavage. Mais, ici, nous sommes dans une époque excep tionnelle et c'est en vertu de leur pouvoir discrétionnaire que les triumvirs, qui avaient accordé la liberté, la retirent, en dehors de toute procédure et jurisprudence normales. 60 Att., VII, 2, 8. 61 Cf. Duff, Freedmen, p. 27 - Barrow, Slavery, p. 191, et
Cosentini, Studi, I, p. 206-212 - cf. D. 40.9.30 Ulp. 4 ad 1. Ael Sent. L'étude essentielle reste celle de P. De Francisci, La revocano in servitutem del liberto ingrato, dans Mélanges P. Cornil, Paris, 1926, p. 297-303 (=De Francisci, Revocatio). 62 Tacite, Ann., XIII, 26. 63 Dosith, Hadr. Sent. 3. 64 Marcian., 13, Inst., D. 37.14.5 pr. cf. De Francisci, Revocat io, p. 307. 65 Tacite, Ann., XIII, 26-27. 66 « Combien est mémorable cet usage des Athéniens, qui veut que l'affranchi convaincu d'ingratitude par son patron perde le bénéfice de la liberté». II, 6,6. 67 «Ceux-ci permettent de remettre en cause jusqu'à trois fois l'affranchissement d'un même esclave, s'ils l'ont reconnu coupable d'avoir trahi à trois reprises son maître. Mais à la quatrième erreur, ils ne pensent pas devoir soutenir le maît re, car c'est par sa propre faute qu'un maître, qui s'y est prêté tant de fois, subit un tel préjudice». 11,6,7. 68 Nous y reviendrons lorsque nous envisagerons les rap ports patrons-affranchis, dans la réalité quotidienne.
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LE LIEN PATRON-AFFRANCHI : FONDEMENTS ET EXPRESSION 3 - EXISTE-T-IL UN PRÉJUGÉ FAVORABLE À LA LIBERTÉ, À LA FIN DE L'ÉPOQUE RÉPUBLICAINE?
L'apparition de la tuitio praetoris à la fin de la République, le développement des avis donnés par les juristes Romains, en particulier au pre mier siècle avant Jésus-Christ, au sujet des pro blèmes inhérents à l'octroi individuel de la liber té aux esclaves, et enfin l'assurance que l'affra nchissement était généralement irrévocable, nous invitent tout naturellement à nous demander si, dans des cas litigieux, le parti de la liberté a été systématiquement soutenu, ainsi qu'il apparaît plus tard, dans la jurisprudence du Haut Empir e, ou si au contraire, compte tenu de l'origine sociale des «praticiens» du droit le point de vue des propriétaires d'esclaves a été défendu à tout prix. Pendant longtemps, la notion de favor libertàtisb
pie74, il est légitime de parler d'un favor libertatis républicain, limité sous Auguste par la Lex Fufia Caninia et la Lex Aelia Sentia, A. Watson, qui a minutieusement scruté tous les textes utilisables, conclut à l'inexistence d'une telle idée dans les consulations des juristes75. Le domaine dans lequel cette absence serait évidente est celui des affranchissements directs ou non, accomplis par testament. Sans repren dre nos analyses antérieures, il est évident que plusieurs faits étaient cette thèse pessimiste. Ains i,par exemple, jusqu'à Auguste, les affranchiss ements par fidéicommis n'ont aucun caractère d'obligation juridique. Mais surtout, dans de nombreux cas, les juris tesde la fin de la République semblent n'avoir aucunement voulu favoriser la libération formell e d'un esclave : - ainsi, selon Watson, à propos de D. 40, 7, 3, 2 (Ulp. 27 ad Sabin), déjà discuté (il y est question d'un statuliber à qui de l'argent est dû par l'héritier ou un tiers, et à qui l'héritier ne veut pas rembourser ou faire payer cette dette) : contrairement à la voluntas du testateur, Servius introduit une distinction entre le cas où le pécul eest légué ou non à l'esclave, la liberté ne devant intervenir que dans le premier cas; dans le second cas, il faudrait que l'esclave trouve de l'argent en dehors du pécule pour remplir la condicio, ce qui rend la libération plus difficile76; - la règle, apparemment libérale, selon laquelle le statuliber accède à la liberté si l'héri tierest responsable du non-accomplissement de la condicio serait, en fait, la conséquence de la loi des XII Tables, qui avait créé ce statut77, et la position des juristes républicains serait, sur ce point, bien moins favorable que celle de leurs successeurs de l'époque impériale78; - de même, un autre texte79 montre que la mauvaise volonté éventuelle de l'héritier à
74 Fidéicommis, p. 328. 75 Persons, p. 208-214-217. Cf. aussi Morality, Slavery and Jurists, dans TLR, 42, 2, 1968, p. 289-303 (= Watson, Morality). 76 Morality, p. 297. 77 Persons, p. 204-8 - Käser, Altrömische lus, p. 160-1. 78 Pour ceux-ci, dans tout les cas où le statuliber n'est pas directement responsable du non-accomplissement de la con dicio, il devient libre. Cf. D. 40.7.3.10 (Ulp, 27 ad Sab.). 79 D. 40,7, 19,1.
ESCLAVAGEET LIBERTE l'égard du statuliber n'est pas sanctionnée et que la situation de richesse de celui-ci n'évite pas le respect minutieux de la condition aux yeux d'Ofilius et de Labeo; - enfin, un dernier passage80 exprime une interprétation rigoureuse de Trebatius et Labeo, qui empêche le statuliber qui a fait fructifier l'argent de l'héritier d'utiliser le bénéfice pour remplir la condition81. Cette attitude défavorable aux esclaves, Watson la souligne de façon aiguë82 quand il montre, que dans le même temps, et en matière de legs, sur cent trente neuf textes juridiques datant de l'époque républicaine, un seul ne respecte pas la voluntas du maître83. Et même lorsque la forme d'une «réponse» serait faite dans un sens plutôt favorable, le fond révélerait une attitude qui ne le serait pas84; ainsi, dans le cas déjà discuté et où il est question des poursuites contre les affranchis, au sujet des meurtres dont ils auraient été les complices, sur ordre de leur maître, quand ils étaient encore esclaves : la fo rmulation laisse entendre que les poursuites étaient limitées à quelques cas, alors que le fond révèle que c'est seulement dans quelques ci rconstances que l'esclave en est exempt85. Or, cette attitude négative a une grande por tée dans la mesure où, par exemple, les juristes signalés sont eux-mêmes engagés dans des rap ports esclavagistes: c'est ce qui ressort de la correspondance de Cicéron, à propos tant de Servius Sulpicius Rufus86 que de C. Trebatius Testa87. Mais, déjà, leur origine familiale en fait des membres de l'aristocratie, qui ont géré les char gesles plus élevées. Si bien que les consultations
w D. 40,7,39,2. 81 Cf. aussi D. 40.7.14 pr. Alf. Varus, 4 dig. 82 Morality, p. 295. 83 D. 35.1.40.3 Iav. 2 ex post Labeonis, texte de Servius. 84 D. 40,7,20,2 Dig., Morality, p. 298/9. 85 Mais on pourrait rétorquer que la réponse, d'une part donne la possibilité à l'esclave de refuser d'obéir, et, d'autre part, lui reconnaît une certaine personnalité. 86 Cf. les lettres de recommandation que lui adresse Cicé ron, lors de son proconsulat : il lui recommande C. Aemilius Hammonius, affranchi de M. Aemilius Avianus {Fam., XIII, 21 - XIII, 27), et L Cossinius Anchialus (Fam., XIII, 23). 87 Cf. Fam., VII, 8 au sujet de Vettius Chrysippus.
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et les livres qu'ils ont données ou écrits ne peuvent pas être totalement distingués de l'acti vitédu préteur (même si, en tant que juristes, ils disposent d'une grande liberté d'appréciation)88, et reflètent, comme l'action du préteur, les pro blèmes de cette époque bien qu'ils n'aient pas eu la même publicité que l'édit de ce dernier. Or, la position générale de Watson, n'est peut-être pas aussi solide qu'il paraît. Un point essentiel mérite d'être souligné, c'est la posibilité, pour l'esclaves, de «consulter», en cas de désaccord portant sur sa libération89. Donc le préteur et les juristes consultés n'en tendaient pas seulement le point de vue des maîtres ou de leurs héritiers et pouvaient tenir compte de cette autre version des faits. Par ailleurs, si l'on doit se méfier de la pro pension des juristes de l'époque impériale à chercher, dans le droit ancien, des «origines» à leurs propres theories et à utiliser un vocabulair e anachronique, on ne peut mettre en doute qu'il y ait un fond de vérité dans un texte de Gaius concernant la sacramenti aedo90 : la loi des XII Tables aurait déjà prévu que la garantie à supporter, dans le cadre d'une sacramenti aedo par un adsertor libertatis, serait l'objet d'une limi tation de caractère exceptionnel (par rapport à toutes les autres causes)91, soit à cinquante as. Et Gaius voit là, à tort ou à raison, un indice de favor libertatis. Sa position est sans doute ten dancieuse, et la filiation par les XII Tables erro née; mais il n'est pas interdit de penser que Gaius ait eu des raisons de penser qu'avant l'époque impériale, dans de telles causes, un préjugé favorable à la liberté, ou du moins, aux
ss Ch Watson, Morality, p. 289. 89 C'est déjà le cas de Tityre, qui s'adresse directement au préteur pérégrin. Cf. aussi D. 40,7,29,1 (Pomp. 1,8 ad Q. Mucium) - D. 40,1,6 (Alf. Varus 4 Dig.) - D. 40,7,14 pr. (Alf Varus, 4 Dig.). 90 «Mais si une controverse s'élevait à propos de la liberté d'un individu la loi (des Douze Tables) disposait que, même s'il s'agissait d'un homme de grand prix, l'enjeu serait limité à 50 as, disposition qui, à l'évidence, joue en faveur de la liberté, afin que ses champions ne soient pas lourdement grevés». Inst., IV, 13-14. vl Cf. Gaius Inst., IV, 14 : Poena autem sacramenti aut quingenaria erat aut quinquagenaria : nam de rebus mille aeris plurisve quingentis assibus, de minoris vero quinquaginta assibus sacramento contendebatur. Cf. Kaser, RPR, I, p. 100.
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conditions d'excercice de Yadsertio par des tiers aurait existé92. Mais, surtout, plusieurs textes permettent de pen ser que, même s'ils n'utilisent pas l'expression favor libertads9i, les juristes de la fin de la République, dans certains cas, arrivaient à trancher en faveur de la libération de l'esclave. Ainsi, alors que Labeo refuse l'affranchissement par testament de deux esclaves dont l'un, en fait, a déjà été aliéné ou affranchi entre vifs, Q. Aelius Tubero tranche dans un sens favorable (et Javolenus pense que Tuberonis sententiam «voluntati defuncti» magis puto convenire)9*. De même, à propos de l'application d'un fidéicommis, quand certains des esclaves désignés par le mort sont eux-mêmes morts (D. 35, 1, 6, 1 Pompon. 3 ad Sab.), Servius, comme Labeo, tranche en faveur de l'affranchissement des esclaves qui survivent (approu vé par Cassius et Sabinus). De même encore, dans un texte (D. 33, 8, 15, Alf. Varus 2 Dig. a Paulo ep.) où il est question de la destination d'une esclave ayant appartenu au pécule d'un affranchi testamentaire, Alfenus Varus pense que celle-ci doit rester attachée à ce dernier, dont elle est sans doute la compagne (et dont on peut penser qu'il la libérera). On peut aussi citer: D. 28, 5, 21, pr. (Pomp. I ad Sabin) où au-delà de tout formalisme, Trebatius et Labeo concluent en faveur de l'affranchissement de l'esclave. Ou encore D. 28, 8, 11 (Ιαν. 4 ex post. Labeonis) où si Trebatius refuse la liberté à l'esclave, c'est parce qu'il pense, contrairement à Labeo, qu'un fils affranchi est un vrai fils. Et enfin D. 40, 7, 29, 1 (Pomp. 18 ad. Q. Mucius) : Q. Mucius, suivi par Labeo, pense que l'esclave ne devait pas payer à n'importe qui la somme prévue par le testateur, mais uniquement à l'héritier légal95. Enfin, dans un texte de Scaevola, il est question du sort d'esclaves affranchis par testament au moment où le fils de famille, dont on avait perdu la trace, réclame ses droits96. Certains termes sont évidemment
92 Sur les difficultés concernant l'authenticité de ce texte, cf. les conclusions optimistes d'Imbert, art. cit., p. 276. 93 On rappellera cependant l'expression quam liberati faverit utilisée par Tite Live, III, 4, 5, à propos de mesures prises en faveur de la plèbe et attribuées, c'est révélateur, à Appius Claudius. 94 D. 32,29,4 Labeo, 2 post, a Iavoleno. Sur l'altération possible du texte, voir Yaron, Alienation, p. 381-2. 95 Sur ce passage, voir Watson, Persons, p. 201-203. 96 D. 40,4,29 Scaevola, 23 Dig. «Si des esclaves après avoir été affranchis, sont pendant cinq ans en liberté, il apparaît contraire à la faveur due à la liberté, d'annuler la liberté qui leur a été accordée une première fois».
interpolés, mais l'essentiel de la réponse n'a pas dû être inventé : cette idée d'une liberté éprouvée pen dant cinq ans et ne pouvant être remise en cause même si le testament n'est pas valide, ceci au nom du respect de l'intention du défunt, va bien dans le sens du favor libertatis impérial. Certes, ce délai de cinq ans est sans exemple, mais un texte de Plaute peut donner un indice de solution sur ce point : Neque me quidem emere quisdam nulla pecunia/potuit : plus iam sum libera quinquennium. Il semble que chez Plaute, il y ait une référence à la loi Attique91. Doit-on penser, dans le cas de Scaevola, à un éventuel souvenir tiré du droit grec? Ou bien ce délai est-il de nature à impliquer au moins une inscription au cens? En tout cas, la posi tion de Scaevola apparaît ici dégagée de toute applica tion mécanique des formes pour ne retenir que 17«tention favorable à l'esclave. Au terme de cette évocation, nous ne pou vons donner une réponse tranchée à la question de savoir s'il y a eu ou non une volonté délibé rée et systématique des juristes de la fin de la République, de «favoriser» la liberté. Il est certain qu'aucun de ceux-ci n'a eu de position de principe, dans ce domaine98. Pour prendre l'exemple de Servius, notons que celuici reconnaît la dette du maître défunt au peculium de l'esclave, sinon celui-ci n'aurait pu être libéré (car ne pouvant payer la condicio)99, alors que dans une autre réponse, ce même Servius refuse l'idée de dette du maître envers l'esclave, quitte à refuser la liberté de celui-ci100. En fait, il semble que les spécialistes du droit n'aient envi sagé que des cas isolés, ponctuels. Et Watson a raison d'insister sur l'absence de position d'or dre moral d'individus que leur origine sociale, par delà leurs tempéraments divers, rapprochait. C'est en cela que l'on ne peut parler d'un vérita blefavor libertatis, celui-ci étant lié, pour les juristes de l'époque impériale, à une véritable définition philosophique et morale de l'Homme.
97 Epidicus, v. 497-498 - Watson, Persons, p. 199. 98 C'est ce que souligne justement A. Watson (Narrow, rigid and littéral Interpretation, dans Tijdsch, XXXVII, 3-4, 1969, p. 351-368, qui réfute, sur ce point, les positions trop tranchées de H. Ankum («Utilitatis causa receptum». Sur la méthode pragmatique des juristes romains classiques, dans RIDA, XV, 1968, p. 119-133), et même de Fr. Schulz, History of Roman Legal Science, Oxford, reed 1953, p. 77-9, qui avaient surestimé la «rigidité», le «dogmatisme» même des Veteres. 99 D. 40.7.3.2. 100 D. 35.1.40.3.
ESCLAVAGEET LIBERTE Tout au plus, peut-on parler de positions ponct uelles favorables à la liberté de l'esclave. Au fond, ce qui est essentiel, pour les auteurs de la fin de la République, c'est le respect de la volonté, de l'intention du maître101, mais dans la mesure où les intérêts économiques de l'héritier ne sont pas lésés. Le souci de protéger le patr imoine est toujour placé au premier plan. Il reste qu'au-delà de ces intérêts propres à l'aristocratie sénatoriale, les prises de position contradictoires que nous avons relevées tradui sent,plus que des querelles d'écoles, les hésita tions d'hommes qui sont avant tout des prati ciens du droit102 et qui sont engagés dans la vie politique mais aussi dans un système de product ion dont ils sont les bénéficiaires : ils ne manif estent donc pas le recul dont les jurisconsultes de l'époque impériale ont joui. Or, les variations d'opinion, les contradictions mêmes que l'on peut noter, chez un même auteur, d'une réponse à une autre, sont d'autant plus nettes que la fin de la République marque un éclatement des vieilles structures patriarcales et une place plus grande faite à l'individu et à des catégories juridiques (peregrins notamment) plus difficiles à cerner.
II - «SPES LIBERTATIS» : LES ASPECTS INDIVIDUELS DE LA MANUMISSION Une fois décrits les mécanismes juridiques qui, déclenchés par la volunîas domini, et sanc tionnés, ou pour le moins contrôlés, par l'Etat et ses magistrats, transforment un individu assimilé à une res, en un homme libre, doté d'une puis sance privée et de droits politiques, il reste à
101 Particulièrement intéressant, à ce titre, est ce passage (D. 40.1.7 Alf Varus 7 dig.) d'une réponse d'Alfenus Varus: Non videri earn mentem eius (= patroni) fuisse. 102 Watson relève, notamment, la saveur presque paysan ne d'Alfenus Varus {Morality, p. 298-9 - Persons, p. 274). Par ailleurs, les Veteres n'hésitent jamais à prendre des positions extrêmes, sans doute dans des domaines où l'adap tation du droit à des réalités nouvelles permettait les inter prétations les plus personnelles (cf. A. Watson, Limits of juris ticdecision in the later Roman Republic, dans ANRW, I, 2, 1975, p. 215-225).
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évoquer la dimension personnelle de la manum ission: quelle est l'attitude de l'esclave devant son affranchissement? Celui-ci serait-il une sur prise à laquelle le hasard serait principalement associé ou bien cette libération est-elle le fruit, enfin recueilli, d'un espoir que le patron a su volontairement ou non, déclencher et entrete nir? 1 - L'esclave et l'espérance de la liberté Le thème de l'espérance de la liberté, spes libertatis, revient fréquemment dans nos sources littéraires. Spes, c'est-à-dire l'attente d'une ci rconstance à venir que l'on espère favorable103. Cet espoir, lié à l'aspiration de l'esclave à la liberté, n'est pas conçu comme indéterminé, mais comme fondé sur une volonté et une assu rance ayant la force d'une quasi-certitude. Ainsi, dans le Persa de Plaute, s'opposent l'e sclave confiant dans sa libération prochaine, et celui qui ne peut raisonnablement l'attendre. C'est un thème qui revient souvent dans le récit de la deuxième Guerre Punique de Tite Live, notamment à propos des volones placés sous le commandement de Tiberius Sempronius Gracchus104, ou encore à propos des événements survenus après la prise de Carthago Nova par Scipion; celui-ci, pour encourager les artisans des arsenaux à travailler rapidement au service de Rome, décide que Eos publicos fore Populi Romani edixit cum spe propinqua libertatisl0S. C'est encore cet espoir qu'évoque Tibulle : Spes etiam valida solatim compede victum/Crura sonnant ferro sed canit inter opus/Spes facilem nemesim spondei mihi, sed negat Ma106.
IU3 C'est en ce sens qu'Horace, par exemple, parle de spes heredis (Sat., II, 5, 47). 104 persa v. 286: «Car moi j'ai la ferme conviction que je serai libre, tandis, que toi tu ne pourras jamais raisonnable ment espérer devenir libre». Tite Live, XXIV, 14, 5 : «Le moment était venu, pour eux, de gagner cette liberté qu'ils avaient espéré depuis si long temps». T. Live, XXIV, 15, 8: «II n'y avait rien qui leur permît d'espérer leur libération». 105 «II leur fit connaître qu'ils étaient désormais des escla vesdu Peuple Romain, et qu'ils pouvaient espérer une libéra tionprochaine» cf. p. 52 n. 96. 106 Eleg., II, 6, v. 25-27.
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Enfin, Cicéron, précise la nature de cet espoir (Cum in spem libertatis sexennio post simus ingressi diutiusque servitutem perpessi quam capti vi servi frugi et diligentes soient), lié à la façon dont les esclaves s'acquittent de leurs tâches et à leur honnêteté107. En tout cas, ce spes libertatis n'est pas, sauf dans le texte de Tibulle, un espoir passif, ni fou, mais une aspiration fondée sur des réalités matérielles. Cette quasi certitude d'accéder à la liberté, nous la notons à plusieurs reprises chez Plaute : le «ego confido» du Persa, déjà signalé, se retrou ve dans les Captivi : Et ego me confido fore (liberum) si... l08. Elle apparaît liée à la conscience d'une occasion ou d'un jour à ne pas manquer et où l'accomplissement d'un exploit peut entraîner à coup sûr l'affranchissement tant désiré. Ainsi, dans le Persa (Haec dies summa hodie est, mea amica sit ne libera / An sempiternam servitutem serviat)109, est évoqué le jour suprême, celui qui doit décider du cours de toute une vie et où, si l'affranchissement peut survenir, la ser vitude définitive peut aussi bien être confirmée. Bien sûr l'idée de ce jour, dans le théâtre de Plaute est d'abord liée à la nécessité de créer un état de crise qui donne tout son pathétique à la situation, mainte fois représentée110, de ces esclaves dont le sort va se jouer. Mais les les 107 Phil., VIII, 11. «Puisque nous avons enfin retrouvé, au bout de six ans, l'espoir de devenir libres, après avoir subi une servitude plus longue que celle que supportent normale mentdes captifs, pourvu qu'ils se montrent sérieux et zélés». Cf. Cicéron Pro Rab., 15 : Nhi forte hanc condicionem Vobis esse vultu, quam servi, si spem libertatis propositam non haberent, ferre nullo modo possent. 108 V. 575-576 : Cf. Mercator, v. 152/3. 109 V. 33-34 : «Aujourd'hui est le jour suprême qui décidera si mon amie deviendra libre, ou si elle survivra pour tou jours en tant qu'esclave». 110 Cf. Persa, ν. 773 b : Optatus hic mihi dies datus / Rudens v. 927 : Nunc haec tibi occasio, Gripe, optigit ut liberei ex tempulo praetor te. Cf. encore Pseudolus, v. 228 où le leno Balio, s'adressant à Phoenicium, lui dit : Nisi hodie mihi ex fundis tuorum amicorum omne hue poenus adfertur. Cf. aussi Poenulus, v. 427-430, et aussi Stich., 422 : Nunc hune diem unum ex Ulis multis miseriis volo me eleutheria capere advenientem domum qui exprime cette délivrance que ce jour, unique, peut apporter. Cf. Fr. Borner, Untersuchungen über die Religion der Sklaven in Griechenland und Rom., I Die wichtigsten Kulten und Religionen in Rom und in lateinischen Westen (= Bömer, Untersuchungen I), p. 493-4.
connotations que l'on peut relever chez d'autres auteurs semblent indiquer qu'il y a là autre chose qu'un artifice de théâtre. En effet, c'est la même allusion à un jour solennel, générateur de la liberté, qui est affi rmée par Tib. Sempronius Gracchus, dans le récit de Tite Live (XXIV, 14, 5) : Tempus venisse eis libertatis... potiundae. Et ce jour, par les événe ments qu'il a portés, Gracchus a voulu qu'il fût peint dans le temple de Jupiter Libertas (XXIV, 16, 19)\ Et Cicéron ne pense pas autrement, lorsqu'écrivant à Tiron malade, et voulant l'inciter à hâter sa guérison, il lui présente comme argu ment suprême, cette perspective du jour où la liberté lui sera donnée : Nostra ad diem dictam fient (Fam. XVI, 10, 2) et Dies promissorum adest, (Fam. XVI, 14, 2). Cette espérance, liée à une confiance mar quée dans la bonne chance, qui peut apporter le bien comme le mal111, est alimentée par les pro messes du patron. Ainsi, le théâtre de Plaute nous fournit d'as sez nombreuses déclarations de maîtres s'engageant, au moins en paroles, à libérer leur escla ve112: dans le Persa, Ne sis plora, libera eris ac tutum si crebro cades, dit l'affreux Dordalus, le leno, à la fille de Sagaristio. Dans le Poenulus, c'est avec quelque exagération, mais avec raison qu'Adelphasium, s'adressant à Agorastocles lui rappelle que Liberare iuravisti me haud semel, sed centiens. Si bien que lorsque ce dernier parle de la libération de Milphio, celui-ci n'en croit pas un mot Perque tuam libertatem / Em, nunc nihil opsecras?Ui. Défiance justifiée par la déclaration d' Agorastocles, hachée par les objurgations de Milcio, Ut non ego te hodie... Emittam manu (V. 427-430); scène qui est un chef-d'œuvre de sadis me. 111 Cf. Stichus, v. 751 : Vapulat peculium - Actum est; figit hoc libertas caput. Cette fois, l'occasion n'est pas favorable. 112 Les maîtres mettent généralement peu d'empresse ment à remplir leur engagement : c'est un des ressorts comi ques de Plaute; un autre est fourni par les promesses de ne pas affranchir (cf. Asinaria, v. 275 etc.). 113 Persa, v. 656: «Ne pleures pas ainsi, tu seras vite libre si tu fais l'amour assez souvent». Poenulus, v. 361 : «La liberté! tu as juré de me la donner non pas une, mais cent fois!». Poenulus, v. 420: «Et par ta liberté...» / «Pour le moment ce que tu invoques n'existe pas».
ESCLAVAGEET LIBERTE Ce sont ces promesses oubliées que, parfois, l'esclave s'essaie à raviver: ainsi, Trachalio s'adressant à Demones (qui s'est engagé à le faire affranchir par Pleusidippus) : Quod promisisti ut memineris, hodie ut liber sira!114. Promess es hypocrites, ainsi qu'il en est des déclarations que Demea se force à adresser à Geta, sur un ton aimable : Et tibi ob earn rem, si quid usus venerit/ Lubens bene faximU5. Que l'habitude de promettre la liberté ait rendu les esclaves méfiants, c'est ce qui semble ressortir des déclarations de Tib. Gracchus à ses volones, auxquels il a promis la liberté116: pour convaincre ceux-ci, Gracchus doit se couvrir de l'autorité du consul et du Sénat, pour bien mont rer que ce n'était pas une promesse vague, faite par lui-même, en tant que général uniquement soucieux de sa gloire et donc de trouver un artifice pour que ses troupes se battent bien117. Dès ce moment, la liberté apparaît comme acces sible à ces esclaves : libertas futura esset, nee dubiam libertatem futuramus. Mais, dans la plupart des cas, cette espérance est liée à l'accomplissement d'une condition : payer (il est remarquable que Virgile associe spes libertatis et peculium)119, combattre, guérir,
114 Rudens, v. 1217: «Puisses-tu te souvenir de ce que tu m'as promis, et qu'aujourd'hui je sois libre». 115 Adelphi, v. 895 : «Et c'est pourquoi, si jamais l'occasion se présente, je ferai bien quelque chose en ta faveur». Cf. Trinummus, v. 439 : Nequam illud verbutnst bene volt, nisi qui bene facit, déclare Stasimus, qui voudrait des actes, c'està-dire sa liberté. «C'est une formule bien creuse "il te veut du bien", si les actes ne suivent pas». Inversement, dans le Pseudolus de Plaute, Ballio, le leno, accuse Phoenicium de ne pas tenir la promesse, répétée de lui verser l'argent de sa libération. {Pseud., v. 225/6: Tu autem, quae capite argentum mihi iamiamque semper numeras I Ea pacisci modo sets, sed quod pacta es non scis solvere/ « Et toi qui es, paraît-il, toujours sur le point de me verser la contre valeur de ta personne, et qui ne sais faire que des promesses, mais qui ne sais pas payer ce que tu as promis». 116 «Tout volontaire qui ramènerait la tête d'un ennemi, il ordonnerait sur le champ qu'il soit libre». T. Live, XXIV, 14, 6. 117 «II n'était pas le seul garant de leur liberté, mais c'étaient le consul, le Sénat unanime...». T. live, XXIV, 14,8. 118 T. Live, XXIV, 14, 10 et 16, 6: La promesse faite par Scipion aux artisans des ateliers navals de Carthagène, sans doute parce que le Sénat n'était pas d'accord, ne fut semblet-il pas honorée (cf. T. Live, XXIX, 35, 8). "' Cf. Virgile, Bue., I, v. 33 : Nec spes libertatis erat, nec cura peculi.
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se «laisser culbuter» etc.. c'est-à-dire accomplir la volonté du maître. On comprend donc, que par un glissement compréhensif, cette notion (de spes libertatis) ait pu être appliquée, dans le vocabulaire juridique, à la position du statuliber, soumis à la voluntas de son maître défunt et dont la libération, à partir du moment où l'héri tiera accepté le testament, ne dépend plus que de l'accomplissement de la condicio définie par le testateur120. Mais fondamentalement, cette spes fait intervenir et le bon vouloir du maître et l'obéissance presque héroïque de l'esclave à celui-ci. Plus que d'un échange, on pourrait pen ser à un véritable «chantage à la liberté», chan tage fondé sur le désir que peut avoir l'esclave de devenir libre. C'est dans le théâtre de Plaute encore que les indications à ce sujet, sont les plus nombreuses : ainsi, Scapha, s'adressant à Philematium, lui dit libera es iam/Tu iam quod quaerebas habes, mont rant que l'obtention de la liberté est une sorte de fin (heureuse) apportée à une espérance suprême, ce que Philematium reconnaît bien volontiers121. Pour sa part, Satis ut meminit libert atis, s'exclame Toxilus, en entendant la fille de Sagaristio accepter le marché (honteux) que le leno lui a proposé comme prix de sa liberté (Persa, v. 658); plus tard Toxilus célébrera en ces termes, l'heureuse libération de son amie, Lemniselenis : Optatus hic mihi dies datusn2. Ego quo que volo esse liber, nequiquam volo123, soupire Stasimus, avec quelque regret, mais son désir n'est qu'une imitation de celui, plus marqué, de ses congénères plus actifs. Sed sein quid est quod te volo?... hodie ut liber sim confie enfin Trachalio à Demones, afin que ce dernier intervienne auprès du maître124. A travers toutes ces déclarations, mais sur tout dans l'intrigue même des pièces de Plaute, 120 Cf. M. Bartosek, Spes en droit Romain, dans RIDA, II, 1949, p. 19/64 -p. 32-37. 121 Most., v. 209-210 «Tu es déjà libre, tu as déjà ce que tu demandais». Most., v. 230-1 «Je dois lui prouver maintenant ma reconnaissance puisque j'ai obtenu (ma liberté). 122 «Que je l'ai tant désiré ce jour qui m'est accordé», v. 773 b. 123 «Moi aussi je veux être libre, mais c'est un vain désir». Trinummus, v. 440. ^Rudern, v. 1216-1217. Cf. aussi Aulul., v.823 - Casina, v. 474 - Λίθ5Λ, ν. 209-210-220 - Persa, ν. 656/8-773/4 - Rudens, ν. 1216/7 - Stichus, ν. 751 - Trinummus, ν. 439/440.
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liée, en grande partie à l'héroïsme et à la débrouillardise d'esclaves cherchant à gagner leur liberté, apparaît une tension, une concentrat ion de tous les désirs et de tous les gestes, en vue de la libération125. Et il est évident qu'il faudrait verser au dossier toutes les déclarations prudentes d'esclaves cherchant à paraître des modèles de bonne conduite et de conscience professionnelle, afin de se faire bien voir du maître126. En tout cas, le désir de sortir de l'e sclavage apparaît plus vivement exprimé parmi les servi callidi ou fallaces, les plus astucieux donc, que parmi les servi boni127, qui, assez pass ivement, attendent le bon vouloir du maître. Donc si, à première vue, il y a bien opposi tionentre les esclaves de Plaute et ceux de Térence, beaucoup plus détachés en apparence, de cette «tension» vers la liberté128, cette opposi tionn'est pas générale, dans la mesure où le servus callidus est plus caractéristique du théâtre de Plaute que de celui de Térence129. Mais, même si le thème de la liberté par l'affranchiss ement est plus fréquemment exposé chez Plaute que chez Térence130, il n'est pas totalement absent chez ce dernier. Disons qu'il est plus discrètement abordé parce que ce n'est pas, pour ce dernier, un sujet de plaisanterie, d'où chez ses esclaves, une gravité et une «distance» marquées. Ce ne sont pas des «gagneurs» com meles servi callidi de Plaute131, mais comme les servi boni de ce dernier, ils cherchent à bien faire leur travail pour mériter leur liberté : celleci leur vient en récompense d'efforts prolongés et non comme le fruit d'un coup d'éclat132. Et l'on pourrait, d'ailleurs, trouver dans le théâtre
125 Cf. aussi Tite live, XXV, 6,22 ... : et pugnando quaerere libertatem. 126 Sur les monologues des servi boni, voir Spranger, Untersuchungen, p. 24/5. 127 Cf. Menaechmi, v. 966. 128 C'est le point de vue de J. N. Korzinski, Attitude de l'esclave vis à vis de son affranchissement dans la comédie romaine, dans VDI, 61, 1957, p. 149-158 et, du même: Utrum servi romani liberi fieri voluerint, dans Meander XII (1958), p. 120-136. 129 Spranger {Untersuchungen, p. 16 et p. 92/93) l'a nett ement montré. 130 Ibid., p. 39. 131 Ainsi, Epidicus, (v. 725-7) ne se contente pas de la liberté, ni de l'habillement, mais veut encore «la becquée». <32 Andria, v. 37/8 - Adelphi, v. 960-1/972-4.
de Plaute des personnages de second plan, loyaux serviteurs, que la perspective de la liberté effraie quelque peu; ainsi Chalinus, qui refuse de céder sa part (de Casina), même au prix de la liberté, parce que celle-ci lui coûterait trop cher133. D'où la prière de Messenio à Ménechme134, qui montre que la perspective de vivre indépendamment du maître est repoussée par le «bon esclave» qui, ayant passé sa vie à obéir, se sent incapable de vivre d'une façon autonome, au contraire des fortes personnalités que repré sentent les servi callidi135. Par ailleurs, on rapprochera la «mesure» marquée par les personnages de Térence du fait que chez un autre affranchi, Publilius Syrus, qui écrit, pourtant, un siècle plus tard, les allusions à l'affranchissement et à l'espoir de liberté sont pratiquement absentes : ainsi spes, utilisée rare ment, est associée une fois à une notation moral e, une autre fois à une allusion d'ordre écono mique136. Mais d'autres indications, tirées de l'épigraphie, nous permettent de saisir d'autres aspects de cette attente, couronnée ou non de succès, de la liberté. Ainsi, dans quelques inscriptions funéraires, un espace vide est réservé, destiné à placer le gentilice de futurs affranchis dont, au moment de la rédaction du texte, seul le cognomen (ou l'indication du patron) sont mentionnés : ainsi à Rome137, deux personnages sont signalés sous les noms de C. < > C. 1. Bargates / C. < > C. 1. Aprodisius. C'est une situation semblable que 133 Cosina, v. 293: «Si j'obtiens la liberté, je vivrai à mes risques, alors que maintenant je vis aux tiens». Cf. aussi Casina, v. 313: «Porquoi veux-tu m'impressionner avec la liberté, maîtresse?», dit Olympio à Cleustrata. La liberté ne peut être pour lui un appât : il est vrai qu'il espère se libérer plus rapidement et plus sûrement par d'autres moyens. 134 Men., v. 1032-1034 : «Mais mon cher patron, je continue à t'obéir, ne me commande pas moins que lorsque j'étais ton esclave, j'habiterai auprès de toi, et quand tu te déplaceras, je t'accompagnerai». 135 Cf. Bacch., v. 828-9 : Turn libertatem Chrysalo largibere / Ego adeo nunquam accipiam. Mil. GL, v. 1356-7 : Et si ita sententia esset, tibi servire malui I Multa quam alii libertus esse, dit Palestrio à Pyrgopolinices, sur un mode plaisant, il est vrai. 136 644-672 (voir O. Skutsch, Publius, 28 RE, XXIII, 2, col. 1920-8). 137 CIL, I2, 1252 = VI, 12692 + p. 3511 - cf. aussi CIL, I2, 1398 = ILLRP, 816.
ESCLAVAGEET LIBERTE l'on peut sans doute relever à propos d'une inscription de Capoue138 et d'une autre d'Asculum139. 2 - Les divinités liées à la libération de l'esclave Mais plus révélatrices sont les dédicaces à caractère votif que les esclaves nouvellement affranchis adressent à des divinités auxquelles ils ont adressé un vœu lié à leur libération, ou bien à des divinités dont l'intervention est sou haitée ou mise en corrélation directe avec l'oc troi de la liberté140. Certes cet appel à l'action divine, considérée comme décisive, est déjà signalée aussi bien dans les comédies de Plaute141 que dans celles de Térence142. Mais c'est dans l'épigraphie que ces invocations ou vœux, adressés à une divinité particulière prennent le plus de sens pour nous, ne serait-ce que parce qu'à première vue, ils sont dus à l'initiative des intéressés eux-mêmes. Ainsi, dans une dédicace adressée par un collège, à Toulouse143, il est possible qu'un per sonnage esclave de deux Uucii) ait participé à la libéralité ([a]edem basim et solari [um]), non seu lement en tant que magistrat de ce collège, mais
I2, 1592 = X, 4155. 139 CIL, I2, 1913 = IX, 5207. 140 Ces voeux, au regard du droit romain, sont sans valeur s'ils n'ont été sanctionnés par le maître. Cf. D. 50,12,2,1 : filius enim familias, vel servus sine patris dominive auctoritate voto non obligantur. Faut-il donc penser que, dans la réalité aussi, le maître se portait garant de l'engagement pris par l'escla ve? 141 Ainsi, par exemple, dans le Poenulus (v. 909-910), Milphio et Syncerastus invoquent tour à tour cette manifestat ion active des DU : « Fassent les Dieux que je ne devienne pas l'esclave de ce maquereau, et que, par Hercule, j'obtien ne que tu sois mon coaffranchi, si les Dieux le veulent bien». 142 Ainsi dans l'Andria (v. 959-984), où Syrus invoque la protection des dieux afin que sa compagne reçoive la libert é. "iCIL, I2, 779 + p. 727 = XII, 5388 = ILLRP, 766 = M. Labrousse, Toulouse Antique des origines à l'établissement des Wisigoths, BEFAR, CCXII, 1968 p. 104-5 (+210-211) et pi. II, 1). L'inscription provient exactement de Vielle Toulouse. Les magistrats seraient au nombre d'au moins six, selon Labrousse, p. 105 - au moins huit, selon Borner, Untersuchungen, I, p. 14 (avec raison). La date elle, ne pose pas de problème : 47 avant Jésus-Christ.
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aussi en application d'un vœu personnel, si l'on doit rétablir, à la ligne 6, comme le voulait A. Oxe : [. Jior L(ucii) L(ucii) S(ervus) L(iber) C(œravit), restitution hasardeuse mais qui expliquerait la nomenclature de ce personnage, différente de celle des autres esclaves mentionnés. Malheu reusement, la divinité en question n'est pas con nue. De même, reste inconnue la divinité concer née par une dédicace latine d'Amphipolis144. Perdrizet pensait145 qu'il s'agissait de Mercure et lisait ainsi la ligne 3 : S(olvit) L{ubens) M(ercurio) M(erito). Or, d'une part, la position de la divinité dans l'inscription et la limitation de son nom à une initiale ne conviennent guère; d'autre part M. Torelli a déjà donné des exemples de la formule S(oluit) Uubens) M(erente) M(erito)ut . Mais si le nom divin est inconnu ou douteux, le texte lui-même est d'un intérêt considérable, dans la mesure où la dédicace est faite par un esclave (Pamphilus Pescen(ni) Q(uinti) Servus), pro[f]i[l]io, au nom de son fils ou, plutôt, au bénéfice de son fils. Bien sûr, l'on peut imaginer un vœu lié à la santé de ce fils, mais on pourrait se demander si l'esclave n'a pas fait un vœu pour la libération de son fils naturel, vœu qui aurait été exaucé [Votum Quod Promeisit S(olvit) Uubens) M(erente) M(erito)}. Il y aurait eu report, de la part de l'esclave, de son désir de liberté sur son enfant. Ce n'est qu'une hypothèse, mais elle pourrait donner un jour plus vif à l'étude de cette aspiration à l'affranchissement que nous cherchons à cerner. Fort heureusement, quelques dédicaces nous livrent l'identité de la divinité, tantôt masculine, tantôt féminine, et dont le caractère peut être celui d'une abstraction divinisée ou d'un dieu bien précisé. Ainsi, les Lares147 semblent avoir entretenu, dans certains cas, un rapport avec l'affranchiss ement d'un esclave; cependant les indications dont nous disposons sont sujettes à caution. Déjà, Horace fait allusion à l'affranchissement d'un certain Messius, scribe, allusion sur un 144 CIL, 1 2, 2231 = III, 14204 = ILLRP, 308. 145 BCH, XVIII, 1894, p. 424. 146 Feronia, p. 745-6, à propos, notamment, d'ILLRP, 41. 147 Dont le culte, public, est étroitement lié, voire limité au milieu servile. Sur ce point, Borner, Untersuchungen, I, p. 3256 (cf. ILLRP n° 196, 197, 199, 200, 201, notamment).
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mode comique, puisque c'est perfidement que Cicirrus demande à Messius : Multa Cicirnis ad haec. Donasset iamne catenam / ex voto Laribus, quaerebat148. Situation d'autant plus risible que Messius a porté la chaîne des esclaves punis et a pris la fuite149. Il apparaît assez difficile qu'un tel esclave ait pu accéder à la liberté150. Mais le vœu adressé aus Lares, confirmé par d'autres indicat ions151, n'est pas une invention de l'auteur. Il est à signaler, d'ailleurs, que certains auteurs152 ont proposé l'hypothèse que l'inscrip tion de Toulouse, citée plus haut émanerait d'un collège de Magistri Compiti153, chargés sans doute de rendre un culte aux Lares. C'est donc à ces divinités que l'un des personnages aurait adressé un vœu en vue de sa libération. Cela confirmerait le rôle protecteur joué par les Lares154, mais aussi que l'affranchissement et son «entourage» religieux sont conçus dans un cadre réduit à la domus du patron, ou bien circonscrit à des associations autorisées et cont rôlées155. Une autre divinité, directement invoquée, est Hercule. Sur une inscription de Pouzzoles156, le vœu formulé par un esclave en vue de sa libéra tiona été exaucé : Herculei/ Sacrum/ C(aius) Marci(us) C(ai) L(ibertus) Alex(io-ander...) Fecit Servos/ Vovit Liber Solvit. L'appel à ce dieu qui, par ailleurs, a eu beaucoup de succès parmi les affranchis, aussi bien à Rome même qu'en dehors157, est peut-être dû au fait qu'à Rome, il apparaît comme exerçant une protection
nelle sur le fidèle158 mais aussi comme protec teurdu travail manuel159. Et il n'est pas exclu que l'inscription citée plus haut, provenant de Pouzzoles, ait pu concerner un artisan quelconque 160 II est à remarquer, par ailleurs, que le dieu reçoit de la part de dévots d'origine servile deux épithètes, qui sont difficiles à expliquer: ainsi, dans une inscription de Rome161, c'est Hercule «Celer» qui reçoit une offrande de la part d'un affranchi. Est-ce que Celer résume un rappro chement de Mercure et d'Hercule162 ou bien ce qualificatif est-il lié au fait que le dieu aurait apporté rapidement, en messager porteur d'une bonne nouvelle, la liberté désirée? De même, l'appellation Primigenius, qui apparaît dans une dédicace de Spolète163 faite par un personnage portant gentilice et surnom grecs et qui est en liaison avec la consécration d'un temple, doitelle être mise uniquement en rapport avec la volonté d'honorer les circonstances de la nais sance du dieu?164 ou répond-elle à l'idée d'une transformation radicale, d'une renaissance, ap portée au dédicant à travers son affranchiss ement? Une autre divinité libératrice, la Bona Dea165 est invoquée à Rome par un affranchi166 qui Servus Vovit Leiber Solu(it)/L(tbens) M(erito). Ce culte qui, officiellement, est exclusif et aristocra tique, est plus largement ouvert dans la zone de l'Aventin, et la fonction de «guérisseuse» de la déesse lui vaut la faveur même des hommes167.
148 «Mais Cicirrus en rajoute : n'avait-il pas offert sa chaîne aux Lares, en accomplissement de son voeu», demandait-il? Sat., I, V, ν. 65-66. 149 «II demandait enfin pourquoi il avait, une fois, pris la fuite» v. 67-68. 150 Difficile, mais non impossible, nous l'avons vu (même sous Auguste). 151 Cf. Perse, III, III, v. 443. 152 Voir Borner, op. cit., p. 420. 153 Mais, à Vieille Toulouse, des magistri vici seraient peutêtre plus indiqués (bien que Labrousse, op. cit., p. 104 parle de façon ambigue des «magistrats du temple de La Planho». 154 Sur le rôle topique des Lares et la protection qu'il exercent sur la maison, voir Dumézil, Religion, p. 335-8. Cf. Latte, Religionsgeschichte, p. 90/4 et aussi Staerman, Blütezeit, p. 332-5. Borner, Untersuchungen, I, p. 417-21. 155 Sur cette inscription, cf. Borner, op. cit., p. 52. 156 C7L, I2, 1617 = X, 1569 = /LS, 3427 = ILLRP, 140. 157 Cf. ILLRP, 127, 141, 152, 154, 155.
158 Dans ce sens, Latte, Religionsgeschichte, p. 217. 159 Comme le remarque, avec vraisemblance, Staerman, Blütezeit, p. 221. 160 Cependant, l'influence cynique, même dans un port bien lié à la Méditerrénée orientale, est hypothétique (cf. Staerman, ibid.). 161 CIL, I2, 982 = VI, 30733 = ILS, 3448 = ILLRP, 127. '"Latte, op. cit., p. 216. 163 AE, 1954, n° 46 = ILLRP, 155 a. 164 Latte, op. cit., p. 221 - Cela pourrait donner l'explica tion de l'épithète Iovius accolé à Hercule {ILLRP, n° 147). Sur Fortuna Iovis à Préneste, cf. Latte, op. cit., p. 176. 165 voir en dernier lieu l'étude de M. Cébeillac, Octavia, épouse de Gamala et la Bona Dea, dans MEFRA, 85, 1973, p. 517-552. 166 CIL, 1 2, 972 = VI, 30688 = ILS, 3491 = ILLRP, 56. 167 Cf. Borner, Untersuchungen, I, p. 154-5 qui distingue le culte officiel de Fauna - Bona Dea, réservé aux femmes, sans doute issues des milieux aristocratiques et le culte de l'Aven-
ESCLAVAGEET LIBERTE C'est donc à une divinité tutélaire que notre Q. Mucius Q. [1] Trupho aurait demandé sa libéra tion.Il est surprenant que M. Cébeillac168 n'ait pas tenu compte de cette inscription (qu'elle place sous l'Empire), ce qui lui aurait permis de nuancer sa conclusion abrupte à propos du «ca ractère matronal du culte sous la République» et des dons en nature importants faits par les fidè les(or, ici, à première vue, il ne s'agit que d'une dédicace simple). Enfin, la dernière divinité dont l'intervention est directement reliée à l'obtention de la liberté, est Mens Bona, qui est l'objet, à Cora169, d'un don170 de la part des dix (?) magistrats d'un collège, indiqués comme esclaves : [Mentae Bo]nae. Serveis Contul(erunt). Or, parmi les per sonnages dont les noms ou des éléments utilisa blesde la nomenclature nous sont parvenus, trois171 indiquent que c'est en tant qu'affranchis qu'ils ont accompli leur don (Leiber Coeravit). S'il n'est pas précisé que leur don est lié à l'accom plissement d'un vœu, il est permis, cependant, de penser que ce don a un rapport avec leur libération, sinon ils auraient sans doute indiqué directement leur nouvelle nomenclature d'af franchis172. C'est avec raison que l'on a rappro ché la dualité de cette divinité (officielle et ari stocratique à Rome - populaire à Rome, mais surtout en Italie), ou plutôt de ses fidèles173 de tin, ouvert a tous, y compris les esclaves. Sur le caractère de «classe» du culte officiel, cf. Dumézil. Religion, p. 344. Latte, op. cit., p. 228-9. I6S Cébeillac, loc. cit., p. 536 - p. 548. Elle n'a d'ailleurs pas très bien distingué les deux aspects, officiel (et aristocrati que) et privé (donc plus ouvert), de ce culte. 1MC/L, I2, 1510 = X, 6514 = /LS, 3819 = /LLflP. 225. Notons qu'à Cora d'autres dédicaces à la Mens Bona ont été trou vées, émanant d'un collège de dix magistrats (CIL, X, 65126513). 170 3.055 sesterces. 171 ... Us Saleivi P. S. I ... Us Pop(uli?) S. / Antiochus Utili Cn. S. La restitution di nom du maître du second esclave est assez surprenante. Il vaut mieux penser à un gentilice. Et comme, dans la même liste on a un Thimotheus Poplili L.M.S., indiqué avant notre nouvel affranchi, il vaut mieux lire ainsi la nomenclature de ce dernier ... Us Pop(lili ou Liliorum) S(ervus) : sans doute, pour gagner de la place, on n'a pas rappelé l'indication complète du (ou des) maître(s). 172 Et qu'on ait demandé ce service à la divinité n'a rien d'étonnant, si l'on se souvient que les fidèles sont ou bien des esclaves (ILLRP, 227 et 228, à Alba Fucens) ou des affranchis (ILLRP, 226 - Naples). I7Î Cf. Fr. Altheim, Römische Religionsgeschichte, B. Baden, 1951, II, p. 124, qui pense la déesse n'a pas une origine
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celle de la Bona Dea174. Ce qui est remarquable, cependant, c'est que, contrairement à l'évolution propre à cette dernière, le culte de Mens Bona, dans ses rapports avec les esclaves, disparaît peu à peu sous l'Empire175, d'où la difficulté à en saisir la signification. Sans doute s'agit-il d'une divinité particulière dont on attendait die gesun de geistige Entwicklung der Kinder an, selon Fr. Borner s'appuyant sur des témoignages tardifs de Tertullien et Augustin. Mais quand ce dernier écrit (Civ. VII, 3) Quae faciat pueris bonam mentem, pense-t-il uniquement aux jeunes garçons, ou faisant un rappel historique, reprend-il une formule concernant les esclaves? En tout cas, quelles que soient ses oppositions avec Mens176, cette Bona Mens, invoquée notamment par des individus d'origine ou de statut servile, apparaît comme une divinité miséricordieuse, mais liée à un esprit de soumission : c'est la divinité du bon serviteur, respectueux de l'ordre177. Et il est tout à fait significatif de la voir invoquée par des candidats (heureux) à la liberté; preuve que l'a f ranchis ement s'inscrit bien dans un cadre non seulement juridique (marqué par la voluntas du maître), mais aussi idéologique (le respect des valeurs d'obéissance et de soumission) très étroit. Mais à côté de ces divinités dont on peut penser qu'elles ont un rapport direct avec l'a f ranchis ement, ou plutôt, le désir de libération de l'esclave, il existe d'autres dieux ou abstrac tionsinvoqués par des individus liés au milieu servile, et qui, du fait de leur nature, doivent bien avoir, eux aussi, un lien avec la liberté. En dehors de Feronia, dont nous avons déjà parlé,
grecque, mais italique. Ce qui semble confirmé par l'organi sationen magistri et ministri de ses officiants (cf. Borner, Untersuchungen, I, p. 159)'. On notera, en tout cas, que c'est essentiellement en Campanie et en Italie méridionale que le culte est attesté en rapport avec les esclaves. 174 Ainsi, Borner, op. cit., I, p. 157-166. 175 Dans ce sens. Borner, op. cit., I, p. 159. Sur ce point, l'opinion de Latte, Religionsgeschichte, p. 240 et n. 3, laissant entendre que c'est seulement sous l'Empire que ce culte est attesté hors de Rome, est à rejeter. 176 Mises en lumières par Latte, Religionsgeschichte, p. 239/240. 177 Cicéron, d'une façon générale, l'associe à Fides, Honos, Virtus, Pietas, c'est-à-dire à des valeurs morales garantes de l'ordre établi (De leg. II, 8 - Nat., II, 61).
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trois nous semblent particulièrement intéres sants. Tout d'abord, Jupiter Liber178 qui est sans doute invoqué quand Sosie évoque la possibilité de sa libération179. Qu'il y ait eu une confusion avec un rite habituellement rattaché à Feronia n'a guère d'importance; ce qui compte c'est que c'est bien à Jupiter que l'affranchissement désiré est relié. D'autre part, dans le récit de la bataille de Bénèvent que nous donne Tite Live il est dit que Tib. Gracchus, à l'issue de ce combat victorieux, (qui valut aux volones qu'il commandait, leur liberté) fit peindre dans le «temple de la Liber té» (en fait le temple de Jupiter Liberté180, const ruit par son propre père sur l'Aventin), la scène du repas que concélébrèrent les nouveaux affranchis. Et si c'est vraiment l'un de ces volo nes libéré qui a dédié une inscription Iùveis Lùufreism, nul doute que le lien entre ce culte et l'affranchissement d'esclaves soit très fort. D'ailleurs, le culte est attesté à Délos par une inscription dédiée par les Compétaliastes182, mais surtout par une dédicace où apparaissent un affranchi et quatre esclaves et où P. Jouguet183 voyait, sans doute avec raison, l'associa tion de quatre compagnons au voeu (comblé) accompli par le cinquième en vue de son affran chissement. Il n'y a pas de doute qu'à ce moment là, Zeus Eleutherios/Jupiter Liber, soit (même si l'on doit rester prudent sur ce point)184 un dieu de la liberté personnelle (et non de la liberté publi-
178 Amphitruo, v. 461-2. Cf. Borner, Untersuchungen, I, p. "î 10-131 - Latte, op. cit., p. 274. 179 «Que le grand Jupiter m'accorde cette faveur qu'au jourd'hui, le crâne rasé, rendu chauve, je coiffe le bonnet des affranchis». 180 Ainsi que Borner, ibid., p. 120-1, rectifie. «La scène parut si admirable que Gracchus, dès son retour à Rome, fit peindre une représentation de la fête célébrée ce jour-là, dans le temple de la Liberté que son propre père avait édifié et consacré sur l'Aventin avec le produit des amendes». T. Uve, XXIV, 16,9. 181 E. Vetter, Handbuch der ital. Dialekte, I, Texte, Heidel berg1953, (= Vetter, Handbuch), p. 170 - cf. Borner, Untersu chungen, I, p. 121-2. 182 ID, 1770, datée du second siècle jusque vers 90 avant Jésus-Christ. 183 BCH, XXIII, 1899, p. 78 n° 19 (contra, J. Hatzfeld, dans BCH, XXXVI, 1912, p. 139 n. \) = CIL, I2, 2235 = 111, 14203 3 = ILS, 9326 = ILLRP, n° 194.
que, de l'Etat, qualité que, dans le Grèce classi que, Zeus Eleutherios n'avait qu'au second plan185). C'est à ce dieu, aussi, qu'il conviendrait d'a ttribuer une peinture dédiée Διός έλ[ευ]/Θερίου que M. Bulard186 voulait attribuer à la triade Ceres-Liber-Libera, tandis que Fr. Matz187 décri vait, à l'arrière plan de cette représentation, un centaure remettant en ex-voto une chaîne à Zeus Eleutherios, allégorie hautement suggestive, dans le sens de la libération d'esclave par l'e ntremise de Zeus. Mais ces deux théories ont été ruinées de façon convaincante par Ph. Bruneau 188 II ne fait pas de doute, cependant, que l'appel à Jupiter Liberté ou à Zeus Eleutherios, à la fin du troisième et jusqu'au début du premier siècle avant Jésus-Christ, ait eu une résonnance parti culière dans le milieu servile et ait été relié à l'octroi de la liberté189. Une autre divinité - abstraction diviniséesemble associée au changement de sort que les esclaves attendent ou ont connu, c'est Fortuna qui, de la part des servi, est surtout adorée dans sa version italique à Préneste où, notamment, des collèges d'artisans affranchis ou esclaves sont signalés parmi les fidèles190. Fortuna a con nu un succès qui s'est maintenu au-delà de la République, mais pas seulement parmi les escla ves,sans doute parce qu'elle a donné lieu à un pèlerinage public et qu'elle est conçue comme favorable aux naissances et a ainsi attiré un 184 Sur ce point, Bömer, Untersuchungen, I, p. 120 est en retrait par rapport à A. Bruhl, Liber Pater, Origine et expan siondu culte dionysiaque à Rome et dans le monde romain, dans BEFAR 175, 1953, p. 240. 185 Ph. Bruneau, Recherches sur les cultes de Délos à l'ép oque hellénistique et à l'époque impériale, dans BEFAR, 217, 1970 (= Bruneau, Cultes Délos), p. 616-7 où est étudiée notam mentla liaison avec Dionysos dans I.D. 1770, déjà citée. 186 Description des revêtements peints à sujets religieux, Exploration Archéologique de Délos, Paris, 1926, p. 79-80. 187 Dans Festschrift C. Weickert, Berlin, 1955, p. 55-6 suivi par Bömer, Untersuchungen, I, p. 124. 188 Cultes Délos, p. 616-7 - L'auteur pense que Zeus Eleu therios n'est pas, à cette époque, assimilé à Dionysos comme dieu garant de la liberté personnelle; d'autre part, le Centaur e, signe du Zodiaque, tient en fait un arc à la main (p. 606). 189 Sur le déclin du culte parmi les esclaves, alors que le culte officiel, lié à la liberté de l'Etat, se développe, voir Bömer, Untersuchungen, I, p. 130-1. 190 Cf. en particulier, ILLRP, 103-104-105 a et b - 106 et 106 c et d - 107 et 107 a, b, c -.
ESCLAVAGEET LIBERTE public mêlé (hommes, femmes, esclaves et libres). Elle est, cependant, la puissance qui, en un jour, peut tout changer, mais qui, aussi, peut rassurer ceux qui ont peur d'être trompés, ou qui craignent une mauvaise issue à leurs des seins191 : d'où son public d'artisans et de com merçants. Mais il y a peut-être un lien avec la recherche de la liberté192. Le culte de la Fortune est attesté à Rome même, au-delà du Tibre, au sixième mille de la via Portuensis où des collèges d'aerarii, de lanies et de violaries, rosaries, coronaries lui rendent hommage, par l'intermédiaire notamment, de magistri affranchis193, en tant que Fors Fortuna. Certes cette déesse des changements de sort194, à laquelle Servius Tullius195 a été associé, et qui est ouverte aux manifestations populaires et serviles, cette divinité présente dans la vie de tous les jours des maîtres comme des esclaves196, est perçue comme pouvant tout changer en un jour; mais aussi elle impose une résignation mêlée d'influences grecques, une conscience que le changement heureux possible n'est réalisé que progressivement. C'est ce qu'indique une inscrip tion funéraire de Rome197 : Fortuna spondei mult a/ Multis, praestat nemini / Vive in dies / Et horas, nam proprium nihil est qui exprime une sorte de réserve à l'égard d'une divinité dont on peut tout attendre, mais qui déçoit beaucoup. Cependant, cette Fortuna incite à appliquer un art de vivre à la mesure de petites gens in dies vivere; en ce sens, elle est une divinité re 198 D'autre part, il est important de remarquer qu'à Rome, le sanctuaire de Fors Fortuna doit
191 Ct. Latte, Religionsgeschichte, p. 176/7. 192 Sur la date des témoignages prénestins relevons qu'A. Degrassi (CIL, I2, p. 189-190) reprend sa thèse (ILLRP, p. 79) selon laquelle les inscriptions dateraient de la période allant de 160/150 avant Jésus-Christ à Sylla, alors que, par exemple, Borner, (Untersuchungen, I, p. 150) pense que le culte s'est surtout développé, justement à partir de Sylla. 193 CIL, 1 2, 977 à 980 = ILLRP, 96 à 99. 194 Staerman, Blütezeit, p. 230-1. 195 Cf. Borner, Untersuchungen, p. 148/9. 196 Cf. Terence, Phormio, v. 841. 197 CIL, 1 2, 1219 = ILS, 7976 = ILLRP, 983. l9Ît Horace, qui montre l'universalité de la Fortune (Odes I, XXXV), traduit bien la patience qui est le lot de son fidèle quand il lui associe «spes» et «fides»: Te (il s'addresse à Fortuna) Spes et albo rara Fides colit/ velata panno v. 21-22.
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peut-être être rattaché à la personnalité de Sp. Carvilius, héros des guerres Samnites au début du troisième siècle199. Or dans l'une des inscrip tionsde la fin de la République qui attestent ce culte200, l'un des deux magistri du collège des aerarti est un certain C. Carvilius M. 1., l'un des ministri T. Mari (us) Carvili M. [L?]201. Il s'agit donc, dans le cas de ces derniers, d'une adhésion (est-elle spontanée?) à un culte gentilice, la part d'initiative personnelle étant d'autant plus réduit e202. Enfin, une dernière abstraction, parfois liée à la Fortune203, doit être mentionnée : il s'agit de Spes. La participation d'esclaves ou d'affranchis à ce culte n'est pas attestée à Rome même : il serait d'ailleurs étonnant que les affranchis aux quels en 31 avant Jésus-Christ, on prêtait l'incen die du temple sur le Forum Holitorium204 aient ainsi détruit un lieu consacré à un culte auquel, ès-qualité, ils auraient pris une part importante. C'est que, au même titre que la Fides, dont le temple, à Rome toujours, remonte aussi à la première Guerre Punique et a le même fondat eur, A. Atilius Catilinus205, Spes est une vertu publique, de l'Etat, qui ne peut, en tant que telle, concerner les non-citoyens, donc les esclaves. D'ailleurs hors de Rome même, ainsi à Capoue, les magistrats qui, en 110 avant Jésus-Christ206 supportent un munus en faveur de Spes / Fides / Fortuna, sont tous des ingénus.
199 Cf. Borner, Untersuchungen, I, p. 147-149 (et sur les erreurs de localisation commises par Ovide). 200 ILLRP, n° 96 qui ne doit être placée trop bas dans le premier siècle, à cause de la nomenclature de C. Carvil iusM. L 201 A moins qu'il faille distinguer deux personnages T. Mari(us) et Carvil(ius) M(?). 202 De même, dans une dédicace à la Fortuna Primigenia à Praeneste, l'affranchi Apella est associé à deux personnages, dont un citoyen, appartenant à la gens Obellia et dont l'un au moins devait être son patron (ILS, 3683 d = ILLRP, 110). 203 Cf. Latte, Religionsgeschichte, p. 238 - On notera que des statues de Spes sont offertes à Fortuna Primigenia (CIL., XIV, 2853/2867a). A Capoue, les deux divinités ont un lieu de culte commun (CIL, X, 3775). 204 Ainsi que celui du temple de Ceres et du Circus Maxi mus: Cass. Dio, L, 10. 205 Cf. Latte, op. cit., p. 238. 206 Le statut de Teucus Mulvio(s) qui fait un don à Spes, à Genzano (CIL. I2, 46 = XIV, 2158 = ILS, 3771 = ILLRP, 258) n'est pas indiqué. Peut-être s'agit-il d'un latin?
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Très différent apparaît donc l'hommage ren du à cette divinité, à Minturnes par les magistri de trois collèges, au premier siècle avant JésusChrist. Sur les trente-six personnages recensés (douze par inscription)207, un seul, M. Popilli(us), M. T. 1. Numus (?) est un affranchi, tous les autres étant des esclaves. On pourrait donc se demander, à titre de simple hypothèse, si la participation au culte d'une divinité qui, ici, est très différente de la Spes publique de Rome, et recouvre les «espérances» des particuliers, ne concernerait pas spécialement l'aspiration des esclaves à la liberté, sanctionnée, bien sûr, par l'affranchissement. (D'ailleurs, un autre magister semble avoir été libéré par la suite : Philodamus Pontil(i) Epidi L.M.S. que l'on retrouve sans dout ecomme L. Epidius L.M. 1. Philo(damus)208. On ne comprendrait d'ailleurs pas ce que pouvait signifier l'association de tous ces escla vesà ce culte, qui leur est exclusivement réser vé : n'y aurait-il pas, à Minturnes, dans le cadre de collèges bien contrôlés, une sorte de récom pense et de mise en avant des «bons esclaves» que les grandes familles dominant la vie de la cité, et pourvoyant à toutes les charges et activi tés municipales, se seraient proposées ensuite d'affranchir?
CONCLUSION Ainsi, les conditions dans lesquelles les aspi rations (au moins exprimées) des esclaves à la liberté légale, fondées sur des promesses ou des certitudes, nous sont connues, nous permettent ™CIL, I2, 2689 = ILLRP, 730 - I2, 2698 = IlLRP, 734 - I2, 2700 = ILLRP, 740. 208 Cf. ILLRP, 734 et 774, respectivement. 209 La «Liberté onirique», dont parle R. Martin, La psychol ogiedes esclaves, d'après quelques pièces de Plaute, dans Revue de la France- Ancienne, 1972, p. 20 semble, en dehors de certains monologues du théâtre de Plaute ou de Térence, difficilement accessible.
d'entrevoir quelques conclusions approxim atives. D'une part, la conscience plus ou moins forte qu'ont les esclaves, aussi bien dans le cadre du répertoire comique, que dans les récits liviens ou à travers les dédicaces religieuses, qu'en un instant, grâce à l'action de certaines divinités, tout peut changer pour eux, entraîne certains d'entre eux à forcer leur chance, tandis que d'autres, peut-être plus nombreux, demeurent plus réservés, dans l'attente d'un événement dont la réalisation ne leur paraît pas assurée. Ainsi, naît une opposition entre ceux qui font des projets et ceux qui, refusant de projeter leur avenir, se contentent de vivre au jour le jour. D'autre part, l'expression de ces espoirs à travers l'épigraphie, nous donne l'image d'un contrôle réel exercé par les maîtres. Le fait que, non seulement des hommages ou des dons adressés à des divinités dispensatrices ou favori santla liberté, mais même des vœux précis (et parfois exaucés) portant sur la libération de tel individu, s'affirment dans le cadre, non de manif estations spontanées, individuelles, mais dans celui des activités de collèges (dont l'organisa tion et les activités religieuses, surtout dans les villes de Campanie, ne peuvent être imaginées en dehors d'un contrôle magistral), semble aller dans le sens de cette conclusion. Nous avons vu, d'autre part, ce désir de liberté s'exprimer dans le cadre de cultes gentilices. Quant, enfin, au culte de Feronia, nous savons que c'est sur les injonctions et le contrôle de l'Etat, que durant la deuxième Guerre Punique, les affranchies furent amenées à s'y adonner plus particulièrement. Si bien que, si les aspirations personnelles, inaccessibles pour l'essentiel à notre connaissanc e209 car relevant de l'intimité de chaque esclave, nous échappent, leur manifestation extérieure passait assez largement par le canal de la volont é patronale: et on le comprend bien si l'on pense, en particulier, que les dépenses engagées sur le pécule de l'esclave et destinées à honorer telle divinité, ne pouvaient laisser les maîtres indifférents.
CONCLUSION
LA CRÉATION DU LIEN
Au terme de cette enquête portant sur les conditions juridiques dans lesquelles se produit, à la fin de la République, la libération de l'escla ve (avant tout de celui du Citoyen Romain), quelques indications nous semblent devoir être retenues. Tout d'abord, il est incontestable que la manumissio, en tant qu'institution juridique, a atteint, à cette époque, son plein développement, au moins en ce qui concerne les formes réguliè res destinées à créer des affranchis citoyens. D'autre part, si on ne peut dire que l'éventail des formes irrégulières d'affranchissement se soit élargi, nous avons cependant observé que, dans le même temps où le préteur urbain reconn aissait une certaine portée à l'affranchissement informel opéré par un citoyen, le préteur pérégrin était disposé à accorder une valeur nouvelle aux libérations accomplies selon des procédés non romains. L'un et l'autre, au-delà de la divers itédes procédures, ont cherché à prendre acte de la voluntas domini, de l'intention sans équivo que, exprimée par le maître désireux de libérer son esclave. Mais ce faisant, s'ils ont, d'une cer taine manière, œuvré dans le sens d'une réelle unification du droit, ils ont été amenés à distin guerdeux réalités, jusque là associées, l'affra nchissement et le droit de cité; désormais, une liberté de fait peut être assurée à un esclave sans qu'il accède à la citoyenneté. Sur ce point, la Lex Iunia augustéenne n'a fait que donner une consistance juridique à une attitude qui, jusque
là, relevait uniquement du domaine de la pratique. Nous devons souligner, par ailleurs, que les juristes de la fin de la République n'ont pas volontairement infléchi leurs décisions dans un sens systématiquement hostile ou favorable à la liberté. Cependant, et ceci est visible notamment à propos de la jurisprudence concernant les affranchissements testamentaires, chaque fois que les intérêts économiques du patron ou de ses héritiers ne sont pas directement en cause, la libération de l'esclave n'est pas refusée. Sur ce plan, la législation augustéenne, par son aspect global, paraît en rupture par rapport à la tradi tion républicaine. En réalité l'analyse des lois Aelia Sentia et Iunia, essentiellement, semble montrer que, malgré l'affirmation de principes «moralisants», ces dernières ont essentiellement en vue des critères d'ordre économique. Certes, un souci d'ordre démographique semble illustré permettant, par exemple, et dans certaines con ditions, le passage des Juniens pères de famille dans l'ordre des citoyens, mais nous aurons l'o ccasion de constater que, sur le plan des droits patronaux en matière de bona, les avantages concédés aux affranchis ayant procréé ne doi vent pas être surestimés. La véritable nouveauté due à la période augustéenne semble résider dans l'arrêt des troubles qui avaient agité l'Etat et la société romaine tout au long du premier siècle. En effet, il ne faut pas oublier que l'épanouissement des
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formes juridiques de libération des esclaves ains ique l'expression normale de la spes libertatis se situent sur un arrière-plan particulièrement agité et qui tend à mettre en cause la voluntas domini dans ce domaine : l'appel aux esclaves et la promesse qui leur est faite d'accéder à la liberté, d'une part, la fuite, de l'autre, sont autant de maux qui peuvent avoir limité dans une cer taine mesure la portée des procédés réguliers d'affranchissement. Il reste cependant que dans
le cas de spes illégitime ou de fuga, il y a rupture de l'esclave avec le maître et donc la question dépasse notre enquête. D'autre part, on peut se demander si la multiplication des affranchiss ements informels, mais garantis par le préteur, n'a pas représenté un stimulant efficace destiné à permettre aux «bons» esclaves de bénéficier d'une condition individuelle améliorée, tout en préservant les droits du maître sur les activités économiques de leurs «pseudo-affranchis».
Β - L'AFFIRMATION DU LIEN : LES ENSEIGNEMENTS DE LA NOMENCLATURE.
CHAPITRE IV INTÉRÊT DE L'ÉTUDE DE LA NOMENCLATURE
L'un des effets les plus immédiats de la manumissio est d'opérer un changement radical dans la nomenclature1 de l'ancien esclave. Ce changement est d'autant plus sensible qu'il bénéf icie d'une certaine «publicité»: la majorité des noms que nous connaissons sont fournis par des inscriptions, surtout funéraires, destinées à être lues par n'importe quel passant. D'autre part, les noms des affranchis figurent au cens, ainsi que Table d'Héraclée et Lex Iulia Municipalis nous l'indiquent sans discussion2 : évoquant les opérat ionsde recensement «dans les municipes, colo nies, préfectures de citoyens romains qui sont ou seront en Italie», celle-ci précise que le magistrat le plus élevé ou le détenteur du plus grand pouvoir devra recevoir «sous serment leur nom, leur prénom, le nom de leur père ou de leur patron, leur tribu, leur surnom»3. Désormais, à l'exemple des ingénus, le nouvel affranchi porte au moins un prénom, s'il est un 1 C'est-à-dire les nomina et l'indication du statut. C'est ainsi que conclut P. R. C. Weaver, The Status Nomenclature of imperial Freedmen, dans CQ (N. S.), XIII, 1963, p. 272-278); et dans Familia Caesaris, Cambridge, 1972, p. 42/3. Dans le même sens, H. Chantraine, Freigelassene und Skla venim Dienst der römischen Kaiser, Studien zur ihrer Nomenk latur, Wiesbaden, 1967, (= Chantraine, Freigelassene), p. 419. 2 CIL, 1 2, 593, § 142 - cf. le commentaire de Mommsen, Rom. Forschungen, I, 1864, p. 1-68 (p.64-5). Voir les remarques de C. Nicolet, L'onomastique de l'aristo cratie sus la République, dans L'onomastique latine (Parb. 1975), Paris, 1977, p. 45-61 (= Nicolet, Onomastique), p. 48-49. 3 Sur ces opérations d'inscription, l'article ancien de V. Gardthausen, (Namen und Zensus der Romer, dans Rh. Museum, LXXH (1917/8), p. 353-373 (= Gardthausen, Zensus) garde toute son utilité (Nous reviendrons plus loin sur la tribu et l'éventuelle mention de Yorigo).
homme, et un nom de famille, généralement celui de son patron4, ce qui suffit déjà à indiquer sa position d'homme libre. De même que le puer né libre recevait, lors des liberalia et alors qu'il avait entre seize et dix-sept ans5, sa dénomination complète, de même à partir de son affranchissement le pueresclave devenu libre voit sa nomenclature, jus que là réduite à un seul nom, s'enrichir de nouv elles indications qui traduisent son changement de statut : de ce point de vue nous avons affaire à un véritable signe d'agrégation au monde des hommes libres6. Certes, dans des cas limités, le nouvel affran chi peut encore porter sa dénomination ancien ne : il en est ainsi dans certaines inscriptions votives rédigées en vue de la libération de l'e sclave7. Mais cela reste exceptionnel : les nou veaux affranchis ayant sans doute tenu à souli gner le lien qui a existé entre l'invocation à telle divinité et leur sortie de l'esclavage.
4 Ou, dans certains cas, de celui auquel l'affranchi était redevable de sa liberté. Sur ce point cf. Gardthausen, Zensus, p. 365-366. 5 Cf. L'article très suggestif de J. Maurin, Remarques sur la notion de puer à l'époque classique, dans BAGB, 1975, 2, p. 221-230 (p. 222-3) où cependant, ce parallélisme n'est pas souligné. 6 Sur ce thème, voir les remarques toujours justes de Van Gennep, Rites, p. 88-91. 7 Ainsi, CIL, I2, 1510 = X, 6514 = /LS, 3819 = /LLi?P, 225 (Cora). 1.4 ... us Saleivi P.S., leiber coeravit); 1. 6 ... us Pop(lili) S. leiber coeravit. Cf. aussi CIL, I2, 779 = XII, 53SS = ILLRP, 766 (Tolosa); 1. 5 Hilarfus) Flavi M.S. Keiber?) c(oeravit?) -1.6 [.Jioii.J LLS. Keiber?) c(oeravit?).
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En tout cas, l'esclave Philodamus Pontil(i) Epidi L.M.S.8 s'appelle désormais L(ucius) Epidius L(ucii) M(arci) l(ibertus) Philo (damus)9, tandis que l'esclave Trupho, mentionné parmi des Compétaliastes peu avant 99/8 l0 apparaît un peu plus tard, avant 94", sous l'appellation de ΛΥΛΟΣ ΛΥΔΙΟΣ ΛΕΥΚΙΟΥ ΤΡΥΦΩΝ. Mais tout rapport avec le passé n'est cepen dantpas effacé, dans la mesure où l'ancien nom d'esclave, le nomen servile, figure en bonne pla ce, du moins à la fin de la période, dans cette dénomination : c'est ce qu'atteste une inscription funéraire de Carthago Nova12 : Truttedia hic/ cubât P. Truttedi/Amphionis lib./nomine servile Appia. D'autre part, le lien avec le patron, à condi tionqu'il ne soit pas volontairement omis, ou que l'on ne soit pas en présence d'habitudes héritées de la Grèce, est en bonne position, au cœur de la nomenclature, comme l'indication de la filiation13 chez les ingénus; ainsi sont normale ment mis en évidence un élément de dépendanc e ainsi que l'indication d'un statut juridique inférieur. La nomenclature de l'affranchi présente donc pour nous triple intérêt : - tout d'abord, elle porte un élément per sonnel, individualisant, qui, selon les époques, a été le prénom puis l'ancien nom d'esclave retenu à titre de cognomen. - mais aussi elle reflète les rapports avec l'ancien maître, dont l'affranchi est comme la créature, sur le plan socio-juridique, de la même
8 CIL, 1 2, 2698 = ILLRP, 734, datée du milieu du premier siècle. 9 CIL I2, 2704=ILLRP, 744. 10 BCH, XXIII, p. 64 n° 12 = /.£>., 1760. 11 BCH, XXIII, p. 67, n° 14 = /.D., 1763 (cf. I.D., 2622). De même, ΗΡΑΚΛΕΩΝ TUAAIOI KOINTOY, compétialiaste peu avant 97/6 (ID, 1761) réapparaît en tant qu'affranchi sous l'appellation de Q. Tullius A.l.[Her]acleo, peu après (CIL, I2, 2651 = /D, 1802 = ILLRP, 1270). t2CIL, I2, 2135 = ILS, 7985 = ILLRP, 946. Ceci peut être rapproché de l'inscription CIL, I2, 2273 = ILS, 8147 = ILLRP, 981, portant le texte suivant : Ploda L et Fufiae l. / Prune haec voci/tatast ancilla... Mais il faudrait rattacher Prune à la dernière expression x'était l'hypothèse soutenue par Lemonnier, Condition privée, p. 13 et n. 2; alors que Mommsen, (dans Eph. Ep., IV, p. 246, Rom. Forsch., I, p. 358) rattachait Prune au reste de la dénomination même. 13 Sur ce point, voir Vitucci, Libérais, p. 916.
manière que le filiusfamilias est celle de son père. - enfin, elle a une valeur «sociale» dans la mesure où elle permet à n'importe qui de «si tuer», et par rapport à un homme et dans un cadre juridique, l'ancien serviis. (C'est ce rôle assigné à la nomenclature qu'exprime, plaisam ment,l'ordre donné par L. Marcius Philippus à son esclave Demetrius auquel il a demandé de s'enquérir de la personnalité d'un nouveau venu : (Horace, Ep. I, VIL 52-4. Demetri .../.../ . . . ahi, quaere et refer, unde domo qids/cuius fortunae, quo sit patre quove patrono). C'est dire l'importance qu'une telle étude peut avoir pour qui essaie de mettre en valeur la part d'autonomie dont peut jouir, par rapport à son patron, l'affranchi, les possibilités ou le désir qu'il a de cacher son statut aux yeux du public, l'évolution, enfin, qui a pu se produire, du second au premier siècle avant notre ère, dans un sens favorable ou non à l'acquisition d'une dignité plus grande par le nouvel homme libre. Il ne peut donc être question, comme l'ont fait certains auteurs d'ouvrages récents concer nant les affranchis, sous la République, de passer sous silence cette réalité : de ce point de vue, le livre de S. Treggiari est très insuffisant14, celui d'E.M. Staerman15 totalement muet, même dans le chapitre consacré aux affranchis. On ne peut non plus, comme l'ont fait de nombreux historiens ou épigraphistes depuis Mommsen16, se contenter de dégager une évolu tionmécanique dans l'utilisation et la mise en place des divers éléments de la nomenclature, en oubliant que celle-ci ne répond pas seul ement à un usage formel, mais qu'elle reflète et 14 Freedmen, p. 250-1. 15 Blütezeit, p. 146-170 (Die Freigelassene). 16 Parmi ce type de recherches, et outre les travaux de Mommsen déjà cités, on peut signaler : Lemonnier, Condition privée, p. 171-180 et 293-314. A. Oxe, Zur älteren Nomenklatur der römischen Sklaven, dans Rh. Museum, LIX (1904), p. 108140 (= Oxe, Nomenklatur). W. Schulze, Zur Geschichte latein ischen Eigennamen, Berlin, 1900 (1964), p. 647. B. Doer, Die römische Namengebung, eine historische Versuch, Stuttgart, 1937. J. Baumgart, Die römische Sklavennamen, dans Diss. Breslau, 1936, p. 87. E. Fraenkel, dans RE, XVI, 2, col. 16111670 (Namenswesen), col. 1665/6. Pergreffi, Liberti, p. 314-319. H. Thyländer, Étude su l'épigraphie latine, Lund, 1952, p. 52-64, 82-84, 101-102 (= Thyländer, Épigraphie). Vitucci, Libertus, p. 910-919.
L'AFFIRMATION DU LIEN : LES ENSEIGNEMENTS DE LA NOMENCLATURE un état de soumission et une place particulière dans le cadre juridique propre aux anciens escla vesqui la portent: dans cette perspective, les recherches nouvelles de H. Chantraine et, sur tout de P.R.C. Weaver17 consacrées à la nomenc lature des serviteurs (esclaves et affranchis) des Empereurs sont tout à fait éclairantes.
I - LA MISE EN VALEUR DE L'ÉLÉMENT INDIVIDUALISANT A la fin de la République, la dénomination normale de l'affranchi de citoyen romain comp orte, outre le gentilice et l'indication des rap ports avec le patron, un prénom et un cognomen qui l'encadrent, en quelque sorte. Si bien que la forme Sex(tus) Aemilius Sex(ti) l(ibertus) Baro, rencontrée dans une inscription de Rome datée de 52 avant Jésus-Christ est, alors, la plus courante18. Or, cette disposition, qui a continué de jouer pendant la plus grande partie du Haut Empire19, n'a pas été toujours en vigueur à une époque plus ancienne : d'après la doctrine courante, elle ne s'est imposée qu'à partir de la fin du deuxiè me siècle ou du début du premier, au cours d'une évolution qui a vu, d'une part le prénom de l'affranchi perdre peu à peu son caractère exclusif d'élément personnel et se calquer sur celui du patron, d'autre part le nom de l'ancien esclave jouer de façon indiscutable le rôle remp lijusque là par le praenomen. Cette évolution, déjà natée par Mommsen20 et, plus près de nous, par A.E. Gordon21 et H. Thyländer, a fait l'objet d'une ample étude, voici peu d'années, de la part de M. Cébeillac qui, rassemblant de façon très suggestive un certain nombre d'indications (rele vées dans l'épigraphie et classées par ordre
17 Cf. note (1) de ce chapitre. ■M£, 1959, 146 = ILLRP, 786 a. 19 Cf. Duff, Freedmen, p. 52-58. Thyländer, Epigraphie, p. 58-9. 20 Outre l'article déjà cité à la note (2), cf. Eph Ep, IV, 1872, p. 42, Rom. Staatsr., III, 1887, p. 425. 21 Epigraphica I. On the first appearance of the cognomen in Latin inscriptions of. freedmen, Cl. Arch. (Berkeley), I, 4, 1935, p. 155-161.
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chronologique)22, a conclu que le premier exemp led'affranchi avec surnom sûrement daté remontait à 113 avant Jésus Christ et que l'exem ple le plus bas d'affranchi attesté sans cognomen devait être placé vers 84-82 au plus tard. Et de cette constatation, l'auteur concluait que non seulement une partie de la chronologie ostienne devait être reprise, mais que tout affranchi por teur de cognomen devait être daté d'après les années 80 avant nptre ère, tout affranchi qui en était dépourvu ne pouvant être situé plus bas que ce terminus. On touche ici un des points d'intérêt de cette étude puisque à suivre ces conclusion nous di sposerions d'un critère absolu de datation, critère d'autant plus utile que l'immense majorité des inscriptions relevées pour la période est repré sentée par des épitaphes le plus souvent indatables. Notons que c'est à une conclusion aussi nette, mais mettant en valeur l'année 71 qu'A. Degrassi était arrivé23 et que, par ailleurs, dans un certain nombre d'études récentes divers épigraphistes24 ont utilisé l'absence ou la présen ce de surnom comme moyen essentiel de data tion. Or, pour intéressante qu'elle soit, la tentative de M. Cébeillac attire la critique : tout d'abord, il n'est pas sûr qu'il faille, en bonne méthode, mêler des témoignages provenant d'endroits auss ivariés que Rome, la Campanie ou Délos, car, a priori, nous n'avons aucune preuve irréfutable qu'une loi ait imposé à tous les affranchis de citoyens romains, à un moment donné, l'usage de surnom25. D'autre part, il faudrait être sûr
22 Quelques inscriptions inédites d'Ostie, de la République à l'Empire, dans MEFRA, 83, 1971, 1, p. 39-125 (p. 47-63) (= Cé beil ac, Ostie). Tableaux très utiles. 23 ILLRP, p. 488 f. Alors que Thyländer, Epigraphie, p. 57-8 pensait que c'était juste après l'époque gracquienne que les affranchis prirent l'habitude de porter un surnom et qu'I. Kajanto, On the Chronology of the cognomen in the Republican Period, L'onomastique latine (Paris, 1975), Paris, 1977 p. 63-70 (= Kajanto, Cognomen) pense qu'après 85 avant Jésus-Christ, il n'y a plus d'affranchis sans cognomen. 24 Ainsi, A. Degrassi, CIL, 1 2, p. 163/4 (à propos des inscrip tionsde St-Césaire) et ad n°3013. Cf. aussi L. Berni Brizio, Accad. Lincei (Rendiconti) XXXVI, 1971 p. 779 n°4 (=C7L, I, 3004), p. 781 n°7 (=AE, 1971, n°50), p. 782, n°9. Alföldy, RIT, n° 10. 25 C'est l'erreur qu'a commise aussi, Thyländer, Epigrap hie,p. 101-102. De ce point de vue, la méthode qu'avait
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qu'aucun affranchi après 84/82 (ou 71) ne soit dépourvu de surnom. C'est sur ce point que les études toutes récentes d'H. Solin26 et de S. Pan ciera27 ont apporté une lumière nouvelle. Il reste cependant que c'est essentiellement à partir d'exemples datés avec une certitude suffisante qu'un tel problème peut être évoqué28; et qu'il ne faut pas oublier que seules les sources épigraphiques peuvent nous donner la clef de cette évolution, dans la mesure où les premiers témoi gnages littéraires - celui de Cicéron notamment - ne valent que pour une époque où la nomenc lature des affranchis est fixée.
1 - La date d'apparition du «surnom» D'une façon générale, et alors que dans leur grande majorité nos inscriptions doivent dater du premier siècle avant notre ère, les quatre cinquièmes des personnages relevés portent un surnom. Mais peut-on se faire une idée plus précise du moment où celui-ci est apparu puis s'est imposé29? En Italie : En ce qui concerne Rome, nous avons peu de renseignements utiles à attendre. L'échantillon essentiel concerne les urnes funéraires trouvées dans la région de Saint-Césaire et dont les ins criptions incisées doivent dater de la deuxième moitié du second siècle30 : sur vingt trois affran-
suivie Gordon, étudiant chaque secteur géographique de façon indépendante, et notant la priorité de l'apparition du cognomen à Délos, semble satisfaisante. 26 Onomastica ed epigrafia. Riflession sull'esegesi onomastici delle iscrizioni romane, dans QU, 18, 1974, p. 105-132 (= Solin, Onomastica). 27 S. Panciera, Saggi d'indagine sull'onomastica romana, L'onomastique latine, (Paris, 1975), Paris, 1977, p. 191-203 (= Panciera, Saggi). 28 Cf. Panciera, ibid., p. 191-193. 29 Sur 1311 individus dont la nomenclature est complète, 1095 portent un surnom, entier ou abrégé et 216 n'en portent assurément pas. Nos chiffres sont nettement plus élevés que ceux auxquels Kajanto, Cognomen, était arrivé (882 indivi dus). 30 Cf. le commentaire et la bibliographie donnés par Degrassi, ILLRP, t. II, p. 220-1. Ces urnes figurent aux n° 1015
chis mentionnés, dix portent un surnom31 et treize en sont dépourvus32, ce qui montrerait qu'un changement a commencé de se produire. Mais la datation de ce matériel est trop vague pour permettre une étude plus stricte. Quant aux autres indications isolées concernant la capit ale, leur datation est trop discutée pour que l'on puisse en tirer une conclusion sérieuse, même si certaines peuvent avoir été placées vers la fin du deuxième siècle33. Plus intéressant pour nous est l'échantillon fourni par Préneste et dont la datation, malgré une discussion ayant opposé A. Degrassi à G. Gullini34, ne permet cependant pas de descen dre après 82 (mise à sac de la ville par Sylla). En fait, cet échantillon est double puisque composé tout d'abord de dédicaces, généralement collecti ves, adressées à la Fortuna Primigenia. Or, ainsi que les tableaux composés par M. Cebeillac le montrent, les affranchis mentionnés portent pra tiquement tous un surnom (dix-neuf sur vingttrois)35. Il semblerait donc qu'ici, dès avant 82
à 1201 du CIL, I2 = C/L, VI, 8211 à 8397, et ont été reprises partiellement par ILLRP, n° 873 à 894. Sur la datation (première partie du septième siècle après la fondation de Rome), Degrassi maintient sa position dans CIL, 1 2, p. 163. "CIL, I2, 1034 (= ILLRP, 878), 1043, 1129, 1135, 1147 (= ILLRP, 891), 1175 (= ILLRP, 893), 1049 (= ILLRP, 881), 1050, 1087, 1143. 32 CIL, I2, 1031, 1040, 1044, 1051 (= ILLRP, 979), 1068, 1070, 1078, 1081, 1108, 1112, 1138, 1151 (à condition de lire Sal(via) A L. 1. et non Sal(via) All(ia) 1162). 3'C/L, I2, 976 = ILLRP, 70 (deuxième siècle). I2, 978 = ILLRP, 97 (deuxième siècle selon Imagines, n°43). I2, 31= ILLRP, 157 (troisième siècle selon Imagines, n°77. Vers 125 d'après G. Lugli, Arch. Class., 6, 1954, p. 308). I2, 33 = ILLRP, 248 (troisième-deuxième siècle Imagines, n° 1 10). CIL, 1 2, 1376 (deuxième siècle). uCf. Degrassi, ILLRP, t. I, p. 78-79 et CIL, I3, p. 189-190 qui pense que le sanctuaire a été construit entre 1 10 et 100, ce qui placerait les inscriptions votives des affranchis entre cette époque et 82. Alors que G. Gullini (// santuario della Fortuna Primigenia a Palestrina, dans AUNRWn I, p. 762-765) pense que le sanctuaire serait plus ancien (milieu du deuxiè me siècle), sans cependant mettre en doute la datation pro posée pour les dédicaces. " Rien ne dit que P. Ceccius mentionné dans CIL, 1 2, 1445=/LLi?P, 108 soit un affranchi. Portent donc un cogno menles affranchis mentionnés dans CIL, I2, 1449(4), ILLRP, 105 a = CIL, I, 3064(4), ILLRP, 106c = C/L, I, 3068(3), CIL, I, 3070(2), CIL, I2, 1454, ILLRP, 107 c = CIL, I, 3076(2), CIL, I,
L'AFFIRMATION DU LIEN : LES ENSEIGNEMENTS DE LA NOMENCLATURE avant Jésus-Christ, le port du surnom se soit imposé. Mais c'est oublier que d'autres inscriptions nous sont connues à Préneste, épitaphes gravées sur des petits cippes ou bases dont la datation ne peut remonter plus haut que le milieu du troisième siècle, mais ne descend pas après 8236. C'est dire que parmi ces textes simples, il y en a qui doivent être placés à la fin du second ou au début du premier siècle. Or, sur les vingt-huit affranchis signalés, deux (ou au plus trois) sont pourvus d'un surnom37. Il y a donc apparemm ent, une opposition entre une épigraphie offi cielle, liée au sanctuaire, émanant de groupes, et qui implique le port de surnom, et une épigra phieprivée individuelle qui, même si l'on tient compte du décalage chronologique, n'obéit pas à la même habitude. C'est une observation qui a échappé à tous les auteurs qui ont abordé cette question, mais sur laquelle nous allons avoir l'occasion d'insister. Malgré tout, ces deux exemples, romain et prénestin, ne nous permettent pas une étude serrée du processus qui a vu le surnom devenir commun dans la nomenclature libertine. Fort heureusement, toute une série de dédi caces collectives, presque exclusivement découv ertes à Capoue ou dans les environs immédiats et datées avec précision, permettent de jeter un peu plus de lumière sur la question. Deux inscriptions datent de 112 ou 111 avant Jésus-Christ : sur les deux personnages mentionn és, dans la première38, aucun ne porte de sur nom, tout comme cinq des six figurant sur la deuxième39. Dans une autre liste de magistri Campanorum datée de 106, trois seulement des treize affranchis ont un cognomen40, alors que les
3050; il faut ajouter deux inscriptions non citées par l'auteur : CIL, I \ 1446 = ILLRP, 103 et ILS, 3683 d = ILLRP, 1 10. N'ont pas de surnom deux affranchis cités dans CIL, 1 2, 1455 = ILLRP, 107 b, et deux autres signalés respectivement dans CIL, I2, 1450 = ILLRP, 106 et CIL, I, 3053. 36 Sur la datation voir Degrassi, ILLRP, 2, p. 214. 37 Avec surnom :CIL, I2, 90, 340 et peut-être 310. Sans surnom: CIL, I2, 64, 67, 92, 104, 105, 132, 134, 136, 181, 208, 231, 239, 240, 248, 256 (= ILLRP, 868), 261, 283, 309, 325, 343, 351 (peut-être), 2448, 2457, 2472, 2480. 38 CIL, 1 2, 672 = X, 3773 = ILS, 7274 = ILLRP, 705. 39 CIL, 1 2, 673 = X, 3374 = ILLRP, 706. 40 Cébeillac, Ostie, p. 53 n'en compte que douze - CIL, 1 2, 677 = X, 3779 = ILS, 3340 = ILLRP, 714 (Thy lander, Epigraphie,
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six signalés sur un document de la même date en sont privés41. Mais si sur une dédicace datée sûrement de 10542, deux seulement des douze affranchis cités ont un surnom, deux des quatre indiqués sur une inscription pratiquement con temporaine (108/ 105)43 et six sur six d'une autre de même époque (108/105)44 en sont vraisembla blement pourvus. Cette variation apparente dans des documents si proches dans le temps nous indique que le changement lors des années 106/ 105 est un cours, mais que la nouvelle habitude ne s'est pas encore imposée. Mais elle n'a pas dû tarder, puisqu'à Capoue et dans les environs, passé le tournant du siècle, le surnom est utilisé régulièrement: l'affranchi figurant sur une ins cription de 9845, onze des douze mentionnés dans un document daté de 9446 (et un autre sur une épitaphe de même époque), les douze d'une dédicace de 8447, une affranchie dédiant une stèle votive à l'époque de Sylla, sans doute48, et les trois hommes d'une inscription de 71, en sont dotés49.
p. 101, commet une erreur lorsqu'il dit que «sept affranchis et tous les ingénus sont sans surnom, mais six le portent»!). "CIL, I2, 678 = X, 3397 = ILLRP, 715 - C'est à tort que Cébeillac, Ostie, fait de Lintio un surnom - cf. Degrassi, sur ce point. 42 AE, 1958, n° 267 = ILLRP, 712. 43 AE, 1952, n° 54 = ILLRP, 711: mention des travaux du théâtre. Cf. A. De Franciscis, Ep., XII (1950), p. 124-5 (J. Heurgon, Les magistri des collèges et le relèvement de Capoue de 1 II à 71 avant Jésus-Christ, dans MEFR, LVI, 1939, 85-27, p. 21 n. 3 (= Heurgon, Magistri) plaçait ces travaux au début du pre mier siècle seulement). 44 CIL, I2, 2506 = ILLRP, 713 (à condition de supposer une lacune à la fin des lignes - cf. les réserves de Cébeillac, Ostie, p. 52 note). 45 CIL, 1 2, 681 = X, 3789 = ILS, 3609 = ILLRP, 718. 46 Recale - CIL, I2, 3124 = X, 3291 : L Plotius L. 1. Philippus apparaît dans une inscription de Délos de 94 a.c. (ID, 1763 = BCH, XXXVI, 1912, p. 68 n. 1) et encore l'absence de surnom pour le douzième affranchi peut-elle s'expliquer par le fait que celui-ci indique son statut par cinq lettres (P.Q.Pu.L.) et donc une raison de place a pu jouer. "CIL, I2, 683 = /LS, 5734 = ILLRP, 720. Cf. aussi CIL, I2, 3124 = X, 4291, de même date. A*CIL, I2, 1583 + 1, 3, p. 220. A.Adriani, Catalogo illustrato del Museo Campano, 1, Alexandrie, 1939, p. 21 et A fig. 4 la date, par comparaison avec CIL, I2, 1584 et 3120 (représenta tion d'une déesse assise, tenant des enfants sur son sein), de l'époque syllanienne. 49 CIL, 1 2, 686 = X, 3783 = ILS. 6303 = ILLRP, 722.
LE LIEN PATRON-AFFRANCHI : FONDEMENTS ET EXPRESSION
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L'APPARITION DU SURNOM A DÉLOS/RHÉNÉE INSCRIPTION
LIEU
DATE 150/125 Vers 145
CIL, I2, 2257 = ID, 1803
Délos Délos Délos
CIL, I2, 2238 = ILLRP, 751 = ID, 1750
Délos
CIL, I2, 2240 = ILLRP, 749 = ID, J733 BCH, LXXXVII, 1963, p. 252 CIL, l2, 2504 = ILLRP, 759 = ID, 1753 CIL, I2, 2236 = /LLjRP, 760 = ID, 1754 COUILLOUD, p. 194 n° 423
Délos
CIL, I2, 2239 = ILLRP, 748 = ID, 1732 CIL, I2, 2241 = ILLRP, 747 = ID, 1731
IG, XIV, 2382 IG, IV, 136 BCH, XXXVI, p. 211 n° 27 BC//, I, p. 87 n° 36 = ID, 1755
Délos Délos Délos Rhénée Rhénée Rhénée
140/130 ou 150/100 142/1 ou 135/4 Vers 125 Vers 125 113 Fin 2e siècle Fin 2e siècle Fin 2e siècle Fin 2e début 1er siècle
CIL, I2, 2247 = ILLRP, 289 = /D, 2440 CIL, I2, 2232 = ILLRP, 750 = /D, 1685-6 et 1735
Délos Délos Délos Délos
Vers 100 Vers 100 Vers 100
CIL, I2, 2651 = ILLRP, 1270 = /D, 1802 CIL, I2, 2248 = ID, 1756
Délos Délos
C7L, I2, 2253 CIL, I2, 2251 = /LLKP, 761 = ID, 1692 C/L, I2, 2252 = ILLRP, 755 = ID, 1736
Délos Délos Délos
Vers Vers Vers Vers
BCJ7, XXIII, p. 64, n° 12 = ID, 1760
Délos
ID, 2622
Délos
ßC//, VII, p. 12, n° 5 = ID, 1761 BCH, XXIII, p. 67, n° 14 = ID, 1763 BO/, XXIII, p. 70, n° 15 = ID, 1764 BCH, VIII, p. 186, n° 20 BCH, XXXI, p. 462, n° 68, col. II 1. 19
Délos Délos Délos
100/99 ou 99/98 entre 100 99 ou 99/8 et 94 98/97 94 93
Délos Délos
peu après 88 74
BCH, VIII, p. 145-6 = ID, 1758
Vers 100 100 100 100 100
1er siècle Début
Texte latin Texte grec Avec surnom Avec surnom Sans Sans surnom entier abrégé surnom entier abrégé 3 1 4
3 1
2
2
3 5
3
6 2
5 6 2
1
(incomp 3
7 5
5 1
4 1 1 1 1 4 1
let)
3
3 6
2? 5 2
2 1 4 1 3 3 2 7
L'AFFIRMATION DU LIEN: LES ENSEIGNEMENTS DE LA NOMENCLATURE Dans la Méditerranée orientale : Le cas de Délos est pour nous le plus intéres sant,mais pour pouvoir évaluer les conditions dans lesquelles le changement s'y est opéré, il faut tenir compte aussi des inscriptions rédigées en grec, mais concernant bien sûr des affranchis de citoyens romains. J. Hatzfeld avait d'ailleurs50 à partir des bilingues, établi les règles permett ant de reconnaître un affranchi d'un esclave : une nomenclature comportant le prénom, un gentilice, un prénom au génitif et un surnom, du type ΛΕΥΚΙΟΣ ΩΡΑΡΙΟΣ ΛΕΥΚΙΟΥ ΔΙΟΔΩΡΟΣ révèle un statut d'affranchi51. Cette utilisation d'inscriptions rédigées directement en grec nous paraît nécessaire car elle doit, en théorie, per mettre de savoir si l'intrusion du cognomen dans la dénomination des affranchis, dont nous avons dit qu'aucune loi connue ne l'a déterminée, n'est pas due à une influence exercée par les habitu des onomastiques grecques, valorisant le nom personnel, habitudes que les trafiquants italiens (et essentiellement les Campaniens) auraient à leur tour transmises en Italie méridionale puis à Rome. Il est tout à fait légitime, par ailleurs, de joindre aux textes trouvés à Délos même, et qui représentent, là encore, une épigraphie officielle, quelques textes de Rhénée dont l'attribution à des affranchis est sûre. Les tableaux ci-joints permettent de remar querqu'avant les dernières années du second siècle, ni dans les textes grecs ni dans leur ver sion en latin, le surnom n'apparaît. Il y aurait donc un indice que ce n'est pas la tradition hellénique valorisant le surnom qui aurait «con-
™Les Italiens résidant à Délos, dans BCH, XXXVI, 1912, p. 134-140. Cf. M. Th. Couilloud, Les monuments funéraires de Rhénée, Délos XXX, Paris, 1974 (= Couilloud, Rhénée), p. 138 p. 332. 51 Cette règle n'empêche pas certaines confusions. Ainsi, P. Jouguet, dans BCH, XXIII, p. 63 n° 11 et p. 64 n° 12 voulait faire de neuf et quatre esclaves indiquant leur surnom en tête suivi du gentilice et du prénom de leur maître, des affranchis. Hatzfeld lui-même n'a pas échappé à ce danger (ainsi à propos de ΑΛΕΞΑΝΔΡΟΣ ΜΟΝΔΙΚΙΟΣ ΛΕΥΚΙΟΥ και MAAPKOY ou de ΞΕΝΩΝ ΜΟΝΔΙΚΙΟΣ ΛΕΥΚΙΟΥ και ΜΑΑΡΚΟΥ / ou de ΘΡΑΣΕΑΣ ΣΑΜΙΡΙΟΣ ΚΟΙΝΤΟΥ και ΠΟΠΛΙΟΥ). Enfin, Couilloud, donne comme sûrement affranchis {Rhénée, p. 335), des individus qui ne sont que partiellement romanisés / indiquant parfois trois nomina, ils peuvent représenter des orientaux, mais de condition libre (ainsi ses numéros 333, 85, 106, 20.460, 76, 349, 184).
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taminé» la pratique italienne, sinon on ne s'ex pliquerait pas ce «vide» continu entre le milieu et la fin du siècle dans les transcriptions grec ques. Par contre à partir de ce moment, le surnom apparaît dans les deux langues, avec des nuances cependant. Dans les documents rédigés en grec la nouvelle habitude s'impose nettement : si l'on ne tient compte que de ceux qui sont postérieurs à 113 et antérieurs à 94, vingt-quatre affranchis sont indiqués avec leur surnom, contre sept sans (trente sept et neuf respectivement si l'on consi dère tous les documents). Par contre, dans les inscriptions latines, dix-neuf individus sont por teurs d'un cognomen et dix-huit non. Il y a donc eu une certaine résistance, qui se marque dans le fait que dans au moins une bilingue, le cogno menn'est signalé que dans la partie grecque. Nous pouvons d'ailleurs joindre à ces él éments l'échantillon fourni par Samothrace, plus limité, certes, mais qui confirme ce que nous avons remarqué jusqu'ici : sur une stèle datée de 9952, le personnage n'a pas de surnom, alors que sur une autre de 9253, deux des trois affranchis en portent un et que désormais le «cognomen» intervient de façon régulière54. Ainsi donc, on peut noter une certaine conco mitance dans l'apparition du surnom dans la nomenclature des affranchis : à Capoue, à partir de 105 avant Jésus-Christ, sans doute, il s'impos e; c'est dans les toutes dernières années du second siècle qu'il intervient à Délos et, guère plus tard, à Samothrace. Cette «cohérence» chronologique, jointe aux remarques que nous avons déjà faites concernant les inscriptions de Delos rédigées en grec, permet d'écarter l'hypo thèse avancée par Gordon, qui pensait que l'usa-
52 CIL, 1 2, 2505 = ILLRP, 209 + 1. II, p. 382, à condition qu'il s'agisse bien d'un affranchi. La date de 99 avant Jésus-Christ est défendue avec raison par Degrassi, contre Lommatzch qui, au CIL, proposait, à tort, 44 avant Jésus-Christ. 53 CIL, 1 2, 663 (cf. p. 726) = III, 713 = ILS, 4053 = ILLRP, 210. La datation proposée par Degrassi est plus acceptable que celle avancée par Mommsen au CIL (130 avant Jésus-Christ). Remarquons que si le troisième personnage n'indique pas son surnom, c'est sans doute parce qu'il indique sa tribu (Pal(atina). 54 Ainsi, en 66 avant Jésus-Christ, (CIL, l2, 667 = 111, 716 = ILLRP, 211), en 46 (ILLRP, 1281= CIL, I, 2939), en 35 avant Jésus-Christ (ILLRP, 1271 b), ou dans une inscription datée du milieu du premier siècle (CIL, III, 13323).
100
LE LIEN PATRON-AFFRANCHI : FONDEMENTS ET EXPRESSION
ge du cognomen aurait commencé à s'affirmer plus tôt en Orient qu'en Italie55. En fait, malgré l'absence de preuve formelle, il faut sans doute revenir à l'opinion de Mommsen selon laquelle une loi aurait imposé, à la fin du deuxième siècle, l'usage de l'ancien nom servile56, usage qui aurait été appliqué dans les inscriptions de caractère officiel, émanant de groupes consti tués, mais dont on peut se demander (nous l'avons suggéré à propos des inscriptions de Préneste) s'il a immédiatement et totalement été suivi lors de la rédaction d'inscriptions privées, essentiellement d'épitaphes. En apparence, dès l'époque sullanienne, la mention du surnom semble, dans toutes les régions de la Méditerranée où se trouvent des affranchis de citoyens romains, généralisée. Il en est ainsi à Rome dans une cinquantaine d'ins criptions datables de l'époque de Sylla à l'extr ême fin de la période républicaine57, mais aussi
55 Cf. note 21. Notons encore que si dans certaines ins criptions bilingues, le surnom apparaît dans le texte grec et non dans le texte latin, on rencontre des cas inverses : ainsi dans CIL, I2, 2504 = ILRP, datée de 113 avant Jésus-Christ, un ingénu porte un cognomen dans la transcription latine, mais pas dans le texte grec. 56 Rom. Forsch, I, 1364, p. 50-60. Cf. aussi G. Bloch, Les origines du Sénat romain, Paris, 1885, p. 137-9. C'est à cette hypothèse que Solin, Onomastica, p. 126 n. 39 se rallie. 57 CIL, I2, 1263 = ILLRP, 4405 (première moitié premier siècle). CIL, l2, 1220 = ILLRP, 365 (après 74 avant JésusChrist = affranchi de Q. Pompeius Bithynicus) / I2, 2528 30 = ILLRP, 405 (milieu du premier siècle = affranchi d'Isauricus, consul en 48) / CIL, I2, 1258 = ILLRP, 413 (entre plus ou moins 45 et 38 affranchis de Cotta et de Drusilla) / I2, 568 = ILLRP, 422 (42 avant Jésus-Christ) I2, 1363 = ILLRP, 427 (affranchi du fils de Pompée, vers ou peu après le milieu du siècle) / 1 2, 808 = ILLRP, 465 (travaux de réfection de la Via Aurelia, époque de Sylla) / I2, 1004 = ILLRP, 696, (fin de la République, mention de Clesipus Geganius) / 1 2, 2514 = ILLRP., 704 (fin République: mention de Varrò et Murena, mal identifiés) / 1 2, 989 = ILLRP, 775 (époque sull anienne?) / ILLRP, 786 a (52 avant Jésus-Christ) / CIL, I2, 1221 = ILLRP, 793 (entre 100-75 et le milieu du siècle) / I2, 1289 = ILLRP, 796 (milieu du premier siècle) / I2, 2527 a = ILLRP, 795 (postsyllanienne cf. CIL, I, 3, p. 179) / CIL, I2, 1299 = ILLRP, 811 (première moitié du premier siècle. Cf. Imagines, 308) / I2, 1334 a = ILLRP, 817 + ILLRP, 823 (ment ion d'un esclave de Mithridate) / ILLRP, 964 = I2, 1283 (affranchi de P. Clodius ou de son fils) / CIL, I2, 1248 (affran chi de T.Cimber, dont parle Cicéron {Phil, II, 14) / I2, 1282 (affranchi d'un Appius Claudius) /I2, 1284 (idem et
dans plusieurs villes d'Italie58, notamment à
chie de Scribonie) / I2, 1296, (post-syllanienne - cf. Solin, Onomastica) /I2, 1322 (fin République - H. Solin, Beitrage zur Kenntnis der gr. Personennamen in Rom, Helsinki, 1971 (= Sol in, Griechische Personennamen), p. 102 n. 5 / I2, 1326 (même époque, cf. Solin, ibid.) /I2, 1330 (affranchi de Q. Minicius Thermus - post-syllanienne) - 1 2, 1389 (affranchi de Servilia épouse de D. Silanus consul en 67) / 1 2, 2965 a (48 ou 46) / I2, 3005 = AE, 1971, n°41 (fin République cf. Panciera, Arch. Class., 22, 1970, p. 133) / I2, 3019 (fin République, Solin, Griechische Personennamen, p. 147) / CIL, VI, 6071 (affranchi de Paullus Aemilius Lepidus, consul en 34 avant Jésus-Christ) / VI, 14211 (affranchi de Calpurnia épouse de Cesar) / VI, 18795 (début premier siècle, selon Brilliant, Gesture; 45-35 selon Toynbee, CAH, pi. IV, p. 170-1 - Fin République/ Empire: Panciera, Saggi, p. 193) / CIL, VI, 18891 (40-30 cf. S. Bonacasa, / ritratti greci e romani della Sicilia, (= Bonacasa, Ritratti), Palerme 1964, p. 21. / VI, 32437 = ILS, 4945 (affranchi de C. Rabirius Postumus après son adoption) / Diehl, n° 704 (César au plus tôt) / Ep. XXXIV, 1972, p. 93-5 n°3 (fin République-Empire) / AE, 1972 n° 19 (deuxième moitié pre mier siècle) / CIL, VI, 2246 (affranchi de C. Rabirius Postu mus) / AE, 1964, n° 81 (affranchi de la fille de Pompée) / CIL, VI, 9438 b (idem) / VI, 32.307 = ILS, 4977 (sans doute affran chide Messala Corvinus consul en 31) / VI, 37.380 (affranchi de Scribonia et de sa soeur) / AE, 1964, 85 (affranchie de Libo le consul de 34 ou de son père) / Ep., XXI, (1959) p. 107-8 (fin République) / AE, 1971 n°50 (milieu premier siècle). AE, 1971, 43 et 54 (fin République) / I2, 1274 = ILLRP, 767 (affranchi d'un ami de P. Clodius). ™CIL, I2, 2215 = ILLRP, 243 (Tergeste époque sullanien ne) / I2, 2131+2132 a,c = ILLRP, n°947 (sullanienne Ariminum) / I2, 1247 = ILLRP, 565 (première moitié du premier siècle = affranchi de Quinctius Valgus) Casinum / CIL, I2, 2637-2642 = ILLRP, 814 (Perusia après 90) / I 765 = ILLRP, 152 Interamnia (55 avant Jésus-Christ) / CIL, l2, 1548 (post sull anienne - cf. I, 3, p. 215 - Fregellae) / I2, 1995 = ILLRP, 95 (affranchi d'Ahenobarbus consul en 54, près de Cosa) /I2, 1927 + 1, 3, p. 286 (fin République, Macerata) / I2, 2643 = /LS, 9039 (Affranchi de César? Ocriculum / AE, 19677, 88 = CIL, 1 2, 3123 (fin République - près Caserte) / CIL, I2. 3149 (milieu premier siècle Paestum) / CIL, I2, 3150 (fin République, Paestum) / CIL, X, 6104 (peu après la mort de César, Formiae) CIL, X, 6148 (César, Formiae) / CIL, XI, 139 = ILS, 7225 (fin République - stèle de P. Longidienus - Ravenna) / CIL, XI, 682 (fin République - cf. G. Mansuelli, dans Rom. Mitt., 65, 1958, p. 92 et 97) Forum Cornelii / CIL, XI, 735 (fin République - Auguste - cf. G. Susini, // lapidario (Museo Civico di Bologna), Bologne, 1960, n°8, p. 20-24 (= Susini, Lapidario) (Bononia) - ILS, 5395 = Diehl, n° 440 (vers 35 a.c. duovirat de C. Cartilius Cf.). Par ailleurs les onze affranchis signalés sur onze épitaphes d'Adria, datant du premier siècle, ont tous un surnom (B. Forlati Tamaro, dans Ep. XVIII, 1956 p. 52 n° 5, 54 n° 7, 56 n° 9, 57 n° 15, 58 n° 18, 60 n° 20, 60-61 n° 23, 64 n° 28, 66 n° 31, 66 n° 32, 67-8 n° 37).
L'AFFIRMATION DU LIEN: LES ENSEIGNEMENTS DE LA NOMENCLATURE Pompéi59 et, surtout à Minturnes60, dont les ins criptions dateraient de la première moitié du premier siècle et où tous les affranchis signalés, sauf un, portent le surnom. Enfin, hors d'Italie, des exemples orientaux bien situés, mais aussi des groupes d'inscriptions correctement datés à Tarragone ou à Carthagène, par exemple, renfor centla même conclusion61. Or, une étude attentive du matériel épigraphique provenant notamment de Rome a permis à H. Solin62 puis S. Panciera63 de signaler un cer tain nombre d'inscriptions qui portent l'indica tion d'affranchis dépourvus de surnom, et qui
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sont, pourtant, datables de la fin de la Républi que ou même de l'époque impériale64. L'abondance des exemples retenus65, est de nature à nuancer le commentaire catégorique d'I. Kajanto66, qui oppose la nomenclature des ingénus, marquée par l'absence fréquente du surnom jusque sous l'Empire, et celle des affran chis,qui après 85 avant Jésus-Christ ont toujours un surnom («Whereas freedmen's names sine cognomine became less frequent than those cum cognomine ca. 100 B.C., and vanishes altogether from ca. 85 B.C. . . .»). Mais il convient de s'inte rroger sur le sens de cette non mention du su rnom dans des documents datés du premier siè cle avant Jésus-Christ avancé. Une première remarque générale concerne le fait que pratiquement tous les exemples relevés par Solin et Panciera se rapportent à des épitaphes et non des inscriptions à caractère officiel.
"CIL, I2, 777 = ILLRP, 763 (47 avant Jésus-Christ) / ILS, 3207 = Diehl, n° 173 (fin République : affranchi de P. Sittius) / Castren, Ordo, p. 148 n° 94, 1 / ibid., p. 225/« n° 395-4 et 7 / ibid., p. 152 n° 12 et p. 118 / ibid, p. 230 n° 412,1 / ibid., p. 168 n° 169, 3-4-6 / ibid., n° 110, 1 p. 152 (46 avant Jésus-Christ) / p. 200 n° 296, 3 (46 avant Jésus-Christ) / p. 226 n°395, 8 (46 avant Jésus-Christ) (cf. I2, 777 = ILLRP, 763) et n° 290, 3 (cf. 64 1) Inscriptions républicaines, selon Solin :I2, 1296, 1304, I2, 777 = ILLRP, 763). 1327, 1339, 2527 a = ILLRP, 795 / CIL, II, 3434 = I2, 60 Ces inscriptions figurent au CIL, I2 2678 à 2708 (cf. 2271 = ILLRP, 778 (mais je ne suis pas sûr qu'elle soit postp. 844) et ont été en partie reprises par ILLRP, 724-746. La syllanienne) / CIL, X, 5614 = I2, 1548 (il s'agit pourtant d'un date est discutée puisque E. Stadler, dans (Hermes, LXVII, C. Marius C. 1. / Salvius!!) / CIL, I2,2284. 1942, p. 149-196) voulait placer ces documents au début de 2) Inscription du début de l'Empire :CIL„ VI, 63, 6177, 9184, l'époque augustéenne (28-27 avant Jésus-Christ). Alors que 12300, 13907, 14608, 15794, 16532, 16921, 18795, e 1193, 21310, J.Johnson (Excavations at Minturnae, I, 1933, p. 133) (= Johns 26382, 26448, 26711, 28327, 29029, 33465, 34999, 36435 a, on,Inscriptions), les situait entre 90 et 64, et que A. Münzer 38076, 38114, 38119, 38531, 38824, 39023, IG, XIV, 1907 toutes (dans Rom. Mitt., L, 1935, p. 325-7) les datait de la première de Rome. moitié du siècle, opinion suive par Degrassi (ILLRP, II, p. 152 Atti Ven, 128, 1969-70, p. 234 n° 13; CIL, IX, 755, 1056, 2824; - et CIL, 1 2, p. 1 14-5). C'est à cette datation que nous nous CIL, X, 4099, 5628; EE, VIII, 596 et 544; Rend. Lincei, 1969, rallions. Le seul affranchi mentionné sûrement sans su p. 74, n°2; CIL, XI, 925, 5015, (= VI, 2671), 5814, 7054, 8028; rnom .CIL, 1 2, 2692 = ILLRP, 739 - Mais là aussi, cette absence CIL, 5211; CIL, XIV, 1213. n'est pas fortuite, nous le verrons. La liste est à compléter par la recherche de Panciera qui "CIL, I2, 795 = ILLRP., 307 (44 avant Jésus-Christ Kavo montre qu'un certain nombre d'exemples fournis ci-dessus Kephali) / I2, 2289 = ILLRP, 206 (fin République - Narona) / ne sont pas exacts et que les affranchis concernés sont, en 1 2, 2217 = ILLRP, 268 (milieu du premier siècle - Carnie) / 1 2, fait, pourvus d'un surnom (CIL, VI, 6177, 16921, 33465, 38076, 2285 = ILLRP, 33 (fin République-Nauportus) / AE, 1957 n° 16 d'époque impériale ainsi que CIL, I2, 1304); Mais il ajoute (milieu du premier siècle - Magdalensberg) / AE, 1971 n°73 une inscription inédite du Museo Nazionale Romano, datant (vers 30 Magdalensberg) / CIL, III, 4805 = I2, 2287 (fin de la du milieu du premier siècle et où l'un des personnages ne République - près de Klagenfurt) / CIL, I2, 788 = ILLRP, 580 porte pas de surnom; ainsi que plusieurs documents d'épo (45 avant Jésus-Christ - Curubis) / CIL, VIII, 1053, 24678, queimpériale où la même absence se remarque (CIL, VI, 24873, 24874, 24875, 24917 (Carthago, époque Césarienne cf. 13881, 14929 / CIL, II, 4224 / IV, 1429 et 3990 / CIL, V, 2243 Lassere, dans Ant. Afr. 7, 1972, p. 30-3). CIL, II, 4309 = RIT, n° 5 et 2260 / CIL, V, 4632, 6450, 7097 / CIL, IX, 3359, cf. Epigr., (fin République) / CIL, II, 4367 -RIT, n° 8 / CIL, II, XXVIII, 1966, p. 146 / CIL, X, 1473, 1475, 2021, 3752, 4257 cf. 4432 = RIT, n° 10 / CIL, II, 61 17 = RIT, n° 7 / CIL, I, 61 19 = RIT, p. 976, 5305 / /. ItaL, III. 1, n° 213 / XII, 4760). n° 3? / RIT, n° 6 / CIL, 1 2, 2276 = RIT, n° 12 / RIT, n° 14 / CIL, 65 Le nombre des témoignages est sans doute plus grand, II, 6135 = RIT, n° 16 / RIT, n° 17. en réalité, si l'on tient compte du fait que beaucoup d'ins Toutes ces inscriptions de Tarraco sont données comme criptions, indiquant d'anciens esclaves dépourvus de surnom, datant de la fin de la République par Alföldy, sur des critères sont datées du premier siècle par les auteurs et que certai archéologiques et pétrographiques notamment. nesd'entre elles, doivent être situées à la fin de la Répub 62 Onomastica, p. 105-132 (p. 125-132). lique. " Saggi, p. 192-198. 66 Cognomen, p. 8.
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LE LIEN PATRON-AFFRANCHI : FONDEMENTS ET EXPRESSION
On est en droit de se demander, en effet, si l'absence de cognomen n'obéit pas, au moins dans de nombreux cas, à autre chose qu'au sim ple hasard. Sur certains documents, la place du cogno menest occupée par l'indication de la tribu à laquelle appartient l'affranchi : ainsi, dans une inscription concernant les adorateurs d'Isis Capi tolina à Rome67 et datée de la première moitié de premier siècle, le seul des sept affranchis qui ne porte pas de surnom mentionne sa tribu : D. Aurelius D. 1. Stella (tina)68. De même encore, dans une inscription grecque de Larissa69, et alors que ses patrons (ou son propre fils) indi quent un surnom, un affranchi indique seule ment son appartenance à la tribu Velina. Mais d'autres explications peuvent intervenir. Comme S. Panciera l'a excellement souligné, la place du surnom est parfois prise par l'indica tion d'un terme de parenté : ainsi dans plusieurs inscriptions de Rome où les termes uxsor, mater, frater apparaissent à la fin de la nomenclature70. D'autres fois, c'est l'indication d'un métier qui peut expliquer l'absence du surnom : P. Quinctius T. 1. libriarius), A. Calvius Q. 1. vestiar(ius), L. Scarpus Scarpiae 1. Popa, Q. Iunius Cn. 1. lictor, P. Barbatius M. 1. oliari(us), Aelius (ou[L]aelius ou[C]aelius) Q. 1. praeco et dissignator, sont par exemple dépourvus de cognomen7*. Dans une autre série d'inscriptions, l'omis siondu surnom révèle des intentions sans doute plus subtiles : ainsi, un quaestor affranchi du vicus de Narona porte un surnom, alors que le magister dont le nom le précède n'en porte pas, sans doute parce que ce dernier est «encadré» 67C7L, I2, 1263 = ILLRP, 159. 68 C'est de façon incompréhensible que Degrassi, fait de Stella l'amorce d'un surnom! 69 IG, IX, 2, 853 (cf. Hatzfeld, Trafiquants, p. 66 n° 6). 70 Cf. Panciera, Saggi, p. 197-198. Uxor: CIL, VI, 9184 (la deuxième épouse du personnage, sans statut précis est elle aussi désignée ainsi) - CIL, 1 2, 2527 a = ILLRP, 795, Quinctia T. L. uxsor. Mater: CIL, VI, 38.824 (Romilia C. L mater) - CIL, I2, 1227 = ILLRP, 919. Frater : CIL, X, 3752 = I, 3126 (Atella - C. Statius C. L frater, alors que la sœur porte un surnom). 71 CIL, I2, 2527 = ILLRP, 795, (Rome) / CIL, I2, 1268 = ILLRP, 822, (Rome) / 1 2, 2052 a = CI Etr., 3692 (Perusia) / CIL, I2, 1320 = VI 1902 (Rome) / CIL, I2, 3003 Rome / Vessberg, Kunstgeschichte, p. 187, n. 1 = Panciera, Saggi, p. 196 et fig. 8, Rome.
par la mention de deux ingénus : mimétisme et sens de la hiérarchie sont peut-être à invo quer72. Ailleurs, c'est la volonté de distinguer un patron de statut affranchi de son propre affran chiqui intervient. Ainsi, dans une inscription déjà citée, Quinctia P. 1. Agate libertà concubina (on notera l'insistance) est signalée en troisième position après P. Quinctius T. 1. librarius et son uxsor (et co-affranchie) Quinctia T. l.73. De même Clodia Ν. 1. Stacte fïgure-t-elle à côté de N. Clodius N. 1. sur une épitaphe romaine74, Aufidia L. 1. Secunda à la suite de L. Aufidius Ο I.75 L. Visellius L. 1. Pamphi(lus) avec L. Visellius L. L, vraisemblablement son patron76. Dans quelques cas, c'est un souci de «paraî tre»qui semble guider des affranchis qui, soit individuellement, soit collectivement, se font représenter en buste, sur leur tombeau : sans doute ces individus aisés sont-ils plus sensibles que d'autres à la valeur sociale que le port ou non du cognomen pouvait revêtir77. Ce qui ressort donc, c'est que le fait de ne pas mentionner l'ancien nom servile n'est pas tou jours dû à une simple et innocente négligence, mais à une volonté délibérée78; cette volonté a joué surtout dans l'épigraphie privée, très certa inement parce que le contrôle des autorités de l'Etat ou même locales était très difficile à assu mer : la rédaction d'une liste de magùtri pouvait être contrôlée, pas celle d'épitaphes forcément plus nombreuses et dues à la seule initiative des intéressés, qui en choisissaient le texte. 72 CIL, I2, 2291 = ILLRP, 629 (milieu du premier siècle/fin de la République). Le quaestor en question abrège d'ailleurs son cognomen. 73 CIL, I2, 2527 a = ILLRP, 795. 74 CIL, F, 2527 b = ILLRP, 952. 75 CIL, I2, 1540 = X, 5693 (près de Paesano). 76 CIL, VI, 29029. Cf. aussi CIL, VI, 28.327. Il est possible, par ailleurs, que l'un des affranchis de Q. Minucius Thermus mentionné dans CIL, I2, 1339 = VI, 22541 soit dépourvu de surnom à la différence de ses deux propres affranchis. 77 CIL, VI, 18795 / CIL, VI, 29029 / Panciera, Saggi, p. 196, fig. 8 / CIL, I2, 2998 / CIL, I2, 3013. Tous ces exemples sont romains. 78 Dans au moins deux cas les affranchis dépourvus de surnom ont pour wcores des ingénue: CIL, I2, 1882 (L. Sergius L. 1. et Rutilia Fulcinia P. F.), 1884 (Q. Sextili(us) L.l. et Pilia L. F.), là encore les recherches du «bon ton» a pu jouer. Noter cependant que la même affranchie est mentionnée tantôt avec, tantôt sans surnom (CIL, VI, 10329-33969).
L'AFFIRMATION DU LIEN: LES ENSEIGNEMENTS DE LA NOMENCLATURE II n'y a donc pas eu application immédiate et totale d'un usage, qui s'est imposé avant tout aux actes officiels ou collectifs. Certes, on ne peut nier que l'utilisation dans la pratique du surnom se soit développée du second au premier siècle. Ceci se marque en particulier dans le fait qu'écrit en lettres minuscules, comme un él ément de moindre importance, dans certaines inscriptions du second siècle ou du début du premier79, le cognomen soit écrit en caractères normaux dans les inscriptions postérieures. D'autre part, il semblerait que l'importance croissante du surnom comme élément nominal ait entraîné la disparition progressive de sa transcription en abrégé. Ceci est particulièr ement vrai des inscriptions rédigées en grec: et l'on a souvent insisté sur le fait que dans l'am biance hellénique, le surnom aurait été moins facilement abrégé que le gentilice et qu'il se serait d'autant plus rapidement imposé qu'il aurait été l'élément essentiel de la dénomination gréco-orientale80. Mais en Italie, par exemple à Capoue, alors que tous les cognomina dont nous avons la rédaction réelle sur des inscriptions de 106, 105 et 98 avant Jésus-Christ, sont rédigés en abrégé81, la plupart de ceux qui figurent sur des documents de 94 et 84 sont transcrits complètem ent82. Cependant, il ne faut pas conclure à un chan gement complet : à Capoue même, dans une inscription de 71 avant Jésus-Christ83, les cogno mina de trois affranchis sont abrégés. A Minturnes plus de la moitié de surnoms étudiés sont raccourcis84, tout comme à Caere, où pourtant le "Cf. CIL, I2, 673 = ILLRP, 706 (Capoue).. cius P. L. Philom(usus) seul personnage à porter le surnom - cf. aussi CIL, I2, 1247 = VI, 11702, CIL, I2, 1862. Inversement, CIL, I2, 1321 b mentionne un surnom en caractères plus importants. 80 Cf. l'analyse de G. Daux, L'onomastique romaine d'ex pression grecque, L'onomastique latine (Paris, 1975), Paris, 1977, p. 405-417 (p. 407408). Voir le tableau présenté plus haut et concernant les inscriptions de Délos/Rhénée. 81 CIL, I2, 677 = ILLRP, 714 - AE, 1958 = ILLRP, 712 - AE, 1952, 54 = ILLRP, 711 - CIL, I2, 2506 = ILLRP, 713 (le seul surnom lisible n'est pas donnée entièrement) - CIL, I2, 681 = ILLRP, 718. 82 CIL, 1 2, 682 = ILLRP, 719 / CIL, 1 2, 683 = ILLRP, 720. "CIL, I2, 686 = ILLRP, 722. 84 Abrégés : CIL, 1 2, 2681,9 / 2682 1 1 et 9 / 2684 / 2686, 2 et 4 / 2688, 1, 2, 3, 6, 9, 11, 12 / 2694, 2 et 6 / 2695, 1 et 7 / 2698, 5 / 2699, 5 et 6 / 2702, 8 / 2703, 10 / 2708, 2 et 5 /. Soit 24 des 46 cognomina retenus.
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matériel recueilli va jusqu'à l'Empire85. Et d'au trepart dans les inscriptions de Saint-Césaire, à Rome, il y a plus de surnoms écrits en entier que de surnoms raccourcis86. Il n'y avait donc pas de pratique uniforme87 et l'affirmation péremptoire d'H. Lemonnier que, dans la transcription, ni le nomen, ni le cognomen se s'abrégeaient n'a aucun fondement88. Un autre indice de cette «promotion» dû surnom semble apparaître dans le fait que dans l'ordre d'exposition des éléments de la dénomin ation, il soit parfois placé à la première place. Mais il faut remarquer que la majorité des cas relevés concernent des femmes, semblent sou vent anciens et proviennent avant tout de la région osco-ombrienne : il y a là sans doute la trace d'une habitude ancienne, de la part des femmes de porter des prénoms, ainsi que Kajanto l'a récemment souligné89. Mais rien n'indique dans notre documentation que les affranchies, qui ont sans doute commencé à porter un su rnom en même temps que les hommes90, aient
85 Cf. CIL, I2, p. 287. Et certains surnoms apparaissent tantôt entiers, tantôt raccourcis (CIL, I2, 2289 = ILLRP, 206 et I2, 2291 = ILLRP, 629 Narona / CIL, I2, 1371 et 1372 Rome). 86 En entier: CIL, I2, 1034 (= ILLRP, 878), 1043, 1049 (= ILLRP, 881), 1129, 1135, 1175 (= ILLRP, 893). Abrégés: CIL, I2, 1050, 1087, 1143. Ceci tendrait peut-être à confirmer l'hypothèse que les gens incinérés à St. Césaire étaient des Campaniens, et même des individus fortement hellénisés, piusqu'au moins une inscription était rédigée en grec (CIL, I2, 1051 = ILLRP, 882, sans doute ancienne). Cf. CIL, I2, p. 163. 87 Cf. Mommsen, Rom. Staatsr., III, p. 425 et n. 1. 88 Condition privée, p. 170. 89 Sur ce point voir l'étude récente d'I. Kajanto, Women's praenomina reconsidered, Arctos, VII (1972), p. 13-30 et On the pecularities of women's nomenclature, L'onomastique latine, p. 147-159. CIL, I2, 1135 (St Césaire), 1243 (Rome) / CIL, I2, 1330 = VI, 21644 (mais Marta n'est pas un praenomen, contrai rement à ce que pense Vitucci, Libérais, p. 911, inscription qui n'est d'ailleurs pas archaïque et Mommsen la considérait même comme impériale, cf. Marta comme surnon dans CIL, I2, 1316 et 1613). / CIL, I2, 340 et 1476 (Préneste avant 82 avant Jésus-Christ) / 1583 (Capoue) / 1749 (Allia) / 1772 (Bisegna) / 1779 (près de Sulmo) / 1785 (Corfinium) / 1809 (Ocriculum) / 1837 = ILLRP, 971 (Monteleone) / 1839 (Reate) / 2041 (Perusia) / 2210 (Gonars) / Ep., XVIII, 1956, p. 54 n°7 (Adria). 90 Cf. CIL, I2, 1135 et 1151 (St Césaire) / CIL, I2, 90,' 340, 1 432, 1475, 1476, antérieures à 82 avant Jésus-Christ. Sur ce thème, cf. Kajanto, Cognomen, p. 69, et, surtout. On the first appearance of women's cognomina, dans Akt. VI. Kongr. Gr. Lat. Epigr., Munich, 1972, p. 402-4.
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LE LIEN PATRON-AFFRANCHI : FONDEMENTS ET EXPRESSION
tenu particulièrement à mettre en valeur leur ancien nom servile. Quant au cas concernant des hommes, ils sont assez peu nombreux91. Tout autre est le sens qu'il convient de don ner au fait que dans l'œuvre de Cicéron, lettres ou discours, le cognomen soit parfois placé avant le nomen et en tête de la nomenclature. Plu sieurs exemples concernent des individus de sta tut affranchi92. Même si Cicéron n'obéit pas tou jours, dans le cas d'une telle appellation, à des motifs bien définis, il n'en reste pas moins que c'est essentiellement à propos d'individus de basse naissance que l'ordre cognomen-nomen est utilisé, ou à propos d'adversaires que l'on veut rabaisser. On ne peut donc s'empêcher de pen ser que, à une époque où l'utilisation du surnom, sans être absolue, était largement répandue, le port du surnom en général, ou du moins sa mise en valeur, était teintée d'une nuance péjorative et portait la marque d'une origine sociale peu glorieuse93. En réalité, pour apprécier sans doute les limi tes de l'usage du cognomen dans la dénominat ion des affranchis, il convient d'observer le cas où, de façon assurée, celui-ci est le seul nom indiqué. Or sur vingt-quatre inscriptions rele vées, vingt-et-une sont des épitaphes, ce qui est
91 Cf. CIL, I2, 310 (Préneste), 1043 (mais le texte est mal lu sans doute), 1390 (Rome), 3163 (Cosilinum), 3235 (Corfinium). Le seul texte que l'on puisse vraiment rattacher à un désir d'exalter, sans doute par provocation, le surnom de son auteur est celui de l'inscription de Clesippus Geganius (ILLRP, 696). On ne peut en tout cas pas adopter l'affirmation de Mommsen selon laquelle les documents que nous avons utilisés pourraient dater de l'époque où les affranchis n'avaient pas encore de prénom romain (Rom. Staatsr., III, p. 425). Ce ne peut être vrai de CIL, I2, 1304 (= ILLRP, 378), qui date du second siècle, ou de Glesippus Geganius assuré mentdaté du premier siècle (cf. Pline, NH, XXXIV, 11). 92 Tryphonem Caecilium (Au., III, 8, 3), Antiochum Gabinium (Au., IV, 18, 4), Soterico Marcio (Balb. 56), Dionysius M. Pomponius (Au., IV, 15, 1), Erotem Turium (Fam., XII, 26, 2), Chrysippus Vettius (Fam. VII, 14, 1), Hermogenes Clodius (Cat. Maior, 48). 93 Cf. sur ce point l'analyse et les exemples donnés par H. Axtell, Men's Names in the Writings of Cicero, dans Cl. Ph., Χ, 1915, p. 386-405 (= Axtell, Men's Names), p. 394/6. Serait à reprendre, dans un souci plus statistique. Cf. aussi, H. Thyländer, La dénomination chez Cicéron dans les lettres à Atticus, dans Acta Inst. Regn. Suec. Romae, I, v.s., 40, 1954, p. 153-9.
en soi, déjà un indice94. Mais ce qui est encore plus révélateur c'est que dans près de la moitié des cas, les affranchis, ainsi désignés ont pour patron d'autres affranchis ou sont qualifiés de collibertus95 . C'est dire qu'en dehors des exemp lesoù, le gentilice du patron étant indiqué, on a voulu éviter un double usage96, cet emploi du surnom reflète une pratique familière tendant à faire apparaître l'affranchi dans sa position de serviteur, position dont l'infériorité est d'autant plus soulignée que le patron est lui-même un affranchi dont les tria nomina sont par ailleurs gravés. Cette impression est d'ailleurs renforcée par la constatation que, dans quelques épita phes, la nomenclature de l'affranchi calque celle des esclaves : ainsi : Bargath(es) Dasi M. 1., signal é à Cumes97, ainsi Arte(mo) Min(atii) Tr(ebii) l.98 ou Nicopolis Var(ae) L". Ceci est confirmé par l'œuvre de Cicéron : celui-ci utilise le seul surnom d'un affranchi dans le cas d'un de ses propres serviteurs, ou bien dans celui d'un affranchi de son correspon dant - dont l'identification ne prête alors pas à confusion - ou bien d'un affranchi dont le patron est aussitôt précisé100. Certes, dans la 94 Font exception: ILS, 3683 d = ILLRP, 110 (dédicace à la Fortuna Primigenia par deux aurufices ingénus et leur affran chi)- et CIL, VI, 9653, indiquant quelque fondation. 95 Affranchi d'affranchis : CIL, 1 2, 795 = ILLRP, 307 / CIL, 1 2, 1220 = ILLRP, 365 / CIL, I2, 1334 b = ILLRP, 823 (inscription de gauche et de droite) / CIL, I2, 1596 = ILLRP, 938 / CIL, I2, 1900 / CIL, I2, 1588 / CIL, I2, 2169 / Ep., III, 1941, p. 93 n° 6. Conlibertus : CIL, I2, 1413 = ILLRP, 809 / CIL, I2, 1585 = ILLRP, 922. 96 CIL, I2, 1389 »Stephanus Serviliai Sila[ni] 1. / CIL, I2, 1214 = ILLRP, 803 (Eucharis Liciniae 1.) / CIL, VI, 9635 (Demetrx(us) M. Pandusae 1.) / CIL, VI, 9449 (Pudens M. Lepi diL.); ou bien le nom complet du patron, auquel l'affranchi compose une épitaphe, a été donné en entier (CIL, I2, 2190 I2, 3125 - III, 12242 - C. Letta - S. d'Amato, Epigrafia della regione dei Marsi, Milan, 1975, p. 156-8 n° 105). 97 CIL, I2, 3128 = Audollent, Defixionum Tabellae, Paris, 1904, n° 197. 98 Bracco, Rend. Lincei, ser. 8; voi. 21 (1966) p. 48-56 = AE, 1966, n°l 12 = C/Z/, I2, 3163 (mais Bracco a proposé de lire Arte(mo) Min(atius) Tr(ebi) L(ibertus), ce qui pourrait cor respondre à un usage local de citer le surnom en tête). "Bull. Comm., 51 (1924), p. 117 n°196 = Diehl, n°652 Avant cet affranchi sont mentionnés quatre esclaves au moins Menagenes Var. Ser / Anteros Var. Ser / Plocio Var. Ane. / Felix Var. Ane, dont la nomenclature ne diffère de celle de notre personnage que par l'indication du statut. 100 Liberti, Antigonus, Hilarus, Demostratus (Fam., XIII, 33). Antiochum, paternum huius adulescentis libertum (Pro Fiacco,
L'AFFIRMATION DU LIEN: LES ENSEIGNExMENTS DE LA NOMENCLATURE plupart des exemples, il s'agit d'indications tirées de la correspondance: dans ce cas c'est l'usage quotidien de la nomenclature qui est reflété. Mais d'une façon générale, et en dehors de grands personnages dont le cognomen glo rieux peut servir à les désigner, ou dont par courtoisie on accompagne le surnom d'un poss essif, c'est essentiellement à propos d'individus d'origine ou de condition servile ou de person nagesde peu d'importance qu'une telle pratique intervient101. Ainsi, d'une part le cognomen nous apparaît en lui-même comme ayant une valeur individual isante délimitée à un cadre de relations familial es, et en tout cas assez étroites, et d'autre part son usage de la part d'un aristocrate comme Cicéron, tout comme son omission sur les épitaphes du premier siècle avant Jésus-Crist, sem blent répondre à une dimension d'ordre «socio logique» que nous devons essayer de retrouver. Ceci revient à poser l'éternelle question de l'exi stence ou non de cognomina serviles et de la significations des surnoms d'origine «grecque». Deux types de surnoms semblent réservés aux affranchis (et tout naturellement aux escla ves). Ce sont tout d'abord des surnoms féminins ayant une terminaison io et en ium, et qui ne peuvent être considérés comme de simples signa, dans la mesure où dans pratiquement tou tes les inscriptions relevées, les autres affran-
89). Deinde Antiphonti operam (AU., IV, 15, 6).Apella quidem tuo (Fam., VII, 25, 2). Bellum, Fausti libertum (Pro P. Sulla, 55). Alexim humanissimum puerum (Att., XVI, 15, 1). De Eutychide gratum (Au., IV, 15); Philogenes libertus tuus (Att., VI, 2, 1); Cilix libertus tuus (Fam., III, 1, 2); ex liberto tuo Phania (Fam., III, 1, 1); Chrysogonum, indices sectantur (Pro Roscio Amerino, 77); ex Pausania Lentulli liberto (Fam., Ili, 7,4); Demetrio liberto (Att., XIV, 17, 1) : Diodoti Luculli liberti (Ad Q. Fr., I, 2, 12); eius libertum Apolloniwn (Fam., XIII, 16,1); libertum Philonem misi (Fam., Vili, 8, 10); Philogono liberto tuo (Ad Q. Fr., l, 3, 4); Philonem Pompei libertum et Hilarum, siium libertum (Ad Att., XVI, 4); Dionysium... (Att., V, 9,3); Seamandrum patrono... (Pro Cluentio, 52); Philodmus libertus (Att., XIII, 33, 1); Thrasoni liberto tuo (Fam., II, 7, 3); istius libertus et accensus Timarchides (Verr., II, II, 69); Chrysippo tarnen... (Ad Q.Fr., Ili, 4,5); Aegypta libertus (Ad Att., XIII, 3,2); libertum... Hilarum (Ad Att., I, 12, 1); Phaeto libertus (Ad Att., Ili, 8,2); de Statio manumisso (Ad Att., II, 18,4); de Tirone... (Fam., XVI, 16, 1). Evidemment dans les lettres qu'il lui adresse, Cicéron n'appelle Tiro que par son surnom! 101 Cf. Axtell, Men's Names, p. 401/403.
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chi(e)s mentionnés portent un surnom102; il s'agit de surnoms sans doute transposés du grec et dont l'utilisation se rencontre, dès la fin du tro isième siècle dans le théâtre de Plaute103. D'autre part, sont typiquement «serviles», les cognomina se terminant en-por, qui évoquent le temps où l'esclave, por de son maître, portait, avant l'utilisation normale du nom servile, une appellation du type Marpor, Gaipor, etc. . .104. Mais il ne peut s'agir que d'une survivance, dans la mesure où les exemples de ce type sont rares, et surtout, le prénom du patron diffère du pr énom accolé à por : P. Cornelius P. 1. Gaipor105, M. Pinari(us) P. 1. Marpor106, C. Socconius C. 1. Olipor107. Une seule exception : A. Caecili(us) A. 1. Olipor108, qui date cependant du premier siècle. Mais la question essentielle se pose à propos des surnoms à consonnance grecque portés par les affranchis (essentiellement en Occident, bien sûr). Certes des individus de cette catégorie peu-
102 L'étude d'A. Zimmermann, Die griechischen Personenna men auf- ov und ihre Entsprechungen in Latein, dans Philologus, LXIV (1905), p. 499-505 est encore utile. La liste de ces surnoms est la suivante : Astapium (CIL, 1 2, 2685 = ILLRP, 737), Crematium (I2, 1307 = ILLRP, 770), Diaconum (I2, 1304 = s'il s'agit bien d'une affranchie), Erotium (ILLRP, 914), Gymnasio (CIL, I2, 1261), Hesuchium (CIL, I2, 1228), Leon[tion] (CIL, 1 2, 2708), Leucadium (CIL, 1 2, 2544), Philematium ou Philematio (CIL, I2, 1403 = ILLRP, 793 / CIL, I2, 1285 - 1403 - 1548), Psycar(ium) (CIL, I2, 2686 = ILLRP, 725), Silenium (CIL, I2, 3125), Selenio (I2, 1382), Studium (I2 1220 = ILLRP, 356). Dans l'expression Studium et Acme /... / cubiculüm fecerunt, il faut développer Lfibertae) et distinguer deux personnages féminins. Qu'il s'agisse de surnoms ressort du fait, notamment, que dans CIL, I2, 3125, Silenium est le seul nom du personnage. Surtout dans CIL VI, 14211, la défunte à la fin de son éloge déclare nominor Ikadium alors qu'aucun autre nom n'est indiqué (Calpurnia Anthis étant sa mère). 103 Sur l'utilisation de tels noms chez Plaute, voir en der nier lieu, Spranger, Untersuchungen, p. 54-5 et p. 120. Sele nium, personnage de Cistellaria / Planesium, du Curculio / Erotium de Epidicus / Philematium de Mostellaria / Adelphasium du Poenulus / Pinacium du Stichus / Astaphium du Truculentus / etc.. 104 Sur ce type de noms, cf. J. Marquardt, Privatleben der Römer, I, Leipzig, 1879, p. 19. Oxe, Nomenklatur, p. 108-109. Mommsen, Rom. Staatsr., Ill p. 201 et η. 3. Plus récemment, I. Kajanto, The Latin Cognomina, Helsinki, 1965, p. 22 - Solin, Griechische Personennamen, p. 92-3. 105 CIL, 1 2, 996. 106 CIL, I2, 1358 = ILLRP, 913. "»CIL, I2, 2046 = ILS, 7823. 108 CIL, I2, 1263 = ILLRP, 159.
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vent porter des cognomina qui semblent latins109, mais ceux-ci ou bien peuvent être la traduction du surnoms grecs110, ou bien semblent être réservés aux individus de naissance servile111. En réalité une analyse systématique, telle celle de Solin, montre que l'immense majorité des su rnoms portés par des affranchis a une résonnance gréco-orientale112 et, surtout que les cognomi·
109 Les surnoms les plus portés sont les suivants : Auctus (CIL, I2, 1326, 1332, 1416), Hilarus (CIL, I2, 1236, 1280, 1315, 1087, 1325, 1699, 1392, 1403, 1888), Primus (CIL, I2, 1263, 1326, 1401), Tertius (CIL, I2, 1289, 1264, 1249, 1809, 1889, 2645), Quartus (1309, 1409, 1583, 2681, 9), Sextus (CIL, I2, 688, 2688, 6; 1411: Sextulus), Salvius (CIL, I2, 1586, 1262, 1938, 1867, 2108, 2643, 1329, 2137, 1209, 1367, 1548, 1129, 1449, 1220, 1392, 1319, 2722, 2685, 8, 2588, 9, 2735, 2694, 1, 2688, 2, 2680, 8, 2681, 8, 2722, 2694, 6), Stabilio (CIL, I2, 1210, 1226, 1443, 1449), Statius (CIL, I2, 1292, 1864, 1954, 2108, 2137, 1370, 2535, 2586 ce qui confirme l'opinion de A. Gelle, concernant l'utilisation fréquente de ce surnom parmi les esclaves (N. Att., IV, 20, 13; cf. Caecilius Statius, cf. aussi l'affranchi de Quintus, le frère de Cicéron). Parmi les autres cognomina latins, on trouve Appia (CIL, I2, 1226, 2135), Ammia (CIL, I2, 1239, 1264), Sabinus (CIL, I2, 1371, 1602), Felix (AE, 1960, n° 30 et 1968, n° 184). Sur l'emploi de participes passés comme cognomina, voir M. Gordon (The nationality of Slaves in the Early Roman Empire, dans JRS, 1924, p. 108 et n. 1) et surtout, F. Bruce, Latin participles as slave-names, dans Glotta, XXV (1936), p. 42-50. ""Sur la traduction possible de surnoms grecs en latin (Eutyches = Felix, Protus = Primus etc..) on peut toujours uti liser M. Lambertz, Die griechischen Sklavennamen, Vienne, 1937 (p. 6-10 notamment), dont les vues un peu trop systémat iquesont cependant été nuancées par M. Gordon, art. cit., p. 107). Dans le même sens que Lambertz, R. Herzog, Namen übersetzung, dans Philologus, N.F., 10 (1897), p. 33-70. Sur Hilarus et son emploi sous la République : Solin, Griechische Personennamen, p. 56/7. 1 ' ' C'est le cas de Salvius qui, par exemple intervient dans 10 mentions sur 18 de noms «latins» relevés à Minturnes (sur 59 affranchis mentionnés). Inversement, Thyländer, (Épigraphie latine, p. 12/3 n. 29), reprenant une suggestion d'A. Calderini (Aquileia Romana, Milan, 1930, p. 413 - cf. aussi Gordon, art. cit., p. 96 n. 3 et Pergreffi, Liberti, p. 315), pense que Rufus aurait été réservé aux ingénus. Cependant Cicéron indique qu'il s'agit d'un nom servile typique (Pro. Mil., 60); de fait l'on trouve plusieurs fois ce surnom chez des affranchis (CIL, I2, 1256, 1336 Rufio / 1862, 1263, 1405, 1418, 2688, Rufus). 112 Sur la notion de surnom grec, cf. Solin, Griechische Personennamen, p. 52/53 et 54 n. 1. Un catalogue systémati que des cognomina portés par esclaves et affranchis sous la République a été donné par le même (Die innere Chronologie des römischen Cognomens, dans L'onomastique latine (Paris,
na de ce genre sont caractéristiques de l'on omastique servile113. Nous nous contentons d'en registrer ce fait, tout comme nous constatons que l'utilisation du surnom, en général, a été beaucoup moins systématique de la part des ingénus que chez les affranchis, mais en tenant compte de ce que la nobilitas continue à utiliser des surnoms qui font partie de son prestige114. Ainsi, au terme de cette analyse assez comp lexe, il nous apparaît que lorsque des affranchis taisent (autant que nous puissions le savoir), sur des inscriptions essentiellement funéraires et dont ils sont les auteurs, leur surnom, c'est à coup sûr pour échapper à la macula qui marque de tels nom115. Et il n'est pas indifférent, comme nous l'avons signalé, que ces affranchis soient eux-mêmes des patrons (quitte à ne pas tolérer que leur liberti agissent comme eux) ou que leurs stèles funéraires soient accompagnées de représentations sculptées. C'est bien un compor-
1975), Paris 1977, p. 105-138, cf. aussi, du même auteur: «Die Namen der orientalischen Sklaven in Rom., ibid, p. 205-220. Sur l'importance numérique de ces cognomina cf. Grie chische Personennamen, p. 94/5. On notera qu'en Étrurie, la plupart des affranchis (et esclaves) portent des surnoms grecs, contrairement aux indi vidus de naissance libre (cf. Heurgon, Vie quotidienne, p. 889). 113 Cf. Solin, ibid., p. 95/6 (et C. R. par H. G. Pflaum, Sur les noms grecs portés par les romains et leurs esclaves, dans REL, 51, 1973, p. 48/54. Cf. I. Kajanto, The significance of non latin cognomina, dans Latomus, XXVII, 1968, p. 517-534). Ainsi, dans la nécropole de Caere, tous les surnoms grecs (grecs ou traduits du grec) sont portés par des affranchis, alors que les surnoms des ingénus portant filiation (Crispinus, Gallus, Secunda, Saturninus. Polio, Sabinianus etc..) sont tout à fait différents; à plus forte raison, seuls les ingénus portent-ils un surnom étrusque (cf. Thania par exemp le). 114 Cf. Kajanto, Cognomen, p. 6-9. Les chiffres donnés par Nicolet, Onomastique, p. 53-56 et tableau p. 55 (96% des nobiles / 62,8% des sénateurs et 55/45% des homines novi / 38,5% des équités / 33% des centurions portent un surnom) sont éloquents. Sur l'apparition tardive du surnom chez les ingénus, cf. Thyländer, Épigraphie, p. 102-108. On remarquera que sur les «programmata antiquL·sima» de Pompéi, le cognomen est absent (cf. R. Etienne, La déno mination latine d'après les inscriptions électorales de Pomp éi, dans Acts of the Vth Epigr. Congress, Cambridge 1967, Cambridge 1971, p. 229-234). 115 II est en tout cas révélateur que l'auteur, à la fin de la période républicaine, d'un livre de cognominibus ait été just ement un affranchi, M. Antonius Gnipho (cf. Funaioli, Gr. R. Fr., p. 104, f. 3 cf. Macrob, I, 17, 27).
L'AFFIRMATION DU LIEN: LES ENSEIGNEMENTS DE LA NOMENCLATURE tement «bourgeois» qui est ici révélé: et ce comportement est d'autant plus explicable qu'en cette fin de République, en tout cas au milieu du premier siècle, les ingénus de niveau social équi valent (officiers subalternes ou notables pomp éiens) ne portent pas généralement de nom"6. Que le port des surnoms gréco-orientaux soit une sorte de «marque» d'origine, ni Horace117, ni, avant lui, Cicéron n'en font mystère: déco chant à l'adresse de Chrysogonus un trait qu'il voulait particulièrement acerré, ce dernier écrit : Venio nunc ad illud nomen aureum Chrysogonius , expression en forme de calembour, où l'enflure du illud nomen aureum fait évidemment éclater le ridicule du nom en question dont le seul énoncé traduit l'origine humble du personnage. On comprend donc que des variations, au premier siècle notamment, aient pu intervenir à propos de ce surnom, variations qui n'étaient, semble-t-il, pas soumises au bon vouloir du cen seur119 et qui n'étaient pas dues à l'initiative du patron (celle-ci, d'ailleurs a été récemment réduite par certains auteurs)120. Il semble que dans la pratique, pour des raisons apparemment diverses, des affranchis aient renoncé à leur cognomen primitif : ainsi, pour accorder sa déno116 II n'est d'ailleurs pas indifférent que l'oubli du surnom soit plus élevé chez les affranchis hommes que chez les femmes (cf. Kajanto, Cognomen, p. 8/9). 117 Peut-être, à la limite le seul port du surnom en opposi tion avec les ingénus est-il un signe d'origine modeste. C'est ce que fait remarquer Kajanto (On the pecularities), p. 148 à propos de l'affaire des Bacchanales; toutes les femmes de bonne souche (Aebutia, Duronia, Sulpicia) ne sont connues que par leur gentilice; seule Fecennia Hispala porte un curnom (cf. aussi Paculla Annia). Horace, Sat., I, 5, vers 10 = Apella, nom générique d'un juif. Horace, Sat., I, 6, vers 38 = Dama et Dionysius, surnoms caractérisant des Syriens. Sur les cognomina sobriquets, cf. Sat., I, 3, ν 58, Cf. aussi Val. Max. III, 4, 3. 118 Pro. Rose, 124 (cf. Haury, Humour et Ironie chez Cicé ron, p. 115, n. 2). N'oublions pas que Cicéron lui-même parle en orfèvre, puisque ses serviteurs ont pratiquement tous des surnoms de ce genre (cf. Solin, Griechische Personennamen, p. 51), comme ceux de ses amis (cf. plus bas note (154). "'Selon Gardthausen, Zensus, p. 365-6, celui-ci surveillait avant tout la transcription du prénom et du gentilice. 120 Cf. St. Priuli, Di alcune questioni riguardanti i rapporti tra nomi di persona reali i nomi di persona letterari a Roma, dans L'onomastique latine, p. 223-228. Cf. Solin, Griechischen Personnamen, p. 92/3 n. 2 et p. 102-104 (où il pense que Varron, LL, VIII, 21, ne reflète pas une pratique romaine), cf. aussi p. 128 et 134 n. 2.
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mination à sa réputation de rhéteur et de gramm airien, L. Atteius Praetextatus Philologus, selon Suétone qui insiste sur le fait que l'initiative revient au personnage {ab semet nominatus)xix . Mais L. Crassitius Pasicles abandonne son su rnom grec pour devenir L. Crassitius Pansa122, tout comme, semble-t-il, le grammairien Saevius Nicanor, devenu Saevius Postumus123. Plutôt que d'un changement de surnom, il faudrait peutêtre plutôt parler de double cognomen ainsi que Suétone nous l'indique à propos de NicanorPostumus (ac duplici cognomine esse). Car n'ou blions pas que les affranchissements, notamment par testament, ne pouvant avoir lieu que nomi· natim, il fallait bien que l'ancien surnom de l'affranchi prit quelque caractère officiel ce qui n'empêchait pas que, dans la pratique quotidienn e, un deuxième surnom pût être utilisé. Ainsi en est-il, sans doute, dans quelques inscriptions de la fin du second ou du premier siècle : L. Aufidius C. 1. Dorot(eus) Minor124, C. Fulmonius C. 1. Metrophanes Deives125, P. Pindius P. 1. Dav(os Calidus)126 portent deux cognomina ainsi que Q. Vaarius C. 1. Nicepor Peccio (?)t27, tandis que L. Paconius L. 1. Trùp(o) magister d'ufï collè ge de Délos figure dans une autre inscriptions en tant que L. Paconius Senex128. Il n'est pas indiffé rentque cette dernière mention intervienne· dans une defixionum tabella : Trup(o) apparaît donc comme le surnom officiel alors que Senex serait l'appelatif usel. De même il est significatif que ce soit sur une autre tabella d'exécration qu'il soit fait allusion à l'utilisation possible d'un deuxième surnom : Nomen delatum Naeviae L. l. Secunda(e) seive ea alio nomini est129. D'autre part, si on examine la dénomination des enfants ingénus des affranchis (donc nés
121 Gramm., X. 122 Là encore l'initiative appartient au personnage : cogno minePasicles, mox Pansam se transformavit (Gramm., XVIII). Sur les origines du nom, peut-être étrusque, cf. Schulze, Eigennamen, p. 365. 123 Suétone, Gramm., 5. Sur Demochares, affranchi de Pompée, appelé Papias par Appien, cf. Gabba, App. V, p. 177; cf. aussi Menas-Menodorus, chez Appien toujours. i24CIL, I2, 2236 = ILLRP, 760. 125 CIL, 1 2, 1591 = ILLRP, 929. 126 CIL, I2, 1 449 = /LS, 3683 e. m CIL, I2, 2283 = XII, 5208. 128 CIL, I2, 2236 = ILLRP, 760 et ID, 2534 = ILLRP, 1150. 129 CIL, I2, 1615 = ILLRP, 1149.
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LE LIEN PATRON-AFFRANCHI : FONDEMENTS ET EXPRESSION
alors que leurs parents étaient libres), on note une tendance, de la part d'anciens esclaves ayant un cognomen grec, à donner un surnom latin à de tels enfants, à moins que ceux-ci, comme beaucoup d'ingénus, n'en portent pas130. Et ceci est confirmé par les témoignages littéraires131. Le surnom, tel qu'il apparaît publiquement dans la nomenclature des affranchis n'est donc pas l'objet d'un respect total. Certes, sur un plan quotidien et dans le cercle de la familia ou de relations relativement étroites, il constitue, au premier siècle, l'élément individualisant par excellence, bien qu'il faille noter que dans cer tains cas l'usage dans une familia de surnoms formés sur la même racine, (combiné avec l'abréviation du nom dans certains cas) ou de cognomina identiques, pouvait créer la plus grande confusion, ainsi qu'un texte d'Alfenus Varus rapporté par Paul nous l'apprend132, texte où il est question d'une substitution d'esclaves portant le même surnom. Mais le cognomen ne suffit pas à faire de l'affranchi une personne, il est le plus souvent le
signe, même aux yeux de tiers, de la continuité de sa situation dépendante. Et de toute façon, dès que le cercle des informations s'agrandit et que l'on doit disposer de tous les éléments pour situer le personnage dans ses relations, l'usage de l'ensemble de la nomenclature prise dans son entier devient nécessaire; et surtout, l'indication du patron joue un rôle principal.
130 Enfants ingénus ne portant pas de surnom, alors que leurs parents en portent : CIL, I 2, 1272 = ILLRP, 943 / I 2, 1432 / I2, 1839 / I2, 1841 / I2, 2637 = ILLRP, 814 + CIL, I, 3,3283. Enfants ayant un surnom latin, alors que leurs parents (ou l'un des parents) portent un surnom grec: CIL, I2, 1266, 1357, 1570 ( = ILLRP, 977: 2 enfants) - CIL, VI, 38.824 (et peut-être CIL, I2, 1771. Enfant ayant un surnom grec comme les parents (Espérandieu, Inscr. Corse, n° 7) - cf. peut-être aussi : CIL, I \ 3002. Enfant ayant un surnom grec alors que son père a un surnom latin : CIL, 1 2, 1365 = ILLRP., 927. Les exemples sont peu nombreux, certes, mais il ne semble pas que pour cette époque l'on puisse souscrire à la thèse de Solin, {Griechische Personennamen p. 128) selon laquelle les affranchis portant des surnoms grecs auraient donné des surnoms grecs aussi à leurs enfants (légitimes) cf. aussi le cas, indiqué dans CIL, I2, 708 = ILLRP, 969 où un [C. S]ergius M. f. Vel(ina) Mena serait fils d'affranchi. Il por terait donc un surnom «grec» alors que son fils [S]ergius C. f. Vel(ina) en serait dépourvu - Inscription des années 90. Sur cette question, cf. Solin, Griechische Personennamen, p. 43-95, p. 126-9, qui évoque aussi le rôle du patron dans l'attribution du cognomen de l'enfant. 131 Pensons à Horace, Vedius Pollio, Helvius Mancia. Alors que P. Furius, L. Equitius Popilius, C. Thoranius, Sex. Naevius, membres de l'ordre sénatorial, bien que fils d'affran chis, ne portent pas de surnom. 132 D. 35.1.28.1 (Paul, 2 iuris epit. Alfeni dig.) cité à propos de l'affranchissement par testament). Cf. aussi le cas où un affranchi et son affranchi ont le même surnom (CIL, I2, 1371), ce qui limite la valeur «individualisante» de celui-ci.
133 Prénom du père de la patronne : CIL, VI, 9438 b (Cn(aeus) Pompeius Pompeiae Cn(aei) Magni f(iliae) lib(ertus) Isochrysus) ou CIL, VI, 3738 d (Q. Caecilius Caeciliae Crassi f(iliae) l(ibertus) Hilarus). 134 Prénom du patron de la patronne: CIL, I2, 1332 = ILLRP, 928 / I2, 1413 = ILLRP, 809; I2, 1813 = ILLRP, 953. 135 Epïgraphie, p. 58. Cependant les chiffres que cet auteur avance paraissent inexacts. Selon lui, en effet, parmi les affranchis figurant au CIL, I2, et n'ayant pas de surnom, 35 auraient un prénom identique, et 70 un prénom distinct de celui du patron. Parmi les affranchis ayant un «surnom», les chiffres seraient respectivement de 250 et 45. Or, nous avons trouvé, dans la premier cas, 51 au lieu de 35 et 69 au lieu de 70; dans le deuxième cas, 324 au lieu de 250 et 54 au lieu de 45. Nos schiffres ne tiennent pas compte, évidemment des nomenclatures incomplètes. (Toujours à propos de chiffres, on ne comprend pas le sens de la note 9, p. 58-59, où Thyländer donne les inscriptions des affranchis ayant même prénom que leurs patrons, soit 43 individus, ce qui ne corres pondà aucun des chiffres cités plus haut). Malgré ces diver gences, il apparaît bien qu'il faille établir une corrélation entre le développement de l'usage du surnom et le paralléli sme de plus en plus marqué entre les prénoms des affranchis et de leurs patrons. En l'état actuel de notre documentation, nos résultats sont les suivants. prénom prénom identique différent sans cognomen 69 83 avec cognomen 491 104
2 - La fin du rôle du praenomen comme élément individualisant Le prénom tend à reprendre celui du patron. Une des conséquences les plus importantes de ce développement de l'emploi du surnom parmi les affranchis semble avoir été que le praenomen, jusque là élément personnel, n'aurait plus tenu cette place et, de ce fait, n'aurait fait que copier celui du patron (ou celui du père de la patronne133, ou celui du patron de la patronn e134.Sur ce point, on peut, semble-t-il accepter les conclusions d'H. Thyländer135, en insistant
L'AFFIRMATION DU LIEN: LES ENSEIGNEMENTS DE LA NOMENCLATURE cependant sur le fait que si l'on ne peut nier l'existence d'un lien entre les deux phénomènes, il n'y a pas eu de simultanéité absolue. En effet, dans les inscriptions de Saint Césaire à Rome, sur neuf affranchis sans surnom, trois ont un prénom différent de celui de leur patron136, six ont un prénom identique137, tandis que sur huit d'entre les affranchis ayant un cognomen, quatre ont un prénom différent138 et quatre un prénom identique (à celui de leur ancien maître)139. Dans les inscriptions anciennes de Préneste, treize affranchis sans surnom portent un praeno mendifférent, de celui de leur patron140, mais neuf ont un prénom identique141. De même, à Capoue, si l'on constate bien que le prénom de l'affranchi tend, vers la .fin du second ou au début du premier siècle, à repren dre celui du patron, on remarque que dans une inscription de 71 avant Jésus-Christ, déjà citée142, sur trois affranchis, qui tous ont un surnom, un seul a le même prénom que son maître. Enfin, à Délos, alors que des personnages sans cognomen, à une époque assez haute, por tent un praenomen identique à celui du patron143, plus tard, d'autres affranchis portant un surnom ont un «praenomen» différent144. Si bien que l'on ne doit pas penser que l'iden tification du prénom de l'affranchi à celui du patron se soit opérée instantanément : l'usage, en fait, a dû s'imposer assez lentement. Il n'en reste pas moins vrai que dans les inscriptions de
136 CIL, I2, 1044, 1051, 1078. ™CIL, I2, 1040, 1068, 1070, 1081, 1112, 1138. 138 CIL, l2, 1049, 1050, 1087, 1143. "'CIL, l2, 1043, 1129, 1147, 1175. "°CIL, l2, 132, 134, 181, 208, 239, 240, 283 (2 personnages), 309, 325, 2472, 2480, 3053. 141 CIL, l2, 67, 92, 231, 261, 343, 1455 (= ILLRP, 107 b), 1450 (= ILLRP, 106), 2448-2457 (Les autres personnages ne peuvent pas être placés dans l'une ou l'autre catégorie). "2CIL, l2, 686 = ILLRP, 722. 143 CIL, 1 2, 2504 = ILLRP, 759 (1 13 a.c.) : 2 sur 8 des person nages. CIL, 1 2, 2239 = ILLRP, 748 (3° quart du second siècle) : 2 individus sur trois. CIL, l2, 2240 = ILLRP, 749 (vres 125) : 3 sur 3 des affranchis (mais deux d'entre eux ont deux patrons). 144 BCH, XXIII, p. 67 n° 14 (avant 94): un affranchi sur trois / BCH, VIII, p. 145-6 (peu avant 74) cinq affranchis sur sept / BCH, XXXVI, p. 216 n°43 = Couilloud, Rhénée, n°440 (vers 74).
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Minturnes, à deux exceptions près145, tous les affranchis obéissent à cette nouvelle pratique, preuve qu'au cours du premier siècle l'assimila tion s'est bien réalisée. Mais cette évolution touchant «praenomen» ne s'est pas faite d'une façon uniforme. D'une part, en ce qui concerne les affranchis ayant plusieurs patrons, l'assimilation du pr énom de l'affranchi à celui de l'un des maîtres, semble avoir été plus précoce et plus complète que dans le cas des affranchis individuels: tous les affranchis de patrons hommes ayant le même prénom, portent le prénom commun146; et lors que les patrons ont un prénom différent, en grande majorité les affranchis ont le praenomen de l'un d'entre eux147. Il semble d'ailleurs que ce soit très tôt que, dans les cas de patronats multip les, cette identification soit réalisée, ainsi dans une stèle délienne des environs de 125148 ou une inscription campanienne de 106149. Par la suite, au cours du premier siècle, les cas de distinction restent exceptionnels150. ^CIL, I2, 2699 = ILLRP, 729 C. Magn(ius) L. 1. Philod(amus), CIL, 1 2, 2584 = ILLRP, 733 L. Titinius M. 1. Malcio. 146 A Rome: CIL, l2, 808 = ILLRP, 465 / CIL, I2, 1555 = ILLRP, 764 / I2, 1425 / I2, 2648 = ILLRP, 733 / I2, 2691 = ILLRP, 738 / I2, 2705 = ILLRP, 726 / CIL, VIII, 24874 / ILS, 5395 / Et. Class. 1972, p. 93-5 n° 3. Une exception : CIL, 1 2, 2283. 147 Avec un prénom différent: CIL, I2, 682 = ILLRP, 719 / I2, 976 = ILLRP, 70 / I2, 1398 = ILLRP, 816 (trois personnages) / I2, 1964 = ILLRP, 834 / I2, 2270 = ILLRP, 777 / CIL, III, 4815 = AE, 1956, n° 16 = ILLRP, 1272 (cf. aussi CIL, VI, 9375 mais il y a un patron homme et une patronne). Avec un prénom identique à celui d'un des patrons : 1 2, 677 = ILLRP, 714, (trois personnages), / I2, 989 = ILLRP, 775 / I2, 1 147 = ILLRP, 891 / I2, 1365 = ILLRP, 927 / I2, 1236 = ILLRP, 940 / I2, 1335 / I2, 1638 = ILLRP, 956 / I2, 1886 / I2, 1867 / I2, 1571 = ILLRP, 926 / I2, 1873 / I2, 1938 / I2, 2236 = ILLRP, 760 / I2, 2240 = ILLRP, 749 (deux personnages) / I2, 2253 / I2, 2734 = AE, 1961,73 / I2, 3004 / CIL, VI, 9618 et 17701 / CIL, II, 6135 / S. Priuli, Lincei, 1973, p. 449 n°3 et 4 / BCH, XXXI, p. 462 n° 68 col. III 1. 16. Tous les affranchis de trois patrons ont le prénom de l'un d'entre eux : CIL, I2, 1832 / I2, 1430 = ILLRP, 170 / 12, 688 = ILLRP, 723 a / I2, 1594 = ILLRP, 824 / I2, 1585 = ILLRP, 922 (deux individus). 148 CIL, I2, 2240 = ILLRP, 749 (2 personnages). "'CIL, I2, 677 = ILLRP, 714 (Capoue) - Quatre personnag es sont dans ce cas, dont l'un cependant, porte déjà un surnom. Mais inversement, dans une inscription de 94 a.c. (1 2, 686 = ILLRP 719) on trouve un cas de divergence (T. Sulpicius P. Q. Pu(pi) 1.). 150 CIL, III, 4815 = AE, 1956, 16 = ILLRP, 1272 (milieu du premier siècle) - CIL, I2, 3003 (post sillyanienne) - I2, 3019
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D'autre part, pour des raisons d'ordre privé, il arrive que, même au premier siècle, alors que la nomenclature des affranchis est fixée, le pr énom de l'affranchi soit, sans doute de par la volonté du patron, distinct du prénom de celuici : ainsi, certains patrons issus de familles illus tres pouvaient empêcher leurs affranchis de por ter un prénom particulièrement glorieux. C'est le cas des Claudii, dont aucun affranchi ne s'ap pelle Appius : ainsi, P. Clodius Eros et P. Clodius Philargurus sont affranchis d'un Appius Claudius (Publius étant un prénom moins marqué de gloire)151. On connaît par ailleurs, l'exemple de Dionysius, esclave de T. Pomponius Atticus, qui reçut, lors de son affranchissement, le prénom non de son maître mais de Cicéron, et s'appella ainsi : M(arcus) Pomponius Dionysius152, tandis qu'Eutychides, autre esclave d'Atticus, mais libéré après l'adoption de celui-ci, reçoit l'appellation de T. Caecilius Eutychides, unissant selon Cicé ron «l'ancien prénom au nouveau nom de son patron»153. L'épigraphie confirme d'ailleurs de telles fantaisies qui montrent bien le peu d'im portance que, sur le plan strict de l'individualisa tion de l'affranchi, le praenomen joue au premier siècle154. Il n'empêche que, aux deux exceptions citées près, tous les affranchis cités par Cicéron dans ses œuvres, et en particulier les siens, portent (lorsqu'il est indiqué) le même prénom que leur
patron155, ce qui montre la concordance réalisée au milieu du premier siècle entre des habitudes révélées par l'épigraphie et les usages courants suivis par Cicéron, ses amis et leurs anciens esclaves. En tout cas, alors que les fils d'ingénus, sou vent dépourvus de surnom, ont un prénom dis tinct de celui de leurs frères,156, tous les affran chisd'un même patron portent en général le même prénom, qui ne peut donc les distinguer sur les inscriptions qui les réunissent et qui, joint au gentiiice et à l'indication de statut, ne peut que renforcer l'effacement de tous ces dépendants derrière celui auquel ils doivent la liberté et l'essentiel de leur nomenclature. Il reste que, parce qu'il est l'amorce d'une nomenclature d'homme libre, le prénom a une valeur générale qu'il ne convient pas de négli ger: c'est ce qu'Horace indique plaisamment: Gaudent praenomine molles auriculae (Sat, II, 5, 32), le prénom évocateur de liberté s'opposant au cognomen servile. C'est ce que plus tard Perse exprime très nettement : Momento turbinis exit Marcus Dama (V, 7a); l'affranchissement opère donc une transformation totale qui se marque extérieurement par ce port du prénom auquel Trimalcion est particulièrement attaché, lui qui ne voudrait être appelé que Caius (39-50-53-7174-75) 157. CONCLUSION Ainsi, l'évolution qui s'est produite entre la fin du second siècle et le début du premier a
(fin République) / CIL, V, 4191 César? / Castren, Ordo, p. 15 n° 12 (fin République). 151 CIL, 1 2, 1284 et 1282 - Sur cette question voir C. D. Chas e,The origin of Roman Praenomen, dans Harvard St. in Cl. Phil, 8 (1897), p. 103-184. Vitucci, Libertus, p. 911, cite le cas un peu plus tardif, de L Cornelius Primigenius, affranchi de Cossus Cornelius Lentulus, consul en 1 avant Jésus-Christ, et explique la différence de prénom par le fait que Cossus était en fait un ancien surnom de la gens Cornelia et qu'il n'aurait pas été convenable de le faire porter par un affranchi (cf. CIL, VI, 15287) - cf. aussi C. Aemilius Lepidi 1. Laecca, affran chide Paullus Aemilius Lepidus consul en 34 avant JésusChrist (CIL, VI, 6071). '" Att., IV, 15: ut est ex me et ex te iunctm Dionysius M. Pomponius. '" Ibid. De Eutychide grattini, qui vetere praenomine, novo nomine, Titus eût Caecilius. 1S4Cf. M.Sextius N.M.1. et N. Sextius N. M. 1. (CIL, I2, 677 = ILLRP, 714). Cf. aussi CIL, I2, 2257: C. Numitorius A.1. et A. Numitorius C. 1.
155 Ainsi, M. Aemilius Philemo, affranchi de M. Aemilius Lepidus (Fam., VII, 18, 3 cf. Ascon Pedan, Mil., 370) / T. Ampius Menander, affranchi de T. Ampius Balbus (Fam., XIII, 70) / L. Cornelius Chrysogonus, affranchi de Sylla (Pro Ros cio Amerino, 6), / L. Cossinius Anchialus, affranchi de L. Cossinius (Fam., XIII, 23, 1) / L. Iivineius Trypho, affranchi de L Livineius Regulus (Fam., XIII, 60, 1 - Att., III, 17, 1) / M. Tullius, scriba et sans doute affranchi de Cicéron luimême (AU., V, 4, 1). 156 II est remarquable que ce ne soit précisément qu'au milieu du premier siècle de notre ère qu'ait été établi, pour les ingénus, l'usage de donner un même prénom à tous les fils d'un même père (cf. Thyländer, Epigraphie, 107), 157 Tout en se moquant de lui-même, et de ses surnoms, le grammairien Saevius Nicanor laisse malgré tout percer sa fierté de porter un prénom signe de liberté : Saevius Nicanor Marci libertus negabit / Saevius Postumius idem at Marcus decebit. Cf. aussi Pomp, Gramm. V (Keil) 141 : Servo autem non est praenomen sed est cognomen.
L'AFFIRMATION DU LIEN: LES ENSEIGNEMENTS DE LA NOMENCLATURE abouti à une dépersonnalisation de l'affranchi (non par référence à son ancien statut d'esclave, mais par rapport à la dénomination en vigueur au second siècle) et ceci sur deux plans : - d'un côté, elle lui fait porter le plus sou vent un élément nominatif qui le met à part de la plebs ingenua qui n'a pas de surnom ou porte le plus souvent des cognomina latins : il y a donc un recul sur le plan sociologique qui n'est pas niable. - d'un autre côté, l'alignement du praenomen sur celui du patron158 a privé l'affranchi d'un moyen de s'individualiser par rapport à ce dernier; en même temps la place prise par l'an cien nom d'esclave affirme ouvertement l'idée d'une continuité de la dépendance de l'affranchi à l'égard de son ancien maître159, dépendance d'autant plus marquée que l'indication du patron reste pour l'affranchi le moyen essentiel d'être classé sur le plan social. Rien d'étonnant alors, que chez Cicéron, le seul fait d'être affranchi de tel ou tel personnage ait supplanté la personnalité de l'affranchi; d'où les serviteurs anonymes auxquels il fait allusion ici et là, tout en citant leur maître.
II - L'EXPRESSION DE LA DÉPENDANCE VIS-À-VIS DU PATRON Cette dépendance s'affirme sur un double plan: - collectif, tout d'abord, dans la mesure où l'affranchi porte, en général, le même gentilice que celui du patron, |is Alors que ce praenomen, élément essentiel de la déno mination des ingénus jouit d'un prestige considérable, si l'on croit Horace (Sai. II, 5, ν 31-2) »Quinte» puta aut «Publi» (Gaudent praenomine molles auriculae) s'écrie irrespectueuse ment Tiresias à l'adresse d'Ulysse. IW Peut être le fait que Cicéron nomme certains affranchis sans citer leur surnom relève-t-il d'un désir de les honorer. C'est ce que Treggiari par exemple, pense à propos de M. Tullius, le scriba de Cicéron (cf. aussi M. Fulcinius Pro. A Caecina, 7). Mais cet usage reste exceptionnel car, comme l'avait bien montré Axtell, Men's Names, p. 388-391, l'usage du groupe prénom-gentilice répond à une volonté de déférence envers des amis ou envers celui qui plaide un procès par exemple.
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- individuel, surtout, dans le cadre de rap ports d'homme à homme, puisque la nomenclat ure de l'affranchi indique le statut de celui-ci, mais un statut qui n'a de sens que par rapport à l'ancien maître : ce qui explique, par exemple, que les lettres abrégeant le prénom du patron et le statut puissent être ligaturées160.
1 - Le gentilice est le même que celui du patron En ce qui concerne le nomen gentilicium, il n'est pas nécessaire, ici, d'en rechercher l'origi ne161 ni d'en préciser le sens autrement qu'en rappelant qu'il est, à l'époque qui nous intéresse, le moyen de rappeler sinon l'appartenance, du moins, le rattachement de l'individu qui le porte à une gens donnée162. Il est inutile par ailleurs d'insister sur le fait que l'esclave n'en porte pas : étant une res, un objet de possession, sans per sonnalité réelle, il est hors de question qu'il puisse être admis au nombre de ceux qui, jouis sant de leur situation d'homme libre, font partie, à première vue, des gentiles163 . Le fait de porter un gentilice est donc, a contrario, pour l'affran chi, un signe apparent de supériorité juridique par rapport à ceux qui en sont privés, esclaves, mais aussi étrangers. L'important cependant est que ce gentilice est celui du patron et sur ce point il n'y a aucun doute à avoir: un affranchi de Cn. Pompeius le fils porte bien le nomen de Pompeius164, un affranchi de Lucullus celui de Licinius165, de P.
160 CIL, 1 2, 1925 - CIL, 1 2, 2688. Clavel, Béliers Antique, p. 453 (mais il s'agit d'une marque). tei voir en dernier lieu H. Rix, Zur Ursprung der römischmittelitalischer gentilnamensystems, dans AUNRW, I, 2, Berlin, 1972, p. 700-768. Cf. les remarques suggestives de Nicolet, L'onomastique, p. 50-51 et de I. Kajanto, The Emergence of the Latin Single Name System, dans L'onomastique latine, p. 421436. 162 Cf. Schulze, Eigennamen, p. 510-521, Thyländer, Epigra· phie, p. 82-84. 163 Nous aurons l'occasion de préciser ce point en discu tantla définition donnée des gentiles par Cicéron. Cf. Nicolet, Onomastique, p. 50-51. iMCIL, I2, 1363 = ILLRP, 427 / I2, 1364. m CIL, I2, 1326.
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Servilius Isauricus, Servilius166, ou de César, Iulius167, comme de Cicéron, Tullius168 etc. . . Il faut cependant préciser qu'il s'agit du gentilice que le patron portait au moment de l'a f ranchis ement : c'est ainsi que Denys, affranchi d'Atticus s'appelle M. (en hommage à Cicéron) Pomponius Dionysius169, alors qu'Eutychides, affranchi après l'adoption d'Atticus par Q. Caecil ius,s'appelle T. Caecilius (gardant l'ancien pr énom de son maître)170, et qu'Epirota, le grammair ien est dénommé Q. Caecilius Epirota171. Il en est de même à propos des esclaves de Rabirius Postumus, affranchis après ou avant l'adoption de leur maître, ainsi C. Rabirius Hermodorus172 et C. Curtius Helenus173. Par ailleurs, C. Avianius Evander, le fameux caelator était un affranchi de M. Aemilius Avian ius174, tout comme C. Avianius Hammonius175.
166 CIL, 1 2, 2528 - 2530 = ILLRP, 405. 167 CIL, I2, 2643 = ILS, 9039. 168 Cf. M. Tullius (Ait., V, 4, 1) / Tullius Laurea (Pline, NH, XXXI, 6-8) / M. Tullius Tiro (Hieron, cf. Euseb. Chron. Olymp. 194). Par contre, Terentius Philotimus est un affranchi de Terentia. l6Mtt., IV, 15, 1. 170 Att., IV, 15, 1. 171 Suet., Gramm., 16. 172 Sur le patron de ces deux affranchis et son adoption, cf. Nicolet, Ordre équestre, II, p. 860-1 (C.Curtius) et p. 10001002 (C. Rabirius Postumus). CIL, VI, 2246. Treggiari, Freedmen, p. 205 n'a rien compris à la dénomination du personnag e, inventant un Rabirius Postumus (sic!) Hermodorus alors qu'il faut lire C. Rabirius Post(umi) L(ibertus) / Hermodor us. 173 CIL, VI, 32437 = ILS, 4945, C. Curtius / Post(umi) L(ibertus) Helenus. La datation proposée par L. Bivona, Iscrizioni latine lapidarie del Museo di Palermo, 1970, p. 236/7 n° 310 est trop basse (1er avant - 1er après Jésus-Christ). Cf. aussi C. Curt ius Mithres (Fam., XIII, 69, 1). 174 Cf. Cic, Fam., VII, 23, 2 (cf. Vessberg, Kunstgeschichte, p. 67; cf. Hatzfeld, Trafiquants, p. 74). Il est à noter qu'en changeant de patron, l'affranchi garde le gentilice de son affranchisseur : mais cela n'est guère verifiable que pour l'époque impériale et, particulièrement, à propos des affranchis impériaux qui, ou bien peuvent passer d'un Empereur à un autre, ou bien passent d'une famille privée dans celle de l'Empereur, par donation ou confisca tion (cf. Chantraine, Freigelassene, p. 67-69 et 89-100), quitte à porter, dans certains cas, un double gentilice. Nous aurions un cas de ce type sur une inscription ancienne de Préneste (CIL, I2. 340 = XIV, 3295 = ILS, 7819 cf. Vitucci, Libertus, p. 913) concernant une certaine Rudia Vergeilia / Antulai 1. Un cas exceptionnel est celui posé par une inscription de Rome (CIL, VI, 37380 = ILS, 9433) où est mentionné une
Exceptionnellement, cependant, l'affranchi pouvait porter un autre nomen, par exemple celui du personnage auquel il devait la décision du maître de le libérer, c'est du moins l'hypothè se discutable de V. Gardthausen à propos de deux affranchis de Cicéron (?), dont l'un se serait appelé P. Cornelius en hommage à Dolabella, et l'autre C. Avianius Philoxenus, par allusion à l'ami du même Cicéron176. Mais ceci est trop conjectural pour être retenu. Dans le cas où l'affranchi a plusieurs patrons, deux possibilités sont offertes : si les patrons ont la même gentilice, l'affranchi adopte le gentilice commun, c'est le cas de Septumia Auge, affran chiede Cn. et Cn. Septumei177, de Trebonia Ire na et Trebonia Ammia, affranchies de deux Trebonii178, ou de deux affranchis de N. et M. Sextius179. Dans le cas où les deux (ou trois) patrons ont un gentilice différent, l'affranchi adopte le genti lice de l'un d'entr'eux, ce qui entraîne assez souvent une sorte de compensation, le patron dont le nomen n'est pas retenu donnant son prénom à l'affranchi; ou bien s'il y a deux affran chis,chacun peut prendre le gentilice de l'un de ses patrons180.
certaine Caecilia duarum / Scriboniarum 1. / Eleutheris; les deux Scriboniae doivent être identifiées à la première fem me d'Octavien et à l'épouse de Sex. Pompée, toutes deux filles de L. Scribonius Libo consul en 34 a.c. Mais pourquoi, alors que les deux patronnes portent le même gentilice, ce nom de Caecilia? Ou bien l'on peut penser qu'étant donné la présence sur la même inscription d'un Q. Caecilius Caeciliae Crassi 1. Hilarus, le lapicide aurait assimilé le gentilice des deux compagnons; ou bien l'on peut admettre qu'ancienne esclave de Caecilia épouse de Crassus, Eleutheris serait pas sée dans la familia des deux Scriboniae mais par respect pour son ancienne maîtresse aurait porté le gentilice de celle-ci. Mais ce ne sont là que pures hypothèses. 175 Cic, Fam., XIII, 21 et XIII, 27. 176 Cic, Fam., XIII, 36 et 35, cf. Gardthausen, Zensus, p. 365. 177 CIL, 1 2, 1382. Elle peut être affranchie de deux des trois Septumiei (Philargyrus, Malchio et Phileros), signalés sur l'inscription ou de deux des patrons de ceux-ci. 178 Dont le nom est indiqué au début de CIL, I2, 1398 = ILLRP, 816, 179 CIL, I2, 677 = ILLRP, 714 (les prénoms des deux affran chissont croisés). Cf. d'autres cas semblables : CIL, 1 2, 1413 = ILLRP, 809 / I2, 1280 / I2, 3021 / VIII, 24874) ILS, 5395 etc. 180 CIL, I2, 1430 = ILLRP, 170 Q. Caecilius Cn. A. Q. Flamini libertus. AE, 1961 n°73 L.Cispi[us LBarbii et P.] Cispi 1..
L'AFFIRMATION DU LIEN: LES ENSEIGNEMENTS DE LA NOMENCLATURE Ainsi, l'indication par l'affranchi d'un gentili ce identique à celui du (ou de l'un des) patron(s) est un élément qui rapproche et même qui lie davantage l'ancien esclave et renforce l'idée d'une solidarité de fait très étroite vis à vis du patron. En douterait-on que l'utilisation, par cer tains affranchis dépendant d'un même maître, du gentilice mis au pluriel nous en donnerait la preuve181. Ce n'est donc pas un hasard si, dans l'ordre de la nomenclature de l'affranchi, le gentilice occupe une place centrale, juste avant l'indica tion du patron. On comprend aussi pourquoi il n'y a pas de dénomination «officielle» possible sans mention du nomen de l'affranchi182 qui par-
Cispia Barb[ie]t Cispi 1. CIL, I2, 1707 / CIL, I2, 1223 ... lius P. et Clodia(e) L. Optatus qui doit porter le gentilice de P...ÜUS / et CIL, VI, 9375 P. Clodius P. et Clodiae 1. Bromius (qui porte prénom du patron et gentilice de la patronne / cf. encore CIL, I2, 1570 = ILLRP, 977 / CIL, VI, 9618 etc.. 181 C7L, I2, 1236 = ILLRP, 940 - LLAlfieis L 1. Hilarus et Prothumus. CIL, I2, 1382 Cn. Cn. Cn. Septumieis Cn. Cn. C. 1. Philargurus Malchio Phileros. CIL, I2, 2252 = ILLRP, 755 LLOrbieis L. 1. CIL, I2, 3001 L. L Avillior(um) P.l. Irenai Olumpi. CIL, 1 2, 3004 L. L. Caecilieis L 1. Nicephori et Epigoni (l'interprétation d'AE, 1971 n°47 qui voit un seul personna ges daté d'un double surnom et insoutenable). Un cas dou teux: CIL, I2, 1594 = ILLRP, 824: LNovius L. L L. libertei Prepo Dionysi(us) unguentariei; ou bien on peut considérer que l'un des personnages, Prepo, est affranchi de trois patrons (et il faut rectifier libert(us) et que l'autre est un esclave; ou bien on peut penser qu'il y a deux libertei et que le lapicide a oublié de mettre Novius au pluriel. 182 En dehors des cas où, au moins dans les épitaphes, l'identité du patron étant clairement donnée, on peut ne pas citer le gentilice. Lorsqu'il est oublié, alors que le prénom et le cognomen sont indiqués, le gentilice est toujours sous-entendu; ainsi dans CIL, I2, 1252 (+VI, 12692) où l'on trouve un C.< > C. 1. Bargates et unC.{ > C. 1. Aprodisius; - or, tous les personna ges (patrons en tête) cités dans l'inscription sont des Atrii; et le vide dans la dénomination de nos affranchis correspon dant au gentilice du personnage écrit à la ligne supérieure, nos deux affranchis sont donc bien eux aussi des Atrii. De même dans CIL, I2, 1292 (-VI, 10022 = ILLRP, 941), où entre un Q. Corucani(us) Stati(us) et une Coruncania Q. 1. Creste est signalé un Q.( > Q. 1. Eros, dont le gentilice doit être Coruncanius. Dans CIL, I2, 1343 (-VI, 6906), C. C. 1. Dem/etri(us) doit avoir le même gentilice que C. Naevi(us) C. 1. / Dama, dont la mention précède la sienne sur l'épitaphe. Dans CIL, I2, 1398 (=VI, 9933 = ILLRP, 816), les affranchis mentionnés, M. C. P. 1. Malchio / D. C. 1. Olopantus / M. C. P. 1. Macedo / A. C. P. 1. Alexander doivent avoir le même gentilice que les deux affranchis dont les noms sui-
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fois, dans les textes littéraires, suffit à le dési gner183. Alors que le surnom, nous l'avons vu, convient à une dénomination de caractère famil ier, s'adressant à ceux qui connaissent le per sonnage à désigner, l'utilisation des tria nomina, avec le gentilice en bonne place, apparaît néces sairelorsqu'il s'agit de désigner un affranchi que l'interlocuteur, par exemple, ne connaît pas. C'est ce qui explique la présence du gentilice sur les épitaphes, qui peuvent être lues par n'import e quel passant. Par ailleurs, on remarque, et ceci est plus révélateur encore, que lorsque Cicéron veut recommander, auprès de l'un de ses amis, un affranchi qu'il connaît, il utilise tou jours les tria nomina1*4, ce qui, sans doute, donne plus de dignité au personnage mais surtout, per-
vent les leurs et que les trois Trebonii indiqués au début de l'inscription et qui doivent être leurs patrons (cf. Thylander, Epigraphie, p. 61 et n. 21. Dans CIL, I2, 1403 (-VI, 28037), il faut penser pour les mêmes raisons que Antiocu(s) et Diphilus sont des Valerii. De même dans CIL, I2, 1413 (= ILLRP, 809), le gentilice de D. D. 1. Nicepor, co-affranchi de Veturia D. 1. Flora et ayant pour patron D. Veturius D. 1. Diog(enes) ne fait pas de doute. Enfin, dans CIL, I2, 1913 (=IX, 4207), il faut comprendre P. Caleid[ius]) P. I. Apo..., et dans CIL, V, 2131 +2132 a c (= XI, 494-495 = ILLRP, 947) le gentilice des deux affranchis, Q. Nadiacus et Q. Pilon(icus) se déduit de celui de leur patron, Q. Ovi(us) C. f. Frege(llanus). Cf. aussi CIL, I2, 1592 / I2, ■ 2131+2132 a.c. = ILLRP, 947. L'inscription CIL, VI, 38.824 nous permet peut-être de répondre à la question de savoir si cette absence de gentilice ne correspondait pas à une situa tiond'attente d'esclaves auxquels la liberté avait été promise ou qui, libérés informellement, attendaient un affranchisse ment régulier; ce qui pourrait être supposé dans le cas d'un «blanc» sur les inscriptions. Or dans l'épitaphe ci-dessus indiquée le fils ingénu d'un affranchi ne porte pas de gentili ce : C. C. F. Iuncus (fils de C. Romilius C. L. Antiochus) n'était évidemment pas dans l'attente de la liberté. Mais il se pourr aitaussi que le jeune homme étant mort à 13 ans, le père ait voulu indiquer qu'il n'avait pu recevoir sa dénomination complète, mais ceci est loin d'être prouvé. Sur l'omission du gentilice cf. Solin, Onomastica, p. 109 et 118 n. 21, (plus fréquente chez les dédicants). 183 Cf. CIL, I2, 1002 = ILLRP, 702: Caltili(us) Calt(iliae) 1. (dans une inscription concernant deux magistri pagorum et un magister vici). On trouve quelques exemples chez Cicéron : Cornelius libertus (Pro. P. Sulla, 55). Licin(n)ius (Orat., III, 225 à propos sans doute d'un affranchi de Licin(n)ia épouse de C.Gracchus. Publilius (Farn., XV, 18, 2 pour dési gner Publilius Syrus, cf. : Skutsch, RE, XXIII, 2, col. 1920). 184 Ainsi, L Cossinius Anchialus (Fam., XIII, 23, 1), L Livineius Trypho (Fam., XIII, 60), C. Curtius Mithres (Fam., XIII, 79, 1), T. Ampius Menander (Fam., XIII, 70), C. Avianius Hammonius (Fam., XIII, 21) etc.
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LE LIEN PATRON-AFFRANCHI: FONDEMENTS ET EXPRESSION
met une identification certaine, d'autant que la mention du patron est assez générale185. Mais il est un point sur lequel on n'a pas insisté jusqu'ici, c'est le fait que la transcription du gentilice sur les inscriptions, notamment les épitaphes, est le plus souvent de nature à l'exal ter,à le mettre en valeur. Non seulement nous avons pu relever cent quatre vingt neuf person nages dont les prénom, gentilice, indication du statut étaient séparés du surnom (et pour vingt neuf d'entre eux, ces premiers éléments de la nomenclature, signes de dépendance à l'égard du patron étaient écrits en lettres plus grandes que le cognomen (fig. 2, 4, 38), mais pour cent vingt quatre autres, prénom et gentilice étaient seuls mis en évidence (dont vingt six individus pour lesquels ces deux éléments étaient trans crits en caractères plus importants). Cette «exal tation» du gentilice qui, à première vue, permet d'insister sur le caractère d'homme libre de l'a ffranchi apparaît, en fait, comme un hommage rendu à la gens à laquelle l'ancien esclave est rattaché. Et lorsque, comme cela arrive assez souvent, ce sont plusieurs co-affranchis qui sont désignés, dont les gentilices sont alignés sur le même plan, il y a bien une célébration «à répéti tion» de la gens en question186. Quel passant lisant une inscription dont la première ligne, en caractères plus grands, était ainsi rédigée: P. Clodi Pulchri187, C. Aemili Lepidi (l)188, par exemp le,n'aurait pas, en priorité, pensé au grand personnage dont en fait les tria nomina étaient ainsi repris? De même lorsque, à propos de l'affranchi d'une femme, indiquée par son gentil ice, ou était amené à déchiffrer une première ligne du genre Cn. Pompeius Pompeiae ou Q. Caecilius Caeciliae ou L. Scarpus Scarpiae l.189,
185 Sur ce double souci d'honneur et de précision, cf. Axtell, Men's Names, p. 386-388. Dans Fam., XII, 18, 2 Cicéron cite Publilius Syrus sans son cognomen, mais l'indication de son concurrent Laberius ne peut permettre aucune confus ion. 186 Cf. par exemple CIL, I2, 1357, VI, 17701, 18891, 18795, 28327, 21728. Lorsque par ailleurs, le surnom est omis, cette impression est encore renforcée (cf. VI, 18795). 187 P. Clodi Pulchri / 1. Felicis (CIL, I2, 1283 = ILLRP, 964). l**CIL, VI, 6071, (cf. p. 3851). Cf. aussi I2, 1284, P. Clodius Appi 1. 189 CIL, VI, 9438 b - 37380 - CIL, 1 2, 2052 (mais il s'agit, en fait d'une urne).
comment devant une telle redondance n'auraiton pas pensé à la gens protectrice de l'affranchi plutôt qu'à la personne de ce dernier? Or cet état d'infériorité, que reflètent et la nomenclature et sa transcription sur la pierre, est renforcé par l'affirmation que l'affranchi est le libertus de son ancien maître190. 2 - L'indication du statut L'indication de la position juridique de l'a ffranchi, à partir du moment où les affranchis ne s'intitulent plus servi191, est intimement liée à l'ensemble de la nomenclature et est générale ment la réplique de celle des ingénus. A la fo rmule D. Octavi(us) D. f. Col(lina) utilisée pour désigner un citoyen, correspond la désignation D. Octavi(us) D. 1. Modiari(us) pour son affranc hi192. Ce parallélisme n'est pas simplement for mel : il souligne la place du patronus par rapport à l'affranchi, au même titre que celle du pater par rapport au filius. Cette formule, utilisée d'une façon quasi générale dans les inscriptions ne souffre que peu d'exceptions: l(ibertus) comme f(ilius) est rar ement abrégé d'une autre manière; li(bertus) n'ap paraît qu'une fois dans une inscription ancienn e193et rarement lib(ertus)194. Cette prédominan-
190 Cf. A. Sofredi, Ep., XVIII, 1956, p. 157-8. 191 A partir du sixième siècle de IVrbs, selon Mommsen, (Rom. Staats R, III, p. 208-427/8). En tout cas, malgré la Lex Cincia de 204 a.c. qui compren ait affranchis et esclaves sous le même vocable (Servis liberti continentur, Frag. Vat., 307), le terme libertus est fixé dans la nomenclature au moins dès le troisième siècle (cf. AE, 1953, n° 195 = ILLRP, 93 a, de peu antérieure au sac du Lucus Feroniae de Capènes par Hannibal, en 211). Le terme ancilla utilisé à propos d'une affranchie de Carthago Nova, ne fait que traduire sa fonction de servante au service de ses maîtres, mais non sa situation juridique (CIL, I2, 2273 = ILLRP, 981). Quant au qualificatif de servus attribué à des affranchis par Cicéron, il ne fait que répondre au souci d'outrager les ' personnages visés : expensa Chrysogono servo HS sescenta milia... (Verr. II, 1,92). Cf. Verr., II, III, 91 servos hommes et III, 134 tu Apronium hominem vix liberum etc.. 192 CIL, I2, 1349 = ILLRP, 943 - Sur le parallélisme de ces deux insertions, cf. Nicolet, L'onomastique, p. 48-49. 193 CIL, 1 2, 1078 (St Césaire) : C. Iuni(us) A. li(bertus). ™*CIL, VI, 9438b = /LS, 194 / I2, 2135 = ILLRP, 946 / I2, 2167 / I2, 1162 / CIL, VI, 33969 / CIL, XI, 7594 = CIEtr., 5973,
L'AFFIRMATION DU LIEN: LES ENSEIGNEMENTS DE LA NOMENCLATURE ce de l'abréviation / non seulement à Rome, mais hors de la capitale, s'explique peut-être, outre des raisons de commodité, par le fait que dans plusieurs régions de l'Italie, plusieurs te rmes assimilables pouvaient ainsi être sous-enten dus : lauQni195, leifertus, a, Hyertos196, par exemple. Mais il ne s'agit que d'une hypothèse. Par ailleurs, le terme libertus est rarement écrit en entier dans le cadre de la dénomination normale197 au contraire de ce que nous trouvons dans les sources littéraires. Cette suprématie se traduit encore par le fait que, même lorsque la nomenclature de l'affran chi est incomplète et que, seul des nomina, le cognomen est indiqué, c'est à deux exceptions près, l'abréviation / qui est utilisée198. Alors que lorsqu'il est utilisé en tant que tel, et même si la nomenclature complète de l'affranchi a déjà été donnée sur l'inscription, le terme libertus (a, i) est toujours écrit en entier199.
Or, cette abréviation a connu sous l'Empire un développe ment considérable (en liaison avec l'indication du patron par le surnom), cf. sur ce point, P. R. C. Weaver, dans CQ, N. S. XIII (1963), p. 274-6, qui montre qu'à partir des Flaviens, cette abréviation lib. supplante /. pour les affranchis impér iaux. Mais sous les Julio-Claudiens, /. est l'abréviation la plus courante. 195 Cf. par exemple ClEtr. 5691, (Tuscania) Rufres / Vetôur / Laris. L(au9ni). Cf. J. Heurgon, Classes et ordres chez les Étrusques, dans Colloque CNRS Caen, 1969, Paris, 1970, p. 3238 en particulier. Cf. M. Torelli, L'esclavage en Étrurie, dans Colloque 1973 sur l'esclage, Paris 1976, p. 104. 196 Cf. E. Sereni, Recherches sur le vocabulaire des rapports de dépendances dans le monde antique, dans Colloque 1973 sur l'esclavage, Paris, 1976, p. 22 et n. 37. 197 CIL, I2, 1215 / 1430 *= ILLRP, 170 / 1594 = ILLRP, 824. 198 CIL, I2, 1220 = ILLRP, 365 Studium et Acme 1. / I2, 1334b = /LLKP, 823 Faustae 1. Nostrae / ILS, 3683 d = ILLRP, 110 Apella 1. / I2, 1588 Helena 1. / I2, 1596 = ILLRP, 938, Philargurus 1. / I2, 1779 = ILS, 7826 a Saluta Acca 1. / I2, 1900 et Tertia 1. / I2, 2169 Primus 1. / I2, 2190 Cale 1. / I2, 2276 Seleucusl. / I2, 1374 Rufa 1. Exceptions: CIL, I2, 1802 Ephesia lib / I2, 795 = I LLRP, 307 / cf. aussi CIL, I2, 1334 b (mais la présence de quatre affranchis justifie sans doute l'emploi de liberteis afin d'assu rer leur statut) / CIL, III, 12242. 199 CIL, I2, 1215, 1276, 1329, 1378, 1413 (= ILLRP, 809), 2527 a (= ILLRP, 795), 2131+2132 ax. (= ILLRP, 947), 1236 (= ILLRP, 940) 1276 - XIV, 2485. Il est à noter que, dans certains de ces cas, libertus est mis en liaison avec patronus (1 2, 1329, 1378, 1236, 2131 + 2132 a.c), dans d'autres sur le même plan que patronus et collibertus
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Contrastant avec cette insistance à indiquer le statut de l'affranchi, insistance liée au juridisme et au goût de la précision en cette matière des Romains, mais aussi au fait que certains patrons, eux-mêmes affranchis, tenaient à se démarquer de leurs propres affranchis200, les ins criptions en langue grecque comportent excep tionnellement l'indication du statut : cinq indica tionsseulement, dont l'une est plutôt la preuve d'une certaine maladresse, puisque l'équivalent donné pour libertus est λιβερτΐνος!201. Inversement, dans les inscriptions latines, les exceptions à la règle d'indication du statut sont rares202 : peut-être parce que les patrons pou-
(I2, 1413) ou répond au désir de distinguer une uxor d'une concubina (I2, 2527a). Remarquons que dans CIL., X, 8222 (Capoue), le statut du patron, lui-même affranchi est indiqué dans la nomenclature (M. Publilius M. L. Satur) alors que celui de son affranchi est indiqué en dehors et liberto M. Publilio Stepano. 200 Cf. CIL, I2, 1329, 1413, 2527 a. Ce qui pourrait traduire que ceux-ci étaient particulièrement sensibles à l'affirmation de leur position de patron, ou bien qu'il s'agissait, pour eux, d'un moyen de montrer qu'ils n'étaient pas des co-affranchis. 201 CIL, I2, 1051 = ILLRP, 882 / IG, XIV, 1907 = IGUR, 845 ΕΞΕΛΕΥΘΕΡΑ / IG, XIV, 1249 ΑΠΕίΕΥΘΕΡΟΣ / IG, IX, 2, 853 απελεύθερε BCH, VIII, p. 146 [άπ]ελεύΘερος. Il faut sans doute ajouter une inscription d'Aphrodisias, en Carie, citée par Weaver {Familia Caesaris, p. 22 n. 3) et datée de 42-30 avant Jésus-Christ (απελεύθερος). Sur cette omission du statut dans les inscriptions grec ques, voir Hatzfeld, Trafiquants, p. 245/6, (cf. Mommsen, Eph. Ep., VIII, p. 450-52). On retrouve ces même difficultés à l'époque impériale, et même dans le cas des affranchis impériaux (Chantraine, Freigelassene, p. 166-70). Remarquons que Cicéron, dans une lettre à Atticus (Att., IV, 6,5) emploie les termes de ομζελέμθεροσ à propos de Philotime et de άπελεμθεροσα propos de Timotheus affranchi de ce dernier. Cette absence de mention du statut rend évidemment difficile l'interprétation de certaines inscriptions, au moins avant l'intervention du surnom, porté par les affranchis : dans les bilingues de Délos les plus anciennes (cf. par exemp le,I2, 2239 = ILLRP, 748 ou I2, 2240 = ILLRP, 749) rien, dans la partie grecque, ne distingue affranchis et ingénus, sauf quand l'affranchi a deux patrons, dont / l'indication ne peut évidemment, être interprétée comme celle d'une filiation (Cf. I2, 2240 = ILLRP, 749, 1. 11-12 par exemple). 202 Nous connaissons par Pline l'Ancien (NH, XXXIV, 11) l'affranchi d'une certaine Gegania, nommé Clesippus; or sur une inscription de Tarracina (I2, 1004 = ILLRP, 696) nous
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vaient exercer leur vigilance sur ce point203. En tout cas, les conclusion de L. Ross Taylor concer nantl'application des affranchis à ne pas cacher leur statut semblent vérifiées sur ce point204 : mais il n'est pas du tout sûr que ce zèle ait été totalement spontané. 3 - La mention du patron L'indication du patron dans le cadre même de la nomenclature du libertus mérite d'être étudiée pour elle-même, mais elle présente l'i ntérêt de nous renseigner sur les rapports de domination existant entre le patron et son ancien esclave. trouvons l'indication de ce personnage, sans mention de statut. LLutatius Paccius (I2, 1334 b = ILLRP, 823 et I2, 1334 a = ILLRP, 817), apparaît comme L. Lutatius L. 1. Paccius dans CIL, VI, 21728. L. Paconius L 1. Trupo (I2, 2236 = ILLRP, 760) apparaît peut-être comme L. Paconius Senex dans une autre inscrip tion de Délos (ID, 2534 = ILLRP, 1 150). N. Granius Artemo, père de Faustus «délice» et esclave de deux N. N. Grani doit être lui-même un affranchi de ceux-ci (I2, 3121). C. Vettienus Philadelphus (qui indique par ailleurs le statut de sa propre affranchie) et A. Fabius Philargyrus (CIL, VI, 33969), sont en réalité, deux affranchis connus comme A. Fabius A. 1. Philargyrus et C.Vetienus C. 1. Philadelp(h)us (CIL, VI, 10329). Deux cas sont très douteux : dans une inscription de Minturnes, d'après Lommatzch, Epidia Salvia, Caia Eleute(ra?), Atedia Vara et Trebia Phile (?) seraient des affran chies. Or cela semble difficile à admettre dans la mesure où six autres femmes indiquent leur statut et une septième est appellee Arria C. 1. Ge : pourquoi aurait-elle été la seule affranchie à être ainsi présentée? (CIL, 1 2, 2694). Un autre cas insoluble : CIL, I2, 1618 = ILLRP, 231, où Sex. Aemilius Aemi... est considéré comme ingénu par Schulze, Eigennamen, p. 295 et comme affranchi (Aemitliae 1.]) par Vitucci. Signalons encore que dans certaines épitaphes en vers, l'indication du statut est implicite par la référence au patronus (I2, 3197 = AE, 1968, 142) ou à la patrona (CIL, VI, 14211). Enfin, dans CIL, VI, 26606 b l'omission du statut (indiqué dans 26.606 a = I2, 1387) est purement accidentelle, tout com me dans I2, 972 = ILLRP, 56 où, cependant, l'expression serivus) vovit leiber solv(it) ne laisse aucun doute sur la situation juridique du personnage. 203 Cf. Solin, Onomastica, p. 122. Sur les sanctions possibles contre les affranchis qui cachent leur statut, cf. G. Lavaggi, dans SDHI, 1946, p. 122-3. 204 freedmen & Freeborns in the epitaphs of imperial Rome, dans AJ. Ph., LXXVII, 2, 1961, p. 113-132.
Dans la nomenclature normale, c'est entre le gentilice et la mention du statut que prend place la référence au patron : l'exemple, déjà cité, de D. Octavi(us) D. 1 Modiari(us) peut être encore utilisé. En effet, dans l'immense majorité des cas, le patron, s'il est un homme, est indiqué par son prénom, écrit en abrégé, mais devant être déve loppé au génitif. C'est une indication importante, rappelons-le, dans la mesure où le prénom de l'affranchi tend, à partir de la fin du second ou le début du premier siècle, à s'aligner sur celui de l'ancien maître et perd sa valeur personnelle : il y a donc là un élément d'infériorité à ne pas négliger. Et lorsque l'affranchi est lui-même patron, cette infériorité ne disparaît qu'à la con dition que son propre patron ne figure pas sur l'inscription; sinon, et les cas sont fréquents, il est impossible de savoir si l'on a affaire à un affranchi d'affranchi ou à un co-affranchi : et il est évident que c'est le premier patron qui est avantagé205. On arrive pratiquement à une dépossession du rôle du patron au détriment de l'affranchi-patron. Dans le cas des patronnes, qui n'ont évidem mentpas, à notre époque, de praenomen, il est d'usage d'employer un signe générique 3 = Gaia = Malier206, qui est signalé à la même place que le prénom du patron homme207 et se com prend aussi au génitif. C'est d'ailleurs en partie le caractère assez impersonnel de ce terme qui a dû pousser à indiquer l'identité de la patronne, dans certains cas par le gentilice208, alors que cette habitude
205 Le cas le plus typique peut-être est CIL, I2, 1252 où l'on ne peut savoir si tous les affranchis cités sont ceux de C. Atrius C. F. Vot. Har. et donc co-affranchis, ou si, parmi eux, il n'y a pas d'affranchis des affranchis de ce person nage. 206 Cf. Quintil. Instit., 1, 7, 28 Nom et Cains C. littera significatur, quae inversa mulierum déclarât. 207 On ne peut que suivre la réfutation par Thyländer (Êpigraphie, p. 60 et n. 20) de l'opinion d'A. Schneider (Beitäge zur Kenntnis der römischen Personennamen, Zurich, 1874, p. 56). qui prétendait, croyant à un usage particulièrement abondant de C(aius) comme prénom de patrons, que ce prénom avait la même valeur générale que D. 208 Mais il n'est pas exclu, en sens inverse, et les inscrip tionsles plus anciennes (concernant des patronnages fémi nins, datant de la fin du deuxième siècle et portant mention du gentilice et non le sigle 0) / l'indiqueraient, que ce soient
L'AFFIRMATION DU LIEN : LES ENSEIGNEMENTS DE LA NOMENCLATURE est assez rare dans le cas de patrons209 et que sur certaines inscriptions concernant des affran chisd'un homme et d'une femme, l'homme est indiqué par son prénom et la femme par son nomen gentilicium210. Enfin, le patron peut être indiqué par son cognomen, surtout s'il est illustre, ou même par ses tria nomina. On note alors un élargissement de la nomenclature qui répond sans doute à un sentiment de respect, mais, qui, plus certaine ment,doit être mis en rapport avec la fierté d'apparaître comme l'affranchi de tel ou tel grand personnage et de tirer pour soi, et les siens, une part du prestige qui lui est attaché : c'est là, du reste, un phénomène que l'on observ e, dès l'époque d'Auguste, à propos des affran chisimpériaux et qui expliquerait leur volonté (comme sans doute celle des affranchis des gran des familles sous la République) de ne pas cacher leur statut211 : les exemples sont nom breux de ces serviteurs de grands personnages, hommes ou femmes, qui citent ceux-ci par leurs cognomina illustres212 ou par leur dénomination en fait, les liens très forts rattachant la femme à la gens qui aient déterminé cette désignation par le gentilice. A Rome : CIL, 1 2, 978 = ILLRP, 97 (où la patronne, curieu sement, une Cornelia est indiquée ainsi: DOR / I2, 1209 = ILLRP, 821 / I2, 1214 = ILLRP, 803 / I2, 1002 = ILLRP, 702 / I2, 1223 / I2, 1389 / I2, 1411= ILLRP, 794) CIL, VI, 9438 b, 9618, 19735, 26033, 37.380. Hors de Rome: AE, 1968 n° 267 = ILLRP, 712 / CIL, I2, 683 = ILLRP, 720 (trois cas) / I2, 678 = ILLRP, 715 / I2, 1618 'ILLRP, 231 / I2, 2052 / I2, 2273= ILLRP, 881. Il est remarquable qu'en dehors de Rome, les cas les plus nombreux proviennent de Campanie où le caractère gentili ce de la propriété semble s'être particulièrement maintenu. ™CIL, I2, 1215 = ILLRP, 785 (texte poétique) - I2, 1303 I2, 2024, 2261 - AE, 1961 n°73 - Dans CIL, I2, 15 10 = ILLRP, 225 en réalité, les affranchis gardent leur ancienne nomenc lature, sans doute en hommage à la divinité qui a exaucé leur voeu de libération. 210 Cf. par exemple, CIL, I2, 1223-2273 (= ILLRP, 981), CIL, VI, 9375-9618. 211 Cf. Chantraine, Freigelassene, p. 14-15 et n. 1 - Déjà entre 42 et 30 avant Jésus-Christ, une inscription concernant un affranchi d'Octavien porte la mention Θεομ Ίομλίομ μ[ί]ομ Καίσαρος άπελεμΘεροσ. (= Weaver, Familia Caesaris, p. 22 η. 3). 212 C7L, I2, 1258 = ILLRP, 413): Leivia Drusillae 1. Galatea et L Aurelius Cottae 1. Philostratus sont, l'une affranchie de la deuxième femme d'Octavien avant son mariage avec celui-ci, l'autre affranchi du consul de 45 a.c. CIL, I2, 1283 (-VI, 15735 "ILLRP, 964): P. Clodi(us) Pulchri 1. Feli(x) et sa compagne Athenais sont des affranchis de
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entière213, ou qui, affranchis d'une fille ou d'une
la victime de Milon ou de son fils. CIL, V, 1995 (=XI, 2638 = ILLRP, 915): L Domitius Ahenob(arbi) 1. Papus serait affranchi du consul de 54 a.c. (selon Mommsen) ou de celui de 16 (selon Bormann au CIL, XI). CIL, I2, 2528 (-VI, 33898 = ILLRP, 405 : Serve(ilia) / Isaurici 1. Cleopatra affran chiedu consul de 48 a.c. CIL, 1 2, 2643 = XI, 7804 : C. Iulius Caesaris 1. Salvius, affranchi de César. CIL, VI, 32307 (= ILS, 4977) : M. Valerius / Messala(e) L Philarg., affranchi du con sul de 31a.c. CIL, I2, 1326 = VI, 21236: L. Licinius Luculli 1. Aprodisius, affranchi du célèbre gastronome. CIL, 1 2, 1220 = VI, 33087 = ILLRP, 365 : Q. Pompeius Bithynici 1. Sosus affranchi de celui qui fit de la Bithynie une province romai ne en 74 a.c. CIL, VI, 2246 : G. Rabirius Post. 1. / Hermodorus, affranchi du client de Cicéron (fig. 4). CIL, I2, 1274 (=VI, 10326 = ILS, 7878 = ILLRP, 767, C. Causinius Scolae l.Spinter, affranchi d'un familier de P. Clodius (Pro. Mil., 17,46). T. Annius / Cimbri 1. / Helenus, affranchi d'un personnage cité par Cicéron {Phil., 11, 14) (fig. 5). CIL, I2, 2205 : C. Appuleius / Tapponis 1. / Philomusus affranchi d'un pontufex d'Aquilée (CIL, I2, 2199 = ILLRP, 540). En dehors de ceux-ci, les exemples sont peu nombreux de personnages sinon modestes, du moins inconnus pour nous : CIL, I2, 1212 (= ILLRP, 797), 1303, 1390, 1865 (on ne peut accepter la lecture Labeonus proposée par le CIL pour le cognomen du patron, il faut sans doute lire Labeon(i)s, ni penser que l'affranchi s'appelle Attius Labeo, ce que laisse entendre le commentaire de cette inscription au CIL, I2,2544). Sur l'expression Caesaris 1. n'impliquant pas un affra nchissement par César, cf. Weaver, Familia CaesarL·, p. 49. 213 Cf. CIL, VIII, 1053, L. Octavius Luci Liguris L. Epaphroditus. C'est peut-être à ce souci d'indiquer assez complète ment son patron qu'est due la nomenclature particulière de Bargathes Dasi M.l. (CIL, I2, 3128). Cf. enfin AE, 1961, n°73 L. Cispi[us L Barbii et P.] Cispi L. Sua[drus] Cispia Barb[i e]t Cispi LExa? CIL, I2, 1430 (=XIV, 2090 = ILS, 3097 = ILLRP, 170): Q. Caecilius Cn. A. Q. Flamini leibertus. CIL, VI, 9449: Pudens M. Lepidi 1. sans doute affranchi du triumvir. CIL, I2, 1215 (-VI, 25361) : ... Ulia Quincti Ranci Filia / (Quincti Lei) berti Proti, un affranchi de Quinctius Rancius dont le nom est attaché au S. C. de Orop. de 73 a.c. CIL, 1 2, 1339 (=22541): (Q.Minucius) Q.Thermi L, affranchi du pré teur de 60 ou 58a.c. CIL, I2, 1363 (-VI, 24430 = ILLRP, 427): (Cn. P)ompeius Cn. Magni (L), affranchi du fils du grand Pompée (que, par erreur Treggiari assimile à Sex. Pompée : Freedmen, p. 251, n. 10). On peut ajouter l'inscription collective de Rome : CIL, 1 2, 1237 (= ILLRP, 396: Familiae A Allient, concernant les servi teurs d'un prêteur de 49 a.c.) tandis que CIL, I2, 1286 (= ILLRP, 785, Familiae L Coccei et Liberteis / et orum) con cerne un personnage sans doute plus modeste, tout comme CIL, I2, 1346 (= VI, 23006 : Liberteis et Familiae / L Noni L f. Pap. et Antoniae...) et 2135 (= ILLRP, 946 : Truttedia hic / cubât P. Truttedi / Amphionis Hb./ ... De nombreux exemples de ce type peuvent être relevés chez Cicéron, cf. n. (93).
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femme de tel homme célèbre, indiquent aussi le lien de celle-ci avec la «vedette» en question214. L'indication du patron prend donc, dans ces conditions, une «valeur sociale» de première importance, et le lien entre l'affranchi et son ancien maître tend à se colorer d'un prestige particulier qui tient à la place que ce dernier occupe au niveau local ou dans les rouages mêmes de l'Etat215. D'où la nécessité de distinguer, sur certaines inscriptions, la nomenclature de l'affranchi d'un grand personnage de celle de l'affranchi du pre mier, soit en indiquant l'affranchi-patron par un
prénom, soit en l'indiquant par son cognomen2Xb. Mais ce qui revêt pour nous un intérêt parti culier, c'est que l'indication du patron, essentie llementdans le cadre de la nomenclature, éclaire la nature même du lien libertus/patronus, lien qui, s'il ne relève plus, au plan juridique, d'une appropriation véritable du type de celle dont l'esclave est l'objet, est cependant défini tant par l'utilisation du génitif que par l'emploi de pos sessifs qui, en tout état de cause insistent bien sur la dépendance de l'affranchi217. Si bien que le fait d'être le libertus de quelqu'un apparaît, au
214 CIL, I2, 1237 (= ILLRP, 396) : Familiae... Polîae Min/uciae Q.F. (fille de Q. Minucius Thermus). CIL, VI, 26032 (=ILS, 126 = ILLRP, 412): Ex domo Scriboniae Caesaris libertorum libertär, et CIL, VI, 26033 : Libertorum et / Familiae / Scribo niaeCaesar... (affranchis.de la première épouse d'Octavien. CIL, VI, 9438 : Cn. Pompeius Pompeiae / Cn. Magni F. lib. Isochrysus fille de Cn. Pompée le fils. CIL, VI, 37380: Q. Caecilius Caeciliae / Crossi L Hilanis, affranchi de Caecilia Metella épouse de Crassus. CIL, I2, 1389 (-VI, 26848): Stephani / Serviliai / Sila(ni) l. affranchi de l'épouse de D. Silanus consul en 62 et mère de Brutus. Il y aurait donc quelque chose de surprenant à ce que dans CIL, I2, 1284 (-VI, 15759), Scribonia D 1. Glycera soit l'affranchie de la première épouse d'Octavien (bien que sur l'inscription soit mentionné un P. Clodius Appi 1. / Philargurus) et que dans CIL, 1 2, 2680 (= ILLRP, 724), Laelia 3 1. Philete ait pour patronne Laelia fille du grand Laelius comme le voudrait A. Degrassi (ad 724 n. 2), la datation trop basse des inscriptions de Minturnes empêchant une telle assimilation (que A. Degrassi n'a d'ailleurs pas proposée pour une autre inscription de Minturnes où est mentionnée une Laelia 3 1. Lampyr(is) (CIL, 1 2, 2686 = ILLRP, 725). Quant à l'apparition de n(oster) dans la nomenclature des serviteurs, elle remonte aux dernières années du premier siècle avant Jésus-Christ pour les esclaves (monument des Volusii, CIL, VI, 7281) et est plus tardive dans le cas des affranchis: CIL, I2, 1236 = VI, 11452, où est utilisée l'expres sion patrono nostro, préfigure l'utilisation d'une formule impliquant un certain contenu émotionnel; mais celle-ci n'est pas comprise dans la nomenclature (cf. Chantraine, Freigelas sene, p. 193-4). 215 On peut trouver une trace de cette utilisation extrême du prestige attaché au nom du patron dans la dénomination du fils d'un affranchi de Sex. Pompée, Sex. Pompei(us) Sex. L 1. f. Philoxen(us) (CIL, 1 2, 1365 -VI, 24505 = ILLRP, 927). Sur la formule Caesaris Aug. l. utilisée par beaucoup d'af franchis d'Auguste et faisant ressortir le double caractère de celui-ci, homme privé, chef de maison (Caesar, cf. M. Bang, Caesaris Servus, H., Liv, 1919, p. 174-186), et homme public (Augustus), on peut se reporter à l'article déjà cité de Weav er, dans CQ, N. S., XIII, 1963, p. 272-3.
216 Nous n'en sommes pas encore au point où le fait d'être l'affranchi d'un affranchi impérial est indiqué dans la nomenc lature (cf. Chantraine, Freigelassene, p. 389-400 : Kaiserlische Freigelassene und Sklaven in Nomenklatur ihrer eigenen libert i,servi oder vicarii). Trois formules sont employées sous la République pour distinguer l'affranchi-patron de son propre patron lorsque celui-ci est un grand personnage : 1) CIL, 1 2, 1995 (-XI, 2638 = ILLRP, 915) : L. Domitius / Ahenob. 1. Papus a pour affranchi Domitia Papei 1. / Arche. De la même manière, T. Annius / Cimbri 1. / Helenus a pour affranchie Annia / Heleni 1. Nice (CIL, I2, 1248 = VI, 11725): dans les deux cas, l'utilisation du cognomen pour indiquer le patron respectif permet d'éviter toute méprise. 2) Un autre formule possible est l'indication du patron de l'affranchi par son cognomen et celle de l'affranchi-patron par son prénom: L. Licinius Luculli 1. Aprodisius a pour affranchis L. Licinius Artema (et Auctus) et Licinia L. 1. Atenais (et Prima) (CIL, I2, 1326 = VI, 21236); par ailleurs, deux affranchis appelés (Q. Minucius) Q. Thermi 1. et (Q. Mi nucius) Thermi 1. ont pour affranchis (ou affranchies), et sans que nous puissions définir qui est le patron de qui, (Minucia) Q. 1. Myrtale et (...) Q. 1. Au ... (CIL, I2, 1339). 3) Un cas extrême est offert par l'inscription CIL, VI, 2246, où Rabiria Demaris, sans doute affranchie de C. Rabirius Post. 1. / Hermodorus n'indique pas son statut. 217 CIL, I2, 1334 b (-VI, 5638 = /LS, 7613 = ILLRP, 823): et libéras suis / . . . / et Faustae 1. nostrae. ILLRP, 927 a : liberteis sueis... CIL, I2, 1401 (-VI, 27903 = ILLRP, 939): leibert(o) leibertae que mieis. CIL, F, 1236 (-VI, 11452 = ILLRP, 940): libertis libertabusque nostris. CIL, I2, 1638 (=X, 1049 = ILLRP, 956) : liberteis mets et / libertabus . . . / et mets omnibus. CIL, F, 1355 (=VI, 23770): sueis liberteis... CIL, F, (=X, 6136) (liber)teis s(ueis). CIL, F, 1330 (-VI, 21644) liberteis et liberta(b)us / sive meeis sive viri. Cf. encore CIL, I, 3172 [?] Prado 1. suo. / et CIL, VI, 38076 : liberteis sueis / F, 1703 = ILLRP, 285 : familiam suam / manumisit. On peut remarquer qu'à deux exceptions près (ILLRP, 927 a et CIL, F, 1568) tous les patrons concernés sont des affranchis, ce qui révèle une fois de plus leur désir d'affirmer leurs droits, ainsi qu'une certaine vanité à propos de leur «richesse».
L'AFFIRMATION DU LIEN: LES ENSEIGNEMENTS DE LA NOMENCLATURE mieux, comme un signe de parenté218, mais le plus souvent comme l'indication d'une étroite dépendance219. Il faut cependant noter que cette infériorité de l'affranchi peut jouer vis à vis d'une personne unique, soit vis à vis de plusieurs patrons. Si l'on fait la part respective des patrons et des patronnes (en tenant compte de ceux qui sont associés) on remarque que, d'après nos sources épigraphiques, mille douze sont des hommes et cent dix neuf seulement des femmes - et que même à Rome, ou en Campanie ou dans le Latium en général (mais particulièrement à Minturnes), la proportion d'une femme pour cinq hommes n'est dépassée qu'exceptionnellem ent220. On pourrait mettre la prédominance massive des patrons hommes sur le compte d'une plus grande liberté d'action de ceux-ci et du fait qu'ils pouvaient affranchir des esclaves dotaux221. Un autre facteur, sur lequel nous reviendrons, c'est l'amour qui a pu pousser des hommes à libérer une de leurs esclaves, alors que les cas inverses sont plus rares (nous en verrons l'explication lorsque nous étudierons la vie familiale des affranchis)222. Il est possible
218 C'est ce qu'exprime, en particulier, l'inscription CIL, I2, 795 (=111, 582 = ILLRP, 307) : memorque fuit deorum et / feilei suei et libertae suae . . ., mettant ainsi sur le même plan un enfant et une affranchie (qui pouvait être la compagne du défunt). Sur les rapports entre le terme liberi et liberti, voir E. Benveniste, Liber et liberi, dans REL, XIV (1936) p. 51-8 et Vocabulaire des Institutions indo-européennes (= Benveniste, Vocabulaire) t.I, Paris, 1969, p. 321-5. 219 Cf. R.Cagnat, Cours d'épigraphie latine, Paris, 1914 (4e éd.) p. 82 - Duff, Freedmen, p. 50 - Thyländer, Epigraphie, p. 64 et Vitucci, Libertus, p. 916-917. 220 Rome : Patronnes 72, Patrons 352; Latium : Patronnes 20, Patrons 153; Campanie: Patronnes 12, Patrons 146. Il s'agit de chiffres dans une certaine mesure arbitraires, car l'identification des patrons hommes dans une inscription où figurent plusieurs affranchis portant même prénom n'est pas toujours possible. 221 Sur la potestas plus grande des hommes, cf. Lambert, Operae Liberti, p. 279/80. Sur 1 14 patronnes relevées au total, plus des deux tiers se retrouvent à Rome et dans le Latium où la femme devait être moins enfermée dans les rapports patriarcaux. Par ailleurs, seize femmes patronnes sont asso ciées à un homme (leur mari?) dans la nomenclature de leurs affranchis. 222 Femmes affranchies d'un homme : 241 - d'une femme : 63. Hommes affranchis d'une femme: 44 - (dont 23 à Rome).
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aussi que l'action des tuteurs ait tendu, en génér al,à maintenir le patrimoine de la femme. Mais la faible proportion de patronnes hors de Rome, du Latium et de la Campanie, s'explique sans doute aussi par le fait que notre échantillon inclut un grand nombre d'inscriptions découvert es dans les colonies ou centres commerciaux situés «outre-mer», dans lesquels les affranchis des négociants et hommes d'affaires sont liés presque uniquement à des hommes (ainsi à Délos, Samothrace, Carthage, Tarragone, Toulous e, au Magdalensberg, etc. . .). Beaucoup plus limités en nombre sont aussi les affranchis de mineurs223. Sur les inscriptions, quelques mentions se rapportent à des affran chisd'un pupus, terme générique désignant un mineur224. Ces exemples viennent tous d'ailleurs que de Rome, ce qui est peut-être dû au hasard des découvertes épigraphiques, mais qui tient peut-être à la sévérité plus grande des magistrats appliquant très strictement les interdictions jur idiques concernant cette catégorie de propriétai res d'esclaves. Mais on doit penser qu'il n'a pas fallu attendre l'époque de Cesar pour que les magistrats locaux veillent à ce que les mineurs affranchissent sous le contrôle de leur tuteur. Enfin, une autre forme de possession, relat ivement répandue, est liée au patronat multiple exercé par deux ou trois individus sur un ancien servus communis. Notre documentation épigraphique nous of fre les cas de cent six affranchis placés dans la dépendance de plusieurs maîtres, parmi lesquels trente trois à Rome et soixante treize hors de Rome - deux affranchis à Rome et huit hors de la capitale ont même trois patrons. Pour l'essent iel, ces patrons multiples sont des hommes. A Rome, on trouve vingt et un cas d'affranchis de deux hommes, neuf cas de patronage mixte La disproportion entre le premier et le troisième nombre n'est pas due au hasard et paraît étayer l'explication que nous proposons. 223 Cf. CIL, I2, 682 = ILLRP, 719 / I2, 1927 / I2, 2130 + 2132 b = ILLRP, 960 / I2, 2270 = ILLRP, 777 / CIL, IX, 4916. 224 On ne peut accepter l'affirmation de Thyländer, Epigrap hie,p. 72-73, selon laquelle ce terme serait seulement un prénom. La date (parfois basse) et la faible fréquence des exemples relevés ne vont pas dans ce sens. Cf. les critiques d'A. Degrassi, dans Gnomon, XXVI (1954), p. 106-109, et de Vitucci, Libertus, p. 918.
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LE LIEN PATRON-AFFRANCHI : FONDEMENTS ET EXPRESSION
(homme et femme), un cas de double patronat féminin. Hors de Rome, les rapports sont encore plus défavorables au patronat féminin : un seul exemple de deux patronnes, sept cas de patronat mixte et cinquante sept cas de patronat double masculin. Quant aux affranchis de trois patrons (deux à Rome et huit dans le reste du monde romain), un seul indique une patronne aux côtés de deux patrons. Tout ceci confirme assez le rôle limité des femmes en matière de manumission et de co-propriété. Mais l'élément le plus intéressant de cette question - et qui n'a sans doute pas toujours assez retenu l'attention225, c'est la répartition géographique des exemples (cf. cartes annexes) : en dehors de Rome, la majorité des cas se pla cent dans le Latium et surtout la Campanie, Minturnes et Capoue semblant être, de ce point de vue, favorisées. Et il est important de relever que plusieurs zones fréquentées par les Italici et donc les Campaniens, à la fin du second et au premier siècle, aussi bien en Orient qu'en Occi dent offrent des exemples du même type, ainsi Délos, la partie méditerranéenne de la Péninsule Ibérique, Carthage. Ceci nous semble infirmer assurément les thèses de Staerman sur ce point226. Cette dernière par ailleurs, relevant dans une ins cription de 105 avant Jésus-Christ227, concernant Capoue, la présence, parmi les membres d'un collège de dévots de Castor, Pollux, et Mercure, d'un person nage appelé C. Cossutius C. 1. Gent, souligne la perman ence, dans cette partie de l'Italie, des rapports genti225 Cf. cependant, les indications données par E. M. Staer man, La condition des esclaves romains à la fin de la Républi que, dans VOI, 1963, 2, (= Staerman, Condition), p. 80-99, part iculièrement p. 82-84. Indications reprises dans Blütezeit, p. 175. 226 Pour cet auteur, en effet, ces cas seraient surtout répandus en Italie du Nord et centrale; d'autre part le faible nombre d'exemples relevés par elle à Capoue serait à mettre en liaison avec les rapports traditionnels de la Campanie avec la Grèce, et donc la prédominance des formes class iques de possession d'esclaves dans cette région. Or, les chiffres que nous indiquons infirment ce schéma, (cf. en particulier les cas de triple patronat). Il y a à Rome, trouvée dans la vigne St Césaire, une inscription portant mention d'un double patronat. Or, les individus qui ont été incinérés là, jusqu'à la fin du deuxième siècle, étaient originaires de Campanie (cf. CIL, I2, p. 163 - 12, 1 147 = ILLRP, 891). 22M£, 1958, n° 267 = ILLRP, 712 (1. 3).
lices et développe Gent(ilis) faisant de notre person nagel'ancien esclave de toute une famille. Certes, cette restitution est inacceptable228. Mais il reste qu'à Capoue, la force des gentes depuis l'époque pré-romai ne (Calavii, Blossii, Alfii, Magii, etc. . .) était considérab le229. Tite Live nous parle, à propos des événements de l'année 210 avant Jésus-Christ, de ces esclaves des Blossii de Capoue, qui dénoncèrent le complot foment é par leurs maîtres et cent soixante dix jeunes campa-
228 La lecture gent(ilis) proposée par Staerman ne semble pas recevable : sans tenir compte du fait qu'il s'agirait d'un cas unique pour l'époque républicaine et sans insister sur la contradiction qu'une telle interprétation comporterait par rapport à ce que l'auteur dit des formes de propriété à Capoue (cf. n. 225), on peut exprimer les réserves suivantes : - la différence qui semble justement exister, en particul ier, à notre époque, entre les esclaves et les affranchis, est que les affranchis, même de patrons différents, marquent toujours leur rapport à tel ou tel personnage précis, considé ré individuellement, ce qu'exprime leur nomenclature (pa tron indiqué généralement par le prénom, gentilice du patron toujours au singulier au moins dans le cadre normal de la nomenclature, même quand il y a plusieurs patrons). Alors que les esclaves indiquent leur rapport à un maître mais en tant que membre d'une gens précise (Zetus Rahi L s.) d'où le gentilice des maîtres employé au pluriel lorsque ceux-ci sont multiples (ainsi Hermogenes Trebior(um) C. L s.); donc, il y a opposition entre un type de relation personnelle, d'homme à homme et un type de relation plus familial, relevant plutôt d'un lien gentilice. On voit mal, dans ces conditions, et dans ce milieu très romanisé comment pourraient exister des affranchis libérés collectivement par les membres d'une gens. - d'autre part, si la majorité des membres du collège cités dans l'inscription sont indiqués sans surnom, l'un d'eux C. Cipius C. 1. Pera (ligne 9) en est pourvu. Si bien que la restitution qui semble la plus logique serait celle d'un sur nom, sûrement Gent(ius), dont nous avons de nombreux exemples, en particulier : A. Pomponius A. 1. Gentius (CIL, V, 2514 = ILLRP, 704) et CIL, I2, 141 1 - ILLRP, 794 : C. Vergili(us) C. 1. Genti(us). Ce surnom serait sans doute d'origine illyrienne (cf. Schulze, Eigennamen, p. 43). Cf. aussi Genti(us) Paconi T.SeKvus) (CIL, F, 948 = ILLRP, 994). C'est aussi l'interpréta tion de Nicolet, à propos de notre inscription (L'ordre équestr e, II, p. 858, n. 5.). Il n'y a rien de comparable à ce que l'on trouve, dans la péninsule ibérique, dans des régions longtemps fermées à la pénétration des modes de propriété romaines; cf. en particul ier l'inscription de Segisamo, datée de 239 p.c. où sont mentionnés quatre liberti gen (tis où -tilitatis) (ils ont tous un surnom, donc l'interprétation de gen ne peut être recherchée dans ce sens), qui marquent la résurgence, ou le maintien, à une époque pourtant très avancée, d'une structure sociale fondée sur la puissance des clans et des modes d'appropri ation collectives (cf. D'Ors, Epigrafia Juridica, p. 395-397). 229 Cf. Heurgon, Recherches, p. 106-113.
L'AFFIRMATION DU LIEN: LES ENSEIGNEMENTS DE LA NOMENCLATURE niens, et qui reçurent la liberté en récompense230. Et même si ces gentes furent punies de leur manque de fidélité envers les Romains, il n'en reste pas moins qu'elles ont continué, tout au long du second et du premier siècles, à jouer un rôle important en Campan ie et outre-mer231. Un autre cas mérite d'être cité, celui de Ladnum. où, selon Cicéron, existaient depuis long temps des esclaves consacrés à Mars et consti tuant une véritable familia2n. Or, dans cette même localité vivait un des personnages essen2W T. Live, XXVII, 3, 4-5; cf. aussi Cicéron, De lege agr., II, 93 : leur nom est le symbole même de la superbe campanienne. On peut aussi citer le cas de Manius, esclave des Calavii, qui reçut la liberté pour avoir dénoncé les auteurs d'un incendie criminel (T. Live, XXVI, 27, 6-9). 231 Cf. Heurgon, Magistri, p. 5-27. Cf. aussi M. W. Frederiksen, Republican Capua : a social and economic study, dans PBSR, XXVII, N.S. XIV, 1959, p. 80-130 (= Frederiksen, Capua, p. 122-3 surtout). 232 Pro Cluentio, 43, cf. Staerman, Condition, p. 82.
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tiels de l'affaire Cluentius, l'affranchi Scamander, dont Cicéron nous dit qu'il était Hbertus Fabriciorum, c'est-à-dire de deux jumeaux, C. et L. Fabricius233. Peut-on dire que ces formes collectives de patronat soient l'expression de rapports patriar caux très solides? Cela est tentant. Mais, si l'on a, pour Capoue surtout, des exemples datés assez haut (fin du deuxième siècle), il reste qu'en dehors de Rome234, les cas les plus nombreux proviennent de Minturnes, dont les inscriptions peuvent être datées de la première moitié du premier siècle. On pourrait cependant conclure au maintien, dans des régions très riches au plan agricole, d'un certain conservatisme dans les for mes de vie familiale et de propriété. 233 Pro Cluentio 49 et 46 - on remarquera que Cicéron maintient cette appellation, même après avoir indiqué la mort de Lucius. Cf. un autre exemple, celui de l'affranchi de P. Trebonius et son frère {Verr, II, I, 123-4). 234 Cf. Staerman, Condition, p. 84 n. 6.
CONCLUSION DU LIVRE I
Ainsi, l'étude de la nomenclature des affran chisnous a permis de mesurer leur étroite dépendance à l'égard de leur patron, en vertu d'un lien qui a un caractère personnel. Leur infériorité est soulignée par l'utilisation du cognomen, qui, dans le cadre d'une dénominat ion familière tend à être l'élément essentiel désignant l'affranchi et marquant que le passage de l'esclave à l'homme libre n'avait rien changé à la position du serviteur envers son patron. Part iculièrement significatif, de ce point de vue, est le nombre d'individus dont, chez Cicéron, nous ne savons s'il sont exactement esclaves ou affran chis,même si tel indice peut nous inciter à les placer dans l'une ou l'autre catégorie1. Mais dans le même temps, la nomenclature des affranchis a un caractère public, qui se mar que par le fait que dans la plus grande partie des inscriptions (et lorsque, par exemple, Cicéron présente à des tiers certain affranchi inconnu ou mal connu d'eux), les tria nomina avec indication du patron sont utilisés : ainsi, aussi bien l'expres sion du statut que la mention du patron, sur l'identité duquel on est d'autant plus précis qu'il occupe une position sociale remarquable, ont une valeur de critère social, le patron apparais sant comme le garant de la place de l'affranchi dans la hiérarchie des hommes libres2.
1 On peut penser, par exemple, à Alexis, le serviteur d'Atticus, dont le statut n'est jamais précisé par Cicéron et dont on peut croire qu'il fut, en réalité, un affranchi uniquement d'après le parallèle que celui-ci établit avec Tiron imaginent Tironis (Att., XII, 10). 2 Cf. les précisions prévues par la Table d'Héraclée : nomin a,praenomina, patres aut patronns, tribus cognomina . . ., l'or-
Cependant, des nuances doivent être apport ées : tout d'abord, une grande partie des patrons sont des affranchis particulièrement fiers d'insister sur leurs droits nouveaux et qui apparaissent eux aussi, par leur prénom, dans la nomenclature de leurs liberti. D'autre part, la nomenclature telle qu'elle apparaît notamment sur les inscriptions a surtout une valeur «exter ne»et ne suffit pas à définir la qualité des rapports réels existant entre patrons et affran chis. Il reste que c'est par la mention de leurs nomina qu'en leur temps (et pour nous) ces affranchis existent; et s'ils ont mis autant d'insis tanceà rédiger notamment leurs épitaphes, c'est pour sortir d'un anonymat auquel leur statut ne les faisant pas automatiquement échapper. Sur ce point, les silences des sources littéraires sont éloquents - qu'il s'agisse de Cicéron3, de Var-
dre de la nomenclature normale n'est changé qu'en ce qui concerne l'inscription du nomen, mais ceci uniquement pour permettre un classement alphabétique (cf. Nicolet, L'onomas tique,p. 48. Cf. aussi Horace, Ep., I, VII, v. 51 qui reprend pratiquement la formule ci-dessus. Cf. cependant, les plus grandes libertés prises, nous l'avons vu, avec la nomenclatur e normale par les affranchis en Orient (cf. Brunt, Manpower, p. 207 et n. 3-4, p. 208). 3 Libertum suum {Pro Fiacco, 87), Lurconis libertum (ibid. 88) / nom de alio minus sum admiratus (Att., VII, 2, 3 : il s'agit pourtant d'un de ses propres affranchis) / Brinni libertus, coheres noster (Att. XIII, 14, 1) / Caelius libertum ad me musit et Hueras (Att., VI, 1, 21) / Libertus Strabonis (Farn., XIII, 14, 1-2) / Invent duos libertos (Fam., IV, 12, 3) / Veston liberto (Att., XIV, 9, 1) / In iis fecit suum libertum (Verr., II, I, 123) / τον 8έ άπελεύτερον αύτοϋ όντα ομώνυμων τω Κόνωνος πατρί . . . (Att., VI, 5, 2, à propos d'un affranchi de Philotime).
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CONCLUSION
ron4, de Plaute5 avant eux ou, plus tard, d'Appien et de Dion Cassius6, combien d'affranchis incon nusmeublent à titre de comparses ou de héros leurs lettres ou leurs œuvres? Et n'est-il pas significatif qu'à un peu plus d'un siècle de dis tance aient pu vivre deux pères affranchis de rejetons illustres, dont les noms nous sont total ement étrangers, et que nous ne pouvons citer que comme «le père d'Horace» ou le «père de Claudius Etruscus»?7. Ecrire leur nom sur la pierre représentait donc, pour les nombreux affranchis que nous pouvons encore recenser, le moyen essentiel de
4 Varron fait allusion à plusieurs affranchis qu'il laisse dans l'anonymat (RR, I, II, et I, LXIX / II, VIII et II, XI / IV, II), alors qu'il se plait à donner l'identité de ses compagnons, C. Fundanius, C. Agrius, P. Agrasius. 5 Cf. l'allusion à l'affranchi chez lequel Hegio menace d'envoyer travailler Tyndarus, et qui n'apparaît même pas sur la scène. 6 Cf. le silence de Dion Cassius (XLVII - XLVIII) notam ment: il y a chez lui une sorte de refus de faire entrer des affranchis dans l'Histoire. 7 Cf. P. R. C. Weaver, The father of Cl. Etruscus, dans CO, 15 (1965), p. 145-154 et Familia Caesaris, p. 284-294.
fixer (pour l'éternité espéraient-ils), leur existen ce en tant que personnes de condition libre. Chassés de l'Histoire par les écrivains d'origine aristocratique, il ne leur restait qu'à écrire sur leurs épitaphes, leur histoire individuelle ou familiale8. De cette analyse ressort enfin la nécessité de bien distinguer la nomenclature telle que le cen seur, par exemple, la fixait et son emploi, en fonction des circonstances dans lesquelles l'a ffranchi se trouvait. Les multiples usages que nous avons pu déceler nous permettent de justi fierla définition récemment donnée concernant le rôle de la dénomination: «la dénomination des individus entre eux se chargeait d'une infini té de nuances qui permettaient . . . d'exprimer avec raffinement tous les degrés du prestige, de l'estime ou de mépris, ainsi que la multiplicité foisonnante des liens privés ou officiels, exis tants ou à créer, entre les hommes»9.
8 Cf. Galletier, Étude sur la poésie funéraire romaine (= Galletier, Poésie funéraire), Paris, 1922, p. 98-9. 9 Nicolet, L'onomastique, p. 57.
LIVRE II
LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
Par le moyen de l'affranchissement, dû à la seule initiative du maître, à sa voluntas, l'esclave accède à la liberté légitime et régulière : désormais au servus suc cède un libertus. Mais alors que le premier terme exprime à la fois un état de dépendance par rapport à un propriétaire et un statut juridique consacrant l'état de res, au regard du droit, le second ne concerne que la relation directe patron-affranchi; tandis que la dimension «publique» de l'état d'affranchi est expr imée par un autre terme, celui de libertinus1. Cette
1 Au second siècle déjà, et le théâtre de Plaute semble le prouver, les valeurs respectives des termes libertus (en rap port avec patronus) et libertinus (par opposition à servus et ingenuus) sont bien établies (cf. Mil. gl. v. 784-962 - Cist. v. 38 - Persa 389 (il y a, cependant, une trace de «flottement» dans Persa, v. 838-842. Il y est question des mauvais affranchis qui se dressent en face de leurs patrons; or Plaute écrit Sed ita pars libertinorum est : nisi patrono adversatust), Poenul. 832). Sur le sens de chacun de ces mots, cf. Th. l. /., IX, 2 coL 1319-1320 {libertinus) et col. 1320-1323 {libertus). C'est par erreur que Ch. Lécrivain, {libertus-libertinus), dans DA, III, 2, p. 1200-1221 conçoit libertinus comme signi fiant fils d'affranchi. Cf. aussi H. Scullard, Roman Politics 220-150, 2e éd., Oxford 1973, p. 183. J. Gagé, Les Classes socia lesdans L'Empire Romain, Paris, 1964 (l'erreur, s'agissant de l'époque impériale, est moins admissible), p. 138. Notons le témoignage de Suétone (Claud. 24,1 ignarus (Claudius) temporibus Appi (Claudi) et deinceps aliquamdiu libertinos dictos non ipsos, qui manu emitterentur, sed ingenuos ex his procreatos), corroboré par deux scolies de Teren ce (Schol. Ter. Bemb. Ad v. 898 Plebis . . . constat ex servis aKque) libertis; nam libertinos volunt esse iam ingenuos ut potè de civibus Romanis natos. Cf. Schol. Ter., 105, 31 libertus dicitur qui, cum sit servus, libertad donatur, libertinus, filius liberti), et par Isidore (Orig., IX, 4, 47 libertorum . . . filii apud antiquos libertini appellabantur, quasi de libertis nati (cf. le commentaire de Mommsen, Staatsrecht, III, p. 420-2). Il n'est pas prouvé, contrairement à ce que pense Treggiari, {Freedmen, p. 52-53) que Suétone se soit trompé et que Claude ait
dualité du vocabulaire traduit bien la double portée de la manumissio, qui dégage l'individu qui en bénéfi cie de la dépendance servile à l'égard du dominus et qui l'introduit théoriquement dans l'ensemble des hommes libres citoyens. Désormais, l'esclave-objet est remplacé par un indi vidu doté d'une personalité juridique, possédant un
eu raison. Le témoignage du biographe laisserait entendre qu'à la fin du quatrième siècle et même après {aliquamdiu) seule la relation avec le patron aurait été prise en compte à propos des anciens esclaves, libertinus ayant le sens de «issu d'affranchis». Ce sens divergeant n'est plus à retenir à partir du moment où l'expression libertino pâtre (natus) est utilisée, qui ne peut concerner qu'un fils d'affranchi et non un petit fils (cf. Horace, Sat., I, 6, v. 46 et 58-9 - Tite Uve, IX, 46 Cicéron, Pro Cluentio, 132 etc. Cf. le chapitre consacré aux relations familiales). Bien sûr, nous ne devons pas tenir compte des erreurs que la transcription en langue grecque du terme a pu introduire (cf. L. I, chapitre IV). Nous voudrions cependant proposer une hypothèse : nous savons que c'est pendant la deuxième Guerre Punique que les fils d'affranchis reçurent le droit de porter la prétexte (Macrob. Sat., I, VI, 13 Libertinorum quoque filiis praetexta concessa est)', d'autre part, en 189/8, la Lex Terentia en fit des citoyens optimo hire (après 188 selon Taylor, Voting Assemblies, p. 65 cf. Voting Districts, chap. 10); il semble donc qu'en un demisiècle, au plan du droit civil, la libération des fils légitimes d'affranchis de toutes les limitations dont souffraient leurs pères ait été accomplie. Ne peut-on penser que c'est à ce moment-là, au plus tard, que le terme libertini n'a plus été appliqué à ces personnages, et n'a plus concerné que les affranchis eux-mêmes : à libertus, désignant une relation per sonnelle, se serait ajouté libertinus désignant un individu jouissant de droits politiques, mais diminués (ce qui était le cas, jusqu'en 189, des fils d'affranchis)? (Sur la Lex Terentia, cf. Berger, Dictionnary, p. 560: cette loi consacrerait une évolution en cours depuis un quart de siècle, évolution dont Plaute porterait indirectement témoignage. Cf. aussi Taylor, Voting Assemblies, p. 65).
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
caput, c'est-à-dire une qualité d'homme conçu, non seulement en tant qu'entité biologique ou philosophi que, mais aussi sociale et juridique2, et passible désor mais, comme tous les citoyens, d'une poena capitis et d'une capitis deminutio. Mais la substitution du couple patronus/ libertus au couple dominus/ servus entraîne-t-elle pour autant une libération de toutes les contraintes, de tous les liens de dépendance pesant sur l'ancien esclave? En parti culier, l'autorité du maître, YImperium domini, régnant sans partage, et à bon droit, se maintient-elle sous une forme plus ou moins adoucie? ou bien le libertus est-il dans une situation comparable, par rapport à son patron, à celle du liber en face du paterfamilias! Cette dernière hypothèse n'est pas sans fonde ment : au-delà des rapprochements étymologiques évi dents3 (mais nous pouvons expliquer historiquement le passage de chacun de ces termes - liber/pater - à ses dérivés), on n'a pas manqué d'utiliser un certain nombre de références extraites notamment des coméd iesde Plaute et Térence4 et où patronus et pater sont accolés. Et l'on peut même soutenir tantôt que l'a f ranchis ement était, primitivement, assimilable à une adoption5, tantôt qu'une véritable consanguinité juridique - reliait patron et affranchi6 (en dehors 2 Cf. C. Gioffredi, Caput, dans SDHI, XI, 1945, notamment p. 310-312, qui relève l'utilisation fréquente du terme dans le théâtre de Plaute (Most. ν. 211 - Poen. ν. 24 etc.), notam ment le vers 153 du Mercator, Liberum caput tibi faciam, pauco cis menses (cf. Berger, Dictionnary, p. 381 - caput). 3 Festus, (Patronatus) exagère sans doute dans sa défini tion: Patronatus : patronus a paterna necessitate. 4 Cf. Plaute, Rud., v. 1265-6 herum mihi istaec omnia itera, mi anime, mi Trachalio / Mi liberté, mi patrone potius, immo mi pater, même s'il s'agit d'une situation inversée et donc d'une déclaration à effet comique, le rapprochement n'est est pas moins intéressant. Cf. aussi Térence (Ad., v. 455-6) In te spes omnis Hegio, nobis sitasi / Te solum habemus, tu es patronus, tu pater; dans les deux cas, c'est dans des situations apparemment difficiles que les protagonistes invoquent ainsi un personnage placé en position dominante, et dont la fides est sollicitée. 5 C'était l'opinion de S. Perozzi, Istituzioni di diritto roman o,2e ed. Rome 1928, (= Perozzi, Istituzioni), p. 240-276, ten tant de préciser la doctrine de Leist : il pensait que le but originel de la manumissio aurait été de procurer un héritier à un paterfamilias dépourvu de sui. 6 C'était la thèse de C. Leist, Commentario alle Pandette tradotto ed arrichito di copiose note, libri XXXVII - XXXVIII, Parte quinta (trad. Ovgia), Milan, 1909, p. 109, p. 124-6 (suivie par Lemonnier, Condition privée, p. 103. Cf. M.Voigt, Ueber die Clientel und Libertinität, Leipzig 1878, p. 209) qui concevait l'affranchi comme primitivement mis sur le même pied que les liberi face au paterfamilias régnant sur une sorte de communauté fondée sur la vengeance du sang: socius necis vindicta. Ainsi, l'affranchi était-il vu par un auteur qui sollici-
même des cas où réellement l'esclave était adopté ou l'affranchi adrogatus1, en dehors aussi des liens de sang pouvant rattacher maîtres et esclaves)8. Une ex amen de la situation respective du fils et de l'affranchi ne permet plus d'accepter ces deux théories, ne serait-ce que parce qu'en particulier ce dernier est maître - au moins en partie, de ses bona - alors que le premier n'a qu'un pécule; mais les similitudes, au plan du domicilium ou en matière de parricide n'en sont pas moins frappantes9. Par ailleurs, il n'est pas possible d'éluder la possi bilité d'une dérivation du patronat sur l'affranchi du patronat sur les clients10, surtout si l'on accepte l'assi-
tait beaucoup les parallèles avec les institutions indo-germa niques. Cf. la critique de Lambert, Operae, p. 29. Il est à noter sur, ce point que le grec qui utilise habituel lement le terme de δεσπότης ne recourt à celui de πάτρων que par imitation du latin (cf. Plut. Fab Max., 13, 6 οι δέ στατιώτοα τους στατιώτας πάτρωνας ήσπάζοντο τθΰτο δ'εστι τοις απελεύθερος προσφώνημα προς τους άπελευθερώσαντας), tandis que les termes απελεύθερος ou έξελεύθερος sont indiff éremment employés en rapport ou non avec le patron (cf. H. Klees, Herren und Sklaven, dans Forsch. Zur ant. Sklaverei, VI, Wiesbaden 1975, p. 14-36 et 54-55.). Cf. l'imitation mala droite du latin dans CIL, F, 1051 λιβερτΐνος (cf. Chan traine, Freigelassene, p. 50). . . 7 Sur l'adoption d'esclave, cf. appendice au chapitre I. du livre I. Sur l'adrogatio de l'affranchi, cf. G. Lavaggi, L'arrogazione dei libertini, dans SDHI, 12, 1946, p. 115-135 (critique durement C. Belleli, L'arrogazione dei libertini, dans AG, CXVI, 1936, p. 65-79); un passage d'Aulu Gelle (Ν. Att, V, 19), se référant à Massurius Sabinus, laisse entendre que ceci était possible sous la République et au premier siècle de notre ère, mais que sous l'Empire, une telle adoption - qui pouvait être le fait du patron même - n'entraînait pas la reconnaissance de l'ingénuité : Libertinos vero ab ingenuis adoptari quidem ime posse, Massurius Sabinus scripsit. Sed id neque permuti dicit, neque permittendum esse unquam putabat, ut homines libertini ordinis per adoptionem in tura ingenuorum invadant. Sur ce point, cf. Watson, Persons, p. 92-94 et 87 - Staerman, Blütezeit, p. 176 et l'appendice au chapitre I du présent travail. Sur l'adrogatio en général, cf. en dernier lieu C. Castello, II problema evolutivo della «adrogatio», dans SDHI, 33, '1967, p. 129-162. 8 Cf. le chapitre consacré aux relations familiales. 9 La sentence de Pubi. Syrus (498) Probus libertus sine natura est filius n'a aucun fondement juridique et ne revêt qu'une valeur morale. Sur le parallèle fils/ affranchi, cf. De Francisci, Revocano in servitutem, p. 299-300. Rappelons que, dans le domaine de l'onomastique, l'ind ication du patron et celle du père occupent la même place (cf. chapitre IV). Quo sit pâtre quove patrono (Horace, Ep., I, 7, v. 54). 10 Cf. Kaser, Patronatsgewalt, p. 91-4 notamment, qui insis tesur le rôle de la fides du patron et sur son unité, dans les cas du client et de l'affranchi.
LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS milation originelle de l'esclave à l'étranger". Cepen dantl'analyse des realia concernant l'intégration, à l'époque envisagée, de certains affranchis dans des rapports de clientèle à l'extérieur de leur familia d'ori gine va à i'encontre d'une telle conclusion. Il n'en demeure pas moins vrai que le patronns qui manumeisit12 jouit, aux second et premier siècles avant notre ère, d'un prestige, d'une autorité qui maintiennent son libertus dans un état d'infériorité voire de soumission très affirmé. Certes les fonde ments de cette domination ne sont pas restés identi questout au long de cette période; ou du moins si la voluntas domini manifestée lors de la libération de l'esclave et le souvenir du bénéficiant que celle-ci représente13 et qui oblige définitivement14 sont le
11 Cf. la thèse de H. Lévy-Bruhl, Esquisse d'une théorie sociologique de l'esclavage à Rome, dans RGD, 55 (1931), p. 1-17. 12 Ep., XXX (1968), p. 127-8 n° 2. 13 Cf. par exemple, Terence, Andr., v. 39-40 Quod habui summum pretium persolvi tibi dit Simo à Sosia qui lui répond: In memoria habeo et qui, plus loin, (v. 44-45) se défend d'avoir oublié un tel don : nam istaec commemoratio / Quasi exprobatiost «immemori beneficii». Il y a peut-être un écho de cela dans une sentence de P. Syrus (647) Sancitesimum est meminisse cui te debeas. 14 Ainsi qu'un passage de Macrobe (Sat., I, XI, 8), recou pantAppien (BC, IV, 26) nous l'indique : l'auteur rapporte le
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point de départ de la relation patron-affranchi, la conception juridique de cette dernière n'a pas été la même avant et après les réformes prétoriennes; en effet, du domaine de la fides, sanctionnée par le seul fas, on est passé à un ensemble de prescriptions ou d'interdits nés de l'action du préteur. Celui-ci, en même temps qu'il a précisé, au tournant des second et premier siècles, le contenu des devoirs économiques de l'affranchi, a accordé à la personne du patron un certain nombre de garanties contre les atteintes de serviteurs malveillants. Mais même alors, la fides{5 définie comme liée à la position dominante du patron, due à sa seule décision et contraignant l'affranchi, reste une constante réfé rence dans la pratique quotidienne du patronat sur les affranchis. C'est dire qu'au-delà des définitions juridiques, l'utilisation des témoignages vécus, et notamment celui de Cicéron, revêt pour la compré hension de ces rapports d'homme à homme, une singulière importance.
cas d'un affranchi de Labienus ayant refusé, malgré la tortur e,de trahir son patron. Ac nequis libertos dicat hanc fidem beneficio potius libertatis ... : ici le lien est établi très nett ement entre le crédit (justifié) prêté à l'affranchi en échange de sa reconnaissance envers celui qui l'a gratifié de la libert é. 15 Sur ce point, l'analyse de Kaser, cf. note (10) est tout à fait éclairante.
A - LE CADRE MATÉRIEL ET HUMAIN DES RAPPORTS PATRONAFFRANCHI
La réalité du lien établi, au moment de l'a f ranchis ement, entre patronus et libertus peut être envisagée sur un plan juridique : il est important, en effet, de connaître les pouvoirs reconnus à l'autorité patronale et, inversement, l'autonomie dont le droit permet au nouvel hom me libre de jouir. Ces rapports peuvent être aussi étudiés au plan psychologique : dans quelle mesure, la personnalité du maître et les liens affectifs ou intellectuels qui l'attachent à son ancien esclave peuvent-ils déterminer, pour ce dernier, une position proche de celle d'un ami, voire d'un fils, et fondée sur autre chose que la crainte et l'exercice d'une certaine coercition? Mais avant d'aborder ces questions important es, il faut rappeler que patron et affranchi ne sont pas, le plus souvent, des individus isolés. On ne peut, à leur propos, ignorer le cadre physique qui permet à leurs relations de garder un carac tèreplus ou moins étroit, permanent, et de se
prolonger, au-delà de la mort, dans une évent uelle communauté de sépulture. D'autre part, dans le cadre de la domus du patron, au sein de la familia des serviteurs, l'affranchi dans beau coup de cas n'est pas le seul dépendant : il a, en effet, des compagnons de liberté ou de servitude, il entretient des rapports avec les autres clients, il a ses propres serviteurs, esclaves ou affran chis;il est donc impliqué dans une hiérarchie, une pyramide des devoirs, plus ou moins comp lexe selon le degré de puissance du patron. Mais, et surtout, l'affranchi a souvent une vie familiale, légitime ou de fait; il peut, en droit, exercer la puissance d'un père, au sein même de la maison du maître, surtout s'il est uni à une ancienne compagne d'esclavage. Ces divers éléments ne peuvent être négligés, car ils constituent la toile de fond devant laquell e la relation personnelle établie entre patron et affranchi, doit prendre place.
CHAPITRE I
LA COHABITATION DE L'AFFRANCHI ET DU PATRON DURANT LEUR VIE ET APRÈS LEUR MORT
I - RÉSIDENCE DES VIVANTS 1 - La cohabitation de l'affranchi et du patron : aspects juridiques Que la manumissio n'ait pas signifié automati quement le départ du libertus, ni la rupture d'une certaine intimité avec le maître, semble, même au premier siècle avant notre ère, ressort ir du nombre relativement important d'exemp les d'affranchis continuant à vivre à côté de leurs patrons. Existait-il, à la fin de l'époque républicaine une obligation juridique quelcon que, sur le plan de la résidence? La cohabitation patron-affranchi est-elle obligatoire? Plusieurs indices conduisent à penser que, jusqu'à une époque relativement récente, sans doute la fin du second siècle, l'affranchi a été tenu de résider auprès du patron1 : - tout d'abord, la notion à'obsequium, dans son sens originel (c'est-à-dire, avant les réformes prétoriennes qui en ont détaché les operae) implique, au premier chef, que le libertus soit toujours prêt à suivre le patron et demeure auprès de lui. Cette disponibilité de tous les instants suppose donc que l'affranchi vive en permanence sous le même toit que le patronus 2.
1 Cf. Marquardt, Privatleben1, t 1, p. 203. 2 Ainsi que le souligne Lambert, Operae, p. 14-16.
- d'autre part, même à l'époque classique, il apparaît qu'à l'occasion d'un vol mineur commis par l'affranchi dans la maison de son patron, furti actio non nascituri : il n'y a pas d'interven tion «publique», c'est la puissance domestique du patron qui règle la sanction; l'affranchi conti nue donc à ne pas être considéré, en droit, comme étranger au domicile du maître. - depuis la Lex XII Tabularum, le terme de familia comprend aussi les affranchis et implique une communauté de domicile4. - sous l'Empire encore, la résidence de l'a ffranchi près du patron apparaît comme l'opera par excellence, ce qui implique qu'elle aurait été automatiquement exigée du libertus avant que le préteur ait donné, à la fin du second siècle avant Jésus-Christ, une définition stricte des operae5. 3 Selon la définition de Paul (D. 47.2,90) Si libertus patro nove/ aliens ve/ mercennarius ei, qui eum conduxit, furtum fecerit, furti actio non nascitur. Définition confirmée par Marcien (D. 48.19.11,1 Marcian. 2 de pubi, iud.) Furia domestica, si viliora sunt publiée vindicanda non sunt nec admittenda est huius modi accusatio «cum servus a domino ve/ libertus a patrono», in cuius domo moratur, ve/ mercennarius ab eo, cui operas suas locaverat, offeratur quaestioni [nam domestica furta vocantur, quae servi dominis ve/ liberti patronis ve/ mercennarii apud quos degunt subripiunt]. Certains éléments du texte sont interpolés, ainsi si viliora sunt (cf. Kaser, Patronatsgewalt, p. 100-2 qui rappelle que Dioclétien encore, par un rescrit, interdit au patron d'exiger de l'affranchi qu'il vive auprès de lui (C. 6,3,12) - Sur ces textes, cf. aussi Cosentini, Studi, I, p. 254-5. 4 Ainsi d'après D. 50.16.195, texte sur lequel nous revien drons, quand nous aborderons le problème de la place du libertus dans la familia. 5 C'est l'opinion de Callistrate (D. 38,1 De op. Hb., 38 § 1 (Callistr. lib. 3) : Tales operas edere debebit quae non contra
132
LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
- enfin, des indications tirées du théâtre de Plaute semblent inviter à conclure à l'existence d'une telle cohabitation. C'est d'abord l'exclamation de Milphio à l'adresse de Syncerastus (Poenulus, v. 367) Quid est quod male sit ûbi, quoi domi sit quod edis, quod ames. . . Et surtout, on peut relever l'espèce de cri du cœur de Messenio destiné à celui qu'il prend pour son maître et qu'il assure de son dévouement futur, s'il le libère : Apud te habitabo et, quando ibis, una tecum ibi domum (Menaechmi, v. 1032-4). Il semble donc qu'au tournant des troisième et deuxième siècles, l'idée d'une résidence autonome ne soit pas encore norma lement évoquée. On pourrait même penser que la situation de Fecennia Hispalla allait dans ce sens : le loge ment qu'elle occupait, à en croire Tite Live6, ressemblait fort à un logement de «fonction» et il semble difficile de croire qu'elle ait exercé ses talents de scortum, même nobile, sans l'accord de son patron. Ainsi, il est probable que, jusque vers la fin du deuxième siècle, l'obligation d'habiter auprès du patron ait été fondée sur une règle de droit. L'on pourrait sans doute établir un parallèle avec la παραμονή que l'on voit signaler dans les inscriptions juridiques grecques du deuxième siècle précisément7. Et, par ailleurs, il est possi bleque la situation des serviteurs de l'État, en cette matière, ait perpétué, jusque sous l'Empire, une habitude qui, anciennement, concernait tous les affranchis8. Enfin, il n'est pas besoin de préci serque statuliberi et esclaves libérés informellement, avant les réformes prétoriennes ont été soumis à une telle exigence de cohabitation. Mais il semble que cette obligation n'ait plus existé en tant que telle à la fin de la période républicaine, plusieurs textes, à caractère juridi que,conduisent à cette conclusion9.
dignitatem fuerint, veluti ut cum patrono moretiir, peregre proficiscatur . . . 6 Tite Live, XXXIX, 10 et Π. 7 Cf. Calderini, Manomissione, p. 277. Lambert, Operae, p. 59/75. 8 Ainsi qu'il ressort de la hex Julia Miinicipalis (CIL, F, 206 1.82) cf. Halkin, Esclaves publics, p. 130-6. C'est sous le contrôle des censeur qu'esclaves et affranchis de l'Etat sont, par ailleurs, logés. 9 L'ambition de Gripus, qui vient de pêcher la valise qu'il imagine pleine d'or (Rudens, v. 930), relève du délire pur lain ubi liber er{o), igitur demum, instruam agrum atque aedis, mancipia.
Révélons tout d'abord une sentence de Trebatius, rapportée par Ulpien : Si quis gratuitas habitationes dederit libertis et clientibus vel suis vel uxoris ipsum eorwn nomine tenere Trebatius ait: quod verum est. \j& date du texte doit être sans doute mise en rapport avec l'édit de effusis vel deiectis malheureusement impossible à situer, mais de toute façon antérieur à la fin de la République10. Il apparaît que le propriétaire d'une maison est responsable des «dommages» comm is, de son vivant, par ses affranchis ou clients, ou par ceux de sa femme. Ce qui semble mettre sa responsabilité au même niveau que celle qu'il aurait exercée en tant que père de ses enfants ou maître de ses esclaves. De ce texte, on peut conclure que l'habitatio gratuita, au sens juridique, ne s'applique ni aux affranchis, ni aux clients car ils sont considérés com meappartenant à la familia du propriétaire du log ement ou, plutôt, comme la prolongeant". Un deuxième document concerne un avis de Tube roet Labeo : Domus usus relictus est aut marito aut mulieri : si marito, potest Ulte habitare non solus, verum cum familia quoque sua. An et cum libertis, fuit quaestionis et Celsus scripsit, et cum libertis : posse hospitem quoque recipere, nam ita libro octavo decimo digestorum scripsit, quam sententiam et Tubero probat. Sed an edam inquilinum recipere possit, apud Labeonem memini tractatum libro posteriorum, et ait Labeo eum, qui ipse habitat, inquilinum posse recipere : idem et hospites et libertos suosn. Autrement dit, pour Tubero, celui qui a Yusus d'une maison peut y recevoir et y faire vivre ses affranchis. Or, le texte est intéressant, dans la mesure où il distingue familia et liberti; d'autre part, l'interpré tation ultérieure de Labeo met sur le même plan liberti, hospites et inquilini, ce qui semble indiquer que
Sur l'absence d'obligation à la fin de la République et au Haut Empire, cf. Cosentini, Studi, I, p. 86-91. 10 D. 9.3.5.1 Ulp, lib. XXIII ad ed cf. F. Casavola, Studi sulle azioni populari romani : le actiones populäres, Naples, 1958, p. 160. Cf. encore Cosentini, Studi, I, p. 89/90 (qui ne distin guecependant pas la sentence de Trebatius de celle d'Ulpien) et Watson, Obligations, p. 267-8. 11 C'est notamment l'opinion de Michel, Gratuité, p. 46 § 55 (cf. p. 49 à 55 pour la définition de l'habitatio gratuita sous l'Empire). Cette habitatio peut-être léguée, ainsi que nous l'apprend un texte d'Alfenus Varus (D. 33.2.40. Alf. Varus 8 dig. a Paulo epit.). Cf. aussi Cicéron (De lege agr., II, 96) Romam in montibus positam et in vallibus coenaculis, sublatam atque suspensam. 12 D. 7.8.2, pr. sur ce texte, voir G. Grosso, Uso habitatione, opere dei servi e degli animali, Suppl. al Corso sul l'usuffruto, Turin, 1939, p. 12-19. Ainsi que Ν. Scapini, Usus domus et habitatio nel diritto romano, dans Studi G. Grosso, Turin, 1972, t. IV, p. 25-80 (p. 3349).
LA COHABITATION DE L'AFFRANCHI ET DU PATRON l'obligation, faite à l'affranchi, de résider chez son ancien maître n'est plus fondée légalement13. Notons que cet usus, a reçu une définition, quant à sa durée, de la part du préteur Rutilius, à une époque où les deux notions d'habitatio et d'usus ne sont pas encore bien définies : Utrum autem unius anni sit habitatio an usque ad vitam, apud Veteres quaesitum est; et Rutilius donee vivat, habitationem competere ait, quern sententiam et Celsus probat libro octavo decimo digestorum14. Il semble découler de ce texte que désormais, la concession du droit d'habitation faite par le patron ou en liaison avec celui-ci (et qui n'aurait pas été reconnue jusqu'à la fin du deuxième siècle) aurait été assurée à l'affranchi, en particulier par testament. Enfin, un troisième texte règle la question et ren force la conviction qu'il n'existait plus d'obligation juridique intrinsèque concernant la cohabitation de l'affranchi avec le patron: (D. 21, 1, 17, 15. Ulp. lib. 1 ad aed cur.) Apud Caelium scriptum est: liberti apud patronum habitantis sic, ut sub una clave tota eius habitatio esset, servus ea mente, ne rediret ad eum, extra habitationem liberti fuit, sed intra aedes patroni, et tota nocte oblituit : videre esse fugitivium Caelius ait. Plane si talem custodiam ea habitatio non habuit et in ea cella libertus habitavit cui commune et promiscuum plurium cellarum iter est, contra piacere debere Caelius ait et Labeo putat. Le cas indiqué est celui d'un affranchi jouissant d'une habitatio dans la maison du maître et ayant un esclave logé avec lui; dans le cas où ce dernier, ayant quitté le logement de l'affranchi, (sans cependant sor tir de la maison du patron) a passé la nuit en dehors de celui-ci, il est considéré comme fugitif; par contre, dans le cas où l'affranchi habite une cella donnant sur un couloir commun, l'esclave n'est plus tenu pour fugitif. De cela, il ressort que, même résidant sous le même toit que son patron, l'affranchi est censé ne pas avoir la même habitatio, quand bien même il n'y a qu'une «clef» pour toute la maison15. Par ailleurs, on notera que les serviteurs d'un affranchi pouvaient eux aussi loger (et sans doute sa concubina ou uxor). Enfin, ce document nous éclaire sur le peu de liberté dont pouvait disposer le libertus dans la pratique, puisque son logement pouvait ne pas avoir de sortie indépendante et que, d'autre part, le cas est évoqué où il pourrait continuer à occuper une cella parmi
13 Cosentini, Studi, I, p. 88-9 souligne, avec raison, que le fait même de poser la quaestio est révélateur de l'absence d'une obligation de loger pesant sur l'affranchi. 14 D. 7.8.10.3. (Ulp. 17 ad Sab.). 15 On peut supposer que dans le deuxième cas, l'esclave devait avoir une cella, d'où la possibilité pour lui d'emprunt er le couloir commun. D. 21,1,17,15. Ulp. lib. 1 ad aed. cur.
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d'autres, sans doute celle dans laquelle il résidait en tant qu'esclave. Il convient, d'ailleurs, de noter que textes juridiques et littéraires se font écho pour évo quer ces caenacula qui occupent, en général, le dernier étage de la maison du patron ou sont loués par des affranchis. Mais sous l'appelation de caenaculumXb , plusieurs réalités peuvent être comprises. Il peut s'agir, selon la définition de Vairon, d'appartements à l'étage avec loggia donnant sur la rue ou péristyle17; c'est sans dout ed'un tel logement qu'Auguste, selon Suétone aimait à regarder les jeux du cirque, bénéficiant d'une vue plongeante : Ipse circenses ex amicorum fere libertorumque caenaculis spectabatls. Mais le plus souvent il s'agissait de simples cellu lessous les toits, sub tegulis19 : ainsi, selon Tite Live, Fecennia Hispala, dénonciatrice du «complot» des adeptes de Bacchus, fut, après sa déposition devant le consul Postumius, établie dans un caenaculum super aedes dans la maison de la belle-mère dudit consul (mais, métier obli ge,elle avait droit à un escalier indépendant)20. C'est à un local de ce type que doit faire allusion Cicéron, lorsqu'il invite Atticus à faire venir Alexis auprès de lui : Tota domus vacat superior11. C'est sous les toits, encore, que Valerius Cato, le grammairien aurait fini sa vie, selon Suétone (teguta sub una, Gramm., XI). Et il est certain
16 Dans Th. IL, III, col. 780-1 {Caenaculum). Pour Alfenus Varus, il s'agit vraiment de pièces isolées, exiguës et situées sous les toits (cf. D. 19.2.30 pr. Alf. Varus 3 dig. a Paulo epit) : Qui insulam triginta conduxerat, singula caenacula ita conduxit, ut quadraginta ex omnibus colligerentur évoquant même le rétrécissement de l'espace dévolu à chaque «cellule» par un héritier avide de gains. 17 De l. L, V, 162 Posteaquam in superiore parte coenitare coeperunt, superioris domus universa caenacula dicta. 18 Aug., XLV, 1 (cf. LXXVIII). 19 Cf. Z. Yavetz, The living conditions of the Urban Plebs, dans Latomus, 17 (1958) p. 500-517 (= Yavetz, Living condit ions). 20 T. Live XXXIX, 14 Scalis ferentibus in publicum obseratur aditus in aedes verso. C'est à se prostituer dans l'appentis que Phénicie est menacée par le leno Ballio, au cas où l'argent de l'affranchissement ne serait pas fourni (Pseud. v. 229) : Cras, Phoenicium, poenico cono invises pergulam. Le terme pergula (cf. v. 214) désigne sans doute une pièce en surplomb, au dernier étage d'une maison, pièce peut-être munie d'un escalier propre. 21 Ad Att., XII, 10.
134
LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
que, logés par leur patron ou payant leur propre loyer, les affranchis en général aient habité dans des réduits sordides auxquels Horace fait allu sion à propos de Priscus (Aedibus ex magnis subito se conderet unde / mundior exiret vix libertinus honeste, Sat., II, 7, ν. 11/12) et dont Vitruve nous donne une explication «sociologique» invo lontairement savoureuse . . . igitur is, qui commun i sunt fortuna, non necessaria magnifica vestibula nec tablina nee atria, quod aliis officia praestant ambiundo neque ab aliis ambiuntur. . . n. Ainsi relégués par leurs patron ou en raison de leurs faibles ressources dans des mansardes destinées à abriter leur seul sommeil, les affranchis, en règle générale, sont en mesure de rester en «marge» des pièces d'apparat où peuvent régner leurs patrons (quand ces derniers sont aisés) tout en restant à la disposition de ceux-ci. En tout cas, il ressort de l'examen de ces textes juridiques, qu'à partir des réformes préto riennes, l'obligation, faite à l'affranchi, de vivre en permanence près de son patron n'avait plus de fondement juridique ou, plutôt, ne pouvait plus être liée à la manumission elle-même. Mais il est possible, et la mention de Rutilius sembler ait autoriser cette hypothèse, que cette obliga tionpût figurer dans la promesse des operae23. Il paraît évident que le patron qui, à titre à'operae, attendait de son affranchi qu'il continuât d'assu merdes fonctions domestiques ou qui, comme nous le verrons plus loin à propos de Cicéron, demandait que les services de cette nature fus sent fournis «en bloc», sur une période limitée, et exigeait de son libertus une présence de tous les instants, ne pouvait qu'imposer une telle cohabitation. D'ailleurs le texte de Callistrate, déjà cité dit bien tales operas. . . veluti ut cum patrono moretur. . .
22 VI, 5, 1. Il apparaît aussi normal qu'un affranchi anony me loue un logement misérable pour y cacher son maître, lors des proscriptions (App., Bell. Civ. IV, 47). Cf. aussi les cas d'un fils d'affranchi accupant le haut d'une maison et ayant pour voisin le jeune Sylla (Plut., Sylla, I). 23 Lemonnier, Condition privée, p. 151 et n. 8 restreint à l'excès la portée de cette évolution lorsqu'il affirme que l'obligation de résider avec le maître ne pouvait résulter, en particulier, que d'une condition mise à une donation (cf. D. XXXIV, f. 13 § 2).
2 - Domicile légal de l'affranchi Même si le droit romain a reconnu à l'affran chi la possibilité de quitter, après sa libération, le toit du maître, son autonomie ainsi reconnue n'est pas pour autant, sur le plan juridique, entière. Tout d'abord, il apparaît que la possession ou la jouissance d'une maison ou d'un logement indépendant n'a pas entraîné une dissociation du domicilium légal du libertus de celui du patron. En effet, sous l'Empire encore, les juri sconsultes affirment, comme un principe établi, le fait que l'affranchi n'a d'autre ville d'origine24 que celle de son patron et cette unité s'étend alors encore aux fils d'affranchis25. Mais il convient de reconnaître que si les auteurs de la fin de la République ont exercé une réflexion assez active sur la définition du domicilium, ils ne semblent pas voir évoqué le cas du libertus, sans doute parce qu'il allait de soi que l'origine légale de celui-ci ne pouvait être que celle du patron : les textes des auteurs de l'époque des Antonins et des Sévères n'auraient donc représenté, à une époque où l'autonomie de l'affranchi s'était considérablement affirmée, que le rappel d'un principe qui, deux siècles et demi plus tôt, aurait été considéré comme admis par l'usage26. D'autre part, étudier les définitions juridiques du domicile de l'affranchi, revient à poser la
:4 Pour Alfenus Varus, domus est utilisé au sens de domic ilium, donc comme terme juridique et non pour désigner seulement un bâtiment. (Cf. D. 50,16, 203 Alf. Varus 1. VII Dig.). " Ulpien (D. 50, 1, 5 - Ulp. XLV ad ed.) se fait l'écho d'une controverse entre Labeo et certains de ses prédécesseurs, malheureusement non cités, à propos d'individus ayant plu sieurs «domiciles»: Labeo indicai eum qui pluribus locis ex aequo negotietur, nusquam domicilium habere. Quosdam autem dicere refert pluribus locis eum incolam esse aut domici liumhabere : quod vertus est. Dispute qui était d'actualité à une époque où des activités commerciales étendues impos aient à des hommes d'affaires d'être présents successive ment en plusieurs endroits de la Méditerrannée, mais qui ne concerne par les affranchis (des) negotiatores, car leur domic ilelégal n'est pas considéré comme autonome. 26 Sur cette question, cf. R. Leonhard, Domicilium, dans RE, V. 1. col. 1299-130. - A. Berger, Incola, RE, IX, 2, col. 12491256. - D. Nörr, Origo, dans RE, supp. X, col. 433-473. Mommsen, Staatsrecht, III, p. 800 - Lemonnier, Condition, p. 150-2. - Dors, Epig. juridica, p. 152-3.
LA COHABITATION DE L'AFFRANCHI ET DU PATRON question de l'appartenance de celui-ci à une tri« bu. Nous ne nous intéressons ici ni aux procédures d'inscription, liées à l'activité des censeurs27, ni à l'aspect «politique» du problème. Retraçant une évolution que nous suivons au travers d'in dications littéraires, mais aussi de quelques don nées épigraphiques, nous voulons simplement mesurer, encore une fois, la dépendance de l'a ffranchi, nouveau citoyen lui-même, par rapport à son patron28. Nous avons synthétisé dans le tableau I les données littéraires concernant la répartition des libertini dans les tribus urbaines et rurales. Nous voudrions insister essentiellement sur deux points touchant à notre sujet. D'une part, il apparaît que dès 312, l'inscrip tion dans toutes les tribus, sans doute en fonc tion du domicile légal est source de difficulté, d'où la réaction de 30429 qui cantonne les affran chisdans les tribus urbaines. Or cette réaction n'aurait eu aucun sens si l'on suivat l'ingénieuse conjecture de S. Treggiari qui, au prix d'une correction apportée au récit livien30, et négli geant la personnalité d'Appius Claudius, pense qu'en 312, les affranchis furent admis dans les quatre tribus urbaines. Cette décision, prise par Q. Fabius et P. Decius et qui a prévalu tout au long du second siècle et au début du premier, paraît très lourde de sens, car elle introduit une véritable discrimination en défaveur des affran chis : alors que le fils de famille était inscrit dans la même tribu que son père, l'affranchi suit un sort distinct, sauf évidemment si son patron rési deà Rome. Et comme c'est à partir de 304 que l'habitude d'inscrire des ingénus discrédités dans les tribus urbaines fut prise, on peut com prendre pourquoi cette question a pu prendre une tournure passionnelle.
27 Inscription directe lorsqu'il s'agit d'un affranchisse ment par le cens; inscription au cens suivant, dant le cas d'un affranchissement par la vindicte ou par testament 28 Sur cette question : Treggiari, Freedmen, p. 37-52, Tayl or, Voting Dhtrìcts, p. 132-149, C. Nicolet, Le métier de citoyen dans la Rome Républicaine, Paris, 1975, p. 310-314 (= Nicolet, Métier). Sur les censures de 179 à 169, Scullard, Roman Politics, p. 183-205. Voir aussi, Vitucci, Liberias, p. 922-925 et Brunt, Manpower, p. 24-25, 313, 377, 386-388. 29 Cf. Taylor, op. cit., p. 135. Nicolet op. cit., p. 311. 30 Freedmen, p. 39-40.
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Il convient par ailleurs, de souligner l'appa rentparadoxe auquel semblent avoir abouti les propositions faites au premier siècle par plu sieurs magistrats ou candidats aux magistratur es, de P. Sulpicius Rufus à P. Clodius, proposi tionsqui aboutirent avec C. Manilius dont cependant le Sénat fit casser la rogano de liberti· norum suffragiis31. Tous cherchaient, pour des motifs divers (mais dans le but inavoué de s'atti rerla reconnaissance d'une catégorie d'individus de plus en plus nombreuse), à faire reconnaître la qualité de citoyens à part entière des affran chis.On n'a cependant pas assez insisté sur la fait que pour Manilius, et Dion32, il s'agissait de faire voter les affranchis non selon leur résiden ce personnelle, mais dans la même tribu que leur patron, c'est-à-dire d'accorder inscription dans une tribu et domicilium légal, Et il est vraisemblable que, non seulement P. Clodius après lui, mais aussi les prédécesseurs de Manil iusdans cette voie (et sans doute Appius Clau dius lui-même) aient proposé une telle solution. En fait, lorsque nos sources distinguent tribus «rustiques» et «urbaines», il ne peut s'agir, dans le cas des affranchis, que de celles qui corre spondent au domicilium du patron; on ne voit pas autrement comment on aurait pu accorder aux affranchis une autonomie que le fils de famille n'avait pas et qu'ils n'ont même pas eu sous l'Empire, alors même que la signification polit iquede l'inscription dans une tribu s'était singu lièrement affaiblie. De même, il est vraisembla ble que, dans cette perspective, les fils des affranchis aient été inscrits dans les mêmes tr ibus que les patron de leurs pères33. Autrement dit, au nom d'une certaine «égali té», c'est à une dépendance soulignée de l'affran chi à l'égard du patron que l'on est arrivé; sur ce point, le Claudius de 312 et le P. Clodius de 52 n'avaient sans doute pas une position différente. Cependant, l'énoncé des mesures prises à l'encontre ou en faveur des affranchis, doit être
31 Cf. Cic. Com. Asc. p. 64-5 / Dio Cass, XXXVI, 25 / Cic. Pro Murena 47. Cf. Cl. Nicolet, Confusio Suffragorum, dans MEFR, 1959, p. 162. 32 XXXVI, 25. 33 On ne comprend pas comment Taylor, Voting Districts, p. 147, n. 57 peut affirmer qu'il n'y a au CIL qu'une inscrip tionavec mention d'une tribu attribuable sûrement à un affranchi (P, 663 -ILLRP, 210)!
136
LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
Tableau I LA PLACE DES AFFRANCHIS DANS LE SYSTÈME DES TRIBUS SOURCE DIOD., XX, 36, 4 PLUT., Poblicola, VII (cf. T. LIV. IX, 46) T. LIV. IX, 46 T. LIV., Per, XX T. LIV., Per, XX PLUT., Flamin., 18,1 T. LIV., XL, 51, 9
T. LIV, XLV, 15, 4-5
T. LIV., XLV, 15, 4-5 CIC, Orat, I, 38 De Vir III, 57 CIC, Orat, II, 258
Date
312 304 Avant 234/220 234? 230 ? 225? 220 189 179
MAGISTRATS Censeurs
Autres
APPIUS CLAUDIUS Q. FABIUS P. DECIUS
115
Notes
X X
X
X
X
M. AEMIL. LEPIDUS M. FULV. NOBILIOR
X χ?
X
CLAUDIUS TI. SEMPRONIUS GRACCHUS AEMILIUS SCAURUS
CINNA SYLLA
DION., XXXVI, 25 CIC, Murena, 47 ASCON., Orat., 64-65
67 66
C CORNELIUS (Tr. Plebis) C. MANILIUS (Tr. Plebis)
63
SER. SUP. RUFUS, candidat au consulat P. CLODIUS candidat à la preture
ceux qui ont un fils de 5possèd ans ou ent+ de 30.000HS
ESQUILINA
X
87 ?
tous les affranchis ou seule ment leurs fils?
X X
SCHOL. GRONOV, p. 286
52
Tribu du Patron
X
Avant 169
169
Urbaines Toutes X
X
P. SULPICIUS RUFUS (Tr. Plebis)
CIC, Milon., 87 ASCON., -, 52c.
Decision Projet
TRIBUS
X
88
T. LIV., Per, LXXVII APP., B.C., 1,55 PLUT., Sylla, 8
MESURE
X
?
X X vote ? aboli par
X X
X X voté, mais cassé par le Sénat
X X
X
X
X
X
?
LA COHABITATION DE L'AFFRANCHI ET DU PATRON
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Tableau II L'APPARTENANCE DES AFFRANCHIS AUX TRIBUS (D'après l'épigraphie) INSCRIPTION CIL, I2, 2527 b = ILLRP, 952 I2708=VL 32991= ILS 29 = ILLRP, 969 CIL, I2, 1263 = ILLRP, 159 H. Solin, SARJA, 192, n° 80 CIL, I2, 1272 = VI, 14496 CIL, I2, 1315 = VI, 19519
LIEU
DATE
ROME
Fin 2e ?
ROME
Peu après 90
ROME
lere partie 1er siècle
TRIBU DU PATRON TRIBU DE L'AFFRANCHI TRIBU FILS D'AFFRANCHI Urbaine
Rustique
Urbaine
Rustique
Urbaine
Rustique
Notes 1
Pal(atina) Vel(ina)
2
Pal(atina)
3 4
ROME
Col(lina)
5
ROME
Col(lina)
6
ROME
Stella(tina)
Pal(atina)
lère partie 1er siècle
CIL, I2, 1432 = XIV, 2182 ARICIE CIL, I2, 3283 FARÀ SABINA 1/2 1er s. CIL, I2, 663 = ILLRP, 210 SAMOTHRACE 92 IG, IX, 2, 853 LARISSA
Men(enia)
Pal(atina) Pal(atina)
Hor(atia)
7 8
ούελίνα
1 La datation de Degrassi (premier siècle) est remontée, notamment pour des raisons archéologiques par F. Coarelli, Guida archeol. di Roma, Rome, 1974, p. 188/9 (= Coarelli, Guida). 2 Si l'on accepte la remarque de Degrassi concernant le surnom grec du père et l'absence de surnom dans la nomenclature 3 Date donnée du fils,paril Degrassi. est probable que Mena ait été un fils d'affranchi. 4 A. Caecilius A. F. Pal. Rufus, cité à la ligne 6, est-il le patron ou le fils de A. Caecili(us) A.l. Olipor? Vu la place 8765occupée IIS'iln'est Là La s'agitdans encore date pas défendue bien s'agit-il exclu leducours fils que par vraiment dedeQ.Degrassi C.l'inscription, Hordonius Cassius d'uncontre fils Q.I. Sp.lad'affranchi? Mommsen f.Apollonius. deuxième soit le filshypothèse estAd'un lanoter plus des que n'est Q.vraisemblable. Hordionii lapastribu à exclure. Horatia cités en est tête.celle D'Aride.
confronté avec les données de l'épigraphie qui, malheureusement, ne permettant pas de remont er avant la fin du second siècle. Remarquons tout d'abord que sur une inscription de Rome datant justement de cette époque, et une autre datée de 92, mais provenant de Samothrace, deux affranchis figurent dans la tribu Palatina, sans que nous puissons assurer qu'il y aurait eu là un indice d'une mesure défavorable. Inverse ment,quelques indications concernent la
ce d'affranchis dans des tribus rustiques, notam mentdans deux inscriptions de Rome datées de la première partie du premier siècle et qui sem blent indiquer que le domicile légal du patron, inscrit dans une tribu rustique, et non celui de l'affranchi, résidant à Rome, a été pris en consi dération. D'autre part, la seule inscription qui indique la tribu commune au patron et à son affranchi concerne une tribu rustique. Malheu reusement les indications chronologiques sont
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trop imprécises ou absentes pour permettre de préciser les grandes lignes mises en valeur à partir des textes littéraires. Enfin, dans un assez grand nombre de cas34, alors que les patrons ingénus indiquent leur tribu, les affranchis figurant sur la même inscrip tion ne l'indiquent pas, et essentiellement dans le cas de tribus rustiques. Cela veut-il dire que les affranchis inscrits dans des tribus urbaines ne veulent pas accentuer leur «infériorité» ou, inversement, faut-il supposer qu'ils n'ont pas voulu répéter une indication qui valait aussi pour eux-mêmes?
Des affranchis disposant (voire possédant) d'un logement indépendant sont assez souvent attestés dans les textes littéraires. Ainsi, lorsque C. Marius se réfugie à Minturnes, c'est vraisemblablement chez l'un de ses affranchis35. Chrysogonus, affranchi de Sylla, possède une maison sur le Palatin même, où il mène grand train36. Pompeius Vindullus, affranchi de Pomp ée, est le propriétaire d'une maison à Laodicée37, tandis qu'un de ses co-affranchis, Demetrius, possède une luxueuse demeure dans les faubourgs de Rome38.
C. Curtius Mithres accueille Cicéron dans sa propre maison, à Ephèse39. M. Aemilius Philemo, affranchi de Lèpide détient une résidence à proximité des Marais Pontins40. Des résidences de villégiature appartien nent à Tusculum, à un affranchi anonyme, voisin de Lucullus41, à Valerius Cato, le grammairien (avant que, ruiné, il ne termine sa vie dans un taudis)42, ou encore à Marcius Sotericus, libertinus homo41. Sont encore propriétaires Philotime qui acheté un deversorium d'une valeur de quarante mille sesterces44; M. Anto nius Gnipho, qui, selon Suétone45, a enseigné dans sa propre maison; Philopoemen, affranchi de Vinius et détenteur d'une maison magnifique46 ou encore l'a ffranchie anonyme d'un certain Fulvius, chez laquelle ce proscrit s'était réfugié47; tandis que Pindarus avait voulu acheter la maison de Cicéron, à Cumes48. Citons encore le cas de Licinus, cet affranchi de César passé au service d'Auguste qui entasse dans sa maison le produit de ses rapines49. Tous ces exemples sont datés du premier siècle (et surtout du milieu), alors que pour le second siècle peu de cas sont à signaler50, ce qui semble bien confirmer ce que nous avons dit des effets des réformes prétoriennes dans ce domaine. Ils intéressent presque tous des individus riches, ou liés à des patrons fortunés : leur exemple ne peut donc être étendu à l'ensemble des affranchis. D'autre part, il n'est pas exclu que certains liberti qui habitaient un domicile différent de celui de leur maître, l'occupaient avec l'assentiment de leur patron, pour des raisons,
34 Patrons indiquant une tribu urbaine: CIL, P, 1308 (Rome), CIL, I, 3283 (Farà Sabina). Patrons indiquant une tribu rustique : CIL, F, 1252 (Voturia), 1346 (Papiria), 1370 (Voturia), à Rome - F, 3058 = ILLRP, 110 Praeneste (Voltinia) - F, 1681, Stables, (Menenia) - 1275 Aeclanum (Galeria) - P, 2137, ILLRP, 954, Cremona (Claudia) - P, 3134 Pompei (Papiria) - 3019, Via Cassia (Romilia), II, 2276 Tarraco (Scaptia) - ILLRP, 503 -? (Romilia) - P, 2939, Samothrace (Falerna). 35 En 88 avant Jésus-Christ, cf. Gabba, App., V, 272 (61), p. 175-6. Cf. CIL, F, 2705 = ILLRP, 726. Par contre, il n'est pas sûr, contrairement à ce que pense Gabba, que les affranchis mentionnés dans CIL, X, 6028 soient d'anciens esclaves de Marius libérés par Sylla, (il semble que, dans ce cas, ils auraient fait figurer le surnom de leur patron dans leur nomenclature; d'autre part, le premier d'entre eux s'appelle L. Cornelius Merul(lae) L(ibertus) Antioc[hus]! Il ne peut s'agir au mieux que d'affranchis d'affranchis de Sylla. 36 Cic. Pro Rose. Am., 132 (cf. 105). Treggiari repousse à juste titre {Freedmen, p. 181/2) l'idée de Gabba (App., Bell. Civ. I, 100), qui voit dans ce personnage non l'ancien esclave de Sylla, mais celui d'un proscrit. 37 Cic. Au., VI, 1, 25 : Deversatus est Laodiceae apud Pompeiwn Vindullum. 38 Plut., Pomp., XL, parle même de jardins désignés de son nom.
39 Apud ewn ego sic Ephesi fui, quotienscumque fui, tarnquam domi tneae, Fam, XIII, 79, 1. 40 Cic. Fam., VII, 18, 3. 41 Cic. De leg., Ill, 30 : Duos se habere vicinos, superiorem equitem Romanwn, inferiorem libertinum quorum, cum essent magnificae villae. 42 Suét., Gramm., XL 43 Cic. Balb., 56. 44 Cic. AU., X, 5, 2 : Cum enim mihi Philotimus dixisset se HS L emere de Canuleio deversorium. 45 Gramm., VII : Docuit primum in divi lidi domo, pueri adhuc, deinde in sua privata. 46 Appien, Bell. Civ., IV, 44. 47 Appien, Bell. Civ., IV, 24. 48 Att., XVI, 1,5. 49 Dio Cass., LIV, 21. 50 Cf. aussi Macrobe, Sat., I, 11, 18. A part les deux passa ges,déjà cités, de Piaute (Epid., ν. 504/5 - Persa, ν. 491) on ne peut guère signaler que l'indication par Tite Live (XLIII, 18, 169 avant Jésus-Christ) de la condamnation, par les censeurs C. Claudius Pulcher et Tib. Sempronius Gracchus, d'un affranchi, client du tribun Publius Rutilius, qui avait const ruit (une maison?) sur un terrain public près de la Voie Sacrée. Mais, étant donné la vigueur de la réaction de P. Rut ilius, on peut se demander si l'affranchi en question avait agi pour son propre compte ou celui de son patron.
3 - La résidence de l'affranchi d'après les sources littéraires
LA COHABITATION DE L'AFFRANCHI ET DU PATRON par exemple, professionnelles : Fecennia Hispala con tinue d'habiter le même logement qu'au temps où elle était esclave, et déjà prostitutée51. Il en était sans doute ainsi de la mère de Séleucie (dans la Cistellaria de Plaute), courtisane qui occupait une maison indé pendante52. Il est vraisemblable par ailleurs, que des affranchis représentant des intérêts de leurs patrons, en Orient, aient habité dans des log ements appartenant à ces derniers. C'est peut-être le cas de Pompeius Vindullus ou Curtius Mithres ou même Sextilius Andrò53. Ceci est d'autant plus admissible qu'à Délos une dédicace faite par trois affranchis en l'honneur de leur patron a été découverte à l'intérieur d'une maison d'ha bitation54, à l'Est du Stade : il est possible que le patron ait résidé en permanence55, mais aussi que la statue de celui-ci, postée dans cette mai son, ait symbolisé son autorité, alors même qu'il ne demeurait pas à Délos. Signalons encore le cas de Lenaeus affranchi de Pompée. A en croire Suétone56, à la mort de son patron (et des fils de celui-ci), il enseigna «près du temple de Tellus», c'est-à-dire près de l'emplacement de la maison des Pompei; était-ce pour saluer la mémoire de ceux-ci, ou n'était-ce pas, plutôt, qu'il occupait le logement, quand ses patrons vivaient, à proximité de ceux-ci? ce qui nous fournirait une ima geassez mêlée de l'autonomie et de la dépendance dont jouissait un tel affranchi57.
Sl T. Live, XXXIX, 10 et 11. «V. 38-39- 104/112. 53 Schol. Bobiens., in Cic. Pro Fiacco, 34, 1. "CIL, Ρ, 2651 =/D 1802 = ILLRP 1270. Cf. A. Plassard, dans BCH, XL, 1916, p. 175-207. La dédicace est postérieure à 98/97 et sans doute antérieure à 88. 55 Des Q. Tulli sont en effet mentionnés. dès le dernier quart du second siècle, dans l'ile (cf. ID, 1730, 125 avant Jésus-Christ, et ID, 2534 fin deuxième, début premier siècle). De même, il est possible que L. Maecius Q. L, dont la dédicace aux Dioscures a été retrouvée dans la zone du port, à Délos (BCH, 1910, p. 414, n°70 = /D, 2401), ait possédé une résidence dans ce même secteur (dans ce sens, cf. F. Salviat, P. Maecius L /., dans Et. Class., Ill, 1968-70, p. 99-103). 56 Gramm., XV : Docuitque in Carinis, ad Telluris aedem, in qua regione Pompeiorum domus fuerat. Mais il faut tenir compte qu'il s'agit d'un quartier populaire (cf. aussi Cic, Harusp. Resp., 49. Veli. Pat., II, 77 - Suét. Tib., 15). 57 Nous retrouverons un phénomène du même ordre à propos des serviteurs des Scipions dont les tombeaux sont situés aux alentours du sépulcre de leurs maîtres.
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Nous devons remarquer aussi, que, parmi les affranchis propriétaires de maison et que nous avons signalés, certains ont sans doute investi dans des logements de rapport (ainsi Pindarus), ou des villae de villégiature (Tusculum a eu un grand succès) ou dans des domaines ruraux où ils ne résidaient pas : le cas de Tiron, qui délègue ses pouvoirs à un villicus et continue à habiter auprès de Cicéron58 nous paraît, de ce point de vue, tout à fait caractéristique de ce type de comportement. Ajoutons que certains affranchis possesseurs d'immeubles n'étaient manifestement plus sous la puissance d'un patron. Le fait que Cicéron utilise les termes de libertinus ou libertinus homo59, ou que M. Antonius Gnipho, par exemp le,n'enseigne chez lui qu'après la mort de César, dans la maison duquel il avait jusque là exercé son métier60, laisse entendre que leurs patrons étaient sans doute décédés. Et il est tout à fait révélateur que Tiron ne soit devenu habi tant de son praedium, près de Pouzzoles, qu'après la mort de Cicéron61. C'était d'ailleurs en plaisantant que ce dernier, lors de l'achat de son bien par Tiron, à la fin de l'été 44, avait évoqué la nécessité pour celui-ci de «renoncer à toutes les commodités offertes par la Ville»62. Enfin, il est possible que des affranchis résidant sur des domaines ruraux aient eu des maîtres euxmêmes propriétaires agricoles, ou bien aient reçu à titre de peculium une terre qui leur aurait été concé dée,avec la liberté, par leurs patrons. C'est le cas qu'évoque un passage du Digeste citant un avis de Tubero et Labeo (D. 32, 29, 4, Labeo, 2 post, a Iavoleno epit.) Si Stichus et Dama servi mei in potestate mea erunt cum moriar, turn Stichus et Dama liberi sunto et fundum illum sibi habento. . . Au delà des prises de position divergentes de la part des deux juristes, dans un sens favorable ou non à la libération de l'esclave encore en possession du maître au moment de sa mort, et à l'attribution du legs, ce texte nous concerne puisque l'on sait que le fundus (qui, à la différence du
Slt Cic, Fam., XVI, 21,7. M Balbo., 56, - De leg., III, 30. 60 Suét., Gramm., 7. Maison située à Subure (Suét., Caes, 46). 61 Cf. Hieronym, apud Euseb Chron. Olymp. - 194 M. Tullius Tiro. . . in Puteolano praedio . . . consenescit. 62 Fam., XVI, 21,7.
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praedium, est relativement vaste)63, englobe dans cer tains cas Yinstrumentum64, mais toujours Yaedificium65, donc le logement de fonction déjà occupé par raffran chi alors qu'il n'était qu'esclave. La possibilité est donc évoquée que l'affranchi continue à résider sur la propriété qu'il avait contribué à mettre en valeur avant la mort de son maître. Les exemples de C. Furius Chresimus66 et même celui de Caecilius Isidorus67 sont peut-être à ranger dans cette catégorie.
siècle, difficultés dues à la spéculation sur les terrains et les habitations69, entraînant une forte hausse des loyers, on comprend pourquoi les affranchis (de) pauvres devaient se contenter de ces combles séparés qui couronnaient les insulae le et qui joignaient à l'inconfort et à l'entass ement, les risques d'incendie70. Certains individus devaient se satisfaire d'abris plus précaires et dormir à même le sol d'une taberna11. Ceci expli Il semble donc, à en croire notre documentat que pourquoi des liberti de seconde zone ont ion, que si un certain nombre d'affranchis préféré vivre dans leur cella d'esclave plutôt que riches ont été en mesure de posséder leur pro d'être exposés à dormir à la belle étoile72. Rien pre demeure, il n'est pas assuré qu'ils aient sy d'étonnant à ce que le sort des affranchis de stématiquement vécu à l'écart de leur maître ou l'État, déjà évoqué, ou celui des insularii (le plus même logé dans un local indépendant. Même souvent affranchis) chargés de faire régner l'o Demetrius, l'affranchi de Pompée, se conduit rdre et de lever les loyers, mais sans doute logés «comme chez lui», dans la propre maison de son gratuitement, ait pu susciter de l'envie73. patron; certes, Plutarque veut insister sur la Il convient d'ailleurs de noter que, d'une part superbe du personnage et donc sur la dominat l'augmentation du nombre des affranchiss ion exercée par ses liberti sur Pompée68, mais ements accomplis par des individus pauvres, et cette remarque traduit aussi le fait que la coha sans doute afin de bénéficier, indirectement, des bitation de fait entre les deux personnages, distributions publiques, a pu déterminer, pour patron et affranchi, n'était pas rompue. une part, une aggravation du problème du log En fait, nous devons tenir compte, dans ce ement à Rome même74; d'autre part, on voit bien domaine, de deux types d'éléments, économi que le thème de l'abolition des dettes, corre ques et professionnels. spondant notamment à des loyers impayés, a pu Tout d'abord, il est évident que seuls les être bien reçu par des affranchis de basse condi patrons disposant de quelque espace pour euxtionet utilisé par certaine hommes politiques mêmes pouvaient loger leurs affranchis. Les désireux de s'assurer les suffrages de cette caté affranchis des autres étaient tenus de se «dé gorie de citoyens. Nous verrons du reste, que les brouil er» par eux-mêmes. Or, quand on sait difficultés liées à l'acquisition d'un emplacement quelles étaient les difficultés de logement, à Rome, à la fin du second et, surtout, au premier 63 Cf Cic, Leg. Agr., III, 14. C'est le terme qui est employé par Tite Live (XLV, 15, 1), lorsqu'il évoque, dans un texte incomplet d'ailleurs, une des multiples «réformes» concer nantla répartition des affranchis dans les tribus, celle-ci étant vraisemblablement antérieure à 169 avant Jésus-Christ et, eos qui praedium praediave rustica pluris sestertia triginta milium haberent. (cf. A. H. Mac Donald, dans Camb. Hist. Journ., 6 (1934), p. 138 et n. 96. 64 C'est l'avis de Labeo (D. 33.7.5 Labeo 1 pith, a Paulo epit.). 65 Fundi appellatione omne aedificium et omnis ager continetur. . . idem ager cum aedificio fundus dicitum (D. 50.16.21 1). Sur cette question cf. L. Boyer, La fonction sociale des legs d'après la jurisprudence classique, dans RIDA, p. 333-408 (p. 347-352). 66 Plin., NH, XVIII, 41. 67 Sans doute affranchi et héritier des Caecilii Metelli. Cf. Plin, NH, XXXIII, 134. 68 Pomp. XL, 1.
69 Plutarque (Sylla, 1) nous cite le cas d'un affranchi habitant, dans une villa, au-dessus de Sylla, et payant 2000 HS de loyer! Cf. J. Suolahti, La spéculation sur l'habitation dans l'Anti quité classique, dans Asuntoref, II, 1966, p. 3-7, voir surtout l'étude minutieuse de Yavetz, Living conditions, p. 500-517, et du même Fluctuations monétaires et condition de la plèbe à la fin de la République, dans Colloque CNRS, Caen, 1969, Paris, 1970, p. 133-157. 70 Malgré les interdictions prononcées par les édiles, les combles des insulae étaient séparés par de simples cloisons de bois, cf. Vitr., II, 8, 18-20 Craticii ad incendia uti faces sunt parati. 71 Cf. Yavetz, Living conditions, 17, 1958, p. 504. Sur le deuxième sens de taberna, cf. p. 510 et n. 3 (Cic, Au., XIV, 9, 1). In taberna dormientem, Ascon., p. 37. 72 Cf. D. 21,1,17,15 Ulp. lib. 1 ad aed. cur. 73 Cf. Cic, Att, XV, 17 1 - Sur ce thème, Yavetz, Living Conditions, p. 514/5. 74 C'est un argument évoqué à juste titre par Yavetz, art. cit., p. 511.
LA COHABITATION DE L'AFFRANCHI ET DU PATRON funéraire ont donné lieu à Rome, à une exploita tion du même genre75. Enfin, il n'est pas exclu que l'établissement, à l'époque de César, d'une colonie d'affranchis comme celle de Corinthe ait visé en premier lieu les affranchis de citoyens pauvres, ceux dont le patron n'étaient même pas en mesure d'exploiter les services et qui vivaient dans les conditions les plus précaires76. Nous devons, par ailleurs, considérer les occupations des affranchis. Dans les grandes familles aristocratiques, ce sont les individus ayant des fonctions domestiques qui sont, en premier lieu logés: les liberti auxquels, par exemple, Varron fait allusion, dans la Res Rusti ca77ou ceux qui, à l'exemple des domus de Livie ou d'Octavien78 accomplissaient des services d'intérêt quotidien, devaient être logés sur pla ce. Il est possible que Cicéron, comme Atticus, ait logé non seulement ses domestiques mais aussi les spécialistes, dont Tiron, qui l'assistaient dans ses travaux et ce d'autant que, nous le verrons, ces individus n'avaient pas la possibilité de gagner de l'argent par eux-mêmes. Et d'autres facteurs, à propos d'affranchis qui auraient eu normalement les moyens économi ques de se loger indépendamment du patron, ont pu déterminer la poursuite de la cohabitat ion avec celui-ci : un affranchi célibataire avait peut-être moins de raison de l'éloigner qu'un autre ayant une uxor et des enfants légitimes ou non. D'autre part, des esclaves libérés sur le tard n'avaient sans doute pas de motif de s'éloigner : ce devait être le cas des statuliberi dont la condicio venait à être accomplie au bout d'un détai parfois assez long, ou des esclaves qui, libérés informellement et ayant donné satisfaction, étaient affranchis régulièrement. Ce pouvait être aussi le cas de vernae ou a'alumni attachés part iculièrement à la domus de leur patron.
" Yavetz, {art. cit., p. 511) insiste avec raison sur le fait que le slogan des tabulae novae ne concernait pas que les individus ayant bénéficié d'un crédit. Les dettes liées au non-paiement d'un loyer devaient être le fait d'un grand nombre d'individus. 76 Cf. Strabon, VIII, 6, 23, dans ce sens, Staerman, Blütez eit,p. 161. "1,69-11,8-11, 11. 78 Cf. Boulvert, EAI, p. 23-35.
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Tout en tenant compte de la relative pauvret é de notre documentation, il nous apparaît que, si les réformes prétoriennes de la fin du second siècle, en matière de cohabitation entre affran chi et patron, ont sans doute voulu répondre à une augmentation du nombre des manumissions et à un plus grand désir d'autonomie de la part des affranchis, l'intérêt d'une grande majorité de ces derniers était, cependant, de continuer à vivre avec leur ancien maître. Mais dans ce domaine aussi l'initiative patronale reste prépond érante, qui pouvait à titre d'operae exiger de l'affranchi qu'il continue à vivre sous le même toit que par le passé. Inversement, l'autorité du patron pouvait aboutir à une distension tempor aireou à une rupture de cette cohabitation : dans le premier cas, le maître pouvait accepter que l'affranchi aille vivre momentannément auprès d'un ami ou auprès de son propre patron79 ou bien il pouvait exiger que l'affranchi se déplace ou s'absente pour des raisons de service, nous y reviendrons. Dans la deuxième hypothèse, nous devons signaler les exemples d'affranchis qui vivant dans l'intimité du patron sont chassés par celui-ci pour des délits «sexuels»80.
II - RÉSIDENCE DES MORTS81 Noli nimitari; scio crucem futuram mihi sepulcrum; ibi mei sunt maiores siti, pater avus proavus, abavus, déclare plaisamment l'esclave Scele-
79 Ainsi, Dionysius, l'affranchi d'Atticus, séjourne, avant leur brouille, auprès de Cicéron - Alexio, sans doute un affranchi, et qui est le médecin de Cicéron ou l'architecte Vettius Chrysippus («prope domesticus», Fam., VII, 14, 1) sont dans le même cas. Dans le passage qu'elle consacre à ces affranchis résidant chez d'autres que leur patron, Treggiari (Freedmen, p. 222/3) confond toutes les situations et met, à tort, sur le même plan les affranchis vivant ailleurs que chez leur patronus, du vivant et après la mort de celui-ci, ce qui n'a pas la même signification. 80 Nous en reparlerons en évoquant la vie familiale des affranchis. 81 En dehors d'études de détail que nous signalerons dans le cours de l'exposé, quelques travaux méritent d'être signa lés: Mommsen, Zum römischen Grabrecht, dans JS, III, p. 198214. Lemonnier, Condition privée, p. 157-160. Lambert, Operae,
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drus à Philocomasium (Plaute, Mil. Gl, v. 373-4), en raillant son «ascendance» d'esclave, privé par définition d'ancêtres, mais aussi en soulignant le caractère précaire de la sépulture servile (le terme sepulcrum étant volontairement excessif) qui dépend, pour l'essentiel, du bon vouloir des maîtres et ne bénéficie pas de la pérennité à laquelle les tombeaux des hommes libres peu vent avoir droit82. Or, parmi les moyens dont nous disposons pour mesurer le plus ou moins grand degré d'indépendance dont pouvaient jouir les anciens esclaves, figurent les documents funéraires. Si au sujet du domicile des vivants, nous devons nous en remettre à quelques textes littéraires ou juri diques, l'analyse du comportement des affran chis,dans ce domaine, peut reposer sur une documentation bien plus abondante et, surtout, significative, puisqu'elle est constituée de nom breuses épitaphes83 qui présentent, a priori un caractère plus immédiat, plus authentique. Sur tout, ces textes malgré leur brièveté, sont assez précis et nous permettent d'approcher quelques réalités importantes : le maintien «jusqu'au bout» de bons rapports entre patron et affran chi,l'autonomie voulue et gagnée par certains affranchis qui, non seulement se ménagent un asile, pour eux-mêmes et leur famille propre, mais parfois affirment par le luxe des matériaux employés, ou l'utilisation de représentation sculptées ou encore des elogia, une existence insistante aux yeux des passants; sans parler des sépultures collectives qui affirment la force des
p. 62 et n. 1 - p. 293-4. Pergreffi, Liberti, p. 324-6. Staerman, Blütezeit, p. 159-160. Treggiari, Freedmen, p. 215-7. Kaser, RPR, F, p. 320-1. J. M. C. Toynbee, Death & Burial in the Roman World, Londres, 1971, (= Toynbee, Death). Les aspects proprement archéologiques ont été récem ment évoqués, et d'une manière assez convaincante par P. Zanker (Grabreliefs der römischen Freigelassener, dans JDAI, 90, 1975, p. 267-315 (= Zanker, Grabreliefs) qui réunit une abondante documentation iconographique. 82 Pourtant, Aristo (Ulp. L. 2 pr. D. De rei., 11, 7) affirme que le lieu où un esclave est enseveli est religiosus : locum in quo servus sepultus est, religiosum esse Aristo ait. Sur ce point, cf. F. de Visscher, Le droit des tombeaux romains, Milan, 1963 (de Visscher, Tombeaux), p. 53/54 - Borner, Untersuchungen, t. IV, p. 14 - p. 183 - Bonfante, Corso, I, p. 145. 83 Nous avons relevé 563 inscriptions sûrement funéraires concernant des affranchis (qu'ils en soient ou non les auteurs). Les deux tiers proviennent de Rome.
liens noués entre dépendants d'une même familia. C'est dire que la mort d'un affranchi sans histoire apparaît non comme une fin, mais com mele point de départ d'une existence objectiv ement révélée84. 1 - La place du patron dans les préoccupations funéraires de l'affranchi a) La proximité patron-affranchi et ses aspects archéologiques Un certain nombre d'inscriptions signalent, côte à côte, patronus et libertus, que ces deux termes (ou l'un d'eux) soient utilisés85 ou que la position de l'un par rapport à l'autre découle d'autres indications comme celles que fournit la nomenclature86. Autrement dit, dans ce cas, patron et affranchi auraient, quelles qu'aient été les modalités financières ou juridiques, partagé la même sépulture. Mais cohabitation ne veut pas dire dispari tion de toute trace de subordination. Les exemp lesne manquent pas de nette séparation hié rarchique des individus indiqués dans un même
84 Notre propos nous entraîne à négliger les aspects pro prement religieux des pratiques funéraires propres aux affranchis. Relevons que Borner a insisté, à juste titre à la fois sur la croyance en une «apothéose» permise même aux esclaves (Untersuchungen, IV, p. 169) et en une survie dans l'au-delà (p. 176), en même temps que sur un fonds d'i ncroyance ou d'agnosticisme révélé par les épitaphes (p. 1756). Il ne semble pas dans le cas de affranchis, qu'il y ait eu une recherche d'originalité particulière dans ce domaine. 85 Patronus, a, CIL, P, 1246 (= ILLRP, 940), 1329, 1332 (= ILLRP, 928), 1334 b (= ILLRP, 823), 1413 (= ILLRP, 809), 1589, 1735, 3122 - 3134 (patroneis), 3196 - CIL, II, 6135 (=Λ/Γ, 16), IV, 21961 - 37.806 (cf. ILLRP, 802) - XI, 682 et add. - XIV, 2485. Libertus, a (entier ou abrégé), CIL, I2, 1236 (= ILLRP, 940), 1260, 1277/8, 1301, 1308, 1334 b (= ILLRP, 823), 1354, 1398 (= ILLRP, 816), 1401 (= ILLRP, 939), 1319 (=ILLRP,798). 1413 (= ILLRP, 809), 1568, 1596 (= ILLRP, 938), 1638 (= ILLRP, 956), 2527 a (= ILLRP, 795), 2213 - 3125 (=X, 4169), 3172 - VI, 33.969 (cf. 10329) - CIL, X, 8222, Ep., XXV, 1963, p. 74 - RIT, n° 14 - Espérandieu Inscr. Corse, n° 7 - ILLRP, 927 a. 86 CIL, V, 1248, 1256, 1272, 1290, 1316, 1321, 1322, 1326, 1339, 1374? 1425, 1540, 1596, 1707, 1725, 1841, 1913, 1919, 2017/8, 2535, 1212 (= ILLRP, 915), 2100 (= ILLRP, 917), 2135 (= ILLRP, 946), 2998 (si l'on lit [A. Bl]aesius), 3013, 3019, 3134, 3172, 3196 - ILLRP, 503 - CIL, VI, 9618 - 17.701 - 21961, 28327, 29029, 33090, 33968, VIII, 1053, 24917 - X, 6028 - XI, 139 - 682 add. XIV, 2485 - IG, IX, 2, 853 - Capitolium, XVIII, 1943, p. 274-7, AE, 1961, 73, 1964, 30 - 1971, 41 - RIT, 14.
LA COHABITATION DE L'AFFRANCHI ET DU PATRON monument. Ainsi sur un tombeau de la nécropol e de la Porta Nuceria, à Pompéi (fig. 6), les noms du patron et de son fils d'une part, et ceux de leur affranchi et des «siens», de l'autre, sont inscrits sur deux registres différents, de telle sorte que celui qui concerne les deux patrons, placé à gauche, devait être lu en premier87. Il importe, d'autre part, de souligner que les aspects archéologiques de cette cohabitation audelà de la mort sont très divers. Ainsi, dans la zone étrusque, à Pérouse (où par ailleurs il ne semble pas que des esclaves aient trouvé abri auprès de leurs maîtres), dans un tombeau, quatre urnes de travertin portent, gravés sur le couvercle ou l'urne même, les noms de quatre individus, dont trois affranchis88. Dans une autre tombe, à côté de sept urnes aux inscriptions rédigées en langue étrusque, une huitième porte, en latin, les noms d'un affranchi de la gens Scarpia89 et donne ainsi témoignage d'une certaine solidarité entre affranchis et patrons, dans le cadre des hypogées des familles étrusques. C'est à la même conclusion que con duit la découverte, toujours à Pérouse, d'une urne d'affranchi au milieu d'un groupe de six concernant la même famille90. Mais dans un certain nombre de cas, tous datables du premier siècle et, surtout, des vingt cinq dernières années de la République, la soli darité indiquée par les épitaphes est soulignée par des représentations, sculptées qui, d'un point de vue stylistique, relèvent soit d'une manière vériste ou sévère, soit, plus tardivement, d'un type marqué d'influences classisantes. Au premier courant se rattache un monument de marbre, conservé au musée du Capitole (fig. 7)91 et datant, vraisemblablement, des années 70-50. Sur la façade principale, deux personnages anonymes sont
"CIL, I2, 3134. Photographie dans Enciclopedia dell'Arte Antica, VI, p. 355 fig. 383, cf. la note (143) de ce chapitre. 88C/L, P, 2043-6 = XI, 1970-3 =C/ Etr., 3928-3191 =ILS, 7823. 8»C/L, P, 2052 = XI, 1990 = C/ Etr., 3692 - CI Etr., 3684 3696. w CIL, P, 2637-2642 (cf. NSA. 1926, p. 171) = ILLRP, 814. On remarque que l'urne contenant les cendres de D. Sortes L 1. Dionisiu(s) est nettement plus petite. II est probable, bien que cela ne soit pas certain, que notre affranchi a pour patron L Sortes D. f. Nie. 1)1 CIL, I2, 3020.
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représentés : une femme à gauche, la tête voilée, le visage émacié, et un homme, plus jeune, les yeux légèrement baissés, portant la toge. Il s'agit sans doute d'un couple et, comme il occupe la scène centrale, on n'hésitera pas à reconnaître le patron et sa compagne. Ceci semble confirmé par les réminiscences athénien nes du second-premier siècle92 que l'on peut relever dans ce portrait masculin; et cette inspiration helléni sante,ainsi que le soin apporté à la réalisation disti ngueraient d'autant mieux le patronus de son affranchi, traité selon la manière réaliste de l'époque césarienne définie par O. Vessberg93. Sur la face latérale droite, un personnage aux traits accusés (les rides du front et le creux des joues sont très visibles), la tête baissée, portant lui aussi la toge (et la main droite sortant des plis de celle-ci) est identifié comme C. Rupilius C. L. Antioc(hus), décédé et affranchi du personnage masc ulin déjà décrit. Cette localisation du dépendant sur une face annexe souligne donc une volonté de mettre en valeur son statut inférieur, ce que le rendu sévère du personnage féminin (dont les traits font penser à certains masques étrusques) et l'attitude figée commun e aux trois bustes ne permettent pas d'indiquer avec netteté. Très caractéristique de ce style sévère et d'une certaine volonté de ségrégation apparaît la fameuse stèle de Ravenne (fig. 8.9), datée de l'époque césarien ne et consacrée à P. Longidienus P. f. Cam et à ses affranchis94. La richesse de la décoration sera évoquée plus loin; mais ce qui retiendra ici l'attention, c'est la disposition, toute symbolique des personnages. Certes la forme même du monument (2,66 m. de hauteur, 0,69 de largeur) impose la localisation des deux cou-
92 H. Stuart- Jones, The sculptures of the Museo Capitolino, Oxford, 1912 (Rome, 1969), p. 122 n°48 et pi. 21 propose le premier siècle, sans autre précision. La date de 70-50 est défendue par Vessberg, Kunstgeschichte, p. 187-8 et pi. XXVI, 2 et 3. 93 L'auteur trouve une parenté avec un personnage masc ulin d'un relief de la Villa Caelimontana (p. 187-8 et pi. XXX, I); il s'agirait d'une œuvre sortie du même atelier, avec des souvenirs de portraits athéniens récents. 9*CIL, XI, 139 = /LS, 7725. Dans la longue liste d'études citant cette œuvre, signalons particulièrement le commentair e de G. Mansuelli, Le stele romane del territorio ravennate e del Basso Po, (= Mansuelli, Le stele romane), Ravenna, 1967, p. 125-7 n° 12 et pi. 7 à 9, qui donne les dimensions et une description détaillées. Pour lui, l'époque césarienne s'impos e. Une datation augustéenne ou même de la première moit iédu premier siècle après Jésus-Christ a été défendue, de façon moins convaincante, par G. Bovini, Felix Ravenna, LXIV, 1954, p. 18-20 et ibid., LXX, 1956, p. 51, cf. G. Susini; ibid., LXXXI, 1960, p. 100 et p. 104 n. 2.
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pies sur deux niveaux95. Mais on peut remarquer que la place réservée à P. Longidienus et à sa compagne, Longidiena Stactis, est bien plus importante que celle qui est accordée à la représentation et à l'inscription concernant les deux affranchis du registre inférieur (fig. 10). D'autre part, alors que les deux époux sont figurés presque jusqu'à la taille, ce qui permet de jouer sur les mouvements de la toge et de la stola et de dégager la main, les deux affranchis sont sculptés d'une façon plus sommaire qui est accentuée par le fait que leurs épaules sont solidaires alors que Longi dienus et Stactis sont individualisés; les deux bustes inférieurs sont enfermés dans un seul arc, lors que ceux de leur patron et de leur co-affranchie sont placés chacun dans un édicule. Ajoutons que la déco ration est nettement plus riche au registre supérieur qu'à la partie inférieure de la stèle : ici, en dehors de la scène «navale», un simple pilastre, de chaque côté, se poursuivant sur les parois latérales; là, au-dessus de guirlandes, un génie ailé, à gauche et à droite de la façade principale placé sur un autel et dadophore (et se retrouvant sur les petits côtés). Ce qui, cependant, oppose avant tout les deux groupes de personnages (malheureusement la tête de la défunte est très mutil ée), c'est l'expression satisfaite, presque triomphante, de P. Longidienus, qui semble fixer le passant : image d'un citoyen qui a réussi; alors que les deux affranchi, qui ont un air plus juvénile, expriment la soumission figée, et baissent modestement le regard. D'un côté, il y a donc exaltation de l'individualité du patron, à travers sa réussite matérielle, de l'autre, solidarité de deux personnages considérés comme mineurs. Même si l'on considère ces derniers comme des fils naturels de leur patron, ce qui n'est guère assuré96, il demeure que leur personnalité effacée et leur condition de dépendants sont nettement indiquées, en dehors même de leur nomenclature. Mais un deuxième courant de représentat ions, marqué par de nouvelles modes apparues à l'époque du second triumvirat, peut être décel é dans un certain nombre de productions pro venant, elles aussi, presque exclusivement de Rome. Sur une stèle de marbre, incomplète, de la Villa Colonna, datable des années 45-40, apparaissent, cha cun dans une niche quadrangulaire, trois personnag es97, dont seuls les deux de gauche seraient à retenir.
95 Cf. Mansuelli, Le stele romane, n° 11 et pi. 6 fig. 14 : stèle d'époque imperiale, à trois niveaux. 96 Mansuelli, op. cit., p. 161. 97 CIL, VI, 21961, cf. Vessberg, Kunstgeschichte, p. 198-9 et pi. XXXVIII, 1. Il est possible que le personnage de droite ait
Le style de cette œuvre s'apparente à ce que l'on a appelé le style linéaire du deuxième triumvirat. On peut penser que dans le relief primitif, T. Manlius Stephanus, qui porte le qualificatif de patro[nus] devait occuper la place centrale entre deux personna ges féminins dont l'un a disparu. Le mauvais état de conservation des deux têtes ne permet pas un com mentaire approfondi. Les attitudes sont les mêmes que dans les œuvres précédemment décrits: main gauche sur la poitrine, pour la femme, main droite sortant horizontalement des plis de la toge, en ce qui concerne l'homme. Mais il semble que la tension, au moins dans le cas du portrait féminin, soit moins grande. On peut, au-delà de possibles relations entre deux individus de sexe opposé, mettre cette manière moins sévère sur le compte de l'influence de l'art officiel, influence qui se décèle dans le portrait mascul in, qui porte la marque, encore timide, de celui d'Octavien. Cette expression atténuée de la domination patro nalenous la retrouvons, sur une stèle romaine, main tenant conservée à Palerme, et qui doit dater des années 40/30 avant Jésus-Christ98. Trois individus sont représentés, disposés de front et portant toge, les deux hommes dévoilant leur main droite, la femme (à droite), sa main gauche. Au centre, le patron ainsi que l'indique l'inscription. Or, aucune différence dans le vêtement ou la coiffure n'apparaît entre lui et son affranchi Apollonius. L'attitude générale est identique. Seule nuance, en dehors de la place symbolique réser véeau patron, la sévérité plus accusée des traits de celui-ci : les tendons du cou sont indiqués, les plis de part et d'autre de la bouche sont accentués, la cheve lurelégèrement moins abondante. Mais il s'agit de nuances liées à l'âge différent des personnages, plutôt que d'une réelle opposition de traitement. Ceci s'expl iquesans doute par le fait que Cn. Geminius Aeschinus est lui-même un affranchi (tandis que la figure féminine, à droite, plus jeune, avec la coiffure à l'Octavie, placée épaule contre épaule par rapport au patron, représente sans doute sa compagne). Mais une austérité voisine de la dureté rapproche les trois individus, indiquant que le passage de l'un à l'autre style n'a pas été brutal et que la superposition des
appartenu, primitivement, à un autre relief. La séparation entre la femme et le personnage central paraît récente. Inversement, il y aurait eu un troisième buste, celui d'une Man lia Hilara. 9SCIL, VI, 18991 (=Acta Epigr.) 1964, p. 214-5 n° 84 = Epigr., XXVII, 1965, p. 214-5 n° 84 - La meilleure étude est celle de N. Bonacasa, Ritratti greco e romani della Sicilia, Palerme, 1964, p. 21 n°21 et pi. IX, 1 - Son étude est suivie par L. Bivona, Iscrizione latine lapidario del Museo di Palermo, Palerme, 1970, p. 238-9 n° 313 et pi. CLL
LA COHABITATION DE L'AFFRANCHI ET DU PATRON patronats, par ailleurs, met les dépendants sur un plan souvent identique. Sur un relief de la Villa Doria Pamphili (fig. 11), en calcaire, sont figurés deux personnages, dont celui de gauche doit être le patron en raison de sa place et de l'absence de surnom (alors que son affranchi en porte un). La date du monument a été très discutée", mais il semble que l'on puisse le placer à la fin de la République, dans les années 40/30 10°. L'attitude des deux personnages est identique, le vêtement aussi; à peine Pamphi[lus] apparaît-il un peu plus jeune que son patron, selon un procédé bien connu. Mais en apparence, rien ne les distingue et leurs visages por tent déjà la marque du style de l'époque triumvirale, rendue par une légère «détente» dans l'expression. La sévérité demeure, mais moins tendue et excessive. Ici, la cohabitation est mise en avant par rapport aux liens hiérarchiques : là encore, le fait que le patron soit un affranchi tend à limiter l'écart qui le sépare de son propre dépendant. Un autre exemple (fig. 12) de la mise sur un même plan d'un patron affranchi et de son libertus nous est fourni par une stèle provenant de Capoue101 et dont la datation concerne l'extrême fin de la République ou le règne d'Auguste102. Au registre supérieur, encadré par l'indication de l'identité des deux défunts (M. Publilius103 M. 1 Satur. et son affranchi, M. Publilius Stepanus) et par celle des deux co-affranchis qui ont réalisé le monument, deux personnages sont représentés debout ainsi qu'il est presque de règle à Capoue à cette époque (peut-être sous l'influence d'habitudes héritées de l'art grec)104. L'un et l'autre portent la toge, dont le jeu des plis est identique; leur hauteur est égale; leur position (jambe droite en arrière, main gauche fermée le long du corps, avant-bras droit rele véet collé au buste) parfaitement symétrique. La stèle
99 CIL, VI, 29029. Fin République - début Empire. 100 Cf. Vessberg, Kunstgeschichte, p. 197 et pi. XXXIX, 1, qui se fonde sur la forme des lettres, et, surtout, sur l'usage du calcaire, pour repousser une datation proprement augustéenne. 101 CIL, X, 8222, Sta Maria Capua Vetere. 102 Fin République/ Empire, selon M. Rostovtzeff, Social & Economie History of Roman Empire, pi. XII, 2. Cf. aussi, R. Bianchi-Bandinelli-A. Giuliano, Les Etrusques et l'Italie avant Rome, l'Univers des Formes, Paris, 1973, p. 335, fig. 389. Frederiksen, Republican Capua, p. 97/98 date le monu ment plutôt de l'époque républicaine, mais peut-être remonte-t-il trop la date de ces œuvres. 103 Et non Publius comme l'indique Rostovtzeff. 104 Cf. Frederiksen, art. cit., p. 97. Mais Bandinelli et Giulia no (op. cit., p. 333) voient plutôt dans l'art campanien du premier siècle, une imitation de l'art romain.
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a été érigée de suo par le patron, et celui-ci n'a pas voulu donner l'idée d'une supériorité quelconque sur son affranchi, dont il était sans doute l'associé dans son activité économique, ainsi que la scène représent ée au registre inférieur (et qui sera commenté ult érieurement) peut le faire penser. Dans la même lignée, se place la stèle (fig. 13 à 15) de deux affranchis de la gens Licinia, qui date des toutes premières années de l'Empire105. A gauche, le patron affranchi lui-même, traits marqués par l'i nfluence des portraits d'Auguste jeune, est représenté dans un goût déjà classicisant. A droite, marqué enco re par la tradition du portrait républicain, l'affranchi P. Licinius Demetrius, crâne dégarni, traits émaciés, visage très concentré. Alors que le premier buste est influencé par une iconographie nouvelle et officielle (d'où le contraste entre l'allure jeune et les rides du front), le second marque l'aboutissement d'un goût imposé par un demi-siècle de créations et que cet affranchi, qui d'ailleurs a eu l'initiative de la réalisa tion du monument, n'a pas voulu abandonner. Mais la dignité des deux personnages, représentés non pas en toge, mais épaules nues, à la manière des portraits héroïques, est aussi grande et l'indication des outils de travail de l'un et de l'autre aboutit à créer une impression d'égalité, et non de subordination, sinon discrète. Un relief datant de l'extrême fin du triumvirat ou du tout début de la période impériale (fig. 16) montre tout à la fois continuité et les transformations que les représentations sculptées de groupe, comme indivi duelles, démontrent, dans le cas d'affranchis, à cette époque106. Continuité dans les mouvements de bras et la position des mains, continuité dans la disposition hiérarchique des personnages, A. Clodius Metrodorus occupant le milieu du panneau. Mais on note une évolution dans le traitement des draperies et, surtout, dans le fait que les visages ne sont plus aussi contract és que dans la première manière. En particulier, si Clodius Stertius, le personnage de gauche, plus jeune (est-il le fils, affranchi, des deux autres? et son statut a-t-il été volontairement omis?) a bien encore cette . expression réservée et soumise que l'on relevait ail leurs, cela est indiqué de façon plus discrète tandis qu'abandonnant une attitude strictement frontale, Ciodius Metrodorus se tourne discrètement vers celle qui, tout en étant son affranchie, pouvait être sa compagne.
mCIL, XIV, 2721/2 (Tusculum), cf. G.M.Richter, Was Roman Art of the Fins centuries B.C. & AD., Classicizing, dans JRS, XLVIII, 1958, p. 10-15 et pi. I. 106 CIL, VI, 9574, cf. Zadok, Ancestral Portraiture, p. 57 et 75 et Vessberg, Kunstgeschichte, p. 201 et pi. XLI, 2.
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éclectisme parmi les affranchis. Ainsi l'opposi tion entre goûts populaires, tournés vers le réa lisme, et goûts aristocratiques, tournés vers l'a cceptation d'une certaine idéalisation, se marque au sein même de ce groupe, même si nous devons souligner que les affranchis n'ont eu aucun rôle d'avant-garde dans ce domaine et que, pour des raisons de «dignité» et de bien séance ils ont plutôt «boudé» les représentations hellénistiques personnalisées et libérées de la frontalité109. Il faut souligner enfin, que presque tous les exemples signalés proviennent de Rome, ce qui est caractéristique, sans doute, d'un certain développement culturel et artistique propre à la capitale; mais ceci peut traduire aussi le fait que Ainsi, au travers de ces représentations figu certains affranchis ont succombé à une véritable rées (nous avons volontairement exclu de notre surenchère qui, au premier siècle avant notre propos un certain nombre de monuments que ère, a vu les catégories aisées de la population nous évoquerons plus loin, lorsque nous décri consacrer de plus en plus d'argent à des cons rons la vie familiale des affranchis), la représent tructions funéraires, comme Cicéron110 et cer ation côte à côte du patron et de l'affranchi tains juristes de son temps, ou légèrement posté nous permet d'avancer d'une part que l'expres sion de la potestas patronale et celle de la sou rieurs, nous en administrent la preuve111. Nul mission du libertus ne sont pas toujours «gom doute que ces reliefs, dont l'arrière n'était pres que jamais travaillé112 devaient faire partie de mées» et qu'elles ont d'autant plus de vigueur monuments importants : ils ne pouvaient donc que le patron est ingénu. Tandis que lorsque le être le fait que d'affranchis appartenant à une patron est un affranchi, la différence de position élite, au plan économique. n'est pas décrite aussi nettement, même si cer taines conventions (place à gauche dans le cas b) La «pietas» de l'affranchi envers le patron: de couples, au centre quand trois individus sont aspects matériels représentés) permettent de situer le patronus véritable. L'initiative des patrons, en matière funéraire, Par ailleurs, si les scènes étudiées sont, n'est pas négligeable. Certains, par exemple, sont en majorité, rattachées au style hyperréaliste, les auteurs d'épitaphes en faveur de leurs liber· «vieux romain» pourrait-on dire, marqué de con tim, ou leur concèdent, le plus souvent collectiventions rigides, qui se maintient jusqu'à l'âpoque augustéenne108, l'adoption, par un certain 109 Cf. Zanker, Grabreliefs, p. 308-309. Ce qui aurait limité nombre de groupes ou d'individus, des modes le succès, à la fin de la République, de ce type de représentat nouvelles, classicisantes et génératrices de port ion, tiendrait à la recherche d'une expression plus vive de la raits moins «tendus», démontre qu'il n'y a pas dignitas que le style réaliste permettait plus facilement d'at absolue uniformité de goût, mais un certain teindre. 110 De Leg., II, 66 Sed ait rursus idem Demetrius increbruisse earn funerum «sepulchrorumque magnificientiam», quae nunc fere Romae est', quant consuetudinem lege minuit ipse. 111 Cf. D. 35.1.40.5 (Iavolen 2 ex post. Labeonis). 107 CIL, XI, 682 et add. G. Susini, // lapidario (Museo Civico di Bologna), Bologna 1960 (= Susini, Lapidario), p. 76-8 n°77 D. 50.16.202 (Alf. Varus 2 Dig. - D. 28.5.45 (44) (Alf. Varus 5 (cf. G. Mansuelli, dans Rom. Mitt, 65, 1958, p. 92 et 97). Cette dig.) - D. 35.1.27 (Alf. Varus 5 dig.) In testamento quidam stèle devait correspondre à un monument dans lequel elle scripserat, ut sibi monumentum ad exemplum eius, quod in Via devait être extérieurement murée. Salaria esset Publii Septimii Demetri, fieret. . . 108 La stèle de P. licinius Philonicus et de P. Licinius 112 Cf. Zanker, Grabreliefs, p. 271. Demetrius montre une tendance à abandonner la convention 113 CIL, F, 1378 - 1547 (=ILLRP, 565), 1570 {=ILLRP, 977)? qui voulait que le patron fût représenté sous des traits plus 1888, 2213, 2527 a (=ILLRP, 795), 3122 (=X, 4227), H, 6135 vieillis que ceux de l'affranchi. ILLRP, 927 a - Ep. XXV, 1963, p. 74 - XXVII, 1965, p. 127/8. Enfin, une dernière stèle de calcaire, provenant de la région de Forum Cornelii107, et appartenant à la période de transition République-Empire, montre cer taines limites de la place occupée par le patron sur de telles représentations : certes, le nom de celui-ci, un ingénu, figure en tête de l'inscription. Mais les deux portraits figurés semblent ceux de L. Caesius Licinus et Hermidia Clara; sinon, il paraîtrait plus normal que cette dernière soit citée aussitôt après son «époux». Malgré la maladresse du sculpteur, qui a donné un faible relief aux deux visages et n'a pu échapper à une excessive schématisation (même ovale, même dessin des yeux, présentation des oreilles «à plat») le travail est marqué par les tendances de l'art romain de cette époque, ce dont témoigne l'esquisse de sourire notam mentdu personnage féminin.
LA COHABITATION DE L'AFFRANCHI ET DU PATRON vement, un locusnA. Et l'on peut penser que, dans ces cas, il s'agit d'une manifestation de générosité destinée à récompenser les services rendus par les affranchis ou à marquer le devoir de protection à l'égard de ceux-ci. En fait, si l'on examine attentivement les réa lités matérielles, en particulier financières, de ces actes, on remarque que lorsque le patron prend l'initiative d'une construction, c'est que, la plupart du temps, il y prend place lui-même115. D'autre part, l'effort financier apparaît au moins partagé : si le patron donne le terrain, l'affranchi, seul ou avec ses compagnons, assume les frais de construction116 (et même, dans le cas de P. Longidienus, il n'est pas sûr que ses affran chisse soient limité à payer leur part, bien que le patron ait pris la décision d'édifier le monu ment et de graver la stèle)117. Cette association est d'ailleurs exprimée parfois clairement : libertus et sociusm, dimidia sociaU9, tandis qu'un cer tain nombre de «dons» présentés de façon ambi guedoivent correspondre à des associations de ce genre120. On peut, par ailleurs, se demander si l'expres sion libertis Ubertabusque a toujours représenté autre chose qu'une clause de style, destinée à mettre l'accent sur une certaine aisance et à faire la preuve d'une générosité ostentatoire qui n'était pas forcément suivie d'effet, ou devait même dépasser les limites réelles de la familia patronale121; d'autant plus que les patrons sont le plus souvent, dans ces cas, eux-mêmes des
114 CIL, P, 1296 - 1354 - 3023 - 1638 (= ILLRP, 956). "5C/L, P, 1220 (= ILLRP, 365), 1212 (= ILLRP, 797), 1236 (= ILLRP, 940), 1301, 1308, 1319 {= ILLRP, 798), 1334 b {= ILLRP, 823), 1354, 1401 (=ILLRP, 939), 1413 (= ILLRP, 809), 1568, 1638 (= ILLRP, 956), 1900, 2100 (= ILLRP, 917)? 2135 (= ILLRP, 946), 2535 - CIL, X, 8222, XIV, 2485 A.E., 1961, 73. Espérandieu, Inscr. Corse, n° 7. 116 CIL, P, 1354 - 1638 (= ILLRP, 956). 117 CIL, XI, 139 = ILS, 7725 : P. Longidienus . . ./se vivo constituit, Impensam patrono dederunt. "»CIL, P, 1596 = ILLRP, 938. 119 CIL, I2, 1326. ™CIL, P, 1226, 1277, 1286, 1339, 1862. 121 Même s'il est question des »posteri» des affranchis CIL, F, 1226, 1236 (= ILLRP, 940), 1260, 1278, 1301, 1313, {"ILLRP, 812), 1319 (= ILLRP, 798), 1334 b {= ILLRP, 823), 1341, 1355, 1398 (= ILLRP, 816), 1401 (= ILLRP, 939), 1568, 1591 (= ILLRP, 929), 1638, (= ILLRP, 956), 2213, 3023, 3096 - VI, 26032 - X, 6028?, (= ILLRP, 412) - ILLRP, 956 - Ep. XXV, 1963, p. 74.
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affranchis cédant à ce demonstration effect cher à P. Veyne122. Certes, il est indéniable que certaines dédica ces ou constructions, réalisées par des affran chis,ont été exécutées en application du test ament du patron de ces derniers, dont ils ont pu être les exécuteurs ou les bénéficiaires part iels123. Mais il n'est pas totalement exclu que, dans certains cas, les affranchis aient été, en réalité, heredes necessarìi, ayant reçu la liberté par testament, mais au prix des charges financiè res que celui-ci imposait. Cependant, les sources littéraires donnent quelques exemples de patrons ayant assumé les funérailles ou les frais de sépulture en faveur de leurs affranchis décédés. Ainsi, d'après Valére Maxime124, un certain Panapion fit élever un magnifique tombeau et graver une épitaphe en l'honneur d'un serviteur qui s'était fait tuer à sa place : faciendo monumentimi ac testimonium pie· tatis grate titillo reddendo. Plutarque nous indi que125 que Metellus Nepos rendit de grands hon neurs à son précepteur Philagre et lui éleva un tombeau surmonté d'un corbeau symbolisant l'éloquence du défunt. Et l'on ne saurait oublier qu'Octavien126 fit célébrer des funérailles publi ques en faveur de son vieux précepteur Sphaerus, en 40 avant Jésus-Christ. Mais il reste que, sur le plan financier, pour tout ou partie, les affranchis, en tant que tels ou en compagnie de leurs propres affranchis, n'ont pas été en reste à l'égard de leurs patrons et même ont été plus souvent généreux (ou obligés de l'être) que ceux-ci. Quant aux dédicaces et sépultures dans les quelles le patron ne figure pas, mais où l'affran chi, seul127 ou en compagnie d'un tiers qui, le plus souvent, doit être sa compagne128, est impli-
122 Panem et Circenses : L'évergétisme devant les sciences humaines, Annales ESC, 1969, p. 785-825 (p. 801). i2iCIL, I2, 1276, 1371, 1591 (= ILLRP, 929), 1681. 124 VI, 8, 6. 125 Cic, XXVI, 7. 126 Dio, XLVIIL 3, 1. 127 CIL, P, 982, 1251 (= ILLRP, 948), 1334 b (= ILLRP, 817), 1416, 1713 (= ILLRP, 800), 1819, 2205. 128 Nous y reviendrons en abordant le thème de la vie familiale de l'affranchi.
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
que, c'est ce dernier qui en a le plus souvent et l'initiative et la charge129. On comprend donc que, leur pietas étant source de dépenses, certains affranchis, qu'ils aient agi spontanément ou en vertu d'obligations notamment testamentaires, n'aient pas hésité à faire une allusion marquée aux frais engagés, les termes pecunia ou impensa étant soulignés130. Et il y a peut-être quelque condescendance de la part de cet affranchi, associé au mari de sa défunte patronne, à invoquer les «mérites» de celle-ci, en échange desquels le libertus a dû partager les frais d'un monument d'une certaine importance131 : il est à remarquer, dans ce cas précis, que l'affranchi T. Luscius Corumbus assume la dépense correspondant à la sépulture non seulement de sa patronne, Luscia T. 1. Mont ana, mais aussi du patron de cette dernière, T. Luscius T. 1. Parnaces (lui-même un affranchi, d'ailleurs). C'est dire que l'affranchi de l'affran chi n'échappe pas à des obligations qui dépas sentle cadre du seul patronage direct. Il est vrai que les restes «archéologiques» de ces tombeaux élevés au profit des patrons sont parfois considérables et laissent penser que les frais engagés étaient lourds. Il en est ainsi du monument de Q. Ovi(us) Cf. Freg(ellanus)132, daté de l'époque syllanienne : il est élevé par (les) trois affranchis du défunt qui ont voulu remercier celui qui leur a donné la liberté, peut-être par testament133. Il s'agit d'un impo-
129 On aboutit à peu près aux mêmes résultats auxquels sont parvenus A. Daubigney, F. Favory, L'esclavage en Narbonnaise et Lyonnaise, dans Actes du Colloque 1972 sur l'esclavage, Paris, 1974, p. 358. Selon ces auteurs, en effet, les relations cordiales seraient le fait des plus modestes propriétaires d'esclaves; d'autre part, sept fois sur dix ce serait l'affranchi qui témoignerait ses bons sentiments. 130 CIL, F, 1236, 1436 (=ILLRP, 809), 1589, 2276 (=11, 4371); P, 3134, (=ILLRP, 940). 131 CIL, F, 1332 = ILLRP, 928. On peut aussi signaler le cas (CIL, VI, 33090) d'un certain A. Clodius A. f. Col. qui fait une dédicace à la mémoire de sa concubina, Saturia D. 1. Philoclea et du patron de celle-ci D. Saturius L 1. Dama, dont le nom est cité en premier (Sur la datation républicaine cf. B. Rawson, dans TAPhA, 104, 1964, p. 290 et n. 37). 132 C7L, F, 2131 et 2132 a,c, reconstitué par A. Degrassi // monumento riminese di Q. Ovio Fregellano, dans Athenaeum, n.s., XIX, 1941, p. 135 - (=ILLRP, 947 + Imagines, 321 a.b.) Hauteur 1,19 au-dessus du socle. 133 C'est un des sens possibles de l'expression : Quod suis dédit appare(t). Mais cette expression peut aussi bien faire allusion à la richesse léguée par le patron.
sant parallélépipède reposant sur un socle mouluré et composé de plusieurs blocs. Le tout devait être prépa ré à soutenir une statue, à moins que l'on ait affaire à une construction en forme d'autel, et destinée à jouer le rôle à la fois d'un monument funéraire et d'une base honorifique134. C'est un édifice en forme d'autel que nous trou vons à Pompéi, dans la nécropole de la Porta Nuceria135. Il s'agit d'une tombe à podium, avec en façade un revêtement de stuc imitant le marbre et faisant écho au premier style. Au sommet, une corniche de style ionique, tandis que deux lions funéraires en tuf sont posés sur le haut, à gauche et à droite. Datant des débuts de la colonie, cette construction funéraire, ambitieuse, est tout à fait accordée à la mise en valeur d'une gens qui, dans la première moitié et le milieu du premier siècle avant Jésus-Christ, a joué un certain rôle public puisque, en particulier, un M. Stronnius M. 1. Nicio a été mag(ister) vici Forensis, en 43, et qu'il était, sans doute, l'affranchi de M. Stronnius C. 1. Meinius, le responsable de l'édification de ce tombeau136. c) La «pietas» de l'affranchi: les derniers devoirs rendus au patron Rendre au patron un hommage «pieux» et lui assurer une sépulture relève bien évidemment du «respect» imposé à l'affranchi envers celui qui l'a gratifié de la liberté. Et l'on a fréquem ment insisté sur le rapprochement qu'il convien drait d'opérer entre les termes obsequium, (ou obsequia) et exsequiae, l'état à'obsequium dans lequel se trouve l'affranchi à l'égard de son ancien maître lui imposant de suivre son patron jusqu'au seuil de sa dernière demeure137. N'ou blions d'ailleurs pas que, selon Denys D'Halicarnasse, le désir que leur cortège funéraire fût suivi par les nouveaux pilleati, aurait déterminé certains propriétaires à multiplier les affranchis-
134 Sur ce type de monument, cf. G. Mansuelli, Monumento funerario, Encicl. dell'arte antica, V, p. 194-5 (= Mansuelli, Monumento). Cf. aussi CIL, F, 2209 = ILLRP, 537 = Imagines, 225 daté du début du premier siècle, Aquilée, qui doit être un autel honorifique. 135 Photo donnée dans Encicl. dell'arte antica VI, p. 355, fig. 383. Daté, à tort, de l'époque impériale par Mansuelli, Monumento, p. 195. Description dans E. La Rocca, M. et A. de Vos, Guida Archeologica di Pompei, Roma, 1976, p. 263, n°31 (= La Rocca, Pompei). Notre fig. 6. 136 Cf. CIL, TV, 60 et le commentaire de Castren, Ordo, p. 225, n° 235 et 236. 137 Voir Lambert, Operae, p. 10-11, Toynbee, Death, p. 47 et n. 140.
LA COHABITATION DE L'AFFRANCHI ET DU PATRON sements par testament138. Or, nos sources litt éraires nous citent en abondance les exemples d'affranchis anonymes ou non, qui ont assisté leurs patrons dans leurs derniers instants et se sont assuré du respect dû à leur dépouille; et ces cas sont relevés justement à propos des guerres civiles, comme traduisant la vigueur de la fidéli té de ces liberti attachés à leurs patrons. Ainsi, après l'assassinat de Pompée139, c'est Philippus, son fidèle affranchi, qui rend les derniers devoirs à son patron: il recueille le cadavre, le lave et l'incinère. Edifiante est l'aventure de Sex Clodius (un affran chi de la gens Clodia?) ou Cloelius, attaché à la per sonne de P. Clodius et qui aurait été exilé pour avoir porté au Sénat même le cadavre de Clodius assassiné par Milon, et avoir, en le brûlant, incendié la Curie140. Au soir de Philippes, Antistius Labeo, le philoso phe, après avoir affranchi son plus fidèle esclave, se fit égorger par lui et fut enseveli dans la fosse qu'il avait fait creuser dans sa propre tente141. Plus tard, le cadavre de César fut recueilli par trois serviteurs, immédiatement après l'assassinat142. Mais Dion Cassius nous indique que c'étaient les affranchis du défunt qui avaient recueilli ses restes et les avaient placés dans le tombeau familial143. Et l'exemple de Geganius Clesippus, qui fit bâtir, aux dires de Pline l'Ancien un magnifique tombeau (nobili sepulchro)1*4, à la mémoire de sa patronne et «maîtresse», ne dut pas rester isolé145. Tout comme ne
138 IV, 24, 6. »» Cf. Plut., Pomp., LXXX (cf. LXXVIII et LXXIX). Appien (BC, II, 86) parle d'inhumation, mais ne nomme pas Philippus. 140 Cicéron, Pro Mil, 90, cf. Att., XIV, 13, 6 et 13,2 (lettre d'Antoine), cf. J. M. Flambard, dans MEFRA, XC, 1978, 1, p. 235-245. 141 App. BC, IV, 135. On notera le rapprochement possible avec Pindarus l'esclave de Cassius, Nuper ab eo manumissus (Val. Max., VIII, 4) : n'y aurait-il pas un doublet? 142 App. BC, II, 108. Récit confirmé par Suét., Caes., LXXXII, 3. 143 XLIV, 51, 1. cf. Staerman, Blütezeit, p. 165. 144 NH, XXXIV, 12. Une magnifique plaque de marbre moulurée (CIL, F, 1004 = /LS, 1924 = ILLRP, 696 = Imagines, 259), porte le nom de cet affranchi: elle a une longueur de plus de trois mètres. Appartenait-elle à un tombeau indivi duel ou Clesippus était-il enseveli à côté des restes de sa patronne? 145 Cf. Plut., Mariiis, XLIII, à propos des serviteurs de Cornutus qui «lui donnèrent une sépulture aussi remarquab le que si c'eût été leur maître». Cf. Val. Max., VI, 8, 2 - Caes., Bell. Afr, XCIV, 1 - Plut., C. Gracch. XXXVIII (cf. App. BC, I. 26), où il est question d'esclaves en général.
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dut pas être exceptionnelle l'attitude des serviteurs de M. Marcellus, veillant sur son cadavre146 : Invent duos libertos dit Cicéron, et pauculos servos; reliquos aiebant profugisse metu perterritos. Le récit, cependant, nous invite à penser que la crainte de représailles, notam mentdans le cas des esclaves, ne devait pas toujours permettre à la fidélité de tous les serviteurs de se manifester, nous y reviendrons plus loin. Notons, en passant, que la possession d'un tom beau permit à certains affranchis, lors des proscript ions, d'y abriter provisoirement leurs maîtres147. Mais ce devoir d'assistance aux patrons défunts doit être apprécié à la lumière d'exemp les qui nous montrent qu'un certain nombre de citoyens, hommes politiques le plus souvent, ont associé certains de leurs affranchis à leur mort, donc à leur honneur, en leur demandant, à titre d'ultime service, de les tuer, ceci afin de les soustraire à la honte de tomber, vivants, aux mains de leurs adversaires. L'exemple le plus célèbre est celui de Pindar us,l'affranchi de Cassius, qui, après la bataille de Philippes donna la mort à son patron, à la requête de celui-ci : quatre auteurs, Appien, Plutarque, mais aussi Valére Maxime et Velleius Paterculus, font le récit de cet acte de dévouem ent148. Il s'agit d'un vrai poncif (sed fidei per exemplum dit Val. Maxime), qui a peut-être don nélieu à des doublets et qu'en tous les cas les auteurs cités ont utilisé pour mettre en lumière la «fidélité» des affranchis à l'époque des guer resciviles. C'est encore après avoir affranchi son dernier esclave, qu'Antistius Labeo, ayant ainsi remis son sort entre les mains d'un homme qu'il considérait comme libre, reçut la mort des mains de celui-ci149. Antoine lui-même fut tué, sur son ordre, par son homme de confiance, Eros150. Cette tâche il l'aurait, bien avant, confiée à un de ses affran-
146 Fam., IV, 12,3. 147 App. BC, rV, 44 (récit qui est peut-être un doublet de BC, IV, 47). 148 Val. Max. (VI, 8, 4) ajoute que l'affranchi se serait donné la mort après avoir accompli son devoir, cf. Veli. Patere. (HR, II, 70). Appien (BC, IV, 103) apporte une variant e : Pindarus aurait agi de son propre chef. Plutarque (Ant., XXII - Brut., XLIII) suit cette dernière tradition. 149 App., BC, IV, 135. Le cas de cet affranchissement apud se a été discuté plus haut. 150 Plut. Ant., LXXVI.
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chis et garde du corps, un certain Rhamnus, qui avait dû périr (ou trahir?) entre temps151. Ajoutons enfin, que certains affranchis cher chèrent à dissuader parfois avec succès152, d'au tres fois, en vain153, leur patron de mourir. Si l'on tient compte du fait, que dans certai nes conditions, les affranchis pouvaient être pré posés à la garde des tombeaux de leurs anciens maîtres154, on s'aperçoit que l'association des liberti à leur patron dans le domaine funéraire était fréquente et, le plus souvent, étroite. Remarquons toutefois que tous les renseigne ments littéraires que nous avons utilisés et prat iquement toutes les données épigraphiques et archéologiques dont nous disposons sont datés du premier siècle et même des dernières décenn iesde la République; il nous est donc difficile d'établir une comparaison avec les formes prises par une telle cohabitation au siècle précédent. Par ailleurs, le fait que dans l'ensemble des épitaphes de la République et, surtout, dans le lot des représentations sculptées, la place des affranchis (en liaison avec leurs patrons) soit prépondérante, traduit sans doute, et au moins pour une large part, la nature particulière des obligations financières (représentant parfois la condition d'un affranchissement, notamment par testament) pesant sur de tels dépendants. Nous devons tenir compte aussi d'une sorte de pression sociale à laquelle, pour diverses rai sons, des affranchis, notamment parmi les plus aisés, semblent avoir cédé. Ainsi, Horace155 donne-t-il de solides conseils dans le sens de la magnificence en matière de funérailles et de tombeau en l'honneur du patron : Sepuicrum/ permissum arbitrio sine sordibus extrue; funes/ egregis factum laudet vicinicu De même, il n'est pas exclu que le tombeau de Gegania, élevé par son affranchi et amant Clesippus, ait été d'autant 151 Ant., XLVIII. On notera, par ailleurs que c'est à un de ses propres affranchis qu'Antoine avait confié la tâche d'assu merles funérailles de Brutus (Val. Max., V, 1, 11 - Plut., Ant., XXII). Autres exemples de dévouement : Diod., Fragm., XXXVIII, 15 - Sen. De Benef., III, 23, (cf. Macrobe, Sat., I, XI). 152 Plut. Caes., XXXIV, - Gracch., XXXIII. 153 Plut., Cat. /., LXX. 154 Horace, Ars Poet., 470 montre que la nécessité d'une telle protection s'imposait dès son époque Nee satis apparet cur versus factitet utrum/ Minxerit in patrios cineres. . . 155 Sai., II, 5, ν. 103-106.
plus magnifique que ce dernier avait non seul ement subi des railleries pour son physique di sgracieux et son métier de bouffon, mais encore avait été l'objet d'une réprobation très dure pour avoir «cohabité» avec sa patronne156. Les manifestations de la pietas des affranchis envers leur patronus défunt ne sauraient donc être envisagées sans référence à un type d'obli gation ou à un désir de «paraître». Enfin, les modèles mêmes de représentation iconographique utilisés, aussi bien dans le cadre du style hyper-réaliste de l'époque césarienne, que dans celui des nouveaux modes plus «idéa listes» et classicisants du deuxième triumvirat, doivent nous inciter à penser d'une part que les affranchis étaient assez conservateurs en cette matière157 (ce qui peut être traduit, aussi bien leur manque d'initiative que le souci de se plon gerle plus possible dans une tradition qui doit être perçue comme génératrice de bienséance), d'autre part, que leur choix s'est porté sur des «images» non individualisantes, soulignant plus la dignité (nouvelle) ou la modestie (et donc l'état de dépendance) des personnages que l'identité réelle de leur personne158. Et il est tout à fait remarquable que ce choix ait joué aussi bien dans le cas d'affranchis d'ingénus que dans celui d'affranchis-patrons figurés avec leur(s) affranchi(s). Et il est tout aussi notable que la seule adaptation systématique aux goûts nou veaux, dans ce domaine, ait consisté dans l'adop tiond'un matériau qui, au début du premier siècle encore, était d'utilisation exceptionnelle : le marbre159. 2 - Les possibilités d'autonomie de l'affranchi par rapport au patron a) Affranchis et sépultures «familiales» Mais tous les affranchis n'ont pas été abrités, après leur mort, dans le tombeau de leur patron 156 Plin., NH, XXXIV, 12. 157 Sur la portée sociologique du style réaliste, cf. R. Bianchi-Bandinelli, Encicl. classica, VI, art. Ritratto, p. 723. 158 Vessberg, Kunstgeschichte, p. 183 notamment. 159 Sur l'utilisation respective du travertin, puis du marb re, cf. Vessberg, op. cit., p. 63-65 et 179-180 - Susini, // lapicida, p. 33-5. - Cébeillac, Ostie, - Zanker, Grabreliefs, p. 271.
LA COHABITATION DE L'AFFRANCHI ET DU PATRON ou n'ont pas pris en charge - totalement ou en partie - les frais de sépulture de ce dernier. Mais, pour autant, le libertus dans de telles con ditions n'a pas rompu tout rapport avec la familia de son maître. En effet, la constitution, autour des grandes gentes, et essentiellement à partir des toutes dernières années de la République, d'une domest iciténombreuse a entraîné la construction - ou du moins l'occupation - collective, par les affranchis et les esclaves d'une même gens, de monuments, columbaria, dont l'apparition essen tiellement à Rome est liée à une séparation «physique» des ingénus constituant les familles les plus puissantes et de leurs dépendants160. En même temps, réduite à l'existence d'une petite plaque, non visible de l'extérieur, l'identité des affranchis dont les ollae sont ainsi accueillies, ne bénéficie que d'un relief tout à fait limité, pro che d'un quasi anonymat. Certes, on peut attr ibuer la construction de tels ensembles à la volonté de certains puissants de donner une sépulture décente à leurs serviteurs décédés, mais on peut penser qu'en édifiant ou faisant édifier des constructions placées sous leur patro nage, ces chefs de gentes aristocratiques ne fa isaient que rendre hommage à leur propre nom et traduire, dans une réalité architecturale nouv elle et signifiante par ses dimensions, la cohé sion et l'importance de leur dépendance161. 160 L'apparition de ces columbaria est à mettre aussi en liaison avec une réaction de caractère aristocratique, visant à limiter les sepulchra communia aux seuls gentiles. Dans ce sens, Cicéron (De Leg., II, 55) est formel : Tanta religio est sepulchrorum ut extra sacra et gentem inferri fas negent esse idque apud maiores nostros, A Torquatus in gente Popillia iudicavit; et d'ajouter : Magnum est eadem habere monumenta maiorum, iisdem uti sacris, sepulchra habere communia. Com munauté liée aux seuls gentiles, cf. aussi Pro Milone, 37 monumentimi sui nominis. De même, la tombe des Volumnii, à Pérouse, qui a dû servir entre le début du premier siècle et 40 avant JésusChrist est exclusivement réservée aux ingénus de cette gens, contrairement aux pratiques relevées par ailleurs, dans le cas de familles moins «huppées» et à Pérouse même (cf. CI Etr., 3372-3375 et 3757-3763, et Toynbee, Death, p. 22-4 et fig. 6). 161 Dans ce sens, les conclusions de Borner, Untersuchung en, IV, p. 172/3, nous semblent tout à fait éclairantes. Le commentaire de Dessau (ILS, 7853 "CIL, P, 1286 = ILLRP, 785), semble excessif. Le texte dit: Familiae L Coccei et liberteis / et eorum / Dasius disp{ensator) de suo fac(iendum) coeriavit). Dessau conclut que, comme dans d'au tres cas, Dasius a donné le sépulcre à ses co-esclaves. Rien ne
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Et les exemples ne manquent pas dans notre documentation épigraphique : ainsi, la familia de A. Allienus et celle de Polla Minucia, personnag es de l'ordre sénatorial, sont associées dans un monument situé près de la Porta Praenestina162. Ainsi, toujours à Rome, les esclaves et affranchis de Scribonia, épouse d'Octavien signalés sur deux inscriptions provenant d'un monument situé à proximité de la Porta Capena163. De même des serviteurs de personnages riches, mais peut-être moins huppés, sont abrités collec tivement dans des columbaria romains : liberteis et familiae L. Noni L. f. Pap. et Antoniae libertorum164, sur la via Latina; familiae L· Coccei et liberteis et eorum165 dit l'inscription correspon dant à un autre monument qui devait peut-être englober les affranchis des affranchis166. Ajoutons que l'expression locum dédit libertis libertabusque à laquelle nous avons déjà fait allu sion recouvre peut-être l'octroi d'un terrain suff isamment étendu pour qu'un sépulcre collectif puisse y être édifié167 (soulignons d'ailleurs
dit que cet acte de générosité ait porté sur l'ensemble du monument, il n'est peut être question que de la plaque indiquant la destination de celui-ci. 162 CIL, P, 1237 = ILLRP, 396 (peut être le prêteur de 49 avant Jésus-Christ et la belle-mère de Q. Minicius Thermus, prêteur entre 60 et 58, selon Degrassi). i6ìCIL, VI, 26032 = ILLRP, 412 Ex domo Scriboniae Caes. libertorum, libertär et qui in hoc monumenti contulerunt., CIL, VI, 26033 Libertorum et familiae Scriboniae Caesar et Cornell Marcell(i) F(ilii) eius. A moins que l'on doive distinguer deux monuments, le second recevant aussi des serviteurs Cornelius Marcellus, sans doute issu du premier mariage de Scribonie avec Cn. Cornelius Marcellinus, consul en 56 avant Jésus-Christ. Si comme le voulait Dessau (ILS, 126 cf. 7848), la Scribonia indiguée dans la première inscription est l'épouse de César, et l'autre celle d'Octavien, il faut sans doute penser à l'exi stence de deux monuments. Mais cela supposerait une data tion relativement haute du columbarium des serviteurs de la première des deux femmes. Ajoutons qu'un troisième monument, abritant des affran chisde Scribonia, épouse de M. Licinius Crassus, et de Scri bonia, épouse d'Octavien (ainsi sans doute que de Crassus lui-même) se trouvait près de la Porta Salaria (CIL, VI, 37.380 = /LS, 9433 cf. Vitucci, Libertus, IV, 1958, p. 912). 164 CIL, P, 1346 : VI, 23006. l6iCIL, P, 1286 = ILLRP, 785. 166 pour Degrassi et est superflu; or on peut tout aussi bien comprendre liberteis et (liberteis) eorum. 167 Quand les dimensions sont indiquées, elles paraissent suffisantes pour l'édification d'un monument relativement élevé: 15x16 pieds (CIL, P, 1237 = ILLRP, 396), 12x12 (P,
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
qu'elle se retrouve exclusivement à Rome, aussi). Il est remarquable que ce soit à Rome que ces formes collectives aient pris le plus d'import ance,en liaison sans doute avec la cherté des terrains et l'importance numérique de familiae dépendant de grandes gentes. Ainsi, la mention a'ollaem ou la découverte de petites plaques de travertin et de marbre169 font penser à l'utilisa tion de sépultures collectives, sans que l'on soit évidemment en mesure de dire si ces dernières étaient réservées aux serviteurs d'une même famille, ou aux membres d'un collège funéraire. En revanche hors de Rome, les exemples sont peu nombreux : il est possible qu'à Tarraco une «tour» funéraire ait abrité les restes d'affranchis et d'esclaves de plusieurs familles italiques170, tandis qu'en Etrurie, à Caere, les affranchis de la famille des Magilii étaient regroupés, semble-t-il, dans un sépulcre particulier, distinct de celui de leur patron171. De toute manière, il apparaît que même en dehors de ces columbaria à la gloire des grandes gentes, les liens entre affranchis ayant un même patron sont très étroits lors de l'acquisition et de l'occupation de tombeaux. C'est ainsi que le ter1355), 13 χ 18 (P, 3023). A titre d'exemples, rappelons que le columbarium I de la Vigna Codini, d'époque augustéenne, mesurait 7,5x5,65 mètres et devait contenir 450 emplace ments(298 épitaphes ont été retrouvées) cf. Toynbee, Death, p. 113/4 et η. 375-6. 168 CIL, P, 1296 - VI, 37.380, Ep. 1961, p. 9. ™>CIL, P, 1357 - 1416. CIL, VI, 37814 - 38.100. ILLRP, 811 =P, 1299. (Mais l'expression tabella utilisée au CIL, peut ne pas s'appliquer à des plaques de columbarium, cf. CIL, P, 1214 = ILLRP, 803). 170 Tour circulaire, selon Alföldy, RIT, n° 6. Notons, cepend ant,que des individus portant des gentilices différents sont réunis. Par ailleurs, il est curieux qu'à Tarragone, d'autres Sex. Flavii, affranchis, figurent dans différents monuments, il faut sans doute restituer [Sex. Flaviu]s Sex. L. Theogn[is] à la 1. 3 de RIT, n° 6 - et lire [Sex. Fla]vius Sex. L. Ger(manus) dans CIL, II, 4432 = RIT, n° 8 (mais dans ce dernier cas, les dimens ionsdu monument font penser que l'affranchi en question a voulu se singulariser). Enfin, deux affranchis, de la gens Nonia sont indiqués sur un linteau appartenant à un import antmonument (fig. 17). 171 Cf. CI Etr., 6024 à 6034 et le commentaire de M. Cristofani : monument de 4,20 χ 3,20, soubassement en tuf. Il s'agit de l'hypogée n° 40 signalé dans MottAL, XLJI, 1955, c 422, cf. Heurgon, Vie quotidienne, p. 84-91. Mais la datation est incer taine.
me de collib{ertus, a) intervient pour désigner des individus de cette catégorie172, mais dans certains cas cette appellation recouvre des rela tions qui sont sans doute de type conjugal. Par ailleurs, au moins dans un cas, les liberti de l'affranchi sont cités en même temps que les colliberti, ae, ce qui, malgré les efforts de présent ation, traduit bien cet écrasement de la hiérar chiedes dépendants dont nous avons déjà parl é173. Mais les liens ne sont toujours indiqués d'une façon aussi nette, et sans que l'on puisse à coup sûr savoir si l'on a affaire à des co-affranchis ou à des affranchis de patrons affranchis (autre indice qui permet de penser que par rapport au patron ingénu, affranchis et affranchis d'affran chis sont mis sur le même plan), sur de nomb reuses inscriptions, des individus de condition libertine et portant le même gentilice, voire le même prénom sont très souvent associés174. Cette solidarité est évidemment renforcée lorsque, sur certains des monuments, des représentations sculptées viennent traduire en images ce type de cohabitation. Parmi celles-ci, la plus connue sans dout eest le fameux relief des Furii, dont la date a donné lieu à contestation, tant de la part des épigraphistes175 que des spécialistes de la sculpture, qui hésitent entre 45/35 avant Jésus-Christ et le début du premier siècle après Jésus-Christ176, les uns notant la coiffure à l'Octavie et certaines réminiscences «césariennes» dans le visage du premier personnage masculin (en partant de la gauche), les autres insistant sur l'inspiration 172 CIL, P, 1354 - 1390 - 1221 (= ILLRP, 793), 1413 (= ILLRP, 809), 1585 (= ILLRP, 922). 173 CIL, P, 1354 : Sibei et sueis liberteis conliberteis, conlibertabus. 174 (Nous avons volontairement exclu les individus qui auraient pu être attachés par des relations «conjugales» et dont nous parlerons plus loin). Cf. CIL, P, 1247 - 1250 + XIV, 2475, 1252 - 1256 - 1275 - 1315 - 1339 - 1360 - 1367 ab 1370 - 1380 - 1382 - 1382 - 1384 - 1386 - 1403 - 1410 - 1432 1501 - 1592 - 1598 - 1598 - 1736 - 1822 - 1876 - 1919 - 1292 (= ILLRP, 941), CIL, II, 4432 (=RIT, n° 10). 175 CIL, VI, 18795. Fin République/Début Empire, selon Panciera, Saggi, p. 193. Début Empire, selon Solin, Onomastic a, 1974, p. 128. 176 45/35 avant Jésus-Christ, selon J. M. C. Toynbee, dans CAH, IV (pi.), p. 170-l(c). Début Empire, selon Vessberg, Kunstgeschichte, p. 197/8, 232, et pi. XXXIX, 2. Sous Auguste pour H. Weber, L'art du portrait à l'époque hellénistique tardi ve,dans Ktéma, I, 1976, p. 124-5 et fig. 14.) Début du premier siècle après Jésus-Christ : Brilliant, Gesture and Rank, p. 49/ 50 et pi. 2.3.
LA COHABITATION DE L'AFFRANCHI ET DU PATRON «augustéenne» de ce même personnage, ainsi que sur la plus grande liberté de gestes (les trois mains gau ches des trois femmes ont en particulier une position différente) et le rendu plus souple des toges et stolae, ainsi que sur le sourire ou quasi sourire des personnag es, surtout féminins. Mais ce relief reste significatif de l'aspect «collect if» et même gentilice de ce type de représentation. Même si l'ensemble est construit de façon assez rigou reuse, afin que le personnage central soit mis en valeur et qu'il soit entouré de deux couples, dont les membres sont disposés de telle sorte que C. Sulpicius occupe une place marginale, il n'en est pas moins vrai qu'il n'y a aucune individualisation véritable des per sonnages et que l'inscription, comme nous l'avons signalé (à propos du rôle du gentilice dans la nomenc lature), est une sorte «d'hymne répétitif» à la gloire de la gens Furia; et il est assez significatif que l'on soit dans l'impossibilité de savoir si la Furia C. 1. qui occu pele plan central est une co-affranchie ou une patron ne (ou - et - la mère naturelle) des deux autres femmes. De même cette Furia «principale» a-t-elle un rapport d'épouse ou de mère avec P. Furius P. 1.? (seule la situation de C. Sulpicius pourrait faire pen ser qu'il est lié à la Furia177 qui le côtoie). Cette incertitude sur l'identité des cinq individus est de nature à nous suggérer que la personnalité des affran chiss'effaçait presque entièrement derrière le renom de la gens à laquelle ils étaient rettachés. Le même problème de datation (30-20 avant JésusChrist) se pose au sujet d'un romain (fig. 18) représent ant trois personnages de la famille des Antestii, deux hommes ayant le statut d'affranchi et encadrant une femme dont le statut n'est pas indiqué, Antestia Rufa : s'agit-il de trois co-affranchis? ou bien Antiochus, le premier personnage à gauche, ayant des traits plus marqués est-il le père et Nicia le fils? Cette dernière hypothèse n'est pas à exclure. Mais ce qui est à souligner c'est (en dehors de cette incertitude même sur la situation familiale réelle des personnages et du fait que leurs trois nomina répétés en haut de leurs portraits renvoient encore à leur gens) qu'Antiochus est encore représenté selon la tradition réaliste de l'époque césarienne et que d'autre part, Antestius A.A.1. Salvius qui est l'affranchi (des deux hommes représentés?) n'a pas eu droit (faute de moyens? ou refus de l'intégrer?) à être représenté en buste178. 177 On peut tout aussi bien penser à trois co-affranchies, dont deux ont des «époux» ou à une mère et à ses deux filles «mariées». 178 CIL, VI, 11896, cf. Vessberg, Kunstgeschichte, pi. XLII, 3 et p. 203. Selon lui, il faudrait penser à un monument situé entre 30 et la date de YAra Pacis. 179 CIL, X, 4402.
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Enfin, un relief provenant de Capoue179 portant la marque d'influences romaines et datable du troisième quart du siècle (fig. 19), présente au moins cinq per sonnages que leur nom ou leur apparence permet d'identifier comme quatre hommes entourant une femme. Le mauvais état de conservation du monu ment (en particulier les têtes ont beaucoup souffert) ne permet pas d'insister sur l'attitude ou la physiono mie des protagonistes. Tous portent toge, le mouve ment en V des plis se retrouve assez nettement. Cependant, l'artiste a essayé de varier un peu la pose de ses «modèles», puisque le deuxième personnage à gauche tient les plis de sa tunique avec sa main gauche, tandis que le dernier, à droite, tient sa main droite contre son sein gauche; au milieu, la femme tient de sa droite l'échancrure de sa tunique, en signe de pudeur. Malgré tout, la répétition du gentilice des morts et leur nomenclature réduite [. . P. Ve]ttio P.L. / Vettiae / P. Vettio P.L[. . . est de nature, au même titre que l'alignement de ces cinq bustes, à faire oublier la personnalité de chacun et à ne faire ressort ir que l'appartenance à une gens qui, à Capoue, n'a pourtant pas fait parler autrement d'elle. b) Pratiques funéraires et individualisme de certains affranchis Mais tous les affranchis n'avaient pas les moyens économiques nécessaires à la construc tion d'un tombeau, ni l'envie, lorsqu'ils étaient assez riches, de partager avec d'autres que leurs proches immédiats le monument qu'il avaient fait édifier. S'assurer un lieu de repos après la mort est une préoccupation que nombre d'entr'eux n'ont pas manqué d'avoir180. Il convient de rappeler, par exemple, que lorsqu'en 174 avant Jésus-Christ, à la suite d'une épidémie, à Rome, de nombreux décès furent enregistrés, les cadavres d'esclaves «laissés sans sépultures jonchaient les rues»181, selon Tite Live qui ajoute Nec liberorum quidem fune· ribus Libitina sufficiebat, laissant entendre que priorité était donnée aux individus de condition libre (il n'est pas sûr que les affranchis aient été compris dans ces derniers). Mais ce sort n'était pas pire en apparence que celui de beaucoup de citoyens romains, au moins à la fin du deuxième 180 Sur le rôle du monument funéraire comme élément de survie, cf. R. Bianchi-Bandinelli, Rome le centre du pouvoir, Univ. des Formes, Paris, 1964, p. 105 (= Bandinelli, Le centre). 181 Tite Live, XLI, 21, 6 eorum strages per omnes vias insepultorum erat . . .
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siècle, si l'on en croit la déclaration prêtée par Plutarque à C. Gracchus et concernant les sol dats défendant leurs tombeaux alors que la plu part d'entre eux n'avaient pas de «tombeaux d'ancêtres»182. Or il semble que nombreux aient été les affranchis qui ne se contentaient plus, au pre mier siècle, de laisser leurs cendres dans une nécropole du type de la Vigne de Saint Césaire, où certains de leurs prédécesseurs au deuxième siècle avaient placé leurs urnes cinéraires183, ou qui ne voulaient pas se laisser oublier dans une fosse commune, telle celle qui, selon Horace, s'était élevée sur les jardins de Mécène: Hue prias angustis eiecta cadavera cellis / conservas vili portando, locabat in arca / hoc misere plebi stabat «commune sepulcrum» / ... / Mille pedes in fronte, trecentes cippum in agrum / Hic dabat, heredes monumentum ne sequeretur, passage où une certaine émotion, mêlée d'ironie, se manifest e (Horace se souvient-il, sans le dire, de son origine libertine?)1**. Ce souci d'une demeure ultime apparaît si fort, chez beaucoup d'affranchis (hormis ceux qui ont réglé cette question avec leur patron ou leurs co-affranchis, ou qui en tant que patrons s'en s'ont remis à leurs propres affranchis du soin de réaliser matériellement leur tombeau)185, que c'est le plus souvent de leur vivant qu'ils l'ont réalisé et les termes vivus, a, i ou l'abrévia tion V qui apparaissent sur un certain nombre d'inscriptions nous le montrent186.
182 C. Gracch. IX. 183 Cf. CIL, P, 1015 à 1201 (cf. ILLRP, 2, p. 500) +CIL, P, p. 163 - cf. Imagines, 313 (-P, 1049 "ILLRP, 881). 184 Sai., I, VIII, ν. 8-13. Récit confirmé par Aelius, ad Varrò, de LL, V, 25 Puticulae quod putescebant ibi cadavera proiecta, qui locus publicus ultura Esquilias. Cf. le commentaire juridi quede Mommsen, dans, JS, III, p. 202-3. Cf. aussi Borner, Untersuchungen, I, p. 89 - IV, p. 172 et n. 4. 185 Cf. par exemple, CIL, P, 1252 - 1371 - 1918, ILLRP, 503 etc. . . 186 Même si, dans certains cas, c'est le décès prématuré d'un membre de la famille personnelle de l'affranchi qui a déterminé la décision de construire un tombeau, ce que le signe Θ laisserait entendre (cf. CIL, P, 1386 - 1415 - 1333 3020 - VI, 29029 - XI, 735 - Ep. XXXIV, 1972 p. 98-100 η°6 = ΛΕ, 1972, 19). CIL, P, 1392 (v), 1394 (v), 1409 (viv), 1418 (v), 1425 (v), 1577 (v), 1613 (vivos /.), 1772 (viva), 1819 (veivos), 1900 (vivos), 1925 (veiva), 2167 (v), 2205 (v), 2265 (vivos), 2284 (viva), 1220 (= ILLRP, 365, vivi), 1251 (= ILLRP, 948 me vivo), 1713 ("ILLRP, 800 vivos) 2100 (= ILLRP, 917 vivei), CIL, VIII,
Ces affranchis sont d'ailleurs prêts, le cas échéant, à consacrer de grosses sommes à leur sépulture, l'exemple de C. Caecilius C. 1. Isidorus étant évidemment exceptionnel, puisqu'il aurait dépensé plus d'un million de sesterces à cette fin187; il s'agit là d'un cas limite, tout comme celui du mausolée somptueux dans lequel Licinus, l'affranchi de César passé au service d'Au guste, s'était fait placer188. Il reste cependant qu'à Rome, surtout, mais aussi en dehors, assez nombreux semblent les affranchis qui disposent de terrains placés le long des voies, terrains à propos desquels la formule in agro in fronte apparaît189. Et ces terrains ne sont pas placés le long des artères les moins fameuses puisque, notamment, en ce qui concerne Rome, la Via Appia a attiré un certain nombre d'affranchis, certains voisina ges prestigieux, ceux des Scipions, des Statuii, des Caecilii Metelli n'étant pas les moins recherc hés190. Le terme locus, qui désigne souvent ces ter rains à destination funéraire acquis par des affranchis, est d'ailleurs issu du vocabulaire juri dique191 et une inscription romaine, datée de la deuxième dictature de César, nous relate les conditions financières et juridiques dans lesquel-
1053 (de vivo), X, 4292 (vivo), XI, 735 (v), RIT, n» 17 (viva), Ep., XXI, 1959, p. 107 (viva), Ep., XXXIV, 1972 p. 98-100 n°6 et p. 93/5 n° 3 (v), AE, 1961, n°73 (v). 187 Funerari se iussit HS XÏ (Pline, NH, XXXIII, 25) - 1 million 100.000 sesterces. 188 Marmoreo Licinus tumulo iacet, et Caio parvo/ Pompeius nullo. Quis putat esse Deos? (Meyer, Anthol. Palat, I, 77). 189 Essentiellement à Rome: CIL, P, 1226 - 1246 - 1248 1261 - 1262 - 1264 - 1272 - 1275 - 1277 - 1301 - 1308 - 1315 1316 - 1318 - 1321 - 1324 - 1329 - 1331 - 1333 - 1339 - 1343 / 1355 - 1360 - 1371 - 1372 - 1376 (fig. 21) - 1374, 2965 - 3001 3011 - 3018 - 3021. CIL, VI, 5741 - 11779 Ep. XXXIV, 1972, p. 103-4 n° 9 AE, 1971 n° 48 - 49-50-54 - CIL, X, 6148 (cf. CIL, P, 2939). AE, 1974, 130 (plus de 25 jugères!). 190 CIL, P, 1212 (= ILLRP, 797), 1220 (= ILLRP, 365), 1236, 1248, 1250 + XIV, 2475, 1274 (-ILLRP, 767), 1277/8, 1289 ("ILLRP, 796), 1296, 1299 (= ILLRP, 811), 1331, 1334a ("ILLRP, 817), 1334b (= ILLRP, 823), 1355, 1370, 1389, 1398 ("ILLRP, 816), 1399 (= ILLRP, 818), CIL, VI, 9449. 191 CIL, P, 982 - 1296 - 1335 - 1638 ("ILLRP, 956), 1772, 2137 ("ILLRP, 954), ILLRP, 914 - Ep., 1972, p. 105/130. Fun dus apparaît dans CIL, I2, 1319 ("ILLRP, 798), mais par exagération. Sur l'utilisation du terme locus et son sens à la fois matériel (espace délimité) et religieux, cf. Watson, Property, p. 5-8.
LA COHABITATION DE L'AFFRANCHI ET DU PATRON les une acquisition de terrain pouvait se réali ser192 : Sepulcri lociiis) emptiis / de Q. Modio L. f. Qui. in fronte / pedes XXIIII in / agrum pedes XXIV, sait une surface totale de 45 mètres, car rés (habituellement douze X douze est la surface acquise), acheté à un citoyen et qui est destiné à l'implantation d'un sépulcre. Or suit une liste de quatre personnages (dont trois sont attachés à la famille des Numitorii) qui, fiindamentum posuerunt, c'est-à-dire qu'ils ont délimité le terrain aux dimensions déclarées193, avant de procéder à la construction et à l'ensevelissement des deux pre miers morts. C'est à ce désir de délimiter un terrain et de le protéger de toute ingérence que l'on doit attribuer les nombreux cippes, qui portaient la même inscription lorsqu'ils se rapportaient au même locus, que l'on a retrouvés à Rome, com meen dehors, et qui généralement étaient faits de travertin ou de calcaire plus ou moins gross ier194. Pour désigner le monument qu'ils ont const ruit, nos affranchis utilisent toute une série de termes, parmi lesquels sepulcrum (qui, à en croi reCicéron, désignerait expressément un tom beau où non seulement des restes humaines auraient été déposés, mais où un certain nombre de rites (sacrifice d'un porc et jet de terre) ont été accomplis)195, apparaît assez peu souvent196, 192 1. di Stefano Manzella, Un'iscrizione sepolcrale romana datata con la seconda dittatura di Cesare, dans Ep., XXXIV, 1972, p. 105/130 = C7L, P, 2965 a (via Latina). 193 Cf. l'hypothèse, vraisemblable, d'I. Stefano Manzella, loc. cit., p. 116 qui cite un texte de Frontin (Grom. 42, 10-12 sed diligentes agricolae, propter impudentiam vicinorum con· suetudinem parvum se tutos credimi, «nisi ita fundaverint agros», ut etiam ...) et un passage d'Hygin {Grom, 206, 3-5 propter quod huius agri vectigalis mensuram a certis rigoribus comprehendere oportet ac «singula terminis fundari) . . . 194 Cf. CIL, F, 1230 - 1238 - 1239 - 1262 (deux cippes) 1324 - 1326 - 1331 (2), 1333 (2) 1339 - 1363 - 1371, 1387 (tuf 2) 1392 - 1394 - 1403 - 1415 (2). / 1501-1602 - 1867. Cf. aussi CIL, P. 1259 (=ILLRP, 802), 1351 (=ILLRP, 951,2) 1411 (=ILLRP, 794), 1813 (=ILLRP, 953) - AE, 1971 n° 47-48-50-53-54 - Ep. XXI, 1959, p. 107, XXXIV, 1972, p. 103/104 n°9. Cf. fig. 20. 195 De leg., II, 57 Déclarât enim Ennius de Africano «Hic est ille situs». Vere, nam siti dicuntur ti, qui conditi sunt. Nec tarnen eorum ante sepulchrum est, quam insta facta et porcus caesus est. Et quod mine communiter in omnibus sepultis venit iisus ut humati dicantur, id erat proprium turn in Us, quo s humus iniecta contexeret, eumque morem ius pontificale confir maiNam priusquam in ossa iniecta gleba est, locus ille, ubi cremation est corpus nihil habet religionis. Iniecta gleba turn et
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sinon dans une utilisation un peu pompeuse, alors que monumentum, qui a pris le sens de construction sépulcrale197, est employé beau coup plus fréquemment198. D'autres termes plus ou moins techniques {arca)199, ou évocateurs de la forme du monu ment (tumulus)200, ou faussement modestes pour désigner celui-ci (saxsolus)201, sont aussi utilisés. L'importance de la demeure funéraire, et le soin apporté à sa réalisation matérielle, sont parfois soulignés par l'emploi des mots cubiculum202, et surtout, domus (qualifiée d'éternelle)203. L'usage de ce dernier terme est explicité par certains textes littéraires et, notamment, par la liaison que Publilius Syrus établit entre maison et tombeau ( Exul, ubi ei nusquam domus est, sine sepulcro est mortuus)204 et qui explique pour quoi les affranchis en particulier pouvaient accorder à l'édification d'un monument funérai re une importance d'autant plus grande que, le plus souvent, ils partageaient le domicile réel de leur patron205. Mais ce parallèle entre domus et tombeau est souli gné par l'aspect même de certaines constructions funéraires : ainsi, à Pompéi, un tombeau de la nécro pole de la Porta Nuceria, datant des débuts de la colonie, présente une façade tout à fait comparable à
illic humatus est, et sepulchrum vocatur : ac turn denique multa religiosa tura complectitur. Sur le caractère religieux de la tombe d'esclave, cf. Borner, Untersuchungen, IV, p. 138/9. 196 CIL, P, 2527 a {=ILLRP, 795), 2535 CIL, VI, 14211. 197 Th. Il, VIII, col. 1462. ™CIL, P, 1213, 1216, 1220 (rILLRP, 365), 1251 (=ILLRP, 948), 1274 (rILLRP, 767) 1296, 1319 (=ILLRP, 798), 1351 (=ILLRP, 951), 1528 irlLLRP, 949), 1772 (?), 1756, 1837 (=ILLRP, 971), 2032 (=ILLRP, 957), 2273 (=ILLRP, 981), 2557 b (rlLLRP, 952), CIL, VI, 26032 (=ILLRP, 412), X, 4292, XIV, 2485 - Ep. XXXIV, 1972, p. 93/5 n°3 et p. 105/136. P, 3133 (fig. 21) AE, 1974, 130. 199 CIL, P, 2137 -ILLRP, 954. 200 CIL, P, 1214 (=ILLRP, 803), 2161. 201 CIL, P, \2W = ILLRP, 821. 202 CIL, P, 1220 "ILLRP, 365 conditivom cubiculum. 2OÎ CIL, P, 1319 = ILLRP, 798: haec est domus aeterna / Bis hic septeni mecum natales dies tenebris tenentur Ditis aeterna domus. CIL, F, 1214 = ILLRP, 803 / Aeternam deveni domu(m). CIL, F, 1822 / hanc constituit [domum] aeternam. CIL, P, 1215 - domus seulement: cf. CIL, P, 3195 et 3196. Cf. Th. Il, V, 1, col 1978/1979. 204 Fr. 182. 205 Sur cette liaison si bien établie, cf. Galletier, Poésie funéraire, p. 27-30.
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
celle d'une habitation à deux niveaux (fig. 22, 23) : au «rez-de chaussée», de part et d'autre d'une entrée voûtée, trois ouvertures surmontées d'un arc et figu rant des fenêtres, tout comme les huit autres qui occupent le niveau supérieur. Or, ces fenêtres abri taient les statuts des défunts, représentés en buste, tandis qu'une inscription, en-dessous de chaque sculp ture, donnait le nom de ces derniers. De même que les vivants regardaient la rue, depuis leur maison, à travers les fenêtres, de même, d'une manière très familière, les morts continuaient à fixer le spectacle quotidien de cette rue et interpelaient avec une force accrue le passant qui défilait devant leur résidence206. De même, à Rome, deux sépulcres jumeaux, mis à jour le long de la Via Statilia207 présentent une façade reposant sur une base en corniche et percée d'une ouverture figurant une porte. Au-dessus de cette der nière, et en-dessous de la corniche supérieure, sculp tés sur des plaques de travertin, deux groupes de trois et de deux personnages, respectivement, sont indi qués, le buste de chacun étant, comme à Pompéi enserré sous une arcature (en forme de fenêtre). Le monument est datable de l'extrême fin du second siècle208 : il est tentant d'y voir le modèle dont, ind irectement, on s'est inspiré à Pompéi209. Quoiqu'il en soit, il est remarquable que ce type de transposition, dans le monde des morts, d'une réalité domestique, soit si «terre à terre» et qu'elle émane d'individus d'origine libertine qui, dans ces deux cas, figurés aux côtés de compagnons d'esclavage ou de leur «famille» n'ont pas su (ou n'ont pas voulu) représenter un décor autre que celui de la domus dans laquelle ils avaient passé leur vie. Et on comprend peut-être pourquoi ce type de construction a pu donner naissance à tous ces reliefs que nous avons décrits ou que nous signale ronset qui représenteraient moins l'imitation de reliefs historiés à l'usage des citoyens que la stylisa tiond'un type de représentation proche des goûts réalistes, «plébéiens» de ces anciens esclaves210.
En tout cas, l'idée de l'éternité du sépulcre n'a pu échapper à ces derniers même si elle était partagée par l'aristocratie dominante, ainsi que Cicéron nous l'indique, à propos du tombeau public de Servius Sulpicius211, dans un passage où il oppose la durée des sépulcres à la manière plus incertaine dont vieillissent les statues : Sed statuae intereunt tempestate, vetustate, sepulchrorum autem sanctitas in ipso solo est quod nulla vi moved neque deieri potest, atque, ut cetera exstinguuntur, sic sepulchra sanctiora fiunt vetustate. Réflexion qui est éloignée de toute préoccupat ion religieuse véritable et qui ne comporte aucune autre considération que matérielle et sociale212: les constructions «neuves» entrepri ses par des affranchis les auraient donc distin gués des ingénus de bonne souche abrités dans des tombeaux que leur antiquité rendait vénérab les. Ces tombeaux, parfois individuels, peuvent attein dredes proportions tout à fait considérables : il en est ainsi de celui de C. Maecius T. Pu. l.213, trouvé à Ariminum, près de la Porta Romana (fig. 24) : il s'agit d'un grand cube de calcaire, disposé sans doute sur un socle et ménageant une sorte de cella où les restes du défunt devaient être abrités. Mais en fait, ce monum ent, contemporain de celui de Q. Ovius CF. Freg(ellanus) déjà signalé, lui est étroitement apparenté, au plan de la structure et de l'apparence : nul doute que l'imitation ait joué ici et que notre affranchi se soit inspiré d'un modèle récent et dédié à un ingénu.
206 Sur le monument, cf. La Rocca, Pompéi, p. 262 n° 7 et p. 258 (photo). Sur l'interprétation, voir Zanker, Grabreliefs, p. 274/5 et fig. 6. Sur les portraits, cf. en dernier lieu, P. Pensabene, Cippi Funerari di Tarante, dans MDAI (RA), 82, 1975, p. 286 et pi. 96. 207 Cf. A. M. Colini, / sepolcri e gli acquedotti republicani di Via Statilia, dans Capitolium, XVIII, 1943, p. 268-278 (cf. CIL, 2527 a et b = ILLRP, 795 et 952), avec plans et photographies. Cf. Toynbee, Death, p. 117-118. Zanker, Grabreliefs, p. 271-1 et fig. 4. 208 Coarelli, Guida, p. 188/9, qui propose la datation la plus haute. 209 Zanker, Grabreliefs, 275 et p. 307. 210 Ibid., p. 275.
211 Phil., IX, 14. 212 Cf. Horace, Odes, III, XXX, v. 1 à 5. 213 CIL, F, 2130 + 2132 b = ILLRP, 960. Etude de la structure dans Ep., III, 1941, pi. IX, 1. Vue complète dans Imagines, 329, où apparaît le couronnement sur lequel, entre des triglyphes, alternent rosettes et bucranes sur les quatre faces; ainsi est maintenue la double nature d'autel et de tombeau du monum ent. 214 Grandes plaques de marbre : CIL, F, 1341 - 1382 - 1386, VI, 9184 - CIL, F, 3019 - AE, 1971, 19 et 43 - CIL, F, 1004 ILLRP, 696. Plaques de calcaire : CIL, F, 2965 a - 3005 - 3171 -3197. 215 Cippes de marbre : CIL, F, 1338. Cippes d'albâtre : CIL, F, 1316 - 1318 - 1321 (2) - 1355 - 1370 - 1376.
De même, lorsque les monuments ne nous sont pas parvenus, la découverte de grandes plaques, souvent de marbre214, ou de cippes de marbre encore ou d'albâtre215, laisse supposer qu'ils devaient se rapporter à des constructions
LA COHABITATION DE L'AFFRANCHI ET DU PATRON respectables, réservées à des individus pour le moins aisés : mais là encore, on ne décèle aucu ne originalité par rapport aux formes prises par les constructions funéraires des ingénus. Ce qui doit donc être souligné c'est que cet acte - volontaire ou non - d'indépendance de l'affranchi à l'égard du patron, dont il ne partage pas le domicile funéraire, ne s'accompagne pas d'une exaltation particulière de la personnalité du libertus. Les représentations individuelles notamment sont rares et, fait remarquable, aucun exemple n'est à relever pour Rome, si ce n'est peut-être, celui de A. Turranius A. A. L. Faustus (fig. 25), dont on peut penser, cependant, qu'il est plutôt à placer au début du règne d'Au guste qu'à la fin de la République (la forme générale du visage, la coiffure, la relative assu rance que l'on croit déceler dans le regard du personnage faisant préférer la datation la plus récente)216; peut-être à Rome, l'érection d'une statue individuelle ou une figuration personnali sée sur un relief étaient-elles considérées comme devant être le privilège des grands personnages de l'aristocratie ou, au moins, des ingénus (on remarquera que même M. Vergilius Eurysaces en qui nous préférons voir un pérégrin et non un affranchi217 ne s'est pas fait représenter seul, mais en compagnie de son uxor). C'est donc essentiellement en Campanie tout d'abord que de telles figurations apparaissent, à la fin de la période réublicaine, en ce qui concerne les affranchis, et notamment à Capoue218 : ici tradi tions locales et influences grecques sont à invo-
216 Inédit. 217 Malgré la tradition qui voit en lui un affranchi, nous ne sommes pas du tout sûr que M. Vergilius Eurysaces ne soit pas un prérégrin, portant comme il était de plus en plus fréquent au premier siècle avant Jésus-Christ les trois nomin a.Ainsi s'expliquerait le fait que ni filiation, ni statut liber tinne sont indiqués. D'autre part, la date du monument est sans doute augustéenne, même si l'édification doit avoir pris place au début du règne. Sur le premier point, cf. Brunt, Manpower, p. 207/8. Sur le deuxième, P. Gianco Rossetto, // sepolcro del Fornaio Marco Virgilio Eurisace a Porta Maggiore, Monumenti Romani V, Roma, 1973, p. 67-71 (30-20 avant Jésus-Christ). 218 Cf. EE, Vili, 563 (Sinuessa) - 557 (Capua)? - CIL, X, 3998 (Capua?) - CIL, Ρ, 1586 = Χ, 4024 (Sta Maria Capua Vetere), CIL, F, 1587 = X, 4043 (Casapulla). Cf. aussi CIL, I2, 3125 (Caserte, mais peut-être impériale) AE, 1967, n° 88 (Marcianise près de Caserte) - CIL, I2, 3126 (Atella).
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quer, mais dans le cas d'affranchis, c'est du côté des influences proprement romaines qu'il faut surtout regarder219, en évitant d'attribuer syst ématiquement à l'époque républicaine des docu ments, qui, au plan des matériaux comme du style sont vraisemblablement augustéens220. Dans le Samnium et en Lucanie ce sont des stèles, généralement de dimensions modestes et de qualité tout à fait médiocre qui sont associées au nom d'un affranchi221. En général, ces product ionss'insèrent dans des séries qui concernent avant tout des individus de naissance libre : il en est ainsi, notamment, du type de buste masculin, en toge, tenant de la main gauche «style», codex ou pugillares et utilisé en Lucanie222. On ne sau rait donc penser que les anciens esclaves aient cherché, quand ils en avaient les moyens écono miques, à extérioriser leur personnalité et à sou ligner leur condition d'individu autonome223. La plupart de ces productions dont on ne peut assurer qu'elles se réfèrent précisément à des traditions iconographiques locales224 dateraient en générai des toutes dernières années de la République et ne sauraient, au mieux, que cons tituer l'amorce d'un courant plus individualiste. Quant aux stèles de Rhénée concernant des affranchis, elles sont bien plus anciennes et tra duisent une situation culturelle très différente de celle qui prévaut en Italie au milieu du pre mier siècle. Nous avons déjà indiqué les erreurs que M. Th. Couilloud nous semble avoir commis es quant au statut des individus en question225.
219 Ainsi que Bandinelli-Giuliano, L'Italie, p. 333-5 l'ont montré. 220 Sur ce plan, en dehors des arguments stylistiques (ou tre l'emploi du marbre plutôt que du calcaire, invoquons le caractère moins sévère des représentations augustéennes, cf. Vessberg, Kunstgeschichte, p. 205 notamment), il faut tenir compte, aussi, des indications fournies par la paléographie des inscriptions {CIL, I2, ne retient ni EE, VIII 563, ni EE, VIII 557, ni CIL, X, 3998 et émet des réserves sur le caractère républicain de CIL, I2, 3125). 22' Bénévent CIL, I2, 1738) / Casilinum {CIL, I2, 3163 = AE, 1966 112) / Macerata {CIL, P, 1927) / Bononia: {NSA, 1931, p. 17-18 »Susini, Lapidario p. 128/9 n° 140). 222 Cf. l'étude de V. Bracco, dans Lincei {Rend), ser. 8, vol. 21 (1966), p. 48-56, à propos notamment de la stèle de Mar. Deinius. 223 Cf. Zanker, Grabreliefs, p. 308. 224 II en est ainsi en particulier, des représentations campaniennes. Cf. Bandinelli-Giuliano, L'Italie, p. 331-3. » 2» Cf. chapitre 4, L. I. Infra fig. 26.
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Cependant, les conclusions de l'auteur, mettant en valeur l'absence d'originalité des affranchis non seulement dans les dimensions des monum ents, mais, surtout, dans les thèmes représent és226, nous semblent tout à fait justifiées : que ces individus aient été d'origine directement gré co-orientale ou qu'ils aient transité par l'Italie, c'est un désir d'intégration plutôt que de singular ité qui semble les avoir conduits à choisir de tels modes de représentation. Ceci n'exclut en aucune façon, de la part d'individus qui ont réussi à donner quelque éclat à leur dernière demeure, une certaine fierté, un désir de paraître que les expressions du genre ut aspices, aspice221 indiquent bien: nous avons bien affaire au demonstration effect qui émane d'individus juridiquement inférieurs, placés dans un état de dépendance, et qui cherchent à affi rmer leur existence, même si ce n'est qu'au-delà de la mort. On doit rattacher à ces efforts accomplis par des affranchis pour réaliser et réussir leur monument funéraire, l'abondance des termes actifs utilisés sur les épitaphes : locum optinui mihi228 déclare l'un d'eux, sans doute dans le but de suggérer l'opiniâtreté et l'esprit d'économie qui furent les siens. Mais d'autres termes : aedificavit229, fecit210, liés directement à la réalisation architecturale ou des allusions à l'aspect finan cierde ces constructions (emit231, de sua pecunia faciendum curavit)232 semblent exprimer la fierté de ces individus qui sont parvenus à sauver leur existence de l'oubli. Construire pour soi-même (et éventuellement sa famille) c'était, pour un affranchi, donner à cette existence une dimen-
226 Rhénée, p. 332-4 qui insiste sur l'identité du répertoire iconographique utilisé par les affranchis et celui des ingénus. Voir fig. 10-27. 227 CIL, P, 1209 = ILLRP, 821 Hic te saxsolus rogat ut se aspicias (cf. Gell, I, 24,4). 228C/L, F, 1218 = ILLRP, 982. ™CIL, F, 1215 - 1251 (= ILLRP, 948), XIV, 2485. ™CIL, P, 1220 (= ILLRP, 365), 1425, 1528 (= ILLRP, 949), 1585 (= ILLRP, 992), 1592 - 1597 - 1598 - 1599 - 1613 - 1713 ("ILLRP, 800), 1900 - 2100 (= ILLRP, 917), 2167 - 2281 - 2284 - AE, 1961, n° 73 - Ep. XXXI, 1972, p. 93-5 n° 3 - RIT, n° 17. ™CIL, P, 1319 (= ILLRP, 798): emit sibi / CIL, P, 1405 = ILLRP, 945 emit aedificavit / Ep., XXXIV, 1972, p. 105130 locus emptus / CIL, F, 2519 emit. 232 CIL, P, 1236 (= ILLRP, 940), 1413 (= ILLRP, 1413), 15891839.
sion publique, c'était aussi donner à d'éventuels descendants la preuve qu'ils avaient des ancêt res. C'était créer une chaîne entre les généra tionsque l'origine servile du libertus ne lui avait pas permis de connaître avec ses ascendants naturels. Et cette réalité avait tant de force qu'encore à la fin du premier siècle de notre ère, Stace, dans la Consolatio à Claudius Etruscus, chevalier et fils d'affranchi impérial, insiste sur la victoire sur l'oubli qu'offre la possession d'un monumentum et laisse même entendre que le père défunt est vraiment pater parce qu'il a construit un sépulcre233. Tantum est est censé dire, avec une modestie apparemment feinte, le crieur public A. Granius M. 1. Stabilio, après avoir signalé que ses ossements sont ceux d'un homme plein de qualités234 : ce n'est «que cela» mais en fait pour des hommes qui avaient vécu dans l'esclavage, ce genre de réalisation devait représenter une réussite considérable et une assurance contre l'oubli; on ne peut manquer de relever que, pour qualifier son œuvre, Horace utilise le terme de monumentum, un monument qui accordera l'éternité à une partie au moins de lui-même. Exegi monumentum aere perennius / regalique situ pyramidium altius. . . Non omnis moriar multaque pars mei / vitabit Libitinam. . . 235. On comprend donc qu'ayant ainsi affirmé une existence nouvelle, ces hommes et femmes aient été soucieux de préserver et de préciser les conditions d'accès à leur tombeau, faisant entrer celui-ci soit dans la catégorie des sepulchra fami· liaria, soit plus rarement, dans celle des sepul chra hereditaria236. Les premiers correspondant à une concept ion relativement limitée, puisque seuls la familia directe, les affranchis et leurs descendants, sont concernés. Ils correspondent aux formules sibi familiaeque suae, sibi, libertis, libertis posterisque
233 Silv. III, III, v. 12-195-209-210-2134 T 215 : edam gaudens cinerem donasse sepulcro. 234 C7L, P, 1210 = ILLRP, 808. 235 Même si dans ce passage, Od, III, XXX, ν. 1-2 - 6-7 Horace s'est souvenu de Pindare (Pyth., 6, 10), c'est bien de lui-même qu'il est question, ainsi que l'expression ex humili potens (v 12) le sous-entend, qui résume son ascension de sa position de libertini filins à l'ordre équestre. 236 Sur cette distinction, Mommsen, Grabrecht, p. 198-214.
LA COHABITATION DE L'AFFRANCHI ET DU PATRON eorum que nous avons déjà signalées237, mais aussi sont indiqués par l'abréviation H.M.H.N.S. ou par des formules excluant l'héritier testament aire «étranger» à la famille238. C'est dès le deuxième siècle que de telles prescriptions appar aissent sur des épitaphes, au moins à Rome239, puis un peu plus tard en Italie méridionale240. Les sepulchra hereditaria se signalent par les expressions et sueis heredibus24[ , hoc monumentum heredem sequitur242; on peut rattacher à cet tedéfinitions juridique la formule restrictive Ex testamento in hoc monumentimi neminem inferri neque / condì licet nisei eos lib(ertos) quibus hoc testamento dedi tribuique243 : formule qui impli que bien que la cohabitation des affranchis, même avec un patron qui a lui-même un statut de libertinus, n'est pas automatique, en ce qui concerne les tombeaux244. Contrairement aux conclusions de M. de Dominicis245, ce type de tombeaux apparaît avant l'époque impériale, même s'il semble que, chronologiquement, les sepulchra familiaria ne puissent remonter audelà des dernières décennies de la République (et alors que les exemples connus ne concernent que Rome).
237 Cf. les définitions de F. De Visscher, Les défenses d'alié neren droit romain, dans SDHI, XIII-XIV, 1947/8, p. 2834 en particulier. 238 Cf. A. Garcia Valdecasas, La formule H.M.H.N.S., dans AHDE, 1, 5, 1928 p. 126-142. 239 L'exemple le plus ancien est sans doute fourni par la tombe jumelle de la Via Statilia, à Rome (cf. notes (208) et (209) ). Cf. De Visscher, Tombeaux, p. 93-94, Watson, Property, p. 8-11, Dominicis // «ius sepulchri» nel diritto romano, dans RIDA, XIII, 1966, p. 186. 24<M Rome: CIL, I2, 1220 (=ILLRP, 365), 1258 (=ILLRP, 413) / 2527 a (=ILLRP, 795), 2527 b (=ILLRP, 952). Hors de Rome: CIL, F, 1707, 1756, 1772. C'est bien à un tombeau familial que se rapporte l'indica tion Poster, ius, figurant sur une épitaphe de Rome (CIL, I2, 1209 -ILLRP, 821). 241 Cf. CIL, F, 1341. 242 CIL, F, 1351 = ILLRP, 951. 243 CIL, F, 12 12 = ILLRP, 797. 244 A plus forte raison, la formule suivante, exceptionnelle et qui fait peut-être entre le tombeau dans la première catégorie signalée, mérite d'être soulignée par son caractère exclusif: Nisi quorum nomina / ins(cripta) s(unt) inferetur nemo (CIL, F, 1813 = ILLRP, 953). Les auteurs de cette inter diction sont d'ailleurs deux affranchis, sans doute unis l'un à l'autre. 245 lus sepulchri, p. 202.
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Il faut souligner que ces dispositions se rap portent à des individus de haut niveau économiq ue246 et que les affranchis ayant laissé des héri tiers ou une famille avaient plus de chance de voir respecter leurs restes et leur mémoire que les défunts plus modestes qui étaient, parfois, abandonnés à eux-mêmes. c) Affranchis et «columbaria» non familiaux Mais tous les affranchis n'avaient pas la possib ilité de procéder, dans le cas où leur maître ne voulait ou ne pouvait assurer leur sépulture, à l'érection d'un monument funéraire, même mod este. D'où la nécessité pour eux, dans certains cas, de s'associer, même s'ils appartenaient à des familiae différentes: ainsi les termes de socii247, l'expression commune locum, commune sepulchrum248 ou bien la mention d'individus portant des gentilices et qui, en apparence ne sont pas apparentés249, indiqueraient une coopération de ce genre. Surtout, un certain nombre d'individus sont indiqués comme faisant partie d'un collège funé raire et deviennent acquéreurs d'emplacements où leur(s) olla(e) sont abritées; cette solution étant, bien entendu, moins onéreuse. Quelques documents épigraphiques permettent d'éclairer un peu cette question. Tout d'abors des monuments collectifs pou vaient être liés à des collèges professionnels. C'est ainsi que le collège des cantor(es) Graeci de Rome fait acheter un locus et édifier un sepulchrum commun par l'intermédiaire de ses magistri250. Par ailleurs, un affranchi de Causinius Schola apparaît comme le premier cur(ator) d'une societas liée à l'édification d'un tombeau collectif; c'est lui qui est chargé de la construc-
24(1 Ce que De Dominicis avait déjà remarqué (lus sepulc hri,p. 187). 247 CIL, F, 1279 = ILLRP, 768. 2**CIL, F, 3133 (Pompéi). Mais il s'agit peut-être d'une expression emphatique destinée à souligner la «dimension économique» d'une union contractée entre deux affranchis de sexe opposé. 249 Les sepulchra familiaria pouvaient être ouverts aux amis (cf. De Dominicis, lus sepulchri, p. 185-6). cf. sans doute CIL, F, 1268 = ILLRP, 822. ™CIL, F, 2519 = ILLRP, 771.
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
tion et de la décoration de ce columbarium situé sur la Via Appia251. Or, l'un comme l'autre cas nous conduisent au personnage de P. Clodius. Nous ne voulons pas abor derici la question des rapports entre celui-ci et les collèges de Rome252, mais nous voulons simplement relever les faits suivants : le synhodus societatis cantorum graecorum signalé plus haut s'appelle aussi synho dusdecumianorum et A. Degrassi a proposé, A. Degrassi à juste titre, de rattacher sa fondation à Decumus, un des partisans de Clodius253; quant à C. Causinius Schola, c'était lui aussi un proche de ce dernier254. Il nous semble difficile d'admettre que les deux collèges ou sociétés aient, après avoir été constitués, soutenu comme d'autres groupes l'action de Clodius. Il nous paraît plus probable que Clodius a été, par interméd iairesinterposés, responsable de cette fondation; il a dû exploiter, en particulier, les difficultés que pou vaient avoir beaucoup de gens à Rome pour s'assurer un abri funéraire et a dû aider matériellement à l'édification de ces columbaria; ce qui par ailleurs, l'indiquerait, c'est le fait que C. Causinius Spinter, l'affranchi de C. Causinius Scola, titulaire de quatre parts viriles, possède vingt ollae, ce qui manifestement excède les besoins d'un seul individu, même affublé d'une uxor (Campia Cassandra); n'aurait-il pas, avec de l'argent qui peut-être ne lui appartenait pas, «gelé» ainsi un certain nombre d'emplacements, avant de les céder à d'autres individus qui devaient devenir autant de partisans du véritable initiateur de cette opéra tion: ces cessions sont d'ailleurs parfaitement courant es, ainsi qu'une autre inscription de la fin de la République nous l'indique255. Ce serait donc la con naissance (et l'exploitation) par Clodius de besoins urgents, tel celui-ci, ressentis par des hommes d'origi ne modeste qui aurait, en partie, expliqué l'adhésion d'associations dans lesquelles des affranchis figu raient, parfois, en tant que responsables.
251 CIL, P, 1274 = ILLRP, 767. C'est peut-être à un édifice funéraire que se rapporte CIL, P, 989 = ILLRP, 775; inscrip tion trouvée près d'un tombeau auquel elle pouvait se rap porter. 252 Cf. surtout H. Kühne, Die Stadtrömischen Sklaven in den Collegia des Claudius, dans Helikon, VI, 1966, p. 95-1 13 et J. M. Flambard, Clodius les collèges la plèbe et les esclaves, dans MEFRA, 89, 1977, p. 115-156. 253 ILLRP, 771, n. 3. 254 Cf. Nicolet, Ordre Equestre, II, n° 90, p. 834. 255 CIL, VI, 10329 (cf 33969). Un affranchi, curator d'une societas pour la troisième fois, dispose de huit ollae (six par tirage au sort, et deux par rachat à deux autres person nages).
En tout cas, il reste à noter que le fait pour un affranchi de prendre place dans un columba rium non lié à une grande familia256 semblerait devoir être interprété comme l'indication d'une distension des liens avec le patron. Mais il fau drait connaître exactement la composition des societates pour savoir si, dans celles-ci, des patrons de condition modeste ne figuraient pas à côté de leur affranchi.
CONCLUSION Au terme de cette analyse, il faut souligner le rôle capital que la préparation de leur dernière demeure a joué dans la vie des affranchis, le nombre de ceux qui ont été accueillis dans le tombeau de leur patron n'ayant peut-être pas été, partout, aussi important qu'on l'a parfois pensé, surtout si l'on tient compte du fait que beaucoup de patrons cohabitant, à notre con naissance, avec leur liberti étaient eux-mêmes de statut affranchi et pouvaient même, dans cer tains cas, être les parents naturels de ceux-ci. Cette nécessité de compter sur leurs propres ressources a conduit un certain nombre d'indivi dus, surtout à Rome, à recourir à des moyens de sépulture qui, souvent, peuvent apparaître com meun prolongement de la familia du patron (à moins que celui-ci n'ait poussé à l'édification d'un columbarium lié à son nom)257. Parfois, pour des affranchis plus fortunés, c'est sur une base plus étroite (le couple et ses proches) que l'on essaie de relever le défi économique qui est imposé : une sorte d'affirmation au plan matériel et social permet de faire dépasser à la personne du libertus le cadre strict de la familia patronale, dont souvent, de son vivant, il n'avait pas franchi les limites. Cependant, dans la plupart des cas, l'autono mie de l'affranchi n'est jamais totale, dans la mesure où, d'une part, on imagine assez mal qu'un patron pût se désintéresser d'un investis-
256 Les grands columbaria «familiaux» n'apparaissent vra iment qu'avec l'Empire (Agrippa, Mécène, Volusii, Livie, etc. . .). Cf. Toynbee, Death p. 113-116. 257 Cf. notes 160 à 165.
LA COHABITATION DE L'AFFRANCHI ET DU PATRON sèment parfois coûteux et qui diminuait la valeur des bona sur lesquels il avait des droits; d'autre part, l'attachement aux anciens compa gnons d'esclavage n'est pas nécessairement gom mé,surtout s'il est question de collibertae restées les uxores des individus concernés. Mais dans le cas où l'affranchi ne partage pas la sépulture du patron, le lien qui les rattache «physiquement» n'est pas toujours rompu, dans la mesure où, dans une même nécropole, ils peuvent avoir pris place à proximité : il en est ainsi à Adria258, à Caere259, et l'on a même relevé qu'autour du tombeau des Scipions, des affran chisde la gens Cornelia ont pris place, et ce jusqu'au début de l'Empire260. Il en était peutêtre déjà ainsi dans la nécropole de St Césaire, à Rome261. Et le cas d'Horace, fils d'affranchi se faisant inhumer sur l'Esquilin, près du tombeau de Mécène, est sans doute révélateur d'une pra tique qui voyait les dépendants - affranchis ou clients - marquer de façon visible la continuité de l'attachement qu'ils avaient eu de leur vivant, envers leur protecteur262. Par ailleurs, si certains affranchis aisés ont pu donner une certaine importance à leur tombeau, parfois parce qu'ils étaient guidés par le désir de «faire aussi bien» que des ingénus263, il ne fau drait pas toujours penser au cas de Vergilius Eurysaces : en réalité, à Rome, et surtout en dehors, les affranchis qui ont eu l'initiative de
258 Cf. Ep., XVIII, 1956, n° 12-13-14 (Accii), 32 et 35 (Teidii). 259 Cf. CIEtr., II, 1, 6024-6034 - affranchis de la gens Magilia. 260 Cf. Borner, Untersuchungen, IV, 171 et n. 5, 172 et 173 pense que cette pratique a valu jusqu'à la fin de la période républicaine, c'est-à-dire jusqu'au moment où les columbaria, marquant une nette séparation entre les maîtres appartenant à l'aristocratie et leurs serviteurs, sont apparus. A propos des Cornelii, par ailleurs, l'auteur montre que la communauté de rites s'est maintenue, entre patrons et affranchis, malgré le passage de l'inhumation à l'incinération, sans doute sous Sylla; ce qui est un signe supplémentaire de la dépendance très large dans laquelle même les affranchis de cette gens se trouvaient. 261 CIL, P, 1050 et 1051 (affranchis de la gens Clodia) 1078 et 1081. (affranchis de la gens Iunia). 262 Suét., Vita Horat., VI Humatus et conditus est extremis Esquiliis iuxta Maecenatis tumulum. 263 Nous l'avons indiqué à propos du tombeau de C. Maecius T. Pu. 1., sans doute inspiré par celui que ses affranchis avaient édifié à la mémoire de C. Ovius Freg(ellanus).
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l'édification de leur sépulture reprennent l'appa rence et l'ornementation qui sont ceux des tom bes des ingénus de niveau économique compara.ble. A Caere264, à Adria265, chez les Marsi266, à Praeneste267, à Bononia268, à Rome même269, les motifs décoratifs et symbole funéraires utilisés270 par des affranchis, la forme générale et les dimensions de leurs cippes, stèles ou «colonnettes» sont identiques à ce que l'on remarque à propos des hommes de naissance libre271. La construction d'un tombeau, tout comme la pré sentation des inscriptions qui l'accompagnent, n'apparaissent, ni au niveau architectural, ni à celui de la sculpture, un moyen de singularisation, mais apparaissent plutôt marqués d'un désir d'intégration, de la part des affranchis, au monde physique et mental des ingénus272. Enfin, nous avons pu ressentir l'opposition, dans le domaine des réalités funéraires, entre Rome et le reste du monde, et en tout les cas autres régions de l'Italie : c'est à Rome que les sépultures personnelles sont, à première vue, proportionnellement les moins nombreuses273. Il
264 On retrouve chez les affranchis comme les ingénus, les deux formes de monuments funéraires, cippe en forme de colonnette pour les hommes et en forme de maison pour les femmes - cf. Heurgon, Vie quotidienne, p. 116, et Cristofani, CIEtr., II, I, p. 401. 265 Les affranchis utilisent aussi bien les stèles de forme rectangulaire, que les stèles à disque inséré dans une place rectangulaire. Et le formulaire très bref est identique à celui qui est employé à propos d'ingénus. 266 Cf. Letta-D'Amato, Epigrafia Marsi, n° 105, avec figura tiond'une rosette au-dessus d'une porte (cf. n° 114 - 115 127 - 138 - 147 - 154 - 155 - 156 - 157 - 164 - 194 tous ingénus). Cf. n° 107 figuration d'une rosette mais aussi de sandales avec miroir circulaire, étui ouvert et ciste répartis sur les faces principales et latérales (cf. n° 104 ingénu). 267 Cf. CIL, P, 2457 ou 2480, inscription limitée au nom du défunt, affranchi ou ingénu, et figurant sur la base d'une pomme de pin (fig. 27-28). 268 Cf. Susini, // lapidario, pi. X. 269 Cf. Berai Brizio, Lincei Rend., XXVI, 1971 n° 4-5-67-8-9-10-11- et pi. IV-V-VI-VII. 270 Bucranes, rosettes, instruments de construction, par exemple. 271 La formulation des prescriptions concernant la protec tiondes tombeaux n'échappe pas non plus à ce conformis me. Cf. Galletier, Poésie funéraire, p. 20-1 - 27-8 - 42. 272 Sur ce point, l'accent mis par Mansuelli (Monumentum, p. 182) sur le désir d'affirmation personnelle nous semble devoir être nuancé dans le cas des affranchis. 2" Cf. De Visscher, Défenses d'aliéner, p. 282 et n. 19.
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
y a là un phénomène qui tient peut-être à l'i mportance des familiae dans la capitale, mais qui s'explique aussi par des nécessités économiques touchant au prix des terrains274. En tout cas, c'est à Rome que l'on trouve non seulement les seules mentions sûres de columbaria, mais aussi les cas d'individus nombreux entrant dans le même tombeau. C'est d'ailleurs ici que les contrastes entre les conditions dans lesquelles les restes des affran chisdécédés sont préservés sont les plus fortes, ce qui traduit bien le manque d'homogénéité de cet or do, au plan financier, et nous invite à penser qu'il ne convient pas de prêter à tous ces individus sans distinction, un comportement empreint de vanité. Et bien des affranchis de citoyens pauvres devaient être accueillis après leur mort, comme ils l'avaient été de leur vivant, c'est-à-dire précairement. Les mêmes opposi tionsque l'on avait relevées, au sujet du domicil e des vivants, se retrouvent ici: aux domiciles individuels correspondent les tombeaux élevés à l'initiative des affranchis, mais de même que des affranchis avaient continué après leur libération, à séjourner auprès de leur patron, de même la 274 Alors que dans certaines petites villes, des particuliers pouvaient offrir des emplacements gratuits aux autres habi tants : ainsi à Sassina {CIL, F, 2123 = ILLRP, 661).
cohabitation entre celui-ci et ses dépendants peut continuer. Aux cellae concédées par le patron ou aux logements de fortunes succèdent les columbaria liés à une grande familia ou dûs à l'initiative d'un groupement d'entraide ouvert à des esclaves ou des ingénus de basse condition : ainsi entre citoyens pauvres, affranchis pauvres et même esclaves275, une commune infortune matérielle était peut-être propre à créer des liens de solidarité, liés à la même recherche d'un abri funéraire comme au partage des der niers étages des insulae.
275 Cf. Borner, Untersuchungen, IV, p. 179-191 (cf. aussi p. 141 et notes) insiste sur le fait qu'il n'y a plus, à la fin de la période républicaine de barrière dans la domaine funéraire, entre esclaves et libres. Par ailleurs à quelle époque faut-il appliquer le comment aire du Pseudo-Acron (ad Hor. Sat., I, 8, 7) : Ante enim tanta misericordia tenebantur maiores ut etiam publica monumenta pauperibus et servis aedificarent . . . cadavera portabantur plebeiorum sive servorum? L'auteur exagère sans doute en par lant de monumenta : il devait s'agir plutôt d'emplacements, de terrains. Quant à la générosité des maiores, vraie ou embellie, elle semble être mise en contraste avec un égoïsme plus récent. Mais aucune indication chronologique ne nous est fournie. De toute façon, le rapprochement pauperibus et servis, et plebeior um· servorum est tout à fait éclairant sur cette identité de condition, au-delà des statuts juridiques, des individus les plus démunis au plan économique.
CHAPITRE II
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES1
Fortement lié, en général, à la familia de son patron, à laquelle le rattachent des rapports non seulement juridiques (d'obligation) mais* aussi relevant de l'affection ou de l'intérêt, l'affranchi ne doit cependant pas être considéré unique menten tant qu'individu isolé. En effet, parmi les droits civils qu'attribue la manumission, c'est-à-dire le passage dans la caté gorie des hommes libres, celui de fonder une cellule familiale ayant valeur légale est reconnu; et, en s'assurant ainsi une descendance, l'affran chi peut disposer d'une partie de ces biens que Cicéron croyait indispensables au même titre que la vie et la liberté2. Mais pour juger de l'importance de ce fait, il faut bien comprendre que la création de rap ports «conjugaux» ou plutôt l'existence d'unions
1 Un premier aperçu sur cette question a été donné : Remarques sur la vie familiale des affranchis privés aux deux derniers siècles de la République: problèmes juridiques et sociologiques, dans Actes Colloque 1971 Esclavage (Besançon), Paris, 1973, p. 239-253. Voir en outre : P. Meyer, Der römische Konkubinat, Leipz ig, 1895. A. Plassard, Le concubinat romain, Toulouse, 1921. Watson, Persons, p. 1-76. Β. Rawson, Roman concubinage and others «de facto» marriages, dans TAPhA, 164, 1974, p. 279-306 (= Rawson, Concubinage), et du même auteur : Family life among the lower classes at Rome in the 2 first centuries, dans CP, 61, 1966, p. 71-83. E. Polay, Die Sklavenehe in antiken Rom, dans Altertum, XV, 1969, p. 83-91. A titre de comparaison, Heurgon, Vie quotidienne, p. 87-91. 2 Divisiones Oratoriae, 86 : Bonorum autem partim necessar ia sunt, ut vita, pudicitia, libertas, ut liberti, coniuges.
(sans donner à ce mot une quelconque significa tion juridique) intéressant un ou deux affranchis, nous oblige à nous poser dès l'abord les ques tions suivantes : - dans quelle mesure ces unions peuventelles constituer le prolongement d'unions de fait qui existaient, alors que les individus concernés, ou l'un d'entre eux, étaient encore esclaves? - dans quelle mesure aussi l'existence de ces unions met-elle en jeu les rapports entre affranchis et patrons? - quelle est leur portée juridique et sociale, lorsqu'elles rapprochent des individus de statuts différents et dans ce cas, sont-elles moins sta bles, moins durables, moins souvent légitimes que lorsqu'elles concernent des individus de même niveau juridique? - quelle est l'attitude de la société et des écrivains qui en sont les porte-paroles, vis-à-vis de ces unions (qu'elles soient légitimes ou non) et, inversement (ou par voie de conséquence), quelle image de leurs rapports familiaux les affranchis veulent-ils donner? - enfin, il ne saurait être question d'ignorer la portée réelle de la législation augustéenne, par rapport à la réalité des deux derniers siècles de la République. Nature des sources Avant d'envisager ces diverses questions, il semble nécessaire de préciser les points sui vants, en raison des imprécisions des sources.
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
Si, chez Plaute3, surtout, et Térence, nous trouvons un nombre important de renseigne ments concernant ces liens familiaux avant et même après affranchissement, il faut dire que dans les sources littéraires postérieures nous ne rencontrons que de maigres indications. C'est ainsi que Cicéron qui, pourtant, nous fait connaît re de près l'activité de ses serviteurs-esclaves et affranchis - et précise, essentiellement dans ses lettres, la qualité des rapports qu'il entretient avec eux, ne nous signale parmi ceux-ci aucune union, même de fait, aucune indication d'une vie familiale quelconque. Les seules mentions que nous trouvons chez lui, concernent les liaisons existant entre tel ou tel grand personnage (M. Antonius, M. Gellius, etc.), et des affran chies, laissant entendre qu'ils ont déchu, et il exprime là la désaprobation que «l'opinion» manifeste à l'égard de ces unions. De même chez Tite Live, Pline l'Ancien, Suétone, Appien, Plutarque, les notations sont rares: tous ces auteurs, en fait, sont intéressés avant tout par les problèmes d'ensemble ou fascinés par de grands personnages, et les «petites histoires» familiales des affranchis ne les concernent pas, sauf si elles ont un rapport avec la grande histoire, ce qui est le cas pour Fecennia Hispala4. Heureusement, nous pouvons, grâce surtout à Gaius, dans son premier commentaire, connaît re l'essentiel de la législation augustéenne (leges Aelia Sentia, Julia de maritandis, Fufia Caninia, etc. . .) ce qui permet de juger de la situation à la fin de la République dans de moins mauvaises conditions, même si Gaius est plus tenté de relier cette législation à son époque, qu'à celle de la République. Nous avons aussi une abondante quantité d'inscriptions qui sont bien souvent rédigées en termes emphatiques5 ou reprennent des sché mas stéréotypés, mais donnent un aperçu bien plus spontané, plus direct de la réalité familiale et nous renseignent à la fois sur le sens et la portée de ces unions, et aussi sur l'image que les
3 Voir l'utilisation systématique qu'en a faite Watson, Persons, dans le chapitre I consacré au concubinatus, p. 1-10, ou le chapitre II, appendice p. 29-31 (a marriage cum manu in Plautus). 4 Tite Live, XXXIX. 5 Treggiari, Freedmen, p. 208.
rédacteurs de ces inscriptions (essentiellement des épitaphes) voulaient donner de leur vie familiale. Problème des eunuques D'autre part, il faut dire que, tant le silence des sources littéraires que l'imprécision, parfois, des sour cesépigraphiques, ne nous permettent pas de disti nguer nettement ceux des affranchis qui ne vivent pas en état de mariage. Ainsi, il faudrait exclure du cadre de vie familiale les eunuques, or sur eux les renseigne ments sont souvent restreints6. Problème des célibataires Enfin, ne faut-il pas penser que l'existence de rela tions familiales dignes de ce nom, s'accompagnait forcément d'une certaine stabilité? Dans ce cas, on peut imaginer que certains affranchis investis de char ges importantes auprès de personnages en vue, et amenés à -.se déplacer fréquemment, ou à vivre momentanément outre-mer, ont vécu dans un état de célibat de fait7, ce qui serait expliqué par les nécessi tés du service8. Effectivement, si l'on pense aux carriè-
6 Une seule indication chez Horace, Sat. I, 1, 105 £5/ inter Tanaim quiddam socerumque Viselli, concernant, c'est du moins une scholie qui nous le dit, Tanais affranchi de Mécèn e,ou L. Munatius Plancus. Une allusion chez Appien, Bell. Civ., III, 98 (cf. Staerman, Blütezeit, p. 242), sur l'assassinat de Minucius Basilicus ou Basilius, en 43 a.c, par ses esclaves dont il avait voulu faire castrer certains, ce qui montre au moins le désir de jouir de toutes leurs facultés. Enfin, un passage de Val. Max. (VII, 7, 6) nous dit qu'en 78 a.c. un prêtre de Cybèle, donc émasculé, fut écarté du testament d'un affranchi, sur intervention du patron de celui-ci auprès du consul M. Aemilius Lepidus qui fit suite à cette demande, se fondant sur le principe que : amputis sui ipsius sponte genttalibus corporis partibus neque virorum neque mulierum numero haben debere. . . Doit-on extrapoler et conclure que tous les affranchis héritant de leurs patrons étaient assur émentdes hommes entiers? Sur cette question, voir l'article copieux de Hug, dans RE, suppl. III, {Eunuchen) col. 449, cf. F. Gonfroy, Un fait civilisa tionméconnu, l'homosexualité masculine à Rome, 3è cycle inédit (= Gonfroy, Homosexualité), p. 107. A noter cependant que le mariage et l'adoption n'ont été interdits aux eunuques qu'à l'époque de Justinien; cf. P. Bonfante, dans AG, CI, 1929, p. 3. Rappelons que la castration des esclaves n'a été interdite que sous Domitien (cf. A. E. de Manaricua, El matrimonio de los esclaves, Analecta Gregoriana, XXIII, (S.F.I.C.B.I.), 1940, p. 79-80. 7 Dans ce sens J. Maqueron, Le travail des hommes libres, 2<= éd., Aix, 1958, p. 157. 8 Treggiari, Freedmen, p. 214. En ce qui concerne les affranchis installés, pour le compte de leur patron, au loin, il
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES res à caractère militaire comme celles des affranchis de Pompée et de ses fils9, et aux déplacements perpét uels auxquels certains affranchis de l'entourage de Cicéron ont été soumis10, leur célibat semble probab le. Mais il ne faut pas exagérer le sens du silence de Cicéron sur ce point. Qu'il y ait au des célibataires comme Tiron, Dionysius, etc. . . est certain. S. Treggiari a fait cependant remarquer à juste titre11 que nombre d'esclaves de Cicéron ont quitté son service non pas pour un autre maître, mais pour jouir de la liberté qui leur avait été accordée, ainsi perdons-nous la trace de ceux-ci et nous ne savons pas ce qu'il est advenu d'eux, ni de leur vie familiale éventuelle. Ainsi, notre enquête doit réprondre à trois interrogations : - Quelles unions pouvons-nous appréhender et quel est le statut des partenaires qu'elles mettent en présence? - Quelle est la nature de ces unions : maria ges légitimes, ou simple concubinage? - Comment un couple - légitime ou non mais durable, exprime-t-ii et organise-t-il la vie familiale qui se développe autour de lui? ne semble pas qu'ils aient eu, en général, une vie familiale très développée. C'est le cas à Délos : Hatzfeld, dans BCH, 1912, p. 108-109 pensait que ce n'était qu'après 115 que les «Italiens» auraient résidé plus longuement. Les stèles funé raires de Rhénée (cf. Couilloud, Rhénée, p. 282) ne laissent pas entrevoir l'existence de familles d'affranchis stables, con trairement à ce que l'on remarque à propos des orientaux installés dans l'île (cf. BCH, XXXVI, 1912, p. 84). De même, quand on étudie les affranchis des Barbii, on ne trouve aucune femme auprès d'eux, hors d'Italie, à l'épo que républicaine (cf J. Sâsel, Barbii, dans Eirene, V, 1966, p. 117-137). Enfin à Tarraco, par exemple, il y a une écrasante majorit é d'hommes parmi les affranchis des gentes italiennes et les deux femmes indiquées sont des co-affranchies (cf. RIT, n° 1 à 17). Carthage, cependant, semble offrir une exception, à l'épo quecésarienne, en tout cas (cf. CIL, VIII, 1053-24678, 24874-5, 24917). 9 Appollophanes, Demochrates, Menodorus, etc. . . 10 Le cas le plus parlant est certainement celui de M. Pomponius Dionysius que nous trouvons en juin 56 à Antium (Att., IV, 8, 2) près de Cicéron, en avril 55 à Cumes, près de Cicéron encore, (Att., IV, 11, 2), auprès d'Atticus en juillet 54 (Att., IV, 15, 6), auprès de Cicéron à Actium, en juin 51 (V, 9, 1) - avec lui encore à Laodicée (février 50, voir Att., VI, 1, 12); il revient auprès d'Atticus en décembre 50 (Att., VII, 4, 1), et nous le retrouvons auprès de Tiron, en février 49, à Formies (Att., VIII, 5, 1). " Freedmen, p. 255.
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I - TYPES ET VALEUR JURIDIQUE DES UNIONS 1 - ÉTUDE DES TYPES D'UNIONS Définition des critères d'étude Pour définir ces unions, un premier élément d'appréciation est fourni par l'indication du sta tut des partenaires, des conjoints (au sens physi quedu terme). Afin d'établir une vue d'ensemb le, il est apparu nécessaire de recourir à des tableaux (mettant en œuvre l'information épigraphique, complétée par des renseignements four nispar les sources littéraires); ainsi s'éclairent dans les inscriptions les équivalences ou au con traire les discordances existant dans la situation juridique des individus concernés : les œuvres littéraires portant sur les faits précis ou imagi naires sont suffisamment explicites en général. Les critères permettant de conclure à l'exi stence d'une union (légitime ou non) se répartis sent entre trois types d'indication : 1) la mention de termes comme uxor12, conjuxli, virH, maritus, sodalis15, concubina16, collibertusO, arnica, contubernalis. 2) l'existence d'enfants nés de ces couples (bien que les problèmes de filiation ne soient pas toujours faciles à résoudre18. 3) le fait qu'un homme ou une femme ait dédié, sans indication de parenté, une inscrip-
12 Sur nos inscriptions, le terme d'uxor apparaît 14 fois, 8 à Rome (CIL, P, 1215-1220-1259-1229-2527C, 3034, Ep., 1961, p. 4), 6 hors de Rome (CIL, P, 1432 - X, 6104 - F, 1595 - 1809 - 2284, XI, 682 et add.). "Coniux est utilisé 8 fois (CIL, P, 1221 - 1304 - 1332 à Rome, Lincei Rend., 1973, p. 270-1, n°6 et CIL, X, 4292, P, 1900 - 2261 - 2273 ailleurs). "Vir est rencontré 6 fois (CIL, P, 1215 - 1221 - 1226 1330 à Rome et P, 1526 - X, 6104, hors de Rome), cf. Tite Live, XXXIX (à propos de Fecennia Hispala). '5 Sodalis : AE, 1955, n° 15 (dans CIL, P, 1364 = ILLRP, 428, il s'agit sans doute d'un cognomen. C'est dans ce sens qu'ont conclu implicitement Mommsen au CIL, et Degrassi, bien que l'on lise sodali et non sodalis). 16 Concubina intervient 5 fois (CIL, P, 1277 et 2527 a, 3005, VI 26556, VL 33090 à Rome). 17 Tandis que collibertus(a) est employé pour désigner les rapports entre un homme et une femme à trois reprises (CIL, l2, 1221 - 1413 - 1380). 18 Voir tableaux, p. 177-179.
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
tion funéraire à un individu de sexe opposé19, ou ait érigé un tombeau pour lui-même et une per sonne de l'autre sexe20; ou même qu'un homme et une femme se soient fait construire un monum ent21, ou aient été associés sur une inscription à deux noms (mais le doute demeure dans ce cas)22, ou sur une inscription collective à un individu, homme ou femme23. " A Rome: CIL, F, 1249 = VI, 12724 - P, 1254 (-VI, 12804) - CIL, P, 1285 - 1364 (=VI, 33454 = ILLRP, 428) - AE, 64, 81 (?), CIL, VI, 37806. Hors de Rome : CIL, P, 1595 = X, 4251 P, 1888 = IX, 3196 = ILS, 7826a- P, 1 802 = IX, 3049- P, 2544 F, 1888 = IX 4389 (?), CIL, P, 3125 (=X, 4169), IX, 3817. 20 A Rome: CIL, P, 1259 (cf. p. 840) = VI, 37086 = 1LS, 7480 = ILLRP, 802), CIL, P, 1319 = /LS, 8341 -ILLRP, 798 CIL, P, 1405 = VI, 28625 -ILLRP, 945 - CIL, P, 1411 (p. 840) (-VI, 33870 - 37775a = ILS, 7471 =ILLRP, 794) CIL, F, 3124 (=X, 4291), 2965a {-Ep., XXXIV, 1972, p. 103-130). Hors de Rome: CIL, F, 1528 = X, 5878 - P, 1548 = X, 5614 = X, 6104 = ILS, 1945 - CIL, P, 1613 = X, 1162 - P, 1589 = X, 4053 F, 1684 (p. 714 = 732 - 840) = X, 388 = IG, XIV, 666 = ILS, 7791 -ILLRP, 799 - AE, 68 n° 137 F, 1734 = IX 1721 - P, 1925 = IX 5623 - P, 2135 = IX, 690 = ILLRP, 946 - P, 2284 = 5252 (a) + 4597 (b) CIL, VIII, 1053 - XIV, 2485, RIT, n°17. 21 A Rome: CIL, P, 1220 = VI, 33087 = /LS, 8401 -ILLRP, 365 - F, 1279 = VI, 10415 (p. 3505) = ILLRP, 768 avec un autre affranchi. F, 1280 = VI, 15700 - P, 1278 (p. 1277) = VI, 33095 P, 1351 (p. 740-840) = VI, 38697 = ILLRP, 951 - F, 1401= VI, 27903 = ILLRP, 939 - VI, 32380 (=ILS, 9433) et 33969. Hors de Rome: CIL, P, 1638 = X, 1049 -ILLRP, 956 - F, 2283 = XII, 5208, CIL, P, 3133 - 3134 - 3195 - 3196. 22 Associés à un monument funéraire : A Rome : CIL, F, 1248 = VI, 11725 = F, 1258 = VI, 13179 = ILLRP, 413 - F, 1261 = VI, 34695 - F, 1262 = VI, 13754 - P, 1264 = VI, 13783 P, 1290 = VI, 16312 - P, 1321 = VI, 20758/9 - P, 1331= VI, 33089 a-b - F, 1333 = VI, 21727 - F, 1347 = VI, 23137 = /LS, 8400 - P, 1387 = VI, 26606 (a.b. plus p. 3553 n° 34172 b.) - F, 1392 = VI, 27087 - P, 1395 - F, 1399 = VI, 9934 = ILLRP, 818 F, 1415 = VI, 28797 - F, 27 19 = VI, 38808 - VI, 32307 -ILS, 4977 - Ep., XXI (1959) p. 107-8, CIL, V, 3021 {-AE, 1971, 42), AE, 1971, 43 et 54 - BC, XLIII, 1915, p. 321 - Lincei Rend, 1971, p. 143-4, n° 7, 144-5 n° 8. Hors de Rome : CIL, F, 1599 = X 4266 (icon.) - P, 1813 = IV, 3639 = ILLRP, 953 - F, 1884 = IX, 4426 - P, 1867 = IX, 4472 (p. 683), CIL, II, 6117. Sans mention d'un monument funéraire: A Rome: CIL, F, 1230 = VI, 1605 F, 1281= VI, 15721 - F, 1282 = VI, 15730 - P, 1284 = VI, 15759 - P, 1293 = VI, 33441 - F, 1303 = VI, 17706 - F, 1307 (-VI, 9202 -ILS, 7823 -ILLRP, 770) - P, 1338 (-VI. 22475 (cf. p. 3528) - F, 1404 (=VI, 6149) = F, 1418 (-VI, 29594), VI, 17701, 28327 - Lincei Rend, XXVI, 1971, p. 782, n°9. Hors de Rome: F, 1540 = X, 5693 - F, 1475 = XIV, 3315 - P, 1864 = IX, 4466 - F, 1882 = IX, 4298 - F, 1995 = XI, 2638 = ILLRP, 915 - F, 2033/4 = XI, 1959-60 = C/ Etr., 3372/3 CIL, VIII, 24678 (3 noms) et 24917 (3 noms). 23 A Rome : CIL, F, 1209 = ILLRP, 821 - F, 1216 = VI, 14338 - F, 1256 = VI, 13164 - F, 1275 = VI, 14700 (souvent en queue
les24.
4) l'iconographie qui se rapporte à ces coup
Une telle méthode peut permettre, essentiel lement, de déterminer des rapports d'égalité juridique ou de relever des dissonnances dans la situation des partenaires, fort utiles pour l'a ppréciation des données socio-juridiques du pro blème. Ces critères d'étude une fois définis, il import e, à partir de nos sources, de faire apparaître les «types d'unions» en tenant compte du statut juridique des partenaires. Des unions limitées en général au cercle des affranchis Le matériel épigraphique présente cent qua tre vingt dix huit «couples» formés, dont cent quinze à Rome. Dans ce nombre, sont intéressés cent cinquante neuf affranchis et cent soixante quatorze affranchies (on ne retrouve pas le pre mier chiffre, puisque les unions ne sont pas circonscrites au seul groupe juridique des affran chis). La remarque qui s'impose dès l'abord, c'est que l'immense majorité des rapports se situe au même niveau juridique, celui des affranchis25, puisque sur cent quatre vingt dix huit unions : - cinquante trois mettent en présence des affranchis de gentilices différents, donc n'appar tenantpas à la même gens (soit trente et un à Rome et vingt deux ailleurs)26; de liste et isolés) - F, 1291 = VI, 16314 - P, 1292 = VI, 10022 = ILLRP, 941 F, 1316, = VI, 19521 - F, 1326 = VI, 22541 F, 1370 = VI, 25227 - P, 1380(3) - P, 1382 = VI, 9170, - VI, 2246, - VI, 38100. Hors de Rome : CIL, F, 1681 =X, 8133 (3) P, 1707 = IX, 352 - F, 1862 = IX, 4236 - F, 1822 (affranchis en commun) - F, 1756 = IX, 2714 - F, 1918 = IX, 5325 - Ep., XXVII, 1965, p. 214/5 n° 84. 24 Iconographie: ILLRP, 503 = Imagines 219 - CIL, F, 1221= ILLRP, 793-Imagines 303 - F, 1227 = ILLRP, 919 - F, 1266 - P, 1599 - F, 1837 = ILLRP, 971 - Ep., XXVII, 1965, p. 214-15, n° 84 - AE, 1966, 112 - AE, 1968, 137 - CIL, P, 2998, 3010-3013-3281-3283, VI, 9411 - 9574 - 18891 - 21961 - XI, 139. 682 et add., XXXIV, 1972, p. 93-5, n° 3. 25 Weaver, {Familia Caesaris, p. 180-1) insiste sur le fait que près de la moitié des conjoints, dans le cas d'affranchis impériaux, ont le même nomen et souligne que l'on a affaire bien souvent à des co-affranchis. 26 A Rome : CIL, F, 1220 - 1230 - 1249 - 1261 - 1264 - 1266 - 1272 - 1274 - 1279 - 1280 - 1282 - 1284 - 1293 - 1316 - 1319 - 1330 - 1331 - 1332 - 1333 - 1382 - 1387 - 1409 - 141 1 - 2719
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES - dix neuf concernent des patrons euxmêmes affranchis et une leurs affranchis (douze à Rome, sept hors de Rome)27; - quarante et une (dont trente et une à Rome) mettent en présence un affranchi et une affranchie dont on ne peut savoir si elle est son affranchie ou sa coaffranchie, l'affranchi portant le même prénom que le patron28; - seize (dont douze à Rome) concernent deux coaffranchis (ceci peut être indiqué soit par l'utilisation du terme collib., soit par le jeu du prénom dans la nomenclature)29. Soit cent vingt neuf sur cent quatre vingt dix huit au total (quatre vingt six sur cent quinze à Rome), c'est-à-dire plus des trois cinquièmes (un peu plus des trois quarts à Rome). Cette différence de proportion entre Rome et le reste du monde romain (essentiellement l'Ita lie) est peut-être accidentelle, due aux hasards de l'échantillonnage, mais elle tient aussi, nous avons déjà eu l'occasion de le remarquer, au fait que les familiae étaient plus importantes dans la capitale que dans les autres villes, offrant sans
- VI, 38100 - P, 3005 - VI, 9618, Ep., XXXIV, 1972, p. 93-5, n° 3 et p. 98-100, n° 6 - AE, 1971 n° 54? Hors de Rome : CIL, P, 1432 (Ancia), X, 6104 (Formiae) - I2, 1548 (Fregellae) 1570 (Minturnae) 1475 (Praeneste) - 1595 (Casapulla) - 1599 (Capua) - 1707 (Canusium) - 2544 (Sulmo) - 1864 (Amiternum) 1867 (Ibid) 1900 (Pinna) - 1925 (San Severino) - 2261 (Kasos) Espérandieu, Inscr. Corse, n°7 (Aleria). Epigr., XXX 1968, p. 127-8, n° 2 (Bénévent). P, 3034 - VIII, 24678? - X 4298 - XI, 682 add (mais de qui Hermidia est-elle la compagne), 1735 (si Fullonia est liée à Cornelius), Lincei, Rend, 1971, p. 143-4, n°7. 27 A Rome : CIL, P, 1248 - 1256 - 1272 - 1277 - 1326 - 1339 - 2527a, 2998, VI, 9411, 10329 (cf. 33969), 21961, 28327. Hors de Rome: CIL, I2, 1540 (Arpinum) - 1638 (Pompei) - 1995 (Cosa) - I2, 795 (Kavo Kephali), VIII, 1053 et 24917 (Carthage) - X, 6028 (Minturnae). » A Rome : CIL, P, 1262 - 1275 - 1285 - 1290 - 1291 - 1291 - 1294 - 1307 - 1321 - 1329 - 1357 - 1370 - 1380 - 1382 - 1390 - 1392 - 1399 - 1401 - 1404 - 1418, 2965a, 3002, 3010, 3021, VI, 17701 - 18891 - 38824. Lincei, Rend, 1971, p. 782, n°9, 1974, p. 509 - AE, 1971, 54 et 43. Hors de Rome: CIL, P, 1613 (Avellinum) - 1681 (Stabiae - 1787 (Corfinium) 1862 (Amiter num)- Ep., 1965, p. 214-5, n° 84 (Panormus) - I2, 2284 (Narbo). P. 3283 (Farà Sabina) - Vili, 24678 (Carthage), RIT, 17 (Tarragone). » A Rome : CIL, I2, 1216 - 1221 - 1226 - 1281 - 1283 - 1364 - 1395 - 1405 - 1413 - 2527a - VI, 37380 (patron commun). Lincei Rend, 1973, p. 270-1, n° 6. Hors de Rome: CIL, P, 1813 (Ager Amiterninus) - 2283 (Narbo) - 3134 (Pompéi), IX, 3817?
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doute de plus grandes possibilités de «choix» à l'intérieur de celles-ci. Peut être aussi le respect des hiérarchies juridiques y était-il plus grand, à cause de la surveillance des censeurs ou des maîtres : à la tête des grandes familles se trou vaient des personnages jouant un rôle au niveau de l'État, et qui pouvaient refuser un brassage juridique trop important. Par voie de conséquence, d'une part les rap ports avec des individus de statut juridique supérieur sont moins importants en proportion; et d'autre part, à Rome ils le sont encore moins qu'ailleurs : vingt cinq attestés seulement entre affranchis (hommes et femmes) et ingénus, dont sept à Rome30, et quatorze en dehors31. De tels liens n'étaient donc pas la règle générale et les rapports s'établissaient essentiellement au même niveau juridique32.
30 A Rome : CIL, I2, 1289 - 1351 - 1303 - 1338 - Ep., XXI, 1959, p. 107-8, P, 1259 - 1370, VI, 26556 - 33090 - 37806, Lincei Rend, 1971, p. 143-4 n°7. 31 Hors de Rome : CIL, P, 1589 - 1802 - 1841 - 1684 - 1884 - 1528 - 1570 - 1756 - 1809 - 1888 - 3125 - 3133 - 3124 - XI, 139. 32 Même si l'on assimile à ce type d'unions celles qui mettent en présence un(e) affranchi(e) et un homme ou une femme portant trois ou deux nomina sans indication précise de statut, c'est-à-dire des individus libres mais qui ne sont pas forcément citoyens ou assimilés, on n'arrive pas à des résultats sérieusement modifiés (affranchis et femmes portant deux «nomina»: CIL, I2, 1250 - 2246 à Rome; P, 1882 à Amiternum; P, 1918 près de Cupra Maritima - P, 2033 à Perusia; affranchies et hommes portant deux ou trois «nomi na» : à Rome : P, 1262 - 1347. VI, 9574. Hors de Rome : P, 1772 à Bisegna - 1780 à Popoli - P, 2135 à Gaddo - Ep., XXX (1968), p. 127-8, n°2 à Bénèventum), P, 3196 (ibid.) XIV, 2485 (Castrimoenium). Encore fait-il souligner que dans la première catégorie une inscription peut se rapporter à un autre affranchi, puisq u'il s'agit d'une femme morte portant le même gentilice = CIL, P, 2246. VI, 9574, (à Rome), XIV, 2485. Inversement, les rapports d'affranchis avec des individus de statut inférieur semblent peu nombreux, bien que, nous le verrons à propos des unions nouées entre esclaves (avant affranchissement), des affranchis aient eu, sans doute en tant qu'esclaves, des relations avec d'autres esclaves (affranchis et esclaves sans doute: CIL, P, 1228 = VI 10588 - P, 1780 = IX, 3210 = V, 41911 = ILS, 2241 - P, 2210 = V, 1418 : le statut de la femme étant généralement à déduire de celui des enfants de ces couples. Affranchis et femmes portant un nom unique et pouvant, éventuellement être aussi esclaves : CIL, P, 1254 = V, 12804 - P, 1304 - VI, 17925 = VI, 32307 = /LS, 4977 - P, 1734 = IX, 1721 =ILLRP, 81 (inscription de Bénévent). Affran-
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Cependant, afin de vérifier la réalité de cette affirmation, il convient de procéder à une diff érenciation par sexe et d'essayer de voir si les possibilités de promotion juridique sont mieux assurées du côté des femmes. Les résultats sont les suivants : sur cent soixante quatorze affran chies: - vingt et une sont liées à un ingénu (dans huit cas, il s'agit de leur patron); - neuf à des individus portant deux ou trois nomina (dont cinq sont les patrons); - mais cent trente neuf à un autre affranchi (que celui-ci soit un patron - dix sept cas -, leur propre affranchi - deux cas -, leur co-affranhi seize cas -, leur coaffranchi ou leur affranchi quarante et un cas -, ou un affranchi d'une gens différente - cinquante trois cas -, nous l'avons vu). Sur les cent cinquante neuf affranchis recon nus,cinq seulement sont liés à une ingénue, six à une femme ayant deux nomina deux seulement à leur patronne (elle-même affranchie d'ailleurs). Il semblerait que la promotion juridique des femmes soit plus poussée que celle des hom mes : le rôle de l'amour dans l'affranchissement est évidemment essentiel33, comme le confi rment les sources littéraires qui font le plus sou vent allusion à des rapprochements entre ingé nuset affranchies34 et beaucoup plus rarement à la situation inverse35. Ceci tient sans doute, au premier abord, à des raisons sociologiques jouant aussi bien à l'intérieur de la familia que dans le cadre de la société en général. Sans avoir à rappeler toute l'importance que la question des mariages légitimes ou illégitimes chies et individus ayant un nom unique ne se rencontrent pas. D'autre part, Staerman, Blütezeit, p. 202, a mal interprêté, semble-t-il, l'inscription CIL, I2, 1570 = ILCRP. 977; en effet, selon elle, Horea, affranchie de P. Larcius et de son épouse, aurait épousé un affranchi, alors que le texte laisse entendre qu'elle a épousé le fils de ses patrons, P. Larcius P. F. Brocchus d'où l'expression fui parens domineis senibiis qu'évidem ment Staerman ne peut expliquer. 33 Voir Watson, à propos des comédies de Plaute, égale ment Treggiari. 34 Voir App. Bell. Civ. IV, 24, Cic. Phil, II, 20 - 58 - 61 - 62 - 69, Cic, Pro Sestio, 51, 110, cf. Horat., Epod., 14 v. 9-14 - Od., I XXXIII, ν. 13-16 - Sat., I, II, ν. 47-49 - Τ. Live., XXXIX. 35 Plin., NH, XXXIV, 1 1-12 à propos de Clesippus affran chid'une certaine Gegania. Voir Vitucci, Libertus, p. 910.
au regard du droit romain, les quelques témoi gnages que nous pouvons invoquer pour l'épo que républicaine conduisent à penser que les unions entre ingénus et affranchies étaient mieux tolérées que l'inverse. Ceci s'explique dans doute par le fait que l'affranchissement des esclaves «maîtresses» était un fait répandu36 et que beaucoup de meretrices étaient des affran chies37. Horace témoigne de cette double réalité : Ne sit ancillae tibi amor pudori, conseille-t-il à un interlocuteur appelé Xanthias {Odes, II, IV, v 1-2), tandis qu'il contribue à répandre l'idée que les affranchies sont femmes légères38. Inverse ment,le commerce, réel ou supposé, que cer tains affranchis ont pu entretenir avec des matrones est sévèrement réprimé. D'où la con damnation portée par Auguste contre Polus, l'un de ses chers affranchis, coupable d'avoir eu des rapports adultérins avec des matrones39, comme l'avait fait avant lui César dans les mêmes condi36 Cf. S. Solazzi, dans BIDR, 1948, p. 340, cf. Ulp., L 29 D ht 23,2. 37 Cf. G. Navarre, Meretrices, dans DA, III, 2, p. 1823. Κ. Schneider, Hetairai, dans RE, VIII (1913), spécialement col. 1336-1337. Pour Plaute et Térence, cf. Spranger, Untersu chungen, p. 636 (84). Gonfroy, Homosexualité, p. 158-162-172-3. Sur le cas de Fecennia Hispalla, scortum nobile, cf. Borner, I, p. 24. Cf. aussi Plaute, Cist., ν 40-1 - Pseudo., ν 767-787 - Dio Cass., XLV, 28. Il faut noter que le plus souvent il ne s'agit pas de prostituées de lupanar, mais de «professionnelles» travail lant dans un local sans doute fourni par le patron. On ne peut douter qu'il s'agisse, dans le cas d'affranchies, de la continuation du métier imposé par le maître : dans les comédies de Plaute, le thème de la jeune première que le leno veut mettre au travail, apparaît souvent; et la condition ne prostituatur mise à la vente d'une esclave n'apparaît que sous l'Empire (cf. Manaricua, op. cit., p. 80, n° 23). 38 Cf. les comédies de Plaute : ainsi dans le «Miles Gloriosus», Palestrio s'adressant à Pyrgopolinices, lui dit à propos d'une femme dont le soldat demande le statut : Vah, egone ut ad te ab «libertina» esse auderem internuntius / qui «ingenuis» satis responsare nequeas quae cupiunt tut? (v. 962 à 964), ce qui semble bien introduire une distinction de niveau entre femmes d'origine libertine et ingénues. Cf. aussi Horace qui laisse croire que les affranchies sont de mœurs faciles et que les aimer ne pose pas de grands problèmes : me libertina, nec uno / contenta Phryne macérât: Epod., 14, v. 15/16. Myrtale/ Libertina fretis acrior Hadriae/ 'Curuantis Calabros Sinus : Odes, I, XXXIII, v. 14-16. Tutior et quanto mers in classe secunda / libertinarum dico : Sat. I, 2, 47-8. Sur ce thème cf. S. Treggiari, Libertine ladies, dans CW, 1971, p. 196-8. 39 Suét., Aug. LXVIL 3 Idem Polum ex acceptissimis libertis mori coegit compertum adulterare matronas.
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES tions et avec la même rigueur40. D'où, également, la surveillance exercée par les patrons ingénus sur les rapports entre les femmes de leur entou rageet leurs affranchis : quelques anecdotes, à ce propos, sont éloquentes. Valére Maxime41 nous raconte qu'un certain P. Maenius aurait mis à mort un affranchi très cher {libertum. . . gratum) pour avoir donné un baiser à la fille de son patron, qu'il avait vu grandir, et qui était encore d'âge nubile : non libidine, sed, errore lapsus videri posset. Citons le cas de Q. Caecilius Epirota, affranchi d'Atticus, l'ami de Cicéron, et professeur de la fille de son patron (mariée à Agrippa) et qui fut chassé : suspectus in ea, et ob hoc remotus42. L'aventure survenue à Curtius Nicias, peut-être un affranchi du Césarien Curt ius Postumus43 et grammairien célèbre, est auss isignificative. Il fut chassé par Pompée, à la femme de qui il avait porté un billet doux44, et encore Curtius Nicias n'agissait-il qu'à titre d'i ntermédiaire. Donc au regard de l'opinion, les rapports entre ingénues et affranchis semblent mal consi dérés, alors que l'inverse est plus couramment admis, sans représenter toutefois la majorité des unions45.
40 Suét., Caes., XLIII, 2 : Gratissimum ob adulterant equitis Romani uxorem, quamvis nullo querente, capitali poena adfece· rit. 41 VI, I, 4. Val. Maxime cite, par ailleurs, le cas de Pontius Aufidianus, chevalier Romain, qui avait tué sa fille, séduite par son paedagogus Fannius Saturninus (peut-être affranchi d'un Fannius cf. Nicolet, Ordre Équestre, II, n° 287 p. 992/3). Enfin, il nous signale un certain Q. Antistius, qui répudia sa femme qui, dans la rue, avait conversé «intimement» avec un affranchi (VI, 3, 10-12). Cette sévérité, apparaît, en tout cas, comme un contre poidsà une trop grande familiarité au sein de la famille du maître entre l'affranchi et l'entourage féminin de celui-ci. (Inversement, malgré Galletier, Poésie Funéraire, p. 1 19, il ne semble pas du tout prouvé qu'il ait existé des relations coupables entre Terentia et Philotime). 42 Suét., Gramm., XVI. 43 Cicéron, Fam., VI, 12, 2. 44 Suét., Gramm., XIV : Sed quum codicilles Memmii ad Pompeii uxorem de stupro pertulisset proditus ab ea, Pompeius offendit, domoque ei interdictum est. 45 Cette idée d'une déchéance des femmes se livrant à un commerce avec des individus de statut inférieur explique sans doute le récit de Tite Live à propos des incidents de Volsinies, en 265-4; les nouveaux affranchis épousaient les filles de leurs maîtres; et cet événement est lié par l'auteur à l'adoption d'une loi amnistiant les attentats à la pudeur
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Des unions essentiellement «endogamiques» Pour bien apprécier ces unions, il faut, en fonction de cette prédominance des liens entre affranchis, essayer d'en connaître la valeur sur le plan social et déterminer aussi si elles relèvent d'un système fermé (propre à chaque gens ou familid) ou ouvert, donc leur caractère exo - ou endogamique46. Dans le paragraphe consacrée à la famille des affranchis à la fin de la République, Treggiari47 affirme : Freedmen who did not marry «conlibertae» generally, because perhaps of prejudice against marriage with ingenues, married other freedwomen. Ce qui corrobore nos résultats : les affranchis épousent bien en grande partie d'au tres affranchies (et réciproquement). Sur cent cinquante neuf unions, dont nous connaissons la nature des participants, quatre vingt onze ressortissent du domaine de l'endogamie, qu'il s'agisse d'unions entre patrons et affranchis (trente quat re), entre coaffranchis (seize), entre affranchispatrons ou coaffranchis (quarante et un), et soixante huit ont une forme exogamique (dont cinquante trois entre affranchis de familles diffé rentes). Il y a donc une légère supériorité du commis contre les veuves et les femmes mariées (cf. Heurgon, Vie quotidienne, 80-81). Cf. aussi la réprobation qui se rapporte au cas de Gegania qui reçut son esclave, puis affranchi, Geganius dans son lit (atque impudentia libidinis receptus intorum, mox in testamentum). Sur ce refus de la «contamination» des femmes par le sang servile, cf. Staerman, Blütezeit, p. 192, n°5 et p. 228. 46 II serait intéressant, pour nous de faire intervenir un élément chronologique et de déterminer si du second au premier siècle il n'y a pas eu une augmentation des unions entre affranchies et ingénus, et inversement. Or, malheureus ement, la majorité des inscriptions de ce type ne sont pas datées. Et celles qui le sont, cependant, sont du milieu du premier siècle ou de la fin de la République (Epigr. XXI (1959), p. 107-108 à Rome. CIL, P, 1570 = X, 6009 = ILLRP, 977 à Minturnae. V, 4191 =ILS, 2241 à Cremona). Les autres ne sont point datables, et ne permettent donc aucune étude. On peut cependant arguer du fait que ces unions dans un sens ou l'autre ont été reconnues par la loi Aelia Sentia. Mais nous aurons l'occasion d'y revenir. De même, mais en sens inverse, unions entre affranchi et ingénue: CIL, P, 1684 (=X, 388 = /LS, 7791 =IGR, L 473 = ILLRP, 799 du milieu ou de la deuxième moitié du premier siècle); 3124 (=X, 4291 début premier siècle). Ces deux exemples venant de villes situées hors du Latium. Sur la notion de gentis enuptio, voir Kaser, Patronatsgewait, p. 95-6. 47 Freedmen, p. 210.
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premier système sur le second48. D'autant plus qu'il faudait ajouter aux unions de type interne aux familiae des unions qui portent sur des affranchis-hommes49 et des esclaves, et qui donc ont dû jouer dans un cerle sans doute restreint, tout comme des unions portant sur des affran chisde patrons différents mais appartenant à la même gens50. Ce que l'on peut dire, c'est que les affra nchies trouvent bien leur conjoint à l'intérieur d'une même gens. Que cette fréquence corres ponde au développement de relations déjà nouées entre esclaves est un autre problème. Mais sur la plan sociologique, il est intéressant de voir la conjonction de deux éléments, l'un structurel en quelque sorte, à savoir la force des rapports gentilices, l'autre juridique, c'est-à-dire l'égalité de niveau, en général, des participants. Il reste cependant, pour être complet, à intro duire un élément d'ordre géographique. L'échant illonde Rome, le plus important, nous montre une supériorité encore plus grande des liens endogamiques. En effet, sur quatre vingt quator ze unions qui sont qualifiables (auxquelles on peut ajouter les quatre plus quatre citées dans les notes 49 et 50), trente cinq seulement, le tiers à peine, sont de type externe, (contre trente quatre sur soixante quatre hors de Rome, soit plus de la moitié). Un tel résultat rejoint ce que nous avions dit déjà à propos de la supériorité des rapports entre les affranchis à Rome.
4S Sur le rachat et l'affranchissement de leurs co-esclaves par des affranchis, cf. Brunt, Manpower, p. 144. Notons à propos de ce type d'union qui ne représente pas un contrepoids à l'autorité du patron, mais la renforce, le rôle important de ce dernier qui peut, au moment de l'affranchissement, retenir le pécule - y compris la vicarìa, mais qui, inversement peut léguer la femme-esclave à l'a ffranchi (cf. D. 33,8,15, Alf. Varus, 2 dig. a Paulo epit: Servo manumisso peculium legatum erat : alio capite omnes ancillas suas uxori legaverat: in peculio servi ancilla fuit. Servi earn esse respondit neque referre, utri prius legatum esset. Cf. Watson, Succession, p. 100. Dans ce cas, Alfenus Varus semble n'avoir pas voulu dissocier la cellule familiale. 4» A Rome : CIL, I2, 1228 - 1254 - 1304 - VI, 32037. Hors de Rome : CIL, P, 1780 - V, 4191 - F, 2210 = V, 148. 50 Cf. Treggiari, Freedmen, p. 210 et n. 3. A Rome : CIL, P, 1280 - 1331 - 1333 - 1409. Hors de Rome: CIL, P, 1570 (à Minturnae), les patrons devant sans doute être mari et fem me.
Il nous donne un indice de plus pour affi rmer que les gentes les plus importantes se trou vent forcément à Rome51; c'est dans leur cadre que se font les rapports entre affranchi(e)s52. Ajoutons que c'est à Rome que les phénomènes d'endogamie élargie sont les plus nombreux, tout comme, nous l'avons vu, c'est à Rome que les cas d'union entre coaffranchis ou affranchis d'un affranchi sont les plus fréquents (trente et un sur quarante et un cas). Après cette première appréciation d'ensemb le, il importe, pour rendre compte de la nature véritable de ces unions, tout comme des réac tions qu'elles pouvaient susciter dans l'opinion, d'en préciser la nature juridique : dans quelle proportion relèvent-elles du concubinat, ou du mariage légitime, lesquelles correspondent à un type passager, lesquelles au contraire s'avèrent plus durables? Enfin, dans quelle mesure le ius conubii joue-t-il entre affranchis et ingénus?
2 - Aspects juridiques des unions : problème de leur légitimité Le problème de la légitimité ou non des unions concernant des affranchis a été l'objet d'études nombreuses, inaugurées par Th. Mommsen lui-même53. Elles tournent essentiell ement autour de deux types de témoignages : - d'une part, dans la première partie du second siècle, les indications fournies par les comédies de Plaute ainsi que le témoignage de
51 Cf. l'évocation de ce problème par F. Sartori, Cinna e gli schiavi, dans Actes du Colloque 1971 sur l'esclavage, Paris 1973, p. 151-170. Il est possible, cependant, que dans de petites villes du Latium passées sous le contrôle de grandes gentes (comme Calatia, Antemnae, Fidenae, . . .), esclaves, affranchis, colons et clients de ces dernières soient à placer sur le même pied, ainsi que le fait remarquer très justement Staerman {.Blüte zeit,p. 75), s'appuyant sur Strabon, V, 3, 2. Dans ce cas, il n'est pas exclu que des unions légitimes ou non se soient nouées entre ces dépendants. Mais il ne faut pas oublier que ces gentes devaient se retrouver à Rome, le Latium apparais sant comme la base territoriale des grandes familles aristo cratiques. 52 Treggiari, Freedmen, p. 210, signale à peine le niveau social des unions exogamiques. 53 Rom. Staatsr, p. 429.
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Tite Live à propos de la fameuse affaire des a) Les enseignements du vocabulaire Bacchanales et du comportement de l'affranchie Tout en étant conscients du fait que les épita Fecennia Hispala, dénonciatrice du complot, phes, qui contiennent l'essentiel de notre docu (ainsi que des récompenses qu'elle reçut de la mentation, peuvent ne pas être toujours sincè part du Sénat54; res, en ce qu'elles peuvent embellir la réalité et - d'autre part, les renseignements que nous faire passer les sentiments avant le droit, nous possédons concernant la législation devons essayer de classer les unions qu'elles augustéenne. nous font connaître, du moins celles qui, au En fait, ces deux séries d'indications mettent premier abord, peuvent l'être d'elles-mêmes. l'accent sur deux points faisant question : Par le vocabulaire, nous pouvons facilement - la valeur du concubinatus (et son devenir opposer les termes qui, comme amica, concubin lorsque l'un des concubini est affranchi) par rap a, etc. . . font allusion à des unions sans portée port au mariage juridiquement valide; juridique, aux termes vir, coniux qui concerner - la reconnaissance ou non du droit de aient des unions ayant pleine valeur juridique. mariage, du ius conubii des affranchis avec les Et fait, la valeur des mots n'est entière que pour ingénus, avant l'époque augustéenne. le premier groupe d'appellations : - concubina apparaît seulement cinq fois Malheureusement, quand on tient compte de dans nos inscriptions57 et dans les cinq cas, le tous les aspects présentés par jiotre documentati terme concerne une affranchie. Nous rejoignons on55, l'on ne peut échapper à toutes sortes de la conclusion d'A. Watson58, qui, dans l'étude difficultés : tout d'abord, l'extrême fluidité du qu'il consacre au concubinatus, et à propos des vocabulaire (même sur les épitaphes) fait que les comédies de Plaute, établit que le terme, qui est mêmes mots désignent tantôt des conjoints légi utilisé une vingtaine de fois chez cet auteur times, tantôt des individus non régulièrement mariés. D'autre part, des unions durables s'in (dont une quinzaine dans le seul «Miles Gloriosus»), doit revêtir une signification propre à staurent entre des personnes, qui apparemment, Rome59, et, contrairement à une opinion admis ne remplissent pas toutes les conditions requises e60, ne semble pas avoir eu de portée juridique pour l'établissement de «justes noces»; alors décelable (alors que Meyer admettait que, dès la qu'inversement des gens qui, légalement, pour République, il aurait constitué une sorte de raient contracter mariage, semblent vivre en '« sous-mariage», il semble bien que ce serait seu concubinage56. lement la législation augustéenne qui lui aurait accordé une place sur le plan juridique61. En fait, V. Arangio-Ruiz62 et, avant lui, J. Plassard63, ont souligné le fait que le concubinat n'aurait pas 54 Tite Live, XXXIX, 9. Sur lessens de cette dénonciation des veneficia des initiés par une affranchie et les précédents possibles, cf. J. Gagé, Matronalia, Coll. Latomus XXX, Bruxell es, 1963 (= Gagé, Matronalia), p. 261-2. 55 Et il est dommage que Watson n'ait pas confronté son - inscription où l'on trouve l'association des noms d'un étude avec la réalité épigraphique. homme et d'une femme pouvant contracter mariage ensemb 56 Cf. la classification de Plassard, op. cit., p. 134 : le. 1 - Unions illégitimes certaines : 57 Cf. n° 16, cf. Rawson, Concubinage, p. 287-293. - illégitimes attestées par l'emploi d'une expression par 58 Persons, p. 1 à 10. 59 Contre l'avis de Meyer, op. cit., p. 16. ticulière concubina, arnica, contubernalis. - terme utilisé se rapportant au mariage, mais la qualité 60 Notamment par Meyer, mais aussi Plassard, op. cit., d'une des parties interdit de conclure à une union légitime : p. 16-17, Kaser, RPR, P, p. 280. coniux, maritus, uxor, vir. 61 On peut noter que sous l'Empire le concubinat entre - inscription montrant associés un homme et une fem patron et affranchie est mieux considéré que le mariage: me qui n'auraient pu, par leur condition, contracter mariage voir Ulpien, Dig., XXV, 7, 1 pr. : Quippe cum matremfamilias et où un élément permet de conclure à l'existence de liens habere. Ce qui montre que la Lex Aelia Sentia n'avait pas conjugaux. effacé tous les préjugés. 2 - Unions illégitimes douteuses : 62 Istitutioni di diritto romano, 14e éd., Naples, 1960, - inscription où se trouvent associés un homme et une p. 462. femme ne pouvant contracter mariage ensemble. "Op. cit., p. 17.
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été à proprement parler du ressort de la loi, mais du domaine du droit naturel, en rapport avec l'évolution de la société romaine), mais doit désigner : - d'une part, une femme avec qui l'on vit ouvertement64, ce qui dépasse le sens étymologi que de «coucher avec»65, donc une sorte de maîtresse officielle; - et d'autre part, une femme de condition libre66, ce que conviendrait aux cinq exemples épigraphiques que nous venons de signaler. Pour bien montrer ce caractère d'union en marge du droit, mais «régularisée» dans les mœurs, Watson s'appuie sur un texte de Cicéron67 faisant allusion à la succession d'un citoyen marié en légitimes noces en Espagne, venu à Rome, et ayant pris une deuxième fem me: Cicéron considère celle-ci comme une con cubine in concubinae locum conferretur. Watson assure par ailleurs qu'en dehors des comédies de Plaute, c'est là le seul exemple connu; or justement l'une de nos inscriptions vient confi rmerl'opinion de cet auteur sur le concubinat68 :
64 Voir Watson, Persons, p. 19. 65 Voir Plaute, Mercator, v. 757 : Scitam hercle opinor concubinam hanc. Sur le sens étymologique de cum - cumbo ou cum cubo voir Ovide, Metam, X, 338 - Terence, Hecyra, III, 3, 33 - Cicéron, De Fato, XIII - De Invent, I, 19 - Properce, II, 15, 16. 66 Le texte fondamental, dans cette perspective, chez Plaute, est donné dans Epidicus, 465-6 : Ego illam volo hodie facere liberiani meam / mìhi concubina quae sit. L'utilisation du subjonctif dans la formule suggère que l'affranchissement, donc la liberté, serait une condition préalable à l'état de concubina, d'autant que plus haut, la fille est déjà dite arnica donc a déjà eu des rapports avec le soldat. On peut d'ailleurs penser à un passage du Pseudolus, où Callipho, au vers 435, déclare : si amat, si amicam libérât . . . Cf. encore l'expression concubina dotata (Stich., 562) qui implique bien une liaison d'une certaine durée et assimilable, dans les faits, à un mariage. Cette même implication du statut libre de la femme apparaît chez Ulpien lorsqu'il met sur le même pied, mais pour les opposer, les termes de concubina et materfamilias (L.I. pr. Ulp., D. 25,7,1): Quippe quum honestius sit patrono libertam concubinam quam matremfamilias habere. Mais il semble bien que ces deux positions soient signalées en rapport avec l'affranchie. 67 De Orat, I, 183. 6*CIL, P, 2527a = A. M. Colini, dans Capitolium, 1943, p. 269 = ILLRP, 795. P.Quinctius TA. libr(arius)/Quinctia T.l. uxsor/Quinctia P.l. Agate «libertà/concubina» / Sepulcr(um)
il est question d'un affranchi, P. Quinctius T. 1., librarius de métier, auquel sont associées deux femmes, l'une sa co-affranchie, Quinctia T. 1., l'au tre sa propre affranchie, Quinctia P. 1. . . La pre mière est qualifiée a'uxsor, mot qui semble avoir une valeur «officielle» étant donné que la secon deest appellee libertà (en toutes lettres, afin qu'il n'y ait pas de confusion possible, et alors que la seule nomenclature de la femme en ques tion était déjà explicite) concubina. Donc, dans ce texte comme dans celui de Cicéron, il y a bien coexistence de deux types d'unions, celle concer nantla concubina étant bien entendu, mineure. Mais nous avons bien affaire dans ce dernier cas à une femme de condition libre, et cette union est affichée ouvertement69. - arnica n'apparaît pas dans notre document ation épigraphique, peut-être parce que trop «commun» et signifiant une «bonne amie» de rencontre passagère. Et dans les pièces de Plaut e,ce terme, beaucoup plus fréquemment utilisé que le précédent, désigne des personnes de sta tut inférieur. Amicam ego habeo Stephanium hinc ex proxumo tui fratris ancillam dit Stichus dans la pièce qui porte son nom, et il ajoute, faisant allusion à sa rivalité avec Sagarinus Eademst arnica ambobus : rivales sumus70. De même, dans
heredes/ne sequatur. (Fin deuxième, tout début du premier siècle). 69 Selon Ulpien, il n'y a qu'une différence de considéra tion entre la concubine et l'épouse Sane enim nisi dignitate nihil interest (D. 32,49,44). C'est ce que Scapha laisse entendre, s'adressant à Philematium (Plaute, Most, ν, 225-226) : Atqiie ilium amatorem tibi proprium futurum in vita/Soli gerundum censeo morem et capiundis crinis - s'érigeant en censeur, Scapha exprime donc l'idée que le fait de garder la vie durant le même amator est un gage de bonnes mœurs et place la concubine dans le rang des matrones (ce qui est évidemment excessif). 70 Vers 434. Est-ce l'indice qu'au sein de la familia, et dans un souci de rendement, le maître ait préféré avoir plutôt des esclaves hommes que des femmes? D'où la nécessité de partager? Autres exemples à'amicae : Mostellaria, ν. 974 : Theopropides : Ain minis triginta ami cam (destinatami Philolachem/ Phaniscus : Aio Theopropides : Atque earn manu émisse? Poenulus, 868 : Milphio à Syncerastus (esclave du leno) : Neque triobolum ullum «amicae» das et ductas gratieis? Persa, 425/6 : Dordalus (à Toxilus) : Leno te argentum pescit, solida servitus/ «proliberanda amica ... ».
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES Mo stellarla1 x, Tranio, parlant à Theoprepides du fils de ce dernier, Philolaches, dit : Fateor peccavisse, amicam liberasse absente te. C'est aussi le sens du mot lorsque, parlant du mépris (suppos é) de la mère de Marc Antoine à l'égard de la maîtresse de son fils, Volumnia, Cicéron écrit : Reiecta mater amicam impuri fili tamqiiam nurum sequebatur72; - collibertus apparaît trois fois seulement dans les sources épigraphiques pour désigner un homme et une femme et introduit un doute. Alors qu'à propos des deux termes utilisés plus haut, l'existence de rapports sexuels était certai ne,dans le cas de colliberti on peut toujours penser être en présence de liens de simple amit iéentre des gens ayant été compagnons d'escla vageet ayant vécu sous l'autorité d'un même patron. Mais dns l'une des inscriptions, on lit vir conleïbertus fuit73, ce qui fait bien allusion à une union mais pas forcément illégitime. Dans un second cas, la dedicante précise Nicepor(us) conlibertus / vixit mecum annos XX74. (Le texte de la. troisième épitaphe semble, malheureusement, corrompu)75.
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rencontre et les autres. Certes, dans le cas d'unions présentées par des sources littéraires, il ne peut y avoir de doute : qu'il s'agisse de Fecennia Hispala et son chevalier77, de Fulvius et son esclave, qu'il aime et affranchit avant de la marier78, de Volumnia et Marc Antoine79, de Phryne80 et Myrtale81 aimées par Horace, de Clesippus, le bossu, reçu dans son lit par Gegania82, des relations adultères de Polus83, d'un affranchi de César84 ou de celles de Tityrus avec la belle Amaryllis85. Mais en ce qui concerne notre information épigraphique, les renseignements sont plus diffi cile à interpréter. Des termes comme uxor, coniux, ou vir (sur tout les deux premiers), sont souvent employés à propos d'unions serviles, parfaitement illégit imes86. Cependant, ces mots, quelle que soit la réalité juridique qu'ils recouvrent, ont en com mun le fait qu'ils s'appliquent à des unions d'une certaine durée, s'accompagnant de la formation d'un véritable couple. Ainsi, lorsqu'il s'agit d' «épouser»87, ou de donner en mariage, ou de nouer des liens autres
Limites des indications pouvant qualifier une union légitime Nous avons donc rencontré une première catégorie d'unions qui, au moins à propos des deux premiers termes relevés, concernent des rapports dépourvus de valeur légale, et sans durée dans le cas des amicae. Il faut peut-être joindre le cas de sodalis, terme qui, comme celui de collibertus peut prêter à confusion et que nous ne rencontrons qu'à une seule reprise76. Mais en dehors de ces appellations, il est très difficile de faire la part entre les unions de
71 V. 1139-1141. Cic, Comm. pet. 8 à propos de Marc Antoine : quo tarnen in magistrate «amicam quam domi palam haberet» de machinis emit. Arnica désigne donc bien une femme de statut juridique inférieur, mais qui vit ouverte ment avec son amant, cf. note 64, voir Rawson, Concubinage, p. 299 et n. 67. " Phil, II, 58. 73 CIL, P, 1221 = VI, 9499 = ILS, 7472 = ILLRP, 793. 74C/L, P, 1413 cf. p. 730 et 840 = VI, 37820 = /LS, 9428 = ILLRP, 809. »C/L.P, 1390 = VI, 16947. 76 AE, 1955, n° 15.
77 Tite Live, XXXIX. 78 App., Bell. Civ., IV, 24. 79 Cic, Phil, Π, 20 - 58. - 61 - 62 - 69. 80 Horat., Epist., I, 14, ν. 15 et 16. 81 Odes, I, XXXIII, v. 14 et 15. 82 Pline, NH, XXXIV, 11-12, voir Vitucci, Libertus, p. 910. Voir aussi CIL, Ρ, 1004 = ILLRP, 696. Lemonnier, Condition privée, p. 132 n. 4, voit là un cas de mariage entre affranchi et patronne. Or, Pline ne parle pas de mariage; il dit seule ment : ludibrii causa nudatus atque impudentia libidinis receptus in to rum . . . (Ν Η, XXXIV, 12). Certes, le fait que Geganius Clesippus ait édifié à l'intention de sa défunte patronne un magnifique tombeau peut faire penser à des sentiments très poussés, mais ne dépassant pas les limites de la reconnais sance (ibid. 13). 83 Suét., Aug. LXIII, 3. 84 Suét., Caes., XLVIII, 2. 85 Virgile, Bue, I, v. 27 - 35. 86 Conservant uxorem duo conservi expectunt. Plaute, Casina, Argument 1 Servin uxorem ducent . . ., ibid. v. 67-74. Terent., Adelphi, v. 973 : Phrygiam ut uxorem meam una mecum videam liberam. Cic, Phil, II, 20 : aliquid enim salis a mima uxore trahere potuisti. Voir aussi Staerman, Blütezeit, p. 91. 87 Expressions utilisées pour exprimer l'idée d'« épouser» ou de «donner en mariage» : 1 - ducere: Cic, Pro Sestio, 51, 110. Plaute, Casina, v. 6974.
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
que passagers, on trouve les expressions si earn tibi dederit dominas uxorem88, libertinam duxit uxorem89. Mais, nous avons déjà signalé à propos d'ins cription la nuance séparant ces termes uxor et concubina90. Les termes utilisés ne nous renseignent donc que fort peu91 sur l'importance des unions et si nous pouvons dans tous les cas, en ce qui con cerne les sources épigraphiques conclure à l'existence d'unions de longue durée (ce sont des inscriptions funéraires!), nous ne pouvons rien en dire de plus. Pas plus que nous ne pouvons nous prononc er sur les nombreuses inscriptions, la majorité, où aucun terme n'apparaît pour justifier la natu re des liens entre «partenaires» (fig. 21, 29) (qua trevingt trois à Rome et cinquante neuf hors de Rome). Il est possible qu'il s'agisse dans ce cas d'unions illégitimes (dans la mesure où d'autres éléments permettent de juger différemment, comme le statut des enfants). En réalité, les seuls éléments que nous puissions recueillir, concernant la légitimité ou non des unions, sont de deux types (hormis les termes relevant d'unions illégitimes) : - d'une part, le statut des enfants;
2 - dare : Plaute, Casina, v. 191 - 254 - 258. Caton, Agric., 93. Val. Max., VI, 11, 1. 3 - nubere: Plaute, Rudens, 1216 - 1220. Sur le sens de ces expressions, et le fait qu'il n'existe pas de nom désignant le «mariage» dans les langues indo européennes, voir Benveniste, Vocabulaire, I, p. 239-244, par ticulièrement les pages 241 et 243, qui relie le terme nuptiae à la femme, et matrimonium à l'homme (cf. aussi D'Ors, Derecho Privado, p. 230-231, § 87.). 4 - On trouve aussi l'expression divortium fecit : Cic, Phil., II, 69, mais dans un sens informel puisqu'il s'agit du renvoi d'une concubine. 88 Caton, Agric., 143 (villicae officia). 89 Cic, Pro Sestio, 51, 110. 90 CIL, I2, 2527a = ILLRP, 795. 91 Sur le titre et la signification à! uxor cf. cependant Gaius (I, 64) : si quis nefarias atque incestas nuptias contraxerit, neque uxorem habere videtur neque liberos, laissant entendre qu'uxor désigne bien l'épouse légitime. De toute façon, s'il y a inadéquation du vocabulaire dési gnant les relations sexuelles ou familiales dans le cas des esclaves ou des affranchis, il faut bien voir qu'elle ne joue pas au niveau des sentiments, mais uniquement en tant qu'elle ne nous permet pas d'être nettement renseignés sur la qualité juridique des unions indiquées.
- d'autre part, les discordances de statut concernant des rapports soit avec des esclaves, soit avec des ingénus. b) Le statut des enfants II est à peine besoin de rappeler que, même sous la République, la nature juridique de l'union, fondée sur la situation juridique des conjoints, influe directement sur le statut des enfants nés de cette union (cf. tableaux annexes). Seuls les enfants nés du mariage entre gens ayant entre eux le jus conubii étaient placés sous la puissance paternelle, que ce mariage ait été contracté cum manu ou sine manu91, potestas que Gaius93 considérait comme un des traits caracté ristiques de la famille romaine : Item in potestate nostra sunt liberi nostri quos iustis nuptiis procreavimus. A ces iustae nuptiae94, s'oppose le matrimo nium non iustum entre personnes n'ayant pas le conubium entre elles; et dans ce cas, la puissan ce paternelle ne joue plus dans les mêmes condit ions. L'enfant tenant sa condition juridique de la mère95 : quia, ex Us inter quos non est conu bium, qui nascitur e iure gentium matris conditioni accedit96. A cela, ajoutons que les esclaves n'ont év idemment pas le droit de contracter une union
92 Voir Watson, Usu, Farre(o) Coemptione, dans SDHI, XXIX (1963) p. 337. P. E. Corbett, The Roman Law of Marriag e, Oxford, 1930 (1969), p. 24-25. La source essentielle sur ce point est l'éloge funèbre d'une matrone romaine (M. Durry, éd. CVF, Paris, 1950, p.LXV-LXXVI, cf. W. Kunkel, dans RE, XIV, 2, col. 2259 (matrimonium), A. Ehrardt, dans RE, 2 col. 1478 (nuptiae). Voir aussi Lemonnier, Condition privée, p. 182 (cf. D'Ors, Derecho Privado, p. 167-69). Le mariage sine manu, c'est-à-dire sans intervention des autorités, se serait développé dans les basses classes de la société et de là aurait gagné peu à peu les classes supérieures. Sur la base de Macrobe, Sat., I, 6, il conclut que «dans l'ordre des affranchis, le mariage sine manu était le plus répandu tout comme chez les ingénus». 93 Cf. Watson, Persons, p. 27-8 et n° 4, où il discute le problème de la date de la Lex Minicia, citée par Gaius I, 78-79 (cf. Cic, In Verr.U, 1, 115). 94 A propos du iustum matrimonium, voir J. Gaudemet, dans RIDA, 1949, (Mél. de Visscher, II, p. 309-366, particulièr ement les pages de 325 à 334. 95 Id ibid., p. 325 et n. 7. 96 Gaius, I, 78.
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES légale et que l'expression serviles nuptiae utilisée par Plaute ne peut être comprise que dans un sens dérisoire97. Donc le statut des enfants peut nous indiquer à quel type d'union nous pouvons avoir affaire : enfants esclaves ou anciens esclaves, donc res sortis ant d'un contubernium, enfant indiquant une filiation et portant le même gentilice que leur père, par exemple, ne sont pas à rattacher à la même catégorie d'unions. État de la documentation Malheureusement, dans ce domaine, la docu mentation n'est pas des plus fournies. Nous avons porté sur des tableaux les renseignements concernant les enfants issus de rapports où est impliqué au moins un conjoint affranchi, d'après l'épigraphie : à peine une trentaine d'indications ont pu être retenues (p. 177 à 179). Enfants illégitimes Un premier type concerne les enfants euxmêmes de statut affranchi98 c'est-à-dire nés en esclavage et dont au moins la mère au moment de leur naissance était esclave99; un certain
91 Plaute, Cosina, ν. 67-70, (cf. Staerman, Blütezeit, p. 91): Sunt hic, interse quos nunc credo dicere / Quaeso hercle, quid histuc est? «serviles nuptiae»? / Servin uxorem ducent aut prosceni sibi? / Novum attulerent, quod fit nusquam gentium. J. Michel, Le prologue de la Casina, dans «Hommages à L Hermann», Bruxelles, 1960, p. 553-561 pense que de toute façon cette expression ne désigne que «la demande en mariage et le jour des épousailles», c'est-à-dire la noce et non les liens du mariage. Idée complétée plus sérieusement par Gaius, I, 82 : Illud quoque his consequens est, quod ex ancilla et libero iure gentium servus nascitur et contra ex libera et servo liber nascitur, ce qui montre encore que dans le cas de non connubium, l'enfant suit le statut de la mère. 98 Cf. aussi Theophilus (Plut., Ant., LXVII, 7-9) au service de M. Antoine à Corinthe (cf. Treggiari, Freedmen, p. 66 n. 1190), qui aurait été affranchi de Marc Antoine et dont le fils Hipparchus était affranchi et favori du même M.Antoine (Plin., NH, XXXV, 200 - cf. - Stein, dans RE, VIII, 2 col. 1664-5 - Treggiari, Freedmen, p. 182-3-248). w Au premier siècle a.c. : CIL, P, 1215 = VI, 25369, la mère étant dite genetrix germana (cf. un genitor = ClL, I2, 1214 = ILLRP, 803 = la défunte concernée s'adresse au lecteur de l'épitaphe, déclare (v. 18-19) Reliqui fletum nata genitori meo, la fille faisant par ailleurs allusion à ses liens avec son patron, alors que son père est lui-même affranchi). C'est la même expression soulignant le chagrin des parents ayant
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bre de cas font problème, dans la mesure où le statut des enfants n'est pas nettement indiqué100. perdu ainsi un fils légitime que l'on retrouve dans CIL, VI, 38824 (reliquit parentibus luctum). CIL, P, 1228 = VI, 10588 où M. Aebutius M. 1. Macedo Pater est rapproché d'un M. Aebutius M. 1. Callistratus F(ilius) qui doit être son co-affranchi? CIL, F, 1409 = VI, 28492 où sont associés une Veinuleia A. 1. / Scumnis Mat(er) et une Vinuleia[?]l. Quarta F(ilia), aux côtés d'un Q. Veinuleius, Q. 1. Apollonius qui doit être son père? CIL, VI, 9618 (affranchi des deux parents), VI, 38.824 (où le dernier individu indiqué est peut-être le fils, affranchi, né avant la libération de sa mère), Ep., XXXIV, 1972, p. 93-5 n° 3 (où la fille porte le même gentilice que la mère), et Lincei Rend., 1973, p. 270-1 n°6 (où le fils, affranchi, porte un autre gentilice que le mère). CIL, F, 1780 = IX, 3210 (Popoli près de Sulmo) : un nommé A. Aufidius qui se qualifie de Pater, fait une dédicace à sa fille «Aufidiae[]Apamiae» qui peut être co-affranchie (mais le père ne nous dit rien de son propre statut) ou affranchie d'une propre parente, ou de l'épouse du père? Mais en tout cas il s'agit d'une naissance nécessairement illégitime. Ep., XXX, (1968) p. 25 n° 17 (Roccasale près de Corfinium, Premier siècle a.c.) où une Seneia T. 1. / Vettia fait une dédicace à sa mère : «Mat/ ri Suae de s/uo Posit Caviae Loue» ... un doute subsistant sur la dénomination de la mère : Cavia est-il un gentilice? dans ce cas la mère serait d'origine servile et aurait été affranchie par un patron autre que celui qui a affranchi la fille. V, 4191 =ILS, 2241 (près de Brixia, fin de la République, cf. Vitucci, Libertus p. 922-3 qui suit le commentaire de Dessau ILS, 2242, n° 1, p. 453, contrairement à Mommsen) où un citoyen, soldat de la Xe légion Veneria est associé à son fils qui en même temps est son affranchi: «C. Lanius / Cf. Ani de / Leg X Vener / L Lanius Cl. / Eros Filins / de suo», l'enfant est né d'une esclave. CIL, P, 2210 = V, 1418 (près d'Aquileia) où un homme du nom de L Treblanus L l./Acastus est célébré par une Grata Plotia C. 1., qui est sa fille (PatrL V. F.), là encore il y a eu naissance dans le cadre d'une union illégitime. Cf. ILLRP, 503 = CIL, F, 3012, (provenance inconnue: Latium?) Gessius P. 1. Primus doit être le fils illégitime de P. Gessius P. f. Rom(ilia) et de Gessia P. 1. Fausta. Ceci expli que que, dans la représentation sculptée qui accompagne l'inscription, si P. Gessius occupe la place centrale, l'épaule droite de Primus soit figurée en avant de l'épaule gauche de celui-ci, ce qui ne serait pas compréhensible s'il n'était qu'un simple affranchi et non un fils par le sang (cf. P. Zanker, Grabreliefs, p. 304). Cf. peut-être, CIL, X 6028 et 1735. 100 CIL, VI, 38100, du premier siècle a.c. (cf. Vitucci, Libert us,p. 912, où sont associés trois noms: un C. Brut[us] CL Sperat/us, une Clodia P. D. L. et un C Brutus C. L? qui seraient père, mère et fils (à moins qu'il faille lire C. Brutus C. F.?). Autre cas encore : CIL, P, 1589 = X, 4053, inscription rédi gée par une affranchie à ses frais: c'est une représentation
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
S'y ajoutent aussi les cas où la filitation spéciale réservée aux enfants illégitimes spurii filiim apparaît dans des inscriptions où sont impliqués des affranchis et où le père naturel et au moins la mère sont donc probablement des affranc his102.
sculptée d'un togatus, du nom de L Caesius Q. F. Ter Patronus. Au milieu, la dedicante Caesia L. L Muscis (donc affran chiedu précédent) et à droite, une personne plus petite et plus jeune virum togatum minorent complectitur puer, qui est qualifié de Vernae Suo (par rapport à la dedicante?). N'est-ce que son esclave, ou est-ce un enfant illégitime né d'un amour avec le patron? . . .). CIL, F, 1771= IX, 3824 (Marsi), où une dédicace associe une affranchie, Piiticia (sic) P. L. Chitiiris (sic) et son fils (filium) Ciimiilus, qui porte donc un nom unique : s'agit-il d'un esclave? né avant affranchissement de la mère? Ep., XX, 1958, p. 26 n° 1 (Sulmo) où une inscription est dédiée à un affranchi L Accavus L 1. Protogenes, par son fils Dynamis : c'est le même cas que précédemment. Le fils est-il un esclave? On peut ajouter CIL, VI, 17204 (=P, 3010), P, 3121 - IV, 14211 - mais avec des réserves, car le statut de l'enfant n'est pas expressément indiqué. 101 Sur l'origine étrusque du terme, voir J. Heurgon, les classes serviles en Etrurie, dans Recherches sur les structures sociales dans l'Antiquité Classique, Caen, 1970, Paris, 1971, p. 29. 102 CIL, F, 1263 = VI, 2247 = ILS, 4405 où sont indiqués en partie (1 à 6) six personnages portant comme gentilice celui de Caecilius, dont deux sont affranchis (1, 3 et 4) de deux autres (dont un affranchi 1, 1-2) alors que des deux derniers l'un, une fille, est appelée Polla Caecilia Spuri (f.); sans que nous puissions dire quel en est le père (illégitime), la mère étant vraisemblablement Caeci[li]a A et Cn. 1. Asia, signalée à la ligne 3. CIL, F, 1215 = VI, 19519, où à la suite de deux affranchis Q. Hordonius Q. 1. Cerdo et Q. Hordonius Q. 1. Calamitu(s) nous trouvons un Q. Hordonius Sp. f. Col., donc ingénu, mais dont nous ignorons le nom de la mère qui vraisemblable ment devait être de statut libre, le père étant un des Q. Hordonii cités. CIL, F, 1400 = VI 10319 (plus additif p. 3504) où est asso ciée à un ... Nius C. L. Trupo/[M]ag. Desig. d'un collège quelconque, une . . . Cania Sp. F. Tertia (fille naturelle?). Cf. encore CIL, VI, 9411, G. Gavius Spu.F. Rufus / CIL, X, 3884, M. Britius Spuri F. cf. Frederiksen, Republican Capua, p. 101-102. CIL, F, 1888 = IX, 4389 (Sassa près d'Amiternim) où un M. Vergilius Sp. F./Rufus fait une dédicace à une Vergilia M. L. Hilara, son affranchie? (ou sa mère?). Sur le fait que les Spurii filii peuvent être les enfants d'un esclave et d'une libre (affranchie essentiellement), voir les remarques de Solin, Griechischen Personennamen, p. 124-126.
Sur la nature illégitime de ces naissances103, Gaius nous donne des indications très précises au livre I de son commentaire104 itaque hi qui ex eo coitu nascuntur matrem quidem habere videntur patrem vero non utique; nee ob id in potestate eius sunt. Donc, à la différence des enfants légit imes, ils ne sont pas sous la puissance paternelle. Ils sont assimilés aux enfants naturels, nés «spo radiquement» : quales sunt ii quos mater «vulgo concepii», nam et ii patrem habere non intelleguntur cum(is) et incertus sit, unde soient «spurii filii» appellari, vel a graeca voci «quasi sporade concepi i», vel quasi sine pâtre filii; ce qui laisse entendre clairement qu'ils suivent la condition de leur mère105 qui, dans les cas qui nous intéressent, étaient de condition libre (c'est d'ailleurs à la mère et la famille de celle-ci qu'ils se rattachent comme simples cognats)106 et vraisemblablement affranchies107. Ainsi donc, notre documentation nous laisse entrevoir trois types de naissances illégitimes relevant de rapports : - noués entre une affranchie et un homme (affranchi ou non) de rencontre; - noués par un homme libre avec une escla ve (d'où des enfants esclaves); - ou entre esclaves avant leur affranchiss ement dans le cadre du contubernium (les enfants sont esclaves aussi). Enfants légitimes Mais à côté de ces naissances illégitimes, d'autres apparaissent inscrites dans le cadre des règles juridiques, donc relevant d'unions vérita bles. Si nous reprenons nos tableaux, nous voyons qu'une vingtaine de naissances légitimes sont enregistrées : IU3 Cf. Lécrivain, Spurii, dans DA, IV, p. 1445/6. Plassard, op. cit., p. 118/119. E. De Ruggiero, Dit ep., (Filius), p. 86-8. D'Ors, Derecho Privado, p. 224-6, § 86. 104 1, 64. "» Cf. Dig., 1, 5, 19, 23. 106 ibid. 107 On peut d'ailleurs rapprocher de ces Spurii filii, une allusion dans la Cistellaria de Plaute, où l'une des protagonist es, Syra, déclare à Selenium quia nos libertinae sumus et ego et tua mater, ambae. Meretrices fuimus, illa te ego hanc mihi educavi : «ex patribus conventiciis» (vers 38-40). Donc deux affranchies qui ont eu chacune une fille de «père de rencont re » (avant ou après leur affranchissement, sans doute après, vu le texte; ce sont les risques du métier de meretrix).
INSCRIPTION LIEU
ROME
ROME
I2, 1209 = ILS. 7703 = ILLRP, 821 I2, 1215 = VI, 25369
ROME ROME
DATE
fin 2es. a.c. ? Ier s.a.c.
Statut
HOMMES Gentilice
QUINCTIUS
AFFR. ? MAECIUS AFFR. AEBUTIUS
Ρ ARE NTS
Appellai. Statut
PATER
FEMMES Gentilice
AFFR. AEBUTIA
Appellat.
Statut
INGENU ? GENETRIX GER AFFR. ? MANA MATER INGENU
AEBUTIUS
AFFR.
AFFR. CALINIUS CASSIUS
PATER
ROME AFFR. AFFR. OCTAVIUS
AFFR. SULPICIA AFFR. CALPURNIA PATER AFFR. (ROMILIA)
INGENU
INGENU
INGENU ?
INGENUE INGENU
ROME ROME AFFR.
AFFR. MARIA AFFR. CASSIA
ROME PEINARIUS
ROME
ROMILIUS
AFFR. PEINARIA
AFFR. POMPEIUS
AFFR. 2 nomina AFFR. ?
ROME AFFR. AFFR. VEINULEIA AFFR. CLODIA
V22e Ier s. a.C. VEINULEIUS BRUT IUS
AFFR. AURUNCULEIA AFFR. ?
MA.
AFFR. AFFR. D AURUNCULEIUS ?
Ier s. ? AFFR. AFFR.
ROME
I2, 1227 = VI, 10585 = ILLRP, 919 I2, 1228 = VI, 10588 I2, 1266 = VI, 14065 I2, 1272 = VI, 14496 I2, 1349 = VI, 23297 = ILS, 8395 = ILLRP, 943 I2, 1357 = VI, 7218 I2, 1365 = VI, 2450 = ILLRP, 927 I2, 1409 = VI, 28492 VI, 38100 ROME ROME
2 nomina ESCLAVES? INGENUE ? AFFR. nom unique AFFR. INGENU
I2, 3002 I2, 3010 AFFR. fin Rép. fin Rép. AFFR.
FUFICIUS
ROME ROME ROME
MATER
VI, 9618 VI, 14211 VI, 38824
+
+
+
+
+
+
<
O
Ε Ν FA Po ge
Terme utilisé
L. f. GNATA FILIA Sex. F. F. Q· F. C. F. D. F. L. F. Sex. L.L. F. F.
FILIA
+
(suite)
INSCRIPTION
LIEU
DATE
Ep., XXXIV, 1972, p. 93/5, n° 3 ROME fin Rép. Lincei Rend., 1973, p. 270/1, n°6 ROME I2, 1432 = ARICIA XIV, 2182 I2, 1570 = X, 6009 = époque ILLRP, 977 MINTURNAE CESAR CIL, X, 6028 après _ Οςγι ί I it[Λ? lit. I I2, 1589 = CAPUA X, 4053 I2, 1599 = X, 4266 CAPUA I2, 3121 X, 3884 CAMPANIE 40/30 I2, 3283 FARÀ SABINA I2, 1771 = MARSI IX, 3824 I2, 1780 = SULMO IX, 3210 Ep., XX, 1958, p. 26, n° 1 SULMO I2, 1799 = SUPER AEQUUM ILLRP, 923 1er s. Roccasale p.Ep.,26,XX, n° 171958, (CORFINIUM) a.C. I2, 1857 = IX, époque AGER 4533=/LLRP,971 TREBULANUS SYLLA
Statut
HOMMES Gentilice
Ρ ARE NTS
Appellai. Statut
FEMMES Gentilice
HOSTILIA
Appellai.
Statut
AFFR.
Po gen
ENFAN Terme utilisé υ a
+
AFFR.
M/F
+
MANLIUS
INGENU P. F.
AFFR.
INGENU
ANTI
SAUFEIA AFFR. ?
AFFR.
AVONIUS AFFR. CORNELIA
MATER
AFFR. LARCIUS AFFR. CAESIA
STATIA
AFFR. CORNELIUS AFFR. FABIA
AFFR.
AFFR. CAESIUS PATR. AFFR. PATER
INGENU INGENU (PAL)
3 nomina ESCL.
SPURI F.
Β RITI A OCCIA
VERNA
INGENU OVIUS GRANIUS AFFR. AFFR.
AUFIDIA
nom unique FILIUS AFFR.
FEILI
MATRI AFFR. INGENUE QUART(I) F.
FEILEI
nom unique
PETICIA
NOVIA
AFFR.
AFFR.
? SENENIA
+
+
AFFR. AFFR. BRITIUS OCCIUS
AUFIDIUS
PATER
AFFR. AFFR.
3 nomina ACCAVUS
?
AFFR. ?
? AFFR.
(suite)
INSCRIPTION
I2, 1839 = IX, 4718 I2, 1841 = IX, 4707 Ep., XXXVIII, 1976, p. 157-9 XI, 735 I2, 2637 = ILLRP, 814
LIEU
REATE près REATE ASCULUM près BONONIA PERUSIA
??
DATE
fin Rép. après 90 a.C.
Ρ A R Ε Ν Τ S Terme utilisé
?
P. F.
FEILI SUI
+
+
+
+ +
+ +
Père
Ε Ν FAN Por gen
Statut C. FILIUS
FEMMES Gentilice
INGENU ?
HOMMES Appellai. Statut
DECIA
Appellai.
AFFR. AVEIA
INGENU INGENU
Gentilice
AFFR. ?
Statut
AVEIUS FLAVIUS AFFR.
même gentilice
INGENU
FILIUS
AFFR. D.F. INGENU C[N]ATUS INGENU D.F.
P. F. P. F. 1 FILIUS 1
INGENU AFFR. CORNELIUS ? AFFR.
AFFR. NAEVIA
AFFR.
FULLONIA
AFFR. SORTES LANIUS
IULIUS AFFR. GESSIA
AFFR.
NAEVIUS AFFR.
TREBIANUS
GESSIUS
PATRI
AFFR.
70-50 a.C. AFFR. 1/2 Ier s. a.C. ING.
V, 4191 = près fin BRIXIA Rép. INGENU ILS, 2241 I2, 2210 = Gonars V, 1418 AFFR. (AQUILEIA) Kavo I2, 795 = 111, 582, ILLRP, 307 Khephali 44 a.C. AFFR. ALERIA ? ESPERANDIEU, Insc. Corse, n° 7, p. 60 ILLRP, 503 = CIL, I3, 3012
180
LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
- les deux parents sont affranchis; l'enfant est alors ingénu (indication de la filiation à la Romaine)108; - l'un des parents est affranchi, les enfants sont ingénus, la condition de l'autre parent n'est pas connue (non plus que le nom). Mais la ment ion d'une filiation indique que l'union était légi time109;
- l'un des conjoints est un ingénu, l'autre un affranchi110. Il faut remarquer111 que la grande majorité des naissances légitimes et donc des enfants nés dans le cadre des iustae nuptiae est le fait de couples d'affranchis auxquels du reste, il con vient d'ajouter tous les témoignages littéraires portant sur les fils ingénus de pères affranchis112.
108 CIL, P, 1266 = VI, 14065 : avec une représentation d'un enfant, d'un homme et d'une femme : le père, le mère, leur enfant qui porte le gentilice du père et signale sa filiation : Calidia Q. F. Posil(la?). CIL, P, 1272 : le père, C. Cassius Q. l. Apollonius, l'enfant, C. Cassius C. F. Col(lina), la mère étant sans doute l'affran chie du père (Cassia C. l. Epicarpia). CIL, P, 1357 = VI, 7218: deux co-affranchis sans doute et leur fils L. Pinarius L. F. Rufus (à moins qu'il s'agisse du patron. Mais dans ce cas, il aurait été placé au centre ou au début de l'inscription qui est disposée en trois panneaux). CIL, P, 3010 (si l'on tient compte du fait que l'enfant représenté sur le relief porte la bulle) fig. 46. CIL, VI, 38824 - C(Romilius) C. f. Iuncus doit être le fils légitime d'Antiochus et de Romilia C. 1. Ces cinq inscriptions à Rome. CIL, F, 1570 = X, 6009 = ILLRP, 977 (Minturnae) où les deux fils des deux affranchis (de gens différente, P. Larcius P. 1. Neicia et Saufeia A. 1. Thalea, s'appellent L Larcius P. f. Rufus et P. Larcius P. f. Brocchus. CIL, P, 3283 (Farà Sabina) L Occius L. f. Pal. doit être le fils de L. Occius L 1. Aristo et Occia L. 1. Agathea. La place occupée par Aristo suggère cette interprétation (fig. 39). Espérandieu, Inscript. Corse, n° 7 p. 60 (Aléria?) où l'on retrouve deux affranchis, un P. Naevi(us) P. 1. Apoll(inaris) et une Naevia P. 1. Dioclea encadrant un P. Naevi(us) P. F. Cas tor (leur patron ou leur fils?). CIL, P, 1599 = X, 4266. 109 C7L, P, 1209 = ILS, 7703 = ILLRP, 821, douteux. P, 1227 = VI, 10585 = ILLRP, 919 où une affranchie, Aebutia L 1. qui s'intitule mater, fait une dédicace à son fils, dont la nomenclature est celle d'un citoyen : L. Aebuti(us) Sex. f. Vot(uria) Frugi; le père s'appelait Sex. Aebutius: était-il luimême affranchi? ou ingénu? P, 1349 = VI, 23297 = ILS, 8395 = ILLRP, 943, où une Pontia qui porte le titre d'uxor est associée à deux hommes, l'un affranchi D. Octavi(us) D. 1. Modiari(us) et D. Octavi(us) D. f. Col(lina) (le second est-il l'enfant du couple, ou seulement le patron?). P, 1365 = VI, 24505 = ILLRP, 927 où un affranchi de Sex. et L. Pompeius, fait une dédicace à son fils dont la nomenclature est assez intéressante : Sex. Pompei Sex L 1. f. Philoxenes : Sex Pomp eius Philoxenes fils d'un affranchi de Sex. et L. Pompeius, ce qui est une filiation un peu particulière, mais qui relève peut-être du souci de se rattacher à des patrons dont on veut utiliser d'une certaine manière le prestige. En tout cas, le fils est de condition libre, certainement ingénu. Hors de Rome : CIL, P, 1432 = XrV, 2182 ('Aricie) où un M'Avonius M'L. Menander est associé à un couple formé par M'Avonius
M'L Alexander et Durmia P. L. Philumina et à un M'Avonius M'F. Hor, peut-être le patron, mais plus sûrement le fils (de Menander) vu la place qu'il occupe dans l'inscription. CIL, P, 1837 = IX, 4933 = ILLRP, 971 (Ager Trebulanus) où la fille d'une affranchie du nom de Quarta Senenia, est dite Quart(i) (restitution Degrassi) {(ilia) et porte le même gentili ce que la mère. Est-ce l'enfant du patron ou du co-affranchi de la mère? P, 1839 = IX, 4718 (Réate) où une affranchie du nom de Quarta Decia Lia été honorée par son fils Coeravit C. Filins. L'usage du prénom laissant supposer qu'il s'agit d'un indivi dude condition libre, mais plus vraisemblablement d'un ingénu. F, 2637 = ILLRP, 814 (Perusia) où sont associés, en parti culier, un affranchi, D. Sortes L 1. Dionisiu(s) et deux indivi dusqui doivent être ses fils : A. Sortes D.f./Fastia C [n] at(us) et L Sortes D. f. Nig(idiùs?). Mais dans tous les cas, il s'agit de naissances légitimes, même si parfois la personnalité de l'un des conjoints ne nous est pas connue. 110 CIL, P, 1841 = IX, 4707 (près de Réate), où un P.Aveius Ap. F. est associé à une Aveia P. 1. Sura qui est sûrement son affranchie et à un C. Aveius P. F. Quir(ina) auteur de l'inscrip tion, qui doit être son fils (de ce lit certainement). 111 Et hormis quelques cas douteux: CIL, F, 795 = 111, 582 = ILLRP, 307 (Kavo Kephali, en Epire), où un affranchi est dit : memorq(ue) fuit deorum et/ feilei suei et libertae suae Moni/ mes : quel est le statut de ce fils? Est-il né d'une union avec l'affranchie du dédicant? Cela est probable. Mais l'incer titude demeure quant à la nature de l'union d'où est issu cet enfant. CIL, P, 1799 = ILLRP, 923 (Superaequum) où une affran chie, Novia 0 1. Delpis, est honorée par ses enfants Fei/lei posierunt. Quel est le statut de ceux-ci? 112 Ainsi, cet inconnu, signalé par Plutarque (Sylla, I) ancien voisin du dictateur, accusé par celui-ci de cacher un proscrit et précipité du haut de la Roche Tarpéienne. Ainsi, L. Caecilius Niger, un ancien questeur (Cic, Divinatio in Caecilium), fils d'affranchi selon Plut., Cic, VII. Publius Furius, tribun de la plèbe (et fils d'affranchi) en 99 a.c. (App. Bell. Civ., I, 33 en 134 a.c). M. Gellius d'origine servile selon Plut., Cic, XVIII, 2 (cf. Treggiari, Freedmen, p. 61 n. 1, et p. 230 n. 4). Sex. Naevius, (cf Cic, Quinci., II, 55, et II, 1 1) : Pater nihil praeter libertatem reliquisset (Horat., Sat., I, 6, 86, voir Treggiar i, ibid., p. 230). Helvius Mancia, accusateur de L. Libo, en 56 a.c. devant les censeurs (Val. Max., VI, II, 8). P. Popilius (cf. Cic, Pro Cluentio 131 et 132) : libertini filins, chassé du Sénat par L. Gellius et Lentullus.
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES Que ces unions d'affranchis aient été, lorsqu'el les intervenaient après l'affranchissement des conjoints, considérées comme des histae nuptiae, cela a été mis en évidence depuis longtemps. La femme peut tomber in manum, les enfants in potestatelu à condition évidemment que le père soit affranchi de citoyen romain: l'édit de Bonis Libertorum, daté entre 118 et 74 avant Ou encore C. Iulius Rufio, fils d'un affranchi de César, chargé de trois légions laissées par celui-ci à Alexandrie (Suét., Caes., LXXXVI, 7). C. Toranius, tribun de la plèbe en 35 a.c, fils d'affranchi aussi (cf. Cass. Dio., LUI, 27, 6. Vitucci, Libérais, p. 925). Sans oublier le cas d'Horace, fils d'un affranchi public (?) (Suétone, Horat., I, Horatius Flaccus, pâtre, ut ipse tradii, libertino ...) ni celui de Vedius Pollio (cf. A. Tchernia, Vedius Polito, ami d'Auguste et fils d'affranchi, dans RE Lig., XXXV, 1969, p. 145-8. On peut relever quelques cas douteux, fournis par l'épigraphie : ID, 2534 = ILLRP, 1 150, l. 4 et n. 3 : C. Seius C f. Cilo serait le fils de C. Seius C 1. (Hermaiste cité dans CIL, F, 2239 = ILS, 3206 = ILLRP, 748). De même Caecilius L f. Ar . . . serait le fils de L Caecilius A 1. Zephirus (Hermaiste aussi): CIL, F, 2232 = 111, 721215 = ILLRP, 750. 113 Cf. l'allusion générale, chez Macrobe (I, VI, 13) aux fils d'affranchis autorisés lors de la 2e Guerre Punique, à porter la toge prétexte et une courroie en guise de bulle : libertinorum quoque filli, «qui ex justa dumtaxat matrefamilias» nati fuissent, togam praetextam et lor um. . . gestarent. Cosentini, (Studi, p. 57-58 et 70) voit là l'indication de mariages entre affranchis et ingénues. Mais Watson fait remarquer (Persons, p. 36-37), justement en s'appuyant sur un texte formel de Cicéron, concernant le sens du mot materfamilias (femme mariée cum manu, Top., III, 14), qu'il s'agit sans doute d'affranchies. On peut retenir d'ailleurs l'affirma tion d'Ulpien (D., 50, 16, 46, 1) à propos de la materfamilias : Nihil intererit nupta sit an vidua ingenua sit an libertina. Un autre texte très intéressant (Val. Max., VI, 7, 1) nous dit que le femme de Scipion l'Africain affranchit, à la mort de celui-ci, une esclave qu'il avait aimée, et la donna en mariage légitime à un de ses affranchis : Tantum qui a vindicta mens eius afuit ut post mortem Africani manumissam ancillam in «matrimonium» liberto suo darei. Enfin, un autre exemple de mariage légitime est fourni par Appien., Bell. Civ., (IV, 24) qui nous parle d'un certain Fulvius qui avait marié son affranchie en lui constituant une dot: preuve de l'existence d'un mariage régulier, (sur la notion de dot, voir D'Or,s, Derecho Privado, p. 324-330, spécia lement p. 324-328 § 122, et aussi le §87, p. 231), ce qui serait un cas de dos adventicia, entrant dans le cadre de la dotis dado (voir Kaser, dans SDHI, 1951, p. 183-5). Sur la définition de la dos adventicia, Watson, Persons, p. 56-76 surtout à la page 67, qui ne cite pas ce texte. Voir aussi Buckland, Slavery, p. 107 n. 5 sur la dot comme moyen de dépasser le concubinatus. 114 Lemonnier, Étude, p. 197.
181
Jésus-Christ, suggère qu'à cette époque la maria ge cum manu était relativement fréquent entre époux d'origine servile115. Un autre point à noter, c'est que les enfants nés d'unions impliquant deux affranchis sont toujours légitimes quand il y a exogamie, c'està-dire quand les partenaires appartiennent à deux gentes différentes116, ce qui s'expliquerait par le fait que ces liens en dehors de la gens d'origine auraient été noués après l'affranchisse ment. Alors que dans le cas de relations endogamiques, s'il existe une bonne proportion d'unions légitimes, certaines ont été nouées alors que l'un (ou les deux) conjoints étaient encore esclaves. c) Origine et prolongement juridique des unions Cependant deux problèmes se posent concer nant tout d'abord : - les unions d'affranchis et le «contubernium» des esclaves Comment les affranchis, une fois devenus libres, s'accomodaient-ils des relations «familia les» illégitimes qu'ils avaient établies avant leur libération, et que devenaient les enfants qu'ils avaient auparavant engendrés? Sur le premier élément, il convient de rappel er l'évolution que s'est faite concernant le sim ple contubernium des esclaves117. Lorsque, dans la première moitié du second siècle avant JésusChrist, Caton l'Ancien envisageait les problèmes posés sur le plan sexuel par l'existence sur les domaines d'un assez grand nombre d'esclaves, il évitait soigneusement la constitution de cellules familiales, n'étant pas intéressé par l'élevage d'esclaves, pour des raisons économiques118. 115 Watson, Persons, p. 31 n.5, 36, 228, 231-232. Gaius, (III, 40) ne laisse aucun doute à ce sujet. Evoquant le droit du patron à la succession de l'affranchi avant les réformes prétoriennes (olim), notre auteur relève que, même intestat, l'affranchi pourvu d'une uxor quae in manu esset pouvait exhéréder son patronus. Il semble donc, pour lui, que ce type d'union ait été fréquent. 116 CIL, F, 1266 = VI 14065. VI, 38100. F, 1570 = X, 6009 = ILLRP, 977. F, 1599 = X, 4266 (?). 117 Voir Westerman, Slave Systeins, p. 81. Manaricua, op. cit., p. 77/9. Staerman, Blütezeit, p. 176 Contubernium dicitur contubernaliwn habitatio. Cf. Th II, IV, col. 789 - 794 et la définition de Festus (De verb., Lindsay, p. 32, cf. Paul, D. 50, 16, 84). 118 Plut., Cat., XXI, 1-7.
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
Selon Plutarque119, croyant que «les pires négli gences, chez les esclaves, venaient des désirs sexuels, il établit donc, moyennant une somme fixe, des relations entre eux et les servantes», ceci relevant donc d'un souci financier et aussi de sécurité120. Mais en même temps, concernant les responsables de ces esclaves, les vilici (qui pouvaient être des affranchis), Caton, pour les «stabiliser» prévoyait qu'ils aient une femme à demeure si earn (villicam) tibi dederit dominus uxorem, ea esto contentus121. Or au même moment ou même avant, dans les comédies de Plaute et Terence, on voit exister de véritables «familles», «couples» avec enfants, qui sont fo rmés entre esclaves, mais qui sont destinés à se perpétuer après l'affranchissement. Typique de ce point de vue, est la situation qui nous est indiquée dans les Adelphi, où l'esclave Syrus (véritable moteur de la comédie), se voyant pro mettre la liberté (tu vis Syre eha! accede hue ad me: liber esto)122, réclame celle de son «épouse» Phrygia, esclave elle aussi : credo. Utinam hoc perpetuum fiat gaudium / Phrygiam ut uxorem meam una mecum videam liberaml2i, et pour jus tifier cette demande, il ajoute à l'intention de son vieux maître : Et quidem nepoti huius fiîio / Hodie prima mammam dédit haec argument décis if124, mais qui nous montre que ce couple, de comédie certes125, avait un enfant.
119 Ibid., XXI, 3. 120 Sur le changement d'optique de Caton à Vairon, voir Westerman, op. cit., p. 76-7. A propos de Caton, Westerman a bien vu qu'il prônait un véritable système de prostitution (et non pas comme le croyait Leffingwell, de véritables unions), mais il pense que c'est seulement dans le cadre de la familia urbana. Le texte de Plutarque qui nous renseigne sur ce point {Cat. 21-2) ne donne aucune indication là-dessus. Dans le même sens que Varron (voir aussi RR, II, 10, 2), cf. Corp. Tibull, II, 1, 25 Turbaque vernarum saturi bona signa coloni (voir W. Warde-Fawler, Social life at Rome in the age of Cicero, Oxford, 1908, p. 21*0). 121 De agric, 10, 1 - 11, 1 - 143 (villicae officia) - Varrò, RR, I, 17, 5 - XVIII - Horace, Epist., I, XIV - Sur ces problèmes, Staerman, Blütezeit, p. 173-4. 122 Spranger, Untersuchungen, p. 635 - 6 et Staerman, Blüt ezeit, p. 153-208. 123 Vers 973. 124 Vers 974-5. C'est à tort que Treggiari, Freedmen, p. 209 n° 5, parle de deux contubernales le terme n'est pas utilisé ici. 125 Spranger, Untersuchungen, p. 73 à 84.
De même Casina, qui a donné son à une comédie de Plaute, est-elle promise à Olympio, un brave fe rmier Ut detur nuptum nostro vilico / Servo frugi. . . «ubique educai pueros quos pariât sibi»126. L'on pourr aitainsi multiplier les exemples127. Dans chaque cas, la mention d'enfants à naître, les termes utilisés (maritus ou caelibes, gnati, pueri, nuptum darl . . ) font bien allusion à une véritable vie familiale, extra-légale, mais tolérée, d'où l'expression utilisés par Plaute dans le prologue de la pièce : serviles nuptiae, qui traduit ironiquement, en utilisant deux termes juridiquement contradictoires, cette réalité. Il ne faudrait pas cependant penser que ce type de rapports aurait toujours été à l'origine des familles d'affranchis, dans la mesure où, outre les exemples épigraphiques et littéraires que nous avons déjà donnés, nous trouvons dans le Rudens de Plaute un exemple de mariage subordonné à la libération d'un conjoint: Trachalio, esclave de Pleusidippus, s'adressant à Daemones, ami de son maître, déclare : Atque ut mi Ampelisca nubat, ubi ego sim liber129.
126 Vers 254-6 - la fin de la citation pueros quos pariât sibi laisserait d'ailleurs entendre que les enfants à naître ne seraient pas considérés comme ceux du maître, mais comme ceux de leurs parents naturels. Il n'en demeure pas moins que la réalité juridique ne reconnaissait que les droits du maître. Cf. aussi Mere, ν 533 - 7. Voir G.Costa, // diritto privato nelle commedie di Plauto, Turin, 1896, p. 108 - 112 114. Staerman, Blütezeit, p. 86-210. Watson, Persons, p. 30. 127 Casina, v, 289-94 : Sed utrum nunc tu caelibem te esse mavis liberum / an maritum servum aetatem degere et gnatos tuos. 128 V. 1220. Cependant, même si chez Plaute les éléments romains sont nombreux (voir Spranger, Untersuchungen, p. 54-56), la volonté de ne pas choquer ses auditeurs l'oblige à transposer certains éléments de l'action à l'étranger. C'est ainsi qu'apprenant la procédure exceptionnelle de l'affra nchissement de Lemniselene, amie de Toxilus, Sagaristion, autre personnage du Persa, s'écrie : Iam servi «hic» amant? (v. 25); hic renvoyant à Athènes, et montrant qu'à Rome, même à cette époque, de telles unions n'étaient pas des mieux vues. D'autre part, il n'y a pas, en particulier chez Plaute, que des couples dont les liens soient dignes d'édifier, ni qu'un besoin continuel d'aimer. A plusieurs reprises, nous voyons, et c'est sans doute là le reflet d'une situation proprement romaine, des esclaves de la familia urbana prendre conscience des mauvais côtés de leurs relations avec le beau sexe. Meretricem ego item esse reor mere ut est / Quod des dévorât (ned dat)is umquam abundat dit un personnage du Truculentus (v. 568 et 569) ou encore, dans le Bacchides du même auteur, on doit bien entendre Animasi amica amanti : si abest, nullus est / Si adest,
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES De toute manière, cette situation de fait que nous rencontrons à une époque relativement haute, en gros dans la première moitié du second siècle avant Jésus-Christ, et qui s'est res indiasi, ipiits est... ne quam et miser ou encore At que acerrume aestuosam absorbet ubi quemque attigit (v. 471). L'esclave soucieux de son pécule, et donc de préserver ses chances de libération, devait se garder de ces dangers. C'est ce que, plus d'un siècle et demi plus tard, exprimait Tityre, le berger lorsqu'il se plaignait de Galatea, sa première maîtresse : Nam que, fatebor enim, dum me Galatea tenebat /, Nec spes libertatis erat, nec una peculi. (BucoL, Ι, ν. 31-2). Cf. aussi Horace, Odes, II, IV, ν 17-20, où une femme désintéres sée «ne peut être née d'une mère inavouable». Cette constatation peut aller jusqu'au refus total de goû teraux charmes d'une partenaire complaisante : c'est ce qui se produit lorsque Truculentus repousse les assauts d'Astaphium, servante d'une courtisane: Egon te tangam? Ita me amabit sarculum / ut ego me run amplexari mavelim putulam bovem / Cumque ea noctem in stamentis pernoctare perpetim / Quamtuas centum cenatas nocte mihi done dan. (Truculentus, v, 276-79). Chez Plaute, à l'esclave sensuel (Stichus, v. 258-61,), s'op pose l'esclave misogyne (Lydus dans Bacchides, ou Palinure dans Curculio), ou réaliste, plus préoccupé de l'état de son ventre que de celui de son cœur (par exemple Casina, v. 802-3). Sur ces problèmes et la part respective des modèles grecs et de la situation à Rome, voir Ph. E. Legrand, Daos, tableau de la comédie grecque pendant la période dite nouvelle, Paris, 1910, p. 145. Notons que la jurisprudence de la fin de la République se fait l'écho de la place prise par les amicae : ainsi Val. Maxime VIII, 2,2 rapporte une dispute concernent un legs fait à son arnica, par un certain C. Visellius Varrò, (cf. Watson, Obligat ions,p. 32-36). Surtout Alfenus Varus (D. 11,3,16 - Alf. Varus 2 Dig.) cite le cas d'un esclave qui, alors qu'il était dispensator, avait dépensé auprès d'une muliercula l'argent du maître. Même après l'affranchissement dudit esclave, une actio servi corpupti peut être intentée à l'encontre de la «petite femme»: Dominas servum dispensatorem manumisit, postea rationes ab eo accepit et cum eis non constaret, conperit apud quandam «mulierculam» pecuniam e urn conswnpsisse : quaerebatur possetne agere servi corrupti cum ea midiere, cum is servus iam liber esset. Respondi posse, sed etiam furti de pecuniis, quas servus ad earn detulisset. Ce thème de l'esclave dépensant son pécule ou l'argent du maître auprès de mulierculae, se retrouve déjà chez Plau te(Rud., v. 892/3), mais aussi Cicéron (Tusc, V. 112) et, plus tard, chez Pétrone (cf. Satiric, 105 Inter cetera apud communem amicam consumpserunt pecuniam meam). Les mises en garde adressées aux hommes libres ou esclaves soucieux de garder leur bien ou leur pécule sont fréquentes, de Lucilius (v. 592/3 Peniculamento vero reprehendere noli / ut pueri infantes faciunt, mulierculam honestam) à Phèdre (v.35). Il est probable que la prostitution des affranchies ne faisait que continuer celle des esclaves, étant donné que la
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développée par la suite129, n'a pu manquer de soulever des problèmes juridiques puisque, en droit, l'esclave n'est qu'une res mancipi, même sous l'Empire130. Or, devant cette situation embarrassante créée par des unions serviles de fait, il semble que les législateurs aient été gênés131. Ainsi, le contubernium entre esclaves n'a reçu aucune définition juridique sous la République132 et n'a eu qu'une valeur «soiale»133. Et ce n'est que sous l'Empire que la cognatio servilis a été reconnue d'une double manière : - dans un sens restrictif, puisqu'elle consti tuedésormais un obstacle au mariage après affranchissement134; - dans un sens libéral, puisqu'elle est recon nuecomme une insta causa manumissionis par la Lex Aeliaus dans le cas d'individus âgés de moins condition ne prosdtuatur mise à la vente d'esclaves n'inter vientque sous l'Empire (cf. Manaricua, op. cit., p. 80 et n. 23). Sur l'avidité des «Meretrices» dans le théâtre de Plaute, cf. J. André, op. cit., p. 97-102, notamment. 129 Varron, RR, I, 17; II, 10. 130 Encore D. 9, 2, 2, 2, (commentaire de la Lex Aquilia) : Servis nostris exaequat quadrupèdes, quod pecudum numero sunt. Sur ce point, voir l'analyse pénétrante d'E. M. Staerman, La conditions des esclaves à la fin de la période républicaine, dans VD/, 1963, 2, p. 80-98. 131 Paul, Dig. 38, 10, 5 dit même : Ad leges «cognationes serviles» non pertinent. 132 Arangio Ruiz, Istituzioni, p. 465. 133 Sur son développement, voir T. Frank, Race Mixture in the Roman Empire, dans AHR, XXI, 1917, p. 689-708. Dans ce sens, G. Castello, In tema di matrimonio e concubinato nel mondo romano, Milan, 1940, p. 71. 134 Paul, D, XXIII, 2, 14, 2; Pomponius, D, XXIII, 2, 8. Plassard, op. cit., p. 83-5. Lemonnier, Condition privée, p. 188. 135 Gaius, I, 19; commentaire de Lemonnier, ibid., p. 46 de Duff, Freedmen, p. 32-3, Vitucci, Libertus, Buckland, Slavery, p. 539. Treggiari, Freedmen, p. 209-210. En tous cas, les conclusions Staerman (art. cit.), selon lesquelles la constitution de cellules familiales parmi les esclaves serait à relier en particulier aux concession faites aux agents sûrs du maître (transfert d'une capacité juridique - fictive - de posséder et de pratiquer des transactions) ainsi qu'au désir de retenir les esclaves à la maison sont, dans cette perspective, à nuancer quelque peu. D'une façon générale, sous l'Empire, la loi tenait en consi dération des sentiments existant entre une affranchie et un esclave de la même domus et n'obligeait en rien à rompre ces rapports (cf. Paul, Sent., II, 21, 11 : Libertà servi patroni contubernium securat, etiam post denuntiationem in eo statu permanebit, quia videtur domum patroni deserui se noluisse).
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de trente ans. Il y a donc reconnaissance de cette famille servile de fait, de ces liens du sang qui font que même dans les ventes on essayait de garder ensemble les membres d'une même «famille»136; de même donc, la loi, reprenant certainement la tradition, devait tenir compte de ces réalités familiales. On peut se demander par ailleurs si, assez souvent, des esclaves récemment affranchis n'ont pas réussi à racheter leur compagne (ou leur compagnon), et la remarque faite par Treggiari137, d'après laquelle les affranchis (hommes ou femmes) portant le même gentilice et asso ciés sur une même inscription seraient, non des co-affranchis, mais des co-esclaves dont l'un, libéré, aurait réussi à racheter l'autre avant de lui donner la liberté, nous semble acceptable (bien qu'invérifiable). Ainsi, dans la quarantaine d'inscriptions où le doute existerait quant à savoir si l'on aurait affaire à des co-affranchis ou à un affranchi et à son propre affranchi, la «pu deur» seule aurait retenu les auteurs d'épitaphes d'utiliser, sous la République des expressions du genre uxor et libertà, frater et libertusl3S, l'appari tion de ces termes sous l'Empire étant sans doute due au fait que la loi Aelia Senna aurait avalisé, officialisé, la réalité qui, dès lors, aurait pu être librement exprimée. Disons, cependant, que nous manquons d'arguments positifs pour étayer cette hypothèse bien que quelques indica tions, fournies par l'épigraphie, semblent ap puyer cette façon de voir139. 136 Sen., Controv. IV, 26. Staerman, ibid., p. 85. 137 Freedmen, p. 210. 138 Le cas d'Olympion semble être exceptionnel. Fermier de Lysidame, il accepte d'être au côté de son maître, le co-épouseur de Casina, moyennant la liberté : Meus socius, campar, commaritus, vilicus {Cosina, ν. 797), ce qui devait déclancher les rires : un maître achetait au prix de la liberté d'un esclave le droit de partager la compagne de celui-ci, alors que les droits du dominus sont toujours supérieurs! Il serait intéressant pour nous de pouvoir, comme sur certains inscriptions de l'époque impériale, distinguer entre les relations familiales antérieures et postérieures à l'affra nchissement, et de pouvoir discerner les enfants ingénus nés d'un «juste mariage» et ceux qui, affranchis, seraient nés avant l'affranchissement des parents (ou au moins de la mère). Sur la lex Aelia Sentia cf. le commentaire de Gaius, I, 18-22. 139 CIL, P, 1216 = VI, 14338 (+page 3515) dont l'interpréta tion (discutée entre Mommsen et Buecheler, Carm. Epig. n. 58) serait que nous aurions affaire à un fils de citoyen qui
nus.
- les unions nouées entre affranchis et
Une deuxième difficulté réside dans l'appré ciation du caractère légitime ou non des unions concernant affranchis et ingénus. Notre documentation tirée de l'épigraphie est, nous l'avons dit, d'une pauvreté navrante, car si nous avons relevé des rapports possibles entre affranchis (ou affranchies) et citoyens (ou ingénus), nous n'avons relevé qu'un cas où nous puissions conclure avec certitude à la légitimité de tels rapports140. Donc, les principaux renseignements que nous puissions utiliser sont à tirer des sources littéraires et juridiques qui, tout d'abord, nous indiquent un certain nombre d'union régulières liant des ingénus (essentiellement) à des affran chies141. C'est, en particulier le passage bien con nudu Pro Sestio142 où Cicéron brocarde, au prix d'un mauvais jeu de mots, un chevalier, L. Gellius Poplicola frère d'un consul (qui, ut credo, non libidinis causa, seâ ut «plebicola» videretur, «libertinam duxit uxorem»), laissant entendre que ce n'était pas la recherche du plaisir (Cicéron pensant sans doute, comme Horace, que les affranchies pouvaient faire de bonnes concubin es), mais le souci de «faire peuple» qui aurait poussé ce personnage. Or, dans ce passage qui a provoqué de nombreux commentaires143, on ne peut dire s'il s'agit bien d'un mariage véritable ou si Cicéron, pour mieux disqualifier son advers aire, a utilisé le mot uxor soit par dérision, soit aurait été affranchi (Filium illum manu (misit)) par son père et qui à son tour aurait affranchi une esclave et l'aurait épousée (lue illam mereto manumisit), cette esclave étant d'ailleurs sans doute l'ancienne amie du fils du maître : Eundem mi amorem praestat puerilem. Voir le cas sans doute exceptionnel de Toxilus qui fait acheter ses «amours» et la fait affranchir par le leno : Pro fecto domino suos amores Toxilus / Emit atque curât leno ut emittat manu (Plaute, Persa, Arg. I, vers 1-22) ce qui vaut à Toxilus les reproches de Dordalus : Scortorum liberator. 140 CIL, P, 1841 = IX, 4707, grâce aux enfants nés d'un ingénu et d'une affranchie, en toute légitimité. 141 Cf. celui d'une affranchie de Val. Flaccus avec un certain Sextilius Andrò (Schol. Bobiens., à propos de Cic, Pro Fiacco, 34,1). 142 52, 110. 143 Cf. tout particulièrement Cosentini, Studi, I, p. 53; Käser, RPR, P, p. 269 η. 13. Et en dernier lieu, Watson, Persons, p. 34 (suivi par Treggiari, Freedmen, p. 84) et Staerman, Blütezeit, p. 163.
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES pour exagérer le discrédit pesant sur une telle union (le même procédé est utilisé à propos de M. Antoine et Volumnia Cytheris, qualifiée tan tôt de mima uxorlu, tantôt d'amica)145. En tout cas, s'il s'agit bien d'un mariage, Cicéron n'y fait aucune objection juridique et se fait simplement l'interprète d'une sorte de condamnation morale visant une mésalliance. Mais les renseignements essentiels nous sont fournis, sur cette question, par un passage abon damment commenté de Tite Live146 et par la législation de l'époque augustéenne (Lex Iulia de Maritandis Ordinibus, Lex Papia Popped). Les données du problème ont été clairement expo sées par Watson147, sans qu'il soit besoin de reprendre tous les éléments. Disons, cependant, que tout a été faussé par l'interprétation trop strictement juridique de Mommsen148, dont les thèses, bien que vigoureusement combattues149, ont été reprises encore récemment par Vitucci150. Le commentaire de Tite Live151 concerne Fecennia Hispala, une affranchie vivant en con-
144 Phil. II, 20 (cf. Treggiari, Libertine ladies, p. 196-7). Servius (Ad Virg. Ed. 10) nous indique que Volumnia Cytheris, affranchie d'Eutrapelus, était la Lycoris aimée par Cornelius Gallus : hic autem Gallus amavit Cytheridem meretricem, liber ianiVolumni. 145 Ibid., II, 58. 146 Livre XXXIX, 19, 5. 147 Persons, p. 32-8 spécialement. 148 Rom. Staatsr., III, 1, p. 429. 149 Par O. Kariowa, Rom. Rechtsgeschichte, II, Leipzig, 1901, p. 172. et plus récemment par Corbett, op. cit., p. 32, ou Kaser, RPR, F, p. 269. 150 Libertus, p. 922, rejetant sommairement les arguments de Cosentini, Studi, I, p. 49-54. 1M II y a deux points sur lesquels, dans sa remarquable analyse, Watson n'insiste pas assez : - le fait que l'on a affaire à une prostituée, - et qu'il s'agit d'une affranchie dont le patron était mort. Sur le premier point, Tite Live ne laisse aucun doute : XXXIX, IX: Scortum nobile libertina Hispalla Fecenia, non digna quasta, cui ancillula assuerat, etiam post quam manumissa erat, eodem se fenere tuebatur ... Or son ami est un fils de chevalier romain. Cette union ne devait pas manquer de choquer les cen seurs. Certes, Tite Live prend la précaution de dire que ces relations n'étaient pas contraires à la fortune ni au renom du jeune homme : Huic consuetudo iuxta vicinitatem cum Aebutio fuit, minime adolescenti aut rei aut famae damnosa. (Voir D'Ors, Derecho Romano, p. 230 n. 6 et 223 n. 21).
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cubinat avec un jeune homme, fils d'un chevalier romain152; cette affranchie de bonne réputation, bien que courtisane fameuse (scortum nobile libertina dit Tite Live, avec un humour peut-être involontaire)153, fut avant tout la dénonciatrice de l'affaire des Bacchanales, ce qui lui attira la reconnaissance du Sénat. Les récompenses pré vues par un Senatus Consulte, sont ainsi rapport ées par notre auteur154 : Utique Feceniae Hispalae, datio, deminutio, gentis enuptio, tutoris optio item esset, quasi ei vir testamento dedisset, Utique ingenuo nubere liceret, ne quid ei, qui earn duxisset, ob id fraudi ignominiaeve esset . . De ce passage, Mommsen avait conclu que, normalement une affranchie ne pouvait être épousé légalement par un ingénu et qu'une telle union entraînait forcément une intervention des Avait-elle cependant le droit, en temps que meretrix, de contracter de iustae nuptiae avec un ingénu? On peut ajouter que Fecennia était sans patron, c'està-dire sans tuteur (Gaius, I, 165, et I, 179) : Sane patroni filius, etiam si impubes sit libertae efficietur tutor, quamquam in nulla re auctor fieri potest, cum ipsi nihil permissum sine tutoris auctoritate agere. Pour tester, elle demande un tuteur aux tribuns : Qui si eo processerai consuetudine capta, ut post patroni mortem, qua in mullius manu erat, «tutore» a tribunis et praetore petito . . . (or Gaius, I, 195 e, dit nettement : Similiter ex iisdem legibus petere débet tutorem libertà, si patronus decesserit nec ullum virilis sexus liberorum in familia retinuerit). Pour se marier légalement, elle venait obligatoirement redemander un autre tuteur; plus que toute autre, elle était sous la surveillance des magistrats, plus qu'à d'autres c'est à elle que la loi (ou l'usage officialisé) s'appliquait le plus strictement. Parmi les bienfaits qui furent dispensés à Fecen niaHispala, cette autorisation, de la part du Sénat, au nom de l'État, de contracter un mariage qui, normalement, n'au rait pas été permis par les magistrats, n'est pas le moindre. Les juristes modernes relèvent d'ailleurs que, au moins pour un mariage cum manu (où les biens de la femme étaient en jeu), le consentement du tuteur était nécessaire (Watson, Persons, p. 169-50). Ainsi y a-t-il eu de la part du Sénat, un dessaisissement au détriment des tribuns ou des prêteurs (normalement concern és, d'après la Lex Atilia de 210 = cf. Watson, ibid., p. 275-6) : le choix d'un tuteur lui est désormais abandonné (tutoris optio item esset; quasi ei vir testamento dedisset : un tuteur aussi légitime, que celui que son mari légitime lui aurait laissé par testament Gaius, I, 144-156 notamment § 144. Sur ce problème, voir Watson, ibid., p. 146-154). 152 XXXIX, 9. 153 Ibid. Sur le thème de Yignobilitas, cf. J. Le Gali, Un critère de différenciation sociale : la situation de la femme, Recherches sur les structures sociales dans l'Antiquité Classique, (Caen, 1969), Paris, 1970, p. 281 et n. 1. 154 XXXIX, 19, 5.
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censeurs155. Cette vision trop sévère est au jourd'hui abandonnée, car il apparaît que si un tel mariage, surtout à une époque où l'activité des censeurs était encore considérable, pouvait entraîner des poursuites de la part de ces der niers, il ne s'ensuivait pas que ces unions étaient frappées de nullité156. Reste l'interprétation de la législation augustéenne, à laquelle Mommsen et les auteurs du dix-neuvième siècle attribuaient l'autorisation des iustae nuptiae entre les catégories juridi ques: il s'agit, nous l'avons dit, de la Lex Iulia de Maritandis Ordinibus et de la Lex Papia Poppea (dont Lemonnier remarquait157, bien avant Watson158, que les commentateurs anciens les rap prochaient toujours), lois qui, en même temps, auraient interdit le mariage entre membres de l'ordre sénatorial et affranchis159, ou plutôt affranchies. Ce rapprochement a du reste, été effectué par Dion Cassius160 qui, dans son comm entaire, fait intervenir le faible nombre de femmes libres, en particulier dans la nobilitas, par rapport aux hommes, et qui cite161 les paro-
155 Sur la femme ingénue ou affranchie, cf. Mil. Glor. v. 784-9614. Sur le rôle des censeurs, cf. Le Gall, ibid., Paris 1970, p. 277 et n. 5. 156 Treggiari, Freedmen, p. 85. Déjà Bonfante (Corso, I, 1925, p. 204), pensait que l'interdiction de telles unions, sanction née par le seul fas aurait été abandonnée à la fin de la République. 157 Condition privée, p. 183. 158 D'une bibliographie très abondante, extrayons les étu des suivantes : P. Csillag, Das Eherecht des augusteischen Zei talters, dans Klio, L, 1968, p. 111-138. N. Andreev, Lex Iulia de Adulteriis cœrcendis, dans Studi Class., V, 1963, p. 165-180. Et surtout, Brunt, Manpower, p. 104-145-561/566, ainsi que R. Astolfi, Note per una valutazione storica della lex Iulia et Papia, dans SDHI, XXXIX, 1973, p. 187-238, et du même, // fidanzamente nella lex Iulia et Papia, dans St. Volterra III, p. 671-694. 159 Cf. Gaudemet, art. cit., reste très prudent sur le regime antérieur à la Lex Iulia et sur la portée de celle-ci en matière d'union entre affranchi(e)s et ingénu(e)s. Voir aussi J. A. Field, The purpose of the Lex Aelia and Papia Poppea, dans C. J., 1945, p. 398-416. cf. Bonfante, Corso, I, p. 204-5. 160 LIV., 16. 161 LIV, 7. Comment peut-on expliquer ce déficit en fem mes? Outre l'exposition des filles, mais qui ne vaut que pour les milieux les plus pauvres, peut-on invoquer le fait que les affranchis s'unissant à des ingénues aient fait concurrence aux hommes de naissance libre? Cela semble infirmé par ce que nous avons dit de cette question, un peu plus haut. Par
les d'Auguste autorisant les individus, autres que ceux appartenant à l'ordre sénatorial, à contrac ter mariage avec des affranchies, faisant ainsi passer les sentiments de sympathie et d'affection mutuelle avant les simples convenances. Cette idées est reprise au Digeste, à propos de la Lex Papia162 : Lege Papia cavetur omnibus ingenuis praeter senatores eorumque liberos libertinam uxorem habere licere. On peut donc conclure à l'autorisation des mariages entre affranchi(e)s et ingénus, et cependant à la protection de la pureté du recru tement du Sénat (et de l'ordre sénatorial)163. C'est ce que suggère un commentaire de Paul164, à propos de la Lex Iulia : les mariages noués en contradiction avec la loi ne sont pas automatiquement nuls; ils ne le sont que s'ils sont conclus sciemment, d'où la répétition de l'expression dolo maio sciens à trois reprises165. De même la phrase de Tite Live166 utique ei ingenuo nubere liceret signifierait l'autorisation de ce qui était interdit, mais n'impliquerait pas que les mariages allant à l'enconitre des lois auraient été forcément nuls. Finalement, la question reste entière : August e n'a-t-il fait que légaliser ce qui malgré tout existait (mais peut-on conclure pour le temps des Guerres Civiles, à partir d'un texte rédigé à une époque où le pouvoir des censeurs était considérable?) ou a-t-il permis réellement les mariages entre affranchis et ingénus, l'interdic tion contenue dans le texte de Dion Cassius167 et concernant les alliances avec les Sénateurs ou les membres de l'ordre sénatorial, ayant été reprise et précisée dans la Lex Iulia16*?
contre, ce «déficit» en ingénues a pu précipiter la «promot ion»des affranchies par le mariage. 162 XXIII, 2, 23. 163 Interprétation traditionnelle chez Barrow, Slavery, p. 182-3. 164 Dig., 23, 2, 44 (cf. C. Th, 5, 4, 1, 28). 165 Cette conclusion est d'autant plus pausible que l'on trouve chez Gaius, I, 65, la mention d'une procédure sembla ble à propos des mariages établis entre des citoyens romains et des femmes dont ils ignorent la condition réelle : ces mariages étaient légalisés dans le sens le plus favorable. 166 XXXIX, 19, 5. 167 54, 26. 168 Reprise par D. 23,2,44. Notons que par ailleurs, la Lex Iulia interdisait les mariages entre ingénus et meretrices, ou affranchies de meretrices (Ulp., 13, 2, L. 43, D.Th.).
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES CONCLUSION De l'observation du matériel épigraphique et des sources littéraires et juridiques, il ressort : - que plusieurs types d'union relevant du concubinatus, du contubernium entre esclaves et du conubium entre affranchis sont apparus. Mais les unions régulières entre affranchis et ingénus, sous la pression des coutumes et aussi des préju gés,sont demeurés rares; - que les affranchis et leurs compagnes se recrutent essentiellement dans le cadre de la même gens, et que leurs unions sont en majorité la continuation d'unions serviles. Il y a là un fait d'ordre sociologique mais qui, au moins au début du second siècle, aurait pu relever de la loi, puisque l'un des privilèges concédés à Fecennia Hispala est justement la gentis enuptio, c'està-dire le droit de se marier en dehors de sa gens, ce qui selon Mommsen169 aurait nécessité un vote des Comices. Mais, comme le fait remar querS. Treggiari, il y aurait eu par la suite un affaiblissement des liens gentilices : ainsi lorsque Cicéron donne une définition des gentiles, il retient comme seule formule acceptable qui capite non sunt deminuti1'10, ce qui en exclut donc les esclaves et les affranchis, ces derniers ayant eux-mêmes leurs gens au sens strict du terme au moment où ils reçoivent leur liberté (cette défi nition va dans le sens de la perte de personnalité soulignée, dans le cas des esclaves, par Staerman171, tandis que pour les affranchis, elle répond à la possibilité de créer une cellule famil iale autonome, du moins en théorie). - Ces unions d'affranchis sont le plus sou vent non nommées, non définies, et il est difficile de déterminer la nature des partenaires d'après les épitaphes : co-affranchis, co-esclaves, patrons ingénus et affranchis qui n'osent braver les inter ditsofficiels ou surtout la rumeur publique.
169 Rom. Staatsr., III, 1, p. 21 et n. 1. 170 Top., VI, 29. Il est possible que d'autres interdictions aient été apportées par la Lex Iulia concernant les rapports entre affranchis d'un leno ou d'une lena ou de comédiens (cf. Reg. Ulp. XII, 2. cf. Ulp., D. 23,2,43,7-8). Voir aussi Gaudemet, art. cit., p. 330. 171 Art. cit., p. 80, qui sur de nombreux points, est en désaccord avec Westerman, Slave System, p. 76.
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- On voit malgré tout apparaître un certain nombre de relations exogamiques, certainement nouées après l'affranchissement et qui nous per mettent de mesurer le degré d'autonomie dont jouissaient les affranchis par rapport à l'entoura ge patronal, étant bien entendu que ce phéno mène semble nettement moins marqué à Rome qu'ailleurs, et que rien ne se faisait, nous le verrons, du moins en ce qui concerne les fem mes, en dehors de la volonté du patron. Outre ces divers éléments socio-juridiques, il reste un point essentiel, c'est que, légitimes ou non, anciennes ou à peine créées au lendemain de l'affranchissement, des unions sont nouées, qui donnent lieu à l'apparition de véritables cel lules familiales172, cellules dont il nous appart ientde mesurer l'importance, et dont les parti cipants, lorsqu'ils rédigent des inscriptions, ten dent à nous donner une image parfois équivo que, mais toujours attendrissante, voire édifiante.
II - LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ET SON EXPRESSION Commentant au début de son chapitre consa cré à la famille et à la vie sociale des affranchis, le passage de la vie d'esclave à celle d'homme libre, Treggiari écrit : To a man who had passed through slavery, which could at the worst stamp him as morally inferior and destined to be a chattel (sic), the normal contact of society and pleasure of family life must have been especially precious01, ce qui contredit en partie ce que cet auteur dit lui-même des rapports familiaux des esclaves174, mais exprime joliment la réalité de la situation des affranchis désormais capables d'affirmer leurs relations familiales, et surtout, de se don ner une descendance légitime. Exclus, en tant qu'anciens esclaves, des cérémonies marquant
172 Sur le problème de la durée des unions illégitimes, voir Piaute, Mostelleria, 224-5 : Scapha (à Philematio) : Si tibi sat victum / At que illum amatorem tibi proprium futurum »in vita ». 173 Freedmen, p. 208. 174 P. 214-5.
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
les premières étapes de la vie individuelle (nais sance, puberté notamment), les affranchis, par le mariage et la paternité, sont réinsérés dans les cadres, religieux et sociaux réservés aux hom mes libre : une fois pères, il ont en effet la possibilité de participer, en tant qu'acteurs, aux rites initiaux qui soulignent naissance et passage à la puberté de ces derniers. Sur ce plan, il faut répondre à trois ques tions : - Quelle image les affranchis (essentiell ement les couples d'affranchis) cherchent-ils à donner de leur couple? - Comment les affranchis réalisent-ils l'éla rgissement du cercle familial initial, ce qui revient à poser le problème de leur descendanc e, mais aussi de leur attitude à l'égard de leurs parents naturels? - Enfin, quelle est la part prise par les patrons dans la constitution de ces familles, et en quoi leurs droits peuvent-ils s'accomoder ou au contraire pâtir de l'existence de celles-ci? 1 - LA VIE DU COUPLE ET SA REPRESENTATION Ce qui frappe, lorsque l'on considère les monuments sur lesquels s'expriment les sent iments familiaux des affranchis, c'est le souci qu'ils éprouvent de magnifier, en l'embellissant, leur vie conjugale. De ce point de vue, les représentations sculp téesse rapportant à des couples d'affranchis (ou impliquant un affranchi) revêtent un intérêt par ticulier dans la mesure où elles montrent com ment, du second quart du premier siècle avant Jésus-Christ, jusqu'à l'époque augustéenne, l'on est passé de l'indication d'une simple co-existence à celle d'une véritable vie conjugale, utilisant les signes propres à l'expression du mariage des ingénus. Une première série de reliefs est caractérisée par une correspondance étroite entre un formul aireépigraphique court qui, limité à l'énoncé de l'identité des protagonistes, ne précise pas la nature de l'union dans laquelle ils sont impli qués, ni ne leur attribue de qualification particul ière.En général, les deux personnages sont représentés de front, côte à côte, presque étran gersl'un à l'autre.
Le plus ancien exemple est fourni, sans doute, par le relief d'un certain [Bljaesius C. L. et de sa compa gne (fig. 30), qui doit d'ailleurs être son affranchie175. Cette sculpture sur travertin, qui doit dater de l'épo quesullanienne et non du second siècle, comme on l'a parfois indiqué176, présente des défauts de structure (notamment, l'épaule gauche de l'homme est trop haute), ainsi qu'une opposition entre le vêtement, sans doute dérivé de prototypes hellénistiques, et les visa ges vraisemblablement influencés par une tradition d'origine étrusque177. Mais ce qui est remarquable c'est le caractère «figé» des personnages: même att itude, même position de la main, raideur du maintien. L'un et l'autre apparaissent sans personnalité, non individualisés. Dans cette sorte de «premier de série», l'artiste n'a pas pu donner une apparence de vie à ses sujets, sans doute parce qu'innovant, ceux-ci ont voulu rester discrets et, mettant l'accent sur leur réserve et leur pudeur, ils ont voulu éliminer tout geste affe ctueux qui aurait pu paraître équivoque. La recherche, encore timide, d'une représentation objective l'a emporté sur toute interprétation psychologique: le souci de dignité, souligné par la figuration de la toge pour l'homme, et de la stola recouvrant la tête pour la femme, a eu plus de force, dans cette perspective, que la représentation des traits physiques réels ou des sentiments éprouvés par [Bl]aesius et sa compagne. Sur un petit relief de marbre (fig. 31), trouvé lui aussi à Rome, et daté de l'époque césarienne178, sont
175 CIL, F, 2998 = VI, 38531, cf. K.Gazda, Etruscan influence in Funeray reliefs of late Roman Republic : a study of Roman Vernacular Portraiture, dans AUNRW, I, 4, 1973, p. 859-861 et pi. I (qui pense à tort, que cette inscription ne figure pas au CIL). Degrassi propose de lire Aesius; mais, en dehors du fait qu'il s'agit d'un gentilice rare à cette époque, la présence d'une Blaesia A.L est, pour le moins, une invitation à repren dre la lecture traditionnelle proposée par Visconti, dans Bull. Comm., 13, 1885, p. 180 et n. 2. On doit même penser à [A. Bl]aesius Cl.. Par ailleurs la place à gauche de ce dernier en fait le personnage important du couple, ce qui va dans le sens de notre interprétation (fig. 30). 176 D. Mustilli, // Museo Mussolini, Roma, 1939, p. 176-7 n. 60 et pi. CV, 400. Vessberg, Kunstgeschichte, p. 183-4 et 265, pi. XXV, 2a. a proposé la datation sullanienne, suivi, en dernier lieu, par Gazda. 177 Cf. Gazda, art. cit., p. 859-860. 178 CIL, F, 3013 = VI, 21310, cf. L. Gasperini, Arch, Class., 12 (1960) p. 217, η. 13 et pi. LXVI - Sur la datation, il y a un léger désaccord entre A. Degrassi, dans Latomus, 25, 1966, p. 167-8 (qui, à cause de l'absence de surnom, pense qu'il ne faut pas penser à une date postérieure au milieu du siècle) et Solin, Onomastica, p. 128 et n. 44 qui propose une date comp rise entre 50 et 30 avant Jésus-Christ. Le style «sévère» du relief du permet cependant pas, à notre avis, de «descendre» après les années 40. (à rapprocher de DAI 73.785 fig. 35).
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES représentés deux personnages, à gauche une femme, qui est sans doute la patronne (bien que ceci ne soit pas indiqué, sa place sur la monument, et la nomenc lature du second personnage ne laissent aucun dout er sur ce point) et à droite son compagnon. Tête voilée, revêtue de la stola, visage et regard tendus, Licinia est comme juxtaposée à l'homme, qui porte toge, et dont le visage rude, les oreilles «à plat», la coiffure apparemment stricte et les rides marqués sur les joues s'apparentent à la tradition «réaliste» de l'époque césarienne (et soulignent l'âge mûr). Malgré une légère liberté par rapport au relief précédent (la position des doigts n'est pas identique pour les deux conjoints) l'ensemble reste figé : les bustes ont une égale raideur, les plis de la toge et de la stola se répondent; l'échancrure, dans le vêtement, et endessous du cou, est semblable. La frontalité demeure à l'honneur. Les visages eux-mêmes, empreints d'une certaine gravité proche de la tristesse (mais il faut tenir compte du mauvais était de conservation du monument), laissent entrevoir un même dessin de la bouche, et un traitement identique des yeux (avec des réminiscences de l'époque hellénistique, ainsi l'arc des sourcils assez important et l'approfondissement de la cavité oculaire, afin de donner plus de puissance au regard); mais aucun effet de personnalisation, aucune chaleur dans les gestes, pouvant traduire un sent iment d'affection, ne doivent être relevés. Un dernier relief (fig. 32 à 34), en travertin179, data ble sans doute du milieu du premier siècle avant Jésus-Christ180, complète cette série : ici encore, la simple juxtaposition des deux individus, comme étran gersl'un à l'autre (leurs épaules ne se touchent même pas) répond à l'absence d'indication précise sur la nature de leur union. La représentation est encore frontale; le parallélisme des plis de la toge et de la stola, partant de l'épaule droite de chacun des per sonnages, répond à un artifice bien conventionnel. Cependant, si des défauts de structure apparaissent (notamment dans la largeur excessive des épaules et même leur dissymétrie), le dessin des visages marque un équilibre plus harmonieux que dans les exemples précédents : l'ovale en est plus régulier et arrondi, la bouche est mieux dessinée. Les détails de la coiffure féminine, et notamment le départ des tresses, symbole
179 Provenance inconnue, cf. Vessberg, Kunstgeschichte, p. 187 n. 1. Signalé et reproduit dans Panciera, Saggi, fig. 8. Il n'est pas du tout sûr comme l'ont suggéré ces auteurs, qu'il faille rétablir un 3eme personnage à gauche (fig. 35). 180 On peut s'appuyer sur les correspondances relevées par Vessberg, op. cit., avec un relief de la Via Statilia (p. 186-7 - 211-2 - 249) et le relief CIL, I2, 3010, que nous signalerons plus loin (cf. ibid., pi. XXXI, 2).
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de la dignité quasi-matronale d'Athena, sont mieux soulignés. Enfin, ce n'est pas seulement le haut du buste, mais tout le corps jusqu'aux hanches, ébauche d'une représentation intégrale, qui est indiqué181. Il reste qu'une fois encore, c'est la gravitas des personnag es qui est soulignée et non leur attachement récipro que, et l'accord est complet entre la sécheresse de l'épitaphe et la réserve des deux figures. Le relief de C. Rabirius Hermodorus (fig. 4) sans doute affranchi du proconsul d'Asie avant 45 avant Jésus-Christ) que nous avons déjà évo qué en mentionnant que seuls les deux person nagesde gauche étaient à considérer182, traduit des tendances nouvelles par rapport aux exemp lesprécédents. Nous avons sans doute affaire à une œuvre postérieure à l'époque césarienne183 : si la construction de la tête du personnage masc ulin, bien arrondie et vigoureuse, le dessin des plis de la toge, la relative liberté dans le trait ement des doigts de la main conviennent à la fin de l'époque césarienne, la coiffure de Rabiria indiquerait une variante, savante, du type «à l'Octavie» et nous inciterait à placer cette production sous le triumvirat. Il faut souligner la meilleure qualité de ce relief: l'utilisation du marbre et la précision des traits, révélant sans doute l'activité d'un artisan connaissant son affaire, sont à mettre en rapport avec l'aisance économique d'un personnage dont le tombeau sur la Via Appia traduit bien la réussite. Contrairement aux personnages féminins indiqués plus haut, Rabiria Demaris n'a pas la tête voilée, et les tresses qui, au lieu de tomber sur les épaules sont nouées au-dessus de la tête, sont ainsi mises en valeur. Surtout, la rotation des deux têtes vers la droite du spectateur introduit un peu de vie et d'émotion dans la représentation de ce couple. La question reste, évidemment, de savoir si, sur le relief primitif, la partie droite était occupée par un élément décoratif ou si le regard des deux défunts n'était pas censé se tourner vers un troisième personnage qui aurait pu être un enfant. Dans le premier cas, l'inscription aurait pu contenir une prescription concernant le terrain et le statut du tombeau, dans le second, l'ind ication du nom du troisième personnage 181 Sur cette évolution, cf. Zanker, art. cit., p. 276 et 280. 182 Cf. Introduction générale, p. XV. 183 Cf. Vessberg, op. cit., p. 191-2 - p. 267 et pi. XXXI, I qui a bien vu que le personnage de droite était postérieur (Flavien, selon lui, peut-être de l'époque Trajan/ Hadrien, selon nous).
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La stèle de P. Longidienus, à Ravenne184, déjà évo quée (fig. 8, 9), introduit, malgré l'absence de précision quant aux rapports existant entre les deux personnag es du registre supérieur, une certaine humanisation de ces représentations : déjà, la frontalité n'est plus appliquée, surtout dans le cas du défunt, dont le buste est tourné vers la droite de la scène. Surtout, l'épaule droite de la femme s'efface derrière l'épaule gauche de son compagnon et patron. Sa tête est aussi, semblet-il, dirigée légèrement vers ce dernier: si les deux conjoints ne se regardent pas vraiment, cette conver gence est propre à souligner l'idée de leur solidarité, qui est déjà indiquée par le jeu des plis de la stola et de la toge, qui semblent s'imbriquer, et par l'appel des deux mains, qui préfigure une dextrarum iunctio. Ajou tons que la main gauche de Longidiena, jointe sans doute à la droite, remonte un peu vers le haut de la poitrine, ébauchant ce geste de pudicitia que plusieurs personnages féminins accomplissent, sur nombre de stèle, datant de l'extrême fin de la République ou de l'époque impériale185. Les étapes ultérieures de cette évolution allant dans le sens d'une expression de plus en plus mar quée des sentiments, nous les trouvons tout d'abord sur un relief de marbre (fig. 36), trouvé à Rome et datable des années 30 avant Jésus-Christ186. Les dimensions réduites de cette œuvre187, encadrée dans une moulure, n'ont permis de représenter que le haut du buste des deux personnages. Ceux-ci ne sont plus figures de front, mais de profil : ils se font donc face, se regardant les yeux dans les yeux. Ils sont toujours séparés, aucun geste n'est esquissé, mais leur affront ementsuffit à exprimer leurs liens et leur affection, alors que l'inscription qui accompagne la scène mont reque c'est viro suo que Megisthe a fait le monum ent. Le personnage masculin, déjà marqué par l'âge (rides au front dégarni), porte une coiffure très styli sée, presque à l'excès, tandis que la femme, coiffée à l'Octavie, laisse échapper ses tresses sur les épaules, à la manière des matrones. Ici donc, la solidarité du couple, malgré une réelle économie de moyens, est mise en évidence, solidarité dont le relief que nous évoquerons maintenant donne l'image la plus accomp lie (fig. 38). Dans une étude très complète, Vessberg188 a propos é une datation relativement haute (100-75 avant 184 Cf. p. 143-144. 185 Cf. Brilliant, Rank & Gesture, p. 49-50. 186 C7L, VI, 24500. Relevé par Vessberg, op. cit., p. 199 et pi. XL, 1. 187 65 χ 72 cm. 188 CIL, I2, 1221= VI, 9499 = /LS, 7472 = ILLRP, 793 = Imagi nes303 - Vessberg, op. cit., p. 180-3 et pi. XXIV, 2 - XXV, 1. Cf. aussi, Brilliant, op. cit., p. 45, fig. 1, 75. E. Strong, CAH, IX, p. 813; curieusement oublié par Zanker.
Jésus-Christ), qui a été généralement acceptée189, et voyait dans cette œuvre un produit romain, auquel des correspondances auraient dû être trouvées du côté de l'Etrurie, notamment avec le sarcophage de la collection Casuccini, au Musée de Pal erme190. Malgré les arguments stylistiques présentés, Vessberg n'a pas assez tenu compte de l'inscription, dont le formulaire, malgré l'avis de Buecheler191, mérite attention. En particulier, la nomenclature complète des deux défunts, l'indication des âges, surtout, mais aussi l'e xpression de colle Viminale, dont les équivalences sont plutôt datables des dernières années de la République ou, de l'Empire incitent à placer ce relief au plus tôt au milieu du premier siècle, à un moment où les elogia en vers, dans le cas d'affranchis, commencent à apparaître192. Il y aurait d'ailleurs quelque contradic tion à vouloir affirmer le caractère romain de cette œuvre et à la couper des productions équivalentes qui n'offrent aucun parallèle dans le premier tiers du premier siècle: ni le relief des Quinctii, sur la via Caelimontana193, ni le tombeau des Flavii, à Pompéi194 ne permettent de supporter l'opinion de Vessberg. En dehors du passage progressif de la frontalité à la représentation des personnages de profil, il faut remarquer que l'évolution du buste, aux hanches, et à la figuration complète des défunts apparaît peu à peu195 et que les représentations en pied d'ingénus ou supposés tels n'apparaissent qu'après le milieu du siècle196. Ceci n'exclut pas l'influence de modèles grecs, datant du second siècle et que Vessberg avait lui même évoquée197. C'est peut-être à eux que cette œuvre doit son pathétique. Mais elle représente une limite que les reliefs funéraires d'affranchis n'ont jamais dépassée, du moins sous la République. Dans un champ quadrangulaire évidé, encadré par une double épitaphe en vers, est figuré un couple. Les 189 Notamment par Degrassi {ILLRP, 793). 190 CI Etr., 2, 959. 191 Dont la tendance à «remonter» la date des épitaphes en vers vient d'être récemment soulignée par Z. Popova, «Pour dater les Carmina Epigraphica. Buecheler 950, 55 et 960», dans Eirene, VII, 1968, p. 57-66. Notamment l'épitaphe B. n°55 (=CIL, F, 1214 = ILLRP, 803), datée des années 60 avant Jésus-Christ par Galletier, Poésie funéraire, p. 128 p. 171, devrait être placée sous Auguste au plus tôt et sans doute au tournant des 1er et 2e siècles de notre ère! 192 C'est d'ailleurs à cette datation que se rallie, en fin de compte, Degrassi (Imagines, 303). 193 CIL, I2, 2527a = ILLRP, 795, où la frontalité est totale et le relief sans grande profondeur. 194 Cf. Zanker, Grabreliefs, p. 274-5 et fig. 6. La Rocca, Pomp éi, p. 262. 195 Id., ibid., p. 280-281. 196 Id., ibid., p. 307-310. 197 Vessberg, op. cit., p. 180-1. Zanker, art. cit., pi. 47-48.
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES deux protagonistes, debout, se font face, l'un et l'autre appuyés sur leur jambe droite, la gauche étant légèr ement en arrière, comme s'ils étaient venus à la ren contre l'un de l'autre. Mais l'action ne se limite pas à cette marche arrêtée: d'abord les plis de la toge du mari et de la robe de la femme (himation plutôt que stola) sont traités avec une assez grande fluidité, sans excès de recherche, qui aurait privilégié l'anecdote au détriment des visages, mais sans reprendre les simpli fications propres aux œuvres que nous vons analysées en premier lieu. Les deux époux se tiennent les deux mains, main droite de la femme et main gauche de l'homme baissées au niveau de la taille, les deux autres mains tendrement enlacées et élevées à la hauteur de l'épaule (Philematio esquissant même le geste de porter à la bouche la main droite de Hermia). Il y a là une interprétation libre d'une scène de dextrarum iunctio, thème iconographique qui apparaît alors sur de nombreux reliefs, y compris d'affranchis, mais que les deux personnages n'ont pas voulu faire reproduire parce que leur union était illégitime (?), ou parce qu'ils avaient en tête d'autres figurations moins solennelles198. La place est laissée à des gestes d'autant mieux rendus que l'homme, symboliquement, est plus grand que la femme199, ce qui empêche une totale symétrie de s'instaurer. Mais ce qui attire l'a t ention, c'est la façon dont d'une part l'époux regarde sa compagne, avec une émotion retenue, mais avec un regard «au loin» sans doute inspiré des représentat ions «héroïques» alors en vogue auprès des ingénus, et d'autre part la femme baisse sa tête, voilée (les cheveux étant tirés vers l'arrière), en un geste de pudeur et de respect. Au total, c'est une œuvre bien équilibrée qui nous est donnée; mais surtout elle illustre très bien les deux elogia qui énumèrent les qualités des deux compagnons et les sentiments d'af fection qui les animaient l'un envers l'autre, et confère un caractère poignant à l'évocation de cette vie com mune. On peut ainsi penser que les représentations qui se sont multipliées à l'époque augustéenne200 n'ont fait que reprendre le vocabulaire iconogra phiquequi, de l'époque sullanienne au début de IW Sur la dextrarum iunctio symbole de fidélité, cf. L'étude générale de L. Reckmans, «La dextrarum iunctio», dans l'ic onographie romaine et paléochrétienne, dans Bull. Inst. hist, belge de Rome, XXXI, 1958; cf. enfin, Zanker, op. cit., p. 285-6. 199 Hauteur du relief: 58 cm. 200 Lg relief de Pinarius Anteros (fig. 43) représente, cepend ant, une nouveauté, dans la mesure où il est une imitation des imagines ancestrales propres aux milieux aristocratiques (cf. Vessberg, op. cit., p. 199).
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l'Empire, s'est progressivement créé et imposé : d'abord limitées à la figuration côte à côte de deux conjoints dont ni la personnalité, ni les sentiments ne sont précisés, les œuvres mettant en scène des couples d'affranchis gagnent pro gres ivement en «chaleur» et finissent, parallèl ement à l'abandon de la frontalité, par exprimer l'affection dont ces couples étaient porteurs. On remarquera qu'à l'exception de la stèle de Longidienus, c'est essentiellement à Rome que ces œuvres ont vu le jour, traduisant une fois encore et une meilleure réussite économique pour cer tains affranchis et une activité artistique plus intense. Surtout, ce sont presque exclusivement des couples d'affranchis qui nous sont donnés à voir: le cas de Longidienus et de sa compagne ne concerne pas la capitale. Il y aurait donc l'indication d'un désir particulier de la part d'in dividus issus de l'esclavage à marquer de façon éclatante l'existence de leur vie conjugale, mais ou peut écarter l'hypothèse que, dans la capitale, c'étaient des ingénus de condition modeste qui «épousaient» des affranchis; par ailleurs, il n'est pas exclu que de telles unions, tolérées dans les faits, aient été mal perçues par Γ «opinion publi que» et n'aient donc pas donné lieu à une mise en scène sculptée, qui aurait pu paraître comme une provocation. Quant aux épitaphes, du moins celles qui ne se limitent pas au seul énoncé des noms des défunts, elles accompagnent et soulignent, le plus souvent, ce que les reliefs funéraires illus trent. Tout d'abord, on note l'insistance avec laquell e la solidité des unions est indiquée. C'est ainsi que le mot concordes est utilisé à plusieurs repris es201, cette concordia s'étendant, au moins dans un cas, à toute la famille202. Cette entente, pré201 Ainsi dans une inscription de Rome: CIL, F, 1347 = VI, 231 37 = /LS, 8400: C. Numitorius / Asclepiades / Nummia LL Zozima / Hei sunt duo / «Concordes», ou encore sur une autre inscription trouvée près du monument des Stabilii, où les deux époux sont deux affranchis et sont dits : opsequentes et concordes {CIL, F, 1220 = VI, 33087 = ILS, 8401 =ILLRP, 365). Sur ce thème, cf. Galletier, Poésie funéraire, p. 119 notam ment. 202 Une jeune affranchie, fille d'affranchi et morte à l'âge de vingt ans est censée s'écrier, s'adressant à son entourage : Nunc quoniam fatum se ita tolti, animo volo aequo vos ferre concordesque vivere (CIL, VI, 25369 = Ρ, 1215).
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sentée comme inaltérée, est parfois soulignée par l'indication de la durée des relations entre conjoints : Dum suppediat vita inter nos annos LX viximus concordes201 '", ou encore Nicepor conlibertus/vixit mecum annos XX204 ou enfin, d'une manière plus compliquée : Septem me naatam/ annorum gremio/ipse recepii XXXX/ annos nata necis patior. . ,205. Et cette bonne entente n'est pas seulement présentée comme une notion de caractère pure ment privé, mais comme une valeur «sociale» : de ce point de vue, l'association sur une inscrip tion déjà citée206, de la concordia et de la bona fama est tout à fait éclairante : Heis sunt duo/ concordes/ farnaque bona/. Cette cohésion des couples est soulignée encore par le fait que la nomenclature de certai nesaffranchies, copiant celle des ingénues, fait suivre leur nom de celui de leur conjoint au génitif, sans que nous puissions dire si cet usage relève d'un simple souci d'imitation, ou bien vise à exprimer que ces femmes sont in manu. Ainsi une inscription, dédiée à C. Causinius Scolae 1. Spinter, est rédigée par Campia L. 1. Cassandra Causini207; une autre concerne l'épouse de T. Sulpicius T. f., dénommée Porcia T. 1. Rufa Sulpici208. Enfin, la femme d'un certain L. Volumnius L. 1. Theophilus est appelée Thania Caesina Volumni209. Parfois l'accent est mis sur l'attitude de la femme envers son compagnon : uxsori viro opseq(uenti)no, dit de son épouse un affranchi, bras droit de T. Sextius en Afrique; huic autem obsequens lit-on sur l'épitaphe, dédiée par l'a ffranchie de ses parents, à un ingénu211. 2>" CIL, I2, 1220 = VI, 33087 = ILS, 8401 = ILLRP, 365. 204 CIL, VI, 37820 = ILLRP, 809. ™CIL, I2, 1221 =VI, 9499 = ILS, 7472 = ILLRP, 793 = Imagin es,303. 206 CIL, I2, 1347 - cf. note 201; sur ce souci de la bona fama, cf. MostelL, v. 227 : Ego si Bonam famam mihi servasso, sat ero dives, déclare Philematium. Même idée dans Persa, ν. 348-9. 207 CIL, I2, 1274 = ILLRP, 767. 20!t CIL, I2, 1263 = VI, 2247 = ILS, 4405. 209 CIL, P, 2033-4 = XI, 1959/60 = CI Etr., 3372-3, cf. aussi IG, XIV, 1907 - IGUR, 845. Varia, affranchie de Marcus (Varius), épouse de Daius. Datée de la fin République, début Empire par Panciera, Saggi, p. 193. 210 CIL, X, 6104 = /LS, 1945, cf. Pubi. Syrus, (492) : Obsequio miptiae cito fit odium paelicis, opposant la soumission de l'épouse à la «liberté» de la prostituée. 211 CIL, I2, 1570 = X, 6009 = ILLRP, 977.
La compagne est exaltée parce qu'elle a été bona2X1 ou iucunda213 : tandis qu'un affranchi de P. Clodius est qualifié de dulcis, par sa propre affranchie214. Mais l'on insiste particulièrement sur ces deux qualités complémentaires que constituent d'une part la fidélité, tantôt limitée à l'un des deux215, tantôt étendue aux deux conjoints216, d'autre part, et surtout, la chasteté et la pudeur217. C'est déjà un écho quelque peu grossi de ces «vertus» que l'on retrouve dans la Mostellaria de Plaute. Philematia, parlant de son patron et amant déclare : Solam Me me soli sibi suo sumptu liberavit/ (solam) UH me soli censeo esse oportere consequentem, à quoi Philolaches ajoute, en demi-ton, Pro di immortales, mulierem lepidam ex pudico ingenio2ÌS. Cette pudeur, que nous avons vue traduire sur les reliefs funéraires, s'oppose au simple désir de possession sexuelle caractéristique de l'état servile219. Et certaines épitaphes ne limi tent pas pudeur et chasteté à un seul individu, mais au couple lui-même220, ou même au patron221, ce qui tendrait à opposer au domino placuit concernant des esclaves222, le respect que ^-Bona, proba, frugei (CIL, I2, 1684 = X, 388 = /LS, 7791= ILLRP, 799). fruge, bona, pudica (CIL, F, 1684 = IX, 4298). cf. l'exaltation de la matrone, à travers le modèle fourni par Pénélope, par Horace, fils d'affranchi (Hor. Sat. II, 5, 76 tam frugi, tamque pudica). Sur l'application des termes bona et optima femina à des femmes de la noblesse, à l'époque républicaine, cf. Le Gall, art. cit., p. 277-280. 213 In vita iucunda (ac) voluptatei fuei / (vobis) viro et amiceis (CIL, I2, 1215) cf. aussi CIL, I2, 1734 = IX, 1721 = ILLRP, 977. 214 Semper qui fuit dulcis sueis (CIL, I2, 1283 = VI, 15735 = ILLRP, 964. 215 P(ius) f(idelis) frugi : CIL I2, 1882 = IX, 4298. 216 Fido feida viro veixsit. CIL, I2, 1221 = ILLRP, 973 = Imagin es,303. 217 Casta, corpore casto, ibid. Casta, CIL, VI, 17357. 218 V. 204-206. 219 Cf. R. Martin, La psychologie des esclaves d'après quel ques pièces de Plaute, dans Revue de la Franco-ancienne, 1972, p. 14-22. cf. CIL, I2, 1499 = ILLRP, 1269; sur un bloc de la citadelle de Tibur, sont gravés, de la même main, deux graffiti : l'un donnant, en particulier, l'identité de l'auteur, esclave de L. Cotta; l'autre, au-dessus d'un phallus, indiquant, d'une façon ambiguë, mais non dépourvue d'une arrière pensée obscène : Cape me, tua sum. 220 CIL, I2, 1221 = ILLRP, 793 = Imagines, 303. 221 Cf. CIL, I2, 1259 = ILLRP, 802 frugi, castuis), amabili(s) om inibus (sic). 222 Du moins en apparence, car en conclusion de l'inscrip-
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES le patron ou le conjoint a manifesté envers telle affranchie. D'où l'exaltation de la virginité223, qui traduit bien cette appartenance à eux-mêmes que les affranchis veulent indiquer, ainsi qu'une volonté très forte de leur part, de se démarquer du monde des esclaves soumis aux passions ou au bon plaisir du dominus. Il est remarquable que l'une des «vertus» le plus fortement exaltée par P. Syrus soit précisé mentla pudor22A, qui s'oppose à la seule prise en compte du désir physique225. Il y a donc dans ces inscriptions funéraires une recherche véhémente d'une respectabilité qui se traduit par l'opposition à ce que l'associa tion raereinces/affranchies, que nous avons déjà relevée, et qui semble avoir été couramment divulguée aux deuxième et premier siècles avant Jésus-Christ, pouvait comporter de «déshonor ant»226.C'est le même Horace (qui avait vanté la facilité des libertinaé) qui exalte, peut-être en pensant à ses parents, et notamment à sa mère, la castitas des femmes des rigidi Getae221 et leur désir de rester univirae228. A une époque où le tion citée a la note précédente, l'affranchie Brutia Q. 1. Rufa déclare : pia patrono dum uixsit placuit. 223 Et CIL, I2, 1214 = ILLRP, 803 (si l'on maintient la data tion républicaine, contre l'avis de Popova, art. cit., p. 60-64). Alors que l'exaltation de la virginité concerne avant tout les ingénus (cf. Gagé, Matronalia, p. 119, cf. aussi CIL, I2, 1213). 224 Animo virwn pudicae, non oculo eligunt (36). 225 Cf. la sentence 529 de P. Syrus Perenne coniugium ani mus, non corpus, facit. Ce moralisme de l'auteur s'oppose évidemment à l'amour purement physique dont les esclaves peuvent être l'objet de la part de leurs compagnons ou de celle de leur maître. La sublimation, au plan purement moral, des unions d'affranchies, relevée chez cet auteur comme sur les épitaphes marque donc une volonté délibérée de la part de couples d'affranchis de faire disparaître toute allusion à l'amour physique, qui serait par là-même, une réminiscence de leur passé servile. 226 Association d'autant plus facile que lors des fêtes d'avril, mois de Vénus, les vrais matrones, ingénues, étaient admises aux cérémonies dédiées à Venus Verticordia, alors que les meretrices et les femmes modestes étaient reléguées dans les rites scabreux attachés à la Fortuna Virilis. Cf. Gagé, op. cit., p. 14, 43/4. 227 Od., ν. 19-24 (Nec dotata régit virutn / coniunx nec nitido fient adultero / dos est magna parentium / virtus et «metuens alterius viri» / certo «foedere castitas» / et peccare nefas aut pretium est mori. Où fidélité, chasteté et exaltation de Yunivira sont étroitement liées. 228 Cf. G. Giangrande, Catullus 67, dans QU, 9, 1970, p. 84131 (p. 85-90). Sur la liaison entre pudicitia et mariage unique
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divorce était fréquent dans les milieux aristocra tiques,il apparaît moins répandu dans les milieux modestes229, et notamment l'exaltation de la solidité de leurs unions par les affranchis s'inscrit contre les remariages faciles des hom mes et, sortout, des femmes de l'aristocratie républicaine230. Ainsi, l'univers moral qui entoure ces unions apparaît comme très conservateur et traduit, en particulier, la volonté d'assimiler les affranchie à des matrones. Déjà les représentations sculptées faisaient apparaître celles-ci tête voilée231, avec les tresses et portant la stola. Certes ces attributs sont, en droit, réservés aux seules matronae232', pourtant l'usage à la fin de la République les prête aux anciennes esclaves qui, dans certaines épitaphes, font allusion à ce vêtement symboli que : Ita leibertate Mei me, hic me decoraat stode la femme, cf. J. Humbert, Le remariage dans la société de la Rome païenne, dans Pubi. Ist. Diritto Romano, XLIV, Rome, 1972, p. 48-50 et, surtout, p. 62-67, 72-75. 22g Bonfante (Corso, I, p. 925, p. 253-4) l'avait déjà souligné; plus récemment, I. Kajanto, On divorce among the common people of. Rome, dans REL, XLVIIIbis (Mélanges Durry), p. 99113 a confirmé la rareté, à notre connaissance, de cette pratique, dans les milieux modestes (sur le divorce dans les milieux aristocratiques, cf. Humbert, op cit., p. 83-87). C'est un écho de cette exaltation du mariage unique que nous trouvons dans deux passages de l'affranchi P. Syrus : Habent locum maledica crebrae nuptiae . . . (260) et aussi : Mulier quae muUis nubit multb non placet... (381); dans ce dernier fra gment placet ne doit pas être pris au seul sens physique, mais aussi moral ainsi que l'expression domino ou patrono placuit le laisse entendre; par ailleurs un fragment de Titinius (fr. 15 Peter) nous montre bien que la vraie matrone doit plaire à son époux par son comportement et non par sa seule appa rence : Sin formo odio mine sum, tandem ut moribus placeam viro, cf. Bardon, Littérature inconnue, I, p. 41. 230 Notons cependant qu'il apparaît difficile d'admettre que le conjoint qui a racheté puis affranchi sa compagne ait pu accepter de se séparer d'elle, et l'autoriser à se marier, perdant ainsi ses droits d'époux et de patron. 231 Sur la signification possible du «vouement», cf. Van Gennep, Rites de passage p. 240-1. 232 C'est l'opinion de Gagé (Matronalia, p. 167-174), qui cependant n'a pas envisagé les «avatars» subis par cet usage. Il n'en demeure pas moins vrai que la toga reste le symbole des femmes légères, par opposition à la stola des femmes de bonnes mœurs (cf. Horace, Sat. I, 2, ν. 96-100 qui parle de vallo circumdata à propos de ce que protège la stola, cf. aussi v. 36-71, par opposition à ce que laisse entrevoir la toga des courtisanes (v. 63-82); on pourrait de même remarquer que les vittae portées par les matrones (cf. Gagé, op. cit., p. 167) sont «usurpées» peu à peu par des affranchies, si nous en jugeons d'après les reliefs que nous avons présentés.
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/a233, dit l'une; Ille illam mereto missit et vestem dédit234 dit plus prudemment une autre, ins inuant cependant qu'il s'agit du vêtement des ingénues. Ce souci d'assimilation est surtout net quand l'on compare le style de ces épitaphes en vers, célébrant, parfois maladroitement, les mérites de ces couples ou de ces femmes, à ce que l'on a appelé la Laudatio Turiae, qui date de la deuxiè me moitié du premier siècle avant JésusChrist235. L'on trouve236 l'énoncé des vertus de la défunte, après le rappel de la durée exceptionn elle de son mariage : rara sunt tam diuturna matrimonia finita morte, non divertio interrupta; nom contigli nobis ut ad annum XXXXI sine offense perduceretur237 , domestica bona pudicitiae, obsequi, comitatis, facilitatis lanificiis tuis23S, cetera innumerabilia habueris communia cum omnibus/ matronis dignam famam colentibus239. Ces vertus font écho à celles qui sont ment ionnées sur les épitaphes de nos affranchies, 233 CIL, P, 1570 = ILLRP, 977. 234 C7L, I2, 1216 = VI, 14.338. Staerman, Blütezeit, p. 153 prend la citation dans un sens littéral, ce qui la dénature, et fait du mort, L. Caninius Labeo, le donateur de ce vêtement (de liberté)! Et elle met cette expression en rapport avec une phrase de L'Epidicus de Plaute (v. 725-7), où le maître doit promettre à son esclave, outre la liberté, la nourriture : Periphanes: libertatem Epidicus: at postea? / Novo liberto opus est quod pappet Periphanes : Dabitur, praebebo cibum. Cf. Macrobe, Sat., I, VI, 13 à propos d'un Sénatus-Consulte, pris durant la deuxième Guerre Punique, et ordonnant de faire, au Capitole, des prières publiques aux Dieux : Lectisterniumque ex collato stipe faciendum, ita ut libertinae quoque quae larga veste uterentur in earn rem pecuniam subministrarent. Sur les tresses des matrones chez les affranchies, voir Plaute, Mostellaria, v. 226. 235 On peut se reporter à l'édition de Durry, CUF, 1950, et particulièrement les commentaires p. XXXVIII-XXXIX sur les laudationes épigraphiques et p. XLII-XLIII sur la défini tiondes bona domestica qui répondent aux honores des hommes. Il faut voir que les sentiments exprimés sur les épitaphes ont d'autant plus de chances d'être véritables que les unions, en majorité illégitimes, ont duré, alors que les partenaires auraient pu se séparer sans difficulté. D'autre part, la formul ation, le vocabulaire utilisé, etc. . . révèlent bien un désir d'assimilation. 236 Aux § 27-36. 2" § 27. 238 § 30. 239 § 33-4 et le commentaire de Durry, p. 38-39.
datées, la plupart du temps, du premier siècle aussi. Ainsi donc, ces affranchies essaient d'imiter les vraies matrones: la Syra de Plaute, une affranchie, le déclare à la jeune Sélénie, fille de son amie la plus chère, parlant des matrones des grandes familles : si idem istud nos faciamus «si idem imitemur», item tarnen vix vivimus/ «cum invidia summa. . .»24°. Ce qui résume à la fois les aspirations mais aussi les limites auxquelles se heurtaient ces efforts d'honorabilité241. Notons cependant que, si les affranchies ne peuvent figurer parmi les matrones, l'usage peu à peu les a admises au rang des maires- familias, en vertu de critères non plus juridiques ou sociaux, mais moraux242. La définition d'Ulpien, déjà partiellement citée243, traduit bien le point 240 Cistellaria, v. 27-8. WCIL, VI, 1357 honeste. Ep., 1972, p. 93-5 n°3 in hono rem. 242 Dune part, elles sont en principe exclues des rites de passage qui accompagnent l'entrée de la fillette dans le rang des jeunes filles (cf. Gagé, op. cit., p. 10). D'autre part, les cultes matronaux par excellence leur sont interdits : ainsi celui de Matuta (ibid., p. 41), les Matralia (ibid., p. 13-14, 67,225), avec leur rite d'exclusion symbolique de la servante (les affranchies n'étant qu'exceptionnellement admises à par tager le repas des matrones), le culte de Juno qui garde un caractère aristocratique (ibid., p. 64 - p. 120). Le culte de Juno Caprotina, réservé aux ancillae et affranchies (qui, exception nellement, aux temps anciens pouvaient porter la stola) peut apparaître comme une carricature du culte aristocratique de Junon (ibid., p. 17-18). Il est à noter qu'à l'occasion de la deuxième Guerre Punique, les affranchies (exclues du versement de Yaurum matronarum en 395, lors de la prise de Veies ou, peu après, lors de l'invasion gauloise) ont été associées au versement de l'or (ibid., p. 184-195): dans un moment exceptionnel, afin de cimenter l'unité nationale, le Sénat a donc provisoirement aboli cette coupure (en même temps qu'il concédait aux libertinae le port de la longue tunique, cf. notre note 234). Il reste que les affranchies, même si elles récupèrent un peu de la signification sociale du terme matrona, sont exclues de la participation à un ordo matronarum dont l'entrée est réservée aux ingénues ayant subi une initiation (cf. ibid., p. 99-10-1 18-126/7 cf. aussi Staerman, Blütezeit, p. 232-3). 243 Au sens strict, le terme materfamilias est réservé, à l'origine, à la femme qui par la conventio in manutn est intégrée au culte familial. C'est ce qu'indique un texte d'A. Gelle (M Att., XVIII, 6, 9) : Matrem familias appellatam esse earn solam, quae in mariti manu . . esset, quoniam in matrimonium tantum, sed in familiam quoque mariti . . . venisset, cita tion qui doit faire allusion à une situation dépassée à l'épo quede l'auteur (cf. Gaius, I, 1 1 1 / cf. Non. Marc, 709 / Serv. Ad Aen., 11,476). Ce sens est confirmé par Cicéron, qui .
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LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES d'aboutissement de cette évolution : matremfamilias accipere debemus eau quae «non inhoneste vixit» : matrem enim jamilias a ceteris feminis «mores» discernant atque séparant, proinde nihil intererit nupta sit an vidua, ingenua sit an liberti na.Nam neque nuptiae neque natales faciunt matremfamilias, sed «boni mores». C'est ce que P. Syrus exprimait nettement en opposant la lasciva à la vertu, la facilité des sens à la rigueur morale digne d'éloge : Lascivia et laus numquam habent concordiam (338). Il reste que ces couples dont nous avons parlé essaient de se situer dans un certain climat moral. Ils professent même un certain confor misme qui est celui de parvenus (parvenus à la liberté) et font leurs les valeurs d'une société à laquelle ils sont plus étroitement associés depuis leur libération. Et entre les deux pudicitiae, plé béienne et aristocratique qui, anciennement, exprimaient les valeurs des ingénus et les con tre-valeurs des milieux populaires voire servil es244, une certaine convergence semble bien s'être opérée. 2 - L'ÉLARGISSEMENT DU CERCLE FAMILIAL «L'affranchi, ancien esclave n'a pas de famille civi le,pas d'ascendants, pas de frères ni de sœurs au sens juridique : la seule parenté, ce sont les enfants placés sous sa propre puissance. S'il n'en a pas, il n'a aucune famille légale. D'autre part, le patron joue envers l'affranchi le rôle d'un père : il a appelé l'ancien escla veà la vie civile en lui donnant la liberté; quand l'affranchi n'a pas eu d'enfant, le patron et sa famille constituent la seule famille de l'affranchi».
oppose la materfamilias, qui constitue l'uxor par excellence, aux autres uxores non mariées selon la procédure in manu (Top. III, 14), Genus est uxor : eius duae formae : una matrumfamilias; eae sunt quae in manum convenerunt; altera earum quae tantum modo uxores habentur. Sur cette question, cf. J. Gaudemet, La femme dans L'Emp ireRomain, dans Ree. Sté J. Bodin, La femme, II, 1959, p. 206 et bibliographie. A l'époque d'Ulpien (D. 50, 16, 46,1), ces précisions se sont bien estompées. Notons cependant que la Lex lidia et la Lex Papia privaient d'une partie de ses droits le patron ayant épousé une ignominiosa libertà, sans que, cependant, le mariage ait été tenu pour totalement nul, au plan juridique. 244 Cf. Gagé, op. cit., p. 116/122 et 147-153. Cf. Cosentini, Studi, I, p. 57.
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C'est ainsi que R. Besnier, rappelant les don nées couramment admises, situe de façon saisis sante le problème de l'existence d'une famille propre aux affranchis, dépassant le cadre du seul couple245. Mais nous devons nous demander si elle embrasse tous les aspects touchant à la création de familles d'affranchis: en particulier ceux-ci ne manifestent-ils pas une volonté de revendiquer malgré tout une certaine ascendanc e246? Et d'autre part, le rôle du patron et de sa propre famille ne s'excerce-t-il que dans les cas où l'affranchi ne s'est pas donné de descendance légitime? a) Les affranchis et leur descendance C'est un lieu commun de dire que pour les Romains, le but de toute union est la procréat ion, surtout lorsqu'il s'agit d'un mariage légiti me247. L'élément religieux, la perpétuation de la famille et de son culte sont bien sûr mêlés248, et c'est sans doute une des raisons pour lesquelles le mariage était soumis à des conditions juridi questrès précises249. Or, on retrouve un désir semblable de perpé tuation au niveau des esclaves. Ainsi, dans la Casina de Plaute, Lysidamus, s'adressant à son épouse Cléostrate, lui dit, à propos de son escla ve Casina : Super ancilla Casina, ut detur nuptum nostro vilico/ servi frugi, atque ubi UH bene sit Ugno atque calida cibo/ vestimentis, ubique educai «pueros quos pariât» (sibi)250, ce qui nous montre bien que même dans le cas d'union serviles la procréation (ici sans doute dans un but écono-
245 Le règlement des successions des affranchis, d'après les lois caducaires, dans St. Cl, VII, 1965, p. 55-65 (p. 57). 246 Cf. par exemple, Barrow, Slavery, p. 153 et n. 1. Westerman, Slave Systems, p. 81 et n. 82. Spranger, Untersuchungen, p. 617-8 surtout. 247 Cf. Benveniste, Vocabulaire, I, p. 324-5, à propos du sens du mot liberi et sur le fait que la fille était donnée en mariage par son père liber(o)rum quaesundum causa «gratia». Il reprend les idées exprimées dans son article Liber et liberi, REL, XIV (1936), p. 5 1/8. 248 Cf. Tite Live, XLV, 40 7, sacrorum familiaeque; Plut, Cat. Ma]., 24 «Je souhaite seulement laisser derrière moi davanta ge de fils de ma race et devantage de citoyens pour servir l'Etat ... ». 249 Plut., Cat Maf., XVI. 250 Vers 254-8, cf. Staerman, Blütezeit, p. 86 et p. 210.
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mique) était considérée comme normale. Dans la même pièce, Lysidamus, parlant à l'esclave Chalinus, met en balance les avantages de la liberté que, célibataire, il pourrait connaître et l'esclava ge qu'en tant qu'homme «marié» il subirait encore : Sed ut mm mine te caeliben te esse mavis liberum/ An maritum servum aetatem degere et gnatos tuos?251. Mais, à en croire Treggiari, ce même désir d'avoir des enfants ne serait pas partagé par les affranchis. En effet, cet auteur, dans le chapitre qu'elle consacre à la vie familiale de ces der niers, s'étonne du faible nombre d'enfants attes té (en particulier par les inscriptions) dans les familles d'affranchis, et elle essaie d'expliquer ce fait démographique par trois arguments : - les affranchissements tardifs auraient rac courci ou même rendu nulle la période de pro création possible; - la mortalité infantile aurait été importante; - les affranchies auraient été «subfertiles» et la contraception aurait sévi parmi les couples d'affranchis252. Or, ces arguments nous semblent spécieux, même si, à l'occasion, ils ont reçu l'appui de certaines autorités. Tout d'abord, il faut dire, mais ce n'est pas une critique en soi, que l'opinion soutenue par notre auteur va à l'encontre de la thèse défen duedès la fin du siècle dernier par des auteurs comme H. Lemonnier253, qui ont insisté sur les possibilités que l'affranchissement offre à l'an cien esclave en matière familiale, en particulier celle de constituer une famille pleine au sens juridique. La véritable famille de l'affranchi ne commence, juridiquement, qu'après la manumiss ion, c'est alors qu'il devient un véritable époux et un véritable père254. Mais, surtout, il nous semble que plusieurs faits contredisent les affirmations de Treggiari. - Il est vrai qu'on ne peut manquer d'être frappé par le petit nombre d'enfants indiqués à propos d'unions où sont engagés des affranchis
251 V. 289-291. 252 Voir Treggiari, Freedmen, p. 214-215 et aussi p. 35. 253 Condition privée, p. 185-6. 254 Ibid., p. 198.
(du reste nous avons peu d'indications sur ce point puisqu'au total les sources épigraphiques nous renseignent sur à peine une quarantaine de cas). Deux enfants sont une exception, semblet-il, pour un couple, et peu de cas peuvent être présentés255. Il convient de noter cependant qu'une inscription de Superaequum est dédiée à une affranchie par ses feilet256, et une autre, d'Epire257, à un couple d'affranchis par feilt sui. Mais en dehors de ces indications exceptionnell es, les autres exemples que nous avons pu rele ver concernent un seul enfant qualifié parfois d'unique, ainsi dans une inscription de l'ager Trebulantts : matrem non licitum ess[e uni]ca gnata fniei2Ss. Peut-on conclure de ce cas une inter prétation aussi excessive que celle relevée plus haut?
2" CIL, F, 1570 = X, 6009 = ILLRP, 977 de Minturnae - CIL, VI, 9411 - CIL, VI, 38.824 - CIL, F, 3010 = VI, 17204 (trois enfants?). Notons que dans CIL, F, 3197 (=£p. 30, 1968, p. 127 n. 2 = AE, 1968, 142 de Bénévent) en hexamètres laborieux, est exaltée la vertu de l'affranchie, Pomponia Eleusis : [Se]x Sibi Promeisit Simili Vir/tu {te) et Amore qum [GJemitu (Rufi) /Rufi Nomine, ut est Helenus /', avant la mort de leur mère, six enfants auraient péri, Helenus seul resta. Un autre indice de fécondité peut encore être trouvé dans l'inscription CIL, VI, 10329 (cf. 33969) où 6 + 2 ollae sont attribuées au même affranchi. Enfin, un document provenant de Capoue {CIL, F, 1583 = X 3817 = F, p. 200) et représentant un personnage féminin assis tenant six enfants mérite examen : cette sculpture qu'A. Adriani {Cataloghi illustrati del Museo Campano, I, Sculp turein tufo, Alexandrie, 1939 pl.A.5 et p. 19/25) date du premier siècle avant Jésus-Christ (époque de Sylla), doit représenter sans doute une déesse de la fécondité, peut-être Damia. Heurgon, Recherches, p. 336 parle de sculpture «sans âge» - II exclut (p. 365) Damia au même titre que Ceres ou Fortuna et pense plutôt à Iuno Lucina, .en rapport avec Iuno Gaura. On pourrait donc voir là l'offrande faite, après réalisation de son vœu de maternité, par une femme; celle-ci serait une affranchie, à en croire le CIL, qui lit ainsi l'inscription Quarta Confleia / M(arci) L(iberta) V(otum) S(olvit). Mais on a en réalité Quarta Confleia / VSML. Faut-il lire alors, comme Adriani : V(otum) S(olvit) M(erito) Lfibens)? Aucun argument ne permet de trancher. Heurgon, Recherches, p. 335 semble comprend VSML comme une simple formule dédicatoire. Mais puisque sur une sculpture du même groupe, la dedicant e [Se]q[unda] Solania L. F. indique son statut, dans le cas de notre inscription, il pourrait bien s'agir d'une affranchie - et donc cette pièce serait à ajouter dans l'ensemble des argu ments nuançant le pessimisme de Treggiari. "6 CIL, F, 1799 = 1LLRP, 923. 257 CIL, F, 795 = III, 582 = 1LLRP, 307. 258 CIL, F, 1837 = IX, 4933 = ILLRP, 971 (v.3).
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES Remarquons que tous les auteurs qui ont essayé d'étudier les problèmes de natalité à Rome, d'après les inscriptions funéraires, et même au Haut Empire, ont abouti à des conclu sionsdécevantes. Ainsi G. Bouivert259 relève une proportion écrasante de familles d'esclaves ou affranchis impériaux indiquant un seul enfant, les familles de trois enfants ou plus étant tout à fait exceptionnelles. Par ailleurs, K. Hopkins260 a bien montré que les décès d'enfants mort en bas âge n'apparaissent pratiquement pas sur les épitaphes, et que nous ne pouvons savoir si les éléments de familles que nous rencontrons sont «achevés» ou non. Sans vouloir entrer dans une étude purement démographique, on peut signa lerque ce lieu commun d'une sous-fécondité due à des raisons telles que la contraception, même si celle-ci a pu jouer aussi parmi les affranchis, ne peut être prouvé et donc ne doit pas jouer dans une argumentation. Pour ne rien dire, bien sûr de la «subfertilité» des affran chies: le statut juridique aurait-il un rôle à jouer dans la détermination des aptitudes à procréer? - De même, l'argument portant sur l'âge au mariage tardif, en raison d'affranchissements placés vers la fin de la vie, ne nous paraît pas totalement convaincant. D'une part, même si, nous l'avons vu, il est intéressant de pouvoir comparer les naissances survenues avant et après affranchissement des parents, nous savons que beaucoup de familles d'affranchis sont en fait le prolongement d'an ciens couples d'esclaves qui ont commencé à procréer très tôt. On peut citer le cas de Syrus, esclave de Milcio, qui ayant reçu sa liberté, demande aussi celle de sa compagne qui : Et quidem tuo nepoti huius filio/Hodie prima mammam dédit haec2(sX, ce qui est l'indication que l'union de ces deux esclaves (devenus par la suite libres) a été féconde, et nombre des enfants indiqués sur les tableaux que nous avons déjà donnés sont des enfants nés avant l'affra nchissement, au moins de leur mère. Sont-ils pour cela exclus du cercle familial?
259 Domestique et Fonctionnaire, p. 321/2 et n. 297. 260 On the probable age structure of the Roman population, dans Population Studies, nov. 1966, p. 245-264. 261 Terent., Adelphi, v. 974-5.
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D'autre part, même si l'on ne tient compte que des enfants nés après affranchissement, il n'est pas du tout sûr que celui-ci ait eu lieu, en règle générale, tardivement, les indications four nies par nos sources nous invitent à le penser. Déjà la loi des XII Tables stipulait que la tutelle des affranchies, mais aussi celle des affranchis impubères revenait de droit aux patrons et à leurs fils, ainsi que Gaius nous l'indique (/, 165) : Ex eadem lege XII Tabularum libertarum et «im· puberum libertorum» tutela ad patronos liberosque eorum pertinet. Si nous exceptons le cas de toutes les courti sanes qui, dans les pièces de Plaute ou Térence ont été affranchies alors qu'elles étaient dans leur pleine jeunesse, ou celui des jeunes vierges de naissance libre, tombées malheureusement en esclavage et que l'on est sur le point d'affran chir au moment où survient le dénouement de ces mêmes pièces262, les exemples d'affranchiss ements précoces ou portant sur des individus encore jeunes abondent : Térence lui-même, nous le savons, fut affranchi jeune263, tout com me, à coup sûr Fecennia Hispala qui, selon Tite Live, avait commencé son métier de courti sanetrès tôt et l'avait continué après son affra nchissement {cui ancillula assuerat, etiam post· quam manumissa erat)264. A propos de l'époque de le deuxième Guerre Punique, Tite Live fait allusion à des affranchissements d'esclaves enco re vigoureux {octo milia juvenum validorum ex servitiis) au lendemain de Cannes265. Peu de temps auparavant, une des conditions imposées aux affranchis s'engageant volontairement, après Trasimène, fut d'avoir atteint l'âge requis pour le service : c'est donc que certains affranchis n'avaient pas encore atteint cet âge et avaient été libérés très tôt266.
262 Cf. aussi l'infatigable Phryne (Horat., Epod., 14, v. 15-16, nec uno contenta), ou l'ardente Myrtalis (Horat., Od., I, XXXIII, v. 15-16). 263 Suét., Vita Terent., V. 2M XXXIX, 12. 265 XXII, 56, 11-12. 266 Tite Live, XXII, 11, 8. Sur les enrôlements d'affranchis dans les légions et dans la marine, cf. Tite Live XXXVI, 2, 15 - XL, 18, 7 - XLII, 27, 3 - XLIII, 12,19 - Suét., Aug. XXI Cass. Dio, LUI, 25,4. Dans tous les cas, il devait s'agir d'indivi dus en pleine force de l'âge (cf. Treggiari, Freedmen, p. 67-8).
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On peut citer, surtout au premier siècle, les cas de Flora, compagne de Pompeius Demetrius267, de Pompeia Auge268, de Pompeius Demetrius lui-même269, et des affranchis de Pompée en général270. On peut pen ser aussi aux Corneliani, choisis parmi les esclaves jeunes et forts des proscrits271 ou même, peut-être de Marius272. Cicéron qualifie L. Cornelius Chrysogonus d'adulescens273. Parmi les affranchis de l'entourage du célèbre orateur, il en est qui ont dû être libérés précocement: c'est le cas sans doute de Tiro274, d'Alexis, l'affranchi d'Atticus, et le pendant de Tiro (humanissimum puerum, nisi forte. . . adulescens factus est dit de lui Cicéron en décembre 50 avant JésusChrist)275. C'est aussi le cas d'Antipho, acteur que celui-ci écouta en août 54 avant Jésus-Christ, et qui fut affranchi avant même d'avoir joué : il devait être très jeune puisqu'il jouait le personnage d'Andromaque et que Cicéron souligne son «faible organe»276. C'est le cas encore de Q. Tullius Philologue, affranchi du frère de Cicéron, adolescent277 ou de Publilius Syrus (cum puer ad patronum domini esse adductus. . ., dit Macrobe)278, compositeur de mimes et donné à tort comme affranchi de la seconde femme de Cicéron279. On peut citer encore Antonius Gnipho, le célèbre grammairien, affanchi par son père nourricier280. 267 Plut., Pomp., IL 268 Affranchie de Pompeius Demetrius. 269 Dont Plutarque (Pomp., XL, I.) nous dit qu'il était un jeune homme. 270 Ainsi, Menodorus, Menecrates, Tyrannio, dont la pério ded'esclavage a dû être courte après leur capture par Pompée, leur jeunesse étant aussi prouvée par le fait qu'ils ont été particulièrement actifs sous le commandement des fils de Pompée (cf. les remarques de Treggiari, Freedmen, p. 188). 271 Appien, Bell. Civ., I, 100. 272 Cf. Gabba à propos de Appien, Bell. Civ., I, 100. Et les Bardyaei, levés par Marius lui-même devaient être des indivi dusvigoureux (cf. Staerman, Blütezeit, p. 247 Sartori, Cinna, p. 159-160). 273 Pro Roseto Amer., 6 (Dans Plaute, Menaechm., v. 1025, Menaechmus I, parlant à Messenio, qui le confond avec son maître et lui demande de l'affranchir, lui dit : Adulescens, erras). 274 Cic, Phil, VIII, 11, cf. Ad Att., VI, 7, 2 et VIII, 2, 3,: Adulescens. Cf. Treggiari, Freedmen, p. 259-260 (qui s'oppose à juste titre, à Groebe, dans RE, VIII, A, 2, 1319 (Tiro). Mac Dermott, Cicero & Tiro, p. 264/5 conclut qu'il fut affranchi in his twenties. 275 Ad Att., VII, 7, 7. 276 Ad Att., IV, 15,6. 277 Plut., Cic, XLVIII, 2. 278 Sat., II, 7, 6, cf. II, 7, 7. 279 Cf. Skutsch, dans RE, XXIII, 2, col. 1920. 280Suet. Gramm., 7. Cf. Watson, Persons, p. 171. Ce fut peut-être le cas de Lutatius Daphnis affranchi par testament
A ces données littéraires, on peut ajouter des indications fournies par l'épigraphie concernant Eucharis, morte à quatorze ans (virgo vixit an(nos) XHH)UX, d'Optatus mort à six ans et huit mois282, de Suplicia Q. L, morte à sept ans283, de C. Pagurius G. 1. Gelos, mort en bas âge lui aussi (ossa parvae aetatulae)284. Ces trois derniers exemples sont sans doute ceux d'enfants nés avant affranchissement de la mère, mais qui ont dû être rachetés et affranchis, soit par leur père, soit par leur mère après ou au moment de leur propre affranchissement. Il faut citer aussi Larcia P. C. 1. Horea, morte à vingt ans et sans doute afranchie pour être mariée au fils de la maison, lui-même fils d'affranchis285, et Carfinia M. L, décédée à vingt ans elle aussi286. Il faut aussi tenir compte des indications fournies par certaines sculptures, comme celle qui représente un buste d'homme et un buste d'enfant, alors que les noms figurant sur l'in scription sont ceux d'affranchis287. en 87 par Lutatius Catulus qui, l'année précédente, l'avait acheté à M. Scaurus (cf. Suet., Gramm; 3 - Plin. NH, VII, 128). Sur ce point, cf. M. Bardon, Q. Lutatius Catulus et son cercle littéraire, dans LEC, 18, 1950, p. 151-2. 2SiCIL, I2, 1214 = VI, 10096 = ILS, 5215 = ILLRP, 803. Cf. aussi la fille d'un affranchi de Quinctius Rancius vix quam es set bis decem anneis nata : CIL, I2, 1215 = VI, 25369. On peut ajouter aussi CIL, F, 1416 = VI, 5263, où un affranchi semble être mort très jeune, du moins si l'on lit V(ixit a(nnos) V. Il y a une difficulté en ce qui concerne l'âge de [P. Cornel ius P. 1. Surus mentionné dans AE, 1968, n° 33, et qui serait mort à 9 ans, alors qu'il aurait exercé des fonctions officielles [nom ejnclator, praeco etc. . . L'indication de l'âge est bien sûr corrompue. 282 CIL, I2, 1223 = VI, 23551 = X, 6620. 283C/L, F, 1390 = VI, 26947. 284C/L, I2, 2161 = V, 6808. 285 C7L, I2, 1570 = X, 6009 = ILLRP, 977, a pupula annos veiginti ... 2**CIL, F, 1270 = VI, 14397 = ILLRP, 980. D'autres exemples d'affranchissement relativement précoces peuvent être four nispar CIL, VI, 9618 (17 ans), CIL, X, 6028 (25 ans), XIV, 2485 (20 ans). Il ne faut sans doute pas prendre à la lettre la boutade de Cicéron (Phil., VIII, 11, 32) et croire que six ans suffisaient à un esclave pour se racheter. Inversement, Alfenus Varus prend position au sujet de l'affranchissement d'un très jeune esclave par un fils de famille servulum . . . manumisit (D. 40,1,7 - Alf. Varus 1. 7 Dig.). De même, dans une sentence prêtée à Trebatius est-il question d'un fils qualifié de pupillus libertinus (D. 28.8.11 Iavolen. 4 ex post Labeonis). 287C/L, F, 1598 = X, 4265.
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES Certes, il ne faut pas tirer des conclusions trop hâtives de ces renseignements ne serait-ce que parce que nous avons, inversement, quelques indices d'a f ranchis ements tardifs. Tityrus, le berger de Virgile, dit, dans la première Buccolique: Liberias, quae sera tarnen respexit incertem/ candidior postquam tondenti barba cadebat; respexit tarnen et longo post tempore venit/2ss\ et Meliboeus, s'adressant à son compagnon s'écrie : Fortunate senex. . .289. De même, l'on trouve, dans Horace290, l'histoire d'un vieil affranchi (qui cependant aurait pu être affranchi depuis longtemps) un peu fou (Libertinus erat, qui circum compita siccus/ Lautis mane senex manibus currebat. . .). Mais ce ne sont là que des renseignements isolés, et fournis par des poètes. D'autre part, il faut bien penser que si la Lex Aelia Sentia a, dans un but limitatif, fixé à trente ans l'âge légal auquel un esclave pouvait être régulièrement affranchi, c'est qu'auparavant, l'âge normal devait être, dans la pratique, plus bas291, et d'ail leurs cette loi a prévu des exceptions à cette règle. La limite de trente ans ne vaut que pour les affranchis candidats à la citoyenneté romain e. Même si les iustae causae manumissionis, ne jouent pas, l'affranchi libéré avant ses trente ans n'est pas replacé en esclavage, mais simplement cantonné dans le droit latin292, contrairement à certaines restitutions proposées pour le passage d'Ulpien commentant ce point293. Donc les affranchis ont pu être libérés dans bien des cas à un âge leur permettant de pro créer, contrairement aux assertions de S. Treggiari294.
288 V- 27-29. 289 V. 46. 290 Sat., II, 3, ν. 281-2. Cf. aussi, sur certaines épitaphes, l'indication d'âge au décès assez tardif (ce qui n'implique pas automatiquement que l'affranchissement ait eu lieu à un âge avancé) : CIL, F, 1221 = VI, 9499 = ILLRP, 793, 40 ans. CIL, P, 1327 = VI, 21309, 55 ans. (CIL, VI, 11357) 56 ans. 60 ans (CI Etr. 5806). Cf. aussi un esclave de 84 ans dans Plaute, Mercat. 666. On peut noter que par ailleurs sur plusieurs reliefs signalés plus haut, les affranchis figurés, surtout les hommes, présentent des traits marqués. Mais ceci doit tenir à une convention, elle-même due à la recherche d'une certaine respectabilité liée, dans l'opinion commune, à l'âge. 291 Gaius, I, 16-18. 292 Gaius, I, 29-30. 293 D 2, 12, Ulp., ad legem. 294 On peut d'ailleurs relever deux cas où les défuntes sont mortes vierges (CIL, I2, 1213 et, surtout, CIL, P, 1214, déjà citée, où la morte avait 14 ans), cette mention laissant suppo-
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- A ces arguments d'ordre démographiq ue295, on doit ajouter des considérations tenant à place que les enfants pouvaient occuper pour des affranchis. La douleur des parents à la mort de leurs enfants, garçons ou filles, éclate librement sur les épitaphes : (crudelis) mors eripuit sueis parentibus296, edunt sibei esse talem ereptam filiam/pater mei et genetrix german a297,et titulum nostrum perlege/ amor parenteis quern dédit natae suae29*, reliqui fletum nata genitori meo/et antecessi, genita post, leti diem299, queror fortunae cassum tam iniquom300, matrem non licitur ess(e uni)ca grata fruei301, (c)um ad mortem matris (de gremio raptor)/ manibus carus fui vivos cari(ssimus UH)302, iam ser que l'état de «mariage» (sans donner à ce mot une quelconque signification juridique) était réalisé à un âge assez jeune. Parmi les femmes mortes à un âge relativement bas, il faut citer le cas de la fille d'un affranchi de Quinctius Rancius, sans doute affranchie elle aussi, morte à 20 ans et ayant eu deux enfants nam quod concepii leiberum semen duplex (cf. n. 245). De même Larcia Horea, morte aussi à 20 ans, était mariée (cf. n. 249). 295 RE, Liast, La manumission des esclaves artisans au pre mier siècle avant notre ère, dans VDI, CIV, 1963, 1, p. 99-114 (p. 111), affirme qu'à la fin de la République, la plupart des affranchis, dans l'artisanat, auraient été libérés très tard, en avançant comme argument les mesures prises, à l'époque augustéenne, par les lois Fufia Caninia (contre la manumissio ex testamento) et Aelia Sentia (contre les affranchissement d'esclaves de moins de trente ans). Ces arguments sont trop généraux pour concerner les seuls artisans et l'auteur luimême fait remarquer, par ailleurs, que beaucoup (ceci n'étant nullement prouvé) de petits patrons d'ateliers auraient libéré leurs esclaves pour profiter des frumentationes (mais ni Denys D'Halicarnasse - IV, 24 - ni Dion Cassius - XXXIX, 24 - n'indiquent que ce motif d'affranchissement ait été réservé à cette seule catégorie de petits artisans patrons). Il faut sans doute tenir compte, aussi, du type de libération et d'habitudes locales. Ainsi, les affranchissements informels devaient-ils concerner des individus plus jeunes. Les affranchissement par testament pouvaient concerner, en moyenne, des individus plus âgés. Par ailleurs, il semble qu'en Etrurie, à en juger d'après les inscriptions de Volterra, datées du début du second au milieu du premier siècle, les libérations d'esclaves aient été relativement précoces (cf. Heurgon, Vie Quotidienne, p. 44). M6CIL, P, 1215a = VI, 25369, 1,8 (on peut trouver un écho de cette douleur, ainsi qu'une protestation contre l'infantici de, dans P. Syrus, 123, Crudelis est non fortis qui infantem necat). 297 CYL, P, 1215b, 1. 1-2. 298 CIL, P, 1214 = VI, 10096 = /LS, 5213, = ILLRP, 803, v.4-5. 299 Ibid., ν. 18-19. 300 CIL, P, 2161 = V, 6808. 1.6. 301 CIL P, 1387 = IX, 4933 = ILLRP, 971, 1.3. ™CIL, P, 1223 = X, 6620 = VI, 23551, 1. 10/11.
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frustra mea mater (desine fletu)/te miseram totos exagitare die(s)303. On comprend mieux cette douleur ainsi que ce pouvait représenter un enfant pour un affranc hi304, surtout s'il s'agissait d'un garçon, et à plus forte raison ingénu305, lorsqu'on se rappelle ce qu'Horace lui-même nous dit de l'attitude de son père envers lui, d'un père reportant sur ce fils né après affranchiss ement toutes ses ambitions et lui faisant donner une éducation digne de celle que recevaient les fils de bonnes familles sed puerum est ausus Roman portare docendum/ Artis quos doceat quivis eques atque senator/semet prognatos306. Horace d'ailleurs insiste sur l'aspect moral de l'éducation paternelle insuevit pater optimus hoc me, ut «fugerem exemplis vitiorum quaeque notando»307. (Mais les notae de ce censeur ne semblent pas avoir empêché Horace d'avoir bénéficié de la présence d'une nourrice308 et d'avoir eu le loisir de jouer, ce qui ne pouvait être le. privilège que des fils d'hommes libres et non de ceux d'esclaves). Cette «saine éducation» reçue par ce fils d'affranchi s'oppo se d'ailleurs à l'immoralité de celle qui était dispensée dès la deuxième moitié du second siècle aux fils de l'aristocratie romaine, ainsi qu'un fameux discours de Scipion, daté de 129 avant Jésus-Christ, et rapporté par Macrobe (Sat., I, XIV, 6) nous l'apprend. - Enfin, n'oublions pas que le fait d'avoir des enfants légitimes conférait aux affranchis des avantages et un prestige social certain309. Ainsi, au lendemain de Trasimène, quand la crise des effectifs et la multiplication des tâches militaires conduisit à l'enrôlement des affranchis volontaires, la condition imposée à cet engage ment était, outre d'avoir l'âge requis, nous ™Ibid.,v. 13/14. 304 Sur la notion de liberi signifiant les enfants nés en liberté, cf. Gaius, I, 68. 305 Remarquable est, de ce point de vue, l'inscription CIL, VI, 38824 où, après la mention du père, C. Romilius C. L. Antiochus, est mentionné le fils légitime, mort à l'âge de 13 ans et dont l'éclat de la jeune vie comme la peine qu'il laisse à ses parents sont célébrés = QRomilius C. f. luncus A(nnorum) XII/Hic situst quom maxu/me florebat, reliquit/ Parentibus luctum. Alors que la mère et un personnage qui peut être le fils aîné, né dans l'esclavage puis affranchi, sont mentionés seu lement in fine - (et en lettres plus petites!). 306 Sat., I, 6, v. 76-78. 307 Ibid., ν. 105-106. 308 Od., Ill, IV, ν. 9-11. 309 Sur les avantages concédés, en vertu de la Loi des XII Tables, aux affranchis mariés, en matière de testaments, cf. Gaius, III, 39. Inversement, cette même Loi confiait au patron tout l'héritage civil de l'affranchi mort intestat, sans enfant légitime (cf. aussi Lambert, Operae, p. 253).
l'avons vu, d'être père de famille310 : Magna vis hominum conscripta Romae erat; libertini edam quibus liberi essent et aetas militaris, in verba iuraverant, ce qui dénotait une meilleure consi dération accordée aux affranchis ayant donné naissance à des hommes libres, à de futurs citoyens. Lorsqu'entre 189 et 169 on donna l'autorisa tion aux affranchis d'entrer dans les tribus rusti ques, une des conditions requises fut d'avoir un fils légitime de plus de cinq ans311. Nous savons par ailleurs que César dans sa politique de colo nisation a donné le pas aux pères de trois enfants312 : on peut émettre l'hypothèse qu'à Urso, Carthage, mais surtout à Corinthe, les affranchis pères de famille qui ont été installés devaient être normalement en puissance d'en fants313. De même, à l'époque augustéenne, la loi lidia Papia permettait d'une part à l'affranchi père de trois enfants d'évincer le patron de son hérita ge314et à l'affranchie mère de quatre enfants de s'émanciper de la tutelle patronale315. Quant à la Lex Iulia de Maritandis ordinibus, elle dispense des operae l'affranchi ayant deux enfants sous sa puissance paternelle316. "°XXII, 11,8 (Tite Live). 311 Tite Live, XLV, 15, 1. 312 Cf. Suét., Caes., XX, 3 - Appien, BC, II, 10 - Dio Cass., XXXVIII, I, 3. 313 Cf. Brunt, Manpower, p. 255-9. 314 Gaius, III, 42: Si très reûnquebat, repellitur patronus. 315 Gaius, III, 44 : Sed postea lex Papia cum quattuor liberorum iure libertinas tutela patronorum liberaret . . . Sur tous ces problèmes, mise au point de Besnier, art. cit., p. 59-60 particu lièrement. Voir aussi, Michel, Gratuité, p. 488 § 794c. On peut retenir, en outre, qu'en vertu de la Loi Papia Poppea, la patronne affranchie ayant trois enfants a droit à la bonorum possessio dimidiae partis dans tous les cas où l'édit l'accorde au patron lui-même (cf. Gaius, III, 50). Mais pour apprécier ces concessions à leur juste valeur, il faut répéter que les conditions sont plus difficiles à remplir dans le cas des patronnes affranchies que dans celui des ingénues, puisque, pour reprendre le dernier exemple cité, la patronne ingénue n'a besoin d'avoir eu que deux enfants. 316 Pour toutes ces raisons, les affranchis n'ont pas dû, moins que d'autres, rechercher ces praemia patrum confusé mentdéfinis et auxquels A. Gelle fait allusion (N. AU., V, 19, 15). Sur les avantages concédés par la Lex Iulia de maritandis aux affranchis pères de deux liberi, cf. le texte de Paul (D, XXXVIII, 1, f. 37) Qui libertinus duos pluresve a se genitos natosve in sua potestate habebit . . . ne quis eorum operas, doni, muneri aliudve quicquam libertatis causa patrono, dare, facere, praestare debeto.
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES Toutes ces raisons indiquent sans doute que les affranchis n'ont pas dû être moins natalistes que les autres membres libres de la société romaine317, même si notre information ne nous permet pas, dans ce domaine, de faire des com paraisons sérieuses318. D'un point de vue sociologique, il est certain que l'un des problèmes les plus intéressants qui se posent, et que nous avons déjà abordé, est le fait que beaucoup de familles d'affranchis sont la continuation de cellules constituées alors que l'un ou les deux partenaires étaient encore en esclavage319. Notre documentation est trop peu explicite pour nous permettre de dire si ces couples ont été plus actifs sur le plan démogra phiqueavant ou après l'affranchissement320. Ce que nous pouvons apercevoir cependant, c'est que le fait que des enfants soient nés avant
Ajoutons que les affranchis rangés dans la catégorie des Latins Juniens pouvaient, au premier anniversaire de leur premier enfant, acquérir la citoyenneté (ainsi que leur enfant) : sur ce système à' annidili probatio, cf. Gaius, I, 29). Remarquons que tous ces avantages accordés, surtout à partir d'Auguste, aux affranchis pourvus d'enfant répondent à la volonté de mettre en valeur un modèle d'individus dont la paternité est un gage de sérieux et bonne conduite. Le recours éventuel à des filles d'affranchis pour figurer parmi les Vestales (Dio Cass., LV, 22) ou l'approbation de l'attitude d'un chevalier qui avait honoré son père, affranchi, au théâ tre(Dio Cass., LUI) sont autant de «gestes» symboliques accomplis par Auguste afin de renforcer l'intégration des affranchis - et de leurs enfants illégitimes - dans la société romaine. 317 Nous rejetons totalement la conclusion de Brunt {Man power, p. 143-5, p. 145) concernant l'absence de fertilité des affranchis après leur manumission. Lui-même reconnaît que «beaucoup de leurs enfants étaient nés dans l'esclavage» et qu'ils «pouvaient être affranchis . . . parfois aux frais de leurs parents» - II faut reconnaître alors que les individus concer nés devaient être relativement jeunes : la question est donc simplement déplacée d'une génération. 318 II faut tenir compte des dédicaces adressées par des affranchis à des divinités garantissant la fécondité des fem mes; en dehors du cas que nous avons évoqué à la note (255), il faudrait signaler des vœux éventuels confiés à la Fortuna, divinité du changement de sort, mais aussi de la fécondité et de la maternité (cf. Staerman, Blütezeit, p. 230-1) et à la Fortuna Primigenia liée à la naissance du premier enfant (cf. Gagé, Matronalia, p. 73). Malheureusement toutes les dédica ces adressées à ces divinités sous la République, émanent, à notre connaissance, d'hommes, et dans le cas de la divinité de Préneste, de groupes d'artisans! 319 Plaute, Captivi, ν. 574 : Quem patrem qui servits est? 320 Cf. les tableaux concernant les enfants nés d'unions légitimes ou non.
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l'affranchissement des parents (ou de leur mère) joue dans le sens d'une certaine distension des liens familiaux. Tout d'abord, d'un point de vue strictement juridique, l'autorité paternelle d'un affranchi ne s'exerce que sur les enfants nés légitimement, les autres restant sous l'autorité du maître, nous reviendrons sur ce point lorsque nous parlerons de la place tenue par les patrons dans la vie familiale des affranchis. Un autre aspect, qui ne saurait être oublié, c'est la possibil ité d'éclatement de la «structure familiale»321 qui peut résulter de l'affranchissement des parents; les enfants peuvent rester en esclavage et être affranchis par le maître de la mère ou par un tiers322. Il s'agit cependant de cas qui semblent isolés est, nous l'avons déjà dit, les enfants devaient être affranchis en même temps que les parents ou au moins par le même patron ou rachetés par leurs parents naturels323; il s'agit d'une reconnaissance officieuse de la parenté servile par les patrons, avant même que sa reconnaissance officielle intervienne dans le cadre de la Lex Aelia Sentia. Et même dans les cas que nous venons de citer, le bloc familial a été reconstitué, ce qui montre que l'affranchisse ment, dans la pratique ne devait pas toujours apporter d'altération sensible de la vie familiale. D'ailleurs, non seulement les termes des ins criptions, mais aussi les représentations sculp tées montrent bien ce souci, de la part des 321 On ne peut accepter la conjecture proposée au CIL, I2, 1889 = IX, 4390, selon laquelle, L VicriusDD 1. Priamus serait le père de L. Attienus D 1. Tertius, sans argument possible. 322 Cf. CIL, I2, 2210 = V, 1118, où le père de Grata Plotia C. N. 1. s'appelle L.Treblanus L 1. Acastus. Cf. CIL, P, 3010 où les filles d'un couple d'affranchis paraissent encore avoir le statut d'esclaves (nom unique) - cf. aussi 3121-3126 (où frère et sœur, affranchis, portent un gentilice différent) - CIL, I2, 1589 (=X, 4053) entre dans cette catégorie, si Quad(ius) est l'enfant naturel de L Caesius et de Caesia Muscis son affran chie- AE, 1974, 222 : le dernier personnage, doté d'un nom unique, peut être un esclave, et même le fils du dédicant. 323 Ainsi, Clodia, L 3. 1. Hilara {CIL, F, 1280) peut être aussi bien une affranchie du patron de L Clodius L 1. Argentillus et de la patronne de Clodia D. 1. Philotaera (ces deux patrons appartenant à la même familia) que l'affranchie d'Argentillus et de Philotaera (ce qui serait plus vraisemblab le), ou bien en tant qu'esclave commune libérée ou bien en tant que fille naturelle, née en esclavage et rachetée en commun. Le problème est le même en ce qui concerne, par exemp le,Livia A. 3. 1. Haline, affranchie de A. Arrius A. 1. Philemo et de livia L 1. Flora {CIL, I2, 1707).
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affranchis, de marque le lien les unissant à leur progéniture. Un certain nombre de reliefs funéraires révè lent en effet, la place eminente réservée par des parents affranchis notamment à leurs enfants nés après leur libération et ayant donc un statut d'ingénu. Ces documents, provenant de Rome mais aussi d'autres villes d'Italie et datant, pour la plupart, du milieu du premier siècle avant notre ère, semblent porter la marque d'une faveur particulière accordée aux enfants conçus et nés dans la liberté par rapport à leurs frères naturels nés dans l'esclavage. L'un des plus anciens monuments à relever est certainement celui qui, découvert à Farà Sabina (près de Rieti)324, porte les bustes de trois personnages dont deux affranchis (fig. 39). De part et d'autre du relief proprement dit, quatre cavités, réparties deux à deux, contiennent, en haut, des bucranes de tradition hellé nistique, en bas et à gauche, un homme portant une courte tunique, marchant vers la droite et tenant patere et vase à libation, alors qu'en bas et à droite, une femme, debout, représentée de face, vêtue d'une longue tunique, tient œnochoé et ciste. Une décorat ion latérale, faite de rosaces, complète cet ensemble, qui manifestement cherche à donner une impression de richesse. Mais plus importante est évidemment la représent ation des personnages. Au centre, à la place d'hon neur, L. Occius L. 1. Aristo, vêtu de la toge, main droite repliée sur le sein gauche, selon une habitude que nous avons déjà signalée. Le visage est figuré de face, les oreilles sont «à plat»; les traits, puissants sont plutôt hiératiques. A sa gauche, voilée, les che veux séparés par une raie médiane, le visage exagéré mentallongé, la main droite s'échappant du vêtement et touchant presque l'épaule gauche, Occia L. 1. Agathea; c'est elle qui a fait faire le monument pour elle-même et les «siens». Nul doute que nous ayons affaire à un couple, dont le troisième personnage, à gauche du spectateur, doit être le fils légitime, qui porte le même gentilice que ses parents, indique sa filiation ainsi que l'appartenance à une tribu. Le per sonnage est figé dans une attitude proche de celle de son père, mais l'artiste a essayé de rendre la jeunesse relative du sujet, le visage est plus rond, la profondeur des yeux est moins marquée, les traits moins sévères. L'image est certes maladroite (les défauts de structure 324 CIL, F, 3283. Le monument a été publié et étudié par B. M. Felleti Maj (NSA, 8* sén, IV, 1950, p. 61-3 et fig. I.) qui le date d'avant 50 avant Jésus-Christ. Cf. aussi Zanker, Grabrel iefs,p. 305 et fig. 45.
ne manquent pas : ainsi les épaules gauche du fils ou droite de la mère en administrent la preuve), la lour deur des draperies est manifeste, les visages sont finalement peu expressifs. Malgré tout l'ensemble exprime bien la dignité et aussi la réussite de cet homme qui, entouré de sa femme et de son fils (est-ce le seul?) a demandé a ce monument imposant325 de garder éternellement la marque de son aisance écono mique ainsi que celle du double exploit que consti tuait la sortie de l'esclavage et l'engendrement d'un citoyen. Remarquons qu'ici, comme dans les reliefs que nous avons analysés plus haut, la place d'honneur revient au personnage le plus ancien ou jugé le plus important, ici le père326. Par contre, sur un relief romain de l'époque césa rienne327, c'est le fils, ingénu, d'un couple d'affranchis qui est mis en évidence (fig. 40 à 42). Quatre person nagessont indiqués. Le premier, C. Gavius C. 1. Dardanus, et le quatrième, C. Gavius C. 1. Salvius, sont frères et co-affranchis (à moins que l'un soit affranchi de l'autre). Et c'est à l'occasion de la mort de Salvius que, certainement, le monument a été réalisé328. En troisi ème position, depuis la gauche, apparaît le buste d'une femme, Gavia C. C. 1. Asia qui est la compagne de Dardanus (ce que suggère le fait qu'elle tourne son visage légèrement vers sa droite et que sa main gau che, sortant de sa tunique, fasse pendant à celles de Dardanus et du jeune Rufus; d'autre part, Salvius, regardant légèrement vers sa gauche semble un peu détaché du groupe formé par les trois autres person nages). Rufus, encadré par ses parents, est ingénu; mais il porte la filiation particulière des enfants nés d'une mère libre et d'un père incertus, ou de statut servile; il faut donc imaginer qu'Asia a été libérée avant son compagnon et qu'elle a eu son fils avant qu'il accède à la liberté: il est difficile, malgré sa nomenclature, de penser329 qu'elle ait été strictement affranchie par les deux frères, à moins de supposer que Salvius ayant été libéré le premier, ait racheté sur le pécule de Dardanus encore esclave, la compagne de celui-ci.
325 L'ensemble en travertin, mesure, 0,74 χ 2,40 χ 0,32. 326 C'est encore le cas d'un relief romain (CIL, F, 1266 = VI, 14065), en albâtre, et sur lequel le père, Q. Calidius Q. 1. Parnacis occupe la place centrale, tandis qu'à sa gauche est représentée, sans doute, sa femme, Mari[a] D 1. Ciucerà, et à sa droite sa fille, Calidia Q. f. Posil (la). 327 CIL, VI, 9411, cf. Vessberg, Kunstgeschichte, p. 186-7 267 et pi. XXXI, 3. Voir aussi Zanker, Grabreliefs, p. 294-296 et fig. 32. 328 Les noms des trois autres personnages sont surmontés de l'indication vivit. 329 Malgré Zanker, art. cit., p. 294-296.
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES Plus encore que le portrait de Dardanus, représent é sous la forme d'un individu d'un âge certain, aux rides profondément incisées (notamment autour de la bouche) et au front largement dégarni, ou que la tête d'Asia, bien équilibrée, pleine, et dont la coiffure au rythme savant préfigure le type «à l'Octavie», c'est le buste du jeune Rufus qui retient T'attention : écrasé quelque peu par sa toge, copiant la raideur du maint ienpaternel, il a l'air cependant de toiser le passant, alors que le regard du père semble plus modeste. Contrairement à ce que nous avons relevé à propos du document précédent, il est sûr, ici, que Rufus est encore en vie au moment où le relief funéraire famil ialest sculpté; c'est la situation du moment que ses parents ont voulu fixer, sans anticiper sur l'avenir : ils veillent sur lui et semblent «encadrer» son adolescenc e. Il est remarquable que dans un groupe à propos duquel des relations de frère sont évoquées, l'accent soit mis sur le couple et son enfant, le quatrième personnage étant un peu isolé, même si c'est audessus de lui qu'est indiquée la profession des deux hommes. Sur un relief trouvé à Mentana, près de Rome330 la place de choix est laissée à un ingénu, L. Appuleius L. F., dont l'inscription funéraire nous indique qu'il était tribun militaire (fig. 45) : représenté de façon héroïque, le buste nu, l'épaule gauche portant le paludamentum, il tient de sa main gauche l'épée de parade dont la garde apparaît en avant de cette main. L'état de conservation du monument ne permet pas de commentaire certain, mais l'abondance des cheveux laisse penser à un homme jeune (mais les conventions peuvent avoir conduit à exagérer ce trait). La figura tionassez théâtrale de ce personnage, qui a accédé à l'ordre équestre331, est accentuée par le caractère démesuré de l'anneau d'or qui est indiqué sur l'annul airereplié: ce sont les insignes d'une promotion remarquable due sans doute à la situation des années 40-30 (date de ce monument) qui offrait à de jeunes gens ambitieux des voies vers les sommets. Et c'est l'image d'un Horace qui aurait mieux réussi son entrée dans la vie militaire qui nous est ainsi donnée. Tout naturellement, les deux autres personnages dont la disposition sur le relief répond d'ailleurs à un type de représentation de couples que nous avons
330 CIL, XIV, 3948, Zanker, art. cit., p. 304-305 et fig. 44. Voir aussi, V. Poulsen, Les portraits romains, République et dynastie julienne, Copenhague, 1973, t.I p. 133-134, n°114, t. II, pi. CLXXXIX. 331 Nicolet (Ordre Équestre, II, p. 914) pense qu'à l'époque d'Horace, «le grade de tribun militaire, quelle que soit son origine, implique le rang équestre».
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relevé précédemment, à propos du marbre funéraire de Cn Pompeius Prothesilavo(s) et de Numonia Megisthe, tournent leur regard vers ce jeune prodige et leur attitude semble bien exprimer la fierté et l'admiration, plus encore que la douleur. Il est vraisemblable qu'il s'agisse du père et de la mère d'Appuleius, Sophanuba ayant érigé le monument sans doute alors qu'Asclepiades était lui aussi décédé. La toge du père, la tunique recouvrant la tête et les tresses (?) de la mère, qui esquisse le traditionnel geste de pudeur, trouvent leur aboutissement dans les attributs de leur fils. La frontalité est ici conservée pour renforcer la dignité du personnage central, alors que les bustes légèrement tournés de deux comparses contribuent à souligner cette prééminence : c'est donc l'image d'une réussite considérable, mais interrompue, qui nous est donnée, celle d'une promotion qui, en l'espace d'une génération, a mené de l'esclavage à la noblesse équest re. Les représentations que nous venons d'évo quer conservent malgré tout une certaine famil iarité, l'exaltation du fils ingénu ne se fait pas totalement au détriment de l'image de la famille. L'on n'a pas encore atteint, dans ce domaine, certaines novations dues à l'époque augustéenne, et qui se traduisent par l'établissement d'une sorte de ségrégation entre le couple d'affranchis et leur fils né libre332. Cependant, l'attachement
332 II semble que, sous le règne d'Auguste deux change mentsdans la représentation du couple et de l'enfant, inter viennent : d'une part, sans doute sous l'effet de la propagan de officielle en faveur de la famille, l'exaltation du fils ingé nu, d'un ou deux affranchis se traduit par des figurations sous forme d'imaginés clupeatae : ainsi, le relief de L. Vibius LF. Tro(mentina) et de Vecilia D L. Hilara (CIL, VI, 28774) présente le buste de deux parents encadrant l'imago d'un jeune garçon qui doit être L. Vibius Felicio, mort à l'âge de 9 ans (fig. 44). Mais cette mise en valeur de l'enfant peut aboutir à une sorte d'isolement de celui-ci par rapport au couple lui-même : il en est ainsi sur le relief (fig. 37) de P. Servilius Q.f. Globulus et de ses parents (CIL, VI, 26410) daté de 20 avant Jésus-Christ environ (cf. Giuliano, Catalogo Museo Laterense, pi. I 3a. Zanker, art. cit., p. 290, fig. 37). Un pilier, surmonté d'un chapiteau décoré d'une feuille d'acant he, sépare le fils de ses parents, représentés dans le registre de droite : le père, sérieux et digne, la femme, tête voilée, n'est pas indiquée comme uxor, il est difficile, cependant, d'admettre qu'elle ne soit pas la mère de Globulus; l'absence d'indication est peut-être due à la volonté de ne pas trop insister sur l'origine du fils et de ne pas ainsi ternir son «ingénuité» (C'est peut-être à ce même désir que l'on doit rattacher la stèle campanienne CIL, X, 3884 où Britia Lais a
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à l'enfant ingénu est incontestable et la figura tiond'un fils d'affranchie sous les traits d'un Hermes333 montre bien quelle dimension la nais sance et la vie d'un tel être pouvait revêtir pour des individus issus de l'esclavage. Par ailleurs, il est important de rechercher quelle place respective les parents affranchis réservaient, sur des reliefs funéraires à leurs enfants nés avant et après leur affranchisse ment334. Un certain nombre de documents figu rés nous indiquent une sorte de hiérarchie dans laquelle les fils ou filles ingénus prennent le pas sur les autres. Ainsi, sur un monument de Rome335, daté du milieu du premier siècle et qui révèle une certaine médiocrité de l'artiste (notamment, les épaules des deux parents sont dissymétriques à l'excès, leurs cous sont bien trop épais), un couple, constitué par deux affranchis - L. Vettius D L. Alexand(er) et son affran chie(ou patronne?)336 Vettia L. L Eleutheris - por tant l'un la toge, l'autre la tunique recouvrant la tête, est représenté dans une situation de dextrarum iunctio (fig. 47); il s'agit donc d'une union qui veut apparaître honorable, à l'instar de celles que peuvent nouer des ingénus. Ce souci de dignité est accentué par l'attitude pleine de fierté de Vettius, qui semble fixer le specta teuréventuel, mais aussi par la représentation de deux enfants, deux fillettes qui donnent à ce couple sa
fait graver l'effigie de son mari M. Britius M. 1. Philarus et celle de son fils, M. Brutius Spuri F. mais pas la sienne. Bien sûr, il faut tenir compte du fait que les deux personnages sont décédés, mais l'effacement de la mater est peut-être dû aussi à une sorte de réserve devant l'ingénuité du fils). En tout cas, l'artiste a figuré un couple en représentation, moins soucieux d'extérioriser ses sentiments que de paraître res pectable. A gauche, Globulus, ainsi nommé sans doute en raison de sa tête exceptionnellement ronde, est revêtu de la prétexte des enfants ingénus et tire sur les plis de celle-ci afin de faire mieux voir la bulle qui authentifie sa condition juridique. On atteint dans cette œuvre une sorte de paroxysme: c'est sur ce gamin que l'attention est attirée; une sorte d'existence autonome lui est donnée de la volonté même de parents dont le statut juridique est inférieur au sien. 333 C/L, P, 1227 = VI, 10585, cf. p. 3506 = ILLRP, 919. 334 Nous avons déjà, à propos de CIL, VI, 38824 par exemp le,insisté sur la place réservée à l'éloge envers un fils ingénu et sur la place marginale accordée au fils affranchi. 335 NSA, 1950, 84, cf. Zanker, Grabreliefs, p. 294 et fig. 24. 336 Si l'on pense qu'Eleutheris a été rachetée et affranchie par Alexander, il faut admettre que Vettius ait eu la même patronne que sa fille aînée. Ou bien, on peut supposer qu'Eleutheris ait racheté son premier enfant et son compag non.
véritable respectabilité. Mais ces deux enfants, dont l'une, Polla, est ingénue, l'autre Hospita, affranchie, ne sont pas mises sur un pied d'égalité: il y a une différence profonde entre Vettia D 1. Hospita, rejetée à droite de la scène, en marge du couple, et Polla qui apparaît, au centre de celui-ci, comme son vrai pro longement. Dans ce cas, la cohésion physique de la famille passe après la fierté liée à une naissance légitime. Sur un autre relief, provenant de Rome337 et data blede la première moitié du premier siècle ou, plus vraisemblablement du milieu de celui-ci338, sont repré sentés trois personnages composant un groupe homo gène(fig. 46). A gauche, une femme voilée, ébauche un gracieux sourire; elle regarde son époux et tend vers lui son bras droit; elle semble poser sa main sur lui, ébauche sans doute d'une dextrarum iunctio. L'homme est représenté d'une façon très traditionnelle, engoncé dans sa toge d'où s'échappe une main excessivement grande, qu'il tient à plat sur son buste. Bien que celui-ci soit représenté frontalement, sa tête tourne légèrement vers le centre de la scène, le personnage regardant ainsi la femme et l'enfant qui est figuré entre eux. Il y a une opposition certaine entre la familiarité relative du geste de la femme et l'attitude stricte du personnage masculin, entre la sévérité de celui-ci et l'expression affectueuse de celle-là, comme si les conceptions réalistes romaines et la tradition hellénistique liée à l'expression des sentiments avaient coexisté sur cette modeste production. Au milieu du couple apparaît une enfant339, portant la bulle donc ingénue; contrairement à ses parents, elle ne montre que le haut de son buste, ce qui est dû aux nécessités de l'occupation de l'espace disponib le340,mais ce qui permet de mieux mettre en valeur son expression assez enjouée. En tout cas, il s'agit d'une enfant née après l'affranchissement au moins de sa mère; or l'inscription, incomplète à gauche ne permet pas d'éclairer son identité. Qu'Epictes(is) et Numenius soient les noms des parents, affranchis ou co-affranchis est probable. Mais les trois noms uni ques qui suivent ne semblent pouvoir convenir qu'à
337 CIL, V, 3010 = VI, 17204. Cf. Giuliano, Catalogo Profano Laterense, pi. I, la, et II, Ib. 338 Vessberg, Kunstgeschichte, p. 190-267 et pl. XXXI, 2, penche pour la première hypothèse mais n'exclut pas la fin de la première moitié du siècle. La deuxième opinion est défendue, avec vraisemblance, par Giuliano. 339 Et non un garçon, comme il est dit, par erreur, dans CIL, VI. 340 Ce type de figuration a ouvert sans doute la voie à la représentation sous forme d'imago clipeata, à l'époque augustéenne, (cf. note 332).
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES des esclaves; faut-il donc supposer que le nom de l'ingénue figurait à part sur la partie gauche de l'in scription, en-dessous du (ou des) gentilice(s) des parents? Et faut-il voir dans les trois noms l'indication d'enfants nés avant l'affranchissement de la mère et restés dans l'esclavage? Dans ce cas nous serions encore en présence d'un cas de «ségrégation», dans la représentation d'une famille d'affranchis, entre en fants dont la naissance rend honorables les parents, et enfants dont la seule existence souligne le passé servi le de ceux-ci. Un troisième monument, récemment découvert à Rome341, nous présente une image de même valeur (fig. 48) : quatre personnages sont figurés, dont trois affranchis. C. Vettius Nicephor(us) est, à n'en pas dout er, le père de Secundus, et il occupe, à égalité avec lui, la place d'honneur. Portant toge, présentant des traits marqués (plis du front, rides autour de la bou che et entre les sourcils sont soulignés), il offre, selon une convention que nous avons déjà relevée, l'image d'un homme mûr, ou plutôt d'un personnage dont le sérieux et la dignité doivent être mis en valeur. C'est sans doute Antonia Rufa qui est la compagne de Nicephor(us) : il s'agit d'une femme déjà mûre, dont les cheveux sont traités avec une précision minutieus e; sa main droite remonte sur l'épaule en un geste pudique; elle n'est pas seulement placée a côté du personnage masculin, mais son épaule gauche s'efface derrière celui-ci, ce qui est une indication de familiarit é. Certes on a soutenu342 que la compagne de Nicephor(us), et donc la mère de Secundus, serait en fait la deuxième femme, à droite, Rufa n'étant qu'une parente. Mais bien que la possibilité d'une intégration du jeune garçon entre les deux personnages qui sont ses parents ne soit pas, à priori, à exclure, nous ne pouvons retenir cette hypothèse : d'une part, les posi tions des bras droits des trois premiers personnages (en partant de la gauche), soulignent leur dépendance; d'autre part, Caelibe, au visage juvénile, n'est l'objet d'aucun traitement particulier ni en ce qui concerne son vêtement, ni en ce qui concerne sa coiffure (alors qu'à la toge de Nicephor(us) répond le mouvement des plis de celle de Rufa). Caelibe nous paraît être plutôt une fille aînée, née dans l'esclavage, du couple, fille que Vettius aurait rachetée et libérée. On aurait donc figuré à la fois la grande sœur, illégitime, et, au milieu, au plus près de ses parents, parce qu'ayant plus d'importance, Secundus (dont le surnom serait ainsi justifié), qui est encore tout jeune enfant, mais qui exhibe fièrement la bulle qui apparaît juste audessus de sa main droite. 341 A4, 1973, p. 620, pi. 62 - cf. Zanker, Grabreliefs, p. 290 et pi. 25. 342 C'est l'opinion de Zanker.
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Ce relief nous offre donc à la fois une image de la cohésion familiale, puisque les enfants nés avant et après affranchissement sont représentés; mais par ail leurs, il traduit encore une fois cette exaltation, par des couples d'affranchis, de l'enfant, qui par sa seule existence constitue une sorte de «promotion» pour ses parents, issus de l'esclavage, et un dépassement de leur propre infériorité juridique. Inversement, la discrétion qui entoure la naissance d'enfants «illégitimes» apparaît sur un célèbre monum ent, dont l'origine n'est malheureusement pas préci sée(peut-être provient-il des environs de Rome). Il s'agit du magnifique marbre, orné de trois portraits, celui du militaire P. Gessius P. F. Rom(ilia) et de deux personnages qui sont ses affranchis343. On a insisté sur le fait que cette œuvre, datée des années 45-30, conti nue, en fait, une tradition plus ancienne, remontant sans doute au premier tiers du siècle et portant la marque d'un courant hellénique, mais surtout d'in fluences italiques; on n'a pas manqué, par ailleurs, de souligner le caractère «vieux romain» de cette pro duction, proche peut-être des masques funéraires344; en effet, la représentation du personnage central (co pie sans d'une statue loricata) est impressionnante par le réalisme excessif, à la limite de la carricature, de ses traits : un visage d'homme âgé, usé, ravagé par les rides, gagné par une calvitie qui dégage complètement le front. Tout ceci contribue à créer une impression de dureté que l'indication de la cuirasse et du paludamentum, dont un pan tombe sur l'épaule gauche, met sans doute en rapport avec la position du personnage. Mais cette physionomie est d'autant plus saisissante que les deux comparses, qui sont des affranchis (et qui adoptent des gestes traditionnels dans ce genre de représentation frontale : main droite de l'homme à l'horizontale, main droite de la femme remontée audessus de la poitrine, en marque de pudicitia) offrent des traits qui expriment essentiellement la soumiss ion,accentuée par le regard un peu hébété de Pri mus, par la manière schématique dont la ligne des sourcils est indiquée pour tous les deux, ainsi que par le traitement des oreilles mises largement «à plat».
343 L Caskey, dans A3 A, XLI, 1937, p. 527 (photo) = M. Rostovtzeff. Soc. & Economie History of the Hellenistic world, t. II, 1941, p. 992 (+ photo) = ILLRP, 503 (+ Imagines n°219) = C/L, F, 3012. Parmi les nombreuses études concernant cette œuvre : Vessberg, op. cit., p. 190-1 et pi. XXXV. Brilliant, op. cit., p. 45 et fig. 1.77. R. Winkes Physiognomia Probleme der Charakterint erpretation Römischer Portraits, dans AUNRW, I, 4, 1973, p. 912-3 et fig. 15. U. H. Hiesinger, Portraiture in the Roman Republic, ibid., p. 81 1-3 et fig. 6. 344 Vessberg, op. cit., p. 191 - Hiesinger, art. cit., p. 81 1.
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Tout ceci n'est donc pas propre à traduire en image une communauté de vie fondée sur des sent iments d'affection, mais à fixer pour la postérité l'auto ritémilitaire d'un patron sur deux de ses anciens esclaves. Or, si l'on examine avec attention la position des personnages, on remarque que l'épaule droite de Primus est placée en avant de l'épaule gauche de P. Gessius, alors que celui-ci et Fausta sont représentés strictement sur le même plan. Il ne s'agit pas d'une fantaisie du sculpteur, mais de l'indication discrète que Primus est le fils, né en esclavage, de Fausta et du militaire345. Le fils et la concubine ont été par la suite affranchis par ce dernier. Dans ce cas, on a donc jeté une sorte de voile sur les relations de fait que ce soldat aurait entretenues avec une esclave qu'il a dû affranchir sans doute à la suite de la naissance de leur fils : il n'y a ici ni la volonté de souligner l'affection ou la dignité du cou ple (la coiffure presque masculine de Fausta ne rap pelle en rien celle des mastresfamiliaé), ni celle d'exal ter la paternité. Et il est tout à fait remarquable que le monument, élevé avec l'argent que Primus avait laissé, ait été choisi par Fausta: le respect de l'autorité patronale n'a pas, dans ce cas, été masqué par le désir de paraître ou d'exprimer de bons sentiments : il est vrai que pour P. Gessius cette union ne pouvait cons tituer un signe de réussite. Cependant, il ne faudrait pas conclure à la «mise en parenthèse» systématique des enfants nés en escla vage et issus de parents affranchis par la suite. Ainsi, un relief campanien346 est figuré sur une stèle en forme de temple : au-dessous du fronton, la partie de l'inscription concernant les conditions d'édification du monument par Caesia Muscis; sur le socle, en-dessous de la représentation de chacun des quatre personnag es, l'indication de leur identité. Selon une habitude bien attestée ici347, les protagonistes sont figurés en pied. Au centre, un personnage féminin, voilé, entoure de sa main gauche le cou d'un enfant et place sa main droite dans la main droite de celui-ci. Ce geste ne peut être assimilé à une scène de dextrarum iunctio : mais on peut penser que le jeune garçon est le verna de Caesia Muscis et que, sous ce terme, il faut entendre un enfant de statut servile né pendant l'esclavage de
34i Vessberg envisage cette hypothèse, mais parle plus loin d'affranchissement par testament, ce qui est tout à fait grat uit. 346 Capoue, cf. CIL, F, 1589 = X, 4053 - + CIL, P, p. 221, cf. Frederiksen, Capua, pi. XXI, b. 347 Cf. id, ibid.
sa mère; il y a donc ici, contrairement à ce que nous avions remarqué dans l'exemple précédent, revendica tion de liens naturels créateurs d'une simple parenté (ou filiation) de fait. Or de part et d'autre de ce duo, deux personnages masculins sont présentés. Le pre mier, à gauche, est un citoyen L. Caesius Q. F. Ter(etina) qualifié de patron(us) certainement de Muscis. On peut penser a priori qu'il est le père naturel du verna, mais dans ce cas, il faudrait louer l'habilité avec laquelle Muscis, auteur du monument, a fait rendre l'existence de ce lien (L. Caesius fixe résolument la scène centrale), sans faire allusion à la création d'un couple qu'elle aurait constitué avec lui (puisqu'elle lui tourne pratiquement le dos). On peut penser aussi que tout en rendant hommage à son patron, Muscis a fait représenter Quadius (?) entre elle-même et son compagnon, qui semble un peu étranger à la scène mais au devant duquel le jeune garçon est situé. On aurait donc voulu rendre l'image d'une parenté illég itime mais assurée par un couple d'affranchis, en même temps que celle de l'intervention patronale dans de tels rapports. En tout cas, Quadius n'apparaît pas ici comme un enfant «honteux» à la filition volon tairement «gommée»348. Ainsi, même si nous tenons compte du fait d'une part que ces représentations ne peuvent concerner que des individus disposant de moyens économiques certains, et d'autre part que la préférence accordée aux enfants ingénus n'est pas cachée, nous ne pouvons douter que le souci de perpétuation ait été présent dans les préoccupations des affranchis.
34S II faut signaler qu'à Rhénée (où aucune affranchie n'est représentée avec les attributs propres aux femmes libres comme la corbeille à laine, symbole de la femme au foyer ni aucun enfant (d)'affranchi avec des objets attachés aux jeux (cf. Couilloud, Rhénée, p. 280-3), une stèle à fronton datée de la fin du second siècle est associée à l'épitaphe de deux femmes - dont l'une est de condition libre et originaire d'Apamée - l'autre esclave, mais sœur d'un personnage mas culin portant les trois nomina et devant être affranchi (cf. BCH, XXXVI, 1912, p. 43-4 = Id., ibid., p. 130-1, n° 187 - pi. 44 et 78). La femme qui est figurée au-dessus de l'épitaphe servile, est assise, les pieds posés sur un escabeau; elle est revêtue d'un himation et est associée à un bébé et à un enfant un peu plus grand: il y aurait donc là un exemple, dans une ambiance il est vrai gréco-orientale, et à une date relativement haute, de la maternité, même servile. Quant au personnage qui porte manteau et est représenté en arrière, s'agit-il du frère de l'esclave et Sabeis, l'autre femme, est-elle la belle sœur de celle-ci?
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES Ce souci ressort encore des cas où le portrait de l'un des parents est associé à celui de son enfant : mère et fille349, père et fils sans doute350. N'oublions pas que dans leurs épitaphes, les affranchis mentionnent souvent leurs posteri, que ceux-ci soient situés par rapport à un seul individu351 ou par référence à un couple352. Ajou tons que cette descendance est reconnue par certains patrons dans leurs stipulations concer nantles tombeaux, d'où l'expression libertis posterisque eorum — et ses variantes - que nous trouvons à plusieurs reprises sur des épita phes353. Cependant, pour bien préciser la nature de cette paternité revendiquée par des affranchis, aussi bien à l'égard de leurs enfants ingénus que des autres, deux éléments de réflexion doivent être joints à cette enquête, éléments qui s'ap puient sur deux documents peu ou pas utilisés : - tout d'abord, aux yeux de Trebatius, un fils affranchi doit être considéré comme un vrai fils, opi nion remise en cause par Labeo : Qui jilium libertinum habebat, heredem eum instituerai, deinde ita scripserat: si mihi filius nullus erit, qui in suam tutelam veniat, turn Dama servus liber esto - nullus nisi is filius pupillus libertinus erat : quaerabatur si Dama liber esset - Trebat iusnegat, «quia filii appellatione libertinus quoque contineretur» : Labeo contra, quia eo loco verum filium accipi oportet. Trebatii sententiam probo, si tarnen testatorem de hue filio locutum esse apparet. Même si l'e xpression filium libertinum, laisse un doute, il faut évidemment penser qu'il s'agissait d'un fils naturel du testateur, affranchi par celui-ci. Malgré cette condit ion,on peut penser que les enfants nés en esclavage, mais libérés par des parents de statut affranchi pouv aient, en vertu du principe défendu par Trebatius,
^CIL, P, 1837 = IX, 4933 = ILLRP, 971 - deux bustes décoration à base de bucranes. 350 C7L, I2, 1598, = X, 4265. Enfant debout, buste du père Tous les deux sont affranchis. ™CIL, P, 1571 =X, 6048 = /LS, 8071 = ILLRP, 926. CIL, P, 1365 = VI, 24505 = ILLRP, 927. 352 C7L, P, 1613 = X, 1162. ™CIL, P, 1319 = VI, 9583 = /LS, 8341 = ILLRP, 798: libertis libertabiis postereisque eorum (le patron est lui-même un affranchi). CIL, P, 1330 = VI, 21644 : liberteis et liberta[b]iis sive meeis sive viri mei loc(um) pos(teris) que . . . CIL, P, 1334b = VI, 5638 = ILS, 7613 = ILLRP, 823 : liberteis suis posterisque eorum, CIL, P, 2213 = V, 8566 : [liberteis] libertà [busq(ue) posterjeisque [eorum].
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être mis au même rang que les enfants ingénus nés après la liberation de leur père et mère354. - d'autre part, un texte de Gaius fait allusion au régime de succession applicable aux affranchis en vertu de la Loi des Douze Tables: Itaque intestato quoque mortilo liberto, si is suum heredem reliquerat, nihil in bonis eim patrono iuris erat. Et si quidem ex naturalibus liberis aliquem suum heredem reliquisset, nulla videbatur esse querella; si vero «vel adoptivus filius filiave» vel uxor quae in manu esset sua heres esset, aperte iniqum erat nihil iuris patrono superesse.Qua de causa postea praetoris edicto haec iuris iniquitas est. . .355. Donc, et du moins avant la fin du second siècle, vraisemblablement, les possibilités d'adoption de la part d'affranchis étaient totales (et il n'était même pas exclu qu'un affranchi pût adopter un enfant faisant partie de son pécule) et sur ce point, les réformes prétoriennes, à notre connaissance, n'ont pas entamé cette capacité, même si elles en ont trans formé les conséquences sur le plan de la dévolution des bona de l'affranchi. Ces deux remarques doivent donc nous inci ter, comme l'étude des divers documents notam mentépigraphiques et iconographiques nous y a conduit, à ne pas considérer les seules défini tionsjuridiques propres à introduire une diff érenciation entre les enfants d'affranchis (selon leur légitimité ou non) et à jouer ainsi dans le sens d'une distension des liens familiaux; dans la réalité, l'évolution de la jurisprudence nous invi teà conclure avec plus de mesure, et tout en ne sous-estimant pas les moyens d'intervention du patron, lorsqu'il n'était pas l'affranchi lui-même, nous pouvons penser que la place du fils-affran chi et celle du fils ingénu ne devaient pas être, dans la réalité, et au regard des liens d'affection, très différentes. b) Les affranchis et leurs ascendants sieurs sonnages
Cherchant un effet comique, Plaute, à plu reprises, met dans la bouche de ses per esclaves des expressions ridicules por-
354 D. 28.8.11. Watson, Succession, p. 98-99. 355 Instit., III, 40-41. De Zulueta, Institutes, II, p. 128-129. On trouve peut-être un écho de la situation antérieure aux réformes prétoriennes dans une déclaration de Scipion Ernilien, lors de sa censure, déclaration rapportée par A. Gelle (V. 19,15): Filium adoptivum tant procedere quant si natum habeat.
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tant sur leur prétention à s'affirmer fils d'un tel ou à se parer à tout prix d'ancêtres; ainsi dans Amphitruo, Sosie déclare à Mercure qu'il est le fils de Davus (Merc. Quid ais? quid nomen libi est?/Sos. Sosiam vocant Thebani, «Davo prognatum pâtre»356, cf. aussi cette autre déclaration du même personnage : Davo prognatum pâtre eodem quo ego sum)357. De même dans Casina, il est question des ancêtres d'un esclave : Vietate factum est mea atque «maiorum meum»i5S; ou encore dans le Miles gloriosus, Sceledrus déclare à Philocomasium que de père en fils, chez lui, on meurt sur la croix (Noli minitari; scio crucetn futuram mihi sepulcrum / Ibi sunt «maiores siti, pater, avus, proavus, abavus»)359, l'accumulation excessive des générations, dépassant même le rappel rituel des trois générations dans le cas des grandes familles, vise ici à rendre d'autant plus déplacée l'impudence du personnage. C'est encore Pinacium, dans Stichus, qui explique qu'elle tient son nom de ses ancêtres (Istuc indiderunt nomen maiores mihi)360. De la même manière, Horace, lui-même fils d'af franchi, brocarde le bouffon Sarmentus, un affranchi aussi et l'Osque Messius Cicirrus qui rivalisent d'él oquence pour vanter leurs ancêtres : Nunc mihi paticis / Sarmentis Scurrae pugnarti Messique Cicirri / Musa, velim memores, «et quo pâtre natus», uterque / contulerit lids. Messi «darum genus» Osce / Sarmenti domina extat, «ab his maiorìbus orti» / ad pugnam venere361.
Mais justement on peut se demander si la reven dication d'un père, d'une mère etc. . . de la part d'un affranchi n'a pas été à la longue reconnue par le droit et introduite dans les mœurs. Remarquons en effet, que la fin de la République annonce un changement dans ce domaine. D'une part, l'absence de cognatio même en vertu de l'affranchissement reste un principe que plus tard les juristes de l'Empire réaffirment avec la plus grande force364. Mais l'idée de cognationes de fait apparaît, notamment chez Varron365. D'autre part, dès le temps de Cicéron, Servius refusait aux enfants vulgo quaesiti le droit de citer leur mère en justice sans l'autorisation pré torienne et Labeo étend cette interdiction aux enfants nés pendant que leurs parents étaient esclaves366. On peut donc penser que la recon naissance de l'existence de la parenté servile dans le cadre de la Lex Aelia Sentia367 n'a fait que confirmer une réalité qui était assez largement établie dans les faits, surtout à partir du moment où «l'élevage» des esclaves a revêtu une impor tance nouvelle. D'ailleurs le vocabulaire utilisé sur les épitaphes révèle parfaitement l'existence de termes normalement réservés aux relations familiales existant entre des hommes libres : pater368,
En fait, ces passages visent à déconsidérer des personnages qui, en principe, n'ont pas de père362 au sens juridique du terme363 et peuvent encore moins se targuer de la splendeur de leurs ancêtres (du moins au regard du droit romain).
364 NeqUe servi, neque liberti matrem civilem habere intelliguntur (Paul Sent., IV, 10, 2). /5 qui aliqua ratione servus factiis est, manumissione nulla ratione recepii cognationem (D. 38.8.7. Modest.), cf. aussi Paul (D. 38, X, Paul L. 10, 5. Sed ad leges, serviles cognationes non pertinent). 365 Varrò, RR, I, 17, 5 : Itaque propter has cognationes Epiroticae familiae sont illustriores et cariores. 366 D. 2, 4, 4, 1 à 3. (De in ius voc. 2,4 - Ulp. lib 5° ad ed.) Parentem etiam eos accipi Labeo existimat, qui in servante susceperunt . . . L'interdiction de citer était naturellement éta blie dans le cas où le père, même affranchi, avait racheté puis libéré ses enfants. Cf. Bonfante, Corso, I, 278. 367 Cf. la reconnaissance des iustae causae manumissionis citées par Gaius, I, § 38-41. ™CIL, V, 1215 = VI, 25369, mais il s'agit d'un affranchi lui-même. I2, 1228 = VI, 10588, là encore le terme désigne un affranchi père d'un affranchi. I2, 1780 = IX, 3210: il s'agit du père d'une affranchie mais portant le même gentilice que sa fille. I2, 2210 = VI, 1418: le père est toujours un affranchi, mais pas dans la même famille que celle de sa fille. Ep., XVIII, (1956), p. 66 n. 31 où le père de Tapia Q. 1. porte un seul nom, A[m]phio et est peut-être un esclave encore / cf. CIL, VI, 38.824. AE, 1975, 52 (fig. 50). Cf. Horace, Sat., l, 6, v. 95-6 Atque altos legere fastum quoscunque «parentis» optaret sibi quisque, «meis contentus». Cf. la revendication de son ascendance par Horace, Sat. I, 6 :
3Si> V. 364/5. 357 V. 614. 358 V. 418. 359 V. 372/3. 360 V. 332, cf. aussi Persa, v. 390 / Trinummus, v. 480-2 / cf. Terent. Phorm. v. 292-3. Hec, v.773. And. v. 771-786. 361 Sat. I, 5, v. 51-56. 362 A la place de la filiation, nous l'avons vu, ils indiquent leur patron : cf. le cas douteux de CIL, P, 2232 = III, 721 = ILLRP, 750 b. où nous avons un L. Caecilius A.1. Zephuru[s A]gathocle[s] où Degrassi restitue its /. ce qui serait une exception, à moins que l'on pense à un second surnom : Agathocles. 363 Quem patrem qui servos siti demande un personnage de Plaute (Capt. v, 574). Cf. Les vers si souvent cités de Martial, Epigr. XI, 12 : lus tibi natorum vel septem, Zoile, detur / Own matrem nemo det tibi, nemo patrem.
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES fnater369, parentes370, parens371, genitor372, genitrix373, soror374 sont des mots qui sont appliqués ici à une parenté de fait, que les parents des affranchis concernés aient obtenu ou non la liberté, après la naissance de leurs enfants. Ceci en tout cas témoigne de la solidité de ces liens naturels qui ont fini par dépasser le cadre des statuts juridiques et effacer dans la réalité les discordances pouvant survenir entre enfants affranchis et leurs parents. On a donc l'impression que malgré tous les avatars, la vie familiale des affranchis avait la même complexité que celle des autres familles d'hommes libres. En douterait-on que les nomb reuses mentions, sur les épitaphes, de la part
Nil me paeniteat sanum patri huius ... au vers 89. Quod non ingenuos habeat clarosque parentis v. 91, His me consolor victurum suavius ac si/quaestor avus pater atque meus patruusque fuisset, ibid, 130-1. ìbl> CIL, P, 1223 = X, 6620 (cf. p. 988) = VI, 23551: le statut de la mère est inconnu; peut-être s'agit-il d'une affranchie car l'enfant a été affranchi très jeune. F, 1409 = VI, 28492, mais la mère est encore une affranchie. CIL, VI, 38824 (affranchie) - Lincei Rend., 1973 p. 270-1 n°6 (affranchie). il0CIL, P, 1215 = VI, 25369: Crudelis mors eripuit sueis parentibus, mais le père est lui-même un affranchi. P, 1223 = X, 6620 (cf. p. 988)= VI, 23551 Hic me florentem mei combussere parentes. AE., 1975, 52. Cf. aussi l'invocation aux Deis inferum parentum : CIL, F, 1596 = X, 4255 = ILS, 7999 = ILLRP, 938. 371 CIL, P, 2273 = II, 3495 = ILS, 8417; cf. A. Beltran, dans AE, Arq. XXIII, 1950, p. 385-6 n.78 = ILLRP, 981 Haec qualis fuerit contra patronum, patro/nam parentem coniugem ... F, 1214 = VI, 10096 = ILS, 5213 = ILLRP, 805 1. 5 Amor parenteis quem dédit natae suae. 372 Reliqui fletum nata genitori meo, CIL, Ρ, 1214 = VI, 10096 = ILLRP, 803 1. 16. 373 Pater mei et «genetrix germana», oro : CIL, F, 1215 = VI, 25369, le terme désigne bien une ascendance naturelle. Ainsi donc pater et mater indiqueraient une parenté qui, au départ (puisque les enfants sont nés esclaves) n'était que naturelle, mais, qui, du fait de l'affranchissement, dans la plupart des cas, du parent désigné, aurait été en quelque sorte «officialisée» après coup. Alors que genitor ou genitrix indiqueraient peut-être une simple parenté naturelle, au niveau des esclaves? Sur le sens des deux premiers termes, et leur valeur dans le cadre de la parenté de type indo-européen, voir Benveniste, Vocabulaire, I, p. 217-222, particulièrement p. 217-8. 374 CIL, P, 1865, où un C. Attius Philocalus fait une inscrip tion en l'honneur de sa sœur et co-affranchie : Dat Attiae / Labeonis L Moscini / SororeL AE, 1955, n° 15 = AE, 1956 n°5 où une Bo[vi]ana (ou Bo[l]ana D 1. Philocares est honorée sans doute par sa sœur et son sodalis. Cf. aussi AE, 1974, 222. Cf. frater = CIL, VI, 9411 - P, 3126.
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d'un affranchi ou d'un couple, des «siens» ou des «leurs» (sui) nous indiquerait la relative cohé sion à laquelle ces groupes familiaux tendaient, ou du moins qu'ils voulaient publiquement affir mer375. Ce terme sui correspond déjà à une acception étendue de la vie familiale et peut-être même non limitative, englobant sans doute les enfants à venir ou même ceux qui, déjà nés, ne sont pas forcément sous l'autorité légale de leur père (car plusieurs couples cités comme déten teurs de sui ne semblent pas avoir été légiti mes)376. Ajoutons en dernier lieu, qu'une indication supplémentaire nous est fournie par deux ins criptions, sur la façon dont les rapports pou vaient s'établir entre beaux-parents et bellesfilles: l'une de ces inscriptions concerne une union à caractère interne à la gens puisqu'elle concerne une affranchie ayant épousé le fils de ses patrons, eux-mêmes affranchis377 et dont on nous dit : Fui parens domineis senibus. La secon de épitaphe associe un couple, constitué d'un citoyen et d'une affranchie qualifiée d'uxor, à une femme qui est dite mater Bruti (donc du mari) et est qualifiée de probissuma femina, l'a ffranchie étant la dedicante378. Au total, l'étude des familles constituées par des affranchis nous a permis de mesurer : - tout d'abord la solidité affirmée de cou ples qui ne sont pas toujours régulièrement constitués au regard du droit et qui, bien sou vent, ne sont que la continuation d'associations nouées dans l'esclavage, - en même temps que la netteté avec laquell e ces couples revendiquent une descendance "'CIL, P, 1260 = VI, 13719: sibei sueis... F, 1270 = VI, 14397 = Degr. 980: iucunda sueis. P, 1280 = VI, 15700: sibi et sueis. F, 1283 = VI, 15735 = ILLRP, 964 : semper qui fuit / dulcis sueis. P, 1405 = VI, 28265 = ILLRP, 945: aedificavit / sibi et suis. P, 1245 = VI, 36525: sibi et sueL·. P, 1548 = X, 5614: sibi (e)t sueis. P, 1592 = X, 4155: sibi et suis. P, 1263 = X, 1930 = /JLS, 7739 = ILLRP, 801: sibi et sueis. F, 1638 = X, 1049 = ILLRP, 956: et meis omnibus. F, 1712 = IX, 752: sibi et sueis. P, 1734 = IX, 1721 = ILLRP: sibi sueis que. P, 2167: sibi et suis. VI, 37380 = /LS, 9433 : sibi et sueis. Cf. aussi, CIL, VIII, 1053. 376 Sur cette notion de suus ou de sui et sa signification en droit d'héritage, voir par exemple, D'Ors, Derecho Privado, p. 240-5 et 251 particulièrement. 377 CIL, P, 1570 = X, 6009 = ILLRP, 977. mCIL, F, 1809 = IX, 3621. Cf. aussi Lincei Rend.. 1973, p. 270-1 n° 6.
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
(légitime ou non) dont la disparition est ressent ie avec douleur, - mais aussi le fait que les affranchis englo bent dans leur conception du cercle familial379 des ascendants que le droit ne leur reconnaissait pas comme tels380. Mais d'une part, et même si le terme maiores, à la fin de la République, semble recevoir un second sens, «physique»381, même si les Di Parentes, censés liés aux ancêtres des esclaves (mis, dans l'au-delà au même plan que les ancê tres des ingénus), sont ouvertement invoqués382, la virulence contenue avec laquelle Horace exal teson père et rejette d'éventuels maiores révèle en fait l'existence d'une infériorité et même d'une tache qui marquent les fils d'affranchis383. D'autre part, derrière ces liens, difficilement définissables dans bien des cas, noués entre per sonnes issues de la servitude, nous avons ren-
contré, à plusieurs reprises, le rôle joué par le patron (et reconnu par la loi); c'est ce rôle qu'il convient de mesurer pour comprendre quel degré d'autonomie la création d'une cellule famil iale représentait pour l'affranchi et dans quelle mesure droits patronaux et droits familiaux n'ont pas été confondus.
379 Sur la revendication d'une descendance, voir CIL, I2, 2637-2642 = ILLRP, 814; (six urnes de Pérouse, où un père, affranchi, ses deux fils ingénus et son petit fils, sont cités.)· 380 Cependant, la jurisprudence classique a fini, par delà les subtilités juridiques, dues à la difficulté d'apprécier les rapports entre enfants naturels, restés ou sortis de l'esclava ge, à étendre par exemple la notion d'inceste aussi aux familles d'esclaves. Ainsi, Ulpien (Dig. 23, 2, 56) affirme Etiam concubinam quis habuerit sororis filiam, licet libertinam, incestum committitur. De même Paul (Dig., 23, 2, 14, 2) : Serviles quoque cognationes in hoc iure observandae sunt; igitur suant matrem manumissus non ducet uxorem : tantumdem iuris est et in sorore et sororis filia. Idem e contrario docendum est, ut pater filiam non possit ducere, si ex servitute manumissi fuit et si dubitetur eum patrem esse ... Ce n'était là, sans doute, que précisions apport éesà propos d'un problème déjà envisagé d'une façon libérale par la Lex Aelia Sentia qui, nous l'avons dit, tenait ces relations «familiales» entre esclaves pour des iustae causae manumissionis. Sur le problème de l'inceste en général, et la pauvreté des sources pour l'époque républicaine, cf. Watson, Persons, p. 38-39. 381 Cf. Cic, Top. VI, 29. 382 Cf. Borner, Untersuchungen, IV, p. 190. 383 On trouve dans son œuvre à la fois la reconnaissance, mêlée peut-être d'envie, de son humble naissance (Sat., I, 6, ν. 1-8 oppose les ancêtres de Mécène : nec quod tibi maternus fuit atque paternus / olim ... à son obscurité Ignotos, ut me libertino pâtre natum. Cf. v. 270 at vestri proavi Od., II, XX, ν. 5-6 : Non ego paupenim/ sanguis parentum), une certaine fierté mais amère (ibid. ν. 130-131 : His me consolor victurum suavius ac si / quaestor avus pater atque meus patruusque fuisset), un oubli de sa situation, lors d'un dialogue fictif avec son esclave Davus (Sat., II, 7, ν. 5 : Quando ita maiores voluerunt).
a) Les manifestations de l'autorité patronale
3 - L'intervention des patrons dans la vie familiale des affranchis Cette intervention peut se placer à trois niveaux : les patrons peuvent déterminer ou au contraire empêcher les unions d'affranchis384, ils peuvent jouer à l'égard de ceux-ci ou de certains de leurs enfants le rôle d'un «père»385, ils peu vent, enfin, soit au titre de concubins, soit en tant qu'époux légitimes, prendre part à une union avec l'un ou l'une d'entre eux.
Que le rôle du patron soit considérable dans le déroulement de la vie sexuelle comme de la vie familiale des affranchis est incontestable. Qu'il s'agisse de l'organisation par Caton de «loi sirs payants» à l'intention de ses esclaves386, ou d'une ségrégation entre les esclaves des deux sexes387, ou bien des sanctions prises par César388 ou Auguste contre tel de leurs affranchis dont la conduite leur paraissait porter atteinte à l'honneur de matrones, ou des mesures prises par tel particulier pour sauver la «pudeur» de sa fille389, il apparaît que, au moins d'une façon négative, le contrôle patronal sur la vie intime
384 Sur ce thème, cf. G. Matringe, La puissance paternelle et le mariage des fils et filles de famille en droit romain, dans Studi Volterra, V, p. 195-237 (p. 191-198). 385 Cf. aussi, l'aphorisme de Publilius Syrus : Probus libertus sine natura est filins. 386 Cependant Caton, nous l'avons déjà vu, envisageait des unions possibles entre vilici et vilicae (Agric, 143). Cf. aussi Varrò, RR, I, 10, 6; I, 17,5. Sur ce rôle du maître, cf. Manaricua, op. cit., p. 84-7. 387 Plut., Cat. anc, XXI. 388 Suét., Caes., XLVIII, 2. Aug., LXVII, 3. 389 P. Maenius, Val. Max. VI, 1-4. Voir aussi Suét., Gramm., XVI. Cf. encore Val. Max., VI, 1, 3 à propos de Pontius Aufidianus, chevalier romain qui avait tué sa fille séduite par son paedagogus Fannius Saturninus (cf. Nicolet, Ordre Équest re, II, p. 992/3).
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES des esclaves et des affranchis était souvent étroit. Ce contrôle cependant, n'est pas toujours res trictif et le patron peut, en particulier pour des raisons économiques (procréation d'esclaves)390, encourager, au-delà des unions serviles, des unions d'affranchis. C'est ainsi que Cornélie, femme de Scipion, marie, après la mort de son époux, à un de ses affranchis, l'esclave que le grand homme avait tant aimée391. De même, Fulvius, selon Appien, marie et dote son affran chie392. Or, dans tous ces cas, le patron (ou le maître) semble agir d'autorité, le vocabulaire en fait foi: si earn tibi «dederit» dominus uxorem39i, ut «detur» nuptum nostro vilico394, in matrimonium liberto suo «daret»39S. Cette autorité se manifestant surtout à l'égard d'affranchies (ou d'esclaves femmes), nous devons nous demander dans quelle mesure la tutelle du patron sur les affranchies peut jouer en matière de mariage. Tout d'abord (bien que nous n'ayons aucune indication se rapportant à l'époque républicaine elle-même), nous savons que l'usage s'était insti tué, dès la fin de la République, d'introduire dans l'acte de manumission, la stipulation sui vant laquelle l'ancien(ne) esclave s'engageait à ne pas se marier après son affranchissement afin de ne pas léser le patron des operae396. Ce qui revient à dire que si, théoriquement, l'affranchi(e) avait la possibilité de se marier, l'usage, sous la pression intéressée des patrons, avait limité ce droit. Or, justement, la Lex Aelia Sentia et la Lex Iulia de Maritandis prononcèrent l'inte rdiction des clauses de ce genre, sous peine de sanctions sévères397. Certes, la Lex Iulia interdit 390 Cf Horace, Epod., II, 65, Positosque vernas, ditis examen domus. Sur l'essor de l'élevage des esclaves à la fin de la République, cf. Staerman, Blütezeit, p. 57, p. 174. 391 Val. Max., VI, 7, 1. 392 Bell. Civ., IV, 24. 393 Cat. Ane. Agric, 143. 394 Plaute. Cosina, 254-8, cf. 105-100 aussi et'193-4. 395 Val. Max., VI, VII, 1. 396 Sur l'imposition du célibat par les patrons, voir Lamb ert, Operae, p. 268 et n. 3. 397 Dig., XXXVIL 14, 6, 4 Paul. Dig., XXXVIII, 16 f. 3 § 5 Ulp., fragments que l'on a voulu opposer mais qui, ainsi que le faisait déjà remarquer Lemonnier, Condition Privée, p. 120, n. 1, concernent, le premier la Lex Julia, qui sans doute se bornait à dégager l'affranchi du serment prêté, le second, la Lex Aelia Sentia et l'interdiction faite au maître d'exiger ce serment.
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à l'affranchie qui a épousé son patron de convol er malgré lui dans de nouvelles noces398, mais cette disposition aurait été inutile si, en général, le patron avait eu le droit de s'opposer systéma tiquement au mariage de son ancien esclave. Cependant, il n'est pas douteux que le droit, dès une époque ancienne, confiait au patron la tutela légitima sur ses affranchies399, droit qui passait aux fils des patrons, mêmes impubère s400.La question est de savoir si les droits du tutor sur les affranchies allaient à l'encontre du droit au mariage de celles-ci401. Il faut sans doute se rallier à la thèse d'après laquelle le consentement du tuteur était inutile dans le cas d'un mariage sine manu : Tite Live semble402 nous indiquer qu'à une période déjà haute, à Ardée, le consentement des tuteurs n'était pas requis. Par contre, dans le cas d'un mariage cum manu, à cause des implications que celui-ci comportait quant aux biens de la femme, le consentement du tuteur était nécessaire; et c'est de façon exorbitante que l'autorisation du patron-tuteur devait jouer, qu'il y ait eu ou non confarreatio ou coemptioAOi.
398 Dig. 38, 11, 1, 1 Ulp. Dig., 23, 2, 48 Ter. Çlem. Dig., 24, 2, 11, Ulp. Ainsi Ulp., Dig., XXIII, 2 f. 41 § 1 affirme : et si quo in alterius concubinatu quant patroni tradidisset, matris familias honestatem non habuisse dico, étendant donc le principe énoncé par la Lex Julia à la concubine. Il va d'ailleurs même plus loin puisque, selon lui, la concubine du patron peut être accusée d'adultère (Dig., XLVIII, 5 f. 14). Mais dans le cas spécial du mariage du patron avec une de ses affranchies, Terent. Clemens (Dig., 23, 2, 48) pensait que le patron qui se marie avec une ignominiosa libertà n'était que maritus contra legem (Juliam et Papiam); donc il ne pouvait se prévaloir de l'interdiction faite à sa femme de divorcer et de se remarier. Voir Bonfante, Corso, I, p. 242-249. Gaudemet, Justum Matrimonium, p. 334. 399 Liv., XXXIX, 9, 7, à propos des avantages concédés à Fecennia Hispala (Watson, Persons, p. 148 - Gaius, 165). Il était interdit au tuteur de se marier avec sa pupille (cf. Gaudemet, art. cit., p. 329-344). Or le patron est bien le tuteur de l'affranchie, et peut l'épouser (cf. A. Guarino, Studi sull'incestum, dans ZKG,1943, p. 183). 400 Gaius, I, 165-178-180-192. Watson, op. cit., p. 118 n. 1, sur les origines financières de cette tutelle. 401 A la différence du consentement des époux, celui du père est exigé, au titre de la patria potestas. Le consentement du patron est-il exigé de la même manière? 402 Tite Live, IV, 9, 4-6. A. Ogilvie, The maid of Ardea, dans Latomus, XXI, 1962, p. 477. 403 Bonfante, Corso, p. 409.
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Autorité patronale et droits découlant du mariage des affranchies Cependant, en cas de mariage après affran chissement, cette tutelle patronale et les devoirs qui en découlaient pour l'affranchie étaient limi téspar les droits du mari, les liens résultant du mariage l'emportant ainsi : le patron, jusqu'à dis solution des liens conjugaux ne pouvait, en parti culier, exiger ni operae, ni officium, et Yobsequium n'était plus maintenu que sous ses aspects négatifs404. Mais inversement, le mari d'une affranchie n'avait pas la possibilité de donner, par testa ment, un tuteur à sa femme (puisqu'à la mort de l'époux, le patron ou ses fils reprennent la tutell e).C'est là un point que les juristes modernes ne semblent pas avoir relevé405. D'autre part, l'affranchi marié ne peut défen dreson honneur conjugal contre son patron dans les mêmes conditions que celui-ci peut défendre le sien. Alors que la Lex Iulia de adulteriis permet au patron de tuer l'affranchi surpris en flagrant délit d'inconduite avec sa femme406 (ce qui est contraire à la pratique normale, inter disant au mari bafoué de se faire justice luimême)407, l'affranchi ne peut, en cas d'infraction semblable de la part de son patron, recourir à une telle mesure, sous peine de parricide, et ce n'est qu'en considérant l'adultère comme une injure grave que la jurisprudence classique justi fiela citation en justice du patron indélicat408. 404 Sur la dispense des operae accordée à l'affranchie mariée, cf. Lambert, Operae, p. 39; cette dispense disparaît lorsque l'union prend fin {ibid., n. 2). On peut se reporter du reste à un texte de Terentius Clemens (D. 38, 1, De Op. Lib., 14) : Sicut patronus ita etiam patroni filius et nepos et pronepos qui libertae nuptiis consensit, operarum exactionem nam hae cujus matrimonii, in officio mariti esse débet. 405 Sur l'action en justice du mari de l'affranchi contre le patron, voir Ulp., D. 47,10,11,7. Cf. Kaser, Patronatsgewalt, p. 98-9. 406 Dig. XLVIII, cf. 25 Macer. Dig., 5. f. 43 Tryphoninus. Cf. J. A. C. Thomas, Lex Iulia de Adulteriis coercendis, dans Etudes Macqueron, Aix, 1970, p. 637-644. Cf. aussi M. N. Andreev, Lex Iulia de adulteriis coercendis, dans St. Class., V (1963) p. 165180. Et sur le droit de tuer l'amant de la femme, cf. E. Cantar ella, Adulterio, omicidio legittimo e causa d'onore in diritto romano, dans St-Volterra, I, 1969, p. 243/274. 4Ü7 D., 48, 5, 26. 408 D., 48, 5, 39, 9 Papin: il ne semble pas qu'il faille accepter l'indication de la Coll. leg Mos., IV, 2, 5, 3, d'après
Enfin, n'oublions pas que les possibilités d'i ndépendance, sur le plan conjugal, sont d'autant plus limitées que beaucoup de couples sont constitués de co-affranchis et que, surtout, beau coup d'entre eux n'ont certainement pas reçu de consécration légale (parce que prolongeant une union servile), ce qui maintient intacte, en droit et en fait, l'autorité du patron sur chacun des «conjoints »409. Autorité patronale et paternité des affranchis Mais cette intervention du patron ne se limi tepas à ce rôle direct auprès des affranchies : - tout d'abord, le patron garde tous ses droits sur les enfants, restés en esclavage, de ses affranchis410. Ceux-ci n'exercent leur autorité
laquelle la Lex Iulia de adulteriis aurait permis au père de la femme saisie en flagrant délit d'adultère avec le patron, de tuer celui-ci. . . 409 Le fait que les unions d'esclaves puissent être dissoutes par la seule volonté du maître apparaît dans une sentence de Trebatius (D. 33.7,12,5 Ulp., 20 ad Sab.); celui-ci n'envisage que la vilica soit intégrée, au même titre que le vilicus, dans l'instrumentum fundi que si modo aliquo officio virum adiuvet; autrement dit le fait que le vilicus soit son uir ne suffit pas; pour ne pas être séparée de lui, il faut qu'elle l'aide dans son travail. Sur ce thème, cf. S. Solazzi, // rispetto per la famiglia dello schiavo, dans SDHI, 15, 1949, p. 187-192. 410 Par ailleurs, cf. la controverse entre Scaevola, Manilius et Brutus au sujet des partus ancillae et de la définition du fructus né de celles-ci (cf. D, 7,1,68, n. 17 ad Sab. Cic, Fin, 1, 4. Sur ce point, voir Kaser, Partus ancillae, dans ZRG, R. Abt., 75, 1958, p. 156-200, cf. aussi, Manaricua, Matrimonio, p. 101-3; les enfants des statuliberi sont esclaves de l'héritier. (D. 40,7,16). Sans partager l'opinion de Brunt sur l'affranchissement tardif des esclaves-femmes, on peut retenir son hypothèse selon laquelle, dans beaucoup de cas, elles n'auraient été libérées qu'après avoir procréé, leurs enfants restant escla ves{Manpower, p. 143, n. 5 - Ce qui contredit en partie les conclusions de l'auteur sur l'infertilité relative des affran chies). Les deux premiers principes civitatL·, ainsi que les appelle Cicéron pensaient que la notion de fructus devait englober aussi les enfants des esclaves, alors que Brutus, dont la sentence semble l'avoir emporté peu à peu, pensait le con traire {Vêtus fuit quaestio an partus (ancillae) ad fructuarium pertineret - Sed Bruti sententia obtinuit fructuarium in eo locum non habere - Neque enim in fructu hominis homo esse potest, D. 7,1,68). Intéressante, de ce point de vue, est l'épitaphe CIL, P, 3121 (h'g. 49), dédiée par un individu certain ement affranchi N. Granius Artemo, à son fils Faustus, (Fausti Ν. Ν. Grani deliciae) encore esclave; l'indication du rapport avec les maîtres {deliciae) précède même celle de la paternité
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES paternelle, leur poîestas que sur leurs enfants légitimes411, - d'autre part, le patron conserve ses droits sur les enfants-nés esclaves de ses affranchis, et devenus eux-mêmes ses affranchis. Le patron est donc le tuteur des filles et des garçons mineurs placés dans une telle situation (et c'est à lui que, s'ils meurent intestat, revient leur fortune, de même qu'ils ne peuvent recueill ir normalement l'héritage de leur père naturel; c'est lui qui, dans une certaine mesure, peut empêcher la descendance naturelle de l'affran chi de voir le jour). Enfin, n'oublions pas que le terme verna s'appliquait aussi, et peut-être enco re au début de la période étudiée, aux fils d'af franchis412 et, surtout, que les fils d'affranchis ne rompaient pas tout lien avec le patron de leur père, ainsi que l'exemple de Iulius Rufio413, fils d'un affranchi de César, l'indique. b) La confusion des pouvoirs d'époux (ou de père) et de patron Mais il ne faudrait pas tirer de ces remarques la conclusion que la situation conjugale et famil iale des affranchis était constamment contrôlée par les patrons et que les pouvoirs de ceux-ci allaient toujours dans le sens d'une limitation des droits d'époux et de père de leurs affranchis. Ce serait adopter un point de vue trop rigide. En effet, les patrons sont aussi, nous l'avons déjà signalé, partie prenante dans des unions avec des affranchi(e)s (ou d'affranchis, essentielle ment).
du dédicant - sans doute parce que Artemo tire fierté de la faveur dans laquelle son fils était? 411 Cf. Plaut. Capt. v. 1145, et encore, à en croire la célèbre épitaphe d'Aurelius Zosimus, affranchi de L Cotta (épitaphe datée de l'époque augustéenne), c'est le patron qui aurait consenti à ce que l'affranchi ait des enfants (CIL, XIV, 2298 = ILS, 1949) Qui (patronus) iussit natos tollere, quos aieret. 412 Cf. Bang, Rom. Mitt., 27, 1912, p. 191 η. 5, cf. aussi CIL, P, 1589 = X, 4053 où Quadius (?), le verna, est peut-être le fils du patron et de Caesia Muscis. 413 C'est à César dont il était aussi le mignon qu'il dut d'accéder à l'ordre équestre et de commander 3 légions à Alexandrie (Suét., Caes. LXXVI) cf. aussi M. Aurelius Cottanus, le fils d'un affranchi de M. Cotta Maximus (CIL, XIV, 2298).
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Il faut rappeler que le patron possède une sorte de droit d'usage sur ses femmes esclaves414, et même l'affranchie ne pouvait refuser que le patron l'épouse, puisqu'au tournant de l'époque chrétienne, le consul Ateius Capito dut interdire qu'une contrainte fût désormain exercée par le patron dans ce sens415. Mais ce droit d'usage ne semble pas avoir toujours joué416, puisque, au dire d'Appien, Fulvius avait marié à un autre son affranchie417, et même ce droit, dans la réalité, devait peut-être se heurter aux sentiments personnels des inté ressés, puisque dans la Casina de Plaute, Lysidamus est obligé de donner la liberté à son fermier Olympio en échange du droit d'être le «co-épouseur» de celui-ci {meus socius, compar, commaritus, vilicus)418, ce qui était une reconnaissance de la priorité de son esclave auprès de la belle Casina. En réalité, la question doit être posée autre ment, si l'on se rappelle que, dans beaucoup de cas, le patron était le conjoint de son affranchie
414 C'est peut-être ce que l'expression domino placidi peut exprimer (CIL, F, 1213, cf. Plaute, Most., V 167 Volo me piacere Philolachi meo ocello, meo patrono). Inversement, le terme castus employé par une affranchie à propos de son patron (CIL, VI, 37.806) veut peut être dire que ce dernier l'a respectée?). Cf. supra, p. 192/193. Rappelons le principe énoncé par Q. Haterius, juriscon sultede l'époque augustéenne : Impudicitia in ingenuo crimenest, in servo nécessitas, in liberto officium (cf. Sen., Centrov, IV, 10). Ceci est confirmé par deux sentences d'Ulpien (Servo autem manumisso non compitare actionem ob injuriam quam in servitine passus est, quis dubitet D. 47.10.30) et Papinien (Inter libéras tantum personas adulterium stuprumue passa Lex lidia (de adulteriis) locum habet D. 48.5,6, pr.). Il n'y a donc aucun recours de l'esclave femme, vivant ou non en commun avec un autre esclave, contre les désirs du maître et il n'y a pas de principe de rétroactivité àl'encontre du maître, au cas où l'affranchi(e) parviendrait à la liberté. 415 Cf. Le commentaire d'Ulpien Dig., XXIII, 2, 28 et 29 montrant que l'affranchie ne peut-être contrainte, sauf si le dominus l'avait libérée en vue de l'épouser. Sur la sentence d'Ateius Capito, cf. D. 23.229 Quod et «Ateius Capito» consulatu suo fertur décrivisse, hoc tarnen ita observandum est, nisi patronus ideo iam manumissit, ut uxorem earn ducat. 416 Bien que l'existence de liaisons patrons-affranchies en soient probablement dans certains cas, la conséquence (cf. n. 347). 417 Bell. Civ., IV, 24. 418 V, 797.
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
(l'inverse se produisant plus rarement), ce qui entraînait une confusion des droits du patron et de ceux du mari, du moins tant que durait l'union419. Remarquons, au passage, que le maria ge avec le patron pouvait apparaître comme un véritable but aux yeux de certaines affranchies, ainsi qu'une anecdote, rapportée par Appien, nous le laisse entendre : un certain Fulvius aurait été trahi lors des proscriptions par une de ses affranchies (qu'il avait pourtant mariée et dotée) qui avait été auparavant aimée de lui et qui était jalouse de l'épouse de son patron (BC, IV, 24). D'autre part, n'oublions pas qu'en grande part ieles patrons étaient eux-mêmes des affranchis et que, dans de nombreux cas, les patrons don naient à leurs affranchis la possibilité de rache ter(ou leur léguaient) leur compagne et leurs enfants naturels420; à ce moment, les droits du patron et du mari (ou conjoint), du patron et du père, se fondaient, dans la réalité, et les relations d'affection prenaient le pas, même si, juridique ment, les droits patronaux étaient maintenus. Il résulte de ce fait que le problème posé ne peut être abordé d'une façon aussi abrupte que celle qui est adoptée par certains auteurs : ainsi Vitucci421 pense que «les fréquents mariages entre anciens esclaves et patrons ne peuvent pas ne pas être considérés comme un témoignage d'un graduel allégement de la condition des affranchis». Or justement, dans de nombreux cas, le patron est lui-même un affranchi422. De
419 Sur l'empêchement légal du divorce de l'affranchie mariée au patron, quand celui-ci n'est pas d'accord, cf. S. Solazzi, Studi sul divorzio, II il divorzio della libertà, dans BIDR, 34, 1925, p. 295-311, et La legge augustea sul divorzio della libertà e il diritto civile, dans BIDR, 51-2, 1948, p. 327-351. L'auteur pense que le divorce de l'affranchie, malgré la loi, pouvait avoir valeur. Notons par ailleurs que pendant la durée du mariage avec son affranchie, le patron ne pouvait en exiger les operae, au moins sous l'Empire, (cf. Bonfante, Corso, I, p. 208). 420 Cf. note 48, cf. aussi, les nombreuses unions que nous avons citées et où sont impliqués deux individus pouvant être soit deux co-affranchis, soit l'affranchi l'un de l'autre. Voir aussi les cas d'individus affranchis très jeunes, vra isemblablement en même temps que leurs parents naturels, ou par ceux-ci après rachat ou don par le patron. 421 Libertus, p. 922. 422 Unions affranchies-patrons (les inscriptions concernant des patrons eux-mêmes affranchis sont soulignées) :
même, on doit nuancer l'affirmation de Staerman423 selon laquelle maîtres et esclaves sérient uniquement liés par des rapports matériels, ou que les patrons n'auraient rien à voir dans la vie sentimentale de leurs affranchis («dans les rap ports entre esclaves et maîtres, il n'y a aucune sentimentalité » !) .
CONCLUSION Ainsi, la vie familiale des affranchis semble inscrite dans des limites juridiques et, surtout, sociologiques assez étroites : - les partenaires des unions dans lesquelles sont impliqués des affranchis sont avant tout des affranchis, les unions avec des ingénus apparais sant peu fréquentes, - la majorité de ces unions sont «informell es» et donc ne doivent pas relever d'un justum matrimonium, - le cercle de la gens du patron semble suffisant, surtout à Rome, pour englober l'essent iel de ces rapports. Il n'y a donc, à première vue, qu'une différen ce théorique, une marge très limitée semblant distinguer les unions serviles, peu à peu tolérées ou encouragées, des unions d'affranchis, celles-ci étant dans la majorité des cas, la continuation de celles-là. Cette impression paraît confirmée par l'inte rvention visible des patrons dans l'organisation de cette vie familiale, intervention qui s'est peutêtre appesantie du second au premier siècle,
A Rome: CIL, P, 1215 (?) - 1248 - 1256 - 1259 (ingénu) 1272 - 1277 - 1326 - 1339 - 1370 (ingénu) - 2527a - 2998 - VI, 9574 (tria nomina) - VI, /859/ (?) - 21961 - 37806 (ingénu). Hors de Rome : CIL, I2, /540 (Arpinum) - 1589 (Capoue, ingénu) - 1638 (Pompei) - 1802 (près de Sulmo, ingénu) 1841 (près de Reate, ingénu) - 1995 (Cosa) - 2135 (Gaddo, tria nomina) - 2795 (Kavo Kephali), 3196 (Bénèvent ?) - VIII, 24917 et 1053 (Carthage), XI, 139 (Ravenne, ingénu), XIV, 2485 (Castrimoenium, tria nomina) - Ep., XXX (1968) p. 127/ 8, n. 2 (Beneventum, tria nomina). AE, 1964, 30 (Trebula Mutuesca - ingénu). Union entre une patronne affranchie et son affranchi: CIL, I2, 1249 à Rome, 3013. 4" Blütezeit, p. 211.
LA VIE FAMILIALE DES AFFRANCHIS ASPECTS JURIDIQUES ET SOCIOLOGIQUES dans la mesure où les aspects économiques de la puissance patronale424 étaient en jeu, en même temps que les relations légitimes entre affranchi(e)s et ingénu(e)s se seraient sinon raréfiées du moins maintenues à un niveau très faible. Ainsi, l'on serait tenté d'admettre sans réser ve les conclusions de certains historiens soviéti ques,tendant à montrer qu'il y aurait eu une détérioration de la situation des esclaves et même des affranchis du second au premier siè cle425. En réalité, si l'on ne peut nier tout ce qu'avait de précaire la situation des anciens esclaves par rapport à leur patron, on doit reconnaître qu'au cours de la période que nous étudions, leur vie familiale ne semble pas avoir subi d'atteinte, ni sur le plan des principes juridiques, ni surtout sur le plan social. Malgré l'imprécision de notre documentation épigraphique, il apparaît que nombreux sont les cas où les affranchis sont les patrons de leurs propres compagnes; de même, de nombreux affranchissements précoces doi vent sans doute être mis en rapport avec l'i mportance reconnue des unions serviles et la poss ibilité donnée aux esclaves nouvellement libé rés de reconstituer leurs «cellules familiales». D'autre part, pour être illégitimes, nombre de ces unions ne manquent pas de dignité et leurs participants veulent nous en donner l'impress ion. Il ne faut pas oublier, d'ailleurs, qu'une certaine proportion d'union nouées entre affran chisou entre un(e) affranchi(e) et un(e) ingénu(e) relèvent d'un iustwn matrimonium et les enfants qui en sont le fruit sont des ingénus qui indiquent fièrement leur filiation légitime ou leur appartenance à une tribu. Ainsi, peu à peu, soit en marge du droit, dans la plupart des cas, soit à l'encontre de préjugés sociaux, ces unions, légitimes ou non, finissent par s'inscrire dans les faits, et s'expriment dans les mêmes termes que celles des ingénus, sans qu'elles touchent au ridicule. Certes des limitations ont été imposées à l'initiative des affranchis en matière matrimonia424 Sur le sens restrictif de la législation augustéenne, voir Besnier, Successions, p. 55-65, et p. 57-58 (historique du pro blème). Cf. aussi, M. Andreev, Divorce et adultère en droit romain classique, dans RHDF, 4° sér., 35, 1957, p. 1-32. 425 Staerman, Blütezeit, p. 172 par exemple ou VDI, 1963, 2, p. 80-99, particulièrement p. 81-84).
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le. Mais ces limitations n'ont joué bien souvent que parce que les intéressés l'ont voulu (dans le cas de la continuation d'unions serviles) ou ont disparu dans la confusion des droits patronaux et conjugaux. Il y aurait en fin de compte un très grand danger à conclure sur ces problèmes, d'une façon trop optimiste ou pessimiste, dans la mesure où, notre documentation étant surtout épigraphique et datant essentiellement du pre mier siècle avant notre ère, nous sommes mal renseignés sur la réalité du second siècle (et donc il ne nous est pas possible de tracer avec certitude une évolution dans un .sens ou un autre), et, surtout, comme toujours à propos de Xobsequium tel qu'il s'exprime sur les épitaphes nous ne savons, au sujet de la mention du ou des patrons dans la vie familiale de l'affranchi, si celle-ci correspond à un véritable sentiment d'af fection ou à un simple conformisme (fig. 50). Il reste que, d'après leurs monuments funé raires, les affranchis entourent leur vie familiale d'un moralisme plutôt conservateur et qu'ils cherchent à donner tant par les mots que par les images à leur position d'époux et, surtout, à leur paternité, notamment légitime, une force parti culière. A un moment où les milieux aristocrati ques n'appliquaient plus aussi généralement le mos maiorum dans ce domaine, la rigueur expr imée par d'anciens esclaves rejoint l'horizon plu tôt «vieux jeu» des élites municipales d'Italie. On comprend donc qu'Auguste, voulant redonner sa dignité à la famille et au mariage, ait pu s'adresser aux affranchis qui, dans un passé récent avaient marqué leur attachement, au moins formel, à des valeurs trop souvent oubliées. Ce n'est donc pas seulement pour des raisons démographiques (insuffisance numéri que des hommes libres et faible empressement des ingénus à procréer) que l'appel aux libertini était justifié. Notons enfin que c'est avant tout aux affran chispères de famille que la législation augus téenne - en dehors des aspects touchant aux caduca, offre de nombreux avantages : c'est qu'ils représentent traditionnellement des individus sur la pondération et la prudence desquels on peut compter - des individus dignes de confian ce auxquels l'attente de la libération de leurs compagnes et de leurs enfants naturels a sou vent servi d'épreuve supplémentaire.
CHAPITRE III
Β - LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI
Nous avons essayé, dans le précédent chapit re,de montrer combien il pouvait être dange reuxde réduire les rapports patron-affranchi à une confrontation entre deux individus détachés de leurs attaches familiales. De même, nous avons indiqué qu'il n'était pas possible de limiter cette relation à un cadre strictement juridique, puisque des liens de caractère sentimental notamment, entre personnages de sexe différent, sont venus interférer sur les pouvoirs que le patron pouvait exercer sur certaines de ses affranchies et sur les enfants légitimes ou non qu'il en avait. Cependant, pour une proportion certaine ment importante (mais que nous ne pouvons fixer) de liberti, la potestas patronale s'exerçait dans toute sa vigueur, potestas tempérée sans doute par la confiance que les services rendus pouvaient alimenter, mais dont nous devons chercher les fondements juridiques et expliquer, autant que nous le permettent nos sources, le fonctionnement quotidien.
I - LA POSITION JURIDIQUE DU PATRON PAR RAPPORT À L'AFFRANCHI ET SON ÉVOLUTION L'examen des textes littéraires et, surtout, juridiques, nous indique que jusqu'aux derniers temps de la République, le patronus est normale ment l'objet, de la part du libertus, de marques de respect qui ne relèvent pas uniquement de la coutume, mais ont reçu une certaine sanction
juridique. L'affranchi, bien qu'ayant échappé à la manus de son maître, du fait même de l'affra nchissement, continue à être soumis à Yauctoritas de ce dernier, tandis que toute une série d'inter dictions ou d'obligations, notamment en matière judiciaire, ont été définies, à partir de la fin du second siècle par le préteur, codifiant peu à peu la situation d'infériorité du libertus. 1) Les aspects juridiques de la supériorité patronale En même temps que l'autonomie théorique de l'affranchi par rapport au patron recevait une affirmation plus marquée, surtout à partir de la fin du deuxième siècle, un certain nombre de décisions d'ordre législatif ou dues à l'action du préteur ont précisé les limites au-delà desquelles la personnalité du libertus ne pouvait s'affirmer sans porter préjudice à la personne même du patron. Ce faisant, ces décisions ont confirmé le caractère «sacré» du patron qui, au même titre que le poter, ne peut être l'objet ni de violences ni d'infamies, notamment au plan judiciaire. L'affranchi et le parricide1 Les termes parricida(s) et parricidium, appli qués à l'époque républicaine, ont donné lieu à 1 Sur cette question, veir en particulier : Lévy-Bruhl, Quelques problèmes, p. 77-95. Ph. Henrion, Parricida, dans RBPh, 20, 1941, p. 219-241. V. Coli, Parricidium, dans Si. Paoli, 1956, p. 171-194. A. Burdese, Riflessioni sulla repressione penal eromana in età arcaica, dans BIDR, 69, 1960, p. 342-354. M. Kupiszewski, Quelques remarques sur le parricidium dans
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
d'abondantes discussions portant, d'une part, sur leur application, que certains ont voulu, de façon peut être abusive, rattacher étymologiquement à pater2, d'autre part sur la peine sanctionnant ce délit, le culleus3. Il semble que dans la première partie du premier siècle, la notion de meurtre ne s'attache plus seulement à la mise à mort d'un homme libre, citoyen ou étranger, mais s'étende même à celle d'un esclave; à ce moment, le parricidium n'est plus conçu comme le meurtre d'un homme libre quelconque mais comme celui d'un proche parent, ascendant ou non. Cette évolution est marquée dans la Lex Cornelia de Sicariis et Veneficiis dont on ne sait si elle prévoyait le cas d'affranchis meurtriers de leur patron. Relevons cependant que c'est précisément sous Sylla que l'on aurait enregistré le premier cas d'extension à un ancien esclave de l'appellation de parricida(s), si, du moins, nous retenons le témoignage de Valére Maxime (VI, 5, 7), qui peut cependant avoir appliqué de façon anachronique une défi nition juridique ou morale de son temps : Iam Sulla non se tant incolumen quam Sulpicium Rujum perditum voluit, tribunicio furore eius sine ullo fine vexatus. Cerium cum eum proscriptum et in villa latentem a verso proditum comperisser «manumissum parricidam», ut fides edicti sui constaret, praecipitari protinus saxo Tarpeio cum ilio scelere parto pilleo iussit. . . Selon l'auteur, Sylla aurait affranchi puis fait mettre à mort un esclave de Sulpicius Rufus qui avait trahi son maître, proscrit. On ne peut en déduire qu'il y ait eu application d'une clause de la Lex Corneli a',mais il est révélateur que, dès le vote de celle-ci, le rapprochement du meurtre (ou de la complicité de meurtre) du patron avec celui de proches parents ait été opéré. Cette assimilation prend en tout cas effet dans la Lex Pompeia de Parricidiis, dont la date est discutée4, mais qui doit être rattachée à un le droit romain classique et postclassique, dans St. Volterra, IV, 1969, p. 601-614. J. D. Cloud, Parricidium, from the lex Numae to the lex Pompeia de parricidiis, dans ZRG (RA), 88, 1971, p. 1-60 (= Cloud, Parricidium). 2 Cloud, art. cit., p. 5-6 et η. 5 p. 12. 3 Art. cit., p. 26-38. Cf. en dernier lieu, J. D. Cloud The primary purpose of the Lex Cornelia de Sicariis, ZRG (RA), 86, 1969, p. 258-289. 4 Résumé des diverses thèses dans Cloud, art. cit., (p. 47, η. 52).
consulat de Cn. Pompée le Grand, soit celui de 55 soit celui de 52 avant notre ère5. Le texte de cette loi nous est signalé par plusieurs juristes de l'époque impériale, Venuleius Saturninus6, Callistrate7, mais surtout Paul et Marcien, qui donne un texte beaucoup plus précis : Lege Pompeia de Parricidiis cavetur, ut, si quis patrem matrem, avum aviam, fratrem sororem patruelem matruelem, patruum avunculum amitam consobrinum consobrinam, uxorem virum generum socrum, vitricum, privignum privignam, patronum patronam occident cuiusue dolo maio id factum erit, ut poena teneatur quae est «Legis Corneliae de Sicariis», sed et mater quae filium filiamve occident, eius legis poena adficitur, et avus, qui nepotem occident : et praeterea qui emit venenum ut patri daret, quamuis non potuerit dares. Malgré la convergence de ces témoignages, des difficultés demeurent; ainsi, à propos des peines prévues, le texte de Paul qui semble dis tinguer la période ancienne, consécutive à la loi (antea) et la situation de son temps (hodie), est contredit par d'autres passages et risque d'être interpolé9. De même, l'on a mis en cause l'élar-
5 Cloud retient la date de 55 avant Jésus-Christ mais n'exclut pas 52 avant Jésus-Christ (alors que 70 avant JésusChrist, date du premier consulat, lui semble impossible à accepter: p. 61/62). 6 D. 48.2.14.4 (Veneleius Saturninus lib. 2° de iudiciis publicis, item nee lege Pompei parricida (se. servi rei fiunt) quoniam caput primum eos adpraehendit, qui parentes cognatosve aut patronos occiderint: quae in servos, quantum ad verba pertinet non cadunt: sed cum natura commimis est, similiter et in eos animadvertetur). 7 D. 48.19.29.8 in patronum patronive filium patrem propinquum maritum uxorem ceterasque necessitudines . . . Käser, Die Geschichte, p. 111/112, pense que l'auteur reprend ici un texte plus ancien. Mais la mention du fils du patron remontet-elle à l'époque républicaine? Dans le cas de l'assassinat du fils de Fabius Maximus, en 105/104, ce ne sont pas deux affranchis, mais deux esclaves qui sont complices. Si Valére Maxime (VI, 1, 5) et Orose (V, 16, 8) ne disent rien du châtiment éventuel des deux parricida ministri, c'est sans doute qu'à cette époque encore, la responsabilité rétroactive de l'ancien esclave n'est pas établie dans le cas du meurtre d'un homme libre. 8 Paul, Sent., V, 24,1 - D. 48,9,1 Marcian. Marcien revient aussi sur cette question dans deux autres passages : D. 48.9.3. (Marcian. 1. 14 Inst.) et D. 48.9.4 (1. 1 de pubi. iud). 9 La phrase Etsi antea . .. ad bestias dantur serait interpo lée et daterait de l'époque wisigothique, selon Cloud, Panici· diiun p. 51, malgré Kupiszewski, art. cit., p. 613) qui pense que
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI gissement à des alliés, présenté par Marcien, de la définition des auteurs de parricidium, ce qui a pour conséquence de mettre en doute la citation du meurtre du patron ou de la patronne qui suit cette mention. En fait, il semble que le texte soit acceptable10. Et la citation, en dernier lieu il est vrai, mais dans une liste énumérant liens de parenté et cognationes, de la responsabilité de l'affranchi souligne le caractère particulier qui rattache l'ancien esclave à son patron, vis-à-vis duquel il n'est jamais un étranger, mais dont il est, au regard de la loi, une sorte de cognatus au dernier degré11. L'infériorité de l'affranchi vis-à-vis du patron, dans le domaine judiciaire Cette situation du libertus est affirmée, sous la forme d'un principe dans un commentaire d'Ulpien (D. 2.4.4.1 Ulp. lib. 5 ad ed) Praetor ait: parentem patronum, patronam, liberos parentes patroni patronae in ius sine permissu meo ne quis vocet. Texte capital qui met patron-patronne presque sur le même plan que parens et qui englobe dans l'interdit prétorien les ascendants et les enfants légitimes du patron et de la patronne12. Ce principe est confirmé par le commentaire d'Ofilius à l'édit : Ne quis eum qui in ius vocabitur vi existimat neve faciat dolo maio magis eximeretur13. la peine du culleus frappait le parricida parentis, alors que la poena capitalis sanctionnait les autres. Cependant, la réalité du culleus demeure (cf. Cloud, Parricidium, p. 38). 10 Cloud, art. cit., p. 54/55 et Kupiszewski, art. cit., p. 603/4, sont d'accord sur ce point et pensent que les auteurs du Digeste ont utilisé directement le texte de Marcien (et réhab ilitent ainsi l'opinion de Mommsen, Rom. Strafrecht, p. 645 mise en doute par Volterra, BIDR, 40, 1932, p. 127). 11 Sans doute était-il soumis aux Tresviri Capitales dans le cas où il ne s'agissait pas d'une quaestio concernant un personnage de l'aristocratie sénatoriale. 12 Ce qui s'accorde avec la transmissibilité des droits de tutelle et des bona au filius patroni. Cf. aussi D. 4,10,8 et 4,10,10; cf. aussi le texte de Callistrate cité dans la note 7; cf. encore D. 37.15.1 à propos de l'interdiction des actiones famos ae.· " Cf. Lenel, Edictwn Perpetuum, p. 73. Il est possible que le prêteur, en cas de manquement à l'interdiction ainsi formulée, ait accordé au patron une actio in factum concepta (cf. Cosentini, Studi, I, p. 202), si l'on suit Gaius (IV, 46, cf. De Zulueta, Institutes, p. 262) : Qualis est formula quae utitur patronus contra libertum qui eum contra edictum praetoris in ius evocavit ... Si paret illius patronum ab ilio illius patroni
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Selon Ulpien en effet (D. 2.7.1.2 Ulp. 5 ad ed.), Ofilius putat locum hoc edicto non esse, si persona quae in ius vocari non potuit, exempta est, veluti parens et patronus, ceteraeque personae : quae sententia mihi videtur verior, et sane si deliquit qui vocat, non deliquit qui eximit. Autrement dit, l'édit qui frappe les individus empê chant les personnes citées en justice de comparaître, ne concerne pas ceux qui empêcheraient des personae comme, le patron ou le père, qui ne peuvent être régulièrement citées par leur fils, ou affranchi, car elles sont par nature exemptae. Ces deux textes où sont rapprochés, une fois encore, les termes parens et patronus, aident à cerner, sur un plan général, la nature quasireligieuse de ce dernier par rapport à son ancien esclave, et à comprendre que l'affranchissement, même régulier, ne crée pas un rapport d'égalité entre deux partenaires, mais consacre dans le droit une prééminence qui, historiquement, est sanctionnée d'abord par le fas puis le ius, surtout lorsque le préteur par une série de prescriptions a précisé les privilèges patronaux et, par voie de conséquence, l'impossibilité d'agir du libertus en matière de justice14. C'est ainsi qu'il est interdit au libertus d'inten ter des actiones famosae, ou qui pouvaient impli quer l'idée de dolus ou de fraus, ainsi qu'un commentaire d'Ulpien à l'édit nous l'indique : Parens, patronus, patrona, liberive aut parentes patroni patronaeve. . . Sed nec famosae actiones adversus eos dantur, nec haec quidem, quae doli vel fraudis habent mentionem15. C'est encore Ulpien qui donne le détail des interdictions découlant du principe précédent : Licet non famosae sit 1. Et in quantum facere possunt damnantur. 2. Nec exceptiones doli patiuntur vel vis metusve causa, vel interdictum liberto contra edictum praetoris in ius vocatum esse . . . (La somme de 10.000 HS que l'affranchi doit éventuellement payer, s'il est contrevenant, ne peut sans doute pas être reportée à l'époque républicaine). 14 Sur ce point cf. Cosentini, Studi, I, p. 202-205, - Π, p. 11/12. Käser, Die Geschichte, p. 98/102 et 107/112. Bonfant e, Corso, I, p. 175 - L'étude de Treggiari, Freedmen, p. 80, est un peu rapide sur ce point. 15 D. 37.15.1 Ulp., 8.10 ad ed. Le texte d'Ulpien semble ne pas inclure directement les actiones doli ou fraudis dans le champ des famosae actiones, alors que dans un autre passage (D. 4,3,11 Ulpien de dolo), il les y intègre: Et quibusdam personis non dabitur, ut puta liberis, vel libertis adversus parentes patronosve cum sit famosa. Sur le caractère infamant de Xactio doli cf. Watson, Obligations, p. 261.
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
unde vi vel quod vi paîiuntur. Nec déférentes iusiurandum de calumnia iurant. Notons qu'il s'agit d'exceptiones qui furent créées au premier siècle16 et liées toutes à l'ac tion prétorienne. Les commentateurs de l'épo queimpériale ont d'ailleurs insisté tout particu lièrement sur Yexceptio doll·1 ou Y actio de dolo™, soulignant bien la portée générale de cette inter diction, puisque Labeo, déjà, définit le dolus d'une façon très large19. Par ailleurs, l'affranchi ne peut soulever une actio iniuriarum20 (à moins que celles-ci aient un caractère particulièrement atroce)21, mais il n'est pas sûr que cette réserve ait valu à l'époque républicaine. L'affranchi ne peut invoquer le iudicium calumniae contre le patron et celui-ci n'est pas tenu au iusiurandum calumniae22.
16 II en est ainsi de Yexceptio doli, introduite sans doute par le prêteur Aquillius Gallus, en 66 avant Jésus-Christ (cf. id., ibid., p. 258-263), de l'exceptio quod metiis causa {id., ibid., p. 257-8, qui s'oppose, sur ce point, à Kaser, RPR, I, p. 213 et n. 25, mais reprend la thèse de Buckland, Textbook, p. 593 et n.3). Sur i'interdictum unde vi, cf. Berger, Dictionnary, p. 510 et sur i'interdictum quod vi (aut clam), ibid., p. 511 (et D. 43.16.1.43), cf. A.W. Lintott, Violence in Republican Rome, Oxford, 1968, p. 126-131. 17 Cf. D. 44.4.4.16 Adversus parentes patronosque, doli exceptio non datur (selon la restitution de Kaser, Geschichte, p. 108, n. 4). 18 Honori parentum ac patronorum tribuendum est ut . . . nec actio de dolo aut iniuriarum in eos detur (D. 37,15,2. Iulian Lib. XIV Dig.). 19 Sur la définition du dolus, Yactio et Yexceptio doli, cf. Watson, Obligations p. 258-263. 20 Cf. D. 37,15,2 - cf. aussi D. 47.10.1 1,7 (Ulp.) Quamquam adversus patronum liberto iniuriarum actio non datur, maritus libertae nomine cum patrono agere potest. Cf. aussi le texte de Julien cité à la note (18). 21 Edit restitué par Kaser, Geschichte, p. 99 - Signalons un texte de Papinien (D. 48,5,39,9) : Liberto patroni famam lacessere non facile conceditur: sed si ture mariti velit adulterii accusare, permittendum est quomodo si «atrocem iniuriam» passus est. Mais id., ibid., p. 99/100, pense que l'exception faite dans le cas d'une atrox iniuria serait post-classique. 22 Cf. Bonfante, Corso, I, p. 175 - p. 278. Kaser, Geschichte, p. 109/110. Berger, Dictionnary, p. 534. Le texte de l'édit est signalé par Ulpien (D. 12,2,34,4 Ulp. Lib. XXVI ad ed) Hoc iusiurandum de calumnia aeque patrono parentibusque remittitur. Cf. Lenel, Edictum Perpetuum, 109 (qui utilise D. 37.15.5 pr.). Les autres textes intéressant ce point sont D. 37.15.7.3. (Ulp. lib. X ad ed) et D. 12,2,16.2 (Ulp. Ub. X ad ed) ainsi que 2, 8, 8, 5 et 39, 2, 13,14. qui montrent
Ajoutons que dans le cas où une actio est, exceptionnellement, permise par le préteur, le patron peut se faire représenter par n'importe quel vindex, alors que dans tous les autres cas ce dernier doit être pro qualitate locuples23, ceci étant sans doute destiné à permettre aux patrons les plus modestes de se faire plus facil ement représenter. Enfin, le patron jouit du benejicium competentiae, c'est-à-dire qu'à titre de privilège, le préteur lui accorde le droit de garder ses moyens de subsistance, dans le cas où il était condamné en tant que débiteur de l'affranchi (ce privilège étant également reconnu au parens et à l'époux)24. En dehors de ces privilèges accordés au patron, relevons que l'affranchi ne peut être tenu de prêter serment contre son patron (et inversement), ainsi que ceci ressort du § 95 de la Lex Ursonensis25 et de la Lex Iulia de vi, qui semble élargir un peu le cadre de cette except ion26. D'autre part, l'affranchi est tenu à un devoir très large d'assistance judiciaire en faveur du patron. C'est ce qui explique qu'il a toujours la possibilité de postuler pour ce dernier, en vertu
que l'affranchi ne peut déposer une plainte contre le patron en vertu de l'édit de calumniis. C'est à tort, sans doute, que Cosentini, Studi, (II, p. 12), rattache ces interdictions aux lois Augustéennes. 23 D. 2,8,2,2 - Lenel op. cit., V, 3 reconstitue ainsi l'édit : Si quis parentem patronum, patronam, liberos aut parentes patro ni patronae, liberos suos [eumve quem in potestate habebit] vel uxorem vel nurum in ius vocabit : qualiscumque vindex accipiatur. 24 II n'était dans ce cas, tenu de payer que ce qu'il pouvait payer (in id quantum facere potest, cf. D. 37.15.7.1. et 3). Sur l'origine prétorienne de ce benejicium, cf. Cosentini, Studi, I, p. 203. Berger, Dictionnary, p. 372-3. " Neve quem invitum testimonium dicere cogito qui ei cuius r(es) turn agetur, gener socer, vitricus privignus, patron(us) lib(ertus), consobrinus sit propriusve eum ea cognatione atfinitateim) contingat. Sur ce point, l'opinion de Cosentini, (Studi I, p. 205) qui, se fondant sur le fait que Paul (D. 22.5.4.) énonce ce principe dans le cadre de son commentaire ad legem Iuliam et Papiam, y voit une création augustéenne et en tire argument pour montrer l'aggravation de la situation de l'affranchi, moins indépendant dès lors, est irrecevable. Cf. Lemonnier, Condit ionPrivée, p. 127-8. 26 D. 22.5.3.5. (cf. M. Kaser, Testimonium, dans RE, V, A, col. 1047-8 Qui se ab eo parenteve eins libertove cuius eorum liberti libertave liberave/it).
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI d'un édit de postulando21, c'est-à-dire qu'il peut représenter son patron dans une action ou le défendre devant un magistrat compétent, même au cas où lui-même est frappé d'infamie28 et où il est, normalement, compté parmi les individus qui ne peuvent soutenir une action nisi pro certis personis29. Et c'est très logiquement qu'en tant que procurator et sans mandat particulier, il peut agir en justice pour le compte de son patron30. Les indications littéraires ne manquent pas qui concernent des affranchis ayant défendu leurs patrons en justice31 ou ayant été condamnée à leur place32. C'est cette pratique traditionnelle qui a dû, notons le, conduire à prévoir, dans le cadre de la Lex Iulia de Adulteriis, l'intervention à côté de sept citoyens Romains, de l'affranchi de celui qui demande le divorce33. Au terme de cette analyse, il est indiscutable que l'action du préteur, favorable à l'affranchi dans d'autres domaines, a tendu à inclure dans son édit des dispositions consacrant la position eminente du patron par rapport à son libertus, position qui se caractérise désormais par l'im possibilité presque totale dans laquelle est l'a ffranchi de citer son patron en justice en cas de délit commis à ses dépens; l'énumération des diverses interdictions montre que la vis patronal e, conséquence de sa puissance, se voit recon naître un large champ d'application. D'autre
27 D. 3.1. 1.11 (Ulp. de post). 28 Sur ce point, voir Cosentini, Studi, I, p. 205, Berger, Dicdonnary, p. 639 {postulare), Watson, Persons, p. 227. 29 Sur l'aedo nisi pro certis personis, cf. Watson, op. cit., p. 41-2. 30 D. 3.3.34 pr. (Ulp. de proc). 31 Cf. Cic, Scaur, 23. Suet., Rhet., 3 (cf. Horace, Sat., I, 11, v. 22). Inversement Plutarque {Pomp., VI, 1) cite le cas d'Alexander, affranchi de Pompeius Strabo, qui avait laissé condamner son patron à sa place. C'est une accusation semblable que Cicéron semble porter contre Chrysogonus {Pro Sex. Roscio, 130). 32 II en est ainsi d'Antiochus, affranchi de A. Gabinius condamné à l'issu d'un procès dont son patron était sorti acquitté, par des juges furieux de cet acquittement (cf. Cic, Att., IV, 18, 4). C'est à une «vengeance» de ce type que doit faire allusion Cicéron encore {Pro Fiacco, 87.88) à propos de la condamnation d'un affranchi de M. Lurco prononcée par le prêteur L Flaccus. 33 D. 24.2.9. (Paul 1. 2° de adult) Nullum divortium est nisi septem civibus Romanis puberibus abhibitis praeter libertum eins qui divortium fecit.
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part, la mention de l'autorisation du préteur nous indique qu'hors de Rome, il devait être très difficile à un affranchi de faire valoir éventuelle ment ses droits. 2 - L'autorité patronale : manifestations et nature Un certain nombre de textes littéraires, datant pour la plupart du premier siècle, sem blent indiquer l'existence d'une puissance patro nale, fondée sans doute sur le passé des rapports maître-esclave et se traduisant par une soumis sionmarquée de l'affranchi à la volonté du patronus34. En ce qui concerne l'expression pratique de cette autorité, nous sommes surtout renseignés par l'œuvre de Cicéron, dans laquelle la voluntas du patron est mise en avant35, tandis que des actifs comme iubere36 et, surtout, imperare57 (beaucoup plus forts que mandare)39, font direc tement référence à un imperium domesticum conçu comme une autorité absolue sur les escla vescomme sur tous les dépendants libres : Denique imperium domesticum nullum eût, si servolis hoc nostris concessimus ut ad verba nobis oboediant, non ad id quod ex verbis intellegi possit obtempèrent39. C'est à ce même imperium que fait allusion Q. Cicéron à propos de sa décision d'af franchir Statius40. Or, dans cette démonstration quotidienne de l'autorité patronale, Cicéron se montre nostalgi-
34 Bonfante {Corso), I, p. 73) n'hésite pas à parler d'imperium domesticum, Erman, {Servus Vicarius, p. 403) de constitutiones domini. Sur ce thème, cf. Mommsen, Rom. Staatsrecht, III, p. 16-28. Cosentini, Studi, I, p. 69-103 refuse l'existence d'une potestas patronale primitive. 35 Fam., XVI, 22, 1 Et cave suspiceris contra meam volunta· tern te facere. Fam., XVI, 2. Maxime obtemperaris voluntati meae. 36 Att., II, 13, 1. 37 «Chrysippo tarnen imperabo» {Q. Fr., Ill, 4, 5). De muro imperavi Philotimo ne impedirei . . . {Au., II, 4, 7). 38 Mais il s'agit, notamment, d'ordonner à Philotime {Att., IX, 7, 1 cf. Fam., IV, 2, 1). Or celui-ci est un affranchi de Terentia, auquel Cicéron ne peut, légalement, imposer son autorité (cf. A. Gell., Ν. Att., XVII, VI non enim servo mariti imperare hoc mulierem fas erat, sed proprio suo et l'inverse est vrai). 39 A Caecina, 52. 40 Att., II, 19, 1 Nec meum imperium, ac mitto imperium.
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que, d'une part d'une pratique «rustique» appli quée· dans les municipes41, et d'autre part, du passé : Tenebat (Appius) non modo auctoritatem sed edam Imperium in suos : metuebant servi, verebantur liberi, carum omnes habebant. Vigebat in Ma domo, mos patrius et disciplina*1. C'est donc l'image non seulement d'un respect moral mais d'une soumission imposée à tous, y comp ris les affranchis (qu'on les classe parmi les servi ou les liberi), que nous trouvons ici; et la référence au mos patrius, c'est-à-dire à un usage qui n'avait pas besoin d'être sanctionné par le droit, nous la retrouvons implicitement et crû ment, dans une lettre à Quintus en forme de leçon de morale : libertus suis. . . quïbus Uli (=maiores) quidem non multo secus ac servis imperabant43. L'utilisation du terme servus pour désigner un affranchi, utilisation que l'on trouve dans des textes épigraphiques ou juridiques du troisième siècle44 et à laquelle Cicéron recourt, le plus souvent dans un sens péjoratif45, montre bien l'état d'esprit dans lequel se trouvait un patron rêvant d'un passé plus favorable à l'auto ritépatronale. Il n'y aurait donc pas eu de différence notab le, au moins avant le premier siècle, entre Yimperium s'étendant sur les affranchis et Yimperium erile, dont parlait Plaute46. C'est d'ailleurs ce dernier qui, par la voix du Messenio des Menaechmi47, signale la continuité qui régnait entre l'autorité du maître et celle du patron (Sed, patrone, obsecro / Ne minus imperes mihi quam tuus servus fui), et met en valeur la source
41 Disciplina patris familiae rusticari (Pro Sex. Roscio, 120). 42 Caio Maior, 37. 43 Q. Fi:, I, 1, 13. 44 Cf. la Lex Cincia (Frag. Vat. 307); cf. aussi les remarques de Mommsen, (Libertini servi, GS, III (JS, III), p. 21-2) sur la nomenclature ancienne des affranchis sur le modèle Servius Gabinius T. S(ervus). (CIL, X, 8054,8). 45 Cf. Fam., V, 20, 1 et 2 (à propos de M. Tullius), et Sex. Roscio, 140 (à propos de Chrysogonus). 46 Aulul., v. 588 : Ne morae molestiaeque imperium erile habeat sibi. v. 599 : Erile imperium ediscat, ut quod frons velit oculi sciant / Quod iubeat . . . Il est symptomatique que Cicéron, dans son attachement au passé, utilise un vocabulaire démodé pour exprimer la sévérité de l'autorité du maître à l'égard des esclaves 5/7 sane adhibenda saevitia, ut «eris in famulos» (Offic, II, 24). 47 V. 1032/3. Sur ce passage, cf. Staerman, Blütezeit, p. 155.
de cette autorité, à savoir le bienfait inégalable que constitue l'octroi de la liberté : Poi bene facta tua me hortantur tuo ut imperio paream4S. Cette autorité, sévère, n'est bien entendu pas limitée au plan moral: elle s'appuie sur des punitions qui, dans certains cas, paraissent avoir entraîné la mise à mort de l'affranchi. Certes, à deux occasions au moins, Plaute laisse déjà entendre que l'affranchi, en principe, ne peut être malmené comme un esclave : le ton que le patron utilise à son égard doit être moins rude49 et son dos n'a plus à redouter les coups50. Et les rites de la manumissio vindicta avec le recours à Yalapa/ festuca devaient bien corre spondre à un tel abandon des formes physiques de coercition. Cicéron enfin, dans un passage que nous avons signalé, insiste sur le fait que l'affranchissement entraîne la disparition de la crainte51. Pourtant, les exemples ne manquent pas qui montrent que la domestica disciplina exercée par le patron pouvait aboutir à la mise à mort du libertus: les commentateurs ont en particulier signalé l'épisode raconté par Valére Maxime52 et concernant P. Maenius, ainsi que deux célèbres passages de Suétone rattachés à César53 et
48 Persa, v. 841 (Lemniselenis à Toxilus), cf. Staerman, ibid., p. 156. 49 Etiam inclamitor quasi servus? indique Epidicus auquel, cyniquement, Periphanes rétorque : Quom tu es liber gaudeo (Epid.,v.7U). 50 Most., 991 (Phaniscus à Theopropides) : Liberias paenulast tergo tuo. 51 Rabido, 16: An vero servos nostros horum suppliciorum omnium metu dominorum benignitas vindicta ima libérât. Cf. la tirade de Messenio (Manaechmi, v. 982-5), qui après avoir indiqué qu'il se tenait dans un état permanent de crainte (Metum id mihi adhibeam, servi qui cum culpa careni metuont), déclare que l'espoir d'être bientôt affranchi lui fait entrevoir qu'il n'aura plus à vivre avec ce sentiment : Metuam hand multum; prope est quando ceruso faciam, pretiwn exsolvet. 52 VI, I, 4 : Quid P. Maenius, quam severum pudicitiae custodem egiû In libertum namque gratutn admodum sibi animadvertit, quia eum nubilis iam aetatis filiae suae osculum dedisse cognaverat. 53 Caes., XLVIII, 2 : domesticarti disciplinait! in parvL· ac maioribus rebus diligenter adeo rexit ut . . . libertum gratissimum ob adulteratam equitis Romani uxorem, quamuis nullo quaerente capitali poena adfecerit. Et dans ce cas, la domestica disciplina s'applique aussi bien à un esclave qu'à un affranchi.
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI Auguste54. Mais d'autres indications, se rapport ant aux dernières années de la période républi caine,peuvent figurer dans ce dossier55. Par ailleurs, certains textes laissent entendre que la torture avait pu être infligée à certains liberti56 et que des patrons auraient pu prendre des sanctions assimilables à la relegatio à l'encontre d'affranchis indélicats57. Et ce pouvoir de coercition aurait pu même s'étendre à des affranchies mariées avec des tiers58. L'ensemble de ces témoignages invite à se demander quelle est la nature de cette autorité du patron : peut-on parler d'une auctoritas patro ni au même titre que de Xauctoritas patris?59. D'autre part, au plan chronologique, peut-on décrire, pour l'ensemble du second et du pre mier siècles, une situation identique ou bien n'y a-t-il pas eu, dans ce domaine comme dans tous les autres touchant aux droits patronaux, une évolution due essentiellement à l'intervention du préteur? Concernant le rapprochement entre la posi tion du paterfamilias et celle du patron, le point qui a soulevé le plus de discussions touche le ius vitae necisque reconnu formellement au pre mier60. Les exemples que nous avons cités un peu plus haut ont conduit certains auteurs à conclure que le droit de vie et de mort dont
54 Aug., LXVII - 1 Patromis domimisque non minus severus qiiam facilis et démens ... 3 Idem Polum ex acceptissimis libéras mori coegit compertum adulterare matronas . . . 55 Cf. Appien, BC, V, 137 (Sex. Pompée met à mort un affranchi ayant trahi un secret), cf. aussi IV, 26 (Naso met à mort un affranchi qui l'a trahi). 56 C'est ainsi qu'Octavien (Appien, BC, V, 93) et Antoine (Plut. Ant., LXXIII) semblent tour à tour déléguer à leur adversaire le droit de torturer leur propre affranchi, tantôt Callias, tantôt Thyrsus. Cf. aussi la menace faite par Antoine de traiter Ménodorus, l'affranchi de Pompée, en esclave fugitif (Appien, BC, V, 79 et 96). 57 Cf. Curculio, v. 548 : Quam pars lenonum libertos qui habent et eos desenmt. 58 II semble qu'il faille faire entrer dans les interdits prétoriens concernant Yactio iniuriarum, le fait que le patron ne puisse être cité pour avoir parlé vivement ou infligé une légère correction (cf. Lemonnier, Condition Privée, p. 109). 59 Sur son étendue, cf. Watson, Persons, notamment p. 98-9. 60 Cf. en particulier, Bonfante, Corso, I, p. 74-5 qui montre que le père de famille agit comme une sorte de magistrat entouré de son consilium et procède à un véritable indicium domesticum.
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disposaient normalement les propriétaires d'es claves sur ceux-ci61 se serait étendu, jusqu'à l'époque impériale, aux liberti62. D'autre part, étudiant le contenu de Yobsequium original dû au patron, avant et après les réformes prétoriennes63, J. Lambert, à l'issue d'une démonstration souvent citée, a prétendu retrouver une manus iniectio fruste6*, qu'il définit comme inhérente à la position même du patron et qui aurait frappé, au même titre que le fils libre mais non émancipé, l'ancien esclave refu sant de se soumettre à la potestas patronale et de fournir Xobsequium (même distingué des operae après les réformes de Rutilus et de ses succes seurs) : cette manus iniectio aurait consisté en un droit de main mise et d'emprisonnement65, tot alement distinct cependant, de la revocatio in servitutem ingrati liberti d'époque impériale. En dehors du fait que la reconstruction proposée par Lambert se heurte à des difficultés de vocabulaire (puisque, par exemple, aucune source républicaine ne parle de manus iniectio fruste), les arguments opposab les à ses vues paraissent être les suivants : - tout d'abord, il nous semble inacceptable que des individus régulièrement affranchis et jouissant du statut de citoyens romains aient pu être mis à mort, en vertu d'une simple décision domestique. D'autre part, on comprendrait mal que le préteur, au moins au premier siècle, intervînt pour protéger les esclaves libérés informellement et que, dans le même temps, il laissât traiter des affranchis pieno ture comme de vulgaires esclaves.
61 Sur ce point, cf. Watson, op. cit., p. 1734 (cf. Mommsen, Strafrecht, p. 616) qui pense, peut-être à tort, que la Lex Cornelia de Sicariis ne devait pas concerner la mort d'escla ve. 62 Käser, Geschichte, p. 96/7. Cf. encore, Boulvert, Domest iqueet Fonctionnaire, p. 108 (à propos de César et Auguste). Chantraine, Freilassung, p. 60-61 n. 7. C'est à tort cependant que Bonfante (Corso, I, p. 174 et n. 1) conclut de Cic, 0. Fr., I, 1, 4, que le ius vitae necisque aurait été utilisé contre les esclaves libérés. 65 Operae, p. 73-87. 64 Lemonnier, Condition privée, p. 104, parle de manus iniectio et donne force, à tort, à un texte de Quintilien (Inst. Orat., VII, 7 Patri in filium, patrono in Hbertum manus iniectio sit; liberti heredem sequantur. Liberti filium quidam fecit heredem; invicem petitur manus iniectio, et patronus negat ius patris Uli fuisse, qui ipse in manu patroni est). Dans le sens inverse, Lambert, Operae, p. 85, qui pense qu'il s'agit d'un emprunt à la rhétorique grecque. 65 Operae, p. 85.
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- d'autre part, les exemples utilisés pour prouver l'existence du ius vitae necisque et du droit de torture ne sont pas probants: en effet, comment oublier que certains affranchissements, réalisés dans le but de faire échapper certains esclaves à la question, étaient informels66; comment dans ce cas, accepter l'idée que l'autorité judiciaire ait été privée d'un droit reconnu si l'on accepte l'hypothèse de Lambert - au patron? Par ailleurs, les exemples de mise à mort le plus fréquemment cités concernent des affaires de mœurs : dans le cas de P. Maenius67, rien ne dit que celui-ci n'ait pas subi de condamnation après le meurtre de son affranchi68; d'autre part, dans le cas de César et Auguste, rien ne dit qu'ils n'aient pas agi aux dépens d'esclaves libérés informellement69; et même si cette hypothèse est rejetée (dans les deux cas, il s'agissait d'affranchis très en faveur), on peut penser que c'est en vertu de pouvoirs autres que privés que Auguste, notamment, a pu mettre à mort certains de ses servi teurs70. Si bien que si l'on peut imaginer que primit ivement (c'est-à-dire avant que l'affranchissement for mel ait pu avoir pour conséquence l'attribution du droit de cité, et dans le cadre de rapports réglés par le fas et fondés sur la seule fides11, les affranchis aient pu être soumis à la même domestica disciplina72 qui pesait sur eux en tant qu'esclaves, si l'on peut suppos er qu'avant les interventions du préteur, les esclaves "ο C'est l'opinion de Cloud, Parricidium, p. 39-40 à propos de l'assassinat de son fils par Q. Fabius Maximus en 105/104 avant Jésus-Christ. Il n'en a peut-être été ainsi dans le cas relevé par Cicéron [Pro Caelio, 68) où la décision d'affranchir a été prise collectivement, par les parents de Claudia. Les cas de tortures relevés par Duff, Freedmen, p. 63-5, ne concernent que l'époque impériale. 67 Val. Max., VI, 1, 4. Par ailleurs, l'exemple tiré de Rhet. ad Herenn, I, 14, 24 (cf. Staerman, Blütezeit, p. 186 et, surtout, Watson, Persons, p. 173 et p. 195) montre que le meurtrier, vengeur de son frère, ignorait que l'esclave qu'il avait tué était destiné à être affranchi : Imprudentiam ut ille, qui de eo servo qui dominum occiderat, suppliciwn sumpsit, cui frater esset, antequam tabulas testamenti aperuit, cum is servus manu missus testamento esset ... Il n'y a là aucune trace d'un droit de vie et de mort appliqué à un affranchi es qualité. 68 Comme le remarque justement Cosentini, Studi, I, p. 92. M C'était l'opinion de Wallon, Esclavage, II, p. 397 et de Cosentini, op. cit., I, p. 93. Position critiquée par Kaser, dans ZRG, 1951, p. 582 et Watson, Persons, p. 227 et n.8. 70 Cf. sur ce point, l'article de A. Marongiu, Testimonianze letterarie del ius vitae necisque del Princeps, dans Studi De Francisa, IV, Milan, 1956, p. 445-459. 71 Cf. Kaser, Geschichte, p. 91-94 et les remarques de Cosentini, op. cit., I, p. 100-101 (l'intervention possible du censeur n'était évidemment pas de nature à sauvegarder l'autonomie et l'intégrité de l'affranchi). 72 C'est l'expression de Suétone, Caes., XLVIII, 2.
libérés de manière informelle ou irrégulière aient pu continuer à subir les traitements imposés aux escla ves,il n'est pas possible de penser à une telle conti nuité dès la fin du quatrième siècle pour les affranchis réguliers, ni dès le tournant des deuxième et premier siècles pour les affranchis qu'Auguste, plus tard, a placés parmi les Juniens. Ainsi, sans vouloir tirer par ailleurs argument de la nostalgie de Cicéron pour une situation passée qui ne devait plus avoir cours à son époque, il ne nous paraît pas que l'on puisse assigner une évolution parallèle, dans les der niers temps de la République, à l'autorité pater nelle et à la prééminence patronale : le seul fait que l'affranchissement régulier ait signifié pour l'ancien esclave une émancipation juridique (en matière de mariage, de puissance paternelle, de disposition des biens) que le fils en puissance ne connaissait pas, ainsi que l'intervention du pré teur définissant certains aspects de Yobsequium primitif73, nous permettent de penser que l'auto ritépatronale a connu un destin particulier, même si au plan de la morale, honos parentis et respect du patron peuvent être rapprochés. Quant à la manus iniectio fruste, définie artif iciellement par Lambert et qui n'apparaît dans la théorie de ce dernier qu'à la lueur des droits du paterfamilias, aucun texte formel, datant de l'épo que républicaine, n'en atteste l'existence et il n'est pas possible de tirer argument des sources d'époque impériale faisant référence à la Lex manus iniectionis à l'occasion de la vente d'escla ves, avec mention des clauses ut servus exportetur, ne anelila prostituetur, ut servus manumittatur, qui ne concernent en rien la situation du patron par rapport à l'affranchi74. Cependant, même si l'on ne tient pas compte des droits du patron en matière d'operae et de bona, l'autorité du patron, même après les réfo rmes prétoriennes, était encore dominante: elle lui vaut de punir les délits de furtum commis à
73 Le préteur n'a pas légalisé toutes les composantes d'un pouvoir de fait sans limite, mais, soit dans le domaine des obligations économiques, soit dans celui, plus imprécis, de Yobsequium, conçu au sens restreint (respect du patron), il a imposé un certain nombre de normes qui ont précisé, voire limité la toute puissance du patron. Sur ce point, Kaser, (Geschichte, p. 98) est trop ambigu. 74 Cf. Lambert, Operae, p. 78-84, cf. Kaser, Geschichte, p. 9798. Buckland, Slavery, p. 68.
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI son encontre par l'affranchi75 et inversement il n'y a pas d'accusation de ce genre pouvant être prononcée contre le patron; c'est le patron qui peut mettre fin à la cohabitation avec l'affranchi et manifester un pouvoir de relégation qui n'est peut-être pas de création augustéenne76. D'autre part, les interdictions prononcées par le préteur, et visant à limiter les possibilités pour l'affranchi de citer le patron en justice, devaient offrir un champ assez libre à toutes sortes de brimades et pressions quotidiennes. (Et dans le cas d'affranchis informels et à plus forte raison dans celui des statuliberi assimilés, jusqu'à l'accomplissement de la condicio, à des esclaves, ce devait être vrai). On peut déceler dans ce domaine, deux att itudes, apparemment contradictoires, de la part du préteur: d'une part, il a multiplié ses inter ventions afin de protéger les esclaves libérés à titre privé ou par des non-citoyens. Inversement, son action a visé à maintenir les rapports autres qu'économiques entre les citoyens et leurs anciens esclaves dans un cadre familial, indivi duel, en dehors de toute publicité, cherchant ainsi à protéger à tout prix la fama du patron77 et rejoignant sans doute les préoccupations de Cicéron - et des patrons qu'il représente - con cernant l'intimité à garder aux rapports affran chis-patrons. Ce souci va d'ailleurs jusqu'à inter dire, nous l'avons vu78, que dans les causes d'honneur, l'affranchi bafoué ne puisse se faire vengeance (sans doute, en particulier, parce que la majorité des unions d'affranchis concernaient des co-affranchis soumis à la même domination patronale).
75 Cf. LI, chap. I. Sur ce point, voir Kaser, op. cit., p. 100102 (D. 48.9.1 1,1 Marcian. 2 de pubi. iud. / D. 47.2.90 Paul sing, de poen. pag. / D. 47.2.17.1, peut être interpolé, cepend ant). 76 Texte essentiel Tacite : Ann., XIII, 26, 5 Onici enim aliud laeso patrono concessimi quant ut centesimum ultra lapidem in oram Campaniae libertum releget? (cf. XIV, XLV). Mommsen, {Rom. Forsch., I, p. 369), pense à une disposition d'époque augustéenne, alors que Kaser, ibid., pense plutôt à une créa tion antérieure. Sur ce pouvoir de rélégation sous l'Empire, cf. P. Garnsey, Social status and legal Privilege in the Roman Empire, Oxford, 1970, p. 119/20. 77 Cf. l'expression famosae actiones; le texte de Papinien (D. 48.5.39.9) est plus explicite : Liberto patroni famam lacessere non [facile] conceditur. 78 Supra, p. 212.
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Mais cette contradiction n'est qu'apparente: dans le cas d'affranchis informels ou de non citoyens, l'on a affaire à des individus soumis à des obligations très lourdes, operae comparables à celles des esclaves, retour des bona au patron; alors que dans le cas de liberti de citoyens, la limitation apportée aux obligations économiques et le caractère non stipulé du respect dû au patron ont amené le préteur, par une sorte de compensation, à être particulièrement vigilant afin que la prééminence personnelle du patron ne soit pas bafouée. Ainsi, si l'on peut assez largement accepter la thèse, défendue par Lambert, d'un passage d'un obsequium général (englobant des obligations économiques illimitées), sans contrepoids, à un «éclatement», sous la responsabilité du préteur, des droits patronaux (les droits sur les operae et les bona recevant une sanction particulière, alors que les droits «moraux» strictement individuels auraient connu une évolution distincte)79, il ne nous semble pas possible d'accepter, pour le premier siècle avant notre ère, l'existence d'un ius vitae necisque ou d'une manus iniectio mira culeusement maintenus sur des individus qui,
79 En fait l'obsequium n'aurait plus concerné que ces droits moraux à partir des réformes prétoriennes (cf. Lamb ert, Operae, p. 8-33 - p. 92-249). Malgré Watson (Persons, p. 227-8), et Treggiari (op. cit., p. 69-73), remarquons que le terme obsequium, conçu comme un devoir générique de dévotion et de respect auquel l'affranchi est tenu, n'apparaît pas à l'époque républicaine (cf. Cosentini, I, p. 260-1 qui en tire cependant une conclusion erronée : à savoir l'absence de tout droit de patronat, à l'origine!); de même les termes honor (cf. Cosentini, op. cit., I, p. 256-260), reverenda (ibid., p. 247-253) et verecundia n'apparaissent pas avant l'époque impériale. Sur cette évolution, cf. Boulvert, Dornest, et Fonct ionnaire, p. 189-191 (et aussi p. 101-4). La seule indication, d'ailleurs ironique, que l'on puisse relever se trouve dans une lettre à Atticus : Cicéron, voulant marquer le caractère exceptionnel de la considération dont il a entouré Denys, écrit : Cui qui noster «honos», quod «obse quium», quae etiam ad ceteros contempli cuiusdam hominis commendano defuit (Au., VIII, 4, 1). Honos et obsequium, utilisés à rebours, expriment une idée de respect, proche de l'obéissance, plus que celle de service matériel. Mais cet emploi unique, et dévié, ne permet pas de dire qu'il y aurait eu, dès le milieu du premier siècle avant notre ère, codifica tion verbale et conceptuelle, notamment de la part des juristes, des devoirs autres qu'économiques imposés aux affranchis.
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dans le cas le plus normal, avaient un statut civique régulier80. Cependant, au-delà des règles juridiques, il faut tenir compte des conditions de vie réelles; notamment, la proximité de l'affranchi par rap port au patron81 pouvait entraîner la continua tion d'habitudes datant de l'époque où le Ubertus était encore esclave; inversement la faveur, l'amour ont pu bien souvent rapprocher l'affran chi d'une situation d'égalité avec son ancien maît re, que, dans certains cas, l'on pouvait juger scandaleuse. Malgré l'intervention du droit (ius) dans ce type de rapports, l'initiative du maître est prédo minante : c'est lui qui, de part sa seule voluntas, accorde ou non la liberté, c'est lui qui, sans partage, accorde ou retire cette fides qui distin guele bon affranchi et sert de fondement tradi tionnel à sa relation avec le Ubertus.
II - APPROCHE RÉELLE DES RAPPORTS PERSONNELS ENTRE AFFRANCHIS ET PATRONS 1 - La place de la fides dans les rapports patron-affranchi Le thème de la fides des esclaves et des affranchis est un de ceux que les auteurs con temporains des guerres civiles, ou relatant cette époque troublée, ont volontiers développés : ains i, Cicéron, qui nous donne un témoignage «à chaud», mais partial, d'une confiance parfois mal placée; ainsi Valére Maxime, qui intitule un des ses chapitres De servorum fide erga domi-
80 Nous avons par ailleurs montré qu'il n'existait même pas de revocano in servitutem sous la République. Sur une juste conception des droits personnels du patron, cf. Treggiari, op. cit., p. 73-5. 81 Cf. Käser, Geschichte, p. 101-4. La possession d'un log ement indépendant, l'installation outre-mer pouvaient confér er,nous l'avons vu, une plus grande autonomie de fait, mais X honor dû au patron n'apparaît pas pour autant oublié, ainsi qu'une inscription de Délos signalée plus loin nous l'indique (cf. n. 366). Et cette déférence s'étend aussi aux amis du patron, comme nous le voyons dans les lettres de Cicéron.
nos82, ainsi encore Velleius Paterculus83 qui, dans une envolée fameuse, a donné la mesure de la fidélité de tous les proches ou dépendants des proscrits. Citons enfin, Appien dans son Histoire des Guerres Civiles et Plutarque, dans des Vies, comme celles de Pompée, Cicéron, Caton, César, Marc Antoine. . . Il n'est pas question de reprendre ici, la magistrale mise au point de J. Vogt84, mais de rappeler que, pour la plupart de ces auteurs (et notamment pour Valére Maxime)85, il y aurait quelque surprise à voir tant d'exemples de fides bien placée fournis par des individus d'origine ou de condition servile. D'autre part, en centrant l'étude sur les affranchis eux-mêmes, nous vou drions apporter, sinon sur le fond, mais sur les conceptions de cette fides appliquée aux liberti, quelques nuances. Tout d'abord, insistons sur le fait que si, à un deuxième degré, cette fides peut avoir une por tée «politique»86, elle reste essentiellement d'or dre privé87, dans la mesure où elle concerne avant tout les familiers : épouses et esclaves, chez Valére Maxime, épouses, affranchis, escla veset fils selon Velleius Paterculus. Pour ce dernier, id tarnen notandum est fuisse in proscriptos uxorum fidem summan, libertorum mediam, servorum aliquam, filiorum nullam88. Au-delà du «palmarès» lui-même, le fait que l'auteur utilise le terme libertorum indique bien que c'est sur un rapport et une attitude individuels qu'il veut mettre l'accent et non sur une réalité d'ordre civique, même si, à l'évidence, les multiples inci82 VI, 8. Où il englobe les affranchis. 83 II, 67, 2. 84 Sklaventreue, dans Sklaverei und Humanität, Historia Einzelschr., 8 (1965), p. 83-96 = Mél. Piganiol, Paris, 1966, III, p. 1499-1514. 85 Ibid., p. 83. 86 II peut s'agir, dans certains cas, de la fides en rapport avec l'État, ainsi que Tite Live et Valére Maxime nous l'ind iquent. Mais nous avons déjà eu l'occasion d'insister sur le fait que celle-ci est avant tout indiquée à propos d'esclaves attirés par la promesse de récompenses (argent et liberté). 87 D'ailleurs, nous n'avons aucun exemple d'affranchi par ticipant, sous la République, au culte de la Fides, qui concer ne essentiellement les ingénus (contrairement aux affirma tionsde Staerman, Blütezeit, p. 221). 88 II, 67, 2. Cf. Appien, BC, IV, 95, rapportant le discours prononcé par Cassius avant la campagne de Philippes «On constate que des femmes, des enfants, des affranchis sont les auteurs d'épouvantables crimes».
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI dents qui, au premier siècle notamment, ont pu marquer le respect ou non de cette fides de la part d'affranchis, ont eu une répercussion sur la vie même de l'État Romain. D'autre part, il ne convient peut-être pas de se limiter, quelle qu'en soit l'importance, à ces périodes troublées, dans la mesure où, sur un plan privé, cette question n'a pas concerné que des hommes politiques engagés et célèbres, mais paraît inhérente à l'institution même de la «l ibertini té». Essai de définition II convient avant tout de s'entendre sur la valeur du mot fides et ses dérivés, fidus, fidelis, fidelitas. La fides69, c'est d'abord le crédit auprès de quelqu'un et non la confiance en quelqu'un; elle est donc le fait du puissant90, du patron en l'occurrence, auprès duquel le bon affranchi (comme le bon esclave) dispose de ce crédit qui n'a rien d'absolu et peut être plus ou moins grand91. C'est aussi, sur un plan subjectif, la confiance que l'on place en quelqu'un qui est dans une situation dominante, se livrer à la fides de quelqu'un (étant entendu, cependant, que l'a ffranchi comme l'esclave n'a pas de possibilité de choisir et, du fait même de son statut, est auto89 La bibliographie, sur ce point, est immense. Nous ne signalons que les études qui sont en rapport direct avec le sujet, outre les deux notices fondamentales de Jachmann (fidelis, dans Th LL, VI, col. 655) et de E. Fraenkel (fides, dans Th LL, VI, col. 661), cf. aussi Bauer (fidus, dans Th LL, VI, col. 703). En dehors de l'article de J. Vogt, déjà cité, G. Beseler, Fides, dans Atti Congr. Dir. Rom, Rome 1932, 1. 1, p. 140-167. J. Hellegouar'ch, Le vocabulaire latin des relations et des partis politiques sous la République, Paris, 1963 (= Helle gouar'ch, Vocabulaire), p. 23-25 et 275-6. Staerman, La condit ion,p. 96/7 et Blütezeit, p. 203 - p. 207/8. Treggiari, Freedmen, p. 80-1. M. Lemosse, L'aspect primitif de la fides, dans Studi de Francisa, II, Milan, 1956, p. 44-46. Voir aussi G. Freyburger, La morale et la «fides» chez l'esclave de la comédie, dans REL, 55, 19, p. 113-127. 90 J. Imbert, De la sociologie au droit : la fides romaine, dans Mél. H. Lévy-Bruhl, 1959, p. 407415, souligne qu'à l'origi ne la fides ne relevait pas du droit et qu'elle a toujours été liée à un abandon, de la part d'un inférieur, au bon vouloir du puissant. 91 Cf. des expressions comme Parvam esse apud te mihi fidem (Pseudol., v. 467) ou encore Facts ut nullam apud te fides sit (Amph., ν. 555, où Sosie s'adresse à Mercure), cf. encore Captivi, ν. 405/6.
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matiquement soumis à cette fides du patron). Dans les deux cas, celui qui détient la fides est en position inférieure, est impliqué dans une rela tion d'autorité et d'obéissance, qu'E. Benvéniste a bien mise en valeur92, et qui traduit très bien le rapport qui relie l'affranchi à son patron : fides devient alors presque synonyme de dicio et potestas93. Dans ces conditions, fidelis désigne, non pas le dépositaire ou le donateur du crédit, mais celui qui en dispose, auquel il est consenti, c'està-dire l'affranchi tant qu'il est digne de crédit. Ainsi, Philargyrus est censé servir fidelissimo ani mo son patron A. Torquatus94 (et il est à noter que dans l'œuvre de Cicéron, les exemples sont mis en rapport plutôt avec des esclaves95 qui, parfois, ont mérité la liberté). Tandis que fidus, avec une nuance de certitu de plus marquée, désigne celui qui a prouvé qu'il était digne d'être crédité96. Tout naturellement, la fidelitas, le fait d'être fidelis, est assez fréquemment mentionnée dans les sources littéraires, essentiellement chez Cicé ron97, ainsi à propos de Phania, affranchi d'Appius Claudius (Cuius mihi videbar et fidelitatem erga te perspexisse. . .)98, ou à propos de Statius, ^ Vocabulaire, l, p. 115/121. 93 Cf. Cicéron, à propos d'Apollonius, affranchi de Crassus : Quem in «fidem . . . reciperem (Fam., XIII, 16, 2), cf. aussi Fani., XIII, 79, 1 Ut igitur eum recipias in fidem (lettre à P. Servilius, au sujet de C. Curtius Mithres). Mais il s'agit là de liens de clientèle. (Cf. aussi, V, 11, 3 De Dionysio . . . quacumque ei fidem dederis à Vestinius). Des expressions du même type concernent directement les rapports patrons-affranchis, cf. Fam., XIII, 21, 2 Quod est in patronum suo officio et fide singulari (au sujet de C. Avianius Hammonius). Cf. Macrobe, Sat., I, XI, 18 Ac nequis libertos dicat hanc fidem beneficio potins libertatis quam inge niodebuisse. 94 Fam., VI, 1,6. 95 Ac si quis est ex servis egregie fidelis. . . (Ad Q, I, 1,17) Multa enim quae recte commuti servis fidelibus (ibid). Quod praemium enim satis magnum tarn benivolis, tarn bonis, tarn fidelibus servis (Pro. Milone, 58). Cf. la jalousie exprimée par Hegio au sujet de Tyndarus Quia Uli fuisti quam mihi fidelior (Captivi, ν. 716), et aussi Mil. Gl. v. 1354-5 Quamquam alios fideliores semper habuisti tibi / Quam me, ce qui illustre parfaitement ce sens de fidelis : digne d'un crédit accordé par le maître. 96 Fam., VII, 20, 1 Rufio mediu fidus tuus (à Trebatius). 97 Sur la fidélité et son application à des esclaves, cf. Ad Q Fr, I, 1, 17 Ac si quis ex servis egregie fidelis... Multa enim quae recte servis fidelibus possimi . . . 98 Lettre à Appius Claudius (Fam., III, 6, 1).
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l'affranchi de Q. Cicéron et dont la fidelitas auprès de son patron est célébrée aussi bien par celui-ci" (Sf enim mihi Statii fidelitas est tantae voluptate), que par son frère {Quibus in rebus etiam si fidelitas summa est)100. Evidemment, Tiron n'est pas oublié, dont Cicéron vante les qualités professionnelles et la fidelitas: perutilis eius et opera et fidelitas essetm. L'expression de cette fides et de la fidelitas de l'affranchi, dans les inscriptions funéraires, prend une valeur «sociale» évidente, même si la référence à la relation avec le patron est implicit e. Il n'y a aucune nuance particulière dans l'i ndication qu'une affranchie a accordé un empla cement funéraire à une autre affranchie et à son esclave ob fidelitate102. Mais plus complexes semblent les expres sions vixsi quom fide103 ou cum magna fidem, assez emphatiques, puisque figurant, l'une et l'autre, dans des épitaphes en vers. Certes, dans deux des cas, il s'agit d'individus mentionnés seuls, sans référence directe à leur patron. Mais comme ce n'est qu'à propos d'affranchis que, dans les épitaphes, ces indications sont données, il est tentant de voir dans cette fides érigée en vertu dont l'indication se veut édifiante, le pro longement un peu solennel de la fides dont le patron des défunts était le dispensateur105. Un autre trait de la fides (et de la fidelitas) apparaît dans l'élargissement qui lui est donné dans le cadre des rapports que certains affran chisentretiennent avec des amis de leur patron qui, au même titre que ce dernier, accordent un crédit à un individu qui était déjà en faveur auprès de son maître. Sur ce point encore, Cicé ron est notre source privilégiée, évoquant main-
*» Fam., XVI, 16, 1 (Lettre de Q. à M. Cicero). 100 Ad Q Fr, I, 2, 3. 101 Ad. AU., IX, 17, 2. 102 On peut émettre l'hypothèse que la deuxième affran chieavait pour patron le compagnon de la première, CIL, I2, 1296 = VI, 16608. mCIL, I2, 1218 = Buecheler, 67 = ILLRP, 982 - CIL, F, 1822. mCIL, F, 1210 = Buecheler, 53 = ILLRP, 808. 105 Tout autre est le type de la fides qui est indiqué dans CIL, F, 1221 = Buecheler, 959 = ILLRP, 793 : fido fida viro veixsi, déclare une affranchie dont le compagnon était un coniibertus. Dans ce cas, le terme est pris dans un sens restreint aux sentiments conjugaux.
tes situations de ce genre: ainsi, à propos de C. Curtius Mithres {multa acciderunt, in quibus benevolentiam eius ergo me experirer et fidemi06 ut igitus eum recipias in fidem), ou de Clodius Philetaerus (hominem fidelem)107, et de C. Avianius Hammonius (mihique molestissimis temporibus ita fideliter. . . praesto fuit. . . ut si a me manumissus esset)108. C'est le cas, enfin, de l'affranchi de Crassus, Apollonius, qui, même après la mort de son patron, continue à bénéficier d'une grande fides auprès des amis de celui-ci, dont Cicéron (Post mortem autem Crassi eo mihi etiam dignior visus est, quem in fidem. . . meam reciperem, mihi magno usui fuit et fides eius. . . Quanto studio et fidelitate consequi potuti)109. Les implication pratiques de la «fides» Mis cette fides, qui tient à la position préémi nentedu patron et qu'il peut refuser ou retirer si bon lui semble, il faut comprendre qu'elle est «modulée» selon les affranchis qui en bénéfi cient et, surtout, qu'elle n'est pas liée à une certaine sentimentalité ou limitée au domaine de l'affection pure; elle semble recouvrir, en fait, des réalités matérielles qui tiennent à la conduit e de l'affranchi (ou de l'esclave auquel elle four nit l'occasion de recevoir la liberté) et à son utilité110. Il est bien connu que la fides dont un esclave peut-être crédité joue un rôle fondamental dans les raisons qui poussent le maître à l'affranchir: un passage, déjà cité, de YAndria de Térence nous le laisse bien entendre. Ce qui fait disti nguerl'esclave Sosie, devenu depuis affranchi, par son maître, c'est sa discrétion (taciturnitas) et le fait qu'il était digne de confiance (fides)lu. De 106 Fam., XIII, 79, 1, à P. Servilius. 107 Fam., XIV, 4, 6, cf. An., III, 7, 6. los fanîi xin, 21, 2, cf. aussi à propos de L. Livineius Trypho, Fam., XIII, 60, 1. 109 Fam., XIII, 16, 2. 110 R. Feenstra, Fidem emptoris sequi, dans Studi U. Paoli, Florence, 1955, p. 273-287 relève que fidem habere alieni, appliqué à un juge, n'évite pas l'exigence de cautions. La fides exige donc une contrepartie matérielle. C'est ce que laisse entendre Macrobe (Sat., I, XI, 18) lorsque, signalant le dévouement d'un affranchi de Labienus, il le met sur le compte non d'une reconnaissance manifestée par le libérais envers celui qui lui a donné la liberté, mais sur un ingenium qui justifie, après coup, la fides accordée par le patron. 111 V. 33-39.
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI même, quand Cicéron nous déclare que rien ne suffit à récompenser la «fidélité» d'esclaves qui ont sauvé la vie de leur maître (Quod enim praemium satis magnum est tam. . . fidelibus serv is, propter quos (= dominas) vivit)n2, et ceci à propos des esclaves que Milon après l'assassinat de Clodius a fait affranchir, même si nous soup çonnons Cicéron de masquer les véritables intentions de Milon (faire échapper ces esclaves à la torture), le lien entre preuves de fidelitas et affranchissement n'en est pas moins souligné. Car finalement la fides arrive à se combiner avec des marques matérielles qui la justifient et l'alimentent, à savoir le dévouement et les servi ces.Cicéron, sur ce point, donne des indications très claires, ainsi lorsqu'il associe les operae de Tiron et sa fidelitas113 jugés, ensemble, perutilis. De même à propos de C. Avonius Hammonius, il associe les termes d'officium (dont le sens est celui de tâche due au service de quelqu'un) à la fides que lui accorde le patron (Quod est in patronum suum «officio et fide» singularis)11*; cet te liaison est d'ailleurs confirmée par l'épigraphie : ob fidelitate et officeisXX5. C'est sur le même aspect pratique que reviennent des associations du genre multisque in rebus mihi magno usui fuit et fides eius et prudentia116 (il s'agit d'Apollonius affranchi de Crassus) ou huius cum opera et fide turn domo et re uti tamquam meani (à propos de C. Curtius Mithres). On ne peut douter que la fides soit liée à des actes pratiques, utiles; elle n'est pas détachée du service obligatoire de l'affranchi, soit en rapport avec son patron, soit en rapport avec des amis de celui-ci. Elle ne relève pas d'une simple dispos ition d'esprit de l'affranchi, ni d'un contrat pas séune fois pour toutes, mais elle est mise cons tamment à l'épreuve et ne continue d'exister que dans la mesure où, dans ses marques de dévoue ment,l'affranchi la justifie. On peut donc dire que cette fides est à rattacher à Vobsequium antéprétorien, c'est-à-dire qu'elle est comme lui, ill imitée, sans définition juridique, à sens unique, 112 Pro Milone, 58. 113 Att., IX, 17, 2 perutilis eius et opera et fidelitas esset. 114 Fam., XIII, 21, 2 (cf. aussi Fam., XIII, 60, 1). 115 CIL, V, 1296. "bFam., XIII, 16, 2. 117 Fam., XIII, 79, 1. Cf. P.Grimal, Fides et le secret, dans RHR, 185, 1974, p. 141-155.
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bref liée à la seule volonté du patron qui l'accor de et en échange reçoit les marques tangibles de dévouement de la part de l'affranchi. C'est dans cette mesure que des termes qui impliquent un crédit plusieurs fois justifié, et parfois accru, "viennent en renfort de cette con ception de la fides. Ainsi, probatus indique un serviteur qui a fait ses preuves118, non pas sur le seul plan de la qualilfication professionnelle, mais au niveau de services particuliers qui justi fient un crédit particulier qu'on peut lui accor der.C'est ce que Cicéron indique au sujet de Scamander, l'affranchi de C. Fabricius (patrono esse probatum)119, ou d'Antiochus, l'affranchi de L. Flaccus, le père (hune Antiochum paternum huius adulescentis libertum seni Uli Fiacco proba· tissimum)120 ou encore de T. Ampius Menander (et patrono et nobis vehementer probatum)121. Cet tedernière indication souligne d'ailleurs la soli darité qui existe entre le patron et ses amis qui se complètent dans l'attribution du crédit, mais aussi dans la réception des services rendus par l'affranchi. C'est ce qui apparaît nettement dans la position de L. Cossinius Anchialus : homo et patrono, et patroni necessariis quo in numero ego sum, probatissimus122, ou dans celle de C. Avo nius Hammonius123 (mihi est probatus). C'est sans doute le même sens que veulent rendre les emplois du mot certus que Cicéron relie essentiellement au crédit que l'on peut accorder, avec quelque certitude, à des hommes auxquels, par exemple, on demande de transport er des lettres «confidentielles»124. 118 Le terme implique sans doute l'idée d'une certaine durée dans l'accumulation des preuves de fidélité, qui peu vent entraîner l'octroi d'un crédit particulier du patron à l'affranchi (cf. Lucilius, 689 : Tuam probatam mi . . . adulescentiam). Probatus sous-entend une fides presque aveugle, totale, si l'on prend à la lettre la Sentence de P. Syrus (688) Suspicio probatis tacita iniuria est. "9Pro Cluentio, 52. 120 pro £ Fiacco, 89 (la traduction de probatissimum par «fort estimé», dans l'édition CVF, nous semble insuffisante). 121 Fam., XIII, 70. ■22 Fam., XIII, 23, 1. 123 Nam cum propterea mihi est probatus (Fam., XIII, 21, 2). cf. aussi à propos d'Apollonius affranchi de Crassus (Magni faciebam et probabam, Fam., XIII, 16, 1). 124 Cf. Fam., I, 7, à propos du courrier dont Cicéron, dans cette lettre à Lentulus montre qu'il ne peut être confié à la légère, vu son contenu (Quotiens mihi certorum hominum potestas erit quibus recte dem litteras), cf. Att., VIII, 1, 2, : Hominemque certum misi.
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Enfin, s'il a un sens plus «terre à terre», benemeritus (qui n'a pas été galvaudé dans les épitaphes, comme cela a été le cas sous l'Empir e) ne peut être détaché de ce contexte, ainsi qu'il apparaît dans une lettre de recommandat ion concernant L. Livineius Trypho et adressée à C. Munatius125. Finalement, ce crédit, qui peut toujours être remis en cause, n'est accordé et maintenu qu'au vu de merita, de services rendus, étant entendu que la fides accordée à un affranchi doit être d'autant plus grande que le comportement est irréprochable et les marques de dévouement importantes. Mais les services exigés sont d'au tant plus délicats que le libertus est éprouvé: il en est ainsi lorsque ce dernier doit être mis au courant de secrets domestiques (ou politiques) qui peuvent mettre en jeu les intérêts du maît re. D'ailleurs, dans le chapitre VIII de son livre VI, Valére Maxime nous donne comme exemples de fides justifiée, les actes de dévoue mentaccomplis par des individus d'origine ser vile, généralement au moment où leurs maîtres sont en péril126. Et l'analyse des divers témoignag es que fournissent nos sources littéraires multi plie les mentions d'actes souvent héroïques, accomplis parfois au prix de leur vie par des affranchis : il en est ainsi de serviteurs qui, phy siquement, s'interposent pour protéger leur patron, comme le firent les esclaves et les affran chisde Q. Cicéron, venu demander, sur le Forum, le salut de son frère (seque servorum et libertorum corporibus obtexit)127. Il y a tous ceux qui, dans des circonstances difficiles, sauvent la
125 F am., XIII, 60, 2 Eum tibi commendo, ut hommes grati et memo res «benemeritos de se» commendare debent, cf. Pro L· Cornelio Balbo, 24 Servos denique . . . bene de re publica meritos persane liberiate, id est ciuitate, publiée donari videmus. 126 De fide servorum erga dominos. Sept exemples dont un concerne Pindarus, l'affranchi de Cassius qui le tua (sur sa demande), puis se donna la mort, sed fidei per exemplum. 127 Pro P. Sestio, 76, cf. Scaur, 23. Cf. aussi Pro Milone, 29 et 58. Déjà dans les Menaechmi de Plaute, Messenio, croyant s'adresser à son maître, déclarait : Numquam te pattar perire, me perirest aequius. Cf. Val. Max., VI, 13, 6 (l'esclave d'un certain Urbinus se fait tuer, en 43 avant Jésus-Crist, à la place de son maître). Cf. aussi l'épisode rapporté par Dion Cassius (XLVIH, 40) et qui concerne l'arrestation par Demetrius, affranchi de César, de Labienus en 39 avant Jésus-Christ).
vie de leur patron : Appien, et Dion Cassius entre autres, nous en fournissent des listes assez lon gues128. Et Cicéron lui-même indique même que ce dévouement pouvait s'étendre aux amis du patron, comme il le souligne à propos de L. Livi neius Trypho, non sans quelque emphase : Sum maenim sius erga me «officia» exititerunt its nostris temporibus, quibus facillime bonam benivolentiam hominum et «fidem» perspicere potui129. Mentionnons aussi les affranchis qui, nous l'avons vu, ont tué à sa demande, leur patron, afin de lui éviter le déshonneur de tomber vivant aux mains de l'ennemi130 ou ceux qui, par désespoir, après la mort de leur ancien maître, se suicident: certes, dans le cas de Pindarus, déjà évoqué, cela peut correspondre au désir d'échapper à des représailles131, mais dans d'au tres cas, il semble que seul un attachement sin cère ait été en cause; ainsi, un affranchi de P. Catienus, Philotimus, dont cependant son patron avait fait l'héritier intégral, se jeta dans le bûcher funéraire de celui-ci, selon le témoignage de Pline132. Cette fides se marque encore par le fait qu'au delà de la mort non seulement l'affranchi partici128 Cf. les exemples cités par Appien, (BC, IV, 44 - IV, 46 IV, 47) et Dion Cassius (XLVII, 10). Or tous ces cas de dévouement sont anonymes (ainsi que celui que nous rap porte Macrobe (Sat., 1, XI, 18) et qui pourtant concerne un affranchi ayant refusé sous la torture de livrer son maître, Laberius). Seul T. Vinius Philopoemen, sans doute parce qu'il eut accès à l'ordre équestre, échappe à cet anonymat (cf. App., BC, IV, 44 - Suétone, Aug., XXVII, 2 - Dio Cas., XLVII, 7, 5). Notons encore que si, plus anciennement, C. Marius avait cherché refuge à Minturnes, c'est parce qu'il y avait des affranchis et esclaves (cf. CIL, I2, n° 2705, 3 = ILLRP, 726.). i29Fam., XIII, 60, 1. Cf. Verr., II, I, 123. 130 Voir chap. V. 131 Comme ce fut, sans doute, le cas de Demochares, affranchi de Sex. Pompée après la bataille d'Artemisium (Dio Cass., XLIX). 132 NH, VII, 122 Publias Catienus Philotimus patronum adeo dilexit ut hères omnibus bonis institutus in rogum eius se tacerei. Par ailleurs, les exemples ne manquent pas d'affranchis, qui, sans arriver à une telle extrémité, éprouvent un réel chagrin à l'occasion de la mort de leur patron ainsi que nous l'indiquent Varron (RR, I, LXIX,) et Nicolas de Damas (Vie de César, p. 4). Mais on peut se demander s'il ne s'agit pas d'un poncif, car le contexte (situation imaginaire dans le premier cas, récit politique dans l'autre) ne se prête pas à l'évocation de tels sentiments: les deux auteurs ne feraient donc réfé rence qu'à l'attitude normale de «tout bon affranchi» venant de perdre son ancien maître.
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI pe aux frais de funérailles et d'édification d'un tombeau (ou les prend en charge), mais encore qu'il défend la mémoire du patronus. Tout d'abord en le vengeant, physiquement : les servi teurs de Milon (qu'ils pensaient perdu), auraient, selon Cicéron, mis à mort Clodius par vengeanc e133. Inquiets de la disparition de leur patron, les affranchis d'Asuvius, après l'avoir cherché, s'emparent d'Avillius et le défèrent devant les tresuiri capitales (et il s'avère être le meurtr ier)134. D'autre part, Lenaeus, affranchi de Pompée, insulte, dans une satire, Salluste, l'historien, qui avait sali la mémoire de son patron (Ac tanto amore erga patroni memorìam exstitit, ut Sallustium historicum. . . acerbissima satira laceravit, nous dit Suétone)135. Par ailleurs, Cornelius Epicadus, l'affranchi de Sylla, acheva les Mémoires rédigés par ce dernier136. Tiron, l'affranchi et dernier fidèle de Cicéron, rédigea une biographie de son maître en quatre tomes, au moins, et passa pratiquement137 le reste de sa vie à réunir, ordonner et publier les œuvres de son défunt patron138. Laurea, un autre 133 Pro Milone, 56, Haesit in its poenis quas ab eo servi fidèles pro domini vita expetiverunt. 134 Qui cum . . . neque in is locis ubi ex consuetudine quaerebatur invenitur . . . liberti Astivi et nonnulli amici... in ewn (Avillium) invadunt et hominem ante pedes Q. Manilii qui turn erat triumvir constituunt, Pro Cluent., 38. 135 Gramm., XV. 136 Sué t., Gramm., XII. Contre l'avis de J. Carcopino (Sylla ou la monarchie marquée, 11e éd., Paris, 1967, p. 234), Bardon (Littérature inconnue, p. 153/4) pense que Sylla n'avait pas eu le temps de clore son récit par son ultime songe et que le rôle d'Epicadus fut essentiel. Par ailleurs, la communis historia (ou les communes historiae) écrite par Lutatius Daphnis (Peter, HRFr, 1 et 3) aurait pu consister en un récit des actions communes de Marius et Lutatius Catulus, patron de l'auteur. C'est l'hypothèse de Hauler (dans Eranos, 1909, p. 216) rejetée cependant par Bardon (M. Lutatius Catulus et son cercle littéraire, dans LEC, 18, 1950, p. 52, cf. Littérature inconnue, p. 121-2). 137 Cf. Ascon., ad Milon. 38 Ut legimus apud Tironem liberturn Ciceronis, in libro IV de vita eius (cf. Mac Dermott, Tiro, p. 282-3). Tiron, notamment, y défend la réputation de son maître, accusé d'avoir cédé à la beauté de Publilia, en soute nant que. ce mariage était destiné à permettre de payer les dettes de Cicéron (Peter, HRFr, fr. 3) - cf. Bardon, Littérature inconnue, p. 271/2. 138 C'est à lui, en tout cas, que Cicéron remit le livre, scellé, contenant ses lettres et destiné à être publié après sa mort (cf. Dio Cass, XXXIX, 10), cf. Treggiari, Freedmen, p. 262-3 - Mac Dermott, op. cit., p. 277-281.
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affranchi, aurait chanté, dans un poème, une source chaude jaillie à l'entrée de la maison autrefois occupée par Cicéron lui-même, mais aurait, en fait, rendu hommage au souvenir de celui-ci139, (tout ceci d'ailleurs, doit d'autant moins nous étonner que, du vivant de leur patron, certains affranchis, au risque de leur liberté ou de leur vie, ont servi d'otages ou de garants, ce qui indique bien que leur «service» n'avait aucune limite et comportait l'engagement total de leur personne, une aliénation qui con cernait même leur droit à vivre)140. Mais il est évident que, à l'occasion des guer resciviles, cette fides, appliquée à des affranchis, se révèle assez fragile et nombreux sont les cas de liberti, qui tuent ou trahissent leurs patrons. Même si nous écartons le meurtre imaginaire raconté par Horace et imputé à une femme qui aurait coupé en deux son patron particulièr ement avare141, même si nous tenons pas compte des trahisons ou fuites attribuées par Cicéron à certains de ses affranchis, notamment Chrysippus ou Philotimus (mais il s'agit d'un libertus de Terentia)142, ou même si, replaçant certains actes dans leur contexte, nous exceptons des meurtres qui peuvent avoir des raisons passionnelles143, il
139 Pline, NH, XXXI, 6-8 Nimirum locus ipse sui Ciceronis honoris / hoc dédit. Plus tard, Julius Marathus, affranchi d'Auguste, rédigea une biographie de l'Empereur, consultée par Suétone, (Aug., LXXIX-XCIV). 140 Cf. Cic, Fam., X, 17, 3 (cf. VII, 25, 2) : Lepidus . . . fecit ut Apellam ad me mitteret, obside fidei illius . . . lettre de Plancus au sujet d'Apella, affranchi de Fadius Gallus. Antoine (Appien, Bell. Civ., V, 94) dépêche Callias auprès d'Octavien en le laissant maître de lui faire avouer la vérité au milieu des tortures. Antoine, encore (Plutarque, M. Ant., LXXIII cf. Dio Cass, LI, 86-7) fait fouetter et renvoyer à Octavien l'affranchi de celui-ci, Thyrsus (qu'il trouve trop entreprenant auprès de Cleopatre), et fait savoir à son adversaire qu'il peut en faire autant avec son affranchi Hipparque. Ce qui explique peutêtre le ralliement dudit Hipparque à Octavien ibid., LXVII, 7. Ce risque assumé au service du maître, nous le relevons à propos des affranchis du mercator P. Granius qui furent exé cutés par Verres (Verr., II, V, 154). 141 Sat., I, 1, ν. 99-100: il est question de l'affranchie d'un certain Ummidius : at hune libertà securi / divisit medium. 142 II s'agit avant tout d'un thème de polémique, destiné à rabaisser les deux personnages et à les assimiler à des esclaves de la pire espèce. 143 Ainsi, le meurtre d'un certain Fulvius est lié à la jalou sieà l'égard d'une autre femme (Appien, BC, IV, 24). C'est peut-être aussi à des raisons sentimentales qu'est
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reste assez d'exemples de patrons assassinés ou livrés, avant et pendant l'époque des guerres civiles144, pour nous faire comprendre que les rapports affranchis-patrons ne doivent pas être envisagés totalement en dehors du contexte poli tique145, au moins pour les personnages import ants(et leurs affranchis) dont nos sources nous parlent, étant entendu que nous ne savons rien des autres, au moins avec précision. Mais inversement il n'est pas question d'ou blier la dimension individuelle des rapports affranchis-patrons et de méconnaître ce qui, dans leur développement, pouvait relever de jalouisie, ou de ressentiments dont les troubles de la fin de la République n'ont été que les révélateurs. Il reste cependant, qu'au-delà des cas de fidé lité représentés par des affranchis cultivant le souvenir de leur patron, la facilité avec laquelle certains serviteurs de Pompée sont passés à
due la trahison de l'affranchi anonyme de Naso, dont il était le mignon (Appien, BC, IV, 26). 144 Trahisons sous forme de dénonciation, notamment lors des proscriptions : Philologus, affranchi de Q. Cicéron (Plut., Cic, XLVIII, 2) (notons cependant, que le même Plutarque (Cic, XLVII) ne parle que de la trahison des serviteurs de Quintus et que, à propos du châtiment de Philologus, il signale le silence de Tiron à ce sujet, mettant ainsi en doute la réalité de ce mauvais comportement et l'imputant à cer tains des historiens, Cic, XLIX); l'affranchi d'un certain Varus (Appien, BC, IV, 28). Meurtres : en 87 a.c, aux dires d'Appien (BC, I, 74), à l'occasion de la conjuration de Cinna, les esclaves appelés à la liberté se jetèrent sur leurs maîtres : mais il y avait aussi des individus «qui avaient reçu la liberté auparavant», donc des affranchis n'ayant pas dû leur affra nchissement aux conjurés. Fuite : les deux plus fidèles affranchis d'un certain Lucius (Appien, BC, IV, 26). Affranchis passés à. l'ennemi: Menas / Menodorus, affran chide Sex. Pompée, qui le trahit au profit d'Octavien (App. BC, V, 78 - V, 82 - V, 96). Hipparchus, affranchi influent de M. Antoine qui fut le premier à se rallier à Octavien (Plut, Ant., LXVII, 7), tout comme Antonius Euphorbus (Cass. Dio, LUI, 30, Pline, NH, XXV, 77). 145 Si l'on accepte l'hypothèse d'I. Kajanto (Tacitus on the slaves. An interpretation of the Annales XIV, 42-45, dans Arctos, 6, 1969, p. 43-60), le S.C. Silanianum, concernant la mise à mort des esclaves d'un homme libre assassiné, pourrait être daté de 17 et même 25 avant notre ère. Dans ce dernier cas, on ne pourrait manquer d'y voir un coup d'arrêt à des pratiques que les guerres civiles avaient favorisées. Et il n'y a aucune raison de penser, a priori, que les affranchis aient été totalement à l'abri d'un comportement agressif à l'égard de leurs patrons.
César146, ou ceux de Marc Antoine à Octavien147 traduit bien les limites de l'attachement manifest é par des serviteurs puissants, auxquels la pro messe de la vie sauve et l'espoir d'une promot ion148 pouvaient, après la mort de leur patron, donner l'occasion de changer de camp. 2 - Les justifications de la fides : l'image du bon et du mauvais affranchi II apparaît naturel que les raisons qui pous saient un maître à affranchir son esclave aient découlé, pour une bonne part, des bons rapports qu'ils avaient entretenus jusque là, et des quali tésou du dévouement que le serviteur avait manifestés. L'affranchissement, acte au premier chef juridique, ne devait pas, au moins en princi pe, être de nature à changer la «valeur», aux yeux du maître, du nouveau libertus et l'affranchi «idéal» n'offrait sans doute pas un portrait diffé rent de celui du bon esclave149.
146 S'il est vrai que Sextus Pompée a pu bénéficier de l'appui des pirates affranchis par son père; mais notons que si Veli. Patere. (Π, 73, 3) fait, par exemple, de Menas / Menodorus, un libertus de Cn. Pompée, le reste de l'histori ographieromaine (Pline, NH, XXXV, 200. Appien, BC, V, 78-83. Cass. Dio, XLVIII, 46, 1) semble voir en lui un esclave libéré par Sextus (dans ce sens, M. Hadas, Sextus Pompey, N. York, 1930, p. 70, n. 51). La phrase de Cicéron (Pompei servus, libertus Caesaris Phil., XIII, 12), peut viser, au-delà de son aspect polémique, la «trahison» de certains serviteurs de Cn. Pompée. 147 Les plus influents des affranchis d'Antoine furent les premiers à se rallier: ainsi Hipparchus (Plut., Ant, LXVII), ainsi Derceteus, un des gardes du corps qui apporta la preuve de la mort d'Antoine à Octavien (LXXVIII, I); et Antonius Musa, le futur médecin d'Auguste, dut appartenir à cette cohorte de liberti qui, après la mort de leur patron, passèrent à l'ennemi, au même titre qu'Antonius Euphorbus (Pline, NH, XXV, 77 - Dio Cass., LUI, 30). 148 La récompense attribuée par Octavien à Menas / Menodorus, le grand affranchi de Sex. Pompée, ne va pas au-delà de l'octroi de l'anneau d'or (cf. Dio Cass., XLVIII, 45) : aucun commandement exceptionnel n'est accordé au personnage à l'issu de sa seconde trahison (et, auparavant, il s'était mal accomodé de n'être que le second de Calvisius cf. Dio Cass, XLVIII, 54). 149 Relevons qu'alors que, dans leur dénomination, les esclaves insistent avant tout sur le gentilice des maîtres, les affranchis, par l'indication du prénom ou du surnom de celui-ci, mettent ainsi l'accent sur un type de rapport plus personnel - C'est cette nuance qu'à partir d'Auguste, et à propos des serviteurs impériaux, l'on retrouve dans les deux
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI Cette continuité est nettement soulignée par le fait, que selon Cicéron150, les qualités de l'a ffranchi seraient sauf exception, au-dessous de celles d'un ingénu, ainsi qu'un passage d'une lettre à Atticus l'indique de façon implicite : turn sanctum, plenum «officii», studiosum edam meae «laudis», «frugi» hominem ac, ne libertinum laudar e videar, virum bonum, termes qui s'appliquent à Denys. Il y aurait donc des qualificatifs propres à un affranchi et d'autres {virum bonum) qu'on ne pourrait leur attribuer que par excès. Mais avant d'entreprendre l'énumération de ces qualités151 (et des défauts du mauvais affranc hi),il importe de remarquer que notre source essentielle de renseignements est constituée par l'œuvre (avant tout les lettres) de Cicéron, c'està-dire d'un utilisateur consignant ses impress ions,le plus souvent au jour le jour. C'est là un témoignage inestimable mais dangereux, dans la mesure où nous n'avons aucun document corres pondant, aucun «journal» ni «mémoires» éma nant d'un de ses serviteurs 152., Si bien que nous en sommes réduits, pour trouver un contre poids à ce que le discours de Cicéron a forc ément d'étroit, à exploiter, peut-être de façon exagérée, les demi-mots de Térence ou P. Syrus, voire d'Horace, mais aussi les textes des elogia inclus dans les épitaphes, textes qui, de façon étonnante, au moins à première vue, font écho à ce que Cicéron et les auteurs liés aux milieux aristocratiques nous indiquent153.
expressions Caesaris servus et Augusti libertus (cf. Weaver, Familia Caesaris, p. 42-53, notamment). Cette personnalisation des relations patron/affranchi est relevée par Clavel-Lévèque (Les rapports esclavaghtes, p. 241), à propos de la correspondance de Cicéron en 50/49 avant Jésus-Christ. 150 Λ«., VII, 4, 1. 151 Vogt, Sklaverei und Humanität, p. 83-96. Ο. Jurewicz, Bemerkungen über die servi mali bei Plautus, dans A A Hung., 9, 1961, p. 27/36. 152 D'autant que Cicéron est un maître bourré de contra dictions (cf. R. Etienne, Cicéron et l'esclavage, dans Actes Col loque histoire sociale, 1970, Paris, 1972, p. 83-100. (= Etienne, Cicéron). 153 Soulignons, cependant, que l'épigraphie funéraire n'est pas conflictuelle. Seules les tabellae defixionum peuvent, nous l'avons dit, refléter une situation où la vis est impliquée : mais elles concernent plus les rapports entre individus de condition ou d'origine servile que les relations patronsaffranchis.
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a) Le bon affranchi154 Au premier rang des qualités sont placées les bonnes dispositions, la «bonne nature» du per sonnage, dont par exemple on célèbre la benevolentia : quod enim praemium satis magnus est tam benivolis. . . servis, propter quos vixit155 dit Cicé ron à propos des esclaves de Milon, affranchis par ce dernier; mais aussi, au sujet de C. Avianius Hammonius156, il insiste sur ce même aspect de la personnalité mihi molestissimis, tem poribus, ita fideliter «benivoleque» praesto fuit, ut si a me manumissus esset. Il s'agit donc, au minimun, d'une disposition d'esprit bienveillante et qui, dans les deux cas cités, est associée à la notion de fidélité, ce qui en dénote l'importance. Mais en fait, il faut penser que c'est plus qu'une qualité indispensable et qui est déjà propre au bon esclave157 : même reportée au cadre de Xamicitia entre ingénus, elle se traduit essentie llementpar des actes, des manifestations tangi bles. Ce qui souligne et la valeur fondamentale et la portée générale de cette benevolentia15*, c'est que la majorité des allusions qui y sont faites, chez Cicéron, ne concernent pas exclusiv ement les relations patron-affranchis, mais les liens établis entre les affranchis et les amis du maître. Outre le passage cité un peu plus haut, on retrouve cette acception à propos de L. Livineius Trypho, d'abord sur un plan général (quibus facillime «bonam benivolentiam» hominum. . .)159, puis ce qui est plus conforme à l'inté rêtde Cicéron mais aussi à l'exercice pratique de cette disposition, sur un plan personnel, puis qu'il est question de suam erga me benivolen tiam™0,formule qui est pratiquement reprise mot pour mot à propos de C. Curtius Mithres161.
154 Cf. le tableau dressé par Daubigney, La propriété, p. 34, (Les caractérisants moraux de l'officium). Smadja (Les rela tions esclavagutes, p. 95-99), montre bien qu'à travers l'affran chi, c'est au patron que les compliments sont adressés. 155 Pro. Milone, 58. 15é Fam., XIII, 21, 2. 157 At pol ero benevolens visust suo (Plaut., Trucui, v. 316). 158 Cf. Hellegouar'ch, Vocabulaire, p. 149/150. 159 Fam., XIII, 60, 1 : on remarquera l'exagération. 160 Fam., XIII, 60, 2. 161 In quibus benevolentiam eius erga me experier (Fam., XIII, 79, 1).
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Mais que cette qualité dépasse un cadre pure ment propre à la personne de l'affranchi, appar aît, inversement, dans le fait que pour Cicéron, la benevolentia d'Atticus à son égard et celle que lui manifeste Eutychides sont étroitement liées Valde me hercule mihi gratum Eutychidem «tuam erga me benevolentiam» cognosce. . . «et suam» illam in meo dolore συντήειαν162. Il apparaît donc qu'il s'agit d'une attitude favorable, qui, au-delà de la personne même du patron, est tout naturellement liée à la notion d'obseqiiium qui impose è l'affranchi de reporter sur des tiers, en secondant son patron, des sent iments qu'il aurait peut-être préféré manifester exclusivement envers ce dernier. D'autres traits définissent la nature même du bon libertus. Il est normal, sans doute, qu'il manifeste une facilis natura, expression qui éclai renettement la nécessité, pour l'affranchi, de tout accepter et d'être passif devant la personne du patron. (Mais comme c'est Suétone qui nous donne cette indication, il n'est pas sûr que, au plan du vocabulaire au moins, le témoignage soit à retenir)163. C'est sans doute dans le même sens que va le terme suavitas que Cicéron emploie à propos d'Alexio164 pour souligner, en même temps que son «bon» caractère, une certaine forme de culture. C'est cette même alliance de bonnes disposi tions,de politesse et de culture que souligne la notion d'humanitas, sur laquelle Cicéron insite beaucoup et qu'il oppose à la rudesse du «man uel», de Yoperarius165. Qu'il ne s'agisse pas d'un simple savoir, d'une simple imprégnation de bons auteurs, ressort des associations dans le squelles le mot est impliqué : Amorem erga me, «humanitatem suavitatemque» desidero, à propos d'Alexio166, ou encore hominem enim summa probitate, humanitate. . ., parlant de L. Cossinius
162 Att., IV, 15, 1. 163 Gramm., 7 (à propos de M. Antonius Gnipho). Par ai l eurs facilis ne s'applique qu'au supérieur, «plein de compré hension» (cf. Hellegouar'ch Vocabulaire, p. 216/7). 164 Suavitatemque desidero (Att., XV, 1). 165 Sur les différentes acceptions de l'humanitas, cf. Heinemann, RE, suppl., V, (Humanitas), col. 283-310. L Perelli, Uma nesimo di Cicerone, Turin, 1954, p. 85-112. Cf. la bibliographie donnée par H. Haffter, Neuere Arbeiten zum Problem der Humanitas, dans Philologus, 100, 1956, p. 287-304. 166 Att., XV, 1.
Anchialus167, alors que Tiron apparaît comme un heureux mélange d'homme cultivé et de polites se : Tironi humanissimo et optimoi6S, tarnen propter humanitatem et modestiamm. Même si l'aspect «culturel» et intellectuel du terme n'est jamais oublié ou même peut apparaître au premier plan170, cette intervention d'une «urbanité», d'une politesse liée sans doute à la qualité d'ex pression de l'affranchi, mais aussi à la déférence, ne peut être négligée. Mais il est bien évident que cette qualité est limitée à quelques individus d'élite, toute une hiérarchie s'établissant, à en croire Cicéron, entre l'individu voué aux travaux subalternes et l'affranchi humanus171, dont la fr équentation peut être agréable, voire «charmant e». Mais fondamentalement Yhumanitas est liée à l'exercice de Yofficium et à la pietas, chez Cicé ron lui-même, et il semble plus probable que, même à propos de Tiron, c'est une certaine forme de déférence dans l'accomplissement du service qui est sous-entendue172 beaucoup plus que des rapports d'égalité entre deux individus solidaires par leur intelligence et leur culture. Un autre groupe de qualités exprime la réser ve déférente, la modestie, le fait de rester à sa place - secondaire - qui doivent caractériser le bon libertus. C'est d'abord la modestia, asociée à Yhumanit as173 ou au qualificatif de frugi: T. Ampitim Menandrem, hominem frugi et « modes turn» l74.
167 Fam., XIII, 23, 1. 168 Fam., XVI, 5, 2. 169 Att., VII, 5, 2. 170 Ainsi dans le cas de Tiron, Fam., XVI, 16, 1 additi, litteris et sermonibus, et humanitate, écrit Q. Cicéron. Cf. aussi Fam., XVI, 14, 2 si me diligis, excita ex somno tuas litteras humanitatemque, propter quam mihi es carissimus, cf. encore Sex. Roscio, 121. 171 Cf. à propos d'Aegypta, que Cicéron envoie auprès de Tiron, malade Ego ad te Aegyptam mm, quod nec «inhumanus» est, (Fam., XVI, 15, 2), ce qui indique un personnage qui n'a pas atteint le niveau de Tiron, mais qui a un minimum de culture et de savoir vivre. 172 Sur toutes ces nuances, cf. Hellegouar'ch, Vocabulaire, p. 267-271 (surtout p. 269). 173 Tarnen propter humanitatem et modestiam maio salvum (Att., VII, 5, 2 à propos de Tiron). Cf. aussi Fam., II, 12, 2 Diogenes tuus, homo modestus (à Caelius). 174 Fam., XIII, 70 (à P. Servilius), cf. Fam., I, 6, 2 modestus homo et frugi. C'est la même idée qui ressort de l'usage de ce terme en liaison avec Yordo libertinorum; faisant allusion à l'insulte qui aurait été proférée par Verres à l'idée qu'un
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI Sous ce vocable, c'est sans doute, plus que la maîtrise de soi, l'esprit de discipline, le renonce ment à son propre intérêt au profit de son patron et des amis de celui-ci qui sont évo qués175. C'est encore la temperantia, qui est pratique ment synonyme de ce «quant à soi» sur lequel l'affranchi de qualité doit demeurer; et il est significatif que ce soit à propos d'Alexio, que Cicéron apprécie tant, que l'expression soit utili sée176. A ce groupe l'on doit joindre la prudentia, c'est-à-dire un mélange d'intelligence, de discer nement, mais aussi de circonspection et qui est le propre d'un affranchi qui ne se comporte pas d'une façon instinctive, mais qui mesure ses paroles et ses actes, est capable de discerner le bien du mal177. In rebus magno usui fuit et fides eius et prudentia178 : soulignant la solidité d'Apol lonius, affranchi de Crassus, Cicéron veut aussi indiquer qu'il s'agit d'un homme d'expérience au jugement duquel on peut se fier179. La même idée de réserve et de mesure180, un autre terme l'exprime mais sur un plan qui déborde le cadre des relations strictement indi-
affranchi pourrait hériter d'un chevalier (Equiti Romano tatti locupleti libertinus homo sit heres), Cicéron célèbre la modér ation de cet ordo qui ne le mit pas à mort Ο modestum ordinem, quod Mine viviis surrexierit (Verr., II, I, 124). Cette expression met en valeur le fait que ces individus, même pris collectivement, ont su garder leur place et montre par ailleurs quelle estime limitée Cicéron leur reconnaît. En tout cas, il y a bien correspondance entre l'usage privé du terme modestus et son utilisation, exceptionnelle, sur le plan sociojuridique. 175 Ct. Hellegouar'ch, Vocabulaire, p. 263-5. 176 Att., XV, I, 1. 177 Ainsi que Cicéron l'indique lui-même lorsqu'il définit, à deux reprises, la prudentia : Prudentia est rerum bonarum et malarum neutrarumque scientia (Inv., II, 160). Constat (prudent ia) ex scientia bonarum et malarum et nec bonarum nec malarum (Nat. D, III, 38). 178 Fam., XIII, 16, 2 (à César). 179 Cf. Fam., III, 1, (à Appius Ita est homo non modo prudens, à propos de Phania). Inversement, Philotime est critiqué Cognovi non satis prudenter fecisse Philotimus (Fam., IV, 2, 1 à Sulpicius). '»ο Ces qualités, qui traduisent finalement la prise de cons cience, de la part de l'affranchi, de la place secondaire qu'il occupe dans l'ombre de son patron, sont le signe et le résultat de l'autorité de ce dernier. Et c'est sur ces traits que le «bon patron», celui qui est respecté, est jugé par les autres ingénus : c'est ce que Dion Cassius signale (LJI, 37), lorsqu'il rapporte les conseils donnés par Mécène à Auguste.
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viduelles pour prendre une résonnance «social e», c'est celui de pudens que Cicéron n'emploie qu'à une seule reprise, à propos de C. Avianius Hammonius : hominem pudentem. . . cognosces™1; et cette qualité est signalée sur une inscription funéraire en vers de Rome pudentis hominis1*2. Il s'agit d'une modestie consciente qui est le pro pre de l'homme qui sait rester à sa place et accepte les règles du «jeu» : qu'il s'agisse d'un fils, d'un affranchi ou d'un homme de bien en général183. (Mais chez Cicéron, le sens second du terme, appliqué à des femmes, et associé à celui de casta ou pudica164 n'apparaît évidemment pas, puisqu'aucune femme affranchie de son entoura ge ou de ses amis n'est signalée dans ses let tres). Mais il faut faire une place particulière, et Cicéron nous y invite, à des qualités sur lesquell es l'accent est mis fréquemment, qui ont un caractère, ou plutôt une portée plus pratiques, plus matériels, et qui indiquent le désintéresse ment et l'honnêteté de l'individu qui en est pourv u. Cette absence de compromission à l'égard de l'argent, Cicéron se plaît à la souligner à propos de Tiron (qui, malade, a préféré emprunter plu tôt que de demander à Curius l'argent que Cicé ron avait demandé à celui-ci d'avancer)185. Il s'agit d'un poncif que Suétone a repris à propos de M. Antonius Gnipho et de Staberius Eros186. Le terme qui exprime le mieux cette honnêtet é, c'est celui de probitas (qui alterne avec le qualificatif probus), que Plaute avait déjà appli qué à des esclaves (Decet servom et probum (esse)1*7 et que Cicéron emploie au sujet de Tiron
181 Fam., XIII, 21, 2. 182 CIL, P, 1210 = ILLRP, 808 (milieu du premier siècle sans doute). 183 Cf. Cic, Verr., II, 3, 69 : et pudens, et probus filius. Inversement Phil., Ill, 11 : nihil apparet in eo ingenuum, nihil moderatum, nihil pudens, nihil pudicum. Sur le sens du terme, cf. Forcellini, III, p. 545 s.v. 184 Nous avons étudié ce sens «sexuel» lorsque avons parlé de la vie familiale des affranchis et de son expression. 185 Ait., VIII, 6, 4. 186 M. Antonius Gnipho Nec umquam de mercedibus pactus (Gramm. 7). Staberius Eros Tanta eum honestate praeditum . . ., sine mercede ulla . . . (Gramm., 12). 187 Rudens, v. 1 12, cf. aussi Probus homost (Poenulus, v. 582, à propos de Collybisius l'intendant d'Agorastocles).
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(adulescentem probum)18*, mais aussi de L. Cossinius Anchialus (hominem enim, «summa» probitate)m et de L. Nostius Zoilus190. Il est intéressant que ce qualificatif soit mentionné à plusieurs reprises dans nos inscriptions : probissumo homini, dit un patron qui fait une épitaphe à la mémoire de son affranchi191. Or, dans le cas d'éloges funéraires, le terme est le plus souvent employé en liaison avec le patron. C'est qu'il s'agit d'une qualité fondamentale, dont P. Syrus nous situe l'importance : Probus libertus sine natura est filius192, soulignant que c'est par elle que s'exprime le mieux et le respect de l'affran chi et la confiance que le patron peut lui témoi gner. La probitas désigne le comportement d'un homme digne de la fides placée en lui193. (Mais il ne faudrait pas, par ailleurs, oublier que la maxi mede P. Syrus exprime aussi une réalité juridi que,à savoir que, entre l'affranchi et le patron, il n'existe pas à'actio furti et qu'en cas de vol commis par l'affranchi au détriment du patron, seule une procédure privée était prévue)194. On comprend, dès lors toute l'importance que cette «vertu» pouvait avoir aux yeux du patron qui, en toute occasion, pouvait être expo sé aux larcins commis par son affranchi. Un terme est mentionné très souvent, dans la littérature épigraphique aussi bien que chez Cicéron : c'est celui de frugi195. Etymologiquement, c'est un qualificatif qui s'applique à une terre qui peut donner une bonne moisson fruges, qui rend ce qu'on lui a donné et ce qu'on en attend (et au-delà). Appliqué à un homme, et singulièrement à un affranchi, frugi insiste à la fois sur l'honnêteté, la frugalité, mais aussi le fait 188 Att., VII, 2, 3. 189 Farn., XIII, 23, 2. 190 Farn., XIII, 46 : et Cicéron, dans ce cas, parle en con naissance de cause, puisque Zoilus est le cohéritier, avec lui, de son patron. 191 CIL, F, 1378 = VI, 26044 / proba CIL, F, 1570 = ILLRP, 977 / natura proba CIL, F, 1218 = ILLRP, 982 / F, 1684 = ILLRP, 799 (épouse d'un affranchi, elle-même sans doute fille d'affranchi. 192 Sent., 450. 193 C'est pourquoi elle s'applique à un individu digne d'une recommandation et apparaît régulièrement dans les lettres du livre XIII Ad familiäres de Cicéron. 194 Ce point a déjà été évoqué dans le chapitre consacré à la cohabitation patrons-affranchis. 195 Cf. Ernout-Meillet, Dictionnaire s.v. Staerman, La condit ion,p. 80-1 - Blütezeit, p. 206-7.
que l'on peut en tirer quelque chose, en attendre notamment des services196, ainsi que Donat, dans un commentaire de YEunnuchus de Térence197 l'indique bien : frugi : utilis et necessarius ut fru ges humano generi, ce qui donne donc une résonnance encore plus terre à terre à cette notion d'honnêteté, conçue non seulement dans un sens négatif (ne pas voler le maître) mais dans une acception positive (lui rendre, par des services, ou par son dévouement, ce qu'il a accordé par le moyen de la manumission). Ce qui est intéressant, c'est que ce qualificatif apparaît assez souvent, dans les sources épigraphiques, et la plupart du temps à propos d'af franchis198 ou de conjoints d'affranchis199.
196 D'où la liaison frugi, utilis, parcus (Schol. Ter, 105,30). Frugi semble caractériser l'individu économe, parfois à l'ex cès, ainsi que l'entend Horace, (Sai., I, 3, ν. 48) Parcius hic vivit; frugi dicatur. Ce souci d'économie englobe non seul ement le pécule mais, et surtout, les intérêts du maître, comme Davus, le serviteur d'Horace, l'indique avec humour : Ita Davus, amicum / mancipium domini et frugi quod satis est (Sat., II, 7, ν. 2-3). Une autre liaison frugi et diligentes, expression du droit (cf. Alf. Varus D, 18,6,12), est utilisée par Cicéron pour dési gner des esclaves qu'un espoir raisonnable de liberté peut habiter (Phil., VIII, 32) : Etenim, patres conscripti, cum in spem libertatis sexennio post sumus ingressi diutiusque servitutem perpessi quant captivi servi frugi et diligentes soient. Mais le terme peut avoir une résonnance autre que matér ielle et prendre la marque d'une sorte de détachement ainsi que Pubi. Syrus semble le montrer : Animo ventrique imperar e débet qui frugi esse vult (51). Il ne s'agit donc pas d'une qualité innée, mais d'un comportement raisonné, impliquant des efforts, et qui peut avoir une valeur objective : frugalitas miseria est rumoris boni (223). Mais il resterait à savoir si cette honnêteté, soucieuse des intérêts du maître avant tout, relève d'un choix spontané ou n'implique pas au contraire, dans le cas des affranchis, comme des esclaves, une certaine ostentation, liée à ce souci du qu'en dira-t-on qui semble être le propre des plus chanceux d'entre eux. En tout cas, le caractère fondamental de ce trait apparaît dans le fait que ses contraires semblent être tantôt improbus (frugi servo detur potius quam servo improbo, Piaute, Casina, ν. 268), tantôt nequam (laudare frugi servum ... et si est nequam, iocari, Cicéron, Orat., II, 248). 197 3, 5, 60. 198 Sur huit mentions au CIL, F, cinq concernent des affranchis: F, 1210 = ILLRP, 808 / F, 1220 = ILLRP, 365 / F, 1406 = ILS, 8397 / F, 1882 = IX, 4290 / et F, 1 349 = ILLRP, 943 esclave ou affranchie, épouse d'un personnage qui est sans doute affranchi. 199 Et deux autres indications se rapportent à des con joints d'affranchis: CIL, F, 1259 = ILLRP, 802 / F, 1684 = ILLRP, 799 (L. Manneius est sans doute affranchi).
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI D'autre part, Cicéron qui utilise souvent le terme, l'applique aussi bien à des esclaves qu'à des affranchis : ainsi, T. Ampius Menander200, ou Dionysius201 en sont qualifiés. Mais il s'agit d'une qualité qui est aussi « servile » : laudare frugi servum possimus202. Et le théâtre de Plaute et de Térence203 sur ce point avait déjà donné de nomb reuses références : ainsi frugi homo's déclare Demea à Syrus, avant de parler d'un affranchi ssement possible de celui-ci204. Cette qualité fondamentale qui revient si sou vent est indépendante de la qualification profes sionnelle ou de la culture, sans cesser pourtant d'être nécessaire et même suffisante, ainsi que Cicéron lui-même le laisse entendre, lorsqu'il définit ce qu'est un serviteur de confiance205 : Ut nos in mancipiis parandis, quamvis «frugi hominem» si pro fabro, aut pro textore emimus, ferre moleste solemus, si eas artes, quas in emendo secuti sumus, forte nesciverit; sin autem eminus, quem villicum imponeremus, quem pecori praefi· ceremus, nihil in eo nisi «frugalitatem, laborem, vigilentiam» esse curamus, ces trois dernières dis positions explicitant, dans un contexte strict ementéconomique il est vrai, la portée du mot frugi. Il y a là tout un faisceau de qualités qui, ajoutées à celles qui concernent les activités professionnelles au service ou en rapport avec le patron, font le bon affranchi, cet optimius) leibert(us) auquel son ancien maître dédie une épitaphe206.
2M Fam., XIII, 70. 201 AU., VII, 4, 1. 202 De Orat., II, 248, cf. frugi atque integer (Pro Cluentio, 47 à propos d'un esclave de Cleophante) / Modestiis homo et frugi (Brut., I, 6, 2) / Quamuis frugi hominem (Plane, XV). 203 Asinaria, v. 498 frugi tarnen sum / Aulul., v. 587, Strobilus vantant sa conduite et son obéissance : Hoc est servi facinus frugi / ut detur nuptum nostro vilico / servo frugi Cosina, ν. 254/5 / cf. ibid., ν. 283 / Mercator, .521 / Persa, ν. 839 (nee satis frugi) / Pseudolus, ν. 468. 204 Adelph. ν. 959. 205 Pro Cn. Plancio, XXV. 206 CIL, I2, 1378. Dans les conseils de Mécène à Octavien rapportés par Dio Cass (LU, 37), il est indiqué que les «hommes de bien parmi les affranchis» doivent être distin gués«τους αγαθούς και των απελεύθερων». Or il ne peut s'agir de la reconnaissance d'une qualité innée mais d'un compor tement favorable aux intérêts du patron et éprouvé par des réalités concrètes.
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C'est ce qualificatif que Cicéron utilise dans une lettre destinée à Tiron207 mais aussi, s'adressant à Atticus, au sujet de ce même Tiron nihil vidi melius20S. C'est en tout cas en rapport avec le patron que Cicéron entend utiliser ce terme qui semble propre à entrer dans la définition d'une attitude favorable (Tarn benivolis, tarn «bo nis», tam fidelibus servis209) et il découle de cela que ces boni servi ne pouvaient que recevoir la liberté, ce qui fut fait. C'est cette même idée d'un ensemble de qual ités propres à valoir l'affranchissement de l'e sclave qui les réunit, que suggère l'emploi de bonus(a) chez Plaute : bona libertà dit Dordalus, dans le Persa, en anticipant sur l'événement, à deux reprises210, animo bono es/ego te liberabo dit aussi Pyrgopolinices à Palestrio211. C'est aussi dans un sens limité à la relation patron-affranc hi, ou maître-esclave, que Plaute utilise la fo rmule bonus vir: bone vir/. . .et tu bona libertà212. Cicéron recours à la même expression pour qual ifier Denys, à un moment où il est enthousiasmé par le comportement de celui-ci: Plane virum bonum2n, vir optimus. . . sit igitur sane bonus vir fV214 II convient cependant de rappeler que vir bonus a une signification objective, à la limite du droit et de la morale215. C'est ce que Cicéron indiquait dans un passage déjà cité à propos de Denys (ac ne libertinum laudare videar plane virum bonum)216, montrant nettement que c'est par exception qu'il applique à un ancien esclave un qualificatif qui normalement ne concerne que les ingénus217.
207 Tullius et Cicero et Q. Q. Tironi.. . optimo S.P.D. (Fam., XVI, 5). 208 Att., VII, 2, 3. 209 Pro Milone, 58. 210 V. 789 - ν. 798. 211 Mil. GL, v. 1206/1207. 212 Persa, v. 788/9, cf. bone vir (Cosina, v. 795), optumus homo (Bacchides, v. 1112). 21Î AU., VII, 4, 1. 214 Att., VII, 7, 1. 215 Hellegouar'ch, Vocabulaire, p. 484. Nicolet, II, p. 230-2. B. P. Seletski, The social and politic meaning of the words bonus -i in Cicero's letters, dans VDI, 1976, 2, p. 142-156 (résu méen anglais). 216 Att., VII, 4, 1. 217 De la même façon que ce n'est qu'exceptionnellement que des libertini figurent parmi les optimales: Sunt etiam
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Sous cette appellation sont désignés chez Cicéron des gens de bien218, tandis que dès le second siècle, dans le langage juridique, ce sont des hommes dignes de foi et pouvant jouer le rôle d'arbitres qui sont ainsi désignés219, mais à l'arrière plan, demeure le sens premier que Caton déjà retenait, celui d'individus honnêtes en affaires. Et il est probable qu'à propos d'af franchis cette indication pratique demeure sousentendue. Ainsi donc, ce qualificatif, réservé à une peti tefrange d'affranchis parmi les plus appréciés de leur maître, est-il enrichi d'une notation «so ciale»?220 c'est ce que semble dire Cicéron, lors que parlant de P. Trebonius, il déclare : viros bonos et honestos. . . in Us fecit suum libertumZ2X; lïbertus nous situant sur plan proprement domestique, honestos donnant une dimension quasi-publique à cette qualité d'ensemble de l'a ffranchi en question. On comprend donc que, dans les épitaphes, tel affranchi ait pu être qualifié de bonus, a112, parfois en liaison avec d'autres qualificatifs qui ont une portée de caractère social (hominis
libertini optumates (Pro Sestio, 97); cf. aussi, à propos de Denys Homini forti ac nimium optimati (Att., IX, 7, 6). 218 Pro Sestio, 97-98 Nec natura improbi nec furiosi . . . et sani ainsi sont définis les optimales. Mais, surtout, il importe qu'ils soient defensores optumatium, ce qui implique l'accep tationde l'ordre établi. 219 II s'agit d'hommes de bonne réputation, qui peuvent jouer le rôle d'arbitres (cf. Caton, De Agric, 14, 3 - 144, 3 145, 3 - 148, 1 - 149, 2 arbitrium boni viri sur ce point Cosentini, Studi, I, p. 79. Watson, Obligations, p. 98-9, cf. aussi Horace, Ep., I, 15, v. 40 Qui consulta patrum, qui leges iuraque servai). Ceci semble confirmer Pubi. Syrus bien qu'il place cette expression sur le plan de la morale Boni est viri etiam ■in morte nullum fallere (97), Bonus vir nemo est nisi qui bonus est omnibus (99). 220 Sur les différentes significations de bonus, bonus vir, chez Cicéron, on peut citer l'excellente mise au point de G. Achard, L'emploi de «Boni, Boni viri, Boni cives» et de leurs formes superlatives dans l'action politique de Cicéron, dans LEC, 41, 2, 1973, p. 207-221 (= Achard, Boni viri) qui montre en particulier que, jusqu'au consulat, ces expressions n'ont dans son œuvre, qu'un sens moral (honnête homme) ou juridico-financier («personne sur qui l'on peut faire fond»); alors qu'après le consulat, le sens social et politique devient fréquent. 221 Verr., II, I, 123. 222 CIL, I2, 1349 = ILLRP, 943 / cf. I2, 1684 = ILLRP, 799 (femme d'affranchi).
boni. . . misericordis, amantis/pauperis)22i ou en liaison avec des termes qui dépassent le cadre des simples rapports «internes» entre patrons et affranchis (famaque bona224, boneis probata225 par exemple). Mais il s'agit d'indications exceptionn elles et qui ne concernent, semble-t-il, qu'une frange aisée d'individus. Ainsi, à propos d'une expression qui semble résumer les diverses qualités qui sont le propre du bon affranchi, nous avons déjà pu remarquer d'une part, la continuité qui existe entre les «meilleurs» des esclaves et les affranchis signa lésqui sont porteurs des mêmes traits, d'autre part, les sous-entendus pratiques et économi ques qui accompagnent de tels termes. Ajoutons qu'à plusieurs reprises nous avons relevé une certaine correspondance entre le lan gage des épitaphes et celui qui est utilisé par Cicéron, notamment, et cela tant a propos des termes qui sont proprement liés aux rapports directs patrons-affranchis qu'à propos d'expres sions dont la portée peut aller plus loin que les simples relations individuelles. Il reste que c'est auprès du patron que ces «vertus» sont manifestées et que plus les mots qui les désignent, sinon les réalités évidemment, se rapprochent des valeurs propres aux ingénus, plus Cicéron, notamment, devient parcimonieux et prudent; alors que des affranchis aisés et leurs familles sont plus enclins, par ostentation peut-être, à utiliser dans leurs épitaphes de tels termes. b) Le mauvais affranchi Mais à ces qualités s'opposent les travers du mauvais affranchi, travers qui n'apparaissent év idemment pas dans nos sources épigraphiques, qui par définition ne sont pas conflictuelles, mais essentiellement dans les textes littéraires, avant tout ceux de Cicéron. L'accent est mis, tout d'abord, sur la démesur e, l'absence de retenue qui fait qu'un affranchi ne reste pas à sa place, c'est la superbia, qui s'oppose à la modestia, mais qui ne peut être le fait que d'un serviteur jouissant d'une certaine importance et dont les «dépassements» se font 223 P, 1212 = ILLRP, 797. 224 P, 1347. 225 P, 1570 = ILLRP, 977.
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI aux dépens d'un patron lui-même important. C'est ce que Plaute laissait entendre dans le Pseudolus226, mais en tempérant cette liaison par le fait qu'un tel serviteur doit être irréprochable, alors que pour Cicéron, cette superbia apparaît essentiellement négative, ainsi au sujet de Denys227 («superbum» se praebuit. . .). Or cette démesure, cette insolence, Cicéron la met en rapport avec le mauvais caractère, le tempéra ment emporté du personnage, dont les façons de se comporter (mores226, cum aliquid furiose fecit. . .)229 sont relevées230; et il est intéressant de voir que Cicéron n'est pas le patron en titre de Denys, mais dans ses lettres à Atticus, il laisse entendre que les atteintes à sa dignité, que cons tituent les manquements de Denys, sont autant d'atteintes à la potestas d'Atticus. Par ailleurs, la malhonnêteté, conçue comme rupture de la fides, est sévèrement condamnée et le terme d' improbus231 est un des plus forts que Cicéron utilise pour «dénoncer» certains affran chisparticulièrement haïssables; ce terme con cerne d'abord l'attitude du libertus envers le patron, ainsi dans le cas de Denys (praestabo si vero improbus fuerit)232, de Chrysippus (sed tarnen ne Me quidem quicquam improbius)233 , de Philargyrus (cum in me tant improbus fuit)234.
226 V. 460-1 : Decet innocentent qui sit atque innoxium / servom superbum esse apud erum potissimum. 227 Att., VIII, 4. 228 Cuius ego cum satis cognossem mores (Att., VIII, 4, 1). Me quam mei patiatur mores de Dionysio scripsisse (Att., IX, 15). 229 (Att., VIII, 5, 1), cf. Ego autem ilium male sanum semper putavi (ibid.) Sur le sens juridique des termes furiosus et insanus, cf. Bonfante, Corso, I, p. 473-8 (Curatèle des fous et prodigues). 230 II est à remarquer que Cicéron prête à l'affranchi auquel il est opposé une instabilité caractérielle : ainsi Denys est qualifié de «demi-fou» (maie sanum, Att., IX, 15, 5); ailleurs, il est fait allusion à son humeur changeante, caracté risée par des accès de colère et des repentirs (Att., VIII, 5, 1). Il est probable que Cicéron croit à ce qu'il écrit mais l'acc umulation des charges (cum aliquid furiose fecit - πολλά μάτην κεράεσσιν / ες ήερα θυμήναντα - Numquam autem cerrìtior fuit Att., VIII, 5, 1), rend suspectes ces accusations. Disons cepend ant,qu'avant leur brouille, Cicéron signalait à Atticus que Denys se montrait un maître emporté (pueri autem aiunt eum furenter irasci Att., VI, 1, 12). 231 Sur l'opposition vir bonus / improbus, cf. Hellegouar'ch, Vocabulaire, p. 528-530. Achard, Boni viri, p. 217-8. ™Fam.,\, 11,3. 233 Att., VII, 2, 8 (cf. aussi F am., V, 11, 3). 234 Att., IX, 15, 5.
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C'est ce que souligne encore cette sentence qui constitue une sorte de mise en garde à l'égard de tous les patrons : Nemo potest esse in magna familia cui neminem neque servum neque libertum improbum habea235. Mais cette accusation, Cicé ron la porte contre Chrysogonus, l'affranchi de Sylla236 ou les Cornelii de fraîche date qui entou rentVerres237 et dans ce cas, Yimprobitas dépasse évidemment le niveau des simples rapports domestiques pour prendre une dimension pres que publique. Mais il n'y a pas de contradiction fondament ale entre les deux usages, dans la mesure où, dans ces deux derniers cas, la liaison affranchipatron est très forte : derrière ces improbi, ce sont leurs patrons qui sont visés. Cette identifi cation, Plaute, d'ailleurs, la proposait déjà . . . im probi sunt, malus fit, à esclave malhonnête, mauv ais maître238. On comprend donc la réaction de Cicéron au sujet des affranchis de son entoura ge: tolérer qu'ils se conduisent en individus improbi, c'est risquer d'être soi-même taxé d'un semblable défaut dans l'opinion d'autrui. Une des conséquences de cette malhonnêteté, est le vol, dont Cicéron, à plusieurs reprises accuse les «mauvais» affranchis qui le côtoient: Dionysius (cum multos libros surrupuisset . .)239 ou Philotime, accusé de falsifier les comptes de Cicéron240, ou Chrysippus dont les vols apparais sent secondaires par rapport à ses autres méfaits241 (mais dont la fuite, en dernier ressort, d'une part l'apparente à un mauvais esclave et d'autre part constitue, aux yeux de Cicéron du moins, un vol)242. Ces cas de vol apparaissement
235 Pro Sex. Roscio, 22. 236 Quern admodum soient liberti nequam et improbi, Pro Sex. Roscio, 130. 237 Sed Graeci sacrilegi iam pridem improbi, repente Corneli i, Verr., II, III, 69. 238 Mosteli, v. 873. 239 Fam., XIII, 7, 3. 240 Att., VI, 5, cf. aussi Hilarus ratiocinator et traité de nebulo (fripon) Att., I, 12, 2. Cf. encore Att., VI, 9, 2 et VII, 19 où le terme φυρατής est employé à chaque fois. 241 Mitto furia (Att, VII, 2, 5). Cf. aussi Att., XIII, 22, à propos de Tullius le scribe. 242 Puisqu'elle le prive des droits qu'il exerce sur le fugitivus. Mitto alia quae audio multa, mitto furta; fugam non fero qua nihil visum est sceleratius (Att., VII, 2, 8). Cf. l'opposition bonus vir / servus fugitivus dans Rep., III, XIX Bonus vir, si habeat servum fugitivum . . . ut vendat.
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dans d'autres sources et paraissent inhérents à la possession même d'affranchis : ainsi un affran chi inconnu d'Antoine aurait détourné une part ie de la somme destinée aux funérailles de Brutus243. Alexander, affranchi de Pompeius Strabo avait détourné une somme dont la dispa rition avait valu au père de Pompée d'être accu sé de péculat244. Voranus, affranchi de Q. Lutatius Catulus, selon Porphyrion245, aurait volé de l'argent sur une table de changeur246. Là encore un double aspect est attaché à cette notion de vol, domestique et public. Mais dans ce cas aussi, il semble que la responsabilité du maître soit quelque peu sous-entendue, il en est ainsi à propos de Strabo (il y a une sorte d'habitude de famille à laisser trop de place aux affranchis); c'est encore plus vrai, évidemment, dans le cas de Verres, qui laisse faire et même encourage les détournements organisés par ses séides247. Cette notion est complétée par le terme sceleratus, utilisé à propos de Denys et de Chrysippus et même248 associé au moins une fois au qualifi catifimpunis (qui s'oppose évidemment à sanctus249 et qui constitue le point culminant de cette série de défauts qui, on l'aura remarqué, sont accumulés sur un petit nombre de personnag es). En comparaison, l'expression homo nequam qui parfois est appliquée par Cicéron à des indi vidus de second plan250 mais aussi à des esclaves 251 (d'où la force de l'accusation lorsqu'elle est
portée contre Chrysogonus)252, apparaît très générale. Elle semble évoquer à la fois, la sottise et la malhonnêteté, et est placée par Plaute253, comme par Cicéron,254 en opposition au qualifi catifde frugi qui, nous l'avons vu, englobe toutes les qualités d'honnêteté qu'un patron est en droit d'attendre de son affranchi. Il apparaît, en tout cas, que selon les catégor ies utilisées par Cicéron (et reprises en partie par des auteurs comme Valére Maxime et Plutarque), il n'y a pas d'affranchi médiocre : seul le bon affranchi est digne de la liberté qu'il a acquise - et s'il est bonus vir, il n'a que de bons côtés, honnêteté, sens de la discipline et serviab ilité. Quant aux affranchis qui par leur insolenc e, et leur malhonnêteté, mettent en cause la potestas du patron et sa réputation, ils cumulent tous les défauts des mauvais esclaves. L'affranchi n'est donc pas neutre. Il est l'image ou le con traire de son maître, du moins si nous en croyons nos sources. D'autre part, si l'épigraphie funéraire est assez «idyllique» sur ce point, la lecture de Cicé ron laisse entendre qu'à un certain moment, des conflits surgissent entre patrons et affranchis : la vis, qui s'oppose à la potestas du patron et à la gratia que celui-ci dispense255, caractérise la mise en cause par l'affranchi de l'ordre établi : s'agit-il, dans le cas du témoignage de Cicéron, de l'ind ication d'une détérioration des rapports strict ementindividuels, en rapport avec l'humeur pour le moins changeante de celui-ci256, ou faut-il sup-
243 Plut., Ant., XXII. Val. Max., V, 1, 11. 244 Plut., Pomp., IV, 1. 245 Horat, Sat., I, 8. 246 Horace, Sat., I, 8, ν. 39 : furque Voranus. 247 Cf. les portraits de Timarchides et d'Apronius relevés par D. Cels, Les esclaves dans les Verrines, dans Actes Colloque 1971 sur l'esclavage, Besançon, Paris, 1973, p. 175-192 (p. 176180 notamment). 248 Att., VII, 2, 8 Mihi nihil visum est sceleratius, à propos de Chrysippus. 249 Nunc etiam impurum et sceleratum puto (Att., IX, 15, 5), cf. Att., IX, 12, 12 : A quo «impurissimo» haec nostra fortuna despecta est (cf. Lucilius, 639). 250 Libertum ego habeo, sane nequam honimen (Au., I, 12, 2, à propos d'Hilarus). Sed homo nequam. . . (Au., XII, 38, 1), à propos d'un courrier qui est reparti sans attendre une répons e d'Atticus. 251 Servi nequissimi dominationem ferre posse (Pro Sex. Roscio, 140) cf. l'emploi chez Plaute (Casina, v. 257).
252 Pro Sex. Roscio, 130 : liberti nequam. 253 Pseudolus, v. 467-8 : Cupis me esse nequam, tarnen ero frugi. 254 Velut isdem verbis et laudare frugi servum possimus et, si est nequam, iocari (De Orai., II, 248). 255 Cf. Moussy, Gratia, p. 386. 256 Sur le besoin d'être aimé éprouvé par Cicéron, cf. Etienne, Cicéron, p. 89. Même si l'on peut rester prudent à propos de l'application, au «cas» Cicéron, des méthodes de la caractérologie et de la psychanalyse, la tentative de P. Briot (Deux remarques sur la psychologie de Cicéron, dans Latomus, 1966, 2, p. 743-755 (Briot, Remarques), et surtout, Cicéron, approches d'une psychanalyse, dans Latomus, 1969, 2, p. 1040-1049 (= Briot, Approches) ne manque pas d'intérêt et a le mérite d'insister, sans sombrer dans les excès de J. Carcopino, (Les secrets de la correspondance de Cicéron, (= Carcopino, Secrets), 6e ed., Paris, 1947), sur le caractère instable d'un personnage incapable d'oublier son propre moi et de domi nerson affectivité : d'où ses doutes, ses phases de désespoir et ses comportements d'homme déçu.
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poser que le cas Cicéron n'est que le reflet d'une opposition sensible dans l'ensemble de la sociét é?257. Il faut de toute façon penser que la crise des guerres civiles a pu servir de révélateur, dans un sens conflictuel ou non, aux relations de dépendants à puissants et que, pas plus que les fils ou les clients, les affranchis n'ont dû échapp er,dans certains cas, à la volonté de rompre avec leurs patrons. Les sentiments de reconnais sance envers celui qui leur avait donné la libert é,ou de fidélité, n'ont pas manqué d'être alors mis à l'épreuve.
avoir exprimé ses remerciements, de ne lui avoir pas rendu grâce d'avoir écrit à son sujet des paroles flatteuses259 : Non adscribis et tibi grattas egit, Atqui certe Me agere debuit. Le lien entre un bienfait et une action de remerciement est donc bien établi. Mais les rapport avec l'octroi de la liberté est particulièrement serré dans le théâtre de Plaute; c'est ce que Philematium indique dans Mostella· ria : Eundem animum oportet nunc mihi esse gratum ut impetravi1*0. Ayant reçu la liberté, elle doit se montrer reconnaissante, désormais, à l'égard de son patron, et ceci d'une façon perman c) La reconnaissance ente. C'est la même pensée qu'exprime Sosie à l'égard de Simo qui l'a affranchi : habeo graParmi les notions qui s'attachent à la défini tiam261. tiondu bon ou du mauvais affranchi, une des En fait, gratus introduit un autre sens, celui plus importantes sans doute doncerne la recon de «reçu avec reconnaissance», agréable à. C'est naissance que l'esclave libéré doit éternellement ainsi que Sosie, dans l'exemple précité déclare, à son maître, en échange du bienfait auquel ce en fait : Et id gratum fuisse aduorsum te habeo dernier a consenti en lui concédant la liberté. gratiam «je te rends grâce du fait qu'avoir Bénéficiaire d'un don inestimable et conçu com accompli ce qui te plaisait te soit agréable» (et me à sens unique, le nouvel homme libre est que tu m'aies ainsi accordé la liberté). Autre tenu, moralement et matériellement, de se comp ment dit, le terme gratus serait ambivalent et orter en obligé à l'égard de son bienfaiteur. désignerait, comme l'indique E. Benveniste, ce C'est cette notion (que le droit romain, nous lui qui sait gré d'une faveur, mais aussi qui est l'avons vu n'a définie, négativement (ingratus «accueilli avec faveur, qui est agréable»262. Mais libertus) qu'à partir de l'époque augustéenne), il faut bien voir que, dans le cas de l'affranchi, ce que les auteurs littéraires, mais Cicéron au pre n'est pas sa personne qui est grata, agréable; mier chef, expriment au moyen des termes graCicéron dans une lettre à Tiron263 insiste sur la tus (parfois gratissimus) et son antonyme ingratonalité matérielle du terme : De tuis innumerabitus25S. Mais évidemment, c'est à propos d'actes lis in me officiis eût hoc gratissimum (s.e le fait de quotidiens que cette notion s'exprime. se soigner); ce n'est donc pas l'individu Tiron, Gratia apparaît chez Cicéron, à plusieurs mais les services qu'il peut rendre, et la nuance reprises, notamment dans une lettre à Atticus, est grande, qui sont «reçus avec reconnaiss dans laquelle il reproche à Denys de ne pas lui ance»264. C'est sans doute cette notion de services que peut rendre l'affranchi qui est sous-entendue P. J. Enk, Le caractère de Cicéron, dans Atti del I Congresso internazionale di studi Ciceroniani, Rome 1959, Rome, 1961, t. II, p. 55-65) se contente d'insister sur l'aspect méditerra néen du caractère de Cicéron, prompt à passer du rire aux larmes. 257 Dans ce sens, Smadja, Relations esclavagistes, p. 103. Clavel-Lévêque, Rapports esclavagistes, p. 262/2-273/5. 258 D'une bibliographie surabondante, on extraira : H. Frisk, Gratus, Gratia und Verwandten, dans Eranos 38 (1940), p. 26-30 - E. Wistrand, Gratus, grates, gratia, gratiosus, dans Eranos, 39 (1941), p. 17-26. Michel, Gratuité, p. 17-22 donne une analyse détaillée du terme et de ceux de sa famille, dans leurs emplois juridiques. Cf. l'analyse très fine des relations complexes recouvertes par la grâtia, dans Benveniste, Vocabulaire, I, p. 199-202.
2W Att., VII, 7, 1 (cf. VII, 4, 1). 2M> V. 220. 261 V. 42. 262 Vocabulaire, I, p. 199, cf. Cic, Att., IV, 15, 1 : Valde mehercule mihi gratum Eutychidem tuam erga me benevolentiam cognosse . . . 263 Fam., XVI, 1, 3. 264 C'est ce qu'exprime Plaute à plusieurs reprises : Huic pro mentis ut referri pariter possit gratia (Mil. Gl., 670). Cf. ibid., 1355 Tibi habeo magnam gratiam «rerum omnium». Cf. aussi Poen, ν. 133-4 Qtiibus pro benefactis fateor deberi tibi / Et libertatem et multas gratas grattas (cf. Moussy, op. cit., p. 157).
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dans les emplois de gratus265 ou gratissimus266 qui indiquent la place qui est accordée à un servi teur particulièrement apprécié267. Mais il reste que gratta et gratus illustrent une situation dans laquelle, systématiquement, l'affranchi a un rôle subalterne : il est celui qui a reçu et qui doit témoigner sa reconnaissance, ou bien celui dont les actions sont reçues avec faveur: dans les deux cas, l'initiative revient au patron. Dans les deux cas aussi, l'image d'une relation de domi nant à dominé est mise en évidence; l'affranchi est inférieur, ce dont sa bonne conduit et même les bonnes grâces que lui accorde son patron témoignent. Que par ailleurs, cet état de subordination soit conçu de la part de Cicéron (et du type de patron qu'il représente), comme allant de soi, inhérent à la notion même de libertus, apparaît dans le fait que Vingratus libertus révélerait un vice qui résumerait et contiendrait tous les autres : Nihil cognovi ingratius; in quo vitio nihil mali non inestu%. Et d'ajouter, dans un accès de verve haineuse : demisi (Dionysium) a me. . . ut hominem ingratum non invitus269 : même si cela contredit les lamentations de Cicéron au sujet des «abandons» de Denys, de sa «fuite», il n'en reste pas moins qu'il veut apparaître comme s'étant volontierement séparé d'un homme qui avait pareillement oublié la règle du jeu. Autrement dit, cet ensemble de qualificatifs positifs ou négatifs, tournant autour de la notion de gratia d'une part traduisent le fait qu'en rece vant la liberté, et donc en devenant affranchi, l'ancien esclave est porteur d'une dette ineffaçab le, dont l'oubli ne peut que le rejeter hors du système des relations personnelles que Cicéron nous décrit270. D'autre part, en accumulant les
services au titre de sa dette, l'affranchi jouit d'une certaine côte favorable auprès du patron, côte qui est proportionnée évidemment à des manifestations de reconnaissance qui, le plus souvent, sont matérielles, et, qui, en tout cas, sont considérées comme naturelles271. Touchant aux origines mêmes de l'acte d'af franchir, dû à la seule volonté du maître, cette gratta et son fonctionnement nous indiquent que si la manumissio ne peut normalement, concer ner que de «bons esclaves» qui ont rendu de bons services, elle ne peut être conçue comme la récompense ou la reconnaissance de ces servi ces. Ces derniers ne sont que les révélateurs nécessaires permettant à la voluntas domini de se manifester. Les actions de l'esclave puis de l'affranchi ne sont, malgré les termes actifs qui les qualifient, que des manifestations passives et conçues «en retour» dans le cas du libertus, par opposition à l'acte positif au plan du droit, et générateur d'obligations, que constitue la manum issio.
265 Prout domino patronove gratus Suét., Caes., XXVII, 2. Cf. Val. Max., VI, I, 4 : In lïbertum namque gratum ad modum sibi animadvertit. 266 Libertum gratissimwn, Suét., Caes., XLVIII, 2 / filioque eius Fausto gratissimus fuit, Gramm., XII / Cui quum se «gratum et acceptum» in modo amici videret, Gramm., XI. 267 La gratia apparaît avant tout comme un signe de l'auctoritas du patron (cf. Moussy, Gratia, p. 375). 268 Att., VIII, 4, 2, cf. Moussy, op. cit., p. 181-7, sur le sens premier «ingrat», et sur la liaison ingratus / impius. 269 Att., VIII, 10, 1. 270 Déjà Plaute liait gratus et son contraire à l'octroi ou non de la liberté (cf. par exemple, Persa, ν. 840 : Ni grato (patrono) ingratus repertust). Moussy, op. cit., p. 159), montre
bien que, dans cette phrase, Plaute veut opposer l'attitude des affranchis qui cherchent à apparaître ingrati envers leur patron qui s'est révélé bienfaisant, bienveillant à leur égard {grato). Sur la relation entre l'ingratitude de Denys ou Chrysippe et celle de certains amis de Cicéron (Favonius, Caton, par exemple), cf. Clavel-Lévêque, Rapports esclavagistes, p. 270-2. 271 II est remarquable que la gratia ne soit jamais mention née sur les épitaphes (gratissima amiceis lit-on seulement dans CIL, I2, 1270 = ILLRP, 980), sans doute parce qu'elle était implicite à propos d'individus voulant apparaître comme de «bons affranchis»; sans doute aussi parce qu'il aurait été malséant pour un patron de faire apparaître (ou de laisser apparaître) la faveur accordée à un ancien esclave?
3 - La place des sentiments dans les relations affranchis-patron Que les rapports entre libertus et patronus aient été fondés, pour une part assez large, sinon essentiellement, sur des considérations d'ordre juridique et, surtout, économique, cela semble, tout au long de la période considérée, et au-delà des changements introduits par les réformes prétoriennes ou des situations particulières, une réalité parfaitement établie. Il ne faut cependant pas oublier qu'entre l'homme nouveau, libre, qu'est désormais l'af-
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI franchi et son patron, des relations laissant leur part aux sentiments ont pu se faire jour. Nous avons déjà indiqué que l'amour et les relations hétérosexuelles ont joué un rôle à ne pas négli ger,et ont fait souvent passer au second plan les contraintes juridiques et les exigences économiq ues. Mais par ailleurs, même si l'expression d'une certaine affection, notamment dans le cas des patrons, semble relever du paternalisme le plus plat, et, dans le cas des affranchis qui s'e xpriment dans leurs épitaphes, être fondée sur une part de flatterie ou d'insincérité, il n'en reste pas moins que la relative abondance des témoi gnages nous invite à faire la part du calcul et de l'humanité, du sentiment et des bons sentiments dans ces relations. Les traits de Γ «affection» patronale En ce qui concerne les patrons, les sent iments qui leur sont prêtés par leurs liberti n'ap paraissent que de façon exceptionnelle sur les inscriptions. C'est ainsi que Q. Brutius P. F. Quirin(a)272 aurait été amabilis omnibus; et son affranchie Brutia Q. L. Rufa, qui lui adresse cette épitaphe, déclare qu'il fut castu(s) : ceci impliquerait-il qu'il se serait abstenu des privautés que son état de maître lui permettait, ou bien qu'il s'est con tenté de vivre maritalement avec son ancien esclave (patrono placidi)? D'autre part, dans une inscription dédiée par son «époux» et son affranchie, Luscia T. L. Mont ana273, elle même affranchie, est célébrée pour ses «mérites» (pro meriteis dant) d'épouse et de patronne, sans que dans ce dernier cas on puisse aller plus loin, faute de précision, que l'attribu tion de la liberté, ce qui serait, de toute façon, déjà suffisant pour alimenter la reconnaissance postume de l'esclave libéré274. En réalité, l'essentiel de nos renseignements provient des sources littéraires et presque un iquement de Cicéron qui, dans sa correspondanc e, nous fait l'aveu de son attitude, au jour le
272 CIL, F, 1259, cf. p. 840 = ILLRP, 802. ™CIL, F, 1332 = ILLRP, 928. 274 Cf. Terence, Andria, v. 35/6 : Ego postquam te emi, a parvolo semper tibi / apud me «iusta» et «démens» fuerit servitus.
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jour (ainsi que de celle de ses amis), à l'égard de ses liberti Les bons sentiments de Cicéron, nous les voyons exprimés à l'occasion de la mort d'un affranchi (ou d'un esclave) dépendant généralement d'un ami ou d'une relation: ainsi, à propos d'Athamas, serviteur d'Atticus, il prend à son compte le chagrin (dolor) ressenti par son ami, mais il le rappelle à la raison (sans doute parce qu'il ne s'agit que d'un serviteur)275. De même, lors du décès d'Alexio, son médecin, Cicé ron exprime sa grande douleur: Ο factum maie de Alexione! Incredibile est quanta me molestia affecerit216. Douleur que Cicéron rattache au comportement du défunt à son égard: Amorem erga me, humanitatem suavitatemque desidero. Autrement dit c'est moins luimême qui est regretté que les marques d'attachement qu'il manifestait envers Cicéron. Mais aussi, quoiqu'il s'en défende, cette perte est ressentie parce qu'elle prive celui-ci de médecin : ad quem igitur te (Cicéron) medicum confères. C'est un manque, un besoin jusque là assuré, un souci nouveau qui sont avant tout expri més: là encore, les services qu'il rend passent avant la personne même de l'affranchi. D'ailleurs, Cicéron gar de le sens des réalités puisque dans une seconde lettre, écrite aussitôt après, il montre de façon assez sordide que ses préoccupations sont essentiellement d'ordre économique : De Alexione doleo, sed quoniam inciderai in tam gravent morbum bene actum cum ilio arbitror. Quos tarnen secundos heredes scire velim et diem testamenti Révélateurs sont les termes que Cicéron utilise pour s'associer à la perte de Rufio, serviteur de Trebatius : Rufio me dius fidius Unis ita desiderabatur ut si esset unus e nobis277. Mais l'excès du propos montre qu'en fait il ne s'agit que de flatter l'ami ainsi frappé par la perte. Et c'est le même sentiment qui se révèle lors de la mort d'Hermia, esclave ou affranchi de Quintus278 : Quod ad me de Hermia scribis mihi mehercule valde molestum fuit. Ainsi, dans de telles circonstances, la peine expri méepar Cicéron ou bien ne tient qu'à ses sentiments envers le patron concerné (et la répétition des mêmes
275 Maie mehercule de Athamante. Tuus autem dolor humanus is quidem sed magno operae moderandus {Ait., XII, 10). Cf. à propos de la mort de Sositheus, lecteur de Cicéron (Att., I, 12, 4) Et me Hercule eram in scribendo conturbatior - Nam puer festivus anagnotes noster Sositheus decesserat neque plus quam servi mors debere videbatur commoverat. Il y a un seuil de douleur à ne pas dépasser. 276 Att., XV, 1. Cf. Att, XV, 2, 4. 277 Fam., VII, 20. 278 Q. Fr., I, 2, 12.
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formules montre les limites de ses condoléances), ou bien s'explique par les services dont lui-même devra se passer, ou enfin est tempérée par le fait qu'un serviteur ne doit être regretté qu'en tant que tel et pas plus qu'il ne convient. C'est dire que ses sentiments ne sont, apparemment pas, d'une grande élévation.
Tullius, Cicero et Q. Q., en novembre 50288, d'où, aussi, le nous qui intervient souvent et qui n'est pas de majesté : solliciti eramus de tua valetudine2*9; Magnae nobis est sollucitudini valetudo tua290. Cicéron essaie donc de renforcer la pression exercée sur Tiron afin qu'il se décide à guérir, en faisant jouer d'autres affections s'ajoutant à la sienne et qui, venant des L'humanité de Cicéron semble apparaître trois «mâles» de la famille, ne peuvent qu'obliger lors des maladies de serviteurs. C'est le cas, par l'affranchi. exemple, lorsqu'il déclare vouloir contribuer à la Par ailleurs, Cicéron, à plusieurs reprises, dans des bonne santé d'Alexis, affranchi d'Atticus (imagi lettres adressées à Atticus, fait des allusions, apparem ment inquiètes, à cet état de santé préoccupant de nentTironis) qu'il se propose d'héberger chez lui, Tiron, ainsi au cours de l'hiver 50-49; et Atticus291 en en cas d'épidémie279. Mais n'est-ce pas une occa 53, s'était lui aussi inquiété, en bon ami de Cicéron292. sion d'obliger Atticus, qui, justement vient de Tiron est recommandé à diverses relations, ainsi perdre Athamas? Ummius qui est sollicité en vue du paiement du médec Quelle ambiguïté, lorsque le «cher Tiron» est tom in293. Des lettres sont envoyées au médecin, à béà plusieurs reprises malade (ce qui ne l'aurait pas Curius294, à un certain Lyso, en vue d'assurer les empêché de devenir centenaire280) : tout d'abord à paiements nécessaires, durant l'hiver 50-49; ou encore Tusculum, en 53, peu avant son affranchissement281; à A Varo pour régler divers détails matériels et orga puis sur le chemin du retour de Cilicie, Tiron restant niser le rapatriement de Tiron295. à Patras en 50-49282, en 45 encore283 et, enfin, sans Plusieurs courriers sont dépêchés auprès du mala doute en septembre 44284. Les lettres que Cicéron de,ainsi Mario en novembre 50296. Mais c'est surtout à adresse à son affranchi sont parfois rédigées à un propos de l'indisposition du printemps 53 que nous rythme très rapide, ainsi les 10, 11, 12, 17 avril 53, ou est signalé un véritable défilé de serviteurs : Aegypta, les 5, 6, 7 novembre 50, ce qui traduit l'inquiétude de Andricus, Menander297. Et même Acastus et Aegyta ont leur auteur. dû séjourner ensemble et plus longtemps à Tuscu Les accents employés sont parfois «déchirants»; lum. ainsi, lors de la première maladie, Cicéron supplie Enfin, Cicéron assume, en bon patron semble-t-il, littéralement Tiron de bien vouloir se soigner, en les frais de maladie de son serviteur, aussi bien en 53 insistant sur l'affection qui les lie et qui devient l'objet (Medico mercedis quantum poscet promitti id scripsi ad d'une sorte de chantage : Quantum me diligis, tantum Ummium)29*, qu'au cours de l'hiver 50-49 (Illud, mi fac ut valeas, vel quantum te a me sets diligi2*5; Tu si nos Tiro, te rogo sumptu ne parcas ulla in re, quod ad omnes amas, et praecipue me, magistrum tuum, confir valetudinem opus sit)299. Ce qui n'empêche pas Tiron mate286; Quantam diligentiam in valetudinem tuam pas pudeur, selon Cicéron, ou par besoin, d'avoir à contuleris, tanti me fieri a te iudicabo2*1 (ce qui sousrecourir à des emprunts. entendrait que guérir serait compté comme un servi Ainsi Cicéron, qui assiste son esclave puis affranchi ce). dans un moment où celui-ci est dans la détresse, peut L'état de santé de Tiron met en émoi toute la famille de celui-ci; d'où une lettre rédigée au nom de 279 Si quid habet collis έπώημιον ad me cum Tisameno transferamus (Att., XII, 10). 280 Aux dires de S. Jérôme M. Tullius Tiro ... in Puteolano praedio usque ad centesimum annum consenescit (Euseb. Chron. Olympiad., 194). 281 Farn., XVI, 10, 1 et 2. Farn., XVI, 13. Farn., XVI, 14, 1 et 2. 282 Farn., XVI, 1, 2 et 3 - XVI, 2 - XVI, 3, 1 et 2 - XVI, 4, 1, 2, 3, 4 - XVI, 6, 1 - XVI, 7 - XVI, 9, 2 et 4 - XVI, 8, 1 - XVI, 11, 1 -XVI, 12,5 et 6. 283 Fam., XVI, 20 - XVI, 22. 284 Fam., XVI, 21. 285 Fam., XVI, 2. 286 Fam., XVI, 3, 1. 287 Fam., XVI, 4, 4.
288 Fam., XVI, 5. 289 Fam., XVI, 7. 290 Fam., XVI, 8. 291 Att., VII, 2, 3 (Tironem Patris aegrum reliqui . . . tarnen sum sollicitus). VIII, 6, 4 {Tironem nostrum ab altera relictum audio . . .). 292 Att., VII, 5, 2. 293 Fam., XVI, 14, 1 - 11/4/53. 294 Fam., XVI, 9, 4 - et XVI, 4, 2. 295 Fam., XVI, 12, 6. 296 Fam., XVI, 1, 1. 297 Fam., XVI, 15, 1 - XVI, 14, 1 - XVI, 13. 298 Fam., XVI, 14, 1. 299 Fam., XVI, 4, 2, cf. Att., VIII, 5, 2 (Tironem Curio commendes et ut det ei si quid opus erit in sumptum roges). Att., VIII, 6, 4 (Ego autem Curium nostrum si quid opus esset rogaram).
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI avoir l'impression (et chercher à la faire partager) d'être un bon patron, plein de sollicitude et affection né. Il reste que la réalité apparaît beaucoup plus comp lexe. D'abord, si Cicéron subvient aux besoins matér iels de Tiron malade, c'est que, Tiron, n'ayant pas le temps de travailler pour son compte, absorbé qu'il est par le service de son maître, doit être démuni. Nous y reviendrons. D'autre part, Cicéron ne peut oublier son propre intérêt300. Ce qui compte avant tout, c'est que Tiron se rétablisse et travaille à nouveau pour lui. Même si l'homme roué qu'il est fait passer cet intérêt au deuxième plan, il ne peut s'empêcher de le manifest er: Te valere tua causa primum volo, turn mea mi Tirom (et la liaison mea mi n'est pas fortuite), ou encore non tam mea quam tua causa doleo non valer e302. Et nous voyons son jeu lorsqu'il fait allusion même s'il a la coquetterie de prétendre qu'il peut s'en passer - aux utilitates de Tiron: utilitatibus tuis pos sum carere303 écrit-il en novembre 50, confirmant sa pensée en faisant allusion, toujours au même moment aux officia de l'affranchi. De tuis innumerabilibus in me officiis erit hoc gratissimum304. Innumerabilia tua sunt in me officia. . . omnia viceris305. Guérir apparaît donc conforme aux intérêts de Tiron306 et aussi de Cicéron; mais en s'y appliquant, Tiron accomplit une tâche supérieure à celle qu'il a réalisée jusque là au service de son patron: si Tiron veut se conduire en bon 300 Ce passage était rédigé pour l'essentiel, lorsque nous avons eu connaissance du travail de Clavel-Lévêque, Rap ports esclavaghtes, qui analyse de façon précise et convain cantela situation dépendante de Tiron et les sous-entendus intéressés de l'humanité cicéronienne (p. 252-8 et tableaux 6, 7, 8). Nous ne pouvons qu'en accepter les conclusions d'en semble : les relations d'affection pure (et elles peuvent avoir un caractère trouble, cf. ce que nous disons, plus bas, à propos de l'homosexualité appliquée aux rapports patronsaffranchis), même si elles ont existé, passent en fait derrière l'intérêt patronal, donc sont éclipsées par la relation esclavag iste.Cf aussi Daubigney, La propriété, p. 23. 301 Fam., XVI, 3, 2. 302 Fam., XVI, 11, 1, cf. Fam., XVI, 4, 4 et cum tua et mea maxime interest te valere. 303 Fam., XVI, 3, 2. 304 Fam., XVI, 1, 3. 305 Fam., XVI, 4, 3. Déjà en 53, il exprimait la même idée : ubi ut te firmum offendam me Tiro, office (Fam., XVI, 10, 1). 306 Surtout en 53, lorsque la promesse de la libération est faite et réitérée envers Tiron (cf. Fam., XVI, 10, 2 - 14, 2 cf. 16, 1). Il est possible cependant, qu'en 53, il y ait double chantage : à la guérison, de la part de Cicéron, à la liberté, de la part de Tiron. Mais alors, ce dernier n'étant encore qu'es clave, les moyens réels et légaux de pression dont disposait Cicéron étaient considérables : ce qui n'était plus le cas en 50/49.
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affranchi soucieux de seconder Cicéron, s'il veut accomplir les operae auxquelles il est tenu, il ne peut que guérir307. Le fait que dans des circonstances pareilles, la personne du «cher Tiron» s'efface en réalité derrière ce que Cicéron en attend, limite singu lièrement l'impression d'affection que les grandes envolées épistolaires que nous avons citées pourraient susciter308. Mais au-delà de ces manifestations particulièr es, nous pouvons, toujours grâce à Cicéron, souligner que l'expression des sentiments res sentis par le patronus à l'égard de son libertus est assez guindée et dans le même temps ne paraît pas impliquer un mouvement de celui-là vers celui-ci, mais plutôt une position inférieure occu pée par l'affranchi par rapport à celui dont il dépend. C'est ainsi que des termes comme amare, colere, sont totalement absents (sans doute parce quamare implique une relation réellement affe ctueuse ayant un caractère personnel et assez exclusif)309, sauf dans une lettre adressée à Tiron en novembre 50, et où Cicéron parle au nom de toute la famille, y compris peut-être aussi des compagnons de Tiron (Non ita te desideramus, ut amemus)310. Ce n'est donc pas au niveau d'une 307 Et dans le cas présent, c'est une sorte d'application stricte de Yobsequium d'autrefois (d'avant les réformes préto riennes) qui doit servir de référence, c'est-à-dire une situa tion marquée par la présence permanente de l'affranchi auprès du patron : le premier devoir de Tiron, le premier de ses services est d'être aux côtés de son maître, de l'assister; en étant malade, en restant au loin, il manque à son obliga tion.La question que l'on peut se poser, du reste, est de savoir si, en 50/49 Tiron se fait «tirer l'oreille» : la prolongat ion de son absence a-t-elle quelque caractère diplomatique? Il peut sembler excessif de mettre en cause le zèle d'un personnage qui, jusqu'après la mort de Cicéron lui a été fidèle; et l'on peut rappeler que, même au moment où, en 53, la liberté lui était promise, Tiron avait tardé à guérir. Mais, a priori rien n'exclut que Tiron ait voulu prolonger un séjour agréable et goûter à un peu plus de liberté, à moins que quelque bouderie d'ordre personnel ait été à l'origine de cette lente guérison. 308 II nous semble excessif de supposer (cf. A. Haury, Humour et Ironie chez Cicéron, Paris, 1955, p. 189 et 256) que Cicéron n'aurait utilisé l'humour dans ses lettres à Tiron, que lorsque la santé de celui-ci aurait été meilleure. C'est lui prêter une délicatesse que les nombreux sous-entendus rap pelant au malade les nécessités de son service semblent démentir (cf. la mention des operae, par exemple lors de la maladie de 50/49, Fam., XVI, 11 et 12 - Att., IX, 17). 309 Cf. Hellegouar'ch, Vocabulaire, p. 142 - 146/7. 310 Fam., XVI, 1, 3.
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relation personnelle que cette manifestation d'af fection est indiquée. Tout comme dans des pas sages où Cicéron indique que lui porter de l'a ffection, c'est évidemment en porter aussi à Tiron, celui-ci n'étant donc pas l'objet autonome de ce sentiment311 mais étant englobé dans le personnage ou la famille du patron : Sic habeto mi Tironem, neminem esse qui me amet quin idem te amet312; Nemo non amat qui te non diligat313. De la même façon, lorsqu'il fait allusion à ses relations avec Denys314, Cicéron, pour se justifier après coup et alors que la brouille est survenue, s'accorde de bons sentiments - passés - à son égard : litteras quantum honoris significantes, quantum amoris315. Mais cette déclaration d'une part s'intègre dans un plaidoyer destiné à salir davantage l'affranchi en question, plaidoyer auquel Atticus, d'ailleurs, ne semble pas apport er un total crédit. Et d'autre part, cette affec tion, cet amor envers Denys, notre Cicéron l'e xplique fort bien ainsi : Dionysium, ut scis, dilexi, sed. . . in primis quod te amat316; donc ce n'est pas le personnage qui est véritablement objet d'un bon sentiment, mais à travers lui le patron dont il dépend. Ainsi est soulignée l'absence de per sonnalité réelle reconnue au libertus, sa transpa rence: le libertus n'a de rôle dans les sentiments de Cicéron et ses amis que comme doublure de son patron317. 311 Sur la complexité de la notion à' aimer et être aimé appliquée aux relations Tiron-Cicéron en 50/49, cf. ClavelLévêque, Rapports esclavagistes, p. 254-5 notamment, qui insiste bien sur ces transferts d'amitié qui impliquent des tiers. 312 Fam., XVI, 3, 4. 313 Fam., XVI, 7. 314 Le manque de sincérité de Cicéron apparaît sans doute dans l'enflure excessive de la formule dont il use alors que Denys est au sommet de sa faveur Dionysius mihi quidem in amoribus est (Att., VI, 1, 12). La construction même de la phrase laisse bien entendre qu'il s'agit d'une concession de la part du protecteur, Cicéron, et non d'un sentiment d'amitié profonde. 315 Ait., VIII, 4, 1. 316 Att., V, 9, 1 (cf. VI, 1, 12). 317 On remarque le même silence dans les textes épigraphiques. On lit bien {CIL, P, 1393 = ILLRP, 935) l'expression amantissumus familiae. Mais il s'agit d'un affranchi, et on peut se demander si la famiîia en question était la sienne propre ou celle dont il fait partie. Dans le premier cas, il s'agirait de toute façon, d'une disposition à l'égard d'un ensemble et non d'un sentiment concernant tel individu en particulier.
Quant au verbe diligere, il est employé avec la même parcimonie mais dans des circonstances particulières : il s'agit de lettres de recommandati on, dans lesquelles, en vertu des nécessités du genre, les liens entre Cicéron et les personnages présentés sont exagérément soulignés et les mérites de ces derniers grandis; il en est ainsi, à propos de C. Avianius Hammonius, recomman dé à Servius (Et ipso suo nomine diligas. . . et dignum, qui a te diligatur)3iS et de L. Livineius Trypho affranchi de L. Regulus (Sed ego libertum eius per se ipsum diligo)319. Et relevons que, dans les deux cas, le «portrait» du patron avait précé dé celui du libertus qui n'apparaissait que com meun prolongement du premier. Finalement, c'est uniquement à propos de Tiron320 que l'on rencontre un terme du vocabul aireaffectif, celui de carissimus (propter quam mihi es carissimus), mais qui implique, tout autant qu'un élan de la part de Cicéron, une action de Tiron pour se rendre tel. En dernier lieu, les mots sollicitudo321 et cura322 apparaissent à plusieurs reprises chez Cicéron, mais toujours à propos des maladies de Tiron et dans le contexte que nous avons déjà indiqué. Interviennent aussi les verbes desiderare et carere que Cicéron utilise lors de l'absence de l'un de ses affranchis. Ce sentiment de «vide», de «manque» est exprimé à propos de Phania (Ut Phaniam valde sim desideratus)323 , mais aussi au sujet de Denys, avant la rupture évidemment: Dionysium flagrantem desiderio tui misi ad te, nee mehercule aegro animo. . ,324 montrant que cette absence d'un affranchi indispensable est ressent ie par les deux amis, dont on ne sait qui est le véritable patronus. Quant à Tiron, malade, lui aussi manque à Cicéron: Itaque careo aegre325; Nos ita desidera"* Fam., XIII, 21, 2. 3l9Fam., XIII, 60, 1. 320 Fam., XVI, 14, 2. 321 Solitati eramus de tua valetudine (Fam., XVI, 7). Magnae nobis est sollicitudini valetudo tua (Fam., XVI, 8). Tarnen sum sollicitus (Att., VII, 2, 3). (Cf. Plaute, Mil. Gl. v. 670/1. Huic. . . / Tibique quibus nunc me esse experior summae sollicitudini). 322 Turn multis est curae, Fam., XVI, 4. 323 Fam., III, 1, 2. 324 Att., VII, 4, 7 cf. Att., XIII, 2, 3 : Valde enim hominem desidero. 325 Att., VIL 2, 3.
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI mus326. Mais dans ce cas ce n'est pas la seule personne de l'absent327 qui est en cause, mais aussi (et peut-être surtout) les services qu'il peut rendre, ainsi que Cicéron lui-même le révèle : Et si opportunitatem «operae tuae» omnibus locis desidero. . .ns. Donc, dans ces manifestations de sentiments, dont seuls quelques affranchis privilégiés, dans l'entourage de Cicéron, sont les bénéficiaires, il apparaît que les élans véritables entre patronus et libertus sont singulièrement recouverts par des préoccupations matérielles concernant les services que le serviteur peut rendre, l'absence de celui-ci déterminant, au même titre que sa mort, une immobilisation de capital (ou sa dispar ition). Par ailleurs, dans la pensée des tiers, à travers le libertus c'est toujours le patron qui est atteint, l'affranchi n'étant que le dépositaire momentané d'une affection qui le dépasse. Il reste que nous n'avons d'indications que pour un certain milieu, aristocratique et limité au milieu du premier siècle : nous ne pouvons ni confirmer ni nuancer cette conclusion en invo quant des témoignages concernant des milieux plus modestes, à propos desquels seules des épitaphes peuvent apporter la preuve que de bonnes relations, sinon de bons sentiments ont subsisté jusqu'à la mort du patron ou de son dépendant. Les sentiments prêtés à l'affranchi : de l'affection au respect Face à l'autorité du patron, dont l'origine et les manifestations sont largement du domaine du fas et de la coutume et qui, nous l'avons vu, à partir de la fin du second siècle, s'appuie sur des interdits qui la protègent des atteintes du liber tus,quelle peut être l'attitude de ce dernier? La lecture des sources littéraires nous per met de relever avant tout un vocabulaire de l'obéissance qui est le corollaire de cette fides
326 Fam., XVI, 1, 3, cf. Fam., XVI, 1,1.: Paulo facilius pittavi posse me ferre desiderium tui, sed plane non fero. 327 Ou du serviteur défunt, cf. le passage, déjà cité, concer nantAlexio Amorem erga me, humanitatem, suavitatemque desidero. 328 Fam., XVI, 11, 1 cf. Fam., XVI, 10, 2. Litterulae meae sive nostrae tui desiderio oblanguerunt.
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dispensée par le patron et de sa voluntas, dont la manifestation éclatante réside dans l'affranchi ssement lui-même. A première vue, il semble impensable que les modèles d'esclaves obéissants que nous présente fréquemment Plaute329, ou que Caton l'Ancien souhaitait trouver dans le vïlicus idéal330, se retrouvent chez les affranchis. Pourtant, le type du libertus obsequens est signalé chez Plaute331, comme dans les épitaphes; relevons cependant que dans ces dernières, les références sont plus fréquentes à propos d'escla ves et que, dans le cas de ceux-ci comme des affranchis, cette obéissance est élevée au rang de quasi-vertu, digne d'être immortalisée332. C'est cette même continuité entre l'obéissan ce servile et celle que doit manifester le bon affranchi que soulignent les emplois du verbe obtemperare chez Cicéron; il n'y a pas de diff érence fondamentale entre le principe général défini dans le Pro A Caecina, {Denique Imperium domesticum erit, si servolis hoc nostris concesserimus ut ad verba nobis oboediant, non ad id quod ex verbis intellegi possit obtempèrent)113 et l'i njonction, apparemment affectueuse, adressée à Tiron, alors qu'en novembre 50, il est encore malade (Quod valetudini tuae maxime conducet si feceris, maxime obtemperaris voluntati meae), Cicéron donnant ainsi un caractère d'obligation à la guérison d'une maladie qui le prive des services de son dépendant334. Le bon affranchi, soucieux de ses intérêts (et de ceux du patron) doit savoir, comme le bon
329 Cf. Mil. GL, v. 745-6 - Persa, ν. 7-12 - Amph. v. 166-175 Aiilul, ν. 587-594. 330 Cf. De Agric, 5-142. 331 Mostell., v. 204-206 - Persa, v. 815-843 - Auhil., 587-594 etc. . . 332 Cf. CIL, I2, 1570-1592-1220 {Obsequentes et concordes, termes qui peuvent qualifier aussi bien l'attitude réciproque des deux époux que leur attitude au sein de la familia du maître). Cf. 1593 amans domini obsequens amicis (ceux du maître?). Terme qui indique une obéissance aveugle relevant d'une attitude de respect quasi religieuse (cf. CIL I2, 1509, Fortunae opse q(uenti) - 1553, Veneri opsequenti). 333 52. C'est peut-être aussi à ce désir d'aller au devant des ordres mêmes du maître ou du patron que fait référence l'expression domino/ patrono placuit (cf. Plaute, Most., v. 167, cf. CIL, I2, 1213). 334 Fam., XVI, 1, 2. Cf. Fam., XVI, 3 : De tuis innumerabilibus in me officiis erit hoc gratissimum.
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esclave, écouter335 et se taire ainsi que Plaute, mais surtout Publilius Syrus336 qui pense à sa propre expérience, tout comme un peu plus tard Phèdre337, nous le signalent : à suivre ces deux affranchis, il y a une vertu du silence, et la justesse de ton, dans la parole adressée au patron, est de rigueur. Il y a là une indication qui semble traduire l'effacement et l'inexistence de fait de l'affranchi devant l'autorité de son patron; en fait, l'habitude d'obéir, contractée durant l'esclavage, est devenue une seconde nature : l'œuvre de P. Syrus montre éloquemment de quel mélange de servilité, d'hypocrisie et de circonspection l'affranchi doit faire montre dans ses rapports avec le patronus33S. Pourtant, et malgré le fatalisme exprimé par ce même Publilius Syrus (Pro dominis peccare edam virtutis loco)339, cette toute puissance patronale n'est peut-être pas, en droit, aussi absolue qu'on pourrait le croire: en effet, le préteur a prononcé un certain nombre d'édits ou de formules introduisant, dans certains domaines, l'idée d'une responsabilité de l'esclave et, ce qui est plus remarquable, une rétro-activi té de cette responsabilité, dans le cas où l'escla ve aurait reçu la liberté. Ceci était de nature, sans doute, sinon à favoriser la résistance des serviteurs et l'irrespect de leur part, à l'égard du maître, du moins, dans certaines circonstances, à pousser esclaves comme affranchis à marquer un certain recul par rapport aux ordres donn és340. Cependant, le large champ laissé à la vis 335 Cf. Plaute, Rud., 112/4: Peculiosum esse (ad) decet servom et probum / quem ero praesente praetereat oratio / aut qui inclementer dicat homini libero (cf. Staerman, Blütezeit, p. 130-210). Cf. Persa, ν. 840 : ni ei male dixit. 336 Les aphorismes de P. Syrus sont tout à fait éclairants sur cette vertu du silence : Bene audire alterum patrimonium est (96). Tacitumitas stulto homini pro sapientia est (693). Damnati lingua vocem habet, vim non habet (165). Frenos imposuit linguae conscientia (226). Silence qui, selon l'auteur, ne peut être rompu, volontai rement, que pour défendre la vérité (cf. 691-830). Il est vrai qu'un certain nombre de sentences sont à double sens (ubi libertas cecidit, audet libere nemo loqui (724) et peuvent contenir une allusion à la situation politique lors de la domination de César (cf. 330), (cf. Hamblène, L'opinion romaine, p. 646). 337 64, v. 33/4. 338 Cf. Hamblène, ibid., p. 110-112. 339 534. 340 Ainsi, Yactio Rutiliana concernant le dépôt (D. 16.3.21 pr. Paul 60 ad ed, cf. Watson, Obligations, p. 164-5), l'édit si
patronale, comme à celle du maître devait maint enir les liberti dans des sentiments de strict respect et d'obéissance quasi servile, même si, et notamment dans le discours cicéronien, mais aussi dans les épitaphes concernant des affran chis,l'attachement se marque en termes appa remment plus affectueux. En fait, si l'on s'en tient au vocabulaire utilisé tant par les sources littéraires que par les ins criptions concernant des affranchis (mais éman ant, en majorité de ceux-ci), on remarque que des termes «actifs», marquant leur attachement à leur patrons sont couramment utilisés. C'est ainsi, que sur une inscription de Rome, il est fait allusion en bloc à Studium patronae, cura, amor341; la force de ces mots naît de leur accu mulation, mais aussi de l'allusion faite antérie urementà Yamor parenteis; mais alors que dans ce dernier cas, c'est vraiment l'amour paternel qui est impliquié, dans le premier c'est celui de la défunte pour sa patronne qui est vraisemblable ment en cause342. C'est ce mouvement de l'a ffranchi vers son ancien maître que Cicéron évo que, à propos de Phania343 (Phania. . . etiam pluris eum feci quod te amari ab sensi), de Denys (Dionysium, ut scis, dilexi sed . . in primis quod te amat, hec tui meique amantior, tuique amantissimus)344, ou enfin Tiron (Tu si nos omnes amas, amorem erga me. . . desidero)345 auquel Cicéron donne pratiquemment l'ordre de l'aimer, ce qui enlève quelque crédibilité à la thèse d'un élan uniquement spontané de Tiron vers son pa tron346. C'est cet amour envers le patron, amor erga patronum substitut de Yamor erga parentem des ingénus, que Suétone signale à propos de Lenaeus, l'affranchi de Pompée (ac tanto amore erga patroni memoriam exstitit. . .)347 et qui se prolonge même au-delà de la mort de ce dernier, familia furtiim fecisse (D. 44.7.20 Alfen. 2 dig., cf. Watson, Persons, p. 174-5 - Obligations, p. 279-80) ou ledit de hominis armatis coactisve et virum bonorum raptorum, (cf. id., Obliga tions, p. 256-7, cf. Cloud, Parricidium, p. 41). 341 Cf. CIL, F, 1593 = ILLRP, 993. 342 CIL, F, 1214 = ILLRP, 803 amans domini, à propos d'un esclave. 343 Fam., II, 13,2. 344 Au., V. 9, 1 - Au., VI, 1, 12 - Au., VII, 7, 1. 345 Farn., XVI, 3, 1. 346 Farn., XVI, 27, 2. 347 Gramm., XV.
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI ce qui donne la mesure d'un sentiment qui est censé concerner non seulement le patronus, mais encore sa famille et aussi sa mémoire. On comprend donc la réaction si violente de Cicéron à l'encontre de Verres, ce débaucheur, qui se livre à une véritable «captation» d'affec tion:hune vestri ianitores, hune cubicularii dili· gunt; hune liberti vestri, hune servi, hune ancillaeque amant. . ,348. Il y avait là une véritable atteint e, une interférence dans les rapports patronsaffranchis que Cicéron ne pouvait accepter. Il reste à savoir si, ce que ce dernier place sous le vocable à'amor, amare, est une affection vérita ble,ou s'il ne s'agit pas plutôt des manifestations concrètes de l'attachement auquel l'affranchi est tenu envers son patron349. On imagine mal Cicé ron se contentant d'être aimé au seul niveau des sentiments et non au plan qui nous apparaît de plus en plus comme celui sur lequel ces rela tions sont fondées, celui des services. L'analyse des autres termes désignant l'affec tionmanifestée par l'affranchi (ou qui est prêtée à l'affranchi) montre que ceux-ci sont marqués par une implication de respect et des sousentendus d'ordre matériel. Ainsi, Cicéron use des actifs colere et observare, assez solennels et qu'il associe à deux repri ses, en liaison avec l'implication d'amis du patron, à propos de C. Curtius Mithres (Sed me colit et observât aeque atque illum patronum suum)350, et d'Apollonius, affranchi de Crassus 34!i Verr., II, IIL 8. 349 C'est ce que l'on peut déduire d'un passage de la Mostellaria de Plaute (v. 304/5), où l'idée d'une sorte de balance des comptes entre deux individus qui s'aiment est exprimée bene igitur ratio accepti atque expensi inter nos conventi : tu me amas, ego te amo. Il est évident que dans le cas d'un affranchi, débiteur à l'égard de son patron (du fait même de sa libération), cet amor a un caractère quasi obliga toireet n'implique aucune réciproque. Par ailleurs, les affranchis sont concernés quand Q. Cicé ron, dans un célèbre passage (Comment. Petit., 17, cf. 26), fait allusion aux efforts que l'homme politique doit faire pour que ses proches l'aiment et désirent sa gloire Deinde, ut quisque intimus ac maxime domesticus, ut is amet . . . et quant amplissimum esse te cupiat valde elaborandum est turn ut tabules, ut vicini, ut clientes, ut denique liberti, postremo etiam servi tui. L'idée d'un effort de la part du patron afin de capter X'amor de ses affranchis exclut bien sûr celle d'un sentiment partagé. 350 Yarn., XIII, 79, 1 - cf. Fam., XIII, 23, 2 hominem summa probitate, humanitate, observantiaque cognosces (L. Cossinius Anchialus).
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qui, après la mort de ce dernier continuait à respecter ses amis (Quod eos a se observandos et colendos putabat, quos ille dilexisset)35X; dans ce dernier cas," l'utilisation de deux actifs différents tend à renforcer la tonalité «respectueuse» de ces verbes, dont l'implication affective est som me toute limitée, tandis qu'une fois de plus apparaît le caractère involontaire de cette forme d'attachement marqué par le libertus. La connot ation religieuse de ces termes et le fait qu'ils englobent des tiers dans les marques d'attach ement manifestées par l'affranchi contribuent à les faire correspondre au comportement défé rent d'inférieurs qui se conforment, avec une attention scrupuleuse et de tous les instants, aux désirs du patron. Diligere est plus fréquemment utilisé par Cicéron, avec cependant une significa tion plus intellectuelle que sentimentale. Diligere implique d'ailleurs plus l'estime que l'affection. Et c'est donc un appel à la raison plus qu'au sentiment que contient le plaidoyer de Cicé ron352; à plusieurs reprises, lors des maladies de Tiron, et dans le cadre de son «chantage à la guérison», celui-ci recourt à ce mot: Quantum me diligis, tantum fac ut valeas. . ,353, Poteris, igitur et faciès, si me diligisi54, Cura si me diligis355. L'usage implique non seulement une affection déférente, mais suggère une forme de zèle qui, à un deuxième niveau, coïncide avec celui que doit mettre le bon affranchi à rendre des servi ces: c'est donc une marque de respect, sans cesse prouvée pas des actes réels, mais qui a un caractère pratiquement obligatoire, ce que le glissement diligere, diligens, diligentia semblent bien indiquer. C'est ainsi que, toujours à propos de la guérison exigée de Tiron, Cicéron utilise le terme diligentia, qui implique une application, un effort soutenu qui n'a rien à voir avec une affection ÎSI Fam., XIII, 16, 2. 352 Sur les emplois respectifs d'amare et diligere, on notera les statistiques d'Hellegouar'ch, op. cit., p. 143/6, qui mont rent qu'amare relève de rapports personnels, domestiques (chez Plaute, Térence, dans les Lettres de Cicéron, ce terme est utilisé massivement ou largement), alors que «diligere» relève plutôt d'une utilisation plus officielle (et l'emporte dans les Discours de Cicéron). 353 Fam., XVI, 2. 354 Fam., XVI, 5, 2. 355 Fam., XVI, 13, cf. Pline NH, VII, 122 P. Catienus Philotimus patronum ita dilexit ut. . .
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véritable : Quantum me diligis, tantum adhibus in te diligentiae356, Quantam diligentiam in valetudinem tuam extuleris. . .357 (et dans ce dernier cas, l'attention que porterait à lui-même Tiron serait la mesure du zèle manifesté envers son patron, ce qui est, pour le moins, le signe d'une situation aliénée, dans le cas de cet affranchi). Or, les autres utilisations de ce mot ou de diligens, sont chez Cicéron reliées à des actes matériels : Non ut rei familiaris negotio diligentiam cognorit eorum et fidem35S s'exclame-t-il, à propos des ser viteurs de Sex. Roscius et de l'application avec laquelle ils s'emploient à la gestion des «affaires domestiques» de celui-ci. Sed res operosa est et hominis perdiligentis359, écrit-il à son frère à pro pos d'une tâche (opera) à laquelle Tyrannio n'a su s'atteler. Il y a donc indication d'une applicat ion, d'un sérieux, d'une «conscience profession nelle» manifestés à l'occasion d'un service rendu au maître. C'est ce que Cicéron affirme lorsqu'il écarte l'idée d'une culpa, d'une négligence qui aurait pu occasionner les ennuis de santé d'Atti ca:Tota domus in omni genere diligens360. Zèle, dévouement, bonne volonté, ce n'est pas autre chose qu'il veut dire lorsqu'il applique à Tiron ce qualificatif, à un moment où ce dernier se fait d'autant plus remarquer par la qualité de ses services qu'il est malade (adulescentem diligentem)36i. Enfin, pour exprimer zèle et dévouement appliqués à la personne du patron, ou de ses amis, le terme Studium et ses dérivés sont quel quefois indiqués362, ainsi à propos de Denys (stu· diosum edam meae laudis)363 , ou d'Apollonius, l'affranchi de Crassus dont l'attachement s'était manifesté à l'égard de son patron (erat enim studiosus Crossi)364, puis à l'égard de César365. D'autres termes, bien que pouvant, à l'occa sion, figurer dans le vocabulaire des relations
«6 Fam., XVI, 6, 1. 357 Fam., XVI, 3, 4. 35iPro Sex. Roscio, 121. 359 0. Fr., III, 5, 6. 360 Att., XII, 33, 2. 361 Att., VII, 2, 3, cf. Att., VI, 7, 2 : nihil enim ilio adulescente castius, nihil diligentius. 3« Cf. CIL, Ρ, 1214 -ILLRP, 803. 363 Att., VII, 4, 1. 364 Fam., XIII, 16, 1. 365 Fam., XIII, 16, 2.
familiales, courantes, prennent dans le cas des affranchis, une valeur plus solennelle. C'est ainsi que le mot honos apparaît dans la dédicace offerte honoris causa par quatre affran chisd'un certain Q. Tullius, à Délos, sans doute au tournant des deuxième et premier siècles366. Cette dédicace accompagnait une statue de bronze et avait été, nous l'avons déjà signalé, trouvée dans un édifice privé. C'est à des fins polémiques que Cicéron, à deux reprises, retourne le sens, ou plutôt l'appl ication du terme, à propos de deux affranchis avec lesquels il s'est brouillé et alors qu'il cher che à justifier, après coup, son attitude : il s'agit de Chrysipus, qui a «abandonné» le jeune Cicé ron (Quem. . . in honore habui)361, et de Denys {cui qui noster honos, quod obsequium. . .)368; les conditions d'utilisation de ce mot, le fait que dans ce dernier cas il soit associé à obsequium, indiquent bien la valeur double qui lui est atta chée : respect à l'égard du patron, mais avec un prolongement social; c'est un comportement non seulement d'ordre privé, mais visible par des tiers qui est ainsi impliqué. Par contre il n'y a pas à retenir à la lettre le témoignage d'Ulpien à propos de l'édit de Rutilius honoris quem liberti patronus habere debent. . .369, car c'est le vocabulaire de son temps que le célèbre juriste utilise; mais l'idée d'un attachement à la gloire du patron issu d'une obligation née de l'affranchissement lui-même n'est sans doute pas anachronique par ellemême. C'est sans doute l'illustration respecteuse du patron aux yeux du public que signale le terme decus, qui est utilisé uniquement dans des épitaphes370. Et il est évident que dans ces cas, on ne peut avoir affaire qu'à de bons affranchis, dont le patron n'a pas eu à rougir, qu'il a pu montrer à des tiers et qui, dans ces circonstances, ont été de dignes serviteurs (patrono auxsilium ac decus), et ont bien secondé celui dont ils dépendaient. Enfin, une notion englobe, semble-t-il, l'e nsemble des manifestations et des marques du I-, 2651 = ILLRP, 1270, αρετής ένεκεν..., dit la ver sion grecque de l'inscription. 367 Att., VII, 2, 8. 368 Att., VIII, 4. 369 D. 38.21.1. ™CIL, F, 1214 = 1LLRP, 803.
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI respect dû au patron, c'est celle de pietas, qui, en dehors de toute connotation sentimentale et per sonnelle, rend compte de la position dominante du patronus, vis-à-vis duquel le libertus doit manifester une soumission quasi religieuse et indiscutable, un attachement scrupuleux qui ne souffre pas de tiédeur ou de mise en cause. Or, le mot n'apparaît pas dans les sources littéraires de la fin de la République, sans doute parce qu'il est encore trop marqué par sa valeur «familiale», puisqu'il exprime l'attitude que le filius familias marque envers ses parents et un père notamment, dont la figure est encore for te371. Et il semble que Cicéron se soit refusé à transgresser cette conception d'un respect réser vé aux seuls ingénus. Par contre, les sources épigraphiques offrent plusieurs exemples d'utilisation du terme, y compris dans le cas de textes rédigés au nom du patron; mais dans ce cas, il s'agit d'individus relativement modestes pour lesquels, à la diff érence des patrons liés aux milieux aristocrati ques, le parallèle fils-affranchi était beaucoup plus plausible372. Par ailleurs, dans les épitaphes, l'expression frugi pius, qui associe l'ensemble des qualités de travail et d'honnêteté et le comportement droit et plein de respect d'un individu, n'est pas incon nueet il est à remarquer qu'elle concerne aussi des ingénus373; ce qui semble indiquer qu'un ensemble de valeurs correspondant à des situa tions vécues assez différentes pouvaient être exprimées d'une façon commune par des indivi dus- ingénus ou affranchis - attachés à un ordre «moral» fondé sur la recherche d'une cer-
371 Cf. les définition d'H. Fugier (Recherches sur l'expres sion du sacré dans la langue latine, Pubi Fac. Lettres Stras bourg, 146, 1963, p. 380-381), sur le «sens subjectif» de pius et l'expression pius in parentes. Une seule allusion à la pietas d'un esclave envers son maître dans Ov. Met., IX, 460. On peut trouver une trace de cette conception, sous l'Empire et à propos du culte de la Pietas Augusta qui semble le fait d'individus de condition ingénue (cf. le cas de la Péninsule Ibérique = R. Etienne, Le culte impérial dans la P. Ibérique, dans BEFAR, 191, 1958, p. 329) comme si les affranchis (et esclaves) étaient écartés de la «famille» constituée par l'e nsemble des hommes nés libres. 372 Pia patrono (CIL, I2, 1259 = ILLRP, 802). [Quoius ingjenium déclarât pietatis alumnus (CIL, I2, 1547 = ILLRP, 565, inscription rédigée par le patron lui-même). 373 CIL, P, 1406 "ILLRP, 930 - cf. CIL, P, 1223 - 1410.
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taine respectabilité convenant à des hommes n'appartenant pas aux ordres supérieurs. Mais il est certain que l'utilisation de cette expression par des affranchis correspondait mieux à leur situation de dépendants374. Ainsi, dans l'étude de ce vocabulaire indi quant les diverses nuances du respect - plus ou moins affectueux - manifesté par le libertus envers son patronus, il nous est apparu que le sentiment à l'état pur semblait avoir une place limitée. D'une part les épitaphes, destinées à faire connaître les bons rapports - et unique mentceux-là - unissant les deux parties, insis tent plus volontiers sur des notions qui dépas sentle cadre de relations individuelles et senti mentales, pour atteindre une certaine dignité dont ils donnent une formulation stéréotypée. D'un autre côté, le témoignage de Cicéron montre assez nettement que derrière des mots qui, par ailleurs, sont intégrés dans le vocabulai re des relations familiales ou amicales, ce sont généralement des aptitudes à servir le patron et son image «sociale» qui sont impliquées. Il reste qu'on ne peut pas conclure à l'absen ce totale de relations affectives (en dehors des aspects sexuels de certaines liaisons) entre patrons et affranchis dans la mesure où nous ne sommes pas assez renseignés - et notamment du côté de ces derniers - sur l'histoire au jour le jour des tensions ou des affinités en question. Derrière des expressions du genre domino piacuitì7S, patrono placuit376 qui, s'appliquant à des femmes, peuvent concerner des relations primair es, mais qui peuvent traduire aussi une volonté d'être à tout prix agréable, d'être dans les «bons papiers» du patron pour en obtenir des avantag es, une certaine hypocrisie de comportement n'est pas à exclure. De même dans les louanges que les patrons, et notamment Cicéron, adress ent, non pas directement (nous n'en avons aucune trace), mais publiquement (dans des let tres à des tiers ou dans des épitaphes), à leurs affranchis vivants ou morts, il y a sans doute une 374 Un autre terme peut être associé à pietas, c'est celui de reverentiaJ'revereor, qui n'apparaît qu'une fois, en liaison avec Statius, et dans un sens négatif (non simultatem meant revereri saltern, Att., II, 19, 1) et qui introduit lui aussi une notation quasi-religieuse dans ce respect dû au patron. 375 CIL, P, 1213. 376 CIL, F, 1259 - AE.1975, 521. Fig. 50.
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part d'insincérité. Cicéron lui-même nous le lais se entendre, à propos de Denys qu'il dit avoir comblé, autrefois, de compliments, mais, semblet-il insinuer, en se forçant ut meum iudicium a Q. fratre vulgoque ob omnibus mallem quam illum efferem laudibus?377 . Même si on doit tenir compt e du dépit que Cicéron semble ressentir à accomplir cette retractatio, il n'empêche qu'on est en droit de douter de la sincérité qu'il manif este lorsqu'il adresse des éloges aux patrons de certains affranchis ou lorsqu'il présente sous leur meilleur jour certains de ceux-ci à ses amis. D'autant plus qu'à l'exagération s'ajoute, tout naturellement, la condescendance, sinon la duplicité378, tandis que les laudes ne sont jamais tout à fait à séparer des tâches accomplies379.
4 - La faveur patronale et ses dangers Les manifestations de la faveur patronale Si nous suivons le témoignage des auteurs anciens et des épitaphes, aussi bien dans le cadre de familiae réduites, qu'au niveau de celles qui relèvent d'hommes riches et jouant un cer tain rôle au plan politique, des liens privilégiés pouvaient se nouer entre affranchi et patron, les uns fondés sur des relations hétéro ou homos exuelles, d'autres sur la compétence et la sûreté démontrées par certains serviteurs, d'autres encore sur des affinités intellectuelles380; d'où la place et même l'influence que des affranchis ont détenues auprès de leurs patrons y compris les plus puissants.
"M«., vili, 4, 1. 378 Cf. par exemple, De Orat., 248 : Velut isdem verbis et laudare frugi servus possimus et, si est nequam iocari. Ridiculum est illud neronianum vêtus in furace servo : Solum esse, cui domi nihil sit ne occlusum; quod idem in bono servo dici solet. 379 Cf. Att, XV, 5 : Bibliothecam mihi tui pinxerunt construeHone et sittybis. Eos velim laudes. 380 Ainsi, l'utilisation du grec dans les lettres de Cicéron à Tiron traduit l'intimité intellectuelle dans laquelle les deux hommes vivaient. Faut-il, pour cela, créditer Cicéron d'une «pudeur instinctive et typiquement précieuse» qui l'aurait conduit à ainsi «spiritualiser l'expression de la tendresse», ainsi que le voudrait Haury, op. cit., p. 266/7? C'est sans doute une conclusion un peu trop littéraire, limitée à l'appa rence des rapports établis entre Cicéron et son affranchi.
Nous écartons d'emblée tout ce qui touche aux relations entre hommes et femmes (et que nous avons abordé dans un autre chapitre) pour nous tourner vers les rapports qui se sont établis entre individus du même sexe (essentiellement des hommes d'ailleurs). Il est des individus auxquels leur patron réserve une place particulière et envers lesquels il témoigne une estime que Cicéron, par exemp le,place sous le vocable prestigieux à'honos, terme que, cependant, il utilise à des fins polémi ques,nous l'avons vu, à propos de Chrysippus (Quem in honore habuï)381 ou de Dionysius (Cui qui noster honos . . . defuit . ., Ad quem ego quas litteras. . . quantum honoris significantes)392; Cicé ron, d'ailleurs, compare les honneurs qu'il a réservés à ce dernier à ceux que Panaetius avait reçus auprès de Scipion383. C'est le même terme que Suétone utilise à propos des rapports entre Auguste et certains affranchis importants : multos libertorum in honore et usu maximo habuit364. Mais il est visible que le terme honos impliquait trop d'arrièreplans politiques pour être galvaudé; et Cicéron, comme à propos de la fides, souligne bien qu'il ne s'agit que d'une initiative patronale et non d'une valeur de caractère public qui serait ainsi reconnue à un affranchi385. Il en est de même du terme ornatus qui, dans le langage politique cicéronien, s'applique à des gens qui appartiennent notamment à l'ordre équestre386 et qui, dans un cas unique, est employé au sujet de L. Nostius Zoilus, mais avec l'indication qu'il s'agit d'une «distinction» qui 381 Att., VII, 2, 3. mAtt., VIII, 4, 1. 383 Att., IX, 12, 2. Qui apud me honoratior fuit quam apud Scipionem Panaetius (La construction Apud me, apud Scipionem, montre bien que dans le cas de la fides, il s'agit d'une situation laissée au bon vouloir du patron). 384 Aug., LXVII, 1. 385 Et le rapprochement usus, honos, chez Suétone nous renvoie bien à cette même situation. C'est par dérision que, décrivant la faveur accordée par Sassia à l'esclave Straton, Cicéron signale que Maxime ex omnibus servis Strationem illum dilexerat, in honore habuerat. . . (illum appliqué à une fripouille indique le ton ironique du passage). Il adopte déjà ce ton ironique à propos des esclaves complices de Chrysogonus dans l'assassinat de Sextus Roscius Apud eum sunt in honore et in pretto (Pro Sex. Roscio, 68). 386 Cf. Hellegouar'ch, op. cit., p. 4634.
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI n'est due qu'à une décision du patron (qui patro ni iudicio ornatus esset)*67 et, qui, par consé quent, n'est pas liée à la personnalité ou à la réputation individuelle du personnage en quest ion. D'autres qualificatifs situent la place excep tionnelle que des affranchis pouvaient occuper. Ainsi acceptas, qui apparaît, il est vrai dans des textes de Suétone, indique le grand cas que Mécène faisait de Caius Melissus (cui quum se gratwn et acceptum in modus amici videret3ss qui, en raison de cette quasi-amitié de Mécène, refu sede recouvrer son statut d'ingénu), ou la faveur accordée par Auguste à Polus, avant de le punir il est vrai (Idem Polum ex acceptissimis libéras)389. Gratissirnus, qui lui est associé, a sans doute le même sens, nous avons déjà eu l'occasion de le dire390. Un autre terme doit être relevé, celui de gratiosus, mentionné par Cicéron pour situer la place que Statius occupe auprès de Q. Cicéron, place sans doute excessive (tarnen species tarn granosi liberti aut servi)391, ce qui risque de faire jaser et de discréditer son patron. Or ce mot a une valeur plus large, qui ressort de ses emplois notamment dans le cas de chevaliers import ants392, mais aussi de l'usage que Cicéron en fait lorsqu'il évoque les appuis dont tout homme politique doit s'entourer pour réussir: Multi libertini in foro gratiosi393. Il semblerait donc, et l'appellation libertini y invite, que certains affranchis par eux-mêmes, indépendamment de leur patron, aient pu atteindre une notoriété et influence telles qu'ils pouvaient être placés au même niveau, ou au moins à la suite, des ingé nus qui comptaient dans la vie publique. En fait, une autre référence à ce terme, dans un texte du Pro Fiacco39*, doit nous inciter à plus de prudenc e; évoquant la situation de la province d'Asie, il déclare : Hominum gratiosorum splendidorumque libéras fuit Asia tradenda?, à propos des affran-
3" Fam., XIII, XLVI. 388 Gramm., XXI, cf. Plaute, Capt., v. 714 Esset ne apud te is servos acceptissimiis à propos d'un esclave digne d'être affranchi. Cf. Moussy, Gratia, p. 204/5). 389 Aug., LXVII, 3. 390 Cf. le paragraphe consacré à la reconnaissance. 391 0. Fr., I, 2, 3. 392 Nicolet, Ordre équestre, I, p. 214. 393 Comm., Pet., 29.
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chis de chevaliers publicains395. Ainsi, ce ne sont pas les affranchis par eux-mêmes qui sont influents et puissants, mais c'est la position de leur patron qui peut, par excès, rejaillir sur eux. Ils peuvent donc être les instruments et l'image de la place tenue par leur patronus dans la vie publique, mais ils n'exercent pas d'une façon autonome une puissance dont ils seraient les seuls maîtres. C'est ce que confirme, implicite ment, l'évocation des services rendus par Tiron et qui lui ont valu la promesse d'être affranchi : Innumerabilia tua sunt in me «officia» domestica, «forensia. . .» in re privata, in publica396. C'est donc en relation avec le patron et non de son propre chef, ni pour son propre compte, qu'un affranchi peut extérieurement jouir d'une situa tion importante : celle-ci n'est qu'un reflet et un sous-produit. Il n'est que de prendre le «palmarès» que Pline l'Ancien (NH, XXXV, 200: Talem in catasta videre Chrysogonum Sullae, Amphionem Q. Catuli, Hectorem L Luculli, Demetrium Pompei, Augenque Demetri quamquam et ipsa Pompei crédita est, Hipparchum M. Antoni, Menam et Menecratem Sex Pompei. . . san guine Quirìtium et proscriptionum licentia ditatos. Hoc est insigne venaliciis gregibus opprobrìumque insolentis fortunae), dresse des affranchis qui ont allié influence sur leur maître et puissance sociale: aucun d'entre eux n'a plus fait parler de lui après la mort de son maître, pas même Chrysogonus, le tout-puissant auxi liaire de Sylla, pas même Auge la «complice» de Demetrius (elle qui savait si bien utiliser sa place auprès de Pompée à des fins personnelles) pas plus qu'Hipparque, malgré sa trahison, non plus que Menas-Menodorus qui reçut bien d'Octavien l'anneau d'or, mais n'exerça plus aucune responsabilité réelle. Cette place particulière, réservée à un servi teur, Cicéron la souligne dans le cas de Phania, l'affranchi d'Appius Claudius (et nosse locum quem apud te is teneret)391. Et il indique que les amis du patron font d'autant plus de cas d'un affranchi qu'il est bien en cour: ainsi Phania, encore (Phania, et mercule etiam «pluris eum feci», quod te amari ab eo sensi)398, ou Apollonius, l'affranchi de Crassus (eius libertum. . . et magni
395 Cf. Moussy, Gratia, p. 393-400, qui souligne que le terme désigne un individu influent, mais avec une nuance d'excès. 396 Fam., XVI, 4, 3. 397 Fam., III, 6, 1. 39» Fam., Il, 13, 2.
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faciebam)399. C'est toujours en liaison avec le patron que Cicéron accorde de l'importance à tel ou tel libertus. Les dangers C'est cette influence particulière qui fait que certains patrons apparaissent soumis a certains de leurs affranchis. Plaute imagine une telle situation, le temps d'un quiproquo ou d'une intrigue400, tout comme Horace, qui pense à un patron gâteux, il est vrai (midier si forte dolosa/ lïbertusue senem delirum temperet)401. Mais d'une façon plus sérieuse, certains affranchis de Sextus Pompée ont joué un tel rôle, exercé un tel poids sur leur patron, que Velleius Paterculus (se rattachant sans doute à une tradition anti-pompéienne)402 nous décrit ce dernier comme libertorum suorum libertus, servorumque servus. . .403 ce qui est confirmé par Appien404. Or il semble qu'il s'agisse d'une sorte de tradition familiale, puisque, déjà, Pompeius Strabo avait laissé assez de poids à un de ses affran chispour qu'il détournât, dans des conditions non précisées, de l'argent public (ce qui valut à lui-même d'être accusé de péculat)405. Plut tard, MFam., XIII, 16, 1. 400 Quando amor iubet / Me obedientem esse servo liberum (Poenulus, v. 447/8). 401 Sat., II, 5, ν. 70-1. 402 II, 73. 403 Ibid. On pense bien sûr, à la célèbre phrase polémique, écrite par Pline le Jeune, et visant Domitien, en particulier, Plerique principes, cum essent ciuium domini, libertorum erant servi (Paneg., 88). (Il faut mettre sur un tout autre plan les indications que l'on peut tirer du théâtre de Plaute et concer nant la «domination» parfois humiliante exercée par certains esclaves sur leur jeune maître. De ce point de vue, l'interpré tation de Martin, La psychologie, p. 18-20 est discutable: ce n'est pas en effet l'esclave qui «place le maître dans une situation humiliante», c'est Plaute qui place le jeune amour euxdans une telle position, afin de faire sentir les dangers de l'amour aveugle). 404 Bell. Civ., V, 78. Sur Yinertia de Sex. Pompée et sa prétendue soumission à ses affranchis, cf. E. Gabba, Appiano e la storia delle guerre civili, Florence, 1956, p. 205-6. Inverse mentla maîtrise d'Auguste est relevée par le sources et contraste avec l'influence exercée par les liberti de ses suc cesseurs (cf. G. Boulvert, EAI, p. 337-341 - 438-443). 405 Cat. J., XIII. Cette proximité excessive, concerne aussi, la table. Celle-ci, et les rites qui l'entourent, ont gardé la valeur d'une forme d'agrégation, par communion, de l'étran ger au groupe (Van Gennep, Rites, p. 39-40). Or à Pompée,
Cn. Pompée avait, à son tour, accordé une consi dération particulière à son affranchi Demetrius, dont Plutarque souligne les honneurs excessifs, dont il fut l'objet en raison de sa faveur auprès de son patron. Cependant, le même Plutarque indique que Pompée (échaudé par ce précédent ou par mysoginie, on ne sait) sut résister aux charmes de la veuve et affranchie de ce même Demetrius406. Malgré ces précédents, Sextus Pompée, à son tour, se laisse dominer par les affranchis de son père, ces anciens pirates repentis, tel Menecrates, et, surtout Menodorus, qui possédait, selon Appien, un réel ascendant sur son patron407. Marc Antoine ne fut pas à l'abri de cette critique et Plutarque signale l'influence qu'Hipparque exerça sur lui (avant de le trahir, nous l'avons vu)408. Et la manière dont Auguste lui-même a dû s'accomoder des caprices d'un Licinus (cet affranchi de César, attaché au fils adoptif de ce dernier et dont les exactions en Gaule firent quelque bruit)409 montre bien la difficulté qu'il pouvait y avoir à ramener un affranchi trop bien en place, dans le rang. On comprend que ce prestige accordé à quel ques-uns de ses affranchis par le patron d'une grande familia ait pu susciter de la jalousie : c'est dominé par ses affranchis, (selon une tradition déjà relevée) et qui fait de Demetrius le véritable maître de sa table (cf. Plut., Pomp., XL, 1.) s'oppose Auguste qui, selon Valerius Messala rapporté par Suétone (Aug., LXXIV, 2), n'aurait admis aucun affranchi à sa table; Menas, l'ancien amiral de Sex. Pompée n'aurait été ainsi reçu qu'après avoir été promu dans l'ordre équestre. On relèvera que cette importance de la commensalité semble concerner aussi les fils d'affranchis, puisqu'Horace, à plusieurs reprises (Sat., I, 6, ν. 843) insiste sur le fait qu'il est reçu à la table de Mécène, ce qui, semble-t-il, a soulevé des critiques. Il est inutile de rappeler que ce n'est que dans une forme d'esclavage encore archaïque (Plut. Cat., Ill, 2, XX, 5, cf. XXXI, 4) ou dans le cas de rites d'inversions (ainsi lors des Saturnales, cf. Macrobe, Sat., I, 7, citant L. Accius, Horace, Sat., II, 7, ν. 4), ou lors des fêtes d'Anna Perenna (Macrobe, Sai., I, 12) que des esclaves pouvaient être admis à la table des ingénus et même être servis par eux. 406 Malgré sa beauté (Pomp., II, 9 φοβηθείς την εύμορφίαν αύτης άμαχόν τίνα και περιβόητον ούσαν ώς μήφανείν κεκρατημένος. 407 Bell. Civ., V, 78. 408 Ant., LXVII. 409 Cf M. Bénabou, Une escroquerie de Licinus aux dépens des Gaulois, dans REA, LXIX, 1967, p. 221-7.
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI ce sentiment qui perçait déjà, dans le Miles Gloriosus de Plaute, quand Palestrio reprochait à demi-mots à son maître d'en préférer un autre à lui-même : Quamquam alios fideliores semper habuisti tibi/Quam me410. Et le même Palestrio souhaite qu'entre ses compagnons un tel sent iment ne se fasse pas jour411. C'est ainsi que Menodorus fut desservi par une coterie animée par certains de ses co-affranchis jaloux de sa faveur auprès de Sex. Pompée, ce qui le poussa à trahir ce dernier412. On comprend aussi que certains liberti aient recouru non seulement à leurs «charmes» per sonnels, mais aussi à des philtres, dans l'espoir d'asseoir leur position : selon Cornelius Nepos, rapporté par Plutarque, la mort de Lucullus aurait été due à son affranchi Callisthenes, qui lui aurait fait absorber une potion magique, afin d'en être aimé davantage!413. C'est parce qu'il n'est plus sûr de son crédit ni de sa place de favori que Menas-Menodorus trahit Sextus Pomp ée; c'est parce qu'il n'est pas reçu avec une faveur particulière et qu'il n'exerce pas un com mandement en chef qu'il trahit Octavien au prof itde son patron414. Cette faveur rend plus vulnérables, parce que soumis aux surenchères d'amis (ou d'ennemis) du patron, les affranchis les plus influents. Déjà, à un niveau plus modeste, Horace conseille (par la voix de Tyresias qui s'adresse à Ulysse), de chercher à devenir le socius d'une femme ou d'un affranchi qui domine son patron415. C'est à un autre niveau, ce que faisait, syst ématiquement César: Suétone {libertus servulosque cuiusque, prout domino patronove «gratus» qui essei)416 et Dion Cassius (άλλα και τους δού λους τους τιχαί όπωσοΰν παρά τοις δεσπόταις σφών δυναμένους έθερα'πευε) ne laissent aucun doute à ce sujet417. *lu V., 1354/5. 411 Conservi, conservaeque omnes, bene valete et vivile Bene, quaeso, inter vos dicatis, ν. 1340/1. 412 Appien, Bell. Civ., V, 78. Le rôle de Menecrates fut décisif. 413 Lucidi., XLIII. 414 Appien, Bell. Civ., V, 78 - V, 96. 415 Sat., II, 5, ν. 70-2. 416 Caes., XXVII, 2. Si l'on admet que Salvius était affran chide César, c'est ce dernier qui, en dernier ressort aurait «corrompu» Hortensius (cf. Cic, Au., X, 18). 417 XL, 60, 4.
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Sans atteindre à ce machiavélisme, il est cer tain que de grands personnages (il n'est de pen ser qu'aux pièges tendus par Octavien à Menod orus)418 étaient tentés de solliciter d'affranchis influents certaines faveurs ou recommandations auprès de leur patron. C'est ce que Pline, dans un passage déjà cité, indique419, c'est ce que Cicéron, qui s'en indigne, souligne au sujet de Statius, l'affranchi de Quintus : Quam multos enim mec um egisse pittas ut se Statio commendarem?420. Il apparaît d'ailleurs que Cicéron se soit fait l'écho d'une critique portant sur cette place trop importante accordée à des individus d'origine servile. Le cas de Statius lui permet, aussi bien dans des remontrances à Quintus, que dans plu sieurs lettres à Atticus, d'aborder cette question. Cette influence devait déjà s'exercer alors que Statius n'était qu'esclave, puisque Cicéron (on ne voit pas d'autre motif à son opposition) désap prouve son affranchissement421. En tout cas, ce dernier critique une lettre, qu'il juge trop élogieuse, écrite par Quintus à son affranchi : scribendum tarnen ad libertum non fuit dit-il très crûment422. Ainsi, à propos du rôle qu'il joue en tant qu1 accensus, auprès de Quintus, reviennent, comme un refrain, des mises en gar de reflétant la peur du qu' «en dira-t-on» : Multa enim quae recte committi servus fidelibus possunt tarnen «sermonis» et «vituperationL·» vitandae cau sacommittenda non sunt423 et encore Tarnen spe cies ipsa tarn gratiosi liberti aut servi dignitatem habere nullam potest atque. . . materiam omnem sermonum. . ,424. Or cette crainte des «rumeurs» malveillantes, qui pousse Cicéron à critiquer son frère et à lui rappeler que c'est par la voix publique qu'il a appris la place eminente que Statius tenait auprès de lui425, n'a pas empêché 418 Cf. Cass. Dio, XLVIII, 54, 7. 419 NH, XXXV, 200. 420 0. Fr., I, 2, 3. 421 Ait., II, 19, 1, Ait., II, 18, 4. 422 Att., VI, 2, 2. 42Î Q. Fr., I, I, 17. 424 Q. Fr., I, 2, 3. 425 Cum audiebam ilium plus apud te posse ...,Q. Fr., I, 2, 3. Il est vrai que Cicéron, à la fin de 60, semble déjà faire allusion aux trafics d'influence que l'entourage de Quintus (et donc ses affranchis) semble pratiquer (Q. Fr., I, 1,4: Quos vero aut ex domesticL· convictionibus aut ex necessarìis apparì· tionibus tecum esse voluisti, qui quasi ex cohorte praetori appellari soient).
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Cicéron lui-même d'encourir les reproches de Quintus pour la part trop important laissée à Deny s (Ut meum indicium reprehendi a Q. fratre vulgoque ab omnibus mallem quam illum non efferem laudibus)426. Ainsi, la dignitas du chef de famille et la gravitas de l'homme public devaient empêcher de donner trop de considération à un serviteur fût-il le plus fidèle, fût-il affranchi427. Mais cette position de Cicéron n'était-elle pas rétrograde, eu égard à la pratique qui avait cours au milieu du siècle? Le fait qu'à propos de Yaccensus juste ment, il fasse référence à la pratique des maiores semble bien l'indiquer: Accensus sit in numero quo eum maiores nostri esse voluerunt429 déclaret-il dans un célèbre passage, dans lequel il ajoute que cette charge ne revenait qu'à des affranchis quibus Uli (maiores) quidem non multo secus ac servis imperabant Or, Cicéron ne semble pas avoir compris les changements qui se sont opérés de son vivant. On est surpris de voir à quel point le nombre de ses conseillers politiques est réduit, presque inexistant. Il appartient encore à une génération d'hommes publics qui, tout en faisant jouer le système des clientèles, n'avaient pas recours sy stématiquement aux conseils, au sens des intri gues429, à la disponibilité de grands affranchis qui, tels ceux de Pompée, de César, de Sex. Pompée et d'autres, ont préfiguré le rôle que les affranchis impériaux ont joué plus tard430. Que la propagande anti-pompéienne ait pu utiliser l'i nsolence d'un Demetrius ou, plus tard, la place tenue par les affranchis entourant Sex. Pompée, 426 Au., VIII, 4, 1. 427 Cum audiebam illum plus apud te posse quam gravitas illius tuae aetatis, imperii prudentiae postularet (Q. Fr., I, 2, 3). 428 Q. Fr., I, 1, 13. Verres, une quinzaine d'années plus tôt, avait donnée le (mauvais) exemple d'un patron, de surcroît magistrat du Peuple Romain, laissant trop d'importance à son affranchi et chef de cabinet Timarchides (Istius libertus et accensus Timarchides, Verr., II, II, 69. Timarchidis, liberti istius et accensi, II, II, 176). 429 Ce qui n'exclut pas qu'à l'occasion Cicéron utilise tel de ses affranchis à collecter des renseignements (ainsi Philotime, Au., VII, 23, 1 - VII, 16, 1 - IX, 7, 6 - Χ, 9, 1 - XII, 44, 4) ou sollicite son jugement sur un personnage ou une situation (ainsi Tiron, Fam., XVI, 2 et XVI, 23). L'enquête de Treggiari, sur ce point {Freedmen, p. 178-182) montre que Cicéron était bien démuni, par rapport à des hommes comme Clodius. 430 Sur l'attitude rétrograde de Cicéron, dans ce domaine, cf. Etienne, Cicéron, p. 87-88.
est indéniable, mais il n'empêche que c'est en s'assurant les services d'hommes totalement dépendants de leur patron et en leur reconnaiss ant, en échange, une position particulière que les hommes publics de la fin de la République ont pu mener une action moins improvisée, moins sporadique, que celle qu'un Cicéron esseulé avait pu conduire. Et cela, même si l'at tachement particulier manifesté envers un affran chi pouvait devenir l'objet d'un chantage exercé à l'encontre de son patron431. On voit cependant d'autres dangers que cette proximité, cette intimité, que certains hommes entretenaient avec leur affranchis, pouvaient présenter, en particulier lorsqu'ils étaient versés dans des intrigues; le partage de secrets (mora lement ou physiquement) implique une grande prudence, car c'est de l'indiscrétion des servi teurs, que naissant les rumeurs défavorables: c'est ce que nous confie Cicéron, dans un passa ge qui prend la valeur d'une maxime à usage général: nam fere omnis sermo ad forensem famam a domesticiis émanât auctoribus432. C'est pourquoi, seuls des hommes éprouvés peuvent être associés aux affaires privées433; c'est pour quoi aussi, Cicéron réagit fortement contre une époque où l'on cherche à corrompre les servi teurs et où la sécurité des maîtres est en danger. Il avait déjà accusé Verres de telles pratiques434, il revient sur ce thème à de nombreuses repri ses,notamment dans le Pro Rege Deiotario : Nam ista corruptela servi, si nom modo impunita fuerit, sed etiam a tanta auctoritate adprobata, «nulli 431 Ainsi, Hipparchus, l'affranchi de Marc Antoine, et Thyrs us,celui d'Octavien, sont les gages, placés entre les mains de l'adversaire de leur patron, de la bonne volonté de celuici (Plut., Ant., LXXIII). Surtout, la faveur accordée à un affranchi permet de faire pression sur son patron : ainsi, Menas / Menodorus avant sa première trahison, et afin de se ménager la faveur d'Octavien, fait relâcher Helenus, l'affran chi de ce dernier et qui était bien en cour (cf. Dio Cass, XLVIII, 30, 8, App., BC, V, 66). 432 Comment. Petit., 17. 433 Cicéron écarte, par peur du «qu'en dira-t-on», les escla ves,mêmes éprouvés, des affaires publiques, afin de ne pas encourir le «blâme de l'opinion» (Q. Fr., I, 1, 17 : At si quis, ex servis egregie fidelis sit in domesticis rebus et privatis', quae res ad officium imperii tui atque ad aliquam partem rei publicae pertinebunt, de iis rebus ne quid attingat. Multa enim quae recte commuti servis fidelibus possunt, tarnen sermonis et vituperationis vitandae causa committenda non sunt. 434 Verr., H, III, 8.
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI parietes nostram salutem» nullae leges, nulla iura custodient435. Or le plaidoyer date de 45 avant Jésus-Christ et ce que nous avons déjà dit des méthodes de César, notamment, laisse supposer qu'il y avait peut-être là, une attaque déguisée. En tout cas, la vie privée étalée au grand jour, c'est le monde renversé, la domination des servi teurs sur leurs maîtres : Ubi enim id quod intus est, atque nostrum impune evolare potest contraque non pugnare, fit in dominatu servitus, in servitute dominatus436. D'où l'inquiétude qu'éprouve q. Cicero lorsque certains de ses serviteurs entrent en contact avec des tiers : ainsi Hilarus aurait été à l'origine de bruits défavorables répandus dans l'entourage d'Antoine437. C'est pourquoi, dans ses échanges de let tres438, il multiplie les précautions et les conseils visant à empêcher que des secrets trop encomb rants soient partagés par les affranchis de ses amis ou même les siens; c'est ce qui ressort de lettres adressées à Atticus439, à Quintus440, à Dolabella441, à Fadius Gallus442, à Lentulus443 et même à Tiron444. Et ce n'est qu'à Tiron ou Alexis que Cicéron dicte des lettres (mais indistincte ment?) qu'ils écrivent de leur propre main445. C'est donc avec quelque admiration mal cachée que notre auteur vante la discrétion de
435 § 30. 436 Ibidem. 437 Ait., I, 12, 2. Et lorsque Cicéron qualifie Denys de loquacissimus, c'est sans doute en suggérant qu'il aurait com misdes indiscrétions (Ait., VIII, 4, 1-2). 438 Cf. sur ce point, Clavel-Lévêque, Rapports esclavaghtes, p. 249-250. 439 Neque ego huic epistulae atque ignoto tabellario committant (Att., I, 18, 2). Quae tantum habent mysteriorum, ut eas ne librariis (Att., IV, 17). 440 Etiam illud te admoneo ne quid Ullis litterL· commutas, quod si probatum sit moleste feramus. Multa sunt quae ego nescire maio quam cum aliquo periculo fieri certior (Q. Fr., III, 6, 2). Sed quaero locupletem tabellarium, ne accidat quod Erigonae tuae . . . (ibid., Ill, 7, 6). 441 Non sum ausus Salvio nostro nihil ad te litterarum dare (Farn., IX, 10, 1). 442 Secreto hoc alidi, tecum habeto, ne Apellae quidem liber to tuo, dixeris (Fam., VII, 25, 2). 443 ... Non eius generis meae litterae sunt ut eas audeam temere committere. Quotiens mihi certorum hominum potestas erit quibus recte dem . . . (Fam., I, 7, 1). 444 Tarnen, cum höherem, cui recte darem litteras . . . (Fam., XVI, 24, 1). 445 0. Fr., Ili, 1, 19 (Tiron. Mais Att., XIII, 9, 1 montre que la copie de certaines lettres ne lui était même pas confiée).
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Diphilus, le secrétaire et lecteur de Crassus, qui refuse de lui dévoiler les secrets de la composit ion des discours de son patron (Non modo videre sed ex eius scriptore et lectore Diphilo suspicari liceret. . .)446. Cette discrétion, Caton l'exigeait déjà de son villicus447 et le théâtre de Plaute448 comme celui de Térence449 montre qu'elle cons titue la qualité essentielle du bon serviteur. Dans l'Andria, Simo, s'adressant à son affranchi Sosia450 allie d'ailleurs fides et taciturnitas, celleci étant la condition essentielle pour que celle-là soit accordée : opus est/. . .eis quas semper in te intellexi sitas/fide et taciturnitate. Cette aptitude au silence à l'égard des tiers fait donc partie des qualités de l'affranchi de confiance, elle est le prolongement de sa réserve (prudentia), de son sens de la mesure. Ce que nous dit Dion Cassius, au sujet de Cicéron, incite d'ailleurs, à mesurer les risques que pouvait encourir un patron en confiant un secret à un de ses serviteurs: selon l'historien, Cicéron aurait composé, à son retour d'exil un livre contenant des attaques violentes contre ses adversaires. Le livre fut confié à Tiron et ne devait être publié qu'après sa mort. On se doute que, si Tiron avait trahi, la suite de la carrière et même la vie physique de Cicéron auraient pu être singulièr ement écourtées451. Des affranchis, plus rarement des esclaves, sont en possession de secrets qui mettent en jeu les intérêts essentiels de leur patron452, c'est dire 446 De Orat., I, 136. 447 Plut., Caton, XXI, contredit cependant par Caton, III, 2 et XXXI, 4, puisque Val. Flaccus réussit à soutirer des confidences sur le genre de vie «rustique» de Caton. 448 Ergo si sapis / Mussitabis; plus opportet scire servum quam loqui (Mil. Gl., v. 476-7). Sed taceam optumum est / Plus scire satiust quam loqui / Servum hominem; ea sapientiast (Epid., v. 60). 449 Nam olim soli credidi / Ea me abstimiisse in principiis, quam datasi (Hecyra, v. 410-411). 450 Andria., v. 32-4. 451 Cass Dio, XXXIX, 10, 3 - καί διά τούτο φοθηθεις μή και ζώντος αύτοΰ έκφοι τηση κατεσημήνατό τε αυτό καί παρέδοχε τώ παίδι προστάξας οι μήτ' αναγνώναι μήτε δημοσιεΰσαι τά γεγραμμένα πριν αν μετάλλαξη. 452 Les exemples de liberti détenteurs de secrets, chargés de missions délicates ou de transporter des lettres d'intérêt capital sont très nombreux. De Metrophanes (chargé d'une mission exploratoire, pour le compte de Pompée, auprès de Mithridate (Cass. Dio, XXXVI, 43) à Thyrsus, l'affranchi d'Octavien qui poussa Cléopâtre à abandonner Antoine (ibid., LI, 8), en passant par l'affranchi anonyme de César qui vint
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l'importance qu'ils ont, l'influence qu'ils peuvent exercer, les pressions aussi auxquelles des tiers, voire des ennemis de leur patron pouvaient les soumettre. Nous avons là la mesure et aussi la limite de cette puissance patronale qui s'exerce si largement sur les liberti, mais s'arrête au seuil de ce qui est du domaine de la fides bien placée; malheur au patron qui a exercé un mauvais jugement sur son serviteur (Quas semper in te intellexi, dit fièrement Simo qui a bien jaugé son affranchi)453. Car même une surveillance de tous les instants ne met pas à l'abri d'un véritable espionnage. Cicéron en a fait, au moins une fois, l'amère expérience : Ego autem tibi confirmo a mets earn non habere: numquam enim ab oculis mets afuerunt454, écrit-il à Atticus, à propos d'une copie qui est parvenue à Terentia. Il est vrai que celle-ci avait pu laisser un bon souvenir parmi les esclaves de son mari. Mais outre les risques encourus par le patron qui confie des secrets à son affranchi, outre les commentaires défavorables que la place, jugée excessive, occupée par un serviteur peut suscit er,un dernier danger guette celui qui accorde trop d'intimité à son libertus : celui d'être assimil é à ce dernier dans la pensée d'autrui, bref d'être «contaminé» par la nature servile de l'a ffranchi. L'expérience de Verres, revue par Cicé ron, offre sur ce plan, même s'il s'agit d'une caricature, l'exemple saisissant455 d'un homme
annoncer à Octavien (alors à Apollonia) la mort de son père adoptif et lui expliquer la situation politique à Rome (Nie. Damas, p. 4 Piccolos), ou aux affranchis qui, plus tard, rédigè rentpuis lurent le testament d'Auguste (Cass. Dio, LVI, 32-33, Suét., Aug., CI), la liste de ces serviteurs mis au courant des actions les plus secrètes de leur patron est très longue. D'où la réaction très vive de Sex. Pompée, qui fait égorger un de ses affranchis, Theodorus, qui avait révélé les intrigues de son patron pour s'emparer de Domitius Ahenobarbus (Appien, BC, V, 137). 453 Andria, v, 34. 454 AU., XIII, 21, 5. 455 Je renvoie à la remarquable analyse de Cels, art. cit. : opposant le mépris que Verres manifeste à l'encontre des «bons affranchis» (II, I, 124-V, 154) à ses entreprises desti nées à détacher les liberti de leur patron, l'auteur met en valeur la faveur dont la «cohorte» du prêteur jouissait (II, III, 8 - 28 - 69) à la tête de laquelle Timarchide se distingue, au même titre qu'Apronius. Par ailleurs, définissant une «thématique du contact», il souligne que de la souillure physique dont Verres est l'objet, on passe à une contaminat ion de tout l'être de Verres qui devient esclave de ses
public que le contact permanent et excessif d'un affranchi corrompu, contamine physiquement puis moralement jusqu'à le rabaisser au rang d'un esclave et lui donner une âme servile. Ceci est encore plus vrai lorsque, à tort ou à raison, des relations de caractère homosexuel avec un ancien esclave sont prêtées à un ingénu. La place de l'homosexualité dans les relations patron-affranchi Que des affranchies aient occupé une place particulière auprès de leur patron, en fonction notamment de relations amoureuses existant entre eux, est un fait fréquemment attesté, sur tout dans le cas d'individus de sexe opposé. Mais des exemples de rapports homosexuels ne sont pas à exclure. C'est ainsi que Terence aurait été affranchi par son patron, L. Terentius Lucanus, non seulement à cause de son talent (ob ingenium), mais aussi en raison de sa beauté physique ((ob) formant), ce qui fait supposer qu'il aurait entretenu des relations amoureuses avec son manwnissor456. P. Atilius Philiscus, qui fut, selon Valére Maxime457, un père particulièrement intransigeant, dut aupara vantse livrer à son maître (In pueritia corpore quaestunt a domino facere coactum). Sylla a été particulièrement attaché à Metrobius, auquel, durant toute sa vie, il resta lié458. Si Q. Apronius est bien un affranchi459, il aurait eu, à en croire Cicéron, des relations coupables avec Verres, conclusion logique de cette promiscuité qui a été par ailleurs analysée460. G. Valgius Rufus aurait, lui aussi succombé à une passion pour son serviteur Mystes, et était inconsola ble de sa disparition461.
passions comme de ses serviteurs, au rang desquels il est rabaissé. 456 Sur ce point, Térence représente, sans doute, un des premiers esclaves affranchis pour avoir plu et ouvre la voie à Encolpe stupro liber (Satiric, 81) et à Trimalcion lui-même. Suétone, Vita Terent., 1. Sur cette interprétation, cf. Iachmann, RE, V, A, I, col. 599. T. Frank, dans AJPh, 54 (1933), p. 288/9. Treggiari, Freedmen, p. 112-3. Pour une vue d'ensemb le, cf. S. Aurigemma, Diz, Ep., II, p. 1594-1603 (delicium). 457 VI, 1, 6. 458 Plut., Sylla, II, cf. Gonfroy, Homosexualité, p. 172. 459 Vix Liber, Verr., III, 134, cf. Nicolet, Ordre Equestre, I, p. 325. 460 Cf. Gonfroy, op. cit., p. 87/8 - p. 247. 461 Horace, Od., Il, 9 - v. 9-12.
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI On connaît par ailleurs, la passion brûlante qui s'est emparée de Tibulle envers son serviteur Marathus462. Selon Appien, Naso fut dénoncé par un de ses affranchis dont il avait fait ses délices463. Bathyllus suscita un engouement violent à son maître puis patron, Mécène, passion dont même Taci tesouligne la force : Dum Maecenati obtempérât effuso in amorem Bathylli464. On peut penser par ailleurs, que certains affran chis,qui ont fait valoir leurs charmes auprès d'autres que leur patron, aient pu commencer leurs armes auprès de ce dernier. M. Antonius Gnipho, aurait vécu in contubernio Dionysi Scytobrachionis (ce que contest e Suétone, qui rapporte la rumeur)465. Mais ce que l'on sait de M. Antoine ne rend pas impossible que ce soit lui qui ait obtenu les premières faveurs de Gni pho. De même, Caecilius Epirota, affranchi d'Atticus (l ibéré après 58 avant Jésus-Christ), aurait vécu dans la plus grande intimité avec Cornelius Gallus466, selon Suétone (Ad Cornelium Gallum se contulit vixitque una familiarissime). Or, auparavant, le même Epirota aurait été suspecté d'avoir eu des rapports intimes avec Attica, la fille de son patron, et épouse d'Agrippa467. On peut se demander cependant, si derrière ce récit favorable à la réputation d'Atticus, ne se cache pas, en fait, une affaire qui l'aurait mis en cause. Il n'est pas non plus exclu qu'Ateius Philologus, si l'on prend à la lettre le récit de Suétone, soit à placer dans cette catégorie des «favoris»: Coluit postea fami liarissime C. Sallustium, et eo defuncto Asinium Pollionem. . ,468. Ce sont sans doute, de telles relations qu'il faut envisager à propos de comédiens : Antiphon est affranchi avant même d'être mis en scène; or il joue le rôle d'Andromaque et les sous-entendus de Cicéron laissent penser que cet affranchissement rapide a pu avoir un rapport avec la nature efféminée du personn age469. Et il est vraisemblable que vu leurs manières
46- Ch Gonfroy, op. cit., p. 145-6. 463 Bell. Civ., IV, 26. 464 Ann., I, 54, cf. Horace, Epod., XIV, v.9/16. Sénèque, Controv., X, pr. 8. Schol. Pers., v. 123. Cf. Gonfroy, op. cit., p. 173/4 - p. 239. 465 Gramm., XVII. 466 Ce qui aurait constitué une des charges retenues par la suite, contre l'ancien favori d'Auguste : Quod ipsi Gallo inter gravissima crimine ab Augusto objicitur (Suétone, Gramm., XVI). 467 Siispectus in ea et ob hoc remotus (ibid). 468 Gramm., X. 469 Sed nihil tarn pusillum, nihil tarn sine voce, nil tarn . . . Au., IV, 15, 6.
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et les exigences de la scène, beaucoup de pantomimes aient entretenu des relations homosexuelles avec leurs patrons470. Il y a même des relations qui s'étendent au fils de l'affranchi, même ingénu. L'insatiable César eut pour mignon Rufio, fils d'un de ses liberti, auquel il confie le commandement de trois légions à Alexandrie471. On notera aussi que ces relations avouées, ou publiées, n'empêchent pas leurs acteurs d'être hétéro sexuels, qu'il s'agisse des patrons (Sylla, César, Antoi ne,Tibulle)472, ou des affranchis : Térence eut une fille473, tout comme P. Atilius Philuscus474; quant à Marathus, aimé de Tibulle, il aime de son côté Pholoe475. Il ne s'agit donc pas, dans tous les cas, d'une homosexualité exclusive, mais de cette dualité toute normale que la civilisation romaine, depuis la deuxième Guerre Punique, more graeco a reconnue et qui fait que l'homosexualité mascul ine est considérée comme devant apporter un supplément de voluptas, mais non pas comme devant constituer la seule forme de cette dernièr e476.(Il est bien certain qu'en ce qui concerne les affranchis, on ne peut parler de choix délibér é, dans la mesure où ils ont accompli leurs «premières armes» alors qu'ils étaient encore esclaves : la consolation adressée à celui qui a perdu son puer delicatus devient dès le premier siècle un thème littéraire, annonçant déjà les consolationes de Stace ou Martial)477. Mais cette proximité patron-affranchi peut être source de scandale, à partir du moment, 470 Gonfroy, op. cit., p. 171. 471 Rufioni, liberti sui filio, exsoleto suo . . . Suét, Caes., LXXVI, 7. Faut-il par ailleurs, cantonner au domaine de la bienfaisance ou des sentiments les relations révélées par une inscription, déjà signalée, de Sta Maria Capua Vetere (CIL, l2, 3121) et impliquant le jeune Faustus et deux N(umeri) Grani, sans doute patrons de son père naturel? 472 Lysidamus est à la fois attaché à son vilicus, Olympio, et à la belle Casina (l'alternative, en elle-même est, évidem ment,parodique). Plaute, Casina, v. 452-467 notamment. 473 Suétone, Vita Terent., IV. 474 Val. Maxime, VI, I, 6. 475 Tibulle, I, 8, v. 256. 476 Cf. la très bonne analyse de Gonfroy, Homosexualité, p. 138-140, éclairant la signification de cette bi-sexualité. 477 Cf. Horace, Od., II, IX, (cf. v. 8-12 notamment tu semper urges flebilibus modis / Mysten ademptum . . .). Sur les consolations : cf. Martial, 6, 29, 2 (à propos de Glaucias mignon et affranchi de Melior) et Stace, Silv., II, 5 (sur Glaucias Atedii Mêlions, delicatus) et II, 6 (consolano ad FI. Urs um de amissione pueri delicati).
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
tout d'abord, où dans ce genre de rapports l'i ngénu joue un rôle passif, encourant l'accusation d'impudicitia: Impudicitia in ingenue crimen est, in servo nécessitas, «in liberto officium»478. Ce rôle passif, l'esclave ne peut s'y soustraire479, l'affran chi doit l'assumer par devoir480. Ni l'un ni l'autre n'ont la libre disposition de leur corps, il est dans leur nature d'être dominés, y compris phy siquement, ce qui ne peut être admis dans le cas d'un ingénu. D'où les attaques lancées contre Antoine ou même Mécène. Car être dominé par un esclave, un affranchi, ou un homme de condi tioninférieure est aussi infamant qu'être dominé par une femme, esclave ou affranchie de sur croît481. De même est-il condamnable d'être co rrompu par un homme plus âgé482, pouvant ainsi assurer une emprise sur l'individu plus jeune. D'autre part, il y a scandale, dans la mesure où, liés à leur patron pas des rapports les plus intimes, certains liberti peuvent exercer une influence particulière sur eux : de même que Chelido ou Tertia ont une influence sur Verres, de même Apronius trouve auprès de ce dernier le seul homme qui «trouve suave... sa bouche fétide»483. Et l'accusation portée par Cicéron contre César qui est de tous les hommes «celui qui se montre le mieux femelle au milieu des
478 Sénèque, Controv., IV, praef 10. Sur les termes impudic itia,impudicus appliqués aux homosexuels passifs, cf. Gonfroy, op. cit., p. 222 et p. 284-5. Le cas de P. Atilius Philiscus, déjà signalé, infirme quelque peu cette conclusion et tendrait, inversement, à conforter l'opinion pourtant excessive de Staerman (Blütezeit, p. 211), niant l'existence de tout sentiment dans les rapports maîtresesclaves. 4™ Cf. Val. Max., VI, 1, 6. 480 Cf. le vilicus de Lysidamus. 481 Les attaques de Cicéron à l'encontre d'Antoine visent un personnage dominé par Volumnia Cytheris comme par Curio (Phil., II, 44 et 45 cf. Gonfroy, op. cit., p. 222), d'où l'association fréquente des termes leno et scortum désignant les individus souvent d'origine servile ayant pris le pas sur tel ou tel personnage politique et le corrompant. Ainsi dans le cas de Verres (II, III, 6), de Clodius "(Dom., 49 Per medium forum tamquam scortum populäre volitares), Antoine (Phil., Π, 44 Primo vulgäre scortum, flagiti merces, nec ea parva, cf. II, 105). Tous ces hommes tombés sous la coupe de débauché(e)s sont à leur tour ravalés au rang de courtisanes et donc d'esclaves. Et l'accusation d'impudicitia vise en priorité (cf. n. 478) un comportement servile. 482 C'est ce que semble indiquer Lucilius (852/3) Apollost mimen, qui te antiquis non sinet / deliciis maculant atque ignominiam imponere. 483 Verr., II, III, 123.
hommes»484 revêt une grande gravité. Verres comme César, esclaves de leurs passions et des affranchis qui les satisfont, n'ont pas un compor tement digne d'hommes libres et mettent en cause l'ordre de la société. Ainsi, l'affranchi «mignon» est celui à propos duquel le scandale arrive; il rend vulnérable l'home politique, dont les ennemis utilisent ce prétexte pour l'attaquer. Ni Sylla, ni César, ni Antoine, ni Octavien r/y ont échappé. On comprend mieux alors les conseils de prudence donnés par Cicéron à son frère et aussi l'évolution qui s'était faite au milieu du premier siècle, puisque ni A. Sempronius, pour tant candidat à une magistrature485, ni Quintus Cicéron dans une lettre adressée à Tiron, ne semblent choqués par la perspective d'embras ser un affranchi en public, sur le Forum486. Cicéron, lui-même n'a pas été totalement à l'abri de ces reproches : il aurait adressé, selon Pline, des épigrammes à résonnance amoureuse à Tiron487. Et ses ennemis les plus acharnés ne se privèrent pas de l'attaquer sur ce point : en tant qu'homme en vue, il n'échappe donc pas à certaines règles de l'affrontement politique488. Il reste que la liste des affranchis, qui ont été les «mignons» de leur patron, et qui, sans doute pour ce motif, ont été libérés précocement, mont reque ceux-ci, à notre connaissance, ne sem484 Accusation qui vise par ailleurs Verres (Verr., II, 192) ou P. Clodius (Dom., 139). 485 Quid enim est Vargula adsecutus, cum e um candidatus A Sempronius, cum M. fratre suo, complexus esset (Orat., II, 247). En mettant en cause leur propre pouvoir d'hommes libres sur leurs dépendants, Verr., II, III, 6, meretriciam disciplinam domesticum lenocinium . . ., la force des deux formules et l'éclatement de la domestica disciplina soulignent bien ce danger que font courir à l'ensemble des ingénus de tels personnages, qui détruisent la hiérarchie des ordres dans leur propre maison (cf. I, 101, Cum meretricious lenonibusque vixisset. II, IV, 83 Domum suam plenam stupri, plenam flagiti. in qua semper meretricum lenonumque flagitia versantur). 486 Tuosque oculos, etiamsi te veniens in medio foro videro dissaviabor. Me ama (Farn., XVI, 27). Il est vrai qu'en décem bre 44, Marcus est en plein désarroi. Sur le caractère équivo que d'un tel geste, cf. Gonfroy, Homosexualité, 219. 487 Incidit epigramma Ciceronis in Tironem suum. Epist., VII, 4, 3. Pourtant, Cicéron avait condamné l'homosexualité comme objet de poésie (Tusc, IV, 70-71). Sur ce thème, cf. Mac Dermott, Tiro, p. 274/5. Mais l'auteur n'exclut pas que Tiro soit l'enfant naturel de Cicéron, ce qui changerait, évidemment, le sens de ces relations. 488 Ainsi qu'en témoigne le Ps. salluste, In Cic, I, 1 (cf. Carcopino, Les Secrets, I, p. 137/8).
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI blent pas avoir joui d'une influence particulière, si l'on excepte Térence et, surtout, Q. Apronius. C'est que la situation de tels favoris était soumis e aux atteintes du temps, aux jalousies, voire au mariage du patron. Surtout, dans la faveur accordée à un libertus, même engagé dans des relations homosexuelles, d'autres critères que la beauté et l'intimité physique entraient en consi dération : le talent, le dévouement, et tout ce faisceau de qualités essentielles que nous avons décrit. Si Térence est beau, il a aussi un talent particulier; si Apronius est bien en cour, c'est qu'il sait seconder, par ses services, les initiatives de son patron. Si plus tard, Trimalcion a bien réussi, c'est qu'au delà de ses relations amoureus es avec le patron et la patronne, il était devenu le «cerveau», l'homme indispensable de la familia, le gardien de leur fortune. Enfin, n'oublions pas que, sur ce thème, nous ne sommes renseignés que sur le compte d'indi vidus rattachés à des patrons en vue. Il n'est pas sûr qu'à un niveau modeste, l'importance du «qu'en dira-t-on» ait été aussi grande. En tout cas, la documentation fourme par les inscrip tionsnous montre que les relations hétéro sexuelles et la quête d'une vie familiale réelle occupaient sans doute une place considérable dans la vie d'affranchis appartenant à des milieux moins aristocratiques, voire populaires : les notions de pudicitia et de castitas semblent avoir, en effet, revêtu, pour ceux-ci, une impor tance particulière, si du moins nous en croyons les épitaphes et représentations sculptées qui paraissent exprimer leurs positions dans le domaine moral.
CONCLUSION L'enquête que nous avons menée concernant les formes prises par la vie commune des affran chiset patrons, nous a permis de tracer de leurs rapports un tableau très contrasté, tantôt idylli que,tantôt au contraire fondé sur la vis. Mais il faut souligner ce que peut avoir de fragile une telle vision, dans la mesure où, tout d'abord, nous avons eu recours aux sources littéraires, et essentiellement à Cicéron, dont le caractère exclusif d'homme voulant à tout prix être aimé peut avoir joué un rôle prépondérant dans les brouilles qui l'ont opposé à certains de ses
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teurs, et donc dans les condamnations qu'il a portées à l'encontre de ceux-ci489. N'oublions pas non plus que Cicéron apparaît comme un patron conservateur, sans doute en fonction de ses inté rêts, qui le poussaient à invoquer ou regretter une époque, antérieure aux réformes prétorienn es, où l'autorité patronale était respectée, mais aussi du fait de sa nature profonde qui fait de lui un homme tourné vers le passé et exaltant un second siècle idéalisé490. Ces remarques doivent donc nous empêcher de donner une portée trop générale à des conclusion qui concernent avant tout un milieu restreint, celui de l'aristocratie dont Cicéron et ses relations font partie. D'autre part, les épitaphes, notamment en vers, même lorsqu'elles sont rédigées par des affranchis ou des membres de leur famille direct e,se caractérisent avant tout par leur confor misme, l'utilisation de loci communes491 et tra duisent fondamentalement l'effort d'individus 489 Sur l'affectivité difficilement contrôlée, cf. A. Démouli ez, Psychanalyse de Cicéron, dans Assoc. G. Budé, Congrès de Lyon, 1958, Actes, Paris, 1960, p. 298-300 et les notes 256/7 de ce chapitre. 490 Sur cet attrait du passé, cf. Briot, Approches, p. 1041/2 et bibliographie. Le rôle du second siècle a été relevé, notamment, par H. I. Marrou, Défense de Cicéron, dans RH, 177, 1936, p. 60. Cîcéron, d'ailleurs, et à propos de sa brouille avec Denys, se définit lui-même comme «un homme d'autre fois»(Att., IX, 15, 5). Notons que, dans le cas de ses rapports avec ses affran chis,la volonté de puissance que Cicéron pensait exprimer dans l'ordre politique (Briot, Approches, p. 1046/7) a peutêtre renforcé son attachement à l'époque antérieure aux réformes prétoriennes, marquée par la toute puissance du patron à l'égard du libertus. 491 Sur ce thème, cf. Galletier, Poésie funéraire, qui insiste, notamment p. 130, sur le «bavardage» dans les inscriptions en vers concernent des affranchis; cf. aussi G. M. Sanders, Stir l'authenticité des Carmina Latina Epigraphica funéraires, dans VI Kongress für Gr. und Lat Epigraphik, Munich 1972, Bonn, 1973, p. 410/412 (et aussi D. Verhaegne-Pikhaus, La répartition géographique de quelques thèmes de la poésie funé raire latine, ibid., p. 412-4). Cf. aussi, Popova, Carmina, p. 57/58 (sur la notion de loci communes). Sur le conformisme de ces épitaphes, voir Borner, IV, p. 260. On peut remarquer que, outre l'influence des thèmes au goût du jour, la marque du patron pouvait déterminer au moins le ton de Yelogium : ainsi, l'épitaphe de A. Granius M. 1. Stabilio (CIL, F, 1210 = ILLRP, 808) ne manque pas d'humour: Tantum est. Hoc volui nescius ne esses (1. 5). Or il y a des chances pour que le personnage soit lié au Q. Granius, praeco lui aussi, dont Lucilius aurait loué la faconde (Cic. Brut., XLJII, 160) : une certaine forme de discours aurait ainsi été commune aux membres - y compris les affranchis - d'une même famille (cf. Nicolet, Ordre Équestre, II, p. 905-6).
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issus de la servitude pour s'intégrer dans l'uni vers moral et social des hommes libres. Certes, on pourrait noter une contradiction entre le point de vue de Cicéron, qui met l'a ccent sur la dimension individuelle des relations avec ses serviteurs, et celui qui est exprimé dans les elogia concernant des affranchis : des expres sionssoulignant l'honorabilité de défunt, et don nant donc de son existence une appréciation au plan social, apparaissent en effet, dans quelques cas sur des tombeaux : Famaque bona492, [post vitam ho]nestam493, exituq\ue) hones(to)494 ou encore volgei nescia495, [eg]regieis moribus49b Mais il ne faut pas se limiter à la lecture imméd iate de ces expressions; en fait elles ne laissent jamais de doute sur le fait que c'est avant tout en rapport avec le patron que ces «vertus» se sont manifestées497 et lorsque ce n'est pas le cas, nous avons affaire à des elogia concernant des couples et non des individus498. Nous sommes donc conduits à penser qu'il n'y a aucune auto nomie de l'affranchi, considéré comme un être moral, par rapport à son patron; sur ce point la lecture de Cicéron comme celle des inscriptions funéraires sont concordantes : honos et decus à propos d'un affranchi, ne peuvent concerner que sa position par rapport au patron499. Relevons d'ailleurs, que le mot virtus n'est jamais utilisé ni dans l'une ni dans les autres sources que nous venons de rappeler; ce n'est guère surprenant, dans la mesure où la virtus qualifie essentiellement le vir, c'est-à-dire un individu qui, s'il n'est plus exclusivement le mili taire, reste avant tout l'ingénu500. Certes, par ™CIL, F, 1347 = ILS, 8400 = Buecheler, 15. 493 CIL, F, 1822 + I, 3, p. 276 = Buecheler, 72. 494 Cf. note (492). 495 CIL, F, 1221 =ILLRP, 793 = Buecheler, 959. *96CIL, F, 1213 = Buecheler, 1867 (le statut n'est pas assu ré: esclave ou affranchie?). 497 Ainsi, CIL, F, 1822 = l'expression vixsi quum fide a toute chance de renvoyer à la «confiance» accordée par le patron à un esclave ayant mérité la liberté. Ainsi, encore CIL, F, 1213 (Quae in delicieis fu[e]rat Vettiae / Qua[e] domino [piacu]it). 498 C7L, F, 1347 «concordes» / CIL, F, 1221. 499 Cf. CIL, F, 1215 Patrono auxsilium et decus. CIL, F, 1214 = ILLRP, 803 = Buecheler, 55 Studium patronae, cura, amor, laudes decus . . . (La date est cependant, discutée par Popova, Carmina, p. 60-64). 500 Hellegouar'ch, op. cit., p. 244-6. Cf. Cicéron, Tusc, II, 43 Appellata est enim a viro virtus. Cf. le rapprochement sémanti que servus/servitus. En fait, le terme virtus apparaît une seule fois dans l'épigraphie funéraire (AE, 1968, n. 142 = CIL,
dérision ou excès, Plaute, par exemple, pourrait célébrer la virtus du bon esclave digne de la liberté501, mais il n'en reste pas moins vrai que virtus et servitus sont deux termes contradictoir es, ainsi que Lucilius nous l'indique502. Des affranchis peuvent être gratifiés de telle ou telle qualité particulière qui, rapportée à des ingénus, entre dans la composition de la virtus ou des virtutes503, mais jamais ils ne peuvent accéder à une qualification morale et sociale qui est l'ap anage des hommes nés libres. Il est de toute façon remarquable qu'au moment même ou Cicéron donnait une défini tiondes qualitates, associées aux ποι,ότητης504 des Grecs, et caractérisant au plan philosophi que les particularités d'un individu, l'emploi du terme qualis dans l'épitaphe d'une affranchie de Carthago Nova soit rattaché à la personne même du patron : Haec/ qualis fuerìt contra patronum, parentem, coniugem, monumentum indicai505. Il n'y a donc pas d'individualité véritable de l'affranchi et celle-ci ne peut exister que dans un sens négatif, encore faut-il distinguer le cas où le libertus est en conflit avec son propre patron et celui où il est confondu avec ce dernier dans une même condamnation portée par un ennemi politique ou intime, ce qui réduit d'autant les occasions d'existence en tant que personne morale indépendante. F, 3197); sur une inscription en vers sont célébrés les mérites d'une affranchie Quae eximia virtute animi peperit sibei laudem. Mais cette virtus est liée directement à sa vie familiale et au fait qu'elle a engendré six enfants. Se]x sibi praemeisit simili virtu[te] et amore ... et le laus qui est lié à cette virtus est prononcé par le patron : Nei mirere hospes quis earn seix laudibus laudet ut meruit. soi Voir par exemple ce que Tyndarus déclare à son escla vePhilocrates : Nam tua opera et comitale et virtute et sapientia/Fechti ut redire licet ad parentis denuo {Captivi, v. 410/1). 502 787 . . . Primum qua / virtute servitute excluserit : le rap prochement des deux termes en souligne, évidemment l'ant inomie. 503 Ainsi la modestia (De off., 1, 93.151 - De Leg., I, 50; Tusc, III, 16) ou la pudor/ 'pudicitia (Leg., I, 50). 504 Acad., I, 64 Qualitates igitur appellari quas ποιότητας Graeci vocant : quod ipsum apud Graecos non est vulgi verbum, sed philosophorum. 505 CIL, F, 2273 -ILS, M\T = ILLRP, 981 que M. Koch (Neue römische Inschriften aus Carthago Nova, dans MM, 17 (1976), p. 290-2 et ρ1.58 = Λ£, 1975, 521) rapproche d'une inscription (fig. 50) de même provenance, datant du premier siècle avant notre ère patri, patrono, parentibus, viro suo plaquit. Les «vertus» domestiques et familiales de la défunte auraient donc, par leur accumulation, une portée sociale.
CONCLUSION
L'analyse des conditions dans lesquelles se développaient dans la réalité les relations nouées entre patrons et affranchis, nous a per mis de souligner à plusieurs reprises l'étroite dépendance dans laquelle était placé le libertus par rapport à son ancien maître, ainsi que l'état d'infériorité dans lequel il se trouvait face à celui-ci. Cette supériorité patronale doit cependant être nuancée, ou, plutôt, mieux définie, car la situation n'est pas la même selon que le patron est ingénu ou qu'il est lui-même un lïbertinus. Dans ce dernier cas, il apparaît qu'il n'est pas en mesure d'exercer pleinement, sur ses dépend ants, Yauctoritas que lui reconnaît théorique ment le droit Romain; et il doit s'effacer devant son propre patron. Certes, nous ne pouvons affirmer que la Lex Iulia de vi publica et privata^ ait repris une pratique républicaine en ce qui concerne l'interdiction faite à l'affranchi de témoigner contre le patron de son patron2; de la même manière, nous pouvons difficilement croi reque le patron du patron ait pu être appelé, dès l'époque républicaine, à la Bono rum Possessio unde patronus patroni1. Mais plusieurs indices incitent à penser que le pouvoir du patron sur le
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Faut-il parler de lex ou de leges? Sur ce point, cf. Rotondi, Leges Publicae, p. 450-1, qui avance la date de 17 avant J.-C. 2 Cf. Ulpien (1. Vili de officio proconsulis, sub titulo, ad legem Iuliam de vi publica et privata. Cf. Mosaicorum et Romanorum Legum Collatio, IX, II, 2). 3 Selon Cuq, Institutions Juridiques, p. 105, qui semble solliciter de façon excessive un passage d'Ulpien, repris dans la Mosaicorum et Romanorum Legum Collatio, XVI, IX, 1.
vicarius de l'ancien esclave ou sur le liberti liber tussont considérables. Ainsi, en dehors de toutes les considérations économiques qui, nous le verrons, pouvaient pousser le patron du premier rang à contrôler les manumissiones accomplies par son propre affranchi, l'exemple de Publilius Syrus, rapporté par Macrobe, nous indique bien que l'initiative de l'affranchissement de ses esclaves peut échap per à l'affranchi et revenir au patron de celui-ci (Sat, II, 7, 6) : Cum puer ad patronum domini esset adductus promeruit eum non minus salibus et ingenio quant forma. . . ob haec et alia manumissus. . . : il n'y a pas de doute que l'intervention du patron du maître de Syrus ait joué un rôle décisif dans l'affranchissement de celui-ci. Par ailleurs, même s'ils ont été libérés par des affranchis influents, les affranchis du second rang ne peuvent échapper - ou plutôt ne cher chent pas à échapper - à l'attraction exercée par un grand personnage. C'est ainsi que Pompeia Auge, l'affranchie et compagne du tout puissant Pompeius Demetrius, était considérée - ou devait se faire passer - comme affranchie du Grand Pompée, selon Pline (NH, XXV, 200 Augenque Demetri, quamquam et ipse Pompei ere dita est)*. Il semble donc qu'il y ait eu une sorte de superposition des droits patronaux, telle que les affranchis d'affranchis ont été rattachés au pre mier patronus, ce qui préfigure la réalité mise en évidence à propos de la Familia Caesaris, dans
4 Cf. Plut., Pomp. II, où il y a peut-être, un doublet Flora / Auge.
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
laquelle esclaves et affranchis d'esclaves et affranchis impériaux, avaient soin, notamment à travers leur nomenclature, de se rattacher à la personne prestigieuse de l'Empereur5. Nous avons déjà eu l'occasion de signaler que dans un certain nombre d'épitaphes, patron(s), affranchi(s) et affranchi(s) d'affranchi(s) sont indiqués, de telle sorte que la prééminence du premier patron trouve un véritable prolongement6. Si bien que, même s'ils apparaissent en tant que maîtres ou patrons, les affranchis, intégrés dans une sorte de pyramide des «déférences», mettent en fait au service de leur propre patron toute l'autorité qu'ils pourraient exercer en droit sur leurs serviteurs. De même, il y a des chances pour que, dans le cas où ils apparaissent eux-mêmes comme protecteurs de personnages qui sont leurs clients, ils jouent plutôt le rôle de «collecteurs de clientèle» au profit de leur propre patron; la fierté de la formule clientes habui multos qui figure dans l'épitaphe de Manlia T. L. Gnome7 ne doit pas faire illusion, à ce sujet. C'est que l'affranchi, malgré toutes les appa rences, n'est jamais présenté comme détaché de l'ensemble des individus soumis à la puissance du patron et ce n'est souvent que grâce à un artifice dans la nomenclature que le libertus et le liberti libertus peuvent, éventuellement, être dis tingués8. Une deuxième remarque doit nous faire mieux ressentir l'absence de personnalité réelle de l'affranchi au regard de l'éminente personne du patron : en effet, si le libertus, exceptionnelle ment, se voit reconnaître l'appellation de vir9, si
5 Cf. Chantraine, Freigelassene, p. 389-395. Weaver, Familia Caesaris, p. 207-211. Remarquable de ce point de vue, est l'inscription CIL, VI, 9010 : et libertis libertabiisque suis fiecit) item iis quos se vi(v)us manwnisit et in numerum libertorum ordinavit et collibertos suos fecit posterisque eorum. 6 En dehors des cas où la formule libertis libertabusque eorum est utilisée. Cf. notamment CIL, F, 1334 b = ILLRP, 823 - CIL, F, 1413 = ILLRP, 809 - CIL, F, 1332 = ILLRP, 928 - CIL, F, 1236 = ILLRP, 940, cf. aussi CIL, F, 3196. 7 CIL, F, 1218 = ILLRP, 982. 8 Cf. chapitre IV, L. I. 9 Alors qu'homo, comme pour les esclaves, est fréquem ment utilisé, y compris sur les épitaphes (cf. CIL, F, 12101212-1378).
des qualités particulières lui sont parfois concé dées, s'il est fait, rarement il est vrai, allusion à son ingenium, c'est-à-dire à un faisceau d'heureu ses dispositions naturelles (essentiellement dans le domaine intellectuel)10, il n'est jamais fait réfé rence à sa capacité d'initiative, à ses décisions, si ce n'est par Cicéron, mais dans un souci de dérision11. Jamais non plus il n'est fait mention d'une quelconque po testas légitime, propre au véritable homme libre. Tout au plus, Cicéron, dans le cas de Chrysogonus (qu'il décrit comme un véritable tyran12 plein de superbia™ et exerçant une véritable dominatio sans égale sur les citoyens)14 signale, une seule fois, la voluntas du personnage, contre laquelle personne n'ose s'élever15. Mais dans ce cas, il ne s'agit pas de l'exercice raisonnable et légitime de la volonté d'un homme libre, mais de la potentia insupportable - et mainte fois dénonc ée16- d'un individu qui, dans ce domaine, dépasse son propre patron.
10 Cf. Cicéron, Fam., XIII, 16, 4. Les principales utilisations du terme apparaissent dans des œuvres d'époque impériale (cf. Suét., Rhet., 3, A. Gelle, Ν. Au., VII, 3, Macrobe, Sat., I, II, 17-11, 7, 7). Sur le problème du genius de l'esclave G. Dumézi l, L'esclave romain et son genius, Mél. Senghor., Paris, 1977, p. 121-130. 11 Att., VIII, 10, 1 me nihil ab ipso invito contendere ... morem gessi (lettre de février 49, dans laquelle Cicéron expo seson attitude mesurée et libérale à propos de Γ« ingrat» Dionysius). 12 Sur ce thème, voir l'excellente analyse de V. Bucheit, Chrysogonus als Tyrann in Ciceros Rede für Roscius aus Arneria, dans Chiron, 5, 1975, p. 193-211. 13 Cf. Sex Roscio, 135 videtis ut omnis despiciat, ut hominem prae se neminem putet, ut se solum beatum, solum poten temputet. 14 Sex Roscio, 140 Servi nequissimi dominationem ferre. Quae quidem dominatio, indices. . . Il y a sans doute un rappel de cette idée dans plusieurs passages des Verrines visant ou Verres (I, XII, 35 - II, III, 155) ou Apronius (II, III, 228). n Sex Roscio, 60 esse aliquem in civitate, qui contra voluntatem eins dicere änderet. Dans Fam., XVI, 1, Cicéron utilise, à propos de Tiron, les termes de voluntas, consilium; mais ces mentions sont liées au plaidoyer que l'auteur développe, et qui est destiné à amener Tiron, absent et malade, à guérir et à reprendre du service. Ces termes ne sont donc pas utilisés de manière à exalter la personne du serviteur, mais jouent en rapport avec l'autorité du patron et en faveur de celui-ci. 16 Sur cette notion, cf. Hellegouar'ch, op. cit., p. 238-242 442-3. Cf. Sex Roscio, 6 (adulescens ve/ potentissimus hoc tempore civitatis nostrae), 35 {et audacia et potentia, is qui plurimum potest potentia pugnai), 122, (Nimiam gratiam polentiamque Chrysigoni dicimus et nobis obstare et perferri nullo
LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI Dans ces conditions, la seule possibilité dont disposent les affranchis pour affirmer leur exis tence et leur volonté objectives est offerte par les monuments et inscriptions funéraires : c'est là que les usages tolérés de velie apparaissent17, c'est là que ego, utilisé par des libertini, est employé18. Mais nous devons nous rappeler que c'est en rapport avec leur position de dépendants que les affranchis font allusion à leur arbitrates19. De même si les représentations qui accompagnent leurs tombeaux20 sont destinée à fixer définitive-
modo posse et a vobis, quoniam potestas data est. ..) 134 igratiam potentiamque eius neglegi). L'opposition potentia / potestas souligne bien le caractère illégitime et tyrannique de la puissance détenue par Chrysogonus. Mais en même temps, la liaison gratia / potentia laisse bien entendre que c'est à la faveur de Sylla que le personnage doit d'exercer ce pouvoir. 17 Cf. CIL, F, 1209-1210-1215-1218. ™CIL, F, 1209, 1218, 1334a. 19 Arbitrata, arbitratu libertorum {CIL, F, 1252-1371-16811918 etc.). 20 Exceptionnel est le cas de Flora, compagne de Pompeius Demetrius, (et sans doute affranchie) et dont la statue
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ment leur image personnelle, nous avons vu que leurs goûts, en ce domaine, sont très conservat eurs; si les reliefs que nous avons étudiés peu vent être intégrés dans un courant artistique «plébéien»21, le désir d'affirmation individuelle attribué par R. Bianchi Bandinelli à ce type d'œuvres nous paraît plutôt limité par leur indis cutable conformisme que souligné par la recher che d'une qualité d'expression singulière : port raits sculptés et elogia nous apparaissent, en définitive, plus comme des signes d'intégration et de relative passivité, que comme des indices d'une certaine agressivité à l'égard des goûts et valeurs illustrés par la majorité des ingénus.
aurait été placée dans le temple de Castor (cf. Plut., Pomp., II, 8, cf. Vessberg, p. 70-103) par Caecilius Metellus. Il n'est pas exclu que Plutarque ait confondu Flora et Auge; d'autre part, ne s'agit-il pas d'une statue de Pompée lui-même (cf. Plut., Caes., LVII, 6 - Brut., XVI, 2 - Suétone, Caes. 75)? Il n'y a sans doute aucun précédent à l'érection, sous Auguste, sur le forum de Praeneste, d'une statue honorifique de Verrius Flaccus, le célèbre grammairien (Suét., Gramm., XVII). 21 Cf. R. Bianchi-Bandinelli, Rome, le centre du pouvoir {Univers des Formes), Paris, 1969, p. 58-67.
LIVRE III
LES ASPECTS ÉCONOMIQUES DES RAPPORTS PATRON-AFFRANCHI
L'esclave est un serviteur destiné à accomplir des fonctions domestiques ou de production, au bénéfice exclusif du maître. Devenu libre, au plan juridique, il n'est en rien délivré, du fait de la manumission, de toute contrainte économique de la part de son patron. C'est que l'affranchissement fait de lui un débiteur, dont la dette ne s'éteint même pas avec la mort de son manumissor, mais est encore payable aux liberi de ce dernier. Cependant, lors de sa libération, et à condition qu'elle soit accomplie régulièrement, l'esclave cesse d'être une res appropriable pour devenir un individu doté de certaines capacités, au plan économique. En lui-même, du reste, l'affranchissement a été conçu comme un renoncement au droit de propriété du maître et donc comme une aliénation1, ce qui ne veut pas dire qu'au plan des faits, le libertus soit totalement dégagé des formes d'appartenance qui rat tachent un esclave à son dominas2. Mais désormais, l'affranchi de citoyen et de latin (il n'en est pas ainsi pour celui d'un pérégrin)3 bénéficie du ius commercii complet avec les autres citoyens : il peut ainsi accomplir des transferts de propriété, (mancipatio ou in iure cessio* à son profit ou à celui de tiers; il peut exercer un dominium ex iure Quiritium,
1
Cf. R. Yaron, Alienation and manumission, dans RIDA, 1955, p. 381-7. 2 Cf. Terence, Phormio 330. «J'ai pris mes dispositions pour qu'elle appartienne à Phedria en toute propriété : elle est affranchie», qui souligne que l'affranchi est considéré, en fait, comme appartenant au patron. Cf. aussi l'utilisation de possessifs, que nous avons signalée au chap. IV, du L. I. Mais même en l'absence d'un possessif, le terme libertus en luimême sous-entend un droit d'usage; ainsi, lorsque Cicéron a affaire à des affranchis qui lui appartiennent ou non et dont il utilise les services : Libertum Philonem misi (Fam., VIII, 8, 10). Phaeto libertus {AU., III, 8, 2). Aegypta liberto (Att., XII, 3, 7, cf. XIII, 3, 2). Philotimum libertum {Au., X, 7, 2). 3 Alors que, plus tard, la législation augustéenne concède le ius commercii aux latins juniens (cf. Cuq, Institutions juridi ques, p. 102). 4 Cf. Watson, Property, p. 16-21.
notamment sur des esclaves, faire un testament, nouer des obligations contractuelles dans le cadre d'une sponsio ou d'un contrat litteris5 (alors que l'affranchi de citoyen irrégulièrement libéré et celui de pérégrin n'exercent sur leurs biens qu'un droit de jouissance semblable à celui que l'esclave exerce sur son pécule)6. Cependant, le passage du peculium aux bona, et du service total aux operae dues par un homme libre, ne s'est pas opéré selon un processus immuable, tout au long des second et premier siècles; tout comme dans le domaine de la manumissio, considérée au plan strictement juridique, se dessine, dans le champ des obligations économiques pesant sur l'affranchi, une évolution importante, due aussi à l'œuvre du préteur. Cette évolution a eu pour effet que les droits patro naux, exercés d'une façon très lourde (sauf en matière testamentaire où, en théorie nous le verrons, la loi des XII Tables avait prévu un régime assez libéral), reçoi ventdésormais une définition relevant pleinement du ius et sont circonscrits dans des limites plus acceptab les. On doit, malgré tout, se demander si l'activité prétorienne, dont les effets se sont manifestés jusqu'à l'époque augustéenne, a suffi à garantir une autono mie réelle au libertus, dans le domaine économique; autrement dit, l'officialisation des droits du patron et de ses héritiers sur les operae et les bona acquis par l'affranchi, intestat ou non, et la garantie apportée à la valeur juridique du serment promissoire prêté par le nouvel affranchi n'étaient-elles pas de nature à maint enir ce dernier dans des conditions de dépendance étroite à l'égard de son ancien maître, même si le préteur Rutilius et certains de ses successeurs ont empêché que cette dépendance fût équivalente à celle que connaissait normalement un esclave? * Définition dans Watson, Obligations, p. 18-37. 6 A leur décès, leurs bona reviennent en totalité à leur maître (ou à ses héritiers testamentaires s'il s'agit d'un citoyen romain auteur d'un affranchissement informel, cf. Gaius, III, 56).
A - L'INTERVENTION DU PATRON DANS L'ACQUISITION ET LA DÉVOLUTION DES «BONA» DE L'AFFRANCHI
sieurs reprises de bona ingenuorum ou nobiliorum, présentés sur un plan social1. Enfin, si les droits reconnus à l'affranchi de citoyen romain, en matière de propriété, sont incomparablement plus considérables que la simple jouissance du peculium accordée à l'escla ve, il y a, le plus souvent, une véritable continuit é entre les deux réalités, le pécule pouvant constituer non seulement le moyen, pour l'escla ve, d'accéder à la liberté, mais aussi comme le noyau des bona du nouvel affranchi. Sex. Roscio, 141. Alors qu'aux operae liberti répondent, naturellement, les operae servi. 1
II semble légitime d'aborder cette étude des rapports économiques rattachant le patron à l'a ffranchi, par une enquête concernant les bona de ce dernier. Tout d'abord, alors qu'il a fallu attendre les interprétations prétoriennes du dernier siècle de la République pour que le régime des operae fût défini, c'est dès la loi des XII Tables, que les droits patronaux en matière de succession de l'affranchi intestat ont été affirmés. D'autre part, notons que la jurisprudence parl etoujours des bona libertorum, conçus, par làmême, en rapport avec le contrôle patronal, alors que Cicéron, par exemple, parle, à
CHAPITRE I
POUVOIR PATRONAL ET ORIGINES DES «BONA» DE L'AFFRANCHI
1 - L'ARRIERE-PLAN ÉCONOMIQUE DE LA MANUMISSIO a) La nature juridique du pécule servile. Il n'entre pas dans ce propos de retracer l'histoire du peculium, ni son évolution au long de la période envisagée. Soulignons, cependant, que, tout en gardant son caractère précaire, le pécule servile tend à prendre, surtout à partir de la fin du deuxième siècle, sous l'action du pré teur, une valeur autonome par rapport aux biens propres du maître1. Certes la volonté de ce der nier dans la concession du peculium reste fonda mentale, et dans plusieurs textes républicains, notamment la première définition donnée par Aelius Tubero, il est fait mention de la voluntas domini, du permissus domini2 concédé pour cha que opération séparée3. Mais tout en réservant en premier lieu ce qui, éventuellement, est dû au maître (et cette nuance implique que le retour même partiel du pécule au dominus n'est pas automatique), Tubero souligne nettement le caractère à part du reste des biens du maître
1
Cf. Cuq, Institutions Juridiques, p. 143-7. Berger, Dictionnary, p. 624. Remarques utiles de Staerman, Blütezeit, p. 113-4. Voir en dernier lieu, I. Buti, Studi sulla capacità patrimoniale dei servi, Naples, 1976. 2 D. 15.1.31.6 Alf. 2 Dig - D. 46.3.35 Alf. Varus 2 dig. a Paulo epit. 3 Sur ce thème, cf. Watson, Persons, p. 179-181. On peut se demander si, sous la République, la concessio administrationis, ayant valeur générale, était reconnue; malgré G. Micolier, (Pécule et capacité patrimoniale, Lyon, 1932, p. 515-9 (= Micol ier,Pécule), qui pense qu'elle était implicitement reconnue dans la concession même du pécule, on peut avoir des doutes, dans la mesure où aucun texte ne fait allusion à cette «compétence» générale.
qu'a acquis le pécule, sa définition pouvant être précisée grâce à Servius4. C'est au rapport du pécule avec le maître de l'esclave que se sont attachés les Veteres : la responsabilité du maître a été ainsi engagée jus qu'à concurrence de la valeur propre du pécule (diminué des «dettes» envers le maître) dans le cadre d'une aedo de peculio et de in rem verso, peut-être datée de la fin du second ou du tout début du premier siècle5, et dont un texte d'Alfenus Varus, ou de son maître Servius, prouve l'existence à la fin de la République6. Mais dans tous les cas, les intérêts du maître et de ceux qui sont placés sous sa potestas sont conservés à travers la réserve deducto quod domino debetur, deducto inde si quid domino debetur, deducto eo quod servus domino debuisset7; inversement, la
4 Cf.Gaius, IV, 73 «Le pécule est ainsi défini par Tubero (selon la référence de Celsus, au livre 6 des Digestes) : «ce que l'esclave avec la permission du maître, détient à part des comptes de celui-ci, déduction faite de ce qui est éventuelle ment dû au maître». (D. 15.1.5.4. Ulp. 29 ad ed.) «Le pécule doit être compté, déduction faite de ce qui est dû au maître, car on pense que le maître vient en premier lieu et a fait affaire avec son esclave». A cette définition, Servius ajoute: «et de ce qui est dû à ceux qui sont en sa puissance (du maître), puisque personne ne doute que ceci aussi soit dû au maître» (D. 15.1.9.2. et 3. Ulp. 29 ad ed.) (cf. De Zulueta, Institutes, p. 270/1). s Cuq, Institutions Juridiques, p. 406-8. Käser, RPR, I2, p. 505. De Zulueta, Institutes, p. 268-70. Mais Watson, (Obligat ions,p. 185) est réticent à l'égard d'une datation qu'il juge un peu haute. 6 D. 15.3.16 (Alf. 2 dig.). Sur ledit lui-même, cf. Lenel, Ed. Perpet., p. 273-5. 7 D. 15.19.2. Ulp. 29 ad ed. - D. 15.1.5.4. Ulp. 29 ad ed. D. 15.3.16. Alf. 2 dig.
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
possibilité d'une dette du maître envers l'esclave est totalement écartée, ainsi qu'un texte cité au chap. I, du L. I, et concernant un cas d'affra nchissement testamentaire, nous l'indique : Dominus servo nihil debere potuisset, selon une senten ce de Servius8. Mais la jurisprudence de la fin de la Républi que se fait l'écho de la latitude dont jouissait l'esclave dans la gestion du pécule; celui-ci pouv ait en effet prêter ou déposer de l'argent, prêter un objet, il est vrai éventuellement à l'insu du maître, ou même mettre en vente le pécule luimême - ce qui ne peut se faire encore que domino insciente9. Le pécule apparaît donc comme une entité particulière, relevant de comptes séparés de ceux concernant le patrimoine du maître, et pouvant donner lieu à des fraudes de la part de l'esclave10; il constitue une sorte de bien propre qui, au milieu du premier siècle, semble assez répandu pour que Cicéron11 désigne ainsi ce qui «appartient» à l'esclave, dans un passage où il est question de la servitus au sens moral, de la soumission aux passions12. Cette place «à part» semble d'ailleurs d'au tant mieux reconnue que, par exemple, Trebatius, l'ami de Cicéron, pense qu'une aedo depositi peut être intentée contre un affranchi qui détient encore un objet déposé auprès de lui, alors qu'il était encore esclave. Pourvu qu'il n'y ait pas d'autre aedo accordée contre lui, le nouv el affranchi - et non son patron et ancien maître - peut être poursuivi rétroactivement13.
* D. 35.1.40.3. Iavolen 2. ex post. Lab. Cf, D. 40.7.3.2. Ulp. 27 ad Sab. et le commentaire de Watson, Persons, p. 204-8, qui défend l'ingénuité du texte. 9 «Que ce que l'esclave a, sur son pécule, prêté ou dépo sé»(D. 46.3.35). «Le petit esclave de quelqu'un a prêté un plat (une magide)» (D. 12.6.36). «Que si un esclave, à l'insu de son maître, a vendu quelque chose faisant partie de son pécule, l'acheteur peut acquérir par usucapion (D. 41.3.34)». Cf. Watson, op. cit., p. 179, qui soutient que le texte n'est pas interpolé. 10 Cf. De Juglar, Du rôle, p. 21-30. " Cic, Parad., V, 2, 39. «Peut-on mettre en doute l'état de servitude de ceux qui, par leur désir illimité d'accroître leur pécule, ne refusent aucune des conditions de l'esclavage le plus dur?». 12 Cf. Costa, Cicerone giurisconsulta, I, p. 76. 11 D. 16.3.21 Paul 60 ad ed. «De plus, Trebatius estime que, même si quelqu'un a effectué un dépôt auprès d'un esclave
De même, à propos d'une somme prêtée, ou d'un dépôt effectué par un esclave sur son pécul e, Alfenus Varus pense que le débiteur peut être délivré en payant à l'esclave, même si celui-ci a été affranchi (ou vendu). En effet le maître est censé avoir approuvé le prêt ou le dépôt14. Ces deux sentences contenant des éléments rétroactifs nous indiquent déjà une voie selon laquelle le pécule peut avoir un prolongement dans la vie même de l'affranchi. Mais au-delà de ces exemples, sans doute assez répandus, l'analy se de nos sources indique que le peculium déter mine largement l'obtention de la liberté et se situe souvent au cœur même de la relation patron-affranchi. b) La liberté, un don le plus souvent payant. En effet, la liberté n'est pas un don gratuit; sans parler de la XXa libertatis qui, depuis 357 sans doute, impose le versement d'une taxe de 5% pesant sur la valeur de l'esclave à libérer15, et que celui-ci doit normalement acquitter16, le
et si, après son affranchissement, ce dernier détient toujours l'objet (du dépôt), c'est contre lui qu'il convient d'accorder une action, non à l'encontre du maître» (la fin du texte est sans doute interpolée). Cf. Watson, Obligations, p. 164-5. 14 D. 46.3.35. Alf. Var. 2. Dig. a Paulo Epit. «Que l'argent que l'esclave, sur son pécule, a prêté ou déposé, peut lui être, à bon droit, rendu, s'il est lui-même vendu ou affranchi, à moins que n'intervienne quelque motif qui puisse faire pen ser (au débiteur) que c'est malgré celui dont il était alors l'esclave, que le paiement serait effectué». Cf. Watson, Per sons, p. 180-1. '< Cf. T. Frank, Economie Survey, I, p. 37-79. 100-101. 338, et The Sacred Treasury and the rate of manumissions dans AJPh, LIII, 1932, p. 360-3. R. F. Rossi, Libertatis Vicesima, dans Diz. Ep., IV, 1953, p. 903-5. D.Danieli, A proposito della «Lex Manlia de Vicesima Manumissionum», dans SDHl, XIX, 1953, p. 342-3. En dernier lieu, Brunt, (Manpower, p. 549-550, «XXa liber tatis and aerarium sanctius») a clairement démontré qu'on ne pouvait plus, comme le croyait Frank, estimer le nombre des affranchissements inter vivos au premier siècle. En tout cas, A. Ofilius, selon Pomponius, fut l'auteur d'un commentaire aux lois concernant l'impôt du vingtième (sur la liberté et les héritages). Cf. Bremer, Jurisprudentiae, I, p. 351-2. 16 Sauf décision contraire du maître, cf. Vitucci, Libertus, p. 903. Selon Duff, (Freedmen, p. 29), la taxe est payée par le maître, s'il a l'initiative de l'affranchissement, par l'esclave, si c'est lui qui demande à être libéré. Ce paiement peut être ressenti comme un obstacle à la manumissio (cf. Cic, Au., II, 16, 1).
POUVOIR PATRONAL ET ORIGINES DES «BONA» DE L'AFFRANCHI pécule est le plus souvent retenu par le maître au moment de l'affranchissement17, à titre de dédommagement. Certes, en droit, le dominas exerce son droit de propriété, mais en fait, le prélèvement d'une somme sur son pécule, ou le reversement intégral de celui-ci, devait bien être ressenti par l'esclave comme un véritable échang e, un véritable paiement de sa liberté. Nous ne pouvons cependant pas savoir si, comme cela a été reconnu dans le droit classique, l'esclave suis nummis emptus, ou redemptus ut manumittatur, a bénéficié d'un allégement des devoirs pesant sur lui après son affranchissement18. En tout cas il n'est pas exclu que l'expression nemine unquam debui, figurant sur une épitaphe de Rome, ne se limite pas à souligner l'honnêteté ou le sens de l'économie de la défunte, mais laisse entendre que c'était de ses propres deniers que celle-ci avait acheté sa liberté19. Déjà, les comédies de Plaute et Térence20 avaient montré comment pécule et liberté étaient associés, dans le cas d'affranchissements inter vivos; et la fierté de Toxilus, qui a fait affranchir Lemniselenis, sa bonne amie, est révélateur des efforts entrepris par des esclaves pour acheter leur liberté ou celle d'êtres chers21. Remarquons au passage que, comme plus tard dans la Familia Caesaris, la femme, qui généralement n'a pas de métier déterminé (en dehors de la prostitution), a peu de possibilités d'avoir un pécule et dépend donc du bon vouloir de son maître ou d'un compa gnonpour accéder à la liberté22. 17 S'il n'est pas légué, il ne passe pas à l'affranchi, dans le cas d'une manumission testamentaire. S'il n'est pas retenu, il est laissé au nouvel affranchi, dans le cas d'un affranchissement «entre vifs» (cf. Erman, Servus Vicarius, p. 472 et n. 4). 18 Sur ce point, Bonfante, (Corso, I, p. 240), tout comme Watson (Persons, p. 235), reste dans le doute, en l'absence de texte formel. w CIL, P, 1218 = ILLRP, 982 («Nemine», sic). Plus ancienne ment, c'est peut-être la même fierté qu'exprime un personna ge du Poenulus de Plaute, parlant, en somme, au nom des affranchis qui se sont ainsi rachetés Quom argentimi pro capite dedimiis, nostrum dedimus, non tuum / liberos non esse oportet(v. 519/520). 20 Cf. Spranger, Untersuchungen, p. 67-8, cf. aussi Lucilius v. 893-5, Fado / Ad lenonem venio tribus in libertatem milibus / destinor. 21 Persa, v. 838/843. 22 Voir les remarques de J. Kolendo, Les femmes esclaves de l'Empereur, dans Actes du Colloque 1973 sur l'esclavage (Besançon), Paris, 1976, p. 401-416.
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En réalité, la gratuita libertas, conçue comme une attribution sans contrepartie de la liberté23, n'a sans doute pas encore été définie au plan juridique mais, dans les faits, ne semble qu'ex ceptionnellement réalisée24. Le pécule apparaît donc comme le moyen essentiel dont dispose l'esclave pour accéder à la liberté; et nous avons déjà indiqué (chap. Ill, L. I) que c'est à lui que Plaute ou Virgile25 associent l'espérance de liberté, la spes libertatis. C'est donc sur son pécule, et sur ce qu'il attend de son accroissement, que l'esclave con clut un pacte de liberté avec son maître, une pactio pro liberiate ou pactum ob libertatem, ainsi qu'un texte déjà cité, concernant une sentence d'Alfenus Varus26, nous le signale : il s'agit d'un cas où la somme entière exigée, comme prix de la liberté, a été payée par l'esclave, avant même sa libération. Par ailleurs, une sentence de Labeo implique le retour au pécule de l'esclave d'une somme constituant une partie du versement pro mis au maître dans le cadre d'une pacte de liberté, étant donné que le maître, décédé, avait accordé par testament la liberté et légué le pécul e.Pour Labeo, l'argent versé dans de telles conditions au maître, décédé depuis, doit être considéré comme un dépôt et reversé, dans le cadre du legs, au nouvel affranchi27. 2Î Sur ce point, cf. les remarques de G. Boulvert, (Domesti que et Fonctionnaire, p. 98-100), qui a raison de penser que la gratuité ne signifie pas le seul paiement de la taxe par le patron. Cette conclusion est confirmée, implicitement, par un passage du commentaire de Paul à l'édit du Préteur (D. 44.5.2.2. Paul 71 ad Ed.) Si servus promittat domino pecuniam ut manumittatur cum «alias» non esset manumissurus dominus; dans ce cas «autrement» peut renvoyer à la manumissio gratuite, opposée au rachat de l'esclave. 24 Cf. Plaute, Captivi, v. 408-498. Cf. aussi les cas d'affra nchissements opérés aux frais du leno (et malgré ce dernier évidemment) Cosina, v. 316. Cf. le cas de Lenaeus, affranchi de Pompée dont Suétone (Gramm., XV) nous dit : pretium suum domino rendisse, verum . . . gratis manumissus. 25 Asm., v. 541 aliquam habet peculiarem qui spem soletur suam. Bue, I, v. 33 Nee spes libertatis erat, nec una peculi. . . 26 Sur ces notions et leur développement sous l'Empire, cf. M. Jacota, Les pactes de l'esclave en son nom propre, RIDA, XIII, 1966, p. 205-230. D. 40.1.6. Alf. Varus, 4 dig. 27 D. 15,1,8,5, de pecul. «On leur demandait avec raison : si un esclave a conclu un pacte, avec son maître en vue de sa libération, et s'il a donné une partie de l'argent, et si, avant qu'il verse le reste, le maître est décédé, en ordonnant, dans son testament, qu'il (l'esclave) fût libre et en lui léguant son pécule : est-ce que la somme qui a été versée au maître doit
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
Soulignons d'ailleurs que, même lorsque les préteurs, sans doute au premier siècle, ont accordé à l'affranchi une exceptio onerandae libertatis, c'est-à-dire la possibilité de demander à ne pas observer les engagements qu'il aurait pu prendre et qui auraient pu contribuer à le maint enir dans un état de dépendance totale à l'égard de l'ancien maître28, les pactes de liberté n'ont bien entendu pas été compris, ainsi que Paul le précise29. En tout cas chez Plaute, comme plus tard chez Cicéron, s'opposent : d'une part l'esclave peculiosus qui possède les moyens d'acheter sa liberté, mais aussi représente un type de servi teurdigne de confiance, qualifié tantôt de probus (cf. Plaute, Rua., v. 112 Peculiosum esse addecet servom et probum) ou de frugi (Asm. v. 498 : Frugi tarnen sum nec potest peculium ennumerari); d'autre part, le mauvais esclave indigne de la liberté (Cas. v. 257-8 : Armigero nili atque improbo/Quoi homini hodie peculi nummus non est plombeus), tel Diognetus, l'esclave complice de Verres, enrichi, non pas honnêtement comme un esclave ayant amassé son pécule, mais par les vols pour lesquels l'autorité de son maître le couvre (Verr., II, III, 86 : Hic Diognetus, qui ex publias vectigalibus tanta lucra facit, vicarium nullum habet, nihil omnino peculi). être comptée dans le pécule? et Labeo déclare que cette somme a été déduite du pécule. Exactement, si l'esclave n'avait pas encore tout versé; mais, jusqu'à ce qu'il ait versé la totalité de la somme, l'argent a été placé en dépôt (auprès du maître); il doit être, selon lui (Labeo), considéré comme faisant partie du pécule (légué)». 28 Cf. D. 38.1.2. Ulp. ad ed., texte qui sera observé plus loin. Cf. D. 44.5.1.5. 29 D. 44.5.2.2. Paul 71 ad ed. «Si un esclave promet de l'argent à son maître en vue d'être affranchi, alors que ce dernier n'était pas disposé à l'affranchir dans d'autres condit ions, et s'il promet cette somme, une fois devenu libre, par une sponsio : on dit que Vexcepdo (onerandae libertatis) ne peut être opposée au patron s'il réclame en justice (la som mepromise); en effet, cette somme n'a pas été promise dans le but de grever la liberté». Sur ce texte cf. Macqueron, Le travail, p. 117-8. Remar quons qu'ici, contrairement à ce qui s'est produit dans le cadre des deux documents cités auparavant, le paiement est effectué non par l'esclave avant sa libération, mais par l'a ffranchi après celle-ci. Peut-on supposer que, dans le premier cas, on avait affaire à une initiative de l'esclave, dans le second à celle du patron? De même les conditions imposées aux statuliberi n'ont pas été comprises dans Y exceptio onerandae libertatis.
Mais pour bien mesurer le rôle capital joué par le peculium dans l'obtention de la liberté, nous devons rappeler la situation du statuliber qui, dès la mort du testateur (et que celui-ci lui ait fait don ou non de son pécule), se trouve, en ce qui concerne les sommes et les objets dont il dispose personnellement, dans une situation assez proche de celle d'un homme libre : ainsi si l'héritier lui enlève son argent comme un pécule d'esclave ordinaire, la condicio est, au moins sous l'Empire, mais peut être auparavant, remp lie ipso facto30. En tout cas, les interprétations des Veteres, parfois aux dépens du statuliber, mais peut-être dans un sens qui empêche toute absorption par Xheres, montrent que ceux-ci ont conçu le pécule du statuliber comme entité net tement séparée31, même si, devant tenir compte de l'intérêt de l'héritier, ils n'ont pas, nous l'avons déjà dit, systématiquement favorisé celui de l'esclave. On peut se demander du reste, si l'attention prêtée, en général, par le préteur, au pécule servile, n'est pas liée, pour une part, aux conflits nés de la multiplication des affranchissements testamentaires, directs et sous condition, ainsi qu'à celle des libérations informelles ou accomp lies par des peregrins : il semble probable qu'ayant à examiner les aspects financiers de la condicio imposée au statuliber, le préteur ait étendu sa tuitio au pécule de l'esclave ordinaire. c) Le legs du pécule Cette hypothèse semble d'autant plus justi fiée que l'usage consistant à léguer à l'esclave son pécule - que la liberté lui ait été ou non donnée directement - apparaît assez répandu, si l'on en croit les textes juridiques que nous avons déjà eu l'occasion de citer à propos de l'affra nchissement testamentaire (chap I, L. I32).
3U D. 40, 7,6,35 (Gaius, II, 200). 31 Cf. D. 40.7.39.2 (Iavolenus 4 ex post. Labeonis). D. 40.7.14. pr. (Alf. Varus, 4 dig.). 32 D. 15.1.8.5. de pecul. D. 32.8.22.1. Labeo 2 post, a Iavoleno epit. D. 32.29.4. Labeo 2 post, a Iavoleno epit. D. 33.8.14. Alf. Varus 2 dig. a Paulo ep. D. 33.8.15. Alf. Varus D. 40.1.6. Alf. Varus 4 Dig. Il faut ajouter D. 35.1.40.3 (Iavolen. 2 ex post. Labeonis), où le testateur donne la liberté plus une somme due par lui au pécule, ce dernier ayant été légué, cf. aussi D. 40.7.39.2.
POUVOIR PATRONAL ET ORIGINES DES «BONA» DE L'AFFRANCHI Notons qu'en matière de legs du pécule, les juristes de l'époque républicaine défendent plu tôt les intérêts de l'héritier, aux dépens de l'e sclave libéré directement ou du statuliber, adopt ant une position favorable au maintien des patrimoines. Retenons aussi que, malgré l'absence d'indi cations assurées, l'octroi de la liberté testament aire n'est pas lui-même assimilable à un legs. Même Paul33, qui rapproche la manumissio ex testamento du legs, ne parle jamais du legs de liberté. Gaius lui-même, évoquant la dilapidation des patrimoines à l'époque républicaine, et com meune conséquence indirecte de la loi des XII Tables, distingue bien legs et affranchissements. C'est que, sans doute dès l'époque de cette dernière loi, l'octroi de la liberté dépassait, con trairement au transfert des pecunia, ou à la dési gnation d'un tuteur, les prérogatives reconnues à un simple citoyen et devait recevoir une sanc tion officielle (et donc être intégré dans un testa ment, alors que ce n'est qu'ultérieurement que le legs et la datio d'un tuteur ont été admis à faire partie de celui-ci)34. En tout cas, la volonté, exprimée par le maît re, de retenir, ou de faire récupérer, par l'héri tier, le pécule, ou au contraire d'en gratifier l'esclave, représente un élément capital, dans le domaine de l'autonomie et des possibilités de réussite économique offertes au nouvel affranc hi. Ceci est d'autant mieux perceptible, que le peculium n'est plus, dès l'époque de Caton35 au moins, constitué uniquement de biens matériels, mais peut comprendre des esclaves, hommes ou femmes, qui sont, soit les remplaçants profes sionnels, soit les compagnes ou les enfants natur els des esclaves «ordinaires».
33 D. 50. 16. 80. 34«Mais autrefois il était permis de dilapider tout un patrimoine, en procédant à des legs ou à des affranchisse ments... Ceci, la loi des XII Tables semblait l'autoriser». II, 224. Cf. Cuq, Institutions Juridiques, p. 764-5. 35 Cf. Plut., Cato Maior., X, 6 : « L'un d'entre eux, du nom de Paccius, avait acheté trois enfants parmi les prisonniers». (Lors du gouvernement de Caton en Espagne). Ibid., XXI, 7 : «A ceux de ses esclaves qui le désiraient il prêtait de l'argent, avec lequel ils achetaient des jeunes gens, les formaient et les instruisaient aux frais de Caton, et les revendaient au bout d'un an». Sur ce problème, cf. G. Sicard, Caton et les fonctions des esclaves, dans RHDF, XXXIV, 1957, p. 177-195.
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Quelques textes nous laissent entrevoir la complexité des rapports d'intérêt établis entre les dépendants non-libres d'un même maître, ainsi que l'intervention de ce dernier, non seul ement dans l'exercice du droit de jouissance, mais aussi dans celui des prérogatives familiales de l'esclave même affranci. Désormais, avec le développement des familiae serviles, et l'utilisation croissante des escla vesdans les tâches domestiques, mais aussi arti sanales, commerciales ou même administratives, la liaison peculium-vicarii apparaît, au moins au premier siècle, tout à fait établie, ainsi que cer tains textes législatifs36 ou des passages cicéroniens nous le signalent37. Cependant, l'existence de vicarii faisant partie du pécule même38 de l'esclave est attestée, dès l'époque de Plaute; ainsi, dans XAsinaria, Stichus est l'assistant et esclave de Yatriensis Saurea. De même, dans le Persa, Toxilus et Lemniselene ont chacun leur esclave peculiaris auquel ils donnent leurs ordres. Tout comme dans le Poenulus, il est question des esclaves des esclaves du leno. d) Le pécule et les «vicarii» Or, d'une part, ces esclaves faisant partie du pécule de l'esclave ordinaire, et portant le titre de vicarii, peuvent, à leur tour, être titulaires d'un pécule, ce qui a posé aux Veteres de comp lexes problèmes de définition. Et c'est ainsi que, pour Labeo, la définition du pécule, donnée par Aelius Tubero, et que nous avons déjà citée, ne concerne pas les vicarii. Dans ce cas Labeo39 %t>ClL, F, 587 (lex Cornelia de XX quaestoribus) col. II, 25-30 Praeconibus quei ex hac lege ledei erunt, vicariimi dare his esto licetoque . .. «Qu'il soit conforme au droit et à la loi de donner des remplaçants aux crieurs qui seront recrutés en vertu de cette loi». 37 Cic, Verr., II, I, 93 Peculia omnium vicariique retinentur (les pécules et remplaçants de tous sont retenus de force). Verr., Il, III, 86 Vicarium million habet, nihil omnino peculi. («Il n'a aucun esclave remplaçant, absolument rien en fait de pécule»). 38 Sur ce thème, outre Erman, Servus Vicarius, p. 397-399, 405 voir Staerman, Blütezeit, p. 1134 et Weaver, Familia Caesaris, p. 200-223. 39 «La définition du pécule qu'a exposée Tubero, ainsi que le déclare Labeo, ne concerne pas les pécules des esclaves remplaçants, ce qui n'est pas vrai. Car, du fait même que le maître a constitué un pécule en faveur de son esclave, on doit estimer qu'il en a constitué un aussi en faveur de l'esclave remplaçant». D. 15.1.6. Celsus 6 dig.
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se fait sans doute l'écho de l'opinion des juristes républicains qui refusent de considérer que la concession du pécule s'étend automatiquement au vicarius, parce que celui-ci est, avant tout, considéré comme un conservas. En tout cas, une controverse rapportée par Ulpien montre que, pour Servius, non seulement les vicarii, mais leur pécule, font partie du pécule de l'esclave ordinaire40. Si bien que, lorsque l'esclave ordi naire a fait un pacte en vue de sa libération, il peut donner son propre esclave au patron41, et être ainsi remplacé dans les fonctions qu'il occu pait auprès de celui-ci. On voit bien que ce système consacre la prééminence du maître de l'ordinaire, qui, par dessus la tête de celui-ci, traite directement avec le peculiarìs et lui donne des ordres42. Cela est bien évidemment plus net lorsque le maître est «co-propriétaire», avec le titulaire, du vicarius de celui-ci43, ainsi qu'une sentence de Trebatius, rapportée par Labeo, nous en donne un exemp le44. Nous avons déjà examiné par ailleurs (chap. II, L. I) la question de l'affranchissement au nom de l'esclave; mais la possibilité, pour le maître, d'affranchir de lui-même le vicarius45 laisse entendre que les pouvoirs du titulaire n'étaient réels que dans la mesure où son dominus le permettait. D'autre part, parmi les esclaves inclus dans le pécule du titulaire, figurent éventuellement, nous l'avons déjà indiqué (cf. chap. II, L. II), la
40 «Mais ce que l'esclave ordinaire doit à ses remplaçants n'est pas déduit du pécule de l'esclave ordinaire, parce que leur pécule fait partie du pécule propre de celui-ci (et c'est dans ce sens qu'a répondu Servius); mais leur pécule est augmenté, à mon avis, par exemple si le maître doit (une somme) à son esclave (ordinaire)». D. 15.1.17. Ulp. ad ed. Sur ce texte, cf. Micolier, Pécule, p. 59. 41 D. 41,3,4,16 Paul 54 ed, cf. Kaser, Partus ancillae, p. 175. Erman op. cit., p. 434-5. 42 Cf. Horace, Sat., II, 7.9. Mais en fait, {Ordinarius n'a aucun pouvoir cœrcitif. 43 Cf. L'exemple de Caton, cité à la note (36). 44 D. 33.8.22.1 Labeo 2 post, a lavoleno epit. Cf. Erman, op. cit., p. 427 et 432 n. 3. 45 L'exemple de Publilius Syrus est tout à fait éloquent sur ce point, si l'on suit le récit de Macrobe, Sat., II, 7, 1. Même si l'on prend à la lettre le fait que l'auteur parle du «patron» «du maître» (ad patronum domini) du mime, cette préémi nencedu maître du maître ou du patron du maître traduit bien une habitude de traiter le vicarius, ou l'esclave de l'affranchi, comme un esclave du premier maître.
compagne de ce dernier ou même ses enfants naturels. D'où le rapprochement opéré par Varron46 entre conserva et peculium. Mais en fait, nous savons que la propriété de ces compagnes revient au maître. Si bien qu'en cas d'affranchissement de l'esclave titulaire, le patron pouvait les garder en servitude. Et même quand il faisait preuve de générosité, le souci des héritiers de conserver intact le patrimoine les poussait à s'opposer à d'éventuels legs de compagnes ou de compagnons (ainsi, Alfenus Varus prend une position favorable à l'esclave ordinaire, aux dépens de la veuve du testa teur)47. Parfois, la possession en commun du vicarius par l'esclave et par le maître pouvait entraîner des difficultés: le résultat d'une sentence de Labeo est que le vicarius, possédé en commun par le maître et l'esclave titulaire, devient la co-propriété, après la mort du testateur, pour trois quart de l'ancien titulaire libéré et auquel son pécule est légué, pour un quart à une affran chiedu mort. Or, l'intention de ce dernier n'était elle pas, tout en sauvegardant les intérêts de Yordinarius, de favoriser la libertà, dont le vica rius était peut-être le compagnon? La défense du pécule, dans ce cas, ne pouvait qu'accentuer la complication de la situation du vicarius4*. Ainsi, au travers du fonctionnement du pecu lium servile, nous avons pu relever le lien très étroit que celui-ci entretient avec la manumissio qu'il permet ou qui l'implique. Le fait que le remplaçant professionnel, mais aussi la compa gne voire les enfants de l'esclave à libérer, fas sent partie de ce pécule, offre l'occasion au patron ou de montrer sa générosité (et donc, à première vue, de bénéficier de la reconnaissance du libertus), ou au contraire, de retenir à titre de 46 «De telle sorte qu'ils aient un pécule et qu'ils s'unissent à des compagnes d'esclavage, qui leur donnent des enfants. Par là, ils deviendront plus sûrs et plus attachés au domain e».RR, I, 17, 5. 47 D. 33.8.15 Alf. Varus 2 dig. a Paulo epist. Cf. L. I, chap. II, p. 48, n. 57. 48 «Un maître avait affranchi par testament un esclave, qui avait avec lui un esclave commun, et lui avait légué son pécule, puis, dans un chapitre suivant avait légué le vicarius commun nommément à l'esclave titulaire et à sa propre affranchie. J'ai répondu (Labeo) que pour un quart le vica rius appartenait à l'affranchie et pour le reste à l'affranchi. Ceci était aussi l'avis de Trebatius». D. 33.8.22.1.
POUVOIR PATRONAL ET ORIGINES DES «BONA» DE L'AFFRANCHI gage compagne et enfants, sur lesquels il assume une autorité totale et dont il peut empêcher ou décider la libération. De même, nous l'avons dit, par l'intermédiai re du patron, la conserva peut être libérée par ce dernier, dont elle devient l'affranchie. Par la rétention partielle ou totale, ou par l'attribution du pécule, la situation du nouvel affranchi est donc fondamentalement transfo rmée : dans un cas, ses chances de réussite écono mique et familiale sont limitées; dans l'autre, il peut disposer d'un capital et reconstituer une cellule familiale fondée sur les liens du sang, mais marquée du sceau de la liberté. e) Liberté et «hereditas» nécessaire Enfin, n'oublions pas que les fondements éco nomiques de la manumission - exclusivement testamentaire - sont encore plus nets lorsque l'esclave, en même temps que la liberté, se voit reconnaître ou imposer la qualité d'hères necess arius49. Il s'agit d'un usage, sans doute institué au second ou au premier siècle, puisque Gaius qui expose l'institution la rattache à la procédur e de la bonorum possessio alors apparue (II, 152-4)50. Il permet à un citoyen qui pense mourir insolvable, et dont les biens sont destinés à être vendus à la demande des créanciers, de trans mettre ces biens à un esclave dont la personne sera déshonorée, alors que l'infamie épargnera la mémoire du testateur51 : l'esclave ne peut échapper à cette obligation52, mais la condition imperative est que son affranchissement soit prévu dans le testament53, car l'héritier ne peut ■" Sur cette notion, cf. Cosentini, Studi, I, p. 20. Manigk, RE, IV A, col. 672. Watson, Succession, p. 27-33 (qui pense qu'il n'y a peut-être pas eu de classification dès la Républi que en necessarii, sui et necessarii, et extranet). so Mais il s'agit peut-être d'un usage plus ancien, si l'on interprète dans ce sens un passage de Plaute (Poen., v. 839 Omnia edepol mira sunt ne si erus hune heredem facit). Cf. sur ce passage, Watson, Succession, p. 27. 51 Si l'esclave dont l'affranchissement a ainsi été prévu dans le testament, en vue de l'instituer hères necessarius, a été, entre temps, libéré «inter vivos», il échappe a l'obliga tion,car il devient alors hères extraneus (Gaius, II, 161 187-8); mais la pietas peut le pousser à accepter quand même une telle succession. 52 II ne peut donc être question à'aditio hereditatis, puis que le consentement n'est pas requis. 53 Gaius, II, 186-7. Sur le commentaire, cf. De Zulueta, Institutes, p. 71-2 - 100-102 et 140.
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être que libre et citoyen romain (ou latin); d'au tre part, la potestas exercée sur l'esclave doit l'être ex lure Quiritium, sinon l'affranchissement serait invalidé54. Si l'on suit l'exposé de Gaius55, le pécule de l'esclave doit être concerné par la vente et consi déré comme inclus dans les bona du défunt. En échange, il est vrai, le nouvel affranchi est dans la situation d'un orcinus et d'autre part, même au cas où les créanciers ne seraient pas total ement remboursés, il conserve ce qu'il acquiert par lui-même. Mais cette affirmation de Gaius doit être nuancée : tout d'abord, il est sûr que cette separano bonorum ne peut être antérieure à l'intervention du préteur, à la fin du second ou au premier siècle56. Mais l'on a mis en doute le caractère classique de ce passage57 et en tout cas il n'est pas du tout sûr que cette intervention du préteur soit antérieure à la Lex Aelia Sentia et à ses dispositions contraires à la manumission en fraude des créanciers58. Il n'est donc pas exclu
S4 Gaius, Institutes, II, 267. ss Gaius, Institutes, II, 153 «Est héritier nécessaire, l'escla ve institué héritier en même temps qu'il reçoit la liberté; cette appellation est due à ce que, qu'il le veuille ou non, de toute manière, à la mort du testateur, il est dorénavant libre et héritier». 154 «D'où l'usage suivant: celui qui a des doutes sur sa solvabilité, en même temps qu'il l'affranchit, institue son esclave héritier, soit au premier, soit au second, voire même à un degré plus éloigné, en sorte que si les créanciers ne reçoivent pas satisfaction, ce soient plutôt les biens de cet héritier que ceux du testateur même qui soient atteints, (c'est-à-dire que l'ignominie qui résulte de la vente des biens rejaillisse plutôt sur l'héritier que sur le testateur)». Cepend ant,Gaius, II, 155, ajoute...: «L'avantage suivant lui est concédé : ce qu'il acquiert après la mort de son patron, soit avant soit après la vente des biens, lui est conservé». Donc il paraît évident que ce qui a été acquis avant la mort du patron ou au titre du testament n'est pas réservé au bénéfice du nouvel affranchi. 56 Dans ce sens, De Zulueta, op. cit., p. 100-2. 57 Cf. la controverse entre S. Solazzi et A. Guarino dans A. Guarino, Gai II, 155 e il beneficium deliheres necessarius, dans SDHI, X, 1944, p. 240-266, où Guarino soutient l'ingénuit é du texte. 58 Nous avions interprété (chap. Ill, L I), D. 40.7.39.9. Iavolen. 4 ex post Labeonis, comme concernant un esclave mis en pignus. Mais on peut aussi bien penser que le testateur a voulu simplement sous-entendre que l'affranchissement ne pouvait avoir lieu que si le solde de la succession est positif, et que, sinon, l'esclave pouvait être aliéné au profit du créancier. Ce texte indiquerait assez que l'intervention préto rienne n'a pas encore eu lieu.
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que, au moins sous la République, l'esclave hères necessarius ait à payer sa liberté du prix de ses operae, jusqu'à épuisement éventuel de la dette contractée par son patron. Et de toute façon un déshonneur particulier pèse sur lui, sans que sa responsabilité soit autrement soulignée59. Remarquons que cette institution d'un hères necessarius peut concerner aussi l'esclave d'un tiers (à condition que ce dernier jouisse de la testamenti factio)60. Cependant dans ce cas, il n'est pas question que la libération d'un tel servus puisse directement être prévue dans le cadre du testament d'un individu qui n'est pas son maître. D'autre part, le iussum du maître est indispensable, pour que l'esclave puisse procé derrégulièrement à l'aditio; tout comme, si le maître avait été lui-même désigné comme hérit ier, il aurait pu accepter ou refuser Yhereditas61. En fait, ce genre d'affranchissement ne peut intervenir que dans le cadre de Xamicitia ou plus vraisemblablement des liens de clientèle. En tout cas, il s'agit d'une procédure qui, à l'évidence, et en dehors de la volonté propre du nouvel affranchi, accentue le caractère tout-puis sant de l'action patronale et détermine, dans un sens socialement - et financièrement - défavorab le, l'accession à la liberté d'un ancien esclave, sans doute peculiosus. 2 - L'AFFRANCHI HÉRITIER OU LÉGATAIRE DU PATRON Les exemples ne manquent pas d'affranchis bénéficiant, soit seuls, soit à titre de cohéritiers, de Yhereditas de leur patron. a) L'affranchi héritier partiel de son patron Cicéron nous indique ainsi le cas d'un affran chi62anonyme dont le patron était un chevalier romain, P. Trebonius, mort en 7563, alors que 59 Sabinus a sans doute réagi contre ce procédé, mais Gaius rejette sa position (II, 154). 60 Gaius, II, 185-189-190. 61 II s'agit d'une mesure protégeant normalement l'aut onomie du domimis, cf. Watson, Succession, p. 27-8 - p. 163-4. 62 Verr., II, I, 1234. Cf. la discussion dans Watson, Success ion,p. 77-9 (voir aussi Genzmer, Fideicommis, p. 335-6 sur tout). 63 Cf. Nicolet, Ordre Equestre, II, n°356, p. 1047-8.
Verres était préteur urbain. Comme le frère du défunt avait été proscrit par Sylla et mis sous le coup de la Lex Cornelia de Proscriptione, de 82 avant Jésus-Christ, le testateur avait laissé plu sieurs héritiers, hommes de confiance, parmi lesquels l'affranchi en question(vz'ros bonos et honestos complures fecit heredes; in Us fecit suum libertum) et leur avait demandé que chacun, sur sa part, réserve la moitié, pour la donner à ce frère proscrit, A. Trebonius. Or seul l'affranchi, fidèlement, jure : Libertus iurat . . . Libertus nisi ex testamento patroni iurasset, scelus se facturum arbitrabatur indique Cicéron, avec quelque em phase. Cependant, les autres héritiers, invoquant justement la Lex Cornelia, refusent de jurer et font appel au préteur, qui confirme leur droit de propriété {dot his possessionem), alors qu'il refu sece droit à l'affranchi (possessionem hereditatis negat se daturum). Sans s'arrêter aux éclats de Cicéron, qui oppose la fidélité de l'affranchi et la modération collective de Yordo (libertinorum), à la décision inique de Verres, remarquons que l'on ne peut prouver que la Lex Cornelia ellemême ait prévu une telle éventualité64. Ainsi, Watson soutient qu'il s'agit plutôt d'une décision ad hoc relevant peut-être d'un édit général Quibus non competit possessio; il rapproche la sen tence de Verres d'une mesure prise peu après par Q. Metellus65, aux dépens d'un leno, Vecillus, peut-être un affranchi, qui revendiquait la pos sessio secundum tabulas testamenti de la succes siond'un certain Vibienus. Valére Maxime66 lais seentendre que c'est par respect pour l'honorab ilité du défunt (honesto vitae genere) que le magistrat aurait refusé la possessio à un homme de mauvaises mœurs : quia fori ac lupanaris separandam condicionem existimavit. Mais peut-on invoquer un tel souci à propos de la décision de Verres? De même, l'on ne peut penser que le seul statut de l'affranchi ait suffi à l'écarter de Yhereditas d'un chevalier. En réalité, et malgré les remarques de Watson concernant le sens
64 Cf. les doutes de Watson, Succession, p. 78-9, sur ce point; contrairement à Bolla, Aus römischen und bürgerlischen Erbrecht, Vienne, 1950, p. 33/4. 65 Sans doute, Q. Caecilius Metellus Creticus, à condition de placer sa preture en Ti/12. Plutôt que Metellus Celer préteur (mais pas urbain) en 63. 66 VII, 7, 7.
POUVOIR PATRONAL ET ORIGINES DES «BONA» DE L'AFFRANCHI extensif de patronus, qui peut englober des pro ches du titulaire des iura patronatiis, le texte de Cicéron semble indiquer que l'affranchi avait deux patrons : le défunt et le proscrit {ne posset patronum suum proscriptum iuvare, simul ut esset poena quod alterius patroni testamento obtemperasset) Or, en droit, le patron proscrit ne pouvait plus disposer des iura patronatiis67 : en prêtant le serment exigé par le défunt, l'affranchi manifest ait donc ouvertement, en même temps qu'une fidélité remarquable, son intention d'aider, mal gré tout, un «hors la loi», ce qui constituait un délit passible des sanctions édictées par la Lex Cornelia. La décision de Verres apparaît donc comme normale, même si d'autres motifs per sonnels ont pu intevenir aussi. En tout cas, et malgré la référence faite par Cicéron à Yordo (libertinorum) et au statut du personnage (Equiti Romano tarn locupleti libertinus homo sit heres), il n'y a aucune preuve qu'il y ait eu, au premier siècle, un interdit concernant les affranchis en tant que tels, ni que l'arrêt de Verres ait eu un caractère autre que régulier et ponctuel. D'ailleurs, Cicéron lui-même nous cite d'au tres cas d'affranchis héritiers de leur patron: ainsi en 58, Nostius Zoilus, cohéritier avec Cicé ron, de son patron68, et en faveur de qui une lettre de recommandation est adressée à Appuleius. Plus tard, en 45, il est question d'un autre affranchi, anonyme, cohéritier encore de Cicéron et de Sabinus Albius69. Un autre exemple intéressant concerne un certain M. Fulcinius, affranchi du premier mari de Caesennia, épouse de A. Caecina, et qui, à la mort de celle-ci, en 69-68, est fait héritier pour deux soixante douzième70, le mari héritant le reste. Certes, la part d'héritage peut sembler, dans ce cas, symbolique. Mais il ne s'agit que
67 Ainsi que nous l'indique Alfenus Varus (D. 48.22.3. Alfen. Lib. I epit. Traduction, p. 328, n. 92). Donc, celui qui a subi une capitis deminutio et a perdu le droit de cité ne peut transmettre à ses liberi les droits qu'il exerçait sur ses affran chis;à plus forte raison, le citoyen déchu perd-il lui-même ces droits (dans ce sens, Cosentini, Studi, IL p. 118-126). 68 Farn., XIII, 46. 69 Att., XIII, 14, 1. 70 Pro A Caecina, 17 «Elle fait héritiers, pour onze douziè meset demi A. Caecina, et pour deux soixante douzièmes M. Fulcinius, affranchi de son premier mari». C'est par erreur que Staerman, Blütezeit, p. 158, parle d'un sixième laissé à l'affranchi.
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d'un affranchi d'un premier mari71; et, surtout, nous saisissons le fait qu'être héritier, même mineur, d'un patron est le signe d'une grande distinction (on relè vera ainsi que Cicéron marque sa considération en n'indiquant pas le surnom du personnage). C'est ce que déjà l'évocation de L. Nostius, qui patroni iudicio ornatus esset, et qui est qualifié d'hominem probum permettait de supposer. C'est encore à d'excellentes relations qu'il faut penser à propos d'un texte juridique dans lequel il est question de cohéritiers, les droits d'un affranchi sur une part de Yhereditas étant niés par Trebatius, mais reconnus par Labeo72. Dans un autre passage du Digeste, sont mention nés deux co-affranchis, dont l'un est fait héritier (total ou partiel?), l'autre légataire (ce qui indi que que la succession est positive) de leur patron : selon Alfenus, les biens hérités ou légués entrent dans les bona respectifs des deux indivi dus,et non dans la societas73. Enfin, il n'est pas exclu que C. Caecilius C. 1. Isidorus, dont la fortune est citée par Pline com mefabuleuse, ait bénéficié d'une part d'héritage laissée par les Caecilii Metelli, selon l'hypothèse ingénieuse de Treggiari74. Dans ces divers exemples encore, on peut voir que la désignation du libertus comme héri tier est indissociable de la bonne qualité des rapports avec le patron, jugée évidemment par ce dernier. b) L'affranchi héritier unique du patron La force du lien entre patron et libertus est encore plus remarquable lorsque l'affranchi est fait héritier unique. Ainsi, à en croire Pline75, un certain P. Catienus Philotimus se serait jeté dans le bûcher de son patron alors qu'il avait été heres omnibus bonis institutus : on peut penser que dans ce cas, 71 II est cependant possible qu'il s'agisse d'un esclave dotal, apporté par la femme, affranchi par le premier mari, mais ayant suivi son ancienne maîtresse. 72 D. 28,5,21 pr. (cf. notre L.I, chap. I). Il est exclu qu'il s'agisse d'un heres necessarius. 73 D. 17,2,71,1. 74 NH, XXXIII, 175. Le lien que l'auteur établit entre M. Caelius M. LPhileros (CIL, X, 6104 = /LS, 1945) et Caelius Rufus, Cic, Cael 73, (cf. Freedmen, p. 239) n'est pas à rejeter, a priori, puisque les deux personnages sont liés à la province d'Afrique. 75 NH, VII, 122.
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le patron n'avait pas d'héritier direct et que les relations devaient être exceptionnellement étroi teset confiantes entre les deux personnages (patronum adeo dilexit). Il en est sans doute ainsi, toujours selon Pline76, de Geganius Clesippus qui, acheté, puis affranchi, par celle qui en avait fait son amant, en devint l'héritier, certainement unique, puis qu'il devint praedives (receptus in torum, mox in testamentum). On peut encore penser à des rela tions affectueuses dans le cas d'une hereditas mentionnée par Trebatius et Labeo : ici encore, il s'agit de patrons qui n'avaient pas de fils légitime ou de sui pouvant leur succéder, ce qui explique en partie la faveur qu'ils ont accordée à leur affranchi77. Mais il n'est pas exclu que des affranchis particulièrement influents et habiles aient usé de leur position pour recueillir l'héritage de leur patron. C'est ce que semble indiquer Cicéron, à propos de Eros Turius78, affranchi de Q. Turius, le negotiator, selon une lettre adressée à Cornificius, en mars 43, l'affranchi aurait «capté» (aux dépens des sui?) Yhereditas de son patron; c'est pourquoi Cicéron, pour son propre compte ou celui de proches s'estimant lésés, demande à son correspondant de veiller sur l'affaire. S'agit-il de réclamer une possessio contra tabulas au bénéfice de parents et alors que l'a ffranchi a recueilli toute la succession? ou d'évi terque ce dernier puisse jouir de Yhereditas dont il serait au moins l'un des bénéficiaires (mais non le seul)? Même si, dans cette circonstance, nous ne devons pas oublier les besoins d'argent ressentis par Cicéron, il semble que l'appétit de certains
76 NH, XXXIV, 12. 77 D. 28.8.11. Iavolenus 4 ex post Labeonis. Rappelons que Solazzi (Diritto ereditario, I, p. 20-21), suivi sans doute par Kaser (Patronatsgewalt, p. 94-5), a défendu l'hypothèse que la plus ancienne manumissio aurait eu pour but de donner un hères au paterfamilias qui en était dépourvu. 78 Fam., XIII, 12, 6 «L'essentiel de ma recommandation est que tu ne permettes pas qu'Eros Turius, l'affranchi de Q. Tur ius, accapare, comme il l'a fait jusqu'ici, l'héritage de Turius, et que, dans toutes les autres circonstances, tu considères que je te les ai particulièrement recommandés». La nomenclature à elle seule, avec le surnom indiqué en premier lieu, montre que le personnage n'est pas en faveur auprès de Cicéron.
affranchis, tentant de devenir les seuls héritiers d'un patron privé de fils, soit une réalité relativ ementrépandue. Pour Horace, si l'on en croit l'apostrophe de Damasippus, à propos de Staberius, l'affranchi pourrait bien, à la rigueur, jouer le rôle d'un fils. Mais ailleurs, le conseil donné par Tiresias à Ulysse est éclairé par l'évocation de la position qu'un affranchi peut occuper auprès d'un vieillard affaibli et dont Ulysse doit se faire l'allié, et surtout par celle de l'heureux résultat auquel l'hypocrisie de l'esclave, affran chi et institué héritier, a abouti. Rien ne manque au tableau, ni l'évocation du malheureux sodalis Dama, ni l'érection du tombeau, ni les funérail les éclatantes79. C'est dans le même sens que semble conduire un passage de Phèdre dans lequel un affranchi pousse son patron à tuer son fils afin de devenir l'héritier80. On peut se demander si dans ce lieu com mun, qui apparaît précisément dans l'œuvre d'un fils d'affranchi et celle d'un libertus, n'entre pas une part de critique sociale à l'encontre d'une pratique qui, de la part de certains patrons, visait à transmettre une partie ou la totalité de leurs biens, voire les sacra familiaria à des alumni, ou des enfants naturels d'esclaves etc . . . aux dépens parfois des membres ingénus de leur propre famille. Cette critique est reprise
79 Sat., II, 3, ν. 122-3 : «Ces biens, est-ce pour qu'un fils, ou même un affranchi institué héritier, les engloutisse, que tu les gardes jalousement, ô vieillard détesté des dieux?». Sat., II, 5, ν. 234 : «Je te l'ai déjà dit et te le répète : grâce à ton astuce, capte en tout lieu, les testaments des viei llards»; v. 70-3 : «En plus, je te recommande vivement ceci : si, par hasard, une femme malhonnête, ou un affranchi, dirige à sa guise un vieillard qui n'a plus sa tête, fais en sorte de devenir leur associé, fais leur éloge, afin qu'ils te couvrent de louanges quand tu es absent»; v. 99-101: «Quand il t'aura délivré d'une longue servitude et d'un long tourment, et que, sûr de ne pas rêver, tu entendras, que pour le quart, Ulysse soit mon héritier ... ». 80 « Certain mari, qui aimait beaucoup sa femme, et prépar aitdéjà une toge virile pour son fils, fut circonvenu, en secret, par son affranchi, qui espérait devenir bientôt son seul héritier ... ». Mais la morale est sauve puisqu'Auguste punit le «mauvais» affranchi, dont le patron s'est, entre temps, suicidé III, X, v. 11. Cf. Juvénal, II, 58 : «On sait bien à la suite de quelles manœuvres frauduleuses Hister a rédigé un testament en faveur de son affranchi». Lieu commun qui a perduré sous l'Empire.
POUVOIR PATRONAL ET ORIGINES DES « BONA» DE L'AFFRANCHI par des auteurs qui vantent par ailleurs l'un, l'esprit d'épargne de son père81, d'autres, le déta chement des affranchis en général82, et qui veu lent rompre avec le monde servile dont ils sont issus. Mais sans minimiser les avantages que des affranchis de confiance pouvaient retirer, en recevant Yhereditas (ou une partie de celle-ci) de leur maître, n'oublions pas que souvent, surtout quand ils étaient institués seuls héritiers, ces liberti rendaient au patron un service signalé, en lui assurant sa dernière demeure et en prenant sur eux la charge des sacra familiaria. Nous avons déjà indiqué (chap. I, L. II) qu'un certain nombre de monuments funéraires dédiés à des patrons ont été érigés ex testamento, en application du testament de ces derniers83; le terme a'arbitratu(s), qui apparaît le plus souvent en complément de la première formule, laisse entendre que le patron s'en est remis à des serviteurs de confiance; mais on peut aussi pen ser que ceux-ci ont, en toute liberté, exercé leur droit de refuser ou d'accepter la succession et que c'est volontairement, en l'endossant, qu'ils ont, soit seuls, soit collectivement, accompli la dernière volonté du patron84. Cette insistance nous invite donc à distinguer nettement le cas de ces liberti de bonne volonté et celui d'affran chis dont la largesse est due au fait qu'ils ont été libérés pour devenir heredes necessarii85. D'autre part, si l'on considère que, dès avant le milieu du troisième siècle, les sacra privata
81 Horace, Sat., I, 4, ν. 107-108 «Puisqu'il m'exhortait à vivre avec économie, avec la plus grande simplicité, en me contentant de ce qu'il avait amassé pour moi». Cf. Odes, II, XVI, v. 13-14: «II peut vivre agréablement, celui qui voit briller sur son humble table la salière qui a appartenu à ses ancêtres ». 82 Ch P. Syrus, (545) : «Pour l'homme honnête, une réputat ionsans tâche est le plus grand des héritages». (75): «La bonne opinion qu'ont (de toi) les hommes est le capital le plus sûr». (223): «La frugalité est la misère assortie d'une bonne réputation». (254): «Une bonne réputation est le patrimoine d'autrui». (504): «L'aptitude de l'âme à tout sup porter recèle des richesses cachées». Ici tout le vocabulaire concernant la richesse ou les biens matériels est transféré au plan moral. " CIL, F, 1252 - 1276 - 1595 - 1681 - 3019. 84 CIL, P, 1252 - 1371 - 1681 - X, 8222 - cf. Horace, Sat., II, V, ν. 105/106 »arbitrio» cf. note 90. « CIL, P, 1276 - 1591 - 2131 +2132 a.c.= ILLRP, 947.
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tombaient sous la responsabilité, non des memb res de la famille du défunt, mais en première ligne sous celle de l'héritier même externe86, il est vraisemblable que les affranchis distingués par leur patron avaient à supporter les charges concernant ces sacra, sous la surveillance des Pontifes. Et Plaute87 laisse entendre, à deux reprises, que ces charges sont très lourdes; elles font d'ailleurs l'objet d'un proverbe que rapporte Festus88, mais qui devait avoir cours à la fin de la République. Certes, il existe des moyens, à cette époque, pour tourner cette disposition contraignante89, mais on imagine mal la pietas d'un affranchi passer aux yeux de l'opinion publique après son intérêt90, surtout lorsque le patron était en même temps son père ou époux91. Faut-il croire, par ailleurs, que lorsque il était lui-même un affranchi, il ait imposé à ses propres liberti, qui pouvaient être ses anciens compagnons - vicarii - une telle charge?92. c) L'affranchi légataire de son patron Enfin le libertus pouvait être tout simplement l'objet d'un legs particulier. Cette possibilité, évoquée dans un texte juridique commenté pré cédemment93, concerne, par exemple, une som-
86 C'est Cicéron (De Leg., II, 49) qui rapporte les change ments intervenus en 254 sous le pontificat de Tib. Coruncanius, cf. Käser, Altrömische lus, p. 339-340 et le commentaire de Watson, Succession, p. 4-7. 87 Captivi, ν. 775 : sine sacris hereditatem sum aptus ecfertissumam. Trinummus, v. 484 : cena hac annona est sine sacris hereditas. 88 «(Un héritage sans culte) est une expression proverbial e; autrefois, non seulement les cultes publics, mais aussi les cultes privés étaient assumés avec le soin le plus Scrupuleux; celui qui était institué héritier, héritait des cultes au même titre que des biens; de telle sorte qu'il était mis dans l'obliga tion de prendre en charge le culte (familial) avec le plus grand zèle ». s.v. hereditas. 89 Sur ce point, voir Watson, Succession, p. 6-7. 90 Cf. le passage, si souvent cité, d'Horace, (Sat., II, 5, v. 105-107) : Sepulcrum / permissum arbitrio sine sordibus extrue / funus egrege factum «landet vicinia». (cf. chap. I, LU). 91 Ainsi, CIL, I2, 1-252 : Arbuscula est vraisemblablement la compagne de C. Atrius C. F. Vot. 92 Cf. CIL, F, 1212 - 1371 - 1591 - X, 8222. 93 D. 17.2.71 (Paul 3 epit. Alfeni dig) déjà cité un peu plus haut dans ce même chapitre.
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me d'argent94. Mais il est remarquable qu'un tel legs puisse porter sur le vicarius (ou une partie de celui-ci) de l'esclave Ordinarius95. Un tel pro cédé, de portée limitée, a sans doute pour but de récompenser un serviteur fidèle, mais qui n'oc cupe pas une place suffisante pour être associé à Xher éditas elle-même. CONCLUSION II apparaît donc que, soit par un legs, soit surtout par désignation testamentaire, au rang *4 Cf. CIL, I2, 1703 = IX, 471 = ILLRP, 825, où le défunt est lui même un affranchi Isque familiam manwnisit pecuniamque [legavit? reliquit?]. Il est possible que l'affranchissement ait eu lieu en vertu même du testament. D'autre part, s'agit-il uniquement des esclaves en général du défunt, ou de sa famille naturelle également? 9S D. 33.8.22.1. (Labeo 2 post, a Iavoleno epit.) Ipsum vicarium nominatim et ipsi et libertae suae legaverat. (Cf. L. I, chap. I).
d'héritier, le patron avait le moyen, lié à sa seule voluntas, d'augmenter les capacités financières réelles ou de régulariser la vie de famille de tel de ses affranchis. Cependant, notre appréciation, fondée sur des témoignages concordants, mais assez épars, ne doit pas nous conduire à conclu re à une générosité systématique de la part de patroni aisés. D'une part, Vhereditas pouvait - en dehors du cas où elle était «nécessaire» - s'a ccompagner de contraintes financières dans le domaine funéraire et religieux. D'autre part, et une fois encore, nous devons dépasser les seules définitions juridiques et souligner que certains des patrons testateurs étaient eux-mêmes des affranchis, ou des parents naturels de leurs libert i. Enfin, ne négligeons pas la possibilité que les avantages économiques ainsi offerts venaient sans doute, dans bon nombre de cas, compléter ou prolonger les relations économiques et les transferts de bona réalisés du vivant du patron.
CHAPITRE II
LE CONTRÔLE EXERCÉ PAR LE PATRON SUR LES «BONA» DE L'AFFRANCHI (DU VIVANT DE CE DERNIER)
L'examen des sources, en particulier juridi ques, nous indique que le libertus ne peut dispo seren toute liberté des biens qu'il a acquis et qui sont devenus sa propriété. C'est ainsi qu'au cas où il est mineur, ou bien s'il s'agit d'une affranchie mariée sine manu, le patron exerce d'office le rôle de tuteur. Et d'une façon général e, l'œuvre du préteur, à partir de la fin du second siècle, a tendu à accorder au patron des moyens d'éviter que des actes de prodigalité excessive viennent entamer la masse des acquis, des bona sur lesquels il pourra directement, ou par l'intermédiaire de ses liberi, exercer ses droits, à la mort de l'affranchi. 1 - Les privilèges légaux reconnus au «patronus» Ce sont les plus anciens, puisque les uns remontent à la Lex XII Tabularum, les autres à la Lex Cincia datant de l'extrême fin du troisième siècle. a) Pouvoir patronal et tutelle légitime1 La loi des XII Tables dispose que la tutelle légitime sur les affranchis impubères et les
1
Sur ce thème, voir notamment : Bonfante, Corso I, p. 176192. Duff, Freedmen, p. 46-7. Cuq, Institutions Juridiques, p. 206-7 - 218-221. Buckland, Textbook, p. 145-7. Cosentini, Studi, I, p. 216-222. Watson, Persons, p. 118 - 1234 - 139140-153. De Zulueta, Institutes, p. 44-52. Treggiari, Freedmen, p. 79-80 (sommaire). Rien à tirer de M. J. Casado Candela, La tutela de la Mujer en Roma, Valladolid, 1972.
affranchies (sauf dans le cas d'un mariage cum manu) incombe aux patrons; c'est ce qu'indique sans équivoque Gaius. L'origine de cette tutelle, qui revient aux patrons et à leurs héritiers légit imes, est conçue par celui-ci, non comme devant être trouvée dans la loi elle-même, mais comme découlant du< régime concernant la succession des affranchis et les droits patronaux, dans ce domaine, établis par la loi. Ce serait donc une interprétation des Veteres qui aurait tiré de la Lex une disposition qui semblait y être implicit ement incluse. Cet historique est confirmé par Ulpien. Ainsi, pour les juristes de l'époque répub licaine, en vertu de la loi des XII Tables, les agnats étant appelés à la succession et à la tutelle des ingénus, le patron et ses liberi devaient normalement jouir de cette prérogative auprès des affranchis mineurs ou des affran chies2. 2 « En vertu de cette même loi des XII Tables, la tutelle des affranchies et des affranchis impubères revient aux patrons et aux descendants libres de ces derniers. Cette tutelle s'appelle aussi tutelle légale, non pas parce qu'elle a été définie précisément par cette loi, mais parce qu'elle a été reçue, à l'issue d'une interprétation, comme si elle avait été établie par la lettre de loi. Du fait même, en effet, que la loi avait stipulé que les successions des affranchis et des affran chies, morts intestats, seraient attribués aux patrons et à leurs descendants libres, les «anciens» (juristes) ont pensé que la loi avait entendu que les tutelles leur incombent aussi, parce que (la loi) avait disposé que les agnats qu'elle a appelés à la succession fussent aussi chargés de la tutelle» (Gaius, Inst., I, 165). «On appelle tuteurs légaux, ceux qui tirent leur position de l'application d'une loi; . . . sont appel és,(tuteurs) légaux ceux qui ont été établis en vertu de la loi des XII Tables, soit manifestement, tels les agnats, soit indi-
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Remarquons qu'en tout cas à la fin de la période républicaine, ce système de tutelle sur d'anciens esclaves faisait exception à la règle générale exigeant que les tuteurs fussent pubèr es: les liberi impubères du patron pouvaient être appelés à la tutelle légitime d'un(e) affranchi(e)3, malgré les difficultés que cela impliquait, puisque les liberi ne pouvaient agir sans le con sentement de leur propre tuteur4. Notons que sous l'Empire, avec la Lex Aelia Sentia qui fixe l'âge normal d'affranchissement d'un esclave à trente ans, la tutela ne devait concerner que les femmes, alors que les affranchissements de mineurs ne rencontrent aucun obstacle légal, nous l'avons vu, sous la République. Cet appel aux liberi, majeurs ou non, découle vraisembla blement des droits de patronat eux-mêmes, qui ne concernaient que le patronus et les liberi de celui-ci, et non ses agnats5. A quelle date, cette interpretatio des Veteres est-elle intervenue? Vraisemblablement avant la fin du troisième siècle6. En effet, en 210 avant Jésus-Christ, sans doute, fut votée une Lex Atilia de tutore dando1, qui permet au préteur et à la majorité des tribuns de fournir un tutor à celui qui en était dépourvu8, tout d'abord à Rome même : l'extensions aux provinces n'eut lieu que du fait de la Lex Titia de tutela étendant aux gouverneurs de province la datio tutoris9 en 99, puis de la Lex Iulia de tutela (d'époque césarien-
rectement, ainsi les patrons» (Tit ex corp. Vip., XI, 3). Gaius (I, 192 : Sane patronorum et parentum legitimae tutelai) préci se bien l'analogie, théorique, établie entre les deux formes de tutelle légitime. 3 Cf. Gaius, Instit., I, 179: «Effectivement, le fils du patron, même s'il est impubère, devient tuteur de l'affran chie,bien qu'il ne puisse lui donner son autorisation dans aucun cas, étant donné que lui-même n'a la permission de rien entreprendre sans l'autorisation de son tuteur». (Cf. Ulp., Corp. ex tit., XI, 20-22). 4 Cette difficulté demeura sous l'Empire, bien que la Lex Iulia de m.o. ait apporté des améliorations, en ce qui concer ne la constitution de la dot (cf. Gaius, I, 178, TiL ex corp. Ulp. XI, 20). 5 Watson, Persons, p. 118, η. 1. 6 Bien que la définition des genres de tutelles soit inte rvenue plus tard: Gaius (I, 188) nous dit que Q. Mucius, Servius Sulpicius et Labeo ont procédé à une telle classifica tion. 7 Rotondi, Leges Publicae, p. 275-6. « Gaius, I, 185. 9 Rotondi, op. cit., p. 333.
ne ou de 32 avant Jésus-Christ?)10 qui en éten dait l'application et qui lui est associée dans le commentaire de Gaius11. En tout cas, la création des tutores Atilianl·2 ne peut être que consécuti ve à la création du droit légitime (en fonction de la loi des XII Tables) du patron à la tutelle sur l'affranchi mineur ou l'affranchie. Nous savons par ailleurs, grâce à Tite Live, qu'en 186, la Lex Atilia avait déjà cours puisque, au sujet de Fecennia Hispala, l'historien nous dit que : Quin eo processerai «consuetudine capta», ut post patroni mortem, quia in nullius manu erat, tutore ab tribunis et praetore petito, cum testamenturn faceret, unum Aebutium institueret heredem (XXXIX, 9, 7). Donc l'affranchie, n'ayant pas de patron13, ni n'étant soumise à la tutelle légitime de liberi de ce dernier, a demandé, afin de tester en faveur de son jeune amant14, qu'un tuteur lui fût attribué en vertu de la Lex Atilia, qui était déjà d'une application courante. C'est par une faveur toute particulière que le Sénat accorde à cette même Fecennia la tutoris optio15, qui consti tue un privilège réservé à la femme mariée cum manu, à laquelle son mari pouvait léguer le droit de choisir son tuteur16. Il semble que le Sénat ait voulu ainsi honorer la dénonciatrice du «comp lot des Bacchanales», en l'élevant implicite ment, et malgré ses antécédents peu recommandables, au rang des matrones. Mais on peut aussi penser que le même Sénat, ayant accordé à cette femme le droit d'épouser le jeune Aebutius, d'a scendance équestre, ait voulu qu'une dot pût être constituée; or celle-ci ne pouvait l'être qu'avec l'accord d'un tuteur, mais d'un tuteur désintéress é, et prêt à suivre le désir de Fecennia Hispala d'avantager son futur époux.
10 Rotondi, op. cit., p. 439-440. Il semble qu'un écho puisse en être retrouvé dans le § 109 de la loi dVrso. " I, 185-195. 12 Voir Bonfante, Corso, p. 421-2. u Qe celui-ci fût décédé ou qu'il fût adopté (cf. Gaius, I, 195b). 14 Sur Aebutius, cf. Nicolet, II, p. 757-9. Peut-être Tite Live force-t-il un peu la note; dans son désir de rendre convenab le Fecennia, il nous montre une courtisane qui, au lieu de prendre de l'argent, en donne, ce qui paraît exceptionnel (cf. Chap. II, L. II). 15 T. Live, XXXIX, 19, 5. 16 Selon deux modalités: optio plena, optio angusta, cf. Gaius, I, 150-155.
LE CONTROLE EXERCE PAR LE PATRON SUR LES « BONA» DE L'AFFRANCHI C'est donc postérieurement à cette date, que le mécanisme de la Lex Atilia (qui prévoyait qu'en l'absence de patron ou de liberi de celui-ci, ou dans le cas d'une patronne, la tutelle devait être assumée sous le contrôle des autorités publiques) a été modifié et que, notamment, le droit a été reconnu au patron de céder, avec l'autorisation des magistrats, in iure, la tutelle des femmes à un tiers17. Dans ce cas, lors de la mort du tuteur cédant ou du cessif, le processus de désignation créé par la loi continuait à jouer18. Soulignons par ailleurs, que la patronne n'a aucune vocation à la tutelle de ses affran chies19. D'autre part, le mariage sine manu de l'affranchie ne suffisait pas, nous l'avons déjà indiqué20, à faire disparaître la tutela. En fait, ce sont les lois Iulia de M. O., de 18 avant JésusChrist, et Papia Poppea de 9 après Jésus-Christ, qui ont permis à l'affranchie dotée du tus 4 liberorum21 d'échapper à la tutelle quelle qu'elle fût, même testamentaire22. Enfin, dans le cas de co-patrons, si l'un d'eux mourait sans laisser de liberi, la légitima tutela passait au(x) patron(s) survivant(s)23. Quelles pouvaient être les conséquences pra tiques de ces dispositifs? Tout d'abord, dans le cas des affranchis mineurs, on peut affirmer que la tutelle ne const ituait qu'un état passager; mais il devait y avoir moyen, pour le patron, d'influencer la composit ion et l'évolution des bona du jeune libertus. Tenons compte, cependant, du fait que la posi tion de patron-tuteur pouvait se confondre avec celle de père naturel, ce qui pouvait déterminer, évidemment, une attitude désintéressée de la part du patronus. Dans le cas d'une affranchie, la tutelle ne s'arrête pas avec sa majorité et n'intéresse pas la
17 Gaius, Instit., I, 168 - Mais la tutelle sur les mineurs ne peut être cédée. 18 Gaius, /hsîiî., I, 169-170. 19 Gaius, Instit., I, 195. 20 Cf. Chap. II, L. II. Watson, Persons, p. 21-3. 21 Mais ce droit était reconnu à l'affranchie mère de trois enfants, mais pourvue d'un tuteur «atilien»; ce qui la mettait au rang des ingénues, dans ce domaine. Cf. Gaius, I, 194. 22 Cf. Gaius, I, 145 (cf. I, 194 et IIL 44). » Gaius, I, 58-9 - 195 c.
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seule personne du patron direct24, mais concer ne aussi les liberi de ce dernier. Les fils de patrons sont associés à cette tutela, et sont pla cés en position de faire respecter leurs intérêts, non seulement par rapport à leurs propres libertae, mais aussi par rapport aux libertae paternae, sans doute parce que l'on a considéré le fait que la loi des XII Tables associait les liberi au patro nusdans la succession des affranchis intestats, mais peut-être aussi parce que l'on a tenu compt e du fait que l'affranchissement, représentant une aliénation diminuant les droits des héritiers, donc des liberi au premier chef, méritait une compensation. On peut imaginer, en tout cas, quelles diffi cultés, sauf dans le cas où les droits d'époux et de patron-tuteur étaient confondus, une telle situation pouvait créer dans la vie matrimoniale et l'activité économique d'une affranchie25. Tout d'abord, contrairement à ce qui se passait pour les autres femmes in tutela26, l'affranchie ne pouv ait contracter librement27 un mariage même sine manu sans l'autorisation du patron. D'autre part, comme toutes les femmes placées sous l'autorité d'un tuteur, elle ne pouvait promettre une dot sans l'autorisation de ce dernier; en règle générale, le patron devait avoir intérêt, même dans le cas de mariages sine manu, à limiter cette possibilité : la générosité d'un patron qui avait aimé, puis affranchi, et enfin marié et doté une de ses esclaves ne représente qu'un cas exceptionnel28 dans ce domaine. Enfin, l'affranchie ne pouvait procéder ni à une stipulatio29, ni à une mancipatio (donc à un affranchisse ment)30 sans intervention patronale. 24 Ceci est encore plus vrai lorsqu'il s'agit d'une patronne, nous l'avons indiqué un peu plus haut. " Difficultés de caractère permanent et même exorbi tant: en effet, le legitinuts tutor d'une affranchie ne peut être remplacé en cas d'absence, (alors même que cette possibilité a été reconnue aux autres femmes en tutelle Gaius, I, 173), car les droits du patronat ne disparaissent pas avec l'absence du patron ou de ses liberi. 26 Cf. Cic, Pro A. Caecina, 25.73. 27 Nous avons déjà évoqué ce point au chap. IL L. II. Cette obligation de recourir à l'autorisation du patron était peutêtre intégrée dans le serment promissoire (cf. Watson, Per sons, p. 149). 28 Appien, BC, IV, 24. 29 Cic, Pro A Caecina, 25.72. 30 Cic, Pro Caelio, 68 - cf., Persons, p. 152. Il n'est donc pas exclu que les affranchi(e)s d'un homme et d'une femme
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N'oublions pas - et cela découle de la Lex XII Tabulamm même31 - que les capacités de tester dont dispose l'affranchie sont limitées, nous y reviendrons; le patron possède des moyens de contrôle, dans ce domaine, supérieurs à ceux qu'il exerce à l'égard de ses liberti. Et nous avons vu que Fecennia Hispala avait été obligée de demander un tuteur «Atilien», dans le but même de faire un testament32. Etant donné les limitations qu'une telle tutel le entraînait, l'affranchie (et à un degré moindre, le mineur-affranchi) jouissaient-ils de moyens légaux ou juridiques leur permettant d'être pro tégés contre les excès auxquels le tuteur-patron pouvait se livrer? Ceci paraît douteux, dans la mesure où, même sous l'Empire, les possibilités de recours étaient très étroites. C'est ainsi que contrair ement aux autres femmes placées sous tutelle, la libertà ne peut demander le changement de son tuteur, au cas où celui-ci est muet ou devient fou33. Il est sans doute exclu qu'elle ait eu la possibilité de se défendre par les moyens qui, postérieurement à la loi des XII Tables, ont été offerts par le préteur: actio de rationibus distrahendis, qui prenait effet à la fin de la tutelle (mais passer de la tutelle directe du patron à celle des liberi devait être perçu comme mar quant une continuité), postulano suspecti tutoris, qui concerne seulement la tutela testamentaria et non la tutelle légitime34 (seule l'affranchie ayant épousé son patron et dotée par lui d'un tuteur testamentaire, en l'absence de liberi, peut dispo ser de cette actio), actio tutelae, enfin, attestée au temps de Q. Mucius35, mais qui était infamante et donc ne pouvait être intentée contre le patron, ainsi qu'il ressort de l'attitude de princi pe du préteur à l'égard de telles procédures36. relevés dans nos documents épigraphiques aient pu, dans certains cas, être libérés par un patron et sa libertà ni que, éventuellement, le patron ait pu s'introduire indûment dans un patronage, qui normalement n'aurait dû concerner que l'affranchie elle-même. 31 Cf. Gaius, III, 43. 32 Tite Live, XXXIX, 9, 7. 33 Gaius, I, 180 et 181. 34 Malgré Cuq, Institutions Juridiques, p. 218, qui, implici tement, rattache cette actio à la Lex Atilia et à la Lex lidia. Cf. Watson, Persons, p. 139-145. 35 Cic, De off., Ill, 70. 36 Cf. chapitre III, L. IL
II paraît donc que l'affranchi(e) sous tutelle est placé sous la dépendance très stricte du patron ou de ses héritiers, qui peuvent limiter son action dans le domaine économique : en particulier, le rachat ou l'affranchissement de compagnons d'esclavage (ou d'enfants naturels nés avant la libération de leur mère) pouvait être contrôlé de très près par le tuteur-patron qui disposait ainsi, nous l'avons déjà signalé, d'un redoutable moyen de pression, le mettant sans doute à l'abri des velléités d'indépendance de son serviteur. Enfin, rien ne saurait mieux montrer l'absen ce d'autonomie du libertus ou, surtout, de la libertà, dans ce domaine, que l'évolution même de la tutelle: tant qu'elle a été conçue comme lucrativa, c'est à dire essentiellement sous la République, elle est restée l'apanage du patron (alors que l'affranchi, sans qu'il y ait eu d'empê chement légal, semble avoir exercé de façon exceptionnelle sa tutelle sur les enfants mineurs du patron); tandis que sous l'Empire, la tutelle, étant considérée de plus en plus comme une charge, a été peu à peu intégrée dans les obliga tionsque l'affranchi devait assumer vis à vis du fils du patron, sous peine d'accusatio ingrati liberti31. b) Les donations accomplies par l'affranchi en faveur du patron38 Dès la fin de la deuxième Guerre Punique, en 204, le tribun M. Cincius Alimentus, à l'instiga tion de Q. Fabius Maximus, fit voter un plébiscit e39, qui répondait à un désir de remise en ordre économique et visait à ralentir un processus de paupérisation engagé au cours des récentes hos-
37 Sur ce point, l'ensemble des textes d'époque sévérienne collectés par Cosentini, Studi, I, p. 218-222 ne laisse aucun doute. 38 C'est un problème que, curieusement, Watson n'a abor déni dans Persons, (dans le chapitre consacré aux Freedrnen), ni dans le chapitre consacré à la donatio, dans Property, p. 229-232. 39 Sur la loi elle-même, voir Rotondi, Leges Publicae, p. 261, et, surtout, Casa vola, Lex Cincia, qui donne une analy se exhaustive de la question. Voir aussi : Staerman, Blütezeit, p. 73. Watson, Law Making, p. 130 (sur le caractère plébiscit aire).Michel, Gratuité, p. 209-2 (sur les innovations apport éespar cette loi, notamment, l'introduction de la notion de donatio dans le droit romain).
LE CONTROLE EXERCE PAR LE PATRON SUR LES « BONA» DE L'AFFRANCHI tilités40 et touchant un grand nombre de clients. La voie avait d'ailleurs été ouverte par le plébis cite Publicien de 209, qui avait réduit les mimera dûs par les clients à leurs patrons, lors des Saturnales41. La Lex Ciucia de donis et muneribus, lex imperfecta*2, interdit les dons faits aux avocats lors des plaidoiries43, mais surtout interdit les donations supérieures à une somme que, malheureuse ment, les Fragm. Vatic. 298 à 30944, qui nous donnent le commentaire le plus fourni, n'indi quent pas. Mais la lex prévoit un certain nombre de personae exceptae, en fonction de liens entre cognati ou adfines, ou du tutor qui tutelam gerit. La première difficulté à résoudre porte sur l'inclusion des patrons parmi les personae except ae, celles qui peuvent recevoir des dons illimités (de la part de leurs liberti). Nous devons partir du texte lui-même45. Le premier paragraphe pose de redoutables problèmes d'interprétation, puisqu'au-delà des leçons des juristes de l'époque impériale, nous devons essayer de retrouver les dispositions pri mitives du plébiscite. En effet, Paul pense que si quis a servis concerne les affranchis. Alors que Sabinus, avant lui, croyait que cette expression
40 Sur la politique Fabienne, cf. Casavola, op. cit., p. 21-25. 41 Texte donné par Macrobe, Sat., I, 7, 33. 42 Buckland, Textbook, p. 254-6. 43 Cic, AU., I, 20, 7. 44 Cf. Cosentini, Studi, I, p. 218-222. 45 «307 De même (la loi) stipule "si quelqu'un reçoit (un don) de ses esclaves ou de ceux qui servent à titre d'esclaves, qu'il puisse donner". Dans l'expression "si quelqu'un, de ses esclaves", le terme "esclaves" désigne principalement les affranchis, de telle sorte qu'ils puissent donner. Par les te rmes suivants, il est stipulé que celui qui sert, de bonne foi, à titre d'esclave, si par la suite, il reçoit la liberté, peut donner aussi à celui qu'il a servi. Sabinus pense que les deux expressions désignent les affranchis et qu'il y a donc répéti tion. 308 : De même. Mais c'est seulement le patron qui est "excepté" par l'affranchi. Certains pensent que les descen dantslibres du patron sont "exceptés" aussi, puisque l'affran chi est désigné par l'appelation "esclave" et qu'il en est de même dans cette loi que dans la loi des XII Tables où les descendants libres du patron sont désignés par le terme de "patron". "exceptés" 309 : De par même. les patrons? Est-ce qu'inversement La solution que les affranchis nous adoptons sont est la suivante : ils ne paraissent pas être exceptés, de telle sorte que la loi leur permette de donner et de recevoir». Girard-Senn, Textes, p. 537-8.
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et la suivante quique pro servis servitutem servierunt faisaient en quelque sorte double emploi et désignaient deux fois les liberti par rapport à leurs patrons. Nous ne voulons pas reprendre ici toutes les exégèses subtiles qui ont vu le jour à propos de ces deux désignations : esclaves et affranchis? affranchis et liberi bona fide servientes? quelles catégories d'individus sont-elles désignées exac tement par le texte? Pour Casavola, le dernier et principal auteur intéressé, la loi aurait concerné les servi propre mentdit et les anciens servi, les affranchis: le parfait servierunt indiquerait, selon lui, des indi vidus dont la servitude, considérée comme appartenant au passé, a pris fin46, et il est exclu que l'expression servitutem servierunt puisse en quoi que ce soit contenir une allusion aux hom mes libres bona fide servientes, puis libérés47. C'est une position que nous ne pouvons sui vre, parce qu'il apparaît difficile que, surtout à une date aussi haute, les esclaves aient été reconnus aptes à donner ou à exécuter un munus, au sens juridique du terme. Nous devons tout d'jabord préciser le sens des deux termes donatio et munus indiqués dans le titre même de la loi48. Il semble que la distinc tion entre les deux notions n'ait pas été toujours clairement saisie, ainsi que Marcien lui-même nous le précise49. Cependant, un essai de défini tiona été fait par Labeo50 : le munus apparaît donc comme une espèce déterminée de donum, dans la mesure où il a une cause et semble imposé par des liens ou des événements particu-
46 Cf. op. cit., p. 69 et 40, où il discute le sens de l'expres sion servitutem servire, qui désignerait exclusivement la situa tiondes esclaves. 47 II s'oppose ainsi directement à Cosentini, op. cit., I, p. 76. 48 Rapporté par Cic, Orat., II, 71, 286 et par Arnobe, Ad Nationes, II, 67. 49 D. 50.16. De Verb, signif. 214 Marcian : «Mais en gros, on en est arrivé à ce que certains munera soient appelés donum, et que ce qui a été (autrefois) donum soit appelé correcte ment munus». 50 « Entre donum et munus, il y a la même différence qu'entre le genre et l'espèce. En effet, Labeo pense que donum, du verbe donare, est le genre, et munus, l'espèce; car munus c'est un don qui a une cause, comme, par exemple, le cadeau d'anniversaire ou le cadeau de mariage». D. 50.16 De verb, signif. 194 Ulp.
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liers. Il s'agit d'un don ou d'un cadeau imposé par l'usage, alors que le donum (et donc la dona no)a un caractère plus désintéressé51. C'est ce qu'indique aussi un passage de Varron (L L, V, 179 : Munus quod mutuo animo qui sunt dant «officii» causa)', il est évident que, dans le cadre des rapports patrons-affranchis, le terme a'offi· cium implique un caractère d'obligation, qui pèse sur le dépendant et non sur le patron. Or une glose de Festus, citant un fragment de Plaute, nous montre que la loi a eu un retentiss ement immédiat52. Malheureusement, nous ne pouvons savoir la qualité du personnage qui prononçait cette sentence, mais on ne peut exclure53 qu'il s'agisse d'un individu d'origine servile, et il serait explicable que seul les munera soient mentionnés. Le théâtre de Plaute contient d'ailleurs des indications concernant des dons faits par des esclaves, sans doute sur leur pécule. De même, dans le Phormio de Térence, Davos raconte qu'il a remboursé une somme à son «ami» l'esclave Geta, afin que celui-ci puisse faire un cadeau à la nouvelle femme du fils de son maître. Et Davos d'évoquer la perspective offerte au malheureux Geta d'être remis à contribution lors d'une nais sance, des anniversaires de l'enfant etc ... au bénéfice de la mère54. Il semblerait que l'on puisse conclure de ce texte - et des textes précédents, que, pour les dépendants, les donationes ont pris nettement la
51 Ce que confirme Marcien, au début du passage cité à la note 49 « Munus, au sens propre, désigne la charge que nous assumons par obligation, en vertu de la loi, de l'usage ou de l'autorité de celui qui détient le pouvoir d'ordonner. Les dona, au sens propre, sont des prestations qui sont fournies non sous la contrainte du droit, mais par sentiment du devoir et spontanément». 52 «On a appelé loi relative aux munera, la loi par laquelle Cincius a interdit à quiconque de recevoir un munus. Plaute "Ni de la loi sur les cadeaux, ni de la loi sur l'entremetteur, qu'elle ait été ou non l'objet d'une rogatio, je ne me soucie guère". Festus, Lindsay p. 143». " Michel. Gratuité, p. 485-6 n'a peut-être pas tort, cepend ant,de penser que le début du texte de Festus fait référen ce à une interdiction concernant les magistrats. Mais on ne peut accorder un total crédit à la formulation d'une interdic tion absolue par Festus. 54 V. 39-40 - 46-49. Spranger, Untersuchungen, p. 69 a sans doute raison de penser qu'il s'agit, de toute façon, de dons obligatoires, dans un contexte typiquement romain. Cf. Epidicus, v. 639 - Pseudolus, v. 775-6 - Menaechmi, v. 1009-1010.
forme de munera55 et que, d'une certaine façon, après le vote de la loi les esclaves étaient eux aussi concernés. Il ne nous paraît cependant pas admissible d'inclure, au moins au plan juridique, les escla vesdans le champ d'application de la loi Cincia. Car, malgré Casavola56, ce que nous avons dit du peculium ne permet pas de croire que l'esclave ait pu donner, à plus forte raison au deuxième siècle, ce dont son patron était régulièrement déjà propriétaire. Nous trouvons d'ailleurs une confirmation de notre réserve dans un avis d'Alfenus Varus : celui-ci emploie munus comme précision de donavif, on remarque d'autre part l'indication que l'esclave en titre ne peut «donner» l'intégralité du puer mais seu lement la part qui correspond à ce que possède de lui-même ({Ordinarius) le maître marié, L'esclave n'ap paraît donc même pas comme libre de disposer de son pécule, sinon la discussion n'aurait pas eu lieu d'être. Et il n'est même pas exclu que le texte primitif ait compris une clause [puerum comparavit et utrius· que iussu.. .] montrant que l'initiative du servus, par rapport aux maîtres, était nulle57. Si bien que, si dans les faits, sur incitation ou ordre de leurs maîtres, les esclaves peuvent pré lever à titre de munera sur leur pécule, il est exclu qu'ils aient pu procéder à des donationes régulières. D'autant que, dans la liste des cas cités au Frag. Vat. 298-306, ne figurent que des individus libres et proches parents. Enfin, on
55 Sur ce point, nous rejoignons les conclusions d'ensemb le de Michel, op. cit., p. 491-2, qui montre que le donum concernerait une donatio principaliter facta, destinée à inau gurer l'établissement de liens entre deux personnes (cf. ibid., p. 282-3), alors que les munera proprement dits intervien draientdans la chaîne de rapports déjà constitués et entraî nantdes dons à caractère obligatoire. Dans cette perspective, il apparaît que dans le cas des affranchis les munera qu'ils offrent au patron ne font que répondre au beneficium que constitue l'octroi de la liberté et consacrent des rapports (de dépendance) déjà établis. 56 Op. cit., p. 109-1 14, à propos de D. 15.3.7. Ulp. 29 ad ed. Et ideo et si donaverit servus domino rem peculiarem, actio de in rem verso cessabit, et sunt ista vera. 57 D. 24.1.38 pr. Alf. 3 dig. a Paulo epit. «Un esclave com mun, appartenant au mari et au frère de celui-ci, a donné un esclave à l'épouse du frère : il répondit qu'en proportion de l'appartenance de l'esclave (qui a fait le don), au mari, le don n'avait pas été fait à la femme». Watson, Property, p. 231.
LE CONTROLE EXERCE PAR LE PATRON SUR LES « BONA» DE L'AFFRANCHI doit s'étonner qu'on puisse envisager que des esclaves aient pu se dessaisir volontiers d'une part de ce pécule qui leur servait de moyen pour acquérir leur liberté58. Ainsi, la seule issue possible c'est que, dans le texte de la Lex Cincia, la terme servi signifie en réalité les «affranchis», ce qui semble rappelé par Frag. Vat. 308 quoniam libertus continetur servi appellatione; mais il faut accepter, cette fois, l'heureuse conjecture de Casavola59, concernant l'acception de continere. L'expression servis libert i continentur60 ne signifierait pas que le terme servus, i aurait englobé les affranchis en plus des esclaves, ce qui était notamment la position de Mommsen61 (qui en concluait qu'à cette épo que les affranchis ne bénéficiaient que d'une liberté de fait). Mais cette expression veut sans doute dire que servi désigne uniquement les affranchis62. Une dernière remarque pourrait renforcer notre position, c'est qu'en droit classique, les donationes et munera des affranchis sont toujours associés aux operae et à Yofficium. Et c'est en rapport avec eux que la Lex lidia et Papia en dispense l'affranchi ayant deux enfants sous sa puissance63. On peut se demander si, au même titre que les operae, la promesse de munera
58 On n'oubliera pas que, même sous l'Empire, le filins placé sous la potestas de son père, et auquel la gestion du pécule a été concédée, n'a pas la possibilité de procéder de lui-même à des donations (D. 39.5.7. pr. Ulp. 44 ad Sab.). On ne peut manquer, par conséquent, d'en tirer un argument de plus en faveur de notre opinion. 59 Op. cit., p. 70-1. 60 ρ rag yat., 307, cf. 308 libertus continetur servi appellatio ne. 61 Cf. Lambert, Operae, p. 71-2, qui y voit l'indication, qu'à la fin du troisième siècle, la potestas patronale avait une telle force, qu'elle aurait engendré «un état de sujétion absolue». 62 Rom. StaatsR., III, p. 428, n. 1. On doit donc rejeter la position de Cuq, op. cit., p. 524, qui pense que l'exception concerne les esclaves, et qu'elle n'aurait été étendue aux affranchis que par la jurisprudence, par Sabinus en particul ier. La jurisprudence de l'époque impériale n'envisage d'ail leurs que le cas des donations entre affranchi et patron (cf. Frag. Vat., 272 - Casavola, op. cit., p. 82. Lambert, Operae, p. 12 et n. 2). Macqueron, Le travail, p. 117, remarque justement, que les donations n'ont lieu qu'à titre de promesse, au moment de l'affranchissement, et sont réalisées après celuici. Or ceci vaut pour l'époque impériale où, pourtant, le pécule servile a reçu une autonomie de fait, qu'il n'avait sans doute pas à la fin du troisième siècle. 63 Cf. D. 38.1. de operis liberi., 37 Paul pr. cf. le commentair e de Michel, Gratuité, p. 488.
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ne pouvait entrer, et ce dès avant l'époque augustéenne même, dans le cadre du ins iurandum liberti. Il est probable que ces munera font partie des libertads causa imposita signalées par Ulpien à propos des réformes de Rutilius64, qui font l'objet d'un serment à caractère purement religieux, alors que l'esclave n'a pas encore reçu la liberté, et qui ne reçoivent une sanction civile qu'après son affranchissement65; ainsi se trouverait justifié l'emploi du terme servi, ainsi que le fait que le fils du patron ait été lui aussi concerné. Il reste à régler, enfin, le cas de la deuxième catégorie d'individus indiqués par la lex Cincia (§ 307), ceux quique pro servis servitutem servierunt . . . sequentibus vero excipitur, ut is qui bona fide serviit. Nous pensons que l'inteprétation tra ditionnel e, qui voit dans ceux-ci des hommes libres bona fide servientes, a des chances d'être exacte. D'une part, la jurisprudence postérieure s'est inté ressée aux donations concernant de tels individus66. D'autre part, le vocabulaire appliqué par les Veteres à de tels individus est très proche de l'expression de la Lex Cincia : Liber homo cum Ubi servirei (D. 28.5.60 pr. Celsus 16 dig.) et surtout (D. 43.29.4.1. Venuleius 4 interd.) Trebatius quoque ait non teneri cum, qui Überum hominem «pro servo» bona fide emerit et retineat qui semble éclairer le sens de pro servo. Enfin, si l'on veut bien penser que Sabinus n'était pas le premier venu, le fait qu'il ait considéré que les deux expres sionsservis et quique pro servis servitutem servierunt s'appliquaient bien à des affranchis, semblerait indi quer qu'il ait assimilé la vindicatio in libertatem à une forme d'affranchissement, ce qui n'est pas totalement erroné67. Ainsi, dès le début de la période que nous étu dions, un texte de loi définit la notion de donation et les modalités qui s'y rattachent. Il est remarquable que les affranchis y soient traités au même plan que les parents et alliés relativement proches; leur autono mie par rapport à la familia du patron apparaît, dès lors, singulièrement limitée. Et leurs dons, rentrant sans doute dans le cadre d'un serment promissoire englobant aussi les operae, prennent à l'égard de leurs patrons la forme de munera. 64 D. XXXVIII, 2, 1 - D. XLIV, 5, 1, 5 qui seront discutés plus loin. De même Ulpien (D. 38.1. de operis liberi. 7 Ulp. (3) confirme cette inclusion des dona et munera dans le serment promissoire : turare autem débet operas, «donum», «munus» se praestaturum . . . Cf. sur ce point, Bonfante, Corso, I, p. 175. 65 Sur ce point, cf. Macqueron, Obligations1, p. 54-55. 66 Cf. D. 41.1.19 (Pompon. 3 ad Sab.); cf. Watson, Persons, p. 222/3. 67 Cf. Watson, ibid., p. 218-225.
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Mais de quel(s) patron(s) s'agit-il? Il semble que la Lex Cincia n'ait pas donné de précision particulière sur ce point, mais que des interpré tationsultérieures {Quidam putant . . . Frag. Vat. 308) aient étendu l'exception du patron aux des cendants mâles de celui-ci. Notons que le passage en question est décisif pour comprendre que le terme servi signifie exclusivement les affranchis, car l'esclave étant une res faisant partie des bona du maître, les droits des liberi patroni sur lui, après la mort du dominus sont assurés : l'esclave passe à l'héri tier. Par contre, la question des droits de ces mêmes liberi patroni sur les bona comme sur les operae de l'affranchi est plus complexe, puisque ce dernier n'a pas été libéré directement par le fils mais le père. Or, la Lex XII Tabularum, nous le savons, a associé les liberi patroni au droit aux operae, à la tutelle et même à l'héritage des bona de l'affranchi. Les commentateurs de la Lex Cin cia, c'est-à-dire les préteurs, ont dû rapidement mettre en harmonie le droit concernant les dona ou mimera et les autres possibilités reconnues aux liberi patroni par la législation décemvirale. En effet, la logique voulait que ces derniers fussent concernés. Ceci ressort du commentaire que l'on peut apporter au § 309 des Frag. Vatic. Ulpien demande si les affranchis sont excepti par leur patron. Il faut distinguer deux étapes à ce sujet : la loi établit une pleine réciprocité entre patron et affranchi, ce que le terme duit (§ 307 si quis accepit isve duit) indique bien (cf. aussi § 309 ut et dare et capere lex Us permittat). Cette réciprocité implique que les donations de ce type peuvent dépasser le modum prévu, ce qui semble tout à fait en accord avec le § 304 de ces mêmes Frag. Vatic68. Or nous avons vu que la loi des XII Tables a confié la tutelle des affranchis mineurs et affranchies mineures au patron ou à ses descendants mâles. Dans cette optique, les donations faites par le patron tuteur à l'affranchi(e) sous tutelle sont assimilées à celles du père au fils ou à la fille, et ne sont soumises à
68 «De même, la loi excepte le tuteur, qui gère la tutelle, s'il veut donner, parce que les tuteurs sont comme de vrais parents des pupilles, [car elle leur a permis de donner sans limite]. Par contre, elle n'a pas stipulé que le pupille peut donner (au tuteur)».
aucune limitation. Pour cette raison, il apparaît rait illogique que la Lex Cincia ait permis les donations faites en faveur d'affranchis sous tutel le ne pouvant donner au patron et les ait interdi tes dans le cas d'affranchis majeurs pouvant légalement donner sans limite à celui-ci. Il semble donc que, sur ce point, les interpré tationsprétoriennes, consécutives à la loi Cincia, et concernant les liberi patroni (§ 308), n'aient fait qu'expliciter ce qui, en vertu même de la loi des XII Tables, constituait un principe acquis, à savoir l'association de ces liberi aux droits du patron lui-même. Mais la fin du § 309 des Fragm. Vat. laisse entendre qu'une interprétation ultérieure a réduit cette réciprocité et apporté une limitation aux possibilités d'accroissement du patrimoine du libertus: désormais celui-ci n'aurait plus eu que le droit de donner, sans que Yexceptio legis Cinciae puisse jouer. Mais il n'aurait plus eu le droit de recevoir de la part du patron, au-delà du modum prévu; c'est ce que semblent indiquer les expressions ut patronis dare possint (§ 307), possit dare ei cui servit {ibid.) et la référence non plus à la loi, mais à un droit jurisprudentiel, au § 309 et hoc iure utimur. Il apparaît que cette interprétation restrictive .(qui, dans le cas de raffranchi(e) sous tutelle devait poser des pro blèmes pratiques) met les affranchis dans une situation inférieure par rapport aux personae non exceptae qui, même si le modum a évolué, pouvaient, dans une certaine mesure, donner et recevoir. Alors que les donations faites à l'affran chi tombent désormais sous le coup d'une inter diction totale : il ne peut acquérir dans le cadre d'une donation ni contre le patron, ni contre les héritiers de celui-ci : toute donation est donc révocable69, selon le bon vouloir de ceux-ci70. 69 Cf. B. Biondi, Corso di diritto romano : le donazione, Milan, 1940, (= Biondi, Donazione), p. 238-240. C'est à tort que Cosentini, I, p. 223-6, soutient qu'il y a là un argument en faveur de sa thèse, et que cette révocabilité des donations faites à l'affranchi n'aurait eu cours qu'à partir de l'Empire. En fait ce trait est apparu plus tôt, et est contrebalancé par la plus grande autonomie en matière de bona reconnue par les préteurs, dès la fin du deuxième siècle, (et par les avantages concédés par Auguste aux affranchis pourvus d'en fants légitimes). 70 Finalement, c'est par le biais du testament que le maître peut confirmer l'intention de donner (d'où le principe que tout pécule non légué à un affranchi testamentaire est
LE CONTROLE EXERCÉ PAR LE PATRON SUR LES «BONA» DE L'AFFRANCHI Ainsi, le souci de protéger les patrimoines, mais aussi l'évolution, vers plus d'autonomie, des bona de l'affranchi ont sans doute amené le préteur à corriger un élément favorable de la loi, qui se justifiait dans un système de dépendance étroite de l'affranchi et dans un style de vie économique largement agricole, mais qui n'avait plus de raison d'être dans une forme d'économie où le développement des activités, notamment commerciales et financières, donnait à l'affran chi homme d'affaires, une plus grande autono mie;et où d'autre part, le rôle croissant des affranchies dans la vie matrimoniale des ingénus faisait peser des menaces sur le maintien des patrimoines. Dans cette optique, l'affranchi se trouve dans une position d'infériorité, en matiè re de donation, par rapport au patron ou au fils de celui-ci : les donations qui lui sont accordées par ceux-ci n'ont pas plus de valeur que celles qui sont faites à l'esclave71, et exigent d'être confirmées par le testament du patron. 2 - Droits patronaux et affranchis prodigues L'affranchi, contrairement à l'esclave, peut aliéner, comme tout autre citoyen, son bien; mais de même que les dépenses excessives enga gées par des ingénus et pouvant amener la dila pidation du patrimoine ont suscité l'intervention du préteur (qui, ne se contentant plus des inter dictions contenues dans la Loi des XII Tables72 et pesant sur les prodigues ayant hérité ab intestat o, a pris aussi en considération les prodigues ayant hérité ex testamento)73, de même la volonté de faire respecter les droits du patron sur les bona l'a amené à surveiller les dépenses excessi ves décidées par des affranchis. En effet, ceux-ci disposaient de plusieurs moyens d'engager des dépenses en diminuant d'autant la part de leur patronus. Tout d'abord, lorsqu'ils avaient une fille légi time, ils pouvaient chercher à la doter. Horace74 retenu). Le testament est le moyen de confirmer la voluntas demandi du patron. 71 Cf. Biondi, op. cit., p. 238, cf. Mil. GL, 1214 - Most. 174 Stichus, 656. 72 Tables V-VII - cf. Watson, Persons, p. 156-7. 73 Cf. sur ce point, Kaser, RPR, F, p. 75-6. Cuq, op. cit., p. 225-226. 74 Ars poet., v. 239-240.
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fait allusion à un moment d'une comédie de Caecilius, dans lequel une servante exploite son vieux maître en lui arrachant de l'argent en vue de doter sa fille. Mais un passage de la Cistellaria de Plaute nous apprend qu'Alcesimarchus a promis par sponsio d'épouser Selenium, la fille de l'affran chie Melenis. Mais le prétendant veut épouser la riche Lemnia, qui représente un meilleur parti. Sans doute une dot a-t-elle été promise par la mère de Selenium75. La question qui se pose est de savoir si l'a ffranchi qui voulait doter sa fille (l'affranchie, normalement en tutelle, ne pouvait agir seule dans de domaine) devait demander l'autorisa tion de son patron, ou si celui-ci avait les moyens de s'opposer à une telle décision. Sur ce point, le commentaire d'Ulpien à l'édit du pré teur76 reflète peut-être une situation ancienne. Mais en l'absence de documents républicains attestant une quelconque limitation des prérogat ives du patron ou des droits du père-affranchi dans ce domaine, nous ne pouvons dire s'il s'agit d'une innovation augustéenne ou d'une toléran ce remontant à une époque antérieure. Une deuxième sorte d'aliénation peut pren drela forme de donations faites à des tiers : c'est ainsi que Diodes Tyrannio aurait été acheté par un affranchi d'Octavien qui l'aurait offert à une Terentia, que Suda identifie à l'épouse de Cicéron77. Peut-on penser que l'affranchi, même dans les limites du modum prévu par la Lex Ciucia pouvait donner librement à d'autres que son patron? Sur ce point, le texte de Tite Live énumérant les avantages concédés à Fecennia Hispala par le Sénat, est clair : il semble que le droit lui ait été donné de procéder à des donations 75 «Mais il a juré solennellement à ma mère de me prendre pour femme» (v. 98-9). «Mais il doit maintenant épouser sa parente lemnienne, qui habite tout près d'ici» (v. 99-100). «Notre rang n'est pas aussi élevé que le tien, et nos moyens ne valent pas les tiens» (v. 493494). Cf. Watson, op. cit., p. 16-17 et le rapprochement fait avec Trinumtnus, v. 1157-9. 76 «Mais si l'affranchi a doté sa fille, il ne semble pas, par le fait même de l'avoir doté, frauder son patron, car l'affec tionpaternelle n'est pas reprehensible». D. 38.5.1.10. 77 R. Wendel, dans RE, Vili, A.2 col. 1819-1820, refuse l'identification avec l'épouse de Mécène.
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dépassant le modum et sans contrôle du tuteur (U tique Fecenniae Hispalae datio . . . esset). Mais il ne s'agit là que d'une concession exceptionnelle. Cependant il est improbable que le modum fixé par Cincius Alimentus ait eu cours tout au long des second et premier siècles, et par ail leurs l'initiative plus large, qu'exerçaient certains affranchis vivant en dehors du contrôle direct de leur patron, faisait que les occasions qui leur étaient offertes de donner à des tiers étaient plus fréquentes. C'est ce qui a déterminé, sans doute, l'apparition de Xactio Fabiana, datant de 74 ou peu après78, et qui, à l'origine, interdisait de procéder à des donations en fraude du patron. Cette formule, in factum et arbitraire, vise toutes les aliénations entre vifs et permet de les récupérer. Elle est donnée contre l'acqué reur,qu'il soit de bonne foi ou non, dans la mesure du préjudice causé au patron79. De même il est assuré que Xactio Fabiana visait les cas où l'affranchi se portait caution pour un tiers, si l'on suit du moins un passage d'Ulpien où celui-ci en refuse l'application, en prenant position contre les dispositions originel les de l'édit80. Enfin, cette actio a été offerte aussi aux liberi du patron, en raison du droit sur les bona de l'affranchi qui leur avait été reconnuen vertu de la Loi des XII Tables**.
78 Elle est à mettre sans doute, comme l'édit. Calvisien, en rapport avec Y Edit de «bonis libertorum», attesté, dès 74 avant Jésus-Christ, (cf. Cic, Verr., II, I, 125 discuté plus haut, et le commentaire de Watson, Persons, p. 2334). Il est à noter que, sous l'Empire, l'affranchi reçoit le droit de faire des donations à ses amis, sans que l'actio Fabiana puisse être invoquée (D. 38.5.5.9). 79 Cf. Frag, de Formula Fabiana (Pap. Vienne I): «Une formule comme née du délit commis par l'affranchi, rédigée en fait et arbitraire». Cf. Paul, D. 38, 5, 5, 1. Cf. D. 38, 5, 1, 15, Ulp. h.t. «Le préjudice est estimé sous la forme d'un dommag e pécuniaire». 80 D. 38,5,1, Ulp. 19 : «Si l'affranchi s'est porté garant pour mon débiteur ou (m') a donné quelque chose en gage, pour le compte d'un tiers, au préjudice de son patron, voyons d'une part si l'action Fabienne a lieu d'être donnée et d'autre part, s'il ne faudrait pas venir en aide au patron, fusse à mon détriment». 81 Cf. Paul, Seni., Ill, 3: «toute aliénation à laquelle l'a ffranchi, de quelque façon que ce soit, a procédé, est révo quée, par application de l'action Fabienne, tant par le patron que par ses descendants libres».
Il faut sans doute intégrer cette actiou dans l'ensemble de l'action du préteur, qui a étendu la notion de prodigalité au citoyen et à l'affranchi de citoyen dissipant inconsidérément les bona qu'il a acquis par son travail ou en vertu d'un testament. C'est lui qui prend l'initiative, dans tous les cas, de placer le prodigus sous une interdictio le privant du commercium et de la possibilité d'aliéner régulièrement, notamment par contrat83, mais le laissant acquérir, le tout sous contrôle d'un curator désigné par le préteur lui-même. Il apparaît donc que le patron dispose de moyens lui permettant d'éviter la dilapidation des bona de son affranchi. Et ce contrôle, confort é par l'attitude du préteur, au moins au premier siècle, nous semble s'exercer tout d'abord à pro pos d'actes charitables. Une inscription métrique de Rome84 nous retrace la vie de C. Ateilius Serrani L. Evhodus, qui est qualifié de Hominis boni, misericordis, amantis pauperis85. Cette épitaphe, datée du premier siècle (mais vraisembla blement du milieu de celui-ci) constituerait sans doute le plus ancien exemple d'attitude charitab le, attesté en Italie et en Occident; elle concer ne un individu qui est sans doute originaire de la Méditerranée Orientale (ce dont témoigne sans doute son métier de margaritarius) et qui exprime des sentiments qui avaient plus volont ierscours dans son pays natal qu'en Occident86. Mais peut-on croire que dans la pratique cet esprit charitable ait pu se donner libre cours indépendamment du patron? On notera que le personnage édifie seul, sans référence à son patron, un tombeau et qu'il fait un testament où il a distingué certains de ses propres affranchis {Nisi eos lib(ertos) quibus testamento dedi tribui-
82 C'est en vertu de cette actio que les affranchissements inconsidérés, accomplis en fraude du patron, peuvent être sanctionnés. 83 Cf. De Zulueta, op. cit., p. 53. **CIL, P, 1212 = VI, 9545 = ILS, 7602 = Buecheler, 74 = ILLRP, 797. 85 C'est à tort que Treggiari, Freedmen, p. 98 n. 7 com prend amantis, pauperis, et insiste sur la modestie du person nage. 86 Cf. H. Bolkestein, Wohltätigkeit und Armenpflege in vorchristlischer Altertum, Utrecht, 1939, p. 473-4. M. R. P. Mac Guire, Epigraphical evidence for social Charity in the Roman West, dans AJPh, 67, 1946, p. 129-150 (=Mac Guire, Charity), p. 138-149.
LE CONTRÔLE EXERCÉ PAR LE PATRON SUR LES « BONA» DE L'AFFRANCHI que). Il s'agit donc du cas, à vrai dire exceptionn el, d'un affranchi riche, sans doute d'un patron aisé («Serrani» indique la nomenclature); peutêtre celui-ci a t-il pu laisser Euhodus dilapider un peu des bona qu'il a dû par ailleurs récupérer (car aucune famille n'est indiquée sur l'épitaphe). Il y a donc quelque enflure dans cette épitaphe ; mais celle-ci ne concerne pas un exemple généralisable et, en tout cas, n'indique en rien que la générosité des affranchis pouvait s'exprimer en toute liberté. De même les actes évergétiques accomplis par des affranchis ne nous semblent pas, dans la plupart des cas, devoir être considérés indépe ndamment de ce contrôle patronal87. Il faut souligner en effet, que les manifestat ions de caractère public, telles les constructions de temples ou d'édifices civils sont pratiquement toujours collectives, dans le cas d'affranchis : c'est associé à des ingénus appartenant aux familles dominantes, ou dans le cadre de collè gessoigneusement contrôlés que fonctionne, par exemple à Délos, un système de liturgie dont les patrons des grandes firmes commerçant dans l'île sont les surveillants88. De même, à Capoue, ou à Minturnes89 ce sont des serviteurs des gran desgentes qui, collectivement, et sous le contrôle de Yordo, procèdent à un certain nombre de dons ou de travaux. Hors d'Italie, losque des affranchis font des offrandes ou assument des constructions en l'honneur de divinités locales90, ou bien prennent part à des dépenses d'utilité publique91, c'est sans doute parce que les firmes commerciales qu'ils représentent devaient cap-
87 Nous avons évoqué, au chapitre III du 1. I, le cas des dédicaces religieuses adressées individuellement ou collect ivement à des divinités chargées de favoriser l'accession d'es claves à la liberté. 88 Cf. Hatzfeld, dans BCH, 1912, p. 112-3, Bruneau, Cultes Délos, p. 589. 89 Sur Capoue, cf. Heurgon, Les magistri des collèges et le relèvement de Capoue de 117 à 71 avant Jésus-Christ, dans MEFR, 56 (1939), p. 5-27. Sur Minturnes, cf. Johnson, Inscrip tions,II, I, p. 89-128. 90 Ainsi Aequorna, à Nauportus (cf. CIL, P, 2285 = ILLRP, 33 aedem / et CIL, I2, 2286 = ILLRP, 34 porticum). Veica Noriceia (CIL, P, 2217 cf. p. 714. - ILLRP, 268). Cf. aussi à Coronée, note 98. 91 Ainsi, à Carthago Nova (CIL, P, 2270 = ILLRP, 777 et CIL, P, 2271 = ILLRP, 778), Tolosa (CIL, P, 779 = ILLRP, 766).
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ter, par liberti interposés, l'honneur que ces der niers, inclus dans des collèges92 ou même invest isde charges à caractère municipal93, assu maient. Même si telle dépense est engagée, à titre de mumis, et vici sententia94 , ou sur décision de Vordo d'un collège95, il reste que c'est le patron qui a permis l'adhésion de l'affranchi : le fait que l'on retrouve des esclaves ou des affran chisd'une même gens à l'intérieur d'un même college renforce cette hypothèse96. Même lorsque, exceptionnellement, un af franchi assume les frais d'une construction, c'est ou bien en application de la coutume qui impli queque l'on verse la dîme à un dieu protect eur97, qui a protégé une cargaison, ou bien
92 En dehors de Délos, Capoue, Minturnes ou Rome, on relève des magistri affranchis notamment à Pinna (CIL, IX, 3359), Formiae (CIL, X, 6071 =ILS, 3884) / à Tusculum (CIL, P, 1443 = ILLRP, 59) / Interammia (CIL, P, 765 = ILLRP, 152) / Terracina (CIL, P, 1255 = ILLRP, 764) / Aquinum (CIL, P, 1549 = ILLRP, 765) / Sena Gallica (CIL, P, 2125 = ILLRP, 776) en Italie. 93 ILS, 5395 -Dieht 440 (Ostie?) / CIL, XIV, 2611 = ILLRP, 442 (Tusculum - ?) / CIL, P, 1804 = ILLRP, 605 (Furfone mag. pagi) I CIL, Ρ, 777 = ILLRP, 763 (Pompei mag. vici et compiti) I CIL, Ρ, 1002 = ILLRP, 702 (Rome mag. de duobus pageis et vicei Sulpicei) / CIL, Ρ, 2514 = ILLRP, 704 (Rome mag. veici) / CIL, Ρ, 765 = ILLRP, 152 (Interammia Mag. vici?) / CIL, P, 682 = ILLRP, 719 (Capua - mag pagi Herculanei?) / CIL, P, 788 = ILLRP, 580 (Curubis duovir V) / CIL, Χ, 6104 = /LS, 1945 (Formiae - Aed Praef I.D. Carthag - II Vir Clupiae bis) / CIL, P, 2291 = ILLRP, 629 (Narona. mag. Naronae q(uaestores) / CIL, P, 2285 = ILLRP, 33 (Nauportus mag. vici) / CIL, P, 2286 = ILLRP, 34 (Nauportus mag. vici). 94 CIL, P, 2885 = ILLRP, 33, (Nauportus) / CIL, P, = ILLRP, 34 (Nauportus) / CIL, P, 765 = ILLRP, 152 (Interammia Praetutt.) / CIL, P, 1804 = ILLRP, 605 (Furfo). "ILS, 3207 = Diehl, 173 (Pompei) / CIL, X, 6071= ILS, 3884 (Formiae) / CIL, P, 1443 = ILLRP, 59 (Tusculum) / CIL, P, 1555 = ILLRP, 764 (Tarracina) / CIL, P, 1005 = ILLRP, 772 (Rome) /. 96 C'est notamment le cas à Minturnae (CIL, P, 2705 = ILS, 726 / CIL, P, 2695 = ILS, 728 / CIL, P, 2692 = ILS, 739 / CIL, P, 2706 = ILLRP, 745), à Pompei (ILS, 3207 = Diehl, 173), à Samos (CIL, P, 2260 = ILLRP, 779), à Délos (CIL, P, 2247 = ILS, 289 CIL, P, 2232 = ILLRP, 750 a et d) ainsi qua Capoue (CIL, P, 673 = ILLRP, 796 / AE, 1952, 54 = ILLRP, 711 où on doit pouvoir restituer [Hordi]onius ou [Pac]onius aux 1. 2 et 4 / AE, 1958, 267 = ILLRP, 712 / CIL, P, 677 = ILLRP, 714 / CIL, P, 681= ILLRP, 718). 97 C'est à cette habitude que Cébeillac, Ostie, p. 66-67, rattache la base dédiée par P. Livius P. L à Hercule (CIL, P, 3026). Cf. aussi, à Spolète, la dédicace faite par [Bla?]esius CL Tertiu[s] à Hercule: [decujma facta dédit (CIL, P, 2645 = ILLRP, 155).
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parce qu'il honore son patron98, ou enfin parce que c'est sur l'ordre du patron qu'il agit: on imagine mal, par exemple, qu'une chapelle dédiée à Mercure ait pu être dédiée par Philotime à Arpinum sinon sous l'autorité et sans doute au nom de Cicéron, l'époux de sa patronne". Cette absence d'initiative de la part d'affran chis est encore plus marquée à Rome où leur participation, du moins officielle, à des travaux publics (religieux ou non) n'apparaît jamais. Le récit de Dion Cassius, concernant la construction du théâtre de Pompée, sur le Champ de Mars, est instructif à ce sujet: selon lui, ce serait Demetrius, dont la fortune est estimée par Plutarque à 4.000 talents100, qui aurait couvert les frais d'édification du monument, mais lui aurait donné le nom de son patron101. Même si l'on peut s'étonner de la bienveillance que Dion Cas sius prête à un personnage par ailleurs connu pour sa démesure102, et si l'on doit penser que le coût et la signification idéologique de tels tr avaux dépassaient de loin la personne de Demetr ius103, on retiendra qu'à Rome, en tout cas, il n'est pas question que l'affranchi le plus influent d'un homme aussi puissant que Pompée puisse revendiquer un acte évergétique et prendre le pas sur son patron. De même lorsque, en sens inverse, des affran chisse voient honorés par des cités, c'est qu'à
travers eux leurs patrons sont visés : si Demet riusa conquis la faveur des habitants de Gadara, sa ville d'origine104, c'est uniquement au nom (et à l'initiative) de Pompée qu'a eu lieu la refon dation de la ville105; et les honneurs que cet affranchi hors du commun reçoit à Antioche sont en fait destinés à rendre hommage à son patron106. Il en est de même lorsque C. Curtius Mithres est honoré à Naxos107. Enfin, lorsque à Sestos108, le monument élevé par un affranchi109 à son frère et à une affranchie de la même gens est couronné aux frais du demos et de la commun autéitalienne, on ne peut s'empêcher de pen ser qu'au-delà de ces individus, c'est à la gens dont ils dépendent, qu'en fait, était destiné l'hon neur. Il apparaît donc, à travers ces exemples, que dans la réalité, le contrôle patronal sur l'utilisa tion que l'affranchi faisait de ses bona était étroit110, et que le recours éventuel à Xactio Fa biana, au moins au premier siècle, pouvait servir de frein à la démesure d'affranchis qui, par des donations privées, ou des largesses publiques, auraient voulu sortir du rang et diminuer la part légitime que le patron pouvait recueillir de leurs avoirs.
98 Ainsi CIL, III, 12242 Laodicée : c'est en l'honneur de son patron que (M. Sestius) Sacco uni au démos, fait une dédica ce dont il assume les frais. A Coronée un serviteur d'Aulus Castricius dédie un ναός au héros éponyme de la ville (IG, VII, 28/3), mais son maître avait triomphé à des jeux (IG, VII, 2871, 1. 14). Nous avons déjà cité le cas d'un affranchi des Carvilii qui participe à une dédicace en l'honneur de Fors Fortuna, dont le temple a été fondé par un des ancêtres de la gens Sp. Carvilius Maximus (cf. chap. Ill, L I). Enfin, la disposition matérielle de la dédicace (d'un tem ple?) trouvée à Lanuvium (CIL, P, 1436 = ILLRP, 170 = Ritschl, LXII, A) et concernant Iuno Sospites est de nature à mettre en valeur le nom et donc le prestige des deux patrons plutôt que de celui de l'affranchi. 99 Si l'on accepte la restitution de Mommsen, (CIL, X, 5678) : Philotimus perfic[iendum] curavit. 100 plutarque, Pomp., II et XL (villas suburbaines, terrains, jardins); Pline (NH, XXXIII, 6, 9) et Sénèque, (Tranq. animi, VIII, 4) signalent son importante domesticité. 101 Cass. Dio, XXXIX, 38, 6. 102 Plut., Pomp., XL. 103 Sur la portée de cette construction, cf. R. Etienne, Ides, p. 202-205.
a) Le patron complice de la «rapacité» de son affranchi
3 - La part du patron dans les acquisitions de l'affranchi
Un passage du Rudens de Plaute111 relate le rêve débridé et normalement irréalisable que
104 Comme Hipparchus, affranchi d'Antoine, avec Corinthe (Plut., Ant., LXVII, 7). 105 Jos., Bell. Jud., I, 155. 106 Plut., Cat. ]., XIII. 107 Cic, Ad Fam., XIII, 69, cf. Ch. Pelekides, Ανέκδοτοι, έπιγραφαί έξ "Ανδρου καί Νάξου, Athènes, 1969, ρ. 13. Bull. Ep. (Robert), 1970, η° 438. 108 Dans BCH, IV, 1880, ρ. 516. 109 Τίτος φόρφανος τίτου Νιχίας. 110 En dehors de cas où l'acte évergétique associe patron et affranchi; ainsi: CIL, F, 2238 = ILLRP, 751 Délos / CIL, P, 2504 = ILLRP, 759 Délos / CIL, F, 1555 = ILLRP, 764 (Tarracina) / CIL, P, 2939 = ILLRP, 1281 (Samothrace) / CIL, P, 2941= ILLRP, 1282 (Samothrace) / ILS, 5395 = Diehl, 440 (Ostie). 111 V. 930-937.
LE CONTROLE EXERCÉ PAR LE PATRON SUR LES « BONA» DE L'AFFRANCHI l'esclave Gripus, qui vient de pêcher une valise contenant, croit-il, de l'or, fait à haute voix; dans ce rêve, s'exprime la soif de richesse du person nage(Instruam agrum atque aedis, mancipio. (ν. 930)); et cet appétit du nouvel affranchi (en pensée) n'est pas sans évoquer le récit que Trimalcion fait de sa propre carrière112. Cet appât du gain semble pousser, nous l'avons déjà indiqué113, certains affranchis à com mettre des larcins aux dépens de leur propre patron: les plaintes de Cicéron114, les méfaits de tel affranchi d'Antoine115 donnent un aperçu de ces pratiques. Ces détournements peuvent même aboutir à une mise en accusation injusti fiéedu patron, dont l'affranchi a détourné de l'argent public116, ou même amener l'affranchi à s'emparer ou à récupérer les biens de son maît re: c'est ainsi que, selon Appien, un esclave libéré pour avoir tué son maître proscrit par les triumvirs, se serait porté acquéreur du patrimoi ne du défunt117. Et l'allusion, faite par Cicéron, à un Pompei servus, libertus Caesaris, qui s'empare du patrimoine de son patron après s'y être enroulé comme un serpent (Qui domini patrimonium circumplexus, quasi thesaurum draco, Pomp eiservus, libertus Caesaris, agri Lucani possessiones occupavit)118, prend peut-être une valeur générale, en mettant en évidence un comporte ment exemplaire, à un moment où les proscrip tions ont donné libre cours à tous les appétits. Ce désir d'enrichissement bénéficie parfois de l'assentiment des patrons, sous la protection ou avec la complicité tacite desquels, certains affranchis s'emparent de biens considérables, au mépris des lois et du droit, et dans des condi tions que seule leur position de favoris d'hom mes puissants peut expliquer.
112 «J'acquerrai un domaine, une maison, des esclaves». 113 Chap. Ili, L II. 114 Cf. Att., VIIL 2,8. 115 Plut., Ant., XXII, Val Max., V, 1, 11. 116 Plut., Pomp., IV, 1. Il s'agit d'Alexander, affranchi de Pompeius Strabo, qui laissa accuser ce dernier de péculat. 117 BC, IV, 29. Mais il fut, pour cela, remis en esclavage. 118 Phil., XIII, 12. On peut penser aussi à cet affranchi de Q. Lutatius Catulus, Voranus (Porphyr, ad HoraL Sat., I, 8 + Horace, Sat., I, 8, ν. 39) qui aurait volé de l'argent à une table de changeur et l'aurait caché dans ses souliers : furque Voranus écrit Horace qui fait écho à la célébrité de ce geste.
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Il en est ainsi de Chrysogonus, dont Cicéron, habi lement, essaie de dissocier l'attitude scandaleuse de celle de son patron, qui n'aurait pas été au courant des "exactions commises par son protégé119, alors que Plutarque120, avec plus de vraisemblance, associe la responsabilité de Sylla à celle de son agent. Si Chryso gonusest devenu vel potentissimus hoc tempore nostrae civitatis cela n'est pas dû à son seul talent, mais à la notoriété de son patron121. C'est à la protection de celui-ci qu'il doit d'avoir acquis pour une «bouchée de pain» (- 2.000 sesterces, selon Cicéron122, 20.000 selon Plutarque)123 les biens du père de Sex. Roscius est imés à six millions de sesterces124 ! Ne faut-il pas imput eren dernier ressort à Sylla un tel état de fait, lui qui, selon Plutarque125, «adjugeait à d'ignobles affran chisdes territoires entiers ou les revenus d'une cité»; c'est ce qu'implicitement Cicéron laissait entendre lorsqu'apostrophant les juges, il s'écriait : Id circone exspectata nobilitas armis atque ferro rem publicam reciperavit ut ad libidinem suam liberti servulique nobiUum bona fortunasque vexare possent?126 Ce résultat n'est pas du à l'action du seul Chrysogonus mais aux proscriptions décidées par Sylla et qui, déterminant des confiscations de patrimoines, permettent à de tels personnages de faire leur profit. Et Cicéron d'évoquer des provinces entières laissées à la rapacité d'affran chis dont les patrons tolèrent ou même encouragent des exactions dignes de l'époque de Sylla Qui . . . dimissiones liberîonim ad defaenerendas diripiendasque provincias, qui expulsiones vicinorum, qui latrocinia in agris, qui cum servis, cum libertis, cum clientibus societates, . . . qui caedes municipiorum, qui illam Sullani temporis messem recordetur . . ,127. Et à la fin du palmar ès des affranchis qu'il a dressé, Pline ne conclut pas autrement Talem in catasta videre Chrysogonum Sullae. . . aliosque deinceps quos enumerare iam non est, sanguine Quiritium et proscriptionum licentia ditatos. Hoc est insigne venaliciis gregibus opprobriumque insolentis fortunaens. ' De même, on ne peut séparer les exactions commis es par Timarchides de la position occupée par celuici auprès de Verres : après avoir établi un parallèle entre les dispositions naturelles des deux personnages
'»» Rose. Amer., 21 - 28 - 130. '2° Cic., III, 5. 121 Cf. Les remarques judicieuses de Treggiari, Freedmen, p. 1834. 122 Rose. Amer., 6. 123 Cic., III. 124 Rose. Amer., 6. ·» Sylla, XXXIII, cf. Cross., II. 126 Rose. Amer., 141. '" Parad., VI, 2, 46. ■2S NH, XXXV, 200.
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et souligné leur intimité129, Cicéron met en cause la responsabilité personnelle du préteur qui a donné une telle importance à un simple affranchi130 : non seulement Timarchides se repaît des miettes que veut bien lui laisser son patron131, mais il exerce, avec la permission de ce dernier, sa royauté sur toutes les cités siciliennes, ce que l'esclave Athenion n'avait pu faire avant lui132. Enfin, les détournements accomplis par Licinus, l'affranchi de César, devenu responsable de l'adminis trationfinancière en Gaule sous Octavien, ne peuvent se comprendre si l'on ne tient pas compte de la place que cet individu occupait auprès de son patron et du fils adoptif de celui-ci133. Nul doute que l'intelligence et l'efficacité que Dion Cassius lui reconnaît, ainsi que son ascendance gauloise, lui aient valu la confiance de ses maîtres. Mais il est révélateur qu'Auguste qui, toujours selon Dion Cassius, fut embarrassé par les plaintes en provenance de la Gaule (et pour lequel Licinus prétendait avoir amassé un énorme trésor), n'hésitait pas à se faire prêter de l'argent par son procurateur, dont il n'ignorait pas l'activité douteuse. Sur ce point, le récit de Macrobe134 mérite attention : Solebat Licinus libertus eius inchoanti opera patrono magnas pecunias conferre. Auguste ayant par un artifi ce d'écriture doublé les dix millions de sesterces que son affranchi lui avait prêtés, reçoit, à l'occasion d'au tres travaux qu'il engage, un bon ainsi rédigé : conferò tibi, domine, ad novi operis impensam quod videbitur. Ce qui nous indique, en dehors d'un autre cas d'asso ciation d'un libertus aux travaux évergétiques de son patron, qu'Auguste était bien le complice et le bénéfi ciaire de ces mauvaises actions. On doit conclure de ces exemples que de simples affranchis n'auraient jamais pu, de leur propre chef, procéder à des malversations ou des vols d'une telle importance, s'il n'avaient été couverts par l'autorité d'un patron tout puissant.
129 Verr., II, III, 134; II, III, 157. Intimité qui s'étend au fils de Verres! 130 Verr., II, III, 134. 131 Verr., II, III, 136. 132 Ibid. 133 Sur les escroqueries de Licinus, cf. M. Bénabou, Une escroquerie de Licinus aux dépens des Gaulois, dans REA, 69, 1967, p. 221-7 qui, analysant le récit de Dion Cassius (Liv., 21, 3-6), montre que c'est en manipulant le calendrier gaulois qu'une contribution supplémentaire a été extorquée aux malheureux habitants de la Gallia Cornata. Sur le personnage, voir notamment Staerman, Blütezeit, p. 159. - Treggiari, Freedmen, p. 190-1 - 239-241. 134 Sat., II, 4, 24.
En ce sens, le comportement tyrannique d'un Chrysogonus ou d'un Timarchides, voire de Lici nus, n'est que la conséquence de l'influence qu'ils exerçaient sur leur maître et des services qu'ils leur rendaient. L'enrichissement de tels personnages n'apparaît alors que comme la récompense, prélevée sur les habitants des municipes italiens ou des provinces, de leur dévouement. Ainsi, le patron peut jouer, dans certains cas, un rôle favorable à l'amélioration de la situation économique de son libertus; mais le plus souvent c'est l'affranchi qui enrichit son patronus. Nous examinerons plus loin l'évolution des operae dues par les affranchis ainsi que les droits exer cés post mortem sur les biens de ceux-ci, par l'ancien maître ou ses liberi. Mais nous devons auparavant signaler qu'à l'occasion des grandes réformes prétoriennes, qui ont pris place au tournant des second et premier siècles, et ont tendu à codifier les cadres économiques de la dépendance des liberti, une proposition original e, mais de brève application, est venu préciser comment les patrons, régulièrement, pouvaient être associés aux gains de leurs anciens esclaves (en dehors des operae elles-mêmes). b) L'éphémère societas «rutilienne». Il s'agit d'une question très complexe, voire insoluble, liée à la compréhension d'un célèbre texte d'Ulpien: dans ce passage, souvent com menté (et sur lequel nous reviendrons, puisqu'il touche aussi au problème des operae et des successions), le jurisconsulte rapporte les réfo rmes réalisées par le préteur Rutilius dans le domaine des obligations économiques pesant sur les liberti^.
135 «Cet édit a été établi par le préteur, dans le but de modérer l'hommage que les affranchis doivent rendre à leur patron. Et en effet, comme Servius l'écrit, (les patrons) étaient autrefois accoutumés à exiger de leurs affranchis des prestations très dures bien évidemment afin de rémunérer le si grand bienfait qui est conféré aux affranchis lorsque, de l'état d'esclave, ils passent à celui de citoyen Romain. / Et le premier, le préteur Rutilius décida, dans son édit, de n'accor der rien de plus au patron que l'action "des services" et l'action "de société" (c'est à dire dans le cas où il aurait été
LE CONTROLE EXERCE PAR LE PATRON SUR LES « BONA» DE L'AFFRANCHI Ce texte a été presque totalement suspecté par E. Albertario136, qui pensait que tout ce qui touchait à la societas entre patron et affranchi aurait eu une origine post-classique. C'est à cette position hypercritique que Lambert137 et Cosenti ni138, notamment, se sont ralliés, ce qui leur a permis en partie de conclure à l'absence de réforme rutilienne dans ce domaine. Cependant, un certain nombre d'auteurs, qui ont repris récemment ces données, se sont accordés à reconnaître la validité d'ensemble du passage139, tout en proposant quelques corrections de détail140. Même si l'on peut souligner qu'Ulpien a utili sédes termes comme honor et obsequium à propos d'une époque où ceux-ci ne sont pas
convenu) que si l'affranchi ne fournissait pas l'obsequium, le patron entrerait en société avec lui». D. 38.2.1. Ulp. 42 ad ed. Outre les études particulières citées dans le texte, voir Staerman, op. cit., p. 150. Watson, Persons, p. 228-9. Treggiari, op. cit., p. 69-71. 136 Sui negozii giuridici conchiusi dal liberto onerandae libertatis causa, Studi di diritto Romano I, Persone e famiglia, Milan, 1933, p. 397-403 (reprenant le même titre paru dans Rena del R. 1st. Lombardo, 1928, 61, p. 509-515 - Pour lui devaient être considérés comme des ajouts de l'époque justinienne, les passages suivants : [et societatis] [videlicet si hoc . . . admitteretur patronus] [videlicet enim . . . jusqu'à la fin]. 137 Operae, p. 163-178 «La prétendue actio societatis». 138 Cosentini, Studi, I, p. 195-202. 139 E. Szlechter, La sanction du contrat de société entre patron et affranchi, d'après l'édit du préteur Rutilius de 118 avant Jésus-Christ, dans RHDF, 1946, p. 133-4 (= Szlechter, La sanction), (capital malgré sa brièveté). Surtout, G. Hubrecht, Quelques observations sur l'origine et l'évolution de la «Bonorum Possessio Dimidiae Partis», dans Rev. Jurid. et éco. de Bordeaux et du Sud-Ouest (série Jurid.), 9, 1958, p. 53-65 (= Hubrecht, BPDP), p. 56-7. Voir aussi Watson, Persons, p. 228-9. Enfin, Macqueron, Le travail, p. 112, accepte l'ensem ble du texte à l'exception de videlicet . . . praestationem. 140 Nam ut Servius (Watson - Macqueron) Nam utque Servius (Hubrecht) / Quod in libertos confertur (Watson Macqueron) in libertis (Hubrecht) /. Posteriores certae partis bonorum (que Macqueron, à juste titre, déclare incompréh ensible, Le travail, p. 113) est corrigé heureusement par Hubrecht, suivi par Watson, en Dimidiae Partis qui corres pondà eiusdem partis un peu plus loin. Enfin, Mommsen (éd. Digeste) proposait de changer la dernière phrase du texte en Ut quod vivos nolebant societatis nomine praestare . . . Id post mortem praestarent, correction rejetée par Macqueron {Le travail, p. 1 13) et Hubrecht, BPDP, p. 56, qui y voient une contradiction avec le début du passag e,où Ulpien présente cette mesure comme favorable aux affranchis.
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employés dans le vocabulaire juridique141, il res teque la référence à Servius laisse entendre que l'esprit de l'édit a été replacé dans une certaine évolution historique, sans qu'il ait été fondament alementdénaturé par le commentaire du juris consulte. Ainsi, trois périodes seraient à mettre en valeur : 1) Antea, c'est-à-dire avant la preture de Rutilius, la situation des affranchis de citoyens romains était très difficile; les patrons en échan ge de l'octroi de la liberté (tant grande beneficiwn) complète (cum ex servitute ad civitatem romanam perducuntur) se faisaient promettre au plan des services comme à celui des fruits de l'activité de leurs liberti, durissimas res, le terme exigere soulignant cette pression sans contre poidsqui découlait de la potestas patronale ellemême. Et en matière économique, cette toute puissance patronale pouvait sans doute avoir un caractère illimité que, le premier, Rutilius a essayé de contenir dans des normes plus favora blesà l'affranchi. 2) P. Rutilius Rufus, préteur en 118 avant Jésus-Christ au plus tard·42, aurait fait œuvre de pionnier primus edixit143, en limitant (moderandi gratia) les possibilités qu'avaient les patrons de maintenir leurs affranchis dans une dépendance économique proche, dans certains cas, de celle des esclaves. Son édit (sans doute confirmé par ses successeurs) proclama qu'il n'accorderait désormais au patron que Xactio operarum, dont nous parlerons plus loin, et Xactio societatis. Même si l'on doit penser que Rutilius n'a pas supprimé l'exécution des promesses onerandae
141 Sur honor, traduisant la supériorité globale du patron, cf. Cosentini, Studi, I, p. 256-9, qui en montre les emplois classiques. Sur obsequium, désignant la dépendance ancienne de l'affranchi, y compris au plan économique, puis, après les réformes prétoriennes, le simple respect dû au patron, cf. Lambert, Operae, p. 10-17, Macqueron, op. cit., p. 1 18-9 - 122-3, cf. aussi Cosentini, op. cit., p. 238-246 (mais qui a tort de penser que le terme est d'un emploi post-classique lorsqu'il englobe les operae). 142 Cf. Broughton, Magistrates, II, p. 613. Watson, Law Making, p. 37-8. 143 Macqueron, op. cit., p. 118-119 parle de «révolution dans le régime du patronat».
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libertatis causa144, sa décision a déterminé un changement favorable aux affranchis, mais qu'il n'est pas aisé de déterminer. Tout d'abord, la portée de l'édit n'est pas la même, selon que l'on accepte ou non l'ingénuité de videlicet si hoc pepigisset («dans le cas où il aurait été convenu»). Dans la première hypothès e, Rutilius n'aurait visé que les affranchis qui auraient expressément pris l'engagement d'ad mettre le patron dans leur societas, au cas où eux-mêmes ne fourniraient pas Xobsequium. Dans la deuxième hypothèse, il faudrait penser à une mesure pesant sur tous les affranchis qui manqueraient à la prestation de cet obsequium. Dans le premier cas, Rutilius aurait admis que les affranchis aient eu le choix entre la presta tionde Xobsequim et le partage du fruit de leurs activités propres avec le patron. Dans le second, il aurait offert une garantie à tous les patrons dont les liberti n'accomplissaient pas Xobsequium auxquels ils étaient tenus, tout en fixant un max imum à la participation patronale. Quant au détail de la mesure prise par Rutil ius, il donne lieu lui aussi à controverse. En effet, cette societas nouée, sous la surveillance du préteur, entre patron et affranchi, apparaît tout à fait exorbitante, à première vue, puisqu'il semb leque le patron n'y apporte rien145. Mais, d'une part le texte d'Ulpien, inspiré par le commentair e de Servius, est formel; d'autre part dans la condamnation qu'il porte sur ce type de societas léonine, Labeo laisse bien entendre que ce genre d'association a bien existé, sinon jusqu'à lui, du moins encore peu auparavant (D. 38.1.36 ULP. lib. II ad legem Juliam et Papiam: Labeo ait libertatis causa societatem inter libertum et patronum factam ipso iure nihil valere palam esse). En fait, il faut considérer que le patron apporte dans une telle societas le prix de l'esclave (si celui-ci n'a pas été suis nummis emptus) et par fois le pécule concédé au nouvel affranchi. Et même, la préfiguration de cette societas pouvait être retrouvée, dans la réalité, dans les exemples
144 Id., ibid., p. 118-120 a raison de montrer que l'autorisa tion donnée au patron d'entrer en societas avec l'affranchi est en fait une variété d'une onerandae libertatis causa. 145 Cf. Lambert, op. cit., p. 163-178, voir aussi Macqueron, Le travail, p. 1234.
de «co-propriété» exercée sur un vicariusU6, ou dans l'association latente entre maître et esclave, puis affranchi et patron, qui ressurgissait au moment où s'ouvrait la succession de l'affran chi147. Dans cette perspective, on doit admettre que cette societas est bien sanctionnée par une actio societatis, reconnue par le préteur au patron, et que l'on a eu tort, sans doute, de vouloir disti nguer de Xactio pro socio classique148, dans la mesure où elle n'était accordée qu'après l'affra nchissement, donc la mise de l'apport patronal149. Il découle du document d'Ulpien, que cette societas est à part égale, puisqu'elle a été rempla cée par la Bonorum Possessio Dimidiae Partis. D'autre part, cette societas ne devait pas s'étein dre avec la mort du patron : Xactio societatis ou pro socio permettait aux liberi patroni de devenir eux-mêmes socW50, ce qui paraît logique, puis qu'ils étaient associés à la tutelle et à la succes sionde l'affranchi paternel. Enfin, et cela va de soi, il s'agissait d'une societas omnium bonorum et non unius rei. Ainsi, à l'issue de la réforme de Rutilius, il est possible que la situation des affranchis soumis aux patrons les plus exigeants ait été améliorée. Mais il ne faut pas s'y tromper, Rutilius, lié aux
146 Cf. Erman, Servus Vicarius, p. 99. Nous avons déjà cité D. 33.8.22.1 (Labeo, 2 post, a Iavoleno Epi t.), où il est question d'un vicarius communis au maître et à l'esclave. 147 Dans ce sens, on peut retenir l'image donnée par L. Juglar, Du rôle des esclaves et des affranchis dans le com merce sous l'Empire Romain, Paris, 1894, Rome, 1972 (= Ju glar, Du rôle), p. 17-20, qui parle de partage du fonds social (le pécule, augmenté de ce que l'affranchi lui a fait produir e). 148 Cf. les textes cités par Szlechter, Sanction, p. 133, et qui montrent l'équivalence des deux expressions. Le texte d'Ulpien (D. 44.5.1.7 Ulp., Lib 76 ad ed. Si libertatis causa societatem libertus cum patrono coierit et patronus cum liberto «pro socio» agat, an haec exceptio sit necessaria} et puta ipso iure tutum esse libertum adversus exactionem patroni), qui reprend dans ses grandes lignes la sentence de Labeo citée plus haut, montre bien que Xactio pro socio avait le même champ d'application que Vactio societatis. 149 Dans ce sens, les objections formulées par Ulpien (D. 17.2.5.2.) et Paul (D. 39.6.35.5.) n'ont aucune raison de tenir. 150 Cf. Watson, Obligations, p. 132-3, sur la base de Cic, Pro Quinctio, XXIV, 76. Par contre, la patronne écartée plus tard de la Bonorum Possessio Dimidiae Partis, nous le verrons, ne pouvait prétendre à Xactio societatis rutilienne.
LE CONTROLE EXERCE PAR LE PATRON SUR LES « BONA» DE L'AFFRANCHI milieux aristocratiques, en tant que membre de l'ordre sénatorial, n'a pas prétendu transformer radicalement les obligations économiques pe sant sur les liberti. En particulier, il faut bien s'entendre sur la signification du terme obsequium : il est exclu que par là soit désignée la prestation des operae s'ajoutant au respect génér aldû au patron, dont l'obligation de résider auprès de lui. Rutilius n'a pas donné le choix à l'affranchi entre le partage du fruit de ses activi tés avec son ancien maître et l'accomplissement des operae jurées. Rutilius n'a considéré que la part des activités que l'affranchi accomplissait en dehors du temps consacré au service du patron : ou bien l'affranchi vivait de façon indé pendante, ne résidait pas auprès du maître151, se soustrayait à sa discipline quotidienne, et dans ce cas il était tenu d'admettre le patron au partage des revenus ainsi recueillis, comme fruits de son activité autonome; ou bien, il four nissait Yobsequium c'est-à-dire qu'il continuait à dépendre étroitement de son patroniis. Une brè che était ainsi établie dans la toute puissance patronale, mais la liberté nouvelle reconnue au libertus était cantonnée dans un cadre très étroit. 3) Enfin les posteriores praetores, au cours du premier siècle, trouvant sans doute que cette participation de droit du patron aux revenus découlant de l'activité du libertus était excessive, ont remplacé cette societas entre vifs, et Xactio qui l'accompagnait, par la Bonorum Possessio Dimidiae Partis, sur laquelle nous reviendrons, et qui concernait les biens de l'affranchi défunt, sous certaines conditions. Ce passage d'un syst èmeà l'autre a dû s'accomplir parce que la socie tasrutilienne apparaissait contraire au droit régissant ce type d'association : déjà, Q. Mucius considérait comme contra naturarvi societas, une société où les risques - et pas seulement les bénéfices - n'étaient pas partagés152. D'autre part, le contrôle pratique sur les reve nus tirés par l'affranchi de ses activités propres
151 Hubrecht, BPDP, p. 61 et n. 19 a tort, semble-t-il, de limiter Yobsequium à des interdits en matière judiciaire notamment. L'obligation de résider auprès du patron doit être visée ici cf. Chap. I, L IL 152 Cf. Gaius, III, 149 et De Zulueta, Institutes, p. 179 Watson, Obligations, p. 137-9.
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devait être bien difficile à établir : comment des affranchis indépendants auraient-ils pu être exactement surveillés sur ce plan? Enfin, l'appa rition de Xactio Fabiana et de Xactio Calvisiana offraient au patron la possibilité de se prémunir contre les dilapidations de ses biens auxquelles l'affranchi pouvait se livrer, nous l'avons vu. Ainsi, le recours à la Bonorum Possessio Dimi diae Partis, qui vient peut-être153 à la suite des dispositions prises par les successeurs de Ruti lius pour limiter les onerandae libertatis imposita, est apparu comme plus réaliste, plus aisément applicable, et davantage conforme à l'évolution des conditions de la vie économique, qui mainte naient un certain nombre d'agents commerciaux ou financiers, hors de la cohabitation étroite avec leur patron qui avait prévalu jusque là. Il reste que la societas de type léonin créée par Rutilius n'a eu qu'une existence brève, et a dû disparaître dans le deuxième quart du pre mier siècle au plus tard. Certains points restent obscurs à propos de son application : avait-elle une portée générale à titre de sanction, ou ne concernait-elle que les affranchis qui convenaient expressément avec leur patron qu'ils ne vivraient plus (ou pas) auprès d'eux et qu'en échange ils leur verse raient la moitié de leurs acquêts? Enfin, s'il est indéniable que cette mesure, même timide, représente la première tentative pour limiter la toute puissance patronale, qui maintenait l'affranchi dans une situation peu dif férente de celle de l'esclave, le préteur n'a pas manqué de tenir compte des intérêts patronaux : s'il fixe un maximum à la participation patronale, il lui donne une force juridique dans le cadre d'une actio; d'autre part il ne supprime pas les charges libertatis causa promises par l'affranchi. Surtout, dans le moment même où il donnait au patron un droit de regard plus grand sur l'util isation que faisait l'affranchi de ses bona, il limit ait, par l'instauration de la Bonorum Possessio Dimidiae Partis, notamment, la capacité de tester de ce dernier.
153 C'est du moins l'hypothèse, plausible mais non verifia ble, de Macqueron, op. cit., p. 127.
CHAPITRE III
LES DROITS DU PATRON ET LA DÉVOLUTION DES BIENS DE L'AFFRANCHI
Rappelons, tout d'abord, que nous ne consi dérons ici que le cas des affranchis de citoyens Romains régulièrement libérés. En effet, et nous l'avons déjà indiqué, les esclaves mis en liberté de façon informelle étaient placés, même après les réformes prétoriennes, sur le même plan que les servi de droit : à leur mort, leurs biens reve naient tout naturellement, au même titre qu'un pécule, à leur patron, ainsi que nous l'explique Gaius : unde edam res eorum peculii iure ad patronas pertinere solita est1. Ceci explique que ces «biens» puissent passer à des héritiers exter neset être exclus de la succession, et ainsi ne pas revenir aux enfants exhérédés du patron2. De même, dans le cas où un affranchi de cette
1 «Ceux que l'on appelle maintenant Latins Juniens, autrefois, en vertu du droit des Quirites, étaient des esclaves, mais grâce à l'intervention du préteur, l'usage a été créé de les placer dans une certaine forme de liberté; il en résultait que ce qu'ils possédaient revenait aux patrons, selon le droit concernant le pécule». III, 56. Il est remarquable que Gaius utilise le terme de res à propos de la situation de ces individus, antérieurement à l'époque augustéenne. Evoquant, un peu plus loin, le contenu de la Lex Iunia, il utilise le terme bona (III, 45 : Itaque iure quodammodo peculi bona Latinorum ad manumissores ea lege pertinent «En conséquence, c'est en quelque sorte par une application du droit concernant le pécule que les biens des Latins reviennent, en vertu de cette loi (Junia), à ceux qui les ont affranchis»), sans doute parce qu'il lui semble mieux adapté au statut d'hommes libres reconnu par cette loi aux affranchis informels. 2 III, 58 «Tandis que les biens des Latins, au même titre que les pécules des esclaves, reviennent même aux héritiers externes et ne vont pas aux descendants du patron, s'ils ont été exhérédés».
catégorie est soumis à plusieurs patrons, ce qui est laissé après la mort suit une destination particulière3. D'autre part, les statuliberi qui, tant qu'ils n'ont pu remplir la condicio prévue par leur ancien maître, sont dans la situation d'esclaves de l'héritier, laissent, à leur mort, leurs biens à ce dernier4, s'ils n'ont pu échapper à leur statut. Nous devons souligner que l'étude de cet élément fondamental des rapports économiques noués entre affranchis et patrons repose essen tiellement sur le commentaire de Gaius dont les § 42 à 54 du livre III des Institutes font certes écho à l'importance prise par cette question au deuxième siècle, mais, surtout, résument un ouvrage particulier que Gaius réservait aux affranchis, et qui est malheureusement perdu5.
3 Cf. III, 59 à 61. (59: «Tandis que les biens des Latins reviennent à chacun de leurs maîtres dans la proportion où ceux-ci étaient propriétaires (des Latins) »). Alors que dans le cas de la succession de l'affranchi citoyen romain, chaque patron reçoit une part égale, quels que soient ses droits sur le défunt. 4 Cf. chap. I, L I. 5 Si du moins nous acceptons la conjecture de R. Besnier (Le règlement des successions des affranchis d'après les lois caducaires, Gaius, Institutes, III, 42 à 54 dans StCl, 7, 1965, p. 55-65 (= Besnier, Successions), p. 55/6), à propos de III, 56 : «Afin de rendre plus claire cette partie du droit, nous devons faire remarquer - ce que nous avons déjà signalé dans un autre passage ... ». Mais il n'est pas totalement exclu qu'il s'agisse d'un simple renvoi à des passages antérieurs des Institutes, où le cas des Latins Juniens était déjà abordé, ainsi I, 22, incomplet et où le fait qu'ils ne peuvent faire un testament est déjà indiqué. Cf. aussi I, 23.
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
Or ce témoignage prend d'autant plus de valeur que, d'une part, les sources postérieures datant du Bas Empire ou de l'époque de Justinien - sont peu abondantes6, et que, d'autre part, avec le sens des situations concrètes et le souci pédagogique qui l'habitent, Gaius, loin de s'e nfermer dans l'énoncé de principes théoriques, envisage une série de situations réelles : succes sion des affranchis hommes (§ 39-43), succession des affranchies (§ 43-44), droits des descendants du patron (§ 45-48), droits des patronnes (§ 49-52). De plus, Gaius propose une interprétation chronologique de cette question, et définit trois étapes fondamentales, dont l'importance nous est déjà apparue : régime lié à la Loi des XII Tables, et à son interprétation, action prétorienn e, lois augustéennes7. Ce sont ces temps forts que met d'ailleurs en valeur, bien qu'avec moins de clarté, le recueil attribué à Ulpien et intitulé Titilli ex corpore Ulpiani8. Cette concordance nous incite à reprendre une présentation chro nologique du problème et à mettre en lumière, successivement, le régime de succession hérité de la législation décemvirale et les dispositions issues des réformes introduites par les préteurs de la fin du deuxième et du début du premier siècles. 1 - Le régime successoral issu de la Loi des xii Tables a) L'apparent libéralisme de la législation décemvirale Les dispositions décemvirales, dans le domai ne des successions d'affranchis, revêtent une 0 Ct sur ce point, les remarques de Fr. Samper, De bonis libertorum. Sobre la conciirrencia sucesoria del patrono con los hijos del liberto, dans AHDE, 41, 1971, p. 149-235 (= Samper, De bonis), p. 153-4. 7 Ce découpage est utilisé à propos des 4 thèmes étudiés, ainsi au sujet de la succession d'affranchis hommes : olim . . . nam ita demum lex XII Tabularum §40 / postea praetoris edicta ... § 41 / postea lege Papia § 42. 8 II s'agit sans doute d'un démarquage, réalisé au IVe siècle, soit de l'œuvre de Gaius (cf. Girard, Textes, p. 414-6), soit de celle d'Ulpien - ce qui est moins vraisemblable (si l'on suit la thèse notamment de M. Schönbauer, Die Ergebnis se der Text userforschung und ihre Methode dans lura, 12, 1961, p. 145-158).
importance considérable, puisque, d'une part, elles sont restées en vigueur, pour l'essentiel, pendant plus de trois siècles et même, dans certains cas, jusqu'à l'époque d'Auguste, et que, d'autre part, elles ont servi, comme nous avons déjà eu l'occasion de le souligner, de fondement au droit de tutelle exercé par les patrons sur les affranchis mineurs et les affranchies, et introduit par l'interprétation des veteres9. L'élément le plus remarquable du comment aire donné par Gaius concerne la latitude très grande, laissée à l'affranchi de sexe masculin, de disposer de ses biens. Selon le jurisconsulte, en effet10, dans tous les cas où l'affranchi laissait un testament, le patron était écarté, même si l'héri tiern'était pas interne". Par ailleurs, au cas où l'affranchi mourait intestat, mais laissait un héritier interne, suus, celui-ci écartait automatiquement le patron. Et Gaius nous indique que la définition d'un tel hères était très large12 puisqu'elle ne se limitait pas aux seuls enfants mâles ou nés légitime ment13. Et l'indignation de Gaius est telle qu'il parle de iuris iniquitas, au paragraphe suivant (III, 41).
9 Cf. Gaius, Instit., I, 160. Sur ce point Cosentini, Studi, I, p. 42. 10 Instit., Ill, 40 «Jadis il était permis à un affranchi d'oublier impunément son patron dans son testament, car la Loi des XII Tables n'appelait le patron à la succession de l'affranchi que dans le seul cas où celui-ci mourait intestat et sans laisser d'héritier interne. En conséquence, même si l'affranchi était mort intestat, mais en laissant un héritier interne, le patron n'avait aucun droit sur ses biens». 11 Ce que le commentaire des Tituli ex corpore Ulpiani, XXIX, 1 souligne avec netteté ideoque sive testamento facto décéderai, licet suns hères ei non sit..., lex patrono nihil praestat. Dans ce sens, cf. Cosentini, op. cit., I, p. 191, De Zulueta, op. cit., I, p. 129, Treggiari, Freedmen, p. 78-9. 12 Sur le sens de l'expression liberi naturales, cf. M. Niziolek, Meaning of the Phrase «liberi naturales» in Roman Law Sources up to Constantine's reign, dans RIDA, 22, 1975, p. 317-343. 13 «Si encore il laissait pour héritier interne un de ses descendants par le sang, il ne semblait pas qu'il eût motif à se plaindre; mais si c'était ou un fils, ou une fille adoptive, ou une femme "en sa main", il paraissait ouvertement inique qu'aucun droit ne fût accordé au patron». Cf. le commentaire de Watson, Succession, p. 177. Passage corroboré par Tituli ex corpore Ulpiani, XXIX, I: «soit (qu'il meure) intestat, et en laissant un héritier interne, bien qu'il ne s'agisse pas d'un descendant naturel, mais par exemple d'une femme "en sa main" ou d'un fils adoptif, la loi n'accorde rien au patron».
LES DROITS DU PATRON ET LA DEVOLUTION DES BIENS DE L'AFFRANCHI II apparaît donc, à la consultation de ces témoignages, que la loi des XII Tables aurait été à l'origine d'un régime libéral; en même temps qu'elle accordait à tout citoyen la possibilité de faire un testament14, elle aurait reconnu un droit identique aux affranchis15. En réalité ce régime, dont Cosentini a voulu souligner le libéralisme pour conforter sa thè se16, doit être examiné de plus près, notamment au plan chronologique. Gaius, en effet, ne ratta chedirectement à la Loi des XII Tables que le principe de la succession ab intestat et sans hérit ier17. Les références au mariage cum manu ou à l'adoption d'un fils, ainsi que la possibilité de faire un testament ne peuvent concerner que des prérogatives réservées à des citoyens Romains; or, nous avons vu qu'il n'est pas du tout assuré qu'à une date aussi haute que celle des XII Tables, les affranchis de citoyens Romains aient eu accès à la citoyenneté18. Et il apparaît que l'expression Civis Romani liberti hereditas (Gaius, Instil, III, 58) ou Civis Romani liberti hereditatem doive bien être comprise com me «la succession de l'affranchi de citoyen romain» (et non «la succession de l'affranchi citoyen romain»), ce que l'utilisation de libertus au lieu de libertinus, qui aurait mieux convenu dans la deuxième hypothèse, laisserait entendre. On doit penser que c'est, bien après la Loi des XII Tables, que ces prérogatives ont été concé-
14 V, 3 : Uti legassit super pecunia tutelave suae rei, ita ins esto, cf. Bruns, FIRA, 7, p. 23 où les sources sont analysées. 15 On pourrait étayer cette concordance sur le fait, par exemple, que la définition des sui de l'affranchi se rattache à un principe général inscrit dans la loi. Cf. Gaius, III, 1-2: «/ les successions de ceux qui sont morts intestats, en vertu de la loi des XII Tables reviennent en premier rang à leurs héritiers internes... 2 Sont considérés comme héritiers internes, les descendants libres qui ont été sous la puissance du défunt. Peu importe qu'il s'agisse de descendants par le sang ou par adoption». 16 Studi, I, p. 186-202, critiqué par Kaser, dans ZRG, 68, 1951, p. 567-586 - p. 576 et M. Bartoseck, dans Iura, 1, 1950, p. 461. 17 III, 40. Il semble que, sur ce point, le commentaire des Tituli ex corpore Ulpiani (lex patrono nihil praestat, XXIX, 1) soit excessif. 18 Cf. Chap. I du LI. C'est sans avancer aucun argument que De Zulueta, Institutes, II, p. 128, affirme que les affranchis avaient, d'après les XII Tables, les mêmes pouvoirs que les ingénus en matière testamentaire.
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dées aux affranchis, à partir du moment où ils ont pu bénéficier, par le biais d'une manumissio conforme aux lois et au droit, du statut civique, ce qui était déjà le cas, nous le savons au deuxiè me siècle19. Mais il paraît difficile de penser que les patrons n'aient pas cherché à éviter, par une limitation possible des mariages cum manu et, surtout, des adoptions20, la constitution de sui pouvant annuler leurs propres droits à succéder à l'affranchi. Quant aux possibilités dont dispos aitl'affranchi de faire librement un testament, elles n'ont pu de toute manière intervenir qu'à partir du moment où, aux testaments calatis comitiis et in procinctu, qui avaient un caractère public et pouvaient permettre que des pressions sociales s'exercent au profit du patron, s'est ajouté le testament per aes et libram, né sans doute d'une adaptation de la mancipatio familiae prévue par la Loi des XII Tables21. On peut donc supposer que les possibilités offertes primitivement à l'affranchi étaient sans doute moins importantes qu'il n'apparaît à pre mière vue, dans la mesure où le contrôle du patron sur la vie familiale et les activités publi ques de ses dépendants devait être très étroit, même après que la citoyenneté ait été accordée à ces derniers. Mais il est probable qu'au cours du deuxième siècle, avec la multiplication des affranchissements réguliers et le développement des activités économiques (autres qu'agricoles), les affranchis des grandes familles ont été en mesure d'aliéner des bona relativement import ants, notamment en instituant héritiers des indi vidus qui ne leur étaient pas liés par le sang - et en dehors du patron. Si bien que la réaction prétorienne, dans ce domaine, aurait trouvé sa justification dans le souci de sauvegarder les intérêts patronaux dont les préteurs étaient, de par leur recrutement social, solidaires.
19 Cf. Hubrecht, BPDP, p. 55-6. 20 Surtout s'il s'agit a'adrogationes qui exigent la réunion des comices curiates (cornicia calata) après accord des Pontif es.Cf. Watson, Persons, p. 82-88. Sur l'affranchi adrogator dans le but de frustrer le patron du droit de succession, cf. G. Lavaggi, L'arrogazione dei libertini, dans SDHI, XII, 1946, p. 115-135 (p. 117-8 notamment). 21 Cf. G. Voci, Diritto ereditario romano, 1. 1, 2e éd. Milan, 1967, p. 126-7. Cf. Watson, Persons, p. 234 - Succession, p. 8-21.
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
C'est peut-être l'écho ultime de cette capacité te stamentaire acquise par les affranchis que nous trou vons dans un texte de Valére Maxime relatant un fait divers daté de 77 avant Jésus-Christ22. Notons que l'argument invoqué par le consul Aemilius Lepidus pour écarter de la succession de l'affran chi, le galle Genucius, porte sur le fait que celui-ci n'était assurément pas une persona certa. Mais il n'est fait aucunement allusion au fait que le testateur aurait oublié son patron. Le contexte laisse bien entendre qu'il s'agissait de tous les biens du déïunt(Genucium heredem fecerat, ut restituì se in bona Naevi Ani tuberei) et Cn. Orestes, le préteur, avait, pour sa part, caution né les termes du testament. Nous pouvons donc pen ser que la liberté laissée aux affranchis (de) citoyens romains, en vertu de l'interprétation faite à partir de la Lex XII Tabularum, est encore en vigueur à cette époque. Et il a fallu toute l'autorité du consul, s'appuyant sans doute sur un possible décret sénatorial interdisant aux citoyens Romains d'être prêtres de Cybèle23, pour porter atteinte à ce principe, avant que le préteur lui-même, dans son édit, limite l'application de ce même principe. En tout cas, l'importance que pouvait revêtir, dans ce domaine aussi, le fait pour un affranchi d'être marié cum manu24 et, surtout, d'avoir des enfants sur lesquels il exerce sa potestas, appar aîtconsidérable et de nature, même en l'absen ce d'un testament, à exclure le patron. b) Les droits reconnus au patron Mais ces premières observations ne doivent pas faire oublier que les possibilités d'action du patron sont considérables. 22 «Mais quel arrêt plein de dignité que celui rendu par le consul Marcus Aemilius Lepidus! Un certain Genucius, prê tre de la Grande Mère, avait obtenu de Cn. Orestes, préteur urbain, que lui revinssent les biens de Naevius, dont il avait reçu la possession en vertu des termes du testament. Surdinus, dont l'affranchi avait institué Genucius héritier, ayant fait appel auprès de Mamercus, celui-ci cassa la décision du préteur en invoquant le fait que "Genucius, s'étant volonta irement émasculé, devait être considéré comme n'étant ni de sexe masculin, ni de sexe féminin . . .". Avec l'accord de Mamercus, avec l'accord du "prince" du Sénat, un décret interdit que la présence obscène de Genucius et sa voix ignoble souillent les tribunaux des magistrats, sous prétexte de réclamer son droit». VII, 7, 6. 23 Cf. Denys d'Halicarnasse, II, 19, 4-5, cf. Latte, Religions geschichte, p. 260 et le commentaire de Watson, Succession, p. 76. 24 Mais ce ne devait pas être une pratique fréquente cf. Chap. II, L. II.
Tout d'abord la succession de l'affranchie ne peut, en aucune façon, échapper au contrôle patronal. C'est ce que nous indique Gaius, en montrant clairement que ce fait n'avait pas été déterminé par la Loi des XII Tables elle-même, mais par l'interprétation qu'en avaient fait les Veteres, lorsqu'ils avaient accordé la tutelle légit imesur les libertae à leurs patrons25. Selon lui, les préteurs successifs ont reconnu au patron un droit absolu sur l'affranchie : d'une part, celle-ci ne peut tester sans l'aval (auctor) de son ancien maître, qui est ainsi à même d'empêcher qu'un tiers l'évincé de la succession; d'autre part, si l'affranchie meurt sans avoir fait de testament, ni ses enfants légitimes, ni son mari, même si elle est mariée cum manu, ne peuvent exclure, pour quelque part que ce soit, le patron (quoniam non sunt sui heredes matri, ibid.). Et ce droit est reconnu à la patronne elle-même, ainsi que l'affirme Gaius (III, 51), qui rattache le prin cipe à la Loi des XII Tables26. Ceci implique que, dans tous les cas, l'affran chie ne bénéficie d'aucune possibilité de dispo serde ses biens, du moins d'une manière auto25 Instit., III, 43 «En ce qui concerne les biens des affran chies, aucun préjudice, dans l'ancien droit, n'était subi par les patrons. Etant donné qu'elles étaient placées sous la tutelle légale de leurs patrons, elles n'avaient d'autre moyen de tester qu'avec l'autorisation patronale. En conséquence, ou bien celui-ci avait donné son autorisation en vue de la confection du testament [. . . ] si, au contraire, son autorisa tion n'avait pas été sollicitée et si l'affranchie était morte intestate, (sa succession) revenait à ... Et en effet, il n'y avait aucun . . . qui pût évincer le patron des biens de l'affranchie intestate». Texte donné par Reinach, CUF. On pourrait apport er quelques compléments de détail, sur la base des Titilli ex corpore Ulpiani, XXIX, 2: «Concernant les biens de l'affran chie,le patron n'a reçu aucun droit (nouveau) en vertu de l'édit. Car dans le cas où l'affranchie voulait faire un test ament, elle était sous la puissance du patron, et celui n'autori sait pas la confection d'un testament qui ne l'instituait pas héritier, et dans le cas où l'affranchie est morte intestate, la succession lui revient dans tous les cas, même si l'affranchie a des descendants libres, puisqu'une femme ne peut avoir d'héritier interne». Dans le texte de Gaius, on pourrait donc restituer: «ad [eum hereditär per]tinet. Nec enim ullus olim [liber] possit. . . ». («C'est à lui que la succession revenait. Et en effet, il n'y avait, autrefois, aucun descendant libre qui pût ...»). 26 Instit., III, 53: «C'est pourquoi, si ni la patronne ellemême, ni l'affranchie n'ont subi une diminution de capacité, la succession revient, en vertu de la loi des XII Tables, (à la patronne), et les descendants libres de l'affranchie sont exclus».
LES DROITS DU PATRON ET LA DEVOLUTION DES BIENS DE L'AFFRANCHI nome. Ce principe est d'ailleurs resté inchangé tout au long de l'époque républicaine, et n'a été modifié que par la Lex Papia Poppea sous August e. C'est ainsi, nous l'avons vu, que Fecennia Hispala demande un tuteur prétorien pour pou voir faire un testament27. Plus tard, les biens d'une affranchie de Valerius Flaccus28, pourtant légitimement mariée, passèrent intégralement, après sa mort, non à l'époux, mais au patron. Ajoutons que cette même domination patro naledevait s'exercer sur les affranchis mineurs dont la tutelle légitime est assurée, nous l'avons vu, par le patron ou ses descendants. Quant à l'affranchi majeur, et cela d'après les termes mêmes de la loi des XII Tables, s'il mour aitintestat et sans avoir d'hères suus, d'héritier interne, il laissait tous ses biens au patron29, alors qu'Ulpien cite partiellement le texte même de la loi : cum de patrono et liberto loquitur lex Ex Ea Familia, inquit, In Earn Familiam30. Et ce droit reconnu au patron l'est aussi à la patronne, toujours selon Gaius31. 27 Cf. T. Live, XXXIX, 9 Qui eo processerai consuetudine capta, ut, post patroni mortem, quia in nullius manu erat, tutore a tribunis et praetore petito, quum testamentum faceret, unum Aebutium institueret heredem, cité plus haut. Le texte fait problème car il n'est nullement question des ayant-droits du patron décédé : celui-ci n'avait-il ni fils, ni descendant agnatique, ni patron (s'il était lui-même affranchi) auquel le tuteur pût destiner l'hereditas? Ou bien nous avons affaire à une situation familiale exceptionnellement favorable à l'a f ranchie, ou bien Tite Live a «télescopé» les événements et a donné consistance à ce qui n'était qu'une intention de Fecenn ia Hispala, intention qui a pu se matérialiser à partir des droits particuliers que le Sénat lui a, par la suite, accordés, Utique Fecenniae Hispala dado, deminutio, gentis enuptio, tutor i·;optio (XXXIX, XIX). 28 Si l'on accepte la conjecture du Schol-Bobiens, in Cic, Fiacco, 34, 1, texte sur lequel nous reviendrons un peu plus bas. 29 Gaius, Instit., IIL 40 «Car la loi des XII Tables n'appel ait le patron à la succession de l'affranchi que si l'affranchi était mort intestat et sans laisser d'héritier interne». Cf. Titilli ex corpore Ulpiani, XXIX, I: «La succession de l'affranchi de citoyen Romain est accordée par la loi des XII Tables, au patron, si l'affranchi meurt intestat et sans laisser d'héritier interne». Cf. aussi Mosaicarum et Romanarum legum Collatio, XVI, VIII: «Si (celui qui est mort) a le statut d'un affranchi ou d'une affranchie, c'est à son patron que la succession légitime est accordée par la loi des XII Tables». 30 D. 50.16.195.1. «Lorsque la loi des XII Tables parle du patron et de l'affranchi, s'il sort de cette famille, dit-elle, qu'il revienne au sein de cette famille». " Imtit., III, 49 «Jadis, avant le vote de la loi Papia, les patronnes n'avaient d'autre droit aux biens de leurs affran-
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Mais il existe une différence essentielle entre patron et patronne : elle réside dans le fait que le droit patronal de l'homme, en matière de succession, passe à ses descendants agnatiques par son fils ou sa fille32, alors qu'il n'en est rien dans le cas d'une patronne33. Remarquons que seuls les héritiers internes (sui) du patron sont concernés, et non d'éven tuelshéritiers externes : les premiers ne peuvent être exclus par la volonté du patron ou par exhérédation34. D'autre part, les droits à la suc cession de l'affranchi se transmettent per capita et non in stirpesi5, ce qui implique, dans le cas d'un patronage multiple, que les liberi de chaque patron ont droit, chacun, à la même part de Yhereditas36. Enfin, dans le cas où l'affranchi a plus d'un patron, Gaius indique que, jusqu'à l'époque chis que celui qui, en vertu de la loi des XII Tables, était reconnu aussi aux patrons». Cf. Tituli ex corpore Ulpiani, XXIX, 6. « Les patronnes n'avaient pas d'autres droits sur les biens des affranchis que ceux que la loi des 12 Tables leur a accordés». 32 Cf. Gaius, Instit., III, 45/46. Passage corroboré par les Tit. ex corpore Ulpiani, XXIX, 4 et 5. 33 Cf. Gaius, Instit., III, 51: «Jamais, en effet, ainsi que nous l'avons indiqué plus haut, les femmes ne peuvent avoir un héritier interne». 34 Gaius est formel sur ce point, cf. Inst., III, 48 : « II ressort de là que les héritiers externes des patrons sont tenus absolument à l'écart de tout le droit qui est reconnu au patron sur les biens des intestats, ou à l'encontre des dispositions du testament». Cf. III, 58 : « En effet, la succession de l'affranchi de Citoyen Romain ne revient en aucun cas aux héritiers exter nesdu patron, alors qu'elle va de toute manière au fils du patron, à ses petits-fils nés du fils, et aux arrière-petits-fils nés d'un petit-fils, même s'ils ont été exhérédés de leur ascendant». III, 64: «Car la succession d'un affranchi de citoyen romain ne revient jamais aux héritiers externes du patron». Selon E. Rabel, Die Erbrechtstheorie Bonfantes, dans ZRG, 50, 1930, p. 295-322, p. 312, il s'agit là de l'application du droit des sui sur les biens de famille (il s'oppose à P. Bonfante, Corso di diritto romano, VI, Le successioni (Parte generale), Rome 1930 (= Bonfante, Corso VI,), p. 113 notamment). 35 Cf. Paul, Sent., Ill, 2, 3 : « La succession des affranchis est divisée par tête et non par souche». Cf. Tit. ex corpore Ulpiani, XXVII, 4: «La succession de (l'affranchi) défunt appartient aux descendants libres du patron, de telle sorte qu'elle soit partagée par tête et non par souche». 36 Cf. Gaius, III, 61 : «De même, si, par exemple, l'un des patrons a 3 descendants libres, et l'autre un, la succession de l'affranchi de citoyen romain est divisée par tête, c'est-à-dire que les 3 frères reçoivent 3 parts et le fils unique une».
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impériale, les patrons sont sur un même pied, quelle que soit la part de propriété détenue par chacun d'entre eux37. D'autre part, la transmis sion de ce droit fait que le patron survivant exclut le fils de l'autre et que l'agnat le plus proche exclut les individus appartenant à la génération suivante38. Il apparaît donc que le système mis en place par la Lex XII Tabularum, et par les interpréta tions qui en ont été données, a abouti à l'affirma tion d'un principe de non-concurrence entre les intentions de l'affranchi et l'intérêt du patron, aussi bien dans le cas d'une succession test amentaire, que dans celui d'une succession ab intestat (notamment, la primauté de l'ascendance naturelle de l'affranchi sur le patron ou les des cendants de celui-ci). De ce point de vue, la remarque de Watson39 concernant «la disposi tion des XII Tables permettant la bonorum possessio contra tabulas à la fille du patron» est totalement erronée, car la notion même de possessio contra tabulas, accordée au patron ou ses ayant-droits, est absolument étrangère à la légis lation décemvirale, l'existence d'un testament suffisant à exclure le patron en personne. c) Les droits accordés aux «sui» et à la «gens» du patron Un dernier point, concernant la justification théorique de ce droit patronal, mérite quelques 37 Gaius, Instit., III, 59 : « De même, la succession de l'a ffranchi de citoyen Romain revient dans des proportions égales à deux ou plusieurs patrons, même s'ils étaient pro priétaires, pour des parts inégales, de l'esclave». Gaius ne mentionne pas explicitement l'autorité de la Loi des XII Tables, mais le contexte (notamment les rapprochements avec Tit. ex corpore Ulpiani, XXIV, 2) indique qu'il s'agit d'un principe tiré des prescriptions décemvirales. 38 Gaius, ibid., Ill, 60: «De même, dans la succession de l'affranchi de citoyen romain, le patron (survivant) exclut le fils de l'autre patron et le fils d'un patron exclut le petit fils de l'autre patron». Cf. Tituli ex corpore Ulpiani, XXVII, 2 : «Si un patron et le fils de l'autre sont en présence, la succession revient au seul patron. 3 De même le fils d'un patron empê cheles petits fils (de l'autre) patron d'hériter». Ce n'est peut-être qu'à partir d'une interprétation ulté rieure que l'exclusion de l'un des patrons est ainsi prévue par Gaius (III, 62) : «De même, si l'un des patrons néglige de recueillir sa part dans la succession d'un affranchi de citoyen romain, ou bien meurt avant de l'avoir refusée, toute la succession revient à l'autre patron». 39 Persons, p. 233.
commentaires. La loi des XII Tables dans le cas d'un citoyen mort intestat prévoyait les disposi tionssuivantes40 : l'agnat le plus proche était mis en première ligne; à défaut, les gentiles étaient habilités à recueillir la succession. Or, il apparaît difficile de croire qu'en appel antle patron à la succession (après les sui) d'un affranchi mort intestat, le mécanisme se soit appliqué intégralement41, étant donné que l'a ffranchi n'a pas d'agnat et que ce n'est que, par une reconstitution théorique, que certains au teurs ont pu parler d'un lien agnatique ratt achant le patron au libertus42. En réalité, parce qu'il est soumis à la potestas patronale, l'affran chi n'est même pas dans la position d'un agnat externe par rapport au patron et à ses descend ants43. D'autre part, on ne peut oublier que l'affran chi, malgré le port d'un gentilice, n'apparaît jamais comme un membre à part entière de la gens patronale, même s'il est lié à cette dernière. Il s'agit cependant d'un point difficile à cerner. Un texte de Cicéron, en effet, se fait l'écho d'une controverse portée devant les centumviri entre les Marcelli et les Claudii, au sujet de la succes siondu fils d'un affranchi des Marcelli, que
40 V, 4. «S'il meurt intestat, et qu'il n'a pas d'héritier interne, que l'agnat le plus proche reçoive sa familia. 5 S'il n'a pas d'agnat, que les membres de sa gens reçoive sa familia. 41 Bien que des analogies puissent être relevées avec la succession agnatique des ingénus : l'absence de distinction selon le sexe du bénéficiaire, ainsi que l'exclusion des des cendants de la patronne, des descendants par la fille du patron, ou des descendants émancipés ou donnés en adopt ion, sont à rapprocher du fait que n'avaient droit à la succession agnatique que ceux qui, à la mort du testateur, étaient sous sa puissance. De même, l'affirmation des droits de l'enfant (du patron) exhérédé à recueillir les bona de l'affranchi de son père ou de son frère peut être mis en parallèle avec les mécanismes mêmes de la succession agna tique des ingénus. 42 Cf. E. Betti, Corso di Istituzioni di diritto romano, Padoue, 1928, (= Betti, Diritto Romano), p. 1334 ou La Pira, Successione, p. 183-6. Même Cosentini, (Studi I, p. 190), qui suit S. Solazzi {Diritto ereditario romano I, Parte Generale, Naples, 1932 (= Solazzi, Diritto ereditario) p. 76-168), pense que ce serait à titre d'agnat que le patron exercerait son droit à recueillir la familia du libertus décédé. 43 Même ceux qui ont soutenu cette position ont dû reconnaître qu'il n'y a pas de réciproque dans les prétendus liens agnatiques établis entre patron et affranchi (cf. La Pira, op. cit., p. 186).
LES DROITS DU PATRON ET LA DEVOLUTION DES BIENS DE L'AFFRANCHI ceux-ci réclamaient au nom du ius stirpis, alors que leurs adversaires faisaient jouer le ius gentilitatis44. Ce passage montre que les droits de la famille du patron dépassent la propre personne et les biens du libertus, et qu'une sorte de ius patronatus au second degré peut, dans un cas exceptionnel sans doute (le défunt ne devait pas avoir de descendance, ni de frère ou sœur, ni d'épouse), être reconnu45. Donc si, comme Cicéron l'indique par ailleurs46, seuls des individus dont les ancêtres ont toujours été ingénus peu vent être considérés comme gentiles, les affran chisou leurs descendants peuvent être de fait rattachés à une gens41, de telle sorte que leur succession puisse être recueillie par les memb res de celle-ci. Il semble qu'il y ait là une survivance, sinon de l'époque décemvirale, du moins ancienne et qui doit faire penser que, s'il n'y a pas identité entre la succession des ingénus et celle des affranchis, il y a des rapprochements possibles. En tout cas, c'est dans le cadre de passages différents que ces questions sont envisagées; Ulpien cite partiellement le § V, 848 : en vertu d'un principe incomplètement exprimé ici49, il est possible que la loi des XII Tables ait créé un
44 De Orat., I, 176: «Eh quoi! Dans l'affaire qui opposé, devant les Centumvirs, les Marcelli et les Claudii patriciens, les Marcelli prétendant hériter de ce fils d'affranchi en vertu du droit de "souche", les Claudii, qui étaient patriciens, soutenant que la succession de ce personnage devait leur revenir en vertu du droit gentilice, n'y avait-il pas, dans cette controverse, pour les orateurs, nécessité d'exposer tout le droit concernant "souche" et "gentilice"? Sur le texte, cf. Watson, Succession, p. 182. 45 II faut supposer aussi, sans doute, que le patron du père du défunt ou ses ayant-droits n'étaient pas en mesure de réclamer la succession (décès? capitis diminuito? la raison en échappe). Sur ces problèmes, cf. Kubier, dans RE, VII A {gens) col. 1190-1. 46 Top., VI, 29. 47 Mommsen, DP, VI, 2, p. 10. Beiti, Diritto Romano, p. 133. La Pira, Successione, p. 183. 48 «Et ici, il est évident que la Loi veut parler des person nes considérées individuellement». D. 50.16.195.1. 49 Selon Mommsen, il faudrait ainsi reconstituer le passa ge de loi : ex ea familia [qui libérants eût eins bona] in earn familiam [revertuntur]. Lambert {Operae, p. 263) pencherait plutôt pour la conjecture de J. Godefroy ex ea familia in earn familiam [proximo pecunia adduitur].
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ius familiae habendi50 et ait mis en valeur le proximus de l'affranchi, qui est le patron dont, assez largement, il partage la vie. Mais on ne doit pas écarter toute analogie avec la situation du fils émancipé qui, à partir de son affranchissement, n'a plus d'agnat, et pour lequel le proximus est celui qui a procédé à l'affranchissement final lors de la cérémonie d'émancipation5 ' . Plus difficile est l'explication que l'on peut apporter au droit reconnu à la patronne et aux descendants agnatiques du patron52. Le terme familia utilisé anciennement, comme ceux de stirps ou de gens cités par Cicéron, pourraient suggérer qu'alors que, dans le cas des ingénus, les gentiles sont indiqués, mais en tant que memb res individualisés d'un groupe53, lorsqu'il s'agit d'un affranchi, le groupe auquel le patron est lié aurait été considéré dans son ensemble, ce qui expliquerait notamment que le patron ne puisse exhéréder ses sui de ce droit54. Mais on peut se demander si c'est, dès la Loi des XII Tables, que les droits des sui du patron et de la gens ont été affirmés55, ou si cette reconnaissance n'a pas été plus tardive56. Peutêtre est-ce dans le cadre d'une interprétation ultérieure donnée à la loi que les rapproche ments avec les liens agnatiques concernant les ingénus ont été réalisés57. C'est sans doute à 50 Cf. Solazzi, Diritto ereditario, I, p. 76-178 qui souligne, à juste titre, que ni le patron - ni à plus forte raison la patronne ou leurs descendants - n'avaient le titre d'hères de l'affranchi. Notons cependant que sous l'Empire, sinon à la fin de la République, ce droit est assimilé à un droit success oral, cf. Gaius, Instit., III, 46 : lus quod lege XII Tabularum patrono datum est. Tit. ex corpore Ulpiani, XXVII, 5 : Legitimae hereditatis ius quod ex lege XII Tabularum descendit. . . 51 Cf. De Zulueta, Institutes, II, p. 44-46. 52 Le problème est bien posé par Lambert, Operae, p. 264. 53 Cf. Watson, Succession, p. 177-182. 54 Rabel, Erbrechtstheorie, p. 312-3 parlait même, mais de façon excessive, d'un véritable co-propriété (cf. les critiques de Solazzi, op. cit., I, p. 168). Lambert, Le patronat, p. 484, insiste sur cet aspect collectif et pense que la loi n'aurait pas appelé nommément le patron, mais la familia à la tête de laquelle il se trouvait, dans la position de proximus par rapport à l'affranchi. 55 Cf. V. Arangio-Ruiz, Istituzioni di diritto romano, 14e éd., Naples, 1960, p. 538-9. 56 Dans ce sens, P. Voci, Diritto ereditario romano, II, 2e éd., Milan, 1963, (= Voci, Diritto ereditano), p. 25-32 - 740-751. 57 Cf. Samper, De bonis, p. 151.
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cette interprétation qu'il faut rattacher le fait que le patron perd sa capacité de recevoir les biens de l'affranchi, si lui-même, ou ce dernier, subit une capitis deminutio maxima58, ou le fait, que, dans le cas d'un patronat multiple, le patron survivant, comme nous l'avons vu, écarte les descendants du patron décédé, au nom de la mise en valeur du proximus. CONCLUSION Même si nous ne pouvons élucider cette sor tede protohistoire de la succession de l'affran chi intestat, il apparaît cependant que le rôle du patron, dans la réalité, est considérable. Même s'il ne concerne que les cas où l'affranchi est mort, sans faire de testament et sans laisser de sui, le droit patronal a marqué toute la fin de la période républicaine, en ce qui concerne les personnes appelées à succéder, mais a subsisté sous l'Empire, si l'on retient la distinction opé rée entre la succession aux biens de l'affranchi et la succession à la potestas sur celui-ci, qui exclut les filles du patron. Surtout, dès la Loi des XII Tables ou peu après, la vie familiale de l'affranchi prend une importance considérable (qu'il s'agisse de mariages légitimes ou de nais sances régulières) qui, malgré les interprétations ultérieures, est restée comme un principe intan gible aux yeux des juristes et législateurs romains. 2 - Les réformes prétoriennes
patronnes sur les bona de leurs affranchis n'ont été modifiés. Gaius expose d'ailleurs ce dernier point en l'opposant aux réformes accomplies par le préteur (Inst., III, 49) et en montrant que, comme par le passé, l'institution d'un héritier externe {tabulas testamenti ingrati liberti), ou la concurrence d'un fils adoptif, d'une épouse légi time60 ou d'une bru, dans le cas d'une succession ab intestat, suffisaient à exclure la patronne61. Par ailleurs, Gaius laisse entendre que cette réforme aurait eu en particulier pour raison Γ« ingratitude» des affranchis, qui laissaient leurs patrons en dehors de leur succession, sur des bases parfaitement légales (cf. Inst., III, 40 aperte iniquum erat nihil iuris patrono superesse. 41. Qua de causa postea praetoris edicto haec iuris iniquitas emendata est). Ce serait donc dans un but moral que le préteur aurait, sans doute au tour nant des second et premier siècles, «inventé» le système de la bonorum possessio dimidiae partis, concédée au patron, et définie précisément dans le cadre d'un édit de bonis libertorum. La réforme n'annule pas, mais complète les dispositions héritées de la législation décemvirale : ainsi, dans le cas où l'affranchi meurt intestat et sans sui, le régime ancien est maintenu, et une possessio unde legitimi est reconnue au patron et à ses descendants. Mais dans le cas où l'affranchi fait un test ament désignant un hères extraneus, il doit laisser au moins la moitié de ses biens au patron. Sinon le préteur garantit une bonorum possessio contra tabulas testamenti correspondant à cette moitié des bona du défunt62.
a) Les avantages accordés au patron Ces réformes sont présentées par Gaius, com meayant touché essentiellement les droits des patrons-hommes et de leurs descendants sur les affranchis, dans le cas où ces derniers n'étaient pas morts sans avoir fait de testament, ni sans laisser de sui. D'après le grand jurisconsulte59, ni le contrôle patronal sur les biens de l'affranchie qui, jusqu'à la Lex Papia, est resté ce qu'il était en vertu de la Lex XII Tabularum, ni surtout, les droits des 58 Cf. Gaius, Institutes, III, 51 - D. 38.2.23 pr. Tit. ex corpore U!piani, XXVII, 5. 59 Cf. Instit., III, 40-41, cf. 43-44.
«u Ibid., Ill, 49. 61 Qui ne garde donc de droits que sur les bona des affranchis morts intestats et sans sui (compris selon la défini tiontirée des XII Tables), cf. aussi Tit. ex Corpore Ulpiani, XXIX, 5-6 déjà cité. 62 Instit., III, 41 : «En effet, si l'affranchi fait un testament, il est tenu de tester de telle manière qu'il laisse à son patron la moitié de ses biens, et s'il ne lui laisse rien, ou lui laisse moins que la moitié, la possession de la moitié des biens est accordée au patron contre les dispositions du testament». Gaius n'indique pas si le patron avait les moyens de vérifier la rédaction du testament (devait-il figurer parmi les témoins obligatoires?), cf. aussi Tit. ex corpore Ulpiani, XXIX, 1 : « Mais en vertu de l'édit du préteur, si l'affranchi meurt en ayant fait un testament, mais en ne laissant rien au patron, ou moins que la moitié de ses biens, la possession de la moitié des biens est accordée au patron contre les disposi tionsdu testament».
LES DROITS DU PATRON ET LA DEVOLUTION DES BIENS DE L'AFFRANCHI Dans le cas où l'affranchi meurt intestat mais en laissant un hères suus, tel qu'un fils adoptif, une femme in manu ou une bru in manu d'un fils légitime, la même possessio de la moitié des biens du défunt est garantie au patron63. Finalement, ce ne sont que les descendants, par le sang, de l'affranchi, qui peuvent exclure le patron, à condition de n'avoir pas été volontaire ment exhérédés64. Ces mesures ont donc renforcé les prérogati ves patronales dans ce domaine65, puisque des descendants par le sang peuvent, s'ils sont exhé rédés, ne pas accéder à la qualité d'héritiers sui de l'affranchi défunt66. "' Instit., III, 41 «Mais s'il meurt intestat, en laissant pour héritier interne un fils adoptif, ou une femme qui était "en sa main", ou encore une belle-fille "dans la main" de son fils, on accorde également au patron, à l'encontre de tels héri tiers internes, la possession de la moitié des biens», cf. Tit. ex corpore Ulpiani, XXIX, 1 : «ou bien s'il meurt intestat, en laissant, par exemple, une épouse "en sa main" ou un fils adoptif, de la même façon, la possession de la moitié des biens est accordée, contre les dispositions du testament, au patron». 64 Ibid. «Mais il est permis à l'affranchi d'évincer son patron grâce à ses descendants par le sang, non seulement ceux qui étaient sous sa puissance au moment de son décès, mais même les descendants émancipés ou donnés en adopt ion, pourvu toutefois qu'ils aient été institués héritiers pour une part quelconque ou qu'ayant été évincés, ils aient récl améla possession des biens contre les termes du testament; en effet, les exhérédés n'évincent en aucune manière le patron ». A ce moment-là, une bonorum possessio linde liberi leur est reconnue, qui exclut intégralement le patron (cf. La Pira, op. cit., p. 381411). 65 Sur la portée générale de ces mesures, Cosentini, (Stud i,I, p. 194-5) bien que forçant la réalité, en leur attribuant l'établissement même, «sur le plan juridique, d'une nette situation d'infériorité de l'affranchi par rapport à l'affranchisseur» et donc la création du soi-disant ius patronatus, n'a pas tort de souligner la gravité de ces mesures. 66 Notons que c'est à propos de cette innovation, en particulier, que l'on doit refuser l'idée que ces mesures prétoriennes auraient consisté en un aménagement des prin cipes définis par la Lex XII Tabularum. En effet, on ne peut parler de vocation quasi agnatique du patron, dans le cas où il existe des sui (ou un héritier institué, ou une femme in manu, ou un fils adopté). Le droit de familiam habere défini par (ou en vertu de) la Lex XII Tabularum n'a de sens que s'il n'y a ni suus ni hères de l'affranchi. La familia du patron ne peut se voir accorder un droit à succéder à l'affranchi que dans la mesure où celui-ci, intestat ou non, ne laisse aucun ayant-droit. Sur ce point, La Pira, op. cit., p. 313-4 - Lambert, Operae, p. 2/3 Cosentini, Studi I, p. 192-3.
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b) Nouveaux droits octroyés aux affranchis II ne faut cependant pas oublier que des avantages ont été, inversement, reconnus à l'a ffranchi. Tout d'abord, cette bonorum possessio, nous l'avons dit, implique que les libertatis causa imposita signalées par Ulpien67 sont reportées après la mort de l'affranchi; par conséquent, celui-ci dispose, durant sa vie, d'une liberté plus grande, notamment dans ses activités économiques. Or, il est important de considérer que ces libertatis causa imposita sont inséparables de Vauctoritas patroni68 : c'est ce qui expliquerait que les fem mes avaient été exclues par le préteur de la Bonorum Possessio Dimidiae Partis. Si les patron nes pouvaient hériter ab intestat, c'est-à-dire recueillir un patrimoine d'affranchi, en vertu de la succession civile, elles ne pouvaient demander la bonorum possessio contra tabulas, car ce droit était étroitement lié à l'exercce de la puissance patronale sur l'affranchi, qu'une femme ne pouv ait exercer de façon autonome69. D'autre part, les enfants légitimes que l'a ffranchi a émancipés, ou laissé adopter par des tiers, et qui donc ne sont plus dans sa manus au moment de sa mort, à condition qu'ils figurent dans le testament, excluent le patron, selon Gaius70. Sans aller jusqu'à penser à une volonté «nataliste» de la part des préteurs agissant au nom de l'Etat71, il n'y a pas de doute que cette 67 D. 38, 1, 2 (Ulp., 1. 38 ad ed). 68 Cf. Lambert, op. cit., p. 482 notamment. 69 Cf. Gaius, III, 49 : « Et en effet, le préteur ne leur avait pas accordé, pour leur permettre de réclamer la possession de la moitié des biens contre les dispositions du testament de l'affranchi ingrat, la même attention qu'au patron ou aux descendants libres de ce dernier». Lambert, Operae, p. 274-7 rejette de façon convaincante la thèse soutenue en particulier par Solazzi (Diritto ereditario I, p. 193), invoquant la ratio Voconiana, l'antiféminisme de l'es prit «vieux romain». Il n'y a pas doute que c'est avant tout le fait que la Bonorum Possessio Dimidiae Partis comme auparav ant,nous l'avons vu, Yactio societatis, était liée au droit patronal, et, au-delà à l'ancien obsequium incluant les operae, qui explique l'exclusion des femmes dans ce domaine. Mais il n'est pas impossible que le précédent de la Lex Voconia de 169 a.c. ait ouvert la voie à une série de mesures diminuant les capacités des femmes a être institutées héritères ou à recevoir des successions. 70 Instit., III, 41. Non seulement ceux qu'il tenait en sa puissance, au moment de sa mort, mais même ceux qu'il avait émancipés, et ceux qu'il avait donnés en adoption. 71 Cf. Watson, Persons, p. 234 η. 2.
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prime, donnée aux affranchis ayant procréé, peut être, au minimum, associée à un souci de favoriser des individus «sûrs» et dignes de con fiance. Il ne serait peut être pas excessif de relever ainsi une sorte d'avant-goût de la polit iqueaugustéenne qui, sur ce plan, aurait été moins originale dans ses principes, que dans le caractère systématique de son application. Enfin, et surtout, le préteur appelle a la bono rum possessio72 les seuls descendants mâles du patron; la fille du patron, la petite-fille par un fils, et l'arrière petite-fille par un petit-fils issu d'un fils sont exclues de ce bénéfice73. c) Le problème de la datation de ces réformes Si le contenu de ces réformes est relativ ementbien connu, le problème de la date à laquelle elles ont été réalisées est plus difficile à éclairer. Rappelons qu'Ulpien, relatant les mesures prises par le préteur Rutilius, en 118 avant Jésus-Christ, ou peu avant74, reprend des indica tions de Servius et laisse clairement entendre, que la création de la Bonorum Possessio en
72 Si l'on suit Gaius, III, 46, malheureusement incomplet, mais qui semble opposer la situation issue de la loi des XII Tables à celle qui a été créée par le préteur. Ajoutons que le patron ne peut, dans son propre testament, priver, par exhérédation, du bénéfice de la Bonorum Possessio Dimidiae Part is,ni de l'hérédité civile découlant de la Loi des XII Tables. Ά l'époque classique, le descendant, exhérédé, du patron ne semble pas disposer de la Bonorum Possessio Dimidiae Partis, mais cela n'exclut nullement les descendants agnatiques appelés à sa suite. Mais l'exhérédé garde le droit à Xhereditas légale, s'il n'y a pas de concurrence (cf. Lambert, Operae, p. 266-7 et, surtout, La Pira, Successione, p. 199). 73 Praetor. . . sexus patronorum liberos. . . testamenti liberti ab intestato contra filium adoptivum vel uxorem nurumue quae in manu fuerit, bonorum possessio petat, trìum liberorum iure lege Papia consequitur; aliter hoc ius non habet (Gaius, Instit., Ili, 46). Il semble que, aussi bien dans le cas où l'affranchi, par testament, désignait un héritier externe que dans celui où il laissait des sui à l'ancienne mode, la fille du patron etc. . . ait été exclue de la Bonorum Possessio Dimidiae Partis, ce qui semble logique puisque, nous l'avons vu, la patronne ellemême était privée de ce droit. Il aurait fallu attendre la Lex Papia pour que les descendantes du patron, pourvues du ius trium liberorum, puisse accéder à cette possibilité de récupé rer la moitié des biens de l'affranchi de leur père, grand-père ou arrière grand-père paternel. 74 D. 38.2.1. Ulp., 42 ad ed. déjà cité et traduit.
faveur des patrons n'aurait été accordée que par posterior es praetores, ayant donc succédé à Rutil ius. Il est probable que la création de la Bonorum Possessio Dimidiae Partis n'a pas dû intervenir d'un seul jet, et a dû résulter de l'action successi ve (et peut-être parfois contradictoire) de plu sieurs magistrats. La première étape a été sans doute marquée, à la suite des premières initiatives de Rutilius, par l'attribution au patron de cette Bonorum Possessio Dimidiae Partis en compensation des libertatis causa imposita fournies jusque là, de son vivant, par l'affranchi75. Remplaçant la societas léonine institutée par Rutilius et dont nous avons déjà parlé, cette bonorum possessio a été réservée, dans un premier temps, aux patrons dont les affranchis avaient stipulé cet abandon76. Ce ne serait que dans un second temps que la mesure aurait été généralisée et étendue pro gres ivement à l'ensemble des patrons, peut être parce que les contestations à propos de test aments réalisés per aes et libram devaient être fréquentes. Il n'est pas impossible que le préteur ait d'abord considéré les successions ab intestat et reconnu les droits du patron aux dépens des sui non naturales; puis il aurait accordé la Bono rum Possessio Contra Tabulas, dans le cas où l'affranchi privé de sui naturales ou les ayant exhérédés, avait institué un héritier externe77. Ce serait, en tout cas, la parenté, que nous avons déjà soulignée et établie entre droit aux bona, droit aux operae et droit à recevoir les libertatis causa imposita, qui expliquerait que seuls les descendants mâles du patron aient pu recueillir, dans de telles conditions, la moitié des biens des affranchis. Il reste que le schéma que nous venons de présenter ne rend pas compte des innovations, ou des retours en arrière propres à chaque pré teur. Il semble cependant que ce soit avant 74
75 L'étude la plus complète est celle d'Hubrecht, BPDP, p. 57-61 notamment. 76 Cf. Macqueron, Le travail, p. 128 qui estime que, dans sa première phase, la Bonorum Possessio Dimidiae Partis est alternative: l'affranchi doit reconnaître ou le paiement des libertatis causa imposita ou la Bonorum Possessio Dimidiae Partis. 77 Cf. Paul, Seni, III, H, 5 (= D. 37,14,20).
LES DROITS DU PATRON ET LA DEVOLUTION DES BIENS DE L'AFFRANCHI que la mise en forme de l'édit de bonis libertorum ait pris place, ainsi qu'un passage de Cicéron concernant une initiative de Verres semble l'indiquer: Verres aurait, dans son édit, ajouté une clause, que l'édit de son prédécesseur C. Licinius Sacerdos n'aurait pas contenue, et qui concernait la bononun possessio contra tabulas accordée à la fille d'un patron78. On peut en déduire que l'édit de Sacerdos contenait déjà des dispositions concernant la bonorum posses sio contra tabulas accordée au fils ou aux descen dantsmâles du patron79. Mais faut-il penser que ce fut très près de 118 que l'introduction de la Bonorum Possessio Dimidiae Partis fut introduit e80? Sur la base du passage de Val. Maxime (VII, VU, 6) concernant l'année 77, nous pensons qu'à cette date l'édit n'était pas en forme. Ce serait donc entre 77 et 74 que ce serait placée la rédaction sans que l'on puisse en attribuer à un préteur précis la paternité81 : et l'on retiendra que l'édit n'établit pas simplement un cadre transactionnel, mais fixe des règles strictes et permanentes.
78 Verr., II, I, 125 : «II y avait un certain Sulpicius Olymp us,qui mourut sous la preture de C. Sacerdos, je ne sais si c'est avant que Verres se fût mis à briguer la preture; il institua héritier M. Octavius Ligus. Ligus fit l'adition d'héréd ité;il prit possession de l'héritage, sous la preture de Sacerdos, sans qu'il y eut aucune contestation. Après que Verres fût entré en charge, d'après un passage de son édit, qui ne figurait pas dans celui de Sacerdos, la fille du patron de Sulpicius se mit à réclamer de Ligus le sixième du montant de la succession. En l'absence de Ligus, son frère défendant sa cause, des amis, des proches l'assistaient. Ver ressoutenait que, si on ne transigeait pas avec cette femme, il déciderait de lui accorder la possession. L. Gellius défen daitla cause de Ligus; il démontrait que l'édit de Verres ne pouvait avoir effet à propos des successions qui s'étaient ouvertes avant sa preture; si un tel édit avait eu cours, peut-être que Ligus n'aurait pas fait l'adition d'héridité». 79 Cf. dans ce sens, Watson, Persons, p. 232/3. 80 Ainsi que l'affirme Watson, ibid., p. 234 (mais lui même dit que rien n'oblige à penser que l'édit ait été pris, «avant la fin de la République», mais avant 74). 81 Qu'il faille penser à Cn. Aufidius Orestes, le préteur urbain de 77, ou à C. Licinius Sacerdos, celui de 75, il semble, de toute manière, que cet édit qui n'accroît pas, mais limite, les droits de l'affranchi, s'insère dans le cadre de la réaction sénatoriale qui, entre 78 et 69, a suivi la fin de l'ère sullanienne et a été marquée, par exemple en 75, par l'édit du préteur pérégrin M. Terentius Varrò Lucullus, réprimant les actes commis par des bandes d'esclaves (cf. Cic, Tuli., 5-12).
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d) Les difficultés d'application de l'édit de «bonis libertorum» II reste que ces principes n'ont pas été admis sans difficulté, et nous pouvons retrouver l'écho des disputes qui ont marqué l'interprétation, à contre-courant, de certains préteurs. Une première source de difficultés concerne l'exclusion de la fille du patron. Cicéron nous indique que Verres, en 74, tenta d'infléchir un principe déjà établi et de donner la possibilité, à la fille d'un patron dont l'affranchi avait institue un hères extraneus, d'hériter pour un sixième82. Le bien fondé de cette proportion est impossible à discerner, étant donné que nous ignorons si l'héritier désigné devait recevoir l'ensemble de la succession ou seulement une part. Mais la tentative de Verres pour attribuer la bonorum possessio contra tabulas à la fille du patron fut sans lendemain, et ne dura sans doute pas plus longtemps que la preture urbaine de ce person nage.Notons, cependant que Verres a pu, audelà de considérations ponctuelles, prendre acte du fait que la Bonorum Possessio Dimidiae Partis pouvait être interprétée comme liée, non plus à une potestas, mais à un droit patrimonial, et qu'à ce titre il a pu penser que les descendantes du patron ne devaient pas être totalement écartées; mais ceci n'est qu'une hypothèse, qui ne doit pas nous faire voir dans ces agissements une préfigu ration, momentanément sans lendemain, des innovations dues à l'époque augustéenne. Un deuxième point de discussion semble lié à la définition des enfants naturels de l'affranchi. Certes, l'affirmation de la supériorité, en matière de succession, des enfants par le sang sur les enfants adoptés par l'affranchi n'est pas remise en cause. Mais nous ne devons pas oublier que les conceptions du vents filius, englobant ou non le fils naturel mais affranchi, se sont encore affrontées à la fin de la période étudiée, et au début de l'Empire encore, si nous en croyons un texte, signalé par ailleurs, et qui nous montre que pour Trebatius Testa filii appellatione libertinus quoque contineretur alors que pour Labeo le verus filius ne peut être qu'ingénu83. La position de Trebatius, si elle n'est pas expliquée par le fait que le père, dans le cas évoqué, était, 82 Cf. n. 78. 83 D. 28.8.11. (Iavolenus, 4 ex post Labeonis).
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
semble-t-il, un ingénu, laisserait entendre que les juris tesdes derniers temps de la République auraient accepté une définition assez large de la notion de fils, ce qui aurait pu entraîner des conséquences import antes, pour des pères affranchis d'enfants affran chis84. Par contre, la position de Labeo, que Iavolenus critique d'ailleurs, est peut-être à rattacher, cette fois, aux définitions augustéennes concernant les unions et naissances légitimes; elle marquerait donc un recul, et s'inscrirait dans le cadre des mesures que nous avons signalées et qui visent à maintenir ou accroître les privilèges patronaux sur les fortunes d'affranchis. Par ailleurs, que des difficultés d'interpréta tion aient vu le jour, liées aux moyens détournés que des affranchis auraient pu utiliser pour limi terla part due au patron, ressort de l'apparition des deux edits Calvisianum et Fabianum, sans doute datables des derniers temps de la Républi que - nous l'avons déjà indiqué - et visant les aliénations frauduleuses auxquelles des liberti pouvaient se livre pour frauder leur patron85. Enfin, une dernière question semble avoir suscité des controverses : les droits des patrons en matière de succession se limitaient-ils aux seuls biens des affranchis ou englobaient-ils des fils, ingénus ou affranchis de leur père, d'affran chis morts intestats?86. Il semble que le vieux principe du rattachement externe de l'affranchi et de ses descendants à la gens du patron, déjà évoqué à propos de la dispute ayant opposé les Claudii et les Marcelli ait permis, dans certains cas, au patron ou à ses ayant-droits de réclamer la possessio des biens du fils d'affranchi mort intestat et sans descendance87. D'autre part, il n'est pas impossible que la récupération par Valerius Flaccus des biens d'une Valeria mariée légitimement à Sextilius Andrò puisse s'expl iquerpar le fait que celle-ci était fille d'un affran chi de Flaccus, et qu'elle était morte sans laisser d'héritier88. 84 Affranchis de leur père, certainement. 85 L'actio Calvisiana vise les fautes commises par l'affran chi intestat; l'actio Fabiana frappe les dispositions testament aires frauduleuses. 86 Dans ce sens, Cuq, Institutions Juridiques, p. 105-106 (sur la base d'Ulpien, D. 26, 4,2 - 5,5). 87 Cf. De Orat., I, 176 (59 avant Jésus-Christ). 88 Cic, Pro Fiacco, XXXIV, 84: «Mais il est vrai que c'est une lourde injustice, et intolérable, qui a été commise à l'encontre de Sextilius Andrò. Sa femme étant décédée intes tate, Flaccus s'est comporté comme si la succession lui reve-
II paraît donc que la mise en place, puis l'enrichissement de la juridiction prétorienne qui, dans ce domaine, renforce la prééminence patronale, n'ont pas empêché les contestations, notamment à propos des successions les plus importantes. Certes, les nombreuses indications fournies par les épitaphes, et signalées en leur temps, laissent penser que même dans le cas d'héritiers multiples, l'accord n'était pas rare89. Mais il ne faut pas s'en tenir à une vision trop «irénique» de ces problèmes; dans le cas des affranchis riches, notamment, on peut penser que les patrons ou leurs descendants ne se dés intéres aient pas de leurs droits. Ainsi, si Pompeius Vindullus, l'affranchi de Pompée, doit lais-
nait. En quoi encourt-il tes reproches? Je voudrais bien le savoir. Parce qu'il a eu des visées injustifiables? Peux-tu le prouver? "Cette femme, dit-il était ingénue". Ο l'habile juri sconsulte! Quoi donc? ne peut-on héritier légalement des femmes ingénues? "Elle était dans la main de son mari, selon lui". J'entends bien; mais je te demande, par cohabitation ou par coemption? Par cohabitation, c'est impossible; aucune diminution ne peut être apportée à la tutelle sans l'autorisa tion de tous les tuteurs. Par coemption? Donc avec le consen tement de tous les tuteurs, et tu ne diras certes pas que Flaccus figurait parmi eux». Watson, {Persons, p. 21 - Property, p. 17-8 - Succession, p. 181) interprète l'exclamation de Cicéron ingenua, inquit, fuit à la lettre, et est embarrassé pour rendre compte de l'événement. Mais il n'envisage pas un seul instant que Vale riaait été la fille d'un affranchi de Valerius Flaccus. Mais il n'est pas impossible que ingenua soit utilisé dans un sens ironique et qu'il faille faire confiance au Schol. Bobiens, qui fait de Valeria une affranchie de Valerius Flaccus. 89 Cf. CIL, P, 1212 = ILLRP, 797 {ex testamento libertos... 1er siècle), I2, 1341 {sueis heredibus), P, 2527 a = ILLRP, 795 {heredes sequatur, post sullanie'nne), 2527 b = ILLRP, 952 he[re]des [ne sequa]tur post sullanienne), Ρ, 1371 {arbitratu libertorwn) I2, 3019 {ex testamento arbitratu où M. Romanius P. f. Rom(ilia) peut être le, ou un des, patron(s) de M. Roman iusC.P. 1. Diopantus, tout comme C. Cautrius Cl. Philades), CIL, P, 1591 = ILLRP, 929 {libertei ex testamento), CIL, X, 8222 {de suo... arbitratu), I2, 1707 {heredfes? m?), P, 1918 {ex testamento arbitratu) ILLRP, 503 {ex testamento arbitratu). Dans CIL, P, 1351 (= ILLRP, 951), l'expression heredem sequitur ne peut concerner que le patron de Sex. Oppi(us) T.L. Sur(us) puisqu'aucun descendant n'est indiqué. Notons enfin, que l'imbrication des liens juridiques de patron à affranchi et des rapports de sang - de fils naturel à père - peuvent, dans le domaine successoral, simplifier les choses, ainsi, sans doute, dans ILLRP, 503 où Primus est le fils naturel et affranchi de Fausta, la compagne et affranchie de P. Gessius.
LES DROITS DU PATRON ET LA DEVOLUTION DES BIENS DE L'AFFRANCHI ser ses biens à son patron, c'est qu'il n'avait pas de descendance, mais aussi que face à un patron qui avait tous les moyens de défendre ses inté rêts, il ne pouvait mieux faire qu'accomplir un dernier beau geste d'obéissance90. D'autre part, lorsque, après la mort de Cléopâtre, le fils d'Antoine et de Fulvie réclame, sans doute aux affranchis paternels, «ce qu'ils devaient conformément aux lois laisser à leur patron»91, il est possible qu'il s'agisse simple ment,pour un fils de patron, d'exercer son droit aux operae, mais peut-être y a-t-il eu anticipation sur la récupération des bona. Enfin, ces successions pouvaient donner lieu à des conflits d'intérêts entre le patron en titre d'un affranchi et le patron dont ce dernier était client. La rapacité que manifeste, après avoir versé les pleurs d'usage, Cicéron, à la mort de son médecin Alexio, le pousse à s'inquiéter de la date du testament et des noms des héritiers en second92. De même, Cicéron n'est pas seulement témoin lors de la rédaction du testament de Vettius Cyrus, mais il est, avec Clodius, cohérit ier,sans doute en qualité de patron du défunt93. On comprend pourquoi la législation augustéenne a établi un régime de succession spécial s'appliquant aux biens d'affranchis d'une valeur supérieure à 100.000 sesterces, régime destiné à protéger les intérêts des patrons face à ceux des tiers (y compris les personnages dont les affran chisdécédés étaient les clients).
90 Cf. Cic, AtL, VI, 1, 25 (février 50) : Quod res ad Magnum Pompeium pertinere putabatur. L'expression laisse plutôt pen ser à une succession ab intestat. 91 Dio Cass., LI, 1,5. 92 Att., XV, 2, 4 : «Je suis affligé au sujet d'Alexio, mais puisqu'il avait contracté une maladie si grave, je pense qu'il vaut mieux que les choses se soient passé ainsi. Cependant, je voudrais savoir qui sont les héritiers du second rang, ainsi que la date du testament» (mai 44). Cicéron s'inquiète de savoir combien de personnes figurent parmi les héritiers du second rang, sans doute pour connaître la part qui lui revient (le patron, inconnu, d'Alexio, devant recueillir, en premier lieu, au moins la moitié des biens du défunt). 93 Pro Milane, 48) : Una fui, testamentum Cyri simul obsignavi; testamentum autem palarti fecerat et illum heredem et me scripserat. . .
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Conclusion Le régime établi par la Loi des XII Tables et . par les interventions du préteur n'a été transfor mé qu'à l'époque augustéenne, dans le cadre de la Lex Papia Poppea de 9 après Jésus-Christ comp létant la Lex lidia de maritandis ordinibus94. Nous n'avons pas à en décrire le contenu détaill é95,mais nous pouvons souligner qu'au delà d'un apparent libéralisme, concernant, par exemple, l'affranchie dotée du ius 4 liberorum et apte, parce que déliée de toute tutelle, à tester, la législation augustéenne marque, dans l'ensemb le, une «reprise en main» des affranchis, dans le domaine testamentaire. C'est ainsi que les affranchis disposant de bona ayant une valeur dépassant 100.000 sester ces doivent avoir trois enfants pour tester libr ement, alors qu'auparavant un seul suffisait à écarter le patron96. D'autre part, les liberi naturales, nous l'avons vu, sont définis, si nous croyons Labeo, comme les seuls enfants nés légitimement, donc après l'affranchissement au moins de leur mère; or la
94 Cf. Rotondi, Leges Publicae, p. 457-8. 95 L'analyse détaillée du compte rendu donné par Gaius (Inst., III, 42 à 54) est faite par Besnier, Successions, et par Samper, De bonis. Sur les buts et la portée de la législation augustéenne : J. A. Field, The purpose of the lex Julia & Papia Poppea, dans Cl Jal, 1, 1940, p. 398-416. Mais l'étude la plus pénétrante est celle de R. Astolfi, Note per una valutazione storica della Lex hdia et Papia, dans SDHl, 39, 1973, p. 187-238 (»Astolfi, Note); du même auteur: // Fidanzamento nella «Lex lidia et Papia», dans St. Volterra, III, p. 671-694; Le exceptae personae nella Lex Iulia et Papia, dans BIDR, 67, 1964, p. 220-236; La Lex hdia et Papia, Padoue (CEDAM), 1970. On peut ajouter, G. La vaggi, La lex Iulia et Papia e la successione nei beni della libertà, dans Studi Sassaresi, XXI, 1948, p. 94-110, ainsi que les deux études du même auteur déjà citées, Bonorum Possessio et Ancora. 96 Cf. Gaius, Instit., III, 42. « Par la suite, la loi Papia accrut les droits des patrons, en ce qui concerne les affranchis les plus riches. Cette loi disposa en effet qu'au cas où un affranchi laisserait un patrimoine d'une valeur supérieure à 100.000 sesterces, et où il aurait moins de trois descendants libres, qu'il ait rédigé un testament ou qu'il soit mort intest at,une part virile de ses biens reviendrait au patron. En conséquence, si l'affranchi laisse pour héritier un fils ou une fille, la moitié de la succession est due au patron, comme s'il était mort sans laisser de fils ni de fille; au cas où il laisse pour héritiers deux héritiers, de sexe masculin ou de sexe féminin, le tiers est dû au patron; s'il en laisse trois, le patron est exclu».
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fixation à trente ans de l'âge légal de l'affranchi ssement, en dehors des iustae causae manumissionis a pu limiter ces possibilités de procréation d'enfants légitimes97. Même si l'affranchie dotée du ius quattuor liberorum est dégagée de toute tutelle, elle doit laisser une part «virile» à son patron, que celuici ait ou non un enfant légitime98. Enfin, l'application de critères démographi ques relevant du ius liberorum joue plutôt en faveur des ingénus : la patronne ayant des enfants se voit reconnaître au minimum les avantages que le préteur avait reconnus aux patrons mais qu'il avait refusée aux femmes, c'est-à-dire la Bonorum Possessio Dimidiae Partis et la Bonorum Possessio contra tabulas". Et ce droit, la patronne ayant trois enfants, l'exerce même aux dépens de l'affranchie ayant le ius 4 liberorum100. De même le fils de la patronne, exclu jusque là de tout droit, se voit accorder, s'il a le ius liberorum, les mêmes droits qu'un patron101. Donc, ces mesures consacrent non seulement une dépendance économique accrue des affran chismais aussi, ce qui est totalement nouveau, dans ce domaine, l'infériorité des affranchis patrons par rapport aux patrons ingénus : c'est bien d'une remise en ordre qu'il s'agit, compens ée il est vrai par certaines concessions au plan familial, et marquée par l'apparente concurrence démographique établie entre patronus/a et libertus/a. 97 CL notes 81 et 82. Sur les iustae causae manumissionis établies par la Lex Aelia Sentia, cf. Gaius, I, 19-20-21 (cf. I, 17-18). 98 Cf. Gaius, III, 44 : « Mais par la suite, la loi Papia, comme elle libérait les affranchies, dotées du droit des quatre descendants libres, de la tutelle patronale, et leur concédait ainsi le droit de faire leur testament sans l'autori sationdu tuteur, disposa qu'au prorata du nombre de des cendants libres que laisserait, à sa mort, l'affranchie, une part virile serait due au patron». Donc, l'affranchie, même si elle a quatre enfants, ne peut exclure totalement le patron, qui, dans le cas le plus défavo rablepour lui, hérite pour un cinquième. 99 Cf. Gaius, III, 50 à 52. 100 Cf. Besnier, Successions, p. 63-64 sur la base de Gaius, III, 50 et 52. 101 Cf. Gaius, III, 53: «Le même loi a donné au fils de la patronne honoré du droit des descendants à peu près les mêmes droits que ceux dont disposait le patron; mais, dans ce cas, le droit attaché à un seul fils ou une seule fille suffit».
CONCLUSION L'étude de l'évolution des droits patronaux en matière de constitution, utilisation et dévolu tion des bona des affranchis, nous a permis de souligner l'importance croissante des moyens de contrôle et d'intervention reconnus au patron. Sans vouloir reprendre les thèses excessives de Cosentini, il n'y a pas de doute, qu'au plan strictement juridique, l'action des préteurs, à la fin du second et au début du premier siècle a aggravé, notamment dans le domaine testament aire, les sujétions pesant sur les affranchis. Il nous est particulièrement apparu que l'ac tion des iuris periti n'a fait qu'amplifier, ou tra duire, la surveillance étroite que leurs patrons exerçaient sur les affranchis les plus riches. Il ne s'agit pas de relever les cas individuels d'affran chisfortunés102 mais de souligner qu'avant même que la Lex Papia ait mis en exergue une catégorie d'individus possédant plus de 100.000 sesterces, diverses mesures, au second siècle, et surtout au premier103, avaient tendu à donner la consistance sinon d'un ordo du moins d'une groupe à l'ensemble de ces anciens esclaves, enrichis. Nul doute que les hésitations de Cicéron, tantôt critiquant le luxe de certains de ces individus104, tantôt englobant, dans sa définition 102 Tels Pompeius Demetrius, riche de 4.000 talents (Plut., Pomp., II, 4) ou Caecilius Isidorus (Pline, NH, XXXIV, 11-12) pour ne citer que les deux plus opulents. Sans compter ceux que Pline (NH, XXXV, 58,1) cite pour avoir créé leur richesse grâce aux proscriptions (on peut se demander, du reste, si Pline ne pense pas inconsciemment aux affranchis les plus en vue de l'époque Claude-Néron, notamment Pallas et Narc isse, qu'il critiquerait ainsi indirectement). '«Ainsi, en 189, ou plutôt en 179 (cf. H. H. Scullard, Roman Politics 3° ed. Oxford, 1973, p. 183-205), les censeurs accordent le droit, aux affranchis possédant des biens fon ciers d'une valeur supérieure à 30.000 sesterces, d'être ins crits dans les tribus rurales (cf. T. Live, XLV, 15, 1-7). De même, en 43, un taxe est imposée aux affranchis possédant plus de 400.000 sesterces (cf. Appien, BC, IV, 34, cf. Dio Cass, XLVII, 4). Tandis qu'en 31, une nouvelle contribu tion visa l'ensemble des individus possédant plus de 200.000 sesterces (cf. Dio Cass, L, 10, 4 - L, 20, 3 - LI, 3,3). Il est possible que le souvenir des troubles ayant suivi cette der nière mesure ait retenu Auguste de rétablir un tel impôt. Mais ces précédents ont certainement accrédité l'idée qu'il existait un seuil, à partir duquel les affranchis pouvaient être considérés comme riches. 104 Cf. les attaques contre Chrysogonus, ou les affranchis de Verres, déjà citées, cf. De off., II, 57.
LES DROITS DU PATRON ET LA DÉVOLUTION DES BIENS DE L'AFFRANCHI des optimates, des libertini conçus comme de «bons affranchis», sûrs, mais surtout riches105, ait traduit l'inquiétude comme l'intérêt des milieux aristocratiques devant cette ascension d'un véritable groupe d'hommes, à la fois placés dans des liens de dépendance, mais disposant de moyens de vie comparables à ceux que certains chevaliers ou même sénateurs pouvaient posséd er106. Nul doute non plus que l'investissement dans des biens fonciers ait représenté à la fois un moyen de promotion pour ces affranchis aisés, mais aussi une sécurité offerte aux patrons qui, ainsi, pouvaient mieux faire jouer leurs droits en matière de succession : les encourage ments prodigués par Cicéron à Tiron, lorsque ce dernier acquiert un bien-fonds sont, à ce titre, significatifs107. On ne peut nier que la révélation de cet ordo libertinorum, défini peut-être de façon trop rigi de ou théorique par Cicéron ou Tite Live108, traduit une transformation des conditions dans 105 Cf. Pro Sestio, 97 (Sunt etiam libertini optimates) (voir aussi Comment. Petit, 29 - Cat., IV, 16). 106 Cf. Brunt, Manpower, p. 28-9 et 700, qui n'accepte pas la position de Nicolet, Ordre Équestre, I, p. 48-68 concluant de T. Live, XXIV, 11,17 qu'à la fin du troisième siècle, le cens equestre était déjà fixé à 400.000 sesterces. Rappelons que Caecilius Isidorus, outre ses 4.000 escla ves,7.000 bœufs etc. . . avait possédé 60 milions de sesterces en numéraire, ce qui le mettait, au plan économique, au rang des plus riches; A. Noirfalise (Horace chevalier romain, dans LEC, 18, 1950, p. 16-21) signale que les études du jeune Cicéron, à Athènes, coûtaient entre 72.000 et 80.000 sesterces l'an (Cic, Att., XII, 34 - XIV, 13-15). Or Horace a étudié à Athènes, ce qui laisse supposer que son père avait de forts revenus (cf. L. Ross Taylor, Horaces equestrian career, dans AJPh, 1925, 46, p. 161-9 - p. 164). 107 Fam., XVI, 21,7. 108 Cf. Β. Cohen, La notion d'«ordo» dans la Rome antique, dans Β AGB, 1975, 2, p. 259-282.
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lesquelles les rapports entre affranchis et patrons issus des milieux aristocratiques se pla cent. La cohabitation de ceux-ci et de ceux-là, dès la fin du second siècle, n'est plus la règle : procurateurs, responsables de succursales locali sées dans les principales places de commerce d'Orient ou d'Occident, prête-noms versés dans le négoce, l'assurance ou le prêt, chefs d'ateliers, boutiquiers installés par leurs patrons, disposent d'une autonomie relativement élargie, et peu vent donc dépenser ou investir de l'argent avec plus de latitude : c'est de cela en particulier, que l'abandon de la societas rutilienne et l'octroi de la Bonorum Possessio Dimidiae Partis rendent compte. Il reste que, s'exerçant durant la vie de l'a ffranchi, notamment en matière de donation, ou après la mort de celui-ci, le ius patronatus demeure encore considérable, même s'il n'at teint pas la lourdeur que lui a conféré l'époque d'Auguste. L'intelligence de ce dernier n'a du reste pas consisté seulement à accorder des droits nouveaux aux patrons et, surtout, aux patronnes pourvues d'enfants, mais à trouver, à travers l'institution des seviri et augustales, à Rome comme dans les provinces, non seulement une éxutoire aux ambitions municipales des affranchis les plus riches, mais surtout une pos sibilité offerte aux patrons de recueillir le fruit des actes évergétiques de leurs dépendants, solli cités de telle sorte qu'ils ne succombent pas à la tentation d'un luxe futile109.
l<w E. Lepore, Orientamente per la storia sociale di Pompei, dans Pompeiana, Naples, 1950, p. 157-166. L'auteur souligne que l'ascension de certains affranchis est liée à la protection de puissantes familles de notables, dont ils dépendent.
CHAPITRE IV
Β - LE CONTROLE EXERCÉ PAR LE PATRON SUR LES ACTIVITÉS DE L'AFFRANCHI
La manumission n'a pas pour conséquence de dispenser désormais l'affranchi des activités qu'il exerçait alors qu'il était encore esclave, et dont l'accomplissement zélé a pu, dans de nom breux cas, déterminer le maître à lui accorder la liberté1. D'ailleurs, le libertus ne perd pas du jour au lendemain les habitudes qui étaient les siennes et qui impliquaient que, loin de flâner, il cher chait à réaliser, en homme désireux de changer de condition, le plus de tâches possible : au type du servus currens2 des comédies de Plaute ou Térence, répond celui de l'affranchi qui, oubliant son état d'homme libre, garde cette démarche pressée et inconvenante qui caractérise plutôt un esclave3. L'étude des métiers et services accomplis par les affranchis revêt donc un grand intérêt, mais il ne peut être question, dans la perspective du
1
Sur ce point, cf. chapitre III. Voir aussi le passage consacré par Treggiari (Freedmen, p. 11-20) aux «motifs d'a f ranchis ement». 2 Sur ce thème, voir notamment G. Stace, The Slaves of Plautus, dans G. & R., 15, 1968, p. 64-77. 3 Plaute, Poenulus, v. 522-3 Liberos homines per urbem modico magis par est gradu / Ire, servile esse duco festinantem currere. Horace, Sat., II, 3, ν. 281-2 Libertinus eroi, qui circum compita siccus / Lautis mane senex manibus currebat ... et surtout Epod., IV, v. 5-10 : Licet superbus / ambules pecunia / fortuna non mutât genus. / Videsne, Sacram metiente te Viam / cum bis trium ulnarum toga, / ut ora vertat hue et hue euntium / Uberrima indignatio? Autrement dit, le véritable homme libre, drapé dans sa dignité et disposant de tout son temps, s'oppose à l'affranchi marqué par ses origines et qui, par son agitation, conserve un comportement d'esclave.
sujet étudié, de nous limiter à dresser un catalo gue,aussi complet soit-il, de tous les emplois remplis, ni de mesurer la considération sociale attachée à l'exercice de telle profession. Notre propos impose de chercher, avant tout, quels droits ont été reconnus aux patrons, avant puis après les réformes prétoriennes que nous avons déjà signalées, et de mesurer, à travers les servi cesrendus et les éventuelles relations de travail, quelles possibilités d'autonomie étaient offertes aux affranchis. Cette démarche implique en premier lieu que la notion si complexe d'operae, conçues comme une prestation d'activité obligatoire fournie par l'affranchi au profit de son patron, soit, si possi ble,précisée4.
1 - Les fondements du contrôle exercé par le patron sur les activités de l'affranchi : de l'obsequium illimité aux operae jurées ou stipulées5 Comme dans le cas des bona des affranchis, les informations que nous possédons sont frag mentaires; elles mettent cependant en valeur la
4 On peut retenir, comme point de départ de cette réflexion, la définition générale donnée par F. de Robertis (Lavoro e lavoratori, nel mondo romano, Bari, 1963 (1967), p. 16-17 : une activité liée à une nécessitas faciendi, une pres tation obligatoire, née ou non d'un contrat. 5 D'une longue bibliographie extrayons les travaux les plus marquants : E. Albertario, Sul diritto dell'erede estraneo alle opere dei liberti, dans Filangieri, 35, 1910, p. 707-714. Sui
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portée des réformes accomplies par les préteurs de la fin du second siècle, à partir de Rutilius Rufus6. Or, la connaissance des changements alors intervenus revêt une importance particulière, negozi giuridici conchiusi dal liberto «onerandae libertatis cau sa», dans Rend del R. Istituto Lombardo, 1928, 61, p. 509-515. G. Alzon, Réflexions sur l'histoire de la «locatio - conducilo», dans RHDF, 41, 1963, p. 553-559 (= Alzon, Réflexions) (p. 582585 spécialement). Β. Biondi, Judicium operarum, dans Annali della fac. di Giurisprudenza dellVniv. di Perugia, 1914, XXVIII, p. 55-76. Cosentini, Studi, I, p. 105-186. F. M. De Robertis, La organizzazione e la tecnica produttiva. Le forze del lavoro e i salari nel mondo Romano, Naples, 1946, (p. 124-151). «Locatio operarum» e «status» del lavoratore, dans SDHI, 27 1961, p. 19-45. Cf. aussi l'ouvrage signalé à la note 4 du présent chapitre. E. R. Elguerra, Locatio operarum, dans RSADR, X-XI, 1963-5, p. 13-36 P. Jaubert, Observation sur les «operae» et leur rapport avec la «locatio conduction, Bordeaux, 1951. La «Lex Aelia Sentia» et la «locatio conducilo» des «operae liberti», dans RHDF, 43, 1965, p. 5-21 (= Jaubert, Lex). Lambert, Operae, (exhaustif). G. Lavaggi, La successione dei «liberi patroni» nel leopere dei liberti, dans SDHI, 11, 1945, p. 237-278 (= Lavaggi, Successione). Nuovi Studi sui liberti, dans Studi P. de Francisci, II, Milan, 1956, p. 75-111 (critique Cosentini) (= Lavaggi, Nuov iStudi). Macqueron, Travaii, p. 110-133. L Mitteis, «Operae officiates» und «operae fabriles», dans ZRG, 23, 1902, p. 143-158 (= Mitteis, Operae). D. Nörr, Zur sozialen und rechtlichen Bewertung der freien Arbeit in Rom, dans ZRG, 82, (1965), p. 67-105 (CR.de De Robertis, Lavoro). F. Pescani, Le operae libertorum, Saggio storico-romanistico, Trieste (Univ. degli Stu di23), 1967 (= Pescani, Operae), (avec le C. R. de K.Visky, dans Index, I, 1970, p. 221-230). Solazzi, Diritto ereditario, I, p. 144-150 et 168-9. J. Thelohan, De la stipulano operarum, dans Études P. F. Girard, I, Paris, 1937, p. 355-377. J. A. C. Tho mas, Locatio and operae, dans BIDR, 64, 1961, p. 231-247, (= Thomas, Locatio). Treggiari, Freedmen, p. 75-78 (mais utilise trop les textes d'époque impériale). Watson, Persons, p. 229231 et 191-2. 6 Les auteurs acceptent, en général, d'identifier le per sonnage avec le préteur en charge en 118 ou un peu avant (cf. Bremer, Iurisprudentiae, I, p. 43-4 - Kaser, RPR, I, p. 300 notamment). Ni P. Rutilius Calvus, préteur en 166, ni le préteur de 49 ne peuvent être retenus : le premier, parce que le texte d'Ulpien (D. 38.2.1. Ulp. 1. XLII ad ed.) laisse penser à une activité continue à la fin du second siècle; le second, parce que nous avons vu que la bonorum possession dimidiae partis existait avant 74 avant Jésus-Christ (cf. Cic, Verr., II, I, 125126), et que, d'autre part, le texte déjà signalé d'Ulpien reprend une analyse, par Ser. Sulpicius Refus, des réformes intervenues, et qui, donc, étaient antérieures pour une part à son temps. Reste le préteur de 93, mais la mention de Livius Drusus parmi les préteurs qui ont participé à la définition nouvelle des devoirs des affranchis conduit à penser plutôt au préteur de 118.
dans la mesure où Cosentini tend notamment à attribuer à l'action prétorienne l'obligation faite à l'affranchi de respecter, en matière à'operae, le serment fait avant sa libération; et cet élément représente un argument, que l'auteur pense décisif, en faveur de sa thèse selon laquelle, originellement, l'affranchi aurait été placé sur un pied d'égalité avec son patron7. a) Le régime antérieur à la preture de Rutilius Rufus C'est essentiellement par référence aux chan gements signalés notamment par les auteurs de l'époque impériale que nous pouvons nous faire quelque idée de la situation des affranchis anté rieurement aux réformes prétoriennes. Il apparaît que leur subordination aurait été très prononcée. Ainsi Ulpien, reprenant un expo séde Servius Sulpicius8, nous présente un tableau assez sombre : «Hoc edictum a praetore propositum est honoris quem liberti patronis habere debent moderandi gratia. Namque ut Servius scribit, antea soliti (sous entendu patroni) fuerunt a libertis durissimas res exigere, scilicet ad remunerandum tam grande beneficium, quod in libertos confertur, cum ex servitine ad civitatem Romanam perducuntur. Dans ce texte, il n'est pas directement fait mention des operae, mais le terme honor, qui doit être conçu dans sa définition de l'époque classique, représente beaucoup plus qu'un sim ple sentiment ou des marques de respect, de déférence : il garde encore, fondamentalement une valeur quasi-religieuse, liée à la notion de pietas, et qui s'explique en contrepoint des bienf aits reçus par les affranchis9, du fait de leur 7 Cf. Studi I, p. 177-185 et II, p. 43 à 53 - 57 (où il défend l'idée que les operae, à l'origine, auraient été intransmissibles au fils du patron, même fait héritier). 8 Le texte et la traduction ont déjà été présentés dans le cours du chapitre précédent. D. 38.2.1. Ulp., XLII ad ed. 9 Cf. l'analyse (excellente) d'Hellegouar'ch, Vocabulaire, p. 383-7. Sur les emplois du terme dans la jurisprudence impériale, cf. Cosentini, Studi, I, p. 256-9. Mais l'auteur a le tort d'oublier que ce texte n'aurait pas de sens, si l'on reprenait son hypothèse : en effet, si antea la situation des affranchis n'avait impliqué qu'un simple respect, qu'auraient cherché les préteurs qui ont pris la peine de le modérer (moderandi gratia)}
LE CONTROLE EXERCÉ PAR LE PATRON SUR LES ACTIVITES DE L'AFFRANCHI libération même. Mais cet honor implique aussi des manifestations concrètes, qui englobent bien sûr les operae destinées à compenser la générosit é du maître qui a libéré l'esclave10. Or il est question de durissimas res exigere; malgré l'i mprécision de l'expression, il faut penser, sans doute, à des prestations matérielles, en nature"; et en dehors des dons et autres avantages, ce sont certainement des services et activités d'or dre professionnel, fixés en toute liberté par le patron, qui sont concernés12. Un autre passage d'Ulpien, déjà cité, et qui explici te le précédent, permet de mesurer l'étendue de la toute puissance patronale dans le domaine des operae, Pr. Hoc edictum praetor proponit coartandae persecutionis libertatis causa impositorum : animadvertit enim rem istam . . . ultra excrevisse, ut premerei atque oneraret libertinas personasli. Le texte ne manque pas de soule verdes difficultés; mais la similitude de la formule initiale avec celle de l'extrait cité plus haut, et la mention ultérieure initio igitur pollicetur, qui doit être mise en rapport avec Et quidem primus praetor Rutilius edixit, semblent indiquer qu'il faut rapporter les deux passages à l'activité de Rutilius14. Il apparaît, en tout cas, qu'avant ce dernier, il n'y avait pas de limite à l'étendue des operae que le patron était en droit d'exiger de son affranchi. Enfin, un dernier texte, déjà signalé15 lui aussi, a pour auteur Cicéron (Ad Quint, I, 4, 13) et concerne la façon dont les maiores16 auraient traité l'affranchi remplissant la fonction d'accensus: Accensus sit eo numero quo eum Maiores nostri esse voluerunt, qui hoc
10 On notera la force du terme remunerandwn, qui traduit une obligation de reconnaître et de «rémunérer» le bienfait reçu (cf. Macqueron, Travail, p. 110-2). 11 Ceci ressort de la mention de Xactio operarum et de l'aedo societatis accordées par Rutilius. (Et quidem primus praetor Rutilius edixit se amplius non daturum patrono quam operarum et societatis actionem . . .). Sur le caractère de res des operae, cf. Macqueron, op. cit., p. 1 1-26. Dans le même sens, Cosentini, Studi, I, p. 183-5. 12 La mention de Servius, soulignons-le encore, montre que ce passage rapporte une situation dont Ulpien a eu précisément connaissance, même s'il ne l'a pas, bien évidem ment,connue directement. 13 La traduction a été donnée dans le chapitre précédent. D. 38.1.2. Ulp., XXXVIII ad ed. 14 Malgré les hésitations de Lambert, Operae, p. 132-136, suivi par Macqueron, op. cit., p. 115-116. r- Cf. chapitre III, L II. 16 Nous avons indiqué précédemment l'admiration nostal gique manifestée par Cicéron pour le siècle antérieur. Ad Quint, I, 4, 3.
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non in benefici loco, sed in laboris ac muneris non temere nisi libertis suis deferebant, quibus Uli quidem non multo secus ac servis imperabant. Loin de se limi ter à l'indication d'une acceptation par l'affranchi pour des raisons purement morales, ainsi que l'écrit Cosentini17, le passage, par l'accumulation de termes pleins de force (voluerunt, deferebant, imperabant) ne laisse guère de place à un refus possible de la part du libertus. Et les mots labor et, surtout, munusiS, font penser à une activité non rémunérée et ayant un caractère obligatoire, contraignant. Nous sommes donc confirmés dans l'opinion qu'antérieurement aux dispositions prétorienn es, les operae que le patron pouvait exiger avaient un caractère pratiquement illimité19 : l'expression cicéronienne non multo secus ac ser vis n'aurait donc rien d'excessif. b) Les réformes de Rutilius et de ses successeurs La portée des transformations qui ont abouti à la mise en forme d'un édit de operis libertorum a été abusivement restreinte par A. E. Giffard, qui pensait que seuls le cas des individus affran chisinformellement était visé par le récit d'Ul pien (D. 38.1.2.)20. Cette conclusion nous paraît devoir être refusée, dans la mesure où, d'une part on ne comprend pas pourquoi le préteur aurait accordé au patron une actio operarum, alors que son intervention à propos de ces indi vidus a visé essentiellement leur situation per sonnelle, et semble bien n'avoir rien changé aux operae qu'ils devaient pas plus qu'aux droits qu'avaient leur patron sur leurs bona21. Par ail leurs, et contrairement à ce que pense l'auteur, l'utilisation du terme libertinas fait penser à une dimension «politique» du statut de ces individus, ce qui semble exclure que des individus irrégu lièrement libérés puissent être concernés. 17 Studi, I, p. 74-75 (cf. la critique de Lavaggi, Nuovi Studi, p. 81-82). 18 Terme qui évoque un charge, mais qui est très proche d'officium (cf. Hellegouar'ch, op. cit., p. 153) et implique l'idée d'un service «en retour» d'un bienfait (cf. Michel, Gratuité, p. 491, n° 799). 19 Lavaggi, op. cit., p. 243-5 va jusqu'à penser qu'avant l'époque des réformes prétoriennes, le patron pouvait impos erà l'affranchi de fournir des «services» à des tiers, au même titre qu'à l'esclave. 20 A. E. Giffard, La portée de l'édit de operis libertorum (D. 38.1.2.), dans RHDF, 17 (1938), p. 92-95. 21 Cf. chapitre II, de ce même livre.
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Les deux textes d'Ulpien déjà cités permett ent de dégager, dans le cours de l'activité préto rienne, les étapes suivantes (qui ne peuvent être détachées de celles qui ont marqué l'évolution du régime des bona libertorum). Tout d'abord, Rutilius accomplit une trans formation décisive : il décide, dans le but de mieux assurer l'autonomie des affranchis, qu'il n'accordera plus désormais au patron qu'une actio operarum (D. 38.2.1. Ulp. 1. XLII ad ed. Et quidem primus praetor Rutilius edixit se amplius non daturwn patrono quam operarum et societatis actionem). Il faut comprendre que c'est Rutilius qui, le premier, a inclus dans son édit une dispo sition concernant le droit des patrons à bénéfi cierdes operae fournies par leurs affranchis : dans cette optique, la vieille théorie de Lenel prétendant que cette actio aurait préexisté et que Rutilius aurait simplement affirmé son maintien (à côté de Yactio societatis), parmi tout un ensemble d'actiones plus anciennes, ne peut être retenue22. En fait, le préteur a pris une décision capitale qui a tendu à limiter le droit absolu qu'avaient les patrons de jouir de l'activi té (et des revenus) de leurs anciens esclaves; que l'on admette ou non la théorie de Lambert sur un ius patronatus originel, réduisant les affran chisà une situation de quasi esclaves23, on doit admettre qu'il y a eu, à ce moment, un fractio nnement d'un droit unique et sans limites, le préteur affirmant des droits particuliers, dont celui aux operae jurées (et non conçues comme illimitées) : c'est dans cette mesure que se justi fiel'expression se amplius non daturum patrono, qui qualifie le sens de la réforme intervenue24. Une difficulté technique ne peut cependant nous échapper; en effet, dans D. 38.2.1., Ulpien parle d'une operarum actio, alors que dans D. 38.1.2, il signale un iudicium operarum (1 Initio igitur praetor pollicetur se
22 Edit Perpétuel, § 140, p. 62-4 - cf. les critiques de Lamb ert, Operae, p. 97-130, suivi par Macqueron, Travail, p. 116-7. 23 Thèse soutenue encore par Lavaggi, op. cit., p. 77-91. 24 Désormais est affirmé le principe selon lequel, même si l'affranchi fournit des services plus grands que ceux qu'il a juré d'accomplir, ce ne peut-être que de son fait, et non en application du bon vouloir patronal (cf. D. 38.1.31 Modestin Operis non promissis manumissus etiamsi ex sua voluntate aliquo tempore praestiterit, compelli ad praestandas non pot est).
iudicium operarum daturum in libertos et libertas)2$ : la contradiction est plus apparente que réelle, dans la mesure où Ulpien a suivi l'exposé de Servius et qu'à l'époque républicaine, le terme iudicium désignait auss ibien une action prétorienne qu'une action civile. Rutilius a donc bien créé une action prétorienne, in factum concepta, et qui concernait les operae promises par serment par l'esclave ayant reçu la liberté26 : et cette action, ultérieurement, serait passée dans le domaine civil {in ius concepta21). Une deuxième réforme, rapportée incidem ment par Cicéron, a précisément trait à la sanc tion du serment promissoire concernant les ope rae {Att, VII, 228) lllud tarnen de Chrysippo . . . Itaque usurpavi vêtus illud Drusi, ut ferunt, praetoris in eo qui eadem liber non iuraret. Nous avons déjà fait mention de la dégradation subie par les rapports liant Cicéron à son affranchi. Dans cette lettre apparaît nettement le décalage qui sépare la conception rétrograde que Cicéron avait de Yobsequium qui lui était dû, de la nou velle réalité créée par Rutilius et ses succes seurs. Assimiler à une fuite {fugam non few qua mihi nihil visum est sceleratius) , propre à un vulgaire esclave, le fait que l'affranchi ne soit pas demeuré auprès du jeune Marcus, est sans doute excessif; mais pour Cicéron, Yobsequium tradi tionnel, auquel il se réfère constamment, exige
25 La structure du texte est, à première vue, surprenante, puisque Ulpien parle d'avantages accordés aux affranchis puis, aussitôt après, d'un iudicium operarum accordé aux patrons. Lambert, op. cit., p. 132) suppose, avec quelque vra isemblance, que le texte d'Ulpien, qui contenait un résumé des dispositions prises par Rutilius {initio) puis par ses successeurs, a été altéré par les compilateurs du temps de Justinien : ceux-ci n'auraient maintenu que la référence à Xactio operarum toujours en vigueur. Il faudrait donc rétablir initiodgitur serait tardif) praetor pollice[ba]tur. Le préteur dès le début promettait d'accorder une action portant sur les operae à l'encontre des affranchis et affranchies. 26 Macqueron, Travail, p. 119-120, souligne justement que les termes pollicere, dare iudicium relèvent plutôt du domai ne prétorien. Watson, {Law Making, p. 38) paraît excessive ment prudent, en affirmant que Rutilius n'aurait créé ni un nouveau concept légal, ni un nouveau droit à une actio, mais aurait limité les droits du plaignant (du patron) dans le domaine civil. 27 Cf. St. Tomulescu, Sulla forma del ius iurandum liberti, RIDA, XV, 1968, p. 461-471 (= Tomulescu, lus iurandum), p. 469. Lavaggi, Successione, p. 240. 28 La traduction a été donnée dans le chapitre III, du livre I.
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que l'affranchi reste à la disposition permanente du patron, ce que Chrysippus n'a pas accepté. Mais il est important de noter que, pour étayer son accusation, Cicéron recourt à une antiquité juridique (vêtus illud) qu'il faut ratta cher à Livius Drusus, l'adversaire de C. Gracc hus29, qui, entre son tribunat de la plèbe en 122 et son consulat, dix ans plus tard, fût préteur au plus tard en 115, donc vraisemblablement après Rutilius Rufus30. En quoi consiste cette réforme? Pour la com prendre, il faut éclairer la genèse et la nature du ius iurandum liberti^. Antérieurement à la pretu re de Rutilius, s'était établi l'usage d'imposer à l'esclave, avant même son affranchissement, un serment par lequel il s'engageait à fournir certai nesprestations. Ce serment, de nature essentie llementreligieuse (et non civile, ce qui explique qu'il ait pu être prêté par un individu n'ayant pas la condition d'homme libre), avait pour effet de lier le patron et son serviteur32. La sanction du manquement devait être, originellement, en ce qui concerne l'esclave libéré, la reconnaissan ce de sa qualité d'homo sacer, qui pouvait être mis à mort sans que son meurtrier puisse encour ir une peine quelconque. Cette pratique, dont Plaute nous donne peutêtre un écho33, a subi une transformation radical e avec l'introduction d'une aedo operarum dans l'édit de Rutilius; sortant désormais du domaine du fas strictement religieux, le serment promissoire concernant les operae est l'objet d'une sanction prétorienne34.
Or, avant même cette époque, ou à la suite de l'innovation drusienne35, la pratique de la confir mation, par le nouvel affranchi, du serment accompli alors qu'il était encore esclave, s'est introduite, si bien qu'anciennement, selon Venuleius, une controverse s'était élevée, portant sur le point de savoir si l'obligation contractée par l'affranchi naissait du serment prêté par l'esclave ou de la répétition faite ultérieurement : Licet dubitatum «antea» fuit, utrum servus dumtaxat an libertus turando patrono obligaretur in his quae libertatis causa imponuntur, tarnen venus est non aliter quam liberum obligari - Ideo autem solet iusiurandum a servis exigere, ut hi religione adstricti, posteaquam suae potestatis esse coepissent, iurandi necessitatem haberent, dum modo in conti nenti, cum manumissus est, aut iuret aut promittat36. Venuleius qui, comme les auteurs de l'épo que impériale, pense que seul le serment de l'affranchi crée une obligation37, laisse donc entendre que sous la République (antea) la doc trine n'était pas clairement établie sur ce point. En effet, Rutilius n'a pas expressément prévu, dans son édit, le renouvellement du serment par l'affranchi, sinon on ne comprendrait pas pourq uoi, peu après, Livius Drusus aurait dû prendre des mesures à l'encontre des affranchis ne renouvelant pas, «terme pour terme, leur se rment d'esclave». Il faut supposer que ce renou vellement était, jusqu'à ce dernier, resté facultat if, et que des affranchis sans scrupule avaient pu ne pas tenir compte de ce qu'ils avaient religieusement promis avant leur manumission.
29 Cf. l'étude classique de H. Boren, Livius Drusus, tr. pleb. 122, and his anti-gracchan Program, dans CJ, 1956, p. 27-36. 30 C'est à tort que Cosentini, (Studi, I, p. 185) parle de Drusus préteur en 50 avant Jésus-Christ, cela nuit à sa démonstration selon laquelle ce ne serait qu'alors, que Vobligatio operarum aurait été nettement établie. 31 Sur ce thème, outre l'étude de Tomulescu, citée n. 27, voir J. Macqueron, Histoire des Obligations, Aix, 1975, p. 54-55. Pescani, Operae, p. 29-32. Lambert, Operae, p. 101 à 121. M. Lemosse, L'aspect primitif de la «fides», dans Studi P. de Francisci II, Milan, 1956, p. 39-52 (47-51). De Zulueta, Institutes, II, p. 138-157. 32 Cf. Arangio-Ruiz, Istituzioni, p. 321. 33 C'est peut-être une parodie d'un tel serment que l'on peut trouver dans Menaechmi, v. 1032-1034: Sed, patrone, te obsecro / Ne minus imperes mihi, quam cum tuus servus fui / Apud ted habitabo, et quando ibis una tecum ibo domum. 34 II s'agit d'un véritable contrat verbis et Gaius (Inst., III, 96) indique que c'est le seul cas, en droit Romain, où le
serment est source d'obligation (cf. Zulueta, Institutes, p. 157, Macqueron, Obligations, p. 54-5). 35 L'antériorité est repoussée avec force par Lambert, op. cit., p. 160), mais soutenue par Arangio-Ruiz (Istituzioni, p. 322) et Kaser (Patronatsgewalt, p. 104) entre autres. Mais il paraît logique que l'apparition du ins iurandum liberti, qui désormais implique la surveillance du préteur, soit mise en rapport avec un moment historique où l'obéissance fondée sur les «mores» est battue en brèche et où le préteur fait éclater Yobsequium traditionnel. 36 D. 40.12.44. Sur la reconstruction de la fin du passage, cf. Pescani, Operae, p. 32-3. 37 Cf. D. 50.17.22 pr. Ulp. XXVIII, au Sab. («Concernant un individu de condition servile, aucune obligation n'est suscept ibled'être contractée»). Cf. D. 38,1,7,2 (Ulp.) : «Afin que (l'a ffranchi) soit régulièrement obligé, il doit prêter serment après l'affranchissement; et qu'il prête serment aussitôt après sa libération ou après un certain délai, il sera valable mentobligé».
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II semble donc que ce soit au plus tôt sous Livius Drusus que la question de l'origine de l'obligation née du ius iurandum ait été débattue. Mais la décision du préteur signifie-t-elle que désormais la réitération du serment ait été aut omatiquement réalisée? Tout d'abord notons que si la sanction prise contre les affranchis contrevenant à la décision de Drusus était la réduction de ceux-ci à l'état d'affranchis informels38, prétoriens, c'est-à-dire obligés de fournir des services illimités, ce que nous avons dit plus haut concernant l'absence de revocano in servitutem sous la République39 laisse supposer que le préteur devait répugner à une telle mesure et que celle-ci a dû tomber en désuétude. C'est ce que laisse entendre le texte de Cicéron : si celui-ci invoque id vêtus c'est que Chrysippus n'avait pas renouvelé le serment (in eo qui eadem liber non iuraret); or, on ne peut soupçonner Cicéron d'avoir négligé ses propres intérêts; ni d'avoir méconnu le droit prétorien de son temps. Nous devons donc supposer que le renouvel lementdu serment promissoire n'était pas la règle et que, même après la décision de Livius Drusus, la majorité des affranchis et patrons devaient se sentir suffisamment engagés pour ne pas avoir à recourir à une répétition du ius iurandum. La valeur religieuse d'un acte accomp li devant l'autel familial et en présence de témoins pouvait suffire à maintenir l'affranchi dans son devoir. Mais pourquoi les patrons auraient-ils renon cé à demander le maintien d'une garantie que leur avait offerte Drusus? Sans doute parce qu'ils pouvaient ainsi espérer obtenir des servi cesplus étendus. Il n'est pas exclu qu'à l'image de Cicéron, essayant de profiter de son autorité pour imposer à Chrysippus des services que celui-ci, à un certain moment, a jugé excessifs,
38 Dans ce sens, De Francisci, Revocano, p. 302. Mais rien n'assure que Chrysippus ait subi un tel sort. Il y a de grandes chances pour que, au milieu du premier siècle au moins, la poena encourue soit purement financière. On trouverait un écho lointain de ce fait dans une sentence de Pubi. Syrus : Amantis ius iurandum poenam non habet où l'auteur insiste sur la fides sous-jacente, mais aussi sur la contrepartie néces saire (37). 39 Cf. notre chapitre III.
des patrons puissants aient pu chercher un tel avantage40. Mais on peut se demander aussi, si les patrons, plutôt que d'exiger la réitération du serment concernant les operae n'ont pas préféré, pendant un certain temps, recourir aux onerandae libertatis impositaA{. En effet, Rutilius n'avait prévu aucune limita tiondes operae qu'un esclave pouvait promettre et qu'il devait accomplir en tant qu'affranchi. Il est probable que c'est parce que certains patrons voulaient imposer des operae illimitées que certains affranchis durent refuser de confir mer, après leur libération, leur première pro messe : la décision de Drusus aurait visé ces récalcitrants. Mais il est possible que des préteurs ulté rieurs soient intervenus pour empêcher la reconstitution de Yobsequium primitif*2, en refu sant dans le cas d'excès, Xactio operarum au patron qui en demandait le bénéfice (D. 38.1.2. Ulp. 1. XXXVIII ad ed. Hoc edictum praetor proponit coartandae persecutionis libertatis causa impositorum). Cette mesure dut être conçue comme devant suffire à protéger les affranchis contre les abus auxquels ils étaient exposés; mais elle ne devait pas être intégrée dans l'édit, et était appliguée à 'chaque situation individuell e43. Les patrons trouvèrent alors un moyen de tourner la juridiction prétorienne en recourant à la stipulation de peine, selon ce que nous indi que Ulpien44.
40 D'autant que, rappelons le, le iusiurandum liberti enga gele patron devant le préteur, au même titre qu'un contrat (Pescani, op. cit., p. 29). De toute façon, derrière le iusiuran dum, demeure une relation d'allégeance qui est en rapport avec la notion même de fides, conçue non comme un échang e,mais comme la reconnaissance de la supériorité du patron par rapport au libertus (cf. Lemosse, Fides, p. 50-1). 41 Ou à l'aedo societatis, tant qu'elle a eu cours. Dans ce sens, Lambert, {Operae, p. 123), et Lavaggi, {Successione, p. 123). 42 Lavaggi, op. cit., p. 241, pense que Rutilius avait voulu, ainsi que ses successeurs, remplacer Yobsequium total, qui assujettissait l'affranchi au patron, par un vinculum iuris personnel. 43 Dans ce sens, Macqueron, Travail, p. 126-7. Le préteur devait agir au moyen d'une denegatio actionis (Paul, D. 38,1738,1,20). Dans le même sens, Jaubert, Lex, p. 11. 44 D. 44.5.1.5. Ulp., LXXVI ad ed. «Ce que j'ai stipulé pour grever la liberté, je n'ai pas le droit de le réclamer (en
LE CONTROLE EXERCE PAR LE PATRON SUR LES ACTIVITES DE L'AFFRANCHI En effet, en stipulant l'éventuel versement par l'affranchi d'une lourde somme, le patron se mettait à l'abri des écarts d'humeur de ce der nier et était en mesure d'imposer, à volonté, en dehors de tout serment, des services illimités (propter quem metum «quoduis sustineat»). Il n'y avait aucune possibilité, pour l'affranchi, d'échapper, dans la pratique, à la toute puissan ce patronale, sous peine d'encourir une sanction de caractère pénal. C'est cette monstruosité que le préteur a sup primée45. Selon l'hypothèse la plus vraisemblab le, il est intervenu en même temps qu'était mis en forme l'édit de bonis libertorum, c'est-à-dire peu avant 7446. Une dernière possibilité a donc été offerte au patron, celle de faire promettre des operae par l'affranchi. En effet, le ius iurandum liberti, reprenant les termes du serment prêté par l'esclave, présentait des inconvénients pour le patron; en particulier, seules étaient concernées des operae ayant un caractère personnel, ne pouvant être fournies qu'au patron et incessibles à des tiers47. De même qu'elles ne pouvaient être accomplies que par l'affranchi en personne, les operae ne devaient être « prestées » qu'au patron en person-
justice) à mon affranchi. Ce qui a été disposé en vue de grever la liberté se définit très bien ainsi : ce qui est imposé (à l'affranchi) pour lui être réclamé au cas où il mécontenter ait son patron, et pour lui inspirer continuellement la crain teque cela soit exigé, crainte qui poussera l'affranchi à supporter tout ce que le patron lui imposera». Sur ce texte, cf. Lambert (Operae, p. 240-247) qui établit très bien la différence qui existe entre ces onerandae libertat is causa facta et les sommes reçues par le patron au moment de l'affranchissement (cf. D. 44.5.2.2. Paul L. LXXI ad ed. cité au chapitre VIII). Dans le même sens, Macqueron, Travail, p. 117. 45 Sans doute en créant une exceptio onerandae libertatis (Ulp.,D. 44.5.1.8). 46 Sur la base de D.32 h.t. Mod. L 6 Pandect. «Celui qui aura été amené, dans le but de grever sa liberté, à promettre à nouveau de l'argent à son patron, ne sera pas tenu, ou alors le patron, s'il exige le paiement de la somme, ne peut pas réclamer la possession des biens (de l'affranchi) contre les dispositions contenues dans son testament». La liaison entre l'interdiction des onerandae libertatis causa facta et la Bonorum Possessio Contra Tabulas laisse penser à une conco mitance entre les deux dispositions. 47 C'est une règle que la jurisprudence classique a conser vée (D. 38.1.10 et 12 Pomponius).
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ne48. En conséquence, les operae concernées par le serment de l'esclave ou le ius iurandum liberti ne pouvaient être effectuées, du vivant du patron, au profit du fils de ce dernier49. Or, la pratique de la stipulatio poenae en rétablissant, en marge du droit prétorien, des moyens d'imposer des operae illimitées et indéfi niesà l'affranchi, avait sans doute offert aux patrons la possibilité de faire exécuter ces ope rae auprès de tiers, au même titre que les operae serviles ou celles des affranchis informels. L'in terdiction des onerandae libertatis causa imposita n'a pas supprimé le désir qu'avaient les patrons, d'une part de faire profiter leurs proches des services de leurs affranchis, et d'autre part de tirer un meilleur profit de l'activité professionn elle de ces derniers, dans la mesure où ils accomplissaient des métiers dont ils ne pou vaient avoir eux-mêmes toute l'utilisation (ainsi dans le cas d'affranchis médecins, grammairiens, rhéteurs etc . . .). D'où le recours à la stipulatio, contrat utilisé pour la locano operarum des hom mes libres, et qui permettait de prévoir l'exerci ce d'une activité professionnelle au profit d'une tierce personne. Ce système, qui a dû voir le jour dans les dernières décennies de la République50, portait en germe deux innovations: d'une part, la dis tinction entre operae à caractère technique et les autres (mais ce n'est que tardivement que l'op position entre operae officiales incessibles et ope rae fabriles, stipulées, à été définie)51, d'autre
48 Sur ce caractère des operae jurées, cf. Lavaggi, Success ione,p. 241-4. 49 Principe toujours en vigueur sous l'Empire cf. D. 38.1.11 Julian 24 Dig. « Peu importe que Lucius Titius soit un "exter ne" ou un fils légitime». Par ailleurs, Gaius (III, 83) indique nettement que ni par l'adoption, ni par le mariage cum manu le droit aux operae jurées ne passe au père adoptif ou au mari (cf. De Zulueta, Itistitutes, II, p. 137). 50 II semble qu'à l'époque de Labeo, la pratique du ius iurandum l'emporte encore sur celle de la stipulatio (cf. D. 38.1.8 pr. Pomp. 1, 8 ad Sab.). «Dans le cas où un affranchi a promis par serment de fournir des operae à deux patrons, Labeo est d'avis que ... ». Il n'est nullement fait allusion à des operae stipulées (les juristes du Haut Empire utilisant, dans ce cas, le verbe promittere). Cf. Pescani, Operae, p. 99-100. 51 De Robertis (dans Iura, 10, 1959, p. 284) pense que cette distinction est d'époque classique: il se fonde sur D. 17.1.4 (Contrariimi ergo est officio merces ...) et sur un passage de Cicéron (Rose. Am., XXXIX, 8). Mais Macqueron (Travail,
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part, l'alignement des effets du ius iurandum sur ceux de la stipulatio : même si l'on peut hésiter entre l'affirmation d'un remplacement précoce de l'action prétorienne sanctionnant celui-là par les effets purement civils de celle-ci52, et celle d'une coexistence entre les deux pratiques, qui aurait duré jusqu'au Haut Empire, on ne peut nier qu'il y ait eu rapprochement entre ces deux notions et que, notamment, on ait abouti à un passage progressif du ius iurandum du domaine prétorien au domaine civil53. On pourrait ainsi, reprenant le texte de Cicé ron concernant Chrysippus, penser que n'ayant pas prononcé le ins iurandum liberti (ce qui pourrait expliquer qu'il ne se sente pas tenu de fournir des operae en faveur du fils de son patron)54, Chrysippus aurait été concerné par une stipulation d'operae à caractère professionn el, donc passible d'une sanction civile en cas de manquement. Or, si celui-ci, qui semble avoir exercé des fonctions de caractère intellectuel55, avait refusé d'effectuer des operae stipulées, Cicéron n'aurait pas manqué de faire jouer ses droits : la prétention de ce dernier ne pouvait donc relever, comme nous l'avons déjà indiqué, que de sa conception «passéiste» de Yobsequiwn dû par les affranchis. Dans cette voie, on peut relever qu'une fois de plus, les patrons ont cherché à exploiter au mieux les possibilités qui leur étaient offertes. C'est ce qui ressort d'un texte de Terentius Cle mens56, concernant une disposition de la loi Aelia Sentia, qui visait l'interdiction faite au
p. 151-2), suivant Lambert {Operae, p. 181-7), défend encore l'idée d'une distinction inventée par les compilateurs hyzantins. 52 Thèse de Lambert, notamment (op. cit., p. 177), qui lie cette évolution à la suppression par le préteur de la societas rutilienne liant patron et affranchi. 53 Hypothèse, plus vraisemblable que la précédente, de Macqueron, (op. cit., p. 133) qui renvoie la disparition de l'action prétorienne à l'époque de Julien, soit au deuxième siècle. 54 Treggiari (Freedmen, p. 257-8) ne convainc guère lors qu'elle affirme que s'occuper du jeune Marcus faisait partie des operae de Chrysippus. 55 Ad Quint., III, 4, 5, 5-6 - Att., VII, 2, 8. 56 D. 40.9.32. Ter. Clem 1. 8 ad leg. lui. et Pap. Sur ce texte cf. l'excellente étude de Jaubert, Lex, déjà signalée. Voir aussi, Lambert, Operae, p. 234-5; Cosentini, Studi, I, p. 158-9; Macqueron, Travail, p. 134-6; Pescani, Operae, p. 137-147.
patron de mercedem capere a liberto51. Ce passag e, qui par ailleurs fait écho aux tentatives de la jurisprudence classique visant à limiter l'applica tion du principe défini par la loi58, est d'une compréhension très malaisée. S'agit-il simple mentd'interdire la locano, à des tiers et au profit du patron, des operae stipulées de l'affranchi? ou d'empêcher que le patron oblige son libertus à lui verser une somme d'argent à la place des operae59? ou de l'interdiction de ces deux formes de redevances60? On peut de toute façon estimer que la loi Aelia Sentia a obéi au souci de compléter les dispositions contenues dans les décisions préto riennes : en empêchant que les operae des affran chispuissent donner lieu à une sorte de spéculat ion, le législateur a voulu certainement en dimi nuer la lourdeur, du moins sous leur forme de prestations professionnelles stipulées61. Ceci au rait tendu à mieux distinguer les operae des affranchis de celles des esclaves. Mais dans le même temps, si le législateur a voulu limiter les operae à des services directs, et donc renforcer le lien intime rattachant l'affran chi au patron62, il y a eu une sorte de retour en arrière, vers une situation de dépendance plus marquée de l'affranchi, à contre-courant de l'ut ilisation et de la conception économiques des services du libertus, qui s'étaient développées peu avant l'époque augustéenne.
57 «La loi Aelia Sentia n'interdit pas aux patrons de rece voir un salaire de leurs affranchis, mais de les obliger: c'est pourquoi Octavenus exprime son accord et ajoute ce com mentaire : d'obliger l'affranchi à se louer à autrui afin que le patron perçoive le salaire». 58 Ainsi que le montre Macqueron, op. cit., p. 134-5, en s'appuyant aussi sur un texte de Julien (D. 38.1.25) qui, sans la citer, fait allusion à cette disposition de la loi «Le patron qui loue (à un tiers) les services de son affranchi ne doit pas être considéré automatiquement comme recevant un salaire de celui-ci». Notons que dans D. 40.9.32, la citation d'Octavenus sem ble reprendre le texte même de la loi. 59 C'est l'hypothèse de Cosentini, op. cit., I, p. 157. 60 C'est ainsi que conclut Jaubert, Lex, p. 9-10. 61 Mais ne peut-on penser que certains patrons aient voulu tirer parti aussi des operae jurées, pourtant incessibles en théorie? 62 Cf. Jaubert, Lex, p. 12, se fondant sur un commentaire de Gaius, (D. 38.1.22. pr. Cum patronus «operas stipulatus» sit . . . cum enim operarum conditio nihil aliud sit quam officii praestatio.
LE CONTROLE EXERCE PAR LE PATRON SUR LES ACTIVITÉS DE L'AFFRANCHI En effet, si l'affranchi n'a plus la possibilité de verser au patron de l'argent, à la place des operae, la prépondérance directe de ce dernier est renforcée. Le versement d'une somme cor respondait à l'établissement d'une séparation entre la valeur économique des operae et la personne de celui qui devait les fournir. Désor mais, la soumission personnelle, l'engagement de l'affranchi au service du patron bénéficiaire des operae, sont rétablis. En fait, cette mesure, prévue par la lex Aelia Sentia, a eu pour effet de limiter momentané ment la distinction qui s'était réalisée entre les services jurés et les services stipulés et de reve nirà la vieille conception de Xobsequium englo banttoutes les formes de devoirs, professionnels ou non. Mais il convient de ne pas donner une portée excessive à ces décisions; ce qui est visé, c'est l'obligation faite à l'affranchi, mais rien ne dit que l'intimidation, la contrainte morale, la passi vitéapprise tout au long de l'esclavage ne pou vaient pousser le libertus à accepter «volontaire ment» de louer ses services à un tiers, au profit du seul patron. c) Le régime des «operae» à la veille de l'époque impériale A l'issue de cette évolution historique longue d'un siècle, la situation de l'affranchi «prestant» des operae (jurées ou stipulées) auprès du patron ou de tiers, est caractérisée par un cer tain nombre de contraintes, dont certaines n'ont pas été altérées par les innovations d'origine prétorienne. Tout d'abord, le droit aux operae est un droit imprescriptible du patronat; il ne se limite pas à la prestation de services positifs, mais il englobe même la possibilité, pour le patron, d'empêcher l'exercice, par le libertus, d'un métier qui pourr aitconcurrencer le sien. L'opera peut donc être conçue d'une manière négative. C'est ce qui res sort d'une réponse d'Alfenus varus63.
63 Mais la paternité doit sans doute être attribuée à Ser vius; le texte, en effet comporte une série de questions posées (sans doute par Alfenus : id ius est nec ne, item rogavi) et des réponses données par le maître Respondit.
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Un médecin64, de statut affranchi, et patron luimême d'affranchis pratiquant eux aussi la médecine, impose à ces derniers, à titre à'operae, qu'ils Γ« accomp agnent»65, et qu'ils n'exercent pas leur métier de façon indépendante. Il est probable qu'il s'agit d'une interdiction totale66, liée à la crainte qu'avait le patron de voir sa clientèle diminuer du fait de la concurrence exercée par ses liberti. Or Servius (et Alfenus à sa suite) affirme que cette façon de concevoir les operae n'est pas discutable au plan juridique, à condition que le patron traite ses affranchis en hommes libres, c'està-dire qu'il ne mette pas à profit la proximité de ces derniers pour leur imposer des services domestiques et continus, propres donc à des esclaves. Il ne peut s'agir de revenir à des operae illimitées. De même dans le cas où les affranchis refusent un arrangement de cette nature, Servius, dans l'applica tion de Yactio operarwn, accorde au patron l'équiva lent en argent non de ce qu'il aurait gagné en plus si les affranchis avaient cessé leur activité, mais de ce qu'il aurait retiré à'operae positives. Cependant, on peut se demander si cette position67 ne contredit pas en partie l'œuvre de Rutilius et de 64 « Un médecin, affranchi, parce qu'il estimait que, si ses propres affranchis n'exerçaient pas la médecine, il aurait une clientèle bien plus importante, exigeait d'eux qu'ils demeur ent auprès de lui et qu'ils n'exercent pas leur métier: en a-t-il ou non le droit? Il répondit que c'était conforme au droit, pourvu que le patron exige d'eux des services dignes d'hommes libres, c'est-à-dire qu'il leur permette de faire la méridienne et de prendre en compte leur santé et leur dignité. De même, je lui ai demandé, au cas où les affranchis refusaient de fournir de tels services, à combien fallait-il estimer la contre-valeur de ceux-ci? Il répondit que l'avanta ge que le patron retirerait serait équivalent à ce qu'il aurait obtenu de leurs services, et non ce qu'il aurait gagné en plus en leur imposant le désavantage de ne pouvoir exercer la médecine». D. 38.2.36 pr. Alf. Varus 7 dig. Sur ce texte, cf. Watson, Persons, p. 230-1. Lavaggi, Nuovi Studi, p. 79-81. 65 Watson, (op. cit., p. 230) comprend «qu'ils l'escortent». En fait il semble bien qu'il s'agisse d'une véritable cohabitat ion, intégrée dans les operae et correspondant à un des éléments traditionnels de l'ancien obsequium (cf. L II chapit re I). Cf. aussi Lavaggi, art cit., p. 87-88. 66 Dans ce sens, Lavaggi, art. cit., p. 79-80, Watson, op. cit., p. 230. Les réserves de Pescani {Operae, p. 121) ne sont pas très convaincantes. 67 Position qui a un écho sous l'Empire (D. 37.14.18 Liber tusnegotiatoris vestiarii an eandem negotiationem in eadem civitate et eodem loco invito patrono exercere possit? respondit (Scaevola) nihil proponi cur non possit si nullam laesionem ex hoc sendet patronus). Contrairement à Lavaggi (Nuovi Studi, p. 81 η. 1), nous ne pensons pas que ce texte marque un changement radical par rapport à la position d'Alfenus Varus et Servius: ceux-ci n'éludent pas un refus de la part des
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ses successeurs, puisqu'il est question ici, ou bien d'operae presque illimitées68, ou bien de dispositions qui ont pour résultat de grever la liberté des liberti du médecin. Mais peut-être, comme le suggère Watson69 le caractère négatif des operae exigées et leur but (protéger le patron) n'ont-ils pas paru contraire à l'édit. Peut-être faut-il supposer que l'obligation de résider avec le patron implique que celui-ci nourrisse et habille ses affranchis. Peut-être aussi ne faut-il pas oublier qu'il ne s'agit pas de faire cesser une activité existante, mais simplement d'empêcher l'exercice indépendant de celle-ci : dans ce cas, les liberae. operae doivent impliquer un entretien par le patron70. Par ailleurs, le texte montre que les affranchis peuvent choisir entre l'accomplissement de leurs obli gations ou le versement d'une somme d'argent, ce qui, nous l'avons dit est un avantage. Or s'ils n'accomplis sent pas les operae négatives à caractère professionn el, il est probable qu'ils ne restent pas aux côtés du patron: il est donc remarquable que Servius n'envisa ge que l'aspect proprement économique de la quest ion, sans songer à l'éventuelle rupture de la forme la plus traditionnelle de Xobsequium II reste que, si la toute puissance du patron en matière à! operae n'est pas abolie71, celles-ci ne sont plus considérées comme un tout indéfin i72,mais comme une série de prestations dont la nature et le nombre - car elles sont journaliè res - sont désormais précisés : il y a donc eu
affranchis, alors que Scaevola n'écarte pas, semble-t-il, la possibilité d'une compensation, dans le cas ou le patron serait réellement lésé par la concurrence exercée par l'a ffranchi. 68 Le texte montre que même à la fin de l'époque républi caineune sujétion professionnelle totale est admise, à la condition que les apparences concernant la liberté indivi duelle des affranchis soient respectées. 69 Persons, p. 230. 70 Alors que, normalement, l'affranchi qui fournit des ope rae positives doit se nourrir et se vêtir lui-même (D. 38.1.18 Paul XL ad ed. Suo victu vestituque operas praestare debere libertum Sabinus ad edictum praetoris urbani libro quinto scribit). Mais ultérieurement cette position a été nuancée (cf. ibid. : Quod si alere se non possit, praestanda ei a patrono alimenta. Cf. aussi D. 38.1.33). 71 On doit sans doute attribuer à Labeo ou même à un juriste de la fin de la République un commentaire repris par Celse (D. 38.1.30 pr. Celsus 1. XII Dig.) où cette liberté consi dérable du patron est exprimée «si un affranchi a prêté le serment de fournir autant d'operae que le patron le jugera bon ... ». Sur les bases du texte, cf. Pescani, Operae, p. 35. 72 Est-ce sous l'influence de la stipulano que les operae iuratae ont été elles aussi définies de façon plus stricte? (cf. Lambert, Operae, p. 220-3 - Lavaggi, Successione, p. 248-9).
fractionnement d'une réalité qui était conçue, au départ, de manière purement qualitative73. Cependant, malgré ce fractionnement, qui tend à séparer de plus en plus nettement la condition de l'affranchi de celle de l'esclave, malgré les précautions prises par les Veteres afin d'éviter l'exploitation excessive du libertus, no tamment au plan de la quantité journalière de travail ou de services et du respect de la dignité propre à tout homme libre, la fourniture de prestations jurées ou stipulées continue à impli quer une dépendance très étroite de l'affranchi; c'est le patron qui, jusque sous l'Empire, a l'in itiative du lieu où s'exécutent les operae1*. D'au trepart, si dans le cadre du ius iurandum ou de la stipulatio, la quantité d'operae à fournir est précisée, les dates auxquelles celles-ci doivent être réalisées ne sont pas indiquées, si bien qu'en règle générale, l'affranchi doit se tenir à la disposition de son maître et remplir ses obliga tions lorsque celui-ci l'exige, ce qui peut gêner considérablement l'exercice d'une activité indé pendante, et interdit l'organisation d'un emploi du temps autonome75. La situation du libertus est d'ailleurs plus compliquée, dans le cas où il a plusieurs patrons : il est possible qu'alors les operae soient fractionnées ou que prestations en espèces et sous forme de services puissent être retenues par l'un ou l'autre des patroni70. 73 Watson, Persons, p. 239. 74 En particulier, cela implique que l'affranchi vienne accomplir ses services au lieu de résidence du patron, à Rome ou dans une province, cf. D. 38.1.20.1 Paul 40 ad ed.: «Proculus déclare qu'un affranchi doit venir d'une province à Rome afin d'accomplir ses services (mais les jours qui ont été nécessaires pour qu'il arrive à Rome sont perdus pour le patron;), pourvu que ce soit en homme de bonne foi et en père de famille scrupuleux, que le patron réside à Rome ou dans une province». Cf. aussi D. 38.1.21 Iavolen. 1. 6 ex Cassio : «en effet, les services doivent être accomplis là où réside le patron, les frais et le prix du voyage étant évidemment à la charge de ce dernier»). La coïncidence des deux textes fait penser à l'énoncé d'un principe plus ancien, qui devait être déjà en vigueur à la fin de la République. 75 Cf. D. 38.1.24 lui, 52 Dig. «parce que, normalement, l'affranchi doit accomplir ses services à la convenance du patron». Et cela, même dans le cas d'operae stipulées: cf. D. 38.1.22 (Gai, 14 ad ed. prov.) : «En effet, étant donné que la prestation de services n'est rien d'autre que l'accompliss ement d'un devoir, il est absurde de croire que celui-ci puisse être dû un autre jour que celui fixé par (le patron) en faveur duquel il doit être accompli». 76 Ainsi que semble l'indiquer un texte assez obscur rap portant une opinion de Labeo (D. 38.1.8. pr. Pomp. 1. 8 ad
LE CONTROLE EXERCE PAR LE PATRON SUR LES ACTIVITES DE L'AFFRANCHI Un dernier aspect de cette question porte sur la possibilité qu'avaient, dans certaines condit ions, les patrons de se faire fournir en bloc, sur une période de temps limitée, les operae qui leur étaient dues. C'est une hypothèse qui peut être suggérée par le fait qu'un certain nombre d'af franchis de Cicéron, cités dans sa correspondanc e pendant un certain laps de temps, disparais sent de son horizon, sans que leur décès puisse être, apparemment, invoqué. Ne faudrait-il pas supposer que ces individus avaient fourni de façon continue leurs prestations, avant de mener une existence autonome?77. Un indice, pouvant étayer cette supposition, pourrait être puisé dans la mention de quelques textes juridiques78 concernant des statuliberi dont la libération était soumise à l'accomplissement d'une condicio par ticulière : rester au service de l'héritier pendant un certain temps, deux ans dans un cas79, sept ans dans deux autres80. Dans ces circonstances, le patron défunt n'avait sans doute pas voulu priver l'héritier du bénéfice des operae que les esclaves, s'ils avaient fait partie de Yhereditas et avaient reçu la liberté de Xheres lui-même, auraient fournies. Par analogie, on pourrait ima giner que certains patrons aient pu demander à leurs liberti de continuer à les servir, à temps plein, pendant un certain temps après leur manumissio. Cependant qu'elles aient été fournies réguli èrement tout au long de la vie de l'affranchi, ou pendant des périodes déterminées, les operae impliquent que, durant leur prestation, tout le talent, toute l'activité et donc la personne de Sab.) : « Dans le cas où un affranchi a juré de fournir ses services à deux patrons, Labeo est d'avis que le service peut être dû et exigé pour une partie, étant donné que c'est toujours le service passé, qui ne peut plus être fourni, qui est exigé». Il semble que le texte prévoie le cas où l'un des patrons peut demander la contrepartie qui lui revient des services déjà accomplis par l'affranchi, mais dont il n'a pas profité. Le passage d'opéras à operae laisserait entendre que la réclamation se situerait en fin de journée! ce qui, techni quement, pouvait créer des difficultés (cf. Pescani, Operae, p. 100-103-104 qui pense que ce système n'a été établi qu'à partir de Celsus, D. 38.1.15.1.). 77 Cf. Treggiari, Freedmen, p. 255/6. 78 Textes déjà signalés et traduits dans le cours du chapit re III du L. I. 79 D. 32.30.2. Labeo 2 post, a Iavoleno epit. 80 D. 40.7.14.1. - D. 40.7.393 servus cum heredi (meo) annorum septem operas dedisset (solvent).
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l'affanchi, soient à la disposition entière du patron81. D'autre part, le développement de la locatio des operae stipulées, à une époque où l'on parle encore de louer telle personne (se locare) plutôt que louer les services {operas locare)*2, n'a pu que renforcer l'implication personnelle du libertus dans les services qu'il accomplissait. Dans la réalité, la situation de l'affranchi qui fournit les operae est proche de celle d'un escla ve : lui aussi, malgré les protections juridiques qui l'entourent, accomplit des services et des tâches (spécialisés ou non) qui peuvent être auss ifragmentés que ceux que remplit un servus. Pendant qu'il fournit ses prestations, il n'est pas non plus question de loisirs83, même si un temps de repos, nous l'avons vu, est ménagé au milieu de la journée. Il faut donc distinguer deux types de situations, à la fin de la période républicaine; il y a, d'une part, des individus qui peuvent racheter leur indépendance de fait, en donnant une somme d'argent à la place d'operae, que ce versement en espèces résulte d'un accord avec le patron ou qu'il représente la sanction de Yactio operarum84; d'autre part, nous trouvons des individus entièrement soumis à la prestation d'operae jurées ou stipulées considérables et qui, continuant à vivre auprès de leur patron et à exercer la même activité professionnelle que cel lequ'ils avaient antérieurement à leur manumiss ion, sont placés, malgré les apparences juridi ques, dans la position de dépendants très étro itement surveillés. Nous devons cependant signaler la difficulté rencontrée, en l'absence de précisions suffisant es, lorsque l'on cherche à savoir si c'est en 81 Sur ce thème, Alzon (Réflexions, p. 583-4) montre que la locatio des operae des esclaves, des affranchis ou des mercennarii se déroule dans les mêmes conditions. De même J. M. Kelly (A Note on «Threefold Mancipation», dans Daube Noster, Edimbourg-Londres, 1974, p. 183-186, p. 185) voit dans l'expression Si pater filium ter venwn duit (Lex XII Tabul. IV, 2) l'origine de la locatio du travail du filius familias par le chef de famille. Dans ce cas, le caractère contraignant de la locatio et l'assimilation de son objet à une quasi-re5 paraî traient bien établis. 82 Selon Thomas (Locatio, p. 237-240) ce ne serait que sous Julien que l'on aurait commencé à employer uniquement l'expression operarum liberti locare au lieu de libertum locar e. 83 Sur ce thème, cf. Etienne, Cicéron, p. 773. 84 Cf. Pescani, Operae, p. 138/9 (sur la base de D. 12.6.26.12).
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
exécution des operae ou non, que tel affranchi de Cicéron ou de ses amis assume une activité déterminée, ou s'il s'agit d'une présence perma nente ou momentanée85. De même, lorsque nous trouvons mention d'individus qui continuent à vivre auprès de leur ancien maître, soit volonta irement soit par la force de l'habitude, nous ne pouvons dire où commencent les operae ni où finit le service volontaire86. Cette confusion est accentuée par le fait que, lorsqu'il signale les services, le travail de tel affranchi, Cicéron mêle toutes les formes d'acti vitéet confond, nous l'avons déjà signalé, le libertus lui-même et ses officia*1, c'est-à-dire un ensemble de devoirs, au sens moral du terme, mais aussi de manifestations concrètes, économiq ues, du dévouement dû par l'affranchi au patron88. C'est ce lien qui doit expliquer, pour une large part, que les operae constituent une part intégrante des droits inhérents au patronat et soient, sous certaines conditions, transmissibles.
85 Voir les indications intéressantes fournies par Treggiari, Freedmen, p. 86. 86 N'oublions pas que la potestas patroni découle de la coutume plus que du droit (cf. Kaser, Patronatsgewa.lt, p. 113116) et que même après son «éclatement» en droits particul iers,elle a pu continuer, dans le cas de patrons puissants ou de serviteurs timorés, un caractère très large, dans les faits. 87 Cf. Fam., XVI, 4, 2 (Nov. 50) adressée à Tiron : « innomb rables sont les services que tu m'as rendus chez moi, au forum, à Rome et dans ma province, dans mes affaires privées et dans ma carrière publique, dans mes études et la préparation de mon œuvre». C'est un panorama, emphatiq ue, mais intéressant, de la multitude des services rendus : il n'est pas question d'un officium en soi, purement moral, mais d'une accumulation d'actes matériels et de toute sorte, qui marquent la situation dépendante et la fidélité de l'affran chi. 88 Notons que pour les juristes de l'époque impériale, le bien établi entre officium et operae était très étroit : outre le texte de Gaius cité à la note 75, on pense à la célèbre définition de Paul (D. 38, 1, 1 Operae sunt diurnum officium. En ce qui concerne Cicéron, nous avons déjà signalé (L. II, chap. Ill) que les services rendus ou attendus, l'emport aientle plus souvent sur la personne de l'affranchi, fût-il Tiron, lui-même (cf. aussi chapitre I). Sur la définition du terme, cf. Hellegouar'ch, Vocabulaire, p. 152-3, et surtout Lambert, Operae, p. 34-43, Michel, Gratuité, p. 511-518. Tous insistent sur le double caractère matériel et moral d'une activité qui a un caractère obligatoire et engage la personne de celui qui l'assume.
Dans le cas d'operae promises sous la forme de ins iurandum, l'affranchi et le patron sont impliqués en personne, nous l'avons signalé89. Ce fait contribue à lier l'exercice du droit aux ope rae jurées à celui de la potestas patronale, et ceci après, comme avant les réformes inaugurées par Rutilius90. Cette conviction est renforcée parce que la transmission du droit paternel au fils se fait, dans ce domaine, indépendamment de la desti née de Yhereditas9\ (tout comme, nous l'avons vu, la succession à la Bonorum Possessio Dimidiae Partis). Cette séparation semble résulter d'un texte où Alfenus Varus (ou son maître Servius) évoque les effets de la capitis deminutio92 : la distinction faite entre liberti et hereditas n'au rait évidemment pas de sens, si le droit aux operae jurées et le droit à Yhereditas n'avaient pas été considérées comme totalement séparés. Les operae liberti représentent donc un él ément distinct du patrimoine et reviennent au fils par droit agnatique et à condition qu'il ne soit pas exhérédé93. Inversement, Yheres extraneus n'a
89 Mais on ne peut, pour cette seule raison, accepter l'hypothèse de Cosentini (Studi, II, p. 43 à 57), selon laquelle les operae jurées auraient été à l'origine, intransmissibles, même au filius patroni. Voir les critiques de Lavaggi, Nuovi Studi, p. 105-108. 90 Cf. Lavaggi, Successione, p. 246. 91 C'est à tort que Cosentini, op. cit., II, p. 67-72, pense que la transmission du droit aux operae n'aurait pu se faire que si le fils du patron avait été désigné comme hères. 92 D. 48.22.3. Alf. Var. 1 Ep. L'ingénuité du texte est défen duede façon convaincante par Cosentini, op. cit., H, p. 118124 (cf. aussi Watson, Persons, p. 120-1) «Que celui qui perd le droit de cité, n'enlève d'autre droit à ses descendants par le sang, que ceux qui seraient échus à ces derniers, s'il était demeuré citoyen et intestat, c'est-à-dire son héritage, ainsi que ses affranchis et tout droit du même genre que l'on peut découvrir». Malgré la concision de la dernière phrase, il faut sans doute comprendre «le droit de lui succéder, les droits exercés sur ses affranchis ... ». 93 Ceci est établi très nettement par un texte d'Ulpien (D. 38.1.29. Ulp. 64 ad ed.) : «c'est au fils, même s'il n'apparaît pas en tant qu'héritier, et si un procès n'a pas été engagé, que de toute façon ("le droit aux operae") s'applique, à moins qu'il ait été déshérité (sous-entendu pour une cause infamant e)». Cf. de même D. 37.14.9. pr. (Mod. 9 reg.): «les fils qui refusent l'héritage paternel, ne perdent pas le droit qui leur est reconnu sur les affranchis de leur père». Sur ce point, cf. Lavaggi, Successione, p. 237, Pescani, Operae, p. 39-43.
LE CONTRÔLE EXERCÉ PAR LE PATRON SUR LES ACTIVITÉS DE L'AFFRANCHI aucun droit aux operae jurées94. C'est ce caractè re particulier qui explique que, si deux fils sont héritiers pour une part inégale, ils ont droit, malgré tout, au partage égal des operae95. Notons qu'il est possible qu'au moins à une époque assez ancienne, le fils émancipé n'ait pas eu droit aux operae des affranchis paternels, mais cette discrimination a dû disparaître, à la fin de la République sans doute96. Mais le fils adopté ou «adrogé», devenu un «extraneus», ne pouvait hériter des operae jurées97. Enfin, le principe de la prestation individuelle des operae et de leur passage aux liberi exclut que l'épouse ou le mari puissent en hériter98. Dans le cas d'operae stipulées, la transmission du droit obéit à des règles tout à fait différentes, au moins sous l'Empire; car il semble qu'orig inellement et jusqu'au premier siècle de notre ère, les principes retenus à propos des operae jurées aient été aussi appliqués à celles qui résultaient d'une stipulatio. Ce ne serait qu'à cette époque, ainsi qu'un texte d'Aristo" semble
94 Cf. D. 38.1.29 (Ulp. 64 ad ed.): «Si une action concer nantles services (d'affranchi) est engagée contre un affranchi et si le patron vient à décéder, il y a accord sur le fait que le transfert (du droit aux services) ne doit pas être accordé à l'héritier externe». 95 Cf. D. 38.1.7.6. (Ulp. 28 ad Sab.) : «Si les descendants par le sang d'un patron ont été institués héritiers pour des parts inégales, est-ce que l'action concernant les services (d'affran chi) leur est attribuée pour une moitié ou en proportion de leur part d'héritage? Je pense qu'il est plus vrai que ces descendants par le sang doivent bénéficier d'un droit égal». (Le texte ne se comprend que si l'on tient compte de l'all usion à parte dimidia qui suppose qu'Ulpien pense au cas de deux fils). Il n'y a pas de doute que ce principe de l'égalité des droits doive être relié à certaines traditions anciennes voire archaïques, dont nous avons déjà signalé le maintien à propos de la succession d'un affranchi ayant deux patrons (Gaius, III, 59. cf. aussi III, 61) : il semble donc que les liberi du patron soient, après la mort de celui-ci, dépositaires de droits (dont ceux qui concernent les operae) qui échappent à toute estimation individuelle et sont dévolus presque solida irement. 96 Cf. D. 38.1.7.7. (Ulp. 28 ad Sab.): «peu importe que les héritiers par le sang soient sous la puissance (de leur père) ou émancipés». 97Cf. D. 38.1.7.8 (Ulp. 28 ad Sab.). Sur l'altération du passage, dans lequel les compilateurs byzantins ont fait dire à Ulpien le contraire de ce qu'il avait dû écrire voir Pescani, Operae, p. 49-52. 98 Cf. Pescani, ibid., p. 47-8. 99 D. 38.1.4. (Pomp. 1. 4 ad ed.): «un affranchi, libéré par deux patrons, avait promis des services à tous les deux : l'un
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l'indiquer, que l'adaptation du droit aux operae au droit héréditaire commun aurait été amorcée, le vieux système de succession par les liberi effacé, et le rôle de Xheres extraneus indiqué pour la première fois100. Si bien que la supériorité (du point de vue patronal) du système de la stipulation réside dans le fait qu'il peut donner lieu à locano et que les operae, dans ce cas, peuvent être promises en faveur des enfants du patron, ce qui évite toute contestation possible au moment de la mort de ce dernier101. Il apparaît à l'analyse de certains textes litté raires, que la transmission des operae aux fils des patrons se pratiquait normalement et régu lièrement jusqu'à l'avènement de l'Empire : Cicéron nous cite le cas d'un affranchi paternel de L. Flaccus102, Suétone, celui de Cornelius Epicadus, affranchi de Sylla et qui se disait utriusque libertumm. C'est peut-être de son père, que Sextus Pompée a reçu les «amiraux» tels MenasMenodorus, Menecrates, Demochares et Apollophanes104. De même, du fait de son adoption,
de ceux-ci étant mort, il n'y a aucune raison empêchant, bien que l'autre patron soit toujours vivant, que le fils (du pre mier) ne puisse réclamer les operae (dues à son père). Et ceci n'a rien de commun avec l'héritage ou "la possession des biens" : en effet, les operae sont exigées au même titre que de l'argent prêté. C'est dans ce sens qu'Aristo s'est exprimé ». Ce texte montre donc une altération substantielle du principe selon lequel le patron survivant évince le fils du patron décédé (cf. Gaius, Instit., III, 60), selon un vieux principe agnatique. L'assimilation des operae à un rembour sementd'argent montre à l'évidence que pour Aristo (qui reprend des textes d'époques augustéennes, mais, avant tout, donne un point de vue qui vaut pour l'époque flavienne. Cf. W. Kunkel, An Introduction to Roman Legal and Constitutional History, 3e éd., Oxford, 1973, p. 116), l'adaptation du droit aux operae au droit commun appliqué aux successions est en voie d'amorce (cf. Lavaggi, Successione, p. 252-5). 100 Cf. Pescani, Operae, 66. 101 Cf. D. 38.1.7. pr. (Paul 2 ad leg lui. et Pap.) patrono patronae liberisue eorum, de quibus iuraverit ve/ promiserit. 102 pro fiacco, 89 : per hune Antiochum paternum huius adulescentis libertum. 103 Gramm., XII : Cornelius Epicadus, Lucii Cornelii Sullae dictatoris libertus. . . filioque eins Fausto gratissimus fuit: quare numquam non utriusque se libertum edidit. 104 Si l'on suit Veli. Patere. (II, LXXIII per Menam et Menecratem, paternos libertos). Mais Pline (NH, XXXV, 200), Appien (BC, V, 81, 83, 84) et Dion Cassius (XLVIII, 46, 1) en font des affranchis de Sextus (cf. aussi Appien, BC, V, 79, 336 où Antoine revendique Menodorus, en tant qu'acquéreur des
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Octavien hérite les droits que César possédait sur ses affranchis105. Ces transferts dépassent d'ailleurs le simple cadre des operae, dans la mesure où, du vivant de leur patron, certains liberti avaient noué, sou vent en tant que pédagogues, des liens étroits avec les patroni ftlii106. CONCLUSION L'évolution qui s'est produite, entre la fin du second siècle et l'époque augustéenne, a abouti à mettre davantage l'accent sur la valeur économi-
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biens de Pompée (ce qui, à la lettre, laisserait supposer que le personnage était encore esclave à ce moment-là). Sur Demochares et Apollophanes, cf. Appien, BC, V 83, 84. Il n'y a pas de doute, par contre, sur le fait que Lenaeus, Pompei Magni libertus était un affranchi de Pompée passé à ses fils, auprès desquels il resta fidèlement defimcto eo, filiisque eins (Suét., Gramm., XV). 105 Déjà, selon Nicolas de Damas (Vie de César, p. 4 Piccol os), c'est vraisemblablement un affranchi de César qui est envoyé par Attia à Octavien pour lui annoncer la mort du dictateur. Dès la disparition de son patron, cet individu se serait donc mis à la disposition du fils de celui-ci. Appien, (BC, III, 11 et III, 94) insiste sur le passage des affranchis de César à Octavien et signale que la «récupérat ion» de ces serviteurs nombreux et riches a déterminé celui-ci à recourir à la Lex curiata pour faire valider son entrée dans la famille des Iulii (cf. M. H. Prévost, Les adopt ions politiques à Rome sous la République et le Principat, Pubi. Inst. Droit Romain, Paris, 1949, p. 29-34. Licinus, qui mit les Gaules à l'épreuve, était certainement un affranchi de César passé à Octavien (cf. Dio Cass, LIV, 21 - c'est à tort que Suét, Aug., LXXVII en fait un affranchi direct d'Auguste, cf. Chantraine, Freigelassene, p. 75). Un témoignage épigraphique est ajouter à ces indications (cf. Weaver, Familia Caesaris, p. 22 n. 3 Γάιος Ιούλιος Ζώιλος θεού Ιουλίου υ[ί]οΰ Καίσαρος απελεύθερος (entre 42 et 30). Par contre, Νεοχάρ[ης Σ]εβαστο[ϋ άπελεύθ]ερος Ιουλιανός a des chances d'être un ancien esclave de César, passé à Octavien et affranchi par lui. (IGR, I, 39). 106 Sur ce thème, cf. J. Vogt, Arts libéraux et population non-libre dans l'ancienne Rome (en Russe), dans VOI, 1967, p. 98-103. On peut citer l'exemple de Chrysippus qui, sans doute parce qu'il entretenait de bons rapports avec le jeune Mar cus lui a servi de mentor avant de Γ« abandonner». Tiron a peut-être joué le rôle d'un maître auprès du fils de Cicéron, ce qui expliquerait le ton et le contenu de Fam., XVI, 21 (sept. 44), lettre dans laquelle Marcus junior demande à Tiron d'intercéder en sa faveur auprès de Cicéron le père (dans ce sens Mac Dermott, Tiro, p. 271). Cf. encore le cas de Q. Caecilius Epirota qui enseigna la fille de son patron, qui était déjà mariée à Agrippa (Suét., Gramm., XVI).
que des operae dues par l'affranchi, et à accen tuerle caractère de res de celles-ci, par le biais de la stipulatio et de l'éventuelle locatio à des tiers. De ce point de vue, la «nouvelle jurispr udence» inaugurée par Ser. Sulpicius Rufus107 se caractérise bien par un souci plus net des réali tés économiques, aux dépens des principes moraux. Mais il ne faut pas conclure que, systémat iquement, et dans tous les cas, le vieil obsequim, impliquant que l'essentiel de l'activité (spéciali sée ou non) de l'affranchi soit mise au service du patron, ait disparu, sinon en droit, du moins dans les faits. Le principe à'operae jurées très étendues n'a jamais été aboli de façon précise108. D'autre part, malgré la précision accrue des te rmes du ius iurandum, le principe de Γ« élasticité » des operae n'est pas totalement abandonné, prin cipe qui représente une survivance de l'époque où celles-ci, en toute circonstance, étaient déter minées, dans leur forme et leur durée, par le seul bon vouloir du patron109. C'est cette concep tion qui semble prévaloir encore chez Cicéron, notamment dans ses rapports avec Tiron, dont le fait d'être absent ou présent est constamment relié à l'accomplissement des operae110. Il faut insister aussi sur le «poids» qu'exerce, malgré l'affranchissement et en dépit des déci sions prétoriennes, le patron sur le libertus qui a juré, ou dont les operae ont été stipulées. En dehors du cas de Chrysippe, dont nous ne savons exactement quel a été le sort à l'issue du revirement opéré, à son égard, par Cicéron111, il faut penser à la situation de Denys, tiraillé entre 107 Selon la terminologie définie par Behrends, «Veteres». 108 Cf. D. 38.1.30 Celsus 12 Dig, déjà signalé. 109 C'est ce que souligne heureusement Pescani, (Operae, p. 54), à propos de D. 38.1.34 Pomp. 22 ad Q. Mucium : «Ce pendant, il faut savoir que les obligations consistant en services peuvent être l'objet d'une diminution, d'un accroi ssement ou d'une modification, car, pendant la maladie de l'affranchi, le patron perd le bénéfice des operae qui sont déjà échues». Bien sûr, Pomponius n'envisage que le cas favorable à l'affranchi, mais le principe général qu'il énonce au début du passage apparaît comme une survivance d'une réalité plus ancienne, marquée par le fait qu'à volonté, le patron pouvait fixer l'importance et la nature (ou la date?) des services à rendre. 110 Cf. ce que nous avons dit au chap. Ill, L. II. On peut se reporter à l'analyse de Clavel-Lévêque, Rapports esclavagistes, p. 250-4. 111 Id., ibid., p. 261.
LE CONTROLE EXERCE PAR LE PATRON SUR LES ACTIVITES DE L'AFFRANCHI ses fidélités envers Atticus et Cicéron; on a pu parler, à son sujet, d'un «éclatement de fait des opeme»U2. Ce qu'il faut retenir c'est que d'une part, la brouille intervenue entre Cicéron et Denys, son client, coïncide avec un «refroidiss ement» des relations entre Cicéron et Atticus, et que, d'autre part, c'est la fidélité envers le patron direct, dont le pouvoir de fait et aussi les droits juridiques étaient considérables, qui l'a emporté. Et il ne semble pas que Cicéron ait eu les moyens, parce qu'Atticus était son égal, de faire désavouer Denys par le patronus qui en utilisait, conformément au droit, les services. De même, nous l'avons dit, lorsqu'est survenu l'échec du couple formé par Cicéron et Terentia, Philotime a abandonné son patron de fait pour prendre le parti de celle que le droit avait consacrée en tant que sa patronne. C'est que les liens rattachant les affranchis à leurs patrons sont placés, notam ment en ce qui concerne les services (et les biens), sous la tuitio du prêteur, qui n'avait pas les mêmes raisons d'intervenir à propos de liens créés volontairement, comme ceux de la clientèl e. Cependant, il ne faut pas oublier de tenir compte du statut juridique du patron : il n'y a pas de doute que, de même que le vicarius sert davantage le maître de l'esclave titulaire que ce dernier, de même l'affranchi de l'affranchi est impliqué dans les operae que son patron doit fournir à son propre patronus. Par ailleurs, le passage des operae, jurées ou stipulées, aux liberi du patron entraîne une pro longation, dans le temps, des formes de la dépendance économique dans laquelle est pla cée l'affranchi et retarde, sinon empêche, la poss ibilité, pour ce dernier, de vivre d'une manière totalement autonome : la chance de Trimalcion, sur ce point, déjà exceptionnelle sous l'Empire, l'était tout autant sous la République113.
112 Ibid., p. 279. 113 Notons qu'inversement, le transfert d'operae n'interve nait pas lorsque le patron avait perdu le droit de cité (cf. note 92); il est possible, par ailleurs, que l'affranchi qui s'était racheté (suis nummis emptus) ait été dispensé de fournir les operae à son patron, et donc aux liberi de celui-ci (dans ce sens, cf. Watson, Persons, p. 235 - Treggiari, Freedmen, p. 1617). A partir de l'époque augustéenne, l'interdiction faite à l'affranchi (dans le cadre du iiisiurandum) de se marier, prive
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Enfin, le terme même a'opera(e), utilisé afin de désigner ces activités obligatoires, ces presta tionsgratuites114 auxquelles est tenu l'affranchi, conserve dans la mentalité commune, une valeur quasi-infamante, qui apparente l'affranchi tant au mercennariusU5 qu'à l'esclave: qu'il s'agisse de dénoncer les operae ClodianaeUb ou d'appli quer le terme operarius à un affranchi dépourvu de qualification intellectuelle117, c'est bien à une activité, voir à une nature serviles, que Cicéron fait allusion. 2 - L'affranchi au service du patron Quelle que soit la forme juridique qui se rapporte à la prestation des operae, quelles que soient, par ailleurs, les raisons de son dévoue ment- obligatoire, ou volontaire - l'affranchi semble, le plus souvent, être «au service» de son ancien maître. Or, l'exécution de ses tâches se
le fils du patron du droit aux operae (cf. Cosentini, Studi, Π, p. 127-8). De même, l'accusation calomnieuse portée par le fils du patron contre l'affranchi paternel le prive des operae de ce dernier id., ibid., p. 128-9). Ajoutons qu'il n'est pas question d'obligation alimentaire de l'affranchi envers le patron ou son fils, avant l'époque augustéenne (cf. D. 29.2.73 et le commentaire de Cosentini, op. cit., p. 21-2). Il n'est question non plus de tutelle autre que testamentaire (cf. id., ibid., I, p. 216-222. 114 Sous l'Empire, les operae sont intégrées dans la défini tiongénérale de la gratuité, qui est exposée par Michel, Gratuité, p. 157-167. 115 On pense à la célèbre définition de Cicéron (De Off., I, 150) : «Sont en outre indignes d'un homme libre et vils, les gains de tous les salariés dont ce sont les forces productives et non le talent que l'on achète : effectivement, dans ces gains, le salaire est en lui-même le prix de leur servitude». Cependant, tout en supportant une indignité qui s'attache à ceux qui fournissent des operae ou dont les operae peuvent être louées, les affranchis, dans le cadre de leur activité obligatoire au service du patron, ne perçoivent même pas la contre-partie de leur servitus, à savoir le salaire. (Sur ce thème, cf. P. M. Schul, Gains honorables et gains sordides selon Cicéron, dans R Philos, 1955, p. 355-7). En fait, les services exigés des affranchis sont toujours qualifiés de travail physique (cf. Mitteis, Operae, p. 158 ICVisky, La qualifica della medicina e dell'architettura nelle fonti del diritto romano, dans lura, X, 1959, p. 24-66 (p. 29). 116 Vat., 40, cf. Att., IV, 3, 3 - Ad Q., II, 3-4 - De sen, 18 Dom., 14-15 - Sest., 18-27-38 (operae conductae, le glissement de vocabulaire est encore plus net), 57, 65, 106 (operae conductae - cf. mercennarii 126) - 127 - Har., 28. 117 Att., VII, 2, 8, cf. aussi Varron, RR, I, 17, 6-7. . .
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réalise très largement en liaison avec la familia servile à laquelle le libertiis appartenait de plein droit, avant son affranchissement, et à laquelle le rattachent encore des liens fondés notamment sur l'affection; il apparaît même, que le caractère domestique pris, à titre temporaire ou perman ent,par son activité, ainsi que le rôle de direc tionqu'il peut assumer à l'égard de ses anciens conservi, ou de ses co-affranchis de rang infé rieur, peuvent le maintenir en étroit contact avec l'ensemble des serviteurs de son patron. L'affranchi, relais de l'autorité patronale Les affranchis sont souvent signalés, par Cicéron notamment, dans l'entourage d'hommes publics, et ceci à l'intérieur d'une sorte de class ement qui les situe au-dessus des esclaves, mais en-dessous des autres familiers. Ainsi, dans le Comment. PetitionisU8 , voulant donner des conseils sur la manière dont l'hom me politique doit s'attacher le zèle de ses pro ches, Quintus dresse la liste ordonnée de ces derniers : Deinde, ut quisque est intimus ac maxi medomesticus, ut is amet et quam amplissimum esse te cupiat valde elaborandum est, turn ut tribules, vicini, ut clientes, ut «denique liberti», postre mo edam servi tui . . . Cette place reconnue aux liberti, au degré inférieur de ce que l'on peut considérer comme une hiérarchie, consacre le peu de cas qui est, en général, fait d'eux. Elle est confirmée, à plusieurs reprises, comme une sor tede leitmotiv, dans des formules qui chez Cicéront19, font écho à des indications presque iden tiques de César120. Dans toutes ces séquences, les affranchis sont donc intégrés, mais in extremis, à
"" «Ensuite, plus un homme est très intime, plus il est de la maison, plus tu dois t'appliquer à ce qu'il t'aime et désire te voir arriver le plus haut possible; tu feras de même pour les citoyens de ta tribu, tes voisins, tes clients, enfin tes affranchis et, même en dernier ressort, pour tes esclaves. . . » 17. 119 De Invent., I, 55 - I, 109 (servis / libertis / clientibus). Cum Senatui gratias egit, 20 (clientibus / libertis / familia / copiis. . .). Parad., VI, 2, 46 (cum servis, / cum libertis /, cum clientibus). Q. Fr., 1,2, 16 (amicos / clientes / libertos / servos / pecunias). Cf. Pro Cluentio, 38 : liberti Asuvi et nonnulli amici. Cf. Caecina, 57. 120 BC, I, 34, 2 (servis, libertis, colonis suis). Cf. Salluste, Catilina, L, 1 (liberti et pauci ex clientibus), LIX, 3 (Ipse cum libertis et colonis).
ces οι' περί' αύτο'ν dont nous parle Cicéron121, et qui englobent tous les proches, familiers ou dépendants, attachés à un chef de famille ou de clan. Or, si les affranchis apparaissent bien distin gués des esclaves, si, par exemple, l'expression liberti et familia122 tend à souligner qu'ils sont sortis de l'ensemble des serviteurs proprement dits123, si l'indication familiam suam manumisit124, ou magistri familiaque125 contribuent à les déta cher du commun des esclaves, il ne manque pas d'indices montrant que les affranchis sont comp ris, sur un plan réel, celui des services, dans la familia des serviteurs. C'est ce que laisse entendre, par exemple, Cicéron, dans un passage déjà commenté126 Hue accedit quod quamvis ille felix sit, sicut est tarnen in tanta felicitate nemo potest esse in magna famil iahominem neque servum neque libertum improbum habeat. De même, dans l'utilisation du te rme familiaris, Cicéron englobe les affranchis dans une expression de caractère purement matériel : Commendo tibi . . . domum remque fami liärem, maxime C. Avianum Hammonium, libe rtum eiusnl. Ces références semblent bien ind iquer une position de fait mineure, ainsi qu'une
121 Au., XIII, 52, 2 : Praeterea tribus tricliniis accepti οί περί αυτόν valde copiose. Libertis. . . 122 CIL, I2, 1286 = ILLRP, 785 (Familiae L. Coccei et liberteis). CIL, I2, 1346 (Liberteis et familiae L Noni L F. Pap). CIL, VI, 26033 (Libertorum et familiae Scriboniae Caesar, et Cornell Marceli). Cf. Salluste, Catil., L, 2 familiam atque libertos suos, César, Bell. Hisp., 33. 123 Cf. Weaver, Familia Caesaris, p. 299-300. Sur le double sens de familia, l'ensemble des personnes reliées à un même ascendant connu et l'ensemble des eslaves dépendants d'un même maître voir, Benveniste, Vocabulaire, I, p. 358. Gy. Diósdy, Familia pecuniaque, A. Ant. Hung., 12, (1964), p. 87105. Sur le passage de familia, ensemble des hommes libres placés sous l'autorité d'un pater, à familiaris, esclave d'une familia, cf. Sénèque, Epist., XLVII, 14, et Macrobe, Sat., I, IX, 11. cf. aussi Cicéron, Pro A Caecina, 55: in uno servulo familiae nomen non valere . . . familiam intellegamus quae constet ex servis pluribus, quin un us homo familia non sit. Pour Festus (Familia, Lindsay, p. 76-7), ce serait la conta mination du terme osque famel qui aurait donné son origine à famulus, puis au deuxième sens de familia. "*CIL, F, 1703 = ILLRP, 825, cf. Cic, Fam., IX, 4, 4 (de familia liberata). 125 CIL, F, 1854. 126 Cf. L. II, chap. III. Pro Sex Roscio Am., 22. 127 Farn., XIII, 21, 2.
LE CONTROLE EXERCÉ PAR LE PATRON SUR LES ACTIVITES DE L'AFFRANCHI inclusion de l'affranchi dans un ensemble patr imonial englobant l'ensemble des serviteurs, même si le double sens du terme familia peut maintenir un certain doute128. De la même manière, on peut remarquer que l'affranchi est parfois signalé au sein de la domus de son patron, terme qui dans sa signification non-matérielle, se comprend par rapport à un dominus129 et peut désigner ceux qui vivent sous un même toit, les proches, mais aussi les dépen dantsvivant auprès de leur maître130. C'est ce qu'expriment non seulement un document épigraphique déjà signalé131 (Ex domo Scriboniae Caesaris libertorum libertar(um)), mais aussi plusieurs pas sages de Cicéron, concernant L Cossinius Anchialus (Itaque tota Cossini domus me diligit in primisque libertus eins L· Cossinius Anchialus™2), C. Avianius Hammonius (dans un passage où domus et res familiaris sont associés133), ou L. Nostius Zoilus134. C'est parmi les domestici encore, que les affranchis figurent dans le passage du Commentariolum Petitionis cité un peu plus haut135. Si bien que même si le terme domus revêt une ambiguïté comparable à celle du mot famil ia,il n'y a pas de doute que les liberti soient intégrés
12S Dans ce sens, Lambert, Operae, p. 258-261 - 273-4 qui s'appuie sur la célèbre définition d'Ulpien (D. 50.16.195.1 Ulp. 1. 46 ad ed) : ad personas autem refertur familiae significado ita, cum de patrono et liberto loquitur lex «ex ea familia» inquit «in earn familiam» (signalant le texte même de la Loi des XII Tables, cf. chap. Ill de ce même livre). Rappelons que familiaris, cependant, peut indiquer une situation de relative intimité : cf. Cic, Ad Att., X, 5, 2, à propos de Philotime : Rescripsi ei stomochosius, cum ioco tarnen famil iari. Dans certains cas, cette acception concerne des affranchis d'amis de Cicéron (Fam., III, 1, 2, Cilix, affranchi d'App. Claudius / Fam., VII, 23, 4, Nicias, serviteur de Fadius Gallus et intime de Cassius) ou des affranchis vivant près d'un patron dont ils sont les clients (ainsi Mallius Glaucia cliens et familiaris istius T. Rosei - Sex Roscio Amerino, 19 / ou Apronius, protégé de Verres, Verr., II, II, 108, cf. Suét., Gramm., XVI et Vita Terentî). 129 Cf. Benveniste, Vocabulaire, II, p. 298-305. 130 Sur la notion de domus, et son évolution historique, cf. I. Denoyez, Le pater familias et l'évolution de sa position, dans Synteleia V. Arangio-Ruiz, p. 441-9. AStrobel, Der Begriff des «Hauses» in griechischen und römischen Privatrecht, dans ZNTW, 65, 1965, p. 91-100. 131 CIL, VI, 26032 = ILLRP, 412. 132 Fam., XIII, 23, 1. 133 Cf. note 126. 134 Eum ubi igitur sic commendo ut uiuim ex nostra donni. 135 Cf. note 118. Cicéron ajoute nam fere omnis sermo ad forensem famam a domesticis émanât auctoribus.
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dans une réalité à caractère social et moral qui les désigne comme soumis à une dépendance étroite exercée par leur patronus™6. Par ailleurs, les affranchis sont en contact avec leurs collègues, ou les autres esclaves de leur patron . Ceci est indiqué, nous l'avons déjà signalé, par l'utilisation du terme conlibertiis, a137, ou collega (qui implique cependant, une connotation professionnelle)138. Cette solidarité s'affirme dans des dédicaces collectives adres séesau patron, ou, inversement, l'utilisation de la formule libertis libertabusque par ce dernier139. Enfin, cette solidarité apparente est mise en valeur par les nombreuses mentions qui, dans nos sources littéraires, expriment une percep tioncollective des affranchis d'un même patron140 : dans ces cas, l'individualité, la person-
136 Cf. encore tota domus in omni genere diligens (Cic, Au., XII, 33, 2, ici les serviteurs sont seuls concernés). On pense irrésistiblement à la célèbre proclamation de Tacite (Ann., IV, 6, 23 après Jésus-Christ): «rares étaient, en Italie, les domaines de César, dociles ses esclaves, sa maison limitée à quelques affranchis». 137 En dehors des cas, où nous avons affaire à des affran chisde sexe opposé, citons CIL, I2, 1585 = ILLRP, 922 / I2, 1355 = VI, 23770. Cf. aussi Plaute, Poenulus, v. 910, cf. surtout Mil. Gl., 1340. 138 Horace, Sat., I, 6, ν. 40-1. Cic, Verr., IL II, 108 (Apronio . . . ei qui se non Timarchidis sed ipsius Verris collegam . . . esse dicebat). 139 Cf. Chap. L, L. III (à propos des prescriptions funérair es). 140 Ainsi, les Bardyaei, affranchis de Marius, et dont Plutarque et Appien nous signalent les exactions (Plut., Marius, XLI - Sert., V, 5. Appien, BC, I, 74 cf. en dernier lieu, F. Sartori, Cinna e gli schiavi, dans Actes Colloque 1971 sur l'esclavage (Besançon), Paris 1972, p. 151-169 (p. 159-160). Cf. Staerman, Blütezeit, p. 247) - ou les Corneliani, dont Appien (BC, I, 100-104) et Cicéron (Pro Cornel, XVI) nous disent la puissance et la multitude (cf. aussi CIL, I2, 722 = ILLRP, 353). Lors de la conjuration de Catilina, les affranchis de ce dernier (Sail., Cat., LIX, 3), de Cethegus (Cat., L, 2. Appien, BC, II, 5) ou de Lentulus (Sail., Cat., L, 1 - Appien, BC, II, 5) sont signalés collectivement (ut grege facto dit Salluste, Cat., L, 2). On pense aussi aux nouveaux affranchis de Milon (Cic, Pro Mil., 57), à ceux de Domitius Ahenobarbus, le consul de 54, utilisés contre Marseille, .lors de la Guerre Civile (César, BC, I, 34, 2-1, 57, 4), ou de Q. Cassius Minicius, vengeurs de leur patron (César, B. Alex., LV, 3). Quant à ceux de César, c'est collectivement qu'il est fait allusion à eux par Cicéron, en décembre 45 (Att., XIII, 52,2) puis en avril 44 (où ils auraient noué une coniuratio (Att., XIV, 5, 1), mais aussi par Suétone (Caes., LXXV, 6), Appien (BC, III, 11-94) et Dion Cassius (XLJV, 51,1). Il en est de même de ceux de Labienus, (Macro-
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nalité de chacun de ces individus ne sont pas reconnues (ils sont anonymes) et seule leur puis sance collective au service des intérêts de leur patron, ainsi que la position de dépendants qu'ils occupent par rapport à celui-ci, sont prises en compte par des tiers. Il y a donc, derrière ces indications, une sorte de dilution de chaque indi vidu, affranchi, au profit de la personnalité du patron qui le domine et qu'il sert. En fait, dans l'entourage du maître et patron, existe, semble-t-il, une hiérarchie de serviteurs, fondée sur le statut de ceux-ci, mais surtout sur le degré de confiance dont jouit chacun. Que dans tous les cas, les affranchis soient placés avant les esclaves, c'est indiscutable. Mais il y a des degrés qui font que certains affranchis jouent un rôle fondamental et occupent le haut de la pyramide. C'est ainsi que Cicéron, recevant César et sa suite, distingue trois catégories d'individus : les liberti minus lauti et les servi auxquels il réserve une réception convenable (nihil defuit), et les (liberti) lautiores, qui ont droit à un traitement relevé {eleganter accept)141. Cette notation doit être complétée par ce que ce même Cicéron nous indique, toujours autour du thème des ser viteurs lautiores, c'est-à-dire dotés d'un haut degré de confiance de la part du maître142, et donc d'un réel prestige, mais aussi placés à la tête de ceux qui accomplissent des services d'éli te : Atque ut in magna familia, sunt alii lautiores (ut sibi videntur) servi, sed tarnen servi, atrienses ac topiarii . . . Sed ut in familia, qui tractant ista, qui tergimi, qui ungunt, qui vernini, qui spargimi, non honestissimum locum servitutis tenent143. Il y a donc une hiérarchie, qui conduit des esclaves les plus modestes à ceux qui tiennent (ou croient tenir) le premier rang, des affranchis du second rang à ceux qui occupent une place de be, Sat., I, XI, 18, cf. Appien, BC, IV, 26), de Marcus Cicero (Pline, NH, XXXI, 6-8), de Quintus Cicero (Cic, Pro Sestio, 76) ou d'Asuvius (Cic, Cluent., 36-40). 141 Att., XIII, 52, 2. 142 Cf. Chap. Ill, L. II. 143 Parad Stoic, V, II : «Et de même que dans une grande domesticité, certains esclaves, tels les intendants et les jardi niers, se croient placés au-dessus des autres serviteurs, mais n'en sont pas moins esclaves, de même. . . Et de même que dans une domesticité, ceux à qui revient le soin de ces objets, qui essuient, parfument, nettoient, arrosent, n'occu pentpas le premier rang parmi les esclaves. . . ».
choix auprès de leur patron et au-dessus de leur congénères. Et ainsi, des responsabilités particulières incombent à certains affranchis qui, parfois pro visoirement, parfois de façon plus régulière, se voient confier la charge de l'ensemble des indivi dusqui dépendent du patron. Par exemple, en 49, c'est Philotime qui est chargé de veiller à la sauvegarde de la domus de Cicéron : Domus ut propugnocula et praesidium habeat Philotimo dicetis*44. Mais plus fréquemment, c'est un rôle de sur veil ants qu'exercent certains affranchis sur la domesticité; c'est ce qu'exprime Cicéron, qui relate que son frère Quintus croit, qu'en l'absen ce de Statius, il sera volé145; ce dernier exerce donc sa surveillance en vue d'empêcher les vols des sui, des esclaves de son patron. Cette fonction générale, nous la voyons souli gnée par l'expression columen familiae, que Cicé ron utilise ironiquement à propos de Timarchides, l'affranchi de Verres, qui débauche les escla vesd'autrui; de telle sorte que ceux-ci finissent par lui obéir davantage qu'à leur maître146 (col umen vestrae familiae). Un commentaire de Donat exprime d'ailleurs le sens de ce terme, qui con cerne les serviteurs les plus importants147 et que Lucilius et Plaute ont utilisé148 : le fait que les emplois en apparaissant dans un contexte plutôt comique laissent entendre que ces serviteurs, imbus de leur personne ou de leurs responsabilit és, prêtaient peut-être à la satire149.
144 Fam., XIV, 18 (à Terentia) : «Dites à Philotime de munir la maison d'hommes de main et de prendre ses dispositions en vue de la défendre ». 145 Ad Q. Fr., I, 2, 1 : Statius ad me venit . . . Eins adventu, quod ita scripsisti direptus iri te a tuis dum is abesset molestili mihi fuit. 146 Verr., II, III, 176. 147 Donat., Ad Ter. Phorm, 2, 1, 57: An columen columna? unde columellae apud Veteres died servi maiores domus. . . 148 Terence, Phormio, v. 287-8 (Geta à Demipho, sur le mode ironique) : Bone custos, salve, columen vero familiae / Quoi commendavi filium hinc abiens meum. Lucilius a composé une épitaphe humoristique en l'hon neur de son fidèle serviteur Metrophanes : Servus neque infidus domino neque inutili quanquam / Lucili columella hic situs Metrophanes (579/580 Marx). Sur ce passage, J. Vogt, Sklaverei und Humanität, dans Hist. Einzelschr. 8, Wiesbaden, 1965, p. 85. 149 Cf. les remarques de Staerman, (Blütezeit), à propos du passage de Lucilius cité à la note précédente. Cf. aussi un
LE CONTROLE EXERCE PAR LE PATRON SUR LES ACTIVITES DE L'AFFRANCHI C'est ce rôle de direction qu'assurent Cornel ius,ou Bellus, affranchis de Cornelius Sylla Faustus (At praefuit familia Cornelius libertus)150. Selon Cicéron, il y a donc une fonction noble, correspondant au commandement de l'ensemble des serviteurs, et qui est dévolue à Bellus (praef uit, praefuerit, praefuit, res... administrata est) tandis qu'un rôle secondaire, tout juste digne d'un esclave (munere servili) et consistant à s'o ccuper de l'intendance (ad ferramenta prospicienda), revient à Cornelius. C'est cette même fonction «noble» qu'aurait accomplie Damio affranchi de P. Clodius et l'un des chefs des operae Clodianae151. Mais derrière ces indications polémiques, se profile ce rôle de relai de l'autorité patronale qu'exercent certains liberti: ainsi, c'est sous le contrôle de l'affranchi Cordalus que fonctionne la carrière dans laquelle les esclaves punis par son patron Hegio sont envoyés152. Et ce rôle, un affranchi comme Demetrius serviteur de Pompée, était d'autant plus à même de le jouer, qu'il tenait à jour les livres sur lesquels était portée la comptabilité de tout ce qui concernait les esclaves de son patron (achats, ventes, naissances, affranchissements), selon le témoignage de Sénèque153 : numerus Uli (Demetrio) cotidie servorum velut imperatori exercitus referebatur, malgré l'exagération, l'image de ce chef d'état-major comptant les troupes de son patron doit bien avoir un fond de réalité.
emploi détourné du terme columen dans Cic, Phil., XIII, 26 : columen amicorum Antoni Cotyla Varius. . . ISÜ P. Sulla, LV : «Mais à la tête du groupe d'esclaves, il y avait son affranchi Cornelius. Si l'on ne peut trouver suspect la mobilisation de ses esclaves, peu importe qui les commanda it. Il est vrai, cependant, qu'il s'est proposé pour un emploi d'esclave, et s'est chargé de l'armement, mais il n'a jamais commandé la troupe. C'est Bellus, affranchi de Faustus, qui, en toute circonstance, en a pris la direction». IS1 Cf. Ascon., Mil., 46 D. "2 (Plaute, Captivi, v. 735-8) : «Puis faites-le mener hors de la ville, auprès de mon affranchi Cordalus, afin qu'il aille travailler à la carrière. Et dites bien que je tiens à ce qu'on s'occupe de lui et qu'on ne lui inflige pas un sort pire qu'à celui qui supporte le pire des sorts». 153 «Tranq. animi», 8: «Chaque jour le nombre des escla vesétait rapporté à Demetrius, comme on rend compte des effectifs à un général». Ces livres faisaient foi lors des recensements (cf. D. 32.9.9 pr. Paul). Sur une indication identique, voir Pétrone, Sat., 47-53.
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Mais il apparaît que l'autorité dont dispose l'affranchi qui commande à ses anciens co-esclaves, n'a pas de valeur propre : les directives, sauf cas exceptionnel, émanent du patron lui-même. Il en est ainsi lorsque Cicéron, en avril 53, envoie divers serviteurs auprès de Tiron, malad e,dont Acaste; Cicéron ne laisse aucun doute que l'emploi du temps de celui-ci n'est pas orga nisé librement par Tiron ut cotidie sit Acastus in por tu154. D'autre part, quand il donne des ordres à ses propres serviteurs, l'affranchi agit, le plus sou vent, dans le cadre des operae rendues au patron, ou bien (parce que le patron exerce un contrôle étroit sur les vicarii, nous le savons) ne peut que transmettre les directives que luimême a reçues155. Pour toutes ces raisons, les rapports qui sont établis entre liberti et servi d'un même patron sont très étroits et, dans certains cas, la respons abilité que certains affranchis assument en dir igeant la familia les maintient, aux yeux du patron ou de tiers, au sein de cette dernière. Les services domestiques accomplis par l'affranchi Les tâches accomplies par certains liberti auprès de leur patron apparaissent le plus sou vent fractionnées et même parfois humbles; qu'il s'agisse de porter les paquets156, ou de faire escorte au patron dans ses sorties157, à titre de
154 Acastum retine, quo commodius tibi ministretur (Fam., XVI, 14, 2). cf. aussi à propos d'Aegypta (Fam., XVI, 15, 2 : Ego ad te Aegyptam misi ... ut is tecum esset, et cum eo, cocum, quo uterere). Mais l'autorité de Cicéron n'est pas affaiblie, puisque dès que celui-ci paraît, les habitudes d'obéissance ont lieu de s'exprimer (cf. Fam., XIV, 5, 1 / Att., VI, 9,1). De la même façon, nous le verrons, lorsque Tiron doit surveiller le travail d'Eros, le comptable, c'est sous le contrôle d'Atticus, à la compétence duquel Cicéron délègue son autorité. Voir à ce sujet, les remarques de Clavel-Lévêque, Rapports esclavagistes, p. 249-250. 155 Cf. Att., X, 15, 1 : Eros Philotimi tibi dicet quantum sit. Cf. Att., V, 19 : Apellae tabellarius . . . mihi tuas litteras reddidit. 156 Plaute, Asm., v. 689-690: Magis decorumst / Libertum potius quam patronum onus in via portare. 157 Cic, Pro Sest., 76, - Fam., IV, 12, 3 - Att., XIII, 52 Appien, BC, II, 119 - Varrò, RR, I, LXIX.
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pedisequi, ces serviteurs sont toujours disponib les. Dans la maison même du patron, les fonc tions spécialisées n'apparaissent guère; ceci est particulièrement vrai des libertae, qui portent parfois le terme générique d'ancillae^58, et qui généralement n'ont aucune qualification profes sionnelle159. En ce qui concerne les hommes, et en l'a bsence de renseignements comparables à ceux que nous possédons, pour le début de l'époque impériale, au sujet des familiae de grands per sonnages, dont celles d'Auguste ou Livie160, nous trouvons rarement la mention d'emplois spécial isés.C'est qu'en réalité, l'affranchi joue plutôt un rôle occasionel ou de supervision. Ainsi, le libertus anonyme qui, dans le De Re Rustica de Varron, accueille les amis de son patron, est tout à fait indicatif161. En l'absence de Cicéron, c'est Philotime qui prend en charge les tribules de son patron et les accueille en son nom162. En l'absen ce aussi de Varron, c'est son appariteur qui reçoit les amis sur le domaine163. En fait, l'intervention fréquemment signalée d'affranchis à la tête de la familia du maître a un caractère informel, et s'apparente à une fonction de majordome, mais qui serait exercée, le plus souvent, de façon épisodique. Notons que nous n'avons aucune indication concernant un cursus domestique. D'autre part, cette position de tutto fare^*, relevée par certains auteurs, ne peut être que la marque d'un assujettissement étroit, qui doit représenter une survivance de cet obsequium primitif que nous avons déjà signalé.
158 Val. Max., VI, 7, 1 - CIL, P, 2273 = ILLRP, 981. 159 Brunt., Manpower, p. 143-4 / 707-8 - J. Kolendo, Les femmes esclaves de l'Empereur, dans Actes Colloque 1973 (Be sançon), Paris, 1976, p. 401-416. 160 Sur le personnel domestique d'Auguste, cf. Boulvert, EAl, p. 23-35. 161 RR, I, 69 : Quod potius illud administrasset, quant ad nos venisset, aequtim esse sibi ignosci (cf. I, 2). Cf. aussi l'affranchi qui vient annoncer que tout est prêt pour le sacrifice (RR, II, 8 : venit a Menate libertus, qui dicat. . .) ou encore et simul Vituli libertus. . . Et ego ad te missus inquit, ibam domum. . . (cf. aussi III, 7). 162 Philotimo tribulis commendatis (Q. Fr., III, 1,1). 163 RR, III, II, 14 : et me absente patrono hospitio accipiebat. 164 Treggiari, Freedmen, p. 143.
Un service caractéristique : le transport des lettres Une des activités le plus fréquemment attes tées dans l'œuvre de Cicéron concerne le trans port de lettres qui, à un époque où un service de poste n'était pas organisé, et où hommes d'affai res et politiques avaient besoin de communiquer avec toutes les régions du monde Romain, repos ait sur l'utilisation des services d'amis. Dans ses relations avec son frère165, avec Atticus166, avec Tiron167, mais aussi avec de grands personnages (Pompée, Ser. Sulpicius, Appius Claudius, César, Curion, Caelius, Brutus)168, Cicé ron recourt à ses propres serviteurs ou à ceux de ses correspondants qui, en général, rappor tent une réponse à leur patron. Mais dans le cadre des services d'amis, il est fait appel à des affranchis de connaissances169 ou à ceux des sociétés de publicains170. Malgré la réapparition d'un certain nombre de noms, comme celui de Philotime, entre 50 et 49, ou d'Aegypta, entre 53 et 45, on ne peut dire qu'au niveau des affranchis, il existe des tabellarii professionnels171. Ce qui ne veut pas dire que les déplacements n'aient pas une ampleur consi dérable : ainsi, Cicéron, à Pindenissus ou dans son camp de Cybistra, continue à recevoir des messages apportés par les liberti de ses amis172. 165 Phaeto, affranchi de Quintus (?) est utilisé (Au., III, 8-2 - Q. Fr., I, 4, 4), ainsi que Philogonus (Q. Fr., I, 3,4), Seleucus (Fam., VI, 18, 1). 166 Eutyches et Areus (Att., V, 9,1) / Philogenes (An., V, 20, 8 et Att., VI, 28, 1) / Philotime (Att., V, 4, 1 - V, 17, 1 - VII, 3, 1 - IX, 5, 1 - IX, 9, 2 - X, 11, 1) / Aegypta (Att., VIII, 15, 1 - XII, 37,1) / Tiron (Att., XV, 8,1 - XV, 21,3) / Demetrius (Att., XIV, 17, 1) / Tullius (Att., V, 5, 4, 1). 167 Aegypta (Fam., XVI, 15, 1) - Les courriers sont ici, presque exclusivement des esclaves (Mario, Harpalus, Acastus, Andricus, etc. . .)· 168 Brutus (Aegypta - Att., XI, 24, 4 - Att., XIII, 3, 2) / Caelius (Philo Fam., H, 12, 2 - Fam., VIII, 8, 10 - Att., VI, 1, 21? - Phania, Fam., Il, 13, 2) / Caesar (Diochares, Att., XI, 6, 7 Philotime, Att., X, 8, 1, et 8, 2) / Appius Claudius (Philotime, Fam., III, 9, 1 - Phania, Fam., III, 1, 1, Cilix, Fam., II, 1, 2) / Curion (Thraso, Fam., II, 7, 3), Dolabella (Tiron, Att., XII, 5c, 1 - XV, 4a, 1 - 8, 1 - 12,1) / M. Marcellus (Theophilus, Fam., IV, 9, 1 - 10, 1) / Pompée (M. Tullius, Att., VIII, 1,2 - VIII, lib, 4) / Ser. Sulpicius (Philotime, Att., X, 7, 2 - Fam., IV, 2, 1). l61) Cf. Att., XIV, 9, 1 - Q. F., I, 12, 3. 170 Fam., VIII, 7, 1 - Att., V, 15, 3. 171 Malgré Treggiari, op. cit., p. 258, Aegypta ne paraît pas avoir limité son activité à ce transport du courrier. 172 Philogenes, affranchi d'Atticus, vient à Pindenissus (Att., V, 20, 8) / un courrier d'Apella, affranchi de Fadius Gallus,
LE CONTROLE EXERCE PAR LE PATRON SUR LES ACTIVITES DE L'AFFRANCHI D'une façon générale, les lettres confiées à des affranchis peuvent contenir des secrets ou doi vent être explicitées oralement, certains passa gesétant volontairement maintenus obscurs. D'où le recours à des hommes dont la fidélité et l'intelligence sont éprouvés173. Mais cette fidélité est exclusivement réservée au patron174, même en présence d'un ami de celui-ci; d'autre part, le rôle de l'affranchi se limite à éclairer le message ou les intention de son patron, mais non d'aller au-delà en exprimant ses vues personnelles. N'est-ce pas faire un grand compliment à un personnage politique que de reconnaître que son libertus a montré du talent à «seconder» sa pensée175? Ainsi, ces transports de messages, qui sont essentiels à la vie publique, reposent sur le dévouement d'un réseau d'affranchis personnels, ou appartenant à des relations, et qui peuvent, en ces occasions, se faire assister par leurs pro pres esclaves ou ceux de leur patron176. Ils accomplissent alors ce qui, normalement, repré sente un service d'ami typique, donnant lieu à un mandat non technique, informel177, mais qui, dans leur cas, prend le caractère d'une mission précise, gardant cependant sa nature gratuite178 : en effet, soumis aux operae et tenus au respect envers leur patron, les liberti en dehors de toute acceptation volontaire, limitent leur engagement à l'absence de refus. C'est sur la fides que repose le dépôt de lettres, mais à propos des affranchis, celle-ci, dispensée par le patron, ne peut avoir qu'une valeur contraignante. C'est donc à l'occa siond'un accomplissement de ce type de mis sion que s'exprime le mieux, peut-être, la posi tion inférieure du libertus, obligé, à la demande, d'entreprendre des voyages souvents considéra-
porte une lettre, après 47 jours de voyage! Philo, libertus de Caelius, rejoint Cicéron à Pindenissus (Fam., VIII, 8, 10). 173 Cf. Smadja, Relations esclavagistes, p. 91-2 (cf. Fam., III, 1, 2 - V, 1, 6 - VI, 10a, 1 - VIII, 8, 10 - X, 17, 3-0. Fr., I, 2, 12 - I, 3,4 - Au., I, 11.2 - II, 15, 1 - II, 17, 1 - XII, 37,1 - XIII, 50, 5. C'est pourquoi Cicéron (Fam., IV, 2, 1) reproche à Philotime d'avoir laissé porter une lettre de Sulpicius, sans de déplacer pour la compléter. 174 Cf. Fam., VI, 1, 6. 175 Fam., III, 1, 1 -III, 1,2. 176 Au., V, 19, 1 - IV, 2, 1. 177 Cf. Watson, Mandate, p. 13-16 (cf. Plaute, Curculio, v. 411-412 : mandatumst mihi / ut has tabellas ad e wn ferrent). 178 Cf. Watson, Mandate, p. 16-18, Michel, Gratuité, p. 179.
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bles, dans le seul intérêt de son patron ou des amis de ce dernier. 3 - L'activité professionnelle de l'affranchi : autonomie ou dependance? a) Le patron et les origines de la «vocation» professionnelle de l'affranchi Nous avons insisté, à plusieurs reprises, sur le fait que la manumissio ne déterminait pas une rupture réelle dans les rapports existant entre serviteur et patron. Ceci est manifeste dans le domaine des occupations à caractère professionn el. Il n'y a pas de doute que c'est le patron qui est, pour l'essentiel responsable (directement ou non) de la formation technique et de l'éducation reçues par l'affranchi. Il est inutile de s'attarder sur les exemples de Livius Andronicus, Terence, Publilius Syrus, Staberius Eros ou C. Melissus179, à propos desquels nos sources insistent sur la responsabilité particulière de leur maître. Le cas le plus remarquable dans ce domaine, est celui de Tiron, dont A. Gelle nous dit qu'il fut M. Ciceronis alumnus et libertus™0, et dont nous savons qu'il vécut constamment dans une relation d'élè ve à maître à l'égard de Cicéron181. Il apparaît que c'est la volonté même du maître qui détermine non seulement la «carriè re» propre d'un serviteur, mais aussi le caractère général de la familia : l'hypertrophie des fonc tions à caractère littéraire et intellectuel au sein de celle de Cicéron ne peut s'expliquer que par les préoccupations de ce dernier182. Mais cet intérêt porté par le patron doit être éclairé par le fait qu'il n'existe pas de paedagogium officiel, pas même, par exemple, d'école de médecine, avant l'époque augustéenne183, et c'est
179 Cf. Cl. A. Forbes, The Education and Training of Slaves in Antiquity, dans TAPhA, 86, 1955, p. 321-360. 180 N. AU., XIII, 9, 1. 181 Cf. Fam., XVI, 3, 1 me, magistrum tuum. On peut citer, en parallèle, le cas d'Atticus, donnant une formation techni queà ses propres esclaves (Ncpos, Au., XIII, 3 - Rupprecht, Study, p. 123-130). 182 Etienne, Cicéron, p. 90-2. 183 Cf. Forbes, art. cit., p. 334-7. K. Visky, La qualifica della medecina e dell'architettura nelle fonti del diritto romano, dans lura, 10, 1959, p. 24-66 (= Visky, Qualifica), p.49.
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d'une façon sans doute exceptionnelle, qu'Ateius Philologus a suivi les leçons d'Antonius Gnipho, lui-même un affranchi, puis celles de Laelius Herma184. D'autre part, nos sources indiquent que, très souvent, les affranchis exercent le même métier que leur patron. Ceci est vrai non seulement dans le cas où ce dernier est un ingénu185, mais aussi quand il est lui-même un affranchi186 (en dehors des cas indiscutables, on peut penser que, lorsque plusieurs co-affranchis exercent le même métier, celui-ci doit être lié à l'activité du patron lui-même)187. Cette hérédité dans le travail, nous la rele vons d'une part dans le fait que, moins par vocation que par nécessité, la courtisane Syra, une affranchie, a fait prendre à sa fille son pro pre métier188, d'autre part dans l'interdiction fai te aux ingénus, par la Lex Iulia de m.o., d'épou ser des meretrices ou affranchies de meretrices 189 Dans le cas de patrons ayant le statut d'af franchi, on peut penser qu'ils ont formé leurs vicarii, libérés consécutivement à leur propre affranchissement190.
184 Suét., Gramm., X; mais il faudrait être sûr que cet enseignement a été suivi avant l'affranchissement d'Ateius Philologus. 185 Scribonius Aphrodisius, ancien esclave du grammairien Orbilius (Suét., Gramm., XIX) Aurelius Opilius, affranchi d'un épicurien, enseigna la philosophie avant la grammaire (Suét., Gramm., VI) Vettius Chrysippus est architecte comme son patron Vettius Cyrus (Au., II, 4, 7 - XIII, 29, 2 - XIV, 9, 1). Les Gabinii, à Calés (CIL, I2, 409-412), les Tossiei, à Velitrae (CIL, P, 2323 = ILLRP, 1176), P. Longidienus à Ravenne (cf. fig. 8-10), exercent le même métier que leurs liberti. Il en est de même du praeco O. Granius (Cic, Brut., XLIII, 160 - XLVI, 172 - Au., VI, 3, 7 - CIL, I2, 1210 = ILLRP, 808), ou de deux aurifices signalés sur une inscription de Praeneste (CIL, P, 3058, = ILLRP, 116). Enfin, à l'intérieur de la famille des Cossutii, comme dans celle des Avianii le même parallélisme se retrouve (cf. Hatzfeld, Trafiquants, p. 228 - Treggiari, Freedmen, p. 137-8). 186 Médecins (CIL, VI, 9574 - D. 38.1.26 pr.), Praecones (CIL, X, 8222), Lictores (CIL, P, 1289 = ILLRP, 796), «Mensores / Sacomarii» (CIL, P, 1623 = ILLRP, 801), Purpurarii (CIL, P, 1413 = ILLRP, 809), Thurarii (CIL, P, 1334 a, b = ILLRP, 817 + 823). 187 Aerarti (CIL, P, 977 = ILLRP, 96) Argentarti (CIL, P, 1382), Unguentarii (CIL, P, 1594 = ILLRP, 824) Fabri tign (arii), (CIL, VI, 9411). 188 Plaute, Cist., v. 40-41. 189 Cf. Chap. II, L. IL 190 Cf. Plut., Cat. Maior., XXI, 7.
Enfin, soulignons que la vocation profession nelle de l'affranchi, déterminée alors qu'il n'était encore qu'esclave, entraîne une continuité, pres que toujours réalisée, dans ses occupations ou domaines d'activité; les cas de changement sont peu fréquents : hormis ceux de Geganius Clesippus, passé de l'état de foulon à celui de Viat(or) tr(ibunicius)m ou Voltacilius Pilutus, qui fut por tier puis rhéteur192, nous ne relevons que quel ques changements d'orientation, à l'intérieur d'un même type de spécialisation : ainsi, nous l'avons vu, Aurelius Opilius a enseigné la philo sophie, avant la rhétorique, puis la grammaire; Antonius Ghipho fut maître de grammaire puis de rhétorique; L. Crassitius Pasicles (Pansa) s'i ntéressa d'abord au théâtre, avant d'enseigner la grammaire193. Mais on ne peut parler de rupture avec le passé professionnel. La responsabilité du patron apparaît donc déterminante. Mais elle s'est exercée alors que l'affranchi n'était pas encore libre. En ce qui concerne l'affranchi proprement dit, la question fondamentale que nous devons aborder est celle de savoir si son travail peut s'exercer indépe ndamment de toute directive patronale. Pour y répondre, nous devons, à propos d'un certain nombre de types d'activités, essayer de mesurer le degré d'autonomie dont pouvait jouir le libertus. b) Artisanat et petit commerce C'est essentiellement grâce à l'épigraphie, liée parfois à des monuments décorés, que nous pou vons connaître un peu ce milieu des producteurs et de la distribution de détail, ainsi que les conditions dans lesquelles les relations économi ques établies entre patrons et affranchis s'étaient placées194. Mais cette information n'est pas tou jours explicite, dans la mesure où les dédicaces collectives, concernant des collèges, représen191 CIL, P, 1004 = ILLRP, 696. 192 Suét., Rhet., III. 193 Suét., Gramm., VI, VII, XVIII. 194 Méritent particulièrement d'être signalés : H. Gummerus, Darstellungen aus dem Handwerk auf römischen Grab und Votivsteinen, dans JDAI, 28, 1013, p. 63-126. H.J. Loane, Industry and Commerce of the City of Rome, dans John Hop kins Univ. Studies, LVI, 2, Baltimore, 1938. E. M. Staerman, L'esclavage dans l'artisanat romain, dans Dial. d'Hist. Ane, II, 1976, p. 103-127.
LE CONTRÔLE EXERCE PAR LE PATRON SUR LES ACTIVITÉS DE L'AFFRANCHI
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tent une part importante de la documentation195; d'autre part les inscriptions de caractère privé ne sont pas toujours faciles à éclairer dans le sens de l'indépendance ou non de l'affranchi196. C'est dire que les remarques qui suivent repo sent sur une large part d'hypothèse.
De même, sur une inscription de Praeneste199, sont mentionnés deux aurific(es) de Sacra V[ia], donc de Rome, associés à leur affranchi. Nul doute que celui-ci soit l'adjoint de ses deux patrons, sa situation inférieu re étant soulignée par le fait que le qualificatif profes sionnel ne lui est pas directement appliqué. Alors que sur un autre texte épigraphique200, apparaissent les noms de trois personnages masculins, dont un certain Le monde des artisans L Sau[feiu]s Eros, peut-être le patron, et au moins un affranchi, L Saufeius L L Al[exan]der, qui tous trois Tout d'abord, sur un certain nombre de docu sont dit aurifi[ces de] Sacra Via: dans ce cas, si le ments, des affranchis artisans sont associés à patron est mis en exergue, les deux compagnons sont leurs patrons, sans doute parce qu'ils travail associés plus étroitement à l'exercice du métier. laientsous la direction de ceux-ci. Sur autre inscription romaine, sont mentionnés le C'est ce qui apparaît, particulièrement, sur la patrons, un couple d'affranchis et leurs affranchis qui fameuse stèle de P. Longidienus, dont la partie infé sont qualifiés globalement de purpurarei a Mariarieure représente un bateau en voie d'achèvement, neism. placé encore sur des cales (fig. 8). En avant, un hom Le relief des Antestii202 porte (Fig. 18), sur la gau meportant tunique courte et finissant d'ajuster, à la che, le nom d'un Antestius A. A. 1. Salvius, affranchi hache, une poutre recourbée, destinée sans doute à des deux personnages masculins, dont le portrait est achever l'embarcation. Cette scène navale est complét sculpté; en dessous de son nom, sont représentés des ée par la représentation, sur la face latérale droite du outils qui doivent indiquer un fabricant de vases de monument, dans un cadre mouluré, d'un navire197. De bronze (canthare, chalumeau, tenailles, enclume, cuil cette scène, se dégage d'abord l'admiration des deux lère)203. Qu'ils soient ou non eux-mêmes artisans, les affranchis auteurs du relief, car au-dessus et à droite deux patrons - des affranchis - doivent avoir une du navire figure, dans un cartouche en relief, la ment participation, sinon technique, du moins financière, à ion P. Longidienus / P. F. ad omis/properat, vantant l'activité ainsi suggérée. les qualités techniques, mais aussi l'ardeur du personn Enfin, le lanificus C. Pagurius C. L Gelos, mort parage198. Or cette exaltation de la valeur professionnell vae aetatulae, devait être encore apprenti au service e se comprend mieux, si l'on pense que les deux d'un patron auquel l'attachait un métier de débutant, liberti devaient être les auxiliaires du défunt, ce qui assez peu spécialisé204. est suggéré par la localisation de leur représentation D'autres formes de rapports professionnels qui, symboliquement, sert de lien entre celle du patron et celle du navire, mais aussi par le fait que pouvaient, cependant, intervenir, qui n'impli c'est dans le même cadre, entre les deux pilastres quaient pas que le patron travaillât directement surmontés d'une voûte, que leurs deux bustes sont auprès de l'affranchi, celui-ci jouant le rôle d'un insérés. D'où la suggestion d'une certaine communaut responsable d'atelier pour le compte de celui-là. é de travail qui maintient les affranchis dans la situa Il est possible que les fabrications de céramiques tionde «compagnons» ne méritant pas de porter par de Calés, au troisième siècle et au début du second, eux-mêmes le titre de fabri navales. aient associé des affranchis dont les signatures205 figu195 Ainsi, parmi les inscriptions votives de Préneste, sans compter celles qui, incomplètes ne révèlent pas la nature du collège, ou bien celles qui ne livrent pas l'identité des magistri. 196 Cf. CIL, F, 1268 = ILLRP, 822 / CIL, I2, 1307 = ILLRP, 770 / P, 1604 = ILLRP, 784 / CIL, X, 3971 / Ep., XXII, 1960, p. 25. Dans ces cas, doit-on conclure, puisqu'il s'agit d'individus signalés en dehors de leur patron, que l'on a affaire à des artisans indépendants? 197 Mansuelli, Le Stele romane, p. 69, parle d'une sorte de «pinax» (sur la description, cf. aussi Gummerus, art. cit., p. 91, n.38abt 14/15). 198 Cf. A. Gelle, Ν. An., XVI, XIV, qui cite Caton l'Ancien opposant properare (mener promptement un opus) à festinare (se presser, en touchant à tout).
»>ILS, 3683 d = ILLRP, 110. Sur les aurifices, cf. I. Calabi Limentani, Encicl. dell'Arte Antica, I, 1958, p. 930-2 (s.v.). 200 AE, 1971, 43. Alors que dans CIL, I2, 3005 = AE. 1971, 41, c'est encore au seul patron, M. Caedicius M. 1. Eros, aurifex de Sacra Via qu'est réservée la mention du métier. 201 CIL, I2, 1413 = ILLRP, 809 - La lecture purpuraria Marianeis, qui aboutit à un non-sens, est adoptée cependant par Treggiari, Freedmen, p. 97, cf. Loane, Industry, p. 75-6. 202 CIL, VI, 11896. 203 Cf. Gummerus, art. cit., p. 75. Loane, op. cit., p. 93. 204 CIL, I2, 2161. 205 Cf notamment les Gabinii - Retus Gabinio(s) C.S. (CIL, P, 412 a et b = ILLRP, 1214 et 1215) et Servio(s) Gabinio(s) T.S. (CIL, I2, 413 = ILLRP, 1216), qui sont des affranchis por-
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rent sur des candélabres ou des patères, alors que sur d'autres objets de même type on trouve des estampill es d'ingénus qui sont peut-être leurs patrons; on pourrait supposer que ces liberti ou bien auraient travaillé à côté de leur patron, ou plus vraisemblable ment, qu'ils auraient pratiqué leur activité dans des officinae distinctes, mais groupées autour de celles de leurs anciens maîtres. On pourrait même imaginer que, la plupart des patères portant l'indication d'une fabrication à Calés, la mention K. Serponio(s) Caleb(us) Fece(t) Veqo Esquilino C. S.206 indiquerait une confec tionréalisée, sur des modèles d'origine, dans un ate lier situé à Rome même. Un tel type de rapports concerne peut-être M. lunius Eros207, affranchi de M. lunius Iuncus Maior et pistor. S'agit-il d'un person nage dont le travail s'exerce uniquement dans le cadre de la familia d'un riche patron,ou bien, plus vraisem blablement, dirige-t-il un atelier de fabrication, com mele voudrait l'évolution de la boulangerie à la fin de l'époque républicaine208, et comme le confirmerait l'existence, sous l'Empire, à Rome, d'un M. lunius Pudens, boulanger en gros209? C'est dans une position semblable que se trouvent peut-être des affranchis de la famille des Veturii, signalés sur plusieurs inscriptions de Rome210; sur l'une d'elle, déjà indiquée, figurent un affranchi, ses deux affranchis et les affranchis de ceux-ci, leur grou peétant lié à la zone située au Nord de l'Esquilin2"; Iugarius212, une Veturia C.C.L Attica est mariée à un purpurarius «de Vico Tusco»213. On a l'impression qu'un D. Veturius a créé une activité de teinturerie214, avec des ateliers et magasins à la tête desquels il aurait placé certains affranchis qui, tels D. Veturius D. L. Diog(enes), auraient à leur tour utilisé les servi cesde leurs anciens vicarii et des affranchis de ceuxci. tant une nomenclature de type archaïque (cf. Oxe, Nomenklat ur); malgré l'opinion de Staerman, Blütezeit, p. 103, nous maintenons l'interprétation traditionnelle (cf. chap. IV, L. I). 206 CIL, I2, 416 = ILLRP,1217. 207 CIL, VI, 9805. 208 Nous avons utilisé l'excellent travail de D. Audigey, Boulangers et boulangerie à Rome et Ostie, (T.E.R., Bordeaux, 1967). L'exemple de M. Vergilius Eurysaces et des Statila (cf. Loane, op. cit., p. 66-7) indique que la fabrication industrielle du pain est largement amorcée, au tout début du règne d'Auguste. 209 CIL, VI, 9810 = ILS, 7463. Enfin n'oublions pas que M. lunius Iuncus Maior a été proconsul d'Asie en 75/74. 210 Bon développement de Treggiari, Freedmen, p. 97. 211 Cf. note 200. 212 NSA, 1922, 144 - CIL, VI, 37.826. 21Î CIL, XIV, 2433. 214 Les purpurarii ne limitent pas leur travail à la pourpre (cf. Loane, op. cit., p. 76).
Il est possible, par ailleurs qu'un P. Clodius (le tribun215)? ait possédé plusieurs affranchis, installés dans des boutiques différentes et dont les productions étaient complémentaires, l'un travaillant l'invoire (eborarius), d'autres étant glutinatores, et donc fabr iquant la colle, notamment utilisée pour pratiquer les incrustations216. M. Caedicius Eros, Yaurifex déjà cité217, a pu tra vail er pour le compte d'un M. Caedicius, qui serait son patron (sur l'inscription le gentilice en est écrit en lettres plus hautes), et être aidé par ses affranchis ou co-affranchis (soulignons qu'un M. Caedicius Iucundus, aurifex de Sacra Via apparaît sur une inscription du début du premier siècle, indiquant la belle conti nuité de cette activité familiale)218. Par ailleurs, la figuration sur une même inscription de plusieurs serviteurs appartenant à une même famil iapeut faire penser que leur activité est contrôlée financièrement par leur patron; ainsi, à la tête d'un collegium aerarior(um)2i9, sont signalés un C. Carvilius M. L. et un Carvil(ius) M., peut-être esclave; on pourr aitpenser qu'un ingénu de la gens Carvilia220 a instal lé un de ses affranchis à la tête d'un atelier-boutique, ce libertus étant aidé par un esclave ou par son vicarius. Cette sorte de liaison entre patron-propriétaire et affranchi nous la voyons réalisée dans l'exemple de C. et L. Tossieis C. F., dont le nom apparaît, à côté de celui de leur affranchi, sur une estampille imprimée sur une brique. S'agit-il d'une véritable societas? ou bien l'affranchi est-il le responsable de l'atelier dont les propriétaires seraient les deux ingénus221? De même, les deux tegularii d'Aquilée, L. Barbius L.l. Eu(. .) et L. Barbius L. L. Eup. ont dû travailler, au premier siècle avant Jésus-Christ, à la tête d'ateliers appartenant à un L. Barbius ingénu et dont un des apparentés T. Barbius Ti.F. était lui-même fabriquant de tuiles222. Peut-être, enfin, faut-il reparler de ces Antestii dont nous avons déjà signalé la stèle223. Gummerus224 a attiré l'attention sur le fait que le personnage central,
215 Dans ce sens, Loane, op. cit., p. 98. 216 CIL, VI, 9375-9448. 217 Cf. note 199. 218 CIL, VI, 9207. WCIL, I2, 977 = ILLRP, 96. 220 Sur l'aspect «gentilice» de l'inscription, dédiée à Fors Fortuna, cf. L. I, chap. III. 221 CIL, I2, 2323 = ILLRP, 1176. Le nom des deux patrons apparaît à la première ligne, celui de l'affranchi, au-dessous. 222 Cf. l'étude approfondie de J. Sâsel, Barbii, dans Eirene, V, 1966, p. 118-137 (n° 10, 38, 42). ™CIL, VI, 11896. 224 Gummerus, art. cit., p. 75.
LE CONTROLE EXERCE PAR LE PATRON SUR LES ACTIVITÉS DE L'AFFRANCHI une femme, pourrait être la fille du propriétaire de l'atelier et qu'elle aurait apporté celui-ci, en dot, à A. Antestius Antiochus; celui-ci serait donc passé de la situation d'un artisan au service de son patron, à celle d'un producteur indépendant, aidé par son co-affranchi et par leur affranchi — et peut-être apprenti Salvius. Si bien que le seul artisan qui apparaisse, avec quelque raison, comme indépendant, est ce C. Naevi(us) C. L. Barna(eus)225 dont la marque apparaît sur des tuiles datées de la fin de la République, près de Tusculum. Encore faudraitil être sûr qu'il n'est pas un simple prête-nom au service d'un grand propriétaire terrien. Il semble donc que, dans le domaine de l'art isanat où, très vraisemblablement, les affranchis sements étaient assez peu fréquents226, les patrons étaient le plus souvent eux-mêmes pro ducteurs et entendaient contrôler l'activité de leurs serviteurs. Une certaine proximité s'établiss ait, renforcée par la fierté du travail et l'exalta tion de valeurs qui apparaissent propres aux affranchis et aux ingénus227 maîtrisant des tech niques souvent délicates, et qui contrastent avec le mépris du travail manuel exprimé par ceux qui ne voient dans de tels producteurs que des operarti22* : la représentation des outils, l'indica tion, en bonne place, du métier, l'attachement à Yofficium229 (conçu comme un métier mais aussi comme une tâche assignée) sont à cet égard significatifs. Mais il apparaît que des propriétaires, appar tenant à des milieux aisés, voire aristocratiques, n'interviennent pas dans la production ellemême, mais confient à des affranchis spécialisés
225 M. Humar, Iscrizioni rinvenute nella zona tuscolana, dans Arch. Class., XXVII, 1, 1975, p. 26 n° 1 et pi. VII, 1 (cf. CIL, XV, 1325). 226 Cf. R. E. Liast, Manumission des esclaves artisans au premier siècle avant Jésus-Christ, dans VDI, 104, 1968, 2, p. 107120 (en russe). 227 Cette liaison entre artisans ingénus et affranchis est décelée par Gummerus, art. cit., p. 67) dans leur participation au culte d'Hercule (cf. aussi Staerman, Blütezeit, p. 221-2). 228 Cf. E. M. Staerman, Morale et Religion des classes oppri mées de l'Empire Romain, Moscou, 1961, p. 134-5. 229 Cf. l'attachement au métier fixé par le patron, dans le cas du jeune C. Pagurius Gelos (Quoins aetatulae / Gravitatem officio et lanifiicio praestitei, CIL, F, 2161). Cf. aussi P. Longidienus P. F. ad onus properat.
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le soin d'assumer celle-ci. Ces derniers peuvent ainsi jouir d'une autonomie de fait plus grande, même s'ils restent dépendants de leurs patrons, au plan juridique et financier230. Il reste à se demander si l'indication, notam ment à propos d'inscriptions provenant de Rome, du lieu où se situe le siège des activités et où, souvent, elles perdurent au-delà d'une simple génération, ne constitue pas un moyen d'accen tuer cette relative autonomie : l'insistance mise sur le quartier, sur une forme particulière d'en racinement, peut apparaître comme la volonté d'affirmer un domicile différent de celui du patron, en même temps que comme le gage d'une honorabilité, liée à une résidence perman ente231. Commerce de luxe, petits boutiquiers Ce genre d'activités est à rattacher au petit artisanat, dans la mesure où certains boutiquiers transforment ou finissent ce qu'ils vendent ensuite. La même fierté, le même amour du métier, la mise en valeur d'une renommée qui s'y attache, sont encore de règle. Ceci est particulièrement vrai des commerces d'alimentation où, à côté des mellari212 ou des marchands de salaisons233, les bouchers, qui par ailleurs adressent collect ivement des dédicaces à Fors Fortuna ou à la Fortuna Primigenia234, ont à cœur de souligner la dignité d'une activité que boudent les ingénus : l'indication du lieu d'exercice235 et l'exaltation du zèle professionnel236 ne manquent pas d'inter venir. S'agit-il d'individus officiant indépendamm ent, ou de chefs de boutique représentant un patron? Le fait que, sur la stèle la plus riche ment décorée, le boucher et sa compagne soient
230 Cf. Staerman, Blütezeit, p. 115. 231 Voir la documentation réunie par S. Panciera, Tra epi grafia e topografia, dans Arch. Class., XXII, 1970, p. 131-163. 232 CIL, VI, 9618, CIL, F, 3021. 233 CIL, F, 3018, sals(arius ou-amentarius?). ™CIL, F, 978 = ILLRP, 97 / 979 = ILLRP, 98 / CIL, F, 1449 = /LS, 3683 e/ CIL, F, 3064 = ILLRP, 105a. 235 Ab luco Lubent(ina) (CIL, F, 1411 =ILLRP, 794) / de colle Viminale (CIL, F, 1221 =ILLRP, 793). 236 Quum nulla in avaritie cessit ab officio (CIL, F, 1221 =ILLRP, 793).
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co-affranchis pourrait laisser penser à la deuxiè me hypothèse (fig. 38). De même, il est possible que les mellarii aient été installés pour le compte de quelque grand propriétaire, sur les terres duquel le miel était produit237. Cependant, il semble que nous puissions tirer davantage d'indications de certaines inscriptions qui traduisent une certaine aisance et dont le bavardage238, parfois traduit en vers, éclaire, malgré tout, la nature des rapports rattachant ces individus à leurs patrons. Ainsi, sur une inscription funéraire de Rome239, sont indiqués trois ingénus de la famille des Trebonii, qui sont qualifiés de Thumrie[i] et auxquels sont asso ciés sept affranchis, dont deux femmes, affranchis qui, presque tous, sont communs. Il s'agit d'une entreprise dans laquelle les affranchis des affranchis jouent un rôle d'auxiliaires. Or cette activité semble être inté grée dans une structure plus large, puisque, toujours à Rome, un épitaphe240 signale deux liberti, homme et femme, de la même famille, tous deux turareis et dont on peut penser qu'ils étaient à la tête d'un petit atelier dépendant d'un parent des trois personnages signalés plus haut. De même, l'indication de deux unguentariei coaffranchis, ou l'un affranchi et l'autre esclave d'un même individu241, peut-elle faire penser à une activité contrôlée par ce dernier. Ces affranchis sont assez souvent aidés par leur propre familia242, et peuvent être, exceptionnellement, de véritables chefs d'entreprises (ou du moins tendent à se présenter comme tels). C'est sans doute le cas du fameux L. Lutatius Paccius, dont l'aisance apparaît,
™ De Sacra Via, CIL, P, 3021 =AE, 1971, 42 - A Port. Trigem, CIL, VI, 9618. Cf. le chevalier M. Seius, qui produisait du miel sur son domaine d'Ostie (Varron, RR, III, 6, 3. Nicolet, Ordre Équestre, II, p. 1016-1017, n°317). Mais les mellarii pouvaient vendre aussi des produits exotiques (cf. Loane, op. cit., p. 30). 238 Qui permet d'insister sur l'association de la femme à la tâche du compagnon (Ille meo officio adsiduo florebat, CIL, I2, 1221 =ILLRP, 793). De même le terme mellari englobe dans CIL, VI, 9618 l'homme et la femme. ™CIL, V, 1398 = ILLRP, 816. 240 CIL, I2, 1399 = ILLRP, 818 trouvée sur la via Appia comme la précédente. 241 CIL, I2, 1594. 242 CIL, I2, 1703 = ILLRP, 825 Isque familiam suam manumisit. Cf. CIL, I2, 1212 = ILLRP, 797, nisi eos lib(ertos) quibus hoc testamento.
notamment, dans le fait qu'il détient un emplacement funéraire sur la Via Appia, à proximité du tombeau des Scipions, et aussi que son nom apparaît sur au moins trois inscriptions243. On a souvent relevé l'extr êmefierté, voire l'arrogance, du Ego sum L Lutatius Paccius (où le statut est volontairement omis), ainsi que la vanité de la référence professionnelle de familia rege (sic) Mitredatis244. On a bien l'impression d'avoir affaire à un personnage indépendant, ou, en tout cas, ne tenant pas compte de son patron245. En fait, Paccius, était le patron de quatre affran chis246, dont deux devaient l'assister plus particulière ment, puisqu'ils sont représentés, en buste, aux côtés de leur patron247. C'est d'ailleurs Paccius qui accapare le titre de thurarius. Il reste à élucider les rapports qui peuvent exister entre notre personnage et C. Quinctilius CL. Pamphilus, qui est unguentari(us) de métier, assumant une activité complémentaire et possédant ses propres affranchis. Or ce dernier rédige l'inscrip tion où il figure sibi et patrono : ce patron est-il un C. Quinctilius inconnu? ou bien s'agit-il par là de reconnaître la position de fait de Paccius? En effet, les deux hommes ont une affranchie en commun, qui devait être la compagne de Quinctilius. Patrono ren drait hommage au fait que Paccius serait le patron (et l'ancien maître?) de cette femme; mais peut-être a-t-il commandité l'activité de Yunguentari(us). Ainsi, nous avons essayé de mieux analyser les cadres possibles, dans lesquels les affranchis artisans et boutiquiers plaçaient leurs rapports économiques avec leurs patrons. Il reste beau coup d'incertitudes à lever, avant de parvenir à une connaissance plus précise de cette question; notamment, nous ne savons rien sur l'éventuel prêt de fonds roulants à l'affranchi tabernarius de la part du patron248.
VI, 27.728; I2, 1334a = /LLKP, 817; I2, , 823. 244 Sans doute le vaincu de Pompée (cf. Treggiari, Freedmen, p. 267), alors qu' Hatzfeld, Trafiquants, p. 135-6 voyait en Lutatius Paccius un Italien venu auprès du fils d'Eupator. 245 Treggiari, Freedmen, p. 267-8, a tort, sans doute, de voir dans le patron du personnage a poor relation of Q. (Lutatius) Catulus, dans la mesure où l'achat d'un parfumeur ayant de telles références avait dû coûter cher. 246 CIL, I2, 1334 b = ILLRP, 823. 247 CIL, VI, 21.728. 248 Cf. Yavetz, Fluctuations monétaires, p. 156-7, qui souli gne cette méconnaissance qui empêche de saisir l'acuité du problème des dettes dans ce milieu.
LE CONTROLE EXERCE PAR LE PATRON SUR LES ACTIVITES DE L'AFFRANCHI c) Les affranchis et les affaires Au dessus de ce qui constitue le groupe des artisans et des boutiquiers, parfois aisés (et nous ne connaissons que ceux qui doivent représenter des cas de réussite), liés physiquement et, sur tout, financièrement à leurs patrons, et dont la concentration à Rome doit être soulignée, il exis tedes entreprises commerciales et financières de plus ou moins grande envergure, qui permett ent,parfois, à des affranchis de jouir d'une autonomie de fait assez grande, ne serait-ce qu'en raison de leur installation outre-mer ou de leurs fréquents déplacements, qui le autorisent à échapper à la surveillance permanente leur patron. Il semble que l'on doive distinguer une pre mière forme de gestion d'affaires qui peut, parf ois, entraîner l'affranchi à se déplacer, mais qui n'implique pas forcément que l'occupation prin cipale de celui-ci soit celle d'un commerçant en gros, ou d'un financier agissant à titre perman ent. Ainsi, Antiochus, l'affranchi paternel de L. Flaccus249, est allé en Lydie réclamer de l'argent, qu'il a remis à son jeune patron. Vers la même époque (63-61 avant Jésus-Christ), les deux chevaliers C. et M. Fufii, sans doute des banquiers, envoient à Temnos un de leurs affranchis, afin de réclamer le montant d'une créance250. En 46, Cicéron écrit une lettre de recom mandation à Brutus, qui gouverne la Narbonnaise, en faveur d'un affranchi de T. Strabo, qui doit aller y recouvrer une somme due à son patron251. Un texte juridique, mentionnant une sentence de Servius, montre qu'un patron pouvait utiliser les ser vices d'un affranchi en l'envoyant, au loin, procéder à des achats de pourpre252. Cicéron lui-même indique qu'à plusieurs reprises il a dépêché au loin ses serviteurs. En 61, par exemple, il se plaint d'Hilarus qui est auprès d'Antoine; bien que Cicéron s'en défende, il semble que l'affranchi le représente, en Macédoine, dans une affaire commune
249 Cic., Pro Fiacco, 89. 250 Cic, Pro Fiacco, 47. cf. Nicolet, Ordre Équestre, II, p. 884 n° 154-5. Rien ne dit que cet affranchi anonyme soit spéciali sé dans les affaires financières. 251 Fam., XIII, 14, 1-2. 252 D. 34.2.4. Paul 54 ad ed. : Cum quidam libertum suum in Asiam misisset.
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aux deux hommes politiques, mais qui ne doit pas être très nette253. En 45, M. Tullius, le scribe de Cicéron en Cilicie, est signalé comme détenant des fonds appartenant à son patron et que celui-ci songe à utiliser pour le monument dédié à Tullia254. Surtout, certains serviteurs sont préposés aux finances de Cicéron; à côté d'Eros, qui, en 45-44, a joué le rôle d'un dispensator, et qui ne doit être qu'un esclave255, nous voyons intervenir, de façon fugitive, Hilarus, qui est qualifié de ratiocinator256, ce qui implique qu'il ait tenu les compt es.Puis, après 61, il n'est plus question de lui. Mais deux personnages interviennent d'une manière plus permanente et diversifiée dans ce domaine. C'est le cas de Philotime qui, à partir de 59, et surtout entre 5 1 et 49, joue le rôle d'un véritable agent financier de Cicéron257 : il est remarquable que la
253 Au., I, 12, 2. Dans ce sens, Carcopino, Secrets, I, p. 214-6 Treggiari, Freedmen, p. 256, est plus indulgente envers Cicé ron. 254 AU., XIII, 22. 4. 255 D'après Plutarque (Mor., 205 E), Rupprecht (Study, p. 102-3) pense qu'Eros aurait été un affranchi de Cicéron. Or ce personnage a joué un rôle sédentaire, sans responsabilité véritable et purement comptable (Au., XII, 18, 3 - 21, 4 XIII, 21, 4 - 30,2 - 50,5 - XV, 15,1), celui d'un dispensator (cf. Au., XV, 15, 3 Erotis dispensano). C'est un esclave, assuré ment. Le seul exemple de dispensator que nous offre l'épigraphie (CIL, I2, 1286 = ILLRP, 785) concerne un esclave. Nous avons déjà signalé un texte d'Alfenus Varus (chap. Ill, L. I, p. 143) qui expose l'imprudence d'un maître qui ne s'était fait rendre les comptes qu'après l'affranchissement de son di spensator (cf. dans ce sens, Boulvert, EAI, p. 37-198-429). 256 AU., I, 12, 2. Sur les rapports entre ratiocinatio et dispensano, cf. Pétrone, Sat., 29. Forbes, art. cit., p. 342. 257 Avril 59 (première mention), Cicéron demande à Atticus de donner des instructions à Philotime à propos de la construction d'un mur dans sa maison du Palatin (Au., II, 4, 7 - cf. II, 6, 2 et II, 7, 5). Avril 55 : chargé de construire un laconicum et d'aména ger un jardin, en liaison avec Vettius Cyrus (?) (Att., IV, 10, 2). Décembre 54 : travaux d'architecture (0. Fr., III, 7,7). Mai 51 : intervention, en liaison avec Atticus, à propos d'une dette de 800.000 sesterces contractée auprès de César et que Cicéron veut rembourser grâce à Oppius (Au., V, 4, 3). Septembre 51 : intervention à propos de la dette d'Atilius, dont Val. Messala est garant (Att. V, 19, 1). Février 50 : paiement, dans des conditions troubles, de 20.600 sesterces à Cicéron. Est en Chersonese.
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première et la dernière mention le concernant l'asso cient à une telle activité. Le décompte de ses nomb reuses démarches, parfois embrouillées, montre que, s'il n'a peut-être pas toujours été honnête envers l'époux de sa patronne258, il a mené la plupart de ses activités en liaison avec cette dernière ou avec Cicéron. La societas nouée entre celui-ci et Philotime, en vue du rachat des biens de Milon259, est tout à fait éclairante sur leurs rapports. A propos de cette affaire passablement compliquée, il faut se souvenir que c'est sans doute Philotime qui, lors de l'exil de Cicéron, en 58, a cherché, au nom de Terentia, à racheter les biens du proscrit260; ce précédent a dû amener Cicéron à recourir à ses services pour ce rachat destiné, en apparence, à sauvegarder les intérêts de la femme de Milon. A. Haury a bien démonté le mécanisme de l'affaire, dans un sens sans doute systématiquement favorable à son «cher Cicéron»261, et il apparaît que les deux hommes sont complices d'une infraction à la Lex Cornelia et que leurs combinaisons louches les impliquent tous les deux. Il est essentiel de ne pas considérer Philotime comme agissant de façon isolée et de ne pas voir en lui le dépendant du seul Cicé ron262. En réalité, la cupide Terentia doit être le maî tre d'œuvre de ces agissements; c'est pour son compt e,sans doute, que Philotime agit, car surveiller le patrimoine de Cicéron, c'est aussi protéger la dot et les intérêts de sa patronne263.
Décembre 50 : est en rapport avec Atticus; est allé en Asie : bilan des créances et dette de Cicéron (Au., VII, 3,7). Février 49 : est en rapport avec Oppius, en tant qu'inte rmédiaire? (Att., VII, 22, 2 et VIII, 7, 3). Avril 49 : achat du deversorium de Canuleius (Att., X, 5, 3). Avril 49 : est en rapport avec les Oppii de Velia (Att., X, 7, 3). Mai 49 : s'occupe, par l'intermédiaire de son esclave Eros, de la dette de Funisulanus (Att., X, 15, 1). Août 47 : affaires juridiques et negotia à Ephèse (Att., XI, 24, 4). Juin 45 : dernière mention; arrangement financier avec Balbus et Faberius (Att., XIII, 32, 1). 258 Att., VII, 3, 7 - VII, l, 9. 259 A. Haury, Philotime et la vente des biens de Milon, dans REL, 34, 1956 p. 179-190 (= Haury, Philotime). 260 Fam., XIV, 2, 2. 261 Philotime, p. 189-190. 262 Malgré Fam., III, 9, 1 («mon affranchi»), qu'Haury (Phi lotime, p. 180, n. 1) prend à la lettre, alors que cette mention invervient à un moment où les rapports entre les deux hommes sont mauvais et où Cicéron essaie de faire apparaît re son bon droit de «patron» de fait, face à un affranchi «ingrat». 263 Carcopino, Secrets, I, p. 239-240.
D'autre part, Tiron, notamment durant la période 45-44 avant Jésus-Christ, pendant laquelle, en particul ier, il supervise et contrôle le travail d'Eros264, inter vient dans les affaires de Cicéron, abandonné par Philotime265. Le cas de ces deux personnages laisse enten dreque, même si Philotime est spécialisé dans les affaires financières, même s'il est en contact, par exemple, avec les Oppii266, même si l'on doit tenir compte de ses longs déplacements, de l'a ffaire juridique l'ayant concerné à Ephèse, en 47267, il n'est pas sût qu'il faille voir en lui, et avant tout, un homme d'affaires ayant des negot iaen Orient (en Chersonnèse268, ou en Asie). Il est tout à fait remarquable que ce personnage ait érigé un temple dédié à Mercure, à Arpinum même, patrie de l'époux de sa maîtresse269. On serait donc tenté de voir en lui davantage un agent financier de Terentia et, par voie de consé quence, de Cicéron, qu'un negotiator autonome, même s'il n'a pas laissé passer les occasions de s'enrichir personnellement. Cela est encore plus vrai de Tiron : ni sa participation à un contrat270, ni l'achat d'un praediolum, près de Pouzzoles271, ne suffisent à justi fier l'opinion de Treggiari qui insiste sur «his own business interests». Bien sûr, et surtout dans le cas de Philotime, il faut tenir compte du fait que Cicéron ne parle
264 Att., XV, 15, 3 / XV, 17, 2 / XV, 20, 4. Ce contrôle exercé par Tiron semble confirmer le statut servile d'Eros. 265 Mars 45 : consulté par Atticus au sujet de la récupérat ion de la dot de Terentia (Au., XII, 19, 4). Mai 45 : dette de Cicéron envers Caerellia (Au., XII, 51, 2, cf. XII, 51, 3). Janvier 44 : s'occupe d'un problème d'argent (Fam., XVI, 23, 1). Janvier 44 : est partie dans un contrat (pour son compte ou celui de Cicéron?) (Fam., XVI, 23, 2). Juin 44 : envoyé à Atticus ut iis negodis quae agerentur interesset (Att., XV, 18, 1). Novembre 44: «nos comptes» (Fam., XVI, 24, 1). Novembre 44 : dernière lettre le concernant; rapport sur l'argent de Dolabella afin de payer ce qui est dû à Terentia (Att., XVI, 15,5). 266 Att., V, 4, 3 - VII, 22,2 - X, 7, 3. 267 AU., XI, 24, 4. 268 AU., VI, 1, 19. 269 Chap. II, L III, note 99. 270 Fam., XVI, 23, 2. 271 Fam., XVI, 21, 7.
LE CONTROLE EXERCE PAR LE PATRON SUR LES ACTIVITÉS DE L'AFFRANCHI que de ses propres intérêts; mais on ne doit pas oublier que comme Tiron, il est sous la dépen dance de fait de Cicéron et d'Atticus, mais qu'il est avant tout lié à Terentia. Dans chacun des cas signalés, il semble que les affranchis agissent gratuitement, voire à leurs frais272, et les déplacements qu'ils accomplissent apparaissent liés plutôt à l'exécution de servi ces273 qu'à une initiative personnelle. Et c'est surtout de l'exploitation du crédit de Cicéron, ou de son apparente naïveté, que Philotime attend son enrichissement (à moins que ce soit celui de Terentia, dont il faudrait connaître les intérêts propres et la composition de la dot). A côté de ces individus, dont la qualification n'est pas précisée, et qui apparaissent dans l'om bre de leur patron, un certain nombre d'affran chis, connus essentiellement grâce à l'épigraphie, font métier de s'occuper, de façon permanente, d'affaires à caractère économique. Or, même à propos de ceux qui, apparemm ent, sont détachés de leur patron, on ne peut s'empêcher de penser qu'une totale indépendanc e ne leur était pas, en règle générale, concé dée. Il en est ainsi de ceux qui pratiquent la merc atura, à quelqu'échelle que ce soit274. Le Gripus de Plaute, ayant péché la valise qu'il croit pleine d'or, place au premier rang de ses activités futu res(comme plus tard Trimalcion), le commerce de gros : Iam ubi liber er{o). . ./ Navibus magnis mercaturam faciam . . .275. Il anticipe presque sur 272 Cf. Au., VIII, 7, 3 : Ad Philotimum scripsi de viatico sive a Moneta (nemo enim solvit) sive ab Oppiis tuis contubernalibus. Cetera apposita tibi mandabo. Faut-il penser que Philotime doit solliciter un prêt au nom de Cicéron afin de couvrir les frais de voyage engagés au service de ce dernier? Ou bien Cicéron essaie-t-il de faire assumer ces dépenses par Philot ime lui-même auquel il conseillerait de «s'adresser ailleurs»? 273 D'autant plus que Philotime utilise les services de son propre esclave Eros (Att., X, 15, 1). 274 Sur la définition des termes mercator et negotiator qui n'impliquent pas une opposition fondamentale, le premier désignant le «marchand», le second «l'homme d'affaires», avec des nuances tenant à la considération qui pouvait s'attacher aux «negotia» (y compris les affaires de l'Etat), voir Hatzfeld, Trafiquants, p. 195-6, Nicolet, Ordre Equestre, I, p. 358-363, Brunt, Manpower, p. 210-5 (et The Equités in the Late Republic, dans 2e Conférence Internationale d'Histoire Economique, Aix 1962, t.I, p. 117-149, p. 125-8). 275 Rudens, V. 930-1.
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le classement que Cicéron opère, entre le com merce à petite échelle, méprisable, et le vérita blenégoce276. Or, ceux des affranchis qui nous indiquent une occupation en rapport avec les transports et les échanges, ne pratiquent pas tous des activités de caractère international. C'est sans doute le cas de C.[V]atronius C. 1., mag(ister) d'un conîegiu(m) mercator(um) pequarioru(m), signalé à Praeneste277. Le personnage doit être rattaché à C. Vatron[ius] praetor dans la même ville, au tournant des second et pre mier siècles278, et est peut-être simplement l'agent d'une famille locale, engagée dans la comm ercialisation de produits d'élevage, dans une aire peut-être limitée au Latium279. Il est plus difficile d'apprécier l'importance des affaires traitées par Sex. Aemilius Sex. L. Baro, frumentarius1*0, ou de P. Barbatius M. 1. oliarius2SX qui, l'un en 52, l'autre à l'époque de Sylla, ont exercé leur métier à Rome même : étaient-ils des redistributeurs liés à des firmes importantes282, ou se contentaient-ils de prati quer la vente en demi-gros? Par contre, les autres affranchis olearii qui nous sont signalés, sont en général des agents de grandes familles; il en est ainsi, à Ephèse, de P. Veturius P. L. Rodo, magister du collège des olearii, et qui achète un cellier à huile pour le compte de celui-ci283. De même, certains timbres amphoriques, en liaison notamment avec Délos, ne peuvent concerner que des affranchis liés à
276 De Off., I, 150 : Mercatura autem, si tennis est, sordida putanda est; sin magna est et copiosa, multa undique apportans multisque sine vantiate impertiens, non est admodum vitupe randa. 277 CIL, I2, 1450 = ILLRP, 106. "»CIL, I2, 1460 = ILLRP, 264 (cf. Graeca Vatronia, CIL, I2, 336 = ILLRP, 872). 279 Dans ce cas, mercator semble être utilisé avec quelque emphase (cf. Nicolet, Ordre Equestre, I, p. 361-2). 280 AE, 1959, 146 = ILLRP, 786 a. Voir P. Baldacci, «Negotiatores» e «mercatores frumentarii» nel periodo imperiale, dans RIL, 101, 1957, p. 273-291. 281 CIL, I2, 3003. 282 Y a-t-il un rapport entre le patron de notre affranchi et celui de ΑΥΛΟΣ ΑΙΜΙΛΙΟΣ ΣΕΞΤΟΥ ΖΩΣΙΜΟΣ signalé sur une inscription de Priène datant du milieu du premier siècle aussi Inschr. v. Priene, 112 à 114? 283 Cf. Hatzfeld, Trafiquants, p. 216, qui le rattache à P. Ve turius, père de L Veturius P. F. à Délos {CIL, I2, 2236 = ILLRP, 760, fin du second siècle).
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de grandes firmes : ainsi, L. Orbius L. L. Licinus, signalé sur une dédicace d'Hermaistes284, ou encore P. Maecius L. L. H(?)285. Sur la stèle funéraire de M. Publilius M. 1. Satur. (Fig. 12), de Capoue286, est figurée la vente d'un esclave placé sur une estrade. Il semble délicat d'y voir le rappel que le défunt aurait lui-même, en tant qu'esclave, été mis ainsi en vente sur le marché. Il vaut mieux penser à une allusion à son activité passée. Mais s'agit-il d'un marchand au détail, d'un mango de bas étage, qui a eu honte de nommer son activité? D'autre part, faut-il établir un rapport avec la mention, parmi les dédicants de l'inscription, d'un M. Pu blilius M. 1. Cadius praeco qui, en tant que tel, devait s'occuper de ventes aux enchères? S'agit-il de deux co-affranchis, dont le patron aurait pré posé le premier au commerce d'esclaves, et aurait fait accéder le second à une charge offi cielle grâce à laquelle il pouvait, éventuellement, favoriser l'activité de son collègue? Il apparaît, en tout cas, qu'en ce qui concerne ce secteur commercial, les affranchis que nous connaissons ne constituent que les rouages d'en treprises à vocation internationale : il en est ain sid'un A. Caecilius Castor qui, pour le compte de son patron, convoie des esclaves en Egypte, au tout début de la présence romaine dans ce pays287. De même, si antérieurement, l'Agora des Italiens, à Délos, construite vers 110-100, a servi de grand marché aux esclaves288, il faudrait pen284 C7L, I2, 2252 = ILLRP, 755 cf. Hatzfeld, BCH, 1912, p. 144. 285 Timbres découverts dans une épave provençale (F. Be noit, dans Gallia, 20, 1962, I, p. 164, n° 14-15) et réinterprétés par F. Salviat (P. Maecius L l. dans Et. Class., 3, 1968-70, p. 99103). Il s'agit d'un affranchi de L. Maicius qui, à la fin du second siècle a occupé, avec d'autres membres de la gens, une place en vue, à Délos (cf. ID, 1730 / ID, 1753 = ILLRP, 759, D. Maicius L. I. (113 avant Jésus-Christ) / ID, 1754, Ti. Maicius Li./ ILLRP, 750 a N. Maecius L l. (dédicace de la Stoa des Italiens). Il faudrait placer notre personnage au tournant des second et premier siècles. 286 CIL, X, 8222 Frederiksen, Capua, p. 97-8 Rostovtzeff, Economie & Social History, pi. XII, 2. 287 BGU, 1 1 14, cf. I. Biezunska-Malowist, L'esclavage à Alexandrie dans la période gréco-romaine, dans Actes du Collo que1973 sur l'esclavage (Besançon), p. 293-312 (p. 298-300). 288 M. Cocco, Sulla Funzione dell'«agorà degli Italiani» di Deh, dans PP, XXV, 1970, p. 446-9. Voir, cependant, la réfuta tionpar Ph. Bruneau, Deliaca, dans BCH, XCIX, 1975, p. 273-275.
ser qu'à côté de commerçants orientaux nonromains, les affranchis, agents des grandes famil lesqui ont financé les travaux, devaient être mêlés à ce trafic289. Le fait que la plupart des affranchis déclarant leurs rapports avec des activités de négoce soient, il est raisonnable de le penser, au service de génies jouissant d'importantes positions com merciales hors d'Italie, nous fait donc apparaître comme improbable que C. Caelius C. L. Eros, mercator à Melos, soit un chef d'entreprise auto nome290. Cette dépendance se retrouve dans le domai ne des affaires purement financières. Nous con naissons le cas de Quintio, affranchi de Cato'n l'Ancien, et qui, selon Plutarque291, pratiquait, pour le compte de son patron, le foeniis nauticum, décrié, mais autorisé : le sévère Censeur rejetait ainsi sur son serviteur le discrédit atta ché alors à cette activité. De même les trois affranchis qui, à Rome, apparaissent292, sur une inscription du premier siècle, en tant qu'arg(entarii), doivent être, davan tageque les fondateurs d'une societas, les dépen dants des trois patrons qui leur ont donné la liberté et les ont installés : le faible niveau juridi quedes deux compagnes qui sont indiquées, et le fait que la nomenclature soit disposée de manière à mettre en valeur l'identité des patrons vont dans ce sens293. Quant à la societas formée par deux colliberti dans un but lucratif, il semble qu'elle n'échappe pas à la responsabilité du patron294. Dans ce cas, le juridisme d'Alfenus, à propos de l'entrée de Xhereditas et d'un legs dans
289 Hatzfeld, BCH, XXXVI, 1912, p. 58-60. 290 CIL, III, 14.203, 10. 291 Cat., XXI, 9. 292 CIL, I2, 1382. Voir J. Andreau, Financiers de l'aristocratie à la fin de la République, dans Le dernier siècle de la Républi que et l'époque augustéenne, Strasbourg, 1978, p. 47-62. 295 La première ligne porte, en lettres plus grandes, Cn. Cn. Cn. Septumieis Cn. Cn. CL. Y a-t-il un rapport entre le troisième patron et C. Septumius préteur, en 57 (cf. Cic, Fam., VIII, 8, 5-6)? 294 D. 17.2.71.1 Paul 3 epit Alfeni dig. «Deux co-affranchis constituèrent une "société", dans un but lucratif; par la suite, l'un d'entre eux fut institué héritier par son patron, tandis que l'autre recevait un legs. Il (Servius ou Alfenus) répondit qu'ils ne devaient mettre en commun (ce qu'ils avaient reçu) ».
LE CONTRÔLE EXERCÉ PAR LE PATRON SUR LES ACTIVITES DE L'AFFRANCHI les fonds de cette societas, est secondaire295. Mais, même si, formellement, l'argent laissé par le défunt patron n'a pas accru le capital mis en commun, il est permis de penser qu'une telle distinction (alors que rien n'indique qu'il y ait eu parenté entre le patron et l'un de ses deux liberti) repose sur le fait que les intérêts des uns et des autres étaient sinon confondus, du moins très proches. Et on peut supposer que le capital laissé, à sa mort, par le patron à ses affranchis, devait avoir été destiné à accroître la societas (sinon la question ne se serait pas posée). Par conséquent, on peut tout aussi bien conclure que ce même patron avait utilisé les deux liberti comme prête-noms et avait été à l'origine de l'association. Enfin, dans le cas de L. Ceius L. L. Serapio, le plus ancien argentarius connu de Pompéi296, dont le mariage avec une ingénue traduit l'importanc e, il apparaît difficile de ne pas le rattacher à la famille des Ceii qui, sous l'Empire, a donné au moins un duumuir. Si à présent, nous nous tournons vers ceux des affranchis qui semblent avoir joui d'une position économique remarquable, nous retrou vonsle plus souvent cette dépendance à l'égard du patron que nous avons soulignée à plusieurs reprises. Écartons le cas de P. Umbrenus, cet affranchi à propos duquel Salluste fait allusion au fait que In Gallia negotiatus erat291', en effet, le contexte indique que l'auteur pense moins à des activités d'ordre financier ou commercial qu'au rôle d'agi tateur que le personnage aurait joué auprès de plusieurs peuples gaulois. Mais plus sérieux est le cas représenté par la societas formée par A. Gargilius T. F. et M. Laetilius M. L., et attestée par des estampilles sur des lingots de plomb venant de Carthagène298. Il faut 295 Bien que, malgré ce que pense Watson (Obligations, p. 135-6), la position d'Alfenus (ou Servius) puisse naître de la disproportion qui pouvait exister entre les deux éventuels apports. 296Castren, Ordo, p. 152, n° 12. La Rocca- De Vos, Guida, p. 262, n° 3 (fin de la République). 297 Cat., XL, 2. 298 F. Laubenheimer-Leenhardt, Recherches sur les lingots de cuivre et de plomb d'époque romaine dans la région Languedoc-Roussillon, Provence - Corse, 3e cycle, Monpellier, 1968, p. 116, n° 22, p. 167-70. Cf C. Domergue, dans AE Arq., XXXIX,
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tenir compte du rapprochement que l'on peut faire avec C. Laetilius M. F. A [. . .], duumvir quinq. et monétaire, à Carthagène, sous Auguste et concerné par une dédicace aux Lares Augustales et à Mercure, payée par les piscatores et propolae299. On peut penser que cette famille a pu avoir des intérêts dans la fabrication du garum, et peut-être même dans la societas qui contrôlait la transformation des tripes de scomb ri,à l'aide du sel des salines des environs300. En même temps, elle participait à l'exploitation minière dans l'arrière pays. Il n'est pas exclu que le M. Laetilius, patron de l'affranchi en question, ait été le père du magistrat. Par ailleurs, lorsque Cicéron fait allusion à la participation, en tant que fermiers de la dîme, en Sicile, d'individus de statut libertin, tels Naevius Turpio et Q. Apronius301 il signale aussi que mêmes des esclaves publics pouvaient figurer302. Si les uns et les autres pouvaient ainsi se targuer de faire partie des publicani, d'une part le titre, en Sicile, n'avait pas le même prestige qu'ail leurs303, d'autre part, il n'est pas exclu qu'ils aient agi au nom de leurs maîtres (ou de leur protecteur Verres). Le seul cas où l'on serait tenté de conclure à l'autonomie d'affranchis mêlés aux negotia, con cerne les deux libertini qui figurent et tant que redemptores, adjudicataires des travaux (publics), en vue de la restauration de la Via Caecilia, sans doute à l'époque de Sylla304. L'un d'eux, [. . .s] Q. L. Pamphilus, manceps et oper(arius)ios est no tamment chargé de la construction d'un pont,
1966, p. 41-72. M. Clavel, Béziers et son territoire dans l'Antiquit é, Paris, 1970, p. 453. 299 C7L, II, 5929 = ILER, 1414. Cf. Etienne, Culte Impérial, p. 282. 300 Cf. R. Etienne, A propos du «garum sociorum», dans Latomus, XXXIX, 1970, p. 297-313. Cf. d'autres affranchis de cette «gens» : AE, 1975, 521-522. 301 Servi homines (Verr., II, III, 91) / vix liber (Verr., II, III, 134) Apronius. . . servi autem eius qui et moribus isdem essent quibus dominus et eodem genere ac loco nati. (Verr., II, III, 62). 302 Cf. Verr., II, III, 12-31. Apronius a même droit, en tant que decumanus, à des appariteurs : apparitores a praetore adsignatos habuisse decwnanum. 303 Cf. Nicolet, Ordre Équestre, I, p. 326. 304 CIL, I2, 808 = ILLRP, 465. 305 Mieux que operfis) donné par Degrassi.
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tandis que L. Rufilius L. L. L[ ] st(es?), s'est engagé, pour 150.000 sesterces, à la réfection de 20.000 pas de route. Tout ceci a donné lieu à une enchère publique, sous le contrôle des censeurs, représentés par les curatores viarum. Toute la question est de savoir si ces personnages agis sent pour leur propre compte et, dans ce cas, il faudrait savoir si le contexte de l'époque a pu favoriser leur présence parmi les adjudicataires, ou bien si, une fois de plus il s'agit de représent ants de personnages plus importants306. Nous ne pouvons trancher, mais nul doute que la qualité de contractant lié à l'Etat devait conférer à ces deux affranchis un prestige particulier, mais qui semble être resté exceptionnel307. Il nous apparaît donc que, d'une manière générale, la participation des affranchis aux negotia ou à la mercatura conduite à une grande échelle ne dépasse pas le niveau des adjoints, agents, chefs de succursales; jamais, d'une façon indiscutable, ils n'apparaissent dans un rôle de chefs d'entreprise agissant en toute liberté. J. Hatzfeld a montré de façon convaincante, et sur des bases épigraphiques qui n'ont guère été modifiées par les découvertes récentes, que les affranchis notamment à Délos, mais aussi dans de nombreuses places de la Méditerranée Orientale (et même s'ils sont inclus parmi les Italici qui negotiantur)m sont le plus souvent groupés autour d'ingénus qui sont les véritables têtes des maisons de commerce et qui dirigent leur activité309. Des liens entre le grand centre de M"> La lecture Rufilius n'est pas assurée. Nicolet, (Ordre Équestre, II, p. 1009 n. 3) fait un rapprochement avec la gens Rupilia, connue par le consul de 332 avant Jésus-Christ, et un magister de la societas de Bithynie au milieu du premier siècle (mais son rapprochement est quelque peu faussé puis qu'il croit avoir affaire à un P. Rufilius L.L.I.). 307 Nous connaissons un redemptor monumentorum (Ep., XXXIV, 1972, p. 95), mais qui apparaît plutôt comme un entrepreneur peut-être spécialisé dans les constructions funéraires. Son épitaphe n'est pas digne d'un participant aux publica. 308 Cf. Hatzfeld, Trafiquants, p. 238-244. 309 Id., ibid., p. 148. Treggiari, Freedmen, p. 104, laisse enten drele contraire, mais sans argument véritable. Remarquons, à Anthedon, en Béotie, l'affranchi de Q. Arellius Q.F. (CIL, III, 12.291-12.292 (=/G, VII, 4186, 4187). Tout comme un affranchi de la gens Flaminia installé à Athènes (IG, III, 3044 / IG, III, 2872). Ou encore à Samothrace, un ΑΥΛΟΣ ΣΙΚΙΝΙΟΣ ΛΕΥ ΚΙΟΥ ΑΘΗΝΙΩΝ signalé sur la même inscription votive que son patron (IG, XII, 8, 205).
Délos et les autres places orientales semblent, par ailleurs, avoir existé310. Enfin, dans les indi cations données par Cicéron, c'est toujours en tant que subalternes que des affranchis mêlés aux negotia sont indiqués311. On peut donc pen ser que la formule de Gaius Quod frequenter accidit his qui transmaritimas negotiationes et aliis regionibus quam in quibus ipsi morantur, per ser vos atque libertos exercent^2, est applicable aussi à l'époque républicaine. Si l'on ajoute que nous savons que de tels agents logeaient, outre-mer, dans des maisons appartenant à leur patron313 et que des retours en Italie n'étaient pas rares314, nous sommes en droit de penser que le contrôle exercé par les grandes firmes commerciales et bancaires sur les affranchis (ou les affranchis de chacun des socii) étaient considérables. Ces remarques ne concernent pas seulement l'Orient : ce que nous savons des affranchis des Barbii d'Aquilée, installés dans le Norique315, ou
310 Cf. P. Veturius P.l. Rodo, installé à Ephèse, et dont le patron est peut-être installé à Délos à la fin du deuxième siècle (cf. Hatzfeld, dans BCH, XXXVI, 1912, p. 90 - cf. CIL, P, 2236 = ILLRP, 760). Cf. aussi les liens possibles entre les Paconii de Délos et ceux de Cos (CIL, III, 12 262) et d'Athènes (CIL, III, 2874-3354). Il y a certainement une parenté entre M. Arellius Q.F. (signalé à Anthedon, Béotie, cf. note 309) et M. Απελλιο Κοιντον installé à Délos (BCH, XXXVI, p. 16) ou ILApeXXioç Κοιντον (CIL, F, 2504 = ILLRP, 759, 113 avant Jésus-Christ). 311 L. Nostius Zoilus (Fam., XIII, 46), C.Curtius Mithres (Fani., XIII, 69), Pompeius Vindullus (AU., VI, 1,25), L. Cossinius Anchialus (Fam., XIII, 23), C. Avianius Hammonius (Fam., XIII, 21) - Philogenes (Att., IV, 15, 2 - V, 13, 2 - VI, 2, 1 - VII, 5, 3 et 7, 2). Eutychides (Att., V, 9,1, cf.IV, 15,1), les deux derniers étant des affranchis d'Atticus. cf. aussi, les affranchis de P. Granius, le mercator syracusain originaire de Pouzzoles {yerr., II, V, 59-154: Qui [Puteoloni mercatores] . . . partim libertos, partim collibertos, spoliatos... esse dicunt...). (Ingé nuset affranchis installés en Sicile sont donc compris parmi les mercatores. Mais dans tout les cas, ces affranchis ou bien sont ceux de mercatores, liés à la Sicile, ou bien ont des collibertos et donc doivent travailler pour le compte de leur patron). 312 «Ce qui arrive fréquemment à ceux qui gèrent des affaires outre-mer, et dans des régions autres que celles dans lesquelles ils résident, par le biais de leurs esclaves ou affranchis». D. 40.9.16. 313 Cf. Chap. I, L. II. 314 Cf. Chap. I, L I. 315 Cf. Sâsel, Barbii. L. Barbius LL Anchialus (Laubendorf, AE, 1961, n°73), L Barbius LL. Pilocles (Obermühlbach, CIL, III, 4805, premier siècle avant Jésus-Christ) - L. Barbius L.L.
LE CONTROLE EXERCE PAR LE PATRON SUR LES ACTIVITES DE L'AFFRANCHI des serviteurs de firmes, notamment campaniennes, installés à Tarragone316, confirme qu'il ne s'agissait que d'agents ou de chefs de postes au mieux. A propos de ce rôle d'intermédiaires dévolu aux affranchis des hommes d'affaires et mercato· res, nous devons tenir compte d'un document juridique qui indique l'évolution qui s'est produit e, en matière d'acquisition, sous l'impulsion de Servius Sulpicius : Cum quidam libertum suum in Asiam misisset ad purpuras emendas, et testamento uxori suae lanam purpuream legasset, pertinere ad earn, si quam purpuram vivo eo libertus emisset, Servius responditi{1 . Laissons de côté la question du legs, et remarquons que, pour Servius, le patron, même s'il ne sait pas exactement ce que l'affranchi achète, acquiert, dans la mesure où le libertus agit sur une instruction de caractère général. Il est fort possible que ce soit uniquement dans le cadre de rapports patron-affranchi qu'une telle forme d'acquisition ait été reconnue. A la limite, Servius a pu ne pas considérer l'affranchi com me étant véritablement une extranea persona, mais, d'une certaine manière, comme quelqu'un qui était étroitement rattaché à la familia du patron. En tout cas, ce texte révèle que, dès la première moitié du premier siècle, il y a eu adaptation des règles juridiques concernant les modes d'acquisition de la propriété à la structu re esclavagiste et marchande de l'économie méditerranéenne. Une deuxième question, connexe à la premièr e318,naît du fait qu'à deux reprises Cicéron,
Philotaerus (Magdalensberg, CIL, III, 4815 = ILLRP, 1272, pre mier siècle a.c), Ti. Barbius Q.P.L. Tiber(tinus) (Magdalensb erg, ILLRP, 1272, premier siècle a.c.). 316 Cf. Alföldy, RIT, p. 5. Gentilices italiques et groupement dans les mêmes sépultures d'affranchis d'une même gens (chap. I, L. II). 317 «Quelqu'un ayant envoyé son affranchi en Asie afin d'acheter des étoffes de pourpre, et ayant légué, par testa ment, à son épouse, (de) la laine de pourpre, Servius répond itqu'elle revenait (à l'épouse), si c'était du vivant (du patron) que l'affranchi avait acheté l'étoffe de pourpre». D. 34.2.4. Paul 54 ad ed. Sur ce texte, cf. l'analyse d'A. Watson, Acquisition of ownership by «traditio» to an «extraneiis», dans SDHI, 33, 1967, p. 189-209 (= Watson, Acquisition), p. 189-192. (= Property, p. 79-80). 318 Cf. Watson, Acquisition, p. 191-2.
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parlant d'affranchis représentant les intérêts de ses amis outre-mer, utilise le terme de procurat or, procurare. Ainsi, en 46, c'est à Acilius, gouver neurde Sicile qu'est recommandé Cn. Otacilius Naso, chevalier romain319 : habet is in provincia tua negotia, quae procurant liberti, Hilarus Antigonus, Demostratus»ì20. En 45, c'est le tour de C. Aemilius Avianius, recommandé à Servius Sulpicius, proconsul d'Achaïe : commendo ubi in maiorem modum domum eins, quae est Sicyone, remque familiärem, maxime C. Avianum Hammonium libertum eius . . . Itaque peto a te, ut eum et in patroni eius negotio sic tueare, ut eius procuratorem, quem ubi commendo . . ,321. A ces deux textes doit être jointe une inscrip tion du Magdalensberg322. Sur la cuisse gauche d'un Mars de bronze sont incisés les noms de Ti.Barbius Q.P.L. Tiber(inus), tandis que sur le bouclier apparaissent ceux de Craxsantus Barbi P.S. et, surtout, de L. Barbius L.L. Philotaerus Pr(ocurator). Dans son étude sur les chevaliers procurat eurs,Cl. Nicolet définit la procurano comme un rôle de gestion d'affaires et de représentation judiciaire, qui peut se limiter à une activité tech nique, mais peut aussi entraîner, dans le cas de chevaliers, la manifestation d'un certain prestige323. 319 Nicolet, Ordre Equestre, II, p. 967, n° 254. 320 « Celui-ci a, dans ta province, des affaires qu'administ rent pour son compte ses affranchis Hilarus, Antigonus, Demostratus». Fam., XIII, 33. 321 «Je te recommande de la manière la plus expresse, sa maison à Sicyone, et son personnel, tout particulièrement C. Avianus Hammonius, son affranchi. . . C'est pourquoi je te demande de veiller sur lui et sur l'affaire de son patron, dont il est le procurateur». Fam., XIII, 21 cf. aussi Fam., XIII, 27. 322 C7L, III, 4185 = ILLRP, 1272 milieu du 1er siècle. Cf. G. Piccotini, Die Stadt auf Magdalensberg, dans AUNRW, II, 6, Berlin, 1977, p. 263-301 (p. 264 et pl.II-III). 323 Ordre Equestre, I, p. 423-434, cf. G. Le Bras, L'évolution générale du procurateur en droit romain, Paris, 1922, (Thèse droit), (= Le Bras, Evolution), p. 50-72, notamment. Dans une importante bibliographie, distinguons les étu des suivantes : Costa, Cicerone giureconsulta, I, p. 183-6. F. De Robertis «Invitas procurator». Appunti sul procurator nel dirit toclasico romane, dans Annali del Seminario Giurid. dellVniv. di Bari, 1934, I, p. 188 (=De Robertis, Invitas Procurator). F. Serrao, // procurator, Univ. Roma Pubbl. dell'Istituto di Diritto Romano, XXVI, Milan, 1947, p. 1-20 (= Serrao, Procurat or). Watson, Mandate, P. 6-9 - 50-51 - 60 - Obligations, p. 193206. R. Quadrato, Dal procurator al mandatario, dans Annali Fac. di Giurisp. Univ. Bari, XVIII, 1963, p. 1-38 (extrait). Ο. Mi-
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En ce qui concerne les affranchis, le problè me a été obscurci dans la mesure, notamment, où l'on a voulu leur appliquer le modèle du necessarius procurator, c'est-à-dire du procura teur forcé324. Si l'on peut regretter que les défen seurs de cette thèse aient sollicité des textes de l'époque impériale concernant le voluntarius procurator3115, il reste que les possibilités de refus de l'affranchi apparaissent limitées, ainsi que le laisse entendre le fait que la Lex Aelia Sentia cite, parmi les iustae causae manumissionis d'un escla ve, l'affranchissement d'un esclave que l'on veut instituer procurator326 : dans ce cas, la désigna tion par le patron est, évidemment, contraignant e. Mais même si nous pensons que cette situa tion a dû jouer dès l'époque républicaine, nous ne pouvons savoir si, historiquement, le premier type du procurateur a été recruté parmi les affranchis327 ou si, inversement, il y a eu, de la République à l'Empire, un abaissement du recru tement du personnage, d'abord choisi parmi des Iella, // «liberties procurator». Le origini della procura in Diritto Romano, dans Annali Fac. di Giurisp. Univ. Bari (ser. Ili), II, 1966-7 p. 267-398 (=Milella, Libertus procurator). Boulvert, EAI, p. 182-5 (aperçus intéressants). J.H.Michel, Quelques observations sur l'évolution de procurateur en droit romain, dans Et Macqueron, Aix, 1970, p. 515-527 (= Michel, Observat ions).O. Behrends, Die Prokuratur des Klassischen römische Zivilrecht, dans ZRG, (R.A.), LXXXVIII, 1971, p. 215-299. P. Angelini, // procurator, Fondai. G. Castelli, 42, Milan, 1971 (résu méde la problématique). Kaser, RPR, I2, p. 227-231. R. Quad rato, D. 33.1 pr. e la definizione di «procurator», dans Labeo, 2°, 1974, p. 210-224 (= Quadrato, Procurator). 324 Dans ce sens, Costa, Cicerone giureconsulta, p. 185. De Robertis, Invitus procurator, p. 193-5. Milella, Libertus procur ator, p. 378-381. Quadrato, art. cit., p. 222-3. 325 En fait, l'expression necessarius procurator n'apparaît pas dans les sources. C'est abusivement que certains auteurs l'ont créée par opposition à voluntarius procurator, qui indi que le procurateur qui, de lui-même, s'est désigné, sans atten drequ'on le lui demande. Cf. Boulvert, EAI, p. 183 - Angelini, op. cit., p. 184 et n. 64, (à propos de Cic, Brutus, 4, 17). Quant à Vinvitus procurator, il n'est mentionné que dans les sources impériales. On ne peut donc penser que l'affranchi ait pu, en dehors d'une demande exprimée par son patron, se charger d'une procurano. Il ne pouvait être volontarius procurator, mais il n'était pas seul dans son cas. 326 Gaius, Inst., I, 19 : Iusta autem causa manumissionis est velut si ... aut servum procuratoris habendi gratia. . . cf. Angelini, op. cit., p. 86-7. 327 Cf. Serrao, Procurator, p. 1-9. Watson, Mandate, p. 6-7.
amis de bonne naissance, puis progressivement recruté parmi les liberti personnels328. Pour comprendre le rôle du procurateur, il faut partir de la célèbre définition donnée par Cicéron : /5 qui legitime procurator dicitur, omnium rerum eius, qui in Italia non sit absitue rei publicae causa, quasi quidam paene dominas, hoc est alieni iuris vicarius329. Il apparaît, tout d'abord, que le procurateur doit être libre330; c'est ce que souligne fortement Cicéron au début du passage : de liberis autem quisquis est, procurat oris nomine appellatur33i . D'autre part, le procu rateur est omnium rerum, gère théoriquement tout le patrimoine, ou plutôt, un domaine, un centre d'affaires, sur lesquels il dispose d'un pouvoir égal à celui du propriétaire quasi dominus. C'est ce qui explique qu'un personnage ayant plusieurs domaines ou des negotia diversi fiéespuisse avoir des procuratores332, chacun de ceux-ci ayant mission de gérer, avec tous les pouvoirs, un secteur déterminé333. Cette vocation
32!t Le Bras, Évolution, p. 75 et 94-111 (mais qui omet les textes de Varron concernant le procurator lié à l'exploitation agricole) cf. aussi Michel, Observations, p. 521-2. 329 Caecina, XX, 57. «Celui qui, légalement, est appelé procurateur de toutes les affaires de celui qui n'est pas en Italie ou est absent en raison d'une mission officielle, pres que comme un maître, c'est-à-dire le représentant du droit d'autrui». Le Bras, Évolution, p. 50-2 pense que legitime peut renvoyer à une loi inconnue. 330 Le texte de Gaius, cité à la note 326 l'indique clair ement. D'autre part Le Bras, Évolution, p. 57-8, a bien montré que plusieurs formules édictales l'ont bien distingué de la familia servile (interdit unde vi: Unde tu aut familia aut procurator tuus ilium aut familiam procuratorem illius. . . Cf. Cic, Pro Tullio, XIX, 44, - Caecina, XIX, 55 et XXX, 88/ édit de mancipiis vendundL· (D. 21,1,1). 331 «Donner à tout homme libre le titre de procurateur». 332 «Caecina», XX, 57 : «Non que tous ceux qui s'occupent de nos affaires puissent porter le titre de procurateurs» (cf. ibid., 58). Cf. Procuratores : CIL, I2, 593, 1. 32-7 Table d'Héraclée / Sescenti procuratores, Cic, Att., VI, 1,3 mais le terme peut englober des ingénus. Cf. les références à l'œuvre de Cicéron. Att., IV, 16, 7, - XII, 19 - XVI, 15,2 - XVI, 16, 1 - VI, 18,5 - Ad Q. Fr., I, 2, 10 - I, 2.11 - Fam., XIII, 72, 1 - Pro Sulla, 58. On pourrait à la limite penser que lorsqu'il est fait ment ion de procuratores, il s'agit de personnages de seconde zone, voire d'affranchis, alors que les personnages import antssont nommés. 333 Gestion sanctionnée en vertu de l'édit de negotiis gestis, cf. Watson, Mandate, p. 50-1. Sous la République, la procura no, étant distincte du mandat, ne peut donner lieu à Vactio
LE CONTROLE EXERCE PAR LE PATRON SUR LES ACTIVITÉS DE L'AFFRANCHI du procurator explique qu'il ait eu compétence pour défendre les intérêts de celui qu'il repré sente, en justice. Nous disposons d'indices lais sant supposer que, loin de constituer une espèce distincte de procuratores, les affranchis exer çaient leurs prérogatives dans toute leur éten due. Nous pensons, en particulier, à ceux d'entre eux qui, agents de leur patron, ont eu à figurer dans des affaires judiciaires, ayant un rapport avec les negotia de ces derniers : ainsi l'affranchi de M. Lurco, qui a été condamné en vertu de l'édit de L. Flaccus, propréteur d'Asie en 62 avant Jésus-Christ, pour une raison concernant sans doute sa gestion au nom du patron334. De même lorsque Cicéron fait allusion aux affaires judiciaires dans lesquelles, à Ephèse, en 47, Philotime aurait été impliqué. L'utilisation335 des expressions de suis controversiis in tus et omni bussuis negotiis ont été interprétées générale ment, comme révélant que le personnage avait ses propres «affaires» dans la province. Or il n'est pas du tout prouvé que Terentia n'ait pas eu ses propres intérêts dans cette région, ce qui expliquerait l'impatience que manifeste Cicéron à recevoir des nouvelles de l'affranchi (ad me celerius perferendum, ad me referre non curet) et le fait que ce passage prend place à la suite d'un paragraphe où Cicéron a exposé ses démêlés financiers avec Terentia. Si bien qu'à propos de ces deux personnages, qui ne sont pas décrits directement comme procurateurs, mais qui sont chargés de gérer les affaires de leur patron sans
mandati. Cf. Cic, Top., XVII, 66: «Ce sont eux (les juriscons ultes)qui nous ont appris ce qu'un associé doit à l'autre, celui qui s'est occupé des affaires d'un autre, à celui dont il les a gérées, ce que le mandat et le mandataire doivent l'un à l'autre». 334 Cf. Cic, Pro Fiacco, 10-87-88. L'allusion aux hominum gratiosorum splendidorumque libertis (88) et à l'irritation de Lurco (10-87) laisse entendre que c'étaient bien les intérêts de ce dernier qui étaient visés plus que ceux de l'affranchi même. Si M. Lurco devait être identifié, comme le veut Hatzfeld, à M. Aufidius Lurco l'éleveur de paons (Varron, RR, III, 6, 1 - Pline, NH, X, 45 -, Trafiquants, p. 128), il faudrait établir un rapprochement (de parenté) entre le patron de notre affranchi et T. Aufidius, propréteur d'Asie vers 65, et qui, antérieurement, avait eu quelques intérêts dans les publica d'Asie (Val. Max., VI, 9, 7). Sur le personnage, cf. Nicolet, Ordre Equestre, II, p. 794-5, n° 44. 335 Att., XI, 24, 4.
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doute à ce titre, on peut penser que le soutien, en justice, des intérêts du patron était normal, d'autant plus que l'un des devoirs de l'affranchi, nous l'avons vu, est de défendre aussi la person ne de son patron. Enfin, soulignons que ces procuratèles d'af franchis devaient jouer avant tout dans les pro vinces, où la question du rang juridique et du prestige devaient moins jouer qu'à Rome336. Mais deux remarques, à ce sujet doivent être faites : d'une part, on n'a pas assez relevé les passages dans lesquels Varron, notamment337, fait interven ir, à propos du domaine de son ami Seius, la figure d'un procurator qui, attaché à la gestion agricole, supervise l'activité même du vilicus esclave338. S'agit-il seulement d'un intendant, que certains ont voulu mettre au rang des esclav es339, ou plutôt d'un personnage qui, contraire ment au vilicus, a la capacité d'intervenir en justice?340. Rien ne permet de distinguer, là encor e,une catégorie de procuratores inférieurs, non sur le plan du prestige, mais sur celui des pouv oirs. Par ailleurs, tous les auteurs ont insisté sur le caractère éphémère de la procurano. Or dans le cas de procurateurs affranchis, qui sou vent résident à demeure dans des provinces où
336 Dans ce sens, Michel, Observations, p. 520. Ce qui cor respond aux remarques de Hatzfeld sur la composition mêlée du groupe des Italici en Méditerranée orientale (cf. aussi Chap. IV, L. I, à propos des incertitudes de la nomenc lature dans ces régions). 337 RR, III, 6, 3 (cf. Angelini, op. cit., p. 55-73) cf. aussi CIL, F, 585 (loi agraire III, 1. 69) / Cf. Cic, Orat., I, 248 - Att., XIV, 16, 1. 338 Cf. E. Maróti, The vilicus & the villa-system, dans Oikumene (Studia ad historiam antiquam classicam et orientalem spectantia), Budapest, I, 1976, p. 109-124. Cf. Martin, Agrono mes, p. 16-17. 339 Michel, Evolution, p. 520 comprend procurator = inten dant, vilicus = fermier à propos de Cic, Orat, I, 248. Mais il repousse avec raison l'interprétation de Cic, Att., XIV, 16, 1 (mai 44) : «après avoir confié à notre amie Pilia ma villa du Lucrin, ses intendants, ses procurateurs», où tradidissem veut dire recommander. 340 Dans ce sens, l'interprétation de Martin, (Agronomes, p. 366-7 cf. aussi du même, «Familia Rustica»; les esclaves chez les agronomes latins, dans Actes du Colloque 1972 sur l'Escla vage,Paris, 1974, p. 267-297 (p. 273, n. 1)) faisant du procurator défini par Columelle un personnage chargé des questions économiques et financières, semble tout à fait raisonnable. Sur la continuité du procurator de Varron à Columelle, cf. Angelini, op. cit., p. 59.
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
régions où ils représentent leur patron, il. est difficile de penser à des fonctions temporaires. On peut supposer au contraire, qu'il y avait une certaine permanence liée à Yofficium liberti, à l'acceptation d'une tâche en vertu d'un iussum imposé par le maître. Que cette acceptation soit ou non liée expressément à l'accomplissement des operae, elle n'en représente pas moins la marque de l'ancienne sujétion du libertus341, mais corrigée sans doute par la possibilité lais sée à l'affranchi d'être sinon payé, du moins défrayé. Tous les affranchis qui gèrent des affaires pour le compte de leur patron ne sont pas des procurateurs, Cicéron l'affirme nettement342. Il n'en reste pas moins que l'association, dans des lettres de recommandation adressées à des gou verneurs de province, des «libertos, procuratores, familiam», «domum eius et rem familiärem et pro curatores», «procuratores, libertos, familiam»343, laisse bien l'impression que c'est parmi les affranchis de confiance que ces procuratores étaient choisis. Dans leur cas, comme dans celui des procurateurs du plus haut rang, c'est bien la fides du propriétaire qui est en cause, mais en ce qui concerne les affranchis, c'est le crédit de leur patron qui leur est accordé, d'une façon plus ou moins durable; alors que celui du procurateur prestigieux est, momentanément, mis à la dispo sition de Yabsens.
encore Statius, auprès de Q. Cicero347. Par ai l eurs, l'exemple de Pausanias, affranchi de P. Cornelius Lentulus, et qui a servi à'accensus à Cicéron, en Cilicie, indique qu'après avoir assisté leur patron à ce poste, des affranchis de confian ce pouvaient être délégués auprès des amis de celui-ci348. Ainsi, M. Caelius Phileros aurait secondé T. Sextius en Afrique349; mais le rôle du personnage s'explique par le fait que son patron était, selon toute vraisemblance, M. Caelius Rufus, riche propriétaire dans la province350. Citons encore Q. Considius Q. L. Eros, accensus consularis et dont le patron était peut-être Q. Considius Gallus351 ou son père, Q. Consi dius. Or, ces appariteurs à titre privé352, qui occu pent leurs fonctions le temps du gouvernement de leur patron et qui ne forment ni un ordo, ni une décurie353, semblent très différents à pre mière vue, des corps d'apparitores reconnus par l'Etat et dans lesquels figuraient des affranchis. Au premier rang se trouvaient les scribae, parmi lesquels les seuls affranchis sûrs354 sont M. Tullius {libertus de Cicéron, qui sert de scriba à Mescenius, questeur en Cilicie355), un affranchi
347 Malgré l'avis de Treggiari, Freedmen, p. 158. On voit mal, en effet, qui d'autre pourrait concerner la diatribe visant l'accensus en général et adressée à Quintus (Q. Fr., I, I, 13). 348 Fam., III, 7, 4. Tyrell et Purser, III, p. 170 pensent qu'il aurait servi entre 56 et 53 sous Lentulus. d) Les affranchis et l'administration de l'Etat 349 CIL, X, 6104. Cf. A. Luisi, // liberto Marco Caelio Filerote, magistrato municipal, dans A&R, XX, 1975, p. 44-56. Des affranchis privés apparaissent liés à des 350 Cic, Caei, 73. i5lCIL, VI, 1933 = /LS, 1923. Sur les deux patrons possi magistrats du Peuple Romain, qui sont le plus bles, cf. Nicolet, Ordre Equestre, II, p. 848-850 n° 111-112. Cf. souvent leurs patrons344. aussi C. Iulius Caesaris L. Salvius (CIL, I2, 2643). C'est le cas des accensi, qui remplissent des 352 Ainsi que le montre la fameuse lettre adressée par tâches d'appariteurs, comme Timarchides au Cicéron à son frère (Q. Fr., I, 1, 13) : «que l'accensus occupe le près de Verres345, A. Gabinius Antiochus346, ou rang que nos ancêtres lui ont accordé; ceux-ci n'y voyaient pas un emploi de faveur, mais une charge absorbante et à laquelle on ne pouvait se dérober; et il ne la confiaient guère qu'à leurs propres affranchis, auxquels ils donnaient leurs 341 CL Plut., Cato Jr, XXXVIII. ordres à peu près comme à leurs esclaves». 342 Non quo omnes sint ut appellentur procuratores, qui 353 Cf. Cohen, Ordo, p. 271-272, alors que Treggiari Freed men, p. 154, a confondu les diverses sortes à'accensi. negotii nostri aliquid gérant, Caecina, XX, 57. cf. note 332. 343 Fam., I, 3, 2 (à Lentulus, gouverneur de Cilicie). Fam., 354 Le cas de Sarmentus (Horace, Sat., I, 5, ν. 51-7 et 65-9) XIII, 38 (Acilius, gouverneur de Sicile), Fam., XII, 29, 2 est douteux, mais exemplaire quant à la considération atta (Cornificius, gouverneur d'Afrique). chée à la fonction, puisque le personnage aurait eu accès à 344 Tel celui de T. Roscius : vir optimus, procurator Chrysol'ordre équestre. 355 Cic, Fam., V, 20. E. Fallu (Les « rationes» du proconsul goni (Roscio Am., 23). 345 Verr., II, II, 69, 133. Cicéron, dans AUNRW, I, 3, Berlin, 1973, p. 209-238) en fait, de 346 Att., IV, 18, 4. façon peu convaincante, un expert.
LE CONTROLE EXERCE PAR LE PATRON SUR LES ACTIVITES DE L'AFFRANCHI anonyme de Seius (qui est scriba auprès de Varron356), alors que Cornelius P. L. Syrus, mag(ister) scribarum poetarum357 fait partie d'un collège de scribae poètes, différents des scribes officiels. Ceux-ci jouissent d'un prestige relevé par la pré sence parmi eux de fils d'affranchis, mais ayant eu accès à l'ordre équestre, tels Cn. Flavius ou Horace358. D'autre part il s'agit d'une charge qui s'achète : ils sont donc de véritables fonctionnair es359. Parmi les lictores, des affranchis peuvent auss iêtre reconnus360, ainsi que parmi les viatores, qui forment eux aussi un ordo, dont font partie un affranchi de César et un de Messala361. Enfin, au bas de la hiérarchie, mais constitués eux aussi en un ordo, se trouvent les praecones qui, à côté de personnages de l'ordre équestre, accueillent des affranchis362. Ce ne sont pas les seules spécialités où inte rviennent des affranchis363, au titre du service public; mais ce qui est remarquable, c'est que les apparitores, s'ils jouissent d'un statut social de fonctionnaires, préfigurant ce que l'on trouve sous l'Empire avec les liberti du Prince, sont
™ RR, III, 2, 14. «7 Cf. B. Andreae, dans JDAI, 72, 1957, p. 235-6 (=AE, 1959, 147 et 1968, 33). Cf. E. Jory, Associations of Actors in Rome, dans H, XCVIII, 1970, p. 225-253 (p. 235-6). 3S8T. Live, IX, 46. (Cn. Flavius, Scriba aediliciiis), Suét., Horat. (Horace, Scriba quaestorius). Sur ce recrutement assez relevé, cf. Nicolet, Ordre Équestre, II, p. 835-6, et, Les «finitores equestri loco», dans Latomus, XXIX, 1970, p. 101-3. 359 Cf. Mommsen, Staastrecht, I, p. 332-343 - 346-355. Ils sont regroupés en un ordo, cf. Cic, Verr., II, III, 182-4. 360 C7L, F, 1320. CIL, F, 1289 (= ILLRP, 796). 361 CIL, P, 1570 = ILLRP, 696 - CIL, F, 2643 - CIL, VI, 32.307 (affranchi de Messala), CIL, P, 2643 (affranchi de César), CIL, F, 1004 (Geganius Clesippus). 362 Cf. Nicolet, Ordre Equestre, I, p. 404 et II, p. 765-6 906-7 - cf. aussi Fr. Hinard, Remarque sur les «praecones» et le «praeconium» dans la Rome de la fin de la République, dans Latomus, XXXV, 4, 1976, p. 730-746. M. Swan, CIL, XIV, 353 and S. 4642 : «Apparitores» at Ostia and Urso, dans Latomus, XXIX, 1970, p. 140-1, cf. les exemples d'affranchis: CIL, F, 121O = ILLRP, 821. Vessberg, p. 187, n. 1 (= Panciera, Saggi, p. 196 et fig. 8 praeco et dissignator: ordonnateur dans les lieux de spectacles ou des pompes funèbres?). AE, 1959, 147 = 1968, 33 cf. aussi CIL, X, 8222 (à Capoue). 363 Cornelius Epicadus fut calator de son patron Sylla, quand ce dernier fut augure (Suét., Gramm., XII), cf. aussi les Tibicines qui sacris publicis praesto siint CIL, F, 989 = ILLRP, 775 - CIL, F, 988 = ILLRP, 185 - CIL, VI, 33969.
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malgré tout, dépendants pour une certaine part, de patrons qui sont souvent puissants; leur influence et le fait que ces affranchis les ont bien servi ont déterminé l'engagement de ces der niers au service de l'Etat. O. Granius est praeco comme son affranchi A. Granius364; un affranchi de P. Licinius Stolo est licteur, tandis qu'un autre est graveur en creux de monnaie365 (fig. 13 à 15). Plus modestement, l'affranchi M. Cornel iusM. L. Apollonius est licteur comme son patron M. Corneli[us]Q. L. Macedo366. Le rôle du patron n'est donc pas négligeable dans l'acces sion d'un affranchi à un poste d'appariteur. Inversement, si les accensi, tout comme les nomenclatures, sont conçus par les juristes com me remplissant des tâches privées, pouvant entrer dans le cadre d'operae367, leur activité tend à acquérir une certaine durée368. Surtout, un certain nombre d'individus utilisent le titre, sans préciser le nom du personnage qu'ils ont servi; et même l'expression accensus consularis369 tend à imiter l'énoncé des fonctions de scribe. C'est que accensi et nomenclatures peuvent, dans une certaine mesure, avoir accès à une amorce de cursus, qui n'est pas encore fixe, mais qui réunit des postes de caractère privé, occupés auprès du patron ou d'un ami de celui-ci, et des activités directement au service de l'Etat. Ainsi C. Iulius Salvius (affranchi de César) a été accens us,puis viat(or) trib(unicius-)i7°; ainsi un person nageanonyme a été [nomen]clator mag., puis praeco [ab aerjario ex tribus [decurijeis, et [ac]cens(us) cos et cens.371. De même à une échell e plus modeste, la Loi d'Urso, à propos du personnel mis à la disposition des duoviri, cite
364 CIL, F, 1210 = ILLRP, 808. Cf. Nicolet, Ordre Équestre, II, p. 905-6. 365 Stolo est triumuir monetalis, au début du règne d'Au guste. 366 CIL, F, 1289 = ILLRP, 796. 367 Cf. aussi D. XXXVIII, 1, 7, où le travail de nomenclator est décrit comme pouvant être exigé par le patron, à titre d'operae. 368 Cf. l'exemple de Pausanias, cité plus haut. 3M Accensus (CIL, F, 2643. AE, 1968, 33). Nomenclatures (CIL, VI, 6071 - 9694. AE, 1968, 33). Accensus consularis CIL, VI, 1933 - [Acjcensdis) cos et cens (CIL, VI, 1933). 370 CIL, F, 2643. 371 CIL, VI, 1933.
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les lictores . . . accensos . . . scribas . . . viatores . . . librarium, praeconem, haruspicern, tibicen . . . (Tab. I, LXII). On peut donc dire qu'il y a eu, au milieu du premier siècle avant notre ère, un certain ra pprochement entre le service privé et celui de l'Etat, et que la constitution de la Familia Caesaris, avec notamment l'apparition d'appariteurs à vie (soit sous la forme des apparitores traditionn els, soit sous celle des accensi) est déjà amorc ée.Sur ce plan, le règne d'Auguste n'a fait que donner une légitimité plus grande à cette prati que, puisque désormais la durée d'un règne peut coïncider davantage avec l'exercice viager de ces diverses fonctions372. Il est possible que le rôle de César, dont nous savons qu'il utilisait des esclaves peculiares dans un certain nombre de services publics ait été, de ce point de vue, décisif373. Bien que la naissance d'un esprit bureaucratique puisse être placée un peu plus haut, si l'on en croit une anecdote rapportée par Plutarque : Caton d'Utique, devenu questeur, en 65, se heurta au pouvoir des scribes et autres agents qui, du haut de leur compétence, mépri saient un peu les questeurs encore inexpérimenté s374. Mais de toute manière, à la fin de la République comme sous l'Empire, le rôle du patron reste déterminant dans l'amorce et le déroulement de la carrière d'un affranchi, au sein de l'administration publique. e) Les affranchis, artistes et littérateurs Des femmes ayant le statut d'affranchies figu rent, nous avons eu l'occasion de le signaler, au premier rang des meretrices375 et la Phryne ou la Myrtalis d'Horace prennent valeur d'un symbole 376. Déjà le théâtre de Plaute nous permet de saisir les contours d'une activité menée peut-être d'une façon autonome et à propos de laquelle la 372 Cf. Boulvert, EAI, p. 43-8. 373 Suét., Caes., LXXVI. 374 Plut., Cato., XVI. 375 Cf. chap. II, L. II. Sur ce thème, S. Treggiari, Libertine ladies, dans CW, 1971, p. 196-8 - J. M. André, L'«otium» dans la vie morale et intellectuelle romaine des origines à l'époque augustéenne, Paris, 1966, p. 97-102. ™Epod., XIV, v.9-16 (nec uno contenta) / Od., I, XXXIII, ν. 13-16 / Cf. Sat., I, 2, ν. 28-30 et 47-48 (Tutior at quanto merx est in classe secunda / libertinarum dico. . .).
fama, acquise par l'exercice d'un réel talent, apparaît comme une source de satisfaction pour la courtisane, mais aussi comme l'assurance de revenus suffisants377. En dehors de silhouettes à peines entrevues, nous ne connaissons que deux types historiqu ement attestés : d'une part Fecennia Hispala, scortum nobile378 et Volumnia Cytheris, affranchie de P. Volumnius Eutrapelus et ancienne mima319. La première, prostituée véritable, a continué à travailler de façon indépendante après la mort de son patron; tandis que l'autre, après être passée dans les bras de Cornelius Gallus380, est devenue la «campagne» d'Antoine. Or, celui-ci était l'ami et le protecteur de P. Volumnius, qui fut son praefectus fabrum: il est tentant de voir dans Volumnia Cytheris une courtisane de haut vol, dont le patron a pu mettre la beauté au service de sa propre carrière. En ce qui concerne les acteurs, il semble que leur dépendance à l'égard de leur patron soit assez fréquente : c'est le cas, notamment d'Eucharis Liciniae L.381, quae modo nobilium ludos decoravi et Graeca in scaena prima populo appar ut,mais dont les talents sont mis en rapport avec sa patronne (studium patronae, cura, amor, laudes, decus...). Il en est de même d'Antipho qui, selon Cicéron, fut affranchi avant de monter pour la première fois sur scène (/5 erat ante manumissus quam productus), tant son patron devait être sûr de son succès382. Qu'ils soient esclaves ou affranchis, les acteurs dispensent leur art pour le compte de leur patron383.
377 Cf. CistelL, v. 40-41 (La mère, devenue indépendante, a prostitué sa fille). Most., v. 228: «Quant à moi, si je me conserve une bonne réputation, je serai toujours assez riche ». 378 T. Live, XXXIX, 9, (cf. chap. II, L. II). 379 Cic, Ait., X, 10, 5 - X, 16,5 - Phil, II, 20 - 58 - 61-2 - 69. Sur son patron, cf. Nicole t, Ordre Équestre, II, p. 1082-3. 380 Servius, ad Eclog., 10 : «hic autem Gallus amavit Cytheridem meretricem, libertam Volumni». 381 CIL, F, 1214 = Buecheler, 55 = ILLRP, 803, mais la date est contestée par Z. Papova, dans Eirene, 7 (1968, p. 60-4) qui propose de placer ce document à la fin du premier ou au second siècle. 382 Att., IV, 15, 6. 383 On pense évidemment à Eros et Panurgus, les deux esclaves du comédien Roscius. (Cic, Pro Rose. Com., 27-30). Sur le statut des comédiens sous la République, cf. U. Scamuzzi, Studio sulla «lex Roscia theatralis» con una breve
LE CONTRÔLE EXERCE PAR LE PATRON SUR LES ACTIVITÉS DE L'AFFRANCHI Plus recommandables, si l'on suit les appréc iations de Cicéron384, qui les classe parmi les artes liberales, sont des activités comme l'archi tecture et la médecine. En ce qui concerne l'architecture, il faut dis tinguer le véritable art de bâtir, digne du seul homme libre et qui exige des qualités et qualifi cations exceptionnelles385, du travail de l'archi tectede second ordre, qui se limite à des cons tructions modestes. C'est le cas de Vettius Chrysippus affranchi de Vettius Cyrus, (qui était peut-être lui-même d'origine servile et qui avait une certaine importance puisque Cicéron et P. Clodius figurent parmi ses héritiers386). Chrysippus, exerce le même métier que son patron et a dû être formé par ce dernier. Il a même dû lui succéder, puisqu'après 55, il est signalé comme continuant à travailler, on ignore si c'est pour son compte ou en rapport avec les Vettii éven tuels patrons de son patron. Les travaux qu'il surveille sont modestes : réfection d'un mur mitoyen, aménagement d'une maison de campag ne, réparation de tabernae à Pouzzoles, tout ceci pour le compte de Cicéron387. Il apparaît difficile d'admettre que le même homme ait pu être associé à la construction de la Basilica Iuliaìss. De même, Rufio est l'architecte particulier de
appendice sulla «gens Roscia», dans RSC, XVIII, 1970 p. 5-57 et 374-446. L. Winniczuk, Cicero on Actors and the Stage, dans Atti d. I Congresso Internazionale di Studi Ciceroniani (Rome 1959), Rome 1961, p. 213-222 - H. G.Marek, Die soziale Stel lung des Schauspielers in alten Rom, dans Das Altertum, 5, 1959, p. 103-111. Tous ces auteurs insistent sur le rôle du maître dans la formation puis l'utilisation de l'acteur. 384 De Officiis, I, 151 : Quibus autem artibus aut prudentia maior inest, aut non mediocris utilitas quaeritur, ut medicina, ut architectura, ut doctrina rerum honestarum, hae sunt Us, quorum ordini conveniunt honestae. . . Cf. Visky, Qualifica, p. 29-31 et 53-63. 385 Cf. P. Gros, Structures et limites de la compilation Vitruvienne, dans les livres III et IV du «De Architectura», dans Latomus, XXXIV, 1975, p. 986-1009 (spécialement p. 987-993). 386 Cic, Mil., 46. Il faut peut-être opérer un rapprochement entre Vettius Cyrus et ce Vettius qui fut peut-être manceps, entrepreneur de travaux publics au milieu du siècle (cf. Nicolet, Ordre Equestre, II, p. 1070 n. 384). Même, si ce der nier n'est pas le patron de l'architecte, la proximité des occupations est un indice invitant à supposer une liaison avec cette branche des Vettii. 387 Att., II, 4,7 - AU., XIII, 29, 2 - Au., XIV, 9, 1. 388 Même si l'on admet qu'il fut Hé à César (Au., XI, 2, 3 Fam., VII, 14, 1-2 - cf. aussi Quintil, Inst. Orat., VI, 3,61).
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C. Trebatius Testa389. Quant à Diphilus, dont Q. Cicéron a utilisé les services en 54 notam ment, et qui avait placé des colonnes de travers, on ne peut penser qu'il s'agisse d'un expert con sommé390. Quant aux médecins, dont nous avons souli gnédéjà qu'ils étaient généralement formés par leur maître (de qui dépendait leur installation individuelle), ce sont, le plus souvent, des prati ciens travaillant au service d'un seul patron ou attachés à une famille. Il en est sans doute ainsi de Scamander, l'affranchi des Fabricii, (entre les mains duquel furent saisis le poison et l'argent qui devaient être remis à Diogenes esclave de Cleophantes - médecin d'Habitus391)· Faut-il voir dans l'indication : nullum ad Scamandrum morte Habiti venturum emolumentum fuisse, une allu sion à un mode de rétribution fondé sur le versement non d'un salaire, mais de sommes données à intervalle irrégulier?392. De même Cleanthes, médecin de Caton d'Utique resta, jus qu'au bout, au service exclusif de son patron393. Quant à Antonius Musa et son frère Euphorbus, ils sont demeurés, même après la mort de leur patron, très proches de la famille d'Antoine, tout en se ralliant à Octavien394. Mais Musa, notam ment, est resté un médecin strictement «famil ial»,passant du service d'Antoine, à celui d'Au guste. Cependant, à côté de ces hommes de confianc e, qui servent exclusivement une famille ou un homme, il y a sans doute place pour des auxiliai res de médecins indépendants. Une inscription récemment trouvée à Rome395, et datée de 47 avant notre ère, porte les noms d'un medicus ocularius, Or, les nationes du mort et de ses compagnons sont indiquées avec une insistance exceptionnelle. Ne peut-on expliquer ce souci par le fait que ce médecin serait récemment arrivé à Rome, en liaison avec un patron luimême Egyptien, attiré par les dispositions que
3il* Fam., VII, 20, 1 - CIL, VI, 16.120. 390 Q. Fr., Ill, 1, 1-2-9,7. 391 Pro Cluent., 42. 392 Pro Cluent., 52. 393 Plut., Cat. Minor, LXII, 2. 394 Cass. Dio, LUI, 30 (cf. Treggiari, Freedmen, p. 130-1). i9SCIL, I2, 2965 (=1. Di Stefano Manzella, Un'iscrizione sepolcrale romana datata con la secunda dittatura di Cesare, dans Ep., XXXIV, 1972, p. 105-130.
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LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
venait de prendre César, accordant le droit de cité aux médecins396? En tout cas, le personnage devait avoir réussi, si l'on en juge par l'importan ce du terrain funéraire qu'il a acheté. Les autres affranchis signalés devaient lui servir, sans doute d'adjoints. Une dernière catégorie d'individus doit rete nir notre attention, celle des affranchis qui, ayant embrassé une profession à caractère intel lectuel, ont souvent laissé, sinon une œuvre, du moins un nom. C'est à leur propos que l'on peut essayer de mesurer le degré d'indépendance que des hommes de culture, à la personnalité indis cutable397, pouvaient se voir reconnaître. Notons que c'est essentiellement grâce aux biographies que Suétone a consacrées aux grammairiens et rhéteurs célèbres que nous pouvons approcher ce milieu, pour la période qui correspond aux dernières décennies de la République398. Il apparaît qu'un certain nombre d'auteurs et professeurs ont eu des possibilités assez larges d'affirmer leur personnalité : non seulement ils ont pu ouvrir des écoles, mais leur fierté a pu s'exprimer par un changement de surnom ou par un désintéressement accentuant leur carac tèred'individus dégagés de toute contrainte éco nomique399. Mais cette indépendance, d'autant plus mar quée que le patron est modeste, doit être nuanc ée;tout d'abord, ces personnages n'hésitent pas à recourir à des patronages prestigieux400, certai396 Suét., Caesar, XLII, 2. Nous ne pouvons rien dire des conditions dans lesquelles exerçaient, à Rome ou en dehors, les autres medici signalés (CIL, F, 1319 = ILLRP, 798 / CIL, F, 1713 = ILLRP, 800). 397 Cf. H. Bardon, La notion d'intellectuel à Rome, Stud. Class. XIII, 1971, p. 95-107. J. Vogt, Arts libéraux et population non-libre dans l'ancienne Rome, dans VDI, 1967, p. 98-103 (en russe). K. Visky, Esclavage et «artes liberales» à Rome, dans RIDA, 3e sér., XV, 1968, p. 473-485. 398 Cf. en dernier lieu, E. Cizek, Structure du «De Grammaticis et Rhetoribus», dans REL, LU, 1974, p. 303-317. 399 Ont ouvert une école : Valerius Cato, Staberius Eros, Caecilius Epirota, Aurelius Opilius, Voltacilius Pilutus. Changement de surnom : Ateius Philologus, Saevius Nicanor, Crassitius Pasicles, Caecilius Statius. Preuves de désintéressement (cours gratuit - fermeture d'école) Valerius Cato, Staberius Eros, Caecilius Epirota, L. Crassitius, Antonius Gnipho. 400 Ateius Philologus (Appii - C. Sallustius - Asinius Pollio), Curtius Nicias (Pompée, C. Memmius, Cicéron), Epirota (Cor nelius Gallus), Pubi. Syrus (César), Voltacilius Pilutus (Pompée).
nés de ces protections apparaissant parfois com me le prolongement logique des liens noués entre le patron et un de ses amis401. Par ailleurs, certains affranchis lettrés ne quittent leur patron que parce que celui-ci les a chassés402, ou bien après la mort de ce dernier403. Enfin, en dehors des œuvres de caractère techni que ou d'érudition pure qu'ils peuvent écrire en toute liberté, ces personnages apparaissent sou vent comme les auxiliaires de leur patron, avant, quelquefois, d'en devenir les biographes404. C'est cependant à propos de Tiron que l'on apprécie la position d'un affranchi intellectuel par rapport à son patron405. Cette position est marquée par une double dépendance : - d'une part, Tiron joue un rôle d'auxiliaire dans la vie politique et littéraire de Cicéron406. Il est avant tout le secrétaire de ce dernier, une sorte de mélange, avant la lettre, d'à manu, a studiis et a bibliothecis. C'est donc un homme capable de seconder l'auteur comme l'homme politique Cicéron. Or ce collaborateur est d'autant plus indispensable qu'il a peut-être inventé un système de notes lui permettant de rédiger sous la dictée de son patron407. A l'occasion, il écrit lui-même des lettres, quand ce dernier manque de temps ou est fatigué, et il en imite même l'écriture408. C'est ce rôle qui explique que Tiron ait été chargé du classement409 de la correspon dance cicéronnienne. Mais en fait, Tiron est tout entier au service de son maître, si bien que sa corre spondance personnelle est inexistante ou ne concerne que son travail410. Quant à son œuvre, elle est nulle, du moins pour ce qui touche la période antérieure à
401 Ainsi, C Melissus qui passe du patronnage de Mécène à celui d'Auguste. 402 Epirota, Curtius Nicias. 403 Pompeius Lenaeus - Antonius Gnipho - Apollonius (Cic, Fam., XIII, 16). Alors que Cornelius Epicadus reste auprès de Sylla. 404 Cf. Cornelius Epicadus - Ateius Philologus, cf. aussi L Licinius Tyrannio qui aide les frères Cicéron (Au., IV, 4 a Q. F., Ill, 4,5 et 5,6). Sur les affranchis au service de la mémoire de leur patron, cf. chap. Ill, L II. 405 Cf. Mac Dermott, Tiro, avec bibliographie antérieure. 406 Fam., XVI, 4. 407 Cf. H. Boge, Die tironischen Noten - die römische Tachygraphie, dans Das Altertum, 12, 1, 1966, p. 39-50. Malgré Mac Dermott, Tiro, p. 272. On comprend pourquoi Cicéron souffre de l'absence de Tiron (Fam., X, 8 - Ait., XIII, 25, 3). 408 Att., VIII, 13, 1 - G Fr., II, 15,1 - Ait., VIII, 2,3 (Alexis) AU., V, 19, 1. 409 Att., XIII, 6,3 - XVI, 5,5. 410 Malgré Mac Dermott, cf. A. Gelle, Ν. Att., VI, 3, 10-43.
LE CONTROLE EXERCE PAR LE PATRON SUR LES ACTIVITÉS DE L'AFFRANCHI 434U. Bien qu'il soit un homme de haute culture412, bien qu'il serve de «banc d'essai» à son patron, il n'est qu'un assistant, adiutorque dit justement Aulu Gell e413. - Par ailleurs, après la mort de Cicéron, Tiron consacre son activité à éditer des œuvres de celui-ci (librorum patroni sui studiosissimo414), notamment un
411 Mac Dermott, annonce bien une «carrière littéraire de Tiron avant la mort de Cicéron», et parle d'un auteur de mérite, mais sans la moindre preuve. 412 Fam., XVI, 16, 2 - 21,8. 413 Banc d'essai Fam., XVI, 17,1. Cf. Aulu Gelle, Ν. An., VI, 3,8 - XIII, 9, 1 - voir aussi Ait., VII, 5,2 - Fam., XVI, 4,3 10,2-14,1. 414 Aulu-Gelle, N. Ait., XV, 6. Sur son activité d'édition, cf. Mac Dermott, op. cit., p. 278-280.
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recueil de bons mots et la correspondance. L'abouti ssementde ce travail se trouve dans la rédaction d'une Vita Ciceronis dédiée à la mémoire du patron défunt415. Si bien que la seule œuvre personnelle que l'on puisse attribuer à Tiron est un travail d'érudition pure, des Pandectae416, dans lesquels les connaissanc es, plus que la personnalité de l'affranchi, devaient s'exprimer. Il apparaît donc, que soumis à un obsequium permanent, Tiron illustration du «bon affran chi»,a subi une dépendance totale qui a duré au-delà de la mort d'un patron dont la personnal ité a étouffé celle de son libertus. 415 Id., ibid., p. 282-4. 416 Aulu Gelle, Ν. Att., XIII, 9, 1-3.
CONCLUSION GENERALE
Tout au long de cette étude se sont accumul ées des observations qui nous incitent à accor derla plus grande importance, en ce qui concer ne les relations affranchi-patron, et leur défini tionjuridique, aux deux dernières décennies du second siècle et aux premières du siècle suivant : en l'espace de moins de 50 ans, la nomenclature des liberti, leurs devoirs en matière d'operae, les droits des patrons sur leurs bona ont été profon dément transformés sous l'impulsion ou l'action des Veteres et des préteurs qu'ils ont influencés. La concomitance de ces évolutions nous invite à nous demander s'il y a eu, au-delà de la succes siondes magistrats et des hésitations ou réac tions (ainsi celle de L. Drusus), une sorte de «consensus» qui, au lendemain de la crise gracchienne, aurait porté sur une redéfinition des «règles du jeu», dans un domaine où les princi pesédictés par la Loi des XII Tables, ou en vertu de celles-ci, avaient été assez peu modif iées et où la part du fas était encore largement supérieure à celle du ius. Plus qu'à des nécessit és politiques, on penserait à l'évolution de l'éc onomie Romaine fondée sur un accroissement des échanges maritimes, l'exploitation plus syst ématique de provinces nouvelles, la constitution de familiae, notamment urbaines, plus étoffées; tous ces facteurs ont pu déterminer, dès la deuxième moitié du second siècle, un accroisse ment du nombre des affranchissements et l'oc troi d'une autonomie plus grande aux affranchis installés outre-mer, même si, en majorité, ils travaillaient pour le compte de leur patron. Mais il faut sûrement tenir compte du rôle joué par des hommes liés au cercle de Scipion Emilien : Q. Mucius Scaevola, ou P. Rutilius
Rufus, dont les noms sont attachés à tant de décisions importantes et qui ont peut-être été influencés par Panetius et le stoïcisme1, ce qui expliquerait la place qu'ils ont accordée à la fides (publica comme privata), considérée comme le fondement des rapports sociaux, ainsi que leur souci de rigueur2. Il est vrai d'autre part, qu'à partir de l'époque de Sylla, ou peu après, les conditions de la vie économique et sociale ont subi une évolution rapide. Même si l'on ne peut retenir le nombre de 500.000 esclaves libérés, pour la période 8549, ainsi que le proposait T. Frank3, il est incon testable que les affranchissements tant formels qu'irréguliers ont connu un accroissement suffi sant pour que, d'une part les hommes politiques portent une attention plus vive aux problèmes
1 Dans ce sens, B. Kuebler, Griechische Einflüsse auf Ent wicklung der römischen Rechtswissenschaft gegen Ende der republikanischen Zeit, dans Atti Congresso Internazionale di Diritto Romano, Roma, I, Pavie, 1934, p. 79-98. Cf. aussi, Behrends, Veteres, p. 16-17. Inversement, Fr. Wieacker, (Über das Verhältnis der römis chen Fachjurisprudenz zur griechisch-hellenistischen Theorie, dans lura, XX, 1969, p. 448-477) pense que Q. Mucius aurait œuvré indépendamment de la pensée grecque et procédé à l'actualisation de la loi des XII Tables sans recherche morale particulière. 2 Sur le fait que Q. Mucius et ses collègues étaient mar qués par la pratique du droit sacré, cf. Nicolet, Ordre Équest re, I, p. 444-5. Sur le rôle de la bona fides dans les décisions de Q. Muc ius, cf. Watson, Law Making, p. 35-6. 3 The Sacred Treasury and the rate of manumissions, dans AJPh, 53, (1932), p. 360-3. Le calcul est rejeté de façon con vaincante par Brunt, Manpower, p. 548-9.
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CONCLUSION GENERALE
(et aux voix) des affranchis, et que, surtout, les cas de litiges entre patrons et affranchis se mult iplient eux aussi. Si bien que le souci de Servius Sulpicius et de ses disciples de régler de façon ponctuelle, par des décisions in fact urn concepta, les questions pratiques qui leur étaient soumis es, n'est peut-être pas seulement dû à l'influen ce de la pensée aristotélicienne, ni à leurs seules origines équestres4. En effet, il nous paraît qu'il y a eu une certaine continuité dans les problèmes posés par l'application des droits patronaux comme dans l'attitude des juristes et des pré teurs; il est excessif d'opposer les nouveaux pru dents à ceux de la génération précédente5. Tous participent, en fait, aux mêmes idéaux sociaux et économiques. D'autre part, l'exemple de Cicéron, novateur lui aussi, mais en même temps attaché à d'anciennes définitions - telle celle de L. Drusus concernant la réitération du ins iurandum nous montre qu'il ne faut pas surestimer ce que l'on a appelé un «revirement méthodique»6, ni l'influence que telle école philosophique grecque a pu exercer. Il est cependant possible de souligner, dans le cadre du siècle et demi que nous avons pris en considération, trois moments successifs; le premier, inauguré par les dispositions législati ves de la fin du troisième siècle {Lex Ciucia notamment), et qui dure jusque vers 120, est marqué par le maintien dans ses grandes lignes de la législation décemvirale, qui, peu à peu, cependant, a dû paraître inadaptée aux réalités de l'époque. Avec Rutilius et ses successeurs, on assiste à une remise en cause de ces dispositions anciennes, au fractionnement d'un droit patro nal mal précisé mais sans limite, en une série de droits particuliers. Enfin, à partir de la fin des années 80, les rapports affranchi-patron, au même titre que l'ensemble des questions tou chant à l'esclavage, échappent au cadre des défi nitions morales ou religieuses, pour être intégrés
4 Dans ce sens Behrends, art. cit., p. 29-31. 5 Nicolet, Ordre Équestre, a bien montré, contrairement à ce que pense Behrends, que l'équivalence chevaliers-hommes d'affaires était loin d'être totalement exacte. Et la pratique de X'otium équestre n'est pas sans rapport avec celle de Xotiwn que pouvaient illustrer des individus issus de l'ordre sénatorial. 6 Expression de Behrends, art. cit., p. 27.
dans une conception «positive» et presque «ter reà terre», qui laisse peu de place à des princi pesgénéraux autres que le respect des droits économiques du patron : cela est vrai, notam ment, à propos des affranchissements testament aires, accompagnés ou non de legs. Chaque fois que les patrons ou leurs héritiers conservent leurs prérogatives financières, ou que triomphe leur droit à Xhereditas, aucun obstacle n'est mis, en vertu d'un principe philosophique quelcon que, à la libération d'un esclave. Ainsi, répétons-le, le désarroi de Cicéron, ses brouilles, ses regrets du siècle précédent, mais aussi le sens de ses intérêts immédiats, sa con ception d'un obsequium élargi mais aussi son entrée dans une «association» aux côtés de Philotime, traduiraient les hésitations d'un homme qui vit les contradictions qu'impliquent, en appa rence, l'affirmation de grands principes et l'a pplication au jour le jour d'un esprit juridique plus proche des réalités. Mais cette évolution de la jurisprudence tra duit-elle une transformation radicale de la natu reet des formes de la dépendance imposée aux affranchis, et a-t-elle joué dans un sens, en génér al,favorable ou défavorable aux affranchis? Il est indéniable que l'éclatement du ins patronatus ancien en plusieurs droits spécifiques, définis de façon précise par le préteur et sanc tionnés par des actiones particulières, a pu cons tituer un facteur d'amélioration, en imposant aux patrons des limites qu'ils ne pouvaient fran chir sous peine de voir le préteur réagir contre eux. D'autre part, dans le cas des affranchis informels, l'exercice de la tuitio praetoris a cons titué un réel progrès. De même, la prise en compte, par le préteur pérégrin, de modes de libération non romains a ouvert la voie aux futurs développements consacrés par la Lex Junia. Mais certains principes essentiels qui condi tionnent la relation du libertus au patronus sont restés inchangés : ainsi le rôle fondamental du iussus patronal à l'origine de l'affranchissement, ou encore le mode de création des obligations de service qui repose, assez largement au milieu du premier siècle encore, sur le iusiurandum imposé à l'esclave. D'autre part, il y a eu, dans le domaine des obligations économiques, une réelle aggravation des droits accordés au patron : ainsi, dans le
CONCLUSION GENERALE domaine successoral (et le processus de mise en forme de l'édit de bonis libertorwn a été amorcé avant Servius), avec la création de la Bononun Possessio Dimidiae Partis, accordant des avanta ges nouveaux aux liberi patroni. Surtout l'appli cation du système de la stipulatio aux operae montre bien le souci qu'ont eu les prudents, comme les préteurs, de permettre au patron qui n'avait pas la possibilité d'utiliser tous les servi cesde son affranchi, de les valoriser par une location à des tiers, et de lui donner la possibili té de faire stipuler et donc transmettre ces ope rae à des tiers quels qu'ils fussent. Et d'une façon générale, le prolongement, au-delà de la mort du patron, de la dépendance de l'affranchi envers notamment les liberi de ce dernier est mieux assuré au premier siècle qu'auparavant. En fait, malgré l'adaptation des devoirs de l'affranchi à l'évolution des formes prises par l'économie, leurs bases demeurent inchangées : c'est en premier lieu, la {ides contraignante, dont le patron est, à volonté, le dispensateur, et qui, au-delà des précisions juridiques, garde un caractère «sacré» et sans limite, véritablement astreignant. C'est d'autre part, le principe même des operae qui assure au patron une utilisation dont lui seul juge les formes et le moment - des services et de la personne de son affranchi; c'est, enfin, cette arme considérable qu'aucune défini tionn'a altérée, que constitue le contrôle exercé sur le peculium de l'esclave; ce peciilium étant, selon le bon plaisir patronal, retenu ou laissé (ou légué). Or, de la décision prise par le patromis peuvent dépendre non seulement l'aisance éco nomique du nouveau liberties, mais sa liberté d'action même, car le maintien de la compagne ou des enfants naturels sous l'autorité du maître est une garantie absolue contre tous les manque mentsà l'autorité de ce dernier. Si bien qu'après comme avant les réformes inaugurés par Rutilius, les possibilités d'autono mie des affranchis n'ont pas été sensiblement accrues; leur personnalité n'a pas été davantage affirmée. La potestas du patron reste bien le frein à toute velléité d'indépendance que l'affranchi, étant mineur, pouvait manifester. Il est donc légitime de se demander si, dans la réalité vécue par l'affranchi, il existe des con tre-poids, des possibilités d'atténuer cette toute puissance du patron? Nous avons cité les cas évidemment favorables, dans lesquels des
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chis, ou plus souvent des affranchies, ont épousé leur patron, ou sont les enfants de ce dernier. Mais en dehors de ces situations heureuses, peut-on penser, par exemple, aux liens de solidar ité noués à l'intérieur de la familia à laquelle les affranchis sont liés : les colliberti peuvent-ils, sinon se liguer, du moins s'entr'aider pour att énuer le poids de Yauctoritas du patron? Nous avons signalé un certain nombre d'indications permettant une telle conclusion. Mais il faut rester prudent : en particulier, les tabellae defixionum visant des affranchi(e)s peuvent ne pas seulement émaner d'individus désirant atteindre, à travers ceux-ci, leur patron7; car rien n'interdit de penser que, dans certains cas, ces tables d'exécration avaient été gravées pour le compte de serviteurs jaloux du crédit dont jouis saitl'un d'entre eux; les disputes que nous avons pu signaler, par exemple au sein de la familia de Sex. Pompée, inciteraient à le penser. Par ailleurs, même si l'affranchi est intégré dans des rapports de clientèle qui, en apparence, devaient lui permettre de bénéficier de la pro tection d'un personnage distinct de son ancien maître8, il n'est pas sûr qu'il trouve toujours auprès de ce protecteur un recours, et nous avons relevé d'assez nombreuses indications soulignant que le patronus dont l'affranchi est le client peut jouer le rôle de garant ou de relais de l'autorité exercée par le patronus direct9. Enfin, la mort du patron n'est pas une garant ie de l'autonomie peut-être attendue par l'a ffranchi, car les droits des fils ou descendants légitimes en matière à'operae ont été renforcés, l'exemple d'Octavien le montre très bien. Rares devaient être sous la République, comme plus tard sous l'Empire, les individus qui bénéfi ciaient de la chance offerte à Trimalcion.
7 Cf. Borner, IV, p. 977-994, cf. Aiidollent, 123 (4 affranchis de 4 familles différentes), 196 (=C/L, X, 8214 = ILLRP, 1149), 199 (où les affranchis des 2 époux sont associés à ceux-ci et à leur fils), 128. 8 Et qui pouvait intervenir en faveur de son affranchisse ment (cf. à propos de Denys, la communion de pensée entre Atticus et Cicéron). 9 Ainsi lorsque Cicéron demande à Atticus d'intervenir auprès d'Hilarus, cf. chap. HI, L. II. Inversement Philotime et Denys adoptent le point de vue de leur patron direct au détriment de leur protecteur.
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CONCLUSION GENERALE
Si bien que la seule possibilité de libération offerte aux affranchis reposerait dans les enfants ingénus qu'ils pouvaient avoir, enfants échap pant théoriquement aux handicaps subis par leurs parents. Mais l'exemple d'Horace nous montre que malgré toute la valeur personnelle de ces libertinorum filii, leurs antécédents les marquent d'une façon définitive. Et encore s'agit-il d'un cas heureux, car le patron, nous le savons, peut, par un affranchissement tardif, ou en gardant la compagne du libertus en esclavage, empêcher un tel épanouissement par la procréa tion d'enfants libres. Nous devons cependant, au terme de cette enquête, redire les limites de notre information : en particulier, les affranchis dont l'existence nous est un peu connue sont des individus liés à de grandes familles, ou intégrés dans un certain nombre d'activités économiques assez dévelop pées. L'épigraphie funéraire, même si elle émane directement des utilisateurs, n'a pas, cependant, un caractère totalement «démocratique». Les affranchis de citoyens pauvres, libérés, notam mentau premier siècle, pour des raisons aliment aires10, échappent totalement à notre connais sance;et nous ne pouvons dire si, dans leur cas, la dépendance vis-à-vis d'un maître privé de moyens financiers était plus contraignante ou si,
10 Cf. D. Van Berchem, Les distributions de blé et d'argent à la plèbe romaine sous l'Empire, Genève, 1939, p. 16-28. Brunt, Manpower, p. 377-380. Cl. Nicolet, Le temple des Nymphes et les distributions fromentaires à Rome, à l'époque républicaine, d'après les découvertes récentes, dans CRAI, 1976, 1, p. 29-51 (p. 44-48). Tous ces auteurs utilisent Denys d'Halicarnasse, IV, 24 Dio Cass, XXXIX, 24. Voir en dernier lieu, J. M. Flambard, Clodius, les collèges, la plèbe et les esclaves. Recherches sur la politique populaire au milieu du /«" siècle, dans MEFRA, 89, 1977, 1, p. 115-153 (p. 145-149).
au contraire, le patron disposant de moins de possibilités pour faire valoir ses droits, et exer cer sa potestas, de tels affranchis bénéficiaient d'une liberté de fait plus grande. Il n'en demeure pas moins vrai que l'image du libertus que nous avons vu peu à peu se dessiner, par-delà les évolutions que nous avons essayé de saisir, par-delà aussi la puissance éc onomique plus ou moins grande du patron, est en général, sinon toujours, celle d'un dépendant, auxilium et decus du patron, et dont la personnal ité est singulièrement «gommée». Et le ton des épitaphes comme la nature des représentations sculptées sur certaines tombes n'indiquent pas un esprit de révolte contre cet écrasement, mais plutôt un «conformisme» assez plat et caractéri sant, semble-t-il, des individus qui font leurs des valeurs morales (et esthétiques) d'honnêteté, d'obéissance ou de pudeur qui appartiennent plutôt à un fonds «vieux Romain». En tout cas, c'est la nature des rapports éta blis entre le patron et l'affranchi et vécus au jour le jour, qui détermine l'appréciation que les tiers portent sur les qualités de l'affranchi : la corre spondance de Cicéron, comme les épitaphes, ne laissent aucun doute à ce sujet. C'est bien le patron qui non seulement a la responsabilité de créer, par le biais de la manumissio, un nouvel homme libre, mais c'est encore lui qui assigne à son serviteur une place plus ou moins en vue dans Yordo des affranchis. Sur ce plan, les réflexions de Cicéron concernant l'intégration des «meilleurs affranchis» dans le groupe des optimales, comme la mise en valeur, dans les lois caducaires d'Auguste, des individus disposant de bona dépassant 100.000 sesterces, traduit bien une réalité permanente : la faveur patronale accordée à des affranchis de confiance détermi ne leur réussite économique, mais aussi leur importance reconnue au sein de la société, ainsi que les possibilités de promotion offertes à leurs fils légitimes.
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s
TABLE DES PLANCHES
Fig. 1 - Le relief de Mariemont, Musée de Mariemont, (Inv. B. 26) Fig. 2 - Plaque funéraire des Cornelii d'après Degrassi, Imagines, 326 (Pompéi) Fig. 3 - Relief des Atedii, D.A.I., 52.128 (Rome) Fig. 4 - Relief des Rabirii, DAL 73.800 (Rome) Fig. 5 - Epitaphe d'Annius Helenus, D.A.I. 42.1021 (Rome). Fig. 6 - Tombeau des Stronnii, DAL 63. 1293 (Pompéi) Fig. 7 - Relief de C. Rupilius Antioc(hus) DAL, 32.238 (Rome) Fig. 8 - Stèle de P. Longidienus : vue d'ensemble, d'après Mansuelli, Stele Romane, fig. 16/17 (Ravenne) Fig. 9 - Idem : le patron d'après Mansuelli, Stele Romane, fig. 18 Fig. 10 - Idem: les affranchis, DAI. 62.2151 Fig. 11 - Relief des Visellii, DAL 8429 (Rome) Fig. 12 - Stèle des Publilii, d'après Bianchi-Bandinelli et Giuliano, Les Étrusques et l'Italie, fig. 389 (Capoue) Fig. 13 - Relief des Licinii: vue d'ensemble, DAI. 60.1163 (Tusculum) Fig. 14 - Idem: le patron, DAL 60.1166 Fig. 15 - Idem : l'affranchi, DAL 60.1167 Fig. 16 - Relief des Clodii, Louvre Μ. Α. 3493 (Rome) Fig. 17 - Monument des Nonii, DAL (Madrid) R. 152-70 (Tarragone) Fig. 18 - Relief des Antestii, DAL 43.455 (Rome) Fig. 19 - Relief des Vettii, DAL, 64.681 (Capoue) Fig. 20 - Cippe de P. Rutilius, d'après Degrassi, Imagines, 323 (Rome) Fig. 21 - Plaque funéraire de M. Octavius et de sa compagne, DAI. 70.880 (Pompéi) Fig. 22 - Tombeau des Flavii : vue d'ensemble, DAI. 70.883 (Pompéi) Fig. 23 - Idem : détail, DAI. 70.884 Fig. 24 - Tombeau de C. Maecius T. Pu. t., d'après Degrassi, Imagines, 329 (Rimini) Fig. 25 - Relief de A Turranius, DAI. 73.768 (Rome) Fig. 26 - Stèle de Tertia Horaria, d'après Couilloud, Rhénée, pi. 13 (Rhénée) Fig. 27 - Petit cippe en forme de pomme de pin, DAL 68.3301 (Palestrina) Fig. 28 - Petit cippe en forme de pomme de pin, DAL 68.3290 (Palestrina) Fig. 29 - Epitaphe d'Agreius Stepanus, DAI. 68.3133 (Palestrina) Fig. 30 - Relief des Blaesii, DAL 36.1245 (Rome) Fig. 31 - Relief des Licinii, DAL 75.17.1713 (Rome) Fig. 32 - Relief du praeco Aelius Q. 1. : vue d'ensemble, D.A.I. 73.787 (provenance incertaine) Fig. 33 - Idem : le défunt (détail), DAL 73.788 Fig. 34 - Idem : la défunte (détail), DAL 73.789 Fig. 35 - Relief de Stacla M. l. Ammia, DAI. 73.785 (Rome) Fig. 36 - Relief de Cn. Pompeius Prothesilavus, d'après Vessberg, Kunstgeschichte, pi. XL, 1 (Rome) Fig. 37 - Relief de Q. Servilius Hilarus, DAL 75.33 (Rome) Fig. 38 - Relief des Aurelii, d'après Degrassi, Imagines, 303 (Rome) Fig. 39 - Relief des Occii, DAL 73.778 (Farà Sabina) Fig. 40 - Relief des Gavii : vue d'ensemble, DAI. 65.37 (Rome) Fig. 41 - Idem: le père, DAL 75.1717
378 Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig.
TABLE DES PLANCHES 42 43 44 45 46 47 48 49 50
-
Idem: le fils, DAI. 75.1718 Relief de Pinarius Anteros, D.A.I. 73.756 (Rome) Relief de L. Vibius L. f., D.A.I. 43.429 (Rome) Relief des Appulei, DAL 74.320 (Mentana) Relief d'Epictesis, d'après Vessberg, Kunstgeschichte, pl. XXXI (Rome) Relief des Vettii, DAL 73.752 (Rome) Relief de C. Vettius, DAL 72.2938 (Rome) Epitaphe de Faustus, D.A.I. 74.67 (Capoue) Epitaphe de elodia Optata.d'après Koch, M. M., 17, 1976, pl. 58
Carte I - Les affranchis de citoyens romains en Italie à la fin de la République (d'après l'épigraphie) Carte II - Répartition générale des affranchis de citoyens romains à la fin de la République Carte III - Répartition générale des patronats multiples à la fin de la République (d'après l'épigraphie)
1 ; / i
INDICES
INDEX DES SOURCES SOURCES EPIGRAPHIQUES
A.A., 1973, 620 : 205. A.E. : 1952, 54 : 97 η. 43, 293 η. 96. 1953, 195 (+ 1975, 369) : 62, 114 η. 191. 1955, 15 (= 1956, 5) : 209 η. 374. 1958, 267 : 120 η. 277. 1959, 146 : 95, 345. 1961,73:348 η. 315. 1966, 112: 104 η. 98. 1968, 33 : 198 η. 281. 1971,43:339,340. 1971,47: 113 η. 181. 1974, 222 : 201 η. 322. 1975, 521 : 251, 262 η. 505. Arch. Class., XXVII, 1, 1975, 26 η° 1 : 341. Audollent, Tabulae Defixionum : 123,4:361 η. 7. 128 : 361 η. 7. 199:361. B.C., 51, 1924, 117 η° 96 : 104 et n. 99. B.C.H., XXIII, 1899: 63 η° 11:99 η. 51. 64 η» 12:99 η. 51. XXXVI, 1912 : 16:348 η. 310. 43-4 : 206 η. 348. 90:348 η. 310. Capitol him, XVIII, 1943, p. 268-278 : 156. CIL·, F : 46 : 89 η. 206. 340: 112 η. 174. 412 a et b : 339 η. 205. 413 : 339 η. 205. 416 : 340 η. 206. 587, col Π, 25-30 : 275 η. 36. 593 : 15 et η. 100, 350 η. 332. 663 : 99 η. 53, 135 η. 33, 137. 672 : 97. 673 : 97 η. 39, 103 η. 79. 677:97 η. 40, 112. 678 : 97 η. 41. 686:60 η. 154. 708 : 137.
779 : 85. 795: 119 η. 218, 180 η. 111, 196. 808 : 347. 972:86-7, 116 η. 202. 977 : 340 η. 219. 978 : 1 17 η. 208. 989: 160 η. 251. 1002: 113 η. 182. 1004: 115 η. 202,338. 1043: 104 η. 91. 1051: 103 η. 86, 115. 1132: VIII η. 9. 1 147 : 120 η. 226. 1209: 158, 180 η. 109. 1210: 158, 228, 235 η. 182, 261 η. 491. 1212 : 238, 292, 342 η. 242. 1213 : 199 η. 294, 213 η. 414, 247 η. 333, 251, 262. 1214 : 152 η. 169, 175 η. 99, 193, 198, 199 et η. 294, 209 η. 371 et 372, 248, 250 η. 362, η. 370, 262, 354. 1215: 175 η. 99, 176 η. 102, 191 η. 202, 192, 198 η. 281, 199, 208 η. 368, 209 η. 370 et η. 373, 262. 1216 : 184 η. 139, 194. 1218 : 158, 228, 236 η. 191, 264, 273. 1220: 105 η. 102, 191 η. 201, 192, 247. 1221 : 173, 190-1, 192, 228 η. 105, 262, 341 η. 235 et 236, 342 η. 238. 1223 : 198, 199, 209 η. 369 et 370. 1227 : 180 η. 109, 204. 1228 : 175 η. 99, 208 η. 368. 1236: 118 η. 214. 1237: 151. 1248: 118 η. 216. 1252: 113 η. 182, 116 η. 205, 281 η. 91. 1258: 117 η. 212. 1259: 192, 236 η. 199, 243, 251 η. 372, η. 376. 1263 : 102. 137, 176 η. 102, 192. 1266 : 180 η. 108, 202 η. 326. 1270 : 198, 242 η. 271. 1272 : 137, 180 η. 108. 1274 : 159-160, 192. 1280:201 η. 323. 1282: 110, 192 η. 212. 1283 : 192.
382 1284: 110, 114 η. 188, 118 η. 214. 1286: 151 η. 161 et 166, 323 π. 122. 1289:353. 1292: 113 η. 182. 1296:228. 1304: 104 η. 91. 1315: 137. 1326: 118 η. 216. 1332 : 148, 243. 1334 b: 115 η. 198. 1339: 102 η. 76, 118 η. 216. 1342 : 180 η. 109. 1343: 113 η. 182. 1346: 151,332 η. 122. 1347: 191 η. 201, 192,238,262. 1349: 114, 237 η. 198, 238 η. 222. 1351 : 312 η. 89. 1357: 180 η. 108. 1363: VIII η. 9, 117 η. 213. 1365: 118 η. 215, 180 η. 109. 1378:236,237. 1382: 112 η. 177, 340. 1387: 199. 1390: 173 η. 75, 198. 1393:246 η. 317. 1398: 112, 113 η. 182,342. 1399:342. 1400: 170 η. 102. 1403: 113 η. 182. 1409 : 175 η. 99, 209 η. 369. 1411:341 η. 235. 1413: 113 η. 82, 173,339. 1416: 198 η. 281. 1432 : 137. 1436 : 294 η. 98. 1445 : 96 η. 35. 1450 : 345. 1510:87, 117 η. 209. 1540: 102. 1547:251 η. 372. 1570: 168 η. 32, 180 η. 108, 192, 193-4, 198, 209 η. 377, 236 η. 191, 238, 247. 1583 : 97 η. 48, 196 η. 255. 1589: 175 η. 100, 201 η. 322, 206, 213 η. 412. 1592 : 247. 1593 : 247 η. 332, 248. 1594: 113 η. 181,342. 1596 : 209 η. 369. 1598 : 198, 207. 1617:86. 1618: 116 η. 202. 1684 : 192, 236 η. 199, 238 η. 222. 1703 : 28 η. 225, 282 η. 94, 332, 342 η. 242. 1707 : 323 η. 201. 1771 : 176 η. 100. 1780 : 175 η. 99, 208 η. 368. 1799: 180 η. 111, 196. 1809:209. 1813 : 244. 1822 : 288, 262. 1832:63.
INDICES 1837: 180 η. 109, 196,207. 1839: 180 η. 109. 1841 : 180 η. 110, 184 η. 139. 1854:332. 1865: 117 η. 212,209 η. 374. 1882: 102 η. 78, 192. 1884: 102 η. 78. 1888: 176 η. 102. 1889:201 η. 321. 1913: 113 η. 182. 1995: 118 η. 216. 2033 : 192. 2034: 192. 2043-2046 : 143. 2052: 114 η. 189, 143. 2123: 162 η. 274. 2130 + 2132 b: 156, 161 η. 263. 2131 +2132 a, c: 28 η. 226, 113 η. 182, 148. 2161 : 198, 199, 339, 341 η. 229. 2210: 175 η. 99, 201 η. 322, 208 η. 368. 2231 : 85. 2232: 181 η. 112,208 η. 362. 2235 : 88. 2236: 107, 116 η. 202, 345 η. 283, 348 η. 310. 2239: 181 η. 112. 2252 : 346. 2273:94 η. 12, 114, 262,336. 2291 : 102. 2323 : 340. 2457 : 161 η. 267. 2480 : 161 η. 267. 2504: 100 η. 55,348 η. 310. 2505 : 99 η. 52. 2506 : 97 η. 44. 2519: 159-160. 2527 a: 102, 172, 174. 2757 b : 102, 137. 2637: 180 η. 109. 2637-2642 : 142, 210 η. 370. 2643:352 η. 351,353. 2645 : 294 η. 97. 2651 : 250. 2680: 118 η. 214. 2694: 116 η. 202. 2698 : 94. 2704 : 94. C.I.L, Ρ, supplì : 2965 : 355-6. 2965 a: 155. 2998 : 188. 3003 : 345. 3005 : 339 η. 200. 3010: 180 η. 108, 201 η. 322, 204 et η. 339. 3012 : 175 η. 99. 3013 : 188-9. 3018:341 et η. 233. 3019:312 η. 89. 3021 : 342 η. 237. 3026 : 293 η. 97. 3121: 116 η. 202,201 η. 322. 3124:97 η. 46.
INDICES 3125: 105 η. 102. 3133: 159 et n. 248. 3134: 143, 148. 3197: 196 η. 255, 262 η. 500. 3218: 104. 3283: 137, 180 η. 108,202. C.I.L, II: 1963:47 η. 45. 4432: 152 η. 170. C.I.L. III: 2874:348 η. 310. 3354:348 η. 310. 4185:349 η. 322. 4805:348 η. 315. 4815:349 η. 315. 12242:294 η. 98. 12262:348 η. 310. 12291/2: 348 η. 309 et 310. 14203 : 346. C.I.L, V: 4191: 175 η. 99. C.I.L, VI: 147 (=30702): 62 η. 183. 1933 : 352, 353. 2246: VIII η. 9, XV η. 63, 111 η. 172, 118 η. 216, 189. 6071 : 110 η. 51, 114. 9207 : 340. 9375 : 340. 9411: 176 η. 102,202/3. 9438 b: 114 η. 189. 9448 : 340. 9574 : 145. 9618 : 175 η. 99, 342 η. 237 et 239. 9653 : 194 η. 94. 9805 : 340. 9810:340. 10329: 116 η. 202, 160, 196 η. 255. 11896: 153,339,340. 14211: 105 η. 102. 15287: 110 η. 151. 17357 : 192. 18795: 114 η. 186, 152, 153 et η. 175/176. 18991: 114-5. 21961 : 144. 24500: 190. 26032 : 151 et η. 163, 333. 26033: 151 et η. 163, 332 η. 122. 26410:203 η. 332. 26606 b: 116 η. 202. 27728 : 342. 28774 : 203 η. 332. 29029 : 145. 32437: 112. 33090: 148 η. 131. 33969: 116 η. 202. 37380: 112 η. 174, 114 η. 189, 151 η. 163. 37422 : 62. 37806:213 η. 414. 37820 : 192. 37826 : 340. 38100: 175 η. 100. 38824: 113 η. 182, 175 η. 99, 180 η. 108, 200 η. 305, 204 η. 334, 208 η. 368, 209 η. 369.
C.I.L, Χ: 3884: 176 η. 102, 203 η. 332. 4402: 153. 5678 : 294 η. 99. 6028: 138 η. 35. 6104:279 η. 74,352. 8214:361 η. 7. 8222: 115 η. 199, 145,346. C.I.L, XI: 139: 1434, 147 η. 117, 190, 191, 339, 341 η. 229. 682 : 146. C.I.L, XIV: 2721/2: 145, ρ. 353. 2298:213 η. 411. 2433 : 340. 2721/2: 145, 146 η. 108. 3948 : 203. Epi^raphica : XVIII, 1956, ρ. 66 η" 31 : 208 η. 368. XX, 1958, ρ. 26 η» 1 : 176 η. 100. XXX, 1968, ρ. 25 η» 17 : 175 η. 99. XXXIV, 1972, ρ. 93-5 η° 3 : 175 η. 99. XXXIV, 1972, ρ. 95 : 348 η. 307. Espérandieu, Inscriptions Corse, p. 60 η° 7 : 180 η. 108. Gallia, XX, 1962, p. 164 n° 14-15 : 346. Inscriptions Délos : 1753 : 346 η. 285. 1754 : 346 η. 285. 2401 : 139 η. 55. 2534: 107, 116 η. 202, 181 η. 112. I.G. : III, 2872 : 348 η. 309. 3044 : 348 η. 309. VII, 2813 : 294 η. 98. 2871 : 294 η. 98. IX, 2, 853 : 102, 137. XII, 8, 205 : 348. XIV, 1907 : 192 η. 209. I.G.R., 1, 39:330 η. 105. I.LLR.P. : 96 : 89. 503:205-6, 312 η. 89. 696: 104 η. 91. 750 a : 346 η. 285. 981 : 209 η. 371. 1272:349 η. 315. I.LS., 3683 d : 89 η. 202, 104 η. 94, 339, 340. Inschr. von Priene, 112-114: 345 η. 282. J.D.A.I., 90, 1975, p. 274-5 : 156. Laudatio Turiae (2d. M. Durry, C.U.F.) : 27 : 191. 30: 194. 33/34: 194. Lincei Rendiconti, 1973, p. 270-1 n° 6 : 209 η. 369. N.S.A., 1950,84:204. S.A.R.J.A, 192 n° 80: 137. R.I.T., 6 : 152 et η. 170. Vessberg, Kunstgeschichte : pl. XXXVIII, 3 : 191 n. 200. p. 187 n. 1 : 189. Weaver, Familia Caesaris, 22 n. 3: 117 n. 211, 330 n. 105.
383
384
INDICES
SOURCES JURIDIQUES Codex Iustianianiis : 2, 23, 1 : 34 n. 279. 2, 23pr:35 n. 289. 2, 25pr:35 n. 291. 5, 12, 3 : 44 n. 27. Codex Theodosianus, 5, 4, 1, 28 : 186 n. 164. Digesta : 1,1,4: 65. 1, 5, 19, 23 : 176 η. 105. 2, 4, 4, 1 : 219. 2, 4, 4, 1 à 3 : 208. 2, 8, 8, 2 : 220 η. 23. 2, 8, 8, 5 : 220 η. 22. 3, 1, 1, 11:221 η. 27. 3, 3,34 pr: 221 η. 30. 4, 3, 7 : 72 η. 26. 4, 3, 11:219 η. 15. 4, 5, 1 1 : 14 η. 93. 4, 10,8:219 η. 12. 4, 10, 10:219 η. 12. 4, 49, 6 : 72 η. 26. 7, 1, 2 : 219. 7, 1,68,7:212 η. 40. 7, 8, 2pr: 132-3. 7,8, 10,3: 133. 9,2,2,2: 183 η. 130. 9, 3, 5, 1 : 132. 9, 8, 2, 1 : XIV η. 57. 10,3,26:41 η. 1. 10,3,27:41 η. 1. 11, 3, 16: XIV η. 57, 48 η. 55, 76 et η. 58, 183 η. 128. 12, 2, 12, 2 : 30 η. 242. 12, 2, 16, 2 : 220 η. 22. 12, 2, 34, 4 : 220 η. 22. 12, 2, 71, 1 : XIV η. 57. 12, 6,26, 12:327 η. 84. 12,6,36:272 η. 9. 15, 1, 5, 4: XIV η. 57, 48 η. 52, 271 η. 7. 15, 1,6: 275-6 et η. 39. 15, 1, 8, 5 : 273 et η. 27, 274 η. 32. 15, 1, 17:276 et η. 40. 15, 1,31,6:271. 15, 3, 7 : 288 η. 56. 15,3, 16:48 η. 53,271 η. 6 et 7. 15, 19,2:271 η. 7. 16, 1, 13pr:29n. 231. 16, 3, 21 : 272 et n. 14. 16, 3, 21 pr : 248 η. 340. 17, 2, 5, 2 : 298 η. 149. 17, 2, 71, 1 : 279, 281 η. 93, 346-7 et η. 294. 18, 6, 12 : 236 η. 196. 19, 2,30 pr: 133 η. 16. 21, 1, 17, 15 : 133, 140 η. 72. 21,2, 69,3:31. 22, 5, 3, 5 : 220 η. 26. 22, 5, 4 : 220 η. 25.
23, 2, 8: 183 η. 134. 23,2, 14,2: 183 η. 134,210 η. 386. 23, 2, 28-29:213 η. 415. 23,2,29:213 η. 465. 23, 2,41, 1:211 η. 398. 23, 2, 43, 7-8 : 187 η. 170. 23, 2,44: 186 et η. 168. 23,2,48:211 η. 398. 23, 2,56:210 η. 380. 23, 2, 75 : 44 η. 27. 24, l,38pr:41 η. 1, 288 et η. 57. 24,2,9:221 η. 33. 24,2, 11:211 η. 398. 24, 3, 24 : 44 η. 27, 45 η. 27. 25,7, lpr: 171 η. 61. 27, 14,6,4:211 η. 397. 28, 5, 2 lpr: XIV η. 57,80,279. 28,5,45: 146 η. 111. 28, 5, 60 pr : 289. 28, 8, 11 : XIV η. 57, 19, 38 η. 18, 80, 198 η. 286, 207, 280, 311,312. 32, 29, 4 : 25, 35 η. 286, 80, 139, 274 η. 32. 32, 30, 2 : XIV η. 57, 26 η. 210, 31 η. 248, 327. 32, 49, 44 : 172 η. 69. 33, 7, 5 : 140 η. 64. 33, 7, 12, 5 : 212 η. 409. 33, 8, 14:26 η. 211, 274 η. 32. 33, 8, 15 : XIV η. 57, 48 η. 57, 80, 170, 274 η. 32, 276. 33, 8, 19, 2 : 47 η. 41. 33, 8, 22, 1 : 27, 41 η. 1, 48 η. 56, 274 η. 32, 276 η. 44 et η. 48, 282 η. 95, 298 η. 145. 34, 2, 4 : XIV η. 57, 343 et η. 317. 34, 8, 2 : 26 η. 209. 35, 1, 6, 1 : XIV η. 57, 35, 43. 35, 1, 27: 146 η. 111. 35, 1, 28 : 25 η. 196. 35, 1, 28, 1 : 26. 35, 1, 40, 3 : XIV η. 57, 79 η. 83, 80, 272, 274 η. 32. 35, 1,40,5: 146 η. 111. 36, 1, 20, 2 : 34 η. 278. 36, 4, 2 : 312 η. 86. 36, 5, 5 : 312 η. 86. 37, 12, lpr :47η. 43. 37, 14, 5 : 77 η. 64. 37, 14, 9 pr :328 η. 93. 37, 14, 13 : 47 η. 42. 37, 14, 18 : 325 η. 67. 37, 14,20:310. 37, 15, 1 : 219, 220 et η. 12. 37, 15, 2 : 220 η. 18 et 20. 37, 15, 5 pr :220 η. 22. 37, 15, 7, 1 : 220 η. 24. 37, 15, 7, 3 : 220 η. 22 et 24. 38, 1, 1 : 328 η. 88. 38, 1, 2 : 274 η. 28, 309, 319, 320, 322. 38, 1,4: 329 et η. 99.
INDICES 38, 1, 7pr:329. 38, 1, 7, 2 : 321 η. 37. 38, 1, 7, 6 : 329 et n. 95. 38, 1, 7, 7 : 329 η. 96. 38, 1, 7, 8 : 329. 38, 1, 8pr:326n. 76,323 η. 50. 38, 1, 10:323 η. 47. 38, 1, 11:323 η. 49. 38, 1, 12 : 323 η. 47. 38, 1, 14:212 η. 404. 38, 1, 15, 1 : 327 η. 76. 38, 1, 18 : 326 η. 70. 38, 1, 20, 1 : 326 η. 74. 38, 1, 21 : 326 η. 74. 38, 1, 22 pr : 324 η. 62, 326 η. 75. 38, 1,24:326 η. 75. 38, 1, 25 : 324 η. 58. 38, 1,26: XIV η. 57. 38, 1,29:328 η. 93, 329 η. 94. 38, 1,30:330. 38, 1, 30pr:326 η. 71. 38, 1, 31 : 320 η. 24. 38, 1, 33:326 η. 70. 38, 1,34:330 η. 109. 38, 1,37:200 η. 316,289. 38, 2, 1 : XIV η. 57, 296-299 et η. 134, 310, 318-320 et η. 6. 38, 2, 4 : 50 η. 80. 38, 2, 23 pr : 308 η. 58. 38, 2, 36 pr : 325-326 et n. 64. 38, 5, 1 : 292 et n. 80. 38, 5, 1, 10 : 291 et n. 76. 38, 5, 1, 15 : 70, 292 η. 79. 38, 5, 5, 1 : 292 η. 79. 38, 5, 5, 9 : 292 η. 78. 38,5, 11:72 η. 24. 38, 8, 7 : 208 η. 364. 38, 8, 14 : 25. 38, 11, 1:211 η. 398. 38, 16, 32 : 44 η. 27. 38, 21, 1 : 250-251. 39, 2, 13, 14 : 220 η. 22. 39, 5, 7 pr : 289 η. 58. 39, 6, 35, 5 : 298 η. 149. 40, 1, 6 : XIV η. 57, 29, 79 η. 89, 274 η. 32. 40, 1, 7 : XIV η. 57, 46-47, 80 η. 101, 198 η. 286. 40, 1, 21 : 72. 40, 2, 39, 1 : XIV η. 57. 40, 4, 29 : 22 η. 172, 28, 80. 40, 4, 35 : XIV η. 57, 24 η. 193. 40, 4, 39 : 27. 40, 4, 40, 1 : XIV η. 57, 35. 40, 4, 41, 2 : 27 η. 220. 40, 4, 48 : XIV η. 57, 43. 40, 5, 12, 2: 24 η. 189. 40, 7, 3, 2 : XIV η. 57, 31 η. 252, 80, 278 η. 8. 40, 7, 3, 10 : 78 η. 78. 40, 7, 3, 11 : XIV η. 57, 30 η. 247, 31-32 et η. 257. 40, 7, 3, 12 : XIV η. 57, 27, 31 et η. 247. 40, 7, 6, 35 : 274. 40, 7,8 pr: 31 η. 251. 40, 7, 9 : 30 η. 245.
385 40,7,9,3:31 η. 256. 40, 7, 14 pr : XIV η. 57, 30 η. 241, 31 η. 247, 274 η. 31. 40, 7, 14, 1 : XIV η. 57, 76 et η. 56, 327. 40, 7, 16 : 30 η. 243. 40, 7, 19, 1 : 78-79 et η. 79. 40, 7, 25 : 30 Ν. 239. 40, 7, 29, 1 : 30 η. 239 et η. 247, 79 η. 89, 80. 40, 7, 29, 2 : 25. 40, 7, 39 pr : XIV η. 57, 32, 33 η. 264. 40, 7, 39, 1 : 32 η. 258, 70-71 et η. 13. 40, 7, 39, 2: XIV η. 57, 27, 30 η. 240, 31 η. 247, 79, 274 η. 31. 40, 7, 39, 3 : 76, 327. 40, 7, 39, 4 : XIV η. 57, 30 η. 241, 32. 40, 7, 39, 9 : 277 η. 58. 40, 8, 5 : 50 η. 80. 40,8, 18pr:47 η. 42. 40, 8, 23 : 20 η. 155. 40, 9, 1 : 20 η. 153. 40, 9, 5, 2 : 73 η. 33. 40, 9, 29 : 73 η. 33. 40,9,30:77 η. 61. 40, 9, 32 : 324 et η. 57, 324 η. 58. 40, 12,44: 321. 41, 1, 19:289 η. 66. 41, 3, 4, 16 : 276. 41, 3, 34 : 48 η. 54, 272 η. 9. 42, 8, 6, 6 : 70 η. 9. 43, 16, 1, 43 : 220 η. 16. 43, 29, 4, 1 : 289. 44, 4, 4, 16 : 220 η. 17. 44, 5, 1, 5 : 274 η. 28, 322-323 et η. 44. 44, 5, 1, 7 : 298 η. 148. 44, 5, 2, 2 : 244 η. 29, 323 η. 44. 44, 7, 20 : XIV η. 57, 75, 248 η. 340. 45, 5, 2, 2 : 273 η. 23. 46, 3, 35 : XIV η. 57, 271 η. 2, 272 η. 9 et η. 14. 47, 2, 17, 1 : 225 η. 75. 47,2,90: 131, 225 η. 75. 47, 10, 11, 7 : 212 η. 405, 220 η. 20. 47, 10, 30:213 η. 414. 48, 2, 14, 4 : 218 η. 6. 48, 5, 6pr:213 η. 414. 48, 5,26:212 η. 407. 48,5,28, 10:30 η. 245. 48, 5, 39, 9 : 212 η. 408, 220 η. 21, 225 η. 77. 48, 9, 1 : 218 η. 8. 48, 9, 3-4 : 218 η. 8. 48, 9, 11, 1 :225 η. 75. 48, 18, 8, 1 : 30 η. 225. 48, 19, 11, 1: 131 η. 3. 48, 19,29, 8:218 η. 7. 48, 22, 3 : XIV η. 57, 279 η. 67, 328 et η. 92. 49, 25, 5, 3 : 49 η. 66. 50, 1, 5 : 134 η. 25. 50, 15, 4, 5 : 13. 50, 16,46, 1: 181 η. 113, 195 η. 243. 50, 16,80:275 η. 33. 50, 16, 84: 181 η. 177. 50, 16, 194:287 η. 50. 50, 16, 195: 131 η. 4.
386 50, 16, 195, 1 : 305 et η. 30, 307 η. 48. 50, 16,202: 146 η. 111. 50, 16, 203 : 134 η. 24. 50, 16, 214: 287 et η. 49,288. 50, 17, 20 : 78 η. 69. 50, 17, 22 : 321 et η. 37. Fragmentum Dositheanum : 4 à 8 : 55-56 et n. 121, 57, 59, 65. 5 : 5 η. 4, 9. 10 : 43. 12 : 65-66 et n. 206. 13 : 72 η. 23. 16:73 η. 33. 17 : 12, 15 η. 99. Fragmenta Vaticana : 298-309 : 287 et n. 45. 304 : 290 et n. 68. 307-308 : 287, 289 η. 60. 307-309 : 290. Gaius, Institutes : I, 10-11:3. I, 12 : 76 η. 53. I, 13: 74 η. 37 et n. 39. I, 17 : 5, 9 η. 46, 10 η. 52, 44, 138, 140. Ι, 17 à 21 : 314 η. 97. Ι, 17-18 : 199. Ι, 19: 183 η. 135,350. Ι, 20 : 17 η. 120, 52 η. 100. Ι, 21 : 73 η. 35. Ι, 22 : 301 η. 5. Ι, 23 : 301 η. 5. Ι, 29 : 57 et η. 133, 58. Ι, 29-30 : 199. Ι, 35 : 5, 16, 52 η. 100, 58. Ι, 37 : 69 η. 2, 72 η. 20. Ι, 38-9 : 47 η. 45. Ι, 40-42 : 302 η. 7. Ι, 42-44 : 34 η. 274. Ι, 46 : 26 η. 205. 1,47:72 et η. 21. Ι, 54 : 65 η. 205. Ι, 58-9 : 285. Ι, 64 : 176. Ι, 68 : 200 η. 304. Ι, 78-79 : 174 η. 93. Ι, 103 : 23 η. 179. Ι, 119:22 η. 168. Ι, 132 : 18 η. 132. Ι, 138-9 :22 η. 169. Ι, 140 : 16. Ι, 145 : 285 η. 22. Ι, 150-155 : 284 η. 16. Ι, 160: 14 η. 91, 302 η. 9. Ι, 165: 185 η. 151,283 η. 2. Ι, 168 : 285. Ι, 169-170:285. Ι, 178 : 284 η. 4. Ι, 179: 185 η. 151,284 η. 3. Ι, 180-181 : 286. Ι, 185 : 284 η. 8. Ι, 188:284 η. 6.
INDICES Ι, 192 : 284 η. 2. Ι, 194 : 285 η. 21. Ι, 195 : 285. I, 195 b :284 η. 13. I, 195c: 185 η. 151. Π, 14 : 22 η. 168. Π, 24 : 20 η. 155. II, 25 : 52 η. 100. Π, 40 : 65 η. 205. Π, 101 : 24 η. 192. II, 104 : 23 η. 182. II, 127 : 25 η. 204. Π, 152-154: 247 et η. 55. II, 154 : 278 η. 59. II, 161 : 277 η. 51. Π, 185 : 278. Π, 186-187 : 28 η. 221, 277 η. 53. II, 187-188:277 η. 51. II, 189-190:278. Π, 200 : 29 η. 236, 274 η. 30. Π, 224 : 33, 275 et η. 34. II, 224 à 228 : 33-34. Π, 231 : 28. 11,239:25 η. 201 et 202. Π, 263-267 : 35 η. 282. Π, 267 : 24 η. 190, 25 η. 197, 26 η. 220, 277. III, 1-2 : 303 η. 15. III, 39 : 200 η. 309. III, 40: 181 η. 115, 302 et η. 10, 303, 305 et η. 29. III, 40-41 : 207, 308 et η. 59. III, 41 : 302 et η. 13. III, 42:200 η. 314, 313 et η. 96. III, 43 : 304 et η. 25, 286. III, 44:200 η. 315, 314 et η. 98. III, 45 : 301 η. 1. III, 45-46 : 305. III, 46 : 307 η. 50, 310 et η. 72-73. III, 48 : 305 η. 34. III, 49 : 305 et η. 31, 308, 309 η. 69. III, 50 à 52 : 314. Ill, 51 : 305 et η. 33, 308 η. 58. Ill, 53 : 304 et η. 26, 314 et n. 101. 111,56:55-58,65,301 et n. 1. Ill, 58 : 301 et η. 2, 305 η. 34. Ill, 59 : 301 et η. 3, 306 et η. 37, 329 η. 95. HI, 60 : 306 et η. 38, 329 η. 99. Ill, 61 : 305 et η. 36, 329 η. 95. Ill, 62 : 306 η. 38. Ill, 74-76 : 76 η. 53. IH, 149 : 299. III, 154 : 41-42. IV, 13-14 : 79 et n. 90. IV, 14 : 79 η. 91. IV, 46 : 219 η. 13. IV, 73 : 271 η. 4. Institutes (Iustiniani) : VII, 6, 1, 5 : 24 η. 185. Vili, 2, 10:24 η. 185. Mosaïcarum et Romanarum Legum Collatio : IV, 2, 5, 3 : 212 n. 408. IX, 2, 2 : 263 n. 2.
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387 I, 9 : 9 η. 44. I, 12 : 9 η. 48. I, 14 : 73 η. 36. I, 15 : 72 η. 22. I, 18:43 η. 18. I, 23 : 9 η. 48, 24 η. 194. Ι, 45 : 47 η. 43. II, 1 : 29 η. 236. II, 2 : 30. Π, 4 : 238. Π, 7:26 η. 215. Π, 7-8 : 24 η. 190. Π, 8:27 η. 219. XI, 3 : 283-284 η. 2. XI, 11: 14 η. 92. XI, 20 : 284 η. 4. XXVII, 2 : 206 η. 38. XXVII, 4 : 305 η. 35. XXVII, 5 : 307 η. 50, 308 η. 58. XXIX, 1 : 302 η. 11 et 13, 303 η. 17, 308 η. 62, 309 η. 63. XXIX, 4-5 : 305 η. 32. XXIX, 5-6 : 308 η. 61. XXIX, 6:305 η. 31.
XVI, 8 : 305 η. 29. Lex XII Tabiilanim : IV, 2:327 η. 81. V-VIII : 291. V, 3 : 303. Vf 4 : 33 et η. 27, 306 et n. 40. V, 8 : 307. VI, 1 : 30 η. 237. Papiniani Responso., 1. IX, 2-3 : 13, 14 et η. Pauli Sententiae : 11,21, 11: 183 η. 135. Ill, 2, 3 : 305 η. 35. 111,3:292 et n. 81. III, 5, 12 : 25, 75 η. 45. IV, 10, 2 : 208 η. 364. IV, 12, 2 : 20 η. 153, 43 η. 18. IV, 13, 3 : 28 η. 225. IV, 14 : 26 η. 215. IV, 14, 1 : 25 η. 201. V, 24, 1 : 218. Tituli excorpore Ulpiani (=Regulae) : I, 5 : 5 η. 4. I, 6 : 9 η. 48. I, 8 : 10, 15 η. 98.
SOURCES LITTÉRAIRES Pseudo Acron, ad Horatii Saturas : 1,5,24:61. I, 8, 7 : 162 η. 275. Π, 7, 76 : 18 η. 135. Anthol. Palatina, I, 72 (Meyer) : 154. Appien, Bellorum Civilium libri : I, 26 : 149 n. 145. 1,33: 180 n. 112. I, 49 : 52 n. 95. I, 54 : 50. I, 55 : 136. I, 74 : 232 n. 144, 333 n. 140. I, 100 : 50 n. 80, 198. I, 100-104 : 333 n. 140. I, 104 : 50 n. 86. 11.5:333 n. 110. II, 10 : 200. II, 86 : 149 n. 139. II, 108 : 149. II, 119:335 n. 157. III, 11: 330 η. 105,333 η. 140. III, 94 : 330 n. 105, 333 n. 140. 111,98: 164 n. 6. IV, 7 : 50, 66, 77. IV, 11:50,66,67 n. 213. IV, 24: 138 p. 173, 168 n. 34, 181 n. 113, 211, 213, 214, 231 n. 143, 285 n. 28. IV, 26 : 127 n. 14, 223 n. 55, 232 n. 143, 231 n. 144, 259, 334 n. 140. IV, 28 : 232 n. 144. IV, 29 : 50, 77 n. 59, 295.
IV, 34 : 314 n. 103. IV, 44 : XIII n. 46, 138, 149 n. 147, 230 n. 128. IV, 46 : 230 n. 128. IV, 47 : XIII n. 46, 134 n. 22, 149 n. 147. IV, 73 : 51. IV, 81 : 51. IV, 95 : 226 n. 88. IV, 103 : 149 n. 148. IV, 135 : 21, 54, 149. V, 72 : 50. V, 78 : 232 n. 144, 254 n. 404, 255. V, 78-83 : 232 n. 146. V, 79:223 n. 56, 329 et n. 104. V, 81 : 329 n. 104. V, 82 : 232 n. 144. V, 83 : 329 n. 104. V, 84 : 329 n. 104. V, 93 : 223 n. 56. V, 94:231 n. 140. V, 96 : 232 n. 144, 255. V, 137 : 50, 223 n. 55, 258 n. 452. Asconius, ad Ciceronis Milon. : ll:75n. 51. 12 : 74 n. 41. 25 : 76. 38:231. 46 : 335. 52: 136. 370: 110 n. 155. Asconius, ad Ciceronis Oral, 64-65 : 36. Augustin (St), Civitas Dei, 3 : 87.
388
INDICES
Aulu Gelle, Nodes Atticae : V, 19, 11-14:37. 19, 15 : 126 η. 7, 200 η. 316, 207 η. 315. VI, 3, 8:357 η. 413. VII, 3 : 264 η. 10. XIII, 9, 1 : 337, 357. XV, 6:357 η. 414. XVI, 14 : 339 η. 198. XVIII, 6 : 45 et η. 29,221 η. 38. XVII, 7 : 45 η. 30. XVIII, 6, 9 : 194 η. 243. Boèce, ad Ciceronis Topica, I, 2, 10: 10 η. 52, 11 η. 68, 18 η. 135. Caton, De Agricultura : . 5 : 247 π. 330. 10, 1 : 182. 11, 1: 182. 56 : 182. 93 : 174 η. 87. 142 : 247 η. 330. 143 : 174, 182, 210 η. 386, 211, 238 η. 219. 144, 3:238 η. 219. 145, 3 : 238. 146, 2 : 70. 148, 1 : 238 η. 219. 149, 2 : 70, 238 η. 219. 150, 2 : 70. César. Bellum Alexandr., LV, 3 : 333 η. 140. César. Bellum Africaniim, XLIV, 1 : 149 n. 145. César, Bellum Civile : I, 34, 2 : 332 n. 120, 333 n. 140. I, 57, 4 : 333 n. 140. César, Bellum Gallicum : V, 45 : 64 n. 200. VIII, 30 : 64 n. 200. César, Bellum Hispanum, 33 : 332 n. 122. Cicéron, Ad Atticum : I, 1 1, 2 : 337 n. 173. I, 12, 1 : 105 n. 100. I, 12, 2 : 239 n. 240, 240, 257, 343. I, 12, 4 : 243 n. 275. I, 18,2:257 n. 439. I, 20, 7 : 287 n. 43. II, 4, 7 : 221 n. 37, 338 n. 185, 343 n. 257, 355. II, 13, 1 : 221 n. 36. II, 15, 1 : 337 n. 173. II, 18,4:21, 105 n. 100,255. II, 19, 1 : 221, 251 n. 374, 255. III, 7, 6 : 228 n. 107. III, 8, 2 : 71 n. 18, 105 n. 100, 267 n. 2, 336 n. 165. III, 8,3:71 n. 18, 104 n. 92. III, 17, 1: 110 n. 155. IV, 2, 1 : 337 n. 176. IV, 3, 3:331 n. 116. IV, 4a : 356 n. 404. IV, 8, 2 : 165 n. 10. IV, 10, 2 : 343 n. 256. IV, 11, 2: 165 n. 10. IV, 15: 105 n. 100, 110. IV, 15, 1 : 104 n. 92, 234, 241 n. 262, 348 n. 311. IV, 15, 2:348 n. 311.
IV, 15, 6: 105 n. 100, 165 n. 10, 198, 259, 354. IV, 16, 7:350 n. 332. IV, 18, 4: 104 n. 92, 221 n. 32, 352. V, 4, 1 : 110 n. 155, 112 n. 168, 336 n. 166. V, 4, 3 : 343 n. 257, 344. V, 9, 1 : 165 n. 10, 246, 248, 336 n. 166, 343 n. 257, 348 n. 311. V, 9, 3 : 105 n. 100. V, 13,2:348 n. 311. V, 13, 3:336 n. 170. V, 17, 1 : 336 n. 166. V, 19:335 n. 155. V, 19, 1 : 337 n. 176, 343 n. 257, 356. V, 20, 8 : 336 n. 166 et n. 172. VI, 1, 12 : 165 n. 10, 239 n. 230, 246 n. 314 et n. 316, 248. VI, 1, 19:344. VI, 1, 21 : 123 n. 3, 336 n. 168. VI, 1, 25 : 138, 313 n. 90, 348 n. 311. VI, 2, 1 : 105 n. 100, 348 n. 311. VI, 2, 2 : 255-6. VI, 3 : 350 n. 332. VI, 3, 7 : 338 n. 185. VI, 5 : 239. VI, 5, 2 : 123 n. 3. VI, 7, 2: 198,250 η. 361. VI, 9, 1 : 335, n. 154. VI, 9, 2 : 239. VII, 1, 9 : 344 n. 258. VII, 2 : 320-1. VII, 2, 3 : 123 η. 3, 236, 237, 244, 246 η. 321, 247, 250, 252. VII, 2, 8 : 18 η. 130, 19-20, 21, 54, 77, 239-240, 250, 324 η. 55, 331 η. 117. VII, 3, 1 : 366 η. 166. VII, 3, 7 : 344 η. 257 et 258. VII, 4, 1 : 165 η. 10, 233 η. 150, 237-8, 241, 250. VII, 4, 7 : 246. VII, 5, 2 : 234, 235, 244, 357 η. 413. VII, 5, 3:318 η. 311. VII, 6, 4 : 244. VII, 7, 1 : 237, 241, 248. VII, 7, 2: 198,348 η. 311. VII, 16, 1 : 256 η. 429. VII, 19 : 239 η. 240. VII, 22, 2 : 344 et η. 257. VII, 23, 1 : 256 η. 429. Vili, 1, 2 : 229 η. 124, 336 η. 168. Vili, 2, 3 : 198, 356 η. 408. Vili, 2, 8 : 295 η. 144. Vili, 3,2:336 η. 168. Vili, 4, 1 : 255 η. 79, 239, 246, 252, 256, 257 η. 437. Vili, 4, 2 : 242. Vili, 5, 1 : 165 η. 10, 239 et η. 230. Vili, 5, 2 : 244 η. 299. Vili, 6, 4 : 235, 245 η. 299. Vili, 7, 3 : 344 η. 257, 345. Vili, 10, 1:242,264 η. 11. Vili, lib, 4:336 η. 168. Vili, 13, 1 : 356. Vili, 15, 1 : 336 η. 166. IX, 5, 1 : 336 η. 166. IX, 7, 1 : 221 η. 38.
INDICES IX, 7, 6 : 238 η. 217, 256 η. 429. IX, 9, 2 : 336 η. 166. IX, 12, 12 : 240 η. 249. IX, 15, 5 : 239 et η. 230, 240 η. 249, 261-2 η. 490. IX, 17, 2 : 228, 229. Χ, 5, 2: 138, 333 η. 128. Χ, 5, 3 : 344 η. 257. Χ, 7, 2:267 η. 2, 336 η. 168. Χ, 7, 3 : 344 et η. 257. Χ, 8, 1 et 2 : 336 η. 168. Χ, 9, 1 : 256 η. 429. Χ, 10, 5 : 354. Χ, 11, 1:336 η. 166. Χ, 15, 1 : 335 η. 155, 344 η. 257, 435. Χ, 16,5:354. Χ, 18:255 η. 416. XI, 2, 3 : 355 η. 388. XI, 6, 7 : 336 η. 168. XI, 24, 4 : 336 η. 168, 344 et η. 257. XII, 3, 7 : 267 η. 2. XII, 5c, 1 : 336 η. 168. XII, 10: 123 η. 1, 133,243,244. XII, 18, 3 : 343 η. 255. XII, 19, 4 : 344 η. 265. XII, 21, 4 : 343 η. 255. XII, 33, 2 : 250, 333 η. 136. XII, 37, 1 : 336 η. 166. XII, 38, 1 : 240. XII, 44, 4 : 256 η. 429. XII, 51, 2-3 : 344 η. 265. XIII, 2, 3 : 246 η. 324. XIII, 3, 2: 105 η. 100,267 η. 2. XIII, 6, 3 : 356. XIII, 9, 1 : 257 η. 445. XIII, 14, 1 : 123 η. 3, 279. XIII, 21, 5:258. XIII, 22, 4 : 343. XIII, 25, 3 : 356 η. 307. XIII, 29, 2 : 338 η. 185,355. XIII, 30, 2 : 343 η. 255. XIII, 32, 1 : 344 η. 257. XIII, 33, 1 : 105 η. 100. XIII, 50, 5 : 343 η. 255. XIII, 52, 2 : 332, 333 η. 140, 334 η. 141. XIV, 5, 1 : 333 η. 140. XIV, 9, 1 : 123 η. 3, 336 η. 169, 338 η. 185, 355. XIV, 13, 2 : 149 η. 148. XIV, 13, 6 : 149 η. 148. XIV, 16, 1 : 351 η. 337 et η. 339. XIV, 17, 1 : 105 η. 100, 336 η. 166. XV, 1: 112,234,243. XV, 1, 1 : 235 η. 176. XV, 2, 4 : 243 η. 276, 313. XV, 4a, 1 : 336 η. 168. XV, 8, 1 : 336 η. 166 et 168. XV, 12, 1 : 336 η. 168. XV, 15, 1 : 343 η. 255. XV, 15, 2 : 343 η. 255. XV, 15, 3 : 344 η. 264. XV, 17, 1 : 140 η. 73. XV, 17, 2 : 344 η. 264.
389 XV, 18, 1 : 344 η. 265. XV, 20, 4 : 344 η. 264. XV, 21, 3:366 η. 166. XVI, 1, 5 : 138. XVI, 5, 5 : 356. XVI, 15, 1 : 105 η. 100. XVI, 15, 2 : 350 η. 332. XVI, 15, 5 : 344 η. 265. XVI, 16, 1 : 350 η. 332. Cicéron, Ad Familiäres : I, 3, 2 : 352 η. 343. 1,6,2:235 η. 174. I, 7, 1 : 257 η. 443. Π, 1, 2 : 336 η. 168. II, 7, 3 : 105 η. 100, 336 η. 168. Π, 12,2:234 η. 173,336 η. 168. Π, 13, 2 : 248, 253, 336 η. 168. Π, 17, 1 : 337 η. 173. III, 1, 1 : 105 η. 100, 336 η. 168, 337 η. 175. III, 1, 2 : 105 η. 100, 246, 333 η. 128, 337 η. 173 et η. 175. III, 6, 1 : 227, 253. III, 7, 4 : 105 η. 100, 352. III, 9, 1 : 336 η. 168, 344 η. 262. IV, 2, 1 : 221 η. 38, 235 η. 179, 336 η. 168, 337 η. 173. IV, 9, 1 : 336 η. 168. IV, 10, 1 : 336 η. 168. IV, 12, 3 : 123 η. 3, 149, 335 η. 157. V, 1,6:337 η. 173. V, 1 1, 3 : 227 η. 93, 239 et η. 233. V, 20, 1, 2 : 222 η. 45. VI, 1, 6 : 227, 337 η. 174. VI, 10a, 1 : 337 η. 173. VI, 12, 2 : 169. VII, 14, 1 : 104 η. 92, 141, 355 η. 388. VII, 14, 2 : 355 η. 388. VII, 18,3: 110 η. 155, 138. VII, 20, 1 : 355. VII, 23, 2: 112. VII, 23, 4 : 333 η. 128. VII, 25, 2 : 105 η. 100, 231 η. 140, 257 η. 442. VIII, 7, 1 : 336 η. 170. VIII, 8, 10: 105 η. 100, 267 η. 2, 336 η. 168, 337 η. 172 et 173. IX. 4, 4 : 332 η. 124. IX, 10, 1 : 257 η. 441. Χ, 17,3:231 η. 140,337 η. 173. XII, 26, 2 : 104 η. 92. XII, 29, 2 : 352 η. 343. XII, 37, 1 : 337 η. 173. XIII, 7, 3 : 239. XIII, 12,6:280. XIII, 14, 1-2 : 123 η. 3, 343. XIII, 14, 12 : 246. XIII, 16,Ί : 105 η. 100, 229 η. 123, 250, 254. XIII, 16, 2: 227 η. 93, 228, 229, 235, 249, 250. XIII, 16, 4:264 η. 10. XIII, 21 : 79 η. 86, 112 η. 175, 113 η. 184, 348 η. 311, 349. XIII, 21, 2 : 227 η. 93, 228, 229, 233, 235, 246, 332, 333. XIII, 23:79 η. 86,348 η. 311. XIII, 23, 1 : 110 η. 155, 113 η. 184, 229, 234, 333. XIII, 23, 2 : 236, 249 η. 350.
390 XIII, 27: 112 η. 175,349 η. 321. XIII, 33 : 104 η. 100, 349. XIII, 35-36: 112. XIII, 38 : 352 η. 342. XIII, 46 : 236, 253, 279, 348 η. 311. XIII, 50, 5 : 337 η. 173. XIII, 60, 1: 110 η. 155, 130, 228 η. 108, 229 η. 114, 233-4, Χ246. XIII, 60, 2 : 230, 233-4. XIII, 69:294, 348 η. 311. XIII, 70: 110 η. 155, 113 η. 184, 229, 234, 237. XIII, 72, 1 : 350 η. 332. XIII, 79, 1 : 113 η. 184, 138, 227 η. 93, 228, 229, 233, 249. XIV, 1,3:71 η. 18. XIV, 2, 2 : 344. XIV, 4, 4 : 45 η. 33, 54 η. 116, 71. XIV, 4, 6 : 228. XIV, 5, 1 : 335 η. 154. XVI, 1, : 244, 247 η. 326, 264 η. 15. XVI, 1, 2 : 247 η. 334. XVI, 1, 2-3 : 244 η. 282. XVI, 1, 3 : 241, 245, 246, 247. XVI, 2 : 221 η. 35, 244 et η. 282, 249, 256 et η. 429. XVI, 3 : 247 η. 334. XVI, 3, 1 : 244, 248, 337. XVI, 3, 1-2 : 244 η. 282. XVI, 3, 2 : 245. XVI, 3, 4 : 246, 250. XVI, 4 : 244 η. 282, 246 η. 322, 356. XVI, 4, 2 : 244, 328 η. 87. XVI, 4, 3 : 245, 253, 357 η. 413. XVI, 4, 4 : 244, 245 η. 302. XVI, 5 : 237, 244. XVI, 5, 2 : 234, 249. XVI, 6, 1 : 244 η. 282, 250. XVI, 7 : 244 et η. 282, 246 et η. 321. XVI, 8 : 244, 246 η. 321. XVI, 8, 1 : 244 η. 282. XVI, 9, 2 : 244 η. 282. XVI, 9, 4 : 244 et η. 282. XVI, 10, 1 et 2 :244 η. 281. XVI, 10, 1 : 245 η. 305. XVI, 10, 2 : 245 η. 306, 247, 357 η. 413. XVI, 11, 1 : 244 η. 282, 245, 247. XVI, 12, 5 : 244 η. 282. XVI, 12, 6 : 244 et η. 282. XVI, 13, 244 et η. 281, 249. XVI, 14, 1 : 244 et η. 281, 357 η. 413. XVI, 14, 2 : 18 η. 130, 82, 234 η. 170, 244 η. 281, 245 η. 306, 335. XVI, 15, 1 : 244, 336 η. 167. XVI, 15, 2 : 234 η. 171, 335 η. 154. XVI, 16, 1 : 105 η. 100, 228, 234 η. 170, 245 η. 306. XVI, 16, 2 : 357. XVI, 17, 1 : 357. XVI, 21 : 244 η. 284, 330 η. 106. XVI, 21, 7: 139,315,344. XVI, 21, 8 : 357. XVI, 22 : 244 η. 283. XVI, 22, 1 : 221 η. 35. XVI, 23 : 256 η. 249.
INDICES XVI, 23, 2 : 344 et η. 265. XVI, 24, 1 : 257 η. 444, 344 η. 265. XVI, 26 : 244 η. 283. XVI, 27, 2 : 248 η. 346. Cicéron, Ad Quintum : I, 1, 4 : 223 η. 62, 255 η. 425. I, 1, 13 : 222, 256, 352 η. 343 et n. 352. I, 1, 17 : 227 η. 95 et η. 97, 256, 257 η. 433. Ι, 2, 1 : 334. Ι, 2, 3 : 228, 253, 255. Ι, 2, 10 : 350 η. 332. 1,2, 11:350 η. 392. Ι, 2, 12: 105 η. 100, 2434, 337 η. 173. Ι, 2, 16:332 η. 119. Ι, 3, 4 : 105 η. 100, 337 η. 173. Ι, 4, 4 : 336 η. 165. 1,4, 13:319. Ι, 12, 3 : 336 η. 169. II, 3, 4:331 η. 116. Π, 15, 1 : 356. III, 1, 1-2 : 355. III, 1, 1 : 336. III, 1, 19 : 257 η. 445. III, 4, 5 : 105 η. 100, 221 η. 37, 356 η. 404. III, 4, 5-6 : 324 η. 55. III, 5, 6 : 356, 404. III, 6, 2 : 257 η. 440. III, 7, 6 : 257 η. 440. III, 7, 7 : 343 η. 257. III, 9, 72 : 355. Academica, I, 64 : 262. Pro Archici, V, 11: 11, 13. Pro Bulbo : 24 : 49. 28 : 49. 56: 104 η. 92, 138, 139. Brutus : I, 6, 2 : 237 η. 202. XLIII, 160: 261 η. 491, 338 η. 185. XLVI, 172:338 η. 185. Pro A. Caecina : 7: 111 η. 159. 17 : 279. 25 : 285 η. 26 et 29. 52:221. 55 : 332 η. 123. 57:332 η. 119, 350 et n. 332. 58 : 350 η. 332. 72 : 285 η. 29. 73 : 285 η. 26. 96 : 5 η. 1. 99:9 η. 47, 11 η. 68, 16 η. 104. Pro M. Caelio : 25 : 53 η. 107. 68 : 44, 74, 224 η. 66, 285 η. 66. 73 : 279 η. 74, 352. Cato Maior : 37 : 222. 48 : 104 η. 92. Pro Cluentio : 36 : 334 η. 140.
INDICES 38:231,332 η. 119. 40 : 334. 42 : 355. 43: 60 et n. 150, 121. 46: 121. 47 : 237 η. 202. 49: 121. 52 : 105 η. 100, 229, 355. 131/2: 180 η. 112. 132 : 125 η. 1. De Domo Sua : 8:5 η. 1. 14-15:331 η. 116. 49:260 η. 481. 139 : 260 η. 484. De Fato, XIII : 172. De Finibus : III, 17, 55 : 34 η. 280. Ill, 20, 65 : 34. Pro Fiacco : 10:351. 47 : 343. 84:44 η. 22,312. 87 : 350 η. 334. 87-88: 123 η. 3, 221 η. 32. 88:253, 351 η. 334. 89 : 46 η. 35, 104 η. 100, 229, 329, 343. De Haruspicum responsis : 28:331 η. 116. 49: 139 η. 56. De Invenzione : I, 19 : 173 η. 65. I, 55: 332 η. 119. I, 109:322 η. 119. II, 160 : 235 η. 177. De lege agraria : 11,93: 121 η. 230. III, 14: 140 η. 63. De Legibus : I, 50 : 262 η. 503. II, 8 : 87 η. 177. Π, 49 : 281 η. 86. 11,55: 151 η. 160. II, 57 : 155. 11,66: 146 η. 110. 111,30: 138, 139. Pro Milone : 29 : 230 η. 127. 46 : 355. 48:313. 56:231. 57 : 74, 333 η. 140. 58 : 75, 227 η. 95, 229, 230 η. 127, 233, 237. 60: 106 η. 111. 87: 136. 90 : 149. Pro Murena, 47: 135 η. 31, 136. De Natura Deorum : II, 61 : 87 η. 177. III, 38 : 235 η. 177.
De Officiis : I, 93 : 262 η. 503. I, 150:331 η. 115,345. I, 151 : 262 η. 503, 355 η. 384. II, 24 : 226 η. 46. II, 57 : 314 η. 104. III, 76 : 286 η. 35. De Oratore : I, 38 : 136. I, 104: 14 η. 88. I, 136:257. I, 176:306-7, 312 η. 87. I, 183: 10, 11 η. 68 et 69, 16 η. 104, 172. I, 248 : 351 η. 337, η. 338, η. 339. II, 247 : 260. Π, 248 : 236 η. 196, 237, 240 η. 378, 252 η. 378. II, 258 : 136. Paradoxa : V, 2, 39 : 272. VI, 2, 46: 295 η. 127, 332 η. 119. Philippicae : Π, 20 : 168 η. 34, 173 η. 86, 185, 354. II, 44:260 η. 481. II, 45 : 260 η. 481. Π, 58 : 168 η. 34, 185, 354 η. 379. Π, 61-62 : 168 η. 34, 173, 354. Π, 68 : 173. II, 69 : 168 η. 34, 173, 174 η. 87. II, 105 : 260 η. 481. VIII, 1 1 : 82. VIII, 32 : 198 et η. 286, 236 η. 196. IX, 14 : 156. XIII, 12 : 232 η. 146, 295. XIII, 26 : 335 η. 149. Pro Plancio, XXV: 237 et n. 201. Pro Quinctio : II, 11: 180 η. 112. Π, 55: 180 η. 112. Pro Rabirio Postumo : 15 : 82 η. 107. 16: 18 η. 129 et 131, 56 η. 127, 222. 31 : 50. Pro Rege Deiotario, 30 : 256. De Re Publica, III, 19 : 239 n. 242. Pro Sex. Roscio Amerino : 6: 110 n. 155, 198,264 η. 16,295. 21 : 295. 22 : 239, 332 η. 126. 23 : 352 η. 344. 28 : 295. 35 : 264 η. 16. 60 : 254, 264 η. 15. 68 : 252 η. 385. 77 : 105 η. 100. 108 : 332 η. 128. 120 : 222. 121 : 234 η. 170, 250. 122 : 264 η. 16. 124 : 107. 130 : 221 η. 31, 239, 240 η. 252, 295. 132 : 138.
391
392 134 : 265 η. 16. 135 : 264. 140 : 222 η. 45, 240. 141 : 269 η. 1, 295. Pro Q. Roscio Comoedo, 27/30 : 354 η. 383. Pro Scauro, 23 : 221 η. 31, 230 η. 127. Cum Senatui gratias egit, 20 : 332 n. 119 et 122. Pro Sestio : 18:331 n. 116. 27:331 n. 116. 38:331 n. 116. 57:331 n. 116. 65:331 n. 116. 76 : 230, 334 n. 140, 335 n. 157. 97:238 n. 217,315. 97/98 : 238 n. 218. 106:331 n. 116. 110: 168 n. 34, 174 et n. 87. 126-7:331 η. 116. Pro P. Sulla : 55 : 105 n. 100. 58 : 350 n. 332. Topica : III, 14: 181 n. 113, 195 n. 243. VI, 29 : 187 n. 170, 210 n. 381. Tusculanae : I, 31 : 24. II, 43 : 262 n. 500. III, 16 : 262 n. 503. IV, 70-1 : 261 n. 487. V, 57 : 51 n. 85. V, 112: 183 n. 128. In P. Vatinium, 40 : 331. In Verrem : II, I, 93 : 275 η. 37. Π, Ι, 101 : 260 η. 485. Π, Ι, 123 : 123 η. 3, 230 η. 129, 238. Π, Ι, 123-4: 34 η. 280, 121 η. 233, 258 η. 455, 278. II, Ι, 124:235 π. 174. Π, Ι, 125 : 292 η. 78. Π, Π, 69 : 105 η. 100, 256 η. 428, 352. Π, Π, 108:333 η. 138. Π, II, 133 : 352. Π, II, 136:296. Π, II, 176 : 256 η. 428. Π, III, 6: 260 et η. 481. Π, 111,8:249,251. II, III, 12 : 347. II, III, 28 : 258 η. 455. II, III, 62 : 347. Π, III, 69: 235 η. 183, 239, 258 η. 455. II, III, 86 : 274, 275 η. 37. Π, 111,91: 114 η. 91,347. Π, III, 123 : 260 η. 483. II, III, 134 : 144 η. 191, 258, 296, 347. II, III, 157 : 264 η. 14, 296. II, III, 176 : 334. II, III, 228 : 264 η. 14. Π, IV, 83 : 260 η. 485. Π, V, 10 : 74. Π, V, 59:348 η. 311.
INDICES Π, V, 66 : 5 η. 1. Π, V, 154: 231 η. 140, 258 η. 455. Q. Ciceron, Commentariolwn Petitionis : 8: 173 η. 71. 17 : 249 η. 349, 256, 332. 20 : 333. 29:253,315 η. 105. Cornelius Nepos, Atticus, XIII, 3 : 337 η. 181. Cornutus, ad Pers., V, 88 : 18 η. 135. Cratès, Fragni., 16: 61. Denys d'Halicarnasse, Antiquités Romaines : IV.-22-23 : 6. IV, 24 : 16, 148-8, 199 η. 295. V, 13 : 6. Diodore de Sicile, Bibliothèque Historique : XX, 36,4: 136. XXXVIII, 15: 150 n. 151. Dion Cassius, Histoire Romaine : XXXVI, 25: 135 n. 31, 136. 43 : 257 n. 452. XXXVIII, 3 : 200. XXXIX, 10 : 231 n. 130, 257. 24 : 199 n. 295. 38, 6 : 294. XL, 48, 2 : 74 n. 41. 60, 4 : 255. XLI, 38, 3 : 50. XLIV, 51, 1: 149,333 n. 140. XLVII, 4:314 n. 103. XLV, 28: 168 n. 37. XLVII, 10 : 76, 230 n. 128. XLVIII, 3, 1 : 147. XLVIII, 10: 230 n. 128. XLVIII, 30, 8:256 n. 431. XLVIII, 34 : 50. XLVIII, 40 : 230 n. 127. XLVIII, 45 : 232 n. 148. XLVIII, 46, 1 : 232 n. 146, 329 n. 104. XLVIII, 54 : 232 n. 148. XLVIII, 54, 7 : 255 n. 418. XLIX, 12, 4-5 : 50 n. 76. XL, 10 : 89 n. 204. XL, 10, 4:314 n. 103. L, 20, 3: 314 n. 103. LI, 1, 5 : 313. LI, 3, 3 : 314 η. 103. LI, 8 : 257 η. 452. LI, 86-87 : 231 η. 140. LU, 37 : 235 η. 180, 237 η. 206. LUI, 25, 4 : 197 η. 266. LUI, 30 : 232 η. 144 et n. 147, 355. LIV, 7 : 186. LIV, 16 : 186. LIV, 21 : 138, 330 n. 105. LIV, 26: 180. LV, 22 : 201 n. 316. LV, 31 : 51, 52 n. 95. LVI, 23, 3 : 52 n. 9. LVI, 32-33 : 258 n. 452. LVIL 5, 4 : 52 n. 95. 7 : 231 n. 140.
INDICES Donat, ad Terent. Eunnuch , 3, 5, 60 : 236. Donat, ad Terent. Phorm., 2, 1, 57 : 334. Festus, De verbonim significano ne : contuberniuni : 181 n. 117. familia : 332 n. 123. hereditas : 281. inanumitli : 61 n. 169. ninnerà : 288. patronatus : 126 η. 3. recepì icius servies : 45 η. 29. statuliber: 29,32 η. 261. Flavius Josephe, Belliini Judaicum, I, 155 : 294 η. 105. Frontin, Liber Gromaticus, 42, 10-12: 155 η. 193. Horace, Ars Poetica : V. 239-240: 291. V. 470: 150 η. 154. Horace, Epistulae : I, 7, ν. 51 : 14, 94, 126 n. 9, 132 n. 2. v. 52 : 14, 94. v. 53-54 : 94. I, 14, v. 15-16: 173. I, 15, v. 40: 238 n. 219. VII, 52, v. 4 : 94. Horace, Epod. : II, v. 65:211 n. 390. IV, v. 5-10 : 317 n. 3. v. 11-12:76. XIV, v. 9-14: 168 n. 34. v. 9-16:259 n. 464,354 n. 376. v. 15-16 : 168 n. 38, 197 n. 262. Horace, Odae : I, XXXIII, v. 13-16: 168 n. 34, 354 n. 376. v. 14-15 : 173. v. 14-16 : 168 n. 38. v. 15-16 : 197 n. 262. II, III, v. 1-2 : 168. II, IV, v. 17-20: 183 n. 128. II, IX, v. 8-12:258, 260 n. 477. II, XVI, v. 13-14:281 n. 81. II, XX, v. 5-6 : 210 n. 383. III, IV, v. 9-11:200. III, XXX, v. 1-2: 158. v. 1-5: 156 n. 212. v. 6-7 : 158. Horace, Saturne : I, 1, v. 99-100: 131. v. 105 : 164 n. 6. I, 2, v. 28-30 : 354 n. 376. v. 36-71 : 193 n. 232. v. 47-49 : 168 n. 34 et 38. v. 63-82 : 193 n. 232. v. 96-100 : 193 n. 232. I, 3, v. 48 : 236 n. 196. v. 58: 107 n. 117. I, 4, v. 107-108 : 281 n. 81. I, 5, v. 10: 107 n. 117. v. 51-57 : 208, 352 n. 354. v. 65-69: 182,352 n. 354. I, 6, v. 1-8: 210 n. 383. v. 8 : 254 n. 405. v. 38: 107 n. 117.
393 v. 40-1 : 333 n. 138. v. 43 : 254 n. 405. v. 46: 125 n. 1. v. 58-9: 125 n. 1. v. 76-78 : 200. v. 86: 180 n. 112. v. 89 : 208 n. 368. v. 91 : 208 n. 368. v. 95-96 : 208 n. 368. v. 105-106:200. v. 130-1 : 208 n. 368, 210 n. 383. 1,8, v. 8-13: 154. v. 39:240, 295 n. 118. I, 11, v. 22: 221 n. 31. II, 2, v. 122-3 : 280. II, 3, v. 281-2 : 199,317 n. 3. II, 5, v. 23-4 : 280. v. 31-2: 111 n. 158. v. 32: 110. v. 47 : 81 n. 103. v. 70-1 : 254. v. 70-3 : 255, 280. v. 76: 192 n. 212. v. 99-101 : 28 n. 226, 280 n. 79. v. 103-6 : 150. v. 105-7 : 281 n. 90. II, 7, v. 2-3 : 236 n. 196. v. 4 : 254 n. 405. v. 5:210 n. 383. v. 9 : 276 n. 42. v. 11-12: 134. v. 76-7: 18. Isidore de Seville, Originimi libri, IX, 4, 47 : 125 η. 1. Jérôme (St), Euseb. Chron. Olvmp., 194 : 139, 244. Juvénal, Saturne, Π, ν. 58 : 280 η. 80. Schol. Juvénal, Vili, 267 : 7 η. 20. Lucilius, Fragni. : ν. 579-580 : 334 η. 148. ν. 592-3 : 183 η. 128. ν. 639 : 240 η. 249. ν. 689:229 η. 118. ν. 787 : 262. ν. 852-3 : 260 η. 482. ν. 893-5 : 273 η. 20. Lutatius Daphnis, Fragni., 1 et 3 (Peter) : 231 η. 136. Macrobe, Saturnalia : I, II, 17 : 264 η. 10. I, VI, 13: 125, 181 η. 113, 194 η. 234. I, VII : 254 η. 405. I, IX, 11:332 η. 123. I, XI, 8: 127 η. 14, 228 η. 110, 334 η. 140. Ι, XI, 18: 138, 227 η. 93. 30-1 : 51. 32 : 52 η. 95. Ι, XVI, 28 : XIV η. 57, 18. Ι, XVII, 27: 106 η. 115. Π, IV, 24 : 296. II, VII, 1 : 276 η. 45. 6-7 : 198, 263, 264 η. 10. Martial, Epigrammates : VI, 29 : 259 η. 477.
394 XI, 12 : 208 η. 363. Nicolas de Damas, Vie de César (p. 4 Piccolos) : 230 η. 132, 258 η. 452, 330 η. 105. Nonius Marcellus, Compend. Doctr., s.v. recepticius servus : 45 n. 29. Orose, Historiae, V, 16 : 75, 218 n. 7. Ovide, Fasti, v. 865 : 60 n. 151. Ovide, Métamorphoses, Χ, ν. 338 : 172 η. 65. Perse, Saturae : III, 86 η. 151. V, 110. Pétrone, Satiricon : 29 : 343 n. 256. 39: 110. 50: 110. 71: 110. 74-5: 110. 81 : 258 n. 456. 105 : 183 n. 128. Phèdre, Fabulae, III, X, v. 11 : 280, 128, 248 n. 337. Plaute, Amphitruo : v. 33-9 : 229. v. 166-175 : 247 n. 329. v. 364-5 : 208. v. 461-2 : 88. v. 614 : 208. Plaute, Asinaria : v. 85-87 : 45. v. 498 : 237 n. 203, 274. v. 541 : 273 n. 25. v. 689-690 : 335 n. 156. Plaute, Aulularia : v. 587 : 237 n. 203. v. 587-594 : 247 n. 329 et 331. v. 588 : 222. v. 599 : 222. Plaute, Bacchides : v. 471 : 182 n. 128. v. 828-9 : 84 n. 135. v. 1112:237 n. 212. Plaute, Captivi : v. 408 : 273 n. 24. v. 410-1 : 262 n. 501. v. 574:201 η. 319,208 η. 363. v. 575-6 : 82. v. 714:253 n. 388. v. 716 : 227 n. 95. v. 735-8 : 335. v. 775:281 n. 87. v. 1032 : 46. v. 1145:213 n. 411. Plaute, Casina, Arg. 1 : 173 n. 86. v. 67 : 173 n. 86. v. 67-70 : 175. v. 69-74 : 174 n. 87. v. 105:211 n. 394. v. 191 : 174 n. 87. v. 193-4:211. v. 254 : 174 n. 87. v. 254-5 : 237 n. 203. v. 254-6 : 182.
INDICES v. 254-8: 195,211. ν. 257:240 η. 251. v. 257-8 : 274. v. 258 : 174 n. 87. v. 268 : 236 n. 196. v. 283 : 237 n. 203. v. 289-291 : 196. v. 293 : 84. v. 289-294: 182 n. 127. v. 313:84 n. 133. v. 316:273. v. 418:208. v. 452 : 259 n. 472. v. 474 : 83 n. 124. v. 795 : 237 n. 212. v. 797: 184 n. 138, 213. v. 802-3 : 183 n. 128. Plaute, Cistellaria : v. 27-8: 194. v. 38 : 125 n. 1. v. 38-9: 139. v. 38-40 : 176 n. 107. v. 40-1 : 168 n. 37, 338, 354 n. 377. v. 98-100:291. v. 104-112: 139. v. 493-4 : 291. Plaute, Curculio : v. 212: 18. v. 548 : 223 n. 57. Plaute, Epidicus : v. 60 : 257 n. 448. v. 267-9 : 46 n. 35. v. 465-6 : 172 n. 66. v. 497-8 : 80. v. 504-5 : 138 n. 50. v. 509 : 46 n. 35. v. 639 : 288 n. 54. v. 711:222. v. 725-7 : 84 n. 131, 194 n. 234. v. 730 : 53. Plaute, Menaechmi : v. 60-2 : 38 n. 15. v. 966 : 84 n. 127. v. 982-5 : 222 n. 5. v. 1009-10: 230 n. 127, 288 n. 54. v. 1022 : 53. v. 1025 : 198 n. 273. v. 1032-4: 53, 84, 132, 222, 321 n. 33. Plaute, Mercator: v. 152 : 46 n. 35. v. 152-3 : 82 n. 108. v. 153 : 126 n. 2. v. 521 : 237 n. 203. v. 533 : 182 n. 126. v. 757 : 172 n. 65. Plaute, Miles Gloriosus : v. 372-3 : 208. v. 373-4 : 141-2. v. 476-7 : 257 n. 448. v. 670 : 241 n. 264. v. 670-1 : 246 n. 321.
INDICES ν. 745-6 : 247 η. 329. ν. 784 : 125 η. 1, 186 η. 155. ν. 927 : 17. ν. 961-4 : 186 η. 155. ν. 962: 125 η. 1. ν. 962-4 : 168 η. 38. ν. 1206-7 : 237. ν. 1216:83 η. 124. ν. 1217:83. ν. 1340:333 η. 137. ν. 1340-1 : 255. ν. 1354-5 : 227 η. 95, 255. ν. 1355 : 241 η. 264. Piaute, Mostellana : ν. 167 : 46 η. 35, 247 η. 333. ν. 204 : 46 η. 35. ν. 204-6 : 192 η. 218, 247 η. 331. ν. 209-210:83. ν. 211: 126 η. 2. ν. 220:83 η. 124,241. ν. 223 : 52 η. 98. ν. 224-5 : 187 η. 172. ν. 225-6 : 172 η. 69. ν. 226 : 194 η. 234. ν. 228 : 354 η. 377. ν. 230-1 : 83 η. 121. ν. 304-5 : 249 η. 349. ν. 873 : 239. ν. 971 : 46 η. 35. ν. 974 : 54, 172 η. 70. ν. 991 : 222. ν. 1139-1141: 173. Persa : ν. 1 : 184 η. 139. ν. 1-2 : 46 η. 35, 48. ν. 7-12 : 247 η. 329. ν. 25 : 182 η. 128. ν. 334 : 82. ν. 286 : 81 η. 104. ν. 389: 125 η. 1. ν. 390 : 208 η. 360. ν. 425-6 : 173 η. 70. ν. 474-5:54 η. 114. ν. 483-4 : 18 η. 133, 48 η. 49. ν. 487 : 48. ν. 487-8 : 17. ν. 491 : 48 η. 49, 138 η. 50. ν. 656 : 82. ν. 658 : 83. ν. 737 : 48 η. 50. ν. 773 b :82 η. 110, 83. ν. 788-9 : 237. ν. 789-798 : 237. ν. 815 : 247 η. 331. ν. 838-842: 125 η. 1,273 η. 21. ν. 839 : 237 η. 203. ν. 840 : 242 η. 270, 248 η. 335. ν. 841 : 222. ν. 842 : 48. ν. 843:247 η. 331. ν. 849 : 48.
Poenulus : ν. 24 : 126 η. 2. ν. 75-77 : 38 η. 15. ν. 119-120: 38 η. 15. ν. 133-4 : 241 η. 264. ν. 164 : 46 η. 35. ν. 361 : 82. ν. 367 : 132. ν. 420 : 82. ν. 427-430 : 82. ν. 447-8 : 254 η. 400. ν. 519-520:273. ν. 522-3 : 317 η. 3. ν. 582:235 η. 187. ν. 832: 125 η. 1. ν. 868 : 173 η. 70. ν. 909-910: 85 η. 141. ν. 910:333 η. 137. ν. 214: 133 η. 20. ν. 225-6:83 η. 115. ν. 228:82 η. 110. ν. 229 : 133 η. 20. ν. 358 : 18. ν. 419 : 46 η. 35. ν. 435 : 172 η. 68. ν. 460-1 : 239. ν. 467-8 : 240 η. 253. ν. 468 : 237 η. 203. ν. 482-3 : 46 η. 35. ν. 494 : 46 η. 35. ν. 767 : 168 η. 137. ν. 775-6 : 288 η. 54. Rudeiìs : ν. 112:235,274. ν. 112-4:248 η. 335. ν. 892-3 : 183 η. 128. ν. 927 : 17. ν. 930 : 132 η. 9, 294-5. ν. 930-1 : 345. ν. 1216:83 η. 124. ν. 1216-1220: 174 η. 87. ν. 1217:83. ν. 1220: 182. ν. 1265-6 : 126 η. 4. Stichus : ν. 258-261 : 183 η. 128. ν. 332 : 208. ν. 422:82 η. 110. ν. 434 : 172. ν. 562 : 172 η. 66. ν. 751:82 η. 111,83 η. 124. Trimimmus : ν. 439:83 η. 115 et 124. ν. 440 : 83. ν. 480-2 : 208 η. 360. ν. 484:281 η. 89. Truciilentiis : ν. 276-9: 183. ν. 316:233 η. 157. ν. 568-9 : 182 η. 148.
395
396 Pline l'Ancien, Naturali'; Hisloria : VII. 122 : 230, 249 η. 355, 279. 128: 198 η. 280. Χ, 45:351 η. 334. XVIII, 41 : 140. XXXI, 6-8 : 112 η. 168, 231, 334 η. 140. XXXIII, 6-9 : 294 η. 100. 25: 154. 135 : 140. 175 : 279. XXXIV, 11 : 104 η. 91, 115 η. 202. 11-12: 168 η. 35, 173,314 η. 102. 12: 149, 150, 280. 13 : 173 η. 82. XXXV, 58:314 η. 102. 77 : 232 η. 144, η. 147. 200 : 175 η. 98, 232 η. 146, 253, 255 η. 419, 264, 295, 329 η. 104. Pline le Jeune, Epistulae, VII, 4, 3 : 261. Pline le Jeune, Panegyricus, 88 : 254 n. 403. Plutarque, Antoine : XXII: 149 n. 148, 150 n. 151, 240, 295 n. 115. XLVIII : 150. LXVII : 232 n. 147, 254. LXVII, 7 : 232 n. 144, 294 n. 104. LXVII, 7-9 : 175 n. 98. LXXIII : 223 n. 56, 231 n. 140, 256 n. 431. LXXVI : 149. LXXVIII, 1 : 232 n. 147. Plutarque, Brutus : XVI, 2 : 265 n. 20. XLIII: 149 n. 148. Plutarque, Caton l'Ancien : III, 2 : 254 n. 405, 257 n. 447. X, 6 : 275. XVI : 195 n. 249. XXI: 181,210,257. XXI, 2 : 182 n. 120. XXI, 3: 181-2. XXI, 7 : 338 n. 190. XXIV: 195 n. 248. Plutarque, Caton le Jeune : XIII : 254, 294. XVI : 354. XX, 5 : 254 n. 405. XXXI, 4 : 254 n. 405, 257 n. 447. XXXIX : 50 n. 77. LXX : 150. Plutarque, César : XXXIV : 150 n. 152. LVII, 6 : 256 n. 20. Plutarque, Cicéron : III : 295. III, 5 : 295. VII: 180 n. 112. XVIII, 2: 180 n. 112. XXVI, 7 : 141. XLVIII : 232 n. 144. XLVIII, 2 : 198, 232 n. 144. XLIX : 232 n. 144. Plutarque, Crassus, II: 295 n. 125. Plutarque, Fabius Maximus, XIII, 6: 126 n. 6.
INDICES Plutarque, Flaminius, XVIII, 1 : 136. Plutarque, Caius Gracchus : IX: 154. XXXIII: 150 n. 152. XXXVIII: 149 n. 145. Plutarque, Lucullus, XLIII : 255. Plutarque, Markts : XLI : 333 n. 140. XLIII : 149 n. 145. Plutarque, Poblicola : VII: 136. VII, 7:6η. 13, 7. Plutarque, Pompée : Π: 198,263 η. 4,314 η. 102. Π, 8 : 265 η. 20. II, 9 : 254. IV, 1:240,295 η. 116. VI, 1 : 221 η. 31. XL: 138, 254 η. 405, 294 η. 100 et 102. XL, I : 140, 198 η. 269. LXXX : 149. Plutarque, Sertorius, V, 5 : 333 η. 140. Plutarque, Sylla : I: 134 η. 22, 140 η. 69, 180 η. 112. II : 258. VIII: 136. XXXIII : 295. LV : 335. Plutarque, Moralia, 205 E : 343 η. 255. Polybe, Histoire, X, 17, 9: 52 η. 96. Pompeius le grammairien, 141 (Keil): 110 η. 157. Porphyrion, ad Horat. Sat., I, 8 : 240, 295 η. 1 18. Properce, II, 15, ν. 16 : 172 η. 65. Publilius Syrus, Sententiae : 36: 193. 51 : 236 n. 196. 75:281 n. 82. 96 : 248 n. 336. 97 : 238 n. 219. 99 : 238 n. 219. 123 : 199 n. 296. 165 : 248 n. 336. 223 : 236 n. 196, 281 n. 82. 226 : 248 n. 336. 254 : 281 n. 82. 260 : 193 n. 229. 330 : 248 n. 336. 338 : 195. 381 : 193 n. 299. 450 : 236. 492 : 192 n. 210. 498 : 126 n. 9. 504 : 281 n. 82. 519: XI n. 27. 529 : 193. 534 : 248. 545 : 281 n. 82. 596 : XI n. 26. 644 : 84. 647 : 127 n. 13. 672 : 84. 688:229 n. 118.
INDICES 693 : 248 η. 336. 724 : 248 η. 336. Quintilien, De Institutione Oratoria : 1,7,28: 116 η. 206. VI, 3, 61 : 355 η. 388. VII, 7 : 233 η. 64. Rhet. ad Herenniwn, I, 14, 24: 25 η. 200. Salluste, Catilina : XL, 2 : 347. L, 1 : 332 n. 120, 333 n. 140. L, 2 : 332, 333 n. 140. LIX, 3 : 332 n. 120, 333 n. 140. Pseudo-Salluste, In M. Tullium, I, 1 : 260 n. 488. Schol. Bobiens., ad Cicero n., Pro Fiacco, 34, 1 : 139, 184 η. 141, 305. Sénèque, Controversiae : IV, 10 : 213 η. 414, 260. IV, 26 : 184 η. 136. Χ, 8 : 259 η. 464. Sénèque, De Beneficiis, III, 23: 150 η. 151. Sénèque, De Tranquillitate animi, Vili, 4 : 294 n. 100, 335. Sénèque, Epistulae, XLVII, 14 : 332 n. 123. Servius, Ad Aeneidem : 7,799:61 n. 156 et 158. 7, 800:61. 8,564:61 n. 157 et 159. 11,476: 194 n. 243. Servius, Ad Eclogas, 10 : 185 n. 144, 354. Silius Italicus, Punica, 13, 83 : 62 n. 176. Stace, Silvae, II, 5 : 259 n. 477. Strabon, Geographica, Vili, 6, 23 : 141. Suétone, De Grammatici; : III : 198 n. 280. V : 107, 1 10. VI : 338 et n. 181. VII: 138, 139, 198, 234, 235, 338. X: 107,259,338. XI: 133, 138:242 η. 266. XII: 231, 235, 242 η. 266, 329, 353 η. 363. XIV : 169. XV: 139, 231, 248, 273 η. 24, 330 η. 104. XVI: 112, 169, 210 η. 389, 259, 330 η. 106. XVII : 259, 265 η. 20. XVIII : 107, 339. XIX: 338 η. 185. XXI : 253. Suétone, De Rhetoribus, III: X, 221 η. 31, 264 η. 10, 338. Suétone, Vita Caesaris : XX, 3 : 200 η. 312. XXVII, 2 : 242 η. 265, 255. XLII, 2 : 356. XLIII, 2: 169. XLVI: 139 n. 60. XLVIII, 2 : 173, 210, 222 n. 53, 224, 242 n. 266. LXXV : 265 n. 20. LXXV, 6 : 333 n. 40. LXXVI:213, 354 n. 373. LXXXII, 3 : 149 n. 142. LXXXVI, 7: 181 n. 112,259. Suétone, Vita Augusti : XXI : 197 η. 266. XXVII, 2 : 230 η. 128.
397 XLV, 1 : 133. LXIII, 3: 173. LXVII, 1-3 : 223 η. 54. LXVII, 1 : 252. LXVII, 3: 168, 210, 253. CI : 258 n. 452. Suétone, Vita Tiberii, XV: 139 n. 56. Suétone, Vita Claudii, XXIV, 1 : 125 n. 1. Suétone, Vita Horatii : I: 181 n. 212. VI: 161. Suétone, Vita Terentii : 1 : 258. IV : 259. V: 197. Tacite, Annales : I, 54 : 259. XIII, 26-27 : 77, 225 η. 76. Terence, Adelphi : ν. 455-6 : 126 η. 4. ν. 895 : 83. ν. 959 : 237. ν. 960-1 : 84 η. 132. ν. 972-4 : 84 η. 132. ν. 973: 153 η. 86, 182. ν. 974-5 : 182. Terence, Andria : ν. 32-4 : 257. ν. 34 : 258. ν. 35 : 53-4. ν. 35-6 : 243 η. 274 ν. 37-8 :84 η. 132. ν. 39-40 : 127 η. 13. ν. 42: 241. ν. 44-5: 127 η. 13. ν. 771-786:208 η. 360. ν. 960-1 : 84 η. 132. ν. 972-4 : 84 η. 132. Terence, Hecyra : ν. 410-411: 257 η. 449. ν. 773 : 208 η. 360. Terence, Phormio : ν. 39-40 : 288. ν. 287-8 : 334 η. 148. ν. 292-3 : 208 η. 360. ν. 330 : 267 η. 2. ν. 841 : 89 η. 196. Schol. ad Terenlium, 105, 30-31 : 125 η. 31, 236 η. 196. Titinius, Fragmenta, 15 (Peter) : 193 η. 229. Tibulle, Elegiae : I, 8, ν. 256 : 259. 11,6, ν. 25-7: 81. Tite Live, Ab Urbe condita libri : I, 30,5:61 η. 157. II, 5, 9 : 6. 11,9-10:49. III, 4, 5 : 80 η. 93. IV, 9, 4-6:211. IV, 45, 1-2 : 49 η. 60. IV, 46: 125 η. 1, 136,353. IV, 61, 10:49 η. 66. Χ, 21, 4:52 η. 95.
398 XVI, 47, 2 : 52 η. 96, 81 η. 105. XXI, 45, 7:51 η. 88. XXII, 1, 17-19:62. XXII, 11,8:52η. 95, 197, 200. XXII, 27, 3 : 52 η. 95. XXII, 33, 2 : 49. XXII, 57, 11:51. XXII, 66, 11-12: 197. XXIV, 11,7:51. XXIV, 11,8-9:51. XXIV, 11, 17:315 η. 106. XXIV, 14, 5 : 51, 81 et η. 104, 82. XXIV, 14, 6: 17 η. 21, 83 η. 116. XXIV, 14, 8: 18, 51 η. 89, 83 η. 117. XXIV, 14, 10 : 83. XXIV, 15,8:81 etti. 104. XXIV, 16, 6 : 83. XXIV, 16,8:21 η. 160. XXIV, 16, 9 : 88. XXIV, 16, 19 : 82. XXIV, 18, 12:51. XXIV, 18,22:51. XXV, 6, 21 : 51 η. 90. XXVI, 11,8-10:62. XXVI, 16,8:65. XXVI, 27, 4 : 49. XXVI, 27, 6-9: 121. XXVI, 27, 7 : 49. XXVI, 27, 9 : 49 η. 63. XXVII, 3, 4-5 : 121. XXVII, 4, 14 : 62. XXVII, 38, 8-10:51 η. 91. XXIX, 35, 8:83 η. 118. XXXII, 26 : 49. XXXVI, 2, 15 : 197 η. 266. XXXVI, 3, 4-5 : 49. XXXIX, 9 : 185, 305 η. 27, 354. XXXIX, 9, 7 : 211 η. 399, 284, 286 η. 32. XXXIX, 9, 9 : 171 η. 54. XXXIX, 10-11: 132, 139. XXXIX, 12 : 197. XXXIX, 14 : 133. XXXIX, 19, 5 : 185, 186. XL, 18,7: 197 η. 266. XL, 51, 9: 136. XLI, 8, 10-12 : 22. XLI, 9, 11:20,22. XLI, 21, 6 : 153. XLII, 27, 3: 197 η. 266. XLII, 31, 7 : 52 η. 95. XLIII, 3, 3 : 65. XLIII, 12, 19: 52 η. 95, 197 η. 266. XLIII, 18 : 138 η. 50. XLV, 15, 1 : 140, 200. XLV, 15,45: 136. XLV, 40, 7: 195 η. 248. Tite Live, Perl· »chete : XX : 136. LXXIV : 52 n. 95. LXXVII:50 n. 68, 136. Valère-Maxime : II, 6, 7 : 77.
INDICES 111,4,3: 107 n. 117. V, 1, 11 : 150 n. 151, 240, 295 n. 115. VI, 1, 3 : 169 n. 41, 210 n. 389. VI, 1, 4 : 169, 210, 222, 223, 242 n. 265. VI, 1, 5 : 75, 218 n. 7. VI, 1, 6 : 259, 260 n. 79. VI, 5, 7 : 218. VI, 7, 1: 181 n. 113, 211,336 η. 158. VI, 8 : 226. VI, 8, 2 : 149 n. 145. VI, 8, 4 : 149. VI, 8, 6 : 147. VI, 9, 7 : 351 n. 334. VI, 11, 1: 174 n. 87. VI, 11,8: 180 n. 112. VI, 13, 6:230n. 127. VII, 6, 1 : 51 n. 86. VII, 7, 6: 164 n. 6, 304. VII, 7, 7 : 278. Vili, 2, 2: 183 n. 128. Vili, 4: 149 n. 141. Varron, De Lingua Latina : V, 162: 133. V, 179 : 288. VI, 30 : 18. VI, 64 : 19 n. 150. Vili, 21 : 107 n. 120. Vili, 41 : 50 n. 78. Varron, Res Rusticae : I, 10, 6:210 n. 386. I, 17 : 183 n. 129. I, 17, 5 : 182 n. 121, 208, 210 n. 386. I, 17,6-7:331 n. 117. I, 69: 141, 230 n. 132, 335 n. 157, 336. 11,8: 141,336 η. 161. II, 10 : 183 η. 129. II, 10, 2 : 182 η. 120. II, 11: 141. III, 2, 14 : 336, 352 η. 356. Ill, 6, 1 : 351 η. 334. 111,6,3:351. Ill, 7 : 336 η. 161. Velleius Paterculus, Historia Romana : II, 3 : 52 η. 95. Π, 67, 2 : 226. Π, 70 : 149 η. 148. Η, 72 : 139 η. 56. II, 73 : 254, 329. Π, 73, 3 : 232 η. 146. Virgile, Bucolica : Ι, ν. 27-46 : 66. ν. 27-35 : 173. ν. 27-29 : 199. ν. 31-32: 183 η. 128. ν. 33 : 83, 273 η. 25. ν. 44 : 66. ν. 46 : 199. IX, ν. 7-11 :66 η. 211. ν. 28 : 66. Vitruve, De Architectura : 11,8, 18-20: 140 η. 70. VI, 5, 1 : 134.
INDEX DES NOMS DE PERSONNES
Acastits (esci, de CICÉRON) : 244, 335, 336 n. 167. L Accavus L l. Protogenes : 176 n. 100. M. ACILIUS : 352 n. 343. AEBUTIUS: 185 n. 151, 284, 305. M. Aebutius M. l. Callistratus : 175 n. 99. L. Aebuti(us) Sex. f. Vot(uria) Frugi: 180 n. 109. M. Aebutius M. l. Macedo : 175 n. 99. Aebutia L l. : 180 n. 109. Aegypta (affr. de CICÉRON): 105 n. 100, 234 n. 171, 244, 335 n. 154, 336. Aelius (ou [ ]aelius) Q. l. : 102. Q. AELIUS TUBERO : XIV, 35, 48. Sex Aemilius Sex. l. Baro : 95, 345. Aemilius Aemi[liae l ] : 116 n. 202. C. Aemilius Lepidi l. Laeca (affr. de PAULLUS AEMILIUS LEPIDUS) 110 n. 151. C. AEMILIUS LEPIDUS: 114. M. AEMILIUS LEPIDUS (censeur) : 135-136. M. AEMILIUS LEPIDUS (consul 77) : 304. PAULLUS AEMILIUS LEPIDUS : 100 n. 57, 110 n. 151. M. Aemilius Philemo (affr. de M. AEMILIUS LEPIDUS): 110 n. 55, 138. M. AEMILIUS SCAURUS: 136, 198 n. 280. AEMILIA TERTIA (épouse de SCIPION L'AFRICAIN): 181 η. 113. Agonis (affr. de VÉANUS) : 60. AGRIPPA: 160 η. 256, 330 η. 106. ALBIUS SABINUS : 279. Alexander (affr. de POMPEIUS STRABO) : 221 n. 31, 240, 295 n. 116. Alexio (médecin de CICÉRON) : 141 n. 79, 234, 235, 243, 247 n. 327, 313. Alexis (affr. d'ATTICUS) : 123 n. 1, 133, 198, 244, 257. P. ALFENUS VARUS : XIV, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 41, 46, 47, 48-9, 66-67, 75, 76, 77, 79, 80, 81, 133 n. 16, 134, 170 n. 48, 183 n. 128, 198 n. 286, 236, 248 n. 340, 271, 272, 273-274. 279, 288, 325, 328. 346-347. LL Alfieis Li Hilarus et Prothumus: 113 n. 181. Amphio (affr. de Q. LUTATIUS CATULUS) : 253. T. Ampius Menander (affr. de T. AMPIUS BALBUS) : 1 10 n. 155, 113 n. 184,229,235,237. Andricus (esci, de CICÉRON?) : 244, 336 n. 166. T. Annius Cimbri l. Helenus: 117 n. 212, 118 n. 216.
Annia Heleni I. Nice : 118 η. 216. Annia Paculla: 107 n. 117. Antestius Antiochus : 153, 340-341. Antestius A.Al. Salvius : 153, 339, 340-341. Antestia Rufa : 153. Antigonus (affr. de Cn. Otacilius Naso): 104 n. 100, 349 n. 320. Antiochus (affr. de L. FLACCUS) : 46 n. 35, 104 n. 100, 229, 329, 343. Antiochus (affr. d'A. GABINIUS) : 221 n. 32. Antipho (acteur) : 105 η. 100, 198, 259, 354. Q. Antistius: 169 η. 41. M. ANTISTIUS LABFO (le juriste) : XIV, 26 n. 210, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 35, 41, 48, 70-71 n. 13, 76, 78-79, 80, 132-3, 134, 207, 208, 220, 273-274, 275-276, 279, 280, 282, 287, 298, 311-312, 322 n. 50, 326 n. 71, 326-327 n. 76. M. ANTISTIUS LABEO (le philosophe) : 54, 149. M. ANTOINE: 150 n. 151, 164, 173, 223 n. 56, 232, 240, 257, 258 n. 452, 259, 295, 313, 329 n. 104, 343, 354, 355. Antonius Euphorbm (affr. de M. ANTONIUS) : 232 n. 144 et 147, 355. M. Antonius Gnipho (grammairien): 22, 106 n. 115, 138, 139, 198, 234 n. 163, 235, 259, 338, 356 n. 399 et 403. Antonius Musa (affr. de M. ANTONIUS) : 232 n. 147, 355. Antonia P.l. Rufa : 205. Apella (affr. de FADIUS GALLUS) : 105 n. 100, 231 n. 140, 257 n. 442, 335 n. 155, 336 n. 172. C. < > Cl. Aprodisius : 313 n. 182. Apollonius (affr. de CRASSUS) : 105 n. 100, 227 n. 93, 228, 229, 235, 249, 253, 356 n. 403. Apollophanes (affr. de SEX. POMPÉE) : 329. Appien : XIII. L APPULEIUS L.F. : 203. L Appuleius LA. Asclepiades : 203. C. Appuleius Tapponis l. Philomusus: 117 n. 212. Appuleia Ll. Sophanuba : 203. Q. Apronius (peut-être un affranchi): 114 n. 191, 240 n. 247, 258 n. 455, 259, 261, 264 n. 14, 333 n. 128. C. AQUILIUS GALLUS: XIV n. 57, 32-3, 220 n. 16. M. Arellius Q.f. : 348 n. 310. Q. Arellius Xseno : 348 n. 309. Areus (affr. d'ATTICUS?) : 336 n. 166. A Ardus A/. Philemo : 201 n. 323.
400
INDICES
Αι ria CA. Gè: 116 u. 2U2. Arteino Miniata) Tinnii) ' : 104. C. ASINIUS POLLIO : XI n. 22, 259, 356 n. 400. Asuvii: 231,334 n. 140. Ateidius : 50. C. ATIUS CAPITO: 213 n. 45. C. Ateilius Serrani l. Evhodus : 292-3. Ateius : 77. L Ateius Praetextatus Philologus : XI n. 22, 107, 252, 338, 356 n. 399. Athamas (esci. d'ATTICUS) : 243. [...Idi. /. Athena: 189. Athenio : 296. ΑΤΙΑ (mère d'OCTAVIEN) : 330 n. 105. A. ATILIUS CATILINUS : 89. P. Atilius Philiscus : 258, 260 n. 478. C. Atrius C. f. Vot(uria) : 281. ATTICUS : 234, 237-239, 244, 255-258, 331, 336, 337 n. 181, 343 n. 257, 344 n. 257 et n. 265, 345, 348 n. 311, 361 n. 8 et n. 9. ATTICA : 250, 259. L Attienili DA. Tertius : 201 n. 321. T. Attius DA. Aiictiis : Vili n. 9. C. Attius Philocalus : 209 n. 374. Attia Labeonis l. Moscis : 209 n. 374. Sex Audienus CI. : 63. Aulus Audiiis Trupho : 94. C. Aveius P.f. Quirina : 180 n. 1 10. P. Aveius Api. : 180 n. 110. A. Aufidius : 175 n. 99. L Aufidius D.I. : 102. T. AUFIDIUS: 351 n. 331. L Aufidius CI. Dorot(eus) Minor : 107. M. AUFIDIUS LURCO : 351. P. AUFIDIUS NAMUSA: XIV n. 57. CN. AUFIDIUS ORESTES: 304, 311 η. 81. Aufidia [ ] Apamia : 175 n. 99. Aufidia Li. Secunda : 102. AUGUSTE: IX, 22-3, 35, 47, 50, 133, 186, 201, 210, 215, 223, 224, 235 n. 180, 237 n. 206, 252, 254 n. 403, 258 n. 452, 280 n. 80, 290, 314 n. 103, 315, 336, 354, 355, 356 n. 401, 361. Avianii : 338 n. 185. C Avianius Evander (affr. de M. Aemilius Avianius) : 112. C. Avianius Hammonius (affr. de M. Aemilius Avianius) : 79 n. 86, 112, 113 n. 184, 227 n. 93, 228, 229, 233, 235, 246, 332, 333,348 η. 311,349 η. 321. C. Avianius Philoxenus (affr. du même? ou de CICERON?): 112. Avillius: 231. LL Avillii P.l. Irenaeus, Olimpius: 113 n. 181. M' Avonius M'.f. Hor(atia) : 180 n. 109. M' Avonius MA. Alexander: 180 η. 109. M' Avonius M'A. Menander: 180 η. 109. D. Aurelius D.I. Stella(tina) : 102. L. AURELIUS COTTA: 100 n. 54, 192 n. 219. [Au]relius Li. lH]ermia : 190-191. M. Aurelius Cottae Maximi l. Zosimus: 117 n. 212. L Aurelius Cottae l. Philostratus : 117 η. 212. Aurelius Opilius : 338. 356 n. 399. Aurelia Li Philemauu: 1 90- 191. P. Barbatius MA. : 102, 345.
Barbii : 165 n. 8, 348-9. T. Barbius Ti. f. : 340. L Barbius LI. Anchialus: 348 n. 315. L Barbius LI. Eu [....]: 340. L Barbius LI. Eup (?) : 340. L Barbius Li P(h)ilocles : 348 n. 315. L Barbius Li. Philotaerus: 349 n. 315. T. Barbius Q.P.l. Tiber(tinus) : 349 n. 315. Bardyei: 198 n. 272, 333 n. 140. C< )CA. Bargates: 113 n. 182. Bargath(es) Dosi MA. : 104, 117 n. 213. Bathyllus (affr. de MÉCÈNE) : 259. Bellus (affr. de P. CORNELIUS SYLLA FAUSTUS) : 105 n. 100, 335. [Bl]aesius Ci. : 188, 293 n. 97. Blaesia A.I. : 188. Blossii (de Caperne) : 49, 51, 121. Bo[vi]ana DA. Philocares : 209 n. 374. Brinnius : 123 n. 3. M. Britius MA. Philarus : 204 n. 332. M. Britius Spuri F : 176 η. 100, 204 η. 332. Brina Lais: 176 η. 100, 203 η. 332. C. Brutus CA. . . : 175 η. 100. C. Bnit[us] Cl. Speratus : 175 n. 100. Q. Brutius P.f. Quirin(a) : 243. Brutia Q.I. Rufa : 193 n. 222, 243. Q. Caecilius CN.A.Q. Flamini leibertus : 112 n. 180, 117 n. 213. A. Caecilius Castor : 346. O. Caecilius Epirota (affr. d'ATTICUS): 112, 169, 259, 330 n. 106, 356 n. 399. T. Caecilius Eulychides (affr. d'ATTICUS): 110, 112. Q. Caecilius Caeciliae Crossi l. Hilarus: 112 n. 174, 118 n. 214. Caecilius Cl. Isidorus (affr. des CAECILI METELLI ?) : 140, 154, 279, 314 n. 102, 315 n. 106. Q. CAECILIUS METELLUS CRETICUS : 256 n. 20, 278. L. CAECILIUS NIGER: 180 n. 112. A Caecili(us) Al Olipor : 105, 137 n. 4. A. Caecilius Ai. Pal(atina) Rufus : 137 n. 4. Caecilius Trypho : 104 n. 92. L Caecilius A.l. Zephuru[s A]gathocle[s ] : 181 n. 112, 208 n. 362. Caecilia A. et Cn. I. Asia : 176 n. 100. Caecilia duarum Scriboniarum l. Eleutheris : 112 n. 174. A, CAECINA : 279. M. Caedicius MA. Eros : 339 n. 200, 340. P. CaeleidUus] P.l. Apo[. . .] : 113 n. 182. Caelius Cl. Eros : 346. M. Caelius MA. Phileros : 279 n. 74, 352. CAELIUS RUFUS : 74 n. 80, 123 n. 3, 279 n. 74, 336, 352. CAESENNIA (épouse de A. CAECINA) : 279. L Caesius Q.I. Ter(etina) : 175 n. 100, 201 n. 322, 206, 213 n. 412. L Caesius Ll. Licinus : 146. Caesia Muscis : 175 n. 100, 201 n. 322, 206, 213 n. 412. Q. Calidius Q.I. Parnacis : 202 n. 326. Calidia Q.f. Posilla : 202 n. 326. Callias (affr. de M. ANTONIUS) : 223 n. 56, 231 n. 140. Callisthenes (affr. de LUCULLUS) : 255. Caltiliius) Caltiiliae) /. : 113 n. 183.
INDICES A Calvins Q.I. : 102. Campia Ll. Cassandra : 160, 192. L Caninius Labeo: 194 n. 234. L. CANULEIUS: 21, 344 n. 257. C. Cartilius Ci. : 100 n. 58. C. Carvilius Mi : 89 n. 200, 340. SP. CARVILIUS MAXIMUS : 84, 294 n. 98. Q.CASSIUS:5 1,333 n. 128. C. Cassius Ci. Coll(ina) : 137 n. 5. C. Cassius Ql Apollonius : 137 η. 5, 180 η. 168. DION CASSIUS : XIII. Cassia Cl Epicarpia : 180 n. 108. A. CASTRICIUS : 294 n. 98. P. Catienus Philotimus : 230, 249 n. 355, 279-280. CATILINA:58, 333 n. 140. CATON L'ANCIEN: 24 n. 188, 45, 48, 181-2, 210, 257. CATON (LE JEUNE) : 37-38. CATON D'UTIQUE : 50, 75, 354. C. Causinius Scolae l. Spinther: 117 n. 212, 159-160, 192. C. Cautius Cl Philades : 312 n. 89. Ceii : 347. L Ceius Ll. Serapio : 347. CÉSAR: IX, XI-XII : 17, 47, 50, 53, 149, 168-169, 173, 210, 213, 222, 224, 232, 250, 255, 257, 258 n. 452, 266, 330, 331, 332, 333 n. 140, 336, 343 n. 257, 353, 354, 356. Chelido : 260. Chrysippus (affr. de CICÉRON) : XII, 21, 38, 54, 55, 77, 105 n. 100, 221 n. 37, 231, 239, 250, 252, 320-1, 322, 324, 330. CICÉRON: XII, 16, 18, 44, 45, 49, 54, 71, 76, 79, 104-105, 110, 111, 113, 123, 139, 141, 164, 165, 221, 222, 223 n. 3, 224-264, 267 n. 2, 279, 280, 294, 295, 296, 313, 314, 315, 319, 320, 322, 324, 327, 328, 330, 331, 333, 334, 335, 337, 343, 344, 345, 348, 350, 352, 355, 357, 360, 361. CICÉRON JUNIOR: 270, 315 n. 106, 320, 324 n. 54, 330 n. 106. QUINTUS CICÉRON: 21, 230, 237 n. 207, 252, 256, 257, 332, 334, 352, 355. Cilix (affr. d'APPIUS CLAUDIUS): 105 n. 100. M. CINCIUS ALIMENTUS : 286, 292. CINNA: 135-136. L Cispi[us L. Barbii et P.] Cispi l. : 112-113 n. 180. C. Cispius Cl Pera : 120 n. 228. L Cispi[us L. Barbii et P.] Cispi l. Sua[drus] : 117 n. 213. Cispia Barb[i e]t Cispi /. : 113 n. 180. Cispia Barb[i e]t Cispi l. Exa ? : 117 n. 213. CLAUDE I: 125 n. 1. CLAUDII: 306-307, 312. APPIUS CLAUDIUS (CAECUS) : 8, 9, 52 n. 95, 80 n. 93, 135, 136, 222. APPIUS CLAUDIUS (PULCHER) : 100 n. 157, 110, 333 n. 128, 336. CLAUDIUS ETRUSCUS : 124. CLAUDIA: 43-44, 74, 224 n. 66. CLAUDII MARCELLI: 306-307, 312. M. CLAUDIUS MARCELLUS : 149, 336 n. 168. Cléanthes (médecin de CATON d'Utique) : 355. CLÉOPATRE d'Egypte : 258 n. 452, 313. Cleophantes (médecin d'Habitus) : 355. P. CLODIUS (PULCHER): 57, 74, 100 n. 57, 117 n. 212, 135136. 160, 192, 229, 256 n. 429, 260 n. 481 et 484, 313, 340, 335, 361.
401 A. Clodius Ai. Col(lina) : 148 n. 131. N. Clodius NI : 102. Sex. Clodius (ou Cloelius) : 149. P. Clodius Appi l. : 114 n. 187. L Clodius Ll. Argentillus : 201 n. 323. P. Clodius P. et Clodiae P. Bromius: 113 n. 180. P. Clodius Eros : 110. P. Clodius Pulchri l. Felix: 114 n. 187, 117 n. 212. Hermogenes Clodius : 104 n. 92. A Clodius Metrodorus : 145. P. Clodius Appi l. Philargurus : 118 n. 214, 120. Philetaerus Clodius : 228. Clodius Stertius : 145. Clodia PI : 175 n. 100. Clodia LDI Hilara : 201 n. 323. Clodia D.I. Philotaera : 201 n. 323. Clodia N.l. Stacte : 102. A. Cluentius Habitus : 355. Quarta Confleia Ml : 196 n. 255. L. COCCEIUS (NERVA?) : 332 n. 122. Q. CONSIDIUS GALLUS : 352. Q. Considius Q.I. Eros : 352. Corneliani (affr. de SYLLA) : 198, 333 n. 140. C.CORNELIUS: 135-136. P. Cornelius (affr. de P. SYLLA, ou de CICÉRON?): 112, 113 n. 183, 335. L Cornelius Merul(lae) l. Antioc[hus] : 138 n. 35. M. Cornelius Ml Apollonius : 353. L. CORNELIUS BALBUS : 344 n. 257. P. Cornelius Chrysogonus (affr. de SYLLA) : 105 n. 100, 107, 110 n. 155, 114 n. 191, 138, 198, 221 n. 31, 222 n. 45, 239, 240, 253 n. 385, 253-254, 264, 295, 296, 314 n. 104, 352 n. 344. Cornelius Epicadus (affr. de SYLLA) : XI n. 22, 231, 329, 353 n. 363, 356 n. 403 et 404. P. Cornelius P.l. Gaipor: 105. C. CORNELIUS GALLUS: 185 n. 144, 259, 354, 356 n. 400. COSSUS CORNELIUS LENTULUS: 110 n. 151. L. CORNELIUS LENTULUS : 35 n. 257. M. Cornelius] Q.I. Macedo : 353. CN. CORNELIUS MARCELLINUS: 151 n. 163. [P. Cornelius P.I. Sums: 198 n. 281, 353. CORNELIA: 116 n. 208, 211. CORNIFICIUS : 352 n. 343. TIBERIUS CORUNCANIUS: 281 n. 86. Coruncania Ql Creste : 113, 182. L Cossinius Anchialus: 79 n. 86, 110 n. 155, 113 n. 184, 229, 234,236,249,333,348 η. 311. Cossutii : 338 n. 185. C. Cossudus Cl. Gentdos): 120-121. L Crassitius Pasicles, Pansa : 107, 338, 356 n. 399. M. Curius : 235, 244. C. Curtius Post(umi) l. Helenus : 1 12. C. Curtius Mithres (affr. de CURTIUS POSTUMUS) : 138, 139, 227 n. 93, 228, 229, 234, 249, 294. Curtius Nicias (affr. de CURTIUS POSTUMUS ?) : 169, 356 n. 400. Damio (affr. de P. CLODIUS) : 335. P. DECIUS: 135-6. Quarta Decia Ll: 180 n. 109.
402 Demetrius (affr. de CÉSAR) : 230 η. 127. Demetrius M. Pandusae I. : 104 η. 96. Demochares/Papias (affr. de SEX. POMPÉE) : 107 η. 123, 230 η. 131, 329. Demostratus (affr. de Cn. Otacilius Naso): 104 η. 100, 349 η. 320. Denys d'Halicarnasse : 16. DENYS de Syracuse : 51 n. 85. Derceteus (affr. de M. ANTONIUS) : 232 η. 147. Diodes Tyrannio (affr. de TERENTIA) : 291. Diochares (affr. de CÉSAR) : 336 n. 168. Diodotus (affr. de LUCULLUS) : 105 n. 100. Diogenes (esci, de Cléophantes) : 335. Diognetus (esci, de VERRES) : 274. Diphilus (esci, de CRASSUS) : 257. Diphilus (affr. ? architecte) : 355. DOLABELLA: 257, 344 n. 265. DOMITIEN:354n. 403. L. DOMITIUS AMENOBARBUS : 100 n. 57, 258 n. 452, 333 n. 140. L Domitius Ahenob(arbi) l. Papus: 117 n. 212, 118 n. 216. Domitia Papei l. Arche : 118 n. 216. [. . .] Ml Epictesds) : 204-5. L· Epidius L.M.I. Philodamus : 90-94. L. EQUITIUS POPILIUS: 108 n. 131. Eros (affr. de M. ANTONIUS) : 149. Eros (esci, ou addr. d'ATTICUS) : 335 η. 154, 343. Eros (esci, de Philotime) : 335 n. 155, 344 n. 257. Eros (esci, de Q. ROSCIUS) : 354 n. 383. Q. < )Q1 Eros: 113 n. 182. Eucharis Liciniae l. : 198. Eutychides (affr. d'Atticus) : 105 n. 100, 234, 241 n. 262, 336 η. 166,348 η. 311. Q. FABIUS : 135-6. Q. FABIUS MAXIMUS : 204. Q. FABIUS MAXIMUS SERVILLIANUS : 75, 218 η. 7, 224 η. 66. A Fabius Al. Philargyrus : 116 η. 202. FADIUS GALLUS : 257. Fannius Saturninus : 169 n. 41, 210 n. 389. Faust us N.N. Grani: 212 n. 410. Fecennia Hispala: XII, 107 n. 117, 132, 133, 139, 165 n. 14, 171, 173, 185-6, 187, 190, 197, 284, 286, 291-2, 305, 354. Festus : XIII. L. FLACCUS : 221 n. 32, 329, 351. FLAMINII : 348 n. 309. CN. FLAVIUS: 353. Sex. Flavii : 152. CM. FUFII : 343. M. Fulcinius: 111 n. 159, 279. C. Fulmonius Cl Metrophanes Deives : 107. FULVIUS (?) : 138, 181 n. 113, 211, 214, 231 n. 143. M. FULVIUS NOBILIOR : 135-6. FULVIA (épouse de M. ANTOINE) : 313. P. FURIUS: 108 n. 131, 180 n. 112. P. Furius PL : 153. Furia Cl. : 153. C. Furius Chresimus : 146. Gabinii (de Calés) : 338 n. 185. A Gabinius Antiochus (affr. d'A. GABINIUS) : 352.
INDICES Retus Gabinio(s) C.S. : 339 n. 205. Serviois) Gabinio{s) T.S. : 339 n. 205. A. Gargilius T.f. : 347. C. Gavius Cl. Dardanus : 202-203. C. Gavius Spu. f. Rufus : 176 n. 102, 202-203. C. Gavius Cl. Salvius : 202-203. Gavia CCI. Asia : 202-203. Geganius Clesippus: 100 n. 57, 104 n. 91, 115-116 n. 202, 150, 168 n. 35, 169 n. 45, 173, 280, 353 n. 361. Aulu Gelle : XIII. L GELLIUS POPLICOLA: 184, 311. M. GELLIUS: 164, 180 n. 112. Cn. Geminius Cm./. Apollonius: 144-145. Cn. Geminius Cn.l. Aeschinus: 144-145. Gehucius : 304. Germanus Indutilli l. : 64 n. 200. P. Gessius P.f. Rom(ilia) : 175 n. 99, 205-206, 312 n. 89. Gessius PI Primus: 175 n. 99, 312 n. 89. Gessia Pi Fausta: 175 n. 99, 312 n. 89. A Granius : 353. O. Granius : 338 n. 185, 353. N. Granius Artemo : 212 n. 410. A Granius Ml Stabilio : 158, 262 n. 491. P. Granius : 231 n. 140, 348 n. 311. HANNIBAL: 51 n. 88, 62. Q. HATERIUS : 213 n. 414. Hector (affr. de LUCULLUS) : 253. Hedone M. Crossi anelila : 62 η. 183. Helenus (affr. d'OCTAVIEN) : 256 n. 431. HELVIUS MANCIA: 108 n. 131, 180 n. 112. Hermia (affr. de Q. CICÉRON) : 243. Hermidia Ll. Clara : 146. Hilarus (affr. de CICÉRON): 104 n. 100, 105 n. 100, n. 250, 257, 343, 361 n. 9. Hipparchus (affr. de M. ANTONIUS) : 175 n. 98, 231 n. 232 n. 144, 253-254, 255, 256 n. 431, 294 n. 104. HORACE: XI, 107 n. 117, 108 n. 131, 124, 125 n. 1, 154, n. 235, 161, 181 n. 112, 192 n. 212, 200, 208, 210, 281, n. 106, 353, 362. Q. Hordonius Sp.f. Col(lina) : 137 n. 6, 176 n. 100. Q. Hordonius Q.I. Calamitu(s) : 176 n. 100. Q. Hordonius Ql Cerdo : 176 n. 100. HORTENSIUS : 255 n. 416. Iulius Marathus (affr. d'AUGUSTE) : 231 n. 139. IULIUS RUFIO : 180 n. 112, 213, 259. C Iulius Caesaris l. Salvius : 117 n. 212, 352 n. 351, 353. C. Iun(ius) Ali(bertus) : 114 n. 193. O. Iunius Cn. l. : 102. D. IUNIUS BRUTUS: 7 n. 20, 150 n. 151, 336, 343. M. Iunius Eros (affr. M. IUNIUS IUNCUS MAIOR) : 340. M. Iunius Pudens : 340. LABERIUS : 230 n. 128. LABIENUS: 127 n. 14, 228 n. 110, 333 n. 140. Laelia D.I. Lampyr(is): 118 n. 214. Laelia D.I. Philete: 118 n. 214. M. Laetilius : 347. M. Laetilius Ml : 347. C. Laetilius M.f. A[. . .] : 347. C. Lanius Cf. Ani(ensis) : 175 n. 99. C. Lanius Cl. Eros : 175 n. 99.
149,
240 140, 158 315
INDICES P. Larcius P.f. Brocchus : 168 n. 32, 180 n. 108. P. Larcius P.l. Neicia : 180 n. 108. L. Larcius P.f. Rufus : 180 n. 108. Larda P.C.I. Horea : 168 n. 32, 198, 199 n. 294. C. LICINIUS : 52 n. 95. Licinius (affr. de l'épouse de C. GRACCHUS) : 113 η. 183. C. Licinius DA. : 188-189. Licinia Cl. : 188-189. L Licinius Luculli I. Ap(h)rodisius : 117 η. 212. L Licinius LA. Artema : 118 n. 216. L Licinius L.l. Auctus: 118 n. 216. P. Licinius PI Demetrius : 145, 146 n. 108. L. LICINIUS LUCULLUS: 111, 138. C. LICINIUS SACERDOS : 311. P. LICINIUS STOLO : 353. L Licinius Tyrannio (affr. de L. MURENA) : 356 n. 404. Licinia Li. Athenais : 118 η. 216. Licinia Li. Prima: 118 η. 216. Licinus (affr. de CÉSAR) : 138, 154, 254, 296, 330 η. 107. L Livineius Trypho (affr. de L. REGULUS) : 110 n. 155, 113 n. 184, 228 n. 108, 230, 233, 246. LIVIE: 141, 160 n. 256,336. P. Livius P.l. : 293 n. 97. L Livius Andronius (affr. de L. LIVIUS SALINATOR) : 337. M. LIVIUS DRUSUS : 21, 77, 138 n. 6, 320, 321, 322, 359, 360. LIVIA DRUSILLA : 100 n. 57. Livia L.l. Flora : 201 n. 323. Leivia Drusillae I. Galatea: 117 n. 212. Livia A D.I. Haline : 201 n. 323. P. Longidienus P.f. Cam(ilia) : 100 n. 58, 143-144, 147, 190, 338 n. 185, 339, 340 n. 229. Longidiena Stactis : 144. T. Luscius Corombus : 148. T. Luscius TA. Parnaces : 148. Luscia TA. Montana : VIII n. 9, 148, 243. Q. LUTATIUS CATULUS : 342 n. 245. Lutatius Daphnis (affr. de Q. LUTATIUS CATULUS) : 198 n. 280, 231 n. 136. L Lutatius Ll. Paccius : 116 n. 202, 342. Macrobe : XIII. C. Maecius T.Pid. : 156. D. Maicius Ll. : 346 n. 285. L Maecius QA. : 139. N. Maecius Ll. : 346 n. 285. P. Maecius Ll. : 139, 346 n. 285. Ti. Maicius L.l. : 346 n. 285. P. MAENIUS: 169, 210 n. 389, 222, 224. Magilii (de Caere) : 152, 161 n. 259. Mallius Glaucia (client de T. ROSCIUS) : 333 n. 128. C. MANILIUS: 135-136. T. Manlius Stephanus : 145. Manlia Hilara : 145. Manlia TA. Gnome : 264. Manus (esci, des Calavii de Capoue): 49, 121 n. 230. Marathus (esci, de Tibulle) : 259. C. Marci(us) Cl. Alex(ander, -io, -is) : 86. L. MARCIUS PHILIPPUS : 14. Marcius Sotericus : 104 n. 92, 138. Mario (esci, ou affr. de CICÉRON) : 244, 336 n. 167. C. MARIUS: 50 n. 80, 138, 198, 231 n. 136.
403
Marita] DA. Glucera : 202 n. 326. C. MAECENAS : 22, 23 n. 180, 160 n. 256, 161, 210 n. 383, 237 n. 206, 253, 254 n. 405, 291 n. 77, 356 n. 401. C. Melissus (affr. de MÉCÈNE) : 22, 253, 337. C. MEMMIUS: 169. Menander (esci, de CICÉRON ?) : 244. Menas/ Menodorus (affr. de POMPÉE) : 107, 198 n. 270, 223 n. 56, 232 n. 144 et 147, 253, 255, 256 n. 431, 329. Menecrates (affr. de POMPÉE) : 198 n. 270, 253 n. 412, 329. Metrobius (serviteur de SYLLA) : 258. Metrophanes (affr. de POMPÉE) : 257 n. 452. Metrophanes (esci, de Lucilius) : 334 n. 148. MILON: 74, 149, 229, 231, 233, 333 n. 140, 344. (Q. Minucius) Q. Thermi l. : 118 n. 216. L MINUCIUS BASILICUS : 164 n. 6. Q. MINUCIUS THERMUS: 100 n. 57, 102 n. 76, 117 n. 213. POLLA MINUCIA (fille du précédent) : 118 n. 214, 151. (Minucia) Q.I. Myrtale: 118 n. 216. MITHRIDATE (Roi du Pont) : 100 n. 57, 342. Q. Modius L.f. Qui(rina) : 155. Q. MUCIUS SCAEVOLA : XIII, XIV, 24, 26, 27, 28, 32, 33, 79, 80, 286, 299, 330, 359. O. Mucius QA. Trupho : 87. C. MUNATIUS : 230. Mystes (serviteur de G. VALGIUS RUFUS) : 258. Sex. Naevius (fils d'affranchi?) : 108 n. 131, 180 n. 112. Naevius Anus (?) : 304. P. Naevi(us) P.l. Apoll{inaris) : 180 n. 108. C. Naevi(us) Cl. Barna(eus) : 341. P. Naevi(us) P.f. Castor: 180 n. 108. C. Naeviius) Cl. Dama : 113 n. 182. C. Naeviius) Cl. Demetrius: 113 n. 182. Naevia P.l. Dioclea : 180 n. 108. Naevia Ll. Secunda : 107. Naevius Surdinus : 304. P. Naevius Turpio (decumanus en Sicile) : 347. Narcisse (affr. impérial) : 314 n. 102. Nicias (affr. de FADIUS GALLUS) : 333 n. 128. Nicias (intendant de PTOLÉMÉE de CHYPRE) : 50. Nicopolis Var(ae) l. : 104. L Nostius Zoilus : 236, 252, 279, 333, 348 n. 311. L Nonius Li. Pap(iria) : 151, 332 n. 122. Novia D.I. Delpis: 180 n. 111. Numenius (affr. ?) : 204-205. Numitorii : 155. A Numitorius Cl : 110 n. 154. C. Numitorius Al. : 110 n. 154. C. Numitorius Asclepiades: 191 n. 201. Nummia LA. Zosima : 191 n. 201. Numonia Ll. Megisthe : 190, 203. L. Occius L.l. Pal(atina) : 180 n. 108, 202. Occius LI. Aristo : 180 n. 108, 202. Occia Ll. Agathea : 180 n. 108, 202. OCTAVIEN: 50, 51 n. 94, 66, 117 n. 211, 141, 232, 258 n. 452, 291, 330, 355, 361. D. Octavi(us) Di. Col(lina) : 180 n. 108. L Octavius Luci Liguris Epaphrodites : 117 n. 213. M. Octavius Ligus: 311. D. Octavius D.I. Modiari(us) : 114, 116, 180 n. 108.
404
INDICES
A. OFILIUS: XIV, 32, 33, 35, 70-71 η. 13, 78-79, 219, 271 η. 15. OPPII : 343 η. 257, 344, 345 η. 272. . . . lius Ρ. et Clodia(e) l. Optatus : 1 13 n. 180, 198. L. Orbilius Pupillus: 338 n. 185. LL Orbieis Ll. : 113 n. 181. L Orbius Ll. Licinus : 345-346. Orpheus (esci, de TERENTIA) : 45. Q. Ovius Cf. Frege(llanus) : 113 n. 182, 1458, 156. Q. (Ovius Q.I.) Nadiacus: 113 n. 182. Q (Ovius Q.I.) P(h)ilonicus : 113 n. 182. Paccius (esci, de CATON L'ANCIEN) : 275 η. 35. M. Paccius M.l. Philodamus : 53 η. 102. L Paconius Li. Tnip(ho)/Senex: 107, 116 n. 201. C. Pagurius C.l. Gelos : 198, 339, 341 n. 229. Pallas (affr. impérial) : 314 n. 102. [. . .] Q.I. Pamphilus : 347. Panaetius (le stoïcien) : 252, 359. Panapion: 147. Panurgus (esci, de Q. ROSCIUS) : 354 n. 383. Pausanias (affr. de CORNELIUS LENTULUS) : 105 n. 100, 352. P(é)ticia P.l. Chit(e)ris : 176 n. 100. PERSÉE (roi de Macédoine) : 49. Phaeto (affr. de CICÉRON ou de QUINTUS) : 105 n. 100, 336 n. 165. Phania (affr. d'APPIUS CLAUDIUS PULCHER) : 105 n. 100, 227-228, 235 n. 179, 246, 248, 253, 336 n. 168. Philager (affr. de METELLUS NEPOS) : 147. Philargyrus (affr. d'A. TORQUATUS) : 227, 239. Philippus (affr. de POMPÉE) : 149. Philo (esci, de CAELIUS RUFUS) : 336 n. 168. Philo (affr. de POMPÉE) : 105 n. 100. Philogenes (affr. d'ATTICUS) : 105 n. 100, 336 n. 166 et 172, 348 n. 311. Philogonus (affr. de CICÉRON? ou de QUINTUS): 336 n. 165. Philologus (affr. de Q. CICÉRON) : 232. Philopoemen (affr. de L ? VINICIUS) : 138, 230 n. 128. Philotimus (affr. de TERENTIA): 45, 105 n. 100, 112 n. 168, 115 n. 201, 138, 169 n. 41, 221 n. 37 et 38, 231-232, 235 n. 179, 256 n. 429, 294, 331, 333 n. 128, 334, 336, 337 n. 173, 343-344, 345, 351, 361 n. 9. Pilia: 351 n. 339. Pilia Li. : 102 n. 78. A Pinarius A/. Anteros : 191 n. 200. M. Pinari(us) P.l. Marpor : 105. L Pinarius L.f. Rufus : 180 n. 108. Pindams (affr. de Q. CASSIUS) : 149, 230. P. Pindius P.l. Dav(os) Calidus : 107. Plaute : XII. PLINE L'ANCIEN : XIII. Grata Plotia Cn.l. : 175 n. 99, 201 n. 322. Plotia L. et Fufiae l. Prune : 94. Plutarque : XIII. Polus (affr. d'AUGUSTE) : 168, 173, 223, 253. POMPÉE: VIII, X, 53, 111, 117 n. 213, 149, 154 n. 188, 165, 169, 232, 254, 264, 265 n. 20, 294, 295, 336, 356 n. 400. SEX. POMPÉE : 50, 100 n. 57, 223 n. 55 et 56, 254, 255, 258 n. 452, 329, 361.
Q. POMPEIUS BITHYNICUS : 100 n. 57. Pompeius Demetrius (affr. de POMPEE) : 14, 105 n. 100, 138, 140, 198, 253, 254, 256, 265 n. 20, 294, 314 n. 102, 335. Cn. Pompeius Pompeiae Cn. Magni f. lib Isochrysus : 108 η. 133, 118 η. 214. Pompeius Lenaeus (affr. de POMPEE) : XI, 139, 231, 249, 330 η. 104, 356 η. 403. Sex Pompeius Sex L.li. Philoxenes: 118 n. 215, 180 n. 109. Cn. Pompeius Cn. L Prothesilavus : 190, 203. Q. Pompeius Bithynici l. Sosus : 117 n. 212. CN. POMPEIUS STRABO : 240, 254. Pompeius Vindullus (affr. de POMPÉE) : 138, 139, 312-313, 348 η. 311. POMPEIA (fille de POMPÉE) : 100 η. 57. Pompeia Auge (affr. de Pompeius Demetrius) : 253-254, 263, 265 η. 20. Pompeia Flora (affr. de POMPÉE) : 198, 265 η. 20. M. Pomponius Dionysius (affr. d'ATTICUS) : 104 n. 92, 105 n. 100, 110, 112, 141 n. 79, 165, 255 n. 78, 227 n. 93, 233, 237, 238, 239, 240, 242, 246, 248, 250, 252, 256, 257 n. 437, 330-331, 361 n. 8 et 9. Pomponia Eleusis : 196 η. 255. PONTIUS AUFIDIANUS : 169 n. 41, 210 n. 389. P. POPILIUS : 180 n. 1 12. M. Popilli(us) M.T.l. Numus ? : 90. Porcia T.l. Rufa : 192. Protes (affr. de QUINCTIUS RANCIUS) : 117 n. 213. Cn. Publicius Alexander : 49. M. Publilius M.l. Cadius : 346. M. Publilius M.l. Satur( ): 115 n. 199, 145, 356. M. Publilius Step(h)anus : 115 n. 199, 145. Publilius Syrus: XI, 84, 113 n. 83, 114 n. 185, 198, 248, 263, 276 n. 45, 337, 356 n. 400. Pudens M. Lepidi l. : 104 n. 96, 117 n. 213. C. Rabirius Post(umi) l. HermodorusiVlll n. 9, XV n. 63, 112, 117 n. 212, 118 n. 216, 189. C. RABIRIUS POSTUMUS: 100 n. 57. Rabida Demaris : ibid. Rhamnus (affr. d'ANTOINE) : 150. M. Romanius Pi. Rom(ilia) : 312 n. 89. M. Romanius C.P.l. Diop(h)antus : 312 n. 89. C. Romilius C.l. Antiochus: 113 n. 182, 200 n. 305. C. (Romilius) Cf. Iuncus : 180 n. 108, 200 n. 305. Romilia C.l. : 102 n. 70, 180 n. 108. Q. ROSCIUS : 354 n. 383. SEX. ROSCIUS : 250, 253 n. 385. T. ROSCIUS : 333 n. 128, 352 n. 344. L Rufilius (ou Rupilius ?) Ll. [. . .]st(es ?) : 348. Rufio (ou Rufius) (affr. de C. TREBATIUS TESTA) : 227 η. 96, 243. C. Rupilius C.l. Antioc(hus) : 143. P. RUTILIUS RUFUS : 133, 134, 138 n. 50, 223, 250, 289, 296, 299, 310, 318, 321, 322, 359, 360, 361. Rutilia Pi. Fulcinia : 102 n. 78. M. Saevius Nicanor Postumius : 1 10 n. 157, 356 n. 399. SALLUSTE : XI-XII, 231, 259, 356 n. 400. Salvius (affr. de CÉSAR) : 255 η. 416. Salvius (esci, ou affr. de CICÉRON ou DOLABELLA) : 257 η. 441.
INDICES Sal(via) A.L1. : 96 η. 32. D. Saturius Li. Dama : 148 η. 131. Saturia D.I. Philoclea: 148 n. 131. L. SATURNINUS : 50. L Saufeius Ll. Al[exan]der : 339. L Sau[feius~i Eros : 339. Saufeia Al Thalea: 180 n. 108. Scaeva (assassin de L. SATURNINUS) : 50. Scamander (affr. des Fabricii) : 105 n. 100, 121, 229, 355. L Scarpus Scarpiae I. : 102, 114, 143. SCIPIONS : 139, 342. SCIPION L'AFRICAIN : 21, 83 η. 118, 252. SCIPION EMILIEN : 200, 207 n. 355, 359. Scribonius Aphrodisius : 338 n. 185. C. SCRIBONIUS CURIO : 336. SCRIBONIA (épouse d'OCTAVIEN) : 100 n. 57, 112 n. 174, 118 n. 214, 151,332 n. 122, 333. SCRIBONIA (épouse de SEX. POMPÉE) : 112 η. 174. SCRIBONIA (épouse de M. LICINIUS CRASSUS FRUGI) : 151. Scribonia D.I. Glycera: 118 n. 214. M. SEIUS : 342 n. 237. C SeiusCl: 181 n. 112. C. SeiusCi. Cilo: 181 n. 112. Seleucus (esci, de LEPTA) : 336 n. 165. A. SEMPRONIUS : 260. C. SEMPRONIUS GRACCHUS : 321. ΉΒ. SEMPRONIUS GRACCHUS (consul en 215) : 18, 21, 51, 81, 83, 88, 175 n. 99, 346 n. 293. TIB. SEMPRONIUS GRACCHUS (censeur en 169) : 135-136. Seneia Ti. Venia : 175 n. 99. C. SEPTUMIUS : 346 n. 293. P. Septimius Demetrius: 146 n. 111. Cn. Cn. Cn. Septumieis Cn. Cn. Cl Philargurus, Malchio, Phileros : 346 n. 293. [Se]q[unda] Solania Li. : 196 n. 255. L Sergius Ll. : 102 n. 78. P. Servilius Q.f. Globulus : 203 n. 332. P. SERVILIUS ISAURICUS: 100 n. 57, 110-111, 227 n. 93. SERVILIA (épouse de D. SILANUS) : 100 n. 57. Serve(ilia) Isaurici L Cleopatra: 114 n. 212. SERVIUS TULLIUS : 6. (M. Sestius) Sacco : 294 n. 98. Q. Sextili(us) Ll. : 102 n. 78. Sextilius Andrò: 139, 184 n. 141, 312. P. Sextilius Rufus : 34 n. 280. M. Sextius N.M.l. : 110 n. 154. N. Sextius Ml: 110 n. 154. T. Sextius : 192, 352. P. SITTIUS : 101 n. 59. C. Socconius Cl Olipor : 105. D. Sortes Ll. Dionisiu(s) : 143, 180 n. 109. A. Sortes D.f. Fastia: 143, 180 n. 109. L Sortes D.f. Nig(idius ?) : 143, 180 n. 109. Sositheus (esci, de CICERON) : 243. Sphaerus (affr. d'AUGUSTE) : 147. Staberius Eros : 235, 337, 356 n. 399. STATILII : 254, 340 n. 208. Statius (affr. de Q. CICERON): 21, 105 n. 100, 221, 228, 251, 253, 255-256, 334, 352. C. Statius Cl : 102 n. 70.
405 Stephanas Serviliai Silani l. : 104 n. 96, 118 n. 214. M. Stronnius Cl Meinius : 148. M. Stronnius Ml Nicio : 148. Straton (esci, de Sassia) : 253 n. 385. SUÉTONE : XIII. T. Sulpicius P.Q. Puipi) l. : 109 n. 149. T. Sulpicius Ti.: 192. Sulpicius Olympus : 311. P. SULPICIUS RUFUS : 67, 135-136. SERVIUS SULPICIUS RUFUS : XIV, 24, 26, 31, 33, 35, 41, 58, 76, 78, 79, 80, 156, 208, 218, 235 n. 179, 271, 272, 276, 298, 318, 319, 320-325, 328, 330, 336, 337 n. 172, 343, 346-347, 349, 360, 361. Sulpicia Q.I. : 198. SYLLA: IX, 50 n. 80, 120 n. 155, 135-136, 195, 218, 278, 353 n. 363, 359. SYLLA FAUSTUS: 134 n. 22. Tanais (affr. de MÉCÈNE) : 164 n. 6. Tapia Q.I. : 208 n. 368. Térence : XI, 197, 258, 261, 337. L. TERENTIUS LUCANUS : 258. M. TERENTIUS VARRÒ LUCULLUS: 311 n. 81. TERENTIA (épouse de CICERON): 45, 71, 221 n. 37 et 38, 258, 291, 331, 334, 344, 345, 351. Tertia (amie de C. VERRES) : 260. amia Spi. Tertia : 176 n. 100. Thania Caesina: 192. Theodurus (affr. de SEX. POMPÉE) : 258 n. 452. Theophilus (affr. de M. ANTOINE) : 175 n. 98. Theophilus (esci, de M. CLAUDIUS MARCELLUS?): 336 n. 168. C. T(H)ORANIUS: 108 n. 131, 181 n. 112. Thraso (affr. de C. SCRIBONIUS CURIO) : 105 n. 100, 336 n. 168. Thyrsus (affr. d'OCTAVIEN) : 223 n. 56, 231 n. 140, 256 n. 431, 257 n. 452. TIBERE : 47. Tigellius (Hermogenes ?) : XI n. 21. Timarchides (affr. de C. VERRES) : 105 n. 100, 240 n. 247, 256 n. 428, 258 n. 455, 295, 296, 333 n. 138, 334, 352. Timogenes (affr. de P. SULLA) : XI n. 22. Timotheus (affr. de PHILOTIMUS) : 115 n. 201. Tiro (affr. de CICERON): XI n. 22, XII, 105 n. 100, 112 n. 168, 122 n. 1, 139, 141, 165, 198, 228, 229, 231, 232 n. 144, 234, 236, 237, 241, 244, 245-247, 249, 250, 253, 257, 258, 261, 264 n. 15, 315, 328, 330, 335, 336, 337, 344, 356-357. ΉΤΕ LIVE : X, XII. Tityre (affr. chez VIRGILE) : XII, 66, 79 n. 89. Tossiei (de Velitrae) : 338 n. 185, 340. C. TREBATIUS TESTA: XIV, 26 n. 210, 28, 29, 30, 31, 32, 35, 79, 80, 207, 212 n. 409, 276, 279, 280, 289, 311-312, 355. L Treblanus Ll. Acastus : 175 n. 99, 201 n. 322. A. TREBONIUS : 278. P. TREBONIUS: 34 n. 280, 121 n. 233, 238, 278. Trebonii : 342. A (Trebonius) C.P.I. Alexander: 113 n. 182. M. (Trebonius) C.P.l. Macedo : 113 n. 182. M. (Trebonius) C.P.l. Malchio: 113 n. 182. D. (Trebonius) Cl Olopantus: 113 n. 182. Trimalcio (affr. chez PÉTRONE) : 110, 345, 361.
406
INDICES
Truttedia P. Amphionis I. Appia : 94. M. Tullius (affr. de CICÉRON) : 110 η. 155, 111 η. 159, 112 η. 168, 222 η. 45, 336 η. 168, 343. Q. Tulli (à Délos) : 139, 250. Q. Tullius Al. [Her]acles : 94 η. 11. Tullius Laurea (affr. de CICÉRON) : 112 n. 168. Q. Tullius Philologus (affr. de Q. CICÉRON) : 198. TULLIA (fille de CICÉRON) : 343. Eros Turious (affr. de Q. TURIUS) : 280. A Turranius A.A.I. Faustus; 157. Tyrannio (affr. de L. LICINIUS MURENA) : 250. {Valerius) Antiocu(s) : 113 n. 182. Valerius Calo : 133, 138, 356 n. 399. (Valerius) Diphilus: 113 n. 182. L. VALERIUS FLACCUS : 184 n. 141, 257 n. 447, 305, 312. Valère-Maxime : XII, XIII. M. VALERIUS MESSALA CORVINUS : 100 n. 57, 254 n. 405, 343 n. 257, 353. M. Valerius Messala(e) l. Philarg(urus) : 117 n. 212. VALERIUS POPLICOLA : 7. Q. Vaarius Ci. Nicepor Peccio ? : 107. Varia Mi : 192 n. 209. Varus : 232 n. 144. C. Vatron[ius] : 345. C [Vlatronius CI. : 345. Vecillus : 278. Vecilia D.I. Hilara : 203 n. 332. VEDIUS POLLIO : 108 n. 131. Q. Veinuleius Q.I. Apollonius : 175 η. 99. Veinuleia [?] /. Quarta : 175 n. 99. Veinuleia A.l. Scumnis : 175 n. 99. VELLEIUS PATERCULUS : XII-XIII. M. Vergilius Eurysaces : 157, 340 n. 208. C Vergilius Ci. Gent(ius) : 120 n. 228. M. Vergilius Sp.f. Rufus : 176 n. 100. Vergilia Mi Hilara : 176 n. 100. C. VERRES : 74, 235 η. 174, 249, 256 η. 428, 257, 258 η. 455, 260, 264 η. 14, 279, 295, 311, 314 η. 104, 333 η. 128 et 138, 352. M. Verrius Flaccus : 45, 265 η. 20.
C Vetdenus Cl. Philadelp(h)us : 116 n. 202. P. Vettius P.l : 153. [P. Ve]ttius P.l. : 153. L Vettius D.I. Alexander) : 204. Vettius Chrysippus (affr. de Vettius Cyrus) : 79 n. 87, 104 n. 92, 141 n. 79, 313, 343 n. 257, 338 n. 185, 355. C. Vettius D.I. Nicephorius) : 205. C. Vettius Cf. Secundus : 205. Vettia...: 153. Venia CI. Caelibe: 205. Vettia Ll. Eleutheris : 205. Vettia D.I. Hospita: 204. Vettia Lf. Polla : 205. P. Veturius : 345 n. 283. L Veturius Pi. : 345 n. 283. D. Veturius D.I. Atticus : 340. D. Veturius D.I. Diog(enes ?) : 113 n. 182, 340. D. (Veturius) D.I. Nicepor(us): 113 n. 182. P. Veturius Pi Rodo : 345, 348 n. 310. Veturia CCI. Attica : 340. Veturia D.I. Flora: 113 n. 182. Vibienus : 278. L. Vibius L.f. Tro(mentina) : 203 n. 332. L Vibius Felicio : 203 n. 332. L· Vicrius D.D.l. Priamus : 201 n. 321. Vindicius : 6, 7, 49. Virgile : XII. L· Visellius Ll : 102. L· Visellius Ll PamphiQus) : 102, 145. C. Visellius Varrò : 183 n. 128. P. Umbrenus : 347. Umnii: 241. Voltacilius Pilutus : X, 338, 356 n. 399. Volumnii (Pérouse) : 151. P. Volumnius Eutrapaelus : 185 n. 144, 354. L Volumnius Ll. Theophilus: 192. Volumnia Cytheris: 173, 185, 260 n. 481, 354. VOLUSII: 62, 118 n. 214, 160 n. 256. Voranus (affr. ? de Q. LUTATIUS CATULUS) : 240, 295 n. 118.
INDEX DES NOMS DE LIEUX
ADRIA: 161. AEGYPTUM : 60, 355. AFRICA : 192, 352. ALEXANDRIA: 346. AMITERNUM : 61-63. AMPHIPOLIS : 85. ANTEMNAE: 170 n. 51. ANTHEDON : 348 n. 309. AQUILEIA: XV, 61-63, 340, 348. ARDEA:211. ARIMINUM : 138, 156. ARPINUM : 294, 344. ASIA: 60, 253,349, 351. ATHENAE: 77, 182 n. 128, 348. BENEVENTUM : 51, 88, 196 n. 255. BONONIA: 161. BUTHROTUM : 60. CAERE: 103, 152, 161. CALATIA: 170 n. 51. CALES : 339-340. CAPENAE (LUCUS FERONIAE) : 61-64, 114 n. 191. CAMPANIA: 53, 87 η. 173, 117 η. 208, 119, 120, 157. CAPUA: XV, 49, 51, 60 η. 154, 65, 89 η. 203, 98, 103, 120-121, 145, 153, 157, 196 η. 255, 206, 208, 293, 346. CARTEIA : IX, XII, 65. CARTHAGO: 165,200. CARTHAGO NOVA: 52 η. 90, 81, 101, 263, 347. CILICIA : 352. CORINTHUS : 49, 200, 294 η. 104. CORONEA : 294 η. 98. COS: 61. CREMONA : 66. CUMAE:138. DELOS-RHENEE : XV, 52, 53, 60, 99, 108, 115 n. 201, 120, 139, 157-158, 164-165, 206 n. 348, 226 n. 81, 293, 345-346, 348. DELPHI : 60. EPHESUS: 138, 345, 348 n. 310, 351. ETRURIA:66, 151. FARÀ SABINA: 202. FIDENAE: 170 η. 51. FORUM CORNELII : 146.
GADARA : 294. GALLIA : 64 n. 200, 296, 347. HASTA REGIA : 52. LANUVIUM : 294 n. 98. LAODICEA: 138, 165 n. 10, 294 n. 98. LASCUTA : IX. LATIUM: 119, 120. LARINUM : 60, 121. LUCANIA : 157. Magdalensberg : 348-349. MANTUA : 66. MINTURNAE: 90, 101, 103, 109, 119, 120-1, 138, 293. Marais Pontins : 138. MARSI: 161. Marseillais : 77. MELOS : 346. Mentana : 203. NAXOS : 294. NORBA : 49. NARONA: 107. NEAPOLIS : XV. NORICUM : 348. OLBIA : 64 n. 200. PANORMUS : XV. Péninsule Ibérique : IX, 120. PERUSIA: 143, 151, 210 η. 379. POMPEI: XV, 101, 143, 148, 155, 156, 190, 347. PUTEOLI: 86, 139, 348 n. 311, 355. PRAENESTE : XV, 88-89, 97, 99-100, 109, 161, 339, 345. PRIENE : 345 n. 282. RAVENNA: 143-144, 190, 339. RHODAE:51. ROMA: XV, 60-64, 86-87, 89, 99, 100, 101, 102, 103, 109, 119, 120-121, 135, 137, 138, 139, 140, 141, 143, 144, 145, 146 n. Ill, 149, 151, 152 n. 167, 153, 155, 156, 159 n. 239, 161, 162-163, 166, 170, 187-188, 190-191, 194 n. 234, 202, 204, 205, 265 n. 20, 267, 294, 315, 326, 339, 340, 341, 342, 355. SAMNIUM : 157. SAMOTHRACIA: 99, 137, 348 n. 309. SASSINA : 162 n. 274. SEGISAMO : 120 n. 268.
408 SESTOS : 294. SETIA:49. SICILIA : 60, 295, 296, 347, 349. SICYON : 349. SPOLETIUM : 86. SYRACUSAE : 60. TARRACINA : 60-64. TARRACO : XV, 101, 152, 165, 349. TOLOSA : 85-86.
INDICES TREBULA MUTUESCA: 61-63, 196. TUSCULUM : 138, 145. VEII : 193 n. 242. VELITRAE : 338, 340. VENETI : 64 η. 200. VOLATERRAE: 199 η. 295. VOLSINII : 45, 169 η. 45. URSO : 17. XANTHOS : 51.
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INDEX DES NOMS DE DIVINITÉS
ANNA PERENNA: 254 η. 405. APOLLO : 60 η. 144, 64 η. 197. AEQUORNA : 293 η. 90. BONA DEA : 86-87. Bacchanales : 171, 185-6, 284 (cf. Fecennia Hispala). CASTOR : 120, 265 n. 20. CERES : 196 η. 255. CYBELE: 164 η. 6, 304. DAMIA : 196 η. 255. DI PARENTES: 210. FERONIA : 60-64, 88, 90 (cf. LUCUS FERONIAE). FIDES : 87 η. 177, 226 η. 87. FORS FORTUNA: 89, 294 η. 98, 340 η. 220, 341. FORTUNA: 88-89, 196 η. 255. FORTUNA ΙΟ VIS: 86 η. 164. FORTUNA PRIMIGENIA: 104 η. 94, 201 η. 318, 341. FORTUNA VIRILIS: 193 η. 226. HERCULES : 86 η. 164, 293 η. 97, 341 η. 227. HERCULES CELER : 86. PRIMIGENIUS : 86. HERMES : 204. Hermaistes : 346. HONOS : 87 n. 177. IOVIS LIBER : 88. ISIS CAPITOLINA: 102. IUVEIS LUVFREIS : 88.
IUNO : 61 n. 156. CAPROTINA: 194 n. 242. GAURA: 60 n. 154, 196 n. 255. LUCINA : 196 n. 255. SOSPITES : 294 n. 98. LARES : 85. LARES AUGUSTI : 347. Liberalia : 93. LIBITINA: 153. MARS : 60, 121, 349 (cf. LARINUM). Matralia : 194 n. 242. MATUTA: 194 n. 242. MENS BONA : 87. MERCURIUS: 120, 294, 344, 347. PIETAS : 87 n. 177. AUGUSTA: 251 n. 371. Saturnalia : 254 n. 405, 287. SPES : 89, 90. VEICA NORICEIA : 293 n. 90. VEIOVIS : 64 n. 197. VENUS ERYCINA : 60, 68. VERTICORDIA: 193 n. 226. Vestales: 201. VIRTUS : 87 n. 177. ZEUS ELEUTERIOS : 88.
INDEX ANALYTIQUE
accensus : 256, 319, 352, 353, 354. acceptas : 242 η. 266, 253. acteurs : 354. actio auctoritatis : 31. Calvisiana : 70, 292 n. 78, 299, 312. depositi : 272. doli : 220. pro empto : 31. Fabiana : 70, 292, 299, 312. actiones famosae : 219, 225 η. 77. actio furti : 236. iniuriarium : 220, 223 η. 58. mandati : 350 η. 333. operarum : 297, 319-322, 325, 327. Pauliana : 70. de peculio : 48 n. 52, 271. de rationibus distrahendis : 286. rei uxoriae : 44. Rutiliana : cf. RUTILIUS. Serviana : 70. servi corrupti : 48. societatis: 297, 298, 309 n. 69, 319 n. 11, 320, 322 n. 41. tutelae : 286. activités du patron et de l'affranchi identiques: 338-341, 353. addictio : 20, 54. adiiio hereditatis : 31, 277 n. 52. adrogatio liberti : 37, 126. adoptio servi : 37-39, 126. adsertor libertatis : 19, 20, 37, 79, 80. adultère : 212. aerarli : 338. agents financiers : 343-344. alumni : 141, 280, 337. amabilis : 242. amans domini : 247 η. 332, 238 η. 342. amantissumus familiae : 246 η. 317. amatori 172 η. 69, 278. amica : 164, 172-173, 175, 185. amor (erga patronum) : 234, 243, 249. ancillae : 194 n. 242, 197 (ancillula), 212 n. 410, 224, 336. anonymat : 123, 124, 332, 333, 334, 336, 343 η. 250. apothéose servile: 142 η. 84.
apparitores : -336, 352-353, 354. arbitrants (liberti) : 265, 281. arca (funéraire) : 255. argentarli : 338 η. 187, 346, 347. architecti : 338 η. 185, 355. artes liberales : 355. artisans : Vili η. 6, 199 η. 295, 338-341. atriensis : 275. auctoritas (patroni): XII, 121, 179 η. 48, 184 η. 138, 206, 211, 221-226, 223, 309, 332-335. aurifices : 104 η. 94, 339, 340. auxsilium (patroni) : 251. beneficium (= liberté) : 288, 297. beneficium competentiae : 220. benemeritus : 230. benevolens, benevolentia : 233, 234. biographies (des patrons) : XI, 231, 356-357. bona (libertorum):lX, 12, 58, 59, 69, 70, 73, 126, 161, 207, 219 η. 12, 225, 267, 269, 277, 283-299, 313, 315, 317, 319, 320, 359, 362. bonus, a : 84, 192, 233 (vir), 237-8 (vir), 240 (vir), 258. bonorum possessio dimidiae partis: 200 η. 315, 298-299, 308311,314,315,328,361. bonorum possessio contra tabulas : 306, 309, 310, 311, 314, 323 η. 46. bonorum possessio unde patronus patroni : 263. bouffon : 208. bureaucratie : 354. caelator: 112. caenacula : 133. calatores : 353 n. 363. callidi (servi) : 84. cantor(es) : 159-160. caput: 126. capitis deminutio: 11 n. 68, 14, 126, 187, 279, 307 n. 45, 308, 328. (raso) capite : 19, 20. carrières : 335. castration (d'esclaves) : 164 η. 6. castus, a : 192, 193, 235, 243, 261. célibat: 141, 164-165, 211, 216. cellae : 133, 140, 162 (funéraire). censores (cf. manumissio censu) : 93, 135, 167, 186, 224 n. 71.
INDICES centumviri : 306-307. certus : 229-230. charité : 292-293. citoyenneté : cf. manumissio insta ae légitima, tribus. clientela : 126 η. 10, 127, 278, 330-331, 332 η. 128, 356, 361. cohabitation patronus/ libérais : 131-141, 225, 315, 320, 325326, 330. cognationes serviles: 183, 208, 210 η. 380, 219. colere : 245, 249. collega : 333. collegia: 159-160, 293, 338-339, 340 (cf. synhodus). columbaria : 151, 159-160, 161 η. 260, 162. columen familiae : 334. commensalité : 254. commerce d'esclaves : 346. petit commerce : 341-342. grand commerce : cf. mercatores-negotia. communis (servus) : 41-43, 119, 276, 288, 298. comptabilité : 239, 335 (cf. dispensatores-ratiocinatores). complicité (patron/affranchi) : 75, 295-296. concordia : 291-292. conciibinatus : 102, 148 η. 131, 163, 165, 171, 172, 174, 175, 211 η. 398. condicio : cf. statuliber. conformisme : 262, 265, 362. conlibertus, a: 104, 116, 145, 152, 161, 165, 166 η. 25, 167, 168, 172, 173, 175, 180 η. 108, 184, 202, 212, 214 η. 419-420, 333-334, 346, 348 η. 311, 361. conservas, a : 173 η. 86, 255 η. 411, 276, 277, 332, 335. consortium : 41, 42, 43. contraception : 197. contubernium : 165, 175, 181, 182 η. 124, 184, 187. corruption : 255-258. courriers : 336-337. courtisanes : XII, 197, 284 n. 14. cubiculum (funéraire) : 155. culleus : 218. curatores (viarum) : 348. cursus (administratif) : 353-354. decus {patroni) : 251, 262. deditices : IX, 74, 76. defixionum tabellae: 107, 233 n. 153, 361. delicium : 116 n. 202, 212 n. 410. « demonstration effect »: 147, 158. dénonciations : 51, 232. dettes : 140-1, 271-2, 342 n. 248. deversorium : 138. dextrarum iunctio : 190, 204, 206. dignitas : 146 n. 109. diligens, -ntia : 234 n. 170, 236 n. 196, 246, 256. dispensatores : 183 n. 128, 343. dissignator : 353 n. 362. divorce: 174 n. 88, 193 n. 299, 214 n. 419. dolus : 219, 220. domesticus : 141 n. 79. domestica disciplina : 222, 224, 260 n. 485. fonctions domestiques: 141, 331-337. domicilium : 126, 134-138. dominano (liberti) : 264.
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domus (patroni) : IX, 86, 129, 183 η. 135, 250, 332, 333, 352. domus (aeterna) : 155-156. donationes, dona : 286-291. dot: 181 η. 113,211,291. esclave dotal : 42, 72, 279 n. 71. dulcis : 192. eborarii : 340. edictum de bonis libertorum : 181, 292 n. 78, 311-313, 319, 323, 361. de effusis vel deiecds : 132. de postulando : 221. de negotiis gestis : 350 n. 333-334. quibas non competit possessio : 278. Rutilianum : cf. RUTILIUS. ego : 265, 342. elogia : XV, 142, 190, 233, 262, 265. enrôlement d'esclaves dans l'armée: 51 (cf. volones). enrôlement d'affranchis dans l'armée : 52, 197, 200. ercto non cito : 41. Etat (service de Γ) : X, 164, 347, 352, 354. eunuques : 164. exceptae personae : 286-291. exceptiones : 220. exceptio onerandae libertatis : 274. exceptio quod metus causa;. 220 n. 16. exemptae (personae) : 219. exposition (d'enfants) : 180 n. 161. exsequiae : 148. evergètes : 293. fabri navales : 339. fabrei tign(ariei) : 202, 203. facilis (natura) : 234. fama (liberti) : 192 (bona), 238 (bona), 262, 281 η. 82. (patroni) : 220 η. 21, 225. famel : 332 η. 123. familia (servile): XI, 7, 117 n. 213, 118 n. 214, 127, 131, 132133, 142. 147, 151, 160, 162, 167, 168, 169-170, 172 n. 70, 239, 252, 255, 261, 282, 288, 332, 333, 334, 335, 336, 337, 340, 342, 349, 350 n. 330, 359, 361. familiam habere : 309 n. 66. Familia Caesaris : X, 118 n. 216, 233 n. 149, 264, 273, 336, 353, 354. familiae emptor : 23. familiaris : 332 (res), 333 η. 128, 352. famulus : 332 η. 123. faveur patronale : 252-261, 362. favor libertatis: 26, 69-81, 88. fertilité (des affranchies) : 196, 201. festuca : 20, 22 n. 175, 222. fideicommis : 34-36, 43, 80. fidelis : 227. fidelitas : 227, 228, 229. fides : 126 n. 10, 127, 149-150, 224, 226, 232, 247, 250, 252, 253, 258, 262 n. 471, 322 n. 38 et 40, 337, 352, 359, 361. fidus : 192-227. filius/libertus : 236, 251. filius (ver us) : 311. fils (filles d'affranchis): 108 n. 130 et 131, 118 n. 215, 134 n. 22, 158 n. 235, 175 n. 98, 176-181, 184 n. 139, 191 n. 202, 196, 200, 207, 213, 302, 303, 312, 353, 362 (cf. aussi libertinus filius, HORACE, liberi).
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INDICES
foeniis nauticum : 346. frater: 102 n. 70, 184. fraus : 69, 74, 219, 277, 291 n. 76, 312. fnictus : 212 n. 410. frugi: 192 n. 212, 195, 210, 233, 235, 236, 237, 251. frumentationes : 53, 199 n. 295. frumentarius : 345. fuga : 92. fallo : 338. fundûs : 154. funérailles (patroni) : 23-24, 148-150 (cf. exsequiaè). furiosus : 239. furtum : 75, 131, 225. Gaia (=D): 116. garum : 347. genitor, genitrix : 175 n. 99, 209. gens (patroni) : X n. 20, 151, 152, 166, 168, 180 n. 108, 181, 187, 214, 253, 269-270, 293, 294, 306, 307, 312, 346, 349 n. 316. gentis enuptio : 187. gentiles: 120, 121, 151 n. 160, 187, 306, 307. glutinatores : 340. gnatus, a : 177, 179, 196. grammatici : 133, 138, 323, 338. gratia (grams) : 240, 241, 242, 253, 255. gratiosus : 253. gratuita libertas : 273. graveur (monnaie) : 353. gravitas : 189. habitatio gratuita : 132-133. hereditas (liberti) : 200, 292-293, 301-315. hères (libertus) : 159, 278-281. hères extraneus (liberti) : 302-303, 306, 308, 310 n. 72, 311. hères extraneus (patroni) : 305, 328-329. hères necessarius (libertus) : 147, 277-278, 279 n. 72, 281, 282. homosexualité : 245 n. 300, 258-261. honestus:238, 262, 278. causes d'honneur: 212, 225. honor (-s liberti) : 252-253, 262. honor (patroni) : 224, 225 η. 79, 226 η. 81, 250, 297, 318-319. humanitas : 234. ignobilitas : 185 η. 153. ignominiosa libertà: 195 η. 243, 211 η. 398. Imperium (domini, domesticum, erilé) : 126, 221, 222, 247. improbus : 236 n. 196, 239. impudicitia : 213 n. 414, 260. impurus : 240. inceste: 210 η. 380. incola : 134. inertia : 254 η. 404. infamie : 277. infanticide : 199 η. 296. Ingenium : 228 η. 1 10, 263, 264. ingratus libertus : 77, 223, 241, 242, 286, 308. insepulti: 153-154. insulae : 142, 162. insularii: 140. intellectuels : Χ, 337, 356-357 (cf. architecti, artes liberales, grammatici, paedagogi, rhetores . .). interdictum quod vi aut clam : 220 η. 16. interdictum unde vi : 220 n. 16.
intestatus (libertus): 70, 207, 213, 267, 269, 302, 305-306, 308, 310. iterano (manumissionis) : 11, 18. iucunda : 192, 209 n. 375. indicium calumniae : 220, 223 n. 60. indicium operarum : 320. in iure cessio : 267. ius adcrescendi : 43. ius commercii : 65, 267. ius conubii : 175. ius gentilatis : 307. ius 3 liberorum : 310 n. 73. ius 4 liberorum : 285, 313-314. ius patronat us : 279, 309, 315, 320, 360. ius respondendi : X. ins stirpis : 307. ius vitae necisque : 222, 224, 225. iusiurandum calumnia : 220 n. 54, 267, 285 n. 27, 288, 320-331, 360. iusiurandum liberti: 13, 54, 267, 285 n. 27, 288, 320-321, 360. iussum (-us domini) : 10, 11-12, 13, 27, 77, 278, 352, 360. iustae causae manumissionis: 183-184, 199, 314, 350. iustae nuptiae: 180, 181, 186. iustum matrimonium : 174 n. 94, 214, 215. labor: 319. lanificius : 339. lanii : 341-342. Latini (sodi) : 16, 20, 22, 67, 301. laudes : 252. lauti/ lautior es : 334. lauQni: 66, 115. legs patronal: 27, 139-140, 170 η. 48, 273, 274, 275, 276, 281-282. leno : 48, 168, 184 η. 139, 187 η. 170, 260 η. 481, 273 η. 24, 275, 278. lettres (de recommandation): 113, 114, 230, 279, 343, 349, 352. législation augustéenne : 55, 58, 59, 71, 74, 91, 164, 171, 313, 314, 362. Lex Aebutia : 56. Lex Aelia Sentia : 57, 58, 65, 69 n. 2, 70 n. 9, 72-74, 76, 77, 78, 91, 164, 169 n. 46, 171 n. 61, 183, 184, 199, 201, 208, 211, 277, 284, 314 n. 97, 324, 325, 350. Lex Aquilia : 75, 183 n. 130. Lex Atilia (de tutore dando) : IX η. 12, 185 η. 151, 284, 285, 286 η. 34. Lex Cincia (de donis et muneribus) : IX n. 12, 6, 33, 222 n. 44, 283, 286-291. Lex Claudia : 16. Lex Cornelia (de proscriptione) : 278-279. Lex Cornelia (de XX quaestoribus) : 275. Lex Cornelia (de sicariis) : 218, 223 n. 61. Les XII Tabularum: IX, XII, XV, 6, 9 n. 44, 23 n. 181, 33 et η. 268, 78, 79, 131, 197, 200 η. 309, 207, 267-268, 275, 283, 284, 285-286, 290, 291-292, 302-303, 304, 305-310, 313, 327 η. 81, 333 η. 128, 359. Lex Fabia (de plagiis) : 13, 25, 76. Lex Falcidia : 40. Lex Furia Caninia: 22 η. 169, 25, 33, 34, 58, 78, 164, 199 η. 295. Lex Furia (testamentaria) : IX η. 12, 33.
INDICES Lex lidia (de adulteriis) : 75, 212, 221. Lex lidia (de maritandis ο.): 164, 185, 186, 187 η. 170, 195 η. 243, 200, 211, 284 η. 4, 285, 313, 338. Lex lidia (municipalis) : Χ, 93, 132. Lex lidia (de tutela) : 284, 285 n. 34. Lex lidia (de vi) : 220, 263. Lex lidia et Papia : 44, 200, 220 n. 25, 288, 289, 313, 314. Lex lunia : 55, 57, 58, 59, 65, 66, 78, 91, 267 n. 3, 301 n. 1, 360. Lex Minicia : 174 η. 93. Lex Papia Poppea: 185, 186, 195 n. 243, 200 n. 315, 285, 305, 308, 310 n. 73, 313. Lex Pompeia (de parricidiis) : 218. Lex Salpensana : 47 n. 45. Lex Terentia : 125 n. 1. Lex Titia (de tutela) : 284. Lex Ursonensis : 44, 47, 200, 220, 284 n. 10. Lex Voconia : 33. liber/ libertus: 119 n. 118, 126, 219 n. 15. liberi bona fide servientes : 22, 287, 288. liberi (naturales) : 302 η. 12, 313, 314. liberi (patroni) : Vili, 219 n. 12, 267, 279-280, 283, 284, 285, 286, 290, 292, 298, 305, 310, 311, 313, 321, 324, 331, 361. liberi (d'affranchis) : 195, 200 η. 304, 202-207, 210, 309. in liberiate morari: 12. libertatis causa imposita : 288, 309, 310. libertinus, i: Vili, 11, 29, 115 (λφερτϊνος), 125, 138 (homo), 139 (homo), 200, 215, 233, 263, 265, 279, 303, 315, 319 (personae). libertinus filius : 29 n. 230, 80, 203-207, 261, 311-312. libertino patre natus : 125, 210 n. 383. libertus, a : Vili, 118, 131, 132, 134, 135, 138, 226, 227. (dans la nomenclature) : 114-115. libertine) libertus(a) : 143, 144, 145, 152, 167, 168, 170 n. 48, 172, 184, 207, 214, 263, 264, 281, 282, 285, 292, 331, 338, 339, 340, 342, 355-356, 361. libertorum libertus (ironique) : 354. leifertus: 115. liq>ertos : 64 n. 200, 1 15. lictores: 338 n. 186, 353. locatio (operarum) : 323, 324, 327, 329. locus (funéraire) : 147, 154, 155, 158, 159, 160. logement : (cf. caenacula, cellae, cohabitation, fonctions domestiques, habitatio gratuita, pergula). lustrum : 11-12. manumissio iusta ac légitima : 3, 5-36, 74 n. 37, 79 n. 87, 267, 303, 317, 337. censu : 6, 8, 10-16, 47, 135 n. 47. testamento : 6, 8-9, 12-14, 23-46, 47, 53, 59, 70-71, 78, 80, 135 n. 27, 148-149, 198 n. 280, 207, 273, 274, 275, 276, 277-278, 280 n. 79, 282 n. 91, 327. vindicta : 6, 8, 12, 14, 16-24, 27, 37, 43, 47, 54, 55, 59, 60-61, 62 n. 169, 135 n. 27, 222. inter vivos : 23 n. 179, 41, 44, 46, 49, 70, 273, 277 n. 51. apud se : 21, 54, 149 n. 149. informelle : 43, 52-59, 67, 199 n. 295, 224, 225, 267, 359. selon des modes non romains : IX, 59-67, 77. par l'État: XII, 49-51 (cf. Triumviri TIB SEMPRO NIUS GRACCHUS). au nom d'un esclave : 48-49. par une femme : 43-45.
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par un filius familias : 46-47. par un mutus-surdus : 20. d'un servus communis : 41-43. frauduleuse : 69-73. d'un esclave meurtrier : 75, 76. d'un esclave destiné à la torture : 74-75. d'un esclave fugitif : 76. d'un esclave placé en gage : 70. d'un esclave malhonnête : 76. de l'esclave d'un maître insolvable : 73. (âge): 17 n. 120, 73, 197-199, 212 n. 410, 214 n. 420, 215, 283, 285, 339 (cf. Lex Aelia Sentia). manumissiones (nombre des) : IX, 140, 272 n. 15, 341, 359. magister (patronus) : 337-8. magistri (collegiorum) : 339, 345, 353. Mahres : XII, 215, 222, 256, 319. maiores (servi) : 142, 191 n. 200, 208, 210. malus : 239. manceps : 347-348, 355 n. 386. mancipatio servi : 37, 367, 285, 303 (familiae). mandat : 337. mando : 346. manus iniectio fruste : 223-224, 225. cum manu (mariages): 181, 185 n. 151, 192, 195 n. 243, 207, 208, 209, 211, 283, 284, 302 n. 13, 303, 304, 309. sine manu ( - ) : 174 n. 92, 211, 283, 285. margaritarius : 292. maritus : 165, 220 n. 20. mater: 175 n. 99, 177-179, 180 n. 109, 208 n. 364, 209. materfamilias : 171 n. 61, 181 n. 113, 194-195, 206. matronae : XII, 174 n. 92, 193, 194. medici : 141 n. 79, 323, 325-326, 337, 338 n. 188, 355-356 (ocularius). mellarii: 311, 342. mensores: 338 n. 186. mercatores : 345, 346, 348. mercennarius : 331. mer ces : 324. meretrices: 60, 168, 176 n. 107, 182 n. 128, 186 n. 168, 193, 338, 354. merita : 243. meurtres : 29, 232. mima : 185, 354. modestia : 234, 235, 239. modum (en matière de donations) : 290, 291, 292. monument funéraire: 141-162, 166, 292, 293 (cf. arca, cellae, columbaria, ollae, redemptor, reliefs funéraires, sepulchra, tumulus). monument honorifique : 294. mores : 262. mos patrius : 222. muliercula : 77, 183 n. 128. munus, munera : 287, 288, 293, 296, 319. negotia (negotiatores) : VIII, 53, 120, 134, 280, 315, 325, 343352. nequam (homo) : 236 n. 196, 240. nomenclatures : 353. nomenclature: 14, 93-121, 192, 280 n. 78, 339, 340. suis nummis (emptus) : 272, 298, 331 n. 113. nuptiae : 174 n. 87, 175 (serviles), 182 (serviles). obéissance : cf. auctoritas, domestica disciplina, Imperium, ius-
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INDICES
sus, potestas {domini/patroni), obsequens, observare, obtemperare. obsequens : 192, 247. obsequium : 131, 148-149, 212, 215, 223, 224, 225, 229, 234, 245 n. 307, 250, 297, 298, 299, 309 n. 69, 320, 322, 324, 325, 326, 330, 336, 357. observare : 249. obtemperare : 247, 248. officium, -a: 174 n. 88, 212, 229, 230, 233, 245, 253, 288, 319 n. 18, 328, 341, 342 n. 238, 352. olearii : 345-346. ollae: 151-152, 159-160. onerandae libertatis imposita : 297, 298, 322, 323 : operae (libert i) : IX, 31, 52, 54, 57 η. 130, 76-77, 131, 134, 141, 200, 211, 212, 214 η. 419, 224, 225, 229, 245, 250, 267, 269, 278, 288, 290, 296, 299, 309 η. 69, 310, 313, 317-332, 337, 352-357, 359, 361. operae (Clodianaé) : 331, 335. operarii: 234, 331, 341. optimus (libertus) : 237. optimates : 218, 238 n. 217, 315, 362. orcini liberti : 6 n. 7, 14, 27, 41, 49 n. 57, 277 (cf. manumissio ex testamento). ordinarii (servi) : 49 n. 57, 274, 276. ordo (apparitorum) : 352-353. (decurionum) : 293. (equester) : XIV, 158 n. 235, 169 n. 41, 172, 184, 185, 201 n. 316, 203, 210 n. 389, 213 n. 413, 230 n. 128, 232 n. 148, 235 n. 174, 253, 278, 279, 282, 343, 352 n. 354, 353, 360. (libertinorum) : Vili, 162, 174, 278, 279, 314, 315, 362. (matronarum) : 194 n. 242. (praeconum) : 353. (scribarum) : 353. (senato rius) : 180, 181 n. 112, 186. (viatorum) : 353. origo : 134 n. 26 (cf. domicilium). ornatus : 253, 279. otages (liberti) : 231, 256 n. 431. pactio pro liberiate : 29, 273, 274. paedagogi : 210 n. 389, 330 n. 106, 337-338, 356. paelex: 192 n. 210. Παραμονή : 7, 132. parens, parentes : 199, 200, 209, 220. parricidium : 126, 212, 217-219. partus ancillae : 212 n. 410. pater, pater familias : 41, 175 n. 99, 177-179, 201-202, 208, 218, 224, 280 n. 77, 285. pater/patronus : 126, 195, 210-214, 217-221, 223. paterni, -ae (liberti, -ae) : 285, 304, 313, 329-330, 331, 343 (cf. liberi patroni). patronus, a: 116-121, 125, 127, 142, 206, 221, 298 n. 149, 309. patroni (d'un même libertus): 52, 109, 112, 119-121, 279, 305306, 327-337. patroni, -ae patronus, a : cf. liberti libertus. peculiares (servi) : 46, 48-49, 74, 275-276, 354. peculiosus (servus) : 48, 248 n. 335, 274-275 (cf. spes libertat is). peculium (servi) : 27, 29, 48, 58, 66, 80, 83, 139, 170 n. 48, 182-183, 202, 207, 269, 271-277, 288, 301, 361. pedisequi : 335. peregrini (liberti) : 59-67, 77.
pergula : 133 n. 20. personae exceptae : 287-293. perutilis : 229. pietas (erga patronum) : 146-150, 234, 251. pignus: 70, 71,277 n. 58. pileus {libertatis) : 19, 20, 24, 61, 64, 148-149. piratae : 232 n. 146 (cf. CN. et SEX. POMPEIUS). piscatores : 347. pistores : 340. placuit (domino-patrono) : 192-193 n. 222, 213 n. 414, 247 n. 333, 252, 263 n. 505. plebiscitum Publicianum : 287. Ποιότητης : 263. Pontifices : 281. possessio contra tabulas : 280. possessio secundum tabulas : 278. postulatio suspecti tutoris : 286. potentia (liberti) : 264. potentissimus (libertus) : 295. potestas (liberti) : 239. potestas (patroni) : Vili et n. 5, 119 n. 221, 131, 146, 215, 240, 264, 277, 288 n. 61, 297, 306, 328, 361, 362. potiers : 339-340. praecones : 262 n. 491, 338 n. 185-186, 346, 353-354. praediolum : 344. praedium : 139. praetores : Vili, IX, 3, 21, 52-59, 66, 79, 127, 131, 138, 141, 181 n. 115, 185 n. 151, 219, 221, 224 n. 73, 225, 242-243, 267, 274, 277, 283, 290 n. 69, 291, 292, 302-304, 308-314, 318, 360 (cf. actiones, edicta). praetoris (tuitio) : 55, 56, 57, 65, 67, 69, 77, 78, 274, 331, 360. probatus : 229, 238. probus : 209 (probissuma), 235, 274, 279. procurator (libertus) : 221, 315, 349-352. prodigus (libertus) : 291-294. promissa : 82-83, 245 n. 306. prostitution : 132, 133 n. 20, 139, 182 n. 120, 183 n. 128, 224 (cf. courtisanes, ignominiosa libertà, leno, meretrices, mulierculae, paelex, scortum, Fecennia Hispala). proximus : 307-308. prudentia : 229, 258. publicani : 336, 347. pudenda : 235. pudicitia, pudor: 188-190, 193, 195, 261. pudicus, a: 192, 235. puer: 198, 288. puer delicatus : 259 (cf. delicium). pupillus : 198 n. 286. pupus : 119. purpurarii : 338-340, 349. quaestor: 102. qualitates : 263. ratiocinator : 239 n. 240, 343. redemptor (monumento rum) : 348 n. 307. redemptores : 347. redemptus ut manumittatur : 170 n. 48, 273. relegano : 223, 225. reliefs funéraires: 143-146, 150, 152-153, 155-158, 166, 188-191, 202-206, 339-340, 346, 362. reverenda : 225 n. 79, 251. revocado in servitutem (ingrati liberti) : 77, 223, 226, 322.
INDICES rhetores : 323, 338. sacra familiaria : 280, 281. sacra privata : 281. salines : 347. sals(arius, -amentarius) : 340. saxsolus : 155. sceleratus : 240. scortum : 260 n. 481, 354. scribae: 110 n. 155, 111 n. 159, 343, 352-353. secrets : 256-258. S.C. Silanianum : 25, 50, 75, 232 n. 145. S.C. Trebellianum : 36 n. 291. separano bonorum : 277. sepulchra: 142, 146 n. 110, 149, 150-153, 155, 158-159 {familiar ia, hereditaria). servus = libertus : 222, 288, 290. servus currens : 317. servi recepticii : 45. seviri augustales : 315. societas : 41, 43, 147, 279, 296-300, 310, 315, 324 n. 52, 340, 344, 346, 347-348. sodalis : 165, 173, 280. soror : 209. spes libertatis : 30 n. 246, 52 n. 96, 66, 81, 84, 85, 90, 92, 236 n. 196, 273. sponsio : 267. spurii (filii) : 176. statuliber: 8 η. 33, 29-31, 32, 35, 71, 76, 78, 83, 132, 141, 225, 274, 275, 301, 327. stipulano : 211, 285, 322-323 (poenae), 324-330 (operarum). Studium : 248, 250. suavitas : 234. sui (du libertus) : 209, 302-303, 308, 309, 310. superbia : 239, 264. synhodus (cantorum graecorum) : 160. synhodus (decumianorum) : 160. tabellarii : 336. tabernae : 140, 342. tabulae novae : 141 n. 75. tachygraphie : 356. taciturnitas : 229, 257. tegularii : 340-341. temperantia : 235. testamentum per aes et libram : 9 n. 44, 23, 24, 26, 303, 310. testamentum calatis comidis : 37 n. 2. testamenti factio : 278. thurarii : 338 n. 186, 342. tibicines : 353 n. 363, 354. torture : 25, 74, 75. trahisons : 232. travaux publics : 293-294, 347-348.
415 Ir esviri Capitales : 219 η. 11, 231. Triumviri : 50, 66-67. tribules : 336. tribus: 102, 134-138,200,215. tumulus : 155. tutela (patroni) : 28, 43, 47, 185 η. 151, 197, 200, 211, 213, 275, 283, 286, 290, 291-292, 305. lucrativa : 286. testamentaria : 286. tutoris optio : 284. unguentarii: 338 n. 187, 342. unions serviles: 167, 181-183, 215 (cf. amicae, cognationes serviles, concubinatus, conservae, contubernium, serviles nuptiae). union d'affranchis (avec des ingénues) : 164, 167-169, 173-175, 181, 184-186, 202-210 (cf. liberi, posteri, sui, iustum matrimonium, ordo equester, iustae nuptiae). univira : 193. usus (domi): 131-132. utilitates : 245. uxores: 102 n. 70 et 78, 141, 157, 160, 161, 165, 173, 174, 184, 185, 195 n. 243, 209 à 211. veneficia : 171 n. 54. vengeance : 231. verecundia : 225 n. 79. verna : 141, 176 n. 100, 178, 206, 213 et n. 412. Veteres : X, XIV, 13, 32, 37, 69, 271, 274, 275, 283, 284, 288, 302, 304, 326, 359. viatores : 338, 353. vicarius, a : 48, 49 n. 57, 170 n. 48, 263, 275, 276, 282, 298, 307, 331, 335, 338, 340. vicesima libertatis : 53, 272, 273. villa : 139. villicus, a : 139, 174 n. 88, 182, 195, 210 n. 386, 212 n. 409, 213, 247, 257, 351. vindex : 220. vindicatio in libertatem : 20, 27, 37, 288. vir: 165, 173, 190, 212 n. 409, 262-3, 264. virgo : 193, 198, 199 n. 294, 201 n. 316. virtus : 262-263. vis (de l'affranchi) : 240. (du patron): 221, 248. v(ivus, a) : 154. vol (cf. furtum, actio furti) : 239, 240, 254, 274, 295, 296. volones: 18,51,81, 83, 88. voluntas (domini/ patroni) : 9 n. 44, 16, 23, 24, 34, 41, 43, 47, 52, 58, 59, 69, 77, 79, 80, 81, 87, 91, 92, 125, 127, 221 n. 35, 242, 247, 282. (liberti) : 264 n. 15. donandi : 291 n. 70.
Fig. 1 - Le relief de Mariemont, Musée de Mariemoiil, (Inv. B. 26)
Fig. 2 - Plaque funéraire des Comelii d'après Degrassi, Imagines, 326 (Pompéi)
Fig. 3 - Relief des Atedii, D.A.I., 52.128 (Rome)
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-M Fig. 4 - Relief des Rabidi, DAI. 73.800 (Rome)
Fig. 5 - Epitaphe d
Helenus, DAI. 42.1021 (Rome).
Fig. 6 - Tombeau des Slronnii, DAI. 63. 1293 (Pompéi)
Fig. 7 - Relief de C. Rupilius Anibc(lms) DAL, 32.238 (Rome)
Fig. 8 - Stèle de P. Longidienus : vue d'en semble, d'après Mansuelli, Stele Romane, fig. 16/17 (Ravenne)
Fig. 9 - Idem: le patron d'après Mansuelli, Stele Romane, fig. 18
Fig. 10 - Stèle de P. Longidieniis : les affranchis, D.A.I. 62.2151
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Fig. 1 1 - Relief des Visellii, DAI. 8429 (Rome)
Fig. 12 - Stèle des Piiblil'ii, d'après Bianchi-Bandinelli et Giuliano, La, Elrmques et l'Italie, fig. 389 (Capoue)
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Fig. 13 - Relief des Licinii: vue d'ensemble, D.A.I. 60.1163 (Tusculum)
Fig. 14 - Idem: le patron, DAI. 60.1166
Fig. 15 - -Idem: l'affranchi, DAI. 60.1167
Fig. 16 - Reliei des Chdii, Louvre M. A. 3493 (Rome)
Fig. 17 - Monument des Λ/ο/π/, DAI. (Madrid) R. 152-70 (Tarragone) ΜΈ»
Fig. 18 - Relief des Antatii, DAI. 43.455 (Rome)
Fig. 19 - Relief des Veltii, D.A.I., 64.681 (Capoue)
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Fig. 20 - Cippe de P. Rutiliti:», (Rome) d'après Degrassi, Imagines, 323
Fig. 21 - Plaque compagne, funéraire DAI. 70.880 de M. (Pompéi) Octavius et de sa
Fig. 22 - Tombeau des Flani: vue d'ensemble, D.A.I. 70.883 (Pompéi)
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Fig. 23 - Idem: détail, DAI. 70.884
Fig. 24 - Tombeau de C. Maeciiis T. Pu. /., d'après Degrassi, nes, 329 (Rimini)
Fig. 25 - Relief de A Turranius, DAI. 73.768 (Rome)
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—ν- S Fig. 26 - Stèle de Tertia Horaria, d'après Couilloud, Rhénée, pi. 13 (Rhénée)
Fig. 27 - Petit cippe en forme de pomme de pin, D.A.I. 68.3301 (Palestrina)
Fig. 28 - Petit cippe en forme de pomme de pin, DAI. 68.3290 (Palestrina)
Fig. 29 - Epitaphe dAgreiits Slepanus, D.A.I. 68.3133 (Palestrina)
Fig. 30 - Relief des Blaesii, DAI. 36.1245 (Rome)
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Fig. 31 - Relief des Licimi, D.A.I. 75.17.1713 (Rome)
Fig. 32 - Relief du praeco Aelius Q. t. : vue d'ensemble, D.A.I. 73.787 (provenance incertaine)
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Fig. 34 - Idem : la défunte (détail), DAI. 73.789
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Fig. 33 - /i/e;» : le défunt (detail), DAI. 73.788
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Fig. 35 - Relief de S/«t7ci Λί. /. Animici, DAI. 73.785 (Rome)
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yctlntjtic rl'nr\r»c Kimçtopçrhirhtp nipl. XI. Fig. 36 - Relief de Cn. Pompeius Prothesilaviis, d'après \/<>ccl-
ror Vessberg, Kunstgeschichte, XL, 1 ÎRnmtîi (Rome)
Fig. 37 - Relief de Q. Servilitts Hilanis, D.A.I. 75.33 (Rome)
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Fig. 38 - Relief des Aurelii, d'après Degrassi, Imagines, 303 (Rome)
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Fig. 39 - Relief des Occii, DAL 73.778 (Farà Sabina) -VIV/T
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Fig. 40 - Relief des Gavii: vue d'ensemble, DAI. 65.37 (Rome)
.-*"*" A,-* "* -NW*· ^» ^H^M. 4 Fig. 41 - /ito?;: le père, DAI. 75.1717
Fig. 42 - Idem: le fils, DAI. 75.1718
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Fig. 43 - Relief de Pinarius Antera:,, D.A.I. 73.756 (Rome)
Fig. 44 - Reliei de L Vilnus L I., D.A.I. 43.429 (Rome)
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Fig. 45 - Relief des Appiild. D.A.I. 74.320 (Montana)
Fig. 46 - Reliei a'Epictesis, d'après Vessberg, Kiutstgesdiiclue, pi. XXXI (Rome)
Fig. 47 - Relief des Veitii, DAI. 73.752 (Rome)
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Fig. 48 - Relief de C. Venins, D.A.I. 72.2938 (Rome)
Fig. 49 - Epitaphe de Faustits, D.A.I. 74.67 (Capone)
Fig. 50 - Epitaphe de Cloclia Optata, d'après Koch, M. M, 17, 1976, pi. 58
Carte I - Les affranchis de citoyens romains en Italie à la fin de la République (d'après l'epigraphie).
Carle II - Répartition générale des affranchis de citoyens romains à la fin de la République.
NARBOO/
NARBO Nom antique M«gdaiensb«rg Nom moderne Université de Pau Laboratoire de Cartographie M MORALES
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Carte III - Répartition générale des patronats multiples à la fin de la République (d'après l'epigraphie).
TABLE DES MATIÈRES
Avant-propos Introduction générale
Pages V VII
Les études antérieures Originalité de la période envisagée - Les innovations de la fin du 3e siècle - La coupure introduite par le règne d'Auguste Les raisons d'un choix méthodologique - Les sources littéraires et leurs insuffisances - Valeur méconnue des sources juridiques - Intérêt d'une connaissance directe des documents épigraphiques Les buts de l'étude entreprise
VII IX IX IX X X XIII XV XVI
Livre I LE LIEN PATRON-AFFRANCHI : FONDEMENTS ET EXPRESSION
1
A - LA CREATION DU LIEN : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
3
Chapitre I - Les modes formels d'affranchissement: l'expression de la voluntas domini
5
La date d'apparition des formes régulières d'affranchissement Affranchissement et droit de cité I - La «manumissio censu» La présentation de l'esclave à affranchir Définition du iussus domini Date d'effet de l'affranchissement par le cens Rapport entre le cens et les autres formes d'affranchissement L'étendue du rôle du censeur Inadaptation de cette procédure au 1er siècle av. Jésus-Christ II - La «manumissio vindicta» Une procédure «décentralisée» Témoignages littéraires des second et premier siècles
5 7 10 10 11 12 12 13 14 16 16 17
418
TABLE DES MATIERES Pages 18 19 21 21
Le relief de Mariemont Caractères juridique et religieux de ce type de libération Validité de l'affranchissement apud se accompli par magistrat Affranchissement d'individus nés ingénus III - L'affranchissement par testament
23
Raisons du succès de cette procédure 1 - La libération directe Conditions nécessaires à la validité d'un tel affranchissement L'esclave doit être possédé ex iure Quiritium Formalisme Contestations possibles Affranchissement immédiat Affranchissement différé : le cas du statuliber Le statuliber est esclave de l'héritier Abus de la part de l'héritier Empêchements à la libération de l'esclave Limitations à la liberté d'affranchir par testament 2 - La liberté par fideicommis Le fideicommis n'a aucun caractère obligatoire
23 24 24 24 25 28 28 29 30 31 32 33 34 34
Appendice - L'adoption d'un esclave
37
Chapitre II -La. limitation de la voluntas domini: modes particuliers d'affranchissement et intervention de l'Etat
41
I - Modes particuliers d'affranchissement 1 - L'affranchissement de l'esclave commun Le témoignage de Gaius Celui de Servius 2 - L'affranchissement de l'esclave d'une femme Intervention des tuteurs Rôle du mari Cas des esclaves dotaux Cas des servi recepticii 3 - L'affranchissement accompli par le filins familias ou par le mineur sous tutelle Affranchissement du servus peculiaris Libération par un mineur 4 - L'affranchissement accompli au nom d'un esclave
41
....
II - L'intervention de l'Etat 1 - Affranchissement d'esclaves privés au nom de l'Etat L'octroi de la liberté à des esclaves privés ayant rendu des services à la res publica . Rachat et affranchissement d'esclaves privés destinés à être enrôlés 2 - L'intervention du préteur a) Les affranchissements informels accomplis par des citoyens romains Rôle de l'éloignement de Rome
41 41 42 43 43 44 44 45 46 46 47 48 49 49 49 51 52 52 52
TABLE DES MATIÈRES Refus de payer la XXa Libertatis Pratique délibérée de tels affranchissements, d'après les sources littéraires Application défectueuse des procédés réguliers : l'exemple de la libération de Chrysippus Évolution historique d'après le «Fragmentum Dositheanum» et Gaius Avant les réformes prétoriennes L'apparition de la tuitio praetoris Les mesures prises à l'époque augustéenne b) Les affranchissements accomplis selon des modes non romains Esclavage Sacré et manumission à Rome : la signification du culte de Feronia ... Manumissions sacrales hors de Rome Le culte de Feronia à Terracine et Capène Le rôle exact de la déesse dès la fin du 3e siècle c) Affranchissements accomplis par des peregrins et des latins et intervention préto rienne Indications fournies par Tite Live La leçon de la législation augustéenne Le cas de Tityre L'action du préteur Sulpicius Chapitre III - Esclavage et liberté I - «Favor libertatis» 1 - L'affranchissement frauduleux La fraus patroni et matière d'affranchissement La fraus creditorum en matière d'affranchissement Le cas de Cicéron en avril 58 La législation augustéenne en matière d'affranchissement frauduleux Portée de la Lex Aelia Sentia Cas où l'affranchissement en fraude du créancier est autorisé 2 - L'affranchissement : un acte irrévocable? Libération d'esclaves afin qu'ils échappent à la torture Libération d'esclaves complices de leurs maîtres Cas de l'esclave fugitif et de l'esclave voleur La notion d'ingratitude n'est pas républicaine 3 - Existe- t-il un préjugé favorable à la liberté à la fin de l'époque républicaine? Dans de nombreux cas, les prudents s'opposent à la libération d'un esclave Mais très souvent ils autorisent l'affranchissement II n'y a aucun principe moral favorable ou non à la libération de l'esclave II - «Spes libertatis» : les aspects individuels de la manumission 1 - L'esclave et l'espérance de la liberté Spes libertatis: définition L'attente du jour suprême alimentée par les promesses du patron, mais liée à l'accomplissement d'une condition Les esclaves de Plaute et Térence et leur éventuelle libération
419 Pages 53 53 54 55 56 56 57 59 60 60 62 63 64 65 65 66 67 69 69 69 69 70 71 71 72 73 74 74 75 76 76 77 78 78 79 80 81 81 81 82 82 83 83
420
TABLE DES MATIERES 2 - Les divinités liées à la libération de l'esclave Cas douteux à Toulouse à Amphipolis Les Lares Hercule Bona Dea Mens Bona Jupiter Liber Fortuna Spes
Pages 85 85 85 85 86 86 87 88 88 89
Conclusion du chapitre
90
La création du lien : conclusion
91
Β - L'AFFIRMATION DU LIEN : LES ENSEIGNEMENTS DE LA NOMENCLATURE
93
Chapitre IV - Intérêt de l'étude de la nomenclature
93
I - La mise en valeur de l'élément individualisant
95
Les études antérieures Critique de la méthode suivie par M. Cébeillac 1 - La date d'apparition du «surnom» En Italie Dans la Méditerranée Orientale Retour à l'hypothèse de Mommsen L'absence de la mention de surnom dans l'épigraphie privée à la fin de la République Le surnom en tête de la nomenclature d'après l'épigraphie et dans l'œuvre de Cicéron Cas où le surnom indiqué est seul L'existence de cognomina serviles Changements de surnom et double cognomen Valeurs familière et sociale du surnom 2 - La fin du rôle du praenomen comme élément individualisant Le prénom reprend celui du patron Cas des affranchis ayant plusieurs patrons Cas des affranchis ayant un prénom distinct de celui du patron Valeur sociale du prénom
95 95 96 96 99 100
Conclusion
110
II - L'expression de la dépendance vis-à-vis du patron 1 - Le gentilice est le même que celui du patron Valeur particulière du gentilice La transcription du gentilice dans les épitaphes 2 - L'indication du statut
101 103 104 104 105 107 107 108 108 108 109 110 110
111 111 Π3 114 114
TABLE DES MATIERES 3 - La mention du patron Le patron est indiqué par son prénom Cas des patronnes Indication du patron autrement que par le prénom Faible proportion des patronnes et des patrons mineurs Cas des patronats multiples : particularités régionales Conclusion du livre I
421 Pages 116 116 116 117 119 119 120 123
Livre II LA RELATION PATRON-AFFRANCHI : ASPECTS JURIDIQUES ET HUMAINS
125
A - LE CADRE MATÉRIEL ET HUMAIN DES RAPPORTS PATRON-AFFRANCHI
129
Chapitre /- La cohabitation de l'affranchi et du patron durant leur vie et après leur mort ....
131
I - Résidence des vivants 1 - La cohabitation de l'affranchi et du patron, aspects juridiques La cohabitation est-elle obligatoire? - jusqu'à la fin du deuxième siècle - après les réformes prétoriennes 2 - Le domicile légal de l'affranchi Le domicilium du libertus L'appartenance de l'affranchi à une tribu d'après les données littéraires et l'épigraphie 3 - La résidence de l'affranchi d'après les sources littéraires Affranchis possédant un logement indépendant Affranchis résidant dans un logement concédé par le patron Affranchis de riches, affranchis de citoyens pauvres II - Résidence des morts 1 - La place du patron dans les préoccupations funéraires de l'affranchi a) La proximité patron-affranchi et ses aspects archéologiques Représentations sculptées de type réaliste Représentations sculptées classicisantes Conservatisme des affranchis Les exemples proviennent avant tout de Rome b) La pietas de l'affranchi envers son patron : aspects matériels Participation limitée des patrons à la sépulture de leurs affranchis Tombeaux remarquables élevés par des affranchis à la mémoire de leur patron . . c) La pietas de l'affranchi : les derniers devoirs rendus au patron 2 - Les possibilités d'autonomie de l'affranchi par rapport au patron a) Affranchis et sépultures familiales Les columbaria des grandes familles
131 131 131 131 132 134 134 135 137 138 138 139 140 141 142 142 143 144 146 146 146 147 147 148 150 150 151
422
TABLE DES MATIERES Pages 152 152 153 154 155 156 157 158 158 159 159 159
Sépultures communes à plusieurs co-affranchis et accompagnées de reliefs b) Pratiques funéraires et individualisme de certains affranchis Loci funéraires Domus et tombeau Tombeaux individuels Rareté des représentations individuelles Désir de paraître Sepulchra familiaria Sepulchra hereditaria c) Affranchis et columbaria non familiaux Affranchis membres de collèges funéraires Conclusion - Autonomie assez limitée A Rome l'individualisme est moins marqué
160 161
Chapitre //- La vie familiale des affranchis: aspects juridiques et sociologiques Nature des sources Problème des eunuques Problème des célibataires
163 163 164 164
I - Types et valeur juridique des unions
165
1 - Etude des types d'unions Définition des critères d'étude Des unions limitées en général au cercle des affranchis Des unions essentiellement «endogamiques» 2 - Aspects juridiques des unions : problème de leur légitimité a) Les enseignements du vocabulaire Limites des indications pouvant qualifier une union légitime b) Le statut des enfants Enfants illégitimes Enfants légitimes c) Origine et prolongement juridique des unions Les unions d'affranchis et le contubernium des esclaves Les unions nouées entre affranchis et ingénus
165 165 166 169 170 171 173 174 175 176 181 181 184
Conclusion
187
II - La vie familiale des affranchis et son expression 1 - La vie du couple et sa représentation Les reliefs sculptés Le vocabulaire des épitaphes - la concorde - vertus des affranchies 2 - L'élargissement du cercle familial a) Les affranchis et leur descendance - Les possibilités de procréation des affranchis - Réfutation des arguments de Treggiari concernant : le faible nombre d'enfants - Le mariage tardif
187
.
188 188 191 191 192 195 195 196 196 197
TABLE DES MATIERES - Douleur des parents à la mort de leur enfant - Avantages concédés aux affranchis pères - Représentation des enfants légitimes - Représentation des enfants nés avant et après affranchissement - Représentation des enfants illégitimes - Précisions juridiques concernant la notion de fils, appliquée à un affranchi .... b) Les affranchis et leurs ascendants
423 Pages 199 200 202 204 205 207 207
Conclusion
209
3 - L'intervention du patron dans la vie familiale des affranchis a) Les manifestations de l'autorité patronale Autorité patronale et droit découlant du mariage des affranchies Autorité patronale et paternité des affranchis b) La confusion des pouvoirs d'époux (ou de père) et de patron
210 210 212 212 213
Conclusion
214
B - LES ASPECTS PERSONNELS DE LA RELATION PATRON-AFFRANCHI
217
Chapitre III I - La position juridique du patron par rapport à l'affranchi et son évolution
217
1 - Les aspects juridiques de la supériorité patronale - l'affranchi et le parricide - l'infériorité de l'affranchi vis-à-vis du patron dans le domaine judiciaire 2 - L'autorité patronale : manifestations et nature - l'expression pratique de cette autorité - nature de cette autorité II - Approche réelle des rapports personnels entre affranchis et patrons 1 - La place de la fides dans les rapports patrons-affranchis - Essai de définition - Les implications pratiques de la fides - Les actes de dévouement accomplis par un affranchi 2 - Les justifications de la fides : l'image du bon et du mauvais affranchi a) Le bon affranchi - les «bonnes dispositions» - la retenue - l'honnêteté - Frugi - Bonus, optimus b) Le mauvais affranchi - la démesure - la malhonnêteté c) La reconnaissance 3 - La place des sentiments dans les relations affranchis-patrons Les traits de Γ «affection» patronale Les sentiments prêtés à l'affranchi : de l'affection au respect - l'obéissance
217 217 219 22 1 221 223 226 226 227 228 229 232 233 233 234 235 236 237 238 238 239 241 242 243 247 247
TABLE DES MATIERES
424
- l'attachement - le respect - la pietas - la part de l'hypocrisie 4 - La faveur patronale et ses dangers Les manifestations de la faveur patronale Les dangers La place de l'homosexualité dans les relations patrons-affranchis
Pages 248 249 25 1 251 252 252 254 258
Conclusion - Limite des résultas obtenus Absence d'autonomie de l'affranchi au plan moral
261 262
Conclusion du Livre II - Superposition des patronages La personnalité de l'affranchi n'est jamais mise en relief
263 264
Livre III LES ASPECTS ÉCONOMIQUES DES RAPPORTS PATRON-AFFRANCHI
267
A - L'INTERVENTION DU PATRON DANS L'ACQUISITION ET LA DÉVOLUTION DES «BONA» DE L'AFFRANCHI . .
269
Chapitre I - Pouvoir patronal et origines des bona de l'affranchi
271
1 - L'arrière-plan économique de la manumissio a) La nature juridique du pécule servile b) La liberté, un don le plus souvent payant c) Le legs du pécule d) Le pécule et les vicarii e) Liberté et hereditas nécessaire 2 - L'affranchi héritier ou légataire de son patron a) L'affranchi héritier partiel de son patron b) L'affranchi héritier unique c) L'affranchi légataire
271 271 272 274 275 277 278 278 279 281
Conclusion
282
Chapitre II -Le contrôle exercé par le patron sur les bona de l'affranchi (du vivant de ce dernier)
283
1 - Les privilèges légaux reconnus au patron a) pouvoir patronal et tutelle légitime Les dispositions de la loi des XII Tables et leur évolution Les possibilités d'action du patron b) Les donations accomplies par l'affranchi en faveur du patron La désignation des affranchis dans la Lex Cincia L'inclusion des liberi patroni La réciprocité des donations et sa limitation 2 - Droits patronaux et affranchis prodigues Affranchis dotant leur fille
283 283 283 285 286 287 290 290 291 291
TABLE DES MATIERES
425
Donation faite à des tiers Actes charitables Actes évergétiques 3 - La part du patron dans les acquisitions de l'affranchi a) Le patron complice de la «rapacité» de son affranchi Chrysogonus Timarchides Licinus b) L'éphémère societas rutilienne Le témoignage d'Ulpien L'institution de la societas rutilienne Sa suppression par les posteriores praetores
Pages 291 292 293 294 294 295 295 296 296 296 297 299
Chapitre III -Les droits du patron et la dévolution des biens de l'affranchi
301
Exclusion des affranchis irréguliers et des statuliberi L'exposé de Gaius
301 301
1 - Le régime successoral issu de la Loi des XII Tables a) L'apparent libéralisme de la législation b) Les droits reconnus au patron - succession de l'affranchie - succession de l'affranchi mort intestat et sans sui c) Les droits accordés aux sui et à la gens du patron
302 302 304 304 305 306
Conclusion
308
2 - Les réformes prétoriennes a) Les avantages accordés au patron L'institution de la B.P.C.T b) Nouveaux droits octroyés aux affranchis c) Le problème de la datation de ces réformes Entre 77 et 74? d) Les difficultés d'application de l'édit de bonis libertorum Concernant la fille du patron Définition des enfants naturels de l'affranchi Droits patronaux et descendance de l'affranchi
308 308 308 309 310 311 311 311 311 312
Conclusion - La législation augustéenne renforce les droits patronaux
313
Conclusion du chapitre III - la mise en exergue d'une catégorie d'affranchis riches
: . .
B - LE CONTRÔLE EXERCÉ PAR LE PATRON SUR LES ACTIVITÉS DE L'AFFRANCHI
314 317
Chapitre IV 1 - Les fondements du contrôle exercé par le patron sur les activités de l'affranchi : de Xobsequium illimité aux operae jurées ou stipulées a) Le régime antérieur à la preture de Rutilius Rufus b) Les réformes de Rutilius et de ses successeurs - La création de Yactio operarum par Rutilius - La réforme de Livius Drusus concernant le ius iurandum liberti
317 318 319 319 320
TABLE DES MATIÈRES
426
- La suppression des onerandae libertatis imposita - et de la stipulatio poenae - L'établissement de la stipulatio operarum - et les dispositions de la Lex Aelia Sentia c) Le régime des operae à la veille de l'époque impériale - les operae peuvent être définies négativement - les operae sont fournies à la convenance du patron - la confusion des operae et de la personne de l'affranchi - la transmission des operae
Pages 322 323 323 324 325 325 326 327 328
Conclusion
330
2 - L'affranchi au service du patron - L'affranchi relais de l'autorité patronale - La place parmi les dépendants et à la tête de la familia des serviteurs - Les services domestiques accomplis par l'affranchi - Un service caractéristique : le transport des lettres 3 - L'activité professionnelle de l'affranchi : autonomie ou dépendance? a) Le patron et les origines de la «vocation» professionnelle de l'affranchi b) Artisanat et petit commerce Le monde des artisans Commerce de luxe, petits boutiquiers c) Les affranchis et les affaires Mercatura Negotia Les affranchis sont des intermédiaires Les affranchis procurateurs à) Les affranchis et l'administration de l'Etat e) Les affranchis, artistes et littérateurs Meretrices Acteurs Architectes Médecins Litterati
331 332 332 334 335 336 337 337 338 339 341 343 345 347 348 349 352 354 354 354 355 355 356
Conclusion générale
359
Essai de périodisation Affirmation de l'autorité patronale . . . malgré d'éventuels contre-poids ... et en dépit des limites de notre information
359 360 361 362
Bibliographie
363
Table des Planches
377
Indices
379
Table des JVLvtières
417
ERRATA
p. 43, note 19 : à supprimer Gaius, Inst, 2, 7, 4 p. 86, note 151 : au lieu de Perse, III, III, ν. 443, lire Perse, V, ν. 78-79 p. 183, note 128, ligne 5 : lire où p. 183, note 128, 10 lignes av. la fin : au lieu de fréquentes, de Lucilius, lire cf. Lucilius et supprimer à Phèdre (v. 35). p. 192, note 212 : au lieu de CIL F, 1282, lire CIL· P, 1682; après ILLRP, 799, fermer la parenthèse p. 193, note 227 : au lieu de Od., ν. 19-24, lire Od. Ill, 24, ν. 19-24 p. 260, note 483 : au lieu de III, 123, lire II, III, 183 p. 260, note 484 : au lieu de II, 192, lire II, II, 192 p. 264, note 14 : au lieu de 1, XII, 35, lire II, II, 133 p. 295, note 119 : au lieu de 21, 2, 5, lire 21 p. 322, note 43 : au lieu de D, 38, 17, lire D, 38, 1, 17 p. 333, note 140 : au lieu de Pro Cornei, lire Pro P. Sulla p. 343, note 255 dernière ligne : ajouter AU., VI, I, 19 p. 350, note 332 : au lieu de Att., XVI, 16,1, lire XIV, 16, 1.