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L'<EUVRE LATINE D·E MAITRE ECKHART
LE COMMENTAIRE DE LA GENESE PRÉCÉDÉ DES
PROLOGUES
TRADUCTION PUBLIÉE SOUS LE PATRONAGE DU CENTRE D'ÉTUDES DES RELIGIONS DU LIVRE ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES, ye SECTION
F!\CULTI\!") V: ¡:¡:. ...<•'~';-:; ,, '/ :_;:,; Kl\:i OIRECC¡QN e;:;. !:.:~3:...,·.:. ·¡;:cA~
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TEXTE LATIN, INTRODUCTION, TRADUCTION ET NOTES
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PAR
ALAIN DE LIBERA
ÉOOüARD WÉBER
PAR
ÉMILIE·ZUM BRUNN
FERNAND BRUNNER professeur
a l'université de Neuchátel
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ALAIN DE LIBERA
ÉDOUARD WÉBER
ÉMILIE ZUM BRUNN chargés de recherche au CNRS
PREMIER VOLUME Publié avéc le concours . _du €entre Nátional de la Recherche Scientifique
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LES ÉDITIONS DU CERF 29, bd Latour-Maubourg, Paris 1984
·AVANT-PROPOS
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© Les Éditions du Cerf, 1984 ISBN 2-204-01971-2 ISSN en cours ·
Chacun conmiit l'reuvre allemande de Maitre Eckhart, dont les Traités et les Sermons} admirés par des esprits aussi divers que Baader, Hegel, Schopenhauer ou Heidegger, ont déja fait l'objet de multiples traductions: en fram;ais par P. Petit, París 1942, par F.A. et J.M., Paris 1942, ·par J. Ancelet-Hustache, Paris 1971 et apres; en anglais, par J.-M. Clark et J.-V. Skinner: Selected Treatises and Sermons} London 19 58; en allemand moderne, par J. Quint : Deutsche Predigten und Traktate} München 195 5, 3 1969. En revanche l'reuvre latine, pourtant plus abondante en matiere et plus variée dans ses formes littéraires, n'a pas re~u la meme attention de la part des traducteurs et des lecteurs d'Eckhart. Témoin irrempla~able de l'unité du savoir médiéval indissolublement théologique, philosophique et spirituel, sous-bassement, anticipation, synthese de toute la prédication allemande qu'elle éclaire et qui l'éclaire, cette reuvre latine est · pourtant la clef indispensable pour la compréhension de toute la pensée du maitre rhénan . Elle n'est ni celle du mystique antirationaliste inventé par le romantisme ou ses ultimes dégénérescences, ni celle du précurseur de l'athéisme moderne fabriqué par les idéologues, mais celle d'un Maitre en théologie de l'Université de París qui rejette les dichoto_mies qui commencent d'apparaitre a la fin du XIIIe siecle et qui d'emblée peseront sur l'interprétation de son reuvre.
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Cherchant a endiguer le flot irréversible des oppositions alors suscitées par le volontarisme augustinisant entre l'etre de la métaphysique grecque et le Logos ou Verbe créateur de la théologie chrétienne, Eckhart affirme avec véhémence tunh~ organique de .l!_pens~, ck_l.~ e~p~!Jence et de la foi : « Coniiiie~tre_s __ _ _souvent je l'ai rappelrdans-mesreiivres exégétiques, c'est de la meme source que proviennent la vérité et l'enseignement de la théologie, de la philosophie naturelle, de la. philosophie morale, des savoirs pratiques et théoriques, et meme du droit positif, selon le Psaume: «C'est de ta face qu'émane ma fac;on de juger » (eomment. de f Évang. de J ean, § 444; Ps 1 6, 2 ). · Son message d'unité ne sera plus entendu: aux condamnations de la Bulle In agro dominico, l'époque moderne superposera sa propre incompréhension, fruit ultime de ces dissociations qu'EckJ'lart a vu surgir et qui l'ont submergé. On voit quelle urgence il y a a découvrir une pensée qui installe au creur de la théologie, de la philosophie et de l'exégese l'unique príncipe d'apres lequel «ce que l'Evangile contemple, c'est l'etre en tant qu'etre» (eomment. de 1' Évang. de .]ean, ibidem).
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Dans l'état ou elle nous est parvenue, l'reuvre latine ,~_'Eckhart. comprend des eommentaires de la Bible> (les Expositiones), la réportation de Questions
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disputées a l'Université de Paris (les Quaestiones), des Sermons. Tout indique qu'elle comprenait ou devait également comprendre une élaboration ·systématique des concepts fondamentaux du savoir théologique (les Propositiones). Cette partie de !'ensemble (ou CEuvre tripartite) a disparu, si tant est qu'elle ait jamais existé a l'état achevé. De cette gigantesque entreprise de mise en ordre de la philosophie et de la théologie ne subsistent aujourd'hui que : les Prologues (Prologue général a l'(Euvre tripartite; Prologue a l'CEuvre des Propositions ,· Prologue a l'CEuvre des Expositions), sept ouvrages d'exégese ieommentaire de la Genese,· les Paraboles de la Genese; eommentaire de 1' Exode, de la Sagesse, du S iracide, du e antique, de 1' Évangile seIon Jean), quatre Questions disputées et 56 Sermons latins. La présente série des reuvres latines d'Eckhart comportera les volumes suivants: vol. n° 1 : les Prologues et le eommentaire de· la Genese; vol. n° 2 :· les Paraboles de la Genese; vol. n° 3 : eommentaire de 1' Exode; vol. n° 4: eommentaires de la Sagesse- 1 (chap. 1-6) et du Siracide (chap. 24, 23-3 1); · vol. n° 5 : _eommentaire de la Sagesse - 11 (chap. 7 et ss.) suivi du fragment subsistant · du eommentaire sur le, ean#que; - vol. n° 6: eommentaire de 1' Evangile selon Jean. Le Prologue (<:hap. 1, ,1-1 8); vol. n° 7: eommentaire de 1' Evangile selon Jean- JI (chap. 2-8); , vol. n° 8 : eommentaire de 1' Evangile selon Jean- 111 (chap: 9 ét ss.); vol. n° 9 : Sermons latins 1f I a 24; vol. n° 10 : Sermons latins n° 2¡ a ¡6,· en appendice lesQuestions Parisiennes.
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III Né aux environs de 1260 a Hocheim en Thuringe (pres d'Erfurt sans doute, mais pres de Gotha se trouve aussi une localité du meme nom), Eckhart est entré assez jeune, il semble, dans l'ordre des Freres Precheurs (dits aussi des Dominicains). Il aurait, jeune étudiant, séjourné a París vers 1277. Il a plus surement étudié la théologie a Cologne, au studium genera/e, École principale, fondé en 1248 par Albert le Grand, autre Dominicain célebre, qu'il a pu connaitre tres agé. Accomplies les six a huit années d' études du cursus préparatoire, Eckhart a sans doute débuté dans 1'enseignement de la théologie dans les couvents de la Province dominicaine de Teutonie. En 1293-1294, il esta París, au grand couvent d'études de St-Jacques, au titre de bachelier commentateur des S entences (manuel de base de l'enseignement de la théologie). D'apres le reglement universitaire, le Commentaire des Sentences est le chef-d'ceuvre qui, moyennant un stage d'assistant durant au moins quatre ans, habilite a la maitríse en théologie. Il ne nous reste de ce cours d'Eckhart que la Conférence inaugura/e ( Collatio in Lib. Sententiarum, Lateinische Werke, V p. I 7-26). A la fin de l'année scolaire 1293-1294, Eckhart, regagne la Thuringe pour y enseigner la théologie (l'Université permet a un Precheur d'accomplir son stage de quat~e années d'assistant_ en toute école de son Ordre). Elu Prieur du couvent d'Erfurt, il y compose, pqur-l~s je~nes Pr~che:urs qui y font leurs 1
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études, ses Entretiens sur le discernement. En 1302, ainsi largement accomplis les quatre ans d'enseignement exigé~, il revienta París pour recevoir la maitrise en théologie, licentia docendi, de la grande Université d'Occident. Il assume au studium de St-Jacques la charge d;une des deux chaires de théologie qui sont agrégées a l'Université. De pair avec la vingtaine de Maitres en théologie alors en fonction, il exerce les trois activités statutaires du maitre : outre la prédicadon, l'enseignement de la Bible et la tenue des séances de discussion (Questions disputées). En cette année qo2-1303, il a certainement rencontré un Frere Mineur au couvent ~voisin des Franciscains: Jean Duns Scot, alors bachelier sententiaire. En fin d'année scolaire, en 1303, Eckhart quitte la France pour regagner 1' Allemagne. C'est peut-etre en relation avec les exigences de Philippe le Bel en sévere démelé avec le pape Boniface VIII. C'est surtout conforme a la politique des études appliquée al'Ordre des Precheurs, ou l'on pratique une rotation accélérée des professeurs. Aux activités d'enseignement et de prédication s'ajoute pour Eckhart la charge de Prieur Provincial dans la nouvelle Province dominicaine de Saxe. En 1 31 1 le Chapitre général de l'Ordre le libere de cette tache et lui demande de reprendre sa chaire de théologie a París. Il y enseigne de nouveaú de 1311 a 1313 ou 1314, puis il part pour le couvent de Stiasbourg. Il reste attaché a ce studium (o u avait enseigné Albert le Grand) jusque vers 1 32 5. Il assiste de ses le~ons et prédications les multiplescouvents de religieuses dominicaines de la région rhénane. En 1326-1328 on le trouve au studium de Cologne. Des documents le montrent engagé dans un pr,oces doctrinal que lui intente l'archeveque Grand Elec-
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teu~, Henri de Virnebourg. Sa cause, portée devant la . cune papale, le conduit en Avignon ou il serait décédé (avant le 30 avril 1328). Le 27 mars 1329,, Jean XXII condamne une liste de propositions tirées de son enseignement. Bien avant la fin de son proces, Eckhart avait révoqué celles qui, vraiment siennes seraient jugées inacceptables. '
nature (NICOLAI de CusA, Opera omnia VII, De pace fidei, ed. R. Klibansky et H. Bascour, Hambourg 1 9 59, praefatio p. XXXIII)? Une attention toute particuliere a été donnée aux not~~ do~trinales dest!née~ a ~estituer autant que posstble 1ampleur de 1honzon tntellectuel, spirituel et scientifique d'un Maitre de la grande Université de Paris. D'ou, parallelement aux références patristiques, les renvois nombreux et systématiques aux instruments de la théologie du temps : Gloses, Postilles, Se~tences, aux.lieux classiques de la pensée philosophtque (Métaphysique, Physique, cosmologie d' Aristote, d' Avicenne, d'Albert, etc.). Sans négliger le grand courant exégétique du juda1sme représenté par Ma1monide ni oublier les multiples convergences avec l'ceuvre allemande. La traduction des Prologues et leur commentaire ont été assurés par Fernand Brunner, professeur al'Université de Neuchatel. La traduction et l'annotation du Commentaire de la Gene'se sont dues a Alain de Libera ' , Edouard Wéber O.P. et Emilie Zum Brunn, chercheurs du Centre d'études des Religions du Livre, Laboratoire ass9cié au CNRS (n° 15 2), École Pratique des Hautes Etudes ({ sectíon), Sorbonne, París. Que Monsieur Pierre Hadot, directeur du Laboratoire IJ2, qui a soutenu notre projet et notre travail, trouve ici l'expression de notre gratítude. A. de L. E.W. E. Z. B.
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Comme pour tous les volumes prévus, le texte utilisé ici est celui qu'a établi l'édition critique de la Deutsche Forschungsgemeinschaft, Lateinische Werke, vol. I. Prologues et Commentaire sur la Genese sont done traduits d'apres le texte édité par K. Weiss, LW I, p. 148-184 pour les Prologues, et p. 18 5-444 pour le Commentaire de la Genese. La division en chapitres et en paragraphes est celle de l'édition allemande. Toute référence d'une ceuvre a l'autre. est faite d'apres la numérotation des paragraphes et non d'apres la page. Dans la traduction nous nous sommes efforcés de. respecter le style particulier d'un Commentaire biblique a la fois nourri de scolastique et destiné a des Freres Precheurs, quitte a en épouser étroitement longueurs et lourdeurs. Au vrai Nicolas de Cus·e lui-meme n'assurait-il pas que le peu d'élégance propre au latin des auteurs allemands (dont il est) est explicable par ceci que la correction latine exige d' eux un effort considérable et orienté a rebours de leur
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BIBLIOGRAPHIE
La Bible est citée d'apres le texte utilisé par Eckhart. C'est la Vulgate latine (éventuellement, le<;on de la Vetus latina). Les rEuvres d'Eckhart sont citées d'apres l'édition de la Deutsche Forschungsgemeinschaft: Meister Eckhart. Die deutschen und lateinischen Werke, Verlag Kohlhammer, Stuttgart, 1937 s. Chaque texte est désigné par les abréviations suivantes: Prologus in Opus tripartitum (LW 1, p. 148-165)· Pro/. rEut'. Prop. Prologus in Opus propositionum (LW 1, p. 166-182). Pro/. rEuv. Exp. Prologus in Opus expositionum (LW 1, p. 183)· ·comm. Gen. Expositio Libri Genesis (LWI, p. 185444). . Parab. Gen. Liber Parabolarum Genesis (LW I, p. 445-702). Comm. Sag. Expositio Libri Sapientiae (LW 11, p. 301-634)· Comm. Sir. Sermones et lectiones super Ecclesiastici c. 24,2].-JI (LW 11, p. 229-3oo). Expositio sancti Evangelii secundum ]ohanComm. ]ean nem (LW 111). Serm. lat. Sermones (LW IV). Serm. al/. Meister Eckharts Predigten (DW 1 et Il). Qu. Paris. Quaestiones Parisienses (LW V, p. 37-83). Pro/. gén.
BIBLIOGRAPHIE
Les sigles LW et DW renvoient respectivement aux vol. (I a V) des Lateinische Werke et des Deutsche Werke (vol. I-III et V).
*** Dans ces neuf volumes, les CEIIVres d'Eckhart se présentent comme suit : Vol. I des LW: Prologi in Opus tripartitum, in Opus propositionum, in Opus expositionum ,· Expositio Libri Genesis; Liber Parabolarum Genesis; le tout précédé par les Prologues et les Commentaires de la Genese el de 1' Exode selon la recension du manuscrit E (Amplon., Erfurt). Le vol. I est l'reuvre de Konrad Weiss en sa totalité. Vol. II ( LW) : Expositio Libri Exodi, édité par K. Weiss; Sermones el Lec/iones super Ecclesiastici cap. 24, 2)-)I ,· Expositio Libri Sapientiae ,· Expositio Can/. 1,6. Les trois derniers textes par les soins de J oseph Koch et de Heribert Fischer. V o l. III ·( L W) : Expositio sancti Evangelii secundum johannem, par Karl Christ, Bruno Decker, Josef Koch, Heribert Fischer, Albert Zimmermann. Vol. IV (LW): Sermones, édités par Ernst Benz, Bruno Decker, J osef Koch.' V o l. V ( LW) : Collatio in Libros S ententiarum (]. Koch); Quaestiones Parisienses et Sermo die b. · Augustini Parisius habitus (Bernhard Geyer); Tractatus super Orationem Dominicam (Erich Seeberg). A ces textes parus s'ajouteront, outre un Sermon donné en 1294 a Paris, les documents relatifs a la vie et au proces d'Eckhart. Un vol. VI est prévu, offrant de multiples index. la
Les volumes de la série Deutsche Werke se distribuent de fa~órt -suivanté :
BIBLIOGRAPHIE
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Vol. I ( DW): Predigten I a 24,· vol. II ( DW): Predigten 2J aJ9 ,· vol. III : Predigten 6o-S6, tous trois par les soins de J osef Quint. Vol. V ( DW) : les traités composant le Liber BenedictiiS: Das buoch der gottlichen troestunge, Von dem edeln menschen, Die rede der underscheidunge, Von abgescheidenheit, tous édités par J. Quint. Avant la parution du Ier vol. des LW en 1937, avaient été publiés par l'Institut Sainte-Sabine de Rome : le Commentaire de I'Oraison dominica/e (R. Klibansky, Leipzig 1934), les Prologues (H. Bascour, ibid. 1935); les Questions parisiennes (A. Dondaine, ibid. 1936).
TRADUCTIONS Des reuvres publiées d'Eckhart il n'existe de traduction complete qu'en allemand moderne, dans l'édition critique de la Deutsche Forschungsgemeinschaft, et J. QUINT, Deutsche Predigten und Traktate, München 195 5, 3 1969. Seule est accessible en traduction frans:aise l'reuvre allemande : PETIT P., CEuvres de Maítre Eckhart, Sermons-Traités, Paris 1942. M(OLITOR) (] .) et A(UBIER) (F.), Traités et Sermons. Introd. de M. de Gandillac, Paris 1942. F. BRUNNER, Eckhart (coll. «Philosophes de tous les temps», Paris 1969). Trad. frans:. du Prologue général a I'CEuvre tripartite, du Prologue a I'CEuvre des propositions, et divers extraits de l'reuvre latine. ANCELET-HUSTACHE (].), Maitre Eckhart. Les Traités, París 1971; Sermons I-jO, Sermons p-J9 1 Sermons 6o-36, Paris 1974, 1978, 1979. Le dernier vol. offre une importante .· ·· . bibliographie. Maltre Eckart a París. Une critique médiévale de l'ontothéologie. Les Questions parisiennes n° 1 et n° 2. Études, textes et traductions par E. Zum Brunn, Z. Kaluza, A. de Libera, P. Vignaux, E. Wéber (Bibl.
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ABRÉVIATIONS AHDLMA Archives d' Histoire doctrina/e el littéraire du Móyen Age, Paris. BA Bibliothequt A_ugustinienne, publiée sous la directioo des Etudes Augustiniennes, Paris. BGPTMA Beitriige fiir Ge!chichte der Philosophie und Theologie des Mittelalters, Münster (Westfalen). · ce Corpus Cbristianorum, Series Latina, Turnhout. CIMAGL Cahiers th f Institut du moyen age grec et latín, Copenhague. CSEL Corpus Srriptorum Ecclesiaticorum Latinorum, Vienne. PG J.-P. MIGNE, Patrologiae Cursus Completus, Series Graeca. PL J.-P. MIGNE, Patrologiae Cursus Compleius, Series Latina. RAM Revue d' Ascétique el de Mystique, Toulouse. se Sources Cbrétiennes, Paris.
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I
PROEOGUES (traduction et commentaire par F. Brunner)
TABULA PROLOGORUM IN OPUS TRIPARTITUM
1. Notandum quod inter prologum generalero tripartiti, qui hic praemittitur, et expositionem Genesis interponuntur quinque capitula. In primo capitulo quod praemittitur et incipit : « Ad evidentiam igitur» ha bes duo principaliter notanda. Unum est quod aliter loquendum est et sentiendum de terminis generalibus, puta de esse, unitate, veritate, bonitate et si quae sint huiusmodi quae cum ente convertuntur, aliter autem de aliis quae citra ista sunt et contracta ad aliquod genus, speciem aut naturam entis. Secundum est quod inferiora nihil prorsus conferunt superioribus nec illa afficiunt, sed e converso superiora imprimunt et afficiunt sua inferiora. In secundo capitulo, quod incipit : «Es se est deus », ha bes probatam hanc propositionem, quod esse est deus, quinque rationibus.
1. L'auteur de la table appelle «Prologue général» les sept premiers paragraphes de ce texte et considere comme un tout la fin du Prologue général (§§ 8-u) et !'ensemble du Prologue aNEuvre des propositions. · z. Ce premier chapitre est constitué par les deux premieres observations préliminaires énoncées dans le Prologue général aux §§ 8, 9 et 10. Cependant, Maitre Eckhart, dans les §§ 8 et 9, oppo~e les terme~ généraux aux accidents et non pas aux genres et aux éspeées. . . . .
TABLE DES PROLOGUES A L'CEUVRE TRIPARTITE
Il faut remarquer qu'entre le Prologue ~~néral a (l'(Euvre) tripartite, qui est P!~cé en tete 1~1, et le Commentaire sur la Genese, s mterposent cmq chapitres 1• Dans le premier ch~pitre qui est !?lacé en te~e ~t commence par : «Done, pour la darte>~, on a prm~~ palement deux choses a remarquer. L l:lne est qu tl faut parler et penser autrement des te~mes généraux, c'est-a-dire de l'etre, de l'unité, de la vérité, de la bonté et de ce qu'il peut y avoir de termes de ce genre qui se convertissent, a;ec l'ét~nt~ ,et, des autres (termes) qui sont en d~a d eux et lm~ltes a un genre, a une espece ou a une nature de l'etant. La seconde est que les inférieurs ne conferent absolument rien aux supérieurs et ne les affectent pas non plus, mais que, inversement, les supérieurs don.nent leur empreinte a leurs inférieurs et l~s affectent 2 • Dans le deu~ieme chapitre 3 qu1 commence p~r: « L' ~tre est · Dieu », on a la démonstration par cmq arguments de cette proposition que l'etre est Dieu. I.
3· L'auteur de la table appelle chapitres z, 3 et 4 .l~s trois exemples de méthode qui suivent, dans le Prologue general, l~s remarques préli!Jlinaires et qui sont destinés a présenter les trms parties de l'CEuvre tripartite.
TABULA PROLOGORUM
T ABLE DES PROLOGUES, z.
In tertio, quod incipit : « Quaestio prima est », habes probatam hanc conclusionem, quod deus sit, quattuor rationibus. · In .quarto capitulo, quod incipit : «In principio creavtt deus caelum et terram», · habes circa istius auct~ritatis expositionem quattuor notanda. Pnmum est quod deus et ipse solus creavit caelum et terram et omnia, et quod actus creationis nulli citra deum potest communicari. Secundum est quod sic quidem creavit omnia : non extra se, ut imprudentes falso imaginantur; sed omne ~uod deus ~reat s~ve oi?eratur, universaliter operatur m se, creat 1t1 se, vtdet stve cognoscit in se, amat in se; extra se nihil operatur, nihil novit aut amat. Et hoc ipsi deo proprium est. Tertium est quod deus sic quidem creavit omnia quod nihilominus semper creat in praesenti, ne~ ~rans~t a~t?-s cre.ationis in praeteritum, sed semper est m pnnctpto et m processu et novus, sicut in divinis filius semper natus est, semper nascitur, secundum illud Zach. 6: «Ecce vir, oriens nomen eiusa». «Oriens », inquambparticipialiter; Luc. 2 : « Visitavit nos oriens ex alto ». Quartum est quod omnis actio dei mox in ipso sui principio perficitur simul et perfecta est, secundum illud: <~dei perfecta sunt operac», Deut. 32.
2. Dans le troisieme qui commence par : «La premiere question est», on a la démonstration par quatre arguments de cette conclusion que Dieu est. Dans le quatrieme chapitre qui commence par : «Au commencement Dieu a créé le ciel et la terre », on a quatre points a remarquer au sujet de l'exposition de cette autorité. Le premier est que Dieu et lui seul a créé le del et la terre et toutes choses, et que l'acte de création ne peut etre communiqué a personne en de<;a de Dieu. Le deuxieme est qu'il a créé toutes choses de la maniere suivante: non pas en dehors de lui, comme les imprudents l'imaginent faussement; mais tout ce que Dieu crée ou opere, ill'opere universellement en lui, le crée en lui, le voit ou le connait en lui, l'aime en lui 1; en dehors de lui, il n'opere rien, ne connait ou n'aime ríen. Et cela est propre a Dieu lui-meme. Le troisieme est que Dieu a créé toutes choses de telle sorte qu'il ne crée pas moins dans le présent et que l'acte de création ne verse pas dans le passé, mais est toujours dans le commencement, en train de se produire2 et nouveau, comme, dans les choses divines, le Fils toujours est né, toujours nait, selon ce verset de Zacharie 6 : « Voici un homme, Surgissant 3 est son noma.» « Surgissant», dis-je, au participe; Luc .z : «Le Surgissant nous a visité venant des hauteurs b. » Le quatrieme est que toute action de Dieu, aussitót dans son commencement meme, a la fois s'accomplit et est accomplie, selon ce verset : «Les ceuvres de Dieu sont accomplies », Deutéronome 32 e.
34 2.
1. Ces formules ne se trouvent pas dans le texte du Prologue génlral,· elles sont une réminiscence d'Augustin. 2. In processu. Cette expression n'apparait pas dans le Prologue. . · h Le. mot JJrie~s figure dans le Prologue général, § 18, mais n'y est pas commente. ·
a. Za 6,
12.
b. Le
1,
78.
c. Dt p, 4·
35
TABULA PROLOGORUM
3· In quinto capit.ulo, quod incipit : « Esse deus est », ha bes duo specialiter notanda. Primum est quod ens solum es~1 sig~ificat, sicut. «~l~)Um solam qualitatem », ut at phtlosophus, stmtltter unum solam unitatem, ver m -solam veritatem, bonum solam bonitatem. Se ;undum est quod aliter loquendum est et iudicandum \de ente et aliter de ente hoc, similiter de uno et de udo hoc, de veto et de vero hoc, de bono et de bono ho~. Cum enim dicitur aliquid ens, unum, verum, bonurtt, tune haec singula sunt praedicata propositionis et sunt secundum adiacens; Cum vero dicitur aliquid ens hoc, unum hoc, verum hoc aut bonum hoc, puta horno vellapis et huiusmodi, tune li « hoc et hoc » sunt praedicatum propositionis, et praemissa communia, puta esse, non sunt praedicata nec secundum adiacens, sed sunt copula praedicati cum suiecto. Verbi gratia cum dico : «hoc est horno vel lapis», non praedico es se, sed praedico hominem vel lapidem aut huiusmodi aliquid. Propter quod haec est vera: «Martinus est horno» nullo homine exsistente. Non eriim dico hominem esse nec esse praedico nec terminorum existentiam, sed cohaerentiam. Sic cum dico rosam esse rubeam, non dico nec praedico rosam esse, nec rubedinem esse, sed solam cohaerentiam naturalem terminorum. Unde li «esse» vel «est» non est subiectum nec praedicatum, sed tertium extra haec, puta copula praedicati cum subiecto.
I. C'est-a-dire dans le Prologue a l'(Euvre des propositions. z. Ces exemples ne se rencontrent pas dans le deuxieme Prolog\.le; la taJ>le est done plus explicite icique le texte qu'elle -· · · analyse..
TABLE DES PROLOGUES, 3
3· Dans le chapitre cinquieme qui commence par: « L' etre est Die u» t, on trouve deux eh oses a remarquer spécialement. La premiere est qu'étant signifie 1'etre seulement, comme « blanc, la seule qua lité», au dire du Philosophe, de meme un, la seule unité, vrai, la seule vérité, bon, la seule bonté. La seconde est qu'il faut parler et juger autrement de l'étant et de l'étant-ceci, de meme de l'un et de l'un-ceci, du vrai et du vrai-ceci, du bon et du bon-ceci. En effet, lorsqu'on dit quelque chose étant, un, vra!, bon, ces différents (termes) sont alors les prédtcats de la proposition et sont "-des a~jacents .seconds: Ma~s lorsqu'on dit quelque chose etant-cect, un-ce~t, vratceci ou bon-ceci, par exemple homme ou pterre et autres choses semblables, alors le ceci et le cela sont les prédicats de la proposition, et les (termes) communs susdits, par exemple l'etre, ne sont pas les prédicats ni les seconds ajacents, mais ils sont le líen du prédicat avec le su jet. Par exemple, lorsque je dis : «Ceci est un homme ou une pierre», je ne prédique pas l'etre, mais je prédique l'homme ou la pierre ou quelque chose de ce genre. C'est pourquoi cette (proposition) est vraie: «Martín est un .homme», meme si aucun homme n'existe. Car je ne dts pas que l'homme est et je ne prédique pas non plus l'etre ni ne prédique l'existence des termes, mais leur ~ohére~ce: Ainsi, lorsque je dis que la rose est rouge, Je ne dts nt ne prédique l'etre de la rose ni l'etre de la rougeur, mais la seule cohérence naturelle des termes 2 • C'est pourquoi «etre» ou «est» n'est ni sujet ni prédicat, mais un troisieme en dehors d'eux, c'est-a-dire le lien du prédicat avec le sujet. 0
T ABUJ;.A PROLOGORUM
4· Ex praemissis duobus, maxime ex secundo, concluduntur et sequuntur quattuor. Primum · est quod solus deus proprie est et dicitur ens, unum, verum et bonum. Secundum est quod omne quod est ens, unum, verum aut bonum, non habet hoc a se ipso, sed a deo et ab ipso solo. Tertium est quod ab ipso deo immediate omnia et singula sunt, unum sunt, vera sunt et bona sunt. Quartum est quod, dum aliquid dicitur esse vel ens hoc, unum hoc, verum ho.c,. bonum hoc, li « hoc et hoc » nihil prorsus adtctunt vel afferunt entitatis, unitatis, veritatis aut bonitatis super ens, unum, verum et bonum. Hoc tamen dicendo non destruimus nec tollimus esse rerum aut e.sse rebus, sed constituimus.
.
1. .~a subordination logique des quatre propositions du deu~t~me Prologue aux deux avertissements qui les précedent est 1c1 plus accentuée que dans le Prologue lui-meme. ·
TABLE DES PROLOGUES, 4
1
(
39
4· Des deux prémisses, surtout de la seconde, se concluent et résultent quatre points 1• Le premiet; est que Dieu seul est et se dit au sens propre étant, un, vrai et bon. Le deuxieme est que tout ce qui est étant, un, vrai ou bon n'a pas cela de soi-meme, mais de Dieu et de lui seul. Le troisieme est que par Dieu lui-meme immédiaterri.ent toutes choses et chacune sont, sont unes, sont vraies et sont bonnes. Le quatrieme est que, lorsqu'on dit quelque chose etre ou étant ceci, un ceci, vrai ceci, bon ceci, le ceci et le cela n'ajoutent et n'apportent absolumertt ríen en fait d'entité, d'unité, de vérité ou de bonté a l'étant, a l'un, au vrai et au bon. Cependant, en disant cela, nous ne détruisons pas l'etre des choses et nous ne le leur enlevons pas non plus, mais nous l'établissons.
PROLOGUS GENERALIS IN OPUS TRIPARTITUM
x. Prologus iste generalis, qui praemittitur, primo docet auctoris intentionem, secundo operis distinctionem, tertio ordinem et modum in opere procedendi. Singulis tamen tribus operibus sua specialia prooemia praemittentur.
Auctoris intentio in hoc opere tripartito est satisfacere pro posse studiosorum fratrum quorundam desideriis, qui iam dudum precibus importunis ipsum impellunt crebro et compellunt, ut ea quae ah ipso audire consueverunt, tum in lectionibus et aliis actibus scholasticis, tum in praedicationibus, tum in cottidianis collationibus, scripto commendet, praecipue quantum ad tria: videlicet quantum ad generales et sententiosas quasdam propositiones; item quantum ad diversarum quaestionum novas, breves et faciles declarationes; adhuc autem tertio quantum ad auctoritatum plurimarum sacri canonis utriusque testamentí raras e~positiones, in his potissime quae se ·legisse alias"non recolunt vel audisse, praesertim quia 2.
PROLOGUE GÉNÉRAL A L'ffiUVRE TRIPARTITE
Ce prologue général, placé en tete, fait connaitre, premierement, l'intention de l'auteur, deuxiemement, la division de l'reuvre, troisiemement, l'ordre 'et la méthode qui y sont adoptés. Cependant, chacune des trois reuvres sera précédée de son préambule spécial.
Le plan du prologue
1.
2. L'intention de l'auteur, dans cette reuvre tripartite, est de satisfaire, dans la mesure du possible, aux désirs de certains freres studieux qui, depuis longtemps, par leurs prieres instantes, J'invitent et l'incitent sans cesse a confiera l'écriture ce qu'ils ont l'habitude d'entendre. de sa bouche dans les le~ons et les autres activités de l'école, dans les sermons et dans les entretiens quotidiens. lis ont en vue principalement trois objets : certaines propositions générales et condensées, des solutions nouvelles, breves et faciles, de diverses questions; et, troisiemement, des expositions rares de tres: nombreuses autorités du canon
L'intention de l'<Euvre tripartite
PROLOGUS GENERALIS
PROLOGUE GÉNÉRAL, z-4
dulcius trrttant animum nova et rara quam usitata, quamvis meliora fuerint et maiora.
sacré de l'un et l'autre Testament, quand surtout ils ne se souviennent pas de les avoir lues ou entendues ailleurs, pour la raison principale que le nouveau et le rare offrent a !'esprit une stimulation plus agréable que l'habituel, meme si celui-ci a plus de valeur et d'importance.
3· Distinguitur igitur secundum hoc opus ipsum totale in tria principaliter. Primum est opus generaHum propositionum, secundum opus quaestionum, tertium opus expositionum. Opus autem primum, quía propositiones tenet mille et amplius, in tractatus quattuordecim distinguitur iuxta numerum terminorum, de quibus formantur propositiones. Et quía « opposita iuxta se posita magis elucescunt» et «oppositorum eadem est scientia», quilibet praedictorum tractatuum bipartitus est. Primo enim ponuntur propositiones de ipso termino, secundo ponuntur propositiones de eiusdem termini opposito.
3· L'reuvre entiere se divise done d'apres cela en trois parties principales. La premiere est l'<Euvre des Propositions général~s, la deuxieme l'<Euvre des Questions, la troisieme l'CEuvre des Expositions.
4· Primus tractatus agit de esse et ente et etus opposito quod est nihil. Secundus. de unitate et uno et eius opposito quod est multum.
4· Le premier traité concerne l'etre et l'étant, et leur .opposé qui est le néant. Le deuxieme, l'unité et l'un, et leur opposé qui est le multiple.
Du
x. ARISTOTE, cie/II, 6, 289 a 7; Réfut. soph. I, 15, 174 b 5· Nous reportons, dans ces notes, les références des citations faites par·.Eckhart:'·Poür l'explication du texte, nous renvoyons le
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La division de l'ffiuvre tripartite
Quant a la premiere CEuvre, comprenant mille propositions et davantage, elle se divise en quatorze traités conformément au nombre des termes au sujet desquels les propositions sont formées. Et paree que «les opposés ressortent plus clairement quand ils sont juxtaposés 1 » et que «des opposés la science est la meme 2 », chacun des traités susdits est bipartite: en premier lieu én effet sont avancées les propositions relatives au terme lui-meme, en second lieu, les propositions relatives a 1' opposé de ce m eme terme. .
de l'ffiuvre des propositions
lecteur au commentaire qui suit les Prologues dans le présent volume. · z. ARISTOTE, Topiques I, 14, 105 b 5.
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PROLOGUE GÉNÉRAL, 4-s
4S
Tertius de veritate et vero et eius opposito quod est falsum. Quartus de bonitate et bono et malo eius ~pposito. Quintus de amare et caritate et peccato, eius opposito. · Sextus de honesto, virtute et recto et eorum oppositis, puta turpi, vitio, obliquo. Septimus de toto et parte, eius opposito. Octavus de communi et indistincto et horum oppositis, proprio et distincto. Nonus de natura superioris et inferioris eius oppositi. Decimus de primo et novissimo. Undecimus de idea et ratione et horum oppositis, puta de informi et privatione. Duodecimus vero de quo est et quod est ei condiviso. - Decimus tertius agit de ipso deo summo esse, quod «contrarium non habet nisi non esse», ut ait Augustinus De immortalitate animae et De moribus Manichaeorum. Decimus quartus de substantia et accidente.
Le troisieme, la vérité et le vrai, et leur opposé qui est le faux. Le quatrieme, la bonté et le bon, et le .mal, leur opposé. \ Le cinquieme, l'amour et la charité, et le péché; leur opposé. Le sixieme, l'honnete, la vertu et le droit, et leurs opposés, a savoir le honteux, le vice et 1' oblique. Le septieme, le tout et la partie, son opposé. La huitieme, le commun et l'indistinct, et leurs opposés, le propre et le distinct. Le neuvieme, la nature du supérieur et celle de l'inférieur, son opposé,. Le dixieme, le premier et le dernier. Le onzieme, l'idée et la raison, et leurs opposés, a savoir !'informe et la privation. Le douzieme, pour sa part, le «ce par quoi est » (quo est) et le «ce qui est» (quod est), son corrélatif. Le treizieme concerne Dieu lui-meme, l'etre supreme, qui «n'a pas de contraire si ce n'est le non-etre», comme le dit Augustin dans 1' Immortalité de l'ame1 et dans les Coutumes des manichéens2 • Le quatorzieme, la substance et l'accident.
5· Opus autem secundum, quaestionum scilicet distinguitur secundum materiam quaestionum, d~ quibus agitur ordine quo ponuntur in Summa doctoris egregii venerabilis fratris Thomae de Aquino, quamvis non de omnibus sed paucis, prout se offerebat occasio disputandi, legendi et conferendi.
5. Quant a la deuxieme CEuvre, c'est-a-dire l'CEuvre des Questions, elle se divise d'apres la matiere des questions, dont on traite dans Fordre ou elles sont énbncées dans la Somme du docteur éminent, le vénérable frere Thomas d' Aquin. Cependant, il ne s'agit pas de toutes les questions, mais seulement d'un petit nombre d'entre elles, selon que s'offrait l'occasion de disputer, d'enseigner et de conférer.
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1mmort: u·, 19. .
2.
Manich.
1. 1.
de l'<Euvre des questions
PROLOGUS GENERALIS
PROLOGUE GÉNÉRAL, 6-7
6. Opus vero tertium, scilicet expositionum, in duo dividitur. Quia enim nonnullas auctoritates utriusque testamenti in sermonibus specialiter diffusius auctor pertractavit et exposuit, placuit ipsi alias seorsum exponere_ et hoc opus sermonum nominad. Adhuc autem opus expositionum subdividitur numero et ordine. librorum . . veteris et novi testamenti ' quorum auctorttates m tpso exponuntur.
de l'<Euvre 6. La troisieme CEuvre, 't' celle des Expositions, se dies exposttons vise en deux parties. En effet, l'auteur, ayant étudié et exposé dans des sermons, d'une maniere particulierement détaillée, quelques autorités des deux Testaments, a décidé d'en exposer séparément d'autres encore et d'appeler ce (recueil) CEuvre des Sermons. Ajoutons que l'CEuvre des Expositions se subdivise d'apres _le nombre et l'ordre des livres de 1' Anden et du Nouveau Testament dont les autorités y sont exposées.
7· Et quamvis haec omnia pelagus quoddam scripturae videantur requirere, duo tamen sunt quae brevitati, quantum licuit, deserviunt et opus sucdngunt. Primo, quia vix aliqua et rarissime alias habita hic ponuntur. Secundo, quia tam in opere quaestionum quam in opere expositionum interdse et de paucissirnis respective hic tractatur. Quo etiam modo beatus Augustinus procedit in libris septem Quaestionum super primos septem libros veteris testamenti et in De 8 3 quaestionibus et Ad Orosium et nonnullis aliis libris suis. Advertendum est autem quod nonnulla ex sequentibus propositionibus, quaestionibus, expositionibus primo aspectu monstruosa, dubia aut falsa apparebunt, secus autem si sollerter et studiosius pertractentur. Luculenter enim invenietur dictis attestari veritas et auctoritas ipsius sacri canonis seu alicuius sanctorum aut doctorum famosorum.
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7· Et quo. 1que tout cela paraisse ex1ger un océan d'écrits, deux causes cependant servent la brieveté, autant qu'il était permis, et raccourdssent l'ceuvre. Premierement, on présente id apeine quelques points et qui sont tres rarement traités ailleurs. Secondement, tant dans l'CEuvre des Questions que dans celle des Expositions, l'exposé est ici discontinu et porte sur un tres petit nombre de points en les mettant en relation avec d'autres. C'est cette méthode aussi qu'adopte le bienheureux Augustin dans les sept livres des Questions sur les sept premiers livres de 1' Anden Testament, dans les Quatre-vingt-trois questions, dans la Lettre a Orase et dans quelques autres de ses ouvrages. Mais il faut observer que quelques-unes des propositions, des questions et des expositions qui suivent paraitront au premier abord étranges, douteuses ou fausses, mais qu'il en sera autrement si on les étudie avec subtilité et plus soigneusement. On trouvera en effet que la vérité et l'autorité du canon sacré luimeme ou de quelqu'un parmi les saints ou les
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PROLOGUS GENERALIS -
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8. Ad evidentiam · igitur dicendorum tria sunt praemittenda. Primum est quod de terminis generalibus, puta esse, unitate, veritate, sapientia, bonitate et similibus nequaquam est imaginandum vel iudicandum secundum modum et naturam accidentium, quae accipiunt esse in subiecto et per subiectum et per ipsius transmutationem et sunt posteriora ipso et · inhaerendo esse accipiunt. Propter quod et numerum et divisionem accipiunt in ipso subiecto in tantum, ut subiectum cadat in diffinitione accidentium huiusmodi in ratione qua esse habent. Secus autem omnino se habet de praemissis generalibus. Non enim ipsum esse et quae cum ipso convertibiliter idem sunt, superveniunt re bus tamquam posteriora, sed -sunt priora omnibus in rebus. Ipsum enim esse non accipit quod sit in aliquo nec ab aliquo nec per aliquid, nec advenit nec supervenit alicui, sed praevenit et prius est omnium. Propter quod esse omnium est immediate a causa prima et a causa universali omnium. Ab ipso igitur esse «et per ipsum et in ipso sunt omnia a», ipsum non ab alio. Quod enim aliud est ab esse, non est aut nihil est. Ipsum enim esse comparatur ad omnia sicut actus et perfectio et est ipsa actualitas omnium, etiam formarum.- Propter quod Avicenna VIII Metaphysicae 6 c. ait : «Id quod desiderat omnis res, est esse et perfectio esse, inquantúm est esse»; et subdit: «Id ergo quod vere desideratur, est esse».
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docteurs fameux, témoignent clairement en faveur de ce qui a été dit. -
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8. Done, pour la clarté Trois remarques des propos qu'on va tenir, il préliminaires : faut faire trois remarques 1. Les termes préliminaires. La premiere généraux est qu'on ne doit en aucune fa~on se représenter ou juger les termes généraux comme etre, unité, vérité, sagesse, bonté et les autres semblables - d'apre_~ le mode et la nature des accidents qui re~oivent T'etre dans le sujet, par le sujet et par son changement, sont postérieurs a lui et re~oi vent l'etre par inhérence. C'est pourquoi ils re~oivent le nombre et la division dans le sujet lui-meme, en tant que le sujet est compris dans la définition des accidents de ce genre, dans la raison par laquelle ils ont l'etre. Or, il en va tout autrement des termes généraux susdits. En effet, l'etre lui-meme et ce qui, se convertissant avec lui, est la meme chose que lui, ne surviennent -pas aux choses comme postérieurs, mais sont antérieurs a tout dans les choses. Car l'etre lui-meme ne re~oit le fait d'ei:re ni en quelque chose ni de quelque chose ni par quelque chose; et il n'advient ni ne survient a quelque chose, mais il (le) prévient et il est antérieur a tout. C'est pourquoi l'etre de toutes choses est immédiatement par la cause premit~re et par la cause universelle de toutes choses. Done, de 1' etre lui-meme, «par lui et en lui sont toutes chosesa», mais lui n'est pas par un autre. Car ce qui est autre que l'etre n'est pas ou n'est rien. L'etre lui-meme en effet se rapporte a toutes choses comme (leur) acte et (leur) perfection et il est l'actualité meme de toutes choses, y comprisdes formes. C'est pourquoi Avicennedit au
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9· Hinc est quod omnis res quamvis mobilis et transmutabilis de consideratione est metaphysici, inquantum ens, etiam ipsa materia, radix rerum corruptibilium. Et iterum : esse rerum omnium, inquantum esse, mensuratur aeternitate, nequaquam tempore. Intellectus enim, cuius obiectum est ens et in quo secundum Avicennam ens cadit primo omnium, ab hic et nunc abstrahit et per consequens a tempore. Augustinus VII De trinitate c. 1 praedictis alludens dicit : « Sapientia... sapiens est et se ipsa sapiens es t. E t ... quaecumque anima participatione sapientiae fit sapiens si rursum desipiat, manet tamen in se sapientia, nec cum fuerit anima in stultitiam commutata, illa mutatur. Non. ita est in eo qui ex ea fit sapiens, quemadmodum candor in corpore quod ex illo candidum est. Cum enim corpus in alium colorem fuerit commutatum, non manebit candor ille atque omnino esse desinet».
Secundo est praen~tandum qtiod universaliter priora. et superiora nihil prorsus accipiunt a posterioribus, sed nec ah aliquo afficiuntur quod sit in illis; sed e converso priora et superiora afficiunt inferiora et posteriora et in ipsa descendunt cum suis proprietatibus et ipsa sibi assimulant, utpote causa causatum 10.
x.,'Métaphys. 1; 6.
z. Trin. VII, I,z.
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livre VIII, ch. 6, de la Métaphysique : «Ce que désire toute chose est l'etre et la perfection de l'etre en tant qu'il est l'etre»; et il ajoute: «Done, ce qui est désiré vraiment, c'est l'etre». 9· De la vient que toute chose, meme mobile et muable, est, a titre d'étant, l'objet d'étude du métaphysicien, meme la matiere, qui est la racine des choses corruptibles. De meme, l'etre de toutes choses, en tant qu'etre, est mesuré par l'éternité, nullement par le temps. Car l'intellect dont l'objet est l'étant, et qui, selon Avicenne, saisit l'étant avant toutes choscs 1, abstrait de l'ici et du maintenant et par conséquent du temps. Augustin, De la Trinité VII, chap. 1, faisant allusion a ce qui précede, déclare : «La sagesse ... est sage et elle est sage par elle-meme. E t ... toute ame devient sage par sa participation a. la sagesse; si elle reto mbe dans la folie, la sagesse demeure cependant en soi et ne change pas non plus quand l'ame a changé en déraison. En celui qui est sage par la sagesse, ce n'est pas comme la blancheur dans le corps qui est blanc par elle. Car, lorsque le corps aura passé a une autre couleur, cette blancheur ne demeurera pas et cessera absolument d'etre2. »
Il faut faire une deuxieme remarque pré. liminaire. C' est une regle . untv~rselle que les antérieurs et les supérieurs ne res;mvent absolument ríen des postérieurs et ne sont pas affectés non plus par ce qui peut etre en eux. Mais mversement, les antérieurs et les supérieurs affectent les inférieurs et les postérieurs, descendent en eux avec leurs propriétés et se les rendent semblables, 2.
Le supérieur et l'inférieur
10.
PROLOGUS GENERALIS
PROLOGUE GÉNÉRAL, xo-xx
et agens passum. De ratione enim primi et superioris, cum sit «dives per se», est influere et afficere inferiora suis proprietatibus, inter quas est unitas et indivisio. Semper divisum inferius unum est et indivisum in superiori. Ex quo patet quod superius nullo modo dividitur in inferioribus, sed manens indivisum colligit et unit divisa in inferioribus. Exemplum evidens praemissorum est in partibus animalis, ·in quibus dinditur non anima, sed manens indivisa singulas partes in se unit, ut ipsarum sit una anima, una vita, unum esse et unum vivere, in tan tu m quod si caput hominis imaginaretur in polo arctico et pedes in polo antarctico, non plus dista bit pes a capite quam a se ipso nec erit inferior capite quantum ad esse, vivere, animam et vitam. In uno enim nulla est distantia, nihil inferius altero, nulla prorsus distinctio figurae, ordinis aut actus.
comme la. cause le causé et l'agent le patient. Il appartient en effet a la nature du premier et du supérieur, puisqu'il est «riche par soi 1 », d'influencer et d'affecter l'inférieur par ses propriétés, parmi lesquelles figurent l'unité et l'indivision. L'inférieur divisé est toujours un et indivisé dans le supérieur. D'ou il appert que le supérieur ne se divise nullement dans les inférieurs, mais, demeurant indivis, rassemble et réunit ce qui est divisé dans les inférieurs. Il y a un exemple clair de ce qu'on vient de dire dans les parties de !'animal dans lesquelles l'ame ne se divise pas, mais demeurant indivise, elle unit en elle les différentes partid~, de fac;on qu'elles aient une seule ame, une seule vie, un seul etre et un seul vivre. De sorte qu~, si l'on imaginait la tete de l'homme au póle nord et ses pieds au póle sud, les pieds ne seraient pas plus éloignés de la tete que d'eux-memes et ne seraient pas inférieurs a la tete quant a l'etre, au vivre, a l'ame et a la vie. Dans l'un, en effet, il n'y a pas de distance, ríen n'est inférieur a autre chose, il n'y a . absolument aucune distinction de figure, d'ordre ou d'acte.
11. Tertio et ultimo est praenotandum quod opus secundum, similiter et tertium sic dependent a primo opere, scilicet propositionum, quod sine ipso sunt parvae utilitatis, eo quod quaestionum declarationes et auctoritatum exposiciones plerumque fundantur supra aliquam propositionum. Ut autem hoc exemplariter videatur et habeatur modus procedendi in totali opere tripartito, prooemialiter praemittemus
I ...
:Des causes,
.~d.
Bardenhewer, prop.
20.
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11. La trmsteme et derniere remarque préalable est de l'<Euvre la suivante. La deuxieme des propositions CEuvre, et de meme la troisieme,. dépendent de la premiere, c'est-a-dire de l'CEuvre des Propositións, de telle sorte que, sans elle, elles sont de peu d'utilité. En effet, les solutions des questions et les expositions des autorités sont fondées le plus souvent sur l'une des propositions. Pour le montrer par des exemples et pour faire connaitre la méthode dont on use dans !'ensemble de l'CEuvre tripartite, nous la ferons précéder, a titre d'introduc-
3· La primauté
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PROLOGUE GÉNÉRAL, u-u
PROLOGUS GENERALIS
primam propositionem, primam quaestionem et primae auctoritatis expositionem. Prima igitur propositio est : Esse · est deus. ·Prima quaestio de divinitate : Utrum deus sit. Prima auctoritas sacri canonis est: In principio creavit deus caelum et terram. Primo igitur videamus propositionis declarationem, secundo ex ipsa quaestionis solutionem, tertio ex eadem auctoritatis praemissae expositionem.
12. Esse est deus. Patet haec propositio primo, quía si esse est aliud ab ipso deo, deus nec est nec deus est. Quomodo enim est aut aliquid est, a quo esse aliud, alienum et distinctum est? Aut si est deus, alío utique est, cum esse sit aliud ab ipso. Deus igitur et esse ídem, aut deus ab alio habet esse. Et sic non ipse deus, ut praemissum est, sed aliud ab ipso, prius ipso, est et est sibi causa, ut sit. Praeterea: omne quod est per esse et ab esse habet, quod sit sive quod est. Igitur si esse est aliud a deo, res ab alio habet esse quam a deo. Praeterea : ante ~sse est nihil. Propter quod conferens esse creat et creator est. Creare quippe est dare esse ex nihilo. Constat autem quod omnia habent esse · ab ipso esse, sicut omnia sunt alba ab albedine. Igitur si esse est aliud a deo, creator erit aliud quam deus.
J
tion, de la premiere proposition, de la prem1ere question et de l'exposition de la premiere autorité. La premiere proposition est done : L' etre est Dieu. La premiere question sur la divinité : Si Dieu est. La premiere autorité du canon sacré est : Au commencement, Dieu a créé le ciel. et la terre. Voyons done premierement la démonstration de la proposition, deuxiemement, par elle, la solution de la question, troisiemement, par la meme (proposition), l'exposition de l'autorité susdite. 12. L' etre est Dieu. Cette proposition s'établit comme suit. Premierement, si l'etre est un autre que Dieu lui-meme, Dieu n'est pas et il n'est pas Dieu. En effet, comment est ou est quelque chose ce par rapport a quoi 1'etre est autre, étranger et distinct? Ou si Dieu est, il est nécessairement par un autre, puisque l'etre est un autre que lui. Done, Dieu et l'etre sont identiques ou bien Dieu tient l'etre d'un autre. Et dans cecas, ce n'est pas Dieu lui-meme qui est, comme on l'a dit plus haut, mais c'est un autre que lui, antérieur a lui, et cet autre est pour luí la cause en .vertu de laquelle il est. Ensuite. Tout ce qui est, a par l'etre et de l'etre le fait qu'il peut etre ou qu'il est. Done, si l'etre est un autre que Dieu, la chose a l'etre par un autre que Dieu. · Ensuite. Avant l'etre, il n'y a rien. C'est pourquoi ce qui confere l'etre crée et est créateur. Créer, en effet, c'est donner l'etre a partir de ríen. Or, il est évident que toutes choses tiennent l'etre de l'etre lui-meme, comme toutes choses sont blanches par la
La premiere proposition : «l'etre est Dieu»
F' PROLOGUS GENERALIS
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PROLOGUE· GÉNÉRAL, u-1 3 .
Rursus quarto: omne habens esse est, quocumque alío circumscripto, sicut habens albedinem album est. Igitur si esse est aliud quam deus, res poterunt esse sine deo~ et sic deus non est prima causa, sed nec causa rebus quod sint. Amplius quinto : extra esse et ante esse solum est nihil. Igitur ·si esse est aliud quam deus et alienum deo, deus esset nihil aut, ut prius, esset ah alío a se et a priori se. Et istud esset ipsi deo deus et omnium deus. Praemissis alludit illud Exodi 3 : «Ego sum qui suma».
13· Quaestio prima est: Utrum deus sit. Dicendum quod sit. Ex propositione iam declarata primo sic: si deus non est, nihil est. Consequens est falsum. Ergo et antecedens, scilicet deum non esse. Consequentia probatur sic : si esse non est, nullum ens est sive nihil est, sicut si albedo non est, nullum album est. Sed esse est deus, ut ait propositio. Igitur si deus non est, nihil est. Consequentis falsitatem probat natura, sensus et ratio. Praeterea secundo· ad principale sic : nulla propositio est verior illa in qua idem de se ipso ·praedicatur,
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blancheur. Done, si l'etre est un autre que Dieu, le créateur sera un autre que Dieu. . De nouveau, quatriemement. Tout ce qui a l'etre est- abstraction faite de quoi que ce soit d'autre -, · comme tout ce qui a la blancheur est blanc. Done, si l'etre est un autre que Dieu, les choses pourront etre sans Dieu; et ainsi Dieu n'est pas la cause premiere et il n'est pas non plus pour les choses la cause en vertu de laquelle elles sont. En outre, cinquiemement. En dehors de l'etre et avant l'etre, il n'y a que le néant. Done, si l'etre était autre que Dieu et étranger a Dieu, Dieu ne serait ríen ou, comme plus haut, il serait par un autre que luí et par un antérieur alui. Et cela serait Dieu pour Dieu lui-meme et serait le dieu de toutes choses. Ce verset d'Exode 3 fait allusion a ce qui précede: «]e suis celui qui suis a.»
13. La premiere question est : «Si Dieu est >>. I1 faut 'JUe~tion: dire qu'il est. A partir de la «Sl Dteu est» proposition qu'on vient de déniontrer, (on. raisonne) premierement comme suit. Si Dieu n'est pas, rien n'est. Le conséquent est faux. Done l'antécédent aussi, a savoir que Dieu n'est pas. Lá conséquence se prouve ainsi. Si 1' etre n' est pas, aucun étant n'est ou rien n'est; de meme, si la blancheur n'est pas, aucun blanc n'est. Or, l'etre est Dieu, comme le dit la proposition. Done, si Dieu n'est pas, rien n'est. La,. nature, les sens et la raison pro~vent la fausseté du conséquent. . . En outre, deuxiemement, (on argumente) ams1 relativement a la (question) principale. Aucune proposition n'est plus vraie que celle dans laquelle le meme se prédique de lui-meme, par exemple : La premiere
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PROLOGUE GÉNÉRAL, ·H-15
PROLOGUS GENERALIS
puta quod horno est horno. Sed esse est deus. Igitur ·· ··- · · verum est deum esse. . · Tertio sic: nulla res se ipsam deserere potest, ut ait Augustinus De immortalitate animae. Sed esse est deus, ut prius. Igitur non potest esse deum deserere, ut non s1t. Praeterea quarto sic : res id quod est a nullo alio habet, ut ait Avicenna. Unde quocumque posito vel non posito horno est animal rationale mortale. Et Au.gust.inus. dicit quod nihil «taro aeternum quam ratio ctrcuh ». Sed esse est es sen tia dei si ve deus. Igitur deum esse verum aeternum est. Igitur deus est. Consequens patet, t}uia omne, quod est, per esse est. Esse autem deus est. Et hoc est quod scribitur Exodi 3 : «Qui est misit mea».
14. In principio creavit deus caelum et terram. Notandum quod ex praemissa propositione prima au~toritas. hic e~ponitur 9uantum ad .quattuor, ex qutbus et1am ahae auctontates exponuntur. Et iste erit modus totius operis expositionum et sermonum, quod videlicet in unius auctoritatis expositione pluri~ae al~ae breviter et inciden ter_ exponur1tur. suis locts ex mtentione et diffusius exponendae~ ... _ 15. Dicamus igitur quod ex propositione declarata supra primo probatur quod deus et ipse solds creavit .. .•
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l'homme est homme. Or, l'etre (esse) est Oieu. Done il est vrai que Dieu est (deum esse). Troisiemement comme suit. Aucune chose ne peut se quitter elle-meme, comme le dit Augustin dans 1'Immortalité de f ame t. Or, 1'etre est Dieu, comme plus . haut. Done, l'etre ne peut quitter Dieu, de sorte que Dieu ne soit pas. En outre, quatriemement comme suit. La chose n'a ce qu'elle est de rien d'autre (qu'elle-meme), comme le dit Avicenne2. Done, que l'on pose ou non (l'existence de) quelqu'un, l'homme est un animal raisonnable mortel._Et Augustin dit qu'il n'y a rien de «si éternel que la raison du cercle 3 ». Or, l'etre (esse) est 1'es sen ce de Dieu o u Dieu. Done, que Dieu est (deum esse) est une vérité éternelle. Done Dieu est. Le conséquent est évident, car tout ce qui est, est par l'etre. Or, l'etre est Dieu. Et c'est ce qui est écrit au livre 3 de l'Exode: «Celui qui est m'a envoyéa».
14. Au commencement La premiere Dieu a créé le ciel et la te"e. 11 exposition : «Au faut remarquer qu'a partir commencement... » de la proposition énoncée précédemment, on expose ici la premiere autorité sous quatre rapports do~t on tire au.ssi l'expositiqn d'autres autorités. Telle sera la méthode dans ·toute l'<Euv·re des Expositions et des Sermons : en exposant une autorité, on en commente beaucoup d'autres brievement et incidemment, avant de les exposer en leur lieu selon le plan et avec plus ·de détail. ·. 15. Disons. done qú'a partir de la proposition établie ci-dessus, on démontre, premierement, que Dieu, et lui seul, «a créé le ciel et la terre», c'est-a-dire
...
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PROLOGUS GENERAUS
caelum el terram,. id est suprema et infima et per ~onseq~ens o~n~a. Secut?-do quod creavit in principio, td est .m se tpso. Tertto quod creavit quidem in praetento! s~d .tamen semper est in principio creationis
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et .c~ea~e tnctp~t. q~arto q~od creatio et omne opus . det tn tpso prtnctpto creattonis mox simul est perfectum et terminatum. Ait enim : in principio creavit, quod est verbum praeteriti perfecti temporis.
PROLOGUE GÉNÉRAL, IS·I7
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ce qu'il y a de plus haut et ce qu'il y a de plus has et, par conséquent, toutes choses. Deuxiemement, qu'«il a créé au commencement (in principio)», c'est-a-dire en lui-meme. Troisiemement, qu'«il a créé» dans le passé, certes, mais que cependant il est toujours «au commencement (in principio)» de la création et commence toujours a créer. Quatriemement, que la création et toute reuvre de Dieu, au commencement meme de la création, sont aussitót a la fois parfaites et achevées. 11 est dit en effet : «A u commencement il a créé »; cette forme ver bale est celle du temps passé '"' parfait.
16. Primum ínter quattuor sic patet : creatio est collatio es se, nec oportet addere «ex nihil o», quia ante esse est nihil. Constat autem quod ab esse et ipso solo, nullo alío, confertur esse rebus, sicut esse album a sola ~lbedine. Igitur deus et ipse solus, cum sit esse, creat stve creavit. Ex quo etiam manifeste solvitur quaestio illa qua quaeritur, utrum actus creationis possit communicari alicui alteri; de quo suo loco plenius apparebit.
· 16. Le premier de ces quatre points s'élucide comme suit. La création est la collation de l'etre; il ' n'est pas nécessaire d'ajouter «a partir de rien», paree qu'avant l'etre, il n'y a ríen. Or, il est évídent que c'est par l'etre et par lui seul, par ríen d'autre, que l'etre est conféré aux choses, comme l'etre-blanc est conféré par la seule blancheur. Done, « Dieu », et luí seul, puisqu'il est l'etre, crée ou «a créé». Par la aussi est résolue manifestement la question de savoir si l'acte de création peut etre communiqué a quelqu'un d'autre; sur quoi la lumiere se fera de fa~on plus complete en son lieu.
17. Secundum inter quattuor, scilicet quod creavit in principio, id est in se ipso, sic patet: creatio dat sive
17. Le deuxieme des quatre points, a savoir que Dieu «a créé au commencement», c'est-a-dire en lui-meme, s'élucide ainsi. La création donne ou confere l'etre. Or, l'etre est le commencement; il est antérieur a toutes choses : avant lui et en dehors de lui, il n'y a ríen. Et il est Dieu. Done, «il a créé» toutes choses «au commencement», c'est-a-dire en lui-meme. Car il a créé toutes choses dans l'etre, qui est le commencement et qui est Dieu lui-meme. 11 faut noter ici que tout ce que Dieu crée, opere ou fait, il
conf~rt esse. Esse autem principium est et primo
)
ommum, ante quod nihil et extra quod nihil. Et hoc est deus. Igitur creavit omnia in principio, id est in se ipso. Creavit enim omnia in esse, quod est principium, et est ipse deus. Ubi notandum quod omne quod deus creat, operatur vel agit, in se ipso operatur
\
62
PROLOGUS GENERALIS
vel agit. Quod enim extra deum est et quod extra deum fit, extra esse est et fit. Sed nec fit quidem, quía ipsius fieri terminus est .esse, Augus~inus IV ~~mfes sionum : fecit deus omma. «Non fectt atque abut, sed ex illo in illo sunt. » Secus est in aliis artificibus. Domificator enim domum facit extra se, tum quia extra ipsum sunt entia alia, tum quia ligna et lapides, in quibus est domus et fit, non habent esse nec ab artífice nec in ipso, sed ab alio et in alio. Non ergo falso imaginandum est quasi deus proiecerit creaturas vel creaverit extra se in quodam infinito seu vacuo. Nihil enim nihil recipit nec subiectum esse potest nec terminus esse potest nec finis cuiusquam actionis. Sed si quid ponatur in nihilo recipi seu terminari_ in nihil, non est ens, sed nihil. Creavit ergo deus omma non ut starent extra se aut iuxta se et praeter se ad modum aliorum artificum, sed vocavit ex nihilo, ex non esse scilicet, ad esse, quod invenirent et acciperent et haberent in se. Ipse enim est "esse. Propter quod significanter non ait a principio, sed in principio deum creasse. Quomodo enim essent nisi in esse, quod est principium? Secundum hoc expofl:itur illud infra Sap. 1 : «Creavit deus ut ~ssent ommaa» et ~om. 4.: ((V ocat ea quae non sunt » e~c. et _Plura hu~UStJ?-0~1. Ubi rursus notandum quod stcut el quod est altqUid accidere potest, non autem ipsi esse quidquam accidit
a. Sg 1, 14.
b; Rm 4, 17.
PROLOGUE GÉNÉRAL, 17
l'opere et le fait en lui-meme. Car ce qui est en dehors de Dieu et ce qui devient en dehors de lui, est et devient en dehors de l'etre. En vérité, cela ne devient meme pas, paree que le terme du devenir est l'etre. Augustin (dit) au livre IV des Confessions : Dieu a fait toutes choses. «11 ne les a pas faites pour s'en aller, mais venues de luí, elles sont en lui 1, » 11 en va différemment des autres artisans. Car le constructeur fait la maison en dehors de luí, d'une part paree qu'en dehors de lui il y a d'autres étants, et d'autre part pare~ que le bois et la pierre, dans lesquels la maison est et devient, n'ont -1-'etre ni par l'artisan ni en lui, mais par un autre et en un autre. 11 ne faut done pas imaginer faussement que Dieu aurait projeté ou créé les créatures en dehors de lui dans une sorte d'infini ou de vide. Car le rien ne re~oit rien, ne peut etre sujet et ne peut etre terme ni fin d'une action quelconque. Et si l'on admet qu'une chose est re~ue dans le néant ou se termine en lui, elle n'est pas étant, mais néant. Done, Dieu a créé toutes choses, non pour qu'elles se tiennent en dehors de lui, a coté de lui ou en plus de lui, a la maniere des autres artisans, mais il les a appelées du néant, c'est-a-dire du non-etre a l'etre qu'elles trouveraient, recevraient et posséderaient en lui. Car il est l'etre. C'est pourquoi, d'une fa~on significative, il n'est pas dit que Dieu a créé a partir du commencement, mais dans le commencement. Comment en effet (les choses) seraient-elles si ce n'était dans l'etre qui est le commencement? Ces versets ultérieurs s'interpretent dans ce sens, Sg 1 : « Dieu a créé toutes eh oses, afin qu' elles fussent a», Rm 4: «11 appelle les choses qui ne sont pas b», etc. et plusieurs autres de ce genre. Ici, il faut faire encore la remarque suivante : de meme que, selon Boece, quelque chose peut advenir (accidere) a ce qui est,
PROLOGUE GÉNÉRAL, 17-19
PROLOGUS GENERALIS
secundum Boethium, sic extra omne quod est aliquid esse potest, extra ipsum vero esse nihil esse potes t.
tandi,s que rien ne peut advenir a l'etre lui-meme, de meme, en dehors de tout ce qui est, quelque chose peut etre, alors que rien ne peut etre en dehors de 1'etre lui-meme.
x8. Tertium in ter- quattuor, scilicet quod creavit quidem in praeterito et tamen semper est in principio creationis, sic declaro: deus omne, utpote esse, agit in esse et ad esse, Sap. 1 : «Creavit ut essent omnia a». Esse autem initium primum et principium est omnium. Ex quo patet quod omne opus dei novum est, Sap. 7 : «In se permanens- innovat omnia b»; Apoc. 22: «Ecce, ego nova fado omniac». Propter quod Is. 1 dicitur: «Ego primus et novissimusd». Sic ergo creavit, ut nihilominus semper creet. Quod enim est in principio et cuius finis principium, semper oritur, semper nascitur, semper natum est. Unde Augustinus 1 Confessionum : « Omnia quae hesterna sunt et retro, hodie facies, hodie fecisti». Creavit ergo omnia in principio, quia in se ipso principio; et rursus in se ipso principio creavit, quía praeterita et retro hodie quasi in principio et primo creat, quorum utrumque in aliis artificibus deficit, quia nec in se agunt et acta deserunt, quia agere desinunt.
x8. Le troisieme des quatre points, asavoir qu'«il a créé» dans le passé, certes, mais cependant qu'il est toujours «au commencement» de la création, je le démontre comme suit. Dieu, en tant qu'etre, fait tout dans l'etre et pour l'etre, Sg 1 : «11 a créé toutes choses, afin qu'elles fussenta. » Or l'etre est le premier début et le commencement de toutes choses. D'ou il appert que toute ceuvte de Dieu est nouvelle, Sg 7 : « Demeurant en soi, il renouvelle toutes choses b»; Ap 22: «Voici, je fais toutes choses nouvellesc.» C' est pourquoi il est dit dans Is 1 : « Je suis le premier et le dernierd. » Ainsi done, «il a créé», de telle sorte, néanmoins, qu'il crée toujours. En effet, ce qui est au commencement et ce dont la fin est le commencement, surgit toujours, nait toujours, est toujours né. De hl Augustin au premier livre des Confessions: «Toutes les choses d'hier et du passé, tu les feras aujourd'hui, tu les as faites aujourd'hui 1• » Done, « il a créé» toutes choses «au commencement», paree qu'(il les a créées) en luí (qui est) le commencement; et, encore une fois, il a créé en luí, le commencement, paree qu'il ·crée les eh oses passées et antérieures aujourd'hui comme au commencement et comme au premier moment. Ces deux traits font défaut chez les autres artisans, paree qu'ils n'agissent pas en euxmemes et qu'ils délaissent ce qu'ils ont fait, étant donné qu'ils cessent d'agir. _
19. Quartum et ultimum, scilicet quod creatio et omne opus dei in ipso principio creati~mis mox simul est et perfectum et terminatum, patet ex dictis. Ubi
• a. Sg 1, 14. .b. Sg 7, 2.7. · 1.-
Co~J 1, 6,
Io;
c. Ap 2.1, 5·
d. Is 41,4.
19. Le quatrieme et dernier point, a savoir que la création et toute ceuvre de Dieu, au commencement meme de la création, sont aussitot a la fois parfaites et
PROLOGUS GENERALIS
PROLOGUE GÉNÉRAL, 19-zo
eriim finis et initium ídem, necessario simul fit et factum est, simul incipit et perfectum est. Deus au~e~, utpote e~se, et initium est ~t .«p~incipium et fi~t~ ». ~tcut entm ante. esse est nthtl, stc post esse mhd, qma esse est termmus omnis fieri. Quod enim est in quantum huiusmodi non_ fit nec fieri potes t. Propter quod praesentibus habitibus cessat motus. Quod ~nim e~t dom~s, non fit domus, licet possit dealbart et hutusmodt, sed hoc est, in quantum non ~st. a~ba. Sic ergo creatio et omne o pus dei mox ut tnctptt perfectum est, Deut. 32. : «Dei perfecta sunt opera b», et Psalmus: «Dixit et facta suntc». Nam ipse initium sive « principium et finis » est, Apoc. primo et ultimo d.
achevées, découle de ce qui précede. Carla ou la fin et le commencement sont la meme chose, c'est nécessairement en meme temps qu'(une chose) devient et a été faite, en meme temps qu'elle commence et qu'elle est achevée. Or, Dieu, en tant qu'etre, est le début et «le commencement et la fin a». En effet, comme avant l'etre, il n'y a rien, ainsi apres l'etre, il n'y a rien, paree que l'etre est le terme de tout devenir. Car ce qui est, en tant que tel, ne devient pas ni ne peut devenir. C'est pourquoi les états (habitus) une fois présents, le mouvement cesse. Car la chose qui est une maison ne devient pas une m~.ison, bien qu'elle puisse etre blanchie, etc., mais cela pour autant qu'elle n'est pas blanche. Ainsi done, des que la création et -toute reuvre de Dieu commencent, elles sont P,arfaites, Dt 32.: «Les reuvres de Dieu sont parfaitesb», et le Psaume : « Il dit et elles ont été faites c.» Car il est le début ou «le commencement et la fin», Apocalypse, premier et dernier (chapitre)d.
66
20. Resumentes autem breviter dicamus SlC per singula: Esse est deus per essentiam. Ab ipso ergo et solo ipso accipiunt esse omnia. Igitur: creavit deus cae!um et terram. Hoc de primo. Rursus extra deum, utpote extra esse, nihil est. Igit~r vel_ non creavit vel creavit in se ipso principio omnta. Hoc de secundo. Augustinus : «Ex illo in illo sunt». Adhuc autem deus, utpote esse, est primum et ultimum, _«pri~cipium et finis». Igitur omne quod creavit praetentum, creat ut praesens in principio;
a. Ap
1,
8.
i. Cotif IV,
b. Dt p, 4· 12,
18.
c. Ps 32,9.
d. Ap
1,
8 et u, 13·
Résumé de l'exposition
En résumé, disons bri~vement ceci sur chaque pomt. L'etre est Dieu par essence. De lui done et de lui seul, toutes choses re~oivent l'etre. Done, «Dieu a créé le ciel et la terre ». V oila pour le premier point. De plus, en dehors de Dieu, c'est-a-dire en dehors de l'etre, il n'y a ríen. Done, ou bien il n'a pas créé ou bien il a créé toutes choses en lui, le príncipe. V oila pour le second point. Augustin (écrit) : « Venues de lui, elles sont en lui 1. » En outre Dieu, en tant qu'il est l'etre, est le premier et le dernier (primum et u/timum), «le commencement et la fin». Done, tout le passé qu'il a créé, il le crée comme un présent «au commencement»; ce qu'il crée 20.
68
PROLOGUS GENERALIS
quod creat sive agit nunc ut in principio, simul creavit in praeterito perfecto. Augustinus : « Omnia quae retro sunt, hodie facies, hodie fecisti ». Hoc de tertio et quarto. Rursus etiam quia finis ibi est principium, semper perfectum incipit et natum nascitur. Sic ergo deus creavit omnia, quía creare non desiit, sed semper creat et creare incipit, Ioh. 5 : « Pater meus usque modo operatur et ego operara»; et Augustinus: «Non fecit [etc.] atque abiit» etc. Semper enim creaturae sunt in suae creationis fieri et principio. Et hoc est quod ait : in principio creavit deus caelum et terram. Eo enim quo perficit et finit, incipit, quia finis est initium, et quo incipit, finit sive perficit, quia initium est finis, Apoc. primo et ultimo h. :11.
Postremo notandum quod ex praemissa prima propositione, si bene deducantur, omnia aut fere omnia, quae de deo quaeruntur, facile solvuntur, et quae de ipso scribuntur- plerumque etiam obscura et difficilia - naturali ratione ciare exponuntur. Sic igitur praemissa tria, scilicet propositio, quaestio et auctoritas hic prooemialiter et breviter exponuntur, in suis locis, in initiis scilicet trium operum, plenius pertractanda. 22.
a. Jn 2..
s,
17.
éonj..t, 6;.
h. Ap 1, 8 et zz, 13. 10• .
§ 2.2. t.Conf. IV,
12.,
18.
PROLOGUE GÉNÉRAL, zo-u
ou opere maintenant comme «au commencement», il l'a créé simultanément dans le passé parfait. Augustin (~crit) : «Toutes les choses du passé, tu les feras aujourd'hui, tu les as faites aujourd'hui 2 • » Voila pour les troisieme et quatrieme points. 21. Encare une fois, paree que la la fin est le commencement, l'achevé commence toujours et ce qui est né nait. Dieu a done créé toutes choses de telle sorte qu'il n'a pas cessé de créer, mais crée toujours et commence toujours a créer, Jn 5 : « Mon Pere reuvre jusqu'a maÍf)Jenant et moi aussi j'reuvrea»; et Augustin : « I1 ne les a pas faites p.our s'en aller 1 », etc. En effet, les créatures sont toujours dans le devenir et dans le commencement de leur création. Et c'est ce qui est dit: «Au commencement Dieu a créé le ciel et la terre ». Car par o u il acheve et finit, il commence, paree que la fin est le commencement; et par ou il commence, il finit ou acheve, paree que le début est la fin, Apocalypse, premier et dernier (chapitre) b.
22. En dernier lieu, il Remarque finale faut observer qu'a partir de la premiere proposition énoncée plus haut, si elles sont bien déduites, toutes ou presque toutes les questions qu'on pose au sujet de Dieu se résolvent facilement, et que ce qui est écrit de lui, meme la plupart des passages obscurs et difficiles, s' explique clairement par la raison naturelle. Ainsi done, les trois objets ci-dessus, a savoir la proposition, la question et l'autorité, ont été exp~sés ici a titre d'introduction et brievement, avant d'etre traités completement en leurs lieux, c'est-a-dire au commertcement des trois CEuvres.
PROLOGUE A L'ffiUVRE DES· PROPOSITIONS PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM L'etre est Dieu. Commencement de la premiere partie de l'CEuvre Tripartite, c'est-a-dire de l'CEuvre des Propositions, dont le premier traité a pour objet l'etre et l'étant, et leur opposé qui est le néant. Pour éclairer les pro pos qu' on va tenir dans ce traité et dans plusieurs autres qui suivront, il faut faire certaines remarques préliminaires a titre d'introduction. 1.
Esse deus est. Incipit pars prima tripartltt operis, scilicet propositionum, cuius primus tractatus est de esse et de ente et de eius opposito, quod est nihil. Ad evidentiam igitur dicendorum in hoc tractatu et pluribus sequenti bus quaedam. prooemialiter sunt praenotanda. · · 1.
Primum est quod, sicut «album solam qualitatem. si~nificat~>, ~~ ait. phi}osophus,,_~.i~. e!i~. sqlum es se stgntficat. Stmiliter autem se habet et .tn alus, puta quod un~m solam· unit_atem significat~. -verum · veritatem, bonum bonitatem, ·h9nestum ·honestatem, rectU:m. tectitudinem, iustrirn)ustitiam etsi~ de ftliis et horum' oppositis,' puta rna~úqi' solali) .r~l_~ljti~un; f~l.s~m solarp · falsitat~m, obliquum .obliquit~~ein, iniustum iniristit1am et siC de aliis.. ~ . . .' . .
2.
La premiere est . que, comme « blanc signifie la seule qualité», au dir~ du pré~iminaires : Philosophe, ainsi étant si1. Étant signifie gnifie l'etre seulement. Or, l'etre il en va de meme pour d'atitres (termes) aussi; par exemple, un signifie la seule unité, vrai la vérité, bon la bonté, honnete l'honneteté~· droit la rectitude, juste la justice et ainsi des autres (termes) et de leurs opposés; par exemple, mal (signifie) la seule malice, faux la seule fausseté, oblique l'obliquité, injuste l'injustice, et ainsi de suite. Premieres remarques
2.
PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM
PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIÓNS, 3-4
7~
3· Secundo praenotandum est quod aliter sentiendum est de ente et aliter de ente hoc et hoc. Similiter autem de esse absolute et simpliciter nullo addito, et aliter de esse huius et huius. Similiter etiam de aliis, puta de bono absolute et aliter de bono hoc et hoc aut de bono huius et bono huic. Cum igitur dico aliquid esse, aut unum, verum seu bonum praedico, et in praedicato cadunt tamquam secundum adiacens praemissa quattuor et formaliter accipiuntur et substantive. Cum vera dico aliquid esse hoc, puta lapidem, et esse unum lapidem~ verum lapidem aut bonum hoc, scilicet lapidem, praemissa quattuor accipiuntur ut tertium adiacens propositionis nec sunt praedicata, sed copula vel adiacens praedicati.
:z. Étant 3· ·La seconde remarque , . préalable est la suivante. et etant-cect 11 faut juger autrement de l'étant et de l'étant-ceci-ou-cela. De meme de l'etre (pris) absolument et simplement, sans aucune adjonction, et de l'etre de ceci ou de cela. De meme encore dans les autres cas; par exemple, (il faut juger) autrement de bon (pris) absolument et ·de bonceci-ou-cela ou bon de ceci ou bon pour cela. Quand done je dis que quelque chose est ou que je P.rédique «un», «vrai» ou «han», les quatre (termes) ct-dessus ont la fonction de .prédicats en tant que seconds adjacents et sont pris formellement et substantivement. Mais quand je dis que quelque chose «est ceci», par exemple «caillou», et .que, c'est. «un-caillou.», «vrai-caillou », ou «bon-cect », a sav01r «(bon)-catllom>, les quatre (termes) ci-dessus sont pris comme troisiemes adjacents de la proposition et n~ sont pas des prédicats, mais des copules ou des adJacents du prédicat.
4· Notandum ergo prooemialiter primo quod solus deus proprie est ens, unum, verum et bonum. Secundo quod ah ipso omnia sunt, unum sunt, vera sunt et bona sunt. Tertio quod ah ipso immediate omnia habent quod sunt, quod unum sunt, quod vera sunt, quod bona sunt. Quarto: cum dico hoc ens aut unum hoc aut unum istud, verum hoc et istud, li hoc et istud nihil prorsus addunt seu adiciunt entitatis, unitatis, veritatis aut bonitatis super ens, unum, verum, bonum.
4· 11 faut done remar-~ Second groupe · d''tntro ductton, · d quer a, tltre e remarques premierement, que Dieu seul est au sens propre étant, un, vrai et bon ( unum, verum et bonum ). Deuxiemement, que par lui toutes choses sont, sont unes, sont vraies et sont bonnes. Troisiemement, que c'est de lui immédiatement que toutes choses tiennent le fait qu'elles sont, sont unes, sont vraies sont bonnes. Quatriemement, lorsque je dis «cet-ét~nt-ci», ou «un-ceci» ou «un-cela», «vraiceci-et-cela», le «ceci» et le «cela»· n'ajoutent ou n'adjoignent absolument rien en fait d'entité, d~unité, de vérité ou de bonté a l'étant, a l'un, au vrat et au bon.
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1
PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS, 5-7
5· Primum inter quattuor, scilicet quod solus deus ens proprie est, patet Exodi 3 : «Ego sum qui sum »; «Qui est misit mea» et Iob: «Tu, qui solus es h». Item Damascenus primum nomen dei dicit «esse quod est». Ad hoc facit quod Parmenides et Melissus, I Physicorum, ponebant tantum unum ens; ens autem hoc et ·hoc ponebant plura, puta ignem et terram et huiusmodi, sicut testatur Avicenna in libro suo Physicorum, quem Sufficientiam vocat. Ad hoc rursus facit Deut. 6c et Gal. 3d: «Deus unus est». Et sic iam patet veritas propositionis praemissae, qua dicitur: esse est deus. Propter quod quaerenti de deo : quid aut quis est? respondetur: esse, Exodi 3 : « Sum qui sum» et «qui est» e, ut prius.
5· La premiere de ces quatre (propositions), a savoir que Dieu seul est étant au sens propre, est évidente en vertu d'Ex 3 : «Je suis celui qui suis», «Celui qui est m' a envoyé»a, et Job: «Toi qui seul es h.» De meme, le Damascene dit que le premier nom de Dieu est «ce qui est» 1. A quoi s'ajoute le fait que Parménide et Melissus, au premier livre de la Physique 2 , n'admettaient qu'un seul étant, tandis qu'ils admettaient une pluralité d'étants-ceci-et-cela, par exemple feu, terre, etc., comrpe l'atteste Avicenne dans son livre de physique, qú'il intitule Suffisance 3 • A l'appui de quoi encore Dt 6 e et Ga 3d : «Le Dieu un e~_t» ( deus unus est). ainsi ressort déja la vérité de la proposition ci-dessus, selon laquelle l'etre est Dieu. C'est pourquoi, a celui qui demande a propos de Dieu : qu'est-il ou qui est-il? on répondra: l'etre; Ex 3: «Je suis celui qui suis », et « Celui qui est »e, comme plus ha u t.
6. Rursus eodem modo se habet de uno, scilicet quod solus deus proprie aut unum aut unus est, Deut. 6: «Deus unus esta». Ad hoc facit quod Proclus et Líber de causis frequenter nomine unius aut unitatis deum exprimunt. Praeterea li unum est negatio negationis. Propter quod soli primo et pleno esse, quale est deus, competit, de quo nihil negari potest, eo quod omne esse simul praehabeat et includat.
7· Eodem modo se habet de vero, Ioh. 14 : «Ego sum veritasa». Augustinus VIII De trinitate c. 2 sic ait : « Deus veritas est », « quoniam deus lux est »; et
a. Ex 3, 14. h. Jb 1, 4· c. Dt 6, 4· e. Ex 3, 14. § 6 a. Dt 6, 4· § 7 a. Jn 14, 6.
De fide ortk. I, 9· 3. S'lljf. -I, 4: • 1.
1
!·
75
PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM
74
2.
Phys. I,
2,
d. Ga 3,
20.
184 b 5; 5, 188 a 19.
Dieu seul est au sens · propre, 1.
6. Il en va de meme de l'un, a savoir que Dieu seul est proprement une chose une ou un;. Dt 6: «Dieu est un» ( deus unus est) a. A quoi s'ajoute le fait que Proclus et le Livre des causes désignent Dieu fréquemment du nom d'un ou d'unité.· En outre, l'un est la négation de la négation. C'est pourquoi il convient au seul etre premier et plein - celui de Dieu - dont rien ne peut etre nié, paree qu'il possede a !'avance et inclut tout l'etre a la fois. est un au sens propre,
est vrai au sens propre, la Trinité VIII, ch.
2,
7· Il en va de meme du vrai; Jean 14: «Je suis la véritéa. » Augustin dit, De «Dieu est la vérité», «puisque
PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM
}>ROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS, 7-9
infra : « Cum audis : veritas est, noli quaerere quid sit». «In ipso igitur primo ictu, quo velut coruscatione perstringeris, cum dicitur veritas, mane, si potes.» Et vult Augustinus dicere quod hoc est deus. 8. Adhuc autem eodem modo se habet de bono, Luc. 1 8 : « Nemo bonus ni si solus deus a»; Mare. 9 : «Nemo bonus nisi unus deus h». Et Proclus prop. 12 ait : « Omnium entium principium et causa prima bonum est ». Ad hoc facit quod Dionysius primum nomen dei ponit bonum. Et Augustinus VIII De trinitate c. 3 ait : «Vide ipsum bonum, si potes; ita deum vide bis», « bonum omnis boni ». Hoc de primo ínter quattuor, scilicet quod solus deus est ens, unum, verum, .bonum proprie, reliquorum autem singulum est ens hoc, puta lapis, leo, horno et huiusmodi, et unum hoc, verum hoc, bonum hoc, puta bonus animus, bonus angelus et huiusmodi.
9· Secundum ínter quattuor, scilicet quod a solo deo omnia habent esse, unum esse et verum esse et bonum esse, patet ex iam dictis. Quomodo enim quippiam esset nisi ab esse, aut unum esset nisi ab uno aut per unum sive per unitatem, aut verum sine veritate, vel bonum nisi per bonitatem, sicut verbi gratia omne album albedine est album? Praeterea a. Le 18, 19.
1.
§8
b. Me 10, 18.
Trin. VIII, 8, 3· 1.
Elém.
3· Trjn. h 4··· ,
théol.,
prop.
1 2.
2.
Noms divins, 4,
1.
77
Dieu est la lumiere »; et plus bas : « Quand tu entends : "Il est la vérité", ne recherche pas ce qu'elle est. » «Dans le premier instant done, ou tu es comme traversé par l'éclair a l'ouie du mot "vérité", demeure, si tu le peux 1• » Augustin veut . dire que c'est-cela qu'est Dieu. 8. Il en va encore de est bon au sens memedu·: -bon;=-tuc'· propre, « Personne n' est bon si ce n'est Dieu seula», Marc 9: «Personne n'est bon si ce n'est le Dieu un » ~J Proclus, proposition 1 2., dit: «Le príncipe et la cause premiere de tous les étants est le bon t.» A quoi s'ajoute le fait que Denys considere que le premier nom de Dieu est "le bon" 2 • Et Augustin, De la TrinitéVIII, ch. 3, ~it: «Vois le bon lui-meme, si tu le peux; ainsi tu verras Dieu », «le bon de tout bon »3. · Voila au sujet de la premiere des quatre (propositions), a_ savQiLq:t;I_<: R~e-~-~~uL~s!._~_t_~f!!·-~?-· _yrai,__bo!!_- ·'-f... au sens. .propxe, tandis que cliacune des autres choses est étant-ceci, par exemple pierre, lion, homme, etc., et un-ceci, vrai-ceci, bon-ceci, par exemple, bonesprit, bon-ange, etc.
'is·:
°.
9· La deuxieme des Dieu =~~~'étant quatre (propositions), a sa,.. voir que de Dieu seul toutes . ttent l etre, etc. choses tiennent l'etre, l'etre un, le vrai etre, le bon etre, est évidente en vertu de ce qui a été dit plus haut. Comment en effet quelque chose serait-il, si ce n'était par l'etre, ou serait-il un si ce n'était par l'un, ou grace a l'un ou grace a l'unité, ou vrai sans la vérité, ou bon si ce n'était grace a la bonté, comme, par exemple, tout est blanc par la
78
PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM
Boethius De consolatione docet quod, sicut bonum et verum fundan~ur et figuntur per esse et in esse, sic et esse fundatur et figitur in uno et per unum.
. 10. Sicut ergo omnia a deo, utpote esse, habent esse, sic habent et unum esse et bonum esse et similiter verum esse. Nam tria praemissa in vero et per verum habent id quod sunt. Non enim est quod non vere est, nec unum quod non vere unum est, nec bonum est quod non vere bonum est. Nec enim aurum est quod non vere aurum est, et sic de singulis.
Praeterea ens, unum, verum, bonum sunt prima in rebus et omnibus communia, propter quod assunt et insunt omnibus ante adventum cuiuslibet causae non primae et universalis omnium. Et rursus insunt a sola causa prima et universali omnium. Nec tamen per hoc excluduntur causae secundariae a suis influentiis. Forma enim ignis non dat igni esse, sed hoc esse, nec esse unum, sed esse unum hoc, puta ignem et unum ignem. Similiter de vero et bono. Sed hoc ipsum, puta quod forma ignis dat esse ignem, unum, verum, bonum, habet per fixionem causae primae, iuxta illud Libri de causis : « Omnis intelligentiae fixio et essentia est per bonitatem puram, quae est prima causa» et in commento ibídem. II.
Praeterea, sicut supra tactum est, enti sive de .ente nihil negari potest sive nullum esse negari 12.
1..
Cons; III, pr.
1 1.
§ 11'·:~,- Déi"causes, éd. Bardenhewer,- prop. 8.
1
PROLOGUE A L'ffil)VRE DES PROPOSITIONS, 9-12
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blancheur? En outre, Boece enseigne dans la Consolation 1 que, de meme que le bon et le vrai sont fondés et fi~és au moyen de l'etre et dans l'etre, de meme l'etre a son tour est fondé et fixé dans l'un et au moyen de l'un. 10. Done, comme de Dieu en tant qu' etre toutes choses tiennent l'etre, ainsi elles tiennent également de lui l'etre un, le bon etre et de la meme fa~on le vrai etre. Car c'est dans le vrai et par le vrai que les trois (termes) ci-dessus possedent ce qu'ils sont. En effet, n'est pas ce qui n'est pas vraiment, n'est pas bon ce qui n'est pas vraim~9-t bon. Et n'est pas or non plus ce qui n'est pas vraiii?-ent or, et ainsi de toute chose. II. En outre, étant, un, vrai et bon sont premiers dans les eh oses et sont communs a elles toutes; e' est pourquoi ils sont présents et intérieurs a toutes choses avant la venue de n'importe quelle cause qui n' est pas la cause premiere et universelle de tout. Et de plus, ils sont en elles en vertu de la seule cause premiere et universelle de tout. Il ne s'ensuit pas cependant que les causes secondes. soient dépouillées de leur influence~ En effet,. Ia forme du feu ne donne pas au feu l'etre, mars cet étre'-ci, ni l'etre un, mais l'etre-un-ceci, a savoir (l'etre)-feu et (l'etre)-un-feu. Pareillement pour le vrai et le. bon. Mais cela meme, a savoir que la forme du feu donne l'etre-feu, (l'etre)un(feu), (l'etre)-vrai-(feu), (l'etre)-bon-(feu), elle l'a par la fixation (due a) la cause premiere, selon ces mots du Livre des causes : «La fixation et 1'es sence de toute intelligence sont en vertu de la bonté pure, qui est la premiere cause 1 », selon le commentaire au meme endroit.
En outre, comme on l'a mentionné plus haut, a l'étant ou de l'étant, ríen ou aucun etre ne peut etre 12.
So
PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM
PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS, u.-13
potest, sed competit ipsi negatio negationis esse. Ita uni nihil unum sive nulla unitas negari potest nisi negatio
negationis unitatis aut unius; similiter de vero et bono. Ex quo manifeste convincitur quod a deo habet omne ens et singulum quod est, quod unum est, quod verum est, quod bonum est. Et quodlibet ens unumquodque praemissorum ah ipso deo non solum habet, sed etiam immediate habet.
nié, mais lui convient la négation de la négation de l'etre. Ainsi, rien qui soit un ou nulle unité ne peut etre nié a l'un, si ce n'est par la négation de la négation de l'unité o u de l'un; de meme au su jet du vrai et du bon. .Par la est démontré clairement que tout étant et chacun tient de Dieu le fait qu'il est, qu'il est un, qu'il est vrai, qu'il est bon. Et n'importe quel étant, non seulement tient de Dieu lui-meme chacun des (termes) susdits, mais encore il les tient de lui immédiatement. -
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13. Et hoc est tertium principale inter quattuor superius praemissa, scilicet quod omne ens et singulum non solum habet, sed et immediate, absque omni prorsus medio, habet a deo totum esse, totam suam unitatem, veritatem et totam suam bonitatem. Quomodo enim esset, inter quod et esse medium caderet, et per consequens staret foris, quasi a latere, extra ipsum esse? Esse autem est deus. Eodem modo de uno et quolibet uno, de vero et quolibet vero, de bono et quolibet bono. Quidquid enim rei cuiuslibet ah ipso esse immediate non attingitur nec penetratur et formatur, nihil est. Similiter quidquid ah uno non attingitur nec penetrando · formatur seu/investitur, ·unum non est. Similiter de vero et. bóno. Et hoc est quod Sap. 8 dicitur de sapientia, quae deus est: «Attingit a fine usque ad finem fortiter et suavitera»; et Is. 1 : «Ego sum primus et novissimus b». Primum enim medium non patitur, propter quod in principio De causis dicitur
a; Sg 8-, 1 ·· -b. Is 41, 4
13. C'est la la troisieme des quatre theses avancées plus haut, a savoir que tout étant et chacun, non seulement tient de Dieu son etre entier, son unité entiere, sa vérité et sa bonté entieres, mais encore qu'il les tient de lui immédiatement, sans aucune sorte d'intermédiaire. Comment, en effet, une chose pourrait-elle etre, si un intermédiaire se glissait entre elle et l'etre et si, par conséquent, elle se tenait en dehors de l'etre, comme a coté, a l'extérieur de lui? Or, l'etre est Dieu. Ainsi de l'un et de n'importe quel un, du vrai et de n'importe quel vrai, du bon et de n'importe quel bon. Car tout ce qui, en une chose quelconque, n'est pas touché, pénétré et informé immédiatement par l'etre lui-meme, n'est rien. De meme, tout ce qui n'est pas touché pail'un et informé ou revetu par l'un pénétrant en lui, n'est pas un; de meme du vrai et du bon. C'est ce qui est dit, dans le Livre de la Sagesse 8, de la Sagesse qui est Dieu: «Elle touche d'une extrémité a l' autre avec force et douceur a»; et Is 41 : « Je suis le premier et le dernierb. » Ce qui est premier, en effet, ne souffre pas d'intermédiaire, c'est pourquoi il est 3· 11 les tient de lui immédiatement
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PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM
quod influentia primae causae primo adest et ultimo abes_t. _Adest primo, quia prima, abest ultimo, quia novtsstma.
r 1
Des causes, prop.
§ .x.4
1~
Conf. I; 3> 3·
1. 2 .•
Métaphys. VU, 8, 1033 b 16-19.
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dit au début du Livre des causes1, que l'influence de la ca~se premiere arrive en premier et s'en va en dernier. Elle arrive en premier, paree que (cette cause) est premiere, elle disparait en dernier, paree qu'elle est derniere.
14. Rursus quia deus, se toto esse, simpliciter est unus sive unum est, necesse est, ut se toto immediate toti assit singulo, quod non parti post partem nec partí per partem, sicut pulchre hoc docet Augustinus I Confessionum post principium. Est autem hoc ipsum videre in omni forma essentiali. Anima enim se tota immediate adest et ipformat totum corpus animatum se tota sine medio. Similiter forma ignis totam essentiam materiae. suae se tota sine medio totam simul investit et format penetrando non partem post partem, sed partes singulas per totum. Propter quod esse totius est et totum unum est. Propter hoc et totum dicitur fieri et esse, non partes, in VII Metaphysicae. Hinc est etiam quod generatio est instantanea, non successiva; nec motus, sed terminus motus. Ex his manifeste apparet error illorum, qui ponunt gradus quosdam quasi medios formales inter essentiam materiae et formam essentialem mixtL Igitur si forma omnis essentialis totam materiam cssentiali penetradone immediate totam se tota investit et informat, potissime hoc verum erit de ipso esse, quod est actualitas formalis omnis formae universaliter et essentiae.
1.
PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS, 13-14
1
1
14. En outre, Dieu, etre en sa totalité, est absolument un ou une seule chose. 11 suit nécessairement qu'il est présent en sa totalité d'une maniere immédiate achaque tout, et non pas une partie apres l'autre ni une partie au moyen de l'autre, conformément au bel enseignement d~Augustin au livre premier des Confessions, vers le débutl. Or, on peut observer cela en toute forme essentielle. En effet, l'ame en sa totalité est présente immédiatement a tout le corps animé et informe celui-ci par elle tout entiere sans intermédiaire. De meme, la forme du feu en sa totalité revet et informe toute 1'es sen ce de sa matiere sans intermédiaire toute a la fois, en la pénétrant non pas une partie apres l'autre, ~a,i~ chacune _de ses parties par le tout. C'est pourquml etre apparttent au tout et le tout est un. C' est aussi la raison pour laquelle, au livre VII de la Métaphysique 2 , le tout est dit devenir et etre, non ·les parties. . De la vient encare le fait que la génération est instantanée, non successive, et qu'elle n'est pas u~ mouvement mais le terme d'un mouvement. Ce qut montre clai~ement l'erreur de ceux qui admettent certains degrés, comme des intermédiaires formels, entre 1' es sence de la matiere et la forme essentielle du mixte. Done, si chaque forme essentielle revet et informe toute la matiere d'une pénétration essentielle immédiatement, toute par elle toute, il faut le dire surtout de l'etre lui-meme qui est l'actualité formelle de toute forme et de toute essen~e universellemerit.
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PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM
PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS, 15
15. Quod autem dictum est, ens omne et singulum ah ipso deo imrnediate habere totum esse suum . . ' totam suam urutatem, verttatem et bonitatem rursus sic declaratur : impossibile est aliquod esse ~ive aliquem modum seu differentiam essendi deesse vel abesse ipsi esse. Hoc ipso quod deest vel abest ah esse, non est et nihil est. Deus autem esse est. Similiter autem de uno dicendum. Quod enim uni deest vel abest, unum non est nec unum facit nec potest esse modus seu differentia unius. Sic de vero et bono pari ratione concluditur. ~i~il ~rg? entitatis universaliter negari potest ipsi entl s~ve 1ps1 es~. Prop~er hoc de ipso ente, deo, nihil n~gart potest rus1 negatto negationis omnis es se. !-fmc ~st. q~od unum, utpote negationis negatio, tmmedtattsstme se habet ad ens. Et sicut se habet de ente ad entia, sic se habet de uno ad omne quod unum est quocumque modo sive differentia unius et de vero ad vera omnia, et de bono ad bona o~nia et sin gula. Nihil ergo entitatis, unitatis, veritatis et bonitatis penitus addit sive confert ens hoc aut hoc, unum hoc aut hoc, verum hoc aut istud, bonum hoc aut istud, in quantum ho~ vel hoc. Et hoc es~ quartum principale supra praemtssum. Hoc autem dtcentes non tollimus rebus esse nec esse rerum destruimus, sed statuimus.
15. Mais la these selon laquelle tout étant et chacun tient de Dieu lui-meme immédiatement tout son etre, toute son unité, sa vérité et sa bonté, s'établit encare ainsi. 11 est impossible que quelque etre o u quelque mode o u différence de 1' etre manque a l'etre lui-meme ou en soit absent. Par cela meme qu'il manque a l'etre ou en est absent, il n'est pas ou n'est ríen. Or, Dieu est l'etre. 11 faut parler de l'un de fa~on semblable. En effet, ce qui manque a l'un ou en est absent, n'est pas un, ni ne fait un, ni ne peut etre un mode ou une différence de l'un. On tire la meme conclusion, par un raisonnement semblable, au sujet du vrai et du bon. o~ Done, en regle universelle, rien qui soit entité ne peut etre nié a l'étant lui-meme ou a l'etre lui-meme. C'est pourquoi de l'étant lui-meme, Dieu, rien ne peut etre nié, si ce n'est par la négation de la négation de tout etre. De la vient que l'un, en tant que négation de la négation, a une relation tout a fait immédiate a l'étant. Et comme l'étant est aux étants, l'un est a tout ce qui est un par n'importe quel mode ou différence de l'un, le vrai a toutes les choses vraies, le bon a toutes les ehoses bonnes et a chacune d' elles.
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Done, l'étant-ceci-ou1 1 cela, l'un-ceci-ou-ce a, e vrai-ceci-ou-cela, le bon. cect-ou-ce1a, en tant que ceci ou cela, n'ajoutent ni ne conferent absolument la moindre entité, unité, vérité et bonté. Telle est la quatrieme these principale avancée plus haut. Or, en disant cela, nous n'enlevons pas l'etre aux choses ni ne. détruisons l'etre des choses, mais nous l'établissons.
4· Le «ceci» ne confere aucun ,. t etre, e c.
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PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS, x6-x9
PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM
16. Declaratur autem hoc ad praesens dupliciter : primo in exemplis, secundo per rationes. Primum tripliciter. Primo quidem in materia et forma, secundo in partibus et suo toto, tertio in homine assumpto a verbo.
17. Primum sic: constat quod materia nullum esse affert composito nec habet ex se esse aliquod penitus praeter esse ídem, quod dat forma composito. Nec tamen propter hoc dicimus materiam esse nihil, sed substantiam et partem alteram compositi.
18. Rursus secundum : partes singulae nullum esse prorsus afferunt suo toti, sed potius totum suum esse accipiunt a· suo toto et in suo toto. Alioquin enim totum non esset unum, sed esset tot numero, quot sunt partes, si pars quaelibet suum esse proprium adiceret ipsi toti. Duo autem esse aut plura inveniri et permisceri in uno est impossibile maius quam esse piures formas essentiales in uno subiecto. Esse enim est quod per se et ex se habet distinguere. Unde habens plura esse impossibile est unum esse, et e converso habens piures formas, secundum genus puta omnium praedicamentorum, esi unum· numero ah unitate esse totius compositi, Petri scilicet vel Martini.
19. ~ursus t.ertio conc~dlmus·umtum
: in homine assumpto a verbo esse personale hypostaticum ip-
.J
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16. On démontre cela a Des exemples présent de deux fa<;ons: premierement par des exemples, secondement par des raisons. La premiere (voie) se divise en trois. (Les exemples se trouvent) premierement dans la matiere et la forme, deuxiemement dans les parties et leur tout, troisiemement dans l'homme assumé par le Verbe. 17. Le premier point ainsi. Il appert que la matiere n'apporte aucun etre au composé et qu'elle n'a de soi absolument aucun etre en dehors du meme etre que la forme donne au composé. Et cependant nous ne disons pas pour cela que la matiere n' est rien, mais qu' elle est une substance et l'une des parties du composé. 18. Et le deuxieme point. Les différentes parties n'apportent absolument aucun etre a leur tout, mais elles re<;oivent au contraire tout leur etre de leur tout et dans leur tout. Autrement, en effet, le tout ne serait pas un, mais il serait aussi multiple numériquement que le sont les parties, si n'importe quelle partie ajoutait son etre propre au tout lui-meme. Or, la présence ou le mélange de deux ou de plusieurs etres en un seul sont plus impossibles que l'existence de plusieurs formes essentielles dans un seul sujet. L'etre en effet est ce qui a par soi et de soi (la fonction) de distinguer. Done, ce qui a plusieurs etres est d~ns l'impossibilité d'etre un, et, inver~e~ent, e~ qlll .a plusieurs formes selon des genres d1fferents, a sav01r ceux de tous les prédicaments, est un en nombre par l'unité de l'etre du tout composé, c'est-a-dire de Pierre ou de Martin. 19. Et troisiemement, nous reconnaissons, dans l'homme assumé par le V erbe, l'unique etre personnel
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PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM
PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS,
sius verbi, et nihilominus Christus vere fuit horno univoce cum aliis hominibus. Sic in proposito longe potius se habet de creatura respectu dei creatoris quam de materia respectu formae aut partibus respectu totius, quanto deus causa intimior, prior, perfectior et universalior. 20. Secundo probatur quod dictum est per rationes. Primo sic: omne dans esse creat et est causa prima et universalis omnium, ut dictum est supra. Nihil autem hoc aut hoc est causa prima et universalis omnium nec creat. Igitur nihil hoc aut hoc dat esse. Et hoc est quod Augustinus dicit 1 Confessionum c. 5 : nulla «vena trahitur aliunde qua esse et vivere currat in nos, praeterquam quod tu facis nos, domine»; et infra subdit dicens : «Quid ad me, si quis non intelligat? »
21. Praeterea secundo sic : « Primum est di ves per se», ut in De causis dicitur, sed nec esset «dives per se», sed nec «primum», si quid aliud daret esse praeter ipsum. Igitur nihil ens hoc vel hoc dat esse, quamvis formae dent esse hoc aut hoc, in quantum hoc aut hoc, non autem in quantum esse. Et hoc est quod lo h. 1 dicitur : « Omnia per ipsum facta sunt, et sine ipso facturo est nihil a». Li enim sunt vel li est esse significant.
a. Jn 1.
1,
3·
Conf l, 6,
10.
§ ú •~.- Des"ca~es, éd. Bardenhewer, prop. zo.
19-21
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hypostatique du Verbe lui-meme, et néanmoins le Christ fut vraiment homme; comme les autres hommes, univoquement. Ainsi, sur le su jet qui nous o~cupe, le rapport _de.l~ matiere a la forme ou des parttes au tout est realtse d'autant mieux dans le cas de la créature et de Dieu créateur que Dieu est une cause plus intérieure, antérieure, plus parfaite et plus universelle.
J 1
l
20. En second lieu, ce qui a été dit se démontre par des raisons. Premierement ai~si. Tout. ce qui donne l'etre crée et est cause premtere et umverselle de tout, comme on l'a dit plus haut. Or, aucun ceci ou cela n' est la cause premiere et universelle de tout et ne crée. Done, aucun ceci ou cela ne donne l'etre. C'est ce que dit Augustin au livre prem~er des C?nf,e,.ssions, chapitre 5 : «11 n'y a pas d'autre vetne par ou 1etr~ et la vie se répandent en nous, en d~ho~s de ton actton créatrice, Seigneur. » Et plus has tl aJOUte ces mots : «Qu'y puis-je si quelqu'un ne comprend pas (cela) 1 ?»
Des raisons ""
En outre deuxiemement comme suit. «Le premier est riche par soi», comme il.est dit dal?'s 1~ Livre .des causes 1, mais il ne serait pas « nche par sot » m «le premien>, si quelque chose d'autre en dehors de lui donnait l'etre. Done, rien qui soit étant-ceci-oucela ne donne l'etre, quoique les formes donnent l'~tre-ceci-ou-cela en tant que ceci ou cela, mais non en tant qu'etre. Et c'est ce qui est. dit dans J~ 1 : «Toutes les choses faites sont par lut et, sans lut, ce qui a été fait est néant» ( omnia per ipsum Jacta sunt el sine ipso factum est nihil) a. Car « sont» ou «est» signifient l'etre. 21.
PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM 22. Ex quo tertio sic arguitur ad propositum : praeter esse et sine esse omnia sunt nihil, etiam facta. Igitur si quid aliud extra deum daret esse, deus non daret ess~ omnibus nec influeret quippiam, aut quod daret et influeret, esset nihil, contra illud Iac. r : «Dat omnibus affiuentera »; Ro m. r I : «Ex ipso et per ipsum et in ipso sunt omnia h» et similia.
PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIÓNS,
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)
23. Praeterea quarto sic : bonum hoc aut illud et ens hoc et illud totum suum esse habet ab esse et per esse et in esse. Igitur hoc aut illud circulariter non refundit aliquod esse ipsi esse, a quo causaliter recipit esse, sicut est videre exemplariter in omnibus. Scutum enim album totum suum esse album, in quantum album, accipit per albedinem nec quidquam prorsus albedinis ex se habet nec refundit, in quantum scutum, in ipsam albedinem. Ubi significanter notandum quod hoc facit rem quamlibet vere esse unam, quod singulum eorum quae habet se tota ah unico habet. V erbi gratia : corpus mixtum se toto est quantum a sola quantitate, extra quam nihil eorum, quae sunt in corpore, quidquid adicit quantitatis, nec materia nec forma nec qualitas quaelibet, et sic de singulis. · Rursus corpus idem se toto est aliquale sola qualitate, puta album albedine, nigrum nigredine, et sic de aliis. Et in hoc nihil aliorum, puta materia, forma,- quantitas et cetera huiusmodi nihil prorsus adiciunt seu afferunt vel augent qualitatis. Sic etiam potius totum compositum, puta lapis, habet
22-2.3
91
22. De la, troisiemement, on argumente ainsi sur notre sujet. En dehors de l'etre et sans l'etre, toutes les choses sont néant, meme les choses faites. Done si quelque chose d'autre en dehors de Dieu donnait l'etre, Dieu ne donnerait pas l'etre a toutes les choses et n'exercerait pas non plus d'influence ( nec injlueret quippiam), ou ce qu'il donnerait et l'influence qu'il exercerait ne seraient rien, contrairement a ces paroles, jacques I : «11 donne a toutes ch~ses a profusion ( alfluenter) a»; Romains I I :«De lui, par lui et en lui sont toutes chosesh», et d'autres semblables. 23. En outre quatriemement ainsi. Le bonceci-ou-cela et l'étant-ceci-ou-cela ont tout leur etre de l'etre, par l'etre et en l'etre. Done le ceci ou le cela ne fait pas refluer de l'etre circulairement vers l'etre lui-meme dont il re<;oit l'etre causalement, comme on peut en voir des exemples partout. Le bouclier blanc, en effet, re<;oit de la blancheur tout son etre-blanc en tant que blanc; il n'a de soi absolument rien de la blancheur et ne la fait pas refluer non plus, en tant que bouclier, vers la blancheur" elle-meme. Ou il faut remarquer expressément que ce qui fait qu'une chose quelconque est vraiment une, c'est qu'elle tienten sa totalité d'un (principe) unique chacune des (propriétés) qu'elle possede. Par exemple, le corps mixte en sa totalité est quantitatif par la seule quantité, en dehors de laquelle rien de ce qui est dans le corps n'ajoute quelque quantité que ce soit, ni la matiere, ni la forme, ni une qualité quelconque, et ainsi de suite. D'autre part, le meme corps est en sa totalité tel ou tel par la seule qualité, par exemple blanc par la blancheur, noir par la noirceur, et ainsi de suite. Ici aussi, aucun des autres (facteurs), par exemple la matiere, la forme, la quantité et les autres de ce genre, n'ajoute, n'apporte ou n'augmente ríen en fait de qualité. Ainsi
92.
PROLOGUS IN OPUS PROPQSITIONUM
PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS,
13-1~
93
esse lapidis a forma lapidis, esse vero absolute a solo deo, utpote a prima causa.
encare a plus forte raison le tout compasé, par exemple la pierre, tient l'etre de la pierre de la forme de la pierre, mais 1'etre (pris) absolument de Dieu seul en tant que cause premiere.
24. A~huc au~em non est imaginandum quod
24. De plus, il ne faut pas se figurer que les causes d'une chose- c'est-a-dire les causes efficiente, finale, formelle et matérielle - apportent et conferent au compasé des etres différents, mais la chose en sa totalité, avec toutes ses parties et toutes ses propriétés, tient le meme etre de la seule fin de fa<;on totale sous le rappor_t de la finalité seulement, de la forme sous le rappórt de la forme, et de la matiere sous le rapport de la passivité ou réceptivité. En outre encare, s'il y a pour une meme chose des causes du meme genre, par exemple plusieurs causes efficientes ou finales, elles ne font pas nombre, mais l'une sous l'autre, l'inférieure sous l'empire de la supérieure, elles produisent dans le causé, par une action unique, le meme effet en nombre. Car deux (causes) en tant que deux produisent toujours des choses différentes. Or, il est nécessaire surtout de reconnaitre cela a propos de toute cause dans son rapport a la cause premiere et supreme de tout, qui est Dieu.
c~u~ae r~t - effictens puta, finalis, formalis et mate-
rtahs - stngula esse afferant et conferant composito, se~ res ~e tata cum omnibus suis partibus et proprietattbus tdem esse a solo fine totaliter finaliter solum a f?rma vera fo~maliter, a materia passive sive recepttve. Rursus ettam cau~ae eiusdem generis causarum, puta piures causae effictentes vel finales eiusdem rei si fuerint, non ponunt in numerum sed ~na sub altera inferior in virtute superioris, unica actione eunde~ effectum producunt numero in causato. Duo enim 11:t duo sempe_r diversa producunt. Hoc autem potisst~e necessarmm est sentire de omni causa respectu prtmae et supremae causae omnium, quae est deus.
)
25. Recapitulando autem brevitcr quae dicta sunt ad septem reducuntur. Primum est quod ens solum esse, unum unitatem verum veritatem, bonum bonitatem solam significat. ' . Secundum est quod aliter loquendum est de ente, ahter de ente hoc aut hoc, et sic de aliis, puta uno et vera et bono. Propter quod ens tantrim unum est et deus est; ens autem hoc aut hoc plura sunt~ Et sic de uno, _v:e~o, }:>~no, ut supra dictum est.
( 1
25. Récapitulé
brievement, ce qui précede se ramene a sept points. Le premier est qu'étant signifie le seul etre, un l'unité, vrai la vérité, bon la seule bonté. Le deuxieme est qu'il faut parler autrement de l'étant et de l'étant-ceci-ou-cela; et ainsi des autres (termes), c'est-a-dire de l'un, du vrai et du bon. C'est pourquoi l'étant n'est qu'une seule chose et il est Dieu, tandis que l'étant-ceci-ou-cela est plusieurs. De Résumé du Prologue
94
PROLOGUS IN OPUS PROPOSITIONUM
Tertium est ratio secundi iam dicti, scilicet quia, cum dico aliquid ens, unum, verum, bonum, singulum horum est praedicatum propositionis et accipitur formaliter et substantive. Cum vero dico aliquid esse ens hoc, unum hoc, puta hominem, aut verum hoc aut bonum hoc vel istud, praemissorum singulum non est praedicatum, sed copula quaedam vel · adiacens praedicati. Quartum est quod solus deus proprie est ens, unum, verum, bonum. .Quintum est quod ab ipso deo solo omnia sunt, unum sunt et vera sunt et bona sunt. Sextum est quod a deo immediate habent quod sunt, quod unum sunt, quod vera sunt, quod bona sunt. Septimum est quod nihil creatum addit vel confert rebus quippiam entitatis, unitatis, veritatis seu bonitatis. His ergo ad evidentiam dicendorum praemissis incipiamus et dicamus: Esse est deus etc.
PROLOGUE A L'ffiUVRE DES PROPOSITIONS, 15
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meme pour l'un, le vrai, le bon, comme on l'a dit plus ha u t. Le troisieme point est la raison du deuxieme susdit. Car, lorsque je dis quelque chose étant, un, vrai, bon, chacun de ces (termes) est le prédicat de la proposition et il est pris formellement et substantivement. Mais lorsque je dis que quelque chose est étant-ceci, un-ceci ou vrai-ceci ou bon-ceci-ou-cela, chacun des (termes) ci-dessus est non pas un prédicat, mais une sorte de copule ou un adjacent du prédicat. Le quatrieme est que Dieu seul est proprement, étant, un, vrai, bon ( unum, verum, bonum). Le cinquieme est que par Dieu lui-meme seul, toutes choses sont, sont unes, sont vraies, sont bonnes. Le sixieme est qu'elles tiennent de Dieu immédiatement le fait d'etre, d'etre un, d'etre vrai, d'etre bon. Le septieme est que rien de créé n'ajoute ou ne confere aux choses aucune entité, unité, vérité ou bonté. Done, apres ce préambule destiné a éflairer ce qui va suivre, commens:ons et disons : L' Etre est Dieu, etc.
COMMENTAIRE
LES DEUX PROLOGUES Le Prologue a l'fEuvre tripartite et le Prologue a I'CEuvre des propositions ne sont. pas les seuls textes liminaires que Maitre Eckhart ait rédigés et qui aient subsisté jusqu'a nous. Nous pouvons lire encore, sous ses deux formes, le court Prologue a fCEuvre des expositions 1 et certains des avertissements que le Maitre pla~ait en tete des subdivisions de ses trois grands ouvrages. C'est ainsi que le Prologue au Livre des paraboles de la Genese présente d'importants príncipes d'exégese2 et que les premiers paragraphes du Commentaire sur saint Jean mentionnent la position d'Eckhart sur la question des rapports entre philosophie et foi chrétienne3. En l'absence du Prologue aI'CEuvre des questions et de cet ouvrage lui-meme, et en l'absence de l'CEuvre des propositions, perdu luí aussi, le Prologue général et le Prologue a I'CEuvre des propositions constituent des documents fort précieux pour qui veut connaitre les intentions du Maitre et les traits majeurs de sa doctrine. Un auteur confie normalement a ses intro-
Texte et traduction ci-dessous; cf. LW II, p. p.1-p2. LWI, p. 447-456. . .~· LW III, p. 3-4.
1.
2.
LES PROLOGUES
ductions les pensées qui lui importent le plus ou celles qu'il juge le plus utiles a ses lecteurs s'ils veulent le comprendre. Bien entendu, nous aurions besoin aujourd'hui d'autres avertissements. Le lecteur de cette fin du xxe siecle ne trouve pas dans les Prologues, et pour cause, de quoi jeter un pont entre ses préoccupations et celles d'Eckhart. La pensée médiévale en général lui est étrangere, puisqu'elle se réfere a des modeles qui n'ont plus cours : Aristote, Augustin, Boece, A vicenne... La dissociation de la raison et de la religion a l'époque moderne, le développement des méthodes nouvelles de la science, la limitation de la portée des catégories de l'intelligence, la séparation du théorique et du pratique, tout cela peut rendre la pensée médiévale absolument hermétique. 1 Les philosophes de notre siecle qui sont les plus 'f proches de l'inspiration religieuse proposent des doctrines morales et spirituelles plutot que des théo·¡' logies. Ils ·refusent de mouler leur pensée dans les concepts de la tradition. Ils enseignent par exemple que la notion de cause est liée a l'extériorité et qu'elle est étrangere atout ce qui concerne nos rapports avec Dieu; ou bien ils disent que l'important dans la vie religieuse n'est pas de l'ordre du probleme, puisque le raisonnement n'a rien a voir avec l'expérience intérieure. De sorte que la réflexion aurait tout a gagner a recourir au langage appoprié a l'expérience existentielle. A nos yeux, ce genre d'observation trahit un malentendu. Loin de nous cependant l'idée que les philosophies que nous venons d'évoquer sont inutiles ou méprisables : elles sont venues en leur temps, en réaction contre l'usage d'une raison réduite a son exércíce formel et a son application au phénomene.
COMMENTAIRE
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f\ Une réaction peut etre légitime; elle n'en demeure pas moins caractérisée par les limites que constitue sa nature de réaction. Les médiévaux utilisent autrement que Kant les catégories de l'entendement : ils les remplissent d'un contenu intelligible qui exprime leur expérience intérieure. Les concepts sont ainsi les canaux ou coule la vie intellectuelle, morale et religieuse. Dans ces 1 conditions, comprendre un penseur du moyen age, ce n'est pas seulement posséder la maitrise de techniques verbales ou logiques, mais c'est encore apercevoir l'investissement du _langage conceptuel par la vie de !'esprit. Chez Maitre Eckhart plus qu'ailleurs encore, l'élan spirituel est inséparable de la spéculation intellectuelle. Si le Maitre propose, par exemple, une certaine théorie des transcendantaux, ce n'est pas seulement pour résoudre a sa maniere un probleme technique, mais encore paree que la structure de la doctrine qu'il a choisie favorise le mouvement et l'expression de la vie spirituelle. Non pas que le vrai soit pour luí subordonné au bien, la science a l'édification, mais le vrai ne peut etre tel que s'il intéresse l'homme tout entier et a en meme temps valeur de science et d' édification. Il est intéressant de comparer dans cette perspective l'reuvre latine a l'reuvre allemande. Celle-ci manifeste une. intention religieuse, puisqu'elle est composée de sermons et de traités concernant les vertus monastiques ou supérieures, tandis que l'reuvre latine releve au premier chef d'une intention scientifique. L'reuvre allemande n'en a pas moins un contenu spéculatif majeur dont on ne peut faire abstraction sans manquer un aspect décisif de l'intention spirituelle elle-meme. Un lecteur ou un traduc1
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PROLOGUE GÉNÉRAL
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teur dépourvu de culture philosophique et théologique ri'aur.a jamais des sermons allemands qu'une idée iriadéquate et confuse. De son coté, l'a:uvre . latine est habitée par un désir de perfection spirituelle, et il est insuffisant, quoique toujours intéressant, de l'étudier sous le seul rapport de sa structure abstraite. Comme l'a:uvre allemande, l'a:uvre latine pose de sérieux problemes de cohé!ence : la plus célebre de ses antinomies est celle qui s'exprime par les propositions : deo non convenit esse nec est ens4 et esse est deuss, cette derniere these étant fondamentale dans les Prologues; il est probable qu'on ne peut s'attaquer a la solution de ces problemes sans faire intervenir d'une maniere ou d'une autre la considération de l'intention spirituelle du Maitre. · Quoi qu'il en soit, nous allons étudier les Prologues pour eux-memes en tentant d'en dégager la cohérence interne sans perdre de vue, meme si nous n'en parlons pas toujours, la signif1cation religieuse . que cette structure logique· peut avoir.
LE PROLOGUE A L'<<(EUVRE TRIPARTITE)> Ce. texte comprend deux parties. Dans la· premiere (§§ i-i: x), l'autetir présente son intention, la division de son ouvrage et sa méthode; il ajoute trois observations préliminaires, jugées nécessaires a l'intelligence
· 4· Quesiions parisiennes I,. § ú, LW V, p. 47· 5. Prologue général, § ·1 z. Les Questions et les Prologues ont été réúnis et traduits en anglais par Armand A. Máurer sous le titre :
Mast~r-;Et:KHART,
n;: UNI\/fC'"I!IAI"'. 'u) 1~ ru ..... ~ '-·
'Parisian Questions and Prologues.
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§ 1-z: COMMENTAIRE
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de ce qui sera dit. Dans la seconde (§§ I 2.-2.2.)~ il donne a titré d'exemples a propos de latroisieme observation et pour indiquer sa méthode, la premiere proposition de l'CEuvre des propositions, la premiere question de l'(Euvre des questions et la premiere exposition du livre correspondant.
§ 1. Les trois points que l'auteur annonce, a savoir son intention, la division de l'ouvrage, la méthode, sont développés respectivement au § z., aux §§ 3 a 6 et au § 7· ·:::-.
§ 2.. Eckhart déclare qu'il est forcé d'écrire pour répondre a la demande instante de ses freres. C' e~t la un lieu commun littéraire t, mais il n'y a pas de ratson de penser qu'il n'exprime pas les faits. Il est intéressant d'apprendre quelles étaient les occasions que les disciples avaient d'entendre leur maitre: ils l'entendaient au cours de leurs études, pendant le culte, dans les conférences monastiques 2 •
§z
1.
On pense, par exemple
a·S.
Anselme commen~ant le
Monologion: Quidam fratres saepe me studioseque precati Sl/111 ... , ou a Gilbert de la Porrée commentant les Opuscules de Bqece :
Libros questionum annicii, quos exhortationibus predbusque multorum suscepimus explanandos... (cité par M, GRABMANN, Geschichte der scholastischen Methode, t. II, p. 417; note 3). . . z. Le . mot collationes se. retro uve dans l'avant-propos des lnslrt«tions spirituelles ( Reden), dont voici la traduction proposée
par J. Quint: «Das sind die Reden, die der Vik~r von Thüringen, der Prior von Erfurt, Bruder Eckhart, Predtgerordens, mit solchen Kindern gef~hrt hat, die í~n zu diesen Reden nach vielem fragten, als s1e zu abendhchen Lehrgespriichen beieinander sassen. » La traduction de colla/iones donnée par Mme Ancelet-Hustache est malheureuse : « .. .lorsqu'ils étaient assis ensemble pour la collation du soir», puisqu'il
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PROLOGUE GÉNÉRAL
Professeur, sermonnaire, prieur, Eckhart était tout c~la. Quant a~x trois formes sous lesquelles la doctrine eckharttenne se recommandait aux veux des disciples, les propositions, les solutions des questions et les expositions ou commentaires de l'Écriture, elles s~mt a !'origine d~s trois divisions de l'CEm-re tripartzte, cómme on 1 apprendra au paragraphe suivant. Eckhart les caractérise de maniere a nous faire com~rendre l'intéret qu'y portaient les disciples, en ment~onnant principalement la généralité des propositwns, la nouveauté des solutions des questions et le caractere inusité des commentaires. · Il fut un temps ou la nouveauté était un défaut et ou on la fuyait autant que l'erreur. Mais nous sommes vers la fin du moyen age, a une époque ou, si l'on veut garder vivante une théologie millénaire il faut \ éviter le danger que lui fait courir la monot~nie des redit~s. L~ brieveté et la facilité - autres qualités, menttonnees par Eckhart, des solutions des questions - sont peut-etre aussi des valeurs appréciées au temps des sommes trop lourdes pour un chevaP. Reste a savoir si la pensée d'Eckhart a toujours été facile. Au proces de Cologne, il associe l'idée de rareté acelle de ·subtilité4... La concession sur laquelle s'acheve le§ 2
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ne peut s'agir, pour le lecteur non prévenu, que d'un léger repas (Les Traités, Paris, 1971, p. 40). Quinta éclairé le sens du mot collatio dans une note des pages 3 1 2 et 3 1 3 du t. V de son édition des Deutsche Werke. . 3: S. Th~mas d~ja_, dans le prologue de la Sommt de théologie, md19ue les. ,mc~nvements de la frequens repetitio et il se pro pose auss1 la brtevete. 4t.;THÉRY,. «Edition critique ... », p. 186. Le mot «facile» est . repriS, dans le Prologue général, au paragraphe 22.
§ z-3: COMMENTAIRE
montre a propos qu'il ne s'agit pas de privilégier aveuglément le nouveau et le rare. Observons encore que l'CEuvre tripartite étudie «certaines » propositions, «di verses» questions et «un grand nombre» d'autorités, ce qui nous autorise a penser_ que l'<Euvre des expositions devait etre la plus volumtneuse des trois, meme si, comme l'auteur va le dire, l'C!3_uvre des propositions s'occupe de plus de mille proposttlons. § 3. Eckhart procede maintenant a la division qu'il . avait annoncée au § ~~ et qui était indiquée implicitement_ ~~ns la seconde moitié du § 2, puis a la s~bd1~1~10n du premier ouvrage. Il faut remarquer la btpartttlon de chacun des 14 traités, consacrés non seule?Ient a ~~termes, máis encore a leurs opposés, et le~ ra1sons qut en sont données : 1. les opposés se font mteux. connaitre dans leur opposition m eme 1 ; 2. la COt:IOalSSance des opposés releve de la meme science2. Ces raisons sont aristotéliciennes et Maitre Eckhart
§ 3 1. Voir Comm. Jean, § 81, LW III, p. 69, et la note correspondante de l'édition de Stuttgart, ou sont cités des passages d' Arístote, de Thomas d' Aquin et de Bonaventure. 2. Thomas d' Aquin recourt aussi a ce príncipe, comme dans la Somm~ théologique I, q. 14, a. 8, corps. Eckhart l'évoque plus d'une f?lS. Il l'associe a sa these de la privation fondée dans la possesston et de la négation résidant dans l'affirmation, comme dans Comm. Sag., § 104, LWII, p. 440-441. · On remarquera que les deux príncipes invoqués par Eckhart f figure~t dans. les Auctoritates -;4-ristotelis publiées par J. Hamesse, Lou.vam Pans, 1974. On y ht en effet: Opposita juxta se posita 1 mag~s elucescunt (p. 164, n° 6o) et Ejusdem sdentiae es/ opposita \ consrderare, ho:,;st oppositorum/a1em es/ discip_lina (p. 122, n° 93). On tr~uve ~eJa che; Plat~n ltdee que le metlleur et le pire sont ) les objets d une meme sctence (Phédon 97 d) .
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n'est pas le premier médiéval a les invoquer. Pour la deuxieme raison, aux références citées dans l'édition de Stuttgart, il convient d'ajouter en particuli~r : Métaphysique, r (IV), 2, 1004 a 9, et le commentatre de saint Thomas. 11 est inutile de songer ici a une dialectique a l'hégélienne, comme le fait Heribert Fischer3, ce qui ne diminue nullement l'originalité de l'ouvrage d'Eckhart. En effet, ce livre n'a pas la forme d'un traité du xue siecle ou d'une somme du siecle suivant : il est plus général qu'eux et leur est logiquement antérieur, puisqu'il étudie ce qu'on · pourrait appeler les catégories fondamentales de la pensée et de la réalité, c'est-a-dire les conditions préalables a la découverte et a l'énoncé de toute solution de questions.
§ 4· Dans notre Prologue, la division de l'CEuvre des propositions occupe plus de place que les autres et elle est la plus précieuse; si l'on veut se faire une idée de cette CEuvre, aucun texte eckhartien ne peut suppléer celui-ci. Le Maitre énumere dans l'ordre les quatorze traités qui la composent en indiquant pour chacun le terme étudié et son opposé. 11 est difficile de dégager le plan et l'unité de l'ouvrage; nous allons cependant nous y essayer sommairement. Les quatre premiers traités sont consacrés aux notions les plus générales de la métaphysique, les transcendantaux, présentés sous le double énoncé : «l'etre et l'étant», «l'unité et l'un», «la vérité et le vrai», «la bonté et le bon», et opposés respectivement au néant, au multiple, au faux et au mal. Les transcendantaux sont les aspects et non les parties de
3· .Meister -Eck.har.t, p. 40:-42..
§ 3-4 : COMMENT AIRE
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la réalité : tout étant est un (le diviser, c'est ie nier), vrai (il est l'objet de la pensée) et bon (l'etre est universellement désiré). 11 suffit d'observer comment débute l'CEuvre des propositions pour comprendre c¡ue le Maitre ne se situe pas dans une perspecuve néoplatonicienne, plotinienne ou proclusienne : l'U~ n'est pas premier. Ens et unum convertuntur, ensetgnalt Aristotet. 11 est évident que les termes opposés aux trans.cendantaux se situent sur un plan différent d~ l~~r, stnon nous aurions affaire a une sorte de mantchetsme. Le néant ne contrebalance pas l'etre, ni le multiple l'un; le faux et le mal ne sauraient subsister par eux-memes. Une stricte analogie regne entre le néant, le m~ltiple, le faux et le mal : le multiple en tant que multtple, le faux et le mal comme tels, sont, a leur opposé propre, comme le néant a l'etre. On lit, par exemple, dans la cinquieme Question parisienne, § 5 : «Le nombre... est néant, paree qu'il n'est pas un 2.» . Relevons que la doctri~e eckharuenn~ des transcendantaux dépasse le ntveau des nottons et des concepts: elle ne vise pas l'ens commune comme cepe de Thomas d' Aquin, mais prétend toucher des realités. Nous verrons en effet que les transcendantaux désignent Dieu et atravers l~i les e;res CJ_Ui dép~nd~nt de lui. 11s sont done suscepttbles d une tnterpretatton · . trinitaire 3. Le cinquieme et le sixieme ti:aité, qui concernen~ la vie pratique, nous introduisent dans · un domatne
§ 4 1. Métaphys. IV, 1003 b 23. Commentaire de Thomas d'Aquin, Marietti, § 548 et suiv., p. 154-156. . z.. LW V, p. 81. ~· Voir VI. J.n<:<:L·v rt.:- 1ogie négative ... , p. 22.5.
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§ 4 : COMMENT AIRE
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nouveau, auquel nous a préparés cepend:mt la présence du quatrieme transcendantal, le bten et son opposé, le mal. La transition est done parfa~t~. Le cinquieme traité releve plutot de Pordre du rehgteux, et le sixieme de l'ordre du moral. Dans le premier de ces deux tra~tés, l'amour et ~a charité ne sont pas dans une relatton de paronymte comme l'unité et l'un; nous les considérons comme des synonymes4. Pourquoi l'amour a-t-il pour opposé le péché et non la haine? Paree qu'il est _considé~é non pas comme une disposition psychologtque, mats comme le commandement de Dieu : du commandement d'amour dépendent toute la loi et les prophetes s. La présence de ce cinquieme traité apres les précédents qui sont relatifs aux transc~nda~ta~~ met en lumiere la cohérence, pour ne pas dtre 1 untte, _des préoccupations de Maitr_e ~khart. Les pr~mters traités fournissent les prmctpes d'une doctnne de l'etre, qui se révele une doctrine de Dieu. Y_iennent ensuite des considérations pratiques, relattves au rapport que nous entre~e~ons av~~ ce D~eu_ qui_ n'est autre que celui de la rehgwn posltlve. Amst phtlosophie, théologie spéculative et théologie morale se donnent la main. Le sixieme traité concerne non plus la finalité religieuse de la conduite humaine, la charité, mais l'honneteté et la vertu. Notons que la vertu n'est pas seulement un objet de la spéculation, mais encare une de ses conditions, car, dans la perspective unifi~tnte
qui est celle d'Eckhart, les vertus sont nécessaires a quiconque veut faire ceuvre d'intelligence apropos de Die u. Observons encare que les notions touchant la conduite humaine, dont il est question dans ces deux derniers traités, ne nous éloignent mdlement de Dieu, puisque le Nouveau Testament enseigne que Dieu est amour et que, chez Eckhart comme ch~z ~ugustin, les perfections spirituelles, comme la JUSttce et la sagesse, sont Dieu lui-meme. . A vec le septieme traité, on revient aux nottons métaphysiques. Il y ~une paren~~ er_ltr_e les i~ées_ ~e tout (7c traité), de commun ou d tndtstmct (8 tratt~) et de supérieur (9c traité), comme entre les opposes correspondants : la partie, le distinct ,et l~inférieur. L_e rapport du tout et de la partie est defint _c?mme sutt dans le Prologue a I'CEuvre des propostttons: «~es différentes parties n'apportent absolument aucun etre aleur tout, mais plutot res;oivent tout leur e_tre de leur tout et en leur tout6. » Loin done de produtre le tout, comme on pourrait le croire, les part~es, so,f!-t ~o~sti tuées par lui dans leur etre. D; son cote, lt?d.tsttnct n'est pas le confus, mais ce qu o~ ne peut dtstmgue: du distinct en vertu de son caractere total, commun a tout et non séparé. En ce sens, Eckhart appelle Dieu «indistinct>>, paree qu'«il ne veut pas etre sépa_ré et ne le peut 7 ». Quant au supérieur, il entretient avec l'inférieur la meme relatiori. que le tout a l'égard d<: la partie : il affecte son inférieur tout entier, mais n'est affecté par lui d'aucune maniere 8 • Nombreux sont les
4· On lit, dans le Comm. _E_x., § 98, q~e ~da lo~ n~uvelle est la loi de l'amour ou de la chante (/ex a~~orts szve cartfahs) » (LW II, p. 101). f 5.. M~ 22, ,_36-40. Sur l'importance de la charlté, vmr, par . , \ exerií.ple, Comm. Ex.,·§ 96-99.
6. § 18. Voir Comm. jean, § 400, LWIII, p. 341. 7· Serm. lat. XXXVII,§ 375, LWIV:, p. 32~. , . 8. « L'inférieur est toujours vide et 1mparf~1t, le sup~r~eur jamais» (Comm. Gen.,§ 25, ci-dessous). La nouon de supeneur
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§ 4 : COMMENT AIRE
passages eckhartiens qui rapprochent le supérieur du tout et de l'indistinct, ou l'inférieur de la partie et du distinct, par exemple celui-ci : «... Le supérieur est toujours non distinct de son inférieur, mais l'inférieur inversement est toujours distinct en tant que fini 9. » Le rapport de l'etre au néant caractérisait l'opposition des transcendantaux a leur antithese négative. n· se retrouvait dans l'opposition de l'amour et du péché, de la vertu et du vice, puisque céder au péché et au vice, c'est s'enfoncer dans le néant. Ce rapport s'observe encare entre les termes de la hiérarchie métaphysique, le tout et la partie, le commun et le propre, le supérieur et l'inférieur, les seconds dépendant des premiers et n'ayant rien par eux-memes. Le dixieme traité, qui porte sur les notions de «premien> et de «dernier», est marqué par l'absence de la formule et eius opposito qui figure dans tous les traités précédents. «Premien> et «dernier» sont euxmemes des opposés, mais pas au sens ou le sont l'etre et le néant ou l'un et le multiple, puisque «premien> et « dernier» se disent de Dieu tous les deux dans le livre d'IsaYe et dans· 1' Apocalypse. Si l'on voulait retrouver l'opposition qui caractérise les autres traités, il faudrait ajouter, a «premien> et «dernier» pris ensemble, un opposé non exprimé qui serait le «ni premier ni dernier». Les notions de primus et. de novissimus réapparaissent dans le présent Prologue, § I 8, a propos du Dieu toujours créateur,
au sens du plus anden et du plus récent, et dans le Prologue... aI'CEuvre des propositions, § 13, pour souligner l'immédiateté et l'universalité de l'action divine : le premier, qui est aussi le dernier, étend son action jusqu'au has de l'échelle des etres. Avec les deux traités suivants, Eckhart introduit la notion de détermination spécifique et, par la, de nouveaux exemples de l'opposition etre-néant qui domine son ouvrage. Il situe d'abord la forme par rapport a }'informe (IIe traité), puis par rapport a l'existence (12e traité). Dans le premier cas, la détermination est le term<:~ principal, dans le second, elle est le terme subordonné. Les mots «idée» et «raison» montrent que dans le onzieme traité la forme n'est pas la détermination immanente aux choses 10, mais le príncipe transcendant que saint Augustin juge indispensable a la philosophie chrétienne. Quant a !'informe, c'est la matiere créée. Mais la forme peut etre considérée sous un autre biais : elle sera alors la spécification appartenant a la créature et. requéran~ l'existence. C'est ainsi que le quo eS! («ce par quot est»), dans le douzieme traité, désigrie 1~ sourc~ divine de l'existence, tartdis que le quod est (
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revient au § 10 du Prologue. Dans le Comm. Gen., § 63 (ci-dessous), Eckhart fait allusion au traité du supérieur en désignant par supérieur Dieu lui-meme. 11 présente en effet le supérieur comme agissant sur son inférieur plus profondément que la forme· substantielle de celui-ci n'agit sur lui. · 9.· Serm-. lat.:X, § xos, LWIV, p. 1oo.
10. La ratio divine s'oppose communément, chez Eckhart, a laforma (species.ou nomen). Voir, par exemple, Comm. Ex.,§ 121, LWII, 114-1q. 1 1. LW II, p. 89. Sur le quo Út, voir le sermon latin XXV,
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PROLOGUE GÉNÉRAL
Les dix premiers traités portaient successivement sur les aspects fondamentaux de la réalité, sur les attitudes pratiques et sur les relations métaphysiques majeures. Les deux suivants concernaient les déterminations spécifiques sous un double rapport. Il n'a pas encore été question de Dieu dans ce plan, mais nous savons déja que les transcendantaux, les perfections spirituelles, la précellence métaphysique, l'idée et le quo est conviennent proprement a Dieu. Le treizieme traité portant sur «Dieu lui-rneme, l'etre le plus élevé», faisait sans doute la synthese de ces résultats. Le sujet de ce traité rappelle celui du premier : en effet, la formule « le summum esse qui n'a pas de contraire si ce n'est le non-etre» a son pendant dans celle du premier : «l'etre et l'étant et leur opposé qui est le néant». C'est comme la fermeture d'un cercle sur lui-meme. Mais la pensée a progressé, puisqu'elle dispose des éléments de la doctrine de Dieu accu- · mulés dans les traités antérieurs. Si le treizieme traité concerne Dieu et le non-etre, son opposé- si l'on peut
§ 251, LW IV, p. 230 et la note. On retrouve le theme du quo est quandEc:kha~t
éctit que l'etre est l'actualité de tout, meme des formes.(voir § 8, vers la fin; Pro/. fEIIV. prop.,§ 14, vers la fin).
§ 4 : COMMENT AIRE
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!'Opus propositionum quand on s'aper~oit que le rapport de chacun des termes positifs a son opposé est celui qui regne entre l'avant-dernier et le dernier des termes positifs, c'est-a-dire entre Dieu et la substance. Autrement dit, .!'ensemble des traités indique, par l'opposition qu'il met en reuvre, la nature de la relation qu'on observe entre le créateur ét la créature. En effet, s'il est vrai que les premiers termes conviennent proprement a Dieu, les seconds se rapportent proprement a la créature. Certes, le transcendantal se dit aussi de la créature qui en participe, et en cela la créature est un etre;, mais par elle-meme la créature n'a rien, ni l'etre, ni la perfection spirituelle, ni la forme : seul Dieu dispose des fonctions hégémoniques qui peuvent donner tout cela. De sorte qu'au moment ou, sortant du cercle des treize premiers traités, on ne considere plus Dieu et son opposé, le néant, mais l'opposition intérieure a la créature de la substance et de l'accident, c'est encore au meme type de relation qu'on a affaire, puisque l'accident n'est rien sans la substance 12. La signification spirituelle de cette doctrine est évidente : d'un meme geste, le 12. Il est intéressant de relever que le traité de l'accident est cité dans le. Comm. Sag., au § 95 (LW II, p. 429), a propos du rapport entre la sagesse en nous et hi sagesse en soi. Quand on sait que la sagesse en soi est Dieu lui-meme, on voit que la structure substancefaccident, intérieure a la créature, se répete entre le créateur et la créature. Nous sommes en présence ici d'une these eckhartienne fondamentale que nous allons retro u ver au § 8 du Prologue général. Vladimir Lossky écrit : «Les substances créées, qui n'existent pas par elles-memes, viennent s'ajouter extérieurement al'esse primum comme une sorte d'accidents. Maitre Eckhart cite dans ce sens la 6e proposition des « 24 philosophes » : Deus est cuius comparatione substantia est accidens et accidens nihil (Théologie négative, p. 15 3). Lossky renvoie au
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. PROLOGUE GÉNÉRAL
Maitre indique le rapport théorique et le rapport pratique de la créature au créateur, a savoir dans les deux cas la radicale dépendance. C'est en se vidant de soi, de son faux etre séparé, c'est en laissant Dieu etre et agir en elle, que la créature comprendra et se fera ce qu'elle est véritablement.
§ 5. Avec les deux paragraphes suivants, l'auteur quitte cette longue analyse de l'CEuvre des propositions, pour se livrer, plus sommairement, a la division des deux autres parties de l'Opus tripartitum. Le premier passage atteste l'autorité de la Somme de théofogie aux yeux d'Eckhart, puisque le Maitre déclare en suivre l'ordre. Les questions dont il traite et qui sont en petit nombre - «diverses questions », écrivait-il au § 2 ont été retenues a une triple occasion qui rappelle les déclarations du début du Prologue : « lire » et «disputen> correspondent aux lec;ons et aux au tres activités scolaires dont il s'agissait précédemment; «conférer» se rapporte aux «collations» quotidiennes. Assez naturellement, la prédication, activité moins scientifique, n'est pas mentionnée. § 6. Le second passage donne la division de l'rEuvre des expositions. Aux commentaires sur l'Écriture, nous dit l'auteur, s'ajoute une CEuvre des sermons comprenant des écrits d' époques différentes t. Ces deux parties se subdivisent elles-memes selon l'ordre des textes bibliques expliqués. 9e sermon alJemand (DW I, p. 142 ou l'on trouve dans les notes quelques réferences latines)" § 6 x. Sur cette CEuvre des sermons, voir l'introduction de Joseph: Koch au ..tome IV des Lateinis(he Werke, p. XXIIIXXVIII...,
§ 4-7 : COMMENT AIRE
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§ 7· Eckhart avait annoncé qu'il présenterait finalement l'ordre et la méthode (modus procedendt) qu'il suit dans son ceuvre. On l'aura remarqué, il n'a pas respecté son plan, puisqu'il a dpnné .l'ordre des parties de ses ouvrages en meme temps que la division de ceux-ci. 11 ne s'agit done plus maintenant que de la maniere de procéder, c'est-a-dire du probleme de la longueur des ouvrages, qui menace d'etre excessive t. L'auteur la combat de deux fac;ons : 1. par le choix de quelques points tres rarement retenus ailleurs; 2. par la discontinuité de l'exposé, dans l'(Euvre des questions>comme dans celle des expositions, et par les rapprochements auxquels il procede. C'est ce que H. Fischer appelle das Auswahlprinzip et das Sparsamkeitsprinzipi. Nous avons déja rencontré l'idée de rareté au § 2. La discontinuité rappelle les mots «comme s'offrait l'occasion de disputer, etc.» du § 53. Relevons que l'autorité, au sujet du modus procedendi, est Augustin dans quelques-uns de ses ouvrages. La fin du § 7 est remarquable, puisqu'elle est un avertissement destiné aux lecteurs que les propos de l'auteur pourraient scandaliser. Le Maitre est done conscient de l'effet possible de son enseignement; il en a sans doute déja l'expérience. Comment pourraitil éviter cet effet, puisqu'il recherche le nouveau et le rare? Les précautions qu'il prend ici cependant ne se § 7 1. La brieveté a déja été mentionnée au § 1 a pro pos des propositions. 2. Meister Eckhart, p. 49· 3· Voir le§ 14 du présent Prologue et le début du Prologue a fCEuvre des expositions ci-dessus. Fischer traduit intercise par ge/egentlich, et de paucissimis respective par verha/tnismiissigganz se/tm (ibid.).
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sont pas révélées suffisantes, et les lecteurs sans pénétration ou trop pressés auront le dessus. Il est intéressant de , no ter que son appel a la vérité et a l'autorité de l'Ecriture ou de l'enseignement de saints ou de docteurs se concrétisera au proces de Cologne par des références constantes a la Bible, a saint Augustin, Boece, Avicenne, Ma"imonide, saint Bernard, Thomas d' Aquin, etc., sans compter les philosophes anciens comme Cicéron et Séneque. leí s'acheve la premiere subdivision de la premiere partie du Prologue a l'CEuvre tripartite. ·
§ 8. La premiere partie du Prologue se poursuit avec l'exposé de trois theses préliminaires_ dont dépend l'intelligence de l'Opus tripartitum. Lá premiere est développée dans les paragraphes 8 et 9, la deuxieme dans le paragraphe 1 o et la derniere dans le paragraphe· 11. Le Maitre présente d'abord ce qu'il nomme les termes généraux. Il ressort des exemples donnés qu'il s'agit des transcendantaux- énumérés sous la forme: esse, unitas, veritas, bonitas - et de ce que l'auteur appelle ailleurs les perfections spirituelles, puisque s'introduit le mot sapientia, qu'on retrouvera au paragraphe suivant. La nature des termes généraux est expliquée a contrario par celle des accidents dont le Maitre souligne la dépendance par rapport a leur su jet quant a l'etre et quant au nombre. Il faut relever les expressions dont il se sert : la réception de 1' etre dans et par le sujet et par sa transformation, la postériorité par rapport au sujet, la réception de l'etre par inhérence. La notion de transformation (transmutatio) est reprise a la fin du paragraphe 9 ou il est dit que «lo~s9ue le_ corps [blanc] est changé (commutatum) en une.·'aufre couleur, cette blancheur ne reste pas et 1.'
§ 7-8 : COMMENT AIRE
PROLOGUE GÉNÉRAL
cesse absolument d'etre». Ailleurs, l'auteur écrit en jouant sur les mots que les accidents «accedent a l'étant plutot qu'ils le précedent» t. · L'idée d'inhérence exclut la relation qui signifie un «etre par rapport a» (esse ad)2. Elle exclut aussi l'accident inhérent con<;u in abstracto, c'est-a-dire en lui-meme, plutot que dans la réalité concrete qu'il a dans le sujet3. Les accidents inhérents concrets qu'Eckhart prend en considération n'ont pas plus d'unité par eux-memes que d'etre, ce qui veut dire qu'ils se multiplient avec leurs sujets et se divisent selon les parties dans Jesquelles leurs sujets se divisent eux-memes. La dépendance et la postériorité des accidents par rapport a leurs sujets mettent en relief l'autonomie des termes généraux et leur antériorité a tout ce qu'il peut y avoir dans les choses - antériorité logique et ontologique, et non pas temporelle. Avant d'etre quoi que ce soit - forme substantielle ou forme accidentelle -, le suj"et est, est un, vrai, bon. Le Maitre exprime sa pensée en une phrase ou pour obtenir un effet d'insistance, les prépositions et les préfixes s'accumulent et ou l'impression d'antithese est assurée par la répétition de la négation et par l'emploi d'un meme verbe avec un préfixe opposé aux
Comm. Jean, § p6, LW III, p. 275. Voir Comm. Ex., § 64, LW II, p. 68. 3· Voir THOMAS d' AQUIN, Som. théol. 1-II, q. 53, a. 2, ad 3m: «Dans la définition de l'accident de ce genre [ signifié in concreto], le sujet est posé comme le genre qui est la premiere partie de la définition : nous disons en effet que "camus" est "nez courbe". Ainsi done, ce qui convient aux accidents par le coté du sujet, mais non par la raison elle-meme de l'accident, n'est pas attribué a l'accident dans l'abstrait, mais dans le concret.)) 1.
2.
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PROLOGUE GÉNÉRAL
précédents : «l'etre lui-méme ne re~ott pas le fait d'etre dans quelque chose, ni de quelque chose ni par quelque chose, il n'advient ni ne survient a quelque c~10~e, .mai~ ~ prévient et p~~cede tout4. » Ces procedes ltngutsuques sont famtlters a Eckhart, et cette doctrine est fondamentale dans l'CEuvre tripartite. Dans un passage parallele du Commentaire sur le Livre de la Sagesse, l'auteur éclaire le statut des perfections spirituelles, comme la justice, en exposant celui des accidents corporels, comme la blancheur ou la saveur. «En effet, écrit-il, les choses corporelles se corrompent et cessent d'étre quand les sujets sont corrompus. La raison en est qu'elles re~oivent l'etre et l'étre-un, et par conséquent l'etre divisé et le nombre ... , du sujet, par le sujet et dans le sujet et par conséquent sont postérieures aux sujets. Tandis que les pe~fect_ions spir~tuelles... se comportent de fa~on tout a fa1t opposee. En effet, elles ne re~oivent absolument d'aucune maniere l'étre par les sujets, et par conséquent elles ne re~oivent par eux ni division, ni nombre, ni cessation s. » L'etre, qui est premier dans les choses et done fondamental en elles, ne peut leur venir que de la cause premiere et universelle et en venir sans intermédiaire. L'idée d'immédiateté commande la citation partielle que fait le Maitre de Romains 1 J, 36 : «Par lui et en lui sont toutes choses. » Inversement lui ' n'est pas par un autre, puisque l'autre que l'etre équivaut au néant. Et comment le néant serait-il la source de l'étre? Si l'etre lui-méme (ipsum esse) est !'origine immédiate de tout l'étre des créatures, nulle
4· Pro/. gén., § 8. 5. Giifnm. Sag., § 41, LWII, p. 362; voir aussi § 74·
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§ 8 : COMMENT AIRE
1
..1
surprise a ce qu'il soit présenté ensuite comme étant avec tout dans un rapport d'acte et de perfection, comme étant «l'actualité de tout, meme des formes 6 ». On voit que Maitre Eckhart, qui insere sa théorie aristotélicienne des accidents dans une doctrine d'inspiration platonicienne ou augustinienne des transcendantaux et des perfections spirituelles, rejoint a sa maniere divers themes thomistes : celui du monopole divin de la création, celui de l'immédiation de l'action créatrice et celui de l'etre comme actualité des formes elles-mémes. On lit, par exemple, dans la Somme de théologie : «Ce qui est_l'effet propre du Dieu créateur est ce qui est présupposé a toutes les autres choses, a savoir l'etre absolument7. » De la découlent l'immédiateté de la causalité divine et la dépendance ontologique des formes elles-memes. Le statut exceptionnel de l'etre- et avec luí des autres termes généraux- est encore souligné dans notre texte du premier Prologue par des citations d' Avicenne concernant le désir de l'étre qu'éprouve toute chose. Ainsi s'exprime la dépendance fondamentale et constitutive de tout ce qui est par rapport a l'etre. Le § 8 souligne la subordination des accidents aux sujets et, par elle, l'autonomie ·des termes généraux vis-a-vis de ces mémes sujets. 11 oppose les accidents et les termes généraux en mettant en lumiere .leur relation inverse a un troisieme terme qui est le sujet ou la substance. Accident, sujet, terme général, constituent une hiérarchie ascendante qui se traduit par une égalité de rapports: l'accident est au sujet comme
6. Voir Pro/. prop., § 14, fin. · 7· I, q. 45, a. 5, corps: 1/lud autem quod est proprius effectus Dei creantis est illud quod praesupponitur omnibus aliis, scilicet esse absolute.
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PROLOGUE GÉNÉRAL
§ 8-9 : COMMENT AIRE
le sujet au terme général. Nous retrouvons done l'égalité des relations accidentfsubstance et substance JDieu que nous avons aper<;ue plus haut en commentant le plan de l'Opus propositionum. On sait que pour Aristote, Thomas d' Aquin, et Eckhart apres eux, le rapport de l'accident au su jet est un exemple d'analogie. Si les accidents n'ont l'etre que par inhérence dans le sujet, c'est qu'ils sont des étants de fa<;on analogique seulement par rapport a un seul étant pris de maniere absolue : l'étant dit de la substance est posé dans la définition de l'étant selon qu'il se dit de l'accidentB. Le sujet, la substance, le monde ou encore la créature, sont done considérés implicitement ici comme étant dans ce meme rapport d'analogie vis-a:-vis de Dieu. Le passage du § 8 sur 1' etre des eh oses a été incriminé par les adversaires d'Eckhart 9 et le Maitre a répondu qu'en vérité, c'était parole de Thomas d'Aquinlo. Avec un peu de mauvaise volonté, on pouvait comprendre en effet que l'etre des choses se confond avec celui de Dieu. En réalité, l'etre des choses est présenté par Eckhart comme dépendant de la cause premiere: les prépositions ab et per expriment cette relation. L'etre de la substance dépend de celui de Dieu comme l'etre de l'accident de celui de la substance.
8. Voir ARISTOTE, Mét. III, c. 2, début; THOMAS d' AQUIN, Som. théol. I, q. 13, a. 10, corps; EcKHART, Comm. Ex., § 54, LWII, p. 58. 9· G. THÉRY, «Edition critique... », p. 171. 10. /bid., p. 193 : « ... Lorsqu'il est dit que l'etre est l'actualité meme, et de toutes les formes, et que l'etre est ce que désire toute chose, etc., il faut dire que c'est vrai. Le premier point est la paroie de sa:irlt Thómas; le second; celle d' A vicenne. »
Retorinaissons cependant que le Maitre a l'habitude de considérer 1'etre de .la substance dans sa source divine - in ipso sunt omnia - plutót qu'en lui-meme comme l'etre de l'accident par rapport a son fondement substantiel. · Tel est le sens de sa conception de l'analogie. Contrairement a Thomas d' Aquin, le Thuringien n'arret~ pas sa p~nsé,e a l'~tr~ dérivé que l'accident peut avotr 11 •. Mats t1 n y a la ~~ erreur ni hérésie ' et cette doctrme est en .parfatt . accord avec le trait dominant de l'Opus proposzttonum, .a savoir l'opposition de la possession et de la privation.
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§ 9· Le paragraphe qui suit apporte un commentaire sur le privilege qui a été reconnu a l'etre et aux termes généraux. Si l'etre est,. ce qu'il. y a de plus précieux dans les chos~~ et .s 1~ e~t umverse~lement désiré, on comprend qu tl sott 1 obJ~t de la scten~e la plus haute. Quand on con~id~r~ un etall:t c~'?me t1 ~e donne il releve d'une dtsctphne parttcuhere, mats pris c~mme étant, il releve de la ~étaphysique. A~?si le mobile, le muable, le corruptible, avec la mauere leur príncipe, sont l'objet du physicien, mais, considérés comme · étants, ils tombent sous le regard du métaphysicien. ·Le theme de l'étant en tant que tel, ven u d' Aristote et d' Avicenne, trouve done sa place chez Eckhart chez quila formulein quantum,,«~~ tant que», apparait souvent. ave: son effet dectstf de discrimination et de punficatton 1•
1 1. Sur l'interprétation de la doctrine de Thomas d' Aquin, voir H. LYTTKENS, The AnalogJ between God and The World... , p. 262-265. . .. § 9 1. Elle suppriine toute différence et toute aliénation par
l20
§ 9-10 : COMMENT AIRE
PROLOGUE GÉNÉRAL
On la rencontre encore sitót apres, lorsque le Maitre situe l'etre des choses en tant que tel au-dessus non plus du corruptible, mais du temporel. Pour ce faire, il met en avant l'intellect dont il rapproche l'objet premier, qui est l'étant, selon Avicenne et Thomas d' Aquin, et l'opération propre, qui est d'abstraire de l'ici et du maintenant, c'est-a-dire de l'espace et du temps. L'étant, qui s'atteint au-dehl du sensible, appartient done a l'ordre de l'éternel. Immuable et éternel, l'etre des choses dont il est question dans ce paragraphe n'est évidemment pas leur etre empirique, puisque celui-ci est changeant et passager. Eckhart rattache aux considérations précédentes les propos du De Trinitate sur l'indépendance de la sagesse par rapport a l'ame quien participe et sur son immutabilité face a celui qui se convertit vers elle ou s'en détourne 2 • A l'aide d' Augustin qui met en lumiere le contraste entre le cas de la sagesse et celui de la blancheur qui, elle, dépend du su jet quila re~oit, Eckhart rappelle qu'il associe aux transcendantaux les perfections spirituelles -la sagesse était citée au début du § 8- et que le statut des termes généraux diftere absolument de celui des accidents, ce qui constituait justement la premiere observation préliminaire.
rapport a la notion dont il s'agit. Elle renvoie du participant au participé. . 2. AuG., Trin. VII, c. 2, 1. Voir Comm.Jean, § 172, LWIII, p. 141 (antériorité et permanence de la justice); Serm. lat. VI, 3, § 62, LW IV, p. 6o-61 (inesse de la blancheur dans le corps et, inversement, du juste dans la justice). Le theme eckhartien de l'indépendante des perfections spirituelles par rapport a leur sujet- et c:n g~~éral du participé par rapport au partícipant remonté a Platon; voir Banquet 2 1 1 b. ·
121
§ 10. La deuxieme observation porte sur le rapport )
des notions d'antérieur et de postérieur - ou de supérieur et d'inférieur. Con~o~mémen.t ~la traditi~n platonicienne, ces termes de~~~nent tct ~es d~g~es ontologiques. Nous avons deJa rencontre les tdees d'antériorité et de postériorité au § 8. Quand nc~us Iisons que les antérieurs ne re~oivent absolu?;ent !te~ des postérieurs, nous no':ls souvenons ,q~e 1~tre etatt présenté au meme endrott comme anterteur a tout et comme ne recevant de rien le fait d'etre. La correspondance suivante nous est done suggérée : terme général = antérieur = postérieur sujet
I:
Et nous pouvons ajouter, ,e~ vertu du ~ 8, q~e rapport de l'antérieur au posterteur est celut du SU}et a l'accident. Le deuxieme présupposé du Prologue g!néral s'h.ar: monise done parfaitement avec le premter. Celut-cl met i'accent sur l'opposition des termes ~énéraux et des accidents - ils se situent face au suJet dans un rapport inverse d'antériorité .et de postéri?ri~é -; le deuxieme insiste sur la relatton non symetnque de l'antérieur et du postérieur1. Dans les deux cas, il s'agit finalement de comprendre la relation qu'il y a entre le créateur et la créature. Relevons que la descente dont il est question du supérieur dans l'inférieur n'en est pas une si l'on entend par la que le supérieur change de ntveau
§ 10 1. 9u du supérieur et de l'inférie~u. Voir par exempl~ PRocws, Eliments de théologie, ~ ~24, Trout!la~d~ p. 136: «Car.~l est possible de passer des superteurs a';lx tnfe!teurs, alors. qu tl n'est pas permis aux dieux de recevotr quot que ce so1t des ínférieurs. »
ff?:r'. j
.
PROLOGUE GÉNÉRAL
§ ío-u : COMMENT AIRE
ontologique. Seule descend l'action du supérieur, mais comme l'action du supérieur se ramene au supérieur, il n'est pas faux de dire, a condition de bien s' entendre, que celui-ci descend. Cette descente o u cette action est une assimilatio.n, puisque le supérieur se communique a l'inférieur qu'il rend semblable a lui. La suite du paragraphe atteste !'origine néoplatonicienne de la doctrine par une citation du Liber de causis : le premier o u le supérieur est « riche par soi 2 • » Appeler ainsi le premier príncipe, c'est indiquer qu'il donne ce qu'il a, mais qu'ille donne sans rien perdre; sa richesse n' est pas affectée par ses largesses. Ce qu'il a, ses «propriétés»,_ c'est en particulier l'unité, c'est-a-dire l'indivisiqn. 11 communique cette propriété a l'inférieur, puisqu'il en unifie la multiplicité. Et de meme que le riche reste riche malgré sa libéralité, l'unité demeure une, attendu que l'unification qu' elle apporte aux choses ne produit en elle aucune multiplicité. La fin du § 10 fournit l'exemple de l'ame une, alors qu'elle est présente dans la multiplicité des parties de·son corps 3 • La belle image de l'homme a la dimension du ciel 4 pousse a !'extreme le paradoxe de la these selon laquelle l'ame dans un . corps annule toute di~tance corporelle. .
Le premier présupposé de ce premier Prologue affirme done l'antériorité des termes généraux dans les choses, et le second, la relation non symétrique de l'antérieur et du postérieur. . , , En considérant ensemble le premter presuppose, qui souligne l'antéri.~rité de~ ter~es généraux dans les choses, et le deuxteme, qut·ensetgne la desc~nte du supérieur dans l'inférieur, on ~~gage le t~eme de l'immanence de la cause premtere dans 1 etre des choses immanence conc;ue sur le modele de la présence de l'etre de la substance dans l'accident. Dans cette perspective, de menie que l'accident. n'a pas d'autre etre que celui de 1~ subst~nce, la su~stance ~·a pas d'autre etre que cel~l de Dteu. CeA qut v~ut, dtre que la créature n'a pas d etre par elle-mem~. Repetons que cette maniere de voir s'accorde fort bte~ ~vece~ que nous avons appris de l'CEuvre d~s propostttons qut forme ses oppositions- dont la derntere ~st celle,de l.a substance et de l'accident - sur le modele de 1 anttthese de l'etre et du néant: ·
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)
§ 11. La troisieme et derniere observation prélimi-
'
L. de causis, Bardenhewer, § 20. Voir PROCi.US, Élém. théol., § 27, Trouillard, p. So; § 64, p. I00-101, etc. 3· Voir Líber de spiritu et anima, c. XVIII, PL 40, 794 B: « Comme Dieu... est partout to~t entier dans le monde tout entier et en chacune de ses créatures, ainsi !'ame est partmit tout entiere en son corps tout entiér, comme en un monde a elle... » Voir Comm. Sag., § 299~ LWII, p: 632. · · . 4· Im!tge inspiré~ d' Aristote (Du del, 283 b 1·, Tricot, p. 70) commt:!rtté -par ·Thomas d' Aquin. 2.
J
naire est consternante, puisqu'elle nous app!en? que l'CEuvre des propositions, qui est perdue, est m~tspen sable a l'intelligence des deux autres parttes de l'CEuvre tripartite : ces pa~ties dont il nou.s. reste, et encare incompletement, 1 CEuvre des_ expostttons, sont «de peu d'utilité» sans l'ouvrage qut rend compte des propositions sur lesquelles ell~s se. fondent., Nous nous trouvons done· dans la sttuatton que 1 auteur nous conseillait formellement d'éviter, puisque nous commenc;ons la Iecture de s~n re':lvre .Pa_r le mauvais bout, · et meme dans une Sltuatton Irreparable, du moment qu'apres ce départ malheureux, ~ous n~ s·ommes plus· en mesure de remonter vers le ltvre qut
-el<',>
PROLOGUE GÉNÉRAL
~~ntenait les pri.ncipes de l'CEuvre. Ce qui montre ltmp~~tance capttale des Prologues que nous analy-
sons tct. Afin d'illustrer la dépendance des deux dernieres parties de I'CEuvre tripartite par rapport a la premiere et la méthode appliquée dans l'ouvrage entier, ~ckhart se ~~opose d~indiquer la premiere propositton, la premtere questton et la premiere exposition en montrant comment ces deux dernieres sont fondées sur la premiere.
§ 1 .z. l~i, comm~nce done la seconde partie du Prologue general, qut a un tout autre caractere que la premiere, puisqu'elle est constituée d'exemples ou d'échantillons de l'CEuvre tripartite, qui ne sont autres qu~ ~e c:Iébut d"e ses troi~ parties. On po~rrait penser qu atnst le Mattre se factbte un peu sa tache d'introduction, mais, .comme il nous l'apprend a la _fin du Prolog~~' les démonstra~ions et les explications qu'il donne 1c1 ne sont pas la stmple reproduction de celles qu'on pouvait trouver dans le corps de l'CEuvre: elles en sont l'abrégé. Le premier traité de l'CEuvre des propositions, nous le savons, concerne l'etre et l'étant, et le ríen, leur opposé: ~ous appre~ops mainte?ant que la premiere proposttton de ce tratte est : «L'etre est Dieu. » Nous nous en ·doutions depuis la lecture du plan de l'Opus (§ ~).et celle du § 8; mais cette these n'en est pas moins ongtnale pour nous, puisqu'elle est formulée pour la pr~mie~e fois ~e fa~o~ express~. Certes, elle peut preter a .co~fustoh, P~!squ on pourrait l'interpréter comme. stgmfiant que 1etre de cet arbre' celui de vous ou mot, est Dieu, au sens ou cet arbre, vous ou moi nous serions Dieu. Laissons de coté cette sotte lectur~ de Maitre Ec-khart et comprenons que 1'etre véritable
f' l
..
SECCION lJE ! 1~~"-'-'UUIU~ DE FlLOSiJ.Flá úlEDlE V.AJ,., §u-u.: COMMENTAIRE
125
o~ ultime de cet arbre, dl:'vous ou moi, est Dieu, en ce sens que nous sommes des etres par l' etre de Dieu. On verra que Maitre Eckhart mentionne sans cesse le rapport de l'etre -'- c'est-a-dire de la cause premiere qui est l'etre - a ce qui a l'etre. On verra aussi comment cette relation qu'on peut bien appeler celle du participé au participant n'exprime rien d'autre que la relation de création qui va du Dieu chrétien au monde qu'il produit. Philosophie et théologie se recouvrent, et l'une permet de comprendre le sens de l'autre. L'etre qui est Dieu est done l'etre de Dieu, pris en lui-meme ou _gans la communication qu'il fait de soi sans cesser de s'appartenir a soi-meme. Dans 1' explication de cette premiere proposition, comme d'ailleurs dans celle de la premiere question, on est frappé par l'effort de rigueúr rationnelle que l'auteur s'est imposé et qu'il exige de son lecteur. Qui soutiendrait que cette tentative est inutile et qu'on peut se dispenser d'en tenir compte, puisque seule importe l'expérience religieuse, trahirait l'intention d'Eckhart. Si le Maitre consent a cet effort, c'est qu'il lui accorde le role de servir et de nourrir la vie religieuse. Les raisonnements ne so~t pas ici des mécanismes qui fonctionnent a vide: ils. ne font qu'un avec la concentration et l'élévation spirituelles. Observons que la tache que se donne Eckhart, qui est de prouver que l'etre est Dieu, ne se confond pas avec celle de. démontrer l'existence de Dieu: les présupposés de la présente- argumentation sont que Dieu existe et qu'il est la cause incausée de l'etre des choses. La premiere preuve est particulierement condensée et difficile. 11 s'agit de deux démonstrations par l'absurde que nous proposons d'analyser · comme suit.
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1
12.6
PROLOGUE GÉNÉRAL
l. Si esse est aliud ab ipso deo (these
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a réfu~er),
la conséquence: est dbuble: . .. - deus (pris comme sujet) nec est - nec deus (pris cómme attribut) est. . . La non-existence de· Dieu n'est pas déclarée absurde ' mais elle est certainement considérée comme . telle. La suite immédiate donrie l'explication de la double conséquence :
J
Quomodo etiim - est - aut aliquid (attribut) est, En d'autres termes, rien ne saurait etre ni etre quelque chose s'il est étranger a l'etre. (a. démontrer).
Puisqu'il est absurde que Dieu ne soit pas, supposons· done qu'il est, tout en maintenant la these a réfuter. 11 suit que: .\ ' afio utique est, cum esse sit aliud ab ipso. La · conséquence absurde .porte cette fois sur la nature de Dieu.: il ne serait pas la cause incausée de] tout. On ne peut poser a la fois que Dieu est et qu'il est par un autre .. Pour expliciter cette contradiction, l'auteur formule. l'alternative suivante : ou. bien on 1. La formule quomodo est, .a quo (c'est-a-dire ida quo) se retro uve plus d'une fois sous d~s formes di verses. Par exemple : Quo"!odo ergo .esset, quod... (Comm. Sag., § 296, LW}I, 631, 3; quomo1~:,enjm es.,s_~t, iitter quod el 'úse ... (Pro/. a/'(EIIV. propos.,§ 13);
etc.·. _;
écarte la these a réfuter et on admet que Dieu et 1' etre sont identiques, o u bien on· accepte que Dieu tienne l'etre d'un autre:
Deus igitur - et esse idem, - aut deus ab afio habet esse . . 1t~i,.¡
t~,·. ~;-;·.:. :-<..::1
.f( ~- ~..(,:...
dil
.Lt-t
Mais poser que Dieu est par un autre, ce n'est pas poser que Dieu est - ce qu' on vient de faire pourtant avec la nouvelle hypothese -, puisque Dieu n'est plus Dieu s'il a besoin d'u~ cause: .
a quo esse aliud1, etc.
JI. Aut si est deus
§ u: COMMENTAIRE
1
Et sic non ipse deus, uf praemissum est, [ estJ, r /1 11 'r sed aliud ab ipso, prius ipso, est et est sibi causa, uf sit. -!
Si la seconde branche de l'alternative conduit contradiction, c'est done la premiere qu'il faut choisir.
a une
Les arguments qui suivent sont moins.compliqués, mais ils procedent tous par l'absurde aussi, puisqu'ils ont tous pour point de départ la these que le Maitre veut réfuter: «Si l'etre est autre chose que Dieu», et pour point d'arrivée une proposition jugée inadmissible. C'est ainsi que la deuxieme démonstration aboutit a la négation ~e Dieu comme origine de l'etre, et la troisieme a la négation de Dieu comme créateur ou donneur d'etre ex nihilo. Dans ce troisieme argument, · on voit que le fait de tenir l'etre de l'etre lui-meme et celui de le recevoir ex nihilo sont équivalents : le langage de Platon et ·celui de la religion signifient la meme chose. Quant a l'exemple fréquent de· la blaricheur comme s·ource du blanc, il vient d' Aristote et il est cominun, meme chez Thomas d' Aquiri, pour illustrer le rapport platonico-chrétien
u8
PROLOGUE GÉNÉRAL
de l'~~re de la créature a celui du créateur2. Le quatrteme argument conclut- toujours sous l'effet de la m eme hypothese fausse - que Dieu n' est pas la cause. pre~i~~e. Le cinquieme et dernier rappelle le premte~: stl etr~ est autre chose que Dieu, Dieu n'est pas ou t1 est par un autre qui serait «son dieu et celui de tm.:~t ». Ces différentes conclusions inacceptables condutsent toutes a rejeter l'hypothese fausse dont elles dépendent et a admettre sa contradictoire a savoir que l'etre est Dieu. ' Il convient de noter . la confirmation de cette proposition ainsi . démontrée par la référence a Exode 3, 14.
§ 1 ~. L~ para&rap~e s_uivant, consacré a la premiere quest10n, a savotr «SI Dteu est», nous donne une idée plus complete des techniques argumentatives du Thuringien. Les habitudes de pensée et d'écriture héritées de l'enseignement dispensé par la Faculté des Arts y paraissent clairement. Apres 1'énóncé de la question «si Dieu est», vi_ent ce~~i de la pos~tion prise par Eckhart : «Il faut dtre qu tl est. » Puts l'auteur note que les démonstrations qui suivent se fondent sur la proposition précédemment démontrée: ex
2. L'exemple du blanc et de la blancheur se trouve dans les Catégories d' Aristote et par conséquent chez tout le monde puisque les Catégories font partie de la /ogica vetus. A vant le~ La~ins, les néopl~to~iciens s'en. s
§ u-1 3 : COMMENTAIRE
129
propositione iam declarata, et ajoute dans le style sec et précis des logiciens :primo sic... , praeterea secundo, etc. La premiere démonstration est dominée par l'implication: «si Dieu n'est pas, ríen n'est». On aura remarqué que depuis le § 12, les raisonnements sont tous du meme type : la prémisse est formulée non pas de fac;on catégorique, mais a la maniere d'une hypothese, comme les stoiciens, Boece, Abélard et d'autres ~vaient enseign~ a le faire. Les deux propositions en Jeu sont appelees de leurs noms techniques : le conséquent et l'antécédent, et la fausseté du conséquent entraine celle de"'l'antécédent selon une regle connue. L'auteur ne se contente pas d'énoncer l'implication qui constitue le creur de la preuve. 11 ~~moi?tre. la conséc~uence, c'.est-a-dire le fait que ltmphcatton proposee en est bten une. Cette démonstration est fondée sur le rapport etrefétant, illustrée par celui de la blancheur au blanc, et sur la proposition «l'etre est Dieu» établie plus haut. 11 démontre encare la fausseté du conséquent, sur laquelle repose celle de l'antécédent, en invoquant la nature, les sens et la raison, c'est-a-dire sans doute l'existence du monde extérieur, l'expérience de la sensation et l'exercice de la raison : il ne se peut pas que rien ne soit, puisque nous sommes la pour nous interroger · sur l'etre. Ce premier argument est done fort clair. 11 souleve cependant, avec les autres, une diffi.culté considérable. Nous a_v~ms v~ ..que la démonstration de la premiere proposttton («1 etre est Dieu») repose sur l'admission préalable de l'existence de Dieu. Comment done la solution de la question de l'existence de Dieu peutelle dépendre de la premiere proposition? N' est-ce pas la un cas de pétition de príncipe? Eckhart
§ 13 : COMMENT AIRE
PROLOGUE GÉNÉRAL
démontre que Dieu existe au moyen d'une proposition qui présuppose que Dieu existe. On ne peut sortir de cette difficulté par des considérations formelles. Demandons-nous alors quelle est l'intention de Maitre Eckhart: veut-il apporter la démonstration d'une vérité nouvelle, a la fac;on des géometres? Ou dégager la cohérence d'un savoir dans lequel sa pensée est installée depuis toujours? Dans te cas, la «preuve» consiste a présenter autrement ce qui est déja connu. Ce n'est pas ríen. C'est organiser rationnellement une intuition, expliciter, mettre en ordre, les connexions internes d'une doctrine qui porte sur des réalités religieuses et mystiques. Quoique le Maitre ne se réfere pas au Pros/ogion, il est évident que sa pensée ici est proche de celle de saint Anselme. 11 ne prouve pas Dieu par ses effets : comment pro u ver le plus par le moins? La formule: «si l'etre n'est pas, rien n'est» n'exprime pas une démarche a posteriori, car elle présuppose la relation paronymique dont la blancheur et le blanc sont un exemple. Cette référence aristotélicienne est le symbole d'une philosophie platonicienne qui, suspendue a l'Idée, pense l'étant par l'etre dont il participe. Dieu, qui est la condition de toute intellection comme de. tout etre, est done une donnée premiere et, dans ·Ces conditions, la démonstration relative a son existence ne peut faire autre chose que de décrire la structure intellectuelle du systeme dont il est la dé de voute. Comment s'expliquer autrement que Maitre Eckhart n'ait pas été sensible au cercle qui,' .sur le plan formel, est indéniable? · Le § 1 3 comprend quatre preuves. Nous revenons done secondement au «principal»,. c'est-a-dire a la qu~stion dont il s'agit- «si Dieu est»- en quittant les pfoblemes. de la tonséquerice et du conséquent que
nous avons examinés tout a l'heure a propos de la premiere preuve. Eckhart dorénavant ne procede plus par hypothese. Il remarque maintenant qu'il n'y a P!lS de proposition plus vraie que celle qui exprime une tautologiet. Or Dieu est l'etre (esse), comme on l'a démontré dans l'Opus précédent.. Done, dire que Dieu est ( deum esse), c'est dire que l'etre est l'etre ou que Dieu est Dieu, comme l'homme est l'homme. Cet argument nous confirme dans l'idée que nous sommes dans la perspective d'une preuve «ontologique », car il ne s'agit pas de partir des effets de Dieu, mais de son idée, qui est précisément qu'il est l'etre ou qu'il est, de sorte que rien ne peut se dire de lui de plus élevé que son identité asoi. On connait l'importance que Maitre Eckhart a attribuée ala répétition de «suis» dans «je suis celui qui suis»2. La prémisse augustinienne de la troisieme preuve - . «aucune chose ne peut se fuir elle-meme» - nous rappelle de nouveau le platonisme: l'etre ne peut se fuir pour ne plus etre, pas plus que dans le Phedre l'automoteur ne se délaisse lui-meme ou, dans le Phédon, la vie peut etre la mort3. La quatrieme preuve reste dans la meme optique, puisqu'il y est dit que l'etre est l'essence de Dieu. Cette prémisse classique est précédée de deux avertissements Sur la nature de l'essence, l'un emprunté a la tradition avicénienne, et l'autre a Augustin. Le premier indique que l'essence ne vient pas ala chose de l'extérieur; on ne peut done la lui enlever ou la considérer sans elle4. Le second nous apprend que 1.
Voir Comm. Ex.,§ 74, LWII, p. 77·
2. Voir ibid., § 14-21, LW II, p. 20-28. 3· PhMre, 245 e; Phédon; 106 d.
4· Eckhart reprend id, de fa<_;on partielle et avec d'autres
PROLOGUE GÉNÉRAL
l'essence est éternelle. Ici se place l'affirmation que l'etre (esse) est l'essence de Dieu (deus). Eckhart en déduit que la proposition deum esse (littéralement: «Dieu etre») est vraie- puisque l'etre est l'essence de Dieu qu'on ne peut lui enlever - et que ce vrai est éternel. Done Dieu est. Le Maitre corrobore ce conséquent en invoquant d'une part la dépendance de tout ce qui est par rapport a !'etre, lequel est Dieu, et d'autre part l'autorité de l'Ecriture : «Celui qui est m' a envoyé. » La solution de la premiere question s'acheve done, comme la démonstration de la premiere proposition, sur une référence a Exode 3, 14, ce qui montre encare. une fois que la démonstration rejoint l'autorité.
§ 14. L'auteur introduit dans ce paragraphe le commentaire qu'il va faire sur le premier verset de la Genese. Ce commentaire, dit-il, s'appuiera encare sur la premiere proposition et portera sur quatre objets «dont on tirera aussi l'exposition d'autres autorités ». La suite nous apprend que ce sera la la méthode .de toute l'(Euvre des expositions et des sermons : dans l'exposition d'un seul passage sera comprise l'exposition breve et occasionnelle de beaucoup d'autres t.
§ 1 5· Maintenant Maitre Eckhart énumere les quatre objets de sa nouvelle démonstration, fondée toujours sur la proposition établie précédemment : 1. Dieu seul est le créateur du ciel et de la terre; z. il a créé in principio, c'est-a-dire en lui-meme;
mots, la formule d'inspiration avicéníenne : «En tout créé, autre est l'etre-et par un·autre, autre est l'essence et non par un autre. » § !4 1. Voir le§ 7 du présent Prologue.
§ 13-16: COMMENTAIRE
3. quoiqu'il ait créé, il crée mairitenant; 4· ce qu'il commence a créer est achevé aussitot t. Comme il le fait habituellement, l'exégete distingue done des parties différentes dans le verset qu'il étudie et en traite successivement. Les deux derniers points sont des commentaires sur le temps du ver be dans « il a créé ».
§ 1 6. La premie re exégese porte sur deux éléments du verset : « Dieu a créé » et «le ciel et la terre ». Dans l'énoncé de son objet, au paragraphe précédent, on lisait déja que «le cieJ_ et la· terre » signifiait «le plus haut et le plus has et l)ar conséquent tout». Dieu est done le créateur universel. Eckhart ne revient pas la-dessus : ce qui l'intéresse ici, c'est d'établir que Dieu seul crée, c'est-a-dire confere l'etre. Il précise qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter «de rien», paree qu'avant l'etre, il n'y a rien. Le premier traité de l'CEuvre des propositions n'enseigne-t-il pas que l'etre a pour opposé le néant? « Créer de rien » est un pléonasme, si créer veut dire donner l'etre. · Eckhart met done en reuvre dans sa démonstration des moyens que nous connaissons déja. ·La ·précision qu'il· apporte, a savoir que l'etre est conféré aux choses par l'etre seul, comme le blanc est conféré par la seule blancheur, ne saurait nous surprendre t. Or Die u est 1'etre, etc. La conséquence, augustinienne et § 15 1. Notre traduction de creavit par «il a créé>> et non par «il créa» est commandée, comme on le voit, par l'interprétation que Maitre Eckhart donne du temps de ce verbe. On notera que ni le Commentaire sur la Genise ni le Livre des paraboles de la Genise ne se développent selon le plan proposé ici. § 16 1. «De l'etre et de l'etre seul, d'aucun autre», dit notre texte. Nous avons vu au § 8 qu'un autre que l'etre est un non-etre et done qu'il ne saurait donner l'etre.
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§ 16-17: COMMENTAIRE
thomiste, en est que Dieu ne peut partager avec d'autres son action créatrice 2 •
recourt plus d'une fois a cette comparaison traditionnelle, par exemple dans le Commentaire sur le Livre de la Sagesse, ou il dit, entre autres choses, que la maison n'est pasen sa totalité l'reuvre-de son constructeur et qu'il y a un lieu en dehors du constructeur ou la maison accomplit son devenir3. 11 en va tout autrement des ouvrages de Dieu. Et, porté par un élan spéculatif admirable, le Maitre'-s 'écrie, dans notre § 1 7 du Prologue général: « 11 ne faut done pas imaginer faussement que Dieu projetterait mi créerait les créatures en dehors de lui dans une espece d'infini ou de vide.» Le passage tóut entier, dans un langage tres simple, manifeste une grande force de pensée. 11 en ressort que le vide m! peut rien recevoir, qu'il n'est pas un réceptacle, ni la fin d'une action. Créer, ce n'est pas plonger le monde dans le néant qui est 1' opposé de Dieu, c'est au contraire l'~blir dans l'etre qui est · Dieu 4• Malgré la clarté de ce texte, uf commentaire n'est pas inutile. Disons qu'il y a deux sortes d'intériorités : l'absolue, qui est celle de Dieu, et, en ce sens rigoureux, Dieu ne sort pas de lui-meme pour créer; la relative, selon laquelle le monde est en Dieu, paree qu'il est sous son empire, comme tout étant est sous l'empíre de l'etre qui, d'une cert'aine; maniere, descend dans l'étant qu'il s'assimileS. De meme, il y a deux
§ 17· Le second point- «Dieu a créé in principio», c'est-a-dire en lui-meme- donne lieu a un développement pius importantt. La prémisse du raisonnement est toujours que l'etre, avant lequel et en dehors duquel il n'y a rien, est Dieu. 11 suit que Dieu a créé dans l'etre, c'est-a-dire dans le príncipe ou en luimeme et que l'objet de son action est. produit en lui. Cela est évident, puisque rien ne peut etre ni devenir en dehors de l'etre, c'est-a-dire en dehors de Dieu. L'étant suppose l'etre, mais c'est le cas aussi de ce qui devient, car le devenir se termine a l'etre et n'existe pas pour lui-:meme ou dans l'indépendance par rapport a l'etre. Pour s'expliquer, Eckhart recourt a une citation d' Augustin, qui vient renforcer la these que tout le créé est «de Dieu et en Dieu 2 », et a l'exemple de l'artisan, qui éclaire a contrario le cas du créateur. La maison est en dehors de son constructeur, paree que les autres étants le sont aussi et paree que les matériaux dont elle est faite ne ·doivent pas leur existence a l'artisan et ne sont pas en luí. L'auteur
2. Voir Comm. Gen., § 10-12, § 21; etc. Dans le Pro/. CEuv. propos., l'auteur soulÍgne le fait que l'action divine est universelle et immédiate- trait déja mentionné au§ 8 du présent Prologue. § 17 1. Cette interprétation du premier verset de la Genese est augustinienne et traditionnelle. Voir Comm. Gen.,§ 3, et la note correspondante dans le présent volume. Mais il s'agit moins, dans ce paragraphe, de la présence des créatures dans leur cause divine que de leur sujétion a cette cause, qui est aussi une . fac;qo d-'etreen Dieu lui-meine. ·· :L Conf IV, u, 17.
3· Voir C'omm. Sag., § 291, LWII, p. 626. 4· On peut rappeler ici qu'un des articles .condamnés en
1 2 77 par l'éveque de Paris porte que l'engendrement du monde dans sa totalité suppose un vide préalable. Voir R. HISSETTE, Enquete,
p. 283-284.
.
5· Voir le§ 17 du présent Prologue. L'édition de Stuügart cite en note BoNAVENTURE, Sent. !, dist. ]6, ad dub. 4: «Ün dit que toutes les choses sont en Dieu comme dans le principe infini
§ 17-18: COMMENTAIRE
PROLOGUE GÉNÉRAL
extériorités: la premiere, absolue ' se confond avec le , nean.t; la seconde, relative, n' est autre que l'intériorité relattve 6• Eckhart a enseigné maintes fois que sous le rapport de la premiere intériorité, Dieu crée le monde en meme te~ps qu'il eng~ndre so~ Fils, tandis que, du second pomt de vue qut est celut de la créature la Parole de Dieu retentit deux fois, selon que Dieu agit en lui-meme en engendrant le Verbe, ou en dehors de lui-meme, pour ainsi dire, en créant le monde. Mais revenons a notre paragraphe 17. L'auteur observe qu.e 1~ texte porte «dans le príncipe» et non «par _le prtnctpe >~. Il note que 1' explication qu'il a donnee du premter verset de la Genese permet de rendre compte de plusieurs textes bibliques qui parle~t, par exemple, du but de Dieu, qui est que tout extste, de !'apRel.adressé par Dieu a ce quí n'est pas. E~khart atme a ctter la paro le de la Sagesse : «Die u a créé toutes choses pour qu'elles fussent», paree qu'il y découvre l'idée que par elles-memes les choses ne sont pas, devant leur etre a Díeu en qui elles le possedent tout entier. Le paragraphe se termine avec la r_nenti<,m ,~'un texte céle~re de Boece~ qui oppose ce qut est a 1 etre : au premter peut s'aJouter quelque
qui ne peut rien faire en dehors de soi, mais dont la puissance enveloppe toutes les choses. » 6. Les points de vue de l'intériorité et de l'extériorité désignent de fac;on différente la meme créature : d'un coté la créature appartient a Dieu- c'ést l'intériorité- mais d'un a~tre cóté, elle s'en sépare, et cette extériorité l'affe~te de caracteres népatifs. La .thé~rie de l'e~~e double ( duplex esse) de toute creature constste a opposer l etre de la créature en Dieu, au sens fort, a son etre en dehors de Dieu, etre «le plus souvent infirme et v~xia~le!>.(voir Comm. Gen., § 77 et la note correspondante dans le present volume).
137
chose, non au second. Cette adjonction a ~'étant sígnífie, pour Maitre Eckhart, qu'il peut y avoir de l'etre en dehors de tout étant, c'est-a-díre de toute ~réature, «tandis qu'en dehors de l'etre, ríen ne peut etre».
§ 18. 11 s'agit maintenant, ·comme dans le paragraphe suivant, du temps passé du verbe «créer» dans le verset en questíon. La these d'E~khart est que l'emploi de cette forme grammaticale ne doit pas nous faire rejeter l'action de Dieu en dehors du présent. Son argume1:_1_tation allie cette fois le theme du Dieu-etre, qui agit «dans l'etre et pour l'etre», a celui de 1'etre comme premier . commencement et príncipe de tout. Le mot «príncipe» signifie ICl «commencement», non pas paree que l'action de Di~u serait com;ue comme temporelle, maís au contra1re paree que son éternité la rend toujours présente. Le Thuringien interprete en ce sens les texte~ bibliques relatifs au renouvellement qu'opere la ctéatton: «Toute chose est rendue nouvelle ' écrit-il ailleurs, quand elle res:oit l~etre t.» De meme, la formule d'IsaYe «le premíer et le derníer» ( novissimus) signifie a ses yeux que Dieu est maintenant a !'origine de tout. «Premier » et << dernier » prennent un sens temporel pour que le paradoxe de leur rencontre nous fas~e comprendre qu'il n'y a en Dieu ni passé ni futur, mats le seul présent, de sorte qu'avoir créé ne veut rien díre d'autre en réalité que créer2. Etre «dans le príncipe», e' est etre fin et commencement a la foís; .
.
§ 18 1. Serm./at. XLI, 1, §416, LWIV, p. 352· z. Parmi plusieurs textes, voir Comm. S ag., § 33, LW II,
p. 354·
PROLOGUE GÉNÉRAL
c'est commencer toujours, naitre ~oujours, etre né toujours. Dans le meme contexte, il arrive que Maitre Eckhart fasse allusion de fa~on plus explicite a la génération du Fils 3. Mais ici il revient a la quesdon de la création en citant saint Augustin qui a parlé des ceuvres passées de Dieu comme étant a créer et créées aujourd'hui. Comment exprimer mieux le défi que jette aux intelligences qui ¡;ensent dans le temps le statut éternel de Dieu? A la fin du paragraphe, le¡Thuringien se résume en revenant en arriere d'une étkpe : « dans le príncipe» veut di re «en lui-meme »; « dans le príncipe» signifie aussi «dans le commencement», c'est-a-dire aujourd'hui pour la premiere fois : ce que Dieu a fait, c'est maintenant qu'il le fait. En reprenant l'exemple· de l'artisan, dont il s'était serví au paragraphe 17, Eckhart releve que ces deux sens de in principio sont inconcevables dans cecas : l'artisan agiten dehors de soi - premiere différenc~ par rapport a Dieu - et il abandonne son ouvrage, paree que son action cesse, alors que l'opération de Dieu est toujours en train de se faire.
§. 1 9· La quatrieme et derniere exégese du début de la Genese est . construíte non plus sur 1' opposition des termes d'ancien et de nouveau, mais sur l'antithese du commencement et de. la. fin t. Nous venons
3· Voir l'association d'idées dont il est question, dans Comm. ]ean, § 582, LWIII, p. po; Serm. lat. XV, 2, § 155, LWIV, 147-148; etc. L'action divine ad intra est l'action divine premiere et exemplaire. · . . . § 19 1. Ap. 1, 8; 22, 13. Voir Comm. Ex.,§ 85, LWII; p~ 88 et l.a-t)ote F~ ·
§ 18-19: COMMENTAIRE
d'apprendre que le temps passé du verbe «créer» esta convertir en temps présent. Maintenant, c'est _en quelque sorte l'inverse qui se produit, paree que l'action de Dieu qui s'exerce au commencement se révele comme achevée au meme instant; « simultanément elle se fait et elle est faite, simultanément elle commence et elle est parfaite». L'action de Dieu commen~ait toujours. Maintenant, elle est toujours finie. En Dieu en tant qu'etre, le passé est le commencement, paree que l'ette n'est pas antérieur a luimeme; et en Dieu en tant qu'etre encore, le commencement est la fin, paree que l'etre n'est pas postérieur a l'etre. ' ,. ' Nous avons rencontré plus haut la notion d'~vant l'etre: nous savons qu'avant l'etre il n'y a ríen 2 • La notion de fin amene ici l'idée d'apres l'etre : or, apres l'etre il n'y a ríen non plus, paree qu'il n'y a ríen a ajouter a l'action de Dieu. Le devenir s'acheve en dehors de lui-meme, dahs 1' etre 3; mais 1'etre comme tel n'a pas a devenir : il n'y a ríen apres lui qu'il aurait a etre. Le mouvement dure, tant qu'u~ etre ou une chose n'a pas acquis les propríétés appartenant a son essence4. L'auteur reprend ici l'exemple de la maison pour faire comprendre que ce qui est ne devient pas, quoique,' sous le rappo~t de l'accident, ce qui est puisse éonnaitre un « apres ». En expliquant ainsi le premier verset de la Genese, Eckhart éclaire d'autres textes bibliques dans lesquels apparait ce meme temps passé parfait, comme on le voit a la fin du paragraphe.
2.
Voir § 12, 3e et. 5e argument; § x6 et aussi § 17 . . . a l'etre» (Quest.
3· «Le devenir est, paree qu'il est rapport par. V,§ 4, LWV, p. So). 4· Vóir le 'Pro/. miiV: prop., § 14.
PROLOGUE GÉNÉRAL
§ zo-zz : COMMENTAIRE
§§ 20-21. L'exégese proposée par l'auteur s'acheve par un résumé qui n'est peut-etre pas de luí, car il correspond de fa~on maladroite a son texte, contrairement au résumé qu'on lit dans la Tabula prologorum et qui porte manifestement la «patte» du Maitre. Tout se passe comme si le rédacteur avait mal distingué, dans la considération de l'action de Dieu, la conversion de l'ancien en nouveau (§ 1 8) et la transformation du nouveau en achevé (§ 19). Mais c'est bien ces deux points de vue qu'il indique dans la phrase finale du paragraphe 21 : «Par o u [Dieu] acheve et finit, il commence, paree que la fin est le commencement, et par ou il commence, il finit ou acheve, paree que le commencement est la fin, livres premier et dernier de 1' Apocalypse. »
dues perceptibles a l'intelligence dans la créature. L'auteur y rappelle aussi que saint Augustin a lu dans le livre d'un pJatonicien une grande partie du premier chapitre de l'Evangile selon saint J ean, et en particulier qu' au commencement était le V erbe 1• Done, la raison naturelle, qui est ordonnée a Dieu, peut atteindre de grandes vérités de la théologie. Elle y parvient d'un coup d'aile, a la maniere des platoniciens qui, a !'avance, rendent hommage au Verbe de Dieu. Elle y parvient aussi de fa~on indirecte par le biais de la science aristotélicienne de la nature, qui produit sans cesse les signes de la vérité chrétienne et les donne a connaitre a la raison supérieure. Partout ou l'on voudra sonder ce qui reste de l'(Euvre des expositions, on trouvera de continuelles et d'admirables correspondances entre les vérités des sciences de la nature et celles de la théologie. Il n'y a done pas lieu de craindre que Maitre Eckhart humilie les vérités relatives a Dieu au niveau d'une raison naturelle tout humaine et indigne de Dieu. Dans les dernieres lignes, l'auteur annonce qu'on lira au début des CEuvres correspondantes un exposé plus complet de la proposition, de la question et de l'autorité ici présentées.
§ 22. En conclusion, Eckhart revient sur la puissance explicative de la premiere proposition dans une déclaration tres ferme qtii peut laisser perplexe. On obtiendra, dit-il, la solution facile de presque toutes les questions par une déduction bien conduite apartir de la premiere proposition - sans préjudice sans doute de celles qui vont de pair avec elle. Nous venons d'observer un exemple de démonstration: elle ne consistait pas a ramener Dieu a la mesure de la raison humaine; c'était plutót celle-ci quise dépassait en se laissant investir par une intuition supérieure. Comment comprendre alors l'affirmation subséquente que « presque tous les passages bibliques concernant Dieu, quelque obscurs et difficiles qu'ils puissent etre, s'expliquent clairement par la raison naturelle »? Eckhart argumente en ,recourant, dans le Prologue de .l'Exposition sur , l'Evangile de saint Jean, au célebre passage de l'Epitre aux Romains, selo_!ll~qucJ les choses invisibles de Dieu sont ren-· ·
Les deux parties du Prologue général sont disparates et l'unité littéraire de ce texte en souffre, meme si l'on considere sa seconde moitié comme une · reprise du theme de la méthode, annoncé au § 1 et traité au § 7· Il est évident cependant que la conception du transcen. danta!, telle qu'elle a été exposée dans la premiere remarque préliminaire, domine tout le morceau et en
t.
§ 2 et 3, LWIII, p. 4·
PROLOGUE GÉNÉRAL-
assure l'unité doctrinale profonde. Le transcendantal a son fondement en Dieu; il est Dieu. On ne peut imaginer que l'etre de Dieu enlevé, l'etre de la créature demeure. C'est pourquoi la juxtaposition de l'etre divin et de l'etre créaturel n'est pas absolue ou ultime. Certes, i1 y a quelque chose en dehors de Dieu, mais ce quelque chose ne saurait entrer en rivalité avec lui, puisqu'il tient sa réalité de luí; il est done aussi bien a l'intérieur de Dieu, comme l'accident dans le sujet. Ce qui signifie que la créature a son etre véritable en dehors d'elle-meme. Il est vrai que la pensée d'Eckhart, prise dans !'ensemble de ses expressions, est « mouvementée, irréductible a la stabilité doctrinale d'un systeme fermé 1 ». Mais la lecture du seul Prologue général, avec celle d'ailleurs du Prologue a l'CEuvre des propositions, ne donne nulle\ ment cette impression de défi a la cohérence. \ Il est évident d'autre part que le Dieu eckhartien n'est pas un absolu «philosophique» vidé de substance religieuse. Le Maitre veut exprimer, au nom d'une pensée plus aigue et d'une volonté plus intense, les exigences memes de la religion. Loin-d'aller contre la foi, la -grace o u la . révélation, il en recherche l'inspiration pour en traduire le pur enseignement.
§ 2.2. _x. VI. LossKY, Théologie négative, p. 339· L'auteur sou-
ligne cependant que la pensée d'Eckhart «reste fidele a ellememe malgré les perspectives changeantes qu'elle adopte». Il fait a la page suivante cette réflexion pénétrante: « ... Seule l'analogie qui ne laisse pas de place pour une autonomie quelconque de l'ordre créé pourra servir vraiment la cause de Dieu sur la voie de l'union car elle montrera le néant de tout ce qu'on appelle l'etre propre des créatures et, en m~me temps, l'unité d'etre avec Dieu ou, plutot, l'unicité de l'Etre qui est Dieu?.,participée par tout ce qui est. »
1 1 1
!
LE PROLOGUE A < Le deuxieme Prologue devrait etre plus simple et plus facile que le premier, puisqu'il prépare le lecteur a l'étude d'un seul ouvrage, mais son degré. de technicité est plus grand. En commen~ant, l'auteur annonce, a titre d'introduction, des observations préliminaires concernant le premier traité et plusieurs des suivants (§ 1). Il en donne deux (§§ 2 et 3), puis indique, toujoúrs a titre d'introduction, quatre theses (§ 4) qu'il développe ensuite l'une apres l'autre (§§ 5-24). Ces quatre theses et leur développement constituent l'essentiel du Prologue. Elles sont présentées comme des conséquences des deux avertissements. La numérotation des parties de l'argumentation recommence avec elles. Le résumé sur lequel s'acheve le Prologue (§ 25) introduit une division continue, non pas en six points, mais en sept, le deuxieme étant divisé en deux. On peut se demander si ce résumé est bien de l'auteur 1 , mais il n'est pas nécessaire de penser qu'il y a un flottement dans le plan du Prologue. Le Prologue général nous avait appris que la premiere proposition était esse est deus, «l'etre est Dieu»; nous ne sommes done pas surpris de retrouver cette proposition en tete du Prologue a l'Opus propositionum. Mais alors que le premier Prologue se contentait d'indiquer la démonstration de cette these, x. Voir la note
2.
de la page
181
de l'édition de Stuttgart.
144
PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS
l'enseignement présent d'Eckhart va déborder le cadre du premier traité de I'CEuvre des propositions et porter non seulement sur l'etre, mais encore sur l'unité, la vérité et la bonté. 11 concernera done les quatre premiers traités. En fait, sa signification est plus étendue, et il s'agit bien d'une introduction a l'CEuvre des propositions1 consistant a présenter la . nature et les effets propres de Dieu et de la créature et le rapport qu'il y a entre ces deux póles de la réalité.
§ 1. Apres l'énoncé de la premiere proposition du premier traité, l'auteur rappelle l'objet de ce traité dans les termes memes qu'il a utilisés au § 4 du Prologue général. Puis il annonce « certaines » observations préliminaires. 11 les présentera dans les deux paragraphes suivants 1.
§ 2. La premiere observation préliminaire met en présence les paronymes blancfblancheur, étantfetre, unfunité, etc., honnetefhonneteté, etc., et leurs oposés comme malfmalice, fauxjfausseté, obliquefobliquité, etc. Le premier couple ne constitue qu'une métaphore, mise d'ailleurs en évidence par la construction grammaticale: «de meme que ... , de meme»; il est compasé d'accidents, tandis que les couples suivants sont empruntés aux termes généraux au sens que ce mot re~oit dans le Prologue général1 § 8. Sans que les mots «accident» et «terme général» soient § I I. Le meme adverbe prooemialiter («a titre d'introduction») figure au § 1 et au § 4, mais la différence des formules indique que les deux premieres observations constituent une introd~c~on logiquement antérieure a la seconde : ... quaedam pr?o~mraltter sunt PRAEnotanda ... (§r); notandum ERGO prooe- · Jmalrter.;.-(§ 4)·'
§ 1-2: COMMENTAIRE
145
prononcés et sans que le premier avertissement porte sur cette distinction, nous sommes sur le meme terrain que dans le premier prologue. Il est assez curieux que le point de départ du Prologue : «de meme que blanc signi!le la seule qualité», soit placé par l'auteur sous les auspices d' Aristote 1, puisque la doctrine d'Eckhart est souvent, mais non toujours, d'inspiration néoplatonicienne. Mais c'est un procédé constant du Maitre de transposer la science aristotélicienne dans sa propre perspective métaphysique ou théologique et de lui donner de la sorte une portée nouvelle; c'est la une dé de son exégese. Ce n'est done pas seulement Paccident blanc ou blancheur qui constitue id une métaphore, mais la proposition aristotélicienne tout entiere dans laquelle le mot s'insere. Dans le passage des Catégories auquel Eckhart fait allusion, le Stagirite enseigne que la substance seconde -le genre ou l'espece- signifie une qualité et non un individu, mais il précise qu'elle ne signifie pas une qualité simplement - « comme blanc ne signifie qu'une qualité» -, mais une qualité possédée par des individus. «Homme» ou «cheval» implique en effet un rapport aux substances premieres, les hommes ou les chevaux, qu'on n'observe pas dans « blanc» ou « rouge » qui ne signifient que la rougeur o u la blancheur. «Blancheur» est la signification complete de blanc; « blanc » dépendant totalement de la blancheur, ne peut, en tant que blanc, signifier qu'elle. 11 suit que l'accident « blanc» n'est pas considéré, comme dans le premier Prologue, dans la valeur ontologique qu'il tient de son sujet, mais dans la §2
1.
Catégories 3 b I 9·
1 !
PROLOGUE A L'ffiUVRE DES PROPOSITIONS
portée séinantique qu'il ne tient que de lui-meme ou plutot de sa forme abstraite. «Blanc» ne renvoie pas ici a la chose blanche en vertu de laquelle il existe in rerum natura, niais a la blancheur qui luí donne son etre-blanc a défaut d'etre tout court. Dans le Prologue précédent,- « blanc» exigeait autre chose - une eh ose - pour exister; maintenant « blanc» considéré en tant que tel renvoie asa propre perfection 2,. Ce qui constitue, disions-nous, une comparaison ou une métaphore, puisque «blanc» et «blancheur» sont des accidents, tandis qu'«étant» et «etre» sont des transcendantaux. Mais; ici et la, la structure de la proposition est la meme: «Comme blanc signifie la seule qualité, ainsi étant signifie l'etre seulement. » En effet, «étant» pris en tant qu'étant ne signifie rien d'autre que la pure nature ou la perfection de l'etre; esse est la signification complete et unique d'ens, a condition qu' ens soit considéré comme tel, in quantum ens. Dans la suite du paragraphe, nous le savons, le Maitre situe les autres transcendantaux dans la meme perspective et y ajoute les perfections spirituelles sous leur double forme, comme «juste» et «justice»3. 11 mentionne encore les opposés de certains de ces termes sous leur double forme paronymique encore. Il faudrait se demander quelle valeur donner a ces
2. Sur l'accident pris abstraitement, voir THOMASd' AQUIN, In Metaphys. VII, 1, Marietti, p. 317, § 1254-1255; EcKHART, Comm. Ex., § 63, LWII, p. 67-68. 3. Cet exemple c;st fréquent sous la plume d'Eckhart. Dans le Commentaire sur i' Evangile de Jean, § 16, LW III, p. 14, le cas du juste et de la justice est associé aussi a celui du blanc et de la blancheur. De meme au § 172 du meme ouvrage et ailleurs ~ncor~;_··
i
§ 2.-3 : CÓMMENTAIRE
147
termes négatifs : la malice, par exemple, a-t-elle le meme statut que la bonté? Evidemment non, mais une proposition du type « Pierre est méchant» ne laisse pas de signifier la méchanceté de Pierre, comme «Pierre est bon » en signifie la bonté. Disons simplement que de meme que « mauvais)) ne se comprend que par rapport a « bon)) qu'il nie ou limite sans parvenir a le détruire, de meine la malice est une idée négative ·qui, comme toute idée, indique une perfection, mais la perfection d'une absence qui, dans les faits, ne se réalise jamais totalement 4 • On peut dire que la· doctrine qui fait le fond de ce deuxieme paragraphé est la version sémantique de la doctrine de la participation. En effet, si l'étant signifie l'etre, c'est que celui-ci l'a constitué comme étant : il signifie l'etre dont il participe. Le Prologue général offrait plusieurs exemples du rapport blancheur-blanc illustran~ la relation de l'etre a ce qui re~oit l'etre. 11 enseignait aussi que le supérieur descend dans l'inférieur ct se l'assimile. L'inférieur peut done signifier le supérieur descendu en lui: Si « tout est vrai par la vérité», comme l'écrit· Augustin, au début du Lit.Jre des 3] questionss, il est évident que tout vrai signifie la vérité, tmit un l'unité, et ainsi de suite.
§ 3. Si nous passons maintenant a la deuxieme observation préliminaire, nous voyons l'auteur y souligner les oppositions suivantes: '
.
4· La doctrine eckhartiemie du mal est celle que les médié-
vaux ont rec;ue d' Augustin et de Denys. Voir, par exemple, Comm. Gen., §136, ci-dessous; Comm. Sag., § 220, LWII, p. 556: «L'homme impie, e_n, tant qu'homme, est; en tant ·qu'impie, il n'est pas oun'est rien, cómme aussi 'le péché n'est rien'. » · · · · · ·· · ... · 5. LXXXIII Qu., q. t (BA to p. 5z). ·
r -
148
PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS
étant etre absolument
étant ceci et cela ( hoc et hoc) etre de ceci et de cela ( hujus et
hujus) bon absolument bon ceci et cela, de cec1 ou pour cela Dans la Collatio in libros sententiarum ou il utilise pour la premiere fois, a !'instar de Boece, la répétition du pronom «ceci», il écrit que «tout muable est ceci et cela, et n'est pas simple; en effet, il demeure sous un rapport et varie sous un autre ». Dans notre Prologue, hoc et (o u aut) hoc ne désigne pas la complexité de la chose qui change, mais la détermination qui affecte une chose et fait d'elle un étant secundum quid ou limité et non plus simpliciter ou pris absolument. La répétition du hoc dans hoc, et hoc indique la généralisation ou l'indifférence : peu importe en effet la nature de cette détermination, c'est la détermination comme telle qu'on prend en considération et qu'on traite en quelque sorte algébriquement. Cet usage limitatif du hoc a des sources augustiniennes et thomistes 1. Il rappelle aussi l'usage néoplatonicien du n dans 't'L ocytX66v, par exemple, opposé a ~ÓTotXytX66v2.
1. Voir AuG., Trin. VIII, 3, 4, cité dans Comm. Ex.,§ 17, LWII, p. 22-23; THOMAS, Som. lhéol. 1, q. 44, a. 2, corps; q. 45, a. 5, corps, etc. Voir aussi A. de LIBÉRA, «A propos de quelques théories logiques de Maitre Eckhart ( ... )», Revue de lhéologie el de philosophie, 113 (1981), p. u-12, note 30. 2. Par exemple, PROCLUS, Théol. Plal. 11, 7, Saffrey-Westerink, p. 5o, ou «un certain bien» est opposé a u «Bien lui-meme », et p. 50 ou il s'agit du Bien seul sans les adjonctions qui seraient pour lui autant de soustractions. Du meme auteur, De providrntia, Bo.ese, .§ 31 -: quoddam unum f le aulounum; etc.
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§ 3 : COMMENT AIRE
149
L'auteur continue en disant qu'a ces deux emplois des transcendantaux correspondent deux types de prédication. Je dis ou il est dit : , . quelque chose étant ou quelque chose etant cec1 un un vrat vra1 bon bon Cette formulation est la plus simple. Sans l'expression introductive « je dis » o u «il est dit », il vient : quelque chose est ou quelque chose est,ceci . ou est étant ou est etant cect un un - vrat - vra1 - bon - bon Dans les colonnes de gauche ci-dessus, les transcendantaux sont les prédicats de la proposition. Dans les colonnes de droite, ils cedent ce role au hoc, «ceci»: ce qu'on dit du sujet, ce n'est plus qu'il est, qu'il est un, etc., mais qu'il est ceci. Cette fois, les transcendantaux sont relégués au rang modeste de copules, c'est-a-dire d'instruments de liaison ~u prédicat au sujet. La distinction des deux foncttons du verbe etre est classique3, mais Eckhart lui donne un relief nouveau dans le cadre de sa théorie des transcendantaux. La prédication d'étant entraine celle d~s autres transcendantaux dans une structure proposltionnelle ·identique, et l'utilisation d'étant comine copule déclenche l'atribution a tous les tra~scendantaux ·de la meme fonction simplement logtque. . I1 apparait done immédiatement que les pr~post tions des colonnes de gauche ont une valeur existen-
3· Voir THOMAS d' AQUIN, L' Eire. el 1' Essence essenlia), début du chap. 1.
(De ente el
PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS
tielle, tandis que les propositions de droite en sont dép~urvues, puisqu'elles ne font que prédiquer un «cect,», c'es~-a-dire un~ déterminati<;m spécifique. La pensee se deplace de 1 ordre de l'extstence a celui de . l'essence. En méme temps, les transcendantaux passent du statut de secundum adjacens a celui de tertium adjacens: ajoutés d'abord au sujet comme seconds termes de la proposition, ils s'ajoutent ensuite au prédi~a~! devenu «ceci», comme copules en prenant le trotsteme rang dans la proposition 4. Quand .les transcendantaux sont prédicats, nous appre~o?s qu'ils sont pris formaliter ei substantive, e est-a-dtre selon leur nature et comme réalités. Alors la premiere observation est valable: l'étant entendu de cette fa~on signifie l'étre seulement, l'un, l'unité seulement, etc. Il suffit de dire «Martín est », potir que le p_robleme _de l'étre de Martín soit impliqué de fa~on radtcale, putsque Martín signifie l'étre. Mais quand on di_t «Ma,rt~n e_st ceci (homme, par exemple)», la fonctton predtcattve du «est» et des autres transcendantaux s'efface : il ne s'agit plus d'un étant mais d'un, hoc q~i, ~omme n'est J?as, puisqu'íl n';st que la determtnatton de 1 etant pnse comme détermination. Si Eckhart disait <, «cet étant» il s'.agirait d'une existence, encore que limitée; maÍs il dtt <~ ens hoc )>, << étant ceci », potir montrer que sa pensee t~~be ·sur le hoc et non sur le ens, que le hoc est done predtcat et le ens, métamorphosé en simple copule. . , L_e § 3 ?e la !'abula prologorum est particulieremént eclatrant a cet egard, de meme que les passages ou
t;J,
.4· Voir ARISTOTE, De l'interprétation, chap. xo et le commen. · tatre d(!-·S; -Thomas ·sur ce passage.
§ 3 : COMMENT AIRE
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l'auteur cite la formule connue d' Avicenne, selon laquelle la chose tient d'un autre le fait d'étre, mais non pas ce qu'elle est s., Ainsi « l'homme est un animal» n'implique aucune cause extérieure; mais des qu'il s'agit de l'etre de l'homme, voila qui renvoie a une cause extrinseque, puisqu'il n'est plus question d'un hoc, mais d'un ens qui signifie l'etre. Les médiévaux n'interpretent pas tous la proposition «Martín est un homme» comme le fait Maitre Eckhart; Thomas d' A quin en particulier lui conserve une valeur existentielle. On peut penser q~e les avis tranchés sont bien du gout d'Eckhart, mais il faut noter surtout qu'en· opposant le ens et le hoc, Eckhart exprime sa préoccupation fondamentale, qui domine tant de paragraphes des Prologues, a savoir la réservation de l'etre en tant qu'etre au seul etre lui-meme, afin que soient vérifiées les oppositions du type etre-néant, possession-privation, don-réception, etc. La dévaluation du hoc que nous observons ici est fort compréhensible, puisque l'usage courant de la détermination - lion, feu, pierre, etc. - nous laisse au niveau de la considération des créatures. Nous ne pouvons dire, du moins au sens propre, que Dieu est lion, feu ou pierre, tandis que les transcendantaux qui sont tellement plus généraux que les especes. et les genres sont attribuables au premier príncipe. Il est done naturel que Maitre Eckhart utilise le hoc et hoc pour désigner la créature, et les transcendantaux pour désigner Dieu. Quoiqu'elle ne soit guere aristotéli-
5. L'auteur fait allusion a cette formule a u § x3 du Prolog11e ,f!,énéral. Passage parallele remarquable: Conm1. Sag., § zo, LW II, p. 341-342.
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cienne, cette métaphysique use du langage technique que. fournit l'aristotélisme. . Mais il y avait une autre tradition, que le Maitre n'ignorait pas plus que la précédente, celle qui voyait dans les déterminations des choses des raisons divines plutot que les objets d'un savoir propre a l'homme. L'Opus propositionum, dans son traité onzieme, devait l'attester, comme le font bien d'autres textes eckhartiens qui ont survécu. Alors la perspective change : non seulement le «ceci» remonte a son fondement dans la ratio divine correspondante, mais encare il se charge de la plénitude d'etre dont Dieu jouit. Le langage philosophique, cette fois, est emprunté a Platon ou a Augustin : par la création, les rationes divinae se doublent de leurs images dans les choses. L'etre n'est plus accordé a une essence indigente; il ne cesse d'accompagner l'idée ou la quiddité et passe avec elle d'un état premier et divin au statut second qui est celui de la créature. Ces deux conceptions ne sont pas antinomiques; elles constituent des fac;ons de parler. La preuve en est qu'on retrouve dans la seconde l'essentiel de la premiere, a savoir la dépendance pure de l'inférieur par rapport au supédeur. L'image en effet a-t-elle d'autre etre que celui de son modele? Nous apprendrons d'ailleurs au § I I que le hoc s'enracine en Dieu lui-meme. Abordons pour le moment le second groupe d'observations introductives qui, on le sait, sont au nombre de quatre.
§ 4· L'objet de ce paragraphe est de les énumérer, annoncés par l'adverbe prooemialiter comme l'ont ét~ les deux premiers avertissements au § 1. Nous examinerons leur rapport avec ce qui précede, avant d'étudier les développements qu'on trouve dans les paragraphes·suivants.
1 1
§ 3-4 : COMMENTAIRE
PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS
.
La premiere proposition, a savoir que I?ieu seul est aproprement parler ~tant, chose une, vrate et ~onne, est reprise dans les me me~ termes dans _les §§ 5 a 8. La deuxieme proposition qut est : «Par lut toutes choses sont sont unes sont vraies et sont bonnes », prend la ) ) 1' forme au § 9 : «De D.ieu se~l toutes choses ont. ~tre, l'etre un l'etre vrat et 1etre bon. » La trotsteme propositi~n a la teneur suivante : «De lui immédiatement toutes choses possedent (le fait) qu'elles sont, qu'elles sont unes, qu'elles sont v~aies, qu'elles sont bonnes» et réapparait comme sutt au § 13 : «Tout étant et ~hacun notLseulement tient de Dieu tout son etre , toute son unité ' sa vérité et toute sa bonté, mais . encare illes tient de lui immédiatement sans aucune es pece d'intermédiaire. » ~n~n la 9uatrieme prop?sition s'énonce: «Lorsque ¡e dts cet etant ou un-cect ou un-cela vrai-ceci-et-cela, le ceci et le cela n'ajoutent ou n'apportent absolument rien en fait d'entit~, d'unité, de vérité ou de bonté a l'étant, a l'un, au vrat, au bon»· elle devient au § 15 : «L'étant-ceci-ou-cela, l'un-ceci~ou-cela, le vrai-ceci-ou-cela, le bon-ceci-oucela en tant que ceci ou cela, n'ajoutent ou ne conferent ríen en fait d'entité, d'unité, de vérité et de bonté. » La premiere proposition réserve .~ Dieu le sens propre des transcendantaux; la, deuxt~me et la troisieme affirment la dépendance a cet egard de toutes choses par rapport a lui, et cela de deu~ fac;ons : elles dépendent de lui ~~u/ et dépen~e.nt de lut immédiatement; enfin, la quatneme proposltlon souligne la ~iffé~ence qu'il y ~ entre le_s ~r~nscendanta?x propres a Dteu et le « cect » caractensuque des creatu res. Les deux premiers avertissements: «L'étant signifie l'etre seulement», et la di~tincti~n de la prédicadon de I'étant et de celle du cec1, domment nos quatre A
154
§ 4 : COMMENT AIRE
PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS
propositions. En effet, la distinction d'étant comme ~rédicat ~t d'éta~~ comt?e .cop~..le, commandée par l affirmatl?~ qu~ 1 etan~ stgntfie 1 etre, gouverne a son tour l~. dtsttnc~ton qut survient maintenant, au § 4, entre .1 etant prts au sens propre et l'étant qui procede ~e l'-:1. L~s relations de signification et de participatton tmpltquent en effet un terme second et un terme prem~:r: celui-~i. est ~'etre que celui-la signijie. La premtere proposttton reserve done a Dieu le transcendantal proprement dit, et les propositions deuxieme et troisieme décrivent la relation de subordination des étants par rapport a l'étant premier qui est l'etre. On recon?a~t ~ans ce~ étants subordonnés les posteriora do?t ti etatt questton au § 10 du Prologue général; les prrora, repré.s,entés ici pa.r .Dieu lui-meme, sont l'objet de la l?r.emtere proposttton. Quant a la quatrieme proposttton, elle ressemble a la premiere, puisqu'elle ne concerne qu'un seul terme pris dans son sens propre, ~n~m plu~ ~'ét~nt, mais le ceci. 11 s'agit done d;s parttctpa?t~ a 1 extstence ava~t la participation. Ils n apport~nt evtdemme,?t aucun etre, puisqu'ils ont a le recevotr : par elle-meme la créature est essence non e~is~ante; elle devient existen ce quand 1'esse se f~it stgmfier par elle dans le rapport de dépendance qu'énonce?t la deu.~ieme et la troisieme proposition. Les trots premteres propositions ont done leur source dans ·le premier avertissement et dans la premiere moitié du second; de la . seconde moitié dérive la quatrieme proposition. Entre les deux gr
les propositions deuxieme et troisieme, au rapport indiqué par la formule «par lui toutes choses sont». Le renvoi a l'etre seul implique que l'etre est dans un rapport immédiat a l'étant. Enfin, la mention de 1'(( étant-ceci)) a la fin du deuxieme avertissement est reprise dans la quatrieme proposition. Quoique la doctrine de l'analogie ne soit pas citée ici, il est permis d'y penser, surtout quand on sait que dans ses Lefons sur l' Ecclésiastique Eckhart a renvoyé a ce sujet «au premier livre des Propositions 1 ». L'affirmation que Dieu seul est proprement étant évoque en effet la these selonJaquelle l'analogué principal est seul a posséder le terme analogue. Comme on le sait, Eckhart ne craint pas d'illustrer le rapport de la créature au créateur par celui de l'urine a la santé: l'urine est saine, paree qu'elle est le signe de la santé de l' anima/ 2• Il veut montrer par la qu'il n'y a pas d'enracinement de l'etre, de l'unité, etc., dans les étants créés. L'etre en tant qu'etre ne réside qu'en Dieu; la créature n'en est que le signe. L'étant a done l'etre en dehors de lui, en un autre sujet. Mais si l'etre de l'étant est en dehors de lui, c'est au sens ou l'etre de l'accident est dans la . substance ou l'accident réside. Certes, la santé est dans }'animal, mais l'urine fait partie de !'animal et on peut dire qu'elle est saine de la santé de !'animal. Si done la créature a en dehors d'elle l'etre d,6nt il est question a son propos, cela veut dire, riop pas qu'elle n'existe pas, mais que son etre est en pi~u en qui eile demeure. L'étre de Dieu la pénetre. L~étre qu. 'elle signifie n'est pas le sien, c'est \ ·~ \
,
1.
§ 53, LW II, p.
282.
Voir Alain de LIBÉRA, Le Prob/eme de J'etre chez Mal/re Eckhart: logique el métaphysique de 1'analogie. 2.
r: xs6
PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS
celui de. Dieu, mais elle existe par lui et en lu~. L'etre de la créature est done aussi en elle, mais sans etre a elle. La créature a part a 1'etre de Die u, máis cette part reste le bien de Dieu. La le~on de la conception eckhartienne de l'analogie sous-tend la doctrine des Prologues. Sa portée spirituelle est trop manifeste pour etre soulignée. § 5. La démonstration de la premiere proposition s'étend sur les paragraphes 5 a 8, chacun de ces paragraphes étant consacré a un seul transcendantal. Dans le§ 5, il s'agit d'établir que Dieu seul est étant au sens propre. L'auteur appuie cette these sur quatre références bibliques : Exode 3, 14, Job 14, 4, Deutéronome 6~ 4 et Galates 3; 20, sur une citation d'un Pere de l'Eglise, Jean Damascene, et sur celle de trois philosophes, a savoir Parménide et Mélissos (d'apres Aristote) et Avicenne. Nous releverons les cinq points suivants :
i ¡
du nom de Dieu, qui se réduit a «celui qui est», qtti est, comme on le découvre dans la traduction latine t. Mais certains lisaient quod est : esse peut alors faire
partie du nom de Dieu, soit qu'on comprenrie «l'etre q~i est» ou «l'etre, a savoir qu'il est» 2 •
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3· En enseign?-nt qu'il n'y a q~'~n ~eul étant I?r~s absolument, les Eléates sont censes mdtquer le prtvtlege de Dieu dont il est question dans ce pa~a~r~phe : Dieu seul est étant au sens propre. Quant a 1 «etantceci-et-cela» c'est-a-dire a l'étant-feu, a l'étant-terre, etc., il s'oppose a 1'étant comme le multi~1e a 1'un. Eckhart pense sans dout~ ici ces «~tants~cec~-et-ce1a~, non pas comme de stmples ~e~er~mau~ns,, specifiques, mais comrue des pa~tlctpatl
)
z.. Korirad Weiss, l'éditeur de Stuttgart, blo.que l,es m<;>ts .« esse quod esf>> et traduit: das Sein, (niimlich) dass er u~. C .est ams1 que Maitre Eckhart interprete le texte d~ Damascene d~ns le Commentaire sur f Exode, § 2.4, p. 30. On ht dans la traducuo~ ~e notre passage par A. A. Maurer (Master EcKHART,. Pamt~n Quútions and Prologues, Toronto, .1974), p. 94: The Realtty that ~s. Voir aussi Karl ALBERT, Mmter Eckharls These vom Sem, P·II3-II4.
§ 5 · ¡; De fide orthodoxa, éd. M. Buytaért, p. 48.
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J
1. Le recours a Jb 14, 4 pour établir que « Dieu seul est» n'estpossible que dans la traduction de saint Jéróme. On lit au meme endroit dans la traduction recuménique de la Bible : « Qui tirera le pur de l'impur? Personne. » · 2. Jean Damascene a écrit: dox.Ei.' fA.EV o,}v· x.uptw-rEpov 7t&:V't'(I)V -rwv E7tt 6EoÜ AE")'OfA.ÉV(I)V. ovo{l&:'t'(I)V Etvoct ó wv. Dans cette phrase, «etre» (Eivoct) ne fait pas partie
§ 4-5 : COMMENT AIRE
'
'
3· Le meme éditeur cite le passage parallele qu on trouve dans le Comm. Sag., § 149, LW II, p. 486-487.
1 58
PROLOGUE A L'ffiUVRE DES PROPOSITIONS
§ 5-7 : COMMENT AIRE
5. L'auteur retrouve pour finir le passage du Livre de l'Exode qu'il avait cité au début du paragraphe. En effet, les autorités invoquées ensuite lui permettent de conclure que la vérité de la proposition «l'etre est Dieu» éclate déja et qu'ainsi s'explique la réponse a la question de Moise portant sur Dieu. Bel exemple de l'unité de l'entreprise eckhartienne, simultanément théologique, philosophique et exégétique! Comme on le voit, le Maitre prétend atteindre le systeme de pensée qui esi: !'origine et la dé de l'enseigneme~t de la Bible. Cette ambition n'est extravagante que stl'on n'aper<;oit pas qu'elle présuppose une mise en condition morale et spirituelle et par conséquent un usage désintéressé de l'intelligence, totalement soumis et adapté a son objet divin.
Un autre argument est introduit par les mots : «l'un est la négation de la négation». Cette formule implique la conception aristotélicienne de l'un comme non-division; Thomas d' A quin écrit : « L'un qui se convertit avec l'étant, n'aj_oute aucu~e .c?ose a -l'étant, mais seulement la negauon de la dtvl~l0n 2 .» Et puisque la div~sion est ~l~e-m~me ~é~atlon de l'étant - lorsque l'etant se dtvtse, tl se ltmtte et par conséquent se nie -, l'un est négation de la négation. L' édition de Stuttgart signale ici un texte de la Predigt 21 : «Un est une négation de la négation. Toutes les créatures ori:t une négation qui leur est liée. L'une nie qu'elle est l'autre. Un ange nie qu'il est un autre. Mais Dieu a une négation de la négation; il est un et nie tout autre, paree qu'il n'y a rien en dehors de Dieu 3, » 11 est aisé maintenant de comprendre la phrase finale du paragraphe, puisque l'un c~mme négation de la négati~n .implique l'idée d~. plém~ude. Dieu seul est cette plemtude, attendu qu tl « prec~n tient et inclut tout etre simultanément», c'est-a-dtre tout etre limité par le ceci ou le cela et compris dans l'etre tout court comme le moins dans le plus. «Précontenir» et «inclure» sont des mots qui se rencontrent souvent chez Denys et chez Proclus dont il s'inspire..
§ 6. Le paragraphe suivant est consacré au deuxieme transcendantal qui, pris absolument, désigne aussi Dieu lui-meme et lui seul. Dieu est appelé unum ou unus, au neutre ou au masculin, comme tout a l'heure on se demandait a son su jet quid o u quis est. On peut entendre en effet soit l'esserice divine, a laquelle le neutre convient, puisqu'elle n'engendre ni n'est engendrée, soit les Personnes, qui se disent alors au masculin 1• Citant le meme texte que dans le paragraphe précédent, Eckhart écrit: Deus unus est en comprenant cette fois : « Dieu est un». La référence qui suit a Proclus et au Liber de causis · rí'indique pas .une dépendance particuliere a l'égard du néoplatonisme: la preúve en est que l'un est ici le deuxieme nom de Dieu, et non pas le premier. ·
§ 7· Saint Jean et saint Augustin sont ici ~aturelle ment les références uniques et suffisantes, putsque .nul autre n'a proclamé avec autant de force que le, vra1~ la lumiere était Dieu. 11 faut remarquer la note emouve bien augustinienne qu'introduisent l'image de l'éclair
2.
Quodl. X, q.
1,
3· DW I, p. 363.
a.
1,
corps.
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PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS
§ 7-8: COMMENTAIRE
et le « demeure si tu le peux! » Eckhart y est sensible; il cite ailleurs ce mane si potes t. La formule de conclusion : «Et Augustin veut dire que c'est cela qui est Dieu » rappelle les finales des cinq voies thomistes: «Et c'est cela que tous appellent Dieu» ou «c'est cela que nous disons Dieu»2.
des quatre propositions avancées au § 4· 11 la répete dans les termes dans lesquels il l'a énoncée précédemment, puis conclut en opposant a « Dieu seul » «chacun des autres», c'est-a-dire a l'étant, l'un, etc., l'étant-ceci, l'un-ceci, etc. Le « ceci », qui est comme une lettre algébrique, est expliqué par des exemples : «pierre», «lion», «homme». Comme .nous l'avo~s déja souligné, Eckhart transpose au mveau de~ ratsons divines, non pas ces formes des choses, mats les transcendantaux, ce qui est assez compréhensible, puisque «etre», «étant», <mnité», «un», etc., se disent de Dieu, tandis que le «ceci» renvoie a notre monde peuplé d'especes et de genres. Il est évident cependant que la tradition augustinienne est présente aussi chez Maitre Eckhart et que le mot hoc qui désigne la chose créée peut aussi se rapporter a la raison éternelle de cette chose. Cet enracinement de la quiddité en Dieu reste cependant a l'arriere-plan de notre prologue qui est construit sur l'opposition du prédicat divin -le transcendantal- et du prédicat créaturel - la détermination spécifique, c'est-a-dire sur la these que l'etre est propre a Dieu, la limitation quidditative a la créature2. La démonstration de la premiere proposition est done dominée par l'antithese - formulée comme au § 5 - de l'étant, dans lequel se concentre l'etre, et de l'étant-ceci-et-cela, qui se réduit au simple «ce~i». Cette opposition est celle des propositions premte~e et quatrieme. Mais nous avons vu que «l'étant-cect»
§ "8. Nulle surprise a voir les noms de Proclus et de Deny~
réapparaitre a propo;; du bon et venir confirmer l'enseignement des Evangiles et naturellement celui d' Augustin. Dans la citation de l'éveque d'Hipponet, on remarque la meme note subjective que tout a l'heure : « Vois le bon lui-meme, si tu le peux!» Nous'apprenons que le bon lui-meme, qui.est Dieu, est le« bon de tout bon », c'est-a-dire le bon qui fonde la bonté de tout ce qui est bon, comme le bon ange, le bon homme, etc. Le bon en soi est ainsi la source de tout bon participé et le contient. 11 y a le meme rapport entre le bon lui-meme et le bon participé par toute chose bonne qu'entre l'étant pris absolument et l'étant ceci et cela (§ 5). De meme, le bon absolu ou le bon de tout bon correspond a l'etre premier et plein auquel l'un convient en tant que négation de la négation, l'etre qui précontient et inclut tous les etres a la fois. Cette doctrine rappelle évidemment ce que nous avons appris des relations de l'antérieur et du postérieur au § 10 du Prologue général. Le Maitre vient done de traiter ainsi de la premiere
1. Par exemple, Serm. lat. VI, 3, § 6z, LWIV, p. 6o; XXXIII, § 333, ibid., p. 291. 2. So~. t~éol. I, q. z, a. 3, corps. §s 1. Trin:, III, 4· ·
161
2. L'allusion qu'on trouve a la fin du paragr_aphe .1 1 ~ la dépendance de la cause seconde, donneuse de la determmatiOn, par rapport a la cause premiere, suggere l'autre dimension de la doctrine de la détermination spécifique.
162
§ 8-10: COMMENTAIRE
PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS
ne laisse pas d'etre pensé aussi comme étant c'est-adire .comme participation a l'étant propre~ent dit. L'objet des deux propositions intermédiaíres est justement ~e cons~dérer. l'é~ant-ceci-et-cela, non plus dans sa stmple determmatton, mais dans sa participation.a l'éta~t. Cet ~tre de.l'étant-ceci-et-cela n'est pas celut de Dteu, putsque Díeu seul est étant proprie; cependant,. cet etre est bien celuí de Díeu, puisque c'est de ~teu qu'íl est res;u. Tel était l'enseignement du premter. Prologue et celuí qu'impliquait le paragraphe 2 ct-dessus.
§ 9· L'auteur aborde maíntenant la démonstration de la ?euxieme proposition qu'il énonce en disant que de Dteu seul toutes choses tiennent l'étre, l'etre un l'~tre vrai et l'etre bon. Cette proposition luí parai~ ~esulter de la précédente qui portaít que Dieu seul est etant, un, etc., au sens propre. En effet, si Dieu est seul a etre, a etre un, etc., a proprement parler, si lui seul est signifié par l'étant, etc., ce ne peut étre qu'en luí et nulle part ailleurs que se trouve la source de l'etre, de l'etre-un, de l'etre-vrai et de l'etre-bon des choses. En d'autres termes, il n'y a pas d'etre en une chose ';lui ne. vienne d~ l'etre, il n'y a pas d'etre-un en elle qut ne vtenne de 1 un, etc. Tel est l'enseignement de l'exemple du blanc, qui vient ensuite et que nous connaissons déja pour l'avoir rencontré dans le Prologue précédent 1 et au § 2 de notre texte : tout blanc, en tant que blanc, procede de la blancheur. Évidemment, le statut de la blancheur est tout a fait étranger a celui du transcendantal, puisque la blancheur n'est qu'un accident, mais la blancheur et le transcendantal
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ont la meme antériorité sémantique. sur leurs paro~;~,~ nymes: c'est la blancheur qui fonde le sens de blanc, comme c'est l'etre qui assoit la signification d'étant. La fin du paragraphe est introduite par « eri outre » (praeterea), adverbe par lequel on pass~ d'ordinaire a un nouvel argument. De fait, il semblerait préférable de faire commencer ici le paragraphe 1 o. En se référant a Boece, le Maitre pose la dépendance du bon et du vrai par rapport a l'etre et de l'etre par rapport a l'un. S'agit-il, comme on l'a cru, d'un aveu de néoplatonisme? Nullement, mais de la simple affirmation que, sans l'un, l'etre et les autres transcendantaux ne pourraient subsister 2 • Sans l'un, en effet, l'etre se limiterait et se nierait. En ce sens, l'etre repose sur l'un, comme Eckhart le dit ailleurs3, et avec l'etre les autres transcendantaux. Ce n' est pas cela exactement que Boece le néoplatonicien voulait dire. Or, le paragraphe suivant enseigne aussi la dépendance de l'etre par rapport a un autre transcendantal, le vrai cette fois.
§ I o. Au début de ce paragraphe, les transcendantaux réapparaissent dans leur convertibilité par rapport a l'étre. Comme la liaison avec ce qui précede est indiquée par «done», il est clair que nous n'avons pas quitté une ontologie pour une hénologie. De Dieu etre, vient non seulement l'etre des choses '· comme . mats encore les autres transcendantaux qui ne seraient pas sans lui et sans lesquels lui non plus ne serait pas. .
Sur la relation un-etre, voir ARtSTOTE, Métapb_)'S· 1, 1054 a, Sur la proximité de l'un par rapport a l'etre, voir le Comm. jean, § 547, LW III, p. 478 . 3· Comm. Sag., § 196, LW JI, p. 6p. 2.
1?-20.
.t
Prol.gin.~§ 12. Voir Comm..Jean,§
172,
LWIII, p. 1 4 1.
16ü.)
•
PROLOGUE A L'ffiUVRE DES PROPOSITIONS
§ 10-11: COMMENTAIRE
Nous venons de voir que l'etre dépend de l'un. La conversion de l'etre avec le vrai se traduit aussi par une dépendance de l'etre par rapport au vrai. Dans la premiere phrase du paragraphe, Eckhart a changé l'ordre habituel du vrai et du bon en citant le vrai en dernier, pour ·pouvoir rebondir sur ce dernier mot et introduire un développement sur la primauté du vrai par rapport aux trois au tres transcendantaux t. Ces changements de perspective montrent que la priorité accordée a un transcendantal sur les autres n'a pas la signification qu'on pourrait croire. Certes, Eckhart maintient la primauté de l'etre dans l'énumération des transcendantaux. Mais aucun des transcendantaux ne pouvant manquer aux autres, chacun d'eux peut apparaitre a son tour comme la condition des autres. Les transcendantaux ne sont pas hiérarchisés comme le sont l'un et l'etre chez Proclus; ils sont solidaires, et c'est exprimer cette solidarité que de montrer- au moins partiellement, comme Eckhart le fait ici - qu'aucun d'eux ne peut etre pensé sans chacun des autres.
participent des transcendantaux, avant de se distinguer les unes des autres par les príncipes non communs que sont les genres et les es peces t. Le texte continue en rattachant, comme dans le Prologue précédent, la présence des transcendantaux en toutes choses- assunt et insunt in omnibus- a la cause premiere et universelle et en insistant sur l'antériorité de l'action de cette cause p~u rapport a toute autre cause . Relevons que l'étant, l'un, etc., appelés communs a tout au début de la phrase, SOQt présentés a la fin comme les effets de la cause universelle de tout. Quant a la phrase suivante, ou Fon trouve la répétition d'insunt, elle conduit la pensée de la considération de l'antériorité de ces effets transcendantaux a l'idée que la cause premiere et universelle est seu/e responsable de ceuxci. Or, telle est la proposition dont il est question depuis le paragraphe 9· La suite est remarquable, puisqu'elle apporte la réponse a une objection sous-entendue qui serait : quel role les causes secondes ont-elles encore a jouer si Dieu est seul a donner 1' etre aux choses? Le mouvement de la phrase : «par la cependant ne sont pas exclus, etc.», rappelle la fin du § 15 ou Maitre Eckhart repousse de la meme fas;on une objection du meme genre2. Pour s'expliquer, le Maitre donne un exemple : le feu, qui est une ;ause seconde,. n~ communique pas l'etre au feu qu tl transmet, mats tl lui donne «Cet etre», c'est-a-dire l'etre-feu, l'etre-unfeu, etc. 11 convient done de distinguer, comme nous
§ 11. Les deux paragraphes suivants s'ouvrent sur un praeterea, comme le dixieme, si on le fait commencer avec la derniere phrase du paragraphe qui le précede. On rencontre d'abord le rappel d'un theme essentiel du Prologue général, puisqu'on y lit que l'étant, l'un, le vrai et le bon sont premiers en toutes les choses. Prima correspond a priora du § 8 du Prologue a f03uvre tripartite. Le mot communia qui n'apparaissait guere dans le Prologue précédent est clair, puisque nous savons que toutes les choses §·io -~. Vóir Serm. lat. XVII, z, § 168, LW IV, p. 16o.
§ 11
1. Voir Comm. Jean, § pz, LWIII, p. 443· z. Meme tournure chez Thomas d' Aquin : «Dieu opere suffisamment dans les choses a la maniere du premier agent; il ne suit pas de la que l'opération des agents seconds soit superflue» (Som. théol. 1, q. 105, a. 5, ad 1m).
166
PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS
··
§·u·: éOMMENTAIRE
167 -'
savons le faire, l'effet propre de la cause premiere l'etre, l'un, etc.- de celui des causes secondes, qui est non pas l'etre, mais cet etre, ou mieux, l'etre-ceci, c'est-a-dire la pure détermination quidditative, considérée sans l'existence qu'elle re<;oit de l'extérieur. Commentant le versc:;t 3 du Prologue de saint Jean, Eckhart écrit: «(L'Evangéliste) ne nie pas que les choses aient d'autres causes, mais il veut · dire que l'effet ne tient l'etre d'aucune des autres causes en dehors de Dieu seul. C'est pourquoi Augustin, au premier livre des Confessions, parlant a Dieu dit : "Est-il une autre veine d'ou l'etre et la vie courent en nous, en dehors du fait que tu nous crées, Seigneur ?" Done, la raison de la présente parole "tout a été fait par Dieu", est que chaque chose produit ce qui luí est semblable et que rien n'agit au-dela de son espece. Or, tout ce qui est en de<;a de Dieu est étant-ceci-oucela, non pas étant ou etre absolument, ce qui appartient au contraire a la seule cause premiere qui · est Dieu 3 • » A la fin de' notre § II, Eckhart en vient a une observation importante: le pouvoir de donner l'etrefeu est fondé lui-meme dans la cause premiere. Le Maitre ne nous explique pas · comment la causalité seconde dérive de plus haut. qu'elle, mais on lit ailleurs: « ... La cause premicre, Dieu, differe de toutes celles qui lui sont postérieures en ce que la cause. premiere agit en toutes les autres choses et opere en elles ... Les formes par lesquelles agissent les agents seconds ont par Dieu, qui est le premier acte formel, d'etre des formes et des actes. En outre, ces formes par lesquelles agissent l~s agents seconds ne "i·~.:>-·
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3:· Com;n. ]ean, § 5Í; LWIII,
p. 43~
peuvent etre mues pour agir que par Dieu en tant que premier Moteur, comme, par exemple, les formes du feu et de la chaleur ne peuvent. chauffer, a moins d'etre mues par le Moteur du ciel4.» On pourrait comprendre que le feu donne aussi l'etre avec l'etre-feu, l'unité avec l'etre-un-feu, etc., bien qu'il le fasse en vertu de la cause premiere. Cette lecture serait contraire a la doctrine générale du Prologue: seule la cause premiere donne l~etre, l'etre-un, etc., la cause seconde ne donnant que le ceci. Dans esse ignem, unum ( ignem), etc., esse, unum, etc., sont des adjacents troisiemes, c'est-a-dire de simples copules. «Martín est homme » désigne un effet .de l'homme; «Martín est», un effet de Dieu. Mais «Martín est homme »· est aussi un effet de Dieu, puisque la détermination quidditative ou essentielle transmise par la créature a elle-meme son origine en Dieu selon la doctrine augustinienne et thomiste des raisons éternelles. On lit dans le Commentaire sur la Genese que Dieu «possede a !'avance toutes les formes et les formes de toutes chosess». Illes possede d'une fa<;on qui n' offense .pas sa perfection, puisque la
4; Comin. Eccl., §50, LWII, p. 278. Voir Comm. Sag., §So, LW II, p. 411-412. . 5. Comm. Gen., § 11, ci-dessous. L'autorité invoquée, dans cette derniere phrase du § 11, n'est pas Augustin, mais le Líber de caus#J~ c'est-a-dire Proclus. ll est évident que Maitre Eckhart ne considere pas la doctrine du Diadoque en elle-meme, mais seulement dans l'effet de suggestion qu'elle peut avoir pour lui. Relev~ms que le motjixio (LWI; p:172, ligne 3) áppartient a la traduction latine de l'arabe du De causis. Thomas d' Aquin, dans son commentaire sur cet ouvrage, rend fixio et essentia - dont il dit qu'elles SOilt venues de la Bonté purea l'lntelligence- par esse fixum, idest immobiliter permanens (pr. IX, lect. 9, éd. Pera, Turin, Marid:ti, 19 5f, § ·2 1 2~ p. 6o). ·
168
§ u-13: COMMENTAIRE
PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS
forme de la pierre ou celle du cheval ne sont pas en lui comme dans la pierre ou dans le cheval. L'auteur reviendra a la question de la différence et de la hiérarchie des causes, quand il traitera, a la fin du Prol?gue, de la CJUatrieme proposition qui concerne le role du « cect en tant que ceci» dans l'étantceci-ou-cela.
. § 12 .. Ce paragraphe avance un nouvel argument, mtrodutt encore par praeterea et renvoyant explicitement a .ce qui précede, c'est-a-dire au § 6 ou l'on apprenatt que .l'un en tant que négation de la néga.tton, convenatt au seul etre premier et plein. Si E~khart pose ici que, de l'étant, rien ou aucun etre ne peut se nier, c'est qu'il songe encore a l'étant absolu dont il nie la négation, ce qui revient a en affirmer l'affirmation. En effet, une double négation est une affirmation ou plutot une affirmation renforcée, puisqu'elle exclut toute limitation éventuelle de l'affirmation. L'affirmation de l'étant peut etre celle d'un étant limité; la négation de la négation de l'étant est l'affirmation de l'étant absolu. Maitre Eckhart applique le meme schéma logique a l'un - dont aucune unité ne peut etre niée sinon sous le mode de la double négation -, au vrai et au bon. Au § 6, la double négation était la signification meme de l'un : «l'un est la négation de la négation», y lisait-on. Ici, elle a une fonction générale et s'applique a tous les transcendantaux pour indiquer qu'ils sont pris absolument. Quand la double négation n'est pas le caractere 'de l'un, mais qu'elle s'étend aux «termes généraux», elle les affirme dans leur absoluité, c'est-a-dire dans leur caractere premier et plein, par l'élimination de se qui _qétt:uirait cette perfection. Dans la seconde partie du paragraphe, l'auteur tire
la conclusion de la premiere: tout étant, tout un, etc., en tant que tels, viennent de Dieu. Eckhart ne prend pas la peine de dire «de Dieu seul», comme il conviendrait de faire ici, puisqu'il est évident qu'il n'y a pas d'autre étant, un, etc., que l'étant premier et plein d'ou un étant limité quelconque, un limité quelconque, etc., pourraient tirer leur etre ou leur unité. La présence d'un transcendantal en quelque chose ou en quelqu'un n'a pas d'autre origine que ce trans~~ndantallui-meme considéré dans sa plénitude premtere. La derniere phras~ du § 1 2 établit une transition avec les paragraphes suivants dans lesquels il s'agira de la provenance immédiate de l'étant, de l'un, etc., par rapport a Dieu.
§ 1 3· La troisieme des quatre propositions annonau § 14, dont il va etre question maintenant, aJOUte une précision a la précédente : de Dieu toutes choses tiennent immédiatement l'etre, l'etre-un, etc. C'est a ce theme que ~ont consacrés les §§ 13 a 15. L'énoncé de cette troisieme proposition reproduit les termes de la phrase de liaison sur laquelle s' achevait le paragraphe antérieur. On y retrouve les mots omne ens et singulum et la tournure répétitive : non solum habet sed et!am immediate habet. L'auteur souligne encore s~ pen~~e par. des procédés stylistiques qui lui sont fam1hers: tl glose l'adverbe «Ímmédiatement» et énonce trois fois un adjectif sur lequel il veut attirer l'attention: l'étant tient de Dieu immédiatement « tout son etre, toute son unité et sa vérité et toute sa bonté». En effet, aucune partie de l'etre, de l'unité, etc., des choses,· s'il est permis de s'exprimer ainsi n'échappe a sa dépendance a l'égard de Dieu et n~ peut venir d'un autre que de lui.
c~es
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PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS
§ 1} : COMMENTAIRE
paragraphe 8 du Prologue général : «En luí en effet nous vivons, nous nous mouvons et nous sommes. » Et dans le Commentaire sur l'Évangile de saint Jean, notis lisons :«Entre l'etre ... et l'étant comme étant ne tombe aucun intermédiaire. » Dans la deuxieme partie de ce paragraphe 1 3, l'auteur invite a considérer de la meme .fa<;on le rapport de l'un absolu et de l'un déterminé de telle ou telle maniere, du vrai absolu et -du vrai particulier, etc. Dans ce passage, l'opposition unum et quodlibet unum, verum et quodlibet verum remplace celle a laquelle nous sommes habitués: unitas et unum, veritas et verum, etc. Le Maitre répeté que si l'action de l'etre, de l'un, etc., n'est pas immédiate, elle n'est pas. Les images dont il se ~ert pour exprimer la dépendance de la créature sont encore d'origine spatiale: il ne s'agit plus d'«etre dans», comme tout a l'heure, mais d'«etre touché», d'«etre pénétré», d'«etre informé», d' « etre revetu ». Aucune de ces métaphores. ne signifie la production d'un effet demeurant .. extérieur a la chose qui subit l'action: le contact est pénétration, la forme affecte en profondeur la matiere qui par elle-meme est privation et nudité3, c'est-a-dire absence de déterminations et vacuité. L'idée de la totale et immédiate possession, des choses par Dieu rappelle a Eckhart que, selon l'Ecriture;le «toucher» de la Sagesse s'étend d'une extrénüté de l'univers al'autre. La Vulgate porte: Attingit a fine usque ad ftnem fortiter et disponit omnia suaviter. Selon son procédé coutumier, Eckhart ne retient de
Dieu seul est le transcendantal a proprement parler proposition); les choses tiennent le transcendantal de luí seul (ze proposition) et elles le tiennent de lui immédiatement (3e proposition). Ces theses sont étroitement solidaires. Dieu étant le transcendantal en soi, personne ni ríen ne saurait partager le pouvoir que Dieu tient de sa nature propre, celui de communiquer le transcendantal aux choses: il en est la seule origine. 11 en est aussi l'origine immédiate, car si un intermédiaire se glissait entre cette cause privilégiée et son effet, ou le privilege serait partagé, ou la cause serait cet intermédiaire. La phrase interrogative qui suit rappelle par la forme et le fond la deuxieme phrase du § 1 2 du Prologue général. On y lisait en effet : Quomodo enim est aut aliquid est, a quo esse aliud... est 1 ? Et on a ici : Quomodo enim esset, inter quod et esse medium caderet? Séparer l'étant de l'etre, c'est l'anéantir; de meme, introduire un intermédiaire entre l'etre et luí, c'est rejeter cet étant a coté ou en dehors de l'etre et encore une fois l'anéantir. On se souvient du remarquable morceau du meme Prologue a l'rEuvre tripartite, dans lequel Eckhart repoussait déja la possibilité pour les créatures d'exister a coté ou en dehors de Dieu, dans le néant ou1' on imagine faussement leur projection 2 • Les passages paralleles ailleurs dans l'ceuvre d'Eckhart sont nombreux. Dans le Commentaire sur le Livre de la Sagesse, par exemple, le Maitre écrit : « Qu'y a-t-ilde si proches que l'étant et l'etre entre lesquels il n'y a nul intermédiaire?» A la ligne suivante, nous trouvons la meme citation d' Actes 17 que dans le ( 1 re
i.
1. ;.
pro/. gln., § 12., ci-dessus.
z~'1bid.,
§ !7, ci-dessus.
3. «La privation o u nudité est la différence spécifique de la matiere, la constituant dans son etre de matiere» (Liv. parab. Gen.,§ 124, LW I, p. 589; voir Comm. Gen.,§ 36, ci-dessous.
- 1 .· 1 1
PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS
§ 13-14: COMMENTAIRE
ce passage que les éléments qui conviennent au moment de son argumentation : il en retranche done les mots dísponit omnía 4 • A propos du meme empire de Die u sur toutes eh oses, i1 cite le texte d'Isaie : « Je suis le premier et le derniers», qui constitue, on s'en souvient, le sujet meme du dixieme traité de l'CEuvre des proposítíons. L'allusion qui suit au Líber de causís est de nouveau heureuse, puisque ce texte commence ainsi : «Toute cause premiere a plus d'influence sur son effet que la cause universelle seconde; quand done la cause universelle seconde óte sa force de la chose, la cause universelle premiere ne lui enleve pas sa force6. » A la fin du paragraphe, la combinaison que fait Eckhart d'Isaie 4 I, 4 avec le début du Líber de causís lui est suggérée par Thomas d' A quin qui écrit a propos de ce passage proclusien : « I1 est nécessaire que ce qui arrive en premier s' en aille en dernier 7 • »
avons déja compris que l'action de Dieu ne se fractionne pas. Nous sommes done prets a comprendre ce que le Maitre ,enseigne ici : 1' a.ction de Dieu ne concerne pas d abord une parue de la créature, puis une autre. Commet:lt · Dieu serait-il absent d'une partie de la créature a un moment quelconque? 11 ne peut done y avoir antériorité chronologique ou logique de l'action divine su~ une partie de la créature par rapport a une autre partte. Le passage des Confessíons d' Augustin auquel Eckhart .se réfere ici est le suivant : « Tout ce que tu remphs, remplis-tu tout cela par toi tout entier (te toto} ?... Es-tu tout entier partout t? » Vient ensuite l'exemple de la forme essentielle appelée aussi substantielle2 -, concrétisé par le cas de l'ame et celui du feu. Le Maitre avait déja mentionné l'ame au § 10 du Prologue précédent: l'ame, disait-il, ne se divise pas dans le corps; elle en unit les différentes parties, si éloignées soient-elles 3 • Quant a l'exemple du feu, il est apparu ici au § I I pour illustrer la différence qu'il y a entre la cause de l'etre-quelque chose et celle de l'etre tout court 4 •
§ 14. L'immédiateté de l'action de Dieu sur la créature qu'il fait etre se déduit maintenant de la pure unité de ce Dieu qui est entierement etre. Car unité veut dire indivisibilité. La présence de Dieu est done immédiate en chaque créature tout entiere. Nous avons vu plus haut (§ 13) que Dieu _donne a l'étant immédiatement tout l'etre que res:oit l'étant et nous 4· Attingit a fine usque ad finem désigne de nouveau un toucher pénétrant; le symbolisme est spatial. Avec prim11s et novissimus, il est temporel. Dans la citation du Livre de la Sagesse, le deuxieme adverbe change de fonction, puisqu'il se rapporte a disponit dans le texte original. 5· Isa"ie 41, 4· Voir Pro/. gén., § 18. 6. Prop. 1. 7· Voir Comm.Jean, § 93,LWIII, 81 et THOMAS d'AQUIN, In libr. de causis expos., pr. 1, lect. 1, § 13 et § 2.9, Marietti, 19 55, p. 5 ct 6 .. '·> • >· ·• •
§ 14
l. 1, 3' 3. 2.. Voir Comm. Ex., § 92., LWII, 95 : « .. .11 y en a un exemple ... en toute forme substantielle qui est présente tout. entiere par l'essence et par la quiddité en n'importe quelle toute petite partie du su jet.» 3· L'exemple est fréquent. On lit dans le Comm. Gen., § 2.1, ci-dessous: «11 y en a un exemple dans les puissances de l'ame et les organes du corps, paree que tous immédiatement tiennent l'etre a titre égal immédiatement de l'ame, et la il n'y a pas non plus d'ordre quant a l'etre, au vivre et a l'ame.» Voir Comm. ]ean, § 93, LW 111, p. So. 4· L'exemple du feu est cité souvent pour illustrer le cas de la génération (dont il va etre question d'ailleurs dans le meme paragraphe).
174
PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS
Eckhart enseigne maintenant que la forme de l'ame, comme celle du feu, agit tout entiere sans intermédiaire sur toute sa matiere en meme temps, et non point une partie apres l'autre. · 11 recourt a force répétitions pour insister sur les caracteres qu'il reconnaít a la forme essentielle. Dans l'exemple du feu, il reprend totam essentiam materiae par totam simul pour encadrer se tota sine medio. 11 recourt au meme procédé dans la phrase de conclusion du paragraphe. Les notions de (( présence a», de (( vetement », de « pénétration», réapparaissent. Les parties de la matiere, a elles seules, ne sont pas capables de subsister. Elles sont actualisées par la forme en meme temps pour constituer par elle et avec elle le tout compasé. Eckhart peut done rappeler que l'etre appartient au tout et que le tout est un, et aussi que, selon Aristote, c'est le tout, a savoir le compasé de matiere et de forme, qui devient et qui est. Le septierp.e traité de l'CEuvre des propositions devait sans doute développer cela. On lit dans une Question parisienne que «la partie en tant que partie ne pos sede aucun etre, mais (qu')elle possede l'etre paree qu'elle a un rapport au tout comme a l'etre ( ad totum tamquam ad esse) 5 ». L' etre et l'unité appartiennent done au tout, et les parties les res;oivent en lui. Nous allons retrouver cette doctrine bientot. Eckhart tire encore de la l'explication d'une vérité relative a la génération. Sur cette question de l'immédiation de l'action divine, ou il tombe d'accord avec Thomas d' A quin, notre auteur illustre sa pensée en invoquant des positions philosophiques qui sont
h Quest . .p(1r. .V,§ 4, LWV, p. 8o. Voir Comm. jean, § 400, UV' III, p. 341; plus bas, Pro/. prop., § 18.
,.'l., l
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§ 14: COMMENTAIRE
1
75
aussi celles de 1' Aquinate. Puisque 1' etre appartient_au tout, la génération, qui est la venue a l'etre, .ne ~'effectue pas dans le temps; elle n'est pas successive, etant le terme du mouvement 6. Dans ces conditions la , , . n ' est pas non plus la venue d'une forme ' generatton dans . . la matiere apre's une autre forme ' car, s'il en était ams1, la matiere serait déja informée. La forme investit sa matiere totam simul, (( tout entiere a la fois)) comme il était dit plus haut. ' Ainsi s'explicite la doctrine de l'immédiateté de la . forme essentiepe: cette immédiateté va de pair en ~ffet. ~':ec l'instantanéité de la génération et avec 1umctte de la forme dans le compasé 7. On lit dans les Paraboles de la Genese : « ... Toute forme substantielle a l~qu~lle la matiere se rapporte premierement et par sot et a laquelle elle se rapporte par essence, s'unit a la matiere en vue de l'etre et pour l'etre sans aucun intermédiaire et sans l'adjonction d'aucune disposi-
6. La génération en tant qu'acces a l'etre est instantanée tandis que l'altération qui précede la génération et l'etre a líe~ d~ns le .tem~s. Voir Comm. Jean § 409, LWIII, p. 347-348; Gomm ..5ag., § 176, LW II, p. 521 : « ... L'altération est un mouvement et dans le temps, tandis que la génération n'est pas un mouvement et n'est pas dans le temps, mais est le terme et la fin du mouvement. Or l'action de Dieu sur les choses est tout a fait immédiate, selon la premiere proposition du De causis. Puisqu'"elle arrive en premier et s'en va en dernier". C'est done ce qui _est dit !ci.: .attingit a fine usque ad fin~m. En effet ce qui agit par un tntermedtatre, par exemple ce qut altere, non attingit a fine, n'est pas non plus a la fin, mais se tient au milieu. Car l'altéré lui-meme est dans tout le temps intermédiaire de l'altération et n'est ni a la fin a quo ni a la finad quem. En effet, ce qui est blanchi n:e~t ni noir a proprement parler ni blanc, mais i1 est intermédtatre. » . 7· Sur l'unicité de la forme substantielle, voir A. de LIBf.:RA, Le Probleme de l'etre chez Maftre Eckhart... , p. 53 et suiv.
PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS
§ 14-q : COMMENT AIRE
tion 8 • » Comment une disposition, effet d'une autre forme, pourrait-elle s'introduire entre la forme et la matiere? Cette regle vaut pour l'homme et pour tout autre vivant, mais aussi pour le mixte qui est le corps résultant de la combinaison des éléments9. On pouvait se représenter l'homme comme constitué par une hiérarchie de formes - l'ame rationnelle, l'ame animale, l'ame végétative, la corporéité, par exemple. On pouvait concevoir le mixte comme composé lui aussi d'une superposition de niveaux formels. Eckhart repousse cette doctrine de la pluralité des formes dans une seule substance, défendue en particulier par les franciscains 1°. Mais son objet principal ici n'est pas de nous faire connaitre sa position sur ce point. Cette these de physique, comme celle qui concerne la génération, lui sert a illustrer sa these métaphysique de la présence immédiate de l'etre aux choses. Il nous invite en effet a passer, par un raisonnement a fortiori, de l'exemple a la chose signifiée : l'immédiateté, vraie de la forme essentielle, est d'autant plus vraie de l'etre lui-meme qui, étant l'actualité de la forme ou de l'essence, est comme une
forine a la seconde puissance, comme une forme de la forme 11. Cette utilisation des vérités de la physique comme signes ~t preuves de la doctrine métaphysique est, nous le savons, habituelle chez Maitre Eckhart. Elle est en particulier un procédé de son exégese, puisque les raisons des philosophes y servent a exemplifier des vérités d'un autre ordre. Ici, la doctrine aristotélicienne de la forme substantielle illustre une autre · these thomiste, de rang supérieur, celle de la distinction de l'essence et de l'exístence. Meme si Eckhart n'entend pas comme Thomas le rapport de l'esse a l'essentia- puisqu'irconsidere l'etre dans son origine divine plutot que dans son immanence créée -, il est clair qu'il s'inspire de la doctrine thomiste selon laquelle la forme substantielle donne l'etre a la chose au terme de la génération, mais un etre qui, en soi, n'est que formel ou essentiel et qui doit recevoir de Dieu l'etre comme tel. Saint Thomas écrit partout que le premier effet de la forme est l'etre, que toute forme substantielle donne l'etre simpliciter et non secundum quid comme le fait la forme accidentelle, mais en introduisant le créationnisme dans 1' ontologie aristotélicienne, il dépouille la forme de sa fonction proprement ontologique et distingue en elle l'essence quila définit et l'etre ou l'existence qui lui est donnée. Le Prologue a I'CEuvre des propositions ne peut se comprendre que par référence a cette source thomiste.
8. Liv. parab. Gen.,§ 31, LW I, p. 499· Cette doctrine réapparait souvent, par exemple, Comm. Ex., §52, p. 56; Liv. par. Gen., § 30-31, LW I, p. 498-499; Comm. ]ean, § 324, LW III,
p. 2.72.; ibid., § 32.7, p. 2.76. 9· Voir Quest. par. V,§ 8, LWV, p. 83. 10. Voir R. ZAVALLONI, Richard de Mediavilla et la controverse sur la pluralité des formes : «Le composé incomplet requiert un achevement: c'est la forme derniere, appeléeforme complétive, qui l'établit dans un etre stable, le détermine définitivement et luí donne sa perfection spécifique» (p. 308). «Dans n'importe quel mixte il y a done cinq formes substantielles, les quatre formes élén:u~iitáires·et la Iorme complétive du composé» (p. 365-366).
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177
§ 1 5• Eckhart énonce encore une fois la troisieme proposition et en donne une nouvelle explication
1
x. Voir Proi.J!.én., § 8; Comm. Sag., § 189, LWII, p.
~2.~.
PROLOGUE A L'ffiUVRE DES PROPOSITIONS
§ 1 5 : COMMENT AIRE
179
fondée sur le rapport d'«un certain etre» ou d'«un certain m o de o u différence de 1' etre)) a 1'etre luimeme. Il établit d'abord que cette «différence» de l'etre ne manque pasa l'etre lui-meme, car il y aurait contradiction a situer en dehors de l'etre quelque chose qui fllt encore de l'etre. Rien n'est absent de l'etre, qui puisse en meme temps se dire etret. Meme raisonnement pour l'un, car en etre absent, c'est n'avoir pas la nature de l'un et n'etre pas davantage un mode ou une différence de l'un. Etc. Il suit - deuxieme moitié du paragraphe - que l'étant lui-meme ou l'etre lui-meme est pleinement positif, puisque rien qui soit en tité (nihil entitatis) ne peut etre nié de lui; on ne nie de l'etre que sa négation. L'auteur retrouve ainsi le theme de ·¡a double négation, dont il avait déja été question aux paragraphes 6 et I z. En se posant, l'etre nie ce qui le nie. C'est pourquoi l'un, qui est l'in-divis ou la double négation, vient immédiatement apres l'etre. L'etre se convertit d'abord dans l'un. La phrase finale de la deuxieme partie du § I 5 exprime la le~on de ce qui précede. Nous apprenons qu'entre les termes des deux colonnes ci-dessous, il y a le meme rapport : l'étant les étants l'un - tout ce qui est un de quelque mode ou différence de l'un que ce soit le vrai tous les vrais le bon- tous les bons et chacun d'eux.
Ce rapport a pour modele l'immane?ce de. to~t ce qui est entité a l'étant lui-meme ou a l'etre lut-meme. En concluant, l'auteur ne prend pas la peine de mentionner de nouveau l'idée d'immédiateté : elle est évidente. Puisque aucun etre limité ne manque a l'etre lui-meme, tout etre limité réside dans l'etre lui-meme, comme l'etre lui-meme en tout etre limité. En démontrant la troisieme proposition, Eckhart a done établi le total investissement de la créature par le créateur tout entier. La créature n'en reste pas moins un mode ou une différence de l'etre, mais elle n'est pas par elle-meme. __ L'etre qu'elle a, elle le tient de Die u· e' est done 1' etre de Die u en elle. Le mot d'«adalogie» ne figure pas dans les Prolo~ues, mais il convient de le prononcer encore une fots. Eckhart distingue la causalité univoque, celle qui va du pere ~ son fils, par exemple, et la causalité analogique qut regle le rapport du cré~teur a la c.réature. Dan~ le premier cas, la cause et 1 effet apparttenn~nt au meme genre; dans le second, seule la cause ttent les propriétés dont- il est question. Non pas que l'effe~ n~ re~oive ríen; au contraire. Mais ce que 1' effet ~e~ott, tl le possede en autrui. Point n'est besoin d'inst.ster sur la signification spirituelle, de ce,tte c<:>ncept~on des rapports de l'etre de la creature a celut de Dteu. Au lieu de se replier sur elle-meme, la créature .prend conscience de son origine, se détache et se vtde de soi2. La métaphysique et la voie spirituelle sont une.
Le mode ou la différence de l'etre n'est rien d'autre que (( cet etre)) ( ens hoc) dans lequelle déterminatif a une fonction de limitation, et l'etre le sens de l'etre participé. Celui-ci ne peut se passerrde la présence immédiate de l'etre absolu, lequel est en lui
comme lui en l'etre absolu. Le mode, la différence, le ceci, diminuent l'etre· en eux-memes ils ne sont pas de l'etre, comme l'affirme la quat~ieme proposition (§ 15 et suiv.). z. En commentant le plan de l'(Euv. prop. (§ 4 du P~o~. gbt.), nous avons signalé plus haut cette meme signification spmtuelle.
1.
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PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS
C'est cette meme doctrine que la quatrieme proposition va achever de nous faire comprendre. Nous abordons ainsi la troisieme partie du paragraphe 1 5. Le mot hoc qui réapparait ici relaie les termes aliquod, modus et dif!erentia de tout a l'heure. Mais dans la deuxieme et dans la troisieme proposition, Eckhart considérait l'étant dans sa participation al'etre. Maintenant, il regarde l'étant dans sa détermination et retrouve le verbe etre dans sa fonction de copule, et le «ceci» dans son role de prédicat, tels qu'il nous les présentait en commens:ant. Quand on prend la différence en elle-meme, le hoc in quantum hoc, il est .~vident qu'~fl: les vide d:etre. Le passage a la quatrteme proposltton apparatt done normalement comme une conséquence de ce qui précede et il est marqué par la répétition des memes mots en début de phrase : nihil ergo entitatis... En effet, si rien qui soit entité ne se nie de l'étant lui-meme, il suit que rien qui soit entité ne peut s'ajouter al'étant lui-meme. Mais alors, la quatrieme proposition entraine-t-elle l'~éantissement de la créature? Il est remarquable de vmr Eckhart soulever la question lui-meme dans un mouvement qui rappelle 1' objection du § 11 concernant l'action des causes secondes, menacées d'abolition elles aussi : « Quand nous disons cela, nous n'enlevons pas l'etre aux créatures et nous ne détruisons pas l'etre des choses; au contraire, nous le fondons. » L'éditeur de Stuttgart observe la ressemblance formelle avec Romains 3, 31 : «Détruisonsnous la loi par la foi? Nullement. Nous la fondons au contraire. » Ce rapprochement suggere que la créature est a Dieu comme la loi a la foi : comme la loi prend son sens et sa force au sein de la foi, ainsi 1' etre de la créature-en ·celui de. Dieu.
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§ IS-17: COMMENTAIRE
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§ 16. Dans le paragraphe qui suit, le Maitre indique que la démonstration de la quatrieme proposition aura deux parties et que la premiere se di visera elle-meme en trois. La deuxieme partie - des le § 20 xomprendra quatre sections. Voici done le plan de cette argumentation: l. Les exemples (§§ q-l9)
la matiere et la forme 1 2 les parties et e tout 3~ l'homme et le Verbe 1
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•
~~etre
Il. Les raisons
(§§
20-24)
des choses n'a pas d'autre ongme que: 1. ·Ia cause créatrice, premiere et universelle 2. le premier príncipe, riche par SOl
3· Dieu 4· l'etre lui-meme.
§ 1 7. L' exemple de la forme et de la matiere a déja été invoqué au § 14 a propos de l'immédiateté de l'action de l'etre, de l'unité, etc., dans les choses. Maintenant, le rapport formefmatiere est pris dans l'autre sens, pour ainsi parler, puisque ce n'est pas l'opération de l'etre qu'il s'agit d'illustrer, mais la passivité du «ceci» face alui. Bien entendu, la matiere se distingue du « ceci » par son indétermination, mais sa relation a la forme est bien celle du (( ceci}) a 1' etre. Il s'agit de part et d'autre d'une réception d'etre, de l'etre tout court dans le cas du «ceci», et de l'etre formel dans le cas de la matiere. L'etre est au hoc comme le hoc entendu comme etre formel est a la matiere. Et puisque le Maitre semble nier 1'etre de la matiere, il trouve sous sa plume, a propos de la
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PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS
§ 17-19: COMMENTAIRE
matiere, une formule semblable a celle dont il avait usé ~u sujet de l'etre des choses : «Cependant, nous ne dtsons pas non plus pour cela que la matiere n' est rien~ mais qu'elle est substance et qu'elle est l'autre partte du composé. » Le Ma.itre nous apprend ailleurs que 1~ s~bstance . de la matiere a pour différence co?stt~uttve la ~'":tssance passive et qu'elle est ainsi pn_vatton e~ nudtte t. Done, déclarer que la matiere ne dott son extstence qu'a la forme, c'est reconnaitre son incapacité a exister par elle-meme, mais aussi bien son aptitude a exister par la forme dans le composé.
l'impossibilité pour plusieurs etres d'en former un. En effet, la forme substantiell~ est un príncipe de distinction~ mais la distinction qu'elle fonde n'est pas ultime, puisqu'il peut y avoir plusieurs substances de la meme espece. Le dernier principe de la distinction est l'etre. Deux existants peuvent se ressembler par la forme essentielle: ils seront deux par leur existence meme t. 11 est done encore plus difficile de concevoir une composition d'etres qu'une composition de formes essentielles ou substantielles. Il est exclu que plusieurs formes essentielles constituent un tout formel; ill'est encor~ plus que plusieurs etres composent un etre total et unique. Mais, observe Eckhart, il y a une autre espece de pluralité qui, elle, peut résider en un sujet sans contradiction, c'est celle des formes accidentelles. La raison en est que l'accident n'apporte pas d'etre par lui-meme: ille trouve dans son sujet.ll peut done y avoir dix mille accidents dans l'unité du tout composé, puisque c'est lui qui leur fournit l'etre 2 • Le tout composé est la substance individuelle, que Maitre Eckhart, a la fin du paragraphe, désigne par un nom, Pierre ou Martín.
§ _r 8. Le deuxieme exemple est celui du tout et des
p~rttes. Ces. notions, qui figuraient également dans la
d~monst~atton . ~e la. tr~~sie~e pr?position (§ 14) reapparatssent tct, putsqu tl vtent d'etre question du composé de matiere et de forme. La these eckhartienne est que le tout ne procede pas de ses parties comme s'il en était l'assemblage, mais au contraire qu'il donne l'etre aux parties qui existent en lui. Dans la pre~iere co~ception, 1~.. tout n'aurait pas d'unité, putsqu tl y auralt autant d etres que de parties. Si 1' on veut qu~ le to~t soit un etre et non deux ou plusieurs, les parttes dotvent trouver leur etre en lui. o? a vu plus haut (§ 14) qu'il ne peut y avoir plusteurs for~es substantielles dans le m~me sujet. Eckhart en ttre un argument a fortiori en faveur de
• § 17 1. ':o!r Comm. G~n., _§ 36, ci-dessous: «La puissance a etre est la dlfference constltutlve de la substance de la matiere » · ibid., § 41; Liv. parab. Gen., § 124, LW l, p. 589; Comm. jean; § 14.~, LW III, .P· 122 •• Une f~is actualisée par la forme, la mattere ne constltue qu un seul etre avec elle, celui du compasé. Voir'f.f!OMAS__ d'AQUIN, Som. théo!. l, q. 14, a. z, ad 3m; 1-II, q. 4, a. S': :ti:l zm.. ·. -. . . . . .
§ 19. Le troisieme et dernier exemple n'est plus emprunté a la philosophie, mais a la théologie : Eckhart enseigne que le hoc n'apporte pas plus d'etre, d'unité, etc., aux étants, que l'humanité n'apporte d' etre personnel dans le Christ incarné. Cet exemple, comme les précédents d'ailleurs, ne parle pas de lui-meme : Eckhart y retrouve sa doctrine, paree qu'il § 18 1. Voir THOMAS d' AQUIN, Contre les Genti!s, l, 42, trad. fran~.,
t. I, p. z61.
z. Voir Comm. Ex.,§ 54, LWll, p. 58-59.
.
PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS
le lit a sa fas;on 1 : le Christ est homme en un sens univoque, c'est-a-dire comme les autres hommes, mais il n'en demeure pas moins que la personne du Christ est celle du Verbe, paree qu'il n'y a dans l'Homme-Dieu qu'une seule personne ou hypostase, comme disent les Grecs. S'il n'en était pas ainsi, la personne du Verbe incarné résulterait d'une réunion et son unité ne serait qu'accidentelle. Ainsi la matiere qui n'a rien en elle-meme de l'etre de la forme est faite cependant pour la recevoir; les parties qui comme parties n'ont pas d'etre existent par leur tout et en lui; enfin l'homme qui dans le Christ n'apporte aucun etre hypostatique possede cet etre par le Verbe et en lui. Apres ce dernier exemple concernant le rapport de Dieu et de la créature dans le Christ, Eckhart revient au theme général de la quatrieme proposition, selon lequel la créature, considérée dans sa détermination essentielle, n'apporte aucun etre, aucune unité, etc. Ces correspondances peuvent etre schématisées comme suit : etre forme tout Verbe homme ce el matiere parties dans le (privation (privation (privation Christ de l'etre de l'etre d'etre) du tout) (privation de la de l'etre forme) hypostatique du Verbe) § 19 1. Lecture orthodoxe d'ailleurs, puisqu'elle énonce l'unicité de la personne de l'Homme-Dieu. A vec cet exemple, la théologie fournit un outil de pensée a la philosophie, mais cette philosophie est elle-meme l'instrument par lequel la religion chrétienne prend la pleine conscience d'elle-meme. « Personnel hypqstatique>> ··est "une ~xpression pléonastique.
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§ 19-2.1: COMMENTAIRE
Le paragraphe s'acheve sur une nouvelle argumentation a fortiori : le rapport de dépendance formefmatiere toutfparties est intérieur a la créature; le rapp~rt créateurfc~éature qu'il sig~ifie est celui d'u~~ dépendance bien plus forte, putsque la causahte divine est bien supérieure a toute autre.
§ 20. Ici commence l'argumentation fondée -~ur des raisons et non plus sur des exemples. La premtere preuve est construite sur l'opposition du créateur, cause premiere et universelle, seule donatrice ~'etre, et du hoc aut hoc qui, n'étant ni cause premtere et universelle ni créateur, ne donne pas l'etre. L~ te_xte augustinien qui suit, souvent cit_é par Eckhart, tnstste sur ce privilege de Dieu. Il est m~ér~ssant de relever une fois de plus que le Thurmgten conserve le moment affectif de la pensée d' Augustin. Cette excl~ mation : «Si quelqu'un ne comprend pas cela, qu y puis-je 1 ?» n'ajoute rien a l'objectivité du sens. § 2 I. L'argument suivant repose. sur un~ formul.e. qui est empruntée au Liber de causzs et _qu~ apparalt souvent aussi sous la plume du Thurtngten : «Le premier est riche par soi. » _Les élém~~ts dont elle se compase - « premier » et « rtche » - d~stgnent tous, les deux, aux yeux du Maitre, la fo~cu_on de conferer l'etre. Rappelons que la richesse mdtque non s~ule ment le pouvoir de donner, mais encore celut de donner sans souffrir de perte. La conclusion est introduite dans les memes termes ou presque qu'au paragraphe ~ré~édent: _«Done, aucun étant-ceci-ou-cela, etc.» Mats 1 auteur aJOute un § zo
1.
Con_(. I, 6,
10.
186
PROLOGUE A L'ffiUVRE DES PROPOSITIONS
§ z1-z3: COMMENTAIRE
rappel : s'il est vrai que l'étant-ceci-ou-cela ne donne pas l'etre, les formes qui le constituent «donnent l'etre-ceci-ou-cela en tant que ceci ou cela». Autrement dit, ens hoc se décompose en deux éléments d'origine ,différente: l'étant- pris comme prédicat et non comme copule- vient de l'etre lui-meme ou de Dieu qu'il signifie, comme Eckhart le dit a la fin de ce paragraphe, répétant le début du Prologue, tandis q.ue le ~eci tient ~ux formes des créatures (quoiqu'il att ausst finalement une origine divine). La distinction du don de l'etre et du don du ceci a déja été mentionnée a u § 1 1 : «La forme du fe u ne donne pas au feu l'etre, mais cet etre»; et l'expression «ceci en tant que ceci» se trouve au § 15, p. q6, 5. On sait d'autre part (§ 14 sub ftnem) que la forme a besoin de recevoir l'existence; elle ne saurait done la donner. La citation finale de saint Jean et le découpage qui y est introduit sont aussi des habitudes du Maitre. 11 faut lire non pas: omnia per ipsum jacta sunt («toutes ~hoses ont été faites par lui »), I?ais omnia jacta - per tpsum sunt (<
soit en vertu de l'art, sont, c'est-a-dire ont l'etre par lui - car "sont" et "etre" ont la meme signification, quoiqu'ils consignifient différemment -, et c'est ce qui suit: "Sans lui, ce qui a été fait n'est rien." Car, comme plus haut, tout ce qui a été fait, soit en vertu de l'art, soit en vertu de la nature, sans Dieu d'ou vient l'etre n'est rien 1. »
§ 22. Le troisi<~me argument rebondit sur la conclusion précédente: il énonce qu'en dehors de l'etre toutes les choses sont néant, «meme les choses faites ». Les reuvres._de la nature et de l'art doivent done se soutenir dans l'etre en vertu d'une causalité supérieure. Supposons maintenant - raisonnement par l'absurde- que l'etre leur vienne d'un autre que de Dieu, il s'ensuivrait que Dieu n'exercerait pas son action créatrice universelle ou que son action serait nulle. Mais cette conclusion contredit le témoignage · de la Bible. Done aucun ,autre que Dieu ne donne l'etre. Le recours final a l'Ecriture ne signifie pas que nous soyons en présence d'un argument d'autorité. Cette troisieme preuve implique comme les autres la these que l'etre est Dieu, et l'on a vu qu'a l'appui de cette proposition les arguments de . raison et les arguments d'autorité ne constituent pas deux genres distincts dans la perspective ou nous sommes d'intelligence de la foi. · § 23. Dans le quatrieme argument, le Maitre rappelle qu'il n'y a ríen dans le bon-ce~i ou le bon-cela ni dans l'étant-ceci ou l'étant-cela qui ne tienne de l'etre et dans l'etre tout ce qu'il a d'etre (ou d'etre1
1.
§ 19, LWII, p. 340. Voir Comm.Je~n, §53, LWIII, p. 44·
188
PROLOGUE A L'ffiUVRE DES PROPOSITIONS
bon,. etc.,). Il en c,o~~lut que le ceci ou cela, qui est passtf par rapport a 1 etre, ne va pas changer de role et renyoyer a l'e~re une partie de ce qu'il en a re<;u. Cette cuneuse mentton d'un reflux de l'etre des choses vers leur ca!lse se~ble suggérée par une faute dans la t~aductton l:tt~ne du co,mm~ntaire de la propositton 34 des !flement~ de theologte de Proclus. On y lit en effet que «1 etre e~tte! de tout .ce qui se convertit par nature vers son prtnctpe recurrtt, "rebrousse chemin" vers ce vers quoi il opere une conversion essen~ ti~lle 1• » Or recurrit traduit le grec &.vl¡pn¡'t"ocL qui veut dtre «est su.s~endu a», «est dépendant de». La lecture du texte ongtnal de ce passage proclusien ne suggere done nullement que l'etre du dérivé revienne ·en arriere vers son origine ou retourne a elle - comme si 1' ~rigine avait. p~rdu quelque chose et qu'il falh1t le lut rendre -, mats seulement qu'il se convertit ou se tourne vers elle. Mais peu importe ici la vérité du texte de Proclus. Eckh~rt éclaire s~ pensée ~n donnant l'exemple d'un boucher blanc qut ne sa~ratt, en tant que récepteur de la ?I~~c~eur, en devemr le renvoyeur. Passivité et acttvtte s .excluent. Cet exemple indique la correspondance sutvante : blancheur bouclier blanc
etre cet étant
L' accident « blanc » illustre le cas du transcendantal «étant?>~ comme au début du Prologue a /'(Euvre des propostttons et a u § 12 du Prologue général. Quoiqu'ils Texte latin daos la note de l'édition de Stuttgart (LW I 179); texte..,grec daos PRocLus, The Elemenls oJ Theology' cd. Dodds, Oxford, p. 36. · · ' I.
1?·
§ z.3: COMMENTAIRE
soient aux antipodes l'un de l'autre par la dignité métaphysique, le transcendantal «étant» et l'accident « blanc)) peuvent etre considérés tous les deux comme entretenant avec leur paronyme «etre» et « blancheur» une relation semblable de dépendance. Eckhart soutient que seule la cause de l'etre donne l'etre, la cause seconde ne communiquant que la détermination spécifique. A partir d'ici et dans le paragraphe 24, il a pour objet d'établir que la dualité des causes en présence ne met pas en périll'unité de leur effet. Il énonce une proposition générale, propose ensuite une corpparaison et conclut enfin par la considération directe des deux causes en question. La proposition établit que si les différentes propriétés d'une chose la concernent dans sa totalité en vertu chaque fois d'une cause unique, la chose est vraiment une :la chose peut avoir plusieurs causes, elle n'en est pas moins une, si ces causes unes se compénetrent dans leur effet en le produisant chacune tout entier. La comparaison est celle du corps mixte dans lequel chacune des formes accidentelles qui l'affectent tout entier ne releve que du príncipe propre de cette forme. On remarquera l'usage qui est fait deux fois du mot «ajouter»: nous lisons que la quantité produit son effet propre sans que quidquid quantitatis soit ajouté par une partie · quelconque constitutive du mixte; de meme pour la qualité. La tournure de la phrase rappelle l'énoncé de la quatrieme proposition qu'il s'agit ici d'expliquer: Eckhart y posait que nihil entitatis n'était fourni par le «ceci ou cela», l'etre venant au ceci sans que le ceci ait un role a jouer a cet égard. Dans la derniere phrase du paragraphe, le Maitre en vient aux deux causes qu'il a en vue, la cause seconde et la cause premiere, a sa voir la forme substantielle et Dieu seul, dont les effets sont respecti-
-
PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS
vement l'etre de la forme- par exemple l'etre de la pierre - et l'etre pris absolument. Quoique nous soyons en présence de deux causes, le résultat est un meme «tout composé», et cette unité est d'autant mieux garantie que les causes en jeu sont plus fondamentales.
§ 24. Les considérations qui suivent sont suggérées par la fin du paragraphe précédent ou il était question, a propos de la pierre, de son etre forme! et de son etre tout court. Le Maitre observe qu'une pluralité de causes peut s'exercer sur le meme effet sans détruire son unité. Les quatre causes aristotéliciennes n'apportent pas a la chose quatre etres différents : c'est le meme etre qui est produit tout entier sous les quatre rapports différents de la finalité, de la formalité, de la réceptivité (et de l'efficience). Ces causes ne produisent pas des choses différentes, mais une seule sous des rapports différents. Eckhart mentionne encore le cas de causes du meme genre : subordonnées les unes aux autres, elles produisent le meme effet en une action unique. Elles s'unissent en un effort commun, l'inférieure agissant sous l'empire de la supérieure 1• Une fois de plus, Eckhart conclut a fortiori en déclarant que cela est bien plus vrai quand une cause inférieure se
1.
Voir THOMAS d'AQUIN, In Metaph., L. V, lect-n, Marietti,
§ 77 3, p. z 13 : « Car il est impossible que du m eme selon le m eme genre il y ait plusieurs caus~s par soi du meme ordre, quoiqu'il puisse y avoir plusieurs causes de telle maniere que !'une soit proche et l'autre éloignée ou que ni !'une ni l'autre ne soit cause suffisante, mais !'une et l'autre ensemble, comme on le voit quan~l.rplusieurs tiient un na vire.»
. § 13-1 S : COMMENTAIRE
compose avec la cause divine premiere 2 • La dualité des causes seconde et premiere compromet d'autant moins l'unité de leur effet qu'elles sont plus fortement hiérarchisées. En résumé, nous avons appris au paragraphe précédent que la diversité d:s causes d'une chose n_e nuit pas a l'unité de celle-ct, quand la chose re~olt tout entiere l'effet propre de chacune de ces causes. Au § 24, l'auteur a ajout~ que des causes de gel}res différents peuvent prodmre en une chose le meme etre sous d'autres rapports. Il a noté enfin que les causes subordonnées du meme genre ont la meme action et le meme effet. Or, la cause seconde et la cause premiere produisent chacune, dans la ~hose tout entiere, son effet propre, non pas deux etres, mais un seul sous des rapports différents; et, quoique distinctes par le genre, l'une agit sous l'empire de l'autre tout en conservant sa fonction spécifique. La cause premiere fonde l'opération de la c~us~ ~econde et apporte au meme effet ce que la cause mfeneure ne peut lui offrir.
§ z 5. Le dernier para~raphe donne,_le ~é.sumé ?~
Prologue. Il se peut, dis10ns-n~ms, qu, 1l n a1t p~s. ete composé par Eckhart. Sa parttculante. est de ~1v1s~r l'opuscule en sept points au lieu des s1x menuonnes par le Maitre. Cette différence est obtenue en partageant le troisieme para~raphe, ~u. Pr?log~e, c'est-adire la seconde observauon prehmmaue. L auteur du résumé considere comme une chose la distinction
z. Sur la subordination de la cause seconde a la ~ause premiere chez Thomas d' Aquin, voir par exemple Som. theol. I, q. 105, a: 5; Comp. theol., chap.q5.
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PROLOGUE A L'<EUVRE DES PROPOSITIONS
entre l'étant et l'étant-ceci-et-celat, et comme une autre la différence établie entre les deux fonctions de l'étant dans la proposition: la deuxieme distinction est selon lui la raison de la premiere. Apres ce prol~g~e, l'(Euvre ~es propositions devait com~~ncer tmm~?tatement, pmsqu'on trouve ici la premtere proposttton du premier traité: «L'etre est J?ieu», l'adjonction «etc.» indiquant la démonstratlon de cette proposition, dont le § 1 z du Prologue général nous donne une idée. Personne ne contestera l'unité doctrinale du deuxieme Prologue et l'accord de cette introduction avec la précédente. Le deuxieme Prologue est dominé par une problématique unique : la distinction au sein de l'ét~~t porte~u ?'u~e détermination spécifique de deux_ el~~ents mdtques par le langage lui-meme, a savmr 1 ~tant, relevant de la cause premiere dans la perspectlve du rapport de dépendance de l'étant vis-a-vis de l'etre lui-meme, et le ceci ou la déterminat~?n qui _est l'effe~ ,d~ la cause seconde. Quand 1 etant-cect est constdere comme étant, le ceci s'efface et l'ét~nt renvoie a l'etre lui-meme; quand l'étant-ceci e~t prts" en tant que ceci, c'est cette fois l'étant qui dtsparatt en se transformant en simple copule. A ces deux aspec~s de toute créat':re correspondent done deux ~o?ctwns du verbe etre et deux types de propostttons. Dans le premier cas, la proposition dite de second adjacent, le verbe etre sous la forme du participe «étant», est le prédicat, avec les transcen-
. I. A ce ~r~pos, il introduit une obs~rvatio~ qui est faite plus ~ot_p a u § 5.· .J et.ant est un seulement et ll est Dteu, tandis que les
etants-cect-ou-cela sont plusieurs.
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COMMENTAIRE
dantaux qui lui sont associés; dans le second cas, la proposition de troisieme adjacent, le prédicat est le ceci, et les transcendantaux sont copules. La premiere des .. qua tres. theses que pose em~uite le deuxieme Prólogue concerne l'etre que sign!fie l'étant; la quatrieme regarde le céei; les deux theses intermédiaires sont relatives a l'étant déterminé pris d'abord dans sa simple dépendance, puis dans sa dépendance immédiate,. par rapport a l'etre lui-meme et aux autres transcendantaux. La distinction de l'«étant» et du «ceci» crée les deux aspe.cts, positif et négatif, de la relation de la créature ·- a Dieu. Comme «étant» , la cr~ature es~ cc_msid~iée. dans l'etre qu'elle re~oit de Dteu, elle stgmfie Dteu; comme « ceci », la créature est prise .en elle~meme, comme n'ayant rien par ellememe de ·l'etre qu'elle re~oit de Dieu. Quant au Prologue général, il enseignait la meme d_octrine. En· effet, 'dans le plan de l'Opus propositzonum, Dieu s'opposait a la créatute comme l'etre au . néant ou la substance a l'accident. Vide par ellememe, incapable d'apporter de l'etre, la substance avait done le meme statut que le (( ceci)) du deuxieme Prologue. Les remarques subséquentes présentaient les transcendantaux et les perfections spirituelles en ~~finiss~nt leúr rappórt au su jet mi a.la substance par 1 !?ve;swn. du rapport des accidents a leur su jet d tnherence .. On retombait done sur la perspective ouverte pfir le plan de I'Opus propositionum: la substance créée apparaissait face a Dieu dans le role de l'accident. Mais l'accident, comme le «ceci», dépourvu d'etre par l:ui-meme, peut se concevoir aussi dans l'etre qu'il re~mt _de Dieu. Alors, lo in de s' opposer a Dieu, i1 va de patr avec 1'esse qu'il signifie, pour employer le langage du deuxieme Prologue. Il y a une do u ble
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PROLOGUE A L'CEUVRE DES PROPOSITIONS
lecture. de la relation du supérieur a l'inférieur : l'inférieur se révele comme v~de ·par soi du supérieur, o u au contraire comme rempli de. sa présenc~, comme habens esse. Ainsi se trouveht annoncées, ·dans le Prologue général, no~ seulement la premi~re et. la quatrieme proposition du Prologué. suivant - o u l'étant qu'est Dieü s'oppose au ·«.ceci» de la créature -, mais encare les· deux P:l"opositions interm~ diaires selon' lesquelles le «ceci» participe a l'étant. Les Prologues sont done . en. harm6nie l'un avec l'autre et constituent a eux deux un véritable traité des rapports de la créature et du créateur. A considérer les choses avet'sérénité, C(!S textes ne contiennent rien de choquant. Le M~itre ne nie pas les causes secondes, puisqu'il leur laisse leur effet propre, le « ced », et. il est évident que les . causes secondes n'agiraient pas si elles é~aient frappées d'inexistence. La Thutingieri ne cesse de suggérer que l'etre des· créature~ est produit p~r Dieu: ah ipso omnia st~nt. Toute cause a un effet; or stle mot «cause» a un sens,c'est bien dans le' cas d~la cause'premiere. Considérer · l'étant.:.ceci eó.. tai:it que· ceci, ce n'est absoluinent pas nier que d'autré part 'il soit un étant. La proposition de tr_oisieme ~~jaceni.n'~st pas la seule qu'on púisse former au sujetde ~ierre ou de Martín. Et dire que la ctéaturé n'est rien par elle""meme, _ce n'est pas esppechér qu'elle soit p~r un autre_ et done qu'en un certain sen·s elle soit. · · ·.·. .. 11 y ·a un esse rerum qti' on ne péut nier sans contresens, mais il demeure vrai que :Maitre Eckhart ne fixe pas cet etre des choses dans sori. altérité par rapportá Dieu~ Commecelui de l'acci.dent, l'etre de la créature, venu d'ailleurs, est fondé atlleurs. Le Thuringien privilégie un point de vue, celui qui consiste a saisif l'·etre des choses dans son origine plutót qu'en
COMMENTAIRE
·lui-irieme. 11 considere moins. le ·résultat de l'action divine que cette action elle-meme, l'investissement des substances par l'etre, de Di,eu, son .operatio_?immédiate en elles. Ains1 la creature lut appa.ralt comme étant de l'etre d'un autre, a savoir le créateur. U n'y a rien de plus conform~ a la vérité traditi<:>n..: nelle. Il s'agit si peu de panth~tsme en .cela q?e J?teu n'est l'etre du monde que s d. est Dteu lut.:.meme, c'est-a-dire ~ans mélange avec le monde. Dieu n'est tout entier dans le monde qu'a la condition d'etre tout entier en dehors du monde, puisque, s'il ne l'était ,.· . . pas, il ne ·serait pas-o Dieu. Le monde existe, mais sans qu d solt permts d'utiliser a son propos le verbe e~re au s.ens propre. Le · rapport a un sens propre a. la fms fonde la différence de la créature et du créateur et l'annule, paree que le sens dérivé n'est pas le sens propre et que le sens dérivé n'existe que par et dans le sens propre. U y a un esse rerum, mais qui est par et dans l'ess~ tout court. 11 est toujours possible de mettre en rehef un aspect des choses, pourvu qu'on ne nie.pas les ~utres. Maitre Eckhart_~ah que l'ceuvre de Dteu ex-,stste. 11 sait aussi que la vérité de cet et~e ne ·se decouvre pas dans son .·etre-é~-dehors, mats dans. sa .source. Dominé par le serittment. de·. la subord~natt
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PROLOGUE A VCEUVRE DES PROPOSITIONS
de la foi. Qui n'est pas nominaliste, pascalien ou kierkegaardien parmi ceux qui croient encore? Il faut pourtant arriver asaisir comment la rationalité la plus technique et la disposition religieuse la plus élevée peuvent vivre et prospérer ensemble, a moins de renoncer a saisir l'unité de la pensée eckhartienne. La construction d'un édifice intellectuel rigoureux fait partie intégrante de l'intention religieuse, quand elle en est l'effet, qu'elle l'exprime et la soutient. Car il arrive que cette construction rationnelle se réalise sous la motion de l'élan re_ligieux et mystique, et que par conséquent; cet édifice de, rais.ons: indique cette disposition religieuse. et l'entretienne. . , Sans doute ·existe-t-il ·des. formes de piété qui tournent le dos a l'intelligence, mais elles laissent l'intelligence en dehors d'elles sans justification ni emploi ou livrée a des usages étrangers, voire hostiles, a la religion. 11 faut done se garder de confondre la conception de l'intelligence que suppose cette forme de piété avec: l'idée que d'autres ont pu s'en faire. Jamais le Thuringien n'a pensé que l'intelligence dut servir ;a autre 'cho.s(! qu':l. ·comprendre la vérité supré~e, soit qu'ell~ 1!! fit. en méditant des exemples .i póur lui, le. savoir aristotélicien sig{iifie la vérité religieuse cqrr-u;ne l'étant sig~ifie )'étre '---, soit qu'elle institúat; ·avec: l'aide dé philosophes platoniciens, les cadres conceptuels dans lesquels la disposition religieuse et mystique de l'homme est a l'aise et s'accomplit.
11
COMMENTAIRE DE LA GENESE
(traductiqn et notes
.par
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A~ de ··~t ·E~·
Llbéra, E.. Weber ·. Zurp·: Bru.nn) .
INTRODUCTION 1
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1
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Comme la quasi-totalité de ses Commentaires, le Commentaire de la (;_enese d'Eckhart est une exégese biblique dont l'orientation se définit largement par les exigences de la prédication 1• De ce fait il ne s'agit pas d'un commentaire suivi du texte sacré, mais, conformément aux principes de synthese théologique annoncés dans les Prologues2, de l'élucidation d'un certain nombre de passages choisis pour leur charge doctrinale et insérés dans le tissu de la liturgie, comme l'atteste le recours quasi systématique aux Psaumes et aux autres textes bibliques familiers aux célébrations. De toutes les reuvres d'Eckhart le Commentaire de la Genese est celui qui passe pour avoir retenu le plus l'attention des censeurs. La premiere liste d'accusation établie par la commission de Cologne réserve effectivement l'essentiel de ses critiques a ce qu'elle appelle «le premier Commentaire de la Genese»,
r. V o ir Pral. gén. § z, o u Eckhart déclare répondre aux sollicitations de ses confreres precheurs. Et, au Camm. Cm., le § z8 5, ou il est fait allusion aux techniques rhétoriques mises en reuvre pour le sermon. z. Cf. Pral. gén. § z; Pral. CEuv. exp.
200
CQMMENTAIRE DE LA GENESE
titre d'ailleurs repris par Eckhart lui-meme dans sa Défense. En réalité cette appellation recouvre des éléments de provenance diverse, le plus souvent empruntés aux Prologues} au Commentaire de f Exode} voire au Commentaire de la Sagesse. Plusieurs passages n'en sont pas moins tirés du présent Commentaire de la Genese. Ces memes passages sont repris quelques années plus tard par la Bulle «In agro dominico» qui les répute «erronés ou entachés d'hérésie, tant par les termes _employés que par l'enchainement de leurs idées»3. C'est le cas notaminent.de l'interprétation de Gn I ' I o u Eckhart se voit reprocher a. la fois de precher qu'il y eut un temps ou Dieu n~était pas et de poser que le monde est coéternel a Dieu~ .. Tous les grands themes abordés par Eckhart sont cependant loin d'etre per~us comme «malsonnants, téméraires et suspects d'hérésie». De fait,. des six principaux, seuls.les deux premiers paraissent effective~ent réclamer l~s « explications. et compléments » voulus par Jean XXII pour qu'ils «puissent prendre ou avoir un sens catholique»: création dans le Verbe; coéternité du monde au V erbe, théorie des éléments du cos'mos, eréati.on de l'homme a l'image dé Qieu, repos de .Dieu, sens de ·la. division des s~xes .. .Chacun de ces· themes est traité. en profondeur par uri ·théologien soucieux de rassembler. dans. son exégese le mdlleur des techniques et des s'avoirs camposan( la culture. philosophique. et scientifique de son époque. D'ou le recours massif aux écrits physiques et cosmologiques d' Albert le Grand ( Météores} Du Ciel} De la génération el corruption) J. aux écrits médi-
INTRODUCTJON
1
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3· Vo!r la f3ulle.« In agro dominico>>, Enchiridion, na 979·
DENZINGER-ScHONMETZER,
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201
caux, notamment d' Avicenne, aux textes juridiques ( Décret de Gratien, Décrétales). Ce désir d'actualisation le conduit meme a accentuer, a la suite d' Albert, la valeur positive et spirituelle de la dualité des sexes que la mentalité encratique de la tradition augustinienne considérait avec suspicion. Loin·de n'óffrir qu'un intéret pU:rement historique, le présent Commentaire de la Genese hous ménage un des principaux ·acces ·conduisant au creur de la difficile pehsée d'Eckhart. L'ouvrage· remarqué de VI. Lossky, Théologie négative et connaissance de pieu chez Maitre Eckhart, fonde principalement sur cette reuvre toute son interprétation. Chaque e:X:égese est 1'occasion d'une manie~e d'inventaire des raisons et des lieux propres a ouvru le sens profond d'énoncés qui enveloppent· tous les aspects, physiques· et spirituels, de la condition humaine et par la appellent la synthese de tous les savoirs afférents. La vision architecturale d'ensemble esquissée dans les Prologues trouve ici sa réalisation · .. ponctuelle; C'est ·ainsi que le theh1e class~que de la créati
.202
COMMEN"I:AIRE DE LA GENEsE
contr~~erses :·t:héologiques XI Ve stecle natssant.
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1 1:
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et philosophiques du ·· · · C'est ainsi encore que le theme du repos de Dieu est orchestré en plús de vingt « raisons » qui tendent toutes, · a leur maniere· et avec leurs ressources propres, a rapprocher J'homme viateur de la bienheureuse quiétude· de l'etre ·divin. On voit que la fin ·de l'exégese eckhartieó.ne est aussi éminemment pratique sans cesser d'etre spéculative. · La cohésion avec les Prologues est évidente. Premier de tous les Commentairespar l'ordre des matieres, 1' Expoiition de la Genese est aussi la premiere mise en reuvre de la méthode ptécédemment définie. Lisant le dessein du · salut dans chaque passage de la Bible, Eckhart enseigne a relier sur un plan contemplatif la diversité -des pages bibliques proclamées par la liturgie. · · ·· . Outre l'exégese de Gn 1, 1 («Ati. commencement Dieu créa le del et la terre») telle qu'elle est dessinée dans le Prologue général aI'(Euvre tripartite (§§ 14 et ss.), Eckhart renvoie fréquemment aux traités composant l'(Euvre des propositions. Les références semblent indiquer qu'une partie notable de 1' ouvrage était rédigée ou sur le point de l'etre au moment ou le Commentaire de la Genese a été écrit. De ce point de vue les indications éparses de l'(Euvre exégétique s'averent précieuses pour tenter de reconstituer les lignes de . force de cet Ouvrage perdu. . On notera également qu'Eckhart renvoie chaque fois qu'ille juge nécessaire a son «·second Commentaire de la Genese»: le Livre des Paraboles de la Genese. Preuve qu'il ne les considere ni co:mr;ne redondants ni comme concurrents. De fait, dans les Paraboles, c'est mo~n~. !a l~ttr~ que le sens · allégorique qui motive l'exégete. On peüt cependant imaginer que l'existence
INTRODUCTION
de deux Commentaires l!lenés de front, quelque différents qu'ils soient, a incité Eckhart a passer plus rapidement sur certait:ls aspects du dernier. tiers du Livre commenté : aussi bien nous offre-t-il alors plus un dossier compilé a partir d' Augustin et de Malmoni de qu'un trayail suivi d'interprétation. Comme on l'a dit dans l' Avant-propos, le texte servant de base a la traduction est celui de K. Weiss (LW I p. 185-444) dont.on a suivi tes lec;ons et la numérotation en paragraphes. On notera a ce sujet que le texte ne comporte pas de § 82 ni· de § 21 3. En effet ces deux §§, at!estés ·dans le manuscrit d'Erfurt (E; publié par Wéiss, LW I p. 63 et 83 pour ces deux §§), mais absents c;les deux principaux ténioins de la tr~dition du texte (manuscrits de Cuse et de Treves), ont été a juste .titre écartés par l'éditeur4. Seul le § 8 2 présente un certain intéret, sans toutefois proposer de doctrines originales 5•
4· Voir les observati<;>ns de K. WEISS, LWI p. 9-.21: le ms E représente un état premier du texte. · - · · 5· Le § Sz· (ms E) rattache au ·therrie biblique des eaux supérieures et des eaux. inférieures la doctrine du double eti:e propre atoute créáture. Voir ci~dessous Comm. Gen.§ 81 et § 77·
PROLOGUS IN OPUS EXPOSITIONUM I
PROLOGUE A L'CEUVRE DES EXPOSITIONS
( Premiere version)
i
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In principio creavit deus caelum et terram. Operis tripartiti pars tertia principalis, opus scilicet expositionum, incipit. . Ubi prooemialiter praenotandum quod transcurrendo secundum ordihem vetus et novum. testamentum ah exordio usqrie in finem ea, quae pro tune se ·offerebant et qua e me dixisse aliquando ·circa auctoritatum· exposiciones menioriae ·occurrebant, annotavi. Prolixitatein tamen vitans plurima b:reviare curavi aut penitus . omittere, sane. ne meliora et utiliora circa expositiories ·huiusmodi, qua e vel sancti vel venerabiles doctores, praecipue frater· Thomas scripsit, neglecút-viderentur. Interdum, licet raro, ubi talia invenientur ah iisdem exposita, notare hic volui et quandoque ·etiam succincte tangenda iudicavi. Incipiamus ergo ét dicamus ': In principio etc.
1. ~ présente version du Pro/og~~e n'est pas attestée dims les ms. d Erfurt ~t de Cuse. Nous donnons done séparément la «Seco~de verSJOO>~ (E, col. 83, e, f. S9 rb). Pour tout ceci, cf. L'r_.I, p: I8l-·184. On _remarquera que la «premiere version»
Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre (Gn 1, 1 ). Ici commence la troisieme partie principale de l'(Euvre tripartite, c'est-a-dire l'<Euvredes expositions. Il faut noter au préalable _qu'ayant parcouru dans l'ordre 1' Ancien et-le Nouveau Testaments, du début jusqu'a la fin, j'ai noté, au fur. et a mesure, ce qui se présentait et ce que je me souvenais d'avoir dit pour expliquer les autorités. Toutefois, voulant éviter les longueurs, j'ai pris soin (ici) d'abréger un grand nombre (de le~ons) et j'en ai mem~ omis certaines pour que l~on n'ait pas l'impression queje négligeais ce que les Peres et les Docteurs les. plus admirés, principalement frere Thomas, ayaient écrit de meilleur et de plus utile -~ ce genre d~exposition,. . . Ici et la, rarement a·vrai dire, j'ai tenu a indiquer a quel endroit on trouvait ces explications, parfois aussi j'ai jugé opportun d'en traiter succinctement. Commen~ons · done et disons : Au commencement, Dieu créa le ciel et la !erre t.
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enchaine directemént sur l'explication- de Gn 1, 1. On notera aussi qu'ari § 88 de son Commentaire. Eckhart renvoie explicitement aux promesses de brieveté faites _dans le Prolog11e.
PROLOGUS IN OPUS EXPOSITIONUM II
PROLOGUE A L'CEUVRE DES EXPOSITIONS '·
In quo opere sunt quinque advertencia .. Primo_ quod in expositione auctoritatis, de qua tune agitúr; plurime et plerumque adducuntur aliae auctoritates canonis, et illae omnes auctoritates possunt in locis suis exponi ex ista, sicut nunc ista per illas ... 1.
2. Secun4o notandum·- quod omnes auctoritates adductae et in:super inductae quási incidenter' in suis locis semper exponuntur diffusius, unde qui ipsas vult plenius intelligere, ibidem _requira~. -
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i 1
3· Tert~o advertendum quod huiusmodi auctoritates frequenter adducuntur praeter· intentionem primam litterae; secundum veritatem tamen et proprietatem litterae faciunt ad propositum, sicut est illud: « Modicum et iam non videbitis me», lo h. 16, et illud : « Modicum fermentum totam massam corrumpit», .Cor. 5, et quam plurima pluries similia. Hoc autem utiliter et fructuose fieri- docet Augustinus _a:"Jn-r6,·r6. ·- _ b.
1
Co 5, 6.
( Seconde version) . Cette reuvré contientcinq point remarquables: 1. Dans l'explication d'une autorité, ce dont il va maintenant s'agir, je cite souvent et en grand ·nombre d'autres autorités du Canon, mais toutes ces autorités· peuvent etre expliquées grace a elle, la ou elles se trouvent, de la meme fasonqu'elles l'expliquent ici.
2. Il faut noter que toutes les autorités citées· et ajoutées au passage presque incidemment, sont toujours expl~quées plus en détailla ou elles se trouvent. Ainsi celui qui. veút les comprendre mieux n'a qu'a s'y reporter. · ' · ·
3· Il faut prendre garde au fait que les autorités de ce genre sont fréquemment citées en dehors de leur sens littéral-immédiat, toutefois, si l'on· regarde quelles sont les véritables propriétés de la lettre, elles restent a propos ..C'est le cas, par exemple, de Jn 16: « Encore un peu et vous ne me verrez plus a» et de Co 5 : «Ne savez-vous pas qu'un peu de levain fait lever toute la pate?b» et de bien d'autres passages
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PROLOGUS IN OPUS EXPOSITIONUM 11
PROLOGUE A L'<EUVRE DES. ESPOSITIONS 11
XII Confessionum tractans illud : «In principio creavit caelum et terram», Gen. 1.
semblables. C'est cela qu' Augustin enseigne a. faire utilement et fructueusement, en Confessions, XII 1, quand il explique Gn 1 : «A u commencement, Dieu créa le del et la terree. »
4· Quarto sciendum quod pro vitanda prolixitate operis fr.equenter circa auctoritatem tangitur solum distinctio et quaedam notanda in · illa et ex illa auctoritate, quae habetur prae manibus, prosecutio autem et concordantiae scripturae reservantur prudentiae lectoris. Propter quam brevitatem etiam multa et notabilia volens omisi. 5· Quinto notandum quod auctoritates principales plerumque multis modis exponuntur, ut qui legit, nunc istam rationem, nunc aliam, unám vel piures accipiat, prout iudicaverit expedire. c. Gn 1.
1, 1
Cf. AuG., Les Confmioni, XII, xvn, 24-XXXII, 43' (BA 14,
p. 378-423)·
·.._:.
4· Il faut savolr que pour éviter d'allonger excessivement l'CEuvre, c'est souvent qu'a propos de telle autorité je me contente de faire des distinctions et de marquer certains points notables, qui s'y trouvent ou en découlent. Je laisse ainsi a la prudence du lecteur le soin de continuer et d'établir la concordance de l'Ecriture. C'est par ce souci · de brieveté que j'ai volontairement laisse de coté beaucoup de choses remarquables. · · · 5· Il faut noter que les autodtés principales sont, en général, expliquées de nombreuses fa<;ons. Ainsi le lecteur peut-il prendre tantot telle explication, tantot telle a~tre, J.me ou bien plusieurs, comme il juge plus expédient de le faire.
TABULAAUCTORITATUM LIBRI GENESIS
TABLE DES AUTORITÉS DU LIVRE DE LA· GENESE
CAPITULUM PRIMUM
CHAPITRE PREMIER
In principio creavit · deus caelum et terram. Hae.c_ est ~ri~a atictoritas primi capituli G~ne~t~. lbt mv~ni~s ·primo quod hoc prtnctptum est ratio tdealis et ratio rerum quam. nomen indkat et diffinitio signat. ltem_ quod hoc principium est intellectus, secundum illud Psalmi : <
AUCT. I
a. Ps
135,
5·
b. Ps
101, 26.
c. He
1, 10.
1._ «Aut~rité>?, auctori~as, c'es~-a-dire texte de référence (scripturatre, theol<:>gtque,, pht!osophtque) qui sert de fil conducteur au ~.?m~enp~ue .de l Ecnture. En effet ce n'est pas l'intégralité du .texte qm est commenté. · ·
;\UT. l
Au,commencement, Dieu créa le ciel et la ·terre ( 1 , 1 ) . · . C'~st la premiere autorité t du premier chapttre de la Genese. Tu trouveras la, en premier lieu,. que ce commencement est la Raison idéelle ~t la Raison des choses, que le nom_indique et que la définition signifie. De plus, que ce commencement est l'intellect, selon ce passage du Psaume: «Il a fait les cieu}{dans l'intellecta. » Enfin aussi, que ce commencement est l'instant de l'éter· · nité. . En second lieu, tu trouveras pourquoi Moisé a d'abórd parlé du ciel,, alors que dans le Psaume b et dans l'Epitre aux Hébreuxc c'est la terre qui vient en premier: «Au commencement, Seigneur, tu as fondé la terre. » ·
La Te:ble des Aritóri~és, reuvre_ d'Eckhart, est plus qu'un simple sommatre : elle fourmt au lecteur, c'est-a-dire au prédicateur un choix réfléchi de themes et d'intérprétations. · '
r~,-·····-212
T ABULA AUCTORITATUM L. GENESIS
TABLE DES AUT. DE LA Gn., 1,1-1
•
Tertio habes ibídem quomodo ab uno simplici possint immediate plura produci, quia deus unus creavit caelum et terram. Ad quod respondetur ex via communi et ex Thoma, secundo ex A vicenna, tertio ex Alberto, quarto, quinto_ et sexto aliter quidem, satis pulchre, ut videtur. Quarto exponitur praemissa auctoritas moraliter, quare Moyses prius caelum nominet quam terram. Quinto invenies duo, quae Rabbi Moyses ponit circa hoc quod dicitur : in principio creavit deus _et terram etc. Et sub eoderl'l decem alias modos exponendi verba praemissa sive litteraliter si ve moraliter. Ultimo habes ibídem quomodo duo, et duo tantum, ~aelum scilicet et terra, dicuntur in principio creata, et quomodo unitas, imparitas . et indivisio sunt deo propria, dualitas autem, paritas, numerus et divisio propria . sunt creaturae sive rebus creatis.
AUCT. 11
Terra autem erat inanis et vacua. Ubi invenies plura notabilia de natura terrae, ignis et numero elementorum, de natura et nomine. inanis .et vacui.
21~
-·. · En · troisieme· lieu,· tu .verras la aussi comment. plusieurs choses peuvent etre produites immédiatement par un seul etre simple, puisqu'il est dit que Dieu, un, créa le cielet la terre. A quoi on répondra d'apres la doctrine commune et d'apres Thomas; deuxiemement d' apres A vicenne; troisiemement d'apres Albert; quatriemement, cinquiemement et sixiemement de fac;on encare différente mítÍS assez ~elle, a ce qu'il semble.' En quatrieme lieu, ladite autorité est interprétée au sens moral : pourquoi Molse a-t-il nommé le ciel avant la terre? En cinquieme · lieu, ·tu trouveras deux choses que Maimonide propase au sujet de ce qui est dit : Au commencement Dieu créa le ciel et la terte. Et a la suite dix autres fac;ons d'expliquer ces ·mots, soit au sens littéral, soit au sens moral. Pour finir, tu tro~veras hl comment deux et deux seulement, a savoir 'le .ciet et la :terre;' sont dits avoir été créés au commencement, et comment · l'unité;·l'imparité et l'indivision sont propres. a Dieu, m~is. l.a d~alité, la parité,, le nombre · et la· dtvtstori sont propres a la créature ou aux choses créées. AuT. II·:.
Mais< la· terre · était vide et vacante {I;·.za). · . Ou: tu trouveras phisieurs points notables concernant la nature de la terre, du feu, et le nombre des éléments, la nature et le nom· du vide et du vacant.
214
TABULA _AUCTORITATUM L. GENESIS
Aucr. III
. Tenebrae e_rant s~per faciem abyssi. Ubi habes sex aut septem fationes quomodo tenebrae, privatio scilicet, sit super abyssum, id est super matériam. ltem sex rationes quomodo rion solum privatio est super abyssum, sed super faciem abyssi, et quomodo abyssus didtur materia. .
Aucr. IV
Spiritus dei ferebatur super aquas. Ibi habes tres rationes pulchras, et etiam quartam quomodo et quare terra non. est tota operta_ et' inclusa aquis; et iteiúm novem modos quibus hoc moraliter exponitur. ·
Aucr. V
Dixitque deus .. Fiat lux. Vidit.deus)ucem quofi esset bona.
Aucr. VI Aucr. VII Aucr. VIII Aucr. IX AUCT. X
Aucr. XI
Divisit lucem a tenebris. ' . Appellavit diem lucem et tenebras noctem. Factumque est vespere et mane dies unus. . Istud exponitur litteralitet:,et moraliter. ~
.'
.
;
Fiat firmamentum. in medio aquarum. -· - Ibi invenies de duplici . esse ommum
TABLE DES AUT. DE LA Gn., 1,
AuT:III
3-11
Les t~nebres régnaient sur la face de l'abime (1, 2h). · . Ou tu trouveras six óu sept ratsons de ce que les ténebres, c'est-a.;.dire la privation, sont sur l'abime, c'est-a-dire la matiere. De plus six raisons de ce que la privation n'est pas seulement sur l'abime, mais sur la jace de /'abíme, et de ce que la matiere est appelée abime.
AUT. IV
L'esprit ·de Dieu planait au-dessus des eaux (1, 2). La tu trouveras trois belles raisons et meme une quatrieme expliquant comment et pourquoi la terre n'est pas tout entiere recouverte et entourée·par les eaux. Et de plus neuf manieres d'expliquer ceci au sens moral.
AUT. V
Et Dieu dit (1~ 3). · · Que la lumiere Soit (1, 3). Dieu :vit·"- que ia .:luÍniere était bonne ( 1, 4). 11· :. dl.visa la ' lumiere · d'avec les ténebres ·(1; 4). · 11 appela la lumiere «jour» et les ténebres «nuit» (1;-5).- - · Et du soir et du matin il fit le premier jour (1, 5). · ' Ceci est expliqué au sens littéral et au sens moral. · ~Qu'il y ait ·un firm_ament a u milieu des eaux (1, 6). · - · La tu trouveras ce qui concerne l'etre
AUT. VI AUT.Vll. AUT. VIII AUT. IX AUT.X
AUT. XI
216
TABLE DES AUT. DE.LA Gn., 1, JI-18'
TABULA AUCTORITATÜM L. GENESIS
~erum cre~tat;~~ et de ~~do duplici, mtellectualt scdtcet et senstbth; et de aquis super firmameritum et sub firmamento et multa alia notabilia tam litteraliter ,...uam . 1"tter. l mora · . ·· . : 'Facturo est vespere et· mane dies secundus. · Ibi invenies multa de uno et de duo bus divisione et indivisione, uno et numero: bono et malo.
AUCT. XII
AucT. XIII
V ocabit deus aridam terram.
AucT; XIV
<:ongre~ationesque
lavtt marta.
aquarum appel-· ·
Germinet terra herbam virentem. Et infra : lignum pomiferum. __ Ibi invenies aliqua notábilia quidem, pa~vae tamen aut nullius subtilitatis.
AucT. XV
AucT. XVI· · · Cuius ·semen iri' semetipso sit super
-· · :' · - · · · > · ·: Ibi invenies · aliqua notabilia.
terram~
AucT. XVII
-· Fecitq·ue -deus duo ·luminaria magna. Ibi diffuse invenies plura notabilia de planetis et stellis et eclipsi.
AucT. XVIII · Stellas. Et posuit eas in firmamento
- caeli. ····.:,
217
double de toute chose créée, et le monde double, a savoir intelligible et sensible, et les eaux au-dessus. et au;..dessous du firmament, et bien,d'autres.choses remarquables tant au sens littéral qu'au sens moral. AuT. XII . D'un soir. et d'un matin il fit le deuxieme jour ( 1, 8) ... La tu trouveras beaucoup de choses concernant : un et deux, . la · division et l'indivision, l'un et le nombre, le bien et le mal. AuT. XIII Dieu · appela ce . qui était sec «terre» (1, 1o). . Et la masse des: eaux, il l'appela «mers» (1, 10). AuT. XV Que de la terre germe l'herbe verte, et plus. has: des arbres portant des fruits (1, 11). , La tu trouveras certaines choses remarqmibles, mais de peu ou d'aucune difficulté. AuT. XVI .••• dont-la. s~m.~nce. s.f)it: contenue en eux-memes sur la terre (1, 11). . La tu trouveras certaines choses remarquables. AuT. XVII . : Et . Dieu . fit . de~x grands luminaires (1, 16) · · . La tu trquveras· détaillées beaucoup de choses notables concernant les planetes, les étoiles et l'éclipse. AuT. XVIII _ ••• les étoiles. E~. il _les_ pla~a dans le firmament du ciel (1, 16-q) AuT. XIV
T ABULA AUCTORIT ATUM L. GENESIS
218
AucT. XIX AucT. XX
AucT. XXI
j.
Ut lucerent s:uper te.~ram. Aliqua invenies ibi. breviter. Dixit etiam deus. Et infra : Benedixit illis dicens: crescite et multiplicamini. · · Ibi aliqua invenies notabilia de natura viventium si ve vitae, item de natura unius et multi.
AUT. XIX
· ..• po'ur édaitér ·la terr~ ( 1, 1 7). La tu trouveras certames remarques conc1ses.
AUT. XX
DieU: dit ·aussi (...) et plus has : il les bénit et .il..dit: «croissez et multipliez» (1, Z.o-22). . .. . Tu· trouveras la certaines choses notables concernant la nature des v!vants ou de la vie, ainsi que celle de l'un et du multiple.
Faciamus hominem ad imaginem et similitudinem. nostr.am. . Ibi inveníes aJiqua breviter de natura intellectus, veri et boni et quaedam alia notabilia.
AuT. XXI
. Faisons l'homme ~i' riotre image et a notre ·réssetribh1nce ( 1, · 26). · La tu trouveras certairtes remarques concises sur la nature ·de l'intellect, du vrai et du bien et certaines autres choses notables.
Praesit piscibu~ maris, etc. Ibi invenies ínter alia sex nqtabilia sive litteraliter, sive moraliter. ·
AuT. XXII
Qu'il commari~e aux poissons de la mer, etc. (1, 26). · · . La tu trouveras, entre autres choses, s1x points remarquables, tant. au sens littéral ' qu'au sens moral.. ' -
AucT. XXI_I _
•'
~ !
AucT. XXIII · Dedi vobis omnem herbam. Et in-
fra : ut sint- vobis
.
in escam.
.1
AucT. XXIV · Vidit deus cun~ta quae fecerat, et
.
TABLE DES AUT. DE LA Gn., 1, 19-14
-· erant valcie bona. · . · Ibi m·ulta · notabllia inventes et diffuse de deo et ·de eius operatione. Item de natura creationis creaturarum et de natura boni et valde boni. Haec sunt igitur quae. exponuntur m prirp.o capitulo Genesis.
AuT. XXIII · Je vous ai do·nné toutes les herbes, et
plus has : afin qu'ils vous servent de . . nourriture (1, .29) . Diéu' vit toutes cho~es qu'il avait faites et elles'étá.ierit'tres bonnes (1, 31). La· tu· trouveras beaucoup de points rei:riarquables et détaillés concernant Dieu ·et son reuvre. 'Aüssi coricernant la nature de la création~ des eréatures, et la nature du bon et du tres bon~ V oila done les passages qui sont expliqués dans ·Ie premier chapitre de la Genese.
AuT. XXIV
r .. .u.o
TABU.tA AUCTORITATUM L. GENESIS
'TABLE DES AUT. DE LA Gn.; 11,
CAPITULUMSECUNDUM
CHAPITRE· DEUXIEME
. Igit~~- perfecti sunt caeli et terra. Et mfra.: · · · . . . ·. ~ - . AUCT. 1
AUCT. Il AUCT. 111
Aucr.IV
. Le ciel et la . · terre --~ furent done achevés, et plus has : Dieú se reposa le septieme . jour. ~e to~~:t_~ ~ l'reuvre ou de·_ toute . reuvr~ qu'il .. ~vait accomplie (2,. 1-2). · _ · La tu trouveras beaucoup:de points tres détaillés concernant la nature de l'etre, du repos, et la _maniere dont Dieu seul repose au sens propre et repose en reuvrant, et repose 'en toute (EUVre ou daiJS toute l'auvre, au sens divisé coinme au sens _composé; la nature de Dieu et des autres agents, les ager:ttS seconds; enfiÓ. la ~i~e en question de ce. qui est dit et sa solution, et la maniere dont il est dit que Dieu s'est non seulement arreté (posé), mais reposé, et bien d'autres . choses notables.
AUT. 11
11 bénit le septieme· jour (2, 3). Les reuvres qu'il ~vait créées, i1 cessa de les faire ·(2, 3 s).
deus
AUT. 111
· ~ Inspiravit in faciem· eius spiraculum VItae.
.
·
:
AUT.JV· ., . Il.répandit sur sa face un souftle de
.
vie (2, 7).
nant la hiérarchie des vivánts.
AucT. VI ·- -• , Omne lignum. pulchrum visu et ad
AUT. Vl·
vescendum. suave.··- .. ; -.· ·. ·
. .
.. , In· quocumque die: cómederis ex eo
nt,orte morterts. .
. · .·
,
,
··
. · · La tu ·trouvéras certaines choses concer-
-· . Ibi ·invenies ·aliqua. de gradibus viventtum.
AucT. VII
111
AUT. 1
. Requi!!vit die septirilo ab universo opere si ve ab ·orrini opere quod patrarat. Ibi 'multa invenies et diffuse valde de ·natura e'sse, quietis, et qualiter deus solus ·proprie quiescit et operando quiescit et in omn~ oper~- si ve_ !'niv_erso tain divisim quam comuncttm qutesctt, et de natura dei et aliorum agentium secundor'um; ítem du.. bitat~_onein circa dicta et eius sólutionem, e~ quomodo de_us .~icitur non solum quievtsse, sed requtevtsse, et multa alia nota· · · ·· bilia: · - ·
Benedbdt ~i~i septimo~ · :Creavit deus ut--faceret.
•-i
'i
Toutes sortes d'arbres beaux a voir et de fruits agréables a manger (2, 9)·
AuT. VII ·...· . Sitot que tu en mangeras, tu mourras
de mort (2, 17).'. · :
222
AUCT. VIII AUCT. IX
T ABLE DES AUT. DE LA Gn., 11, .8 - III, 7
TABULA AUCTORITATUM L. GENESIS
Onine quod
vocavit Aéiam animae viventis ipsum ·est nomen eius.
AUT. VIII
Erunt duo in carne una. Ibi 'plura invenies· et diffuse de natura activo ni~ et passivorum, ·potentiae et ·. actus, maris ei: feminae.
AUT. IX
. .
AuT. I
. Sed et serpens. erat callidior. Et infra: - · ·· ·
•1
.
AucT. IV AucT. V
.
.
Abscondit se Adam. __. · - Ibi invenies plura notabilia. Ubi es? Invenies quaedam notabilia breviter.
Terram comedes. AUCT.. YII .. Ne forie mittat manum. Et infra: et ~vivat in aeternuin. · AUCT. VI
· _. Et le serpent était le plus rusé ..• Et
plus has: Vous serez· cornme des dieux, connaissant le bien et le irial (3, 1.5).
AucT. I
..
Ils seront deux dans une seule chair' (2, 24).. ·. ··: · · , 'Tp., trouveras la beaucoup de points detatlles concernant la nature de l'actif et du passif, de la p~issance et'de l'acte, de ce qui est male et de ce qui est femelle.
CHAPITRE TROISIEME
CAPITULUM TERTIUM
Eritis sicut dii, scientes bonum et malum. AucT. II Comedit. E;t · aperti sunt oculi eorum. lbi habes quaesti()nem mirabilem . cuius~am ~apientis et. responsionem . AucT. III · Consuertlnt sihi.. perizomata. lbi ha bes plura notahilia et breviter.
. Le nom_ qu' Adam dQnna a chacun 'des_animaux e~t s~n·n~in (z, 19).
..
t
AuT. II
l
1 AuT. III
11 mangea ... Et leurs yeux s'ouvrirent a to~~ deux (3, 7)~. . -. ·leí tu trouveras la questiqn étrange d'un certain savant et sa réponse.· · Ils se cousirent des pagnes (3, 7) .
· T~ ·trouveras -.la plusieurs remarques conctses .. _ AUT. IV AUT. V
AuT. VI AuT. VII
Adam ~e <-:~cha (3, 8). _ Tu trouveras.la ph.1sieurs remarques. Ou es-tu? (3, 9). Tu trouveras certaines remarques concises. Tu mangeras de la terre (3, 14) .••• de peur qu'~l n'étende la main. Et plus has : et vive éternelleínent (3, zz).
JllLO!::.UFlA TABULA AUCTORITATUM L. GENESIS
224
TABLE DES AUT. DE LA Gn., IV, l ..~
CAPITULUM QUARTUM
AUCT.
Adam vero cognovit Evam etc. Statim peccatum in f~ribus aderit.. Aedificavit civitatem.
1
AUCT. 11
AUCT. l
AUCT. 11
AUT. I
AUT. 11
AUCT. l AUCT. Il
AUT. 1
AUT. 11
.··-·.;_
¡ 1
•
•
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~
•
1
.
Or Adam connut Eve, etc. (4, 1); etc. ... aussitot le péché est devant la . porte- (4, 7). 11 édifia une cité (4, 1 7).
Lorsque les hommes eurent commencé a se multiplier... (6, 1). Je me repens d'avoir fait l'homme (6, 7). La tu trouveras plusieurs choses remarquahles sur la maniere dont le repentir, la colere, la joie et autres affections semhlahles conviennent a Dieu. La longueur. de l'arche sera de trois cents coudée$ (6, 15).
CHAPITRE DIXIEME AUT. I
AUT. II
CAPITULUM DUODECIMUM Dixit dominus ad Abram, etc. Et infra: · .Die, obsecro, ut soror mea sis.
•
!.)_", ;. . ) i ; .J
CHAPITRE SIXIEME
CAPITULUM DECIMUM Hae sunt generationes Noe. Et infra: . Nemroth coepit esse potens in terra. De Sem quoque nati sunt patres omnium filiorum Heber.
XII,
.,
(:HAPITRE QUATRIEME
CAPITULUM SEXTUM Cumque coepissent homines multiplicad.· Paenitet me fecisse hominem. · · Ibi invenies plura notahilia quomodo paeniteritia, ira,. gaudium et huiusmodi deo ·conveníant. Trecentoruní cubitorum erit longitudo arcae.
1-
!
;.~~
Telles sont les générations de Noé. Et plus has: Nenirod commen~a a etre puissant surJa terre (1o, 8). Des fils naquirent aussi a Sem, pere de tous les fils de· Héber ( 1 o, 2 1 ).
CHAPITRE DOUZIEME AUT. I
.-Le Seigneur dit a Abram, etc. Et plus has: Dis, je t'en prie, que tu es ma sreur ( 12, 1 3) .
•
•
.'! - ·~ .:
11
¡:
TABLE DES AUT.. DE LA Gn:, XY,,
T ABULA AUCTORIT ATUM L. GENESIS
226
AUCT. 1
CAPITULUM DECIMUM SEXTUM
· -· Igitür- Sarai, uxor Abram. Ibi invenies sub figura octo notabilia. Primo quod alteratio et ómnis motus servit generationi sicut ancilla dominae. Secundo quod ·intellectus humanus est · sicut tabula ·nuda. Tertio quod deditus sensíbilibus et carni impeditur in speculabilib.us. Quarto quod superius dominatur · naturalite:r. inferiori. Quinto quod quanto · aliquid: est.inferiu~, tanto ·imperfectius et plus dividitur, et plus ab esse in ··non esse;a bonó.ihmalum. Sexto quod in corporalibus et Sensibilibus est contrarietas et discordia. Septimo quod sensus non tognoscunt retum quiditates. Octavo qúod dispositio, quae est necessitas, pertinét· ad genus 'formae generandae.
.:...xvi
CHAPJTRE QU!NZIEME
CAPJT(JLUM DECIMUMQUINTUM
His itaque transactis. Et infra : SÓpor ir~tt super Abrani et horror magnus et tenebro'sus invasit eum. Ibi habes disputationem Stoicorum et Peripateticorum utrum perturbationes cadant in .animam sapientis.
L
AUT. 1
Ces choses ~tant acco~plies ... Et plus ba,.s: . Le sommeil s'e~para d'Abram .et une · terreur immense et sombre l'envahit -(15, 22). . _·. . Tu trouveras la la controverse des. stoieiens et des p~ripatéticiens sur le fait de savoir si hes· passions pénetrent dans l'ame du sage.
CHAPITRE SElZIEME
Or Sarai, la femme d'Abram ... ( 16, 1). Ici tu trouveras exprimés en figure huit points notables .. 1. L'altération, ainsi que. tout mouvement, sert la génération c.omme la servante sert la maitresse. 2. L'intellect humain est coinme une table rase. - 3· Celui- qui s'adonne aux choses sensibles et a la chair est détourné de la spéculation. 4· Le supérieur domine par ·. nature Vinférie~L· . 5· .Plus une chose est inférieure, plus elle est imparfaite, plus elle est divi~ée ~t. plu_s _ell~ [déchoit] de l'etre dans le non-etre, du . bien dans le mal. 6. Dans les chóses corporelles et sensibles, - il y a contrariété et discorde. 7. Les sens ne _cqnnais~ent pas les quicjdités ejes choses. 8.- La disposition, qui déclenche nécessair~ment l'en..gendreinént de la forme, apparttent au ·meme genre qu'elle.
· TABULA AUCfORITATUM L. GENESIS ·
12.8
TAJJLE DES AUT: DE LA Gn., XVII,
CAPITULUM DECIMUM SEPTIMUM
1 ~
AUCT.II
Daboque tibi et semini tuo terram in possessione!ll aeternam .. SaraL uxorem tuam noQ. vocabis Sarai sed Saram~ ·.. . . · ~, . Ibi invenies quáedam nOtabilia breviter de praelatis;
AUT. 1 AUT.
n·
CAP!TULUM DUODEVICESIMUM . . . . . . .
.
~
-
.
.
:
~
.:_
-.
2.29
Apres- qu'il eut commencé a avoir quatre-vingt-dix-neuf ans (17, 1). Tu trouveras la sept questions. Pour les élucider, ·beaucoup de points remarquables, tant du point de vue physique que du point de vue- moral, sont présentés en détail : En quoi consistent . la perfection humaine et son opposé? Qu'est-ce que le bien? Qu'est.:.ce que Ie: meilleur? Qu'est-ce que lema~? Qu'est-ce que le pire? Qu'estce qui plait en nous a Dieu? Qu'est-ce qui lui déplait ?. Qu'est-ce que Dieu opere en nous? Qu' est-ce que le bon ange opere en nous? Et le diable? Et beaucoup d'autres choses semblables. . A toi et a ta semeri.ce, je donnerai la terreen· possession éternelle (17, 8). Quant a Sarai, ton· ·épouse, tu ne l'appelleras pas Sarai, mais Sara ( 17, 1s). Tu -trouveras la certaiiies remarques concises sur les prélats.
CHAPITRE DIX-HUITIEME
'
. _.. Apparuit .a\l~en:a ~i d«!UIJ. Et infra : . . . ·. ·" . AucT. I Erant ambo· senes. · AucT. II _ Quare risit. Sára? -:; · ,. AucT. III Negavit Sara etc.· : _- : · AucT. IV - Clamor Sodomorum. , AucT.V_ Descendam et videbo~ -
XVIII, J
CHAPITRE DIX-SEPTIEME
Postquam nonaginta et novem annorum esse coeperat.Ibi invenies septem. quaestiones, ad quarum evidentiam multa notabilia naturalia et moralia diffuse scribuntur: in quibus consistit humana perfectio et eius oppositum, quid sit bonum, quid melius, quid malum, quid peius, quid in nobis deo placeat, quid displiceat, quid in nobis operetur deus, quid angelus bonus, quid diabolus, et plura similia.
-.
t..:..
AUT.I AUT. II
AUT. III AUT. IV AUT. V
Or le Seigneur. lui ápparut. Et plus has : Tous-deux étaient vieux ( 18, 1. r 1). Pourquoi Sara a-t-elle ri? ( 18, 13). Sara nia, etc. (18,q) .. · Laclameurdes Sodomites ... (18, zo). Je descendrai'et je verrai. .. ( 18, z 1 ).
TABULA AUCTORITATUM L. GENESIS·
AucT. VI
Utrum rint.
clamo~em
opere compleve-
TABLE
AuT. VI ·
CAPITULUM UNDEVICESIMUM
AucT. I AucT. II
V enerunt duo angeli. Et infra : Abutimini eis~ Respiciensque uxor eius post se versa est in statuam satis.
AUT. ·oELA Gn.,
xvm,6.:.::xxm, 1
231
.~. s'ils ·ont ·complété la clameitr par l'action ( 18, 21 ).
CHAPITRE DIX-NEUVIEME Derix anges vinrent •.. Et plus has: abusez d'elle: (19, 1.8) .. AuT. II ,. · Sa femme, ayant regardé en arriere, fut transformée en statue de sel ( 19, 26).
AUT. I
CAPITULUM VICESIMUM SECUNDUM
CHAPITRE VINGT-DEVXIEME
AucT. I
Quae postquam . sunt, temptavit deus Abraham. . . · . lhiplura _f!lvenie~ et .diffuse quomodo deus hominei:n-. temptare dicitur, speciali. ter· de _teinptatione qua dic~tur deus temptassé Ab:rah~m.
AUT. I
AucT. n
Per meinetipsum iuravi. Ihi plura. invenies de iuramento, sive fiat ah ipso deo, sive per ipsum deum, si ve per creaturai:n.
AuT.
u
CAPITULUM VICESIM.UM\TERTIUM Vixit autem Sara. Et ipfra: Adoravit populum ,terrae.
DES
Lorsque ces choses furent accomplies, Dieu tenta Abraham (22, 1). : Tu trouverás la beaucoup de points · détaillés concernant la maniere dont il est dit qué Dieu tente l'homme, particulierement en ce qui ·cóncerrie la tentation par laquelle Dieu est dit avoir tenté Ahraham. J'ai j11ré pat ~oi~meme (22, 16). · · Tu ttouveras la plusieurs remarques sur lé' · serment, qu'u·- soit fait par Dieu luimeme ou qu'il soit fait"sut Dieu ou sur une créature.
CHAPITRE VINGT-TROISIEME AUT. I
Or S~ra vécuL. -Et plús has: 11 adora le peuple de la· terte (23; 1. 7). ·
' 1'! •'
TABLE DES AUT. DE LA Gn., XXIV,
TABULA AUCTORITATUM L. GENESIS
AUT.I
Erat autem Abr~hain. Et infra : Igitur puella cui ego ·dixero.
¡:
AucT. 11
:·
Or Abraham ét~it•.• Et. plus has : Done la jeune _filie a_ qui je dirai ..• (24, 1. 1 4)·
CHAPITRE VINGT-SEPTIEME
CAPITULUM VICESIMUM SEPTIMUM
AucT. 1
233
CHAPITRE VINGT-QUATRIEME
CAPITULUM VICESIMUM QUARTUM
AUCT. 1
1- XXVIII, 1
Senuit autem Isaac~ Et ·infra: Vox quidem vox Iacob est, sed manus marius sunt ·Esau. Ibi invenies multas auctoritates canonis sanctorum et aliorum gentilium et opera naturae et artis circa verba praemissa.
AUT. I
Det tibi deu:s de· rore caeli et de pinguedine terrae abundantiam.
AUT. Il
Mais Isaac · vieillit.. Et plus has : La · voix est en effet celle de Jacob, mais les mains sont_celles ,d'Esaü(27, 1.22). Tu tro_uveras la ·plusieurs autorités du canon,· des Peres et d'a~tres encore parmi les paiens, et des· remarques fondées sur l'reuvre de la nature·et celle de l'art concernant les paroles susdites. Que- Djeu re. donne en abondance de la ~osée ·du ciel et de. Ja graisse de la terre (27, 28). ·
1"
CHAPITRE VINGT-HUITIEME
CAPITULUM DUODETRICESIMUM AUCT. 1
.-\ucT. 11
· Vocal;>itqtie Isaac Iacob. :Et infra : Videiisque --in somnis scalam stantem super: terram, etc. · - Ibi invet?-ies .notabiliá. de scala illa para· bolice. Sifuerit-dominus mecum et dederit mihi panes a'd vescendum ·. et vestem ad induendum. · Ibi invenies quaestio.tíes ;duas vulgatas . .et solutas. Prima ~st quod plura: sunt mala
. Et Isaac appelaJacob. Et plus has : 11 vit _en songe une échelle dressée sur la ietre, etc. (~8, 12). -. . ··. . :ru ttouver~s la des' i:e'marqües sur cette échelle au sens allégorique. AuT. II Si Dieu est avec moi et me donne des . pains a· manger et un vetement pour . m'h~biller ..• (28, 2o). . :. · Tu trouveras la deux questions couramment déhattues. et leur solution. La pre- miere. est qu'il y a plus de maux que de
AuT. 1
l '·.
TABULA AUCTORITATUM L. GENESJS,
TABLE DES AUT. DE' LA Gn., XXX,
. quam bona. Secunda est. qua queruntur homines mala sihi contingentia provenire ex nec~ssitate· infirmitatis naturae et non ex culpa sua.
AUCT. 1 .
CAPITULUM TRICESIMUM SECUNDUM
AOcT. I
AUCT. 11
Iacob quoque abiit~. Et :infra : · Reinansit solus· et eéce, vir luctabatur cum eo.
N~quaquam Ia~ob appellabitur no. m en. tuum, sed Israel.. Ihi .hahes,. :utrum · beatitudo sit · in visione dei. .
AUCT. 111
~1,1~
:
.·.
quaeris nomen meum? Uhi i~venies notahilia circa nomen dei.
XXXII, 3
235
hiens. La seconde : · pourquoJ les hommes se plaignent-ils de ce que les maux qui leur ·arrivent proviennent dé la nécessité o u les met la faihlesse de leur nature plutót que de leur propre fa ute?
CAPITULUM TRICESIMUM Cerneos autem Rachel. Et infra: Ponebat ·Jacob virgas in canalibus etc. Ihi irivenies multa ex A vicenna et Augustino de virtute, qua natura ohoedit imaginationi.
1-
CHAPITRE: TRENTIEME AUT. 1
Mais l~!sque Ra:chel vit ... Et plus has : Jacob mit les baguettes dans les abreuvoirs (3o, 1.9). · · · ·. . Tu trouveras la plusieurs remarques tirées d' Avicenne et d' Augustin concernant la force qui . fait que .la nature ohéit a l'imagination.
CHAPITRE TRENTE-DEUXIEME AuT. 1
AuT. 11
AuT. 111
· Jacob aússi pa:rtit.. Et plús has: 11 resta seul.. Et yo~~~ qu~~n hQmme lutta avec lui (32, 23.24). . . Ton nom ne sera .plus Jacob, mais ·Israel' ( 32, z 8). :. -· ·. La tu trouverás la question de savoir si la héatitude réside dans la vision de Dieu. Pourquoi demandes-tu mon nom? (32, 29) . Tu trouveras· a cet endroit des remarques sur le Nom divin.
TABULA AUCTORITATUM L. GENESIS
TABLE DES AUT. DE LA Gn., XXXVII, 1 _:L,
CAPITULUM TRICESIMUM SEPTIMUM
AUCT. l AUCT.II
Lorsque Joseph eut seize ans, ... Et plus has: L'enfant a disparo, et moi, ou irai-je? (37, 2.30). Tu trouveras la quelques remarques concises sur l'image dans l'ame.
AUT. I
CAPITULUM QUADRAGESIMUM SEXTUM Profectusque Israel. Et infra: lacob, Iacob! Cunctae animae quae ingressae sunt cum Iacob in Aegyptu~ et egressae sunt de femore illius.-
2.37
CHAPITRE TRENTE-SEPTIEME
Ioseph cum sedecim esset annorum. Et infra: Puer non comparet, et ego quo ibo? Ihi invenies hreviter quaedam de imagine in anima.
AUCT. l
2
CHAPITRE QUARANTE-SIXIEME Israel partit. Et _plus has : Jacob! Jacob! (46, 1.2). Tou_tes les ames qui entrerent _en Égypte avec Jacob et qiii sont issues de ses reins ... (46, 26). . ·
AUT. I 1
AUT. Il 1 1 1
CAPITULUM QUINQUAGESIMUM 1· .
¡:
Quo_d
1'
1 1
AUCT. II
-
1
CHAPITRE CINQUANTIEME
1
Ioseph. Et infra :
Transierunt~.
AUCT. l
. ':'. ·.-·
~ernens
1
Quadraginta dies. Ihi i'nvenies bene et hreviter diversitatem inter l-lieronymuin etAugustinum de translatione septuaginta interpretum .
¡ !
AUT. I & II
Jos.eph voyant ce-la~'.~. Et plus has : Quarante jours,passerenf·(5o, 1.3). La tu trouveras u~ hon et.href exposé de ·ta. dissensioñ entre_ Jéróme et Augustin concernant la_ traduction des Septante.
EXPOSITIO LIBRI G É:t\iESIS
<;:OMMENTAIRE: DU· LI.VRE DE LA GENESE
Exordium hoc scripturae Genesis tractat Augustinus diffuse, specialiter Super Genesim ad litteram et Super Genesim ·contra Manichaeos et in tribus ultimis libris Confessionum. Item Ambrosius et Basilius in suis Hexaemeron. Item Rabbi Moyses l.II c. 31 specialiter. Item Thomas p. I q. 44· 45. 46. 47, item ·pos~ ibidetn q. 65 usque ad 74 inclusive.· ·· ·
.I. Augu~tin traite en détail de l'exorde de cette partie de .l'Ecriture, spécialement dans la Genese au sens littéral 1 et da~s la Ge~ese co~tre les Manichéens2 ainsi que dans les trots derr1:~ers ltvres des· Confessions3. En outre, on dispose d' Ambroise et de Basile dans leurs Homélies_sur 1' Hexaemeron4, de Mai:monjde.- spécialement le hvre II, chap. 31 ( du Cuide des EgarésS)- et de T~omas,, Somme de Théologie, la P., q. 44, 45, 46, 47 puts 65 a 74 comprise.
CAPITULUM PRIMUM
CHAPITRE PREMIER
1.
In principio creavit deus caelum et terram~ z.- Circa praemissam atictóritatem quattuor sunt p~a.enotanda. Primo, quod sit ·hoc principium in quo dtcttur deus creasse caelum et terram. Secundo ' . .
.
§ 1 1. AuGUSTIN, La Genese au sens /ittéral, I-XII (BA 48 et 49)· . 2. AuG., De Genesis contra manicheos, 1-11 (PL 34, p. 173-zzo). 3· AuG., Conftssions, XI-XIII (BA 14, p. 270-52.5). 4· AMBROISB de MILAN, Exameron (CSEL 32, 1, p. i-2.61), BASILB de CÉSARÉB, In Exaem. hom. (SC 26, p. 86-5 .i3) . . 5· }dAlMON~pB,.Dux neutrorum, 11, 31 (f. 6or-6tv), Cuide des égarés,·II, 30 (Munk 11; p. 230-256). · ·
Quatre
questions~_,·.
A u commencement, Dieu créa le ciel et la terre (1,- 1). 2. Concéinant cette autodté, il faut préalablement noter quatre points. Premierement, ce qu'est ce· commencement 1 dans leque12 il est dit que Dieu a .
.
, §~-.l. ~Íen 'q~e le fra~~ais. <~principe>~c.ait a.la fois le sens d ortgme et, celut de cause premtere, nous lui préférons le terme de «commen!=ement» qui offre une mátiere plus neutre a l'exégese et selllble s'etre imposé a l'usage. . . . . 2. Le «in» peut etre indifféremment traduit par «dans» ou par
EXPOSITIO LIB. GENESIS
quomodo dicitur creasse in principio caelum, cum in Psalmo et ad Hebr. 1 dicatur: «lnitio tu, domine, terram fundasti a», et Eccli. dicatur : «Qui vivit in aeternum, creavit omnia simulb.>rTertio, cum unum semper natum sit unum· facere, quomodo deus, unus simplex, semper eodem modo se habens, produxerit sive creaverit in principio caelum et terram, tam diversa, et omnia simul. Quarto ex hoc concludendum quod omnia citra deum habent esse aliunde quidem et ah alio, et tamen nihilominus nihil tam intimum, nihil tam primum et proprium quam ipsum es se.
3· De primo sciendum quod principium, in quo creavit deus caelum et terram, est ratio idealis. Et hoc est quod Ioh. 1 dicitur: «In principio erat verbum a.» Graecus habet· lagos; id est ratio - et sequitur : «Omnia per ipsum facta sunt, et sine ipso factum est nihil b.» Uniuscuiusque enim rei universaliter principium et radix est ratio ipsius rei. Hinc est quod Plato § 2. .§3
a. Ps 1:01, 2.6. He i, 10. a. Jn 1, 1. h. Jn 1, 3·
h. Si
18, 1 •
«au»; nous tradui~ons par.«dans» chaq~e fois que i'idé~ de la . ·· création dans le Verbe notis parait impliquée. 3· Ce príncipe d'origine «aristotélicienne» (De gen: el &orr., II; 10, 336a .2.7, Tricot, p. 140) commande, en fait, tQute la dialectique «platonicienne» de l'un et du multiple dans le proces~\ls de l'«é~anatiori créatrice» (Chenu). On le retrouve donc:'d~dessoii's," § 10, ainsi ·qu'au § 11 des' Parab. Gen.· ·
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COMMENTAIRE DE GENESE
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. créé le ciel et la.terre. Deuxiemement, de quelle fac;on il est dit avoir créé le ciel au commencemertt, alors qué·le Psaume et He 1 disent: «Au commencement, Seigneur, tu as fondé la terrea» et le Siracide: «Celui qui vit pour l'éternité a tQUt créé en meme temps b. » Troisiemement,comment, alors que ce qui est un ne donne par nature que de l'un 3, Dieu, qui est un etre simple et uniforme dans sa fac;on d'etre4, a produit ou créé au commencement le ciel et la terre, qui sont des choses si différentes, et le tout simultanément. Quatriemement, il faut en tirer la conclusion que tout ce qui est en dec;a de pieu rec;oit, en vérité, son etre d'ailleurs et d'un aútre et que, pourtant, rien n'est aussi intime,. rie~ n'est plus origine! et propre a soi que l'etre lui-meme.
Le commencement est le Verbe. 3· Pour le premier point, il faut savoir que le commencement dans lequel Dieu créa le ciel et la !erre, est la Raison idéelle. Et e' est pourquoi il est dit en Jn 1 : «Au commencement était le Verbea» -le grec aLogos, c;est-a-dire Raison ~ et ensuite: «Tout a été fait par luiet sans lui rien n'aété faitb 1• »En effet, en regle universelle, 1'origine et la racine de toute ehose est ·la raison de cette chose meme. Pe la vient que
. 4· Plutot qu'«~iformément». Sur ces termes d'origine dionysienne. (hJoer.8~ = qui a )a .forme de l'Un), cf. J. ScoT ERIGE~E, De. áivisione ·niztúrae, 11 (She/áon, p. uo, 17 et H) et Deny$ (DJV c. IV§ 7; 704 A). Cf.. également G:. THÉRY, Eludes áionysienties¡ II, Hiláuin traái«te11r áe. . Denys, Páris, 19 37, p. 44.7. . . . :,. .: ., . . ..... ' .... .. . . . ·. ~
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La triple assimilation du Commencement a la série Raison; Logos, Verbe ou Fils est donnée majeure de l'exég~se
§3
1.
EXPOSITIO LIB.. GENESIS
ponehat. ideas si ve rati~nes rerum principia omnium tam essendi quam sciei).di. Hinc est et tertio quod commentator VII Metaphysicae dicit quod quiditas rei sensibilis semp~r fuit desiderata sciri ah antiquis, eo quod ipsa scita sciretur _causa prima omnium. Vocat autem commentator primam causam non ipsum deum, ut plerique errantes putant, sed ipsam rerum quiditatem, quae ratio rerum est, quam diffinitio indicat, causam.primam vocat. Haec enim· ratio est rerum «quod quid est» et omnium reí proprietatum «propter quid est». Est enim diffinitio et demonstratio sola positione differens, ut ait philosophus. 4· Adhuc autem ipsa rerum ratio sic ·est principium, ut causam extra non habeat nec respiciat, sed
COMMENTAIRE DE GENESE r,
1
243
Platon faisait des Tdées ou Raisons l'orjgine ·de l'etre et de la connaissance de toutes choses. De la· vient troisiemement qu' Averroes, comme~tant le vne_livre de la Métaphysique, dit que les anctens ont tou1ours désiré connaitre la· quiddité des choses senstbles, puisque, une fois celle-ci connue; on connaitrait la cause premiere de toutes choses 2 • Cependant par «cause premiere» il n'entend ·pas Dieu lui-meme, comme beaucoup le croient a tort, · mais bien cette quiddité des choses qui ·est leur rais~n et·qu'indique la définition3. Cette raison est le «quot»-des choses et le «pourquoi» de tout~s leurs propriétés 4• En. effet, comme le dit Aristote, définition et démonstratton ne different que par la.posidon (de leurs termes) 5 • 4· De plus, cette raison des choses est origine, en ce qu'elle ne possede ni ne concerne aucune cause ___.-::_.
chrétienne de Gn. 1, 1. De fait, si jÉRÓME, Heb. qllllesl. in Gen., 1, 1 (CC 72, p. 3, 18s) rappelle qu'en hébreu «in principio» signifie «in _capitulo»_~ non «in filio»,. la quasi-totalité des théologiens s'accorde pour interpréter «in principio» comme signifiant dans la-«Raison» ou Fils. Voir la Postilk d'Hugues de Sai~t-Chei a cet endr9it ainsi que les différentes sources mentionnées p~r E~khart lui-meJ:Ile au § 1, auxquelles on ajoutera AuG., 8) Questions, q. 63 (BA 10, p. 212-213). C'_est, toutefois, chez J. ScoT ERIG~E, De iiiv. nat., II (Sheldón, p. 14, 9-24; zo4, 10- 212, 6; 66, 21 - 68, 28 qui renvoi~ a DENYS, Noms div., V (§ s, 82oB; 84, 18-86, s) et III (PL 122, 642A-q que l'on trouve les expressions les plus fortes, notamment le demier passage cité dont nous extrayons les lignes suiv~tes :. «'Ev &:p:tó"ñv g Myoc; potest interpretari : «
quoqúe·est, quoniam occasionés omni~in aete!na~itér et incommutabilitet in ipso sUbsistunt.)> Pour l'tnterpretatlon deJn I, h cf. Hom. sur le Pro/. defn (PL 122, 2_87A; SC i5~, p. 230-232) notamtnent : « omnia per ipsum Jacta sunf. P~r 1psum Deum Verbum, vél per ipsum Verbum .J?~um omma facta ~unt. ~t quid ést ·omnia per ipsu~ Ja:cta sufll ~s1 : ·Eo nascente ante omma ex Patre, omma cum 1pso et per 1psum facta _sunt? » . . · 2. AvERROEs,· Mei., VII, cómm. s, (f. 19óv D-E)~ Ar1stote lui-meme écrit: « Et, en vérité, l'objet éternel de toutes les recherches, présentes •.et passé~s, 1~ probleme. touj:'urs en suspens: qu'est-ce que l'etre? revt,ent a dema~der: qu est-ce que la substance?» (Mét.; VII, T, 1028b 11; Tnc~t, p. H9)· -3. ·Cette formule condensé plusieurs passages d' Aristote dont Mét:, IV, 7, 'ioua 23 et VII, u, 1~37b 10:12· · 4· Aa., Anal. posi., Il, z, 9oa _31-3~ (Tr1c~t, p. 166) _: ~<(•..) conriaitre ce qu'est une chose rev1ertt a conrta1tre pourquo1 elle est.» · . . .· ·· s. AR., Anal. post.; I~ 8, 75 b 31 (Tricot, p: 48).
EXPOSITIO LIB. GENES.IS'
COMMENTAIRE DE GENESE
solam rerum essentiam intra respicit. Propter quod metaphysicus rerum entitatem considerans nihil demonstrat per causas extra, puta efficientem et finalem. Hoc est ergo principium, ratio scilicet idealis, in quo deus cuneta creavit, nihil extra respiciens. Et hoc est quod Boethius III De consolatione apertissime dicit : «Terrarum caelique sator» «quem non externae pepulerunt causae» «tu cuneta superno ducis ab exemplo; pulchrum pulcherrimus ipse mundum mente gerens similique imagine formans.»
1, 1 .
extrinseque mais regarde seulement l'essence des · choses, a l'intérieur. C'est pourquoi le métaphysicien, qui considere l'étance des choses, ne démontre ríen par les causes extrinseques, c'est-a-dire efficiente et finale 1• Telle est done 1' origine, la raison idéelle, en laquelle Dieu a créé tout ce qui est, sans regarder a rien d'extérieur. Et c'est ce que dit tres clairement Boece au troisieme livre de la Consolation de philosophie2: «Créateur du ciel et de la terre (... ) qu'aucune cause extérieure n'a poussé (... ) tu as tiré toutes choses d'un céleste exemplaire; et toi qui es la beauté meme, tu portes en t_on esprit la beauté du monde que tu formes a ta ressemblance.))
La création dans le Fils. S· Hinc est quod sancti communiter exponunt · deum creas se caelum et terram in. principio, id est in filio, qui est imago et ratio idealis omnium. · Unde Augustinus dicit: «Quinegatideas, negat filium dei». ratione Sic ergo deus. creavit omnia in principio; id est in . -
S· De la vient que les Peres 1 s'accordent a expliquer. que Dieu a créé le ciel et la terre dans le commencement, c'est-a-dire dans le Fils qui est le modele et• la raison idéelle de toutes choses2. D'ou Augustinus dicit: <
. § 4 1. L'étant en tant qu'étant est le «sujet» de la métaphy:sique (Comm. Exodt, § 147 et 169). La différence entre causes intrinseques et causes extrinseques vient d' ARISTOTE;· Mét., XII, ~ 107ob 2~s) repris par Averroes et DIETRICH de FREIBERG, De origine rtt'llfll Predka11tntali11m (Stegmüller, p . .1 19) qui renvoie au comm. du livre XI (= 1o7ob). Noter surtout: «Dicitur. (... ) aliquid ens absolute per suam essentiam, racione suorum intrinsecorum principiorum. Et quia ens secunclum; hanc rationem ~on concemit aliq~ ca~sám extrinsecam, hinc est quod etiam liberum est ah omru acctdente. » . · · . . _ 2. BoBeE,: Consol. Phi/os; .. II, poésie 9 (CC. 94,. p;; 2~8). §S. t._ EckQ.art. pense évidemment ici (entre autres) a AuG. Conf., XII, xx, 29 (BA ·14, p. 386-389), AMBR.,· ·Exam.,· I, 4
(CSEL 32, 1, p. 1 3) ou ÜRIGENE, In Exaem. hom.,I, 1 (SC 7 bis,
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p. 247 4 et 1 o) : «>, «In principio, id est in Salvatore (... ) » et Comm. s11r S. ]ean, I, 2Z (PG 14, ~6B). . 2• C[ AuG., La Triniti,- VI, x, 11 (BA 1~ ~ p. 496'-497) notamment: «et ars quaedam omnipotentis ·atque sapientis Dei, plena orimium rationum viventium incommutabilium; et omnes unum in ea~ sicut ipsa unum de uno, cum ~uo un u m» _e,t THOMAS d'AQúiN,QD de veritate, q. 3, a. 1~ ag; 9, zn contr. Cf.-egalement Comm. jean, § 1 3• ' . • · ' . · · .' . · 3· Ces mots n'apparaissent pas tels quels chez Augusttn ma1s, sous une forme voisine, chez THOMAS, QD de ver., q. 3, a. 1, ag. 1, in contr. .. ·'
EXPOSITIO 'LIB. GENESIS
et se~undum. rationem -idealem, alía quidem ratione . hommem; alta leonem, et sic de singulis. · ~ursus etia~ creavit omnia in ratione, quía ratio:. nal~te.r· et saptenter, Psalmus: «Ümnia in sapientia fectstt»a. Et Augustinus. 111 De libero arbitrio ait: «Quidquid tibi vera ratione melius occurrerit scias fecisse· deum tamquam bonorum omnium ~ondi torem».
. 6. _A;dhuc autem sec~ndo sciendum quod principtum, tn quo deus crtavlf caelum el terram est natura intellectus, Psalmus : «Qui fecit caelos in)~tellectu ».a lntellectus enim principium est totius. ñaturae si cut dicitur in commento nona propositione De cau~is sub h~s .ver bis : «I?telligentia cegit naturam per virtutem dtvtnam »; et tnfra : «lnte!ligentia comprehendit generata e.t naturam .et h~rtzo~tem n.aturae »; et post concludtt : «Ergo· mtelltgentta conttnet omnes res». ?ic ergo creavit· caelum el tefram in principio, id est in tntellectu. Et hoc contraeos, qui dic_unt creare deüm et producere res ex necessitate naturae.
COMMENT;AIR:E DE GENESE
1
a.u. commenc~ment: dans la Raison et d'apres u~e raison idéelle, je veux dire l'homme par une, le lion par une autre, et a_insi de _chaque ch~e4. . . . En outre, il a créé toutes choses dans la Raison; paree que de fa~on rationnelle et sage, le Psaume dit : «Tu as tout fait dans la sagesse a 5. » Et Augustin; au troisieme l_ivre du L~bre arbitre: «Tout ce quite parait etre meilleur pour une raison véritable, sache que c'est le créateur de tous biens~ Dieu, qui l'a fait6. » ~iberté
J.
de la création .
6. Il faut savoir, é'n second lieu, que le commencement dans lequel Dieu créa le ciel et /aterre est la nature 1 \ de .l'Intellect , comme dit le Psaume : « 11 a fait les c.ieux . dans l'Intellecta. >) L'Intellect est, en effet, le príncipe de toute la nature, comme le commentaire de la 9e proposition du Livre des· causes !'indique en ces termes : « LJntelligence régit la nature par. la puissance divine» et plus has: «L'Intelligence embrasse toutes ~~s réalités engendrées, la.nature et l'horizon !Deme de la nature»,' puis en conclusion : «L'Intelligence contient done. toutes choses 2 • » Dieu créa done le ciel el la !erre au commencement, c'est-a-dire dans l'Intellect. Et je dis cela contre ceux qui affirment que Dieu crée et produit les choses selon une nécessité de · · . nature3. .
t1 .
4· Ces « raisons idéelles» sont celles que mentionne J. ScoT ER., .DDN, Il (Sheldon, p. 84, z.6s): «> Cf; également ÜRIG~E, Comm. sur S.]tan, 19, 5 (PG 14, s68B-D).
2.47
1, 1
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6.. AuG., Le Lfbre Arbitre, III, y, 3. (BA 6, p. 348-349). 1. Cf. AuG., La Gen .. au litt., II, 1, 4 (BA.48, p. 1 p). 2.. Lib de Cdusis, VIII (Pattin,"p. 671 67-8, 68, 74-75. et 68, 8o) . . . 3· La doctrine ici rejetée par Eckhart affirme «la nécessité E·our..Qieu de créer son effet immé~at», position condamnée par Etienne Tempier en 12.77 :· «Quod Deuni necesse est facere quidquid i~mediate ·fit ab ipso » (His~ette, p. 51). Il est difficile
§6
s.
.....
,,•·_
f COMMENTAIRE DE GENESE
EXPOSITIO _LIB, GENESIS
7· Rursus tertio principium, ~n quo. de!IS creavil c_aelum el lerram, est primum nunc simplex aeternitatis, tpsum, in9uam, ide~ nunc peni~us, in quo deus est ab aeterno, tn quo · ettam est,. futt et erit aeternaliter personarum divinarum emanatio: Ait ergo Moyses de~m c~elum et terram creasse in principio absolute prtmo, m quo deus ipse est, sine quolibet medio aut mtervallo. Un~e cum quaereretur a me aliquando, quare deus · prtus mundum non creasset, respondí ·quod non potuit, eo quod · non esset. Non fuerat prius, antequam esset mundus. Praeterea : quomodo
(
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de préciser a qui pense notre auteur. Con,tre la candidature possible de Siger de Brabánt, cf. les rem-arques de R. Hissette sur le « cáractere nécessaire de la création » dans le De neceúitate et le Commentaire sur la Métaphysique, 111, x6, in Enquete sur les 2IJ articles condamnés a Paris le 7 mars 1277 1 p. 51-53. Voir également d-dessous § xo. 1. On sait qu'ailleurs Eckhart définit «l'émanation des Personnes en_ Dieu» comme «la raison. et le préambule de la ¡ création», cf. Comm. Ex.,§ x6. Voir également Serm, latin 2.5/x,(íi§ 2.58 et AUGUSTIN; La Gen, au s. litt., II, VI (BA 48, p. 164-167) 1 ' et Conj., XI, VII, -9 (BA 14, p. z86-2.87).. . · · · z. Ces phrases difficiles et l'ensemble du pa,ragraphe rappel¡ Ient, peut-itre, J.ScoT, DDN, 111 (PL 12.2., 693B): «Non ergo ¡ erat(Deus) subsistens,_antequam universi_tatem co~deret. Nam si '¡ esset, conditio· sibi rerum accideret. » Voir sur la meme trame la position sensiblement différente de GILLES de .RoME, Errores philosophorum_ (Koch, p. ~8, 7-:-10) : «Potuit (...) Deus facere mundum pnu~ ql!am fectt. Sed quo4 hoc non fecit, non fuit causa quod ahqutd expectaret in futurum, a quo dependeret actio sua, sed quia sic ordiQaverat secundullJ. sapientiam suam. » Telle quelle, la formule d'Eckhart déconce,rte, ppurtant elle ·ne dit ríen de foncierementdifférent de ce qu'Augustin av~nce en Conf., XI, x, xz.- XIII, x6 (BA 14, p. 2.91-2.99): Dieu n'était pas avant que le monde fUt, car la_ distinction meme d'«avant» et d'«apres» suppose la cr~ation dumoride erdu temps. De plus, on n~-slmrait dire que Dieu était ou a été.avant de créer, puisque
J
1, 1
2.49
La création el J' éternité: ·j. Troisiemement.: le commencemen~ dans lequel
Dié11 créa le cie( el la lerre est l'inst~nt simple et originaire de l'hernité, celui-hl meme,dis-je, qui est identiquement et absolument !'instan~ ou Di~u reste de toute éternité et ou se produit, s'est produtte et se produira éternellement l'émanation des Personnes . divinest. C'est.pourquoi Moise dit que Dieu a eré~ l.e cid et la terre au commencement absolument ortgtnaire dans lequel il est lui-meme, sans aucun intermédiaire ni intervalle. Et c'est pourquoi aussi, lorsqu'on m'a demandé un joú'r pourquoi Dieu n'avait pas créé le monde plus tot, j'ai répondu qu'il n'avait pas pu, paree qu'il n'était pas. Il n'avait pas été auparavant, avant que le monde ne fUt2. En outre; comment
l'Ecriture elle-meme dit : «Ante saecula creata, ego sum» (Si 2.4, 14) et·«Antequam Abraham fieret, ego sum» (Jn 8, 58). «Avant» de créer DieU <<est» mais créant en lui-meme, c'est~a dire.dans le Maintenant étérnel («nUnc aeternitatis»), l'idée .L ' meme d'un «avant la créat_ion» enpieu ~st .impensah!e. En fait, ~ ', la doctrine d'Eckhart s'explique s1 la creatiOn est prtse au sens 1 ) érigénien, impliquant une coéternité de la génération du ye~be· . pade Pere (qui est <
EXPOSITIO LIB. GENESIS
poterat creasse prius, cum in · eodem nunc mox
?1un~um creaverit, in quo' deus fuerit? · Non enim 1magma~dum est falso, :quasi deus steterit exspectans nu?c altqu
...,,
m~ndut?·. Stmul emm et semel quo deus fuit, quo fihull_l stb~ coaeternum per omnia coaequalem deum genutt~ ettam ~urtdum cre~vit, Iob : « Semelloquitur deus» . Loquttur.autem fihum generando, quía filius est .v:rbum; loquttur_ et creaturas creando, Psalmus : «Dtxlt et facta sunt, mandavit et creata sunt»h. Hinc est quod in alio Psalmo dicitur : « Semel locutus est deus, duo haec audivi »c. «Duo», scilicet caelum el a. Jb 33, 14.
b. Ps 32., 9·
c. Ps 61,
12.
i~quisiteurs de Cologne (v~ir Théry n° 8, p. 174-175; Daniels n, 8, J?· 29, 33-30 ,8). Il e~t condamné en deux points par la Bulle doAvtgn~m·; Le te~te meme de 1~ Bulle - avec _la proposition n, I I qu~ ~ est qu ~ne extrapolauon- montre bten qu'Eckhart n a pas ete compns : «l. Comme on lui demándait un jour pourquoi Dieu n'avait. pa~ créé le monde plus tót, il répondit a~ors, comme encare mat~tenant, que I)ieu n'avait pu créer d abord ~e monde,, paree q? une c~ose, ne peut ag~r avant d'etre. Par consequent, des que Dteu fut, 11 crea le monde. II. De meme o~ peut acco~der que le monde a existé de toute éternité. III. D~ meme, en meme temps et a la fois; des l'instant ou Dieu fut et en~endra. son Fils, Dieu coéternel et coégal eri tóutes choses, il crea ausstl<: monde» (F.A. et J.M., p. 264). Cettdnterprétation ?~ la. P_Cnsee d'J?ckhart semble excéssive, · pour Íle pas dire m¡usttfiee. En fatsant du V erbe le lieu des raisons éternelles Eckhart est tres normaleinent conduit a·rejeter l:i these arienne selon laquelle «avant d'etre engendré, oii créé ou décrété ou fait», le Verbe «n'était pas» (cf. texte dans ÉP;PHANE; Pan;rion 69, 6, PG 42, p: 209, réfutatiori dans AuGUSTIN la Trinité VI 1 1, .8_-115: p. 4~8-469) .•~a ~ifficUlt~·vie?-t ~niqu~ment de ~e q~·d C~_?t~tt d expn~er qu d n f, eut ¡amats un temps ou le Verbe n etatt pas, ~n dtsant de mamere plus abrupte que Dieu ne Jutpas avan~_c:le !=reer !le temps). Pour tout ceci cf. également Serm. latin . J¡¡, § 458. . . ' .
COMMENTAIRE DE GENESE
1, 1 ·
z.p
pouvait-il créer avant, quand c'est dans l'instant meme ou il est qu'il crée le monde? 11 ne faut pas imaginer faussement que Dieu aurait attendu un instant du temps futur ou il créerait le monde. C'est, en effet, simultanément et d'un seul coup 3 que Dieu est, qu'il engendre son Fils qui lui est en tous points coéternel et coégal et qu'il a aussi créé le monde, selon Job: «Dieu parle une fois pour toutesa.» Et il parle en engendrant le Fils, car le Fils est Verb~. Et il parle en créant les créatures, Ps : «11 dit et toutes choses furent, il ordonna et toutes furent créées h.» De la vient que l'o11:. trouve dans cet autre Psaume: «Dieu a parlé une seule_. fois et j'ai entendu ces deuxc. » «Deux», a savoir' le ciel et la terre, ou plutot 3. Cette expression qui s'appuie partiellement sur le Ps 61, 12 et Jb 33, 14 (pour «semel») ainsi'que sur AuG., La TrinitéiV, 1, 3 (BA 15, p. 342): «Quia igitur unuin Verhum Dei est, per quod facta sunt omnia, quod est incommutabilis veritas, ibi principaliter. atque iticornmutabiliter sunt omnia simul», provient peut-etre directement de J. ScoT, DDN, Il (Sheldon, p. 50, 26-,2): «Causa siquidem, si vere causa (!St, in seipsa · praeambit, effectusque suos, priusquam in aliquo apparent, in se ipsa perficit; et dum in genera formasque visibiles per generationem erump1111t, perfectionem suam in ea non deserunt, sed plene et inmutabiliter permanent, ·. nulliusque alterius perfectionis indigent,_nisi ipsius (unius), in qua semel et simul et semper subsistunt. >> Meme términologie en DDN, Ill (PL 122, 67o C-D): «( ... ) omne quod est in universitate rerum conditarum, (... )in Verbo Dei semel et simu/aeternum factum est; et nunquam erant aeterna et non facta, neque facta . et non aeterna. » E. Jeauneau note, a propos de Hom. sur le Pro/. de ]n, IX, 288B (SC 151, p .. 242, 6: «
· EXPOSITIO· LIB; GENESiS ·
f
terram, .·vel potius ·«duo· haec», · personarum· scilicet
~_,"_.-·.·· "·t, .··;,.,;..
COMMENTAIRE DE GENESE
1, 1 ·
«ces deux», c'est-~-dire l~émanation des l'ersonnes et la création. du monde,. qu'«il--prononce une· seule fois », qu' « il a prononcées une seule fois ». Voila pour le premier des quatre points annoncés pl~s ha ut.· .
emanatt~:>nem
et: mundi creationem,. quae tamen « s~mel: tpse loquttur »; « semel-Iocutus est ». Hoc de prtmo tnter quattuor. superius praemissa . .J
Simultanéité de la création.
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8.· ,Quo~ a~t~m- Heb.r. 1 converso ordine dicitur: «Tu tn prtnctpto, domme~ ~erram fu~dasti, et opera manuum tuarum sunt caeh»a, Psalmo concordans . · ' non obstat. · Primó. q~idem, quía orationes, «nomina et verba transpostta tdem significant». Secundo,. quía sicut ea quae non simul-nec semel ~unt a nobts,. puta fundamentum, paties et tectum, stmul uno dtcuntur nomine, puta domus, sic e con-yer~o. quae de~s. simul facit, non possunt. simul a ?-obts ~tct, tum quta dei dicere est suuni facere- secus tn n<;>bts - tum. quía dei · dicere. est ·causa totius sui operts -et. omnium partium - secus. in no bis; Unde no~andum .quod, .si .materia domus se tota esset ab artt~ce et et se tota obo~d~ret ad nutum, artifex utique ~~gttando dom1;1m practtce omnes partes domus et tpsam· domum stmul produceret in -esse. ·Nostra ením operatio· sicut et ·scientia a ··rebus· oritur; -propter quod a, rebus dependet· et · mutatur tehus mutatis; · E converso-res ipsae ortum habertt a scierttia dei et
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He1,z~: .
Ps 1~1, 2.6. :
·,·:
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1. AR.; pe finterpr~liflion,. Io, 2.ob 1 (Tricot, p. u~). . ~· Le theme de 1~ dt.sJonctton du dire et du faire humains est t~r~ de la Gl~se. o~dtn~tre ..~'exempte· dé la· maison est peut-t!tre ttre ~e BEDE, 'Etb.IV mprm&. Gen., 1, 1, 1 (CC 118 A, p. , 8- 16). 3
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8~ Que l'ontrouve l'ordre inverse dans He I, tout comme_ dans .-le- .Psa~me, i.e. «Au .commencement, Seigneur, .t\1 as fondé la terre; et les· cieux sont l'reuvre de tes mainsa» ne fait pas de difficulté. L Les phrases. « résultant d'une permutation des noms et des ver bes signifient la meme chose 1 ». . · 2 .. De meme que. des choses que nous ne faisons pas_simultanément.et en une seule fois, par exemple des fondatjons, des murs et un toit, sont simultanémef1t exprimées par un .seul -nom :. «maison»; de meme et inversement, celles que Dieu fait simultanément ne peuvent etre simultanément. exprimées par nous,. soit .paree que, a la différence du notre; .le dire de, Die u est son faire, soit paree que, a la différence du notre, le .dire de Dieu .est cause de· son reuvre en totalit~ et dans chaql,le partie_?. : .. , · · . On doit. done noter. que; si -les: matériaux de la maison provenaient tout entiers de l'~rchit~cte· et l~i obéissaient tout entiers au moindre, stgne; tl suffiratt qu'il en.conc;ut l.es plans:pour que toutes les parties et la maison ellé-meme fusserit simultanément produites dans l'~tre. En effet~ comme notre savoir notre action nait des choses, c'est pourquoi elle dépend d'elles et change lorsqu'elles changent. A l'iriverse, les choses .,
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La .<~ ~PQJonctio.n » ·. du . dire et. du. faire di:vins est également expiimée au meme ·endroit (p. h -J6-19)•.
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EXPOSITIO UB.. GENESIS ·.
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propter quod ipsis; ntpote posterioribus, mutatis deus in ~ua scientia non mutatur. Et hoc est quod in Psalmo-et ah apostolo de caelis subsequenter significanter . additur: «Mutabis. eos et mutabuntur. Tu a,utem idem ipse es>>h. .
tirent leur · origine de. la science · de Dieu et .en. dépendent, c'"est pourquoi- (lui) étant postérieures, elles peuvent changer-, Dieu n'en est pas changé dans sa connaissance. Et e' est bien hi le sens du Psaume a quoi l' Apótre ajoute a pro pos des cieux : «Tu les changeras et ils seront changés. Mais toi-meme, tu demeures identique h.»
9· Rursus etiam tertio notandum quod, quia in creaturis nihil_ omniquaque perfectum, plerumque postrema in entibus praestant priorihus in quibusdam. Propter quod topice scribitur non esse melius quod meliori similius, nisi fuerit etiam simile in melioribus. Sic ergo terra quantum ad stabilitatem sive immobilitatem praestat · etiam · caelo-. . Unde commentator et sui sequaces · caelum locant per terram sive centrm::n, · .de quo su o loco invenies in Opere· quaestionum. Hinc- est quod_ significanter
9· 3· De plus, il faut ertc'ore remarquer que rien dans les ctéatures n'est parfait a tous póirits de vrie: nombreux sont done ceux qui sónt les derniers parmi les etres mais 1' emportent stif les premiers par quelque coté. C'est pourquo~ nous a;<ms le .topo~ que ce qui est semblable au niellleut, n est m~tlleur qu'a condition de lui etre semblable dans ce qu'll a de meilleur t. De fait, la tetre l'emporte ·meme sur le ciel quant a la stabilité ou ,a l'i~mobil~té; Et c'e~t pour cette raison qu' Averroes et ses parttsans locahsent le ciel par rapport a la terre ou au centre. Tu trouveras tout cela en son lieu dans l'CEuvre des questions 2• De la vient encore cetté parole pleine de ·sens: «Au cotn-
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b; Ps Ioi, 27s.
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COMMENTAIRE DE GENESE
He 1,
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1. AR., Top., 111, 2, II7h 20:..26 (Tricot, p. I04-IOS)· En fait, cette formule lapidaire condense l'énoncé d'Aristote («dans le cas de deu:x; choses; si l'une est plus sembl~ble a une meilleure chos~ et l'~utre a une moins bonne-, sera meilleure celJe qui est plus semblable a la meilleure») et ~e objection («11 peut se faire (... ) que la chose. sémblal;>le ala meilleure ~hose luí ressemble par ses cotés les moins bons, tandis que la chose semblable a la moins bonne lui _ressemble par ses cotés les meilleurs») .. . 2. AvERROES, Phys., IV; comm. 43· (f. I:I6r q. Les. Auctoritates Aristotelisdisent dans le meme sens: «caelum non est in loco per se, sed per accidens, scilicet ratione centri», énoncé attribué a A ver,;oes (Hamesse, prop. 1 53, p. 1 p ). Eckhart, lui, se rattache a- l'enseignement de Thoptas d'Aquin; reprenant Thémistius, selon qui. la sphere du del ~st Jocalisée par ses páqi¿s;noó par le centre. Cf. THOMAS d'AQ., In Phys., IV; e_. s,
lect. ']; n° 6, 167b -n;' 13; i69a poür lá discussi()n d' Averroes, et EcKHART,Quest. Parts., IV~§ 4 (LW V, P:}4•_ 1-3~, Comm.Je~;~n, § 32s. Pour Thomas les parties de la dern~ere sphere ( = le ctel, dont le mouvement est tontinu et citculatre) sont seulement en puis~ance dans .un lieu, ~a ~ota~ité de la ·sph~re ~st ?on~ b~en daris un heu par accident, mats a ratson de ses part.tes mtrtnseques et non a raison d'un centre (= la. ter~e)· qut reste totalement extrinseque asa ~ubst~rite. Ainsi ~ónt, a~~uncorps ne contient le del mais du fatt meme de la circulante de· son mouvement cha~une de ses parties en contient po~eritiellemen~ ~ne deu:x;ieme et est potentiellemeht. contenue · p~r une tro1s1~me : ~
COMMENTAIRE DE GENESE
EXPOSITIO LIB. GENESIS
dicitur: «~u, domine, in principio terram fundasti»a, s~c.undum tllud ~sal~: «Fundasti terram super stabtlttatem suam» • Htnc est quod ·in nobis dextra magis m<;>t~i conveniu~t ~aturaliter et prius expon~ntur, stntstra vero fixtom. Processurus enim quisptall_l ~extrun;t ~e.dem praeponit, tenens se et figens m stms~ro: .Stmthter laborans operatur cum dextra, tenens td, ctrca quod operatur, cum sinistra. Quod autem in Eccli. dicitur : . «Qui vivit in a~term~m, c~eavit omnia simul »e, ah aliis satis exposttum mvemtur. Hoc de secundo principali inter quattuor.
xo. Tettio res~at yidete quomodo ah uno simplici, p~t~ a deo, ~osstnt tmmediate ésse seu produci plura dtstmcta et dtversa; puta caehim· et terra et similia. Ait enim : in principio creavit deus caelum et terram. ~ ( Ad hoc respondetur et bene, quod secus est de agente ?ecessitate natura~, secus de agente voluntario et per mtellectum, qualts est deus, ut Thomas p. I , 9· 4.7 a: .I •. Ad hoc_ facit q~_od dictum est: in principio, { \ td est m mtellect_u, ·creavzt.caelum et terram. · ) Secundo respondet -Avicenna satis subtilitei a. He1, 10. Cf.·Ci-'dessus§ 8..
·h.
Ps 1<:>3, S·
c. Si 18,
1.
3. Aa., De coelo, ·II, 2, 284b 28 (Tricot, p. 68) : «le nwuvement local» part «de la droite». · · .· 4· Notamment chez AuGUSTIN, La Gen. a11 s. litt., IV, xxxm, 51-5 .z (BA 48, p. 358-363). Ori sait que·dans ses Sermons el lefons sii!;Je ~irafitfe, Eckhart lui-m~me ne commente pas Si 18, 1 mais seulement 24, 23-31. · · . .· · . .
1, 1
mencement, Seigneur; tu as fondé la terrea», selon ce passage . du Psaume : «Tu as fondé la ·terre sur sa stabilité h.» De la· vient enfin que, chez l'homme, ce qui est ·a droite convient naturellement mieux au mouvement et s'engage en premier, tandis que ce qui esta gauche s'accorde mieux a l'arret. En effet, quand quelqu'un commence a se mouvoir, il avance le pied droit mais il se tient et s'appuie sur le gauche3. De meme l'ouvrier travaille de la main droite, mais ce qu'il travaille, il le tient de la main gauche. Quant a ce que dit le Siracide : « Celui qui vit pour l'éternité a tout créé ~ meme tempsc», on en trouve suffisamment d'explications ch~z d'autres (commentateurs)4. · Voila pour le second des quatre points principaux.
Critique de l' émanatism_e nécessaire. · xo. Il reste a voir en troisieme lieu comment plusieurs choses distinctes et diverses, comme le ciel, la terre et d'autres choses semblables, peuvent etre ou etre produites immédiatement par un seul etre simple, je veux dire par Dieu~ En effet, il est dit : Au commencement. Dieu créa le ciel:et la terre. A cela on répond - et c'est _juste - qu'il .y a une différence profonde · entre . ce qui agit selon une nécessité de nature et ce qui agit volontairement et par le moyen de l'intellect, comme c'est le. cas de Dieu, ainsi que le dit Thomas, la P, q. 47, a. 1. A l'appui de ceJa, le fait qu'il est dit que: Au commencement, c'e~t-a:-dire dans l'~ntellect, il créa le ciel etla !erre. Avicenne dorine une. s~conde réponse, tres subtile, au chapitre IV d~ livre IX de la Métaphysique 1• Mais § 10
1. AviCENNE,
Met., IX, 4 (f. 1o4va, 6o-6s; VAN RIET II,
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COMMENTAIRE DE GENESE
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CC~, deRoM.E~·Err: Philoi., VI; 6(Koch, p. 2.8; 13-8). En fait, c'est tout l'émanatisme avicennien et, notamment, sa conception mel!le de la,produc~~on de la Premiere Intelligence et de son róle dans la production des intelligences, ames et corps · \ ultér~eurs <Jui constitue la «rép_on~e~> d' Avic~nne. . . 't 2.. Peut-etre SIGER de BRABANT, Quaest. tn Met., V, q. xo (Graiff, p. 301, 71-74). On notera de toute fac;on que phisieurs textes anonymes mentionnés dans' HISSETTE, Enquéte ... , p. 66 et 72., contiennent l'adage «aristotélicien» déja allégué ci-dessus, § 2., notamment : Quaest. in Met., ms. Cambridge, Peterho11se 15 2. (f. 2.91vb): «Dicendum quod secundum intentionem Aristotelis et A vicen·nae et Algazel et fere omnium peripateticorum, quod tantum ah eá iminediate procedit :unúm. » .L'unicité de Peffet immédiat de Dieu est également so u tenue daos les Quaest. in lib. #.e.teor., ~~~ Münich, C/m 95 59 (f. p.va): «
2.19
Thomas -s'y. oppose dans,·le passage que. je. viens d'irtdiquer, toutconime Maimonide au chapitre 2.3.du livre 11 (du Cuide des égarés). Un. maitie célebre avait coutume de soutenir:que de l'un, ne peut, imniédiatement, rien résulter d'autre que de l'un 2,
IX Metaphysicae c. 4·. Sed ·Thomas;-ubi iam supra, vadit contra hoc, et similiter Rabbi -Moyses· II libró suo c. 2.3.-Quidain ex·maioribus mundi s'olebat· dicere quod ah uno,. id· est ah ·una idea,· immediate.tantum · \ · unum produdtu'r. ':~ .:·'·
Ix. Rursus autem ad. hoc respondere · consuevi aliter et tripliciter: Primo quidem sic : dato quod deus agat necessitate · naturae, tun~ dico : d~us agit et producit res per naturain smim, scilicet dei. Sed ?~tura dei est. intell~ctús, et sibi. es~e est intelligere; \_, 1g1tur produclt res m esse per 1ntellectum. Et per consequens: sicut suae simplicitati non repugnat intelligere plura, ita nec producere plura.immediate. _Secundo sic: ignis per formam suam et proprietatem caloris geneiat ignem et calefacit. Quod si aequaliter haberet formam aquae. et proprietatem abluendi .sive infrigidandi, simul et aequaliter gerieraret. ignem et ·aquam, simul calefaceret, ablueret et infrigidaret. Sed· deus naturaliter .praehabet orones
1, 1.
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lió Mais j'ai moi-meme l'habitude de répondre autrement et de trois manieres différentes; · 1. A suppóser que Dieu agisse selon une nécessité de. nature, je dis ceci : Dieu agit et produit les choses de par sa nature meme, c'est-a-dire par la nature divine. Mais la nature de Dieu est l'Intellect et, pour lui, etre c'.est connaitre t; dohc c'est par l'Intellect qu'il produit les choses dans l'etre. · Et par conséquent, de ' merne qu'il n'est pas .· contraire a sa simplicité de connaitre plusieurs choses a la fois, de meme (rien ne s'oppose) a ce qu'il produise sans intermédiaires plusieurs choses distinctes. · 2. C'est. par sa forme et par la propriété de la chaleur que le feu engendre le feu et qu'il chauffe. ·S'il possédait également la forme de l'eau et la propriété •.. de laver etde refroidir, il engendrerait simultanément . et également feu et eau, simultanément il chaufferait, ¡laverait et refroidir.ait. Mais ·Dieu possede d'avance \ toutes les formes etcelles de toutes choses2. Done, en
ah
q:uoniam un9 Sé!=undÚm. quo4: 'un~~ non procedit nisi ll;nUm.» · " . . § 1 1 1. Eckhart reprend ici la these centrale de la Question 1 Utrum in Deo sit idem esse et intelligere, déte.rminée a París vers 1302.-1303 (LW .V, p. 37-48). Dieu est seulement intellect (connaissance,.pensée.intellective) et étant seulement intellect, i1 est seulement etre (i.e. son essence intellectuelle est son etre, il est son propre etre). L'identité de l'etre et de l'intellect divins est indissociable du theme de ·la· création dans le Verbe .. . 2.. Toutes choses subsistent éternellement en Dieu a titre de causes primordiales. C'est meme idée de dire que toutes choses
26o
EXPOSITIO LIB. GENESIS · .
COMMENTAIRE DE GENESE
1, 1
z.61
formas et omnium. Igitur deus naturaliter producendo producere potest diversa et omnia imrrtediate.
produisant selon sa nature, Dieu peut produire. des choses di verses et toutes: sahs intermédiaires. .
Tercio et melius dico quod re vera ah uno uniformiter se habente semper unum procedit immediate .. Sed hoc unuin est ipsum totum universum, quod a deo procedit, unum quidem in ·multis partibus universi, ·sicut · deus ipse. producens est unus· sive unum simplex in esse, vivere et·intelligere et operari, fvJf\ copiosius tamen secundum rationes ideales~ Universa1 • liter enim natura primo et per se respicit et intendit totum immediate. .· Ubi notandum primo quod, q·uanto res est perfectior in esse et simplicior, . tanto copiosior est secundum rationes et potentias. Verbi gratia : ínter omnes formas materiae anima ratiorialis est perfectior et oh hoc: in · esse et substantia simplicior et in potentiis multiplicior, sicut testatur et ostendit organorum corporis humani diversitas ·et distinctio. .Secundo notandum ·quod universum si ve mundus, quanto est perfectius; tanto esse suum ·est simplicius et ·partes· suae- piures et- in plura distinctae. ·
12. · 3· Je dis - et cette· réponse est meilleure qu'en vé.rité, de· ce qui est un et uniforme dans sa fa~on d'etre, c'est toujours quelque chose d'un qui procede immédiatement. Mais ce quelque chose d'un, c'est tout l'univers lui-meme, qui procede de Dieu et reste. un dans la multiplicité des parties qui le constituent1. ·De meme, Dieu qui produit est un, c'est-adire simple dans son acte d'etre, de vivre et de connaitre et (simple) dans ses ceuvres, bien que riche en· raisons idéelles. En effet, en regle universelle, la nature, d'abord et par elle-meme, regarde et poursuit immédiatement le tout2. · . A ce propos, il faut remarquer 1. que plus une chose est parfaite et simple dans son etre, plus elle est riche du point de vue des raisons et des puissances. Par exemple : parmi toutes les formes. (qui· se trouvent) dans· la matiere, l'ame rationnelle est la plus parfaite et ainsi elle est plus simple en etre. et en substance mais plus diversifiée dans· ses. puissances, comme l'attestent et le montrent la distinction et la diversité des organes du corps humain 3. 2 •.· 11 faut noter que plus l'univers oti le_ monde est parfait~ plus son etre est simple, plu's ses parties ~ont nombreuses et plus elles · sont vadées dans leur - pluralité. ·
12•
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!ie préexistent en Dieu. ou .que Dieu c_ontient d'avance toutes choses. n suffit de ga_rder a }'esprit que cette pré-existenc~ ne regarde. pas· ~es effets ptoduits a l'extérieur («ex-sistantS»; ' <(extra-fáits>>) mais les . seules ciisons- étern:elles, availt l'ex/ sistance, a l'intérieur. Cf. Serm. al/. 21 (DW I, p. 3~8~ 4s; 1 Anceletl, p. 184s), 13a (DW I, p. 225, 4; Ancelet 1, p. 13os) et u (DWI, p. 377, 1; Ancelet 1, p. 191s) .. La source principale est . ici Denys, ND; c. 4 § 6 (7o1A-7o4A), lu avec Albert le Gd, In ) DN c. 4 §-83-85 (CoL p. 19os), et aussi I'Erigénien (voir ici § 3 n. i ét § z.s n.- 1). '. · · · ·. · ·.. · ~ ·. : . ·· · 1. L'univers et non, comme chez A vicenne~ la Premiere lntelligence; On sait qu'Eckhart aime a présenter l'univers cbml:Jle ·.«cé. qui .. est tourné vers l'Un». Sur· l'univers, cf. ci-dessous § 11 et 69.
~
. z.. Sur l'ordre de la nature, cf. ci-dessous § 1s3. Comm Sag., § 35-37, 40, 72-73, 197s, 2.35-238, Question V Utrulll incorpore Christi... , § 3. Comm. jean, § 714. Cf. également THOMAS d' AQ., l 4 P; q. 103 et.ScG, 1, c. 78 et 85. 3· ·Sur le theme aristotélicien du role et du statut éminent de l'ame radonrielle.dans la hiérarchie des formes, cf. THOMAS, ¡ap, q. ·¡6, a. 1, resp. · ·
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Z:6z
13. Ex his patet rudis quorundam ·quaestio ~t dubitatio qua quaeritur utrum deus prius· produxer~t angelum aut aliam. quamlibet creaturam quam ~elt quam. Produxit enim immediate non _hanc aut. altam partero universi, sed ipsum totum untversum tmmediate, quod, in qua~, u~iversut?. non pro~u~eret ~e~ esset universum,. st qutc,l parttum essenttahum tp~t deesset. Exaequo autem un_iversum non e~s~t, si_l~pis vel lignum deesset, aut st natura angeltct sptntus deesset.- Hoc de tertio principali inter quattuor superius praemissa.
COM~ENTAIRE
DE
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GE~ESE 1, 1
z63
La création de 1'ange ~ , 13·. be la découle a ·l'évidence la solution de la question et du doute soulevés par certains · esprits grossiers, qui dem~ndent si Dieu a d'abord produit l'ange ou une ·créature quelconque avant les autrest. En· effet, il n'a pas produit immédiatement telle o u telle partie de l'univers : c'est tout l'univers lui-meme qu'il a produit· immédiatement; cet univers, dis-je, qu'il n'aurait pas produit et qui ne seraifpas l'univers, si quelqu'une .de ses parties essentielles lui manquait. De fait, e' est dans une mesure chaque fois identique que l'univers ne sefait pas l'univers s'il lui manquait soit la pierre, soit le bois, soit encore la nature de l'esprit angélique2. Voila pour le troisieme des quatre points principaux annoncés plus haut.
La collation de l' etre. j__
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14. Quarturr. · vero. principale, scilicet quod. omne citra deun:i habet esse ab alio sive aliunde, sic conchiditur ex praemissis : dictu~ est enim q~od deus creavi~ caelum et terrdm,: id est suprema et tnfima et per consequens omnia. Crea~i? autem est collatio ~sse. ~t hoc est quod Pr?clus d1ctt prop .. I I : « Omnta entta § 13 1: Cette question liée a la précédente est notamme~t traitée par BASILE, In Exaem. hom., 1 (SC z6, p. 105, § 5) : « Car 11 y eut, parait-il, .avant meme que ce monde fftt (... ), avant la genese du ~onde, une condi~ion _qui convenai~ aux puissanc~s célestes : depassant no~re c~tegorl~ du temps,, eternelle, ~erpe ttielle.» Hugu~s de S;unt-Vtctor dtscute la these de la creatlon primordiale de l'Ange au.De sacr., 1, ~- 3 (PLIJ6, 189B-19oA). E~ 247C il dit accepter l'at_ltériorité de _l'~n~e «non.( ... ) tempore, sed causa soltim et respectu et dtgmtat~». Pterre Lo11_1l:;ard synthetise tcnite la discussion en Sen~. JI, dist. z, c. 1 (Grottaferata, p. 33 6-33 7).
14. Le quatrieme, c'est-a-dire que tout ce qui est inférieur a_ Pieu re<;oit s·on etre d'un autre ou d'ailleurs, estaussi établi a partir de ce qui vient d;etre avancé : il es·t. dit, e.n effet, que Dieu 'cda le ciel e{ la !erre, ¿'est-a~dire ce qu'íl yade_plus ha~t et ce qu'il y a dé plus· has et par· conséquent· tout. Or la eréation est la collation de l'etre 1._Et c'est ce que dit Proclus a la proposition 11 des Eléments de théologie: «Tous les z. Ayant produit l'univers «simultanément et d'un seul coup>>, Dieu n'a done hi produit une ou phisieurs parties avant les autres ni (ce qui révient au meme) produit le tout sans l'une ou l'autre de ses parties; Quelle que soit sa dignité, totite partie qui manque a l'univers fait qu'il n'est pas l'univers. Sous ce rapport, la simple pierre lui est done aussi essentielle que l' Ange. _§ 14 1. _On pourrait diré aus.si le «ret~eil de l'etre». Sur cette · _ . notion cf. ci-dessus Pro/. gen., § 16.
EXPOSITIO LIR. GENESIS
procedunt ab una causa prima». Et Augustinus 1 Confessionum sic ait : « Nulla vena trahitur aliunde, qua esse curradn nos, praeterquam quod tu facis nos, domine» ..Nec _ta,men imaginandum est quod· tamquam ah extra in nos veniat, eo quod deus, utpote causa prima, intimus sit entibus, et dus effectus sive influentia utpote primi et supremi est naturalissima et suavissima et convenientissima, sicut declaratur in Opere propositionum, tractatu De superiori, ratione et exemplo. Haec igitur ad praesens sufficiant litterali expositioni praemissae auctoritatis, qua dicitur : in principio creavit deus caelum et terram. Alias expositiones ·notavi, . quas invenies in Prologo generali totius Tripartiti.
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i 1·
Mor~líte~ autem notandum quod · ait · deum creasse· caelum et terram. Caelum in principio et postei:ius terram nominat. In quo percutiuntur primo hi qui terrena caelestibus antepomint contra illud Matth. : « Primum· qüaerite regnum dei »a. Et isti sunt ·símiles cani qui umbram cárnis volens capere; carnem amisit. Item secundo arguuntur ·illi qui operantur· bona timore, non amore. Tales enim terramJ id est poeilam, a. Mt 6, H· 2. PROCLUS, Elem. Theol., prop. 11 (Trouillard, p. 67). 3· AuG., Conf, I, VI, 10 (BA 13, p. 288-289). 4_...,.Ce-tr~ité. est·aujourd'hui perd~. Cf. ci-dessu~Prol. gen., § 4· 5. Cf. ct-dessus Pro/. gen., § 15-21. •
COMMENTAIRE DE GENESE
1, •·
etres procedent d'une cause unique qui est. la pre- . miere 2• » Et Augustin, au livre J des ConfessionsJ déclare: «Ün·- ne peut trouver aucune .veine p~r laquelle l'etre se -répand- en. nous, :Sinon, Seigneur, l'ac;:te par lequel tu nous fais3. » :M:ais il ne faut pás s'imaginer que Dieu vient en nous comme de l'extérieur, car en tant que cause premiere il est_d'emblée a l'intérieur de tout ce qui est; .et son effet, ou son influence, dans la mesure ou i.l vient d~ premi~r et du plus haut est le plus· natur~l, le plus suave et le plus adéquat de tous .. On · le démontre clans l'(Euvre des propositionsJ traité Dt~.~c.supérieurJ par le .raisonnement et par l'exemple4. Ces remarques suffisent pour l'instant a l'exposition littérale de l'autorité ·a co'mmenter, selon laquelle Au commencementJ Dieu créa le cíe/ el la terre. J'ai donné d'autres explications que tu trouveras dans le Prologue général a tout l'(Euvre tripartites.
La Genese au sens moral: premier sens.. . .
.
.
IS· Pourl'exposition morale, il faut noter que le texte dit que. Dieu a créé le cíe/ et la terreJ c'est-a-dire qu'il nomme le cíe/ a1.,1 début etensui~e/a terre . . 1. Par la sont attaqués ceux qui, contre la parole de Mt : «Cherchez d'abord le royaume de Dieua», font passer les· biens terrestres avant ceux du del. Ils sont semblables au chien qui, voulant attraper l'ombre du morceau de viande,- n' attrape pas la viande t. 2. Ceux qui font le bien par crainte, non par .amour sont également pris a parti. Ceux-la, en effet, c'est la § 1 5 1. Pour cet exemple, voir ÉTIENNE de BouRBON, TracIa/m de diversis materiis praedicabilibus (Lecoy, p. 224). Cité dans LW I, p. 198, note z. .. .
266
CO~MENT-:\l~E DE G~N.ESE
EXPOSITIO' LIB. GENESIS
primo r~spici':lnt, non caelum, id est' ·amorein boni. Cóntrá quos poetaait: · __.. •· · ···· · « Odérunt' peccare inali formidine poenae >>. :· · · Contra tales dici~ Aug1lsti,nus De vera religione· c. 38 quod. vertunt sttlum, scnbunt cum plano ét delent cum acuto. It_~m tales haberit caput deorsum, pedes sursum, ca~l1:1m deorsum, Marc. 8 : « Vidi homines quasi arbores ambulantes» h. Unde non·est mirum si m':llttim lah<:>ra~t · et poena·m stistirient; operantur emm· contra· ordtnetn naturae, contra impeturir inclinatio.riis naturalis, contra ordinem dei~ qui in principio creavtt caelum ,· Job : «Po~uisti me conttarium tibi, et factus suni mihimet ips~ gnivis ».e ·
x6. -Adhuc autem dicitur deus .creasse caeluni et terram in principio, id est rationa~iliter, · .ut. supra expositum est, quia horno divinustam prospera quam adversa~ tam bona quam mala bene. ordinat et. ipsis bene utltur, secundum illud Rom. 8 : « Diligentibus deu~ o~nia cooperantu,r ··in b6nurri»a. In principio c~e~vtt ·Jeus ta'elum et terram ,• in principio~ icJ ést ratióriabtliter. ·. · · · ·
·.~7· :N9~~·dú~ e~ mtssa.
~rl~O
R.a}Jbi Moysesci~~a_ver~a pra(!«quod differepJia est Ínter pri~cipitim et
· b. · Me 8, 24.
c. Jb 7~
i.o: § 16 á. Rm 8, 28. · . · · ..: ....
·
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·. 2. Cf. ci-dessou~§ 286. J;.e t~xte du «poete», i.e. :tJoRACE, Ep., 1, 16, 52. (Belles lettres, p. 109) est légerement diffétent: .· · . 3· En réalité, AuG., La Vraie Religion, XX, 39 (BA 8, p. 74). · § 16 1. Cf. d-dessus § 5· · · . , § 17 1. Pour tout ceci cf. MAIMONIDE, Dnx nentrornm, 11, 31 (~. 6~r, 1:..9; Munk 11! p. 23?s)._L'inte1J?rétilt~ori du «Príncipe» (cxp:x;Y}):~ Gomme · «Prtnce» (&p:x,eL) qu1 rehe. la notion ·de cominencement . a celle dé commanderilent . est. attestéé des
1, 1.
267
terre, c'est-a:-dire la peine, qu'ils regardenten premier, . rion le ·del, C' est-a-dire 1'amour du bien. Contre eux le poe~ez_ di~: .·«Les .méchants ont ha! le pé.ch_é· par ,crainte.de la peine (encourue).» Contre eux encore, Augustin. dit: dans la Vr~ie Religion, .chap. 38, qu'ils ti~nnent leu~ siylet al'envers, écrivent avec la palette et effacent avec la pointe 3 • Pareilles gens ont la tete en has, et ~es pieds en haut, et pour eux le ciel est en has, Mc.S: «J'ai vu marcher. des hommes qui re~sem blaient ades arbres h.» Cen'est done pas mirade s'ils travaillent beaucoup et éprotivent de la peine: é'est qu'ils agissent contre l'ordre de la nature, contre l'élan de l''indiriatio; naturelle, contre l'ordre de Dieu qui au commencement créa le cie/,' Jb: «Tu ni'as fait me dresser contre toi et je suis devenu une charge :pour moi-memec.» ·
Deuxieme ·sens. .16. _En~utre,. il_est dit que Dieu a.créé le ~iel et la terre au commen.cement, c'est-a-dire raisonnablement, . comme on l'a exposé plus hautt, paree que l'homme déifié sait comment bien disposer de ce qui lui est propice et de ce qui lui est contraite, des biens' comme des niaux, et ·c¡u'il· sait bien en user, comme le dit Rm 8 : «Pour ce'!lx qui aiment Dieu, toutes choses collaborent au hiena.» Au commencement Dieu créa le ciel et la terre: ·au commencement, c'est-a-dire raisonnablement. 17. A ce propos, note deux choses. tirées de Maimonide. ' 1. «Il y a une différence entre príncipe et premiert. Ti-IÉüP!-iiLE · d' ANTIOCHE, Ad Anto!Jcnm, textt: NAUTIN, «Genese I; 1-2 de Justin
dans P.
et commentaire a Origene», In
268
EXPOSITIO LIB. GENESIS
primum. Principium enim est res in eo vel cum eo cuius est principium animalium vitae». « Primum autem dicitur de eo quod est antiquius in tempore, licet non sit causa eius quod est posterius ipso, sicut si dicamus : primus qui habitavit in tali domo fuit Petrus, et post ipsum Iohannes. » « Verbum autem, a quo incipit liber Genesis in lingua Hebraica, significar principium et sumptum est a verbo capitis, quod est príncipium corporís cuiuslibet animalis. » 18. Secundo notandum · quod deus simul creavit caelum et terram et omnia quae in iis sunt «in statu suo et in pulchritudine sua»,· «in specie perfecta et forma et in electione accidentium», sed non simul apparuerunt. Exemplum «de agricola seminante simul diversa genera seminum in terram. Pars autem oritur post unum diem, alía vero pars post duos dies, alía vero post tres dies, sed omnia semina proiecta fuerunt · " in una hora».
19. Rursus tertio resumendo quod dicitur: in principio creavii deus caelum et terram ~i<:amus quod deus creavit caelum et terram in principio, id est in esse sive ad esse et propter esse, id est creavit ut essent, Sap. 1 :
COMMENT,AIRE DE GENESE
1, 1 .
Un príncipe, en effet, est une chose qui réside dans ce dont elle est le príncipe ou qui l'accompagne et qui ne lui est pas antérie.ure selon le temps. C'est ainsi que le cceur est le príncipe de la vie des animaux. » « Mais est dit premier ce qui est le plus anden dans le temps sans etre cause de ce qui vient apres .lui, comme si nous disions :Le premier qui habita cette maison fut Pierre et apres lui Jean. » « Or le mot par kquel commence le livre de la Genese en langue hébra1que signifie "príncipe" et est tiré du mot "chef'', qui est le príncipe du corps chez tous les animaux. » 18. 2. Dieu simuH::anément créa le ciel et la !erre et toutes les choses qui s'y trouvent «a l'état achevé et en pleine beauté», «dans la perfection de l'espece et de la forme et dans celle du choix des· accidents », mais celles-ci ne sont pas · apparues simultanément. On peut a ce propos évoquer l'exemple du «paysan qui seme en rrieme temps différents genres de graines dans la terre. Une partie pousse apres un seul jour, une autre apres deux, une autre apres trois. Toutes les graines n'en ont pas moirts été semées a la meme heure 1 ». · ·
Troisieme sens et récapitulation générale. Principio, lnterpréiations des pre~lers ~ersets de ia Genese, Paris, 1973; p. 71, riotamment: «C'est ce Verbe qui est appelé &:pxf¡ paree qu'il est le chef (~px.eL) et maitre de tous les etres créés pll:f son intermédiaire. » Sur le rapport «chef» - «principe» en hébreu, cf. également les Hebr. q~~t~est. in Gen., de Jérome, 1, 1 (CC 72, loe. cit.) .. Sur les différents sens du mot ««px.~», voir BASILE, In Exaem. hfJm.,) (SC 26, p. I08-:-II3)· 1. MAIMONIDE, Dux neut. 11, 3l. (f. 6Ii, 14 et 66r, 32-34; Munk II, p. 245 et 234-5). Le texte de Mal_monide s'adapte parfaite~ent_a_la doctrine des raisons étemelles (ou «séminales» selorf le terine d' Augustin). Toutes les· causes exemplaires sont
19. Reprenant maintenant ce qui est dit: Au co!J!mencement Dieu créa le ciel et la te.rre, nmis disons :
L'étre fin de la création. 1. Dieu créa le ciel et la terre au commencement, c'est-a-dire dáns l'etre mi pour l'etre et a cause de l'etre, il a créé les choses pour qu'elles fussent,_Sg I : simultanément·déclarées dans le Verbe: ce n'est qu'a l'e;lttérieur c.¡u'apparaissent les différences et done aussi un ordre.
COMMENTAIRE DE GENESE
EXPOSITIO LIB. GENESIS
t, 1 .
«Creavit ut essent ómnia>>a. Esse enim primum· esf et principium omnium· intentionum sive perfectionum. ·De hoc diffuse nota vi super Sap.: 1. ; · · · · .. Secundo : creavit in principio,' id est sic creavit quod tamen non essent extra se. Secus de omni artífice citra deum. Domificator enim facit dómum extra se. Augustinus IV Confessionum : «Non fecit atque abiit, sed ex illo in· illo sunt>> .. · · < .
:«Il a créé pour que toutes choses fussenta.» L'etre est, en effet, la premiere de toutes les notions ou perfections et leur príncipe. J'ai développé cela a propos du ·premier.chapitre du livre de la. Sagesset ...
Tertio : creavit in principio,· id. est sic creavtt quod semper creet, lo h. 5 : « Pater meus usque modo . operatur »a. . . · . . Quarto : in principio, id est in .filio, lo h. 8 ': «Ego principium»b. Ubi notandum quod, sicut nemo fit iustus nisi a iustitia gignente et ut sic.ingenita, item per ¡iustitiam _genitam. sive iustitia genita, _sic nihil creatur nisi ah. es se ingenito et nisi in es se genito, . quod est filius. . . _ _ Quinto: éreavit in principio, id ~st in ratione. Ratio
C'est-a-dire. maintenant. ' : :zó. 3~ 11 créa al{commencement; c'est-a-dire il a ·créé d'une fac;on telle qu'il créera toujours 1, Jn 5 : <<Mon peie ~uv~e· jusqu'a mainterianta. » ·
i;fieu crée. en iui~meme. .,2~./l-créa. au commencement, c'est-a-dire il créa de fac;on telle que les choses ne fussent pas pour autant a l'extérieur de lui. Il en est autrement de tous les artisans inférieurs a Dieu. En effet, la maitre d'reuvre fait etre la maison a l'extérieur de lui. ·Augustin, Confessions, livre IV;_ «11 n'a pas fait les choses pour les quitter ensuite, au contraire to~t ce qui vierit de lui demeure. en luí 2. »
20.
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\ ) § 19 1. Comm. Sag., § 19-p.. · 2·. AuG., Conf, IV~ xn, 18 (BA q, p. 438). Sur ce theme, cf. Comm. S(lg., § 21, Prol. gen.,§ lh Serm. latín 4/r, § 21 (LW IV, p. 23) et2J, § 220 et 222 (LWIV, p. 206,6-10 et 207, 1 r-15). § 20 1. Cf. ci-dessus Pro/. gen.,§ 18, i 1. Comm. Sag:, § 292.· · 2,__ ~e_ theme
de la Justice (inengendrée·et engendrée) est l'un des· prindpáux paradigmes eckhartiens de la relatioñ Pere-Fils
Et dans le ·Fils. · 4· Au coninienceiiient, c'est-a-dire dans le Fils, Jn 8 : «]e s\lis le comtriencementb:)) 11 faut noter ici que, de meme que ríen ne devient juste sinon 'par la justice engendrante qlii, ert tant que telle, est inerigendrée, et de par ou dans la justice engendrée; de meme, rien n'est créé sinpn par l'etre,inengendré [qui estle Pere] · et dans l'etré ·engendré qui est le Fils 2 • Ou Raison. 5•. 11 créa au. :commeñcement, e' est-a-dire dans la dans la.vie trinitaire. Mais c'est aussi le modele de la déification de.l'hotnme.«engendré fils» dans·le Fils engendré.- Sur tou~ ceci, cf. Comm. Sag.; § 6'4-, Comm.Jean, § i9, Parab. Gen.,§ t8o. ·.. ·
EXPOSITIO LIB. GENESIS
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emm, logos sive verbum, principium et causa est ommum.
Raison. La Raison, en effet, le logos, ou Verbe, est le príncipe de toutes ehoses 3. ·
:n. Sexto : in principio creavit caelum et terram, quia
Seconde_ critique de l'émanatisme. . :n. 6. Au commencement il créa. le ciel et la terre,
infima in enti bus sunt prima et aequaliter se habent ad esse et in esse sicut suprema in entibus, secundum illud : «Si ascendero in caelum, tu illic es, si deseenclero ad infernum, acles» a. Et hoc contra opinionem Avicennae et aliorum dicentium quod deus creavit in principio intelligentiam et illa mediante creavit alía. Omnia enim habent esse immediate a solo deo et ex aequo. Exemplum in · potentiis animae et organis corporis, quia omnia immediate habent esse exaequo immediate ah anima, nec ibi est ordo quantum ad esse, quailtum ad vivere, quantum ad animam. Septimo : caelum et terram, id est bona et mala, Is. 45 : «Creans malum et faciens pacem»b. Malum enim esse perfectio requirit universi, et ipsum malum in bono est et ad bonum universi, quod primo et per se respicit creatio. a. Ps 1~9. 8~ .. h. Is 4S. 7·
1·'·
COMMENTAIRE DE GENESE
~· Cf. ci-dessus § ;. Voir dans lememe sens J. ScoT, Hom. sur le Pro/. de ]n, VII, 287A-B (SC1 p, p. 23 1-233). Voir également ibid. la remarque de Jeauneau, p . .z.;z., note 1 qui renvoie a PL uz., 556B, 562C, 56;A-B, 714B. § 2.1 1. Ces quelques lignes ont été incriminées dans la
¡:>remiere liste d'accusation de Cologne. Cf. Théry, n° 9, p. 175; Daniels, n° 9, p. ~o, 9-1 1. 2. Cette seconde critique de l'émanatisme réfute done et Avicenne et eeux qui soutiennent que Dieu a produit la créature corporelle par l'intermédiaire des anges. Cf. done Av.; Met., IX, 4; A;LGA_ZEL, "Met., v (Muckle, p. 119); A vER., Destr. Destr., disp. r (IX~ 5z.E), Lib. de Causis, prop. III (Pattin, p. 52., 13-1 8)
car les plus has parmi les etres sont au niveau des premiers et se rapportent a l'etre et .dans l'etre a égalité avec les plus h~uts 1, selon ce passage : «Si je m'éleve au ciel, tu y es,' si je descends en enfer, te voici a.» Cela contre l'opinion d' Avicenne et d'autres qui disent que Dieu créa au commencement l'Intelligence et que c'est par sonintermédiaire qu'il créa le reste 2 • Toutes choses, en fáft, re~oivent l'etre sans intermédiaire, de Dieu seul et a égalité. L' exemple en est dans les puissances de l'ame et les· organes du corps, car tous re~oivent l'etre de J'ame immédiatement et a égalité, et il n'y a la auctine gradation dans l'etre, la vie ou l'ame.
La fonction ·du mal. 7· Le ciel et la terre, c'est-a-dire les biens et les maux, Is 4 5 : « Créant le malheur et apportant la paix h.» En effet, la perfection de l'univers requiert que le mal soit, et le mallui-meme est compris dans le bien 3 et rapporté au bien de l'univers que vise d'abord et par elle-meme lacréation.
et les «Platoniciens», MACROBE, In somn. Scip. comm., I, XIV, 6s (Eyssenhardt, p. 539s). Cf. également TH. d' AQ., ScG, II, c. 42. et In Sent. II, d. 19, q. 1, a. 3 et G. de RoME, In Sent., II, d. 19, q. 1, a. 2., ad 3m. · ·· · . 3· Cf.. TH. d' AQ., ¡aP, q. 48, a. 3· Eekhart sollicite dans le sens d'une théodicée la doctrine de Thomas selon laquelle le concept du mal implique ou contient la négation de celui du bien («importat rationem boni privative acceptam»). Cf. dans le
... ·r·:.t·· .··.···.····· .
274
EXPOSITIO LIB. GENESIS
Octavo moraliter : in principio; id est ·in, filio, cr~at caeJ~m et ~erram, quia homini iusto .et perf~cto, qut est fihus det - secundum illud lo h. ·1. : « Dedit iis potestatem filios dei fieri »a-:- largitur deus caelestia et terrena, secundum illud Matth. 24 : «Super omnia bona sua constituet eum»h, secundum Matth. 28: «Data est mihi omnis potestas in caelo et.in terra»c. 22.
23. Nono adhuc moraliter : creat deus caelum et terram, quia horno dt~tnus agtt amore ~>Ont caelestis omne quod agit. Hic emm ordo. ~aturahs est. Nun9uam ~nim fugantur ~enebrae. ms~ per lucem, nec frtgus msi · prius calo re l~e~te. ~tve tnhaerente. Malus autem · horno, utpote dtsstmtlts deo,· e converso prius creat terram, quia propter malúm, quod · timet, operatur, posterius bonum caeleste. c<:>n.sequen~er simul CUJ? tempore
.24. Dedmo : in principio creavit caelum el terram, id est activa et passiva. Licet enim activum sit' prius a. Jn x,
12.
b. Mt 24, 47·
,.-_:·
COMMENTAIRE DE GENESE
1, 1
Le(s)ftls de Dieu. . · · 22• · 8. Au sens moral: Au commúzcement, e' est-adiré 'dans le· Fils, il crée ·¡e cieJ et la terre, car e' est a l'homme juste et parfáit qu'est le Fils de Dieu- selon Jn 1 : «
c. Mt 28, 18.
m eme sens ¡aP, q. I 7. a. 4. ad 2ID, 1n Sent. II, d. 24; a. 4. ScG~ III, c. 1 1, De malo, q. x, a. 2. Il n'en reste pas moins que l'ensemble est conforme ace qu'enseigne Thomas en ¡aP, q. zz, a. 2, ád 2m, In Sent. I, d. 46, a. 3, In Sent. II, d. 34, a. x, ScG,·III, c. 71,QD de potentia, _q. 3~ a. 61 ad 4m. Comparer not~mment avec ¡a P, q. 48, 2, ~d 3m: «Multa bona tollerentur, Sl Deus nullum malum
permitteret esse. Non enim generaretur ignis, nisi corrumperetur aer, neque conservaretur. vit.a·. leo.nis~ nisi occid~ret~r asinus, neque etiam lauderetur 1ust1t1a vmdtcans, et pattentta sufferens, si non esset iniquitas. » Le príncipe général posé par Thomas a cet endroit est . clairement repris ·par Eckhart : « Dicendum quod Deus et natura et quod~umqu~ agens, facit quod melius est in toto, sed non quod mehus est ln unaquaque parte, nisi pcr ordincm ad totum. »'
T~rEXPOSITIO LIB. GENESIS ~
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dignitate, sicut caelum terra, ipso · passivo, ·simul tamen sunt tempore, quod creatio sonat. Rursus etiam forma et materia, utpote caelum et terra, sunt simul non solum tempore, sed sicut materia non habet esse sine forma et ipsi per essentiam, nulla potentia media, est subesse formae et informari, sic pari cursu e converso forma per essentiam nullo medio accipit esse in materia et per informare, et informare est sibi esse. Sic ergo in principio, id est in esse simul producitur forma et materia, activum et passivum, caelum et terra: _
25. Undecimo creavit deus in principio caelum et terram, quía rationes rerum in deo respiciurtt duplex esse, puta esse intellectuale in anima, quod per ca.elum intelligitur- Psalmus : « Fecit caelos in· intellectu »a et iterum ad esse materiale extra. animam, quod per terram significatur. Propter quod Plato ideas ponebat esse principium cognitionis et generationis .. Et hoc est quod dicitur Ioh. 1 3 : «Vos vocatis me magíster et domine>>~. Magíster respicit cognitionem, dominus exteriorem operationem. a. Ps 135, 5·
+
b. Jn q, 13.
§ 24 1. La simultanéité de l'action et de la passion, de l'actif . et du passif est un theme aristotélicien. Cf. Phys., III, 3, 2o2b, 10-14 et le commentaire de THOMAS, In Phys, III;-lect. 4, n° 8-10 et_-- surtout· lect. 5, n~ 7; u3a: «Actt.·o et passio. non sunt duo motus sed unum·et tdem motus: secundum emm quod est ab a~~ntc;: dici~ur a~o, secundum autem · quod est in patiente . . . - • . . · · .. _-. · . - .. \ dtcttur passtd.»
COMMENTAIRE DE GENESE
1, 1
que l'actif soit antérieur au passif en dignité, comme le ciel l'est a la terre, tous deux coexistent par le tempst, c'est ce que proclame'· la· création. - De plus, forme et matiere en tant que del et terre, ne sont pas se.ulement simultanées; ·mais, de meme que la matiere n'a pas d'etre sans la forme et qu'illui revient par essence d'etre soumise a la forme et informée par elle, sans puissance intermédiaire, de meme - par le meme processus mais réciproquement - la forme, de par son essence, rec;oit l'etre sans intermédiaire dans la matiere et dans l'acte meme d'information, car, tlOUr elle, infor~er ~'es.t etre 2. C'est done ainsi qu'au commencement, e est-a-dtre dans l'etre, sont simultanément produits forme et matiere, actif et passif, del et terre.
Deux genres d' itre. 25. 11. Dieu créa au commencement. le ciel et la terre, car, en Die u les raisons des eh oses concernent deux sortes d'etre, je veux dire l'etre intellectuel dans l'ame, ce qui est signifié par ciel, Ps : «Il a fait les cieux dans l'Intelleéta» et, en outre, l'etre matériel extérieur a l'ame, qui est indiqué parterre. C'est pour cela que Platon faisait _des idées le double príncipe de la connaissance et de la génération t. Et c'est ce ~ue dit Jn 13: «Vous m'appelez. Maitre et Seigneur .» « Maitre»" se rapporte a la con~aiss~nce, « Seigneur» a l'reuvre extérieure2. ·
2. Cf. ci~dessus Pro/. o. prop., § 14. . . . § z.s- 1. Eckhart.connait vraisemblablement la «doctrine des .Idées de Platon» grace a AuG.,- 8) questions, q. 46- (BA· to, p. 122.-129)·· . : -.. ; .. _·: , . . . ·. . 2. Voir Comm. jn, § 540. On notera qu Eckhart revtent sur
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE
Aut sic duodecimo : caelum., id . es~ superius, et terram, id est inferius. I~ferius enim semper est inane et imperfectum, superius nunquam. Notavi super hoc in tractatu De natura superioris et. inferioris;
2 79
1, 1
L' inférieur et le supérieur. Le ciel, c'~st-a-dire le superteur et la !erre, c'est-a-dire l'inférieur. Car l'inférieur · est to.ujours vide et imparfait, mais jamais le supérieur. r~i écrit a ce sujet dans le traité De la nature du superteur el de .
·1 2 •
1'inférieur3.
·Dieu es/ simple.
26. Ultimo hoc est advertendum quod dicitur deus creasse in principio caelum et terram, duo quaedam, non
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plura, puta tria, quattuor et sic de aliis, nec etiam dicit creasse unum. Ratio est quia hoc ipso quod aliquid creatur et creatum est, cadit ah unitate. et simplicitate. Deo enim proprium est et eius proprietas est unitas et simplicitas, sicut nota vi diffuse super. illo : « Deus unus est», Deut. 6 et Gal. 3 a. Rursus: ·amne quod cadit ah uno, primo omnhim, cadit ~n duo immediate; in alios autem numeras cadit mediante dualitate ..
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1.:
. 27. Unde. Avicebron
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V c .. 24 . dicit · quod « quaestio 'an est' pos ita est secundum o.rdinem unius, quia es se est tantum », et competit sola deo soli, qui l.
cette these dans sa réponse ati second acte d'accu~ation de Cologne (Théry, p. 229-230), notamment: «Hinc est qu?d a Deo descendit omne esse, tam esse nature quam esse cogmtum sive intellectuale, artis et nature. Et hoc est quod /ohannis 13° Veritas ait : vos vocatis me magíster, quantum ad esse cognitionis et doctrine, et domine, quantum ad esse nature» et: <<Et secundum hoc apte exponitur illud Gen. 1, I : in principio creavit deus ce/um et terram, ut per ce/um accipiatur esse spirituale, intellectivum, per terram, esse materiale, opus nature. Rursus per ce/um accipiatur opus recreation!s et gratie, per terram1 opus creationis et nature. )} ...,"
t dit26.avoirPourcrééfinir,auil comfilenceinent faut prendre garde que Dieu est le ciel la !erre, él
c'est-a-dire deux et pas plus, non pas trois, qua~re ~~ ainsi de suite, et qu'il n'est pas dit non plus avotr cree unseul. La raison en est que, du fait meme qu'elle est creée et aété créée~ chaque chose .déchoit de _l'u~ité .~t de. la ~itnplicité: · E~ ,e~et, ,ce q~i ·. e~t, propre·~ Dt~~ ·~t co'nstttue sa proprtete, e est 1umte .et la. stmp~tctte, éomme~j(d'aiexp'osél en détail a ~ropos de•J?t ~ et d.e Ga 3 :· <
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• a. Dt 6, 4; Ga 3, 20. ·
3. Cf. ci.:dessus, Pro/. gen., § 4· · · ~ · · · . · . § 26 i. Peut~tre Serm. latín 29, § 2.95-305 (selon une conJecture de LW 1, p. 205~ note 2). . . 2. Sur «·uri» et «deux» cf.· ci-dessous § 28 et 199. · § 27 : 1 • IBN GABIROL, La Source de vie, V, 24 (Schlanger, p. 292).
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convient a Dieu seul qui est «Un, tres haut et saint». Et Ken de~a de lui», a l'Intelligence, qui est la premiere apres Dieu, revient la question « "est-ce ?" et "qu'est-ce?" a l'instar de deux». A l'ame est due la question "est-ce?", "qu'est-ce?" «et "comment estce ?", a l'instar de trois ». A la nature ou génération, qui est inférieure a l'ame, revient la question "estce"?, "qu'est-ce?", "comment est-ce?" «et "po~r quoi est-ce ?", a l'instar de quatre, et cette quesuon (du pourquoi) renvóie a "qu'est-ce?", a "comment est-ce ?" et a "est-ce.?".))
Le pair el /' impair. 28. Adhuc autem radix omnis divisionis, pluralita-
28. En outre, la racine de toute division~ pluralité
tis et numeri est primum par, sdlicet ·duo, sicut indivisionis radix et ratio est impar si ve unum. Unde omne impar, in quantum est impar, est indivisibile, cuius argum~ntum est, quod eius divisio non potest esse aequa stve aequalis, sed semper inaequalis et iniqua si ve in non aequa, in partes scilicet inaequales.
ou nombre est le premier chiffre pair, c'est-a-dire deux, de méme que la racine et la raison de l'indivision est le (premier) chiffre impair, c'.est-a-dire un. Done, tout ce qui est impair, en tant qu'impair, est indivisible. A preuve : la division d'un impair ne peut étre juste ni égaie, mais toujours inég~le et injuste ~m aboutissant a des non égaux, c'est-a-dtre a des parttes inégales 1•
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COMMENTAIRE DE GENESE
Les élémenls el la maliere. Mais la terre était vide et vacante (1, 2a).
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Terra aulem eral inanis el vacua. 29. Notandum primo quod, sicut dicit Augustinus, Rabbi Moyses et doctores, nomine terrae materia
Informité de la. matÜJre. 29. _· 1. 11 faut remarquer que, comme le disent Augustin t; Ma1monide2 et les théologiens 3 , le nom
§ z8 1. Cf.. Comm.]n, § 639, Comm. Sag., § z87s, Comm. Ex., § 134, 138. . . . . §.z9 -~, AuG., La Gen. au s. litt., 1, 1, 3 (BA 48, p. 84-87).
p; 235-236).
z. MAIM., Dux neutrorum, II, 31 (f. 6or, 40-44 et 48. Munk 11,
· 3· Synthese daos P. LoMBARD, Sent. 11, d. 12, c.3.
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EXPOSITIO .LIB. GENESIS .
prima .iqtelligitur, quae tamen nuQ.c. ter~;a, mine aqua, nunc aer .- ut ibi: «spjritus», id est. ventus (ventus enim est aer m()tl.ls), «ferebatur super aquas»- nunc autem ignis vocatur - ut, ibi : « tenebra~ », i
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4· Le príncipe «ignis in sphe.ra propria non l~cet~> est sans doute tiré d' ALBERT le GRANO, De cae/o et mundo, l. 1, tr. 3, c. 1 (Ed. Colon., V, 1, p. 143, 37-40). Voir également l. 1, tr. 3, c. 1 (ibid., p. 144, 11-11), l. 4, tr. z, c. 6 (p. 165, 45-47); Meteora, l. 1, tr. z, c. 6 (Borgnet 4, 497s); De causis proprietatum elementorum, l. 1, tr. z, c. I I (Ed. Colon., V, z, p. 81, 17s). · 5· C'est l'acception augustiníenne de·Ja matiere, Cotif.; XII, VI, 6 (BA 14, p. 350), La Gen. au s. litt., 1, xv, 29 (BA 48, p. uo-us). On sait que l'informité de la matiere·est interprétée autrement chez Augustin que chez Basile ou Ambroise. Chez Augustin l'informité ne précede pas temporellement la formation, alors que pour BASILE, !11 Exaem. hom., 11 (SC z6, p. 14os) et AMBROISE, Exam.,·7 (PL 14, 148), il y a antériorité temporelle. Sur ce point cf. la présentation et la discussion de TH. d'AQ., ¡ap, q. 66, a. I. · 6. ·Ce serait tomber dans l'erreur des Physiciens anciens («antiquorum, naturalium») qui, selon .TH. d' AQ., loe. cit., resp.
COMMENTAIRE' DE GENESE
1,
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183
de terre désigne la matiere premiere qui est aussi bien appelée ici · terre, la eau, la air - par exemple : «!'esprit», c'est-a-dire le ven~ (le vent, en effet, est de l'air en mouvement), «planatt au-dessus des eaux»la encore feu- comme dans : «les ténebres», c'est-adire: le feu, invisible dans sa sphere 4 - «régnaient sur la face de l'abime». On indique, en effet, ainsi que la matiere est en soi informe et qu'illui manque la forme de tous les éléments s, mais qu' elle est eri puissa~ce de tous. C'est pourquoi les noms de tou~ lut s~:>nt assortis: pour que l'on ne pense pas qu elle r~leve d'un seul d'entre eux_t En outre, elle est appelee de tous les noms des éléments pour manifestet .qu'elle ~st en soi innommable, tout comme elle est mconnatssable et privée d'etre, si ce n'est par analogie a la forme. Et c'est ce qui est ditici ; La terre était ~ide, c'est-a-dire privée d'etre. Vide est, en effet, ce qut est sans « est-ce? 7 ». 2. Il faut noter a ce propos que la matiere est d'abord appelée du nom de terre paree que, de tout ce qui est, c'est la terre qui tient le rang le plus bas et le plus proche du non-etre ou néant.
« Posuerunt materiam primam esse aliquod ~orpus in actu, puta ignem, aerem aut aquam, .a?t aliqu.od medmm; ex quo sequebatur quod fteri non esset nm alterarz» (cf. AR., Phys., 1, 4, 187a u). Pour tout ce §, Cf. également ¡a P, q. 69, a. 1, q. 74, a. 1; Sen/. II, d. 12, a. 4; QD de pot., q. 4, a. 1. · 7· Jeu de mots intraduisible en~re le l~tin «inan~s» (vide) e~ «sine an est» (sans an est). On auratt pu dtre : « Est tnane e~ qu1 est sans anité>) reprenant l'équivalent fran~ais du terme .«~~Itas» (forgé sur «an est» pour dire l'essence), terme l;ltths~ par Eckhart dans Com. Ex;,§ 15. La formule, assez abstralte, napas semblé meilleure.
EXPOSITIO LIB.-: GENESIS
30; i'erra autem eral inanis et vacua;·et tenebrae erant super faciem aby_ssi. ... : .- . · . · . . . . . . . N?tan~him.primo .quod.propter hoc'M~yses. ~upra nom~navtt prtus caelum, posterius terram, ut sermo contmuaretur, cum dicitur·: /erra ·autem eral inanis et vacl!a. Cuius ordinis iam supra aliae rationes sunt asstgnatae. · Se~undo not~ndum q~od, sic.ut dicit Augustinus et Rabbt Moyses, tn narrattone pnmae creationis omnia quattuor el~menta . e~pressa sunt : terra quidem et a9~a proprus. ~omtnt~us, aer nominé spiritus, cum dtct~~r : · « ~ptntus det ferebatur super aquas »a « sptrttus », td est ven tus; ven tus enim est aer motus ignis. nomine tenebrarum :·et tenebrae erant superJaciem abyssz~· ·. . · ·· . · . . ~b~ tertio notandum quod ignis tenebrae vocatur, quta tn sphaer~. sua non lucet, cuius signum est stellarum apparttto. Lucens enim omne· sistit visum et . prohibet videri quae post ipsum sunt. Ratio autem · ~on · lucendi .est sua raritas~ Propter quod sphaerae stve orbes non lucent nec visum sistunt nec tetminant; sed stellae, utpote pars orbis densior, lucent. ·
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3~· 9uarto notanduin quod primo inter elementa exprtmttur !erra et tenebrae, id est . ignis, quia a. Gn
1, 2.,
1. 1UG:, Lt!_r;en.. au s. litt. (imp. lib.), 4 (CSEL 38, 1, p. 470, r6-u). . · . ·· · · . · ·. · ·
COMMENTAIRE DE GENESE
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Les. quatre. éléments. . Mais la terre était vide et vacante, · et les ténebres tégnaient SUf lá face ~e-l'abtme ( I, 2a.:.~). >.
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30. 1. Ilfaut remarquer qu~ dans. le verset précédent, MoYs~ a d'abord nommé le del puis la terre, afin que le discours s' enchainat avec ce qui est dit a présent: Mais la terre .était vide et vacante. Les .autres rai~ons pour cet ordre des mots ont été données plus . haut. . 2. 11 faut noter que, comme le disent Augustin t et Maimonide2, les quatr.e éléments sont tous mentionnés dans le récit de la premiere création : la terre et l'eau par. leurs noms. propres, l'air par le nom d'«esprit», quand il est dit «l'esprit de Dieu planait au-dessus des eauxa» -:-l'«esprit», c'est-a-dire le vent; le vent, en effet, est d~ 1'~ir en mouv:ement -le feu par le no m de «~~nebres », et les ténebres régnaient sur la face de l'abtme. . 3· A cetendroit, il faut.noter que le feú est appelé ténebres, paree qu'il. n'éclaire pas dans sa sphere3; l'apparition des .étoiles en est le signe. Tout e~ qui éclaire, en effet, arrete le regard et empeche de voir ce qui est derriere. La raison pour laquelle (le feu) n'éclaire pas est la rareté (de sa matiere) et c'est pourquoi. les spheres o u orbes n' éclairent pas et n'arretent pas le regard ni ne le limitent, alors que les étoiles, en tant que parties plus denses de l' orbe, éclairent. · ··' .
. 31. 4· Il faut noter que de tous les éléments, c'est la terre et les ténebres, c'est-a-dire le feu, qui sont 2, MAlM., Dux neutrorum,· 11, 3 r (f. 6or-:-v; Muhk 11, p. 236s). 3· Cf. ci-dessus § 29.
286
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secundum Platonem in I Timaei ·«ignem terramque corporis mun~i fundamenta deus iecit ». Quae duo corpora extrema necd no~ poteraht coricorditer harmonice sine duobus mediis corporibus, puta aqua et aere: Duo quidem numeri cubici sive corporei convenienter conecti non possunt nisi per alios duos.-Verbi gratia: primus numerus cubicus est 8, scilicet bis duo bis. Secundus cubicus numerus est 27, scilicet ter tria ter. Porro inter 8 et 27 necessario cadunt duo numeri, scilicet 1 2 et 1 8, ut sit proportio naturalis hinc inde. Sicut enim 12 habent 8 et eius medietatem, sic 18 se habent ad 12 et 27 ad 18. Ubique enim est eadam proportio; sesquialtera scilicet. Aliter tamen numerum et ordinem elementorum accipit philosophus II De generatione; Adhuc autem et aliter geometría, ut patet in Euclide l. XV, ubi per- inscriptionem quin que figurarum intra cub[ic ]um si ve corpus accipiuntur quattuor. elementa et corpus quintae essentiae.
·Voir CHAtCIDÜJS, In Tim. Comm;, 31B'(Wrobel, p. 28, 6-7). L'arithmétisation de la théorie des éléments est, semblet-il, un lieu commun de la littérature macrobienne. Voir, par exemple, le schéma- placé en tete du Commentaire au Songe de Scipion, ms. París, Nat. lat. 15170, f. 7 Ir qui combine des notions de proportions numériques (nombres cubiques, moitiés, proportions sesquialteres) avec des notions de propriétés physiques (aigu-obtus, subtil-corporel, mobile-immobile) et de relations logiques (contrariété) pour ordonner les éléments, du feu a la terre. On notera que ce meme folio contient également un s~h~~a _de l~~dipse de Lune conforme a la théorie développée ct-dessous par Eckhart, § 102. · · ... · 1.
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•EXPOSITIO LIB."GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE.1,
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n,ommés en premier. En effet, selon Platon au premier livre du Timée: «C'est en jetant le feu etla terre que Dieu fonda le corps du monde t » et ces · extremes n'ont pu entrer en. connexion pour· s'accorder harmo:nieusement sans deux autres -corps intermédiaires, l'eau et l'air. De fait, deux nombres cubiques ou deux corps ne. peuvent convenablement · entrer en connexion que par l'intermédiaire de- deux au tres. Par exemple: le premier nombre cubique est 8, c'est-a-· dire deux fois deux fois deux. Le second nombre cubique est 27, c'est-a-dire trois fois trois fois trois. Maintenant, entre 8 et_~ 7, il y a nécessairement deux nombres qui s'intercalent, a savoir 12 et 18, pour qu'il y ait proportion naturelle-. De meme, en effet, que. 1 2 SOnt 8 et la moitié de 8, de meme 1 8 Se rapporte a 1 2 (de· telle fa~on que 1 8 sont 1 2 et la moitié de 12.) et 2 7 a 18 (de telle fa~on que 27 sont 18 et la moitié de 18). Dans · tous ces cas, il · y a la metne proportion sesquialtere2. C'est toutefois un autre nombre et un autre ordre des éléments qu'adopte Aristote au second livre du Traité de la génération et de la corruption3. Et c'est encore autrement que pro<_;ede le géometre, comme le montre le livre xv des Eléments d'Euclide qui introduit les quatre éléments et le corps doué de quinte essence, par l'inscription des cinq figu~es a l'intérieur du cube ou de l'un (des autres) corps 4•
3· AR., De gen. el corr., 11, c. 3, 33ob 7- 331a 6 (Tricot, p. 105-108). 4· CAMPANUS, In Eucl. Elem. Geom. XV, prop. 12 (Basilae, p. 478). Cité par LW 1, p. 209, note 2.
2.88
. EXPOSITIO. LIB.· GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE
32• Quinto notandum quod non caelum; sed ·terra . di~itur. inanis. 'el vaclltl, quia universaliter superiora et prtma m enttbus perfecta sunt et· perfiCiunt inferiora et loc~nt ta~quam formalia. Inferi<.:>ra autem passiva ·sunt, mformta et nu.da; ·quod est mane et vacuum, maxime autem terra, . utpote ínfima; propter · quod nihiL locat et opaca est. · · .
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La terre . 32. 5. Il faut noter que ce n'est pas le ciel, mais la !erre qui est dite vide el vacante, paree qu'en regle universelle, les supérieurs et les premiers parmi les etres sont parfaits et parachevent les inférieurs et leur assignent leur lieu, en tant que príncipes formels; tandis que les inférieurs sont passifs, informes et nus, c'est-a-dire vides et vacants, ce que la terre est au plus haut point en tant qu'inférieure aux autres éléments t. C'est pourquoi elle n'assigne aucun lieu a quoi que ce soit ni ne laisse passer la lumiere . :-.::::.
~ursus : . te"~ eral no~ a~ttva; vacu~, td. est
33·
inanis el vacua. Inanis, quia nondum herbis et plantis redtmtta. Non att ettam caelum·. vacuum , sed ierra vacua. Ratio est, quia divina, spiritualia sive caelestia proprie s~nt (>l~na. Macrobius dicit quod plenitudo est proprte dtvmorum; perfecta sunt enim et forrrialia .. ~nde simul sunt omne quod esse possunt in essen~tahbus. Terrena autem materialia sunt, passiva sunt, Imperfecta, nuda, egena~ mendiéa per essentiam. Semper formam·aliam materia appetit ·stans sub alía quacumque. Propter qüod apud· Salomonem Prov. 5 mulieri adulteraea comparatur,. aut potius Salomon describit materiam sub metaphora mulieris adulterae, sicut Rabbi Moyses exponit praedictum verbum : .
a. Pr 5, 26.
§ 32. I. Cf. ALBERT le GÚND, De gen. el corr., lib. 2., tr. 2., c. 18 (Ed. CoL V, 2., p. zoo~ 6z-66). Cf. De cae/o ... , lib. z, tr. x, c. s (Ed. Col. V, x, p. xx8, 65-67). § H x. Comm. Ex.,§ 35, Serm. lat., g, § 97, Comm.jn, § I8o,
La terre comme la matiere. 33· En outre : 1. La /erre était vide el vacante. Vide, car inactive, vacante, c'esHl-dire encore non recouverte d'herbes et de plantes. 11 ne dit pas non plus que le ciel était vide, mais bien que la !erre était JJide. La raison en est que c'est une propriété des choses divines, spirituelles ou célestes que d'etre pleines 1• Macro be dit que la plénitude est le propre des choses divines2 : en effet, elles sont parfaites et pures formes. C'est pourquoi elles. sont dans leur essence meme et d'emblée tout ce qu'elles peuvent etre. Les choses terrestres, en revanche, sont matéridles, elles sont passives, imparfaites, nues, misérabies et mendiantes du fait meme de leur essence 3 • La matiere désire sans treve une forme nouvelle, quelle que soit la forme sous laquelle elle se trouve . . C'est pourquoi dans les Proverbes 5, Salomon la compare a une femme adultere ou plutót décrit la matiere sous la métaphore d'une femme adultere a, tout comme Maimonide le fait pour cette parole :
531.
. ~.: l\!ACR9~E, .In Somn. Scip. comm., 1, v, 3 (Eyssenhardt, p. 491, 2.4-5). Cf. Comm. jn, § I8o.
3· Comm. jn, § I8I, 396, 397, Parab. Gen.,§ 2.5 et 31, Conm1. Ex., § z6z, Comm. Sir., § 38.
«mulier vaga quietis impatiens»b etc. Sic ergo terra inanis est et ·vacua. lnanis est, quía caret in se omni forína et omni es se; vacua, quia semper formam sitit, appetit et ~esiderat, si cut infirmus sanitatem et « turpe bonum». · Adhuc autem terra inanis, non caelum, quía superiora, caeli scilicet, dant et influunt ex abundantia suae perfectionis, terra autem et materialia mendicant paupertate, privatione inania sunt, vacua et tene..: brosa. Rursus notandum est tertio quod caelum ef terra creata leguntur ante lucís productionem: Essentiae eni~---.r~~~!.:l}_.~r~ªt!:!!.!l.I!!__~!_?.e luce, id est sine esse, ¡ teneb~t!!_ S~!!!,_per Íf?sum au~~m ~~sef'Orrñantur~ lucent
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COMMENTAIRE DE GENESE
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~E!~~ent.
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«Une femme inquiete, impatiente du repos b4. » C'est done ainsi que la terre est vide et vacante. Vide, car elle manque en elle-meme de toute forme et de tout etre vacante, car elle a toujours soif de forme, qu'elle 1~ poursuit et la désire, comme l'infirme, la santé et «le mal, le bien s ». 2. La !erre est vide, et non le ciel, car les choses sup~rieures, c'est-a-dire le ciel, donnent et infusent de par l'étendue meme de leur perfection. La terre, en revanche, et les réalités matérielles mendient par p_au,vreté, elles sont vacantes par privation, vides et tenebreuses. 3· Il faut remarqrier, en outre, que le ciel et la terre son~ _dits ~voir été créés avant la production de la lumtere. C est que les essences des choses créées sans lumiere, c'est-a-dire sans etre, ne sont que téneb;es, et que c'est par l'etre meme qu'elles sont formées brillent et plaisent. ' La plainte de la terre.
34· Adhuc autem notandum quod Rabbi Moyses l. Il e~ 6 sic ait : « Terra eral vacua, id est desolata et angustiata», et vult dicere quod fuerit maesta et querulosa «super» inanitate et «malitia sua» et defectu, « ac si terra diceret : ego et caeli creata sumus simul. Superiora sunt viva et inferiora mortua ». Quotiens enim aliqua ex aequo producuntur vel dantur ah aliquo, id quod minus recipit, querulosum b. Pr 7, Ios.
~~· 4·. Enfi~, il ~aut noter qu'~u .livre II, chap. 6, Ma1momde dtt cect : «La terre etazt vacante, c'est-adire désolée et inquiete.» I1 veut signifier par hl que la terre s'est lamentée et a fait grief «de» son vide, de «sa m~chancet~ » et de son défaut, comme pour dire : «Le ctel et mot nous avons été créés en meme temps, et voila que ce qui est en haut vit et que ce qui est en has est mor~ 1 .>>- En effet, toutes lesfois que deux etres sont prodmts ou rec;oivent d'un autre a égalité, celui qui rec;oit moins (paree qu'incapable de recevoir tout ce qui luí est donné) cherche querelle a l'autre de sa
4· MAlMONIDE, Dux neutrorum, 111, 9 (f. 74r, q-zo; Munk III,
P·,45).. .. " 5. AR., Phys., 1, 9, 191a 2 5 (Belles lettres, p. 49).
1.
MAYM., Dux ... , 11, 6 (f. 42.v, 51,· Munk .II ' p . 64- 6 5) .
EXPOSITIO LIB. GENESIS
super imperfectione sua respectu alterius est et inaequalitate. Notavi super hoc Deut. 2.2. :«Non arabis in hove simul et asino»a et secundum illud Matth. 2.0: «hi novissimi una hora fecerunt»b, etc.
COMMENTAIRE DE GENESE
1, 2
propre imperfection et inégalité. J'ai écrit la:..dessus a propos de Dt 2.2. : «Tu ne laboureras pas en attelant ensemble un breuf et un anea» et d'apres ce passage de Mt 20: «Ces derniers venus n'ont travaillé qu'une heure (et tu les as traités comme nous, qui avons porté le fardeau de la journée, avec sa chaleur h). »
Les visages du néant. Tenebrae erant super faciem abyssi. 3S· Notandum primo.quod per tenebras intelligitur privatio:..... lucís enim privatio tenebrae sunt- per abyssum autem intelligitur materia prima, secundum Augustinum XII Confessionum, ubi ·de ipsa materia tria dicit Augustinus. Primo quod est «quiddam ínter formam et nihil, nec formatum nec nihil, informe, prope nihil». Secundo sic ait : «si dici potest 'nihil aliquid' et 'est non est', hoc eam dixerim, et tamen iam utcumque erat ut species caperet». Tertio dicit quod est facta «de nihilo», «prope nihil», «de nulla re, paene nulla res». Ait enim : « fecisti », domine, «caelum et terram, duo quaedam, unum prope te et alterum prope nihil. Unum quo superior tu esses, alterum quo inferius nihil esset. »
36. His praemissis duo sunt notanda. "?rimo, quomodo tenebrae dicuntur super abyssum, id est super materiam primam, cum tenebrae sint res nulla, materia a. Dt zz, 1.
'Áué;.,
10.
Les ténebres sur la face de l'abime ( I, 2. b).
3S· Il faut noter premierement que par ténebres·on entend la privation - en effet, la privation de lumiere est ténebres - tandis·' que par abime on entend la matiere premiere, d'apres Augustin qui, dans les Confessions, livre XII, dit d'elle trois choses t. Premierement: C'est «quelque chose entre la forme· et le néant, ni formé ni néant, mais informe et proche du néant». Deuxiemement: «Si l'on pouvait parler d'un " neant-que , 1que-e hose , ou d' un " e' es-ce-nes t , t -pas " , c'est ainsi que je l'appellerais; mais il fallait bien pourtant qu'elle fUt déja la d'une fac;on ou d'une autre pour assumer les formes.» Troisiemement : Elle a été faite «a partir du néaht», «proche du néant», «a partir d'aucune chose, elle-meme presque rien», car: «Tu as fait», Seigneur, «le ciel et la terre, deux choses, l'une proche de toi et l'autre proche du néant. L'une pour que tu lui fusses supérieur, l'autre pour que rien. ne lui fiit inférieur. 2» 36. Cela posé, deux points sont a relever. Premierement, de quelle fac;on les ténebres sont dites sur l'abime, c'est-a-dire sur la matiere premiere, quand les
b. Mt zo, 1 zs.
éonf ·xn,
m, 3s (BA 14, p. 346s).
z. Cette citation, tirée de Conf, XII, vu, 7 (BA 14, p. 3 ~43 55), est donnée par la Postille d'Hugues de Saint-Cher (1, Ad).
''1' ·:~;¡;:,-·-'~'. '
EXPOSITIO LIB. GENESIS
non nulla, sed «paene res nulla». Secundo1, quomodo non solum super abyssum, sed super faciem abyssi dicuntur fuisse tenebrae. · Quantum ad primum sciendum quod tenebrae, id est privatio, est super abyssum, id est super materiam, ad praesens propter quinque. Primo, quia materia substantificatur per posse. Posse enim esse sive posse ad esse est ipsi materiae per essentiam sive per substantiam. lpsa potentia ad esse est differentia constitutiva substantiae materiae. lpsa tamen privatio formae seu formarum est ipsius materiae potentia, si sane intelligatur. Secundo, quia materia est nidus sive · sedes, cui insidet et super quam sedet privatio. Subiectum enim p'roprium privationis est materia. '
37· Tertio, quia privatio semper sequitur et adhaeret materiae, etiam stanti sub forma perfectissima, . puta hominis, non minus quam si stet sub forma terrae, ·entis infimi loco et formalitate. Quarto, quia non solum materiam consequitur, semper ipsi coniuncta, sed etiam ipsi materiae illabitur et ipsam substantiam materiae subintrat, tamquam pars ipsius substantiae. Ait enim Augustinus, sicut dictum est supra : «si dici potest 'nihil aliquid' et 'est non est', hoc eam dixerim », materiam scilicet.
- 1;
éom"tn:¡n, § 440.
COMMENTAIRE DE GENESE r, z.
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ténebres ne sont aucune chose et la matiere, sinon aucune chose, du moins « presque aucune ». Deuxiemement, de quelle fac;on les ténebres sont dites avoir régné non seulement sur l'abime, mais sur la face de l'abíme. La privation et la matiere., Pour le premier point, il faut savoir que les ténebres, c'esHi-dire la privation, sont sur l'abime, c'est-a-dire sur la matiere pour cinq raisons que j'indique a présent. 1. Paree qu'on ne geut substantifier la matiere qu'a titre potentiel. En effet, l'essence ou substance de la matiere est le pouvoir etre ou le pouvoir d'etre. La puissance d'etre est la différence coristitutive. de la substance de la matiere. Et la privation de forme ou des formes est cette puissance meme si on la comprend de maniere adéquate t. 2.. Paree que la matic~re est le nid ou le siege ou siege et réside la privation. En effet, le su jet propre de la privation, c'est la matiere. 37· 3· Paree que la privation suit toujours la matiere et y·adhere meme lorsqu'elle se tient sous la plus parfaite des formes, a savoir celle de l'homme; et (elle n'adhere) pas moins (la) que si elle se trouvait sous la forme de la terre qui, par le lieu et par le degré formel, est le plus has de tous les etres. 4· Paree que la privation non seulement suit la matiere, lui. étant toujours associée, mais encore passe dans la matiere et s'integre a sa substance pour devenir une partie de cette substance meme. Augustin dit en effet, comme on l'a. mentionné plus haut: «Si l'on pouvait parler d'un "néant-quelquechose" ou d'un "c'est-ce-n'est-pas", c'est ainsi que je l'appellerais », elle, c'est-a-dirc; la matiere.
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EXPOSITIO LIB. GENESIS
Quinto, privatio est super materiam, quia substantia materiae propter posse sive per posse respicit ad esse et capax est formarum. Unde Augustinus statim subiungit dicens : «Et tamen iam utcumque erat, ut species caperet. »
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.--1: COMMENTAIRE DE GENESE
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· .5. La privation est sur la matiere paree que la substance de la matiere, a cause de la puissance et par la puissance, renvoie a l'etre et est capable de recevoir les formes. C'est pourquoi Augustin ajoute aussitót: «Mais il fallait bien pourtant qu'elle fU.t déja la d'une fa<;on ou d'une autre pour assumer les formes t.»
38. Sexto, quantum ad secundum, dicuntur tenebrae sive privatio super abyssum sive materiam eo modo quo in eodem quocumque prius est fieri quam esse, potentia quam actus pars quam totum, quo etiam modo dimensio interminata praecedit formam substantialem. Sic ergo privatio superior est et prior ipsa materia privata et [in] omnibus quae imperfectionis sunt et privationis, propter quod etiam privado dicitur et privatio est. Sic ergo facies superior, qua scilicet materia esse respicit, est sua potentia, privatio scilicet, ut iam supra dictum est.
38. 6. Pour ce qui est du second point, les lénebres ou privation sont dites etre sur l'abime ou matiere, au sens ou en toutes choses le devenir précede l'etre, la puissance, l'acte, la partie, le tout et au sens ou également la dimension indéterminée précede la forme substantielle~" La privation est done supérieure et antérieure a la matiere qui se trouve en état de privation et a toutes les choses qui sont de quelque imperfection ou privation; c'est aussi pourquoi elle est et est appelée privation. Et c'est done ainsi que la face supérieure de la matiere, c'est-a-dire celle par laquelle elle renvoie a l'etre, est sa puissance, a savoir : la privation, comme on l'a déja ditplus haut.
39· Praeterea septima ratio est : superior sive prima facies materiae, qua subicitur ipsi suo fieri sub forma et sub esse, est ipsa privatio, ut dicit ista sexta ratio. Et hoc est quod secundo notandum supra dicebatur, scilicet quare non solum dicuntur tenebrae super abyssum, sed super faciem abyssi.
39· Enfin: 7· La face supérieure ou premiere de la matiere, qui fait d'elle le sujet de son propre devenir sous la forme et soUs l'etre, est la privation meme, comme le dit la sixieme raison. Et c'est ce qui a été moritré plus haut, j'entends : pourquoi les ténebres sont dites non seulement (régner) sut l'abime mais encore sur la face de 1'abtme.
40. Sciendum ergo quod privatio dicitur esse super faciem materiae propter quinque rationes ad praesens. Primo, quia materia innotescit per privationem,
La privatz'on et la face de la matiere. 40. 11 faut savoir que la privation est di te etre sur la face de la matiere pour cinq raisons que j'indique a présent: . 1. Paree que c'est a la privationque l'on connait la matiere, comme on connait l'homme asa face. C'est en effet la privation des formes et leur succession par
EXPOSITIO LIB. GENESIS
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sicut horno per faciem suam. Privatio enim formarum et successio ipsarum per transmutationem materiam docuit, sicut actio formam docuit, ut dicit commentator quod actio facit scire formam, transmutado materiam. Secundo: privatio est super faciem materiae, quia materia ipsa ignorando et per consequens privative sive privatione scitur, sicut per faciem. Augustinus XII Confessionum post principium de materia loquens ait : «Humana cogitatio conetur eam vel nosse ignorando vel ignorare noscendo. » ·
l'intermédiaire du changement qui nous a enseigné la matiere,. tout comme l'action nous a enseigné la fo!me, selon ce que dit Averroes, pour qui l'action fatt connaitre la forme et le changement, la matiere t. 2. La privation est sur la Jace de la matiere, paree 9~e la matiere est c~mnue pa~ c~la meme qu' on ltgnore et par consequent pnvattvement o u . par ~rivation, comme par une face. C'est ainsi qu'au hvre XII des Confessions, peu apres l'introduction, Augustin, parlant de la matiere, dit : « L'effort de la pensée humaine s'arrete soit a la connaitre en l'ignorant, soit a l'ignorer e_Q la connaissant2. »
41. Tertio quasi e converso : privatio est super faciem materiae, quia operit et occultat sive obumbrat fac_iem materiae, quia facit materiam incognoscibilem. Sunt enim duae causae, propter quas res sunt nobis difficiles ad cognoscendum, vel quia excedunt proportionem nostri intellectus propter eminentiam sui esse, ut ad ipsas se habeat íntellectus noster sicut oculus vespertilionis ad ·solem vel quía deficiunt ab esse si ve ab ente, quod est obí~ctum intellecttis. ·Et hoc modo materia· est incognoscibilis, utpóte ab ente deficiens propter privationem coniunctam materiae et subintrantem· sive integrantem substahtiam matériae, ut supra dictum est.
41. Et pour ainsi dire inversement : la privation est sur la facc de la matiere, paree qu.'elle recouvre, dissimule ou voile d'ombre la face de la matiere, paree qu'elle rend la matiere inconnaissable .. I1 y a, en effet, deux causes qui font que les choses n9us sont difficiles a connaitre, soit qu'elles passent la mesure de n~tre intellect. de par l'éminence ~e leur etre, ce qui fatt que notre mtellect se rapporte a elles comme l'reil de la chauve-souris au soleil, soit qu'elles manquent d'etre ou d'étant, c'est-a-dire de ce qui est l'objet de l'intellect. Et c'est de cétte derniere fa<;on que la matiere est inconnaissable: elle manque d'étantl a cause de la privation qui lui est associée et qui entre dans ou s'integre a sa substance, comme on l'a dit plus h~mt.
42. Quarto, quia «privatio et habitus» · ad~- ídem pertinent, sunt eiusdem et «circa idem». · Hinc est
42. _Paree que «privation et possession» appartiennent a la meme chose, relevent de la meme chose et se
§ 40 1. Cf. AVERROES, Métaph. XII, comm. 14 (f. 323v F), VIII, comm. u (f. 25 sr C). 2 •..!'-uc;., Cqnf,. XII, v, s (BA 14, p. 348-349) •. § 4-i · 1. Il faut ici entendre le participé prése·nt «étant» comme
ón le fait des participes substantivés «mordant», «allant», etc. dansles expressions correspondantes. On pourrait aussi traduire par «étance» (mais il semble préférable de garder ce terme pour le latín «en titas»). .
EXPOSITIO LIB. GENESIS
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1, 2.
quod, quía forma utique est super faciem aut potius ipsa facies materiae, propter hoc privatio est super faciem abyssi, et hoc dupliciter: tum quía cadit «circa ídem» cum forma ipsa, sicut dictum est, tum quía privat ipsam faciem materiae, puta formam. Sic enim et «caecitas est super oculum» sive visum, non super aurem nec super auditum.
font «par rapport a la meme chose». De la vient qúe, puisque la forme est sur la face ou plutót est la face meme de la matiere, la privation est aussi sur la face de l'abfme, et ce de deux manieres: soit paree qu'elle «se rapporte a la meme chose» que la forme, ainsi qu'on l'a dit, soit paree qu'elle prive la matiere de sa face meme, c'est-a-dire de forme. C'est ainsi, en effet, que la «cécité porte sur l'ceil» ou sur la vue et non sur l'oreille ou sur l'ou!e.
43· Quinto ad litteram : tenebrae super faciem abyssi erant, quía lux non erat, quae utique, si fuisset, super faciem fuisset, « supereminendo scilicet illustrando » super Jaciem; faciei enim proprie perfectio lux es t. Et rursus facies rerum .lux est. Sine luce siquidem sui generis omne creatum informe et nihil est. ·Sic ergo «tenebrae super erant, quía lux super aberat». Non enim est aliud « tenebras adesse nisi lucem abesse ». Et haec est ratio Augustini XII Confessionum ad litteram.
43· 5. A u sens littéral : Les ténebres régnaient sur la face de 1'abime, paree~ qu'il n'y avait pas encore de lumiere. A n'en pas douter, en effet, s'il y avait eu la lumiere, elle se fUt trouvée sur la jace : « dominant et éclairant» tout. La lumiere n'est-elle pas la perfection propre de la face? Et la lumiere n'est-elle pas la face des choses? De fait, sans la lumiere du genre auquel il appartient, tout créé reste informe et n'est rien. Ainsi done «Les ténebres étaient au-dessus, car la lumiere n'y était pas encore. » En effet, il n'y a pas lieu de distinguer «la présence des ténebres et l'absence de lumiere». Et telle est la raison donnée par Augustin au Xlle livre des Confessions, sens littéraP.
44· Sexto notandum quod ait : et tenebrae erant super Jaciem abyssi. Ignis enim quem tenebras vocat, ut dictum est, in supremo et nobiliori situ sive ordine, qui facies abyssi dicitur, totius elementalis regionis proximus caelo locum habet naturalem, sub quo aer, sub aere aqua. Et hoc est quod sequitur : « Spiritus dei», id est ventus, aer motus scilicet, «ferebatur super aquas». Secundum hoc ergo in verbis istis docetur ordo naturalis elementorum, cum super faciem
44· 6. 11 faut noter qu'il dit : Et les ténebres régnaient sur laface de l'abime. En effet, le feu que, comme on l'a dit, il appelle «ténebres» a son lieu naturel en ce point ou cet ordre supreme et tres noble de }'ensemble de la région élémentale appelé «face de l'abime», touchant au ciel, sous lequel il y a l'air, et sous l'air, l'eau. Et c'est la ce qui suit : «L'esprit de Dieu», c'est-á-dire le verit - a savoir l'air en mouvement - «planait au-dessus des eaux». D'apres cela done, c'est l'ordre naturel des éléments qui nous est révélé dans ces paroles, puisque sur la face de 1'abime, c'est-a-dire immédiatement sous le ciel, il y a le feu et (que)
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COMMENTAIRE DE GENESE
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COMMENTAIRE DE GENESE
EXPOSITIO LIB. GENESIS
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sub caelü' immediate est ignis, « spiritus », aer sctltcet, .«super. aquas >~. Et consequenter sequitur quod ulttmo et mfima stt terra, unde etiam sequitur : «congregentur aquae et appareat arida»a.
«l'esprit», c'est-a-dire l'air, (est situé) «au-dessus des eaux». 11 en résulte done qu'en dernier et au plus has il y a la terre, et c'est pourquoi le texte poursuit : «Que les eaux s'amassent et qu'apparaisse le seca.»
45. Dicta e~t ~u te m. materia in praemissis «abyssus », quast « sme bast>>, secundum illud lob 26 : «ap~endit . terram . super ~ihi~um»a, aut propter sut tnformttatem, mdetermmattonem confusionem et instabilitatem, qua sub nulla form~ quiescit sed ' semper aliam appetit ad modum adulterae.
45· Dans ce qui précede, la matiere a été appelée «abime» comme . pour dire «sans fond», d'apres Jb z6: «11 a suspendu la terre au-dessus du néanta» ' ou encore a cause de son informité, de son indétermina~ion, de sá confusion et de son instabilité qui font qu elle ne se repose sous aucune forme, mais en poursuit toujours une nouvelle comme la femme adultere.
Spiritus dei ferebatur super aquas. 46. Praemissa verba exponuntur primo litteraliter secundo moraliter. ' Quantum ad primum notanda sunt tria. Frimo, quod aer dicitur hic spiritus. Ventus est emm aer motus. Ventus autem spiritus dicitur freq?enter in scriptura, ut in Psalmo : «Flabit spiritus etus et fluent aquaea»; et Ioh. 3 : « Spiritus ubi vult spiratb», quod de vento exponit Chrysostomus.
Théorle des éléments.
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§ 44 _a. Gn 1, 9· § 45 a. Jb z6, 7· § 46 a. Ps 147, 18.
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. 47· s.ecu:ndo~ quare additur dei, cum dicitur : spirttus ~et.- Rabbt ~o.rses respondet L II c. 31 hoc esse dtctum ad stgmficandum quod «m o tus» omnis <<semper» proprie «attribuitur creatori», sicut ipse 1
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L'esprit de Dieu planait au-dessus .des eaux ( 1, z).
46. Ces paroles sont d'abord exposées au sens littéra], puis au sens moral. Pour le premier sens, on notera trois points. L'alr~ . 1. L'air est appelé ici esprit. En effet, le vent n'est nen d'autre que de l'air en mouvement. Et c'est fr~quemment que l'esprit est appelé «vent» dans J'Ecriture, par exemple dans le Psaume: «-Il souffie son vent et les eaux ruissellene» et Jn 3 : «Le. vent souffie ou il veutb», ce que Chrysostome interprete comme s'appliquant au vent (réel).
47· 2. Pourquoi est ajouté le mot Dieu dan:s cette e.xpression /'esprit de Dieu. Ma'imonide répond, It.vre. II, chap. 31, que ce terme est employé pour stgr:tfie,r que tout « mouvement » est « toujours attrtbue» au sens propre «au créateur», ce qu'il tire de
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE x, z.
inducit ex pluribus locis scripturae. Ratio est, quia deus est motor primus et ah ipso, utpote simpliciter immobili, procedit omnis motus, secundum illud Boethii: «Stabilisque manens das cuneta moveri».
nombreux passages de l'Écriture 1, La raison en est que Dieu est le premier moteur et que c'est de lui, en tant qu'il est absolument immobile, que procede tout mouvement, d'apres ce vers de Boece: «Demeurant immobile, tu donnes le mouvement a l'univers 2.))
48. Tertio sciendum quod hic notatur ordo naturalis elementorum. Cum enim dicit primo quod tenebrae eran! super faciem abyssi, per tenebras autem, ut dictum est, ignis intelligitur, notatur quod ignis tenet primum locum sub caelo immediate. Cum autem sequitur : spiritus, aer scilicet, super aquas, notatur quod secundum locum tenet aer. Et cum sequitur: super aquas, patet quod tertium locum tenet aqua· et consequenter terra quartum, id est ultimum; un de sequitur: «Congregentur aquae et appareat arida a.»
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49· Notandum ergo quod locus se habet ad locatum in ratione primi, perfecti, formae, superioris, salvantis ·et conservantis. Propter quod locus naturalis virtutem sapit divinam et est «principium generationis, quemadmodum et pater». Videmus etiam quod omnia extra locum suum sunt inquieta et ad locum suum appetitu quodam feruntur, in ipso vero a. Gn
1,
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§ 47 1. MAiM., Dux ... , II, 31 (f. 6ov, 4-7i Munk II, p. 2.372.38). 2.. Bo:EcE, Consol. Phi/. III, poeme 9 (CC 94, p. p, 3). § 49'·¡, -ee 'térme est :vraisemblablement emprunté a ALBERT
Encore l'ordre élémentaire. 48. 3· Il faut savoir qu'est indiqué ici l'ordre naturel des éléments. En effet, quand il dit d'abord que Les ténebres régnaient sur la fa ce de 1'abime, e' est le feu qu'il entend par ténebres, ainsi qu'on l'a dit, ce qui indique que le fe~ occupe le premier lieu immédiatement inférieur au ciel. Puis, quand il ajoute : /'esprit, c'est-a-dire l'air, au-dessus des eaux, ceci indique que l'air occupe le deuxieme lieu. Et cet ajout meme: au-dessus des eaux montre clairement que l'eau occupe le troisieme et par suite que la terre occupe le quatrieme, c'est-a-dire le dernier. C'est pourquoi on a a ce moment: «Que les eaux s'amassent et qu'apparaisse le se e a. » Qu'est-ce que le lieu? 49· Il faut done noter que par rapport a ce qu'il contient localement le lieu a le sens de premier, de parfait, de forme, de supérieur, de sauveur 1 et de protecteur. C'est pourquoi le lieu naturel a la saveur de la puissance divine et constitue «le príncipe de la génération, tout comme le Pere2». Nous voyons également que toutes choses, hors de leur lieu, sont inquietes et qu'elles se portent vers leur lieu, poussées le GRANO, De gen. el corr., lib. I, tr. 4, c. 3( Ed. Col. V, 2., p. 15 3, 2.7)· . 2.. Ce dictum «porphyrien» est proposé par ALBERT, Phys., IV, tr. 1, c. ro (Borgnet 3, z6oa).
EXPOSITIO LIB. GENESIS
loco totaliter conquiescunt. Ex quo patet quod locus habet rationem finis. Finis autem proprietas est, ut infra et intra ipsum inclusa. sint omnia quorum est finis. Propter quod in deo sunt omnia, et ipse est locus propriissime omnium entium. Sic ergo locus naturaliter ambit et includit undique sphaerice et aequaliter sphaerice ex omni parte suum locatum, si · vere et proprie est locus formalis et naturalis. Et istae sunt universaliter condiciones primi. Unde et primum in unoquoque ordine essentiali includit et locat omnia quae sunt post in illo ordine. Bine est quod primum corpus, puta caelum, est locus omnium corporum et est sphaericum, ut illa aequaliter ambiat, circumdet et includat, utpote finis. Quantum ergo unumquodque recedit a natura primi, superioris et perfecti, tantum cadit a natura ambientis sphaerice aequaliter omnia quae sunt post, et per consequens cadit a natura loci.
so. Terra igitur, utpote corpus ultimum, nihil prorsus circumdat aequaliter sphaerice nec locat, sed tantum locatur. Aqua vero, utpote in primo gradu 3· Cf. ALBERT, De cae/o et mundo, lib. z, tr. z, c. 1 (Ed. Col. V, 1, p. 1 z6, 6 5). . . 4· ALBERT, De causis proprretatum elementorum, hb. z, tr. 1, c. 3 (Ed, Col. . V, .z, p. 92, 49): «Locus omnium est caelum ultimuín. » ·· ··
COMMENTAIRE DE GENESE
t,
z.
par le désir, ne pouvant completement atteindre au repos que dans ce lieu précis. 11 est done évident que le lieu a raison de fin. Mais la propriété d'une fin est que toutes les choses dont elle est la fin lui sont inférieures ou sont contenues en elle. C'est pourquoi tout est en Dieu, et (c'est pourquoi) il est lui-meme, au sens le plus propre, le lieu de tous les etres. C'est done ainsi qu'un lieu embrasse et contient naturellement ce qui est situé en lui: il l'entoure dans une sphere et de maniere absolument égale si c'est véritablement et proprement un lieu formel ef naturel. Mais telles sont, en regle universelle, les conditions propres a ce qui est premier. 11 en ressort done qu~ ce qui est premier dans chaque ordre essentiel conttent localement tout ce qui lui est postérieur dans cet ordre. De la vient que le premier corps, c'est-a-dire le cieP, est le lieu de tous les au tres corps 4 et qu'il a la forme d'une sphere, en sorte qu'il les entoure tous également, les encercleS et les contient en tant que fin. Ainsi done, plus une chose s'écarte de la nature de ~e qui est premier, supérieur et parfait, plus elle déch01t de la nature de la sphere qui entoure a égalité toutes les choses qui lui sont postérieures et par conséquent, plus elle déchoit de la nature du lieu. La terre et le lieu. so. La terre, done, en tant que dernier corps, n'encercle ni n'entoure plus rien d'autre dans une sphere : die ne situe pas, elle est située. Dans la ·mesure ou elle est jointe a la terre au degré immédia-
5· ALBERT, De cae/o ... , lib. z, tr. 1, c. 1 (Ed. Col. V, 1, p. 10.5, 86) : « Primum corpus est complens et complectans omne td quod _est diminuti esse. »
EXPOSITIO LIB. GENESIS
iuncta terrae, aliquid sapit, sed diminute, de natura primi, utpote quoquo modo recedens a natura ultimi, et ~deo circumdat quidem ipsam terram, sed diminute et tmperfecte, non complens sphaeram. E converso ignis, utpote proximus primo corpori est, est super faciem totius elementaris regionis, ipsam totam sphaerice includens, ·locans et finiens, in horizonte. constitutus caeli incorruptibilis et corruptibilium. Consequenter aer immediate igni coniunctus et cognatus igni, utpote igni similis in proprietate essentiali et formali ignis, utpote calore, est super aquas sphaerice ambiens aequaliter omnes partes ipsarum et per consequens finit et locat sphaeram aquae. Hoc est ergo quod dicitur: tenebrae, ·id est ignis, erant super faciem abyssi, el spiritus dei, id est aer, ferebatur super aquas. Non sic autem dicitur de aquis, sed dicitur : « congregentur aquae in locum urium et appareat arida »a, id est terra.
51. Hic igitur videtur esse vera causa naturalis, quare terra non est operta tota aquis, quamvis circa hoc sint varia et vana a multis scripta. Patet etiam una causa sphaeritatis perfectae caeli, ignis et aeris, salvis aliis causis veris et bonis. a. Gn
1,
9·
§ 5o 1. ALBERT, De causis proprietatum elementorum, lib. 1, tr. 1, c. 2 (Ed. Col. V, 2, p. p, 67): «Primum corpus, quod generatum est in concavo caeli, est ignis. » 2. 1\.LBERT~ De (aelo ... , lib. 2, tr. 3, c. 2 (Ed. Col. V, 1, p. 144, 4 s-6) ': «Superior pars aeris coniungitur igni. »
COMMENTAIRE DE GENESE
1,
z.
tement supérieur, l'eau, elle, a déja un peu la saveur essentielle du premier, mais de fa<;on atténuée, en tant qu'elle s'écarte de la nature du der~ier. Et c'est pourquoi elle encercle la terre, mais de maniere atténuée et incomplete, sans atteindre la forme d'une sphere achevée. A l'inverse, le feu en tant qu'il est le plus proche du premier corps t, regne sur la face de toute la région élémentaire : illa contient tout entiere en l'entourant dans une sphere, lui donnant lieu et limites, lui-meme dressé a l'horizon qui sépare le ciel incorruptible de ce qui est corruptible. Par suite, l'air, qui est immédiatemeoJ conjoint au feu2 et qui lui est apparenté dans la mesure ou illui est semblable dans sa propriété essentielle et formellé : la chaleur, regne sur la sphere des eaux, entoure a égalité chacune de ses parties et ainsi limite et assigne un lieu a la sphere de l'eau. C1est done la ce qui est dit : fes ténebres, c'est-a-dire le feu, régnaient sur fa face de f' abfme, et f' esprit de Dieu, c'est-a-dire l'air, pfanait au-dessus des eaux. Mais ce n'est pas ainsi qu'il est parlé des eaux, puisqu'il est seulement dit: «Que les eaux s'amassent en un seullieu et qu'apparaisse le seca», c'est-a-dire la terre.
La terre et l'eau. 51. Telle semble done .etre la véritable cause naturelle pour laquelle la terre n'est pas tout entiere couverte d'eau, meme si beaucoup d'auteurs ont a ce propos avancé beaucoup de vaines explications 1• On a la également une cause évidente de la parfaite sphéricité du ciel, du feu et de l'air, qui laisse toute leur valeur a d'autres causes vraies et justes. § S1 s6sa).
I.
Cf.
ALBERT,
Meteor., II, tr. 3. c.
2
(Borgnet 4. s64a-
310
EXPOSITIO LIB. GENESIS
· 52. Adhuc autem ex praemissis potest assignari et
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alía causa sive ratio, quare terra non sit tota operta aquis nec circumclusa sphaerice ab aquis. Locus enim et locans universaliter vim habet et naturam perfecti et formalis ac totius. Locatum vero e converso naturam sapit et habet imperfecti, partíS et materiae. Propter quod ignis maxime formalis, mínimum habens de materia, omnia reliqua elementa perfecte locat et ambit sphaerice. Adhuc autem consequenter aer proximo gradu in formalitate, raros et paucus in materia, similiter locat quidem perfecte et sphaerice, sed pauciora. Aqua vero, utpote iam multum habens materiae, minus formalis, sicut testatur sua densitas, deficit quidem a natura locandi non simpliciter, sed a perfecte locando et sphaerice terram. Terra· ve ro iam tota materialis nihil penitus locat, sed locatur.
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53· Signum autem secundae rationis supra signatae est quod ignis, utpote caelo proximus, in sphaera sua 1. ALBERT, De natura loci, tr. 1, c. 3 (Ed. Col. V, 2, p. 4, 30-41), notamment: «Corporum aliud est locans tantum et alterufll est)ocatum tantum et quoddam est locans et locatum secundum Olituram. Id vero quod est locans tantum, est orbis, in
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COMMENTAIRE DE GENESE
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52. De plus, on peut tirer des prémisses une autre cause ou raison pour laquelle la terre n'est pas tout entiere couverte d'eau ou renfermée par les eaux dans une sphere. Car, en regle universelle, le lieu et ce qui l'assigne ont le pouvoir et la nature du parfait et du forme! ou du tout. Au contraire, ce qui est dans un lieu a la saveur et memela nature de l'imparfait, de la partie et de la matiere. C' est pourquoi le feu, qui est au plus haut point forme! et qui possede le mínimum de matiere, assigne en toute perfection le lieu de !'ensemble des autres éléments et les entoure dans une sphere. De la vient_ªussi que l'air qui, en formalité, a le degré prochain (du feu), est moins dense et que, peu pourvu en matiere, il assigne semblablement un lieu a d'autres éléments que lui en toute perfection et en les entourant dans une sphere. Cependant, ils sont moins nombreux (que dans le cas du feu). Quant a l'eau, dans la mesure ou elle a déja beaucoup de matiere et moins de forme, c0mme l'atteste sa densité, la nature de ce qui assigne un lieu lui fait défaut, mais pas absolument puisqu'il ne lui manque que d'assigner parfaitement un lieu a la terre, c'est-a-dire de l'entourer dans une sphere. En revanche, la terre, qui est tout entiere matérielle, n'assigne absolument aucun lieu a quoi que ce soit : elle est assignée a un lieu t. ]ustification de l'ordre élémentaire. 53· Voici le signe que la premiere raisop. indiquée plus haut est fondée : le feu, en tant qu'il est le plus pres du ciel, se meut tout entier sphériquement dans quo est virtus causativa omnium generatorum et corruptorum (... ) Corpus autem locatum tantum est terra pura, quae est centrum. Locans et locatum sunt reliqua tria.elementa. Et partes
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE
1, 1
se . toto movetur sphaerice ad modum caeli, motu , mquam, raptus, quo et orbes planetarum moventur ah. oriente in occidens. Aer eodem modo, sphaerice qutdem, sed non se toto, sed tantum sui supremo, s1cut probat motus stellae cometae consistens in superiori parte aeris ipsius. Aqua vero nec se tota nec totaliter sphaerice, nec complet sphaeram motus, sed tantum movetur secundum fluxum et refluxum ad modum cordis. Terra denique se tota stat privata motu sphaerico immobilis.
sa propre sphere - tout comme le fait le del emporté, dis-je, par le meme mouvement qui fait se · mouvoir d'orient en occident les orbes des planetes. Et c'est de la meme fac;on que se meut l'air: sphériquement lui aussi, mais pas tout entier, seulement sa partie supreme, comme le montre le mouvement des cometes qui réside dans la partie supérieure de l'air. L'eau, en revanche, ne se meut pas tout entiere et totalement de maniere sphérique, son mouvement n'atteint pas la forme d'une sphere achevée: elle se meut seulement selon un flux et un reflux, comme le creur. Enfin la terre,:Aout entiere privée de mouvement sphérique, reste immobile.
54· Signum autem primae rationis supra assigna. ~ae,. e:c formalitate scilicet elementorum, est quod 1gms 1n sua sphaera et in propria materia - similiter autem et aer- plene sunt diaphana et transparentia, utpot~ d.e natura lucis. Aqua vero, quamvis et ipsa persptcUltate et per consequens natura lucis non car~at, minor. tamen nota.biliter ~st eius perspicuitas et rar~tas matenae quam dtaphamtas et raritas ignis et aer1s. Ter~a vero, se tota et totaliter iam privata natura luc1s, opaca est et tenebrosa, utpote minime formalis et maxime materialis.
54· Le signe de la seconde raison, celle que 1' on a tirée plus haut de la formalité des éléments, est que le feu, dans sa sphere et dans sa matiere propre - et avec lui aussi l'air - est en tous points diaphane et transparent puisqu'il est de la nature de la lumiere. En revanche, meme si la translucidité, done la nature de la lumiere, ne manque pas a l'eau, cette translucidité et la rareté de sa matiere sont moins remarquables que la diaphanéité et la rareté qui caractérisent le feu et l'air. Enfin la terre, tout entiere et completement privée de la nature de la lumiere, est opaque et enténébrée, puisqu'elle est tres peu formelle et au plus haut point matérielle.
55· Albertus II l. Meteorum tr. 3 c.
tractans diffuse hanc quaestionem, rationem aliam non 2
huius divisionis manifestae sunt ad sensum; concavum enim orbis lunae locus est ignis et attingit ipsum undique ( ...).» Cf. égalem(!nt De_caelo.... , lib. z, tr. z, c. 1 (Ed. Col. V, 1, p. u8, 18-4t)'t~tP0-'s.; IV, tr. 1, c. xo (Borgnet 3; z59a) et 11 (z64b).
Explications d,Albert le Grand. 55· Traitant en détail cette question au livre II des Météores, traité 3, chap. 2, Albert 1 donne une autre
l. ALBERT,
Meteor., II, tr. 3, c. z (Borgnet 4. s6sb).
EXPOSITIO LIB. GENESIS
multum disparem a praemissis assignat. Ad cutus evidentiam ·duo praemitto. Primum est, quod materia est propter formam, non e converso, sicut mulier propter virum, non e converso. Propter quod in figura «non ex muliere vir, sed mulier ex viroa» producta dicitur, I Cor. II, et «caput mulieris vir»&, ut ibídem scribit apostolus, et universaliter materiale et passivum est ex· formali activo· et propter ipsum. Esse siquidem, quod tota natura et omne agens primo et per se intendit, est formae sive forma ipsa, non autem materia. Propter quod apud philosophum, cum generatur magis formale ex minus formali, est get~·atio simpliciter; sed si e converso generetur ex magis formali minus formale et plus materiale, non est generado simpliciter sed secundum quid, quia terminus generationis simpliciter est esse. ·
COMMENTAIRE DE GENESE
raison qui n'est pas tres différente des précédentes. Pour bien comprendre, je fais deux préalables.
Matiere et forme.
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56. Secundo praemitto quod, sicut ex uno pugillo elementi . inferioris fiunt decem pugilli superioris, sic· generaliter et naturaliter videtur superius elementum occupare locum, spatium sive sphaeram decies maiorem quam inferius.
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57· His duobus praemtssts patebit ratio Alberti quae talis est : elementum quanto est formalius, tanto a. 1 Co 11, 8.
b. · 1 Co
11,
t, 2.
Le premier est que la matiere est la pour la forme et non l'inverse, tout comme la femme est la pour l'homme et non l'inverse. C'est pourquoi il est dit métaphoriquement que «ce n'est pas l'homme» qui a été produit «a partir de la femme, mais la femme a partir de l'homme», 1 Co na et que «l'homme est le chef de la femme», comme.l'écrit 1' Apotre au meme endroit h. Et en regle univ~rselle, ce qui est matériel et passif est en vertu de ce qui est forme! et actif, et pour lui. En tout cas, 1' etre vers lequel toute la nature et tout agent tendent premierement et par soi, releve de la forme ou est la forme meme 2 mais pas la matiere. C'est pourquoi on lit chez Aristote que quand le plus forme! est engendré a partir du moins forme!, il y a génération absolue, mais que si, au contraire, e' est le moins formel (!t le plus matériel qui est engendré a partir du plus forme!, il n'y a pas génération absolue mais génération relative3. De fait, (seul) l'etre est le terme de la génération absolue. 56. Deuxiemement: Je pose que de meme que d'une poignée d'un élément inférieur, on tire dix poignées d'un. supérieur, de meme, .généralement et naturellement, l'élément supérieur semble occuper un lieu, un espace ou une sphere dix fois plus grands que l'inférieur.
3·
Hiérarchz'e par le degré formel. 57· Ces deux points acquis, la raison d' Albert e~t évidente. La voici : plus un élément est forme!, plus 11 est étendu dans l'espace et plu.s grands sont le lieu et
z. Cf. TH. d' AQ., laP, q. 4, a. 1. 3· Cette.,,dis.tinctipn, .reprise dans la Q11ution Utr11m in Deo, · § 11 est· issue d'ARISTOTE, De gen. et éorr.; 1, 3, 318b 3-11.
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EXPOSITIO UB. GENESIS
spatiosus et maiorem locum et sphaeram occupat; e converso quanto materialius, tantO est minus in 9uantitate et minus spatium occupat. Ignis igitur, tnte~ elementa formalior, tantus est in quantitate et spauo, ut totum conca~um orbis lunae impleat. Aer vera, utpote materialior et grossior igne, minus spatium occupat, ut iam non sufficeret implere totum concavum orbis lunae, sed nihilominus sufficit implere totum concavum ignis et complete circumdare ubique sphaerice totam sphaeram inferiorum elementorum, scilicet aquae et terrae.· Aqua vero, ut adhuc amplius materialis et minus formalis, contractior est quantitate et spatio, ita ut <<"nec uniformiter nec complete» possit operire sphaerice totam terram, sed potius ad modum circuli et sphaerae imperfectae partero terrae operit et includit, alia parte terrae nuda remanente. 58. Adhuc autem et aliam rationem tangit idem Albertus, quia, ut dicit, aqua habet humidum frigiditate coniunctum. Frigus autem ex sui natura const~ingit et co~trahit p~rtes humidi in .se ipsis, ut stc non suffictant opertre terram. Aer autem habet humidum coniunctum calido. Calor autem non constrin.git nec contrahit partes humidi in ·se ipsis, sed pottu~ extend~t et dilatat ad extra, et propter hoc suffictunt ac tncludendum ubique sphaerice · ipsam aquam et terram.
§ 57 1. Cf. ALBERT, Meteor., II, loe. cit. § 58 1. Cf. ALBERT, De cae/o_. .. , lib. 4, tr. z, c. 8 (Ed. Col. V, 1, p. :2-69,_ zzs)~~ . . . z.
:ALBERT,
Meteor., 11, tr. 3, c. i (Borgnet 4. s66a).
COMMENTAIRE. DE GENESE
1, 1
.
la sphere qu'il occupe. ·Inversement, plus il est matériel, moindrc est sa quantité et moins il occupe d'espace. Le feu done; le plus forme! d'entre les éléments, est a un point de quantité et d'espace tel qu'il remplit la totalité de l'espace contenu dans l'orbe de la Lune. L'air, en tant que plus matériel et plus grossier que le feu, occupe moins d'espace. 11 ne suffirait pas a remplir la totalité de l'espace contenu dans l'orbe de la Lune, mais il suffit toutefois a remplir la totalité de l'espace contenu dans la sphere du feu et a encercler completement, en tous points et sphériquement, la totalité de la sphere des éléments inférieurs, c'est-a-dire de l'eau et de la terre. Dans la mesure ou l'eau est encare plus matérielle et encare moins formelle, elle est aussi plus restreinte en .quantité et en espace, de sorte qu'elle ne peut. «ni uniformément ni completement» recouvrir la totalité du globe terrestre t ; bien plutót a la fac;on d'un cercle et d'une sphere imparfaite, elle ne recouvre et n'enveloppe qu'une partie de la terre tandis qu'une autre partie reste. nue.
Et les qualités secondaires.
.sS. Mais le meme Albert ajoute une autre· raison : Dansl'eau,dit-il, l'humide est associé au froid 1• Or, le froid, de par sa nature, contraint et contracte sur elles-memes les parties de l'humide, de sorte qu'ainsi elles ne suffisent plus a recouvrir la terre. Dans l'air, en revanche, l'humide est associé au chaud 2 • Or, le chaud ne contraint ni ne contracte sur elles-memes les parties de l'humide, mais bien plutót les détend et les dilate vers l'extérieur. Et c'est pourquoi elles suffisent a envelopper sphériquement et de toutes parts l'eau et la terre.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
59· Item secundo moraliter exponitur: spiritus dei ferebatur super aquas. .~oraliter spi~itus dei fertur super aquas, quia deus sptrttus. adest t_rtbulatis consolans eos. Propter quod «parachtus », 1d est con~olator, dicitur « spiritus sanctus», Psalmus : «Cum 1pso sum in tribulatione»a. Per aquas enim in ~criptura trib_ulatio significatur, Psalmus: «Assumpslt me de aqUis multis»h.
6o. Sec~n~o spiritus dei fertur super aquas, quia adest homtmbus temptatis, secundum illud : « Faciet cum temptatione proventum, ut p·ossitis sustinere »a; Psalmus : « Salvum me fac, deus, quoniam intraverunt aquae usque ad animam meam» h. !ertio f~rtur _supe: aquas, quia refrigerat et exstin.,. gwt carnaha destdena et stabilit corda nutantia.
61. Qu~rto fer~ur super ~quas, quia superat omnia quae de 1pso dtcunt scnpturae, secundum illud 3 Reg. Io_: .~Maior est sap~ientia _tua quam rumor, quem audtv~ ; Iob. 26 : « Cum vtx parvam stillam serm~nu~ ~ms_ au~tveru;nus, quis poterit tonitruum magmtudtms ems mtuen? » 0 · Quinto ~ert_ur super aquas, quia non permiscetur rebus creatts, m qutbus est non immersus, sed totus
COMMENTAIRE DE GENESE
1, 2.
319
Le sens moral. , S9· Voyons a présent l'explication morale de: L'esprit de Dieu planait au-dessus des eaux. . Pt;is dans le sens moral, /'esprit de Dieu plane au-dessus des eaux paree que I. Dieu, l'Esprit assiste les malheureux et les console. C'est pourquoi !'Esprit Saint est appelé «Paraclet», c'est-a-dire consolateur, Psaume: «Je suis avec lui dans le malheura.» De fait, pa,r «eaux» c'est le malheur qui est signifié dans l'Ecriture, Psaume: «Il m'a tiré des grandes eauxh.» 60. 2. L'esprit de Dieu-plane au-dessus des eaux paree qu'il est présent a ceux qui sont soumis a la tentation, selon ce passage : «Avec la tentation, il vous donnera le moyen d'en sortira.» Psaume: «Sauve-moi, Seigneur, paree que les eaux sont entrées en moi jusqu'a l'ame 0 . » · 3· Il plane au-dessus des eaux, car iltempere et apaise les désirs charnels et raffermit lc:!s cceurs chancelants. 61. 4· Il plane au-dessus des eaux, car il dépasse tout
§59 a. Ps 90, 13. h. Ps 17, 17. § 6o a. I Co ro, 13 . h. Ps 68, 2. § 6r a. 3 R ro, 7· h. Jh z6, 14.
ce que peuvent dire de lui les Ecritures, selon ce passage de 3 R 10: «Ta sagesse est plus grande que la rumeur que j'ai entenduea.» Jb 26: «Nous avons entendu la petite goutte de sa parole, mais le tonnerre de sa puissance, qui l'entreverra?h» 5. Il plane au-dessus des eaux, car il n' est mélangé a aucune des choses créées, n'est pas immergé en e~les mais, en tant que supérieur, tout entier a l'intérieur, tout entier a l'extérieur 1• !/ planait, dit-il, au-dessus des
Sur cette formule patristique, cf. BoNAVENTURE, Itin. ment. m De11m, <:: 5, ~(Q1:1aracchi V, p. 3 ro). Chez Eckhart, cf. Comm. Jn, § rz·(notamhlent: «(.. :) verhum; logos sive ratio rerum sic
est in ipsis et se tota in singulis, quod nihilominus est se tota extra singulum quodlihet ipsorum, tota intus, tota deforis»), Comm. Ex., § 163 et id meme § r66. Cf. également AllG., La Gen. 011 s. litt., VIII, xxv1,-48 (BA 49, p. 82), GRÉG., Mor., Il, 12,
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1.
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EXPOSITIO LIB. GENESIS
intus, totus foris, utpote superior. Ferebatur, inquit, super aquas. Omne enim superius ordine essentiali totum inest et totum est extra suum inferius quodlibet.
62. Sexto, quod conyenienter hominem perfectum habentem spiritum dei nihil afficit eorum quae circumstant creata, puta mutabilitas et alia similia, quia spiritus dei in ipsis fertur super aquas et ipsos fert super aquas, super creaturarum proprietates. Septimo spiritus dei non tantum ·est causa rerum sive entium, sed potius est ratio causae, lo h. 1 : «In principio erat verbum»a, id est ratio. Unde in divinis non habet locum nomen causae, sed potius nomen rationis.
63. Octavo fertur super aquas, quia « disponit omnia suaviter»a, Sap. 8. Omne siquidem superius suaviter disponit et afficit suum inferius longe ~mpl~us. quam ipsa .forma substantia~i~ propria ipsius mfenorts, ut patet m Opere proposttlonum, tractatu De natura superioris. Nono spiritus dei fertur super aquas moraliter, quia viri sancti, habentes spiritum dei, contemnunt temporalia sive transcendunt.
§ 62 a. Jn
I, 1.
J.
1, 1
321
eaux. De fait, dans l'ordre essentiel, le supérieur est tout entier dans et tout entier hors de n'importe lequel de ses inférieurs. 62. 6. 11 convient que l'homme parfait possédant !'esprit de Dieu ne s'attache a rien de ce qui accidente les choses créées, par exemple la mutabilité et autres choses semblables, car /'esprit de Dieu plane en eux au-dessus des eaux et eux-memes planent au-dessus des eaux, au-dessus des propriétés des créatures.
} Dieu cause ou raison! 7· L'esprit de Dieu n'est pas tant la cause des
choses ou des etres qu'il n'est plutot la raison de leur cause, Jn 1 : «Au commencement était le Verbea», c'est-a-dire la Raison. En Dieu done, il n'y a pas place pour le nom de cause mais plutot pour celui de raison t.
63. 8. 11 plane au-dessus des eaux, car «il dispose toutes choses avec douceur», Sg 8a. En effet, tout supérieur dispose son inférieur avec douceur et il le touche de beaucoup plus pres que ne le fait la propre forme substantielle de cet inférieur, comme on le voit clairement dans l'CEuvre des propositions, traité De la nature du supérieur t. . 9· L'esprit de Dieu plane au-dessus des eaux au sens moral, car les saints, qui possedent l'esprit de Dieu, méprisent les choses temporelles ou les dépassent.
1.
ScoT, DDN, IV (PL 122, 759). Ab~nda_nte J~~bliographie dans A. KLEIN, Meister Eckhart, La Dotirina mística del/a giustiftcazione~ Milan, 1978, p. 94-95. 2o
(PL 75, 565) et
§ 63 a. Sg 8,
COMMENTAIRE DE GENESE
§ 62.
Cf. ci-dessus, § 3-5. § 63 1. Ce traité est perdu. Cf.- Pro/. gen., § 4· Pour l'exégese de Sg 8, 1 cf. Comm. Sag., § 167-200. 1.
.,;;;.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE
Dixitque deus. 64. Rabbi Moyses l. 1 c. 64 dicit : dicere et loqui si ve « dictum et loquela attribuuntur creatori secundum duos modos, id est cum ponuntur pro vol un tate vel pro conceptu mentis ».
1,
3
La paro/e de Dieu. Et Dieu dit (1, 3).
64. Ma"imonide, livre I, chap. 64 : Dire et parler, « langage et paro le sont attribués au Créateur selon deux modes, soit qu'ils désignent sa volonté, soit une conception de sa pensée t. » Apres les ténebres, la lumiere.
Dixit deus : fiat lux. 65. Notandum quod deus non legitur fuisse locutus ante lucis productionem, primo quidem, quía ipsum verbum lux est, Ioh. I : « Erat lux vera a», et loh. u : «Ego lux in mundum veni b », secundo, quia locutio universaliter manifestado est : « Omne enim, quod manifestatur, lumen este», Eph. 5. Et glossa super I ad Cor. I 3 dicit quod locutiones angelorum sunt illuminationes d. Augustinus autem aliam rationem assignat.
66. Dixitque deus. De natura < dicendi > dei, quid, quibus et qualiter_ loquatur in. divinis et creaturis, rursus qualiter singula deum loquentem audiant et ipsi respondeant, invenies multa pulchra notabilia in secunda editione, Parabolarum scilicet in Genesim.
a. Jn 1,9.
h. Jn IZ,46.
c. Ep 5, 13·
d.
1
Co 13,
1.
§ .~4-l· l\1~YM., Dux ... , I, 64 (f. 2.6v, xo; Munk I, p. 2.91-2.92). § 65 1. AuG., La Gen. au s. /iit., I~ m, 75 (BA 48, p. 915).
Dieu dit : Que la lumiere soit ( 1, 3).
65. Il faut noter que le texte n'indique pas que Dieu ait parlé avant de produire la lumiere. Premierement, paree qu'en vérité le Verbe lui-meme est lumiere, Jn 1 : «Le Verbe était la lumiere véritablea» et Jn 12 : «Moi la lumiere, je suis venu dans le monde h.» Deuxiemement, paree qu'en regle universelle la paro le est manifestation : «En effet tout ce qui est manifeste est lumiere», Ep 5c. Et la Glose sur 1 Co 1 3 d dit que les paro les des anges sont des illuminations. Augustin, toutefois, donne une autre . raison 1•
66. Et Dieu dit; Concernant la nature de la parole de Dieu, a savoir ce qu'il dit, a qui et comment il parle, dans .le domaine divin et dans celui des créatures, et comment les individus entendent la parole de Dieu et lui répondent, tu trouveras beaucoup de choses belles et remarquables dans la seconde édition (du Commentaire), c'est-a-dire dans le Livre des paraboles de la Genese t.
§ 66
1.
Parab. Gen., § 48-5 5.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE qE GENESE r, 3-4 .f·-· .
Pacta est lux. 67. Rabbi Moyses - dicit sapientes legis sentire quod lux prima die facta « sunt luminaria creata in prima die, sed non ostendit ea deus usque ad quartam dtem». Et secundum hoc cessarent multae quaestiunes et dubitationes quae circa hoc solent fieri. Concordat autem huic opinioni quod dicunt quidam de ipsa luce primo die creata facta esse luminaria. Dionysius 4 c. De divinis nominibus dicit quod «lux illa fuit lux solis», de quo habes p. I q. 67 a. 4 ad 2.
V idit deus lucem quod esset bona. 68. Nota : quamdiu res singula stat in verbo dei et universaliter in splendore intellectualis luminis, non · dicitur : est bona, quia bonum est extra in rebus, verum autem in anima. Propter quod in « mathematicis non est bonum», ut ait philosophus, et multo minus in metaphysicis. Hinc est quod Moyses dicens: «Dicit deus: fiat lux» non ait quod esset bona, sed postquam adiecerat: «Et facta est lux», scilicet extra in rerum natura, tu.nc· demum ait quod esset bona.
§ 67 1. Ps.-DENYS l'AREOP., Noms divins, IV, 4 (PG 3, 7ooA; Gandillac, p. 98). Cf. également MAlM., Dux ... , II, 31 (f. 6or, 38-4o; Munk II, p. 235). z. Thomas revient sur ce point au meme endroit, q. 68, a. 1, resp .. ,:· _ § 68 1. Sur la théorie eckhartierine du vrai, cf. Parab. Gen.,
32.j
La lumiere et les luminaires. Et la lumiere fut (1, 3). 67. Ma'imonide dit que l'opinion des docteurs de la Loi est que la lumiere faite au premier jour désigne «ces luminaires créés au premier jour que, pourtant, Dieu n'a pas montrés avant le quatrieme». Ainsi, beaucoup de questions et de doutes que l'on a l'habitude de soulever en cette matiere seraient résolus. Mais cette opinion est (aussi) en accord avec ce que disent certains auteurs pour qui c'est de la lumiere créée au pr~mier jour qu'ont été faits les luminaires. C'est ainsi que Denys dit au chap. 4 des Noms divins : « Cette lumiere fut la lumiere du soleill.» Vois a ce sujet la Somme de théofogie2, P Pars, q. 67, a. 4, ad 2m.
y
L' intérieur et 1' extérieur. Dieu vit que la lumiere était bonne ( 1, 4). 68. Note-le: Tant qu'une réalité singuliere reste dans le Verbe divin et universellement parlant dans la splendeur de la lumiere intellectuelle, on ne dit pas «Elle est bonne», car le bien se trouve a l'extérieur dans les choses, contrairement au vrai qui est dans l'ame t. C'est pourquoi «Le bien n'entre pas dans les notions mathéniatiques », comme dit Aristote, et encore moins dans les métaphysiques. Ainsi, disant : «Dieu dit: Que la lumiere soit», Mo'ise ne dit pas qu'effe était bonne. C'est seulement apres avoir ajouté «et la lumiere fut», a savoir a l'extérieur, dans la nature, qu'il dit qu' effe était bonne. § 54, Comm. Ex., § 176, Comm. Sag., § 6, Question 1 Utrum in Deo, § 4, 18, Comm. jn, § 484.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
p.6
COMMENTAIRE DE GENESE
Notandum quod circa illud, quod dictum est : vidit deus luce m quod esset bona, invenies plura pulchra notabilia in editione secunda Super Genesim.
1,
4-~
Concernant cette parole: Dieu vit que la lumiere était bonne tu trouveras beaucoup de choses belles et remarquables dans la seconde édition du Commentaire de la Genesez.
S ens de la distinction. Dlvisit lucem a tenebris, 69. quía non contaminatur nec afficitur lux a tenebris nec deus permiscetur rebus, ut in De causis < dicitur > ; lo h. 1 : « Lux in tenebris lucet, et tenebrae eam non comprehenderunta. » Divisit. Nota : divisio, de qua hic saepe fit mentio, est distinctio rerum ah invicem quantum ad essentias suas formales et ordinem rerum essentialem, in quo consistit perfectio et integritas universi, < finis > primo et per se intentus.
11 divisa la lumiere d'avec les ténebres ( 1, 4). 69. Car la lumiere n'est ni affectée ni touchée par les ténebres, ni Dieu mélangé aux choses, comme le dit le Livre des causes 1; Jn 1 : «La lumiere a lui dans les ténebres et les ténebres n'ont pu l'atteindrea. » Divisa. Note-le, la division, dont il est souvent fait mention ici, est la distinction des choses les unes par rapport aux autres du point de vue de leurs essences formelles et de leur ordre essentiel en quoi consiste la perfection et l'achevement de l'univers, fin recherchée avant tout et pour elle-meme.
]our et nuit. Appellavit lucem dlem et tenebras noctem. 70. Rabbi M_oyses, «quoniam tenebrae primo nominatae significant ignema», ut supra dictum est, et « sunt aliae a tenebris secundo dictis h», ideo distinguens inter has et istas dicit quod istae secundo dictae faciunt noctem et nox appellantur.
§ 69 a. Jn
1,
5.
§ 70 a. Cf. Gn i, 2..
z. Parab. Gen., § ·5z-72..
b. Cf. Gn
1,
Et il appela la lumiere «jour» et les ténebres «nuit» (1, 5). 70. « Puisque les ténebres nommées en. premiera signifient le_ feu», comme on l'a dit plus haut, et «sont différentes des ténebres nommées en second h», Ma1monide, distinguant celles-ci de celles-Ia, dit que ce sont les secondes qui font la nuit et sont appelées «nuit 1 ».
5.
§ 69 1. Lib. de causis, prop. 19 (Pattin, p. 89, 97-98). § 70 1. MAYM., Dux ... , 31 (f. 6ov, 7, Munk 11, p. 238).
EXPOSITIO LIB. GENESIS
Factum est vespere et mane dies unus. 71. Notandum quod productio rei in esse ortus eius est sive mane. Propter quod rebus iam creatis primo successit vespere, et sic redeunte mane completus est dies unus naturalis. Secundum hoc ergo dicitur «ves pe re sabbati a», id est diei Saturni, «lucescit» sive diescit «in prima sabbati», quae est dies solis sive dominica.
COMMENTAIRE DE GENESE
1,
~
Soir et matin. Du soir et du matin il fit le premier jour (x, 5). 71. 11 faut noter que la production d'une chose dans l'etre constitue son lever ou son matin. Voihl pourquoi, une fois les choses créées, il fallut d'abord que le soir vint et qu'ainsi, le matin revenant a son tour, fllt accompli le cours naturel de tout un jour. C'est done d'apres cela qu'il est dit : «Au soir du Sabbat», c'est-a-dire samedi, «poignit» ou commen<;a «le premier (jour) de la semainea», c'est-a-dire dimanche, le jour du_c Seigneur t.
La création de 1' ange. 72. Vespere et mane dies unus. Notanda sunt hic ad praesens duo. Primo quod per lucem productam primo die secundum Augustinum intelligitur productio vel formatio angelicae naturae intellectualis et deo proximae. Dicens ergo quod dies illa habuit vespere et mane, oriens et occidens, docet nos in omni creato, quamvis supremo et perfecto, semper admixtam esse mutabilitatem, imperfectionem et maculam impuritatis, Job 4 : «In angelis suis reperit pravitatem a», et lob I 5 : «In ter sanctas eius nemo immutabilis, et caeli non sunt mundi in conspectu eius b»; nec obstat § 71 a. Mt 2.8,
1.
§ 72. a. Jb 4, 18 .. b: ]b 15, 15.
§ 71 1. Sur le «premien> jour (Gn 1, 5) noter que le texte porte «dies unus» (le «jour un») et non «dies primus» (le premier jour). Voir a ce sujet le commentaire d'ORIGENE, In Exaem. hom., 1, 1 (SC 7his, p. 2.6, 35-44). Sur le «jour un», cf. BASILE, In Exaem. hom., 2. (SC 2.6, p. q8-185). Concernant la no~ion de «cour.s naturel.» du jour voir la différence entre détermination «a mane usque ad mane» et «a vespera in vesperam» dans BEDE, In
72. Du soir et du matin : le premier jour. 11 faut a présent noter deux points. Premierement que, selon Augustin 1, la production de la lumiere au premier jour signifie la production ou formation de la nature angélique, intellectuelle et la plus proche de Dieu. Done, en disant qu'il fit ce jour du soir et du matin, Orient et Occident, (Motse) nous enseigne qu'en tout créé, meme le plus haut et parfait, se melent toujours la mutabilité, l'imperfection et la souillure de l'impureté, ]b4: «Il a trouvé la dépravation jusque chez ses angesa.» Et Jb 15 : «Nul n'est constant, meme chez ses saints, et les cieux eux-memes ne sont pas purs a ses yeux 0 . » Qu'il dise ensuite : « 11 divisa la lumiere Gen., 1, 5 (CC n8A, 9s) et P. LOMBARD, Sent. II, d. 13, c. 5. Voir également ÜRIGENE, op. cit. (SC 7bis, p. 1 78-179). § 72 1. AuG., La Gen. au s. litt., 1, m-v et xvn (BA 48, .p. 91-97 et 126-q 1), Contra Faustum, XXII, 10 (CSEL 25, p. 598s). Voir également la Glose ordinaire (Gn 1, 3) qui donne la citation d' Augustin.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE
quod sequitur : « Divisit lucem a tenebris c.» Quamvis enim substantia computata et eius accidentia, qualitas, quantitas et similia, sint unum numero et esse unum habeant. numerale, divisa tamen est natura uniuscuiusque a. natura alterius, etiam secundum genus generalissimum, quae genera se ipsis et se totis sunt condivisa.
1, ,
d'avec les ténebresc» ne fait pas d'obstacle (a cette lecture). En effet, meme si comptant une substance et ses accidents, qualité, quantité _et autres (déterminations) semblables on ne trouve par le nombre qu'une seule réalité et numériquement qu'un. seul etre, la nature de chacun (des accidents) reste divisée de la nature de chaque autre, y compris par rapport au genre le plus général, car (tous sont) des genres par eux-memes et entierement distincts.
Temps et création . 73· Sed quid est quod Moyses supra loquens de creatione caeli et terrae tacet de temporibus, scilicet de diebus, nunc autem ait : factum est vespere et mane dies unus? Die quod creatio u tique ante tempus, supra tempus et sine tempore est. Augustinus XII Confessionum respondet dicens quod « caelum, quod in principio fecit deus, creatura est aliqua intellectualis », «excedens omnem volubilem vicissitudinem temporum. Ipsa vero informitas terrae invisibilis » « nec ipsa in diebus numerata es t. Ubi enim nulla species, nullus ardo, nec venit quidquam nec praeterit, et ubi hoc non fit; non sunt utique dies nec vicissitudo spatiorum temporalium ».
74· Secundo notatur moraliter quod non est dies aliqua nec una, quam possit horno transire in hoc c. Gn
1,
.f-
73· Mais que signiife le fait qu'en parlant plus haut de la création du ciel et de la terre Mo1se n'ait rien dit des temps, c'est-a-dire des jours, alors qu'il dit maintenant : Du soir et du matin il jit le premier jour? Répond que la création est avant le temps, au-dessus du temps et sans temps t. Augustin, quant a luí, répond au livre XII des Confessions, en disant que «le ciel, que Dieu a fait au commencement, est une créature intellectuelle », « dépassant toutes les fugaces vicissitudes du temps». « Quant a cette masse informe de la terre invisible», «elle n'a pas non plus été comprise au nombre des jours. La, en effet, ou il n'y a point de forme ni d'ordre, rien n'arrive, rien ne passe, et par conséquent, la, il n'y a place ni pour les jours ni pour les vicissitudes de la durée 2 ».
Le soir au sens moral. 74· Deuxiemement : On note au sens moral qu'il n'est aucun jour qu'un homme, meme puissant et
4·
z. AuG., Conf. XII, IX, 9 (BA 1_4; p. 356-3 57) ..
COMiiENTAIRE DE GENESE
EXPOSITIO LIB. GENESIS
mundo, quamvis praepotens et praedives, m prosperis aut deliciis sine molestiis sive corporis sive mentís. Non enim habet omne quod vult nec caret omni quod non vult. Quin immo quasi incomparabiliter plura sunt bona quibus caret quam quae habet. Magis ergo miser est quam felix. Unde Boethius II De consolatione prosa 3 sic ait : « Ullamne humanis re bus inesse constantiam reris? »; et post quarta prosa : « Quis tam compositae felicitatis, ut non aliqua ex parte cum status sui qualitate rixetur? Anxia res est humanorum condicio bonorum »; et infra : « Quam multis amaritudinibus humanae felicitatis dulcedo respersa est! » Iob : « Quasi flos egreditur et conteritur» «et nunquam in eodem statu permaneta»; Prov. 14: «Risus dolore miscebitur, et extrema gaudii luctus occupat b. » Hoc est igitur quod hic dicitur: factum est vespere et mane dies unus.
1,
S
333
meme riche, puisse passer en ce monde dans le bonheur ou les plaisirs, sans recevoir quelque blessure au corps ou a !'esprit. En effet, s'il n'a jamais tout ce qu'il veut, il a toujours quelque chose de tout ce qu'il he veut pas. Et meme le nombre des biens qui lui manquent est, pour ainsi dire, incomparablement plus élevé que celui des biens qu'il a. 11 est done plus malheureux qu'heureux. C'est pourquoi dans le second livre de la Consolation de phi!fJsophie, prose 3, Boece dit : « Penses-tu que les choses humaines aient la moindre constan ce?)) puis, a la prose 4 : « Quel est . celui dont la joie est c~insi faite qu'elle ne soit jamais aux prises avec sa situation? L'angoisse est la condition attachée aux biens des hommes. » Et plus has : «De combien d'a:mertume la douceur de la félicité humaine est-elle entachée !1 » Jb : « Pareil a la fleur l'homme écl6t puis se fane » « et jamais il ne demeure dans le meme étata. » Pr 14 : «Le rire sera melé a la douleur et la joie s'acheve en chagrín b. » Voila done ce qui est dit ici : Du soir et du matin il ftt le premierjour.
Les vicissitudes du <(jour >>. 75· Ubi adhuc notandum quod molesta plura sunt quam placita quolibet uno die. Ratio est manifesta. Plura enim sunt bona quibus caret quam bona quae habet. Bonum autem habitum solum delectat, non habitum contristat. Nam et ipsa « spes » boni, si «differtur, affiigit animam», Prov. 13 a. Et praeterea: « Spes enim est nomen incerti boni», ut ait Seneca § 74 a. Jb 14, 2. h. Pr 14, 13. § 75 a. Pr 13,
12.
§ 7:4 t._ Bo.F.~E, .Consol. Phi/., II, proses 3 et 4 (CC 94, p. u, 40-41' et 24, 56-42). Citation non littérale.
75· Il faut encore noter que, quel que soit le jour, les déboires sont plus nombreux que les plaisirs. La raison en ~st manifeste. Les biens que l'homme n'a pas sont plus nombreux que ceux qu'il a. Or, ce n'est que lorsqu'on l'a qu'un bien cause du plaisir, si on ne l'a pas, c'est la tristesse. De fait, meme l'«espoir» d'un bien, s'il «tarde a se réaliser, tourmente l'ame», Pr 13 a. En outre, «espoir est le nom d'un bien incertain», comme le dit Séneque 1 dans sa Lettre X.
§ 75
1.
SENÉQUE, Epist., I, 10,
2
(Belles lettres, p. 34-35).
COMMENTAIRE DE GENESE
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H4
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B5
C'est pourquoi le soir est placé avant le matin: du soir, dit-il, et du matin, il ftt le premier jotlr.
Epistula 10. Propter quod prius ponitur vespere quam mane : factum est, inquit, vespere et mane dies unus. 76. Rursus vespere potest accipi singulariter et pluraliter, mane vero tantum singulariter, quamvis ad litteram creato sole sive luce super terram cursu naturae occurrat vespere et subsecuto mane completa iam die sit dies unus, secundum illud : «V espere sabbati, quae lucescit in prima sabbati», Matth. a. Praemissis concordat Augustinus Ad Probam sic dicens : « Quaecumque sunt terrena sola tia, magis in ipsis desolatio quam consolatio reperitur».
1,
7~·
' ~-··
De ~lus vespere peuf etre pris au singulier et au plurtel, mats mane seulement au singulier, bien qu'ici la lettre porte qu'une fois le soleil créé et la lumiere (répandue) sur la terre, c'est, dans le cours de la nature, le so~r qui arriv:e et! au matin suivant, le jour est accomplt, le premter JOur, conformément a. ce passage de Mt : «A u soir du Sabbat, quand poignit le premier jour de la semainea.» Ce qui précede s'accorde avec Augustin, Lettre a Probe : « Quelle que -soit la nature des consolations terrestres, on y trouve plutót la déception que le réconfort t.»
Création du jirmament. Qu'il y ait un firmament au milieu des eaux ( 1'
Fiat ftrmamentum in medio aquarum. 77· Nota quod omnis creatura duplex habet esse. Unum in causis suis originalibus, saltem in verbo dei; et hoc est esse firmum et stabile. Propter quod scientia corruptibilium est incorruptibilis, firma et stabilis; scitur enim res in suis causis. Aliud est es se rerum extra in rerum natura, quod habent res in forma 'propria. Primum est esse virtuale, secundum est esse formale, quod plerumque irifirmum et variahile. Et fortasse istae sunt aquae' superiores et ihfea. Mt z8,
1.
~.:·'A~~., Épist.,
130;
c. z, 3 (CSEL 44, p. 43, z) ..
6).
Les eaux supérieures et le Verbe. 77· Note que toute créature a un etre double. Le premier dans ses causes originaires, c'est-a-dire (en tant qu'elles sont) dans le Verbe de Dieu, et c'est un etre fixe et stable. C'est pourquoi la. science des réalités corruptibles et incorruptibles est elle-meme fix~ et stable : la chose y est connue. dans ses causes. L'autre etre est celui des choses a Í'extérie~r, dans la nature. C'est l'etre qu'elles ont dans leur forme propre. Le premier est un etre virtuel, le second un etre formel qui, la plupart du temps, est inconsistant et variable. Et ce sont peut-etre la ces eaux supérieures et inférieures en lesquelles Dieu a divisé le firmament, car les supérieures sont fixes et stables, et
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rieres inter quas dividit firmamentum, quia superiores firmae sunt et stabiles, in quo dividuntur, id est distinguuntur, ah inferioribus. Signum huius est quod Daniel, postquam dixerat : «Benedícite, aquae omnes, quae super caelos sunt, dominoa», addidit : « Benedicite, omnes virtutes do mini, domino b. » Aquae enim illae sunt aquae in virtute causae suae, non aquae formales sive in forma propria. Et nota quod aquae illae perfectissime et propriissime benedicunt verbum dei, in quo in silentio sine verbo exteriori et super tempus laudant et benedicunt semper verbum, quod est in silentio paterni intellectus, verbum sine verbo aut potius super omne verbum. Exemplum praemissorum est de domo in mente artificis, ubi cognoscitur et scitur domus, et ah inde formatur et accipit esse formale extra domus in materia.
c'est en cela qu'elles se divisent, c'est-a-dire se distinguent des inférieures t. Le signe en est que Daniel ayant dit : «Que toutes les eaux qui sont au-dessus des cieux bénissent le Seigneura» a ajouté : « g,ue toutes les vertus du Seigneur bénissent le Seigneur . » Ces eaux, en effet, sont eaux en vertu de leur cause et non eaux formelles ou dans leur forme propre. Et note-le : Ces eaux, tres parfaitement et tres proprement, bénissent le Verbe de Dieu. C'est en lui qu'en silence, sans verbe extérieur et au-dessus du temps, elles louent et bénissent sans relache ce Verbe meme qui est dans le silenc~ de l'Intellect du Pere, Verbe sans verbe ou plutot au-dessus de tout verbe. Un exemple de ce qui vient d'etre dit est la maison dans !'esprit de l'artisan, ou elle est connue et sue comme maison et d'ou la maison réalisée a l'extérieur, dans la matiere, tient sa forme et rec;oit son etre forme!.
78. Praemissis alludit quod dicit Augustinus Contra academicos « Platonem sensisse duos esse mundos : unum intellectualem, in quo ipsa veritas habitat, alium sensibilem, quem manifestum est nos
L'etre des choses est double. 78. Ce qu' Augustin dit (dans son traité) Contre les académiciens se rapporte (aussi) a ce qui précede : « Platon soutenait qu'il y avait deux mondes : l'un, intelligible, dans lequel habite la vérité, l'autre, sensible, qui est manifeste au sens par la vue et le
a. Dn 3, 6o.
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COMMENTAIRE DE GENESE
b. Dn 3, 61.
On sait qu'Origene identifie les eaux supérieures et les substances spirituelles. Voir a ce sujet le témoignage d'ÉPIPHANE de CHYPRE, Lettre ajean traduite par )ÉRÓME, Lettre 5 l (Belles lettres II, p. r6s-r66). Sur «l'eau spiri~uelle qui est au-dessus du firmament» et «l'eau de l'abime ou l'Ecriture place les ténebres et ou habitent le Prince de ce monde et le dragon ennemi avec ses anges», cf. ÜRIGENE, In Exaem. hom. (SC 7bis, p. 30-31). L'interprétation développée id par Eckhan est une piece import:,Ul~e de: _sa .théologie du Verbe. Le «double etre» des choses é'est, en" fait, d'un coté l'etre qu'avaient les choses avant 1.
f
d'étre, i.e. avant la création, c'est-a-dire dans "le Principe, de l'autre, le néant ou quasi-néant qu'elles sont devenues, une fois produites a l'extérieur («ad extra»). Ici la formulation reste métaphorique, portée par l'opposition du virtuel et du forme!, ce qu'Eckhart appellera ailleurs «etre absolu» et «etre formellement inhérent». 11 faut, toutefois, se garder d'entendre le «virtud» a u sens négatif de « potentiel ». Est virtuel ce qui a vertu ou capacité de produire a l'extérieur. En ce sens le Verbe non dit ou non exprimé qui précede éternellement la création extérieure peut done lui-meme étre dit «virtud», comme le suggere ci-dessous le développeinent sur le «Ver be sans ver be».
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1,
6
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visu tactuque sentire; illum verum, hunc verisimilem et ad illius imaginero factum». · Et hoc est quod Boethius dicit : «cuneta superno ducis ab exemplo », ut supra habitum est. . Ad insinuandum autem hoc duplex esse rerum apte dicitur prius : «dixit deus : fiat lux», < et posterius > : « et facta est lux »; et iterum : « dixit » : jiat firmamentum, et post additur: «Fecit deus firmamentuma.» «Fíat», inquam, quantum ad primum esse, « facta est » et « fecit » quantum ad es se secundum, extra scilicet. Hinc est illud lo h. 1 : « Quod factum est, in ipso vita erat b. » Ipsum enim quod in se est extra, utpote factum sive creatum, in ipso verbo est vita, quantum ad primum esse, sicut arca extra in materia facta est, in mente autem artificis non est facta, sed vita quaedam sive quoddam vivere. Cognoscere siquidem proprie et vere vivere est cognoscentibus, et vivere esse.
toucher. Celui-la est véritable, celui-ci est vraisemblable et fait a l'image du premier 1.» Et c'est ce que dit Boece: «( ... ) tu as tiré toutes choses d'un exemplaire», comme on l'a rappelé plus haut 2 • Mais, pour introduire convenablement l'idée de ce double etre des choses, (Mo!se) pose d'abord : «Dieu dit: Quela lumiere soit» et il ajoute : «et la lumiere fut a» puis, il reprend une seconde fois cette distinction avec : « 11 dit : Qu' if y ait un ftrmament )) a quoi il ajoute: «Dieu fit le firrnament.» «Qu'il y ait», dis-je, pour ce qui est du premier etre, (( fut)) et « fit)) pour ce qui est du second, ~-c'est-a-dire celui des réalités .l extérieures. De la vient cette paro le de Jn 1 : «Ce ' . qu'il fit, en lui était Vie h.» En effet, ce qudi étantVen sboi 1 esta l'extérieur en tant que fait ou créé, ans 1e er e meme est Vie quant a l'etre premiér3. De meme, le coffre est fait a l'extérieur, dans la matiere, alors que dans l'esprit de l'artisan il n'est pas fait, mais vie ou '. vivre. Car, proprement et véritablement, connaitre, ' pour ceux qui connaissent, c'est vivre, et vivre c'est ; etre.
79· Sed restat quaestio, quare de aquis tantum dixerit: jiat jirmamentum in medio aquarum. Ad quod dicendum quod nomine aquarum omnem creaturam voluit intelligi, tum propter fluxibilitatem et mutabilitatem, tum quía aqua videtur omnium rerum principium, ut ait Thales Milesius, unus de primis septem sapientibus.
79· Mais reste la question de savoir pourquoi c'est seulement des eaux qu'il a dit: Qu'ily ait un ftrmament au milieu des eaux. A cela il faut répondre qu'il a voulu que l'on comprit pa_r ~e, nom d'eaux ~~u,te c~éature, soit a cause de sa flutdtte et de sa mobthte, so1t paree que l'~au semble etre le príncipe de toute~ choses, comme le dit Thales de Milet, un des premters Sept Sages t.
a. Gn
p.
1,
7·
b. Jn
1,
3-4.
§ 78 1. AuG., Contre les Académiciens, III, 188-~89)· . 2 •. Cf. éi-déssus § 4·
XVII, 37
(BA 4,
3· Eckhart est ici tres proche de l'exégese érigénienne de 1, 3-4. Cf. Hom. s. le Pro/. dejn, IX-X (SC 1 p, p. 240-253). § 79 1. Eckhart suit ici ARISTOTE, Mét., 1, 3, 983b 17-21.
Jn
¡
COMMENTAIRE DE GENESE
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So. Rursus : ftat ftrmamentum in medio aquarum. Notandum primo quod aqua super firmamentum et sub potest accipi et accipitur a quibusda·m pro natura intellectuali sursum in caelis, beatis angelis - Matth. 19 : «Angeli eorum in caelis »a, etc. - et pro humana natura sub caelo. Dicitur autem natura intellectualis aqua, tum quia vertibilis est in nihil, in quantum creatura, tum quia vertibilis a bono in malum, in quantum est arbitrio libera.
S1. Secundo aquae super caelos possunt acc1p1 planetae, qui sunt frigidi virtute, licet non formaliter, puta Saturnus. Aquae enim proprietas est frigus. Posset etiam dici quod caelum dividit aquas ab aquis, malos a oonis. * Quarto die quod aquae super caelos et sub caelo dicuntur propter duplex esse rerum, de quo prius dictum est: unum virtute, aliud formale extra.
S3. Praedictis attestatur quod commentator Super XII Metaphysicae dicit orones formas huius mundi
1,
6
L'eau et la nature intellectuelle. So. Autres explications : Qu'il y ait un ftrmament au milieu des eaux. Il faut noter 1. que selon qu'elle est au-dessus.ou ati-dessous du firmament, l'eau peut etre prise et est prise par certains 1 pour désigner la nature intellectuelle supérieure, dans les cieux - celle des bienheureux anges, Mt 18 : « Leurs anges aux cieux (se tiennent constamment en présence de mon Pere qui est aux cieux a)» - et la nature humaine, sous le ciel. Mais la nature intellectuelle ·est appelée «eau» soit paree qu'elle peut verser dans le néant en tant que créature, soit paree qu?elle peut, du bien, verser dans le mal en tant que libre d'arbitre. L'eau au-dessus du ciel. S1. 2. Les eaux sont au-dessus des cieux : cela peut etre pris pour les planetes qui sont froides virtuellement et non formellement, par exemple Saturne. Le froid est en effet la propriété de l'eau. On pourrait dire aussi que le ciel divise les eaux des eaux, les méchants des bons 1 • · 3. Dis que les eaux sont au-dessus des cieux et au-dessous du ciel a cause du double etre des choses dont on a parlé précédemment, l'un qui est virtuellement, l'autre qui est formellement et al'extérieur 2 •
S3. Ces paroles sont confirmées par A verroes qui, commentant le livre XII de la Métaphysique, dit que toutes les formes (présentes) en ce monde sont
a. Mt 1S,
10.
Voir ci-dessus § 77· Nicolas de Lyre renvoie aIsidore («Di~ se~unQl!; posuit firmamentum (... ) hoc firmamento discernit aquas superiores, id est populurn angelorum»). §So
t.
1. L'édition des LW ne comporte pas de § S2. Cette «troisieme» interprétation est annoncée comme la «.quatrieme» daos le texte latin. Erreur de scribe ou }acune des manuscrits?.
§SI 2.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
esse virtute in motare caeli. Rursus notandum quod esse. virtute sive virtuale est longe nobilius et praestantms quam rerum esse formale. Et hoc notat li super. Super caelos sunt vel super caelo sunt, quia in motare caeli sive orbis primi sunt, quantum ad illud esse. Motor autem super caelos est ordine essentialis causalitatis et naturae. Aut super caelos, quia primum mobile, quod non est nobis visibile extra propter sui corporis subtilitatem et puritatem et uniformitatem, qua caret omni stella - stellae autem tantum videntur, non orbes ipsarum, ut dictum est prius - ipsum, inquam, caelum illud super caelos omnes est nobis per sensus exteriores perceptibiles. 84. Quarto notandum quod hoc modo omnis creatura ab aeterno benedicit domino et benedicit omni nomine, quia nomine, « quod est súper omne nomen a» et super omne unum et per consequens praehabet omne nomen. Praehabet, inquam, omne, utpote unum; praehabet omne nomen, in quantum est super nomen. 85. Quinto notandum quod laus illa est sic dulcisa. Ph
2,
9·
§ 83 1. Av., Met.,· XII, comm. 18 (f. 325v F; sur 107oa 27-30). 2. Les choses ont plus de noblesse dans le Verbe qu'en elles-memes. Cette dissymétrie ontologique originaire fonde l'esse!l;~iel des ~<paradoxes» d'Eckhart sur le néant des créatures prises én elles~memes et la non-étance di vine supérieure al'etre pris ~
r.
1 l
COMMENTAlRE DE GENESE
1,
6
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virtuellement dans le moteur du cielt. En outre, il faut noter que ce qui est virtuellement ou virtuel est de loin plus noble et plus éminent que l'etre formel des chosesz. Et c'est ce que signifie le mot «au-dessus». (Les eaux) sont au-dessus des cieux ou au-dessus du ciel paree qu'elles sont dans le moteur du ciel ou orbe premier quant a l'etre virtuel. Mais le moteur est au-dessus des cieux selon 1' ordre de la causalité essentielle et naturelle. Ou bien elles sont au-dessus des cieux, paree que le premier mobile nous reste invisible a cause de la subtilité, de la pureté J~t de l'uniformité de son corps qui l'exemptent d'étoiles. Or, seules les étoiles sont visibles, a l'inverse de leurs orbes, comme on l'a dit plus ha u t. (Aussi) dis-je, (ce mobile), ce ciel est-il au-dessus de tous les cieux qui nous sont perceptibles par les sens extérieurs.
La louange des créatures et le nom d·lvin. 84. 4· 11 faut noter que de cette fa~on toute créature bénit le Seigneur dans l'éternité et qu'elle le bénit de tous les noms, car (elle le bénit) avec le nom «qui est au-dessus de tout noma» et au-dessus de tout un et qui, par conséquent, contient d'avance tout nom. «Contient d'avance», dis-je, «tout», en tant qu'Un; «contient d'avance tout nom», dans la mesure ou ce no m est au-dessus du no m t. 85. 5. 11 faut noter que cette louange esta ce point la plus douce et la plus joyeuse que c'est par elle que comme raison de création («ratio creabilis»), theses non seulement compatibles mais complémentaires. § 84 Pour tout.ce développement, se reporter: au c. 7, § 2 des Noms divins (Gandillac, p. 142-144).
x:·
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COMMENTAIRE DE GENESE
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sima et iucundissima, ut ipsa laudet omnis creatura. Dan. 3 : « Benedicite, omnia opera do mini, dominoa. » Rursus sic est perfecta, ut aequalis sit in mínima creatura sicut in maxima. Quo contra dicitur: «Non est speciosa laus in ore peccatoris h.» Rursus sic· praecellens et delectabilis, quod laudando sic omnis creatura esse suum et esse simpliciter accipiat. 86. Ubi sexto notandum moraliter quod ex hoc patet quod peccator, utpote non laudans deum, non habet esse, sed est nihil, Psalmus : «Ad nihilum redactus est peccatora», et iterum : «Ad nihilum redactus sum et nescivi b». Nihil ergo est, quin immo est ipsum .nihil omnium, de quo Sap. 1 1 : «Nihil odisti eorum quae fecisti c.» Peccator enim est ipsum nihil sive faex omnium, «sicut luna faex corporum caelestium et terra faex elementorum », Psalmus : «Eduxit me de lacu miseriae et de luto faecisd.»
Divfdat aquas ab aquis. 87. Moraliter: viri boni separant se a malis etiam localiter, secundum illud supra : « Divisit lucem a § 85 a. Dn 3, 57· b. Si q, 9· § 86 a. Ps 14, 4· b. Ps 72, zz. c. Sg 11, 24.
1
6
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toute créature (le) loue : «Vous toutes, a:uvres du Seigneur, bénissez le Seigneurl» Dn3 a. En outre, elle esta ce point parfaite qu'elle est égale dans 1~ plu.s petite créature et dans la plus grande. A u contratre, tl est dit : «La louange ne sied pas dans la bouche du pécheurb.» En outre, elle est ~ce poi~t ~xcellente et délectable que c'est en s'y hvrant amst que toute créature rec;oit son etre et l'etre absolument parlant 1•
Néant du pécheur. 86. 6. Il faut ici noter, pour le sens moral, qu'il s'ensuit que le pécheur-, en tant qu'il ne loue p~s Dieu, n'a pas d'etre mais est néant, Psau~e .=«~e ~:e~he~r a été réduit a néane », et ene ore : «] etats. redut~ a neant et je ne (le) savais pasb.» 11 n'est done rten. Bten plus, ¡¡ est ce néant meme de toutes choses dont parle Sg 11 :«Tu détestes le néant de ~outes les choses ~ue tu as faites e.» En effet, le pecheur est le neant lui-meme, la fiente de toutes choses, «tout comme la Lune est la fiente des corps célestes et la terre la fiente des éléments 1 », Psaume : « 11 me tira de la fosse de la misere et de la fiente du bourbierd. »
La séparation des eaux. d. Ps 39, 3·
§ 8 5 I. Eckhart reprend ici la distinction entre etre forme! et etre absolu. Cet «esse simpliciter» est l'etre en quoi conviennent et s'accordent originairement toutes les créatures, non pas l'etre commun («ens commune»), simple intention logique dérivée, mais l'etre divin lui-meme, venant immédiatement de Dieu et donné par lui et en lui amesure égale et unique pour tous. § 86 1. L'expression de «faex elementorum» est empruntée a MACR
1,
Qu'il divise les eaux d'avec les eaux ( 1, 6). 87. Sens moral : Les gens de bien se séparent meme localement d'avec les méchants, selon cette parole plus haut: «11 divisa la lumiere d'avec les
jusque chez ALBERT le GRAND, De anima, 1, tr. z, c. 3, (Ed. Col. VII, I, P· 25, s-7)· Eckhart y revient dans Comm . .Jn, § syt.. Cf. également Comm. Sag., § 1 («~erra opaca est, gravts et fngtda et faex elementorum») et 191 qut renvote au Comm. Gen.(§ 48-58).
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EXPOSITIO LIB. GENESIS
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tenebris a», -rccli. 1 3 : « Qui tetigerit picem, inquinabitur ab ea », Psalmus : « Cum P,erverso perverterisc», Is. 53 : «Recedite, exite inde 0 », etc.; Apoc. 18: «Exite de ea, populus meuse» etc.; «Corrumpunt bonos mores colloquia prava, f » 1 Cor. 1 5.
*
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COMMENTAIRE DE GENESE x, 8
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les ténebresa»; Si 13 : «Qui touche a la poix s'englueh», Psaume: «Avec le pervers tu seras pervertí e», Is 53 : « Dehors 1 Sortez de la 1d » etc. Ap 18 : «Sortez d'elle, mon peuplee», etc. 1 Co 15 : «Mau. compagme . corrompt 1es b onnes mreurs f . » vatse
Un jour sans bénédiction. D'un soir et d'un matin i1 fi.t le deuxieme jour
Factum est vespere et mane dz'es secundus. 88. Solet quaeri communiter quare de creatis in secunda die non dicatur quod bonum est, sicut de prima die dictum est et infra similiter de creatis in aliis diebus. Et quamvis de hoc, sicut et de aquis super caelos, plurima sint scripta ab aliis, quae dimitto nunc et alias propter brevitatem, sicut in Prologo promissum est, dico quod binarius radix est et origo omnis divisionis. Divisio autem omnis, in quantum huiusmodi, mala est, ex malo et in malo. Divisio enim innumeri, multitudo, casus· est ab uno et ah esse per consequens et a bono, quae cum uno convertuntur. Frustra ergo et falso diceretur bonum quod a bono
( 1'
8).
d. ls p, 11.
88. Tous (les Peres et les théologiens) s'accordent a demander pourquoh:e qui a été créé au second jour n'est pas dit «hon» alors.que cela a été dit du premier jour et que cela le sera aussi plus has de ce qui a été créé les autres jours. Et, bien qu'a ce sujet, comme au sujet des eaux au-dessus des cieux, les autres aient beaucoup écritl, je les oublie ici et d'autres choses encare, par souci de brieveté, comme je l'ai promis dans le Prologue 2 • Et je dis que deux est la racine et l'origine de toute division3. Or, toute division est en tant que telle mauvaise : elle vient ·du mal et elle s'y tient. En effet, la division de l'innombrable, le multiple, est une chute hors de l'un et par suite hors de 1'etre et du bien qui sont convertibles avec lui. Il serait done inutile et faux d'appeler « bon» ce qui
1. Eckhart pense sans doute.a P. LoMBARD, Sen!. 11, d. 14, c. 6, a )ÉRÓME, Adv. Iovinianum, I, 16 (PL 23, 286A), BEDE,ll/ Gen. (CC 118A, 12), H. de SAINT-VICTOR, De sacr., 1, 1, 20 (PL 176, zo1B). On notera que la solution qu'il développc ci-dessous est la meme que la leur, notamment celle de Pierre Lombard («quia binarius principium est alteritatis et signum divisipnis.», !()C.: cit. (Grottaferata, p. 397, 17-18). z.' Pro/. o. exp., 1 (Il, § 4).
3· Cette explication est rejetée par Nicolas de Lyre («Quía ( ... ) in sacro evangelio numerus binarius laudabilis et mysticus designatur»). Cette position reste malgré tout assez isolée. Sur le nombre pair, cf. essentiellement H. de SAINT-VICTOR, Exegetica, XV, De numeris mysticis sacr. script. (PL 175, zzB). Pour l'omission de la bénédiction du deuxieme jour, voir )ÉRÓl\IE, Lettre 49, 19 (Belles lettres, p. 146-149). Voir également THIBAULT de LANGRES, De quatuor modis quibus significationes nun¡erorum aperiuntur, 111, 1 (CIMAGL 29, p. 8o-8z).
a. Gn 1, 4· h. Si 13, I. e. Ap 18, 4· f. z Co 15, 33·
c. Ps 17, 27.
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cadit et recedit, quin immo hoc ipso ruit sive labitur i~ .malum et. ~t malum. Et hoc est quod Iac. 2 dtcttur : « Qut m uno offendit, factus est omnium reusa», omnium scilicet bonorum et rursus omnium malorux:n, scilicet omnium bonorum quae perdidit et ommum malorum quae incidit, I~r. 2 : «Malum et amarum est reliquisse te dominum b»; «malum» propter privatio~em omnis boni, « amarum » propter praesenttam mah culpae et poenae. Constat enim quod offendens et lapsus ab uno labitur et cadit ut dictum est, necessario a bono. Lapsus autem a b~no et elongatus sive divisus a bono non potest dici bonus nec quidquam boni habere. Quod si nihil boni habet, nec bonus est; « factus est reus omnium » bonorum quía perdidit omnia bona. Et hoc Eccl. 9 dicitur ; «Qui in uno peccaverit, multa bona perdetc. » Et ~aec est una ratio ad praesens quare conexae sunt vtrtutes necessario, et qui perdit unam, perdet omnes, et quo? un~ virtus sine aliis haberi non potest. qu?modo emm vtrtutem haberet qui segregatus et dtvtsus est ah uno et per consequens a bono? Et hoc est quod Osee dicitur : « Divisum est cor eorum nunc . 'b d , m ten unt . » «Nune», inquam, id est simul, uno eodemque momento perdit et privatur omni virtute, a. Jc z, 10.
b. Jr z, 19.
c. Qo y, 18.
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t, 8
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déchoit et sort du bien, puisque, au contraire, cela s'affaisse ou glisse dans le mal et devient mauvais. Et c'est ce qui est dit en Jc 2: «Si l'on commet une offense sur un seul point, e' est du tout que 1' on devient débiteura», c'est-a-dire de tous les biens et aussi de tous les maux, de tous les biens que 1' on a perdus et de tous les maux o u 1' on s' est jeté, J r 2 : «Comme il est mauvais et amer de t'abandonner, Seigneurb»; «mauvais» a cause de la privation de tout bien, « amer » a cause de la présence du mal (propre a) la faute et a la peine. Il est constant en effet que, comme on l'a dit,. celui qui s'écarte et glisse de l'un glisse et déchoit du bien. Mais celui qui glisse du bien et s' éloigne o u se divise du bien ne peut etre dit « bon» ni comporter quoi que ce soit de bien. Que s'il n'a ríen de bien, il n'est pas bon: «Il est devenu débiteur de tous» biens, car il a perdu tous les biens 4 • Qo 9: «Si l'on peche sur un seul point, on perd beaucoup de biens e.))
La connexion des verttts. V oila done une des raisons pour lesquelles les vertus sont nécessairement connexes s, en sorte que celui qui en perd une les perd toutes, et que 1' on ne peut en avoir une sans avoir les autres. En effet, comment aurait-il de la vertu celui qui est retranché et divisé d'avec l'un et par conséquent d'avec le bien? C' est ce que dit Os : « Leur creur est di:Vi~é, maintenant qu'ils périssent! d » « Maintenant », dt.s-Je, c'est-a-dire en meme temps, au meme et umque instant ou l'on perd toute vertu et ou l'on en est privé
d. Os 1o; z.
4· Cf. dans le meme sens Comm. jn, § 5z6, Comm. Ex., § 58, . 5.. La connexion des vertus est affirmée des AMBROISE, Exp. ev. Le, V, 63 (SC 45, p. zo6-zo7). On la retrouve chez AuGUSTIN La Tri'ni'té, VI, IV, 6 (BA q, p. 481) et GRÉGOIRE, Moral., zz, ; (PL 76, ziZ). Le theme se rencontre également dans les Tusculanes 11, XIV, 32 (Belles lettres, p. 95) et AR., Et. Ni'c., VI, Iz-t;,! .11_44b. 3.2-1.145a z, comme le souligne TH. d'AQ., / 11P, q. 65, a; 1. Chez Eckhart, cf. Comm: Sag., § 97 (qui renvoie a un
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Comm. Sag., § 110.
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passage perdu de I'CEuvre des questions), zos (qui renvoie Commentaire, é~alement perdu, sur Ei,_échiel), z63.
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EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE
utpote divisus a bono; necessario consequenter fit reus omnium vitiorum. Non est enim quo cadat nisi in malum et vitium oppositum, qui cadit a bono quolibet. Et hoc est quod in Psalmo dicitur : « Circumdederunt me mala quorum non est numeruse.» Sic ergo divisio, quam importat binarius - et in ipso oritur- malum est et in malo est, ut dictum est supra.
1,
8
351
quand on est divisé d'avec le bien. Ensuite, nécessairement, on devient le débiteur de tous les vices. En effet, ou tombera celui qui -choit d'un bien quelconque, sinon dans le mal et dans le vice correspondant? Et c'est ce que dit le Psaume: «]e suis encerclé par les maux a ne pouvoir les dénombrere.)) . Ainsi done, la division qu'apporte le deux- et qut nait en lui- est mauvaise et est dans le mal, comme on l'a dit plus haut.
L' origine de la division est le mal. 89. En outre, elle ví~nt aussi du mal, comme on l'a dit au meme endroit. En effet, la division consiste toujours en une imperfection ou en résulte, c'es~ pourquoi on ne la rencontre que dans les. choses imparfaites et corruptibles. Dans les parfattes, au contraire, on trouve toujours l'unique, soit (l'unique) absolument parlant- par exemple Dt 6 et Ga 3 : «Un Dieu uniquea», Jb 33: «Dieu parle une fois pour toutes; ce qu'il dit, il ne le répete pas b» - soit, du moins, l'un selon l'espece, au sens ou il y a un seul ange de son es pece t, un Soleil, une Lune, et ainsi de suite. Deux ou la dualité ne méritent done pas d'etre appelés « bons » : ils sont le mal, ils sont dans le mal, ils viennent. du mal.
89. Rursus etiam ex malo est, ut dictum est ibídem. Divisio enim semper ex imperfectione <;:onsistit sive contingit, propter quod non invenitur nisi in imperfectis et corruptibilibus. In rebus autem perfectis semper est unicum vel simpliciter - puta «deus · unusa», Deut. 6 et Gal. 3; «semel loquitur deus et secundo id ipsum non repetitb», Iob 33 - vel saltero unum est in specie, puta angelus unus tantum in qualibet specie, sol unus, luna una et sic de aliis. Sic ergo binarius sive dualitas non meretur dici bonum, cum sit malum et in malo et ex malo.
Deux, signe de la chute.
90. Adhuc autem probatur hoc et omnia iam propter hoc inducta sic ad praesens brevius et evidene. Ps 39, 13.
§ 89 a. Dt 6, 4·
Ga 3, 20.
90· V oici comment on pro uve cela - et tout ce qu'on a avancé a ce su jet- de maniere plus breve et plus évidente. Deux ou la dualité, tout comme la
b. Jb 33, 14·
spirituelles » ne sont pas numériquement individualisées mais seulement spécifiquement, i.e. par la forme. Cf. a ce sujet ¡a P, q. 50, a. 4·
1.• -~c~hart,_reprend
ici la théorie thomiste de la diversité spécifique des· anges. N'ayant pas de matiere, les «créatures
1
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COMMENTAIRE DE GENESE r, 8
tius. Binarius sive dualitas sicut divisio semper est casus et recessus ah ipso esse. Quod enim dividitur iam non est .. Nec obstat quod lignum et huiusmodi divisum quidem adhuc manet lignum et huiusmodi. Divisio enim ligni est divisio per se ligni quanti. Lignum autem divisum nunquam manet quantum prius, puta si prius fuit cubitale, divisum iam non est cubitale, et sic de aliis. Similiter quorum esse non est in quantitate, divisa cadunt ah ipso esse, puta oculus divisus, manus divisa, pes divisus, et sic in omnibus. Tune sic arguo breviter : cadens et recedens ah esse necessario cadit a bono, tum quía bonum cum ente convertitur, tum quia ratio boni est posterior et fundatur in ratione ipsius esse. Sed binarius, dualitas, utpote divisio, est casus et recessus ab esse, ut ostensum est. Igitur binarius malum est et infamis, quin immo nec fortassis numerus est.
division, est toujours une chute et une sortie de l'etre meme. En effet, a peine une chose est-elle divisée qu'elle n'est plus. Et le fait qu'un morceau de bois de telle espece, une fois divisé, reste encore un morceau de bois - et de la meme espece - n'est pas une objection. De fait, diviser un morceau de bois c'est, par essence, diviser un morceau ayant une certaine quantité. Or, une fois divisé, le bois ne conserve pas sa quantité initiale. Par exemple, s'il était long d'une coudée, une fois divisé, il ne l'est plus, et ainsi des autres choses (semblables). Mais il en va de meme pour les choses dont l'etre n'est pas quantifiable: une fois divisées, elles déchoient de l'etre. Par exemple, un reil divisé, une main divisée, un pied divisé, et ainsi de suite. Maintenant, voici done en bref comment j'argumente: Ce qui déchoit et sort de l'etre, nécessairement déchoit du bien, soit paree que le bien est convertible avec l'etre, soit paree que la raison du bien est postérieure ~ celle de l'etre et se fonde sur elle t. Mais deux, la dualité, en tant que division, est une chute et une sortie de l'etre, comme on l'a montré. Par conséquent, deux est mauvais et infame, bien plus ce n'est peut-etre pas meme un nombre 2 •
91. Unde Avicenna III Metaphysicae de quiditate numeri sic ait : « Quidam dixerunt dualitatem non
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Deux n'est pas un nombre. 91· De la vient qu'au ne livre de la Métaphysique, A vicenne 1 dit au su jet de la· quiddité du nombre :
§ 90 1. La postériorité du bien dans l'ordre des raisons ne contredit pas la these classique de la convertibilité de l'etre et du bien. Eckhart suit sur ce point Albert pour qui «etre» et «bien» sont convertibles du point de vue de la réalité désignée (laquelle est unique, puisqu'il s'agit de Dieu lui-meme) mais pas du point de vue des concepts (qui sont et restent distincts, la notion de «bien» n'ayant pas le meme contenu que celle d'«etre»). Voir Com111.. ]n, § 547, 562 et pour ALBERT, In Sent. 1, d. 1, a. 20 (Botgnét 2 5·~ "4 5b).
2. Pour tout ceci cf. Comm. Ex.,§ 134, notamment: «Quod (... ) cadit ah uno, cadit ah esse. Sed binarius per se et primo cadit ah uno. lgitur binarius ut sic nec est nec numerus est. » § 91 1. Av., Met., 111, c. 5· 1
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COMMENTAIRE DE GENESE
1,
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3.H
esse aliquem» numerum sive «de numeris». Et hoc tenet Augustinus in Libro quaestionum beuteronomü 42 et Gregorius I Moralium c. 16. Vult enim Augustinus et Gregorius septenarium componi «ex primo -impari» numero «scilicet ternario», et ex «primo·» numero «pari», scilicet «quaternario». Avi,c:.enna tamen ubi iam prius, vadit contra hoc. Raciones autem :pulchras per Augustinum et Gregorium inve10.Íes in ~Opere :primo tractatu De uno et eius opposito. Sic ;ergo de creatis secunda die non erat dicendum «quod esset bonum», eo quod binarius sit recessus sive casus a bono.
«Certains ont pensé que la dualité n'était pas un» nombre ou ne « faisait pas partie des nombres.» Et telle est (aussi) la position d' Augustin dans la quarante-deuxieme de ses Questions sur la Genesez et celle de Grégoire au premier livre, chap. 1 6· de ses Morales3. En effet, l'un et l'autre soutiennent que· sept est compasé «du premien> nombre «impair», «c'est-a-dire trois» et du «premien> nombre «pair», a savoir « quatre». Toutefois, Avicenne, a l'endroit déja cité, soutient une opinion opposée. Tu trouveras les beaux arguments avancés par Augustin et Grégoire dans l'CEuvre des propositions, traité De /'un et de son opposé 4 • Ain si done, de ce qui a été créé au deuxieme jour, il n'y avait pas lieu de dire que «c'était bien», puisque: deux est sortie ou chute du bien.
92. Rursus : « Quare non est dictum secundo die» «Hquod esset bonum"? » Rabbi Moyses : vel quia completio rei < dici > meretur bonum · - bonum enim et finis idem ·- «operatio áutem aquarum c.ompleta» legitur tertia die , vel quia de reocculta et incognita sive latente non debet dici quod si bona, quia non esse scitür. Tales autem sunt aquae <<super ifirmamentum ».
92. Autre explication: « Pourquoi n'a-t-il pas été
VOCIWit deus aridam terram. . " 93· Rabbi Moyses notat duo. Primo, quod «ubicumque » dicitur : « Vocavit deus aliquid sic vel sic,
dit au second jour» «que c'était bien?» Maimonide ~ Soit paree que c'est l'achevement d'une chose qui mérite d'etre appelée bien, en effet le bien et la fin son1!: identiques et «la création complete des eaux » n'est exposée qu'au troisieme jour, soit paree que d'une chose cachée et inconnue ou latente on ne doit. pas dire qu'elle est bonne, dans la mesure ou l'on ne sait rien de son etre, et tel est le cas des eaux. « au-dessus du firmarrient». · .
La. terre au sens propre. Dieu appela ce qui était sec «terre» (1, 10).
z. AuG., Qrmt. s. la Gen., V., q. 42. (CSEL z8, z, p. 401, 10-12.). . · . 3,,En réa{¡té GRÉG., Moral., c. 14, 18 (PL 75, f34s). · 4· Ce traité, on le sait, n'a pas été conservé.
93." Maimonide remarque deux choses.
q,ue· <<partout ou>) il est dit «_Dieu appela quelque· chose comme. ceci. ou comme cela,. rien» d'autre «n'est signifié)> par la que. le fait qu'il a distingué celui-la 1.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
non est», aliud, quam quod distinxit hoc ah illo, cum quo habebat quid « commune ». _ Secundo ex hoc sumit quod, quía supra dicens : «In principio creavit deus caelum et terram» nomen terrae accipitur «communiter pro omnibus quae sunt sub sphaera lunae, id ~s! pro quattll:or eleJ:?entis », hic autem secundo acc1p1tur terra « smgulanter pro ultimo elementorum», idcirco ait: <( Vocavit deus aridam terram >>. Terra enim supra dicta non est arida, cum dicatur etiam aquae.
COMMENTAIRE DE GENESE
1, 10
3S7
de celui-ci avec lequel il avait quelque chose «de commun». 2. Il en déduit que, quand il est dit plus haut «A u commencement Dieu créa le ciel et la terre», le nom de «terre» est pris «au sens général pour tout ce qui est sous la sphere de la Lune, c'est-a-dire pour les quatre éléments», alors qu'ici «terre» est pris une seconde fois «en un sens particulier, pour le dernier des éléments». C'est pourquoi (Mo:ise) dit: Dieu appela ce qui était sec «!erre>>. En effet, ce qui est appelé plus haut «terre» n'est pas sec, puisque ce nom est dit aussi bien de l'eau t.:..:.
Congregationesque aquarum appellavz't maria. 94· Notandum quod Rabbi Moyses dicit quod illud, «quod est super firmamentum et vocatur aqua, solum nomen aquae convenit ei». Ait enim q~od aqua primo dicta est «materia commun~s», «et postea divisa est in tres formas : una marmm, secunda "firmamentum", tertia ''super firmai:nentuin" ». «.Di~ visit» ergo deris «divisione naturali» «aquas» prtmo dictas in tres formas naturales, et unam « partem » «vestivit forma» aquae, quam vocavit maria.J?t hoc. est quod dicitur : « Congregationes aquar~m vo~avzt marta>>, in hoc manifestans quod aquae pnus dtctae «super firmamentu~» «non sunt a'luae, quae dicuntur marta».
Le nom des eaux. Et la masse des eaux, ill'appela «mers» (1, Io).
§ 93 1. MAIM., D11x ... , 11, 31 (f. ~or, 40-46, Munk 11, p~ 235). § 94 1. MAIM., D11x ... , ll,31 (f. 6ov, 29; Mun~ ~1, p. 238). 2. Dans tout ce § Eckhart laisse done de cote les deux
94· Il faut noter que Ma:imonide dit qu'a «ce qui est au-dessus du firmament et est appelé "eau", seulle nom d'e.au convient t ». 11 précise en effet que 1'e.au mentionnée en premier est «la matiere commurie» et · qu'elle .esf ensuite divisée en trois formes; la premiere, celle des mers, la seconde, «le firmall).ent», l.a troisieme, (ce qui est) «au-dessus du firm~u_nerit». Dieu done <. Et c'est ce qui est dit: Et la masse des eaux, il f appela <( mers », ce qui montre «que les eaux» mentionnées en premier comme étant «au-dessus du firmament» «ne ·sont pas les eaux qui · sont appelées mers»2.
questions classiques du chap. 8 de la quatorzieme dis~inction du deuxieme livre des S enlences:« Ubi (... ) congregatae smt aquae», «Qu._mo!fo Q~nes aqua~ sint in unum locu~ congregatae, cum multa sint marta et fulmma.» Pour tout cect, cf. BEDE, In Gen.,
1,9 (CCn8 A, 13s). Voir aussi AuG., la Gen. a11 s.litt., 1; xu, 26 (BA 48, p. I I S-I 17)·
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE
Germinet terra herbam virentem; et infra lignum pomiferum. 9S· Notandum quod pomum est nomen commune ad omnem fructum, maxime· sine testa et sine duro cortice sicut nux ad fructum duri corticis; unde dicitur : nux Avellana, nux muscata et huiusmodi. Sicut etiam faber commune est ad omnes artífices diversorum metallorum; dicimus enim : faber ferrarius . ' faber aerarius, . aurifaber, faber. lignarius, . secundum illud Matth. 1 3 : « Nonne h1c est filtus fabri?a», cum Ioseph esset faber lignarius, ut a~~ Chrysostomus Super Matthaeum. Apte sane ligna~u «filius fabri, qui fabricatus est» solem et lunam et «tn ligno crucis salutem humani generis » est operatus.
9fi.
Quod autem pomum stet pro omni ·~ructu molli, sive. pirum sive pomum fuerit p~opr1e .. aut etiam ficus fuerit, satis apparet ex modó et mtent10ne loquendi scripturae in proposito et ubicumque de pomo loquitur. Sp~cialiter tamen patet hoc peut. 21, ubi dicitur : ·«Si quae ligna non sunt pom1fera, sed agrestia», «succidea», et Neh._ 1 dicitur: «Poma omnis _ligni b~ » Item secundo hoc 1psúm ~atet ex eo, § 95 a, Mt
1~, 55·
§ 96 a. Dt zo,
zo~
b. Ne
10,
~6~
1. 11 est impossible de rendre en fran~ais le jeu d'Eckhart sur «faber» et «faber Iignarius», le fran~ais «fevre» présent dans «or~v~e~ ne.figurant dans aucun mot désignant un ouvrier du bois~··:· · ·
1, 11
359
La création des végétaux. Que la terre germe l'herbe verte et plus has : des arbres portant des fruits (x, u).
Le sens du mot «pomme ». 9S· 11 faut noter que pomum est un nom commun a tous les fruits, mais plus particulierement a ceux qui n'ont ni coquille ni écorce dure, tout comme noix est commun a ceux qui ont une écorce dure; c'est pourquoi on dit: une «noix» aveline, une «noix» muscade, et ainsi de ~_uite. De meme aussi «ouvrier» est commun a tous lés artisans des différents métaux. Nous disons en effet «ouvrier» du fer, «ouvrier» du bronze, «Ouvrier» de l'or, et meme «ouvrier» du bois, selon ce passage de Mt 13 : « N'est-ce pas 1~ le fils de l'ouvrier?a» alors que Joseph était charpentiert. Comme ]'explique Chrysostome, dans son Commentaire de f Evangile de Matthieu 2 , c'est a bon droit qu'est appelé «fils de l'ouvrier» du bois, «celui qui a auvré» le Soleil et la Lune et qui a assuré «le salut du genre humain sur le bois de la croix».
96· Que pomum désigne tout fruit mou, qu'il s'agisse de poire ou de porrtme au sens propre, ou meme · de figue, cela ressort clairement·, du mode . d'expression et de l'intention qui anime l'Ecriture ici et partout ou il est question de pomum. Mais cela est particulierement clair en Dt 20 : « Si certains arbres ne portent pas de fruits et sont sauvages», «ahats-lesa» et N e 1 o : «Les fruits de tous les arbres b. » Cela ressort clairement aussi du fait que nous appelons z. JEAN 630).
CHRYSOST.,
Hom. in Matth. (op. imperf.),
I
(PG s6,
COMMENTAIRE DE GENESE
EXPOSITIO LIB. GENESIS
quod pomerium dicimus usualiter, ubi diversi generis fructus nutriuntur.
97· Adhuc autem signum est 9-uod genus humanum dicitur peccasse esu pomt, secundum Ambrosium in Hymno, qui ait: . « pomi noxialis morte morsu corruit», cum tamen putetur a nonnullis fructus ille non fuisse proprie pomum usualher dic~u~, sed ficus, ex eo quod mox peracto peccato prt~~ pare.ntes «c~nsue-· runt folia ficus. et fecerunt stbt pertzomata », ut dicitur infra tertio capitulo, tamquam de arbore sibi _, proxima. Unde quidam ait: . . . quod fuerit ficu~ fructus, quo nos mu~ucus laesit adest testls de ficu consuta vestts. ' b .. Osee 9 dicitur : «Prima poma ficulneae . » Ecce tgttur quod ·pomum sit et dicatur ficus.
Cuius semen in semet ipso sit super terram. 98. In semet ipso. Primo ad. littera~: semen ftuctuum communiter solet esse m medto. Secundo notandum quod 1i in .proposito notat intraneitatem. Sciendum ergo quod virtus semi-
a. Cf. Gn 3, 7· 1.
b. Os 9, xo.
Le texte cité par Eckhart ne figure pas chez Ambroise.
Voirac~sujet-la note 2, p. 25 3 des LW qui renvoie FoRTUNATUS, Miscellanéa II,2 (PL 88, 88B).
i·
aVENANTIUS
1, 11 .
361
habitoellement pomerium («verger») l'endroit ou l'on cultive différentes especes de fruits.
Le fntit défendu. 97· Un autre signe est que le genre humain est dit avoir péché en mangeant la «pomme», selon cet hymne d' Ambroise t, pour qui (( n•avoir mordu a la "pomme" du péché (Nous) a précipités dans la mort», alors que beaucoup pensent que ledit fruit n'était pas proprement une « pomme » au sens usuel, mais bie;11 une figue, puisque bi~ptót apres qu' ils eurent ~ommts leur péché, nos ancetres (( cousirent des feutlles de figuier et s'en firent des pagnes», ainsi qu'il est dit plus has, au chapitre troisiemea, comme s'il s'agissait de l'arbre le plus proche. D'ou quelqu'un a pu dire: « C'est par la figue que l'Ennemi nous a blessés, L'atteste le vetement cousu (de feuilles) de _ . b . , figuier2. » Et Os 9 : «Les premiers frutts du figuter . »,~olla par conséquent (la preuve) que pomum est et destgne une 6gue.
Les rttisons séminales. d~nt la semence soit contenue en eux-memes sur la terre ( 1, II ). 98. En eux-memes. 1. Sens · littéral : la semence des (arbres) fruitiers est habituellement .au milieu du fruit. 2.. n faut noter que le mot en indique ici l'intériorité. n faut done savoir qu'en regle universelle, la 2. L'mteur de ces vers, saos doute empruntés n'est pas connu.
a un florilege,
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE
1,
u.
nalis rerum universaliter stat in obtrusis abditissimorum principiorum rei cuiuslibet, qualia sunt genus et differentia, quae speciem sive naturam et essentiam fundant et constituunt. Propter quod praemittitur : faciens fructum iuxta genus suuum; et infra sequitur : «et habens unumquodque sementero iuxta speciem suam». Hinc est quod generans virtute seminis naturaliter generat sibi simile quantum ad genus et speciem, puta «horno hominem» : «animal», «oliva olivam»: «plantam». Propter hoc «Augustinus» causas rerum originales «vocat rationes seminales».
vertu séminale des choses, quelles qu'elles soient, réside d~ns les replis de leurs príncipes les plus secrets tels que. le genre et la différence, qui fondent et constituent l'espece ou nature et l'essence. C'est pourquoi le texte dit juste avant : donnant des fruits ( chacun) selon son genre et poursuit plus has : et portant semence selon leur espece. De hl vient que tout etre qui engendre par la vertu de sa semence engendre naturellement son semblable quant au genre et a l'espece, par exemple «l'homme, l'homme», c'est-a-dire «un animal», «l'olive, l'olive», c'est-a-dire «une plante». C'est la raison pour Jaquelle Augustin «appelle» les causes originaires des eh oses « raisons séminales t ».
99· Ait ergo : cuius semen in semet ipso sit, perfectam intraneitatem significans. Quod enim est in arca vel in bursa mea, non est in me. Rursus albedo aut qualitas huiusmodi, quamvis dicatur esse ·in me, tamen non est in memet, sed potius et proprie in me quanto. Rtirsus quod sum rationalis ex specie, foris stat respectu generis, quod prius est, intimius et proprie est in memet ipso. Et sic perfecta intraneitas in tribus perficitur, quae sunt longitudo, latitudo, profundum sive sublimitas rei cuiuslibet, et notantur in tribus, quae exprimit li in semet ipso. ·
La parfaite intérlorité. 99· (Moi:se) dit done: d01it la semence soit contenue en eux-memes, signifiant par la la parfaite intériorité. En effet, ce qui est dans mon coffre ou dans ma bourse n'est pas en moi. De meme, la blancheur ou une qualité de ce genre, bien qu'on la dise en moi, n'est pourtant pasen moi-meme mais plutót, proprement, en moi quantifié. En outre, le fait que je sois raisonnable de par l'espece (a laquelle j'appartiens) reste extérieur a l'égard du genre qui est antérieur (a cette espece), plus intime qu'elle et qui, lui, au sens propre, est en moi-meme. Ainsi l'intériorité parfaite consiste-t-elle dans les trois (dimensions) : longueur, largeur, profondeur ou ·hauteur de chaque chose. Celles-ci sont ici désignées par ces trois mots : en eux-memes. lOO. 3. 11 faut noter que en CIIX-mémes peut etre compris de deux manieres. Premierement, selon l'acception commune: en eux-:mémes, c'est-a-dire dans les arbres ou les herbes. Deuxiemement, de telle sorte
roo. Tertio notandum quod li in semet ipso potest dupliciter intelligi. Primo secundum communem ac1. Pour tout ce passage, cf. AuG., La Gen. au s. litt., V, xxm, 44 (BA 48, p. 437-439). Sur la doctrine des «raisons séminales», voir «Le double moment de la création et les raisons causales», note ,á· dé la'.BA ·48, p. 6n-668.
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EXPOSITIO LIB. GENESIS 1
COMMENTAIRE DE GENESE 1, 16
ceptionem : in semet ipso, scilicet ligno vel herba. Secundo ut sit sensus: in semet ipso, scilicet semine. Unde fortassis non frustra additum est: super terram, quia altius habet esse res in ratione sua seminali, quam sit esse terrenum, materiale, palpabile, visibile, ad modum aquarum quae super caelos sunt, ut dictum est prius.
que le sens soit en eux-memes, c'est-a-dire dans leur semence. Ce n'est done sans doute pasen vain qu'est ajouté sur la terre, car, prise dans sa raison séminale, une chose possede un etre plus élevé que ne l'est l'etre terrestre, matériel, tangible et visible, et ce au sens meme ou les eaux sont au-dessus des cieux, comme on l'a dit auparavantl.
Fecit deus duo magna luminaria.
Le Soleil et la Lune.
Notandum quod de sole et luna dicit duo, scilicet quod sint magna et iterum quod sint luminaria. De utroque videndum est. De sole quidem quod sit magnus ét longe valde maior terra satis concorditer docent astrorum consideratores. De luna vero sciendum quod ipsa dicitur magna pro tanto quidem, quia propter sui vicinitatem ad nos cum sit proxima terrae, ínter ceteras planetas et stellas < maior apparet > - omne siquidem visibile quanto est vicinius, tanto apparet maius, ut docet perspectivus et experientia cotidiana - secundum veritatem tamen ipsa est minor inter omnes stellas nobis visibiles excepto solo Mercurio. Propter quod beata virgo «pulchra ut luna a» describitur, Cant. 6, eo scilicet quod ipsa inter omnes sanctos fuerit humilior solo Christo excepto. 101.
Secundo ergo notandum et cavendum quod magíster dicit in Historiis lunam esse maiorem terra ' . . 102.
a. Ct 6, xo.
§ xoo § 101
1.
Cf. ci-dessus § 77 et 83. ·
Voir notamment MACROBE, In Somn. Scip. comm. 1, XX, 9 (Eyssenhardt, p. f65. 22-:ZS) et jEAN de SACROBOSCO, Tract. de Sph~era,~ 4 (Thomdike, p. 1 q). · L
Dieu fit deux grands luminaires ( 1, 1 6). Il faut noter:que (Mo1se) dit deux choses du Soleil et de la Lune, a savoir qu'ils sont grands et, de plus, que ce sont des luminaires. Voyons chacune des deux. Que le Soleil soit grand et de beaucoup plus grand que la Terre, voila ce qu'enseignent unanimement ceux qui observent les astres 1. Pour la Lune, il faut savoir qu'elle est dite grande dans la mesure ou, étant notre voisine puisqu' elle est la plus proche de la Terre, elle nous semble la plus grande de toutes les planetes et étoiles - et certes, plus ce qu'on voit est proche, plus il nous parait grand, comme l'enseignent la perspective et l'expérience quotidienne- pourtant, en vérité, la Lune est la plus petite d'entre toutes les étoiles visibles, a la seulé exception de Mercure. C'est pourquoi la bienheureuse Vierge est montrée « belle comme la Lune», Ct 6a, paree que, d'entre tous les saints; c'est elle (la Vierge Marie) qui fut la plus humble, le Christ lui-meme excepté. 101.
Explication des éclipses. Deuxiemement, il faut noter et prendre garde que le maitre (Pierre le Mangeur) ·dit dans ses 102.
EXPOSITIO UB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 1, 16 .
quod et Papias asserit. Quod tamen non est verum, ut ~kstrorum periti communiter docent. Patet etiam evi·derriissime hoc non esse verum ex eclipsi ipsius lunae. Ubi notandum quod eclipsis lunae accidit ex interposition~ terrae inter solem et lunam, quae contingit in plenilunió et prope. Tune enim necesse habet luna currere per umbram ipsius terrae proiectam ah umbilico terrae usque ad sphaeram lunae inclusive plene ,per totum. Nunc ergo sciendum quod umbra terrae, ·quo longius procedit, semper minar efficitur, eo quod rcotpus solis luminaris, ínter quod et visum ríostrum terra interponitur, sit maius longe quam ipsa .terra, quae interponitur. Sic ergo umbra terrae · semper in conum vadens pyramidaliter minuitur, quousque multis milibus miliarium transcursis attingat ipsam sphaeram lunae. Ubi nihilominus adhuc sic est densa et extensa, quod luna suo motu velocissimo ipsam umbram quandoque circa spatium duarum horarum noctis vix percurrat et exeat. Hoc de primo, scilicet quod sol et luna dicuntur duo magna. ·
Histoires que la Lune est plus grande que la Terre 1, ce que Papias affirme aussi 2• Mais tous ceux qui connaissent les astres enseignent unanimement que ce n'est pas vrai. Et les éclipses de Lune le montrent aussi avec la plus grande évidence. 11 faut noter a ce propos que l'éclipse de Lune résulte de l'interposition de la Terre entre le Soleil et la Lune, ce quise produit a la pleine lune ou a proximité. A ce pJ.Oment, en effet, Ía Lune doit nécessairement traverser l'ombre terrestre. Celle-ci projetée du centre de la, Terre jusqU:'a la sphere de la Lune la contient pleinement et entierement. 11 faut done sayoir que l'ombre de la Terre se fait d'autant plus petite qu'elle porte plus loin, du fait que la Terre s'interpose entre le corps du Soleil, source de la lumiere, et l'objet contemplé. Or, ce corps est beaucoup plus vaste que la . Terre qui s'interpose. Ainsi done, l'ombre de la Terre qui s'étend en formant un cóne, diminue en pyramide jusqu'a atteindre la sphere de la Lune apres avoi;. traversé plusieurs; .miliiers, de' milles3: La, elle n'en demeure pas. moins si dense et étendue. que, parfois, c'es.t _a peine si la Lune~, au mouvement (pourtant) si raptde, peut l'a parc0urtr et en sortk en deux heures d'obscurité. Ceci pour le premier point, a savoir que le Soleil et la Lune sont dits deux grands.
ió3. Quod autem secundo dicitur, quod sint duo
luminaria, ibi quattuor notanda sunt.. Primo, quod de sole quidem clarum est, quod sit luminare. «Sol» enim « dicitur quasi solus lucens » aut . potius etymologice quasi «super omnia lucens ».
1. PIERRE le MANGEUR, Hist. Schol., Hist. lib. Gen., 6 (PL 198, 1o6oB). z. Loe~ non.. inv. . 3···Toute c~tte théorie de l'éclipse ·est vraisemblablement
Étymologies. 103. Mais (Moise) dit ensuite que ce sont deux luminaires, et la il faut noter quatre points. 1. 11 va de soi que le Soleil est un luminaire. « Soleil » en effet « désigne, pour ainsi dire, ce qui est empruntée a Albert le Grand. Cf. notamment De cae/o et mundo, lib. 2, tr. 3, c. 11 (Ed. Col. V, 1, p. 168, 36-~9).
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 1, 16
De luna vero certum est quod lumen non habet nisi asole- unde luna dicitur quasi luce lucens aliena· - tum quia, ut dictum est, sol dictus est eo quod solus vel super omnia lucet, tum quia ordo et unitas universi hoc exigit quod, sicut omnia sola sunt quantitate quanta et sola qualitate qualia et sic de aliis, sic omnia sint lucida ab uno aliquo. Et secundum hoc luna dicta est a lumine sive a luce per antiphrasim quasi minime lucens. Est enim lucus, ut dicitur, nemus quod propter densitatem arborum minime lucet.
seul a briller 1)) o u plutot, étymologiquement, ((ce qui · brille au-dessus de tout2». · .
Videtur tamen fortassis melius dicendum quod lucus non quodlibet nemus dicitur, sed tantum hoc nemus dicitur lucus proprie, quod propter eminentiam arborum et distantiam earum ab invicem sursum quidem est umbrosum densitate frondium, ah aestu refrigerans, et deorsum transparens et lucidum est. In talibus enim locis gentiles diis suis immolabant, utpote sibi deliciosis et diis suis placituris ex sui amoenitate et pulchritudine.
Mais il semble qu'il vaut mieux dire que tout bois n'est pas un lucus et que seul mérite proprement ce nom le bois qui, a cause de la hauteur de ses arbres et de la distance qui les sépare, est ombreux en son faite et, par la densité. de ses frondaisons, capable de réconforter de la chaleur de l'été, tout en restant, en has, éclairé et ouvert a u regard. C' est en de tels lieux que les paiens offraient des sacrifices a leurs dieux, car a cause de leur douceur et de leur beauté, ils étaient agréables aux uns et ne pouvaient done manquer de plaire aux autres.
106. Ubi notandum qúod luna dicta est a luce positive, non privative, «luna quasi Lucina» per
1o6. 3· 11 faut noter ici que c'est positivement et non privativement que la Lune est nommée a partir
Voir a ce sujet ALBERT, De cae/o ... , lib. 2, tr. (Ed. Cql. V, x; p. u 1, 66-76) et De gen. et corr., lib. 2, tr. · (Ed. Col. ·v, 2; p. 2o6, Hs). .·
2. Cf. HoNORIUS AuGUSTODUNENSIS, De imagine mundi, 1, (PL 172, 1~9A). § 104 1. Voir ci-dessus Proi. o. Prop., § 2~.
104.
105.
§ 10~
l.
~.c. ~. c.
5 5
104. 2.. 11 est ce·rtain que la Lune ne tient sa lumiere que du Soleil - de la vient qU:'.elle signifie quasiment «ce qui brille d'une lumiere étrangere»soit paree que, comme on l'a dit, le Soleil s'appelle « Soleil», car lui seul brille ou brille au-dessus de tous, soit paree que l'ordre et l'unité de l'univers exigent que de meme que toute chose est quantifiée par la seule quantité, qualifiée par la seule qualité, etc.t de meme, toute chose tienne la lumiere d'un seul etre. Et c'est conformément i cela que, par antiphrase, la Lune est dite a partir de la lumiere ou de la clarté, au sens de ce qui a le minimum de lumiere. Et en effet (ce qu'on nomme) lucus est, comme on dit, un bois qui, par la densité des arbres, a tres peu de lumiere. 105.
72
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE r, r6
subtractionem . mediae syllabae, sicut protoplastus dictus est Adam quasi protoplasmatus subtractione similiter unius syllabae mediae. Sic et almus dicitur altissimus suppressione duarum mediarum syllabarum. Sic ergo luna a luce dicta est luminare, eo quod lumen habeat sive quod luceat, quamvis lumen aliunde mutuet.
de la lumiere: «Lune est comme lucine», il suffit d' oter la syllabe intermédiaire 1. De meme, Adam est dit protoplastus comme si l'on avait retiré de protoplasmatus une syllabe intermédiaire. C'est encore ainsi que almus est tiré d' altissimus : par suppression de deux syllabes intermédiaires. Et c'est done ainsi que la Lune est appelée luminaire a partir de la lumiere, paree qu'elle a de la lumiere et qu'elle brille, bien qu'elle emprunte cette lumiere ailleurs.
107. Ubi quarto notandum quod luna ínter omnes
planetas et stellas non se tota illustratur nec recipit lumen in sui profundo; sicut docet nigredo quaedam sive umbrositas in ipsa luna apparens, quae facies lunae dicitur, quasi facies hominis apparens. Cuius quidein apparitionis praetermissis fabulosis quibusdam rationibus - sicut dicitur : vir stat sub luna quem sarcina deprimit una, monstrat per spinas nulli prodesse rapinas obmissis etiam aliorum frivolis rationibus, quas recitant · commentatores super II Caeli et m un di, sciendum quod huius faciei duae sunt causae naturales in hoc uno ambae fundatae, scilicet quod «luna», utpote «inter omnia caelestia corpora ínfima», est terrae proxima. § 1o6 1. Cette «étymologie» est donnée par IsmoRE de SÉVILLE, Etym., III, 71,2.. · § 107 1. Sur ce lieu commun astronomique, cf. ALBERT, De cae/o ... , lib. z, tr. 3, c. 8 (Ed. Col. V, 1, p. x6o, 3-29 et q4, 47-5 5, notamment 49-p). . · z. Le texte de ces vers est rapporté en substance par Robert Angles dans son Commentaire au Tractatus de Sphaera de J. de Sacrobosco, lect. 13. Voir sur ce point la note 7 des L W 1, p. z61-z6z. 3· AR., De gen. animal., 3, II, 761b 20-21, AvERROES, in h. lib. com~.~;-1il5. 1, ·comin. x6, lib. z, comm. 42 et 49 (Venet., f. 132.E
La face de la Lune. 107. 4· Il faut ainsi noter que, parmi toutes les planetes et les étoiles, la Lune n' est pas tout entiere éclairée et qu'elle ne re~oit pas la lumiere en ses profondeurs, comme !'indique certaine obscurité ou pénombre qui apparait a sa surface et qu'on appelle «face de la Lune», car elle a quasiment l'apparence d'une face humaine 1. Les explications fabuleuses d'un tel phénomene ne manquent pas, comme par · . exemple: «Un homme se tient sous la lune, qu'un fardeau étouffe, Ses épines montrent que-les rapines ne menent a rien 2 • » · Sans parler d'autres raisons frivoles que rapportent les commentateurs du deuxieme livre du Traité du ciel el du monde. 11 faut, en revanche, savoir que (l'apparition) de cette «face» a deux causes naturelles, toutes deux fondées sur un seul fait, a savoir que «la Lune » «le plus has de tous les corps célestes » est le plus proche de la Terre 3 • et 137B) et ALBERT, De animal., lib. 17, tr. 2, c. 4, 72 (Stadler, p. 1183, 23-26).
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EXPOSITIO LIB. GENESIS
108. Notandum ergo quod « corpora caelestia causa sunt corporum inferiorum». Patet enim manifeste quod secundum mutationem situs et aspectus secundum motum superiorum mutantur inferiora. Effectus autem semper praesunt in suis causis essentialihus, et tanto simplicius, uniformius sive plus unite, quanto fuerit causa superior in natura. Igitur, cum «luna» sit causa ínfima «Ínter corpora caelestia», in ipsa sunt ista inferiora minus unite et plus distincte. Quam distinctionem exemplariter continet et repraesentat diversitas illa quae in ipsa luna apparet et facies eius dicitur. Et haec est una ratio diversitatis eius quae in luna apparet et est.
109. Rursus secunda ratio talis : « corpora » superiora «causa sunt», ut prius, «inferiorum». Igitur « proprietates » inferiorum « praeexistunt in ipsis corporihus caelestihus » exemplariter secundum ordinem situs sive naturae ipsorum caelest!um. Igitur proprietates infimi elementi, puta terrae, quae est ohscuritas sive nigredo, privatio scilicet et defectus formae lucís, qui defectus consequitur imperfectionem ultimi, exemplariter praehahetur et repraesentatur in ultimo et ínfimo caelorum, quod est luna, quae non se tota illustratur a luce nec in profundo sui lumen recipit. «lgnis» autem, utpote «supremus ínter
§ 108 1. Cf. ci-dessus Pro/. gen.,§ 10, Comm. ]n, §55 5, Serm. lat., 6/4, § 67, Comm. Ex., § 91. · § 109 1. Pour tout ceci, voir ALBERT, De cae/o ... , lib. 2., tr. 3, c. 11 (Ed. Col. V, 1, p. 168, 69s) notammeilt : «Luna de natura terra~ est et .J:lOn · accipit lumen in toto suo profundo· sed in parte.» · ·
COMMENTAIRE DE GENESE 1, 16
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Deux explications. 108. Note done premic~rement que «les corps célestes sont causes des corps inférieurs ». Il est, en effet, ~anifestement évident que, pour ce qui concerne le changement de place et d'aspect, c'est d'apres le mouvement des supérieurs que changent les inférieurs. Mais les effets sont toujours contenus d'avance dans leurs causes essentielles, et plus ils sont simples, uniformes et unifiés, plus leur cause leur est supérieure en nature t. Par conséquent, puisque «la Lune» est la plus basse cause «d'entre les corps célestes », les réalités inférieures sont en elle de fa<;on moins unifiée et plus distinctes-: C'est cette distinction qu'elle contient exemplairement et c'est elle que représente cette diversité qui apparait sur la Lune et qu'on appelle sa «face». Telle est la premiere raison de la diversité qui apparait sur la Lune et qui, de fait, s'y trouve.
La seconde raison est la suivante : «Les corps supérieurs sont causes des inférieurs » (comme dans la premiere raison). Par conséquent, «les propriétés» des inférieurs « préexistent exemplairement dans les corps célestes » selon le rapport de position o u de nature de ces corps. Done les propriétés du plus has des éléments; la terre, qui sont l' ohscurité ou le no ir, c'est-a-dire la privation et le défaut de la forme de la lumiere - défaut qui résulte de l'imperfection inhérente a ce qui est dernier - (ces propriétés, dis-je), sont exemplairement contenues d'avance et représentées dans le dernier et le plus has des corps célestes, la Lune, qui n' est pas tout enti ere éclairée par la lumiere et qui ne la re<;oit pas dans ses profondeurs 1 . «Le feu », en revanche, qui est «le plus haut des éléments » 109.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 1, 16-17.
elementa», «plurimum hahet de luce». Aer autem et aqua secundum se sunt diaphana et per consequens pertinent ad naturam lucís. Terra vero sola, utpote mfima, se tota est opaca, luce privata, illustrahilis solum ah extra et ah alio. lllud ergo quod in terra . color est et nigredo, mínimum scílicet coloris, hoc in luna est lux et tenehrae sive ohscuritas, mínimum lucís, utpote privatio, per reductionem pertinens ad genus lucís.
«a le plus de lumiere». Et l'air, et l'eau, en euxmemes, sont diaphanes et relevent par conséquent de la nature de la lumiere. Seule la terre, qui est le plus bas des éléments, est tout entiere opaque et privée de lumiere. Elle ne peut etre éclairée que de l'extérieur et par autre chose. Done, ce qui sur la terre est couleur et noir, c'est-a-dire couleur minimale, sur la Lune est lumiere et ténebres ou obscurité: lumiere minimale qui, en tant que privation, peut etre ramenée au genre de la lumiere2.
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375
Nature des étoiles. Stellas. Et posuit eas in firmamento caeli. • no. In firmamento caeli ait, ut scíamus· stellas esse
et les étoiles. Et il les pla~a dans le firmament du ciel (1, r6-17).
partes orhis et de substantia ipsius; pars enim orhis · densior stella est. Rursus : in firmamento ait, ne putentur quasi a foris appositae aut affixae sive superpositae ipsi caelo.
no. 11 dit dans le firmament du ciel pour que nous sachions que les étoiles sont des partíes de 1'orbe et (sont faites) de sa suhstance; en effet, une étoile est une partie plus dense de l'orbe. De plus, il dit dans le firmament pour que 1' on ne croie pas qu'elles sont comme apposées, fixées ou superposées au cíel ~eme.
Ut lucerent super terram. 111. Primo, quia orbes secundum se non lucent nec illuminant. Secundo moraliter, ut qui lumen, gratiam dei, recípit, scíat se debitorem illuminandi ceteros, secundum illud 1 Petr. 4 : « Unusquisque sicut accepit · . gratiam a» etc. Tertio notandum quod in hoc quod dicítur luminaria facta, ut lucerent super terram, fecit scíre utilitatem
a.
1
P 4,
10.
·z.:"C( Co;,",n, Sag.~ § 191.
Fonction ·des luininaires. pour éclairer la Terre (1, q). . 111. 1. Paree que les orbes par eux-memes n'éclairent pas et n'illuminent pas. 2.· Au sens moral: Qui re~oit la grace de Dieu sait qu'il doit illuminer les autres, selon ce passage de 1 P 4: «Chacun selon la grace re~ue (mettez-vous au service les uns des autres, comme de hons intendants d'une multiple gra.ce de Dieu a).» 3· 11 faut noter qu'en disant que les luminaires ont été faits pour éclairer la Terre, il nous fait connaitre
EXPOSITIO LIB. GENESlS, COMMENTAIRE DE GENESE
luminarium, non autem voluit dicere .quod propter quod facta sunt luminaria sit illuminare terram. Sic enim esset «nohilius», puta corpus caeleste, «propter ignobilius », puta terram. Tractat hoc diffuse satis Rabbi M;oyses l. III c. I 3.
La bénédiction du troisieme jour. . Dieu dit aussi : Que les eaux produise~lt dC:s animaux qui nagen.t, (1, 20) ~t plus ha~: .Dteu y•~ que cela était bon ( 1, 2 1 ), Dteu les bentt et dtt . Croissez et multipliez (1, 22).
112. Notandum quod superius loquens de rehus inanimatis corporalihus secundum planum litterae ait quidem «quod esset bonum», nunc autem loquens de rebus animatis generantibus sihi simile addit: benedixitque illis dicens : crescite et multiplicamini.
r
a. Jn
1,
II2. I1 faut noter que, plus haut, parlant des réalités corporelles inanimées, il a dit en toutes lettres «que cela était hon », mais maintenant, parlant ~e~ réalités animées qui engendrent leur ~e~blahle, vmla qu' // les bénit et dit : Croissez et multipltez.
f-
La participa/ion. La raison en est, premierement, _que les, etres vivants participent a un plus haut degre la ~o~t~ et .la perfection de Di~u •. soit pa~~e q~e «e~ ~Ul a ~te fatt, en lui.» n'est pas fatt ou cree mats « vte »,. sott paree que Dieu lui-meme, . au sens propr~,. vtt da':s la mesure ou il n' est pas . mu de 1'exteneur mat~ de l'intérieur et par lui-meme t. D~ la vient 9ue l'Ecriture lui approprie souvent la vte ou le vtvre.
3-4.
La génération et le divin.
§ 111 1. MAIM., Dux ... , 111, 13 (f. 77Y-78r; Munk III, p. 92-95)· §~12 r. Cf;~Coinm.jn, §454.
H7
l'utilité. des luminaires. Toutefois, il n'a pas voulu dire pour autant que les luminaires ont été faits dans le seul hut d'éclairer la Terre. Car alors «le plus noble», c'est-a-dire le corps céleste (exister.~it) <~en vue du plus vil», c'est-a-dire la Terr;..Ma1momde traite cela avec suffisamment de detatls dans le livre III, chap. 13 (du Cuide des égarés 1).
Dixit etiam deus: producant aquae reptile. Et infra : vidit deus quod esset bonum. Benedixitque illis dicens : cresdte et multiplicamini.
Ratio est primo, quia viva altiori gradu participant bonitatem et perfectionem dei, tum quia « quod , r factum est, in ipsoa» non factum est sive creatum sed ' «vita» est, tum quia ipse deus proprie vivit, utpote . non ab extra motus, sed ah intra, a semet ipso. Unde scriptura ipsi frequenter vitam sive vivere appropriat. Secundo, quia generare ab anima est, animatorum est, perfectiorum est. Perfectum enim est quod potest
1, 17-22.
\
La seconde raison est que l'acte d'engendrer est le fait de l'ame, appartient aux etre animés, aux etres
COMMENTAIRE DE GENESE
EXPOSITIO LIB. GENESIS
generare sibi .simile. Anti9ui .etiam dicebant ipsum deut;n esse ammam mundt. · Stc ergo animata generantta et se multiplicantia divinum aliquid perfectius sapiunt ultra legem communem bonorum. Recte ergo bona sunt quae viva sunt et benedicta sunt. Propter quod ~~t. 17, ~o~tquam dictum est: «in ipso», deo scthcet, «vtvtmus», sequitur: «ipsius genus sumus»b. Ubi notandum quod vivum in ratione vivi ~ncre~tum est et incr~abile. Hinc est quod ubicumque tnvemtur purum et stmplex vivere, ita ut non sit esse aliud praeter vivere, increatum est. Terminus autem creationis esse est. Hinc est quod omne habens essé aliquod praeter vivere facturo est et creaturri ratione esse, nequaq~am aut~m ratione vivere. Verbi gratia : horno mortahs ~st rattone qua corporeum est aliquod, non autem rattone qua animatus anima rationali. Rursus corpus est visibile ratione solius coloris ~nvisibile prorsus ratione omnium aliorum quae i~ tpso sunt.
)
~·
zo-u.
379
parfaits. En effet, est parfait ce qui peut engendrer ' son semblable; C'est pourquoi les Anciens aussi disaient que Dieu est 1' Ame du monde2. Ainsi done les etres animés qui s'engendrent et se multiplient ont un gout de divin qui, dans sa perfection, passe la mesure commune des biens. Ne sont ainsi véritablement bons que ceux qui vivent et sont bénis. C'est pourquoi les Actes q, apres «en lui», c'est-a-dire Dieu, «nous vivons», poursuivent: «Nous sommes de sa race h.»
_l L'incréable.
,·
"'4
Il faut noter ici que le vivant pris dans la raison du vivant est incréé et incréable 3. De la vient que chaque ( fois que l'on rencontre acte de vivre pur et simple, tel qu'il n'y ait en lui point d'autre etre que le vivre, cela 1\ est incréé. Or, le tertne de la création est l'etre, c'est ¡ pourquoi tout ce qui a un ·certain etre en plus de son \ vivre est fait et créé. (Et il est tel) sous le rapport de cet etre, mais jamais sous le rapport de ce vivre. Par exemple, l'homme est mortel dans la mesure ou il est corporel, mais pas dans la mesure ou il est animé par une ame· rationnelle. En outre, le corps est visible sous le rapport de la seule couleur : il est absolument invisible sous le· rapport de toutes les a u tres (propriétés) qui sont en lui.
.113. Ru~s~s notandum 9uod ait: multiplicamini. Sctendum tgttur quod multttudo universaliter ex súi natura imperfectorum est, « perfectum enim et totum
~
1,
b. Ac 17, z8.
L'un et le múltiple. n3. De plus, il faut noter qu'il dit : multipliez. 11
2.. Cf.
faut savoir a ce propos que la multitude, universellement et de par sa nature, appartient aux (etres)
In Somn. Scip. comm., I, VI, 20 (Eyssenhardt P· 499, 19-zo) et 14, 1--18 (ibid. p. S39-s4z). Pour Eckhart, cf. Comm: Sag., § 2.99, notamment: «(...) Deus, utpote anima ~un~,~; se. toto _anima et intellectus, propriissime habet creare, de ntchtlo ·facere ens et es se. >> : · · ·: · MACROBE,
~
l
3· Sur le theme de l'incréabilité, voir Comm. Sag., § 2.4. Question 1 Utrum in Deo,§ 4, Serm. lat., 29, § 301 et 304. .
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE
ídem». Totum semper unum est, partes vero e converso semper multae sunt, utpote imperfectae. Notandum ergo quod multitudo sive multiplicatio data est imperfectis in remedium, tum ut ex multis co~lig.ant et quasi mutuent suam perfectionem, tum quta tn se durare non possunt, reliquo modo complevit e~ d~us, ut. di~itu.r in 11 D~ anima, scilicet per ~enerauo~u~ .multtphcauo~em. ~tnc est quod omnia tncorrupttbtha habent umcum tn specie, puta sol unus, et sic de aliis.
114. Adhuc autem multitudo, utpote casus ah uno cadit per consequens a bono et ah esse et conse~ quenter cadit in malum et in nihil sive in non ens. Multitudo igitur imperfectio est consequens omne creatum. «Deus autem unus est», sicut et deus esse est et bon'!m sive « bonus » es t. Sicut ergo malum in bono est,. tn bono et a bono conservatur in esse, sic omnis multitudo esse suum in unitate sive in uno et ah uno accipit et in es se substitit. « Omnis enim multitud<»>, ut ait Proclus, «partkipat uno». «Deus au~em unus est. » Bonum ergo multiplicatione sui uttque deficeret et a bono et ah esse, nisi benedictione dei, id est virtute unius, contineretur et salvaretur m esse. Et hoc est quod dicitur vidit deus quod .
·a. Dt 6, 4: Ga 3, zo ..
J
1,
to-:u
imparfaits, «parfait et tout sont en effet synonymes 1 ». Un tout est toujours un, inversement ses parties sont toujours multiples en tant qu'imparfaites. 11 faut done remarquer que la multitude ou multiplication est donnée aux imparfaits en guise de remede, soit pour qu'ils collectent de plusieurs leur perfection et, pour ainsi dire, se 1'empruntent mutuellement, soit paree qu'ils ne peuvent persévérer en eux-memes, et que, comme le dit le ne livre du Traité de /'áme2, Dieu leur a d'une autre maniere donné un complément, grace a la multiplication par engendrement. De la vient que toutes les réalités inco_guptibles ne comptent qu'un seul individu par espece, par exemple un seul Soleil, et ainsi de suite3.
} La chute. 114. Mais de plus, la multitude, en tant que chute de l'un, déchoit du bien et de l'etre et elle déchoit . ensuite dans le mal et ·le néant ou non-etre. La multitude est done une imperfection qui suit nécessairement tout ce qui est créé. «Mais Dieu est un a» tout de meme qu'il est etre et bien ou « bon». Done, de meme que le mal_ est dans le bien et que e' est dans le bien et par le bien qu'il garde un etre, de llleme la multitude a son etre dans l'unité : c'est dans l'un et par l'un qu'elle le re~oit et qu'elle y subsiste. «En · effet», comme dit Proclus, « toute multitude participe de l'un 1• » « Mais Dieu est un.» Done, en sé démultipliant, le bien viendrait a manquér absolument et de bien et d'etre, si par la bénédiction de Dieu, c'est-adire par la vertu de l'un, il n'était contenu et préservé dans l'etre. Et c'est ce que veut dire Dieu vit que cela
§ 11 3 1. A a., Pf?ys. 111, 6, zo7 a 13. z. AR., _Def'!lm.e, 11, 4, 4 IS b 3-7. 3· Cf. d-dessus; § 89 ..
§ II4
r. PRocr.us,
Elem. Theol., 1 (Trouillard, p. 61).
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE
1,
16
383
esset bonum. Sed ne multiplicatione caderet a bono, benedixit dicens : crescite et multiplicamini. Sua benedictio est sua in se uno conservatio sive manutentio, ne defluat omne quod multum est et quod multiplicatur. Omne enim agens physicum agencio patitur et per consequens «abicit a substantia» et deficit, nisi benedictione dei praeveniatur eo modo quo dicturil es t.
était bonb. Et pour que la multiplication n'entraimit pas une chute hors du bien, il bénit et dit : Croissez et multipliez. Sa bénédiction est de conserver et de maintenir (toutes choses) en lui qui est un, pour que tout ce qui est multiple et s·e multiplie ne (finisse) pas par sombrer. En effet, tout ce qui agit naturellement patit en agissant et, par conséquent, «perd en substance2» et défaille si la bénédiction de Dieu ne l'en empeche de la fac;on qu'on a dite.
Faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram. 115. Auctoritas ista a diversis sanctis et in diversis locis tractata est, et de ipsa notavi diffuse super illo : « Qui est imago dei invisibilis a», Col. 1, et in Opere quaestionum, ubi de imagine quaeritur. Quantum ad nunc autem sciendum quod creatura rationalis sive intellectualis in hoc differt ab omni creatura quae citra est, quod ea quae citra sunt producta sunt ad similitudinem eius quod in deo est et habent ideas sibi proprias in deo, ad quas ·facta dicuntur, sed ratioñ.es determinatas ad species dis-
L'homme image de Dieu. Faisons l'homme -¡ notre image et a notre
'b. Gri 1, z x. . § 115 a. Col 1, 15. i.. AR., Top., VI, 6, 145a 4 (Tricot, p . .25 3). Eckhart interprete ici tres librement un passage .qui dit que « toute affection, en devenant plus íntense, défait la substance de la chose». . § 1x5 1. Ces docteurs sont nommés au § x ci-dessus. Le Comm. SIIT' Coloss. n'est pas connu, mais indications ci-dessous § zoz, 301; Parab. Gen.§ 140, 15 3, 193 et 194; Comm. Sag~ § 143; Qu. Paris. II § 7; Comm. ]ean § .23s; Serm. lat. 49/z, § 509-pz. Eckhart utilise aussi, en plus des Senlences de P. Lombard (1 d 3) et des _ll.uteurs qui. y sont allégués, les Postilles d'Hugues de Saint~Chei. Id ii insiste, a la suite de Maimonide et de Thomas
ressemblance ( 1, 26). Cette autorité a été expliquée par divers docteurs en divers traités. Je l'ai exposée en détail a pro pos de Col. 1 : «(Le Fils) qui est image du J?ieu invisible a», et dans mon (]Juvre des questions en trattant . de l'«image» 1• A présent il faut savoir que la créature rationnelle ou intellectuelle difiere de toute autre créature qui lui est inférieure en ce que l'inférieur est produit a la ressemblance de ce qui est en Dieu et n'a de correspondánt en Dieu que cette Idée d'apres laquelle il est dit etre créé. Une Idée (de ce type) est spécifiquement déterminée et est relative a la réalité créée (infra-intel115.
d' Aq. (/11 P. q. 93 a. 3-4), sur la nature intellective comprise avec les grands philosophes (l'intellect en Dieu et chez l'homme était alors le theme d'un grand débat). Voir ci-dessous § 18 3, 18 5, 188, 197, 301; Parab. Gen.§ 113, 138-139, zoo; Comm. ]ean § Io, 141, 318; Comm. Ex.§ 163, ZZ4, zn; Comm. Sag. § 32; Serm. al/. 2 (DW 1, p. 3ZS; Ancelet I, p. 54S); r6a (p. zs8s; Ancelet I, p. 144s); 20a (p. 333; Ancelet I, p. 175); 2ob (p. 348; Ancelet p. 18o). ·
EXPOSITIO. LIB.' GENESIS
tinetas ah invicem•in: natura, natura vero intellectualis ut sic potius habet ipsum -deum similitudiriem quam aliquid quod in deo sit ideale. Ratio huius est quod «intellectus ut sic est; quo est omnia fieri», non hoc aut hoc determinatum ad speciem. Unde secundum philosophum « est quodammodo omnia » et totum ens. Unde- Avicenna IX Metaphysicae c. 7 sic ait : « Sua perfectio animae rationalis est, ut fiat saeculum intellectuale et describatur in ea forma totius », « quousque perficiatur in ea dispositio esse. universitatis et sic transeat in saeculum intellectum, instar esse totius mundi». Hinc est quod horno proeedit a deo «in similitudinem » divinae · « substantiae », .propter quod eapax est sola intellectualis natura perfectionum substantialium divinae essentiae, puta scientiae, sapientiae, praesidentiae, dispositionis entium et providentiae et gubernationis aliarum creaturarum. Et hoe est quod hic dicitur : faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram, non alicuius nostri, et 2. Sur les ldées divines créatrices, voir ci-dessus § 4s, 68, 78, 82s; Parab. Gen.§ 47-6z; Comm.Jean§ us, 138, 194, 5145· 3· Voir Comm. ]ean, §549; Serm. al/. 24 (DW 1, p.415; Ancelet 1; p. zo6). · · 4· ARISTOTE, Traité de l'áme, 111, e~ 5; 430 a 14. 5· /bid., c. 8, 431 b 21. THOMAS d'AQ., /~P. q. 54 a. 2. Voir ci-dessus § 6. . 6. AVICENNE, Líber de Phi/os. Prima, IX, c. 7 (Van Riet, 11 · p. 510, 72s). Eckhart s'appuie probablement sur THOMAS d' AQ., QD de veril. q. 2 a. 2 Resp. éd. crit. 122-129) et q. 20 a. 3, Resp. (75-83). Poúr la conception de l'homme comme monde intelligible, l'emprunt a Avicenne se double de réf. ad'autresauteurs: voir E. ZuM BRUNN, «Ma1tre Eckhart et le nom inconnu de l'ame», Arch. de phi/os. 43 (198o), p. 655-666, surtout p. 664s. Albert le Grand, f
COMMENTAIRE DE GENESE
1,
:t6.
leetuelle) eomme a une essence spécifiquement distincte2 . .Tandis que chaque nature intellectuelle a, comme telle, plutót pour modele Dieu lui-meme et non pas simplement une Idée di vine 3. La raison en est que l'intellect, comme tel, est «ce grace a quoi (le sujet connaissant) devient toutes ehoses4» et n'est pas (simplement) tel ou tel etre spécifiquement déterminé. En effet, l'intellect, d'apres Aristote, «est d'une eertaine fac;on toutes ehosess», et l'etre en sa totalité. Avicenne }'explique ainsi au livre X de sa Mitaphy. sique: «L'aeeomplissement de l'ame rationnelle est de devenir monde intelligible, que vienne s'inserire en elle la forme de tout (l'etre)», «au point que s'y imprime de fac;on parfaite 1' ordonnancement de tout l'etre de l'univers6». De la vient que l'homme procede de Dieu a la ressemblance de sa réalité substantielle 7 : e' est que la nature intelleetuelle est seule eapable de reeevoir les perfections substantielles qui appartiennent en propre a 1' essenee di vine, á savoir : la scienee, la sagesse, la préséance sur tous les etres, le pouvoir d'en disposer et le gouvernement providentiel du reste des créaturesB. Ici il est done écrit : Faisons l'homme anotre image et a notre ressemblance, et non «a la ressemblanee de M-R. PAGNONI-STURLESE, «A propos du néoplatonisme d'Albert le Grand», /bid., p. 635,654, notamment p. 6425. 7· «Ressemblance de sa réalité»: AviCENNE (ibid., lin. 83), mai5 en substituant «réalité substantielle de Dieu» a «réalité subs. du monde». Voir Parab. Gen.§ 113, 139s, 153; Comm. Ex. § 277· . . 8. Eckhart ploie a son propos (l'homme image de la réalité substantielle de Dieu) la réfutation par Augustin (développée par P. LOMBARD, Sent., 11 d. 16,. c. 3 p. 4075) de la théorie référant l'homme a une seule des trois Personnes divines.
EXPOSITIO UB. GENESIS
sequitur : « praesit piscibus maris et volatilibus caeli ~t bestiis universae terrae »; et sequitur : «creavtt deus hominem ad imaginem suam» non alicuius sui; «ad imaginem dei», non alicuius i~ deo. Et Augustinu~ dicit quod anima «eo imago dd est, quo capax det» est, capax perfectionum substantialium .prop~iarum divin~e s~bstantiae, puta sapientiae, provtdenttae, gubernattorus et praesidentiae seu dominii super omnia, quae citra hominem et intellectum :mnt. Hoc est ergo quod hic dicitur : faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram. J?e r~tione enim i~ag01s est quod sit expressiva tottus etus plene, cutus tmago est, non expressiva alicuius determinati in illo. Hinc est quod Graecus vocat hominem microcosmum, id est minorem mundum. Intellectus enim, in quantum intellectus est similitudo totius entis, in se continens universi: tatem en~um, ~on hoc aut illud cum praecisione. Unde et etus obtectum est ens absolute, non hoc aut illud tantum.
9~ AuGUSTIN, La Trln. XIV, vm, 11 (BA 16, p. 374, trad. P. Agaesse). Voir Serm. al/. Iób (DW I, p. 264s; Ancelet I, p. I48S). Io. Eckhart explicite la dignité de la nature intellective chez l'homme par les grands attributs divins tels que la tradition théologique les exposait (P. Lm.mARD, Sent. I, d. 35, c. 1 n° 1 et c. 7 no I, R· 254s; ,THOMAS ~'AQ., ¡ap; <;!· 14 et q. 22-23). 11. Le theme de 1homme m1crocosme etalt courant depuis le xue s. : voir le Microcosmus de Geoffroy de Saint-Victor étudié par PH. DELHAYE. Hérité de l'antiquité grecque, il était connu par M.a~r~be, l.sidore. d~ Séville, Grégoire de Nysse (traduit par Scot Er1gene), Chalctd1Us traducteur du Timée, et, sous le nom de ~pece (PL64; 907 B), par Marius Victorinus, De diflin. :«Les Grecs· .définissent comme suit : l'horrime est un microéosme ,
COMMENTAIRE DE GENESE
t,,
2.6 ·
387
quelque chose qui est contenu en nous ». La suite dít. : {r¡ue 1'homm~) commande aux poissons de la mer, aux ozseaux du ctel, aux betes, a toute la terre. Et encore :· Dieu a créé i'homm~ ason image a lui, .non a l'image de quelque chose qut se troq,.ve en Dteu. A J'image de Dieu, non a la ressemblance de ce qui serait en Dieu. .Augu,stin écr,it :«Ce qui fait que l'ame est image de ~teu, ~ ~st qu elle est capable de Dieu 9», capable d acquertr les perfections substantielles propres a 1'e.ssence divine : sagesse, providence, prudence admtnjstrante, préséance et maítrise sur tout ce qui est en de~a de l'homme st de l'intelligence 1o. Tel est le sens du présent passage: Faisons l'homme anotre image et a notre ressemblance. Il est de la raison de l'image de manifester pleinement la totalité du modele dont elle est l'image, mais non pastel élément déterminé (pris isolément) en lui. C' est pourquoi les penseurs grecs appellent l'homme microcosme, c'est-a~dire petit monde tt. En effet, l'intellect, en tant que tel, est similitude de la totalité de l'etre : il contient en lui-meme l'universalité des et~es~ ~ais_non celui-ci ou celui-la considéré a part12, Atnst 1 obJet propre de l'intellect, c'est l'etre pris absolument, et non pas seulement celui-ci ou celuiIa 13,
c'e~t-a-dire petit monde.» (HADOT, M. v'ietorinus, p. 358, 6).
Vou Comm. Sag. § 13 (réf. i Grégoire le Grand). 12. Reprise probable de THÓMAS d' AQ., ¡a P. q. 79 a. 2; In Sent. III d. 14, a. 1, Sol. ll (Moos n° 34). DIETRICH de FREIBERG, De ~ntellectu et i~t~lligibili, II c. 1 (Mojsisch, p. 146s) _et De visione beatif. I, 1, 4 (t~id. p. 2_8s), expose une sentence proche. Voir B. MoJSIS~H, pte Theorte des lntellekts bei Dietrich v. Fr., p. 46s. · 13. Vmr ct-dessus Pro/. gén., § 9; Pro/. Oeuvre Prop., § 3; Comm. ]ean § 677. ·
EXPOSITIO LIB. GENESIS
Adhuc autem notandum quod Rabbi 'Moyses . l. I c. 2. sic ait : «lntellectus, quem elargitus est deus Adam primo, ipse est postrema eius perfectio, quae fuit in Adam, antequam peccaret. Et ratione huius int~llectus dictum est de eo quod creatus est "ad imaginem dei", et mediante illo locutus est deus cum eo », « et intellectus fuit in ipso in fine perfectionis. » « Propter quod dictum est : "minoras ti eum paulo minus ah angelis"a. » Quod autem dicitur faciamus in plurali, Rabbi Moyses sic exponit, ditens quod « intelligentiae » secundum Aristotelem et secundum nos «angeli medii sunt ínter creatorem et entia alía et eis medianti bus moventur caeli, quorum motus est causa omnis generationis et generabilis», «nec invenies opus aliquod quod creator fadat nisi per manum angeli ». Et secundum hoc, ut didt, exposuerunt «sapientes» hoc quod hic didtur: <<jaciamus hominemJ>, «quia hoc est sermo multorum, quasi non faciat creator aliquid, donec videat illud in coetu superiori. Et debes mirari in dictis istis; sed vide quod Plato locutus est similiter dicens quod creator videt in saeculo intellectuali et ex ipso produdt entia». 116.
117. Sapientes .«etiam dixerunt» «quod creator nihil fadt, donec consilium habeat cum coetu superiori». Alibi «etiam dixerunt» sapientes quod deus «ipse et capitulum eius convenerunt super quolibet
COMMENTAIRE DE GENESE 116.
1,
z.6
·n faut encare noter id ce qu' enseigne Ma1mo-
nide, livre I, chap. 2. : «L'intellect dont Dieu a doté Adam des le príncipe est la perfection supreme qui était en lui avant la faute. C'est en raison de cet intellect qu'il est dit qu' Adam fut créé a l'image de Dieu. C'est grace a cet intellect que Dieu s'est entretenu avec lui», «dont l'intellect a été d'emblée pro mu a la perfection supreme)) t. (( C' est pourquoi il est dit : "Vous ne l'avez qu'un peu abaissé en dessous des anges a". » Le pluriel Faisons est expliqué ainsi par Ma1monide : «Les Intellig~nces séparées » selon Aristote, «les anges » selon la Bible, « sont intermédiaires entre le Créateur et les autres réalités. Elles meuvent les spheres du del dont le mouvement est cause· de toute génération et de tout ce qui est engendrable. Tu ne découvriras aucune reuvre que le Créateur accomplisse sans la main de l'ange. C'est pourquoi des sages ont interprété l'expression Faisons fhomme comme un langage tenu par plusieurs sujets, comme si le Créateur n'opérait ríen qu'il ne l'ait d'abord examiné de concert avec des esprits supérieurs. Cela mérite notre admiration. Et pourtant (dit encare Ma1monide), une formule similaire se lit chez Platon assurant que le Créateur considere toutes choses dans un monde intelligible et qu'il produit les etres apartir de lui.)) (Ma1monide écrit encare): «Des sages ont aussi pensé que le Créateur n'accomplit rien qu'avec l'approbation du conseil supérieur.» Et plus loin.: «Ils ont également dit que Dieu et son consetl 117.
a. Ps 8, 6. MAlMONIDE, Cuide des égarés, 1 c. 2 (f. 5v 3 5s; M un k, 1 p. 38:s)~y-conipris Ps 8 :.«la perfection supreme». Au sens hérité 1.
de Malmonide, Eckhart ajoute celui de la doctrine théologique du savoir surnaturel infus dont Adam fut doté (cf. P. LoMBARD, Sent., 11 d. 23, c. 3, p. 448s). Voir ci-dessous § 192.
39°
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE
1,
26
391
membro, quod est in homine, et pos~eru~t illud i~ sua compositione». «Nec est intent~o, ,stcut stultt putant, quod creator loquitt1:r vel c?~ltat» «et h~bet adiutorium aliorum extra se m constlus, sed ommum istorum expositio est quod singularia entium et omnia membra animalium», «secundum quod sunt, sunt quidem medianti bus angelis ». Hucusque verba Rabbi Moysis.
se sont entendus au sujet de chaque membre qui est en l'homme et l'ont disposé dans son organisme. » « Contrairement a ce qu' ont imaginé des insensés, le sens de toutes ces formules n'est pas d'affirmer que le Créateur parle ou réfléchit», (... )«ni pour ses desseins recoure a l'aide d'autrui. C'est bien plutót de déclarer que chacun des etres et chaque membre chez tout vivant» (... ) «tel qu'il a été créé existent par !'entremise des anges». Tel est l'enseignement de Ma1monide1.
n8. Augustinus etiam III De trinitate c. 4 dicit quod « corpora crassiora » «.per subtiliora » « 9-':lodam ordine reguntur», et «omma co~pora per sput~um», et spiritus inferiores per superwres.»,. ac «';!~~~~rsa creata per creatorem». Et in~ra: ~<~1~11 ~t.v~s.tbthter et sensibiliter, quod non de mterton, mvtstbth atque intelligibili aula summi im~eratoris aut iubeatur aut permittatur. » Haec Augustmus.
Augustin, d~_ns la Trinité, livre 111, chap. 4, explique que les corJ?s les plus lourds sont hiérarchiquement gouvernés par les plus · subtils, que tout corps l'est par l'esprit, que tout esprit iriférieur l'est par un esprit supérieur, et (de fac;on générale) toute créature par le Créateur. Un peu plus loin, il déclare: «Rien de visible et de sensible ne se produit sans que du fond de son invisible et immatériel palais le souverain Maitre en ait donné 1' ordre o u la permission t. » Voila ce que dit Augustin.
« quod. cr~a tor nihil faciat donec videat tllud m coetu supenort », et quod dic~t alii, quod deus «et capitulum eius convenerunt super quolibet membro» hominis «et posuerunt illud in sua c
Concernant l'affirmation des sages que «le Créateur n'accomplit rien qu'avec l'approbation du conseil supérieur», et celle que «Dieu et son conseil se sont entendus au sujet de chaque membre» de l'homme <<et l'ont disposé dans son organisme», la vérité est que Dieu produit chaque etre et chaque membre de l'animal dans une parfaite conformité et concordance avec les constituants principaux, primordiaux et essentiels de l'univers. Par exemple: le maitre d'reuvre, pour la maison qu'il édifie, a dans
§ II7 ':.· p. 68s}··
§ II8 1. AuGUSTIN, la Trin. III, IV, 9 (BA 15., p. 288; trad. M. Malet et Th. Camelot, p. 289).
119. Quod autem
M,A_IMQNIDE,
dixeru~t sap~entes,
118.
!bid., II c. 7 (f. 43f
25S;
Munk, c. 6, II
119.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
ram in domo quam facit. Item intendit certum ~u~erum et certam mens~uam in partibus essenttaltbus, q~ae per se r~qutruntur ad perfectionem do~us. Alta autem omma, puta numerum lignorum, laptdum, caementi et similium, eligit et assumit secundum convenientiam et correspondentiam ad partes principales. Rursus faciamus. Dicunt expositores ex hoc verbo j~ciamus si~nificari hominem pro sui dignitate prae alus creaturts factum quasi ex consilio divino. Quod quidem verum est, si intelligamus hominem factum de consilio, quia fecit ipsum consiliativum secundum illud Eccli. 1 5 : « Deus ab initio ~onstitui; hominem et reliquit eum in manu consilii sui a.» In «re bus~> enim, quibus « praefigitur virtus operativa determtnata ad unum», «non agunt» libere nec «a se ipsis», sed «ab altero diriguntur in finem», secundum illud Themistii : tota natura agit tamquam rememorata a causis altioribus, sicut sagitta dirigitur a sagittant~.. Horno ~u~em «per_ liberum arbitrium, quo constltatur et eltgtt», ex se tpso forma sibi inhaerente in finem dirigitur. Propter quod «signanter dicitur» : «deus constituit hominem .et reliquit eum "in manu consilii sui"». Unde et «Damascenus dicit» quod «horno ad imaginem factus dicitur, secundum quod per 120.
a. Si 15, 14.
Voir ci-dessous § 153; Comm. Sa~. § 36, 72, 238. 1. Vulgarisé par la Glose, B:EDE, In Gen., c. 1 (CC 118 A, 724s) allegue l'idée de délibération. Glossa ordin. in/, 26 (Lyra~lU~, ~· 28a); Postille d'Hugues, f. 3 rb et va). 2._,Themtstlus, ·connu a travers AVERROES, In Metaph., XII comm. 18 (f. 325r C) - cf. Parab. Gen. § 203 et Comm. Jean
§ 119 § 120
1.
COMMENTAIRE DE GENESE
1,
26·.
393
!'esprit une figure et une mesure déterminées. Aux p~rties essentielles requises pour parfaire une maison, tltmpose un nombre précis et une mesure précise. Le r~ste, par .exemple.:. matériaux, poutres, pierres, mortter, etc., tl en chotstt et fixe la quantité en conformité et concordance avec ces parties principales 1.
no. Toujours sur Faisons. D'apres les interpretes, le verbe Faisons signifie que l'homme, a la différence ~~$ autres cré~tures, est créé en une dignité particuhere, celle qut découle d'une délibération divine t. C'est vrai, mais a condition de l'entendre comme ce~i: l'ho~me est créé d'apres délibération paree que Dteu l'a fatt capable de délibérer. Le Siracide écrit : «Au commencement Dieu a constitué l'homme et l'a l~is~é, dans la main de son propre conseil a.» Une realtte dotée d'avance d'un pouvoir opératif limité a une seule chose ne possede pas d'agir libre ou autonome : son orientation vers une fin lui vient d'un autre. Thémistius !'explique ainsi: la nature entiere agit comme si elle se souvenait sous l'influence de causes supérieures, a la fa~on dont la fleche est guidée par l'archer 2 • L'homme, lui, se dirige de lui-meme vers sa fin grace a une forme intériorisée et au libre arbitre qui permet délibération et choix. Il est done écrit avec pertinence : ~
.'A-~·-·,;r: , .
394
·-·.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
imaginem significatur intellectuale, arbitrio liberum et per se potestativum » et « suorum operum principium» et «habens suorum operum potestatem». Hoc est ergo quod hic dicitur : faciamus hominem ad imaginem nostram et : «praesit piscibus» etc. De hoc non sic intelligendum est, quasi deus « creavit homines proptei hoc, sed narravit naturam» hominis, «quae habet potentiam, ut possit» prodesse et «praeesse» omnibus quae citra se sunt, ut ait Rabbi Moyses l. III é. I 3·
COMMENTAIRE DE GENESE
t,
26
395
qu"'image" signifie faculté d'intellection, libre arbitre, libre disposition de soi, príncipe d'opération propre et pouvoir d'agir3. » Voila ce que signifie le passage Faisons 1'homme a notre image ( ... ) et qu'il commande aux poissons, etc. Non qu'on doive entendre que Dieu ait créé I'p.omme uniquement pour cette domination. Par la l'Ecriture indique seulement la nature de l'homme. Celui-ci a le pouvoir de commander et de veiller sur tout ce qui lui est soumis, comme le montre Ma1monide4.
La maítrise de l'hómme sur l'univers. Et praesit piscibus maris. 121. Notandum quod horno a principio creationis accepti praestantiam naturae excellentiorem prae aliis ·creaturis mundi inferioris : et praesit ait. Secundo accepit consequenter dominium super illa, cum dicitur: «et dominamini piscibus maris». Circa quod notandum quod naturaliter in ordine naturae supc;:riora dominantur et regulant inferiora, inferiora vero naturaliter oboediunt et subiciuntur superioribus suis. Ratio huius est, quia ordo rerum . ~
3· jEAN DAMASCENE, De la joi orth., trad. lat. Burgondio (Buytaert, C. 26, 23s, etc. 39, 35s), cité probablement a la suite de. THOMAS d'AQ., ¡a_¡¡ae, Pro/., comme }'indique la formule per se potestativNm absente de la version de Burgondio mais assez surement empruntée par Thomas a N:EM:Esms, De la nature de l'homme (c. 39-40, PG 40, 761s) et insérée dans la citation de Damascene en ft1-Il11e (Pro/.). . . 4· MAlMONIDE, ibid. III c. 14 (f. 78r 3os; Munk, c. 13, III, p. 94)· . . § IZL 1. P~stul~e par les philosophes de l'antiquité, l'unité de l'univers -dans le gouvernement de la Providence était évoquée
J. ¡
¡¡···
Qu'il commande aux poissons de la mer (aux oiseaux du ciel, aux betes, a toute la terre, aux reptiles ... 1, 26). 11 faut noter que l'homme, des le príncipe de sa création, re<;ut une préséance de nature qui l'éleva bien au-dessus des autres créatures de ce monde inférieur. C'est la raison de cette parole : Qu'il commande ... Deuxiemement: En conséquence, i1 a re<;u domination sur elles, car il est écrit : Qu' il commande 121.
aux poissons de la mer... On observera qu'il s'agit ici d'une loi de nature: les etres qui sont supérieurs du point de vue de leur nature doininent les etres inférieurs et les gouvernent, ta"ndis que les etres inférieurs leur sont soumis et leur obéissentl. La raison en est que l'ordre propré aux par AuGUSTIN, La Gen. au s. litt., V, c. 20-23 (BA 48, p. 43os); VIII, c. 2.3-2.6 (BA 49, p. 74s); par THOMAS d'AQ., qui amplifie le probleme avec appui sur Denys, (cf. QD de veril. q. 5, a. 8-9; ¡a P. q. 93, a. 6; q. 110, a. 1; ScGent. III, c. 77-79). Voir ci-dessus Prol.gén. § 1o; ci-dessous § 230; Parab. Gen.§ 203, qui se fonde sur le L. de causis, prop. 9· ·
EXPOSITIO LIB. GENESIS
creatarum est nexus et unitas ipsarum et unitas universi. Unde omne quod est nititur conservare suam unitatem sicut suum esse, ut dicit Boethius III De consolatione. Et omne quod est . ordinem servare naturaliter conatur. « Est enim quod ordinem retinet servatque naturam; quod vero ab hac deficit, esse, quod in sua natura situm. est, dere!in9u_it», ut ait Boethius IV De consolattone. QUia tgttur horno praeest et praecellit in _or~ine rerum crea~a~um corporalium, consequenter 1ps1 debetur dommmm super illa. Iuxta quod sex sunt notanda. Primo, quod omne animal naturaliter subicitur homini. Propter quod frequenter videmus quod unus horno, etiam parvus et iuvenis, pascit et deducit et praeest ~uber nando multis pecoribus iumentorum et besttarum. Parvulus etiam si imponatur dextrario permaximo, regulat ipsum et freno deducit. . Secundo notandum consequenter quod passto turbat ordinem ex natura sua. Dominando enim rationi, cui naturaliter deberet subesse, utpote superiori, ordinem non servat, sed violat et turbat et pervertí t. 122.
123. Tertio notandum iterum consequenter quod propter hoc bruta animalia, quando provocantur aut alias in passionibus suis fuerint, ~icut vide~us, homini non oboediunt, utpote deordmata passwne, cui prius ante passionem deordinantem ad nutum oboediebant.
BoECE, Consol. Phi/os., III, prose II, no 9 (CC 94, p. 57). ;. !bid. IV, prose 2, n° ;6 (p. 68-69). 4. ~
COMMENTAIRE DE GENESE
1,
26
397
etres créés réside dans leur connexion et leur cohérence dans l'unité de l'univers. De la vient que tout ~tre s'applique a conserver son uni_té, laqu~lle est príncipe de son etre, co~me 1'expl~~ue, Boece au livre III de la Consolatwn 2 , et qu 11 s efforce par nature d'assurer cet ordre universel, c_omme le montre encare Boece au livre IV : « Est (vratment) celui qui observe et respecte l:or~re de l~pature; ~e~uf qui s'en écarte et le méconnatt deserte 1 etre destme a sa nature3. » Comme done l'homme a préséance et maitrise dans l' ordre des créatures corporelles, la domination sur elle~r''lui appartient 4 • 122. Six conséquences sont a noter ici. I. Pa~ nature tout animal est soumis a l'homme 1 • Auss1 " .Jeune et voit-on' souvent qu'un seul homme, meme faible, fait paitre, conduit et gouverne ~out un t~ou peau de betes de somme ou d'autres an_tmaux. ~et?-e un petit gan;on monte un énorme destrter, le mattnse et le conduit par le frein. . 2. Par nature, la passion trouble l'ordre. E~ domtnant la raison a laquelle par nature .elle dmt res ter soumise comme a son supérieur, elle ne respecte pas l'ordre, mais le viole, le trouble et le pervertit 2 • 123. 3· Il en résulte que~ quand o~ les provo9ue ou qu'elles sont agitées d'autres passtons, les betes brutes n'obéissent plus a l'homme, alors q~'av~~t d'etre ainsi perturbées par la passion, elles lut obetssaient au moindre signe.
§ 1 zz
1.
Résumé de
2. AuGUSTIN,
THOMAS
d' AQ., ¡a P. q. 96 a.
I.
De Gen. c. Manich., I, xx, ; 1 (P L ;4, 1 87s) :_la
domination sur les animaux signifie, au sens ~oral, la mattnse sur les passions animales. Postille d'H. de Satnt-Cher, f. ;vb. Voir Parab. Gen. § 15 5s, 196.
398
COMMENTAIRE DE GENESE
EXPOSlTlO LlB. GENESlS .
Quarto ?otandum quod et in hoc ipso, quod passio turbat ordtnem et non servat, ordo servatur universalis rerum et a deo institutus. Fit autem sensualitas in talibus passionibus et passionatis superior ratione. Hoc autem naturale, ut superiU:s dominetur inferiori ut dictum est. ' Quinto notandum ex praemissis manifeste 9uod passi<;> ?on cadit in ratione nec per consequens tn rat~onah ti?- quant~m huius.~odi. Propter quod Boethms homtnes pass10natos dtctt non esse homines sed be.stias irrationales, l. IV prosa 3, secundum illucl Psalmt : «Horno curo in honore esset, non intellexit. Comparatus est iumentis insipientibus et similis factus est illis a. » 124.
Sexto notandum moraliter quod dominari ceterts non meretur nec debet cui passiones dominantur. Nec etia~ d,~minari debet.ceteris quicumque non praeest ce~erts vutute perfect1or et praestantior, Ecch. 7 : «Noh quaerere fieri iudex, nisi valeas virtute irrumpere iniquitates a.» Simonides ait : « Stul~um est, ut velit q~is im.perare ceteris, curo sibi ipsi tmperare non posstt. » Htnc est quod « Abraham », id est « pater J:?ultarum » sive multorum, prius dictus est «A~ram.», td est «pater excelsus h», scilicet per vitae emtnenttam, antequam pater multorum cOnstitueretur. Et hoc est quod salvator, voleos Petrum caput 12,.
§ 12.4 1. Voir ci-dessous § 22.0, avec ARISTÓTE, Phys. VII, c. 3, 2.47 h1s. Cf. Comm. Sag. § 9; Serm.lat. r2j2, § 14o; Ió, §163s. z..)3oE<:E,.(:onso~. IV, prose 3 n° 2.1_ (P· 72.), qui n'allégue pas le Ps 48, ce que falt BEDE, In Gen., rbid. (p. 8o4s).
1,
z6 ·
399
, 4· Que la pa~si?n trouble l'ordre et le dérange, e est conforme a 1 ordre du monde tel que Dieu l'a constitué. Carla sensibilité, da:ns ces passions et chez ceux qu'elles dominent, a pris le dessus sur la raison. Or l'ordre de la nature, c'est, comme on l'a dit qu~ le ' supérieur commande a l'inférieur.
5. 11 en découle manifestement que la passion pas .dans la raison ni, par conséquent, dans ce qut, est rat!onnel en tant que .teP. C'est" pourqtioi ~oece, au. hvre IV prose,3, quahfie l'homme en proie a !a passton non pas d homme, mais de bete sans ratson 2. C'est ce que dit le Psaume: «L'homme tant qu'il était en honneur, ne l'a pas ·compris. 11 'a été comparé aux betes qui n'ont aucune raison et illeur est devenu semblablea. » 124.
n'~ntre
6. Au sens moral: dominer autrui ne se pas et ne d
méri~e,
Voir Comm. Ex.§ s-7; Comm. Sag. § I; Comm.Je~n . . . . 2.. AuGUSTIN, la Cité de Dieu, XVI, XXVIÚ (BA 36, p. 2.82.; cf. note 2.8 de G. BARDY, ibid. p. 72.5). § l2.S
I.
§ 419-42.0.
400
COMMENTAIRE DE GENESE
EXPOSITIO LIB. GENESIS
ecclesiae statuere, ait illi : « Simon Iohannis, diligis me plus his?», Ioh. 21 c. Excelsior enim debet esse caritate, qui ceteris praeficitur dignitate. In horum figura dicitur 4 Regum 2 : « Pater mi, pater mi!» d bis ait «pater», ut sibi prius, deinde aliis noverit imperandum - et sequitur : « Currus Israel et auriga eius», primo «ctirrus»: exemplo, secundo «auriga»: verbo. De quo invenies infra super illo : « Sarai uxorem tuam» etc., c. 17·
1,
2.9
401
comme chef de l'Église, lui a demandé : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci?» Jn 21 c. Il doit etre plus éminent en charité celui qui précede les autres en dignité. Ceci est dit au figur~ en 4 R, 2 : « Mon pere! mon pere! d » D~ux fois Elisée s' écrie "pere" : une premiere fois pour exprimer qu'il lui faut d'abord commander a lui-meme, une seconde fois pour signifier son pouvoir de commander aux au tres. La suite : « (qui étiez le) char d'Israel et son conducteur»: d'abord "char", qui signifie (commander) par l'exemple; ensuite "conducteur": (commander) par la parole _{raisonnable). Sur ce point on s'étendra plus loin, iu chapitre 17e: Sara ton épouse ... 3.
Le végétarisme origine/. Dedi vobis omnem herbamo Et infra : ut sint vobis in escamo 126. Nota quam parco cibo humanum genus institutum c;:st; nondum ipsis carnibus u ti mandatum est. Unde magíster in Historiis dicit quod Christus non legitur comedisse carnes praeterquam de agno paschali. Et Ovidius poeta hoc ipsum, quod hic scribitur de herbis et fructibus arborum ad vescendum concessis in prima hominis aetate, describit dicens: «per se dabat omnia tellus. Contentique cibis nullo cogente creatis, c. Jn 21, 15.
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vous ai donné toutes les herbes ( 000) et tous les arbres ( .. o) afin qu'ils vous servent de nourriture ( r, 29). 1260 On observera que le genre humain est constitué pour une nourriture frugale : il ne lui est pas enjoint d'user de chair. P. Comestor, dans son Histoire, dit que l'Écriture ne rapporte pas que le Christ ait jamais mangé d'autre viande que celle de l'agneau pascall. Le poete Ovide offre la description que voici des herbes et des fruits des arbres qui furent accordés en nourriture aux hommes des premiers ages :
«La terre (... ), d'elle-meme, offrait tout. Contents des vivres qu'elle produisait
d. 4 R 2, 12.
3. Eckhart semble condenser, en les amalgamant : De Isaac, c. 8 (CSEL p, 1, p. 687, 23s), qui expose en style platonicien «char et conducteur» comme signifiant maitris~ .. de~ chevaux-passions par le conducteur-esprit; 2. une glose, telle qu'en note une N1c. de LYRE (II f. 72vb) sur I. AMBROISE,
Je
1 Rois 9,2, rappelant que celui-la est chef pour gouverner qui s'est d'abord fait le conducteur de ses propres chevaux. § 126 r. P. CoMESTOR, Hist. seo/. (Venise 1729), ch. 149, p. 669 (PL 198, 1616 B). ÜRIGENE, Hom. sur la Gen., I, 17 (SC 7 bis, p. 70) affirme qu'a !'origine l'homme était végétarien.
402.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
arboreos fetus montanaque fraga legebant». Et Boethius II De consolatione : « Felix < nimium > prior aetas contenta fidelibus arvis », « quae sera sqlebat . ieiu~ia solvere glande». « Somnos' dabat herba salubres, potus quoque lubricus amnis ». Eccli. 2.9 : « Initium vitae hominis aqua et panis a.» Nam, sicut Boethius II De consolatione ait, «paucis minimisque natura contenta est», et l. III dicit: «naturae minimum, avaritiae nihil satis est ». Nunc vero secus est. Cum enim unum nemus multis pecoribus ad esum si ve pastum sufficiat, multa nemora uni homini non sufficiunt. Unde Seneca l. X Declamationum, quasi reddens rationem, quare tot moriantur homines et subito in aetate adhuc florente, ait : « Quidquid avium volitat, quid quid piscium natat, quidquid ferarum discurrit, nostris sepelitur ventribus. Quaere nunc : cur subito morimur? Mortibus \1.. vivimus», quasi dicat: quomodo possent homines \' diu vivere et non potius mori subito,. quorum vita nutritui mortibus? Quis €nim · unquam gallinam comedit vivam aut 6vem vivam aut piscem vivum? Et sic de aliis.
2.. ÜVIDE, Métamorphoses, I, 102.-104 (trad. G. Lafaye, BellesLettres, I p. 10s). Eckhart écrit «fruit des arbres» la ou nos textes modernes disent «fruits de l'arbousier». 3· BoE:cE, ibid. II poésie 5 (début; p. 2.8s). 4· BoECE, ibid., II prose 5 n° 16 (p. 2.7). 5. /bid. III, pro~e 3, n° 19 (p. 42. ). · 6. SÉNÉQUE; "Controverses, X, pré[ n° 9 (trad. H. Bor~ecque,
COMMENTAIRE DE GENESE
1,
29
Sans contrainte les hommes cueillaient • ' • Les frutts des arbres, les fratses de montagne... 2 » Au livre II de la Consolation, Boece écrit: «Cambien heureux l'age premier! De ses champs féconds il était satisfait (... ) Des glands apaisaient une faim sé~ere, . Une couche d'herbe lui procuralt un sommetl réparateur (... ), , . . L'eau courante du ruisseau etanchatt sa s01f3. » Et le Siracide dit que l'homme tire sa vie du pain et de l'eaua. Comme dit Boece, au livre II: «La nature se contente de peu et de pet.ites choses 4 »,. et,, au Iivre III, «A la nature un nen suffit; mats a. 1~ convoitise rien ne suffitS. » Il n'en va plus amst maintenan~. A nourrir tout un troupeau de bestiaux, un unique champ suffit, mais de nombreux cha_mps ne suffisent plus a nourrir un seul homme. Seneque, cherchant une raison au fait que tant d'hommes meurent subitement et dans la fleur de l'age, écrit au 1 livre X de ses Controverses: «Tous les oiseaux qui ~ volent c;a et la, tous les poissons qui nagent, toutes les betes sauvages qui bondissent, tro~vent leur tombea~ ' dans notre ventre. Cherche mamtenant pourquot l • d \ nous mourons si subitement : nous vtvons e \ morts6. » C'est comme s'il disait: Comment .I'hom?Ie pourrait-il vivre longtemps et n~ pas mo~rtr subtt~ ment, lui qui de cadavres er:trettent sa .vte ~ On n a jamais mangé vifs ni poule, m mouton, m p01sson.
Garnier, II p. 32.9). I1 s'agit d'un exemple d'argumentation que Séneque ne fait pas sien. Cf. Serm. al/. IJ (DW I P· 2.15, 5s; Ancelet, I p. 12.7).
COMMENTAIRE DE GENESE 1, 31
EXPOSITIO LIB. GENESIS
Vz."ditque deus cuneta quae fecerat, et erant valde bona.
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1
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127. Nota: singula quidem erant bona, sed omnia simul, cuneta scilicet, erant optima, quod significat li va/de bona. Dei enim, utpote optimi, est optimum adducere. Sed si bene consideretur, potest dici quod singulum eorum, quae fecit aut quae facit deus, est optimum.
Ubi tria sunt notanda. Primo, quod bonitas et eius ratio totaliter et tota consistit in fine solo et est ídem cum fine ipso convertibiliter. Propter quod deus, utpote finis omnium, est et dicitur Luc I 8 solus bonus a. Ex fine ergo accipit bonitatem omnem quam habet ens quodlibet citra finem, sicut dieta, medicina, urina nihil prorsus habent sanitatis in se formaliter plus quam lapis vel lignum, sed ab ipsa sola sanitate, quae in animali est formaliter, dicuntur sana secundum naturam analogiae, qua omnia huiusmodi tr!lnscendentia se habent ad creaturas, puta ens, unum, verum, bonum. 128.
a. Le 18, 19.
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!1 1
§ 127 1. Avec AUGUSTIN, La Gen. au s. litt., III, XXIV, (p. 2725); De Gen. c. Man. I, c. XXI (PL 34, 1888); Enchir., 111, c. X-XI (BA 9, p. n8) cité par P. LOMBARD, Sent. 11, d. 15 c. 9 (p. 404). Voir ci-des8U8 § 13, I I 3-1 14; Comm. S ag.§ 1488, pour la 8upériorité de l'unité príncipe de toute perfection; Comm. Jean § 5138. . . 2. Axiome i8su de Platon et dont la pré5ente formulation remonte aDENYS, Noms Div., c. 4 § 19 (PG 3. 716 B; Dionysiaca 1, p. 2 34), traduit par Scot Erigene. 11 e5t 5ouvent repri8 par Albert le Grand (In DN, c. 8 § 19, Col. 37-1 p. 374, p8; Metapl;., 1 tr. ;. c. u, Col. 16-1 p. 43, 7-8) et par Thoma8 d' Aq. (cf. Jll P. q. 103, a. 1; q. 47, a. 2 ad 1; etc).
Le bien. '
j
Dieu vit toutes choses qu'il avait faites et elles étaient tres bonnes ( 1, 31 ). Remarque: chacune des choses était bo~ne, mais prises ensemble, c'est-a-dire t~utes, elles, étatent parfaitement bonnes : c'est ce qu affirme 1 expression : tres bonnes 1. « C' est le propre de Dieu, Bien par es sence, de produire ce qu'il y a de meilleur 2. » Chacune des choses que Dieu a faites ou qu'il fait, si on.l'examine avec attention, peut é_tre qualifiée de la «medleure». 127.
128. Ici trois remarques : 1. Le bien et sa raison résident totalement et tout entiers dans le seul ordre final. Le bien est identique a la fin et est convertible avec elle. C'est pourqU:oi Dieu, paree qu'il est fin pour toutes eh oses, est et est dit « seul bon a» Le 18 1• C' est done de sa propre fin que tout étre situé en de~a ~'elle tient sa bonté. Ainsi, d'apres la nature de l'analogte, la diete, la médecine, l'urine, qui de soi et formellement parlant ne possedent pas plus de santé que 1~ pierre ou le bois, sont qualifiées de salubres du fa1t de leur référence a l'unique santé quise trouve formellement chez le vivant. Et e'est de la méme fac;on que les transcendantaux : étre, un, vrai, bien, s'appliquent aux créatures2.
§ 128 x. DENYS (Noms Div. e, 2 § 1, 636 C; Dion: 1 p. 5~) retient Le 18, 19 comme Nom principal pour Dteu. Vo1r ci-de88U8 Pro/. (Euvre Prop. § 8. 2. Sur l'analogie chez Eckhart, cf. Qu. Paris 1, § 11; Comm . Ex.§ 54; Comm. Sirac. §52-54. Voir A. de LIBERA, Le Prob/eme de Ntre chez Maítre Eckhart. Et Pro/. Gen. § 8 et 19-21; Pro/. Oeuvre prop. § 4, 9, 13-15; Parab. Gen.§ 94, 97, 1398, 1 54; Comm. Sir. § 38; Comm. Sag. § 140, 175s; Comm. jean § 559-562; et ci-de880U8 § 68, 17 5.
COMMENTAIRE DE GENESE
EXPOSITIO LIB. GENESIS
~29. Secundo notandum quod, si tota utilitas sive
1,
31
129. 2. Si toute l'utilité, c'est-a-dire la fin de la maison, n'était pas qu'on y habite, qu'on s1y abrite de la pluie, de la tempete, de la chaleur ou du froid, si la fin de la maison était uniquement de correspondre a la volonté de l'architecte, en cecas, on pourrait préférer un édifice d'un pied de large mais de mille de long, si telle était sa volonté, le préférer, dis-je, a une habitadon de n'importe quelle forme ou de n'importe quel matériau qui irait contre sa volonté et son intention.
fims domus non esset inhabitado sive defensio a turbine et a ~lu~ria, a caumate et frigore, sed sola pura voluntas aruficts, tune utique melior esset domus habens unum pedem i~ la~um et mille in longum, si hoc esset vol~ntas a~ufi~ts, melior, inquam, quam domus quaehbet cumshbet formae aut materiae contra voluntatem et intentionem ipsius artificis.
- 130. 3. De meme que la bonté de notre volonté dépend des choses,__~ c'est-a-dire de l'objet de la volonté 1, ainsi mais en sens in verse, toute la bonté qui est propre a!'ensemble de la création dépend de la volonté de Dieu 2 • Augustin l'enseigne: Un seul mot, meme bref, dit avec respect vaut mieux que dix mille proférés avec mépris3. Est meilleur tout acte, meme isolé, qu'inspire une plus ardente charité, plutót que tous les actes du monde issus d'une charité moindre. Nombre, grandeur, longueur, largeur, hautenr, profondeura, cela n'ajoute rien de bien ni de méritoire. Seule la charité est mesure4. Done, c'est clair, tout ce que Dieu fait et veut voir etre est supremement bon et ne pourrait etre meilleur; puisque c'est cela meme qu'il veut voir etre et que c'est de la fa<;on dont il veut le voir etre.
Tertio notandum quod, sicut bonitas nostrae voluntatis dependet a rebus sive ab obiecto et volito . ' stc e converso tota rerum omnium bonitas dependet ab .ipsa vo~untate dei. Sicut ergo melior est, ut alt Augustlnus, «unica» quantumvis brevis «oratio oboedientis quam decem milia contemnentis » et melior est actus unicus quilibet in maiori caritate omnibus actibus mundi minoris caritatis, eo quod numerus, magnitudo, longitudo, latitudo, sublimitas et profundum a nihil adiciunt bonitatis et meriti sed sol~ caritas est mensura, sic procul dubio omne~ quod fact~ deus et vult ess~, optime est nec posset esse mehus quam quod est td, quod deus vult ipsum esse~ et eo modo est, quo deus vult ipsum esse. 130.
a. Cf. Ep ;, 18. XXXII, 35 (BA 11, p. 224); P. LoMBARD, Sent., I, d. 31, c. 2 (p. 332) notait encore Hn.AIRE, De synodis, repris au Comm. Sag. § 1 79· ;. AuGUSTIN, De opere monach., c. xvn, 20 (CSEL 41, p. 564, ws). 4· Cf. ci-dessus § 99· La doctrine de la charité «forme» ou
1. ~:imaut~ de l'objet du vouloir: doctrine qui suppose toute 1~ noettque d Ec~hart, laquel!e est visiblement proche de celle
d u~ c~n~emporam~ Godefrotd de Fontaines, marquée par un «ObJecttvtsme» radtcal. Voir Qu. Paris. I!, § 6-7; Parab. Gen. § 62-63; Comm. Jean § 107s, 232, 508, 677, 681. 2 •. _)téf. a -~P ~_, 11 et' a Ps 134, 6 en plus de l'appui sur AuGUSTIN, La Trm. III, n, 7 (BA 15, p. 28os); la Doct. chr., I,
·/
mesure
de toute l'éthique est traditionnelle depuis Aml?roise et
'. Augustin.
408
EXPOSITIO LIB. GENESIS
131. Ultimo notandum circa opus sextae diei quod ultimo omnium formatus est horno. Ubi duo sunt notanda. Primo, quod universaliter perfectiora et praestantiora sunt prima in intentione et ultima in exsecutione. Et quanto aliquid est longius sive posterius ab intentione et fine et per consequens minus bonum, tanto est prius in exsecutione, posterius in intentione. Exemplum in domo et quolibet opere artis et naturae. Sic ergo horno, utpote perfectior omni creatura huius mundi, ultimo omnium formatus est.
í, '
132. /_Fróp~r quod secundo notandum quod, sicut omne.granupf est infirmitas sive aegritudo deficiens a forma et pérfectione tritici - propter quod in terris quibusdam pinguibus et fecundis « siligo seminata » «in tertio anno » convalescit «in triticum » fu gata et expurgata aegritudine siliginis ex terrae fecunditate rursus omne metallum infirmitas ac aegritudo est auri - propter quod alchimistae gloriantur purgata aegritudine cuiuslibet metalli ipsum convertí in verum aurum - sic eodem modo horno, utpote perfectius
§ 13 1
1. Avec P. LOMBARD, Sent., II, d. 15, c. 5 n° 1 (p. 402). z. Voir Comm.Jean§ 145, 148; THOMAS d'AQ. P-llae q. 1, a. 1 ad 1 ; a. 4; etc. § 132 1. D'apres ALBERT leGo., In ]oan. c. u, 24 (Borgnet z4, p. 418b) et De veget. V, tr. 1, c. 7 n° 55 (Meyer-Jessen, p. 312). Et peut-etre aussi BASILE. de CÉSARÉE, Hom. sur f Hex11(m., Y_ (SC. 26, p. 297s). · z. 'Théorie -notée par ALBERT, De miner., III, tr. 1, c. 7
COMMENTAIRE DE GENESE 1, 31
Préséance de l'homme.
1 '
IJI •. Enfin
il faut noter, concernant l'reuvre des , en dermer . 1. Six jours, que l'homme .~ut fa~onr~e. (Deux) Trois remarques ~ tmposent tel. , . , D'abord, en regle umverselle, une reahte plus parfaite et plus digne est premie~e dans , 1' or.dre de l'intention mais derniere dans celm de l'executton. Et dans la mesure ou une chose est éloignée et postérieure dans l'ordre de l'intention et done de valeur moindre elle est premiere dans l'exécution, précisément . p;rce qu' elle ~st dern.iere ~ans l'i?tention 2 • Exemple : lors de la C:onstructlon d une matson o~ e~ tout ouvrage, soit de l'art soit de la nature .. Amst done l'homme, paree qu'il est la plus p~rfatte des créatures de ce monde, fut fa~onné en dermer. 132. Deuxieme remarque: chacune de~ céréale~ représente, par rapport a la forme et perfect10n du ble ¡ de froment, une déchéance, une dégénérescence. De \ la vient qu'en certaines terr~s. _grasses ~t ~erti~e~ le \ seigle qu'on seme pour la trotsteme annee s am~hore et, débarrassé par la bonne terre de ses defauts primitifs, devient du froment 1. Ou encore : chacun des métaux est une déchéance et dégénérescence de l'or. C'est pourquoi les alchimistes se font gloire de les transmuter en or véritable, une fois leurs défauts éliminés2. Il en va de meme pour l'homme, animal le plus parfait de tous, a l'égard des autres animaux, de
l i
j
(Borgnet 5, p. 68a), mais pour la critique.r (e f. p. 69~; et e; 9 p. 7ob). L'exemple du blé modele du setgle et celm de 1 or modele pour tous les métaux sont évoqués encore Serm. a/1. ;S (DW II, p. zz8; Ancelet II p. 48s); Parab. Gen. § x8z, 187; Comm. ]ean § P7·
COMMENTAIRE DE GENESE
410
~mniuf!I,. se habet ad alía animalia ita, ut omn~ ~mmal stt tmperfectum quoddam et aegritudo h.o~t~ts. Propter quod figura omnis animalis exco-
animal
rtatt stve deplumati praefert quandam similitudinem membrorum hominis secundum plus et minus. Hinc est quod Avicenna in Capitulo de diluviis probat et vult. docere quod natura possit, quamvis per multa n:tedta, ex ter~a generare hominem, sicut videmus ex ctbo generart carnem hominis. Sed Thomas vadit contra hoc p. 1 q. 91 a. 2 ad 2.
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1,
31
4II
EXPOSITIO LIB.. GENESIS
. 133· Tertio notandum qu_od propter hanc perfectt
sorte qu'on peut considérer tout· animal comme une réalité imparfaite et comme une déchéance de la nature humaine3. Le corps de tout animal, une fois écorché ou déplumé, laisse apparaitre une ressemblance plus ou moins accerituée avec la distribution des membres chez l'homme. C' est pourquoi Avicenne montre et enseigne au chap. Des déluges qu'il est possible a la nature, en passant par de nombreux intermédiaires, d' engendrer un etre humain a partir de la terre4. Nous voyons pareillement qu'a partir des aliments se constitue le corps de l'homme. Toutefois Thomas rejette cette"' théorie en ¡a Pars q. 91 a 2 ad 2m. 133. Troisieme remarque: a cause de cette perfection, l'homme est et est caractérisé comme « petit monde t ». Cette perfection de l'homme est montrée par sa station debout, comme l'enseignent les Peres et la Glose. Le poete la décrit ainsi : « Tandis que, tete basse, tous les autres animaux tiennent leurs yeux attachés a la terre, 11 a donné a l'homme un visage qui se dresse vers le haut; 11 a voulu lui permettre de contempler le ciel, de lever ses regards et de les porter vers.les astres2.» Boece, au livre V de la Consolation, déclare : « Seul l'homme se dresse tete haute( ... ) Cette configuration, a moins que tu n'aies perdu le sens a force de fixer le sol, t'apprend ceci: toi, dont le front haut s'ouvre sur le ciel, éleve jusque la-haut ton esprit3 ... » par P. LoMBARD, Sent., 11, d. 1s, c. 4 n<' z (p. 409); BE.DE, In Gen. 1, z6, (p. z6, 788) cite Ovide. 3. BoE.cE, ibid., V poésie S (p. z 12).
4IZ
EXPOSITlO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 1, 31 -
1 34· Viditque deus cuneta quae fecerat, et eran! va/de bona. Rursus autem aliter exponendo praemissa verba duo sunt notanda. Primo de hoc quod praemissum est supra frequenter : « Vidit deus quod esset bonum a», secundo, quod hic dicitur: cuneta quae fecerat, et eran! va/de bona. Illic dicit : « bonum » hic ' ait : va/de bona.
1~5· Quantum ad primum notandum quod, sicut beat1tudo, secundum Thomam Super IV, est in intellectu substantialiter, in voluntate vero formaliter sub ratione scilicet et nomine finis si ve boni aut fruiti~nis 1\ bsic ~niversaliter rehs obmnis ab i~lo hab~t substantialite; 1 omtatem, a quo a et esse s1ve entttatem- bonum enim et ens convertuntur- formaliter autem habet res ) bonit~tem ex ordine sive respectu ad appetitum, I Eth1corum : « Bonum annuntiaverunt, quod omnia appetunt». Et Rabbi Moyses dicit tractans verba praemissa : bonum est « quod convenit mentí _nostrae». Effectus igitur sive productum quodcumque sortitur perfectam rationem boni ex duobus: primo quidem et substantialiter per formam suam per quam habet esse, secundo autem et formaliter ex convenientia sive complacentia, qua complacet voluntati eius qui producit, utpote correspondens menti et a. Gn x, Io.xz.x8.z1.z5.
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THo~~s d~f-Q.,
In J'enl, IV, d. 49. q.
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I
Dieu vit toutes choses qu'il avait faites et elles étaient tres bonnes. ,134· Autre exégese encore. D'abord sur ce que l'Ecriture a déja dit a plusieurs reprises : Dieu vit que e' était bon a; enfin sur ce présent passage : !outes choses qu' il avait faites el elles étaient tres bonnes. La il est dit : bon; ici : tres bonnes.
135· Sur le premier point, on noter~ ceci. De meme que la béatitude, d'apres Thomas, Ecrit sur IV Sen!., réside substantiellement dans l'intellect, mais formellement dans la volonté sous la raison et la qualification de fin ou d~ bien ou encore ~e ~r~it~on, de meme, en regle umverselle, toute reahte tlent substantiellement sa bonté du príncipe meme dont elle rec;oit l'etre ou étance, car le bien et l'etre sont convertiblest. Mais formellement elle tient sa bonté du rapport ou relation a l'objet d'appétition (volitive). «Ce que tous les etres ,désirent, c'est cela leur bien», dit le Ier livre de 1' Ethique. Commentant 1~ meme passage, Ma1monide écrit : « Est bon ce qm s'accorde avec notre estimation 2.» Par conséquent, tout effet ou chose produite mérite sans restriction la raison de bien pour un double motif: d'abord a titre substantiel, par sa forme propre qui lui vaut de posséder 1' etre; deuxiememe~t, a titre formel, du fait de l'accord ou convenance qutle rend agréable a la volonté de celui qui le produit, en
qula na; ¡ap_
~· .a. 2, 1-11 e q. 3, a. 3; etc. Entre théologiens existait depuis
le _mlhe'! _du XIII s; u_ne controverse sur le statut soit intellectif solt voltt~f de 1~ beatltude en sa plénitude eschatologique : voir Eckhart a Parrs, l.'· ns. Cf. ci-dessous § Z95-Z97; Parab. Gen. § 63, So-8-3, 95-97; Comm. Ex.§ z65; Comm. Sag. § z6z; Comm.
Jean § 108, 673s; Serm. lat. 6/J § 64; II/2 § 117,120. De l'homme noble, (DW V p. u6s; Ancelet, Traités p. qos); Serm. al/. )9 (DW II, p. 265s, Ancelet II p. 59). z. ARISTOTE, Ethic. Nic. 1 c. 1, 1094 a 2; MAYMONIDE, ibid. Ill, c. 14 (f. 78ra zzs; M un k III, p. 94) .
EXPOSITIO LIB. GENESIS
intentioni ipsius. Deus autem, quin immo ipse solus, proprie est causa rerum in esse sive causa ipsius esse in rebus. Et sic habemus primam et substantialem condicionem boni, quia bonum et ens convertuntur. · Ru.,-sus: quid tam complacens ipsi esse, quod est deus, quam ipsum esse rerum et esse in rebus et res in es se· et propter es se? Et haec est secunda formalis ratio boni, scilicet quod complaceat et congruat menti et voluntati producentis. Et hoc est ergo quod hic dicitur : «Vidit deus quod esset bonum. » 136. Ubi notandum quod generaliter omnis effectus et omne productum a causa qualibet bonum est. Malum enim non est effectus, sed defectus nec habet causam, quin immo hoc solum malum est quod causam non habet. Quaerere autem causam mali est quaerere causam nihili; «malum enim nihil est». Effectus igitur causae cuiuslibet, eo quod est et quod factus sive effectus est, non defectus, bonus est substan.tialiter, quia bonum et ens convertuntur, ut dictum est. 3· Voir ci-dessus § 128; ci-dessous § 136-137; Comm. Sag. § 140; Eckhart met visiblement en reuvre l'analyse de THOMAS
d'AQ., 1 4 P. q. 6, a. 3 a 6; In Sen/. II, d. 36, q. I, a. 5; etc. 4· Cf. ci-dessus Pro/. gén. § 16s; Pro/. Oeuvre Prop. § 6, 9s; Parab. Gen. § 86; Comm. Sag. § 36; Comm. ]ean §53, 97, 151, 238; Comm. Ex. § 29, 6o. § 136 1. «N' a pas de cause» : cause, ici, a le sens de raison créatrice, voir ci-dessus § 3.. Le V erbe divin est au sens fort . cause: Comm. Jean § ps, 75, 91, 330; Comm. Sag. § 14-17, 33, Serm. /at. 28j2 § 290. Eckhart use d'assonances latines impossibles a restituer en frans;ais. On pourrait risquer: «Le mal n'est pas fait, produit (ef!ectus), mais défaite, défaillance (defectus). » Ces sentences résument tout un corps de doctrine sur la question du ( mal. La source principale est ici le chap. 4 des Noms Divins de · Denys commenté par Albert le Grand. Denys (DN c. 4 § 30, " ' \ 7.32 A; Dion.·p. 3oo): «le mal est sans cause». Albert (In DN
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tant qu'il répond ason esprit et a son intention3. Mais Dieu, et Dieu seul, est, au sens propre, la cause de L J'etre des choseS, la CaUSe de l'etre meme qui est dans ces choses4. On a done ici la condition principale et essentielle du bien, car bien et etre sont convertibles. Encore: quoi de mieux accordé al'etre qu'est Dieu que l'etre meme des choses, que l'etre dans les choses, que les ehoses dans 1' etre et pour 1'etre? V oici done la seconde raison formelle du bien, a savoir qu'il est agréable et convient a la pensée et au vouloir de ) l'a gent. C' est pourquoi il est dit ici : Dieu vit que e' était
bon.
--
136. On notera a ce sujet qu'en regle générale est bon tout effet, toute réalité produite, qui résulte d'une cause quelconque. Le mal n'est pas effet mais défaut. Il n'a pas de cause. Mieux: cela seul est mal qui n'a pas de causet. Chercher la cause du mal, c'est chercher une cause au néant: «Le mal est néant 2 • » L'effet de chaque cause, du fait qu'il est, qu'il a été fait et rendu effectif, qu'il n'est pas défaut, est bon substantiellement, car, comme on l'a dit, le bien et l'etre sont convertibles. · c. 4 § 215 Col. 37-1 p. 292, 9s): «le mal est dit sans cause paree qu'il survient par défaillance de la cause». Cf. ibid. § 15 3 (p. 139); § 156 (p. 241)., THOM~s d'AQ. ScG_en~. III c. 7-9 ~t , f 13-14. Plusieurs textes d Augustm sur le mal etatent rassembles 1 \ ! par P. LoMBARD, Sen/. 1, d. 46, c. 3s (p. 314s); II, d. 35 (p. 529s). 2. Voir ALBERT leGo, In DN c. 4 § 15 5 (p. 2.41, 29s); § 156 (p. 242, 35s); § 185 (p. 269, 15.s) pour «le ,mal est néant». ,La négation du statut substantlel du mal n est pas refus d en reconnaitre la réalité, mais effort pour le détermine! en son opposition a l'etre propre au sujet qu'il affecte. Vmr enc~re ALBERT, ibid. § 164, 167, 175. EcKHART; Comm. Ex. § ,75•, c1te Augustin, Trae/. injoan. 1, Xlll (BA 71, p. 154) :.«le peche est néanh. Voir ibid. p. 840 note 5 : Le péché n'est rzen.
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Rursus : quia omne agens producit sibimet simile et o~?e simile diligit sibi simile, complacet producentl 1n producto, quod est formale in bono. Sic ergo omne productum a causa quacumque bonum est et bonum videtur. « Vidit», inquit, «quod esset bonum.»
Encore: tout agent produisant son effet a sa ressemblance3 et tout semblable aimant son semblable4, est formellement bon ce qui, dans l'effet produit, complait a l'agent producteur 5• Tout effet produit par une cause quelconque est done un bien et est estimé tel : Dieu vit que e' éfait bon.
137· Verum qu.ia deus ~t ipse solus est causa ipsius esse 1n rebus et Iterum 1ps1 esse proprie et per se ~omplacet esse et in ipso esse complacent omnia, quía 1pse est esse, propter hoc productum ah ipso perfecte et simpliciter bonum est, tum quia ah ipso habet esse et ens est, quod est substantiale in bono, tum quia ipsi esse, deo sc.ilicet, per se complacet esse, et ipsi deo complacet 1n esse. Propter quod Sap. 1 dicitur: «Creavit, ut essent omnia a.» Hoc de primo quod dicitur : « Vidit deus quod esset bonum. »
137· Mais puisque DieÚ est cause exclusive de l'etre qui est dans les choses, que l'etre lui appartient en propre, que de soi l'etre est agréahle et que chaque réalité s'y complait, puisqu'enfin Dieu est etre, tout ce qui est produit par Dieu est bon, purement et absolument. D'une patl:, en effet, ce qu'il y a d'etresubstantiel dans le bien existe de par Dieu et en re~oit d'etre étant. De l'autre, a l'etre meme, c'est-a-dire a Dieu, l'etre agrée, et (réciproquement) c'est en considération de Dieu que toute réalité se complait dans l'etre t. Aussi est-il dit au chap. 1 de la Sagesse: «Il a créé toutes choses pour qu'elles fussenta. » Voila pour
138. Sequitur videre secundo de hoc quod dicitur: vidit deus cuneta quae fecerat, et eran! va/de bona; Notandum ergo quod, sicut duo sunt quae complent rationem boni, ut dictum est, scilicet rei exsistentia et ipsius complacentia, sic duo sunt proptet; quae cadit res a ratione boni : uno modo, si cadat ah exsistentia si ve ab esse; secundo modo, si mutetur intentio sive vol untas circa ipsam. V erbi gratia : artifex facit a. Sg 1, 14. 3· ARISTOTE, De gener. el corrupt., 1, c. 7, 324 a9s. Cf. Comm. Sag. § 23. 4· Axiome attribué a Empédocle par ARISTOTE, Ethic Nic., VIII, c. 1, 1 15 5 b7-8. THOMAS d' AQ., Sent. L. Ethic., VIII, lect. 1, 1 54S (p. 444). Voir Comm. Sag. § 220, 254-25 5; Comm. Jean §1~2, 3_6_4 . . 5:' Pour ceite notion de complaisance appliquée a Gn I,p,
Dieu vit que e' était bon.
1
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138. Second point maintenant, a pro pos de : Dieu vit toutes les choses qu' il avait faites et elles étaient tres bonnes. On notera done ceci : de meme que la raison de bien contient deux choses, a savoir l'existence d'une réalité et le plaisir qu'on y .prend, de meme il y a deux manieres pour une réalité de déchoir de la raison de bien: 1. quand cette réalité quitte l'existence, c'est-a-dire l'etre; 2. quand change l'intention ou la volonté la concernant. Eckhart, qui s'appuie probablement sur Th. d' Aq. (111 P. q. 74, a. 4 ad 3, ScG 1, c. 78 fin), se réfere aussi au cas maximal de la génération-production : celle du Fils dans le mystere de la Trinité divine. Voir Comm. Sag. § 27 (avec Pr 3,12 et Mt 3,17). § 137 x. Cf. Prol.gén. § 15-17 ci-dessus; Comm. Sag. § 260.
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domum rotundam ex intentione, quam tune habet ad talem figuram, rotundam scilicet, Et cum facta est, domus huiusmodi complacet ipsi, tum quía domus est, tum quia rotunda est, ut ipse voluit, et videt eam et videtur ipsi quod bona sit. Quod si domus cadat ab esse vel tendat in non esse tale, quale ipse voluit, mox desinit placere et per consequens desinit esse bona. Rursus etiam secundo modo cadit res a ratione boni, puta si manente domo ut prius mutetur intentio et voluntas artificis, puta si modo vult ipsam esse quadratam, et ideo ipsi displicet quod est rotunda nec sibi iam videtur bona. Et quandoque ipsam destruit, ut aliam faciat quadratam, quae modo placet oculis eius, sicut habetur Ier. I 8 de figulo et olla, quam fecerat super rotam a.
. Par exemple : un architecte batit une maison ronde d'apres l'intention qu'il a maintenant de réaliser une forme telle, c'est-a-dire ronde. Une fois construite, cette maison lui plait, d'une part paree que c'est une maison et de l'autre paree qu'elle est ronde, comme il l'a voulue. Al'examen, illui semble done qu'elle est bonne. Que la maison cesse d'etre ou que (menac;ant ruine) elle ne soit plus telle qu'il l'a voulue, elle a bientót cessé de plaire et par la meme cesse d'etre bonne. Seconde fac;on de déchoir de la raison de bien : supposons que la maison conserve son etre mais que l'architecte change d'intention et de volonté, que maintenant il la veuille carrée, par exemple, et qu'il lui déplaise qu'elle soit ronde: elle ne lui semble plus bonne. Il peut arriver qu'illa démolisse pour en faire une autre qui, carrée cette fois, plaise a son regard, comme l'évoque Jr 18, a propos de la poterie remise au tour par le potiera.
1 39· Sic ergo, sive mutetur effectus ex parte rei sive mutetur affectus artificis circa ipsam rem, semper cadit res a ratione boni; si ve mutetur rei exsistentia sive eius complacentia, semper cadit a ratione boni. Et hoc quidem apud nos. Propter quod nihil est semper bonum nec perseverans bonum, et ideo non potest dici valde bonum, sed nec satis bonum. Secus autem de operibus dei. Deo enim nihil praeterit, nihil moritur nec quidquam in nihilum redigitur. · Quod semel est aliquid, · hoc nunquam est nihil. «Ümnia enim illi vivune», Matth. 22. Iterum etiam affectus dei circa opus eius non mutatur, Mal. 3 : «Ego deus et non mutorb. >> Propter quod
§.;r38-a. Jr x8·, 3-4. b~
Má 3, 6.
.
§ 139 a. Mt zz, 3z;plutot Le zo, 38.
139· Ainsi done une réalité déchoit de la raison de bien soit que change l'effet du coté de la chose, soit que change l'affect de l'artisan concernant cette chose. Que cesse l'existence de la chose ou le plaisir qu'y prend l'artisan, chaque fois la raison de bien s'éteint. Ceci vaut chez nous. C'est pourquoi ríen ne se trouve de définitivement bon ni n'est un bien permanent et ainsi rien ne peut etre estimé tres· bon ni meme suffisamment bon. Il en va autrement des reuvres de Dieu. Pour Dieu, rien ne passe, rien ne meurt, rien n'est réduit a néant. Ce qui est quelque chose une fois, n'est plus jamais néant: «Tous sont vivants pour lui» (Mt 22)a. De plus l'affect ·de Dieu concernant son reuvre ne varie pas: «)e suis Dieu et je ne change point» (Ml 3)b.
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opus eius semper bonum est, semper bonum perseverat, et sic cuneta quae facit et quodlibet quod facit valde bonum est, perfecte bonum est, Deut. 32 : «Dei perfecta sunt opera e» et perseverant semper, Eccl. 3 : « Omnia opera, quae fecit deus, perseverant in aetern u m d. »
C'est pourquoi l'reuvre de Dieu est toujours bonne et demeure toujours bonne: ainsi tout ce que Dieu fait, chacune de ses reuvres est tres bonne, et parfaitement bonne. «Les reuvres de Dieu sont parfaites» (Dt 32)c et le demeurent toujours: «Toutes les reuvres que· Dieu a faites demeurent a jamaisd» (Si 3).
Sic ergo quod dicitur: « Vidit deus quod esset bonum » respicit rerum productarum exsistentiam et complacentiam. Quod autem additur : cuneta quae fecerat, et eran! va/de bona, id est quodlibet et singu.lum ex cunctis, respicit operum divinorum permanenttam. Semper enim manent rerum species, id est semper complacent deo «in aeternum». Unde de quolibet productorum a deo seorsum debet addi quod est va/de bonum. Propter quod post omnia et pro omnibus et pro quolibet omnium semel dictum est et simul : cuneta quae fecerat erant va/de bona, secundum illud Matth. 6 in oratione dominica : « sicut in caelo et in terra a». Secundum Chrysostomum replicandum est super quamlibet trium petitionum praecedentium, ut dicatur : « "Sanctificetur nomen tuum" - "sicut in caelo et in terra"; "adveniat regnum tuum" - "sicut in caelo- et in terra"; "fiat vol untas tua" - ."sicut in caelo et in terra" ». Notavi de hoc super illo : «del perfecta sunt opera b», Deut 32, et super illo: «Ümne datum optimumc» etc., Iac. 1..
140. Ainsi done le passage Dieu vit que e' était bon, qu'elles étaient tres bonnes, c'est-a-dire chaque chose, chaque élément de l'ensemble, se rapporte a la permanence des reuvres de Dieu. Les natures spécifiques des choses (créées) sont, en effet, toujours stables, c'est-a-dire pour Dieu objet de complaisance pour l'éternité t •. Telle est la raison d'attribuer la qualification tres bonne a chacune des réalités créées par Dieu et considérées une a une. Au terme de l'reuvre créatrice, il est done déclaré, en une appréciation unique et définitive sur l'ensemble des réalités créées et sur chacune d'elles: Toutes les choses que Dieu avait faités étaient tres bonnes «sur la ter re comme au ciel», ainsi qu'il est dit. dans l'Oraison dominica/e (Mt 6)a. Jean Chrysostome enseigne en effet a répéter ces paroles apres chacune des trois demandes qui précedent : «Que votre nom soit sanctifié sur la terre comme au ciel : que votre regne arrive sur la terre comme au ciel : que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » J'ai proposé une remarque a ce sujeta propos du Dt 32: «Les reuvres de Dieu sont parfaites b» et de Jc 1 : «Tout don excellentc ... »2
420
140.
c. Dt p, 4·
c. Jc
1,
d. Si 3, 14.
§ 140 a. Mt 6,
10~
b. Dt 32, 4·
17.
1. Allusion a la doctrine des Idées créatrices en Dieu : cf. ci-dessus § 1 15. · · 2. J. CHRYSOSTOME, Opus in;perf. in Matt., Hom. XIV (PG 56, 712), passage inséré par TH. d'AQ. en sa Catena aurea in Matto'.6;6 (Marietti 195 3, 1 p. 105) et repris par EcKHART au . Tráithur I'Oraison domln. § 7 (LW 1, p. 115). Par «ciel », Eckhart
421
a la suite d' Augustin entend l'Idée créatrice d'une réalité créée et par «terre» cette meme réalité en son etre substantiel propre. Pour cette conception justifiée par appel a Dt 32,4 et Qo 3, 14, cf.
ci-dessus § 25, 77-78; Parab. Gen.§ 34, 167; Comn;. Ex.§ 137; Comm. Sag. § 175; Comm. Jean § 30-31; Sern;. lat. 28/1, § 279; 28/2, § 285, 287-289.
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422
Praemissis concordat quod Rabbi Moyses ex se et Aristotele sic dicit l. 111 c. 14 : «finis» Martini «et in omni singulari speciei naturalis est», «ut sit in eo forma humana». Quod si finis, et bonum; bonum enim et finis idem. « Finis vero postremus » «in istis speciebus est sempiternitas» ipsarum, et sic valde bonum, utpote finis postremus. Unde post pauca sequitur : «Primus finis secundum Aristotelem cuiuslibet singularis est perfectio formae s.Pecialis », « ultimus vero finis speciei est permanentta sempiterna ipsius». Unde infra Rabbi Moyses sic concludit : « Opinio recta secundum » legem et philosophiam est «quod unumquodque est propter substantiam suam». Et «sicut voluit quod species hominis esset ens, ita voluit quod caeli et stellae essent entia. Et sicut voluit quod angeli essent», et «in omni ente» fuit «intentio propter substantiam ipsius entis». Augustinus etiam De vera religione c." 18 loquens de creaturis universaliter dicit : · « Quis ea fecit? Qui summe est. Quis est hic? Deus ». « Unde fecit? Ex nihilo». «Cur ea fecit? Ut essenta». Vérba sunt Augustini. Sap. 1 : «Creavit, ut essent omnia». Et in De causis dicitur quod «prima rerum creatarum est esse», id est secundum unum intellectum quod esse est prima causa rerum creatarum et creationis. Prima autem causa causarum finis est. Esse enim finis est 141.
a. Sg 1, 14. 1.. MAYMONIDE, ibid. III, c. 14 (f. 77 VS5: Fini5 Jude .. ;, 95, 195; f. 77v so-f. 78q; Munk, c. 13, Ill p. 865). z. AuGUSTIN, La Vraie Relig., xvm, 35 (BA 8, p. 70; Eckhart · · condense). · Tr:L.- de causii, prop. 4 (version Iat. médiév., Pattin, n° 37
p. 54)·
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141. Ce que je viens d'exposer concorde avec ce que Maimonide montre et tire d' Aristote : «La fin de Martín, comme celle de tout individu appartenant a u~e ~spece de la na,t~re, c'est qu'il acquiere en lut-meme sa forme spectfique (d'homme). Paree que telle est sa fin, tel est son bien (propre) », car bien et fin e' est tout un. « Mais la fin supreme, pour les natures spécifiques de ce monde, e' est leur permanence. » Tel est pour elles ce qui est tres bon, a savoir le':lr fin derniere .. Et Maimonide d'ajouter un peu plus lo m : « Selon Anstote, la fin premiere de tout (vivant) singulier, c'est l'accomplissement de sa forme spécifique;>, «tandis que la fin derniere, c'est la permanence eternelle de cette forme». 11 conclut ainsi : «La sai?-e doc~rine, fondée tant sur la Loi que sur la phtlosop4te, .est que chaque réalité a pour fin son propre etre-substantiel. » «Dieu a voulu que la nature essentielle de l'homme fut d'etre, tout comme il a voulu que les cieux et les étoiles fussent des etres tout comme il a voulu que les anges fussent. Pou; tout étant, son intention a porté sur la subsistance de cet étantt. » Cons~dérant l'univers des créatures en général, -:'-u~ustm, ~u chal?. 18 du traité de la vraie religion, ecrtt : « Qutles a faltes? Celui qui souverainement es t. Qui est-ce? Dieu. De quoi les a-t-il faites? De ríen. Pourquoi les a-t-il faites? Pour qu' elles soient. » Tels sont les termes d' Augustin z. Le chapitre premier de la Sagesse déclare : « I1 a créé toutes ehoses pour qu'elles fussenta», et le Livre des Causes: «La premiere des réalités créées, c'est l'etre3. » De sorte que e' est selon un meme et unique point de Vue que 1'etre est cause premiere aussi bien pour les réalités créées que pour leur création (effective). La premiere cause d' entre les causes, e' est la fin. En regle universelle,
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1-2
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omnis actionis universaliter. De quo mox infra melius apparebit.
l'etre est fin pour toute action 4. On le montrera mieux plus has.
CAPITULUM SECUNDUM
CHAPITRE DEUXIEME
lgitur perfecti sunt caeli et terra. Et infra : requievit die sep#mo ab universo opere quod patrarat. 142. Nota : de requie dei, qua dicitur requievisse ab operibus suis, diversa et varia scripta sunt a diversis sanctis et expositoribus. Quibus in sua veritate salvis quattuor sunt hic notanda. Primo, quomodo deus et ipse solus quiescit et in se ipso solo quiescit, rursus ipse et solus ipse dat requiem et requiescere facit omnia, quae citra sunt, et in ipso et solo ipso quiescunt omnia. Secundo notandum est, quid est quod ait : ab universo opere suo quod patrarat. Tertio respondendum quibusdam quae his videntur obviare. Quarto ponentur quaedam breves et faciles litter~les expositiones eius, quod hic dicitur deus quievtsse.
4· Outre la suite immédiate (sur Gn 2,1s), voir Pro/. gén. § 8 ci-dessus; Comm. Sag. § 27, 202. § 142 1. Renvoi global aux auteurs nommés au §t et que déja citait la Glose sur Gn. chap. 2 (PL 113, 82s). HUGUES de SAINT-Ci-IER, Postilles in Gen. c. 2, offrait des compléments. I1 s'agit de textes d' AuGUSTIN surtout, La Gen. ail s. litt. IV, c. 8-20 (p. 298s); D.e"Gen. c. Manich. 1 c. 22-25 (PL 34, 189s); B:EDE, In Gen. (CC II8 A~ p. 33-39). P. LoMBARO, Sent. 11, d. 12., c. 5 n° 4
Le repos de Dieu. Le ciel et la terre furent done ainsi achevés avec tous leurs ornements ( ...) et Dieu se reposa le septieme jour, apres avoir achevé toute l'reuvre qu'il avait accompije (z, 1-z). Remarque : au sujet du repos de Dieu, de ce qu'il s'est, comme il est dit, reposé de toute son reuvre, plusieurs théologiens et exégetes ont proposé des considérations di verses et variées 1. Sans préjuger de leur vérité, on notera ici quatre points. Premierement : comment il se fait que Dieu, et Dieu seul, est en repos et se repose uniquement en lui-meme. Ensuite : Dieu, et Dieu seul, donne le repos et fait reposer toutes choses qui sont en de~a de lui. Et c'est en lui et en lui seul que toutes trouvent le repos. Deuxiemement: on notera ce que signifie la parole se reposer (de toute son ceuvre) . Troisiemement: on répondra aux objections quise présentent. Quatriemement: on proposera sur ce theme du repos de Dieu quelques exégeses littérales qui seront breves et faciles. 142.
(p. 388), reprenait un exposé d'Hugues de Saint-Victor; d. 1 s, c. 7-10 (p. 403s) TH. d'AQ., In Sent. 11, d. 15, q. 3 a. 2-3; ¡a P. q. 73·
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EXPOSITIO LIB. GENESIS
Le repos véritáble; privile'ge de Dieu.
143. Primum istorum quantum ad utramque partem declaro unica ratione syllogistica quae est ista. Esse est quod in se ipso solo et ipsum solum quiescit, et rursus ipsum esse et solum ipsum esse dat quietem et facit in se ipso et solo ipso quiescere omnia quae citra ipsum sunt. Sed deus est ipsum esse et solus ipse. .Igit~r deus in ~e quiescit et in se quiescere facit o mma. Minor apparet supra ex Opere propositionum et in Prólogo generali. Maiorem sic declaro : esse, utpote primum et per consequens immobile, quia arite omne mobile prius est immobile, quiescit. Rursus ipsum esse, utpote supremum et per consequens perfectissimum, immobile est et quietum. Ratio est quia « motus est actus imperfecti ». Patet igitur quod esse ipsum quietum est et quiescit in se ipso, non autem in altero, tum quía in ipso sun~ omnia, tum quía extra ipsum esse utique nihil es t. Igitur ipsum esse quiescit in se ipso solo, et rursus ipsum solum in se ipso quiescit. Patet hoc ex
143. Pour le premier point et ses deux parties, je propose une unique explication syllogistique. L' etre est ce qui repose en soi-meme exclusivement et qui seul repose.- Et de plus, l'etre meme et seul l'etre meme donne le repos et fait reposer en lui et en lui seul toút ce qui est en des:a de lui. Or Dieu, et lui seul, est l'etre meme. Done Dieu repose en lui-meme et fait reposer en lui-meme toutes choses. · La mineure est évidente a partir de ce que j'ai dit dans l'CEuvre des propositions et dans le Prologue généra/ 1• Je prouve la majeure comme suit. En tant qu'il est rr ~ premier et par conséquent immobile- puisque avant 1 Vi tout mobile il y a de l'immobile -l'etre est en repos 2• De plus: i1 est immobile et en repos en tant que supreme et done en tant qu'il est ce qu'il y a de plus parfait. La raison en est que «le mouvement est l'acte d'un sujet inachevé3». Il est done évident que l'etre meme est en repos et repose en lui-meme et non en un autre, d'abord paree qu'en lui sont toutes choses, ensuite paree qu'en dehors de l'etre il n'y a que le néant4. Done l'etre meme repose exclusivement en / lui-meme, et lui seul se repose en Jui-meme. Cela
1·. Cf. Prol.gén: § 8, i2.'.:~13; Comm. Ex'. §17-18, 24, q8,'161. Eckhart s'inspire probablement de THoMAs d' AQ.~ ¡a P. q. 2. a. 3 (prima via), lequel développe ARISTOTE, Phys. VII, c. 1, 2.42. a 15s; VIII, c. 5, 2. 56 a4s, sur le Premier Moteur Immobile. Voir Comment. de Th. In Phys. VII, lect. 2. (Marietti n° 891); VIII, lect. 9 (n° 1037); lect. 11 (n° 1068) et h!ct. 12. (n° xC>7I ). On se souviendra que le terme aristotélicien « mouvement » (motus), en sa sigriifici:ltioh technique 'génuine; dit non pas transfert local mais acces a l'actualité de l'etre pour ce qui était seulement virtuel et rion existant. Parallelement, le terme immobile, surtout appliqué par les théologiens a Dieu, exprime la stabilité et la permanence dans l'activité et le_bonheur supremes, et nullement -. - - -privation d'agir ni inertie. Avec Augustin et B,oece (cf. ci-dess~s § 47; ci-dessous_§ 164), Eckhart entend. le -privilege divin. -de l'i111mobilitas comme - parb~ysme ~onstánt du bonheui" párfait; comme exemption 2.
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définidve d~ toute précarité inquiétante. Voir Comm. Sag. § 12.5·, 159, et ci-dessus § 79· ~ 3· ARISTOTE; De l'áme, III, c. 7, 431 a6-7. Comme il est évident depuis Pro/. gén: § 13, Eckhart entend par «etre meme» l'lpsum esse d'Augustin, l'«etre-véritable» selon Denys (DN, c. 5, 817 C; Dion. I, p. 331s), l'Acte Pur selon Aristote. Voir Comm.Jean § 32.5; Comm. Sag. § 19; Qu¡ Paris.ll § 3· ALBERT le GRANO, Phys; V tr. 1, c. 9 (Bet 3 p. 37SS) expose le rapport mutation-repos qui est ici stipposé. ·_ . 4· Pour le sens théologique de la formule «en lui (l'etre) sont · - · toutes choses», cf. Serm. lat. 4-~i § 2.3.
COMMENTAIRE DE GENESE z,
EXPOSITIO LIB. GENESIS
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praemissis, eo scilicet quod nihil aliud sit primum aut perfectissimum.
découle de ce qui précede, c'est-a-dire de ce que rien d'autre que l'etre n'est premier ni plus parfait.
144· Adhuc autem ipsum esse, utpote bonum aut potius rationem boni, omnia appetunt, quaerunt et desiderant et per consequens in se ipsis inquieta in illo quiescunt. Desiderium enim et appetitus quidem motus sunt quiescentes in illo et adepto illo quod desiderant. Ergo omne, quod citra esse est, in se quidem inquietum est et in ipso esse quiescit. Patet igitur maior quantum ad hoc quod esse et ipsum esse solum quiescit in se et in se ipso solo et quod omnia, quae citra sunt, in ipso quiescunt.
'.144. De plus, c'est l'etre meme, en tant qu'il est bon ou plutot raison du bien, que toute chose veut, demande et désiret. C'est done en lui que les etres en eux-memes privés de repos trouvent leur repos. Désir et appétit, qui sont des mouvements, trouvent leur quiétude dans l'etre, une fois acquis ce qu'ils recherchent2. Done toute réalité située en de<;a de l'etre est en elle-meme privée de ce repos et n'a de repos que dans l'etre meme3. Voih1 expliquée a l'évidence la majeure affirmant d~une part que ·l'etre et que seul l'etre meme repose en soi et en soi seul, et de l'autre que toutes choses en de<;a trotivent le repos· en lui.
145· Adhuc autem videmus manifeste quod omne operans in arte et natura quiescit adepto esse sui operis. Doniificator quiescit siquidem adepto esse domus. Statim enim ut domus est, et habet esse domus, sic et in aliis. « Praesentibus enim habitibus » quiescit motus, ut ait philosophus. Esse autem omnium et omne esse artis et naturae in quantum esse, id est in ratione esse, a deo et a solo deo est. Igitur deus dando esse rebus dat ipsis requiem et facit ipsas quiescere. Et hoc de primo ad praesens sufficiat. § 144 1. Voir ci-dessus § 135-137 et ci-dessous § 174 (avec . Avicenne). 2. Voir Comm. Jean § 375· Eckhart reprend sans doute un exposé de TH. d' AQ. sur le désir et l'amour du bien dans l'espérance (In Sent. III, d. 26, q. 2, a. 3 sol. II; Moas n° 122s); ¡a P. q. 73• a. 2. . . . . 3· Eckhart use de l'antithese fameuse d'Augustin: «inquietquiet», explicitement formulée ci-dessous § 149. Voir Comm. Ex. § 158; Comm. Jean § 205, pour la formulation de style philosophique universel qui vise avant tout le cas de l'homme et son acces au repos de la béatitude. eschatologique. § 145. 1. ARISTOTE, De gener~ et corrupt., I, c. 7, 324 b17.
145. En outre, nous voyons manifestement que tout agent, dans l'art ou dans la nature, trouve le repos des que son reuvre a re<;u l'etre .. Le maitre d'reuvre se repose des que la maison a re<;u l'etre, sitot qu'elle est et possede son etre de maison; il en est ainsi en tout. «Une fois l'habitus acquis », le mouvement s'arrete, comme dit Aristote 1• L'etre de toute chose, de toute réalité artificielle ou naturelle, en tant qu'il est etre, c'est-a-dire qu'il a la raison d'etre, existe de par Dieu et de par Dieu seul. Done en donnant l'etre aux choses, Dieu leur confere le repos et les fait reposer2. Voila qui suffit pour le premier point. .
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2. Voir Comm. Sag. § 19, 177, 257, 26o. Comme l'exige le theme du repos explicité par les notions de fin et de béatitude ultimes, il faut conserver bien présente la conception fondainentale d'Eckhart: c'est dans la mesure de la conversion (epistrophi philosophique et metanoia biblique a la fois) vers son Priricipe que la créature inteUigente res;oit l'etre. TH. d' AQ., ¡a P. q. 5 a. 6, conjugue repos et bien délectable; ScG II, c. 73 (n° 1520): repos et acquisition noétique définitive.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
146. De secundo autem, scilicet quod dicitur deus quievisse ab universo opere quod patrarat,. notandum
_r
primo quod deus operando quiescit, proptér sex rationes. Primo, quia, sicut creatura habet esse suum et suum esse sive sibi esse est accipere esse, sic deo esse est dare esse, quia universaliter ipsi a!?e~e sive op~~_ari est esse. . / .Secundo operando quiescit, quía operari et operatum esse apud ipsum et in ipso simul est et idem est. Omnis autem operans quiescit, quando operatus est et quando ipsúm operatum est sive esse habet. Tertio quiescit operando, quia volendo operatur. Nihil ipsi resistita, quin immo omne quod agit et operatur totum esse suum ah ipso accipit et ad nutum oboedit.
147· Praeterea quarto sic: quanto agens est prius et superius, tanto agit naturalius, facilius, dulcius ac suavius, sicut ostensum est supra De natura superioris. Deus autem est primum agens et supremum. Igitur operatur sine laboré, quiescendo, delectabiliter, dulciter et suavissime, secundum illud : « Disponit omnia suavitera».
l. § 146 1. «Recevoir l'etre», «donner l'etre»: voir Comm. Sag. \ § 2.92, ou l'idée s'éclaire par référence a AUGUSTIN, La Gen. au S. litt., VIII, XII, 25 (BA 49, p. 48s); IV, XII, 22s (BA 48, p. 308s), et a Grégoire, Moralia, XVI, c. 37 n° 45 (SC 221, p. 2o6), lesquels enseignent que l'reuvre créatrice est assistance constante et que l'état de créature dit dépendance permanente. Ces deux réf. figurent dans un exposé de Th. d' Aq. (QD de pot., q. 5, a. 1) sur la question. «Pour lui, agir, c'est etreJt: BoECE, De hebdom. (PL 64, 1314 B), commenté par TH. d'AQ. In B. De Hebd., lect. S· (~ar~~_tti 0° 71) et développé ScGmt.· I, c. 73; 11, c. 9· 2~· o ir Pro/. gén. § 17> 21, ci-dessus~ .
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Nature du repos divin. 146. Sur le deuxieme poip.t principal, a savoir qu'il est dit : Dieu se reposa de toute 1'auvre qu'il avait t accomplie, il faut noter tout d'abord que Dieu repose 'Vv: en reuvrant. Six raisons le montrent: 1. De meme que la créature a son etre et que son etre, ou ce qui .pour elle est etre, e' est de recevoir 1' etre, ainsi, pour Dieu, etre, c'est donner l'etre, paree qu'en regle universelle, pour lui, agir o u reuvrer, e' est etre 1. 2. Dieu repose en reuvrant, car en lui et pour lui reuvrer et avoir reuvré sont simultanés et identiques. Mais tout autre agent ne se repose que quand il parvient au terme de son action et quand son reuvre existe ou a l'etre2. 3· Dieu reuvre en reposant paree qu'il reuvre en voulant3. «Rien ne lui résistea»; mieux: tout ce qui agit et reuvre rec;oit de lui son etre et lui obéit au moindre signe.
+
I47· 4· Plus un agent est noble et de rang élevé, . { plus il agit de fac;on naturelle, aisée, douce et \ agréable, ainsi qu'on l'a montré plus haut au traité De ,/ la nature du supérieur. Or Dieu est l'agent premier et supreme. Done il reuvre sans prendre de peine, en \ restant en repos, d'une mani~re agréable, suave et -. do u ce 1, selon ce passage de l'Ecriture : « 11 a disposé tout avec douceura. » · 1
3. La mention du vouloir divin pour la création vise la théorie de l'émanatisme nécessaire du créé a partir de son ' Principe. Voir ci-dessus § 6; ci-dessous § 169. § 147 1. Voit AUGUSTIN, La Gen. au s. litt., IV, xu, 23 (p. 308), qui allegue Sg 8, 1, texte soigneusement commenté par ¡ EcKHART, Comm. Sag. § 167-200. Annoncé des Pro/. gén. § 4, le '_)· traité De la nat. du (príncipe) supér. n'est pas connu. Voir ci-dessus § 14 et 63.
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148. Adhuc quinto sic : deus operando quiescit et dat quiescere operato. Ratio est, quia hoc est omni creaturae esse et natura et summum bonum et sibi melius et dulcius et quietius, quod deus vult ipsam esse et quomodo vult ipsam esse, ut supra dictum est de opere sextae diei. Igitur tam ipse deus operans quam creatura operata naturaliter quiescunt et delec,. f tando operantur active et passive hinc inde. Omne ' ' . enim quod natura rei est, dulce est et quietum. 149· Rursus sexta ratio est, quía ipsum fieri rerum et ipsarum motus figitur per esse et in esse, quod a deo est, et per consequens quietatur in illo. Es se enim desideratissimum est, quiescens, dulcorans et quietans omnia. Praedictis concordat illud Augustini I Confessionum : « Fecisti nos, domine, ad te, et inquietum est cor nostrum, donec requiescat in te»; et Boethius universalius loquens ait: «Stabilis manens das cuneta moveri ». 150. Secundo principaliter notandum quod ait: ab universo opere quod patrarat. Quinque videntur hic notanda. Primo, ut sit sensus quod deus patrat et « operatur» universa opera, quae sunt et fiunt «usque modoa»,
§ 148 1. Voir Comm. Sag. § 169 : est nature ce qui est recherché au titre de fin; cf. ibid. § 175 et 18o: l'opération divine au sein de la créature est suave paree que pour celle-ci elle est sa fin béatifiante. § 149 1. Voir Comm. Sag. § 2.7. «L'etre objet de désir»: AviceJ:Ine, cité Prpl. gén. § 8; ci-dessous § 174, 2.2.6, 2.43; Comm. Sir. §" 44; Comm.]ean § 409. Déja repris par la Postille d'H; de
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148. 5. Dieu repose en reuvrant et donne le répos a son reuvre. La raison en est la suivante: pour toute créature, l'etre, la nature, le bien supreme, ce qu'il y a de meilleur, de plus agréable et de plus reposant, c'est que Dieu veut qu'elle soit et qu'elle, soit de la fa~on qu'il veut,- comme il a été montré ci-dessus a propos de l'reuvre du sixieme jour. Done aussi bien Dieu producteur que la créature produite sont par nature en repos. Partant l'un et l'autre exercent leur opération, le premier a titre actif et la seconde a titre passif, avec délectation. En effet, tout ce qui, pour une réalité, est sa nature,;c<;ela lui est douceur et repos 1 • 149· 6. Le devenir et le mouvement des choses parviennent a se stabiliser grace a l'etre et dans l'etre, qui est de Dieu, et, par conséquent, c'est en lui qu'ils trouvent le repos. L'etre est, en effet, ce qu'il y a de plus désiré, donnant a toutes.choses repos, douceur et quiétude. Cela concorde avec ce que dit Augustin au livre Ier des Confessions: «Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et (... ) notre creur est sans repos jusqu'a ce qu'il repose en toi», et avec ce príncipe qu'énonce Boece: «Toi qui, demeurant stable, donnes le mouvement a toutes choses t. )) 150. Toujours concernant le deuxieme point principal, il faut noter qu'il dit: de toute l'ceuvre qu'il ava,it accomplie. Cinq remarques : 1. Il faut interpréter ce passage ainsi: Dieu accomplit et «reuvre» toutes les reuvres qui '·sont et sont faites «jusqu'a mainte-
St-Cher, le passage d' AuGUSTIN, Confess. 1, 1, 1 (BA 13, p. 2.72.) ménage antithese et assonance: «creur inquiet - quiétude». Boece: cf. ci-dessus § 47· Eckhart s'appuie probablement sur TH. d' AQ. (la P. q. 8, a. 1 : texte ou figure ls 2.6, 12. cité ci-dessous § 150).
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loh. 1 : « Omnia per ipsum facta sunt, et sine ipso factum est nihil 0 ». Is. 26 dicitur : « Omnia opera nostra.operatus es, dominec». «Üpera nostra»: ecce quod, quamvis «nostra» et a nobis facta, nihilominus deus operatur « omnia » - Ro m. 1 1 : «Ex ipso et in ipso et per ipsum sunt omnia», quantum scilicet ad ' \ triplex genus causaed- «omnia», inquam, «nostra», non solum naturae, sed et artis et voluntatis «opera». Nec obstat quod dicitur patrarat. Apud ipsum enim simul et id ipsum et praesens est et in fieri et operad omne praeteritum et futurum, secundum illud Ioh. 5 : «Pater meus usque modo operatur, et ego operore».
151. Secundo notandum quod apud nos tam in arte quam in natura non cessamus nec cessatur ab opere. Ratio est, quía operata non sunt perfecta nec semper duratura, sed imperfecta et casura. «Dei autem perfecta sunt opera a», Deut. 32, et ideo semper duratura, Eccl. 3 : « Didici quod omnia opera, quae fecit deus, perseverent in aeternum h». Quibus tamen . hoc addendum est, quod una eademque operatione simplici deus res omnes creatas conservat in esse, qua ipsas in esse produxit in principio, secundum illud : « Semel loquitur deus e» etc., Iob 33· Natura vero et ars alia et diversa operatione res casuras conservat in. esse et lapsas reducit § 150 a. Jn 5, 17· h. Jn 1, 3· c. Is 26, 12-13. d. Rm 11, 36. e. Jn 5, 17. · § 151 a. Dt 32, 4· h. Si 3, 14. c. Jh 33, 14.
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nanta» t. Jn 1 : «Tout a été fait par lui et sans lui rien n'a été faitb.» Il est dit en Is 26: «Toutes nos J <J:.uvtes, c'est vous, Seigneur, qui les accomplissezc.» l_ Nos reuvres: bien que notres et opérées ,par nous, ~· est néanmoins Dieu qui opere tout. L'Epitre aux Romains, chap 1 1, déclare : «De lui, en lui et par lui sont toutes choses d» - d'apres les trois causes, done. «Toutes nos reuvres», dis-je, et non pas seulement celles de la nature, mais également celles de l'art et de la volonté 2 • Aucune difficulté pour le verbe au passé avait accomplie. En effet, conformément a Jn r: «Mon Pere ne cesse point d'agir jusqu'a maintenant et moi r ( \ aussi e», en Dieu, tout passé et tout futur sont, en leur ) devenir passif comme en leur production active, ) choses contemporaines et identiquement du présent.
151. 2. I1 n'y a, chez nous, ni dans l'ordre de l'art ni dans celui de la nature, aucune cesse pour l'activité: rien ne cesse d'agir. La raison en est que les reuvres produites ne sont ni parfaites ni destinées a durer toujours; elles sont bien plutot imparfaites et destinées a disparaitre. «Les reuvres de Dieu sont parfaites»: Dt 32 a, et sont en conséquence destinées a durer toujours. Qo 3 : «J'ai observé que toutes les reuvres que Dieu a accomplies demeurent a jamais b. » r -~ Il faut toutefois no ter que e' est par une meme et 1 identique opération simple que Dieu a la fois conserve dans l'etre toutes les choses créées et qu'il les a produites dans l'etre au commencement. D'ou la parole de Jb 33 : «Une fois (pour toutes) Dieu a parlé c.» Tandis que c'est par des opérations distinctes et diverses que la nature et l'art assurent aux choses
1. AuGUSTIN, La Gen. au s.litt., IV, XI, 2.1 (p. 306), rSPris par P. LoMBARD, St_nl. II, d. 15, c. 7 (p. 404), cite Jn f, 17 (« ...
Jusqu'a -maiñrenant») ..
1, 1-1·
2.
Cf. Comm. Jean § 647.
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ad esse. Adhuc autem : res omnes naturae et artis quamvis corrumpantur, semper manet ens, licet corrumpatur hoc et hoc ens. Propter quod causa huius aut huius entis. non cessat. nec quiescit ab opere su o. Et haec est ratlo, quare dtctum est ab opere, non «in opere», cuius etiam alía causa est supra assignata. 152. Tertio : deus quiescit ah opere universo, non solum ab hoc aut illo, sicut domificator non quiescit ab ~pere peracto ft;tndat?ento et pariete, sed peractis parttbus domus umversts. Causae ergo aliae secundariae citra deum quiescunt ab hoc autillo opere, deus autem, utpote causa universalis, quiescit ab universo. Primum enim agens finem ultimum omnium inspicit et finis ipsi respondet. '
~53· Quarto dicitur deus quiescere non ab hoc aut ab tilo opere sed ab universo, quía providet bonum non tantum uní aut alteri, sed pro convenientia totius ~niver~i, sicut verbi gratia _natura particularis agens mtendtt masculum, non femmam, natura vero univer-
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§ 1 51 1. Identité de la création et de la conservation daos l'etre par la Providence: avec THOMAS. d'AQ., ¡a P. q. 104, a. 1 ad 4; ScGent. III, 64-65; Lectura in ]oan. c. 5, lect. z (Marietti no 739). Cette ~de?tité motive le rejet de l'interprétation courante de la creatton comme reuvre ·accomplie daos le passé s~~lement. Chez.Th. d':\q. elle fonde la doctrine de la supériortte de la perfection ultime (laquelle est acquise lors de l'acces a la béatitude: cf. ~~~P. q. 73, a. 1) sur la nature du sujet créé. Chez E:c10art elle s~~tlent ~n~ore la c~ception encore plus néoplatomctenne de 1etre ventable qu1 est acq_uis uniquement par conversion au Príncipe. Voir ci-dessus § zo; Pro/. gén. § 1g; Com'!I;·Stlg. §·29z;· Comm. jean § 58.z. . ·
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2., x-2.
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caduques la conservation dans l'etre ou le retour a l' etre pour celles qui ne sont plus t. En outre, si meme toutes les. choses de la nature et de l'art se corrompent, l'etre demeure toujours, car ce qui se corrompt, c'est tel ou tel étant. Aussi bien la cause de cet étant-ci ou de cet étant-la ne s'arrete ni ne se repose en son ceuvre. C'est pourquoi il est dit: (se repósa) de fauvre et non pas «dans son ceuvre». Sur ce point, on a noté plus haut une explication.
15 2. 3. Die u se repose de toute son auvre, non pas de ceci ou de cela, comme le maitre d'ceuvre qui ne s'arrete pas quand §_Ont posées les fondations ou élevés les murs, mais~ seulement quand la maison est terminée en toutes ses parties. Toute cause seconde en de<;a de Dieu se repose de cette ceuvre-ci ou de cette ceuvre-la. Dieu, luí, en tant que Cause universelle, se repose de l'universalité (de son ceuvre). C'est la fin ultime de tous les etres que vise 1' Agent premier, et cette fin corresponda ce qu'il est lui-meme 1.
153. 4· Il est dit Dieu se repose, non de cette ceuvre-ci ou de cette ceuvre-la, mais de l'universalité (de son ceuvre), paree qu'il pourvoit au bien, non pas seulement de l'une ou l'autre créature, mais au bien qu'appelle toute leur universalité. Ainsi par exemple, la nature, qui, en tant que cause agente particuliere, .\ veut le sexe masculin et non pas• le sexe féminin, 111'> § 15z 1. Pour la ·disparité agent second- Agent Premier, voir Pro/. CEuvre prop. § 3, 23; Comm.Jean § 6o; zz6; Comm. Sag. § 71 (avec Maimonide et Th. d'Aq., ¡a P. q. zz), So, 183. Correspondance de la fin avec ce qu'est le Principe-Agent Premier: avec TH. d' AQ., ¡a P. q. 103, a. z; ScG III, c. I 7-18; In Metaph. XII, lect. u (n° z63 1 : sentence célebre d' Aristote : 1' Acte Pur est moteur, meut l'univers, au titre d'objet d'amour). Eckhart repre11d ceci Comm. ]ean § 42, 339·
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salis et universo providens intendit etiam feminam. Licet ignis comburat pannum pauperis, tamen bonus est universo. Et mala bene ordinata sunt ad decorem et integritatem universi a deo, ut malum unum ordinet aliud malum. Et secundum istum modum quamvis aliquid sit malum huic, si tamen fuerit bonum toti universo; respicit deus melius et perfectionem universi cum detrimento partís, sicut medicus in praecisione membri.
...
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· 1 54· 5. Dieu se rep~se, de t~ute ;on .auvre, ~ sa~oir qu'il n'a plus désormats a creer 1 umvers, s1 meme toujours et jusqu'a p~ésent il ol?ere et cooper~ ch~que jour pour la productton de cec1 <;m d~ cela, d ~pres ~~ parole: «Mon pere ne ..cesse pomt d ce':lvrer }usqu a maintenanta ... » Le mattre d ceuvre, lm auss1, cesse d'édifier la maison (achevée), mais reste actif en en améliorant telle o u telle partie 1•
a. Jn 5, 17.
§ 153 x. La question du mal et de la contradiction qu'il oppose a l'assurance de la foi quant a la sollicitude de Dieu-Providence re~oit un essai d'élucidation optimiste chez AuGUSTIN, notamment Enchirid., m, 10-12. (BA 9, p. u8s); XXIV, 96 (p. 2.72: repris P. LOMBARD, Sent. 1, d. 46, c. 3 n° 6, p. 315; c. 4, p. 317); Du libre arbitre, 111, IX, 2.7 (BA 6, p. 376); XI, 32 (p. 386s). Aug. tente de manifester l'utilité finale des maux limités par leur intégration dans le plan supreme du salut bien supérieur et ultime. EcKHART: ci-dessus § 12.-13, 2.1, 69; ci-dessous § 163; Comm. S ag. § 35-37, 40, 72-73, 197, 200 (avec Aug. et Hugues de St-V.), 2.35. 2.38; Serm. lat. 2I § 202. (cite Avicenne sur le feu qui, bien qu'en soi excellent, dévore le manteau). THOMAS. d'AQ. offre aussi a Eckhart des appuis: ·cf. ¡a P. q. 103; q. 15 a. 2.; q. 19 a. 9; ScG 1, c. 78 n° 663; c. 85 no 714. L'exemple de la génération d'un vivant de sexe féminin évoque la these at?-tique (depuis Aristote, De gen. anim., 11, c. 3, 737~n8s; BeUes-Lettres, p. 62; cf. IV, c. 6, 775 a 15, p. 167)
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tandis que, comme cause agente universelle qui pourvoit a l'univers, elle veut également .le sexe féminin. Ou bien encare le feu, qui pour l'umvers est chose excellente si meme i1 arrive qu'il consume le manteau du pau;re. Les maux sont bien ordonnés par Dieu pour la beauté et l'intégrité de l'univers, d~ fa~on qu'un mal limite et corrige un autre mal. S1 meme quelqu~ chose est mal J?~Ur tel indÍVÍ~U ~ingu lier, pour l'umvers en sa totallte, ~ela reste be!lefique. Dieu poursuit de la sorte ce qut est le medleur et assure la perfection de l'univers, malgré le dommage supporté par telle p~rt~e. Le méd~cin, lors de l'amputation d'un membré, Juge de meme 1•
154· Quinto : deus quiescit ab universo opere, scilicet ut non creet amodo universum, quamvis semper usque modo cotidie operetur et cooperetur hoc aut illud, secundum illud : « Pater meus usque modo operatura». Sic et domificator cessans a domo tota facienda operatur tamen emendando hanc aut illam partem aliquam ipsius domus.
2, 1-2·
professé~ alors par to~s les médecins 9uant ~ l'intention d~ la nature de produire un sujet ~as,cul~n et ,a la ~ertu~b~tt?n «accidentelle» provoquant la generatton d un sujet femmm. Déja évoquée par ARISTOTE (ibid., IV, c. 3, 767 b9s, p. 146), la nature comme agent universel veillant a la production du sexe féminin est rapprochée de Dieu principe de la nature chez Eckhart (a la suite de TH. d' AQ., ¡a P. q. 92., · a. 1 ad 1; ScG 111, c. 94 n° 2.695): cf. Parab. Gen.§ 115, 12.1; Comm. Sag. § 49, 197, i31; Serm.lat. 40/4 § 404; Serm. al/. 28 (DWII, p. 63s; Ancelet l, p. 233)· . . . . . . , 1 § I 54 I. L'argument recele la profondeur et l'obscurlte ~e la , \\doctrine d'Augustin sur le double mom:nt (n?~ chronolog~que) \ de la création: d'abord dans les Idees dtvmes_ ou · ratson~ ) créatrices, ensuite avec le développement dans le temps qut ¿'
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~55· Sciendum aute~. quod prae~issae quinque rattones procedunt acctptendo h umverso collective. Sexta ~u te~ ratio, .quae .n~~c sequitur, accipitur, prout lt ~mv~rs~ sumlt~r dtv~stve, ut sit sensus quod deus qme.sct~ m qu?hbet, m singulo opere, quod operatur m tpso umverso, sic in mínimo sicut in maxi.mo, sic in uno sicut in omnibus. Ratio est quia 9uohbe~ opus su~m deus se toto agit et se toto est in Illo, et lterum quta opus mínimum in deo tantum et a:quale est operi ~aximo. .Propter quod doctores ~1cunt quod rerum maequahum aequales sunt ideae 1~ ?eo. Et hoc est quod in Libro 24 philosophorum dtcltur : « Deus est totus in quolibet sui »; et iterum : « Deus est sphaera infinita, cuius centrum ubique est et circumferentia nusquam »; et rursus : « Deus est sphaera, cuius ~ot sunt circumferentiae, quot sunt p~ncta». Notavt de hoc infra super illo : «Nec qui mmus paraverat, repperit minus», Exodi r6a.
156. Septima ratio et octava sunt morales. Primo ergo accipiendo li universo collective moraa. Ex 16, 18. explicite les «genres _n~:mveaux». Voir La Gen au s. litt. IV, xn, 2.2-23 (p. 308; textectte P. LOMBARD, Sent. II, d. 15, c. 4, p. 404); V, IV, u_; xx, 41 (p. 388 et p. 43o); X, m, 5 (BA 49, p. 156s). 1. V01r Comm. Sag. § 27, 72. Par-dela la diversité de leur interprétation des I~ées créatrices, les théologiens s'accordaient alors--: surtout depws_la me~ure adoptée en 1241 par l'Université d~ Par~s (Char~u_l. Umv. Pr:rz~._I,p. 17~s! J?r~p. n° 7) et prohibant d ensetgne; qu ~1 a multtphctte ,de_ v,erttes eternelles - pour dire que les Idees <;llv:~e~ s~nt des realites uniquement virtuelles. et que l~ur m~lttpliate dec<;mle de la pensée divine dont l'objet pre~er est 1esse_nce de Dteu comme mesure unique et unifiante. D'ou la concess10n que ces Idées sont réalité une done sont égale~ en5re e!I~s :.cf. TH. d' AQ., QD de veril. q. 3, ;, 2 (éd. crit. surtout hgnes 2.66s); Roger MARSTON, QD de anima, q. 4, sol.
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· 155· Il faut observer que les cinq arguments susdits supposent l'interprétation en un sens collectif du terme toute (son auvre ... ). 6. Voici un sixieme argument ou on l'entend au sens distributif: Dieu se repose en n'importe laquelle et en chacune des ceuvres qu'il accomplit dans l'univers. Il se repose aussi bien dans la plus petite que dans la plus grande, en une comme en toutes. Cette interprétation se fonde sur ceci que Dieu fait son ceuvre par tout lui-meme et qu'il y est présent par tout lui-meme. De phis, en Dieu l'ceuvre la plus petite est aussi grande que_ la plus grande et luí est éga1e. Les théologiens en5eignent en effet qu'en Dieu les Idées des choses inégales sont égales 1 . A u Livre des XXIV Philosophes, il est écrit: «Dieu est tout entier en tout ce qui est sien»; et encore : « Dieu est une sphere infinie, dont le centre est partout et la circonférence nulle part»; et enfin: «Dieu est une sphere dont il y a autant de circonférences qu'il y a de points 2. » Sur ceci, je propose ci-dessous une remarque, au su jet d'Ex r 6 : « Celui qui avait préparé peu disposait de tout autant a.» I 56. Les septieme et huitieme arguments sont d'ordre moral. 7· D'abord en entendant le terme toute (l'auvre ... )
(Quaracchi, p. 315); HENRI de GAND, Quodlibet IX, q. 2, Resp. (Paris 1p8, f. 344, Y-Z); S. qu. ordin., a. 68, q. 5 (Paris 1520,11 f. 230, R). ECKHART, Parab. Gen.§ 55, 59; Comm. Sag. § 22-2.3; Comm. ]ean § 45, 395, 557-5 59; Serm. al/. 9 (DW I, p. 148s; Ancelet, I, p. 1o1s); 12 (DWI, p. 199s; Ancelet, p. 12.3). 2. Livre des XXIV phi/os., Prop. III, 11 et XVII (Baeumker, p. 208 et p. 212.). C'est un ouvrage anonyme, issu sans doute de l'école de Chartres au xne s. et utilisant des sources plus ou moins gnostiques. Comm. Ex.§ 88-92.; Comm. Sir.§ 2.o; Comm. ]ean § 371, 6o4; Serm. lat 4! § 458.
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liter vult dicere : deus in his quiescit, qui non solum unum mandatum sive opus bonum faciq.nt, sed qui universa. «Nec enim una hirundo facit ver, nec una dies » clara aestatem, ut ait philosophus. Exodi 2.4 : «Ümnia quae locutus est dominus, faciemusa». r. r Conexae sunt enim virtutes tam apud theologos ' :.; \ quam apud philosophos.
. 157· Octava ratio moralis est accipiendo li universo divisive, et est sensus quod deus quiescit in quolibet opere bono quantumvis mínimo, puta in calice aquae frigidae a, si tamen deus et amor ipsius operatur in nobis opus. Non enim censum attendit deus, sed affectum, secundum Gregorium. Et Ambrosius De officiis l. I dicit : «Affectus tuus operi tuo nomen imponit». 158. Tertio principaliter notandum quod praemissis obviare videtur quod quies est ptiv.atio, et sic non videtur deo competere quiescere. Praeterea Sap 7 dicitur : « Omnibus mobilibus mobilior est sapientia a»; ergo non quiescit. Ad primum dicendum quod quies privatio quidem
§ 15 6 1. ARISTOTE, Éthique Nic. 1, c. 6, 1098 a 18 ; trad. fran~. Gauthier-Jolif, 1 p. 16. . 2. Pour le theme de la connexion des vertus morales voir ci-dessus § 8 8. . ' § 1 S7 1. GRÉGOIRE le GRANO~ Hom. sur 1'Evang., 1, hom. 5 0° 2 (PL 76, 1093 B) rapporté selon le seos. AMBROISE, De ojjiciis minist.}, C: 30 .~.0 147 (PL x6, 66) explicité par EcKHART, Serm. iat. JI § 322. · .· ·
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au sens collectif, on obtient une interprétation morale : Dieu repose en qui accomplit non seulement un. des commandements, c'est-a-dire une reuvre bonne mais les accomplit tous. Comme le dit le Philos~phe: «Une hirondelle ne fait pas le.print~mt's, ni une belle journée, l'été 1• » En Ex 2.4, tl est ecrtt : «Tout ce que le Seigneur a ordonné, nous. le ferons a.» Pour les théologiens comme pour les phtlosophes, les vertus morales sont connexes 2 •
'· 157. 8. Le huitii:me argument, qui releve égale" ment du sens moral découle de l'acception du terme toute au sens distriÍ>utif. Selon cette exégese, Dieu repose en n'importe quelle reu~re bon?e, si minime soit-elle, par exemple le verre d e~u fr~tche (offert au disciple a), a condition que ce .smt Dteu et l'amour .J pour Dieu qui en nous accom~lts~ent ce~te reuvre. En effet, comme l'enseigne Gregotre, Dteu ne nous demande pas d'~rgent, mai.s de, l'~mour. Dans son traité Des devozrs, Ambrmse ecnt : «Ton amour donne son no m a ton reuvre 1• »
Dif!icultés concernant le repos divin.
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158. Troisieme point p~incipal: c.e qu'on vient d'expliquer semble contredtt par le fatt que le term_e repos signifie privat~on t. En _ce ~ens, en effet, tl semble qu'il n'apparuenne pas a Dteu de se reposer. De plus comme il est dit en Sg 7 : «Plus que tout mobile, 'ta Sagesse est mobilea. » Done elle n'est pas • . en repos 2 • V oici la réponse au premter potnt : le repos est § 1 58 x. Le repos comme privation du mouvement-devenir : formule issue d' ARISTOTE, Phys. VIII, c. 8, 264 a27. 2. Cf. Comm. Sag. § 125-133.
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certes privation, mais privation d'une privation, a savoir du mouvement, comme l'un, qui est convertible avec l'etre, est pdvation de cette privation réelle qu'implique le multiple. Mais une privation de privadon, c'est une affirmation pure et parfaite, de meme que l'unité, au titre de privation de toute multiplicité, signifie en Dieu l'unité la plus pure. Et le repos de Dieu est le plus parfait et le plus .pur, car il est privation de tout mouvement3.
est, sed est privatio privationis, motus scilicet, sicut ~nu~, qu?d cum ~nte convertitur, est privatio privatl~ms !ea~ts quam tmportat multitudo. Privatio autem , prtvattoms mera est et perfecta affirmatio ut unitas \).,. pri_vatio multitudinis, est merissima dei 'unitas. Ef q~tes .dei pe~fectissima est et sincerissima, utpote pnvatto omms motus. i
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59· Ad secundum respondet Thomas p. I q. 9 a.
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V el die 9-uod hoc _ipso quod sapientia, quae deus est, «ommbus mobthbus mobiliora» esse dicitur si~nificatur ipsius quies et vera immobilitas. Nihii en~m mobile mobilius est omnibus mobilibus · iam e~um esset mobilius ~e . ips_o, quod est impos;ibile. St.cut. ergo ca~sa ?mms tgms nunquam est ignis, sed ahqutd non ~gn~s, . et causa omnis corporis non corp~~· sed ahqutd tncorporeum, sic mobilius omni ~obdt . non est mobile, sed necessario aliquid tmmobde. (
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x6.o. Vel di.c. quod «m?bi~iot» dicitur «sapientia ?mmb~s ~obtltbus»a, quta sme tempere, subito~ in mstanu agtt deus om1_1e quod agit. In his autem, quae agunt secunda agenua, quandoque .incidit motus et tempus. Ubi notandum quod motus et tempus a. Sg 7, 24. 3·. Sur ce langage négatif, cf. ici § 301 n° 2; Pro/. O. prop. § 15, Comm. Sag. § 112, 148, 281; Comm. Ex.§ 74; Comm. jean §, 207,, 575· Pour .le ~hem~ d? ,multiple comme déchéance de 1umte, comme pnvatton d umte: voir ci-dessus § 88-91; Comm.
Sag.§ III;Serm.aii.2I(DWI,p. 36os;Anceletl,p. 185s). , § .15.·9, t.. THOMltS d' AQ., ¡a P. q. 9, a. I ad 2 : (sur S ag. 7,24) ii s agtt d une fac;on de patler. Tout le créé émanant de la Sagesse
2., 1-2.
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159· Thomas d' Aquin répond au second point, ¡a Pars, q.9, a. 1, ad zm 1; tu peux également dire: «Plus que tout m o hile, la Sagesse, qui est Dieu, est mobile a» signifie le repos de Dieu et son immobilité. Rien, en effet, n'est plus mobile que l'ensemble des mobiles, a moins de postuler la théorie insoutenable d'une chose plus mobile qu'elle-meme. Done de meme que la cause du feu ne peut etre le feu, mais quelque chose d'autre que le feu; la cause des corps n'est pas un corps, mais quelque chose d'incorporel2. Ainsi ce qui est plus mobile que tous les mobiles n'est pas un mobile, mais nécessairement quelque chose d'inünobile. ·
16o. Tu peux encore dire : «Plus que tout m6bile la Sagesse est mobilea>> paree que tout ce que Dieu fait, ille fait hors du temps, subitement, en un instant. Lors de la production propre a l'agent second, il arrive qu'interviennent le mouvement et le temps. Ce créatrice, on dit que celle-ci s'étend, va jusqu'a l'etre le plus modeste. 2. Ici «cause» est entendu au registre néoplatonicien, surtout daos le sillage de Denys: l'effet est conteou daos sa cause seloo un mode virtuel et transcendant qui lui impose dissimilitude par-dela une certaine ressemblance limitée. Voir Comm. Ex. § 35, 120-123, 174-175; Comm. Sag. § 132.
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per consequens incidunt et comitantur operationem a.gen~is propter coritrarietatem et repugnantiam patte~tts: Prop~er 9uod illuminatio diaphani et generatto tpsa ettam tn natura sunt subito. Deo autem nih~l prorsus contrarium, nihil repugnans, nihil obststens. ' Praeterea termini actionis dei in creatura sunt esse et nihil. Esse autem tempori non subiacet nihil autem n~n resistit: ~otu.s ergo et tempus ipsurr: esse rerum, ettam mobthum, tn quantum ens est sive in ratione esse, n~m attin~u~t. Termini autem nullius agentis secundt sunt mhtl et esse, et propter hoc in suis operationibus potest incidere resistentia, motus et tempus. Praeterea termini ultimi omnis motus sunt extra motum et tempus necessario. Ultimi autem termini simpliciter sunt nihil et esse omnium creatorum, quos
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1. La création comme don de l'etre : voir § 14 et 19 ci-dessus; Prol.gén. § 16-17; Comm. Sag. § 19, 25. Supériorité de l'etre sur le temps, avec Augustin, la Gen. au s. litt., V, v, 12 (p. 3oo): le temps est réalité créée; il est entrainé par le devenir développé par la créature. Appui probable sur TH. d' AQ., In Sent. I d. 15, q. 3, a. 2; ¡aP. q. 73 a. 2, pour la notion de repos divin. Au bénéfice de ce theme, Eckhart emprunte plusieurs éléments a l'a.naly~e. ?u changement et du devenir selon la philosophie ar1stotehc1enne: cf. Comm. Sag. § 129. Les notions de contrariété et de résistance évoquent le Comment. d' Averroes sur Phys. IV, § 71 (Venise 1570, f.. 1~2v; E-F). ~elui-ci mentionne, pour le re¡eter dans le cas d1v1n, le caractere laborieux de la pensée intellective passant par 1~ devenir (In Metaph. XII,§ 50, f. 334v, G; In Phys. IV, § 97, f. 145v, E). C'est surtout a ce niveau noétique qu'iei et dans les textes paralleles Eckhart, lors meme qu'il n'explicite rien, relie temps, devenir et insatisfaction. V oír ci-dessous § 165, 170; Pro/. gén. § 9, 12, 18-19; Comm. Sag. § 27, 172;,,(;omm.J~x .. § 159; Comm.Jean § 129, 182, 574· 2.· Allusion a la théorie de la. diffusion instantanée, non
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447
sont la, il faut l'observer, des conséquences que l'opération de cet agent suscite du fait de la contrariété et de la résistance du patient 1• Ainsi expliquet-on le caractere subit de la diffusion de la lumiere dans le milieu diaphane et de la génération (hylémorphique) dans l'ordre de la nature2. Mais, pour Dieu, il n'est absolument rien de contraire, rien qui lui résiste \ni lui fasse obstacle. En outre, les termes de l'action de Dieu, dans la créature, sont l'etre et le néant. Or l'etre n'est pas sujet au temps et le néant n'oppose pas de résistance 3 • Le mouvement et l~c:. temps n'atteignent pas l'etre meme des choses- fussent-elles mobiles- en tant que celui-ci est etre, c'est-a-dire sous la raison d'etre. En revanche, pour tout agent second, le terme de l'agir n'est ni l'etre ni le néant. Il est done possible qu'y interviennent résistance, mouvement et temps. En outre, les termes ultimes de tout mouvement sont nécessairement extérieurs au mouvement et au temps. Or les termes ultimes de !'ensemble des créatures sont. absolument parlant, l'etre et le néant,
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temporelle, de la lumiere comme on la formulait. al?rs ala ~uite d' Averroes (In Phys. IV,§ 129, f. 163v, D). Celu1-c1 y voyalt un cas de la doctrine d' Aristote sur la génération physique supérieure au processus de changement-mouvement. Eckhart y voit le symbole de l'efficace supérieure de la Cause premiere, a la différence de l'agir propre a l'agent créé qui est affecté d'un mode !aborieux et progressif, telle la diffusion de la chaleur. Voir Comm. Ex.§ 140; Comm.Jean § 18, 70-72, 370; Comm. Sir. § 46. 3· Voir Pro/. gén. § 8-9, 17; Comm. Ex.§ 52, 139, 15 8; Comm. jean § 409, 574, 647; Comm. Sag. § 129, 182, 190, 28os; Serm. lat. .¡r § 416. C'est formulation abrupte du privilege de Dieu de communiquer l'etre, l'efficace de l'agent créé n'y coopérant qu'a titre de condition et de préparation, de relais pour la puissance divine (in virtute divina : voir THOMAS d' AQ., ScGent III, c. 66).
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solus deus attingit sua operatione immobili immobiliter et per consequens fortiter et subito, Sap. 8 : «Attingit a fine usque ad finem fortiterh». Finis a quo est nihil, finis ad quem est ipsum esse, quos solus deus attingit concordat, reconciliat et pacificat, secundum illud Psalmi : « Qui posuit fines tu os pacem e». Hoc de tertio ínter quattuor.
que Dieu seul atteint sans se mouvoir grace a son opération immobile, et par conséquent avec force et de maniere instantanée. Sg 8 : «La Sagesse atteint avec force d'une limite a l'autreb.» «Limite» au-dela de laquelle est le néant, «limite» en desa de laquelle est l'etre que Dieu seul atteint, coordonne, réconcilie et ha:rmonise, d'apres ce passage du Psaume: «Luí qui a établi en paix vos confinsc. » Voila pour le troisieme des quatre points principaux.
Restat quarto exponere breviter et litteraliter verba praemissa, quibus dicitur : requievit deus ab universo opere. Notandum ergo primo quod apud nos usualiter, postquam horno plura locutus est et tacet, dicimus quod quiescit loqui vel dicere. Quia igitur de quolibet opere producto a deo sive creato praemissum est : «Dixit deusa»- «dixit», inquam, «et facta suntb»hinc est quod post facta et dicta omnia dicitur siluisse et a dicendo. quievisse. Hinc est quod 1 Reg. 2 5 dicitur : « Cum venissent pueri David, locuti < sunt > ad Nabal omnia verba haec ex nomine David et siluerunt», id est «quieveruntc», secundum aliam litteram quam praebet Rabbi Moyses. 161.
162. Secundo potest dici deus quievisse die septimo, eo quod tune nihil no vi creavit, sed creata. perpetuavit et quietavit sive stabilivit, ut quieta manerent creata in statu quo creata sunt, secundum illud Esther 2 : «In dicione tua cuneta sunt posita a».
h. Sg 8, 1. c. Ps 147, 14. § 161 a. Gn 1, 3.6.9.14.20.24.29. h. Ps 39, 2; 148, 5· c. 1 R 25, 9· § 162 a. Est 13, 9· .. I.
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~vec.MAY~mNIDE,
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ibid., I, c. 66 (déhut, f. 26v; Munk c. 67, .
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Seize raisons littérales sur le repos divin.
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x6x. Il reste a traiter du quatrieme point principal, en bref et au sens littéral du passage considéré : Dieu s' est reposé de toute (son) auvre. 1. Il faut noter qu'il est usuel, chez nous, lorsqu'un homme se tait apres un long exposé, de dire qu'il se repose de parler ou de dire. Done pour toute reuvre produite ou créée par Dieu, il est écrit: «Dieu dita» et«Il dit»- jesouligne- «et ce fut faith», de la vient qu'apres que tout fut produit et dit, il est écrit que Dieu s'est tu et s'est reposé de diie. D'ou encore le passage de. 1 R 2 5e : «Venus aupres de Nabal, les gens de David luí dirent toutes .les paro les de la part de David, puis (attendant réponse) ils observerent le silencel. » C'est-a-dire qu'ils se mirent en repos, d'apres une autre leson proposée par Mai"monide. 162. 2. Dieu peut etre dit s'etre reposé le septieme jour paree qu'alors il n'a plus rien créé de nouveau mais a conservé les choses créées, les a mises en repos, c'est-a-dire stabilisées, pour qu'elles ·demeurent stabies en l'état ou elles futent créées, selon le passage du livre d'Est 2 : «Enton pouvoir (dicio), toutes choses sont placées (posita) a.» « Dicio », de dire; « posita »,
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« Dicio » a dicen do; « posita », id est quieta et silentia, in esse accepto quietantia.
c'est-a-dire tranquilles et silencieuses reposant dans 1' etre re<;u 1•
., 163. Rursus tertio notandum quod agens in arte et
· 163-.. 3· En outre, on observera. que l'agent, dans 1'art comme dans la nature, ne repose· ni' ne laisse le patient en repos tant qu'il ne se l'est pas assimilé selon sa propre intention et les possibilités du patient. Des que cela est fait et que celui-ci a re<_ru, dans la mesure du possible, cette parfaite assimilation, alors, aussitót et alors seulement, l'agent se repose et fait se reposer le patient ou le lui permet. Un exemple : l'architecte jamais ne se repose ni ne laisse en repos. les pierres ou les poutres a tailler;~ fa<_ronner ou transporter avant que n'y soit imprimé l'etre de maison .prévu par l'"archítecte et la ressemblance avec la forme de maison qu'il a dans l'esprit. Quand c'est fait, tout mouvement cesse et c'est le repos, aussi bien pour l'architecte que pour le matériau de la maison 1• De meme, une fois créé l'univers, ce qui esta titre essentiel le dessein de Dieu 2 et qui correspond a l'irnage et a la ressemblance présentes dans la pensée divine- c'est 1'affirmation de Boece: «Toi, tu as tiré toutes choses. d'un céleste exernplaire (... ), tu portes en ton esprit .le; monde que tu formes .a ta ressernblance3» -, l'Ecriture le dit avec justesse : (a ce mornent) toutes les choses dont l'univers se compase étant produites tres bonnesa, Dieu s' est reposé d~ toute 1'txuvre ( qu' il avait accomplie).
natura nec quiescit nec passum sinit quiescere, quousque assimilet sibi passum secundum intentionem agentis et possibilitatem patientis. Quo facto et assimilato perfecte, quantum est possibile, tune mox et primo quiescit agens et sinit sive facit et permittit quiescere passum. V erbi gratia : artifex nunquam quiescit nec lapides et ligna permittit quiescere caedendo, dolando et transportando, quousque accipiant esse domus secundum intentionem artificis et similitudinem formae domus in anima. Quo adepto cessat omnis motus et quiescit tam in artífice quam ma.teria ?omus. Sic igitur creato universo, quod per se mtentum est a deo et correspondens imagini et similitudini in mente divina, secundum illud Boethii : · «Tu cuneta superno ducis ab exemplo » «tnundum mente gerens similique imagine formans», ·. ·. · · dicitur convenienter valde, postquam «cuneta» producta sunt «valde bona a» quae integrant universum, quod deus requievit ah universo opere. · · . a. Gn
1,
31.
§ 162. 1. Argument comme au § 154 explicité avec MA!MoNIDE (ibid. c. 66, fin; Munk p. 2.98). Eckhart ajoute citation d'Esther : dicio signifie en fait : emprise, autorité. · § 163 1. L'exemple du maitre d'reuvre et de la maison achevée est repris d'AuGUSTIN, La Gen. au s. litt., IV, xn, z.z. (p. ;oS). Le reposau terme du changement : ARISTOTE, De gen. et cor!up~., I •. 7.-32.4 h17. Voir Pro/. gén. § 19; Comm. Sag. § 2.9; Comm. ]ean § 129. ALBERT le. Go, · Phys; V tr. 1, c. 9 (Bet 3
s.
i 1 1
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p. nss); tr. 3 c. 6-8 (p. 396s) offrait des développements sur le rapport mouvement-repos qui sont supposés ici. z.. Pour l'univers comme objet premier de l'action créatrice, · cf. ci-dessus § 15 8. ;. BoBeE, cf. § 4 ci-dessus.
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164. Adhuc autem quarto sic exponitur litteraliter: requiescit deus ab universo. Esse enim et ipsum solum quiescit, quietum est, immobile, immutabile et invariabile. Unde «forma», eo quod est esse, «simplici, et invariabili essentia consistit». Omnia citra esse et praeter esse sunt inquieta, appetunt et sitiunt esse. Deus autem est esse ipsum; ab ipso, per ipsum et in ip~o a est omne es se naturae et artis. Propter quod optim~ Boethius ait deo loquens : « Stabilisque manens das cuneta moveri. » Esse enim ex se ipso et per se ipsum et in se ipso quiescit stabile, dat et facit «cuneta moveri » ad se et propter se desiderio,. appetitu et si ti quadam ipsius esse; in se autem dat et facit cuneta quiescere, non iam moveri ad se.
164. 4· Toujours selon le sens littéral : Dieu se repose de tout. Car l'etre, et lui seul, repose, est en repos, immobile, immuable et invariable. Aussi la «forme», du fait qu'elle est etre, «consiste-t-elle en une essence simple et invariablel ». Tous les étants situés en de~a et aux alentours de l'etre sont sans repos et ontfaim et soif de l'etre2. Or Dieu est l'etre meme : de lui, par lui et en lui a est tout. etre de la nature et de l'art. Parlant de Dieu, Boece a fort bien dit : « Toi qui, demeurant stable, donnes a toutes choses le mouvement3. » L'etre en effet, de lui-meme, par lui-meme et en hii-meme, repose, stable, il donn~ et communique «a toutes choses d'etre mues» vers lUI par un désir, une certaine faim et soif de l'etre, mais ce qu'illeur donne et communique en lui-meme, c'est le repos et non plus ce mouvement qui tendait vers lui.
165. Iuxta quod duo sunt notanda. Primo, quod ipsum esse sic quiescit et in se ipso quietum est et silens, quod rem quamlibet in se quietat et ipsam facit ut sic immobilem. Non enim est quippiam variabile, nisi ratione ipsius esse quodnon habet .. Domus enim ens sive habens esse non potest fieri domus nec album dealbari, sed non domus vel non album; et sic universaliter. Secundo notandum quod secundum hoc intel~i genda est communis expositio qua deus dicitur quies-
165. Ici deux remarques.: d'abord l'etre meme repose et il est en lui-meme silencieux et en ~epos. d~ fa~on telle qu'il fai.t repose! toute chose en lut et atnsl la rend immobile. En effet, aucune chose n'est changeante, si ce n'est en rai~on de l'etre qu'elle n'a pas 1• A une maison qui existe, qui possede l'etre, il est impossible de devenir maison; a du blanc, impossible de devenir blanc. Seul le peut ce qui n'est pas une maison ou. ce qui n'est pas blanc : C'est une regle u ni verselle. Deuxiemement: c'est d'apres cette regle qu'il faut comprendte l'explication commur:e selo~ laquel~e Dieu est dit reposer paree que lut, et lut seul, fatt
a. Cf. Rm 11, 36. 164 I. Formule du L. sex princ. attribué a Gilbert de la Porrée, c. 1 (début, Heysse-Van den Eynde, p. 8). Voir ALBERT, in L. sex princ., I, c. 2 (Bet 1, p. 307s). 2. "«Aux aleptours de l'etre»: cf. Prol.gén. § 17: le créé est en dehors ·de Dieu, pres de luí (contre lui).
3· BoEcE, Consol. 111, poésie 9, 3 (p. p).
§ 165 1. Voir Comm. Jean § 129, 170, et les réf. proposées note 3 du § 160.
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cere, quia facit omnia quiescere, et ipse solus, eo quod ipse est esse et causa omnis esse universaliter.
reposer toute chpse, puisqu'il est l'etre et la cause universelle de tout l'etre2.
166. Quinto. exponitur sic : deus quiescit in omni sive ab opere universo, quia ipse non permiscetur re bus operatis, ut dicitur in De causis. Ratio est quía ipse sic totus est in rebus singulis, quod totus est extra. Hinc est quod in nobis non dicitur moveri anima manu mota, quia sic est tota in manu, quod tota est extra. Sexto sic : deus et ipse solus quiescit in opere sive operando, quia operari est sibi esse. Unde sicut quiescit et quietus est, in silentio est in se ipso, in suo esse, sic quiescit in opere sive operando, et hoc ipsí est proprium.
166. 5. Dieu -se repose en tout, e' est-a-dire de 1'universalité de son rEuvre, paree qu'il ne se mélange pas aux réalités qu'il produit, comme il est dit au Livre des Causes. La raison en est qu'il est tout entier dans les choses singulieres, de maniere telle qu'il est tout entier en dehors d'elles. C'est pourquoi, chez l'homme, on ne dit pas que l'ame est mue quand la rnain se rneut, car elle aussi est tout entiere dans la \1 rnain, de maniere telle qu'elle est tout entiere en _: dehors d 'elle t. · -~ . / 6. Dieu, et lui seul, se repose en son rEuvre ou en reuvrant, car pour luí, reuvrer, c'est etre. Ainsi de rneme qu'il repose et est en repos, qu'en silence il est en lui-merne, en son etre, de rneme il repose en son reuvre ou en reuvrant, et cela lui est propre2.
167. Septimo s1c: omne creatum oboedit deo despotice, nihil habens inclinationís sive iuris ad oppositum. Causis autem secundis oboediunt opera et operata non iam despotice, ut servus, sed politice, utpote habentia ex se ipsis inclinationem ad oppositum. Et propter hoc non oboediunt ipsis nisi per motum, quo vel ipsi moventes aut operantes 2. Voir d-dessous note 2 pour 1~ § 174. au sujet de «l'explicatiori commune ». · § 166 1. AuGUSTIN, La Gen; au s. litt., IV, XIV, 25 (p. 3 us): Dieu se repose en lui-meme, au-dela de ses reuvres. Livre des Causes, prop. 19 (Pattin n° 155 p. 89). Voir ci-dessus § 61, 69; Comm. Ex.§ 163; Comm. Sir.§ 54; Comm. Sag. § 135, 291; Serm. al/. 9 (DW I p. 143; Ancelet I, p. 1oo). La présence de l':ime . entiere en chacune des parties du corps comme Dieu est présent en sa totalité a toutes les parties de l'univers est depuis le stoicisme un lieu commun. La tradition théologique a retenu la comparaison: cf. Ps.-AuGUSTIN, De spiritu et anima, c. 18 (fin; P L 40, 794); THOMAS d' AQ., ¡a P. q. 8, a. 2 ad 3 ; ci-dessus § 21 ; Prc/; (Euvre.prop; § 14; Comm.jean§ 93, 1p; Comm. Sag. § 72. · 2. Sur le repos silencieux de Dieu, e[ Comm. Sag. § 28os.
167. 7· Tout le créé obéit a Dieu comrne a un despote, sans penchant ni droit a l'opposition. En revanche, les reuvres des causes secondes et ce qui est reuvré par elles, leur obéissent non plus comrne a un despote, ainsi que le fait l'esclave, rnais de maniere politique, du _fait qu'elles ont d'elles-rnemes. un penchant a 1' opposition t. Et e' est pourquoi elles ne leur obéissent que par l'intermédiaire du mouvement, soit § 167 1. ARISTOTE, Politique, I, c. 5, 1254 b3-4, distingue pouvoir despotique et pouvoir politique. THOMAS d' AQ., In Poiit. I, c. 5 (éd. crit. p. 94, 16s) et III, c. 5 (p. 201, 93s); ¡a P . q. 81, a. 3 ad 3, les explique comme pouvoir pour l'utilité du maitre d'une part, et de l'autre comme pouvoir qui, usant de persuasion, s'exerce pour l'utilité du subordonné. D'ou deux types d'obéissance : l'une, relative au pouvoir despotique, qui ne tolere pas résistance; l'autre, ~<politique», qui laisse place a des inclinations plus ou moins contraires. Cf. Comm.Jean § 170.
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moventur in se ipsis, ut est in corporalibus, vel saltem per motum operum, sicut est in motoribus caelorum, secundum illud Iob 9 : «Sub quo curvantur, qui portant orbema». Motores scilicet orbium caelestium in hoc curvantur, obliquantur et deficiunt a primo, quod non operantur nisi movendo et per motum citra operata foris.
168. Octavo sic: princ1pmm omnium productorum naturalium est intellectus altior natura et omni creato, et hic deus, ·de quo proprie loquitur Anaxagoras ad litteram quod est «separatus», « immixtus », «nulli nihil habens commune», ut discernat omnia. Intellectus autem ex sui proprietate non laborat operando, sed quiescit. Et hoc est quod in verbis praemissis dicens deum quiescere ah universo opere nos docere voluit quod deus sit intellectus purus, cuius esse totale est ipsum intelligere.
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+ la 168. Le tous les effets produits dans nature est un Intellect supérieur a la nature et a 8.
169. Nono sic : amor ex· sui proprietate laborem
nescit, quin immo principium est et finis omnis poenae et passionis, ut ait philosophus. Et r J oh. ) dicitur quod «timor non est in caritate», «quoniam
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§ 167 a. Jb 9, 13.
§ 169 a. 1 Jn 4, 18.
§ 168 1. «Vceuvre de la nature est d'une· Intelligence» : axiome issu d'Averroes et courant au xme s. Cf. ALBERT le Go, Métaph., IV, tr. ;, c. 1 (Col. 16-1 p. 186, 34; en note, référ. multiples). Il figure dans le recueil Auctoritates Aristotelis (Hamesse n° z.Sz, p. 139). Voir ci-dessus § 6; Parab. Gen.§ z.o3, 2.14; Comm. ]ean § p8; Qu. París. 1 § 5, 10. . . z.. Sentences d' Anaxagore rapportées par ARISTOTE, De/'lime, I, c. 2, 405 a13-17; III, c. 4, 42.9 a18-2o; Phys. VIII, c. 5, 256 bz.4-27; Métaph., 1, c. 8, 989 b 14s. ALBERT leGo, De anima, I tr. z, c. 3, Col. 7-1, p. 24, 1s; III, tr. z, c. 2. (p. 178, 63); c. 14-15 (p. J96,.66s)i Métaph. I, tr. 3, c.;, Col. 16-1 p. 72, 74s. Dans ~a philosophie aristotélicien:ne, c'est doctrine courante que l'acqut-
4S7
que ce qui meut ou reuvre soit lui-meme mu en lui-meme, comme e' est le cas des (causes) corporelles, ou qu'il le soit seulement dans le mouvement de ce qui est reuvré, comme c'est le cas des moteurs des cieux; d'apres Jb 9 : « Dieu sous qui se .courbent ceux qui portent l'orbea. » De fait, les moteurs des orbes célestes se courbent, s'écartent et s'éloignent du Premier, dans la mesure ou ils n'reuvrent qu'en mouvant, c'est-a-dire par le mouvement de ce qu'ils reuvrent en desa d'eux-memes, a l'extérieur.
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princip~de
toute créature 1, et c'est Dieu, dont Anaxagore dit proprement et littéralement qu'il est «séparé», «non mélangé», «n'ayant rien de commun avec quoi que ce soit», pour voir tout. Or l'intellect, de par sa propr,iété, ne peine pasen reuvrant, mais se repose. Ainsi l'Ecriture, en a.ffirmant que Dieu se repose en toute son auvre, veut-elle nous enseigner que Dieu est pur intellect, dont l'etre tout entier est la pensée meme 2 • 1~. 9· L'amour, de par sa propriété, ignore la peine. Bien plus, il est, comme dit Aristote, príncipe et fiJl de tout travail et de toute passion 1• Dans la Ire Epitre de Jeana, il est dit: «Il n'y a pas de crainte
sitian du savoir, loin d'entrainer changement destructeur chez l'intellect, lui vaut au contraire vigueur et actuation parachevante. Sur l'intellect pur (Dieu avant tout), cf. Qu. París. 1 en entier; ci-dessus § ;, 6, II; Parab. Geti. § 2.14; Comm. Sir.§ 2.99; Comm.Jean§ 31, 34, ;os, 318,658,669, 678; Serm. iat. 22§ 214; J4/r § 528; Serm. al/. 9 (DWI p. 150; Ancelet I, p. 1ozs). § 169 1. «L'amour ignore la peine»: S. BERNARD, Super Cant., Sermo 85, n° 8 (Rome, II, p. 312., 2os); AUGUSTIN, De bono viduit., XXI, z6 (CSEL 41, p. 338, 17) selon le sens.
COMMENTAIRE DE GENESE
EXPOSITIO LIB. GENESIS
poenam habeta». Amor ·enim est boni habiti iam praesentis, in quo naturaliter quiescit. Dicens ergo deum quiescere in rerum creatione docet nos deum creasse universum .amore et per consequens voluntate. Unde Hilarius in libro De synodis dicit : « Omnibus creaturis substantiam dei vol untas attulit, sed naturam filio dedit» «perfecta nativitas. Talia enim cuneta creata sunt, qualia deus esse voluit. Filius autem natus ex deo talis subsistit, qualis et deus». Et Augustinus I De doctrina christiana dicit quod, «quia deus bonus est, sumus » et iterum quod deus utitur nobis propter suam bonitatem et nostram utilitatem. Sic ergo dicendo deum quiescere in rerum productione quattuor nos docet, scilicet deum creasse omnia volun tate, non necessitate; iterum ipsum ·creasse ex amo re; item ex sua bonitate, nulla sui, sed nostra utilitate. Rursus decimo : quia bonum et finis ídem, docet deum sic esse rerum principium, quod est et finis omnium, vindicans sibi ex hoc ipso amorem et voluntatem omnium. creatorum, utpote bonum et finis singulorum.. Ex hoc patet decima ratio, quare deus et ipse solus quiescit in opere. Ipse enim omnium operationum in creatura sic est principium, quod est
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170.
ARISTOTE, Ethic. Nic. VII, c. 15, 1154 a 26s et b13s, version Grosseteste, Arist. lat. XXVI, p. 296s : Dieu, paree que simple, a une activité toujours délectable. Voir Comm. Ex. § 210; Comm. Jean § 244, 475; Comm. Sag. § 195. 11 est probable qu'Eckhart s'appuie sur TH. d' AQ., ScG I, c. 91 (citation de Ethic. VII). 2. Voir Serm. lat. 6/4 en entier consacré a ¡a ]oan. 4, 18. 3· Avec THOMAS d'AQ., / 0 -I/" q;66, a. 6; In Metaph. XII, lect. 7 (n° 2529: Dieu meut comme objet d'amour et no 2535 : motjon. par.. mode d'assimilation intellective et volitive). Cf. Comm. Sir. § 48, 56s;· Serm. lat. 6/4 § 66-67.
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dans l'amour»; car «la crainte comporte peine»2. L'amour, en effet, concerne le bien déja présent et acquis, en lequel, par nature, il se repose3. Done en di~ant que Dieu se repose dans la création du monde, l'Ecriture nous apprend qu'il a créé l'univers par amour et done par volonté4. Aussi Hilaire, au livre Des synodes, explique-t-il: «A toutes les créatures la volonté de Dieu a conféré la subsistance; tandis qu'au Fils Dieu a donné, en une naiss.ance parfaite, sa propre nature. Toutes choses ont été créées telles que Dieu les a voulues, mais le Fils né de Dieu subsiste tel que Dieu es t.» Augustin, au livre Ier de la Doctrine chrétienne, déclare : «Paree que Dieu est bon, nous sommes. » Il dit encore que « Dieu en use a notre égard en vue de sa propre bonté et de notre utilitéS. » En disant ainsi que Dieu repose dans la production des ehoses, (Moise) nous enseigne quatre ehoses : Dieu a tout créé par volonté et non par nécessité; il a tout créé par amour; de par sa bonté, rien pour lui, tout pour notré utilité. 170. i o. Bien et fin étant identiques, l'Écriture nous apprend que Dieu est príncipe de toutes choses de fa~on telle qu'il est également leur fin a toutes et que par la meme il attire a lui l'amour et la volonté de toutes les créatures, en tant qu'il est le bien et la fin de chacune d'entre elles. Voila qui rend évidente la dixit!me raison pour laquelle · Dieu, et Dieu seul, se repose en son reuvre : il est príncipe de toute opéra-
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4· Allusion au débat contemporain suscité par le theme de création par voie émanatiste (Avicenne). Voir ci-dessus § 6, 146. 5· HILAIRE, De synodis, VIII, c. 24 n° 58 (PL 10, po). Cf. Comm. Sag. § 179. Les deux sentences d'AuGUSTIN: La Doct. chr., I, XXXII, 35· (BA 11, p. 225). Voir Comm. Jean § 312.
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et finisa, Apoc. 1 et ultimo. In principio autem omnis res virescit et florescit, in fine vero quiescit, sicut notavi diffuse super illo : <
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1-2.
tion dans la créature de fa~on telle qu'il en est aussi la fin: Ap 1 et fin (« Je suis 1' Alpha. et l'Oméga, le Premier et le Dernier, le Príncipe et la Fin a»). Dans le príncipe; en effet, toute chose verdoie et fleurit, tandis que dans la fin, elle repose, comme je l'ai expliqué en détail a propos de Siracide 24: «Mes fleurs, ce sont mes fruits b 1 • » 11. Tout agent repose dans l'avoir ceuvré, comme on l'a dit plus haut 2 • Mais en Dieu ceuvrer, c'est avoir reuvré, paree qu'il est en meme temps fin et príncipe. Done Dieu repose, au sens propre, dans l'ceuvrer et en reuvrant, comme:jl est dit ici.
§ 170 1. Cf. Comm. Sag. § 175; Pro/. gén. § 18-19; Comm. Sir. § 18s, 56 (les § 18-29 expliquent l'identité fleur-fruit dans le cas divin); Serm. Jat. 4r § 416. Ces paralleles montrent qu'Eckhart,
171. 12. Développons · mieux cet argument. En nous l'reuvrer s'ordonne a l'avoir ceuvré, mais en Dieu c'est l'inverse : l'avoir reuvré est pour l'ceuvrer. Jamais en effet l'architecte ne batirait la maison si reuvrer ne devenait jamais pour lui avoir ceuvré. Dans le cas de Dieu, c'est l'inverse : jamais, en effet, Dieu n'aurait créé le monde si avoir créé n'était créer, et il n'aurait pas engendré le Fils si avoir engendré n'était engendrer. La raison en est que «avoir été engendré» ou «avoir été créé» exprime de soi le passé. Oren Dieu il n'est ríen de passé ni rien de futur, mais tout lui est présent, puisque ni le passé ni le futur ne sont, si ce n'est en tant qu'ils se ramenent au présent. Car ce qui n'est pas présent n'est pas étant. De la vient qu'Augustin et Grégoire enseignent qu'en Dieu le Fils est toujours 'déja né et to\ljours en train de naitre t.
en Ap 1, 8,13 ,zz, retient surtout les titres «premien> et « dernier » (principe paree que fin). 2. Voir ci-dessus § 146. § 171 1. Cf. § 20 ci-dessus; Pro/. gén. § 17, 21; Comm. Sir. § 2I;'i.j;·Comm.Jeem § 31, 373,411, 582. Augustin et Grégoire,
évoqués sans doute d'apres P. LOMBARD, Sent. I, d. 8, c. 4, p. ro6s, citant plusieurs textes de chacun et aussi d'Origene sur la naissanae étemelle du Verbe divin. Cf. Comm. Sir. § 23 avec Origene.
a. Ap 1, 8; zz, 13.
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COMMENTAIRE DE GENESE z,
b. Si 24, 23.
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COMMENTAIRE DE GENESE z, 1-z
EXPOSITIO LIB. GENESIS.
172. Rursus ~dcdmo tertio :: res omnis locata ah alio extra locum suum inquieta est, locum sitit et in loco suo quiescit. Caelum autem non locatum ah alio, sed locus potius locans omnia. Ipsum in loco suo movet~u~ et m
§ 172 1. Pour ce theme de Iieu et son développement (avec appui sur la théorie aristotélicienne du «lieu natúrel») au sens de fin recherchée par nature, voir ci-dessus § 19, '49s, 144; ci-dessous § 174; Pro/. gén. § 17; Comm. Jean § 206-215; Comm. Ex. § 128, q8; Comm. Sag. § 140-142. Citation d'Augustin, cf. ci-dessus § 149. DENYS, ND, c. 4 § 10, 705 B; Dion. I p. 194, parle de coJJocatio au sens d'orientation stable vers le Bien. Cf. ALBERT le Go, In DN, c. 4 § 21 (Col. 37-1 p. 128, 65s): Dieu «lieu» de l'ange. § 173 1. AuGUSTIN, La Trin. VIII, m, 4 (BA 16, p. 32) : «ceci (hoc)ssLun bi.en,-cela (iJJuá) est un bien. Enleve le «ceci» et le «cela>>, et vois, si possible, le bien inerrie. Ainsi encore tu verras
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172. 1 3· Est sans repos toute chose qui rec;oit d'un autre assignation en un lieu qui n'est pas le sien, car elle a soif de son lieu et repose en lui. Orle ciel n'est ~· pas contenu localement par autre chose : il est bien plutót le lieu qui contient toutes choses. Lui-meme se ,_,-·• meut en son lieu propre, son mouvement est vie et, '// pour lui, etre c'est se mouvoir. S'il ne se mouvait pas, il ne serait pas le del. La parole affirmantque Dieu se repose en toute son ceuvre enseigne done deux choses : d'abord que Dieu est le lieu de toutes choses hors duque! elles sont sans repos et en qui seul toutes reposent, d'apres ce~ paroles d' Augustin au Ier livre des Confessions : « Notre cceur est sans repos jusqu'a ce qu'il repose en toil. » Deuxiemement, Dieu étant le lieu de toutes choses, c'est en lui-meme qu'il ceuvre et 1 meut toutes choses. Pour lui, ceuvrer - et non avoir \)\ eeuvré- c'est etre, c'est vivre pour lui-meme et pour toute chose singuliere, c'est-a-dire pour l'univers. 1 _,_,/ ·
173· 14. Dire que Dieu repose, c'est enseigner que Dieu « seul est bon a», comme il est dit en Le 1 8 et comme !'explique Augustin au livre VIII de fa Trinité : « Dieu est bon, le bien de tout bien 1, » Or ce bien-ci ou ce bien-la n'ajoute aucune parcelle de b~:>nté au bien lui-meme, paree que c'est de lui que ces btens rec;oivent .la bonté, sans la lui óter ni la lui · conférer. que Dieu, lequel ne tient pas son excellence d'un bien externe, est bien pour tout bien»~ Lourd de la doctrine néoplatonicienne de la participation au bien, ce texte (déja exploité par THOMAS d' AQ., ScG I, c. 4o), avec son sens de particularisation par le <
EXPOSITIO LIB. GENESIS
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conferat. Rursus non posset esse deus «omnis boni ~onum », nisi .es~et primarium, supremum et plenisslmum et punss1mum bonum. Bona autem haec illa distincta distinctis modis sortiuntur quam habent et accipiunt bonitatem. Oportet igitur illud, quod est omnium bonum, in se habere omnem modum et rationem distinctarum bonitatum indistincte et om' nem modum sine modo aut potius supra modum. Adhuc autem litteraliter et quantum ad rudiores deus dicitur quievisse a creando et operando, ne c~edatur operari cum labore, sicut in physicis v1demus quod omne agens patitur et «omnis passio» «abicit».
·De_ plus, Dieu ne pourrait etre «le bien de tout bien» s'il n'était le bien primordial, supreme, le plus pur et le plus plénier. Mais ces biens-ci ou ces biens-la, dans leur distinction, rec;oivent distinctement la bonté qu'ils .ont et détiennent. Il importe done que ce qui est le bien de toutes choses ait en soi indistinctement le mode et la raison de chaque bonté distincte et que tout mode y soit sans mode ou plutót au-dessus du modeZ. Au sens littéral encore, pour les esprits frustes, il est dit que Dieu s'est reposé de créer et d'ceuvrer pour qu'on n'aille pas crqire· qu'il reuvre avec peine, a la fac;on de ce quise passe dans la nature, ou tout agent patit et ou tout patir déprime3.
174· Rursus autem decimo quinto dicitur deus quiescere in omnibus creatis et eorum creatione, ut doceamur quod deus est esse purum, plenum et simplex et fons unicus omnis esse, sive in anima vel extra, sive in arte vd in natura. Unde Augustinus I Confessionum ait : « Nulla vena trahitur aliunde, qua esse et vivere currat in nos, praeter» deum «CUÍ esse et vivere non aliud aut aliud est, quia summe esse et summe vivere » deus es t. Res autem omnis , ut · súpra diffuse ostensum est, in esse et propter esse quiescit in omnibus. Quod autem communiter dicitur, quod deus quiescit in omnibus, quia facit quiescere omnia, sicut domus dicitur laeta, quia facit la:etos, vel societas 2. Exposé en logique aristotélicienne (élargie avec le theme du modus) de ce que Thomas d' Aq. expliquait en usant de la logique néoplatonicienne (bien par essence, par participation) en ScGent. 1 c. 38-4o; ¡a P. q. 6; etc. 3· Avec AuGUSTIN, La Gen. au s. litt. IV, VIII, 15 (p. 298), repris p~r B~.O.E, J.n Gen. 11, 2 (CC 118 A, p. 33, 1024s). Pour le patii: chez l'agent physique, voir ci-dessus § 1 14.
174. 1 5. L'Écriture dit que Dieu se repose en toutes les choses créées et dans leur création pour nous apprendre qu'il est etre pur, plénier, simple, source unique de tout l'etre, que ce soit dans l'ame ou hors de l'ame, dans l'art ou dans la nature. D'ou la paro le d' Augustin au 1 er livre des Confessions : « On ne peut trouver aucune veine par laquelle l'etre et la vie ~e répandent en nous sinon~> Dieu, « pour qui etre et v1vre ne sont pas distincts. Etre au degré supreme et vie la plus éminente»: tel est Dieul. Toute chose, ainsi qu'on l'a amplement montré plus haut, repose dans l'etre et, en toutes choses, a cause de l'etre. ;Quant a ce qui est dit communément, a savoir que D1eu repose en toutes choses paree qu'illes fait toutes reposer, tout comme on dit d'une maison qu'elle est joyeu~e paree qu'elle rend ·ses habitants joyeux, ou § 174 § 20.
1.
AuGUSTIN : cf. § 14 ci-dessus et Pro/. CEuvre prop.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE
laeta, quía laetificat, exemplare est, sed minus et imperfectum est. Sed potius sic intelligendum quod dicitur: «Id quod vere desideratur» in esse et «quod desiderat omnis res, est esse et perfectio esse, in quantum est esse», ut ait Avicenna VIII Metaphysicae c. 6. Esse autem nihil prorsus dat aut operatur nisi in virtute dei operantis et principiantis illud, sicut et rex dicitur vere expugnare castrum, cuius virtute dux exercitus expugnat illud.
d'une société qu'elle est joyeuse paree qü'elle e~t réjouissante, c'est s'exprimer par des exe~ples mats de peu de valeur et imparfaits. 11 va~t mteux _comprendre ainsi ce qui est dit : «ce qut est, ':ratment désiré» dans l'etre et «Ce que toute chose destre, c'est l'etre et la per.fection de l'etre en tant qu'il est etre», comme l'écrit Avicenne au livre VIII, chap. 6 de-la Métaphysiquez. Absolu.ment ríen n~ don~e ,ni ?'opere l'etre sinon dans la putssance de Dteu qutl. opere ~t. le; produit originellement, tout comme on dtt en vente du roi qu'il s'empare d'un chateau, alors que c'est par la ·ptiissance du roL--'-que le général de l'armée s'en empare3.
175· Rursus decimosexto quiescit deus operando et in omni opere seu operato, quía hoc est unicuique naturale et bonum, quod in ipso deus operattir et vult. Sic ergo tamquam in bono et naturali quies est et silentium in omni operatione dei. Ipse enim, utpote esse purum, semper esse operatur, quod cum bono convertitur. Et ipse, utpote <
175· r6. Dieu repose en reuvrant et en toute reuvre ou chose reuvrée paree qu'est naturel et bon pour toute chose ce que Dieu reuvre et veut pour elle. C'est done en tant que cela est bon et r:aturel9u'~} y a repos et silence en toute reuvre de .Dteu.,~ut-me~e, en tant qu'etre pur, reuvre sans cesse 1 etre qut se convertit avec le bien. Et lui-meme, en tant que « pure bonté», ne peut opérer le mal, mais toujo~rs }e bien, eri l~quel reposent toutes choses et lm-meme en lui-meme 1•
176. Postremo moraliter notandum quod in hoc, quod deus dicitur quiescere operando, notat~r quod opus divinum in nobis est, quando ipsum operari
+ était mentionnée Une interprétation figurée de ce theme du repos de Dieu par AuGUSTIN, La Gen. s. litt., IV, IX, 16
Dieu se repose dans l' action qu'il inspire.
2.
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(p. 3oos). Bieri que jugée insuffisante par Augustin, la Glose l'a divulguée : cf. Lyranus I, f. 34rb (e). Elle ayait rec;u au xue s. un regain d'intéret _avec la théorie des dénominat_ions de Dieu expliquées comme ne signifiant ríen de propre a Dieu _en lui-meme mais seulement en son rapport au créé. V oír ALAIN de LILLE, Regul. XXI et XXVI (PL 210, 6.ps)._ Eckhart souligne en conséquence que si Dieu communique le repos, c'est qu'il est lui-meme repos. Citation d'Avicenne: cf. ci-dessus § 149 et ci-dessous § 243 .. 3· ''L'efficaée de l'agent créé quant a-l'etre de l'effet suppose
2, 1-2.
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176. Enfin, . au sens moral, il faut relever. ce~i : l'affirmation que Dieu se repose en reuvrant. stgr:tfie \ que l'reuvre divine est en nous quand le fatt meme
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l'assistance de l'agent premier seul créateur, seul cause propre de 1' etre. V o ir ci-dessus note 3 au § 1 6o. § 175 1. Pour l'axiome dio~ysien: «~ie~, bien par essence, ne peut produire que du bten», vo.tr ct-des.su~ § 127. La délectation du bonheur est naturelle au tttre de prtnctpe-fin.
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EXPOSITIO LIB. GENESIS
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dulce est in se ipso. Propter quod secundum philosophum signum generati habitus est delectatio in opere. Quod enim pro alio extra fit, servile est, mercenna' rium est. Liberum enim est quod sui gratia, quod in se et propter se placet, Prov. 16: «U ni versa propter semet ipsum operatus est deusa.» Bonum ergo quod non propter se ipsum, quía bonum, operamur, non est opus divinum nec deus illud operatur in no bis; sed hoc aliud extra, propter quod operamur, operatur in nobis. Propter quod signanter Matth. 5 dicitur : ) « Beati qui esuriunt et sitiunt iustitiam b». Opus enim iustum est, in quo ipsa iustitia, nihil aliud esuritur, sititur, appetitur et quaeritur. Et infra sequitur : « Beati qui persecutionem patiuntur propter iustitiamc». «Patiuntur» inquit, non ait: «passi sunt» aut «patientur», ad signandum quod in ipsa operatione seu passione propter iustitiam consistit perfectio iustitiae. Iusto enim, in quantum iustus est, iuste agere vivere est et esse. Rursus etiam ait in praesenti «patiuntur». Iustitia enim et eius opus, utpote divinum, non praeterit, secundum illud . Sap. 5 : « Iusti in perpetuuril viventd», et iterum: «lustitia immortalis este». Praea. Pr 16, 4· e. Sg 1, 15.
b. Mt 5, 6.
c. Mt 5, 10.
d. Sg 5, 16.
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,,1,
1. ARISTOTE,
p. 166. Cf.
Ethic. Nic. II, c. 3, 1104 b3s; Arist. lat. XXVI le Gn, Super L. Ethic. II, lect. 2 (Col. XIV-1
ALBERT
§ 108, p. 96). 2. Pour l'imperfection éthique de l'activité mercenaire, a la suite de S. BERNARD, De dilig. Deo, c. 7 n° 17 (Rome, III p. 13 3s) et ~e !HOMAS d' AQ., In Sent. III, d. 29, a. 4 et Il4 -II« q. 19 a. 4 (qUl ctte ARISTOTE, Métaph., I c. 2, 982 b26: «est libre qui agit en vu.~ de soi-!llerpe»). Voir ci-dessous § 261; Parab. Gen. § 92; Comin. ·Jag. §' 70, 75, 7.9• 98, 18o, 195; Comm. Ex.§ 245; Serm. .,¡
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d'reuvrer est en lui-meme agréable. Selon Aristote, le signe qu'un habitus est acquis, c'est le plaisir qu'on prend a reuvrert. Ce que l'on fait pour autre chose que l'reuvre meme est servile et mercenaire. Est libre ce qu'on accomplit pour soi,,ce qui plait en soi et a cause de soi. Pr 16 : « Toutes choses, le Seigneur les a faites pour lui-memea. » Le bien que nous n'opérons pas pour lui-meme, uniquement paree qu'il est bien, ce n'est pas l'reuvre divine et ce n'est pas Dieu qui l'accomplit en nous 2 • Mais c'est cette autre chose, ( extérieure, pour laquelle nous opérons, qui opere en ; nous. Aussi est-il e~pressément dit en Mt 5 : « Heureux ceux qui ont faim et soif de justice h.» En effet, l'reuvre juste est celle en laquelle c'est de la justice elle-meme, et rien d'autre, qu'on a faim et soif, c'est elle qu'on désire et qu'on cherche. La suite dit: « Heureux les persécutés qui patissent a cause de la justicec. » « Patissent», est-il écrit, et non «ont pati» ni «patiront», pour manifester que c'est dans l'opération meme, c'est-a-dire dans la passion subie a cause de la justice que la perfection de la justice consiste. En effet, pour le juste en tant que juste, agir avec justice, c'est vivre et c'est etre3. Encore sur le présent « patissent ». La justice et son reuvre en tant qu'reuvre divine ne passeront point, comme le dit Sg 5 : «Les justes vivront p~:mr toujoursd», et encore: «La justice est immortellee.» A
t
al/. 6 (DW I p. 112; Ancelet I, p. 15 1s); et surtout Comm. Jean § 177 : l'ceuvre excellente que Dieu accomplit en nous releve de la grace. V o ir ibi't/. § 248 et 58 5. 3· L'insistance sur le préseht de l'opération découle du discernement relai:if a l'intervention divine dans l'agir de l'agent créé. Voir Comm. Sir.§ 22-23. La justice comme príncipe formel constituant le j~ste: cf. Comm. Sag; § 63; Comm.Jean§ 14-22,85, 169, 225, 340-341; Parab. Gen.§ 139 et 149·
EXPOSITIO LIB. GENESIS
dictis alludit illud Ethicorum I, « differentia quaedam videtur esse finium. Hi quidem enim sunt operadones, hi vero praeter has opera quaedam ». Cetera vero, quae dicta sunt de quiete dei, de facili moraliter exponi possunt.
COMMENT AIRE DE GENES E z,
1-2
471
ceci 1' Éthique, au livre Ier, fait allusion : «Il y a, a Ce qu'il semble, une différence dans les fins: les unes consistent en activités; les autres en certaines reuvres distinctes des activités elles-memes 4. »
Sur le repos de Dieu encore. 177. Quod autem deus dicitur quievisse ab opere, intelligendum est primo quía deus complacet, sufficit et quiescit in opere interiori, etiam si desit opus exterius et eius facultas, secundum illud Psalmi : « Omnis gloria eius filiae regis ah intus a». 178. Secundo notatur quod perfectio virtutum et operum divinorum consistit in hoc, quod operatio induat rationem esse et vivere, secundum illud Ioh. 17: «Haec est vita aeterna, ut cognoscanta». Tune enim cognoscere erit vivere, et « vivere viventibus est esse», 1 Cor. 15 : «Gratia dei sum id quod sum b». Et in libro De spiritu et anima dicitur § 177 a. Ps 44, 14. § 178 a. Jn q, 3 b. I Co q, 10.
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4· ARISTOTE, Ethic. Nic. I c. 1, 1094 a 4s; Arist. lat. XXVI (v. Grosseteste, p. 141). § 177 1. Dans la ligne d'une éthique de l'intention dégagée au Xllc s. par Abélard et adoptée, moyennant retouches et compléments, par Thomas d' Aq. au xmc s., Eckhart accuse si vivement la priorité de la dimension «intérieure» de l'agir humain qu'il en vient parfois a des formules péjoratives al'égard de la dimension «extérieure». Ce sera un des griefs lors de son proces : cf. Bulle In agro dominico (DENZINGER-SCHONMETZER n° 966). Mais sur ce point la pensée exacte d'Eckhart est bien plus souple et complexe que ne le disent les simplifications polérniques. Le ~erm. al/. 86 (DW III; p. 481s; Ancelet, III, p. 1'76sr explique que l'activité · extérieure, symbolisée par
177. Les autres opinions relatives au repós de Dieu, il est facile de les interpréter au sens moral. Qu'il soit dit de Dieu qu'il s'est reposé de son auvre est a entendre ainsi : 1. Dieu se ·complait, se satisfait et se repose en (notre) opération intérieure, meme si manquent l'agir extérieur ·et sa possibilité1, selon le Psaume: «Toute la splendeur de la filie du roi vient de l'intérieura. » 178. 2. En prenant note de ceci : la perfection des vertus (morales) et des reuvres divines consiste en ce que l'activité revét la raison d'etre et de vie, selon ce que ~it Jn 17: «La vie éternelle1 c'est q':l'ils te connatssenta;» Alors en effet conna1tre sera vtvre, et «vivre, pour les vivants, c'est etre 1». I Co I 5 : «Par la gráce de Dieu, je suis ce queje suis h.» A u livre De l' esprit et de f áme, il est dit que les facultés inférieures Marthe, est, si elle est menée dans l'Esprit Saint, supérieure a la contemplation meme (dont le type est Marie sreur de Marthe) . Voir Parfb. Gen. § 165; Comm. ]ean § 68, 3~7, 373, 583-584; Comm. Sag. § 117; Comm. Ex.§ 65; Comm. Str. § 26; Serm. lat. ufr § u4; L. Consol. I c. 2 (DW V, p. 4os; Ancelet, Traités p. uos). . § 178 l. «Vivre, pour le vivant, c'est etre»: ARISTOTE, De fame, II c. 4, 415 b13. ALBERT le Go, De anima, II, tr. 1, c. 6 (Col. 7-1, p. 74, 1s); c. 7 (p. 85, us); In DN c. 4 § 28 (Col. 37-1 p. 13 5. 7os) : le connaitre intellectif, pour les sujets intelligent.s, c'est etre. Voir ci-dessus § 78; Parab. Gen.§ 103; Comm. Str. § 68; Comm. Sag; § 262, 270, 289; Comm. ]ean § 679.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE
2., 1-2.
473
q~od vires infe~iores convertentur et induent prop~Ieta~em supenoru.m, et pe~ consequens supremae vues I.ndue':lt propnetatem VItae et esse, quae ipsam essenuam sive substantiam respiciunt. Rursus tertio: ?eu.s quiescit ab opere, quia bonorum nostro~u~ non I~diget nec q.uidquam ~b iis ipsi accrescit , sed no bis, secundum Illud Psalmi : «O ratio mea in sinu meo converteturd».
(de l'ame) changent et revetent les propriétés des facultés supérie.ures. Par conséquent, celles-ci revetiront les caracteres de la vie et de l'etre, lesquels concernent l'essence ou substance meme (de l'ame) 2 • 3. En outre, Dieu se repose de son r.euvre «paree qu'il n' a nul beso in des biens qui sont les nótres e» et qu'il ne resoit rien d'eux, contrairement a nous; comme le dit le Psalmiste d : «M a priere revient sur mon sein 3. »
179· Quod autem dicitur deus non solum quies-
179. L'Écriture dit non seulement que .Dieu s'arrete («se pose»), mais qu'il se repose, comme si «se reposen> disait «se poser de nouveau ». Cela signifie deux choses : d'abord la stabilité, c'est-a-dire la plénitude du repos de Dieu, comme le suggere le redoublement : « Je suis celui _qui suis a», et d'autres répétitions analogues dont l'Ecriture use souvent, comme en Is 5r : « C' est moi, e' est moi qui vous consolerai h.» l Enfin, cela signifie que Dieu lui-meme se repose en ceux qui reposent en lui, selon la parole des Pr 8· : « Moi, j'aime ceux qui m'aimente 2 • » De tout ce qu'on vient de rappeler, il ressort que l'homme devenu conforme a Dieu, c'est-a-dire «déiforme », trouve le repos en tout. Le Siracide 2.4 : «En toutes choses, j'ai cherché le reposd», aussi bien dans les plus petites choses que dans les plus grandes, aussi bien en une seule qu'en elles toutes3.
c~re~ sed requi'escere, quasi iterum quiescere, duo sig.mficat a~ prae.sens : primo stabilitatem sive plenam
quietem, sicut Illud : « Sum qui su m a» et cetera ~imilia quae geminantur. frequenter in scriptura, ut Illud Is. 5I : «Ego, ego Ipse consolabor vos b». · ~~ecundo signifi~at quod ~eu~ in his, qui in ipso quiescunt, deus Ipse reqUiescit, secundum illud Prov. 8 : «Ego diligentes m~ diligo e». Ex praemissis patet quod horno conformis deo sive deiformis in requiero invenit, Eccli. 24 : «In omnibus omnibus . . ·d . . . . , req~Iem q?a:slvi » s~c m. mimmo quolibet sicut in maximo, sic m uno sicut m omnibus. c. Ps 15, z.
d. Ps 34, 13.
c. Pr 8, 17.
d. Si z4, xx.
§ 179 a. Ex 3, 14.
b. Is 5 x, xz.
f
z. Le traité De spiritu el anima, dont le chap. 1 z est ici allégué (PL 40, 788), est, malgré son attribution a Augustin (déja contestée au xme s.), simple compilation du XIIes. La sentence ( retenu~ ici et Serm. lat; I2/2 (§ 145) figure chez ScoT ERIGENE, \ De Drv. Nat. V (PL xzz, 987 C). Elle affirme une élévation des facultés de l'a~e _lors de ~a visi~.? eschatologique de Dieu-lntellect, le pouvmr tntellecttf de 1ame devenant «Dieu». 3· Reprise de l'argument exposé aux § x69 et 173 quant a la libéralité divine. · · § 179 x. «Répétitions» ou redoublements familiers a la Bible: ci-dessous § 191. J
z~ Dieu se repose en ceux qui lui sont assimilés, précise le Serm. lat. ;6-1 § 365. La déiformité de l'homme est une doctrine d'origine dionysienne. Depuis le Xlle s. elle exprime l'assimilation a Dieu suscitée par la gr:ice, spécialement lors de la vision bienheureuse de Dieu: cf. THOMAS d'AQ., 111 P. q. 12, a. 6. Voir Comm. jean § 97, uz. 3· Voir ci-dessus § 155; Pro/. CEuvre prop. § 14; Comm. Jean § 97 et 112.
474
EXPOSITIO LIB. GENESIS
Et benedixit diei septimo etc. ~So. De sac~amentis e~ perfectione septenarii plura scrtbunt sanctt. Macrobtus l. I De somno Scipionis pa~um post principium diffuse valde de hoc prosequttur.
Creavit deus, ut faceret. • 1 181. Hoc dicitur ad signandum quod deus sic 1, 1,\ creavit singula omnia, quod tamen semper creat. J «Non enim cre~vit et abiit», ut dictum est supra. R.ursus creavzt, .ut facer_et, quia opus factionis suppom~ opus creatwms; tte_m quia deus operatur in omm opere naturae et artts. Notandum ergo quod deus cessando non cessat et non quiescendo sive operando quiescit. Ratio est quia operari dei est suum esse; quies autem est d~ rat!one esse, ~uin ~mmo ipsum esse est quies et qutetans omma et tpsum solum, ut ostensum est supra. Un de Aug~stinus de deo loq~ens ait : « semper a~~ns, semper qmetus », I Confesstonum post prin:ctptum;
Inspiravit in faciem ez'us spiraculum vitae. 182. Notatur primo per haec verba quod spiritus
§ 18o 1. Voir ci-dessus § 91. MÁcROBE, In Somn. Scip., I, c. 6 (Eyssenhardt, p. 495s). . _ _ . ·.. _ . § 18I 1. Cf. ci-dessus § 9 et q 1. · 2. Cf. § 1 so et .16o. 3·-·cf. -ci-dessus § 146, n. 2 et Pro/. gén. § 17.
COMMENTAIRE DE GENESE
1,
3-7
475
Le nombre sept. 11 bénit le septieme jour et le sanctifia... (2, 3). 180. Sur le mystere et súr la perfection du nombre sept, les Peres ont beaucoup écrit. Macrobe, au livre Ier de son Commentaire sur le songe de Scipion, un peu apres le début, présente sur ce point de vastes développements 1.
Actualité du geste créateur. ... toutes les reuvres qu'il avait créées, il cessa de les faire (2, 3s). Ce passage exprime que Dieua cr~é toutes les choses singulieres de fa<;on telle qu'il les crée pourtant toujours. Comme on l'a exposé plus haut, «il ne les a pas créées pour les .quitter ensuite 1 ». En outre: ... qu'il avait créées, il cessa de les faire, paree que le faire (en nous) suppose le créer (en Dieu). De plus, Dieu reuvre en toute reuvre de la nature et de l'art2. Il faut done remarquer qu'en cessant Dieu ne cesse pas et qu'en étant sans repos ou en reuvrant il repose. La raison en est que l'reuvrer de Dieu est son etre. Or le repos appartient a la raison de l'etre, bien plus, l'etre lui-meme, et lui seul, est repos et source de repos pour toutes choses, comme on l'a exposé plus haut. Aussi Augustin, Confessions,-livre Ier, apres le début, dit de Dieu: «toujours en activité, toujours en repos3». · 181.
L' esprit animateur chez l' homme. (Le Seigneur fa~onna l'homme du limon) et il· répandit sur sa face un souffie de vie (2, 7). 182. 1 •.
Remarquóns que ces mots signifient que
EXPOSITIO LIB. GENESIS
':itae hominis est ah extra, a deo scilicet, per creatlo?em,. non. ex trad~ce. lnspiravit, inquit, deus in factem ezus spzraculum vztae. Intellectus enim ah extra est, ut ait philosophus; Eccl. 1 2 : « Spiritus redeat ad eum, qui ·dedit illuma». ·183. Secundo notandum quod spiritus vitae invenitur primo q.uidem et imper.fectius in plantis. Propter quod « tn earum producttone non fit mentio de vita» nec de spiritu vitae, «sed solum de generationea», quae tamen ad vitam et spiritum pertinet animae vegetabilis. Secundo invenitur vita perfectiori modo in animalibus minus perfectis, puta piscibus et avibus. Propter quod dicitur supra capitulo primo : « Producant aquae reptilia animae viventisb». ~':rsu~ tertio «animalia perfectiora» quantum ad «.dts~tnctlonem mem?rorum et perfectionem generatwms », puta terrestna, adhuc perfectiori et nobiliori modo participant vitam sive spiritum vitae, qui § 18z a. Si
12,
7·
§ 183 a. Gn 1, 11.
b. Gn 1, zo.
· r. C'est la _d?ctrin~ dite .«créatianiste» (l'ame humaine, spirit~elle et superteur~ a la v1e corporelle comme telle, est créée
dtrecte~e~t par Dteu e~ p~r l~i ~eul). Elle s'oppose a la théorie «traductamste» (transrnlSSlOn al enfant d'une ame issue de celle du pere: cf. ci-dessous § 303) avancée par Tertullien et meme évoquée, 9uoique avec réserves, par Augustin pour rendre quelque ratson de la transmission du péché origine!. Cf. La Gen. au s. ~itt., BA 49, p. 53os, notes compl. de P. Agaesse et A. S?hgnac: n. 43 et n. 44· La doctrine créatianiste de Jéróme, repnse par Gennade (dans une a:uvre qui sera longtemps attribuée aAugustin), a été consignée par P. LOMBARD, Sen!., 11, d. 18, chap. 7 (p. 4zos) et d. 31 ch. z (p. 505s). Aristote, De gener. anim. II, c. 3, · 736 bz7s (Belles-Lettres p. 61). !1extrinséeisme de l'~ntell~ct, justifié par sa supériorit~ sur le mveau purement·phys10log1que, est un axiome universel-
COMMENTAIRE DE GENESE z, 7
l'esprit de vie de l'homme est d'origine extrinseque, c'est-a-dire divine, par création, et non par transmission. Dieu répandit, est-il écrit, sur la face de /' homme un soujjle de vie. L'intellect est en effet d'origne extrinseque, comme l'enseigne Aristote 1, Qo I 2 : «L'esprit de l'homme retournera a celui qui l'a communiquéa.)) Il faut noter que l'esprit de vie se trouve, en un premier degré tres imparfait, dans les plantes. Aussi, «lors de la création des végétaux, n'est-il fait rnention ni de la vie», ni de l'esprit de vie, «mais seulement de la génération a, qui appartient toutefois a la vie et a l'esprit de l'ame végétale. En deuxieme lieu, la vie se rencontre sous un mode plus parfait chez les animaux les moins parfaits, telle poisson ou l'oiseau. Aussi a-t-il été dit au chapitre premier : «Que les eaux produisent ce qui, animé de vie, nage b... » En troisieme lieu, chez les « animaux plus parfaits », les terrestres, « qui présentent des membres plus différenciés et un mode plus parfait de génération», et participent a la vie, a !'esprit de vie, selon un mode plus parfait et plus noble. Toutefois ce mode de vie 183.
2.
lement _professé dans la philosophie aristotélicienne. Il a suscité la théorie averro!ste de l'intellect substantiellement séparé de l'ame humaine. Voir les discussions et les réponses d'ALBERT le Go, De anima, III, tr. z, c. 4 (Col. 7-1 p. 18z, 79); De animal. XVI, c. 1z n° 67 (Stadler, p. 1096, 33s), et de THOMAS d' AQ., In Sent., II d. 18, q. z a. 1 et a. 3; d. 17, q. z, a. 1; ScGent. II, c. 86-89; etc. Eckhart s'appuie sur la doctrine thomiste de l'unicité de la forme substantielle animatrice en chaque sujet humain pour expliquer ci-dessous § 303 que l'ame intellective, bien que d'origine transcendante, peut toutefois etre dite transmise par les parents.
EXPOSITIO LIB.- GENESI!S. ·
tamen est ex traduce, de quibus supra dicitur primo : « producat terra animam viventemc». · Adhuc autem quarto perfectiori modo et praestantiori gradu invenitur spiritus vitae in homine, nobilissimo animalium, qui, inquam, spiritus vitae iam non est ex traduce, sed ah extra, a deo scilicet, per creationem. Propter quod. signanter .dictum est supra : « Germinet terra herbam vü:entemd», quantum ad infimum gradum vitae.· Et sequitur infra : « Producant aquae reptilé», quantum ad secundum gradum vitae, qui et ipse est ex traduce, propter quod ait : « Producant aquaé». Et infra: «Producat terra animam viventeme», quantum ad tertium gradum vitae et spiritus, qui adhuc similiter est ex traduce, unde ait ~ «Producat terra». Quantilm vero ad quartum gradum spiritus et vitae, qui est in homine, iam non est ex traduce spiritus vitae. Propter quod non est dictum: «Germinet terra>>, vel «prodúcant aquae», aut etiam : « Producat terra», sed· dicitur : formavit dominus hominem et inspiravit in faciem eius spiraculum vitae.
184~ Ubi adhuc nota~dum est- quod in infimo gradu viventium, puta in herbis et plantis, «non fit mentio de vita» aut "spiritu, ·.«sed ·tantum: de» germinatione ·et «genctatione»·: «'germinet», inquit, «terra». In secundo autem gradu fit mentio de vita et anima, oblique tamen. et diminute: .«producant», c. Gn
1, 24.
d. Gn
1, 12.
Pour l'homme vivant le plus parfait, cf. § 13 1 s; Parab. Gen. 2 § 3· Cette mise en hiérarchje d~~. degrés de perfection de la vie et la dé{i_nition du degré le plUs "éminent par le pouvoir intellectif sont ici profes-
COMMENT AIRE DE GEN ESE
1,
7
479
leur est (entierement) transmis, ce qui était signifié au chapitre premier par la formule : «que la terré produise ce qui est ame vivantec». En quatrieme lieu, l'esprit de vie se rencontre en l'homme sous un mode plus parfait et a un degré plus élevé. Animal le plus noble, l'homme a re<;u son esprit de vi e non par transmission, mais de 1' extérieur, c'est-a-dire de Dieu, par création 1 • C' est. ·pourquoi il a été · précédemment . déclaré : «Que de la terre.germe l'herbe verted», relativement au mode de vi e le plus has. Puis : «Que les eaux produisent ce qui, ~.nim~ de vie, nageh», pour le deuxieme degré de la vie, qui est transmis (par le géniteur), car il est dit : «Que les eaux produisenth ... », Ensuite: «Que la terre produise ce qui est ame vivanté ... », pour le troisieme degré de vie et d'esprit qui est également transmis, d'ou la formule: «Que la terre produise ... » Mais pour le quatrieme degré d'esprit et de vie qui est en l'homme, 1'esprit de vie n' est plus transmis. C'est pourquoi il n'est plus dit : «Que de la terre germe ... », ni «Que les eaux produisent... », ni «Que la terre prqduise », mais : Le Seigneur fafonna !'hommc et tépan~it sur sa_facc un soujjle d_e vie. 184. Ici il faut noter qu'au degré le plus has, celui des herbes et des plantes, «il n'est pas fait mention de la vie», ni de !'esprit, «mais seulement de «germination et de génération » (production de semence) : «Que la terre germe ... » Mais au deuxieme degré, il est question de vie et d'ame, toutefois de fa<;on indirecte et atténuée : «Que les eaux produisent ce qui, animé
1.
§ 153; Comm. Jean § 139-141; Serm. lat.
1~ 1i:'
sées a la suite de Th. d'Aq. et a l'aide de ses formules memes (cf. ¡a P. q. 72, a. 1; q. 76, a. 1; ScGent. II, c. 68).
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE z., 7
inquit, «aquae reptile animae viventis». In tertio vero gradu dictum est de anima et vita perfectiori modo, non solum scilicet « animae viventis », sed etiam «animam viventem» : «producat», ait, «terra animam viventem ». In quarto vero gradu et supremo dictum est quod deus ipse, nihil citra ipsum, inspiravit et quod in· faciem eius et quod spiraculum vitae, non tantum vitam, sed spiraculum vitae. Propter quod dictum est supra quod « creavit deus hominem ad imaginero dei», et iterum : «praesit piscibus maris et volucribus caelia», quantum ad secundum gradum, «et bestiis terrae», quantum ad tertium gradum, et infra sequitur : « dominamini piscibus maris » « et .universis animan ti bus »b, et sequitur : « dedi vobis omnem herbam» «et universa ligna», «ut sint vobis in escame», et hoc quantum ad infimum gradum viventium.
de vie, nage ... » A u troisit~me degré, mention est faite de l'ame et de la v'ie sur un mode plus parfait, avec l'expression, non pas simplement «animé de vie», mais «ame vivante», dans l'injonction: «Que la terre produise ce qui est ame vivan te.)) Tandis que pour le quatrieme et supreme degré, il est dit que Dieu lui-meme, et ríen en de~a de lui, répandit sur ce qui est appelé la face de 1'homme un souflle de vie. Non seulement la vie, mais un souflle de vie. Voila pourquoi plus haut il a été dit : « Dieu a créé l'homme a l'image de Dieu », et encore : « Qu'il commande aux poissons de la mer _et aux oiseaux du ciel a», par rapport au deuxieme degré de vie, «et aux betes de la terre», pour le troisieme degré. Ensuite il est ajouté : « Dominez sur les poissons de la mer et sur toutes les betes b)), puis « je vous ai donné toutes les herbes et tous les arbres, qu'ils vous servent de nourriturec», ceci a l'endroit du plus has degré de vie.
185. Et tertio notandum quod ait in faciem eius
propter duo: primo, quia operationes animae et vitae manifestantur praecipue in facie hominis propter omnes sensus ibídem concurrentes. Secundo, quia anima intellectiva, intellectus scilicet qui ab extra est, quem deus inspirat, ipse est, « qui nos coniungit creatori secundum quod nos apprehendimus ipsum cum luce intellectus, quem effundit- super nos, sicut David dixit: "In lumine tuo videbimus lumena", etsimiliter ipse deus cum hoc eodem lumine respicit super nos». Ver ha s~nt Rabbi Moysis l. III c. 52.. Sic § 184 a. Gn 1, 27. § 185 a. Ps 35. 10.
b. Gn 1, 28.
c. Gn
1,
29.
.J. A la.sflite.d'AUGUSTIN, Ep. r3¡J XIII, 40 (CSEL n. p. 117). repds par P. Lc:iMBARD, Sen!._ III, d. 13 (Quaracchi 1916, II
-
.
185. 3· On observera qu'il est dit sur saface en vue d'exprimer deux choses. D'abord que les activités de l'ame et de la vie se manifestent surtout sur le visage de l'homme, paree que c'est la que concourent tous ses sens 1• Ensuite que l'ame intellective, c'est-a-dire cet intellect d'origine extrinseque que Dieu insuffie, est «ce qui nous relie au Créateur, dans la mesure ou nous l'apprehendons par la lumiere de l'intellect qu'il a répandu sur nous, comme David le dit : "Nous verrons la lumiere dans votre lumiere memea". Et de la meme fa~on, c'est par cette meme lumiere que Dieu nous regarde. » C'est ce que dit Ma!monide au livre III, chap. 52.. p. 6o3). A la suite aussi de THOMAS d'AQ., ScGent. 11, c. 85 (n° 1705).
EXPOSITIO LIB. GENESIS
ergo quia intellectus, quem deus inspirat, est quo deum videmus et quo deus nos videt, apte dicitur deus ipsum inspirasse in faciem hominis. Et ibídem in principio capituli sic ait : « Hominis sessio, motus, conversado» et «verba, quando sedet domi · cum familia», «non sic» sunt ordinata nec ornata nec reverencia, « sicut sunt, quando est coram rege nobili et glorioso»; et infra : « Propter hoc qui voluerit acquirere perfectionem humanam et quod sit horno vere, necesse est quod sciat quod rex iste sublimis, qui coniunctus est ei semper, est » «intellectus », «honoratior omni rege, etiam David et Salomone». Praemissis concordat quod Psalmus orat dicens : « Exquisivit te facies mea; faciem tuam, domine, requiramb»; et iterum: «Illustra faciem tuam super servum· tuumc».
Plantaverat autem dominus deus paradz'sum voluptatis a prindpio. Haec est quinta auctoritas secundi capituli Genesis hic exposita. x86. Notandum quod, sicut ait Augustinus Super Genesim ad litteram l. VIII in principio, «de paradiso» «tres sunt generales sententiae. Una eorum qui tantummodo corporaliter paradisum intelligi volunt, alia eorum qui spiritualiter tantum, tertia eorum qui utroqu:e modo paradisum accipiunt»; et subdit : «Tertiam mihi fateor placere sententiam». Propter b. Ps 26, 8.
c. Ps 30, 16.
2. MAi'MONIDE, ibid., III c. 53 (f. nzr, début; Munk, III p.. 4ps), qui cite le Ps 35. Voir ci-dessous § 301. Parab. Gen. §__ 139.. 2oc;>; Camm. Ex.§ 227; Comm.jean § p8; Serm. lat. ufr § it5; 22 § 213; 29 § 301-305... . .
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+.. Ainsi done, puisque cet intellect que Dieu insuffie
est ce pa! q~oi no~s ~
L'arbre de la connaissance du bien et du mal. Or le Seigneur Dieu avait planté des le commencement un paradis de délices (2, 8).
x86. Tel est le cinquieme passage a expliquer du deuxieme chapitre de la Genese. On notera que, comme Augustin le dl.t dans la Genese au sens littéral, au début du livre VIne, il y a, «a propos du paradis », trois grandes opinions. La premiere est soutenue par ceux qui veulent l'entendre de fas:on seulement corporelle; la deuxieme, par ceux qui n'y voie?-t qu'~ne réalité spirituelle; la troisieme, par ceux qu1 y v01ent les deux. « Cette derniere, poursuit Augustin, me séduit; je la préfere. » Aussi en tout ce livre VIII, sur le jardín
EXPOSITIO LIB. GENESIS
quod de paradiso et de lignis ibídem consitis et homine in paradiso posito per totum librum illum octavum pulchre valde utroque modo exponit, scilicet ~orporaliter et spiritualiter, hoc est historice et allegorice. Rursus- etiam de hoc tractat Super Genesim contra Manichaeos l. II diffuse; adhuc autem De civitate dei l. XIII versus finem, capitulo scilicet 21. De serpente autem et temptatione primorum parentum et ipsorum peccato actis in paradiso tractat ídem Augustinus De trinitate l. XII, et de hoc notabo infra mox super tertio capitulo: Damascenus vero l. II de paradiso et ibídem contentis tractat pulchre tam historice quam allegorice exponehdo. Hieronymus autem in Libro Hebraicarum quaestionum in Genesim sic ait de paradiso : «manifestissime comprobatur quod, priusquam caelum et terram faceret deus, paradisum ante condiderat». Haec ut nunc de paradiso sufficiant. Produxitque dominus deus omne lignum pulchrum visu et ad vescendum suave. 187. Notandum. primo quod, sicut habetur ex 1 Metaphysicae, sensus diliguntur propter duo : propter cognitionem scilicet et propter utilitatem. Ad § 186 1. Les trois interprétations du theme de paradis : AuGUSTIN, La Gen. au s. /itt. VIII, 1, 1 (BA 49, p. 8), repris par P. LOMBARD, Sent., II, d. 17, c. 5 (p. 413s). La premiere interprétation est celle de Jéróme, la deuxieme d'Origene, la troisieme de Lactance et Ambroise (cf. BA 49 p. 497, note compl. 36). z. AuGUSTIN, De Gen. c. Manich., 11, 9-II (PL 34, z.oz-z.o5); Cité de Dieu, XIII, XXI (BA 35, p. pos); La Trin., XII, XII, 17 (BA 16, p. z4zs). J. DAMASCENE, De jide orth., c. z.5 (trad. Bu~goqdio~ .,Buytaert, p. 106s); ]ÉRÓME, Heb. Qu. in Gen., (CC 7z, p; 4). ·
COMMENT AIRE DE GENES E
2,
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de paradis, les arbres qui y étaient plantés et l'installation qu'y avait l'homme, il développe d'admirables exposés sur l'une et l'autre interprétation, a savoir celle qui considere le paradis comme réalité corporelle et celle qui le comprend comme réalité spirituelle, done a u sens historique et allégorique t. Augustin traite encore de ce sujet en détail dans l'ouvrage de la Genese contre les Manichéens, livre II puis de nouveau dans la Cité de Dieu, livre XIII, ver~ la fin, au chap. 2 I. I1 disserte au livre XII de la Trinité sur le serpent, sur la tentation des premiers parents et sur leur péché au pa!:_,adis. Je reviendrai bientót sur ce point, au chapitre XIII ci-dessous. Du paradis et des événements qui s'y sont produits, Jean Damascene discute de fa~on remarquable er; ~lliant les interprétations historique et allégorique. Jerome, dans son Livre des questions hébrai'ques sur la Genese, dit du paradis: «Il est démontré avec grande clarté qu'avant meme de créer le ciel et la terre, Dieu avait fondé le jardín de paradis. » Voila qui suffit sur ce point2.
Les pouvoirs de jouissance. Le Seigneur Dieu avait aussi produit toutes sortes d'arbres beaux a voir et de fruits agréables a manger (2, 9). 187. Premierement, il faut noter que d'apres le livre Ier de la Métaphysique, on aime les sens pour deux raisons : paree qu'ils nous aident a connaitre et paree qu'ils nous sont utiles t. Ce sont l'ouie et la vue
§ 187 1. ARISTOTE, Metaph., I, c. x, 980 az. xs et bz.z.s; Arist. lat. XXV, z (tr. «media») p. 7, 3s et 1 xs ..
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COMMENTAIRE DE GENESE
EXPOSITIO LIB. GENESIS
cognitionem prin~ipa!it:r ~ervit auditus et visus. ~i duo sensus proprte dtsctplmales sunt sec~ndu~ phtlosophum : « Omne enim, q';lod q~is n~v~t, add~scens vel inveniens novit», ut tpse att ahbt, addtscens quidem auditu, inveniens .au te~ vis u. Quantu~ autem ad utilitatem et conststenttam naturalem antmalis ordinantur alii tres sensus, primo tamen tactus, secundo gustus, tertio odoratus, licet et isti tres ordinentur etiam ad cognitionem, et e converso auditus et visus ad consistentiae naturalis consetvationem. Et hoc est quod hic dicitur : P:oduxit deus omne lignum pulchrum visu, quantum ad pnmum, et ad vescendum suave, quantum ad secundum.
r89. Rursus
notandum quod vi~us pert~n~t ad aspectuffi:, gustus ad affectum. Itero vtsus resp1c1t esse
2. ARISTOTE, De sensu et sens. c. I, 437 a3s, développ~ ~ár ALBERT, Postilla in /saiam, c. 6 no 9 (Col. 19 P· 96, .8 3s), qut ctte encare Réfut. soph. d' Aristote, II, c. 22, 178 b34 (Tncot, Organon,
(Bet
9
qui servent principalement a la connaissance. Ces deux sens, d'apres Aristote, sont proprement didactiques. «Tout ce qu'on connait, on le sait en l'apprenant ou en le découvrant» et, précise-t-il ailleurs, en l'apprenant par l'ouie, en le découvrant par la vuez. . Quant a l'utilité et a la conservation naturelle de !'animal, les trois autres sens y sont ordonnés, d'abord le toucher, puis le gout et en troisieme lieu l'odorat, bien qu'ils soient aussi tous trois ordonnés a la connaissance, comme inversement l'ou1e et la vue a la conservation de la vie physique3. Voila pourquoi il est dit : Dieu avait produit toutes sortes d' arbres beaux a voir, ce qui concerne la connaissance, et agréables a manger, ce qui concerne l'utilité.
188. Notandum autem secundo quod horno s:cundum speciem, qua hot?o est, ordina~ur proprt~ ~d cognitionem, quae ordmatur et perficttur. proprte m ratione sive intellectu. Propter quod eu~m s:nsus interiores, qui directe ordinantur. et deservt~nt t?tellectui, perfectiores sunt i? ~omme quam m ahquo animali alio, secus de exter10nbus senstbus. Et h~c ~st quod hic loquens d~ ho~ine formato praemttttt : pulchrum visu et postenus dtctt: et ad vescendum suave.
VI p. 101).
2,
)
. D'apres AL:SERT, De sensu et sens., tr. 1, c. 2 9, p. 4-5 · 3 § ¡88 1. Avec ALBERT, De anima, I, tr. 1, ~· 1 _(Col. 7-1 p. 2, &)> et THOMA~ d' AQ., ¡a P. q. 92 a. 1. V ?Ir ct-dessus § I I ~. 32· ~ AviCENNE, L: de anima, I, c. 5 (Van Rtet, I p. 83s), reprts 2
188. En deuxieme lieu, il faut remarquer que l'homme, du point de vue de la nature spécifique qui le fait homme, est proprement ordonné a la connaissance1, laquelle est proprement ordonnée et accomplie dans la raison ou intellect. C'est pourquoi aussi les sens intérieurs, qui sont directement destinés a servir l'intellect, sont de nature plus parfaite en l'homme qu'en aucun autre animal, ce qui n'~st pas le cas des sens externes2 • Et. de la vient que l'Ecriture, achevant le récit de la création de l'homme, dit d'abord beaux avoir, et ensuite agréables amanger. 189. Autre remarque : voir se rapporte a l'aspect, mais gouter a l'affect. En outre, la vue concerne l'etre par ALBERT, De anima, III, tr. 1, c. 1 (Col. 7-1 p. 166, 33s) pour les pouvoirs externes et les pouvoirs internes. Pour la comparaison des sens chez l'homme et chez !'animal, avec ALBERT, De a:imal~ XIX, c. 5 n°. 24_(Stadler, p. 1257, 24s); THOMAS d'AQ., 1 P. q. 91, a. 1. Vmr ct-dessous § 229, 237; Parab. Gen.§ 138, 141, 15 5; Comm. ]ean § 83.
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rerum in suis principiis, gustus respicit esse rerum in se ipsis. Item visus respicit rerum veritate~, gust~s rerum bonitatem. Item ad litteram: pulchntudo estbilis in homine maxime provocat et acuit appetitum. Et hoc est quod hic praemittitur : pulchrum visu et sequitur : ad vescendum suave.
In quocumque die comederis ex eo, morte morieris. 190. Notandu?'l q_uod pe~cator mox, ut pe~cat, moritur quamvts vtvere vtdetur, secundum tllud . Apoc. 3' :«Nomen habes quo d vtvas et mortuus ~s a ». Ipsum enim peccatum mors est, et mors pesstma, a. Ap 3,
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des choses en leurs príncipes, le gout ce qu'elles sont en elles-memes. La vue se réfere ala vérité des choses, le gout a leur valeur de bontét. Autre lecture littérale : c'est la beauté du comestible qui provoque et aiguise l'appétit humain. aussi est-il dit dans un ordre J intentionnel : d'abord beaux avoir, et ensuite agréables a manger.
La sanction du péché. ... Sitot que tu en mangeras, tu mourras de mort (2., 17). -~ . 190. 11 faut bien voir que le péchel;lr, des qu'il peche, meurt, si meme il semble rester en vie,comme le rappelle Ap 3 : «Tu as le nom de vivant, mais tu es morta. » Le péché meme est une mort et la pire des
I.
1 • Eckhart use d'assonance : aspeclus - affeclus, aspect,_ ~ffect. Laconique, il passe au theme tra~ition,ne,l. de~ s~ns spm!uels pour le couple vue-gout. Son bref resume s tnsptre a coup sur de ceux d' ALBERT In Dion. de Coel. Hier. XV§ 5 (Bet 14, p. 414s) et In Sent. III d. '13 a. 4 Sol. (Bet 2.8, p. 2.39s), '\ui pro_l~npe~t un enseignement remontant aux auteurs du XII s. ~ertt~ d ÜRIGENE (Hom. 3 sur le Lévit.~ ~o 7; PG 12, .43 ;. ment!onne. In S~nt. III), le theme des sens spmtuels ( = ammes par 1Esprtt-Satnt) est développé par GUILLAUME de ST-THI~RR;, .pe la nature el de /a dignité de l'amour (reuvre longtemps attnbuee a S. BERNARD: cf. M.-M. DAVY, Deux lrailés de l'amour de Dieu, no 33, p. 110-112) en exploitant Fétymologie d'IsiDORE de SE.VILLE (Etymol. X, Lindsay n° 240) : sap?~-sapiens (sap~entia), saveur-sage ~sagesse) et en reliant le gout (spmtuel) au destr de la Parole de Dteu. . Ce couple sapor-sapienlia se retrouve chez S. BERN~RD, Sup. Can t. s. 8 5 n° 8 (Ro me, II p. pz., 2.1 s) : « Sagesse vtent s~ns doute de saveur, qui (... ) rend la vertu s~vou_re~se (... ). Ce n est pas moi qui . jugerai répréhensible celut qut defintt !a. sagesse comme saveur du bien.» Chez le Ps.-AUGUSTIN, De spmlu el an., c. ú (PL 40, 786), le theme est n!pris·: «la sagesse est l'amour
du bien, ou saveur du bien». ALBERT, In De C. Hier. ibid., rattache la vue et l'ouie spirituelles au vrai, et a la valeur de bien (bonitas) les trois autres sens spirituels : odorat, toucher et gout. A celui-ci revient, conjointement au toucher, de s'unir a l'essence meme de Dieu qui se rend présent par le don de la gloire. Pour le don de sagesse infuse réservé au gout spirituel, S. Bonaventure use de l'assonance intelleclus - affeclus, pensée intellective - amour (selon la sagesse) : In Senl. III, d. 13 dub. 3, Quar. III, p; 291s; d. 35 q. 1 Sol. p. 774· THOMAS d' AQ., In Senl. III, d. 35, q. 2, a. 1 qla 3a et Sol. 3a, Moos n° 108 et 124-125, remarque que le jeu de mots sapor-sapienlia vaut certes en langue latine, mais non en d'autres idiomes. II montre qu'en se référant au signifié du terme «sagesse» on discerne le sens partout valable de délectation suscitée par la connaissance de sagesse spirituelle. Pour une recherche plus poussée, voir K. RAHNER, «Le début d'une doctrine des cinq sens spirituels chez Origene», Rev. Ase. el Myst., 13 (1932), p. 114-145, et «La doctrine des sens spirituels au m. a., en partic:;ulier chez S. Bonaventure», ibid. 14 (1933), p. 263-269. ECKHART: Comm. Jean § 224; Comm. Ex. § 265.
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EXPOSITIO LIB. GENESIS . b S . Psalmus : « Mors peccatorum pess1ma ». tattm ergo ut quis peccat, punitur et mox peccando moritur. Et hoc est quod post quarto capitulo dicitur : « Statim peccatum in foribus ader~t~». S~ne~a. Ep1stula 87 : « Magnum scelerum supphcmm m 1ps~s est. Err~s, si illa ad carnificem, ad carcerem d1ffers. Statlm puniuntur, dum facta sunt, immo dum fiunt. » Sap. 16 : «Horno per malitiam occid~t ani~at;l suamd». Augustinus Super Psalmo «Q?ld glonans in malitia ?e» : « exspectamus » peccaton «poenam ». «Dimitte illum in se. Ut multum saevieris, subiectus est bestiis; in se ipsum peior est bestiis. Bestia potest . corpus eius lacerare; ipse cor suum», animam sua.m, lacera t. « lnterius in se ipse saevit. Et tu exterms plagas inquiris? Ora pro illo, ut liberetur a se». Propter hoc Eccli. 5 dicitur: «ne dicas : peccavi, et quid accidit mihi triste?f», quasi dicat ex persona multorum: peccavi nec morior, sed potius cuneta sunt mihi prospera. Isti enim caecati malitia .non vident ipsam prosperitatem interius esse mortero. Sap. 2: «Excaecavit eos malit~a eorumg»: ~~gus~i~us in Epistula prima ad Marcelhnum : « N1hll mfehcms felicitate peccantium», et infra: «perversa et adversa
b. Ps 33, · 2.2.. c. Gn 4, 7· d. Sg 16, 14. e. Ps p, 3· f. Si 5, 4· g. Sg 2, 2.1. 1. Pour le theme de la mort spirituelle immédiate (éloignement de Dieu), Eckhart s'inspire probablement, a travers la Glose (P L 1 13, 89 A), d' AuGUSTIN, La Gen. au s. litt., IX, x, 16 (BA 49 p. 1 10s) et XI, xxxn, 42. (p. 2.98s) résumé déja par BEDE, In Gen. II, 17 (CC 118 A p. 5z, 1648s). Le déreglement de la sensualité comme chatiment immédiat: P. LOMBARD, Sent. II, d. 30, c. 8 n° 2. et c. 9-10 (p. 500S). Eckhart explique sa réf. a Gm:A, ·7 dans Comm. Ex. § zq. . . 2.. SÉNEQUE, Lettrei a Luci/ius; 87, § 2.4 (Belles-L. III, p. 15 z).
491
morts, comme le dit le Psaume: «La mort des
f ~ pécheurs est la plus funeste des morts h.» Des qu' on peche, on est puni; sans retard on meurt d'avoir péché 1• De hl ce qui est dit dans la suite, au chapitre quatrieme: «Aussitot le péché est hl, devant la portee.» Séneque, Lettre 87: «Le plus grand .chatiment des crimes réside dans ces crimes memes. Tu te trompes si tu l'attends a ce qu'inflige le bourreau ou le geólier. Sans délai, les crimes rec;oivent punition, des qu'ils sont commis, mieux: des le moment V' meme ou ils sont perpétrés2 .)) Sg I 6 : «Par le mal, V( l'homme tue sa propre ame d.)) Augustin commentant le passage du Psaume : « Pourquoi se glorifier de la malice?e» écrit: «Attendons le chatiment» du pécheur. «Laisse-le a lui-meme. Pour lui infliger un chatiment sévere, on le soumet aux betes? En luimeme, il est pis que les betes. Une bete pourra lui déchirer le corps, lui-meme lacérera son propre creur», sa propre ame. «lntérieurement il se déchaine contre lui-meme. Et tu exigerais qu'a l'extérieur on y ajoute des plaies? Prie bien plutót pour lui, qu'il s'affranchisse de lui-meme 3 • » Aussi le Siracide conseille-t-il: «Ne dis pas : "a moi qui peche, que m'arriverait-il de facheux?f" visant par la ce que dit la !( multit':lde: Si je peche, je n'en mourrai pas; au : contra1re tout me sera favorable. A veuglé par la malice, on ne voit pas que cette prospérité meme est ) intérieurement mortelle. Sg 2 : « Leur malice les a aveuglésg. ». Augustin, dans la Lettre I a Marcellin: « Rien de plus funeste que le bonheur du pécheur », et
1
3· AUGUSTIN, Enarr. in Ps. JI, n° 8 (CC 39, p. 62.8, 1os). Le texte cité ici differe un peu : la ou il est dit «on le soumet aux betes», l'éd. moderne dit «tu t'abaisseras en dec;a des betes?».
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COMMENTAIRE DE GENESE z., 17
corda mortalium felices res humanas putant, cum tectorum splendor attenditur et la bes. n.on atten~li.tur animorum »; et Super Psalmo 9 3 dtctt : « Fehcttas peccatorum fovea ipsorum est»; Prov. 1 : « Prosperitas stultorum perdit illosh ».
plus has : « L'ame double et perverse des mortels juge du bonheur chez l'homme au vu des brillants extérieurs et en négligeant la ruine de l'ame. » Et sur le Ps 93, il est écrit: «La félicité du pécheur, c'est sa fosse 4 . » Pr 1 : «La prospérité perd l'insensé h.»
Morte morieris. Modus loquendi est in scriptura sicut illud Ez. 3~ : «V ita viveta», Psalmus : « Exspectans exspectavi . »; Th~eni .1 : « Pec.c~tum p~~ cavit», «Plorans ploravttc»; Exodt 3 : «Ytsttans vtsttavid» et similia. Fit autem hoc ad matorem assertionem vel ad expressionem perfectae vitae aut mortis perniciem maximam, ut supra: «Mors peccatorum pessimae». _ . . . _ V el dicit : morte morterzs, quta horno peccando moritur, antequam moriatur, aut quía dupli~i ~orte moritur. Augustinus Super Psalmo « Odtstt observantes vanitatesf » : « qui » timore mortis « mentitur», «moritur antequam moriatur». Sap. 1 : «Üs, : « Perdes q uod mentitur , occidit animamg », Psalmus h orones qui loquuntur mendacium ». Propter hoc Eccli,. 7 dicitur : « Noli :relle mentid om.n~ ~enda cium1 ». Augustinus ub1 supra : « Menttr.l vts, ne moriaris? 11entiris et morieris. Et cum vttas unam mortero, quam differre poteris, auferre non poteris, i~cidis in duas, ut prius in anima, postea in corpore mortarts. » 191.
h. Pr x, p. § 191 a. Ez 33, 15. et 1, 2 • d. Ex 3, 16. e. Ps 33, 22. h. Ps 5. 7· i. Si 7, 14·
b. Ps 39, 2.. c. Lm 1, 8 f. Ps 30, 7· g. Sg 1, 1 I.
4· AuGUSTIN, Ep. IJ8, n, 14 (CSEL 44 p. 140, 13s); Enarr. in Ps. 9), n° 16 (CC 39, p. 1316, 1JS). § ~91.1. ~~do)lblement de l'Ecriture: avec AMBROISE, De paradiso, c. 9 n° 43 (CSEL p,x· p. 300, Hs). Cf. EcKHART, Comm. jean § 689; Serm. lat. 46 § 478.
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191. Tu mourr;zs de mort. Cette fac;:on de parler est couran te dans 1' Ecri tu re : Ez 33 : « Il vi vra de vie a» ; le Psaume: «En attente, j'ai attendu h ... »; Lm 1 : «Elle (Jérusalem) a péché par un péché», «a pleuré des pleurs e»; Ex 3 : «En vi si te, j'ai visité d... » ; etc. On fait cela pour ~ffirmer avec intensité ou pour mieux exprimer soit l'excellence de la vie, soit la tres grande ruine de la mort, comme dans· la formule rencontrée plus haut : «La mort du pécheur est la plus funeste des morts e.» 1 Autre lecture : la parole tu mourras de mort signifie qu'en péchant l'homme meurt, avant meme de mourir, ou bien qu'il meurt d'une double mort. Augustin, sur le passage du Psaume : «Vous ha"issez ceux qui observent des reglements videsf»: «Qui ment par crainte de la mort, meurt avant la mort. » Sg 1 : «La bouche qui ment tue l'espritg. » Le Psaume : «Vous perdrez tous les menteurs h.» Aussi est-il dit dans le Siracide : «Aie la volonté de ne proférer aucun mensonge i. » Augustin, sur le m eme Psaume, dit : «Tu projettes de mentir pour éviter la mort? Tu vas ala fois mentir et mourir. A éluder une mort que tu peux tout au plus différer mais non éviter, tu te précipites dans deux morts, en sOrte que tu meurs d'abord dans ton ame, puis dans ton corpsz. »
2. La double mort: a travers la Glose (PL IJ3, 89 B), AuGUSTIN, Enarr. in Ps. JO, s.I n" 12 (CC 38 p. 199).
COMMENTAIRE DE GENESE
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Dans mon second Commentaire, on trouvera, sur ce point et ce qui s'y rapporte, plusieurs considérations3.
Omne quod vocavlt Adam animae vlventis, lpsum est nomen eius.
Le savoir infus d'Adam. Le no m qu' Adam donna a chacun des animaux est son nom (véritable) (z, 19).
Videtur mihi quod vult dicere quod Adam imposuit singulis nomina iuxta ipsarum rerum proprietates, ita quod ipsa indicabant naturas et proprietates naturales rerum. Et hoc satis invenio in simili ex A. Gellio, Tullio et Augustino. Unde A. Gellius l. XI c. 4 dicit «nomina et verba non fortuito imposita, sed» naturali « quadam vi et ratione naturae facta esse» sive imposita. Et hoc probat multis exemplis in G~aecis voci~us et Latini~. Possum~s etiam_ ap~d nos vtdere hoc 1psum. Lumtnellam stve lummartam herbam quandam vocamus, quae, ut experimento didici, mirabilem efficaciam habet in reformatione luminis et visus oculorum. Et secundum aliquos sol vocatus est, eo quod s_ol_us lucet et ah ipso omnia lumen mutuant. Unde dtvmatores multum se fundant et confidunt praesagiendo in nominibus sive hominum sive rerum aliarum quarumlibet, tam in numero, quam in figura, qua~. et~am in ordine litterarum. Propter quod Pythagonct dtcebant numeras esse rerum f9rmas, et secundum Boe.
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Ce passage, il me semble, signifie qu' Adam a imposé un noma chaque chose d'apres ses propriétés, si bien que ce nom en indique la nature et les propriétés naturelles. J'en trouve ample témoignage chez Aulu-Gelle, Cicéron et Augustin. Le premier, au livre XI, chap. 4, écrit : « Noms et vocables ne sont pas décernés au hasard, mais bien plutót en considération de la vertu naturelle a chaque chose et de sa nature. » Ille montre par de nombreux exemples tirés du grec ou du latin 1• Il est possible de faire les memes ¡ observations dans notre propre usage. Ce qu' on · appelle luminelle, ou herbe luminaire, possede, j'en ai fait . l'expérience, la merveilleuse propriété de guérir les yeux etde rendre la vue2 • D'apres certains auteurs, le soleil est ainsi appelé paree que lui seul brille et que , tout (ce qui brille) lui eniprunte sa lumiere .. · Aussi les devins se fondent-ils surtout sur lesnoms qui sont attribués soit aux hommes soit a n'importe quelles autres choses et leur font confiance pour tirer des présages du nombre, de la figure ou encare de l'ordre des lettres. C'est pourquoi les pythagoriciens enseignaient que les nombres sont la forme (essentielle) des réalités. Selon Boece «toutes les choses que 192.
~
t, í-J ~-./
3· Cf. Parab. Gen. § Ioo-Io8. t § 192 1.. Référé ala doctrine théologique du savoir infus chez Adam, Eckhart opte pour la these rem,on~a?t a Héraclite ~t • exposée par le Cratyle : ,le lanfSage est ort&me. naturelle. ·S y opposait la these de· Democrtte des denommattons par p~re convention. Cette derniere est retenue par AUGUSTIN, De musrca, III, n, 3 (BA 7, p. 104) et également par Au_LU-GELLE, Nuits attiques, X, c. 4 (Belles-Lettres, I p. 154s; v?tr_p. 218 n. 4 de R. ~ARACHE), apres présentation de la theorte adverse par P. Nigidius, ce qti'Eckhart n'a pas remarqué.·
l
19
Multa invenies circa hoc et super hoc in Secunda editione.
192.
t.
2,
?
~
2. Simples utiÚsés alors en ophtalmologie (voir LWI, p. 337, notes de K. Weiss indiquant traités de botanique du temps).
i.
COMMENTAIRE DE GENESE
EXPOSITIO LIB. GENESIS
thium « omnia a primaeva rerum natura constituta ratione numerorum formata» sunt. Et, sicut dicit primus philosophus, rerum species se habent sicut numeri. Figurae etiam rerum, quae in numeris fundantur, signant super naturis specierum et proprietatum naturalium, ut Thomas inducit. Secundum hoc igitur in verbis praemissis innuitur quod Adam novit naturas rerum omnium, eo quod ipse nomina imposuit omnibus. Sic enim Adam institutus est a deo perfectus scientia, ut omnia sciret, quae cadunt et cadere possunt sub luce agentis intellectus, ut dicunt doctores.
193· Sed tune est quaestio, quare dicatur imposuisse nomina non rebus omnibus, sed tantum viventibus sive animatis; ait enim : animae viventis etc. Ad quod nunc sufficiat quod hoc ipso, quod novit viventia et eorum naturas, quae sunt perfectiora in entibus, relinquitur quod multo magis novit minus perfecta, inanimata scilicet non· viventia. Secundum praemissa in Psalmo dicitur de stellis: «Et deus eis omnibus nomina vocat»a, id est propriea. Ps 146, 4· 3· Les Pythagoriciens: cf. ALBERT, Metaph. I, tr. 4, c. 13 (Col. 16-1, p. 68, 44s); BoJ?.:cE, De inst. arithm. I, c. 2. (début; Friedlein, p. 12.). 4· Hiérarchie des natures ou essences créées, comme la suite des nombres: ARISTOTE, Métaph., VIII, c. 3, 1044 a9s; THOMAS d' AQ., In Metaph., V, lect. 5 Marietti n° 8zo); In Phys., VII, lect. 5 (n° 917) : la figure selon laquelle est formé chaque sujet dénote la nature de celui-ci. ECKHART : Parab. Gen.§ 2.08; Comm. ]ean § 2.65 : la série des natures rapprochées de la «chaine d'or» d'Homere (selon Macrobe). . J. J~or~u.latipri personnelle d'une these traditionnelle relative au savoir infusé par grace a Adam au titre de principe du genre humain. La mention de l'intellect agent évoque une notion
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la nature primordiale a constituées ont été fa~onnées en raison des nombres3• » D'apres Aristote, daris la Métaphysique, les natures spécifiques des choses sont ordonnées entre elles comme le sont les nombres. Meme la figure de ces choses, qui est fondée sur les nombres, caractérise, comme le dit Thomas, leur nature spécifique et leurs propriétés4. D'apres ceci, notre passage suggere qu' Adam connaissait les natures de toutes les choses, puisqu'il leur a donné un nom a toutes. Adam a done été originairement doté par Dieu d'une science parfaite, afin qu'il conmlt touJ ce qui est ou peut etre saisi a la lumiere de l'intellect agent, comme disent les théologienss. ·
193· Mais ici une question se présente: pourquoi Adam est-il dit avoir donné un nom non pas a toutes choses, mais seulement aux etres vivants ou animés? Il est en effet écrit : a chacun des animaux, etc. Bornons-nous ici a cette réponse : si Adam disposait d'un savoir concernant les vivants et leurs natures, eux qui sont les plus parfaits des etres, a plus forte raison disposait-il d'un savoir relatif aux choses moins parfaites, les choses inanimées, celles qui sont privées de vie. Conformément a cela, le Psalmiste dit au sujet des étoiles : «Et Dieu leur donne a toutes leur noma.» développée par Albert et Thomas d' Aq. Mais ce que ceux-ci exposatent quant au Christ doté d'une perfection intellective achevée pour tout ce qu'un intellect humain peut connaitre, Eckhart l'applique a Adam type de l'homme tout court. C'est siirement en continuité avec l'acception de l'intellect agent qu'on lit chez son collegue et contemporain DIETRICH de FREIBERG, De visione beatif., I, 1 (Mojsisch p. 15s). Voir Comm. ]ean 94, 141, 15 5; Comm. Sag. 93-95.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE z, 2.4
tates et naturas contulit, a quibus nominantur et vocantur, sicut ·in Marte, Mercurio, Iove, Venere et Saturno apparet et ipsis signis caelorum et similibus.
C'est-a-dire qu'il leur confere leurs propriétés et leurs natures, d'apres lesquelles elles sont nommées et appelées. On le constate pour Mars, Mercure, Jupiter, Vénus et Saturne, et pour les signes qu'on voit dans le ciel et autres choses semblables 1•
Erunt duo in carne una. 194· Quamvis communiter hoc exponatur ad litteram et bene, quod vir et mulier sunt duo in carne una, quia uniuntur quantum ad opus generationis - unde aliqui exponunt :in carne una, id est in prole una, quae una est communis patri et matri - sunt tamen circa praemissa quinque principaliter consideranda, ex quorum singulo patebit quam convenienter dictum sit quod in natura humana mas et femina erunt duo in carne una. 195. Primum est quod in quibusdam rebus naturalibus et viventibus mas, sive virtus activa, et femina, id est virtus passiva, sic sunt duo, quod non concurrunt in eodem nec numero nec specie nec etiam genere, sed tantum analogice. Qualia sunt quae generantur sine semine,. quorum virtus mascula et activa
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§ 19 3 1. Allusion aux théories antiques rapprochant les dieux et les astres, (astronomie et astrologie confondues), a la suite d'AUGUSTIN, La Gen. au s.litt. II, x, 2.3 enav, 2.9 (BA 48 p. 188 et p. 192.); Cité de Dieu, V, v-VI (BA 33, p. 656); VII, III-Iv, (BA 34, p. 12.2.5); a la suite aussi de MACROBE, In Somn. Scip., 1, c. 19 (Eyssenhardt p. 558s) et d'ALBERT le Go, De animal. 1, tr. 2., c. 2. § 130 (Stadler, 1 p. 147). EcKHART: Parab. Gen. § 2.08; Comm. Sag. § 2.46-2.49; Comm. Ex.§ 132.; Comm.Jean§ 2.65-2.68. § 194 1. Avec AuGUSTIN, La Gen. au s. litt., IX, m, 5 (BA 49 p. 96); vn, 12. (p. 104); VIII, 13, p. 107; voir p. p6s, note c~mpl. 42. : La fem11J~, /a.sexualité et k mariage dans le «De Gen. ad lttt.J>), la tradition ·théologique a défini par la génération le sens de la
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Dualité des sexes. lis seront deux dans une seule chair (z, 24).
194. Au sens littéral, l'interprétation courante de ce passage est bonne qui explique que l'homme et la femme sont deux dans une seu/e chair par l'reuvre de génération 1. Certains entendent done la formule dans une seu/e chair comme signifiant «dans une seule descendance», une et commune au pere et a la mere. Mais pour ma part, je proposerai ici cinq considérations principales, chacune manifestant avec quelle pertinence il est écrit que dans la nature humaine le m~lle et la femelle seront deux dans une seule chair. 195. Premierement, chez certains etres de la nature et certains vivants, le male, c'est-a-dire la puissance active, et la femelle, c'est-a-dire la puissance passive, sont tellement deux que ce qu'ils produisent ensemble n'est un ni par le nombre, ni par l'espece, ni par le genre, mais seulement par analogie. C' est le cas de la génération sans semence, ou la puissance male et dualité des sexes: cf. P. LoMBARD, Sent. 11 d. 20, c. 1-3 (p. 427s), avec toutefois mention, a la suite d'Ep 5,32, d'un sens mystique (sacramentum =:= myst~re, sens caché) expliqué par la relation du Christ et de l'Eglise Epouse (cf. Sent. II d. 18, c. 3 n° 2; p. 417). La Glose notait des extrait& d'lsiDORE, Qu. in Gen., c. 3 n° 11 (PL 83, 218). Voir Parab. Gen.§ II3-134 sur la création de la femme.
EXPOSlTlO LIB. GENESIS
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est corpus caeleste, femina vero sive virtus passiva est materia transmutabilis aptata forrnae, quam recipit analogice a virtute activa caelestis corporis. Sunt autem alía in secundo gradu, in quibus concurrit mas et femina, activum et passivum, in eodem tam genere quam specie et etiam numero. Et talia sunt plantae et vegetabilia, ubi mas et femina, activum et passivum, sunt in eodem numero. Quamvis in una plus· abundet virtus mascula, in alia vero plus abundet virtus feminina, indistinctae tamen et - communiter - sunt unum numero. In tertio autem gradu et perfectiori, puta animalibus, magis autem in perfectioribus, maxime autem in homine, perfectissimo animalium, virtus activa et passiva pro sui perfectione sunt haec duo, mas et femina, activum et passivum, distincta numero et subiecto et sexu. Propter quod signanter et specialiter hic dicitur de homine quod mas et femina, activum et passivum, sunt duo in carne una.
active est le corps céleste, et la puissance femelle ou passive, la matit~re sujette a la transmutation et apte a la forme qu'elle re~oit de maniere analog~que de la puissance active du corps céleste. A un deuxieme degré se situent d'autres vivants chez qui príncipe m~He actif et príncipe femelle passif produisent ensemble quelque chose d'un selon le genre, l'espece et meme le nombre. Ce sont les plantes et les végétaux, ou male et femelle, príncipe actif et príncipe passif, se trouvent réunis en un meme sujet individue!. Si meme en telle espece prédmpine la puissance male et en telle autre la puissance femelle, les deux n'en sont pas moins indissociables dans le végétal et ensemble ils font quelque chose d'un par le nombre. Au troisieme degré, le plus parfait, ce sont les animaux, surtout les animaux plus parfaits et au plus haut point l'homme, le plus parfait des etres vivants. Chez eux la puissance active et la puissance passive sont pour leur perfection distinguées en male et femelle, actif et passif, par le nombre, le sujet et le sexe. Voila pourquoi il est dit a juste titre et spécifiquement de l'etre humain que male et femelle, actif et passif, sont deux dans une seu/e chair 1 •
196. Secundo notandum quod distinctio semper est per actum. Hinc est non minus notandum quod formae diversae, oppositae aut contrariae eiusdem generis, numquam possunt inesse eidem actu piures
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Bref exposé des príncipes d'une sexologie générale, assez certainement d'apres ALBERT le Go, De veget. I, tr. 1, c. 7 (Meyer-Jessen p. 23S); c. 12-13 (p. 43S); II tr. 1 c. 1 no 5-7 (p. 105s); IV tr. 3, c. 1 (p. 254s) pour l'ordre végétal duque! est rapproché le couple «cause terrestre - cause cosmique», et De animal. notamment, IV, tr. 2 c. 4 (§ 102; Stadler I p. 402s), V en entier (p. 407s); XV-XVII (II p. 99os) pour l'ordre animal; et finalement IX (I p. 674s) et XII (II p. 1349s) pour l'ordre humain. Observer qu'a la différence de la tradition grevée des réserves et emba-rras d' Augustin sur ce theme, Eckhart a souci, a 1'étole d' Albert qui a rédigé le premier traité de sexologie
196. Deuxiemement, il faut noter que toute distinction se fait par l'acte. D'ou, remarque également importante, il suit qu'une pluralité numérique de formes diverses, opposées ou contraires, a l'intérieur d'un meme genre, ne peut jamais se trouver en acte en un meme sujet. En revanche, elles peuvent se trouver humaine au m.a., de proposer une vue plus réaliste de la sexualité. Pour le couple actif-passif, cf. Parab. Gen. § 22-26, 122; Comm. Jean § 182, 183.
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COMMENTAIRE DE GENESE i, 14
numero, possunt tamen inesse et insunt et simul sunt in eodem in potentia aut edam sub actu incompleto. Verbi grada : ídem numero est in potentia album et nigrum. Idem etiam numero est album et nigrum sub actu incompleto, ut cum ex nigro fit album. Idem autem esse actu completo simul album et nigrum est impossibile. Quia igitur horno perfectissimum est animalium, in ipso est potissime disdnctio activi et passivi, maris et feminae, quam subiecto tam sexu. Propter quod de ipso homine specialiter hic dicitur: erunt duo in carne una; duo, inquam, sexu et subiecto; in carne una quantum ad carnalem generadonem.
et se trouvent, et simultanément, en puissance dans un meme sujet ou un meme degré d'aci:ualité incomplete. Par exemple : un sujet un numériquement est en puissance blanc et noir; un sujet un quant au nombre est aussi blanc et noir a un degré d'actualité incomplete, comme lorsque de noir il devient blanc; mais il est impossible qu'un meme sujet soit a la fois blanc et noir a un degré d'actualité complete. Comme done l'homme est l'animalle plus parfait, il y a chez lui distinction la plus manifeste du principe actif et du principe passif, du ma.le et de la femelle, tant au point de vue du sujet individue! qu'a celui du sexe. V oila pourquoi il est ici spécialement déclaré de l'homme: lis seront deux dans une seu/e chair. Deux, dis-je, par le sexe et par le sujet. Dans une seu/e chair : du point de vue de la génération charnelle.
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197. Adhuc autem tertio notandum quod horno, cum sit animal radonale, naturaliter ordinatur ad cognoscere et praecipue ad intelligere. « Cetera animalia» non sic. Unde ipsa «non delectantur in sensibilibus» nec in sentire «nisi in ordine ad cibos vel venerea», propter quod pro his tantum pugnant, ut ait philosophus. Hinc edam est quod «habent faciem pronam ad terram ad cibum quaerendum. Horno vero e converso faciem», in qua sunt sensus, «habet erectam» et «delectatur in ipsis sensibus secundum se» et in ipso actu, qui est sentire. Unde philosophus 1 Metaphysicae docet quod homines plus amant sensum visus, eo quod ipse plus deserviat cognitioni circumscripta utilitate alia. Quia ergo horno ordinatur ad aliquid altius, quam sit carnalis generado, puta 1. ALBERT, De animal. VI, tr. 3, c. 1 § 97 (Stadler I p. 482.), citant ARISTOTE, Hist. des anim. VI, c. 18, SJI b12.s (Belles-L. 11 p. 102.). Cf. ci-dessus § 115, 188; Comm. Ex. § 2.10. 2.. Voir § 1 33 ci-d es sus et § 2. 38 ci-dessous; Parab. Gen. § 15 s, av~c THOMAS d'AQ., ¡a P. q. 91, a. 3· '3· Cf. § 187 note 1. · ·
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I97· En outre, troisiemement: animal rationnel, l'homme est par nature ordonné a la connaissance, et principalement a la connaissance intellective. Ce n' est pas le cas «des autres animaux», qui, eux, «ne se j délectent dans les choses sensibles» ou dans les sensations «que pour la vie nutritive ou la vie génitale», «la seule pour laquelle ils se battent tant», ! comme !'observe Aristote1. C'est pourquoi aussi « leur face est tournée vers le sol pour y chercher la nourriture. Au contraire l'homme, dont la face», ou résident les organes de perception sensible, « est orientée vers le haut, se délecte de ses sens pour eux-memes » et dans l'acte meme de sendr2. Aussi ¡ Aristote, au livre Ier de la Métaphysique, enseigne-t-il que l'homme estime le plus le sens de la vue, car, abstraction faite de ses autres utilités, c'est le principal · auxiliaire · de la connaissance 3. · L'homme est done ordonné a une fin plus haute
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EXPOSlTlO LIB. GENESIS
ad inte~ligere, propter hoc non oportet in ipso specialiter in ter cetera animalia et prae ceteris concurrere in eodem sexu et subiecto principium generationis activum et passivum. Et hoc est quod hic dicitur : erunt duo, principium scilicet activum et passivum, mas et femina, in carne una, id est in carnali generatione et in tempore generationis et prole una. Non enim imaginandum est quod proles diversa esse accipiat, aliud a patre, aliud a matre, sed ídem esse prorsus omniquaque habet a patre active et a matre passive.
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198. Rursus quarto notandum quod in animalibus, in quibus est distinctio sexus, maris et feminae, non omne tempus convenit generationi, sicut patet tam in piscibus quam in aliis. In ipsa etiam natura hominis femina in anno communiter semel concipit et parit. Frustra ergo semper essent simul, unum et in uno numero principia generationis. In opere vero generationis sic concurrunt in uno et in unum simul activum et passivum, mas et femina, sicut in plantis aut h~rbis semper sunt simul. Et hoc est quod hic dicitur : erunt duo in carne una. 199· Quinto notandum quod, sicut ait Rabbi
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Moyses, liber Genesis naturalis est et rerum docet naturas. Secundum hoc ergo potest convenienter exponi quod hic dicitur: erunt duo in carne una, ut sit
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4· Role actif du pere et passif de la mere : théorie médicale alors rec;ue, d'apres Aristote et Avicenne; cf. ALBERT, De animal. XV, tr. 2, c. 8 § 127 (Stadler, p. 1048). Voir Comm. Sag. § 84; Parab. Gen. § 217. . ·§ f99 I•: MAlMONIDE, ibid., Prooemium (f. 2v23s; Munk I p. 9). Cf. Parab. Gen., Pro/. § 1.
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que la génération charnelle, c'est-a-dire a la connaissanee intellectuelle. Pour cette raison, particulierement a lui, parmi tous les autres animaux et avant eux tous, il importe que les deux príncipes actif et passif de la génération ne soient pas réunis simultanément dans le meme sexe et dans le meme sujet. Tel est le sens de ce qui est dit ici : lis seront deux, a savoir le príncipe actif et le príncipe passif, le male et la femelle, dans une seu/e chair, c'est-a-dire dans la génération charnelle, dans le temps de la génération et l'unité de la descendance. Impossible d'imaginer qu'une descendance qi_visée rec;oive un etre du pere, un autre de la mere. C'est absolument le meme etre, sous tous les rapports, qu'elle tient du pere de fac;on active et de la mere de fac;on passive4.
198. De plus, quatriemement : chez les animaux ou il y a distinction des sexes, du male et de la femelle, tout moment n'est pas propice a la génération, comme on le voit chez les poissons et bien d'autres especes. Dans la nature humaine, la femme, habituellement, nc conc;oit et n'enfante qu'une seule fois par an. Il serait done vain que les príncipes de la génération soient toujours simultanément réunis dans un sujet numériquement un. Chez les humains, c'est seulement dans l'ceuvre de génération que l'actif et le passif, le male et la femelle, forment quelque chose d'un pour produire quelque chose d'un alors que, chez les plantes ou les herbes, ils sont toujours réunis. Tel est le sens de la parole: Ils seront deux en une seu/e chair. 199-' Cinquiemement : comme le dit Ma1monide, le livre de la Genese traite de la nature et enseigne les natures des choses l. D'apres cela, on peut done légitimement interpréter ils seront deux dans une seu/e
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sensus quod activum et passivum, forma et materia, potencia et actus duo quaedam in se sunt principia, sed in esse et actu unum sunt in composito. Unde signanter dictum est: duo in carne una erunt. Li erunt enim esse nominat, sed futurum. Quamdiu enim duo sunt,ut duo et divisa nihil principiant necdum sunt nec unum sunt. Sed quando erunt, quando esse acceperint et unum fuerint et in unum simul concurrerint forma, materia, activum~ passivum, potentia et actus, tune duo iam non sunt duo, sed unum. Quomodo enim aut esset aut unum esset cadens ah uno, quod cum ente convertitur? Et iterum : cum « omne quod est, ideo est, quia unum» numero «est», ut ait Boethius, hinc est quod non solum in separatis a materia «idem est intellectus et quod intelligitur», «sed et sensus et sensibile actu unum sunt et ídem», ut ait philosophus De anima. Et in «V Metaphysicae dicit quod scientia, ut relatio, non est scientis, sed scibilis ». Nam ut sic nullum es se habet scientia nec accipit a quocumque nec aliud esse accipit nisi id ipsum quod est esse scibilis actu sciti. Et hoc ipsum esse dependet ah utroque, scilicet a sciente et scito, proles est utriusque, in ipso tamquam carne 11na cognoscens et cognitum unum sunt. Et hoc est quod Augustinus V De trinitate c. 1 2 sic ait :
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2. a.§ 24 ci-dessus; Parab. Gen.§ 33, 121, 126; Comm. Ex. § 139· 3· Pour le nombre deux comme déchéance de l'unité, cf. § 98s ci-dessus. 4· Bof:cE, In lsag. Porphyrii (ed. secunda, I, c. 1o; CSEL 48, p. 162, 2-3). 5· AluSTOTE, De a11ima, III, c. 4, 430 a 3-4; c. 2, 425 b 25-26. Cf. Comm. ]ean § 107, 401, 466. 6. Formule de THOMAS d' AQ., QD de pot., q. 8 a. 2 Resp., co~nta~tA~ISTOTE, Métaphys., V, c. 15, 1021 a 29s; cf. TH. d'AQ., In Metaph. V, lect.17 (n°·xoo3s).
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chair comme signifiant qu'actif et passif, forme et matiere, puissance et acte, constituent en eux-memes deux príncipes distincts, mais que dans le compasé ils sont un en etre et en acte 2 • D'ou la pertinence de la formu.le ils seront deux dans une seu/e chair. Seront signifie en effet l'etre, mais au futur. Aussi longtemps qu'ils sont deux, étant deux et divisés, ils ne sont encore le príncipe de ríen, ne sont pas encore et ne sont pas un. Mais quand ils seront, quand ils auront res:u l'etre, ils seront devenus un et auront concouru (pour produire) quelque. chose d'un : la forme et la matiere, l'actif et le passif, la puissance et l'acte ne seront plus deux en tant que deu:{"mais un. Comment, en effet, ce qui déchoit de l'un qui se convertit avec l'etre, serait-il o u serait-il un 3? En outre, «Tout ce qui est, est paree qu'il est numériquement un», comme le dit Boece4. C'est pourquoi, non seulement chez les Intelligences séparées de la matiere, il y a identité de l'intellect et de l'objet connu, mais encore le sens et le sensible en acte sont une meme et identique réalité, comme le dit Aristote au traité De 1'ámes. Au livre 5 de la Métaphysique, il dit encore que la science, en tant que relation, n'est pas référée au sujet .} , intelligent, mais a la chose connue6. En effet, la ¡_1 \ science en tant que telle ne possede d'etre et n'en '·J[ res:oit pas d'autre de quoi que ce soit, s. inon celui du \ connaissable une fois qu'il est connu en acte. Et cet etre meme dépen:d de l'un et de l'autre, du sujet connaissant et de la chose connue. De l'un et de l' autre il est la deseen dance. En luí, comme dans une seu/e chair, le su jet connaissant et la chose connue sont un. .. f! C'est ce qu'Augustin dit au livre V de la Trinité, .JV \ chap. 1 2 : « Toute chose dont nous prenons connais-
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m .nobts ·notmam su1. Ab utroque enim n9titia p~ntur, a c?gno.s~ente et cognito. » Et hoc est quod hic parabohce dtcttur : enmt duo in carne una, cognoscens et cognitum, activum et passivum, potentia et actus in uno esse, prole utriusque.
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r sanee ca-engendre en nous le savoir dont elle est '\ l'objet. De cette double origine nait notre connais: sanee: du su jet connaissant et de la chose connue 7 • » Voila ce qui est ici exprimé sur un mode allégorique av~c la parole: ifs seront deux dans une seu/e chair, connaissant et connu, príncipe actif et príncipe passif, puissance et acte, dans un etre unique, dans une descendance commune.
200. Cui sententiae pulchre concordant singula quae de Adam mare et Eva femina scribuntur Gen. 2, puta quod Eva formata est de costa Adae, quod caro pro costa repleta est, quod de latere Adae formata quod ipso dormiente, quod propter hoc relinqui~ hom.o ~atren: e~ matrema, e.t. similia, de quibus plenms tnvemes 1n secunda edtttone Super Genesim parabolice.
200. Avec cette lecture s'accorde admirablement chacune des choses que le chapitre 2 de la <;enesea expose concernant Adam, l'~omme, et Eve, la femme, a savoir la formation d'Eve a partir d'une des cotes d' Adam, le remplacement de cette cote par de la chair, la dignité de celle qui fut ainsi formée du flanc d' Adam, le sommeil de celui-ci, l'abandon des pere et mere par chaque époux, et autres considérations semblables que l' on trouvera développées dans le second Commentaire, celui des Parabofes de fa Genese 1•
CAPITULUM TERTIUM
CHAPITRE TROISIEME
La tentation. Sed et serpens erat callidior, etc. Et infra: eritis sicut dii, sci'entes bfJnum et malum 201. Notandum quod, quia horno appetitu scientiae, quae inflat, peccavit, iustum est, ut intellectus /V'\./
L---
a. Cf. Gn 2, 21-25. 7· AuGUSTIN, la Trin. IX, XII, 18 (BA 16, p. 108). Voir Parab. Gm. § 152; Com'!l. ]ean §57, 107, 109, 505, 679; Comm. Sag. § 266; Serm.·tat. ¡o§ 514; Qu. París. 1 § 7; // § 3·
Or le serpen~ était le plus rusé de tous les animaux, etc. (3, 1). Vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal (3, 5). On doit noter ceci: l'homme qui désire un savoir qui gonfle (d'orgueil) · est pécheur. 11 est alors juste que notre intellect soit enténébré par 201.
§ 200 1. Cf. Parab. Gen. § 1 17-1 34·
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 3, 7·
noster sit obtenebratus tenebris ignorantiae, ut sit sicut oculus noctuae, Iob 37 : «Nos apte involvimur tenebrisa».
les ténebres de l'ignorance, au point qu'il soit «comme l'reil de la chauve-souris1». Jb 37: «Nous sommes totalement enveloppés de ténebres a.»
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Aperti sunt oculi amborum 202. Rabbi Moyses l. I c.
2 tractans hanc materiam sic ait : « Quaesivit a me quidam sapiens » «mirabilem questionem » dicens : « Videtur mihi secundum planum scripturae quod in prima creatione horno esset sicut cetera animalia sine intellectu», «et quod nihil discerneret ínter bonum et malum. Et cum peccavit, peccatum pro~ovit eum ad hu~c gradui? sublimem», «ut haberet mtellectum», «qut est nobtlior omnibus, quae sunt in nobis, et per ipsum sumus quasi angeli. Et haec est admiratio magna, qu.od poena peccati sui dedit ei perfectionem, quam pnus non habebat, scilicet intellectum. » Hucusque quaestio sapientis. Ad quam respondens Rabbi Moyses dicit : « Diximus adversario» : « Intellectus quem elargitus est deus Adam primo, ipse est postrema eius perfectio, quae fuit in Adam, antequam peccaret. Et ratione huius intellectus dictum est de eo quod creatus est «ad imaginem deia, et mediante illo locutus est deus cum eo. » « Et per intellectum discernitur inter verum et falsum. » «Sed bonum et malum invenitur in sensibilibÚs. » _«lgitur cum Adam esset primus in complemento suae speciei et in rectitudine naturae suae et suorum intelligibilium, propter quod
§ 201 a. § 201 § 202
Jb n,
19·
§ 202 a. Gn
1, 27.
L'reil de la chauve-souris : cf. § 41 ci-dessus. 1. MAYMONIDE, ibid., 2 (f. 5v, début; Munk I p: 39s), qui t()utefois ne. dit pas «en sa premiere création» mais «la premieré intehtion lors de sa création». 1.
c.
511
Sur la chute origine/le. Leurs yeux s'ouvrirent
a tous
deux (3, 7).
202. Traitant de ce point, Maimonide, au livre I, .¡_ chap. 2, s'exprime comme suit: «Un certain savant m' a exposé une étrange difficulté. (... ) Il me, semble, ¡ m'a-t-il dit, que d'apres le récit de l'Ecriture, l'homme en sa premiere création était, comme le reste des animaux, sans intelligence, et qu'il ne discernait \ pas entre le bien et le mal. Lorsqu'il eut failli, le péché l'a promu a ce degré sublime et parfait qu'on observe chez l'homme, a savoir la possession de cet intellect qui nous habite et qui, chose la plus noble de toutes celles qui sont en nous, nous vaut d'etre devenus comme des esprits angéliques. V oici ce qui fait mon étonnement : que le chatiment de son péché ait valu a l'homme une perfection qu'auparavant il n'avait pas, celle de l'intellect1. » Telle était la question de ce savant. Voici ce qu'a répondu Maimonide: «C'est tout le ·contraire queje . soutiens. L'intellect qu'au commencement Dieu a conféré a Adam était la perfection ultime chez Adam avant son péché. En raison de cet intellect, l'homme est dit avoir été créé "a l'image de Dieu a". A u moyen de ce don de l'intellect, Dieu s'est entretenu avec lui (... ). Par lui on discerne entre le vrai et le faux, (... ) tandis que le bien et le mal se trouvent dans les objets de la connaissance sensible. Ainsi done Adam était déja doté de la perfection complete de sa nature spécifique, dans la rectitude de celle-ci et de ses
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COMMENTAIRE DE GENESE 3, 7
dictum ~st : "minorasti eum paulo minus ah angelish", non erant in eo potentiae, per· quas intenderet sensibilibus, nec apprehendebat illa », « nec erant mala apud eum, nec cognoscebat defectum suum»; «et haec est discoopertio membrorum suorum. » « Cum vera peccavit et secutus est concupiscentiam suam et desideria carnis, sicut dictum est : vidit quod esset «pulchrum visu et ad vescendum suavé», inflicta est ei poena et recessit ah eo illa intellectualis apprehensio et» «remansit in eo apprehensio sensibilium, et profundavit in scientia boni et mali. » « Propter hoc dictum est : "eritis sicut elohim, scientes bonum et malumd", et non dixit : scientes verum et falsum. » « Et attende quod dictum est : aperti sunt oculi amborum et cognoverunt quod nudi essent, et non dixit : viderunt, ut faceret te scire quod idem viderant ante, quod post»; «sed motus fuit ad alium gradum, in quo cognovit malum, quod non cognoverat ante, et videretur turpe, quod prius non apparebat tale.» Hucusque verba Rabbi Moysis. Et notandum quod secundum ipsum li « elohim aequivocum est deo et angelis et iudicibus habentibus ducatum in villis. » In hoc autem loco : « "Eritis sicut elohim, scientes bonum et malum", hoc <est > dicere sicut homines nobiles et excelsis. »
savoirs intellectifs. C'est pourquoi l'Écriture dit : "Vous ne l'avez qu'un peu abaissé en dessous des anges h." Chez le premier homme, il n'y avait aucune puissance référée aux choses sensibles ni destinée a les appréhender. Aucun mal ne se trouvait en luí; il !/ ignorait toute défaillance. Tel est le sens de la nudité ~ '. de ses membres. « Mais lorsqu' Adam eut péché, il suivit sa convoitise et ses désirs charnels. Il est en effet écrit (du fruit de l'arbre de la connaissance) : JI apparut que e' était beau a voir et agréable a mangerc. En chatiment, cette sublime connaissance intellective (dont il avait été doté) l'abandonna, (... ) la connaissance sensible demeurartt seule en luí pour qu'il discerne entre le bien et le mal.( ... ) C'est pourquoi il est dit: Vous serez comme des elohim, connaisant le bien el le mald, alors qu'il n'est pas dit "connaissant le vrai et le faux" (... ). ,, «Considere encare ce que la suite déclare : Leurs ~/11 ~ yeux s' ouvrirenl a tous deux el ils reconnurenl qu' ils élaienl \ nus. Elle ne dit pas : "Ils virent", pour t'apprendre (d'abord) qu'auparavant ils voyaient (déja) cette meme nudité qu'apres ils reconnaissent. (... )Le chan, gement survenu concerne leur acces a un autre niveau ou ils identifient un mal qu'avant ils ignoraient, ou apparait honteux ce qu'auparavant ils ne jugeaient pas tel 2 . » Tels sont les dires de Ma!monide . . On notera que, d'apres lui, le terme elohim signifie de _fa~on équivoque Dieu, les anges, et aussi les juges qut ont pouvoir dans les cités 3• Le passage vousserez comme des elohim, connaissanl le bien el le mal revient a dire: «Comme des hommes nobles et éminents».
~
203. Vult igitur breviter dicere Rabbi Moyses quod af!te peccatum versabatur horno in intellectualibus, in quibus est verum, non proprie bonum, nec
b. Ps 8, 6.
c. Gn
2,
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d. Gn 3, 5.
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!bid. suite. . F1bíd., début chap.
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203. En résumé, ce que Ma!monide veut dire, c'est qu'avant son péché le premier- homme habitait le monde intelligible, la ou se trouve le vrai mais non
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1
V
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COMMENTAIRE DE. GENESE 3, 7
intendebat nec afficiebatur sensibilibus, in quibus cadit bonum et malum ~ ex VI Metaphysicae :_ et pertinent ad appetitum, ad concupiscentiam, quae sunt rationabilia per ·participationem tantum, quae subiecta erant plene rationali per essentiam, ne ipsum afficerent nec praevenirent, sed· ratio ipsis praeerat, ut ipsa imperaret et p:raeveniret, secundum illud Ioh. 1 1 : « Turbavit semet ipsum » Iesusa. Et erat rectitud o, de ·qua Ecd. I 2 dicitur : « Deus fecit hominem rectumh». Et supra capitulo primo dicitur: « Spiritus dei ferebatur super aquasc», id est lux intellectus et ratio; «super aquas », id est super passiones, in quibus cadit bonum et malum. «Cum» autem «secutus est desideria» sensibilium,
pas le bien a proprement parlerl. 11 ne s'affairait ni ne s'attachait aux choses sensibles, ou le bien et le mal apl?araissent, d'apres le livre VI de la Métaphysique, qut relevent de l'appétit et de la convoitise, et n'ont de caractere rationnel que par participation 2. Toutefois (chez Adam), ils étaient pleinement soumis a ce qui est rationnel par essence, de fa<;on a ne pas l'affecter ni le précéder. Mais la raison était au-dessus ·d'eux, a~n de le_s commander et de les précéder, comme tl est dtt en Jn 11 a: «Jésus se troubla lui-meme 3 • » (Chez Adam) existait cette droiture dont parle le chapitre 1 2 de .Qohélet : « Dieu a fait l'homme droith», et ci-dessus, au chapitre ¡er, il est dit: «L'esprit de Dieu planait au-dessus des eauxc», c'est:·a-dire la lumiere de l'intellect et la raison · «_au-dess_us des_ eaux», c'est-a-dire au-dessus des pas-' slOns, ou survtennent le bien et le mal. Mais « lorsque, suivant ses convoitises » sensibles, « Adam est tombé dans la nécessité de manger des aliments de misere», il s'est égalé aux betes brutes «dans la fa<;on de se nourrir», selon le Psaume: «L'horilme, tant qu'il était en honneur, ne l'a point
a. Jn
t-
11,
33·
b. Qo
7,
30
(Vulg.).
c. Gn
1,
z.
1. D'apres MAXMONIDE, ibid. (f. 5V 4zs; Munk I, p. ·37s). Cette restriction du bien au niveau sensitif s'accorde certes avec la these de la limitation de la métaphysique a l'ordre formellement intelligible (cf; § 68 ci-dessus), mais elle se concilie difficilement avec l'enseignement constant d'Eckhart sur la coessentialité du bien et de l'etre (cf. § 128-130, 13 5-13 8 ci-dessus). Pour discerner la cohérence cachée, on observera ceci: pour Eckhart c'est au niveau transcendant ·de l'Idée créatrice que se situe l'etre véritable d'une réalité créée, alors que le bien de celle-ci réside en son etre substantiel, a l'«extérieur» de la pensée divine et éventuellement sous mode corporel. Cf. § 68. 2. ARISTOTE, Métaph. VI (cf. § 68). L'appétit sensible chez l'homme comme pouvoir qui ne participe que dans une certaine mesure a la liberté de la raison : ARISTOTE~ Ethic. Nic. I, c. 13, II5>.z lHo; .,1rist. lat. XXVI (vers. Grosseteste), I c. 18, p. 161s. ALBERT, Ethica1 I lect. 16 § 93'·94 (Col. 13, p. 85s); THOMAS
515
d' AQ., Sen!. L. Ethic., éd. crit. I, c. zo, p. 73, 184s, offrent les expressions techniques de «rationnel par essence» et «rationnel p~r part~cipation», ~ais c'est pour réserver le bien proprement d1t au mveau du rat1onnel par essence. Autres lieux d'Eckhart sur cette question: § 241 ci-dessous; Parab. Gen. §54 (appel a TH. d'AQ., ¡a_¡¡ae q. 59, a. 4 ad z, pour déterminer la volonté comme pouvoir rationnel par participation, mais a un autre titre que les facultés purement sensibles); 114, 141; Comm. Ex. § u6; Comm. jean § 111, z65. 3· Jean II, 33 est lu avec Augustin, Trae!. in Joan. 52, c. 1 (C~- 36, p. ;446, I~s)~. qui, dans u~e optique marquée de sto1c1sme (mefiance a 1egard des pass10ns), souligne que Jésus s'est librement troublé.
..
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non intellexit. Comparatus est iumentis insipientibus et similis factus est illisd. » In primo enim statu « licentiam habebat vesci delectabilibus » intelligibilibus «et delectari in quiete et pace», secundum illud supra secundo: «Ex omni lign~ paradisi com_ede~», quantum ad intellectualia; «de hgno autem ~c~e.ntl~e boni et mali ne comedas», quantum ad senstbtha, m quibus est bonum et malum.
compris. 11 a été comparé aux betes qui n'ont aucune raison et il leur est devenu semblabled. » En son état origine}, en effet, l'homme «avait licence de se nourrir » d'intelligibles « délectables, de se délecter dans le repos et la paix», d'apres ce qu'affirme le chapitre deuxieme ci-dessus : «Mangez (les fruits) de tous les arbres du paradis », ce qui concerne les réalités d'ordre intelligible, «mais de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne mangeras pase», ce qui regarde les réalités sensibles, ou se trouvent le bien et le mal4.
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Praedictis concordat quod frater Th?mas dicit, quod primus horno vidit deum «multo e~~nen tius per intelligibiles effectu~ qu_am ~e~ ~~nstbtles ». «A consideratione autem luctda mtelhgtbthum effectuum impeditur horno in statu » quo nunc sumus «_Per hoc, quod distrahitur a sensibilibus ~t occ~patur ctrca ipsa». « Primus autem horno no~ tm~edte~a~u~ _per res exteriores a clara contemplattone mtelhgtbthum effectuum», quae~"piebat «ex irradiatione prim~e veritatis » naturali vel \gratuita. ~d hoc a~tem mduct~ «Augustinum X S per. ~enesur~ ~d htteram» qut ait : «Fortassis d s prtmts hor~umbus loq~e~atu~, sicut cum angelis loquitur, ipsa _mcommutabth. v:entate illustrans mentes eorum, ets1 non tanta partlctpatione divinae essentiae, quantam capiunt angelis. » 204.
d. Ps 48, 13 et
21.
e. Gn
2,
x6-17.
a MAYMONIDE, ibid. Avec THOMAS d'AQ., ¡a P. q. 94 a. 1. Justifiée pour la thes~ deJ'acces privilégié d' Adam au savoir intellectif que le créateur possede en plénitude,·cette référence a Thomas,
517
204. Cette exégese ést en accord avec ce que Frere Thomas dit concernant le premier homme qui vit Dieu d'une maniere bien plus éminente par ses effets intelligibles que par ses effets sensibles. Dans l'état qui est le nótre, l'homme est arraché a la claire contemplation des effets intelligibles par les choses sensibles et les préoccupations qu'elles entraihent. En effet, le premier homme n' était pas empeché par les choses extérieures dans sa claire contemplation des effets intelligibles, laquelle provenait d'une illumination par la Vérité premiere et était aussi bien naturelle que gratuite t. Augustin commente, a u livre XI du traité de la Genese au sens littéral: « Peut-etre que Dieu s'entretenait avec les premiers hommes comme il parle avec les anges, en illuminant leur esprit de son immuable vérité, meme si leur participation al'essence divine n'était pas aussi grande que celle des anges2. »
4· Multiples emprunts
§ 204
Verbe
1.
si elle voulait signifier une identité dans la conception du bien, serait a discuter. 2. AuGUSTIN, La Gen. au s.litt., XI, xxxm, 43 (BA 49 p. 302).
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EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 3, 7
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Déchoir de la raison.
Consuerunt folia ftcus.
Ils cousirent des feuilles de figuier (3, 7). Notandum primo ex hoc est argumentum quod comederunt de ficulnea, quía de foliis ipsius, utpote proxima, sibi statim fecerunt perizomata. De hoc nota vi supra capitulo primo de opere tertiae diei. Secundo notandum quod naturale est homini erubescere de peccato, utpote contra rationem, qua· horno est animal rationale. Rursus etiam, quía defectum detestatur omnis natura et fugit naturaliter, .utpote privationem esse et boni, quod appetit ipse et qui peccat. Nemo enim aspiciens ad malum operatur, puta apparens saltem bonum appetit, etiam dum peccat. Et fortassis hoc ipsum est perizoma. Aut perizoma est, dum crudelitas sub specie iustitiae se excusat. Aut iterum tertio perizoma est, dum peccans in alterum culpam sive peccatum refert, ut infra sequitur dé Adam retorquente culpam in Evam et illa retorquente in serpentema. Contra quod in Psalmo dicitur : «Non declines cor meum in verba malitiae ad excusandas excusatiories in peccatisb>>. Propter quod 205.
a. Cf. Gn 3, 12-13.
h. Ps 140, 4·
V o ir § 97 ci-dessus. Le mal éthique, c'est le péché. « le mal est contre la raison» : THOMAS d' AQ., In Sent. II, d. 28, q. 1 a. 1; l/4 -l/4 e q. 47 a. 6; l 4 -Il4 e q. 55, a. 4 ad 2, qui transpose en positif (le bien est selon la raison) ce que Denys énonce en négatif (le mal est contre la raison): cf. DN, c.4 § 32 (733 A; Dion. 1 p. 309). 3· Cf. Parab. Gen. § 18; Comm. ]ean § n 3· 4; ·DENYS, Noms Div., c. 4 § 19 (716 C; Dion. 1 p. 236); 1.
2.
A\pert, ln1).N, c. 4 § 157 (Col. § ·q8; Comm. ]ean § 306.
p-1
p.
242, 48s).
Cf. Comm. Sag.
205. 1 .. On observera : la preuve que le fruit que nos premters parents ont mangé était une figue est que c'est avec des feuilles du figuier, arbre (sans doute) le plus proche d'eux, qu'ils se cousirent des pagnes. J'ai fait plus haut des remarques a ce sujet au chapitre ¡er, en traitant de l'reuvre du troisieme jo~rt. 2. On remarquera que rougir du péché est naturel a l'homme, puisque le péché est contraire a la raison, par laquelle l'hommt;"" est animal raisonnable2. En outre, toute nature a horreur du défaut, par nature elle le fuit, car c'est une privation de l'etre et du bien que désire.celui-la meme qui peche3. En effet, personne n'agtt en vue du mal, car on désire un bien du ~otns app~ren.t, meme 9uand on peche4. C'est peutetre cette tllu.ston (du bt~n apparent) que signifie le pa~ne (de ~eutlles). A motns que celui-ci ne désigne la me~ha~cete cherchant a s' excuser par une apparence . de Justtce. Ou bien encore le fait que le pécheur charge un autr~ d~ sa fa u te, de son péché, comme on ,le voit ensutte avec Adam renvoyant la faute a Eve et celle-ci au serpents. ' ~e Psalmiste met en garde contre cela : «Ne laissez pomt. mon creur s'égarer en paroles de malice pour me dtsculper de mes péchés b. » C'est pourquoi la loi •
A
)
5· Les deux dernihes remarques avec AMBROISE De paradiso c. 13 no 65 (CSEL 32 p. 324), et AUGUSTIN, La all s. litt.; XI, xxxv, 47 (p. 3o6s). ·
Gen..
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EXPOSITIO LIB. GENESIS
lex ait Codicis : «Non relatione criminis, sed irinocentia reus purgatur. »
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Abscondit se ,4dam. 2o6. Ioh. 3 : «Qui male agit, odit lucerna~>. Nota.: abscondit se primo, qu!a ~v~rtit se ~ deo~ quta, ut a1t Augustinus circa pnnctptum Soh!o9u~orum, deus neminem dimittit, nisi qui ipsum d1m1tt~t. Non ergo deus ipsum, sed ipse se ipsum ~b~condlt_. Abscondit, inquit, se a facie domtm, quae tllustrat per gratiam et salvat per gloriam, Psalmus: «Jllustra faciem tuam super servum t':lumb», quantum. ad gratiam; et iterum Psalmus a1t : « Osten.de fac1em tuam, et salvi erimusc », qu~~tu~ ad ~lon~m .. V el abscondit se a facie dommt, quta fec1~ se mdtgnuw aspectu et cognitione dei, secundu~ _1llud Matth. : «Nescio vosd», et in Psalmo: «Ad mhllum deductus . . est in conspectu eius malignuse». Rursus etiam ipsum peccatum e~t .abscons.lO a fac1e dei, Is. 59 : « Iniquitates vestrae d1v1serunt m ter vos et deum vestrum, et peccata vestra absconderunt faciem eius a ·vobisf. » a. Jn 3, 2o. b. Ps 30, 17. e. Ps 14, 4· f. Is 59, 2.
c. P_s 79, 4.8.20.
d. Mt 25,
12.
6. Cf. Digesta de Justinien, XLVIII, I, c. 5 (Mommsen, 11 p. 795)· § 20 6 1. AuGUSTIN, Soliloquil1m, I, 1, z-3 (BA 5;, p. 26s) : priere initiale, ou ne figure pas la formule exacte d Eckhart, laquelle se trouve en Confess., IV, I~, 14 (~A 13 P· 432). z. Issu du Pro/. dejean, le couple «grace- glmre» est courant ev th~log!~· Cf. Col/. in L. Sent. § 8 (LWV p. 2.5); Comm.Jean § 885; Comm. Sa2. §.zzo.
COMMENTAIRE DE GENESE 3, 8
521
dit dans le Code que: «L'accusé n'est innocenté que par une vie sans reproche et non en se déchargeant sur un autre du crime6. »
Le péché dissimule Dieu. Adam se cacha de devant la face du Seigneur (3, 8).
Jn 3 :
« Qui fait le mal hait la lumiere a.» Remarque : se cacha paree qu'il s'était détourné de Dieu. En effet, comme le dit Augustin, dans les Soliloques, peu apres léc~ début t, Dieu ne quitte personne qui ne le quitte lui-meme. Ce n'est done pas Dieu qui a caché Adam, mais Adam qui s'est caché lui-meme. Se cacha de devant la fa ce du S eigneur : cette fa ce qui illumine par la grace et qui sauve par la gloire 2• Le Psalmiste chante : « RéP,andez sur votre serviteur la lu mi ere de votre face b» : cela pour la grace; et ensuite, pour la gloire: «Montrez-nous votre face et nous serons sauvés c.» Autre exégese: //se cacha de devant la face du Seigneur paree qu'il s'était rendu indigne du regard et de la connaissance de Dieu3, selon cette parole en Mt: «]e ne vous connais pasa» et selon le P saume : «Le méchant, a ses yeux, est ramené au néante. » En outre : le péché est dissimulation devant de la fa ce de Dieu. Is 59 f : «Vos iniquités ont mis une séparation entre vous et votre Dieu. V os péchés vous ont dérobé la face qu'il tournait vers vous 4. » · 2o6.
3· Avec BE:oE, In Gen., In 111, 8 (CC 118 A, p. 63). ALBERT, Postilla in Isaiam, c. 59,§ 2 (Col 19, p. 557, ps): «Vos péchés ont caché la face de Dieu comme les nuées cachent le soleil. » · 4·
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 3, 9
Adhuc autem abscondit se excusando, qui non absconderetur peccatum confitendo aut de peccato dolendo.
En outre: !1 ~e cacha en se disculpant, plutot que de ne . pas se dtsstmuler en avouant sa faute ou en éprouvant du remordsS.
Sic ergo habes tria. Primo: quid est quod ait : abscondit se, ipse, inquam se? Secundo : quid est quod dicit : abscondit se a facie do mini? Primo scilicet, ne a deo agnosceretur; secundo, ne gratia dei illustraretur; tertio, ne salvaretur. Adhuc tertio ha bes quod . absconditut excusando, qui non absconderetur se accusando, Prov. 18 : «lustus prior accusator est suia», Ovidius : « Et veniam culpae proditor ipse meae». 207.
523
207. Ainsi done, il y a trois choses en ce passage qui expo~e ~'abord qu~ se cacha: c'est l'homme quise cache lut-meme; ensutte pourquoi il se cacha: il se cacha de devant la face du Seigneur. Premiere chose: Ada~, se cacha pour n'etre pas connu de Dieu. Deu~teme: (!1 se cacka},pour n'etre pas illuminé par la grace de _Dteu. Trotsteme: pour ne pas accueillir le sa~ut. ~n aJo~tera qu'~l s~ di~simula en s: disculp~nt, lut qut, en s accusant lut-meme ne se fut pas dtssim~lé. Pr ~~a: «Le j~ste s'~ccus~ l~i-meme le premter.» Ovtde: «]e vtendrat mm-meme révéler ma faute t.»
Ubi es? 208. Nota : primo est vox revocationis ad recognoscendum peccatum, sicut respexit Petrum negantem, ut fleret amare. Secundo vox est arguentis et insultantis ubi sit et unde exciderit. Et sic legitur li ubi es interrogative.
Tertio, ut legatur depressive, quasi diceret : tu es ubi, factus es ubi, localis scilicet et temporalis, affixus rebus locatis, corporalibus, temporalibus, · 209.
a. Pr 18, 17· 5· Pour une part au moins, avec .ÑUGUSTIN, La Gen. au s. litt., XI, XXXV, 47 (p. 366). v'\ ~ § 207 I." ÜV'IDE, Les Amours, II c. 8 v. 25 (trad. Bornecque, "';¡ Belles-Lettres, p. p). · ·. · ·
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. :¡,, i¡··.
Adam s'éloigne de Dieu. Ou es-tu? (3, 9) , 208. Remarque : 1. Il s'agit d'une paro le appelant a re~onnaitre so~ péché~ de la. meme fas:on que (Chr~st) regarda Pterre qm le remait, de sorte que ce dermer pleura amerement. z .. I~ s'agit de la parole de celui qui accuse et qui mon~ene, demandant (a Adam) ou il est et d'ou il est ton: be. En ce cas ou es-tu? se lit de fas:on interrogatlvet.
209. 3· A lire en infléchissant le ton comme s'il
disait: tu es «Ou», tu es devenu «ou»: c'est-a-dire local et temporel, attaché aux choses localisées, cor§ 208 l. Comparer a AuG., La Gen. au S. litt., XI, XXXIV 45 (BA 49, p. 304-305). . '
... E,..._.,,.! .., ,. •.... !"'"t ·t1 ' ;l
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EXPOSITIO LIB. GENESIS
P4
conversione scilicet ad creaturam, aversione a deo, qui non est ub~, quasi l?calis,. sed ubique, utpot~ \ illocalis. Et est tpsum ubt ommum, extra quo?- u?t sunt inquieta omnia, ad quod moventur omma, m , quo quiescunt omnia. ~ugustinus I .soliloquiorum : « Deus est, a quo avertl est cadere, tn quem reve.rtl resurgere, in quo manere ~o~sistere. est, a quo ~xtre morí, in quem redire revtvtscere, m quo habttare vivere est»; et infra7: «Deus qui nos eo, quod non est, exuis, et eo, quod est, incluís».
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210. Quarto sic : ubi es? quía nusquam stabilis, nusquam fixus, Thren. I : « Peccatum peccavit Ierusalem, propterea insta bilis facta esta». Quinto sic : ubi es qui mecum non es, cum ego ubique sim? Ier. 23 =. . «Caelum..et terr~m ego impleob»; Sap. 1 : « Sptntus dommt replevtt orbem terrarumc» etc. Augustinus De vera religione c. 57 de veritate, quae deus est, ait : «Non conti.netur loco, et tota adest ubique; nusquam est per spatla locorum, et per potentiam nusquam non est. »
211. Sexto sic, adhuc depressive : improperatur ipsi Adae quod per peccatum deus suus est ens
a. Lm 1, 8.'
h. Jr 23, 24.
c. Sg 1, 7·
§ 209 1. Cf. Bo:EcE, De trinitate, IV (Stewart-Rand, p. 20, 54-59), notamment: <
r-;i
autem se ipsum per omnia ut sint ea quae a se essentialiter subsistunt. Motu enim ipsius omnia fiunt. » . 4· AuG., Sol. 1, 1, 3 (BA 5, p. 28-29). 5· AuG., ibid. (BA 5, p. 28-31) . § 21o 1. Cf. AuG., Conf, V, n, 2 (BA 13, p. 464-465). 2. AuG., La Vraie Religion, XXXII, 6o (BA 8, p. 112-11 3).
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COMMENTAIRE DE GENESE 3, 14
EXPOSITIO LIB. GENESIS
aliquod, hoc et hoc, hic et illic, et ens ubi, Psalmus : « Fuerunt mihi lacrimae meaea«·, et infra : «Dum dicitur mihi : ubi est deus tuusb», quasi dicat : hoc plango quod deus meus et mihi deus facturo est aliquod ubi comprehendens et inclusum, non ubique semper. Ratio est: intellectus enim, per quem horno est horno, abstrahit ab hic et ubi, a nunc et a tempore. Propter quod sapiens De Tusculanis quaestionibus l. V ait : patria mea totus mundus est. Seneca: «Patria "hominis" est, ubicumque "homini" bene est». Hugo de Sancto Victore in Didascalicon l. sic ait : «Dedicatus» « est, cui patria dulcis est, fortis, cui omne solum patria est, perfectus, cui totus · mundus exsilium est ».
Terram comedes cunctis diebus.
son, Dieu soit un certain étant, ceci et cela t, ici et la, un etant dans le lieu, selon le Psaume : «Mes larmes ont coule», et plus has «Lorsqu'on me dit: ou est · to~ Dieu? b~> co~me si_l~ Psalmiste disait : je déplore ( q~ un certa~n « ou » .qut tnclut et est lui-meme inclus \ sm.t mon f?teu et smt devenu Dieu pour moi, non ce qut e~.t tou¡ours et partout. La raison en est, en effet, que ltntellect par lequell'homme est homme abstrait d'ici et ~'«ou», d~ maintenant et du temps2. C'est pou~quot le sage dtt, au livre V des Tusculanes: «Ma patne est le monde entier3. » Et Séneque: «La patrie» d~ l'homme est «pa&tout ou» l'homme «se trouve bten». 4• Hu~ues ~e Saint-Victor s'exprime ainsi dans le Dtdascalicon, hv~e IV : « Celui a qui la patrie est dou~e est trop déhcat, celui a qui toute terre est sa patrte est courageux, mais celui-la est parfait a qui le ' monde entier est un exilS. »
212. Nota duo: quod non solum facientes mala puniuntur, sed et consentientes, auxilium vel consilium ferentes, ut hic patet in serpente mulieri peccatum suggerente. Unde iura dicunt : «Consensus negligit, suadet, iuvat atquetuetur: hic minus, hicque minus luit, hic aequaliter, hic plus».
a. Ps
14, 4·
Chatiment du séducteur. Tu mangeras de la terre tous les jours (3, 14). 2~2. Remarque deux .choses : r. que ne sont pas pums seulement ceux qll:t font lemal, mais ceux qui y co~s~r:t~nt,
apportent atde ou conseil, comme on le V01t 1C1 a propos du. serpent gui suggere le péché a la femme. De la provtent ce dtt du droit : «Consentir c'est ?églig~r, pers~ader, aider et protéger : aux deux prem~~rs peu~e motndre, au troisi<~me peine égale, au quatneme peme plus grande t.» Et Rm r : « Ceux qui
b. !bid.
§ 21 1 1. Sur ce theme d'inspiration augustinienne, cf. d-dessus Pro/. O. Prop. § 3· 2. L'intellect dont le § 115 nous a appris que son «objet propre» était «l'etre pris absolument, et non pas seulement tel ou tel etre» est aussi «ressemblance a la réalité substantielle» de Dieu. C'est cette capacité de «recevoir les perfections substantielles qui appartiennent en propre a l'etre divin» qui fait de l'intell~ct l~homme en l'homme. 3· ClcÉRON, Tusc.,·V, xxxvn (Belles Lettres, p. 1~8).
527
t
4· SÉNEQUE, De remed.fortuit., 8, 2 (Rossbach, p. 104, 1 ). Cf. ÜCÉRON, /oc. cit. 5. HuGUES de ST-VIC:OR, Didascalicon, IV, 20 (P L 176, n8). . ~ 2.12 1. Gloss. ord. tn Decreta/es Gregorii IX, I, 29 , 1 (texte ctte dans LW 1, p. 359, note 2). ·
p8
COMMENTAIRE DE GENESE 3 - 4
Rom. 1 : «Qui talia agunt, digni sunt morte, non solum qui faciunt ea, sed etiam qui consentiunt facientibusa». Secundo notandum quod Augustinus De agone christiano circa principium tractans haec verba : terram comedes, sic ait : « Quando dictum est día bolo : terram manducabis, dictum est peccatori: "terra es et in terram · ibis". Da tus est ergo in cibum diaboli peccator. Non simus "terra", si nolumus manducad a serpente. »
font de telles choses sont dignes de mort, et non seulement ceux qui les font, mais aussi ceux qui les approuventa. » 2. Il faut remarquer qu' Augustin, vers le début du Combat chrétien, traite ainsi de ces paroles : «Tu mangeras de la terre» : «Lorsqu'il fut dit au diable : "Tu mangerasde la terre", il fut dit au pécheur : "Tu es terre et tu retourneras a la terre." Done le pécheur fut doll:né en nourriture au diable. Ne soyons pas terre, Sl nous ne voulons pas etre mangés par le serpen t 2. »
N e Jorte mt'ttat manum suam. Et infra : et vivat in aeternum. 214. Notandum quod deus, sicut in Psalmo dicitur, nec "in ira sua misericordiasa" continet. Magna enim misericordia dei agitur, ut horno, postquam ex peccato tot aerumnis et miseriis subiectus est, non diu vivat in hoc mundo. Breviavit ergo deus misericorditer homini peccatori dies agonis sui. ¡' :
CAPITULUM QUARTUM Adam vero cognovit Evam. Et infra : statim peccatum in foribus aderit. 215. Expositum est hoc prius capitulo secundo .j'
J,
~ 2.9
EXPOSITIO UB. GBNESIS
§ 2.13 a. Rm
1,
32..
§ 2.14 a. Ps 76, 10.
Miséricorde pour l' homme pécheur. De peur qu'il n'étende la main. Et plus has : et vive éternellement (3, 22). Il faut no ter que Dieu, « dans sa colere », co.~~e il es} dit, dans le Psaume, ne retient pas « sa f.:. ffilSe~lCOtde ». C est en effet par grande miséricorde de Dteu qu'apres avoir été sujet a tant de peines et de miseres a cause de son péché, l'homme ne vive pas longtemps en ce monde. Aussi Dieu a-t-il miséricordieusement abrégé pour l'homme pécheur les jours de son combat. 214.
CHAPITRE QUATRIEME Or Adam connut Eve.· Et plus has : Aussitot le péché est devant la porte (4, 7). 215.
Cela a été expliqué plus hautt, au chapitre
·'i
z.'"Áu'G.,
re Combat chrétien, II, 2. (BA
1, p. 132.-133)·
§ 2.15
1.
Cf. ci-dessus § 190.
2
f0·:~~-EXPOSITIO LIB. GENESIS
1COMMENTAIRE DE GENESE 6,7
!
super illo : . «In quacumque die comederis ex eo, morte morierisa ». .
Aedificavit civitatem etc. Notandum quod illud est primum quod tractat Augustinus de libro Genesis in Libro quaestionum super Genesim. Quaerit enim Augustinus «quomodo potuerit condere civitatem» solus, «cum civitas alicui multitudini constituatur». Sed quía hoc ponitur hic in Glossa, pertranseo.
. 216. Il faut noter que c'est le premier theme du Ltvre de la Genese dont Augustin traite daris son livre des Questions sur la Genese. Augustin demande en e~~t « comment » a lui tout seul (Cai'n) « put fonder la ctte»! «alors qu~u~e cité est constituée pour une multttude 1 ». Mats Je passe, puisque cela est indiqué dans la Glose a cet endroit.
CAPITULUM SEXTUM
CHAPITRE SIXIEME
216.
Cumque coepissent homines multiplicari. Et infra : paenitet me fecisse hominem. Nota quomodo paenitentia et cetera, quae passionem implicant, de deo dicantur et ipsi conveniant. Primo videndum quod Augustinus dicit libro De patientia, secundo quod ipse dicit I Confessionum, tertio quid circa hoc dicant doctores. Quarto reddenda est ratio verborum Augustini. Quinto ostendendum est quomodo deus maxime offenditur et irascitur peccato et malo universaliter nec tamen afficitur passione, sed manet quietus, imperturbabilis et tranquillus. 217.
1.
concernant cette parole: «Le jour ou tu en mangeras, tu mourras de la mort a.» 11 édifia une cité, etc. (4, q).
a. Gn z, 17.
. ¡·~: AÚG.," Qudes/ in Hept., 1, q.
1 ·
(CSEL z8, z, p. 4, 5).
Sens du
<< repentir ))
et des << passions )) en Dieu.
Lorsque les hommes eurent commencé a se multiplier. Et plus bas : Je me repens d'avoir fait l'homme (6, 7). Remarque de quelle fas:on le repentir et les autres choses qui impliquent une passion se disent de Dieu et lui conviennent. 1. Il faut voir ce qu' Augustin en dit au livre de la Patience, 2. ce qu'il en dit au livre I des Confessions, 3. ce que les docteurs disent a ce sujet, 4· il faut rendre conipte des paro les d' Augustin. 5. Il faut montter comment Dieu est offensé et irrité au plus haut point par le péché et par le mal en gén~ral et 9ue pourtant il n'est pas touché par la passton, mats demeure en repos, imperturbable et calme. 217.
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COMMENTAIRE DE GENESE 6, 7
EXPOSITIO LIB. GENESIS
Quantum ad primum, Augustinus libro De patientia circa principium sic ait :. « Zelat sine livore, irascitur sine perturbatione, miseretur sine dolore, paenitet sine pravitatis correctione, patiens est sine ulla pasione >>. Rursus Augustinus 1 Confessionum non longe a principio deo loquens ait: «Amas nec aestuas, zelas et securus es, paenitet te et non doles, irasceris et tranquillus es.» 218.
219. Ad hoc autem doctores dicunt quadam brevi maxima quod effectus passionum sortiuntur nomina ipsarum in divinis. Verbi gratia : quando quis paenitet super suo opere et ipsi displicet, destruit illud et abicit. Iste est effectus paenitentiae sive paenitentis de suo opere. Iste ergo effectus huiusmodi passionis dicitur in deo passio sive paenitentia. Et hoc est quod hic praemittitur: defebo, inquit, hominem, quem creavi, a jacie terrae; et sequitur : paenitet enim me fecisse hominem. Et sumitur haec tertia expositio ex Augustini Libro 8 3 questionum exponentis haec verba : paenitet me ftcisse hominem.
Quarto notandum quod passÍo sive alteratio non cadit circa rationem vel intellectum, ut dictum est supra et habetur VII .Physicorum. Unde in no bis, 220.
1. AuG., La Patience, 1, 1 (BA ~~ p. 462-463). 2. AuG., Conf, 1, IV, 4 (BA 13, p. 280-281). § 219 1. P. LoMBARD, Sent. !, d. 45,. c. 6 (Grottaferrata, p. po, 16-25), TH. d'AQ., ¡a P., q. 3, a. z, ad zm; q. 59, a. 4, ad 1m. z:' ÁúG., 't; q~estions, q. 52 (BA IO; p. 138-141).
§ 218
·( r. -
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'··1····
.
533
. 2~8. quant au prem.ier point, Augustin s'exprime atnsl au hvre de la Patrence, vers le début: «11 (Dieu) aime sans jalousie, il s'irrite sans trouble, il compatit r '\A~ s~ns so~ffrance~ il se repe~t sans se corriger d'un 0/ .. ' í defaut, 11 est pauent sans subtr aucune passion 1. » _ S'a_dre~sant a Dieu, Augustin dit en outre, au premter hvre des Confessions, non lo in du début : «Tu aimes . mais sans en etre troublé ' tu brules d'amour mats tu gardes ta sérénité, tu te repens mais tu ne souffres pas, tu te courrouces mais tu restes pai¡ ' sible2. »
\
1
Or, les théologiens 1 énoncent a ce su jet une co~rte ma_xime ,= C~est d'apres l'effet des passions qu on attnbue a Dteu le nom de ces passions. Par exemple, lorsque quelqu'un se repent de son reuvre et qu'elle lui déplait, il la détruit et la rejette. Tel est l'effet du repentir chez quise repent de ce qu'il a fait. C'est done l'effet d'une passion de ce genre qui est a~p~l~ en Dieu passion ou repentir. Et c'est ce qui est dtt 1c1 d'abord : }' effacerai f' homme que)' ai créé de fa face de fa !erre; et ensuite : Car je me repens d' avoir fait f'homme. Cette troisieme explication est tirée du livre des 8] Questions d' Augustin 2, lorsqu'il explique ces paro les : fe me repens d' avoir fait f' homme. 219.
1 220. En quatrieme lieu, il faut constater que la ( passion ou altération n'atteint pas la raison ni l'intel) le.ct, co~me on l'a indiqué plus haut t, et comme il est dlt au hvre VII de la Physique2. C'est pourquoi en § zzo 1. Cf. ci-dessus, § 124 et zozs. _z. AR., Phys., VII, 3, 248a 6-9 (Belles-Lettres, p. 83): «( ...)le fatt .d'etre altéré et l'altération se produisent dans les choses s~nstbles et dans la partie sensitive de l'ame, mais nulle part allleurs, sauf par accident. »
EXPOSITIO LIB. GENESIS
534
ubi sensitivum coniunctum est in una anima et in uno et in unum esse cum racionali, passio consequens formale passionis alterationem in nobis inducit. Secus igitur est in deo et in omnibus separacis a sensitivo. Et hoc est quod Augustinus optime ait : «Amas nec aestuas» etc., ut supra. Quinto igitur notandum quod ira sive paenitencia et cetera huiusmodi formaliter et realiter non est aliud nisi dissimilitudo sive dissonantia naturarum e~ s':la~~m proprietatum aliquarum ad invicem, quae dtsstmthtudo causat quandam repugnanciam ipsorum et facit dissilire et quasi fugere unum ah altero et ipsum detestad et displicere, sicut manifeste videtur in natura de contrariis et dissimilibus in natura et eius proprietacibus, sicut e converso amor naturalis, complacencia et gaudium consequitur similitudinem et convenientiam aliquorum in natura. Quod autem ex his consequitur passio sive alteratio, accidit formalitati irae et gaudii racione adiuncti sensitivi, ut dictum est supra. Ex his manifestum est quod, quía malum et peccatum dissimile et se toto repugnans est et adversut? ~ive oppositu~ bono, iusto et recto, utpote malum, tmustum et obhquum, naturalissima et verissima detestado et displicentia est omni borio contra malum, iusto contra iniustum, et sic de aliis. Et hoc est natui:a irae, odii et huiusmodi similium. 221.
Ubi et hoc non est praetereundum quod tale odium sive ira dei contra peccatorem et peccatum 222.
''f.
Voii:.-ci'-dessus § 218 et Comm. jn, § 626.
COMMENTAIRE DE GENESE 6, 7
535
la partie sensitive est conjointe a la partte ratlOnnelle en une seule ame et en un seul etre et en vue de cet etre, la passion sensible qui résulte d~ l'él,ém~nt for~el de la passion provoque en nous une alteratton. Or t1 en va autrement en Dieu et en tout ce qui ~st séparé du sensible. Et c'est cela qu' Augustin exprtme de fa<;on excellente : «Tu aimes mais sans etre troublé», etc. comme ci-dessus3.
nou~, ch~z. qui
221. En cinquieme lieu, il faut done remarquer que la colere ou le repentir et autres choses de ce genre ne ,sont, ~orm~llement et réellement, pas autre chose qu une dtsseniblance ou dissonance entre certaines natures et leurs propriétés respeccives : cette dissemblance produit entre elles un certain conflit conduisant l'une a quitter et quasiment fuir l'autre, i la détester ou la hair, comme on le voit manifeste~ent dans la nature, pour celles qui sont contraires et dtssemblables par nature et propriétés. Inversement la ressemblance et la convenance existant en la hatur~ de certaines choses produisent (entre elles) amour naturel, plaisir et joie. S'il résulte de cela une passion ou une altération, elle s'ajoute a la formalité de la ~o.lere et de la joie en raison de la sensibilité qui y est ¡otnte, comme on l'a dit plus haut. Or, puisque le mal et le péché- en tant que mauvais, in justes et tortueux - sont dissemblables et par eux-memes tout a fait ?ostiles, adye~saires ou .coritraires a ce qui est bon, ¡uste et drott, t1 y a mamfestement une détestation et un déplaisir absolument naturels et véritables en tout h.ie~ contre le mal, en tout juste contre l'injustice, et atnst du reste. Telle est la nature· de la colere de la haine et autres choses semblables. '
~22. 11 ne, faut pas. omettre de dire ici qu'une telle hatne o u colere de Dteu contre le pécheur et le péché
COMMENTAIRE DE GENES E 6, 7
EXPOSlTIO LIB. GENESIS
maior est omni odio et ira sive dete~tatione quorumlibet et quantumlibet contrariorum sive adversariorum et inimicorum in natura, propter duo. Primo quia constat quod iniustum est plus dissimile et contrapositum ipsimet iustitiae quam cuilibet iusto. Iusto enim non est dissimile iniustum nisi ratione solius iustitiae. Ubi notandum quod nulli, quod sit in ipso iusto, contraponitur iniustum, nisi soli iustitiae. Propter quod non offenditur nec irascitur iustus sive iustum se tot contra iniustum. Ipsa vero iustitia se tota contraponitur et adversatur et detestatur sive odit iniustum et ipsi offenditur sive irascitur. Deus autem iustitia est; omne citra solum iustum est. 223. Rursus secundo: in nobis non omne, quod in nobis est, sive id, quod nos sumus, est iustitia. Propter quod non offenditur omne, quod in no bis est, nec id, quod nos sumus, per opus iniustum sive per peccatum. Deus autem est ipsa rectitudo iustitiae, et omne, quod in ipso est, et id, quod ipse est, rectitudo sive iustitia est. Propter quod quolibet peccato, utpote obliquo et non recto, sed distorto et iniusto, turbatur medullitus ipse deus et offenditur omne, quod in ipso est, tantum eius sapiencia, eius potentia, eius patientia, et cetera omnia quae in ipso sunt, quantum ipsa eius iustiti~, ut secundum hoc iterum § 222 1. Eckhart reprend ici la distinction entre justice et juste qui condense l'essentiel de ses vues sur le «rapport>~ de Dieu a sa créature. Cette distinction modelée sur la différence «aristotélicienne» de la blancheur (participé abstrait) au blanc (participant concret) est formulée aux § 3, 5 et 8 du Pro/. O. Prop. § Z-23
.
.
-I. On reconnait id le theme boécien, De trinilate, IV (Stewart-Rand, p. is, 24-41), de la différence entre quod es/ et quo
537
e.st plus grande que toute haine et colere ou détestatton entre éhoses contraires, adversaires ou ennemies quelles qu'elles soient et si grandes qu'elles soient' Pour deux raisons. · 1• e~t de fai~ que l'injuste est plus dissemblable de la JUSt!ce ~t lut est plus contraire qu'il ne l'est par r~pport a n tmp.orte quel juste. Car l'injuste n'est dtssemblable ~u JUste qu'en raison de la seule justice. l~ faut ~oter a ce propos qu'on n'oppose l'injuste a rten q~u S~ trou;e dans le ju~te l';li-meme, sinon a la ~eule )~Sttce. C est pourquot le JUSte OU ce qui est J~s~e n est pa.s offen~é ni faché entierement contre l.~n~uste, tandts que la justice s'oppose entierement a 1 InJuste, le combat, le déteste ou le hait et est offen~ée et irrité~ par l~i. Or Dieu est la justi~e; tout ce qut est en de<;a de lut est seulement juste 1.
!1
Tout ce qui est en nous, ou tout ce que nous sommes, n'est pas en nous tout entier justice 1. C'est pourquoi ce qui est en nous, ou ce que nous ~o.mmes, n'est pas offensé tout entier par l'ceuvre Injuste ou par le péché. Mais Dieu est la droiture mem~ de ~la justice et. tout ce CJUi ~St en lui et ce qu'il e~~ lm-meme est drotture ou justtce. C'est pourquoi . n t~port~ quel péc~é •. en tant qu'il est retors et non drott. m~ts tordu et In Juste, atteint Dieu lui-meme au p~us Inttme et offense tout ce qui est en .Iui, et offense d autant sa sages~e, sa puissance, sa patience et toutes autres choses qut sont en lui qu'il offense sa justice 223. 2.
h~ selon l~qu~ll'hom~e n'est pas uniquement ou entierement m~e, ~~ le JUste entterement ou uniquement juste, contraire~~nt ~ Dteu qui est le jus.te en tant que tel et cela meme qui est te? · «Horno alter alter mstus, deus vero ídem ipsum est quod est tustum >>.
, f
EXPOSITIO LIB. GENESIS
i
verum sit quod Iac. 2 dicitur : «Qui » «m uno offendit, factus est omnium reusa». Patet ergo quod deus maxime offenditur et irascitur peccato, nec est offensa aut ira similis illi possibilis in natura propter~:..primo, quía offenditur id quod ipse deus e(~, cor dei; .secundo, quía offenditur et irascitur om~in deo est, et aequaliter peccato quocumque secundum genus et secundum speciem et in singulari sive particulari. 224. Ultimo hoc annecto quod, sicut, ex praemissis ·causis duabus, deus summe offenditur et irascitur contra quodlibet peccatum, sic, ex eisdem causis, maxime et summe gaudet super omni opere bono et recto et iusto, et consequenter, minus tamen, gaudium est omni iusto et deiformi de quolibet actu sancto et iusto, secundum illud Luc. 1 5 : « Gaudium est angelis dei super uno peccatore paenitentiam agentea», quía tanto quis plus gaudet, sive angelus sive iustus horno, quanto ipse in se iustior fuerit et deo propinquior, similior et ·deiformior. Quomódo autem deus maxime offenditur peccato et irascitur et tamen peccatum soli peccanti nocet et ipsum tangit et attingit, non autem aliquem iustum tangit et attingit nec turbat passione, minime autem deum,' et quomodo deus damnum peccatoris plus ponderat quam offensam suimet dei, in Primo opere, propositionum scilicet, ostensum est.
i:
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1¡''
§ 2.2.3 a. Jc z.,
10.
§ 2.2.4 a. Le
15, 10.
2.. Cf. Comm. Sag., § ÍoS. · 3· Voir ci-dessus § 88. § 2.2.4 ~~ Pour tout ceci, cf. Comm. Ex., 2.44 et· Comm. Sag~,
§ 63. -
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-
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.''i.. V o ir Pro/. gen.,
'·' ¡;
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. 3.
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COMMENTAIRE DE GENESE 6, 7
539
2
elle-I?eme , en sorte 9ue. se vérifie a. nouveau ce qui · est dtt en Jc 2 : «Celut qut commet une offense sur un seul point, devient débiteur du tóuta. » . !1, apparait done clairement que Dieu est offensé et trrtte a~ plus .haut point par. le péché, et que, pour deux ratsons, 11 ne peut y avotr dans la nature pareille offense.. ou col~re: pr~mierement, paree qu'est óffensé cela meme qut est Dteu, le cceur de Dieu · en second lieu, p_arce ~u.e ,tout ce qu,i es,t en Dieu es; également offense et trrtte par le peche, quels que soient son genre, son espece et sa qualité secondaire ou particuliere3. Pour ~erminer, ajoutons que, de la meme fa~on que Dteu, pour les deux raisons susdites s'?ffe,nse et s:irrite immensément de n'importe quei peche, de meme, et pour les memes raisons il se réjouit au plus haut point et immensément de' toute ~uvre bonne, droite et juste. Ainsi done, tout etre JUSte et déiforme Se réjouit, quoique a un moindre degré, de tout acte saint .et juste, selon ce passage de Le 1 5 : «Les anges de Dteu sont dans la joie au su jet d'un seu~ juste qu~. se .rep~ne», car un ange ou un h<:mme ¡ust.e se reJOUlt d autant plus qu'il est luimeme plus. JUSte et P~l!s proche de pieu, plus semblable a lut et plus detforme 1. · . quan~ a la fa~on' dont a la fois le péché offense ~t trnte Dteu au plus haut point et, pourtant, ne nuit qu'au seulyéch.eur, ne touche et n'atteint que lui, sans touc.her m attemdre aucun juste ni le troubler par la passton, encore moins Dieu lui-meme et comment Dieu accorde plus de poids au dommage du pécheur qu'a l'offense que ce dernier luí fait on l'a montré dans la Premiere aúvre, c'e.st-a-dire c;lle des Propositions2. 224.
540
.
541
Mesures de 1'arche.
Quaerit Augustinus Lib~o q~aestiot;um sup~r Genesim c. 4 quomodo arca «ammalta omma, qua~ tn eam ingressa dicuntur, et escas eorum ferre potuent», et respondet ex Origene Moysen loqui de «cubitu geometrico », quod « t~ntum valet, quantut;n nostra cubita sex valent». Ub1 notandum quod Ongenes et Augustinus et similiter Hieronymus Super ler. 4:7 in Glossa cubitum in neutro ponunt. Et fortass1s cubitus masculine pars est brachii, cubitum autem neutraliter pro mensura, quae dicta est, accipitur. Versus: Hoc cubitum, quo mensor habet geometricus u ti, Senos sive novem fertur habere pedes. · Sed cubitus noster, quem communis tenet usus, ex uno constat dimidioque pede.
La longueur de l'arche sera de trois cents coudées (6, 1 5).
CAPITULUM DECIMUM Hae sunt generationes Noe. Et infra: Nemrot; ipse coepit esse potens in terra. . 226. Septuaginta habent : coepit esse gigas. Quaerit
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1 '
IO
Trecentorum cubitorum erit longitudo arcae. 225.
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COMMENTAIRE DE GENESE 6-
EXPOSITIO LIB. GENESIS
x. AuG.,QIItlest. in Hept., 1, q. 4 (CSEL 28, 2, p. 5, 23- 6; 4), Cité de Die11, XV, XXVII, 3 (BA 36, p. 162-165). PourÜRIGENE, cf. In Exaem. hom., 11, 2 (SC 7his, p. 94-95) et Contra Cels11111, IV, 41 (SC 136, 2, p. 290-293). E~ fait, s:Ion l~ méthode de ~alcul, les dimensions de l'arche attetgnent Jusqu a 90 ooo coudees de long. pour .zj ooo de large 1 . 2. ,En fait ]ÉRóME; In Ezech. Comm., XII, 40 (CC 7J, 561,
Augustin demande au livre desQuestions sur la Genese, chap. 4, comment l'arche «put contenir tous les animaux qui sont dits y etre entrés, ainsi que leur nourriture », et il répond que, selon Origene, Mo1se parlait de la «Coudée géométrique» qui équivaut a six de nos coudées t. 11 faut no ter la. qu'Otigene et Augustin, ainsi qúe Jéróme dans la Glose sur le chapitre 47 de Jérérpie2, ont considéré la coudée comme un terme neutre. Et peut-etre la coudée au masculin ( cubitus) est-elle une partie du bras : le coude, tandis que la coudée, ( cubitum), est employée au neutre pour signifier la mesure ci-dessus mentionnée. Citons ce vers : «La coudée ( cubitum) dont le géometre fait usage Est di te avoir six ·o u neuf pieds. Mais notre coudée ( cubitus), selon l'usage commun Mesure un pied et demi3. » 225.
CHAPITRE DIX!ElrfE
Le géant Nemrod. Telles sont les générations de Noé. Et plus has: N emrod. 11 commen~a a etre puissant sur la terre (xo, 8). 226.
La Septante dit : il commenfa ..
a etre
géant.
.
3. Selon Du Cange, l'auteur de ce passage pourrait etre Pierre de Riga. Cf. toutefois la remarque de LWJ, p. 369, note 1.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENT AIRE DE GENES E
Augustinus quomodo hoc sit, cum pri:us capitulo sexto dictum sit : «Gigantes autem erant s~per terram in die bus illisa; et solvit Augustinus quod ipse « coepit es se gigas» in novitate « humani gen:eris » «post diluvium». Posset etiam dici quod ipse coepit esse gigas, non quasi anteipsum gigantes non fuerint, sed quia ipse coepit in se ipso disponi vel se disponere ad facta gigantis, sicut dicimus de aliquo : iste incipit esse probus horno.
Augustin demande comment cela est possible, alors qu' auparavant, a u chapitre 6, il a été dit : «Or il y avait des géants sur la terre e'n ces jours-la a»; et Augustin répond que (Nemrod) «commenc;a a etre géant» «dans la nouveauté» «du genre· humain» t « apres le déluge t ». On pourrait aussi dire qu?il " commenc;a a etre géant, non comme s'il n'y avait pas . eu de géants avant lúi, mais paree qu'il commenc;a a etre disposé, ou a se disposer, en lui-meme en vue de ) faire des actes de géant - comme nous disons de quelqu'un qu'il comm~nce a etre honnete homme.
Infra eodem capitulo decimo: De Sem quoque
nati·sunt, patre omnium ftliorum Heber.
·
· Super isto dicit Augustinus in Libro quaestionum Genesis: incertum utrum Hebraei dicti ab Heber vel ab Abraham Hebraei vel Abrahaei.
,,
Dixit dominus ad Abraham : egredere de terra tua. Et infra : die, obsecro, quod soror mea. s~·s.· 227.' Augustinus dicit quod Abraham «tacuit quod a. Gn 6, 4· AuG., Quaest. in Hept., I, q. 18 (CSEL z8, z, p. 10, 1-5). Pour, «Héber» voir AuG., Quaest. _in Hept., l, q. 2.4 (CSEL z8, 2., p; i 1, 2.1:-12., 2.) et Cité dé Dieu, XVI, 111, 2. (BA 36,
543
"""'
Origine ·du mot << hébreu». Plus bas, au meme .chapitre dixieme : Des fils naquirent aussi a Sem, pere de tous les fils de Héber (1o, 21). Augustin dit hl-dessus, au livre des Questionssur la Genese qu'il ne sait pas si le nom des Hébreux vient d'Héber ou si Hébreux, c'est-a-dire Abrahéens, ne vient pas plutót d' Abraham 2 •
CAPITULUM DUODECIMUM
1
10 - 1 z
CHAPITRE DOUZIElrfE
Le. <<mensonge )> d' Abraham. Le Seigneur dit a Abraham : Sors de ta terre. Et plus has : . Dis, je t'en .prie,. que tu es ma sceur (12, 13)· 227.
Augustin dit qu' Abraham « tut que (Sarai)
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p. 190-193), concernant l'autre opinion («Abraharri»), voir Révisions, II, XVI (BA· 12., p. 478-479) .. · · ·
EXPOSITIO LIB. GENESIS
544
uxor eius esset, sed non mentiebatur quod soror esset, ut caveret quod poterat», «et deo commendaret quod cavere non poterat, ni si et illa, quae cavere poterat, deo tantum dimitteret, non in deum sperare, sed potius temptare deum inveniretur». Glossa haec satis prosequitur.
COMMBNTAIRE DE GENESE , !. u
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était son épouse, mais qu'il ne mentit pas en disá~t que c'était sa sceur, afin de sauvegarder ce qu'il. pouvait» (<et recommander a Dieu ce qu'il ne pouvait sauvegarder. Car, si ce qu'il pouvait sauvegarder lui-meme, ill'avait simplement abandonné aDieu, on n'eut pas trouvé qu'il mettait son espoir en Dieu, rnais plutot qu'il tentait Dieu t.» La Glose traite suffisamment de cela.
1.
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CAPITULUM DECIMUM QUINTUM CHAP/TRE QUINZIEME
His itaque transactz's. Et infra : sopor irrult in Abraham, et horror magnus et tenebrosus invasit eum. Notandum quod Augustinus hic quaerit utrum «perturbationes» cadant «in animam sapientis » et, narrans pulchrum de hoc exemplum, quod ponit A. Gellius l. XXI Noctium Atticarum, sic concludit : «Non ita placuisse Stoicis nullam perturbationem cadere in animum sapientis, quasi nihil tale appareret in eorum affectibus, sed perturbationem ab eis diffiniri, cum ratio talibus motibus cederet; cum autem non cederet, non dicendam perturbationem. » Augustinus hoc includit hic in Libro quaestionum et l. IX De civitate dei et ponitur hic in Glossa. Sed
Comment le sage peul'étre troub/é. Ces choses étant accomplies. Et plus has : Le sommeil s'empara d' Abraham, et une terreur immense et sombre l'envahit ( 15, 12).
228.
§ 227 1. Pour tout ceci, cf. AuG., Quaest in Hept., I, q. 26 (CSEL z8, z, p. 16, T·~IZ), Contra Faustum, XXII, 34 (CSEL 25, p. 628, 13-16), 3 5 (ibid., p. 628, zz - 6z9, 9), 36 (p. 6z9, zy-63o, 1), Cité de Dieu, XVI, XIX (BA 36, p. 250-251). Le potnt de départ est dans les Hebr. quaest. in Gen. de Jéróme (CC 72, 15, r
23s). § .zz8 1. Cf. AuG., Quaest in .Hept., I, q. 30 (CSEL 28, 2, p. 18, 4 et ibid.. 1. 14-19). Pour Aulu-Gelle, cf. Nuits attiques, XIX, í (Nisard, p. 727-728).
228. 11 faut observer qu' Augustin demande a ce propos si le trouble fait irruption dans l'ame du sage, et, ayant conté a ce sujet un bel exemple donné par Aulu-Gelle au livre XXI des Nuits attiques, il conclut ainsi : «Les sto'iciens n' ont pas voulu pré, tendre qu'aucun trouble ne peut pénétrer dans l'ame / du sage) cotnme si rien n'apparaissait de tel dans leurs sentiments, mais ils définissaient comme trouble le fait que la t;aison cédat a de tels mouvements; lorsqu'elle n'y cédait point, il ne fallait pas l'appeler trouble 1• » Augustin inclut cette explication en ce passage du livre des Questions sur la Gene'se2, ainsi qu'au livre IX de la Cité de Dieu3, et cette explication
~
z. AuG., Quaest. in Hept., loe. cit. 3· AuG., Cité de Dieu, IX, IV, 1-z (BA 34, p. 350-357) qui
renvoie également
a Aulu-Gelle.
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EXPOSITIO LIB. GENESIS
communiter diminute et corrupte in Glossa invenitur propter vitium scriptorum. Rursus autem Augustinus eodem libro IX De tivitate dei sic ait : « Stoicis » non placet « passiones cadete» in animum sapientis, et Peripatetici «has» «in sapientem cadere» «dicunt», «sed moderatas rationique subiectas», sicut cum «ita praebetur misericordia, ut iustitia conservetur». «In disciplina» christiana «non tamen quaeritur utrum pius animus irascatur» aut tristetur, «sed unde». Chrysostomus super Matth. 5 c. ait : «Si ira non fuerit, nec doctrina proficit nec iudicia stant nec crimina compescuntur. lusta ergo ira mater est disciplinae. » Notandum ergo quod, dum passio praevenit et movet rationem, vitium est, utpote contra ordinem naturae, inferius movet suum superius. Quando vero ratio praevenit et dictat motum passionis, virtus est. Unde signanter dicitur Ioh. 1 1 de Christo quod «turbavit semetipsuma».
CAPITULUM DECIMUM SEXTUM Ig#ur Sarai; uxor Abraham. Capitulum signatur hic decimum sextum. a. Jn
¡ 1
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II,
33·
4· Eckhart condense ici plusieurs passages de Cité de Dieu, IX, IV, 1 (BA 34. p. 3 P.-3 n) et IX, IV, 5 (ibid., p. 360-361). 5· jEAN CH_RYSOSTOME, Hom. in Matth. (op. imperf.), 11 (PG 56, 69o).
COMMENTAIRE DE GENESE 16 ·
547
est reprise dans la Glose, a propos de ce verset. Mais en général, elle y appara1t raccourcie et gauchie par 1~ faute des copistes. En outre, dans le meme livre IX de la Cité de Dieu ~ugustin parle ai~si: «_Il _ne convient pas aux stoi~ cten~ que des passt?~s p~~e~rent d~ns l'ame du sage», tandts que les pertpatettctens dtsent au contraire «qu'elles y pénetrent, mais modérées et soumises a la raison, ainsi par exemple lorsque la miséricorde s'exe~ce de _f~<;on a conserver la justice. Dans la d_o~!nne c~l!ettenne! e~ ,revanche, on ne demande pas st 1 a?le pteuse est trptee ou attristée, mais d'ou cela provtent 4• » Chrysostome dit dans son Commentaire sur saint Matthieu, chap: 5 : « Sans colere, l'enseignement.ne profite pas, les JU~ements n'ont pas de poids, les cnmes ne sont pas pums. Une juste colere est done mere de disciplines.)} ~~ssi faut~il remarquer que, lorsque la passion pr~cede 1~ r~ts.on et la meut, e' est un défaut, puisqu alors ltnferteur meut son supérieur contre l'ordre d~ la nature 6 • Au contraire, quand la raison précede et dtcte le mouvement de la passion, c'est vertu. C'est p~urquoi il ~st dit ~n. Jn 1 _I de fa<;on significati ve, au SUJet de Chrtst, qu «ti se troubla lui-memea».
CHAPITRE SEIZIEME
Huit themes philosophiques exprimés en figure. Or Sarai, la femme d'Abram (16, 1). 229.
Ainsi commence le chapitre seizieme.
6. Voir ci-dessus, § 12.2.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 16
229. Ubi invenies sub figura sive parabolice octo notanda. Primum est quod alteratio et omnis motus generaliter servit generationi - Agar enim ancilla est Sarae et omnis motus et mutabilitas immobili et immutabili. «Ancilla enim a cilleo, quod est inovere, dicitur. » Propter quod Mercurius propter multiformitatem motuum suorum dictus est Cillenius. Secundum est quod intellectus in nobis est sicut tabula nuda - III De anima - nec concipit, nisi prius concipiat sensus. Propter quod «deficiente sensu deficit in no bis scientia » sensibilis. Ait enim : ecce conclusit me dominus, ne parerema etc.
On y trouvera huit points notables exprimés en figure ou en allégorie. '
Tertium est quod plus debito deditus sensibilibus impeditur a speculabilibus, et «excellentiae sensibilium corrumpunt sensus », et «caro concupiscit adversus spirituma», Gal. 5. Ait enim: illa concepisse se videns, despexit dominam suamb. 230.
§ 2.2.9 a. Gn 16, 2.. ~
§ 2.30 a. Ga
5, 17·
b. Gn 16, 4·
§ 2.2.9 1. Le couple génération-altération est issu de la Phy-
sique d' Aristote, vraisemblablement par l'intermédiaire de TH. d' AQ. L'altération, i.e. le mouvement (motus) qualitatif et par extension tout mouvement (quantitatif et local) «servent», id est préparent la génération ou changement substantiel (mutatio) selon le principe qui veut que toute mutation «présuppose un mouvement». C'est ainsi que l'introduction de la forme substantielle du feu dans le bois demande une intensification préalable de son degré calorique. Pour tout ceci, cf. Parab. Gen., § 1~ 8, 2.17, c;omm. Ex.,§ 1~9. Com~~t¡ Sag., § 31. -__ i 2.. Etymologie isidorienne (cf. Etym., XI, 1, 6~) sans doute transmise par ALBERT, Post. sup. lsaiam (Col. 2.9, p. 2.02., ~ 1). ~· Voir l'étymologie véritable de «Cillenius» dans LW. 1, p. H4, _not~ ,. . 4·; .AR., De /'Ame, 111, 4, 4~oa 1 (Tricot, p. 179-18o).
549
L'altération au service de la génération. 1. L'altération, ainsi que tout mouvement en général, sert la génération - Agar est en effet la servan~~ ?e Sara - ~~ tout ~ouvement ainsi que la mu~abthte servent ltmmobtle et l'immuable t. Car a~etfla (servan~e) est dit provenir de cilleo, mouvoir2. C est pourquot Mercure est appelé Cillenius en raison de ses mouvements multiformes3.
Nécessité du sens pour la connaissance. 2. En nous l'intellect est comme une table rase III De anima- et ne com;oit pas sans que le sens ait c~n<;u, aupar~vant 4 • C'est pourquoi «lorsqu'un sens fatt _defaut, tl nous manque aussi la science». du ser:stbl~ (correspondant 5). (Sarai) dit en effet: Vois, Dteu m a fermée, pour queje n'enfante pasa, etc.
Trop s'adonner aux choses sensibles empeche la connaissance. 230. 3· <:=elui qui s'adonne plus qu'il ne faut aux ch?ses senstbles est détourné de la spéculation, et «La plethore. des cho~es sensibles corrompt les sens t », et «La chatr convotte contre l'esprit», Ga 5a. Il est dit en ;ffet : Lorsqu' elle vit qu' elle avait confu, elle méprisa sa mattresse b.
5· Comm. Ex.,§ 57· § 2.~o 1. AR., De 1' Ame, 11,
12.,
42.4a 2.9 (Tricot, p. 140).
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EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE t6
Quartum est quod naturaliter inferius sub manu et potestate est superioris sui. Unde in ~rim~ crea~ione dictum est, quod horno praeesset ceterts ammanttbus, et in Psalmo: «Ümnia subiecisti sub pedibus eiusc». Et qui vigent ratione, dominantur stul~s n~t';lralit~~' ut ait philosophus. Et hoc est quod htc dtcttur : m manu tua est, utere ea ut libetd. 231. Quintum est q_uod univ_ersaliter quo_ a~iqua sunt inferiora, eo sunt tmperfecttora et plus dtvtsa et infinita et cadunt non solum ab uno, quod cum ente convertitur, quin immo cadunt a numero, in qu.o creata sunt omniaa? Sap. 1 1. Et hoc est quod htc dicitur filio ancillae Aegyptiae, tenebrosae privatione lucis : multiplicans multiplicabo semen tuum, et non nume-
rabiturb.
Sextum est quod in sensibilibus semper est contrarietas et pugna, schisma et divisio sive discordia et amaritudo. Secus de spiritualibus, quae supra sensum sunt, Sap. 8 : «Non habe~ a~a~itudin~m ~onversatio illiusc». Et hoc est quod htc dtcttur: h!c ertt ferus hom~, manus eius contra omnes et manus ommum contra eum .
551
Soumission de l' inférieur au supérieur. 4· Ce qui est inférieur par nature est soumis a la main et a la puissance de ce qui lui est supérieur. C'est pourquoi il est dit, lors de sa premiere création, que l'homme dominera les autres animaux, et dans le Psaume: «Tu as soumis toutes choses a ses piedsc. » Et ceux qui ont une raison vigoureuse dominent par nature les sots, comme le dit Aristote 2 • C'est ce qui est dit ici : Elle est dans ta main, use d' elle comme il te plaítd.
Multiplicité synonyme d'infériorité. 5. En regle universelle plus les choses sont inférieures, plus elles sont imparfaites, divisées et en nombre infini t, et non seulement elles déchoient de l'Un qui se convertit avec l'Etre, mais encare elles déchoient du Nombre en lequel toutes choses furent créées, d'apres Sg 11 a. C'est ce qui est dit ici au fils de la servante égyptienne, c'est-a-dire ténébreuse p~r privation de la lumiere :fe multiplierai ta semence, et on 231.
ne la comptera pasb.
Discorde et amertume des choses sensibles. 232.
Septimum est quod sensus non cognoscunt
c. Ps 8, 8. d. Gn 16, 8. § 2.31 a. Sg 11, h. Gn 16, 10. c. Sg 8, x6. d. Gn x6, 12..
2.1.
2.. AR., Politique, I, 2, 12.52a 31-34, complété par le C:ommentaire de Thomas, lect. 3 qui renvoie aProv. 1I, 2.9: «Qu1 stultus est, serviet sapienti». § 231 x. Pourtoutceci, cf. ci-dessu:s§ 2.5 et Comm. Sirac. § 38, Parab;: Gen .., §~2o3, Comm. ]n, § 5 52..
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6. Dans les choses sensibles, il y a toujours contra.( riété et lutte, schisme et division o u discorde et amertume. 11 en va autrement des choses spirituelles, qui sont au-dessus des sens, selon Sg 8 : « Sa fréquentation ne comporte point d' amertume e.» V oila ce qui est dit ici : Ce sera un homme cruel; sa main sera contre tous et la main de tous contre luid.
Les sens n' atteignent pas la quiddité. 232.
7· Les sens ne connaissent pas la quiddité des
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EXPOSITIO LIB. GENESIS
552
quod quid est rerum, nec «accidentium» quidem, sed sola exteriora, quae tamen « magnam partero conferunt ad cognoscendum quod qui est», ut ait philosophus. Et hoc et quod hic dicitur : vidiposteriora videntis mea. Intellectus enim videt sensibilia id quod sunt; sensus autem apprehendit sola posteriora intelligibilium, secundum illud infra 33 : «Videbis posteriora mea, faciem autem meam videre non poteris»h.
233· Octavo sciendum quod dispositio, quae est necessitas, ad ídem genus pertinet cum forma generanda. Verbi gratia : calor quo disponitur aqua ad ignem, cum in sui supremo et complemento fuerit, in termino scilicet ultimo alterationis, iam non pertinet ad formam aquae, sed ad formam ignis. Sic dispositio ultima ad habitum virtutis non pertinet ad genus a. Gn 16, 13.
§ 232
1
1
1
h. Ex 33, 23.
1. AR., De /'Ame, I, 1, 402b 21 (Tricot, p. 7). 2. L'intellect atteint l'essence ou étance («entitas») des choses ~~ en les dépouillant («depurando») du voile des qualités sensibles. Eckhart retrouve ici la doctrine thomiste de l'abstraction \ esquissée ci-dessus au § 21 1. § 233 1. Tout ce développement s'inspire étroitement de la conception du changement élaborée par Thomas d' Aquin sur la base de la physique aristotélicienne. De fait, s'inspirant d'un passage de Physique VIII, 8 ou Aristote montre qu'il n'y a pas d'ultimum quod non dans l'acquisition d'un état substantiel (c'est-a-dire de demier instant ou une chose se trouverait dans l'état antérieur) mais bien un primum quod sic (c'est-a-dire un premier instant ou elle est dans son état nouveau), Thomas montre que l'instant qui clot le temps de l'altération signe le changement lui-méme. C'est ainsi que l'instant de l'introduction de ht ~orme d1l feu dans le bois est précisément celui qui met un
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'···.·r··· COMMENTAIRE DE GENESE r6
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553
choses, ni meme des «accidents», mais seulement leur aspect. extérieur, qui ne fait que «contribuer a la conna1ssance de la qui~dité», comme le dit Aristote1. C'est ce qui est dit ici : ]'ai vu le dos de celui qui me voita. ¡ Car l'intellect voit quel est l'etre des choses sensibles 2,. tand~s .que le sens n'apers;oit que le dos des \Y choses Intelhgibles, selon cette parole dite plus has, · chap. 3~ : Tu verras mon dos, mais tune pourras pas voir maface .
La disposition appartient au genre de la forme
a engendrer.
233· 8. Il faut savoir que la disposition qui déclenche nécessairement l'engendrement de la forme (substantielle) appartient au meme genre qu'elle. Par exemple, la chaleur dispose l'eau a recevoir le feu. , Quand parvenue au degré supreme, elle res;oit son complément, c'est-a-dire au terme ultime de l'altératiol_l, e~le n'appartient déja plus a la forme de l'eau, ma1s h1en a celle du feu t. Ainsi la disposition ultime \j ' de l'habitus de vertu n'appartient pas au genre des ~
t
te~me a l'intensification continue de son degré calorique ce qui fatt que la «disposition ultime» c'est-a-dire le seuil m;ximum d'échauffement étant atteints, l'altération se termine. Le mobile a done des ce moment changé de forme et de genre. Ainsi la nature ":e conna,i~-~ll~,ni !acune en~re l~s états successifs d'un corps, ni stmultanette d etats contradtctotres, mais uniquement des mouvements préparatoires continus (motus) terminés discretement P.ar d~s changements (mutationes). Au degré maximum d'intenstficatton, le corps a déja changé de forme. Cf. Comm. Ex. , § 14o, Comm. Jn, § 129, Comm. Sirac., § 42.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 17.
actuum praecedentium habitum, ut Sl;lnt d~spo~i tiones, sed pertinet ad ipsum ge~u~ .habltus vtrtutt~, quo iam <non> difficulter et ex trts~ltta, se.d de~ectabt liter et hilariter iam non servttute ttmorts, sed amore virtutis ~t filii operamur. «Mulier» enim «cum parit, tristitiam habet». «Cum autem pepererit», «non meminit pressuraea», Ioh. 16: Et h<:>~ est quod hic dicitur: peperitque Ag.a~, anc!lla sctl~cet, 1 Abrae jiliumb, id est amorem. «Ft.hus entm ~ phtlos, •. \ quod est amor, dicit~r. » Senstti:vum .en~m .cum in nobis perfecte subtectu~ fuertt ra!tont, ttmor conversus in amorem, alteratto perduxertt ad gener~ tionem, perfectus est ~omo, .quie~ci.t tumultus omnts etpassio in anima, ut t~m, ettam stltceat peccare, no.n libeat et peccare nesctat. Et hoc est quod mox htc sequitur capitulo decimo septimo : «Ambula coram me et esto perfectusc ». . . Notavi de his diffuse tnfra super tilo: «Non concupisces »d Exodi 20 c.,. et hic statim post capitulo decimo septimo super tllo : «Circumcidetur ex vobise».
a~tes qui ,P~écedent l'~abi(us, c'est-a-dire aux disposittons anterteures, mats bten au genre de 1'habitus de vertu lui-meme, grace auquel nous n'agissons plus avec difficulté et dans la tristesse, mais avec délectation et gaieté, non plus dans la servitude de la crainte mais en tant que fils, par amour de la vertu2. Car «L~ femme, lorsqu'elle enfante, éprouve de la tristesse. Mais lorsqu'elle a enfanté, elle ne se souvient plus de la souffrance», Jn 16a. Voila ce qui est dit ici: et Agar, c'est-a-dire la servante, enfanta le jils d' Abrahamb, c'est-a-dire l'amour. «En effet "fils" se dit a partir de phi/os, amour1: » Car lorsque notre sensibilité aur~ été compl~tement sm!mise a la raison, lorsque la cratnte aura ete transformee en amour et que 1'altération aura conduit a la génération, alors l'homme sera parfait, tout tumulte et toute passion s'apaiseront ~ans son ame, de telle sorte que meme s'il avait ltcence de pécher, il ne le désirerait pas et ne saurait le faire. V oila ce qui va etre dit bientót ici-meme au chapitre 17 : Marche devant moi et sois parfaitc. ' J'ai développé cela plus loin 4, a propos de cette parole : «Tu ne convoiteras pas », Ex 20 d, et ici meme 5' tout de suite apres le chapitre 17' a propos de la parole : «Que (tout male) parmi vous soit circoncise. »
554
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CAPITULUM DECIMUM SEPTIMUM Postquam vero nonaginta et novem annorum esse coeperat etc. Signatur hic capitulum decimum septimum.
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55 5
CHAPITRE DIX-SEPTIEME
Sept questions sur le texte. a. Jn 16, 21. e. Gn 17, 10.
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b. Gn 16, 15·
c. Gn 17, 1.
Comm. Ex., § 98, Comm. jn, § 186. 3:;-- Cómm:· 'Ex:, § 140. · · . 4· Comm. Ex.,§ 210, zz8. ·
d. Ex 20, 17·
Mais apres qu'il eut commencé vingt-dix-neuf ans, etc. (17, 1). Ainsi commence le chapitre 17.
2 •.
5· Cf. ci-dessous, § 236-247.
a avoir quatre-
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EXPOSITIO LIB. GENESIS
234· Circa quod septem quaerenda videntur. Primum est, quid sit quod, postquam praemiserat quod « peperit Agar Abrae filium, qui vocavit nomen eiusa», ~ non ait: quae vocavit, sed «qui vocavit», per quod patet quod Agar non sibimet peperit, sed ipsa peperit Abrae - his, inquam, praemissis in fine capituli decimi sexti in hoc capitulo decimo septimo statim ait : Apparuit ei dominus, et infra : Ambula coram me et esto perfectus. Nec etiam videtur frustra dictum quod iam erat annorum nonaginta novem. Secundo, quod ipsi Abrae dictum est : Nec ultra vocabitur nomen tuum Abram, sed appellaberis Abrahamb. Tertio, quod dictum est : regesque ex te egredientur; et infra: Sarai uxorem tuam non vocabis Sarai,· sed Saramc. Et benedicam ei et ex illa dabo tibi ftlium, cuí benedicturus sum, eritque in nationes, et reges populorum orientur ex eod, de Ismaele vero dicitur post pauca: Duodecim duces generabite. Duces ait, non reges sicut supra.
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COMMENT AIRE DE GENESE 17
557
234· 11 y a hi sept questions a examiner. I: Pourquoi, ap:es 9u'il est dit : « Agar enfanta un fi~s a Abraha~, qut lut donna un noma», n'est-il pas dtt: elle, mats
235· Quarto, quid est quod ait: Pactum vero meum statuam ad Isaac, quem pariet tibi Saraa, non ait: ad Ismael? Quinto, quod ait : .Dabo tibi omnem terram Chanaan in possessionem aeternam? · Sexto, quod ait: Circumcidetur ex vobis omne masculinumc? Et hoc est principale et radix omnium quae dicuntur in hoc capitulo decimo septimo. Septimo, quod ait: Circumcisus est Abraham et
La circoncisionJ the'me principal du chapitre.
. §·.2.34 a. Gn .16, 15. b. Gn 17, 5· c. Gn 17, 6. d.>'Gn- 17:' 15-16. e. Gn l7; 20. § 235 a. Gn 17, 21. h. Gn 17, s. c. Gn 17, 10. ·
6. ,Que si&ni~e ce 9~'11 ~ dit :Que tout ce qui est mále parmt v~us sott ctrconcts ? e est la le sujet fondamental et premter ~e t<:>ut ce qu'explique ce chapitre 17· 7· Que stgmfie : Abraham et Ismael ont été circoncisJ
~35· 4· Pourquoi Dieu a-t-il dit : fe jerai mon a~hance avec Isaac, que Sara t' enfanteraa, et n'a-t-il pas dtt : avec Ismael? 5• Que signifie :]e te donnerai toute la terre de Canaan en possession éternelle b? ·
._,~·:· . ',':.-:i~ .. ·
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 17
Ismael. Et omnes viri domus illius, tam vernaculi quam emptiti~ et alienigenae pariter circumcisi sunt ?d
el tous les "/~les ~e sa m~ison, ~a?t (es ese/aves nés chez fui que ceux qu ti aval/ ache~es et qut elaten! nés a1'étranger ont été pareillement circoncisd? '
236. Ad horum igitur solutionem et evidentiam notandum_ quod, sicut dicit Rabbi Moyses, circumcisione tollebatur id quod erat superfluum et praeternecessarium generationi, relinquebatur autem quidquid erat necessarium et sufficiens masculo ad generandum. Propter quod praeputium quod praecidebatur, deserviebat potius concupiscentiae et voluptati carnis quam generationi. Propter quod, sicut dicit, vix separabatur mulier ab incircumciso. Ex quo patet quod per hoc, quod mandavit deus masculum circumcidi, providebatur et mulieri de superfluo sive de excessu carnalis concupiscentiae.
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Observation préliminaire tirée de Mai"monide. 236. Pour résoudre et éclairer ces questíons, il faut observer que, comme le dit Ma1monidet, la circoncis~on otait .ce qui était superflu et inutile a la génératlon, tandts que demeurait ce qui était nécessaire et suffisant pour que le ma.le put engendrer. Car le p~épuce qu'on retra~_fhait servait plutot a la concuptscence et au plaisir de la chair qu'a la génération. C'est pourquoi, comme le dit cet auteur, c'était a peine si on pouvait séparer une femme d'un homme ,~/¡ incirconcis 2 • D'ou l'on voit que le commandement de 1 • Dieu ordonnant de circoncire le m~1le prévenait aussi \\ en la femme le superflu, c'est-a-dire l'exces de concupiscence charnelle.
237·. His praemissis et ex his notanda sunt aliqua. Primo quod hoc est naturale, quod delectatio adiuncta est operationi a deo, tamquam ancilla dominae et servus domino. Servit enim et ancillatur delectatio operationi et generationi, ne species rerum deficiant corruptibilium. Servit etiam naturaliter caro et sensitivum rationi
Premier point principal : rapport de la chair a /'esprit. 237. Apres cette observation initiale et a partir
d. Gn 17, 2.6- 2.7. 1. MAlM., ibid., III, 50 (f. 108r, 2.9-36; Munk 111, 49, p. 417) notamment (trad. Munk): «Le véritable but, c'est la douleur corporelle a infliger a ce membre et qui ne dérange en ríen les fonctions nécessaires pour la conservation de l'individu, ni ne détruit la procréation, mais qui diminue la passion et la trop grande concupiscence. » 2.. Cette phrase est, en fait, une citation des Docteurs donnée par MAlMONIDE, loe. cit. (trad. Munk, p. 417-418): «Les Docteurs ont dit expressément: La femme qui s'est livrée a l'amour ' · avec.un incirconds peut difficilement se séparer de lui; c'est la, selon rrioi, le motif le plus important de la circoncision. >> V o ir a
t
d'elle, il faut faire quelques remarques.' 1. 11 est naturel que Dieu ait joint la délectation a l'acte, comme la servante asa maitresse et le serviteur a son maitre. Carla délectation, telle une servante est au service de l'acte et de la génération, afin qu~ les especes des etres corruptibles ne s'éteignent pas. 2. Par nature, en effet, la chair et la sensibilité ( servent la raison et l'intellect de l'homnie, comme la í
_)
ce sujet la note 5, p. 417 de Munk qui renvoie a Bereschith rabba, sect. So, f. 70, col. 3.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
et intellectivo hominis, sicut materia formae, mulier viro et imperfectum perfecto, inferius superiori. Adhuc autem tertio horno in specie ponitur per rationale et intellectivum, quod, inquam, intellectivum propter «longe distare a primo» intellectu, qui deus, est sicut tabula nuda et rasa. Providit deus nostro intellectivo, ut ministerio sensuum in cognitionem veniat. Unde et Avicenna dicit quod sensus a sensibilibus redeunt ad animam cum suis lucris. Sic ergo sensitivum quasi per accidens et per occasionem ad hominem pertinet et quasi praeter intentionem. Patet hoc manifeste ex [se] ipsa hominis prima productione in esse, Gen. 1, ubi dicitur : « Faciamus hominem ad imaginero et similitudinem nostrama», et aliis quae ibídem praeponuntur et subsequuntur. 238. Ex quo patet quod quaerentes in rebus, puta
cibo, potu et similibus, delectationem potius quam nutritionem aut prolis generationem operantur contra ordine naturae ordinantis delectationem propter operationem, non~ converso. Unde Damascenus l. JI dicit quod «omne peccatum est contra naturam». Propter quod Eccl. 10 dicitur: «Beata terra, cuius príncipes vescuntur in tempore suo ad reficiendum et non ad luxuriama». Et Augustinus XI Confessionum § 237 a. Gn 1, 26.
§ 238 a. Qo .xo, 17.
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matiere la forme, la femme l'homme et l'imparfait le parfait, l'inférieur le supérieur 1. 3. L'homme est défini spécifiquement par la faculté rationnelle et intellective2. Mais, en raison de «la grande distance qui le sépare du premien> intellect, qui est Dieu 3, cet intellect est comme une table nue et rase. Aussi Dieu a-t-il pourvu a ce que notre intellect parvienne a la connaissance gnke au ministere des sens. C'est pourquoi Avicenne dit lui aussi que les sens reviennent a l'ame en lui apportant le profit qu'ils ont tiré des choses sensibles 4. Ainsi done ~, la ~acuité sensitive a~p;lJtient a l'homme comme par acctdent et par occaston et comme sans etre voulue. Cela ressort de fa~on évidente de la premiere création 5 de l'homme dans l'etre, selon Gn 1 ou il est dit : «Faisons l'homme a notre image et a notre ressemblancea», ainsi que ce qui précede et ce qui suit. 238. Il ressort de la que ceux qui recherchent dans les choses, par exemple dans la nourriture, la boisson et choses semblables plutót a se délecter qu'a se nourrir ou a engendrer une progéniture, le font contre l'ordre de la nature qui ordonne la délectation a l'acte, et non l'inverse. C'est pourquoi le Damascene dit au livre II que « Tout péché est contre nature 1.» C'est pourquoi il est dit en Qo 10: «Heureuse la terre dont les princes mangent au temps qui convient pour se refaire et non pour la luxurea. » Et Augustin dit au livre XI des Co'!_(essions qu'il faut
§ 237
-1
1. Cf. ci-dessus § IZ 1. 2. Cf. ci-dessus, § 188 et 211. 3· Cf. ci-dessus, § 168, Comm. Jn, § 31. 4· Av., De anima, 1, c. 5 (Van Riet, 1 p. 85, 88s). 5. L'expression de «premiere création», déja attestée au i § 23q, renvoi~ vraisemblablement a la théorie érigénienne de la ~ «double création» telle qu'elle est notamment développée dans
COMMENTAIRE DE GEN ESE 17
le DDN, 11 (Sheldon, p. 8z, 1- 84, 2), 111 (64oC-D, 641A, 689B) et largement amorcée chez AUGUSTIN, La Gen. au s. litt., V, v, I2-l6 (BA 48, P· 391-397). § 238 l. jEAN DAMASCENE, De ftde orth., c.44 (Buytaert p. 162, zos).
EXPOSITIO LIB. GENESIS
s6z.
dicit alimenta sumenda ut medicamenta, ut salus, non ~oluptas sit causa sumendi, et quod voluptas sive delectatio debet esse pedisequa, non domina operationis alimentum sumentis. Ad litteram enim alimentum est medicina defectus naturae ipsius aliti, quod scilicet alitur.
239· In his qui delectationem quaerunt in opere, mulier dominatur viro, contra illud Tim. 2 : « Docere mulieri non permitto, nec dominari in viruma ». Istis · maledicitur Is. 3 : « Dabo pueros príncipes eorum, et effeminati dominabuntur iish». Rursus isti sunt de schola Epicuri, qui summum bonum posuit delectationem, non operationem, ordinans bonum honestum ad bonum delectabile, cum secundum veritatem Peripateticorum e converso bonum delectabile ordinetur ad bonus honestum. Item quarto in his impletur quod parabolice dicitur Eccl. ro: «Cor sapientis in dextera eius, et cor stulti in sinistra illiusc », et infra : « Est malum quod vidi sub soled», et post : « Vidi servos in equis et príncipes ambulantes quasi servos super terram~:». Adhuc quinto in talibus intellectus servit sensui, horno bruto animali, Psalmus : «Horno cum in honore esset, non intellexit» etc.a. Et hoc est quod deplorat Mathathias 1 Mach. 2: « Vae mihih», 240.
§ 2.39 a. Tm z., 12.. b. Is 3, 4· c. Qo 10, 2.. d. Qo 10, S· e. Qo 10, 7· § 2.40 a. Ps 48, 13 et 2.1. b. 1 M z., 7· z.. En réalité AuG., Conf, X, XXI, 44 (BA 14, p. 2.18-2.19). § 2.39 1. Comm_. Ex.,§ 274. § z4o -~. cf. ci-dessus, § 12.4.
COMMENTAIRE DE GENESE 17
~
prendre les aliments comme des remedes, de sorte : que la santé et non le plaisir soit la raison de les i prendre, et que le plaisir ou délectation doit etre non la maitresse mais la suivante dans l'action de s'alimenter2. Au sens littéral, en effet, l'aliment est le (l remede porté aun manque dans la nature de celui qui ' est nourri- c'est ce (manque) que l'on nourrit.
239. Chez ceux qui recherchent la délectation dans
l'acte, c'est la femme qui domine l'homme, a 1'encontre de ce précepte de Tm 2 : « Je ne permets pas a la femme d'e-nseigner ni de dominer sur l'hommea. » C'est eux que visent cette malédiction en Is 3 : «)e leur donnerai pour princes des adolescents, et des efféminés les domineront h.» De plus, ils appartiennent a l'école d'Épicure, qui fit de la délectation, non de l'acte, le souverain bien, ordonnant le bien moral au bien délectable, alors que selon la vérité, telle que l'enseignent les péripatéticiens, le bien de la jouissance est au contraire ordonné au bien moralt. 4· En eux s'accomplit ce qui est dit allégoriquement en Qo ro: «Le cceur du sage est a sa droite, tandis que le cceur du sot est a sa gauchec», et plus has: «Ce que j'ai vu sous le soleil est mauvaisd», et ensuite : « Je vois des esclaves aller a cheval, et des princes aller a pied comme des es da ves e.)) 240. 5. Enfin, chez de tels hommes, l'intellect sert le sens, l'homme sert la bete brute 1, selon le Psaume : « Alors que l'homme. était dans les honneurs, il ne le comprit pasa», et la suite («il est semblable aux betes qui périssent»). C'est ce que déplore Mathatias en I M : «Malheur a moi h», et plus has : «Celle qui était
EXPOSITIO LIB. GENESIS
et infra: «Quae erat libera, facta est ancillac». Et notandum quod totum illud capitulum pulchre valde parabolice plene et pertinenter exponitur de homine malo, in quo ratio et intellectus non dominatur concupiscentiae sensuali, sed ipsa e converso dominatur rationi. Haec est ancilla ostiaria, . qua e « Petrum », 1'd est « agnoscentemd », rauonem scilicet, facit negare Christum, de qua loquuntur omnes evangelistae. Tales sunt bestiae gestantes figuram et nomen hoJ?inis, ut ait. Rabbi ~oyses et Boethius De consolauone. « Hommum emm genus arte et ratione » vivit, I Metaphysicae. Propter quod Salomon gloriatur se dominari. sensitivo et eius passionibus et ipsas possidere m servos et anclllas dicens : « Possedi servos et ancillase»; et ls. I4: « Possedebit eos domus Israel super terram do mini in servos et ancillasf» et cetera quae sequuntur. Haec enim omnia verificantur de homine, in quo quidem sensitivum dominatum est rationali. Nunc autem cum factus est vir, evacuavit ea quae sunt parvulig, Cor. 13; Ioh. 4: «V oca virum tuum». « Quinque enim viros habuistih. » 241. Praemissis omnibus c~ncordat ~t. ipsa p~~bat quod in 1 Ethic~r';lm .appetlt~s sens1~1vus dtcltur rationale per partlctpattonem, mtellecttvum autem dicitur rationale per essentiam. Constát autem quod omne, quod per participationem dicitrir, servtt et
c. 1 M 2., 11. d. Mt 2.6, 69s. Me 14, 66-68. Le 2.2.~ 56s. Jn 18, 17. e. Qo 2., 7· f. ls 14,· 2.. g. 1 Co 13, 11. h. Jn 4, 16 et 18.
· 2.->Gomm.-'}n; § 698. ·~· 'MAlM., ibid., 111, 9 (f. 74v, 23; Munk 111, p. 44-48).
COMMENTAIRE DE GENESE 17
libre est devenue servante e.» Et il faut remarquer qu' on peut donner une admirable interprétation allégorique de tout ce chapitre de fa<;on complete et pertinente, en l'appliquant au méchant. Car chez lui la raison et l'intellect ne dominent pas la convoitise des l sens, c'est elle au contraire qui domine la raison. Elle ·· .. ~ est 1~ servante préposée a la porte- dont parlent tous les Evangiles - qui amena «Pierre», c'est-a-dire «le connaissant2», a savoir la raison, a renier Christd. De telles gens sont des betes sauvages assumant l'aspect et le no m d'homme, comme le disent Ma1monide 3 et Boece au livre de la 6onsolation4. «En effet, le genre humain» vit «grace a l'art et a la raison», Métaphysique I s. C' est pourquoi Salomon se glorifie de maitriser la puissance sensitive et ses passions et de les posséder comme serviteurs et servantes, en disant : «J'ai possédé serviteurs et servantese»; et Is 14: «La maison d'Israel les possédera comme serviteurs et servantes sur la t~rre du Seigneurf» et ce qui suit. En effet, toutes ces choses sont vraies de l'homme en qui la faculté sensitive est dominée par la faculté rationnelle. Lorsqu'il est devenu homme, il a dépouillé ce qui appartient a l'enfant, selon Co I 3g; Jn 4 h : «Appelle ton mari», «car tu as eu cinq maris.» . 241. En .accord avec tout ce qui précede et le ( pr~mvant, l'appétit sensible est dit, au livre I de \ 1' Ethique, rationnel par participation, tandis que la ) faculté intellective est di te rationnelle par essence 1• Il est certain que tout ce qui est dit (tel) par participa-
4· Cf. ci-dessus, § 12.4. 5· AR., Met., 1, 1, 98ob 2.7 (Tricot, p. 3). § 2.41 1. AR., Eth. Nic., 1, 13, 1102.b 2.8-31.
COMMENTAIRE DE GENESE 17
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tion sert et est la servan te de ce qui est tel par essence et lui est postérieur. Et cela suffit pour les observations principales concernant le premier point.
ancillatur et posterioratur ei quod est tale per essentiam. Et haec sufficiant de primo notando principaliter.
242. Secundo igitur notandum quod in his verbis, quibus dicitur : Circumcidetur ex vobis omne masculinum} docemur generaliter quid sit, in quo consistit humana perfectio et in quo e converso consistit defectus, imperfectio et malum hominis seu peccatum. Rursus docemur quid sit bonum, quid malum, quid in nobis sit a deo, quid a diabolo, quid deo placeat in homine, quid displiceat, quid deus in nobis operetur, quid diabolus, quid angelus bonus , ad meliora inclinans et suggerens, quid angelus malus semper ad peiora inclinans et ipsa suggerens; et quid «arbor bona» et «arbor mala» et «fructusa» earum, quid lex dei in mente, quid lex carnis in membris hominisb, Rom. 7, quid caro, quid. spiritus: «Si secundum carnem vixeritis, moriemini; si spiritu facta carnis mortificaveritis, vivetisc», Rom. 8, et multa similia in diversis locis bibliae et philosophorum. 243· Adhuc autem docemur, quomodo deus et ipse solus et ah ipso solo est omnis sufficientia omnium, et e converso a creatura et in omni creato est insufficientia. Ad horum evidentiam et etiam aliorum a principio huius capituli decimi septimi sciendum quod deus, utpote esse et causa prima omnis esse, sua substantia
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a.
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Mt 7. 17-ZO.
b. Rm 7. Z3-Z5·
c. Rm 8, 13·
Deuxieme point principal : le bien et le mal.
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242. En deuxieme lieu, il faut done remarquer que ces paroles : Que tout male parmi vous soit circoncis nous enseignent de fac;on générale ce qu' est et en quoi j consiste la perfection humaine, et a l'inverse, en quoi 1 consiste le défaut, l'imperfection et le mal ou péché de ::-"' l'homme. Elles nous enseignent en outre ce qu'est le bien, ce qu'est le mal, ce quien nous est de Dieu, ce qui est du diable, ce qui en l'homme plait a Dieu, ce qui lui déplait, ce que Dieu opere en nous et ce qu'y opere le diable, ce qu' opere le bon ange qui incline au bien et le suggere, et le mauvais ange qui toujours incline au ! mal et le suggere; ce qu' est «le bon arbre » et «le / mauvais arbre» et quels sont «leurs fruitsa», ce qu'est i la loi de dieu dans 1' esprit, ce qu' est la loi de la chair 1 dans les membres de l'homme, selon Rm 7 b : ce .\ qu'est la chair, ce qu'est l'esprit: «Si vous vivez selon . la chair, vous mourrez; si vous mortifiez par l'esprit les ceuvres de la chair, vous vivrez », Rm 8 e; et beaucoup d'autres choses semblables en divers passages de la Bible et des philosophes.
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243· Ensuite, on nous apprend comment Dieu est toute la suffisance des choses, a lui seul et de lui seul, et al'inverse que l'insuffisance provient de la créature et se trouve en tout créé. Pour voir clairement ces choses, ainsi que d'autres, énoncées des le début de ce chapitre 17, il faut savoir ·que Dieu, en tant qu'etre et cause premiere de tout
COMMENTAIRE DE GENESE 17 EXPOSITIO LIB. GENESIS
s68
sibi sufficit ad omnia. Non sic in aliquo creato. Omne siquidem creatum, utpote causatum, non sibhnet sufficit, nec quantum ad esse nec quantum ad subsistere et multo minus ad operari, sed indiget alío, puta causa sua, ad hoc quod sit, quod subsistat, quod operetur. Hinc est quod nomen dei est « sadai, decisum a dai, quod est sufficientia» sive «qui sufficientia»- Cor. ; : «Sufficientia nostra ex deo esta» quod « esse est ipsum quod desiderat omnis res» et «quod vere desideratur est esse», ut ait Avicenna VIII Metaphysicae c. 6. Iterum tantum bonum est esse quod tam beati quam miseri volunt esse, ut ait Augustinus et declarat De libero arbitrio l. III.
244· Quía igitur omnia quiescunt in esse et ipsis sufficit, omne quod quomodolibet est ultra citraque esse circumquaque in circuitu superfluum est et praeternecessarium et frustra et ideo circumcidendum sive abiciendum et praecidendum. Et hoc est quod hic dicitur: Circumcidetur ex vobis omne mascufinum. Extra masculinum est mulier, extra intellectivum est sensitivum, extra spiritum est caro, extra deum est omne creatum, in quantum extra est. Extra virtutem
a.
1
Co 3, 5·
§ 243 1. Voir MA!M., ibid., 1, 62 (f. 26r, 7; Munk 1, p. 284285) notamment: «Shadday est dérivé de Dqy, qui signifie «suffisance», par ex. : «la matiere était suffisante pour eux» (Ex 26,7)». Texte repris par Eckhart dans Comm. Ex.,§ 21. 2. Av., Met., VIII, 6 (Van Riet, 11, p. 412, 62s). 3· AuG., Le Libre Arbitre 111, vn, 20 (BA 6, p. 362-363). Cf. A Serm. a/1. 8 (DW 1, p. 134, 2-4; Ancelet 1, p. 94): «Nulle l\j \. cré~ture a'est; .en effe~, si insignifi.Aante qu'elle ne porte en elle le ' : déstt d~etre. Les chemlles elles-memes, quand elles tombent des 1
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{ l'etre, se suffit en toutes choses par ·sa substance. Il n'en va pas de meme pour une chose créée. Car, en 1 vérité, toute chose créée, en tant qu'elle est ca.usée, ne se suffit pas a elle-meme ni pour etre ni pour subsister et bien moins encore pour reuvrer, mais elle a besoin . uU1 _ ,·._:·,_·. . d'une autre, asavoir de sa cause, pour etre, subsister, "'\ \ reuvrer. Voila pourquoi le nom de Dieu est «sadai, ~ll dérivé de dai, suffisance » o u « qui est la suffisance 1 », selon Co; : «Notre suffisance vient de Dieua», «car l'etre est cela meme que toute chose désire» et «Ce qui est véritablement désiré, c'est l'etre», comme le dit Avicenne au livre VIII de la Métaphysique 2 , chap. 6, de plus, l'etre est un td-bien que tant les malheureux que les bienheureux veulent etre, comme Augustin le dit et !'explique au livre III du Libre arbitre 3 •
244· Or done, puisque toutes choses reposent dans l'etre et qu'illeur suffitl, tout ce qui d'une maniere ou d'une autre est au-dela ou en de<;a de l'etre et a ses alentours est superflu, dénué de nécessité, vain - et c'est pourquoi il faut le circoncire ou le rejeter et le couper2. C'est ce qui est dit ici :Que !out mále parmi vous soit circoncis. La femme est en dehors du masculin 3 , la puissance sensitive est en dehors de la faculté intellective, la chair est en dehors de 1' esprit, et toute chose créée est en dehors de Dieu dans la mesure o u elle est dehors 4. Hors de la vertu il y a le
arbres, remontent sur un mur pour conserver leur etre, tant l'etre est noble.» Voir également ci-dessus § 149. § 244 1. Voir ci-dessus § 144s. 2. V o ir Pro/. gén. § 17s ci-dessus; Pro/. CEuv. prop.§ 1 5, 22-2 3. 3· Cf. § 197-198. 4· Pour ces couples de notions ou un des termes est, en conformité avec la visée hénologique soucieuse d'accuser l'unité
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COMMENTAIRE DE GENE~E 17
est vitium, peccatum et malum, privationes. Haec igitur et similia cum extra esse sint, utpote privationes, et nihil sint sive non sint et defectus sint, non effectus, ipsa non sunt a deo nec ipse deus illa operatur in nobisa. Igitur huiusmodi «a nobis» sunt et «ex nobis», ah aliquo alío citra deum sunt, a diabolo sunt, lo h. 8 : «Vos ex patre diabolo estisb» et cetera ibídem. Ah inimico homine sunt, Matth. I 3 : « Unde habet zizania?c» et ait: «lnimicus horno hoc fecitd», id est diabolus. Sequitur enim infra: «inimicus» «est diabolus»e.
vice, le péché et le mal, les privations. Mais ces choses et d'autres semblables, du fait qu'elles sont en dehors de l'etre, en tant que privations, et qu'elles sont néant ou ne sont pas ou sont des défauts et non des effets ces choses ne sont pas par Dieu lui-memea qui le~ opere en nous 5. Done les choses de cette sorte sont «par nous» et «de nous», sont par quelqu'un d'autre en de~a de Dieu, sont par le diable, ] n 8 : «Vous etes de votre pe re le d~able » ~t _la suite de ce texte (« et vous voulez .remphr les d~strs de votre pere b »). Ces choses provtennent de 1homme ennemi Mt 1 3 : «J?'m1 vient la zizani~ (dans le champ d~ bléc)?» ~epo?se. : « C' est _I'horñme ennemi qui a fait celad», e est-a-dtre le dtable. Car plus loin il est dit : «L'ennemi», «c'est le diablee».
245. Posset etiam dici quod inimicus horno est · vetus horno, exterior horno et sensitivum, secundum illud: «lnimici hominis domestici eiusa», Matth. 10. Certe sensitivum domesticum est rationalis; in uno homine, in una domo sunt. « Quod » igitur maius et «abundantius est», ultra· citraque in circuitu ipsius esse, «a malo est», Matth. 5 : «Quod abundantius, est a malob » id est a diabolo, vel «a malo», scilicet angelo suggerente, vel «a malo», scilicet concupis~entia sensitivi, salva expositione Decretalis Extra De iure iurando « Etsi Christus ». Sicut enim ratio
245· On pourrait dire encare que l'homme ennemi c'est.le viel homme, l'homme extérieur et la puissance senstble, selon Mt 10: «Les ennemis de l'homme sont ceux qui habitent dans sa maison a.» Certes, le sensitif habite la meme maison que le rationnel : ils se trouvent en un seul et meme homme, une seule et meme maison. Done ce qui est en plus et <<en surplus», au-dela, en des;a ou aux alentours de l'etre l~i-meme «est par le Malin h», Mt 5, c'est-a-dire par le dtabl~, ou «par le mal», c'est-a-dire par l'ange qui suggere, ou «par le mal», c'est-a-dire la convoitise sensible - .sau':e l'exégese ~es Décrétales (Líber) Extra De ;ure ;urando : « Qumque le Christ 1 »... En
§ 244 a. Cf. Is 26, 12 et 2 Co 3, 5· h. Jn 8, 44· c. Mt 13, 27. d. Mt 13, 28. e. Mt q, 39· ~ 245 a. Mt 10, 36. h. Mt 5, 37·
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qui sous-tend la multiplicité, référé a l'autre soit comme l'imparfait l'est au parfait, soit comme la privation l'est a la possession, voir ci-dessus § 77, 132, 136, 153, 202-204, 222_.223, 232; Pro/. fEuv.prop. § 3; Parab. Gen.§ 98; Comm. Sag.§2.1, 24; Comm. Ex. § 201. 5. En tout agent Dieu opere le bien et uniquement le bien, disent les§ 136-141 ci-dessus; cf. Comm. Sag. § 184; Comm.jean § 2.o6:.:2ó8. · ·
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§ 245 ~. Meme formule au traité von edeln menschen (DW V p. 109, 8-17;. ~ncelet, Trai~é~, p. 144s). Comme !'indique I~ for.mule pauhmenne ~~ «vtetl h~mme», les expressions «le rauonnel» et «le sensltlf», malgre leur allure philosophique,
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 17
tenet arcem in bonis humanis, sic sensitivum, pars inferior animae, radix est et arcem tenet in malis. Superfluum est, quia praeter rationem esse est, extra sufficiens est, ut dictum est supra, circumcidendum es t. Propter quod Eccli. 3 dicitur : «In supervacuis rebus noli scrutari»c. Circumcisio enim relinquit sufficiens generationi, cuius terminus est esse sufficiens omnibus, tollit autem superfluum ad generandum.
effet, de meme que la raison est au faite des biens humains, de meme la sensibilité, part inférieure de l'ame, est a la fois la racine et le faite des maux humains 2 • Elle est superflue, paree qu'elle est hors de la raison d'etre, hors de ce qui est suffisant, comme on l'a dit plus haut, et il faut la circoncire. C'est pourquoi il est dit, Qo 3 : «N e cherche pas a scruter les choses superflues c.» Car la circoncision laisse ce qui suffit pour la génération, dont le terme est l'etre qui suffit a toutes choses, mais elle óte ce qui est superflu pour engendrer 3.
246. Ex quo iterum patet ratio et evidentia omnium praemissorum ab initio huius capituli. Generationi enim - utpote quia eius terminus est esse et per consequens sufficientia - ipsi servit alteratio et motus communiter et omnis operatio generabilium et corruptibilium. Sic ergo quod hic dicitur: Circumcidetur ex vobis omne masculinum documentum est, ut in omnibus operibus nostris et actibus intendamus deum, qui est esse et sufficientia, circumciso et praeciso omni quod praeternecessarium ~st ~d esse, omni quod praeter esse est, praeter suffictenuam est. c. Si 3, 24. désignent ici non pas les príncipes constitutifs de la nature humaine (cf. ci-dessus § 203), mais l'agir conduit soit selon la raison soit selon les passions hédonistes (réputées peccamineuses, conformément au symbolisme utilisé par l'ascétisme sto'icisé du courant augustinien). Voir Comm. Ex. § 208 : «1~ mari, c'est-a-dire la raison»; ibid. § 207: «la femme, par quo1 l'on entend la sensibilité», ce qui s'inspire d' AuGUSTIN, La Trin. XII, xn, qs (BA x6 p. 242s). P. LOMBARD, Sent. 11 d. 24 c. 4 (De sensualitate; p. 45 3), définit la sensibilité comme part inférieure de l'ame et comme príncipe du plaisir corporel, ce que doit régir la raison mais qui de fait s'y oppose et en cette lutte contre le «mar~>>-est dite <
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246. Cela permet de -voir clairement la raison de tout ce qu'on a dit ci-dessus depuis le début de ce chapitre. Car l'altération et le mouvement en général et toute reuvre des etres engendrables et corruptibles sont au service de la génération, en tant qu'elle a pour terme l'etre, et, par conséquent, la suffisance. Ainsi done, ce qui est dit ici : Que tout mole parmi vous soit circoncis, nous enseigne a avoir pour fin de toutes nos reuvres et de tous nos actes Dieu qui est l'etre et la suffisance, en circoncisant et retranchant tout ce qui n'est pas nécessaire a l'etre, tout ce qui est en plus de
n'est pas orienté contre la femme comme telle: cf. ibid. c. 7 (p. 45 5): «Qu'il y a en nous la femme, l'homme et le serpent». Voir encore ibid. c. 8 : le couple femme-homme symbole du couple sensitif-rationnel; c. 12 (p. 4 58) : le couple ratio-sensus en tout sujet humain; c. 13 (p. 46o): la sensibilité (sensualitas) comme part inférieure du rationnel. EcKHART: Parab. Gen.§ 67, II4-115; Comm. Sag. § 274; Comm. jean § 185. 2. Cf. Décrétales de Grég. 1X, L. Extra, II, ti t. 24, c. 26 (Friedberg 11, 369). Ce texte, a propos de la demande «délivreznous du mal», assure qu'il s'agit avant tout du mal de peine. 3· Avec Ma'imonide; cf. ci-dessus § 236.
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·'
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COMMENTAIRE DE GENESE 17
Et hoc est quod Deut. 10 dicitur: « Circumcidite praeputium cordis vestri et cervicem vestram non induretis ampliusa»; et Ier 4: «Circumcidimini domino et auferte praeputium cordium vestrorumb»; Cor. 5 : « Expurgate vetus fermentum, ut sitis nova conspersioc »; Prov. 2 5 : « Aufer rubiginem de argento et egredietur vas purissimumd». Ex his patet quod in circumcisione praeputii intelligitur et praecipitur circumcisio superflui, inutilis et praeternecessarii in omnibus actibus nostris cordis, oris et operis. Et hoc est quod hic dicitur Abraham circumcidisse ipso die mandati accepti universos viras domus suae, non se solum et Ismaelem, filium suum, sed omnes viras domus suae.
l'etre, en plus de la suffisancel. C'e~t ce qui est dit en Dt 1 o : « Circoncisez le prépuce de votre creur ·et ne durcissez plus la nuquea» et en Jr 4: «Faites-vous circoncire par le Seigneur et enlevez le prépuce de vos creurs b»; 1 Co 5 : « Purifiez-vous du vieux levain pour etre une pate nouvelle e»; Pr 2 5 : « Óte la ternissure de l'argent, et il appara1tra un vase tres purd. » 11 ressort de cela que par la circoncision du prépuce on comprend et enseigne la circoncision de ce qui est superflu, inutile et sans nécessité dans tous nos actes, qu'il s'agisse du creur, de la parole ou de l'reuvre extérieure. C'est ce qui:::~st dit ici d' Abraham: le jour meme o u il en re~ut 1' ordre, il fit circoncire tous les males de sa maison, e' est-a-dire non pas seulement lui-meme et son fils Ismael, mais effectivement tous les males de sa maison.
247· Ad hoc facit quod in Psalmo dicitur: «lgnis ante ipsum praecedet et inflammabit in circuitu inimicos eiusa»; Psalmus: «In circuitu impii ambulantb »; Cor. 7 : « Circumcisio nihil est, et praeputium nihil est, sed observatio mandatorum deic»; et Cor. 5 : «Auferte malum ex vobis ipsisd». Plurima sunt in scriptura super his, quae etiam ex eo quod hic dictum est, exponuntur. Notavi super hoc iam prius capitulo decimo sexto et post super illo Exodi 20 : «Non concupisces » diffuse. Patet ex praemtssts solutio ad septem quaestiones supra praemissas. '§ 246 a. Dt 10, 16. b. Jr 4, 4· c. 1 Co 5, 7· d. Pr 25, 4· b. Ps 11, 9· c. 1 Co 7, 19. d. 1 Co 5, 13.
§ 247 a. Ps 96, 3·
§ 246 1. Interprétant la circoncision au sens symbolíque, Eckhart accuse l'urgence du centrage, par-dela les soucis égo!stes superflus, sur Dieu et son activité béatifiante. Cf. ci-dessus § 134s, 142s, 2.2.9, 243; Pro/. gén. § 17; Comm. Ex. § 245-247; Comm. Sag. § 7, 27s, 82, 124; Comm.Jean § 129, 143s, 409>':--5 72. -
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247· A cela s'ajoute ce qui est dit dans le Psaume: «Le feu le précédera et brUlera ses ennemis alentoura»; Psaume: «Les impies abondent alentourb»; 1 Co 7: «La circoncision n'est rien et le prépuce n'est rien, ce qui importe est d'obse!ver les commandements de Dieu e»; et 1 Co 5 : « Otez le mal en vousmemes d.» L'Écriture contient Ia-dessus encare beaucoup de choses qui sont a exposer selon ce qu' on a dit ici. J'ai déja fait des remarques a ce propos plus haut, au chapitre 16 1, et les ai développées plus lo in, concernant ce passage d'Ex 20: «Tune convoiteras pas2. » Ce qu'on a dit indique la réponse aux sept questions posées ci-dessus.
§ 247 1: Cf. ci-dessus § 229-233. 2. Voir Comm. Ex. § 188-2.2.8.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENT AIRE DE GENES E 17
Daboque tihi et semini tuo terram. Et post : in possessionem aeternam. 248. Augustinus quaerit <
autem primo quod aeternum dicitur a Graeco quodam vocabulo quod significat saeculum. Secundo dicit quod aeterna dicta est, quía significat aliquid aeternum, puta terram, de qua in Psalmo : «Credo videre bona domini in terra viventiuma». Tertio dicit quod aeternum dicitur, cui « finis non constituitur», «sicut ait Horatius : serviet aeterno qui parvo nesciet u ti». Ubi notandum quod subiungit Augustinus, quod «testimonium» hoc Horatii «non» adhiberet, «nisi locutionis esset», et subdit : «V erborum quippe illi sunt no bis auctores, non rerum vel sententiarum ».
Sarai uxorem tuam non vocahis Sarai, sed Saram. 249· Nota quod nomen Abrahae est prolongatum et nomen Sarae est breviatum, quia, quanto vir est perfectior, tanto mulier ipsi minus dominatur, sed breviatur eius potestas super virum suum, supra tercio : « Sub viri potestate eris, et ipse dominabitur tuia». . Rursus notandum : hucusque vocatus est Abram, § 248 a. Ps 26, 13. § 249 a. Cf. Gn 17, 5·
§ 248
b. Gn 3,16.
AuGl'STIN,Qu. in Hept., 1 q. 31 (CSEL 28-2 p. 18s). Epítre IO, 41 (Belles-Lettres 1 p. 83). § 249 1. Les termes «mari». et «femme» ont ici un sens sy~boliq~~-: il~ désignent respectiv.ement la raison et la sensibihte: ci. § 245 c1-dessus, note 1. Vou encore § I2IS. Comm. Ex. 2.
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13reves exégeses. ·A toi et a ta semence je donnerai la terre. Et ensuite : en possession éternelle (17, 8). 248. Augustin demande «pourquoi elle est di te "éternelle", puisqu' elle a été donnée aux Israélites dans le temps». 11 répond qu'éternel se dit d'apres un terme grec qui signifie sieclel. 11 dit ensuite qu'elle a été appelée éternelle paree qu'elle signifie · quelque chose d'éternel, a savoir la terre dont i1 s'agit dans le Psaume: «Je crois .queje verrai les biens du Seigneur dans la terre des vtvants_~. » En troisieme lieu, il dit qu'.on ,appelle éternel «Ce a quoi aucune limite n'est asstgnee», comme !'exprime Horace: «11 sera éternellement esclave celui qui ne sait se contenter de peu2.» Remarquons ici qu' Augustin ajoute «qu'il n'aurait pas reco~rs a ce "témoignage" d'Horace, s'il ne concernatt une fa~on de parlen>, et il poursuit: «Ils (le~ poetes paiens) sont pour nous des autorités en ce qut concerne les mots, et non pas les réalités ou les doctrines. » Quant a Sarai, ton épouse, tu ne l'appelleras pas Sarai, mais Sara ( 1 7, 1 5). 2~9· Remarque : le nom d' Abraham est prolongé a t~ndts que le nom .de Sara est abrégé, paree que plus 1 homme est parfatt, ·moins la femme le domine et plus le pouvoir qu' elle a sur son mari diminue 1, s;lon Gn 3 : «Tu seras sous le pouvoir de ton mari et il te do minera h. » D'autre part, jusqu'alors on l'avait appelé Abram,
1.
HoRACE,
§5-7; Comm. Sag. § 1. Pour le changement de nom chez Abram cf.§u 5• '
COMMENTAIRE DE GENESE 18
EXPOSITIO LIB. GENESIS
ah hinc autem semper dictus est Abrahaffib. Ex quo primo notatur quod praelatus debet esse praeeqlinentior meritis quam illi, quibus dominatur. Unde Saul «ah humero et sursum eminebat super omnem populumc», 1 Reg. 9· Tantum enim, secundum Gregorium, debet supereminere ceteris, quantum vita pastoris vitae gregis. Et Petra dictum est : « Diligis me plus his? » «Pasee agnos meosd », Iohannis ultimo. 250. Secundo notandum quod qui vult esse Abraham, «pater multorum», prius debet esse Abram, id est «pater excelsus». Tertio non debet iudicare ex passione sive affectione. Unde dictum est ipsi : « Egredere de terra et de cognatione tua», supra duodedmoa. Quarto notandum quod sub tali pastare proficit populus et augetur numero et .m~rito. Un~e hic sequitur: faciam te crescere vehementzssz"!e etc. ;·et m~ra : dabo tibi et semini tuo omnem terram. Vtde supra pnmo capitulo super illo: «Dominamini pisdbus marisb»;
mais depuis on l'a toujours appelé Abraham. C'est pourquoi: . l. Il faut noter que le prélat doit etre supérieur en mérite a ceux qu'il domine. C'est pourquoi Saül dépassait tout le peuple de la tete et des épaules, selon 1 R 9 c. Car, d'apres Grégoire, le prélat doit dépasser les autres autant que la vie du pasteur celle du troupeau 2 • Et i1 fut dít a Pierre: «M'aimes-tu plus que ceux-d? » « Pais mes· agnea ux d. »
Il faut remarquer que celui qui veut etre Abraham, «pere d'une;.Jllultitude», doit d'abord etre Abram, c'est-a-dire «pere excellentt». 3. Il ne doit pas juger avec passion o u affectivité. C' est pourquoi illui fut dit au chapitre 12 : « Sors de ta terre et de ta .parenté a. )) 4· Il faut remarquer que sous un tel pasteur le peuple prospere et croit en nombre et en mérite. D'ou ce qui suit id :]e te ferai croitre abondamment, et plus has :]e te donnerai, a toi et a ta semence, toute la terr.e. Voir a ce sujet, au chapitre 12, l'exégese de ces paro les : « Dominez sur les poissons de la mer h.» 250· 2.
CAPITULUM DUODEVICESIMUM Apparuit autem ei dominus. Et infra: erant autem ambo senes. · · 251. Septuaginta habent seniores. Notandum primo quod Augustinus dicit .hic quod « seniorum aetas c. 1 R 9, 2, b. Gn 1, 28.
d. Jn 21, 15·
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CHAPITRE.D'IX-HUITIEME Or le Seigneur lui apparut ( 18, 1). Et plus has : Or tous deux étaient vieux ( 18, 11 ). La Septante traduit: plus vieux (seniores). I1 faut no ter en premier lieu qu' Augustin dit id que 251.
§250 a. Gn 12, 1
·-~~ GRÉG~IRE le Go, Regula past.;
II c.
I
(PL
n,
25D).
§ 250 1. Cf. ci-dessus § 125 pour le sens du changement de nom d' Abram. 2. Voir § 121s.
EXPOSITIO LIB. GENESIS COMMENT AIRE DE GENES E 18
minor est quam senum, quamvis et senes vocentur seniores ». Nota tamen quod senior est nomen dignitatis et eius qui praeest et superior est. Propter quod apud grammaticos nomen senioris sexui non competit feminarum.
252. Secundo notandum quod Augustinus hic satis diffuse disputat quomodo sit deputandum miraculo quod Abraham genuit de Sara. Sed die quod quis generet de femina cui desierunt fieri muliebria, prorsus est impossibile iri natura. Muliebria enim partim deserviunt nutrimento infantis in utero mensibus novem circiter, partim deserviunt parienti, ut levius pariat, et partim convertuntur in lac, alimentum infantis iam nati ex utero usque ad eius ablactationem. Quod si, ut aliqui putant, menstru·a sint materia fetus, adhuc maius esset miraculum. ·
Quare risit Sara? 253· Augustinus: «Quare Saram redarguit dominus, cum et Abraharn riserit? Nisi quia illius risus admirationis fuit et laetitiae, Sa:t;ae autem dubitationis, et ab illo diiudicari potuit, qui corda hominum novit». § 2 p x. AuGUSTIN, Qu. in Hept. I q. 35 (ibid. p.
20).
IsmoRE de SÉVILLE, Etymo/. XI, n, 6 (Liridsay): l'age du senior est celui de la gravité, car il est éloignement de la jeunesse et approche de la vieillesse. . 3· lsmoRE, ibid. n° 28 : le titre senex est seulement du genre masculin; a u féminin, on use du terme anus. PRISCIEN, /nstit. gramm. V, § 19 (Hertz 1, p. 154, 7s): senior n'a que le genre masculin. .§ 2p x. Jndications médicales selon les médecins de l'é'poque: cf. ALBERT le Go., De animal. IX, tr. x, c. 2 § 2.4 2.
«l'age des ."seniors" est moindre que celui des vieillards, qu~>Ique, .parfois, ces derniers soient appelés eux ausst "semors t ", e' est-a-dire "plus vieux" ». ~em~~quer.que. «senior», plus vieux, est un titre de d~gntte attrtbu~ a celui qui préside et est supérieur2. e es~ pourquot, selon les grammairiens, le nom de «semor» ne peut pas s'attribuer au sexe féminin3.
252: Il faut r~marq~er en second lieu qu'a cet endrott Augusttn tratte assez en détail de la fa~on d'envisager le miracle grace auquel Abraham e~gendra de Sara. Mais j'ajouterai qu'engendrer d une femme dont les menstrues sont terminées est absolument impossible a la nature. Car les menstrues servent en partie a nourrir l'enfant dans la matrice penda~lt environ neuf mois; en partie elles aident la partunente a enfanter plus facilement; et en partie el!~,s s~ ~ransforment en lait, nourriture de l'enfant deJa ne jusqu'au sevrage. Et si, comme certains le p~nsent, les menstrues sont la matiere du fretus le ' mtracle est d'autant plus grand 1. Pourq uoi Sara rit-elle ( 1 8, 13 )? 2 53· Augustin : « Pourquoi le Seigneur reprend-il Sara, alors qu' ~braham lui aussi a ri? Simplement paree q~e son nre fut d'admiration et de joie, tandis q~e le r!re de Sar~ fut celui du doute, ce qui peut etre dtscerne par Celut qui connait le creur des hommes 1. »
(Stadler p. 682); XV, tr. 2, c. 6 § 111 (p. 1o ); c. § 39 7 114 (p. 1041); C. II § 144 (p. 105 6). 2,5 3 1. _AuGUSTIN, Qu. in Hept., I q. 36 (CSEL 28-2 p. 2 1), dfe¡a evoque par la Postil/e d'Hugues de St-Cher, In Gen. 18 10 ( . 23rb; u). '
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Negavit Sara dicens.: non risi. 254· Augustinus,: q.u?modo negavit, ~um deo omnia cognita sunt? «Ntst forte eos homtnes putabat, Abraham vero deum intelligebat. » Sed «quomodo deum intelligebat », cui « hum~n.itatis ?fficia >~, cibui? scilicet exhibebat? «Mirum, ntst homtnes prtus arbttratus ~st», in quibus «deum loqui intellexit».
Clamor Sodomorum. 255· Ex Aug11:stini J?nchiridion c.. 10 : clamor peccati est pecc~tt t?ag~ttudo, peccandt ~on.suetudo:
peccati propalatto stve stne rubore pra~dtcatto, !s. ; · «Peccatum suum sicut Sodoma praedtcaverunt », et rursus de peccato gloriatio, Prov. 2 : «Laetant~r, cu~ malefecerintb»; Psalmus: «Laudatur peccator tn destderiis animae suaé» etc.
\
Descendam et videbo. 256. Augustinus : «y erb~ haec non dubitanti~ », «sed irascéntis et commtnantts » sunt. « Solemus entm sic minaciter loqui : videamus si non. tibi hoc ~acio » «et si non potero tibi facere vel sctam»; et ~nfra: « humanae infirmitatis » « deus coaptat locuttonem suam». a. Is 3, 9·
'
\
¡¡
§254 §..255
1.
h. Pr 2, 14. · c. Ps 10, 3·
AuGUSTIN, ibid. q. 3S (p. 21). -AV
(BA ?p. 248), et la Glose reprise par la Postr/. d H. de St-Cher (f. 23Va,e). 1.
COMMENTAIRE DE GENESE 18
Sara nia, disant: je n'ai pas ri ( 18, 15 ).
254· Augustin : Pourquoi nia-t-elle, alors :que toutes choses sont connues de Dieu? Peut-etre paree qu'elle prenait (ces etres) pour des hommes, tandis qu' Abraham comprit qu'il s'agissait. de Dieu. Mais comment comprit-il qu'il s'agissait de Dieu, alors qu'illui rendait des services appropriés a un homme? Il serait étonnant qu'il n'ait pas lui-meme commencé par les prendre pour des hommes en lesquels «il comprit que Dieu parlait 1 ». La clameur des Sodomites ( 1 8,
20 ).
255· Dans le Manuel d' Augustin, chap. IV: la clametir du péché est la grandeur du péché, l'habitude du péché, la louange ouverte du péché et la propagande éhontée en sa faveur 1, Is 3 : << Comme Sodome ils ont hautement publié leurs péchésa», (cette clameur) est aussi la gloriole du péché, Pr 2 : «C'est avec joie qu'ils commettent le~rs ·méfaits b»; et selon le Psaumé: «Le pécheur se glorífie des désirs de son " e », etc. . ame
Je descendrai et je V,errai ( I 8,
2 I ).
256. Augustin : «Ce rie sont pas des paroles de doute, mais de colere et de menace (... ) car voici comment nous exprimons habituellement nos menaces : «Tu verras si je ne te fais pas cela», « et si je· ne suis pas capable ou si je ne sais te faire cela»; et plus has : «Dieu adapte sa fa<;on de s'exprimer a la faiblesse humaine t.» § 2 S6 l. AUGUSTIN, Qu. in Hept. 1, q. 39 (ibid. p. 22) noté par la Postille d'Hugues de St-Cher, In Gen. r 8, 20-2 r (f. 23Va; e).
COMMENTAIRE DE GENESE 18
EXPOSITIO LIB. GENESIS
Secundo. notandum quod hinc sumitur f?rll?-a et ordo iudicum, sicut patet Extra II De accus.attontbus. Primo debet descendere ut ex C~tJ?-p.assl?~e, non ex passione moveatur, ~more ~t s1t1 ms~1t1ae, non pecuniae aut aliquo hums~odt, po~t vtdere examinando causam et eius ctrcumstanttas, s~c~ndu.m illud Job 2 9 : « Causam quam ignorabam dthgenttssime investigabama».
.Utrum clamorem opere compleverint. 257 . Opere: maius enim peccatum est et
S'ils ont complété la clameur par l'action gravr~1s
punitur, quando voluntas peccati .in .opus proru~ptt. Aut fortassis hoc dictum est, quta tudex ho~o ~on punitanimum, sed manum, Reg. 16: «Horno mdtcat intuetur cora»; ler. 17: «Probans q uae. parent ' deus b . renes et corda ». . Cómpleverint inquit, quía secundum progressum peccati puniendum est, Deut. 25 : «luxta mensura~ delicti erit et plagarum .rnod~s~~>; ~poc. 18 · « Quantum glorificavit se et m. dehcus futt, tantum date illi tormentum et luctumd».
§ 25 6 a. Jb 29, 16. § 257 a. 1 R 16, 7· c. Dt 25, 2. d. Ap 18, 7·
DécréÚles de Grég. IX (Lib. Extra}, V, 1, c. 17 (Friedberg 2 Il, 738). d. d d' i . Ce développement sur le theme de« escente» u epos-
tai~e de eaptorité s'inspire .de GRÉGOIRE ~~ Go, Reg. past., II c. 5 (PL 77, 33 B).
·.··:.'
..
(18, 21).
257· ·Par l'aciion: le péché est plus grand et est puní plus séverement lorsque la volonté de. pécher s'extériorise dans l'action t.· Ou peut-etre dit-:on cela paree qu'un juge humain ne «punit pas l'ame mais la main qui ~xécute2», selon R 16 : «L'homme juge ce qui apparait, Dieu regarde le cceura; et Jr 17: «sondant les reins et les ereurs b ». lis ont complété, est-il dit, paree qu'il faut punir le péehé selon son degré d' exécution, Dt z 5 : «La mesure des peines sera selon la mesure du délitc>>; Ap 18 : «lnfligez-lui tourments et peines aproportion qu'elle (Babylone) s'est élevée dans son orgueil et qu'elle s'est plongée dans les délices d.»
h. Jr 17, 10.
•
·.
2. Notons-le, c'est a cette parole que sont empruntées les formes de la procédure judiciaire, comme i1 appert dans le ( Liber) Extra 11, De accusationibus2. Car (le juge) doit d'abord descendre afin d'etre mu par la compassion et non par la passion; par l'amour et par la soif de justice, non par celle de l'argent pu d'une chose de ce genre. ·Ensuite il doit voir, c'esHldire examiner la cause et ses circonstances 3, selon ·ce passage de Jb 29 : « J'ai examiné avec grande diligence la cause qui m'était inconnuea.»
§ 257 1. Pour le degré le plus accusé de matice qu'apporte l'exécution d'un dessein mauvais, Eckhart s'inspire, a travers P. LOMBARD, Sen!. II d. 24, c. 12 0° 4 (p. 45 8s), d' AuGUSTIN, La Trin. XII, xn, 18 (BA 16, p; 246) . · 2. ULPIEN, cité par le Déc'ret de Gratien, II c. 23 q. 3 (De Paenit;) d. 1 c. 14 (Friedberg, 1, II61).
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 19
CAPITULUM UNDEVICESIMUM
CHAPITRE DIX-NEUVIEME
Veneruntque duo angeli. Et infra: habeo énim du9s filias; et post: abutimini eis. 258. Notandum primo quantum iste h.omo .ad~e nas et peregrinos et hospites suos curavertt, qut filtas . . . obtulit, ut ipsos salvaret. · · Secundo tamen notandum quod Augustmus dtctt : hoc «turbationi Loth, non consilio» tribuendum est: «Si autem perturbationi humanae t~ib.uitur et mentt tanto malo permotae! null~ mo?o tmttanda est»? e~ infra « hac perturbattone ttmorts non credebat tpst domino, quem in angelis cognoscebat», dicens: «non possum in monte salvari » etc. . . . Tertio autem notandum quod perfecttom vtdetur posse attribui, quod tu~ propter immanitatem .Pe~ cati illius, tum propter vtrtutem, qua advenas dtlex~t secundum mandatum deia,_: quamvis nondum fons datum oblitus est naturae in ·amore filiarum. '
Respiciens uxor eius post se, versa est in statuam salis. 259. Notandum quod versa est in statuam safis, post a. Cf. Dt
10, 19.
1. La proposition étrange de Lot offrant ses filies pour sauvegarder ses botes des sévices des Sodomites est expliquée comme résultant d'un émoi a ne pas imiter, chez AUGUS_TIN, Qu. i1i Fiépi. I q:"42. · et q . .44 (CSEL 2.8-z p. 2.4s), reproduit par la
Deux anges vinrent (19, 1). Et plus has: Car j'ai deux filies; et ensuite: Abusez d'elles (19, 8). .
258. Il faut remarquer
combien cet homme prit soin de ses hotes étrangers et pelerins, puisque afin de les sauver, il sacrifia ses filies. 2. Il faut cependant noter qu' Augustin dit : «Cela doit etre attrihué au trouhle de Loth, non a son jugement. »En effet, s!il faut attrihuer son action a un trouhle humain et a un esprit choqué par un si grand malheur, on ne saurait l'imiter en aucune fa~on. Et plus has : « Dans ce trouhle causé par la peur, il ne croyait pas en Dieu lui-meme, qu'il reconnaissait. (pourtant) dans les anges», lorsqu'il dit: «)ene peux me sauver dans la montagne» et la suite («de peur qu'il ne m'arrive du mal et queje ne périsse t »). 3· Il faut pourtant remarquer qu'on peut considérer comme une perfection qu'il ait ouhlié l'amour naturel envers ses filies - d'une part a· cause de la monstruosité du péché, d'autre part en raison de l'amour qu'il porta aux étrangers, selon le commandement divin, quoique ce dernier n'eut pas encore été énoncé~ · ·· · · ·_·. 1.
S ignifi~ation de la statue de se/. Sa femme, ayant regardé en arriere, fut transformée en statue de sel ( 19, 26).
259· Il faut. remarquer que. «fut transformée en Glose notée par § 184. . .
HUGUES,
.
Postil/e I (f. 24ra; f}. Cf. Parab. Gen. .
.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 19
se respiciens, significat primo quod «nemo mittens
statue de sel, paree qu' elle avait regardé en arriere » signifie d'abord que «Celui qui met la main a la charrue et regarde en arriere n'est pas apte au royaume des cieux a 1 • » 2. Cela signifie que «le dernier éta~ de cet homme est · pire que le premier b », car un tel homme est «comme un chien qui retourne a son vomi C2 ». En effet, l'ingratitude fait revivre les péchés qui ont été remis, comme le disaient les anciens3.
manum ad aratrum et respiciens retro aptus est regno deia». Secundo significat quod « fiunt no.vissit?a homin~s illius peiora prioriqusb». Sunt. emm sl.cut «cams reversus ad vomitumc». Ingratltudo emm et peccatum dimissum revocat, ut dicebant antiqui. 260. Tertio notandum quod, licet conversa in se quidem et sibimet sit in statuam, aliis tamen est sua poena in terrorem, vel ne peccen~, vel .ut ~ peccato resipiscant timare poenae, quam v1dent m~1ctam pro peccato. Sic ergo alii saliuntur et condlUntura ex poena malorum. Est ergo sibimet statua, se~ aliis sal, condimentum scilicet, conservans a corrupuone peccati, Prov. 21 : « Multato pestilente sapientior erit parvulusb». Augustinus super illo : «V o vete et re~dite e» P~. 72 sic· ait : «llli fatui sunt in se, sed ahos condmnt, § 259 a. Le 9, 62. b. Mt u, 45· cf. 2 P 2, zo. c. 2 P 2, zz. Pr 26, 11. § 260 a. Cf. Me 9, 48-49· b. Pr 21, u. c. Ps 75, u.
1
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§ 259 1. Avec la Glose interlin. sur le v. 17; laquelle indique Luc 9 62 (Postille d'Hugues de St-Cher, f. 24vb; 1). 2. BEDE, In Gen. (CC 118 A p. 227, I í99s), a ~ropos de la femme de Lot, et P. LoMBARD, Sent. IV d. 22 e, 1 n 223 (Quar. fJP· 1e Pier;:~, 2, 21-27 pour le 19 16 p. 887), introduisent theme de reviviscence des peches (meme de¡a pardonnes) chez le pécheur qui réddive. Voir note suivante encore. · . . 3· P. LoMBARD,, Sent. IV 22 ~· 1 (ibid. ~· 885s) Clte, d~s passages d' Ambro1se, August~n, Greg01_re et Bede ~ur la ~eam mation des péchés chez le pecheur qu1 retourne a ses ega~e ments. Voir encore GRATIEN, Décret, II causa 33 q. 3 epe pae~tt) d. 4 p~r_s 1 ..(~éb!Jt; F~ie~be~g. I, 1228s). L~ quesuon etalt débatt~e au xlne s. : vo1r 1 opm1on de Prevostln chez S. BoNA-
fl'
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26o. 3· Il faut observer que, meme si en soi et pour elle-meme elle a été changée en statue, pour les autres, son chatiment s-'-est commué en terreur, afin qu'ils ne pechent pas ou, qu'ayant péché, ils viennent a résipiscence par peur du chatiment qu'ils voient infliger a ce péché. Ainsi, grace au chatiment de son péché, les autres ont été salés et conservésa. En ce qui la concerne, elle est done statue, mais en ce qui concerne les autres, elle est sel, c'est-a..:dire un condiment qui préserve de la corruption du péché, selon Pr 21 : « Quand on chatie le malfaisant, le jeune gars:on en devient plus sage b t. » Augustin dit au su jet de ce verset du Psaume 7 2 : «Faites des vreux et accomplissez-lesc» : «Ils sont insensés, mais ils préservent les autres qui, craignant
VENTURE, In Sent. IV d. 22 a. x q. 1 (Quar. IV p. 575b); chez GuiLLAUME d' AuvERGNE, De sacram., De paenit. c. 19 (Rouen 1624, I {'· 5oob et s); ou encore ALBERT le Gn, In IV Sent. d. zz ~·.1 (Be 29, p. 887s). Le terme «ingratitude», qui est emprunté lCl a P. LOMBARD, ibid. d. 23 c. 1 n° 224 (p. 887), était interprété depuis le xme s. au sens fort soit de haine, soit d'apostasie, soit de regret d'avoir adhéré a la foi. § 26o 1. Avec la Glose ordin. sur v. 26 (Postil. f. 24vb; 1) qui cite ISIDORE, Qu. in Gen., c. 15 n° 5-6 (P L 8 3. 245 s.), lequel ~mprunte a AUGUSTIN, Cité de Dieu, XVI, XXX, (BA 36, p. 288).
··,:·· COMMENTAIRE DE GENESE 19 EXPOSITIO LIB. GENESIS
quando » « illorum exemplum timen tes isti retro non aspiciunt». Unde P<;>eta: . . . . «Felix quem factunt ahena pertcula cautum. »
26 1 • Quarto notandum. quod o~nis qui servit deo,
si retro respiciat ad aliquod extertus ~ommodum vel etiam ad mercedem quamcurnque alta~ praeter. vel extra deum, procul dubio in ,stat.ua~ salts convertttur, quia opus ~ps~m neces~ano tpst fit. onerosum et amarum, qllla mvoluntartum. ~on entm yellet. abs~ lute, nisi esset merces; unde ~t mvoluntanum st~ph citer sed tantum voluntanum secundum qutd et mixt~m. Unde supra decimoquinto: «~go» «r:netces tuaa » · et in Psalmo dicitur « Voluntane sacrtficabo tibib»'. Involuntarium enim semper est violent';lm et contrarium, grave et amarum, .I~b 7 :. « ~osmt. ~e contrarium tibi, et factus sum mthtmet tpst gravts ». Et · quia involuntarium, _ide.o deo. ingratu~, praesertim quia .talis habet ahqutd grat~us ~t cartus deo, habet deum pro mínimo, pro pretlo etus quod pro mercede .exspectat. '.! .·
a. Gn 15,
1.
h. Ps 53, 8.
c. Jb 7,
ry;
261. 4· A remarquer que tout homme qut sert Dieu, s'il regarde en arriere en vue de quelque avantage extérieur ou ehcore pour quelque récompense autre que Dieu · o u en dehors de lui, est indubitablement transformé en statue de sel, paree que son ceuvre lui devient elle-meme nécessairement pesante et amere, étant donné qu'il ne l'accomplit pas de plein gré t. En effet;~ il ne la voudrait pas du tout si elle ne comportait point de récompense; c'est pourquoi, au sens absolu, il l'accomplit contre son gré : son action n'est volontaire que sous un· certain rapport~ elle est mélangée 2 • C'est pourquoi il est dit au chapitre 1 5 : «]e suis ta récompensea», et dans le Psaume : « J e t' offrirai de plein gré des sacrifices b. » Car ce qu'on fait contre son gré est toujours fait avec violence ·et contrariété,. est pesant et plein d'amertume, selon Jb 7: «Tu m'as fait contraire a toi, et je suis devenu un poids pour moi-merriec. » Et puisqu'il fait cette action contre son gré, elle ne saurait done etre agréable a Dieu, d'autant plus qu'un tel homme, qui tient quelque chose pour plus agréable et plus cher que Dieu lui-meme, le tienta vil prix, c'est-a-dire au prix attendu pour sa récompense.
20.
AuGUSTIN, Ennar. in P~. 7! n° 16 (CC 39. p. 1049· ns). ; •.:ALBERT-US :STADENSIS, Troilus, 5.83 (Teubner p. 121): § 2 6 1 1. Avec ARISTOTE, Eth. Nzc. 111 c. 1-3, 1 uo aus, 2.
l'exemple des premiers, ne regardent pasen arriere 2 .» C'est pourquoi le poete dit: «Heureux celui que les dangers d'autrui rendent plus prudent3! »
Arist. lat. XXVI, v. Grosseteste p. 179s; et jEAN DAMASCENE, De ftde' orth. c. 38 n° 4 (Buytaert p. 147). Pour l'amour du bien comme bien, cf. ci-dessus § 176 note 2. · · 2. Avec jEAN DAMASCENE, ibid. n° 2 (p. 145. 19s).
·~ •·.-':
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENT AIRE DE GENES E zz
CAPITULUM VICESIMUM SECUNDUM
. CHAPITRE VINGT-DEUXIEME
La tentation d' Abraham.
Quae postquam gesta sunt, temptavit deus Abraham.
Lorsque ces choses furent accomplies, Dieu tenta Abraham (22, 1).
262. Augustinus in Epistula ad Consentium sic dicit : « V ocabulum temptationis diversas intelligentias habet, eo quod sit alia temptatio deceptionis, alía temptatio probationis. Secundum illam non intelligitur. qui temptat nisi diabolus, secundum hanc vero ·. deus temptat. » · In Quaestionibus autem super Genesim c. 56 dicit Augustinus : « Quaeri solet quomodo hoc sit. verum, cum Iacobus dicat quod deus "neminem temptae", Iac. 1, nisi quod locutione scripturarum solet dici "temptat" pro eo quod est "probat" », secundum illud: «Temptat vos dominus deus vester, ut sciat, si diligitis dominumb». « Ut sciat» id est « scire vos faciat, quoniam vires dilectionis suae hominem latent, nisi experimento eiusdem innotescant». Hic in propo.:.. sito Augustinus dicit breviter quod 4icitur deus scire quasi de novo vel videre secundum modum loquendi quo saepe dicimus : «ego videbo vel ego sciam utrum hoc vel hoc faciam vel possum facere», quod «corominando» vel irascendo dicimus, «non ignorando», sicut ait Augustinus in Quaestionibus super Genesim c. 39· De hac quaestione habes p. 1 q. 114 a. 2.
a. Jc 1, 13. 1.
. 3:
h. Dt 13, 3·
Ep. 20J 1 c. 2 0° 16 (CSEL 57 p. 337• Q11. in Hept. q. 75 (CSEL 28-2 p. 30). AUGUSTIN, ibid. q. 39 (p. 22). AUGUSTIN,
2,;AUGU~:f!N,
593
IS).
262. Augustin dit ceci dans la Lettre a Consentius : «Le mot tentation a divers sens, carla tentation qui a pour but de tromper est autre que celle qui a pour but d'éprouver. Au premier de ces sens; le tentateur ne peut etre que le diable, mais au second sens, le tentateur est Dieu 1. » Dans les Questions sur la Genese, chap. 56, Augustin dit pourtant : « On a coutume de se demander comment cette parole de Je 1, affirmant que Dieu "ne ten te personne a"' peut etre vraie - a moins que l'usage scripturaire ne consiste a employer le mot "tent er " pour d'ue ",eprouver" , se1on ce passage : "Votre Dieu vous ten te pour savoir si vous aimez le Seigneurb 2 . " "Pour savoir", c'est-a-dire pour vous faire savoir, puisque la force de son amour demeure cachée a l'homme s'il ne le lui fait connaitre par l'expérience. » A ce propos, Augustin explique brievement ceci : dire que Dieu sait ou voit, comme s'il s'agissait d'une connaissance nouvelle pour lui, c'est maniere de parler. Ainsi, nous disons souvent: «]e vais bien voir» ou «]e saurai bien si je fais cela o u si je puis le faire», Et nous disons cela non pas «paree que nous l'ignorons», mais «par menace» et en nous fachant, comme le dit Augustin dans les Questions sur la Genese, chap. 393. Thomas traite de cette question dans la Somme de théologie la Pars, q. 114 a.2 .
594
EXPOSITIO LIB. GENESIS
263. Rabbi Moyses l. III c. 2 5 in principio sic ait :
d
« Scito quod temptatio est labor magnus de maioribus laboribus legis, et fit mentio de ipsa in lege in sex locisa». Et infra: «Fuit autem ratio temptationis facere opus, cum non est intentio substantiae ipsius operis, sed intentio est, ut sit exemplum, per quod addiscant populi et ambulent eadem via ». Et praemittit : « Plane temptationes, de quibus fit mentio in lege», «evenerunt per viam probationis et inquisitionis ». Et infra : «Verbum temptationis duo bus modis exponi potest: uno modo», ut sit exemplum, quomodo qui serviunt deo, praemiantur, qui vero deum relinquunt, puniuntur. Secundo modo, ut sit sensus : « temptat te deus », ( temptavit "ambulare super terramb", id est non exercuit» se. Sic temptavit vos deus, id est «exercuit vos in labore in deserto, ut multiplicaret bona vestra ». « Et illud verum est, quod exitus de labore ad quietem est maior delectatio quam continue quiescere». Verba stint Rabbi Moysis. De hoc ultimo habes 1 II q. 32 a. 2. ·
264. Adhuc autem circa temptationem Abrahae specialiter ex Rabbi Moyse quattuor advertencia. Primum est magnitudo rei, quam deus ei praecepit et in quo ipsum deus exemplum· fieri oboe-
i
J
'l
b.
a. Cf. Gn 2.2., 1. Ex 16,4 et 2.0, 2.0. Dt 8, 2. et 16; 13, 3· pt 2.8, 56--(d'apres trad. de M::~Imonide). -
COMMENTAIRE DE GENESE
2.2
595
, 263. A u début du livre III, chap. 2 5 (du Cuide des J?garés), ~aim~mide parle. ains,i :. «Sache que la tenta-
~ton est un SUJet ard~ qut r~leve des études les plus Importantes de la Lot - et tl en est fait mention six fois dans la Loi a.» Et plus bas : «Or la raison de la tentatio? est de faire accomplir une reuvre dont le but ne consiste pas en sa matérialité, mais a en faire un exemple qui serve d'enseignement aux nations et leur permette de ?I~rcher dans la meme voie. >~ Et plus haut : « Il est evtdent que les tentations dont il est fait mention dans la Loi sont survenues pour éprouver et sonder. » Et plus baso: «Le mot tentation peut etre expliqué de deux manieres, la premiere pour montrer com?lent ceux qui s~rvent, D~eu sont récompensés, tandts que ceux qut' le delatssent sont punís. La seconde en ce sens : "Dieu te tente", c'est-a-dire qu'il t'exerce au sens ou il est dit d'une personne qu'elle "ne tenta pas de marcher sur la terreb" c'est-a~dire qu'elle ne s'y .exer<;a pas. » -' · C'est ainsi que Dieu vous a tentés, c'est-a..:dire qu'il vous «a exercés par les fatigues du désett, afin de ~ultiplier votre bien. Et il est vtai que passer -du lab,eur au repos. est une délectation plus grande qu un repos contmu 1,» C'est ce que dit Maimonide. Thomas traite de ce dernier theme en I.II, q. 32, a. 2
:i64. Concernant la tentation d' Abraham, il faut encore .~onsidérer quatre points dont Maimonide traite· en particulier. I. La grandeur de ce que Dieu lui ordonna voulant que cela devienne un exemple d'obéissanc~
1.
MAlMONIDE, ibid. III c. 2.5 (début; f. 86v-87r; Munk c. 2.4,
III p. I87S).
-
-
COMMENTAIRE DE GENESE zz
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dientiae et temptari sive innotescere et notum fieri quod oboedientes deo praeservantur a malo et remunerantur praemio « et quod "exiret sonus" » huius facti «in omnem terrama». Fuit enim mandatum de filio occidendo, quem «in senectuteb» genuerat, item «per repromissionemc», item cuius semen esset. sicut . . d . stellae caeh, quae numeran non possunt , ttem tn quo « benedicendae » erant « omnes nationes terraee ». 265. In quo secundo notatur et commendatur « amoris ipsius et metus in creatorem », cuius «timar et dilectio » « contempsit in oculis A brahae filium istum desiderabilem et despexit, quidquid sperabat se adepturum per illum, et festinavit decollare tpsum». 266. Tertio notatur per hoc stabilitas prophetiae et «quod prophetae multum credunt in his, quae perveniunt ad eos ex parte creatoris in prophetia, et ut » sciatur quod «illud non fuit in somno nec in visione nec mediante virtute imaginativa», in quibus est «aliquid dubitationis». Propter quod in talibus non festinat horno ad opus nec festinat credere nec trahitur «facere rem tam magnam super re dubia». '
1''
267. Quartum est hic ponderandum quod Abrahae non fuit praeceptum de filio statim immolando, sed tertio die. Sic enim habet littera: «Die tertia» a. Cf. Ps 18, 5· b. Cf. Gn 21, 5· d. Gn 15, 5· e. Gn 18, 18.
c. Gn 15,4-5;
§ z64_ 1. !VIA!~ONIDE; ibid. (f. 87r; Munk p. 19os). §'i65
1.
!bid. (f. 87rp-v5; Munk p. 19zs).
597
pour «tenter», c'est-a-dire faire connaitre que ceux qui . obéissent a Dieu sont préservés du mal et récompensés, et pour que «la renommée de ce fait » soit répandue «par toute la terrea». Il fut en effet ordonné a Abraham d'immoler le fils qu'il avait engendré « dans sa vieillesse b», «en vertu d'une promessec» selon laquelle sa descendance serait comme les étoiles du ciel, qu'on ne peut dénombrerd et en laquelle « toutes les nations de la terre seraient bénies e» t. 265. 2. L'auteur souligne et loue «la grandeur de son amour et de sa c.:ocrainte envers le Créateur, crainte et dilection qui rendirent méprisable aux yeux d' Abraham ce fils qu'il désirait et lui fit dédaigner tout ce qu'il espérait obtenir grace a lui, de telle sorte qu'il se hata d'aller le décapitert ». 266. 3. L'auteur releve la sureté de la prophétie et «cambien les prophetes croient fortement aux choses qu'ils connaissent de par Dieu grace a la prophétie, pour que» 1' on sache «que ce ne fut pas en re ve ni en vision ni par l'imagination»- choses en lesquelles «il demeure quelque doute». C'est pourquoi, lorsqu'il s'agit de ces dernieres, les hommes ne se hatent ni d'agir ni de croire et ne se laissent pas entrainer «a une chose aussi importante en une occurrence douteuse 1 ». 267. Il faut considérer qu' Abraham ne re~ut pas l'ordre d'immoler son fils aussitót, mais le troisieme jour. Le texte dit: «Au troisieme jour, il vit de loin
Ga4, 23.
§ z66 1. !bid. (f. 87v 19s; Munk p. 194s). Comme !'observe Koch (LW I p. 407 note 3), Eckhart use d'un texte portant une négation intempestive (comme éd. Paris, f. 87vz1), mais son
COMMENTAIRE DE GENESE
EXPOSITIO LIB; GENESIS
« vidit locum procula ». Ratio est, « quoniam, si statim fecisset», posset credi quod «fecisset istud ex terrore absque intellectu et inquisitione, sed quoniam fecit illud post aliquos dies, ostendit quod fecit ex delibe~ ratione et intelligentia recta». V erba sunt Rabbt Moysis ubi supra.
268. Docemur ergo quod non ex passione, sed ex virtute facienda sunt opera et mandata dei explenda. Unde Tullius l. 1 De officiis sic ait: « Multum interest utrum perturbation~ aliqua ~nit·~·ü, quae br~vis es~», «an consulto et cogttatum ahqUld fiat. Lev10ra emm sunt quae repentino motu accidunt, quam quae medítata et praeparata».
N une ergo cognovi quod time as deum. · · 269. Iam supra expositum. Augus~inus hic dicit sic :·«Nune cognovi », id est « nunc te fect cognoscere », << significans per efficientem id q~od effici~ur~ si~ut frigus pigrum» p~o eo ··<
§ 2.67 a. Gn
2.2.,
12.
599
l'en~r?ita. »
La raison en est que «s'ill'avait fait tout de sutte, on aurait ,Pu c~oire 9u'_il l'avait fait par terreur, sans comprehenston m reflexion · mais du moment qu'ill'avait fait quelques jours pius tard il ~ontra que ~'était apresen avoir délibéré et selori ~ne J~ste comprehension 1 ». Ce sont les termes de Maimomde dans le passage mentionné ci-dessus.
268. On nous enseigne ainsi que nous devons reuvrer .e~ accomplir les reuvres et les commandeme~ts dtvtns par vertu et non par passion. Cicéron dit au hvre .1 des Devoirs.qu'«il y a une grande différence e_ntre fatre 9uelque chose en raison d'une perturbau,o~ -p~ssagere de l'ame, ou de fa<;on intentionnelle. et refl~chte. Car _les choses faites par impulsion ont m~tns, de potds que celles qu'on a méditées et preparees. 1» Maintenant j'ai reconnu que tu crains Dieu (22, I 2).
.
. 2~. ~la
a déja été e:cposé p~~~ haut1. Augustin de Matntenant 1 at reconnu, «c'est-aje. t'ai. fait reconnaitre, signifiarit ce qut est fatt par celut qutle fait, de meme que le froid est arpelé ~aresseu~ paree qu'il rend les gens paresseux ». Votr les developpements donnés plus haut concernant: «Dieu se reposa a»3.
d~t tct, a propos dtr~: ma~ntenant
4· - § 2.69 a. Gn 2., 2..
interprétation retro~v:e ce que, ex~ose sur. la cer~itude ~e la connaissance propheuque super1eure a celle, mcertame, qu1 est issue des images oniriques. · ,__ § 1.67 .J.• MAlMONIDE, ibid. (f. 87v 6s; Munk p. 193). · § z.68 1~ ÜCÉRON, Les Devoirs, c. 8 n° 2.7 (Belles-Lettres I p. 1 q). .
l':f·
;.•
'
.t
l.
§ 2.69
1.
Voir ci-dessus § z.6z..
·
:· AuGUSTIN,Qu. in Hept. I q. 58 (CSEL 2.8-2. p. 31 ); cf. La
Trzn. III, XI, 2.5 (BA 15 p·. 32 s). 3· Cf. § 165 et 174 ci-dessus.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
Per memet .z"psum iuravi. 270. Notandum primo quod illud potest exponi secundum ea, quae notavi supra capitulo primo de oper~ tertiae diei super illo : «In semet ipsoa », ut sit sensus: luravi per memet ipsum} hoces~ per intima et potissima et abditissima mei. Nec obstat quod deus non est in genere nec genus habens nec speciem. Nos tamen nihilominus de ipso concipimus et loquimur secundum modum nostrum intelligendi et secundum naturam rerum et modum, a quibus _nostra cognitio ortum habet, sicut etiam in attributis et appropriatis deo apparet. Notandum secundo quod iuramentum verbis adhibetur ad firmandum et stabiliendum verum esse id quod promittitur verbis. Veritas ergo est quod intenditur ab ipso cuí iuratur et ab ipso qui iurat. Deus autem veritas ipsa es t. Cetera quidem vera sunt, non autem veritas sunt; vera autem u tique sunt veritate. Ex quo patet manifeste primo quod omnia quae citra sunt possunt fallere, possunt deficere veritati, ipsa vero veritas sibimet deficere, se· ipsam deserere non potes t. V erbi -gratia : album potest fieri mgrum, albedo autem nunquam potest fieri 271.
a. Gn
§ 270
1, 11.
1. Cf. ci-dessus § 98s. 2. Pour la connaissance humaine qui, pour connaitre Dieu, doit partir des réalités corporelles sensibles (empirisme aristotélicien et thomiste, opposé a l'innéisme augustinien), voir ci-dessus § 187-189, 199, 229; Comm~ Ex. §57; Comm. Jean § 303. Que Dieu transcende les catégories, c'est doctrine traditionnelle:·cf. Parah. Gen. §188;Comm. _f3x. § 54.:.55, 165. D'ou 'l'inadéqúation des multiples attributs divins par lesquels nous
~·-
6o1
COMMENTAIRE DE GENESE u
La vérité en soi.
-~·--,-·.:.
r--. -.... -
.. •
J'ai juré par moi-meme (2.2., 16). 270. Remarquons d'abord qu'on peut expliquer cette parole d'apres ce que j'ai indiqué plus haut au premier chapitre concernant l'reuvre du troisieme · jour: «En lui-mémea», au sens de ]'ai juré par moi-meme} c'est-a-dire par ce qu'il y a en moi de plus intime, de plus puissant _et de plus secret 1• ·A:_ cela ne s' oppos~ pas le ~ait q~e J?ieu ne r~leve p~s d'une ( categorte et qu'd n'att nt genre m . espec~. Nous · formons néanmoins d~s concepts le concernant et nous parlons de lui selon notre fa~on de comprendre, selon la nature des choses et le mode selon lequel notre connaissance prend origine: c'est ce qui apparait dans les qualités que nos attribuons et approprions a Dieu 2. 271. Remarquons ensuite qu'on emploie les termes du serment pour assurer et confirmet la vérité de ce que ces termes promettent. Car la vérité est ce qu'entendent celui a qui on jure et celui qui jure. Or Dieu est la vérité elle-méme, tandis que, pour étre vraies, les au tres réalités ne sont pas la vérité; mais elles sont vtaies de par la· vérité 1. 11 apparait clairement par la que toutes les choses qui sont en de~a de la vérité peuvent tromper, peuvent étre un manquement a la vérité, tandis que la vérité ne peut manquer a elle-méme ni se déserter elle-méme. Ainsi, par exemple, ce qui est blanc peut devenir noir, mais accédons a une certaine connaissance de Dieu absolument simple et un. Voir Comm. Ex. § 39, 44, 56, 58. § 271 _1~ Voi~ ci-dessus Pro/. gén. § 12, 16; Pro/. (Euvr~ prop_. §4, 7· 9--: 12 • 1 5·
COMMENTAIRE DE GENESE u
6o3
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la blanche"!r. ne p~ut jamais ~evenir noirceur. Un ma!a?e gue~lt'. mats la maladte ne devient jamais guenson. A.mst toutes les vérités autres que la vérité sont a~ermtes ,e~ ~en~ues v~aies _par cette autre; au contra!re la vente s affermtt, s' etablit et se vérifie elle~m~me. C'est ce qui est dit ici: J'ai juré par moz-me!"e 2 ,· et dans le Psaume: «Tous les jugements du Setgneur sont vrais, justifiés en eux-memesa». 1'Ap?tre ~it ~n Tm 2: «11 demeure fidele. 11 ne peu~ se mer lut-meme h. »
nigredo. Infirmus sanatur, infirmitas autem nuriquam fit sanitas. Sic ergo omnia alia firmantur et verificantur alio, puta veritate; veritas autem se ipsa firmatur, stabilitur et verificatur. Et hoc est quod hic dicitur: per memet ipsum iuravi,· Psalmus: «Judicia domini vera, iustificata in semet ipsaa», apostolus ait Tim. 2.: «Fidelis permanet. Negare se ipsum non potesth». ·· · 272. Rursus etiam universaliter priora et superiora firmant naturaliter et stabiliunt inferiora et posteriora, et e converso ista per illa accipiunt fixionem et immobilitatem sive immutabilitatem. Deus igitur, utpote primus et supremus, firmat et stabilit omniaa, ipse vero a nullo quam a se ipso et se ipso in se ipso firmatur et stabilitur. Et hoc est quod Hebr. 6 dicitur : « Quoniam neminem habuit, per quem . . . . . . . b lUraret, ma10rem, lUravtt per semet tpsum ». «Homim!s autem per. maiores sui iurant», ut ibídem sequitur.
~72. D'a;t~re part, ~'e~t. une· loi universelle que ce qut est anter~eur ~t ~uperteur affer~it et établit. par nature ce qm est mfeneur et posterteur et inverse~ent e~ ?~rnier. acquiert~ ~race au premi;r, fixation et tmm~bthte ou l_!llmutabthtéat. Or Dieu; en tant que p~emter et ~upre~e, affermit et établit toutes choses. C est ce qut est dt.t en He 6: «N'ayant personné de pl~s ~rang que lm au_ nom duquel. jurer, il jura par lut-meme . » En effet, les hommes JUrent au nom de · plus grand qu'eux, comme il est dit par la suite.
273· A .ce J?~opos, il faut noter trois points. · I. ~elut q~t J'!re a u nom d:une créature la « déi6e » et devtent lu~-meme «plus execrable qu'un idolatre», com~e le d~t C~uy~ostome en commentant Mt 5 t. Car tl ,~pparttent ~ Dteu seul, en tant qu'il est la vérité et qu 11 _est supreme, d'assurer et rendre vraies les promess~s. C'est pourquoi il est prescrit dans la Loi
273· Ex his notanda sunt tria. Primo, quod iurans per·cr~aturám illam «deifican> et ipse «exsecrabilion> «idolatra» efficitur, ut ait' Chrysostomus super Matth. 5. Solius enim dei est~ utpote qui veritas est et supremus, ut per ipsum stabiliantur et verificentur promissa. Propter hoc in lege praecipitur quod per § 271 a. Ps 18, 10. b. 2 Tm 2, 13. § 272 a. Cf. Si 42, 17· b. He 6, 13.16.
¡ 1 i
1 ~2. (:f. f.arab.. Gen.
· §2.72
§ 188.
·comme l'atteste letermeftxio, Eckhart s'inspire du L. des causes, prop. 9 et 20 (Pattin p. 66; ibid. note b : ftxio =
! i
1.
i
1
consistance; p. 89). Cf. Parab. Gen.§ 146; Comm.]ean§ x8o-x8 2. § 273 1. ]EAN CHRYSOSTOME, Opus imperf. in Matt hom 12 (PG s6, 6 8). . · ., ' 9
COMMENTAIRE DE GENESE u- z3
EXPOSITIO LIB. GENESIS
6os
et prohi-
de jurer uniquement par le nom de Dieu, Dt 6 et IOa, et il est interdit de jurer par quoi que ce soit d'autre, Jos 23 b.
274· Secundo notandum quod hoc est contra malos qui, ut minus peccent vel ut minus teneantur ~e~vare l?r?missa, iurant per alía et non per deum. Sed 1st1s acqdtt quod scribitur in simili casu Extra De celebratione missae : «Falsa remedia veris periculis sunt graviora».
274· 2. Ce précepte est dirigé contre les méchants qui, pour commettre un péché moins grand, ou etre moins tenus de garder leurs promesses, jurent par d'autres choses que Dieu t. Mais illeur arriye ce qui est écrit pour un cas analogue, dans le (Líber) Extra, De celebratione missae : «Les faux remedes sont plus graves que les vrais dangers 2 • »
. ~75· Tertio notandum quod, quia ipsa divina se 1ps1s sunt vera, fixa et stabilia, quaerere istorum <:au~am et pr?bation~m sive rationem- cum sit ipsa ventas e~ r~tlo o~mum, loh. 1. : <
275. 3. Étant donnéc:--que les réalités divines sont vraies, fixes et stables en elles-memes, c'est etre dément et ignorer la vérité de Dieu que de rechercher leur cause et leur preuve ou raison - puisque la vérité elle-meme est la raison de toutes choses, selon Jn I : «Au commencement était le Verbe» ou «Raisona». Il faut done croire a ces choses pour elles-memes et y adhérer par la foi, selon ce passage du Psaume : «Les jugements de Dieu sont vrais, justifiés en euxmemesb.»
CAPITULUM VICESIMUM TERTIUM
CHAPITRE VINGT-TROISIEME
nomen dei solius iuretura, Deut. 6 et betur, ne per alía iureturb, los. 23.
10,
Vixit autem Sara. Et infra : adoravit populum terrae. 276. Quaerit Augustinus quomodo Abraham ado-
-_ §-2727
a.. Cf.-~Dt· 6, x.12 ·, ro,
§ 275" ·a; Jn I, I.
b. Ps
b- . Cf- . Jos 23, 7·
20.
18, 10.
-
Or Sara vécut (23, 1). Et plus has: 11 adora le peuple de la terre (23, 7). 276. Augustin se demande comment il se fait qu' Abraham adora lé peuple de la /erre alors qu'il est
1. Avec P. LoMBARD, Sent. III d. 39 c. 7 n° 292 (Quar. 1916, II p. 729s), qui cite plusieurs textes d' Augustin sur le serment. 2. Décrétales de Grég. IX (L. Extra), III, 41, c. 7 (Friedberg, II, 64o).
EXPOSITIO LIB. GENESIS
6o6
c;:oMMENT AIRE· DE GENES E 2.4 "1.7
raverit populum terrae, cum scriptum sit: « Dominum deum tuum adorabisa». Et est hic in Glossa.
6o7
écrit: «Tu adoreras le Seigneur ton Dieu a.» C'est dans la Glose, a cet endroitt.
CHAPITRE VINGT-QUATRIEME
CAPITULUM VICESIMUM QUARTUM
Or Abraha~ était (un vieillard) (24, 1). Et plus bas: Done la Jeune filie a qui je dirai (prends ta cruche, pour que je boive (24, 14).
Brat autem Abraham. Et infra : igitur puella, cui dixero etc. 277· Quaerit Augustinus in «qUo differant augura-
. 277· .~ugu~ti?. se demande «en quoi une prédiétlhctte dtffe.re de "'~a demande d'un signe, telle qu en fit le servtteur d Abraham pour que Dieu lui montd.t que (cette jeune filie) était la future femme de son seigneur Isaac.» C'est dans la Glose a cet endroit 1• Voir II II q. 95 a. 7. ' tto~
tione~ illicitae ah illa petitione· signi, qua petivit
servus Abrahae, ut ei deus ostenderet ipsam esse futuram uxorem do mini sui Isaac» etc. Et est hic in Glossa. Vide II II q. <95 > a. <7 >.
CHAPITRE VINGT-SEPTIEME .
Accord de 1'action avee les paro/es . chez les prélats.
'
CAPITULUM VICESIMUM SEPTIMUM
Mais Isaac vieillit (27, 1). Et plus bas: La voix est en effet celle de Jacob, mais les mains sont celles d'Esaü (27, 22).
Senuit autem Isaac. Et infra: vox quidem vox lacob est, sed manus manus sunt Bsau. 278. V erbum hoc communiter exponitur contra
278. o.n explique habituellement ces paroles comme VlSat;lt ceux qui parlent bien et agissent mal. Je passe sur plusieurs autorités canoniques en ce sens, · · · et mvoque:
illos qui bene loquuntur et male agunt, de qua sensu plurimae sunt auctoritates canonis, quas dimitto. Sed a. Mt 4,
10.
Le 4, 8.
Cf. Dt 6, 13·
·· §,.n6 L .A.uGUsTIN, Qu. in Hept. 1 q. 61 (CSEL 28-2 p. p), tnmscrit par la Posti//e d'Hugues de St-Cher, f. 30 a; e.
§. 277
L
AuGUSTIN,
ordrn. (Lyr. f. So a; e) .
.;-_-
ibid., q. 63 (p. 33), repris par la G/ossa
6oS.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 2.7
adduco primo auctoritatem Ambrosii in Pastorali, ubi sic ait: « nomen» episcopi «conveniat actioni», «ne sit nomen inane et crimen immane», «honor sublimis et vita proclivis », «deifica professio et illicita actio », « religiosus amictus et irreligiosus profectus », «cathedra sublimior et scientia» «humilior», «locutio columbinaa et mens canina».·
1. L'autorité d' Ambroise dans sa Lettre pastora/e, ou il s'exprime ainsi: «Le nom d'éveque doit etre accordé a l'action de ce dernier, afin qu'il ne s'agisse pas d'un vain nom et d'un crime monstrueux, d'une haute dignité et d'une basse fa<;on de vivre, de proclamations déifiantes et d'actions illicites, d'un habit religieux et d'une vie irreligieuse, d'une chaire élevée et d'une science infime, . du langage d'une colombea et de !'esprit d'un chien t.»
279· SecUndo Bernardus De consideratione l. II : «Monstruosa res est gradus summus et animus infimus, sedes prima et vita ima, lingua magniloqua et manus otiosa, sermo multus et fructus nullus». _T~rtio Chrysostomus super Matth. 5 : qui docet, verborum suorum sit ipse exemplum, ut magis opere doceat quam sermone; et infra : « Prima doctrina est videre bonum, secunda audire»; et iterum : « Prius vocavit» Christus apostolos suos «sal, postea luxa», « quia prius est bene vivere, secundum autem bene docere».
279· 2. Selon Bernard, La Considération, livre II : «C'est chose monstrueuse que (d'associer) le rang le plus élevé avec l'ame la plus basse, la chaire principale avec la vie la plus vile, l'éloqu~nce de la langue avec l'oisiveté des mains, l'abondance des paroles et le néant des fruits t.» 3· Chrysostome, commentant Mt 5 : «Celui qui enseigne doit etre lui-meme un exemple, de sorte qu'il enseigne davantage par les reuvres que par la parole»; et plus has : «Le premier enseignement · (qu'on doive recevoir) consiste a voir ce qui est bien, le second a l'entendre (precher)»; et encore: «Christ a d'abord appelé ses apótres sel, et ensuite lumierea, paree qu'il importe d'abord de vivre bien, et que bien enseigner ne vien t q u' en second 2. »
Quarto A. Gellius, cuius mentio supra facta est ah Augustino, l. XIV Noctium Atticarum c. 7 sic 280.
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.
«Ego odi homines ignava opera et philosopha sententia». Et infra: «nihil indignius» «quam quod homines ignavi et desides operti sint barba et pallio» «et vitia
280. 4· Aulu-Gelle, dont on a rappelé plus haut un texte cité par Augustin, commence ainsi le chapitre 7 au livre XIV des Nuits attiques: «)e déteste les hommes paresseux a l'action et pleins de sagesse dans leurs avis.» Et plus has : «Il n'y a rien de plus indigne que des paresseux qui arborent la barbe et le manteau
§ 2.78 a. Cf. Mt 10, 16. § 2.79 a. Cf. Mt 5, 13-14. § 2.78 x. En fait Gerbert (Sylvestre TI, pape), De inform. episc. (PL 139, 171 B). § 2.79 1. S. BE~NARD, De consid. 11, VI, 14 (Rome III p. 42.2., 3S).: .,: .. ~
,.. 2.. ]EAN CHRYSOSTOME, Op. imperj. in Matt., hom. 10 (PG 56, 684s) selon le sens.
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facundissime accusent, intercutibus ipsi vitiis roadentes». Quinto Senecá Epistula 6 : « Longum iter per praecepta, breve et efficax per exempla », « quia amplius homines oculis credunt quam auribus ». Et 20 Epistula dicit: «Maximum» «iudicium est sapientiae, ut ver bis opera concorderit ». Et rursus Epistula 24 sic ait : « Hoc turpissimum est, quod nobis o bici solet, verba philosophiae, non opera tractare ». Sexto poeta Statius magnus l. VII sic ait : «Ast ubi ductor taurus init fecitque viam, tune mollior unda, tune faciles saltus visaeque accedere ripae. » Vult dicere quod in transitu cuiusdam. fluvii, dum miles, ductor exercitus, primo se misit in aquam et transivit, omnes reliqui animati sunt, et visus est ipsis transitus facilis et quasi ripa, qua tendebant, ipsis occurrere videbatur. 281.
282. Secundo principaliter notandum quod tales similes sunt primo ranae, quae totum corpus habet ·. situm in hito, os autem exponit caelo et clamat in · caelum. Secundo símiles sunt cifrae in algorithmo, quae ih se nihil significans dat aliis significare. Tertio sunt sicut idolum quod figuram habet dei vel sancti, sed non habet naturam, Zach. I I : «O
§ 28o p. 635)·
1.
Auw-GELLE, Nuits att., Xlll, c. 8 (trad. Nisard
2. SÉNÉQUE, Lettres a Luc., L. 6, 5 (Belles-L. 1 p. I7s); Lett. zo, z (ibid. p. 8 1s); Lett. 24, 15 (p. 107). __ § z8I L,,STACE, La Thébai'de, VII, 438-440 (voir trad. Nisard, p.' 203)·
.l
;1
COMMENTAIRE DE GENESE '-7
EXPOSITIO LIB. GENESIS
61o
611
de philosophes~ attaquant le vice avec faconde alors qu"ils suent eux-memes le vice par tous leurs. potes-! 1 » . 5. Séneque écrit dans la Lettre 6 :. « Longue est la voie qui passe par les préceptes, courte et efficace celle qui_ passe par les exemples - paree que les· hommes crot~nt davantage leurs yeux que leurs oreilles. » 11 dit auss1 dans la Lettre 20 : «Le plus important critere de la sagesse consiste en (l'accord) des actes avec les paro les.» I1 dit encare dans la Lettre 24 : «Ce qu' on nous reproche habituellement de plus honteux, c'est de tirer de la philosophie des paroles et non des actes 2.» · 6. Le grand poete Stace dit au livre VII (de la Thébaide) : «La ou le taureau de tete se jette dans le fleuve et fraye la voie, les ondes cedent et s'ouvrent au troupeau, et la rive semble se rapprocher t.» 11 veut dire par la que, lors de la traversée d'un fleuve, quand le soldat qui dirigeait l'armée entra le premier dans l'eau et traversa, tous les autres furent encouragés, et que la traversée lui parut facile, comme si la rive vers laquelle ils se dirigeaient venait elle-meme a leuí rencontre. · 281.
. 282. On observera en deuxieme lieu, a titre princtpal, que de telles gens ressemblent a : . I. U:ne grenouille dont le corps tout entier est enfoncé dans lavase, tandis qu'elle découvre sa faceet coasse - en direction du ciel. 2. Ces gens sont semblables au zéro dans les nombres : ne signifiant rien par lui-meme, il donne aux autres chiffres une signification. )· 11s so?t co~me une idole ay_ant l'apparence de D1eu ou d un samt, sans en avotr la nature, selon
612.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 1.7
pastor et idolum, derelin
Za 1 1 : « Ó pasteur et idole, toi qui abandonnes ton troupeaua.» «Car une idole est néant dans le mondeb.» · · 4· Selon Horace, ces gens sont semblables a des pierres de meule: «Je servirai de (pierre de) meule, bonne pour aiguiser le fer, mais incapable de couper elle-meme t.»
283. Tertio principaliter notandum quod isti fa-
ciunt contrarium deo, naturae et arti. Deo quidem, quia deus ait : « Diliges proximum tamquam te ipsum a». Isti autem diligunt proximum plus quam se ipsos, quia alios volunt salvari docendo, se ipsos negligunt male vivendo. Naturae sunt contrarii, quia «lingua» congruit primo «in gustum » propter es se, secundo «in loquelam» «propter bene esse», ut ait ph~lo~ophus, isti loquuntur antequam gusten t. Praeterea ~stl volunt prius. bene esse quam esse, cum loquela stt propter bene esse, gustus propter esse. Praeterea contra naturam volunt mortui loqui, dum in se mortui loquuntur ~t doce~t. Prae~erea contr~ naturam es.se volunt acctdens sme subtecto et sme substantta, colorem sanctitatis sine sanctitate. Rursus contra naturam, quae prius nutrit quoad . esse sui ipsius et etiam augmentat, secundo quoad bene et perfectum esse sui ipsius, tertio et ultimo gene!at quantum ad alios. Adhuc autem cont.r~ natura?l pnus volunt esse tale quam esse, esse scthcet acctden~ale quam esse substantiale. Multiformes sunt, plurahtatem formarum sentiunt. § 282 a. Za u,
17.
h.
1
Co 8, 4·
§ 283 a. Me
12,
3I.
t;-
283. On observera en troisieme lieu, a titre principal, que pareilles gens agissent contre Dieu, contre la nature et contre l'art. · 1. Contre bieu, paree qu'il a dit: «Tu aimeras ton prochain comme toi-triemea. » Mais ceux-la aiment vraiment leur prochain plus qu'eux-memes, puisqu'ils veulent sauver les autres en les enseignant, tandis qu'ils se négligent eux-memes en vivant mal! 2. Contre la nature, paree que «la langue sert d'abord au gout en vue de l'etre, et ensuite a la parole en vue du bien-etre», comme le dit Aristote 1 • Mais ceux-la parlent avant de gouter. Ils ·verilent leur bien-etre avant leur etre, puisque la parole sert au premier et le gout au second. Ils sont cohtre la nature, car ce sont des morts qui veulent parler, qui morts en eux-memes parlent et enseignent. Contre la nature, ils veulent l'accident sans sujet ni substance, la couleur de la sainteté sans la sainteté elle-meme, contre la nature qui cómmence par nourrir et accroitre son propre etre - en troisieme lieu enfin, engendre d'autres etres. Contre la nature, ils veulent l'etre tel avant l'etre, l'etre accidente! avant l'etre substantiel. Et multiformes eux-memes, ils enseignent la pluralité des formes 2!
Lv 19, 18.
§ 282 p.
218)~
1.
-
HoRA_CE, Art poétique, 304-305 (Belles-L., Épltres, '-
§ 283
1. ARJSTOTE, De l'ame, II, c. 8, 420 bx8s. 2. Pour la dépendance de la forme accidentelle, cf. ci-dessus
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 27
284. Adhuc autem contra artem : venator quando
vult canes incitare ad cursum, ponit strictius cornu ad se ipsum, ad os proprium et latius extendit dexteram adversus canes. Isti e converso sibi sunt largi et mites, aliis austeri. Contra quos Chrysostomus super Matth. 2 3 sic ait : «Vis apparere sanctus? Circa vitam tuam esto austeros, circa aliorum autem benignus ». Rursus auriga non solum clamat verbo super equos suos, sed et humeros supponit ad rotam. In figura praemissorum dicitur 1 Reg; 1 8 : « Saul percussit mille, et David decem milia a», Saul docens et pugnans verbo, «David», « speciosus b» et « manu fortis», docens et pugnans exemplo. Rursus de Ioseph cantat ecclesia sumens de Psalmis : « Manus ejus in laboribus servierunt e»; et post sequitur : « et lingua eius inter príncipes loquebatur sapientia!Jl ». Act. 2 dicitur : « Repleti sunt spiritu sancto»; et sequitur: «coeperunt loqui d». 285. Et quía praemissa verba frequenter valde
assumuntur sive in sermonibus sive in prothematibus
a. 1 R 18, 7· b. 1 R 16, 12; 17, 42. Ps So, 7· d. Ac 2, 4·
e~
. 284. Enfin, contre l'art: lorsque le chasseur veut inciter les chiens a courir, il presse la trompe a. sa
bouche, serrée contre lui, tandis qu'il fait un large geste de la main droite al'adresse des chiens. Ces gens sont au contraire généreux et doux envers euxmemes, mais séveres envers les autres. Dans son commentaire de Mt 5, Chrysostome parle ainsi contre eux: «Veux-tu passer pour saint? Sois sévere en ce qui regarde ta propre vie, mais clément pour celle des autres 1• » Et le cocher, d'autre part, ne se contente pas des mots qu'il crie a ses chevaux, mais pousse la roue ;': -. . de l'épaule. li est dit en figure des choses qu'on vient de rapporter, 1 R 1 8 : « Saül eh tua mille, et David dix millea», Saül enseignant et luttant par la parole, «David», « beau b» et «courageux dans l'actionz», enseignan! et luttant par 1' exemple. Et a propos de Joseph, l'Eglise chante ces versets des Psaumes : «Ses mains ont serví dans les travauxc»;. ce passage est suivi de : « Et sa langue a anrioncé la sagesse parmi les princes 3. » Dans Ac 2, il est dit : «lis furent remplis . du . Saint-Esprit», ensuite: «lis commencerent a parlerd. » 285. Les paroles qu'on vient de commenter étant
Cf. Gn 39,
1.
Pro/. gén. § 8; Q11. París. I § 11; Comm. Ex. §54· Allusion ironique a la these contemporaine de la pluralité des formes substantielles chez un su jet humain, rejetée avec THOMAS d' AQ. : cf. ci-dessus § 196. § 284 1. jEAN CHRYSOSTOME; Op. imperf. in Matt., hom. 43 (PG 56, 878). 2. «David» signifiant manufortis, «courageux dans l'action»: )ÉR(>_ME, Lib, inlerp. hebr. nom. (CC 72 p. 103, 11; p. 135, 9; P·I45,13;p.15~,29)· " "
tres souvent prises pour themes ou prothemes t de
3· Joseph en Egypte (Gn 37s); Répons de l'Office canonial pour le lile Dim. de Careme, 2e Nocturne, apres la 4e Lectio selon l'office des Precheurs, la 5e selon le rite romain. § 285 · 1. Dans la technique médiévale du Sermon solennel, le protheme est un second theme qui, apparenté au theme principal, serta introduire la priere initiale. Voir TH.-M. CHARLAND, Artes praedicandi. Contrib. a l'hist. de la rhétorique du m. a., chap. 2, p. 125s.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENT AIRE DE GENES E 1.7
sermonum, propter hoc plura hic notare volui tam de sanctorum auctoritatibus et philosophorum quam etiam de exemplis et similibus, ut nunc unum, nunc aliud, sicut cuique placuerit, acdpiat vel assumat. Notavi de hoc super illo Matth. 7: «In vestimentis oviuma».
sermons, j'ai voulu noter id -davantage de choses, tant en ce qui concerne les citations des Peres et des philosophes, qu'en donnant des exemples et des comparaisons, pour que chacun, selon ce qu'il lui plaira,. puisse prendre o u emprunter tantot une eh ose, tantot l'autre. J'ai (aussi) traité de ce sujeta propos de Mt 7 : «En vetements de brebis a.»
Det tibi deus de rore caeli et de pinguedlne terrae abundantlam. 286. Nota primo quod in benedictione Iacob praemittitur : de rore caeli, posterius additur : de pinguedine terrae,.in benedictione verb Esau e converso praemittitur: «in pinguedine terrae» et post additur: «in rore caeli». Boni enim primo amant et quaerunt caelestia et deinde temporalia, Matth. 6 : « Primum quaerite regnum dei», «et haec omnia adidentur vobisa», mali autem praeponunt sibi in animo et quaerunt «possessionem dtra Iordanem h», Num. 32. Rursus boni operantur quae agunt amore iustitiae, mali vero timore poenae, Horatius : « Oderunt peccare boni virtutis amo re, oderunt peccare mali formidine poenae. » Attendunt boni · rorem gratiae, mali vero terram gehennae.
Biens du ciel et biens terrestres.
1. A vec HuGUES de ST-CHER, Postille sur Nombres }2 (I f. 149 rb; g), qui transcrit la Glose issue de B:EDE, Comm. sur Nombres, c. 32 (PL 91, 371). 2 •. H~RA~~. Epítre 16, 52 (Belles-Lettres I, p. 109; le texte du secó~d vers cité est différent).
Que Dieu te donne ~n abondance de la rosée du ciel et de la graisse de la terre (27, 28).
l . l ".:
286. r. A remarquer que, dans la bénédiction de Jacob, il est dit d'abord: de la rosée du ciel et qu'il est ajouté ensuite : de la graisse de la terre, tandis qu'a l'inverse, dans la bénédiction d'Esaü, il est dit d'abord : «dans la graisse de la terre» et qu'ensuite est ajouté: «dans la rosée du del». Car les gens de bien aiment et recherchent premierement les choses célestes, ensuite les temporelles, selon Mt 6: « Cherchez premierement le royaume de Dieu » et «toutes choses vous seront données de surcro!ta» tandis que les méchants préferent en leur ame et recherchent «les possessions en de~a du Jourdain», Nb 32 b 1 • Et d'autre part, les gens de bien font ce qu'ils font par amour de la justice, tandis que les méchants le font par peur du chatiment, (comme le dit) Horace : « C' est par amour de la vertu que les gens de bien détestent pécher; C'est par crainte du chatiment que les méchants détestent pécher2. » Les gens de bien s'attachent a la rosée de la grace mais les méchants a la terre de géhenne.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 27- z8
. 287. Secundo notandum quod non solum spitituaha et aeterna sunt a deo sicut a creatore sicut et largitore, verum etiam et bona temporalia. Tertio notandum quod in donis divinis semper relucet dantis liberalitas - det, inquit, non : vendat aut reddat; un de : « Quis prior dedit illi a?>~, Ro m. 1 1 recipientis utilitas, cum dicitur : tibi. Dativus enim a~qui.sitivus est, utilitatem habens et significans reciptentls. Item doni abundantia et immensitas notatur, cum dicitur: de rore caeli et de pinguedine terrae abundantiam. De his tribus Iac. 1 : « Dat omnibus affiuenter b» «nec enim ad mensuram date» dominus, Ioh. 3· Secu; est de aliis donis quantum ad omnia tria praedicta.
. 287 .. 2. A noter que non. seulement les choses · éternelles et spirituelles proviennent de Dieu en tant que créateur et donateur, mais aussi les biens temporels. · 3· A noter que dans les dons divins resplendit toujours la libéralité du donateur : qu'il donne, est-il dit, non qu'il vende ou qu'il rende; d'ou : «Qui lui a donné le premier? >~ Rm 1 1 a; et l'utilité du service rendu a celui qui rec;oit, lorsqu'il est dit : atoi. Car le datif est le cas de l'acquisition, il implique et signifie quelque chose d'utile a celui qui rec;oit. De meme, il faut noter l'abondance et l'immensité du don, lorsqu'il est dit : 1'abondance de la rosée du ciel et
6x8
CAPITULUM DUODETRICESIMUM Vocavitque Isaac lacob. Et infra: viditque in somnis sctilam ·stantem etc. Et infra : dominum innlxum scalae. 288. Notandum quod se~undum Rabbi Moyses l. II c. 1 1 scala ista totum universum parabolice significat. «En tia enim dividuntur tripartito : prima pars intellectus separati, et ipsi sunt angeli. Secunda pars corpora caelorum. Tertia pars materia prima, scilicet corpora variabilia, quae sunt infra caelos. » :::
a. 11
1
Rm
Il,
35·
b.·
Jc
I,
5;
c. Jn 3, 34·
de la graisse de la terre. Concernant ces trois derniers points, voir J e 1 : « Il donne a tous abondammentb», et Jn 3 : «Car il donne sans mesurerc. » Mais les trois explications susdites ne s'appliquent pas aux autres dons.
CHAPITRE VINGT-HUITIEME Et Isaac appela Jacob (28, 1). Et plus has: Et il vit en songe une échelle dressée, etc. (sur la terre, son sommet atteignant le ciel, et les anges de Dieu y montaient et descendaient) (28, 12). Et plus bas :le Seign~ur deb?ut sur l'échelle (28, 13). 288. Il faut remarquer que, selon Mai:monide, livre II, chap. 1 1 ( du Cuide des Égarés), cette échelle signifie symboliquement tout l'univers. «En effet, les etres se divisent en trois parties : la premiere comprend les intellects séparés, ce sont les anges. La deuxieme les corps célestes. La troisieme la matiere premiere, c'est-a-dire les corps changeants qui sont
62.0
62.1
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 2.8
Quibus omnibus dominus innixus est, creator ipse universi. Unde ipse in Prologo primi libri dicit in parabola huius scalae septem notanda. Primum est, quod dicitur sea/a. Secundum, quod. dicitur posita in !erra. Tertium, quod dicitur: cacumen eius tangebat caelum. Quartum, quod ait angelos. Quintum, quod ait ascendentes. Sextum, quod ait descendentes. Septimum, quod ait dominum innixum scalae. Notavi de hoc plenius in tractatu De parabolis rerum naturalium.
au-dessous des cieux t.» Au-dessus d'eux tous, setient le Seigneur, lui le Créateur de l'univers. C'est pourquoi Ma!monide dit au prologue du livre I qu'il faut noter sept points. dans le symbolisme de cette échelle, a savoir que l'auteur a dit 1. une écheJ/e ,· 2. dressée sur la !erre; 3. son sommet touchait le· ciel; 4· les anges; · J. montan!; 6. descendant,· 7· le Seigneur debout sur l'éche/Je 2 • J'ai développé cela davantage dans le traité Des symboles des choses de la nature3;
Si fuerit deus mecum et dederit mihi panes ad vescendum et vestem ad induendum. 289. Notandum· quod Rabbi Moyses l. III c. 13 tractans haec verba solvit duas quaestiones, quas ab antiquo multi communiter movent. Prima est, quod «mala mundi sunt plura quam bona». Et «cum tempus quietis et delectationis hominis comparaveris angustiis et doloribus », « infirmitatibus et impedimentis, videbis ·quod esse hominis est ultio et magnum malum», secundum illud Iob 7: «Militia» vel «malitia» vel «temptatioa» secundum aliam litteram «est vita hominis super terram». et: «Horno natus de muliereb» «repletur multis miseriis» etc., Iob 14. Secunda ·quaestio est, qua homines mala quae patiuntur ascribunt necessitati infirmitatis humanae a. Jb 7, 1 : tentation: Vet. latina.
c.
Prépondérance du malheur dans la vie humaine, vraie raison : le péché. · Si Dieu est avec moi et me donne des pains manger et un vetement pour m'habiller (28, 20).
a
289. Il faut remarquer que Ma!monide, livre XX, chapitre 1 3, résout deux questions qui, depuis les ages anciens, émeuvent partout beaucoup de gens. Selon la premi<~re : «Les maux de ce monde sont plus nombreux que les biens. » Et «si 1' on compare le temps de repos et de joie a celui des angoisses et des obstacles, on verra que l'existence de l'homme est un chatiment et un grand malheur 1 », selon Jb 7 : «La vie de l'homme sur terre est une "milice" ou "malice" ou, selon une autre lecture, "tentation a". » Et « L'homme né de la femme » « est plein de nombreuses miseres», etc., selon Jb 14 h_ La seconde question réside en ce que les hommes attribuent les maux dont ils souffrent ala nécessité ou
b. Jb 14, 1-2. ..
§z88 1. MA1MONIDE, !bid, II, c. 11 (fin: f.45r 18s; Munk 10, II P..· 91)._,Cf.. Parab. Gen.§ io4s; Comm.Jean§ 175. z . .Ofbid.) i, c. 1; Prooem. (f. 3v5os; Munk I·p. zo).
3· Voir Parab. Gen. § 2.04-2.12.. § 2.89 1. D'apres MArMoNIDE, ibid, III c. 13 (début; f. 75V; Munk c. 12., II p. 66s).
..,;
EXPOSITIO LIB. GENESIS
6z.z.
natu~ae, casui et fortu~ae pot~us quam culpae suae,
quast_ deo non provtdente nec · gubernante res humanas, secundum illud : ·« Circa cardines ca~li perambulat nec nostra consideratc», Iob 22. 290. Ad utramque quaestionem respondet ex verbis praemissis : Si fuerit deus mecum et dederit mihi panes etc., dicens quod malum hominis non est in pluribus, sed paucioribus, si respiciantur homini necessaria, puta victus et ves ti tus,· 1 ad Tim. 6 : « Habentes alimenta et quibus tegamur, his contenti simusa». « Paucis enim minimisque natura contenta est», ut ait Boethius 11 De consolatione~ et post ibidem : «Felix nimium prior aetas · contenta fidelibus ·arvis ». Iuxta quod poeta ait : «Si ventri bene, si lateri pedibusque tuis, nil divitiae poterunt régales addere maius ». Si autem respiciantur superflua, in quae fertur ·cóncupiscentia, sic certe malum est in pluribus. Et hoc est quod apostolus 1 ad Tim. 6 : « Qui volunt di vi tes fieti, incidunt in temptationes et iillaqueum diaboli et desideria multa et in utilia et nociva b» Et · hot est quod hlc Iacob orat dicens : Si fuerit detiS meeum et
c. Jb z.z.,
14.
§ 2.90 a.
1
Tm 6, 8.
b.
1
Tm 6, 9·
z.. Inspiré de Malmonide toujours, ibid. (f. 76r z.1s; Munk p. 70). §~90 1. Cf. _MAIMONIDE, ibid. (f. 76 qz.-v; Munk p. 71s). ).: .B"oocE.;·· Co!Zsol. Phi/os., comme ci-dessus § 12.6. 3· HoRACE, Epitres, 12., ~ (Belles-L., I p. 90) .
.'
~
COMMENTAIRE DE GENESE z.B
62.3
les met la faiblesse de la natúre humaine, au hasard et au_ destin, plutót .qu'a leur propre faute, comme si Dteu ne pourvoyatt pas aux choses humaines ni ne les gouvernait 2, selon ce passage de Jb z2 : «11 parcourt les póles célestes sans nous considérer e. »
290. (Maimonide) répond a ces deux questions en se fondant sur la parole qu'on vient de citer: Si Dieu est ave~ moi et me donne des pains, etc. 11 dit que le mal humatn ne touche pas la majorité des hommes mais une minorité, si on regarde ce qui leur est néce;saire a savoir le vivre et le vetementt, selon 1 Tm « Lors9ue nous avons de la nourriture et de quoi nous couvrtr, soyons-en contentsa.» En effet, la nature se contente de peu et de choses infimes conime le dit B~ece au livre 11 de la Consolation, et pius loin dans le meme ouvrage : « Bienheureux les hommes des ages anciens Qui se contentaient de rester fideles a leurs · · champs2! » .A cela le poete ajoute : _ «Si ton ventre est satisfait, si tes flanes et tes pieds sont a l'aise, Les richesses royales ne pourront rien t' apporter de plus3. » . Si l'on consider~ en revanche le superflu, sur lequel se porte la concuptscence, alors, certes, le mal atteint la majorité des hommes 4. C'est ce que dit 1'Apótre, 1 Tm 6: «Ceux qui veulent s'enrichir tombent dans les tentations et les lacets du diable et en toute sorte de désirs inutiles et nocifs h.» C'est pourquoi Jacob dit ici dans sa priere: Si Dieu est avec moi et me donne des
6;
4· D'apres MAIMONIDE, ibid. (f. 76vxs; Munk p. 74s) et TOTE,
Top., II, 6, x ub
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EXPOSITIO LIB. GENESIS
625
t
dederit mihi panes ad vescendum etc., secundum illud Matth. 6 : « Panem nostrum cotidianum da no bis e», Prov. 30: «Divitias et paupertates ne dederis mihi, sed tribue tantum victui meo necessaria d». 291. Ex·· dictis patet ad secundam quaestionem quod non ascribenda sunt mala necessitati naturae aut defectui gubernationis divinae, sed culpae et stultitiae hominis; Prov. 19: «Stultitia hominis supplantat gressus eius, et contra deum fervet animo suoa. » Et hoc est quod Sallustius De bello Iugurthino ait : «Falso queritur de natura sua genus humanum». «Sin» «animus» «captus pravis cupidinibus », «perniciosa libídine» « pessum da tus», «aliena aut nihil profutura», ·«etiam periculosa» homines «appetunt», casibus «reguntur magis quam regant casus». Et Seneca Epistula 4 dicit: «Lex naturae» terminum statuit «non esurire, non sitire»- quod hic dicitur : panes ad vescendum - «non algere » - quod hic dicitur : vestem ad induendum. Et sequitur in Seneca : « Ut famem sitimque depellas », «non est necesse maria temptare nec sequi castra». «Ad manum est, quod satis est»; «ad supervacua sudatur. lila sunt, quae conterunt, quae nos senescere» «cogunt». Unde Epistula 2.2. ait: «non naturae vitium est» quod male vivimus. «lila de nobis conqueri debet et dicere : Quid est hoc? Sine cupiditatibus vos genui, sine timoribus, sine superstitione, sine perfidia ceterisque pestibus. Quales intrastis exite. » Eccl. 7 : « Inveni
c. Mt 6, 11 (Vet. § 291 a. Pr 19, 3·
lat.
et
liturgie).
d. Pr · 30,
pains pour me nourrir, ett.'~ selon Mt 6 : « Donne-nous notre pain quotidienc»; Pr 30: «Ne me donne ni richesse ni pauvreté, mais attribue-moi seulement ce qui m'est nécessaire pour vivred. » . 291. Ce qu'on vient de dire répond avec évidence a la seconde question : il ne faut pas attribuer les maux a une nécessité de la nature ni a un défaut du gouvernement divin, mais a la faute et a la sottise de l'homme t, selon Pr 19 : «La sottise de l'homme le fait trébucher, et son ame s'emporte contre Dieu a.» C'est ce que dit Salluste, dans la Guerre de ]ugurtha : «C'est a tort que le genre humain se plaint de ~a nature. Mais en vérité, si l'ame prisonniere de désirs dépravés et de passions funestes s'adonne au mal, alors les hommes désirent des choses étrangeres, d'aucun profit ou meme dangereuses, et ils sont régis par les hasards plutot qu'ils ne les maitrisent2. » Et Séneque dit dans la Lettre 4 : «La loi de la nature a fixé pour norme a l'homme de ne pas avoir faim, de ne pas avoir soif. » C' est ce qui est dit ici : un vétement pour m' habiller. Et Séneque poursuit: « Pour chasser la faiin et la soif, point n'est besoin de se risquer sur mer ni de s'enroler dans l'armée. Ce qui suffit esta pottée de main, mais on se met en sueur pour le superflu. C'est cela qui nous déchire, qui nous fait vieillir. » C'est pourquoi il dit dans la Lettre 22 : «Ce n' est pas la fa u te de la nature si nous vivons mal. Elle devrait se plaindre de nous et dire : Qu'est-ce? Je vous ai enfantés sans désirs, sans craintes, sans superstition, sans infidélité et sans toutes les autres laideurs. Quittez done ce
8.
2. SALLUSTE,
p. 75S).
la Guerre contre Jugurtha, 1, 1 et 4, 5 (Belles-L.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 30
quod fecerit deus hominem rectum et ipse se infinitis miscuerit quaestionibus b. » Notavi de bis diffuse in Opere quaestionutn, ubi de malo quaeritur, utrum sit 1 summum malum.
monde comme vous y etes entrés 3 1» Et Qo 7: «J'ai trouvé que Dieu a fait l'homme droit, mais il s'est englué dans des problemes sans fin » J'ai traité abondamment de cela dans l'CEuvre des questions, la ou l'on demande, au sujet du mal, s'il y a un mal supreme 4•
CAPITULUM TRICESIMUM
CHAPITRE· TRENTIEME
Cernens autem Rache/, Et infra : ponebat autem Iacob vlrgas ln canallbus aquarum etc.
lnfluence de l'imaginaire et du désir sur le corps.
°.
Mais lorsque Rachel vit (30, 1). Et plus bas : Jacob mit les baguettes ... dans les abreuvoirs (ou les betes· venaient boire, et les betes s'accou.plaient en venant boire. Elles. s'accouplerent done devant les baguettes, et elles mirent has des petits rayés; mouchetés et tachetés) (3o, ·39).
Notandum quod praeter id quod Augustinus hic inducit de hypotheca et est in Glossa, sumpta ex Hieronymo, Avicenna VI Naturalium p. IV c. 4 sic ait : «Attende dispositionem infirmi, cum credit se convalescere, aut dispositionem sani, cum credit se aegrotare. Multotiens contingit ex hoc, ut, cum corroboratur forma in anima eius, patiatur ex ea ipsius materia et proveniat ex hoc sanitas aut infirmitas. Et est actio haec efficacior quam id quod agit medicus instrumentis ~uis et mediis. Et propter hoc 292.
..
1 "' ~_,
h. Qo 7, 30. 3· SENEQUE, Lett; 4, xo-I1 (Belles-L., 1 p. us); L. 22, 15 (íbid. p. 97)· 4· Ouvrage inconnu aujourd'hui. § ~92 _1. .1\VGUSTIN, Qu. in Hept. 1 q. 93 (p. 47s). Comm~ 1~ note K. WEISS (LW I, p. 429 n. 1) le terme hypotheca renvo1e a
292. Outre ce qu' Augustin dit id de cette ac~i?n et de ce qui se trouve dans la. Glose. et est ~lr~ de Jéróme t, il faut noter qu' Avtcenn: parle ~mst, au livre VI des Choses de la nature : « Prete ~ttentton a la disposition du malade quand il croit qu:il s~ rétablir~, ou a celle de l'homme en bonne sante, s tl se crolt malade. Il arrive tres fréquemment qu'une telle représentation, lorqu'elle acquiert de la force en l'ame, informe la matiere qui lui est soumise et produise ainsi la santé ou la maladie. Et cette action est plus efficace que celle du médecin avec ses instruments et
celui de subpositio d' Aug. (ibid. q. 95, p. 49, 17). )ÉRÓME, Heb. qu. in Gen. (CC 72, 37s), repris parla Glose (PL 113, 157).
628
·f
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 30
horno P?test ambulare super trabem, quae est tn media v1a; sed si posita fuerit pons super aquam profundam, non audebit ambulare super eam, eo quod imaginatur in anima eius forma cadendi vehementer impressa, cui oboedit natura eius et virtus membrorum eius».
ses techniques. C'est pourquoi un homme peut marcher sur une poutre qui se trouve au milieu du chemin, mais si elle sert de pont au-dessus d'une eau profonde, il n'osera pas passer dessus, paree que l'image de la chute s'imprime puissamment en son ame, comme une forme a laquelle obéissent sa nature et la capacité de ses membres2, »
293· Rursus in libro suo De animalibus l. VII in
293· Avicenne dit d'autre part, dans son livre des
fine sic dicit Avicenna: «De mirabilibus animalium est, ~uando gallina vincit gallum in pugna, erigit qu.asl e.sse~ gallus et el~vat. caudam suam et percutit su1s ahs In sua luxurta stcut gallus, et aliquando nascitur cornu in crure suo quasi gallo. Et in hoc potest percipi oboedientia naturae in cogitationibus animae, quando propter suam cogitationem post pugnam nascebatur ei cornu in crure ».
Animaux, livre VII, vers la fin : « Parmi les eh oses étonnantes concernant les animaux, lorsqu'une poule est victorieuse d'un <:oq dans un combat, elle se souleve comme si elle--était un coq, éleve la queue et bat des ailes de plaisir comme un coq, et parfois illui pousse un ergot a la patte, comme au coq. On peut percevoir en cela comment la nature obéit aux représentations de l'ame, puisqu'apres le combat il luí a poussé un ergot a la patte, a cause de sa représentation t.»
294· Ad hoc facit quod Augustinus XI De trinitate
294. A ce meme propos, Augustin dit au livre XI de la Trinité que «l'amour ou le désir ou la concupiscence affectent fortement le corps d'un etre animé et que, lorsque ne s'y oppose pas une matiere trop paresseuse ou trop rétive, cet amour le rend semblable en apparence et en couleur a ce qu'il aime. On peut voir le petit corps du caméléon changer avec beaucoup de facilité en adoptant les couleurs qu'il voit, _tandis que chez d'autres animaux, dont la corpulence ne se prete pas aisément a ce changement, les petits expriment (par leurs apparences) quel fut le désir de leurs meres, et ce qu'elles eurent grand plaisir a regarder 1, »
c. 2 dicit quod «Amor aut cupiditas aut libido corpus animantis vehementer afficit et, ubi non resistit pigrior duriorque materies, in similem speciem coloremque commutat. Licet videre corpusculum chamaeleontis ad colores quos videt facillima conversione variad. Aliorum autem animalium, quía non est ad conversionem facilis corpulentia, fetus plerumque produnt libídines matrum, quid cum magna delectatione prospexerint. »
2..
AVICENNE,
§ 293
va 3os)..
De ani!lla, p. IV c. 4 (Van Riet II p. 64). De ani!lla!ibus, VII c. 7 (Venise 1 5oS, f. 40 - .· ·
1 .. Av.I<;;ENNE,
§ 294
1. AUGUSTIN,
La Trin. XI, n, 5 (BA x6 p.
172.).
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 32·
CAPITULUM TRICESIMUM SECUNDUM
CHAPITRE TRENTE-DEUXIEME
Iacob quoque abt"t"t. Et infra: remanst"t solus, et ecce vt"r luctabatur cum eo. 295· Notandum ex hoc quod horno temptationibus exponitur, dum solus fuerit, Eccl. 4 : « Vae solí, quía, si ceciderit, non habet sublevantem se», et praemittitur « melius est simul duos esse qqam unum; habent enim emolumentum societatis suae a». Seneca in Epistula Io ·sic scribit: «Zenocrates» «cum vidisset adulescentulum secreto ambulantem, interrogavit quid illic solus faceret. "Mecum", inquit, "loquor". Cuí Zenocrates : "cave", inquit, "rogo, et diligenter attende, ne cum homine malo loquaris" ». «Nemo est ex imprudentibus, qui relinqui sibi debeat. Tune mala consilia agitant», «tune, quidquid aut metu aut pudore animus celabat, exponit, tune audaciam acuit, libidinem irritat, · iracundiam instigat». Et post Epistula 25 sic ait: «Ümnia nobis mala solitudo persuadet. Cum iam profeceris tantum, ut sit tibi etiam tui reverenda, licebit dimittas paedagogum; interim te aliquorum auctoritate custodi. » De hoc vide II II quaestione paenultima articulo ultimo.
La solitude n'est bonne que pour le sage. Jacob aussi partit (32, 23). Et plus has: 11 resta seul, et voici qu'un homme lutta avec lui (3 2, 24).
295. On doit noter a ce propos que l'homme est exposé aux tentations lorsqu'il demeure seul, selon Qo 4: «Malheur a l'homme seul, car s'il tombe i1 n'aura personne pour le relevera. » Et plus haut: «Mieux vaut etre deux ensemble qu'un seul, car ils ont l'avantage de leur communauté. » Séneque écrit ceci dans la Lettre Io: «Ayant vu un jeune homme marcher a l'écart, Zénocrate (Crates) luí demanda ce qu'il faisait la tout seul - Je parle avec moi-meme, dit-il. Zénocrate lui répliqua : Prends garde, je te prie, et fais bien attention de ne pas parler avec un méchant. On ne doit laisser seul personne d'inexpérimenté. Tantot de telles gens fomentent de mauvais desseins, tantot leur ame fait montre de ce qu'elle cachait auparavant par peur ou par honte; tantót elle aiguise leur audace, excite leurs désirs, aiguillonne leur colere 1. » Puis il dit dans la Lettre 2 5 : «La solitude nous conseille tous les maux. Lorsque tu seras parvenu au respect de toi-meme, alors il te sera permis de renvoyer ton maitre; en attendant fais-toi garder par des hommes qui ont autorité2. » Voir a ce sujet Ila Ilae, avant-derniere question, dernier article3.
a. Qo 4, 1 o et 9·
¡:
SÉNEQUE, Lettres
a Luc.,
L.
IO,· I-2.
(Belles-L., 1 p. 34)·
z. SÉNEQUE, Lett. 2J, 5-6 (ibid. p. 1 13). 3· THOMAS d'AQ., ¡¡a_/l« q. 188 a. 8.
EXPOSITIO LIB. GENESIS
Nequaquam lacob appellabltur nomen tuum, f._ed Israel. 296. Quaerit Augustinus quomodo Iacob, «cuí»
'
.!lif
1~
dominus « dixerat : "non vocaberis Iacob, sed Israel erit nomen tuum"», «per totam vitam suam» etiam ab ipso domino «et deinceps post vitam suam appellabatur · Iacoba», secus in omnibus aliis, quibus mutata sunt nomina. Postquam · enim dictum est Abrae supra decimo septimo quod non Abram, sed Abraham vocareturh, nec in scriptura nec in usu loqúendi deinceps vocatus est Abram. Respondet autem Augustinus dicens quod « hoc nomen» «Israel, "videns deum" », « ad illam pertinet promissionem » si ve ad illam vitam, ubi «non erit nomen vetus », luctac scilicet, «et dei visio summum erit praemium». Nota ergo aperte sententiam Augustini quod beatitudo consistit in visione sive in cognitione dei. De quo diffuse invenies in Opere quaestionum nostrarum.
a. Gn 35. 10.
b. Gn 17, 5·
c. Gn 32, 24.
1. AuGUSTIN, Qu. in Hept. I q. 114 (p. 57). · 2. Étymologie de l'appellation «<srael» d'apres )ÉRÓME, L. interp. hebr. no m. (CC 72, p. 75, 21; p. 139, 22; p. 15 2, 15; p. 15 5, 2o). 3. Relié au monde présent destiné a faire place a u monde nouveau p~om~s. daos l'eschatologie et aux noms nouveaux, ce theme d~ lutte évoque, outre Gn 32;24 (lutte de Jacob contre
633
La béatitude consiste en la connaissance de Dieu. Ton nom ne sera plus Jacob, mais Israel (32, 29)·
296. Augustin demande: «Pourquoi Jacob,
a qui
le Seigneur avait dit: "Tune t'appelleras pas Jacob, mais Israel sera ton no m a,, fut appelé J acob pendant toute sa vie- par le Seigneur lui-meme- puis ~pres, s~ mort, a la différence de ceux dont les noms avatent ete changés t? » En effet, apres qu'il fut dit a Abram, plus haut, au chapitre 17, qu'il ne s'appellerait pas Abra~, mais Abraham h, ~m~ne l'appela plus par la sutte Abram ni dans l'Ecriture, ni dans l'usage courant. Augustin répond a ce sujet que: «Ce noni, Israel», c'est-a-dire "voyant Dieu 2"; «appartient a cette promesse, ou a cette vie en laquelle le "vieux nom" de "luttew n'existera plus et ou la vision de Dieu sera la récompense supreme3. » Indiquo~s ~onc clair~ment !'avis d' Augustin selon lequella beat~tude constste en la vision ou en la connaissance de Dteu. On trouvera qu'il en est abondamment traité dans notre (Euvre des questions 4•
297· Nunc autem aliquas sententias Augustini multum evidentes ínter alias ponencias iudico. Augustinus De moribus ecclesiae sic ait : «Fortasse non incongrue quaeritur aeterna ipsa vita quid sit. Sed
COMMENTAIRE DE GENESE 32
.
297· )'estime opportun de relever ici, entre autres, ''
,.
certains passages d' Augustin montrant. cela ave~ ,une clarté particuliere parmi les auteurs qm ont tratte de ce sujet. Augustin s'exprime ainsi dans les Maurs de /' Église : «Peut-etre n' est~il ,pas hors de. p~opos de rechercher ce qu'est la vte eternelle. Mats ecoutons
l'ange), l'étymologie du nom «<srael» selon Josephe rapportée par la Postille d'HuG,UES de ST-CHER ~f. 46ra; e). , . 4· Allusion au debat contemporam. sur ~e caractere. ~o1t intellectif soit volitif du moment pnmord1al de la v1s1on bienheureuse. Voir § 13 5 note 1 ci-dessus.
COMMENTAIRE DE GENESE 31
EXPOSITIO LIB. GENESIS ·
plutót celui qui en fait don: "La vie éternelle c'est qu'ils te connaissent, toi vrai Dieu a"; et ·plus b~s : "La vie éternelle est done la connaissance elle-meme de la vérité t ". » Il dit d'autre part dans la Lcttre a Dardanus: «lis sont les plus heureux, ceux pour qui posséder Dieu e'est le connaitre. En effet, cette connaissance est la plus pleine, la plus vraie, la plus heureuse2. » Dans la troisic~me partie de son Commentaire sur saint Jean, Homélie 47, Augustin explique ainsi ce texte de J n 16 : « Mais je vous verrai de no u vea u h » : «Tous les devoirs de l'-action se rapportent au fruit de la contemplation. C'est a ce fruit que se rapporte toute action bonne, car elle est faite pour lui. Quant a lui, il n'est pas pour autre chose, mais on le garde et on le possede pour lui-meme. Car il est la fin qui "nous suffitc" 3 • » En quatrieme lieu enfin, au livre 1, chap. 8 de la Trinité, Augustin affirme cela de fa~on tres claire et développée, comment~nt en ce sens plusieurs pas- · sages de Paul et de l'Epitre de Jean 4. Ces textes d' Augustin suffisent pour le moment, quoique le meme enseignement soit attesté en des passages quasiment innombrables de son ceuvre.
eius largitorem potius audiamus. "Haec est", inquit, "vita aeterna, ut cognoscant te, verum deum3 »; et infra : «Aeterna igitur vita est cognitio ipsa veritatis. » Rursus in Epistula ad Dardanum sic ait : « Beatissimi sunt, quibus hoc est deum habere quod nosse. lpsa quippe notitia plenissima, verissima, felicissima est. » Super Iohanne · parte tertia homilía 4 7 tractans Au~ustinus illud lo h. 16 « Iterum autem vi debo vos » sic ait : « Ad fructum contemplationis cuneta officia referuntur actionis. » « Ad hunc refertur quidquid bene agitur, quia propter hunc agitur. lpse autem non· propter aliud, sed propter se ipsum tenetur et habetur. lbi enim finis est, qui "sufficit nobisc" ». Adhunc autem quarto Augustinus De trinitate l. I c. 8 hoc ipsum apertissime asserit et diffuse, tractans ad hunc sensum piures auctoritates Pauli et lohannis in epistula. Haec ad praesens ex Augustino sufficiant, quamvis in locis quasi innumeris hoc idem testetur.
Cur quaeris nomen meum, quod est
t~tlrablle?
lneffabilité du Nom divin.
298. Pri~o sic: nomen meum est mirabile3 , Psalmus: § 297 § 298 a.
a. Jn 17, 3· Jg 13, 18.
b.
Jn
16,
22..
c. Jri
14, 8.
Les Maurs de 1' Église, I, xxv, 47 (BA x p. 905). z. _4~Gl}STIN~-- Épitre z8¡, VI, z I (CSEL 57, p. xoo, 35). 3· AuGUSTIN, Trae/. injoan. t_r. xoi n° -~ (CC 36, P: ~93, z~5). x. AuGUSTIN,
Pourquoi demandes-tu mon nom, qui est admirable (3 2, 29)? 298. · 1. Ainsi: Mon nom est: Admirable\ Psaume:
¡! . 4· AUGUSTIN, La Trin. I, VIII, 17 (BA q p. 1 308).
6n
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 3z
«Quam admirabile est nomen tuumb»; Is. 9: «Vocabitur admírabilis e». . · Se.cu~do sic: Nomen meum admirabile: quod est, quas1 dtcat: ~oc .quod est .síve «quí est» ipsum est nomen meum mtrabtle. Exod1 3 : «Ego sum qui sum » · « Qui est, misit me d» : hoc nomen meum. '
«Que ton no m est admirable b1»; ls 9 : « 11 sera appelé . admirable C1. » 2. Ainsi : Mon nom admirable : qui est, comme s'il disait: ce qui est ou «celui qui est», cela meme est mon nom admirable. Ex 3 : «]e suis celui qui suisd»; «Qui est m'a envoyé»: voila mon nom2. \
.2~. Tert~o s~c: Cu_r quaeris nomen meum, quod est mtrabtle? Muabde qUidem primo, quía nomen et tamen «super omne nomen», Phíl. 2 : «Donavit illi nomen quod est super omne nomena». Secundo nomen est mirabile, quia nomen est innomi~abile, nomen i~dícibil~ ~t nomen ineffabile. Augusttnus 1 De doctrma chr1st1ana locutus de deo sic ait : «~!ximusne aliquid et s~nuimus dignum deo?» «Si d1x1, non est hoc quod dtcere volui. Hoc unde scio nisi quía deus ineffabilis est? Quod autem a m~ dictum est, si íneffabile esset, dictum non esset». « Et ~ic nes~io quae ~'!&na verborum. Quod si illud est meffablle quod 1c1 non potest, non est ineffabile quod vel ineffabile potest dici. Quae pugna verborum sílentio cavenda potius quam voce pacanda est».
299. 3.. Ainsi : Pourquoi demandes-tu mon nom, qui est admirable? En vérité, il est admirable d'abord paree que e' est un no m et que, pourtant, ce .no m est «au-dessus de tout nom», Ph 2 : «Illui a donné un nom· qui est au-dessus de tout nomat.» Ensuite, ce nom est admirable paree que c'est un nom impossible a nommer, un nom indicible et un nom ineffable2. Augustin, au livre 1 de la Doctrine chrétienne, s'exprime ainsi apres avoir parlé de Dieu: «Avons-nous dit et fait entendre quelque chose qui j soit digne de Dieu? Si j'ai dit quelque chose, ce n'est ,~ pas ce que j'ai voulu dire. D'ou le sais-je, sinon paree fi q~e J?i~~ ~st_ineffable~ Mais, d'a':ltre pa~t, ce que _j'a~ :j ~ht, src_etatt meffabl~, Je ne l'aura1s pa_s ~lt. 11 y a ams1 ,¡ Je ne sa1s quelle batadle de mots, ca~ s1l'meffable c'est :1 ce qui ne peut etre dit, n'est pas ineffable ce qui peut 1 etre appelé "ineffable". 11 vaut mieux se garder par l~e' silence de cette bataille de mots que de chercher a l'apaiser avec des mots3! » . .·
,30~.. Qu~~to : cur quaeris nomen · meum? Quod est mtrabtle, scdicet te quaerere nomen meum, cum sim
300.
h. Ps 8, 2.
c. Is 9, 6:
d. Ex 3, 14·
§ 299 a. Ph 2, 9·
§ 298 1. EcKHART s'inspire visiblement de la Postille d'H. de St-Ch. sur ]uges 13,18 (f. 2o7vb, e), ou sont cités dans l'ordre Ps 8, Is ~ et le Tétragramme d'Ex 3,14. 2. Votr Comm. Ex.§ 14-26. . § 299 L Textes .bibliques rapprochés comme chez DENYS Noms.1J,iti. c. i~§ 6 (PG. 3., 596 A; Dion. I p. 43s). '
4· Pourquoi demandes-tu mon nom? (Voila) qui
est admirable : a savoir que tu demandes mon nom
2. Pour la transcendance de Dieu au-dela de tout nom, cf. ci-dessus § 84, 270; Comm. Ex.§ 35, 166; Serm. lat. 4/r § 28; 4/2 § 3o; 3 § 88-9o; 9 § 96; Serm. al/. 20a (DW 1 p. 329; Ancelet 1, p. 174)· 3· AUGUSTJN, La Doct. chr. I, VI, 6 (BA 11 p. 186).
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 31- 37
innominabilis. Mirabile cer~e quaerere nomen ret innominabilis. Secundo mirabile quaerere . nomen eius, cuius natura e~t es se absconditum, Is. 4 5 : «Vere tu es deus absconditus a)), Tertio: mirabile quaerere foris nomen eius, qui non est extra, sed intimus est. Augustinus De vera religione : « Noli foras ire, in te ipsum redi, in interiori homine habitat » deus, «ve ritas», «ad quam nullo modo perveniunt qui foris eam quaerunt».
alors que je suis innommable. Et certes, il est admirable de demander le no m d'une chose qu' on ne peut nommer! En deuxieme lieu, il est admirable de demander le no m de celui dont la nature est d' etre caché, seloh Is 4 5 : «Tu es vraiment un Dieu caché a 1 • » En troisieme lieu, il est admirable de chercher dehors le hom de celui qui n'est pas au-dehors, mais au plus intime2. Augustin dans la Vraie Religion: «Ne va pas dehors, rentre en toi-meme», Dieu, «la vérité, habite dans l'homme intérieur, et qui la cherche dehors n'y accede pa~;)).
CAPITULUM TRICESIMUM SEPTIMUM
CHAPITRE TRENTE-SEPTIEME
Ioseph cum sedecim esset annorum. Et infra : puer non comparet, et ego quo ibo? 301. Notandum quod deus, imago dei nobis impressa, «lumen vultus dei super nos signatuma», § 300 a. Is 45, 15.
Lorsque Joseph eut seize ans (37, 2). Et plus has: L'enfant a disparu, et moi ou irai-je (37, 3o)? 11 faut remarquer que Dieu -l'image de Dieu imprimée en nous, «la lumiere de la face de Dieu 301.
§ 301 a. Ps 4, 7·
A propos .de ce passage sur pieu. c,ach~, V. ~ossK:, Théologie négative... , p. 2.2., propose une mterpretatlon surdetenrunante de la formule esse absconditum. A son gré, Eckhart l'emploie ici au sens substantif (sa nature est l'etre caché), alors qu'a notre avis il s'agit d'un sens simplement attributif (sa nature est d'etre caché). Cette remarquen'ote aucunement sa valeur a !'admirable interprétation des§ 2.98-300 offerte par le chap. Ier de la Théokgie négat. (p. 13-39). S'appuyant également sur d'autres textes, Lossky estime qu'Eckhart a effectué une synthese entre l'tsse thórpiste· et l'íntériorité augustinienne, daps une perspective 1.
Quoique voilée, 1' image de Dieu es! toujours présente en nous.
d'apophase, «réplique au Cur quaeris nomen meum, o'IY la quete de l'lneffable est finalement supprimée» (... ). «La fin demiere de l'etre, ce sont les ténebres ou la non.:.connaissance de la Déité cachée ... » (p. 39). Voir Comm. Ex. § 2.37; Comm. ]ean § 195; Serm. lat. 8 § 86-9o; I2/2 § 144; JJ/4 § 547; Serm. al/. IJ (DW 1 p. zsz,7~;A_ncelet,lp. I4i);q(DWip. 2.84,Anceletp. ts6): z. Votr ct-dessus § 14, x66; Comm. Ex. § 163; Comm. Str. § zo, 54; Comm. Sag. § 135, 139; Comm.]ean § 2.38, 304; Serm. al/. 9 (DW 1 p. 143; Ancelet 1 p. xoo); 3· AUGUSTIN, La Vraie Re/ig. XXXIX, 72. (BA 8, p. 130); cf. Confess. 111, VI, 11 (BA 13, p; 382.); X, XXVIId8 (BA 14, p. zo8).
COMMENTAIRE DE GENESE 37
EXPOSITIO LIB. GENESIS
nobis ostendens bonab et dirigens in agendisc, ut in Psalmo dicitur, semper in nobis est, sed non apparet. Propter hoc labitur horno in peccatum et defectum nesciens quo vadatd, in tenebris ambulans, secundu~ illum Sap. 5 : « Erravimus a via veritatis, et iustitiae lumen non luxit nobis, et sol intelligentiae non est ortus no bis e». Propter quod Luc. 1 r dicitur : «Vide, ne lumen, quod in te est, tenebrae sintf». Et hoc est quod hic dicitur : puer non compare!, et ego quo ibo? Obducitur autem, obumbratur et occultatur, vel per imagines rerum creatarum superinductas, secundum illud Matth. 22, quod improperando dicitur: «Cuius est haec imago et superscriptiog?» Videtur enim esse non dei, sed « caesaris ~ », scilicet m undi. «Verumtamen in imagine pertransit homoi», quamvis aversus non percipiat nec appareat, sed lateat. Augustinus Confessionum l. X. « Mecum eras, et ego tecum non eram», «intus eras et ego foras». Revelatur autem haec imago, ut appareat, per electionem imaginum superinductarum, Prov. 15 : «Aufer fl:lbiginem de argento et egredietur vas purissimuml», 1 Ioh. 3 : «Filii dei sumus, sed nondum apparuié.» Cum autem
h. Cf. Ps 4, 7· c. Cf. Ps 89, 17. d. Cf. Jn u, 3 5. e. Sg 5, 6. f. Len, 35· g. Mt 22, zo. h. Mt zz, 21. i. Ps 38, 7· j. Pr zs, 4· k. 1 Jn 3, z. 1. Pour le theme d'image de Dieu imprimée en l'ame, cf. ci-dessus § n 5, note 1. Cf. encore Parab. Gen.§ 193, qui allegue ÜRIGENE, Hom. sur la Gen., XIII n° 4 (SC 7his, p. 3z6s); De 1'homme noble (D W V p. 1 1 3 et déja p. 1 n ; Ancelet, Tráités p. 147 et p. 145): «Pour cet hommeintérieur, cet homme noble, en qui la semence de Dieu est imprimée et insérée - comment cette semence, cette image de la nature et de l'essence divines le Fils d_e Dieu ·app~rait, comment on la pers:oit et comment par mo1Jlen~ el1e demeure cachée - le grand maitre Origene
·t
imprimée sur nous a» «nous montrant le bien b» et «nous dirigeant dans ~'action e», comme i_l est, dit dar:s le Psaume - est tou¡ours en nous, ma1s n apparalt pas t. C' est pourquoi l'homme tombe dans le péché et défaille ne sachant ou il va, marchant dans les ténebr;sd, selon Sg 5 : «No~s nous sommes ~ga~és loin du chemin de la vérité, et la lumiere de la ¡usuce n'a pas brillé pour nous, et le soleil de l'in_t~lligen~e ne s'est pas levé sur nous e.» C'est pourquo1 11 est dtt en Le 1 1 : « Prends garde que la lumiere qui est en toi ne soit ténebref.» C'est ce qui est dit id: L'enfant a. disparu, et moi oit irai-je? 1ylais (l'image) est recouverte, obombrée et occultée ___ par les images des choses terrestres qui lui sont surimposées, selon cet avertissement en Mt 22 : «De qui est-ce l'image et qu'est-il écrit par-dessusg?» Il apparait en effet que ce n'est pas celle de Dieu, mais «de Césarh», c'est-a-dire du mot)de. « Et pourtant l'homme demeure d~ns l'image 1 » quoique, s'étant détourné, il ne l'apers:01ve pas et qu'elle n:apparaisse pas, m~is _reste cac~ée. Augustin, Confessions, livre X : «Tu etals avec m01 et je n'étais pas avec toi. Tu étais a l'intérieu~ et moi j'étais dehors. » Mais cette ima_ge se dév~)lle P?ur apparaitre quand on rejette les 1mages sunmposees, selon Pr 1 5 : « Óte la ~ernissure de 1' argent et il en sortira un vas e tres put l »; 1 Jn 3 : « Nous s?mmes fil_s de Dieu mais il ne parait pas encore. » « Ma1s quand 11
présente une comparaison: l'image de _Dieu, 1~ Fi_ls,de ~ieu est dans le fond de l'ame comme source vtve. Ma1s s1 1on ¡ette sur elle de la terre elle est entravée et couverte, en sorte que l'on n'en reconnai; et n'en voit plus ríen. Cependant elle reste vivante, et quand on enleve la terre, elle réapparait et on la voit. »
EXPOSITIO LIB. GE~'ESIS
COMMENT AIRE DE GEN ESE 37
apparuerit, símiles ei erimus et videbimus »; Col. 3 : «Cum autem apparuerit Christus, vita vestra 1» etc., quasi diceret : Christus in no bis est filius dei, «qui est imago dei invisibilis m», ibídem I; «in quo sunt omnes thesauri sapientiae- et scientiae absconditi n », ibídem 2. Exemplum de imagine educta per artem de lapide vel ligno, _quae latet nec apparet nisi prius abiectis et eductis his quae ipsam occultabant. Augustinus· De doctrina christiana l. I : sapientia dei venit, non mutans locum, sed apparens, ubi erat invisibilis; Ti t. 3 : « Apparuit benignitas et humanitas salvatoris nos tri dei 0 »; et iterum 2 : « Apparuit gratia salvatoris nostri deiP», Gal. 1 : «Cum autem complacuit ei», « ut revelaret in me filium suum q »; Cor. 3 : « Revelata facie», id est postquam revelata est, quando velamen ablatum est imaginis ceterorum, <
paraítra nous serons semblables a lui et nous le verrons k»; Col 3 : «Mais lorsque paraítra Christ, votre vie 1», etc., comme si l'auteur disait: Christ en nous est le Fils de Dieu, -«il est l'image du Dieu invisible», m eme Építre 1 m; ((en qui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science », meme Építre 2 °. Exemple: l'image extraite de la pierre ou du bois par l'art, qui est cachée et n'apparaít pas avant que ne soit d'abord rejeté et óté ce qui l'occultait 2 • Augustin; la Doctrine chrétienne, livre I : «La sagesse de Dieu est venue sans changer de lieu, mais en paraissant la ou elle;"' était invisible»; Tt 3 : «La bénignité et l'humanité de notre Dieu sauveur sont apparues 0 »; et aussi au chapitre 2 : «La grace du Sauveur notre Dieu est apparueP»; Gal I : «Ür, lorsqu'il lui plut » «de révéler en moi son Fils q »; 2 Co 3 : «La face dévoiléer», c'est-a-dire une fois dévoilée, lorsqu'on a óté le voile qu'est l'image de toutes choses, «nous sommes transforniés en la meme . 3 1mage ». . Autre exemple pour ce qu' on vient de dire : l'image du visible n'existe pas moins dans le milieu (diaphane) en l'absence d'un miroir ou d'un corps reflétant, quoiqu'elle n'apparaisse pas mais soit cachée a ceux qui regardent4 ..
l. Cpl 3, p. Tt 2, 11.
4:
m. Col 1, 15. n. Col 2, 3· q. Ga 1, 15-16. r. 2 Co 3, 18.
o. Tt 3, 4·
2. AuG. Conf X, xxvn, 38 (BA 14, 208). Cf. ci-dessus § 15 8 n. 3; Comm. Jean § 575; De l'homme noble (DW V p. 1 q, 17s; Ancelet, Traités p. 148) : « ... J'ai parfois présenté une compa-
raison frappante. Quand un maitre fait une image de bois ou de pierre~ il n'introduit pas l'image dans le bois, il enleve les copeaux qui cachent et recouvrent l'image. Il n'ajmite rien au bois; au contraire, il enleve et creuse ce quila recouvre; il óte les scories~ :Alors-; brille ce_ qui était caché dessous. »
3· AuG., La Doct. chr. 1, XII-XIII, 12 (BA 11, 194). Pour la progressive ressemblance avec Dieu, voir Parab. Gen. § 130, 140-141.
4· L'image dans le milieu (transparent) : theme traditionnel d'optique désignant l'aspect de la réalité objet de vision que la lumiere transfere jusqu'a l'reil a travers l'air transparent. Ce theme est symbole de la présence virtuelle du connu dans la représentation. 11 suggere encore la primauté de la réalité connue sur l'activité de vision dont elle est l'objet. · -
EXPOSITIO LIB. GENESIS
COMMENTAIRE DE GENESE 46
CAPITULUM QUADRAGESIMUM SEXTUM
CHAPITRE QUARANTE-SIXIEME
Profectus est Israel. Et infra: lacob, Iacob post pauca. 302. Notandum quod ipse dominus, qui supra dixerat: «Non vocaberis Iacoba», rursus hunc ipsum vocat lacob. De quo supra dictum est. Secundo nota quod dominus superius bis dixerat ipsum non lacob, sed Israel vocandumb, primo scilicet capitulo tricesimo secundo et iterum secundo, capitulo scilicet tricesimo quinto. Nunc igitur bis ipsum Iacob vocat, dicens lacob, Iacob.
Cunctae animae quae ingr'!ssae sunt cum la.cob ln Aegyptum et egressae simi de fe1JZore llllus. 303. Quomodo accipiendum sit quod dicuntur animae egressae de jen1ore Iacob, cum anima hominis non sit ex traduce, tangit hoc Augustinus in libro Quaestionum, et doctores satis hoc pertractant. Notandum tamen quod et ipsa intellectiva anima, quae ab extra est. et dicitur, .ex. traduce est etiam proprie, et concedí potest absolute quod sit ab homine parente sicut quaecurrique forma alía. Notavi de hoc ·in Opere quaestionum ..
a. Gn ;5,
10.
b. Gn p, 28; 35,
Israel partit (46, 1). Et plus bas, peu apres : Jacob, Jacob (46; 27). .'É-.
'
302. Il faut remarquer que le Seigneur lui-meme, qui avait dit auparavant : «Tu ne t'appelleras pas Jacoba», l'appelle de nouveau ]acob. Il a été traité de cela plus haut1. . . . . Remarque en second lieu que le Setgneur avalt dtt deux fois auparavant "'gu'il ne fallait pas l'appeler Jacob, mais Israel, a savoir la premiere fois au chapitre 32 et la seconde fois · au chapitre 35h. Maintenant done il l'appelle deux fois disant jacob, Jacob. Toutes les ames, qui entrerent en Égypte avec Jacob et qui sont issues de ses reins (46, 2.6).
303. Comment faut-il comprendre qu'on dise ,des ames issues des reins (flanes) de Jacob, alors que l'ame de .l'homme n'est pas transmise (par génération)? Augustin touche ce sujet au livre des Questions, et les . théologiens en traitent suffisa~~ent.1 . Il faut pourtant noter que 1 ame tntellecttve ellememe, qui est et qu'on dit d~ provena~c~ ex~érieure, est aussi proprement transmtse (par generatton). Et l'on peut absolument concéder qu'elle pro~i~nt ?~ géniteur humain, comme toute autre forme. J at tralte de cela dans l'CEuvre des questions 2 •
10.
§ 302 1. Voir ci-dessus § 296. §jo;· 1. AuGÜSTIN, Qu. in Hept. I q. qo (p. 77).
2. L'O. des qnest. est disparu. Pour le probleme de l'ame intellective, cf. ci-dessus § 181-185 et note 1 (§ 185).
COMMENTAIRE DE GENESE
EXPOSITIO LIB. GENESIS
so
CAPITULUM QUINQUAGESIMUM
CHAPITRE CINQUANTIEME
Quod cernens Ioseph. Et post pauca : transierunt quadraginta dies; iste quippe mos erat cadaverum conditorum.
Joseph voyant cela (5o, 1). Et peu apres: Quarante jours passerent, car telle était la coutume lorsqu'on embaumait les cadavres (5o, 3).
304. Notandum quod Augustinus tractans in libro Quaestionurn Genesis praemissa verba sic ait : « Septuaginta interpretes» «?Iaiore auctorita~e pra~~iti, quarn interpretum ~fficm_m. est, prop?ett_co spu1tu, quo etiam ore uno 1!1 sms mterpretat10mbus, quod rnagnum miraculurn fuit, consonuisse firmantur». Idem etiam scribit ipse Augustinus De doctrina christiana l. II. Hieronymus autem in Prologo Pentateuchi aliter sen ti t. Ait enim sic : « Nescio quis prirnus auctor septuaginta cellulas Alexandriae rnendacio exstruxerit, quibus divisi eadern scriptitarint » septuaginta;· et infra: «Aliu~ est esse vate~,. aliud est e~se interpretem». Augustmus tarnen d1c1t quod, s1ve divisi per cellul~s sive coniuncti ~ranstule_ri?-t,_n:a~nae auctoritatis est 1psorurn translatto. Narn. s1 d1v1s1 per cellulas sic per ornnia concordav~r.unt, sign~rn ~t plenurn miraculo q':lod ah_ uno « sp1r1tu sanct_o msplrati locuti sunta». S1 vero m unurn congregatt, adhuc rnagnae auctoritatis, quod a tot sapientibus concorditer approbatum est.
304. Notons qu' Augustin, traitant des paroles ci-dessus au livre des Questions sur la Genese, s'exprirne ainsi : «Les traducteurs de la Septante, investís d'une autorité plus grande que ne le comporte le rnétier de simple traducteur, ont écrit dans un esprit prophétique grace auquel, on Passure, ils furent a l'unisson dans leurs traductions, cornrne s'ils avaient parlé d'une seule bouche, ce qui fut un grand rniracle 1. » Augustin écrit la mérne chose encore dans la Doctrine chrétienne, livre IJ2. Mais Jérórne est d'un autre avis dans son Prologue au Pentateuque. 11 dit en effet: «Je ne sais qui fut le prernier a inventer le rnensonge des soixante-dix cellules d' Alexandrie, dans lesquelles les septante, séparés les uns des au tres, auraient ·écrit les rnérnes ehoses ! » Et plus has : «C' est une ehose que d'étre prophete, une autre que d'étre traducteur 3 !» Augustin dit toutefois que leur traduction est d'une grande autorité, qu'ils aient été séparés les uns des autres dans leurs cellules respectives ou qu'ils aient traduit ensemble. Car si, séparés dans leurs cellules, ils se sont accordés en tout, e' est un signe et cornbien rniraculeux qu' «ils ont parlé sous l'inspiration du Saint-Esprie». Mais, s'ils se sont concertés, cequia été approuvé d'un cornrnun accord par tant de sages derneure d'une grande autorité4.
Explicit líber Genesis. a.
Z
p
1, ZI.
AUGUSTIN, 2. AuGUSTIN, -~.: }ÉRÓME, • I.
p. LXXXIIIb).
Fin du livre de la Gene'se.
ibid. q. 169 (p. 89). La Doct. chr. II, xv, zz (BA 11 p. z7os). Préf. a u Pentat. (Ve t. lat., Sabatier 1 4·
AuGUSTIN,
La Doct. chr., ibid.
TABLE DES MATIERES
Avant-Propos................. . . . . . . . . . Bibliographie .. , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
7 15
l. PROLOGUES
Table des Prologues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prologue général a l'CEuvre tripartite . . . . . . . Prologue a l'CEuvre des propositions . . . . . . . Commentaire du traducteur . . . . . . . . . . . . . . .
32 40
70
97
II. COMMENTAIRE DE LA GENESE Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prologue a l'CEuvre des expositions . . . . . . . . Table des ·autorités du livre de la Genese. . . . Commentaire par Eckhart du livre de la Genese Index Index Index Index
des des des des
citations bibliques . . . . . . . . . . . . . . auteurs cités par Eckhart . . . . . . . . auteurs allégués par les traducteurs themes doctrinaux . . . . . . . . . . . . . .
1
99
204 210 2.
38
65 1 6 58 663 679
INDEX DES CITATIONS BIBLIQUES PROLOGUES table prol. gén. Dt 32, 4 : § 2. Za 6, 2: § 2. Le 1, 78: § 2.
Dt 6, 4 : § 5 ; 6. jb I, 4: § 5· Sg 8, 1 : § 1 3· Is 4 1 , 4 : § 1 3. Me xo, 18: § 8. Le x8, 19: § 8. Jn 1, 3 : § 21. 14, 6: § 7· Rm u, 36: § 22.
---
prologue général Ex 3, 14 : § 12 ; 13 . Dt 32, 4: § 19. Ps 32, 9 : § 19. Sg1,14:§q;18. 7. 21: § 18. Is 41, 4: § 18. Rm 4, 1 7 : § 11. Ap 1, 8: §x9; 21. 21, 5 : § 18. 22, 13: § 19; 21.
Ga 3,
20:
1,
§ 5·
prologue reuvre des expositions 11
Jn
16, 1 6 : § 3.
tCo5,6:§3.
prologue reuvre des propositions Ex 3, 14: § 5 (bis).
COMMENTAIRE DE LA GENESE (astérisque
=
allusion)
Genese I,
I,
2: § 30, *70, 203. 3·6·9·14.20.24.29: § 161.
I, 1,
4: § 72, 87. 5 : § *70. -
5 : § 22.
6p.
INDEX DES CIT ATIONS BIBLIQUES
1' 7 : § 78. 1,
9: §44, 48, 50.
1, 10.12.18.21.25: § 134· 1, 1 1 : § 18 3, 270. 1, 12: § 183. I, 20: § I 8 3• 1,21:§114. 1, 24: § 18 3• 1, 26: § 2.37. 1, 27: § 184, 202. 1, 28: § 250. 1, 29: § 184. 1, 3l : § 163. 2, 2 : § 269. 2, 9: § 202. 2, 16-17: § 203. 2, 17: § 215. 2, 21-25 : § 200. 3. 5 : § 202.. 3. 7: § *97· 3. 12-13 : § 205. 3, 16: § 249. 4. 7: § 190. 4. 2.3 : § 264.
6, 4: § 226. q, 1 : § 261. 15, 4-5: § 2.64. 16, 2 : § 229. 16, 4! §230. 16, 8 : § 2j0. 16, 10: § 231. 16, 12. : § 2. 3I . 16, 13 : § 2. 32.. 16, 15 : § 2.33, 234· 17, 1: § 233· 17, 6: § 234· . 1 7. 8: § 2 35· 17, 10: § 2.33, 235· 17, 15-16: § 234· 17, 20: § 234. 17, 21: § 235· 17, ~6~27: §.t"35··
18, I8! § 264. 21, 5 : § 264. 2.2, 4: § 267. 32. 24 : § 296. 32, 28 : § 302., 35. 10: § 296, 302.· 39. 1 : § * 2.84.
Exode 3. 14: § 179. 2.98. 3. 16: § 191. 16, 18 : § 1 55. 2.0, 17 : § 2. 33. 2.4, 3 : § J56. 33. 2.3 : § 2.3 2 •
INDEX DES CIT ATIONS BIBLIQUES
Juges 13, 8: § 298.
Rois 1 R 9· 2 : § 249· 16, 7! § 25 7• 16, 12 : § 284. 17, 4Z.: § Z.84. 25, 9: § 161. 3 R IO, 7 : § 6I. 4 R 2, 12: § 125.
Néhémie 10, 36 ! § 96.
Lévitique
Esther
19, 18: § 2.83.
13. 9 : § 162.
Nombres
Maccabées
32., 5 : § * 2.86.
Deutéronome
1
2, 7. 11 : § 240.
Job
6, 4 : § 2.6, 89, 114. 6, 13 : § * 273; * Z.76. 8, Z..16: § 2.63 . . 10, 16 ! § 2.46, . 10,1 9 : §*z.s8. ·. ·· · 1o, 2.0 : § * 2. 7 3'. .. ' 12., I : § 250. 1 3· 3: §263. 20, 20: § 96. 2.2, 10 : § 34· 25,2: § 257 .. 28, 56 . (trad. Mai'monide) : § 263.
4. 18: §72. 7, 1 (Vet. lat.): § 289. 7. 20: § 15, 261. 9, 13 : § 167. . J4, 1-2. : § 289. 14, 2: § 74· 15, 15: §72. 22, 14: § 289. 26, 7: § 45· 26, 14 : § 61. 29, 16 ! § 256. 33, 14: § 89, Ip. 33. 15 : § 7· 37. 19: § 20.
Josué
Psaumes
_27, 7: § * 273·
4. 7 : § 301.
5.7:§191. 8, 2: § 298. 8, 6: § u6, 202. 8, 8 : § 230. 10,3:§255· II, 9: § 247• 14, 4: § 86, 206, 211. 15. 2: § 178. 17, 17: §59· 17, 27: § 87. 18, 5 : § 264. 18, 10: § 2.71, 275• 26, 8 : § 185. 26, 13 : § 248. 30, 7 : § 191. 30, 16: § 185. 30, 17 : § 206. 32, 9: § 7· 33. 22 : § 190, 191. 34. 13: § 178. 35. 10: § 185. 38, 7: § 3°1. 39, 2: § 161. 39. 3 : § 86. 39. 13: § 88. 39. 2.2. : § 19°· 44. 14: § 177· 48, 13.2.1 : § 12.4, 2.03, 2.40. p, 3 : § 190. 53. 8 : § z.6I. 61, 12.: § 7• 68, 2. : § 6o. 72, 22: § 86. 7 5, 1 z. : § z6o. 76, 10: § 214. 79, 4.8.z.o : § z.o6. So, 7 : § 2.84. 89, 17: § 301. 9°. 13 : §59· 96, 3: § 247· 101, 2.6: § 2., 8. 101, 27S: § 8.
INDEX DES CITATIONS BIBLIQUES
103, 103, 1 35, 139, 140, 146, 147, 147, 148,
5 : § .9· 24: § 5· 5 : § 6, 2 5· 8 : § 2 l. 4: § 205. 4: § 193· 14: § 160. 18 : § 46. 5 : § 161.
Proverbes 1, 32: § 190. 2, 14 : § 25 5. 5, 2 6 : § 33. 7,lo:§33· 8, 17 : § 179· 13,12:§75· 14, 13 : § 74· 16, 4: § 176. 18, 17: § 207. 19, 3 : § 291. 21, 11: § 260. 25, 4: § 246, 301. 26, 11: § 259· 30, 8: § 290·
Qohelet 2, 7: § 240. 4. 9-10: § 295· 7, 30 (Vulg.): § 203, 291. 9, 18: § 88. lO, 2: § 239· 10, 5 : § 239· 10, 7: § 239· 10, 17: § 238. 12, 7: § 182.
Cantique
6, lo{§ io1.·-
INDEX DES CITATIONS BIBLIQUES ·
Sagesse
Jérémie
1,7:§210. t, 14: § 19, 137. 141. 1, I5 : § 176. 2, 21 : § 190· 5. 6: § 301. 5, 16: § 176. 7, 24: § 158, 159, 160. 8, 1 : § 63, 147, 160. 8, 16 : § 2 3 l. 11, 21: § 231. II, 24: § 86. 16, 14: § 190.
2, 19: § 88. 4, 4: § 246 .. 17, 10: § 257· 18, 3-4: § 138. 23, 24: § 210.
Siracide 3, 14: § 139, Ip. 3. 24: § 245. 5. 4: § 190. 7,6:§125. 7. 14: § 191. 13, 1: §87. 15.9:§85. 15, 14: § 120. 18, 1 : § 2, 9· 24, I l : § 179· 24, 23 : § 170. 29, 28 : § 126. 42, 17 : § * 272.
Lamentations 1, 2.8: § 191. 1, 8: §210.
Ezéchiel 33. I5 : § 1 91.
Daniel 3,57:§85. 3, 6o-61 : § 77· 4, 32 : § * q6.
Osé e 9, lO: § 97· 10, 2 : § 88.
Zacharie II,
I7: § 282.
Malachie Isaie 3. 4: § 2 39· 3.9:§ 2 55· 9· 6: § 298. 14, 2 : § 240. 26, 12-13: § 150. 45, 7: § 2 1. 4 5, 1 5 : § 3OO. p, 12: § 179· 52, I I : § 87. 59, 2: § 206.
3, 6 : § 1 39·
Matthieu 4, 5' 5, 5. 5.
6, 6, 6,
lO: § 276. 6: § 176. 10: § 176. 13-14! §*279· 37: § 245. lO: § 140. 11 (Vet. lat.): § 290. 33: § 15. 286.
7. 15: § 285. 7. 17-20: § 242. 10, 16: § *278. 10, 36: § 245· 10, 42: § 157· 12, 45 : § 259· 13· 27-28 : § 244· 13, 39: § 244· 13,55=§95· 18, 10 : § So. 20, 12 S: § 34· 22, 20-21 : § 301. 22, 33: § 139· 24, 47: § 22. 25, 12: § 206. 26, 69 S : § 240. 28, 1 : § 71, 76. 28, 18 : § 22.
Mare 8,24!§15. 9, 48-49 : § * 260. 12, 31 : § 283. 14, 66-68 : § 240. Luc 4, 8 : § 276. 9· 62: § 259· 11,35=§301. 15, 10: § 224. 18, 19: § 128, 173. 20, 38 : § 1 39· 22, 56 S : § 240. Jean 1, 1: § 3, 62, 65, 275• 1, 3 : § 3, 78, qo. 1, 5 : § 69. 1, 12: § 22. ,, 8: § 46. 3. 20: § 206.
6s6
INDEX DES CITATIONS BIBLIQUES
H: § 2.87. 16. 18 ! § 2.40. 17 : § 17, IS o, 154· 2. 5 : § 17. . 44: § 2.44· II, H : § 2.03, 2.2.8, 12., 35 : § * 301. 12., 46: § 6s. 13, 13: § zs. 14, 8 : § 2.97· 16, 2.1 : § 2.33. 16, 2.2. ; § 2.97· 17, 3 : § 297· 18, 17: § 240. 21, 15 : § 12.5, 249•
3, 4, 5, 8, 8,
2
Corinthiens
3. 18: § 301. s. H: § 87•
I
Galates
2, 4! § 284.
Romains 1, 7, 8, 8, 9·
32.! § 212. 2.3-25 ! § 242. I 3 ; § 242.. 2.8 : § 16. 19 : § 146. II, 35 ! § 287. II, 36: §ISO, * 164.
Corinthiens
3. 5 : § 2.44· s. 7: § 246. s. 13 : § 247· 7. 19: § 247· 8, 4 : § 282. 10, 13! §6o. II,3:§ss. 11,8:§ 55 . 13, 1: §6s. 13, 1I : § 240. 15, IQ =. §· 178: '·
1, 1, 1, 2,
5 ! § 287. 13 : § 262. 17! § 140. 10: § 88, 223.
4, 10 : § 11 I.
Ephésiens
2
3, 18 : § q.o. s, 13: §6s.
I, 21 ! § 304. 2, 20! §*259. 2, 2.2 : § 2 59·
z, 9 : § 84, 2 99·
Colossiens 1, I5: § 115, 301. z, 3 : § 301. 3. 4: § 301. 1
Timothée
6, 8-9 : § 290. 2
1
Jacques
1, 15-16! § 301. 3, 20: § 26, 89, 114. 5, 17 : § 2 30.
Philippiens Actes
INDEX DES OT ATIONS BIBLIQUES
Timothée
2., 12! § 239· z, 13: §271.
Tite 2, 1 1 : § 301. 3. 4: § 301.
Hébreux 1, 10 : § 2, 8, 9• 1, 12! § 8. 6, 13.16: § 272.
1
Pierre
Pierre
1
Jean
3. 2 : § 301. 4. 18: § 169.
Apocalypse. 8 : § qo. 3, 1 : § 190. 18, 4! § 87. 18, 7 : § 2. 57· zz, 13: § 170.
1,
INDEX DES AUTEURS
INDEX DES AUTEURS
COMMENTAIRE DE LA GENESE Albert (le Grand) §55, 57, 58.
INDEX DES AUTEURS CITÉS PAR ECKHART PROLOGUES Aristote P. o. prop. § 2 Topiques I, 14, 1o5b5 : Prol. gén. § 3 Réf. soph. I, 15, 174b5 : Pr. gén. § 3 Phys. I, 2, 184b5; 5, 188a19: P. o. pr. § 5 Du Ciel II, 6, 289a7 : P. gén. § 3 Métaph. VII, 8, Io33b1619 : P. o. pr. § 14 Augustin (s.) P. o. exp. II Conf I, 3, 3 : P. o. pr. § 14; 6, 10: P. gén § 18, 21; P. o. pr. § 2o; IV, II, 17: P. gén. § 17; 12, 18 : P. gén. § 20 L. Orose: P. gén. § 7 Maurs Manich. I, 1 : P. gén. §4 fmm. ame 4, 6 et 10, 17: P. gén. § 13; 12, 19 : ibid. §4 Quest. LXXXIII: P. gén. §7 . . Triíi. Vil, 1·~ ·2 :P. gén. § 9
a
VIII, 3, 4 : P. o. pr. : § 8; 8, 3 : ibid. § 7 Avicenne Métaph. I, 6 :P. gén. § 9, 13 VIII, 6 : P. gén. § 8 << Sujjicientia )) :P. o. pr. § 5 Boece, Cons. Phi/. P. gén. § 17; P. o. pr. § 9 Causes (L. des) P. o. pr. § 6 prop. I: P. gén. § 13 prop. VIII :P. o. pr. § 11 prop. XX: P. gén. § 10; P. o. pr. § 21 Denys (ps-Aréop.) N.D. IV, 1 : P. o. pr. § 8 Jean Darnascene P. o. pr. § 5 Proclus P. o. pr. § 6, 8 Thornas d' Aquin P. gén. § 5; P. o. exp. I
Albertus Stadensis § 260. Ambroise § 11 157. «Ambroise» (ps-) ej. Venantius Fort. Anaxagore § 168. Aristote De l'interpr. II, 1, 2ob 1 : § 8 Anal Post. I 8, 75b 31: § 3 II, 2, 9oa 31 s : § 3 Top. III, 2, 117b 20-26 : § 9; VI, 6, 14 5a 4 : § 114 Phys. I, 9, 192a 25 : § 33 III, 6, 207a 13 : § I I 3 VII, 3, 248a 6-9: § 22o Gén. et Corr. I, 3, 31 8b 3I 1 : § 55 ; C. 7, 324b 17 : § 145 II, 3, 33ob 7-33 Ia 6 : § 31 De /'ame, I, 1, 402b 21 : . § 232 II, 4, 415a 26-29: § 98; 415b 3-7: § Il3 c. 8, 420b 11 : § 28 3 c. 12, 424a 19 : § 230 III, 2, 42 5b 2 5 : § 199 c. 4, 4 3oa 1 : § 2 29; 43oa 3-4 : § 199 c. 5, 43oa 14: § 115 c. 7, 43 1a 6-7 : § 143 C. 8, 431b 21: § 115
Du sens et de s. 1, 437a 3s : § 187. Hist. anim. VI, 18, 571b 12.S; §· 197• Métaph. I, 1, 98oa 21 et b 22s: § 187; 98ob 27: § 240 II, 1, 993b 9: § 41, 2.01 III, 2., 996a 29 : § 68 V, 15. 102Ia 29S: § 192 VIII, 3, 1044a 9s: § 192.. Ethique Nic. I, 1, 1094a 2 : § 13 5 ; a 4s : § q6 c. 6, 1098a 18: § 156 C. J3, II02.b 2.8-3 I ; § 241 II, 3. II04b 3S: § 176 VII, 1 5, 1 1 54a 2.6s : § 169. Polit. I, 2, 12pa 31-34: § 230. Augustin Cité de D., IX, 4-5 : § 228 (bis) XIII, 21 : § 186 Comb. chrét., II, 2 : § 2.1 2. Conf I, 1 : § 149, 172, 181 c. 4, 4 : § 218, 220 c. 6, 10 : § 14 IV, u, 18 : § 19 X, 2 I ' 44 : § 2 38 C. 2 7, 38 ; § 3O I XI-XIII: § 1
XII, c. c. c. c. c. c.
2,
3 : § 35
3. 3 : § 43 4. 4 : § 3 5. 37 5, 5 : § 40 6, 6 : § 29, 35' 37 7. 7: § 35 8, 8 : § 35
66o
INDEX DES AUTEURS
c. 9· 9: § 73 c. 17· 24: § 32, 43· C. Academ.: § 78 C. Faust: § 72, 227 Doct. chrét. : I, 32, 3 S : § 169, 2 99· 304 Enchir. : § 25 5 Enn. Psalm. jO, S. I n° 12: § 191 JI n° 8: § 190 7J: § 260 9) n° 18: § 190. Ep. IJO (a Proba) : § 76 . Ij8 (a Maree/.) : § 190 187: § 297 20J: § 262.
Gen. c. Manich. : §
1
I, 3 : § 65 11, 9-11: § 186 III, 1~ et IJ : § 72 Gen. s. lttt. : § 1 I, 1 : § 15, 29; c. 3-4 et 17: § 72 V, 23: § 98 VIII, 1, 1: § 186; c. 3:
§ 99 XI, 33, 43 : § 204 Gen. ad litt. L. imperf. : § 30 Lib. arb. : § ,5, 243 Maurs de f Egl. : § 297 Patience: § 218 Qmst. heptat. : § 91, 2 16, 22s-228, 248, 2s1, 213254, 2s6, 258, 262, 269, 216-211· 292,· 296, 303304. lj Quest.: § 5, 219 Soliloq. : § 206, 209 Tr .. ]ean, tr. CI n° s : § 297 Trtn. I, 8, 17: § 297
III,,4, 9: § VII~.
II~ ·
3. 4··:"§ 173
XI, 2, S : § 294 XII, 12, 17: § 186 c. 12, 18: § 199 XIV, 8, 11: § 115. Vr. Relig.: § IS, 140, 210,
pr. 9 : § 4, 47, 78, 149· 163, 164
§ 192, 228, 280.
..,;,
'}~ :"T
Averroes In De Coelo 11 comm. 49 :
§ i07 In Phys. IV c. 38: § 4o; c. 43: § 9
In Met. VII c. 5 : § 3 VIII, c. 12: § 40 XII, c. 14: § 4o; c. 18: § 83 Avicenne De anima I c. 5 : § 2 37 Metaph. III c. 5 : § 91 IX c. 4 : § 1o, 2 1 ; c. 7: § 115 X c. 6: § 243 De diluv.: § 132. Avicébron Fons vit. V, z4: § 27 Basile
§1 Bernard (s.) De consid. 11, 6, 14: § 279 Boece Consol. Phi/. JI poés. 5 :
§ 126, 290 prosa 3: § 74 III pr. 3 : § u6
§ 121 IV pr. 2 : § 121 pr. 3: § 124, 240 V po. S:§ 133 In Isag. Porph: § 199 Inst. arithm: § 192 pr.
300.
Aulu-Gelle
661
INDEX. DES· AUTEURS
::;':
11 :
Hilaire (s.)
§ 169 Horace
§ 248, z82, 286, 290 Hugues de St-Víctor
§ 211 Jean Chrysostome
Causis (L. de) prop. IV: § 141 prop. VIII : § 6 prop. XIX: § 69; 166
§ 46, 95, 140, 228, 273, 279, 284
J ean Damascene :::.::.
Cicéron
§ 268 Décrétales
§ 245. 256, 274 Denys (ps-Aréop.) Noms Div. IV § 4 : § 67
§
120,
238
Jéróme (s.)
§ 186, 225, 292, 304 Livre des XXIV Philosophes
§ 15 5 Macro be §33
Digesta (Justin.)
§ 205 Euclide
§ 31 Gerbert
§ 278 Glossa
§ 65, 133, 216, z2r, 276, 271, 292
Glossa in Decret.
§ 212 Grégoire (le Gd)
§ 91, 157, 249
Ma1monide Cuide des égarés Prooemium: § 33, 199, 288
. I,c:2 :§ n6, 202, 203; c. 64: § 64 II, c. 6: § 34; c. 7: § 117, 119 c. 11 : § 288; c. 23 : § 10 c. 31 : § 1, 17, 18, 29, 3 1, 47.67,70,92,93·94 Ill, c. 9 : § 33, 240 c. 13 : § 111, 289, 290 c. 14: § 120, 135.141 c. 25 : § 263-267 c. 5o: § 2 36; c. 52 : § 18 5
Office canonial (Répons)
§ 284
662
INDEX DES AUTEURS
Ovide
Stace § 281
§ 133, 207 «Papias» § 102
Thales
Pierre Le Mangeur (Comestor) § 102, 126
Thémistius § 120
§ 79
Salluste § 290
Thomas d'Aquin In IV Sent. d 49 q 1 a 1 . qla na : § 1 3 5 S. Theoi. ¡a P. q 9 a 1 ad 2: § 159 qq. 44-47: § 1 q. 47 a 1 : § 10 qq. 65-74: § 1 q. 67 a 4 ad 2 : § 67 q. 9 1 a 2 ad 2 : § 1 32 q. 94 a 1 : § 204 q. 114 a 2 : § 263 na-nae q. 95 a 7 : § 277 q. 188 a 8 : § 294
Séneque
Venantius Fortunatus
Platon
§ 3. 25, 31, 78 Proclus Élém. de théol. prop. I: § 114 prop. XI: § 14 Pythagoriciens
§ 192
§ 75, 126, 190, zu, .z.8o, 291, 295
De spiritu (ps.-Augustin) § 178
INDEX DES AUTEURS
el
anima
§ 97
INDEX DES AUTEURS ALLÉGUÉS PAR LES TRADUCTEURS 1-
PROLOGUES: COMMENTAIRES DE F. BRUNNER
(on désigne la page et en décimale la note) A. Autres reuvres d'Eckhart Comm. Genese: 107, 8; 133, 1 (§ q); 134, 2 (§ x6) et 1 (§ 17); 136, 6; 147, 4; 167; 171, 3; 173. 3; 182, 1 Paraboies Genese: 97; 133, x(§ 15); 158, x; 171, 3; 176; 182, 1 Comm. Exode : xo6, 4 et 5 ; 109; 109, 1O; I 15, 2; 13 1, 1 et 2; 138, x(§ 19); 146, 2; 148, x; 157, 2; 173, 2; 176, 8; 183, 2 Comm. Siracide: 15 5, 167 Pro/. OeNvre des expositions : 97 Comm. Sagesse: 103, 2; 111, u; u6; 12.2., 3; 126, 1; X:35. 3; IH, 2; 147. 4; 1p, 5; 157, 3; 163; 167, 4; 170; 175, 6; 177, 11; 186187 Comm. ]ean: 97; 103, 1; 107, 6; 115; 120, 2; 138, 3; 140; 141; 146, 3; 1~2, 1; 163, 2; 165, 1; 166; 171; 172, 7; 173. 3; 174. 5;
17 5, 6; 176, 8 ; 18 2, 1 ; 187, 1 Sermons iatins: 107; 108; 109, u; 112, 1; uo, 2; 137; 138, 3; 16o, 1 (§ 7); 164, 1 Co/1. Sentences: 148 Questions París. : 100; xoo, 5; 105; 139· 3; 174; 176, 9 Proces d'Eckhart: 102; u8 Oeuvre allemande (en général): 99-100 S ermons ali. : 1 11, 12 ; 1 59
lnstructions spir. : 101,
2.
B. Autres. auteurs Abélard : 12.9 Albert K. : 15 7, 2. Ancelet-Hustache J. : 101, 2 Anselme (s.): 101, 1; 130 Aristote, aristotélicien : 98; 1 O 3, 1 ; I 04; 1O 5; II7; ll8 ; 118, 8; 1 19; iz2, 4; 127; u8, 2; 130; 141; 145; 1 5O, 4; 1 51-1 52; l5 6; 1 59; 163, 2; 174; 177; 196
, INDEX DES AUTEURS
Auctoritates Aristotelis: 103, 2 Augustin (s.), augustinien: 98; 107; 109; 113; 114; 117; Izo; 131; 133; 134; q8; 141; 147; 147. 4; 148, lj 152; 159; 160; 161; 166; 167; 167, 5 j 17 3; 18 5 Ps.-Augustin, L. de spiritu el anima : 1 22, 3 Avicenne, avicennien : 98; 114; 117; 118, 10; 119; 120; 1 31 ; 151 ; 156 Bernard (s.) : 114 Boece: 98; 101, 1j 114; 136; 148; 163 Bonaventure (s.): 103, 1 ,• 13 5, 5 Cicéron : 1 14 Denys (ps-Aréop.): 147, 4; 159; 160 Fischer H.: 104; 113; 113, 3 Gilbert de la Porrée: 101, 1 Grabmann~ M.:· 101, 1
Hamesse, J. : 103, 2 hégélien : 104 Hissette R. : 1 3h 4 Jeán (s.): 159; 166; 186 Jean Damascene (s.): q6 Jérome (s.): 156 Kant: 99 kierkeggardien: 196 Koch J.: 112, i Libéra· A. de : 148, 1; 155, 2; 175,7
1 1
i
1
INDEX DES AUTEURS
Livre des causes : 1 2 2; 15 8 ; 167, 5; 172; 175. 6; 185 Livre des XXIV philosophes: 111, 12
Lossky VI. :
105,
3;
II 1,
n;
142, 1
Lyttkens H. : 119, 11 Ma!monide: 114 Maurer A. A. : 100, 5 ; 157, 2 néoplatonicien : 105; 128, 2; 145
Parménide et Mélissos : 1 56 pascalien : 1 96 Platon, platonicien : 103, 2; 117; 120, z; 121; 127; 13o; 131; 141; 1p; 196 Proclus: 121, 1; 122, z; 148, z; 158; 159;· t6o; 164; 167,5; 172; 188;188, 1
Quint J.: 101, 2 Séneque : 114 stoiciens : 129 Théry G. : 1oz, 4; 118, 9 Thomas d'Aquin (s.), · thomiste : 102, 3; 103, 1 et z; 104; 105; 105, 1; 1 12; 114; 115, 3; u7;· u8; 118; 8; 119; 12o; 122, 4; 127; 128, z; 134; 146, z; 148, 1; 149, 3; 1p; 159; 165, z; 167; 167, 5; 172; 172, 7; 174; 175; 177; 182, 1; 18 3, 1 j 190, 1 j 191 , .2 Weiss K. : 1 57, 2 Zavalloni R. : 176, 10
665
COMMENTAIRE DE LA GENESE (renvoi au §, la décimale précise la note)
2-
A. Autres reuvres d'Eckhart
§ 1]9
Paraba/es de la Genese § 1 : ici § 199, 1 § 11: § 2, 3 §18: § 205,3 § 22-26: § 19S. 1 § 2 f: § H, 3 § P: § H, 3 § JJ: § 199· 2 § J4: § 140, 2 § 47-62 : § I1 5, 2 § 48-JJ : § 66, 1 § J2-p : § 68, 2 §·u : § 68, 1; 203, 2 §JJ:§qs,1 § J9 : § 1 SS, 1 § 62-6] : § qo, 1 § 6]: § 135. 1 § 67: § 245, 1 § 8o-8;: § 135, 1 § 86: § 13S, 4 § 92: § 176, 2 §94et97 :§ 128, z; 135,1 § 98: § 244, 4 § 100-108: § 191, 3 §10]: § 178,.1 §11}: § II5, 1; 115,7
§ 11}-1}4: § 194~
1
§ 114: § 203, z; 245, 1 § 11J : § 1 53, 1 ; 24 5, 1 § 117-1}4: § 200, 1 § 121 : § 153, 1; 199· 2 § 122: § 195· 1 § 126: § 199· 2 §1}0: § 301,3 §1;8: § 115, 1; 188, 2; 229, 1
: § 11 5, 1 ; 1 1 5, 7; 176, 3; 185, 2 §1J9S: § 128, 2 § 140: § 115, 1; 301, 3 §141: § liS, 1; 188, z; 203, 2; 301, 3 §146: § 272, 2 § 149 : § 176, 3 §1¡2: § 115, 1; 199,7 §1¡;: § IIS, 1; 115, 7; 18 3. 1 § 1f4·: § 128, 2 § 1JJ: § 188, 2 §1JJs:§122,2 § 16¡ : § 177, 1 § 167 : § J40, 2 §ISO: § zo, 2 § 182 : § 1 p, 2 §184: § 258, 1 § I87 : § 13 z, 2 § 188: § 270, 2; 271, 2 §I9J: § 301, 1 § 19]-194: § 115. 1 § 1.96 : § 122, 2 § 200 : § 1 15, 1; 18 5, 2 §20}: § 120, z; 121, 1; 168, 1 § 204-212: § 288, 1; 288, 3 § 208: § 192, 4; 193, 1 §214: § 168, 1; 168, 2 § 2IJ : § 197· 4; 229, 1
Comm. du L. de 1' Exode
§ J-7 ! § 12 5, 1 ; 249, 1 § 14-26: § 298, 2 § 1J: § 29, 7 § 16: § 7. 1 § 1J : § 173, 1
666
·:
INDEX DES AUTEURS
INDEX DES AUTEURS
§ q-18: § 143. 1 § 21: § 243. 1 § 24: § 143. 1 § 2.9 : § 1 3S, 4 §.JI:§ 1s9, 2; 299, 2 § ).9 : § 270, 2 § 12: § 16o, 3 § J4: § 128, 2; 270, 2; 283, 2 § JJ: § 270, 2 § 16: § 270, 2 § 17 : § 229, S ; 27o, 2 § ¡8: § 88, 4; 270, 2 § 6o: § 135. 4 § 6¡: § 177, 1 § 71: § q6, 2 § 88-92 : § 15 5' 2 § 91 : § 108, 1 §98: § 233,2 § 120-12): § 159. 2 §128:§172,1 § 1)2: § 193, 1 § 1)4 : § 28, 1 ; 90, 1 § 1)7 : § 140, 2 §1)8; § 28, 1 §1)9: § 16o, 3; 199, 2; 229, 1 § qo : § 16o, 2; 2 33, 1 ; 2 33· 3 § 147; § 4, 1 § IJJ: § 197, 2 §1¡8: § 143. 1; 144, 3; 1 6o, 3 ; 17 2, 1 · § 11.9 : § 1 6o, 1 § 161 : § 143, 1 § 1 6) : § 61, 1 ; 11 5, 1 ; 166, 1; 300, 2 § 16¡ : § 270, 2 § 166 : § 299· 2 § 169: § 4, 1 § 174-17J: § I 59, 2 §J7Ó.: § .6.8, } § 188-228: § i47, 2
§ 201 : § 244, 4 §20)! § 231, I § 207-208: § 245, 1 § 2/0: § 169, 1; 197, 1; 233,4 § 217 : § 190, 1 § 224 ; § 115, 1 § 226: § 203, 2 § 227 : § 1 8 5, 2 § 228: § 233, 4 § 2)7 ; § 300, 1 § 244 : § 224, 1 § 241 : § 176, 2 § 241-247 : § 246, 1 § 262: § 33, 3 §261: § 135, 1; 189, 1 §274:§239,1 . § 277 ; § 1I 5, 1 ; 1 1 5, 7 Comm. du Siracide § 18S : § 1 70, 1
Comm. de la Sagesse 1; I .
12 5,
1; .
i49,
§ 7: § 246, 1 § .9 : § 124, 1 §1.J:§u5,u § 14-17: § 136, l. § 1.9: § 143, 3; 14s, 2; 160,
§ 21 : § 1!>•
1;
244, 4
§22-2): ~ 155, I §2): § 136, 3 § 24 : § II 2, 2; 244, 4
§.JI : § 229, 1 §p:§u5,2 §.J.J! § 136, 1 §.JJ! § B• 1 §.JI-)7: § 12, 2; 153, 1 §)6: § II9, 1; 135, 4 §)9: § 173· 1 § 40 ! § 12, 2; 1 53, 1 § 49; § 1j3, 1 § 12-J4: § 128, 2 -··
§ 6) : § 176, 3; 224, § 64 ; § 20, 1 ; 20, 2 § 70: § 176, 2 § 71: § 1 p, 1
1
§ 72 : § 119, 1; 155, 1 ; 166, 1 §72-1): § 12, 2; 153,1 §7J: § 176, 2 §79: § 176, 2 § 80: § 1 p, 1 § 82: § 246, 1 § 84: § 1!)7. 4 § 9)-91: ~ 192, 5 § 97: § 88, 5 §98: § 173· 1; 176,2 § 108: § 223, 2
§ 20 : § 1 j5, 2 § )8: § 33, 3; 128, 2 § 44 ; § 149, 1 § 46: § 16o, 2 § 48: § 169, 3 § J4: § 166, 1; 300, 2 § 16s: § 169, 3 § 299 : § 168, 1 § 1 : § 86, § 6: § 68,
§ 2J: § 16o, 1 §27: § 1 36, 5 ; 1 4 1, 4 ; 149, 1; 155, 1; 160, 1; 246, 1 § 2.9 : § 163, 1
1
1
§ 110: § 88, 4 § 111: § i 58, 3 § 112: § 158, 3 §114!§173,1 § 1 l7 : § 1 77, 1 § 124 : § 246, 1 § 121: § 143. 2 §121-I.J.J: § 15 8, 2 § 12.9: § 160, 1; 16o, 3 § 1)2 : § 1 59, 2 . § 1)1: § 166, 1; 300, 2 §1).9 :§ 300, 2
§ 140: § 128, 2; 135, 3 § 140-142: § 172, 1 §14): § IIS, 1 §148:§1s8,3 § 148s: § 127, I §11.9•: §.·14>7 2 § 167-200: § 63, 1 § 169 : § 148, 1 § 172 : § 16o, 1 §17¡: § 140, 2; 148, 1; 170, 1 § 17JS: § 128, 2 § 177: § 14S, 2 §178: § 205,4 § 17.9 : § 169, 5 § 180 : § 148, 1; 176, 2 § 182 : § 16o, 3 § 18) : § 152, I § 184 : § 244. 5 § 1.90 : § 16o, 3 § 191 : § 86, I; 109, 2 § 1.91 : § 169, 1.; 176, 2 § 197: § 153, 1 (bis) § 1,97S : § 12, 2 § 200 : § 153, 1 § 202: § 141, 4 § 201 : § 88, S § 220: § 136, 4; 2o6, 2 § 2)1 : § 15 3, 1 § 2)1-2)8 ·= § 12, 2 § 2)8 : § ll_9, 1 § 246-24.9 : ~ 193· 1 § 247 : § 24 5, 1 § 2J4-2JJ ! § 136, 4 § 2J7: § 14S. 2 §260: § 137, 1; 145. 2 § 262 : § 13 S, 1; 178, 1 § 26) ; § 88, 5 § 266 : § 1 99· 7 §270: § 178, 1 § 28os: § 16o, 3; 166, 2 § 281 : § 1 58, 3
668
INDEX DES AUTEURS
§ 2S7s: § 28,
1
§ 2S9 : § 178, 1 § 291 : § 166, 1 § 292 : § 20, 1; 146, 1; 1p, 1
§ 299 : §
1 12, 2
Comm. de f Évang. de Jean §ro:§115,1 §IIs:§us,2 · § 12: § 61, 1 § 14-22: § 176, 3 § rS: § 16o, 2 § 19: § 20, 2 §2p:§us,1 §)O-ji : § 140, 2 §;r :§ 168, 2; 171, 1; 237,3 § }4: § 168, 2 § 42 : §• 1 p, 1
§ 4J: § 1 Ss, 1 § J2S : § 1 36, 1 §JJ: § 13S. 4 § Jl: § 199· 7
§ 6o: § 1 s2, 1 § 6S: § 177, 1 § 70-72 : § 16o, 2 § 1J: § 136, 1 §S;:§ 188,2 §S¡: § 176, 3 § SSs : § 206, 2 §9r:§x36,1 § 9} : § 166, 1 § 94: § 192, S § 97 : § 13 5' 4; 179. 2; 179· 3 § 10}: § 173. 1 § 107 : § 199· 5; 199· 7 § IOJS : § 130, 1 §roS:§ 13s, 1 § 109 : § 199· 7 § III: § 203, 2 § II 2 : § 179, 2 ; 1 79, 3 §I.-?.9: .§ 1.~9, -1; 163, 1; 165, .! ; 233, 1; 246, 1
INDEX DES AUTEURS
§r;S:§11s,2 § 1)9-141: § 183, 1 §r41: §liS, 1; 192, S § 1 4)S : § 246, 1 §r4¡: § 131, 2 § 1 4s : § 1 3 1, 2 § IJI: § 13S, 4; 166, 1 § IJJ: § 192, S § 162 : § 136, 4 § 169 : § 176, 3 § 110: § 16s, 1; 167, 1 § 11J : § 288, 1 § 111 : § 176, 2
§ rSo : § 33, 1; 33, 2 § rSo-rS2: § 272, 1 § rSr: § 33, 3 § rS2 : § 16o, 1 § rS2-1S): § 195, 1 § rS¡: § 24s, 1
§ rS6: § 233, § 194 : § 1 1 S, § 19J : § 300,
2 2 I
§20J: § 144. 3 § 2o6-2oS : § 244, S § 206-2/f: § 172, 1 § 201 : § 15 8, 3 § 224 : § 1 89, 1 § 22J: § 176, f . § 226 : § 1 S2, 1
§ 2)2 : § 130, § 2)S : § 13 S. § 244 : § 169, § 24S : § 176,
1 1 ; 300, 2 1 1 § 26¡ : § 192, 4; 203, 2
§ 26j-26S: §
1~)3. 1
§;o;:§ 270, 2 § )04 : § 300, 2 §;o¡:§ 168, 2 § )06 : § 20 5' 4 §)07: § 177· 1 §)12: § 169, 5 §pS: § IIS, 1; 168, 2;
185.
2
§}2J: § 9, 2; 143, 3
§;;o:§ q6, 1 § }}9 : § 1 S2, 1 § )40-)41 : § 176, 3 § )64: § 136, 4 §370: § 16o, 2 §}1r: § 15S, 2 §}7;: § 171, 1; 177,1 § }1J : § 144. 2 § J9J : § 1 SS, 1
§ )96-)91: §
33. 3 §401: § 199, S § 409 : § 149, 1; x6o, 3;
246,
1
§411: § 171, 1 § 419·420 : § us,
1
§ 440 : § 36, 1 § 4!4 : § 1 12, 1 § 466 : § 1 99, S §414= § 169, 1
§ 4S4: § 68,
1
§¡o¡:§ 199,7 §¡oS: § 130, 1
§¡r;s:§127,1 § JI 4S : § ll 5, 2 § J 11 : § 1 32, 2 § ¡rS: § 120, 2; 168, 1 § J26: § 88, 4 § J21 : § 1 32, 3
§ J)I: § 33.
1
§ J40: § 2S, 2 § /41: § 90, 1 § J49 : § I I S, 3 § JJ2 : § 2 31, 1 §JJ}: § 20S, 3 § JJ4: § 86, 1 §JJJ: § 108, 1 §JJ7-JJ9: § 1SS. 1 § !!9: § 173, 1 § JJ9·J62: § 128, 2 § ¡62: § 90, 1
§ J72 : § 246, 1 § JN : § 16o, 1; 16o, 3 § Jlf: § 158, 3; 301, 2 § ¡S2: § 1p, ; 171, 1 § ¡S;-¡S4: § 177, 1 §¡S¡: § 176, 2 § 604 : § 15 S, 1 § 626 : § 220, 3 § 6)9: § 28, 1 § 647: § qo, 2; 16o, 3 § 6¡S: § 168, 2 § 67)S : § 13 S, 1 § 677 : § 115, 13 ; 130, 1 § 67S: § 168, 2 § 679: § 178, 1; 199, 7 § 6Sr : § 130, 1 § 6S9: § 191, 1 § 698 : § 240, 2
S ermons latins 2 §}: § 183, 1 4/I § 21: § 19, 2; § 2): § 143. 4; § 2S: § 299· 2 4/2 § JO : § 299, 2 6/r § JJ: § 173, 1
6/J § 64 : § 13 S, 1 6/4: 169, 2; §· 66-67 : § 169, 3; § 67: § 108, 1 S§ SS-90: § 299, 2; 300, 1 9 § 96 : § 299· 2; § 97: § 33. 1 II/r § II4: § 177, 1; § IIJ: § 18s, 2 II f2 § r 11 el r20 : § 1 3 S, 12/2 § 140: § 124, 1; § 144: § 300, 1; § 14J: § 178, 2 r6 § r6;s : § 124, 1 21 § 202 : § 1 S3, 1 22 § 213: § 185, 2; ·
1
INDEX DES AUTEURS
§ 214: § 168, 2 2) § 220, 222 : § 19, 2 2J/I § 2J8: § 7, 1 2J/2 § 262 : § 173· 1 28/1 § 279 : § 140, 2 28/2§28},287-289 :§ 140,2j § 290 : § 136, 1 29 § 29J·JOJ: § 26, 1; §JOI-)OJ: § 112, 3 j 185, 2 JI§ )22: § 157, 1 40/4 § 404: § 153. 1 41§416:§ 16o, 3; 170,1 4J § 4JO: § 7, 2 i §4¡8:§155,1 46 § 418: § 191, 1 49 ¡2§j09-J12 :§ 1JS,·1 JO § f/4: § 199, 7 . J4/I § J28: § 168, 2 JJ/4 § 147 : § 300• 1 .Questions Parisfennes
I: § II, 1; 168, 2 § 4: § 68, 1; 112, 3; § J : § 168,, 1; § 1 : § 199, 7;
§ 10 : § 168, 1; §
II :
§ 128, 2j 283, 2j §¡8:
§ 68, 1 II§;: § 143, 3; 199, 7 § 6-7 : § 115' 1; 130, 1
IV§ 4: § 9, V§ J: § 12,
2
2
Sermons al/emands 2:§115,1 6:§176,2 8: § 243. 3 9= § 155. 1j 166, 1j 168, 2j 300, 2 /2:§155,1 IJ: § 126, 6 Ija ~.§ LI, 2 .• If: ~
f
~-.
§
300, 1
16b:§us,9 IJ: § 300, 1 20a : § ll5' 1 ; 299· 2 20b: § 115. 1 21 : § II, 2; 1 S8, 3 22: § 11, 2 24: § 11 S, 3 28: § 15 3. 1 ;8: § 132, 2 }9 : § 13 5. 1 86: § 177. 1
L'Homme noble: § 135, 1; 245. 1; 301, 1
L. de la Consola/ion:§ 173, 1; 177· l Expos. de I'Oraison dominica/e: § 140, 2
Conjér. sur les << Sentencen> : · § 206, 2 B. Autres auteurs
Adelard de Bath § 86, 1 Agaesse P. et Solignac A. § 182, 1 Alain de Lille § 174. 2 Albert le Gd L. de sex princ. : § 164, 1 Phys. IV, 1, 10: § 49, 2; 52, 1 . V, 1, 9 : § 143. 3; 163, 1; tr 3, 6-8 : 163, 1 De Coelo et m. II: § 29, 4i p, 1 ; 49, 3 ; 49, 5 ; So, 2; p, 1j 103, 1j 107, 1j
INDEX DES AUTEURS
109, 1 IV:§ s8, 1 De causis prop. elem. : § 29, 4i 49, 4i 50, 1 De gen. et corr. I : § 49, 1 II: § p, 1; 103, 1 Meteor.: § 29, 4; 51, 1; SS, 1j 57, 1j s8, 2 De miner.: § 132, 2 De anima I, 1, 1 : § 188, 1; tr 2, 3 : § 86, 1 ; 168, 2 III, 1, 1: § 188, 2j tr 2; 4 : § 1 82, 1 ; tr 3, 3 : § 168, i. Desensuets. :§ 187,3 De veget. : I, 1, 7 : § 19 5, 1 ; c. 12-13: § 19S. 1 II, 1' 1 : § 19 5' 1 IV, 3, 1 : § 19 5, 1 De animal. I, 2, 2: § 193, 1 IV, 2, 4: § 195, 1 V: § 195, 1 VI, 3, 1 : § 197, 1 IX : § 1 9 5, 1 ; tr 1, 2 : § 2 52, 1 XII: § 195· 1 XV : § 2 52, 1 ; tr 2, 8 : § 1 97. 4 XV-XVII: § 19s, 1 XVI, 12, 67: § 182, I XVII,·2, 4: § 107, 3 XIX, 5 : § 188, 2 Ethica I: § 203, 2 Super L. Eth. II: § 176, 1 Metaph. I, 3, 3 : § 168, 2; c. 12 : § 12 7, 2 ; tr 4, 1 3 : § 192, 3 IV, 3. I : § 168, 1 Post. Is.: § 187, 2; 206, 4; 229, 2 In ]oan. 12: § 132, 1 De nat. boni : § 52, 1
In Sent. Id 1 a 20 : § 90, 1 JI! d 13 a 4: § 189, 1 . IV d 22 a 1 : § 2 59, 1 In Dion. De C. Hier. c. 15 : § 189, I In Div. Nom. c. 4 (Alb. § 21): § 172, Ij (§153): § 13 6, 1 ; (§ 1 5S-15 6) : § 136, 2j (§ 157): § 20S, 4; (§ 164, 167, 175, 185): § 136, 2j (§ 215): § 136, 1 c. 8 (~ 19): § 127, 2 Algazel
§
21, 2
Ambroise
§ 5,
1 ; 29, S; 8 8, 5 ; 12 5, 3 ; 186, 1; 191, 1; 205, 5
Aristote Post. Anal. I, 8, 75 b 31 :
§ 3.
5
II, 2, 9oa 31-34: § 3, 4 Phys. I, 4, 187a 12: § 29, 6 III, 3, 202b 10-x4: § 24, 1 VII, 1, 242a xss: § 143, 2;c. 3, 247b 1s :§ 124,1 VIII, s, 256a 4s: § 143, 2; 256b 24-27: § 168, 2; c. 8: § 233, 1; 264a 27: § I5 8, I Du Cíe/ II, 2, 284b 28 : § 9. 2 Gen. et corr. I, 7, 324b 17: § 163, I De l'áme I, 2, 4osa 13-17: § 168, 2 III, 4, 429a 18-26: § 168, 2 · Hist. anim. VI, 18, S7tb
INDEX DES AUTEURS 125 : § 197. 1 Gen. anim. II, 3, 737a 2.85: § 153, 1 III, II, ¡6th 2.0-2.1 : § 107, 3 IV, 3, 767b 95: § 153, t; c. 6, 775a 5 :§ 153,1 Métaph. 1, 2, 982b 2.6 : § 176, z.; c. 8, 989b 145: § 168, 2. IV,¡, 1012a 23 : § 3, 3 V, 15, toua 2.95: § 199· 6 VII, 1, 1028b 11: § 3, 2; c. u, tonh 1o-12. : § 3, 3 XII : § 15 2, 1; c. 4, 107ob 2.5:§4,1 Eth. Nic. 1, 13, 1102.b 30 : § 2.03, 2. III, 1-3 : § 261, 1 VI, 12.-13, 1 I44h 32.II45a 2. : § 88, 5 VII, q, 1154a z.6: § 169, 1; b 135: § 169, 1 VIII, 1, unh 7-8: § 136, 4 Polit. 1, 5, 12.54h 3-4: § t6¡, 1
Aristoteli's ( Auctoritates) § 9, z.; 168, 1 Augu5tin (5.) De bono vid. : § 169, 1 Cité de D. V, 5-6 : § 193, 1 VII, 3-4: § 193, 1 IX, 4 : § zz8, 3 XIII, 2.1 : § 186, 2. XV, 2.7: § 2.2.5, 1 XVI, 2.9: § 2.2.7, 1; c. 30 : § .,2.60; 1 . ~ _.Conf. '1, 1, 1: § 149, ¡
III, 6, 11 : § 300, 3 IV, 9, 14: § 2o6, 1 V, 2, 2. : § 2. 10, 1 XI, ¡, 9 : § ¡, 1; C. 10, IZ-1 3, 16: § 7, 2. XII, z.o, 29 : § s, 1 Doct. chrét. : § 1 30, 2. Enchir.: § 153, 1 Enn. in Psalm. JO s. 1 n° 12. : § 191, 2 7J n° 16: § 2.6o, 2 Epist. r87: § 185, 1 Gen. c. Manich. 1, 20: § 1zz, 1 ; c. 2.1 : § 12 7' 1 ; c. 2.2.-2. 5 : § 142, 1 II, 9-11 : § 186, 2 Gen. s. litt. 1, 12, z6 : § 94, 2 II, 1' 4 : § 6, 1 ; c. 6 : § ¡, lj C. 10, 23: §193, 1 j C. 14, 2.9 : § 19 3, 1 IÍI, 2.4: § 127,1 IV, 8-20: § 142, 1; 166, 1;c. 8,15 :§ 173, 3; c. 9· 16: § 174. 2.; C. 12, 22-23: § 147, l; 1 54, 1 ; 16 3, l ; C. 33, 5I52. : § 9· 4 V, 4. 1 : § 15 4. 1; C. 5, 12. : § 16o, 1; ibid. n° 12.-16: § 2.37, 5; c. 20, 41: § 154. l; c. 2.02.3: § 12.1, 1 VIII, 1, J: § 186, t; C. 12, 2.5 : § 146, 1; C. 12.13 : § 194· 1; c. 2.3-2.6: § 12.1, 1;c. 2.6,48 :§61, 1 IX, 3, 5 : § 194, 1 ; c. 10, 16 : § 19Q, 1 X, 3, 5 : § 1 54. 1 XI, p, 11 : § 190, 1; c. 34. 4 5 : § 2.08, l ; c. 35.47: § 2.0j, 5; 2.06, 5
INDEX DES AUTEURS
Musique: § 192., 1 Révis. : § 2.2.6, 2. S;Quest. :§ 3, 1; 5,4; 2.5,1 Tr. Ev.Jean 1, 13: § 136, z.; LII, 1 : § 2.03, 3 Trin. III, 2., 7 : § 130, 2.; C. II, 2.5 : § 2.69, 2. IV' 1, 3 : § 7' 3 VI, 1' 9 : § 7. 2.; c. 4. 6 : § 88. 5 ; c. 1o, 12. : § 5. 2. VIII, 3. 4: § 173, 3 XII, 12,. 17: § 186, z.; 2.45, 1; ibid. n ° 1 8 : § 2. 57•" 1 Ps-Augu5tin, De spiritu el anima § 166, 1 ; 189, 1 Aulu-Gelle § 192., 1 Averroe5 § 2.1, z.; 107, 3; 12.0, z.; 16o, 1; 16o, 2.; 168, 1 Avicenne § 115, 7; 149, 1; 153, 1; 169, 4; 188, 1; 2.92., z.; 2.9 3• 1
Boece § 146, 1; 2.09, 1; 223, 1 Bonaventure (5.) § 61, 1 ; 189 •. 1 ; 2. 59· 3 Bulle «In agro dominico» § ¡, 2; 177, 1 Campanu5
§ p, 4 De causis (L. de) prop. 111: § 2.1, 2. prop. IX:§ 12.1, 1; 2.72, 1 prop. XX : § 272, 1 Calcidiu5 § 31, 1 Charland Th.M.
§ 28 5,
1
Chartul. Univer5. Pari5
§ 1 S5.
1
Chenu M.D.
§ 2., 3 Cicéron § 8 8, 5; 211, 3 et 4
Basile de Cé5arée § 13, 1 ; 17, 1 j 2.9, 5 j 71, 1 j 13 2., 1
Davy M.M.
Be de
Delhaye Ph.
§ 8, 12.0, 173. 2.59.
2.; 71, 1; 88, 1; 94, 2. j 1; 12.4, 2.; 142., 1; 3; 190, 1; 2.06, ·3; 2.; 2.86, 1
Bernard (5.) § 169, 1 j 176, 2.j 189, 1
§ 189, 1 § II5,
11
Démocrite § 192., 1 Deny5 le p5-Aréopagite
§ 15 9,
1;
17 5,
1
INDEX DES AUTEURS
674
ND c. 1 § 6 (¡96A): § 299· 1 c. 2 § 1 ( 6;6C): § u S, 1 c. 4§7 (7o4A): § 2, 4 · § 10 (70JB): § 172, 1 § 19 (p6B) : § 127, 1; (716C): § 205, 4 §JO (7}2A) : § 136, 1 § 32 (7JJA): § zo5, 2 c.¡ (SqC) : § 143, 3; § J (82oB): § 3, 1 c. 7 § 2 : § S4, 1 Dietrich von Freiberg § 4, 1; 11 5, 12; 192,
Éphésiens V,
INDEX DES AUTEURS
Godefroid de Fontaines Gratien
§ 2 59· 3
J ean Damascene
Grégoire de Nysse
§ 1S6, 2; 261, 1 et 2
§ 115, 11
Grégoire le Gd § 61, x; SS, 5; xq, II; 146, l; 256, 3
}2
Henri de Gand
Épiphane de Chypre
Hilaire (s.)
§ 130,
Étienne de Bourbon Gennade 1
Geoffroy de St-Victor
Hugues de St-Cher Postilles : § 3, 1 ; 3 5,
§II5,11
Gilles de Rome § 7, 2; 10, l; 2 I, 2
Glossa § 7~ 1; 190, 1; 255, x; 260,":1;. 292, l.
120, 191, 25S, 276,
1; 2, x; I)-
174, 194· 259, 2S6,
z; l; 1; x;
Klein A;
§ 61,
Hugues de St-Víctor § 13, 1; SS, 1; SS, 3; 142, 1; ' i j3, 1
§ 236, 2
Némésius § 120, 3
H· 5
§ 296, 3
2;
Mojsisch B. § 115, u
2
Josephe
115, 1., 120, 1; 122., 2; 142, 1., 149. 1., 25 3· 1; 25 5. 1. 256, 1. 25 8, 1; 2 59. 1.' 26o, 1.' 276, 1 ; ' l 2S6, 1; ' 296, 3; 29S,
§ 162, 1; 203, 4; 243, 1; 245. 3; 291, 1
Nautin P.
2.96, 2
Honorius Augustodunensis § 103, 2
Malmonide, Cuide des Égarés
5, 4; 5, 5 ; 7, 2 ; 7, 3; 20, 3; 61, 1~"-7S, 3; 115, 11; 17S, 2; 209, 3; 1;
Jérome (s.) § 3, x; 17, 1; 77, 1; SS, 1; SS, 3 ; 1 S2, 1 ; 1S6, 1 et 2; 22.7, 1; 2S4, 1; 292, 1;
2
112, 2; 115, n; 192, 4; 193· 1
Mun k
Jean Scot Erigene
7. 3; 20, 3
Hissette R. § 6, 3
§ 15. 1
§ 101, 1
Jeauneau E.
§ 155, 1
1
Jean de Sacrobosco
§ 2, 4; 4,
Guillaume d' Auvergne
Épiphane § 7. 2
§ IS2,
§So, 1·; 106, 1; 115, u; 1S9, 1; 194, 1; 229, 2; 2p, 2 et 3; 26o, 1
§ 2 59. 3 Guillaume de St-Thierry § 1 s9, l
§ 194, 1
§ 77>
Isidore de Séville
§ 130, 1
1 -
Lactance
§ xS6, 1 Libera A. de § uS, 2 Lossky VI. § 300, 1 Macro be § 21, 2; 31, 2; S6, 1 ¡ 1O 1, 1 ;
§ 17, 1
Nicolas de Lyre §So, 1; SS, 3; 12.5, 3 Origene § 5. 1; 5. 5; 71, 1; 77, 1; 126, 1; 171, x; xS6, 1; 1 S9, 1 ; 22 5, 1
Pagnoni-Sturlese M.R. § 115, 6 Pierre Abélard § 177, 1 Pierre de Riga
§
22 5.
3
Pierre Lombard, Sentences /d;:§II5,1 - d 8: § 171, 1 d JI: § 130, 2 d;¡ :§ 115, 1o; 136,1 d 4/: § 219, 1 d 46 : § 1 36, 1 ; 1 53, 1
p··
.676
- .......... -- .....
~
- - - - · · . -·
INDEX DES AUTEURS
II d 2: § 13. 1 d 12: § 142, 1 d13: § 71,1 d 14: § 88, 1; 94. 2 d 1J: § 121, 4; 127,
Tempier (Étienne)
§ 6, 3 1;
131, 1; 142, 1; 1~0, 1; 154, 1 d16:§115,8 d 18: § 182, 1; 194, 1 d 20: § 194· 1
d 23: § u6, 1 d 24: § 245. 1; 257, 1 d JO: § 190, 1 d JI: § 182, 1 l/1 d 13: § 185, 1 d Jj: § 274. 1 IV d 22 : § 2 59, 2 et 3 Platon (Cratyle)
§ 192,
1
Priscien § 251, 3 Proces de Cologne (documents éd. Théry, Daniels) § 7, 2; 21, 1; 25.2 Proces d' A vignon § Cf Bulle «
§ 155.
1
Siger de Brabant
§ 6,-i;~Ío, i."
Tertullien § 182, 1 Théophile d' Antioche § 17, 1 Thibault de Langres
§ 88, 3 Thomas d' A quin Écrit sur Sent. 1 d. 1 5 q 3 a 2 : § 1 6o, 1 II d 12 a 4 : § 2q, 6 d 1s q ~ aa 2-~ : § 142, 1 d qq2a 1 :§182, 1 d 18 q 2 a 1 et 3 : § 182, 1 d 19 q 1 a 3 : § 21, 2 d 28 q 1 a 1 : § 205, 2 JI/ d 14 a 1 sol II : § 115, 12 d 26 q 2 a 3 sol. II : § 144, 2 d 29 a 4 : § 176, 2 d 3s q 2 a 1 : § 189, 1 d 36 q 1 a 5 : § 13 5.3 S. c. Gentiles I ce. 38-40: § 173, 2 c. 40 : § 17 3, 1 c. 73 : § 146, 1 c.78: § 12, 2; 136, 4; 153. 1 c. 8s :§ 12, 2; 153,1 c. 91 : § 169, 1 II c. 9 : § 146, 1 c. 42: § 21, 1 c. 68: § 183, 1 c. 73: § 145, 2 c. 8 5 : § 1 8 5, 1
...
······--
.
---~----
INDEX DES AUTEURS
c. 86-89: § 182, 1
III c. 7-9: § 136, 1 1 1 : § 21, 1 13-14: § 136, 1 c. 17-18: § 152, 1 c. 24 : § 120, 2 C. 64-65 : § 1p, 1 c. 66 : § 16o, 3 C. 71 : § 21, 3 c. 77-79: § 121, 1 c. 94 : § 1 53' 1 Quest. Disp. de Veritate q2a2:§II5,6 q 3 a 1 : § 5, 2 ; 5, 3j-"a C.
C.
§ xss. 1 q 5 aa 8-9 : § 1 2 1, 1 q 20 a 3 : § 1 1 5, 6 Quest Disp. de Potentia
2 :
q3a6:§21,3 q 4 a 1 : § 29, 6 q 8 a 2 : § 1 99, 6 Quest. Disp. de Malo q 1 a 2: § 21, 3 S. de théo/. ¡a P. q 2 a 3 : § 120, 2; 143, 2 q 3 a 2: § 219, 1; aa 3-4: § II5, 1 q4a1:§55,2 q5 a6: § 145,2 q 6 aa 3-6 : § 13 5, 3 q 8 a 1 : § 149, 1; a 2 : § 166, 1 q 9 a 1 : § 1 59, 1 q 12 a 6 : § 179, 2 q 1 5 a 2 : § 1 53, 1 q 17 a 4: § 21, 3 q 19 a 9 : § 15 3, 1 q 22 : § 15 2, 1; a 2 : § 21, 3 9 47 a 1 : § 10; a 2 : § 127, 2 .
q 48 aa 2-3 : § 21, 3 q54a2:§1q,s q 59 a 4: § 219, 1 q 6s a 1 : § 88, 1 q 66 a 1 : § 29, 5 q 68 a 1 : § 67, 2 q 69 a 1 : § 29, 6 q 72 a 1 : § 183, 1 q 73 : § 142; a 1 : § 1 p, 1; a 2: § 144, 2; 16o, 1 9 74 a 2 : § 29, 6; a 4 : § 136, 4 - q 76 a 1 : § 12, 3 ; 18 3, 1 q 79 a 2 : § 1 15, 1 2 q 81 a 3 : § 167, 1 q 91 a 1 : § 18.8, 2; a 3: § 197· 2 q 92 a 1 : § 15 3, 1; 188, 1 q 93 a 6: § 121, 1 q 96 a 1 : § 1 22, 1 q 103: § 12, 2; a 1 : § 127, 2; a 2 : § 15 2, 1 q 104 a 1 : § 1 p, 1 q 110 a 1: § 121, 1 S. théo/. ¡a_IJat P. Prol. : § 120, 3 q 1 a 1 : § 131, 1; a 2 : § I 20, 2; a 4 : § 1 3 1, 1 q 55 a 4 : § 20 5, 2 q 59 a 4 : § 203, 2 q 66 _a 6 : § 169, 3 S. théol. l/0 -l/at P. q 19 a 4 : § 176, 2 q 47 a 6: § ·205, 2
Cat. aurea in Matth. : § 140, 2 Expos. in Ev. johan. : § 1p, 1 Expos. in Phys. III lect 4 : § 24, 1
INDEX DES TFIEMES
INDEX DES AUTEURS
IV lect 7 : § 9, 2 VII lect 2 : § 143, 2 VIII lect 9 et II-12 : § 143. 2 Expos Metaph. V lect 1 7'! § IJ9• 6 XII lect 7 : § 169, 3 ; lect 12: § 152, 1 Sent. L. Ethic. I c. 20 : § 20 3, 2 Expos. Politic. I c. 3 : § 230, 2; c. 5 : § 167, 1 III c. 5 : § 167, 1
Expos. L. Boeth. de Hebdom. lect 5 : § 146, 1
Ulpien § 257, 2 Victorinus (Marius) § 115, I l Zum Brunn E. §II5,6
INDEX DES THEMES DOCTRINAUX 1.
COMMENTAIRE DES PROLOGUES PAR F. BRUNNER
(référence
a la gage, en dédmales a la note)
accident: IIO-II1; II4-121; 123; 139; 144-146; 155; 162; 183; 188-189; 193-194. Opp. substance, terme général, transcehdantal adjacent (deuxieme ou troisieme): 1so; 192.-194; voir prédicat ame: 122.; 173-174; 176
amour: 1o6-1o8 analogie: II8-II9; 142., 1; 155-q6; 179 antérieur- postérieur: 114-116; 12.1; 12.3; 154; 16o; 163-165 (syn. supér. - inférieur) bon: 104; 16o; 187; et passim cause : analogique, univoque : 179 premiere, seconde: II6; 118; 12.5; 12.7-128; 151; 165-168; 172.; 180-181; 185-192; 194 quatre causes, causes subordonnées : 190-191 ceci (hocouhocethoc): 148-154; 161; 167-168; 178, 1; 180-182.; 185-186; i89; 192.-194; voir étant, etre, forme, essence collatio :101, 2; II 2.
commencement et fin : 137-140
68o
INDEX DES THEMES
INDEX DES THEMES
commun: 107-108; 164-165 (syn. indistinct) copule: 149-150; 154; 18o; 186; 192-193
·¡
•
conversion essentielle: 188 création (active): 117; 125; 127; 132-140; 152; 187 créature: IIO-II2) 118; 121; 123; 141-142; 144; 151-152; 154-155; 161; 170; 179-18o; 185; 192-195;voiranalogie,ceci, essence, étant, etre forme, essence devenir : 134; 186
681
universellement désiré: 117; 119 opp. a l'étant participé: voir étant opp. aJ'etre limité: 159; 162; 168-169; 178-179; VOÍrétant etre de la créature: II2; 116; II8-12o; 123-125; 128; 136; 142; 154-156; 180-181; 186-187; 193-195; voir analogie, intérieur - ext. etre double de la créature : 13 6, 6; cf. 152 opp. a la forme (ou a l'etre formel ou etre-ceci pris comme ceci): 117; 148; 165-166; 173; 176-177; 181; 186; 19o; voir es sence se dit de tout : voir tout voir Dieu, étant, terme général, transcendantal exégese: 97; 133; 140-141; 145; q8; 177
Dieu : est etre o u étant : 11o; 124 et la suite; 153 et la suite; etc. opp. au non-etre; voir etre son existence: 128-132 étemel: 137-138; voir 120; 132; 161 opp. a la créature; voir ce mot estletranscendantaJ: 105-106; 110-111; 142; 1p; 153;etc. cause unique du transcendantal dans la créature: 116-117; 123-124; 133-134; 153; 15 5; 162-169; 187 cause immédiate du transcendantal dans la créature: 109; II6-u7; 153; 155; 169-179; 181; 186; 193; 195 voir création, etre, perfection spirituelle, terme général, transcendantal
Fils ou Verbe: q6; 138; 141; 181; 183-184
ftxio: 167, 5 forme: 108, 8; 109-1II; 115; u7; 118, 10; 161; 166-168; 171; 173-177; 181-186; 189-190 unicité de la forme: 175-176; 182-183 voir ceci, etre génération: 173, 4; 174-177
en tant que (in quantum) : 119 essence: 109; 131-132; qo-1p; 154; 166-167; 177; voir ceci, etre, forme
idée : voir : raison en Dieu
étant : opp. a l'étant participé (l'étant-ceci pris comme étant) : 119; 154; q6-157; 162; 166; 169; 178, etc. participé, opp. a l'etre: 104; 119; 124; 128, 2; 129; 134: 136-137; 144-147; etc. participé, opp. au ceci (a l'étant-ceci pris comme ceci) : 148 et la suite; 161-162; x86; 192-194 prédicat ou copule: 149-qo; 154; x8o; 186; 192
indistinct : 107-108
etre : est Dieu : 1oo; 124-129; 143; 15 8; 192; passim opp.aunéant: 104-105; 108-111; 116; 123-124; 133;135; 137; 1-39; ·LP; ·170; 186-187; 193 opp. au devenir: 134; 139; 186.
mal: 104-1o6; 147
inhérence: 114-115; 193 intellect : 120 intérieur- extérieur: 134-138; 142; 170-171; 178
matiere: 109; 119; 171; 174-176; 181-182; 184 .\
!
mixte: 176; 189
682
INDEX DES THEMES
INDEX. DES TREMES
néant : voir etre
193 voir sujet
.négation de la négation : 159-1 6o; I 68; I 78
120~121j
nombre: 105; II4-II6
sujet: 114-IIS;
149-150; 182-183; 193
nouveau: 102-103; 137-138
supérie~r
Oeuvre tripartite: intention : 1oo-xox dÍVÍSÍOn: 100-IOI j 103-104; I 12 ordre et méthode: 100-101; 112-113; 124; 141
terme général: 114-121; 123; 144-146; 168
et inférieur: 107-IoS; 121-123; 147; 152; 194
tout; 107-108; 174-175; 181-185; 190 transcendantal: 104-108; 110-111; 114; 117; 141-142; 146; 149-1 51; x56-q8; 161-165; 169-J70j 188-189; 193
opposés: 103 et la suite; 146-147
Trinité: 105
panthéisme : 19 5 ; voir etre de la créature participation: 111; 125; 142, 1; 147; 154; 162; 180 perfections spirituelles: 107; 110-111; 114; u6; no; 146; 193
un (ou unité); 104-105 j 115; 122 j 1 57-~60; 163-164; 168 j 171-172; 178; 182-183; 189-191; et pamm.
philosophie et théologie: 106; 12 5; 127; voir: 97; 98; 141-142; 184, 1; 195-196
union hypostatique: 183-184
prédicat(ouprédication): 149-150; 153-154; 18o; 186; 192-193
vertu: 106-107
premier et dernier: 1o8-1o9; 137; 172
vie spirituelle: 99; 11 1-112; 125; 142; 156; 179; 195-196
príncipe: Dieu: 134; 136; 181 commencement: 137-140
vrai : 104; 159-160; 163-164; et passim
proces de Cologne: 102; 114; u8
quod est - quo est : 109- 11o raison: idée en Dieu: 1o9; 152; 161; 167-168 naturelle: 140-141
z. COMMENTAIRE DE LA GENESE
(référence au §, en décimale
a la note)
signe (ou signifier): 145-147; 150-151; 153-155; 162; 192-193; 196
action volontaire - au moyen de l'intellect : § 10 - en partie seulement si elle n'est pas de bon gré: § 261 rapport de la récompense et de l'action : § 261
substarice·: uo:.ni; 114-121; 123; 145-146; 155; 167; 182-:183;
«Admirable» (nom de Dieu): § 298-300
sens propre: 15 3-156; 162; 17o; 195
•
INDEX DES THEMES
agir - en Dieu, c'est etre : § I46; x66; I 72 - divin, supérieur au teinps: § 171-172 - divin dans l'activité de la créature : § 1 5o; x76; 18 1 - droit et juste : par amour de la justice : § 286 · réjouit immensément Dieu : § 2.24 ' altération - sert la génération : § 229; 229, 1; 246 - et disposition: § 233; 233, 1 - et intellect: § 12.4; 2oz; 22o; 220, 2 ame or~gine de. 1'- (traducianisme et créatianisme) : § 182; 303 - mtellectlve : sa perfection : devenir monde intelligible : § xq; 115,6 - du monde : § Ilz; 1 12., z ej. «Íntellect»
amour - igno~e la peine (s. Bernard): § 169 - du b1en: § 15; 176, 2; z61; 261, 2 - et crainte : § 23; 286 ej. «bien» analogie: § u8 ange création de 1'-: § 13; 72 individuation de l'- : § 8 9; 89, - du mal: § 245 ej. « intellect » (A vicenne)
INDEX DES THEMES
bien:§ 127-130; 135-139; 144; 148; 173 - pur (Dieu): § 175 - lié au sensible, selon Ma!monide: § 203 · - est «a l'extérieur» : § 68 précarité des -s humains: ~ ,75 ,, . - moral et - délectable (cr1t1que d Eptcure): § 2.39 mode divin du -: sans mode: § 173 - et bénédiction absente au deuxieme jour: § 88 ej. «mal», «péché» cause - intrinseque et - extrinseque : § 5 ; 5, . 1 ; 14 - premiere pour Averrges n'est pas D1eu : § 3 ciel localisation du - par la terre o u centre : § 9; 9, z localisation du - par ses parties : § 9, 2 cit:concision : § 236-247 coéternité du monde a Dieu: § 7; 7, ej. «création dans le Verbe»
2
colere - comme dissemblance et dissonance : § - de Dieu contre le pécheur: § 222 ej. « passion »
2.21
commencement : cf ((príncipe)) 1
appétit - sensitif: rationnel par participation : § 241 - intellectif: rationnel par essence : § 241
béatitude substantiellement dans l'intellect et formellement dans la volonté: § 135, _296 ej. <(r~pos» ·(en Dieu)
connexion des vertus : § 8 8 ; 88, 5 ; I5 6 erainte : doit se transformer en amour : § 2 33 création - dans l'etre : § 19 - comme collation de l'etre: § 14 - premiere et :- secor~:de : § 2 .3~;, 2 37 . - et conservatlon, umque actlvlte d1vme : § 1 51 - est activité présente de Dieu : § 20; 181 - dans le V erbe (o u Fils) : § 3 ; 5; 7; 7, 2 ; 20 - dans l'lntellect : § 6 - avec le concours des anges selon Ma!monide : § 1 16-1 17
686
INDEX DES THEMES
- nécessaire : § ~ 6, 3; Io - volontaire et libre : § 6; 146; 169 fait ex-sister «a l'extérieun (de Dieu) les formes-Idées qu'il «possede d'avance»: § u; u, z. simultanéité de toute la- : § 7; 7, 3 ; 8 ; 1 3 ; 18 ; 18, x - et temps: § 7; 7, z.; 73; t6o ej. « émanation » créature - est «aux alentours de l'étre» : § 164; 245 - en produisant les -s, Dieu parle : § 7 etre double de la - : § 77-78 ne se suffit pas : § 24 3 · déchoit de l'unité et dans l'imperfection : § 9; 26; 72 déiforme : § 179 délectation sert la raison qui doit la régler : § 2 37 non réglée par la raison est contre nature: § 238-240 deux signe de déchéance : § 26; 28; 90; 199 o~igine de la division et du mal : § 88; 89 n est pas un nombre : § 91 disposition déclenche nécessairement l'engendrement de la forme subs·tantielle: § 233; 233, 1 le supérieur dispose l'inférieur avec douceur : § 6 3 éléments (les quatre): § 3o; 46-48; 53-58 émanation - si!llult~ée des ~ersonnes. ~vines ~t du créé : § 7; 7, - necessa1re des creatures (cnuque de 1-): § to; 21; 21, 2 esprit animateur de l'homme : § t82..:185 ej. «ame»
«est:~~?-» ( dn- est?): §
27; 29; 29; 7
INDEX DES THEMES
étance (des choses créées): § 4; 4, 1; 41,_,._1 etre premiere de toutes les notions et príncipe de toutes les perfections : § 19 - pur et plénier, Dieu : § 174 - de toutes choses est rec;u de Dieu sans intermédiaire : § 21 est antérieur au temps : § 7; 7, 2; 160 confere le repos en lui : § 164-165 sa suffisance : § 246 objet du plus vif désir: § 149; 164; 174; 226; 247 donne aux essences créées d'etre formées: § 33 - substantiel et - accidente! : § 28 3 - intelligible et - sensible : § 78 - intellectuel et - matériel : § 2 5 - virtuel et - forme! : § 77; 77, 1 ; 81 ; 8 3; 8 5 ; 8 5, 1 - pour le juste, c'est agir avec justice : § 176; 178 ej. « création », «un», « repos » exemplaire : ej. « femme : ej. « homme » (en général) fils création dans le - : § 5; 20 l'homme juste est - de Dieu : § 22 fils et «philos» (amour, aimé): § 233 ej. «Verbe divin», «raison», «ldée» fin : premiere cause: § 141 _ - de l'opération (immanente_, triuisitive): § q6 forme - et matiere: § 24; 55 hiérarchie des - par le degré forme! : § 1 2; 57 essence simple et invariable (L. VI Princ.) : § 164 - substantielle unique chez l'homme: § 196; 283; ej. « intellect » . ·· · Dieu « possede d'avance» toutes les - : § 1 1; 11, 2; 83 fruit défendu sens du mot «pomme»: § 95-96
688
INDEX DES THEMES
INDEX DES TREMES
incréable : § 112
c'est la figue : § 97 génération - absolue et - relative : § s5 - du v~va~t masculin et du vivant féminin : § s5 ; 15 3 ej. « alteratton » gout (spirituel, sapor) : a pour objet le bien : § 189 grace - gloire : § 2o6 hiérarchie - des etres créés : § 1 2 1 - des modes d'animation: § 182-185 homme - image de Dieu : ej. « image » l'- fils dans le Fils : ej. « fils » défini par la connaissance intellective : § 188; 197; 23 7 mortel quant a u corps : § 1 12 1'- intérieur est 1'- noble : § 301 1'- extérieur (soumis aux passions), le vieil -, 1'- ennemi: § 245 priorité de 1'- masculin sur la femme, symbole de celle de la rai.son sur la sensibilité :· § 55 ; 2 37; 249 · pnmauté de 1'- sur l'univers: § 131-133; 230; cf «microcosme» Idées divines - créatrices, sont exemplaires du créé : § 3 ; 5; - sont égales en Dieu : § 1 55
inférieur est par nature soumis au supérieur : § 2 3 ; 121 est établi et affermi par le supérieur: § 272 instant de l'éternité : § 7 intellect: § 11 s-116 est nature de Dieu: § 11; 112, 2; 237 . est «séparé, non mélangé» (Anaxagore) : § 168 príncipe de toute la nature : § 6 esdme intellective de l'homme : § 181-18 5 ; 18 5, 1 ; 30 3 est perfection supreme de l'homme (Mai'monide) : § 202 est créé avec sa perfection intelligible chez l'homme avant la chute (Maimonide): § 116 son objet propre: § 11 S la connaissance intellective est fin de l'homme : § 18 8; 197 n'est pas atteint par la passion : § 124; 202; 220 abstrait d' « ici » et d' «o u» : § 211 comme «table rase» : § 229 ; 2 37 ej. «ame» intelligence contient toutes choses : § 6 médium de la création (Avicenne): § 21; 21, 2 premiere apres Dieu (Ibn Gebirol): § 27 ej. «intellect» intériorité opération intérieure (intention morale) : § 177 - parfaite : § 99
115
image - de Dieu en l'ame : § 301 l'homme - de Dieu: § 115-120; 301; par l'intellect: § 115-II6; 188; 211; 237; par la liberté: § 21o; d'ou domination sur les etres inférieurs : § 120-1 2 5 dégag~mel!-t prpgressif de 1'- de Dieu: § 301 -. tepréseritation : § 301; 301, 4· ·
justice - engendrée et - inengendrée : § 20 dissemblance du juste et de l'injuste: § 222 tout ce qui est en nous n' est pas tout entier - : § 2 2 3 Dieu est droiture de la - : ·§ 22 3 langage: origine naturelle du-: § 192
INDEX DES THEMES
INDEX DES THEMES
lieu sa nature : § 49 Dieu n'est pas «oth>, c.-a-d. dans le lieu: § 2.09-2.10 Dieu est le «ou» de toutes choses : § 2.09 .
nature obéit a l'imagination : § 292-294 hiérarchie des -s créées dans l'univers : § 288 eJ. « forme»
lumiere - et luminaires : § 67; 101; 103-111 - dans le Verbe et - dans la nature : § 68 - et ténebres: § 69-70 explication des éclipses : § 102.
néant le mal est - : § 2.44 - du péché : § 86 - de la matiere premiere : § 35 - de la créature prise en elle-meme, sans sa nature véritable qui est son Idée créatrice en Dieu: § 8;, 1 la nature intellectuelle peut verser dans le - : § So
r
mal est défaut et non effet (done n'a pas de cause créatrice) : § 136;
négativité : § ;ox )
n'~s~ pas
no m «le - au-dessus de tout nom>>: § 84; 299 -s attribués a Dieu: § I74; 270; 2.98-;oo - des passions attribué a Dieu : § 2 19
2.2.4
pair- impair: § 2.8; 88, ; ; ej. «un», «deux»
2 44
voulu comme tel mais sous apparence de bien : § 2.05 ortgtne du -: § 2.89-2.91 . Dieu_n'opere pas le- en nous: § 136-141; 244 fonctton du-: § 21; 2.1, 3 Dieu est irrité par le - sans etre touché par la passion : § 2.1 7; . matiere son informité : § 2.9; 29, 5 - et privation: § 36-39; 40-45 désire sans cesse d'etre formée: § 33 néant de la - : § 35 ej. «forme»
paradis : a la fois spirituel et corporel : § 186
microcosme : l'homme est un - : § 11 5 ; 133
passions chez l'homme et chez !'animal:·§ 12.2-12.5 chez l'homme vertueux : § 228; z68 les -s et la raison : § 2.40 les -s et le mal : § 2.91 -s attribuées a Dieu : § 219
m o de - divin du bien est sans mode, au-dessus de tout mode : § 173
parole de Dieu : pensée et volonté : § 64 participation ce qui est dit par - est au service de ce qui est dit «par essence » : § 241
l
mort - spirituelle, chatiment immédiat du péché: § 190-191 - est double: § 191 multiple : § 89; 113; 2. 31 ; 244, 4 '<
1
péché - est contre la raison: § 205 dissimule Dieu a l'homme: § zo6 néantise le pécheur : § 86 irrite cela meme qui est Dieu: § 2.2.3
,~,--
\
'
INDEX. DES THEMES
INDEX DES THEMES
1
la volonté de pécher : § 2 s7 le ch:itiment du - : § 26o
~
r·
prédicateur : exigences le concernant : § 280-28 s
sage le - peut-il etre troublé?: § 228 la solitude n'est bonne que pour le-·: § 29s
prélat: exigences concernant le-: § 249-250; 278-279
savoir infus chez Adam : § 192-193; ej. «intellect»
premier : dans un ordre essentiel, contient cet ordre : § 49
senior: § 251
primauté de l'homme: ej. «homme»
sens - externes et - internes : § 18 7-1 89 sensibilité et faculté intellective: § 2.37; 244-24S la faculté -itive appartient a l'homme comme par accident: § 237 . nécessité des - pour la connatssance : § 2.2.9; .2 37 . les - ne connaissent ni-la quiddité (essence) n1 les acctdents, . mais seulement l'aspect extérieur: § 232 , les -ibles excessifs sont des obstacles ala speculatton : § z3o l'appétit -ible est rationnel par participation: § 241 la puissance -~ble est part ~n~érieure de l'~me : § 24S , . la puissance -tble est «le vted homme», 1homme exteneur, l'homme ennemi : § 24 5 la -ibilité est racine et faite des maux humains : § 24S
príncipe difiere de premier : § 17 le - (commencement) de toutes choses est la Raison o u Verbe: § 20 privation supérieure a la matiere : § 38 est «face» de la matiere : § 40-41 privation de privation : § 1s8 raison -s .i~éelles (Idé.es d~vines) sont exemplaires du créé: § s -s 1deelles sont tdenttques au Ver be ou Fils : § 3; 3, 1; 5; 20; 27S -s idéelles sont causes intrinseques de l'étance des choses: § 4;
4.
serment: § 270-27s sexe dualité des -s: § 12.1; 194-2oo; Z4S; 24s, I; 249; 2.49, 1 - masculin et- féminin comme actif et passif : § 19 5
1
-s séminales : § 18; 18, 1 ; 98; 98, 1 Dieu est moins la cause des choses que la- de leur cause:§ 62 ej. « péché »
simplicité : ej. «un» suffisance: Dieu est la - de toutes choses: § 243; 246
réalités sensibles : sont discordantes : § 231
supérieur : ej. « inférieur»
redmiblements de l'Écriture : § 179 repos . - de Dieu conféré par Dieu: § 142; 179; 181 - en Dieu est fin et bien pour toute créature: § 172-173; 244 - en l'etre : § 144s, z44 reviviscence du péché: § 2s9; 259, 3
1 1
1
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tenter: en quel sens Dieu tente l'homme: § 262s ter re premier nom de la matiere : § 29 - et eau : § 51-52 sens propre du mot -: ~ 93 , . . - est le no m de tout ce qu1 est d essence tmparfalte : § 33
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INDEX DES THEMES
Theses censurées d'Eckhart § lntrod. p. 2oo; § 7, 2; 21,
1;
2~,
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2; 177, 1
traducteurs de la Septante : § 304 un
§ 1 99
.
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1'-ité est ce qui est propre a Dieu: § 26; 114 l'-ité est signe de perfection : § 89; 11 3 Dieu contient tout d'avance en tant qu'-: § 84 1'- et le multiple: § 113; 231; 244; 244, 4 1'- ne peut produire que de 1'-: § 10; xo, 2; u ej. «deux», «multiple» univers
§ 12; 21; 69; 288 a une unité d'ordre (l'inférieur gouverné par le supérieur): § 121 végétarisme § 126 Verbe divin: § 3; 3, 1; 5; 275 ce qui est dans le - est vie : § 78; 78, 3 - sans verbe : § 77 ej. «
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Pnotocomposition C.C.S.O.M. Abbaye de Melleray 44520 Moisdon-la-Riviere ACHEVÉ D'IMPRIMER PAR L'IMPRIMERIE CH. CORLET 14110 CONDÉ-SUR-NOIREAU
W d'Éditeur : 7613 · N° d'Imprimeur: 3674 DépOt légal: avril 198"4
·Imprimé en France
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