Maladie d'Alzheimer, à l'écoute d'un langage Préface ...
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Maladie d'Alzheimer, à l'écoute d'un langage Préface ................................................................................................ 11 Avant-propos .....................................................................................
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Etat de la question .......................................................
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Chapitre 1 :
La question de la définition des Démences et de leur diagnostic ............................................................... Rappel des hypothèses étiologiques des Démences séniles ............................................................ 1. Théories neurologiques lésionnelles ......................... 2. Théories encéphalitiques ............................................ 3. Théories neuro-sécrétoires .......................................... 4. Théories génétiques ..................................................... 5. Théories psychosomatiques ........................................ 6. Modèles psychodynamiques ......................................
"La vieillesse n'explique rien, sauf notre manque d'imagination." Jean-Pierre Junod (I)
(1) Société de médecine gériatrique Rhône-Alpes. Annecy, 26 avril 1980.
Chapitre 2 :
Les enseignements de l'observation clinique ....... Le développement de techniques d'entretien ..................... I. Créer un espace de communication .......................... 2. Renarcissiser l'interlocuteur ...................................... 3. Soutenir l'attention par la qualité des "feed-back" . 4. Fournir une aide systématique pour la recherche des mots ......................................................................... 5. Rendre à la réalité psychique ce qui lui revient ....... 6. Ne pas avoir de sujets tabous ..................................... 7. Recourir, si nécessaire, à la méta-communication . Les apports de l'observation clinique à la séméiologie des Démences .......................................................................... I. De l'observation quantitative à l'observation qualitative ..................................................................... 2. L'observation de traits psychologiques communs aux Déments ................................................................. 3. La sensibilité au contexte et les capacités de compréhension globale ..........................................
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Eclairage apporté par l'étude des conduites et des phénomènes relationnels ............................................ 1. Le jeu des attitudes ...................................................... 2. Les transactions relationnelles privilégiées ............. 3. L' induction d' irrationalités ......................................... La question de la persistance d'une vie psychique inconsciente chez les Déments séniles ................................ Chapitre 3 : Etude critique du concept de Démence sénile .....
Critique des éléments du diagnostic de Démence sénile .. 1. S'agit-il de maladies ou de syndromes ? 2. A quel titre parler de pertes ? 3. L'inclusion de l'incurabilité dans la définition ........ 4. La référence arbitraire à une origine lésionnelle cérébrale ........................................................................ 5. La notion de désadaptation sociale ........................... Analyse du discours sur les causes des Démences séniles . 1. Le problème des niveaux ou des plans d'observation 2. La question des contextes de survenue des Démences 3. Les facteurs favorisants .............................................. 4. Les éléments déclenchants ......................................... 5. Le mécanisme même des Démences ........................ ......................................
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Chapitre 5 : Ebauche d'un modèle du fonctionnement
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Ebauche d'alternative dans l'approche des phénomènes démentiels ............................................................................... 1. Pour une réhabilitation de la recherche clinique .... 2. La nécessité d'une conception "fonctionnelle" des Démences ...............................................................
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Chapitre 4 : Les changements de regard proposés .....................
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Esquisse de définition relationnelle de la vieillesse, de la dépendance et de la Démence ..................................... 1. L'approche en termes de fonction sociale ............... 2. La Démence dans son contexte familier et familial Pour une clinique de la communication .............................. 1. La prise en compte de l'expression comportementale du patient ........................................................................ 2. Hypothèse de l'émission involontaire de messages i mplicites par le patient, et d'un niveau de communication inconscient .................................. Le concept de présentation déficitaire .................................
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neuropsychique ............................................................
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Disposer d'un modèle du système nerveux central ...........
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La représentation du fonctionnement psychique ...............
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Chapitre 6 : Evolution des objectifs thérapeutiques, des
pratiques, et de l'organisation institutionnelle
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La question des objectifs thérapeutiques ............................. 113 Pour une recherche clinique appliquée ............................... 1. La défense de la capacité de penser des intervenants 2. Le soin "en situation" .................................................. 3. Pour des Institutions "expérimentales" .................... 4. Vers une prise en charge spécifique des Déments : la Sociothérapie ........................................................... De la gériatrie à la psychogériatrie ...................................... 1. Les questions spécifiques auxquelles la psychogériatrie doit tenter de répondre ............... 2. Les indications privilégiées de la psychogériatrie... 3. Des méthodes thérapeutiques originales .................
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Chapitre 7 : En guise de conclusion ............................................... 141
Lexique ............................................................................................... 149 Bibliographie .................................................................................... 153 Bibliographie générale .................................................... 153 Bibliographie de l'auteur ............................................... 161
La Maladie d'Alzheimer En novembre 1906 le neurologue bavarois Aloïs Alzheimer décrivait, pour la première fois, à la trente-septième réunion des psychiatres du sud-ouest de l'Allemagne, le cas d'une femme de cinquante et un ans ayant présenté de graves troubles de la mémoire et de l'orientation. La malade était décédée après une aggravation progressive des symptômes l'ayant conduite à une Démence sévère. L'autopsie avait mis en évidence une atrophie cérébrale avec des modifications du cortex dont Aloïs Alzheimer fournit une description minutieuse. Par la suite, on appela "Maladies d'Alzheimer" les défaillances intellectuelles majeures, survenues avant la soixantaine, à propos desquelles on suspectait la présence de lésions neurologiques similaires à celles décrites par Aloïs Alzheimer On parlait par ailleurs de Démences séniles dégénératives pour qualifier les mêmes phénomènes survenant chez des patients plus âgés. Au cours des années soixante-dix les unes ont été identifiées aux autres pour ne parler indifféremment que de Démences séniles de type Alzheimer. Une question est néanmoins restée curieusement occultée : "quel est le rôle exact des lésions vis-à-vis des déficits cliniquement objectivables ?" C'est-à-dire sont-elles causes ou conséquences des dysfonctionnements cérébraux et intellectuels ? Ou bien sont-elles liées à un facteur tiers ? Autrement dit le syndrome clinique observé peut-il résulter d'autres causes que neurologiques ? Et si les lésions sont impliquées dans la genèse du trouble clinique — le sont-elles de faon mécanique, le symptôme étant le résultat passif d'un manque ? ou — l'apparition de la symptomatologie déficitaire est-elle le.fruit d'une réorganisation (d'une adaptation) du fonctionnement psychique en réaction, entre autres facteurs, à l'existence d'un quantum de lésions ? 9
En toute logique cela devrait conduire, jusqu'à nouvel ordre, à distinguer lez "Maladie neurologique d'Alzheimer" du syndrome clinique démentiel sénile observé de façon plus ou moins concomitante. Ce dernier peut en effet, du point de vue de l'auteur du présent ouvrage, être le fruit de la conjugaison de facteurs favorisants et de causes multiples. Les altérations neurologiques décrites par Aloïs Alzheimer et ses successeurs peuvent, bien entendu, figurer incontestablement au nombre des causes concevables de l'affection clinique, pour une part restant à déterminer. Mais pour l'heure, la nature du lien de cause à effet entre les atteintes neurologiques décrites et la production symptomatique reste à élucider. Qui plus est, on le verra, la symptomatologie observable est loin de se limiter aux seuls déficits cognitifs comme on l'a longtemps pensé.
Préface Il faut savoir féliciter L. Ploton pour avoir eu le courage de proposer à la critique cet ouvrage qui ne peut laisser personne indifférent tant il ouvre un véritable débat épistémologique et clinique. Il n'est donc pas anodin, avant d'entrer dans le vif du sujet, de retracer à grands traits le parcours de L. Ploton dont le travail ici présenté est l'aboutissement, aboutissement sûrement temporaire, vu le dynamisme de l'auteur. En effet, le parcours de L. Ploton est très éclectique et force l'admiration tant il apparaît animé par une volonté, une puissance de travail, exceptionnelles, porté par une foi en l'humanité et en l'esprit humain qu'il traque jusque chez les plus déshérités, chez ceux qui semblent ne plus en avoir ou qui l'ont abandonné, ces Déments que d' aucuns traînaient, et traînent encore parfois, aux gémonies. Après de solides études en médecine achevées en 1973, et en psychiatrie en 1976, dès 1977 il rejoint l'université Lumière-Lyon 2 à la demande du Professeur Hélène Reboul pour participer à l'enseignement de gérontologie il y devient professeur associé en 1991, charge qu'il occupe encore à ce jour, et parallèlement, il prépare et obtient le DESS de Psychologie clinique (option gérontologie) en 1993. Son investissement et son militantisme le conduiront à être un infatigable commis voyageur au service de ces déshérités, voyageur dans l'espace, dans les institutions et dans le savoir et sa diffusion. • Voyageur dans l'espace : outre le territoire national qu'il parcourt en tous sens, ses activités le conduiront en Belgique, à la Réunion, au Québec, en Suisse et au Luxembourg où il contribue à la création d'une institution gériatrique pilote. • Il est adhérent actif (administrateur ou membre fondateur) de nombreuses et prestigieuses sociétés à caractère scientifique, françaises et étrangères. • Il participe à de nombreux comités scientifiques de revues, à de nombreux programmes de recherche, à l'organisation de congrès et de colloques que nous ne pouvons tous recenser. Nous ne mentionnerons, pour mémoire, que sa participation aux travaux de l'organisation biennale du congrès sur les "Droits de l'homme âgé". De plus L. Ploton a déjà guidé les pas de nombreux thésards. En somme, l'auteur affiche un militantisme clinique de bon aloi, animé par la volonté de mettre en acte, sinon en théorie, le passage du concept de (gérontopsychiatrie encore bien puissant, au concept de Psychogériatrie dont
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nous suivons ici les balbutiements, une recherche-action infatigable émaillée de conduite de projets institutionnels multiples et variés de 1977 à 1992 (nouveaux supports thérapeutiques, modifications de dispositifs institutionnels, nouvelles modalités de prises en charge, nouveaux concepts...) qui le conduiront même à promouvoir un soutien psychologique à domicile des personnes âgées souffrant de troubles déficitaires. L. Ploton connaît donc bien le domaine dont il parle. Ceci étant, cet ouvrage proposé est comme un point d'orgue. Il veut faire le point et présenter la synthèse d'une activité scientifique riche de 101 publications, dont un ouvrage personnel et deux ouvrages collectifs, 56 communications à des colloques, et 153 conférences, dont 26 à l'étranger, qui témoignent du rayonnement national et international de L. Ploton. Dans ce livre, ce qui frappe tout d'abord, c'est la volonté de l'auteur de "réintroduire", selon ses propres termes, l'approche des Démences séniles dans le champ de la psychodynamique. Le terme réintroduire est sûrement i mpropre, car on ne réintroduit quelque chose que si elle y était déjà et en est partie ou en a été chassée : de tout cela il n'en est rien. En fait, il s'agit d'aiguiser un nouveau regard clinique inspiré des postulats psychodynamiques dans ce domaine de la Démence sénile : prêter attention et sens à ce qu'apporte une approche clinique plus fine, plus nuancée, plus attentive. approche clinique qui sait s'étonner des failles et explorer les faillites de la Démence, dans ces moments où le Dément recouvre brutalement, mais temporairement, sa lucidité "normale". L. Ploton va traquer en fait l'inhibition de la pensée, la plasticité des symptômes déficitaires et montrer comment les souvenirs ne sont pas effacés mais "inaccessibles". Montrer comment la Démence est une dysfonction de la maîtrise des facultés mentales et psychomotrices avec persistance d'une vie psychique inconsciente, mais bien là. pouvant resurgir, telle l'entéléchie, mais qui ne demande peut-être pas à renaître : "Attention, si je vis, je risque d'en mourir", semble en effet être le message de certains Déments, comme l'observe très justement L. Ploton. Pour ce faire, l'auteur va engager une discussion serrée avec les tenants de l'organicisme et de l'organodynamisme, discussion des causes de la Démence et des pseudo-Démences, discussion de la théorie de la lésion. Cette discussion de la théorie de la lésion et de l'organodynamisme pourra paraître à certains trop rapide et expéditive. Il faut le mettre sur le compte de l'i mpatience de l'auteur à exorciser certains démons. Car L. Ploton vient défendre sa thèse de la Démence "fonctionnement mental de secours pour s'économiser", de l'aspect groupai du symptôme "Démence" pour déboucher enfin sur ce qui l'intéresse vraiment : la sociothérapie, la gestion thérapeutique groupale de ce symptôme/syndrome de la Démence. Cette distinction symptôme/syndrome n'est donc pas simple anecdote théorique. Cette
distinction engage la question du mode de fonctionnement psychique dans la Démence et renouvelle la perspective épistémologique comme ce fut le cas en son temps pour la Démence précoce et la schizophrénie. Ce survol en raccourci et un peu schématique, de 20 années de travail et d'observation clinique en tous points remarquables, nous permet donc d'en venir aux questions théoriques qui nous paraissent sensibles : le temps, le cognitif, et l'énonciation. I. La question de l'énonciation et la place de l'énonciateur dans l'écrit, trois affirmations en effet se télescopent • tout d'abord la Démence est présentée comme une incapacité de relier affects, images, souvenirs et éléments lexicaux, et face à cette incapacité du travail associatif il est même proposé le mode thérapeutique du "comme si" qui est comme la validation, par le thérapeute, de la pertinence du chaînon idéatoire en faiblesse chez le Dément : présentée ainsi, ne serait-on pas fondé à penser que la Démence ne serait qu'une forme d'aphasie ? Ce que bien sûr au regard des angoisses de mort et des fantasmes d'immortalité, elle n'est pas ! Mais encore • "le Dément est l'auteur de ses symptômes, mais il l'est inconsciemment, c'est-à-dire qu'il en est tout autant acteur que victime", affirmation classique en psychosomatique et qui relève même du paradoxe du Sujet chez Freud, paradoxe précisément introduit par l'hypothèse de l'inconscient. Cela pose donc la question du fonctionnement psychique des Déments car • il est évoqué que le Dément ne fonctionne pas sur le registre de la psychose mais bien sur le registre de la névrose à l'instar de l'hystérie ! Le décor annoncé par la distinction symptôme/syndrome est donc planté ! Ce mode de fonctionnement psychique particulier de la Démence, tel qu'ici présenté par l'auteur, n'interrogerait-il pas plutôt le fonctionnement du Moi et du Préconscient, au-delà donc de "simples", — simplicité toute relative bien sûr —, mécanismes idéatoires fonctionnels de l'énonciation ou de la cognition, objet auquel l'auteur nous conduit ? 2. Le cognitif.
Il semble en effet que L. Ploton soit, malgré ses dénégations, comme fasciné par le cognitif, ou plus précisément le négatif du cognitif ; d'évidence cette débâcle des fonctions cognitives est bien sûr ce qui paraît le plus patent dans la Démence sénile. En effet dans la représentation du fonctionnement Psychique telle que proposée, il est fait référence à une aire de traitement de I information, et le modèle élaboré est bien proche d'un modèle que n'auraient certainement pas renié J. Piaget et ses disciples à propos de la prise 13
de conscience : un fonctionnement mental à deux niveaux, le premier niveau, "basal", est consacré à la prise en compte inconsciente des données relationnelles, et à la régulation des ajustements comportementaux ; le deuxième concerne la gestion de la prise de conscience, la métabolisation des émotions et le développement des performances cognitives. (J. Piaget propose bien sûr des niveaux de traitement de l'information plus nombreux et plus nuancés). En fait, ce souci de l'auteur pour le cognitif ne lui permet-il pas d'éviter l'affrontement au mystère de l'énonciateur et de l'énonciation, de cette mise en sens qui se trame au carrefour du psychosomatique et/ou du somatopsychique et d'explorer plus avant qui parle à travers le(s) symptôme(s) de celui qui présente ces symptômes de la Démence ? Qui souffre ? Qui fait une demande de soin ? Voire même d'explorer s'il n'y a pas plusieurs types de Démence, — voie sur laquelle une honnête étude des réussites chimio-thérapeutiques engage d'évidence : des Démences cèdent, d'autres résistent à certaines molécules chimiques — ? 3. Le temps et plus précisément l'insertion dans le temps. Il constitue toujours une question butoir à laquelle s'était déjà heurté Bergson et comme se heurte toute pensée qui cherche à dépasser la question de l'organicisme, des localisations cérébrales et du tout SNC (Cf. Matière et Mémoire). L. Ploton note très finement d'ailleurs que la personne démente est hors du temps, hors du registre de la castration, et que dans notre civilisation le vieillard est un immigré dans le temps avec toute la pathologie qui va de concert avec le déracinement. Il serait donc très intéressant de poursuivre cette intuition et de reprendre la lecture de la Démence sénile, fût-elle un Alzheimer, avec un regard phénoménologique. Ce regard permettrait notamment de repositionner anthropologiquement le Dément en deçà, audelà, en tout cas autrement, des fantasmes de rejet hors de l'humanité. Ce qu'écrit L. Binswanger à propos de la psychanalyse pour le quatre-vingtième anniversaire de Freud (donc en 1936) (in Discours, parcours et Freud, Gallimard, Paris, 1970) est éclairant : "L'homme n'est désormais plus simplement un organisme animé, mais une `essence de vie' mourant sa vie et vivant sa mort, issue du processus de vie transitoire sur cette terre ; la maladie n'est plus un trouble venu de l'extérieur ou de l'intérieur, trouble de la substance ou du mode de fonctionnement de l'organisme, mais l'expression du cours `normal' de la vie en route vers sa mort. Suit alors la constatation, acquise par mon occupation avec l'analyse existentielle, que l'homme, cependant. n'est pas encore ici homme dans le plein sens du terme ; car être homme ne signifie pas seulement être une créature créée par la vie qui meurt en vie, créature jetée dans la vie et par elle ballottée de-ci de-là, par elle accordée et désaccordée ; cela signifie bien plus être un être regardant dans les yeux de son destin et dans les yeux du destin de l'humanité, et, décidé, éclos à ce 14
destin, un être 'constant', avant donc son propre état, ou de soi-même établi : auto-nome. Que nous soyons vécus par les puissances de la vie, ce n'est là qu'un aspect de la vérité ; l'autre aspect de la vérité, c'est que nous la déterminons comme notre destin. Et seuls ces deux aspects parviennent à embrasser dans sa plénitude tout le problème du sens et du sens fou, du délire." La Démence sénile ne peut mieux être anthropologiquement située. Le Dément est précisément celui qui offre à voir le sens-fou, qui ne peut plus parler en son nom qui n'est plus auto-nome, qui n'a plus son auto-nomie et qui risque, fécalisé, d'être rejeté de l'humain. Des arguments pour la sociothérapie pourraient donc avantageusement en être déduits. L'exemple des soins esthétiques de plus en plus introduits dans les institutions est l'illustration parfaite de cette mise de distance possible à l'humain. La coiffeuse pour dame n'est pas la toiletteuse pour chien ! Mais la distance est ténue ! :
La richesse clinique de cet ouvrage fera donc bien volontiers excuser quelques rapidités théoriques, d'autant plus sympathiques qu'elles sont le signe d'une pensée qui se cherche et qui se fraye un chemin difficultueux dans la compréhension psychodynamique de cette lyse du Moi et de ce fonctionnement si particulier du Préconscient présenté par les Déments. G. Broyer Professeur de Psychologie Clinique Université Lumière — Lyon 2
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Avant-propos Nos premières responsabilités cliniques auprès de personnes âgées hospitalisées remontent à 1973. A l'époque, les Démences séniles étaient indistinctement considérées comme des infirmités neurologiques liées à l'âge. L'entrée d'une personne âgée atteinte de pathologie déficitaire dans un service hospitalier était clairement considérée comme relevant du domaine social. A partir de là, et jusqu'en 1983, en marge d'activités de psychiatrie "générale" nous avons toujours été amené à consacrer une part de notre temps à la prise en charge psychologique de personnes âgées. Très vite, ces activités nous ont confronté à différents ordres de réalités telles que : 1. La charge émotionnelle propre au milieu gériatrique Pression à l'origine de ce qu'il est maintenant convenu d'appeler la "souffrance des soignants" à laquelle nous avons consacré notre première publication individuelle (1981a) dans la foulée d'un mémoire intitulé : L'institution parricide ?" ( I 976a). 2. Des irrationalités Irrationalités familiales, irrationalités de l'évolution clinique, irrationalités des soignants, mais aussi de la façon d'aborder la question au terme de ce qui nous est apparu comme un équivalent de mystification générale, concernant le voile pudique qui recouvre l'absence d'esprit critique vis-à-vis de la question des Démences séniles et de leur prise en charge. 3. La remise en cause de l'inaffectivité des "Déments" Il nous était difficile, pour ne pas dire impossible, au vu du matériel clinique auquel nous étions confronté, d'adhérer à l'enseignement de H. Ey (1960) présentant le Dément comme inaffectif. Certains patients se sont chargés de nous interpeller avec des résurgences de facultés spectaculaires (par exemple, après un an d'amnésie et d'aphasie) et, ce faisant, de nous conduire à nous interroger sur la question de la mort cérébrale. Il devenait chaque jour plus évident, avec une approche intellectuelle "psychodynamique" qu'une forme de participation inconsciente perdurait chez eux.
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4. L'absence d'enseignement, l'obligation d'inventer Notre formation initiale, comme celle de tous les intervenants en psychiatrie, était squelettique à propos des Démences séniles et les publications en langue française étaient très rares ; seuls quelques auteurs avaient abordé la question, mais très peu, à l'époque, étaient parvenus à une réflexion approfondie et structurée. Certes l'enseignement de J. Bergeret (1974) et les travaux de C. Balier (1976,-79) ou de C. Janin (1982) ouvraient des portes, mais ils ne nous ont pas, à l'époque, semblé prendre suffisamment en compte la question de l'angoisse de mort à laquelle nous étions quotidiennement confronté, même si la théorie du narcissisme développée par C. Balier permettaient d'envisager un modèle possible de psychogenèse des Démences et/ou de leur évolution. C'est en effet sur ce point, celui de la psychogenèse ou de la part de psychogenèse, que nous nous interrogions, et ce questionnement, ou plutôt cette intuition, a nourri l'enseignement qui nous était confié à l'université LumièreLyon-2, ainsi que les premières thèses que nous avons inspirées. D'emblée, certaines Démences séniles nous étaient apparues comme relevant d'une inhibition, ou d'une forme de mise "en panne" des facultés intellectuelles et psychomotrices, beaucoup plus que d'une mort psychique ou relationnelle, de l'intéressé. Toujours au plan des connaissances disponibles, l'approche piagétienne de l'école genevoise nous convenait peu. Notre formation initiale d'inspiration psychodynamique nous permettait difficilement d'intégrer dans notre pratique les concepts concernés. Dans ces travaux, la question de l'investissement, qui nous apparaît centrale dans l'approche thérapeutique, tout comme la dynamique des projections, nous semblaient dangereusement évacuées de la compréhension des phénomènes, quel que soit l'intérêt et même l'admiration que nous portions à la rigueur de J. Richard (1970) dans le sillage de J. de Ajuriaguerra (1969). C'est donc en termes de fonctionnement psychique que nous avons choisi d'aborder la question des Démences. Demandeur de réassurance, nous nous sommes, presque d'instinct, tourné vers l'équipe de Jean-Pierre Junod, lequel venait de fonder l'Hôpital de gériatrie de Genève. C'est dans la mouvance idéologique de cette équipe que nous avons fait nos premiers pas psychogériatriques. L'approche proposée par J.-P. Junod ( I 966, -75), qui reposait sur la prise en compte conjointe d'éléments contextuels, médicaux, sociaux et psychologiques, et de leurs interactions réciproques, se révélait en correspondance avec les nécessités de notre pratique ( I ). (I) Voir aussi E. Martin & J.-P. Junod I 973). 18
En effet, le maintien à domicile nous confrontait systématiquement à ces interactions. Notamment la dynamique intra-familiale, apparemment paradoxale à souhait, se révélait manifestement déterminante, non seulement des solutions possibles mais aussi, nous semblait-il, de l'évolution clinique de nos patients. A ce point de notre quête, une méthode d'intégration des éléments contextuels nous faisait défaut. Nous étions pratiquement contraint, pour survivre psychologiquement, d' élaborer une ébauche de théorie personnelle à partir des données d'une pratique qui ne disposait pas de références, puisqu'elle visait à concevoir le maintien à domicile d'une personne âgée réputée Démente comme une alternative au placement, créant de ce fait un cadre d'observation original. Dans une optique pragmatique nous avons alors opté pour une démarche de formation aux thérapies familiales (1989h). En relation avec cet apport, les théories de la communication et le raisonnement systémique sont venus étayer notre réflexion en lui fournissant des clés pour recadrer la façon même d'aborder la question des Démences. Il s'en suivit une élaboration théorique que nous étions contraint de développer, poussé par la nécessité, au prix d'une marginalisation par rapport à l'idéologie médico-psychologique dominante. De fait, nous étions devenu porteur, avec un petit nombre de correspondants, d'un phénomène de courant culturel concernant l'approche des Démences séniles. Concrètement nous avons choisi une méthode consistant à progresser par hypothèses successives, nées de l'observation, et dont la tentative de validation a reposé sur notre pratique quotidienne clinique et institutionnelle. Ce furent les difficultés auxquelles la pratique nous confrontait qui ont nourri notre réflexion et notre élaboration théorique, beaucoup plus qu'une quelconque recherche bibliographique, faute de documentation disponible. Cela étant initié, plus ou moins simultanément, d'autres approches psychodynamiques se sont ébauchées, à l'initiative d'autres équipes, pour tenter de reconsidérer la question des Démences. Cette réflexion a été conduite en termes systémiques notamment par Y. Colas (1984,-85) et J. Maisondieu (1982,-84,-85), mais aussi à la lueur de l'enseignement psychanalytique autour de : A. Boiffin (1987), P. Charazac (1975,-82), J. Gaucher (1982), M. Grosclaude (1980,-87), G. Le Goues (1985), J.-M. Léger (1983,-89), M. Péruchon (1983), I. Simeone (1984), J.-F. Tessier (1983), J.-P. Vignat (1985) et quelques autres. 19
Ils ont formé avec nous un premier carré d'auteurs francophones "extra-paradigmatiques", pour reprendre la formulation de la sociologue N. Rigaux (1992,-95), qui a consacré une recherche financée par l'Université de l'Europe à ce type d'approche. Toujours selon N. Rigaux, les seuls auteurs dont les publications consacrées aux Démences séniles, dans une orientation psychodynamique, ont eu une diffusion internationale notoire, seraient les Anglais du "Bradford Dementia Research Group" autour de T. Kitwood (1989). Puis, tandis que la littérature anglo-saxonne restait donc essentiellement psychométrique, une nouvelle génération de cliniciens francophones, comme J.-P. Clément (1994), P. Meire (1994), C. Montani (1994), M. Myslinski (1992), A. Thome (1989), sont venus enrichir le débat de leur culture, leurs observations et leurs théories. A ce propos, il nous semble important d'évoquer les convergences de points de vue, ou encore les similitudes de pratiques, issues de réflexions qui ont émergé séparément, et dont souvent nous n'avons eu connaissance que lorsqu'elles eurent atteint une certaine notoriété, comme l'illustre la thèse de O. Letortu (1986). Le fait que des cliniciens et des équipes, n'ayant pas ou peu d'échanges de vues, soient parvenus à des remises en question du même ordre et à des propositions relativement analogues, nous semble extrêmement rassurant au regard de la crainte d'avoir participé à ce qui aurait pu n'être qu'une microculture hérétique. En effet rien ne nous assurait a priori que nous et nos collaborateurs directs n'étions pas victimes d'une perversion du raisonnement, voire d'un délire collectif tel que d'autres groupes, dans d'autres contextes, ont pu en produire.
La nécessité d'un recadrage étant devenue légitime, une option proposée consiste à ne plus aborder les Démences en termes de pertes. Il nous semble en effet potentiellement plus fructueux de les envisager sous l'angle d'un "état de conscience modifié", en relation avec une modification du fonctionnement neuropsychique. Cette démarche renvoie au cas de figure physiologique familier, d'une possible forme de réaction de l'organisme vis-à-vis d'une gamme d'agressions données, comme l'est à sa façon la dépression. Parmi les différentes façons d'aborder la question des Démences, ainsi reformulée, nous proposerons de développer la théorie d'un pacte relationnel implicite liant le patient à son entourage, au moyen d'échanges infraliminaires. Ce faisant, ce sont non seulement la façon d'aborder la question des Démences séniles, mais aussi leur nosographie et leurs modalités de prise en charge, qui sont à reconsidérer. Aussi marginale soit-elle, c'est cette démarche critique, avec ses tenants et ses aboutissants cliniques, tout autant que la réflexion et les directions de recherche qu'elle a pu susciter, ou qui restent à approfondir, que nous proposons de développer.
Dans les pages qui suivent, après un bref rappel sur le concept classique de Démence sénile, c'est donc en premier lieu vers la clinique que nous retournerons, notamment aux plans psychologique et relationnel, pour pointer en quoi l'observation prend en défaut le point de vue d'une perte irrémédiable des facultés. En conséquence de quoi, un parti pris éthique, celui d'accorder le bénéfice du doute au patient, conduit tout naturellement, on le verra, à poser la question de sa vie psychique inconsciente et de sa participation, sur ce mode, à ce qui le concerne. Ce faisant, c'est le concept même de Démence sénile, qu'il devient nécessaire de réexaminer, pour mettre en évidence les biais caricaturaux de raisonnement, qui servent à verrouiller la question dans le sens d'une affection organique, à l'origine d'amputations cognitives assorties de perturbations comportementales. 20
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Chapitre 1
Etat de la question Avant de développer la démarche que nous avons conduite dans l'approche des Démences séniles. un bref rappel synthétique concernant les pathologies en question nous semble indispensable. La question de la définition des Démences et de leur diagnostic Pour mémoire, nous rappellerons que l'appellation "Démence sénile", dans son acception classique, recouvre les déficits acquis des fonctions développées par apprentissage, dont certaines sont propres à l'Homme. Cela concerne essentiellement — la mémoire, — les praxies, — les gnosies, — le langage, — les opérations mentales. Au terme d'une longue évolution, on peut également voir apparaître des modifications neuro-fonctionnelles, telles qu'une raideur musculaire, des troubles de la déglutition ou la réapparition des réflexes "archaïques". Il y a actuellement un accord général pour reconnaître que cette évolution est souvent compliquée par des perturbations psychoaffectives telles que • des conduites régressives : incontinence, désinhibition verbale ou comportementale, • des manifestations dépressives, délirantes, anxieuses et/ou confusionnelles. On observe également des symptômes relatifs à la pathologie dans le cadre de laquelle la séméiologie démentielle survient, comme • des troubles de l'équilibre, par exemple en relation avec une hydrocéphalie à pression normale. • des manifestations neuro-vasculaires : pseudo-bulbaires, etc. 23
Traditionnellement, les Démences étaient cliniquement caractérisées par la notion de perte, concernant les fonctions évoquées ci-dessus. Elles étaient, par définition, incurables et reliées à une origine organique. Des études fines de la séméiologie déficitaire ont été conduites notamment par l'école genevoise, initialement sous l'impulsion de J. de Ajuriaguerra (1964,-66,-67), puis de J. Richard(1970). Il en ressort qu'aucun parallélisme rigoureux n'a jamais pu être mis clairement en évidence entre l'ordre d'acquisition des facultés et la chronologie de leurs altérations. Les études concernées, telles qu'en témoigne le travail de M. Boehme (1973), s'attachent essentiellement à la description des déficits et aux épreuves permettant de les mettre en évidence.
La parution en 1980 du "Diagnostic and statistical manual of mental disorders, third edition" ( DSM III ) de l'Association américaine de psychiatrie ( I ), a marqué une dernière étape importante dans la définition des Démences. L'esprit scientifique y a gagné, puisque c'est clairement "par convention" que le diagnostic est alors porté, lorsque les causes restent obscures, comme dans le cas des Démences dites : "de type Alzheimer". Ce faisant, la référence à une incurabilité disparaît de la définition. Un diagnostic comme celui de DSTA, méthodologiquement, devient alors, plus que jamais, porté par élimination. Elimination de signes : — de pathologie vasculaire cérébrale — d'affections neurologiques caractérisables ; — de décompensations psychopathologiques, considérées comme prenant un masque déficitaire et qualifiées de "Pseudodémences".
Si l'hypothèse d'une perte des facultés de "représentation anticipatrice" a pu, par exemple, être ponctuellement évoquée comme "organisateur" de la symptomatologie déficitaire (Cf. J. de Ajuriaguerra, 1969), le vocabulaire employé est en constante référence à la perte, et l'étiologie organique ne souffre pas de critique pour ces auteurs.
La notion d'évolution spontanée péjorative, lente et progressive, reste un des piliers du diagnostic, diagnostic qu'il n'est pratiquement pas possible de porter lorsque des éléments de dépression ou de confusion sont associés au tableau clinique.
L'approche classique des Démences séniles les assimile donc manifestement à une mort psychique progressive et l'affectivité des patients ne fait pratiquement l'objet d'aucun commentaire, semblant apparemment exclue des préoccupations des chercheurs (1995a).
Rappel des hypothèses étiologiques des Démences séniles
Dans cette optique, les formes cliniques des Démences, même si elles reposent pour partie sur des particularités séméiologiques, sont essentiellement reliées au contexte clinique ou aux données étiologiques invoquées pour expliquer ce qui est observé (1979a). C'est ainsi qu'initialement on distinguait les Démences "préséniles" : Maladies d'Alzheimer, de Pick, de Creutzfeldt-Jakob... survenues avant 60 ans, des Démences séniles "stricto sensu". Ces dernières étaient elles-mêmes principalement réparties en Démences vasculaires, Démences dégénératives primaires, et Démences mixtes (dégénératives à participation vasculaire). A partir des années "soixante-dix", du fait des analogies relevées entre Maladie d'Alzheimer et Démences primaires, celles-ci ont été qualifiées de "Démences séniles de type Alzheimer" (DSTA) puis le terme : "Maladie d'Alzheimer" s'est imposé, employé indifféremment à propos des Démences de causes non objectivables, considérées comme organiques. 24
Les hypothèses proposées, depuis vingt ans, concernent essentiellement les DSTA (2 ). Différents modèles ont été successivement développés pour expliquer ce que l'on observe (1985c). Schématiquement, on peut parler de :
1. Théories neurologiques lésionnelles Le modèle de référence est implicitement celui de l'hémiplégie. La lésion, en tant que perte de substance ou en tant que corps étranger, introduit de fait, selon ce modèle, une tare, un biais dans le fonctionnement cérébral, avec v raisemblablement des variations selon la nature, l'origine ou la taille des lésions. L'attention s'est alternativement focalisée sur les plaques séniles, notamment sur la substance amyloïde, et sur les neurofibrilles (Cf. P. GiannakoPoulos et Coll. 1993). (I) Voir DSMIII, traduction française (1983). (2) Cf.
FNG (1984) ; Signoret & Haw (1991) Y. Lamour (1994).
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de causalité entre la présence de cette substance et la clinique démentielle n'est pas établi.
Ces modèles s'appuient sur des explications faisant référence —à des microlésions concernant directement ou indirectement les neurones cérébraux et, par voie de conséquence, —à la mort de plages plus ou moins diffuses de tissu cérébral, pouvant par exemple affecter des zones clefs du fonctionnement mnésique telles que l'hippocampe.
En effet, que cette molécule soit anormalement présente chez les Déments ne constitue pas une preuve de sa responsabilité exclusive, ou même relative, dans la production des symptômes. Tout au plus sa présence semblet-elle liée à la mort de neurones (cause ou conséquence de celle-ci ?).
On notera à propos des hypothèses invoquant des troubles circulatoires, ou de celles reposant sur l'observation d'une baisse de la consommation en oxygène par le cerveau, que les déficits cliniques observés n'ont jamais pu être enrayés de façon patente par les thérapeutiques à visée vasodilatatrice ou oxygénatrice.
On rappellera à propos de l'approche génétique qu'elle concerne la question de toutes les synthèses biologiques : protéines, enzymes, etc., ce qui par voie de conséquence renvoie aussi, à titre d'exemple, à la présence excessive de radicaux peroxydes.
Les seuls désordres cognitifs manifestement imputables à une souffrance neuronale semblent être ceux survenus dans le cadre du syndrome "d'apnées du sommeil", qui s'amendent avec la correction de celui-ci. Or curieusement, il s'agit d'une pathologie rarement recherchée et dont les effets néfastes semblent ignorés, ou sous-estimés, par le corps médical.
5. Théories psychosomatiques
2. Théories encéphalitiques Elles sont en fait une variante des précédentes ; là le modèle se réfère de façon implicite à la neuro-syphilis. Mais, les facteurs encéphalitiques envisagés peuvent être d'ordre très différent : virus, réactions immunitaires, i mpact de facteurs toxiques tels que l'aluminium ou les radicaux libres... Les théories carentielles peuvent également être rattachées au modèle encéphalitique. On rappellera à ce propos les recherches sur les déficits en zinc (Cf. J. Constantindis, 1977, -84).
3. Théories neuro-sécrétoires Elles sont calquées sur le modèle de la maladie de Parkinson. Elles reposent sur la mise en évidence, dans le cerveau des Déments, de multiples déficits en substances de tous ordres ayant des fonctions neuromédiatrices, neurotrophiques ou neurorégulatrices. Néanmoins, pour l'heure, les tentatives de recharge en neuromédiateurs se sont généralement révélées peu fructueuses. Cela nous a conduit à insister sur la question, très mal connue, des systèmes d'inter-régulation relatifs aux effets et aux taux respectifs de l'ensemble des neuromédiateurs, dont on observe ici ou là un déficit quantitatif.
4. Théories génétiques Elles reposent notamment sur la mise en évidence de gènes prédisposant au développement excessif de substance amyloïde, tout en sachant que le lien
Elles s'apparentent à un modèle de référence qui est celui de l'ulcère gastrique. Elles reposent sur les effets du stress, avec par exemple — le caractère cyto-toxique des glucocorticoïdes, au niveau du rhinencéphale, chez l'animal — l'observation de taux anormalement élevés de protéine amyloïde dans le cerveau de patients décédés après une expérience particulièrement stressante telle qu'un traumatisme crânien (G.W. Roberts et coll. 1991) — la référence aux facteurs psychosomatiques dans la constitution de l'athérome cérébral. Ces théories reviennent de fait au modèle lésionnel, conjugué avec la participation étiologique de facteurs de stress, sans pouvoir affirmer s'ils concernent l'ensemble des Déments ou seulement des sujets prédisposés (1982b,-85a).
6. Modèles psychodynamiques Ils font référence soit : — à une inhibition intellectuelle et psychomotrice, évoquant d'autres inhibitions qui peuvent être observées au décours de tableaux psychopathologigues, névrotiques ou psychotiques (inhibition intellectuelle, inhibition sexuelle, inhibition hormonale, etc.) — à une désorganisation de l'appareil psychique concernant le fonctionnement de l'articulation entre vie psychique consciente et inconsciente. Entre autres mécanismes, ils font appel à l'incapacité d'établir des liens entre Pulsions, affects et représentations. Nous avons largement participé à l'éclosion des théories psychosomatiques (1.982a) et psychodynamiques (1979a-79b). 11 s'agit de pistes qui, ces dermeres années, ont fait l'objet d'une réflexion approfondie de la part d'auteurs français tels que : M. Grosclaude (1987), G. Le Goues (1985), M. Mys linski (1994), ou M. Péruchon (1987,-91), J.-P. Vignat (1985,-87). 27
La théorie la plus connue, concernant la psychogenèse des Démences, développée par J. Maisondieu (1982), fait référence au rôle pathogène de l'angoisse de mort. Ce terme devant être pris dans son sens littéral, en ce sens qu'il se réfère beaucoup plus à l'angoisse de castration qu'a l'angoisse "psychotique" de morcellement ou d'anéantissement. Nous avions personnellement pointé dès 1979 le rôle confusogène de l'angoisse de mort (1979a,-79b,-82b,-86b), de nature à alimenter la pathogénie démentielle sur un mode psychogène. Cela dit, si l'angoisse de mort semble être une constante de la clinique démentielle, rien ne permet d'affirmer avec certitude si elle relève plus du registre des causes que de celui des symptômes ou des conséquences de la maladie. Nous avons longtemps réservé une place importante au rôle des mécanismes de désignation relationnelle (1982c,-82d). Ce faisant, nous avons proposé d'aborder la question de la Démence en termes de présentation déficitaire (1984a), c'est-à-dire de la considérer sous son aspect d'interface, entre les exigences devenues incompatibles de l'économie psychique et de l'économie relationnelle.
Il y a en effet lieu de souligner que, même si l'étude des Démences séniles ne s'appuie désormais plus sur le modèle implicite du retour en enfance, elle persiste à recourir au modèle de la perte. En corollaire, la notion de causalité lésionnelle semble faire l'unanimité, bien qu'en fait de preuves on ne dispose que de la mise en évidence de corrélations, tour à tour contestées, entre les symptômes et différentes formes d'altérations neurologiques. La seule exception à cette règle est représentée par les modèles psychodynamiques, sur lesquels nous reviendrons dans le chapitre consacré à l'étude critique du concept de Démence sénile. Or si le débat reste entier et aussi stérile, malgré une redondance de découvertes si difficilement reliables entre elles, peut-être est-ce précisément parce que la question même des Démences séniles justifie d'être abordée différemment. Il s'agit d'une réflexion à laquelle nous nous employons depuis quinze ans (1983e) et que nous proposons de développer ci-après.
Plus récemment, toujours dans la même optique, nous avons développé la notion de compromis démentiel, sur le modèle du compromis névrotique, en regard de risques de profonde déstabilisation émotionnelle, d'où un équivalent d'effet de "disjoncteur" au plan préconscient (1991b). Quoi qu'il en soit, on a cliniquement le sentiment d'assister à une forme de "désamorçage" de l'efficience intellectuelle et psychomotrice (1). Nous reviendrons ultérieurement (Cf. chap. 3 et 4) sur ces directions de recherche, pour en exposer la raison d'être. Notre point de vue est que la communauté scientifique n'a pas estimé à sa juste valeur la modernité des théories fonctionnelles des Démences. De tels modèles, en effet, renvoient implicitement, chacun à leur façon, à l'analogie d'une saturation des capacités d'un programme informatique, par : —tentative de résolution d'un problème insoluble —interférence d'informations parasites ou, —obligation de traiter simultanément plusieurs questions incompatibles. (I) Image empruntée à notre collègue Liliane Israel (enseignement au DESS de Psychologie gérontologique. université Lyon 2. 1994).
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Chapitre 2
Les enseignements de l'observation clinique Les observations auxquelles nous allons faire référence ont essentiellement eu pour cadre une pratique d'entretiens individuels et de groupes, avec des patients réputés Déments (1986f). Aux thérapies médiatisées "stricto sensu", que nous avons développées entre 1983 et 1986, ont succédé les activités de sociothérapie dont il sera question au chapitre 6 de cet ouvrage (1989d). La conduite de ces entretiens, ou de ces groupes, a de fait induit le développement de modalités empiriques de facilitation de la communication avec les Déments, modalités à l'origine de nombreux exposés et publications (1988e). Cette pratique, également à l'origine des hypothèses que nous avons proposées concernant l'évolution démentielle sénile, nous a donc permis de développer simultanément notre connaissance des patients et l'aptitude à communiquer avec eux (1987i). C'est dire l'importance de ce que les patients nous ont livré, plus ou moins directement, de leur vécu, de leurs préoccupations et de leurs pensées. Le changement opéré dans les modalités d'observation, en conférant au malade une position d'interlocuteur, a permis d'envisager qu'une ébauche de représentation de ce qui se passe du point de vue de l'intéressé succède à une approche jusque-là foncièrement objectivante. Le développement de techniques d'entretien Cela a consisté à introduire, dans la pratique gériatrique, des données élémentaires propres à toute tentative de communication de qualité (1985c). Les bases en sont simples et reposent sur les paramètres suivant (1990b).
l. Créer un espace de communication qui sera défini par : a)
Le lieu
qui doit être adapté à la nature de ce qui sera échangé ; 31
b) la composition constante du groupe d'interlocuteurs
b) le maniement de la connotation positive
s'il s'agit d'un entretien, pendant tout l'entretien, s'il s'agit d'un cycle, pendant tout le cycle (la même chose pourrait être dite concernant un groupe) sauf cas de force majeure.
qui se révèle extrêmement précieux pour mettre l'interlocuteur dans des dispositions psychologiques plus favorables en matière d'échange. Il s'agit là d'un point assez universel, les êtres humains, quels que soient leur âge ou leur condition, étant d'abord et avant tout en quête de dignité.
En effet, s'il est toujours possible à un patient d'accepter qu'il puisse y avoir quelque chose de plus important, pour l'autre, que ce qui se passe ici et maintenant avec lui, il lui est difficile d'admettre que n'importe quoi puisse venir s'imposer au détriment de l'échange actuel, ce qui n'incite pas à s'exprimer. Un entretien doit être protégé, par rapport aux allées et venues, aux intrusions téléphoniques, etc. Tout cela semble simple, mais l'expérience montre que l'obtenir en milieu gériatrique, en particulier vis-à-vis des Déments, est loin d'être aisé. c) le degré et la part de confidentialité qui doivent être les plus clairs possible dans l'esprit des interlocuteurs. Les choses ne sont en effet pas les mêmes si tout ce qui est dit ou montré peut être ultérieurement opposé au patient par des tiers, ou s'il peut se risquer ù exprimer des points de vue et des sentiments. Il en est de même de la possibilité, pour lui, de renoncer provisoirement un symptôme, avec la garantie que cela ne le contraindra pas, pour autant. à s'impliquer davantage dans la vie quotidienne. soit qu'il n'ait pas l'énergie pour le faire, soit que cela l'angoisse, en le plaçant dans une position relationnelle qu'il lui semble inenvisageable d'assumer. d) la durée consacrée à l'entretien qui doit être prévisible, en termes d'ordre de grandeur, même si, de notre point de vue, elle mérite d'être ajustée au contenu de l'échange.
2. Renarcissiser l'interlocuteur
3. Soutenir l'attention par la qualité des "feed-back" avec a) une présence intellectuelle sans failles indispensable pour solliciter et maintenir l'attention d'un interlocuteur dément, confus ou désorienté. Il ne faut pratiquement pas le quitter du regard. Le ton et la mimique doivent être les plus significatifs possible. Il est indispensable de tenir compte de son rythme, qui est lent, avec une recherche de synchronisation, en respectant ses latences de réponse. C'est tout un climat d'empathie qui doit nécessairement être créé pour réussir un entretien, b) le recours au contact physique les échanges verbaux gagnant à être soulignés par le geste et par la qualité du toucher. H est en effet possible et apparemment souhaitable d'avoir un contact physique avec son interlocuteur. Selon les circonstances, il y aura lieu de lui tenir la main, de lui placer la main sur l'épaule (ou de le prendre par les épaules), etc. Toute une gamme de messages chaleureux peuvent ainsi être exprimés, le contact physique venant souligner et enrichir la qualité des échanges. Ii. s'agit là de pratiques, initialement suspectes, auxquelles nous nous sommes risqué et dont il nous est apparu important qu'elles acquièrent droit de cité.
ce qui passe par
4. Fournir une aide systématique pour la recherche des mots a) lui reconnaître la qualité d'interlocuteur
en s'appuyant sur :
c'est-à-dire de sujet ayant quelque chose à dire, ce qui implique de rechercher délibérément ce qu'il y a de sensé dans ce qu'il tente d'exprimer.
a) la reformulation et le prêt de mots
A ce propos, il nous semble moins grave de se tromper sur ce qu'il aura émis. que de lui signifier que nous ne le croyons pas capable d'avoir quelque chose à nous communiquer
dans lamesure où un des obstacles à la communication est l'aphasie du Dément, cette difficulté peut être atténuée en lui proposant deux alternatives simples de réponses : celles qui nous paraissent les plus plausibles. 33
L'expérience montre que le patient reprendra un ou deux mots lui convie_ nant, pour construire une réponse simple qu'il n'aurait pas pu formuler autres ment. Son sourire vient généralement témoigner de la satisfaction qu'il éprouve alors. b) l'aide au travail associatif cela consiste à encourager et à valider ses efforts de cheminement mental par associations. Et, lorsque sa quête "patine" infructueusement sur un thème trop fortement investi pour qu'il puisse aller seul plus avant — par exemple sa mère — il est possible de l'aider, par un questionnement bienveillant, à parvenir au mot, au thème, au souvenir, recherchés. L'expérience montre que l'on ne fait pas dire pour autant n'importe quoi à un patient aussi réputé Dénient soit-il. De même, il ne choisit pas plus sa réponse au hasard, qu'il n'opte systématiquement pour le premier, ou le deuxième, des réponses qui lui sont proposées. Il suffit pour s'en convaincre de reformuler une question autrement, à un autre moment de l'entretien, pour vérifier la constance d'une réponse.
5. Rendre à la réalité psychique ce qui lui revient Il s'agit de reconnaître et de respecter la fonction protectrice du télescopage opéré par l'esprit (affaibli ?) qui sous l'effet du stress amalgame à la réalité actuelle, plus ou moins soutenable, ce qui relève soit — du désir (de la nécessité psychique) par exemple : "mon mari m'appelle ou "je vais chercher mon mari", alors qu'il est mort ;
-
— d'une situation ancienne ayant des analogies avec ce qui se passe, situation qui relève d'une préoccupation centrale pour le sujet, comme un rôle ancien puissamment investi ou une problématique mal résolue (1987f). L'approche conseillée consiste alors, par exemple, vis-à-vis d'une personne très âgée parlant de sa mère comme toujours vivante : à admettre qu'elle est toujours vivante, et qu'elle le sera toujours, dans son coeur, dans sa pensée. et qu'il est très légitime de lui parler parce que c'est, et ce sera toujours. comme si elle était là avec elle. Cette façon de procéder que nous avons exposée dans un travail présenté en 1981 à la Société de médecine gériatrique Rhône-Alpes (1981c), a été depuis quelques années popularisée par la conférencière nord-américaine N. Feil (1992) sous le terme de "Validation".
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6. Ne pas avoir de sujets tabous Il est en effet possible de parler de tout avec un Dément, de sexe, d'avenir, de mort, à condition de faire preuve de tact et de ne pas aborder n'importe quel sujet, n'importe où, n'importe quand. A condition encore de ne pas abuser du "dialogue vérité" qui, s'il peut sceller une relation forte, peut aussi se révéler franchement persécutoire si l'on y recourt trop souvent, notamment en prenant l'interlocuteur au dépourvu. De nombreux patients sont capables de réactiver leur pensée, et de faire preuve d'une capacité accrue à s'exprimer, confrontés à un thème émotionnellement mobilisateur. C'est ainsi que de vieilles dames, très démentes, se sont révélées capables de trouver les mots pour parler de préservatifs ou encore d'homosexualité féminine, dans la mesure où ces thèmes avaient une raison, non artificielle, d'être abordés avec elles. Encore faut-il dans tous les cas être prêt à assumer, soi-même, une réponse "choc" ou "sans fard". Car, grand est le risque d'être confronté à des propos mélancoliformes concernant la mort, l'absence d'avenir ou de raisons de vivre. Des réponses du type : "je vous fais peur...", "je préfère perdre la tête que me voir mourir...", "je m'applique à oublier..." peuvent aussi venir ponctuer le discours du patient. Tout comme est relativement classique l'expression de la nostalgie de l'enfance et du désir de retrouver les parents ou un être cher.
7. Recourir, si nécessaire, à la méta-communication On ne peut néanmoins pas exclure que l'attention du patient se dilue ou qu'il s'angoisse, se dépersonnalise ou encore donne libre cours à tout autre symptôme. C'est dans ces cas que les propos du professionnel peuvent tirer bénéfice à porter sur ce que le patient montre, sur ce qu'il nous fait penser. C e ostuasi.nsi qu'il est possible de parler, même à un Dément, de sa colère, sans et'n se mettre en colère de façon symétrique. De même est-il possible de tenter d'exprimer notre point de vue, en tant que tel, sur ce qui se passe entre lui Encore faut-il souligner, là encore, qu'y recourir de façon trop répétée peut se révéler persécutoire. C'est-à-dire que ce qui permet de "dépanner" la communication peut aussi, par son excès, contribuer à la rendre inconfortable et Ce qui est original, est d'avoir appliqué au Dément ce qui concerne tout un chacun. Banal ou incongru, selon le regard porté sur la question, cela s'est révélé extrêmement fructueux à l' usage et a donné lieu à une réflexion que nous avons poursuivie notamment avec F. Blanchard et coll. (1995g). 35
Ce faisant nous avons empiriquement contribué, dès les années soixantedix, à une façon d'aborder les Déments évoquant par de nombreux traits ce qui sera ultérieurement conceptualisé, à propos de la communication en général, sous l'appellation : "programmation-neurolinguistique" ou PNL (Cf. R. Bandler & J. Grinder, 1976).
Certes, nous sommes tout à fait convaincu de l'intérêt et de la valeur des scores ou des autres méthodes d'évaluation, dans le but de caractériser une population, à la recherche de valeurs moyennes. Mais les mêmes instruments évaluatifs ne peuvent que trahir ce qu'il s'agit de représenter dès lors que, renonçant à une vision statistique, on souhaite leur faire caractériser l'état d'un individu (1986g).
Les apports de l'observation clinique à la séméiologie des Démences
Pour ces raisons, nous avons consacré, dans le sillage de M. Philibert (1986), une large part de notre activité de conférencier à une étude critique de la notion d'autonomie, définie comme maîtrise de ses "dépendances" (19911:).
Ces apports ont principalement concerné la description des symptômes déficitaires dans leurs aspects qualitatifs, avec leur dynamique, mais aussi la mise en évidence de traits psychologiques communs aux Déments (1989i).
C'est aussi pourquoi, en réaction à l'idéologie "stimulative", nous avons édité une "grille" de propositions de choix dans la prise en charge quotidienne des personnes âgées (1987d).
Cette approche a été conduite en corollaire de l'étude des modes privilégiés de communication entretenus par nos patients, à laquelle nous avons consacré une part prépondérante de notre activité (1984a).
Dans cet esprit, nous avons vivement incité les équipes soignantes à privilégier l'observation ouverte "en situation" dans la vie quotidienne. comme le préconisent par ailleurs J.-P. Michel (1989) ou M. Ylieff (1994).
Nos observations ont été corroborées, ces dernières années, par celles d'autres cliniciens de langue française, tels que C. Montani (1994), M. Myslinski (1992) ou M. Peruchon (1991).
Il en est ressorti des observations très intéressantes, dans la mesure où elles situent, semble-t-il, le trouble principalement au niveau des stratégies de résolution des difficultés ou d'emploi des facultés (1985c).
1. De l'observation quantitative à l'observation qualitative L'expérience nous a appris que placer un Dément en situation de test pouvait être le meilleur moyen d'induire un "verrouillage" psychologique, et d'obtenir des contre-performances (1983b). La multiplication des grilles, tests, épreuves, etc. témoigne, s'il le fallait, du caractère insatisfaisant des méthodes d'évaluation fondées sur l'établissement d'un score. Ces grilles ont en commun de négliger la caractérisation des stratégies d'échec (ou de succès) des patients, avec le risque de regrouper des phénomènes différents sous un résultat commun. Le cas le plus flagrant est représenté par le "Mini Mental State Examination" de M.F. Folstein (1975). Nous croyons indispensable de rappeler que, comme tout questionnaire remplir, les échelles d'évaluation biaisent obligatoirement l'approche relationnelle de l'examinateur. De plus, l'établissement d'un score risque de faire poindre le désir d'en obtenir l'amélioration, en "poussant" les malades à la performance, par une approche autoritaire qui, de fait, développe la soumission et non pas l'autonomie de l'intéressé. Ce faisant on risque d'induire l'apparition réactionnelle de conduites d'ordre régressif. 36
De plus une forme de pertinence comportementale peut être relevée dès lors qu'on attache l'observation à la fonction relationnelle des conduites, sujet sur lequel nous reviendrons à propos de la clinique de la communication (voir p. 43-45). Les principales remarques qu'il nous apparaît en premier lieu essentiel d'exposer portent sur (1990g) : a) l'aphasie qui semble d'installation précoce. Ce sont, dans un premier temps, des erreurs de mots qui sont observées. Un mot est remplacé par un autre, par similitude de consonance ou par analogie entre ce que les deux termes désignent. Manifestement ces substitutions ne relèvent pas de lapsus, dont elles ne présentent, à l'évidence, aucun des caractères. Ultérieurement ou simultanément, c'est un mot ou un nom, que le patient cherchera sans le trouver, devant recourir à une périphrase, alors qu'il sait Pertinemment ce qu'il veut dire. Le mot concerné est généralement retrouvé plus tard, spontanément ou par association, au grand soulagement de l'intéressé, qui se souvient de sa quête infructueuse et sait identifier le vocable Ces phénomènes, initialement d'une grande banalité, deviennent pathognon'Ioniques par leur caractère invalidant, car progressivement le vocabulaire 37
"adéquat" disponible s'appauvrit, même si les phrases restent correctement construites au plan grammatical, du moins en l'absence de confusion mentale. A terme, soit il n'y a pratiquement plus d'expression verbale, soit celle-ci évoque un jargon tant elle est émaillée d'erreurs. C'est tout le processus de mise en mots, y compris sous forme d'un discours intérieur et donc d'une pensée formalisée, qui se révèle affecté. Des possibilités d'expression verbale correcte peuvent néanmoins être observées : — dans le cadre du recours, toujours possible, à des phrases "toutes faites" relevant des conventions sociales ; —de façon imprévisible, brève, riche et extrêmement pertinente (voir p. 5051) ; —dans le cadre d'épisodes délirants caractérisés. b) la défaillance des facultés instrumentales qui, telle qu'elle est observée, évoque des formes de pannes intellectuelles ou des lacunes de pensée, correspondant à des "blancs" mentaux, à l'occasion desquels le sujet ne semble plus savoir comment (par quel bout) prendre le problème à traiter. Rien ne semble plus, alors, significatif pour lui. Par contre, rassuré et revalorisé, il peut, par imitation ou avec une aide partielle, reprendre éventuellement le processus interrompu. D'une façon générale, c'est essentiellement la maîtrise des apprentissages, sous forme de commande volontaire, qui semble être concernée avec de véritables dissociations automatico-volontaires (1985c). Ainsi, ce qui a échoué à la commande peut être réussi ultérieurement, sans y penser, en ayant recours à l'induction par un enchaînement automatique. De là découle, bien entendu, une nécessaire réflexion sur la promotion de techniques de facilitation, aux lieu et place des traditionnelles rééducations. c) l'amnésie qui n'atteint pas l'ensemble de la mémoire de façon homogène. Il existe, manifestement, des possibilités mnésiques "dissociées", observation validée par les travaux de M. Van Der Linden (1994). Ce qui semble dysfonctionnel chez les Déments, est la mise en relation des différents registres constitutifs du souvenir, c'est-à-dire la reconstruction d'un souvenir à partir de ses différentes composantes. Par contre, un certain nombre de données, constitutives du fonctionnement mémoriel, semblent "opérantes" pour leur compte. 38
C'est ainsi qu'on observe des formes de réminiscences (affectives, visuelles, comportementales, etc.) relevant d'une perception de type "global" (1994c). Mais leur mise en relation, entre elles et avec les éléments lexicaux correspondants, qui permettrait une prise de sens, semble impossible. Tout se passe comme si le patient ne trouvait pas les mots "pour le dire", comme confiné dans une forme de pensée "pré-verbale" (1985d). A titre d'exemple, il peut ne pas parvenir à nommer ses enfants et pourtant se conduire avec eux de façon adaptée. De même, s'il ne retrouve pas le nom de son médecin, il peut être tout à fait capable de l'identifier comme tel et de l'appeler : "Docteur". Il est à ce propos intéressant de pointer la capacité des Déments à respecter, et donc à avoir intégré et mémorisé d'une certaine façon, les usages des groupes dans lesquels ils sont amenés à vivre, que cela concerne des lieux de repas, des rituels de coucher, ou des interdits comme ne pas mettre le désordre dans le bureau de la surveillante pourtant toujours ouvert. En contrepoint de ces aspects partiellement adaptés, le fonctionnement mnésique des Déments est l'objet des télescopages ou des amalgames d'évocations (1993e), dont nous avons abordé la dynamique dans la première partie de ce chapitre. Tout se passe comme si le souvenir qui n'est plus identifiable intellectuellement pouvait le rester affectivement et, en ses lieu et place, ce sont les éléments épars d'une histoire analogue qui font surface. De notre point de vue ces phénomènes ne relèvent pas du délire, sauf à les considérer comme des hallucinations mnésiques comme le fait M. Péruchon (1994). d) la question de la conscience des troubles conscience des difficultés, semble-t-il très probable, surtout en début de maladie, corroborée par le déploiement d' astuces pour tenter de donner le change et par l'existence de réactions dépressives. Ultérieurement, dans de nombreux cas, il se développe apparemment une certaine indifférence du malade vis-à-vis de ses symptômes. Confronté à ses incapacités, il peut alors, sans paraître affecté, soit ne pas les contester et invoquer des excuses de différents ordres, soit les nier au prix de propos fabulatoires : "je fais moi-même mes courses, ma cuisine, mon ménage, etc." De plus, d'une façon générale une difficulté croissante à penser de façon consciente (auto-soutenue) semble s' installer avec l'avancée dans la maladie. Il est donc très difficile d'être affirmatif dans quelque sens que ce soit, et il y a là, pensons-nous, matière à poursuivre des recherches extrêmement rigoureuses, tâche à laquelle s'emploie notamment en France l'équipe de B. Laurent (1994). 39
2. L'observation de traits psychologiques communs aux Déments Pour mémoire, nous croyons utile de rappeler que ce sont les aides-soignantes qui, les premières, compte tenu de leur expérience et de leur ressenti, ont osé parler de l'affectivité des Déments (affectivité à fleur de peau, même) et ont fait référence à une forme de communication possible avec eux. Mais il faut reconnaître qu'il a longtemps été de bon ton, au nom du dogme de l'inaffectivité, d'évoquer à ce propos une approche qualifiée de projective (1985d). On trouvera là, s'il le fallait, une illustration de l'enrichissement des connaissances du fait d'une modification des conditions d'observation, avec dans ce cas des données ne pouvant être acquises qu'en situation "partagée" (1988e). L'observation psychologique des Déments, dont il nous est d'emblée apparu indispensable de valoriser la légitimité, sera de plus en plus amenée à constituer un champ d'étude à part entière, démarche fort bien illustrée par les travaux de J.-L. Pedinielli & coll. (1987). Schématiquement les malades concernés ont, plus ou moins, en commun (1987g) :
— une grande vulnérabilité narcissique, qui associée à une certaine labilité émotionnelle concourt à aggraver leurs contre-performances lorsqu'on les place en situation de mise à l'épreuve, par exemple lors de la passation de tests. Nous serions tenté, comme J. Maisondieu (1989), d'associer à ce type de dispositions un symptôme comme la non-reconnaissance de leur propre image, alors que celle des autres est reconnue, tout en sachant qu'il peut tout autant s'agir de déni psychique que d'une régression cognitive
une ambivalence comportant une véritable incapacité à faire des choix, à s'impliquer, évoquant une forme de phobie d'implication, avec une extrême difficulté à hiérarchiser leurs investissements. Ce faisant, leurs investissements objectaux semblent s'effacer au bénéfice d'un investissement défensif de soi et des relations de dépendance maternante, avec la nostalgie de l'enfance et des parents.
— un vécu d'abandon, toujours prêt à poindre, les conduisant à développer des symptômes pour exprimer leur incapacité à rester seuls 40
— une forme d'infiltration psychique par l'évocation obsessive de la mort, à fleur de conscience, à peine voilée, ressortant sous de multiples masques, dont l'observation constante, référée à la pression psychologique qui infiltre la vie institutionnelle, constitue une des clefs de la pratique gériatrique. Si au contact des Déments on observe des phénomènes projectifs majeurs( I ), en bien des points, notamment par leurs modes d'expression et de communication, il y a lieu de souligner qu'ils se distinguent sans ambiguïté des patients psychotiques, point sur lequel nous sommes en divergence de vues avec des auteurs comme J .-P. Vignat (1993). S'il y a une analogie possible avec les Démences, dans le champ de la psychopathologie, ce serait plutôt avec LA névrose, c'est à dire l'hystérie, dans ce qui serait une forme symptomatique extrême. Cela dit, notre sentiment est que les Démences constituent un mode de défaillance psychologique en soi, avec sa dynamique propre.
3. La sensibilité au contexte et les capacités de compréhension globale De toute évidence les patients réputés Déments sont perméables au climat relationnel et, sans peut-être toujours comprendre finement ce qui se dit, ils en perçoivent le sens général. Ce qui se passe avec eux ou à propos d'eux, l'essence de ce qui se joue, de l'avis unanime des observateurs attentifs, semble perçu par eux ( I 985d). De même, ils sont capables de situer la fonction de certains interlocuteurs et d'adhérer à des rituels de vie, tout laissant supposer que leurs ajustements relationnels, en groupe, obéissent aux règles générales en la matière. Nombre de symptômes, et en particulier de symptômes psychiatriques "classiques", que présentent les Déments, ont dans leur survenue tous les caractères d'une pathologie réactionnelle (1990g). Cette pathologie peut être notamment référée à des fautes thérapeutiques envahissement du domicile, changement insuffisamment préparé ou non consenti. Elle peut aussi se rattacher aux crises de la prise en charge, au sein de la famille ou de l'équipe soignante. C'est ainsi qu'on observe des symptômes manifestement réactionnels aux "non-dits", concernant l'avenir du patient ou le devenir d'un de ses proches, dont on lui cache par exemple la mort. (1) En particulier d'identification projective, au sens où l'entendent J. Laplanche & J.-B Pontalis (1967).
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Les manifestations pathologiques relevées peuvent être des manifestations d'angoisse, des symptômes dépressifs, des constructions délirantes, des troubles du comportement (violence, passages à l'acte de toutes sortes), des départs intempestifs qualifiés de fugues ou encore des accès caractérisés de confusion mentale. L'évocation de ce caractère, de cet aspect "réactionnel", relève des données d'anamnèse. On est bien sûr en droit d'invoquer à ce propos l'existence d'un parti pris chez le narrateur ou chez "l'interviewer". Mais, l'atténuation ou la disparition de cette symptomatologie, notamment des troubles du comportement, à partir de prescriptions d'attitudes impliquant l'entourage, prescriptions fondées sur l'hypothèse de leur caractère réactionnel, prend valeur de preuve. Notre pratique des thérapies de crise, tout comme la pratique des thérapies familiales, telle qu'elle est relatée par Y. Colas (1984), viennent étayer ce point de vue. Le domaine de l'incontinence urinaire nocturne a permis, entre autres, de vérifier le caractère manifestement induit d'une variation symptomatique, soulignant ainsi la capacité des Déments à réagir aux facteurs d'environnements. Schématiquement, la recherche à laquelle nous faisons référence, qui a fait l'objet de la thèse de M. Fradin (1988), s'est d'abord appliquée à évaluer le taux d'incontinence dans deux unités de soins d'un même service de gérontopsychiatrie, où intervenait la même équipe soignante. Le protocole a consisté, dans une des deux unités, à supprimer le "change" nocturne systématique des incontinents urinaires diagnostiqués Déments, pour ne le réaliser que s'il était demandé, ou accepté sans réticence, par ces mêmes patients. Cette modification de pratique s'est soldée, en un mois, par une amélioration spectaculaire puisque, dans cette unité, dix des douze patients concernés ont cessé d'être incontinents la nuit.
Il est en effet avancé par un auteur comme P. Gerin (1984) que ce qui se révèle statistiquement prédictif du résultat d'une psychothérapie, est "une certaine qualité d'investissement" de la part du thérapeute, bien plus que le type, la forme ou l'idéologie thérapeutique. Cette étude sur l'incontinence a été complétée par une investigation pratiquée dans une autre institution, à une autre période de l'année. Les intervenants ont alors reçu des consignes assorties d'un minimum de commentaires, de sorte que l'expérience ne fasse pas l'objet d'un investissement particulièrement positif. Le résultat fut le suivant : les patients auxquels le protocole était proposé se sont à peine améliorés, alors que les témoins se sont, eux, nettement plus améliorés. Que s'était-il joué entre les résidents, véritables représentants des façons de faire "maison", et les personnels les prenant en charge `? Quels que soient les biais invoquables, dans tous les cas, un changement des modalités de prise en charge a été porteur de modifications des automatismes mictionnels nocturnes. Tout s'est passé comme si les patients avaient répondu à un changement de conduites ou d'attitude, par un changement comportemental dans un registre où la volonté n'a pas de prise. Et la nature des résultats semble être relative au type d'investissement observé chez les intervenants, le levier relationnel apparaissant le plus plausible pour expliquer les observations enregistrées. Eclairage apporté par l'étude des conduites et des phénomènes relationnels
1. Le jeu des attitudes
Une évaluation complémentaire a par ailleurs permis de mettre en évidence, chez les deux incontinents "persistants", l'existence de facteurs organiques susceptibles à eux seuls d'expliquer la persistance du symptôme.
Si le discours verbal des Déments est pauvre, émaillé d'erreurs de mots, de néologismes, de périphrases, il n'en constitue pas moins, de toute évidence, une tentative d'expression (Cf. J. Wertheimer, 1994).
Face à un tel résultat, on était en droit de rendre le protocole responsable de l'amélioration observée, en invoquant un conditionnement ou un déconditionnement. Or, surprise, dans l'unité de soins "jumelle", où le protocole n'a pas été appliqué, il y a eu pendant la même période une amélioration, moindre certes mais réelle, du taux d'incontinence.
L'observation permet de vérifier que les patients cherchent, avec les capacités qui sont les leurs, à exprimer des préoccupations, des sentiments, et d'une certaine façon leur point de vue. Même au prix d'un jargon, ce qu'un Dément tente de dire ne semble pas être n'importe quoi. Il y a une grande cohérence dans ce qu'il manifeste et, en contrepoint de ses difficultés d'expression verbale, il fait preuve d'une grande pertinence dans le maniement des éléments non verbaux, et néanmoins manifestes, de la communication (1981b).
Que penser ? S'agissait-il d'un facteur saisonnier. toutes choses étant par ailleurs peu différentes, ou bien les améliorations observées peuvent-elles être reliées à l'investissement de la question de la continence par les soignants ? 42
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Son ton, sa mimique, sa posture. ses gestes, se révèlent adaptés à ce dont il est question et avec la situation. Son regard, tout particulièrement, reste expressif, de même que, pour autant qu'on sache les prendre en compte, on notera tout au long de l'évolution démentielle des signes participatifs pouvant représenter autant de tentatives d'expression (1985c). L'observation des Déments en situation groupale, y compris lors des entretiens familiaux, confirme s'il le fallait la pertinence de leur participation comportementale, même si leurs attitudes et leurs réactions peuvent faire l'objet d'interprétations contradictoires (1985d). Malheureusement il est fréquent, soit de ne pas accorder une attention suffisante à ces tentatives d'expression, soit de commettre des erreurs plus ou moins grossières d'interprétation.
A l'origine de ce phénomène, on peut supposer que la proposition de changement, et donc d'adaptation, met les patients concernés en porte-à-faux, en les sollicitant dans la défense de leur identité, au-delà de ce qu'ils ressentent comme économiquement possible. Alors que les Déments sont désignés comme morts psychiquement, la clinique situationnelle met en évidence leur inscription active dans l'homéostasie familiale, et notamment dans le jeu des loyautés transgénérationnelles. Ce faisant il est illusoire de vouloir prendre ce qui apparaît être le parti individuel du patient au regard des intérêts de ses proches, car tôt ou tard celuici finit par valider le point de vue familial, dût-il marquer son appartenance en se sacrifiant. La survenue de sa mort semble, elle-même, pouvoir s'inscrire dans cette logique dans nombre de cas (1985a).
2. Les transactions relationnelles privilégiées
3. L'induction d'irrationalités
Nous croyons important d'insister sur la redondance de certains modes transactionnels lorsque ce qui est en cause est la prise en charge des Déments ou même l'étude de la Démence.
Nous avons déjà évoqué la conviction d'incurabilité et celle d'organicité concernant les Démences, conviction se refusant à toute réflexion critique.
Il s'agit notamment de tout ce qui relève du registre de la disqualification et de la persécution (1982b). Cela passe par l'évacuation du sens ou de l'esprit des choses. C'est ainsi que des projets ou des programmes de soins, quoi qu'on fasse, peuvent être vidés de leur sens pour des considérations pratiques. Il est d'ailleurs curieux de voir à quel point les aspects matériels, très vite, se révèlent souverains et déterminants en milieu gérontologique. Ces considérations conduisent, d'une certaine façon, à devoir faire simultanément une chose et son contraire, un peu à l'image de ce qui nous semble être le fonctionnement mental des Déments, incapables de hiérarchiser leurs investissements, ni même de gérer leurs tendances contradictoires.
A l'absence apparente d'élaboration psychique, et au vide de la pensée, semble répondre l'inhibition de la pensée chez les tiers. Et les meilleurs projets sont alors soumis à des dérives insidieuses qui les vident de leur substance, de leurs principes, de leur raison d'être (1990d)... L'autre aspect des choses qui sera souverain est représenté par la résistance au changement, force homéostasique universelle avec laquelle le soin gériatrique doit compter comme une donnée déterminante. Aux vélléités de changement des soignants, les patients et leurs proches répondent généralement par des stratégies d'affolement, qui ont pour effet de rendre les thérapeutes les plus aguerris parfaitement amnésiques ou confus (1984b).
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Face au Dément, sens et non-sens semblent se mêler inextricablement. Ses façons de faire lui permettent en effet de conjuguer les contraires, puisqu'il se soustrait à la responsabilité des messages qu'il émet par la façon de les délivrer, laquelle pourra être retenue par son entourage pour les invalider. La non-implication est désormais son lot, mais peut-être aussi sa planche de salut. Une des contre-attitudes irrationnelles des proches peut consister à refuser d'admettre l'état du malade, en survalorisant ce qu'il était et en le soumettant à toutes sortes de tentatives de surentraînement intellectuel (1994a). Notre pratique nous a appris que l'idée même qu'un soin soit envisageable se heurte généralement à un verrouillage intellectuel, et peut être génératrice d'angoisse autour du patient. Entre autres, un cas clinique précis nous a permis de vérifier qu'à l'évocation d'un éventuel soin, une des personnes présente à un entretien familial, et jusque-là silencieuse, a pu devenir subitement agressive, sur un mode projectif, en prenant littéralement à partie le thérapeute pour l'accuser de "le provoquer...". Un climat persécutoire, propre aux prises en charge débutantes, risque de se pérenniser sur toile de fond de réactivation de conflits familiaux, fraternels ou intergénérationnels, se cristallisant sur les décisions à prendre ou sur le coût des soins. Il s'agit d'un aspect des choses qui a notamment été très bien étudié par M.-P. Farinone (1991).
On observe également des familles qui, soit parlent d'aggravation au moment où une amélioration symptomatique est objectivée, soit retirent leur parent d'un processus thérapeutique à l'annonce imprudente de performances accomplies, dans le cadre d'une activité groupale.
bien entendu, un profond malaise autour de conflits de rôles. En effet, en nous référant à E. HALL (1971), qui de la famille ou des soignants va accepter de situer son intervention dans le registre social pour reconnaître à l'autre le privilège d'agir légitimement dans la dimension intime ?
Il est d'ailleurs exceptionnel que les familiers, qui amènent un patient réputé dément à une consultation, acceptent de bonne grâce qu'il soit vu seul ou même qu'il soit possible de s'adresser directement à lui sans être censuré. De même les éventuelles tentatives d'expression pertinente, dont il peut faire preuve en cours d'entretien, sont généralement disqualifiées.
A un degré de plus, on peut aussi assister à de véritables tentatives désespérées de jouer tous les rôles : conjoint, parent, soignant, etc., avec une consommation de temps croissant sans limites et le risque de développement de formes de symbioses fusionnelles. C'est ainsi qu'on peut voir un enfant ou un conjoint se tuer progressivement à la tâche, en refusant l'intervention de professionnels, souhaitant absolument faire lui-même, par exemple, la toilette de son parent, avec parfois des pratiques "extrêmes", comme celles d'un fils amené à laver la vulve de sa mère et à vérifier régulièrement la vacuité de son rectum.
Néanmoins, dans le même temps il sera demandé au thérapeute de ne pas dire certaines choses, par exemple qu'il y a un projet de "placement", pour ne pas traumatiser l'intéressé. Ou encore, plus généralement, les proches peuvent évoquer devant le patient, à voix basse et à mots à peine couverts, des choses qu'ils souhaitent lui cacher. Ce faisant ils invoquent volontiers de façon simultanée sa fragilité, qui justifie qu'on lui cache des informations, et le fait qu'il ne comprend pas ce qui se passe ni ce qu'on lui dit, notamment si un professionnel tente de s'adresser directement à lui. L'intéressé lui-même, que l'on serait parvenu à rencontrer seul à seul, est parfaitement capable de s'empresser de valider le point de vue familial en se révélant alors très confus.
Cela dit, parmi les particularités relationnelles auxquelles la Démence conduit, la plus banale consiste certainement à traiter un adulte âgé comme un enfant (1989j). Cela concerne : — le ton employé qui est volontiers protecteur ou pédagogique, —l'attitude universelle consistant à lui donner la main, et non plus le bras,
Approcher un sujet réputé "Dément sénile", pour pouvoir s'adresser à lui en prise directe, demande un travail de préparation et de réassurance de ses proches, au cours duquel il est nécessaire de fournir à l'entourage de solides garanties sur la non-dénonciation de sa désignation en tant "qu'ayant perdu sa tête" (1981b).
—le recours à des diminutifs du type "papi" et "mamie" ou l'apparition spontanée d'un tutoiement, là encore, aussi universels qu'opiniâtres,
Il est d'ailleurs classique d'être confronté à des demandes de prise en charge du type : "occupez-vous de lui, mais ne touchez à rien... surtout ne le soignez pas".
—une série d'attentions qui concernent habituellement les nourrissons comme : lui donner un baigneur en celluloïd, le nourrir avec des aliments de type "premier âge", ou s'intéresser à ses selles avec la jubilation d'une jeune mère de famille ( I 994a).
Lors d'une hospitalisation ou d'un placement on pourra également enregistrer des demandes très caractéristiques qui, si l'on tente de les satisfaire, risquent d'être à l'origine de redoutables conflits ultérieurs. Une de ces attentes les plus classiques, consiste à vouloir "qu'il n'arrive rien", que tout soit contrôlé et prévenu. Le désir sécuritaire peut conduire à exiger d'enfermer, attacher, filmer et doter les patients de détecteurs en tous genres. Tout savoir sur tout dans les moindres détails, vouloir que les intervenants fassent, comme les proches auraient souhaité faire, ce qu'ils ne peuvent plus faire (substitution sans délégation) ; telles sont les demandes adressées aux équipes gériatriques, interdites d'être elles mêmes, d'avoir un projet et de nouer une relation privée avec la personne qui leur est confiée. Il s'ensuit, 46
—la conviction qu'il, ou qu'elle, ne peut pas rester un instant seul parce qu'il lui arriverait quelque chose ou qu'il serait capable de faire n'importe quoi, étant sous-entendu qu'il serait en danger, si ce n'est dangereux :
D'autres points relatifs au vocabulaire et aux pratiques mériteraient d'être soulignés. Nous pensons à ce propos à tout ce qui concerne la directivité. Cela se traduit par l'incapacité de s'enquérir de ce que pourrait souhaiter un patient pour lui assigner d'autorité une place : "M. X. allez en salle à manger " ou "M'"' Y. allez dans votre chambre !...". La politique même de "stimulation" pose question. Ce terme est habituellement employé à propos des nourrissons, des comateux ou des patients en phase de réveil d'anesthésie, mais il ne concerne pas les relations entre adultes ou ne saurait en être l'élément directeur. 47
L'existence d'une incontinence ajoutera, à ce que l'inversion des rôles peut induire, toute la gamme des contre-attitudes irrationnelles, particulières aux intervenants, vis-à-vis des selles ou des urines. Il peut alors se passer des choses très fortes, à même de se révéler traumatisantes et d'engendrer un engrenage pathogène secondaire, impliquant le patient. C'est ainsi que le soignant, initialement agressé en fonction de ce qu'il représente et non en fonction de ce qu'il est, risque de ne pas faire la part des choses et de se sentir personnellement atteint, avec tous les risques d'attitudes négatives qui en découlent (1981a). La prise en charge des Déments va introduire d'autres modalités relationnelles redondantes, comme la réification accentuée des patients, même si elle n'est pas l'apanage de la Démence, tant elles risquent d'apparaître chaque fois qu'un individu ou un groupe disposent d'un pouvoir discrétionnaire sur d'autres.
Au-delà de la clinique, tant individuelle que familiale, des conduites irrationnelles peuvent également être rapportées concernant les groupes dont l'objet est de prendre en charge la Démence sénile ou de l'étudier. Les observations qui nous viennent à l'esprit pour illustrer ce propos concernent par exemple le fait — de faire une réunion et de décider que la discussion aura lieu pendant la pause, ou — de poser un cadre thérapeutique, qui aboutit à ne jamais pouvoir accueillir qui que ce soit en thérapie. Certaines conduites auxquelles nous avons fait référence peuvent être déplorées, et nous avons longtemps été porté à avoir une attitude critique, mais leur caractère redondant et universel nous a amené à nous interroger sur la possibilité de les rattacher à une concevable "dynamique démentielle". Manifestement la pathologie à l'oeuvre semble marquer les échanges d'une empreinte subjective que nous sommes tenté de croire pathognomonique.
La pratique hospitalière est, en la matière, riche d'exemples quotidiens, comme la poursuite des conversations privées pendant les soins. Mais, avec les Déments, les choses peuvent atteindre des sommets, tel l'échange de confidences entre deux aide-soignantes sur leurs choix de petites culottes, pendant la toilette d'un vieil homme...
Nos observations nous portent à penser que la séméiologie des Démences séniles ne peut certainement pas se résumer à une pathologie neurologique et cognitive. Elle comporte également, de toute évidence, des aspects psychologiques et relationnels qui lui sont caractéristiques.
Nous soulignerons également le sentiment, très répandu, que non seulement les Déments sont fragiles, niais que s'ils guérissaient ils en mourraient.
Tous ces aspects de la pathologie démentielle, a priori, relèvent, sans exception, d'études justifiées par les nécessités correspondantes du soin et de la prise en charge des malades concernés.
Et, il est remarquable que, lorsqu'il y a une décision à prendre les concernant, elle est volontiers source de conflits très durs. S'il s'agit de faire sortir certains patients de l'hôpital, ce n'est jamais le moment, il y a toujours un soin à terminer, le patient pouvant fort bien alimenter ce processus au prix de décompensations itératives, que ce soit sur le mode psychiatrique ou somatique. Il se peut d'ailleurs qu'une information parvenue après-coup vienne régulièrement, au dernier moment, remettre en question toute décision. La clinique situationnelle, dès lors qu'on y est attentif, se révèle extrêmement riche concernant les Déments séniles. Reste, au plan des "non sens" à évoquer le climat relationnel propre aux institutions qui accueillent des Déments séniles, climat confusogène, amnésiant, où il est difficile de penser et où pèse une charge impalpable sur le psychisme des soignants. Il de phénomènes qui méritent d'être analysés et auxquels nous avons un temps consacré notre réflexion. Leur compréhension implique la prise en compte de la question de la mort, des projections qui s'y associent et des mécanismes de défense mis en place, tels que le recours à la pensée magique ou, surtout, à l'inhibition de la pensée ( 1 981a). 48
C'est ainsi que, pensons-nous, il s'avère non seulement concevable, mais parfaitement légitime, de réintroduire l'approche des Démences séniles
dans le champ psychodynamique.
La question de la persistance d'une vie psychique inconsciente chez les Déments séniles Constatant l'existence de capacités réactionnelles et adaptatives chez les Déments séniles, ainsi que celle d'une expression affective et d'une participation relationnelle, nous étions en droit de contester leur mort psychique intégrale, sur tous les plans. Par contre, il pouvait nous être objecté une mort des fonctions supérieures, avec survivance de fonctions plus archaïques, plus animales, concernant les mouvements affectifs de base, de nature à permettre un certain nombre de modèles adaptatifs sur un mode global (1979a). Nous en serions sans doute resté là, si la clinique ne nous avait confronté à la plasticité des symptômes déficitaires.
En effet, comme nous l'avons déjà évoqué, dans un certain nombre de cas il est possible de voir (et même manifestement de faire) fluctuer des symptômes déficitaires comme les perturbations mnésiques. Ils peuvent ainsi partiellement régresser, sur une courte durée, dans le cadre d'un entretien individuel ou d'une séance de thérapie groupale, ou familiale. On peut encore observer des variations spontanées, avec des améliorations ponctuelles imprévisibles, dans des contextes très différents. C'est ainsi qu'un patient aphasique peut récupérer des facultés verbales au décours d'un épisode délirant. Un autre peut avoir assisté à une réunion, blotti dans un coin sans que personne prête attention à sa présence, puis traverser la salle en ponctuant ce qui a été dit d'un : "Ah ! je vous fais peur, hein Intervention parfaitement pertinente, tout comme celle d'une patiente qui se révolte et dit à un soignant : "C'est comme ça qu'on parle à une malade ? !". Dans le même registre, une patiente très aphasique a pu, sans que personne y prenne garde, entamer un discours cohérent avec une orthophoniste qui lui tournait le dos, et qui avait manifestement d'énormes difficultés avec des raccords de magnétoscope. Lorsque la jeune professionnelle a pris conscience de l'identité de son interlocutrice, le discours cohérent a immédiatement pris fin. Un autre exemple encore concerne, lui, le jargon d'une patiente ayant provisoirement cessé lorsqu'un médecin s'est assis à côté d'elle pour "jargonner" sur le même mode. Tout se passe parfois comme si les interlocuteurs en présence oubliaient leurs rôles respectifs, celui de "supposé-soignant", mais aussi, pour ce qui nous intéresse, celui de "Dément". L'ensemble des défaillances cognitives observées peut donc faire l'objet de variations difficilement prévisibles, avec ou sans rapports évidents au contexte relationnel. Et l'expérience nous a permis de vérifier qu'une certaine forme de prise à "contre-pied" des patients, tout comme le recours aux automatismes, bonifié par un climat et un discours renarcissisant, était à l'origine de meilleures performances que la pratique autoritaire. C'est souvent l'accès direct à un souvenir ou à un automatisme, qui semble "verrouillé" d'autant plus fortement que l'intéressé insistera désespérément, alors qu'il est encore possible d'accéder à des souvenirs, apparemment perdus, par une chaîne associative. Cela tend à prouver, s'il le fallait, qu'ils n'étaient pas effacés, mais qu'ils étaient inaccessibles ou non reconstructibles, de manière directe, pour une raison qui reste à découvrir. Il en est de même, apparemment, pour l'utilisation des apprentissages, avec l'observation déjà évoquée d'une dissociation automatico-volontaire, qui permet à quelqu'un de faire spontanément une chose qu'il ne parvient plus à faire sur ordre, même s'il a manifestement intégré le sens de la consigne. 50
Il est maintenant admis, indépendamment de toute erreur diagnostique, que des récupérations partielles de facultés verbales, mnésiques et psychomotrices, peuvent survenir sans prodromes apparents et durer de quelques heures à quelques jours, sur un mode spectaculaire. De telles rémissions se concluent, à notre connaissance, par le retour aux symptômes mais aussi, nous avons pu l'observer, par la mort du patient. Quel que soit le mécanisme d'induction de ces performances, une chose est évidente : ce qu'on pourrait croire mort, ou perdu, ne l'est pas chez les patients concernés. Des souvenirs ou des capacités d'expression verbale, sont restés quelque part, inemployables en temps normal. Même si ces rémissions sont imprévisibles et si leurs mécanismes inducteurs sont difficiles à cerner, cela situe la question des Démences sur un autre terrain que celui de l'extinction des possibilités par destruction du support. Des observations de cet ordre nous autorisent à ne plus aborder les Démences en termes de pertes, au bénéfice d'une approche en termes de dysfonction de la maîtrise des facultés mentales et psychomotrices. De là à envisager la persistance d'une vie psychique inconsciente faisant du patient, à sa manière, un participant actif en termes relationnels, il n'y avait qu'un pas que nous avons délibérément choisi de franchir (1979c,-80a). Il s'agit d'un postulat dont la formulation a relevé initialement d'un parti-pris éthique élémentaire, celui d'accorder au patient le bénéfice du doute. Cela n'exclut pas, bien au contraire, que ce que nous proposons de considérer comme un néofonctionnement, ou un fonctionnement perturbé de l'appareil psychique, repose sur des modifications neurochimiques. Cela n'exclut même pas que des lésions cérébrales puissent avoir contribué à altérer la capacité psychique d'assumer tout ce que le vieillissement implique d'assumer. Par contre, cette conception s'oppose radicalement à la représentation culturellement "dominante" pour laquelle le Dément est considéré comme déjà dans les limbes, pour une part plus ou moins importante de lui ou du moins de son cerveau (Cf. les théories du ramollissement cérébral). Dans cette vision des choses, rappelons-le, l'homme en devenant vieux, soumis à un processus biologique, serait en train de mourir par petites touches, selon un cheminement plus ou moins symétrique de son développement initial. Ce faisant, il retournerait réellement et non pas symboliquement vers son enfance. 51
Tout un ensemble de raisons autorise à considérer que le Dément est l'auteur de ses symptômes, mais qu'il l'est inconsciemment, c'est-à-dire qu'il en est tout autant acteur que victime. A défaut pour lui d'être un interlocuteur au sens classique, il n'en reste pas moins un "inter-acteur". Cela suppose que sa responsabilité ne peut pas lui être opposée, sauf à donner lieu à une réflexion approfondie sur les aménagements requis. C'est sur ce type d'approche que repose toute la démarche clinique, individuelle et institutionnelle, à laquelle nous avons participé depuis plus de quinze ans (1982c-d,-83b). Les hypothèses qui la sous-tendent impliquent d'agir, avec pour fil directeur, la conviction que les patients sont concernés par ce qui se passe autour d'eux et avec eux. C'est-à-dire que, d'une façon qui reste à envisager, ils feront quelque chose des messages qui leur sont adressés. Et, sous le terme de messages, nous rangeons tout ce qui est dit, montré ou caché plus ou moins savamment, tout ce qui est fait, tout ce qui se passe. Cela évoque une participation maintenue, mais relevant d'une dynamique inconsciente, un peu sur le mode de ce qui est observé dans le cadre d'une amnésie ou d'une cécité psychique d'origine névrotique. Reste à savoir ce qu'il advient du matériel relationnel et affectif ? C'està-dire comment il est, ou n'est pas, "traité" dans la psyché profonde du patient ? Là, interviennent d'autres hypothèses concernant, elles, le fonctionnement psychique des Déments qui, aussi embryonnaires soient-elles, sont venues plus tard, toujours suggérées par l'observation clinique (1985a,86b). A partir de là, c'est toute une remise en question de l'approche intellectuelle des Démences qui s'avère possible et nécessaire.
Chapitre 3
Etude critique du concept de Démence sénile S'il est une chose difficile à cerner, c'est bien ce que sont les autres. Raisonner en termes d'état concernant un patient est toujours risqué et peut se révéler aliénant pour lui. Il nous a toujours semblé plus juste, et plus cohérent, de dire de quelqu'un : "il m'affole" au lieu de : "il est fou" ou, de dire : "il me rend confus" au lieu de : "il est confus". Ce type de formulation a l'avantage de conduire à parler de choses dont nous pouvons attester, puisque nous les ressentons. Cela nous semble relever d'un degré de prudence scientifique supérieur par rapport aux formulations du type désignatoire qui ne peuvent se justifier qu'en référence à une norme ou à une moyenne. Or, en la matière il n'est rien de plus aléatoire que la norme, l'observateur ayant généralement fait l'économie de toute forme de vérification statistique. Dire "il est fou", "il est confus", "il est dément" risque de constituer, d'une certaine façon, une allégation étayée sur une démarche d'ordre projectif, c'est-à-dire qui relève non seulement de la subjectivité, mais remplit aussi et surtout une fonction d'ordre défensif. Un tel changement de regard est fondamental, en ce sens qu'il est porteur d'un changement d'identité pour les patients concernés (1986b). A propos des Démences séniles, il nous a donc très vite semblé impossible de travailler, c'est-à-dire d'envisager des pistes thérapeutiques, sans opérer un recadrage superposable à celui ayant, de fait, eu lieu pour les Schizophrénies avec l'abandon de l'appellation : "Démences précoces". Il s'agit d'une réflexion à laquelle nous avons de longue date convié la communauté gériatrique ( I 982d). Nous rappellerons que, comme les Démences séniles, les Démences précoces étaient définies par leur caractère incurable. Si un patient s'améliorait, cela signifiait qu'il relevait d'un autre diagnostic : il s'agissait d'un Pseudo-Dément, Dément par erreur. Et le piège se refermait sur les autres, Déments jusqu'à nouvel ordre, ou Déments pour toujours, victimes de notre ignorance et d'une approche paradoxante.
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Il nous a semblé fondamental de remettre en question ce mode de définitio n par le pronostic, concernant les Démences séniles qui, comme les Schizo_ phrénies, peuvent être abordées dans leurs aspects de dysfonctionneme nt psychique et même, toujours selon le même schéma, de dysfonctionnement communicationnel.
Car parler de perte, comme d' incurabilité, sous-entend que l'on évoque l'évolution jusqu'à la mort. Or, la mort des patients concernés est rarement liée à l'affection en cause (la Démence) mais plutôt à des facteurs intercurrents, qu'il s'agisse de complications ou non. Ce faisant elle peut aussi bien survenir le lendemain, que 15 ans (ou plus) plus tard.
Cette remise en question, bénéfique pour les schizophrènes, nous est app a _ rue à même de permettre des développements thérapeutiques potentiels pour les Démences séniles (1983c).
A priori, rien n'autorise donc à ranger sous le même vocable des états dont on ne peut pas affirmer, preuve à l'appui, comment ils auraient évolué si le patient n'était pas décédé entre temps.
En effet, plusieurs ordres de critiques s'imposaient d'emblée à propos de s Démences séniles. Mais il s'agit d'autant de questions qui très curieusement restent considérées comme secondaires ou sans objet (1987c). A notre sens, ceci témoigne, s'il le fallait, d'une infiltration de l'esprit scientifique par une idéologie dominante sur l'origine, la nature et le contenu de laquelle il y a lieu de s'interroger. Critique des éléments du diagnostic de Démence sénile Les critères de diagnostic des Démences séniles appellent, de toute évidence, les remarques suivantes :
Simplement pourrait-on faire observer, qu'en l'absence de traitement connu, les facultés concernées font en règle générale l'objet de contre-performances, de plus en plus marquées et de plus en plus permanentes, tout en sachant que l'observation permet d'enregistrer des fluctuations de leur efficience (1 ). La logique gagnerait donc à ne plus parler de pertes mais à évoquer des défaillances ou des dysfonctions, sur une période de référence définie par convention, afin de comparer des choses comparables.
1. S'agit-il de maladies ou de syndromes ?
Car, parler de pertes sans ajouter de qualificatifs relativisant la portée du mot, pour le référer à notre ignorance, constitue jusqu'à preuve du contraire un abus de langage, ou à tout le moins une formulation imprudente.
L'apparition répétée d' un certain nombre de symptômes, toujours les mêmes. associés entre eux chez différents individus, ne permet pas a priori d'affirmer l'existence d'une maladie et d'une seule.
3. L'inclusion de l'incurabilité dans la définition
On a, en effet, parfaitement le droit d'envisager que différents processus pathologiques puissent aboutir à une présentation clinique commune. Faute de pouvoir caractériser les Démences par leur mécanisme, on est donc tout au plus autorisé à parler de syndromes à leur propos. L'approche classique, en parlant de maladie, pratique là une première entorse à la logique, mais qui est relativement mineure, par rapport à celles que nous allons évoquer.
2. A quel titre parler de pertes ? De fait la notion de perte assimile subjectivement la pathologie en cause à un affaiblissement. Le travail cérébral, abordé sans recul sur un mode quan titatif, est ainsi relié implicitement au modèle du travail musculaire.
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En effet, dès lors qu'une thérapeutique se révèle efficace, par définition, le diagnostic de Démence doit être réfuté au bénéfice de celui de "PseudoDémence". Ainsi, celui qui prétend avoir vu progresser un Dément signe son incompétence clinique. Il s'agit d'une définition paradoxante par excellence, puisqu'elle repose sur un pronostic.
Ce qui pose problème est que les symptômes concernés, dès leur apparition, soient arbitrairement assimilés à des pertes (définitives).
En toute rigueur, ce n'est que très rétrospectivement que l'on devrait s'au toriser à parler de pertes.
L'incurabilité inscrite dans la définition élude de fait la possibilité d'envisager une distinction entre évolution spontanée et évolution sous traitement.
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C' est donc ce pronostic qu'elle vise à caractériser tout en prétendant concerner une maladie. (1) Mais, le caractère relativement variable de la symptomatologie, qui nous semble capital, est encore largement occulté comme en témoigne la volonté de caractériser l'évolution des démences par des épreuves standard qui prennent en compte un instantané clinique.
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En fait, tout comme parler de pertes, vouloir faire de l'incurabilité un facteur pathognomonique introduit une confusion entre : — une définition, que l'on a le droit de porter, celle consistant à nommer "Déments" l'ensemble des personnes décédées sans avoir recouvré l'usage de facultés qu'elles ne parvenaient plus à maîtriser (sans qu'on puisse préciser pourquoi), l'homogénéité de ce groupe reposant sur une communauté de destin, et — une maladie qui, elle, devrait être identifiée par son mécanisme intime. Cette confusion débouche sur un abus, celui de l'usage prospectif du label "Démence", accolé par anticipation, par prédiction à des personnes âgées chez qui des symptômes déficitaires se font jour, sans autre preuve quant à l'identité de ce qui leur arrive, et quant à leur devenir commun, que la certitude subjective de l'observateur. 11 s'agit donc là d'un diagnostic porté essentiellement par analogie. Mais les critères sur lesquels il repose risquent d'enfermer mécaniquement des patients dans un pronostic péjoratif, en se conduisant avec eux comme s'ils étaient irrévocablement incurables. Véritable sentence, un diagnostic élaboré sur ces bases risque de constituer une forme de prophétie "auto-accomplie" qui, une fois énoncée, engendre sa réalisation automatique.
En effet, d'une façon générale une lésion peut tout autant être la cause que la conséquence d'un dysfonctionnement. Elle peut même l'accompagner comme facteur favorisant, être le fruit d'une cause commune ou évoluer sans autre lien avec lui que leur observation conjointe (1982d). Nous ajouterons qu'il n'a jamais été démontré que la présence d'un type donné de lésion était obligatoirement contemporaine des symptômes dont un patient peut souffrir. Des études chronologiques fines font cruellement défaut à propos du développement réciproque des symptômes et des lésions. Ces remarques, applicables à toutes les formes de lésions observées, concernent en particulier un phénomène, à notre avis insuffisamment souligné, comme la raréfaction des fibres cortico-corticales, état de fait qu'il est tentant de rapprocher des observations cliniques relatives au dysfonctionnement du travail associatif. Manifestement, la conviction semble l'emporter sur l'attitude critique qui consisterait à distinguer ce qui est démontré de ce qui ne l'est pas. Jusqu'à preuve du contraire, l'existence des symptômes démentiels ne permet pas de préjuger de l'importance, ni même, en toute rigueur, du siège d'éventuelles lésions cérébrales, tant certaines topographies lésionnelles semblent être universelles et peu spécifiques.
Ce biais méthodologique, apparemment lié à une forme de fatalisme concernant les personnes âgées, comme nous allons le voir, n'est pas la seule économie d'esprit critique concernant ce qu'il est convenu d'appeler les Démences séniles.
Un peu schématiquement, nous sommes tenté de dire que la quantité de lésions, tout comme leur siège, n'est pas rigoureusement prédictif de la forme et de l'importance des symptômes. En réciproque, présenter des symptômes ne permet pas de prévoir avec précision ce que l'examen anatomopathologigue montrera.
4. La référence arbitraire à une origine lésionnelle cérébrale
On peut comprendre, vu la nature des symptômes observés, que l'attention des chercheurs se soit focalisée sur le cerveau, négligeant d'emblée une exploration des relais et des voies nerveuses plus ou moins périphériques.
Il est assez difficile de faire la part entre ce qui est relatif au vieillissement et ce qui est spécifique de la pathologie démentielle. Et, dans ce dernier cas, il faut souligner avec insistance l'impossibilité de vérifier où sont les causes et les conséquences, sauf à parvenir un jour au développement expérimental des lésions concernées. Or, une telle expérimentation n'est pas envisageable chez l'homme pour des raisons éthiques. Quant à la transposition d'un modèle animal à l'étude d'une pathologie humaine, elle sera toujours en pareil cas sujette à caution, dès lors qu'elle concerne les fonctions supérieures et le domaine psycho-affectif, dont l'animal aussi évolué soit-il est dépourvu.
Bien entendu nous sommes tout à fait d'accord pour admettre qu'un phénomène fonctionnel puisse être influencé par des lésions du support dont il est tributaire.
De plus il n'existe pas, que nous sachions, de données concernant l'imagerie fine cérébrale (ou l'imagerie métabolique) portant sur de grands nombres de personnes âgées exemptes de pathologie "déficitaire" (1).
Néanmoins, comment expliquer qu'une seule hypothèse soit unanimement retenue, celle qui consiste à faire obligatoirement des lésions la cause des symptômes (1987g) ?
1 ) Il est concevable que certains vieillards "non déments" puissent être porteurs de lésions, en théo-
C'est à propos de la question des lésions qu'a notre avis on rencontre les biais les plus significatifs dans le raisonnement "scientifique", biais qu'il nous a semblé indispensable de souligner dans notre enseignement dès 1976 (1979b).
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rie invalidantes.
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Rien ne permet donc de préjuger avec certitude de l'identité d'impact d'un même type de lésion sur une zone "stratégique", telle que l'hippocampe, chez des sujets différents. Cela concerne aussi bien les délais comparés d'apparition d'éventuels symptômes que leur typologie. Pour toutes ces raisons, s'il est difficilement concevable que la perte neuronale soit sans effet sur la capacité globale de travail neuro-psychique, en l'absence de preuves formelles, rien n'autorise à lui attribuer sans discussion la causalité des désordres cliniques observés. A notre sens, vouloir à tout prix croire à une genèse des Démences uniquement lésionnelle, tout comme vouloir à tout prix la refuser, relève avant tout d'un parti pris idéologique (conscient ou non). Nous croyons, à ce propos, judicieux de rappeler la question de possibles déficits instrumentaux liés à l'absence prolongée d'emploi d'une faculté, quelle qu'en soit la raison (1979a,-82d). Une telle hypothèse, évoquée notamment par M. Woodbury (1966) à propos des psychoses, mériterait incontestablement de faire l'objet d'une vérification rigoureuse, vu l'importance qu'elle peut revêtir dans le champ gérontologique. Cela dit, entendons-nous bien, il semble tout à fait logique, et scientifiquement fondé de choisir, par convention, de nommer : "malades d'Alzheimer" l'ensemble des personnes présentant simultanément une clinique déficitaire et tel type de lésions cérébrales. On a même le droit d'appeler : "Démences séniles" toutes les affections du vieillard au cours desquelles on observe des symptômes dits "déficitaires", associés à des lésions neurologiques, à condition de le dire explicitement (1989c). Tout cela est cohérent, pour peu que l'on dispose d'une preuve, ou à tout le moins d'indices concordants concernant la présence de lésions, à défaut d'établir leur responsabilité. Mais il y a un problème, dès lors que les indices retenus (comme c'est le cas pour les DSTA) sont précisément l'existence des symptômes "déficitaires". C'est-à-dire que l'ensemble conventionnel ainsi défini repose, pour un des facteurs clefs le caractérisant, sur une allégation qui relève du parti-pris. Car, affirmer l'existence de lésions cérébrales simplement parce qu'on a éliminé une pathologie vasculaire, confusionnelle, dépressive ou tumorale, nous apparaît franchement abusif. C'est sur de tels points que le DSMIII et ses successeurs, devenus manuels diagnostiques de référence, se révèlent anachroniquement idéologiques concernant les DSTA, puisqu'ils autorisent à suspecter "raisonnablement" la présence de lésions par élimination des causes précédentes. 58
Car, en fait, c'est pratiquement sur l'intime conviction de l'observateur que se fonde l'évocation de lésions cérébrales, une forme d'acte de foi, tenant lieu de preuve. Ce type d'impasse logique évoque caricaturalement les systèmes "auto-justifiés". On notera de plus que, fort curieusement, les psychoses, comme les névroses, dans cette démarche n'apparaissent pas constituer des diagnostics différentiels justiciables d'une objectivation rigoureuse (1988b).
5. La notion de désadaptation sociale Parmi les données retenues par les DSM, pour tenter de caractériser les DSTA, on voit apparaître le retentissement social des symptômes. Or, dans la mesure où les mêmes attitudes n'engendrent pas les mêmes contre-attitudes en Orient, en Occident, au Nord ou au Sud, ce qui est Démence ici ne devrait pas être Démence ailleurs. Concrètement, sur cet aspect précis, le diagnostic tend là encore, non pas à caractériser une maladie au sens habituel du terme, mais à désigner une position relationnelle, par rapport aux normes admises dans un groupe de référence. Implicitement, ce dont il est question est un mode défectueux d'ajustement à l'environnement, ce qui renvoie la question à celle d'une pathologie de l'adaptation, et non plus à une affection déficitaire se traduisant par des lacunes quantifiables en valeur absolue. Pathologies "relatives", c'est en termes de relativité que, pour être cohérent, les DSTA devraient donc être décrites et évaluées. Mais est-ce là l'intention des auteurs des DSM ? Est-ce bien ce qu'ils ont voulu dire ? Ou ne s'agirait-il pas précisément d'un équivalent de lapsus trahissant ce dont il semble essentiellement question de ne pas parler : c'est-àdire d'une pathologie de l'adaptation, voire d'une pathologie ayant un aspect adaptatif, fût-ce sous forme d'un "raté" adaptatif ? D'une façon générale, la question du diagnostic des Démences séniles apparaît bel et bien émaillée d'une redondance de biais de raisonnement. Et, même si de nombreux chercheurs consentent ponctuellement à en reconnaître l'existence, force est de constater que l'approche "classique" s'impose à nouveau très vite, aucune objection ne semblant pouvoir être durablement prise en compte. 59
Reste à envisager pourquoi, précisément, on est confronté à un phénomène de cet ordre concernant les Démences séniles. Il est évidemment très tentant de formuler l'hypothèse d'une contamination de l'esprit critique par des échanges de type projectif avec les patients concernés et à propos d'eux, sur le modèle kleinien ). Une telle piste, à elle seule, mériterait une réflexion approfondie à même de constituer l'axe de futures recherches. Analyse du discours sur les causes de Démences séniles
Curieusement irrationnelles dans leur définition et leur diagnostic, les Démences séniles le sont particulièrement dans la façon dont est abordée la question de leurs causes. On peut en effet relever de multiples imprécisions, ou confusions de registres, qui ont, là encore, conduit à un discours sommaire dont tout un chacun se satisfait bien curieusement (1987e). A notre sens, les théories visant à expliquer les Démences, ont en commun une faiblesse essentielle, qui est de ne pas distinguer clairement la question —du niveau d'observation auquel on choisit de se situer —des contextes de survenue des troubles démentiels —des facteurs de risque ou des facteurs favorisant — des "starters" et des catalyseurs de l'évolution déficitaire —du mécanisme même des Démences, concernant leur déclenchement, leur expression clinique quotidienne et leur aggravation.
1. Le problème des niveaux ou des plans d'observation Il nous semble indispensable de rappeler qu'un même phénomène peut faire l'objet d'une étude pertinente sur différents plans. Les observations qui sont enregistrées ne constituent en fait que la traduction dans des langages distincts d'une même réalité, abordée avec des instruments de nature différente, pouvant se révéler plus ou moins performants, plus ou moins adaptés au phénomène en cause et offrir plus ou moins d'ouvertures ou de possibilités d'intervention (1991k). Nous pensons en effet que le mécanisme d'une Démence n'est pas plus neuroendocrinien que psychologique ou relationnel, mais que c'est l'étude de celuici qui se situe délibérément sur un de ces plans, à l'initiative du chercheur. Aucun de ces domaines n'est plus particulièrement fondé à constituer un champ de causes ou conséquences au regard des autres. (1) Voir M. Klein (1921,-32).
Seule la génétique est préexistante. Encore doit-on rappeler que l'expression des gènes et la régulation de celle-ci relèvent de probables interactions avec le domaine fonctionnel, ce qui renvoie à l'histoire du sujet dans son cadre écologique périnatal et ultérieur (1991b). Il semble en aller de même pour le développement de certaines lésions anatomiques (athérome, micro-infarctus...) qui est manifestement, lui aussi, en interaction avec l'impact d'une somme d'événements. Là s'arrête, à notre avis, l'utilité du raisonnement systémique concernant les interactions envisageables entre ce qui est repéré à des niveaux d'observation différents. Car, concernant le fonctionnement neuro-psychique et ses différents registres — neuro-sécrétoire, — psycho-intellectuel, en englobant sous ce terme les procédures de traitement, conscient et inconscient, de l'information autant dans les aspects cognitifs, affectifs, qu'imaginaires et thymiques, — communicationnel, ils représentent les différentes faces, les différents aspects de l'activité cérébrale dont ils constituent autant de champs d'expression. Chacun de ces registres constitue l'artifice qui permet de rendre compte de l'autre, dont il est la traduction (et indissociablement l'organisateur) et non pas la conséquence (1989f). C'est ainsi, par exemple, que les opérations psychoaffectives et différents échanges de neuromédiateurs, de toute évidence peuvent représenter deux aspects d'un même phénomène, comme il en est du sens d'un message ou d'un raisonnement et de leur mode d'inscription sur un support. On pourrait aussi évoquer, à ce propos, le lien qui existe entre les enchaînements électroniques relatifs à un programme informatique avec les opérations abstraites qu'ils traduisent ou qu'ils permettent d'effectuer (1982d). On peut concevoir sur ce mode une articulation bio-psychiqUe où l'information s'inscrit sur un support vivant dont elle organise le travail. Ce support, par des artifices matériels qui lui sont propres, réalise un "traitement" de cette information pour devenir à son tour producteur d'information. Ainsi, les modifications fonctionnelles cérébrales peuvent être considérées comme le produit conjoint — des informations reçues et — des informations engendrées in-situ par l'activité de la population neuronale, véritable opératrice du travail psychique dans ses différents aspects.
On constate au fil de ces propos que le développement de l'intelligence artificielle offre des représentations permettant de progresser dans le débat sur le dualisme corps-psyché. S'il y a un dualisme corps-psyché scientifiquement envisageable, c'est donc entre le plan des informations et celui de l'activité bio-psychique permettant d'en assurer la saisie, le traitement et l'émission, qu'il faut le concevoir. Mais ce n'est que secondairement, une fois émises, que l'ensemble des informations produites par un sujet possèdent, en tant que telles, une existence autonome au regard de leur support originel. On peut ainsi évoquer l'existence d'un ensemble (on pourrait parler d'un "prolongement virtuel" pour éviter les connotations attachées aux termes de "double" ou de "spectre") d'informations caractérisant chacun de nous. Il en est à ce propos comme de l'image d'une étoile, au regard de la matérialité de celle-ci, au moment où elle est perçue quelque part. Encore faut-il pour envisager cette dualité implicitement supposer l'existence d'un observateur potentiel. Notre intention n'étant pas d'aller plus avant, ici même, dans cette réflexion, nous nous contenterons de faire référence, en miroir des lignes directrices que nous venons de proposer — d'une part, à la synthèse des connaissances neuro-fonctionnelles telle qu'elle a pu être initiée par J.-P. Changeux (1983), — d'autre part, au dialogue entre J. Hochmann et M. Jeannerod (1991) ou à la critique historique des thèses en présence proposée par A. Goodman (1991). Du point de vue qui nous préoccupe, nous avons été amené à considérer et à enseigner : — qu'il en est de l'activité neuronale et de la pensée comme il en est du boulier chinois (ou de la calculatrice) et de l'addition, opération abstraite qu'il permet d'effectuer ; et — qu'il en est de la pensée et des comportements comme il en est de cette même procédure mathématique et des transactions commerciales qu'elle représente et qu'elle permet d'effectuer. Les Dépressions fournissent un bonne illustration de la multiplicité des plans d'exploration d'un même phénomène psycho-comportemental et de leur complémentarité (1988b). Elles peuvent en effet être caractérisées, et leur étude peut se faire, en termes — descriptifs (comportementaux, psychométriques) — subjectifs, — psychodynamiques, — relationnels, mais aussi — neuroendocriniens. 62
Chacune de ces approches peut se révéler plus ou moins pertinente, selon les objectifs que l'on se propose. Cela pose la question de l'adéquation des niveaux auxquels on choisit de se placer, tout autant que de la validité opératoire des modèles et des théories dont nous disposons. Une hypothèse ne semble en effet pouvoir être valable et performante que pour un type, un mode d'investigation, ou une forme de phénomènes et elle risque de devenir mal commode, voire inadaptée, pour d'autres. Fondamental en physique, cela concerne toute étude scientifique, la psychologie n'ayant pas lieu de faire exception, jusqu'à preuve du contraire (1989f). C'est ainsi que, pensons-nous (en gardant l'exemple des Dépressions) — l'approche descriptive permet de comparer l'évolution d'un individu ou d'un groupe d'individus, lorsqu'il est nécessaire de disposer de données objectives, par exemple pour évaluer l'efficacité respective de deux protocoles thérapeutiques — l'approche subjective permet, elle, de caractériser la Dépression comme un changement d'optique, avec une perception péjorative par le sujet de sa valeur, de sa place dans le monde, des intentions des tiers et de l'ensemble de la réalité, tout étant biaisé par le vécu dépressif. Cette approche, à l'évidence, est performante pour développer un "accrochage" relationnel de qualité avec le Déprimé — l'approche psychodvnamique trouve son utilité pour guider la réflexion et le mode d'intervention du psychothérapeute, — l'approche relationnelle, en attachant son importance aux transactions entre les sujets, permet d'observer les stratégies du patient. Dans le cas présent, en recourant à la position basse, il attire sollicitude et protection, alors que ses symptômes exercent une fonction discrètement mais efficacement agressive. Ce type de regard permet précisément un travail sur les transactions au sein d'un groupe, comme par exemple le groupe familial, pour pallier les risques de rotation des symptômes et donc de persistance d'une souffrance, malgré l'amélioration clinique du patient — l'étude des modifications neuro-sécrétoires, particulières à la dépression, est par excellence le champ d'intervention de la neuropharmacologie, dont P objectif consiste à modifier des seuils ou des mécanismes intersynaptiques, en vue de changer la thymie du patient. A l'évidence la Dépression n'en est pas pour autant plus neurologique que relationnelle, psychologique ou comportementale, c'est l'étude qui en est faite qui se place sur ces plans. Et, vouloir référer les phénomènes observés sur l'ensemble des plans d'études possibles à une hypothèse formulée dans un seul registre, reviendrait à se priver de possibilités fructueuses (199 1h). 63
De plus, nous pensons que pour les Démences, comme pour les Dépressions, il y a lieu de ne pas confondre : —ce qui sera à l'origine de la modification des possibilités neurofonctionnelles, avec —ce qui va constituer un nouvel état neurofonctionnel permettant d'expliquer la production des symptômes observés. C'est pour cette raison que nous proposons, concernant les Démences de distinguer pour l'heure, sur chaque plan d'observation : contexte de survenue, facteurs favorisants, éléments déclenchants et mécanisme intrinsèque des phénomènes cliniques démentiels ( I 989f). A partir de là, quoi qu'on fasse, quel que soit le regard que l'on proposera, ce qui importe est de savoir sur quel plan on se situe, et d'avoir présent à l'esprit que les constructions théoriques élaborées sur un plan n'excluent pas la pertinence des observations et des hypothèses relevant d'autres registres. Il apparaît même des plus souhaitable que les hypothèses et les observations des uns puissent enrichir celles des autres. C'est ainsi que les théories prenant en compte le poids des deuils ou, comme le propose J. Maisondieu (1982), la place de l'angoisse dite "de mort", dont nous avons de longue date souligné à quel point elle est constamment observée (1979b), devraient donner matière à réflexion au biologiste, en tant que contexte neurofonctionnel du développement démentiel. Malheureusement, ce qui caractérise l'impact sur la recherche biologique des phénomènes mis en évidence au niveau psychologique, se limite trop souvent à l'insistance d'en refuser la portée et l'utilité, avec une dépense d'énergie qui laisse perplexe.
2. La question des contextes de survenue des Démences Il nous a semblé préférable, parce que plus scientifique, là où il était coutumier de voir des "étiologies" de proposer de ne parler que de "contextes de survenue" ( I 989f). La plupart d'entre eux sont connus de longue date, mais ils ont d'emblée été. et restent abusivement, qualifiés de causes sans autre preuve que leur coexistence avec un syndrome démentiel, en tant que terrain de son développement. A l'évidence tous les patients, présentant telle ou telle des pathologies concernées, ne développent pas automatiquement une Démence ou, en tout cas, pas uniquement en raison de seuils quantitatifs de lésions. La question des seuils mériterait d'ailleurs de faire l'objet d'une étude fine. Car, ce n'est pas parce que le dépassement d'un seuil implique l'apparition 64
de symptômes démentiels chez telle personne, qu'il en sera obligatoirement de même, dans des temps similaires, pour un autre sujet d'âge comparable. Manifestement toutes les personnes souffrant de pathologies vasculaires cérébrales ne sont pas Démentes et/ou ne le deviendront pas à coup sûr. A contrario, tous les Déments vasculaires n'ont assurément pas le même type, ni rigoureusement la même densité de lésions, dans les mêmes zones, aux mêmes temps de leur maladie. De plus, on le sait, tous les Déments ne sont pas obligatoirement porteurs d'une pathologie vasculaire cérébrale. Les contextes de survenue semblent néanmoins correspondre, nous l'avons évoqué, à des formes cliniques. Mais attention, tous les contextes répertoriés ne relèvent pas des mêmes plans d'observation, ce qui vient compliquer, pour ne pas dire piéger, la présentation des choses. En effet, comment savoir si deux contextes dont la définition relève de registres différents sont réellement distincts, ou ne représentent pas deux aspects d'un même phénomène (1990c) ? C'est ainsi par exemple, qu'un contexte de perturbations affectives correspondra nécessairement à un ensemble de modifications portant sur différents neuromédiateurs et réciproquement. Dans l'état actuel des connaissances, les principaux contextes de développement d'une pathologie démentielle peuvent être classés en : — contextes vasculaires : qui permettent de caractériser les Démences vasculaires, — contextes neuro-dégénératifs : qui ont permis de définir les Démences séniles de type Alzheimer, — contextes mixtes : représentés par l'intersection des deux précédents, — contextes encéphalitiques : avec tout particulièrement le rôle d'une forme de virus (un prion) impliqué dans le développement de la Maladie de Creutzfeldt-Jakob ; — contextes neurologiques objectivables : pathologies tumorales, hydrocéphalie à pression normale... — contextes de perturbations neuro-sécrétoires : avec des observations de déficits en différents neuromédiateurs qui concernent aussi bien la Maladie de Parkinson que la Démence sénile de type Alzheimer. Mais, la DSTA est, rappelons-le, par définition, caractéristique d'une suspicion de contexte neurodégénératif. Cela illustre, s'il le fallait, en quoi il est nécessaire de préciser chaque fois sur quel plan, ou à quel niveau d'observation, on entend se situer, y compris pour aborder la question des contextes de survenue. 65
— contextes psychiatriques : qui concernent classiquement le champ des
dépressions, mais nous pensons qu'ils peuvent être constitués par d'autres dysfonctionnements psychiques, qui d'ailleurs peuvent se recouper avec les dépressions. Il faut à ce propos attirer l'attention sur : • l'interférence Démence-psychose, sans pouvoir dire où sont les causes et où sont les conséquences, qu'il s'agisse de psychoses anciennes ou de psychoses d'apparition tardive • la survenue de syndromes démentiels dans des contextes de névroses graves, en particulier de névroses hystériques à tendances dépressives. L'observation amène ainsi fréquemment à s'interroger • d'une part, sur une possible psychotisation secondaire, dans le cadre de l'évolution démentielle, sans que l'existence d'une personnalité psychotique antérieure puisse être affirmée. • d'autre part, sur l'intrication de manifestations hystériques avec une évolution démentielle, sans pouvoir déterminer si ce qui est en cause est une névrose pré-existante, qui s'aggrave et prend un masque démentiel, une décompensation démentielle sur terrain névrotique, avec expression de la personnalité sous-jacente, ou une décompensation névrotique du fait de la Démence. On voit à quel point les contextes de survenue qui ont pu être décrits sont de différents ordres. Tant qu'on ne saura pas, en quoi, comment et pourquoi les observations faites sur un plan se recoupent avec celles faites sur d'autres plans, la confusion des idées risque de subsister au sujet des modèles proposés pour expliquer la dynamique démentielle.
3. Les facteurs favorisants Nous croyons utile de distinguer deux ordres de facteurs : —ceux dont l'impact a pu être vérifié, —ceux à propos desquels la question mérite de rester ouverte.
Il nous semble important de souligner qu'il n'y a pas, comme le redoutent souvent les enfants de malades, concordance obligatoire, mécanique, entre l'existence d'un gène et le développement d'une pathologie, car en marge de la présence d'un gène se pose la question de la dynamique de son expression. Or, en la matière nous avons encore beaucoup à apprendre. Nous rappellerons à ce propos que ce sont successivement trois gènes différents qui ont étés incriminés dans la genèse des arnyloïdoses cérébrales pathologiques. Il s'agit là de réserves que nous croyons, pour l'heure, judicieux d'introduire au regard de la question des aspects héréditaires des DSTA. Reste la question d'un profil de vie ou d'une organisation de la personnalité prédisposant plus ou moins à l'entrée dans la Démence, soit que l'on regarde le processus démentiel comme une rupture du fonctionnement psychique, c'est-à-dire une modification fonctionnelle majeure, soit que l'on fasse référence à des prédispositions psychosomatiques (1989a). A notre connaissance, aucune des constructions théoriques désignant comme plus fragile un type de personnalité particulier : psychorigidité, névrose de caractère, état limite,... n'a pu faire l'objet, à ce jour, de vérifications statistiques méthodologiquement rigoureuses. L' absence d'intérêt des grandes enquêtes épidémiologiques pour la prise en compte du profil de personnalité constitue à ce propos une lacune plus que regrettable. Il y a en effet tout lieu de penser que des données biographiques (sujets élevés par une mère en deuil...) ou certains modes de structuration psychique puissent rendre plus vulnérable —au poids des deuils (perte des enfants...) ou aux contraintes inhérentes à toute adaptation (changements...) comme le propose G. Gilbaud (1983)
—à la privation relationnelle, au vécu d'inutilité, à l'atteinte narcissique et à l'angoisse relative à l'approche inéluctable de la mort, avec I. Maisondieu (1982) et plus récemment M. Myslinski (1992)
— aux mécanismes familiaux de désignation comme Dément potentiel comme l'évoquent J.-P. Vignat (1987) ou Y. Colas (1988)
Concernant les premiers, le plus manifeste est représenté par l'âge, alors que concernant le sexe les choses semblent plus compliquées du fait de la surlongévité relative des femmes.
— à l'atteinte de l'image de soi comme nous l'avons souvent envisagé (1992c).
Les facteurs génétiques, en toute logique, ne sont à prendre en compte que dans l'hypothèse où un lien de cause à effet pourra un jour être rigoureusement mis en évidence entre la présence d'une substance dans le système nerveux central (Cf. la substance amyloïde) ou l'existence d'une particularité enzymatique, avec le développement d'une symptomatologie démentielle.
De toute évidence les approches scientifiques "dominantes" ont en commun de croire qu'il est possible de traiter des éventuels "ratés" anaboliques ou cataboliques d'un neurone, en faisant abstraction du fait que tout le métabolisme de ce même neurone est, par essence, impliqué dans l'ensemble des activités de traitement de l'information effectué par le cerveau. Or, par nature, cette activité a trait aux aspects émotionnels et conflictuels de la vie psychique.
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Ce faisant, on introduit un biais majeur dans l'approche des Démences en voulant en faire une fatalité biologique, survenant arbitrairement : —sans liens envisageables avec le contexte émotionnel ni avec la dynamique psychoaffective propres au sujet,
Ces éléments ne sont peut-être pas toujours les mêmes, leurs combinaisons et leurs productions réciproques non plus, mais ce qui se révélerait déterminant serait un effet de cumul critique d'actions pathogènes, de nature et d'intensité différentes d'un cas à un autre.
—sans relations concevables avec les facteurs de crise inhérents au combat, de plus en plus inégal, avec la mort qui se profile.
Le mécanisme, en termes neuropsychiques, d'une possible bascule démentielle, sous l'effet de ces facteurs démentogènes, reste évidemment à identifier. Il en est de même de la "mécanique" neuropsychique du fonctionnement démentiel lui-même, tout autant que de "l'engrenage" responsable de l'aggravation spontanée des Démences.
Bien entendu nous sommes tout à fait d'accord pour admettre qu'un phénomène fonctionnel puisse être influencé par les lésions du support dont il est tributaire. Il faut souhaiter que des publications comme celles de A. Damasio (1994), en mettant en évidence le rôle des structures associatives cérébrales dans les capacités décisionnelles et adaptatives, inciteront la recherche scientifique à accorder plus de considération à la question des contenus psychologiques.
4. Les éléments déclenchants On pourrait encore parler des "starters" ou des causes immédiates du processus démentiel. Nous pensons qu'il s'agit de contraintes de différents ordres dont l'effet conjoint, parce que supérieur à la capacité de résistance (I) du sujet, serait à même d'entraîner la "rupture" ou la "bascule" démentielle. A ce titre, ils peuvent être classés avec les facteurs favorisants au chapitre général des causes des Démences, à condition de ne pas confondre : le terrain, les inducteurs directs et le mécanisme propre de la Démence (1991i). A ce propos nous croyons utile de souligner l'erreur, trop souvent commise en matière psychologique, qui consiste à assimiler abusivement les facteurs associés à l'origine d'un phénomène avec ses éventuelles causes, et/ou à confondre causes et mécanisme ( 2 ). Cette façon d'aborder les choses nous a conduit à refuser, jusqu'à preuve du contraire, l'idée que les Démences relèvent au plan initiateur d'un facteur unique et universel. Notre expérience clinique, au contraire, nous a porté à croire à une convergence, ou une accumulation de facteurs au-delà d'un seuil d'équilibre (1982d), point de vue que nous partageons avec D. Gauvreau (1991). (1) Du fait d'une organisation ou d'aménagements psychologiques "coûteux et/ou par défaut de réserves mobilisables -
(2) Cf. R. Roussillon, 1991, Paradoxes et situations limites de la psychanalyse, PUE Paris. p.198-199.
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S'agit-il là encore de l'impact réitéré des facteurs démentogènes initiaux (ceux que nous avons évoqués ou d'autres ?) ou bien la dynamique démentielle est-elle, dans sa nature même, porteuse de son aggravation obligatoire, en "feed-back" positif ? Cette question est essentielle, car les voies de recherche concernant les soins aux Déments ne seront pas de même nature, selon que la Démence est fatalement vouée à s'auto-aggraver ou que, par exemple, des facteurs d'environnement interviennent dans l'aggravation, ne fut-ce que comme co-facteurs de celle-ci. Dans ce dernier cas, à défaut de savoir que faire pour guérir, on pourrait espérer, non seulement donner du confort et faire preuve d'humanité, mais aussi viser à enrayer le génie évolutif du mal. Les modalités de prise en charge constitueraient alors un champ de recherche à part entière, point de vue que nous soutenons, sans pouvoir en démontrer la validité. Concernant les facteurs susceptibles de servir de "starter" à un processus démentiel, nous pensons qu'ils peuvent être de différents ordres mais aucun, à notre connaissance, n'a jamais pu être incriminé avec certitude. Le modèle multifactoriel présente en tout cas le grand avantage de constituer une hypothèse large, visant à ne rien exclure, même pas le cas particulier d'un facteur démentogène unique, qu'il contient de fait. Sans en faire la règle il n'exclut pas que de possibles effets métaboliques et trophiques, voire même que la production de lésions, soient reliables aux "crises" fonctionnelles neuropsychiques (stigmates démentogènes ou simples reflets de la "tension" induite ?). Ace propos Y. Christen (1993), lui-même, nous renvoie à notre propre questionnement depuis dix ans. Dans cette logique, on est en droit de penser que les situations pathologiques que nous proposons de considérer comme autant de contextes de survenue sont porteuses de facteurs pathogènes : — facteurs trophiques de tous ordres : modifications hormonales, apparition d'éléments neurotoxiques,... 69
- altérations neuronales : notamment géniques, mais aussi concernant les organites cellulaires ou membranaires, de quelques causes que ce soit, avec leurs conséquences métaboliques, (modifications enzymatiques, etc.), - interférences mécaniques dans l'activité intercellulaire, - biais majeurs représentés par une "charge- émotionnelle excessive, en relation avec une problématique personnelle (dépression, deuil, angoisse de mort) ou interpersonnelle (désignation). Au plan psychologique, nous avons été amené à comparer les vieillards à des immigrés dans le temps en regard de leur problématique d'adaptation, leur expression psychopathologique et psychosomatique évoquant d'ailleurs par de nombreux points celle des migrants, avec la même mise à l'épreuve de l'estime de soi (1983b,-88e). Dans cet esprit, le vieillissement est légitimement assimilable à un ensemble de crises d'identité, plaçant le sujet dans une difficulté croissante à investir une nouvelle image de soi positive, et le confrontant au problème de l'inconcevable deuil de soi, d'où ses aspects délétères (1976a,-79b,-82a).
Pour l'heure, au plan neuro-sécrétoire, ce sont essentiellement de nombreuses carences en neuromédiateurs qui ont pu être observées, mais là encore le mécanisme, c'est-à-dire le type d'inter-relations entre ces carences, le comment et le pourquoi de ce qui est observé, reste à découvrir. Et l'idéologie de la perte, qui a infiltré la recherche, guide la plupart des études consacrées aux neuromédiateurs ce qui est illustré par toutes les synthèses consacrées à la question. Nous citerons à titre d'exemple celle proposée par Y. Lamour (1994). Or les variations globales de taux de neuromédiateurs ne sont que le reflet de perturbations procédurales dans le traitement de l'information par le système nerveux central. Ce sont précisément ces modifications procédurales (ce fonctionnement "démentiel") qu'il convient de parvenir à identifier et qui, à leur niveau, représentent le mécanisme des Démences. Ainsi, peut-être la Démence est-elle l'ultime étape d'un processus d'épuisement, mais peut-être aussi, comme nous l'avons souvent évoqué, relèvet-elle d'un mode de bascule vers un fonctionnement mental "de secours" adopté par les sujets âgés pour s'économiser.
Sur la question de l'entrée dans la Démence, dans une optique psychanalytique, c'est à notre connaissance M. Myslinski (1992), à la lumière d'une pratique psychothérapique, qui a, ces dernières années, proposé des apports originaux.
On notera que même en termes comportementaux la connaissance du mécanisme démentiel mériterait d'être affinée, au prix d'une observation méthodique, d'ordre qualitatif, concernant chaque symptôme (par exemple l'amnésie) comme le suggère J. Richard (1992).
Cet auteur reprend et développe dans sa thèse la question du lien anaclitique à la mère, et celle du non-ressourcement de la représentation intériorisée de celle-ci, en référence aux travaux de M. Péruchon (1987).
En termes psychologiques, les choses restent également sommaires, en ce sens que l'on a pu évoquer la difficulté pour l'appareil psychique à établir ou à entretenir des liens.
5. Le mécanisme même des Démences
On doit à M. Péruchon (1992,-94) les dernières contributions majeures de langue française consacrées à ce sujet. L'auteur plaide en termes psychanalytiques pour un continuum entre les aspects habituels du vieillissement et la Démence, laquelle représenterait leur accentuation extrême.
C'est concernant l'identification du mécanisme des Démences, que se pose dans toute son acuité la question du plan auquel on se situe. Car, les distorsions procédurales constitutives du "fonctionnement" démentiel auront tout autant une réalité (un aspect, une expression, une traduction) psychopathologique que conjointement neurobiologique. Or, dans de tels domaines, il est très important que des causalités et des effets ne soient pas affirmés sans preuves formelles. Les lésions ne peuvent pas constituer un mécanisme en elles-mêmes. Elles sont, par essence, d'un autre ordre. Elles peuvent éventuellement l'induire. l'alimenter ou en être le résultat. Mais la connaissance de leur dynamique est une chose, celle du mécanisme propre de production de l'ensemble des symptômes observés en est une autre, même en entendant relier cette production à un manque de substance cérébrale ici où là. 70
Selon cette théorie : "...la libido qui s'amenuise libérerait la pulsion de mort, qui dès lors devient plus agissante [...] Et c'est ainsi que son impact désintégrateur se .ferait ressentir tant T..] au niveau des contenants que sur le plan des contenus de l'appareil psychique E..] Cette pulsion de mort, qui, selon la théorie freudienne, brise les rapports, dénoue les liens, ou détruit les éléments, aura, en Jonction de ses degrés de déliaison pulsionnelle, des conséquences plus ou moins fâcheuses sur l'organisation mentale„„(I)" On peut vérifier cliniquement que l'incapacité de formuler des pensées semble devenir très rapidement le lot du patient. (I) M. Péruchon. 1994. Le déclin de la vie psychique, Dimod. Paris. P. 87.
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Nos observations nous ont conduit à ce propos à pointer la difficulté pour le patient à relier consciemment : affects, images, souvenirs et éléments lexicaux, ce qui au-delà de l'incapacité de dénomination altère les possibilités d' accession au sens. Tout se passe comme si la construction critique de celuici était laissée sous le boisseau pour en rester à une étape pré-formulable. Dans un premier temps, pour tenter d' expliquer ce que nous observions, nous avons envisagé, à titre d'hypothèse personnelle (1988a), soit : une "non-validation" ou une forme de neutralisation des pensées émergentes, incapables de prendre corps ou de se structurer en une pensée consciente (1998f). Ce faisant, les Démences relèveraient d'une désorganisation dont le mécanisme se situerait dans "l'espace" préconscient ; — une saturation, plus ou moins générale, des processus mnésiques impliqués dans l'utilisation des fonctions acquises, notamment pour ce qui concerne l'intégration des données. De tels phénomènes peuvent aussi bien, en termes psychodynamiques, être rattachés à un refoulement massif des fonctions cognitives, épuisant les capacités de refoulement différencié, qu'à de multiples désordres psycho-affectifs. Notre position actuelle consiste, à la lumière de l'observation, à prendre acte de la difficulté ou de l'incapacité du malade à utiliser consciemment un chemin direct, incluant l'activité associative de manière panoramique, pour trouver un mot, un souvenir ou même le geste pertinent dans une situation précise. La Démence reposerait sur l'incapacité d'effectuer ou d'intégrer, de façon synthétique, le travail associatif permettant de parvenir à ce que le patient cherche à retrouver ou à faire. Par contre, l'intéressé semble longtemps capable de tenter de recourir, d'une façon plus ou moins fructueuse, à des automatismes ou à un cheminement associatif, évoquant un travail de contournement de la difficulté ou du blocage, pour parvenir à ses fins. Mais ce cheminement au caractère plus ou moins méandreux se révèle d'une efficacité très aléatoire. Le malade risque, en effet, d'être victime d'associations parasitantes, ayant un effet de blocage du fait de leur forte charge émotionnelle (par exemple : un thème générique comme l'évocation de sa mère). L'intervention thérapeutique consiste alors à valider la pertinence du chaînon concerné et, au moyen d'un questionnement bienveillant, à aider le patient dans son travail associatif. Cela peut consister dans certains cas à l'aider pour reconstruire les étapes du "comme si", par exemple : "c'est peut-être comme si c'était votre mère ?". 72
On notera que ces différents raisonnements, en termes de travail psychologique, ne s'excluent pas, en ce sens que ce que nous venons d'envisager pourrait constituer les échelons d'un même phénomène. En complément, nous en sommes personnellement arrivé, concernant l'aspect affectif de la pathogénie, à nous demander si, faute de pouvoir ressourcer leur vie psychique dans la réalité extérieure, certaines personnes âgées n'étaient pas en proie à un repli de leur conscience sur elle-même. Car, pour l'observateur, tout se passe comme si leur activité mentale était aspirée par (et vers) ses propres profondeurs, soit pour se diluer, soit pour se contracter dans une espèce de phénomène de "trou noir". De là découlerait l'impression qu' ils donnent d'avoir la pensée vide, au "point mort", mais aussi comme concentrée sur un point fixe. On rappellera encore, à ce sujet, les propos de patients exprimant l'impression d'avoir l'esprit qui dérive, la tête vide, mais aussi de ceux qui parlent d'un senti ment d'occlusion par un "bouchon douloureux" lorsqu'il s'agit de penser. Une telle difficulté pour penser évoque, par analogie, ce qui se passe avec un membre endolori, dont on évite le plus possible de se servir. La Démence pourrait ainsi aller de pair avec l'équivalent d'un passage : • de l'émotion "vivable" parce que compatible avec la constitution d'un système organisé interneuronal, émotion autorisant donc la construction de représentations psychiques ; • à l'incapacité de penser, c'est-à-dire à l'irreprésentable, l'informulable, correspondant à la disjonction de tels réseaux, relative à une "tension" rendant impossible une stabilité inter-neuronale synergique. Ce phénomène pourrait correspondre soit à un défaut qualitatif ou quantitatif d'excitation, soit à un excès, restreignant les capacités d'articulation interneuronales. Et, en contrepoint on peut très bien concevoir, autant au rang des causes qu'à celui des conséquences, l'existence d'un déséquilibre métabolique neuronal fonctionnellement délétère. Quoi qu'il en soit, une question clef à élucider dans les années à venir, nous semble être de savoir s'il existe une différence, et à quel niveau, entre les manifestations démentielles qui sont réductibles, notamment par les antidépresseurs, et celles apparemment similaires mais réfractaires aux médicaments psychotropes. Certes on peut, pour expliquer les symptômes observés, supposer être confronté aux effets d'une mise "hors service" neuronale. Dans un cas, le non fonctionnement relèverait de cellules plus ou moins "en panne", tandis que dans l'autre, nous serions en présence des effets de la mort cellulaire. 73
—d'une modification de fonctionnement de l'ensemble du système nerveux central en réaction à une somme d'agressions, intervenant comme autant de catalyseurs, au nombre desquels peuvent figurer les dommages neurologiques observés.
C'est ainsi, il faut le reconnaître, que nous ignorons toujours, par exemple, en quoi les modalités de soins ou le type d'environnement modifient, ou non, je profil évolutif des Démences, qu'il s'agisse d'améliorations ou d'aggravations. Pour notre part, nous pensons que la séméiologie elle-même reste à écrire. Les Démences constituent un cadre pathologique au décours duquel on voit apparaître non seulement des contre-performances instrumentales, mais aussi des perturbations comportementales associées à des modifications psychologiques majeures.
Dans ce dernier cas, il est légitime de distinguer clairement les affections encéphaliques, telles que l'amyloïdose et les "dégénérescences" décrites par Aloïs Alzheimer (ou encore les micro-infarctus) par rapport au syndrome démentiel clinique observé corrélativement.
En présence d'une pathologie qui concerne l'ensemble de la sphère psychorelationnelle, il n'est pas normal que seules soient étudiées et décrites les performances cognitives et psychomotrices. Des travaux récents comme la thèse de C. Montani (1994) ne peuvent que nous conforter dans cette opinion.
De tels ensembles de lésions constituent indéniablement des affections neurologiques, au sens strict du terme. Mais la clinique, qui elle n'a rien de spécifiquement neurologique, peut et doit jusqu'à nouvel ordre rester considérée comme une réaction fonctionnelle psychique au regard, entre autres, d'un quantum de dégâts cérébraux.
Il nous apparaît donc nécessaire de promouvoir une étude approfondie des Démences sur le plan relationnel et psychologique. Comment en effet accepter de croire, a priori, que les modifications observées sur ces plans ne soient que des sous-produits (voire les artefacts) des défaillances cognitives 7
Mais un tel raisonnement n'élude pas, pensons-nous, la question de savoir si la symptomatologie développée est la conséquence —directe, passive, d'une réduction du stock neuronal actif, en rapport avec la çiestruction de tissu nerveux associée à un ratio de neurones "en panne", ce qui pour T. Kitwood (1989) expliquerait les fluctuations de performances.
Ebauche d'alternative dans l'approche des phénomènes démentiels La fascination exercée par les percées de la biologie cellulaire ne doit pas faire oublier que la prise en charge clinique peut, et doit, en toute logique se nourrir d'un raisonnement se situant à son niveau propre. Cela passe par la reconnaissance de la validité —des apports de la recherche clinique ; et ce faisant —des tentatives de caractérisation des Démences, en termes fonctionnels.
1. Pour une réhabilitation de la recherche clinique D'une manière générale, beaucoup de choses sont énoncées à propos des Démences séniles. Cela concerne tout autant leur fréquence de survenue, leurs modes de début, leurs symptômes, leurs causes, leur évolution, leur durée, etc. Il s'agit d'autant de domaines où, à notre sens, tout ce qui est dit reste à vérifier. A ce sujet il y a devant nous un travail gigantesque qui consiste, d'une certaine façon, à enfoncer des portes ouvertes, mais à le faire scientifiquement et sans préjugés. 74
Cela dit, notre propos ne vise pas, ni ne s'autorise, à prétendre la réciproque en taxant les modifications cognitives d'artefacts ou de sous-produits des perturbations émotionnelles. Les champs psychoaffectif et cognitif peuvent, et devraient, n'être envisagés qu'en interaction étroite comme le propose E. Schmid-Kitsikis (1979). Dans l'état actuel des connaissances, c'est-à-dire de notre ignorance, nous pouvons et nous devons au moins recueillir tout ce que les modes d'observation, que nous savons employer, peuvent nous permettre de collecter comme informations sur tout ce qui s'associe à l'évolution démentielle. Il n'est pas concevable de prétendre qu'un domaine, sous prétexte qu'il ne nous est pas familier, serait pour autant mineur, sauf à tenir un discours crypto-idéologique, c'est-à-dire pseudo-scientifique. Il s'agit d'un point de vue qui a en particulier prévalu dans le déroulement du programme ABORD (Alzheimer banque d'observations, de recherches et de données). Cette opération à la fois ambitieuse et modeste par ses moyens, dont R. Hugonot nous a confié la direction (1991h), a permis la mise au point d'un dossier médical "informatisé", concernant les patients âgés supposés Déments. Les informations recueillies concernent notamment — les antécédents sociaux, familiaux, médicaux, toxicologiques et psychiatriques ; 75
— le regard porté sur le patient par ses proches à travers ce que ceux-ci dépeignent comme image de lui autrefois, notamment au plan psychologique et relationnel ; —les transactions en usage, avec et autour du Dément, telles qu'elles sont repérées par les professionnels. Pour ce une vingtaine de cliniciens ont accepté de s'interroger en commun, pendant quatre ans, sur les informations qu'ils avaient coutume de collecter (1987e). Nous avons personnellement veillé à ce que les données auxquelles nous sommes attaché pour des raisons théoriques, soient recherchées systématiquement. Il s'agit notamment : — de la distribution des deuils autour de la naissance du futur patient, —de la notion d'abandon précoce de celui-ci, —des blocages dans la communication de l'histoire familiale, —des deuils non faits dans la famille, —de la distribution des pathologies et facteurs de crise dans l'entourage du patient, avec l'observation d'une éventuelle rotation des symptômes, — du mode de dispersion géographique de la famille, — du type de prise en charge du patient depuis sa maladie... Les données rassemblées ont en particulier permis de mettre en évidence la discordance des diagnostics de Démence sénile selon que l'on se réfère : — à la convention que représente le DSM, —aux résultats du dépistage grossier que constitue le "Mini Mental State Examination" de M.-F. Folstein (1975), —au point de vue du clinicien, en possession des éléments précédents. C'est ainsi que seulement 56 % d'un ensemble de patients, considérés comme Déments avec au moins l'une de ces trois approches, le sont simultanément pour les trois. Une telle vérification, à notre sens, n'est qu'une timide ébauche sur une voie générale de recherche qui vise à ne rien négliger pour que ce qui est énoncé concernant les Démences séniles soit confirmé statistiquement. Il nous semble en effet primordial que l'on s'applique à toujours préciser si ce qui est énoncé relève d'une opinion, d'une connaissance vérifiée ou d'une supposition. Cela concerne également toute interprétation proposée vis-à-vis d'une situation clinique, interprétation qui ne peut, en substance, constituer qu'une hypothèse parmi d'autres, assujettie à une nécessaire validation. 76
2. La nécessité d'une conception "fonctionnelle" des Démences A ce point de notre réflexion nous pensons qu'il est éthiquement fondé, et cliniquement soutenable, de proposer concernant les Démences, qu'elles puissent être abordées comme une réaction d'adaptation (ou de décompensation) de l'organisme sur un mode non spécifique. Ce mode "démentiel" du fonctionnement neuropsychique surviendrait dans le cadre de contextes pathologiques particuliers, en écho de facteurs favorisants et de facteurs pathogènes surajoutés. Comme nous l'avons évoqué, une somme de facteurs, multiples et variables, pourrait être nécessaire à l'induction d'un tel processus, sur la dynamique évolutive duquel pratiquement tout reste à envisager (1983c). Dans cette optique le phénomène démentiel cesse d'être abordé en tant qu'ensemble de pertes, pour l'être en termes fonctionnels (1982b). Et une des pistes que nous croyons fructueuse à ce propos, consiste à le considérer comme un état de conscience modifié tels le sommeil, la transe, l'hypnose, à l'origine de modalités psycho-relationnelles et d'aptitudes modifiées. L'expression clinique de ce fonctionnement "de secours" (1982c) serait représentée par l'ensemble séméiologique des "Démences séniles", qui ont une présentation schématiquement commune avec des différences, permettant d' individualiser les formes cliniques, en fonction de pathologies de différents ordres qui constituent autant de "contextes de survenue" (1979a). La présence supposée de lésions, qui conduit par convention à définir un syndrome comme les DSTA, constitue à nos yeux un des contextes de survenue envisageables, sans préjuger de la dynamique ni du rôle des lésions. A notre avis, il en est de même de la personnalité de l'intéressé, en tant que contexte à même de "colorer" de son empreinte l'évolution clinique. Notre réflexion nous a conduit, en définitive, à envisager la survenue d'une "bascule démentielle" commune, avec des variantes relatives aux conditions de survenue, sur le modèle des dépressions. Celles-ci constituent, en termes didactiques, un exemple de réaction psychocomportementale non spécifique dont il apparaît, a posteriori, qu'il a implicitement guidé nos pas dans l'analyse de la question des Démences ( 1 988a). L'organisme humain est coutumier, on le sait, de "réponses" univoques telles que le stress, la fièvre, etc., au regard de sollicitations physiologiques de différents ordres, y compris psychogènes. 77
Chapitre 4
Les changements de regard proposés Une approche des phénomènes démentiels dans le registre du fonctionnement psychique, offre l'avantage essentiel d'élargir le champ des hypothèses concernant leur survenue et leur développement. C'est tout un changement de regard, qui peut s'opérer, sur les représentations possibles de ce qui se passe pour le patient et avec lui. Les conséquences en sont la multiplication, que nous croyons indispensable, des modèles possibles et des ouvertures thérapeutiques correspondantes, aucune piste ne devant être négligée. Notre optique initiale s'est inspirée de P. Watzlawick (1978), mais nous avons ensuite été conduit à travailler essentiellement sur les effets d'informations supposées échangées de façon inapparente. Il s'agit de phénomènes envisagés par cet auteur, dont nous sommes convaincu de n'avoir fait que prolonger et formaliser le point de vue. Ce faisant nous avons été amené à faire référence à une forme possible de "communication implicite", pour expliquer ce que nous observions. En corollaire, cette piste nous a conduit — à formuler de façon récurrente des hypothèses concernant le travail neuropsychique inconscient, dans son acception la plus large —à tirer des enseignements concernant la prise en charge clinique des patients. Esquisse de définition relationnelle de la vieillesse, de la dépendance et de la Démence Tout en invitant la communauté gériatrique, dès les années quatre-vingt (1982b,-83b,-83c,-84a), à opérer un travail de recadrage à propos des Démences, notre propre réflexion, nous a conduit à une exploitation des données cliniques, sous leur angle relationnel.
1. L'approche en termes de fonction sociale La question concerne les images, et ce faisant les messages, véhiculés par les personnes considérées comme âgées, et notamment par celles sujettes à la dépendance et au risque de Démence. 79
Alors que traditionnellement les personnes dites "âgées" avaient, pour fonction, entre autres, de "porter le deuil", dans les pays technologiquement "avancés" elles ont progressivement été amenées, avec l'allongement de la vie, à être considérées comme des "dépendantes", pour ne pas dire des Démentes, en sursis. La personne âgée est, tout naturellement, celle qui est désignée dans le groupe pour mourir en premier ou, du moins, celle sur qui se cristallisera la question de la mort dans des cultures comme la nôtre qui ont en apparence évacué la mort du champ de leurs préoccupations quotidiennes. A ce propos il y a lieu de pointer une différence entre des sociétés où l'on est sensé, à l'extrême, ne plus risquer de mourir que par accident ou échec thérapeutique, et les sociétés qui, en retrouvant la précarité, redécouvrent le mysticisme. En Occident, la fonction du Dément sénile devient, semble-t-il, d'occuper progressivement l'espace symbolique, espace sacré, entre le monde des vivants et celui des morts (1987f). Ce faisant, il est littéralement représentatif de la mort (mort-vivant) avec un équivalent de phénomène de momification sociale (1981b,-82c). Sans exclure que la mort soit biologiquement en marche chez les personnes concernées, les médecins, "néo-prêtres", remplissent un équivalent de fonction d'embaumeur, comme leurs analogues prêtres-médecins dans l'Egypte Antique. Comme le souligne la thèse de J.-P. GRAND (1987), on peut concevoir une analogie entre les devoirs rendus aux personnes âgées réputées Démentes et un équivalent de culte des ancêtres "morts-vivants", forme de rite anté-funéraire participant, vaille que vaille, à métaboliser l'angoisse de mort. Cela contribuerait à expliquer pourquoi il est exclu de soigner certains vieillards, devenus "tabous" (I). Dans une société valorisant la jeunesse, aussi artificielle soit-elle, le Dément risque ainsi, par extension, d'avoir le privilège peu enviable de représenter caricaturalement la vieillesse et la mort, tant redoutées. L'image la moins négative concernant la Démence serait alors celle du "retour en enfance" modèle culturel aussi répandu et tenace que logique. En effet, comme l'enfant, la personne âgée réputée Démente : — se situe hors du temps, — fait preuve d'incompétence dans de nombreux domaines, — craint la solitude, le noir, la nuit, et se caractérise par sa faiblesse et sa vulnérabilité. ( I ) Cf. O. Grynszpan, 1985. Notre père est à bout.
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On est en droit de s'interroger sur la valeur expressive de cette position basse, allant de pair avec le besoin poignant de retrouver sa mère. Nous pensons qu'elle peut être abordée en tant que demande de protection ou, en tout cas, comme remplissant une fonction de cet ordre. En effet si l'homme est, semble-t-il, le seul être vivant qui s'occupe de ses parents, ]'attitude pseudo-infantile des âgés dépendants, qui rend leur prise en charge nécessaire, fait écho à un schéma comportemental de base. A la recherche d'une définition de la vieillesse, en référence à l'observation, on remarquera qu'il semble se produire, à un moment plus ou moins tardif de la vie, une "bascule" faisant entrer dans un espace relationnel différent, proche du sacré. Quelles qu'en soient les raisons (objectives ou subjectives) les sujets concernés ne sont plus approchés sur un pied d'égalité. Repérés comme vulnérables, ils sont de fait placés hors rivalité vis-à-vis des autres adultes, c'està-dire aussi hors registre de la castration et, ce faisant, ils peuvent sembler hors du temps (1987a). Ils sont comme entrés vivants dans l'histoire, ce qui signifie qu'ils n'en sont plus les acteurs, sur le mode adulte (1987f). Le corollaire en est une forme de désexualisation, pour ne pas parler d'équivalent de castration, dont celui qui est désigné comme vieux fait l'objet, indépendamment de son âge (1980b). Bien qu'il s'agisse d'un être humain, il est inenvisageable de l'imaginer en train d' éprouver une forme quelconque de jouissance licite sous les caresses de qui que ce soit, sauf à évoquer des i mages d'horreur. Le vieillard, et à plus forte raison sa caricature le Dément, est sevré de cela dans nos représentations, tout autant qu'il l'est largement dans la réalité. Son corps semble n'être devenu qu'exceptionnellement un sujet (et un objet) de plaisir, sans que nous ayons l'assurance qu'il dispose de capacités de sublimation compensatoires. Tout se passe comme si le scénario oedipien s'était généralisé, non plus au seul lignage, mais à toute une fraction des aînés, à des âges manifestement variables d'un sujet à l'autre, dont la représentation des ébats est, de ce fait, aussi difficilement assumable que celle impliquant les parents. Sous cet angle de vue, la frontière permettant de caractériser le groupe des vieux repose sur la référence à des situations qui ne sont pas concevables les concernant, c'est-à-dire aussi impensables à propos d'eux qu'avec eux. Là semble s'originer et se renforcer, une barrière invisible qui dans sa version majeure va permettre de désigner les "vieux-vieux", comme disent les Anglo-Saxons, ou le quatrième âge, comme nous avons coutume de dire, pour parler de façon assez indistincte des personnes âgées dépendantes et de celles considérées comme plus ou moins démentes. 81
Cet aspect des choses va, d'une part, condamner la grande majorité des personnes très âgées à des "équivalent-sexuels" clandestins plus ou moins régressifs, mais elle va surtout, d'autre part, les contraindre, pour être acceptées par les plus jeunes, à être "bien polies", "bien propres" et vertueuses (1980b). L'âge risque d'enfermer dans un moule obligatoire de bonnes manières et de vieillard idéal. Car, accepter qu'une personne âgée ne soit ni toute bonne, ni pour autant mauvaise, semble pratiquement impossible aux yeux des plus jeunes. On est renvoyé au type de regard échangé entre les tout jeunes enfants et leurs parents, réciproquement idéalisés. Ce faisant, l'agressivité des vieillards risque de ne pouvoir s'exprimer qu'à travers des conduites symptomatiques. Et, en la matière, les productions démentielles remplissent incontestablement une fonction agressive, tout autant qu'une forme de prise de pouvoir. A cette agression du vieillard l'entourage répond par la surprotection, la mise "sous châsse", "sous cloche", dont la fonction agressive est tout aussi évidente (1982a). Cela se vérifie dans les établissements gériatriques, avec la demande, de fait, qu'il n'arrive rien, avec le souhait de contrôler tout ce qui se passe et de prévenir tous risques, quitte à les attacher, à les doter de détecteurs, à les filmer en permanence, dans la quête désespérée et vouée à l'échec d'un statu quo illusoire. Dans le même registre, les professionnels peuvent être mis en demeure de réduire les symptômes qui émergent, pour revenir au point mort. D'une certaine façon le refus de l'agressivité, comme l'émergence réflexe de transferts de responsabilité, sont probablement autant de signes qui permettent de repérer la fin des relations d'adulte à adulte et qui caractérisent l'entrée dans la situation de "vieillard". A la lumière de notre expérience clinique, nous avons donc été conduit à envisager une définition de la grande vieillesse, d'ordre relationnel. De ce point de vue, est considéré comme vieux celui vis-à-vis duquel il n'y a plus de rivalité concevable et dont on se sent spontanément, de fait, responsable de tout ce qui pourrait lui arriver. C'est-à-dire aussi celui qui s'en remet implicitement aux autres, fût-ce à son insu. Cette définition repose sur l'hypothèse d'un pacte inconscient, définissant les relations entre ceux que l'on désigne comme vieux et l'ensemble de leurs interlocuteurs (1983b). Elle est corroborée par les aspects constants du statut des "anciens", depuis la nuit des temps historiques (Cf. H. Reboul 1990) jusqu'à l'époque actuelle en Occident (Cf. J.-P. Bois 1994). 82
Dans cette optique le Vieux est aussi celui qui se présente avec "un pied dans la tombe" ou qui se laisse enfermer dans ce rôle (1981a). Cette situation comporte une forme de bénéfice secondaire : comment en effet lui appliquer les rigueurs de la loi, alors qu'il semble sur la brèche de l'au-delà, apparemment à la merci d'un rien 7 Ainsi, de notre point de vue, ce n'est pas par complaisance, mais bel et bien en conséquence directe de la définition même de la vieillesse (en termes relationnels) que la loi n'est pas opposée aux personnes âgées. Sous cet angle, pour passer du statut de vieillesse à la Démence, il n'y aura donc que très peu de pas à franchir — celui de la relation à sens unique, qui consiste à recevoir avec une absence de clarté sur ce qui est échangé — celui de la connivence "charitable", qui conduira les intervenants, confrontés à des symptômes déficitaires, à accepter de croire que les choses sont, dans leur réalité profonde, telles qu'elles sont montrées, l'intéressé n'y étant pour rien même inconsciemment. En relation avec ce qui évoque une forme de position de renoncement psychologique, il semble s'opérer ainsi un phénomène de désignation, non directement corrélé à l'âge, mais qui identifiera une population âgée "à risque" (1991a). En bénéficiant d'un moratoire relationnel, les intéressés sont mis sur la touche, sur la pente d'une disqualification graduelle, dénominateur relationnel commun aux vieux, aux dépendants et aux Déments, c'est-à-dire à la population gériatrique. Actifs ou passifs, sollicitant ou subissant, nous en sommes avec eux les co-acteurs inconscients. Concernant les vieillards déments cette désignation implique, nous semblet-il (ou est renforcée par) des fantasmes relatifs à la peur de se perdre dans toute hypothétique relation, sur un pied d'égalité, avec eux. Mais, n'en vat-il pas de même vis-à-vis de tout groupe au sein duquel il est interdit, pour quelle raison que ce soit, de chercher l'âme soeur. C'est ainsi que seront traités comme des morts du cerveau, des patients qui du fait de leurs symptômes ne se sont peut-être tués qu'en effigie (Cf. Maisondieu, 1989) ce qui permet réciproquement d'opérer un deuil progressif, deuil partiellement anticipé, avec une identification difficile au patient, sauf sur un mode très intellectuel (1981a). Cela pourra conduire, par exemple, à parler de lui devant lui, comme s'il n'était pas là ou comme s'il était étranger à lui-même. 83
Le fait qu'il soit statufié de son vivant va également contraindre l'entourage naturel et les intervenants à choisir pour lui et, en particulier, à décider de choses douloureuses, comme le "placement" ou l'arrêt de soins considérés sans espoir, ce qui peut être à l'origine de rancoeurs indicibles. Ainsi, la dépendance et la Démence nous enferment, avec le patient, dans une relation paradoxante. Il ne peut pas trancher et en nous substituant à lui nous le réifions. Pour le protéger nous l'enfermons. Pour qu'il ne perde pas ses objets nous les lui supprimons et, en général, nous finissons par le mettre dans des conditions qui vont opérer une véritable sélection de population, lorsqu'il est orienté vers une institution. En conduisant des tiers à "traiter à façon un certain nombre de choix, le malade (fût-ce très inconsciemment) enferme les protagonistes de sa prise en charge dans une dynamique où tout, avec les meilleures intentions du monde, ne peut que remplir une fonction agressive et concourir à générer de la persécution (1988g). En contrepoint en le "casant", en le "plaçant", ce sera précisément une "nonplace" qui lui sera assignée, véritable illustration de son absence de place dans le concert social des "vivants actifs". Toute la question du soin reviendra, malgré les symptômes, et avec eux, à tenter de permettre une actualisation des rôles réciproques sans se laisser piéger dans le "faire semblant" introduit par l'omniprésence des contraintes matérielles (1981b), ce qui implique en particulier l'élaboration d'une séparation possible.
2. La Démence dans son contexte familier et familial a) La relation croisée avec un interlocuteur virtuel Si on parle beaucoup des personnes âgées, on leur parle peu et on les écoute encore moins (1982d). On peut distinguer, dans un cercle familial, à âge égal, qui est considéré comme vieux, à la part de condescendance présidant à la façon dont on écoute une personne. La relation avec les personnes âgées et notamment celles qui souffrent de Démences ou de désorientation, est une relation dans laquelle les familiers sont tentés de moins investir l'être actuel que le sujet d'autrefois, plus ou moins idéalisé. C'est donc à un être virtuel qu'ils risquent de s'adresser, à travers l'être physiquement présent. On a l'air de s'adresser à lui, mais ce n'est pas, ou peu, 84
lui qui est investi, tant il semble beaucoup plus être fréquenté par loyauté que pour lui-même — tel qu'il est devenu — disqualifié relationnellement. Nous parlons de relation croisée, parce que rien n'exclut que le sujet âgé, d'une façon symétrique, s'adresse lui-même à l'enfant idéal, au-delà ou à travers l'enfant actuel moins investi tel qu'il est que pour ce qu'il fut. Cette manière de regarder les personnes âgées, tout comme celle qui consiste à leur dire implicitement ou explicitement : "dites moi qui vous étiez...", au lieu de dire : "qui êtes-vous ?...", est narcissiquement très dévalorisante pour elles. Il n'y a rien de pire dans une relation que d'être devenu comme transparent. Ce type de fonctionnement interactif est, tout à la fois, à même de marginaliser un aîné et de constituer le socle d' une relation de dépendance. Celleci représentant désormais la seule assurance d'inclusion dans le concert groupai. b) L'équivalent de névrose familiale Une façon d'expliquer les irrationalités observées vis-à-vis des aînés, dès lors qu'ils sont "désignés", s'appuie sur l'idée que la famille (patient inclus) est enfermée dans un tissu d'impasses ou de contradictions relationnelles, la faisant souffrir quelle que soit la voie empruntée (1988a). Il s'agit d'un aspect des choses qui a été remarquablement décrit, entre autres, dans l'optique psychanalytique par des auteurs comme P. Charazac (1989) ou R. Kas (1986) et sur le mode systémique par Y. Colas (1984). Ce système de contraintes multiples évoque les situations de névrose expéri mentale et nous avons pu parler, concernant les familles de personnes âgées réputées Démentes, d'équivalents de névrose collective en termes de fonctionnement relationnel (199 la). En substance, dans la mesure où il est familialement trop difficile d'investir le Dément tel qu'il est devenu, celui-ci court le risque de faire l'objet d'un deuil partiel ou anticipé, faute pour ses proches de pouvoir faire le deuil de ce qu'il fut. Cela ne peut qu'être à l'origine de sentiments ambivalents, la menace de le perdre étant vécue dans l'angoisse et la culpabilité latente, toute forme d'agressivité étant, par ailleurs, difficilement soutenable à l'égard d'un vieillard (1992b). Les choses seront compliquées par l'existence de contentieux réels ou fantasmatiques, susceptibles d'engendrer de sourdes tentations, en marge de la peur du désir d'être agressif envers lui, ce qui contribue à alimenter la culpabilité (1981a). 85
La question obsédante d'une éventuelle hérédité de la maladie vient, s'il le fallait, un peu plus obscurcir sentiments et conduites, avec le refus d'un avenir identique au sien, alors qu'il a peut-être potentiellement transmis le mal à sa descendance ( I). Souhaits de mort et peur qu'il meure se révèlent étroitement mêlés, avec, à un degré de plus, la question du poids de la responsabilité à assumer s'il lui arrivait réellement "quelque chose" (1988a). Certes, il doit partir et, dans l'état où il se trouve, devenu ce qu'il est, sa fin peut être admise comme une délivrance, mais elle ne peut cependant être évoquée que pour le lendemain. Elle est d'abord sensée concerner ses homologues. Comment, en effet, envisager qu'il puisse disparaître tant qu'il demeure peu ou prou un contentieux avec lui (1988f) ? La crainte du retour agressif des morts semble être un fantasme universel, d'où nombre de conduites fébriles de réparation et une hyperprésence à ses côtés (1987f). Cette hyperprésence pourra, dans certains cas, prendre carrément la tournure de relations symbiotiques ou fusionnelles, issues de l'inversion des rôles entre parent et enfant qui peut être poussée à son paroxysme (1992f).
des connotations inconscientes inacceptables que cela peut mobiliser. Une équipe thérapeutique elle-même, ce faisant, peut très bien faute d'une élaboration suffisante se mettre dans une dynamique d'échec. D'une façon générale, la position d'intervenant auprès d'un vieillard dépendant, pratiquement à la merci des tiers en toute impunité, met en situation de toute-puissance problématique. En effet, renvoyé à une analogie de relation parent/enfant, ("quand je serai grand et quand tu seras petit...") il n'est pratiquement possible de s'appuyer que sur. les interdits intériorisés, pour contenir toute émergence agressive. La pratique gériatrique est certainement de celles qui sollicitent le plus notre constitution névrotique, contribuant à la production d'angoisse, quand ce n'est pas à l'émergence d'une pathologie psychosomatique (198 l a). Si cette ébauche de réflexion, sur la complexité des sentiments à l'oeuvre avec les aînés ayant basculé dans la vieillesse, concerne au premier chef la cellule familiale, elle concerne aussi l'institution et même la société, modèles d'ambivalence à ce propos. La récupération fréquente de locaux désaffec tés "pour les vieux" et le recours aux personnels les moins sélectionnés en sont les marques les plus évidentes (1995b,-95c). :
On peut aussi assister à de véritables réactivations oedipiennes, avec séparation du couple parental, par le biais du placement dans un établissement. La maladie permet alors, soit de "punir" père ou mère, tenu responsable du malheur de l'autre dans le cadre d'une conjugopathie historique, soit de capter un des parents, généralement celui de sexe opposé (1993a).
Une recherche, centrée sur les phénomènes relationnels mobilisés par la prise en charge des personnes âgées dépendantes ou démentes, se révèle donc tout aussi nécessaire que peuvent l'être les investigations sur les causes ou les mécanismes à l'oeuvre dans les évolutions "déficitaires".
Nous ajouterons que, de plus, tout se passe comme si pour sa part le patient ne contenant plus ses pensées les communiquait massivement à ses proches. Ceux-ci font alors office de caisse de résonance, mettant des mots sur les peurs informulables du patient, à l'unisson de leurs propres fantasmes ou préoccupations, qu'ils expriment en les habillant de rationalisations (1992 b).
Pour une clinique de la communication La question porte sur : comment, dans la pratique quotidienne, inclure les irrationalités observées dans un schéma théorique permettant d'en tirer un parti clinique ?
Ainsi, de toute évidence les attitudes autour des Déments semblent beaucoup plus suivre le "diktat" du fantasmatique que celui de la réalité.
Nous sommes parvenu à plusieurs niveaux d'explication, qui peuvent se compléter, pour tenter de comprendre de telles attitudes (1988d).
L'expérience clinique incite, à ce propos, à la plus grande prudence vis-àvis de tout ce qui concerne des êtres que leurs proches considèrent implicitement comme recouverts de l'ombre de la mort. Il s'agit notamment d'être attentif à tout ce que peut représenter de choquant, voire d'indécent, l'objectif de prendre du plaisir avec eux ou de viser à leur en procurer, en raison
1. La prise en compte de l'expression comportementale du patient
(1) D'où la nécessité de relativiser l'effet médiatique des quelques cas recensés de Maladies d'Alzheimer dont l'hérédité apparaît scientifiquement soutenable.
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Nous pensons que, comme tout un chacun, le Dément signifie plus ou moins à son insu des choses à son entourage, choses que peut-être il n'assume pas de connaître. Elles lui échapperaient sur le mode de l'expression analogique, mais aussi celui de la pathologie fonctionnelle. Il n'y a, en effet, a priori 87
aucune raison de le supposer privé de ce mode d'expression qui existe à tout âge et qui a été mis en évidence même dans la pathologie psychotique (Cf. B. Bettelheim, 1975). Cela passe par l'intonation, la mimique, la posture qui vont être significatives. Mais ce seront aussi des conduites qui vont lui "échapper" et prendre une valeur expressive, c'est-à-dire —être porteuses de sens et, simultanément, —avoir une fonction d'extériorisation, d'évacuation de tensions et/ou d'émotions. Ce faisant, on est en droit de penser que tel patient, qui bave, dont la tête tombe, qui tourne en rond, qui marche penché à 30° par rapport à la verticale, qui se laisse glisser, tente sans en avoir conscience d'exprimer quelque chose. Ne l'envisage-t-on pas pour les patients "fonctionnels" qui étouffent, qui ont mal à la tête ou au ventre, aux seins, au coeur, aux reins, etc. (1991b) ? Nous avons délibérément opté pour voir là un langage symbolique, prenant chez le Dément une véritable tournure allégorique, notamment dans les équivalents de tableaux vivants, qui évoquent autant de mises en scène inconscientes, auxquelles les groupes de Déments semblent nous confronter (1994b). C'est ainsi que l'on retrouvera des patients le dos au mur, ayant fait le vide au centre de la pièce, ou bien nous offrant des images de dérive ou d'équivalents de danses macabres. On peut littéralement parler, les concernant, d'expression comportementale individuelle et collective, avec des formes de "lapsus corporels", sur un mode analogue au "retour du refoulé". On est bien sûr en droit de penser, en pareil cas, qu'il s'agit de phénomènes fortuits, mais on peut aussi formuler des hypothèses sur les déterminants inconscients de telles attitudes. Cette approche permet au soignant de dépasser le niveau de conduite "réflexe" pour parvenir à une réponse raisonnée, c'est-à-dire relevant d'un ordre de prévisibilité logique et non plus aléatoire. Ainsi, la vieille femme que l'on verra débraillée, jupe retroussée, bavant, souillée, avec un seul bas "en accordéon", et ayant plus ou moins glissé d'un fauteuil, lui-même placé de travers n'importe où dans la pièce, ne sera plus abordée en tant que "gâteuse repoussante". Elle deviendra quelqu'un dont on pense qu'elle se met en scène dévalorisée. Autrement dit, il s'agit d'une patiente qui, sur un mode masochique, pose à tout un chacun la question de sa valeur. A charge pour le soignant de ne pas laisser un symptôme de cet ordre se développer et se répéter dans le vide. Il revient à chacun de lui 88
signifier qu'il a une autre opinion d'elle, que celle qu'elle est inconsciemment tentée d'exprimer. L'attitude thérapeutique repose sur une ligne directrice consistant à lui manifester délibérément qu'elle vaut mieux que ce qu'elle montre ou tente de nous montrer. Cela implique de privilégier tout ce qui permettra de lui témoigner que l'on n'accepte pas qu'elle se fasse cela, par exemple, par la façon de remettre de l'ordre dans sa tenue. Tout ce qui introduit une forme de réhumanisation, où la déshumanisation semble mise en scène, est ainsi supposé remplir une fonction psychothérapique. Dans un autre ordre d'idées ce sont les événements, les situations, sur la significativité desquels on est en droit de s'interroger, sans pour autant alimenter ce qui irait dans le sens d'une paranoïa collective. En disant cela, nous pensons aux faits et aux attitudes qui remplissent une fonction homéostasique. Il peut s'agir par exemple de conduites qui viennent nous interroger dans notre détermination à conduire un projet à terme ou qui viendront en modifier le cours. On peut évoquer à ce propos les malaises qui surviennent chez une personne à propos de laquelle on parle de placement, ou encore un épisode fébrile, une décompensation cardiaque voire une fracture qui vont intervenir trop opportunément pour ne pas nous interroger sur un lien de causalité réactionnelle. Mais réactionnelle ne signifie pas pour autant délibérée. C'est-à-dire qu'une participation ou une adaptation inconscientes peuvent se révéler, il faut le savoir, infiniment plus déterminantes et significatives qu'un choix conscient (1992c).
2. Hypothèse de l'émission involontaire de messages i mplicites par le patient, et d'un niveau de communication inconscient Lorsque nous disons : "Il m'inspire ceci ou cela" ne parlons-nous que de nous ? Pouvons-nous affirmer qu'un interlocuteur, même Dément, n'est qu'un écran, totalement passif, au regard de ce qu'il nous "inspire". L'observation des transactions relationnelles pose de façon constante la question de la communication infraliminaire, c'est-à-dire de la prise en compte "non identifiée" de messages émis inconsciemment par des canaux et avec des codes, dont nous sous-estimons la juste valeur ou que nous ne connaissons pas. Le langage corporel ne représente, à notre avis, que l'aspect le plus manifeste de ce type d'expression. Si nous n'avons pas spontanément conscience du support et de l'énoncé de tels messages, nous pouvons en constater les effets en termes de pensées ou de conduites suscitées chez les intervenants. Car de mêmes intervenants, d'une situation à l'autre, n'éprouvent pas les mêmes pensées ou n'ont pas 89
les mêmes réactions. Par contre des personnes différentes peuvent avoir spontanément des attitudes similaires vis-à-vis d'un même interlocuteur, aussi Dément soit-il. Ce dernier n'y est, de toute évidence, pas étranger. De là à penser qu'il soit inconsciemment actif, par un processus infraliminaire de suggestion induisant des émotions, des interdits, des réflexes, il n'y a qu'un pas qu'il nous est apparu utile de franchir (1994b). Cela nous a conduit à observer les réponses spontanément faites aux patients, pour formuler des hypothèses sur de possibles questions posées implicitement par ceux-ci. Il s'agit, ce faisant, de tenter d'identifier, à travers les réponses des familiers ou des professionnels, à quelles questions de fond, posées inconsciemment par les patients, elles peuvent se rapporter. Une conduite, quelle qu'elle soit, observée chez les tiers, prend ainsi une valeur séméiologique, comme possible témoin d'une inspiration partagée. Même et surtout si elle apparaît aberrante, elle peut donc être admise comme pertinente et induire un raisonnement de nature à bonifier la réponse. L'intervenant n'est plus coupable, n'est plus jugé, il lui est reconnu d'avoir correctement reçu le message du patient. Tout au plus peut-il lui être objecté d'avoir fait preuve d'une forme de collusion spontanée, en se contentant d'une réponse "au pied de la lettre", protégeant ainsi son interlocuteur de tout risque d'implication ou de remise en question. Pour illustrer ce que nous voulons dire, il suffit de reconsidérer le cas, banal et universel, de quelqu'un qui cache quelque chose à un malade. En raisonnant comme nous venons de le faire, il est possible de formuler l'hypothèse de la perception du message implicite : "Je suis fragile, il faut me ménager, je ne veux pas savoir...". Ayant fait cette hypothèse, l'attitude thérapeutique consistera : —à admettre l'utilité de la réponse réflexe, —à s'interroger sur l'opportunité d'une réponse plus élaborée, dans un second temps. Ce type de raisonnement peut conduire à des options tranchées, du type : —faut-il cautionner son sentiment et tout lui cacher, comme si les nouvelles concernées étaient réellement dangereuses et comme s'il était aussi fragile qu'il conduit à le croire '? —faut-il lui "asséner" la vérité ? Il appartient au thérapeute de dégager la réponse la plus judicieuse qui, à notre avis dans ce cas, passe par la prise en compte de la peur et du sentiment de fragilité pour aménager (avec l'accord des proches) le moment, la façon et les suites de l'annonce d'une nouvelle qui pose problème. 90
Cette façon de se représenter les choses permet de prendre en compte, dans la relation comme dans l'organisation de la prise en charge, des problématiques dont l'existence est hypothétiquement déduite de l'observation comportementale, ce qui majore la valeur de cette observation. D'autres exemples permettent d'illustrer ce que nous proposons de considérer comme des symptômes indirects, c'est-à-dire aussi quel type de "matériel clinique" nous pensons utile d'observer. Cela concerne pratiquement toutes les irrationalités pointées précédemment. Il en va ainsi de la conviction de l'entourage qu'un patient ne peut pas rester seul, qu'il risque de lui arriver quelque chose de redoutable ou qu'il pourrait faire quelque chose de dangereux. Sur un point comme celui-ci, nous avons pu vérifier que réagir sur le seul mode consistant à introduire des aménagements matériels, ne correspond pas, de toute évidence, à ce qui pose problème. Il existe concernant une personne âgée réputée Démente, au même titre que pour toute autre, un risque à négliger les aspects latents de la demande de soins. Et, une réponse au premier degré, en l'occurrence proposer par exemple une prise en charge médicale uniquement "technique", faute de donner satisfaction sur le fond, ne peut que conduire à une redondance de la demande (1987c). Confronté aux rationalisations qui étayent le discours des familiers, nous avons donc délibérément renoncé à expliquer, en pareil cas, qu'il est moins menacé que l'on ne croit et que, de toutes façons, la vie est un choix de risques. Nous faisons pour notre gouverne (et nous enseignons de faire) l'hypothèse que l'intéressé communique sa peur de la solitude, peur rattachée à son vécu d'abandon et à son angoisse de mort. Nous en sommes également venu à adopter, et à conseiller d'adopter, une attitude similaire vis-à-vis de façons d'agir qui nous ont longtemps irrité, telles que les pratiques de "stimulation". Il y a, en effet, tout lieu de penser qu'un vieillard peut dire de façon manifeste, avec des mots : "je veux rester au lit !", mais que, peut-être, de façon implicite (on ne sait comment) il ajoute : "surtout secouez-moi... j'ai très peur de m'ankyloser, de m'engourdir... stimulez-moi !". Faire cette hypothèse permet de comprendre des conduites gériatriques très répandues, comme ce qui consiste, sous prétexte de rendre un patient autonome, à multiplier les exigences vis-à-vis de lui, réalisant ainsi une chose et son contraire. Quotidiennement, le soignant qui donne la main à une personne âgée désorientée, comme on le ferait avec un petit enfant, ou celui qui assigne une place à un patient qui semble ne pas savoir où aller, ne font probablement 91
rien d'autre. De notre point de vue, ils répondent à une demande muette -Donnez-moi la main !" que l'on peut supposer connotée à un sentiment de vulnérabilité, mais peut-être aussi à la sensation ou au désir d'être "comme un enfant", au besoin d'être rassuré, protégé, aidé...
Ainsi, en dépit des apparences, le patient sera réinclus dans le champ relationnel comme co-acteur, fût-ce inconsciemment, participant à la dynamique situationnelle de ses groupes de référence (couple, famille, institution, etc.).
Dans l'état actuel de notre démarche, ce qui nous apparaît regrettable n'est donc plus de donner la main aux Déments, mais d'en rester trop souvent là et de ne pas prendre en compte les aspects plus profonds du questionnement auquel il est répondu.
Ce faisant, toute une part de persécution sera évacuée de l'approche thérapeutique, car les intervenants cessent de parler d'eux à propos du patient pour enfin parler de lui à propos d'eux, notamment à propos de ce qu'ils ressentent.
Il en est de même à propos de l'agonie d'un malade. Les positions contradictoires observées peuvent, là encore, être référées à des perceptions pertinentes d'éléments ou de tendances contradictoires qui habitent le patient et qu'il livre, telles quelles, à ses interlocuteurs. Ce raisonnement peut également s'appliquer à la position consistant à accepter, sans critique, l'idée d'être en face de sujets incurables, ou de morts du cerveau. Elle peut être considérée comme une réponse spontanée, revenant à sceller une forme de pacte implicite, pour prendre les choses comme elles sont montrées. En ne touchant pas aux mécanismes de deuil en marche, elle contribue à exclure les risques "d'interpellation" du patient (1984a). Tout se passe comme si la position symptomatique adoptée faisait l'objet d'une connivence inconsciente. Cela va dans le sens d'une attitude réflexe collective de respect d'un tabou consistant, comme nous l'avons vu, à ne pas faire intrusion dans une situation déjà recouverte psychologiquement et relationnellement du sceau de la mort. Attention ! de telles hypothèses n'ont, en aucun cas, pour objet d'inciter à une quelconque démarche interprétative, mais bien de veiller à tenir compte de ce qui peut être en cause, pour accéder à une dimension thérapeutique par une réponse plus élaborée et délibérément significative. Dans cette ligne, l'approche thérapeutique consiste à prendre acte des contradictions qui, pensons-nous, habitent un patient, pour lui restituer dans notre esprit toute sa complexité, tout son relief psychologique profond et toute son épaisseur relationnelle (1988a). A partir de là, tout est affaire de stratégie - pour prendre en compte la nécessité économique pour le patient de se mettre à l'abri de toute implication, - pour décrypter et recadrer les messages pris au pied de la lettre, par exemple en envisageant qu'il puisse être question de "la mort dans la tête", là où nous sommes tentés de penser qu'il a la tête morte.
Le concept de présentation déficitaire A ce stade de notre réflexion, faute de savoir ce qu'étaient les Démences, les aborder en termes d'état nous est apparu aussi dérisoire que de nature à nous enfermer (et nos patients avec nous) dans des querelles d'école. Nous avons donc opté pour proposer de parler, concernant les symptômes démentiels, de "mode de présentation de soi", dans un contexte donné (1982d). Ce concept de "présentation de soi", historiquement dérivé de la "persona" de C.G. Jung (I), nous est en effet apparu de nature à laisser ouverte la plus grande marge possible de raisonnement, tout en s'accommodant des zones d'ombre et d'ignorance, prises en compte comme telles. Car, et c'est peut-être là le coeur de la question, dans le cas présent le contexte à prendre en compte est double. D'une part, il est représenté par les nécessités propres à l'économie psychique du patient et, d'autre part, il est constitué par les contraintes inhérentes à l'économie relationnelle dont ce même patient est partie prenante. A la frontière de ces deux champs de nécessités se trouvent le mode, la forme de présentation de soi, faite d'attitudes et d'images données de soi, remplissant une fonction de résultante. Il s'agit aussi de ce que la personnalité du sujet a pu produire sollicitée par un contexte relationnel donné, c'est-à-dire en contrepoint des demandes de conformation implicites et des attentes collectives pour jouer un rôle, remplir une fonction relationnelle, dans l'économie du groupe. Cette fonction d' interface de la présentation de soi peut être envisagée comme une position assumée ou, au contraire, comme relevant du registre symptomatique. Elle est alors assimilable à un mécanisme "d'échappement", solution de secours, qui va permettre à l'intéressé de signifier quelque chose tout en se plaçant hors jeu en termes de responsabilité, tant au sujet de ce qui est montré que par rapport à la situation créée. (I) Voir glossaire. in C.G. Jung. Ma vie. Propos recueillis par A. Jatte. (1961).
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Il s'agit d'une position économique, mais dont le narcissisme de l'intéressé ne peut en corollaire que faire les frais.
Cette façon d'envisager les choses, procède, nous en convenons, d'un parti pris finaliste.
C'est ainsi que. faute de mieux, nous avons proposé aux cliniciens un modèle de genèse des Démences, se situant dans une approche économique. Il consiste à aborder la symptomatologie démentielle en termes de production d'une "présentation déficitaire" (1984a), résultant d'une incompatibilité entre les exigences :
Nous ne sommes pas en mesure de démontrer le bien-fondé d'une telle approche, mais elle a le mérite éthique de restituer au patient une position de participant actif, fût-ce inconsciemment, c'est-à-dire un statut de partenaire.
—de l'économie relationnelle : économie familiale, où le patient est assigné au rôle de sortant, mis sur la touche, inclus dans un pré-deuil et, —de l'économie psychique individuelle, régie par l'instinct de vie. La Démence peut être ainsi considérée comme un des scénarios symptomatiques possibles, pour se préparer à la sortie de ce monde. Tout se passe en effet comme si le collectif, par nécessité, plaçait inconsciemment un des siens en position de "sortant" et, en signe d'appartenance, attendait de lui qu'il s'efface. D'une façon générale, la conformation à la demande latente d'un groupe de référence est source de confort (de baisse de tension). Mais, dans ce cas de figure, cette attente très particulière, à laquelle le sujet désigné adhère malgré lui, ne peut que se heurter de façon insoluble aux exigences de l'instinct de vie. On est donc en droit de penser que la présentation démentielle constitue une pseudo-synthèse, permettant de survivre biologiquement tout en se présentant comme mort socialement, grâce à une activité communicationnelle infraverbale, que nous croyons d'autant plus dense qu'elle incite à la croire nulle (1992b). Au plan psychologique individuel, la présentation déficitaire peut : —soit être abordée en termes de point d'équilibre dans un champ de forces contradictoires, c'est-à-dire abordée comme production nécessaire, mais ayant un caractère passif,
En effet, aborder les productions démentielles en termes de type de présentation, offre l'avantage de proposer de les situer dans un champ interactif sur lequel on peut espérer avoir quelques prises explicatives et/ou thérapeutiques. Il s'agit d'un regard psychodynamique par excellence porté sur le cheminement démentiel, dont il remet en question sa dimension arbitraire. S'il n'exclut pas une possible participation lésionnelle, il refuse d'admettre a priori, sans preuves, que les Démences séniles soient considérées obligatoirement, et uniquement, comme les conséquences passives de phénomènes neurologiques (1986b). Ce changement de regard porté sur le patient, considéré comme acteur involontaire de sa pathologie permet de prendre en compte, au-delà du masque déficitaire, les éléments de communication évoqués précédemment. On est, dans cette optique, en droit d'assimiler toute une part des messages comportementaux observés à une tentative d'expression inconsciente, qui "échappe" au processus démentiel. Tout ce qui vient d'être évoqué ou proposé, concernant l'approche des Démences séniles, a essentiellement pour conséquences de conduire à aborder les patients concernés, dans la vie quotidienne, en s'adressant à l'adulte qu'ils sont, en dépit des symptômes dont ils font (et nous font faire) les frais. Il s'agit d'un point de vue que nous nous sommes attaché à introduire dans leur prise en charge, et qui s'est révélé fructueux.
— soit être envisagée sous l'angle du compromis inconscient qu'elle constitue dans le cadre du fonctionnement de l'économie psychique. Ce qui était abordé comme remplissant de fait une fonction défensive, par le moindre niveau d'implication autorisé, devient, dans la seconde optique. une stratégie pertinente de désimplication. Le fonctionnement psychique du Dément qui représente pour le moins un "fonctionnement mental de secours", dans une optique dynamique, peut ainsi être considéré comme relevant d'une forme de compromis : "le compromis démentiel" 1991b). 94
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Chapitre 5
Ebauche d'un modèle du fonctionnement neuropsychique D'une certaine façon les Déments nous confrontent en permanence à la question de la limite de validité opératoire des types de représentation de l'appareil neuropsychique auxquels il est coutume de faire référence (1987g). Ainsi ce que l'on sait du développement cérébral, de la plasticité neuronale et des destinations privilégiées de certains neuromédiateurs, nous a très vite conduit à nous poser la question d'une modélisation du système nerveux central rendant compte de son étonnante auto-adaptabilité. Dans la foulée nous avons été amené à envisager des hypothèses relatives au fonctionnement psychique qui permettent de prendre en compte les phénomènes relationnels auxquels la dynamique démentielle nous confrontait. II s'agissait conjointement de tenter d'expliquer ce que notre pratique nous faisait vivre, notamment en matière de résistances dont nous pouvions nous surprendre d'être, personnellement, acteur malgré nous. Alors que nous nous inscrivons dans un courant de pensée résolument "psychiste", la confrontation nécessaire au monde médical nous a incité à adopter un langage plus "technologique" que métaphorique, pour exposer cette approche et pour traiter de l'articulation possible des phénomènes concernés avec les données neuro-biologiques. Disposer d'un modèle du système nerveux central Rappelons-le, la fonction du tissu nerveux cérébral consiste à gérer, de près ou de loin, tous les équilibres biologiques qui concourent à notre maintien en vie. Elle constitue également le pôle "organisateur" de nos relations avec notre environnement matériel et humain. Elle repose sur une caractéristique fondamentale de l'activité neuronale, qui est d'être auto-adaptable (Cf. H. Laborit, 1976). L'activité concernée implique aussi, ajouterons-nous, la capacité d'intégrer ce que sont devenues les données historiques, après avoir été prises en compte dans un métabolisme original où, semble-t-il, interviennent notamment les paramètres relatifs au "travail" fantasmatique. 97
Les analogies les plus évidentes que l'on peut proposer pour évoquer ce que constitue le travail du système nerveux central (SNC), au sens biologique, vis-à-vis du fonctionnement psychique, sont des analogies informatiques telles que le rapport entre la notion de "hard ware" et celle de "soft ware" (I). Nous avons un temps développé des schémas de cet ordre. Ils nous semblent cependant peu aptes à rendre compte des questions qui, à notre avis, seront demain à l'ordre du jour comme les greffes de neurones ou les modifications géniques. Nous nous sommes donc progressivement orienté vers une représentation permettant d'aborder les phénomènes neuro-psychiques en termes économiques (1985c). L'analogie entre le SNC et une entreprise industrielle nous a ultérieurement semblé à même de fournir une représentation des régulations opérées par l'appareil neuronal. En effet le cerveau peut être abordé comme un système vivant : "... monde de transactions, de compromis de conflits, soumis aux aléas de sa propre histoire, sous l'effet des événements extérieurs, avec sa vérité officielle ; en d'autres termes ce qui est autorisé à accéder à la conscience, et sous quelle forme..." (1986b). Nous sommes tenté d'ajouter :
avec ses mutineries et ses messages débordant la censure, émis en langage analogique (celui de ses profondeurs les plus intimes ?). Cela nous a conduit a proposer d'aborder la Démence comme une : "...sidération fonctionnelle d'origine pluri-factorielle. Les facteurs anatomiques, biologiques et fonctionnels (émotions, désordres psychiques, sollicitations intempestives de la capacité d'adaptation mentale, processus d'inhibition) pouvant s'additionner comme s'additionnent dans une entreprise un organigramme inadapté à la situation, des machines obsolètes, des tensions sociales, des actions catégorielles intempestives, des problèmes de trésorerie et une mauvaise politique commerciale. L'entreprise en faillite, on le sait, peut continuer à végéter sous la férule de syndics, niais par quel bout prendre le problème pour lui restituer sa vitalité et son indépendance ?..." (1987a). Enfin, au modèle de l'entreprise nous avons fini par substituer celui, que nous croyons plus satisfaisant, d'un véritable équivalent de société organisée tel l'essaim d'abeilles ou la fourmilière. Société neuronale qui a ses finalités propres et qui s'autorégule, avec une gestion interne avisée, tout en remplissant une fonction au regard d'un environnement vis-à-vis duquel elle se situe en interaction constante (1985c). (1) C'est-à-dire entre support matériel et programme.
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Un tel fonctionnement n'est possible que grâce à une différenciation et une hiérarchisation des éléments constitutifs de cette population, ce qui leur permet de tenir des rôles complémentaires dans une activité structurée. Cette analogie, SNC/société neuronale, nous a amené de fait à une vision globale du travail neuropsychique ; en ce sens que toute stimulation, toute information, est sensée impliquer à des degrés différents tout le corps social, c'est-à-dire toute la communauté neuronale avec son activité de communication interne. Ce faisant, l'intégration d'une information passe par son mode d'impact sur cet ensemble social "complexe", au sens où l'entend E. Morin (1995). Cela i mplique qu'elle repose sur toutes les interactions induites, y compris dans les zones et les structures cérébrales les plus différenciées, avec des règles, des formes et des procédures de métabolisation, propres à chaque type d'information, dont la plupart restent à décrypter (1987g). Dans cette optique d'inspiration cybernétique nous proposons d'aborder la vie fantasmatique comme une mise en formes, relevant d'un langage et d'un "traitement" particuliers à l'activité psychique humaine. Son rôle serait d'intégrer les informations, en les rendant significatives par l'attribution d'une charge émotionnelle et de concourir à la prise de décision en référence à des scénarios "analogiques" qui lui sont propres. Cela évoque un travail d'affectation d'indices ou de caractéristiques, associés aux informations et participant à leur mode d'utilisation. Comme le conçoit la métapsychologie d'inspiration freudienne ( I ), il apparaît envisageable (parce qu'opérant) que les scénarios à l'oeuvre se soient développés à partir de schémas "matriciels". Ceux-ci constitueraient autant de modes initiaux ou de lignes directrices, intervenant dans le traitement de l'information, destinés à concourir à la métabolisation psychique des difficultés rencontrées et donc à moduler les conduites. De ce point de vue, le cerveau peut être assimilé à un support matériel biologique, apte à pratiquer les opérations de traitement d'informations, qui permettent à l'individu de survivre et de s'adapter au fil d'une succession de compromis, entre les nécessités environnementales et celles de sa propre économie fonctionnelle. La créativité, elle-même, peut être regardée comme une expression adaptative originale, représentant la quintessence de la mise en valeur des potentialités d'un sujet dans un champ social inducteur. On est en droit de supposer que, biologiquement, une information est caractérisée par son spectre d'activation cérébrale, c'est-à-dire par la façon dont chaque neurone aura été mobilisé par elle, constituant une trace et une trame, (I) Cf. l'illustration fournie par D. Widlocher (1994).
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façonnée par l'histoire et témoignant de la temporalité de cette activation. C'est sans doute dans le jeu des échanges impliqués, c'est-à-dire dans les conséquences de sa métabolisation, mais aussi les règles qui président à celleci, que l'événement externe devient événement psychique et qu'il sera mémorisé par (et avec) les connexions potentielles qui font de lui un organisateur de la vie psychique inconsciente. Il s'agit d'un aspect des choses qui a été fort bien exposé, notamment par J.-P. Changeux (1983). Une grande inconnue, demeurant en la matière, consiste à savoir de quel type de clef relève la prise en compte d'une information avec les connexions que cette prise en compte implique virtuellement. Cette question s'applique également, pour chaque information, aux échanges affectifs qui lui sont associés, aux scénarios inconscients auxquels elle se réfère ou qu'elle peut induire. Cela concerne aussi tout ce qui conduira un événement à se reconstituer mentalement et à devenir conscient, avec les pensées, les actes et les attitudes qu'il facilitera, etc. Car, si notre fonctionnement psychique semble organisé sur le mode analogique, rien ne permet actuellement de savoir si les phénomènes qui viennent d'être évoqués relèvent dans leur inscription de procédures appartenant à ce seul registre. Une autre hypothèse de codage, qui ne peut être exclue, supposerait une inscription neuropsychique au moyen d'artifices digitaux, par exemple, selon une logique relative au spectre d'activation évoqué précédemment, y compris sur un mode arbitraire de type mathématique. Dans ces différents cas de figure, les perturbations affectives, tout comme les pathologies lésionnelles, métaboliques, toxiques ou autres, n'auront bien entendu pas la même forme d'impact, mais elles demeurent néanmoins toujours susceptibles d'induire des biais dans le fonctionnement neuropsychique. De même, dans tous les cas, on est en droit de supposer qu'une information ou une conduite puisse entrer dans une classification la référant, comme dans un classement ou un arbre de décision, à des informations primordiales analogues. Ces dernières, étant intervenues précocement dans l'histoire du sujet, auraient de ce fait une fonction organisatrice. Il pourrait s'agir en quelque sorte, soit directement, soit par étapes, d'un fonctionnement par renvoi à des "grands modèles" de conduites issus des expériences précoces de l'existence. De là naîtrait le vécu de gratification ou de frustration organisateur des choix les plus élaborés. 100
On remarquera que toutes les ébauches de représentation auxquelles nous sommes parvenu impliquent la possibilité pour un élément psychologique ou relationnel d'en représenter d'autres restés latents, c'est-à-dire d'en être l'expression partielle ou globale, et ce, tant qu'il reste un souffle de vie. Dans cette ligne, il revient à la métaphore consistant à aborder le cerveau comme une société neuronale de rendre compte des facultés d'auto-organisation du système nerveux central. Mais, il reste à dégager les grands traits d'une représentation de l'organisation fonctionnelle psychique, permettant d'intégrer les observations cliniques faites auprès des Déments. A ce propos, on le verra, plutôt que d'imputer l'apparition des symptômes déficitaires à des pertes d'activité cérébrale localisées, il nous est apparu plus judicieux de raisonner en termes d'économie de réseaux sur le modèle des réseaux informatiques ( ). On peut en effet considérer qu'un certain nombre de réseaux neuronaux ne sont plus mobilisables, soit : — du fait de la mort des supports nécessaires, — parce que perdurent des problématiques psychoaffectives latentes, comme le suggère N. Feil (1989), ce qui suppose qu'une part de l'activité neuronale se révèle indisponible ; — en raison de leur implication massive dans une activité défensive relative aux pertes inhérentes à la vieillesse. Dans de tels contextes fonctionnels c'est toute une réorganisation du fonctionnement psychique qui devient nécessaire, avec l'élaboration de stratégies de délestage et le développement, par défaut, de fonctions de suppléance. C'est ainsi que les fonctions intellectuelles, mobilisatrices d'un ensemble de connections trop complexe pour être sauvegardé de façon permanente, peuvent se trouver les premières hors-service. Par contre la trame affective de la vie de relation sera protégée et restera longtemps opérante. Puis, si cette dernière doit à son tour être progressivement sacrifiée, ultérieurement c'est le maintien des régulations biologiques de base qui risque de ne plus pouvoir être assuré. Un tel modèle permet d'expliquer en quoi vouloir réapprendre quoi que ce soit à un patient Dément risque de se traduire par des régressions réactionnelles. A contrario il tend à expliquer pourquoi la renarcissisation ou un cheminement psychothérapique peuvent se révéler à l'origine de déblocages comportementaux. ( I) Certaines fonctions risquant de relever du tout ou rien.
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La représentation du fonctionnement psychique
C'est presque insensiblement que nous avons été amené à construire, avec quelques collaborateurs directs, une représentation du fonctionnement psychique permettant d'intégrer les données cliniques auxquelles nous étions confronté. Longtemps nous avons recouru à une construction implicite, en ce sens que rien n'était formulé, mais nous raisonnions de fait en fonction d'un modèle qui s'était progressivement imposé à nous. Sans doute, y avait-il de grosses réticences à prendre le risque d'admettre que nous n'avions plus exactement recours aux schémas directeurs qui nous avaient été enseignés, du moins tels qu'ils nous avaient été enseignés. Probablement, avons-nous personnellement été désigné, par notre position dans le groupe, pour prendre conscience de cet état de fait et assumer avec nos mots le risque d'exprimer les hypothèses auxquelles notre pratique nous avait conduit. A l'origine de cette réécriture, il y a : — l'observation d'une forme de pertinence des conduites et même des symptômes des patients, aussi Déments soient-ils, notamment en matière d'interactions familiales et,
Le caractère constant de cette congruence comportementale nous a conduit à i maginer l'existence d'un niveau de fonctionnement psychique individualisable, ayant pour objet de gérer la participation aux échanges relationnels (1995e). Une telle fonction semble exister de fait dans le règne animal, avec des capacités adaptatives allant vraisemblablement au-delà du simple conditionnement. A partir d'une possible trame de base analogue, ses ressources, ses potentialités et très probablement sa complexité, peuvent être envisagées comme s'enrichissant en parallèle avec les capacités des espèces. Cet "appareil", nous le nommerons ainsi faute de mieux, se distingue de l'appareil psychique, au sens freudien du terme (I) : — par sa fonction, car il ne concerne pas la régulation entre vie psychique consciente et inconsciente ; par son ubiquité, même si nous supposons qu'il recèle des capacités d'intégration et, surtout, des aptitudes plus élaborées chez l'homme adulte, avec semble-t-il des ressources exploitables très vastes, autant que douées de nuances subtiles, en matière de conduites, d'attitudes, mais aussi de symptômes ; par son fonctionnement intime, à propos duquel l'élaboration d'hypothèses s'impose.
— le fait que cette pertinence s'inscrive dans une logique d'appartenance, manifestement active, impliquant tout un chacun, y compris patient et thérapeutes, en matière de concours à l'homéostasie du groupe en cause, qu'il s'agisse d'une famille, d'un groupe thérapeutique ou d'une institution.
Il diffère également, pensons-nous, de l'inconscient primaire dans la fonction que lui attribue C. Dejours (1986), lequel apparaît comme une fraction archaïque de l'appareil psychique, mais est néanmoins partie intégrante de celui-ci au regard des fonctions qui lui sont classiquement dévolues.
C'est ainsi que nous-même, en dépit de positions intellectuelles que nous pensions claires, pouvions nous surprendre à concourir à ce que rien ne change, par exemple dans l'institution mais aussi vis-à-vis d'une famille.
Proto-appareil psychique universel, plus ou moins élaboré selon les espèces, il constituerait le socle, la base, et à ce titre la zone de résistance scellée de l'appareil psychique humain.
Cette question de la pertinence des conduites, notamment en regard du jeu des loyautés inconscientes, auxquelles il semble si difficile d'échapper, sauf à se couper de ses pôles de référence groupale (c'est-à-dire d'un élément constitutif de l'identité) nous a longtemps interpellé.
De notre point de vue, son fonctionnement repose sur une forme d'inscription inconsciente du monde et de soi-même, en interaction, totalement dépourvue des travestissements liés aux besoins narcissiques, lesquels, à notre sens, sont dus à l'activité de l'appareil psychique au sens classique du terme.
Comment l'intégrer dans une représentation du fonctionnement psychique inconscient ? Sur quelle structure psychique la persistance d'une régulation comportementale pertinente peut-elle s'appuyer, alors que les fonctions cognitives semblent déstructurées, en miroir de modifications psychodynamiques plus ou moins assimilables à un affaiblissement, voire à une lyse du moi comme le suggère G. Le Goues (1987) '? 102
On peut concevoir dans cette optique que la réalité extérieure s'adresse au sujet "de l'intérieur", à travers la "saisie" qu'il s'en constitue, intégrant la place qu'il y occupe, ne lui permettant donc d'agir qu'à partir d'une élaboration interne. (I) "...instrument qui sert ma productions psychiques...
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Cf. S. Freud, 1900, L'interprétation des
rêves. p. 455. 103
Il s'opérerait ainsi, dans un véritable champ psychique de simulation, un travail objectif de prise en compte de la réalité ambiante, avec la place que nous y tenons, en fonction de notre personnalité et de nos potentialités, avec les données psycho-affectives et intellectuelles qui nous caractérisent. L'activité d'une telle "aire" implique assurément la mise en oeuvre de règles, pour certaines probablement innées ou intériorisées massivement de façon plus ou moins précoce, mais aussi pour d'autres, il faut l'espérer, acquises ou reforgées au fil de l'histoire et du temps.
Il ne nous appartient pas de débattre ici de la forme de telles informations, mais nous sommes certainement très loin d'avoir identifié tous les supports communicationnels. Nous rappellerons à ce propos tout ce que, par exemple, le rôle de la diffusion de substances odorifères a permis d'expliquer dans le règne animal. Le caractère inconscient de ces échanges n'exclut pas, tout au contraire, que les données échangées soient prises en compte dans les ajustements relationnels spontanés réciproques.
Ces règles, telles que les loyautés inconscientes, qui permettent l'articulation des conduites à travers l'histoire familiale sont, à notre sens, très fortement investies et ce faisant peuvent être considérées comme constitutives de l'identité.
C'est ainsi tout un travail d'adaptation et de définition comportementale interindividuelle que nous croyons à même d'être effectué au sein du dispositif psychique d'élaboration relationnelle dont nous supposons l'existence. Et ce, même chez les Déments séniles.
Une représentation de l'activité psychique, de cet ordre, permet notamment d'envisager l'intervention d'échanges d'informations non contrôlés par la conscience, les données émises et reçues ayant de même échappé à tout remodelage par l'appareil psychique.
D'une certaine façon le véritable équivalent de carte vivante interne, dont nous venons d'envisager l'existence, remplirait la fonction du "ça" proposé par G. Groddeck (1923), lequel doit être distingué des instances constitutives de l'appareil psychique "classique" (1 ).
Cela nous renvoie concernant les Déments séniles, mais aussi concernant tout un chacun, à la question de l'échange de messages implicites, c'est-àdire à l'explication de phénomènes perceptifs concernant nos dispositions, nos pensées, nos fantasmes, par l'existence d'un flux d'informations infraliminaires extrêmement pertinentes (1994b).
Ce modèle est venu compléter ce que l'observation clinique nous avait amené à proposer, à savoir l'existence d'équivalents de pactes relationnels infraverbaux, définissant les modalités transactionnelles mises en place, et notamment les tabous collectifs.
Nous sommes, très probablement, ainsi conduit à porter involontairement à la connaissance inconsciente d'autrui ce que nous nous appliquons, à notre insu, à nous cacher à nous-même. Il s'agit de phénomènes dont S. Freud, en 1915, suggérait déjà l'existence en écrivant : "Il est très remarquable que l'Inconscient d'un Homme peut réagir à l'Inconscient d'un autre Homme en tournant le Conscient (I)" . On est à ce sujet en droit d'imaginer l'existence de moments privilégiés pour la remise d'équivalents de blocs de données, les unes comme le rappelle A. Aneelin-Schutzenberger (1993) en s'appuyant sur une longue lignée d'auteurs, reçues en héritage dans la petite enfance et, ajouterons-nous, pourquoipas d'autres ensembles d'informations transmis lorsque la mort se profile ? Il est même possible d'envisager que, de façon continue ou discontinue, un "partage" de cet ordre de dénominateurs communs inconscients soit à l'origine des phénomènes psychologiques groupaux et collectifs au sens le plus général. Un équivalent de mise en résonance pourrait, ce faisant, être évoqué pour expliquer la dimension amplificatrice et transfiguratrice de problématiques communes, au sein d'une communauté ou d'une population. (I) S. Freud. 1915,
104
Métapsychologie, p. 107.
Pour mémoire, comme nous l'avons déjà envisagé, dans le cas des Démences séniles, cela consiste en particulier : —à prendre au pied de la lettre ce qui nous est montré par le patient. Il s'agit, par exemple, alors qu'il est "comme mort", d'accepter de le définir comme réellement mort au lieu de "faisant le mort relationnellement", pour des raisons sur lesquelles on peut faire de multiples hypothèses ; —à admettre sans recul le dogme de l'incurabilité ou de la stricte organicité des Démences, au mépris du bénéfice du doute et de la critique la plus élémentaire (1984b) ; — à traiter un patient comme un enfant, en le supposant "retourné en enfance", alors que peut être il est simplement amené à "faire l'enfant" pour exprimer un besoin, sur le mode comportemental (1988d) Et, quand bien même serait-on tenté de se démarquer, comme nous l'avons vu, très vite on constate qu'une part de nous même "échappe" et, à notre insu, pratique la connivence avec le patient. Tout se passe comme si sa (1) Voir S. Freud, 1900. chanalyse, p. 3 6.
L'interprétation des rêves, p. 455-61, 517-27 ; id., 1938. Abrégé de Psy-
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"demande"entrait en écho, en nous, avec des déterminants profonds auxquels il nous est difficile d'échapper. Il en va apparemment d'une forme de collusion charitable universelle, aussi tenace que profonde. Ainsi, à tout âge, d'une façon générale ce serait donc une forme de travail psychique à bas bruit, qui serait déterminant : —de nos conduites, mais aussi —du recours au langage comportemental, éventuellement au moyen de ce que nous appelons des symptômes. Dans cette vision des choses, les pathologies de tous ordres s'élaboreraient en termes de résultantes intimes, constituant les matrices psychiques de formes d'adaptations qui peuvent être envisagées soit comme : —de véritables équivalents de "lâchers de lest" (1982c) sous forme de régressions psycho-comportementales ou de recours à des lignes de défense de plus en plus archaïques ; —la production de positions, ou de présentations de soi, ayant valeur de compromis entre différents ordres de nécessités. La mise hors fonction des aptitudes cognitives nous semble, quels que soient les facteurs impliqués dans sa survenue, pouvoir être reliée à cet ordre de nécessités. Nous voulons dire par là que l'apparition des défaillances observées permet de bénéficier d'un moratoire relationnel, qui autorise à vivre biologiquement, sans devoir continuer à prendre le risque d'un niveau d'implication trop difficilement assumable et/ou anxiogène. Quant à l'adaptation relationnelle conservée, les hypothèses précédentes permettent de l'envisager comme relevant de perceptions qui, pour être pertinentes, n'ont en aucun cas lieu de passer par la conscience, et donc ne sont pas dépendantes des fonctions dites "supérieures". La production de symptômes, elle-même, comme leur utilisation n'impliquent à aucune étape l'obligation d' une représentation consciente du monde et de notre rôle. Il est ainsi compréhensible qu'un aîné dont la conscience semble vide, ou vidée (par nécessité protectrice ?) puisse participer aux échanges relationnels de façon cohérente, et tienne à sa manière un rôle pertinent dans les échanges, au même titre que tout autre. La différence, s'il y en a une, porte sur le fait qu' il n'est pas concevable de l'interpeller sur sa position, du moins sans aménagements majeurs dans la façon de le faire. Ce faisant, il est néanmoins tout à fait envisageable que le travail effectué au sein de l'aire de "traitement" d'informations, dont nous supposons l'existence, utilise les ressources de l'appareil psychique, notamment pour la production de certains symptômes. I 06
A notre sens, ce qui s'élabore dans l'appareil psychique peut constituer autant de données utilisées au sein de ce fondement psychique inconscient. Réciproquement, ce qui se passe au plan relationnel dans la réalité objectale serait pris en compte par l'appareil psychique, à partir de la "saisie" inconsciente que nous venons d'envisager. Par rapport à ce dispositif de base, une fonction essentielle de l'appareil psychique consisterait à fournir une représentation de la réalité et de soi-même, narcissiquement assumable à défaut d'être toujours confortable. De ce fait, tel ou tel élément peut, momentanément et opportunément, être sélectionné pour prendre la forme du discours interne ou de la pensée d'un instant. A la différence de la "scène psychique" que nous venons d'envisager, la "réalité psychique" pourrait ainsi relever, elle, d'une réécriture inconsciente destinée à permettre une perception du monde et de nos relations avec lui, d'autant plus "aménagée" qu'elle sera plus consciente ( 1 ). Il échoirait donc à l'appareil psychique, au sens classique du terme, une finalité d'équivalent de travail de membrane active, ayant pour objet de réguler les prises de conscience possibles et le jeu des émotions. Dans cette vision des choses il constituerait une super-structure d'interface génératrice de la subjectivité dans tous les sens du terme. Il représenterait ainsi un étage de la vie psychique, ayant une fonction différente de celui dont nous venons de proposer l'existence. Mais, comme nous l'avons envisagé, tous deux peuvent être considérés comme interagissant entre eux, chacun représentant un ensemble de données "saisies" et "traitées" par l'autre. Nous croyons, à ce propos, utile de faire remarquer que S. Freud, lui même, en proposant l' idée du dispositif fonctionnel qualifié d'appareil psychique et en prenant acte de l'existence de l'Inconscient, même s'il se donne pour objet d'aborder la question des rapports entre : Conscient, Préconscient, Inconscient, ne prétend pas cerner tous les mécanismes et toutes les propriétés de la part inconsciente du psychisme (2 ). A ce point d'une ébauche de représentation du fonctionnement psychique profond, à même de permettre d'aborder, autrement qu'en termes de lyse de la psyché, ce qui semble être à l'oeuvre chez les Déments séniles, nous pensons qu'une réflexion doit être poursuivie, et développée, concernant le mode d'évolution des règles qui nous relient au monde. (1) Notamment, pensons-nous. pour être narcissiquement assumé. (2) S. Freud. 1915. Métapsychologie. p. 107-109.
I 07
En quoi et comment ces règles sont-elles le reflet de notre histoire, c'est-àdire de données événementielles dans leurs interactions avec notre fonctionnement affectif et cognitif (lesquels interfèrent entre eux) ?
Si, manifestement, un certain nombre de "règles", au sens où nous venons de l'évoquer, continuent à être respectées chez eux, on peut supposer l'évolution de celles-ci difficile et peut-être même impossible à obtenir.
C'est-à-dire aussi, comment envisager de modifier les choses au sein de cet équivalent de scène profonde, supposée organisatrice de notre "présentation de nous", de nos symptômes, de nos relations à l'environnement et d'une façon plus générale de notre destinée ?
En effet, une des questions clefs en suspens est de savoir si la représentation intrapsychique du monde, que l'on peut supposer être en reconstruction permanente à partir d'un flux de données échappant à la vigilance, est actualisée de la même manière chez un Dément que chez tout un chacun.
Cela concerne notamment les questions de nos limites, de nos échecs et de notre mort, laquelle peut, à un moment particulier, constituer la seule issue relationnelle possible au regard de la représentation de notre propre place dans l'écosystème.
Pour notre part, nous avons travaillé avec l'hypothèse qu'elle l'était, sans préjuger de ce qu'il advient de l'appareil psychique, le devenir de celui-ci relevant d'un débat, d'une réflexion et d'hypothèses auxquels d'autres que nous se sont consacrés.
L'hypothèse de périodes à "haut risque" de mort possède, rappelons-le, ses partisans, même si la validité des travaux scientifiques sur lesquels elle s'appuie a pu être contestée (Cf. B. Froussard, 1990).
La question des potentialités fantasmatiques chez des êtres qui restent doués de vie affective n'en demeure pas moins cruciale. Une des constructions imaginaires intimes du Dément, rappelons-le, pouvant fort bien être de l'ordre : "Attention, si je vis, je risque d'en mourir..." ou, comme le suggère P. Fustier : "si rien ne se passe (si je ne vis pas) je suis immortel !".
Ce faisant, la mort elle-même se négocierait de l'intérieur de la psyché, en liaison avec des données externes. Peut-être, est-ce à ce moment-là, qu'un "hiatus adaptatif" peut intervenir sous forme, non pas de la solution logique : la mort, mais au moyen de la Démence, solution consistant à renvoyer à l'entourage les termes du débat psychologique à l'état brut, dans ses aspects contradictoires, faute de conclusion momentanément admissible. C'est donc au coeur de l'aire interne d'élaboration relationnelle et dans sa permanence, que serait induit et que se scellerait l'avenir démentiel. De notre point de vue les interactions qui s'y développent sont, à travers des options d'enchaînements déterminants, constitutives de notre destinée en regard des nécessités de l'économie relationnelle. Il est en effet concevable que les tentatives d'écart (ou d'individuation) volontaristes, par rapport à la trajectoire et aux conduites déterminées au coeur de cette aire de simulation intime, soient à l'origine d'une tension psychique inconfortable et se révèlent trop coûteuses pour être maintenues par 1 ' i ntéressé. Il va de soi, dans cette logique, que tout travail visant à la modification des conduites d'un sujet, et de celles qu'il induit en retour, passe par une élaboration intime destinée à modifier les données psychologiques inconscientes de son insertion relationnelle. Dès lors que l'aire psychique dont nous envisageons l'existence semble opérante chez les Déments séniles, ils doivent être, en théorie, accessibles à la thérapie. Mais quelle thérapie ? Visant quels buts ? 108
A ce propos, un élément important à prendre en compte est, comme nous l'avons souvent remarqué, que tout se passe comme si des données du fonctionnement psychique profond des patients étaient implicitement communiquées à leur entourage, conduisant des tiers à les reprendre à leur compte, dans leur diversité, sous forme de points de vue plus ou moins contradictoires. L'entourage servirait, en quelque sorte, d'équivalent d'espace de projection au débat psychique en cours, débat qui semble patiner sur lui-même. Comme cela est envisagé pour les pathologies mentales "classiques", dans le sillage d'auteurs tels que P.-C. Racamier (1973) ou M. Woodbury (1966), il devient alors concevable que l'élaboration psychique des intervenants, à partir de leurs propres perceptions, puisse être utile au Dément. C'est en ce sens que le travail de synthèse, effectué à propos d'un patient pourrait concourir à son évolution clinique. L'effet "entourage" aurait ainsi une fonction d'étayage, ou de prothèse, pour permettre à un patient de progresser dans sa position, après une étape d'interrogation du contexte évoquant une demande de confirmation ou d'appui sur le groupe. Un sujet, aussi déficitaire soit-il, pourrait ce faisant parvenir à privilégier une option, par exemple mourir ou, au moins, progresser narcissiquement, parce qu'étant reconnu et accepté dans ses contradictions et avec elles. ( I) P. Fustier. 22 Décembre 1995, Jury d'habilitation à la direction de recherche de l'auteur.
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La vie institutionnelle vient chaque jour corroborer ce point de vue, par l'observation du mode d'évolution de patients en miroir du travail collectif d'élaboration psychique effectué par les soignants. Nous pensons que la reconnaissance du patient comme un "être de contradictions", un "être en débat", un "être ambivalent" c'est-à-dire aussi un "être vivant", est à l'image du "pari pascalien". Au pire elle ne nuit à personne, au mieux elle lui sera psychologiquement bénéfique pour peu qu'elle contribue à lui restituer un statut d' interacteur et à lui éviter des prescriptions arbitraires ou, au moins, conduise à le ménager. Quoi qu'il en soit, une représentation du fonctionnement psychique de l'ordre de celle que nous venons d'envisager apparaît donc, en théorie, de nature à ouvrir la porte à une approche psychothérapique, au sens large du terme, concernant les Démences séniles. Elle permet, aussi et surtout, de rendre cohérent ce qui est observé, expliquant en quoi les patients non seulement sont capables d'ajustements comportementaux, mais aussi peuvent mobiliser des résistances majeures au changement, comme à toute visée thérapeutique, ayant une force que l'on a peine à imaginer (1984). Tout se passe, en effet, comme si les malades concernés étaient contraints de fuir toute tentative d'implication, connotée à l'idée de risque et génératrice d' angoisse. Si donc nous parlons de psychothérapie concernant les Déments depuis 1978, nos ambitions ont beaucoup évolué depuis et nous n'envisageons plus de "guérir" nos patients de leurs perturbations cognitives. Corrélativement, nos techniques ont changé, puisque nous sommes passé des thérapies médiatisées d'inspiration psychanalytique à une pratique dite de sociothérapie, à visée essentiellement renarcissisante. Cette évolution est liée à notre sentiment croissant de la nécessité pour le patient de protéger sa Démence, tandis que nous n'avons probablement rien de mieux ou, en tout cas, rien de plus économique à lui proposer (1986 I). Nous n'en sommes pas moins persuadé que la réflexion issue des approches à caractère psychothérapique des Démences, est de nature à permettre une progression significative dans la connaissance des arcanes de l'esprit humain, en passant par la proposition de modèles, de plus en plus pertinents, du fonctionnement psychique dans ses différents aspects. 1I O
On le voit, de fil en aiguille, la constatation d'une cohérence des conduites chez les Déments séniles, nous aura donc conduit à concevoir l'existence d'un registre de travail psychique inconscient, resté non altéré chez eux, et de ce fait individualisable en tant qu'entité fonctionnelle, en soi. Cela implique de fait, comme nous venons de l'envisager, la proposition d'un fonctionnement psychique à deux niveaux, ou à deux degrés : — l'un, "basal", consacré à la prise en compte inconsciente des données relationnelles, et à la régulation des ajustements comportementaux ; — l'autre, concernant la gestion de la prise de conscience, la métabolisation des émotions et le développement des performances cognitives ; chacun fournissant des données à l'autre. L'hypothèse, directement complémentaire, d'un flux infraconscient d'échanges d'informations, alimentant ce travail intime de positionnement, est de nature à enrichir considérablement la pratique clinique, en permettant une tout autre lecture des phénomènes intersubjectifs. Cette façon d'appréhender le fonctionnement psychique ouvre le champ à une réflexion fondamentale tout juste amorcée, qu'il importe croyonsnous de poursuivre, en prise directe avec la clinique. Il s'agit là d'un des exemples de modélisation possible, issus de l'observation des Démences. L'analogie cybernétique d'une telle approche n'enlève rien à sa crédibilité, mais au contraire, pensons-nous, en souligne la validité opératoire.
Chapitre 6
Evolution des objectifs thérapeutiques, des pratiques, et de l'organisation institutionnelle Le recadrage de la question des Démences, auquel nous avons attaché notre réflexion conduit nécessairement à une "recherche-action" sur le plan des soins. A partir de concepts généraux, il nous a fallu procéder par élaboration d'hypothèses successives, validées ou infirmées par les résultats enregistrés, dans une remise en chantier permanente. Le théâtre de ce mouvement dialectique, entre observation et théorisation, a été notre activité clinique quotidienne, mais aussi la conduite d'équipes, tout autant que l'élaboration de nouveaux modèles institutionnels, leur mise en place ou leur supervision (1990b).
La question des objectifs thérapeutiques L'expérience clinique nous a enseigné que cette question était indissociable du problème de l'équilibre familial. Car, en pratique gériatrique (1990e), il y a lieu d'opérer une distinction entre, qui présente des symptômes, qui souffre et, qui fait une demande de soins (Cf. G. Broyer, 1987). Cela conduit à s'interroger sur la place de la famille auprès de la personne âgée réputée Démente et, sur sa place dans le projet de soins, c'est-à-dire aussi des places respectives de l'institution, du patient et de sa famille (1988c). Au risque de formuler une lapalissade, nous pensons que la place de la famille est d'être et de rester la famille, même si elle se trouve dans l'obligation de se faire aider : — matériellement pour ne pas avoir à remplir une multiplicité de rôles incompatibles, sans pour autant cesser d'être un espace de solidarité, — psychologiquement pour faire face à la situation avec (et malgré) l'ambivalence qu'elle recèle (1992f). Ce dernier point interdit, de fait, à l'institution soignante d'accepter d'être le "bras agissant" des familles, qui dans un tel cas de figure risquent d'être renvoyées à des fantasmes de toute-puissance difficilement assumables (1994a). 113
En exprimant cela, nous croyons utile de souligner que si le groupe familial est ambivalent vis-à-vis de ses aînés, cela est réciproque. Le soignant luimême (ou l'équipe thérapeutique) n'est pas exempt d'ambiguïté à l'égard de ceux qu'il assiste, tout particulièrement lorsqu'ils sont en situation d'analogues parentaux (Cf. J.-P. Vignat, 1970). Les élément sado-masochiques que l'on peut pointer dans la relation soignante constituent incontestablement une direction de recherche qui ne pourra pas indéfiniment être éludée. Une fonction essentielle de la situation de soin, est d'introduire une triangulation entre un patient, ses proches et les thérapeutes. Si les proches fixent des objectifs, il appartient aux thérapeutes d'y concourir sans renoncer à leur projet propre, à leur éthique, à leur façon de faire et d'être, c'està-dire à leur identité (1981 b). Cela étant, le thérapeute sera conduit, avant tout, à se montrer disponible pour que puisse s'opérer, autant que faire se peut, le travail relationnel et psychologique portant sur des étapes, réciproquement mal ou trop douloureusement négociées (1980b). Les circonstances de la vie, le fonctionnement familial ou les personnalités en présence, peuvent en effet être à l'origine de contentieux anciens, responsables de "blocages", gardant une actualité brûlante (1993a). Que ce travail s'accomplisse ou non, il y a lieu de tenir compte de ce que l'on a perçu ou supposé, pour éviter de mettre au quotidien la barre trop haute dans ce que nous demandons ou proposons à nos interlocuteurs (1981c). En effet, il n'y a pas de stratégie d'aide et de soins adaptée possible, sans tenir compte des problématiques contextuelles. Et, nous croyons utile, à ce propos, de rappeler que la maladie d'une personne âgée, quelle qu'en soit la nature et la gravité, pose toujours la question de la séparation et du deuil à venir (Cf. Y. Colas, 1988). Dans le cas du Dément, nous l'avons vu, c'est même toute esquisse d'implication qui semble être psychologiquement synonyme de menace de mort.
Cela consistera notamment, quelle que soit la tentation, à le laisser vivre, en nous accommodant de sa pensée évanescente, sans le nourrir d'excitations qu'il ne saurait assumer. Délibérément, nos visées thérapeutiques les plus ambitieuses ne consistent donc plus à "demander" à un Dément de renoncer à une position que nous pensons trop précieuse pour lui (1985a). Tout au plus nous appliquons-nous à introduire une possibilité de "travail" psychologique collectif sur la réussite de sa "sortie", et cela, très en amont de l'issue finale, sans chercher à brusquer les choses (1990e). Cette démarche implique, bien évidemment, de renoncer à multiplier les exigences de performances qui, à leur façon, peuvent constituer un équivalent d'acharnement thérapeutique. Les interrogations clefs auxquelles nous sommes parvenu, au regard de la possible mise au point d'un authentique médicament des Démences, pourraient se résumer ainsi : —en enlevant ses symptômes à un sujet, ne risque-t-on pas de le priver d'un mode de défense ? —quelle alternative psychothérapique efficace serons nous à même de lui proposer pour éviter le recours à d'autres issues pathologiques, dont la somatisation ? —appliquer une telle thérapeutique, sans précautions psychologiques en direction de l'entourage, n'induira-t-il pas, de plus, une situation de crise grave au regard de la dynamique de deuil à l'oeuvre (1990b) ? A l'appui de ce point de vue, on citera des exemples d'améliorations symptomatiques, dont on a pu observer qu'elles étaient extrêmement mal supportées par l'entourage du malade. L'émergence de pathologies de différents ordres dans la famille nous a même conduit à évoquer des phénomènes de rotation des symptômes. L'avènement de thérapeutiques médicamenteuses "efficaces" des Démences inclura, à notre sens, la nécessité de stratégies de prescription impliquant un accompagnement psychologique extrêmement dense du patient concerné et une préparation attentive de ses proches.
Apparemment, tout se passe comme si, pour se protéger, il avait inconsciemment recours au 'langage de "la force des choses", puissamment mobilisée, pour lui éviter de se faire prendre au piège du sens de ses conduites, sans pour autant apparaître en cause dans la dynamique des événements.
Ce faisant, les objectifs du soin vis-à-vis des Déments ne semblent pas devoir être à tout coup de "guérir", nous voulons dire : de supprimer à tout prix les symptômes.
C'est pourquoi, faute de savoir le préserver de ses peurs, il n'y a qu'une chose que nous puissions honnêtement lui assurer, c'est précisément le respect de son besoin d'implication minimum.
Il s'agit de réfléchir ensemble à tout ce qui pourra procurer le meilleur confort possible, pour une dernière partie d'existence, dont il ne nous appartient pas de préjuger de la durée, mais à la qualité de laquelle nous
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avons le devoir de contribuer. C'est généralement dans ces termes que, depuis quelques années, nous posons le problème de la prise en charge des Déments, sans savoir s'il en va de deux mois ou de quinze ans (1992a). Cette base de travail mue chaque intervenant en partenaire d'une négociation, à visée réparatrice, autorisant qu'une forme d'investissement de la vie puisse encore être envisagée (1981 a). Ce faisant la pratique thérapeutique s'inspire des soins palliatifs, dans l'esprit développé en France par R. Sebag-Lanoè (1992). Un des objectifs fondamentaux du soin devient alors d'offrir un espace tiers au malade et à son entourage, pour négocier les modalités de leur séparation à venir, ce qui suppose de restaurer ou de tenter d'instaurer une communication authentique entre eux (1984b). En pratique, cela passe par : —le respect des symptômes déficitaires, —le travail sur la fonction des attitudes et de la pathologie elle-même dans l'économie relationnelle et, — la restauration d'une communication de qualité entre le patient et son entourage thérapeutique et/ou familier (1988a). Pour contribuer à un travail efficace de métabolisation des peurs, en particulier lorsqu'il est question de maintien ou de retour à domicile, les soins ont obligatoirement un triple aspect (1993a) : —institutionnel, en tant que cadre relationnel ; —familial, en termes de régulation des tensions, de métabolisation de l'agressivité, de négociation des contentieux, de résolution des dysfonctionnements manifestes avec, en filigrane, un travail de deuil progressif de ce qu'était le patient et de préparation à se séparer ; —individuel, avec au moins un volet de soutien psychologique. Cette façon d'aborder les choses a le pouvoir de faire baisser les tensions entre thérapeutes et familles, en ne touchant à aucun tabou.
A partir de là, ce qui va se passer ne nous appartient pas, les intéressés se parlent et des événements surviennent. Soit certains des symptômes qui avaient motivé la demande de soins s'amendent, soit le patient, cela se voit aussi, meurt assez rapidement, par exemple du fait d'une fracture ou d'une complication somatique imprévisible et imparable. La même personne sortie de l'hôpital, et restée un an ou deux chez elle dans des conditions très satisfaisantes, pourra être réhospitalisée ultérieurement, nous en avons été témoin, mais cette fois-ci pour négocier sa sortie de ce monde en quelques jours ou quelques semaines. C'est un peu comme si nous étions les témoins d'une forme de "redistribution des cartes" au sein de la famille, permettant que "quelque chose" puisse se passer avec le moins possible d'angoisse ou de culpabilité. Dans tous les cas les transactions en usage, comme les événements, permettent de vérifier qu'un patient, aussi Dément soit-il, semble toujours finir par satisfaire les attentes profondes des siens auxquelles, malgré lui, il adhère en tant que membre du groupe familial. Croire qu'il est possible de disjoindre les intérêts d'un sujet de ceux de ses proches, constitue une illusion que l'avenir clinique se charge vite de transformer en cuisante déconvenue pour les thérapeutes qui s'y risquent (1993a).
Pour une recherche clinique appliquée A chaque pas dans l'étude et dans la prise en charge des phénomènes démentiels nous avons buté sur la maladie, la mort, les contingences matérielles, qui resurgissaient sur le mode de la "force majeure", comme pour nous faire évoquer la dérision de la prééminence de l'esprit et la vanité d'une quête de sens devant les limites matérielles de la vie. Dans ce contexte notre démarche nous a conduit à nous positionner sur plusieurs plans.
1. La défense de la capacité de penser des intervenants
Nous croyons utile, à ce propos, de souligner que nous nous interdisons désormais, en situation thérapeutique, d'émettre un avis sur l'origine organique ou fonctionnelle des troubles, pour laisser au patient, sur ce plan aussi, le bénéfice du doute.
En pratique gériatrique, un objectif étant choisi, il ne peut à notre sens être atteint que si l'on se dote des moyens de défendre sa capacité de penser (1984b).
En effet, les choses sont culturellement ainsi faites que souffrir d'une affection organique, est socialement plus valorisant que d'être en proie aux conséquences d'une impasse psychique destructrice (ou à tout le moins déstructurante).
La question de la souffrance des soignants sur laquelle nous avons commencé notre réflexion à propos des Démences, relève à notre avis d'une forme d'attaque à la pensée à laquelle est exposé tout acteur gériatrique (1987h).
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Le fait de disposer de schémas ou de théories, destinés à intégrer les observations dans une logique, a pour fonction essentielle de permettre la prise en compte intellectuelle de ce qui se passe, de s'en forger une représentation et, ce faisant, de protéger la faculté de penser des intervenants (1987i).
Nous avons ainsi été conduit, dans les institutions dont nous avons assuré la direction, à une pratique consistant à définir et à mettre en place, sur ces bases, des frontières fonctionnelles dont il nous revenait d'être le garant (1991c).
On notera que si la formation permet la transmission de cadres théoriques, elle n'est pas suffisante en soi, pour assurer leur emploi judicieux, voire leur possibilité même d'emploi, "sur le terrain".
Là également, se situe l'origine d'une réflexion permanente sur l'adéquation de ces institutions à leur objet, et sur le caractère économique et pertinent de leur structuration fonctionnelle (1986c).
Un encadrement "en situation", dense et qualifié, est irremplaçable. Et, en complément de son action, c'est essentiellement l'analyse des pratiques sur des temps protégés, prévus dans les profils de postes, qui permet au savoir initial d'être "opérationnel" (1987b). C'est en 1978, à la lumière de ce que le soin psychiatrique nous a permis de vérifier dans une institution privilégiée, que nous avons commencé à plaider pour l'introduction de temps d'élaboration de la pratique au sein des équipes gériatriques. Les situations existaient et le justifiaient. Le raisonnement était évident, mais, dans l'état d'inhibition ambiant, l'idée parut originale et la publication concernée fit date (1981a), comme en témoignent les reprises et rééditions successives qu'elle a connues (1993d). L'analyse des pratiques nous a permis de vérifier que les symptômes observés relevaient d'un champ de contraintes incluant pour partie : —les prédispositions individuelles des patients, —l'inscription dans les nécessités de leur économie familiale, —les tensions institutionnelles : pressions et expressions groupales, soulevant la question de l'inadéquation de cadres de prise en charge à leur objet (1989e). Cela nous a orienté vers une réflexion sur le fonctionnement institutionnel (1992f), que nous avons conduite à partir du repérage des "frontières fonctionnelles" au sein de l'institution, sur le modèle de l'articulation des soussystèmes familiaux développé par S. Minuchin (1979). Elle consiste à s'interroger sur l'adéquation de l'institution à sa fonction, mais aussi sur l'aspect optimal de la délimitation des sous-groupes institutionnels et de leurs modes de communication ou d' interaction (1987c). Qui se réunit avec qui, pour réfléchir à quoi ? Qui le fait avec qui, pour décider de quoi et comment-? Quelles informations sont fondatrices de quel groupe d'appartenance par leur partage exclusif en son sein ? Quelles autres sont transmises d'un sous-groupe à l'autre, comment, quand et par qui ? Telles sont les questions sur lesquelles nous avons fait porter notre réflexion (1990h). 118
2. Le soin "en situation" Une autre ligne directrice, à laquelle notre réflexion nous a un temps conduit, a consisté à accorder délibérément la priorité au "soin en situation" (Cf. F. Etienne-Pelon, 1986), notamment vis-à-vis des actions de maintien à domicile développées à partir de 1977 (198 lb). Cela signifie concrètement, que les référents d'un patient aient pour contrat avec lui de rester garants d'un programme thérapeutique, jusqu'au terme de son déroulement (1982a). Seul donc le lieu d'assistance variera conjoncturellement, en relation avec les besoins du patient en matière de plateau technique, de surveillance, voire de nécessité de prise de distance avec ses familiers. Les référents principaux, eux, restent les mêmes, en tant qu'organisateurs et responsables centraux d'un programme continu d'aide et de soins (1987b). L'expérience montre que les transferts de responsabilités que cette pratique permet, autorisent des sorties d'hôpital impensables autrement (1986h). C'est ainsi que nous avons, un temps, développé en priorité des procédures d'intervention "de crise" au domicile (1985b). Cette conception de la pratique "de secteur psychiatrique" a permis de contribuer au maintien à domicile de patients qui, du fait de leur Démence auraient été orientés vers une collectivité s'ils n'avaient pas bénéficié d'interventions "en situation" assurées par des intervenants polyvalents (I 983a,-89c). Ces choix reposent sur l'idée que l'hôpital offre un espace artificiel qui ne constitue pas un cadre d'observation neutre pour évaluer les ressources d'un malade (1982c). Il place dans une situation de difficultés majorées et, en vingt-quatre heures, il peut parfaitement rendre confus un sujet fragile. De plus, il contraint à régresser, ce qui peut être la meilleure comme la pire des choses. Pratiquement, l'hospitalisation fait subir deux crises d'adaptation, une à l'entrée, une autre à la sortie. Dans le meilleur des cas la rupture au sein du milieu familial que représente l'hospitalisation d'un parent peut exercer un effet I 19
sédatif. Mais, dès qu'il est question de sortie, les problèmes non résolus ressurgissent. On assiste alors à différentes formes de stratégies, destinées à pérenniser l'hospitalisation, stratégies auxquelles participe le patient avec de possibles aggravations, alertes, complications ou situations cliniques à approfondir, justifiant entre autres la prescription de bilans de dernière minute.
3. Pour des Institutions "expérimentales" Concrètement, cette pratique a connu trois principaux champs d'application : a) l'organisation institutionnelle du dispositif de soins gradués de gérontopsychiatrie de Vénissieux (de 1983 à 1992), dispositif au sein duquel nous avons délibérément maintenu un niveau d' intégration très poussé entre : • un hôpital de jour, conçu comme un centre de crise, et comme l'enveloppe, la membrane, de tout le dispositif, dont il régulait le fonctionnement (1986a,-86i,-881) ; • un service de soins infirmiers, médico-psychologique, à domicile (1986h), • des hébergements protégés (1991k) et, • une unité d'hospitalisation, divisée en deux sous-unités : "d'évaluationsoins-aigus" et de "sociothérapie-préparation-à-la-sortie" (1986e,-90a) ; b) la supervision systémique de l'équipe d'un centre d'accueil pour personnes âgées, établissement pilote à vocation délibérément psychogériatrique (Cf. M. Carvaillo, 1992) ; c) la participation, en tant que "gérontologue conseil", à un groupe pluridisciplinaire à l'origine d'un projet d'institution psychogériatrique, retenu par le gouvernement luxembourgeois. Exceptionnellement, ce projet, à vocation sociothérapique, donne la direction des différentes unités de l'établissement à une hiérarchie de "Responsables de qualité de vie", ayant une formation essentiellement "psychodynamique". La mission de l'équipe paramédicale, placée en position "d'intervenant extérieur" est de satisfaire les besoins en soins des résidants, dans le cadre de missions personnalisées. Dans cet esprit, la définition des territoires de responsabilité, propres aux différents corps professionnels, a été étudiée pour ne pas permettre aux exigences du soin somatique d'être organisatrices de la vie. 120
L' objectif visé est de restreindre la tendance naturelle à résoudre les problèmes par la médicalisation. Nous pensons à ce propos que la recherche de nouveaux modèles institutionnels mérite de constituer, en soi, une direction d'étude à part entière qu'il y a lieu de développer (I 985b). La multiplication actuelle, et peut-être encore à venir, des institutions à caractère gérontologique devrait constituer une opportunité à ne pas manquer (1989k). La pire des choses serait, en effet, de reproduire à de nombreux exemplaires des modèles d'institutions : Foyer-Logements, Long-Séjours "normalisés", "Cantous"..., sans en avoir analysé les aspects performants et les dysfonctionnements, c'est-à-dire sans tenter de les améliorer, quel que soit l'engouement qu'ils suscitent (1986c). Malheureusement, l'intérêt des concepteurs d'établissements se polarise beaucoup trop souvent sur des choix matériels ("gadgets", solutions techniques, etc.) ou sur le cadre architectural, tandis que les modes de résolution des difficultés font rarement l'objet d'une réflexion approfondie (1991c). A notre sens, les soins aux personnes âgées impliquent des aménagements de protocoles, de nature à faire progresser les pratiques de soins, concernant les patients de tous âges atteints d'affections invalidantes les plus diverses. La réflexion sur l'articulation des rôles dans le fonctionnement institutionnel nous a conduit à développer des notions simples, mais efficaces, pour faire baisser les tensions (1989e). Un exemple peut être fourni par l'introduction des notions de "maître d'oeuvre" et de "sous-traitant", dans le partage des responsabilités et des tâches, au cours d'une prise en charge multidisciplinaire (1993b). Cela suppose de permettre à chacun de tirer parti de sa polyvalence, dans des li mites convenues. L'introduction d'un échelon de régulation, pour évaluer la dominante d'une prise en charge : médicale, psychologique, sociale ou rééducative, etc., permet d'en confier la responsabilité aux "référents ayant les compétences et la motivation requises ( I 989g). -
C'est à des règles de cet ordre, que nous avons eu recours pour coordonner l'action des intervenants, dans le cadre de notre pratique de maintien à domicile psychogériatrique. Nous les avons également expérimentées pour articuler l'intervention des services municipaux et du dispositif de psychiatrie sectorisée. Si la dominante était sociale, les services municipaux étaient référents et le secteur psychiatrique n'intervenait qu'en complément, par exemple, pour une prescription de psychotropes ou une psychothérapie de soutien. 121
Si la dominante était psychiatrique, l'équipe de gérontopsychiatrie devenait responsable et organisatrice de la prise en charge, et les services municipaux se mettaient à sa disposition pour ne traiter qu'un aspect précis : aide ménagère, repas à domicile ou toute autre assistance matérielle (1989g).
Ils présentent des particularités psychologiques dominantes qu'il est nécessaire de savoir prendre en compte.
Plusieurs années d'expérience nous ont permis de valider l'intérêt d'une telle méthode de répartition des responsabilités.
Pour mémoire : — leurs capacités d'implication sont faibles, ils sont soumis de façon déstructurante à l'angoisse de mort, en proie à un vécu d'abandon responsable de l'apparition de symptômes dès qu'ils se sentent seuls ;
4. Vers une prise en charge spécifique des Déments : la Sociothérapie
— ils souffrent d'une telle vulnérabilité narcissique que, pensons-nous, ils "interrogent" en permanence leur entourage au moyen de conduites destinées à poser la question de leur valeur ;
Nous avons emprunté le terme "Sociothérapie", vers la fin des années soixantedi x. à l'équipe de Jean-Pierre Junod ). Par la suite ce vocable a progressivement recouvert une approche thérapeutique qui nous est propre (1979c).
— leurs investissements objectaux apparaissent pauvres ou, en tous cas, ils ne semblent pas parvenir à hiérarchiser leurs investissements et ils se révèlent très ambivalents. Pour eux une chose semble presque toujours être équipotentielle avec son contraire.
Il s'agit d'une pratique cadrée, recourant le plus souvent à des temps groupaux (1995d), à propos de laquelle un développement nous semble nécessaire.
a) Les patients concernés Dans notre pratique la sociothérapie s'adresse électivement aux personnes âgées souffrant de pathologies "déficitaires" (Démences séniles et pathologies voisines) : —prises au piège des artifices de la "bulle hospitalière" et de son atmosphère déréelle susceptible de conduire à des régressions sans issue (1986e) ; —vivant chez elles coupées de toute vie sociale, passant leur temps à attendre la visite d'un tiers privilégié, vis-à-vis duquel elles génèrent un lien de dépendance psychologique culpabilisant, tout en souffrant d'un vécu d'abandon traumatique ;
De notre point de vue, de tels patients ont besoin d'un espace tiers, lieu symbolique de triangulation relationnelle, où une démarche de relativisation sur tous les plans peut être esquissée.
b) Les choix directeurs • La volonté de préserver les patients du totalitarisme groupai Il existe un risque de sur-enfermement des personnes âgées lorsqu'on les fait vivre en groupe fermé, avec une tendance à présenter des symptômes somatiques pour obtenir une attention individualisée. Il i mporte donc de leur permettre de bénéficier des avantages d'une prise en charge groupale, sans en subir les inconvénients. Cela implique de s'organiser pour éviter le "tout groupe", tout en proposant néanmoins un appui sur des groupes avec les bénéfices que cela permet.
— assistées dans un domicile de substitution et ayant besoin de bénéficier d'un espace tiers pour ne pas sombrer, là encore, dans une perte d'identité régressive, consistant à se couler dans un moule qui les conduit, chaque jour un peu plus, à renoncer à être elles-mêmes.
Une solution possible repose sur un véritable "soin à la carte", avec des indications différenciées, en fonction de la capacité d'un patient à soutenir le type d'implication propre à un groupe donné : durée, nombre de participants, fréquence...
Ces patients ont en commun d'être coupés de la vie sociale, plus ou moins infantilisés, et menacés de perte d'identité.
Les prescriptions vont du groupe quotidien pour les uns, à seulement quelques heures par semaine pour d'autres.
Ils évoluent dans des espaces relationnels clos qui constituent des mondes "hors réalité". Les distorsions relationnelles y sont fréquentes et sont à l'origine de régressions psychologiques et/ou comportementales, qualifiées de troubles du comportement. (I) Fondateur des Institutions universitaires de gériatrie de Genève (voir : ouvrage collectif. 1985. Junod, Ed. Suzanne Hurter, Genève, collection Hommage).
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• La reconnaissance de capacités psychiques au sujet réputé Dénient Dans notre pratique, la démarche sociothérapique repose sur les hypothèse exposées dans les chapitres précédents, c'est-à-dire que les "déficits" séniles : — ne seraient pas le fruit d'une mort psychique, mais relèveraient d'un dysfonctionnement neuropsychique réactionnel grave ; 123
—peuvent être abordés comme un compromis adaptatif sur le mode d'un état de conscience modifié ; — représenteraient des symptômes que l'on est en droit de considérer comme autant de tentatives d'expression, aussi désespérées qu'inconscientes. Cela implique de travailler en étant convaincu qu'un patient, aussi Dément soit-il, fera quelque chose en lui de ce qui se passe, se joue ou se dit, autour de lui, à propos de lui et avec lui. Les soignants sont invités à agir en faisant l'hypothèse que leurs malades disposent de perceptions "globales" pertinentes concernant la situation, les rôles, les sentiments exprimés ou éprouvés.
• La renarcissisation La renarcissisation sera le maître mot, le fil directeur, le guide de la prise en charge, en matière de choix et d'attitudes. Il est important de témoigner aux patients qu'ils ne sont pas seuls dans l'épreuve que représente leur fin de vie. Les objectifs thérapeutiques consistent donc, en priorité à procurer du confort, du bien-être et si possible du plaisir, malgré les handicaps. Ce faisant le travail sociothérapique repose essentiellement sur une position d'accompagnement.
Ce faisant, le patient est crédité de sentiments, de points de vues, de besoins, même s'il ne parvient pas à les exprimer clairement avec des mots et s'il doit avoir recours à l'expression comportementale et/ou corporelle.
Cela implique d'accepter les patients avec leurs symptômes, de ne pas leur reprocher implicitement leur état ou leurs façons. Renoncer à vouloir empêcher ou interdire ce qu'ils sont devenus est un des fondements de la démarche, tout comme ne pas demander de changements en contrepartie de nos attentions (1989a).
Cette attitude s' inscrit dans la ligne consistant à revendiquer pour les Déments le bénéfice du doute, en matière d'existence d'une vie psychique inconsciente.
L'attitude sociothérapique implique donc d'investir des patients réputés Déments, tels qu'ils sont devenus, dans une position relationnelle "basse" rappelant celle adoptée dans certaines thérapies de névroses hystériques.
Un objectif minimum sera ainsi d'éviter d'aggraver les choses, comme on le ferait, pensons-nous, en ne prenant pas en compte les tentatives ou les ébauches d'expression de l'intéressé.
L'objectif est d'une certaine façon de viser à moins solliciter les mécanismes défensifs rendus nécessaires par la problématique de fin de vie.
Tout un travail psychique inconscient peut, supposons-nous, s'opérer chez le patient, malgré ses handicaps, travail de réinscription dans la vie (fût-ce : "a minima"), travail d'investissement possible d'autrui et d'investissement de soi, dans un rôle affectif qui vaille de risquer la mort. C'est en cela qu'une démarche d'ordre psychothérapique peut survenir ou, en tout cas, est concevable du point de vue des intervenants.
Il s'agit de miser sur l'émergence, pour le patient, d'un possible investissement de la relation thérapeutique et d'un possible réinvestissement de soi comme acteur, de nature à induire une ébauche d'investissement de la vie et du monde (1982c,-83a). Lui permettre de se sentir investi positivement, ne peut qu'aller dans le sens d'une aide à renoncer à l'auto-investissement massif, pour accéder à des esquisses d'hétéro-investissements et à de possibles relations d'objet.
c) Les leviers du soin
A ces fins, la sociothérapie repose sur un mode de relations et de prises de décisions, voulues délibérément significatives.
Il s'agit d'une pratique reposant sur quatre axes de travail :
Cela passe essentiellement par :
— renarcissisation et réafférentation relationnelle, en s'appuyant sur l'investissement affectif ;
—ne surtout pas être directif, c'est-à-dire proposer constamment des choix dans la limite de ce qui peut être assumé par les patients ;
—recours aux "choses de la vie", dans leur réalité, comme médiations thérapeutiques ; —différenciation des rôles et, maintien d'alternances entre les différentes formes de relations ; — travail dans le registre transitionnel, dans tous les sens du terme. 124
—être attentif à leurs modes ou à leurs tentatives de réponses sous forme de signes de tous ordres : attitudes, comportements, situations induites... Se tromper sur le sens de ce qu'un interlocuteur tente de signifier est moins grave que d'ignorer ou de nier ses ébauches d'expression. —l'abandon de toutes visées éducatives, ou rééducatives, au profit de stratégies de motivation. 125
C'est sur ces points que la sociothérapie se veut radicalement originale, en ce sens qu'elle renonce à toute directivité, toute stimulation, toute pra-
Ce faisant, l'expérience nous a conduit à découvrir la valeur de tout ce qui réintroduit ou maintient dans le soin, notamment en milieu hospitalier, une forme d'afférentation avec la vie extérieure, la vie "normale", en tant qu'étayage de l'identité (199Id).
Son levier thérapeutique passe délibérément par le réinvestissement psychologique des fonctions défaillantes.
Cela inclue l'action des visiteurs, tout autant que la possibilité d'aménager des sorties, qu'il s'agisse d'aller rendre visite à des amis ou, par étapes, de préparer un retour à domicile (1983a).
tique autoritaire ou invigorative, qui développent la soumission du patient et non son autonomie.
Il s'agit de miser sur une mobilisation des ressources psychologiques inconscientes du patient et non pas sur un quelconque conditionnement ou reconditionnement. • S'appuyer sur la reafférentation relationnelle Cela consiste à permettre au patient de pouvoir sortir de sa "bulle" sociale, mais aussi psychologique, sans implication angoissante et sans engagement ni obligations ultérieures pour lui. Dans cet esprit on lui propose de bénéficier de sollicitations sensorielles, affectives, relationnelles, sociales, avec l'étayage d'un soignant sur un terrain "balisé". Tenu par la main (au sens figuré) il pourra effectuer, en fonction de ses possibilités, de véritables équivalents de plongées dans la vie. Ce sont effectivement les "choses de la vie" qui tiendront lieu de médiateurs thérapeutiques (1980a). Il s'agit, par exemple, de proposer, à doses non angoissantes, des activités "en situation". Cela consiste à faire réellement des choses, pour maintenir ou créer des ponts avec la réalité sociale et continuer à se référer à elle (1983a). L'important est de faire un projet, ou de ne pas y parvenir, de le réaliser, ou pas, en ayant élaboré des choix sur un mode collectif. La possibilité d'en reparler, de s'en souvenir, est ainsi introduite, sans être une fin en soi.
On notera à ce propos que l'accueil de jour (ou de nuit) s'il est assorti d'une attention particulière, représente une mesure concourant au maintien d'une afférentation maximum. Tout au plus faut-il veiller à avoir des exigences mesurées pour tenir compte des besoins d'un patient en matière de régression. Pour les personnes dans l'incapacité de sortir d'un établissement l'aspect sociothérapique reposera également, faute de mieux, sur l'existence d'une vraie cafétéria, d'un salon de coiffure ou d'une boutique, mais aussi d'un lieu de culte, au sein de l'institution. • L'introduction de différences Dans l'optique que nous avons développée, la sociothérapie repose, qui plus est, sur la différenciation et l'alternance des registres relationnels. Comme dans la vie active, il nous semble qu'il y a un bénéfice dans le soin à maintenir, ou à réintroduire, des possibilités de relations relativement clivées, avec l'alternance de temps à caractère : —régressif, par essence intimes, —maîtrisé, relevant de la vie sociale et de ses artifices. Les différentes distinctions à opérer vont concerner, dans l'organisation des soins des aides et du soutien, l'aspect nécessairement privé d'un certain nombre d'interventions, qui est à distinguer clairement d'autres, potentiellement publiques.
L'objectif est de solliciter l'intérêt des patients, avec le concours d'un soignant qui exercera une fonction de prothèse cognitive et narcissique, on pourrait également parler de "pare-excitation".
Cela conduit à affecter des lieux à des activités significatives. Ainsi la chambre individuelle est, par excellence, le lieu des soins corporels et de la toilette, à la différence des espaces collectifs dévolus à une forme de vie "de représentation" (Cf. H. Durand, 1986).
Concrètement, les médiations retenues reposent sur l'organisation d'activités au sein d'un établissement. Il peut aussi s'agir de faire ensemble du "shopping", d'aller au restaurant ou de préférer la pêche à la ligne, de se promener à la campagne ou de faire du bateau sur un lac, d'assister à un match de football (ne serait-ce que pour : "reluquer ces beaux jeunes gens"), etc.
Le respect de telles distinctions implique d'accepter que des portes restent fermées et donc de renoncer à tout savoir. Il en va de la fin du panoptique dans les choix architecturaux, au profit d'une disposition ramenant les pas vers un forum polyvalent où l'on sera certain de trouver un "répondant" : soignant ou autre professionnel.
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C'est ainsi qu'il nous apparaît souhaitable de différencier dans l'organisation institutionnelle : — la prise en charge médicale, ayant à connaître les misères du corps dévêtu, qui introduit une dimension régressive dans la relation — des services à caractère hôtelier lesquels concernent les aspects sociaux du confort de vie (1990a). Nous plaidons volontiers pour matérialiser la différence des rôles par des tenues vestimentaires significatives, dans une démarche de valorisation de l'identité professionnelle à laquelle nous avons consacré une large part de notre activité institutionnelle. Nous soulignerons à ce propos l'importance de considérer les missions hôtelières et les soins sur un pied d'égalité, en termes d'utilité gérontologique, et de consacrer des temps équivalents à la réflexion avec les professionnels concernés. Toujours dans le même esprit, il y a lieu de distinguer ce qui peut ou doit relever du registre groupai, au regard des besoins de prise en charge personnalisée et de relations individuelles avec des partenaires privilégiés. Cela conduit aussi à devoir discerner ce qui peut, ou doit, relever de l'activité en petits groupes par rapport à ce qui concerne le grand groupe. On le sait, le type d'angoisse n'est pas identique dans ces deux formes de situations collectives. Le sentiment d' appartenance et l'appui identitaire sont i mportants en petit groupe, alors qu'en grand groupe on se contente de relations de proximité, avec un sentiment de liberté plus important et une implication nettement moindre. Le cadrage nécessaire ne revêt donc pas, non plus, la même forme, aussi précieux soit-il dans les deux cas. D'une façon générale, tout ce qui introduit des repères fonctionnels clairs renforce, de fait, l'action sociothérapique de l'institution (1987c). La capacité de différenciation des rôles, de plus, nous semble représenter un des meilleurs facteurs de maturité institutionnelle. Car, en développant l'aptitude de chacun à accepter de ne pas tout contrôler, de ne pas être partout, de faire confiance, elle réinstaure des possibilités de travail psychique en ménageant des plages que seul l'imaginaire pourra pénétrer (1986e). • Se situer dans le registre transitionnel C'est-à-dire dans un espace relationnel de type intermédiaire, espace "balisé", géré, espace privilégié qui permet une implication "à responsabilité limitée" pour le patient, remplissant une fonction d'aire de jeu au sens 128
où l'entend D.W. Winnicott (1971). Par définition, il se situe dans l'articulation entre "bulle" et réalité extérieure, c'est-à-dire qu'il ne s'agit en aucun cas de créer une parenthèse dans une parenthèse. Pour ce faire il est nécessaire de : — créer un espace de communication Cela repose sur le maniement de la confidentialité, qui doit être le plus clair possible pour les thérapeutes, et donc pour les patients. Si un patient se risque à une performance, il convient d'être capable de ne pas en faire état publiquement. De plus il est primordial de ne pas la revendiquer comme un succès personnel. Réussir où d'autres ont échoué ne peut être que problématique et fait prendre au patient le risque d'être soumis à des exigences implicites plus élevées. On notera à ce propos l'exemple de familles ayant retiré un patient de groupes après que les soignants aient fait état de succès "thérapeutiques" dans le cadre des activités concernées. Une des hypothèses, pour expliquer cette réaction, repose sur la perte de confiance du patient, qui peut avoir tout fait pour que sa famille prenne la décision de le retirer du groupe. — éviter les ruptures de sens La prise en charge sociothérapique accorde, dans tous les cas, une attention très particulière aux temps de transitions, temps de préparation, d'accompagnement, d'attente, pour éviter les ruptures d'attention et les pertes de signification (1987f). Il s'agit d'avoir recours à un étayage en "fondu-enchaîné", reliant les faits et les temps entre eux, c'est-à-dire mettant du sens dans une vie où la pensée consciente ne semble plus capable de fonctionner qu'en pointillé (1986a). Cela passe par la présence constante d'un soignant avec une fonction régulatrice, dans tout lieu de séjour des patients. Il en va de même du choix délibéré d' offrir un soutien temporaire plus individualisé à tout patient en situation de crise psychologique, en lui consacrant du temps et de l'attention. Le renfort nécessaire (momentanément : un soignant pour un patient) ne concerne généralement qu'un ou, au maximum, deux malades par institution et, contrairement à une idée reçue, il opère une fonction préventive qui se solde par des économies d'énergie. 129
d) Le cadre sociothérapique Un des risques, avec les personne âgées, est de pratiquer la "gentillo-thérapie" régie par le "bon-vouloir", la "cote d'amour". Le patient est placé dans l'obligation de plaire et, s'il tarde à guérir, après tout ce que les soignants ont fait pour lui, il prend le risque d'être considéré comme un ingrat (1991c). Cet état de fait crée un climat extrêmement délétère, puisque le patient peut se sentir le jouet de la fantaisie du thérapeute. Rien n'étant garanti, des fantasmes persécutoires peuvent émerger, comme chaque fois que l'on se sent l'objet de l'autre ou dans les situations régies par la loi du plus fort (1989e). C'est le contraire de l'état de droit, le contraire du professionnalisme, qui est ainsi institué. Car, de notre point de vue, le professionnel est celui qui, instruit par l'expérience, agit avec une logique, une méthode, des procédures, et non pas de façon aléatoire, impulsive, fantaisiste. La sociothérapie, qui se place délibérément dans "l'ici et maintenant", se veut donc être une façon de pratiquer : — l'animation, —l'ergothérapie, —les aides dites hôtelières, —l'organisation même de la vie institutionnelle, en référence à une théorie et avec des protocoles définis, dans l'optique de leur conférer en plus une fonction psychothérapique (1986f). L'instauration d'un cadre va contribuer à créer un espace tiers, un espace de négociation, avec des possibilités de triangulation destinées à permettre aux interlocuteurs de relativiser leurs positions respectives. L'activité cadrée est le contraire de l'activisme. Elle implique un mode d'organisation de la prise en charge, tout comme elle implique l'existence de temps "obligés" de réflexion entre l'observation et la décision ou, à tout le moins, entre la décision spontanée et le recours à une pratique généralisée. • La nécessité de références théoriques Il n'y a pas de cadre thérapeutique concevable sans référence au choix d'un modèle, d'une représentation, du fonctionnement psychique, des relations familiales, de la dynamique groupale et institutionnelle et, dans le cas présent, de la pathologie démentielle. Tout soignant doit être conscient du risque d'être porté par ses pulsions ou d'être agi par l'autre, ce qui implique la nécessité de se donner les moyens d'une réflexion critique à la lumière d'hypothèses de référence. 130
La référence à une théorie introduit de fait un pôle virtuel de triangulation en regard du patient et du soignant. C'est aussi elle qui permet d'intégrer dans une trame logique ce qui est observé, ce qui est pensé, ce qui est éprouvé et fait, en situation clinique. Le thérapeute se trouve ainsi à même de savoir quoi observer, et il peut procéder à des recoupements au moyen d'une méthode de référence cohérente, pour introduire (fût-ce implicitement) du sens dans son action (I 987i). Faute d'y parvenir, ce qui sera décidé ou fait ne s'inscrira pas dans une réflexion argumentée, mais relèvera de l'arbitraire ou de l'aléatoire, c'est-à-dire de la loi du plus fort, avec tout ce que confusément cela véhicule d' insécurisant. Pour autant, en pratique sociothérapique, l'objectif n'est en aucun cas d'interpréter les conduites, ce qui ne peut être que persécutoire et anxiogène, mais de miser sur la possibilité d'aider les patients à se "repérer" psychologiquement, au moyen de nos représentations de ce qui se passe. Ainsi, l'élaboration intellectuelle et psycho-affective du soignant constituet-elle, de fait, un des éléments essentiels du soin. • Le cadre formel En référence à un savoir, la pratique sociothérapique s'appuie sur des procédures formelles. Cela passe par l'existence de temps : —de préparation et d'analyse de chaque séance — d'analyse de situations (la supervision) avec un tiers extérieur. Le cadre repose également sur des constantes relationnelles, comportant des règles d'appartenance, de fréquence et de durée, associées au respect de principes directeurs : — constance des participants, avec des règles d'entrée et de sortie qui concernent autant les patients que les thérapeutes. Etre nouveau dans un groupe, tout comme en sortir, doit se préparer. —constance de protocole et de lieu de base, avec des modalités claires de négociation concernant le choix de la médiation, celui d'une activité ou l'élaboration d'un projet. Il s'agit d'être sécurisant en étant prévisible. • La notion de cadre souple Nous croyons utile d'attirer l'attention sur le fait qu'en psychogériatrie il est toujours extrêmement problématique de maintenir un cadre thérapeutique, tant il peut se révéler dérisoire d'opposer une règle à des sujets qui se vivent, et qui sont vécus, avec "un pied dans la tombe". 131
De la gériatrie à la psychogériatrie
Une des dérives les plus observées consiste à s'accrocher, de façon réflexe, à la forme en vidant le cadre de son objet et de sa raison d'être. Il s'agit là d'un exemple de plus d'évacuation du sens, véritable constante à propos des Déments.
Pour toute personne âgée, tôt ou tard, la santé constitue un domaine d'investissement suffisamment massif pour devenir le pivot autour duquel tous les choix viennent s'articuler.
Il s'ensuit, pour défendre le cadre, le risque d'introduire des formes de rapports de forces, qui le dénaturent en le muant en instrument de répression, exerçant de fait une fonction anti-thérapeutique.
Mais, tenter de prendre en charge, en tant que telles, les préoccupations de santé latentes des aînés dépendants, sans sacrifier à l'engrenage d'une médicalisation de la vie, se révèle extrêmement difficile à réaliser.
Cela nous amène à souligner la nécessité, pour préserver quotidiennement le cadre, de se référer beaucoup plus à des principes qu'à des formes, ces dernières étant très difficiles à garantir et trop faciles à dévier de leur objet.
On observera, à titre d'illustration, combien il est problématique de mettre en place des cadres de vie gérontologiques réussissant à échapper, très longtemps, à une forme ou une autre de prise en main "somatisante" allant de pair avec une idéologie axée sur la guidance.
Pour nous résumer : nous dirons que la sociothérapie, telle que nous la concevons, est une thérapie médiatisée reposant sur les choses naturelles de la vie quotidienne. Dans la mesure où le choix de la médiation est chaque fois négocié avec les patients, la thérapie introduit des projets, des hésitations, des attentes, des souvenirs, c'est-à-dire une histoire, avec un temps pour la vie, un temps pour la mort, un temps pour le deuil. Le terme sociothérapie peut aussi bien être appliqué à une activité précise, qu'à l'ensemble de l'organisation et du fonctionnement d'une institution. Sa pratique repose sur une démarche de motivation par le plaisir partagé, et en aucun cas sur des visées éducatives ou rééducatives (1989a). Ses deux fondements majeurs sont la renarcissisation, et l'investissement de la vie à partir de celui de la relation thérapeutique. Elle se différencie nettement des pratiques animatives dans la mesure où elle est régie par le concept de cadre thérapeutique, référé à : • une théorie des Démences séniles, • une fonction à remplir, • des principes d'action et d'organisation. Mais, au regard du cadre de référence, la réalité gériatrique introduit une nécessité de souplesse, en s'appuyant nettement moins sur la défense de la forme, que sur tout ce qui tendra à rétablir la fonction du cadre et l'esprit du projet thérapeutique. Ce faisant, la sociothérapie constitue une tentative pour réintroduire du sens dans ce qui est proposé au patient, c'est à ce titre qu'elle s'inscrit dans une démarche d'ordre psychothérapique (1986f). 132
Il suffit pour s'en convaincre d'observer dans les établissements pour personnes âgées la difficulté à canaliser les interventions infirmières dans un rôle n'aboutissant pas, au plus grand soulagement de tous, à organiser toute la vie institutionnelle. C'est ainsi que nombre d'expériences dites "démédicalisées" n'ont finalement abouti qu'à remplacer le modèle du service hospitalier, inspiré de la médecine interne, par celui de l'infirmerie. Le modèle psychothérapique reste à inventer, ou du moins à mettre en place, avec des résistances dont nous avons pu concrètement vérifier l'efficacité. Ce faisant, faute de disposer d'un cadre d'élaboration adapté, différentes questions ne trouvent pas d'ébauche de réponses : — pour l'intéressé, celle de la prise en charge de la problématique psychologique relative à la précarité somatique et à la mort potentiellement imminente. — pour ses proches, celle du travail de séparation nécessairement amorcé. Tous sont à même, tôt ou tard, de connaître la violence d'interventions qui, sous couvert thérapeutique, risquent d' interférer avec la dynamique de deuil à l'oeuvre ou qui, tout simplement en pointant l'existence de celle-ci, tiennent lieu d'interprétations culpabilisantes. Aussi, croyons-nous à l'absolue nécessité d'une doctrine thérapeutique prenant en compte les déterminants psychologiques jouant un rôle dans la pathologie (y compris dans la pathogénie somatique) et ceux qu'elle mobilise. C'est avec cette préoccupation que, dans le cadre d'une forme de retour aux sources, nous avons été conduit à diriger pendant huit mois un groupe de travail, auquel la Direction des "Institutions universitaires de gériatrie de Genève" avait confié en 1992 la mission de cerner le concept de psychogériatrie (1993b). 133
Pour mémoire, il s'agit d'un vocable qui selon les lieux et les époques a été employé dans des sens assez différents. Ainsi en France, sous l'impulsion de J.-M. Léger (1989) et de J.-F. Tessier (1989), il a pu concerner des activités cliniques présentant une dominante psychiatrique caractérisée. Par contre en Suisse, en relation avec l'héritage spirituel de J.-P. Junod (1966,-69,-75), il représente plus volontiers une pratique psychiatrique associée au regard gériatrique ( ).
Ainsi, le mode d'accueil, la fréquence et les formes de contact entre les soignants et les familiers, le temps passé avec le patient, les procédures de réflexion au sein d'une équipe médicale et d'une équipe sociale, ne peuvent pas être les mêmes qu'aux autres âges, car les enjeux sont très différents (1991g). De même, le rôle de la famille, des tiers, leur importance affective, leur poids dans les décisions, n'ont aucune mesure avec ce à quoi les soins nous confrontent en général, sauf en pédiatrie et peut-être en psychiatrie (1988c).
Ces dernières années c'est essentiellement J. Richard (1989,-93) qui s'est le plus appliqué à proposer une définition de ce terme.
En miroir de cet aspect des choses, toute aide apportée aux personnes âgés a pour toile de fond la question de la dépendance, sous tous ses aspects : affectifs, physiques et instrumentaux (1992e).
A partir d'une réflexion que nous avons été convié à poursuivre à la demande de différents comités, la psychogériatrie, de notre point de vue, peut être caractérisée au regard de la psychiatrie gériatrique et de la gériatrie médicale, par :
Si celle-ci est légitimement redoutée, ce qui conduit à s'appliquer à la prévenir, elle peut aussi, dans sa dimension psychologique, être utilisée pour amorcer un processus d'alliance thérapeutique (1992d).
— une tentative de réponse à des questions spécifiques,
Les personnels gérontologiques seront également aux prises avec des phénomènes, déjà évoqués, tels que (1990d) :
—des indications privilégiées,
—la pensée magique,
—des méthodes thérapeutiques originales ( 2 ).
—les projections massives, —la disqualification,
1. Les questions spécifiques auxquelles la psychogériatrie doit tenter de répondre La raison d'être principale d'une approche thérapeutique différente pour certaines personnes âgées est liée à la question de la mort, problème au regard duquel il est des personnalités plus mal armées que d'autres (1988d). On le sait, l'hospitalisation conduit tout un chacun à se poser la question de savoir s'il sortira, ou non, vivant de l'hôpital. Ce qui diffère en vieillissant, c'est que toute maladie peut réellement être la dernière et met littéralement en scène les préambules de la mort.
—les provocations persécutoires, —les tentatives d'hyper-contrôle, —l'évacuation du sens, —l'attaque à la pensée, —la résistance au changement, — les désignations, voire les condamnations familiales, auxquelles un patient risque de finir par se conformer. Se sentant pris en otage, le soignant non préparé à de telles contraintes risque de buter sur leur dimension démotivante (1984b).
Ce faisant le soin peut déstabiliser tout l'équilibre relationnel familial (1992d). A son propos il ne manquera pas de se poser, ou de voir poindre à l'esprit, la question de la sécurité future de l'intéressé, c'est-à-dire aussi celle de son "placement", autre grand bouleversement en perspective pour toutes les personnes concernées, dont le vieillard (1988f).
Ces facteurs de contexte, psychologiques, familiaux, sociaux, introduisent dans le soin des dimensions irrationnelles, auxquelles les approches médicales et psychiatriques classiques risquent de se heurter infructueusement (1985a).
(1) Cf. J. Wertheimer (1988,-89) ; I. Simeone & coll. (1984) I. Simeone ( 1994).
Chaque groupe professionnel devra ainsi tenir compte de données contextuelles constituant une forme de "principe de réalité", sur lequel son savoir ne peut qu'achopper s'il n'est pas éclairé par un autre savoir et réciproquement.
(2) Voir L. Ploton ( I 983d,-86L-87j).
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La seule organisation des aides et des soins, économique et efficace, se révèle donc être celle pouvant offrir à chacun les éclairages indispensables, pour tenir compte des déterminants étrangers à son champ de connaissances ou à sa pratique traditionnelle (1981a).
2. Les indications privilégiées de la psychogériatrie A priori, tous les vieillards ne relèvent pas de la psychogériatrie, ni même de la gériatrie (1993c). De notre point de vue, porter une indication uniquement fondée sur l'âge est une injure et une atteinte aux droits les plus élémentaires du sujet âgé. Orienter quelqu'un "chez les vieux" parce qu'il a plus de 70 ou de 75 ans, constitue une blessure narcissique dont il risque de ne pas se relever, sauf si cette orientation représente un "plus" spécifique, parce qu'elle vise à lui offrir des soins mieux adaptés au regard d'une vulnérabilité particulière (1986c). Or, les risques encourus par certaines personnes âgées ne sont pas négligeables, qu'il s'agisse de : —dépression et/ou de pathologie psychosomatique, — dépendance psychologique prenant plus ou moins l'alibi d'une dépendance physique ou instrumentale, — l'enkystement dans la pathologie fonctionnelle, allant jusqu'à l'hypocondrie, —l'angoisse non prise en charge et de la confusion qui peut en découler (1991j,-95c) ; —la dépersonnalisation, pouvant aller jusqu'à la "bascule' psychotique, .
—la démentification, mais aussi des régressions comportementales de toutes formes... — l' apparition de signes de vulnérabilité psychique majorée, liés à une défaillance somatique ou simplement, d'une façon plus générale, en rapport avec l'avancée en âge ou la solitude (1995h). Si tous les vieillards ne sont pas concernés, ceux qui sont susceptibles de l'être nécessitent une approche et un environnement thérapeutique conçus pour tenir compte des données particulières (1990b) : —de leur psychologie individuelle, —de la dynamique des groupes qu'ils constituent, —des facteurs culturels et sociaux qui leur sont spécifiques, —des règles propres à leurs communautés naturelles d'appartenance : couple, famille, etc. 136
3. Des méthodes thérapeutiques originales Elles témoignent de la "différence" psychogériatrique. Car, manifestement, la fonction thérapeutique des soins aux personnes âgées n'est en rien proportionnelle à leur stricte qualité technique (1991 a). Si le "n'importe quoi" technique n'est pas admissible, le "n'importe quoi" relationnel non plus. La disponibilité intellectuelle des intervenants, leur qualité d'écoute, l'authenticité de la communication qui sera établie, vont faire la différence entre un soin mort et un soin apte à mobiliser les ressources profondes de l'intéressé pour franchir une étape cruciale (1993e). Ce faisant, la pierre angulaire du soin sera représentée par tout ce qui permet une restauration narcissique. La renarcissisation constitue le fil directeur, le guide qui permet à l'heure des choix pratiques, petits ou grands, de se référer à une ligne de conduite simple et pertinente. Il s'agit de l'axe directeur essentiel du soin gériatrique, celui auquel toute chose mérite d'être référée ( 983b). Cela dit, la pratique clinique nous a appris qu'en matière thérapeutique et institutionnelle les choses ne se décident pas d'un trait de plume. Celui qui croit faire une chose peut découvrir, avec le recul du temps, qu'il en faisait partiellement, voire intégralement, une autre. Sait-on jamais ce que l'on fait '? Et ce que nous croyons avoir fait est-il à l'origine de ce que nous obtenons '? L'expérience montre, qu'en référence à quelque principe fondateur que ce soit, les applications ne sont porteuses de sens que si elles sont le fruit d'une histoire toujours originale. Aussi, au-delà des apparences, au coeur du soin, participant au processus thérapeutique y compris au plan somatique, avec les personnes âgées à "haut risque" il faut tenir compte de l'investissement psychique, levier dont les tenants et les aboutissants nous échappent partiellement. Investissement de l'autre, du problème à résoudre, du soin, de la relation, de la vie, c'est un phénomène impalpable dont la qualité semble être le seul élément prédictif du résultat d'une démarche psychothérapique, et ce, indépendamment des références théoriques présidant à son déroulement (Cf. P. Gerin & coll., 1984). Mais, l'investissement découle largement de la possibilité d'appropriation d'un domaine, qu'il s'agisse d'un espace relationnel, d'un domaine de responsabilités, d'une aire de créativité... Même si le sentiment d'appropriation est inévitablement voué à connaître son pendant de frustrations, en ce sens qu'il s'inscrit toujours dans un tissu de règles et de contraintes, les résultats obtenus par une institution gériatrique apparaissent donc indissociables de la qualité de l'appropriation qu'elle permet. 137
Cela renvoie au travail sur la différenciation des rôles et sur les règles d'articulation des interventions (1993b). En effet, s'il peut être souhaitable, pour faciliter l'investissement relationnel, de miser sur la polyvalence des thérapeutes, il importe que chacun sache jusqu'où ne pas aller trop loin dans des domaines étrangers à sa formation et, conscient de ses limites, qu'il puisse demander l'aide d'un tiers de spécialité complémentaire. Cela implique la mise en place de procédures de régulation des soins, pour définir le partage des responsabilités entre les référents principaux et avec l'ensemble des intervenants. De notre pratique psychiatrique initiale nous avons retenu qu'il était théoriquement concevable et empiriquement vérifiable, que les membres d'une équipe contribuent manifestement à faire évoluer les situations cliniques à partir d'une mise en commun, en vue d'une tentative de mise en sens, de ce qu'ils ont observé ou ressenti individuellement (Cf. M. Woodbury 1966). La psychogériatrie nous aura convaincu, s'il le fallait, que le travail d'élaboration psychique, individuel et collectif, des soignants peut participer, à son niveau, au processus thérapeutique dans tous ses aspects. De ce fait, l'institution psychogériatrique peut difficilement être assimilée à une entreprise industrielle ou commerciale. Si une analogie peut être envisagée la concernant, c'est plutôt avec la famille ou avec les groupes thérapeutiques qu'elle doit être établie (1993b). La pression émotionnelle exercée par la question de la mort, jouée, rejouée, mise en scène à propos de chaque demande (ou "non-demande") de soins, l'ambivalence vis-à-vis des personnes âgées en tant qu'analogues parentaux, tout y est spécifique. Les manifestations irrationnelles, les enjeux, et les phénomènes relationnels déjà évoqués, impliquent que ce qui se passe entre les partenaires en présence : patients, familles, professionnels, doit faire l'objet d'une analyse sérieuse, dans un canevas théorique à même de prendre en compte des données psychologiques individuelles et groupales (1985a). Nous croyons à ce sujet nécessaire de rappeler combien la réflexion que nous avons conduite doit, notamment, aux apports théoriques de R. Kaés (1979,-87) et R. Roussillon (1987,-95). Une institution à vocation psychogériatrique, avec ou sans murs, à notre avis ne peut être abordée qu'en tant qu'analogue de cadre psychothérapique dont les professionnels sont, chacun à leur poste, les co-garants. 138
Tout au plus, en gériatrie, dans un esprit sociothérapique, ce cadre gagnet-il à être souple et plus référé à des principes qu'à des règles strictes (1995g). Car, comme nous l'avons vu, le risque que les règles soient prises en défaut, et que la défense des formes en vienne à vider un cadre de son esprit, est ensoi une donnée à prendre en compte avec vigilance. Très concrètement, un des principaux problèmes auquel la gériatrie confronte le clinicien est donc de parvenir à savoir prendre en compte l'approche psychodynamique, comme dimension organisatrice et régulatrice des aides et des soins. Car si un projet peut, pour un temps, relever d'aspects militants, la régulation institutionnelle ne peut pas, elle, reposer sur le volontarisme, pas plus que les problèmes ne peuvent être systématiquement réglés à coups d'évictions, l'expérience montrant qu'ils ressurgissent identiques à eux-mêmes avec des acteurs nouveaux. Ce faisant, la question des stratégies thérapeutiques trouve tout son relief (1989h). Et, une première difficulté à résoudre va concerner les stratégies de motivation : motivation du personnel bien entendu, mais aussi et surtout, motivation des patients. Ces stratégies, alternatives nécessaires à une pratique réflexe d'inspiration coercitive, doivent s'appuyer sur une réflexion approfondie tenant compte de la psychologie des intéressés (1979b). C'est tout un mode de pensée, attentif à la fonction des symptômes et à celle des prescriptions, qui peut concourir à l'organisation générale des soins, à l'élaboration des programmes thérapeutiques individuels et à la définition des stratégies relationnelles correspondantes (1986h). C'est ainsi que les pratiques somatiques, elles-mêmes, peuvent recouvrer leur caractère de médiations relationnelles. A titre d'exemple, commencer un soin par un bilan plus ou moins prolongé ou compliqué, avec en parallèle un soutien psychologique dense, a pu être utilisé dans notre expérience : —soit pour neutraliser une situation évolutive sur laquelle l'équipe soignante n'avait pas de prise, voire même pour créer une forme de "contre-confusion" ; —soit pour évaluer un fonctionnement relationnel : mettre en évidence les enjeux, les désignations, les rôles respectifs... —soit pour sceller une alliance thérapeutique avec une famille et commencer discrètement à l'aider au réaménagement de ses frontières fonctionnelles, par exemple, en déterminant qui doit accompagner qui aux rendez-vous, etc. De même, l'attitude des soignants, plus ou moins alarmiste ou plus ou moins réassurante, le fait de travailler, ou non, dans le registre émotionnel peut permettre de recouvrer une indispensable marge d'initiative, dans des situations où tout va très vite et semble échapper à toute entreprise thérapeutique (1988f). 139
Chapitre 7
Une part du soin consiste, ce faisant, à ne pas se laisser aspirer dans la spirale confusogène de l'affolement général insufflé par un système familial en crise (I 985b). Là où la tendance naturelle est au passage à l'acte permanent, le raisonnement psychogériatrique introduit une réflexion nécessaire, sur ce qui : — tente de signifier quoi, — remplit quelle fonction (1981 b). A titre d'illustration, une des caractéristiques psychogériatrique est ainsi de s'appliquer a évaluer les aptitudes et les besoins des patients en matière de régression, laquelle constitue une ressource précieuse entre toutes. Et, dès lors qu'une équipe soignante, pour aider sa clientèle à se ressourcer narcissiquement, sait intégrer dans sa pratique la fécondité des aspects régressifs auxquels la maladie contraint, elle s'oriente vers une pratique d'inspiration psychogériatrique. S'il est donc un levier thérapeutique propre à la gériatrie, qu'elle partage avec le soin psychiatrique, c'est bien la mobilisation des ressources psychiques de tout un chacun, c'est-à-dire autant du collectif soignant que des patients et de leurs groupes d'appartenance. C'est pourquoi prendre la décision adéquate n'est pas suffisant, et peut même se révéler catastrophique, si la façon de la prendre, de la communiquer et de l'appliquer, ne fait pas l'objet d'une attention vigilante (1993g.-95c). En marge des actes les plus divers, la façon de faire, celle de savoir dire : "oui" ou, au contraire, de se donner le temps pour dire : "non" sans blesser l'interlocuteur, fait partie intégrante du soin (1991c). Dans la voie que nous avons suivie, parler de psychogériatrie vise donc à se donner les moyens de passer d'une pratique médicale purement technique, assortie de modalités relationnelles empiriques, à une réponse régulée par des hypothèses psychodynamiques. La réflexion et l'élaboration engagées, font, à notre avis, bénéficier les soins d'une forme de plus-value psychomobilisatrice, et donc "porteuse" pour le patient et ses proches (1986a,-88c). La révision des objectifs thérapeutiques, vis-à-vis des Déments, tout comme la mise en place de dispositifs institutionnels et de protocoles sociothérapiques, s'inscrit dans cette optique. Il s'agit là d'objets de recherches porteurs de développements à peine esquissés.
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En guise de conclusion Notre démarche a essentiellement consisté à introduire un regard psychodynamique dans l'approche des phénomènes démentiels séniles. Elle s'inscrit dans un mouvement auquel ont participé, simultanément, plusieurs équipes européennes francophones, au terme de constatations cliniques similaires fondées sur l'observation qualitative des phénomènes démentiels. Il s'agit là d'une forme de révolution méthodologique puisque dans l'optique médicale classique, d'inspiration anglo-saxonne, les Démences sont abordées sous un angle défectologique au moyen d'une évaluation essentiellement quantitative. Ce faisant l'approche scientifique "dominante" persiste à se référer à des modèles lésionnels cérébraux pour expliquer le développement d'une pathologie assimilée à une amputation des facultés par la mise hors-service d'une partie du "stock neuronal". Il s'ensuit l' identification obligatoire des phénomène démentiels à des "manques" sur tous les plans d'observation, sans s'appliquer à mettre en lumière les transformations fonctionnelles aboutissant aux contre-performances enregistrées chez les patients concernés. Or, en dépit des découvertes permanentes de la biologie neuronale, il ne s'est toujours pas dégagé d'explication convaincante des liens envisageables entre les observations neurophysiologiques et la symptomatologie clinique. Néanmoins, pour des raisons obscures, le courant neurobiologique persiste à négliger la prise en considération des théories psychodynamiques, malgré la modernité de leur analogie avec la dynamique des contre-performances de systèmes informatiques lorsqu'ils sont soumis à certaines informations parasites. Au plan clinique, les changements apportés dans les conditions de recueil des données par les observations faites en "situations partagées" avec les patients ont permis conjointement de développer des méthodes de facilitation de la communication, et d'enrichir la connaissance de la maladie du point de vue du malade. Il a notamment été possible de mettre en évidence un certain nombre de modifications caractéristiques concernant : — la forme du contenu psychique, — les stratégies de résolution des difficultés, — l'utilisation des apprentissages, qui distinguent les Démences séniles d'autres pathologies de la mémoire. 141
Il apparaît de plus que la clinique démentielle ne peut en aucun cas se limiter au champ cognitif, mais que les malades concernés présentent des particularités aux plans psychoaffectif et transactionnel. C'est donc à toute une réécriture de la séméiologie des déficits séniles à laquelle nous avons été conduit par nos observations. Ces pathologies peuvent ainsi être caractérisées par une façon différente d'être au monde, assimilable à un état de conscience modifié, avec un mode de pensée et des capacités de communication particuliers, associés à l'induction de phénomènes relationnels spécifiques.
Leur diagnostic, lui-même, devait donc jusqu'à nouvel ordre relever d'une convention : —excluant le critère d'incurabilité comme élément caractéristique, — relativisant la notion de pertes et l'importance accordée à la quête de causes lésionnelles, au profit d'une définition clinique en termes de pathologie de l'adaptation sociale.
—l'expression comportementale et/ou corporelle.
De plus, aborder les Démences sous leur aspect de modification profonde du fonctionnement psychique conduit à mettre en lumière qu'elles ne sont pas plus exclusivement des phénomènes biologiques que psychiques ou comportementaux, mais que c'est l'étude qui en est faite qui place l'observation sur ces plans. Ce qui est enregistré peut alors être considéré comme la traduction, l'expression, d'un changement global sous l'aspect précis étudié.
Une avancée clinique majeure a concerné la mise en évidence de l'utilisation inconsciente, par le patient, de modes de communication pertinents et d'attitudes adaptées aux situations et aux contextes le concernant.
La question du dualisme corps-psyché est ainsi renvoyée aux deux faces d'une même réalité en termes de procédures de traitement, d'utilisation et de création d'informations, au moyen d'un support matériel.
On peut de plus décrire un profil psychologique typique des Déments où l'on retrouve la vulnérabilité narcissique, la phobie d'implication, le vécu d'abandon et surtout la question obsessive de la mort.
A partir de là, les Démences séniles peuvent être considérées comme un mode d'adaptation, sur les tenants et les aboutissants duquel il y a lieu de s'interroger.
En contre-point il s'est révélé évident que la Démence contribuait à induire au plan institutionnel des particularités redondantes telles que l'évacuation du sens, la disqualification, la persécution, l'attaque à la pensée, sur un fond d' irrationalités comportementales.
Le recadrage des phénomènes démentiels que nous proposons relève, ce faisant, d'un modèle superposable à celui des dépressions. Le développement de symptômes déficitaires peut donc être envisagé en tant que forme, non spécifique, de réaction psycho-comportementale de l'organisme, dans des contextes pathologiques multiples.
C'est ainsi qu'on observe un recours privilégié, voire exclusif, à : —la pensée préverbale de type global,
Ces observations, complétées par la mise en lumière du caractère fluctuant des symptômes et par la découverte de possibles rémissions de durée variable, nous ont amené à remettre en question que les incapacités observées soient en relation avec une forme quelconque de mort psychique. Il s'agit d'une prise de position qui est allée de pair avec le choix de créditer les patients de la persistance d'une forme de vie psychique inconsciente, quel que soit leur état clinique, postulat que nous nous sommes autorisé à formuler au nom du parti-pris éthique de toujours accorder à l'autre le bénéfice du doute, au regard de tout ce qui n'est pas démontré de façon absolue.
Au plan de la pathogénie cela conduit à distinguer la question des facteurs favorisants, de celle d'éventuels événements déclenchants, en regard du mécanisme même des Démences, qui peut lui-même être caractérisé sur différents plans d'études : — biologique, —intellectuel, — psycho-affectif, — comportemental.
En toute nécessité, l'observation clinique ne peut donc que renvoyer à une étape d'interrogation théorique, impliquant de porter un regard critique sur le concept même de Démences séniles.
Il est important de souligner qu'à ce jour rien ne permet de savoir si les lésions observées sont les causes, les conséquences ou simplement des éléments aggravants de l'évolution démentielle.
Ainsi, en tant qu'entités pathologiques il s'avère logique de les considérer comme autant de syndromes.
Peut-être, comme nous préférons l'envisager, ne sont-elles que les catalyseurs du processus pathologique.
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On peut même supposer que des facteurs, qui restent à identifier, puissent être conjointement à l'origine du développement des lésions et de celui des symptômes observés, sans autre relation entre ces deux ordres de phénomènes. Ces réserves faites, il nous appartenait d'en tirer les conséquences sous la forme d'élaboration d'hypothèses et de modèles à même de rendre compte, dans une trame logique, de nos observations cliniques quotidiennes. L'approche relationnelle, avec l'existence supposée d'un niveau de communication implicite et de pactes relationnels inconscients, nous a fourni la base d'une relecture clinique à l'origine d'applications concrètes dans les soins prodigués aux patients. A partir d'un cadre rigoureux de recueil et d'analyse de données, la prise en compte des éléments de communication comportementale, de même que les hypothèses relatives à la communication implicite, permettent une redéfinition possible des phénomènes observés. Ainsi, les conduites familiales peuvent être analysées comme relevant d'un équivalent de situation de névrose expérimentale, tandis que les attitudes dites "thérapeutiques" peuvent prendre l'aspect de réponses "au pied de la lettre" vis-à-vis de messages, sur les aspects latents desquels il y a lieu de s' interroger. Le bénéfice en est la possibilité de réintroduire du sens dans les différents aspects de la prise en charge, pour la réhumaniser avec l'introduction de conduites délibérément significatives, là où la tendance serait à des réponses purement opératoires de nature à induire une redondance de la demande latente. Cette démarche a été enrichie par une vision consistant à aborder toute production symptomatique comme un phénomène d'interface entre des prédispositions individuelles et un contexte inducteur. Cela revient à raisonner en terme de "mode de présentation de soi" relevant conjointement des nécessités de l'économie psychique et de celle de l'économie relationnelle.
Les conduites généralement observées vis-à-vis des grands vieillards semblent à ce propos régies par deux fantasmes : —celui du pied dans la tombe et, — celui du risque de retour agressif des morts. Dans ce contexte, la personne âgée démente s'inscrit symboliquement dans l'articulation entre la vie et la mort, en véhiculant de plus l'idée confuse que revivre, pour elle, ne serait possible qu'au prix d'en mourir. Ce long cheminement dans la façon d'aborder la pathologie déficitaire est allé de pair avec une évolution de notre représentation du fonctionnement neuro-psychique. Il nous est ainsi apparu judicieux d'aborder le cerveau comme une population neuronale, sur le modèle des sociétés animales complexes, telles que la fourmilière ou l'essaim d'abeilles. En contrepoint, au plan fonctionnel, l'activité psychique peut être reliée à une capacité de prise en compte des informations émanant de l'entourage, pour les "traiter" inconsciemment dans une aire de représentation active de l'environnement, intégrant : —notre place dans le concert social, —nos possibilités, avec les données propres de notre appareil psychique au sens freudien du terme, — notre histoire et les règles relationnelles que nous avons été conduits à intérioriser au fil du temps. L'activité de ce dispositif fonctionnel conduirait, de façon parfaitement inconsciente, à l'élaboration des choix comportementaux et des stratégies de destinée, y compris celles incluant le recours à la production de symptômes. Ce modèle permet de concevoir que puisse perdurer une pertinence comportementale et communicationnelle chez des êtres comme les Déments séniles.
De ce point de vue, les phénomènes démentiels peuvent être regardés comme une tentative de synthèse permettant à un sujet de vivre biologiquement, tout en se mettant sur la touche au plan relationnel, comme s'il s'agissait de concilier les exigences dune sourde pression écologique, allant dans le sens de l'éviction progressive, avec les nécessités incompatibles de l'instinct de vie individuel.
On peut en effet considérer qu' ils ont été conduits à opter, au fond d'euxmêmes, pour mettre "hors service" leurs capacités de penser de manière formalisée, ainsi que leurs aptitudes relationnelles reposant sur des modalités cognitives "adultes".
En corollaire ce type d'approche a permis d'élaborer une définition de la vieillesse et de la dépendance, non plus corrélée à l'âge ou à des données biologiques, mais reliée à un pacte de non-rivalité assorti de transferts massifs de responsabilités.
Les phénomènes de groupe observés et les possibilités d'étayage par le travail institutionnel trouvent ainsi leur explication, dans l'échange d'informations qui continuent à être prises en compte et utilisées de façon cohérente par tous les inter-acteurs, y compris les plus "déficitaires".
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Dans une telle optique, la prise en charge des patients réputés Déments, pour ne pas se révéler persécutoire, doit se doter d'une ligne de conduite tenant compte des besoins profonds que l'on a pu déceler chez eux. Il s'agit notamment de ne pas leur demander un niveau d'implication au-delà de leurs capacités. C'est toute la question des objectifs thérapeutiques qui se trouve ainsi reposée. Il n'est plus question de guérir, mais d'accompagner en veillant à ne pas mettre "la barre trop haut", ce qui implique de se fixer essentiellement des objectifs de confort de vie, dans un contexte qui se révèle soumis au "diktat" du fantasmatique. Par voie de conséquence, soigner doit passer de façon prioritaire par la mise en place de procédures de défense de la capacité de penser des intervenants. Ce type d'objectif nous a conduit à consacrer, au plan institutionnel, une part de notre activité à l'étude de l'articulation des frontières fonctionnelles entre groupes d'appartenance, en développant une méthodologie inspirée des thérapies familiales systémiques. Les conséquences concrètes en ont été la mise en place : —de structures de soins gradués, organisées pour intervenir dans le cadre de vie, en centrant la prise en charge sur les référents d'un programme thérapeutique, indépendamment du lieu momentané de séjour d'un patient ; —d'une répartition nouvelle des rôles, la responsabilité institutionnelle pouvant être confiée à des intervenants ayant une formation psychodynamique là où traditionnellement de telles missions sont dévolues à des soignants du corps.
Pour ce, il s'agit de tenter d'introduire dans la pratique clinique quotidienne une réflexion sur les enjeux psychologiques de la maladie et sur la fonction qu'elle remplit, pour en tenir compte dans l'élaboration de stratégies thérapeutiques et de tactiques relationnelles. Les visées du soin médical peuvent ainsi être reconsidérées pour tendre à la mobilisation des ressources psychiques des patients, en s'appuyant si nécessaire sur des temps de régression, pour concourir à leur rétablissement. Et si la séparation ou la mort se révèlent être les seules issues possibles, l'institution peut ce faisant remplir une fonction d'espace de négociation adapté. Tout au long d'une démarche où le questionnement théorique a reposé sur l'observation clinique et réciproquement, notre souci aura été, à propos de l'analyse des situations et de l'élaboration des décisions, de faire bénéficier le Dément des mêmes garanties méthodologiques que tout un chacun. L'objet en était, comme il demeure, de permettre la prise en compte des données psychologiques latentes qui, pour être irrationnelles, n'en sont pas moins déterminantes de ce que le malade et ses proches sont conduits à vivre.
Les corollaires en furent : 1. Le développement de formes de prises en charge spécifiques regroupées sous le terme générique de sociothérapie, axées sur : — la prise en charge groupale modulée en fonction des capacités d'implication individuelle, —la renarcissisation, et la réafférentation par le recours aux choses de la vie comme médiations thérapeutiques, en s'appuyant sur l'investissement affectif, —la différenciation des rôles et le recours au concept de cadre psychothérapique aménagé. 2. Une réflexion sur la notion de psvchogériatrie, comme mode d'organisation des soins, permettant de répondre à la question de l'angoisse de mort et de prendre en compte les implications familiales de la maladie, de la dépendance et de la mort possible d'un aîné. 146
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Lexique succint Afférentation relationnelle : Maintien d'un courant d'échanges relationnels continu, dense, cohérent. Amnésie : Défaillance de la mémoire. Anamnèse : Recueil des antécédents d'une personne. Aphasie : Défaillance des capacités d'expression verbale, trouble du langage. Cadre : Modalités d'organisation comportant des constantes qui introduisent des repères au regard du déroulement d'un processus. Un cadre peut être relativement rigide s'il repose sur des règles rigoureuses appliquées à la lettre. Il peut être considéré comme souple s'il s'appuie préférentiellement sur des principes (ou l'esprit des règles). Cognitif : Domaine de l'acquisition des connaissances du jugement, des compétences et des opérations intellectuelles. Distorsion : Synonyme de grande anomalie. Empathie : Mode de relation comportant un fort courant de sympathie et d'identification à l'autre. Gériatrie : Médecine spécialisée dans les soins aux personnes âgées. Gérontopsychiatrie : Psychiatrie spécialisée dans les soins aux personnes âgées. 149
Gnosie :
Psychogérontologie :
Capacité de compréhension, de reconnaissance, d'identification, reposant sur des automatismes acquis par apprentissage, dans un domaine particulier (ex. : la reconnaissance des formes). On parle d'agnosie pour caractériser l'altération de telles facultés.
Domaine de la connaissance psychologique des personnes âgées. Actions d'évaluation de suivi et de soutien psychologique de ces mêmes personnes.
Investissement : Mobilisation affective profonde concernant un centre d'intérêt. Invigoratif : Qui encourage de façon exigeante et insistante. Et, d'une certaine façon, qui force l'autre. Onirique :
Renarcissisation : Travail d'aide à la restauration de l'estime de soi. Séméiologie : Etude des signes et des symptômes. Sociothérapie : Mode de soutien psychologique basé sur les activités de la vie quotidienne, la qualité des relations en tenant compte de règles utilisées dans les psychothérapies.
Etat onirique : synonyme de rêve. Etat confuso-onirique : association de confusion mentale et d'hallucinations, le patient vivant l'équivalent d'un rêve (ou d'un cauchemar) éveillé.
Ensemble des symptômes particuliers à une maladie.
Pare-excitation :
Transitionnel :
Fonction (théoriquement biologique) qui concourt à réduire le niveau d'excitation psychique. Mais aussi action consistant, par exemple, à mettre des mots sur des émotions fortes et à faire naître des pensées pour canaliser ces émotions.
Le registre transitionnel concerne les perceptions, les temps et les espaces intermédiaires (par exemple entre ce qui est moi et non-moi ou entre avant, maintenant et après).
Symptomatologie :
Triangulation : Praxie :
Création d'un triangle. Action consistant à déterminer sa position au moyen de trois points de repères.
Compétence pratique acquise par apprentissage, automatisme moteur permettant de réaliser une tâche (ex. : la marche). On parle d'apraxie pour caractériser l'altération de telles facultés.
Validation :
Psychodynamique :
Technique relationnelle consistant à souligner délibérément la fonction utile et positive d'un symptôme pour aider un patient à progresser.
Etude des inter-relations entre pulsions inconscientes, mouvements affectifs profonds, constructions imaginaires censurées et contenu conscient des pensées. Psychogériatrie : Modalités d'organisation et de pratique des soins gériatriques prenant en compte le point de vue psychologique. 150
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Cinq collections Comprendre les personnes : Aborder la question du développement de soi et de l'autre avec l'aide des apports de la psychologie. Présenter les concepts et les courants dans leur diversité. Analyser des situations de vie à partir d'expériences vécues afin de proposer des repères concrets. Comprendre la société : Analyser les mutations sociales, culturelles et économiques avec leurs interdépendances. Proposer des éléments pour permettre de prendre position sur les questions de société au niveau local jusqu'au niveau international pour favoriser un agir collectif. Savoir communiquer : Mettre toutes les techniques d'expression et de communication au service du développement des personnes et des groupes. Savoir penser : Permettre à chacun d'être capable d'analyser une situation dans sa globa-
lité et sa complexité. Mettre à la disposition de tous les apports de la philosophie pour que chacun puisse organiser sa pensée, faire des choix conscients et se forger des opinions.
Pédagogie / Formation : Connaître, comprendre et acquérir les concepts et les pratiques favorisant l'éducation et la formation. Permettre au formateur ou à l'enseignant d'analyser ses pratiques pédagogiques pour les rendre plus pertinentes.
Trois niveaux de lecture
EVEIL
(h) - "Les effets psychologiques de la solitude chez les personnes âgées",
Gérontologie (à paraître).
L. PLOTON (i) - "Les thérapeutiques non médicamenteuses : la Sociothérapie", in Actes du HP Congrès européen de médecine "Eurosanté-95", Metz, LOR-
MED, pp. 62-72. L. PLOTON
(j) - La personne âgée et son accompagnement médical et psychologique, et la question de la Démence. Lyon, La Chronique sociale, 3' édition. L. PLOTON
l'essentiel
• Synthèse
Eveil : Sa fonction est de mettre à la disposition de ceux qui n'ont pas de compétences particulières dans un domaine, les éléments de base nécessaires pour comprendre les problèmes abordés. Sert d'"apéritif" pour avoir envie d'aller plus loin. Démystifie en supprimant l'appréhension consistant à croire que certains domaines sont difficiles. Notre rôle est d'expliquer de façon simple les sujets complexes en conservant la rigueur du contenu. L'essentiel : Elargit le champ d'analyse en abordant de façon plus large les problèmes concernant les sciences humaines : psychologie, sociologie, pédagogie, philosophie, ou les sciences techniques. Fait apparaître l'étendue d'un problème mais sans approfondir chacun de ses aspects. Montre les liaisons entre les différentes parties d'un problème et ses ramifications avec d'autres domaines. Synthèse : Synthétise les éléments de pratique d'analyse et de réflexion d'un domaine de connaissance ou d'un sujet précis. Approfondit les points soulevés dans les livres des autres niveaux de lecture.
Les livres sont présentés ci-après par collection et leur niveau de lecture est indiqué par un code (Ev : Eveil, Es : Essentiel, S : Synthèse) 170