POUR UNE RÉVOLUTION DES TRAITEMENTS
Jean-Pascal ca
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POUR UNE REVOLUTION DES TRAITEMENTS
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POUR LA SCIENCE
Aux éditions Belin-Pour la Science • G. GOHAU et P. DU RIS, Histoire des sciences de la vie, 2011. •J.-F. SALLUZO, La saga des vaccins, 2011. • A. MEINESZ, Comment la vie a commencé, 2011. •J.-L. HARTENBERGER, Grandeurs et décadences de la girafe, 2011. • S. SALOMON, Cerveau, drogues et dépendance, 2010. • G. CHAPOUTIER, Kant et le chimpanzé, 2010. • D. COUVET et A. TEYSSEDRE, Écologie et biodiversité, 2010. • B. CONTINENZA, Darwin. L'arbre de la vie, 2009. •J.-F. SALLUZO, À la conquête des virus, 2009. • C. ALLÈGRE et R. DARS, La géologie, 2009. • P. FEIILET, OGM, le nouveau Graal?, 2009. • M. GARGAUD, H. MARTIN, P. LOPEZ-GARCIA, T. MONTMERLE et R. PASCAL, Le Soleil, la Terre, la vie, 2009. ·V. TARDIEU, L'étrange silence des abeilles, 2009. • G. LECOINTRE (dir.), Guide critique de l'évolution, 2009. • S. STEYER, La Terre avant les dinosaures, 2009. • R. CADET, L'invention de la physiologie, 2008. • F. CHESNEAU et P. BRIARD (dir.), Guide de la France savante, 2008. • A. NICOLAS, Futur empoisonné, 2007. • P. PAPON, L'énergie à l'heure des choix, 2007. • V. TARDIEU et L. BARNÉOUD, Santo. Les explorateurs de l'île planète, 2007. • G. LECOINTRE etH. LE GUYADER, La classification phylogénétique du vivant, 3e édition, 2006. • C. GUITTON etC. COMBES, Le naufrage de l'arche de Noé, 2006. •]. TESTARD, Le vélo, le mur et le citoyen, 2006 . • F. MICHEL, Roches et paysages, 2005. • A. NICOLAS, 2050 Rendez-vous à risques, 2004.
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www.editions-belin.com Couverture: © CNRS Photothèque - Brodu Véronique Le code de la propriété intellectuelle n'autorise que« les copies ou reproductions strictem ent réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective» [article L. 122·51; il autorise également les courtes citations effectuées dans un but d'exemple ou d'illustration. En revanche « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite» [article L. 122-4[. La loi 95-4 du 3 janvier 1994 a confié au C.F.C. (Centre français de l'exploitation du droit de copie, 20, rue des Grands Augustins, 75006 Paris), l'exclusivité de la gestion du droit de reprographie. Toute photocopie d'œuvres protégées, exécutée sans son accord préalable, constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. © Éditions Belin, 201 2
ISSN 1773-80 16
ISBN 97R-2-70 II -56 14·9
Sommaire
PRÉFACE DE JEAN-JACQUES KUPIEC AVANT-PROPOS
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CHAPITRE 1
La recherche sur la cancérogenèse: son histoire, son actualité, ses impasses 23
CHAPITRE 2
Darwinisme cellulaire et cancérogenèse
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Plaidoyer pour une nouvelle approche thérapeutique du cancer
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CHAPITRE 3 CONCLUSION
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POSTFACE DE GILLES FAVRE
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BIBLIOGRAPHIE
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GLOSSAIRE
267
INDEX
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« Q_ui suit pas à pas l'histoire d'une science particulière y trouve une ligne générale qui lui permettra de comprendre les procédés les plus anciens et les plus communs de tout "savoir" et de toute "connaissance". Dans l'un comme dans l'autre cas, on rencontre d'abord des hypothèses hâtives, des inventions fantaisistes, la bonne et sotte volonté de "croire': le défaut de méfiance et de patience; ce n'est que sur le tard que nos sens apprennent, et ils n'apprennent jamais tout à fait, à être les organes subtils, fidèles et circonspects de la connaissance. Notre œil trouve plus commode, à l'occasion d'un objet donné, de former à nouveau une image qu'il a maintes fois formée, que de retenir ce qui fait la difftrence et la nouveauté d'une impression: il y faudrait plus de force, plus de "moralité".» Friedrich Nietzsche, Par-delà bien et mal
«La volonté est un des principaux organes de la créance; non qu'elleforme la créance, mais parce que les choses sont vraies ou fausses, selon la face par où on les regarde. La volonté, qui se plaît à l'une plus qu'à l'autre, détourne l'esprit de considérer les qualités de celles qu'ellen 'aime pas à voir; et ainsi l'esprit, marchant d'une pièce avec la volonté, s'arrête à regarder la face qu'elle aime; et ainsi il en juge par ce qu'il voit. » Blaise Pascal, Pensées
Ouvrage publié sous la direction de Marc Silberstein
Remerciements
L'auteur remercie en premier lieu Jean jacques Kupiec et Gilles Favre d'avoir accepté de contribuer à cet ouvrage. Dans un ordre totalement arbitraire, il remercie également Andràs Pàldi, Guy Laurent, Philippe Solal et Adam Wilkins pour leur lecture attentive et critique, et enfin Marc Silberstein qui a soutenu ce projet dès sa conception.
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NOUVEAU RE GARO SUR LE CANCER
Préface
Après avoir réussi à envoyer l'Homme sur la Lune dans les années 1960, les Américains se donnèrent une nouvelle frontière et lancèrent un immense programme destiné à vaincre le cancer. Cela permit de caractériser en 1976 le premier «gène du cancer». À cette époque, assez lointaine, cette découverte suscita un espoir immense. On pensait avoir découvert la clé du mystère, celle qui ouvrirait la porte bloquant la compréhension de cette maladie. Il ne restait qu'à comparer l'action de ce gène dans des cellules normales et des cellules cancéreuses. Où en est-on aujourd'hui? Comme on le sait, cette pathologie est loin d'être vaincue. On en meurt toujours massivement. Certes, des progrès ont été réalisés, mais ils sont limités. Ils concernent principalement son dépistage, alors que les traitements les plus utilisés reposent plus sur l'amélioration de stratégies anciennes et des savoirs empiriques accumulés que sur une compréhension rationnelle. Pourquoi en est-on là si la clé du cancer a été découverte en 1976? C'est ce qu'explique en détail jean-Pascal Capp. Son livre, dont j'ai l'honneur d'écrire la préface, est d'une importance capitale pour la compréhension du cancer et pour le développement de la théorie de l'ontophylogenèse 1. En effet, cette dernière théorie n'a concerné jusqu'à présent que des cercles restreints intéressés par l'étude des phénomènes biologiques dans leur généralité. Il est ici montré comment elle permet d'aborder un problème clinique majeur d'un point de vue nouveau et ouvrant des perspectives thérapeutiques. 1. Voir le chapitre 2, section p. 149. (Ndé.)
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Lorsque le gène SRC (le premier gène du cancer) fut donc découvert en 1976, il fut analysé pour savoir ce qu'il était et pour étudier ses propriétés. On s'attendait à découvrir un gène codant pour une protéine inédite dont l'action lui permettrait de contrôler la prolifération des cellules. Cette analyse fut vite réalisée, mais l'enthousiasme que cela suscita fut teinté d'une certaine perplexité. Il s'avéra en effet que la protéine du gène SRC, loin d'être la protéine nouvelle attendue, était une kinase, c'est-à-dire une enzyme du métabolisme des plus banales, déjà connue, qui permet la phosphorylation des protéines. Les kinases sont très ubiquitaires et elles ont un très large spectre de substrats potentiels. Elles peuvent phosphoryler de nombreuses protéines2 . Par elle-même, la connaissance de la protéine SRC n'apportait donc aucun éclairage, il fallait encore comprendre comment cette enzyme commune contrôle le fonctionnement cellulaire. Or cela suppose de résoudre une question théorique. En effet, dans le cadre de la biologie moléculaire, les gènes contiennent une information qui est transférée aux protéines en leur donnant des propriétés d'interaction spécifique, ce qui permet la constitution de réseaux correspondant au fameux programme génétique. Mais où se trouve l'information spécifique dans l'action d'enzymes ubiquitaires capables de modifier des centaines, voire des milliers de protéines ? Que deviennent alors ces cascades d'interactions uniques entre gènes ou protéines, précises comme des circuits cybernétiques constituant le programme génétique ? Cette question est toujours d'actualité. En effet, on sait aujourd'hui avec certitude que les réseaux de gènes et de protéines ont une connectivité très forte. Les protéines, loin d'être spécifiques, peuvent interagir avec de nombreuses autres protéines3 . De ce fait, toutes les 2. Par la suite, dans les années 1980, on découvrit que les voies de <
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NOUVEAU REGARD SUR LE CANCER
voies de régulation des cellules sont interconnectées et leur simple cartographie ne peut pas expliquer le fonctionnement cellulaire. Et, de plus, si les interactions des protéines ne sont pas spécifiques, cela signifie qu'il doit s'y introduire de l'aléa, à cause des possibilités combinatoires immenses qui entrent en jeu. On postula néanmoins, probablement parce qu'il n'existait pas d'alternative valable à cette époque, que la cause du cancer est une mutation dans un oncogène (un gène du cancer) et cette conception devint le paradigme qui a orienté le programme de recherche sur le cancer. À quoi cela a-t-il conduit? Après des efforts massifs, longs et difficiles, décrits dans ce livre, des centaines de gènes ont été associés au cancer, de telle sorte qu' on ne sait plus avec certitude ni combien ils sont, ni lesquels doivent être considérés comme des oncogènes. De plus, un problème énorme est apparu dans les résultats accumulés. Certes, de très nombreuses mutations ou accidents génétiques sont corrélés avec le cancer, mais dans le même temps les données indiquent aussi un rôle essentiel du microenvironnement cellulaire. Si la cause du cancer réside dans des mutations génétiques, comment expliquer que des cellules cancéreuses redeviennent normales, sans que leur génotype soit modifié, lorsqu' elles sont mises dans un environnement adéquat? Pour résoudre ce problème, JeanPascal Capp propose ici une théorie de la cancérogenèse qui intègre de manière cohérente le rôle des mutations et de l'environnement cellulaire. L'action des mutations n'est pas niée, mais on ne considère pas qu'il s'agisse de la cause première de la cancérogenèse. C'est un effet du dérèglement des relations entre cellules agissant comme un facteur aggravant. Cette théorie tient compte des avancées les plus récentes en biologie moléculaire, notamment la démonstration que l'expression des gènes est un phénomène probabiliste. Elle débouche aussi sur des propositions concrètes pour la recherche thérapeutique afin de tester de nouvelles stratégies. Soulignons cependant qu'il n'est pas question ici d'une énième découverte miracle assurant la guérison du cancer, comme
Préface
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il en fut annoncé de nombreuses par le passé, fortement médiatisées, mais d'une analyse rationnelle qui ouvre un champ de recherche nouveau. Nous sommes donc encore en amont d'un traitement applicable à court terme sur des malades. Comme on le sait, la recherche avance en testant des hypothèses nouvelles et rationnelles, pas en répétant toujours les mêmes modes de pensée et les mêmes expériences. Pour cette raison, il est nécessaire de proposer des théories innovantes susceptibles d'ouvrir de nouveaux champs à l'expérimentation. Il faut donc que le travail de Jean-Pascal Capp reçoive un accueil attentif et que sa théorie soit éprouvée expérimentalement. Jeanjacques Kupiec 4
4.Jean;Jacques Kupiec est biologiste moléculaire et philosophe de la biologie (Inserm et Centre Cavaillès de l'École normale supérieure, Paris). Il est l'auteur de la théorie darwinienne du développement de l'embryon qu'il a proposée dès 1981. Cette théorie introduit le hasard au niveau du fonctionnement de la cellule (notamment le génome) et la sélection naturelle dans les relations entre cellules (les cellules se différencient en fonction de leur microenvironnement, notamment les ressources métaboliques). Il a publié Ni Dieu ni gène (avec Pierre Sonigo, Seuil, 2000), L'Origine des individus (Fayard, 2008) et codirigé l'ouvrage collectif, Le Hasard au cœur de la cellule (2009, réédition Éditions Matériologiques, 2011 ), auquel a participé jean-Pascal Capp avec un chapitre intitulé << Le rôle de l'expression aléatoire des gènes dans la cancérogenèse>>.Jean;Jacques Kupiec a dirigé une Histoire critique de la biologie à paraître en 2012 aux éditions Belin. (Ndé.)
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NOUVEAU REGARD SUR LE CANCER
Avant-propos
Le cancer n'est pas une maladie unique mais un ensemble de plus de deux cents pathologies différentes qui peuvent apparaître dans tout tissu ou organe. Malgré les extraordinaires avancées de la biologie depuis plus de cinquante ans, grâce notamment à l'apport de la biologie moléculaire, et les sommes gigantesques englouties chaque année pour les comprendre, la complexité de ces pathologies fait que la communauté scientifique et médicale reste sur un constat d'échec. En effet, selon une étude de juin 2010 du Centre international de recherche sur le cancer (qui fait partie de l'Organisation mondiale de la santé, OMS), 7,6 millions de personnes sont décédées d'un cancer dans le monde au cours de l'année 2008, et 12,7 millions de nouveaux cas ont été diagnostiqués (http:/ 1 globocan.iarc.fr). La grande majorité de ces cas provient des pays en développement. D'après l'OMS, le cancer devait devenir la première cause de décès dans le monde en 2010. Vingt-cinq millions de personnes au total étaient touchées par un cancer en 2008 et trente nouveaux cas étaient diagnostiqués chaque minute. Le cancer le plus commun est celui du poumon, suivi de ceux du sein, du côlon-rectum, de l'estomac et du foie. En France, 333 000 cas ont été diagnostiqués en 2008, 189 000 l'ayant été chez les hommes (le cancer de la prostate arrive en premier, suivi du cancer du poumon et du cancer colorectal) et 144 000 chez les femmes (le principal étant le cancer du sein). Les chiffres de la mortalité suivent cette tendance, avec un total de 145 500 décès, dont 85 000 chez les
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hommes et 60 500 chez les femmes. À titre de comparaison, 565 650 personnes sont décédées d'un cancer aux États-Unis en 2008, ce qui représente plus de 1500 par jour. Un homme américain sur deux, et une femme sur trois, développeront un cancer 1. La comparaison avec les données précédentes datant de 2002 est impossible car les méthodes de calcul ont changé, mais les scientifiques s'accordent à dire que la mortalité liée au cancer a globalement progressé ces dernières années 2 . En juillet 2011, les projections de l'Institut de veille sanitaire français prévoyaient quant à elles 365 500 nouveaux cas de cancers en France métropolitaine en 2011 (ce qui représente une augmentation de 2,2% par rapport aux projections pour 2010), soit 1000 par jour. D'après ces estimations, il devrait y avoir 207 000 nouveaux cas de cancer chez l'homme et 158 500 chez la femme, et 147 500 morts (augmentation de 0,7 % par rapport à 2010), dont 84500 chez l'homme et 63000 chez la femme. Les prévisions au niveau mondial sont de l'ordre de 21,3 millions de nouveaux cas de cancer et de 13,3 millions de décès associés à l'horizon 2030 2 . Ces prévisions impressionnantes tiennent bien sûr compte de l'amélioration des méthodes de diagnostic et du vieillissement de la population, qui engendrera une forte augmentation du nombre de cas (en France, la moitié des cas de cancer est diagnostiquée après 61 ans). Toutefois d'autres facteurs, d'origine environnementale, sont également responsables de cette augmentation. Quelle que soit la contribution de ces différents facteurs, il est indéniable que le nombre de décès liés au cancer progressera fortement dans les années à venir, malgré une augmentation du taux de survie attendue dans les pays développés. Ce livre n'a pas pour objet d'étudier en détailles données épidémiologiques sur l'évolution du nombre de cas de cancer et de décès liés à la maladie. L'avant-propos vise seulement à situer l'ampleur du problème que le cancer constitue et constituera dans les années à venir. Il n'est pas non plus un réquisitoire visant à prouver que de plus en plus de facteurs
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NOUVEAU REGARD SUR LE CANCER
environnementaux liés à l'activité humaine sont responsables d'un grand nombre de cas. Il est une tentative de comprendre les raisons de l'échec des efforts entrepris depuis des décennies dans la recherche sur le cancer. Depuis le lancement du National Cancer Act aux États-Unis par Richard Nixon en 1971 (autrement appelé Jil.izr on cancer, la « guerre contre le cancer»), peu de progrès ont été réalisés dans le traitement du cancer, malgré les sommes investies. Le National Cancer Institute (NCI, Institut national du cancer des États-Unis) a vu son budget augmenter constamment depuis le National Cancer Act, pour atteindre plus de 5 milliards de dollars par an3 . Depuis 1971, le NCI a dépensé plus de 90 milliards de dollars pour la recherche, le traitement et la prévention du cancer3 . En Europe, les dépenses des organismes publics pour la recherche sur le cancer se montaient à 1,43 milliard d'euros en 200220034. En France, le Plan Cancer 2 couvrant 2009-2013 prévoit 95,3 millions d'euros pour cette même recherche5 .
Sortir d'une impasse conceptuelle
Il faut bien admettre que les dépenses dans le cadre de la« guerre contre le cancer» ont permis des avancées extraordinaires en cancérologie, et plus largement en biologie. Au cours de ces vingt-cinq dernières années, les connaissances sur la biologie du cancer ont augmenté de manière exponentielle, notamment du point de vue de la génétique et du contrôle de la prolifération des cellules. Toutefois, la transformation de ces avancées en amélioration des traitements tarde à arriver. À l'occasion de la célébration en mars 2011 du quarantième anniversaire du National Cancer Act par la prestigieuse revue scientifique américaine Science, les auteurs de l'éditorial annonçaient modestement que «les sceptiques peuvent faire
remarquer que quarante ans plus tard, les chercheurs sur le cancer sont toujours confrontés aux mêmes questions. Et peut-être y a-t-il du vrai là-dedans » 6 . Les plus optimistes affirment que «la
Avant-propos
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guerre contre le cancer n'a pas été perdue, mais [qu '}elle n'est pas non plus gagnée » 7. En réalité, les molécules actuellement les plus utilisées, les chimiothérapies visant à tuer de manière non spécifique le maximum de cellules cancéreuses, le sont depuis des décennies. Les dix-sept molécules thérapeutiques jugées «essentielles» par l'OMS pour le traitement du cancer en 1999 avaient été développées entre 1953 et 1983 8, 9 . C'est encore largement vrai en 2011. Leur efficacité a bien sûr été augmentée par diverses stratégies, mais seulement à la marge. Seule une poignée de médicaments développés depuis a eu un impact significatif sur les traitements. La grande majorité des décès liés au cancer dans les pays développés a lieu malgré l'utilisation de diverses molécules chimiothérapeutiques, souvent durant de longues périodes éprouvantes pour les patients. Ces traitements ne sont donc manifestement pas les plus adaptés et l'augmentation des connaissances en biologie du cancer n'a pas conduit à la« révolution thérapeutique» espérée. Comme nous le verrons, les mentalités évoluent tout de même et de nouvelles stratégies thérapeutiques émergent désormais. Les quelques exemples apparus durant la dernière décennie montrent toutefois que ces stratégies alternatives dites «ciblées» n'ont qu'une efficacité limitée dans le temps et restreinte à un faible nombre de cas. Parmi les huit cents traitements contre le cancer en développement dans le monde en 200910, beaucoup visaient les cellules cancéreuses de manière spécifique en ciblant des propriétés qui leur sont propres. Toutefois, ces thérapies «ciblées» présentent un taux d'échec très élevé en développement, ce qui laisse supposer qu'elles sont elles aussi fondées sur une conception de la maladie qui n'est pas la plus adéquate. L'objectif de cet ouvrage est donc double. Il s'agira dans un premier temps d'analyser pourquoi les vastes ressources humaines et financières dédiées à la compréhension du cancer et à la mise en place de traitements efficaces ont échoué. En effet, malgré l'émergence de nouvelles perspectives dans la
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NOUVEAU REGARD SUR LE CANCER
manière de concevoir les origines de la maladie (rôle des cellules souches cancéreuses), et la reconnaissance du rôle de certains facteurs négligés jusqu'ici (importance de l'épigénétique, du microenvironnement autour des cellules cancéreuses), nous verrons que le paradigme consistant à systématiquement mettre les altérations génétiques à l'origine du cancer prédomine toujours. Même si d'autres facteurs possiblement impliqués dans la cancérogenèse commencent donc à être considérés, ces évolutions récentes, que nous essaierons de définir et de décrire (notamment en termes de stratégies thérapeutiques qui en découlent), ne constituent qu'un prolongement de ce paradigme «historique» - dont le premier chapitre de l'ouvrage décrira la naissance et le développement. Nous tenterons donc d'expliquer pourquoi les recherches menées sur le cancer depuis quarante ans sous l'influence de ce paradigme ont mené à des impasses et à des contradictions patentes. Cela nous permettra de mieux souligner le nombre croissant d'arguments allant à son encontre. Certains arguments expérimentaux datent de plusieurs décennies mais ont été particulièrement négligés, tandis que d'autres, beaucoup plus récents, révèlent le dynamisme de la communauté grandissante des chercheurs dont la voix s'élève pour plaider une nouvelle approche du cancer, à la fois dans la conception des origines de la maladie et incidemment dans la manière de mettre en place des stratégies thérapeutiques plus efficaces. Ce recensement de données allant à l'encontre du paradigme qui attribue à une ou quelques cellules mutées le rôle causal dans le déclenchement de la maladie nous permettra, dans un second temps, de proposer un modèle alternatif de cancérogenèse. Ce modèle est fondé sur une vision radicalement nouvelle de la manière dont se forme un tissu, permettant de comprendre différemment comment il se désorganise dans le cas du cancer. Cette vision nouvelle repose sur des données particulièrement stimulantes qui ont notamment démontré depuis une dizaine d'années que l'expression des gènes recèle un aspect aléatoire
Avant-propos
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qui pourrait jouer, dans le modèle qui sera exposé ici, un rôle moteur dans le développement cancéreux. En considérant la variabilité de l'expression des gènes comme élément moteur de la cancérogenèse, le paradigme classique est clairement mis à mal. Toutefois, et nous insisterons sur ce point, ce modèle ne dénigre pas et ne nie pas les avancées concernant la compréhension du rôle des altérations génétiques dans le cancer. Il se propose au contraire de les inclure dans un cadre conceptuel plus large permettant de comprendre le rôle joué par les altérations génétiques, tout en intégrant d'une part les éléments nouveaux qui semblent indiquer la nécessité d'un changement de paradigme (cellules souches cancéreuses, épigénétique, microenvironnement tumoral, etc.) et d'autre part, les données contradictoires qui s'accumulent et qui forment une équation ne pouvant être résolue par la vision classique de la cancérogenèse. Cela aboutit également à une nouvelle conception du traitement des cancers, fondée sur la réduction de la variabilité de l'expression des gènes au sein des cellules tumorales par le rétablissement d'interactions cellulaires adéquates et la différenciation.
Quelques notions de base Mais avant toute chose, il est nécessaire de rappeler ici quelques notions sur le fonctionnement des organismes pluricellulaires afin de mieux appréhender par la suite les différentes facettes de la recherche sur le cancer. Les organismes pluricellulaires eucaryotes (autrement dit, ceux dont les cellules présentent des compartiments cellulaires, dont un noyau -ce qui n'est pas le cas des bactéries par exemple) ne seraient apparus qu'il y a 600 millions d'années. L'intégrité et la reproduction des organismes pluricellulaires tels que l'Homme sont conditionnées par la bonne coordination des activités de leurs cellules constituantes. Celles-ci présentent une certaine
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NOUVEAU REGARD SUR LE CANCER
spécialisation et dépendent toutes du fonctionnement correct de l'ensemble des cellules au sein de l'organisme. Cette coordination est nécessaire tout au long de la période de développement de l'organisme jusqu'à ce que l'individu atteigne la période de reproduction. l.Jensemble des processus qui permettent à une cellule d'acquérir, de maintenir et de moduler ses structures et fonctions spécialisées est appelé différenciation cellulaire. Il est possible de recenser environ deux cents types cellulaires différenciés distincts chez un mammifère. Ils sont le produit de l'expression de gènes différents dans chaque type cellulaire au cours de la différenciation, tous étant contenus dans l'acide désoxyribonucléique (ADN) des cellules, c'est-àdire le génome, qui est le même dans toutes les cellules d'un individu. I.JADN, qui se présente sous la forme de séquences constituées de quatre molécules désignées par les lettres A, G, T et C, est donc le support des gènes. (Mais l'ADN contient aussi des zones, majoritaires chez l'Homme, qui ne sont pas codantes et dont le rôle, s'il existe, reste une énigme.) À partir de l'ADN, les gènes sont exprimés sous une forme intermédiaire, l'acide ribonucléique (ARN), puis sous la forme de protéines. Ces protéines sont les molécules qui confèrent à la cellule l'immense majorité de ses fonctions. Les phénotypes, c'est-à-dire les caractéristiques cellulaires, sont donc en grande partie liés à l'expression de protéines particulières. Comme ils sont le produit de l'expression de gènes différents, les divers types cellulaires ne présentent pas le même contenu protéique (même si beaucoup de protéines sont tout de même communes). Mais ils dérivent tous de cellules souches précurseurs des tissus et des organes. Ces cellules souches précurseurs des cellules spécialisées d'un tissu ou d'un organe sont dites multipotentes, c'est-à-dire qu'elles sont capables de générer un nombre restreint de types cellulaires différents par divisions successives. Chez l'adulte, des cellules souches multipotentes ont désormais été identifiées dans de nombreux
Avant-propos
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tissus (sang, peau, intestin, etc.). Elles dérivent elles-mêmes de cellules dites totipotentes car ce sont les cellules mères de toutes les cellules de l'organisme. Elles ne sont présentes qu'au cours des premiers stades de l'embryogenèse (elles perdent ensuite leur caractère totipotent). Un corps humain est constitué d'environ dix mille milliards (1013) de cellules. Afin d'assurer le renouvellement constant des tissus tels que le sang, les épithéliums ou les cellules sexuelles, il y aurait un million de divisions cellulaires par seconde à partir des cellules souches multipotentes (les cellules différenciées ont au contraire un potentiel de multiplication très faible ou nul). La prolifération et la différenciation cellulaires peuvent aussi résulter de processus de cicatrisation (la prolifération est alors couplée à la migration des cellules, comme dans le foie ou l'épiderme) ou de régénération (chez les insectes ou les amphibiens par exemple). Mais il arrive aussi que cette prolifération ait lieu de manière pathologique. Au sein des tissus solides, les cellules forment alors une masse appelée tumeur, qui destructure le tissu d'origine et peut devenir cancéreuse (ou maligne). Les tumeurs solides sont alors appelées carcinomes lorsqu'ils résultent de la prolifération incontrôlée des cellules épithéliales qui couvrent nos surfaces internes et externes (les carcinomes représentent environ 90% de l'ensemble des cancers) 11 . Les sarcomes, beaucoup plus rares, sont des cancers solides qui se développent à partir des cellules qui forment la structure de certains tissus tels que le muscle ou l'os, ou le tissu conjonctif. Enfin, les leucémies et les lymphomes sont les principaux cancers du sang. Plusieurs types de cancer peuvent avoir pour origine un même tissu ou organe. Par exemple, les lymphomes représentent une famille de plus de vingt pathologies différentes touchant le système lymphatique 11 . Quant aux leucémies de la jeune enfance, elles different des leucémies de l'adulte par leurs propriétés et leur traitement. Les cancers peuvent présenter un profil de prolifération modéré, compatible avec une survie longue, parfois sans
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NOUVEAU REGARD SUR LE CANCER
symptôme. C'est le cas de certains lymphomes et des leucémies chroniques. Au contraire, d'autres cancers peuvent progresser très rapidement, causant de graves symptômes et la mort en quelques mois, comme dans le cas des cancers du pancréas ou des leucémies myélocytaires aiguës 12 . À partir du site d'origine (tumeur primaire), les cellules cancéreuses peuvent se répandre dans d'autres endroits de l'organisme où elles pourront proliférer et perturber les fonctions des organes touchés. Ce sont les métastases. Certains cancers comme ceux du côlon, de la prostate ou du poumon envahissent très fréquemment le foie, les os et le cerveau respectivement. Ce sont souvent ces métastases qui causent la mort. D'autres cancers envahissent les tissus localement comme dans le cas de la tête et du cou 12 . Malgré l'hétérogénéité de leur origine, des caractéristiques cliniques distinctes et des pronostics très variables, les processus cellulaires à l'origine de la progression tumorale semblent être communs à tous les cancers. Depuis la découverte de la structure de l'ADN en 1953 et la mise en place des modèles de régulation de l'expression des gènes dans les années 1950-1960, les recherches sur cette origine commune des cancers se sont focalisées sur les altérations de la molécule qui déterminerait de manière univoque, grâce au prétendu programme génétique qu'elle contient, la structure et la fonction de toute cellule de l'organisme: l'ADN. L'évolution des idées sur la nature des cancers qui ont débouché sur cette conception sera décrite dans le premier chapitre. Cette perspective historique servira de prélude à l'analyse des différentes théories et hypothèses qui ont émergé durant ces trente-cinq dernières années à propos de l'origine et du traitement des cancers, et de leur incapacité à fournir un cadre conceptuel permettant d'englober la masse de données souvent contradictoires désormais accumulées par les chercheurs en cancérologie. Cela nous permettra de développer dans la seconde partie de l'ouvrage (chapitre 2 et chapitre 3) un modèle alternatif de cancérogenèse qui pourrait résoudre ces contradictions.
Avant-propos
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Avertissements 1. Dans cet ouvrage, la nom enclature des gènes et des protéines respecte les conventions adoptées pour l'être humain, à savoir que les gènes s'écrivent en caractères majuscules italiques et les protéines en caractères majuscules romains, à quelques exceptions près comme celle de la protéine p53. 2. Ce livre fait appel à un abondant lexique spécialisé, appartenant notamment à la biologie générale, la biologie moléculaire, la biologie du développement, la cytologie, la cancérologie, l'immunologie, etc. Chaque première occurrence des termes techniques est suivie d'une courte définition entre parenthèses. Un glossaire en fin d'ouvrage rassemble ces termes et ces définitions auxquels il est donc possible de se référer si b esoin. De surcroît, des définitions plus substantielles sont également proposées dans ce glossaire.
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NOUVEAU REGARD SUR LE CANCER
chapitre
1
La recherche sur la cancérogenèse : son histoire, son actualité, ses impasses
Comment est-elle devenue une histoire de gènes?
Des premiers temps au XJx.e siècle Le cancer n'est pas une maladie moderne: il a toujours touché les humains de tout temps et de toute région 1. Des lésions cancéreuses ont été observées sur des ossements humains fossilisés des temps préhistoriques et sur des momies égyptiennes datant d'environ 3000 avantJ.-C. 2. Les premières descriptions de ce que nous appelons actuellement cancer ont été retrouvées dans le code d'Hammurabi babylonien (1750 avantJ.-C.) et dans des papyrus de l'Égypte ancienne (1600-1500 avantJ.-C.) découverts au XIXe siècle 2 . Il est possible de dater les premières études sur le cancer à l'époque préhellénique, période durant laquelle le cancer était déjà connu. Mais ce fut Hippocrate (460-377 avantJ.-C.) qui, le premier, s'y intéressa en détail et de manière rationnelle. Il lui attribua le nom de karkinol' et écrivit divers textes sur la
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maladie. Toutefois, l'authenticité de ces textes demeure soumise à controverses4 . Les réflexions d'Hippocrate sont, comme à son habitude, fondées sur de simples observations cliniques. Il est probable qu'il ne s'intéressa qu'aux manifestations de la maladie, ce qui explique que sa position sur les causes de celle-ci soit mal connue. Selon certains, il suggéra, suivant sa théorie de l'équilibre des humeurs, que le cancer est dû à un déséquilibre en faveur de la bile noire issue de la rate 3, tandis que d'autres affirment qu'il n'a jamais lié l'origine des cancers à sa théorie des quatre humeurs 4 . Dans le monde romain, Galien (129-vers 216) suivit en grande partie les idées d'Hippocrate et introduisit le mot latin cancrum. Il proposa une classification des tumeurs qui fut sa contribution majeure à la compréhension du cancer, et exerça une grande influence sur les pratiques médicales pendant près de 1500 ans 5 . Le cancer le plus connu était alors le cancer du sein, qui était déjà très répandu et craint des femmes âgées3 . Après la chute de Rome en 476, le savoir médical a stagné et de nombreux manuscrits anciens de médecine ont disparu. Toutefois, quelques savants de l'Empire byzantin préconisèrent la chirurgie pour les cancers du sein et de l'utérus vers la fin du rve siècle, et des textes de médecine grecque commencèrent à être traduits en arabe par des moines nestoriens5 . Cela fut poursuivi par des écoles musulmanes, ce qui assura leur préservation jusqu'à nous. La civilisation islamique a également laissé des textes, en particulier ceux d'Avenzoar (1091-1161) sur les cancers de l'œsophage et de l'estomac5 . Au même moment, les écoles de médecine du bas Moyen Âge à Montpellier (1150), Bologne (1158) ou Paris (1208) commencèrent à s'emparer du travail de certains de ces précurseurs. La Renaissance, avec son regain d'intérêt pour la culture grecque, fut une période riche en études d'anatomie et de chirurgie - notamment par Ambroise Paré (1510-1590) -,et surie cancer. Fallopio (1523-1562) doit être mentionné pour avoir défini la différence clinique entre tumeur bénigne et maligne, qui est encore largement applicable
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aujourd'hui. En 1540, André Vésale (1514-1564) échoua à démontrer l'existence de la bile noire. Cette période marqua donc une rupture importante, car pour la première fois depuis 1 300 ans et Galien, la théorie de la bile noire comme origine du cancer fut remise en cause. De nouvelles hypothèses purent alors être développées, notamment la théorie lymphatique du cancer dans la seconde moitié du XVIIe siècle, qui a ensuite dominé pendant plus de cent cinquante ans 2 • 5 . À cette époque, les caractères de malignité d'une tumeur ont été plus précisément énumérés par Marcello Malpighi (1628-1694) qui donna une très bonne description du carcinome du sein. Mais la définition d'un cancer eut longtemps un sens très large et ne fit jamais l'objet d'un consensus avant le milieu du xrxe siècle et l'introduction de l'histologie (étude des tissus de l'organisme). Au cours des XVII e et XVIII e siècles, le microscope commença à être utilisé et fournit des observations de plus en plus précises 6, mais celles-ci manquaient d'un concept théorique permettant de les interpréter3. Vers 1838, Theodor Schwann (1810-1882) formula la première théorie cellulaire, tandis que son maître, le physiologiste johannes Müller (18011858), adopta la notion de cellule et s'employa à établir la morphogenèse des tissus cancéreux 7. Il documenta les formes et les tailles variables des cellules cancéreuses et de leur noyau, non seulement entre tumeurs de types différents, mais aussi entre cas d'un même type de tumeur et cellules d'une même tumeur. Cela peut être considéré comme la première observation d'une forme d'hétérogénéité et d'instabilité dans les cellules cancéreuses, même si ce ne fut pas interprété comme tel à l'époque 6 . Johannes Müller fut donc l'un des fondateurs de l'histopathologie et, dans un ouvrage de 1838, il assimilait déjà les cellules morbides à des formations de type embryonnaire qui auraient été bloquées dans leur évolution 7. L'amélioration des techniques de microscopie permit alors d'augmenter les connaissances sur la structure générale des
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tissus d'animaux et de plantes, et sur leur développement. Grâce à ces progrès, la théorie cellulaire de la maladie fut formulée vers 1860 par plusieurs chercheurs6 , dont Rudolf Virchow (1821-1902) qui démontra que les cellules cancéreuses dérivent d'autres cellules 2 . Mais il faudra encore attendre plusieurs décennies pour que les techniques histologiques permettent réellement de distinguer les différents stades de la cancérogenèse selon des critères morphologiques3 . À la fin du XIXe siècle, les principaux critères de malignité étaient bien définis, en particulier l'anaplasie (perte par les cellules des caractéristiques du tissu d'origine). Le développement parallèle de l'embryologie a permis d'enrichir le jargon de la cancérologie avec un grand nombre de termes, notamment ceux de régression ou de dysplasie (perturbation de l'organisation tissulaire). Le XIXe siècle fut donc marqué par une approche tissulaire, puis cellulaire de la maladie. Il se focalisa sur les désordres organisationnels au sein des tumeurs, grâce notamment aux progrès de la microscopie et à l'apparition de la théorie cellulaire 7. L'étude du cancer restait donc alors à un niveau d'organisation supérieure à celui de la cellule, mais la recherche sur le cancer ne tarda pas à pénétrer dans le monde intracellulaire.
Les premières théories chromosomiques du cancer Theodor Boveri (1862-1915) fut le premier à proposer une théorie mécanistique pour la transmission des caractères héréditaires telle que conçue par Gregor Mendel (1822-1884). En 1892, il décrivit notamment de manière synthétique le phénomène de la méiose, ou division réductive des chromosomes lors de la formation des cellules sexuelles, les gamètes 7. Ses travaux sur la fertilisation des œufs d'oursin lui ont permis de constater que la distribution inégale des chromosomes entre cellules filles leur confère des caractéristiques propres dépendant de la combinaison aléatoire de chromosomes dont elles héritent8 . Certaines de ces cellules survivent, mais se
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développent anormalement, alors que d'autres meurent de cette distribution anormale de chromosomes. Ces observations ont convaincu Boveri que les chromosomes contiennent des «informations» différentes et l'ont conduit à formuler sa théorie chromosomique de l'hérédité. Le lien entre le développement anormal des œufs d'oursin et le comportement anormal des cellules tumorales n'a pas échappé à Boveri. Il formula l'hypothèse selon laquelle les tumeurs peuvent être la conséquence d'une mauvaise ségrégation (séparation) des chromosomes entre cellules filles. Il développa cette théorie dans son célèbre ouvrage Zur Frage
der Entstehung Maligner Tumoren (L'Origine des tumeurs malignes) 9 où il postula que la croissance des tumeurs malignes est fondée sur «une combinaison particulière et incorrecte de chromosomes qui
est la cause de la croissance anormale caractéristique des cellules filleS» 8 . En réalité, d'autres auteurs avaient déjà observé les anomalies chromosomiques au sein des cellules cancéreuses, mais peu en avaient souligné l'importance potentielle dans la pathologie 6 . Seul David von Hansemann ( 1858-1920) suggéra dans les années 1890 que les cellules cancéreuses se développeraient à partir de cellules normales à cause d'une tendance à une mauvaise distribution des chromosomes et d'autres changements chromosomiques au cours de la mitose (le processus de division cellulaire). Il peut donc être considéré comme le premier à avoir formulé une théorie chromosomique du cancer, en plus d'avoir introduit des notions cruciales comme celle de «dédifférenciation», toujours en vigueur actuellement6 . Toutefois Boveri alla plus loin, et formula des prévisions qui forment, quatre-vingt-dix ans plus tard, quelques-unes des bases fondamentales de la recherche sur le cancer8. En 1914, il écrivit:
«Il y a dans chaque cellule un arrangement inhibiteur spécifique qui ne permet le processus de division que lorsque cette inhibition est levée par une stimulation spéciale. Assumer qu'il existe des chromosomes qui inhibent la division serait cohérent avec ma théorie. Les cellules
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tumorales, dont la division est incontrôlée, surviendraient après la perte de ces chromosomes inhibiteurs. D'un autre côté, l'existence de chromosomes qui favorisent la division pourrait aussi s'inscrire dans cette perspective. La division cellulaire aurait lieu quand l'action de ces chromosomes [. . .] serait renforcée par un stimulus. Si trois ou quatre de ces chromosomes se rencontrent et créent un nombre total de chromosomes plus élevé que dans les cellules normales, une tendance à proliférer anormalement apparaîtra. » 10 Boveri expliquait donc l'origine des tumeurs par une distribution anormale de chromosomes conférant des propriétés différentes. En résumé, von Hansemann et surtout Boveri furent les premiers à souligner l'importance des changements chromosomiques dans le développement cancéreux et pensaient que pour changer le phénotype d'une cellule, son caryotype (l'ensemble des chromosomes) devait être modifié. Mais, malheureusement, ces hypothèses ont précédé les techniques nécessaires pour les tester, et les concepts de Boveri sont restés dormants pendant plusieurs décennies 11 . La notion de gène n'avait alors pas encore son sens moderne, mais si l'on substitue au mot «chromosome)) le mot «gène)) dans son acception actuelle dans les textes de Boveri, ses hypothèses prédisent notamment la découverte, couronnée d'un prix Nobel, des proto-oncogènes par Harold Varmus et Mike Bishop dans les années 1970 (voir ce chapitre, section p. 29). Mais il faut bien noter que Boveri n'a jamais fait mention de mutation. Le premier à mentionner le terme de mutation en relation avec le cancer fut Ernest E. Tyzzer (1875-1965) en 191612 . L'interprétation « mutationnelle )) des idées de Boveri ne fut réalisée qu'après sa mort, principalement par Thomas Hunt Morgan (1866-1945). Contrairement à Boveri, Morgan devint très tôt un partisan de la théorie des mutations d'Hugo de Vries (1848-1935), qui inventa ce terme en 1901 pour expliquer les variations brusques et discontinues qui pourraient permettre l'évolution des formes biologiques. Suite à de Vries, de nombreux auteurs, dont le premier et le plus prestigieux fut
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Morgan, attirèrent l'attention des chercheurs en cancérologie sur le rôle que pourraient jouer les mutations dans l'origine du cancer 13 • Cela dura jusqu'en 1927 lorsque Hermann Muller (1890-1967), jusqu'alors très critique vis-à-vis des idées de de Vries, suggéra que les mutations pourraient causer le cancer après sa découverte de l'activité mutagène (capacité de modifier la structure de l'ADN et ainsi de provoquer des mutations) des rayons X 14 .
Le rôle des virus dans la compréhension de la maladie • L'idée d'une origine infectieuse du cancer. La croyance en une origine infectieuse du cancer perdura pendant des siècles. Celle-ci était fondée sur des anecdotes faisant allusion à des «maisons du cancer» où plusieurs habitants en souffraient, ou à des <
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maladie3 . Johannes Fibiger ( 1867-1928) montra, au cours des années 1907-1913, qu'un ver appelé nématode est capable de provoquer des carcinomes gastriques chez le rat, et reçut le prix Nobel de médecine en 1926 pour cette découverte 3. Mais l'absence d'expériences rigoureuses permettant de vérifier ce travail, ainsi que d'autres études, ont finalement mené à l'idée, largement acceptée au début du xxe siècle, que le cancer n'a pas d'origine infectieuse2 . Néanmoins, en 1903, Amédée Borrel (1867-1936) émit l'idée que, malgré l'impossibilité de mettre en évidence que des micro-organismes soient à l'origine des cancers, la« théorie du parasite» n'était pas à exclure. Il proposa de chercher au niveau submicroscopique, autrement dit au niveau des virus. Mais seulement un petit nombre d'esprits indépendants eut alors la curiosité d'explorer cette hypothèse 15 . En fait, la première démonstration qu'un virus peut contribuer au développement de cancers fut faite en 1908 par Ellermann et Bang lorsqu'ils montrèrent qu'un ultra-filtrat de leucémie de poulet (obtenu par un procédé qui permet d'enlever toute cellule cancéreuse) est capable de transmettre par inoculation la maladie à des poulets sains 16 . Malheureusement, le manque de connaissance de l'époque sur la nature de l'agent infectieux ne permit pas de faire reconnaître cette observation pour ce qu'elle apportait2 . • Premières découvertes de virus tumorigènes. En 1910, Peyton Rous (1879-1970) réussit, à l'Institut Rockfeller de New York, à inoculer des cellules de sarcome de poulet à d'autres poulets, et à former ainsi de nouveaux cancers similaires aux tumeurs malignes des mammifères. Mais Rous alla plus loin, et, selon l'idée de Borrel, montra que des extraits de tumeur exempts de toute cellule sont également capables de provoquer l'apparition de cancers2 . La découverte de Rous rencontra une forte résistance académique et il fut suggéré que des fragments de cellules, ou des cellules non détectables au microscope, étaient capables de passer au travers des filtres et de provoquer
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la formation de nouvelles tumeurs 15 . La résistance face à ses résultats incita Rous à arrêter de travailler sur les sarcomes, et s'il n'avait pas vécu jusqu'à 86 ans, il n'aurait pas reçu le prix Nobel de médecine qui récompensa enfin ses travaux en 196617. En réalité, il avait identifié le premier virus tumorigène (qui provoque l'apparition de tumeurs), qui fut ensuite appelé virus du sarcome de Rous (VSR). Le dogme de l'impossibilité d'une intervention virale dans l'étiologie (la cause) du cancer resta dominant dans les années 1930-1940 et au début des années 1950. Malgré tout, l'idée qu'un agent viral puisse causer des cancers chez le poulet fut peu à peu acceptée, mais considérée comme un cas particulier, sans implication pour d'autres espèces, en particulier les mammiferes.l1opinion qui prévalait était celle de l'augmentation de la sensibilité aux agents carcinogènes due aux virus, car il fut rapporté en 1925 qu'il existe une synergie entre virus et agents carcinogènes dans le développement de cancers de la peau3 . Certains travaux permirent tout de même de changer sensiblement l'opinion dominante, notamment lorsque Shape et Hurst démontrèrent en 1933 l'existence d'un virus tumorigène de mammifères causant des papillomes (tumeurs bénignes de la peau) chez le lapin 18, puis lorsque Bittner détecta en 1936 qu'un facteur tumorigène trouvé dans le lait de souris présentait toutes les caractéristiques d'un virus 19. Toutefois, la manière dont les virus engendrent des cancers restait un mystère. La structure des virus ainsi que leur mode d'infection n'étant pas connus, le scepticisme vis-à-vis de l'origine virale des cancers s'explique facilement. Les travaux pionniers de Ludwik Gross sur le premier virus leucémique chez la souris20 et le premier virus de souris capable de former des tumeurs solides21 furent traités avec dérision. Gross fut qualifié de charlatan et accusé d'avoir falsifié ses résultats, car d'autres études n'ont pu les reproduire. Ce qui fut omis est que Gross utilisa des souris nouveau-nées pour ses expériences. Il resta marginalisé pendant plusieurs années, jusqu'à la
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découverte d'autres virus de souris tumorigènes par d'autres chercheurs22 -24 . L'étude de Gross fut confirmée en 1957 par Stewart, Eddy et leurs collègues25 , mais ceux-ci oublièrent de faire référence à ses travaux. Heureusement, Gross eut à attendre moins longtemps que Rous la reconnaissance de ses découvertes. • Étude moléculaire des virus tumorigènes et découverte de proto-oncogènes. Au début des années 1960, plusieurs virus tumorigènes humains furent découverts2 . Tony Epstein détecta notamment en 1964 des particules du virus de l'herpès dans des lymphomes de Burkitt26 . Il fut également établi à cette époque que le virus de l'hépatite B est une cause d'hépatome (cancer du foie), et que le virus du papillome humain est responsable de tumeurs bénignes et malignes2' 3 . Les virus tumorigènes sont alors considérés comme capables d'initier et de maintenir les caractéristiques cancéreuses des cellules infectées, notamment chez l'humain. Mais il fallut attendre l'apparition de nouvelles technologies liées à la découverte de la structure de l'ADN27 et au génie génétique pour pouvoir identifier les premiers gènes viraux impliqués dans la cancérogenèse, ce qui mènera à la fondation de la biologie du cancer moderne. Dans les années 1960, les gènes, qui étaient jusqu'alors des entités abstraites, se sont matérialisés en séquences spécifiques d'ADN. Il fut notamment possible de montrer que le VSR est formé d'ADN qui est synthétisé à partir d'ARN viral par une enzyme appelée transcriptase inverse. Le virus peut alors s'intégrer dans le génome de l'organisme infecté (appelé l'hôte) 28 . En 1969, Huebner et Todaro proposèrent l'hypothèse d'une origine « oncogénique » du cancer. Ils pensèrent alors que des virus présents dans les cellules de l'hôte pouvaient être transmis de manière héréditaire et contenaient des gènes transformants ou «oncogènes» favorisant le cancer, et que l'activation de ces virus tumorigènes endogènes par des facteurs environnementaux comme les radiations ou par le vieillissement pouvait être à l'origine du cancer29 . Mais il
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restait alors de nombreuses questions en suspens30. Comment agissent les oncogènes viraux? Leurs mécanismes d'action miment-ils les événements qui provoquent la cancérogenèse par d'autres moyens, comme les agents carcinogènes chimiques ou les mutations spontanées ? Les réponses à ces questions sont venues de la découverte que les oncogènes viraux sont très proches de séquences d'ADN contenus dans le génome de l'hôte. L'étude du VSR mena notamment à une des plus grandes découvertes de l'histoire de la recherche sur le cancer quand Dominique Stéhelin, Michael Bishop et Harold Varmus ont montré que l'oncogène SRC du VSR possède une forte homologie (similarité de séquence du gène) avec le gène SRC présent naturellement dans le génome du poulet31 . Il semblait donc que cet oncogène du VSR était à l'origine un gène cellulaire et dérivait du génome des organismes infectés2 . Cela a ensuite été démontré pour d'autres oncogènes viraux, qui se sont avérés être d'origine cellulaire. C'est le cas par exemple du gène MYC impliqué dans le lymphome de Burkitt32 . Cela suggéra immédiatement à Varmus et Bishop que ces gènes présents dans toutes les cellules «normales>> et proches des oncogènes viraux pourraient être mutés, amplifiés ou exprimés de manière aberrante et ainsi contribuer à la cancérogenèse30 , même en l'absence de tout virus. Ces gènes sont appelés «proto-oncogènes» pour les distinguer des oncogènes décrits par Huebner et Todaro. Bishop et Varmus reçurent le prix Nobel en 1989 pour leur découverte des proto-oncogènes et de leur rôle central dans le développement cancéreux. Ces proto-oncogènes cellulaires seront donc vus comme des ennemis de l'intérieur, des gènes dont la mutation ou la modification du niveau d'expression provoque la formation de cancers. Une étape supplémentaire était franchie dans la mise en place de ce qui deviendra dans les années 1980 et 1990 un paradigme réduisant le cancer uniquement à des désordres génétiques. Aujourd'hui, plus
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de 70 proto-oncogènes cellulaires ont été identifiés à partir de l'étude des virus tumorigènes, presque tous codant pour des protéines impliquées dans le contrôle de la prolifération cellulaire ou de la mort cellulaire 2 . Mais le rôle des virus ne fut pas le seul facteur à favoriser cette vision unilatérale de la maladie. L'étude des modes d'action des divers agents chimiques carcinogènes, les études cytogénétiques des années 1960 et 1970, ainsi que la découverte des premières prédispositions génétiques au cancer allaient la renforcer.
La découverte des agents mutagènes Même si les acides nucléiques ont été découverts au milieu du XIXe siècle, l'importance de l'ADN dans l'hérédité, les virus et le cancer ne fut réellement établie qu'au début des années 1940. Les recherches sur l'ADN dans le contexte de la carcinogenèse ne devinrent intensives qu'au cours des années 1950 et 1960. En effet, parallèlement aux découvertes effectuées en virologie, la recherche sur le cancer a connu à cette époque des développements importants grâce à: 1. l'étude du mécanisme d'action d'agents carcinogènes en termes biologiques, notamment avec le développement du concept de phases distinctes durant la carcinogenèse (voir ce chapitre, section p. 42); 2. l'étude du métabolisme des agents cancérigènes et leurs réactions avec des composés spécifiques de la cellule et notamment l'ADN; 3. l'étude des effets mutagènes de certains agents cancérigènes. Au niveau technique, d'importantes contributions sont venues de l'étude de la transformation in vitro (à l'aide de cellules dissociées cultivées au laboratoire) de cellules normales en cellules tumorales par les rayonnements ionisants (dont les rayons X) ou des agents cancérigènes chimiques3 3, 34 . En 1918, au japon, Yamagiwa et Ichikawa ont été les premiers à montrer l'action cancérigène du goudron de houille sur des lapins35, ce qui fut une confirmation de données épidémiologiques antérieures montrant une recrudescence de cancers du scrotum
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chez les ramoneurs 33 . Mais la composition du goudron étant complexe, il fallut attendre la fin des années 1920 et le début des années 1930 pour que des scientifiques montrent que la cancérogenèse chimique est plus spécifique de certaines molécules que ce qui était alors admis3 . Des chimistes anglais, notamment Kennaway 36 , purent identifier des molécules appelées hydrocarbones aromatiques polycycliques (comme le benzo(a)pyrène) qui ont ensuite été impliquées dans le développement de cancers de la peau chez la souris33. La nature de ces agents chimiques a mené Miller et Miller a formulé l'hypothèse selon laquelle beaucoup d'entre eux requièrent, pour être cancérigènes, une activation en interagissant avec des molécules de la cellule37. Les études épidémiologiques commencèrent alors à montrer l'importance de nombreux agents chimiques dans l'apparition de cancers. Vers 1950, environ 1 300 substances chimiques étaient référencées comme ayant un pouvoir cancérigène. Certaines études ont eu un impact très fort, comme celles faisant un lien entre le cancer du poumon et le tabac 38 . Mais les mécanismes par lesquels agissent ces carcinogènes restèrent énigmatiques jusqu'à ce que différentes études montrent le pouvoir de certains de ces agents de se lier à l'AD N 3. Ce fut notamment Bruce Ames qui put montrer que de nombreux agents cancérigènes connus étaient, spontanément ou après transformation par l'organisme, capables d'interagir avec l'ADN et de provoquer la formation de cancers 39 . La découverte que les gènes sont constitués de séquences d'ADN a rendu concevable l'idée que les gènes puissent être modifiés par des agents mutagènes et donc provoquer la production anormale de certaines protéines ou de protéines anormales. I.;étude de la cancérogenèse se focalisa alors sur la modification du matériel génétique des cellules par des agents chimiques, ce qui permit d'identifier des mutations impliquées dans le développement du cancer qui résultaient de l'action d'agents chimiques40 . La capacité de liaison d'agents carcinogènes avec
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des molécules de la cellule, et surtout les propriétés mutagènes de certaines de ces substances, furent toutes incorporées dans la conception contemporaine de l'étiologie du cancer fondée sur la modification de l'ADN.
Des translocations chromosomiques liées au cancer Le développement des techniques cytogénétiques (d'analyse des chromosomes) a été crucial pour l'étude des anomalies chromosomiques observées par Boveri sous son microscope. Dans les années 1930 et 1940, quelques études semblèrent confirmer que les cellules cancéreuses sont caractérisées par un nombre anormal de chromosomes, mais «l'âge moderne>> de la cytogénétique n'a malgré tout commencé qu'au milieu des années 1950, quand l'amélioration des techniques de culture de cellules in vitro et de préparation d'échantillons a rendu possible l'énumération correcte du nombre de chromosomes humains 11 . Le développement de ces techniques a notamment permis à Peter Nowell d'identifier un petit chromosome anormal caractéristique des cellules cancéreuses de deux patients souffrant de leucémie myéloïde chronique (LMC) 41 . Il le retrouva par la suite chez d'autres patients souffrant de la même maladie et, comme l'identification des chromosomes impliqués n'était pas encore possible, il fut nommé «chromosome Philadelphie». Nowell écrivait, en 1998, que «le fait qu'une
altération spécifique soit retrouvée dans presque tous les cas de LMC supportait l'hypothèse de Boveri que les tumeurs sont générées par une altération spécifique dans une seule cellule, suivie d'une sélection clonale de cette cellule. Le chromosome Philadelphie semblait être le changement génétique crucial pour le développement de cette forme de leucémie humaine»ll. Dans un article paru en 2000, il raconte: «C'était une époque stimulante pour l'hypothèse des mutations, car c'était la première découverte d'une anomalie spécifique dans un cancer particulier. » 32 Ces propos permettent de mieux comprendre l'attrait qu'a pu susciter une telle découverte. Elle semblait
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couronner un certain déterminisme génétique dans l'étiologie du cancer, mais paradoxalement, ces premières découvertes n'ont eu qu'un effet limité sur les théories de la cancérogenèse, notamment parce que le chromosome Philadelphie semblait manquer dans 10% des cas de LMC et que le pronostic était plus mauvais chez les patients ne le présentant pas 3 . De plus, la présence de ce chromosome au stade préleucémique n'était pas certaine, laissant croire que cette anomalie était une conséquence plutôt qu'une cause du processus. Enfin, les recherches sur les cas de xeroderma pigmentosum (un syndrome héréditaire de prédisposition au cancer de la peau et des yeux) ne favorisaient pas l'hypothèse d'une anomalie génétique spécifique dans l'étiologie des cancers, car ces patients présentent une très grande variété d'altérations génétiques3 . Avec les techniques disponibles au temps de la découverte du chromosome Philadelphie, aucun autre réarrangement chromosomique ne put être détecté dans d'autres types de cancer, ce qui fit dire à certains que le chromosome Philadelphie était un «épiphénomène» sans grande importance 11 . Ce n'est qu'avec l'amélioration des techniques de marquage des chromosomes et les techniques de biologie moléculaire que purent être identifiés les chromosomes impliqués dans la formation du chromosome Philadelphie (chromosomes 9 et 22) 42 . Janet Rowley identifia en 1972 une translocation (échange réciproque de fragments de chromosomes) entre les chromosomes 8 et 21 spécifique de patients souffrant de leucémie myéloblastique aiguë. Puis, en 1977, la translocation t(15;17), spécifiquement observée dans les cas de leucémie promyélocytaire aiguë, fut découverté 3 . En 1998, Rowley écrit: «Ce troisième exemple de translocation [ . .]
me convainquit que ces bouleversements chromosomiques étaient une composante essentielle du processus de cancérogenèse hématologique. » 11 Dans les années 1980, de nombreuses autres altérations de ce genre ne tardèrent pas à être découvertes, non seulement dans des leucémies, mais aussi dans des lymphomes et des
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sarcomes. De plus, au début des années 1980, il devint clair que les anomalies chromosomiques avaient des implications dans le pronostic de la maladie, et le caryotype des patients devint progressivement un critère de décision dans l'attribution d'un traitement. Puis une réelle révolution eut lieu en octobre 1982 quand il fut annoncé par deux équipes de recherche indépendantes que la zone de jonction du réarrangement chromosomique t(8;14) du lymphome de Burkitt était identifiéé 4• 45 . Cette nouvelle aura un impact considérable sur la manière d'appréhender la maladie. En effet, elle fournissait des informations sur les gènes impliqués au niveau de cette translocation, mais également des informations cruciales sur ses conséquences biologiques. Puis ce fut au tour de l'oncogène créé par la translocation t(9;22) du chromosome Philadelphie d'être identifié 46 . La première démonstration qu'une translocation peut mener à la formation de gènes anormaux résultant de la fusion de deux gènes issus de deux chromosomes différents, et ainsi à la production d'une protéine chimérique favorisant le développement du cancer, était réalisée. La découverte de translocations qui semblent spécifiques de certains cancers, et l'identification des gènes impliqués dans celles-ci, allaient puissamment renforcer le paradigme génétique de l'étiologie des cancers43 . En effet, la description des altérations du matériel génétique semblait devenir la manière la plus intéressante et fructueuse d'appréhender la cancérogenèse. Mais une dernière révolution allait encore favoriser cette position.
Prédispositions héréditaires au cancer et gènes suppresseurs de tumeurs La question du caractère héréditaire de certains types de cancers a une longue histoire. Dès 1730, des exemples de cancers familiaux, donc probablement héréditaires, étaient déjà décrits3 . En 1775, Bernard Peyrilhe (1737-1804) refusa l'idée d'une hérédité
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directe du cancer, mais proposa celle d'une prédisposition au cancer. Toutefois, il était à l'époque difficile de distinguer hérédité directe et prédisposition, et la question du caractère héréditaire du cancer resta taboue pendant très longtemps. Il fallut attendre les années 1970 et les études épidémiologiques menées notamment par Alfred Knudson pour comprendre le mécanisme de certaines prédispositions héréditaires au cancer. Le rétinoblastome était alors déjà un type de cancer connu sous deux formes, héréditaire et non héréditaire. En 1971, Knudson proposa un lien entre les deux formes de la maladie grâce à un modèle mathématiqué7. Il émit l'hypothèse que ces cancers peuvent se développer chez des personnes ayant une susceptibilité liée à une mutation héréditaire sur une des deux copies du gène présentes naturellement dans les cellules (donc dans les cellules sexuelles d'un des géniteurs et transmise à toutes les cellules du descendant) à condition qu'une mutation supplémentaire, de nature somatique (c'est-à-dire non héritée, se produisant dans les cellules non sexuelles au cours de la vie de l'individu), ait lieu sur la seconde copie du gène dans certaines cellules du descendant47. Ce second événement était donc supposé être nécessaire au développement cancéreux. Dans les cas de rétinoblastome non héréditaire, les deux mutations étaient supposées être d'origine somatique. Cela justifiait l'incidence importante de rétinoblastome dans les cas d'une mutation héréditaire (tumeurs environ 30000 fois plus fréquentes), ainsi que le très jeune âge des patients lors de leur apparition. Le fait que les deux copies du gène doivent être inactivées a permis d'introduire le terme de «gène suppresseur de tumeurs» pour le dénommer. Cette hypothèse fut confirmée par l'étude ultérieure qui permit de localiser l'altération génétique imaginée par Knudson, puis par l'identification en 1986 du gène responsable de la prédisposition héréditaire au rétinoblastome, RB748 . La découverte du rôle de ce gène dans le contrôle de la prolifération cellulaire ne fut réalisée qu'au début des années 1990.
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Un autre gène, appelé TP53, semble être le plus fréquemment muté dans les cancers. Il fut tout d'abord identifié par l'intermédiaire de son association avec des protéines issues de virus et favorisant le cancer49, 50 . Les auteurs de ces recherches ont d'abord pensé qu'il s'agissait d'un proto-oncogène cellulaire, mais il fut ensuite démontré qu'il était capable d'empêcher la formation de tumeurs et qu'il était inactivé dans certains cancers humains. La protéine RB1 s'associant également à des protéines virales51 , 52 , il fut alors accepté que TP53, comme RB1, est un gène suppresseur de tumeur. Le gène TP53 codant pour la protéine p53 est le gène muté dans la plupart des cas de l'un des syndromes héréditaires prédisposant au cancer : le syndrome de Li-Fraumeni. Ce gène est l'un des plus étudiés dans la recherche actuelle sur le cancer, notamment parce que la protéine p53 présente des fonctions variées dans la cellule, dont la principale est liée à l'apoptose, la forme majeure de mort cellulaire «programmée», dont l'absence est cruciale dans le cancer (voir ce chapitre, section p. 50). Ces deux exemples sont les plus marquants des années 1970 et 1980 quant aux travaux sur les prédispositions au cancer. Ils furent si importants qu'ils allaient faire admettre une composante héréditaire à de nombreux types de cancer et servir d'exemples à ce qui deviendra une course à la découverte de gènes mutés ou de polymorphismes (variations non pathologiques dans la séquence du génome entre individus) qui prédisposent au cancer53, 54. La découverte de l'instabilité de certaines séquences d'ADN dans des cancers du côlon héréditaires (non polypeux) et l'identification des gènes impliqués dans la réparation de ces séquences (MLH1 et MSH2) sont également à inscrire dans cette perspective, car des mutations de ces gènes augmentent fortement le risque de cancer55 -57. Puis la découverte de divers syndromes de prédisposition au cancer, par exemple ceux liés à des altérations des gènes codant pour les protéines BRCA1 et BRCA2 (prédispositions au cancer du sein et de l'ovaire58 • 59) ou CDKN2A (prédisposition au mélanome) 60, a engendré
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une augmentation du nombre de gènes pouvant prédisposer au cancer; ils s'élèvent désormais à plus de trente54 . Quelques-uns sont des proto-oncogènes ou des gènes liés à la réparation de l'ADN, mais ce sont majoritairement des gènes suppresseurs de tumeurs. Toutefois, en 2002, Knudson admit que «certaines,
voire la plupart des altérations génétiques observées dans la majorité des cancers, pourraient ne pas être spécifiques, mais être le reflet de la déstabilisation du génome et le résultat de la cancérogenèse, même si, d'un autre côté, les anomalies uniques et spécifiques de leucémies, lymphomes et sarcomes, ainsi que celles transmises par les personnes génétiquement prédisposées au cancer, sont clairement significatives pour le processus tumoral >>61 • Conclusion L'ensemble des découvertes décrites dans ce chapitre et les travaux qui s'en suivirent ont sans aucun doute permis d'élucider les voies de contrôle de la prolifération cellulaire (voir ce chapitre, section p. 50). Mais l'augmentation du nombre de gènes impliqués dans la cancérogenèse (voir ce chapitre, section p. 54) a démontré la complexité des voies et des réseaux dans lesquels ils interviennent. Cette complexité rend difficile l'interprétation de très nombreuses observations à propos des modifications du génome dans les cancers humains, et le choix des cibles pour une intervention thérapeutique. Cette difficulté d'intégrer les données moléculaires et génétiques n'est pas propre à l'étude du cancer, mais semble représentative des limites actuelles de la compréhension moléculaire du vivant. La réalité semble être que le cancer n'est pas seulement une maladie de la cellule et que l'étude des oncogènes et des gènes suppresseurs de tumeurs n'a révélé qu'un pan intracellulaire de la maladie. En plus d'un taux de prolifération des cellules accru, les marques classiques de la malignité sont une perte de l'architecture normale des tissus, une rupture des frontières de ceux-ci, des changements au niveau du tissu conjonctif (ou stroma), l'angiogenèse (formation
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de nouveaux vaisseaux sanguins) ou encore la perturbation d'autres organes par métastases (voir ce chapitre, section p. 50) 62 . Le cancer peut donc être vu comme une dérégulation des processus finement coordonnés qui gouvernent normalement l'intégration des cellules individuelles dans les tissus, les tissus dans les organes et les organes dans des fonctions physiologiques. L'étude de la dynamique de la tumeur elle-même permet notamment de mettre en évidence que la cancérogenèse est un processus évolutif à l'échelle cellulaire dans lequel l'altération du génome joue un rôle sans doute important, mais qui n'est pas unique.
La cancérogenèse, un processus évolutif à l'échelle cellulaire
Différentes phases pour un même processus Le travail fondateur de la théorie multiétapes de la cancérogenèse fut réalisé par Armitage et Doll en 1954. En se fondant sur l'étude de la relation entre l'âge et la mortalité pour des cancers de différents tissus et pour chaque sexe, ils proposèrent, à l'aide d'un modèle mathématique, que la remarquable régularité observée entre tranches d'âge et taux de mortalité pourrait être expliquée par un modèle multiétapes63 . Cette idée avait déjà été émise par Fisher et Hollomon, qui proposèrent un modèle où le taux de mortalité est directement proportionnel à la puissance 6 de l'âgé 4, puis par Nordling, qui proposa que la relation puisse être expliquée par l'apparition successive de sept mutations65 . Mais Armitage et Doll allèrent plus loin en affirmant que les événements aboutissant au développement cancéreux ne doivent pas nécessairement être des mutations, et qu'il faut examiner l'influence des agents cancérigènes agissant à différents stades du processus sur l'évolution temporelle du risque d'apparition de cancer66 . Pour eux, il suffit de postuler que les changements soient «spécifiques et discrets», que chaque
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état soit stable et que ces changements apparaissent dans un ordre précis63 . C'est notamment l'influence des sécrétions endocriniennes (qui varient au cours du temps) dans les cancers de la prostate, du sein, de l'ovaire et de l'utérus qui les a conduits à constater que dans le cas de ces tissus, le taux de mortalité ne peut être en aucun cas uniformément lié à l'âge. Ces «irrégularités» dépendent du stade auquel agit l'agent cancérigène et/ou à quel stade il est le plus actif63 . Dans leur article, Armitage et Doll affirmèrent également que la théorie multiétapes de la carcinogenèse permet d'expliquer plus facilement la période de latence suivant l'exposition à un agent cancérigène. De plus, leur modèle permettait de prédire la diminution de l'incidence de cancer lorsqu'une telle exposition cesse. En effet, la vitesse d'apparition d'un cancer après arrêt de l'exposition tend à se rapprocher de celle des sujets non exposés. Ce phénomène a été démontré chez les ex-fumeurs par exemple, parmi lesquels, après environ quinze ans, l'incidence de cancers du poumon est sensiblement la même que parmi les non-fumeurs66 . Malgré le peu de connaissances alors acquises sur les bases moléculaires de la maladie, les prédictions d' Armitage et Doll restent actuellement sans grande contestation, et leur article est l'un des rares qui continue à être largement cité cinquante ans après sa parution. C'est la combinaison du concept de cancérogenèse multiétapes avec des données épidémiologiques qui a permis le succès de leurs idées, et qui a abouti à la conception actuellement majoritaire du processus cancéreux.
Initiation, promotion, progression Depuis plus d'un siècle, il est connu, au niveau clinique, qu'au cours de leur évolution, les tumeurs deviennent de plus en plus agressives et présentent des caractéristiques de plus en plus malignes. Ce phénomène est appelé «progression de la tumeur» et c'est Leslie Foulds qui, en 1957, fut le premier à décrire cette évolution en termes d'étapes à travers des stades
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qualitativement différents 67. Les études de carcinogenèse chez l'animal, ainsi que d'autres données épidémiologiques, ont ensuite permis de démontrer clairement que la formation d'un cancer est un processus multiétapes impliquant divers mécanismes. Isaac Berenblum fut l'un de ceux qui permirent de conforter cette hypothèse. Berenblum et Shubik montrèrent dès 1947 que deux étapes peuvent être distinguées dans la cancérogenèse: l'initiation et la promotion58 . Certaines des substances chimiques cancérigènes, qui seront appelées initiateurs, peuvent engendrer le processus, mais il faut qu'agisse ensuite un autre agent, appelé promoteur, pour que la prolifération cellulaire ait lieu. Ils démontrèrent que l'initiation peut être provoquée par l'application d'un agent chimique mutagène sur la peau d'un rongeur, mais aussi que ces modifications du génome n'engendrent pas de conséquence détectable tant que l'on ne provoque pas une promotion par un nouvel agent capable soit de «stimuler» la prolifération cellulaire, soit de désorganiser le tissu. Ces études permirent à Berenblum d'élaborer sa théorie de la carcinogenèse chimique en deux étapes68•69 . Pour la promotion, Berenblum et Shubik utilisèrent les esters de phorbol, qui sont des agents chimiques non mutagènes altérant les communications intercellulaires. Il faut noter que la promotion est efficace même si le délai d'application après l'action de l'agent mutagène est très long. De 1975 à 1985, on vit augmenter le nombre des modèles d'analyse de la carcinogenèse. Les chercheurs, en se focalisant sur les agents ayant un effet immédiat sur les cellules et les tissus, ont pu identifier un nombre croissant d'agents carcinogènes. Ils purent également corréler les changements tissulaires associés à ces agents et déterminer les stades auxquels ils agissent7°. Il a résulté de ces développements une attention accrue quant au concept de cancérogenèse par multiétapes in vivo et aux similarités et différences de réponse aux agents carcinogènes, initiateurs ou promoteurs, dans les différents tissus et organes 70 .
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Il est maintenant admis que l'initiation est due à l'altération du génome, ce qui rend les cellules capables de se diviser de manière anormale grâce à la transformation de protooncogènes en oncogènes ou à la perte de gènes suppresseurs de tumeur 71 . Mais les cellules initiées restent clairement sous contrôle tant que le tissu environnant reste intègre et que les interactions cellulaires sont fonctionnelles. La promotion permet quant à elle la prolifération cellulaire des cellules initiées. La majorité des agents promoteurs agit de manière réversible, car très souvent les lésions disparaissent si le promoteur n'est pas appliqué suffisamment longtemps et à dose suffisante. Les agents mutagènes peuvent être promoteurs en provoquant la mort de nombreuses cellules environnantes et de cette manière altérer la structure tissulaire 71 . Néanmoins, beaucoup d'agents de promotion n'agissent pas ainsi, mais altèrent plutôt les communications cellulaires qui jouent un rôle crucial dans le maintien de l'intégrité tissulaire. Par exemple, la perturbation des jonctions cellulaires (un type d'interactions directes par lesquelles s'établit une communication directe entre cellules) par les esters de phorbol favorise la prolifération tumorale 72 ·74 . L'endommagement du microenvironnement cellulaire diminue donc la capacité du tissu à maintenir les cellules dans un état non proliférant. Durant la promotion, les cellules initiées prolifèrent en une masse de cellules non totalement différenciées dans le tissu. Les nodules dans le foie, les papillomes dans la peau et les polypes dans le côlon sont autant d'exemples de cellules s'étant multipliées en une masse de cellules seulement partiellement différenciées. Enfin, si des cellules de cette masse acquièrent des altérations génétiques ou épigénétiques supplémentaires (voir ce chapitre, section p. 75 pour la notion d'épigénétique) leur permettant de migrer et d'envahir d'autres tissus, la phase de progression du cancer est atteinte 75 . La tumeur est alors très hétérogène et il existe une compétition darwinienne entre les sous-populations (voir ce chapitre, section p. 47).
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Concernant l'initiation du processus, les études se sont donc très largement consacrées aux altérations génétiques causées par certains agents cancérigènes. Cependant, comme le signale Emmanuel Farber dès 1984, certains aspects demandent à être éclaircis, notamment le rôle de la prolifération cellulaire dans l'initiation. Farber a remarqué, par l'étude des papillomes de la peau et des nodules du foie, la nature essentiellement physiologique et métabolique de l'initiation dans certains cas. Cette initiation serait un processus de dédifférenciation qui permettrait l'adaptation des cellules à une modification de leur environnement et les rendrait capables d'être les cellules progénitrices des futures cellules cancéreuses 70 . Farber admit qu'il est évident que les altérations de l'ADN peuvent avoir un rôle dans l'initiation, notamment les mutations au sens classique et les réarrangements chromosomiques. Mais il nota aussi que certains «initiateurs» ne possèdent aucune capacité de liaison avec l'ADN et qu'un des aspects importants de l'initiation est la prolifération cellulaire. l.Jexemple des déficiences en choline et en méthionine (deux molécules du métabolisme cellulaire) est cité pour ensuite demander «comment de tels agents initient-ils la carcinogenèse » 70 ? De plus, certaines données concernant l'initiation par des agents mutagènes sont troublantes. Par exemple, Gould a montré en 1984 que le nombre de cellules initiées par des rayons X capables de former des tumeurs après greffage dans le coussinet graisseux de la patte de rats n'était pas proportionnel à la dose de rayonnement. De plus, l'irradiation de mamelles de souris avec une dose de rayonnement de 1 gray provoque un cancer chez 14 % des souris, alors que si les cellules mammaires sont dissociées après irradiation puis greffées dans les coussinets graisseux de la patte, des cancers se développent chez tous les animaux 71 . Cela semble signifier que la rupture des interactions cellulaires et la dissociation des cellules sont primordiales pour l'obtention des propriétés tumorales.
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Malgré des données évoquant que les altérations génétiques ne sont pas les seules à jouer un rôle dans l'initiation du processus tumoral, la description de celui-ci va prendre sa forme la plus communément acceptée aujourd'hui, suite à un article de Peter Nowell, datant du milieu des années 1970, qui allait consacrer la vision purement génétique de la pathologie 77.
Peter Nowell, ou comment mettre en place un paradigme Comme indiqué plus haut dans ce chapitre (voir section p . 47), Nowell fut le premier à décrire le chromosome Philadelphie, présent dans la plupart des cas de LMC. Cette observation suggérait qu'une altération génétique se produisant dans une cellule de la moelle osseuse pourrait conférer un avantage sélectif de croissance à cette cellule par rapport aux autres, ce qui lui permettrait de proliférer anormalement dans la moelle et le sang, et conduirait aux caractéristiques cliniques de la leucémie 76 . De plus, l'amélioration des techniques cytogénétiques a permis d'identifier des altérations génétiques qui semblent apparaître de manière séquentielle dans de nombreuses tumeurs et de les corréler à des caractéristiques cliniques et biologiques de plus en plus agressives. Par exemple, dans le cas de la LMC, la crise aiguë qui a lieu après plusieurs années et se caractérise par un changement très important dans l'agressivité de la maladie a été associée à des changements cytogénétiques additionnels dans les cellules leucémiques 76 . Cela suggérait fortement que l'acquisition de ces changements était responsable de la progression clinique de la maladie. Ce genre d'études a été répété dans les années 1970 pour une grande variété de tumeurs, et a montré un parallèle entre le nombre d'anomalies chromosomiques dans la tumeur et son degré clinique. De ces données expérimentales provenant de divers laboratoires, Nowell tira un article théorique en 1976 où il proposa que la plupart des cancers se développent par expansion clonale à partir d'une seule cellule qui, quelque part
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dans le corps, acquiert une ou plusieurs mutations conférant à sa progéniture l'avantage sélectif de croissance nécessaire à cette expansion77• De plus, Nowell postula que, aux stades précoces du processus, un ou plusieurs gènes impliqués dans le maintien de l'intégrité du génome sont également mutés, ce qui conférerait aux cellules précancéreuses une instabilité génétique augmentant la probabilité d'apparition de mutations supplémentaires dont pourraient résulter des sous-populations aux caractéristiques plus agressives. À la même époque, d'autres chercheurs, notammentjohn Cairns, ont également souligné le rôle central que la réparation de l'ADN et la variabilité génétique pourraient jouer dans la cancérogenèse 78. Le modèle de Nowell établit donc une version modernisée de la première théorie des mutations somatiques comme origine du cancer émise au début du .xxe siècle. Cette vision d'une origine génétique de la maladie a été perfectionnée et étendue depuis, notamment par Bert Vogelstein 79 . Il décrit le processus darwinien à l'œuvre au sein des tumeurs, entre cellules cancéreuses ayant des contenus génétiques différents. Vogelstein notamment introduit l'idée de la nécessité d'une instabilité génétique < <juste adéquate», qui permet aux cellules cancéreuses d'accumuler suffisamment de mutations pour passer les différentes barrières de sélection au sein de l'organisme, mais qui n'est pas trop élevée de manière à ne pas être délétère 80 . Beaucoup d'autres auteurs insistent désormais sur ces aspects évolutionnistes de la dynamique au sein des tumeurs81 -83 .
Un paradigme puissant, mais très tôt critiqué Malgré l'enthousiasme suscité par ce modèle, des critiques furent rapidement formulées. Par exemple, concernant le chromosome Philadelphie, Janet Rowley remarqua déjà en 1984 que les données provenant des études sur les populations cellulaires de patients atteints de LMC semblent indiquer que l'événement initial implique une prolifération de cellules de caryotype normal, et que l'anomalie chromosomique apparaît
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dans une cellule appartenant à ces cellules qui prolifèrent de manière anormalé3. Concernant l'hypothèse d'Alfred Knudson, une large étude épidémiologique du rétinoblastome en France semblait indiquer dès 1976 que plus de deux événements sont nécessaires pour qu'apparaisse la maladie84 . De plus, comme l'ont remarqué Hamel et ses collègues, toutes les cellules de rétinoblastome sont aneuploïdes, c'est-à-dire présentent un nombre anormal de chromosomes, ce qui indique qu'au moins un troisième événement est nécessaire pour que le cancer apparaisse85 (le rapport entre aneuploïdie et cancérogenèse sera discuté plus longuement dans la section p. 61 de ce chapitre). Knudson écrivit lui-même en 2001 un article intitulé «Deux événements génétiques (plus ou moins) pour le cancer» 86 . Mais au-delà d'exemples précis, ces découvertes ont surtout amené les chercheurs à s'interroger sur le fait que l'étude des oncogènes ou de gènes suppresseurs de tumeurs humains puisse effectivement permettre de mieux comprendre l'origine du cancer. En d'autres termes, ceci ne serait-il pas un réductionnisme naïf? En 1983, un auteur anonyme s'interroge dans la revue Nature: «Est-ce qu'un phénomène biologique aussi complexe que le cancer peut être expliqué aussi simplement ? N'est-il
pas outrageusement réductionniste de proposer une simple explication moléculaire à une aberration biologique connue pour impliquer de nombreux types d'interactions cellulaires ainsi que des influences environnementales ? » 87 En rappelant que le réductionnisme consiste à expliquer des phénomènes complexes en termes de comportements additifs d'entités plus ou moins élémentaires, cet auteur s'attache à dire qu'en biologie, les réductionnistes sont les biologistes moléculaires. Mais il rappelle aussi que, sur la base de ce qui s'est passé dans d'autres disciplines scientifiques, il serait dangereux de prétendre que des processus complexes ne puissent en aucun cas être expliqués en termes de phénomènes simples, et que la balance entre les réductionnistes et leurs critiques penchera en fonction des discordances entre des découvertes empiriques inattendues et les prédictions des
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réductionnistes. Nous tenterons dans la suite de l'ouvrage de reconsidérer cette question près de trente ans après.
L'ère moléculaire de la progression tumorale La communauté scientifique a désormais largement accepté l'idée que la cancérogenèse est un processus fondé sur la sélection successive de cellules qui deviennent de plus en plus agressives grâce à l'acquisition d'altérations génétiques leur conférant un avantage de croissance sur les cellules environnantes. La genèse de ce paradigme a eu lieu à partir de données épidémiologiques, mais le rôle des altérations génétiques dans la progression tumorale fit introduire la notion de variabilité génétique comme « moteur~~ de la maladie, malgré l'absence de données permettant d'affirmer que le cancer est réellement initié par de telles altérations. Il est désormais admis que l'ensemble des caractéristiques cellulaires participant à la progression tumorale, listées brièvement dans ce chapitre, peuvent être acquises par modification du matériel génétique. Durant les années 1980 et 1990, l'extraordinaire développement des techniques de biologie moléculaire a permis d'isoler et de caractériser des gènes impliqués dans la cancérogenèse et ainsi d'améliorer la connaissance des mécanismes moléculaires associés. Peter Nowell a défini, en 2002, trois grandes classes de gènes dont l'altération de la structure et/ ou de l'expression contribue à la sélection clonale de cellules de plus en plus agressives pour l'organisme 76 . • Survie et croissance cellulaire. La première catégorie de gènes citée par Nowell est celle des gènes codant pour des protéines intervenant dans la prolifération et la survie cellulaire 76 . D'après le modèle de cancérogenèse le plus couramment admis, il faut que certaines cellules de l'organisme acquièrent un avantage sélectif de croissance sur les cellules environnantes pour que l'expansion clonale commence. Cet avantage peut être acquis par l'altération de protéines impliquées dans les voies de régulation de la prolifération
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cellulaire, par exemple des facteurs de croissance ou de leurs récepteurs, des messagers secondaires intracellulaires (qui transmettent le signal des récepteurs situés à la surface de la cellule jusqu'au noyau où se trouve le génome, en passant par le cytoplasme qui se situe entre les deux) ou encore des protéines impliquées directement ou indirectement dans la régulation de l'expression des gènes. Dans cette même classe de gènes permettant aux cellules cancéreuses de posséder un pouvoir prolifératif accru, Douglas Hanahan et Robert Weinberg ont distingué en 2000 (dans un des articles les plus cités en cancérologie) quatre grands types de perturbations de la physiologie cellulaire 88 . Ces cellules, lors de la progression tumorale, deviennent notamment autosuffisantes vis-à-vis des facteurs de croissance dont elles ont normalement besoin pour proliférer. Elles perdent invariablement leur dépendance à ces stimulations de l'environnement, ce qui est le plus souvent dû au fait qu'elles produisent leurs propres facteurs de croissance, possèdent plus de récepteurs à ces facteurs, ou des récepteurs ou des messagers secondaires constamment activés. Cela ferait disparaître un mécanisme très important dans le contrôle de l' équilibre tissulaire qui assure le comportement adéquat des différents types cellulaires dans les tissus. Le deuxième grand type de perturbation cité par Hanahan et Weinberg est l'acquisition de l'insensibilité vis-à-vis de facteurs antiprolifératifs 88 . La perte de fonctionnalité de la protéine RB 1 fait partie de cette catégorie. La capacité à échapper au processus d'apoptose est la troisième grande caractéristique des cellules cancéreuses. IJapoptose se produit dans une grande variété de situations physiologiques et nécessite un grand nombre de gènes qui peuvent être altérés dans les cancers 88 . IJacquisition d'un pouvoir prolifératif illimité, et donc l'absence de la mort cellulaire qui a normalement lieu après un nombre limité de divisions cellulaires, est la quatrième grande perturbation de la physiologie cellulaire décrite par Hanahan et Weinberg.
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V ensemble des caractéristiques citées ci-dessus ont pour point commun de découpler la croissance de certaines cellules des conditions environnementales dans lesquelles elles se trouvent. Mais elles rendent aussi compte de la complexité des phénomènes cellulaires qui participent à la transformation tumorale, d'autant plus qu'il faut y ajouter les aspects métaboliques permettant aux cellules de coupler la perte du contrôle de la prolifération à l'ajustement du métabolisme cellulaire nécessaire pour fournir l'énergie indispensable à la croissance et la division cellulaire. C'est notamment l'effet Warburg, une anomalie métabolique relative à l'utilisation du glucose caractéristique des cellules cancéreuses et observée de longue date 89-91 , qui permet de penser que le métabolisme cellulaire «reprogrammé » des cellules cancéreuses peut aussi être considéré comme une marque du cancer à part entière92, 93 . • Angiogenèse, invasion et métastases. La deuxième catégorie évoquée par Nowell (la cinquième citée par Hanahan et Weinberg) est celle des gènes codant pour des protéines impliquées dans l'invasion et la formation de métastases par les cellules cancéreuses 76, 88 . V apparition de métastases est la cause de 90 % des décès liés au cancer. La capacité d'envahir les tissus environnants permet aux cellules cancéreuses de coloniser de nouveaux «terrains» où, au moins au début du processus, les nutriments et l'espace ne sont pas limités. I.Jaltération de protéines liées à l'adhésion cellulaire, ainsi que de nombreuses enzymes protéolytiques (capables de dégrader les protéines du microenvironnement cellulaire qui maintiennent la structure tissulaire) participent à ce phénomène94 . De plus, l'acquisition de la capacité à stimuler l'angiogenèse est une étape importante dans la progression tumorale, car elle permet notamment aux cellules tumorales de s'affranchir du manque d'oxygène créé par la masse tumorale. Il s'agit de la sixième et dernière grande perturbation de la physiologie cellulaire citée par Hanahan et Weinberg. En effet, toute cellule vivante doit se trouver dans l'organisme à moins de 0,1 mm d'un capillaire sanguin qui
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lui apporte oxygène et nutriments. Or, dès que les cellules possédant un pouvoir prolifératif accru forment une masse de cellules dépassant cette taille, l'apport vient à manquer. Les cellules qui vont acquérir la possibilité de stimuler l'angiogenèse peuvent alors être sélectionnées et permettre la croissance de la tumeur. L'angiogenèse est également un processus important pour la formation de métastases via la dissémination des cellules cancéreuses par le sang88 . Cette deuxième grande catégorie de gènes impliqués dans la progression tumorale rend compte, là encore, de l'aspect crucial des relations entre les cellules cancéreuses ou précancéreuses avec leur environnement. Seule la troisième et dernière catégorie de gènes citée par Nowell n 'a pas de lien direct avec le contrôle antiprolifératif qu'exerce cet environnement. Elle y est toutefois liée indirectement, car elle permet sans aucun doute une série d'adaptations successives permettant de s'affranchir de ce contrôle au cours du processus. • Intégrité du génome. Le troisième grand groupe de gènes contribuant à la progression est celui des gènes codant pour des protéines intervenant dans le maintien de l'intégrité du génome 76 . En effet, l'acquisition de l'ensemble des caractéristiques mentionnées ci-dessus crée un dilemme88 . Il est largement admis que ces caractéristiques peuvent être acquises par des altérations du génome des cellules tumorales. Il peut s'agir d'altérations comme les mutations ponctuelles et le gain ou la perte de petites séquences d'ADN répétées, ou d'altérations au niveau chromosomique comme les altérations de la ploïdie (gains ou pertes de chromosomes entiers: c'est l'aneuploïdie) ou de la structure des chromosomes résultant d'un échange entre deux régions de chromosomes (translocations) ou du gain ou de la perte de régions de chromosomes (amplifications ou délétions) 95• 96 . Mais l'ensemble des voies assurant le maintien de l'intégrité du génome rend l'apparition de la multitude de ces altérations dans les cellules cancéreuses hautement improbable88 . Il faudrait donc que ces voies soient
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compromises pour que l'ensemble des phénotypes tumoraux listés ci-dessus puisse être acquis. C'est la détermination de l'origine de ces altérations génétiques qui crée actuellement l'un des débats les plus vifs dans la communauté des chercheurs en cancérologie.
Quelle origine pour le cancer?
Déstabilisation du génome des cellules tumorales: des données • Des bases de données spécifiques. De nombreuses altérations de l'ADN des cellules tumorales accompagnent le développement des cancers. Ces altérations peuvent être transmises de manière héréditaire, créant ainsi une prédisposition au cancer, être acquises par l'infection de virus favorisant le cancer, ou apparaître par mutations somatiques97. Un objectif central de la recherche sur le cancer depuis vingt-cinq ans a été d'identifier les gènes mutés qui sont directement impliqués dans le processus cancéreux (appelés «gènes du cancer»). Le développement des technologies de l'ADN recombinant a permis le succès considérable de cette entreprise. Après la première étude identifiant une mutation somatique dans un «gène du cancer» chez l'humain98 , un nombre important de gènes impliqués dans le cancer a été identifié et leurs propriétés biologiques ont été étudiées (voir ce chapitre, section p. 50). En 2004, le Wellcome Trust Sanger lnstitute (Londres) a établi le Cancer Gene Census (www.sanger.ac.uklgenetics/CGP/ Census) qui est un catalogue des gènes mutés dans les cancers humains à une fréquence plus élevée que celle attendue s'ils étaient mutés seulement par hasard, ce qui signifie qu'ils auraient un rôle actif dans le cancer99 • De 2004 à 2009, le nombre de gènes dans ce catalogue a augmenté de 40%, passant de 291 à 410 (un peu moins de 2 °/o des 22 000 gènes codant pour des protéines dans le génome humain)100. Il existe des arguments forts concernant
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l'implication de ces gènes mutés de manière récurrente dans le développement du cancer99, 101. Environ 90 Ofo de ces «gènes du cancer» peuvent contenir des mutations somatiques (qui apparaissent au cours de la vie de l'individu), alors que seulement 20% peuvent être mutés de manière héréditaire99 . En général, les cancers associés à des mutations héréditaires d'un gène particulier sont similaires à ceux présentant des mutations somatiques de ce gène. Des exceptions notables sont les gènes TP53, dont les mutations somatiques sont observées dans plus de la moitié des cancers colorectaux alors que les mutations héréditaires ne prédisposent pas à ce cancer, et BRCA 1 et BRCA2, dont les mutations héréditaires prédisposent au cancer du sein, alors que très peu de mutations somatiques dans ces gènes sont observées dans les cancers sporadiques. Les altérations génétiques les plus communes semblent être les translocations de chromosomes qui aboutissent à la production de protéines anormales. Ces aberrations sont répandues dans les leucémies, les lymphomes et les sarcomes, mais existent aussi dans les carcinomes99 · 102 . Pour certains gènes, différents types d'altérations ont été observés et associés au cancer. Toutefois, chaque type de mutation peut être lié à un cancer particulier. Une ressource complémentaire, appelée Cosmic (Catalogue of Somalie Mutations in Cancer, www.sanger.ac.uk/cosmic), fournit la fréquence de mutations somatiques de gènes dans les tumeurs bénignes et malignes. Cette base de données n'est pas limitée aux «gènes du cancer» évoqués plus haut, mais inclut au contraire les gènes mutés qui ne remplissent pas tous les critères pour rentrer dans le Cancer Gene Census. En 2009, près de cinq mille gènes et environ 340 000 tumeurs étaient répertoriés dans cette base, en un catalogue d'approximativement 13 000 mutations uniques différentes 100. De plus, le National Human Genome Research Institute (Bethesda, États-Unis [Institut national de recherche sur le génome humain]) et le National Cancer Institute (Bethesda, États-Unis [Institut national du cancer]) ont lancé en
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2005 le Cancer Genome Atlas, c'est-à-dire leur propre catalogue visant à recenser toutes les altérations génétiques présentes dans les formes majeures de cancer (http:/ / cancergenome.nih.gov). Une phase pilote a démarré concernant les cancers ovariens et du poumon notamment, mais l'objectif de ce catalogue est désormais d'identifier les altérations génétiques de vingt à vingtcinq formes majeures de cancer d'ici 2014. Enfin, il faut aussi noter qu'il existe des bases de données cataloguant la fréquence et le type de mutations dans des cancers spécifiques, avec pour objectif de faciliter l'interprétation clinique des variations génétiques 103, ainsi que des sites dédiés spécifiquement à certains gènes comme TP53 (www-p53.iarc.fr). • Apport de l'amélioration des méthodes de séquençage. Grâce à l'amélioration récente des méthodes de séquençage du génome (issue du projet de séquençage du génome humain accompli en 2001 104) et à la bioinformatique, il est désormais possible d'analyser et de séquencer le génome entier de cellules tumorales à un prix raisonnable, et de recenser ainsi toutes les modifications du génome présentes dans des échantillons de cancer ou des lignées de cellules cancéreuses 105, 106• Cela est réalisé dans le cadre de l'International Cancer Genome Consortium (www.icgc.org). Ce consortium, formé en 2008, a pour but de coordonner les efforts de onze pays pour séquencer 25 000 génomes cancéreux provenant de plus de cinquante types de cancer différents 105, 107. Il prend pour modèle le grand consortium du Human Genome Project. Vestimation du coût de ces séquençages s'élève à un milliard de dollars (20 millions par type de cancer). Les premiers travaux ont été publiés récemment et ce sont vraiment eux qui nous font entrevoir la véritable complexité génétique des cancers. Dans un numéro de la revue Nature, ce consortium a publié d'une part la séquence du génome de cellules issues d'un mélanome malin (cancer de la peau), et d'autre part la séquence d'une lignée de cancer du poumon à petites cellules. Dans le premier cas, 33 345 mutations ont été identifiées 108. Près de 90%
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des mutations identifiées par ailleurs dans divers cas de mélanomes ont été retrouvées dans ce cas précis (quarante-deux sur quarantehuit), ce qui montre la sensibilité de la méthode employée 109. Par ailleurs, trente-sept réarrangements chromosomiques ont été comptabilisés. Dans le second cas, 22 910 mutations et cinquante-huit réarrangements ont été observés 110 . Il a été aussi possible d'associer dans ce cas l'exposition aux agents mutagènes contenus dans la fumée de cigarette avec le profil des mutations observées. Un calcul rapide aboutit au chiffre d'une mutation acquise pour quinze cigarettes fumées 110. Mais dans les deux cas, le nombre de mutations touchant les séquences d'ADN codant pour des protéines était beaucoup plus faible : 232 et 134 respectivement. Un autre exemple vient d'une étude sur le cancer du sein où des échantillons du cancer primaire, d'une métastase au cerveau, et de cancers issus de la transplantation des cellules du cancer primaire dans des souris ont été analysés. Les mutations ponctuelles observées étaient respectivement au nombre de 27173, 51 710 et 109078 (dont 200, 225 et 328 dans les séquences codant pour des protéines). Trente-quatre réarrangements ont aussi été retrouvés dans le cancer primaire 1ll. D'autres études sont venues encore plus récemment compléter ce tableau, en aboutissant aux mêmes résultats : des dizaines de milliers de mutations ponctuelles, dont quelques centaines touchent les séquences codant pour des protéines, et des dizaines de réarrangements chromosomiques 112• Il faut noter aussi que d'autres études se focalisant sur seulement quelques types de modifications du génome ou quelques séquences codantes, mais étudiées sur un grand nombre d'échantillons ou de lignées cellulaires, ont également vu le jour. Par exemple, 2 428 pertes de fragments de chromosome ont été comptabilisées dans 746 lignées de cellules cancéreuses, dont 11 % dans des séquences codantes 113, et 2 576 mutations ont été retrouvées dans 1507 séquences codantes séquencées dans 441 tumeurs du sein, du poumon, de l'ovaire et de la prostate 114. Si l'on s'intéresse uniquement
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aux réarrangements chromosomiques, un total de 2 166 a été dénombré dans 24 génomes de cancers du sein 115 . Mais on observe une très grande variabilité dans l'ensemble des gènes mutés et la vitesse de mutation entre les tumeurs. Au sein d'une même catégorie de cancers, il existe une forte hétérogénéité, de laquelle résulte un grand nombre de gènes différents mutés. Ils peuvent même être différents dans les différentes fractions des tumeurs analysées. En supposant que beaucoup de ces mutations ont un rôle actif dans le cancer, ceci montre bien la diversité des voies que peuvent emprunter les cellules cancéreuses pour acquérir un pouvoir de prolifération accru. Toutefois, il faut remarquer que cette complexité est réduite lorsqu'on considère les voies et les processus biologiques dans lesquels interviennent ces gènes mutés plutôt que les gènes eux-mêmes. Par exemple, douze voies biologiques sont principalement perturbées dans la majorité des tumeurs du pancréas, bien que le mode de perturbation varie grandement d'une tumeur à l'autre 116• Enfin, une analyse combinant les informations contenues dans les bases de données et les résultats récents du séquençage des génomes cancéreux a abouti au chiffre de 5 272 gènes différents retrouvés mutés de manière non silencieuse (c'està-dire de manière à changer les protéines produites à partir de ces gènes) pour un total de plus de 40 types de cancer étudiés 117• Certains de ces gènes sont mutés dans plusieurs types de cancer, parmi lesquels on retrouve les «suspects habituels », c'est-à-dire par exemple les oncogènes BRAF, H-RAS ou PI3KC, et les gènes suppresseurs de tumeurs APC, PTEN ou TP53. Mais 73 % de ces 5 272 gènes mutés sont détectés dans un seul type de cancers 117 ! Il est évident que dans cette masse de données, l'information doit être hiérarchisée, ce qui a conduit aux concepts de mutation «motrice» et de mutation «passagère ». Les mutations «motrices» sont conçues comme celles ayant un rôle causal ou accélérateur dans la cancérogenèse, alors que les «passagères»
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seraient des coproduits du processus, sans rôle particulier dans la progression tumorale, issus de la prolifération ou de problèmes de réparation de l'ADN. Les mutations motrices seraient donc le fruit d'une sélection au sein de la tumeur, contrairement aux autres qui ne confèrent pas un avantage de croissance et ne sont donc pas sélectionnées 101 . Mais la séparation entre ces deux types de mutations s'avère difficile pour plusieurs raisons. Certaines mutations motrices n'apparaissent qu'à très faible fréquence (moins de 1 %), ce qui laisse penser que le répertoire des «gènes du cancer» humains est bien plus large que les quelque 400 couramment catalogués 101 • De plus, ces mutations de faible fréquence impliquent qu'il faut séquencer des centaines d'échantillons pour les identifier 105. Il existe aussi d'énormes inconnues concernant les variations du nombre de mutations d'un génome à un autre. Certaines variations peuvent s'expliquer par des expositions à des doses importantes d'agents mutagènes ou par des défauts connus de réparation de l'ADN. Mais certains cancers sont très fortement mutés sans explication évidente concernant une exposition à un mutagène ou un défaut de réparation de l'ADNIOI. • Que faire de toutes ces données? Il apparaît clairement que ces chercheurs sont confrontés à un problème, celui de donner sens à tous leurs résultats. Avant le séquençage de génomes cancéreux entiers, il était déjà possible de prédire que chaque génome de cancer était unique. Désormais, le nombre de gènes du cancer, et la fréquence des mutations dans ces gènes, suggèrent que très peu de tumeurs partagent par hasard des mutations communes. Le génome des cellules de chaque tumeur contient un ensemble de mutations et de gènes mutés distinct des autres tumeurs. À l'occasion de la présentation en 2011 de ses résultats de séquençage du génome entier de cinquante tumeurs du sein issues de patientes différentes lors du congrès annuel de l' American Association for Cancer Re search (www.aacr.org), Matthew Ellis a déclaré que l'identification de 1 700 altérations génétiques différentes - la plupart étant
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caractéristiques d'une seule patiente (seules trois sont partagées par 10% des tumeurs ou plus) - est «quelque peu alarmante, parce
que ce problème vous fait vous asseoir et repenser à ce qu'est le cancer du sein» 118 • Les auteurs les plus connus de ces études récentes de séquençage, Michael R. Stratton et P. Andrew Futreal du Wellcome Trust Sanger lnstitute, ont écrit quant à eux que <
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observé 122, ce qui laisse penser qu'il ne faut pas uniquement se focaliser sur les modifications génétiques pour appréhender le cancer. Bien qu'il soit admis que le cancer apparaisse suite à l'accumulation de désordres génétiques, la nature et la séquence temporelle d'apparition de ces altérations restent floues 123 . Et le principal mystère de la cancérogenèse reste les toutes premières étapes 124 . Les cancers en général, et les carcinomes en particulier, présentent une vaste gamme de modifications génétiques allant des mutations aux gains ou pertes de chromosomes entiers96 . Mais le rôle des mutations dans l'étiologie du cancer est plus généralement admis que celui de l'aneuploïdie. Il s'agit toutefois d'une vieille controverse conduisant de nombreux chercheurs à tenter de démontrer que l'une ou l'autre de ces catégories de désordres génétiques est nécessaire et suffisante au développement du cancer 125. Les pages suivantes exposent les arguments des uns et des autres.
Des modèles génétiques de cancérogenèse • Hypothèse des mutations ponctuelles. Malgré la complexité des phénotypes cancéreux, certains auteurs affirment que des études ont indiqué très tôt qu'un faible nombre de modifications génétiques serait capable d'engendrer un cancer 126 . Cette affirmation, qui constitue la théorie «historique» du cancer dans la seconde moitié du xxe siècle, est grandement influencée par les travaux (mentionnés dans la section p. 34) sur le pouvoir de certains agents cancérigènes de se lier à l'ADN et d'engendrer des mutations. La manipulation des rétrovirus qui infectent souris et oiseaux a aussi eu une grande influence en montrant que l'introduction du génome viral, qui contient très peu de gènes, voire un seul gène, dans les cellules semble suffire à les transformer en cellules cancéreuses 127. Cette théorie des premiers temps de l'ère moderne de la cancérologie est appelée théorie des mutations somatiques (TMS) 128 . Elle reste
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aujourd'hui celle qui apparaît naturellement dans les livres sur la génétique des cancers. En 1959, le futur prix Nobel Peyton Rous écrit que «de
nombreux chercheurs sur le cancer pensent désormais que le cancer résulte de mutations somatiques. Ainsi ils ne voient pas d'autres raisons de chercher dans d'autres directions pour comprendre sa nature » 129• Il n'est donc pas étonnant qu'en 1981, la découverte que le transfert d'ADN issu de cancers humains dans des cellules de souris est capable de provoquer des tumeurs malignes chez cet animal vienne crédibiliser la TMS 130. Un peu plus tard, des expériences montrant que des cancers peuvent être induits chez la souris par l'oncogène MYC 131 ont encore permis de conforter cette théorie. De la même manière, l'étude de séquences d'ADN dérivées de tumeurs humaines ou de cellules de souris transformées chimiquement a permis d'identifier des oncogènes qui, seuls, semblent pouvoir engendrer la capacité des cellules cancéreuses à proliférer infiniment126, 132. Néanmoins, d'autres études ont très vite révélé qu'une mutation ponctuelle unique est rarement, voire jamais, suffisante pour accomplir les processus de transformation des cellules in vitro. Quand des études similaires ont été effectuées avec des lignées de cellules de souris non cancéreuses, ces mutations uniques n'ont pas suffi à les transformer en cellules cancéreuses. En revanche, des paires de mutations, comme celles dans RAS et MYC133 ou RAS et E1A 134 , ont permis de réaliser cette transformation. Des études utilisant des souris transgéniques ont ensuite montré que ces paires de mutations conduisent au développement de tumeurs beaucoup plus rapidement que chez les souris possédant seulement un de ces oncogènes 135, 136. Ces résultats semblent démontrer que les expérimentations in vitro ont une signification vis-à-vis des mécanismes qui opèrent in vivo, et que le nombre de modifications génétiques nécessaires in vivo n'est pas plus élevé que celui qui permet de transformer des cellules en cellules cancéreuses in vitro. Toutefois, il a très vite été remarqué que
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la cinétique d'apparition de ces tumeurs semblait indiquer que les oncogènes introduits étaient insuffisants pour engendrer seuls le cancer, et qu'une ou deux modifications additionnelles aléatoires étaient nécessaires pour achever le processus 136 . En accord avec ces données obtenues sur des animaux transgéniques, les études épidémiologiques sur l'apparition des cancers chez l'Homme indiquaient que quatre à six événements limitants, probablement des mutations, étaient requis pour la formation des cancers. De plus, l'étude des carcinomes du côlon impliquant au moins quatre à six stades distincts a montré que des mutations génétiques spécifiques accompagnent fréquemment la transition entre ces stadesl37, 138. Robert Weinberg et ses collaborateurs ont plus récemment montré que l'introduction de trois éléments génétiques cause la transformation d'une gamme de cellules normales humaines jusqu'à un état cancéreux 139· 140 . Toutefois, ils ont également démontré que le nombre d'événements oncogéniques nécessaires à la transformation semble varier entre espèces 141 . Ces résultats ont permis aux partisans de la TMS d'affirmer qu'un nombre très limité d'événements génétiques ponctuels est certainement suffisant. Cela est renforcé par le fait que l'apparition des désordres plus larges au niveau chromosomique semble être une conséquence de l'introduction de certains oncogènes comme RAS ou MYC142· 143 . Enfin, en se fondant sur les données fournies par des animaux transgéniques possédant des oncogènes dont on peut provoquer l'expression quand on le souhaite, certains chercheurs ont affirmé que la prolifération des cellules cancéreuses est entièrement dépendante des oncogènes 144 . En effet, après induction de leur expression, ces souris transgéniques voient apparaître des tumeurs après quelques semaines, tandis que lorsque l'induction est stoppée, les tumeurs régressent 14 4. Néanmoins, d'autres chercheurs affirment que la TMS n'est pas suffisante et proposent au contraire, tout en restant dans le cadre d'une théorie génétique pour l' origine des
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cancers, que ce sont des désordres génétiques plus larges, telle l'aneuploïdie, qui sont à l'origine du cancer. Ce modèle peut être appelé théorie de l'instabilité chromosomique (TIC). D'après les défenseurs d'un modèle génétique alternatif, les dépendances vis-à-vis de certains oncogènes dans les souris transgéniques pourraient être une propriété propre à ces modèles expérimentaux parce que : 1. le rôle des oncogènes dans la génération et la maintenance de ces tumeurs reste confus. Toutes les cellules de ces animaux possèdent le même oncogène inductible alors que seulement certains types de cancer sont observés 145 . De plus, il est maintenant clair que différentes voies moléculaires peuvent expliquer les tumeurs issues des mêmes altérations génétiques initiales chez ces animaux; 2. des études effectuées dans les années 1990 ont montré que ces oncogènes ne sont pas présents dans toutes les cellules cancéreuses d'une tumeur: c'est le cas des formes mutées de K-RASdans les cancers du côlon 146· 147, des mutants de K-RAS, H-RAS et MYC dans les cancers de la prostate 148· 149, et de ceux de K-RASet N-RASdans les mélanomes 150• 151 . Beaucoup d'autres exemples peuvent être cités 145 . Toutes ces données suggèrent que beaucoup de cellules cancéreuses n'expriment pas ces oncogènes ; 3.l'expression de ces oncogènes n'est en aucun cas observée dans toutes les tumeurs d'un type de cancer dans lequel on leur assigne un rôle fondamental. Par exemple, un pourcentage très important de tumeurs du sein ou du côlon n'exprime pas ERBB-2152, 153 ou RAS154, respectivement. Ainsi, lorsque des oncogènes et des gènes suppresseurs de tumeurs connus sont analysés dans des échantillons cliniques, ils ne sont observés en général que dans un faible pourcentage de cas. De plus, il existe une très forte hétérogénéité tant du point de vue de l'aspect clinique que du point de vue du contenu génétique parmi des cancers du même type et à différents stades cliniquesl55, 156. Aucun des oncogènes ou gènes suppresseurs de tumeurs n'est
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parfaitement associé à un type de cancer ou à un stade spécifique de la maladie 157• 158 . • Hypothèse de l'instabilité chromosomique. Ces arguments semblent donc être en faveur de la théorie génétique alternative mettant l'aneuploïdie ou des réarrangements anormaux de chromosomes à l'origine du cancer 159 . Cette théorie propose que le cancer soit dû à un dosage anormal dans l'expression de milliers de gènes qui serait causé par le gain ou la perte de chromosomes entiers ou de fragments de chromosomes. Le cancer serait initié par une aneuploïdie aléatoire spontanée ou induite par des agents cancérigènes. Cette aneuploïdie initiale serait toutefois incapable de générer l'ensemble des caractéristiques cellulaires associées au cancer. En revanche, elle déstabiliserait l'ensemble du génome, car elle modifierait l'expression de protéines impliquées notamment dans le maintien de l'intégrité du génome. Cette instabilité inhérente aux cellules aneuploïdes catalyserait un enchaînement de réassortiments et réarrangements de chromosomes conduisant au cancer 160 . L'aneuploïdie provoquerait également des mutations ponctuelles en perturbant l'expression de protéines impliquées dans la synthèse ou la réparation de l'ADN. Ainsi, les multiples mutations observées dans les cellules cancéreuses ne seraient qu'une conséquence de l'aneuploïdie. lJ expression anormale de milliers de gènes prédite par cette théorie a été confirmée expérimentalement 152 - 154 . De plus, il semble que l'aneuploïdie soit présente dans tous les cancers 160 et nécessaire à la transformation des cellules dans lesquelles Weinberg et ses collaborateurs ont introduit une combinaison précise d'oncogènes 161 . Cette hypothèse est soutenue par de nombreuses études montrant qu'une aneuploïdie aléatoire est présente dans les stades précoces de nombreux cancers 162 et par un cas de prédisposition au cancer lié à une mutation héréditaire dans un gène impliqué, lorsqu'il est muté, dans l'apparition de l'aneuploïdie 163 . La conclusion de cette dernière étude a donc été que l'aneuploïdie est suffisante pour engendrer des cancers.
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D'après ce modèle, les tumeurs qui apparaissent chez les animaux transgéniques possédant des oncogènes seraient dues à l'aneuploïdie apparue suite à l'hyperplasie (prolifération anormale, mais non cancéreuse des cellules d'un tissu) créée par les oncogènes, mais indépendamment de ceux-ci 145 . Certains auteurs de ces études sur animaux transgéniques admettent d'ailleurs parfois que «les cellules précancéreuses [. . .]
ne peuvent pas s'accumuler ou se disséminer sans l'acquisition d'autres mutations >> 164 ou que «des mécanismes indépendants de RAS contribuent significativement à [la formation] des tumeurs établies après induction de cet oncogène>) 65 . D'autres commentaires de ce genre laissent penser que les oncogènes ne sont probablement pas les «talons d'Achille» des tumeurs 144. Les études menées par Dean W. Felscher ont notamment montré que la suppression de l'expression d'un oncogène, tel MYC dans le foie, grâce â un système artificiel, provoque bien une régression des tumeurs, mais seulement momentanée 166 . En effet, les cellules peuvent échapper à leur pseudo-dépendance à cet oncogène. De plus, un ensemble de faits expérimentaux qui vont à l'encontre des prédictions de la TMS a été listé par Peter Duesberg 160. Celui-ci cite de nombreuses prédictions de son modèle de cancérogenèse fondé sur l'aneuploïdie confortées par des observations expérimentales 160 , notamment le fait que l'agressivité des cellules aneuploïdes est proportionnelle à leur degré d'aneuploïdie 167. De surcroît, cette TIC offre une explication pour les effets cancérogènes des agents non mutagènes et la période de latence nécessaire au développement du cancer 168. L'ensemble plus ou moins reproductible des altérations chromosomiques observées dans les cancers du sang est aussi en accord avec cette théorie 169 . D'autres auteurs ont affiné la TIC en estimant que c'est une instabilité globale des chromosomes qui est la force motrice du cancer, et non pas certaines altérations chromosomiques bien spécifiques. Au sein des tumeurs solides en particulier, l'analyse du caryotype de cellules cancéreuses individuelles
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a montré que l'évolution des altérations chromosomiques est principalement aléatoire. L'évolution du caryotype au cours du développement cancéreux est très dynamique et très peu prévisible 121 . Un vrai «chaos génétique» caractérise l'évolution du génome des cellules cancéreuses 170. D'ailleurs les altérations chromosomiques qui pourraient jouer un rôle actif ne sont pas les mêmes à apparaître dans des conditions expérimentales pourtant identiques, soit in vitro, soit in vivo. Les tumeurs solides sont donc plutôt caractérisées par un remaniement permanent et aléatoire du jeu de chromosomes qui fait que chaque tumeur suit sa propre évolution 121 . Chacune d'entre elles est à tout moment en plein remaniement chromosomique, ce qui a pour conséquence qu'il n'existe pas d'enchaînement linéaire dans l'évolution du caryotype du début à la fin . Cela explique notre incapacité à détecter des altérations chromosomiques spécifiques d'un type ou d'un stade de tumeur, car il existe une grande hétérogénéité des anomalies chromosomiques dans les cancers. Cela est confirmé par l'étude des modèles d'animaux transgéniques où les cancers sont provoqués par l'activation des oncogènes ou l'inactivation de gènes suppresseurs de tumeurs. En effet, dans ces cas-là non plus il n'existe pas d'altération chromosomique clonale commune observée dans un même type de cancer. Mais il n'y a pas non plus d'altération chromosomique clonale évidente au sein d'une même tumeur ! Il semble donc que la thèse de la progression du cancer par une succession bien définie d'altérations génétiques soit inexacte. Il apparaît grâce à toutes ces données que l'évolution d'un cancer est un processus aléatoire sans séquence particulière au niveau génétique, tant du point de vue chromosomique que du point de vue des mutations ponctuelles 121 . Le problème est que tous les efforts de séquençage mentionnés plus haut sont guidés par cette idée. De plus, si l'aneuploïdie et les altérations chromosomiques sont à l'origine des cancers et responsables de leur développement, est-il possible de les cibler de
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manière thérapeutique pour freiner le processus cancéreux ? L'aneuploïdie provoque probablement une instabilité du génome intrinsèque en perturbant l'expression des gènes impliqués dans la maintenance du génome. L'augmentation de la vitesse d'acquisition de modifications génétiques ainsi engendrée risque de provoquer l'apparition plus rapide de nouvelles propriétés plus agressives, qui aboutiront à des métastases et à des résistances aux médicaments. Ralentir l'apparition de ces altérations génétiques provoquées par l'aneuploïdie pourrait donc sembler pertinent. Mais il s'agit d'une tâche extrêmement difficile de par la variété même des mécanismes moléculaires possiblement impliqués dans la génération de ces désordres génétiques171. Quant au rôle de l'aneuploïdie dans l'origine du cancer, les arguments cités n'apportent pas de conclusion définitive. Elle possède plus certainement un rôle d'accélérateur dans le processus cancéreux 172, 173, bien qu'elle ait aussi parfois la capacité à freiner le développement tumoral 174, 175. Ce résultat paradoxal est interprété comme étant dû à une réduction de la vitesse de prolifération des cellules engendrée par une trop forte perturbation de la cellule 176. Certains admettent que c'est en étudiant ces effets délétères et antiprolifératifs de l'aneuploïdie que de nouvelles voies thérapeutiques pourraient être découvertes 171, 173• • Présence d'un «phénotype mutateur»? Un autre débat fondamental agite depuis longtemps la communauté des chercheurs en cancérologie. Il s'agit de déterminer si les cellules cancéreuses possèdent ou non une vitesse de mutagenèse (vitesse de génération des mutations) plus élevée que les cellules dites «normales». La question est de savoir si une augmentation de la vitesse de mutagenèse (appelée «phénotype mutateur») est requise pour générer le grand nombre de mutations observées dans les cancers, ou si une vitesse de mutagenèse normale associée à un grand nombre de divisions est suffisante. Dans la même perspective que Peter Nowell en 1976, Lawrence Loeb a suggéré que des «mutations mutatrices » - c'est-à-dire qui
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augmentent la vitesse d'acquisition de désordres génétiques sont requises pour que des cellules cancéreuses se forment au cours de la vie d'un individu 120· 177-180. La vitesse de mutation 9 par division cellulaire dans les par nucléotide est estimée à 180 181 (une chance sur un milliard qu'une cellules somatiques · mutation apparaisse à un endroit précis du génome lors d'une division) et pourrait même être inférieure dans certaines cellules qui seraient à l'origine du cancer (voir ce chapitre, section p. 105). Quant au nombre de divisions cellulaires nécessaires pour aboutir à la formation d'un cancer, il pourrait être très variable selon les tissus (de quelques centaines à plusieurs milliers) 180. Mais quel que soit ce nombre, les modélisations mathématiques montrent que si six mutations spécifiques indépendantes sont requises pour la cancérogenèse (ce qui est en général admis), un phénotype mutateur est indispensable à l'apparition des cellules malignesl80_ Toutefois, les cellules précancéreuses acquièrent un certain avantage sélectif de croissance, permettant une prolifération accrue capable d'augmenter la probabilité d'acquisition de mutations lors des étapes suivantes. Ainsi, certains chercheurs ont suggéré que la sélection de cellules précancéreuses et leur expansion suffisent à la cancérogenèse, sans avoir besoin d'évoquer l'intervention d'un phénotype mutateur 182-184. Le «pouvoir de la sélection naturelle » 184 au sein des tumeurs semble être illustré par le fait que les mutations dans les gènes du cancer sont relativement spécifiques des tissus, ce qui pourrait indiquer que seule une quantité restreinte de modifications génétiques puisse conférer un avantage sélectif dans un environnement donné. Si une même modification génétique ne provoque pas de cancer dans tous les tissus, ce serait dû au rôle que joue la sélection naturelle dans le processus 183. D'après ces chercheurs, le mécanisme le plus probable est l'apparition d'un avantage significatif de croissance eUou de survie lié à ces mutations ponctuelles. Cet avantage permettrait alors aux cellules de devenir la population dominante dans le
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tissu 185 . L'apparition de nombreuses mutations devient alors plausible, même en l'absence d'une vitesse de mutation élevée. Si les cellules du tissu se divisent plus rapidement, l'apparition d'autres mutations pourrait s'expliquer simplement parce que l'ADN est dupliqué plus souvent 186 . Un autre argument provient des données sur les gènes impliqués dans le maintien de l'intégrité du génome qui sont rarement mutés dans les cancers 184' 187. Cela va à l'encontre de la théorie du phénotype mutateur pour laquelle ces mutations sont nécessaires 179 . Paolo Vineis et Martin A. Nowak, grâce à des modélisations mathématiques 188- 191 , ont aussi popularisé le thème d'une contribution majeure de la sélection clonale dans la cancérogenèse au détriment des mutations. Ils insistent sur le rôle de l'environnement dans la sélection des cellules qui ont acquis un avantage de croissance et minimisent le rôle de la vitesse de mutagenèse. Vineis a d'ailleurs introduit le terme « sélectogène » en opposition au terme mutagène. Il désigne des facteurs environnementaux qui, lorsqu'ils sont présents, permettent à des mutations existantes de conférer un avantage sélectif de croissance aux cellules qui la contiennent. Autrement dit, seules certaines conditions environnementales, en présence de ces sélectogènes, permettraient à ces mutations «d'exprimer» cet avantage. Les cas du folate pour le cancer du côlon et du bêta-carotène pour les cancers du poumon peuvent être cités 189. L'apparition de cancers sans phénotype mutateur semble au moins être possible, car Moolgavkar et Knudson ont pu modéliser l'incidence des cancers colorectaux sans inclure un tel phénotype 192 . Néanmoins, ce résultat doit être tempéré, car, bien que les études épidémiologiques indiquent le besoin de 4 à 6 mutations (ce qui a servi de base à l'étude de Moolgavkar et Knudson), le nombre de perturbations de la physiologie cellulaire qui semblent être acquises 88 suggère que les mutations nécessaires in vivo seraient bien plus nombreuses. De plus, les études de Moolgavkar et Knudson
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sont effectuées en prenant en compte les vitesses de mutation des cellules somatiques, alors que les cancers pourraient avoir pour origine des cellules qui posséderaient des vitesses de mutations plus faibles. Enfin, la modélisation de l'incidence tumorale sans phénotype mutateur propose qu'une cellule tumorale seule ait une probabilité importante de former un cancer 192. Or, en raison notamment des systèmes de défense immunitaire et de la nécessité d'induire une angiogenèse, la génération de cellules cancéreuses doit se faire à une vitesse élevée pour qu'au moins une de ces cellules puisse provoquer un cancer. D'après ces considérations, le fait que la cancérogenèse requiert un phénotype mutateur n'est pas clair. La nécessité d'un tel phénotype dépendrait notamment de la vitesse de mutation des cellules à l'origine du cancer, du nombre de mutations requises par le processus, du degré et du temps de sélection et d'expansion de cellules précancéreuses. De plus, les recherches effectuées depuis la formulation de cette hypothèse n'ont pas fourni de preuves expérimentales définitives pour la valider 187, même si certains exemples particuliers de cancers héréditaires associés à un phénotype mutateur existent (c'est le cas du syndrome de Lynch ou du syndrome du xeroderma pigmentosum variant) 187. Ils confirment plutôt l'hypothèse du phénotype mutateur. Mais le rôle de l'instabilité génétique dans les cancers sporadiques est beaucoup moins clair que dans ces cas particuliers de cancers héréditaires. Jusqu'à récemment, les mesures directes du nombre de mutations dans les carcinomes sporadiques du côlon avaient montré que le nombre total de mutations est considérablement plus faible que dans les prédictions du modèle de Loeb 193, alors que ce dernier avait mis au point une technique permettant de mesurer la mutagenèse cellulaire aléatoire et qui, d'après lui, aurait permis de valider l'hypothèse du phénotype mutateur 12 0, 194, 19 5 . Mais grâce aux données de séquençage évoquées plus haut (voir section
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p. 54), ce débat a encore pris une nouvelle dimension. Ces données ont permis à certains de renouveler leur analyse et de réaffirmer qu'un phénotype mutateur n'est pas nécessaire pour expliquer le développement des cancers 196 , alors que Loeb soutient encore et toujours le contraire 197. Ces résultats et discours contradictoires suggèrent qu'une augmentation de la vitesse de mutation n'est, au moins, pas systématique dans l'apparition des cancers. Par ailleurs, un modèle mathématique conçu par Martin Nowak montre que la vitesse d'acquisition de mutations dans les cellules cancéreuses pourrait être soumise à des fluctuations importantes 198, ce qui paraît être un bon compromis entre les deux situations envisagées ci-dessus. En conclusion, d'après Olivier Sieber et lan Tomlinson, il peut exister de rares syndromes où l'intégrité du génome est compromise et qui prédisposent au cancer, mais des travaux théoriques et expérimentaux montrent que l'instabilité génétique n'est pas forcément <
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d'une seule des deux copies du gène muté suffit pour que la mutation engendre la pathologie, contrairement aux mutations récessives) 137. Alors que le FAP semble causé par des mutations dans le gène suppresseur de tumeurs APC impliqué dans le contrôle de la prolifération cellulaire 199, l'HNPCC résulte de mutations dans des gènes impliqués dans le maintien de l'intégrité du génome 200 . Les données in vivo indiquent que les mutations dans APC confèrent un avantage de croissance résultant probablement de l'activation constitutive d'une voie moléculaire dans les cellules20 1. La comparaison de la fréquence d'apparition de tumeurs dans les deux cas montre qu'elles apparaissent moins souvent chez les patients HNPCC. Ceux-ci développent un peu plus d'adénomes (tumeurs bénignes des muqueuses) au niveau colorectal que la population normale, alors que les patients FAP développent plusieurs milliers d'adénomes 183.11initiation de tumeurs semble donc être beaucoup plus rare dans le premier cas, qui est le seul à être directement lié à une instabilité génétique. D'après ces données, l'instabilité nucléotidique pourrait ne pas être cruciale dans les stades précoces des cancers colorectaux. (Il faut également remarquer que les cas de HNPCC sont caractérisés par une certaine stabilité chromosomique, ce qui va à l'encontre de l'hypothèse de l'aneuploïdie comme événement initiateur de la carcinogenèse.) En revanche, l'instabilité chromosomique est considérée comme la forme prédominante d'instabilité génétique dans les cancers du côlon sporadiques 202 . Des modélisations mathématiques et des données expérimentales semblent indiquer que l'aneuploïdie est présente dès les stades précoces202 et pourrait initier le processus203 . Toutefois, des analyses de caryotypes à différents stades d'adénomes colorectaux n'ont pas montré une forte instabilité chromosomique aux stades précoces201, 204 . Les altérations chromosomiques sont, dans la plupart des cas, limitées et spécifiques. Aux stades plus avancés, un nombre plus élevé de tumeurs présente des caractéristiques
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d'aneuploïdie généralisée pouvant résulter d'une instabilité chromosomique, mais ce nombre reste toutefois aussi limité 183 . L'instabilité des séquences microsatellites - de petites séquences répétées dans l'ADN - pourrait représenter une alternative à l'instabilité chromosomique dans la cancérogenèse colorectale sporadique. De 10 à 15 % des cancers sporadiques du côlon présentent une instabilité des séquences microsatellites. Toutefois, l'étude de lésions précoces a montré que seuls 3 cas d'adénomes sur 203 possèdent une instabilité de ces séquences sur 30% ou plus des marqueurs génétiques utilisés 205 (ce qui est la définition de l'instabilité des séquences microsatellites selon le National Cancer Institute américain205). Cela semble à nouveau montrer que l'instabilité génétique n'est pas un élément clé dans les étapes précoces de la cancérogenèse colorectale. Enfin, un certain nombre de cancers colorectaux ne possèdent ni instabilité des microsatellites, ni instabilité chromosomique206 . Aucune autre forme de défaut de maintenance de l'ADN n'a été trouvée dans ces cellules, suggérant que celles-ci ont proliféré avec une vitesse de mutation normale, ou éventuellement que des mutagènes extrinsèques sont à l'origine de désordres génétiques en leur sein. Sans évidence d'instabilité génétique dans les stades précoces de la grande majorité des cas de cancer colorectal, la croissance tumorale pourrait avoir lieu avant tout grâce à l'avantage de croissance de certaines cellules lié à une augmentation de leur prolifération 183 . Le cancer colorectal a permis la mise en place par Bert Vogelstein et Kenneth Kinzler d'un modèle détaillé de la séquence des événements génétiques qui sont pour eux nécessaires à l'apparition de tels cancers 137. Ce modèle de carcinogenèse colorectale, fondé sur l'accumulation de mutations ponctuelles dans des oncogènes ou des gènes suppresseurs de tumeurs, sert de paradigme depuis quinze ans aux défenseurs de la TMS. Toutefois, Vogelstein et ses collaborateurs ont également proposé plus récemment que
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l'instabilité chromosomique pourrait aussi être nécessaire à la cancérogenèse colorectale 203, 207. En effet, par le moyen de différentes modélisations mathématiques, Vogelstein et Nowak ont notamment montré, dans le cas de la nécessité d'inactiver deux gènes suppresseurs de tumeurs, que l'instabilité chromosomique devrait impérativement apparaître avant l'inactivation du premier pour qu'il y ait développement d'une tumeur, alors que les deux types d'instabilité génétique dont il a été question dans ce chapitre semblent exclusifs dans les tumeurs du côlon96 . Cela est contradictoire, mais certains verront dans ces données la marque de l'origine génétique des tumeurs dans chacun des cas. Il a également été suggéré que cette distinction pourrait provenir de l'exposition des cellules tumorales à certains agents carcinogènes qui permettraient la sélection d'un type d'instabilité et pas de l'autre2 0S, 2 09. Dans ce cas, le type d'altérations génétiques observé serait avant tout le résultat de la sélection par l'environnement cellulaire. • Contradictions et recherche d'alternatives. L'ensemble des théories génétiques du cancer décrites ci -dessus fait indéniablement émerger un grand nombre de contradictions, tant du point de vue des données expérimentales que du point de vue plus théorique. Les difficultés rencontrées par ces théories ont poussé certains chercheurs, à l'origine en très petit nombre, à rechercher des théories alternatives pour l'origine du cancer, dans lesquelles l'apparition d'altérations génétiques ne serait que la conséquence d'autres processus. Ces théories sont diverses, mais elles reposent toutefois sur des assertions communes, la principale étant l'acceptation d'une forte composante épigénétique dans la genèse du cancer.
Influences épigénétiques sur le cancer • Difficulté de la notion d'épigénétique. La majorité des biologistes moléculaires considère que le terme « épigénétique » désigne l'ensemble des événements non génétiques qui touchent l'expression des gènes en modifiant l'état de la chromatine
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(ensemble constitué par l'ADN et les protéines liées à l'ADN, parmi lesquelles les histones), soit en touchant directement l'ADN par des modifications chimiques appelées méthylations, soit par différentes modifications chimiques (méthylation, acétylation, phosphorylation) des histones (protéines liées à l'ADN qui permettent de le compacter dans les noyaux des cellules). Mais cette définition est récente. La première définition du terme que Conrad Waddington a proposée en 1942 était bien différente: pour lui, l'épigénétique était l'étude des processus par lesquels le génotype (l'ensemble des gènes) engendrait les phénotypes (les caractéristiques des cellules et de l'organisme) 210. Grâce à l'étude des interactions entre le noyau et le cytoplasme des cellules au cours du développement d'embryons de poulet, Waddington parvint à la conclusion que les phénotypes sont produits par un jeu réciproque entre les gènes et leur environnement211 . Waddington concevait l'action des gènes comme globale. Elle permettrait la mise en place d'un «paysage» épigénétique dans lequel les cellules trouvent leur chemin de différenciation. Ce phénomène, appelé «canalisation», expliquerait les interactions réciproques entre environnement et phénotypes d'une part, et entre génotype et phénotypes d'autre part211 . Selon Waddington, le développement a lieu à la manière d'une balle qui roule au sein d'un paysage accidenté contenant de multiples collines et vallées (ce paysage étant créé par le jeu permanent entre gènes et environnement). Au cours du développement, les cellules prennent différentes voies au sein de ce paysage et adoptent ainsi différentes caractéristiques. Une différenciation incontrôlée n'a pas lieu, car les collines agissent comme des barrières en scindant le paysage en vallées équivalentes aux types cellulaires212. Ainsi la balle ne peut pas facilement franchir les collines ou revenir au début. Cette «canalisation» explique comment la différenciation cellulaire peut être stable et difficilement réversible213. Il faut noter que les études épigénétiques étaient déjà conçues et reçues à cette époque comme une critique dirigée contre la
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génétique, contre son manque d'intérêt pour le développement embryonnaire, et contre une vision trop centrée sur le rôle majeur de quelques gènes 214 . Le sens moderne du terme épigénétique trouve son origine au cours des années 1970, dans le mouvement qui a poussé les biologistes moléculaires à abandonner l'étude des bactéries pour se concentrer sur les organismes supérieurs. En 1975, Robin Holliday215 et Arthur Riggs 216 proposèrent indépendamment que la modification de l'ADN par méthylation pourrait jouer un rôle majeur dans l'expression des gènes au cours de la différenciation cellulaire et du développement embryonnaire. Simultanément, les études sur la chromatine se multiplièrent et décrivirent l'état chromatinien au niveau de gènes isolés. Les différences observées ont alors été reliées à des différences d'expression des gènes214 . Malgré cette définition moderne, les études épigénétiques restent très variées et ne sont pas limitées à l'étude de la chromatine. L'ensemble des influences environnementales sur l'expression génique et la différenciation cellulaire peut être classé sous ce terme. Les phénomènes d'interférence de l'ARN, par exemple, peuvent être évoqués ici. Il s'agit de tous les phénomènes consistant à provoquer la dégradation de molécules d' ARN dites «cibles» issues de gènes particuliers (ou à freiner leur traduction en protéines) par l'intermédiaire d'autres molécules d' ARN appelées « ARN interférents» qui s'associent à ces ARN cibles. C'est un mode de régulation de l'expression des gènes dont l'importance commence à être fortement soupçonnée dans le cancer. Mais nous n'en parlerons pas davantage. Il va donc apparaître que les théories épigénétiques du cancer sont diverses, mais gardent une partie du sens que Waddington donnait à ce terme : elles nous montrent que les événements génétiques ne sont pas forcément les seuls à importer dans le processus de carcinogenèse. Nous nous limiterons dans ce chapitre aux modèles épigénétiques les plus courants en
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cancérologie. De manière générale, ils ne nient pas un rôle actif des altérations génétiques dans la cancérogenèse. Ils ajoutent seulement une dimension supplémentaire, non génétique, à un processus où l'aspect génétique reste prépondérant. • Rôle de la déstabilisation de la structure chromatinienne. Ce qui est donc aujourd'hui appelé «hérédité épigénétique » est un état de la chromatine, distinct de la séquence d'ADN, qui est transmis durant la division cellulaire. À partir de ce point et pour des raisons de clarté, le terme épigénétique sera employé dans son sens moderne décrivant uniquement les modifications chimiques de la chromatine n'affectant pas la séquence de l'ADN. Deux principaux événements épigénétiques sont transmis d'une cellule à sa descendance 217 : la méthylation de l'ADN et les modifications des histones. Durant les trois dernières décennies, des altérations de ces phénomènes ont été impliquées dans la cancérogenèse. Le nombre et la distribution des méthylations de l'ADN et des modifications des histones sont sévèrement modifiés dans les cellules cancéreuses. De nombreuses études ont montré la manière dont les anomalies épigénétiques qui apparaissent au cours du développement cancéreux modifient l'expression génique et contribuent à la progression du cancer218 • 219 • Il s'agirait d'une des principales sources de modification du taux d'expression des gènes entre les cellules normales et les cellules cancéreuses. L'augmentation ou la diminution de l'expression de nombreux gènes impliqués dans la cancérogenèse aurait donc lieu par l'intermédiaire d'événements épigénétiques. Environ 50% des gènes impliqués dans les formes héréditaires de prédispositions au cancer sont connus pour avoir leur expression diminuée à cause d'une méthylation anormale de l'ADN dans divers cancers sporadiques218 . On s'est aperçu qu'un nombre important de gènes suppresseurs de tumeurs subit également ce phénomène dans les cancers. Il s'agit par exemple des gènes RB1, P16, APC, ou encore VHL218 . Ces altérations épigénétiques
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jouent très probablement un rôle crucial dans le cancer. Un «phénotype méthylateur » (qui augmente le taux de méthylation de l'ADN) a d'ailleurs été caractérisé récemment dans des gliomes (un type de tumeur du cerveau)220. De plus, la diminution de l'expression des gènes liée à la méthylation de l'ADN semble pouvoir prédisposer à des événements mutagènes durant la progression tumorale en affectant l' expression de gènes impliqués dans le maintien de l'intégrité du génome 221 . En effet, une telle répression a été montrée pour le gène MLH1 222 qui joue un rôle crucial contre l'apparition de mutations. Toutefois, des modifications du profil de méthylation de MLH1 ont également été observées dans l'épithélium non cancéreux du côlon de patients souffrant de cancers colorectaux qui se sont développés à proximité 223 . Le gène codant pour une autre protéine impliquée dans la réparation de l'ADN, la 06-méthylguanine-ADN-méthyltranférase (MGMT), est aussi réprimé par méthylation dans de nombreux cancers à des stades précoces224 . 1] expression de ce gène semble être diminuée avant l'apparition de modifications génétiques dans des polypes non malins 225 . Malgré ces données suggérant que des méthylations anormales de l'ADN peuvent être à l'origine du processus tumoral, aucune ADN-méthyltransférase (enzyme qui provoque la méthylation de l'ADN) n'a été retrouvée anormalement activée par des mutations dans des cancers (des modifications de leur expression sont en revanche souvent constatées). Ainsi, il a été proposé que la méthylation anormalement élevée pourrait ne pas contribuer directement à l'initiation du processus, mais serait plutôt la conséquence d'autres perturbations de la cellule226 . D'un autre côté, la perte de méthylation au niveau d'autres séquences de l'ADN peut également jouer un rôle important en activant l'expression de gènes. En 1983, cette «hypométhylation» a été le premier défaut épigénétique à être décrit dans des cellules cancéreuses227. Il est reconnu depuis
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longtemps que le génome des cellules tumorales est globalement « hypométhylé » par rapport aux cellules normales 227, mais le mécanisme qui génère cette hypométhylation est inconnu (bien que de nombreux mécanismes moléculaires de déméthylation active aient été découverts récemment2 28). De nombreux gènes favorisant la prolifération cancéreuse sont activés par hypométhylation dans les tumeurs, comme H-RAS, cyclin D2 et maspine dans les cancers gastriques ou d'autres encore dans les cancers du rein ou du côlon 219 . L'utilisation d'animaux transgéniques a montré qu'un défaut de méthylation de l'ADN conduisant à une telle hypométhylation aboutit à la formation de cancers chez la souris229 , mais seulement à des lymphomes des cellules T (ce qui semble restreint par rapport au rôle assigné à ce type d'événement épigénétique). Ces tumeurs seraient promues par un effet sur la stabilité chromosomique230 . On en revient encore à l'aspect génétique de la maladie. Les modifications de la chromatine par des protéines qui remodèlent les histones constituent l'autre grande catégorie d'événements épigénétiques liés au cancer. Par exemple, l'acétylation de grands domaines de la chromatine peut notamment aboutir à une activation anormale de l'expression génique 218 , 219 . Inversement, la perte de ces acétylations au niveau de certains gènes mène à une répression de leur expression. Une perte généralisée de l'acétylation des histones semble d'ailleurs être un aspect crucial de la cancérogenèse231. Mais la modification épigénétique des histones la plus étudiée est la méthylation. La méthylation des histones est non seulement cruciale pour le développement des organismes et la différenciation, mais est aussi intimement liée au développement du cancer232 . Un taux de méthylation des histones aberrant est un mécanisme commun observé dans les cellules tumorales pour réprimer l'expression de gènes218. Des études, pour la plupart récentes, ont montré que dans les cancers, les gènes impliqués dans la méthylation ou la déméthylation des histones peuvent être mutés ou voir leur niveau d'expression dérégulé232 . Par exemple,
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les gènes qui codent pour les protéines du groupe Polycomb, en particulier EZH2 qui méthyle les histones et jouent un rôle crucial dans la différenciation cellulaire, sont fréquemment surexprimés dans les cellules cancéreuses et ont été reliés à une prolifération aberrante233-235 . Plus récemment, des mutations dans les gènes SETD2 et]ARID 1C, codant respectivement pour une enzyme qui méthyle et qui déméthyle les histones, ont été observées dans des cellules de carcinome du rein236 . Des mutations d'ARIDJA, un gène codant pour une enzyme de remodelage de la chromatine, sont également retrouvées dans près de 50% d'un type de cancer ovarien, suggérant une contribution dans la genèse de ces cancers237. Ces données renforcent l'idée d'un rôle déterminant des altérations épigénétiques dans le cancer. Ainsi, de même que l'instabilité génétique pourrait être un facteur crucial pour la progression des cancers, l'instabilité épigénétique pourrait l'être tout autant. Toutefois, il est impossible de déterminer actuellement si les mutations et dérégulations des «modificateurs» de la chromatine ont un rôle causal dans la cancérogenèse, ou si elles ne sont qu'une conséquence du processus, avec toutefois un rôle important lorsqu'elles apparaissent. Nous manquons toujours de preuves évidentes établissant une causalité directe entre la dérégulation des modifications des histones et la cancérogenèse232 . Mais le fait que les changements épigénétiques ne soient pas permanents et qu'ils soient soumis à des changements rapides au cours du développement des cancers suggère que leur rôle dans la variabilité des phénotypes des cellules cancéreuses est important238 . Les problèmes de différenciation des cellules tumorales, par exemple, trouvent leur origine dans les perturbations épigénétiques239 . Tout cela a tout de même permis l'émergence de modèles qui proposent que les modifications épigénétiques soient à l'origine du cancer. C'est le cas du modèle épigénétique du progéniteur proposé par Andrew Feinberg240 . Fondée sur le fait que les changements épigénétiques sont présents très tôt
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dans la cancérogenèse, même parfois dans les tissus sains241 -243 , cette hypothèse propose qu'avant l'apparition de changements génétiques, des changements épigénétiques apparaissent dans les cellules souches potentiellement à l'origine des cancers (voir dans ce chapitre section p. 105). Une perturbation épigénétique de ces cellules dans un tissu ou un organe provoquerait leur prolifération avant l'apparition d'altérations génétiques initiales, puis d'une plasticité génétique et épigénétique qui provoquerait la progression et l'hétérogénéité dans les phases ultérieures 240 . Il y aurait donc des gènes à l'origine de cette prolifération parce qu'ils sont anormalement exprimés uniquement à cause de modifications épigénétiques. Feinberg inclut dans cette catégorie de gènes ceux qui augmentent la tendance de ces cellules souches à proliférer de manière illimitée et qui empêchent leur différenciation240, mais aussi ceux qui permettent à ces cellules d'échapper au contrôle microenvironnemental et au confinement dans une zone bien précise appelée niche. (En effet, les cellules souches adultes occupent normalement une niche où elles résident, et qui leur permet à la fois de s'autorenouveler en restant indifférenciées et de produire des cellules progénitrices qui se différencieront - voir section p. 105) Feinberg note bien que la perturbation des liens entre les cellules souches et leur environnement peut être d'origine extracellulaire240, ce qui a son importance, nous y reviendrons. Il faut d'ailleurs noter que des agents carcinogènes naturels hormonaux comme un taux élevé d'œstrogène induisent in vivo des altérations épigénétiques qui engendrent une prolifération anormale dans les tissus de glande mammaire de rat, changements épigénétiques et prolifération anormale qui sont en grande partie réversibles si la source d'œstrogène excédentaire est supprimée244 . Enfin, il est intéressant de remarquer que d'autres modèles commencent à évoquer des « épimutations » et des «prédispositions épigénétiques » au cancer. Ces notions, bien qu'elles soient très récentes et sujettes à débat, révèlent à la fois
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l'importance que prennent les événements épigénétiques dans la manière d'appréhender le cancer, mais aussi la capacité d'un paradigme existant à intégrer de nouvelles données dans un modèle élargi. Ainsi, les « épimutations » seraient transmises de manière héréditaire et conféreraient une prédisposition au même titre qu'une mutation dans un gène 245 . Là encore, le cancer colorectal est cité comme exemple. Un tiers des cas de HNPCC n'est pas associé à des mutations des gènes MLH1 ou MSH2 classiquement incriminées dans ce type de cancer héréditaire (gènes impliqués dans le maintien de l'intégrité du génome). En 2002, Gazzoli et ses collaborateurs ont identifié un cas de HNPCC sans mutation héréditaire de MLH1, mais possédant une « hyperméthylation » de MLH1 dans les tissus normaux du patient246 . Les tumeurs colorectales de ce patient se développeraient donc en conséquence d'une «hyperméthylation» générale de MLH1 dans l'organisme. Des études ont identifié d'autres cas de HNPCC où la prédisposition au cancer colorectal serait due à une inactivation épigénétique de MLH1 ou MSH2 dans les tissus de l'individu247• 248 • D'après les auteurs d'une revue récente, «les "épimutations" de MLH1
ou MSH2 constituent des exemples de facteurs de prédisposition au cancer et peuvent servir d'exemples à une discussion approfondie sur les origines de ces épimutations et sur la manière dont elles prédisposent à la maladie»245 . Mais le modèle proposé ici n'est pas plus efficace que celui des mutations somatiques pour interpréter les nombreux résultats expérimentaux qui impliquent désormais l'environnement cellulaire dans le comportement des cellules cancéreuses.
Influences microenvironnementales sur le cancer • Le microenvironnement tumoral comme suppresseur ou inducteur de tumeurs. La conception des carcinomes (90% des cancers) comme maladies de l'épithélium est actuellement contredite par une vision plus environnementale de la maladie, où la tumeur ne pourrait se développer que si le
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tissu environnant est perturbé et désorganisé, en particulier au niveau des interactions entre l'épithélium et le stroma (tissu de soutien contenant notamment des cellules appelées fibroblastes qui sécrètent les protéines de la matrice extracellulaire qui les entourent dans ce tissu) 249-253 . Cette conception est clairement fondée sur le fait qu'il existe des interactions entre les cellules cancéreuses et le tissu environnant, notamment les fibroblastes et la matrice extracellulaire, qui influencent l'expression génique et déterminent si ces cellules sont «contrôlées» ou prolifèrent254-256 . Les travaux classiques de Mintz et Illmensee ont montré que l'injection de cellules peu différenciées de carcinomes dans des embryons de souris très précoces supprime leur caractère cancéreux inhérent. Les embryons contenant ces cellules cancéreuses et des cellules de l'embryon original ont été implantés dans une souris et ont permis un développement normal. Les cellules potentiellement malignes ont donc été incorporées dans l'embryon et ont contribué à la formation d'une grande variété de tissus fonctionnels chez la souris adulte 257. Les mêmes cellules se répandent et tuent une souris adulte lorsqu'elles sont injectées dans la peau ou l'abdomen. Cela pourrait permettre de conclure à une origine non mutationnelle du cancer. Ces travaux sont systématiquement cités comme les travaux séminaux ayant ouvert le champ des études sur l'importance du microenvironnement tumoral. Plus récemment, des noyaux de cellules cancéreuses ont été introduits dans des oocytes (cellules sexuelles femelles des mammifères) dont on avait préalablement enlevé le noyau, ceux-ci ayant été ensuite utilisés pour générer des cellules souches embryonnaires elles-mêmes utilisées pour le développement de souris258 . Bien que ces souris possédaient une prédisposition au cancer (ce qui renseigne sur une composante génétique), la grande majorité de leurs tissus étaient normaux, probablement parce que le génome de ces cellules malignes a été placé dans un environnement normal.
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De nombreux autres résultats expérimentaux montrent que le rétablissement d'interactions appropriées entre les cellules cancéreuses et leur microenvironnement permet de supprimer le phénotype cancéreux. En effet, alors que des cellules normales d'un tissu placées dans un autre tissu dégénèrent en cellules cancéreuses259, des cellules cancéreuses co-cultivées in vitro avec des cellules normales, implantées dans un microenvironnement normal correspondant à leur tissu d'origine, ou soumises à des signaux de différenciation ou d'embryogenèse, acquièrent un comportement normal et peuvent contribuer au développement de tissus tout à fait fonctionnels 260-264 . De très bonnes revues scientifiques ont fait le point sur l'ensemble de ces données qui montrent la capacité de l'environnement cellulaire à contrôler voire supprimer le comportement des cellules cancéreuses 122, 253,265. Si l'on s'intéresse plus particulièrement à la co-culture in vitro de cellules cancéreuses avec des cellules normales, il apparaît que le contact entre ces cellules permet souvent de «normaliser» les cellules cancéreuses. Suite au développement d'une méthode de transformation de cellules normales en cellules cancéreuses in vitro par infection des cellules par le virus du sarcome de Rous (VSR) 266, il a été démontré dès 1960 que des cellules fibroblastiques de poulet «fraîchement» transformées par le VSR sont normalisées quant à leur morphologie et voient leur prolifération inhibée lorsqu'elles sont ajoutées à une couche de fibroblastes de poulet normaux267. La suppression des caractéristiques cancéreuses de fibroblastes de mammifères transformés par le virus du polyome a également été obtenue par contact avec des fibroblastes de souris normaux268 . Cela est également vrai pour des fibroblastes de mammifères irradiés aux ultraviolets 269 . Ces résultats et bien d'autres montrent que des cellules cancéreuses peuvent être contrôlées par des cellules normales. Un exemple plus récent a montré in vitro la capacité de normalisation de cellules de peau (kératinocytes) sur des cellules de papillome270 . Un excès de cellules normales
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dans un mélange avec des cellules de papillomes est également capable de supprimer la formation de papillomes lors de l'injection de ce mélange dans la peau de souris271 . Enfin, des cellules de carcinomes de peau sont inhibées dans des systèmes de culture cellulaire de peau en trois dimensions272 . Emmanuel Farber et ses collègues ont été les premiers à mettre en évidence que l'on peut agir prioritairement sur le tissu environnant pour promouvoir la prolifération des cellules altérées in vivif73 . Après exposition des cellules du foie à un agent carcinogène, les animaux ont subi un traitement qui inhibe la prolifération des hépatocytes normaux, couplé à un stimulus de croissance pour le foie. Dans ces conditions, seules les cellules initiées par l'agent carcinogène sont capables de surpasser le traitement inhibiteur et de répondre au stimulus, produisant des lésions précancéreuses. En revanche, si le traitement inhibiteur n'est pas appliqué aux cellules environnantes, le stimulus seul ne suffit pas à provoquer l'expansion des cellules initiées, aucune lésion n'est alors observée. La phase de promotion ne touche donc pas les cellules initiées elles-mêmes, mais la capacité du tissu environnant à gêner la prolifération de ces cellules. Les études classiques d'initiation-promotion de cancer de la peau (voir section p. 43) chez la souris illustrent aussi ce phénomène. En effet, comme nous l'avons vu, une seule application d'un agent mutagène pour l'initiation, puis l'application répétée d'un agent non mutagène pour la promotion permettent d'obtenir des tumeurs très facilement, que le promoteur soit appliqué immédiatement après l'initiateur ou un an après (avec tout de même une diminution de l'efficacité) 274 . L'efficacité et la persistance des événements initiateurs sont caractéristiques de mutations et sont généralement interprétées comme telles. En revanche, l'interruption du traitement par le promoteur pour une longue période avant que ce traitement ne soit achevé permet à la peau de revenir à son état initial post-initiation, bien que les
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cellules répondent alors plus rapidement au rétablissement du traitement promoteur275 . Les effets du promoteur touchent la différenciation des cellules de la peau. Il la perturbe et permet aux cellules initiées d'échapper au contrôle par le tissu et de proliférer. Cela montre bien qu'il n'y pas de formation de tumeur sans promotion. Les kératinocytes normaux suppriment le développement cancéreux en absence de promoteur. Il faut en revanche noter qu'un traitement avec un promoteur seul peut aboutir à la cancérisation. Une lignée de souris permet d'obtenir, par traitements répétés à long terme de la peau non initiée par l'agent promoteur 12-0-tétradécanoylphorbol-13-acétate (TPA), des papillomes et même des carcinomes chez certaines souris, la plupart contenant une mutation dans l'oncogène H-RAS2 76 . Ces données sont interprétées comme étant dues au fait que le promoteur permet la prolifération de cellules qui contenaient au préalable des mutations spontanées dans ce gène277 (ce qui permet d'insister encore sur l'importance de la sélection dans le processus de cancérogenèse278). Richmond Prehn a été le premier à proposer en 1964 que les agents carcinogènes pourraient principalement altérer l'environnement cellulaire de telle sorte que «des variants génétiques préexistants seraient stimulés et/ou "autoriser" à proliférer » 279• Le même phénomène est observé avec une autre lignée de souris qui, traitée de manière répétée par le TPA, mais sans initiation, voit se développer des tumeurs chez un quart des animaux après quatre mois 280 . Comme le TPA n'est pas mutagène dans les cellules de mammiferes281 , il est donc admis que les tumeurs se développent par promotion de mutations spontanées dans la peau278 . Nous verrons que ces résultats peuvent être interprétés différemment, car cette altération du microenvironnement pourrait être elle-même à l'origine des altérations génétiques (voir chapitre 2, section p. 54). Harry Rubin admet d'ailleurs que
«la longue période requise pour voir apparaître des tumeurs engendrées par des traitements répétés d'une peau non initiée par le promoteur
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suggère qu'il existe des stades intermédiaires qui précédent la formation tumorale >/277. Reste à déterminer la nature de ces changements intermédiaires et le mode d'action de ces promoteurs non mutagènes dont l'application suffit à générer des cancers. Il est d'ailleurs intéressant de remarquer que des mutations et des réarrangements chromosomiques ont lieu à très haute fréquence dans les tissus normaux 122,282 . Par exemple, un système expérimental a permis d'observer la présence d'environ 390 modifications génétiques par cellule de l'intestin grêle normal de souris âgées (32 mois), dont 330 mutations et soixante réarrangements chromosomiques282 . De nombreuses altérations génétiques ont également été observées dans le cerveau, le cœur et le foie des souris jeunes ou âgées. D'après les modèles classiques, il est attendu que certaines de ces mutations et surtout les réarrangements chromosomiques provoquent des changements phénotypiques graves et engendrent une altération du tissu; or rien de tel n'a été observé. Dans la même perspective, des altérations génétiques sont observées dans le tissu mammaire normal de la moitié des femmes examinées, dont beaucoup sont habituellement associées au cancer du sein283. Malgré le fait que ces observations ne couvrent qu'une faible part du génome humain, de nombreuses mutations associées au cancer du sein sont ainsi constatées dans les cellules normales, ce qui offre une preuve supplémentaire que les caractéristiques normales des cellules sont maintenues malgré la présence de mutations pouvant engendrer des conséquences phénotypiques importantes. D'ailleurs, la présence de ces altérations ne mène pas nécessairement au cancer, même de nombreuses années plus tard284 . Une autre illustration vient du fait que de jeunes rats qui présentent des cellules mammaires contenant des mutations de l'oncogène H-RASrestent sains, et donc les mutations sans effet, au cours de leur vie, à moins qu'un agent cancérigène ne soit appliqué 285 , 286 . Les rats traités développent alors des cancers qui sont associés à ces mutations. De nombreux autres exemples de tissus qui contiennent des cellules au
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comportement normal malgré la présence de mutations connues pour contribuer à la pathologie dans certaines circonstances peuvent être cités278 , 287. D'ailleurs, comme le remarque Rubin 122, la même chose est probablement vraie pour les changements épigénétiques qui se produisent à une fréquence bien supérieure aux modifications génétiques288 . Enfin, une série d'études in vivo montre de manière irréfutable les effets normalisateurs des tissus normaux sur les cellules cancéreuses. Ces études ont été réalisées avec deux lignées de cellules aneuploïdes de carcinome du foie du rat transplantées dans des rats de même génome260 , 2 89-291. Les deux lignées forment des tumeurs lorsqu'elles sont injectées sous la peau et de manière intrapéritonéale, quel que soit l'âge des rats. En revanche, toutes les cellules de la lignée la moins agressive transplantées dans le foie se différencient en cellules du foie et intègrent l'organe289 . Aucune tumeur ne se développe avec cette lignée chez les jeunes rats après injection intrahépatique. Cependant, des tumeurs apparaissent lorsque les cellules sont injectées dans des rats plus âgés, avec une augmentation de leur fréquence avec l'âge260 . Les cellules de la lignée la plus agressive provoquent quant à elles des tumeurs dans le foie après injection intrahépatique, mais ces tumeurs sont plus différenciées que celles qui apparaissent lorsque les cellules sont injectées sous la peau des rats. Une série de conclusions peut être tirée de ces expériences 122 . La capacité du foie à «normaliser» les cellules cancéreuses diminue avec l'âge. Cette normalisation est plus efficace sur des cellules qui se retrouvent isolées dans le foie et en contact intime avec des cellules hépatiques normales. De surcroît, plus il y a de cellules injectées au même endroit, plus il est probable qu'il y ait prolifération anormale des cellules injectées260, 29° et, de manière attendue, plus la lignée présente des caractéristiques agressives, mieux elle peut échapper aux capacités de «normalisation» du tissu normal. Le succès de la «normalisation» est également plus grand lorsque les
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cellules sont transplantées dans le rein puis «filtrées» par celui-ci avant de se retrouver isolées dans le foie 290 . Les cellules transplantées qui réussissent à passer du foie au poumon forment des tumeurs de cet organe, quel que soit l'âge du rat. Les cellules de la lignée la moins agressive qui sont intégrées au foie des jeunes rats commencent à proliférer lorsque les rats vieillissent, tout comme elles le faisaient initialement lorsqu'elles étaient transplantées dans des rats plus âgés. Enfin, les cellules «normalisées» retrouvent leur comportement cancéreux lorsqu'elles sont dissociées du tissu normal et remises en culture in vitn? 90 . Tous ces résultats montrent bien la capacité du foie des jeunes rats à contrôler le comportement de cellules cancéreuses et la perte de cette capacité avec l'âge (cette perte ayant lieu seulement chez les mâles et non chez les femelles). L'hypothèse d'un microenvironnement contraint dans sa croissance comme facteur favorisant la promotion tumorale vient aussi d'autres expériences de transplantation cellulaire dans le foie. Des hépatocytes (cellules du foie) provenant de lésions précancéreuses induites chimiquement ont été introduits dans le foie d'animaux de même génome qui avaient été traités par la molécule appelée rétrorsine, laquelle bloque la prolifération des hépatocytes résidents 292 . Dans ces conditions de microenvironnement «bloqué» dans le maintien de son intégrité, les cellules transplantées ont proliféré sélectivement dans le foie, formant des lésions précancéreuses et cancéreuses. Mais au contraire, aucune de ces lésions n'a été observée avec la transplantation de ces mêmes hépatocytes altérés dans des animaux non traités à la rétrorsine, suggérant que les cellules transplantées n'avaient pas de capacité de prolifération «autonome »292 . Il est d'ailleurs intéressant de remarquer que la cirrhose hépatique ou la fibrose du foie induite par l'hépatite C sont associées à l'inhibition de la prolifération des hépatocytes tout en étant des facteurs de risque très important dans l'apparition de carcinome dans le foie 293 .
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Ces résultats montrent que le «cancer peut être reprogrammé de manière épigénétique en cellules normales » 294 . Autrement dit,
«rétablir des interactions appropriées entre les cellules cancéreuses humaines et leur environnement peut inverser le comportement tumoral, même en présence d'altérations génétiques importantes » 295 . D'autres travaux «historiques», qu'il est impossible de citer de manière exhaustive, confortent cette hypothèse du microenvironnement tumoral comme suppresseur ou inducteur de tumeurs. Par exemple, des tumeurs de la thyroïde ou de l'hypophyse peuvent être induites en perturbant la communication hormonale entre ces glandes endocrines et guéries en restaurant cette communication296 . Des tumeurs appelées tératocarcinomes se forment lorsque des embryons de souris sont transplantés dans les testicules de souris adultes, mais ces cellules cancéreuses sont «normalisées» par réimplantation dans un nouvel embryon29?, 298. Enfin, l'infection séparée de cellules épithéliales ou de cellules du tissu environnant par le virus polyome ne suffit pas à provoquer des tumeurs épithéliales dans des glandes salivaires de souris, mais la combinaison des deux le permet299 . Voyons maintenant quels sont les facteurs, en particulier cellulaires et moléculaires, qui peuvent être impliqués dans ces phénomènes de contrôle par le microenvironnement tissulaire. • Matrice extracellulaire et cellules stromales. De nombreuses études moléculaires ont désormais montré l'importance du contexte et du microenvironnement dans l'atténuation ou l'induction de tumeurs, en particulier du sein254, 300, 301. Depuis une dizaine d'années, des modifications ciblées de certains facteurs moléculaires du microenvironnement ont permis de réellement provoquer le développement de cancers d'origine épithéliale. Par exemple, un traitement de cellules par la métalloprotéinase de la matrice 3 (MMP-3) qui dégrade la matrice extracellulaire3 0 2, une augmentation de l'activité de la matriptase (qui dégrade elle aussi la matrice) dans des souris transgéniques303 ou une augmentation de la rigidité de
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cette matrice304 sont des événements capables d'induire un phénotype cancéreux. De tels résultats renforcent le concept de cancer comme maladie trouvant son origine dans la subversion du contrôle microenvironnemental au moins autant que dans celle du matériel génétique. En utilisant un système de culture en trois dimensions où des cellules épithéliales de sein sont cultivées dans une matrice extracellulaire qui mime le tissu mammaire normal, Mina Bissell et ses collaborateurs ont montré que des cellules potentiellement malignes et génétiquement altérées sont capables de reprendre un comportement normal lorsque les interactions des cellules cancéreuses avec leur environnement sont modifiées300, 305 . Ces expériences montrent clairement qu'il est possible d'obtenir différents phénotypes avec le même génotype et que l'environnement des cellules cancéreuses est crucial. De plus, une modélisation mathématique du processus cancéreux a confirmé que la prolifération néoplasique peut être favorisée par des altérations du microenvironnement qui réduisent les signaux inhibiteurs produits par les cellules normales et la matrice extracellulaire306. Bien que d'autres types cellulaires comme les cellules inflammatoires contribuent au développement des cancers, l'intérêt progressif pour les cellules stromales307-309 a permis de montrer que, dans certains cas, la cible de mutations et/ ou la source originale du cancer, peu(ven)t être ces cellules. Depuis longtemps, des changements morphologiques accompagnant la formation des cancers ont été observés au niveau stromal. Mais des études récentes ont identifié des changements d'expression génique dans des fibroblastes associés au cancer (FAC) 310, ainsi que des modifications de leur physiologie308, 311 . Elles incluent des caractéristiques de prolifération aberrantes et une expression anormale de facteurs de croissance (molécules favorisant la prolifération cellulaire). Il a aussi été démontré que les cellules stromales peuvent contenir des altérations génétiques distinctes de celles des cellules tumorales dans
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des échantillons de cancer du sein, de l'ovaire, du côlon, de la vessie et de la tête et du cou312-314• Cela semble indiquer qu'elles coévoluent avec les cellules cancéreuses au cours du processus. Ces altérations pourraient avoir été sélectionnées et jouer un rôle dans le «soutien» des FAC à la prolifération des cellules tumorales 315 • 316 . Par exemple, Moinfar et ses collaborateurs ont observé des modifications génétiques dans une proportion importante de l'ADN analysé à partir de tissu stromal adjacent à des tumeurs primaires317. Il faut toutefois mentionner qu'il existe un débat sur ce thème, car toutes les premières études d'altérations génétiques au sein des FAC ont été réalisées sur des coupes de tissu cancéreux fixé à la paraffine (une méthode permettant l'analyse des tissus après avoir «figé» leurs caractéristiques). Des études sur des tissus fraîchement congelés n'ont au contraire pas permis de détecter de telles altérations génétiques au sein du stroma de cancers du sein318 . D'autres études sont venues confirmer ces données319 . Ces différences peuvent être dues au mode de conservation des tissus ou au type d'altération recherché. En revanche, d'autres articles scientifiques ont montré la présence d'un profil aberrant de modifications épigénétiques comme la méthylation de l'ADN dans les FAC qui pourrait contribuer à leur rôle actif dans la cancérogenèse320-322 • Mais la pertinence pour la pathologie des altérations génétiques et épigénétiques observées dans les FAC reste encore à confirmer312 . Par ailleurs, un résultat très récent a montré que les cellules stromales semblent soumises à une «autophagie» induite par les cellules cancéreuses au cours du développement cancéreux, c'est-à-dire qu'elles « s'autodigéreraient» de manière à fournir des nutriments aux cellules cancéreuses environnantes323 -3 25 . Il s'agit d'un argument supplémentaire montrant l'implication de ces cellules dans la progression tumorale. Ces altérations des fibroblastes pourraient donc favoriser le développement cancéreux, mais d'autres éléments montrent
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qu'ils pourraient aussi être à l'origine du processus. Ana Soto, Carlos Sonnenschein et leurs collaborateurs ont rapporté que l'agent carcinogène et mutagène N-nitroso-méthylurée (NMU) peut initier la transformation cancéreuse en agissant sur le tissu stromal, et non sur les cellules épithéliales qui prolifèrent ensuite pour former un cancer326 . Pour tester le fait généralement admis que le NMU induit le cancer en créant des mutations dans les cellules épithéliales mammaires, ils ont traité ces cellules avec cet agent in vitro, puis les ont réimplantées dans des sphères graisseuses mammaires de rat. De manière inattendue, les cellules épithéliales mutées sont incapables de former des tumeurs lorsqu'elles sont en contact avec un tissu stromal non traité. L'expérience inverse a ensuite été tentée en ôtant les cellules épithéliales et en traitant le tissu stromal. La transplantation des mêmes cellules épithéliales non traitées dans les sphères graisseuses a alors généré des tumeurs. D'autres auteurs ont également montré que l'irradiation par des rayonnements gamma mutagènes d'un tissu stromal dénué de cellules épithéliales permet le développement rapide de tumeurs par des cellules épithéliales réimplantées327· 328 . Ces résultats montrent que les cellules stromales sont capables de contribuer à la transformation cancéreuse de cellules épithéliales - et même de l'initier - en perturbant le «dialogue» normal entre l'épithélium et le stroma. On avait déjà mis en évidence que des fibroblastes issus de patients possédant une prédisposition héréditaire au cancer du sein, mais n'ayant pas développé de tumeur, peuvent présenter un phénotype proche d'un comportement cancéreux32 9. Les cellules stromales jouent aussi un rôle dans l'effet cancérigène des radiations ionisantes. En effet, les radiations contribuent à la prolifération et à la progression de cellules épithéliales transformées en altérant le tissu stromal dans lequel les cellules sont implantées327· 330, probablement en provoquer la mort des fibroblastes 328. De la même manière, le stroma irradié de la moelle osseuse a été impliqué dans la genèse de leucémies331
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et l'expression forcée de facteurs de croissance par des fibroblastes humains a engendré chez la souris la formation de cancers épithéliaux dans un tissu mammaire «humanisé »332 . Par ailleurs, des fibroblastes déficients en protéine p53 sont plus efficaces que leurs équivalents non déficients dans la promotion de cellules de carcinome mammaire 333 , et des fibroblastes mammaires humains dont on induit artificiellement la mort in vitro sont aussi capables de stimuler la croissance d'un épithélium soit normal, soit altéré dans des systèmes de culture en trois dimensions 334 . Des résultats similaires ont été obtenus avec des fibroblastes de prostate humaine335 et une modélisation mathématique récente est venue confirmer le caractère plausible de ce mécanisme. Dans un article paru en 2004, des souris transgéniques dont les fibroblastes étaient déficients pour la production d'un facteur de croissance appelé Transforming Growth Factor (TGF-13), une molécule essentielle au tissu stromal, ont développé des lésions précancéreuses et des cancers invasifs de l'estomac. Ces données suggèrent que, lorsque le TGF-13 est présent, la croissance des cellules épithéliales adjacentes est contrôlée. Les fibroblastes normaux protègent donc l'épithélium de la cancérogenèse. Mais, lorsque les fibroblastes ne produisent plus le TGF-13, cette protection est interrompue, la croissance n'est plus contrôlée et des tumeurs se forment 336 . Plus récemment, en 2009, on a démontré que l'inactivation du gène PTEN dans des fibroblastes de la glande mammaire de souris accélère l'apparition de tumeurs épithéliales mammaires, ce qui est notamment associé à un remodelage de la matrice extracellulaire337. Ici encore, l'absence d'un gène essentiel dans les relations entre épithélium et stroma favorise la cancérogenèse. Un élément important de cette perspective «microenvironnementale» actuelle est l'idée que ce sont des cellules génétiquement «initiées» préexistantes dans le tissu qui formeront les tumeurs. Cette vision toujours génétique affirme
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que ces cellules ont une faible prédisposition à se développer en tumeur et resteront plutôt «dormantes» tant qu'un agent exogène, tel un «signal» émis par un tissu stroma} modifié, ou une incapacité de prolifération des cellules environnantes, n'a pas levé l'inhibition de prolifération exercée sur ces cellules par le tissu. Si par exemple le potentiel de prolifération des cellules normales dans un tissu donné est sévèrement réprimé, cela peut se traduire par un environnement permissif pour des cellules altérées qui prolifèreraient et compenseraient l'incapacité de prolifération des cellules environnantes. Ainsi, le développement du cancer est considéré et analysé par certains comme étant un événement avant tout tissulaire, et non pas seulement cellulaire293 • 338 • 339 , mais l'origine génétique du processus n'est généralement pas remise en cause. Toutefois, les résultats cités ci-dessus et bien d'autres ont conduit Ana Soto et Carlos Sonnenschein à suggérer que les chercheurs doivent repenser la manière dont les cancers se forment. D'après eux, la carcinogenèse ne résulte pas de mutations «clés» dans des gènes des cellules épithéliales, mais serait plutôt la conséquence directe d'une perte ou d'une perturbation de l'organisation biologique du tissu induite par la modification des interactions épithélium-stroma ou un microenvironnement aberrant, sans que des mutations soient nécessaires340• 341 . Les cellules n'auraient plus besoin d'être «initiées» pour proliférer si ce microenvironnement est perturbé, ce qui renverse totalement le lien de causalité dans la pathologie. • La théorie du champ d'organisation tissulaire. La théorie du champ d'organisation tissulaire (TCOT) pour l'origine du cancer émise par Soto et Sonnenschein fait deux propositions principales341 : 1. la prolifération, et non la quiescence (état non prolifératif), constitue l'état par défaut de toute cellule (hypothèse en contradiction avec l'idée dominante pour les cellules des organismes supérieurs, et qu'ils ont très brillamment défendu dans leur ouvrage La Société des cellules.
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Nouvelle approche du canœr341 . Ils y analysent en particulier la notion de «facteur de croissance» qui constitue pour eux plutôt des facteurs de «survie» que des facteurs de prolifération) ; 2. les agents carcinogènes agissent initialement en perturbant les interactions normales qui ont lieu entre les cellules de l'organisme, notamment entre les cellules du tissu stromal et les cellules épithéliales d'un organe340, 341. Durant le développement embryonnaire et fœtal, l'épithélium et le tissu stromal associé s'influencent l'un l'autre et dirigent les cellules vers leur «champ morphogénétique», défini comme l'ensemble des conditions environnementales locales qui contribuent à orienter la différenciation des cellules vers le type cellulaire adapté au tissu où a lieu cette différenciation. Ces «champs morphogénétiques » restant opérationnels à l'âge adulte 338, la perturbation de ces interactions par des agents carcinogènes aurait pour résultat une diminution de la capacité des cellules à «lire» leur positionnement dans le tissu. En retour, ceci autoriserait les cellules épithéliales à exercer leur capacité intrinsèque à proliférer. Ensuite, l'organisation tissulaire en serait perturbée (dysplasie) ou adopterait une organisation caractéristique d'un autre tissu (métaplasie), puis les cellules finiraient par former un carcinome. Dans ce modèle, les altérations de l'architecture tissulaire sont à l'origine du développement cancéreux, et ce développement peut aboutir à une aneuploïdie342 ou des mutations343. Ainsi, comme le suggérait déjà Richmond T. Prehn en 1994, «il
pourrait être plus exact de dire que les cancers engendrent des mutations plutôt que de dire que des mutations engendrent les cancers » 344 . Cela est bien sûr en totale contradiction avec la théorie des mutations somatiques et les autres théories génétiques qui postulent qu'une cellule «renégate» possédant des altérations génétiques spécifiques, comme par exemple des mutations dans certaines oncogènes ou gènes suppresseurs de tumeurs, suffit au processus cancéreux252 . D'après ce même Prehn, «les
phénotypes du cancer résulteraient plutôt de l'expression aberrante ou
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anormale des gènes ayant pour origine des mécanismes épigénétiques [au sens large} plutôt que des mutations »344 . Cela rejoint la TCOT. Comme les caractéristiques normales des cellules, en particulier la différenciation, sont perturbées par ces altérations des profils d'expression, Prehn plaçait les problèmes de différenciation cellulaire au centre de la cancérogenèse, tout comme le fait d'ailleurs Henry Harris345 . Nous verrons dans le chapitre suivant que de nombreux éléments vont dans ce sens. La réversibilité du processus est un point central de la théorie de Soto et Sonnenschein. D 'après eux, les études citées ci-dessus sur la normalisation de cellules tumorales dans un microenvironnement correct montrent effectivement que le phénotype cancéreux est adaptatif et constitue un phénomène émergent qui se produit au niveau tissulaire de l'organisation biologique252. De plus, ils admettent que si l'action d'un agent carcinogène persiste ou si l'organisation tissulaire est sévèrement compromise, l'évolution des cellules vers des stades pleinement cancéreux pourrait diminuer les possibilités de revenir au statut initiai3 40 . Il faut noter que des études de toxicologie corroborent cette théorie de la désorganisation tissulaire, notamment celles montrant que de nombreuses substances carcinogènes perturbent les jonctions communicantes et que cette perturbation est tumorigène, alors que la restauration artificielle de ces jonctions réprime la cancérogenèse346 . Guidés par la TCOT, Soto et Sonnenschein ont mené récemment des recherches sur les effets du bisphénol A (BPA), un perturbateur endocrinien qui agit donc sur les communications cellulaires à distance. Cet agent, comme tous les xéno-œstrogènes (produits chimiques synthétiques qui imitent l'action de l'œstrogène), interfere dans le développement de la glande mammaire. Pour tester l'impact du BPA sur l'apparition de cancers à l'âge adulte, des fœtus de souris ont été exposés en période périnatale à de faibles doses de BPA. Cela a eu pour conséquence des altérations de la structure tissulaire
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des glandes mammaires fœtales durant toute la période d'exposition347 et produit des effets à long terme, en induisant notamment des hyperplasies (prolifération anormale des cellules) à l'âge adulte 348 . Ces observations semblent indiquer que l'exposition au BPA augmente les risques d'apparition de cancers349 . Lors d'autres études, des rats gravides ont été exposés à des doses croissantes de BPA. La progéniture femelle présentait des hyperplasies de la glande mammaire à toutes les doses testées et des carcinomes ont été observés cinquante et quatre-vingt-quinze jours après la naissance pour les deux plus fortes doses, démontrant que l'exposition au BPA durant la gestation est suffisante pour induire des cancers chez l'adulte, donc en l'absence de tout autre traitement ayant pour but d'augmenter l'incidence des cancers350. D'autres perturbateurs endocriniens, comme l'atrazine 351 ou les dioxines (dont ce n'est pas le seul effet toxique) 352, altèrent le développement de la glande mammaire 353 . Le BPA a aussi provoqué des lésions précancéreuses dans le pancréas de rat exposé au stade néonatal354. Ces données ne font que renforcer toutes celles mentionnées depuis le début de ce chapitre sur les influences microenvironnementales dans le processus cancéreux. À cela pourrait s'ajouter le fait que les cancers se développent souvent sur des blessures chroniques, où l'inflammation et les dommages tissulaires, donc le microenvironnement, jouent un rôle particulièrement important355 . Comme nous l'avons mentionné, d'autres hypothèses ont été proposées pour expliquer l'importance du microenvironnement dans la cancérogenèse, en particulier celle de john D. Patter qui critique le rôle causal des mutations, mais sans le nier356. Toutefois, la grande majorité de ces modèles reste fondamentalement dans le cadre de la TMS. Certes, ceux qui furent les défenseurs les plus acharnés de la TMS il y a quinze ans acceptent désormais que le problème ne soit pas seulement cellulaire, mais l'initiation des cellules par des modifications génétiques reste pour eux
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la condition sine qua non au développement tumoral. Seule la TCOT estime que les désordres tissulaires sont les événements initiaux et que les lésions génétiques ne sont qu'une conséquence qui pourrait accélérer la cancérogenèse a posteriori. Mais la manière dont la perturbation de l'organisation tissulaire et la génération d'instabilité génétique sont liées reste floue 357 et définir le cancer en termes strictement non génétiques semble délicat, tant les éléments montrant l'importance des altérations génétiques dans la prolifération des cellules tumorales sont nombreux. Le fait que les premières étapes de la cancérogenèse paraissent être liées à une certaine adaptation physiologique à des conditions microenvironnementales inhabituelles pourrait fournir quelques indices sur les changements induits par les agents carcinogènes au sein des cellules. • Carcinogenèse et adaptation au microenvironnement. Il y a vingt ans, Emmanuel Farber a décrit la nature physiologique des étapes précancéreuses en étudiant les changements biochimiques induits au sein des cellules par des substances carcinogènes qui mènent à la formation de lésions dans le foie (les nodules) et dans la peau (les papillomes)?0 . Par exemple, une forme classique d'adaptation aux xénobiotiques (substances chimiques étrangères à l'organisme qui peuvent être toxiques même à faible dose) semble être l'activation d'un ensemble de gènes codant pour des protéines adaptées à leur détoxification 70 . Ces structures tissulaires qui apparaissent suite à l'exposition des tissus à des agents chimiques sont particulièrement résistantes aux effets toxiques des molécules qui les ont générées358. Farber voyait cette adaptation comme un processus de dédifférenciation qui rendrait possible la création d'une nouvelle population de cellules qui seraient mieux adaptées à ce nouveau microenvironnement. Par la suite, ces cellules prolifèreraient ou se redifférencieraient selon la nature et l'intensité des perturbations dans l'environnement358 . Une caractéristique étonnante des nodules du foie est leur capacité à se redifférencier spontanément malgré leur structure
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anormale et leurs caractéristiques hyperplasiques. En effet, la grande majorité des nodules peut disparaître et redonner un foie d'apparence normale, alors que seule une petite minorité se développe en cancer du foie 358• 359. Se fondant sur ces résultats et d'autres obtenus sur la peau, Prehn a suggéré que «tous les
systèmes carcinogènes pourraient varier seulement dans le détail et être tous caractérisés par des lésions précoces hyperplasiques qui ont une grande prédilection pour la régression par différenciation » 344 . Nous reviendrons plus tard (chapitre 3, section p. 205) sur l'importance de cette remarque. L'exposition de cellules en culture à certains agents carcinogènes fournit un moyen simple de déterminer la nature des changements induits dans les cellules. Les cultures de cellules normales de hamsters dorés furent parmi les premières lignées cellulaires à être utilisées pour étudier la carcinogenèse in vitro. Leur exposition pendant neuf jours à des hydrocarbones polycycliques carcinogènes a donné plus de 25 °/o de cellules transformées. Ce fort pourcentage indiquait aux auteurs que la transformation cancéreuse n'était pas le résultat d'un «type usuel de mutations produites aléatoirement »360. En 1970, Mondai et Heidelberger ont montré par leurs travaux sur la carcinogenèse chimique que chaque cellule exposée à l'agent chimique mutagène méthylcholanthrène in vivo produit des cellules filles possédant toutes une probabilité accrue de transformation cancéreuse, argument en défaveur d'une origine mutagène de cette transformation361 . Des résultats similaires ont été obtenus avec les rayons X, et de nombreux autres exemples pourraient être cités358 , tous montrant que des agents carcinogènes produisent des changements cellulaires (qui sont transmis aux générations cellulaires suivantes) dans une proportion bien plus élevée que celle attendue pour des mutations conventionnelles. Ces études impliquent que la cible initiale de ces agents ne semble pas être génétique. Bien que les changements initiaux produits par des agents chimiques carcinogènes ou les rayons X pourraient résulter
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d'une adaptation épigénétique plutôt qu'être le résultat de mutations (que ce soit in vitro ou in vivo), on pourrait alors penser que les étapes suivantes conduisant à la transformation cancéreuse reposent sur des événements rares, ce qui est cohérent avec l'hypothèse « mutationnelle ». Mais il a été montré ensuite qu'un traitement de cellules légèrement exposées aux rayons X par le TPA augmente très fortement le pourcentage de cellules transformées, ce qui a mené Rubin à conclure que la promotion «pourrait être considérée comme un processus se
produisant à une fréquence élevée, même si ses manifestations visibles n'apparaissent qu'avec une foible probabilité » 358 . Prehn ajoute: <
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difficilement expliquer le grand spectre d'altérations génétiques observé, il a été constaté par la suite que des changements profonds et complexes d'expression génique touchant notamment des gènes codant pour des protéines impliquées dans la réparation de l'ADN sont associés à l'hypoxie363 . Cela pourrait donc être une source majeure d'instabilité génétique lors du développement cancéreux364 . Glazer a également montré que des cellules cancéreuses transplantées dans des souris immunodéficientes possèdent une fréquence de mutagenèse cinq fois plus élevée que les mêmes cellules cultivées classiquement in vitrd3 65 . Les conditions de croissance au sein d'une tumeur solide sont donc mutagènes et l'instabilité génétique induite par le microenvironnement pourrait être une source majeure de progression cancéreuse in vivo. Cela a également été confirmé par l'utilisation d'autres souris permettant la détection de mutations dans les tissus 366 . Par ailleurs, l'exposition de cellules à des agents qui n'endommagent pas l'ADN entraîne une instabilité génétique persistante367. Ces événements non directement mutagènes, comme un traitement par la chaleur, prouvent l' existence d'une instabilité génétique induite par des modifications microenvironnementales, malgré le fait que les «mécanismes» moléculaires soient inconnus. De manière plus précise, la perturbation des systèmes d'adhérence cellulaire semble pouvoir initier le processus cancéreux (il existe par exemple une prédisposition au cancer associée à des mutations dans la protéine E-cadhérine impliquée dans l'adhérence entre cellules), notamment par le fait qu'elle peut altérer les voies de contrôle de la stabilité génomique 368 . Par exemple, des réductions de l'expression et de l'activité de la protéine p53 ont été associées à des changements dans l'adhérence de cellules épithéliales normales humaines369 . Encore une fois, le mécanisme exact par lequel les systèmes d'adhérence contrôlent l'expression de p53 est inconnu, mais cette étude montre que l'instabilité génétique des
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cellules tumorales pourrait avoir pour origine l'altération des interactions cellulaires. D'autres protéines, comme Bcl-2, sont également différemment exprimées en fonction de l'adhérence cellulaire370 . Dans la même perspective, il convient de citer le travail du laboratoire de Mina Bissell qui a montré en 2005 que l'expression forcée d'une métalloprotéinase, enzyme impliquée dans le remodelage de la matrice extracellulaire, engendre un phénotype cancéreux à partir de cellules épithéliales mammaires normales en augmentant notamment la production de radicaux oxygénés, source d'instabilité génétique302 . Ainsi, quelle que soit l'origine du processus et quand les conditions microenvironnementales le permettent, les altérations du génome semblent tout de même primordiales dans la progression tumorale. En effet, elles génèrent et permettraient donc ensuite l'expansion clonale de cellules de plus en plus agressives. Le simple fait que certaines de ces altérations soient observées fréquemment et donc conservées au cours du processus montre bien qu'elles font l'objet d'une sélection au sein des tumeurs, et qu'elles peuvent donc conférer, au moins momentanément, un avantage de croissance aux cellules via un ou plusieurs des mécanismes mentionnés plus haut (voir ce chapitre, section p. 48). Mais cela ne règle pas la question des événements initiaux sans lesquels cette progression ne serait pas possible. C 'est alors qu'il faut tenir compte de l'ensemble des résultats, trop souvent négligés, évoqués dans ce chapitre sur les influences épigénétiques dans le cancer. Nous nous appuierons régulièrement sur ces résultats dans les chapitres 2 et 3 de cet ouvrage. En réalité, certains des résultats évoqués dans ce chapitre sont actuellement reconsidérés selon une nouvelle perspective qui a émergé il y a maintenant une dizaine d'années. En effet, il existe actuellement un quasi-consensus pour décrire le développement cancéreux comme ayant pour origine et pour force motrice une sous-population de cellules appelées cellules souches cancéreuses, ou, de plus en plus fréquemment,
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«cellules cancéreuses ressemblant aux cellules souches » (en anglais, cancer stem-like cells). Nous allons voir ci-dessous en quoi les débats sur l'origine du cancer ont repris de la vigueur grâce à ce concept finalement assez ancien.
Cellules souches cancéreuses : un nouveau paradigme ? Au préalable à ce qui suit, quelques précisions sur le processus de différenciation cellulaire s'imposent. Pour schématiser, le développement embryonnaire est constitué de deux phases. La première est une phase d'expansion durant laquelle les cellules embryonnaires prolifèrent de manière exponentielle, car les deux cellules filles issues d'une même division sont également capables de se diviser elles-mêmes et de rester totipotentes, c'est-à-dire indifférenciées. Lors de la seconde phase, les divisions deviennent asymétriques et les deux cellules filles issues d'une division ne sont plus équivalentes. L'une d'entre elles reste une cellule souche, alors que l'autre débute un processus de différenciation dans les tissus en formation de l'embryon. Ainsi, les cellules totipotentes donnent d'une part les cellules souches des différents tissus qui possèdent un potentiel de différenciation plus restreint, et d'autre part les lignées de cellules qui forment les tissus bien différenciés. Les cellules souches des différents tissus sont maintenues au cours du développement et persistent dans le corps adulte, où elles servent de «réservoir» de cellules souches pour le renouvellement des tissus371 . Les tissus cancéreux contiennent les mêmes populations cellulaires que les tissus adultes normaux: des cellules souches, des cellules proliférantes en cours de différenciation, des cellules différenciées et des cellules mortes372 • Dans un tissu normal, toutes les cellules en cours de différenciation terminent cette différenciation tout en s'arrêtant de proliférer puis, après un certain laps de temps, meurent. La différence
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entre tissu normal et tissu cancéreux se situe au niveau de ces étapes ultimes de différenciation et de mort cellulaire. En effet, dans le cancer, les cellules proliférantes en cours de différenciation ont tendance à s'accumuler sans terminer leur différenciation. C'est ce que Barry Pierce et Stewart Sell ont appelé «l'arrêt de maturation » 373. Ces cellules, au lieu de se différencier, conservent leur pouvoir de prolifération et se divisent de manière illimitée. L'exemple le plus courant pour illustrer ce problème est celui de la peau où, là où les cellules normales se différencient à partir de cellules souches située à la base de l'épiderme, les cellules cancéreuses subissent un arrêt de maturation à différents stades de différenciation de l'épiderme374, 375 .
Cellules souches cancéreuses: vieux concept, nouvelle donne • Origine du concept de cellule souche cancéreuse. Pendant plus de deux cents ans, les pathologistes et les biologistes ont noté les similarités entre le cancer et le développement embryonnaire371 , 373 , 376 • En effet, au début et au milieu du XIXe siècle, avec le développement des microscopes et une capacité accrue à interpréter les changements tissulaires, des scientifiques comme Joseph Recamier (en 1829) et Robert Remak (en 1854) ont rapporté que les tissus cancéreux ressemblent à des tissus embryonnaires. Ces observations ont mené à une nouvelle théorie selon laquelle le cancer se développe à partir de cellules embryonnaires qui persistent et ne se différencient pas chez l'adulte. Cela a été formalisé par Durante (en 1874) et Cohnheim (en 1875) comme la «théorie du reste embryonnaire » 372 . Cette théorie a servi de précurseur à la théorie des cellules souches cancéreuses telle que nous la connaissons aujourd'hui. Toutefois, à la fin du XIXe siècle, la théorie du reste embryonnaire a perdu de son attrait et fut progressivement remplacée par la théorie de la dédifférenciation qui considère que le cancer se produit par dédifférenciation de cellules épithéliales «matures » 372 . C 'est
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encore Boveri qui, en 1914, paracheva ce modèle en concluant que les modifications génétiques dans les cellules différenciées causent le cancer par dédifférenciation9. Nous verrons plus loin dans ce chapitre (section p. 112) l'actualité de ce débat. Cette théorie de la dédifférenciation resta dominante jusque dans les années 1980, malgré les observations selon lesquelles au moins un type de cancer, les tératocarcinomes, a pour origine et contient des cellules souches372• • Cellule souche, différenciation et cancer. Quelle que soit l'origine des cellules cancéreuses (cellules souches ou cellules différenciées), Barry Pierce et ses collègues ont défendu tout au long des années 1970 et 1980 l'idée selon laquelle le cancer est essentiellement un problème de biologie du développement et donc de différenciation cellulaire 372 . Cette hypothèse est notamment fondée sur un travail fondamental publié en 1971 par Pierce montrant, par une expérience très simple, que les cellules proliférantes d'un carcinome de la peau peuvent se différencier en cellules non proliférantes bien différenciées377. En effet, ces auteurs ont pu marquer spécifiquement les cellules cancéreuses qui prolifèrent au début de l'expérience, puis ont regardé quelques jours plus tard où se trouvaient les cellules marquées. De manière très surprenante, ils ont retrouvé leur marquage dans des cellules bien différenciées de la tumeur, ce qui signifie que << les cellules malignes peuvent
devenir bénignes » 377. Très tôt l'observation des tissus cancéreux a montré que les cellules tumorales peuvent présenter des caractéristiques de différenciation de leur tissu d'origine, malgré le fait qu'elles échappent au contrôle de la prolifération qu'exerçait ce tissu. Plus surprenante a été la découverte toujours par Pierce et ses collègues que certains cancers des cellules germinales, appelées tératocarcinomes, qui apparaissent dans les testicules ou les ovaires des jeunes adultes, contenaient bien les mêmes sous-populations de cellules que les tissus normaux 376 , mais aussi que jusqu'à 99% des cellules de la plupart des
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tératocarcinomes sont différenciées en de multiples types cellulaires très différents, ce qui laisse penser que certaines cellules des tératocarcinomes sont totipotentes376, 378. En réalité, les seules cellules malignes dans les tératocarcinomes sont contenues dans des structures de la tumeur appelées «corps embryoïdes » 379 . La culture in vitro et la transplantation de ces tumeurs ne peuvent être réalisées qu'avec les cellules indifférenciées de ces corps embryoïdes. À partir de ces résultats, Pierce a conclu que les cancers sont <<des caricatures des tissus normaux» et qu'ils pourraient être traités par induction de la différenciation des cellules cancéreuses 378 . Il faut d'ailleurs souligner que dans les années 1960, Leroy Stevens a démontré que les tératocarcinomes peuvent se former à partir de cellules souches normales lorsque celles-ci sont transplantées dans les testicules38 0. Toutefois, jusque dans les années 1990, beaucoup de chercheurs ont considéré les tératocarcinomes comme un cas particulier et peu pertinent pour l'étude des autres cancers. Mais au cours des quinze dernières années, un extraordinaire regain d'intérêt pour le concept de cellule souche cancéreuse a eu lieu, en particulier grâce à l'étude de certaines formes de leucémies. • Le renouveau du concept de cellule souche cancéreuse. Les études ayant réintroduit et revivifié le concept de cellule souche cancéreuse au cours des années 1990 ont été réalisées sur la leucémie myéloïde aiguë (LMA). Les études pionnières de Dick et ses collègues ont démontré que seules quelques rares cellules d'une LMA de souris sont capables d'initier de nouvelles leucémies dans d'autres souris, et des séries de transplantations successives ont montré que ces cellules ont une capacité d'autorenouvellement très forte, ce qui est une caractéristique fondamentale des cellules souches38l,382 . Ces cellules capables d'initier le cancer possèdent des phénotypes différents de ceux de la majorité des cellules de la LMA, certains de ces phénotypes étant proches de ceux des cellules souches normales du sang. Elles seraient au nombre d'une sur
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250 000 cellules leucémiques381 • 382 et ont été appelées cellules souches cancéreuses (CSC), du fait de leur ressemblance avec les cellules souches normales. Bonnet et Dick ont trouvé que 5 000 de ces cellules peuvent générer une LMA dans une souris immunodéficiente, alors que cent fois plus de cellules de LMA du même donneur, mais n'ayant pas ces caractéristiques, en sont incapables382 . Il est important d'indiquer ici que les tumeurs qui apparaissent après transplantation sont composées d'un mélange de cellules tumorigènes et de cellules non tumorigènes similaire à celui du donneur382, ce qui montre qu'un processus analogue se produit lors de chaque développement cancéreux, et que ces esc produisent à la fois des cellules identiques à celles transplantées (par autorenouvellement) et des cellules plus différenciées qui perdent leur caractère cancéreux par un processus de différenciation383 . Depuis lors, des cellules cancéreuses ressemblant aux cellules souches et possédant les caractéristiques d'autorenouvellement et de « transplantabilité » de la tumeur ont été identifiées dans une grande variété de cancers humains, incluant des leucémies mais aussi des tumeurs solides comme celles du sein, du côlon, de la prostate, du cerveau, de la tête et du cou, du poumon, du pancréas, du nasopharynx, de la peau, ou encore du foie 384. Dans tous ces cas, une sous-population de cellules tumorigènes peut être identifiée de manière reproductible et isolée sur la base de phénotypes et de «marqueurs~~ moléculaires différents de ceux des autres cellules de la tumeur qui ne sont pas tumorigènes384 . Les tentatives d'identification de CSC dans d'autres types tumoraux sont en cours et la liste des cancers en contenant grandit continuellement385 . Il faut aussi remarquer des lignées de cellules cancéreuses bien établies cultivées in vitro contiennent également des CSC386-388_ Au cours de ces dernières années, l'hypothèse des CSC a donc été affinée et on postule désormais que la tumeur est organisée de manière hiérarchique, tout comme les tissus normaux. Elles seraient entretenues par une fraction de cellules
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responsables de la formation et de la croissance de la tumeur385 . Ces cellules, définies comme CSC ou encore «cellules initiant le canceP>, possèdent des caractéristiques clés des cellules souches normales, à savoir l'autorenouvellement, un potentiel de prolifération illimité, mais aussi des divisions peu fréquentes, une résistance aux xénobiotiques et une capacité à fournir une progéniture capable de se différencier385 . Toutefois, ces esc généreraient des cellules qui ne se différencient que partiellement et dont la différenciation semble «stoppée» à des stades intermédiaires. Ces cellules «filles» forment la majorité de la tumeur et sont caractérisées par une prolifération rapide, mais avec un nombre limité de divisions possibles et une incapacité à former de nouvelles tumeurs. Ce concept de CSC a provoqué un très grand enthousiasme pour deux raisons principales. Il permet d'envisager dans une nouvelle perspective des problèmes persistants de la biologie du cancer385 . D'une part, l'hétérogénéité des cancers, tant du point de vue fonctionnel que de celui de la composition cellulaire, est reconnue depuis longtemps, sans que les bases de cette hétérogénéité ne soient identifiées. Or, dans l'hypothèse des esc, l'hétérogénéité des cellules cancéreuses et le fait que seules certaines cellules d'une tumeur soient capables de générer une nouvelle tumeur se comprennent aisément. En effet, des cellules peu différenciées initialement sont tout à fait capables d'engendrer des populations de cellules très hétérogènes au sein de la tumeur par des phénomènes de différenciation non contrôlés. L'hypothèse d'un développement donal à partir d'une cellule différenciée qui se dédifférencierait semble moins pertinente pour expliquer cette hétérogénéité. D'autre part, l'hypothèse des CSC pourrait être également capable d'expliquer pourquoi il est si difficile de traiter les cancers. Si cette hypothèse est correcte, les interventions chimiothérapeutiques standards ou les nouvelles thérapies ciblées (voir ce chapitre, sections p. 119 et 124), qui ciblent le plus souvent les cellules proliférant rapidement, ont peu de
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chance d'éradiquer les tumeurs, puisque les esc prolifèrent peu. Seules les cellules «filles» en cours de différenciation prolifèrent beaucoup et sont donc efficacement tuées par ces thérapies385 . Par exemple, l'imatinib, première molécule utilisée en thérapie ciblée dans le cadre du traitement de la leucémie myéloïde chronique (voir ce chapitre, section p. 124), est un inhibiteur efficace des cellules leucémiques partiellement différenciées, mais n'agit pas sur les esc leucémiques 389 . En outre, la résistance des CSC à la chimiothérapie n'est probablement pas seulement due à leur état non prolifératif, mais aussi à l'existence de mécanismes d'expulsion de molécules du milieu intracellulaire vers le milieu extracellulaire, de séquestration des molécules thérapeutiques, «d'anomalies des cibles», de capacités de réparation accrues et surtout une propension globale à tolérer les dommages cellulaires (phénotype dit Multiple Drug Resistance, c'est-à-dire qu'elles possèdent une capacité générale de résistance à de multiples molécules thérapeutiques). Cela pourrait expliquer la récurrence sous des formes plus agressives ou métastatiques de cancers qui semblent être en rémission des points de vue clinique et pathologique. Ces observations impliquent bien que seul un petit nombre de cellules, parfois indétectables même avec les techniques les plus sophistiquées, est capable de provoquer la récurrence. De surcroît, lorsque les CSC sont exposées aux chimiothérapies ou aux radiothérapies classiques et leur échappent, elles pourraient développer des résistances et les transmettre à leurs cellules «filles». Cela pourrait expliquer pourquoi les cancers récurrents sont souvent plus résistants aux traitements que les tumeurs primaires. L'exemple du cancer du sein peut être cité. En 2008, une équipe de recherche américaine a démontré qu'après un traitement chimiothérapeutique, les patients montraient une augmentation significative de la proportion de esc dans la tumeur restante, ce qui est dû au fait que les autres cellules ont été tuées par la chimiothérapie (se
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lll
traduisant par une diminution du volume de la tumeur), mais pas les CSC390 . Ainsi, les CSC pourraient être responsables de la «dormance>> des tumeurs après un tel traitement, puis de la récurrence, après une période où elles semblaient en rémission391 . C'est pour toutes ces raisons que certains parlent de changement de paradigme392 . En effet, le modèle des CSC suggère qu'il est nécessaire de cibler et d'éliminer les esc pour éradiquer le cancer. Ainsi, il faudrait définir des stratégies capables de tuer sélectivement ces cellules, en épargnant les cellules souches normales, comme celles présentes dans l'intestin ou la moelle osseuse. Cela représente un véritable défi, car esc et cellules souches normales partagent de nombreuses caractéristiques, en particulier celles qui permettent l'autorenouvellement, même s'il semble bien exister des différences phénotypiques393 . Mais il faut admettre que ce modèle rencontre également des difficultés conceptuelles et expérimentales qui pourraient être liées à la nature même des cellules souches et à la définition que nous leur donnons.
Cellules souches cancéreuses: nouvelle donne, fausse révolution • Une définition incertaine. Parmi les questions qui se posent encore au sujet des esc, le problème de leur origine est particulièrement aigu. En effet, bien que nombre de chercheurs admettent qu'elles dérivent des cellules souches normales394, il ne faut pas oublier que le modèle et le terme de esc ne se réfèrent pas à l'origine cellulaire des cancers, mais à la manière dont les cancers se maintiennent et se propagent395 . Les CSC sont nommées ainsi par analogie conceptuelle avec les cellules souches normales, mais il se pourrait tout à fait qu'elles proviennent de cellules plus ou moins différenciées qui auraient acquis des propriétés de cellules souches par dédifférenciation396-399 . Des expériences ont mis en évidence que des cellules différenciées peuvent tout à fait provoquer des cancers par dédifférenciation. Par exemple, la combinaison de
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l'activation d'une voie dépendante du facteur de croissance EGFR (Epidermal Growth Factor Receptor) et de l'absence des gènes suppresseurs de tumeurs P16 et ARF dans des cellules nerveuses appelées astrocytes provoque des gliomes agressifs par dédifférenciation des cellules différenciées en CSC400 . En 2006, Krivtsov et ses collaborateurs ont montré qu'une altération chromosomique dans des cellules myéloïdes en cours de différenciation provoque l'expression aberrante de gènes spécifiques des cellules souches, entraînant l'acquisition de la capacité d'autorenouvellement et la transformation de ces cellules en CSC capables d'initier, maintenir et propager la leucémié01 . Enfin, il a été démontré en 2008 que la transition épithéliomésenchymateuse (un processus cellulaire fréquemment activé durant l'invasion et les métastases) de cellules épithéliales mammaires humaines provoque l'acquisition de caractéristiques de cellules souches402 . Ainsi, des CSC peuvent clairement apparaître à partir de cellules différenciées403 . Comme indiqué précédemment, il a été proposé qu'un enrichissement en esc puisse causer la récurrence de la maladie. Mais il se pourrait aussi que les traitements thérapeutiques engendrent une transition épithélio-mésenchymateuse qui augmente activement le nombre de CSC404. Le terme de CSC ne signifie donc pas forcément un lien spécifique avec les cellules souches normales 405. Certains préfèrent d'ailleurs les termes de« cellules initiatrices du cancer» ou de «cellules cancéreuses ressemblant aux cellules souches». Et si les CSC n'ont pas forcément pour origine les cellules souches normales, est-il possible alors qu'une majorité des cellules cancéreuses puisse se transformer en esc? Il semble effectivement que ce soit le cas. En effet, alors que les premières études «modernes)) sur les esc ont révélé un pourcentage allant de 0,0001% à 0,1% de ces cellules dans la masse tumorale, il a été montré en 2008 que la mesure rigoureuse de la fréquence de cellules tumorigènes lors de la transplantation de cellules cancéreuses humaines (de mélanomes) dans des
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souris immunodéficientes permet d'identifier près de 25% de CSC406 , sans pouvoir identifier de marqueur moléculaire spécifique les différenciant des autres cellules tumorales. Une explication possible pourrait provenir de l'environnement dans lequel les cellules cancéreuses essayent de proliférer407. En effet, les mêmes auteurs ont rapporté qu'en utilisant le même protocole in vivo que celui utilisé dans une précédente étudé08 , ils ont trouvé la même fréquence faible de cellules humaines de mélanomes tumorigènes (une sur un million). Toutefois, ils ont aussi montré que cette proportion peut être fortement augmentée lorsque différents aspects du protocole initial sont modifiés, comme l'allongement de la période d'observation, l'injection des cellules en même temps qu'un mélange riche en composants de la matrice extracellulaire pour augmenter la viabilité des cellules, ou l'injection dans un hôte plus immunodéficient que dans les premières expériences 407. Les auteurs ont conclu que la fréquence de cellules capables d'initier le cancer dépend fortement de la méthode employéé06 . Par ailleurs, l'inoculation intracrânienne de esc de glioblastome induit des tumeurs à haute fréquence, alors que cette fréquence est fortement diminuée lorsque les cellules sont injectées de manière sous-cutanéé09 . Il s'agit d'un autre élément montrant l'importance des facteurs environnementaux non immunitaires dans la cancérogenèse conduite par les esc. Ainsi, la fréquence et le rôle des CSC peuvent varier considérablement en fonction du système expérimental410 et le rôle des interactions cellulaires semble jouer un rôle très important dans cette évaluation. De plus, ceci pourrait remettre en cause le rôle même des CSC dans la cancérogenèse. Strasser et ses collaborateurs ont tenté de tester l'hypothèse des esc en utilisant une approche alternative de transplantation des cellules cancéreuses. Avec deux modèles de souris transgéniques, ces chercheurs ont trouvé que plus de 10% des cellules transplantées donnent des cancers et ont conclu que «la croissance tumorale n'a pas besoin d'être conduite par de rares CSC»411 . Cela a fait dire
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à certains que si certains cancers semblent correspondre à un modèle de il serait dangereux de généraliser, car ici cela ne semble pas être le cas39S. Récemment, un article dans la revue Science remarquait que ces données contribuent à <
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définition cohérente des propriétés des esc et suggèrent qu'être trop rigide dans la manière de définir les CSC n'est pas réaliste » 410 . En effet, <
esc,
esc
esc
esc
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peuvent apparaître ou disparaître sans que les propriétés des cellules souches ne soient pour autant affectées. Ou alors les marqueurs utilisés ne sont pas pertinents, et il est illusoire de vouloir définir les esc sur la base de marqueurs moléculaires. Quoi qu'il en soit, cette instabilité des esc est une propriété qui pourrait les rapprocher des cellules souches normales (voir chapitre 2, section p. 165) et conforter le modèle qui sera présenté dans la suite de l'ouvrage. • Une variante de la théorie des mutations somatiques ? En parallèle à toutes les études sur les CSC mentionnées jusqu'à présent, tout une série d'articles a permis d'identifier de nombreuses modifications génétiques et épigénétiques au sein des CSC415 . Il est d'ailleurs suggéré que certaines d'entre elles entraîneraient l'apparition des propriétés de cellules souches à partir de cellules différenciées ou en cours de différenciation, ou la transformation de cellules souches normales en CSC416 . Une instabilité génétique induite dans des cellules de carcinome nasopharyngé ou de neuroblastome (cancer extracrânien touchant les jeunes enfants) entraîne en effet une augmentation du nombre des esc au sein des populations cellulaires417. Pour certains, les « CSC présentant une instabilité génétique sont le meilleur véhicule avec le meilleur moteur pour le cancer » 418, car elles permettent de coupler les propriétés de cellules souches existantes avec l'apport d'altérations génétiques qui peuvent accroître encore l'agressivité potentielle de ces cellules. Même si d'autres admettent que les CSC proviendraient de cellules souches normales ayant d'abord subi des altérations épigénétiques (voir ce chapitre, section p. 75), les esc ne seraient donc qu'une sous-population au sein de laquelle auraient lieu à peu près les mêmes processus moléculaires que ceux décrits dans la TMS. Seules des étapes supplémentaires d'acquisition des propriétés de cellules souches pourraient être nécessaires, en plus de l'activation des oncogènes ou inactivation des gènes suppresseurs de tumeurs dont nous avons déjà parlé. La théorie majoritaire s'adapte donc ici en
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considérant que ce sont ces esc et leurs «progénitures » qui subissent la série d'altérations génétiques décrites par la TMS. Elle affirme que les gènes du cancer connus agissent dans les esc, mais essaye également d'en découvrir d'autres qui seraient spécifiques de ces cellules, en particulier autour des voies qui mènent à l'autorenouvellement41 9, 42 0. Toutefois, les expériences mentionnées dans ce chapitre peuvent être vues sous un angle différent en constatant que la grande majorité des cellules, pourtant cancéreuses et porteuses d'altérations génétiques diverses et variées, sont incapables de former des cancers lorsqu'elles sont transplantées dans un animal sain. La capacité de normalisation ou d'élimination des tissus est telle que seules les cellules les plus agressives, lorsqu'elles sont injectées en nombre suffisant chez des animaux de laboratoire immunodéficients, en sont capables. De plus, il faut noter qu'il s'agit d'un modèle expérimental tout à fait artificiel où les cellules dites souches ne se retrouvent pas dans le contexte normal qui est à l'origine celui dans lequel se développent les cancers. Si ces cellules étaient injectées précisément là où se situent les cellules souches normales de l'organe d'origine des esc, il est possible qu'elles soient normalisées comme peuvent l'être les autres cellules cancéreuses injectées. Lorsque des cellules cancéreuses sont transplantées dans un animal sain, il faut qu'elles le soient en nombre suffisant pour induire une tumeur. Il semble donc que les cellules anormales doivent être assez nombreuses pour former un environnement spécifique permettant la prolifération des cellules les plus agressives. (Cela est d'ailleurs incohérent avec le paradigme qui assigne l'origine de la maladie à une ou quelques cellules mutées.) Nous avons vu précédemment que des cellules qui, injectées ensemble, produisent des tumeurs, n'en sont plus capables lorsqu'elles sont injectées de manière plus isolée (voir ce chapitre, section p. 83). Cette notion d'environnement favorable à la prolifération cancéreuse n'est que rarement évoquée, notamment aux stades précoces de la maladie. Cela
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est dû au fait que cet environnement favorable ne serait, dans le paradigme actuel, qu'une conséquence de la prolifération tumoral consécutive à des altérations génétiques, et non à l'origine même de la prolifération. La notion de CSC ne constitue donc en aucun cas un changement de paradigme en cancérologie. Elle est un nouvel avatar de la TMS et n'a pas permis d'envisager le cancer sous un angle réellement neuf, bien qu'elle permette d'imaginer de nouvelles stratégies thérapeutiques, en particulier au niveau de l'interférence des esc avec le microenvironnement « de soutien » qui assure leur survie, ou la différenciation des CSC en cellules non tumorigènes 421 . Le premier de ces deux points concerne la présence hypothétique de «niches» où se trouveraient les esc et qui permettraient leur autorenouvellement et leur faible prolifération, sur le modèle de ce qui se passe pour les cellules souches normales dans les tissus adultes 422 . Nous reviendrons sur ce point dans la suite de l'ouvrage. Nous reviendrons également longuement sur la question de la différenciation dans le dernier chapitre, en insistant sur le fait que la réapparition de ce concept de thérapie par la différenciation pourrait avoir un intérêt considérable, mais seulement s'il est appliqué selon une vision nouvelle de ce qu'est la différenciation, et surtout de la manière de la provoquer et la maintenir. Dans tous les cas, l'instabilité et la plasticité des CSC semblent devoir être un frein au ciblage spécifique de ces cellules, à moins que ce ne soit ces propriétés qui soient ciblées lors de la thérapie. La thérapie par la différenciation pourrait fournir une telle opportunité, mais seulement si elle est considérée comme un rétablissement des interactions «normales» entre cellules et de l'environnement tissulaire originel, au moins partiel. Seule une nouvelle manière d'appréhender le concept de cellule souche pourrait permettre de comprendre leur comportement et de les inscrire dans un cadre conceptuel permettant d'englober les données contradictoires évoquées
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plus haut et d'envisager de nouvelles voies thérapeutiques. D'autant plus que cette tradition d'une vision principalement génétique du cancer n'a pas franchement abouti à des résultats satisfaisants en termes de thérapies.
Pourquoi tant d'efforts pour si peu d'avancées thérapeutiques ?
Intérêts et inconvénients des chimiothérapies et des radiothérapies classiques • Un peu d'histoire. Les chimiothérapies anticancéreuses trouvent leur origine historique dans l'observation des effets toxiques des gaz utilisés lors de la Première Guerre mondiale, principalement le gaz moutarde4 23 . Le gaz moutarde fut synthétisé dès 1860 et utilisé pour la première fois à Ypres en Belgique durant ce conflit, d ' où son autre nom usuel, l'ypérite424 • On a observé dès cette période que les victimes du gaz moutarde présentaient peu de globules blancs dans le sang et une aplasie (arrêt du développement) de la moelle osseusé25 . Ensuite, très rapidement, des médecins militaires américains rapportaient le même effet sur des lapins exposés à cet agent426 . On a donc supposé que le gaz moutarde empêchait la prolifération des cellules du sang et de la moelle, et qu'il pourrait avoir un effet thérapeutique sur le cancer. Quinze ans plus tard, l'activité anticancéreuse du gaz moutarde était démontrée sur un modèle expérimental animal427• Dans les années précédant la Seconde Guerre mondiale, des études menées à l'université de Yale, aux États-Unis, ont permis de mieux connaître la chimie de ce composé aussi appelé moutarde azotée et d'aboutir aux premiers essais cliniques à Chicago en 1943 sur des patients atteints de lymphomes423. Des régressions marquées ont été observées, ce qui a rapidement créé un enthousiasme autour de l'utilisation de ce type de
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composés dans le traitement du cancer. Malheureusement, il est vite apparu que les rémissions étaient brèves et incomplètes, ce qui entraîna un fort pessimisme dans les années 1950. Dans le même temps, dans les années 1940 et 1950, d'autres types de molécules - des antibiotiques ou des antimétabolites (comme le méthotrexate ou les antifolates) -ont montré une activité anticancéreuse et ont permis d'élargir le spectre des molécules utilisées en chimiothérapie. Leur efficacité limitée lorsqu'elles sont utilisées seules a débouché sur une longue période d'essais de combinaison de plusieurs de ces agents thérapeutiques pour provoquer une survie à long terme. Par exemple, vingt-cinq ans ont été nécessaires pour aboutir à une combinaison utilisant la moutarde azotée qui permet une véritable guérison de beaucoup de patients atteints de lymphomes de Hodgkin 428 . Cette fois, la preuve était faite que ces thérapies pouvaient être efficaces, même sur des cancers à un stade avancé. A alors commencé une période de recherche de composés anticancéreux obtenus par un criblage systématique de milliers de composés naturels ou synthétiques, principalement promue par le National Cancer Act, promulgué en 1971 aux États-Unis. Malgré les dizaines de milliers de molécules testées ayant une action potentiellement anticancéreuse sur la base d'études d'inhibition de la prolifération de cellules cancéreuses in vitro identifiées depuis lors, seules quelques dizaines arrivent aux stades des essais précliniques sur des animaux et cliniques sur l'Homme, où le taux d'échec est encore très élevé424 . Il s'agit donc d'une procédure lourde et coûteuse. • Principe et intérêt. Les molécules anticancéreuses identifiées grâce à cette procédure ne sont pas spécifiques des cellules cancéreuses. Ce sont des molécules cytotoxiques (toxiques pour les cellules) pour la plupart efficaces contre les cellules qui prolifèrent rapidement, ce qui est le cas de la majorité des cellules cancéreuses. Cela en fait des molécules efficaces contre le cancer. Certaines chimiothérapies sont aussi très actives contre
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des cellules non proliférantes, comme les anthracyclines sur les lymphocytes ou les thymocytes, ou la cytosine arabinoside sur les cellules de leucémie lymphoïde chronique, mais la majorité d 'entre elles pourraient être nommées «molécules antiprolifératives » plutôt qu'anticancéreuses puisqu'elles touchent la prolifération des cellules normales aussi bien que celle des cellules cancéreuses424 . Ces molécules bloquent la prolifération cellulaire, mais leur mode d'action est varié. Elles touchent principalement la duplication de l'ADN préalable à toute division cellulaire en la bloquant grâce à des modifications de la structure de l'ADN, ou encore la séparation des chromosomes qui est l'aboutissement de la réplication de l'ADN (et permet la distribution équivalente d'un jeu de chromosomes identiques dans chacune des deux cellules «filles» au moment de la division). Dans les deux cas, la division devient normalement impossible, ce qui aboutit à la mort de la cellule. L'effet antiprolifératif est donc atteint. Il faut noter que les traitements radiothérapeutiques utilisent cette même voie en exploitant la capacité des rayonnements ionisants à créer des cassures de l'ADN qui bloquent la duplication de l'ADN et engendrent la mort des cellules. • Inconvénients et limites. Malheureusement, les cellules sont tout de même souvent capables de résister à ces agents chimiothérapeutiques et développent des stratégies de résistance qui obligent à combiner différentes molécules, si possible avec des modes d'action différents, ou à augmenter les doses utilisées. La première de ces deux voies limite l'émergence de cellules résistantes, est moins toxique et permet une meilleure activité anticancéreuse. Cette voie a rapidement été adoptée dans la plupart des traitements chimiothérapeutiques, mais ses succès sont relativement isolés. Cela a conduit certains à proposer de simplement augmenter les doses pour atteindre de bons résultats de guérison. Mais là encore les résultats ont été décevants et les cancers avancés ne répondent que
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marginalement aux agents cytotoxiques 424 . Sans compter qu'augmenter les doses renforce les effets toxiques non désirés, déjà présents à plus faible dose. En effet, les agents chimiothérapeutiques n'étant majoritairement pas spécifiques des cellules cancéreuses, certaines cellules normales qui prolifèrent dans le corps peuvent également être touchées par ces molécules, en particulier au niveau de la moelle osseuse, source des cellules sanguines. Ainsi, l'utilisation de la majorité des produits anticancéreux se traduit par une baisse du nombre de cellules sanguines et l'apparition d'infections ou d'hémorragies. Mais tout tissu où a lieu un renouvellement cellulaire permanent peut être concerné. C'est le cas de la peau et des muqueuses, du tube digestif, des testicules. D'autres symptômes comme des troubles du rythme cardiaque ou des fibroses du poumon sont également constatés, principalement dus à l'absence de spécificité des molécules chimiothérapeutiques. De manière non spécifique, les agents chimiothérapeutiques et radiothérapeutiques sont aussi très toxiques pour le microenvironnement cellulaire, en particulier dans la moelle osseuse. De plus, ces agents étant pour la plupart génotoxiques (c'est-à-dire qu'ils ciblent l'ADN et créent des altérations de l'ADN pour provoquer la mort de la cellule), il existe un risque important qu'ils provoquent des altérations génétiques supplémentaires dans les cellules qui réussiraient à survivre, permettant d'augmenter leur agressivité et leur pouvoir de prolifération. En effet, ces altérations génétiques induites par les agents chimiothérapeutiques ou radiothérapeutiques peuvent être la source d'apparition de nouvelles propriétés, notamment de résistance, puisqu'elles apparaissent alors même que la pression de sélection liée à la molécule thérapeutique est présente. Par un mécanisme sélectif simple, certaines modifications génétiques adaptatives risquent d'être sélectionnées grâce à la résistance qu'elles confèrent et donc de rendre la tumeur rapidement résistante au traitement.
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Ce processus est bien connu et constitue un inconvénient majeur des chimiothérapies et des radiothérapies. De plus, la mort cellulaire massive induite par le traitement permet aux cellules qui survivent de proliférer à une vitesse très importante puisqu'il y a moins de «compétition>> entre les cellules cancéreuses après traitement. Cette prolifération accrue permet là encore d'accumuler davantage d'altérations génétiques et épigénétiques potentiellement favorables à l'envahissement et la dissémination dans l'organisme. Enfin, certains soulignent que les cellules souches cancéreuses qui seraient à l'origine de la cancérogenèse pourraient être dans un état non prolifératif dans la tumeur (ce chapitre, section p. 105), ce qui provoquerait l'échec des thérapies ciblant les cellules proliférantes. Ces cellules seraient par la suite capables de provoquer la récurrence de la maladie en engendrant des cellules capables de proliférer rapidement et de reconquérir l'espace en acquérant des propriétés encore plus agressives. Ainsi, les stratégies chimiothérapeutiques et radiothérapeutiques ont depuis longtemps montré leurs limites42 4, même s'il faut bien sûr souligner l'amélioration de la durée de vie des patients pris en charge et les gains obtenus pour les patients et leur famille grâce à la combinaison des traitements, l'amélioration de la posologie, ou l'introduction de dérivés moins toxiques des molécules originales. Mais ces thérapies restent très décevantes et les récurrences fréquentes. Il ne s'agit pas ici de donner des chiffres et des exemples détaillés, d'autres l'ont déjà fait424 . Il est toutefois marquant de constater qu'une recherche dans l'une des bases de données de publications scientifiques les plus utilisées (PubMed) aboutissait en juillet 2011 à 116 154 résultats pour les mots «échec et chimiothérapie» et à seulement 22 747 résultats pour les mots «succès et chimiothérapie». Pour toutes ces raisons, et grâce aux découvertes des années 1970 et 1980 indiquant que certains gènes humains, lorsqu'ils
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sont altérés, peuvent promouvoir le cancer, l'appréhension des modes d'intervention thérapeutique a toutefois évolué. Depuis une vingtaine d'années, les connaissances de plus en plus précises acquises sur les «mécanismes moléculaires» régissant le comportement cancéreux ont permis de définir le concept de «thérapie ciblée »429 . En partant du principe issu de l'ère moléculaire de la recherche sur le cancer selon lequel les tumeurs sont dépendantes d'oncogènes ou d'autres «marques» du cancer (le terme hal/mark étant très utilisé en anglais), le ciblage de ces «talons d'Achille» permettrait une guérison plus aisée sans les inconvénients des chimiothérapies classiques: peu de toxicité pour l'organisme (ciblage sur les cellules cancéreuses) et moins de résistance suite au traitement (pas d'altérations génétiques engendrées).
Thérapies ciblées: pourquoi des succès limités ? • Principe. L'idée selon laquelle, malgré la multitude des altérations génétiques et épigénétiques observée dans les cancers, une tumeur donnée est apparue et entretenue par quelques changements spécifiques résultant de l'activation d'oncogènes ou à la perte de gènes suppresseurs de tumeurs est très majoritaire. L'expression «addiction aux oncogènes» a d'ailleurs été largement employée, suite à des résultats montrant dans des modèles animaux que certains cancers induits dépendent du maintien de l'activité de ces oncogènes 144 . L'exemple des papillomes, lymphomes et ostéosarcomes induits par l'oncogène MYC, et entrés en rémission après suppression de celui-ci, a déjà été cité (voir ce chapitre, section p. 61 ) 164• 43 0, 431 . De même, la dépendance aux oncogènes H-RAS et BCR-ABL a été démontrée dans des modèles de mélanome et de leucémie chez la souris 165, 432. Cependant, des critiques majeures peuvent être adressées aux modèles de cancers murins utilisés dans ces études, car ils sont des caricatures des cancers sporadiques qui se développent réellement in vivo chez l'Homme. Étant donné leur mode
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d'obtention par expression forcée d'un oncogène, ils sont probablement plus dépendants de ces oncogènes par rapport aux cancers «naturels» (qui ne sont pas provoqués par des manipulations génétiques ou chimiques intentionnelles d'un expérimentateur). C'est probablement pourquoi la suppression de ces oncogènes induit une régression spectaculaire des tumeurs induites. De plus, malgré cette forte dépendance vis-à-vis des oncogènes, la régression est souvent seulement momentanée 166• 433 . Malgré l'absence de l'oncogène, les tumeurs peuvent réapparaître, montrant bien que d'autres événements sont capables de régénérer la prolifération cancéreuse. Toutefois, ces modèles animaux ont permis d'aboutir à l'idée que l'inhibition de certains oncogènes peut avoir un intérêt clinique. Le processus d'inhibition mènerait le plus souvent à la mort cellulaire, mais aussi parfois à la différenciation des cellules. Contrairement aux oncogènes, les gènes suppresseurs de tumeurs agissent en fournissant les contraintes cellulaires nécessaires pour prévenir une prolifération cellulaire aberrante. Leur perte peut donc engendrer ce risque et la réintroduction d'un de ces gènes dans une tumeur peut provoquer une régression, comme c'est le cas pour la réactivation de p53 dans un modèle de souris 434• 435 . Sauf que, comme l'a noté très récemment Nicola McCarthy, «rien n'est aussi simple en biologie du cancer, car deux articles publiés dans la revue Naturé36•
montrent maintenant que la restauration de p53 dans des modèles de cancers du poumon chez la souris n'affecte que les lésions les plus agressives >>438 . Ainsi, le fait de <>438 . Dans tous les
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cas, l'exploitation pharmacologique de ces gènes suppresseurs de tumeurs demande beaucoup plus d'efforts que celle des oncogènes, car il est plus difficile de restaurer ou de mimer la fonction d'une protéine par une molécule pharmacologique que d'inhiber une protéine active.
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Il faut aussi bien voir que la complexité des réseaux cellulaires et des processus de transformation cancéreuse peuvent mener à une certaine «dépendance» des tumeurs vis-à-vis de gènes qui ne sont pas des oncogènes, mais qui interviennent dans des voies «de type oncogénique »429, 4 39. Ces gènes ne subissent pas nécessairement de mutations oncogéniques ou d'altérations spécifiques, mais sont tout de même importants dans le maintien de l'état cancéreux (ce chapitre, section p. 50). Les exemples intracellulaires des «stress» réplicatif, oxydatif, métabolique, ou extracellulaires de l'angiogenèse, du support du stroma, de l'immunosuppression ou de l'inflammation peuvent être cités92' 429 . Tous ces aspects du cancer peuvent constituer autant de cibles potentielles pour des traitements spécifiques des cellules cancéreuses et du cancer qui, contrairement aux chimiothérapies classiques, ne toucheraient pas les cellules non cancéreuses. Des résultats encourageants ont été obtenus dans ce sens il y a maintenant dix ans, mais ces espoirs ont été vite déçus. • Succès et promesses. Avant d'en venir directement aux thérapies ciblées actuelles, il apparaît nécessaire de rappeler que, au vu des résultats décevants des chimiothérapies cytotoxiques, les chercheurs en cancérologie ont voulu explorer, dans les années 1970, une nouvelle voie de recherche concernant la «surveillance immunitaire». Cette approche partait du constat que les patients atteints d'une immunodéficience sévère ont un risque accru de développer des cancers440. On supposa alors que les défenses immunitaires de l'organisme éliminent, au même titre que des agents infectieux, les cellules cancéreuses qui pourraient apparaître dans le corps. Des défauts de cette surveillance immunitaire pourraient donc indirectement contribuer au développement du cancer et permettre la récurrence après le succès de traitements chimiothérapeutiques441. Dans les années 1970 et 1980, les molécules appelées interférons et interleukines ont été développées dans le cadre de cette immunothérapie du cancer
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pour renforcer les défenses immunitaires de l'organisme. L'exemple de l'interféron-a (INF-a) illustre bien l'esprit qui régnait à l'époque autour de l'immunothérapie, et qui resurgit encore parfois lorsque des chercheurs communiquent et que les médias s'emparent d'une découverte qui pourrait conduire à un «traitement miracle» du cancer. À la fin des années 1970, l' American Cancer Society a attribué une subvention de 2 millions de dollars, la plus élevée de l'histoire à l'époque, pour mener des études cliniques sur l'INF-a 441 . Mais ces espoirs ont vite été déçus, l'enthousiasme a tourné au pessimisme lorsqu'il s'est avéré que ces traitements étaient peu efficaces du point de vue clinique. Bien que plusieurs études aient démontré que l'INF-a induisait un taux de réponse thérapeutique supérieur et une survie globale (délai entre la déclaration d'une pathologie et le décès du patient) meilleure par rapport à un traitement par un agent chimiothérapeutique classique (hydroxyurée) dans le cas de la LMC442 , la survie à cinq ans des patients traités par INF-a (de 32 à 54%) et le nombre de rémission complète (5 à 10% des patients) restaient décevants442 . Les meilleurs résultats ont été obtenus en associant l'INF-a à la cytarabine (15% de réponse complète et survie globale de 70% à cinq ans) 443 , ce qui a tout de même constitué le premier succès contre cette leucémie, presque dix ans avant l'imatinib (nom commercial: Gleevec) (voir ci-dessous). L'interleukine-2 a subi les mêmes déboires dans les années 1990. Ainsi, malgré trois décennies d'efforts, les stimulants immunitaires ne sont utilisés que marginalement dans le traitement des cancers. Par exemple, les interférons sont utilisés dans environ 15% des cancers du rein et des mélanomes avancés, et l'ont été pour les cas rares de leucémie à tricholeucocytes (2% des leucémies). Malgré sa forte toxicité, l'interleukine-2 est utilisée dans 15% des mélanomes et des cancers du rein, et l'a été pour les lymphomes dits non hodgkiniens. Entre-temps, une variante de l'immunothérapie a émergé. Elle consiste à cibler des «antigènes tumoraux», c'est-à-dire
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des molécules qui ne sont présentes qu'à la surface des cellules cancéreuses, de manière à engendrer une réponse immunitaire spécifiquement ciblée contre ces cellules444 . Depuis presque vingt ans, de nombreux essais cliniques ont été menés pour tester l'efficacité des stratégies de «vaccination » contre le cancer. Cette «vaccination» consiste à traiter les patients avec certaines de leurs propres cellules immunitaires sensibilisées à ces antigènes, ou avec des antigènes tumoraux purifiés de manière à stimuler la réponse immunitaire vis-à-vis de ces molécules. Les cellules cancéreuses qui présentent ces antigènes sont alors «reconnues» par des cellules immunitaires spécialement dédiées à l'élimination des cellules qui les portent. Malheureusement, cette stratégie des «vaccins du cancer » a montré une efficacité très limitée, malgré ces vingt années d' efforts 445 . Ces «vaccins du cancer» ont été supplantés par une véritable stratégie de thérapie ciblée fondée sur la réponse immunitaire. Il s'agit des anticorps thérapeutiques spécifiques des antigènes tumoraux ou de protéines activement impliquées dans le comportement cancéreux. En se fixant sur leur cible, ils bloquent des stimulants de la prolifération cancéreuse et/ ou font que le système immunitaire «attaquera» et éliminera en priorité ces cellules. Les premiers dont l'utilisation a été approuvée dans le traitement de cancers furent, en 19971998, le trastuzumab (Herceptin), un anticorps dirigé contre l'oncogène HER-2/neu, et le rituximab (Rituxan), un anticorps dirigé contre le marqueur CD20 des lymphocytes B, pour le traitement des cancers du sein positifs à HER-2 et des lymphomes B, respectivement. Courant 2010, dix anticorps thérapeutiques étaient approuvés, dont le plus connu, avec le trastuzumab, est certainement le bevacizumab (Avastin), employé dans les cas de cancers colorectaux, du sein et du poumon446 . Cet anticorps, approuvé en 2004, cible le récepteur d'un facteur de croissance activement produit par les cellules cancéreuses, qui stimule l'angiogenèse au sein de la tumeur.
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Cibler ces récepteurs au niveau des cellules qui forment les vaisseaux sanguins permet donc de bloquer leur synthèse et donc l'approvisionnement des cellules cancéreuses en oxygène et nutriments. D'autres thérapies ciblées visent des oncogènes directement impliqués dans certaines formes de cancers. La première d'entre elles, très longtemps isolée, a été le tamoxifan (Nolvadex) qui exerce son effet anticancéreux en bloquant les récepteurs à œstrogènes des cancers du sein positifs aux récepteurs aux œstrogènes, mais celle qui est probablement la plus connue est l'imatinib (Gleevec) pour les cas de LMC. Dans la section p. 36 de ce chapitre, sur les translocations chromosomiques liées au cancer, nous avons mentionné celle liée à la LMC et qui aboutit à la production d'une protéine anormale appelée BCR-ABL. Cette protéine agit comme un oncogène dans ce type de leucémie en activant de nombreuses voies cellulaires favorisant la prolifération. D'où l'idée de cibler spécifiquement cette protéine avec un agent thérapeutique. Ce fut chose faite au début des années 2000 grâce à une petite molécule appelée imatinib qui a montré son efficacité sur la grande majorité des patients atteints de LMC, quel que soit le stade de la maladie 447. Il s'agissait là du premier exemple convaincant de thérapie ciblée sur un oncogène aboutissant à des résultats cliniques significatifs. Le terme de magic bullet («balle magique» en français), si prisé par les cancérologues, revêtait alors tout son sens et permettait de rêver à des résultats similaires avec d'autres molécules et d'autres cibles pour les autres types de cancers. Les ventes d'imatinib ont atteint 3,95 milliards de dollars en 2009 4 48. Une autre molécule de ce type mérite d'être mentionnée, car elle cible un autre oncogène bien connu : le récepteur au facteur de croissance EGFR. Il s'agit de l'erlotinib (Tarceva) utilisé dans le traitement des cancers du poumon à petites cellules et des cancers pancréatiques. Là encore une petite molécule permet d'inhiber l'activité d'un récepteur qui, lorsqu'il est anormalement
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activé dans les cellules cancéreuses, stimule fortement la prolifération cellulaire. En novembre 2010, le National Cancer Institute recensait trente-quatre thérapies ciblées anticancéreuses testées en essais cliniques. Étant donné le succès commercial de certaines d'entre elles, bien d'autres vont suivre. • Échecs et déceptions. Le problème principal, récurrent et inévitable, des thérapies ciblées anticancéreuses est le développement de résistance par certaines cellules dont la croissance devient absolument indépendante de la cible visée. Pour prendre un des exemples les plus étudiés, des phénomènes de résistance sont apparus très tôt lors des essais cliniques avec l'imatinib sur les LMC, à cause de phénomènes divers: depuis le plus fréquent qui est l'apparition de mutations dans BCR-ABL qui empêchent la liaison de l'imatinib, jusqu'à des phénomènes plus rares de résistance non spécifique à de multiples médicaments 447. Des phénomènes de résistance sont aussi décrits pour l'erlotinib 449· 450 . Ces phénomènes sont malheureusement très fréquents et limitent fortement la survie des patients451 . Leur fréquence a même nécessité la recherche d'autres traitements 452 . Deux molécules ayant un mécanisme d'action assez semblable à celui de l'imatinib ont d'ailleurs été commercialisées (ce sont aussi des inhibiteurs de la protéine anormale BCR-ABL). Il s'agit du dasatinib (Sprycel) et du nilotinib (Tasigna), qui ont la particularité d'être efficaces sur certaines formes de BCR-ABL résistantes à l'imatinib. Elles permettent donc de traiter des leucémies résistantes à cette molécule. Cette diversification thérapeutique va encore probablement s'accentuer, car ces molécules se sont récemment révélées être plus efficaces que l'imatinib dans le traitement initial des LMC453, 454. Les effets modestes des thérapies ciblées telles que le trastuzumab (Herceptine) sur le cancer du sein lorsqu'elles sont utilisées seules forcent les médecins à les employer en conjonction avec des chimiothérapies standards pour améliorer la survie des patients. Et les firmes pharmaceutiques
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ont désormais tendance à s'associer et à coupler des molécules ciblées en développement pour essayer d'améliorer leur efficacité 455 . En septembre 2008, un article paru dans le magazine américain Newsweek et intitulé «Nous avons combattu le cancer. .. et le cancer a gagné » 456 reflète bien les déceptions inhérentes à ces phénomènes. Elles sont à la hauteur des espoirs suscités par les thérapies ciblées. Sharon Begley, l'auteur de cet article, explique de manière très pertinente que l'histoire d'une patiente traitée à l'erlotinib (Tarceva) avec succès durant six mois en 2005, mais finalement décédée trois ans plus tard suite à la récurrence de son cancer, «montre les limites des médicaments
anticancéreux ciblés comme le Tarceva qui sont le produit de l'âge d'or de la génétique du cancer et de la biologie moléculaire » 456 . Pour illustrer un autre problème des thérapies ciblées, le New York Times publiait un article en juin 2010 intitulé «Les thérapies contre le cancer apportent espoirs et échecs » 457. Dans cet article sont mentionnés les travaux présentés en juin 2010 au congrès annuel de l'American Society of Clinical Oncology portant sur une molécule en développement appelée PLX4032. Cette molécule qui cible l'oncogène BRAF est considérée comme un des meilleurs exemples de thérapies ciblées grâce à son efficacité contre les mélanomes. Dans son article du New York Times, Andrew Pollack décrit la déception de chercheurs qui ont testé cette molécule sur des patients atteints de cancers du côlon présentant la même mutation dans ce même gène BRAF, mais sans aucun succès. «Même médicament, même mutation, différents résultats», dira-t-il457. Le type de cancer semble donc être primordial, et cibler un oncogène ne suffit pas si le contexte dans lequel il est activé n'est pas pris en considération. Pollack mentionne aussi l'avis d'experts affirmant que «dans certains cancers, une
mutation génétique peut être présente, mais ne pas vraiment être une force motrice, alors qu'elle peut l'être dans d'autres cancers » 457. Cette explication est envisageable, mais il faut aussi souligner qu'il peut y avoir des différences y compris au sein d'un même type
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de cancer. Durant le même congrès, des chercheurs ont montré que le cetuximab (Erbitux) ne prolonge pas la survie après intervention chirurgicale sur des cancers du côlon précoces, même si la molécule produit un effet thérapeutique sur les cancers colorectaux métastatiques (alors qu'aucun des patients testés ne présentait de mutation au niveau du gène K-RAS qui peut rendre le traitement inactif458). Enfin, pour sortir du domaine scientifique et médical, un autre inconvénient des thérapies ciblées est leur coût. En 2010, vingt-deux thérapies ciblées anticancéreuses étaient approuvées aux États-Unis: neuffondées sur des anticorps thérapeutiques, douze sur des petites molécules et une sur une «protéine de fusion». Parmi elles, quatre anticorps (le bevacizumab ou Avastin, le rituximab ou Rituxan, le trastuzumab ou Herceptin et le cetuximab ou Erbitux) et une petite molécule (l'imatinib ou Gleevec) constituaient 86% du marché américain en 2009 pour un marché de plus de 9 milliards de dollars448 . Un an de traitement à l'imatinib coûte 32 000 dollars, et la majorité des autres traitements se situent entre 50 000 et 100 000 dollars, ce qui a amené en septembre 2010 le quotidien USA Today à s'interroger ainsi à propos d'une nouvelle molécule approuvée en avril 2010 aux États-Unis: «Un traitement anticancer à 93 000 dollars: combien coûtent quelques mois de vie en plus ?>>459 La revue Science s'est également interrogée sur ce point en mars 2011, preuve qu'émerge un véritable débat lié au coût de ces traitements 460 . Cela est d'autant plus problématique que les traitements ciblés sont souvent conçus pour être longs. En effet, ils sont administrés dans le cadre de traitements dits «de maintenance» visant à contrôler le cancer et à prolonger la survie et/ou à maintenir la qualité de vie, suite à un traitement initial différent ayant permis sa disparition ou sa régression. Les essais cliniques sur ces molécules sont d'ailleurs conçus pour montrer la supériorité de ces traitements «de maintenance», grâce notamment à une bonne tolérance de l'organisme et à l'absence de toxicité cumulative.
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La plasticité et 1'hétérogénéité des cellules cancéreuses en cause • Redondance et plasticité. Il est clair que l'amélioration de la durée de vie des patients obtenue grâce aux thérapies ciblées est limitée par rapport aux attentes. Par exemple, les résultats spectaculaires obtenus sur les LMC ont vite été contrebalancés par les phénomènes de résistance. Il faut rappeler ici que ces LMC ont la particularité d'être très spécifiquement liées à l'oncogène BCR-ABL, qui les rend dépendantes de son activité. Mais nous avons vu précédemment que les cancers du sang sont généralement moins complexes au niveau génétique et donc probablement plus dépendants d'un faible nombre d'altérations génétiques. C'est aussi le cas pour certains cancers solides en partie dépendants d'un oncogène (cas des mutations d' EGFR ou d' ALK dans le cancer du poumon, par exemple), mais il s'agit seulement d'un faible pourcentage des malades. Dans la majorité des cas, de telles dépendances ne sont pas identifiées461 . C'est pourquoi «les nouvelles molécules
contre le cancer marchent ... pour certains patients » 462 . L'exemple de BCR-ABL montre bien que cette approche peut être pertinente dans ce cas de dépendance à un oncogène, car le traitement touche de nombreuses cellules et est efficace plus longtemps. (Dans ce cas précis, certains patients peuvent même être considérés comme guéris lorsqu'une rémission moléculaire majeure, c'est-à-dire une très forte diminution de l'expression de BCR-ABL dans le sang, est observée sept ans après le début du traitement.) Mais l'efficacité des traitements ciblés n'est le plus souvent que temporaire. En effet, les capacités d'adaptation et la robustesse des populations de cellules cancéreuses sont immenses, principalement à cause de leur instabilité intrinsèque. Cette instabilité, qu'elle soit d'origine génétique4 63 ou non, permet l'émergence d'un grand nombre de cellules variantes. Parmi ces cellules, certaines «trouveront» une voie alternative pour contrer l'effet de la thérapie en usant de la redondance des voies cellulaires et/ou de la diversification génétiqué 64 • 465 . Par
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un processus purement sélectif, ces cellules proliféreront et envahiront l'espace sans que le traitement ne puisse plus les arrêter. Ici encore, Sharon Begley, l'auteur de l'article de Newsweek déjà mentionné, vise juste: «Les cellules cancéreuses
sont comme de brillants tacticiens militaires: quand leur route d'origine vers la prolifération et l'invasion est bloquée, elles changent pour une voie alternative leur permettant d'envahir le corps sans résistance. » 456 Il est également envisagé de cibler les voies de réparation de l'ADN incriminées dans la récurrence après les chimiothérapies et les radiothérapies. En effet, il semble que des voies de réparation anormalement actives permettent aux cellules de survivre plus facilement aux agents génotoxiques466 , ou inversement que des déficiences de ces systèmes de réparation contribuent à la cancérogenèse ou parfois à la résistance vis-à-vis de certains agents thérapeutiques 467 , d'où l'idée de coupler les traitements classiques à ces thérapies ciblées. Mais là encore, les voies de réparation sont si redondantes qu'il y aura probablement toujours des cellules capables de devenir indépendantes de la protéine visée pour survivre et s'adapter en réparant les lésions de l'ADN de manière alternative. Pour essayer de contrecarrer cette redondance, le concept de médecine personnalisée a le vent en poupe, car, par une meilleure caractérisation de la tumeur d'un patient (grâce à une «carte d'identité de la tumeur»), les meilleures cibles et la meilleure combinaison de traitements pourraient être choisies pour chaque patient468' 469 . Mais là encore, malgré un choix pertinent de plusieurs cibles dans la tumeur et de la meilleure combinaison thérapeutique, la dynamique et la plasticité des cellules, couplées à la complexité et à la redondance des voies cellulaires, risquent de provoquer l'apparition à plus ou moins long terme de cellules résistantes qui finiront par envahir les tissus et l'organisme. Et c'est sans compter sur l'hétérogénéité inhérente aux cancers.
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• Hétérogénéité. Comme évoqué précédemment, certains cancers semblent relativement «simples» au niveau génétique et leur dépendance vis-à-vis d'un ou de quelques oncogènes peut rendre des thérapies ciblées efficaces, au moins momentanément. (Toutefois, deux articles parus début 2011 montrent que deux types de leucémies qu'on pensait être assez homogènes au niveau moléculaire et dominés par des oncogènes précis, ETV6-RUNX1 dans un cas et BCR-ABL dans l'autre, se révèlent être beaucoup plus complexes et constitués de sous-populations de cellules aux propriétés fort différentes 470• 471 .) Mais la grande majorité des tumeurs, en particulier solides, ne sont pas corrélées ainsi à la présence d'altérations génétiques précises dans toutes les cellules ou presque. Il existe une forte hétérogénéité entre les cellules, qui n'est d'ailleurs pas uniquement d'origine génétique 472 . L'hétérogénéité cellulaire d'origine non génétique explique très bien la robustesse des populations de cellules 473 . Cette hétérogénéité d'origine génétique ou non génétique crée des sensibilités différentes aux agents thérapeutiques et la possible émergence de cellules résistantes 155, 474 -4 77 par un processus sélectif au sein de la population465 . L'hétérogénéité des populations de cellules cancéreuses fait du cancer un système extrêmement robuste aux perturbations telles que l'introduction d'agents thérapeutiques, ce qui a bien sûr des implications thérapeutiques 478 . Cela a d'ailleurs conduit certains chercheurs à critiquer les modèles animaux utilisés pour montrer, en provoquant artificiellement leur expression, l'importance de certains oncogènes dans la cancérogenèse. En effet, lorsqu'un cancer chez l'animal est lié à l'expression d'un oncogène, la suppression de cette expression provoque une rémission évidente (voir ce chapitre, section p. 124). Mais ces modèles expérimentaux sont très artificiels car l'expression forcée et anormale de gènes précis provoque une grande dépendance des tumeurs vis-à-vis de leur produit protéique et une homogénéité qui
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n'est pas représentative des cancers «naturels». Des circuits moléculaires qui dépendent grandement de cet oncogène se mettent en place. En supprimant leur expression, il est donc forcément possible d'obtenir une rémission partielle en perturbant ces voies oncogéniques, mais elle n'est que temporaire 433 . La mort cellulaire ou la non-prolifération sont ainsi induites dans la grande majorité des cellules, mais celles-ci restent intrinsèquement instables, d'autant plus que l'environnement dans lequel elles se trouvent reste altéré. Un certain délai est nécessaire pour que certaines cellules s'adaptent à l'absence de l'oncogène en utilisant des circuits moléculaires différents conduisant aux caractéristiques cancéreuses. La redondance des voies intracellulaires est telle que ce phénomène est très probablé 64 . Ainsi, le ciblage d'un oncogène est forcément plus efficace dans ces modèles expérimentaux que dans un cancer «naturel», où la diversité des cellules est beaucoup plus grande et où il risque d'y avoir d'emblée des cellules qui ne «répondent» pas au traitement. Grâce au modèle qui se développe actuellement, des stratégies thérapeutiques consistant à cibler des voies ou des gènes spécifiques des cellules souches cancéreuses sont en train de naître, comme cela a déjà été envisagé pour les cellules cancéreuses en général405 . Mais les problèmes évoqués risquent d'être les mêmes avec ces cellules, et peut-être même avec plus d'intensité : hétérogénéité de la population de cellules faisant que certaines cellules ne seront pas touchées; redondance des voies intracellulaires rendant les traitements peu efficaces ou efficaces seulement temporairement; possibilité pour d'autres cellules de se réadapter grâce à leur plasticité, de manière à acquérir elles aussi les caractéristiques de cellules souches. Nous terminerons ce chapitre en insistant sur le fait que ce sont cette plasticité et cette hétérogénéité qui doivent faire l'objet de toutes les attentions, plutôt qu'un ou quelques oncogènes. Il a d'ailleurs été proposé récemment que la réduction de l'hétérogénéité, particulièrement non génétique,
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des cellules cancéreuses pourrait être d'une grande utilité thérapeutique4 73 . Sans viser l'instabilité intrinsèque des cellules tumorales source d'hétérogénéité et de plasticité, la redondance des voies cellulaires et leur infinie complexité permettront toujours à une cellule instable de trouver une voie alternativé64 . Mais tout ceci implique de comprendre en quoi consistent cette instabilité et cette plasticité, et où se trouve leur origine. Là se trouve peut-être la clé du traitement du cancer.
Accumulation de contradictions, besoin de réconciliation
Limites du paradigme réductionniste Dans un article important publié en 2008, Mariano Bizzarri et ses collègues ont fait remarquer que <
cancérologie est fondé sur l'hypothèse que l'ensemble de l'information biologique est contenu dans les séquences d'ADN, de telle sorte que toute modification/mutation d'un gène se traduise automatiquement et de manière linéaire par une anormalité cellulaire bien définie » 265 . Cette vision réductionniste de la relation génotype-phénotype est une simplification dont la non-pertinence peut être démontrée par maints travaux scientifiques. Il n'existe pas de relation simple, car tout gène n'a pas forcément un équivalent phénotypique, et différents gènes peuvent mener au même phénotype4 79 . La perturbation des cellules par la suppression ou la surexpression de gènes individuels illustre bien ce problème, car elle résulte très généralement en des changements complexes absolument inattendus et incohérents avec une relation génotype-phénotype simple. Si chaque gène déterminait précisément un phénotype unique, des variations génétiques simples entre individus produiraient des modifications phénotypiques qui seraient clairement le résultat de l'effet additif de gènes agissant de manière indépendante; or ce n'est pas le cas265 .
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Il est désormais bien connu qu'un même génotype peut engendrer plusieurs phénotypes stables différents qui dépendront des conditions de départ et de l'environnement dans lequel le système évolue. Ces phénomènes de bistabilité ou de multistabilité rendent les réponses biologiques complexes. Celles-ci sont le fruit de «l'intégration combinatoire de voies cellulaires qui s'entrecroisent et de la versatilité du fonctionnement des composants eux-mêmes » 480 . Il faut donc bien comprendre que les phénotypes sont obtenus par l'intermédiaire d'interactions complexes entre les éléments du système cellulaire, et entre ces éléments et l'environnement. Le paradigme «un génotype donne un phénotype» a conduit au paradigme de l'oncogène en cancérologie, qui a lui-même abouti à l'idée que ces oncogènes sont le «talon d'Achille» des cancers 144 . Or la complexité cellulaire que nous venons de mentionner rend ce paradigme caduc. Le cancer devrait plutôt être considéré comme un système au comportement chaotique où l'obtention d'un même phénotype peut clairement être possible à partir de génotypes différents265 . Le ciblage d'un oncogène n'empêchera donc pas d'obtenir un phénotype équivalent par une autre voie ou d'autres phénotypes de compensation. L'efficacité des thérapies ciblées est freinée par ces processus chaotiques dus à l'imbrication des voies cellulaires, aux fonctions redondantes des gènes et des voies, et à l'instabilité génétique et épigénétique des cellules. Nous rejoignons ici la notion de robustesse déjà évoquée. Il faudrait donc pouvoir viser cette instabilité avant toute autre chose, mais encore faudrait-il comprendre son origine. Comme le soulignait très bien George Miklos en 2005,
<<malgré les progrès limités des traitements et l'avènement des thérapies ciblées, la recherche sur le cancer reste focalisée sur des oncogènes individuels, des gènes suppresseurs de tumeurs ou de réparation de l'ADN, avec peu d'efforts consacrés aux mécanismes et cibles alternatifs » 119. Plus récemment,John Cairns, pourtant l'un des plus anciens et fervents défenseurs de l'origine génétique des cancers, avouait à la fin d'un éditorial intitulé «Les mystérieuses
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étapes du cancer» que <<maintenant, avec tous les mécanismes
capables de protéger les cellules des dommages {génétiques} découverts récemment, il pourrait être possible de produire prochainement un modèle plausible concernant ce qui se passe dans le cancer. De nouvelles idées semblent nécessaires et l'objectifprincipal de cet article est d'alerter les lecteurs à propos des nouveaux développements qui pourraient aider à clarifier ce qui se passe au cours de la cancérogenèse » 124.J'ajouterai que ce besoin de synthèse et d'alternative ne peut être satisfait qu'à la condition de sortir du réductionnisme génétique qui guide tant de chercheurs et de médecins.
Comprendre la manière dont se forme un tissu pour comprendre la manière dont il se désorganise Ainsi certains plaident désormais pour une vision organiciste du cancer, où la maladie serait avant tout vue comme un problème d'organisation tissulaire. En effet, la liste des faits contradictoires ou des résultats peu pris en considération dans leur ensemble (les influences épigénétiques, la suppression ou l'induction du caractère cancéreux par l'environnement, les théories génétiques contradictoires, etc.) a provoqué l'émergence de conceptions alternatives purement organiciste339• 341 • 481. Mais ces modèles alternatifs ne possèdent pas la capacité d'embrasser les données relatives à l'influence des altérations génétiques341, ou de donner une vision neuve de la manière dont se développe un tissu et dont il se désorganise lors d'un processus cancéreux339•481 . En cela, ces modèles ne permettent de résoudre l'ensemble des contradictions évoquées dans ce chapitre. C'est pourquoi james A. Marcum a proposé que la seule manière de comprendre pleinement le cancer serait de combler la brèche entre deux programmes de recherche apparemment irréconciliables, celui fondé sur le réductionnisme génétique et celui fondé sur l'organicisme482 . Nous tenterons de nous inscrire dans cette perspective dans le reste de cet ouvrage. La cancérologie présente actuellement tous les symptômes du fonctionnement d'une science «normale » au sens de
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Thomas Kuhn 483 : elle se perpétue en s'adaptant à des résultats expérimentaux qui pourraient être interprétés différemment, mais qui, appliqués au cadre conceptuel dominant, deviennent des éléments de ce paradigme. L'intégration du concept de cellule souche cancéreuse au paradigme dominant fait partie de ces adaptations. Mais l'omnipotence de cette vision de l'origine génétique des cancers est pourtant battue en brèche par de nombreux faits expérimentaux qui lui font subir ce que Kuhn considérerait comme les prémices d'une révolution et d'un changement de paradigme. Cette question commence même à être évoquée dans certaines revues d'oncologie cliniqué84, souvent plus ouvertes aux bouleversements conceptuels que les revues de cancérologie moléculaire. Celles-ci sont si fortement ancrées dans le paradigme dominant que ces idées neuves, même si elles sont fondées sur des faits expérimentaux incontestables, n'ont pas droit au chapitre. Apparaît donc désormais le besoin de réconcilier des données totalement contradictoires, qui montrent les limites du paradigme génétique. Ce premier chapitre avait pour objectif d'illustrer cette situation en recensant ces données et en laissant entrevoir les impasses auxquelles sont confrontés nombre de chercheurs et de médecins. Un modèle alternatif est absolument nécessaire à la réconciliation des données évoquées ici. Mais pour comprendre la manière dont les cellules d'un tissu peuvent se désorganiser à un point tel que se forme un pseudo-organe radicalement différent du tissu d'origine et la manière dont elles deviennent capables d'envahir les tissus environnants, il est nécessaire de considérer la manière dont se forme ce tissu. L'incapacité actuelle de saisir l'ensemble des données relatives au développement cancéreux pourrait simplement provenir de l'idée biaisée que les biologistes se font du développement tissulaire. En nous fondant sur un modèle de différenciation cellulaire émis à la lumière de données allant à l'encontre de la conception déterministe qui innerve la biologie du
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développement depuis des décennies, nous allons maintenant exposer la manière dont la cancérogenèse peut être considérée comme un événement trouvant son origine au niveau tissulaire, tout en ne négligeant pas l'aspect génétique de ce processus.
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chapitre 2
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Un modèle darwinien du développement
Non-spécificité des interactions biologiques: origines, conséquences et implications Pendant des décennies, l'expression des gènes a été conçue comme un phénomène rigoureusement ordonné et peu soumis au hasard brownien. La précision et la reproductibilité de phénomènes biologiques aussi complexes que le développement des individus étant considérées peu compatibles avec des phénomènes aléatoires au niveau moléculaire, les physiciens qui se sont intéressés à la biologie au milieu du siècle dernier (en particulier Erwin Schrodinger [1887-1961 ]), ainsi que les premiers biologistes moléculaires, concevaient le fonctionnement moléculaire des cellules et l'expression des gènes comme étant régies par un principe «d'ordre à partir de l'ordre >). Autrement dit, la structure tridimensionnelle des protéines ne leur permettrait d'interagir très spécifiquement (selon le modèle d'une
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interaction univoque de type clé-serrure) qu'avec un nombre limité de partenaires moléculaires dans la cellule, de façon à n'engendrer qu'une seule réponse possible lorsqu'elles sont présentes ou activées. Comme la structure protéique dépend de la séquence en acides aminés de la protéine, qui elle-même dépend de la séquence de l'ADN, l'information contenue dans l'ADN déterminerait cette spécificité d'interaction et de réponse des protéines. L'information génétique serait donc à la base de phénomènes déterministes par l'intermédiaire d'interactions moléculaires spécifiques où le hasard n'aurait pas sa place. Le modèle de régulation spécifique des gènes défini par Jacques Monod et Françoisjacob pour la bactérie Escherichia coli au début des années 1960 peut être considéré comme le point de départ de cette vision déterministe de l'expression génique2 . Dans ce modèle, l'expression ou la répression d'un gène dépend de la présence d'activateurs ou de répresseurs qui se lient spécifiquement à l'ADN au niveau des «opérateurs» du gène, c'est-à-dire des séquences d'ADN impliquées dans la régulation de son expression. Ainsi l'expression d'un gène à un instant précis dépend de la présence ou de l'absence de ses régulateurs spécifiques. Jacob et Monod considéraient ces phénomènes comme des <<mécanismes génétiques de régulation», excluant ainsi toute influence non génétique sur l'expression des gènes. De manière explicite, ils affirmaient en 1961 que << la
découverte des gènes régulateurs et opérateurs [. . .] révèle que le génome contient non seulement une série de plans, mais aussi un programme coordonné de synthèse de protéines, ainsi que les moyens de contrôler son exécution >,3. À partir de ce modèle, la reproductibilité du développement et de l'organisation des organismes multicellulaires a pu être envisagée comme étant le résultat d'un ordre moléculaire codé dans l'ADN qui permet l'enchaînement déterminé et précis d'activation ou de répression de gènes. La notion de programme génétique prend alors tout son sens : des régulations spécifiques en cascade de tous les gènes, y compris par des protéines
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provenant d'autres cellules, permettent d'expliquer l'activité globale du génome et la différenciation des cellules. Jacob, dans La Logique du vivant, a écrit que la formation d'un organisme correspond bien à «la réalisation d'un programme prescrit par l'hérédité»4 . Le programme génétique est conceptuellement très proche d'un programme d'ordinateur et cette analogie trouve d'ailleurs son origine dans la théorie de l'information et dans l'informatique théorique 2 • s, 6 . Nous ne reviendrons pas en détail sur l'analyse de ce concept de programme génétique qui a fait l'objet de critiques approfondies par ailleurs5• 7. • Contradictions du déterminisme génétique. Il est désormais possible de formuler un ensemble d'arguments allant à l'encontre de la vision déterministe de l'expression génique, en particulier grâce à des résultats marquants obtenus depuis une vingtaine d'années 1. Comme les réactions qui entrent en jeu lors de l'expression génique impliquent un faible nombre de molécules, on peut supposer qu'elles peuvent présenter des fluctuations aléatoires8 . Depuis longtemps déjà, des travaux semblaient indiquer que l'expression des gènes pouvait varier d'une cellule à l' autre dans une population de cellules pourtant identiques au niveau génétique 9 , mais des tests fiables permettant de mesurer précisément le taux d'expression au niveau de la cellule individuelle manquaient. Un modèle stochastique d'expression génique avait toutefois été proposé en 1983 par Jean-Jacques Kupiec 10 avant qu'au début des années 1990, l'utilisation de «gènes rapporteurs » se soit répandue et qu'elle ait permis d'observer plus précisément de telles fluctuations 11 . Par ailleurs, Axel Kahn et ses collaborateurs ont montré au même moment qu'il existe, selon leurs propres termes, une «expression illégitime » dans les cellules qui fait que tout gène semble pouvoir être exprimé dans tout type cellulaire 12 . Mais ce n'est qu'au début des années 2000 que les fluctuations aléatoires dans l'expression des gènes ont commencé à être analysées très finement, grâce à des mesures sur cellules
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individuelles permettant de quantifier les différences de vitesse de synthèse des protéines dans des cellules génétiquement identiques et placées dans un environnement homogène 13-15 . Le terme de «bruit» est employé depuis pour illustrer ces variations aléatoires. Le rôle de la variabilité des interactions moléculaires au sein de la chromatine a été souligné. Les protéines dites régulatrices, en particulier, s'associent à la chromatine de manière probabiliste, ce qui produit une variabilité de cellule à cellule dans l'expression des gènes 16. La diversité phénotypique engendrée par ce « bruit» a été clairement démontrée dans des populations de cellules possédant le même génome et qui, prises dans leur ensemble, ne paraissent pas contenir cette hétérogénéité. De plus, différentes sources de variabilité ont été distinguées : la variabilité intrinsèque est réellement liée aux événements aléatoires de liaison de protéines sur les régions régulatrices des gènes, tandis que la variabilité extrinsèque reflète les fluctuations liées au métabolisme de chaque cellule 15 . Ainsi, le niveau d'expression d'une protéine dans une population cellulaire reflète la probabilité d'expression du gène dans chacune des cellules 17. Le changement du niveau d'expression moyen dans la population est la conséquence du changement de probabilité de son expression dans chaque cellule. La variabilité de l'expression génique a été désormais impliquée dans de nombreux processus du vivant comme l'apoptose 18 ou l'activation de virus 19• 2 0 . Dans des populations de micro-organismes, cet aspect probabiliste de l'expression des gènes peut être avantageux en créant une hétérogénéité phénotypique favorable à la survie de la population en cas de fluctuations de l'environnement21 (nous verrons que cela peut aussi être le cas pour des populations de cellules d'organismes supérieurs, en particulier cancéreuses). Toutefois, on peut supposer que ce «bruit» serait plutôt délétère dans de nombreux processus cellulaires ou développementaux où des niveaux d'expression précis sont présumés être optimaux22 .
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En réalité, le développement des organismes constitue un processus fidèle et reproductible, malgré la complexité des événements mis en jeu et les fluctuations aléatoires dans l'expression des gènes. Se pose alors la question suivante: comment l'exécution précise de tous les événements impliqués dans le développement est-elle possible malgré l' aspect aléatoire de l'expression génique ? Certains affirment que les fluctuations observées ne constituent qu'un simple «bruit de fond» qui ne questionne en rien le modèle déterministe de la régulation génique. En revanche, d'autres auteurs, en particulier Kupiec, affirment qu'elles justifient une remise en cause profonde du modèle employé en biologie moléculaire depuis jacob et Monod 1• 7• 23 , d'autant plus qu'il est aussi mis à mal par le fait que les interactions entre molécules biologiques sont bien loin d'être aussi spécifiques que ce modèle suppose et implique. En effet, les données expérimentales accumulées depuis près de quarante ans montrent que les interactions entre molécules biologiques sont très peu spécifiques. Par exemple, la non-spécificité peut être engendrée par l'absence avérée dans de nombreuses protéines d'une structure tridimensionnelle ordonnée qui serait nécessaire à des interactions univoques de type clé-serrure24 . Un article de synthèse très récemment paru dans la revue Nature a d'ailleurs souligné les problèmes fondamentaux soulevés par ce point en posant la question suivante: << Si le dogme dit que les protéines ont besoin d'une
structure [ordonnée} pour fonctionner, alors pourquoi nombre d'entre elles se présentent dans un état désordonné? » 25 Les protéines peuvent aussi posséder de multiples domaines d 'interactions (parties d'une protéine impliquées dans l'interaction avec un partenaire moléculaire ou plusieurs partenaires moléculaires proches structurellement entre eux) ou adopter de nombreuses conformations, multipliant ainsi les interactions possibles26 . Inversement, un même domaine d'interactions peut être présent dans de multiples protéines27. Les réseaux d'interactions
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protéiques ont été étudiés globalement dans divers organismes, ce qui permet d'aboutir à la même conclusion: il existe une très forte connectivité entre les protéines, avec une moyenne de sept à huit partenaires protéiques possibles par protéine, et pouvant atteindre plus de 100 partenaires possibles pour 10% d'entre elles 28 . Ainsi, les réseaux de régulation sont interconnectés en de nombreux points et il existe d'énormes possibilités combinatoires pour les interactions moléculaires29 . La complexité des réseaux intracellulaires et la robustesse cellulaire peuvent être expliquées par cet état de fait. Cela remet clairement en cause le principe de l'ordre par l'ordre issu des travaux de jacob et Monod qui est pourtant à la base de la biologie moléculaire déterministe 1• De nombreuses études montrent que la localisation d'une cellule dans l'embryon détermine sa voie de différenciation par l'intermédiaire des différents «signaux» extracellulaires qu'elle reçoit. Il a été aussi montré qu'en plus de recevoir les bons «signaux», la cellule doit les recevoir dans le bon ordre temporel30, 31 . La vision déterministe du programme génétique implique un schéma structuré et unidirectionnel grâce auquel les cellules sont dirigées par ces «signaux» extracellulaires selon un plan prédéfini. Ainsi, chaque cellule de l'embryon serait prédestinée à devenir telle cellule différenciée dans l'organisme adulte. Mais, en plus de porter en elle l'empreinte aristotélicienne d'une «cause finale », contraire aux fondements darwiniens de la biologie moderne 7, la notion de programme génétique est clairement mise à mal par les données les plus récentes de la biologie. Entre expression aléatoire des gènes et non-spécificité des interactions entre molécules biologiques, il est difficile de concevoir l'existence d'un schéma préexistant dans le génome guidant le développement et la différenciation cellulaire par un enchaînement de réactions univoques et spécifiques selon un modèle « instructif» 1. La notion de programme génétique est donc aujourd'hui confrontée à un vrai problème de crédibilité.
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Face à ces questionnements du modèle «historique» des biologistes moléculaires, plusieurs attitudes sont possibles : soit continuer à soutenir le paradigme existant en distordant ses concepts fondateurs de manière à le faire évoluer et à intégrer des données qui semblent pourtant incompatibles avec ces concepts; soit proposer d'autres schémas de pensée, capables d'intégrer à la fois les données issues des premières décennies de la biologie moléculaire et les résultats les plus récents concernant la place de la stochasticité dans les phénomènes moléculaires biologiques. Diverses discussions autour de ces alternatives commencent à émerger dans les revues scientifiques les plus prestigieuses 32 . La théorie de l'ontophylogenèse formulée par Kupiec dès les années 198033 fait désormais figure d'alternative crédible au déterminisme génétique 3 4, après avoir été malheureusement négligée faute d'une masse de travaux suffisante pour la soutenir, et à cause d'un certain dédain lié à la trop grande originalité de ces travaux. Les faits expérimentaux sont pourtant là pour corroborer très largement cette théorie.
Développement et différenciation selon le modèle de l'ontophylogenèse La théorie de l'ontophylogenèse considère la différenciation cellulaire au cours du développement comme un phénomène de hasard-sélection, à l'opposé du déterminisme génétique inhérent à la notion de programme génétique. Pour une présentation complète et une argumentation solide en termes théoriques et expérimentaux en faveur de cette théorie, l'ouvrage de Kupiec, L'Origine des individus1, sera d'une grande utilité. Nous nous contenterons ici d'en retracer les arguments principaux, pour mieux comprendre par la suite son importance pour la compréhension du cancer. Nous mentionnerons également les résultats les plus récents en faveur de cette théorie. La nature aléatoire des interactions moléculaires et de l'expression des gènes permet d'envisager l'apparition
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des phénotypes, en particulier des caractéristiques de différenciation, comme un phénomène probabiliste. L'hétérogénéité phénotypique engendrée ainsi au sein des populations de cellules fournirait alors un substrat pour un phénomène de sélection par l'environnement cellulaire des cellules qui expriment les caractéristiques de différenciation ou les caractéristiques métaboliques « adéquates» dans un environnement donné. Cet environnement étant constitué de différentes molécules, qui peuvent se diffuser ou non, et d'autres cellules, ce sont les cellules capables d'interagir et de communiquer avec ces molécules et ces cellules environnantes qui verraient stabiliser leurs caractéristiques apparues aléatoirement. Cette stabilisation de l'expression génique se produirait par l'intermédiaire de cascades d'événements moléculaires dans la cellule partant de l'interaction avec l'environnement et aboutissant à la stabilisation de l'interaction avec l'ADN des protéines de la chromatine ayant permis l'expression des gènes impliqués dans la mise en place de l'interaction (grâce à des modifications chimiques de ces protéines de la chromatine). Il est donc possible d'imaginer le développement comme un processus darwinien (autrement dit sélectif, par opposition à un modèle instructif où les variations observées seraient «dirigées») où l'expression génique est initialement instable, où les caractéristiques de différenciation apparaissent aléatoirement et où des sous-populations de cellules exprimant par chance la bonne combinaison de gènes au bon endroit seraient sélectionnées et stabilisées par le microenvironnement cellulaire35 . Les modifications chimiques des molécules de la chromatine engendrées par la mise en place d'interactions entre cellules (directes ou à distance grâce à des molécules qui diffusent) seraient alors responsables de la stabilisation de l'expression génique. Dans le modèle issu de la théorie de l'ontophylogenèse, les cellules en cours de différenciation sont ainsi progressivement «canalisées» (au sens de Waddington,
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voir chapitre 1, section p. 75) par leur environnement vers un type cellulaire donné. Les cellules qui ne seraient pas stabilisées par la mise en place d'interactions avec leur environnement continueraient à proliférer et à évoluer de manière aléatoire (en exprimant des phénotypes de manière probabiliste), ou mourraient. En procédant à des simulations numériques, Kupiec et ses collaborateurs ont introduit dans ce modèle une composante d'autostabilisation pour chaque type cellulaire (la capacité d'un type cellulaire à stabiliser les caractéristiques de différenciation des cellules du même type) ainsi qu'une composante d'interdépendance pour la prolifération (le fait qu'une cellule d'un type cellulaire doit, pour survivre et proliférer, utiliser une certaine quantité de molécules produites par d'autres types cellulaires)36 . Ainsi, les caractéristiques cellulaires apparaissant de manière aléatoire peuvent permettre d'une part d'autostabiliser les cellules qui expriment les mêmes caractéristiques, et d'autre part de sélectionner des types cellulaires hétérologues (qui présentent des caractéristiques de différenciation différentes). Les simulations numériques ont fourni des résultats reproduisant une grande partie des caractéristiques désirées pour un modèle de développement: arrêt de la prolifération lorsqu'un équilibre entre sélection cellulaire et autostabilisation des phénotypes est atteint; création de structures organisées reproductibles, mais toutes différentes dans l'organisation tissulaire, etc. L'arrêt de la prolifération, notamment, a été obtenu par l'action conjointe des phénomènes d'autostabilisation et d'interdépendance pour la prolifération. L'interdépendance bloque la prolifération des cellules qui sont trop éloignées du type cellulaire hétérologue fournissant les molécules nécessaires, alors que l'autostabilisation fige les cellules dans le type cellulaire acquis36 . L'ontophylogenèse, aussi fondée sur des phénomènes de hasard-sélection, est proche conceptuellement de la théorie
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darwinienne de l'évolution, d'où son autre nom de darwinisme cellulaire. Cette théorie met en jeu un phénomène probabiliste ressemblant au modèle sélectif habituellement admis pour la phylogenèse. Mais ici ce sont les cellules qui sont capables de s'adapter à un environnement donné dans l'organisme, du fait de leur instabilité intrinsèque. L'ADN est considéré comme un générateur aléatoire de protéines du fait de la non-spécificité des interactions moléculaires et de la diffusion brownienne des molécules dans le milieu intracellulaire. Sans les contraintes exercées par le microenvironnement, les cellules évoluent de manière aléatoire, car les fluctuations moléculaires stochastiques ne sont pas canalisées. Il est bien connu que des cellules provenant d'un tissu perdent des caractéristiques de différenciation lorsqu'elles sont mises en culture in vitro, alors que des cellules dites souches se différencient spontanément. Le fait que des cellules séparées en culture in vitro présentent une forte hétérogénéité phénotypique37 • 38 , notamment en termes de différenciation, est facilement expliqué par cette théorie. Cela révèle la nature non spécifique et probabiliste de la différenciation cellulaire. Les preuves expérimentales d'une telle stochasticité de la différenciation in vivo ne manquent pas. • Différenciation cellulaire aléatoire. Il est généralement admis que la différenciation cellulaire est induite de manière déterministe par l'exposition à des «signaux» instructifs, mais il a été montré que la différenciation de nombreux types cellulaires se produit de manière aléatoire sans que ces «signaux)) extracellulaires soient les événements initiaux. Cette variabilité s'exprime en général par le fait que la différenciation ne suit pas la même temporalité et le même «chemin)) pour toutes les cellules d'une population. Ce sont des études sur le système hématopoïétique (cellules sanguines) qui ont permis de proposer pour la première fois un modèle stochastique pour expliquer la variabilité de la différenciation à partir de cellules souches adultes39. En effet, la différenciation lors du processus
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d'hématopoïèse est clairement probabilisté0 , 41, ce qui a depuis été montré in vivo ou ex vivo pour d'autres cellules (du foie, des os, de l'intestin, du cœur, etc.) 1. Il faut aussi considérer le fait que les populations de cellules en cours de différenciation ne sont pas hiérarchisées de manière irréversible. Il peut clairement y avoir des phénomènes de dédifférenciation42, 43. Les cellules en cours de différenciation seraient donc marquées par une incertitude quant à leur origine et à leur devenir44 ' 45 . Chez une mouche drosophile par exemple, des cellules identiques peuvent devenir cellules épidermales ou neuronales d'une manière aléatoiré6 . Ce «choix» est ensuite maintenu par l'environnement cellulaire. Des observations identiques ont été réalisées chez le ver Caenorhabditis eleganf7 , 48 ou dans des embryons de poulet49 . Dans tous ces cas, le «choix » de la voie de différenciation est aléatoire50 . Très récemment, alors qu'on croyait que les cellules souches intestinales se divisaient de manière asymétrique en donnant une cellule fille qui resterait cellule souche (caractère défini sur la base de l'expression d'un certain nombre de marqueurs moléculaires) et une cellule fille qui se différencierait, plusieurs équipes ont montré que ces cellules se divisent en réalité de manière symétrique et que chaque cellule fille se différencie ou non de manière aléatoire51, 52 . Ces travaux ont fait l'objet de nombreux commentaires dans la littérature scientifique, car ils bousculent de nombreux schémas de pensée53-55. Ces résultats suggèrent que l'aspect aléatoire de la différenciation cellulaire pourrait trouver son origine dans l'expression aléatoire des caractéristiques de différenciation. Cette expression aléatoire jouerait alors un rôle crucial en créant une diversité phénotypique initiale au sein de laquelle certaines cellules seraient sélectionnées et produiraient une lignée cellulaire différenciée. Mais ils questionnent surtout la notion de cellule souche. En effet, comment interpréter ces phénomènes de différenciation aléatoire alors que la cellule souche est généralement comprise comme une
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entité finement régulée par des réseaux intracellulaires qui maintiennent l'autorenouvellement (la capacité à se diviser en restant cellule souche) et empêchent dans le même temps l'expression des gènes impliqués dans la différenciation (de manière à maintenir la pluripotence, c'est-à-dire la capacité de ces cellules à se différencier en de multiples types cellulaires différents)? Dans le schéma déterministe, seule l'activation spécifique de certaines voies de différenciation par des signaux extérieurs serait capable de supprimer l'autorenouvellement et d'induire la différenciation. Or les données les plus récentes de la biologie vont à l'encontre de cette théorie. • Notion de « stemness », différenciation et ontophylogenèse. Alors que l'on admet généralement que seuls quelques gènes spécifiques nécessaires à l'autorenouvellement et à la répression des voies de différenciation définissent les cellules souches, des travaux publiés en 2008 ont montré que les cellules souches embryonnaires présentent au contraire un ensemble très large et très variable de gènes exprimés56 . Cela a été corrélé à une conformation très ouverte de la chromatine dans ces cellules, qui rend possible l'expression de l'ensemble des gènes57. La structure ouverte de la chromatine est engendrée par l'expression de protéines comme CHD 1 qui remodèlent la chromatine58 . Ces protéines de remodelage de la chromatine sont fortement exprimées dans les cellules souches embryonnaires59 et l'association des protéines de la chromatine avec l'ADN y est très dynamique 60 . Cela reflète la plasticité de l'expression du génome et participe probablement au maintien de la pluripotence et de l'autorenouvellement. Il apparaît donc futile de vouloir définir les cellules souches comme un type cellulaire caractérisé par un phénotype stable. La notion de stemness, autrement dit ce qui fait qu'une cellule souche est une cellule souche, serait plus un état d'instabilité permanente qu'une identité stablé 1. En effet, la première caractéristique des cellules souches serait cet état d'expression généralisée du génome, plutôt qu'une identité constituée par
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NOUVEAU RE GARO SUR LE CANCER
l'expression stable de quelques gènes spécifiques. Alors que certains facteurs de transcription sont considérés comme spécifiques des cellules souches embryonnaires, le gène NANOG impliqué dans la pluripotence ou les «marqueurs» REXl, PECAMl, SSEAl et Stella y sont exprimés avec une forte hétérogénéité. Ils semblent fluctuer entre des niveaux d'expression forts et faibles 62 . Ainsi il est désormais proposé que cette expression «bruitée» soit la propriété inhérente aux cellules souches qui les distingue des cellules différenciées63 . La différenciation des cellules embryonnaires en cellules matures est accompagnée d'une «fermeture» de la chromatine et d'une répression généralisée de l'expression des gènes. La grande majorité des gènes voit en effet leur niveau d'expression diminué lors de la différenciation63 . Cela est très cohérent avec la théorie de l'ontophylogenèse. L'incapacité à définir une «signature» moléculaire pour les cellules souches suggère que cette variabilité et cette «incertitude» de 1'expression des gènes sont bien ce qui définit ces cellules. Une population de cellules souches de mammifère présente une forte hétérogénéité d'expression d'un gène donné et quand une petite fraction homogène de cette population est isolée et cultivée à nouveau, elle retrouve spontanément l'hétérogénéité initialé4 . Cela prouve bien l'aspect fortement aléatoire et non contrôlé de l'expression génique. Wardle et Smith ont d'ailleurs montré en 2004 que précocement dans le développement, l'expression génique au niveau des cellules individuelles est fortement variable, alors qu'elle ne devient que plus tardivement liée précisément à la position des cellules dans l'embryon65 . La différenciation serait donc avant tout la suppression de cet état d'expression généralisée et variable des gènes63 . Reste à savoir si l'expression généralisée des gènes est un processus «régulé», notamment par l'expression élevée des protéines de remodelage de la chromatine, ou s'il s'agit d'un état non régulé qui est intrinsèque aux cellules non différenciées et dû à l'absence de stabilisation de l'expression de certains gènes.
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Cela revient à poser une question fréquente dans la littérature scientifique: comment est déterminée et maintenue la pluripotence 66 ? Pour essayer de mieux comprendre cette question, il est possible de s'intéresser aux cellules souches adultes. Ces cellules n'ont pas établi l'ensemble des répressions et activations de gènes, donc le profil d'expression, caractéristique d'un tissu, mais elles ont été en partie canalisées, car elles se situent déjà dans un tissu et ne sont plus totipotentes. Il a longtemps été admis que les cellules souches adultes possédaient un potentiel de différenciation restreint à leur tissu d'origine, mais certaines études ont montré qu'elles possèdent une plasticité beaucoup plus importanté 7. Des cellules hématopoïétiques expriment par exemple des gènes de neurones 68 , et des cellules mésenchymateuses expriment des gènes caractéristiques d'autres lignées de cellules69 . Ainsi, les cellules souches adultes semblent capables d'exprimer de nombreux marqueurs de différenciation, si ce n'est tous. Cela est cohérent avec les données montrant une expression génique généralisée dans les cellules souches embryonnaires. Là encore, cette expression génique variable des cellules souches adultes est en accord avec le modèle sélectif où les cellules expriment a priori les gènes de manière aléatoire et présentent spontanément des caractéristiques de différenciation qui sont seulement ensuite sélectionnées par le microenvironnement cellulaire. Mais il faut rappeler ici qu'in vivo, les cellules souches adultes se situent au sein de «niches» où elles sont« contrôlées» par quelques interactions spécifiques qui les empêchent de proliférer 70, 71 . En effet, ces cellules sont dans un état non prolifératif (dit état de quiescence) lorsqu'elles sont au sein de ces niches, et c'est seulement lorsqu'elles n'interagissent plus avec celles-ci qu'elles prolifèrent et entament un processus de différenciation. «L'activation» des cellules souches correspond bien à la perte de ces interactions cellulaires dans la niche 70 . Cela signifie que ces interactions sont capables à la fois de stopper la prolifération, mais aussi de maintenir la
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pluripotence. Il faut bien comprendre que ces interactions activent des voies de signalisation cellulaire qui modifient des protéines de la chromatine, en particulier des facteurs qui peuvent être à la fois capables de stabiliser l'expression de gènes importants pour l'autorenouvellement et de réprimer l'expression de gènes de la différenciation. Mais si l'on se place du point de vue de la définition des cellules souches que nous venons de donner, il est probable que ces interactions agissent surtout comme un «stabilisant» de l'expression génique en général, qui certes assure le maintien de la pluripotence et de l'autorenouvellement, mais empêche surtout la prolifération et la différenciation grâce à cette stabilisation de l'expression. Dans ce modèle, la prolifération des cellules souches est due à la rupture des interactions cellulaires qui les maintenaient quiescentes dans la niche. Cet état de prolifération pourrait être l'état des cellules par défaut lorsqu'aucune contrainte microenvironnementale ne s'exerce et que la survie cellulaire est possible, comme cela a été si bien argumenté par Ana Soto et Carlos Sonnenschein 72 . En absence de ce contrôle, les cellules deviendraient instables du point de vue de l'expression génique, ce qui aurait pour conséquence d'enclencher le cycle cellulaire (qui aboutit à la division cellulaire) qui se déroulerait alors de manière inéluctable si les conditions de survie sont assurées. En effet, les capacités de prolifération de ces cellules peuvent être vues comme une conséquence de cette expression généralisée qui favorise l'enchaînement rapide des étapes du cycle cellulaire. Cette expression globale des gènes lui permettrait de se dérouler, car les différents gènes nécessaires à l'enchaînement des étapes du cycle sont tous exprimés de manière fortement aléatoire. Ainsi, les gènes impliqués dans le passage d'une étape à la suivante pourront être exprimés par hasard ensemble au niveau adéquat à un moment donné de manière à ce que le passage à l'étape suivante ait lieu. (Les étapes se déroulent de manière unidirectionnelle, car il existe des phénomènes moléculaires assurant l'irréversibilité du cycle
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cellulaire.) En revanche, l'aspect stochastique de l'expression des gènes du cycle cellulaire ferait que le seuil d'abondance d'une ou plusieurs protéines nécessaires au passage au stade suivant ne serait atteint qu'après des temps très variables d'une cellule à l'autre, engendrant inévitablement une hétérogénéité dans la progression dans le cycle. (Les biologistes cellulaires savent d'ailleurs bien que des cellules synchronisées en culture, c'est-à-dire dont la prolifération est stoppée au même stade du cycle cellulaire avant de les laisser proliférer à nouveau, se désynchronisent très vite.) Ce modèle stochastique du cycle cellulaire est désormais validé par des modélisations mathématiques 73 . La levée de ces interactions cellulaires dans la niche constituerait donc un événement de déstabilisation de l'expression génique, avec pour conséquence la prolifération et l'expression aléatoire des caractéristiques de différenciation. C'est cet état «hors niche)) qui est observé par les biologistes avec des cellules en culture in vitro. In vivo, les cellules souches libérées des interactions avec leur niche sont ensuite progressivement «canalisées)) vers une voie de différenciation par des interactions cellulaires (autres que celles établies dans leur niche d'origine). Ces interactions - qui peuvent être directes ou à distance par le biais de molécules qui se diffusent - établies progressivement grâce à l'expression aléatoire des gènes codant pour les protéines impliquées dans ces interactions, provoqueraient cette canalisation qui correspond à une stabilisation progressive de l'expression des gènes vers un profil d'expression caractéristique d'un tissu. Lorsque l'expression de certains gènes exprimés au bon moment et au bon endroit est stabilisée par les interactions cellulaires qu'ils autorisent, le produit de ces gènes peut également agir sur d'autres gènes de manière à en empêcher l'expression et à renforcer la canalisation des cellules vers un type de différenciation bien précis. Les exemples sont nombreux et constituent clairement un mode de régulation
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NOUVEAU REGARD SUR LE CANCER
génique intracellulaire. Mais le phénomène ne peut démarrer et se maintenir qu'à la condition que les gènes permettant les interactions aient été exprimés au préalable et qu'ils aient permis d'établir ces interactions cellulaires selon un phénomène de hasard-sélection. Nous sommes donc loin d'une théorie déterministe où les signaux extérieurs dirigeraient de manière instructive et univoque l'expression de gènes précis. Cette théorie ne nie bien sûr pas les régulations entre gènes à l'intérieur de la cellule, mais elle affirme que seule la stabilisation de l'expression de certains gènes par la mise en place progressive d'interactions avec l'environnement cellulaire peut générer des types cellulaires différenciés et stables. Sans ces interactions, aucun profil d'expression stable et reproductible ne pourrait naître lors du développement à partir de l'œuf et des cellules totipotentes, ou dans les organismes adultes à partir des niches de cellules souches. Des résultats très récents tendent à prouver cette idée. • Arguments récents en faveur de l'ontophylogenèse. L'étude d'une population de cellules souches embryonnaires a permis d'isoler des sous-populations exprimant ou pas un marqueur de différenciation précoce nommé Hex 74 . Les deux sous-populations rétablissent l'hétérogénéité initiale dans l'expression de ce marqueur si elles sont placées dans les mêmes conditions de culture qu'initialement, ce qui est conforme à une expression aléatoire et réversible des caractéristiques de différenciation. Toutefois, si les deux sous-populations sont exposées in vivo à un microenvironnement correspondant au stade de différenciation où apparaît normalement le marqueur (par implantation dans des blastocystes, c'est-à-dire au stade précoce de développement embryonnaire des mammifères), la sous-population qui exprime le marqueur de différenciation présente des potentialités de différenciation beaucoup plus importante 74 . Nous avons ici la démonstration que l'expression initiale et aléatoire d'un marqueur de différenciation est une condition
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nécessaire à la différenciation des cellules lorsqu'elles sont exposées à un microenvironnement correspondant au stade de développement relatif à ce marqueur. C'est donc bien l'expression préalable de caractéristiques de différenciation qui permet la différenciation et non des « signaux» extérieurs qui «induisent» l'expression de ces caractéristiques. Ces résultats sont clairement cohérents avec la théorie de l'ontophylogenèse, même s'ils provoquent encore une certaine frilosité et des commentaires tels que celui paru en février 2011 affirmant qu'« il est difficile d'imaginer comment un embryon peut atteindre ses objectifs
[nous soulignons} de développement[. . .] si la différenciation vers un type cellulaire est le résultat d'événements purement aléatoires >)5 . Et en effet, le terme «objectif» semble antinomique avec le terme «aléatoire». Pourtant, il est probable que dans ce cas l'expression aléatoire de Hex ait été stabilisée grâce à des signalisations intracellulaires issues d'interactions cellulaires établies dans le blastocyste et permises par cette expression, de manière à canaliser les cellules vers la voie de différenciation correspondant à ce marqueur. Cela est bien sûr impossible avec des cellules qui n'expriment pas d'emblée le marqueur. (La sélection de cellules qui expriment un marqueur précis à un moment donné du développement est bien sûr associée à l'augmentation du niveau d'expression moyen de ce marqueur dans la population cellulaire à ce stade. C'est pourquoi cette augmentation peut être prise pour un événement «induit», alors qu'il ne s'agit que d'un processus de sélection et de stabilisation des cellules qui l'expriment par hasard.) Un autre travail est venu confirmer l'hypothèse de «l'effet de communauté» en le reliant à la stabilisation de l'expression génique 76 . L'effet de communauté désigne le fait que la différenciation correcte des cellules dépend de la présence d'un nombre critique de cellules environnantes qui se différencient dans la même voie 77. Cet effet, qui a été démontré en particulier pour des cellules humaines 78 , est en soi un argument en faveur de l'ontophylogenèse qui présume que
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NOUVEAU REGARD SUR LE CANCER
des profils d'expression génique émergents ne peuvent être stabilisés que par un certain niveau d'interactions cellulaires avec des cellules environnantes homologues (qui présentent des caractéristiques de différenciation similaires). Cet effet a été étudié sur des embryons clonés comparés à des embryons fertilisés. Les embryons clonés sont caractérisés par un nombre plus faible de cellules à un stade de développement donné que dans les embryons fertilisés et par un taux d'échec du développement beaucoup plus élevé 79 . Les auteurs de ces études se sont focalisés sur certains gènes notamment exprimés durant les stades précoces du développement (OCT4 et CDX2), mais dont des défauts d'expression sont, dans le cas d'embryons clonés, à l'origine de l'échec du développement76. Ils sont partis du principe que le développement ne peut se faire correctement que si les gènes étudiés sont exprimés au moment adéquat du développement puis leur expression stabilisée. La question a donc été de déterminer si l'échec du développement est dû à un défaut «d'induction» de l'expression ou à un défaut de stabilisation de cette expression, ou aux deux. Ces chercheurs ont pu constater que les cellules des embryons clonés (caractérisés par un nombre de cellules plus faible) expriment CDX2 de manière erratique et hétérogène {conformément à la nature aléatoire de l'expression génique), alors que ce n'est pas le cas dans les embryons fertilisés 76 . Il leur a alors semblé que cette variabilité était due à un défaut de stabilisation de l'expression dans ces cellules, et non à un défaut «d'induction». Pour tester cette hypothèse, ils ont fusionné des embryons clonés homologues de manière à augmenter le nombre de cellules au sein de l'embryon. Cela a permis d'obtenir un profil d'expression de CDX2 homogène et stable, et de favoriser le développement par la suite. Il semble donc que l'augmentation du nombre de cellules ait permis d'homogénéiser et de stabiliser l'expression de ce gène CDX276 . De manière intéressante, de multiples composants des voies de signalisation cellulaire sont activés à des niveaux
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plus élevés dans les embryons issus de la fusion d'embryons clonés homologues comparativement aux embryons non fusionnés, ce qui semble indiquer que l'augmentation des interactions cellulaires et la plus forte activation des voies de signalisation pourraient être à l'origine de la stabilisation de l'expression de CDX2. Un nombre minimal de cellules et un nombre critique d'interactions cellulaires pourraient donc être indispensables au développement et à la stabilisation des phénotypes cellulaires. Enfin, un dernier exemple confirme l'intérêt de la théorie de l'ontophylogenèse pour la compréhension de l'embryogenèse. Une étude importante parue en 2010 a montré pour la première fois qu'il est possible de suivre l'embryogenèse in vivo en utilisant des gènes qui ont été fusionnés artificiellement à un gène codant pour un marqueur fluorescent 80 . On peut ainsi connaître à tout moment le niveau d'expression du gène fusionné à ce marqueur dans chaque cellule de l'embryon, car la protéine exprimée est alors fluorescente. L'organisme utilisé dans cette étude était le rat et le gène étudié, celui codant pour la prolactine. L'analyse au microscope à fluorescence du profil d'expression spatiotemporel de ce gène dans l'hypophyse a permis de relier cette expression au développement de la structure tissulairé 0 . Ce travail a montré qu'il existe dans les tissus hypophysaires intacts une coordination et une stabilisation globale de l'expression de la prolactine lorsque la structure tissulaire apparaît, alors que la dispersion de ces cellules en culture fait perdre cette coordination. Les cellules expriment alors ce gène de manière très variable et de manière totalement indépendante. Cela a constitué la première démonstration de la coordination de l'expression d'un gène au cours du développement dans des cellules vivantes et dans un tissu intact de mammifère. Ce travail renforce les données existantes sur l'importance des interactions cellulaires dans la stabilisation et l'homogénéisation des profils d'expression de
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gènes lors de l'embryogenèse et de la différenciation cellulaire in vivo. Il faut désormais appréhender l'intérêt de ces travaux pour la compréhension des événements à l'origine de la perte de la structure tissulaire lors de la cancérogenèse.
Une nouvelle conception du cancer D'après la théorie de l'ontophylogenèse, le microenvironnement cellulaire agit en sélectionnant des phénotypes qui apparaissent de manière aléatoire par l'intermédiaire d'interactions cellulaires et coordonne ainsi la différenciation des différentes lignées cellulaires en stabilisant leur expression génique 36 . La différenciation et l'arrêt de la prolifération correspondent ici à un équilibre apparu entre l'autostabilisation des cellules possédant les mêmes phénotypes et l'interdépendance pour la prolifération entre cellules de phénotypes différents - ces phénomènes se manifestant par l'intermédiaire d'interactions et de communications cellulaires (directes ou à distance). Il apparaît donc vraisemblable que toute rupture de cet équilibre puisse déstabiliser les cellules différenciées. En effet, la différenciation et la quiescence de ces cellules ne pourraient alors plus être maintenues du fait de la nature stochastique de l'expression génique. Celle-ci ne serait plus correctement «contrôlée» par des signalisations cellulaires stabilisant les protéines de la chromatine sur l'ADN. Les cellules perdraient les caractéristiques de différenciation stables qui étaient les leurs, se dédifférencieraient et prolifèreraient spontanément tout comme des cellules souches adultes qui ne sont plus maintenues quiescentes par leur niche. Mais ici les cellules ne seraient pas canalisées, contrairement aux cellules souches adultes qui, lors de la différenciation «normale», établissent des interactions avec l'environnement «normal)) de manière à être progressivement canalisées et devenir quiescentes. La perturbation des interactions cellulaires les isolerait de leur environnement et leur permettrait d'évoluer de manière indépendante. Le même
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phénomène est bien sûr possible à partir de cellules souches adultes dont la canalisation au cours de la différenciation serait perturbée par l'échec de l'établissement des interactions avec leur microenvironnement. Là encore, le phénomène aboutirait à de pseudo-cellules souches au sens qu'elles seraient instables du point de vue de l'expression génique, mais non contrôlées par le microenvironnement comme c'est le cas pour les cellules souches normales dans l'organisme. Elles pourraient alors dégénérer en cellules cancéreuses. La désorganisation tissulaire et les lésions cancéreuses au sein de tissus initialement bien différenciés pourraient être le résultat de telles altérations des interactions et communications cellulaires 81 . En se fondant sur ces idées, Bertrand Laforge et Jean-Jacques Kupiec ont montré par simulation informatique que cette perturbation de l'équilibre tissulaire peut induire un phénomène assimilé à la cancérogenèse36 . En effet, dans leur système, la modification de l'équilibre établi par des interactions cellulaires entre autostabilisation et interdépendance pour la prolifération, ou la suppression d'un des deux phénomènes, aboutit à la reprise de la prolifération cellulaire et à l'accumulation de masses cellulaires déstructurées36 . Ainsi, des agents capables d ' altérer les membranes cellulaires, les jonctions cellulaires, les molécules d'adhérence ou encore les molécules solubles, comme les hormones ou les facteurs de croissance (qui diffusent entre les cellules et constituent un mode d'interactions à distance), voire même qui agiraient sur les étapes intracellulaires de signalisation à partir des interactions cellulaires, pourraient provoquer la dédifférenciation (de cellules différenciées) ou empêcher la différenciation (de cellules souches) et ainsi initier la cancérogenèse 81 . De nombreux chercheurs s' évertuent désormais à montrer l'importance de la perturbation de ces interactions cellulaires dans l'apparition des phénotypes cancéreux. Les travaux de James Trosko sur les jonctions
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communicantes82 et ceux de Carlos Sonnenschein et d'Ana Soto sur les perturbateurs endocriniens (voir chapitre 1, section p. 83) illustrent bien cette tendance. Cette théorie de la cancérogenèse est en accord avec les nombreux résultats qui décrivent l'importance de l'environnement cellulaire dans la cancérogenèse (voir chapitre 1, section p. 83) et avec les travaux théoriques qui relient la structure tissulaire au génome et à son expression83 . Elle pourrait expliquer de manière cohérente l'apparition de nombreux aspects du cancer décrits dans le premier chapitre de cet ouvrage, comme la présence de cellules ayant des caractéristiques de cellules souches ou la présence d'instabilité génétique et épigénétique. Nous allons désormais nous attacher à détailler la capacité de cette théorie à intégrer les différentes données apparemment contradictoires évoquées dans le chapitre 1. Un tableau résumant ses principales caractéristiques en les comparant à celles des théories de la cancérogenèse les plus répandues est donné plus loin.
Le cancer comme maladie de la différenciation
Expression génique aléatoire et problème de différenciation des cellules cancéreuses Des études réalisées au cours des dix dernières années ont bien montré que le comportement des cellules souches et des cellules cancéreuses implique des voies similaires84 . Dans notre conception, la perturbation des communications et des interactions cellulaires établies par les cellules différenciées génère des phénotypes instables et une capacité de prolifération illimitée similaire à celle des cellules souches, car aucun contrôle microenvironnemental ne s'exerce. Les cellules cancéreuses sont probablement de telles cellules qui retournent à un état dédifférencié85 . Cette absence de contrôle par l'environnement
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Mutationnel
Fondé Instabilité sur la chromosomique sélection
Événem ent initial
Mutations ponctuelles
Aneuploïdie
Force motrice
Instabilité génétique
Épigé nétique
Théorie du champ d'organisation tissulaire
Fondé sur l'ontophylogenèse
Mutations ponctuelles
Altérations épigénétiques
Rupture de l'équilibre et de la structure tissulaire
Rupture de l'équilibre et de la structure tissulaire
Instabilité chromosom ique
Sélection cellulaire
Instabilité génétique et épigénétique
Prolifération comme état cellulaire par défaut
Expression aléatoire des gènes
Rôle des altérations Initiation, génétiques progression
Initiation , progression
Initiation, progression
Progression uniquement
Négligeable
Progression uniquement
Cible initiale des Structure agents cancérigènes de l'ADN
Structure de l'ADN
Structure de l'ADN
Modifications épigénétiques de la chromatine
Interactions et communications cellulaires
Interactions et communications cellulaires
Phénotype mutateur?
Oui
Probable
Non
Probable
Négligeable
Fluctuant
Action thérapeutique
Ciblage oncogènes, gènes suppresseurs de tumeurs
Ciblage oncogènes, gènes suppresseurs de tumeurs
Ciblage oncogènes, gènes suppresseurs de tumeurs
Ciblage oncogènes, gènes suppresseurs de tumeurs. Ciblage modifications épigénétiques
Restauration des interactions et communications cellulaires
C iblage modification s épigénétiques, et restauration des interactions et communications cellulaires
Fondement épistémologique
Réductionniste Réductionniste
Réductionniste
Réductionniste
Ho liste
Ni réductionniste, ni holiste
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Q
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Caractéristiques principales d e s diffé rentes théories de la ca ncé rog enèse.
permet la «libération» de l'expression génique aléatoire et une expression globale du génome telle qu'elle a lieu dans les cellules souches, en particulier celle de gènes normalement réprimés dans les cellules différenciées. Ainsi se trouveraient réexprimés des gènes impliqués dans l'autorenouvellement et dans d'autres caractéristiques des cellules souches. Comme nous venons de le voir, c'est surtout l'aspect fortement aléatoire de l'expression génique qui est la caractéristique principale des cellules souches. Les cellules cancéreuses seraient donc de pseudo-cellules souches, mais qui posséderaient un profil d'expression des gènes plus confus que les cellules souches «normales », car aucune canalisation de ces cellules ne s'exerce, alors que c'est le cas pour les cellules souches «normales» dans les tissus. Cela expliquerait notamment la capacité des cellules cancéreuses à exprimer des gènes spécifiques d'une grande variété de tissus86• 87• Toute cellule différenciée peut potentiellement se dédifférencier ainsi, ce qui a d'ailleurs été montré pour des cellules en culture: des cellules souches peuvent être générées in vitro à partir de cellules différenciées de multiples organes88 . De plus, au lieu de générer des cellules cancéreuses par dédifférenciation à partir de cellules bien différenciées, les agents cancérigènes pourraient bloquer la différenciation des cellules souches adultes en empêchant la mise en place d'interactions cellulaires par ces cellules81. Si ce processus de cancérisation a lieu à partir de cellules souches adultes ne pouvant pas établir les interactions cellulaires qui normalement les canalisent lors de leur différenciation ou les maintiennent quiescentes dans leur niche, il s'agit alors d'une non-différenciation. Des résultats expérimentaux récents ont bien montré qu'un défaut de communication avec le microenvironnement cellulaire est capable de provoquer seul un syndrome myéloprolifératif (prolifération anormale de cellules sanguines dans la moelle osseuse) qui peut être assimilé aux étapes précoces d 'un cancer89• 90 . Ces cellules peuvent ainsi proliférer de manière
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non contrôlée par l'environnement tissulaire et éventuellement devenir malignes. En résumé, les cellules cancéreuses seraient des cellules caractérisées par une absence de contrôle environnemental de leurs phénotypes et donc par des profils d'expression confus, car non «canalisés» par cet environnement. Mais il est bien sûr possible que toutes les caractéristiques du tissu d'origine ne soient pas perdues et qu'un certain degré de différenciation initiale soit conservé. (Toutefois, celle-ci peut être perdue à tout moment si l'environnement cellulaire est suffisamment altéré.) Dans tous les cas, les événements initiateurs à l'origine du cancer seraient capables de contrecarrer les effets stabilisateurs et différenciants des communications et interactions cellulaires. Il y a plus de vingt-cinq ans, Harry Rubin avait souligné les nombreuses similarités entre le cancer et le processus de développement d'un organisme. Il affirmait que «s'il y a une
base développementale à l'origine du cancer, on peut s'attendre à ce que la perturbation des relations topographiques au sein du tissu ait tendance à induire un cancer>}Jl. La similarité entre les cellules cancéreuses et embryonnaires a été identifiée depuis longtemps et certaines tumeurs caractéristiques des adolescents ont été décrites comme étant d'origine embryonnaire. Dans certains cas, la cancérogenèse semble donc être le résultat d'un échec de la canalisation de cellules au cours de leur différenciation, et donc de l'échec de la coordination entre l'expression de leurs caractéristiques de différenciation et le reste de l'organisme91. Mais la dédifférenciation est une caractéristique fondamentale des cellules cancéreuses et ce cadre conceptuel semble pouvoir être étendu aux autres types de cancers. Toutes les propriétés associées à la cancérogenèse pourraient être considérées comme des conséquences de cette aberration développementale.
Différenciation aberrante au sein des tumeurs solides Il a été proposé que la plasticité des cellules cancéreuses soit liée au microenvironnement tumoral qui impose des
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restrictions de croissance et de différenciation 92 . Alors que toutes les cellules d'un tissu suivent peu ou prou la même voie de différenciation «normale», les cellules cancéreuses, libérées des contraintes microenvironnementales, seront donc dans un état fluctuant qui peut être partiellement stabilisé au hasard des interactions et communications cellulaires qu'elles établiraient dans la tumeur. Cela équivaut à une pseudo-différenciation, mais anormale. Ainsi, les cellules cancéreuses pourraient voir stabiliser de manière aberrante des caractéristiques de nombreux types cellulaires. C'est par exemple le cas dans les tératocarcinomes qui sont constitués à la fois de cellules cancéreuses similaires à des cellules embryonnaires et de cellules caractéristiques d'une variété de tissus différenciés. Des études ont montré que les cellules souches cancéreuses qui expriment des «marqueurs» des cellules souches normales se situent au front, c'est-à-dire à la périphérie, de la tumeur, alors que les cellules au sein de la tumeur seraient plus différenciées93 . On peut concevoir en effet que les cellules à l'intérieur de la tumeur puissent interagir entre elles et donc d'une certaine manière s'autostabiliser, même de manière totalement aberrante. Cela engendrerait une forme de différenciation et un frein à la prolifération. Elles seraient alors en partie stabilisées dans un état d'expression génique donné, alors que les cellules en périphérie ne sont pas soumises aux mêmes contraintes liées à une forte densité cellulaire. De plus, ces cellules instables en périphérie bénéficieraient ainsi des caractéristiques de plasticité et de prolifération nécessaires pour affronter et franchir les nouveaux «obstacles» qui se présentent face à l'expansion de la tumeur. Elles auraient le loisir de proliférer et d'exprimer de manière aléatoire toutes sortes de combinaison de gènes et de faire l'objet d'un processus de sélection des caractéristiques cancéreuses les plus «avantageuses» dans un environnement donné. En effet, à la périphérie de la tumeur a lieu une sélection clonale des cellules possédant les meilleures capacités
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à proliférer, donc le profil d'expression le plus adéquat.
Même si l'expression génique est fortement aléatoire dans les cellules cancéreuses, les cellules exprimant par hasard de manière adéquate des gènes leur permettant de proliférer plus rapidement et de franchir un certain nombre de «barrières » dans l'organisme seront sélectionnées par un processus purement sélectif. Ce processus de sélection des cellules les plus aptes à proliférer fera apparaître des caractéristiques communes bien connues (listées dans le chapitre 1, section p. 50). Mais il ne faudrait pas croire que ces populations de cellules sont homogènes et dans un état figé qui en ferait des cibles faciles pour des traitements thérapeutiques. Certaines modifications d'expression génique avantageuses sont très fréquentes, car elles influencent grandement diverses voies intracellulaires impliquées dans le développement cancéreux. Il est possible d'imaginer que l'expression des gènes impliqués dans les interactions et communications cellulaires, donc dans la différenciation, soit «contre-sélectionnée», au moins à la périphérie de la tumeur. En effet, ces gènes seraient un frein à la prolifération tumorale, car ils permettent de stabiliser, au moins en partie, les phénotypes cellulaires. Ces cellules stabilisées ne posséderaient pas la plasticité et les capacités de prolifération nécessaires à la progression tumorale, et feraient donc l'objet d'une «contre-sélection ». Mais rappelons encore que ces caractéristiques cancéreuses moléculaires ne seraient que le résultat d'un processus de sélection au sein de populations cellulaires qui restent intrinsèquement instables et hétérogènes.
Altérations génétiques et épigénétiques
Désordres génétiques • Rôle de l'expression aléatoire des gènes. Les variations du niveau d'expression des gènes comptent parmi les
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caractéristiques essentielles du cancer et contribuent indiscutablement à son développement. Mais il est aussi clair que de nombreuses caractéristiques tumorales sont acquises par l'intermédiaire d'altérations génétiques (voir chapitre 1, section p. 50). Les gènes codant pour des protéines participant à la réparation et à la maintenance de l'ADN sont impliqués dans l'apparition de ces altérations94 . Quelques cas bien définis de mutations de ces gènes sont associés à des formes de cancers héréditaires95 . Par exemple, des mutations des gènes MLH1 ou MSH2 qui contrôlent la réparation des mésappariements de bases (association de bases, appelée paire de bases, ne respectant pas le modèle de Watson et Crick96 dans la double hélice d'ADN) dans l'ADN sont liées à des cancers colorectaux héréditaires (voir chapitre 1, section p. 61). Mais curieusement, malgré le nombre phénoménal d'altérations génétiques observées dans les cellules cancéreuses, des mutations de ces gènes sont très rarement observées dans les cancers sporadiques97. Les gènes hMLH1 ou hMSH2 ne sont plus exprimés dans 10 à 20 % des cas de cancers colorectaux sporadiques, ce qui est associé à une perte de la capacité de réparation des mésappariements de bases, mais aucune mutation somatique de ces gènes n'est décrite98 . La situation est la même pour les gènes impliqués dans d'autres voies de réparation 97. Seuls les gènes de la recombinaison présentent parfois des mutations somatiques. Les mutations des gènes de la réparation et de la maintenance de l'ADN sont donc en nombre très limité dans les tumeurs sporadiques. Grâce à ces observations, il est possible d'arguer que la survenue des altérations génétiques dans les cellules tumorales est plus probablement due à une déstabilisation des voies de réparation et de maintenance de l'ADN engendrée par des variations d'expression des gènes impliqués dans ces voies81 , elles-mêmes provoquées par la déstabilisation globale de l'expression génique dans ces cellules. En effet, ces voies sont fortement dérégulées dans les cancers et les cellules cancéreuses peuvent présenter une forte hétérogénéité dans
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l'expression des gènes qui y sont impliqués, totalement aberrante par rapport aux cellules non cancéreuses 99 . De nombreuses études montrent que les variations d'expression de ces gènes accélèrent la vitesse d'acquisition des altérations génétiques et augmentent le potentiel cancéreux. Dans certains cas, il est clairement établi que le mauvais fonctionnement de ces voies de réparation et de maintenance de l'ADN est dû aux fluctuations d'expression de leurs composants et peut expliquer les mutations ponctuelles retrouvées de manière aléatoire dans le génome99. Pourquoi le processus de cancérisation semble-t-il favoriser l'instabilité génétique acquise par des variations d'expression plutôt que par des mutations des gènes impliqués dans la réparation et la maintenance de l'ADN? Nous venons de proposer que l'instabilité globale de l'expression génique dans les cellules cancéreuses pourrait être la force motrice dans le cancer. La variabilité de l'expression des gènes, notamment de ceux impliqués dans la progression cancéreuse, pourrait être bénéfique pour franchir les différentes barrières physiques ou chimiques au sein de l'organisme. Dans la même perspective, la forte variabilité de l'expression des gènes impliqués dans la réparation et la maintenance de l'ADN engendrée par l'absence de contraintes microenvironnementales sur les cellules cancéreuses pourrait être à l'origine des altérations génétiques dans ces cellules. Il est possible que des variations d'expression de ces gènes apparaissent aléatoirement et qu'elles soient soumises à un processus sélectif favorisant les cellules présentant les plus fortes variations et les voies de réparation les plus perturbées dans des environnements très sélectifs, car elles sont plus à même de fournir des altérations génétiques potentiellement avantageuses. La variabilité de l'expression de ces gènes pourrait ainsi permettre une modulation rapide de la vitesse d'apparition des altérations génétiques, avec des pics d'instabilité quand l'environnement cellulaire est très sélectif et une contre-sélection
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rapide des cellules génétiquement instables lorsque l'instabilité génétique n'est plus nécessaire pour proliférer 100. Ces variations de la vitesse de production de variants génétiques seraient plus aisées en ayant pour origine des fluctuations d'expression qu'en ayant pour origine des mutations des gènes de la réparation et la maintenance de l'ADN. Cela pourrait expliquer l'absence de telles mutations dans les cancers. De plus, les paradoxes que nous avons mentionnés concernant le «phénotype mutateur » dans les cellules cancéreuses sont ici résolus: de rapides fluctuations de la vitesse de mutation sont facilement concevables dans ce modèle et le phénotype mutateur est probablement transitoire et fluctuant durant la cancérogenèse 101 . • Parallèle avec les cellules souches normales. Les voies de réparation de l'ADN sont très efficaces dans les cellules différenciées, mais les cellules souches présentent des capacités de réparation différentes 102. Des études sur l'expression génique ont montré que de nombreux gènes de la réparation et de la maintenance de l'ADN sont plus exprimés dans des populations de cellules souches que dans des cellules plus différenciées 103. C'est le cas notamment des gènes de la réparation des mésappariements ou de la recombinaison 104• 105 . Certains gènes peuvent aussi être sous-exprimés 106 . Ces variations ont été envisagées comme étant le reflet d'un «besoin» de réparation accru dans ces cellules. Ces cellules semblent effectivement posséder de meilleures capacités de réparation de l'ADN 103, 107, mais ces gènes davantage exprimés et ces capacités de réparation augmentées dans les cellules souches sont plus certainement liés à l'expression globale du génome et à l'état plus «ouvert» de la chromatine. En effet, l'ensemble du génome étant plus exprimé dans les cellules souches par rapport aux cellules différenciées, il est logique d'observer une plus forte expression des gènes de la réparation et la maintenance de l'ADN et donc de meilleures capacités de réparation. Toutefois, des cellules souches embryonnaires de souris cultivées sur une longue période présentent une diminution
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de leur pluripotence et voient apparaître des aberrations chromosomiques 108 . De telles aberrations ont également été observées au sein de cellules souches embryonnaires humaines en culturel09, llO_ Il est maintenant bien démontré que de nombreuses altérations du génome apparaissent systématiquement dans de telles cellules en culture in vitro111 , 112 • De plus, des cellules souches adultes se transforment spontanément in vitro en acquérant une instabilité chromosomique généralisée 113 . Ainsi, les cellules souches peuvent devenir intrinsèquement instables du point de vue génétique, ce qui est en accord avec une forte variabilité de l'expression des gènes de la réparation et de la maintenance de l'ADN 114 . En effet, même si les capacités de réparation sont en moyenne plus fortes dans les cellules souches grâce à l'expression globalement augmentée du génome, certaines cellules peuvent exprimer par hasard, du fait de la forte instabilité de l'expression dans ces cellules, certains des gènes impliqués dans ces voies à un niveau trop faible (voire trop fort) pour que la réparation de l'ADN se fasse correctement. L'apparition d'altérations génétiques en serait alors facilitée. Ces altérations pouvant conférer un avantage adaptatif dans des environnements tels que celui des cultures in vitro, une instabilité génétique peut apparaître et être sélectionnée au sein de la population. Quant à ce qui se passe in vivo, il est tentant de faire le parallèle avec des observations récentes sur les embryons humains: ceux-ci contiennent presque systématiquement des altérations chromosomiques, qui sont probablement la raison de la faible fertilité chez l'Homme 115 . Il est tout à fait possible que ces altérations apparaissent par le mécanisme que nous venons d'évoquer. Elles seraient liées à l'instabilité et à la possible inefficacité des voies de réparation et de maintenance du génome dans les cellules souches qui constituent l'embryon. Une telle instabilité est probablement générée dans les cellules précancéreuses qui ne sont pas stabilisées par leur
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microenvironnement et qui présentent une expression génique hautement variablé 1. Les cellules dédifférenciées ou indifférenciées issues de ce processus pourraient voir leur génome déstabilisé de la même manière: l'apparition aléatoire de voies de réparation et de maintenance de l'ADN fonctionnant mal provoquerait l'accumulation d'altérations génétiques dont certaines sont avantageuses et permettrait la sélection de cellules devenues instables génétiquement par le biais de variations de l'expression des gènes impliqués dans ces voies. L'idée des cellules souches cancéreuses comme vecteurs d'instabilité génétique et sources des altérations génétiques dans le cancer commence d'ailleurs à être admise 116- 118. La grande diversité des altérations génétiques observées dans les cellules cancéreuses pourrait donc être due à l'apparition aléatoire de dérégulations des voies de réparation et de maintenance de l'ADN, et donc d'aneuploïdie ou de mutations géniques ponctuelles. L'aspect totalement stochastique des altérations chromosomiques dans les tumeurs solides est un argument en faveur de cette hypothèse 119 . Il serait donc futile d'incriminer systématiquement l'un ou l'autre de ces événements puisque ces défauts apparaîtraient de manière aléatoire conséquemment aux altérations des interactions et communications cellulaires 101 . • Cas des agents mutagènes et des prédispositions au cancer. Ce modèle propose également que les défauts de réparation de l'ADN liés à certaines prédispositions au cancer, tout comme les expositions aux agents mutagènes, contribuent à la progression du cancer, mais ne peuvent pas initier le processus sans échec du contrôle microenvironnemental. C'est peut-être pour cette raison que les tissus normaux contiennent des cellules qui présentent des myriades d'altérations génétiques sans pour autant se comporter anormalement, ou que l'exposition des tissus à des agents initiateurs mutagènes est incapable de provoquer un cancer sans qu'un agent promoteur agissant au niveau des interactions cellulaires
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ne soit appliqué 120 . Dans ces cas d'initiation/ promotion, la perturbation des interactions cellulaires est bien nécessaire au développement cancéreux et en est responsable. Si cette perte du contrôle par le microenvironnement a lieu, ces défauts de réparation de l'ADN ou ces expositions mutagènes pourraient simplement augmenter la probabilité que des altérations génétiques rendant les cellules précancéreuses plus agressives plus rapidement soient présentes. La probabilité qu'une tumeur se forme en serait ainsi augmentée, mais seulement si l'environnement correct du tissu n'est pas maintenu81 . Pourtant, il est généralement admis qu'un agent initiateur mutagène doit être appliqué avant le promoteur pour développer un cancer (voir chapitre 1, section p. 43). En effet, les théories génétiques du cancer assignent bien l'origine du cancer aux événements d'ordre génétique. Au contraire, si la perturbation des interactions cellulaires peut être à l'origine du cancer, les agents promoteurs agissant à ce niveau devraient être suffisants pour engendrer seuls la cancérogenèse. Nous avons déjà mentionné qu'un syndrome myéloprolifératif peut être provoqué par un défaut d'interactions cellulaires seul89. Mais des expériences de «promotion sans initiation» montrent par exemple que des traitements répétés sur le long terme de peaux de souris non initiées par l'agent promoteur non mutagène appelé TPA produisent des papillomes et même des carcinomes chez certaines souris 121. De la même manière, le TPA est capable de provoquer seul des tumeurs chez un autre type de souris utilisées en laboratoire 122 . Le TPA agissant prioritairement au niveau des interactions et communications cellulaires 123 , il apparaît donc que leur perturbation est suffisante pour engendrer le développement d'un cancer. Dans les cas de cancérogenèse induite par des agents promoteurs seuls, il a été proposé que les tissus soient spontanément initiés, c'est-à-dire qu'ils contiendraient au préalable des altérations génétiques de type oncogénique indispensables au développement cancéreux. Cette hypothèse
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est fondée sur le fait que la majorité (mais pas la totalité) des carcinomes de la peau produits par le TPA chez la souris contient une mutation dans l'oncogène H-RAS121 . Nous proposons plutôt que ces altérations génétiques apparaissent suite à un processus de déstabilisation du génome né de la libération de l'expression génique aléatoire, et sont récurrentes du fait de l'avantage adaptatif qu'elles confèrent dans un tissu et un environnement donnés (sans que leur présence soit systématique). Il s'agit donc d'un renversement de perspective qui voit les altérations génétiques comme conséquence du défaut de contrôle microenvironnemental. Toutefois, le temps nécessaire pour développer de tels cancers suite à la seule promotion serait beaucoup plus long que dans le cas d'un processus d'initiation-promotion 123 . En effet, si les altérations génétiques agissent bien comme un accélérateur du processus comme nous le pensons, ceci paraît tout à fait logique : la perturbation des interactions cellulaires est nécessaire et suffisante au développement du cancer, mais les modifications du génome contenues au préalable dans les cellules peuvent les rendre plus agressives plus rapidement, comme c'est le cas dans les protocoles d'initiation-promotion. Mais ceci ne se produirait que dans le cas d'un environnement permissif. Dans le cas de la promotion seule, il faudrait bien sûr plus de temps pour produire un cancer, car c'est la déstabilisation de voies de réparation et de maintenance de l'ADN qui doit engendrer des altérations génétiques de manière aléatoire et qui permettrait d'augmenter l'agressivité. Le processus est donc forcément plus long et moins probable que lorsque des altérations génétiques sont déjà présentes massivement dans le tissu. Le rôle des défauts de réparation de 1'ADN liés à certaines prédispositions au cancer, tout comme celui des agents mutagènes, sont ainsi facilement concevables: les altérations génétiques qu'ils génèrent augmenteraient la probabilité d'apparition de cellules malignes, mais ne seraient probablement pas suffisantes pour provoquer la
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cancérogenèse. Il est aussi possible d'imaginer que des altérations génétiques de gènes codant pour des protéines impliquées dans les interactions cellulaires puissent engendrer le cancer. Mais les résultats concernant la capacité de l'environnement cellulaire à contrôler des cellules cancéreuses isolées (voir chapitre 1, section p. 83) sont un argument en défaveur de cette hypothèse. En effet, il semble bien que des cellules présentant des phénotypes cancéreux, en particulier des altérations de leur capacité d'interactions avec l'environnement, ne soient pas capables de contrecarrer, lorsqu'elles sont injectées de manière isolée ou en nombre restreint dans un animal sain, les effets stabilisateurs d'un tissu normal. Il faut qu'elles soient en nombre très important pour être capables d'engendrer un nouveau cancer. Il est donc difficile d'imaginer qu'une ou quelques cellules qui présentent des mutations au niveau de gènes codant pour des protéines impliquées dans les interactions cellulaires soient capables d'un tel effet. L'effet de communauté dont nous avons parlé plus haut au sujet de la différenciation cellulaire joue ici un rôle crucial : une seule ou quelques cellules «déviantes» ne sont probablement pas suffisantes pour provoquer la cancérogenèse sans altération de l'environnement cellulaire. En revanche, la perturbation des interactions ou des communications cellulaires par des agents promoteurs comme le TPA en est capable. Ces agents touchent un grand nombre de cellules dans le même tissu et rompent donc cet effet de communauté et l'effet stabilisateur du tissu 81 . Pour avoir les mêmes effets, il faudrait que les altérations génétiques qui touchent les gènes impliqués dans les interactions soient nombreuses et surtout présentes dans de nombreuses cellules. Cela est peut-être le cas dans les modèles animaux exprimant certains oncogènes dans toutes les cellules d'un tissu ou d'un organisme, mais quelle est la pertinence de ces modèles expérimentaux quant à de ce qui se passe réellement lors de la vie d 'un individu?
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• Le cas spécifique des cancers du sang. Les cellules souches sanguines se trouvent, comme les autres cellules souches adultes, dans des niches. Elles sont donc soumises aux mêmes contraintes. Si un ou plusieurs agents carcinogènes viennent perturber la canalisation des cellules vers leur voie de différenciation - différenciation qui, dans le cas des cellules sanguines, est ensuite maintenue par des facteurs solubles, donc à distance -, ces cellules souches seraient, comme pour les tissus solides, libérées des contraintes environnementales les guidant vers la différenciation, deviendraient instables au niveau de l'expression génique et pourraient devenir cancéreuses. Mais il se peut aussi, comme dans le cas des tumeurs solides, que les cellules sanguines différenciées soient elles-mêmes soumises à une telle déstabilisation si les facteurs solubles qui les maintiennent normalement différenciées sont touchés par des agents cancérigènes. Toutefois, les cellules sanguines cancéreuses ont des caryotypes souvent bien définis et des altérations chromosomiques beaucoup plus homogènes et moins nombreuses que les cellules des cancers solides. Ces altérations chromosomiques sont assez spécifiques d'un type de tumeur, ce qui laisse penser qu'il s'agit là du facteur déclenchant de la maladie. Mais ces aberrations chromosomiques déclenchent-elles réellement le processus ou n'en sont-elles qu'un accélérateur (qu'on retrouverait fréquemment parce qu'elles confèrent un très fort avantage sélectif) ? Mise à part la LM C avec le chromosome Philadelphie, aucune altération génétique ne semble être systématiquement associée à un cancer du sang particulier. Il se pourrait donc que ces altérations apparaissent suite à une prolifération anormale initiale, associée à une déstabilisation de l'expression génique. Mais si les altérations génétiques apparaissent de manière aléatoire du fait d'un fort aspect aléatoire de l'expression des gènes dans les cellules qui ne seraient plus stabilisées par le microenvironnement cellulaire, comment se fait-il que
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les cancers du sang soient souvent caractérisés par un faible nombre d'altérations génétiques ? Pour le comprendre, il faut se mettre dans le contexte tissulaire, en l'occurrence liquide dans le cas des cellules sanguines. Ce tissu liquide donne lieu à des contraintes environnementales moins fortes sur les cellules qui le composent par rapport à celles exercées par un tissu solide. Il est donc probable qu'un nombre plus limité d'altérations génétiques soit nécessaire pour l'envahissement de ce tissu, parce que la pression sélective en son sein, exercée notamment par les autres cellules sanguines, est moins élevée. Ainsi l'acquisition d'une ou de quelques modifications génétiques serait suffisante pour faire progresser fortement la maladie, contrairement aux tumeurs solides où les cellules précancéreuses doivent acquérir une plus grande diversité d'altérations génétiques pour proliférer, même dès les stades précoces, car il existe beaucoup plus de «barrières » sélectives à franchir. Cela implique qu'une cellule contenant de nombreuses altérations aura plus de« chance» d 'acquérir un avantage sélectif de croissance et de proliférer. Les barrières environnementales étant beaucoup plus restreintes pour les cellules sanguines, une seule altération génétique pourrait donc permettre aux cellules de proliférer anormalement, sans accumuler d'autres altérations. Si cette altération avantageuse est acquise, les autres altérations auraient d'ailleurs plus de chance d'être délétères plutôt que bénéfiques. Dans le cas des cancers des tissus liquides, il est probable qu'une forte instabilité génétique soit donc plus délétère qu'avantageuse. En effet, les altérations génétiques, si elles ne servent pas à s'adapter à un environnement sélectif, sont un frein au développement tumoral. L'instabilité génétique serait donc contre-sélectionnée lors du processus de cancérisation du sang. L'aspect récurrent de certaines altérations chromosomiques dans certaines cellules sanguines pourrait aussi s'expliquer,
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au moins partiellement, par des mécanismes moléculaires complexes liés à la position des gènes dans le noyau des cellules 124 . Mais là encore, cette récurrence ne démontre en rien le rôle causal de ces altérations. Si de telles altérations constituaient l'événement initial absolument nécessaire à la cancérogenèse, pourquoi la grande majorité des cellules cancéreuses sanguines contenant ces altérations ne formentelles pas de cancer lorsqu'elles sont injectées dans des animaux sains? C'est bien que la relation avec l'environnement cellulaire est primordiale et sa perturbation nécessaire au développement du cancer, plus que la présence de telle ou telle aberration chromosomique. Enfin, il faut aussi remarquer que, dans le cas de la LMC, seule la période chronique est liée à une altération précise. La phase aiguë est ensuite accompagnée d'une forte déstabilisation du génome, ce qui montre que celle-ci est nécessaire, dans ce cas au moins, pour que la maladie progresse réellement, notamment pour envahir d'autres tissus. Ces tissus étant solides, on comprend d ' ailleurs la nécessité d'une augmentation du nombre d'altérations génétiques pour les envahir. Pour les autres cancers du sang, le profil caryotypique reste plus stable, ce qui ne plaide pas en faveur d'une instabilité génétique croissante et laisse penser que des voies ne passant pas par des altérations génétiques sont exploitées par les cellules lors de la progression de la maladie. En effet, il ne faut pas oublier que l'instabilité de l'expression génique contribue probablement autant, sinon plus, que les altérations génétiques à la diversité phénotypique des cellules cancéreuses. Dans le contexte sanguin, une sélection des cellules exprimant les combinaisons de gènes les plus adéquates pour la prolifération peut avoir lieu, ce qui contribuerait à l'observation de certains phénotypes à une fréquence élevée, sans que cela signifie que cibler des gènes ou des protéines spécifiques de ces phénotypes suffise à enrayer le processus. Les traitements ciblés les plus efficaces
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ont été observés sur des cellules leucémiques, car ce type de cancer est plus souvent dépendant, au moins partiellement, d'un seul oncogène, mais l'apparition de résistances est très fréquente. Cette apparition a lieu à plus ou moins long terme, car il s'agit d'un processus aléatoire. Si des cellules potentiellement résistantes sont déjà présentes au moment du traitement et y survivent, elles peuvent proliférer rapidement et provoquer la récurrence de la maladie. S'il faut que les cellules qui survivent acquièrent le profil d'expression ou les altérations génétiques nécessaires à cette résistance, le processus sera plus long. Mais ce sera toujours la plasticité ou l'hétérogénéité des cellules cancéreuses qui sera responsable de la récurrence.
Désordres épigénétiques Les cellules souches embryonnaires présentent un statut épigénétique très instable qui est corrélé à la grande plasticité de l'expression génique dans ces cellules 125, 126. De la même manière, les cellules cancéreuses sont fortement altérées au niveau épigénétique du fait de la dérégulation de l'expression de gènes codant pour des ADN-méthyltransférases ou des complexes de remodelage de la chromatine notamment 127. Le parallèle est donc évident. Les gènes impliqués dans la mise en place de ces modifications épigénétiques subissent probablement aussi des fluctuations importantes dans les cellules souches, ce qui se traduit par des profils épigénétiques instables similaires à ceux des cellules cancéreuses. D'après notre modèle, les cellules cancéreuses pourraient acquérir cette instabilité épigénétique par une déstabilisation globale de l'expression génique. Certains ont déjà suggéré que les modifications épigénétiques pourraient ne pas participer directement à l'initiation tumorale 128. Au contraire, elles pourraient être une conséquence de perturbations de composants des complexes moléculaires impliqués dans l'expression des gènes ou des voies de signalisation cellulaire (qui servent d'intermédiaire
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entre la surface cellulaire et l'expression du génome) 128. L'instabilité épigénétique pourrait donc n'être elle-même qu'une conséquence de variations d'expression plus précoces, et non leur origine. C'est ce que nous envisageons ici. La forte stochasticité de l'expression génique pourrait conférer aux cellules cancéreuses leur état épigénétique instable et être à l'origine de ces altérations81 . Des fluctuations importantes dans l'expression des gènes impliqués dans la méthylation de l'ADN ou les modifications des histones pourraient ainsi générer des profils épigénétiques aberrants de manière aléatoire. Comme nous l'avons vu au chapitre 1 (section p. 75), il est même possible d'identifier un «phénotype méthylateur » dans certains gliomes, sans que les sources de ce phénotype ne soient identifiéesl29. Les altérations épigénétiques apparaissant au hasard, elles subissent, tout comme les altérations génétiques, un processus de sélection au sein de la tumeur qui fait que seules celles conférant un avantage sélectif de croissance seront sélectionnées et apparentes. Mais là encore, il faut insister sur le fait que les cellules restent intrinsèquement instables. La récurrence de certaines altérations épigénétiques n 'est que le fruit d'un processus de sélection et la population cellulaire redeviendra fortement hétérogène au niveau épigénétique si l'environnent sélectif n'est pas maintenu. De plus, les altérations épigénétiques pourraient aussi modifier l'expression de gènes de la réparation et de la maintenance de l'ADN et participer ainsi à l'accélération de la progression tumorale en provoquant l'accumulation de désordres génétiques. Cette possibilité est désormais bien avérée 130. Les altérations épigénétiques concernant ces gènes sont donc sélectionnées indirectement par l'intermédiaire des altérations génétiques avantageuses que peuvent produire les modifications d'expression des gènes de la réparation et de la maintenance de l'ADN qu'elles engendrent. C 'est une sélection de second ordre.
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Désorganisation nucléaire • Mise en place de la structure nucléaire. Il est désormais attesté que lors du développement, une structure nucléaire propre à chaque type cellulaire se met en place dans les cellules différenciées 131 . Chaque chromosome s'organise dans le noyau avec une configuration particulière définissant des «territoires» et déterminant une position des gènes dans l'espace nucléaire tridimensionnel. Ce noyau est donc extrêmement structuré, mais aussi fortement dynamique. Les gènes exprimés ont une tendance à être colocalisés, même s'ils sont sur des chromosomes différents ou éloignés sur un même chromosome, dans des «usines à transcription» qui concentrent les facteurs impliqués dans l'expression des gènes 13l, 132 . Mais ces structures sont très flexibles et peuvent en permanence se défaire et se refaire ailleurs avec d'autres gènes, en fonction des molécules qui s'associent et se dissocient 133 . Ces événements d'associations-dissociations étant fortement aléatoires, ils contribueraient à rendre aléatoires les modifications de l'expression des gènes 134 . Certains chercheurs, dont Tom Misteli, ont proposé que cette structure s'auto-organise spontanément au cours de la différenciation, sans influence externe, de manière à trouver un état d'équilibre thermodynamique maximal grâce à des fluctuations aléatoires des interactions locales entre les molécules de la chromatine 131 , 135 . Ce modèle permettrait de réconcilier les faits apparemment contradictoires que sont l'apparente structuration du noyau et sa capacité à se réorganiser de manière très dynamique.Jeanjacques Kupiec a proposé qu'au contraire ce phénomène ne relève pas d'une auto-organisation, mais est «une conséquence du caractère
brownien des interactions entre molécules dans la chromatine, qui est la base de l'expression stochastique des gènes » 1. En effet, il est difficile de comprendre pourquoi ce processus aboutirait à des états identiques dans toutes les cellules d'un tissu, tout en étant différent d'un tissu à l'autre, s'il s'agit d'un phénomène
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d'auto-organisation. Il est nécessaire de faire appel à des contraintes externes qui canalisent l'expression stochastique et finissent par stabiliser des types cellulaires donnés dans un tissu particulier pour rendre compte de ce phénomène. Les molécules de la chromatine et l'expression aléatoire des gènes étant en permanence affectées par les signaux extérieurs issus de l'environnement cellulaire, l'organisation de la chromatine et sa stabilisation dépendraient donc de ces contraintes extérieures. Il s'agirait plutôt d'un phénomène « d'hétéro-organisation >> parce qu'issu d'une interaction permanente entre fluctuations aléatoires au sein du noyau et signaux extérieurs tendant à le stabiliser 1. Dans la théorie de l'ontophylogenèse, l'organisation nucléaire est donc le résultat de la canalisation des cellules vers un type cellulaire par des signalisations cellulaires qui stabilisent certaines conformations de la chromatine en fonction des gènes que ces conformations permettent d'exprimer. De nombreuses études ont d'ailleurs montré récemment l'influence des interactions avec le microenvironnement cellulaire sur l'organisation nucléaire au cours de la différenciation des cellules mammaires 136 • Par exemple, la position de certains gènes impliqués dans la lactation n'est pas la même dans les cellules du tissu intègre que celle observée dans les cellules cultivées in vitro en monocouche 136• I.Jabsence d'organisation tissulaire et de signalisations issues des interactions cellulaires mises en place dans cette structure tridimensionnelle est probablement la cause de cette différence d'organisation nucléaire. Par ailleurs, la comparaison de l'organisation nucléaire des mêmes cellules cultivées in vitro en monocouche ou en trois dimensions (3D) montre des différentes importantes liées aux interactions cellulaires établies en 3D 136. Il est clair que ces interactions contribuent fortement à la mise en place de la structure nucléaire, ce qui est tout à fait cohérent avec la théorie de l'ontophylogenèse et incompatible avec celle de l'auto-organisation.
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• Déstructuration du noyau dans le cancer. La déstructuration du noyau est un thème devenu majeur en cancérologie moléculaire 13?, 138 . Mais il est connu depuis longtemps que les cellules cancéreuses présentent une organisation nucléaire très différente de celle des cellules différenciées 139. Cela est d'ailleurs exploité par les pathologistes 138. Des études fines ont montré récemment que de nombreux gènes sont «repositionnés» dans les cellules cancéreuses par rapport aux cellules normales, notamment dans les étapes précoces de la cancérogenèse 140• 141 . Cependant, ce repositionnement n'affecte pas le niveau d'expression de la plupart des gènes testés, au moins dans ces étapes précoces 140. C'est pourquoi «la signification fonctionnelle
des changements de structure et d'organisation nucléaire dans les cellules cancéreuses reste une des questions les plus énigmatiques de la biologie du cancer>)39 . Toutefois, on ne peut s'empêcher de corréler ces problèmes d'organisation nucléaire et les profils d'expression aberrants si fréquemment rencontrés dans les cancers. Dans le modèle de l'auto-organisation évoqué par les spécialistes de cette organisation nucléaire, il est effectivement difficile de concevoir cette déstructuration du noyau dans les étapes précoces du cancer. Comment expliquer que ces étapes précoces engendrent une telle déstructuration alors qu'elles ne sont censées être provoquées que par quelques mutations génétiques? Ces mutations sont-elles à elles seules capables de perturber cette auto-organisation qui est le résultat d'un équilibre et d'un processus très complexe? Au contraire, si l'on se place du point de vue de l'ontophylogenèse, il apparaît quecomme les interactions cellulaires permettent de mettre en place progressivement une organisation nucléaire caractéristique d'un type de cellule différenciée - leur perturbation peut certainement modifier cette organisation. Il est alors logique que cette désorganisation soit l'une des caractéristiques des étapes précoces du cancer 140 . Cela est cohérent avec les données montrant l'importance des interactions cellulaires dans la mise en place et le maintien de la structure nucléaire 136 .
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La déstructuration du noyau n'aurait alors pas de «signification fonctionnelle» particulière : elle serait seulement le résultat de la perturbation des interactions cellulaires qui maintiennent normalement cette structure dans les tissus différenciés. Cela n'empêche pas que de nouvelles structures caractéristiques apparaissent du fait de l'avantage sélectif qu'elles pourraient conférer aux cellules cancéreuses. En effet, s'il s'avère que, par hasard, un certain nombre de gènes avantageux pour la prolifération tumorale se retrouvent exprimés de manière adéquate grâce à une organisation nucléaire particulière, cette organisation sera sélectionnée et retrouvée dans de nombreuses cellules cancéreuses. Mais encore une fois, cela n'en fait pas une structure nucléaire stable comme celle des cellules différenciées qui est maintenue par les interactions cellulaires. Ici, elle est le fruit d'un processus de sélection et peut à tout moment être remodelée au hasard des fluctuations moléculaires et des facteurs sélectifs de l'environnement.
Diversité, variabilité, plasticité des cellules cancéreuses
Hétérogénéité moléculaire des cancers l1hétérogénéité génétique des cancers n'est plus à démontrer 142 . Toutefois, il existe une immense hétérogénéité phénotypique qui n'est pas d'origine génétique 143 • 144. C'est par exemple le cas de certaines voies de signalisation 145 . Le concept de cellule souche cancéreuse a été proposé il y a plus de trente ans pour expliquer l'hétérogénéité des cellules cancéreuses 146. La majorité de ces cellules serait donc le produit de la différenciation anormale des cellules souches cancéreuses, processus qui engendrerait une forte hétérogénéité dans la population. Une explication alternative mentionne la plasticité des cellules cancéreuses comme source première d'hétérogénéité. Dans cette perspective,
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les cellules cancéreuses sont vues comme des pseudo-cellules souches possédant différents degrés de stemness (voir ce chapitre, section p. 149), stemness influencée par des facteurs environnementaux 145. Il semble effectivement que les résultats les plus récents aillent dans ce sens (voir chapitre 1, section p. 112). Ici, l'hétérogénéité serait le résultat de l'exposition de cellules très plastiques à des conditions environnementales différentes et variables au sein de la tumeur. Comme des cellules évoluant dans un environnement homogène présentent aussi une hétérogénéité phénotypique (voir ce chapitre, section p. 143), l'expression génique aléatoire contribuerait aussi fortement à l'hétérogénéité moléculaire au sein des cancers, et par là même à la progression cancéreuse du fait de la nature sélective du processus8l, 143 . En effet, ces fluctuations phénotypiques liées à la stochasticité de l'expression génique fournissent un «substrat» pour un phénomène de sélection des cellules exprimant les meilleures combinaisons de gènes dans un environnement donné. Si le microenvironnement est très sélectif, de fortes fluctuations sont avantageuses. La théorie de la cancérogenèse présentée ici permet d'embrasser ces différents concepts. Les cellules cancéreuses étant libérées des contraintes environnementales qui maintenaient un état d'expression génique stable, l'aspect fortement aléatoire de l'expression dans ces cellules permet à la fois d'expliquer le concept de cellule souche cancéreuse et l'hétérogénéité qu'elle peut engendrer, la plasticité des cellules cancéreuses vis-à-vis des différentes conditions environnementales rencontrées dans les tumeurs, et l'hétérogénéité phénotypique liée à l'expression génique fortement aléatoire. D'autres ont d'ailleurs aussi soulevé récemment une hypothèse proche, mais qui s'inscrit dans une perspective moins radicale que la nôtre 147. Concevoir le cancer en termes d'hétérogénéité et de plasticité est ici absolument fondamental, y compris pour les approches
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thérapeutiques. L'aspect aléatoire de l'expression des gènes étant une force motrice dans le cancer et responsable de la plasticité cellulaire, il devrait être la cible privilégiée des interventions thérapeutiques. D'autant plus qu'il pourrait bien être responsable des résistances observées si souvent suite aux traitements.
Résistance des cellules cancéreuses Les phénomènes de résistances thérapeutiques liées à l'acquisition d'altérations génétiques sont bien connus. Nous avons déjà mentionné différents cas, dont ceux qui apparaissent par exemple lors du traitement des LMC par l'imatinib (voir chapitre 1, section p. 124). Si les mutations ou réarrangements chromosomiques conférant ces résistances sont présents avant le traitement dans certaines cellules, on comprend facilement que seules les cellules qui les contiennent soient capables de survivre. Mais quand elles ne sont pas présentes au préalable, elles doivent être acquises en cours de traitement. Plus l'expression des gènes impliqués dans les voies de réparation et de maintenance du génome est aléatoire et instable, plus l'acquisition de ces altérations génétiques avantageuses est probable, ce qui est le cas dans les cellules souches cancéreuses. Il y a donc plus de probabilité que ces altérations apparaissent dans ces cellules plutôt que dans des cellules plus différenciées de la tumeur. Plus généralement, c'est la plasticité liée à l'expression génique fortement aléatoire qui doit être mise en cause. L'hétérogénéité moléculaire d'origine non génétique évoquée ci-dessus peut avoir un impact profond sur l'efficacité des traitements. Par exemple, une hétérogénéité dans les voies de signalisation cellulaire dans des cellules cancéreuses non traitées permet de prédire des différences de sensibilité aux traitements 148. Il est donc possible que cette hétérogénéité ellemême puisse permettre de prédire les réponses thérapeutiques futures, voire même qu'elle puisse «être manipulée de manière à
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affecter le comportement d'une population donnée >) 49 . On voit donc ici que l'hétérogénéité d'origine non génétique, probablement liée à l'expression génique aléatoire, commence à être sérieusement considérée dans le traitement des cancers. Mais comment «manipuler>> cette hétérogénéité pour la réduire ? Grâce à l'expression aléatoire des gènes, certaines cellules pourraient exprimer par hasard des combinaisons de gènes permettant de résister au traitement sans que des altérations génétiques soient nécessaires. La caractéristique commune de ces résistances est le fait que les cellules survivantes conservent toute leur capacité de prolifération après le traitement. Les traitements usuels sont associés à une mort massive de nombreuses cellules autour des cellules survivantes. Soit ces cellules survivantes sont des cellules peu différenciées capables de proliférer rapidement, soit cette prolifération a lieu à partir de cellules plus différenciées. Même si les cellules survivantes sont plus différenciées, la mort des cellules environnantes qui les stabilisaient partiellement avant le traitement leur permettrait de proliférer rapidement en réacquérant une expression génique fortement aléatoire, et par là même en se dédifférenciant. Comme les cellules de la tumeur ne sont pas canalisées par le microenvironnement, toute cellule cancéreuse peut potentiellement devenir ainsi cellule souche cancéreuse si l'environnement le permet. Grâce au champ libre laissé par les cellules qui auront été tuées, les populations de cellules survivantes et résistantes, déjà cancéreuses au moment du traitement, auraient donc tout le loisir de voir leurs phénotypes fluctuer rapidement (du fait de l'expression aléatoire des gènes non contrainte et des altérations génétiques acquises grâce à la déstabilisation des voies de réparation et de maintenance de l'ADN), tout en proliférant. Ces fluctuations permettraient d'acquérir, à nouveau par le même processus sélectif à l'échelle cellulaire, des caractéristiques de plus en plus agressives, à partir de cellules déjà cancéreuses. La progression vers une invasion de
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l'organisme serait alors plus rapide qu'avec la tumeur primaire. Comme on le voit, ces traitements ont donc l'avantage de tuer de nombreuses cellules de la tumeur, mais si des cellules résistent, ils ont l'inconvénient de permettre à ces cellules de proliférer encore plus rapidement que dans le cas de la tumeur primaire. Pour contrecarrer ces résistances, l'important semble donc d'empêcher cette prolifération liée à l'expression aléatoire des gènes. D'après notre modèle, cela serait possible en stabilisant artificiellement l'expression des cellules résistantes, ce qui correspondrait à une différenciation partielle, même aberrante. L'important serait de freiner la prolifération en faisant interagir les cellules cancéreuses comme des cellules normales le feraient lors du développement normal. Ainsi, seule une manière différente d'appréhender la maladie et la relation des cellules cancéreuses avec leur environnement permettra d'innover en matière thérapeutique, et peut-être de résoudre ces problèmes de résistance au traitement. Cette idée de thérapie par la différenciation sera développée dans le dernier chapitre de cet ouvrage.
Réversibilité de l'état cancéreux Le transfert de noyaux de cellules cancéreuses dans un oocyte énucléé permet le développement normal d'un individu 150 • Cela montre bien que les altérations génétiques et les modifications d'expression au sein de ces noyaux n'entament pas leur capacité à engendrer un développement correct. Comment comprendre cette réversibilité de l'état cancéreux? Dans le processus de cancérogenèse envisagé ici, les cellules cancéreuses sont caractérisées par une forte instabilité de l'expression génique parce qu'elles ne sont pas canalisées par le microenvironnement cellulaire. Or, si le noyau d'une de ces cellules est placé dans un oocyte qui est ensuite réimplanté (ce qui constitue un environnement normal), l'expression aléatoire des gènes peut permettre de rétablir le réseau des interactions
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cellulaires dans l'ordre chronologique par lequel il se met en place lors du développement à partir d'oocytes normaux. Cette technique permet à des génomes même altérés de reproduire le développement normal de l'organisme. Les altérations génomiques engendrent peut-être l'absence de certaines protéines ou des protéines aberrantes, mais la redondance des réseaux d'interactions cellulaires, de signalisation ou de régulation de l'expression génique permet de contrecarrer ces perturbations. L'important ici est encore la plasticité liée à l'expression aléatoire des gènes au sein de ces cellules et le microenvironnement non altéré, et non le fait de posséder telle ou telle altération génétique. Ici, le comportement cancéreux est bien supprimé par des contraintes environnementales normales s'exerçant sur le noyau et donc sur le génome. Toutefois, les animaux créés par transfert de noyaux de cellules cancéreuses présentent des prédispositions au cancer. Ils ne développent pas tous des cancers ou les mêmes cancers, mais ils en développent à une fréquence plus élevée que les animaux normaux (voir chapitre 1, section p. 83). D'après la théorie proposée ici, si le contrôle microenvironnemental est perturbé, des cellules contenant déjà de nombreuses altérations génétiques ont plus de probabilité de former des cancers. Or, ces cellules d'animaux clonés à partir de génomes cancéreux ont, contrairement aux individus normaux, moins d'altérations génétiques avantageuses à acquérir pour développer des cancers. En effet, comme de nombreuses altérations sont déjà présentes dans le noyau, l'altération de l'environnement permet aux cellules d'être d'emblée très agressives. Dans le même esprit, l'injection de cellules de carcinomes dans des embryons de souris très précoces supprime leur caractère cancéreux 15 1. Les nombreux autres résultats expérimentaux qui montrent que le rétablissement d'interactions appropriées entre les cellules cancéreuses et leur microenvironnement permet de les normaliser (voir chapitre 1, section p. 83) sont tout à fait cohérents avec notre modèle : si le microenvironnement
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cellulaire est constitué d'un réseau d'interactions cellulaires bien établi et stable, une cellule cancéreuse qui se trouverait dans cet environnement pourrait tout à fait s'y intégrer grâce à l'expression aléatoire de ses gènes. Comme cette cellule exprimera par hasard à un moment donné certains éléments de ces réseaux d'interactions, leur expression pourra être stabilisée et les cellules pourront intégrer les tissus en se différenciant à l'aide des interactions existant déjà dans le tissu entre les cellules« normales». Seul le fait d'injecter un nombre suffisant de cellules cancéreuses peut permettre «d'isoler» suffisamment certaines cellules de façon à ce qu'elles ne puissent pas être contraintes par le microenvironnement tissulaire et qu'elles puissent entamer un processus de cancérogenèse autonome.
Les cellules cancéreuses et leur environnement
Échange avec les cellules environnantes La perturbation des interactions entre les futures cellules cancéreuses elles-mêmes, et entre ces cellules et d'autres types cellulaires, s'accompagnerait également d'une déstabilisation de l'expression génique dans ces cellules environnantes, en particulier les fibroblastes du tissu stromal. Ceux-ci interagissant normalement directement ou indirectement avec les futures cellules cancéreuses, ils deviendraient également instables si l'équilibre tissulaire est rompu. Les mêmes phénomènes que dans les cellules cancéreuses peuvent donc être envisagés : dédifférenciation partielle et acquisition d'altérations génétiques et épigénétiques du fait de la déstabilisation des voies de réparation et de maintenance de l'ADN. Cette évolution ne se ferait pas de manière autonome et indépendante des cellules cancéreuses : par un échange permanent qui se mettrait en place entre les cellules déstabilisées, une coévolution aurait lieu par
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sélection - au sein des cellules cancéreuses et des fibroblastes associés - des caractéristiques cellulaires les plus favorables à la prolifération des cellules cancéreuses, là encore par un processus sélectif des plus simples. Il s'agirait donc d'une forme de commensalisme. Une population de cellules dont la prolifération est libérée de toute contrainte du microenvironnement évoluera de manière à progresser et à envahir les tissus environnants, quitte à profiter de l'apport de toute relation pouvant être tournée à son avantage. Ainsi, des relations perverties se mettent en place. Certaines voies cellulaires activées au sein des fibroblastes déstabilisés et les échanges entre ces fibroblastes et les cellules cancéreuses qui favorisent la prolifération cancéreuse (par l'intermédiaire de facteurs de croissance par exemple) illustrent ce processus. Ainsi, les cellules cancéreuses qui se trouveraient par hasard capables d'exploiter, pour proliférer plus rapidement, certaines protéines sécrétées par des cellules environnantes, comme les fibroblastes, sont sélectionnées. De la même façon, les cellules stromales les plus favorables au développement des cellules cancéreuses sont sélectionnées par un phénomène réciproque qui fera que seuls les fibroblastes «avantageux» pour les cellules cancéreuses pourront proliférer de manière optimale, grâce à des échanges favorisant également leur propre prolifération. Les altérations génétiques et épigénétiques, ainsi que les profils d'expression aberrants des fibroblastes associés au cancer, sont clairement le résultat d'une coévolution qui, dans notre modèle, trouverait son origine dans la rupture des interactions normales qui engendraient l'équilibre tissulaire. La meilleure illustration de l'apport que peuvent avoir des altérations génétiques au sein des fibroblastes du tissu stromal dans la prolifération des cellules cancéreuses vient des expériences d'Ana Soto et de Carlos Sonnenschein (citées dans le chapitre 1, section p. 83). Ici le traitement des cellules
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stromales par un agent mutagène suffit au développement cancéreux des cellules épithéliales non traitées. C'est donc bien que des relations perverties entre les cellules stromales et les futures cellules cancéreuses seules peuvent provoquer la cancérogenèse. Naturellement, ce type de relation favorable à la prolifération cancéreuse peut se mettre en place et évoluer au cours du processus. De plus, certains émettent l'hypothèse que les cellules cancéreuses elles-mêmes, loin d'évoluer de manière indépendante et d'être uniquement «individualistes» dans une relation de compétition avec les autres cellules cancéreuses, pourraient coopérer entre elles dans la tumeur sous la forme d'un mutualisme qui n'est pas sans ressemblance avec ce qui se met en place entre cellules tumorales et stromales 152 . L'instabilité de l'expression génique pourrait donc servir, dans ce cadre, de créateur d'hétérogénéité phénotypique dans laquelle certaines interactions favorables à la prolifération seraient sélectionnées grâce à l'avantage commun qu'un ensemble de cellules pourrait en tirer. Un tel comportement collectif pourrait être particulièrement important lors de l'invasion métastasique des tissus par les cellules cancéreuses 153 .
Métastases et dormance des cellules métastatiques • Métastases. Il existe deux modèles concernant la dissémination métastatique des cellules cancéreuses 154 . Le premier est un modèle de progression dit linéaire dans lequel la tumeur primaire doit atteindre un stade pleinement malin pour qu'ensuite la dissémination de cellules cancéreuses qui formeront les métastases ait lieu. Ainsi, la tumeur primaire détermine les caractéristiques des cellules disséminées à travers le corps. Les actions thérapeutiques se fondent sur ce modèle, c'est-à-dire sur les propriétés de la tumeur primaire, pour atteindre les métastases. Mais dans le second modèle, dit de progression parallèle, des cellules tumorales quittent le site
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primaire avant l'acquisition des caractéristiques pleinement cancéreuses, pour ensuite évoluer et progresser lors d'une croissance métastatique parallèle à la croissance de la tumeur primaire. Dans ce cas, il est fort possible que ces métastases présentent des caractéristiques très différentes de la tumeur primaire, ce qui questionne le fait de se fonder sur la tumeur primaire pour viser les métastases. Ce débat n'est pas tranché, mais les données les plus récentes semblent en faveur de la seconde hypothèse154, 155. Par exemple, si l'on s'intéresse aux aspects génétiques, un fort degré de divergence est observé 156 . Les mutations du gène K-RASdans les cancers primaires et leurs métastases divergent ainsi de près de 50% pour les cancers colorectaux et de 75 à 80% pour les cancers du poumon, alors que les mutations dans le gène EGFR divergent dans 75% des cas pour ces mêmes cancers du poumon 154 . Cette fréquence élevée d'altérations génétiques distinctes entre tumeurs primaires et métastases est difficile à concilier avec le modèle linéaire. D'autres arguments en faveur du modèle de progression parallèle peuvent être avancés 154. Si ce modèle est vrai, il signifie que des thérapies ciblant certaines altérations de la tumeur primaire pourraient ne pas être efficaces contre les métastases associées. Il s'agit d'un autre point problématique des thérapies ciblées. Toutefois, des données encore plus récentes vont plutôt dans le sens du modèle linéaire, contredisant une fois encore des résultats antérieurs 157. Si les cellules se disséminent très tôt lors du développement cancéreux, il faut donc qu'elles acquièrent rapidement ces capacités de migration et d'invasion. Or, un phénomène fondamental semble être à l'origine de l'acquisition de ces propriétés. Il est très étudié parce qu'il est aussi impliqué dans le développement normal de certains tissus: il s'agit de la transition épithélio-mésenchymateuse (TEM). Ce nom compliqué décrit un phénomène grâce auquel certaines cellules se différencient au cours du développement. Mais un phénomène semblable
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a aussi été décrit dans les cancers. En effet, de nombreuses cellules cancéreuses subissent précocement ce type de changement, qui est associé à l'apparition des capacités de migration et d'invasion 158 . Or, cet événement est clairement lié à un phénomène de dédifférenciation cellulaire préalable à une redifférenciation. D'ailleurs, laTEM génère des cellules aux propriétés de cellules souches 159. Cette hypothèse est parfaitement cohérente avec le modèle évoqué ici. La perturbation de l'organisation tissulaire pourrait générer des cellules dont l'expression génique deviendrait fortement aléatoire. Elles seraient équivalentes à des cellules souches (grâce notamment à la réexpression de gènes caractéristiques de ces cellules). Cette dédifférenciation permettrait donc à cette TEM d'avoir lieu de manière précoce, et aux cellules de migrer et de se disséminer très tôt lors du développement cancéreux. LaTEM peut faire partie intégrante de cette théorie de la cancérogenèse. • Dormance des cellules métastatiques. Quoi qu'il en soit, un phénomène dit de dormance peut être observé. Il reflète le fait que des cellules disséminées restent dans un état« dormant» de manière isolée dans des tissus distants du site de la tumeur primaire, pendant une période parfois longue de plusieurs années 160. Ces cellules ne prolifèrent pas, mais ne meurent pas non plus. Elles restent simplement dans cet état dormant qui ne les empêche pas de pouvoir à nouveau se comporter de manière cancéreuse des années plus tard. En effet, après les avoir récupérées dans le foie, des cellules métastatiques dormantes isolées ont pu former de nouveaux cancers quand elles ont été réinjectées dans le tissu mammaire de souris 161 . Ainsi, malgré leur apparente dormance dans les sites secondaires, ces cellules conservent leur pouvoir tumorigène. La question de la manière dont elles sont maintenues dans un état non proliférant dans les tissus se pose. En réalité, la dissémination métastatique est un phénomène très peu efficace. Par exemple, des cellules de mélanome de
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souris ont pu être suivies après les avoir injectées dans une veine leur permettant d'atteindre le foie 162 . On a observé que 87% des cellules injectées se sont arrêtées dans le foie et y étaient présentes 90 minutes après l'injection. Les cellules restantes ( 13%) ont été tuées ou ne se sont pas arrêtées dans le foie, et n'étaient donc pas détectables (d'autres études ont montré que la mort cellulaire pourrait avoir une contribution plus importante dans l'inefficacité à former des métastases 163). Trois jours après l'injection, 83% des cellules qui ont été injectées ont extravasé (sont sorties des vaisseaux) pour se loger dans le tissu hépatique proprement dit et y sont restées. Très peu (2 %) sont capables de se développer en micrométastases qui elles-mêmes ne persistent que très peu. Finalement, une très faible proportion des cellules (0,02 %) a permis de former des métastases capables de tuer la souris. Ainsi, les étapes initiales du processus métastatique sont très efficaces (arrêt dans l'organe et extravasion), alors que les étapes suivantes (initiation de la prolifération pour former des métastases) le sont considérablement moins 160 . C'est bien l'indice que l'inefficacité à former des métastases est expliquée par l'absence de prolifération des cellules disséminées dans l'organe cible. D'autres cas peuvent être cités 16l, 16 4 et montrent tous que l'arrêt initial des cellules est très fréquent, alors que ce n'est pas le cas de l'initiation de la prolifération. «L'inefficacité métastatique [. .. ]semble donc être
principalement due à la régulation de la prolifération des cellules cancéreuses dans les sites secondaires. » 160 Il est donc légitime de se demander si les interactions cellulaires - que nous pensons être responsables de la suppression de la prolifération cancéreuse dans de nombreux cas (ce chapitre, section p. 191 ) grâce à la stabilisation de l'expression aléatoire des gènes - peuvent aussi expliquer la dormance des cellules métastatiques. Cette question a été posée récemment par Harry Rubin 165, sans que la réponse ne soit tranchée. D'après lui, plus que les interactions directes
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entre cellules de l'organe cible et cellules métastatiques, ce serait l'absence de facteurs solubles tels des facteurs de croissance qui expliquerait la dormance. Contrairement à l'effet suppresseur des interactions cellulaires directes établies entre cellules cancéreuses et non cancéreuses d'un même tissu ou d'un même organe, la dormance des cellules métastatiques semblerait plutôt correspondre à un manque de facteurs solubles favorisant leur prolifération. Dans ce contexte, il n'est pas exclu que le microenvironnement de l'organe cible doive lui aussi être altéré pour que la prolifération des cellules disséminées dormantes ait lieu. En effet, si l'organisation tissulaire de l'organe cible est compromise, l'expression aléatoire des gènes au sein des cellules de cet organe pourrait aboutir par hasard à l'expression de facteurs moléculaires normalement absents de ce tissu et favorisant la prolifération des cellules métastatiques. Il serait donc peut-être nécessaire de veiller à l'intégrité des organes les plus fréquemment envahis par chaque type de cancer pour limiter les risques de prolifération métastatique.
Des agents cancérigènes divers et variés
Beaucoup d'agents cancérigènes ne sont pas mutagènes Beaucoup d'agents «initiateurs» ont été classés dans la catégorie des agents mutagènes. L'initiation est donc considérée comme étant d'origine génétique. Cependant, comme le note James Trosko, <
l'expression génique [. . .]pourraient expliquer certains événements initiateurs, plus particulièrement dans le cas des tératocarcinomes »8 2 . De plus, il a été démontré que les agents promoteurs ne sont pas mutagènes (phénobarbital, DDT, ester de phorbol, etc.)82 . Dans ce cas se pose la question du mode d'action de ces agents cancérigènes. Une des hypothèses les plus solides pour
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expliquer la promotion par ces agents est l'inhibition de la communication cellulaire par les jonctions communicantes (CCJC)82, 166. En effet, la majorité, si ce n'est l'ensemble, des agents promoteurs inhibe la CCJC de manière réversible. Même les agents mutagènes, ou la chirurgie par exemple, peuvent bloquer cette CCJC en tuant ou en enlevant certaines cellules du tissu82 . Or, la CCJC a été liée au contrôle de la prolifération des cellules normales, comme celle des cellules épithéliales ou des fibroblastes. Ce contrôle s'exerce par l'intermédiaire de petits canaux constitués de protéines appelées connexines, qui se mettent en place entre les cellules et leur permettent d'échanger des ions et de petites molécules. Leur absence semble donc rompre une forme cruciale de stabilisation des cellules au sein des tissus. Certaines connexines sont connues pour être plus faiblement exprimées dans les cancers que dans les situations normales. Par exemple, la connexine 32 présente des profils d'expression et de distribution aberrants dans les cancers du foie chez le rat et chez l'Homme 167-169. De plus, des souris qui ne possèdent plus le gène codant pour cette connexine présentent une forte prédisposition à développer des cancers du foie 170 , 171 . La perturbation de la CCJC pourrait donc jouer un rôle très précoce dans la cancérogenèse. Il existe d'autres preuves que cette CCJC est fortement altérée entre les cellules cancéreuses, mais les cellules souches normales ne communiquent pas non plus par ce biais 82 . Restaurer l'expression de la connexine 26, par exemple, supprime le caractère cancéreux de cellules cancéreuses mammaires 172 . La CCJC constitue donc un exemple de cible pour des agents cancérigènes, mais non mutagènes. D'autres exemples, tels que les perturbateurs endocriniens (voir chapitre 1, section p. 83), montrent que d'autres types de communication et d'interactions cellulaires peuvent être la cible d'agents cancérigènes connus.
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Promotion sans initiation Dans les modèles de cancérogenèse induite par initiationpromotion, l'inhibition des interactions cellulaires par les agents promoteurs semble être indispensable à la prolifération cancéreuse suite à l'initiation. Les mutations seules ne suffisent pas. Mais l'action d'un agent promoteur seul peut aussi produire des cancers, même si le délai est très long. Si l'on se place dans notre modèle de cancérogenèse, la perturbation des interactions et des communications cellulaires induites par ces agents peut bien suffire au développement cancéreux puisqu'elle produit une déstabilisation de l'expression génique pouvant se traduire, entre autres, par des altérations génétiques. Le délai plus important dans le cas d'une promotion seule comparée à une succession initiation-promotion pourrait simplement s'expliquer par le temps nécessaire (et la faible probabilité associée) pour accumuler les altérations génétiques et épigénétiques nécessaires à la progression cancéreuse. Le fait d'appliquer auparavant un agent mutagène réduira fortement ce temps nécessaire et augmentera la probabilité d'apparition de cancers, car certaines altérations génétiques sont alors déjà présentes au moment de l'application de l'agent promoteur. Mais dans ce schéma, l'événement initial et fondamental est donc bien la perturbation des interactions et communications cellulaires. Les agents mutagènes ne pourraient être que des accélérateurs du processus alors que les perturbateurs d'interactions seraient les déclencheurs. Sans cette perturbation initiale, il ne peut y avoir de cancérogenèse, mais sans mutations initiales, un développement précancéreux est toujours possible. Les altérations génétiques apparaissant par la suite n'ont qu'un rôle accélérateur dans la progression tumorale. L'ordre des événements semble donc inversé: la perturbation des interactions et communications cellulaires est l'événement initiateur et les altérations génétiques font office de facteurs promoteurs. Cela pourrait expliquer pourquoi tous les individus exposés à un même agent mutagène ou
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possédant les mêmes altérations génétiques ne développent pas de cancer, ou pas les mêmes cancers. Tout dépend des agents capables de perturber les interactions cellulaires auxquels les individus sont également exposés. Bien entendu, la présence préalable de nombreuses altérations génétiques dans les cellules augmenterait la probabilité d'apparition de cancers puisqu'elle faciliterait la progression de la tumeur. Dans le cas de personnes irradiées par exemple, ou dans le cas d'animaux transgéniques créés pour développer plus facilement des cancers, les altérations génétiques augmenteraient la probabilité de développer un cancer en abaissant vraisemblablement le seuil de perturbation au-delà duquel les cellules commenceraient à proliférer de manière désordonnée. Mais le développement serait surtout plus rapide par la suite, car les altérations génétiques sont déjà acquises, alors qu'un individu «non muté » devra acquérir ces altérations au fur et à mesure de la prolifération. Le phénomène sera donc beaucoup plus lent. Dans tous les cas, les altérations génétiques sont sans doute nécessaires au développement d'une tumeur maligne, mais pas suffisantes. En réalité, elles sont surtout inévitables, car, du moment que les interactions cellulaires sont perturbées, que l'expression génique est déstabilisée et que les cellules se dédifférencient, les voies de réparation et de maintien du génome sont également perturbées - ce qui engendre inévitablement des altérations génétiques.
Conclusion
Toute cellule différenciée peut potentiellement se dédifférencier, au moins partiellement, et proliférer de manière incontrôlée si aucune contrainte microenvironnementale ne s'exerce. Ainsi, lorsqu'une stratégie chimiothérapeutique est adoptée pour traiter un cancer, toute cellule survivante pourrait adopter,
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grâce à l'expression aléatoire de ses gènes, des propriétés de cellule souche et reproduire le processus. En effet, la place laissée par les cellules qui auront été tuées, et l'absence de microenvironnement correct autour de la cellule survivante, lui permettront de se dédifférencier et de proliférer. La récurrence de la maladie aura alors lieu, d'autant plus facilement que les agents chimiothérapeutiques mutagènes augmentent la variété génétique des cellules survivantes (voir chapitre 1, section p. 119). Si la stratégie thérapeutique mise au contraire sur un ciblage de cellules particulières comme des cellules exprimant un oncogène précis ou des cellules souches cancéreuses, les cellules survivantes pourront là encore réinitier le processus en se dédifférenciant et en acquérant un pouvoir prolifératif élevé et des caractéristiques de cellules souches. Le phénomène de dédifférenciation et l'expansion de la maladie sont inévitables si rien n'est fait pour stabiliser l'expression génique des cellules cancéreuses et les contrôler ainsi grâce à la restauration d'interactions adéquates avec le microenvironnement. Dans notre modèle, agir sur les relations des cellules cancéreuses à leur environnement en rétablissement des interactions qui ont été perturbées - ou ont disparu - au cours de la cancérogenèse équivaudrait à induire leur différenciation, ou du moins à figer leur expression génique dans un état stable, le plus proche possible du tissu d'origine. Il faudrait donc faire coopérer les cellules cancéreuses en ne visant non plus directement leur prolifération, mais leur différenciation et la stabilisation de leur expression génique. Cela serait très probablement suivi d'effets sur la prolifération.
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chapitre 3
Plaidoyer pour une nouvelle approche thérapeutique du cancer
Histoire de la thérapie par la différenciation
Origine du concept L'idée d'une possible conversion des cellules cancéreuses malignes en cellules bénignes en provoquant leur différenciation comme stratégie thérapeutique potentielle a été émise en 1961 par G. Barry Pierce 1• Cette idée était fondée sur le fait que certaines cellules malignes issues de tératocarcinomes se différencient spontanément en cellules bénignes, si ce n'est normales, lorsqu'elles se divisent in vivif• 3 . On a démontré ensuite que cette différenciation peut être induite directement in vitré. Comme le disait Pierce en 1988, <
au dogme, les cellules cancéreuses n'engendrent pas toujours des cellules cancéreuses, et les cellules malignes peuvent se difjèrencier en réponse à des influences microenvironnementales, bien qu'elles ne soient plus sensibles au contrôle [tissulaireJ» 1.
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Un autre élément a bien sûr été l'ensemble des expériences qui, dans les années 1970, ont permis de montrer que des noyaux de cellules malignes de tératocarcinome sont capables, lorsqu'ils sont transplantés dans des blastocystes, de contribuer au développement et de se différencier normalement (voir chapitre 1, section p. 83). Toutefois, une critique majeure de ces expériences consistait à faire remarquer que les cellules utilisées dans ces expériences possédaient un caryotype normal, ce qui n'est pas le cas de la grande majorité des cellules cancéreuses. Mais d'autres résultats sont venus tempérer ces critiques. Léo Sachs fut aussi parmi les premiers à étudier la possibilité de supprimer les caractéristiques cancéreuses de cellules leucémiques en induisant leur différenciation5 . Un certain nombre de molécules naturelles importantes dans l'hématopoïèse, ou d'autres molécules naturelles et synthétiques, ont ainsi permis de provoquer la différenciation de cellules leucémiques myéloïdes5 . Malheureusement, l'induction de la différenciation par des molécules naturellement impliquées dans l'hématopoïèse n'était possible que pour une sous-population de cellules (appelée D+) qui se montrait sensible à cette induction, alors que l'autre partie de la population (appelée n-) ne l'était pas6 • 7. Mais ici, contrairement aux cellules de tératocarcinomes, les cellules leucémiques dont la différenciation a pu être induite possédaient des caryotypes anormaux8 . De plus, cette différenciation n'était pas dépendante de nouvelles modifications génétiques. Il était donc clair que <
phénotypes malins, l'arrêt de la multiplication cellulaire par induction de la différenciation [. . .] contourne les changements génétiques » 5 . Sachs a précisé que même si des altérations génétiques sont responsables de l'incapacité à induire la différenciation des cellules n- par des molécules naturelles, «ces cellules n- peuvent
peut-être voir leur différenciation induite par d'autres composés, seuls ou en combinaison, qui engendreraient la différenciation par des voies alternatives » 5 . Nous reviendrons plus loin sur l'origine possible
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de l'insensibilité de certaines cellules à la différenciation et sur la manière de la supprimer. Dans l'émergence de ce concept de thérapie par la différenciation, il ne faut pas négliger non plus le rôle qu'ont joué les cas de régression spontanée de cancers. Ces cas sont associés à la différenciation spontanée des cellules cancéreuses, le plus communément dans les neuroblastomes de l'enfance 1, mais aussi dans de très rares cas d'autres cancers 9 . Ces observations laissaient penser que cette différenciation pouvait être induite artificiellement, ce qui a motivé les premières études allant dans ce sens 1. Enfin, un dernier élément doit être souligné pour démontrer la pertinence de cette stratégie. Il est communément admis que les cellules cancéreuses ont perdu les marqueurs moléculaires caractéristiques de l'état pleinement différencié du tissu d'origine. Toutefois, comme le remarquait Henry Harris en 1996, <
la sélection de cellules qui ne sont plus capables de synthétiser ces marqueurs [ce qui prouverait que leur absence a un rôle primordial dans le processus} ou si cet échec à les synthétiser est simplement une "réponse" à une multzplication plus rapide [et donc plutôt une conséquence de cette multiplication} » 10. D'après lui, des arguments forts proviennent des expériences de fusion cellulaire. En effet, il est possible de provoquer artificiellement la fusion de cellules cancéreuses avec des cellules normales et, dans ce cas, les caractéristiques cancéreuses sont inévitablement supprimées 11 . Un grand nombre de cellules cancéreuses issues de carcinomes, de sarcomes ou de lymphomes peuvent être fusionnées à des fibroblastes normaux et donnent des cellules hybrides qui ne présentent pas de caractéristiques cancéreuses, tout en possédant une morphologie de fibroblaste normal. De la même manière, lorsque les cellules cancéreuses sont fusionnées à des kératinocytes normaux, les hybrides se différencient in vivo sous la forme de kératinocytes normaux 12 .
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Pour Harris, cela prouve que <
malignes [. .. ] est due à l'imposition aux cellules hybrides du "programme" de différenciation terminale du partenaire non malin»10 • Et dans ce cas, <
Pourquoi cette voie a-t-elle été si peu explorée? À l'époque des premières expériences de conversion de cellules malignes en cellules bénignes dans les années 1960, les mécanismes moléculaires de la différenciation n'étaient pas bien connus, et les tératocarcinomes étaient considérés comme un type de cancers rare et non représentatif des autres cancers. Cette idée de thérapie par la différenciation n'attira donc pas beaucoup l'attention. De plus, c'était l'époque où les premiers succès des thérapies chimiothérapeutiques ou radiothérapeutiques étaient enregistrés 1 (voir chapitre 1, section p. 119), ce qui n'encourageait pas à explorer cette voie alternative.
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Une autre raison expliquant ce manque d'intérêt durant les années 1960 et 1970 vient sans doute du fait que, très souvent, seule une partie des cellules cancéreuses pouvait voir leur différenciation induite, comme dans le cas déjà cité des cellules dites n+ dans les leucémies myéloïdes. Il paraissait donc peu perspicace de s'engager dans une voie qui ne permettrait de traiter qu'une sous-population de cellules. Enfin, peut-être la raison la plus importante tient-elle, bien qu'elle fût plus tardive, au fait que depuis des décennies le cancer n'est plus envisagé que comme une conséquence de l'activation d'oncogènes ou de l'inactivation de gènes suppresseurs de tumeurs. Pourtant, pour citer Richard Prehn,
«chez les animaux complexes, les cellules des différents organes sont supposées partager le même génome[. . .] et durant l'ontogénie [c'està-dire le développement des individus], des mécanismes épigénétiques déterminent les profils d'expression génique persistants qui distinguent les diverses lignées cellulaires » 15 . Ainsi, <<si les phénotypes cellulaires normaux sont si dépendants des différents profils d'expression du génome, pourquoi, quand quelque chose ne va pas, qu'un phénotype anormal et le cancer apparaissent, supposons-nous que la cause se situe dans des mutations plutôt que dans un profil d'expression génique anormal induit de manière épigénétique ? » 15 . Cette question paraît ici fondamentale et <
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essayer d'établir des thérapies anticancéreuses. Toutefois, une tendance inverse émerge depuis une dizaine d'années en relation avec le renouveau des études sur le rôle des cellules souches cancéreuses et des aspects épigénétiques du cancer, ainsi que grâce aux succès importants obtenus sur certains types de leucémies.
Premiers résultats cliniques: succès et échecs Bien que le concept de thérapie par la différenciation pouvait être vu comme une approche prometteuse et révolutionnaire pour traiter les cancers (en particulier les leucémies) dès les années 1970, les premiers succès d'application clinique ne sont apparus qu'à la fin des années 1980, et seulement pour un sous-type de leucémies myéloïdes aiguës (LMA), les leucémies promyélocytaires aiguës (LPA). Comme nous l'avons indiqué, la première étape a été de démontrer au début des années 1970 le fait que la différenciation de cellules de LMA peut être induite 16 et que ceci pouvait constituer une stratégie anticancéreuse. Mais ce n'est qu'au début des années 1980 que des agents chimiques, parmi lesquels l'acide «ali-trans» rétinoïque (ATRA), ont été identifiés comme étant capables d'induire la différenciation de cellules de patients atteints de LPA (mais pas d'autres types de LMA) 17, 18 . Également dans les années 1980, un groupe de recherche basé à Shanghai et à New York a identifié des inducteurs de différenciation de ces cellules (notamment l'ATRA), ce qui a conduit aux premiers traitements de patients atteints de LPA en 1985. Seuls les patients présentant une translocation spécifique qui crée un gène chimérique codant pour une protéine de fusion appelée PML/ RARa ont été traités avec succès 19, 20 . Cette protéine provient de la fusion du gène PML avec le gène codant pour le récepteur de l'acide rétinoïque appelé RARa. Cette protéine chimérique conduit à l'inactivation permanente du gène RARa et à une répression permanente
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de l'expression de gènes requis pour la maturation et la différenciation des cellules promyélocytaires dans l'hématopoïèse. Le traitement des cellules par l'ATRA aboutit à la dégradation de PML/ RARa et à la levée de ce blocage. Ainsi, les cellules peuvent se différencier à nouveau normalement. L'ATRA utilisé seul aboutit à des rémissions spectaculaires, mais la récurrence et des résistances sont malheureusement très fréquentes 21. Des combinaisons avec d'autres molécules, notamment le trioxyde d'arsenic, permettent désormais une rémission complète dans 93 % des cas, avec un taux de survie à cinq ans approchant 100 %22 . Il s'agit donc ici de lever une répression de l'expression de gènes impliqués dans la différenciation des cellules. (Le cas du Gleevec dans les leucémies myéloïdes chroniques est relativement similaire. En effet, l'imatinib, qui permet la dégradation de la protéine chimérique BCL-ABL, permet aussi de restaurer l'expression de gènes impliqués dans la différenciation et dans une certaine mesure aux cellules de se redifférencier23.) Mais les effets de l' ATRA ne se limitent pas aux seules leucémies. Il est également capable de stimuler la différenciation de cellules de tératocarcinomes (ce qui a été la première démonstration de sa capacité à induire la différenciation 24). Ici, l' ATRA, en se liant aux récepteurs à l'acide rétinoïque, permet l'expression de gènes de la différenciation et provoque ainsi la différenciation des cellules de tératocarcinomes25 . Illimite ainsi la prolifération cellulaire. Malheureusement, le traitement de tératocarcinomes in vivo par l' ATRA n'a pas donné de résultat satisfaisant, malgré son effet in vitra2 6 . Certaines cellules peuvent se différencier, mais le cœur de cellules malignes est maintenu et le cancer se développe très vite à nouveau. Le traitement de choix pour les tératocarcinomes reste la chirurgie, suivi d'un traitement radiothérapeutique ou chimiothérapeutique si la résection totale n'est pas possible.
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En plus des cellules de tératocarcinomes et leucémiques, d'autres types cellulaires voient leur différenciation induite par l'ATRA25 . Dans les cancers solides, l'ATRA augmente la différenciation et diminue la prolifération, l'invasion et les métastases27. Mais ces rétinoïdes ont été employés avec un succès très limité dans le traitement de cancers solides tels que les carcinomes squameux de la peau, des adénocarcinomes de la prostate, des neuroblastomes, etc.25 . Il semble donc que, malgré une certaine capacité à stimuler la différenciation, ce type d'agent ne suffise pas au traitement du cancer. Ces succès de l'ATRA restreints à un seul type de cancer (LPA), et seulement obtenus en le combinant avec d'autres agents (malgré des résultats spectaculaires in vitro), ont aussi fait que ce type de stratégie thérapeutique n'était pas encore très étudié dans les années 1990. Mais depuis les années 2000, ce concept a vigoureusement resurgi en concomitance avec le retour du concept de cellule souche cancéreuse.
Renouveau du concept de thérapie par la différenciation Même si l'idée que le cancer est «une caricature du processus de renouvellement cellulaire» et que les cellules souches peuvent jouer un rôle dans la cancérogenèse a été évoquée dès les années 19801, ce ne sont que les études du début des années 2000 sur les cellules souches cancéreuses (CSC) (voir chapitre 1, section p. 106) qui ont fait réellement réapparaître la perspective d'une possible thérapie par la différenciation pour de nombreux types de cancer. En effet, si des CSC sont à l'origine du cancer et le maintiennent, il est concevable de les cibler par une thérapie dirigée contre les esc qui sont responsables du cancer28 . En effet, il est logique que si l'agressivité potentielle de ces cellules peu différenciées est due au fait qu'elles ont un pouvoir de prolifération illimité et une plasticité suffisante pour contrecarrer les actions thérapeutiques et franchir les barrières sélectives au sein de l'organisme, provoquer leur différenciation
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pourrait supprimer ces propriétés et permettre de soigner la maladie. La prolifération, en particulier, étant le fait de cellules seulement partiellement différenciées, les éliminer par différenciation reviendrait à supprimer le «vivier» de cellules que constituent les CSC. Cette idée est tout à fait pertinente, mais reste à savoir comment déclencher cette différenciation et surtout à s'assurer qu'elle soit stable et effective pour toutes les cellules. Or, comme nous l'avons déjà mentionné plusieurs fois, l'hétérogénéité des cancers, notamment du point de vue épigénétique, risque de poser problème. La prise en compte de ces aspects épigénétiques constitue d'ailleurs une autre des raisons du renouveau du concept de thérapie par la différenciation 29 . L'expression des gènes est dépendante de l'état d'acétylation des histones (plus la chromatine est acétylée, plus l'expression est aisée) (voir chapitre 1, section p. 75) qui est lui-même sous la dépendance d'un équilibre entre l'activité des enzymes appelées histones acétyl-transférases (HAT) qui rajoutent des acétylations et celle des histonesdésacétylases (HDAC) qui enlèvent les acétylations. De la même manière, l'expression génique est dépendante du taux de méthylation de l'ADN, qui est sous la dépendance d'enzymes appelées ADN-méthyltransférases (DNMT) qui ajoutent des méthylations et empêchent ainsi l'expression des gènes. L'expression de nombreux gènes, impliqués dans la mort cellulaire par apoptose ou la différenciation, se révèle être réprimée par l'absence d'acétylation ou par l'hyperméthylation aberrante dans le génome des cellules cancéreuses. C 'est pourquoi les HDAC et les DNMT sont apparues comme pouvant être des cibles thérapeutiques prometteuses pour lever ces répressions et restaurer en particulier la mort cellulaire et la différenciation. En effet, les altérations épigénétiques, contrairement aux altérations génétiques, sont réversibles de manière pharmacologique. Les molécules appelées inhibiteurs d'histones-désacétylases
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(HADCi) et inhibiteurs d'ADN-méthyltransférases (DNMTi) présentent donc un fort potentiel thérapeutique. Ces dernières années, une utilisation clinique chez l'Homme de molécules de ce type a été validée. Les DNMTi (qui sont donc « déméthylants ») appelés azacitidine (nom commercial : Vidaza) et decitabine (Dacogen) ont été approuvés pour le traitement de syndromes myélodysplasiques et de leucémies myéloblastiques aiguës. L'agent HDACi appelé SAHA (Zolinza) a quant à lui été validé pour les lymphomes cutanés à cellules T. D'autres HDACi sont en essais cliniques contre ces lymphomes et d'autres cancers30 . Mais il faut bien admettre que d'un point de vue clinique, ces « épimédicaments » 22 ne sont pas à la hauteur des attentes. De plus, il existe des problèmes liés à leur toxicité. En effet, les agents déméthylants azacitidine et decitabine suppriment bien l'hyperméthylation de certains gènes impliquée dans la cancérogenèse, mais ont aussi des effets toxiques non spécifiques 31 . Concernant les HDACi, le fait qu'ils ne possèdent pas de spécificité vis-à-vis de membres particuliers de la famille d'enzymes HDAC constitue leur principal inconvénient. Cela signifie qu'ils touchent en même temps de nombreux membres de cette famille, dont certains ne sont pas particulièrement impliqués dans la cancérogenèse22 . Là encore, des effets toxiques non spécifiques se manifestent, car l'expression de nombreux gènes est atteinte. Des études ont montré que des cellules traitées par différents HDACi voient l'expression de près de 10% des gènes modifiée, ce qui provoque divers effets non désirés 32 . La toxicité associée est probablement liée au fait que certains gènes sont ainsi réexprimés dans d'autres cellules de l'organisme 33 . Malgré l'engouement suscité par ces molécules, en particulier les HDACi, dans le cadre de thérapies par la différenciation30 (grâce au modèle fourni par le traitement de la LPA par l' ATRA), les succès sont donc limités. Les HDACi semblent bien être capables de rétablir la différenciation
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de certaines cellules leucémiques myéloïdes in vitrrf3°, mais les essais cliniques utilisant les HDACi seuls ont révélé une activité faible in vivo et des capacités à induire la différenciation limitées sur les cellules leucémiques. Néanmoins, les HDACi semblent aussi capables de moduler la différenciation de cellules de cancers solides. Par exemple, un HDACi a été testé récemment sur des adénocarcinomes de prostate de souris avec succès, car il supprime de manière remarquable la cancérogenèse et l'apparition de carcinomes peu différenciés34 . D'autres sont capables de provoquer la différenciation de cellules cancéreuses du sein, du poumon, du foie et de cellules de sarcomes30. Ainsi, la capacité de ces molécules à induire la différenciation n'est pas restreinte aux cancers du sang. C'est particulièrement vrai pour les neuroblastomes dont les HDACi peuvent promouvoir la différenciation associée à l'arrêt de la prolifération cancéreuse35, 36. Tous ces résultats laissent penser que les agents de type ATRA ou de type HDACi et DNMTi, qui lèvent tous la répression de l'expression de gènes impliqués dans la différenciation, peuvent être combinés pour être plus efficaces. C'est en effet ce qui a été tenté récemment. Par exemple, concernant les neuroblastomes, l'effet de l'ATRA sur la différenciation est fortement augmenté in vitro et in vivo par des HDACi 35 ' 36 . De la même manière, des thérapies par la différenciation fondées sur l'utilisation de HDACi en combinaison avec d'autres agents « différenciants » comme l'ATRA ont été testées pour le traitement de cancers du sang. Un HDACi appelé acide valproïque, qui, seul, ne provoque qu'une faible amélioration de l'état de certains patients atteints de syndrome myélodysplasique ou de leucémie myéloblastique aiguë (avec de rares cas de rémissions complète ou partielle), a été associé à l'ATRA. Malheureusement, cette combinaison, concomitante ou séquentielle, n'a pas produit d'amélioration drastique de la réponse clinique, même si les résultats restent encourageants3?, 38.
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Enfin, les deux éléments que sont la désacétylation des histones et la méthylation de l'ADN prennent part à la répression de l'expression des gènes de manière partiellement indépendante. Ainsi l'inhibition des HDAC ou des DNMT seule pourrait ne pas suffire pour restaurer suffisamment l'expression des gènes de la différenciation. Cela a amené certains à tester une combinaison de HDACi et de DNMTi39, voire même les trois types d'agents que sont les D N MTi, les HDACi et l'ATRA pour promouvoir la différenciation 40 . Les débuts de tests cliniques se sont révélés très prometteurs, avec des réponses nettement supérieures aux monothérapies où chacun est employé seul. Toutefois, cela ne semble pas suffisant. Il se pourrait que cette voie soit la bonne, mais que les concepts qui la sous-tendent ne permettent pas de comprendre la manière de la rendre plus efficace. Nous allons voir maintenant comment notre modèle permet de réinterpréter ces résultats et de favoriser une voie alternative fondée sur une conception tout autre de la thérapie par la différenciation.
La thérapie par la différenciation comme réponse à l'instabilité des cellules cancéreuses Les recherches sur la thérapie par la différenciation que nous venons de mentionner sont toutes fondées sur le modèle déterministe de l'expression génique et du processus de différenciation cellulaire. En effet, il s'agit dans ces travaux de réussir à lever une répression de l'expression de gènes impliqués dans la différenciation, cette action étant supposée suffisante pour que les gènes concernés s'expriment de manière stable. Or, dans notre modèle, le rétablissement de leur expression n'aurait pour conséquence qu'une possibilité de réexpression de ces gènes. Cependant, celle-ci resterait très aléatoire, car les cellules, après avoir levé cette répression, ne seraient toujours pas «contrôlées»
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par le microenvironnement, au sens qu'aucun élément stable extérieur aux cellules ne leur permettrait de trouver les partenaires adéquats pour établir des interactions et communications seules capables de stabiliser l'expression de ces caractéristiques de différenciation qui se verraient réexprimées. L'important ici paraît être de fournir aux cellules la possibilité de «trouver» dans le microenvironnement les éléments nécessaires à cette stabilisation. Nous reviendrons un peu plus loin sur leur nature. Bien sûr, dans les stratégies détaillées ci-dessus, il est possible que certaines cellules traitées expriment par hasard et à un niveau suffisant des combinaisons de gènes leur permettant d'interagir entre elles, directement ou à distance, de manière à voir stabilisés leurs phénotypes de différenciation, et plus généralement leur expression génique. Mais l'expression de ces gènes impliqués dans ces interactions restant aléatoire dans la majorité des cellules, le traitement reste incertain. Ce pourrait être la raison pour laquelle les agents tels que l'ATRA ou les HDACi et les DNMTi (qui rendent possible la réexpression de gènes impliqués dans la différenciation) fournissent des résultats cliniques assez décevants. Une expérience tentant d'imposer la réexpression d'un marqueur de différenciation dans des cellules cancéreuses - et non plus en la rendant possible par une levée de la répression de l'expression - permet de mieux comprendre ce qu'il se passe probablement dans le cas de l' ATRA. Il s' agissait de tester l'hypothèse selon laquelle la transformation cancéreuse n'est pas liée à l'apparition d'un quelconque oncogène mais à la disparition d'une différenciation complète, autrement dit, à une dédifférenciation. C'est Henry Harris qui a mené ces expériences, motivé par ses résultats de fusion cellulaire mentionnés plus haut où le phénotype cancéreux est supprimé en fusionnant une cellule cancéreuse avec une cellule normale. Ainsi, il a imposé la réexpression d'un marqueur
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de différenciation des kératinocytes (cellules de la peau), la kératine, à des cellules cancéreuses qui ne l'exprimaient plus, de manière à les forcer à se différencier et à se comporter normalement 10. Cela paraît cohérent avec notre modèle où la réexpression forcée de marqueurs de différenciation tels que la kératine devrait permettre de stabiliser les cellules et de stopper la prolifération. Cette stratégie n'a pas donné les résultats attendus, car, même si les cellules réexprimant la kératine possédaient une moindre capacité à former des cancers après injection et mettaient plus de temps à le faire, cette capacité ne disparaissait pas. Mais il est très intéressant de constater que dans les cellules qui ont pu former des tumeurs, l'expression de la kératine était très fortement diminuée, voire inexistante. Il y a donc eu au cours du processus cancéreux une «contresélection» des cellules qui exprimaient cette protéine. L'interprétation qu'en donne Harris est que «la kératine
1, un marqueur de différenciation terminale des kératinocytes de l'épiderme, peut agir comme suppresseur de tumeur, non seulement dans les kératinocytes, mais aussi dans des cellules non épithéliales » 10. Même si cette conclusion est indirecte par rapport à ce que Harris cherchait à démontrer - l'expression du gène est contre-sélectionnée dans les tumeurs, donc le gène est un suppresseur de tumeur, alors qu'il cherchait à démontrer que l'expression du gène empêche la formation des tumeurs-, ces expériences lui permettent de conclure que le cancer est très probablement «la conséquence de la croissance sélective de cellules
qui ont perdu la capacité à synthétiser un ou plusieurs marqueurs de différenciation identifiables » 10 . Harris a également supprimé artificiellement l'expression d'une protéine (la fibronectine) impliquée dans l'adhérence des cellules à la matrice extracellulaire dans des cellules hybrides non tumorigènes issues de la fusion de cellules normales et de cellules cancéreuses. La suppression de l'expression de la fibronectine a permis au phénotype cancéreux de
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réapparaître, ce qui laisse penser que la suppression de ce phénotype était liée aux propriétés d'adhérence et donc d'interactions cellulaires41 . Ces résultats nous permettent d'envisager le déroulement des événements lorsqu'un gène impliqué dans la différenciation est réexprimé, directement via l'introduction du gène par génie génétique ou indirectement par l' arrêt d'un phénomène répresseur. Les cellules cancéreuses, non stabilisées par leur environnement, et dont l'expression génique est donc fortement aléatoire, expriment ces gènes, mais de manière très hétérogène au sein de la population. Si certaines cellules expriment certains gènes concomitamment de manière à interagir entre elles, une stabilisation de l'expression peut avoir lieu, ce qui permet de stopper la prolifération et de conserver la différenciation conférée par le gène réexprimé. Cependant, la majorité des cellules continuera à voir l'expression des gènes fluctuer, ce qui permet au processus sélectif dans nous avons déjà parlé de se mettre en place : les cellules qui expriment ces gènes de la différenciation sont contre-sélectionnées, car elles s'en trouvent stabilisées, alors que les cellules qui par hasard ne les exprimeront pas, ou moins, auront un avantage sélectif de croissance sur celles qui les expriment, car leur expression génique resterait «libre» de toute contrainte. Voilà pourquoi la réexpression « simple» de ces gènes ne suffit pas à stopper le développement cancéreux. On pourrait imaginer que l'utilisation des HDACi et des DNMTi empêcherait cette contre-sélection puisqu'elle limiterait les possibilités de nouvelle répression par des phénomènes épigénétiques de l'expression des gènes réexprimés. Mais l'absence de ce type de répression n'empêche pas l'expression génique d'être instable et aléatoire. Elle ralentit sans doute la contre-sélection des cellules qui expriment plus fortement les gènes de la différenciation, c'est pourquoi la combinaison d'HDACi et/ou de DNMTi
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avec des agents comme l' ATRA améliore les effets de ces derniers, mais sans aboutir à un arrêt complet et définitif de la prolifération cellulaire. Les cellules restent encore et toujours instables et hétérogènes en absence de stabilisation par le microenvironnement, et la sélection de cellules qui n'expriment pas, ou moins, les gènes de la différenciation sera toujours possible. Même si elle est ralentie, ceci aboutira toujours à la récurrence. Ces stratégies semblent donc sur la bonne voie, mais le problème qui les empêche d'être mises en œuvre de manière réellement efficace pourrait être conceptuel. Nous verrons plus loin la manière dont elles pourraient être vues sous un autre angle et rendues plus efficaces au moyen d'arrangements mineurs. Un dernier exemple nous est fourni par les cellules leucémiques myéloïdes, que nous avons déjà désignées par n+ et n-, dont la différenciation peut être respectivement induite ou non par des agents qui induisent normalement la différenciation des cellules myéloïdes (ce chapitre, section p. 205) 5 . Léo Sachs a montré que la différence entre les cellules n+ et n- est due à l'équilibre entre l'expression de gènes qui permettent la différenciation et de gènes qui l'empêchent. Mais il a surtout été démontré que ce sont des changements du niveau d'expression de ces gènes qui permettent de supprimer in vivo le caractère cancéreux en restaurant la capacité des cellules à se différencier de manière induite en cellules non proliférantes, et ceci à des endroits du corps où les cellules sont normalement exposées à ces «inducteurs de différenciation » 5 . C'est donc bien le fait de pouvoir interagir avec ces molécules de l'environnement qui permet de stopper la prolifération in vivo, mais seulement si les cellules en question sont capables d'exprimer les gènes qui permettent ces interactions. D'après ces résultats et conformément à notre modèle, il faut donc que ces deux critères soient respectés: présence dans l'environnement de molécules capables de stabiliser les phénotypes cellulaires en
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interagissant avec les cellules cancéreuses et expression par ces cellules des gènes qui permettent à ces interactions de s'établir. Voilà qui permet d'envisager de nouvelles manières d'appréhender la thérapie par la différenciation.
Nouvelles perspectives thérapeutiques
Pour qu'une cellule cancéreuse puisse être stabilisée par l'intermédiaire d'interactions qu'elle pourrait établir avec son microenvironnement, et par là même se différencier, il faut qu'elle exprime les gènes codant pour les protéines impliquées dans ces interactions. (C 'est probablement ce qui est rendu possible lors de la fusion d'une cellule cancéreuse avec une cellule non cancéreuse qui supprime le caractère cancéreux42 .) Or l'expression de ces gènes est manifestement contre-sélectionnée au cours du processus cancéreux, ce qui signifie que ces gènes vont à l'encontre de la progression tumorale. Dans notre modèle, ils freinent la prolifération en stabilisant l' expression génique aléatoire, et donc les phénotypes cellulaires. C'est pourquoi des cellules ne les exprimant pas sont préférentiellement sélectionnées, au moins à la périphérie de la tumeur. Le prérequis indispensable à une stabilisation des cellules par l'intermédiaire d'interactions cellulaires est donc la réexpression de ces gènes. Les molécules qui « dérépriment » l'expression génique de manière globale, tels les HDACi et les DNMTi, ou celles qui permettent la réexpression de quelques gènes particuliers en agissant indirectement sur un répresseur, tels l' ATRA ou l'imatinib, peuvent tout à fait jouer ce rôle. Mais est-ce suffisant? Dans tous ces cas, le rétablissement de l'expression génique est indirect, car ces molécules agissent sur des protéines qui empêchaient l'expression. Avec ces molécules, l'ADN est à nouveau accessible à des protéines qui provoquent activement l'expression génique.
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Mais comme nous l'avons déjà évoqué, la liaison de ces protéines reste fortement aléatoire et varie beaucoup d'une cellule à une autre. S'il n'existe pas de «signaux» provenant d'interactions établies grâce à ces gènes qui stabilisent ces protéines sur l'ADN et maintiennent une expression stable, constante et homogène dans la population de cellules, les cellules continuent à voir leurs phénotypes fluctuer. Avec de tels agents, les cellules cancéreuses redeviennent des pseudo-cellules souches qui expriment de manière aléatoire des caractéristiques de différenciation, mais elles ne possèdent pas la structure tissulaire et les facteurs environnementaux caractéristiques du tissu autour d'elles qui permettraient de les stabiliser. Il s'agit seulement de lever des inhibitions de type épigénétique qui ont été sélectionnées au cours du processus, car elles sont avantageuses pour la prolifération. Le fait de réexprimer ces gènes rend seulement ce phénomène de« réintégration tissulaire» possible. Il s'agit donc de tenter parallèlement de reproduire la canalisation des cellules vers leur champ morphogénétique d'origine. Mais l'environnement tissulaire «normal» n'étant plus présent, ce pourrait être le rôle de l'intervention thérapeutique que de fournir cette possibilité d'interactions, car si les cellules ne trouvent pas de partenaires pour interagir, elles ne seront pas «guidées» correctement vers un état différencié et elles poursuivront donc leur développement cancéreux. La combinaison de molécules non spécifiques comme les HDACi avec des molécules plus spécifiques telles que l'ATRA peut clairement favoriser ce processus de stabilisation par la différenciation, ce qui a déjà été évoqué. L'expression des gènes de la différenciation étant grandement facilitée dans ces conditions, les cellules ont une plus grande probabilité de pouvoir établir les interactions mentionnées. Mais là encore, l'expression de ces gènes étant rétablie, mais se produisant de manière aléatoire, elle ne peut être stabilisée d'emblée, car il faut que d'autres cellules à proximité puissent
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interagir en exprimant les bonnes combinaisons de gènes. Par chance, cela peut être le cas pour certaines d'entre elles (c'est probablement la raison pour laquelle ces agents possèdent un certain «pouvoir différenciant» qui agit si les cellules ne sont pas entrées en apoptose), mais pour être efficace, il faudrait pouvoir maintenir l'expression de ces gènes à un niveau élevé et stable dans l'ensemble des cellules. Deux solutions peuvent être envisagées pour cela. La première serait d'identifier des molécules capables de stabiliser l'expression de ces gènes à un niveau élevé de manière directe, c'est-à-dire en stabilisant directement sur l'ADN les protéines responsables de leur expression, comme le feraient des modifications de ces protéines engendrées par une signalisation cellulaire issue de la mise en place d'interactions cellulaires. Ainsi leur expression pourrait être maintenue stable dans l'ensemble des cellules et favoriser la mise en place d'interactions qui se maintiendront ensuite d'elles-mêmes du fait de la signalisation mise en place. Cette solution pourrait être celle trouvée récemment par des chercheurs américains qui ont identifié des molécules entraînant la différenciation des esc mammaires et inhibent la formation de cancers29 , 43 . Ici les CSC ont été éliminées et la prolifération cancéreuse stoppée par l' induction de la différenciation cellulaire. (Mais toutes les cellules cancéreuses peuvent être la cible de ces molécules, car selon notre modèle toutes peuvent se comporter en esc du fait de leur instabilité intrinsèque.) De manière intéressante, la différenciation induite est accompagnée de l'augmentation de l'expression d'au moins une protéine impliquée dans les interactions cellulaires au niveau épithélial mammaire - qui est un marqueur de différenciation mammaire, l'E-cadhérine. Il est donc tout à fait probable que les molécules identifiées agissent en stabilisant directement l'expression de ce type de gènes et contribuent ainsi à la stabilisation de l'expression génique, à la différenciation cellulaire et à l'arrêt de la
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prolifération tumorale. Dans cette étude, la différenciation induite fut ensuite stable dans le temps, ce qui correspond bien à la stabilisation des phénotypes que nous envisageons. Par ailleurs, il a déjà été possible d 'identifier des molécules présentes dans certains aliments qui sont capables de favoriser l'expression de certaines protéines impliquées dans les communications cellulaires. Cela est d'ailleurs probablement à l'origine de leur caractère préventif contre le cancer. Il est donc fondamental de se fonder sur ces travaux où des molécules qui favorisent l'expression de marqueurs de différenciation et/ ou de protéines impliquées dans les interactions et communications cellulaires sont identifiées. Par exemple, des agents comme les caroténoïdes et les rétinoïdes, dont l'action préventive est prouvée, favorisent l'expression de connexines qui contribuent à la mise en place de jonctions communicantes entre les cellules44 . Il paraît indispensable d'adopter ce critère pour sélectionner de potentielles futures molécules thérapeutiques. En effet, si des molécules sont capables de stabiliser directement l'expression de ce type de gènes à un niveau élevé, il est probable qu'elles peuvent aussi stabiliser les phénotypes et stopper la prolifération. La seconde solution envisageable consiste à fournir directement et sous forme libre dans le microenvironnement cellulaire les protéines impliquées dans les interactions cellulaires. En effet, sur le modèle de l'injection de protéines thérapeutiques anticancéreuses de type anticorps, il serait possible d'injecter des protéines normalement responsables du maintien par des interactions cellulaires de l'état différencié caractéristique du tissu étudié, de manière à stabiliser artificiellement leur expression dans les cellules cancéreuses. Cela devrait aussi favoriser la mise en place d'interactions entre les cellules en stabilisant l'expression des gènes impliqués dans les interactions à un niveau élevé, comme on l'observe, par un effet de communauté, pour les cellules en cours de différenciation lors du développement.
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Les cellules cancéreuses étant proches des cellules souches (mais pas correctement «guidées» par leur microenvironnement), nous sommes ici dans un cas qui peut s'inspirer des nombreux travaux effectués actuellement sur la différenciation de cellules souches in vitro. En effet, dans l'optique de la mise en place d'une médecine régénérative visant à obtenir, à partir de cellules souches cultivées in vitro, des cellules différenciées capables de rétablir l'intégrité d'un tissu ou d'un organe atteint après injection à l'endroit adéquat, des études montrent que des combinaisons de protéines impliquées dans les interactions et communications cellulaires sont capables d'induire spécifiquement la différenciation vers un type cellulaire voulu. Par exemple, il a été possible très récemment d'obtenir des cellules du tissu intestinal dans un système de culture in vitro en trois dimensions en appliquant successivement aux cellules souches différentes protéines capables d'interagir avec ces cellules et de stabiliser un état différencié 45 . Ce même type de protocole pourrait être appliqué aux cellules cancéreuses, de manière à «guider» la différenciation cellulaire vers un champ morphogénétique similaire à celui du tissu d'origine, mais seulement après avoir levé les répressions de nature épigénétique qui peuvent être une entrave à ce processus. Ainsi, les cellules, tout en ne prenant pas toutes les caractéristiques des cellules normales de ce tissu, resteraient dans un état stabilisé non prolifératif et donc sans risque pour le patient. Cependant, si la réexpression de certains de ces gènes n'est pas possible du fait de mutations génétiques (les inhibitions de type épigénétique ne sont pas un problème, car elles peuvent être supprimées par les agents de type HDACi et DNMTi), il faut miser sur le nombre et la variété des interactions potentielles qui peuvent se mettre en place pour contrecarrer l'effet des mutations (sur le modèle de ce qui a été montré maintes fois pour des cellules cancéreuses injectées qui sont normalisées par des tissus intègres in vivo - voir chapitre 1, section
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p. 83). En combinant des actions au niveau de plusieurs types d'interactions, il devrait être possible de contribuer à la stabilisation de l'ensemble des cellules, y compris de celles qui contiendraient des mutations dans certains des gènes impliqués dans ces interactions. En résumé, il ne suffit pas de permettre la réexpression de gènes impliqués dans la différenciation, en particulier ceux codant pour des protéines impliquées dans les interactions et communications cellulaires, par des agents de type HDACi ou ATRA. Il faut aussi que leur réexpression soit stabilisée pour qu'elle ne soit pas à nouveau contre-sélectionnée. Pour stabiliser cette expression, il faudrait insérer dans l'environnement, même sous forme libre, des éléments qui interagiraient rapidement avec les protéines d'interactions réexprimées avant que toute contre-sélection n' ait lieu, ou stabiliser «artificiellement» cette expression gràce à des molécules qui agissent en favorisant directement la liaison de protéines responsables de leur expression au niveau de ces gènes. L'idée fondamentale est ici de stopper les fluctuations aléatoires de l'expression génique et ainsi de stopper la prolifération. Comme le mentionne un article récent consacré aux thérapies anticancéreuses par la différenciation, il faut savoir «comment manipuler les traitements par les HDA Ci pour
obtenir efficacement le phénotype cellulaire désiré, et peut-être plus important, c'est le phénotype cellulaire désiré lui-même qui doit être [bien} défini »30 . Nous proposons ici que le phénotype désiré soit un phénotype différencié correspondant le plus possible au tissu d'origine, au sens que les cellules ne doivent plus alors voir leur expression génique fluctuer aléatoirement. Cela devrait permettre de stopper leur prolifération. Pour atteindre cet objectif, nous proposons de coupler des agents rendant possible l'expression de gènes permettant cette stabilisation («dérépression» de l'expression) à la stabilisation «artificielle» de leur expression par une action au niveau de
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NOUVEAU RE GARO SUR LE CANCER
l'ADN (avec des molécules qui stabilisent directement leur expression) ou au niveau du microenvironnement cellulaire (par des molécules qui «miment » des interactions cellulaires et engendrent ainsi stabilisation et différenciation ces cellules). Cette stratégie novatrice pourrait être une réponse à la demande des cliniciens confrontés encore et toujours à l'échec plus ou moins rapide de leurs stratégies thérapeutiques, et aux biologistes du cancer à la recherche de voies alternatives capables d'intégrer les résultats qu'ils ne peuvent qu'admettre comme incompatibles avec le paradigme de l'origine génétique des cancers. Notre objectif est clairement de susciter un intérêt pour des tentatives d'évaluation de l'efficacité de cette approche.
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Conclusion
Grâce à une mise en perspective historique, cet ouvrage vise à fournir un nouveau cadre conceptuel permettant de mieux intégrer un ensemble de résultats expérimentaux apparaissant de plus en plus contradictoires au sein du modèle de l'origine génétique des cancers. Cette intégration passe par la remise en cause radicale des modèles théoriques et des approches expérimentales réductionnistes en vigueur dans l'étude du cancer depuis des décennies. En envisageant le développement des individus comme un phénomène sélectif au niveau tissulaire, et la désorganisation des tissus dans le cas du cancer comme un événement avant tout tissulaire, le modèle de cancérogenèse proposé ici rompt avec une tradition profondément ancrée en cancérologie, mais qui doit nécessairement être questionnée aujourd'hui pour espérer sortir de la spirale des échecs thérapeutiques qu'essuient les cancérologues depuis toujours. Toutefois, il ne verse pas non plus dans un holisme qui ne considérerait pas l'influence du niveau génétique quant au développement cancéreux. Nous avons adopté ici une position réconciliatrice qui intègre un schéma d'interaction entre le niveau cellulaire et tissulaire (constituant l'environnement sélectif) et le niveau moléculaire (à l'origine des fluctuations phénotypiques aléatoires). En termes d'étiologie, nous n'avons volontairement pas étudié en détail certains aspects de la maladie pour alléger le propos de l'ouvrage. Nous nous sommes contentés d'inclure dans notre analyse les aspects de la maladie les plus évidents de par leur poids historique ou leur ampleur actuelle. Or il est
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clair que certains autres aspects comme le stress métabolique ou l'inflammation, par exemple, se révèlent également être d'une importance cruciale. De nouvelles analyses détaillées seraient nécessaires pour comprendre la manière dont ces aspects de la maladie s'inscrivent dans le modèle de cancérogenèse proposé ici, d'autant plus qu'ils n'agissent pas de manière indépendante, mais sont hautement connectés aux aspects étudiés dans cet ouvrage. Par exemple, les problèmes métaboliques dans les cellules cancéreuses peuvent avoir un impact direct sur les modifications épigénétiques de la chromatine, avec des effets sur l'expression génique. Ce modèle a également des implications en termes toxicologiques. À l'heure où l'environnement pollué par l'activité humaine fait l'objet de soupçons accrus quant à l'augmentation des cas de cancers, l'identification des agents cancérigènes et la compréhension de leur rôle deviennent primordiales. Les tests employés pour identifier ces agents se fondent principalement sur leurs capacités mutagènes. Or nous avons avancé l'argument qu'une partie seulement, peut-être faible, des agents cancérigènes sont réellement mutagènes. Toutes les molécules capables de perturber les relations de la future cellule cancéreuse à son environnement sont potentiellement autant de facteurs capables de déclencher la maladie. l1évaluation de la capacité des molécules à désorganiser les tissus et à perturber les interactions cellulaires peut favoriser l'identification d'agents cancérigènes qui risqueraient de passer inaperçus sur la seule base de l'examen de leur pouvoir mutagène. Des cultures de cellules en trois dimensions pourraient par exemple permettre de mesurer l'action de molécules à tester sur l'adhérence entre cellules, ou entre cellules et matrice extracellulaire. Il serait intéressant de coupler ces analyses à l'étude de l'hétérogénéité dans l'expression de certains gènes entre cellules individuelles. D'après notre modèle, si une molécule perturbe les interactions cellulaires, l'hétérogénéité de cette expression devrait être augmentée.
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NOUVEAU REGARD SUR LE CANCER
Enfin, nous nous sommes efforcé dans cet ouvrage de traduire concrètement ce modèle de cancérogenèse en propositions thérapeutiques innovantes. La nouvelle manière d'envisager la thérapie par la différenciation précisée dans le dernier chapitre nous paraît être capable d'apporter de nouvelles stratégies thérapeutiques testables à court terme. Il est clair que certaines molécules actuellement en développement peuvent être exploitées dans cette voie, mais en les combinant avec d'autres types de molécules que les modèles classiques de cancérogenèse ne sauraient envisager. La stabilisation des cellules cancéreuses par un effet qui favorise la mise en place d'interactions avec leur environnement, interactions favorables à l'arrêt de leur prolifération et de leur évolution, semble être le meilleur moyen de s'affranchir des problèmes de résistance liée justement à l'instabilité celllulaire intrinsèque. En restaurant l'équilibre tissulaire originel, ou au moins en s'en approchant, la maladie pourrait être maintenue dans un état stable et chronique rendant possible la vie des patients. Nous sommes donc à l'opposé de l'approche consistant uniquement à tuer un nombre maximum de cellules cancéreuses, ce qui, nous l'avons vu, débouche à coup sûr sur des phénomènes de résistance. Mais cela ne sera possible qu'avec un vrai changement de paradigme en cancérologie s'appuyant sur une vision nouvelle de la biologie moléculaire de la cellule. La révolution des traitements contre le cancer pourrait être à ce prix.
conclusion
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Postface
Vous venez de terminer la lecture de ce livre et vous ne pouvez pas rester indifférent à cet essai qui bouleverse notre vision de la cancérogenèse.Jean-Pascal Capp nous conduit progressivement à considérer le cancer comme une maladie du développement tissulaire, auquel s'applique la théorie de l'ontophylogenèse proposée parjeanjacques Kupiec. Cette théorie contrebalance, sans la renier, une vision purement génétique, qui reste encore la base de la réflexion et du développement de la recherche. En effet, la grande majorité des pistes thérapeutiques, développées notamment par les compagnies pharmaceutiques, repose sur le ciblage de gènes qui sont mutés ou surexprimés dans la cellule tumorale. Cette stratégie parait, de prime abord, pertinente. Les récents succès thérapeutiques obtenus avec ce type de molécules, tels que ceux présentés dans ce livre, confortent cette démarche. Il paraît tellement évident de considérer que chacun des résultats positifs est un argument supplémentaire à porter au crédit de ces approches thérapeutiques et qu'il faut continuer à creuser cette voie. Cependant, une des constantes de ces traitements est l'apparition systématique de résistances qui limitent fortement leur action. Ces résistances sont souvent le fait de nouvelles mutations géniques qui sont de potentielles cibles thérapeutiques pour lesquelles de nouvelles molécules seront développées. Cependant, les cellules présenteront plus ou moins rapidement de nouvelles résistances à ces molécules. Si elle permet d'augmenter la survie sans récidive, une telle approche qui consiste à enchaîner une succession de traitements ciblés ne modifie que rarement la survie
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globale. Pourra-t-elle raisonnablement nous apporter la solution définitive au problème des cancers? Pourrons-nous continuer à caractériser indéfiniment de nouvelles cibles thérapeutiques jusqu'à identifier un profil de mutation unique pour chacun des patients et multiplier des traitements qui ne s'avèrent efficaces que temporairement? Et les compagnies pharmaceutiques pourrontelles longtemps encore continuer à investir dans la recherche des traitements restreints à de très faibles populations de patients ? Cette stratégie n'est pas sans rappeler celle qui a conduit au développement des molécules cytotoxiques dans les années 1970, suite aux guérisons des cancers du testicule de stade avancé traités par le cisplatine. Guérir un cancer au stade métastatique a en effet été vécu comme la démonstration du potentiel des agents cytotoxiques à guérir de nombreux cancers. Sur ce modèle, la chimiothérapie a permis de réaliser de nombreux progrès au bénéfice des patients et reste encore la thérapeutique la plus utilisée, mais on connaît tous ses limites, telles que de nombreuses résistances et des effets secondaires. Il est temps d'envisager de nouveaux concepts, de nouvelles voies thérapeutiques. La lecture de ce livre nous offre un formidable champ de réflexion. Nous sommes invités à revisiter d'anciennes observations ou théories qui placent l'environnement tissulaire au cœur de la genèse des cancers. Pourrions-nous y voir une théorie unificatrice qui nous permettrait de nous abstraire de la versatilité de la cellule tumorale? Plus que jamais, il faut encourager toute initiative qui prouverait la validité de ces théories. Gilles Favre 1 1. Gilles Favre est professeur de biologie fondamentale et clinique à l'université PaulSabatier de Toulouse et praticien hospitalier au Centre de lutte contre le cancer de l'Institut Claudius-Regaud à Toulouse. Il assure la fonction de directeur de la recherche de l'Institut Claudius-Regaud. Il est directeur d'une équipe à l'Inserm qui s'intéresse aux voies de communications intra et extracellulaires dans les cancers. Il dirige la fondation Recherche et innovation thérapeutique en cancérologie et participe à de nombreux comités scientifiques nationaux et internationaux en cancérologie. Ses travaux portent sur la connaissance des mécanismes de la cancérogenèse et leurs applications à la thérapeutique, et il développe des projets de recherche fondamentale et clinique.
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Bibliographie
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Liste des sigles
ATRA: acide <> rétinoïque BPA: bisphénol A CCJC: communication cellulaire par les jonctions communicantes esc: cellule souche cancéreuse CSE: cellule souche embryonnaire DNMT: ADN-méthyltransférase DNMTi: inhibiteur des ADN-méthyltransférases EG FR : Epidermal Growth Factor Receptor FAC: fibroblaste associé au cancer FAP : Familial Adenomatous Polyposis HAT: histone acétyl-transférase HDAC: histone-désacétylase HADCi: inhibiteur d'histone-désacétylase HNPCC: Hereditary Non Polyposis Colorectal Cancer IN F-a: interféron-a LMA : leucémie myéloïde aiguë LMC: leucémie myéloïde chronique LPA: leucémie promyélocytaire aiguë TGF-13: Transforming Growth Factor 13 TCOT : théorie du champ d'organisation tissulaire TEM: transition épithélio-mésenchymateuse TIC: théorie de l'instabilité chromosomique TMS: théorie des mutations somatiques TPA: 12-0-tétradécanoylphorbol-13-acétate VSR: virus du sarcome de Rous
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NOUVEAU REGARD SUR LE CANCER
Glossaire
Acétylation des histones: modification chimique de certaines protéines interagissant avec l'ADN, les histones (voir cette entrée), qui favorise l'expression des gènes. Un taux d'acétylation des histones anormalement élevé au niveau d'un un gène provoque donc un niveau d'expression anormalement élevé de ce gène, et inversement. Les histones acétyl-transférases (HAT) rajoutent des acétylations et les histones-désacétylases (HDAC) enlèvent les acétylations. Des niveaux anormaux d'acétylation des histones sont un type d'altérations épigénétiques (voir cette entrée) très fréquent dans les cellules cancéreuses. Adénocarcinome: sous-type de carcinome (voir cette entrée), qui se développe à partir d'un épithélium (voir cette entrée) glandulaire que l'on retrouve dans les tissus (voir cette entrée) comme l'estomac, l'intestin, le pancréas, l'ovaire, le sein, etc. Adénome: tumeur bénigne (voir cette entrée) qui se développe à partir de l'épithélium (voir cette entrée) d'une glande ou de certaines muqueuses comme celles de l'utérus, du côlon, du rectum, etc. Adhérence (ou adhésion) cellulaire: qualifie la capacité des cellules à adhérer entre elles ou au milieu qui les entoure, par exemple la matrice extracellulaire (voir cette entrée) in vivo ou un support de culture in vitro. Cette adhérence est dépendante de protéines associées à la
m embrane des cellules, par exemple les intégrines et les cadhérines. Elle est fortement perturbée lors du développement cancéreux. Agent mutagène : agent chimique ou physique capable de modifier la structure de l'ADN et ainsi de provoquer des mutations. Anaplasie: perte par les cellules des caractéristiques de différenciation (voir cette entrée) du tissu d'origine. Aneuploïdie : altération de la ploïdie (voir cette entrée), c'est-à-dire gain ou perte de chromosomes entiers dans une cellule. Angiogenèse: formation de nouveaux vaisseaux sanguins, aussi appelée néo-angiogenèse quand elle a lieu au sein des tumeurs. Apoptose : mort cellulaire programmée. Elle a lieu normalement dans les tissus (voir cette entrée) lors du développement de l'individu ou du renouvellement tissulaire. Elle correspond à un <<suicide» de certaines cellules indispensable à la mise en place de la structure tissulaire et au bon fonctionnement de l'organisme. Son absence est une des causes de la capacité de prolifération anormalement élevée des cellules cancéreuses. Astrocyte: cellules de la glie, ou cellules gliales, de forme étoilée qui environnent les neurones et contribuent à leur bon fonctionnement. On les trouve dans le
267
cerveau et plus généralement dans le système nerveux central. Auto-organisation: terme employé pour décrire la mise en place d'une structure caractérisée par un ordonnancem ent croissant, l'appruition de propriétés dites émergentes (qui ne peuvent pas être prévues par l'exa.Inen de chaque élément du système individuellement) et l'absence apparente d'influence extérieure dans la mise en place de cette structure. En biologie, le terme est employé pour décrire la mise en place de la structure du noyau au cours de la différenciation (voir cette entrée), mais aussi parfois pour décrire le développement des individus dans son ensemble. Autorenouvellement: caractéristique d es cellules souches (voir cette entrée) correspondant à leur capacité de se diviser en donnant au moins une cellule fille (voir cette entrée) ayant les mêmes caractéristiques non différenciées que la cellule mère. Cela permet aux cellules souches de proliférer quasi indéfiniment à l'identique. Autostabilisation : capacité d'un type cellulaire (voir cette entrée) à stabiliser les caractéristiques de différenciation (voir cette entrée) des cellules de même type. Avantage sélectif: état d'une cellule (ou d'un organisme) qui lui confère un avantage vis-à-vis de ses compétiteurs en termes de survie et de prolifération (ou de reproduction) qui aboutira à ce qu'elle (ou il) se répande dans la population. Cet avantage est souvent conçu comme étant d'origine génétique, mais par extension il peut aussi avoir pour origine des événements non génétiques. Blastocyste : stade précoce du d évelo ppe m ent e mbryo nnaire d es mammifères (de 5 à 7 jours chez l'Homme) . Les c ell ul es souches embryonnaires (voir cette entrée) utilisées in vitro sont pré levées à ce stade de développement.
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NOUVEAU REGARO SUR LE CANCER
Canalisation: désigne le fait que les cellules en cours de différenciation (voir cette entrée) acquièrent progressivement leurs caractéristiques de différenciation grâce à un ense mbl e d ' influe nces enviro nn e m entales con stitua nt un << paysage» dans lequel les cellules trouvent leur chemin de différenciation. Ce <<paysage>> est aussi appelé <> (voir cette entrée). Cancer: accumulation au sein d'un tissu de cellules issues de la prolifération cellulaire (voir cette entrée) anormalement élevée et pathologique d e cellules de l'organisme, qui déstructure ce tissu en provoquant son dysfon ctionnement et qui peut aboutir à la dispersion de cellules cancéreuses dans les structures tissulaires adj acentes et/ou dans d'autres sites de l'organisme- ce sont les métastases (voir cette entrée) . Le terme << tumeur maligne>> (voir cette entrée) est aussi employé pour désigner les cancers. Cancer sporadique: cancer n'ayant pas de composante héréditaire avérée. Carcinogenèse: ensemble d'événements menant au développement de carcinomes (voir cette entrée). Carcinome: cancer (tumeur maligne) d'un épithélium (voir cette entrée) issu de la prolifération pathologique de cellules épithéliales (les carcinomes représentent environ 900fo de l'ensemble des cancers). Les exemples les plus répandus et les plus étudiés sont les carcinomes de la prostate, du sein et du côlon. Caryotype : ensemble des chromosomes (voir cette entrée) d'une cellule. Cellule cancéreuse ressemblant aux cellules souches (cancer stem-like cel~: voir Cellule souche cancéreuse. Cellule différenciée: cellules qui présentent des phénotypes (voir cette entrée) caractéristiques d'un tissu précis. Dans la théorie du progra.Inme génétique, ces caractéristiques apparaissent selon un
modèle instructif qui assigne le rôle de provoquer activement l'expression des gènes conférant ces caractéristiques à des signaux issus de l'environnement cellulaire (d'autres cellules). Dans la théorie de l'ontoph ylogenèse (vo ir cette entrée), les caractéristiques de différenciation apparaissent de manière aléatoire et seulement certaines d'entre elles sont stabilisées a posteriori par le microenvironnement. Il s'agit donc d'un modèle sélectif et non plus instructif. Cellule épithéliale: cellules constituant les épithéliums (voir cette entrée). Cellule fille : cellules issues de la division d'une cellule mère. Cellule myéloïde : cellules de la lignée myéloïde des cellules sanguines issues de l'hématopoïèse (voir cette entrée). Cette lignée est constituée des granulocytes, des monocytes (futurs macrophages), des plaquettes, des érythoblastes (futurs globules rouges) et des cellules dendritiques myéloïdes. Cellule souche : cellules capables de s'autorenouveler (voir l'entrée Autorenouvellement) et de générer des cellules qui vont progressivement se spécialiser par différenciation (voir cette entrée). Beaucoup de cellules souches gardent un potentiel de différenciation en plusieurs types cellulaires (voir cette entrée) différenciés. Ce potentiel peut être plus ou moins restreint selon le stade de développement de l'organisme ou du tissu et les conditions environnementales où se trouvent ces cellules. Elles peuvent être multipotentes, pluripotentes ou totipotentes (voir ces entrées). Mais elles peuvent aussi n'engendrer qu'un type cellulaire différencié (tout en s'autorenouvelant), elles sont alors unipotentes. Les cellules souches sont habituellement définies par la présence de protéines spécifiques de ces cellules, mais il semble plutôt que ce qui les caractérise essentiellement soit un
état instable qui se manifeste par une expression très aléatoire de l'ensemble des gènes, notamment de ceux qui ne sont plus exprimés dans les cellules différenciées. Cellule souche adulte: cellules souches présentes dans l'organisme adulte et contribuant au renouvellement de certains tissus (voir cette entrée) comme le sang, le côlon, la peau, etc. Cellule souche cancéreuse : cellules identifiées dans un nombre important de cancers sur la base de leur capacité à rêétablir un cancer lorsqu'elles sont injectées en nombre limité dans un nouvel organisme. Elles semblent se diviser peu dans la tumeur, mais ces divisions donnent des cellules filles (voir cette entrée) qui, elles, sont capables de proliférer très rapidement. Il n'existe pas de consensus quant à leur origine (cellules souches adultes qui ne seraient pas différenciées correctement ou cellules différenciées qui se seraient dédifférenciées) et quant à leur définition même en termes moléculaires (voir chapitre 1, section p. 772). Il faut être vigilant à propos du parallèle avec les cellules souches << normales>> (voir cette entrée), car les cellules souches cancéreuses sont définies sur une base expérimentale (capacité de reformer un cancer dans un nouvel organisme). C'est pourquoi certains préfèrent le terme <> (cancer stem-like cel~. Cellule souche embryonnaire: cellules souches pluripotentes (voir cette entrée) présentes dans les premiers stades de développement de l'embryon, notamment blastocyste (voir cette entrée). Cellule stromale : cellules présentes dans le tissu conjonctif ou stroma (voir cette entrée) . Il s'agit principalement de fibroblastes (voir cette entrée). Les deux termes sont parfois employés de manière équivalente.
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Champ morphogénétique: ensemble des conditions environnementales locales qui contribuent à orienter la différenciation (voir cette entrée) des cellules vers le type cellulaire (voir cette entrée) adapté au tissu (voir cette entrée) où a lieu cette différenciation. Il permet la canalisation (voir cette entrée) des cellules. Chromatine: ensemble constitué de l'ADN d'une cellule et des protéines qui interagissent avec lui, dont les histones
(voir cette entrée). Chromosome : structure si tuée à l'intérieur du noyau des cellules d'eucaryotes constituée d'ADN et de protéines, formant la chromatine (voir cette entrée). Les chromosomes <<portent>> les gènes. Les cellules humaines contiennent normalement 23 paires de chromosomes. C'est la ploïdie (voir cette entrée) normale chez l'humain. Darwinisme cellulaire : Ontophylogenèse.
voir
Dédifférenciation : perte des caractéristiques de différenciation (voir cette entrée) de la cellule. Elle peut avoir lieu dans certaines situations physiologiques comme chez les végétaux ou certains amphibiens, mais chez les m ammifères elle est le signe d'une situation pathologique (voir aussi Anaplasie). On pense que la majorité des cellules cancéreuses a subi une dédifférenciation par rapport aux cellules possédant les caractéristiques du tissu (voir cette entrée) d'origine. Déterminisme génétique : cadre conceptuel en biologie principalement issu des travaux des biologistes français François jacob et jacques Monod dans les années 1960 (eux-mêmes inspirés par des physiciens allemands, dont M ax Delbrück et Erwin Schrodinger). Ce cadre conceptuel a depuis guidé la quasi-totalité des recherches en biologie molécula ire et en biologie du développement. Il conçoit les
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phén omènes moléculaires en biologie à partir d'interactions spécifiques (voir l'entrée Spécificite) entre macromolécules (entre ADN et protéin es o u e ntre protéines) et de régulations spécifiques possibles grâce à ces interactions spécifiques . Ainsi, le s protéines, n otam ment, ne peuvent in te ragir qu'avec un faible nombre de partenaires dans la cellule et provoquent donc une réponse univoque en cas d'activation ou d 'expression. Cette idée a permis de con cevoir l'idée de programme génétique comme un enchaîn ement déterminé et précis d'activation ou de répression de gènes par des régulations spécifiques permettant d' expliquer l'activité globale du génome et la différenciation des cellules au cours du développement. Différenciation: phé nom è ne de spécialisation des cellules au cours du développement d e l'embryon ou du renouvellement tissulaire à partir de cellules souches (voir cette entrée). Cette spécialisation s'acquiert grâce à l'expression de gènes différ ents pour chaque type cellulaire (voir cette entrée) différencié . Ainsi , chaque cellule de l'organisme a le m ême génome, mais n 'exprime pas les mêmes gènes. Chronologiquement, la première cellule souche d'un organisme est l'œuf issu de la fusion des gamètes mâle et femelle. Cet œuf est la cellule à partir de laquelle va se différencier l'ensemble des cellules du futur organisme. Dysplasie: perturbation de l'organisation tissulaire. Effet de communauté : désigne le fait que la différenciation (voir cette entrée) correcte des cellules dépend d e la présence d'un nombre critique de cellules environnantes qui se différencient dans la même voie. Enzyme: protéine possédant une activité catalytique, c' est-à-dire la capacité à
favoriser une réaction biochimique, soit spontanément, soit après activation par d'autres éléments de la cellule. Épigénétique: désigne l'ensemble des événements non génétiques qui touchent l'expression des gèn es en m odifiant l'état de la chromatine (voir cette entrée), soit en affectant directement l'ADN par des modifications chimiques appelées méthylations (voir cette entrée), soit par différentes modifications chimiques des histones (voir cette entrée et l'entrée Acétylation des histones). Des altérations épigénétiques comme un taux anormal d'acétylation des histones (voir cette entrée) ou un taux anormal de méthylation de 1' ADN (voir cette entrée) sont très fréquentes dans les cancers. Mais cette définition est récente. Selon le biologiste Conrad Waddington, dans les années 1940, l'épigénétique désignait l'étude des processus par lesquels le génotype (voir cette entrée) engendre les phénotypes (voir cette entrée). Il s'agit donc de l'ensemble des influences non génétiques sur l'apparition des phénotypes. Cet ancien sens du terme est à m ettre en relation avec les notions de canalisation et de champ morphogénétique (voir ces entrées,
ainsi que le chapitre 1, section p. 75). Épimutation : modification épigénétique (voir cette entrée) anormale qui semble être transmise de manière héréditaire, car elle touche l'ensemble des cellules d'un individu. Épithélium : tissu (voir cette entrée) recouvrant la surface externe et les cavités internes de l'organisme, et faisant également partie de nombreuses glandes. À la surface externe de l'organisme, il s'agit de la peau et des muqueuses des orifices naturels. Au sein de l'organisme, il recouvre le tube digestif, les voies respiratoires, etc., et se situe dans les glandes comme le sein, l'ovaire, etc. Étiologie : l'ensemble des causes d'une pathologie.
Expansion clonale : prolifération d'une sous-population d e cellules plus rapide que le reste de la p opulation grâce à un avantage sélectif (voir cette entrée) de croissance. Elle aboutit à l'envahissement d e la population par cette sous-population. Expression des gènes : ensemble des événements moléculaires qui aboutissent à la production de protéin es par la cellule à partir des gènes. Ainsi, à partir de l'ADN, les gènes son t exprimés sous une forme interm édiaire, l'acide ribonucléique (ARN), puis sous la forme de protéines. Les phénotypes, c'est-à-dire les caractéristiques cellulaires, sont donc en grande partie liés à la production de protéines particulières. Fibroblaste: cellules caractéristiques du tissu stroma! ou stroma (voir cette entrée). Les fibroblastes sécrètent les protéines qui constituent la matrice extracellulaire (voir cette entrée) et qui confèrent à ce tissu sa rigidité et son rôle de soutien d'autres tissus. Force motrice: ce terme est employé ici pour désigner ce qui conduit la prolifé ratio n cancéreuse . D a ns les différentes th éo ries du cancer, les stratégies thérapeutiques consistent à cibler cette force motrice pour stopper la prolifération cellulaire. Fusion cellulaire : phénom ène d e fusion de deux cellules pour n'en donner qu 'un e. Ce phénomène p eu t avoir lieu naturellement dans l'organisme, notamment dans le s situation s pathologiques comme le cancer, ou être provoqué artificiellement in vitro. Il aboutit à une mise en commun du matériel cellulaire de chaque cellule dans la cellule << fusionnée». Gène du cancer : désigne un gène qui, lorsqu'il est muté ou anormalement exprimé, peut favoriser la prolifération cancéreuse. Si son rôle actif n'est pas démontré, on peut le désigner ainsi parce
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qu'on le retrouve muté dans les cellules cancéreuses à une fréquence plus élevée que s'il était muté au hasard. Cela signifie qu'il confere aux cellules un avantage sélectif (voir cette entrée). Gène rapporteur : gène codant pour une protéine permettant aux biologistes de mesurer expérimentalement dans la cellule le niveau d'expression d'un gène. Ce gène rapporteur soit est fusionné au gène d'intérêt (le gène à analyser), soit remplace ce gène, mais est exprimé sous la dépendance des mêmes séquences du génome. Gène suppresseur de tumeurs : gène qui empêche la prolifération anormale des cellules, et qui doit donc être inactivé par mutation ou réprimé au niveau de l'expression pour que son importance se manifeste. En effet, son absence libère la cellule de contraintes antiprolifératives. Génome: ensemble de l'ADN contenu dans une cellule. Génotype: ensemble des gènes portés par les chromosomes. Gliome: tumeur du cerveau issue du tissu de soutien des neurones, ou glie, aussi appelée tumeur gliale. Hasard: élément d'indétermination intervenant dans l'exécution d'un phénomène. La présence d'une composante de hasard ou aléatoire est traitée par les lois statistiques qui permettent d'identifier un d egré de reproductibilité malgré la présence du hasard. Un phénomène où le hasard intervient est appelé probabiliste. Le déterminisme génétique (voir cette entrée) laisse très peu de place au hasard, contrairement à l'ontophylogenèse (voir
Hétérologue/ homologue : se dit de cellules de même type cellulaire (voir cette entrée) différencié (cellules homologues) ou de types cellulaires différenciés différents (cellules hétérologues). Histologie : étude des tissus (voir cette entrée) de l'organisme. Histone: protéine qui interagit avec l'ADN au sein de la chromatine (voir cette entrée), pouvant subir des modifications chimiques qui influencent l'expression du gène au niveau duquel elle se trouve
(voir les entrées Acétylation des histones et Épigénétique). Holisme: cadre conceptuel où les propriétés d'un système constitué d'un ensemble de parties n e peuvent en aucun cas être prédites par les propriétés des parties prises indépendamment. En biologie, le holisme s'oppose au réductionnisme génétique (voir cette entrée) par le fait de ne pas concevoir les caractéristiques d'un niv e au d'organisation du vivant comme la somme des propriétés des éléments qui constituent le niveau inférieur d'organisation. Par exemple, les propriétés d'un tissu ne peuvent pas être la simple addition des propriétés de chaque cellule. Les théories de l'autoorganisation (voir cette entrée), tout comme celle du champ d'organisation tissulaire (voir cette entrée), se placent dans ce cadre conceptuel.
Hématopoïèse: processus physiologique de création et de renouvellement des cellules sanguines.
Interaction cellulaire : phénomène de mise en relation de la cellule avec son milieu extérieur. Ces interactions peuvent être directes avec d'autres cellules ou la matrice extracellulaire (voir cette entrée), mais aussi à distance par l'intermédiaire de molécules qui diffusent.
Hépatocyte: cellules du foie, assurant de nombreuses fonctions métaboliques.
Jonction cellulaire: désigne une jonction intercellulaire mettant en relation
cette entrée).
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Hérédité épigénétique : état de la chromatine (voir cette entrée), distinct de la séquence d'ADN, qui est transmis durant la division cellulaire.
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le cytoplasme de deux cellules voisines. Elle est formée d'un canal, lui-même formé de protéines appelées connexines, qui permet l'échange d'ions et de petites molécules entre les cellules. Elle est aussi appelée jonction communicante. Kératinocyte : cellules constituant la majeure partie de la couche superficielle de la peau {ou épiderme). Elles synthétisent la kératine, une protéine fibreuse et insoluble dans l'eau, qui assure à la peau ses propriétés d'imperméabilité et de protection extérieure. Lignée cellulaire : population de cellules cultivées in vitro et toutes issues de la même population d'origine qui a été prélevée au sein d'un tissu normal ou pathologique. Les lignées cellulaires sont utilisées du fait de la connaissance acquise sur leur mode de culture in vitro (composition adéquate du milieu de culture, etc.) et de manière à ce que les différents laboratoires s'intéressant au même type de cellules puissent comparer ou mettre en relation leurs résultats. Lymphocyte : cellules du système immunitaire présentes dans la lymphe {ou tissu lymphoïde), dans les organes lymphoïdes (rate, ganglions) ou encore dans le stroma (voir cette entrée). Les lymphocytes sont de deux types. Les lymphocytes T sont responsables de l'immunité cellulaire, c'est-à-dire qu'ils reconnaissent des cellules <<étrangères» {autres que celles que les cellules T ont appris à tolérer lors de leur maturation) comme des bactéries ou des cellules cancéreuses, puis peuvent les détruire selon un processus complexe (lymphocytes T cytotoxiques) ou activer d'autres cellules qui tueront les cellules étrangères {lymphocytes T auxiliaires). Les lymphocytes B participent à la réponse immunitaire humorale et, après avoir interagi avec une molécule reconnue comme <<étrangère>>, produisent des anticorps dirigés contre cette molécule. Il s'agit
donc d'une réponse immunitaire spécifique. Certaines produisent massivement et rapidement ces anticorps {les plasmocytes), tandis que d'autres sont maintenus très longtemps dans l'organisme et peuvent réagir rapidement lors d 'une seconde exposition à la molécule étrangère en question (cellules B à mémoire). Lymphome: cancer du système ly mphatique caractérisé par une prolifération cellulaire anormale des lymphocytes qui a lieu le plus souvent dans les organes lymphoïdes secondaires, en particulier les ganglions lymphatiques. Mais les lymphomes peuvent se développer dans n'importe quel organe contenant du tissu lymphoïde. Maintenance de l'ADN: désigne les voies moléculaires qui, dans la cellule, permettent le maintien de l'intégrité du génome, soit en réparant des lésions apparues par l'action d'agents mutagènes (voir cette entrée) ou par le mauvais fonctionnement d'autres processus cellulaires, soit en contribuant à la bonne répartition d es chromosomes e ntre cellules filles (voir cette entrée) au moment de la division cellulaire. Les voies de réparation de l'ADN font donc partie de ces voies de maintenance. Marqueur: désigne une molécule, par exemple une protéine, caractéristique d'un état cellulaire précis ou d 'un état physiologique ou physio-pathologique. On peut parler de marqueur de différenciation {voir cette entrée) pour des cellules différenciées, mais aussi de marqueur tumoral qui marque la présence d'une tumeur dans l'organisme par le biais de sa présence dans le sang ou au niveau des cellules du site de la tumeur. Matrice extracellulaire : assemblage de macromolécules (de nature protéique et glucidique) qui assure 1'organisation des tissus (voir cette entrée)
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des organismes pluricellulaires. Elle est le constituant principal du stroma (voir cette entrée). La mahice extracellulaire est en quantité plus ou moins abondante et de composition très différente selon le tissu considéré. Les macromolécules de la matrice extracellulaire sont synthétisées notamment par les fibroblastes (voir cette entrée) et sont regroupées en quatre catégories: les collagènes, les protéoglycanes, l'élastine et les glycoprotéines de structure. La proportion de chacun de ces éléments est très variable selon les tissus. Mélanome: cancer de la peau ou des muqueuses qui se développe à partir des mélanocytes, les cellules qui pigmentent notamment la peau. Les mélanocytes peuvent être situés dans le derme ou dans l'épiderme, mais aussi dans l'œil, l'épithélium digestif, etc. Les mélanomes cutanés sont les plus fréquents. Métastase : formation cancéreuse dans un endroit de l'organisme ayant pour origine des cellules qui se sont disséminées à partir d'un cancer dit primaire. Ces cellules cancéreuses prolifèrent dans ces sites secondaires et perturbent les fonctions des organes touchés. Ce sont souvent ces métastases qui causent la mort. Méthylation de l'ADN: modification chimique de l'ADN qui réprime l'expression des gènes. Un taux de méthylation de l'ADN anormalement élevé au niveau d'un gène réprime donc anormalement l'expression de ce gène, alors qu'un niveau de méthylation de l'ADN anormalement bas favorise l'expression des gènes correspondants. Les ADN-méthyltransférases (DNMT) ajoutent des méthylations sur l'ADN. Le niveau de méthylation de l'ADN est globalement moins élevé dans les cellules cancéreuses que dans les cellules normales, ce qui tend à montrer que l'expression des gènes est globalement déréprimée dans ces cellules - ce qui
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est en accord avec un certain degré de dédifférenciation (voir cette entrée). Mais le taux de méthylation peut être localement plus élevé que dans les cellules normales, en particulier au niveau de gènes dont l'expression est défavorable à la prolifération tumorale (par exemple, les gènes suppresseurs de tumeurs - voir cette
entrée). Microenvironnement cellulaire : ensemble des conditions environnem entales qui e ntoure les cellules, dont font partie les autres cellules, homologues ou hétérologues (voir cette entrée), mais aussi la matrice extracellulaire (voir cette entrée) ou des molécules qui diffusent au sein des tissus (voir cette entrée) ou de l'organisme entier, tels les facteurs de croissance ou les hormones. Le microenvironnem ent tumoral autour des cellules cancéreuses est généralement fortem ent altéré par rapport aux conditions normales dans le tissu d'origine. Certaines cellules, comme les fibroblastes (voir cette entrée) associés au cancer dans les carcinomes (voir cette entrée), peuvent mêm e favoriser la prolifération des cellules cancéreuses (originaire d'un épithélium - voir cette entrée- dans le cas des carcinomes) en ayant elles-mêmes un comportement anormal. Milieu extracellulaire: extérieur de la cellule, appelé microenvironnement cellulaire (voir cette entrée) à proximité de celle-ci. Milieu intracellulaire : ensemble des molécules constituant le contenu cellulaire. Mitose: ensemble des évènements qui, après que l'ADN de la cellule mère a été dupliqué, aboutissent à la division cellulaire en d eux cellules fille s (voir cette entrée) où l'ADN dupliqué a été réparti. Dans les mitoses normales, les deux cellules filles contiennent le même matériel génétique que la cellule mère,
mais une perturbation de la mitose peut aboutir à une aneuploïdie (voir cette entrée) dans les cellules filles du fait d'une mauvaise répartition de l'ADN dupliqué.
Oncogène viral: gène présent dans le génome d'un virus qui, dans la cellule infectée, agit comme un oncogène (voir
Modèle: cadre théorique iss u d'expériences ayant permis de dégager un ensemble cohérent de phénomènes apparentés.
Ontophylogenèse: théorie du développement de l'organisme, autrement appelée darwinisme cellulaire, décrivant la différenciation cellulaire comme un phénomène de hasard-sélection (voir chapitre2, section p. 749}. Dans cette théorie, les caractéristiques de différenciation (voir cette entrée) sont exprimées de manière aléatoire par les cellules non différenciées ou en cours de différenciation, et c'est seulement a posteriori que certaines de ces caractéristiques sont sélectionnées et stabilisées par le microenvironnement cellulaire (voir cette entrée) lorsqu'elles sont exprimées de manière concomitante et adéquate dans un environnement donné. Cette stabilisation s'effectue par le biais des interactions cellulaires (voir cette entrée) établies grâce à ces caractéristiques de différenciation. Ces interactions provoquent des cascades de signalisation cellulaire (voir cette entrée) aboutissant à la stabilisation de l'état de la chromatine (voir cette entrée) ayant permis l'expression de ces caractéristiques de différenciation. Leur expression s'en voit ainsi stabilisée.
Mort cellulaire: arrêt du métabolisme et du fonctionnem ent global de la cellule, suivi de sa destruction. Elle peut se faire par nécrose (mort causée par des dommages physiques ou chimiques), par apoptose (voir cette entrée) ou par autophagie. Multipotence: état de certaines cellules souches (voir cette entrée) qui ont un potentiel de différenciation (voir cette entrée) assez restreint, autrement dit, qui ne peuvent donner qu'un nombre limité de types cellulaires (voir cette entrée) différenciés. Mutagène: voir Agent mutagène. Mutation (héréditaire/somatique): changement ponctuel et anormal de la séquence d'ADN d'une cellule. Selon ses conséquences au niveau protéique, une mutation peut être silencieuse (pas de changements de la séquence de la protéine) ou provoquer un changement de la séquence de la protéine. Une mutation peut être transmise de manière héréditaire (par l'intermédiaire de la cellule sexuelle d 'un des géniteurs) ou apparaître de manière somatique, c'està-dire dans une cellule de l'organisme (non sexuelle) au cours de la vie de l'individu. Il faut les distinguer des polymorphismes (voir cette entrée). Neuroblastome : cancer extra-crânien touchant les cellules de la crête neurale qui constitue le système n e rveux autonome sympathique. Il touche les jeunes enfants. Oncogène: gène favorisant la prolifération cancéreuse des cellules.
cette entrée).
Oocyte: cellule sexuelle femelle des mammifères. Elle correspond à un ovule immature. Papillome : tumeur bénigne (voir cette entrée) de la peau. Phénotype : caractéristiques d'un organisme ou d'une cellule. Terme employé ici pour caractériser les cellules. Phénotype mutateur : caractéristique des cellules présentant une augmentation anormale de la vitesse d 'apparition de mutations (voir cette entrée), autrement dit du taux de mutagenèse. Phosphorylation: ajout d 'un groupement chimique contenant un atome de phosphore. En biologie, beaucoup de protéines peuvent être phosphorylées
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à un ou plusieurs endroits de leur séquence, ce qui provoque le plus souvent soit une activation, soit une inhibition des propriétés (enzymatiques ou d'interaction) de ces protéines.
Plasticité (génétique et épigénétique): caractéristique d'une cellule qui voit fluctuer rapidement son contenu génétique ou épigénétique. Cela se traduit par une plasticité des phénotypes (voir cette entrée). Ploïdie : état du caryotype (voir cette entrée) d'une cellule en termes de nombre de chromosomes. Pluripotence : propriété de certaines cellules souches (voir cette entrée) au potentiel de différenciation (voir cette entrée) important, autrement dit, qui peuvent donner un nombre élevé de types cellulaires différenciés, mais tout de même restreint, contrairement aux cellules souches totipotentes (voir cette entrée). Polymorphisme: variations non pathologiques dans la séquence du génome entre individus. Les polymorphismes ne sont pas considérés comme des mutations, car ces variations sont fréquentes dans les populations. Probabiliste: caractère d'un phénomène où le hasard (voir cette entrée) tient une place importante en provoquant des variations aléatoires. I.Jexpression des gènes est un phénomène probabiliste, ce qui paraît contradictoire avec le déterminisme génétique (voir cette entrée). Prolifération cellulaire: multiplication cellulaire ayant lieu à partir de cellules non pleinement différenciées dans des situations physiologiques (développement de l'organisme, renouvellement tissulaire), mais aussi de manière pathologique dans le cas des tumeurs. En fonction de son intensité, la tumeur restera bénigne ou deviendra maligne (voir ces entrées).
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Promoteur/initiateur: noms donnés à des agents chimiques ou biochimiques qui, dans un système expérimental d'induction artificielle de cancers, sont appliqués soit en premier lieu (initiateurs), soit dans un second temps (promoteurs) (voir chapitre 7, section p. 43). Les initiateurs sont souvent mutagènes, alors que les promoteurs ne le sont pas et perturbent plutôt les interactions cellulaires (voir cette entrée). Protéine : macromolécule constituée d'un enchaînement d'acides aminés, qui peut se replier pour prendre une structure tridimensionnelle lui conférant certaines propriétés enzymatiques (voir cette entrée) ou d'interaction. Les protéines sont codées par les gènes et produites grâce au phénomène d'expression génique (voir cette entrée). Proto-oncogène: gène cellulaire qui agit comme oncogène (voir cette entrée) seulement s'il contient certaines mutations (voir cette entrée), voire s'il est exprimé de manière anormalement élevée à cause d'événements épigénétiques (voir cette entrée). Quiescence: é tat cellulaire non prolifératif. C'est l'état des cellules pleinement différenciées. Rayonnement ionisant: rayonnement de nature diverse produisant une ionisation de la matière, qui agit comme agent mutagène (voir cette entrée). Est utilisé en radiothérapies, car son effet mutagène provoque une mort cellulaire (voir cette entrée) massive des cellules cancéreuses. Réductionnisme: cadre conceptuel où les propriétés d'un système constitué d'un ensemble de parties peuvent être inférées des propriétés des parties prises indépendamment. En biologie, les biologistes moléculaires peuvent être considérés comme réductionnistes, car leur approche a consisté et consiste toujours à étudier un gène ou une
protéine de manière indépendante à l'aide d'études qui ne considèrent que rarement les niveaux d'organisation du vivant supérieurs à la cellule. Le réductionnisme génétique s'oppose au holisme (voir cette entrée) par le fait de ne pas admettre que des propriétés nouvelles puissent émerger à un niveau supérieur d'organisation du vivant sans qu'elles puissent être prévues par les caractéristiques des parties du niveau inférieur. Rétinoblastome: cancer de la rétine apparaissant chez les jeunes enfants. Il existe sous une forme héréditaire et sous une forme sporadique (voir Cancer sporadique) (voir chapitre 7, p. 38). Robustesse: capacité d'un système à rester stable, donc à conserver des propriétés identiques, m a lgré des variations des conditions dans lesquelles il évolue. En biologie, la robustesse de la cellule correspond à l'ensemble des possibilités moléculaires permettant à la cellule de conserver ou de retrouver un état donné malgré la perturbation d'un ou plusieurs de ses composants. Sarcome: cancer qui se forme au niveau du tissu conjonctif ou stroma (voir cette entrée) ou au sein d'autres tissus de soutien comme le tissu musculaire ou l'os. Sélection clonale : phénomène de prolifération cellulaire (voir cette entrée) sélective d'une sous-population de cellules au sein d'un e population cellulaire, car elles possède nt un avantage sélectif (voir cette entrée) qui leur permet d'effectuer une expansion clonale (voir cette entrée). Signalisation cellulaire : cascade de réactions de modification de protéines différentes dans la cellule qui peut être issue de l'interaction de la cellule (voir cette entrée) avec son environnement (dans ce cas, on parle aussi de transduction du signal) ou avoir une origine intracellulaire. Cette cascade
aboutit généralement à la modification de protéines de la chromatine (voir cette entrée) de manière à toucher l'expression de gènes. Spécificité: désigne un état qui est propre à quelque chose. Sous l'influence du déterminisme génétique (voir cette entrée), ce terme est très utilisé en biologie pour désigner les interactions moléculaires qui sont souvent conçues comme étant régies par des interactions de type clé-serrure univoques. De là découlent les concepts de régulation génique spécifique et donc de programme génétique. Stroma: aussi appelé tissu conjonctif, c'est le tissu de soutien à la base des épithéliums (voir cette entrée) en particulier, et plus généralement d es cellules, tissus (voir cette entrée) ou organes. Il est composé d'une matrice extracellulaire (voir cette entrée) et de différents types cellulaires, dont les fibroblastes (voir cette entrée) qui sécrètent cette matrice, mais aussi des cellules participant à la surveillance immunitaire (voir cette entrée) ou des adipocytes (cellules spécialisées dans le stockage des lipides). Surveillance immunitaire : désigne le fait que des cellules de l'organisme, par exemple les lymphocytes (voir cette entrée), soient capables de détecter tout élément étranger à l'organisme, principalement des cellules (microbes ou cellules cancéreuses) ou des virus (voir cette entrée), et de provoquer une réponse dirigée contre cet é lément étranger de manière à le détruire. Les cellules cancéreuses déjouent cette surveillance immunitaire de manière à proliférer sans être contraintes par une réaction immunitaire dirigée contre elles. Tératocarcinome: carcinome (voir cette entrée) issu de cellules germinales, dans l'ovaire ou le testicule, caractérisé par la présence d'un très grand nombre jusqu'à 990fo- de cellules différenciées de manière plus ou moins aberrante
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en de multiples types cellulaires très différents. Cela laisse supposer que les tératocarcinomes ont pour origine des cellules souches (voir cette entrée). Théorie chromosomique du cancer : voir Théorie de l'instabilité chromosomique. Théorie de la dédifférenciation: théorie de la cancérogenèse qui considère les cellules souches cancéreuses (voir cette entrée) comme ayant pour origine des cellules bien différenciées qui aurait perdu des caractéristiques de différenciation par un processus de dédifférenciation (voir cette entrée) . Théorie de l'instabilité chromosomique: théorie de la cancérogenèse qui assigne le rôle causal dans le cancer à une aneuploïdie (voir cette entrée) ou à d es réarrangements anormaux de chromosomes, et qui fait de l'instabilité de la ploïdie (voir cette entrée) la force motrice (voir cette entrée) de son développement, ce qui permet aux cellules cancéreuses d'acquérir des avantages sélectifs (voir cette entrée) (voir
chapitre 7, section p. 67) . Théorie des mutations somatiques: théorie de la cancérogenèse qui assigne le rôle causal dans le cancer à des mutations (voir cette entrée) dans des proto-oncogènes (voir cette entrée) ou des gènes suppresseurs de tumeurs (voir cette entrée) (voir chapitre 7, section p. 67), et en fait la force motrice (voir cette entrée) de son développement. Théorie du champ d'organisation tissulaire: théorie de la cancérogenèse qui assigne le rôle causal dans le cancer à des altérations de la structure tissulaire par le biais de la perturbation des interactions cellulaires (voir cette entrée)
(voir chapitre 7, section p. 83). Théorie du phénotype mutateur : voir Phénotype mutateur.
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NOUVEAU REGARD SUR LE CANCER
Théorie du reste embryonnaire: théorie de la cancérogenèse selon laquelle le cancer se développe à partir de cellules souches embryonnaires (voir cette entrée) qui persisteraient et ne se différencieraient pas chez l'adulte. Elles seraient à l'origine des cellules souches cancéreuses (voir cette entrée). Théories épigénétiques du cancer: théorie de la cancérogenèse selon laquelle le cancer se développe à cause d'altérations épigénétiques (voir cette entrée) qui se produiraient principale m e nt dans des cellules souches adultes (voir cette entrée) et qui en feraient la source des cellules souches cancéreuses (voir cette entrée) et de l'ensemble des cellules cancéreuses. Théorie multiétapes de la cancérogenèse: description de~ cancérogenèse en termes d'étapes où agissent des agents tumorigènes (voir cette entrée) qualitativement différents et caractérisées par des stades qualitativement différents dans le processus. Les termes de <<promoteur>> e t <> (voir cette entrée) donnés aux agents tumorigèn es sont inspirés de cette théorie multiétapes d e la cancérogenèse. Thymocyte: cellule partiellement différenciée progénitrice des lymphocytes (voir cette entrée) T matures. Cette différenciation finale en lymphocyte T a lieu dans le thymus. Tissu: en biologie, désigne le niveau d'organisation intermédiaire entre les cellules et les organes. Un tissu est un ensemble de cellules qui peuvent être hétérologues (voir cette entrée), regroupées en en semble pouvant aussi contenir des macromo lécules d e soutien comme celles de la matrice extracellulaire (voir cette entrée) et concourant à une même fonction. Les tissus se groupent en organes. La science qui étudie les tissus est l'histologie (voir cette entrée).
Type cellulaire: désigne généralement des cellules différenciées ayant les mémes caractéristiques de différenciation. Il en existe environ 200 chez l'Homme. Totipotence: propriété de certaines cellules souches (voir cette entrée) présentes uniquement dans les stades très précoces du développement (lorsqu'il n'y a encore que quelques cellules), qui ont un potentiel de différenciation (voir cette entrée) illimité, c'est-à-dire qu'elles peuvent se différencier en n'importe quelle cellule d'un type cellulaire (voir cette entrée) spécialisé et son capables de permettre le développement de l'organisme entier. Translocation: échange réciproque de fragments de chromosomes entre deux chromosomes. Tumeur (maligne/bénigne): on parle de tumeur bénigne lorsqu'une prolifération cellulaire (voir cette entrée) anormale a lieu dans un tissu (voir cette entrée) sans envahissement des tissus adjacents et sans risque de dissémination par métastases. Elle est donc sans risque pour la vie du patient si elle ne devient
pas maligne. Le terme <<précancéreuses>> est aussi parfois employé pour désigner les tumeurs bénignes lorsqu'il semble y avoir un risque de dégénérescence en tumeur maligne. Le terme <> est souvent utilisé de manière équivalente à celui de cancer (voir cette
entrée). Tumorigène: caractérise un agent chimique ou physique capable de favoriser la formation de tumeurs bénignes ou malignes (voir cette entrée). Virus: entité biologique qui nécessite une cellule hôte qu'il infecte et dont il utilise les constituants pour se multiplier. Les virus existent sous une forme intracellulaire ou extracellulaire. Sous la forme intracellulaire, les virus sont des éléments génétiques qui peuvent se dupliquer indépendamment du génome (voir cette entrée) de l'hôte, mais non indépendamment de la cellule hôte. Sous la forme extracellulaire, les virus sont des particules infectieuses, constitués au minimum d'un petit génome et de protéines.
Glossaire
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Index
A-B Acétylation 76, 80, 213,216 Acide << ali-trans » rétinoïque (ATRA) 99, 210-212, 214-217, 220-222, 226, 252,269 Acide valproïque 215 Adénome 73-74, 270 Adhésion cellulaire 52 AND-méthyltransférase (DNMT) 79, 182, 213-217, 219, 221, 225, 269, 278 ALK 133,246 Altération chromosomique 60, 66-67, 73, 113, 174-175, 179-180, 209 Altération épigénétique 78, 81-82, 116, 183,213,270,274,282 Altération génétique 7-18, 37, 39, 41, 45-47, 50, 54-56, 59-60, 64, 67-68, 75, 78, 82, 87-88, 91-93, 97, 100, 103, 116-118, 122-124, 133, 135, 139, 166, 170-172, 174-183, 189-194, 196, 201-202, 206, 213 Amplification 53, 242, 262 Anaplasie 26, 270, 273 Aneuploïdie 49, 53, 61, 64-68, 73-74, 89,97, 166,175,270,278,282 Angiogenèse 41, 52-53, 71, 126, 128, 270 Anthracycline 121 Antibiotique 120 Antifolate 120 Antigène tumoral 127-128 Antimétabolite 120 APC 58, 73, 78, 244 Aplasie 26, 97, 119, 270, 273
Apoptose 40, 51, 146, 213, 223, 270, 279 ARF 20, 65-66, 68, 82, 111, 113, 125, 127, 134, 171,197,255,271,273,283 ARIDlA 81,246 Arrêt de maturation 106 Astrocyte 113, 255, 271 Atrazine 99, 252 Auto-organisation 184-186, 271, 276 Autophagie 93, 279 Autorenouvellement 82, 108-110, 112- 113, 115, 117-118, 154, 157, 167' 271-272 Autostabilisation 151, 163-164, 169, 271 Avantage sélectif 47-48, 50, 69-70, 179-180, 183, 187, 219, 271, 275, 281-282 Azacitidine 214 Bcl-2 104 BCR-ABL 124, 129-130, 133, 256, 267 Bêta-carotène 70 Bevacizumab 128, 132 Biologie du développement 22, 107, 140, 273 Biologie moléculaire 10-13, 22, 37, 49-50, 75, 77, 131, 143, 147-149, 231, 273, 281 Bisphénol A (BPA) 98-99,269 Blastocyste 159-160, 206, 271, 273 BRAF 58, 131 BRCA140, 55 BRCA2 40, 55, 238 Brownien 143, 152, 184 Bruit 146-147, 155
281
C-D Caenorhabditis elegam 153 Canalisation 76, 158, 160, 164, 167-168, 179, 185, 222, 271, 273-274 Cancérigène 34-35, 42-44, 46, 61, 65, 88, 94, 166-167, 179, 199-200, 230 Cancérogenèse 5, 11-12, 17-18, 21, 26, 32-33, 35, 37-38, 41-44, 48-50, 58, 61, 66, 69-71, 74-75, 78, 80-82, 87, 93, 95, 98-100, 114, 123, 134-135, 139, 141, 163-166, 168, 173, 176, 178, 181, 186, 188, 191, 193, 195, 197, 200-201, 203, 208, 212, 214-215, 229-231, 233-234, 239, 282-283 Carcinogène 29, 31, 33-35, 44, 75, 82, 86-87, 94, 97-98, 100-101, 179 Carcinogenèse 34, 43-44, 46, 72-74, 77, 96, 100-101, 272 Caroténoïde 224 Carte d'identité de la tumeur 134 Caryotype 28, 38, 48, 66-67, 73, 179, 181, 206, 272, 280 CD20 128 CDKN2A40 CDX2 161-162 Cellule sanguine 119, 122, 152, 167, 179-180, 272, 276 Cellule souche adulte 82, 152, 156, 163-164, 167, 174, 179, 272-273, 282 Cellule souche cancéreuse (CSC) 17-18, 104-106, 108-118, 112, 123, 136, 140, 169, 175, 187-190, 203, 210, 212-213, 223, 269, 272-273, 282-283 Cellule souche embryonnaire (CSE) 84, 154-156, 159, 173-174, 182, 269, 271, 273,282 Cerveau 21, 57, 79, 88, 109, 271, 275 Cetuximab 132, 257 Champ morphogénétique 97, 222, 225, 271, 273-274 CHDl 154, 261 Chimiothérapie 16, 111, 119-124, 126-127, 130, 134, 202-203, 208, 211, 234 Chirurgie 24, 132, 200, 211 Choline 46
282
NOUVEAU REGARD SUR LE CANCER
Chromatine 75, 77-78, 80-81, 146, 150, 154-155, 157, 163, 166, 173, 182, 184-185, 213, 230, 273-274, 276, 279, 281 Chromosome Philadelphie 36-38, 47-48, 179 Ciblage 115, 118, 124, 136, 138, 166, 203,233 Cirrhose 90 Coévolution 193-194 Colon 52, 238, 244, 246, 260, 262, 265 Cola-rectum 13, 55, 70, 72-75, 79, 83, 128, 132, 171, 196, 238, 240-242, 244-247, 254, 257, 263, 269 Commensalisme 194 Communication cellulaire 45, 98, 163-164, 166, 169-170, 175- 176, 178, 200-201, 224-226, 269 Communication cellulaire par les jonctions communicantes (CCJC) 200, 269 Connexine 200, 224, 276 Culture en trois dimensions 92, 95 Cycle cellulaire 157-158 CyclinD2 80 Cytarabine 127,257 Cytogénétique 34, 36, 47 Cytosine arabinoside 121, 267 Dasatinib 130, 257 DDT 199 Decitabine 214 Dédifférenciation 27, 46, 100, 106-107, 110, 112-113, 153, 163-164, 167-168, 193, 197, 202-203, 217, 273, 278, 282 Délétion 53, 209 Déterminisme 37, 140, 144-145, 147-149, 152, 154, 159, 216, 273, 276, 280-281 Diagnostic 14, 60 Dioxine 99 Dormance 112, 195, 197- 199 Drosophile 153 Dysplasie 26, 97,274
E-F E1A62, 238 E-cadhérine 103, 223 Effet de communauté 160, 178, 224, 274
Effet Warburg 52 EGFR 113, 129, 133, 196, 269 Embryogenèse 20, 85, 162-163 Embryon 12, 25, 76-77, 84, 91, 97, 105-106, 148, 153-156, 1.59-162, 168-169, 173-174, 182, 192, 238, 247, 259, 261-264,269, 271, 273-274, 282 Endocrinien 43, 91, 98-99, 165, 200 Environnement cellulaire 11-12, 17-18, 45-46, 51-53, 69-70, 75-77, 82-85, 87, 90-92, 95-100, 102-104, 114-115, 117-118, 122, 136, 138-139, 146, 150-153, 156-157, 159-160, 163-165, 167-169, 172, 174, 179-181, 185, 187-188, 190-194, 199, 203, 205, 208-209, 219-222, 225-227, 229-231, 234 Épidémiologique 14, 34-3.5, 39, 43-44, 49-50, 60, 63, 70 Épiderme 20, 106, 153, 218,276,278 Épimédicarnent 214 Épimutation 82-83, 274 Épithélium 20, 79, 83-84, 91-92, 94-97, 103-104, 106, 113, 195, 200, 218, 223, 270,272,274,278,281 ERBB-2 64 Erloti.nib 129-131 Ester de phorbol 44-45, 199 Estomac 13, 24, 95, 270 Étiologie 31, 36-38, 61, 229, 275 ETV6-RUNX1 135 Extravasion 198 EZH2 81,246 Facteur de croissance 51, 92, 95, 97, 113, 128-129, 164, 194, 199, 278 Fibroblaste 84-85, 92-95, 193-194, 200, 207,269,273,275,27~278,281
Fibroblaste associé au cancer (FAC) 92-93, 194, 269 Fibronectine 218 Foie 13, 20-21, 32, 45-46, 66, 86, 88-90, 100-101, 109, 153, 197-198, 200, 215, 276 Folate 70, 120 Fumeur43 Gastrique 30, 80
G-H Gaz moutarde 119-120 Gène suppresseur de tumeur 38-39, 41, 49, 58, 64, 67, 74-75, 78, 97, 113, 116, 124-125, 138, 208-209,275, 278,282 Génotoxique 122, 134 Glande salivaire 91 Glioblastome 114-ll5 Gliome 79, 113, 183, 275 Glucose 52 Goudron de houille 34 Hématopoïèse 152-153, 156, 206, 211, 272,276 Hépatique 89-90, 198 Hépatite B 32 Hépatite C 90 Hépatocyte 86, 90, 276 Hépatome 32 HER-2 128 HER-2/ neu 128 Héréditaire 26, 32, 37-40, 54-55, 65, 71-72, 78, 83, 94, l7l, 274, 279, 281 Hérédité 26-27, 32, 34, 37-40, 54-55, 65, 71-72, 78, 83, 94, 145, 171, 259, 274, 276, 279, 281 Herpès 32 Hétérogénéité 21, 25, 58, 64, 67, 82, 110, 133-137, 146, 150, 152, 155, 158- 159, 171, 182, 187-190, 195, 213, 230 Hétéro-organisation 18.5 Hex 1.59- 160 Histologie 25-26, 276, 283 Histone 76, 78, 80-81, 183, 213, 216, 246, 267-270, 273-274, 276 Histone acéty1-transférase (HAT) 20, 25, 213, 235, 237-239, 241, 243-245, 254-255, 262, 266, 269-270, 277 Histone désacét y lase (HDAC) 2 13-2 17, 219, 221-222, 22.5-226, 268-270 Holisme 229, 276, 281 Hormone 164, 278 Hybride 207-208, 218 H y drocarbone aromatique polycyclique 35, 101
Index
283
Hydroxyurée 127 Hyperplasie 66, 99, 101 Hypophyse 91, 162 Hypoxie 102-103
1;}-K lmatinib lll, 127, 129-130, 132, 189, 2ll, 221,257 lmmunodéficience 103, 109, 114, 117, 126 Immunothérapie 126-127 Inflammation 92, 99, 126, 230 Inhibiteur des ADN méthyltransférases (DNMTi) 214-217, 219, 221, 225, 269 Inhibiteur d'histones désacétylases (HADCi) 214, 269 Initiateur 44, 46, 73, 86, 168, 175-176, 199, 201, 280, 283 Initiation 43-47, 73, 79, 86-87, 99, 115, 166, 176-177, 182, 198-199, 201, 239, 245,249,252 Instabilité chromosomique 64-65, 73-75, 166, 174, 269, 282 Instabilité génétique 48, 71-75, 81, 100, 102-104, 116, 138, 165-166, 172-175, 180-181 Intégrité du génome 48, 53, 65, 70, 72-73, 79, 83, 277 Interaction cellulaire 18, 45-46, 49, 104, 114, 156-165, 167-168, 17.5-178, 185-187, 191-193, 198-202, 219, 221, 223-224, 227, 230, 276, 279-280, 282 Interdépendance 1.51, 163-164 Interférence de I'ARN 77 Interféron 126-127, 269 Interféron a (IN F-a) 127 Interleukine 126-127 Intestin grêle 88 Invasion 52, 113, 134, 190, 195-197, 212 Irradiation 46, 94, 248 JARIDIB 11.5 JARIDIC 81 Jonction cellulaire 45, 164, 276 Jonction communicante 98, 164, 200, 224,269,276 Kératine 218, 276 Kératinocyte 85, 87, 207, 218, 276
284
NOUVEAU REGARO SUR LE CANCER
L-M Leucémie 20-21, 30-31, 36-37, 41, 47, 55, 94, 108-109, Ill, 113, 121, 124, 127, 129-130, 135, 182, 206, 209-212, 214-215, 220, 269 Leucémie à tricholeucocytes 127 Leucémie myéloblastique aiguë 37, 214-215 Leucémie myéloïde aiguë (LMA) 108, 109,210 Leucémie myéloïde chronique (LMC) 36-37, 47-48, Ill, 127, 129- 130, 133, 179, 181, 189, 211, 269 Leucémie promyélocytaire aiguë (LPA) 37,210,212,214,269 Lymphocyte 121, 128,277, 282-283 Lymphome 20-21, 32-33, 37-38, 41, 55, 80, 119-120, 124, 127-128, 207, 214, 277 Lymphome cutané à cellules T 214 Lymphome de Burkitt 33, 38 Lymphome de Hodgkin 120, 127 Mammaire 46, 82, 88, 92, 94-95, 98-99, 104,113,185, 197,200,223 Maspine 80 Matrice extracellulaire 84, 91-92, 95, 104, 114, 218, 270, 275-278, 281, 283 Matriptase 91, 250 Mélanome 40, 56-57, 64, 113-115, 124, 127, 131, 197, 277-278 Membrane cellulaire 164 Mésappariement 171, 173 Métabolisme 10, 12, 34, 46, 52, 126, 150, 146, 230, 276 Métalloprotéinase de la maniee 3 (MMP-3) 91, 250 Métaplasie 97 Métastase 21, 42,52-53,57,68, Ill, 113, 132, 195-199, 212, 234, 271, 278, 283 Méthionine 46 Méthotrexate 120 Méthylation 76-80,83, 93, 183,213-214, 216, 274, 278 Méthylcholanthrène 101 Microsatellite 74, 245-247, 249 Migration 20, 196-197 Milieu extracellulaire Ill, 278
Milieu intracellulaire 111, 152, 278 MLHl 40, 79, 83, 171, 246-247 Modification génétique 61-62, 68-69, 79, 88-89, 93, 99, 102, 107, 116, 122, 180,206 Moelle 47, 94, 112, 119, 122, 167 Mortalité 13-14, 42-43 Mort cellulaire 34, 40, 51, 106, 123, 125, 136,198,213,270,279,281 MSH2 40, 83, 171, 247 Multiple Drug Resistance 1ll Multipotence 19-20, 262, 266, 272, 279 Muqueuse 73, 122, 270, 274, 277 Mutagène 29, 34-36, 44-46, 57, 59, 66, 70, 74, 79, 86-88, 94, 101-103, 175-177, 195, 199-201,203,230,270,277,279-281 Mutualisme 195 MYC/ C-MYC 33, 62-64, 66, 124, 237, 241-243, 256 N-0 NANOG 155 Nasopharynx 109, 116 Neuroblastome 116, 207, 212, 215, 279 Neurone 153, 156, 271, 275 Niche 82, ll8, 156-1.59, 163, 167, 179, 256, 262-263 Nilotinib 130, 257 N-nitroso-méthylurée (NMU) 94 Nodule 45-46, 100-101, 253 Normalisation 85, 89, 98, 117, 192 Noyau 18, 25, 51, 76, 84, 181, 184-187, 191-192,206,271,273 06-méthylguanine-DNAméthyltranférase (MGMT) 79,263 OCT4 161 Œsophage 24 Œstrogène 82, 98, 129 Oncogène 11, 28, 32-34, 38, 40-41, 45, 49, 58, 62-67, 74, 87-88, 97, 116, 124-126, 128-129, 131, 133, 135-136, 138, 166, 176-178, 182, 203, 208-209, 217, 279-280, 282 Ontophylogenèse 9, 149-151, 155, 159-160, 162-163, 166, 185-186, 233, 272-273, 276, 279
Oocyte 84, 191-192, 279 Organicisme 139 Os 20-21, 153 Ostéosarcome 124 Ovaire 40, 43, 56-57, 81, 93, 107, 270, 274,282 Oxygène 52-53, 102, 129
P-Q;-R Pl6 78, 113, 246-247 p53 22, 40, 56, 95, 103, 125, 242, 251, 253,256 Pancréas 21, 58, 99, 128, 109, 270 Papillome 31-32, 45-46, 85-87, 100, 124, 176,279 Peau 20, 31, 35, 37, 44-46, 56, 84-87, 89, 100-101, 106-107, 109, 122, 176-177,212, 218,272,274,276-279 PECAM1155 Phénobarbital 199 Phénotype méthylateur 79, 183 Phénotype mutateur 68-72, 173, 279, 282 Phosphorylation 10, 76, 280 Phylogenèse 9, 149-152, 154-155, 159-160, 162-163, 166, 185-186, 233, 272-273, 276, 279 PI3KC 58 Plasticité 82, 118, 133-134, 136-137, 154, 156, 168-170, 182, 187-189, 192, 212, 280 PLX4032 131 PMU RAR-alpha 210-211 Polycomb 81, 246 Polymorphisme 40, 279-280 Polyome 85, 91 Polype 40, 45, 72, 79 Poumon 13, 21, 35, 43, 56-57, 70, 90, 109, 122, 125, 128-129, 133, 196, 215 Prédisposition 34, 37-40, 54, 65, 72, 78, 82-84,94,96,103,175,177,192,200 Prévention 15 Probabiliste 11, 146, 150-153,276, 280 Programm e génétique 10, 21, 144-145, 148-149, 259, 272, 274, 281 Progression 21, 43, 45, 47, 50-53, 59, 67, 78-79, 81-82, 93-94, 102-104, 125,
Index
285
158, 166, 170, 172, 175, 181, 183, 188, 190, 195-196, 201-202, 221, 238-240, 243-244, 246, 248-250, 256, 263, 265-266, 268 Prolactine 162 Prolifération 10, 15, 20, 34, 39, 41, 44-46, 48, 50, 52, 58-59, 63, 66, 68-69, 73-74, 80-82, 85-87, 89-90, 92-94, 96-97, 99-100, 106-107, 110, 117-123, 125, 128-130, 134, 136, 151, 156-158, 163-167, 169-170, 179, 181, 187, 190-191, 194-195, 198-203, 208, 211-213, 215, 218-224, 226,231,271-272,275,277-278,280-281, 283 Promoteur 44-45, 86-88, 175-176, 178, 199-201, 280, 283 Promotion 43-45, 86-87, 90, 95, 102, 176-177, 200-201, 239 Pronostic 21, 37-38 Prostate 13, 21, 43, 57, 64, 95, 109, 212, 215, 242, 246, 251-253, 267-268, 272 Proto-oncogène 28, 32-34, 40-41, 4.5, 280,282 ITEN 58, 76, 9.5, 99, 136, 170, 252 Quiescence 32, 46, 94, 96, 1.56-1.57, 163, 167,280 Radiation 248, 251 Radical oxygéné 102, 104 Radiothérapie 111, 119, 121-123, 134, 208, 211, 281 RAS/ H-RAS/ K-RAS/ N-RAS 58, 62-64, 66, 68, 80, 87-88, 124, 132, 177, 196, 237, 242, 257 Rayonnement gamma 94 Rayonnement ionisant 34, 91, 94, 121, 280 Rayon X 29, 34, 46, 101-102 RBl 39-40, 51, 78, 239 Réarrangement chromosomique 37-38, 46,5~.58,60,88, 189 Recombinaison 171, 173 Récurrence 111-113, 123, 126, 131, 134, 181-183, 203, 211, 220 Redondance 133-134, 136-138, 192 Réductionnisme 49-50, 137, 139, 166, 229, 276, 281
286
NOUVEAU REGARO SUR LE CANCER
Régression 26, 66, 101-102, 119, 125, 132,207 Rein 9, 16, 19, 68-69, 77, 80-81, 90, 105, 118, 127, 138, 148, 156, 169-170, 178, 180, 191,212, 215, 221, 234,272,279-280 Rémission 111-112, 120, 124, 127, 133, 135-136, 211, 215 Réparation de l'ADN 41, 48, 59, 65, 79, 102-103, 134, 138, 173-177, 277 Réseau 10, 41, 126, 147-148, 154, 191-193 Résistance 30-31, 68, 100, 110-111, 121-122, 124, 130, 133-135, 182, 189-191, 211, 231, 233-234 Rétinoblastome 39, 49, 281 Rétinoïde 212, 224 Rétrorsine 90 Rétrovirus 61 REX1155 Rituximab 128, 132 Robustesse 133, 135, 138, 148, 281
S-T SAHA214 Sang 20, 42, 47, 52-55, 60, 66, 108, 119, 122, 129, 133, 152, 167, 179-181,215, 270, 272, 276-277 Sarcome 20, 30-31, 38, 41, 55, 85, 124, 207, 215, 269, 281 Scrotum 34 Ségrégation 27 Sein 13, 24-26, 40, 43, 48, 55, 57-60, 64, 66-67, 69, 74, 76, 88, 91-94, lOO, 103- 104, 109-lll, 115-116, 128-131, 135, 146, 150, 153, 156, 161, 164, 168-170, 172, 174, 180, 183, 185, 188, 191-192, 194, 199-200, 215,219,229,270-272,274,276,278,281 Sélection clonale 36, 50, 70, 169, 281 Sélectogène 70 Séquençage 56, 58-60, 67, 71 SETD2 81 Signalisation 157, 160-164, 182, 185, 187, 189,192,223,279,281 Spécificité/ Non-spécificité 122, 143-144, 147-148, 152,214, 273,281 Sporadique 55, 71-74, 78, 124, 171, 271, 281
SRC 10, 33, 236 SSEAll55 Stella 155 Stemness 154, 188, 263 Stochasticité 145, 149, 152, 158, 163, 175, 183-185, 188 Stroma 41, 84, 91-97, 126, 193-195, 250-252, 262, 273, 275, 277, 281 Syndrome de Li-Fraumeni 40 Syndrome de Lynch 71-72 Syndrome des cancers colorectaux héréditaires non polypeux (HNPCC) 72-73, 83, 269 Syndrome des polypes adénomateux familiaux (FAP) 72-73, 269 Syndrome myélodysplasique 215 Syndrome myéloprolifératif 167, 176 Tabac 35 Tératocarcinome 91, 107-108, 169, 199, 205-206,208,211-212, 282 Testicule 91, 107-108, 122, 234, 282 Théorie de l'instabilité chromosomique (TIC)64,66,269,282 Théorie des mutations somatiques (TMS) 48, 61-63, 66, 74, 97, 99, 116-118, 269 Théorie du champ d'organisation tissulaire (TCOT) 96, 98, lOO, 166, 269 Théorie du reste embryonnaire 106, 282 Théorie multi-étapes 42-43 Thérapie ciblée 111, 124, 128-129 Thérapie par la différenciation 118, 191, 205, 207-208, 210, 212-213, 216, 221, 231 Thymocyte 121, 283 Thyroïde 91
Tissu conjonctif 20, 41, 273, 281 Totipotence 20, 105, 108, 156, 159, 272, 280,293 Toxicologie 98, 230 TP53 40, 55-56, 58 TPA (12-0-tétradécanoylphorbol-13acétate) 87, 269, 87, 102, 176-178, 249, 269 Transforming Growth Factor B (TGF-B) 95 Transition épithélio-mésenchymateuse (TEM) 113, 196-197, 269 Translocation 36-38, 53, 55, 129, 210, 237,264,283 Trastuzumab 128, 130, 132 Trioxyde d'arsenic 211
U-V-X Utérus 24, 43, 270 Vaccin du cancer 127-128 Variabilité 18, 48, 50, 58, 81, 146, 152, 155, 161, 172, 174, 187 Vessie 93 VHL78 Vieillissement 14, 32 Virus 4, 29-34, 40, 54, 61, 85, 91, 146, 236-238, 241, 248, 250, 269, 279, 282-283 Virus du sarcome de Rous (VSR) 31-33, 85, 269 Vitesse de mutagenèse 68, 70 Vitesse de mutation 58, 69-72, 74, 173 Xénobiotique lOO, llO Xéno-œstrogène 98 Xeroderma pigmentosum 37, 71
1 nd ex
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