SEMIOTICS AND PRAGMATICS PROCEEDINGS OF THE PERPIGNAN SYMPOSIUM
FOUNDATIONS OF SEMIOTICS General Editor ACHIM ESCHBAC...
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SEMIOTICS AND PRAGMATICS PROCEEDINGS OF THE PERPIGNAN SYMPOSIUM
FOUNDATIONS OF SEMIOTICS General Editor ACHIM ESCHBACH (University of Essen)
Advisory Editorial Board Herbert E. Brekle (Regensburg); Geoffrey L. Bursill-Hall (Burnaby, B.C.) Eugenio Coseriu (Tübingen); Marcelo Dascal (Tel-Aviv) Lambertus M. de Rijk (Leiden); Max H. Fisch (Indianapolis) Rudolf Haller (Graz); Robert E. Innis (Lowell, Mass.) Norman Kretzmann (Ithaca, N.Y.); W. Keith Percival (Lawrence, Kansas) Jan Sulowski (Warszawa); Jürgen Trabant (Berlin)
Volume 18
Gérard Deledalle (ed.) Semiotics and pragmatics Proceedings of the Perpignan symposium
SEMIOTICS AND PRAGMATICS Proceedings of the Perpignan Symposium
edited by GÉRARD DELEDALLE
JOHN BENJAMINS PUBLISHING COMPANY AMSTERDAM/PHILADELPHIA 1989
Library of Congress Cataloging-in-Publication Data Semiotics and Pragmatics Proceedings of the Perpignan Symposium on Semiotics and Pragmatics (1983) / edited by Gérard Deledalle. p. cm. -- (Foundations of semiotics, ISSN 0168-2555; v.. 18) Bibliography: p. 1. Semiotics -- Congresses. 2. Pragmatics -- Congresses. I. Deledalle, Gérard. II. Title. III. Series. P99.P45 1983 401.41 -- dcl9 89-229 ISBN 90 272 3290 3 (alk. paper) CIP © Copyright 1989 - John Benjamins B.V. No part of this book may be reproduced in any form, by print, photoprint, microfilm, or any other means, without written permission from the publisher.
Contents
Présentation Gérard Deledalle
ix
I. The débate/Le débat Individual intentionality and social phenomena in the theory of speech acts John R. Searle Linguistic meaning and intentionality: The compatibility of the 'lin guistic turn' and the 'pragmatic turn' of meaning-theory within the framework of a transcendental semiotics Karl· Otto Apel
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19
Observations épistémologiques A.J. Greimas
71
De quelques conditions semiotiques de l'interaction Eric Landowski
75
II. Semiotics and pragmatics: History, theory and practice Sémiotique et pragmatique: Histoire, théorie et pratique 1. History/Histoire La pragmatique du dialogue référential de Francis Jacques Françoise Armengaud Pragmatique et pragmatisme chez C.S. Pierce Christiane Chauviré The characteristics of Karl Bühler's pragmatically integrated theory of signs Achim Eschbach
87 103
117
vi
CONTENTS
On methodology in Searle's theory of speech acts G. Gutterer
131
Peirce's sixty-six signs revisited A. Japρy
143
Some remarks concerning the theory of speech acts and the idea of "pragmatics" Christian Stetter
155
2. Theory/Théorie Socialité du sens et production de l'individu par lui-même J.F. Bernard-Béchariès
169
Eléments pour une sémiotique des évidences Alain Berrendonner
179
Pragmatique et abduction Massimo A. Bonfantini
197
Véridiction et réalité J.C. Coquet
205
L'homme-signe et la conscience de soi /. Crombie
215
Rythme du discours, rythme de la pensée Paolo Facchi
231
La sémiosis didactique: savoir, savoir-faire, savoir-être M. Grenier-Francœur
241
Du sens commun comme catastrophe Claude Gandelman
255
Interprétation vs. production: une perspective peircienne Robert Marty
267
Empreinte pragmatiste, attitude pragmatique et sémiotique intégrée Herman Parret
277
Dénoter et connaître: deux fonctions qui ne peuvent pas être confundues Armando Plebe
297
CONTENTS
Vil
Subjectivité et sujet objectivé dans renonciation Henri Portine
303
Pragmatic principles of references J. O, Urmson
317
La portée pragmatique de la déduction naturelle
325
Bill Winder 3. Practice/Pratique L'analyse pragmatique des récrits littéraires P. Bange Stratégies sémiotiques et banques d'images C. Baryla Phanéroscopies du film Werner Burzlaff
339
Eléments de pragmatique iconique: Giotto à Assise M. Constantini
373
Les racines sémiotiques de la valeur micro-esthétique Pietro Emanuele
389
Le statut pragmatique du texte de fiction Louise Francœur
397
Sémiotique et ergonomie d'un système documentaire-image interactif H. Hudrisier
407
Le canon de la Méduse: Analyse d'un cas de lecture Jean Pierre Kaminker
415
Le discours aphasique Jean Luc Nespoulous et André Roch Lecours
423
Conditions de l'approche sémiotique du texte littéraire Joëlle Réthoré
437
351 359
Pragmatique et analyse littéraire: vers la définition d'un modèle sémiotique Pascal Robert
451
Index
463
Présentation
Le colloque international de sémiotique de Perpignan qui fut organisé sous la direction de Gérard Deledalle et avec la collaboration de Robert Marty et de Joëlle Réthoré avait pour thème "Sémiotique et pragmatique". Le colloque s'est déroulé sur trois jours du 17 au 19 novembre 1983, les matinées étant consacrées à des conférences plénières et des tables rondes et les après-midi à des communications. On entendit d'abord Karl-Otto Apel qui parla de la sémiotique transcendantale et de sa relation à la nouvelle pragmatique de l'intentionnalité que défend John Searle, conférence qui fut suivie d'une table ronde sur "sémiotique et sémiologie". Au cours de la seconde matinée sur le thème de la "sémio-linguistique", Eric Landowski exposa le point de vue du grou pe de Paris sur la relation de la sémiotique et de la pragmatique, après avoir lu un texte de A. J. Greimas qui, n'avait pas pu participer au colloque luimême. La dernière matinée fut plus proprement centrée sur la pragmatique et la conférence de John Searle sur "subjectivité et convention sociale dans la théorie des 'speech acts'" fut suivie d'un débat et d'une table ronde qui porta sur la nature de la pragmatique, son évolution et son rapport au pragmatisme. L'idée du colloque est venue de la double constatation d'effets de mode dans les deux directions de la sémiotique et de la pragmatique. D'une part, la sémiotique s'est substituée à la sémiologie et, d'autre part, la pragmatique est devenue un terme obligé de tout titre d'ouvrages sur le lan gage, quelque sens que l'on donne au mot "pragmatique". (Au cours d'une table ronde, l'auteur d'un ouvrage portant ce titre reconnut que la seule rai son de son emploi était que son éditeur pensait que cela ferait mieux vendre le livre.) Or il y avait là, nous semblait-il, abus de langage et ignorance, dans un cas comme dans l'autre. S'agissant de la sémiotique, la tradition saussurienne de la sémiologie relativement tardive (1908) et la tradition peircienne de la sémiotique
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GÉRARD DELED ALLE
(1867-1911) it vécu leur vie propre dans des contextes philosophiques ou, si Ton veut, idéologiques différents: la sémiologie dans le contexte de la vieille philosophie dualiste de la représentation, de la correspondance des concepts et des essences, des mots et des choses; la sémiotique dans le contexte d'une philosophie de l'action, d'une philosophie dialectique. Peirce disait dans les années 1870 que la signification d'un terme ou d'une pro position est à chercher dans les actes (et les habitudes) qu'ils produisent — actes et habitudes aussi bien mentaux que corporels, sociaux qu'individuels. En d'autres termes, la sémiologie de Saussure est une théorie du signe dé fini comme couple ou dyade signifiant-signifié, la sémiotique de Peirce est une theorie du signe-action défini comme une transaction triadique entre un represent amen, un interprétant et un objet. La theorie de Peirce est à proprement parler une theorie de la sémiose (semeiosis = inference), au trement dit une théorie logique de la production de l'objet d'un signe-representamen — représentant de cet objet (et non représentant cet objet au sens perceptif) dans l'"esprit" de celui à qui il fait signe — par un signe-interprétant qui surgit dans l'"esprit" de celui qui réagit (acte, habitude) à l'appel ou à l'interpellation du signe-representamen. Schématiquement, la chose se passe comme ceci:
La conception de Peirce est triadique, dynamique et évolutive: elle est dialectique. De plus, la théorie de Peirce prend le signe avant la détermination. Elle n'est pas d'abord linguistique ou sémantique. Elle le devient quand on l'applique dans une situation donnée qui pourra ressortir au texte (linguisti que, sémantique) ou à l'image ou à n'importe quoi d'autre. Quant à la pragmatique, c'est un fait (et Herman Parret insista sur ce point au cours de la troisième table ronde) que telle qu'on la pratique, elle n'a rien à voir avec le pragmatisme de Peirce. Or une grande part des confusions vient de là, de ce qu'on n'a pas vu la relation de la sémiotique peircienne avec le pragmatisme.
PRESENTATION
χι
D'une part, le pragmatisme est une théorie de la signification qui per met par l'action ou par la mise à l'épreuve de donner un sens à un mot ou à une énonciation dans un discours donné et dans un contexte donné. C'est évidemment la sémiose qui est l'instrument de cette attribution ou production de sens. C'est là, le niveau que Charles Morris appellera "pragmatique", où tout se passe et c'est de là où dans un premier degré d'abstraction part l'analyse pour définir des mots et des énonciations hors contexte: le niveau "sémantique", et dans un deuxième degré d'abstraction pour considérer des mots et des énonciations par rapport à eux-mêmes en tant que tels: le ni veau "syntactique" où se déploient toutes les sciences linguistiques. D'autre part, des concepts et des termes peirciens se sont introduits dans le vocabulaire des sémiologues français, linguistes pour la plupart: icône, indice, interprétant, voire même representamen et rhème, sans qu'ils soient tenu compte le plus souvent des implications de ces termes dans le système pragmatico-sémiotique de Peirce dont ils proviennent. Enfin, il n'est tout simplement pas vrai qu'il n'y ait pas de relation his torique entre la pragmatique et le pragmatisme. La généalogie de la pragmatique est relativement facile à établir: Peirce engendra le Wittgen stein des "jeux de langage" via le logicien anglais Frank P. Ramsey et l'éco nomiste italien Piero Sraffa (sans négliger le rôle de Lady Welby et celui de C. K. Ogden, traducteur du Tractatus et l'auteur avec I. A. Richards de The Meaning of Meaning); Wittgenstein engendra John Austin et P. F. Strawson qui engendrèrent le Searle des "speech acts", et la pragmatique. C'est ainsi que le colloque s'organisa pour ainsi dire tout seul: des Peir ciens, traducteurs et commentateurs de Peirce: Karl-Otto Apel de l'univer sité de Francfort qui dirige cette année 1983-1984 un séminaire avec Haber mas sur le dernier Searle (Intentionality), M. Bonfantini de l'université de Bologne et Gérard Deledalle de l'université de Perpignan (Ecrits sur le si gne, Seuil); le groupe dit de sémio-linguistique de A. J. Greimas, que l'on peut rattacher à la tradition saussurienne dont il ne méconnaît pas les diffi cultés (cf. J. C. Coquet, "L'Ecole de Paris" dans Sémiotique, l'Ecole de Pa ris); des pragmaticiens dont le plus célèbre d'entre eux John Searle de l'uni versité de Californie à Berkeley, J. O. Urmson de l'université d'Oxford dans la tradition de la philosophie analytique et qui enseigna la philosophie au jeune Searle à Christ Church, Achim Eschbach de l'université de Essen, directeur de la collection "Foundations of Semiotics", Herman Parret des universités d'Anvers et de Louvain, auteur de Semiotics and Pragmatics (Amsterdam, John Benjamins), Pierre Bange de l'université de Lyon, Ro-
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GÉRARD DELED ALLE
bert Lafont de l'université Paul-Valéry de Montpellier; des théoriciens et praticiens de l'une ou l'autre méthode et parfois des trois si l'on distingue la sémiotique peircienne, la sémio-linguistique greimassienne et la pragmati que. Si Peirce n'a pas été au centre de tous les débats, de nombreuses com munications se sont attachées à situer sa pensée conceptuellement ou histo riquement, ou à appliquer le modèle sémiotique qu'il a proposé aux divers domaines des lettres, des arts et des sciences. Signalons les études théori ques de M. Bonfantini (Bologne): "Pragmatique et abduction", C. Chauviré (Besançon): "Pragmatique et pragmatisme chez Peirce", J. Crombie (Pointe de l'Eglise, Nouvelle Ecosse): "L'Homme-signe et la conscience de soi", A. Eschbach (Essen): "The Characteristics of Karl Buehler's Pragma tically Integrated Theory of Signs", H. Parret (Anvers et Louvain): "Em preinte pragmatiste, attitude pragmatique et sémiotique intégrée", A. Ple be (Palerme): "Dénoter et connaître: deux fonctions qui ne peuvent pas être confondues", C. Stetter (Aix-la-Chapelle): "L'idée de la pragmatique chez Peirce et J. R. Searle". En plus des travaux du groupe de Perpignan (cf. entre autre Théorie et pratique du signe, Payot, et La sémiotique C. S. Peirce, numéro spécial de la revue Langages), les communications ont révélé d'autres applications systématiques ou partielles de la sémiotique peircienne, celles de C. Baryla (Bibliothèque Ste-Geneviève) et H. Hudrisier (Agence Sygma) à l'image, Marie Francoeur (Univ. Laval), L. Francoeur (U. Laval) et P. Robert (Li breville) à la littérature, de P. Emanuele (Palerme) à l'esthétique, et de . Winder (Perpignan) à la logique. Les autres communications étaient plus explicitement sémiologiques: celles de J. F. Bernard-Béchariès (C.N.R.S., Paris), P. Facchi (Trieste) et C. Gandelman (Haifa); sémio-linguistiques: celle de J. C. Coquet (Paris VIII); ou pragmatiques: celles de F. Armengaud (Rennes), A. Berrendonner (Fribourg), G. Gutterer (Aix-la-Chapelle), H. Portine (Paris VII) et J.O. Urmson (Oxford) plus théoriques, celles plus pratiques de P. Bange (Lyon): application aux récits littéraires et de M. Costantini (Tours): appli cation à la peinture. Gérard Deledalle Université de Perpignan
I The debate / Le débat
Individual intentionality and social phenomena in the theory of speech acts John R. Searle*
Since the early work on speech acts by Austin, Grice, myself and others in the 1950s and 60s, it has been possible to distinguish two appar ently inconsistent strands in speech act theory. One strand, most promi nently associated with the name of Grice (1957, 1969), treats individual intentionality as the fundamental notion in the theory of speech acts. Mean ing is created by individual acts whereby speakers attempt to produce effects on hearers by getting the hearers to recognize their attempt to pro duce those effects. Meaning is thus the product of individual acts of mean ing. On a Gricean analysis, there is no suggestion that conventions, rules, or social practices are in any way essential for the performance of speech acts. A second tradition associated with the name of Austin (1962) as well as with my own early book Speech Acts (1969), emphasizes the role of social institutions in the performance of speech acts. On this view, social conventions, rules, and contexts of utterance play a crucial role in the determination of the speech act. Meaning, on this view, is not just a a pro duct of individual intentionality, but it is also the result social practices. Is there anything to be said for either of these approaches, and in par ticular, are they, or can they be made to be consistent with each other? My own view is that if they are stated caœfully they can be construed in a way which renders then consistent. I believe they are both trying to say some thing true. The appearance of inconsistency derives from the fact that we fail to see that they can be construed as non-competing answers to different questions, rather than competing answers to the same question. A primary aim of this paper is to offer interpretations of each which would render them consistent. *
© by John R. Searle.
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JOHN R. SEARLE
In order to show the basic consistency of these two views, I want to begin by describing the case to be made for each in as strong terms as I can. To do this, I will present an account of meaning in the subjectivist, or Gricean tradition; I will then present an account of meaning in the objectivist, or social, or Wittgensteinian tradition; and then, I will conclude by showing that they are in fact both accounts of the same phenomenon viewed from two different sides. 1.
Meaning as individual intentionality
If we approach meaning from the point of view of individual subjectiv ity, it seems to me essential to make a crucial distinction which Grice does not make. All of Grice's various definitions of meaning, from his earliest 1957 article to his subsequent attempts to improve and refine the original definition, rest on an attempt to define meaning in terms of the intentions that a speaker has to produce effects on hearers. In a word, Grice defines meaning in terms of attempts to communicate. This, I believe, is a mistake. I have argued elsewhere (1983, ch.6; 1986) that within the theory of speech acts, we need to distinguish between the intention to represent certain states of affairs in certain illocutionary modes and the intention to com municate those representations to a hearer. The first intention, the inten tion to represent, determines the force and content of the speech act. The second intention, the intention to communicate, is the intention to produce in the hearer the knowledge of the force and content of one's speech act. For example, when I make the assertion to you that it is raining, there is a distinction between my intention to represent assertively the state of affairs that it is raining, and my intention to communicate this representation to you. Similarly with promises. If I promise to come and see you on Wednes day, we need to distinguish between my intention to commit myself to come and see you on Wednesday and my intention to communicate this com mitment to you. The argument that it is essential to make this distinction can be stated quite simply: in many cases it is possible to have a represent ing intention without having any intention to communicate the content of that representing intention to the hearer. It is easy to see why the theory of speech acts leads us to confuse these two forms of intentionality expressed in the performance of the speech act. If a normal speech act is successful, it will involve both the representing intention and the communication intention. When a speaker performs a
THEORY OF SPEECH ACTS
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speech act, he normally intends both to represent a state of affairs in one or more of the possible illocutionary modes, and he also intends to communi cate the content of this representation to the hearer. Unless both of these intentions are achieved the speech act is defective. Since illocutionary acts are the basic unit of speaker's meaning and also the basic unit of communi cation, it is overwhelmingly tempting to think that meaning is somehow identical with communicating. Nonetheless, within the theory of meaning, we need to distinguish them. Many of the objections and counter-examples to Grice's definition rest on this distinction. It was always an embarrassment to Grice's account that it did not deal comfortably with cases of soliloquy, or cases in which there was no intended audience, or cases in which the speaker did not intend to produce any effects on his audience. The following example will illustrate the distinction. I was once detained at the Yugoslav border by some uncooperative customs officials who spoke no English. At one point as I became increas ingly cross, I made certain remarks to these officials in colloquial American English. Now I did this in the knowledge that they would not understand a word of what I said. Nonetheless, metaphors apart, I meant everything that I said. This was a defective speech act (fortunately, since if it had not been I would most likely still be at the Yugoslav border), because the hearers never understood what I said, nor were they intended to understand what I said. Nonetheless, I meant what I said, that is to say, I achieved my mean ing or representing intention; but I did not intend to communicate — and I did not communicate. In the analysis of the speech act, we need to distinguish the intention to represent and the intention to communicate. But now which of these is primary in the theory of meaning? It seems to me that the representing intention is prior. It is prior in the sense that one cannot even have the intention to communicate unless one has an illocutionary force and propositional content which one intends to communicate, and these together con stitute the content of the representing intention. This is why in the ordinary colloquial use of "meaning", we are prepared to say of someone who has the representing intention that he meant something, even though he may not have intended to communicate it. If one wanted a slogan, one might say, no communication without representation. In the literature on this subject, there are many counterexamples to the Gricean analysis, some of which have become legendary. On the prop-
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JOHN R. SEARLE
osal I am making here, much of the discussion of these counterexamples (much but not all) can simply be avoided by making the distinction between that part of the speech act which constitutes the meaning intention proper and that part of the speech act which constitutes the intention to communi cate that meaning intention to the hearer. Well, what exactly are these different intentions? If we are to analyze meaning in terms of intentionality, we cannot allow ourselves to talk vag uely about meaning (or representing) intentions and communicating inten tions. We have to be able to state precisely what the content of the inten tions are. And to do that, we need to say at least a little bit about the nature of intentionality. What follows is a brief summary of some of the features of intentionality described in Intentionality (1983). The key to understanding intentionality is conditions of satisfaction. An intentional state, such as a belief or a desire or a hope or a fear or an intention, with a direction of fit, is a representation of its conditions of satis faction. Thus, the belief that it is raining represents the state of affairs that it is raining, with the mind-to-world direction of fit. The desire to go to the movies represents oneself as going to the movies, with the world-to-mind direction of fit. If we fully specified the conditions of satisfaction of inten tions, however, we find that intending has some special features. Like desires, but unlike beliefs, intentions have the world-to-mind direction of fit. That is to say, it is the aim of the intention not to represent how things are, in the way for example that beliefs are supposed to represent how things are, but rather, to bring about changes in the world so that the world, specifically one's own behavior, matches the content of the inten tion. Furthermore, the form in which this satisfaction of the direction of fit is supposed to be achieved by the intention involves the intention itself functioning causally in the bringing about of its own conditions of satisfac tion. Thus, if I intend to go to France, but I forget all about my intention, and wind up in France quite by accident on my way to Hong Kong, then my original intention has not been carried out even though the state of affairs that it represented, namely my going to France, actually occurred. If we are to specify the conditions of satisfaction of an intention fully, we have to specify not only what it is the agent intends to do, but we have to specify that the intention itself should cause his doing it by way of intentional cau sation. That is, intentions have causally self-referential conditions of satis faction. And we see this even in the simplest sort of cases. If I have the intention in action to raise my arm, the conditions of satisfaction are not
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only that my arm should go up, but that the intention itself should cause my arm to go up. If the key to understanding intentionality is conditions of satisfaction, it should be possible to give a specification of the sort of intentions that are constitutive of meaning intentions in terms of their conditions of satisfac tion. I think indeed that it is fairly easy, but in order to make it explicit we need to back up a second and ask what is peculiar about meaningful entities such as speech acts that we need to explain. For our present discussion, the remarkable thing about speech acts is that in the performance of speech acts ordinary physical events and objects in the world have semantic prop erties. The remarkable fact is that the noises that come out of my mouth, or the marks that I make on paper, can be said to be true or false, meaningful or meaningless, relevant or irrelevant ...etc. Now the question we are try ing to answer in the theory of meaning might be put very crudely as follows: How is it possible that mere things in the world can come to have semantic properties? How is it possible that the mind can impose intention ality on entités which construed in one way are just neutral objects and events in the world like any other? And the answer equally can be stated quite simply. If we analyze intentionality in terms of conditions of satisfac tion, and if it is of the essence of meaning that entities that are not intrinsi cally intentional themselves have conditions of satisfaction, then the answer to our questions is: the mind imposes intentionality on objects and events in the world by intentionally imposing conditions of satisfaction on conditions of satisfaction. How does it work? If I say something and mean it, as opposed to just saying it without meaning it, then the conditions of satisfac tion of my original intention are not only that that intention itself should cause the production of certain sounds, but that those sounds themselves should have further conditions of satisfaction — truth conditions in the case of assertives, fulfillment conditions in the case of commissives, and obedi ence conditions in the case of directives. So for example, if I say in French "Il pleut souvent à Paris" and I intend this not just as the production of a sentence for the sake of practicing my pronunciation, but I intend it as actu ally making an assertion, that is I actually mean what I say, then the condi tions of satisfaction on my intention are (a) that the intention should cause the production of these sounds, and (b) that these sounds themselves have conditions of satisfaction, with the word-to-world direction of fit, in this case the truth conditions that it rains often in Paris. This last point needs to be made more precise. Where I make an asser-
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tion, I do not necessarily intend that my assertion be true. It is always pos sible to lie or otherwise make an insincere assertion. However, it is part of the definition of an assertion that it is a commitment to truth. Even if the speaker does not intend to make a true assertion, nonetheless he intends to make an utterance where the category of truth is an applicable standard of criticism. An assertion necessarily commits the speaker to the truth of the proposition, whether or not he in fact believes that proposition to be true. So, the conditions of satisfaction of the intention which the agent has when he makes an utterance are not that that very intention should have as its condi tions of satisfaction that it's raining, (that would be a case where one was trying to make it rain by saying certain things) but rather, the conditions of satisfaction are that the utterance produced by the intention should itself have conditions of satisfaction with a certain direction of fit, in this case, the direction of fit is word-to-world, hence the conditions of satisfaction are truth conditions. This example will provide us with a model for other examples of how the mind bestows intentionality on entities that are not intrinsically inten tional by intentionally imposing conditions of satisfaction on those entities. Let us show how the analysis applies to two additional categories of speech acts — directives and commissives. Most directives and commissives, unlike assertives, have an additional feature of self-referentiality on the conditions of satisfaction of the speech act. This is shown by the fact that the order is not fully carried out, and thus not satisfied, unless the person to whom the order is given acts in the way he does because of the order. That is, to state it more precisely, the conditions of satisfaction of the order are not only that the thing ordered should be done, but rather, that it should be done because it was so ordered. And that is just another way of saying that the conditions of satisfaction of the order are self-referential to the very order itself — for what the order orders is its own obedience. Exactly analogous considerations apply to promises. If I make a promise to come to your house on Wednesday night, and I forget all about the promise, but on Wed nesday I decide to go over to your house to borrow some money from you, then there is a sense in which in arriving at your house I still haven't kept the promise; because the promise did not function as a reason for my doing what I did. Of course, I didn't break the promise, but then, I didn't exactly keep it either. Why not? Because what the promise promises is not only that a certain action will occur, but that it will occur by way of keeping the promise. To put this in the jargon of conditions of satisfaction, the condi-
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tions of satisfaction of the promise are not just that an act should occur, but that it should occur because of the promise. Thus, the conditions of satisfac tion of the promise are causally self-referential to the promise itself, for unless the promise functions causally in the production of its own keeping, then it is not fully a case of keeping a promise; the promise is not fully satis fied. To summarize: the intention that I have when I give an order, such as "Leave the room", involves both (a) that the intention itself should cause the production of the sounds, and (b) that the sounds should have as condi tions of satisfaction, this time with the world-to-mind direction of fit, that the agent does the thing ordered and that the utterance itself should func tion causally in the production of his doing the thing ordered. Analogously with promises: when I promise to come and see you on Wednesday, then the intention behind my utterance is (a) that the intention should produce the utterance, and (b) that the utterance should have as conditions of satis faction with the world-to-mind direction of fit that I do the thing promised and that the utterance itself should function causally in the production of the behavior that constitutes the doing of the thing promised. Now notice that so far we have specified all of these meaning inten tions without any reference to communication intentions. Of course, in the case of orders especially, and even in the case of some commissives (such as promises, though not for the case of other commissive such as vows), the speech act only takes effect if it is understood by a hearer, only if, to use Austin's jargon, we achieve "illocutionary uptake". In the case of all three type of speech act that we have considered thus far — assertives, directives, and commissives — the communication intention is simply that the hearer should recognize the utterance, and that he should recognize it as having the conditions of satisfaction which the speaker intends it to have. And all of that is just a way of saying that understanding consists in recognizing meaning intentions. Therefore, what has to be added to the meaning inten tion in order that we should have not only a meaning intention, but also a communicating intention, is the intention that the meaning intention should be recognized. Successful communication consists in the recognition of the speaker's meaning intentions. Now, these analyses might seem excessively complex, but I think in fact, if anything, they are probably oversimplified. The simplicity, however, enables us to perceive the bare skeleton of the forms of intentionality that are peculiar to meaning. The whole insight behind the theory of speech acts
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was that the study of language was part of the study of human behavior gen erally. But if we are to cash in on that insight, if we are to make it fully explicit, then we have to show what is in common between speech acts and other types of acts, and what is different. What is in common is that speech acts like all acts involve the intentional production of certain consequences where the intention itself functions causally in the production of those con sequences, what is peculiar to speech acts is that in addition to the intention to produce the bodily movements or other physical effect, there is an addi tional intention that the bodily movement, in this case the utterance act, should itself have further conditions of satisfaction which are not directly causally related to the original intention. In the case of directives and com missives, it is the intention that the utterance function causally in the pro duction of the rest of the conditions of satisfaction, but only by way of further intentionality. That is to say in the case of directives, it isn't that the utterance directly causes something to happen, but rather that, if satisfied, it causes an agent, in this case the person to whom the directive has been issued, to act so as to bring about the rest of the conditions of satisfaction of the utterance by intentional acts. Similarly with promises. In the case of the promise, the agent intends that his utterance should have additional conditions of satisfaction and that, if satisfied, it should function causally by way of his own intentionality in his carrying out of the intentional action that constitutes the rest of the conditions of satisfaction of the utterance. All of this captures our intuitive insight that what is special about speech acts, what makes them different from other kinds of behavior, is that they have meaning. If I scratch my nose or comb my hair or walk around, my acts don't normally have meaning in the semantic sense. In order for them to have meaning, I must intend them as signals in a certain way, but for me to intend them as signals in that way is precisely for me to impose conditions of satisfaction on them which are additional to the simple conditions of satisfaction of my original intention that the intention itself should produce such and such bodily movements. Another way to get at this very simple insight is this: whatever else speaking and writing a lan guage consists in, it does consist in the production of certain physical events, such as making sounds out of one's mouth or making marks on paper. In that respect, it is just like any other human behavior. What is spe cial is that those sounds and marks acquire semantic properties. They acquire representational properties relating them to the rest of the world. Now the answer to the question "How is such a thing possible?" is that the
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mind imposes intentionality on these sounds and marks. That is, it imposes intentionality on entities that are not intrinsically intentional to start with. I said that this analysis would be in the Gricean tradition, but of course it is quite unlike anything that Grice actually ever suggested and I am sure he would find it unappealing. Why? Because I think his main message was that meaning could be analyzed in terms of the intention to communicate. This is the source of many, perhaps most, of the difficulties that his analysis encountered. On the analysis that I am proposing here, we are separating communicating from representing. And the heart of the meaning intention is the intention of representing, as is shown by the fact that one can say some thing, mean exactly what one says, and still not intend to communicate any thing to anybody. 2.
Meaning as a social phenomenon
So far we have been analyzing meaning and speech acts in terms of individual intentionality. It is as if the solitary subject could solipsistically impose conditions of satisfaction on his utterances and thus bestow meaning on what would otherwise be neutral sounds and marks in the world. But there is something profoundly misleading about this account and something is obviously absent. We can show this by imagining the following sorts of absurd situations. Could I now raise my arm and mean assertively "It is raining in Siberia"? Think what stage setting would be necessary for me to be able to do this. A simple case might be if for some reason we arranged a signalling code in advance, let's say as part of a game or as part of a device of communicating without words. Suppose we agreed in advance that if I raise my left arm, that means it is raining in Siberia; if I raise my right arm, that it means the sun is shining in Siberia. Now once we have imagined a prior agreement of this sort, then it is very easy to imagine that I might raise my arm with these meaning intentions. But of course, the prior agreement is precisely the establishment of a convention and the question that that raises is: what is the role of such conventions in setting up the possibility of meaning intention? Furthermore, the agreement was itself a speech act, or required the performance of speech acts, so it looks like we are in the trad itional philosopher's puzzle that in order to explain how speech acts are possible we have to presuppose the performance of speech acts. So, we now have to turn to the second half of our analysis. Our ques tion is: what exactly is the role of such social phenomena as conventions, rules, practices, etc. in the performance of speech acts?
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If we were to construct an argument to show that the performance of speech acts, and thus the creation of speaker's meaning, essentially requires human practices, rules, and conventions the basic form of the argument, I believe, would have to be "transcendental" in the sense that it would assume the existence of speech acts, and then ask what are the conditions of possibility of speech acts? The specific form taken by that transcendental question, I believe, is this: what must be the case in order that on a given occasion by the expression of my intentionality I can, simply in virtue of my intentions, make an assertion or give an order or make a promise? I will not attempt to develop such a transcendental argument here, but simply point to some of its features and consequences. Assuming that the social phenomena form the conditions of possibility of speech acts, then on this conception the social-conventional aspects of language do not replace individual intentionality, but rather that intentionality is only able to func tion against the presupposition of social rules, conventions and practices. To paraphrase a question of Wittgenstein's we might ask: would it be possi ble for one human being to have made a promise to another human being at only one time in the entire history of the universe? And our inclination is to say "No", because something only counts as a promise if it is a part of a general institution of practice of promising. And to deepen this insight, we might ask: what sort of a fact is it that someone made a promise any how? And it looks like it could not be just a fact about naked human inten tionality and about the perception of that intentionality on the part of hear ers. Why not? Well, the sort of intentions that a person has to have in order to make a promise require reference to phenomena which logically require the existence of human institutions. In the same way that the sorts of inten tions that one has in buying and selling necessarily make reference to such institutions as those of property and money. So for example, in order to make a promise a speaker has to have the intention to undertake an obliga tion. But the notion of an obligation is not, so to speak, a notion of natural history, referring to a natural phenomenon, referring to something that can exist apart from human practices and institutions. And similarly with many of the most interesting kinds of speech acts. For example, if a person makes a statement, his utterance commits him to the truth of the expressed propo sition. And if it is to be a genuine statement, it must be intended to commit him to the truth of the proposition. But the notion of a commitment in statements, like the notion of an obligation in promises, is also an institu tional notion.
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Now when I wrote Speech Acts, I made part of this claim by saying: First, that the performance of the speech act, and thus the creation of meaning, was not a matter of brute fact, but for at least a large class of types of speech acts, it essentially involved institutional facts; second, that institutional facts were made possible by systems of constitutive rules; and third, that the same system of constitutive rules could be invoked in differ ent languages by the differing conventions of those languages. The picture that I had at that time was the following: Different languages have different conventions for achieving the same speech act. For example, what I can achieve in English by saying "I promise...", I achieve in French by saying "Je promets...", or in German by saying "Ich verspreche...". But second, these three different conventional realizations are all realizations of the same underlying constitutive rules namely the rule that says the making of a promise counts as the undertaking of an obligation to do something, nor mally for the benefit of the hearer. And that rule is not itself a convention of English or French or German, but is a constitutive rule of the institution of promising. Since I wrote Speech Acts I have come to the conclusion that in addi tion to the constitutive rules of various institutions and the conventional realization of those rules in different languages, a thorough analysis also requires a recognition of the existence of background abilities and practices which enable human beings to communicate at all, or to have intentional states at all. In addition, then, to the apparatus of institutional facts, con stitutive rules and different conventional realizations of constitutive rules in the literal meaning of expressions, it now seems to me we require also what I call the background. I will now consider several of these elements in turn and discuss the question of how they relate to the conditions of possibility of the creation of speaker's meaning in the performance of speech acts. Conventions The existence of conventions of particular languages is not a necessary condition for the performance of speech acts in general. Such conventions are not conditions of the possibility of there being speech acts at all. This is shown, for example, by fact that one can perform speech acts to people with whom one shares no common language. However, for the expression of any reasonably complex speech act, such as explaining the operation of an internal combustion engine, or describing the history of the Roman Empire, some system of representation of a conventional kind is necessary,
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some system other than the sorts of gestures and iconic devices that one is able to use to indicate that one is, for example, thirsty or sleepy. Rules Certain types of speech acts require constitutive rules, and certain other types do not. Assertions and promises require constitutive rules. All of those speech acts that require extra-linguistic institutions, such as pro nouncing somebody man and wife, declaring war, adjourning a meeting, etc., require constitutive rules. But some speech acts, usually of a rather simple kind, such as greetings and simple requests, do not in this way require systems of constitutive rules. Why not? Because in each case the content of the intention which is communicated to the hearer does not make reference to anything that requires the existence of constitutive rules. So for example, if I make a simple request to someone, then I need to rep resent the state of affairs that I wish brought about and I need to communi cate to the hearer the representation of this state of affairs and that my speech act will be satisfied only if the hearer brings about that state of affairs in virtue of the fact that I have performed the speech act. But I don't in addition need to make reference to any institutional notions, such as commitment or obligation. The test for whether or not a particular type of speech act requires con stitutive rules can now be stated generally: Does the content of the meaning intention or of the communicating intention make reference to entities that require the existence of constitutive rules? Implicit in this test itself is an important negative theoretical claim — viz., the concepts of representaton and communication are not themselves institutional in this sense. The con cept of imposing conditions of satisfaction of entities that are not intrinsi cally intentional to start with and the concept of attempting to get hearers to recognize one's intention to do that do not, as such, require the existence of constitutive rules, even though in particular forms, these intentions will require constitutive rules. On my present view, the notions of meaning and communicating are not themselves institutional notions. Shared human background abilities All intentional phenomena — whether beliefs, desires, hopes, fears, or whatnot — require non-intentional background capacities in order to func tion. By that I mean that the intentional states only determine their condi-
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tions of satisfaction, and thus only function as intentional states, given a set of capacities for applying the intentional states. Intentionality is not, so to speak, self-interpreting, or self-applying. The easiest way to see this point is to see that one and the same sentence or expression with the same literal meaning will have different applications, will, e.g., determine different sets of truth conditions, given different background practices. I have argued for this at some length elsewhere (1983, ch.5; 1980) using the examples of ordi nary, common English verbs like "cut" and "open". For these cases I argue that one and the same literal meaning determines different conditions of satisfaction given different background practices. Thus, "cut" in "Cut the grass" has a different interpretation from "cut" in "Cut the cake", not because of a difference in semantic content, but because of different prac tices that we have regarding grass and cakes. "Open the door" and "Open your eyes", analogously, have the same semantic content in the verb but are interpreted quite differently given our different abilities as manifested in our practices. The important thing about these background abilities for the present purposes is that they are not themselves representational. They do not consist in a set of rules or beliefs or representations of other sorts. In these cases, knowing how cannot be reduced to knowing that. The argu ment for this point is first that if you try to specify the background practices as sets of rules or propositions, you get a regress — you never know when to stop because each of the propositions itself requires further background abilities for its interpretation, so you never get finished spelling out the background. But, second, in a sense you never get started either, because the set of propositions you can write down are never quite enough to fix the correct interpretation of the intentional content. The correct inference, I believe, from these, admittedly sketchy, arguments is that the set of capacities that enables us to apply intentional contents do not themselves consist in intentional contents and could not consist in intentional contents. One of the implications of these points for the present discussion is that the capacity to symbolize itself, the capacity to represent, to use objects and states of affairs as representations of other objects and states of affairs, seems to be precisely one such background capacity. It is presumably innate in human beings, since all normal human beings have it, and (as far as we know) it is developed in humans in a way that is vastly superior to any other animal. If this hypothesis is correct, then the systems of rules and conven tions that constitute our actual devices for performing speech acts rest on a background of human mental capacities that are not themselves rules and conventions, but pre-intentional abilities of a non-representational sort.
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A second thesis that is suggested by this hypothesis is that in the case of communication it is a precondition of our attempting to communicate that we take other organisms like ourselves as sharing the same background capacities. I do not just exercise my capacities to represent as a solipsistic manoeuvre, but rather, I do it as part of our sharing these capacities and our communicating with each other. There is in fact a great deal of vague talk in the Wittgensteinian tradi tion about the role of social practices in language and meaning. Since I believe a fair amount of this involves a confused view that there is an oppo sition between the role of individual subjectivity and the role of social prac tices, let me try to state now the relationship between these two as clearly as I can. The social capacities that we are talking about exist only in the minds of individual agents, individual speakers in the society. In addition to what is internalized in the minds/brains of the speakers there isn't some social practice that is, so to speak, out there independent of them. Social capacities are realized entirely in the individual brains of the members of any given society. The feature that makes them social practices is that they essentially refer to other agents in the society besides simply the speaker himself. They are social in the sense that their functioning requires contact between different agents in the society. But this in no way prevents them from being entirely realized in the individual brains. 3.
Conclusion
This essay has a very limited aim. I am trying to show how two appar ently inconsistent approaches to the philosophy of language and meaning can be reconciled. I am arguing that the approaches which emphasize indi vidual subjectivity on one hand, and social practices on the other hand, are not really in conflict as accounts of meaning and speech acts. My capacities to perform speech acts are realized entirely in my mind and my actual per formances of speech acts are expressions of my intentionality. But just as the expressions of my intentionality are often directed at other members of the society, indeed normally directed at other members of the society, so the capacities themselves make reference to other members of the society precisely because the capacities are social capacities. I have conversations, engage in buying and selling, and write philosophical articles as part of a social enterprise.
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References Austin, J.L. 1962. How to do Things with Words. Oxford: Oxford Univer sity Press. Grice, H.P. 1957. "Meaning." The Philosophical Review 79, 377-388. 1969. "Utterer's Meaning and Intentions." The Philosophical Review 78, 147-177. Searle, J.R. 1969. Speech Acts: An Essay in the Philosophy of Language. Cambridge: Cambridge University Press. . 1980. "The Background of Meaning." In Speech Act Theory and Prag matics, J.R. Searle, F. Kiefer and M. Bierwitsch (eds). Dordrecht: Reidel. . 1983. Intentionality. Cambridge: Cambridge University Press. . 1986. "Meaning, Communication and Representation." In Philosoph ical Grounds of Rationality, R. Grandy and R. Warner (eds). Oxford: Oxford University Press.
Linguistic meaning and intentionality: The compatibility of the 'linguistic turn' and the 'pragmatic turn' of meaning-theory within the framework of a transcendental semiotics Karl-Otto Apel
Exposition From the somewhat complicated sub-title of my paper it becomes obvi ous that there are some presuppositions of my whole project that need to be clarified in advance: presuppositions concerning facts as well as concerning terms — as for example the terms "linguistic turn", "pragmatic turn", and especially the somewhat esoteric term "transcendental semiotics". The best way for me to clarify, at least initially and approximately, those presuppos itions, it seems to me, is to tell a story about the pre-history of the present stage of the philosophy of language and semiotics from my subjective per spective. This might reveal and expose to some extent my own pre-notions and prejudices in the matter; and thereby, I think, better preconditions for mutual understanding are provided, at least at the beginning, than would be by abstract definitions and apparently self-sufficient (unconditional) arguments. I shall try to develop my argument within the context of my story which will gradually become a systematic account of the problems. The frame of my background-story may be marked by the following scheme of 3 stages: 1. 2.
the linguistic turn in philosophy and the abstractive fallacy of transcen dental semanticism; the pragmatic turn as the overcoming of the abstractive fallacy of trans cendental semanticism and hence as the completion of the linguistic turn as transcendental-pragmatic turn within the framework of a trans cendental semiotics;
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3.
the overturning of the pragmatic turn by reducing meaning to pre-linguistic intentions and the possibility of its refutation. Let me then start out with a very very rough and short reconstruction of the first stage.
1.
The linguistic turn in philosophy and the abstractive fallacy of transcendental semanticism
The first part or stage of my story may be represented by the "Trac tatus logico-philosophicus" of the early Wittgenstein and also, in a slightly different sense, by the constructive logical semantics of Carnap and Tarski. In Wittgenstein's "Tractatus", the linguistic turn of First Philosophy becomes obvious as a transcendental-semantic turn, so to speak. As such, it is marked first by the rigorous and throughgoing substitution of linguistic concepts in the place of the mentalistic concepts of modern philosophy from Descartes to Husserl, such as consciousness, judgement, thought or intention(ality). A good example for this substitution is the sentence "Der Gedanke ist der sinnvolle Satz" ("The thought is the meaningful sentence"). This first mark of the linguistic turn is supplemented by a second one which definitively determines the transcendental-semantic character of Wittgenstein's linguistic turn. What I mean is the replacement, so to speak, of Kant's "supreme principle of synthetic judgements" (viz. that "the condi tions of the possibility of experience are the conditions of the possibility of the objects of experience") by an equivalent postulate with regard to the transcendental-logical conditions of pure language as being the conditions of the possibility of facts as elements of a describable world. This transcendentalist interpretation of the "Tractatus", which was thoroughly carried through by Eric Stenius (1964), is sometimes called into question, but, in my opinion, it is sufficiently confirmed by Wittgenstein himself, e. g. in the following dictum from Vermischte Bemerkungen (1977: 27): "Die Grenze der Sprache zeigt sich in der Unmöglichkeit, die Tatsache zu beschreiben, die einem Satz entspricht (...), ohne eben den Satz zu wiederholen. (Wir haben es hier mit der Kantischen Lösung des Problems der Philosophie zu tun)." (The limit of language shows itself by the impossibility of describing the fact that corresponds to a sentence (...) without repeating precisely that sentence. (We are dealing here with the Kantian solution to the problem of philosophy. [trans. mine]).
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I would like to nail down the point of this statement by calling it the principle of the onto-semantic autonomy and methodological non-transcendability of language (cf. J. Leilich 1983); and I want to make clear from the beginning that, in a certain sense still to be clarified, I consider this princi ple an irreversible standard of this century's philosophy and a criterium by which at least part of the meaning of the so-called linguistic turn is defined. However, on Wittgenstein's account in the "Tractatus", the meaning of linguistic sentences about facts is not only intranscendable — at least in an intersubjectively valid form — by a pre-linguistic intuition of facts in themselves but even more so by a meta-linguistic reflection (i. e. reflection upon the representative function of language by language); for on Wittgenstein's account there is no self-referential use of language. Hence Wittgenstein's own meta-linguistic sentences about the relationship between the structure of language and the structure of the world are denounced and renounced as "non-sensical" at the end of the "Tractatus", as is well known (cf. sentences Nr. 6.54 and 7). This paradoxical overstatement of the transcendental character and function of the structure of sentences implies among other things that there is no I or subject of meaning-intentions or interpretations that could provide a transcendental status not only to the logical structure of language but also to the reflective use of language (or to reflective conventions about the use of language). Instead, there is, on Wittgenstein's account in the "Tractatus", only a transcendental I that — like an "extensionless point" — is absorbed, so to speak, by the logical form of language, such that the "limits of lan guage are the limits of my world" and "solipsism coincides with pure realism" (cf. sentences 5.64ff and 5.62ff). In my opinion, this version of linguistic transcendentalism has a degree of plausibility at best on the following presuppositions: 1. there should be only one pure language, or at least only one logical deep structure of all possible languages, that prescribes the ontological struc ture of the describable world once for all, so to speak, so that there wouldn't be any need for a reflective communication about language or for conventions about the logical grammar of language; 2. the whole language should consist of propositional sentences which have only one function, namely that of a representation of states of affairs, so that there are no self-expressive and communicative functions of language that could serve as a basis for a reflective communication about language and thus even for reflective conventions about its use;
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3. the reference of signs to real objects (within the context of the rep resentation of existing states of affairs by propositions) should be guaran teed somehow by the structure of language (say, by the depicting-function of elementary sentences as protocols of facts). The first part of these presuppositions — viz. the idea of one pure lan guage or at least one logical deep structure of all possible languages — was given up already by R. Carnap; it was replaced by a pluralism of possible syntactico-semantical frame-works which took over, so to speak, the quasitranscendental function of prescribing the structure of scientific descriptions and explanations of the world of experience (cf. especially Carnap 1952). Now, even if Carnap's "principle of tolerance" with regard to the logi cal form of language might not be completely justifiable, in any event it became clear in this context that Wittgenstein's principle of the intranscendability of the syntactico-semantical form of language has to be transcended in a sense by the principle of metalinguistic reflection upon language, and that means eventually: reflective communication by language not only about (conventions about) the logical form of artificial languages that are to be constructed, but also about the use of the non-formalizable language that is presupposed by the construction as the ultimate pragmatic metalan guage, so to speak. I think, this methodological problem-situation already demonstrates that the quasi-transcendental conception of syntactico-semantical frameworks, which leads from Wittgenstein's "Tractatus" to the logical semantics of Carnap and Tarski, suffers from an abstractive fallacy, in other words, that it has to be supplemented by the conception of a (transcenden tal) pragmatics that could deal with the subjective-intersubjective conditions of the possibility of reflective communication by language about language. Carnap however, as is well known, did not recognize these problems as those of a theoretical philosophy but precluded their reflection by declaring all so-called "external questions" about the constitution of "semantical frameworks" to be purely "practical questions" (cf. Carnap 1952). In close connection to this aspect of logical semantics' abstractive fal lacy stands another one (that was also inherited from Wittgenstein's Trac tatus): that of reference to the real, or in Carnap's terminology: that of ver ification. For it quickly became clear that this problem transcended the scope of Tarski's explication of the concept of truth for abstract constructed semantical systems. Shouldn't there also be a problem of a transcendentalpragmatic explication of a criteriologically relevant concept of truth that
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could serve as a basis for the methodology of verification?(cf. Apel 1983). Also here, however, Carnap sees, not a further problem of theoretical philosophy, but only a problem of empirical pragmatics, i. e. of empirical (behavioristic) philosophy of scientific behavior of verification. At this point, I suggest, Charles W. Morris intervened in the develop ment with his Foundations of the Theory of Signs (1938) where he prop osed a three-dimensional semiotics, consisting of "syntactics", "semantics", and "pragmatics". Thereby Charles W. Morris, in a sense, brought to bear on the issue Charles S. Peirce's conception of a semiotics that is based on the triadic or three places-relation of the sign-function or semiosis: viz. the relation between the sign itself, its real referent and its user or interpreter. But, on a closer look into the matter, this claim of Morris' turns out to be thorougly misleading. For the pragmatic dimension, by which Morris actu ally supplements Carnap's logical syntactics and semantics, is not allowed to take over the same quasi-transcendental status as the syntactico-semantic framework has in Carnap's account. That is to say: the intentional or inter pretative use of the framework is not reflectively integrated, so to speak, into the quasi-transcendental function of the syntactico-semantical framework, but is conceived only as a possible object of empirical science, i.e., as a pos sible object of the semantic sign reference which already presupposes the syntactico-semantical framework and its actual interpretation (see Figure 1)· The reason for this de-potentiation of the pragmatic dimension of semiosis or, respectively, semiotics is to be found, I think, in the dogma of post-Russellian or, respectively, post-Tarskian logical semantics that there could not be such a thing as a linguistic self-reference of the sign-function or semiosis, for example of the meaning-intentions or the meaning-interpreta tions of the human subjects of semiosis as subjects. As a consequence, Mor ris and Carnap (who eventually accepted Morris' proposals) could only con ceive of pragmatics as a matter of empirical behavioristics; or, beyond that, at best as a matter of a constructive-formal pragmatics, that is: of a metalinguistic constructing of a syntactico-semantical framework for an empirical description of the use of language (cf. Carnap 1955, R. Martin 1959). But it seems clear that such a program of pragmatics cannot deal reflec tively with the pragmatic dimension of the constitution — say by explicit conventions — of syntactico-semantical frameworks for empirical descrip tions of the world. Hence it cannot deal with the quasi-transcendental func-
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tions of the pragmatical dimension of semiosis. Therefore it cannot com plete the linguistic turn of First Philosophy by showing that the whole triadic function of semiosis in Peirce's sense is the transcendental-semiotic condition of the possibility of our having intersubjectively valid knowledge about the world. On the contrary, Morris' and Carnap's introduction of the pragmatic dimension of semiosis reconfirmed the abstractive fallacy of the semanticist stage of the linguistic turn (see figure 1). 1 In what follows, I will try to illustrate in an affirmative way the differ ence between the Morris/Carnap conception of pragmatics and my own idea of a transcendental pragmatics within the framework of a transcenden tal semiotics. I thereby come to deal with the second part of my story. 2.
The pragmatic turn of meaning-theory as the overcoming of the abstractive fallacy of transcendental semanticism and as the comple tion of the linguistic turn as transcendental-pragmatic turn within the framework of transcendental semiotics
On the condition of the triadic or three places-relation structure of the sign-function or semiosis, there are two aspects or directions for a necessary overcoming of the abstractive fallacy of semanticism: One with regard to the so-called semantic dimension of sign-reference and one with regard to the so-called pragmatic dimension of the sign-use. The reason for this dou ble aspect to the problem lies in the fact that even the semantic dimension of reference poses a problem of pragmatics as has to be shown. Let us then first consider the so-called semantic dimension of sign-reference (Figure 1, left side of the scheme). 2.1 The integration of semantics and (transcendental) pragmatics with regard to the semantic dimension of sign-reference Contrary to Morris' suggestion in the Foundations (1938: 81), it has to be pointed out that the problem of identifying the real denotatum, which may or may not correspond to a designatum in the world of space and time, is not only a matter of the semantic dimension of a syntactico-semantical system. This is easy to recognize if one considers the fact that an abstract semantical system of language may contain designata that cannot at all be identified as denotata, as e. g. unicorns or hell or Santa Claus. Hence iden tifying a denotatum is a matter not only of the semantic but also of the prag-
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Figure 1.
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matic dimension of semiosis. There has to be a sign-interpreter (see Figure 1, right side of the triadic scheme of semiosis) in order to identify the real denotatum of a sign (Figure 1, left side of the triadic scheme of semiosis). But even Morris' pragmatics, i. e. his account of "sign-mediated behavior" (1938 and especially 1946), cannot show what identifying the referent of a proper name (or identifying an individual referent of a general name) really is. For he can at best describe an external causal chain of behavior that is supposed to connect the original object of denotation with the "organism" that uses the name (see Figure 1, left side: "empirical semiotics"). But, as J. Searle has recently shown once more in a brilliant discussion of the "causal theory of reference" (1983, ch. 9), an external description of the causal chain of behavior can never ensure that the mean ing intention of the user of a name correctly refers to its denotatum. In case of a so-called historical causal chain between the original baptism of a thing and the actual use of the proper name, the intentional content of the name may very well have changed at a certain stage of the chain, notwithstanding the continuous causal connection of verbal behavior. This happened with many proper names — as e. g. with the name "Madagascar" which before Marco Polo referred to some part of continental Africa — and I guess, with many general names whose etymological meaning is different from its actual meaning. Thus it becomes clear, it seems to me, that a pragmatics of identifying denotata must be an account of causal and intentional chains simultanously. It must be able, in principle, to trace the use of a name down to a situation where the meaning of the name — be it a proper name or a general — can be ostensively introduced, or re-introduced, in such a way that the user can intentionally and reflectively identify an existing and hence also causally effective referent. This is precisely the way Ch. Peirce has explicated the function of identifying real denotata with the aid of indexical signs (cf. Fitzgerald 1966, ch. III; Apel 1980, ch. 3; 1981; and 1983, 189ff.) One should think that identification of real referents as denotata of signs is even tually a case of complete integration of all three dimensions of the triadic sign-function or semiosis. For, in the situation of identifying a denotatum as an instance of a general name, the meaning-intention of the sign-user must not only coincide with the perception of the existing and causally effective referent but also fit in with the syntactico-semantical framework of a lan guage. Thus identifying a denotatum is a case of an encounter with the real world that is at the same time mediated by language and language-constitu-
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tive. Therefore it may serve as a paradigm-case for understanding, what I would call, the pragmatic completion of the linguistic turn in philosophy within the framework of a transcendental-semiotics. Thus far my semiotic account of the problems of sign-reference has been very roughly sketched. It passed over many intricate problems and, in order to suggest the possibility of a transcendental-semiotic integration of pragmatics and semantics, it neglected intentionally the differences between different special cases of identifying denotata: thus e.g. the difference between a subsumptive identifying of an exemplar of a well known species and, on the other hand, introducing a new general name, in order to be able to subsume a hitherto unknown phenomenon under this head; or the differ ence between these procedures and identifying the referent of a proper name. In what follows, I will discuss these problems a bit more thoroughly from the point of view of the following question: Is it really true that in all these cases a complete integration of the semantic and the pragmatic dimension of language comes about? That is to say: may one still claim, according to the linguistic turn, that mediation by language is a nontranscendable condition of the possibility of our identifying of something as something and thus of our intersubjectively valid knowledge of the world? One could conceive of objections to this claim from two perspectives: On the one hand, one could think that identifying the real denotatum is a matter of the mental intentionality of a subject of perception that is indepen dent from, or goes beyond, the meaning of the signs of a language-system. Thus the problem of identifying would lead us back to a mentalistic philosophy of intentionality, say in the sense of Brentano's philosophical psychology or of Husserlian Phenomenology. This seems indeed to be the opinion that underlies certain tendencies of a new philosophy of intention ality. On the other hand, one could rather argue that intentionality and lin guistic meaning in the sense of intentionality belong together, whereas refer ence to the real denotatum would lead us beyond both of these notions — say towards grasping the real essence or nature of things which causally determines the meaning of signs qua extensionality of names. This latter contention seems to make up the point of the post-Wittgensteinian realistic semantics of Saul Kripke (1972/80) and Hilary Putnam (cf. 1975, ch. 12). And this conception could also be considered incompatible with the linguis tic turn of philosophy, it appears.
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In the face of these diverging trends of the present theory of meaning qua reference, I shall try to show two things: First, there are indeed differ ent empirical affinities, and hence priorities, of the three angles of under standing meaning, namely extensionality, intensionality, and intentionality, with regard to the problem of reference. But, notwithstanding these differ ences there is also an internal relationship between the three concepts of meaning, such that it is not allowed, in the last resort, to separate them from one another. In other words, although the theory of reference leads beyond semanticism (in the Carnapian sense and in a narrow sense of lin guistic meaning or usage) it does not lead beyond the transcendental-semiotic postulate of an integration of semantics and pragmatics of language. I shall try to show this in a triangle-discussion, so to speak, with regard to the relations between the three concepts of meaning. 2.1.1 To begin with, I want to argue that it is not possible to separate the notion of referential intentionality, say in perceptual identifying of some thing as something, from the notion of public meaning qua intensionality of (proper or general) names. This holds in my opinion, although it is often possible and necessary to ascertain a difference between the factual inten tionality of perceptual reference and the conventional meaning qua inten sionality of those words in the light of which the identification of the refe rent is possible. In this context, the factual intentionality may both fall short of the public meaning qua intension or even transcend it in grasping the real essence of things. What does this mean? From a logician's point of view, I think, Frege was right to make an abstractive distinction between "Sinn" und "Bedeutung" — or, for that matter, intensionality and extensionality — of names, on the one hand, and the psychologically relevant concept of meaning-intentions, as e. g. "ideas" in the sense of John Locke, on the other hand. He thereby was able to sep arate methodically between ideal, "timeless" and "intersubjectively valid", meanings, to be dealt with in the formalizable context of logical truth trans fer, and particular, subjective mental states, to be dealt with in empirical psychology. If one were to argue that, after all, different people can be in the "same" psychological state — say by grasping the same intersubjectively valid meaning —, Frege could answer, I suggest, that this is just a postulate from the point of view of the logical semantics of Sinn. Indeed, a psycho linguist would never find empirically the same state of mind in two different people — or even in the same human being at different times — , but only
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— at best — sufficiently similiar states of intending the same public mean ing; the latter being, so to speak, the regulative principle of their thought and the necessary institutional fiction of their possible communication by language. That is to say, public meanings of sign-types of language, to be explicated as intensions, are indeed the ideal standards or paradigms of meaning-identity and hence of intersubjective (sometimes called "objec tive") validity of meaning. Platonism, always recurrent among mathemati cians and logicians, is just an ontological hypostatization of the abstractive notion of public meaning or intensionality, I suggest. This much from a logi cian's point of view. From an epistemological point of view, however, the abstractive sep aration between public meaning-intensions and subjective meaning-intentions has to be suspended, notwithstanding Frege's verdict against psychologism. The reason for this postulate is that logical semantics of a Fregean or Carnapian type would loose its meaningful function if we didn't suppose that the ideal, intersubjectively valid meanings of language-signs can be grasped, in principle, by every human being qua subject of meaningintentions. Otherwise we couldn't understand that different people can agree, in principle, on the intersubjective validity of an argument. Further more, it must even be possible for every subject of meaning-intention to contribute by his or hers meaning-intentions to the public meaning-intensions. Otherwise we could not understand that human experience can con stitute the content of public meaning-intensions of language-signs; for it is only the human subject of meaning-intentions that may realize the referencedimension of public meanings by identifying real denotata, as we know already. In short: suspending the abstractive separation between public meaning-intensions and subjective meaning-intentions turns out to be an implication of what we have postulated before under the label of an integra tion of abstract semantics by pragmatics. However, after what we have said about the difference, in principle, between ideal timeless meaning-intensions and empirical concepts of men tal states, it must also be clear that the subject of grasping ideal meaningintensions by meaning-intentions cannot be a possible object of empirical psychology (or another discipline of empirical pragmatics). In other words: in order to cope with traditional third world-Platonism of intersubjectively valid meaning-intensions by a philosophy of meaning-intentions, one needs to re-introduce the Kantian idea of a "transcendental subject". (Every human being must be able in principle, so to speak, to take over the role of
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the transcendental subject of cognition and meaning-intentionality.) This is what Husserl clearly understood, I suggest, in contradistinction to the pre sent revivers of so-called "philosophical psychology" (who sometimes even dream of reducing intentions to something in the brain). But Husserl, in accordance with the tradition of mentalistic transcen dentalism prior to the linguistic turn, went so far as to suppose that a transcendental ego-consciousness that would survive the "bracketing" of the world (including language and communication with other subjects) could constitute, in principle, all timeless meanings by its intentionality. In con tradistinction to this methodological solipsism, it has to be pointed out, in my opinion, that the single subject of intentionality even for his or hers selfunderstanding as "I" has to presuppose public, intensional meanings that must be always already carried by language-signs. The subject of intention ality can at best claim to share public meanings by sign-interpretations or to contribute to the publicly sharable meanings of language by his meaningintentions. The transcendental subject-function of the single subject of intentionality lies precisely in his or hers proposing (carrying forward) those meaning-claims — e. g. in the context of argumentative discourse — whose intersubjective validity may be confirmed by an indefinite community of sign-interpretation. Therefore the indefinite community of sign-interpreta tion, it seems to me in accordance with certain suggestions of Charles Peirce and Josiah Royce, is the definite transcendental subject of meaning-inten tions (and hence virtually of intersubjectively valid knowledge) (see Apel 1980, ch. 4 and 5; and 1983). The point of this semiotic transformation of transcendentalism lies in its accounting for the empirical facts, I suggest. Thus it is in good accordance with the fact that in modern societies the meaning-intentions of the single subjects of sign-interpretation, or of cognition in the light of sign-interpre tation, will usually — i. e. in case of the laymen — fall short of the public meanings (intensions and extensions) that are valid in the language-com munity, whereas sometimes — in case of the creative experts — they will even transcend them in adressing, so to speak, the indefinite community of sign-interpretation. Both facts are possible, I suggest, since (because) inten tionality, in contradistinction to public meaning qua intensionality, is needed for realizing pragmatically the semantic dimension of sign-reference by identifying real denotata. In order to illustrate this point further, let us now consider the relationship between intensionality and extensionality.
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2.1.2 The classical doctrine with respect to this problem says that the (ideal) intension of a name determines its possible extension, and this should hold quite independent of the factual intentions of human beings. Again, this tenet appears to me to be correct as a logician's argument against any version of psychologism. And in this sense one could be inclined to say that "meanings", i.e. intensions and extensions of terms, "are not in the head", to use Putnam's phrase (1975: 223ff.). Putnam, however, does not use this slogan in order to defend the classical tenet of logical semantics against psychologism but rather, I suggest, in order to question the classical position as a psychologistic one from an epistemological and ontological point of view. For him extensions of terms may be different from intensions and intentions (both of them being taken as mental states and thus far as "something in the head"); and in this case extensions have priority over both intensions and intentions, since the latter two express only subjective states of knowledge, so to speak, whereas the extensions vir tually represent the real essence of things (see Putnam 1975, ch. 12). Now, in the fact of this challenge, a first thought might be that, nonetheless, there must be after all some internal relationship between the extensions and the intensions and intentions, respectively. For, how should it otherwise be possible to speak meaningfully about extensions as meanings that are "not in the head". If the extensions were not determined at least by possible intensions, they could not be conceived as extensions of terms or names', and if they were completely different from our possible meaningintentions, which may function in our perceptual identifications of real denotata, then we could not know anything about them and could not even mean them. I think indeed that at least on the level of possible intentions, inten sions and extensions an internal relationship between the three concepts of meaning must be realizable. But we have already seen that this type of relationship does not dispense us from considering, and accounting for, important differences between the factual realizations of the three dimen sions of meaning. Now, with regard to Kripke's and Putnam's point, this problem may be illustrated e.g. by a case in which we do not succeed in sub suming a given material — let us say, some extraterrestrial stuff — under the head of a general concept. How should we identify in this case the strange stuff as subject of a sentence by which we could state the very impossibility of its determination with the aid of a possible intension of a term? If it were true that given things, i.e. individuals and supposed exemp-
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lars of natural kinds, could only be identified with the aid of possible inten sions of terms — as it indeed was the assumption of Leibniz and in a sense of Hegel —, then we would need to know everything about the strange thing — i. e. its complete intensional definition — in order only to say that we don't know anything about it. For, in order to say this, we would need to identify the thing with the aid of our conceptual knowledge about it. It was this paradoxical situation, which was exposed by New-Hegelians like Bradley and Royce, that provoked Charles Peirce to his explication of the semiotical and epistemological function of indexical signs — like "this", "there", "here", "now", "then", "I", "you", etc. —in the context of iden tifying real objects of perceptions as subjects of any further determination with the aid of general concepts (cf. Apel 1981: 137ff.) And, it was one of the main points in Kripke's and Putnam's realistic semantics, I suggest, to connect this indexical function of identifying with the function of names (i.e. proper names and general names of natural kinds. That is to say, Kripke and Putnam tried to detach the determination of the extension of names from the intensions or conceptual contents of names by instead connecting it with the indexical function that a name takes on by the "original baptism" of an individual — say "Aristotle" — or an (exemp lar of a) natural kind — say "gold" or "water" or "fish". In the case of iden tifying individuals by proper names, the determination of the extension by baptism would comprise everything that is identical with this (indexically identified) individual in every possible world. And this would detach the extension of the proper name from any definite description that could consti tute its intension on the basis of the fates (destinies) of the baptized indi vidual in some possible world. In the case of a natural kind, the determina tion of extension by baptism would comprise everything that is identical in its real essence with this (indexically identified) stuff in every possible world. And this determination would detach the extension of the general name — say of "water" or "gold" — from any conceptual content that could consti tute the intension of the term. In both cases, the name or term whose exten sion is indexically defined would be a "rigid designator", since (because) its "extension" would be independent from the different and changing concep tual contents that constitute the intensions of (proper or general) names, i.e. identical in every possible world. Now, against these proposals of indexical determinations or definitions of the extensions of names or terms, the following objections could be directed in the name of the postulate of the internal relationship between
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all three concepts of meaning. First, it may be said that only with the aid of indexical words,i.e. without any support by intensional determination, it is not possible, on Aristotle's and Peirce's account, to identify an individual or an exemplar of a natural kind. Indeed, an individual entity that is bap tized in such a way that its name could only be defined indexically by the word "this (there)" (Aristotle's τόδτεπ) or, for that matter, even a supposed natural kind that is baptized in such a way that the extension of its name could only be defined by the phrase "everything that is identical in its essence with this": such a thing would be a good example for an unknowa ble Ding an sich. Now, this interpretation is obviously not in accordance with Kripke's or Putnam's intention to rehabilitate an epistemological and ontological realism and even essentialism with the aid of a new semantics. Indeed, this method would also not fit in with Peirce's idea of ensuring — by indexical definition — that something encountered as real, but unknown thus far, may be progressively determined conceptually as subject of a sen tence. What then would be the right method in order to make use of a semantics of indexical definition of names? I think, the first requirement of the method would be to make sure that the indexical definition that is connected with the "original baptism" can be remembered and transferred by communication. For, as we have pointed out before in accordance with Searle, the "original baptism" and the com municative transfer of the name must not be confused with a causal reaction and its transfer, which could be the object of an external description of a "causal chain" of behavior. (Thus far the talk of a "causal theory of mean ing" is at least misleading.) Now, in order to provide for the fact that the causal transfer goes along with its control by an intentional transfer of meaning, we need a formulation of the indexical definition connected with the original baptism that goes beyond the above report about the encounter with the Ding an sich. How could it read? In order e.g. to refer by baptism to an individual in such a way that the indexical definition can be remembered and transferred by communication, it would at least be necessary to determine the extension of the attached proper name by a phrase somehow like this: "the child that was baptized at the time t at place ρ by person p". Now this is a definite description that pro vides a Fregean "Sinn" that at least initiates the intensional determination of the extension of the proper name by further definite descriptions. In the case of the "original baptism" of some (supposed) exemplar of a natural kind that cannot yet be subsumed under the head of a general concept —
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say by the name "baboo" — it would not even suffice to provide a definite description like: "the material that was baptized at time t and place ρ by person p", for this would not provide a sufficient determination of the extension of a (supposed) natural kind by indexical identification of its real essence. In order to achieve this, one either has to complement the indexi cal definition of "baboo" by some picture (say by a photograph) or to pro vide some description of the phenomenal qualities (and relations of qual ities) that point to the structure of the given material, such that one could arrive at a definition somewhat like: "baboo" means everything that is identical in its structure with that material that was baptized at time t and place ρ by person p; and the structure of "baboo" may be described by the following list of pheno menal qualities: ... But if this proposal should be relevant, then it would appear as if the intended detachment of the indexical definition of the extension of the name from its intension has already been proved impossible. This verdict, however, would be precipitous in a sense. For what has been shown thus far is only (again) that there must be an internal relationship between the inde xical definition of the possible extension and the definition of the possible intension of the name. But this does not prevent us from providing a defin ition of the extension of a name that — by its indexical dimension — is partly independent from our present concepts (i.e. from the factual inten sions of the words of our language) and thus open to a further intensionaí determination, e.g. by the progress of science. In this sense it may indeed be claimed that pragmatically the extension of all proper names (especially as they are used in history) is not defined definitively by definite descriptions (not even by a cluster of them!) but at least also by the open dimension of the indexical definition of proper names as "rigid designators". And it seems to be clear that only this type of (prag matical and semantical) definition ensures the possibility of progress in his torical research — say about the real biography of Plato or Aristotle. (This interpretation would not exclude, I suggest, that our definition of the mean ing of "Plato" and "Aristotle" by a cluster of definite descriptions could provide a necessary condition for our use of these proper names. The reason for this restriction of the scope of the indexical definition of the proper names as rigid designators would lie in the fact that historical per sons have attracted our cognitive interest not just by their being born and
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baptized, but by their having continued their real existence not in a possible world, but in our factual world of history.) Similarly it may be claimed that pragmatically the extension of all gen eral names of natural kinds (especially as they are used in natural science) is not defined definitively by the factual intensions (i.e. the conceptual con tent) of our terms but at least also by the open dimension of the indexical definition of the general names or terms as "rigid designators". And again only this type of a (pragmatical and semantical) definition ensures the pos sibility of scientific progress. In order to illustrate this latter point, I will briefly discuss Putnam's theory of a "linguistic division of labor" (1975: 227ff., cf. also J. Leilich 1983: 1ff and 162ff) which, it seems to me, is a very important empirical illustration for the possibility and necessity of an overcoming of the methodological solipsism of the traditional epistemology. The point of Put nam's theory may be summarized in the following way: At least in modern societies which are characterized by a differentiated social division of labor there must prevail a corresponding linguistic division of labor. This means that for almost every part of the first hand knowledge of things by experi ence, and hence for the corresponding knowledge about the extensions of general names, there are experts who by far outrun the laymen. These experts therefore really determine the public meaning of words. Now this theory is rather ambiguous with regard to our problem of the factual relationship between extensions or intensions as determinations of linguistic meanings. For, in one sense, the theory is in good accordance with the classical assumption that the extensions of terms are determined by their intensions. The experts, it may be claimed, are just marking out the public standards about the intensions of which the extensions are logically dependent; and thereby they may even determine, in a sense, the use of words by the laymen although these have no first hand knowledge about the extensions of most terms. (This interpretation is indeed supported lin guistically by the structuralist theory of "fields" of meanings or "word-con tents". For this theory may explain to a certain extent how laymen as com petent native speakers may in a certain sense correctly use words about which they have neither an adequate knowledge concerning the intensions nor the extensions. This holds good e.g. with regard to my own use of the word "gold" or "hemlock", and even of words like "elms" and "beeches".) In brief: the common use of a language just provides, so to speak, a prag matic proliferation of the collective knowledge about intensions of words
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and thereby enables laymen to dispose in a sense of the knowledge of the experts. Still there is another interpretation of the theory possible in light of the realistic semantics of Kripke and Putnam. The experts, it may be said, are not only competent for the factual standard determination of the intensions of terms and thereby for the public use of language, but they are also in charge of those (partly) indexical definitions of the extensions of terms as rigid designators that keep the dimension of intensional meaning of terms open to further determination; and they will usually even be a little bit ahead of the collective standard determination of intensions by their "tacit knowledge" by experience with respect to those extensions of terms that are not yet covered by the collective standard intensions. Thus far it may indeed be claimed that, in as far as scientific progress is determining the use of modern languages, there is a factual priority of the exploration of the exten sions of words over the fixation of their intensions. Again this statement does of course not refute our general claim that there is an internal relationship between possible ideal extensions and inten sions of terms and that on the level of this relationship the logical postulate of the determination of extensions by intensions must hold. But this claim must not be confused with the claim (suggested by abstract logical seman tics of constructed language-systems) that the extension of the words of a living language may be determined once and for all by the well defined intensions of the terms of a semantical system. For a constructed semantical system simply cannot keep up with the pragmatic difference between the factual intensions and the factual extensions of the words of a living lan guage, which has to keep up with the growth of human experience and especially with the progress of science. This shows only that the pragmatic difference between intensions and extensions requires a pragmatic comple tion of the linguistic turn of philosophy in order to overcome the abstractive fallacy of logical semantics in the Carnapian sense, as we have suggested previously. Now the pragmatic difference between extensions and intensions of the words of a living language must obviously be realized by acts of identifying real denotata of words, and that means: by referential intentionality. This fact leads us to the last problem of our triangle-discussion of the relation ship between the three paradigm concepts of meaning: What about the internal and factual relationship between Kripke's and Putnam's indexical definition of the extensions of names and the concept of referential inten tionality?
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2.1.3 After what we have said before about the rôle of intentionality in the (semantic and pragmatic) context of indexical identifying, it seems to be clear that not only the possible but even the factual intentionality of our indexical references must be able to keep up with the determination of meaning as extension. For it is just by the intentional content of our indexical definitions that we can open up a dimension of extensional meaning that transcends the factual intensions of our terms. At first sight, this point appears to make up the twist of Searle's recent argument against Putnam's contention that "meanings are not in the head" (see 1983, esp. p. 205f.) And I would indeed agree that the intentional content of an indexical defin ition must reach precisely as far as the extension of a term that is defined by the indexical definition, since otherwise it could not determine the empiri cal conditions of its satisfaction. Thus far it may be claimed that meaning is "in the head". (But this meaning of the metaphorical phrase can only be justified, in my opinion, if we at this point pesuppose a transcendental-epistemological, and not an empirical-psychological, concept of intentionalmeaning. The metaphysical paradigm or, respectively, pre-figuration of what I called a transcendental conception would be Aristotle's or, respec tively, Thomas Aquinas' dictum "anima quodammmodo omnia". It seems clear that Putnam did not have this conception in mind when he thought of "meanings in the head". He rather thought of contents of the mind in an empirical-psychological sense; and thus far he is right in claiming that "meanings are not in the head".) But Searle does not only claim to be right with regard to the meaningequation of "intentional content" and "indexical definition" but also with regard to the meaning-equation of "intentional content" and (factual) inten sion and thus thinks it possible to defend the traditional thesis that the intension determines the extension on this presupposition. Thus far his argument against Putnam may be summarized as follows: Premise (Searle along with Putnam): Two people, say Jones on Earth and his Doppelgänger twin Jones on twin Earth have type-identical mental states in saying: "I have a headache", but the extension of "I" in their verbalized thoughts is different, because it is determined by indexical definition. Conclusion (Searle against Putnam): In both cases the intension deter mines the extension since the intentional contents (that means: the selfreferential concepts Jones and Twin Jones have of themselves) are also different.
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It seems clear to me that Searle would be right in arguing this way against Putnam, if — and only if — it could be allowed to equate the dif ferent situation-bound indexical meanings of "I" in the two different utter ances of, respectively, Jones and Twin Jones with two different general concepts, and hence — in the case of our example — with two different intensions of the same sign-type. Searle, it seems to me, is seduced into making these assumptions by considering the indexical, self-referential selfconceptions of Jones and twin Jones — which are indeed different accord ing to the different intentional contents of their verbalized thoughts — as different concepts and hence intensions of the term "I". But this seems to me to be semiotically untenable since it in fact obscures the fruitful and indispensable distinction between general concepts or intensions of terms whose meaning must not be situation-bound, and indexical definitions. And it thereby obscures the good point in Putnam's distinction between the indexical definition of the extension of a term from a situation-bound point of view and the conceptual contents or intensions of terms. But things are indeed different with regard to the intentional content of the utterance of an indexical definition. This content, which must only be partly indexical, in order not to be cognitively blind, as we have argued pre viously (see above p. 37), may also be called intensional. Thus far Searle may be entitled to argue, "first, that if by 'intension' we mean intentional content then the intension of an utterance of an indexical expression (my emphasis) precisely does determine extension; and, second, that in perceptual cases two people can be in type-identical mental states (...) and their intentional contents can still be different; they can have different conditions of satisfaction." (1983: 207)
But this point is of course in good accordance with the claim of the realistic semantics that it is possible to transcend the intensional scope of our concepts (i.e. of the factual intensions of our terms or, respectively, words) by indexical definition of the extensions of terms as rigid desig nators. This becomes clear from Searle's interpretation of Putnam's exam ple concerning the meaning of "water" on Earth and on Twin Earth which according to Putnam is supposed to be intensionally identical, but extensionally different. It reads: "This indexical definition given by Jones on earth of 'water' is defined indexically as whatever is identical in structure with the stuff causing this visual experience, whatever that structure is. And the analysis for twin
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Jones on twin earth is: 'water' is defined indexically as whatever is identical in structure with the stuff causing this visual experience, whatever that structure is. Thus, in each case we have type-identical experiences but in fact in each case something different is meant. That is, in each case the conditions of satisfaction established by the mental content (in the head) is different because of the self-referentialitv of perceptual experiences." (Searle 1983: 208)
Still this example is paradoxical precisely from the point of view of Searle's concept of "intentional content". For it obviously supposes that Jones and twin Jones may actually mean different things although they know nothing about this difference. If we universalize this supposition, we arrive at the conclusion, already suggested previously, that the indexical definition of the extension of the real (i.e. its definition in the vein of Kripke's and Putnam's causal and realistic theory of meaning) amounts to a definition of the unknowable Ding an sich. For we would arrive at a situa tion where people could not know anything about that which they must define purely indexically: viz. the extension of the general name of the real which could read: "whatever is identical in essence with that which is caus ing (Kant says "affecting") this (i.e. my present) experience (e.g. of resis tance), whatever that structure is." According to Charles Peirce such a — purely indexical — definition is nonsensical beause it cannot show, in prin ciple, how the meaning of "identical in essence with ... this ..." could be conceptually interpreted. Thus it reduces the meaning of the real — to the limit case of a bumping (of the will of the I) against something in the night (the resistance of the non-I). Now this is obviously not supposed to be the meaning of Putnam's or, respectively, Searle's example. But it has to be noticed that Searle's inser tion of the phrase "in structure" (instead of "in essence") in the indexical definition and his emphasis on the "self-referentiality" of "perceptual experiences" does not change the paradoxical situation. On the contrary, the paradoxicality of the example rests precisely on the suggestion that Jones and Twin Jones are considered to have the same experiences, as far as their knowledge reaches, but different indexical (even self-referential) inten tions. This shows in my opinion that the given example, taken abstractively, demolishes the good sense of both Kripke's and Putnam's realistic seman tics and Searle's theory of intentionality. In order to avoid an abstractive fal lacy and make visible the good point of both theories, it is necessary, I suggest, to consider the example not as a paradigm case but as a limit case
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within the historical context of the development of human knowledge and of the meaning-content of human languages. The given example must not be universalized as such but considered from the point of view of those people who already know (say, by a better theory of water than that of Jones and twin Jones) that Jones and twin Jones in fact referred to different natural kinds (say, different species of water and something else). But, in order to conceive of the possibility of such a development of knowledge and of language, the example of the limit case is misleading, since it cannot show, in principle, how the fact that Jones and twin Jones were referring (on Searle's account, even somehow intentionally) to differ ent materials can be discovered and thus how the supposition of the seman tic theories can be verified. This becomes clear if we imagine the case where Jones detects — say as a member of a scientific expedition — that the "water" on Twin Earth is something quite different from "water" on Earth. This would possibly be an occasion for an "original baptism" in Kripke's sense. As I suggested previously, in such a case the indexical definition of the extension of the name must not only contain phrases like "identical in struc ture" and "causing this visual experience, whatever that structure is", but it must be supplemented by a picture or a description of the structure of the visual (or, for that matter, non-visual, but sensual) experience, say by a list of the qualities (and relations of qualities) that appear to make up the struc ture of the causally effective entity that is pointed to by "this". It has to be noticed that such a supplementation of the indexical defini tion of the extension of the name would not mean that the discoverer could already provide a conceptual definition by which he could subsume the phe nomenon under the head of some class. But he could indeed make his inde xical definition of the extension epistemologically relevant. For he would provide a meaning to the intentional content of his definition of the name that is neither purely indexical (and hence cognitively blind) nor completely conceptual (and hence not open for the still unknown real extension of the name qua rigid designator). But if this characterization of the rôle of the representation of the phenomenal (qualitatively given) structure is rele vant, then the whole dichotomy of indexical definition and conceptual defin ition (in the sense of a possible subsumption) does not suffice in order to deal adequately with the problem of the intension of the intentional content of a baptism-protocol. It does not sufficiently explain, how we can intro duce into the scientific discourse a newly discovered object of experience as
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subject of further determination. The theories thus far discussed do not yet suffice, it appears, to explain semiotically and epistemologically the prag matic difference and the possible continuum of meaning between exten sions, intensions and intentions. In what follows I shall therefore try to review the whole triangle-discus sion in terms of a transcendental semiotics that draws heavily on some basic conceptions of Charles Peirce. And, before entering into this conclusive discussion of the problem of reference, I want to re-call our leading question (see above p. 22) as to whether it may be shown that the identification of real referents as denotata of our signs amounts to showing that the linguistic turn of philosophy may be completed by a pragmatic turn, i. e. by a pragma tic integration of the semantic dimension of sign-reference (see Figure 1, left side!). 2.1.4 In order to introduce the tools of a Peircean semiotics into the discus sion of our problem, let us come back to our example of the "original bap tism" of a piece of extraterrestrial material by the name "baboo". As I pointed our previously, the baptism cannot be done by just pronouncing the name "baboo" as a physical reaction to the causal affection by the strange stuff, but it has to provide something like a baptism-protocol; that is, a little story about the procedure of identifying the referent of "baboo" which makes it possible to remember and to communicate the new name in such a way that its referent can be intentionally re-identified as that which was intentionally identified as cause of his experience by the first discoverer. In a Wittgensteinian vein one could say: the "original baptism" has already to be performed along the lines of a public rule of identifying that can be followed in a sense by the first discoverer as well as by all potentional reidentifiers. Thus far I would claim that the procedure of identifying within the context of the "original baptism" is already a step beyond the privacy of a pre-linguistic procedure of ascertaining evidence for just one conscious ness in the sense of methodological solipsism (from Descartes and Locke through Husserl). It is already the entrance into the range and realm of a public language-game (Wittgenstein) and of the indefinite community of sign-interpretation (Peirce). But it has to be noticed that the rule of the language-game of "original baptism" in the sense of Kripke precludes the possibility that the meaning of the name "baboo" might be explicated in terms of some factual use of language. Since the meaning of "baboo" is that of a rigid designator whose
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extension is the same in any possible world it must transcend, in a sense, the range of any language-game that is centered around the rules of a fac tual use of language. But this, it seems to me, is an essential feature of every explication of meaning on the level of the scientific (or philosophic) lan guage-game, a feature that is only made visible in a special way by the case of introducing a new and partly open meaning by the procedure of "original baptism". In principle, no explication of the meaning of a scientific term — say of "heavy" or "simultaneous" on the level of physics, or of "justice" or, for that matter, "meaning" on the level of philosophy — can be reached by just describing a given use of language. Rather we need an experiment of thought by which we could imagine how the term that is to be explicated could or had to be interpreted and hence used on the ground of all conceiv able experiences or, respectively practical consequences. This point of Peirce's "pragmatic maxime", in my opinion, constitutes the difference and the superiority of a normative transcendental-pragmatic approach to mean ing-explication over a Wittgensteinian pragmatics of language-use, not to speak of Morris' behavioristical pragmatics (cf. Apel 1973; 1980, ch. 4; and 1981). Let us then try to give a Peircean account of the procedure of identify ing that goes along with the discovery and original baptism of what is called "baboo". The discoverer, I suggest, might say to his companion (or, if this is not possible, to himself) something like this: "This thing over there — under the big tree in the foreground — looks so and so (to be specified by describing the perceptible qualities and relations of qualities that make up the phenomenal structure). On the basis of these perceptible qualities, I don't know how to determine what it is (i.e. under which general concept it could be subsumed). That is, I find it impossible at present to provide a conceptual subsumption of the given stuff on the basis of an abductive inference of the form: "This there is so and so; what is so and so might be an exemplar of "A". Hence, in order to provide for the possibility of a later deter mination on the basis of a re-identification, I will give it a name: I hereby baptize the given stuff by the name "baboo". I thereby define the extension of "baboo" as "being everything that is the same as this over there which now causes my present experience by presenting the following phenomenal structure (to be specified by a picture or by a list of phenomenal qualities)."
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The semiotically interesting feature of this account of an original bap tism, and that which goes beyond our former accounts, lies in its recourse to two classes of non-conceptual signs (in Peirce's terminology: "indices" and "icons") whose function is connected in our baptism-protocol in some way with the function of signs of general concepts (i.e. "symbols" in Peirce's ter minology). Thus all three classes of signs together will constitute, so to speak, the intension (in Searle's sense) of the "intentional content" of our protocol. Let us illustrate that in more detail: The use of linguistic indices (or rather quasi-indices, as has still to be shown) like "this" is needed, in order to testify to the existence of the given stuff and its causally affecting and, at the same time, being intentionally identified by the sign-user. The use of further linguistic indices like "over there" and "now" or "at present" concretizes the situation-reference of the protocol by indicating the space-time-relation of the phenomena to the sign-user and vice versa. Finally linguistic indices like "I" and "hereby" (and possibly "you" for adressing a companion) indicate the performance of the speech-act of baptizing as part of an explicitly or implicitly communica tive situation that may serve as point of departure for a further process of communication about the object of the original baptism. Thus far the recourse to indices reconfirms our prior analysis of the "original baptism" as utterance of an "indexical definition". But, in our example, the function of the linguistic indices is supported and supplemented by the function of icons (e.g. photographs) or what could be called linguistic quasi-icons in the sense of a Peircean semiotics. This function obviously makes up the new feature of our Peircean account which is not easy to explicate. Linguistic icons are used in the descriptive parts of our protocol; and they are functioning, so to speak, inside of the conceptual predicators by which the discoverer is describing the given qual ities (and relations of qualities ) that make up the phenomenal structure of the material that is to be baptized. This function of linguistic icons belongs to the indexical definition of "baboo" in so far as the qualities that make up the phenomenal structure are not described as pure phenomena of relation-free "suchness" (i.e. of "Firstness" in the sense of Peirce's theory of categories). That is to say, the phenomena are not described as merely possible qualities, but as qualities given for the consciousness of the discoverer whose attention is drawn to them by the function of the "indices". (The function of the indices corre-
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sponds to Peirce's category "Secondness" which expresses a dyadic or two places-relation, e.g. the encounter between the I and the Non-L But the function of the linguistic icons belongs also together with that of the conceptual predicators, inside of which they are functioning as quasiicons in describing the qualities of the given phenomena. By this quasiiconic function the conceptual predicators of the description are, so to speak, re-charged with a meaning-evidence that they can only acquire in the situation of perception but lose as abstract conceptual predicators. This means that the quasi-iconic function of predicators in the context of description (e.g. of perceptual judgements) does not so much serve to sub sume a given phenomenon under the head of a general concept or class but rather, in advance of that abstractive logical operation, to grasp and present the given quality (or perceptible structure) of the referent. Therefore lin guistic icons cannot function in the context of abstract — true or false — propositions about facts but only inside of perceptual judgements about what is actually given with "phenomenological" or "phaneroscopic" evidence — as in our example of the carefully described qualities of the strange stuff that cannot be subsumed under the head of some concept or class as yet. It is this function of the linguistic icons that obviously makes it possible to support and supplement the indexical definition of the extension of "baboo" by a description that is not yet a conceptual subsumption but makes the indexical definition cognitively (and hence epistemologically) rel evant by preparing, so to speak, for a later conceptual subsumption. Thus far this element of our semiotic account goes beyond the purely indexical account of the definition that belongs to the original baptism, but it is obvi ously in good accordance with Kripke's and Putnam's approach as well as with Searle's conception of the "intension" of the "intentional content" of the "utterance of the indexical definition". It covers indeed both the causal and the intentional aspect of referential identifying, and it especially sup ports the Kripkean claim that by baptism the real essence of individuals and of natural kinds is somehow grasped by and integrated into the names qua rigid designators — in contraposition to the nominalistic claim that all description with the aid of general concepts amounts merely to a linguistic arrangement of terms in the service of pragmatic purposes. This point of a convergence of our semiotic approach with that of essentialistic realism is certainly in agreement with the general spirit of Peirce's emphatic anti-nominalism. But in the face of this fact the crucial question of our present approach arises in a new and acute version: the
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question whether this semiotic approach must not rather represent a con traposition (with regard) to the linguistic turn of contemporary philosophy. This has in fact been claimed for Kripke's and Putnam's realistic theory of reference; and if this approach may be integrated into and, so to speak, "aufgehoben" in a Peircean semiotics, then the question arises, how the lat ter may be interpreted as a pragmatic completion of the linguistic turn, even in the sense of a transcendental semiotics. My answer to this question would be: a transcendental semiotics based on the Peircean transformation of Kant's "transcendental logic" (see Apel 1980, ch. 3; 1981; and 1983) provides a third way beyond and out of the traditional alternative of nominalism and essentialistic realism or, for that matter, of common sense-realism and transcendental criticism. It does so especially by a conception of semiotics that is capable of going beyond, and mediating between, the semanticist version of the linguistic turn, which is based only on the function of conceptual symbols (if not on the notion of abstract syntacticosemantical frameworks), and, on the other hand, the position of pre-linguistic ontology and transcendental philosophy (including Kantianism and Husserlian phenomenology). I can suggest this point in the present context only with regard to the problem of reference or, respec tively, of the triangle-discussion of the three concepts of meaning. Thus far I have wanted to suggest — along with Peirce — that the func tion of linguistic indices and icons, on the one hand, transcends any possible function of conceptual signs by fixing or tightening the language to causally effective real objects of perception and to their structural qualities. This function of the non-conceptual sign-types of language, which is bound up with the context of the perceptual situation, may indeed account semiotically for the indispensable evidence-basis of human cognition: i.e., in Peir cean terms, the dyadic relation ("Secondness") of the I's clash with the causal affections of the -I and the monadic (relation-free) suchness of the given phenomena ("Firstness"). Thus far Peircean semiotics refutes the precipitate contention (of logical semantics and semanticist philosophy of science, including even Popperianism) that evidence may be reduced to just a psychological feeling and hence means as much as nothing for epistemology in the face of the fact that all intersubjectively valid results of perception are impregnated by linguistic interpretation or, respectively, by theories. Peircean semiotics indeed saves against modern semanticism the truth-core of a Husserlian phenomenology of evidence and especially of the Aristote lian claim that perceptual judgements are incorrigible in a sense, i.e. with
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regard to given qualities in the sense of secondness and firstness. (Peirce offers also an evolutionist explanation of this property of perceptual judge ments: they function as boundaries (borders) and vehicles of transition between, on the one hand, natural processes of sign-information, not to be influenced by man, and, on the other hand, processes of sign-interpretation that make up the subject or topic of the normative semiotic logic of science.) (Cf. Apel 1981: 166.) On the other hand, however, Peircean semiotics also provides crucial arguments for the transcendental-pragmatic completion of the linguistic turn. For, in contradiction to Husserl's prelinguistic version of phenomenol ogy, Peircean semiotics holds that evidence of given phenomena in the sense of "Firstness" and "Secondness" is not (yet) the same as (intersubjectively valid) knowledge, as long as it is abstractively separated from the sym bolic interpretation which has to complete our cognition in the sense of the category Thirdness, i.e. of the conceptual mediation of the intuitively given phenomena with understanding or, respectively, reason. (Here Peircean semiotics amounts to a critical re-construction of the epistemological development from Kant to Hegel.) Correspondingly, Peircean semiotics cannot agree either with a pre-linguistic version of real essence-ontology or naturalistic causal theory of reference. For it must insist on the fact that even indexical and iconical signs, in as far as they function within the context of the "original baptism" (i.e. of indexical definition and, beyond that, of a structural description of the phenomenon), are linguistic signs, after all. This means that their function is interwoven with that of conceptual signs (i.e. symbols) in a twofold way. First, it has to be noticed that the whole text of our baptism-protocol, i.e. the text of our indexical definition and moreover the text of the accom panying structural description, must combine the function of all three clas ses of signs, i.e. indices, icons, and symbols in the Peircean terminology, in order to constitute the intension of the intentional content of that protocol. Secondly, it is time now to make clear what it means to say that the linguistic indices and, respectively, icons are only quasi-indices and quasiicons. In a sense one could say that in both cases they function only inside conceptual signs (i.e. symbols). Thus linguistic indices like "this", "that", "here", "there", "now", "then", "I", "you", etc. don't function like "indi ces" outside of language, say smoke as an index of fire or the pulse as an index of the blood-pressure. They rather include an element of conceptual thirdness, which even determines the type of their situation-bound second-
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ness. Thus the meaning of "this", in contradistinction to "that", is somehow determined by the conceptual distinction between "thisness" and "thatness" which is not situation-bound. The same holds with regard to "here", in con tradistinction to "there" etc. Nonetheless, Hegel was of course semiotically wrong when he acknowledged only this conceptual part, and thereby denied the situation-bound indexical part, of the meaning of these linguistic indices in his chapter on "Sinnliche Gewissheit" ("sensuous certainty") in his "Phaenomenologie des Geistes". Even his antagonist Ludwig Feuerbach, who insisted on the evidence of intuition, overlooked — like Hegel — the fact that there are linguistic signs, different from conceptual symbols, whose function is precisely to introduce and integrate the situation-bound evidence of intuition into the conceptual meaning of language. Still Hegel's talk of the "indetermined immediate" which, on his account, is denoted by the indexical signs would be correct, if it were not the case that the indexical signs are capable, within the context of the actual situation, to direct our attention (and intention) to given qualities (i.e. "Firstness"), possibly to qualities of hitherto unknown phenomena. This leads us to the other systematic-semiotical connection of sign-functions that was recognized by Peirce: that of a quasi-iconical grasping and presenting of qualities (in the sense of "Firstness") inside the conceptual meaning of predicators (i.e. "Thirdness"). As has already been suggested previously, it is the internal connection between all three types of linguistic signs that grounds the openness of the living language for an enrichment of meaning by human experience, espe cially by the progress of the sciences. In this context, it has to be emphazised that the integration of iconical meaning into the conceptual intensions of predicators within the context of the intensions of baptismprotocols remains semantically effective beyond that stage. It operates as a normative steering-function towards reaching the ideal "logical interpret ant" throughout the indefinite process of sign-interpretation that has to be postulated on Peirce's account of meaning explication. Thus one might con ceive of the entire history of the word "heavy" from its introduction by an ostensive definition of the underlying quality through its further determina tion by Newton's and finally Einstein's theory of gravitation. And also the later stages of such a process are not merely determined by conceptual interpretation but also by new situational confrontations (e.g. of the experiental consequences of theories) with the phenomena and hence by new occasions for an integration of all three sign-functions.
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On considering this semiotical theory of an integration of the concep tual and non-conceptual sign-functions, it becomes clear, I think, that this approach, which leads beyond abstract semanticism and saves phenomenological evidence, does not abandon, nonetheless, the linguistic turn in philosophy but rather completes it. It does so by means of a pragma tic integration of the semantic reference of linguistic signs that may be called transcendental-pragmatic for the following reasons: First, the Wittgensteinian point of a transcendental semantics, which I have introduced at the beginning (see p. 18) as a criterium for the linguistic turn, has not been abandoned but only — indeed — widened (expanded) by the paradigm of a baptism-protocol. This becomes clear if we consider only the intentional content of the original baptism which may be expressed by a ceremonial speech-act of the first discoverer that sounds like this: "I hereby baptize the material over there by the name "baboo" defin ing the extension of this name as comprising everything that is the same as this over there which now causes my present experiences by presenting the following phenomenal structure ..." We are here no longer — as in Wittgenstein's dictum — only con cerned with a propositional sentence that describes a fact, but rather with an expanded performative sentence that reflectively describes and thereby also performes the speech-act of identifying, baptizing and defining the given name. Thus, not only an objectively given state of affairs (a Wittgensteinian "fact") is described, but rather an historical situation and an human response to it. Nevertheless, the transcendental point of the Wittgensteinian statement is preserved. For it is not possible, in principle, for the performer of the original baptism, who thereby has to provide the initial stage of an interpretation process, to go somehow beyond the limits of his language-game. In order to achieve the same identification, baptism and definition, he has to repeat the same performative sentence. Second, as we have already intimated previously, the rule and the range of the language-game of the original baptism are somehow continued throughout the further interpretation-process, notwithstanding the possible progress in meaning-determination, in order to ensure the possibility of an intentional re-identification. Now, if we universalize this point with regard to identifying and interpreting what is called the real, we must recognize that there is no possibility, at any stage of the process, to go beyond the limit of the pertinent language- game. Just by pragmatically integrating the
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phenomenological dimensions of sign-reference, the transcendental-pragma tic point of the linguistic turn has been strengthened and shown to be nontranscendable. This may be clarified further, if we ask for the transcenden tal subject of the entire achievement of identification and interpretation. It obviously is no longer the transcendental consciousness of the I in the sense of the traditional mentalism and methodological solipism; although the transcendental consciousness of the I still retains the function of ascer taining evidence together with the function of intentionality and also of the synthesis of apperception in the sense of Kant. However, the transcendental subject in the sense of transcendental semiotics must not be defined with respect to the evidence of experience and meaning-intentionality but rather with respect to the possible intersubjective validity of meaning-interpretation and hence of possible knowledge. It has to be capable, in principle of func tioning as subject of an ultimate consensus about sign-interpretation and thus about all conceivable truth-criteria — as evidence of correspondence between intentions and given phenomena, coherence of sentences or theories, pragmatical fruitfulness of assumptions or strategies etc. (see Apel 1983). In brief: it can only be the indefinite, ideal community of signinterpretation, which on the level of the argumentative discourse could arrive at the "final opinion" about the real, as we must postulate by a "reg ulative idea" whatever the facts about the future might be. Considered as referent with regard to this subject of sign- interpretation, the real must no longer be defined as the unknowable Ding-an-sich, in the sense of Kant, but rather — with Peirce — as the indefinitely knowable that can never be fac tually known definitely. This definition in my opinion provides the point of an "Aufhebung" of common sense-realism into transcendental semiotics; for the point of the former — that the real is independant from anybody's thought about it — is very well compatible with the point of the latter: that the real as identifiable and conceivable must be the object of sign-interpre tation. This position may also be marked by the label of a meaning-critical realism (cf. Apel 1980, ch. 3; 1981: 25ff). 2.2 The integration of semantics and transcendental pragmatics with regard to the pragmatic dimension of sign-use Up to now we have considered primarily the problem of overcoming the abstractive fallacy of semanticism with regard to Morris' semantic dimension of sign-reference, i.e. of identifying real referents as denotata of
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signs (see left side of Figure 1). Since however this problem turned out to be one of a (transcendental-)pragmatic integration of semantics, we became already concerned with Morris' pragmatic dimension of semiosis, i.e. with the use of signs by an interpreter (as a member of a community of interpre tation) and in this context with self-referential intentionality (e.g. of the ceremonial speech-act of "original baptism"). In what follows, we shall con sider primarily the problem of overcoming the abstractive fallacy of semanticism with regard to Morris' pragmatic dimension of semiosis, i.e. with primary regard to intentionality and its expression by speech-acts as commu nicative acts (see right side of Figure 1). With regard to the dimension of sign-reference, the abstractive fallacy of semanticism came about by especially overlooking the problem of a pragmatical integration of semantics, e.g. of dealing with the problems of intentional identifying of real referents and with the pragmatic difference between (factual) extensions and (factual) intensions of linguistic terms. With regard to the dimension of sign-use, the abstractive fallacy of semanti cism comes about rather by overlooking the possible semantical integration of pragmatics, i.e. the linguistic aspect of the meaning-intentionality of speech-acts. In order to understand this point, we have to remember that the origi nal distinction of the semiotic dimensions in Morris' "Foundations of the Theory of Signs" (1938) was conceived primarily as a supplementation of Carnap's conception of abstract syntactico-semantical frameworks of con structed languages. Now, on these conditions, there is no need for a linguis tic semantics of the pragmatic use of language, since a Carnapian semanti cal system allows only for propositional sentences whose function is merely that of a representation of states of affairs. But things are quite different with natural languages which serve not only the purpose of representation but also that of expressing the pragmatic by non-propositional sentences. A good abstractive distinction between the different functions of natu ral language was offered by Karl Bühler in his Sprachtheorie (1934, § 2). He distinguished between the representation-function of propositions and, on the other hand, the functions of self-expression and of communicative appeal. But even Buhler was not prepared to account for the latter two functions as those of linguistic "symbols" but only as functions of "symptoms" and "signals". Accordingly, he and Karl Popper, who follows him, consider the two pragmatic functions as the "lower functions" of language which man has in common with the animals, in contradistinction to the representation-
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functions of propositions as carriers of possible truth (cf. Popper 1972, 134, 293n, 295; and 1972a; 41n, 120n, 150, 160n, 235; cf. also Apel 1980a). Thus far Bühler's and Popper's account is still in accordance with Carnap's abstract semanticism, since it conceives of the function of self-expression and appeal not as possible intentional and symbolically expressed dimen sions of linguistic meaning — to be taken into account e.g. in a theory of argumentation —, but as merely pragmatical functions to be dealt with only in empirical psychology and social science. A decisive break-through towards reflecting the non-propositional but nonetheless symbolical, and hence pragmatical and semantical functions of natural language was achieved, I suggest, by J. L. Austin's discovery of the "performative" phrases as linguistic expressions of "illocutionary acts" (cf. J. L. Austin 1962). This holds especially with regard to his late insight that the linguistic expression of the "illocutionary force" of speech-acts by per formatives is not only a matter of institutionalized, ceremonial formulas — like those of baptism or wedding —, but as a possibility, in principle, of making explicit the potential pragmatic force of every sentence whose utter ance would constitute a speech-act — even of a constative sentence, since it expresses not only a proposition but also the potential force of a constative, or assertive, act. — Why is this detection of the function of the performa tives a decisive break-through that goes beyond Bühler's and Popper's understanding of the non-representative functions of language? The point I have in mind was brought out partly by Strawson, partly by Searle, and partly by Habermas. Let me explicate this in turn and allow me to go sometimes a little beyond the presumable self-understanding of the authors mentioned. First, Peter Strawson (1964) brought together Austin's theory of "speech-acts" and Paul Grice's theory of "intentions" (cf. P. Grice 1957 and 1969). In doing so he tried to understand Austin's distinction between "il locutionary" and "perlocutionary" acts as indicating different kinds of intentions, such that merely the former are expressions of genuine meaningintentions by public language-signs, whereas the latter are a kind of covertly strategical acts whose intentions cannot be made public by conventional signs of language in order to fulfil their purposes. Already by Strawson's conceiving of illocutionary acts as expressions of meaning-intentions, it becomes clear, I think, that the non-representational functions of speech — i.e. self-expressions and appeal in terms of Bühler's theory — are not only functions of "symptoms" and "signals", as is the case
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with animal behavior (or, with humans, in the case of non-intentional expressions of psychical states or interpersonal relations that are studied in psychology and especially in psycho-pathology). In contradistinction to these sub-conscious functions, the non-representational functions of speech, as e.g. of performatives, obviously may symbolically express selfreferential meaning-intentions'andthereby become the medium of a public expression of self-reflection and responsibility with regard to interests and social claims — even with regard to the truth-claim that in statements is con nected with the representational function of propositions. For this truthclaim may be explicitly expressed by the performative sentence "I hereby affirm, ...". Furthermore, with Strawson's distinction between illocutionary acts and (coverly strategical) perlocutionary acts, it becomes clear, that the genuine meaning intentions, which may be expressed by performatives, i.e. by non-propositional types of sentences, are different from those intentions that cannot at all be expressed by the public medium of language, namely those of strategical intentions, e.g. of suggesting a certain image of the speaker. Both of these Strawsonian points, I understand, were pointed out once more by John Searle in his book Speech Acts (1969). For Searle made it clear in this book that genuine meaning-intentions, which are to be under stood as direct intentions of illocutionary acts must also be capable of being linguistically expressed by explicitly performative sentences. Searle made this point with his "principle of expressibility" which states that "whatever can be meant can be said", with the following qualifications: "...even in cases where it is in fact impossible to say exactly what I mean it is in principle possible to come to be able to say exactly what I mean. I can in principle if not in fact increase my knowledge of the language, or more radically, if the existing language or existing languages are not adequate to the task, if they simply lack the resources for saying what I mean, I can in principle at least enrich the language by introducing new terms or other devices into it." (1969: 19f.)
This qualification is supplemented by the other: that "the principle of expressibility does not imply that it is always possible to find or invent a form of expression that will produce all the effects in the hearer that one means to produce; for example, literary or poetic effects, emotions, beliefs, and so on." (1969: 20)
I would understand these qualifications as stating something like this: corresponding to what I have, is the preceding, called the pragmatic differ-
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ence between the fixed intension of terms and their possible extension as names of real referents, there is also a pragmatic difference between the conventional linguistic rules for expressing illocutionary acts and the mean ing-intentions one may wish to express by speech acts. But, as in the case of the triangle-discussion, we must also in this case take into account some thing like an internal relation between possible meaning-intentions, and possible conventional linguistic meanings. This means that, in both cases, one may suppose that a living language is open, in principle, to a public expression by conventional sign-types of those meaning-intentions that cannot be actually expressed in such a way as yet. In my opinion, these qualifications of the principle of expressibility are still to be supplemented by the following clause (which allows for a com pensation, so to speak, of the pragmatic difference by the communicative competence of the speaker): Within the situational context, it is always pos sible to express genuine meaning-intentions by non-conventional signs, e.g. by suggesting non-literal, occasional meanings of conventional linguistic signs or by the use of para- or extra-linguistic ad hoc-signs. But also in these cases the possibility of sharing a public meaning, at least by the speaker and the hearer, is dependent on the presupposition of the conventional meaning of sign-types of language by the occasional meanings of the ad hoc-signs; thus e.g. on the presupposition of the literal meaning of words by their metaphorical meaning. And beyond that it is dependent, I think, on the fact that sharable meanings of ad hoc-signs are based on successful ad hoc-con ventions about the use of the ad hoc-signs, so to speak. (cf, Apel 1981a: 103 ff.) (I need not speak in this context of non-linguistic sign-types — as e.g. those of signal-languages whose meanings are parasitic on those of conven tional linguistic sign-types — or of the use of signs by animals whose valid understanding as meaningful for us humans is always dependent on a re construction in the light of our understanding of conventional linguistic meanings.) In brief: in as far as the occasional meanings of ad hoc-signs may be understood as public or intersubjectively valid meanings, they are in fact both dependent on conventional linguistic meanings and virtually supplementing those meanings by ad hoc-conventions about public mean ings. On the condition of these qualifications, I think, Searle's "principle of expressibility" is valid; for it provides indeed the only criterium for a demarcation between genuine meaning intentions, which may be expressed, in principle, by illocutionary acts, and strategical pseudo-meaning-inten-
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tions, i.e. direct-intentions of perlocutionary effects which cannot be expres sed by illocutionary acts and hence cannot become publicly sharable (and thus intersubjectively valid) meanings at all. On the condition of the "princi ple of expressibility", direct intentions of perlocutionary effects, and, in this sense, attempts at "perlocutionary acts", can indeed only be understood as intentions of purposive rational actions that incidentally use language-signs as means or instruments for suggesting certain conclusions to the hearer — conclusions that cannot be expressed publicly, in principle. In accordance with the preceding, I think that Searle's "principle of expressibility" provides a crucial argument for the pragmatic completion of the linguistic turn in philosophy in the sense of my contention. For it shows, as Searle puts it himself, that: "there are ... not two irreducibly distinct semantic studies, one a study of the meaning of sentences and one a study of the performances of speech acts. For just as it is part of our notion of the meaning of a sentence that a literal utterance of that sentence with that meaning in a certain context would be the performance of a particular speech act, so it is part of our notion of a speech act that there is a possible (my emphasis, K.-O.A.) sen tence (or sentences) the utterance of which in a certain context would in virtue of its (or their) meaning constitute a performance of that speech act." (Searle 1969: 17)
In my opinion, it is an implication of this position that genuine mean ing-intentions must be capable, in principle, of being articulated publicly (i.e. as meaning-claims whose intersubjective validity can be redeemed in principle by the indefinite community of interpretation). And this would not be possible if there were no constitutive rules of "the" language, realized conventionally by some special language (i.e. "language"), by which the meaning intentions can be articulated publicly. Every special language, so to speak, is an institution for articulating meaning-intentions publicly, and since every special language is open to articulating any possible meaningintention, it is, so to speak, a quasi-transcendental institution providing — in a still contingent, historical form — the conditions of the possibility of intersubjectively valid meanings. This is of course a restatement of the point of the linguistic turn in philosophy; and from this restatement it follows already, I suggest, that (intersubjectively valid) meanings cannot be reduced to pre-linguistic inten tions, just because they are the necessary public articulations of genuine meaning-intentions which of course are, from an empirical-genetical point of view, the origins of meaning. This point has to be defended, F suggest,
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against those attempts at reducing meaning to pre-linguistic intentions that have become fashionable again in recent years in a revived "philosophical psychology" or "philosophy of mind". And in this context it has even to be defended, as has yet to be shown, against the psychologistic turn of John Searle himself in his last work "Intentionality" (1983). This brings me to the third part of my story. 3.
The overturning of the pragmatic turn by reducing meaning to pre-lin guistic intentions and the possibility of its refutation
3.1 Remarks on Gricean "intentionalist semantics" One strand of the new psychologistic turn is represented, as far as I can see, by Paul Grice's "intentionalist" theory of meaning (cf. 1957 and 1969) and the long series of attempted improvements and elaborations of this approach which, via S. R. Schiffer (1972) and J. Bennett (1976) leads to an integration of D. Lewis' theory of "conventions" (1969) and thus to a strategical game theory of perlocutionary interaction. It is this strand of communication-theory that, in my opinion, may in the first place be characterized by calling it an "overturning of the pragma tic turn of meaning-theory". For the leading strategy here is, from the beginning, to play down, so to speak, the linguistic institution of publicly sharable "timeless" (Grice) meanings by reducing meanings to the inten tions of purposive-rational actions of single actors. These actors, it is sup posed, try to realize — just by the instrument of language — some per locutionary effect, i.e. some response in or by the hearer that lies beyond the illocutionary effect of just understanding the publicly sharable meaning of a speech-did (say, some overt reaction or only some mental disposition — a belief or an emotion — of the hearer). The conventions of interaction and communication — and in this context even the meaning-conventions and hence finally the intersubjectively valid ''timeless" meanings — are to come about by the strategical game, i.e. by the rules of strategical reciprocity, of the intertwined purpositive-rational actions of the single actors. I think that this strategy of an intentionalist meaning-theory can be refuted as being incompatible even with the genuine meaning-intentions of human speakers. In order to show this, one need not deny that in almost every human communication also covertly strategical actions — such as e.g. suggestions of certain conclusions and emotional attitudes by rhetorical or
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other means and especially such a thing as "image-cultivation" — are in the play. But, as already Strawson (1964) has shown, the intentions of those directly perlocutionary intentions may be sharply distinguished from the non-strategical meaning-intentions that underlie illocutionary acts. These latter intentions may be called "verstaendigungssorientiert" (approxi mately: "oriented toward understandable and acceptable validity-claims") in contradistinction to those that are simply "erfolgsorientiert" (approxi mately: "oriented toward achieving a success for one's perlocutionary intentions"), to speak along with Habermas (1981, ch.III). And it is impor tant to notice, in this context, that those speech acts that are "erfolgsorien tiert" and hence use language only as an instrument — as e.g. acts of suggesting a certain "image" of the speaker — must nonetheless appear to be "verstaendigungsorientiert" at the surface, in order to reach their covertly strategical purposes. In short: direct perlocutionary acts must be parasitic upon the possibility and pretended actuality of illocutionary acts. However, in order not to misunderstand this point, I think two comments are needed. First, it has to be granted that also our illocutionary acts are usually "erfolgsorientiert", in a sense, and thus are means for reaching a perlocutio nary effect in the hearer. Thus e.g. informative statements wish to bring about some belief in the hearer; orders wish to be obeyed and hence to bring about some reaction, and even arguments are to convince the oppo nent and hence to bring about a conviction in his mind. But these per locutionary intentions are not those of direct perlocutionary (i.e. covertly strategical) acts in the sense of Strawson. For they make their intended per locutionary effects depend upon being first understood — on the level of a publicly sharable meaning-claim — and then, on the basis of this under standing, being judged and eventually accepted by the hearer with regard to their further validity-claims. Thus an informative statement is to be accepted as true before it is allowed to produce a belief; an order is to be accepted as legimitate before being obeyed; a condolence is to be accepted as sincere prior to its bringing about some feeling of consolation; and an argument is to be accepted as valid or sound before a conviction is acquired. (This obviously was Socrates' and Plato's point against the persuasive rhetorics.) I am here following Habermas's claim concerning the four universal "validity-claims" ("meaning-claim", "truth-claim", "sincerity-claim", nor mative "rightness-claim") that are bound up with illocutionary acts and
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make up the "binding force" of human speech by which a "communicative coordination" of human actions — in contradistinction to a strategical coor dination — may be reached. But I do not consider it useful to change — along with Habermas — the usual terminology and have the terms "illocutionary act" and "illocutionary effect" cover not only the "uptake" (Austin) or understanding of the speech-act but also its being accepted on the ground of its "binding force" (cf. Habermas 1981, vol.1: 391ff.; Apel 1983a: 411ff.). We simply cannot say "I hereby convince you", therefore the act of convincing cannot be an illocutionary act, although it surely can not be a direct perlocutionary act (i.e. a covertly strategical act) in Strawson's sense either. We should rather allow for a terminological distinction between three things: 1. 2. 3.
perlocutionary effects that are brought about accidently; perlocutionary effects that are brought about by a covertly strategical use of language; perlocutionary effects that are brought about by the binding force (of the validity claims) of our speech.
A second comment may be needed with regard to the relationship between Strawson's distinction of acts or, respectively, intentions and the Gricean type of "intentionalist semantics". As a matter of fact, Strawson (1964) even tried to improve on Grice's approach, in order to make it com patible with his distinction. And this tendency has been continued by offer ing further improvements of the so called "Gricean-mechanism". This means: the speaker-hearer-reciprocity of intentionality and knowledge was to be reflected in advance by the self-referential meaning-intention of the speaker to such an extent that a deception of the hearer by a covertly strategical perlocutionary act would be excluded. But I think it can be shown that this is impossible, in principle, as long as there is an asymmetry between the perlocutionary intention of the speaker and the possible knowledge of the hearer about the speaker's intention (cf. Apel 1981a: 93ff, and especially 1983a: 385ff.) This asymmetry, however, is a necessary implication of the Gricean approach. It can only be prevented if (and when) the speaker gives up using language only as an instrument, in order to reach some perlocutionary effect — be it even the effect of becoming totally trans parent in his intentions for the hearer. In order to realize a genuine meaning-intention, i.e. to express a mean ing that is symmetrically intelligible for the speaker and the hearer, the
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speaker has to restrict his intention to that of an illocutionary act whose effect is publicly sharable meaning. And in order to achieve this, he has to make his own and the hearer's understanding of his meaning-intention depend on the conventional meanings of language. For only conventional meanings of language provide the conditions of the possibility of intersubjec tively valid meanings as we have already pointed out. Since this situation holds for us humans to-day — a situation that is a transcendental condition of our arguments —, it seems to me to be completely irrelevant, in this con text, to take recourse to the psychological, historical or even evolutionist priority of pre-linguistic meaning-intentions which — as may perhaps be claimed — are not yet underlying the distinction between illocutionary and direct perlocutionary (i.e. covertly strategical) acts. However language may have come about genetically, for us it is the condition of the possibility of sharable meanings. Let us now consider the psychologistic turn of meaning-theory as it is represented by Searle's recent work on "Intentionality". 3.2 Remarks on Searle's "intentionalist semantics" The strategy of argument in Searle's latest book seems to be rather dif ferent from that of the Griceans; although it appears that also for Searle the difference between genuine meaning-intentions to be expressed by illocutio nary acts and the intentions of direct perlocutionary acts (cf. Searle 1969: 43ff, to 1983: 161) has now lost its significance. This must be the case, it seems to me, since Searle now has abandoned altogether his former account of meaning-intentions in terms of communicative-intentions (cf. 1983: 166). This means, as I understand, that he no longer holds his concept of meaning according to the performative-propositional double structure of illocutionary acts or, respectively, explicit sentences that express those acts. (This was Habermas's understanding of Searle's meaning-theory in SpeechActs; cf. Habermas 1971; 1976: 224ff.; 1981, vol. 1, ch. III; cf. also Apel 1980a). Instead, Searle now turns back to a pre-communicative and pre-linguistic paradigm of meaning in the sense of representation (Searle 1983: 164ff.) He summarizes his present position as follows (1983: 165): "Communicating is a matter of producing certain effects on one's hearers [here obviously illocutionary and perlocutionary effects are taken together!], but one can intend to represent something without caring at all about the effects on one's hearers. One can make a statement without
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intending to produce conviction or belief in one's hearers or without intending to get them to believe that the speaker believes what he says or indeed without even intending to get them to understand it at all." [my emphasis]
In the last sentence Searle's abandonment of his former ("illocutionary") concept of meaning is clearly formulated; and this means: his aban donment of what I have called in this paper the pragmatic completion of the linguistic turn by the theory of speech acts. The deeper reason for this turn is that he now thinks that "intentional states of the mind", as "beliefs", "desires" and "intentions" in the narrower sense of "intentionality", are more fundamental with regard to meaning than the linguistic meaning-conventions that rule the possible expressions of the meaning-intentions (1983: 160ff.). What arguments could be proposed in favor of these assumptions? Among the reasons for Searle's attempt at grounding the philosophy of language by a philosophy of the mind there are especially the following, as far as I can see: One reason is the quasi-Husserlian point that linguistic expressions as physical entities would not carry meaning at all if they were not animated, so to speak, by our pre-linguistic intentions and thus made the expressions of meaning (1983: 161f., 176ff.) Another important argument says that the "conditions of satisfaction" that are connected with illocutionary acts — as e.g. with statements, orders or promises — are primarily "conditions of satisfaction" with regard to the "intentional states" of the mind. "Thus, for example, my statement will be true if and only if the expressed belief is correct, my order will be obeyed if and only if the expressed wish or desire is fulfilled, and my promise will be kept if and only if my expres sed intention is carried out." (1983: 11)
Now, in trying to deal with these arguments, I will of course not deny that intentionality is a necessary precondition or ingredient of speech, i.e. of the use of language; or, in other words, that a satisfactory (adequate) philosophy of language must at the same time be an adequate philosophy of mind. For this contention belongs to the very point of my thesis that the abstractive fallacy of the semanticist stage of the linguistic turn has to be overcome by the pragmatic completion of the linguistic turn. I think that a particular merit of the speech act-theory lies precisely in the fact that the self-referentiality of the mind, which was made the founda tion of critical philosophy in modern times but was tabooed by logical semanticism since G. Frege and B. Russell, has been rediscovered and
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rehabilitated in a sense by Austin's detection of the performatives. This is even further confirmed by Searle's analysis of the "self-referentiality of indexical propositions" where he shows that and how the utterance of an indexical expression can have a "completing Fregean sense" because it expresses an "intentional content" that indicates relations that the object he is referring to has to the utterance itself (1983: 220ff.). This pragmatic com pletion of "sense" was overlooked by Frege and his semanticist followers, I would think, because they had a purely symbolical-conceptionalist idea of "sense", to speak along with Ch. Peirce. What then should I have to say in defending the linguistic turn against the psychologistic turn of the latest Searle? In general I would argue that Searle is now sinning against the spirit of his own "principle of expressibility", because he only considers the depen dence of illocutionary acts, and hence sentences,on intentional states of the mind (and the intentions to express them), but does not consider the inverse dependence of the meaning of intentional states on that of their possible expressions by illocutionary acts, and hence on explicit linguistic sentences. Let me try to show this in more detail with regard to his two arguments quoted before: In the first quasi-Husserlian argument, Searle is overlooking or disre garding — along with the whole pre-linguistic turn-philosophy — that one may not conceive oí physical entities as linguistic entities without presuppos ing already a structure — e.g. of relevant oppositions of sounds — that cor responds to a linguistic meaning-structure. This reflects the complementary prejudice that the intentional states of the mind could have the status of articulated meaning-intentions without already presupposing a structure of meaning-differences that is conventionally and thus publicly fixed (tight ened) to the linguistically relevant structures of physical entities, as e.g. sounds as phonemes. So it looks as if a solitary person, or mind, could ani mate the purely physical entities of language with publicly valid meaningintentions. Searle illustrates this conception of the relationship between pre-lin guistic meaning intentions and linguistic — or other possible — expressions of them by the following example: "It sometimes happens to me in a foreign country ... that I attempt to com municate with people who share no common language with me ... in such a situation I mean something by my gestures, whereas in another situation, by making the very same gestures, I might not mean anything." (1983:162)
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Searle seems to completely overlook in this story that those of his ges tures which are animated by meaning-intentions are by no means a func tional equivalent of linguistic entities, since their meanings are parasitical upon those linguistic meanings which Searle and his communicationpartners presupposed, even when they did not share a common language with each other but only with their compatriots, in forming their meaning intentions. Instead Searle offers the following one-sided account of the relationship between intentionality and linguistic meaning: "Since linguistic meaning is a form of derived Intentionality, its pos sibilities and limitations are set by the possibilities and limitations of Inten tionality. The main function which language derives from Intentionality is, obviously, its capacity to represent. Entities which are not intrinsically Intentional can be made Intentional by, so to speak, intentionally decre eing them to be so....new languages games are expressions of pre-existent form of Intentionality." (1983: 175)
This time-honored common sense idea of the relation of mind and lan guage (cf. Apel 1973) has been refuted most thoroughly, I think, by F. de Saussure. For he has shown at least this much: that language is the realm of mutual differentiation of "signifiants" and "signifiés", i.e. of physically based sign-vehicles and mentally based meanings, such that there are no pre-linguistic entities that could already claim the status of intersubjectively valid meanings. De Saussure made this point clear in passages such as the following: "Thought taken for itself is like a cloud of mist within which nothing is delimited. There are no prefixed ideas (representations), and nothing is determined before the appearance of language. Now, compared to this nebulous region, the sounds by themselves wouldn't present firmly outlined objects either. The soundmass is a little something definitely delimited and clearly determined; it is not a hollow form into which the thought fits itself but rather a plastic material that in its turn is devided in separate parts, in order to deliver designations that are needed by the thought. ... Hence neither a materialization of thoughts nor a spiritualization of sounds takes place but there is the somewhat mys terious fact that the 'sound-thought' brings about divisions and language works out units by shaping itself between two shapeless masses...". (1931: 132ff., my trans. from the German)
Moreover, even Searle himself, in his Speech-Acts (1969) gave an important hint to the indispensability of the conventional rules of language for the constitution of publicly valid meanings. What I mean is his distinc tion between "constitutive rules", which are the conditions of the possibility
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of all "institutional facts" of human culture, including special languages, and "regulative rules" which, as e.g. rules of technical skill, may refer immediately to natural activities, as e.g. eating or running. I think, if the conventional rules of language could be dispensed with in constituting ("in stitutional facts" of) meanings, then we could dispense with "constitutive rules" in favor of resorting to the "regulative rules" for purposive-rational actions. This is precisely the strategy of those representatives of an "intentionalist" meaning theory who try to explain the public validity of "time-less meanings" of language by recourse to pre-linguistic purposes of human actors within the frame of strategical interaction. But, as I already pointed out, these followers of the early Grice and of the economic theory of strategical games cannot explain the difference between illocutionary acts that constitute public meanings and those direct perlocutionary acts that are parasitic on the public meanings conveyed by illocutionary acts. The question of the constitution of the public validity of meanings brings me to answering the second argument of the latest Searle: At first sight, it seems to be a very strong argument to say that the conditions of satisfaction of illocutionary acts, as statements, orders or promises, are primarily those of intentional states of the mind, as beliefs, wishes, or purpo sive intentions. But on a closer look, one sees that also this argument is one-sided or, respectively, ambiguous. The ambiguity of the argument, as far I see, rests on the concept of "conditions of satisfaction". This concept suggests a parallelism and a one-sided dependence relation between illocutionary acts and intentional states, whereas, I think, there is a paral lelism and a difference and a mutual dependence between them. To suggest the point provisionally with regard to one of Searle's exam ples, I would say: it is of course true that "my statement will be true if and only if the expressed belief is correct (my emphasis!)", but I would like to supplement this truism with the following claim: If the correctness of my belief is to mean as much as intersubjectively validity which is be examined and re-confirmed publicly, then also the following proposition holds: My belief may be correct if and only if my corresponding statement may be proven to be true, i.e. intersubjectively valid. For, otherwise, proving the correctness of my belief may mean just as much as providing representa tional evidence, just for myself of the fact that a certain uninterpreted and possibly uninterpretable phenomenon that I suppose to exist is in fact given. This should in a sense provide a condition of satisfaction for my beliefbut, nevertheless, it is not yet (the same as) satisfying the truth-claim
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of a statement (cf. above p. 34 concerning the difference between a Husserlian and a transcendental-semiotic theory of truth). In order to elucidate this somewhat complicated contention, I will introduce at this point some tenets of J. Habermas' "universal" and "formal pragmatics" (cf. Habermas, 1976 and 1981, vol. I. ch. 3). Habermas, I would say in this context, received and elaborated precisely those points of Searle's early speech-act theory that have been disregarded or dropped, as it appears to me, by the later Searle. Thus from the "principle of expressibility", Habermas derived the conclusion that speech-acts as well as explicit sentences of human language have a partly performative and partly propositional "double structure". From this he further concluded that, in virtue of the "double structure", sentences can make explicit the universal validityclaims, i.e. claims of public or intersubjective validity, that constitute the "binding force", and hence are necessarily connected with, communicative acts of speech. Those validity-claims are: 1. 2. 3.
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the truth-claim which refers to the propositional part of a statement (or possibly to its existential presuppositions); the veracity — or sincerity — claim which refers to the intentional state of the mind that is expressed by a speech act; the normative rightness-claim which refers to a communicative act as part of a social action; and, I would emphasize, as a precondition for these three validity-claims; the meaning-claim which refers to the intended effect of an illocutionary act (in contradistinction e.g. to the strategically intended purpose of direct perlocutionary acts).
I am emphasizing this last point because it is only the sharing of the public meaning-claimed by illocutionary acts that makes it possible that the other three validity-claims of speech acts may be satisfied or redeemed, if it becomes necessary. At first sight, one could think that this conception of satisfying or redeeming validity-claims should aim at something very similiar as the later Searle's conception of satisfying the "conditions of satisfaction" of illocutio nary acts and, more fundamentally, of "intentional states of the mind". However, precisely at this point, an important difference becomes visible: a difference, I suggest, between a position that follows the strategy of a prag matic completion of the linguistic turn and a position that falls back behind the linguistic turn of philosophy in favor of a version of psychologism and methodological solipsism. Let us consider this more closely:
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As I already intimated, redeeming the truth-claim of a statement may be something quite different from proving the correctness of a belief, if the latter is not made dependent on the redeemability of the truth-claim of a statement. The reason for the difference is the following: A correctnessclaim of a belief that could be satisfied independently from understanding the truth-claim of a statement and thus be considered "more fundamental" than the latter, can only — indeed — rest on the representational evidence of a perception, say: the perception that there is a state of affairs like this (see Figure 2). Now, on Peirce's semiotic account, which I would follow, such evidence is that of an iconical representation of phaneroscopic Firstness. And this is not even a sufficient condition for grounding the truthclaim of a perceptual judgement. It is only — indeed — a necessary condi tion for an "abductive inference" that necessarily includes a languagemediated interpretation. The abductive inference would have the form: This there looks so and so; what looks so and so should be a case of p; hence this there should be a case of p. The result of such an interpretation may then be formulated by the statement "The cat is on the mat".
Figure 2.
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But this result of the interpretation is by no means a matter of course, philosophically, as Searle himself makes clear in his chapter on the "background" of understanding meaning which is at least also determined by our linguistic competence (cf. 1983, ch. 5). There may indeed be other interpretations of our picture — e.g. those that are based on a different apprehension (conception) of the animal or of the base it rests on, or even of the situation that is referred to by the "on". (This situation e.g. might be interpreted with the aid of a Newtonian or Einsteinian gravitation theory.) In any case, it is only the result of the interpretation, formulated by a state ment, that can be made the object of a truth-claim and of its satisfaction. Of course, in real life a belief will usually be already the result of a linguistic interpretation, but to this extent it is dependant on the conditions of satis faction of the truth-claim of a statement, and not the other way around, quod erat demonstrandum. The difference and the mutual dependence between the conditions of satisfaction of intentional states and those of public validity-claims of speech-acts becomes even more clear in the case of orders and the underly ing wishes and desires. For in this case, the specific validity-claim of an order and its difference from the meaning of a private wish or desire does not even become visible on Searle's account. In fact, it cannot be satisfied or redeemed just by satisfying the underlying wish or desire, as Searle suggests; for, as a normative rightness-claim, the validity-claim of an order has to be acknowledged and, if necessary, legitimated, whereas the wish or desire as an intentional state of the mind may only be fulfilled — poten tially, perhaps, as consequence of acknowledging the validity-claim of an order. Thus it becomes clear that the public meaning of a speech-act, in contradistinction from the intentional state of the mind that is said to deter mine the satisfaction conditions of a speech-act, must imply a reason for the hearer's understanding and accepting the message. In the case of a state ment the immediate reason is provided by its truth-claim, in the case of an order by its rightness-claim, but in the case of a simple imperative, the reason for obeying, which is suggested by the speech-act, need not be the legitimacy of a validity-claim. It may rather be provided in this case by the power that is behind the imperative or, respectively, by the sanctions to be expected in case of not-obeying (cf. Habermas 1981, vol. 1: 403ff.). Thus far it might even appear, as if there was only a difference, and no mutual dependence at all, between the satisfaction conditions of wishes and orders, and hence of "intentional states", on the one hand, and those of
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speech acts, on the other. But, I suggest, one should rather say — along with Habermas (1981, vol. 1: 403ff.) — that recognizing the conditions of the satisfaction of intentional states in Searle's sense is just one component of the conditions of the acceptability of speech acts, since the latter must con vey a binding force that is based on reasons beyond the satisfaction-condi tions of intentional states. Thus far one has to grant, that the illocutionary act of an order must, indeed, presuppose some sort of a wish or desire, which has to be fulfilled, even if e.g. a military order may sometimes be not the expression of the, pri vate wish or desire of the speaker. On the other hand, however, one must also realize that a wish or desire, in order to be fulfilled, in many cases has to be expressed by a speech act that has some "binding force", e.g. by an order or a demand or a question. Beyond this, I would claim that even the meaning of the most intimate wishes or desires, which may be fulfilled by good fortune, must be interpreted in light of language in order to be the meaning of some specific intentional state. This brings us back to the public meaning-claim of illocutionary acts which is indeed the most fundamental thing from the point of view of the linguistic turn in philosophy. For it is simply not possible to go behind this claim if we want to have a common basis for arguing. And arguing is the intranscendable basis for a philosophy after the linguistic turn if this turn is conceived of as a transcendental-semiotic turn (cf. Apel 1975). If my proceding critique of Searle's main arguments for his intentionalistic turn is justified, then it obviously cannot be true either that one can make a statement without intending to get some hearer to understand it (cf. Searle 1983: 165). For, if one makes a statement, one must commit one self to those universal validity-claims that are connected with speech, i.e. with its public meaning-claim. The case of a lonesome judgement — say a perceptual judgement on some given state of affairs — may easily be explained as a case of the "voiceless dialogue of the soul with itself" (Plato). And it seems clear that — after the linguistic turn — this "voiceless dialogue" can only be understood as an internalization of the normal public dialogue by speech. Otherwise we could not understand that even a lone some perceptual judgement participates in a public world-interpretation. To summarize my critique of the intentionalist move of the later Searle, I am inclined to say the following: by resorting to pre-linguistic and precommunicative representing intentional states, Searle seems to fall back to what I have called the "methodological solipsism" of the philosophy of
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mind or consciousness from Descartes to Husserl (cf. Apel 1980, passim). It is interesting to compare this result of Searle's "intentionalism" with the result of the other version of "intentionalism" which starts out from P. Grice and, via Schiffer, Lewis and J. Bennett, leads to a type of communi cation-theory that integrates a theory of conventions by a strategical gametheory of perlocutionary interaction. In a sense, this movement is a con traposition to Searle's mentalism, since it doesn't reduce meaning to a precommunicative state of the mind but rather to a trans-communicative pur pose of instrumental actions. With regard to the linguistic turn of philosophy it, eventually, has the same effect. For in both cases the pragmatic turn toward the meaning-inten tions of the human use of signs or language has been overturned in such a way that it becomes incompatible with the philosophical achievements of the linguistic turn. This means that in both cases the function of the trans cendental institution of language, i.e. the function of constituting intersubjec tively valid meanings by illocutionary acts, has been overlooked. (To say this with regard to Searle is a bit odd, since without his early work on "speech acts" I wouldn't have reached my present view of the pragmatic completion of the linguistic turn.) The most characteristic symptom of a complete loss of the transcen dental point of the linguistic turn is the tendency in the later Searle as in other representatives of "philosophical psychology" to go even beyond "in tentional states of the mind" and ground the theory of meaning on a theory of the "brain" (cf. Searle 1983: 160 ff.). There is of course nothing to say against a theory of the relations between language, the mind, and the brain. Therefore I don't wish to argue against Searle's special account of this topic (cf. 1983, ch.10). But the question is how to understand the talk about something being "more basic (or fundamental) than something else". There is no doubt that language and meaning "comes very late" in the biologicalevolutionist "order of priority". And there is no doubt either that the development of the brain is a biological condition of the possibility of the mind and to that extent of language. But the point of the linguistic turn was a transcendental one, as I tried to show from the beginning by recourse to Wittgenstein (see above p. 18). That is to say, it was a new answer — dif ferent from that of Kant — to the question of the conditions of the possibil ity of the intersubjective validity of what we can mean. Now it seems clear to me that from this point of view a theory of the brain cannot compete seri ously with the transcendental claim of modern philosophy of language (just
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as before it could not compete seriously with the transcendental claim of a philosophy of the mind or consciousness). For a theory of the brain cannot, of course, answer the question concerning the conditions of the possibility for our validity-claims in talking about the brain. My contention in this paper was to show that the transcendental func tion of First Philosophy (cf. Apel 1978) cannot be fulfilled by a purely semanticist version of the linguistic turn either. What I wanted to suggest is that it can be fulfilled by a transcendental-pragmatic completion of the lin guistic turn within the framework of a transcendental semiotics. Notes 1.
2.
I am here intentionally prefering the epistemologically and ontologically relevant explica tion of the triadic structure of semiosis to the immanent semiotic one which is based on the relation of the sign to its "immediate object" and its "interpretant", leaving outside the relations of the sign-function to the real object and the real subject of sign-mediated cognition (cf. Apel 1978 and 1983). This was not changed either by Morris' semiotical chief work "Signs, Language, and Behavior" (1946), which entrusted the function of a pragmatic integration of semiotics to a behavioristic approach which cannot cope with the communicative and self-reflective understanding of intentions (cf. Apel 1973).
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Observations épistémologiques A.J. Greimas
Si, absent bien malgré moi de cette réunion, j'ai tenu à me manifester de cette manière indirecte, c'est parce que je crois encore, dans le domaine des sciences sociales, à l'utilité des confrontations, substituables de préférence à des affrontements ou à des néantisations meprisantes. La confrontation me paraît susceptible de dégager non seulement de souhaitables rapprochements mais aussi de clarifier les divergences en précisant s'il s'agit de simples malen tendus, d'incompatibilités épistémoloques ou enfin de constats acceptés de non intersection des champs d'exercice considérés. C'est dans cet état d'es prit que j'essaierai de formuler quelques observations critiques sur le peu que je sais de la pragmatique en les mettant en parallèle avec les positions qu'adopte la sémiotique. Ce qui rend difficile, pour le sémioticien préoccupé de se construire, à l'aide d'interdéfinitions rigoureuses de ses concepts, un métalangage cohé rent, de situer le projet et de circonscrire les contours de la pragmatique, c'est d'abord un certain flou — de principe ou d'opportunité? — de ses démarches et de ses formulations où l'on rencontre tout aussi bien les formalisations de type logique que des notations en langue naturelle (cf., déjà chez Wiener, l'anglais comme métalangue pour le chinois). Tout se passe comme si la di versité de ses références épistémologiques se répercutait sur les procédures mises en place pour la description des "états de choses". On admet généralement que la conception originelle de la pragmatique soit celle de l'utilisation des restes dont la sémiotique conçue à la manière viennoise (syntaxe et sémantique réunies) n'arrivait pas à rendre compte: ces origines "plébéiennes" justifieraient peut-être en partie l'absence d'une théo rie générale explicative d'une masse de faits indiscutables et hétéroclites. On comprend aisément qu'un concours de circonstances — nous pensons plus particulièrement à la déception engendrée par les promesses non tenues de la
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grammaire génerative, mais surtout à la crise épistémoiogique que nous vi vons actuellement en sciences sociales — ait permis d'attribuer un contenu positif à ces restes, en revalorisant ainsi, de manière qui nous paraît excessi ve, le contexte aux dépens du texte, l'usage au lieu de la grammaire qui ne cesse pourtant pas d'exister pour autant. Un tel renversement de démarches semble à première vue légitime dans la mesure où il correspond aux oscillations paradigmatiques observables dans l'histoire de toute recherche, ces passages successifs d'un point de vue à un autre pouvant être considérés comme complémentaires et enrichissants. Il ne faut cependant pas oublier l'horizon épistémique stricto sensu sur le fond du quel se déroulent ces exercices: il s'agit de l'epistémé positiviste héritée du XIXe siècle, caractérisée, en ce qui nous concerne, par la conception stricte ment "représentationaliste" du langage, qui réduit celui-ci à la simple fonc tion de description d'"états de choses". Tout en se présentant comme une réaction contre cette attitude réductrice, la pragmatique se maintient, dans la plupart de ses démarches, dans le cadre étroit d'une logique de la référence et ne se pose, pour ainsi dire, qu'en s'opposant. Dès lors, elle apparaît comme la manifestation d'une querelle de famille positiviste qui ne peut nous concer ner. En effet, l'objet premier de la théorie sémiotique n'est pas, pour nous, l'analyse de la référence — ni même de l'illusion référentielle —, mais la dé termination des conditions de la production et la saisie du sens, tant il est vrai que les "états de choses", aussi sophistiqués soient-ils, ne rendront jamais compte, sans la participation active et primordiale du sujet, de la prise en charge, par l'homme, des significations du monde. C'est à partir des structu res élémentaires de la signification que la sémiotique déduit une grammaire sémio-narrative susceptible d'engendrer des objets sémiotiques, ces "états de choses imaginaires" qui peuplent nos univers individuels et nos cultures. Il existe, heureusement, sous la dénomination de la pragmatique, un champ d'exercice tout différent et qui paraît beaucoup plus proche de nos préoccupations. D'inspiration plus directement oxonienne — on peut re marquer que les pragmaticiens de cette tendance se réfèrent constamment aux représentants de la philosophie du langage ordinaire tels que Grice ou Searle, et non aux "représentationalistes" —, elle nous paraît plus familière ne serait-ce que parce que les acquis théoriques d'un Austin ont éte depuis longtemps intégrés par Emile Benveniste, sous la forme de réflexions sur l'énonciation et la mise en discours, dans l'ensemble de l'héritage saussurien. Pour le sémioticien qui considère spontanément l'énonciation — et
OBSERVATIONS ÉPISTÉMOLOGIQUES
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non son simulacre dans le discours — comme un faire linguistique, la pro blématique des actes de langage ne peut être que bienvenue. Tout au plus peut-il regretter que les explorations souvent pertinentes qu'il rencontre à ce propos se situent par trop à la surface linguistique, ne permettant pas d'embrayer sur une typologie des compétences des sujets, parlants ou sim plement agissants, étant donné surtout que dans d'autres domaines — ceux des présuppositions et des "implicatures", par example — la pragmatique est amenée à postuler l'existence d'un niveau de signification plus profond. Ce n'est pas tout: une des dernière découvertes de la pragmatique semble être celle du caractère indirect et louvoyant du discours. Cela ne peut que réjouir le coeur des Européens qui, bien avant les Mythologies de Roland Barthes, voyaient dans le langage non pas la couverture, quelque peu mo dulée par les valeurs de vérité, de la réalité des choses, mais un tissu de mensonges et un outil de la manipulation sociale: on voit que les points de vue sur la nécessité d'une certaine stratification du discours sont en train de se rapprocher. Une nouvelle avancée de la pragmatique a été faite par l'inscription du schêma d'inspiration austinienne rendant compte du fonctionnement du langage dans la situation de la communication prise dans son ensemble, re levant ainsi un jeu d'interactions des rôles éthico-modaux fort complexe. Cette percée reste, malheureusement, encore inexploitée, car au lieu de sti muler l'établissement d'une grammaire sémio-narrative — justifiant et ren dant compte des gesticulations et des tribulations des hommes, elle se satis fait pour l'instant, semble-t-il, d'un côté, d'une pragmatique conversation nelle fort intéressante, et de l'autre, de l'élaboration d'un inventaire ad libi tum de scenarii recouvrant les "situations". Devant l'élargissement conti nuel des champs problématiques et la prise de conscience des possibilités offertes à la démarche pragmatique, on assiste alors à une sorte de dissémi nation des recherches, les unes essayant d'occuper le terrain que voudrait se réserver la psychologie cognitive, les autres guignant du côté de la socio logie à la manière d'un Goffman. Victoire douteuse, qui risque d'aboutir à la constitution d'une sorte de psycho-socio-stylistique. Le sémioticien peut le dire avec d'autant plus de sérénité qu'un danger comparable menace également sa propre discipline dont les ambitions, avec, de plus, la prise en compte de la dimension discursive du langage et l'intégration des sémiotiques non linguistiques, paraissent tout aussi déme surées. Dans un cas comme dans l'autre, on ne peut espérer s'en sortir que par l'élaborations d'une théorie générale du langage qui postulerait comme
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complémentaires et nécessaires les relations de la syntaxe et de la sémanti que avec la pragmatique, tout comme la sémiotique essaie de concilier la grammaire sémio-narrative profonde avec la canonisation des procédures énonciatives de discursivisation. Cest à ce prix seulement que la pragmati que et la sémiotique pourront remplir leur fonction ancillaire — la plus noble — en contribuant à la constitution des sciences sociales. Les observations que voici doivent paraître — et elles le sont certaine ment — partielles et partiales, pertinentes et/ou impertinentes. Telles qu'el les sont, elles pourraient peut-être servir à introduire le débat annoncé, souhaité et souhaitable.
De quelques conditions sémiotiques de l'interaction Eric Landowski
1. Si, une fois de plus, pragmaticiens et sémioticiens se trouvent réunis, c'est assurément qu'ils ont quelque chose à se dire, c'est-à-dire — contexte oblige — à faire ensemble. Ce qui suppose, au mieux, l'existence d'une vi sée pour une part commune, en tout cas la reconnaissance réciproque d'un lieu problématique commun. Il y a quelques années, Herman Parret, pu bliant le gros recueil d'études pragmatiques que l'on sait, lui donnait pour titre:Le langage en contexte (Parret 1980). Ce que nous voudrions faire ap paraître ici, ce sont tout simplement les raisons pour lesquelles — en dépit des différences de terminologie et des divergences conceptuelles qu'elles re couvrent parfois — la formule proposée peut aussi, à quelques réserves près, convenir aux sémioticiens; non pas certes comme formulation dogma tique, mais comme titre d'un problème vis-à-vis duquel, on va le voir, la sémiotique, elle aussi, a quelques propositions théoriques et méthodologi ques à avancer. 2. Au cours des quinze à vingt dernières années, la sémiotique, telle que nous sommes quelques-uns autour d'A.J. Greimas à la pratiquer, a parcouru un itinéraire que l'on peut schématiquement retracer en distin guant trois grandes étapes. Née du dépassement de la lexicologie classique, la réflexion s'est d'abord située sur le plan des structures élémentaires condi tionnant la production et la saisie de la signification en général (analyse sémique d'inspiration hjelmslevienne, typologie de la différence dans la ligne de R. Jakobson, préfiguration du carré sémiotique). Forte de ces premières hypothèses, la recherche s'est alors tournée vers un niveau plus superficiel — si l'on peut dire —, celui où les contenus élémentaires préalablement ca tégorisés vont être investis dans des figures du monde (objets de valeur et sujets à caractère anthropomorphe) et, comme tels, manipulés selon certai nes régularités dont la reconnaissance et la systématisation aboutira à la
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construction d'une grammaire narrative. Enfin, dans la période la plus ré cente, c'est aux problèmes de la mise en discours des structures sémio-narratives des deux premiers niveaux ("profond" et "de surface") qu'à été consacré l'essentiel des efforts. Ainsi reconstitué a posteriori, le chemin parcouru 1 ne manquera pas de rappeler à certains une célèbre trilogie: après avoir formulé les principes d'une sémantique structurale conçue comme hiérachiquement première, on n'a fait, dira-t-on, que développer la syntaxe narrative qui en découle, quitte à intégrer finalement l'ensemble de cette construction dans le cadre d'une pragmatique discursive, supplément obligé si l'on voulait que la théo rie construite en immanence rejoigne à un moment donné l'empiricité des "faits sémiotiques", le langage "en contexte" dont nous sommes parti. Une telle interprétation est sans doute possible, et même tentante, mais elle ne nous paraît pas être la bonne: elle suggère l'idée d'une juxtaposition ou d'une superposition de problématiques quasi autonomes, qui ne correspond pas du tout à l'esprit et à la visée générale de la démarche que nous es sayons de présenter. Derrière ces réserves, ce n'est pas, pour autant, la tripartition peircéenne en tant que telle qui est en cause. Au contraire, même dans la perspective "européenne", structurale, qui est la nôtre, la distinc tion entre sémantique, syntaxe et pragmatique s'impose désormais comme une distinction heuristique de base qu'il ne s'agit nullement ici de récuser en bloc — quel qu'en soit, au demeurant, le caractère problématique, com me chacun sait. Ce qui fait problème en revanche, c'est la façon d'établir la correspon dance entre les éléments respectifs des deux systèmes conceptuels en pré sence: entre les trois rubriques de la classification de Peirce et de Morris, et les moments ou niveaux de la construction sémiotique de type structural dont nous nous réclamons. L'interprétation initiale par rapport à laquelle nous avons déjà marqué nos réserves reposait sur l'hypothèse d'une corres pondance biunivoque entre les éléments des deux systèmes: la reconstruc tion des structures élémentaires de la signification étant en ce cas assimilée à une pure "sémantique", la grammaire narrative à une simple "syntaxe", un seul niveau restait alors disponible pour l'émergence d'une "pragmati que", celui de la mise en discours. Et bien entendu, si cette optique devait être retenue, on serait fondé à dire que les sémioticiens se bornent au fond à reproduire l'attitude tant de fois reprochée à tant de linguistes (structura listes ou non) consistant soit, au pire, à ignorer complètement le contexte dans lequel s'insère leur objet2, soit, tout au plus, à tenter assez vainement
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de le récupérer par l'adjonction d'une sorte d'annexe plus ou moins hétéro gène par rapport au corps même de leur théorie. Or, nous croyons pouvoir affirmer, précisément, qu'il n'en va pas tout à fait ainsi dans le cas qui nous occupe. Ce qui suppose la possibilité de montrer — comme nous allons nous y attacher — que la composante pragmatique ne joue pas ici le rôle d'un simple supplément, mais qu'elle se trouve au contraire déjà présente, au même titre que les deux autres composantes, sémantique et syntaxique, dès les deux premiers des trois niveaux ci-dessus mentionnés. 3. Préalablement toutefois, une prise de position d'ordre général s'im pose, qui va conditionner tout le reste, et qui, venant d'un sémioticien, ne peut évidemment se situer à un autre niveau que celui de la conception même que l'on se fait du sens. En simplifiant à l'extrême, et sans entrer dans les implications philosophiques du problème, on peut considérer que deux attitudes fondamentales s'opposent sur ce point. La première, dont on trouverait sans doute l'illustration exemplaire chez un Carnap, et vis-à-vis de laquelle les pragmaticiens eux-mêmes ont eu à se démarquer3, se caractérise essentiellement, du moins à nos yeux, par son aspect référentiel. Dans cette optique fondée sur le postulat que le sens d'une proposition dépend de sa valeur de vérité, la seule sémantique possi ble sera une science du calcul logique effectuable à partir de la reconnais sance (elle-même non problématisée) des "états de choses" en référence auxquels les contenus propositionnels doivent être évalués: or on peut se demander ce que sont, en fait, lesdits états de choses. Ne prenons pas l'ex pression à la lettre et admettons que les "états" dont il est ici question ne renvoient pas nécessairement à une conception naïvement réaliste, mais peuvent aussi bien être conçus comme recouvrant des situations quelcon ques définies à l'intérieur d'une quantité indéterminée de mondes possi bles. Même en ce cas, c'est encore le même geste référentiel qui se mani feste dans la mesure où, saisie en termes ontologiques ou non (cf. J. Hintikka), c'est toujours la positivité d'un plan de réalité donné comme pre mier, "objectif", extérieur au sens, bref extra-sémiotique, qui arbitre l'exis tence d'une réalité corrélativement posée comme seconde, celle du sens précisément. Plus radicale, plus sceptique ou plus ironique, comme on voudra — et, à cet égard, plus proche peut-être d'un Wittgenstein qu'on ne le dit en gé néral —, la sémiotique s'interdit au contraire de prendre au sérieux quelque réfèrent mondain que ce soit. Non pas par quelque retour idéaliste du ba-
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lancier métaphysique, qui conduirait à nier le réel face à ceux qui se le don nent pour base de leurs calculs, mais en fonction d'une visée opératoire très précise. L'objectif est de rendre compte du sens. Mais les choses elles-mê mes, pour l'homme, ont un sens. Non seulement nous "communiquons", à l'aide de mots, de propositions, d'enoncés, d'actes de langage et de récits, mais aussi nous "lisons", nous interprétons, nous faisons signifier les cho ses, c'est-à-dire le monde sensible (ou imaginaire) qui nous environne. D'où il résulte que, si les états de choses dont il vient d'être question sont bien, d'une certaine manière, pertinents du point de vue de la saisie du sens, ce ne sera pas en tant que données immédiates mais — au même titre que les énoncés qui peuvent s'y référer — comme produits d'une compéten ce sémiotique apte à construire un monde signifiant. 4. De ce point de vue, il n'y a pas de frontières du sémiotique, mais tout au plus des sémiotiques différentes, les unes se manifestant à travers la diversité des langues naturelles, les autres appréhensibles seulement en tant que sémiotiques du monde naturel. C'est en intégrant ainsi délibérément dans son champ de pertinence la pluralité des systemes à l'œuvre dans la production du sens que la théorie sémiotique se donne les moyens de re nouveler l'approche d'une première série de phénomènes d'ordre pragmati que. Il y va en effet, dès le départ, d'une certaine conception du "contexte": ni en amont, ni en aval, mais au cœur du langage, telle pourrait être la for mule. Car si, d'un côté, il n'est fait acception d'aucune réalité première, avant le langage, qui fonderait le sens du sens, il n'y aura pas non plus de réalité ultime, après le langage, qui aurait pour fonction d'arrêter le sens du sens. Le mot langage étant entendu dans son sens le plus large, comme re couvrant l'ensemble des systèmes signifiants — linguistiques ou non — dis ponibles à l'intérieur d'une culture donnée, notre formule revient simple ment, on le voit, à redéfinir le soi-disant contexte, autrement dit le monde de référence (ou encore le "réel") comme un langage: un langage parmi d'autres, dont le privilège n'a rien de nécessaire ou d'absolu (n'étant de l'ordre ni de la primauté ontologique, ni même de la priorité logique) mais tient à la position qui lui est assignée par rapport à d'autres systèmes sémio tiques également construits. D'où, en ce qui concerne plus particulièrement l'analyse du discours linguistique proprement dit, le passage de l'approche logique fondée sur les critères de vérité et de fausseté appliqués aux rapports entre les discours et
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leur référence (entre le "linguistique" et l' "extra-linguistique") à une pro blématique de la véridiction visant à rendre compte de la production de cer tains effets de vérité, ou de réalité. Nous nous bornerons sur ce point à faire état des principales perspectives méthodologiques en cours d'élaboration. On sait le parti qui a été tiré, pour l'analyse des effets véridictoires du dis cours poétique, de la découverte de certaines formes d'organisation du dis cours reposant sur la mise en conformité structurelle des deux plans (ex pression et contenu) du langage; plus récemment, l'étude de divers types d'objets sémiotiques syncrétiques, associant par exemple, comme en publicité, le texte et l'image·, a permis de relever l'existence de correspon dances formelles plus complexes jouant non plus seulement d'un plan à l'autre d'un même langage, mais entre les plans respectifs de deux langages simultanément à l'œuvre, en l'occurrence entre l'agencement du signifiant visuel de l'annonce publicitaire et l'organisation des signifiés pris en charge sur la dimension linguistique (Floch 1981). Ces observations, les unes et les autres aujourd'hui rattachées à la problématique des systèmes dits semisymboliques, ne sont pas sans rappeler celles, plus anciennes, de Claude Lévi-Strauss sur le fonctionnement du discours mythique. Là aussi, la saisie de la signification passe par l'explicitation des corrélations réalisées, en profondeur, entre catégories relevant d'au moins deux systèmes sémiotiques distincts: entre les structures élémentaires sous-jacentes au discours linguis tique du mythe et celles propres aux systèmes (sémiotiques mais non linguistiques) de catégorisation du monde implicitement convoqués sous la forme de codes de référence ou de "registres" de nature très diverse (e.g. astronomique, zoologique, culinaire, etc.). Dans le même ordre d'idées, il faut enfin mentionner une tentative toute nouvelle de redéfinition du "réalisme" en littérature, là encore fondée sur la mise en lumière de procé dures d'homologation à fonction véridictoire, mais consistant cette fois à corréler l'organisation du système des valeurs propre à l'univers romanesque considéré, et celle du dispositif spatial (topographique et figuratif) que le texte se donne en même temps comme plan de référence (cf. Bertrand 1982). Toutes ces recherches, dira-t-on, sont bien loin des préoccupations im médiates du pragmaticien. Nous croyons pourtant qu'elles n'y sont pas si étrangères. En soulignant les fondements inter-sémiotiques de toute pro duction de sens, et en en explicitant d'ores et déjà certains fonctionne ments, elles indiquent au contraire, nous semble-t-il, une série de solutions possibles en vue d'un traitement intégré des problèmes de contexualisation des discours-objets. Encore n'est-ce là qu'une des facettes de la question
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d'ensemble, et les points de rencontre entre les démarches des uns et des autres devraient en tout cas apparaître de façon plus manifeste à mesure que nous allons, à partir de maintenant, nous rapprocher des niveaux plus superficiels du "parcours génératif' de la signification, familier aux sémioticiens. 5. Entre le niveau profond dont relèvent les structures élémentaires évoquées ci-dessus et celui des structures discursives, que nous laisserons quant à lui de côté (cf. Parret 1983), prend place le palier intermédiaire des structures dites de surface, objet de la grammaire narrative. Or ces dénomi nations techniques masquent une ambition de grande ampleur: il s'agit en réalité — du moins à terme — de la construction d'une théorie générale du faire, et en tout cas, dans l'immédiat, de l'élaboration d'une sémiotique de l' action; une telle entreprise, cela va de soi, ne peut pas ne pas entretenir quelques rapports avec le projet théorique, plus local quoique parallèle à notre sens, visant cette classe d'actes particuliers que sont les "actes de lan gage", familiers aux pragmaticiens. La difficulté de situer les zones de convergence possibles tient peutêtre d'abord à la généralité même de la conceptualisation sémiotique. Deux mouvements presque antithétiques se dessinent à cet égard. D'un côté, avec la pragmatique, on assiste à un élargissement progressif — et inélucta ble dirions-nous — du champ de pertinence initialement défini: s'agissant avant tout de rendre compte des fonctions "illocutoires" (vs "constatives") du langage, il a fallu, dès le départ, prévoir, à côté des critères explicatifs d'ordre strictement linguistique, l'intervention de facteurs qu'on ne peut si tuer qu'à la limite de la psychologie introspective (cf. les "conditions de sin cérité", chez J. L. Austin), y ajouter ou y substituer ensuite divers types de règles relevant en fait d'une anthropologie générale de la communication (cf. les "maximes conversationnelles" de H. P. Grice), pour introduire en fin la dimension proprement sociologique, avec la prise en considération, effective ou simplement projetée, des rôles et des statuts affectés aux parte naires de la communication (cf. par exemple Cicourel 1980). A partir et au tour du linguistique stricto sensu, la démarche intègre ainsi peu à peu, bon gré mal gré, les règles et les variables contextuelles indispensables pour accroî tre le degré d'adéquation (sinon de cohérence) de la théorie. Evidemment, nous schématisons beaucoup, pour plus de clarté. — Quoi qu'il en soit, la sémiotique narrative procède pour sa part en sens inverse. Elle part d'une définition aussi générale que possible de l'acte, au regard de laquelle l'acte linguistique pourra être traité comme un cas particulier.
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Défini au niveau le plus élémentaire comme transformation d'état, tout acte suppose — sémiotiquement parlant — au minimum la mise en relation de deux actants, l'un opérateur, l'autre objet du faire transformateur considéré. Rien n'exclut bien sûr que les opérations transformatrices ainsi visées n'aient tout simplement pour cible immédiate le monde physique comme tel, le sujet opérateur se trouvant en ce cas directement engagé sur la dimension pragmatique du faire, 4 par opposition à sa dimension cognitive. Mais rien n'exclut non plus que toute l'activité du sujet agissant se situe sur cette seconde dimension. A une condition évidemment, c'est que l'autre actant, le sujet "agi" soit lui-même regardé non plus comme un simple patient, destiné à subir l'action (ou, au mieux, à y résister par pure inertie), mais comme un partenaire ou un adversaire authentique, c'est-à-dire capable, réciproquement, de reconnaître ou de construire, en face de soi, la figure de l'autre en tant que son "partenaire" ou que son "adversaire". Les inter locuteurs réels se transformant ainsi mutuellement en actants dotés de compétences (modales) et de rôles (thématiques) spécifiques, ce sont ces déterminations syntaxiques et sémantiques qui, une fois assumées de part et d'autre, garantiront aux sujets leurs capacités respectives d'interaction, ou plus exactement en ce cas, de manipulation: leur pouvoir faire faire en tant qu'êtres de langage. L'objectif de la recherche en syntaxe et en sémantique narratives est précisément de construire des modèles généraux capables de rendre comp te, en termes homogènes, de la manière dont s'organise, entre partenaires de la communication, cette distribution de compétences dont dépend l'équilibre — toujours précaire et réversible — des rapports entre "manipu lateurs" et "manipulés". C'est ici que l'on retrouve, entre autres, les fac teurs de tous ordres — psychologiques, institutionnels, etc. — auxquels, on l'a vu, la théorie des actes de langage est obligée de faire appel. La spécifi cité de la démarche sémiotique à cet égard n'est évidemment pas d'ignorer ce type de déterminations mais, bien au contraire, de chercher à définir un principe de pertinence permettant de les intégrer dans le cadre d'une théo rie d'ensemble, et non plus de les traiter comme autant de variables ad hoc ou de surdéterminations externes. La question est donc celle de la "sémiotisation" du contexte, ou, mieux, de l'élaboration d'une sémiotique des situa tions. A côté des modèles de déictisation et d'aspectualisation spatio temporelle, qui relèvent du niveau discursif, la cheville ouvrière d'une aussi vaste entreprise est fournie par le concept sémio-narratif de modalisation, qui offre la possibilité, à la fois, de rendre compte du mode d'existence des objets pour les sujets agissants, et de leur propre compétence en tant que
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sujets communiquants. 5 6. Etant donné que, pour amorcer cette discussion, nous nous sommes fié à la valeur représentative d'un titre (Le langage en contexte), nous aime rions maintenant, pour clore notre tour d'horizon sur une formulation non moins emblématique, proposer cette re-traduction — la moins mauvaise sans doute en termes de sémiotique narrative — du titre de J.L. Austin: How to do things with words: (Quand dire, c'est faire) Quand faire croire, c'est faire faire. Ainsi réécrite, la formule prend beaucoup de liberté par rapport à la lettre du texte originel mais n'en trahit pas, à notre avis, l'esprit. Car derrière la façade des mots (words) et des choses (things), c'est d'une problématique beaucoup plus générale qu'il s'agit. D'une part, aux "mots" du discours, il convient de substituer la notion élargie de pratiques signifiantes, compte tenu de la diversité des systèmes de langage — verbal, mais aussi gestuel, spatial, etc. — à même de concourir à la définition modale des conditions d'interaction entre sujets. Il est clair d'autre part que ce ne sont pas ici les "choses" elles-mêmes qui sont directement en cause et que le faire (to do) dont il est question n'est pas celui du sujet opérateur transformant le mon de, mais bien le faire manipulatoire d'un méta-sujet destinateur exerçant sa capacité de faire agir ses semblables (et bien sûr aussi, à l'occasion, de se faire agir soi-même). Notre proposition se ramène donc à distinguer deux dimensions fondamentales du faire: une dimension présupposante, celle de la performance réalisée (sous forme de comportements quelconques, somatiques ou verbaux: e.g. l'acte de répondre, ou de refuser de répondre à une question); et une dimension présupposée, éventuellement tenue implicite, où se règle — où se "négocie" (cf. Sbisà et Fabbri 1981) sous forme d'affrontements et d'agréments d'ordre purement cognitif — à la fois la définition des relations hiérarchiques entre partenaires, et celle des principes de reconnaissance, par les sujets, de leur univers contextuel commun en tant qu'espace signifiant, c'est-à- dire, là encore, modalisateur. La manipu lation (faire faire) passe ainsi par l'échange des simulacres actantiels (faire croire); une fois réalisée, elle scelle rétroactivement l'accord des sujets relativement à la construction des états de choses et à la nature des relations qui les unissent (contrat fiduciaire).
CONDITIONS SÉMIOTIQUES D E L'INTERACTION
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Par rapport à la pragmatique linguistique, la sémiotique narrative in verse en fin de compte les priorités. Elle n'attache pas, de prime abord, beaucoup d'importance au fait qu'un ordre, une promesse, un constat, soit occurrentiellement réalisé à l'aide des formes verbales explicites et canoni ques, ou au moyen de quelque acte de langage indirect, ou encore par tel ou tel comportement gestuel approprié. Bien que du plus grand intérêt pour l'étude des mécanismes de la mise en discours, ces formes ne sont pas premières. Elles présupposent l'existence de structures plus profondes, qui seules les rendent opératoires — ce que reconnaît d'ailleurs implicitement la théorie des actes de langage en intégrant, au fur et à mesure, comme on l'a noté, divers types de variables contextuelles. D'où l'avantage méthodo logique des modèles actantiels et narratifs, qui, situés à un niveau d'abstrac tion plus élévé, traitent d'emblée de la production sémiotique des situations et de la construction des sujets — ou de leurs simulacres — c'est-à-dire des conditions structurelles de l'interaction. Notes 1.
Parcours auquel on pourrait associer une série de repères chronologiques en isolant, dans l'œuvre d'A.J. Greimas, un petit nombre de textes clefs: Sémantique structurale (1966); Du sens (et particulièrement "Eléments d'une grammaire narrative") (1970); Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage (1979, avec J. Courtés).
2.
La dernière mise en cause de ce type étant à notre connaissance due à Pierre Bourdieu (1982).
3.
Cf. par exemple François Récanati (1979).
4.
Et l'on voit ici s'esquisser le projet d'une "sémiotique pragmatique" au sens premier du terme, ou sémiotique de la praxis. Cf. sur ce point A.J. Greimas, "La soupe au pistou ou la construction d'un objet de valeur" (1983); également F. Bastide, "Le foie lavé" (1979); E. Landowski, "Pour une sémiotique de la stratégie" (1983).
5.
Cf. notamment Langages 43, 1976 ("Modalités") et Actes Sémiotiques-Bulletin 23, 1982 ("Figures de la manipulation").
Bibliographie Bastide, F. 1979. "Le foie lavé." Actes Sémiotiques - Documents I (7). Bertrand, Denis. 1982. "Du figuratif a l'abstrait. Les configurations de la spatialité dans Germinal." Actes Sémiotiques - Documents IV (39). (Art. rééd. in D. Bertrand, 1985, L'espace et le sens. Amsterdam: Benjamins.)
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Bourdieu, Pierre. 1982. Ce que parler veut dire. L'économie des échanges linguistiques. Paris: Fayard. Cicourel, A.V. 1980. "Language and Social Interaction: Philosophical and Empirical Issues." Working Paper, Centro Internazionale di Semiotica e di Linguistica 96. Urbino. Floch, Jean-Marie. 1981. "Sémiotique plastique et langage publicitaire." Actes Sémiotiques-Documents III (26). (Art. rééd. in Petites mythologies de l'œil et del'esprit. Amsterdam: Benjamins, 1985.) Greimas, A.J. 1966. Sémantique structurale. Paris: Seuil. . 1970. Du sens. Paris: Seuil. . 1983. "La soupe au pistou ou la construction d'un objet de valeur." Du sens II Paris: Seuil. Greimas, A.J. et Courtés, J. 1979. Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage. Paris: Hachette. Landowski, E. 1983. "Pour une sémiotique de la stratégie." Actes Sémiotiques - Bulletin VI (25). Parret, H. (éd.). 1980. Le langage en contexte. Etudes philosophiques et lin guistiques de pragmatique. Amsterdam: Benjamins. . 1983. "La mise en discours." Langages 70. Récanati, François. 1979. La transparence de l'énonciation. Pour introduire à la pragmatique. Paris: Seuil. Sbisà, Marina et Fabbri, Paolo. 1981. "Models for a Pragmatic Analysis." Journal of Pragmatics 4.
II Semiotics and pragmatics: History, theory and practice Sémiotique et pragmatique: Histoire, théorie et pratique 1. History/Histoire
La pragmatique du dialogue référentiel de Francis Jacques Françoise Armengaud
En la personne de Peirce se confondent le pionnier de la sémiotique, entendue dans sa plus vaste ambition,1 et le père du pragmatisme. Est-ce à dire pour autant que l'articulation entre la sémiotique et la pragmatique doive être tentée sur la base conceptuelle large d'une philosophie? Si l'on suit l'avis de H. Parret, rien n'est moins sûr. Il remarque en effet que quel que soit le degré, fort ou faible, de continuité retenue, l'attitude pragmati que peut être caractérisée de manière autonome.2 Il n'est plus indispensa ble aujourd'hui de rattacher la pragmatique comme discipline, i.e. comme ensemble de théories plus ou moins convergentes se disputant un même champ objectif, au mouvement doctrinal du pragmatisme. Si en effet ce dernier inspira quelques uns des fondateurs de la discipline, il n'alimente pas nécessairement les chercheurs contemporains. La pluralité même des pragmatiques témoigne de leur indépendance à cet égard.3 Plutôt qu'une réflexion sur les origines, je voudrais proposer ici une méditation topique. Elle engage la question capitale de la référence. Une question paradoxalement occultée dans nombre de recherches sur les signes et sur le langage, alors même qu'un philosophe de l'envergure de Quine, ouvrant une séance plénière du Congrès Mondial de Philosophie à Mon tréal en août 1983, déclarait en substance: le champ de problèmes ouverts par la question de la référence est au centre de la philosophie car il touche en même temps à l'ontologie, à l'épistémologie et à la sémantique. Or on voit que la tentation se fait jour, même chez Peirce, de résorber la référence au titre de notion purement intra-sémiotique grâce notamment au concept d'interprétant. Toutefois la caractérisation qu'il propose des in dex, par leur lien constitutif au contexte existentiel, empêche, localement du moins, la cloture sur soi du système des signes. C'est la richesse même
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de la pensée de Peirce de contenir ainsi plusieurs orientations virtuelles que les théoriciens ultérieurs développeront de manière autonome, voire diver gente. Il revient à Morris d'avoir, dans une systématisation proprement sé mantique, fait place explicitement à la référence et au contexte existentiel, là où peuvent s'agencer à la fois une théorie du sens, une théorie de la vé rité et une théorie des objets. Cela, non sans ménager la possibilité, pour un traitement ultérieur, de montrer la dépendance de la référence à l'égard de l'ordre pragmatique. La référence peut bien être dite relever d'une théorie générale des si gnes à condition de préciser que c'est en tant que concept sémanticopragmatique. Par contre si l'on envisage de restreindre la sémiotique à la délimitation étroite4 opérée par Saussure puis par Hjelmslev (sémiotique "structurale"), alors il convient sans doute de situer ainsi les choses avec Benvéniste: l'on n'accède à la référence par le langage que lorsque les mots sont en quelque sorte tirés de leur virtualité sémiotique pour s'actualiser en emploi dans le discours, où ils acquièrent valeur proprement sémantique. Reste alors à faire pleinement droit à la notion d'emploi ou d'usage, ce qui revient à prendre la mesure des exigences pragmatiques de la référence. On aura reconnu en ce dernier point le programme de recherche initié par Bar-Hillel et Strawson autour des années cinquante, et qui est resté l'un des plus puissants.5 Parmi les récents développements citons les études de Hintikka (sur les dialogues en quête d'information), de Stalnaker, de Donnellan, de Kripke, de Jacques enfin sur le dialogue référentiel. Elaboré en 1979, ce dernier concept m'a paru non seulement pertinent pour le thème retenu à ce colloque mais aussi propre à susciter une confrontation active préalable à tout concordisme. Son exploration procède à la fois, onl'dit, de la sémantique et de la pragmatique, dans l'effort pour déterminer com ment s'établit, dans le rapport interlocutif, notre rapport au monde. Si le langage est bien constitué comme un système de signes l'un de ses princi paux intérêts est de nous permettre de parler de ce qui n'est ni signe ni lan gage. Les auteurs précédemment cités partagent la conviction de Russell: "L'essentiel au sujet du langage est qu'il signifie, i.e. qu'il est en rapport avec quelque chose d'autre que lui-même, qui en principe est d'un autre or dre que le langage".6 Il y a sans doute trop de hâte à dire que tout est signe; s'il est indéniable que la moindre chose peut fonctionner comme signe, elle n'en a pas moins d'abord statut de réel auquel, grâce à d'autres signes, nous faisons référence, en parlant entre interlocuteurs. Ou mieux encore, nous
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co-référons, pour reprendre l'expression forgée par F. Jacques pour dési gner l'acte qui est le terme et la finalité du dialogue référentiel. 1.
Qu'est-ce qu'un dialogue référentiel?
1.
En tant que dialogue: c'est un échange de propos réglé par des princi pes de rationalité et de coopération entre des partenaires qui se recon naissent mutuellement comme interlocuteurs. Il est distingué de la conversation.
2.
En tant que référentiel: il vise à fixer une référence commune aux in terlocuteurs; il est distingué du dialogue sémantique, comme le dialo gue platonicien, qui vise à l'élucidation du sens.
3.
Il constitue une espèce du dialogue en quête d'information (information seeking dialog décrit par J. Hintikka, 1974). Son objectif est d'établir l'existence puis l'unicité d'un objet qui réponde à une description don née: qui est le χ tel que Px? En d'autres termes il s'agit de trancher des alternatives portant sur les diverses valeurs possibles d'une variable liée.
4.
Restrictivement, il faut préciser qu'il est un moment d'une situation communicative complexe, qui comporte en général d'autres moments (débat sémantique, confrontation polémique, e t c . ) . Mais cette re marque nous laisse encore au niveau empirique qui est par exemple ce lui où se place l'analyse conversationnelle. Il convient donc d'ajouter encore que c'est un moment abstrait, ou mieux un artefact construit par l'analyse. Aucun dialogue réel n'est en effet purement et exclusive ment référentiel. Enfin, toujours sur le chapitre des restrictions, on s'en tiendra, par souci de simplificiation, à un registre unique de moda lité: la croyance.
5.
Le dialogue référentiel ici présenté est le modèle élaboré par Francis Jacques dans les Dialogiques (1979). Il n'est tenu compte ni des analy ses appartenant à des articles ultérieurs, ni des textes préparatoires aux Dialogiques II encore à paraître (1985), ni non plus de travaux d'autres auteurs allant dans le même sens, comme les Foundations of Illocutionary Logic de J.R. Searle et D. Vanderveken. Il s'agit donc d'un modèle daté, si l'on veut, mais loin d'être hors d'usage et encore peu exploité.
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Dans quelle série logico-philosophique l'analyse du dialogue référentiel se place-t-elle?
A partir de la distinction frégéenne entre le sens (Sinn) et la référence ou dénotation (Bedeutung), on va de l'analyse purement logique de la réfé rence chez B. Russell au début du siècle à l'analyse dialogique de F. Jac ques en passant par l'introduction par Strawson des notions d'usage et de contexte et par celle d'acte illocutionnaire chez Austin et Searle. A quoi s'ajoutent la logique épistémique de Hintikka (théorie des mondes possi bles) et une conception de la pragmatique qui est celle de Stalnaker (1972): la proposition c'est la phrase et son contexte de profération; le contexte est lui-même élargi aux présuppositions des interlocuteurs. On sait qu'au début du siècle la linguistique saussurienne a mis le pro blème de la référence hors de son champ. La décision méthodologique d'exclusion frappait: la linguistique dite externe (psycho-et socio- politique) au profit de l'étude de la structure interne de la langue; les activités de pa role, considérées comme individuelles, au profit de la langue; la valeur r férentielle du signe eu égard au réel au profit de sa valeur différentielle au sein de la structure. A l'inverse, Russell, philosophe des sciences, s'intéresse à la valeur de vérité des propositions portant sur le monde, donc à la portée référentielle des expressions qui les composent. D'autre part, la logique étant devenue un calcul par la substitution, au rapport intensionnel des concepts, du rap port extensionnel des classes, il lui fallait élaborer des procédures permet tant de se référer aux individus composant les classes. De 1903 à 1905 Rus sell travaille à récuser l'identification des noms propres et des expressions dénotantes. C'est ainsi qu'il parvint à la fameuse théorie des descriptions. Une descriptions définie comme "l'auteur de Waverley" n'est pas un nom et ne dénote aucun individu. L'analyse la démembre en trois éléments: une qualification descriptive (avoir écrit l'oeuvre intitulée Waverley), une condition d'existence (il existe au moins un individu χ qui a écrit W.), une condition d'unicité (il existe au plus un individu qui a écrit W.). Ce qui se traduit par l'identification de l'individu χ à une valeur déterminée Cette analyse fournit une procédure de réduction ontologique. Il n'est plus néces saire d'assumer la subsistance d'entités fictives et impossibles (licornes et cercles carrés) pour préserver le sens et l'aptitude à être vraies ou fausses des propositions où apparaissent ces expressions. Pour ponctuelle qu'elle puisse paraître au premier abord, cette théorie n'en sera pas moins un mo dèle et une source pour le mouvement de la philosophie analytique.
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En divergence avec Saussure quant à l'admission comme objet d'étude de la dimension référentielle du signe, Russell n'en partageait pas moins avec lui l'exclusion de la parole et de l'usage. Qu'il s'agisse de la langue na turelle pour le premier ou de la langue artificielle de la logique pour le se cond, tous deux s'accordaient pour ne considérer que les règles structurales ou combinatoires internes aux énoncés, abstraction faite de leur utilisation effective. C'est P.F. Strawson qui, en 1950, montre que ce ne sont pas les expres sions qui ont une référence, mais les individus parlants qui font référence à l'aide des expressions. Il ne suffit donc pas d'étudier les énoncés abstraits. L'investigation doit être étendue aux énonciations portées par des actes de parole dont les locuteurs sont les agents. La question de la référence relève désormais d'une théorie de l'usage. Si le mot "pragmatique" n'apparaît pas chez Strawson (pas plus qu'il n'apparaît d'ailleurs chez Searle), l'esprit en est présent. Selon la perspective de Strawson, la détermination de la référence d'une phrase et, partant, de sa vérité ou de sa fausseté, requiert des infor mations qui doivent être cherchées dans son contexte d'usage: il faut savoir quand, où, comment, et par qui est prononcée la phrase. Autre nouveauté: à la différence de Russell, Strawson considère que les conditions d'existen ce et d'unicité imposées par l'usage des descriptions constituent des condi tions non de vérité, mais de succès de l'acte de référence. Si ces conditions de succès ne sont pas satisfaites, aucune évaluation de la proposition n'est possible. Egalement aux alentours de 1950, Bar-Hillel, recueillant via Carnap, les suggestions de Peirce et de Morris, habilitait l'étude des expressions dont la référence varie systématiquement avec l'emploi: les indexicals. Aus tin, lui, élaborait son analyse des énoncés performatifs qui devait conduire à la théorie des actes de langage. Si Austin a évolué et hésité sur l'extension à donner au concept de performatif, il n'en demeure pas moins que c'est par ce biais que la notion d'acte de langage a pris jour dans l'analyse logicophilosophique. A la fin des années soixante, Searle, systématisant et amplifiant les analyses d'Austin, définit à son tour les conditions de succès de la référen ce. Selon lui, tout locuteur qui, au moyen d'une description définie, propo se une référence, doit s'assurer que deux conditions sont satisfaites: 1. Que la description s'applique à un unique objet existant. Ce que Strawson avait déjà noté à titre de présuppositions d'existence et d'unicité déterminant des conditions de succès.
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2. Le locuteur doit encore s'assurer que l'auditeur est en mesure, à par tir de son énonciation, d'identifier l'objet de référence. Pour cela, le locu teur peut utiliser des déictiques: "cet homme-là près de la fenêtre", et en chaîner plusieurs descriptions susceptibles de qualifier en propre l'individu en cause. Dans ce second point, Searle révèle son sentiment que l'acte de réfé rence n'est pas un mécanisme ponctuel gouverné par l'usage des noms pro pres et des descriptions définies, mais un phénomène complexe se dévelop pant discursivement entre le locuteur et l'auditeur. Son souci de définir les conditions de succès de la référence en termes de compréhension de l'audi teur, ainsi que sa remarque selon laquelle l'auditeur peut orienter son iden tification de l'objet de référence en posant des questions (demandes d'in formation), auraient pu le mener vers une démarche nettement pragmati que. Mais cette tendance se trouvait alors limitée par sa décision d'isoler l'acte de parole comme une unité relevant du seul locuteur, et dont la défi nition ne devait pas faire entrer en jeu un autre acte de langage. Cette conception "isolationniste" a été critiquée de manière indépendante par Wunderlich et par Jacques. Elle est aujourd'hui très atténuée, voire subvertie, par l'idée d'engagement (committment) introduite dans Searle et Vanderveken. 3.
L'analyse du dialogue référentiel
Francis Jacques poursuit, d'une certaine manière, le mouvement inau guré par Searle, mais l'intuition initiale qui donne l'impulsion à sa recher che est différente. L'une des innovations apportées par F. Jacques consiste à sortir déli bérément du schéma directionnel de la communication repris par Jakobson aux ingénieurs Shannon et Weaver. On sait que selon ce schéma, un messa ge étant codé par un émetteur, puis transmis à travers un canal, est décodé à son arrivée par le récepteur. Selon Francis Jacques, ce modèle est double ment insuffisant: 1) en ce qu'il rend compte uniquement de la transmission d'informations toutes faites et non de l'élaboration d'une croyance commu ne, 2) en ce qu'il asymétrise, dans l'alternance, les rôles d'émetteur-locu teur et de récepteur-auditeur. A cela F. Jacques oppose l'intuition d'une communication qui est une oeuvre commune, créatrice de nouveauté, et où l'allocutaire est, comme le locuteur, responsable de ce qui est dit dans la mesure même où cela lui est adressé en propre. Les énonciateurs sont pour
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lui non seulement des partenaires associés dans une recherche, mais des coénonciateurs également responsables des énonciations produites au cours de l'entretien. La référence surgit au terme d'un procès dynamique d'inter référence mené conjointement par les interlocuteurs. Le dialogue référentiel met en jeu des descriptions dont la référence, loin d'être donnée, résul te d'une recherche commune des interlocuteurs. Les entretiens de la vie quotidienne comportent fréquement des mo ments référentiels où l'on s'interroge: Qui est ce cousin de Pierre venu ren flouer son entreprise? L'auteur de L'Obscur et l'Ouvert est-il le même que l'auteur de L'Obvie et l'Obtus? Ou encore: Qui est le père? Dans la littéra ture, on trouve deux modèles principaux. La tragédie grecque, avec ses pé ripéties de reconnaissance et d'identification: Qui a tué Laïos? Provoqué la peste de Thèbes? Le roman policier: Les entretiens y ont toujours pour but l'identification du coupable; celle-ci revient à substituer un nom propre à une description définie. L'approche dialogique de la référence est développée par F. Jacques dans une analyse à trois niveaux: énonciations, énoncés, argumentation. 3.1 Les énonciations Tout dialogue référentiel est composé d'une alternance d'énonciations exprimant des actes comme des assertions, des questions, des réponses, des réfutations, des mises en doute. La force des énonciations résulte à la fois de leur caractérisation intrinsèque et de leur place dans le déroulement du dialogue. L'objet d'étude ne peut donc plus être l'énonciation par ellemême, mais la séquence dialogique. L'analyse doit alors poser les principes qui commandent l'unité du dialogue, et préciser les règles structurales gou vernant la compétence dialogique des interlocuteurs. Quels sont ces principes ? La teneur de l'échange verbal lors d'un en tretien finalisé se soumet à une sorte de contrat implicite de coopération de la part des interlocuteurs qui s'engagent avec sérieux et bonne foi à faire avancer l'entretien vers un but. Le dialogue référentiel est soumis, selon F. Jacques, à un principe de rationalité, qui est l'analogue du principe de coo pération formulé par H. P. Grice. Les partenaires sont associés dans la poursuite d'un même but. L'enjeu est la vérité, non la persuasion. C'est de ce point de vue que s'apprécient la pertinence et l'économie informative des énonciations. Des règles structurales conditionnent l'enchaînement des énonciations. Prenons pour exemple l'organisation du questionnement.
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Tout dialogue référentiel s'ouvre sur une question initiale de la forme: "Qui est le tel et tel?". Cette question délimite une aire pour la suite de l'entretien dans la mesure où elle fixe l'objectif référentiel et impose ses présupposés. Les questions ultérieures, tout comme les réponses, objec tions, etc., devront s'inscrire avec pertinence dans cet espace sous peine de rompre le dialogue, voire de le faire échouer. La mise en cause des présup posés de la question initiale engendrerait une contestation réorientant le débat en le déplaçant du dit vers ses divers présupposés. 3.2 Les énoncés Toute énonciation a un effet perlocutoire sur l'allocutaire, effet qui se reflète dans le contenu des énoncés ultérieurs. Au cours du dialogue réfé rentiel, on peut suivre la transformation bilatérale des attitudes mentales des interlocuteurs, d'autant plus aisément que la sémantique des mondes possibles forgée par Hintikka en 1962 permet une expression extensionnelle des principales attitudes mentales, et donc un calcul. Le dialogue référen tiel peut être examiné principalement sous l'angle d'une confrontation des croyances. Supposons qu'un crime abominable ait été commis nuitamment sur un navire ancré en baie de Port-Vendres. L'enquête est confiée à San Anto nio. Ce dernier dit à Béniner qu'il croit qu'un individu étranger à l'équipa ge s'est hissé à bord clandestinement. L'énoncé de cette croyance se tradui ra en termes d'un monde possible dans lequel un individu se serait mani festé en se hissant à bord clandestinement. Dans un formalisme simplifié qui ne comporte pas la mention des actes illocutionaires, et où les symboles seront les suivants: — B: opérateur de croyance (belief), — sa: San Antonio — b: Bérurier, — H: se hisser à bord clandestinement, Cette première croyance s'exprimera ainsi: (1)
Ex Bsa Hx
Toutes les croyances d'un locuteur relativement à l'individu visé composent un ensemble de mondes possibles. Une des étapes du dialogue référentiel a pour but d'expliciter et de confronter les univers de croyance des interlocu teurs. Placée sous le double signe de la coopération et de la rationalité, la
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confrontation prend la forme d'une enquête méthodique qui peut s'analyser en trois phases. La première phase est celle de l'identification descriptive. Elle a pour fin de répondre à la question: quel — non pas qui — est le tel ou tel? Expli citant leurs croyances les interlocuteurs proposeront des descriptions par tielles susceptibles de s'appliquer à l'individu en question. Confrontant leurs croyances, ils en éliminent certaines et en retiennent d'autres d'un commun accord. C'est ainsi qu'ils coordonnent l'ensemble des descriptions afin d'identifier l'individu. Par exemple San Antonio avancera que l'indivi du qui s'est hissé à bord clandestinement pourrait être le coupable recher ché. Soit: (2)
Ex Bsa (ix Cx), où = être le coupable
A quoi Bérurier ajoutera que le coupable devrait être aussi celui qui a ré pandu un gaz somnifère dans les locaux de la gendarmerie (G), acheté à la quincaillerie une échelle de corde (D) et volé une moto de la marque in dienne Yēkçēdvrédanlavi (M). Au terme d'échanges de ce genre — qui ne comportent pas seulement des "additions" de croyances mais aussi des "re tranchements" — les deux amis parviendront à établir une croyance com mune portant sur les actions à attribuer au coupable. Soit Ρ = (H.G.D.M.), on aura: (3) (4)
Ex B b ( G . D. M(ix Cx)) Ex Bsa. b Ρ (ix Cx)
A cette première identification descriptive succède une phase d'individuation. Les interlocuteurs ont construit conjointement un ensemble de mondes possibles proposant chacun une manifestation d'individu. Toutefois rien n'assure que toutes ces manifestations peuvent s'appliquer à un même et unique individu. L'unicité présupposée par l'usage des descriptions doit maintenant être prouvée. A la différence de la perception, dans le registre de la croyance, l'individualité n'est pas donnée, elle doit être construite. S'impose alors la définition de critères d'individuation permettant de tracer une ligne d'individu (cf. Hintikka: a continuous worldline o f an individual) qui relie à travers les mondes possibles différentes manifestations d'indivi dus. San Antonio et Bérurier devront s'assurer que les diverses caractéristi ques permettant selon eux d'identifier le coupable sont compatibles avec les considérations de continuité spatio-temporelle qui commandent la recon naissance d'un unique individu à travers ses différentes manifestations. Ils procéderont à la traditionnelle reconstitution de l'emploi du temps du pré-
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sumé coupable. Si on appelle F l'ensemble des critère retenus, on aura une fonction d'individuation f ε F, telle que f(m) spécifie un unique individu m suscepti ble de satisfaire les fonctions exprimant les différentes manifestations d'in dividu dans les mondes possibles finalement retenus. La croyance de nos "poulets d'élite" selon laquelle toutes leurs descriptions s'appliquent au même individu m s'exprimera par: (5)
Ex Bsa. b (x = m)
L'identification de cet individu au coupable recherché s'écrira: (6)
Ex Bsa. b (( ix Cx) = (x = m))
Le double procès d'identification descriptive et d'individuation répond à la question quel est le x? Il reste pour parvenir à la référence effective, à préciser qui est ce x. C'est la référenciation. Il faut passer d'une ligne d'indi vidu parcourant divers mondes possibles à un individu concret. Il faut alors faire la preuve de la seconde présupposition, celle d'existence, s'assurer que l'individu putatif a un répondant dans le monde réel. L'énigme policière sera alors résolue. (7)
Ex (x = m)
exprimant l'inscription effective de la valeur d'individu m dans le monde ac tuel, l'accord des deux enquêteurs s'écrira: (8)
Ex (x = m). Bsa. b ((ixCx) = (x = m))
Les trois étapes d'identification, d'individuation et de référenciation scandent tout dialogue référentiel. Elles mentionnent sans les analyser les confrontations de croyances. C'est pourquoi F. Jacques propose un troisiè me niveau d'analyse, après celui des énonciations et celui des énoncés: c'est l'analyse de l'argumentation, qui touche au dynamisme interne du dialo gue. 3.3
L'argumentation
Le caractère rationnel de l'enquête referentielle rend en principe non pertinent le recours à la rhétorique. On fera appel à la logique. Non aux lo giques "classiques" trop statiques, mais aux logiques constructivistes qui, dans une perspective opératoire, formalisent des règles stratégiques de vali dation. Parmi ces logiques, celle de Paul Lorenzen est particulièrement in-
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téressante par son caractère dialogique. Une thèse y est dite "D. définie" si le proposant parvient à surmonter les objections d'un opposant à l'issue d'un dialogue stratégiquement réglé par les conditions de validation des opérateurs et quantificateurs logiques. Précisant l'aspect dynamique du conflit des croyances, cette approche stratégique assure la liaison entre l'analyse des conditions de succès des énonciations et celle des conditions de vérité des énoncés. Enonciation et énoncé ne sont que deux aspects fonctionnellement dis tingués d'une même prestation verbale. L'analyse argumentative, situant ces prestations dans le déroulement effectif du dialogue, leur restitue à la fois leur pertinence d'actes d'interlocution (force d'assertion, de question etc..) et leur validité interlocutive en précisant leur rôle dans le procès de confrontation des croyances. L'analyse dialogique y trouve son unité. Il s'agit en effet de montrer, sur un cas particulier, celui du dialogue référentiel, comment accorder une théorie de la vérité à une théorie de l'usage. A cette fin ont été mises en place plusieurs distinctions conceptuel les importantes. F. Jacques souligne ainsi les dichotomies essentielles: 1) Nous avons distingué entre modalités d'énoncé, qui déterminent à chaque étape du dialogue comment ce qui est dit est situé par rapport à la vérité et à la certitude, et par ailleurs modalités d'énonciation. Distinction fonctionnelle puisque l'élaboration des premières ne s'opère que par l'échange des secondes: déclarations, objections, questions et réponses. 2) La progression du dialogue comporte par conséquent deux aspects in dissociables: un aspect par lequel les attitudes propositionnelles sont con frontées, et par ailleurs un aspect par lequel les actes de langage s'échan gent et réalisent cette confrontation. 3) Et ce sont bien les mêmes actes de langage qui alternent dans le dialo gue au titre de leur valeur illocutoire, qui par leurs effets perlocutoires ten dent à affronter et modifier les attitudes propositionnelles. 4) Les traits du contexte contribuant à déterminer le contenu du messa ge sont, pour un certain nombre, les mêmes qui servent à décrire les effets perlocutoires. Intervenant à un double titre, ils devraient relever d'une unique théorie. 5) Or précisément il appartient aux énoncés des attitudes proposition nelles d'avoir des conditions de vérité, cependant qu'il appartient aux actes de langages qui les déclarent d'avoir des conditions de succès. 6) Encore faut-il que ces actes de langage soient ordonnés dans le procès dialogique. C'est pourquoi, parmi les règles pragmatiques qui régissent la séquence des énonciations, nous en avons rapporté certaines au titre de règles structurales, et certaines autres au titre de règles stratégiques. (Dialogiques page 218).
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Les règles du dialogues concernant les énonciations comme actes de langage sont appelées par F. Jacques règles structurales par opposition aux règles proprement stratégiques qu'il introduit plus tard, eu égard à la valida tion ou aux conditions de vérité de ces énonciations. Les premières carac térisent un dialogue comme régulier du point de vue de sa forme pragmatique. Ce sont des règles qui prescrivent qu'une certaine énonciation peut être produite dans une certaine séquence, quel acte de langage elle peut servir à effectuer. Les secondes prescrivent un rôle aux partenaires du dialogue dans la succession des opérations sémantiques à mener à bien pour atteindre l'objectif d'un type de dialogue. Nouvelle interférence des considerérations pragmatiques et des considérations sémantiques. (Dialogiques, page 213). 4.
Le dialogisme de la référence
Nous avons vu que le dialogue référentiel, loin d'être une séquence quelconque de phrases, est une sorte de texte dont la formation est soumise à certaines règles. A côté des règles sémantiques, qui concernent le cadre et l'objectif du dialogue, il est des règles pragmatiques qui concernent les phrases en tant qu'elles sont émises dans une certaine situation d'interac tion verbale. La détermination de ces deux sortes de règles s'alimente, on l'a vu, à plusieurs théories qui étaient jusqu' ici disjointes et dont F. Jacques opère l'intégration: logique des attitudes propositionnelles, théorie des ac tes de langage, théorie des jeux. Tout l'effort de l'auteur consiste à faire droit à ce que laissent échapper ces théories, par exemple à ce qui, dans des actes de langage tels que questionner, répondre ou asserter, enferme "un rapport bilatérial à autrui, une relation indéclinable". La dichotomie éta blie par Quine entre langues d'information et langues de communication s'en trouve bousculée. En effet, "il n'y a pas une information à communi quer par le langage, il y a une information que le langage constitue en la rendant commune". La démarche originale de F. Jacques, introduisant en pragmatique le concept de co-référence au monde comme acte conjoint des interlocuteurs lui permet d'"implanter le dialogisme au coeur de la référen ce" et de voir comment "la fixation du réfèrent est elle-même suspendue entre des interlocuteurs, différée, et finalement décidée par eux." Nous avons tout à l'heure attiré l'attention sur "l'inversion méthodoligique" par rapport à l'approche saussurienne que représente cette démar che. Pareille inversion suggère au linguiste une théorie du signe différente de celle de la linguistique structurale, une théorie où le mode d'usage des
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grandes unités du discours devient déterminant. F. Jacques fait apparaître qu'en vertu de sa valeur allocutive, toute énonciation est insérée comme un fragment non isolable du contexte interdiscursif. C'est dans la relation interlocutive que s'opèrent à la fois le renvoi aux co-locuteurs et le renvoi aux choses. Les registres allocutif et délocutif de la langue sont solidaires. Toute référence au monde s'opère dans le dialogue: elle est, en droit, une co-référence. L'enjeu philosophique de ce type de dialogue à dominante référentiel le est remarquable: l'effort pour réussir le partage des informations. Autrui n'est pas celui que j'appréhende à partir d'un même partagé; il est celui par qui il y a un monde à partager. "Le monde du nous des interlocuteurs et le monde réel naissent ensemble". La référence est elle-même un "effet de dialogue". Des conséquences négatives particulièrement radicales en dé coulent contre le privilège philosophique de l'ego. Le dialogue référentiel a un enjeu épistémique: l'obtention d'une croyance commune aux interlocuteurs. "Clore le dialogue c'est, d'une part, mettre un terme à la confrontation des attitudes propositionnelles en énon çant une attitude commune, c'est, d'autre part, mettre un terme à l'alter nance des actes de parole par une déclaration dont le sujet est nous". Ainsi se trouve enregistré le consensus pragmatique des interlocuteurs sur l'iden tité d'une personne. Ce nous terminal est un nous de l'interdiscursivité, "seul point stable de l'espace interlocutif". Une telle unification dans le nous se comprend aisément à partir de la bivocalité déjà mise en évidence dans chaque énonciation qui exprime le locuteur pour l'allocutaire et par lui. S'il est vrai que "dans toute énonciation on entend la voix de l'autre", la plurivocité traduit la dispersion systématique du sujet de l'énonciation sur deux pôles en situation d'interaction verbale. Rien d'étonnant à ce que cette plurivocité s'achève dans le consensus et s'exprime dans une phrase en nous. Parmi les conclusions les plus importantes que livre l'étude entreprise par F. Jacques du dialogue référentiel, on peut retenir l'idée que les notions centrales de la sémantique telles que la vérité ou la référence ne peuvent être établies sans se relier à une situation pragmatique interlocutive. Cela n'est pas sans conséquence sur la manière dont doit être envisagé un des axiomes de la sémantique post-fregéenne, à savoir que la signification litté rale d'une phrase suffit à déterminer un ensemble de conditions de vérité. Critiquant le concept de signification littérale Searle estimait (1980) qu'une phrase quelconque n'est jamais comprise qu' "étant donné un ensemble de
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pratiques et d'assomptions d'arrière-plan". L'analyse du dialogue référentiel nous avertit de la complexité du problème: encore faut-il que ces prati ques et assomptions, les interlocuteurs apprennent à les reconnaître, voire à les établir, au cours de l'entretien. Sans oublier qu'ils ont à élaborer une information qui n'est pas d'emblée commune, mais qui le devient. L'effectuation de la référence en contexte interlocutif est processuelle. On désigne par "référence" ce qui est en cause dans un processus interrogatif ouvert par la question initiale dont les interlocuteurs sont convenus: qui est le χ tel que Px? La référence est d'abord suspendue comme au dessus du vide, portée par des mots interrogatifs: qui, quoi, où ... Elle s'enrichit à la fois et se précise peu à peu dans la dynamique du dialogue comme inter-référence, pour finalement se déterminer comme co-référence. L'obtention d'une référenciation convergente est beaucoup plus complexe et hasardeu se qu'on ne l'imaginerait a priori. Il est d'ailleurs de fait que la plupart des références restent suspendues, indéterminées, provisoires... Autre conclusion: il convient de dépasser l'alternative formulée na guère par Bar-Hillel, l'un des "pères fondateurs" de la pragmatique des lan gues naturelles, entre signification et usage: "meaning or use". Il a été prou vé que le registre référentiel et le registre interlocutif sont fonctionnellement indissociables. En montrant que l'interaction dialogique est le ressort de la progression qui conduit du vraisemblable au vrai, de l'interprétation substitutionnelle à la croyance de re, F. Jacques a atteint pleinement son objectif qui était d'unir la théorie des Speech Acts à celle des attitudes propositionnelles, c'est à dire d'accorder la théorie de l'usage à celle de la vérité.
Telle est la conclusion à laquelle parviennent Paul Gochet et Daniel Giovannangeli. Notes 1.
Autant qu' "analytique"', comme la qualifie H. Parret, la sémiotique de Peirce mérite aussi d'être caractérisée comme "processuelle". On sait en effet qu'elle traite précisément du processus de la semiosis, par où s'engendrent les signes. Cette sémiotique "proces suelle" se distingues pertinemment de la sémiotique "structurale" issue de Saussure et de Hjelmslev. Mais l'épithète d'"analytique" est heureuse à plus d'un titre, notamment en ce qu'elle connote le fait que c'est la sémiotique de Peirce qui a été reçue, via Morris et Carnap, par les philosophes anglo-saxons d'obédience analytique.
2.
Cf. Parret (1983: 93).
3.
Grunig(1981: 35-60).
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4.
Car procédant d'une double restriction: premièrement au linguistique, et un spécialiste de Peirce comme Gérard Deledalle le déplore, estimant que les sémiologues s'en sont trop souvent tenus à un "réductionnisme" linguistique (cf. Le Monde du 18 Août 1983); sec ondement du linguistique à la langue, comme le note Marcelo Dascal: "La sémiologie de Sausssure exclut a priori la pragmatique de son domaine ce fait montre que, par rap port à la sémiotique de Peirce, son champ est considérablement plus restreint" (1978: 23).
5.
Grunig op. cit. Cf. également Grunig (1979: fsc. 2).
6.
Cité par Jacques (1975).
Bibliographie Armengaud, Françoise. 1984. La pragmatique, coll. Que sais-je?, Paris, PUF. Bar-Hillel, Y. 1954. "Indexicals", Mind. Dascal, Marcelo. 1978. La sémiologie de Leibniz. Paris: Aubier. Fernandez-Zoila, Adolfo. 1981. "Positions dialogiques I: Le soi, le non-soi, l'autre; à propos des Dialogiques de F. Jacques". In L'évolution psychiâtrique, Tome 46 (3). Gochet, Paul et Giovannangeli, Daniel. 1982. "Une philosophie de la com munication: les Dialogiques de F. Jacques", Communication & Cognition, 15(2), 201-221. Grunig, Blanche-Noëlle. 1979. "Pièges et illusions de la pragmatique lin guistique." In Modèles linguistiques, Tome 1, fsc. 2. Hintikka, J. 1974. "Questions about Questions". In Semantics and Philosophy, ed. by M.. Munitz and P.. Unger. New York: New York University Press. Jacques. F. 1975. Référence et description, Russell lecteur de Meinong. Thèse de doctorat d'Etat, Université de Nanterre. . 1979. Dialogiques. Recherches logiques sur le dialogue, Paris: PUF. . 1982. Différence et subjectivité, Paris: Aubier. . 1985. L'espace logique de l' interlocution. (Dialogiques II). Paris: PUF. Parret, Herman. 1983. Semiotics and Pragmatics. Amsterdam: Benjamins. Russell, B. 1905. "On Denoting", Mind. Searle, J.R. et Vandeveken, D. Foundations of Illocutionary Logic. Stalnaker, R. 1972. "Pragmatics", In Semantics of Natural Languages, ed. by Davidson and Harman. Dordrecht: Reidel. Strawson. P.F. 1950. "On Referring", Mind.
Pragmatique et pragmatisme chez C.S. Peirce* Christiane Chauviré
Depuis quelques années, on voit se développer une lecture "speech-actienne" de l'analyse peircienne de l'assertion,1 lecture justifiée par de nom breux textes. Mais on a peu cherché jusqu'ici à préciser l'articulation de cette théorie peircienne des actes de discours — qui est un des principaux aspects de sa "pragmatique"2 — avec le pragmatisme de Peirce, qui est une théorie de la signification cognitive. Je me bornerai à parler de cette théorie des actes de discours dans ses rapports avec le pragmatisme, quoiqu'elle soit loin d'être le seul élément pragmatique de la sémiotique de Peirce, la quelle est, selon nous, entièrement conçue d'un point de vue pragmatique.3 On peut en effet caractériser le déplacement, le pragmatic turn,4 qui s'effec tue dans la sémiotique de Peirce comme la mise au premier plan de la com munication, envisagée non pas tant comme phénomène empirique3 que comme jeu de langage requérant des conditions de possibilité a priori dont la Grammaire spéculative (première partie de la sémiotique) est précisé ment l'étude (Cf. 3.430). La théorie peircienne du discours comme ensem ble d'actes et de jeux de langage est l'une des pièces maîtresses de la pragmatique peircienne, l'autre êtant la théorie des symboles indexiques (qui n'est d'ailleurs pas séparable de la précédente). Nous voudrions montrer que, dans le cadre de son pragmatisme révisé des années 1900, et dans le prolongement de sa théorie dispositionnelle de la croyance empruntée à Alexander Bain,6 Peirce amorce une réflexion sur les énonciations du point de vue des conséquences qu'elles pourraient avoir sur la conduite des interprètes. Si, comme l'énonce la maxime pragmatiste, la signification rationnelle d'une expression se trouve dans ses conséquen ces pratiques concevables7 et si, d'autre part, le fait pour quelqu'un de croi re en une proposition "modèle", comme dit Peirce, sa conduite, ou lui don ne une forme (shape, c'est-à-dire le détermine à agir conformément à cette croyance, le fait d'énoncer une proposition apparaît dès lors:
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1. comme un acte (pourvu de conséquences pratiques); 2. comme un acte de prise en charge par le locuteur de sa responsabilité vis-à-vis de la façon dont la proposition assertée, ordonnée, posée comme question etc... induira une certaine croyance chez l'auditeur, modelant du même coup sa conduite. Ce schéma d'analyse, d'abord appliqué à l'assertion, est étendu aux serments, aux questions, aux ordres, aux paris, aux promesses:8 tous ces ac tes comportent un élément assertif plus ou moins important. Se trouve alors esquissée, dans le cadre du pragmatisme, une théorie générale du discours comme ensemble d'actes façonnant à long, à court ou à moyen terme tant les événements physique que les conduites humaines. En utilisant la distinction austinienne entre acte locutionnaire et acte illocutionnaire, ainsi que la notion searlienne d'effet perlocutionnaire com me instruments d'analyse (sans perdre de vue la spécificité peircienne ni le système philosophique — extrêment riche et complexe — auquel cette théorie du discours comme acte vient s'intégrer), nous mettrons en éviden ce chez Peirce deux façons apparemment contradictoires d'envisager la pro position dans ses rapports aux différents actes de discours dans lesquels elle peut se trouver englobée. Nous montrerons alors que Peirce ne sépare pas plus le locutoire de l'illocutoire (comme Searle) qu'il ne sépare l'illocutoire du perlocutoire (à l'inverse cette fois-ci de Searle). Nous préciserons enfin le rapport étroit existant entre cette théorie des actes de discours et le pragmatisme. 1.
Propositions et actes illocutionnaires
Comment Peirce a-t-il été amené à faire une analyse des énonciations en termes d'actes de discours? C'est, nous le verrons, du fait de son pragmatisme, mais c'est aussi du fait de la nécessité qu'il a éprouvée de dis tinguer entre la proposition — objet de la logique — et l'acte d'asserter cette proposition, dans le but — qui était aussi celui de Frege à la même époque — de mieux cerner le véritable objet de la logique, c'est-à-dire dans le cadre de sa lutte contre le psychologisme des logiciens allemands, coupa bles d'une confusion entre proposition et jugement. En un sens, seule la proposition (et non le jugement, notion relevant de la psychologie) est l'ob jet de la logique. La logique est, en effet, "l'étude des signes et non de leurs répliques".9
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Il semblerait donc qu'en toute rigueur la logique, prise au sens étroit, ne doive s'occuper que des propositions, et non des actes de discours qui les manifestent. Pourtant, reconnaissant que "l'usage normal de la proposition est de l'affirmer" et que "ses principales propriétés logiques se rapportent à ce qui résulterait de son affirmation" (ib.), Peirce se voit amené à élucider la nature de l'assertion (ib.) dont l'étude fait partie, selon lui, de la Gram maire spéculative (la première et la plus fondamentale des trois parties de la sémiotique, ou "logique", prise au sens large d'étude des signes)10. En un sens donc, l'étude des actes de discours relève de la logique élargie, au sens où le pragmatique est implicitement reconnu comme différent à la fois du (strictement) logique et du psychologique. La proposition selon Peirce La théorie peircienne de la proposition s'appuie sur la distinction typetoken (ou type-réplique), qui joue un rôle central dans la sémiotique de Peirce. La proposition est distinguée tout à la fois: 1. en tant que signe (ou représentation) de l'acte d'assertion et des au tres actes11 que sont les questions, les ordres, les paris e t c . ; 2. en tant que type, de ses répliques qui la matérialisent (émissions ver bales, représentations graphiques, indiscriptions, énoncés appartenant à des langues différentes etc...).12 Entre les types (entités générales, réelles, qui relèvent de la Troisième Catégorie) et les tokens (individus, existants, Seconds) s'établissent des rapports hiérarchiques: les Troisième gouvernent les Seconds, qui les mani festent dans l'ordre de l'existence. Par rapport aux répliques comme par rapport aux actes de discours, la proposition se voit conférer un statut sémantiquement autonome: signe de plein droit, "la proposition n'a pas besoin d'être assertée ou jugée. Elle peut être contemplée comme signe susceptible d'être asserté ou nié. Le si gne lui-même garde sa pleine signification, qu'il soit effectivement asserté ou non" (2.252; Cf. 2.315). Il suffit que la proposition satisfasse à la condi tion qu'il faut remplir pour être un signe: être interprété, ou simplement être interprétable, avoir une place au moins possible dans un processus in terprétatif.13
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Proposition et assertion En distinguant, comme Frege (et comme Searle, qui se réclame plus ou moins de Frege), le contenu propositionnel non asserté et l'acte d'assertion (2.252, 2.315), Peirce affirme non seulement l'autonomie sémantique de la proposition, mais son identité, la proposition restant la même à travers ses multiples incarnations dans des répliques. 14 La théorie peircienne de la pro position semble toutefois différer de celle de Frege sur deux points fonda mentaux. Pour Frege, en effet, les contenus propositionnels ou Gedanken, entités objectives auto-suffisantes et auto-subsistantes, n'ont pas besoin de porteurs (à la différence des "représentations" subjectives; Cf. der Gedan ke, Frege (1971) Peirce exige en revanche que, pour fonctionner comme si gne, la proposition puisse être interprétée. En un sens, donc, la proposition peircienne ne subsiste pas en soi, puisque, comme tout signe, elle n'est ni indépendante de l'interprétant qu'elle détermine, ni isolable d'une chaîne interprétative dont elle est un maillon. C'est dire qu'elle n'est pas indépen dante d'un interprète même s'il est aussi idéal et abstrait que peut l'être un sujet transcendental). Ce n'est donc pas le platonisme logico-mathématique, mais le réalisme scolastique (celui de Duns Scot quelque peu modifié) qui constitue la référence de Peirce en la matière. Il est alors facile de déceler une contradiction chez Peirce: d'un côté, la proposition, comme signe, ne subsiste pas isolément, en dehors d'un processus d'interprétation; de l'au tre, en tant que type ou entité de la Troisième Catégorie, elle est un être général qui, pour n'avoir d'existence qu'à travers ses répliques, n'en est pas moins pleinement réelle en elle-même, c'est-à-dire parfaitement autonome quant à sa signifiance (et quant à son efficience, puisqu'elle "gouverne" ses répliques, au sens où celles-ci se conforment à elle). Cette première contradiction se double d'une seconde: d'un côté, Peir ce accorde à la proposition "pure" (2.546), prise en elle-même, un statut de signe autonome qu'on peut abstraire des actes de discours pour la "contem pler" simplement; de l'autre, Peirce avance, dans certains textes, la thèse du caractère "fragmentaire" de la proposition. Aux yeux de Peirce en effet, la meilleure expression pour une proposition "simplement contemplée" est, non pas la phrase au présent de l'indicatif (qui comporte déjà l'assertion), mais la phrase à l'infinitif avec un sujet à l'accusatif du discours indirect la tin, c'est-à-dire non pas Socrates est sapiens, mais Socratem sapientem esse (MS 517), qui ne peut exister isolément, mais seulement dans un contexte, et nécessite un préfixe comme "dit que". Si Peirce favorise cette formula-
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tion, c'est qu'elle a, selon lui, le mérité de montrer le caractère fragmentaire de la proposition" (ib.), c'est-à-dire de faire apparaître celle-ci comme une partie de discours presqu'aussi insaturée que le rhème,15 et non plus comme un signe sémantiquement complet constituant l'unité sémantique de base du discours. En effet, dès lors qu'elle apparaît comme un fragment abstrait et incomplet, qui n'a pas d'occurrence dans le discours réel et qui demande à s'insérer dans un acte de discours concret pour que soit obtenu ce que Peirce appelle un "symbole complet" (ib.),16 elle ne peut guère passer l'unité de base de l'analyse logico-sémiotique. C'est bien plutôt le "symbole complet", c'est-à-dire l'acte de discours concret, qui apparaît comme la véritable unité, pragmatique cette fois-ci et non plus sémantique, du discours. En soutenant la thèse du caractère fragmentaire de la proposition, Peirce semble admettre que le contenu propositionnel n'existe pas à l'état libre ( dans le discours concret du moins), qu'il n'est pas séparable d'un cer tain élément assertif. On ne peut même en toute rigueur "contempler" une proposition pure: sitôt qu'on la contemple, on l'affecte d'un embryon de force assertive.17 Peirce en arrive à dire que si l'on veut extraire la proposi tion de l'acte de discours en supprimant par exemple l'acte d'assertion, ce qui reste n'est pas une proposition pure, ce n'est plus une proposition du tout.18 Sur ce point Peirce s'écarte notablement de la distinction frégeenne asserté-inasserté. Pour Peirce comme pour Searle, il n'y a pas d'acte locutoire qui ne soit déjà illocutoire. Le locutoire n'est pas plus séparable de l'illocutoire que ce dernier ne l'est du perlocutoire, comme nous allons le voir à présent. 2.
Illocutoire et perlocutoire
La théorie peircienne des actes de discours est à lire dans la perspective de sa conception éthico-logique de la conduite autocontrôlée qui en forme, avec le pragmatisme, le contexte véritable. Comme l'a fait remarquer Aus tin (1970), pour construire une théorie des actes de discours, il faut déjà dis poser d'une théorie de l'acte ou de l'action. Peirce en propose une, qui dis tingue (dans le cadre de sa catégoriologie) les actions (individus détermi nés, relevant de la Seconde Catégorie) et la conduite, principe formel des actions contenant les règles qui les gouvernent (comme entité générale, la conduite relève de la Troisième Catégorie).19 Nous pouvons dire, en paro diant la formule de Dewey20 (la signification est une propriété du comporte ment), que Peirce fait de la signification une propriété de la conduite (en
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conservant au mot conduite son sens peircien d'entité générale ou de Troi sième, de forme réglant la série des actes singuliers),21 conduite que Peirce qualifie en outre de délibérée ou d'auto-contrôlée.22 Ainsi l'analyse des ac tes de discours est-elle à situer par rapport à la conception peircienne des sciences normatives, la logique et l'éthique (dont le but est de régler la conduite), la logique se ramenant en un sens à l'éthique, puisque la pensée rationnelle, c'est-à-dire la pensée gouvernée par des normes logiques (Cf. 5.440, 2.444, 2.183), est elle-même une conduite auto-contrôlée, l'auto-contrôle logique apparaissant comme une "espèce" de l'auto-contrôle éthique ou même comme son "miroir parfait". L'utilisation du vocabulaire éthique ou éthico-religieux (acte de volonté, 5.547; responsabilté, pénalités) dans l'analyse de l'acte d'assertion montre d'ailleurs suffisamment qu'elle appar tient à l'éthique autant qu'à la logique au sens large (plus précisément à la Grammaire spéculative). C'est en effet en termes d'acte responsable (moralement et sociale ment) que Peirce définit l'assertion par référence au comportement institu tionnel d'une communauté d'interlocuteurs qui acceptent un contrat et des normes dont la transgression entraînerait des pénalités pour le locuteur re connu coupable d'avoir asserté une proposition fausse. Relèvent d'une telle analyse serments, promesses, ordres, paris etc... (Cf. 5.31), qui tous com portent un élément assertif plus ou moins fort. L'assertion comme acte responsable A la différence de Searle, qui énonce six règles gouvernant l'assertion (Searle 1969, 57), Peirce met en avant deux caractère essentiels de l'asser tion: 1. la prise en charge par le locuteur d'une responsabilité quant aux conséquences de ce qu'il dit;23 2. l'intention qu'a le locuteur d'induire chez l'auditeur la croyance en la proposition qu'il exprime.24 Intention et responsabilité sont d'ailleurs inséparables: le locuteur est d'autant plus responsable de ce qu'il dit qu'il a l'intention d'induire une croyance, c'est-à-dire que certaines des conséquences de ce qu'il dit sont voulues et prévues. S'il est exposé à des sanctions, c'est précisément parce qu'il a la possibilité d'induire en erreur.25 Notons que si le locuteur a quelque chance d'induire une croyance, c'est-à-dire de convaincre, c'est qu'aux yeux de l'auditeur, l'assertion comp-
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te normalement (c'est en tout cas dans cette intention que l'assertion est fai te) comme preuve qu'il croit en la proposition assertée26 (Peirce envisage évidement le cas du mensonge, mais considère que les assertions sont nor malement sincères en ce sens qu'elles expriment des croyances;27 Cf. la condition de sincérité posée par Searle). Il en découle une asymétrie des rôles respectifs des deux interlocuteurs: le locuteur est dans la position de devoir défendre ce qu'il dit contre d'éventuelles mésinterprétations,28 tan dis que l'auditeur est censé pouvoir trouver l'interprétation la plus défavo rable pour le locuteur.29 Il est significatif en outre que Peirce choisisse comme paradigme de l'assertion un acte institutionnalisé et rituel comme le serment devant un homme de loi: c'est le cas qui, par excellence, exhibe l'élément de prise en charge des conséquences de ce que l'on asserte ("Cet élément de prise en charge d'une responsabilité si évident dans l'assertion solennelle doit être présent dans toute assertion véritable"; 5.546).30 Mais le choix d'un acte rituel comme le serment révèle aussi qu'aux yeux de Peirce, asserter une proposition, faire un pari, un serment, une promesse, donner un ordre, sont autant de jeux de langage qui ne se jouent qu'à plusieurs, et qui, à la limite, supposent une communauté d'interlocu teurs acceptant un contrat et d'éventuelles sanctions si la fausseté de la pro position assertée, pariée etc... vient à être publiquement constatée. Aucun de ces actes ne saurait être une performance privée: la vérité ou la fausseté de la proposition doit être publiquement constatable au terme d'une opéra tion de vérification ou de falsification: ainsi il n'y a de sens, aux yeux de Peirce, à promettre que des choses dont autrui peut contrôler la réalisation. 3.
Illocutoire et perlocutoire
Dans chacun des types d'actes qu'il examine, Peirce fait apparaître comme constitutive de l'acte de discours l'intention, non seulement d'indui re une croyance chez l'auditeur (induction qui déjà peut passer pour un ef fet perlocutionnaire), mais de provoquer chez lui d'autres effets qui décou lent de l'adoption de cette croyance. Nous venons de voir qu'asserter une proposition, c'est chercher à faire adopter cette proposition par autrui et, au moyen de cette adoption, à le faire agir en fonction d'elle (ou façonner sa conduite). De la même façon, ordonner, promettre, poser une question sont analysés par Peirce en termes d'effets à produire sur la conduite de l'auditeur par le biais de l'expression
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d'une croyance.31 Ainsi Peirce reconnaît-il à tout acte de discours une di mension perlocutionnaire qui lui est essentielle: au lieu de présenter les ef fets visés par le locuteur comme secondaires ou facultatifs (à la manière de Searle), Peirce considère leur recherche comme inhérente à l'acte même. L'acte de discours instaure donc une relation intentionnelle à autrui plus forte que celle envisagée par Searle: pour Peirce, il est essentiel que, non seulement le locuteur cherche à communiquer une croyance, c'est-à-dire à convaincre, mais qu'il veuille aussi influencer la conduite de l'interprète,32 et c'est bien parce que cela est essentiel que l'assertion et les autres actes peuvent être expliqués en termes de responsabilité publique (vis-à-vis d'autrui et par rapport aux lois). Au total, en définissant locutionnaire et illocutionnaire par référence au perlocutionnaire, Peirce aboutit à une théorie du langage comme acte en un sens plus fort que celui de Searle. "Dire simple ment" au sens de Searle (Searle 1969), ce n'est pas asserter au sens de Peir ce, car asserter, "ce n'est pas simplement dire, c'est faire" (5.547).33 4.
Pragmatisme et responsabilité
Précisons maintenant le lien qui existe entre pragmatique et pragma tisme, ou plutôt entre théorie des actes de discours et pragmatisme, lien qui n'est pas si évident ou trivial que la fréquente confusion entre ces deux mots le suggère: 1. C'est en raison de son pragmatisme (en approfondissant sa notion d'"effets pratiques") que Peirce a été amené à s'intéresser au fonctionne ment d'expressions "performatives", comme on le dirait aujourd'hui, ainsi qu'à développer une conception globale du discours comme ensembles d'actes; 2. C'est dans les termes de sa théorie des actes de discours que Peirce, autour de 1900, a reformulé sa maxime, en faisant de plus en plus intervenir les notions de responsabilité34 et de conduite.35 Pragmatisme et théorie des actes de discours s'éclairent mutuellement. Si Peirce a pu mettre la notion de responsabilité au centre de sa théorie des actes de discours (rabattant ainsi le perlocutionnaire sur l'illocutionnaire), c'est qu'il disposait d'un cadre historique plus large, la théorie pragmatiste de la signification qui, en mettant l'accent sur la notion de conséquences qui, eux-mêmes, appellent la notion de responsabilité. Inversement, lorsque, vers 1900, Peirce reformule sa maxime pragmatiste, il y introduit les idées
P R A G M A T I Q U E E T P R A G M A T I S M E C H E Z C.S. P E I R C E
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de responsabilité du locuteur et de portée pratique des énonciations sur la conduite future de l'interprète.36 Cette reformulation affecte le contenu de la maxime, qui subit ainsi un déplacement pragmatique, ne concernant plus seulement les propositions pures et simples, mais les énonciations d'un locuteur pourvu d'intentions à l'égard de l'auditeur et responsable à l'égard de ce qu'il dit. C'est dire à quel point le second pragmato-rae de Peirce porte la marque de sa théorie pragmatique de l'assertion (dont l'idée centrale est que le locuteur répond de la vérité de ce qu'il dit). Il est notable que le second pragmatisme reconnaisse du même coup au contenu de la proposition assertée (et même au terme prédiqué du sujet dans la proposition) une portée virtuelle sur la conduite de l'interprète; dès lors, en vertu de la maxime pragmatiste, cette proposition ou ce prédicat est doté de signification (au sens de "teneur rationnelle").37 Ainsi, à tout le moins, le fait pour une proposition d'être assertible apparaît comme une condition suffisante (sinon nécessaire) de signifiance, c'est-à-dire cmme un critère de significa tion.38 En effet, être assertible pour une proposition, c'est-à-dire fournir à un locuteur la matière d'un acte responsable, c'est avoir des conséquences pratiques dont le locuteur pourra assumer la responsabilité, c'est autrement dit être douée de signification au sens pragmatiste.39 En identifiant signification et conséquences pratiques concevables, le pragmatisme peircien a fourni un cadre théorique pour une analyse des ac tes de discours qui a noué entre le langage et l'action des liens en définitive plus étroits que ceux établis par Searle dans Speech Acts. Notes *
Nos citations renvoient soit aux manuscrits de Harvard (MS), soit aux Collected Papers de Peirce (1931-1960; le premier chiffre indique le volume; ceux qui suivent le paragraphe).
1.
Cf. J. Brock (1981a et 1981b).
2.
Nous parlons de la "pragmatique" de Peirce quoique Peirce n'ait jamais utilisé ce sub stantif dans ce sens-là.
3.
La perspective pragmatique adoptée par Peirce est sensible dès la définition relationnelle du signe dans son rapport à l'interprétant et à l'interprète possible, le signe étant présenté d'emblée comme élément d'un processus d'interprétation, ainsi que la thèse de la nature dialogique de la pensée.
4.
Selon le terme de K.O. Apel.
5.
Peirce, nous le verrons, ne fait pas toujours abstraction de la dimension empirique de la communication, en particulier dans sa théorie des actes de discours.
112
CHRISTIANE C H A U V I R É
6.
A. Bain envisage la croyance moins un état mental que comme une disposition à agir d'une façon déterminée dans des circonstances déterminées. Cette théorie de la croyance a joué un rôle important dans la genèse du pragmatique lequel, de l'aveu même de Peirce, n'en est "guère plus que le corollaire".
7.
Plus précisément la signification d'une expression est donnée par un énoncé conditionnel dans l'antécédent décrit des opérations à effectuer (en rapport avec cette expression), et le conséquent, les résulats sensibles que l'on observerait alors.
8.
Ainsi qu'aux attitudes propositionnelles dont Peirce ne méconnaît pas le caractère de per formances privées (cf. 5.539; 5.31), mais qu'il traite comme des dispositions à agir (de telle ou telle façon) établissant une gradition et non une coupure entre les actes de dis cours proprement dits et les attitudes comme le doute, la croyance, la résolution, l'expectation, e t c . . (cf. 5.540).
9.
MS 517. La distinction signe-réplique renvoie à l'opposition type-token (que nous utilise rons plus loin), laquelle repose elle-même sur la catégoriologie peircienne. Celle-ci distin gue trois catégories hiérarchisées à triple portée (phénoménologique, ontologique et logique). Nous verrons plus loin que les signes, en tant qu'ils sont des "types", c'est-à-dire des entités générales, appartiennent à la Troisième Catégorie, tandis que leurs répliques, entités singulières douées d'existence, relèvent de la Seconde.
10.
Peirce va même jusqu'a définir dans plusieurs textes la Grammaire spéculative comme étude de l'assertion.
11.
Qui relèvent d'une théorie de l'action (ou plutôt, comme nous le verrons, de la conduite) et non d'une théorie de la représentation.
12.
Cf. MS L.75; MS 599; 8.317.
13.
Cf. lettre à Lady Welby (Peirce, 1977): "Tout signe doit avoir sa propre interprétabilité avant d'avoir un interprète".
14.
Remarquons qu'en tenant d'emblée pour acquis que la proposition, comme type, possède une identité, Peirce suppose résolus les problèmes soulevés par Quine (1975), notamment sur l'individuation et l'identité des propositions. Chez Peirce, il est accordé d'entrée de jeu qu'une proposition possède "une identité bien déterminée" (8.334).
15.
Peirce utilise, comme Frege, une terminologie empruntée à la chimie pour qualifier le rhème qui est cette partie du discours pouvant jouer le rôle du prédicat dans la proposi tion.
16.
Cette expression peircienne n'a rien à voir avec la notion russellienne de "symbole incom plet".
17.
C'est bien ce que Peirce semble reconnaître lorsqu'il dit que "La proposition pure, en tant qu'elle est simplement proposée on contemplée, pourrait être considérée comme une sorte de proposition problématique" (2.546). Peirce établit d'ailleurs une hiérarchie entre les divers actes de discours en fonction de la force de l'élément assertif, qu'il considère comme une "modalité" ou une "mesure d'assurance" (4.57), que chacun d'eux contient (la modalité d'une question est plus "faible" que celle d'une assertion, celle d'une asser tion plus faible que celle d'un serment, etc...).
18.
Après avoir posé — de façon très frégéenne — la question: "Qu'y a-t-il dans une asser tion qui fait d'elle quelque chose de plus qu'une simple combinaison d'idées? Quelle est
P R A G M A T I Q U E E T P R A G M A T I S M E C H E Z C.S. P E I R C E
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la différence entre émettre l'expression "monkey speaking", déclarer que "monkeys are speaking" et demander "are monkeys speaking"? (4.56), Peirce va jusqu'à affirmer que "monkey speaking" n'est même pas un discours incomplet, mais n'est pas un discours du tout. Peirce est plus explicite dans un texte de 1902 environ, le Syllabus: "Si une assertion ... faisant défaut, la proposition serait indiscernable d'un terme général composé — qu'"un homme est grand" se réduirait alors à "Un homme grand" (2.321) (c'est-à-dire à une juxtaposition de deux rhèmes: "— (est) un homme" et "— (est) grand", qui ne suffit pas à elle seule à faire une proposition). Peirce semble avoir ainsi dégagée une notion très proche du "phrastique", ce résidu proto-propositionnel que Hare (1952) distingue du "neustique" (qui comporte l'assentiment du locuteur) et du "tropique" qui y ajoute les modalités grammaticales. Cf. P. Gochet (1973), p. 123, et G. Granger (1979), p. 83. Or, comme l'a remarqué Gochet, la distinction de Hare (phrastique-mode) ne correspond pas à celle de Frege (asserté-inasserté) (ni d'ailleurs à celle d'Austin: locution-illocution). Selon Gochet, Searle aurait confondu signification locutoire (Austin) et proposition inasserté (Frege). 19.
Et qui ne saurait être à une somme d'actions en vertu du principe de l'irréductibilité des Troisièmes aux Seconds. Les actions n'épuisent pas la conduite, qui est le principe qui les engendre.
20.
Cité par Quine (1969) au début du chapitre 11.
21.
"La teneur intellectuelle de tout symbole est déterminée par les conduites qui découle raient de son acception" (5.428).
22.
"Car c'est aux conceptions de la conduite délibérée que le pragmatisme ramènerait la te neur intellectuelle de tout symbole; et la conduite délibérée est une conduite auto-contrôlée" (5.442).
23.
"Un acte d'assertion suppose qu'une personne exécute en formulant une proposition un certain acte qui la rend passible de peines devant la loi morale ou du moins devant la loi sociale si cette proposition n'est pas vraie à moins qu'elle n'ait une excuse définie et suffi sante" (2.315; cf. 8.313).
24.
"L'affirmation peut déterminer un jugement ou une croyance dans le même sens dans l'esprit de l'interlocuteur, et à ses dépens" (MS 517-42).
25.
Sur ce point, Peirce est évidemment du côté de Grice plutôt que celui de Searle. Grice (1968) fait jouer un rôle important à l'induction de croyance et à l'attitude protreptique du locuteur, mais son analyse est plus complexe que celle de Peirce en ce qu'elle fait in tervenir comme condition la reconnaissance par l'auditeur de l'intention du locuteur d'ef fectuer tel ou tel acte illocutionnaire.
26.
"L'assertion consiste pour le locuteur à fournir les preuves qu'il croit quelque chose..." (2.235; cf. 5.547).
27.
"(une assertion) dénote un mot ou (plus couramment) une combinaison de mots, ou un certain signe, externe ou mental, qui, utilisé dans une intention sérieuse et honnête, ex prime le savoir qu'un état de choses correspondant est réel" (MS 334.17).
28.
"L'énonciateur est essentiellement un défenseur de sa propre proposition et souhaite l'in terpréter de manière à ce qu'elle soit défendable. L'interprète, n'étant pas aussi intéressé, et étant incapable de l'interpréter complètement sans considérer quelle extrémité elle peut atteindre est relativement dans une attitude hostile, et cherche l'interprétation la moins défendable" (M 9, pp. 3-4).
114
CHRISTIANE CHAUVIRÉ
29.
Sur la possibilité d'interpréter le dialogique tel que le présente Peirce dans le cadre de la théorie des jeux, comme un jeu à gain total nul, cf. R. Hilpinen (1982).
30.
Cf. 8.313, 5.30, 2.253.
31.
"Je peux vous énoncer (la proposition) et en assumer la responsabilité, auquel cas je l'asserte. Je peux vous imposer la responsabilité de son accord avec la vérité, auquel cas je vous la donne comme un ordre" (L. 75).
32.
"L'assertion contient la suggestion ou la requête que le récepteur fasse quelque chose avec eux (les sujets de la proposition)" (3.435).
33.
Un argument en faveur du caractère essentiel de la recherche d'effets perlocutionnaires est l'analyse sémiotique de la proposition, qui en fait de l'index un constituant nécessaire. C'est en effet grâce au mode de fonctionnement de l'index (seul signe qui "agisse dynami quement sur l'attention de l'auditeur et le dirige vers une occasion spéciale ou vers un ob jet spécial" 2.336; cf. 3434) qu'est assurée la réalisation des effets perlocutionnaires visés: le rôle de l'index qui "doit amener l'auditeur à partager l'experience du locuteur en lui montrant ce dont il lui parle" (457) et "représenter à l'auditeur la contrainte exercée sur le locuteur (par l'objet) en le contraignant à faire l'expérience de la même occasion" (ib.) est déterminant dans l'induction de la croyance.
34.
"La signification d'un mot ... est la somme de toutes les prédictions conditionnelles dont la personne qui l'utilise a l'intention de se rendre responsable..." (8.176). On hésite pour tant à tirer de Peirce l'équation: la signification d'expression égale: tout ce dont le locu teur entend se rendre responsable. Car Peirce ne dit pas nettement si le locuteur est res ponsable des effets non voulus et non prévus de ce qu'il dit au même titre qu'il l'est des ef fets voulus, alors même qu'il fait rentrer ces effets non prévus dans la signification de l'ex pression (cf. 8.176).
35.
"La véritable signification de tout produit de l'intellect réside dans une détermination unitaire... qu'il imprimerait à la conduite en toute circonstance concevable" (6.490; cf. 5.432, 5.438). On mesure la différence qui existe entre ces formulations et l'énoncé initial de la maxime en 1878 dans "Comment rendre nos idées claires": "Considérez quels sont les effets pratiques que nous pensons pouvoir être produits par l'objet de notre concep tion. La conception de tous ces effets est la conception complète de l'objet".
36.
Une proposition est douée de signification si, et seulement si, elle a des effets pratiques concevables et, parmi ces effets, une portée concevable sur la conduite de celui qui l'adopte; cf. 5.478.
37.
"La prédication d'un concept est susceptible de venir matière à responsabilité, puisqu'elle l'est effectivement dans l'acte d'asserter cette prédication. Il s'ensuit que le concept est susceptible d'avoir une portée sur la conduite et c'est ce qui lui confère sa teneur intellec tuelle" (5.478).
38.
Comme l'a remarqué J. Brock (1981b), p. 324.
39.
Une des conclusions qu'on peut en tirer est qu'on ne peut vraiment asserter (ordonner, parier, promettre...) que des expressions rationnelles ou "intellectuelles", puisque telle est la restriction qui affecte la portée de la maxime pragmatiste (elle ne concerne que les concepts "intellectuels" et les propositions qui les prédiquent, dont elle ne prétend don ner que la "teneur rationnelle").
PRAGMATIQUE ET PRAGMATISME CHEZ C.S. PEIRCE
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Bibliographie Austin, J. 1970. Quand dire, c'est faire, trad. français. Paris: Seuil. Brock, J. 1981a. "Peirce and Searle on Assertion." In Proceedings of the C.S. Peirce Bicentennial International Congress. Lubbock: Texas Tech University Press. . 1981b. "An Introduction to Peirce's Theory of Speech Acts." In Tran sactions of the C.S. Peirce Society. XVII (4). Frege, G. 1971. Ecrits logiques et philosophiques, trad. français. Paris: Seuil. Gochet, P. 1973. Esquisse d'une théorie nominaliste de la proposition. Paris: Colin. Granger, G. 1979. Langages et épistémologie. Paris: Klincksieck. Grice, H.P. 1968. "Utterer's Meaning; Sentence Meaning, and Word Meaning". Foundations of Language 4. Hare. 1952. Language of Morals. Hilpinen, R. 1982. "Peirce's theory of proposition." In The Monist (Avril). Peirce, C.S. 1931-1960. Collected Papers, vols. I-VIII. Edited by Hartshorne, Weiss, et Burks. Cambridge MA: Harvard University Press. . 1977. Semiotics and Significs. The Correspondance between C.S. Peir ce and Victoria Lady Welby, edited by C.S. Hardwick, Bloomington: In diana University Press. Quine. 1969. Ontological Relativity and Other Essays. New York: Colum bia University Press. . 1975. Philosophie de la logique, trad. français. Paris: Aubier.
The characteristics of Karl Bühler's pragmatically integrated theory of signs Achim Eschbach
Karl Bühler (1879-1963) has, as scarcely another in this field, influ enced the course of modern psychology of language, philosophy of lan guage, linguistics and semiotics. Yet in contemporary literature in this domain, his work is only occasionally referred to — which must be to a large extent due to the fact that only one of his many essays has ever been published in French, while no translations of his most important works exist in English. This situation causes less wonderment when one remembers that in 1938 Karl Bühler, at the height of success, was stripped of his Vie nna professorship and thrown into prison by the Nazis, then was estranged from his mother language environment and thus deprived of the opportun ity for any further influential achievement. When one considers the greatness of the work Bühler accomplished up to 1938, after which one turns to the mere handful of essays in the English language which appeared in the USA in the following twenty-five years, and one compares these rather modest publications with his remaining liter ary legacy of over 5000 pages, partly hand-written and partly in type, which have become available to me, and is in the process of being published for the first time in a complete edition, it becomes immediately clear what a great loss the insufficient consideration of Karl Bühler's work has meant. I intend in my paper to attempt the reconstruction of central aspects: of Bühler's pragmatically integrated theory of signs. In the section which has become known as "Chapter of Principles", contained in Bühler's Theory of Language (1934), he develops his concept of the three significatory functions in the language phenomena, the sign nature of language and the four-part model which unites "Sprechhandlung" or speech-interaction with "Sprachwerk", language-product, and "Sprechakt", speech-act, with "Sprachgebilde", language-system; Bühler chose Plato's
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ACHIM ESCHBACH
Cratylos as the starting point for his theory. Here language is said to be an "organon", that is organ or instrument, with which one communicates on something with another (cf. Bühler 1934: 24). Within the criteria just enumerated, which make the social character of language manifest, no fewer than three foundations for relationships are distinguishable. Elsewhere in his work Bühler mentions that his concept of the social character of language logically procedes, or is at least logically commensurate with the subject-related act theory in the sense established by Husserl (1934: 69). If we start from the assumption that usually there is a phenomenon which can acoustically or visually be perceived and which enjoys relations to all three foundations, then we can graphically present this first result (Figure 1).
Figure 1. (Bühler 1934: 25)
It is however by no means Bühler's intention to follow de Saussure in his description of human communication. Saussure's "spiral of speaking" was known in 1934; in it a psycho-physical system A shows a reaction when caused by a stimulus, and which in its turn becomes the stimulus to a psycho-physical system B. According to Bühler one can eliminate the insufficiences of this concept only by means of a consistent sign-theoretical or — as he puts it — "sematological" approach. One of the first facts which would have to be accounted for in a sematological approach is that human communication can neither be described as a stimulus-response chain reac tion nor as a mere act of representation as expressed in the scholastic for mula "aliquid stat pro aliquo", because the sender formulates whereas the receiver selects. Bühler expresses this in his Axioms of Linguistics as fol lows: "With the signs that carry meaning it is such that the sense object, this per ceivable thing, hic et nunc does not have to be absorbed in all its concrete properties into the semantic function. It is far more likely that merely this or that abstract element is relevant to its function to operate as a sign. Put
KARL BÜHLER'S THEORY OF SIGNS
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into simple words this is the principle of abstract relevance (Bühler 1933: 31 f.)
Faced with this fact Bühler feels obliged to reconceive the formulation of the Platonic organon model of language which I have already described. It is reconstituted as a model of the composition of signs, demonstrating the three-dimensional sign property of a concrete sound phenomenon. Bühler has schematised this outcome in the well-known organon model of language, which has since become famous in the German-speaking coun tries (Figure 2).
Figure 2. (Bühler 1934: 28)
He illuminates his model with the following words: "The sides of the triangle I have drawn symbolize these three aspects. From one point of view the triangle covers less space than the circle (prin ciple of abstract relevance). In the other direction however, it extends beyond the circle, indicating that the thing which is perceived always undergoes a non-perceiving completion. The parallel lines symbolize the semantic functions of the complex language signs. It is a symbol due to its reference to objects and propositions, symptom (indicator) due to its dependence on the sender whose consciousness it expresses, and signal due to its appeal to the receiver whose outer and inner behaviour it directs as do other signs of communication." (1934: 25)
On the basis of this formulation of Bühler's sign concept, I shall con tinue the discussion with consideration to the postulate that Bühler required a sign concept not at all for its own sake owing to the continuing process of reduction to basics within the theoretical foundations of linguis tics, but for its constitutive function as a mediatory in interactions. In this case as in many previous cases Bühler has been influenced in his research on the constituent conditions of actions by his preceptor Johan-
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nes von Kries from Freiburg. Von Kries has introduced the term "Spiel raum", that is free play or scope, in his Principles of the Calculation of Probability, 1886. This concept reappears in the Theory of Language' in the unpretentious — but not unimportant — form of the term "Versetzung" or transference of the self in space and time. The concept had already been further developed in one of Bühler's most successful works, The Intellectual Development of the Child (1918), through the term "rôle-taking", on loan from Karl Groos, in a way which reminds one, and not at all superficially, of the notion developed by George H. Mead. This leads on to the enquiry into which constituent, reflexive and/or regulative functions signs exercise in social actions. A key passage which summarises the whole complex matter in precise form is to be found in The Crisis of Psychology, where it is stated that the origin of semantics is not to be found in the individual but in the commun ity. "Thus we are putting the simple as well as far reaching hypothesis that the semantic institutions are from the beginning in the service of an ordered social life, and moreover add that we regard them not as a secondary institution of luxury which springs from an already existent social life, but that on a much deeper and more essential level the two are combined: semantics is not a by-product but a constitutive factor of all animal and human social life." (Bühler 1927: 38f.)
If the sociality of man is the source of semantics then we have to analyse how Bühler defines the term society. Bühler's answer is limited to the emphasising of one aspect: "that meaningful behaviour among the members of society relies upon mutual guidance" (ibid. 39). Elaborating on this thought Bühler stresses that the factual concord of behaviour of the mem bers of society is not sufficient to account for a community, but that there must be a hic et nunc demonstrable regulating. The assertion follows that such regulating "without semantics, i.e. means of communication", would not be possible; or put differently: "The language signs function in human communication as a means of determining practical behaviour, they are signals in the service of com munal life." (Bühler 1931: 104)
This thought, which can be judged to be the pragmatic basis for all further elaborations of Bühler's sematology, has been succinctly formulated in the Theory of Language as follows:
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"That the human language (...) belongs to the category of 'tool' or is, platonically speaking, an organon, means no more than the language is to be regarded in relation to those who use it and are its authors. Consequently, the language researcher meets at the core of the sign-nature of language with the concept of 'homo faber', that is to say a maker and user of tools. (...) For the time being, however, one can characterise the nature of signs which are used in intersubjective communication as a tool of orientation in community life." (Bühler 1934: 48)
Thus far the objection might be raised that beside the realm of signmediated actions there is the second realm of mutual perception situations, where the attitude of the community member is effected without words or gestures. There can of course be no objection to the acknowledgement of a realm of mutai perception situations; occasional Bühler even describes this situation as a fundamental case, which we must take as our point of depar ture (cf. Bühler 1927: 39). On the other hand, Bühler has repeatedly and energetically rejected the idea that any perception could penetrate to the perceiver directly, unmediated and free from the necessity of interpretation (cf. Eschbach, 1981). He has instead emphasised the token character of all perceptions, and their judgement status (cf. eg. Bühler 1927: 73ff.). In his Crisis of Psychology he describes this as follows: "Concerning the theory of perception one must furthermore never forget that already the simplest qualities such as 'red' and 'warm' do not act for their own sake, but as tokens of the properties of the perceived objects and events." (1927: 97)
There are similiar definitions scattered throughout Bühler's work, one of which deserves our special interest because it draws our attention to the origin of sign production: "It is apparent that the biological origin of sign production is to be found only in those higher community life forms of animals where a social situa tion demands the expansion of the horizon of mutual perception. The superiority of perception and memory data of consequence to the situation in hand, on the part of one of the co-operating individuals, formes the basis for the message." (Bühler 1934: 38)
In my view, it is exactly this point — that is the discusssion concerning the source of sign production and the cultivation of awareness of signs, also the introduction of the term of "transference" and the inclusion of the con cept of rôle-taking, with which Bühler has decidedly advanced semiotic research and has managed to eliminate a whole range of dichotomous monstrosities.
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Referring to Hildegard Hetzer's Vienna dissertation (1926), which even today is still considered authoritative in many respects, Bühler sum marizes the discussion so far in the following statement: "When we consider, for example, how strikingly early a child is capable of understanding the symbolic actions of those with whom it has emotional contact, and is indeed already able to make believe it is another, and simultaneously we remember it is in language that symbolism first emerges, then we are led by both these facts to the one conclusion: it is in the service of community life that symbolism comes forth." (Bühler 1927: 211)
Though we may be ready to agree with the repeatedly expressed view that it is community life in whose service symbolism appears, this by no means brings us to the end of our research. Still unresolved is the matter of how we are to account for the appearance of symbols. Older dichotomous explanatory models were in general satisfied at this crucial point with the insipid information that the differentiation of "I" from "not-I" is practised in order to safeguard, through negation, the identity of the self. They forget, however, with splendid regularity, to mention what it could be that brings about and renders possible this amazing step. As in numerous other cases, it was Bühler's captirating way of thinking — his matter of fact simplicity — which cut the Gordian knot of primary mediation. He was cautious at first, and simply noted in The Intellectual Development of the Child that the acquisition and growth of a sign con sciousness must be of greatest importance for the child (cf. Bühler 1918: 230). The bold step into new country was soon undertaken, however, for in The Crisis of Psychology Bühler, now purged of dispensable assumptions, says the following: "Our approach involves next to no assumptions on any processes in the consiousness, it proceeds not from the mono-system of experiential psychology but from the essential duality of sender and sign-receiver. Are we now obliged — for reasons of purity — to somehow deduce this twofoldedness? To derive the 'not- and the 'you' from T , thus concluding with the statement that wherever this semantic-duality is to be encountered, our consciousness must already have progressed to the discrimination of Τ and 'you'?" (Bühler 1927: 42f.)
We soon become aware that with this formulation Bühler expresses an attitude on rhetorical grounds merely, because in a later passage he puts the question how one is ever to attain to the experience of "you" through infer ence if one is limited, at the beginning, to the concept of "I" and a rigidly
KARL BÜHLER'S THEORY OF SIGNS
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solipsistic co-ordinate system (cf. ibid., 100). On this basis it becomes clear why Bühler does not put emphasis on the disjunction, but rather on the cor relation of "I" and "you"; and also why he takes up the assumption that "I" and "you" are categories of our concept of reality, just like other categories, so that they are to be seen as constitutive elements of our think ing rather than mere products (1927: 99): "I am inclined to think that considering the very primitive state of mind which one might attribute to the new-born child — all that we later see merge from it, the differentiation of Τ from 'you', and of Τ from object', as well as the element of intent in contrast to the T-concentration of experience, all must somehow have already been there." (1927: 101).
Though Bühler's theory may seem spontaneously more pleasing or plausible than the strategy of dichotomous explantation, we are not to refrain from looking deeper into that "somehow". Here again Bühler pro vides a decisive intimation in his interpretation of Max Scheler's thesis on the perceptibility of the experiences of the other in spiritual contact. In con tact with a situation-sharing partner, one understands the other's behaviour as if he or she were not another at all but rather oneself: "One transfers oneself (...), via the imagination, into the situation of the other in order to understand him. The image should — for any cases — be yet more intimate. (...) Conversely (...) the activity and leadership of the other determines our own experiencing, our primary experience of the self, to such an extent that we are capable of divining what the partner feels." (1927: 84)
Thus we can state that Bühler's concept of duality entails that we know how to decode as a sign our perception of the other for the one reason only: that we are able to take over the other's rôle. In this way the perception of the "unknown" becomes the perception of the "self", meaning that what is unknown or strange to us is transformed into what is familiar, on the basis of supposed uniformity. We have already attributed to the new-born child the ability to interpret — on the basis of the signifiance of perception — itself as well as its environment by using the principle of rôle-taking. We must not, however, forget that in spite of far reaching common features between the token function of the sense data and the symbolic function of language signs, there are also major differences, of which Bühler tries to take acount with the help of his term "transference". In his Theory of Language Bühler describes "transference" as an extremely sophisticated game, of which we adults are scarcely still aware,
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ACHIM ESCHBACH
which is practised whenever we present a phantasm in speech (cf. Bühler 1934:138). What in this formulation still looks like a game one occasionally indulges in, adopts in a later passage a more general character: "Man can only present a phantasm of something absent to another person through language means because of the phenomenon of transference" (1934: 139). This Bühler illustrates with the parable: "that Mohammed shall go to the mountain or the mountain will come to Mohammed" (1934: 134). Transferences, which Bühler also calls means of delivery expressed in language (cf. 1934: 374), allow not only temporal leaps, but also local, per sonal or modal changes within the area of free play. This principle of trans ference through language signs allows the speaker on the one hand to forget where he has been transferred from (cf. 1934: 375), on the other hand he is in the position "to use locality indicators such as 'here', 'there', 'over there', or direction words like 'in front of', 'behind', 'right', 'left', in exactly the same way phantasmally as in the primary act of perception" (1934: 137). It would be a mistake to assume, however, that transferences are only to be encountered in the situations here mentioned. These examples have primarily the function of proving that also in presenting a phantasm one cannot do without the natural indicators; furthermore it should become clear that transference as a linguistic means of delivery establishes and purses its own rules of play. If the need or the obligation arises to liberate the representational content of a language utterance from its entanglement within the actual visual field, then this process can only be realized through a transference, that means a change of field from the visual to the symbolic. What the speaker gains with liberation from the constraints, by transfer ence, of the actual visual field, he at once loses through the new rules determing symbols. These receive their value in the symbolic field to the extent that they come under the co-determining influence of the synsemantic environment (cf. 1934: 372). On this basis it becomes clear why Bühler occasionally describes the symbols as rôle-indicating signs (cf. 1934: 381); though they are capable of undertaking a transference from the occurrence of the speech situation, they are unable to do without deictic pointers to produce the rôle-play in language. The discussion of symbol-mediated transferences has already shown that even on the level of language signs by no means inconsiderable remnants of evolutionally earlier kinds of signs have had an effect. In con sequence the dynamic aspect of Bühler's theory concerning his research on the function of play for the intellectual development of the child becomes
KARL BÜHLER'S THEORY OF SIGNS
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far clearer. With repeated reference to the important works of Karl Groos (cf. Groos 1896 and 1899) Bühler emphasises: "how for example the human child step by step, beginning with the simplest body movements (kicking, grabbing, babbling) happens upon all physical and mental acts right up to imagining, thinking and wanting, while in the area of perception experienced in play. Likewise how the child acquires, without knowing about the deeper biological sense of the matter, those basic physical and mental skills which are necessary for life." (Bühler 1918: 458)
One would certainly acquiesce in such a general description of the early apprehension of the environment through play. Two qualifications or clarifications are necessary, however, in order to focus upon Bühler's con cept of play in the precision required. Play generally can be defined with regard to its wishful or desirous character. An action which is directed by the desire for satisfaction ends in the attainment of the desired object, and thus has a blocking effect according to Bühler, and at least for the time being involves no further consequences. Activities due to a desire for action would be a mere waste of time for the purely instinctive animals (cf. 1918: 459). Play which is determined by a functional desire, however, stimulates ever new actions (cf. 1918: 459). In addition, it seems to be necessary to distinguish imitation games, which directly follow sense impressions, from rôle-playing. The latter is to be observed in even the smallest children, who either play a rôle themselves or attribute rôles to the organic or inorganic objects of their environment, which they might slip into themselves (cf. 1918: 330 ff). With this differentiation, Bühler arrives at the following formulation of his concept of play: "An action which is invested with functional desire, and is maintained directly or on its behalf by this desire, we shall call play. It is irrelevant whatever that activity may otherwise accomplish, and to whatever context it may belong." (1918: 461)
If we add this point to our characteristics of symbolic signs as role-indi cating signs, then we need only take a few more steps to master Karl Bühler's pragmatically integrated theory of signs. Already with his sociality axiom, which determines the human use of signs as essentially a community action, Bühler has drawn our attention to that area which gives the signs their function in the first place. In his Crisis of Psychology Bühler sharpens this definition when he stresses that it is impossible to define the concept of language sense in isolation:
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ACHIM ESCHBACH "The idea of a 'sense in itself, without regard to a language community for which it is valid, would be no more comprehensible than the idea of 'money in itself, irrespective of the economic situation in which it is a cur rency." (Bühler 1927: 126)
Thus if language sense is not to be defined as an isolated concept but has ever referred to community life, and marks, in the context of other meaningful human behaviour, the scope of aim-directed activities (cf. Bühler, 1931: 96), then it should be clear that a theory of signs must be developed as a theory of actions. For not only is every human and animal action directed by signs, but also signs divorced from their constitutive and mediating rôle in actions would have no function at all. Here Bühler points out that the concept of action which he considers the key one in modern theorizing (cf. Bühler, 1933: 149), is entirely within the range of Aristotle's concept of practice (Cf. Bühler, 1934: 52). One of the most important pas sages with regard to this methodical approach, which also bridges Bühler's earliest works with his final monography, The Gestalt Principle in Human and Animal Life (Bühler, 1960), is to be found in his Theory of Expression: "Whoever not only says 'action', but also thinks it, means 'particular units' of occurence. The ∞ and ω of a theory of action (...) are questions and answers concerning the character of wholeness of an action. The observer has to become aware of and account for the how and wherefore of his abil ity to apprehend a whole from this or that part of the flood of visible occur rence; this is the (methodical) ∞. And last of all an answer is required to the problem of what is the real basis of the unity of an occurence which we describe as an action; this is the (factual) ω . And in between the two there are quite a few more aspects to consider." (Bühler 1933: 197)
Actions, which Bühler has already defined in his Axioms of Linguistics with reference to the historical perspective, take place fundamentally in a field of action where the determinants are need and opportunity (cf. Bühler, 1934: 56). Beyond the segmenting of this field of action into its synchronous determining constituents, sufficient historical knowledge of the actor him self is necessary in order to understand the twofoldedness of the field of action and the circumstance of the basis of action or reaction, which is only historically comprehensible (cf. ibid.). Therefore an analysis of the action must be extended to the examination of its "inner-field" and "outer-field" so that, on this basis, an understanding of the concrete act history can be reached. One can find the most thorough particularisation of this stimulating thought in the fourth chapter of the "Principles" section in the Theory of
KARL BÜHLER'S THEORY OF SIGNS
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Language. Here Bühler affirms that in the integral object of Linguistics four elements must be registered and elaborated. While Wilhelm von Hum boldt stressed two aspects with the terms "ergon" and "energeia", and Fer dinand de Saussure two more with "langue" and "parole", for Bühler it is fitting to write all four elements into a composite whole (Bühler 1934: 49):
III IV
I
II
interaction insight
product system
This compilation allows the advantages of Humboldt's approach to be combined with those of Saussure's, so that we can define the language phe nomenon as follows: "I. as subject-related phenomena. II. as subject-emancipated and therefore intersubjectively established phenomena. III. as interactions and products on a lower level of formalisation. IV. as insight and system on a higher level of formalisation. (Bühler 1934: 49)
The semiotic analysis of these four fields would have to deal first of all with each "inner field", and secondly with the predominant relations in the "outer field". Here Bühler distinguishes no less than six possible basic relationships (1934: 49):
The "Gestalt" principle, which Bühler describes "as an intermediate between sense-perception and conceptual apprehension" (Bühler, 1960: 88), warrants on the one hand the wholeness of actions and on the other hand represents in its mediatory function the source of those judgements which constitute the sign nature of actions, and put the actor in the position of setting up relations and of interpreting perceptions as signs. Bühler describes the genesis of judgements as such that the earliest provable memories are to be regarded as complements of given perception situa tions, so that "the meaning of a new situation is understood in analogy to the
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ACHIM ESCHBACH
soundly grasped meaning of other situations" (Bühler, 1918: 406). Bühler considers this analogy principle, which is based on certain methods being applied with changing material to that which reappears in each single case, to be the root of our earliest deductive judgements. In this context it is interesting that Ferdinand de Saussure and Charles S. Peirce likewise arrived, during research on the constitution of signs and meaning, at the result that what underlies the sign-constituting perception judgements of which we are speaking is the inference from similarity to sim ilarity, and this is based on the assumption of the university of life. Without doubt one has also, beyond the establishing of a similarity relationship, to clarify what distinguishes the new perception from that already familiar. Following this a further inference can be drawn, on the basis of the relation ship between similarities, to bring the previously unfamiliar hypothetically into our stock of experience. This extended judgement on the basis of the relationship between similiar and dissimiliar is only thinkable, however, when the percepts have already been interpreted as signs. If the relations between similarities and similarities as well as between similarities and dis similarities are accepted as integral constituents of any perceptual judge ment, then we may also regard this process as the perception of states of affairs or as relational cognition, as Bühler explicitly states with reference to Klages (cf. Bühler 1933: 166). Of course Bühler does not picture the perception of states of affairs as if these states simply wandered into the experience along with the sensa tions. Instead, in 1918, he had already laid stress on the first proposition of his theory of comparisons according to which without the function of the indicators there can be no relational perception (cf. Bühler 1918: 188). If, however, there is no other way of relational cognition than that via signs, and if there is no more direct perception of states of affairs than that via perceptual judgements, then it follows that we have specified the universal principle which is to be found, as the moving force, within all purposeful human activity. Accordingly it would be appropriate to consider Bühler's sign theory as a theory of relational cognition or, in stressing the interpreta tion of the as indicator functioning sense data, as an interpretation theory of signs, as he himself proposes: "What I call 'interpretation', namely the proceeding from and the reliance on indicators in a relational judgement, contains the 'application of a con cept' and the 'allying prospect' of which earlier relational theoreticians speak. In comparing simple sense data, the 'dimension' of the difference emerges more or less clearly." (1918: 196)
KARL BÜHLER'S THEORY OF SIGNS
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If you compare the results of our discussion with my first sketchy por trayal of the organon model of language, then it will be clear without further comment that that striking formulation does not contradict any pas sage in our results, but that it also does not particularly mention, however, many important aspects, so that the impression could arise that they are not of primary concern. This impression is wrong, however, in that, according to Bühler, the concept of sign can neither be the starting point of our argumentation nor may it be introduced per definitionem, but that it is the last abstraction which emerges — as the dynamic principle — at the end of the research. References Bühler, Karl. 1918. Die geistige Entwicklung des Kindes. Jena: Fischer. . 1927. Die Krise der Psychologie. Jena: Fischer. . 1931. "Das Ganze der Sprachtheorie, ihr Aufbau und ihre Teile." In Bericht über den XII. Kongreß der deutschen Gesellschaft für Psychologie, 95-122. . 1933a. Ausdruckstheorie. Das System an der Geschichte aufgezeigt. Jena: Fischer. . 1933b. "Die Axiomatik der Sprachwissenschaften." In Kant-Studien. . 1934. Sprachtheorie. Die Darstellungsfunktion der Sprache. Jena: Fischer. . 1960. Das Gestaltprinzip im Leben des Menschen und der Tiere. Bern und Stuttgart: Huber. Eschbach, Achim. 1981. "Wahrnehmung und Zeichen. Die sematologischen Grundlagen der Wahrnehmungstheorie Karl Bühler's." In Ars Semiotica 4(3), 219-235. Groos, Karl. 1896. Die Spiele der Thiere. Jena: Fischer. . 1899. Die Spiele der Menschen. Jena: Fischer. Hetzer, Hildegard. 1926. Die symbolische Darstellung in der frühen Kind heit. Erster Beitrag zur psychologischen Bestimmung der Schulreife. (Diss. Wien 1925). Wien, Leipzig, New York: Deutscher Verlag für Jugend und Volk. Kries, Johannes von. 1886. Die Prinzipien der Wahrscheinlichkeitsrechnung. Eine logische Untersuchung. Freiburg.
On methodology in Searle's theory of speech acts G. Gutterer
Searle determines his subject to be philosophy of language as opposed to linguistic philosophy, the latter of which "(...) is the attempt to solve particular philosophical problems by attending to the ordinary use of particular words or other elements in a particular language. The philosophy of language is the attempt to give philosophi cally illuminating descriptions of certain general features of language (...) and is concerned only incidentally with particular elements in a particular language; though its method of investigation, where empirical and rational rather than a priori and speculative will naturally force it to pay strict attention to the facts of actual natural languages." (Searle 1978: 4)
Thus Searle is not concerned with the ordinary use of language but with the description of general features of language, whereby his thinking is distinguished, to put it roughly, from Ordinary Language Philosophy, which in the tradition of Wittgenstein — understood in the right or in the wrong way, be that as it may — defines the meaning of words by their actual use in language. Searle, in Saussurian terms, is concerned with parole rather than with langue (Searle 1978: 17); although, according to his own description of his method of investigation, he sometimes announces his intention to make use of the methods of linguistic philosophy, i.e. to consider natural human languages. That has to be done because "the 'data' of philosophy of language", as Searle continues, "usually come from natural human languages (which means, from the domain of experience, G.G.), but many of the con clusions about e.g. what it is to be true or to be a statement or a promise, if valid, should hold for any possible language capable of producing truths or statements or promises". And here Searle does not any longer talk about the domain of experience. He continues as follows: "In that sense this essay is not in general about languages, French, English or Swahili, but is about language"
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G. GUTTERER
(1978: 4). So Searle only incidentally deals with the elements of particular languages because his investigation is not interested {Forschungsinteresse) in the use or the facts or the elements of a particular language, but in lan guage in general. He attempts general statements about language; he is concerned with universal facts of language. Searle maintains his method to be rather empirical and rational than a priori and speculative. Professing this method of investigation, Searle is to be situated in the tradition of empiricism and rationalism, two positions fun damentally diverging; but thus he consequently is also bound up in the problems of empiricism and rationalism which come to a point in the concept of intuition. Thus it has to be asked what Searle has to say with regard to the problem of intuition, what status empiricism and rationalism can be said to have within his philosophical thinking, whether he, and if so, by what means, mediates empiricism and rationalism or whether he choses a third mode of reasoning. Empiricism, rationalism and the concept of intuition shall for the present be the terms to lead our analysis of the theory of speech acts. According to the empirical method of his proceeding Searle is obliged "to pay strict attention to the facts of actual natural languages" (1978: 4). That means, he follows language into (the modes of) its use. What else could he do? Nevertheless he only deals incidentally with its facts, as his interest of investigation has to be situated on a different level: his purpose is to make general statements about language (which is the rationalistic position); to make general statements for Searle means to illucidate those constitutive rules underlying speech acts, which serve to explain the facts of language as well as their associations. It could be maintained on the other hand that the empirical method also wishes to express general statements which are inferred inductively from experience. But this is not the way in which Searle proceeds. Searle's meaning of 'general satements' has nothing whatsoever to do with the generalization of facts of experience. Possible mistakes in his statements about language "will not be due to over-hasty generalization from insuffi cient empirical data concerning the verbal behavior of groups, for there will be no such generalization nor such data", Searle says (1978: 14). This is the classical position of rationalism which may start out from incidental data of experience but will look for mistakes and deficiencies rather in the data of experience than in the notions resp. ideas. So, in terms of rationalism, Searle does not doubt the truth or validity of basic ideas, the existence of a
METHODOLOGY IN SEARLE'S THEORY OF SPEECH ACTS
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system of rules underlying languages resp. the speech acts, because this sys tem is independant of any generalization of particular linguistic facts which stem from the observation of particular natural languages. This system of rules is not inferred inductively from given language data. These data are only an impulse to recognize (these data taken as an impulse induce the investigator to recognize) an underlying system of rules. The latter can never, let alone with necessity, be inferred from those data. With respect to the classical interpretation of empiricism and rationalism Searle seems to be situated on the rationalistic side rather than on the empiristic. Nevertheless he determines his methodological proceeding through both directions, empiricism and rationalism. If we take into consideration the philosophical tradition and reception of both theories we notice that their divergencies are much more stressed most of the time than the possibility of their being mediated, f. i. by Vaihinger (1922: 8), who says the mediation of both trains of thought has only taken place with Kantian philosophy. The Anglo-Saxon tradition which has been more influenced by empiricism is more inclined to lay stress on the opposition of both (Russell 1946: 666). John Hosper (1952) is more obliging in saying that empiricism and rationalism are distinguished in so far as for the former all ideas originate from experience, whereas with the latter at least some of them do not originate from experience. A. Riehl (1876-1887) on the other hand notices a common principle already in the very beginnings of both philosophical traditions, namely the 'critical thought' which questions the concepts by whose aid we conceive reality. And this is the context in which 'intuition' gains its decisive meaning in rationalism as well as in empiricism, as it is intuition which finally guaran tees, if blindly, the validity of knowledge. It is, after Riehl, the third epistemological factor besides the senses and besides reason resp. ratio. Intui tion is also a crucial factor in Searle's philosophy. With respect to the 'criti cal thought', which, according to Riehl, unites both traditions, it can be stated that it is basically the initial question of speech act theory, i.e. to question the concepts by which we conceive reality, the search for the essential relation of ideas and reality, in Searle's own terms: the search for the relation of words and the world. It is the epistemological question of the way our ideas work; put in terms of philosophy of language. In the latter sense it means to question the functioning of linguistic terms and of words. But here it has to be asked, too, whether Searle really does answer the question according to the way he posed it. I think the question is ultimately
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transformed into the different one of the verification of our statements about language. But this verification is not gained qua 'world' by our experiences with the outer world, but rather by an intuitive notion of an inner world. If Searle in what he says to describe his method professedly rather tends to the rationalistic side, his philosophical analyses nevertheless show, as announced in the characterization of his method, instances of empiristic tradition. Before he actually starts his analysis of speech acts, Searle makes two important methodological distinctions. He begins with a classification of his remarks about language, in which he distinguishes in linguistic characteriza tions and linguistic explanations. The former, to begin with, are determined as follows: "I shall say, for example, that such and such an expression is used to refer, or such and such a combination of words makes no sense, or that such and such a proposition is analytic" (Searle 1978: 4). All of these three distinctions point to a knowledge about linguistic entities charac terized by linguistic characterizations which in their turn imply general statements about these entities. We here deal with, e.g., grammatical categories, for example, if one says: 'this is a substantive' or with categories like analyticity or synonymy. To gain the point of Searle's philosophy it is important to note that the constitution of entities of meaning out of the manifold of language is not primarily an act of understanding qua generation of sense but an act of naming or categorization which of course presupposes the understanding of sense. With his linguistic characterizations, i.e. with his basic statements about language, Searle already enters the domain of meta-language, a field which he does not leave throughout the whole of his theory of speech acts. And thus he maybe never comes to answer his initial question: "How do words relate to the world?" (1978: 3) — because he only talks about lan guage and never manages to reach the world by its means. Besides the linguistic characterizations there is another class of remarks about language; linguistic explanations: "Secondly, I shall offer explanations of and generalizations from the facts recorded in linguistic characterizations." Searle says: "I shall say, for example, that we do not say such and such because there is a rule to the effect that so and so. Let us call such statements linguistic explanations" (1978: 5). So linguistic explanations relate to rules which are generalizations from those facts pointed out resp. named in linguistic characterizations. While the latter are concerned with a
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knowledge of facts or data resp. a knowledge of the meaning and the use of general characterizations, the former relate to the knowledge of rules. Searle maintains this distinction to be neither distinct nor reliable, but sufficient to his purposes. "Like all explanations", Searle says, "to be any good, they must account for the data, they must have such other vaguely defined features as simplicity, generality, and testability". Further on Searle says with respect to his method: "I shall therefore offer linguistic characterizations and then explain the data in those characterizations by formulating the underlying rules" (1978: 15). The explanation therefore is the cognition of a connection governed by rules of the data implied by the characterization, or, to put it another way, the rules indicate the conditions under which the data implied in the linguistic characterizations are associated. This method does not seem to differ from the empirical method of the natural sciences, and it seems even in its terminology to reproduce the tradition of positivism resp. logical empiricism. In Moritz Schlick's "Grundzuege der Naturphilosophie" (Philosophy of Nature) (1948: 14) the author distinguishes beween two steps in the cognition of nature, the first of which is named description and the second explanation. Basically there are two steps of description, a less perfect one and a more perfect one. In the first case we are concerned with a statement of the facts by aid of words and symbols which indicate the way in which the described fact is signified by its common symbol (name), i.e. is charac terized. The second step in the cognition of nature, which is termed expla nation, means, as Kaulbach explains (1971: 838), that a symbol (term) which serves for the cognition of nature is replaced by a combination of other symbols which have already been used elsewhere. Thus description has as its aim the stating of facts by symbols or significations. The explana tion serves for the cognition of connections regulated by laws and rules respectively. A relationship of thought between the positivistic method of natural science and that adopted by Searle seems evident. Positivism aims at ration ally ordering perceptable phenomena according to structural principles. By generalization of facts of experience by induction rules laws and theories are achieved. Induction is based on experience, learning and habit; this statement shows the tradition of Hume's philosophy. The ultimate aim of Searle's philosophy, on the other hand, is to show that the systems of rules underlying the first characterizations, i.e. basic statements about facts of language, are generalizing explanations.
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It is interesting to note the historical genesis of Searle's terms of description and explanation. They can be traced to as early a time as the beginnings of Western philosophy. The term of description has been known since Aristotle, who names it first and later on. This mode of description defines the subject by specifying a complex of attributes. Another mode of description important in the history of science is to determine a subject with respect to its relational connexions. The (ancient) Greeks used to call the latter mode lat. definitio secundum quid. Later on, we find the terms of description and explanation in positivistic literature beside others in the works of E. Mach, M. Schlick and Ludwig Wittgenstein. With respect to the terminological tradition of his basic categories — description and explanation — Searle's thinking is to be situated in the tra dition of thought determind by natural science, which originates in ancient Greece. In empiricism as well as in logical empiricism, we are concerned with statements about nature. Searle, on the other hand, makes statements about language. In the first case statements are made about the manifold of nature, in the second case statements about the varieties of language. The first propositions about language are linguistic characterizations which — according to those of the natural sciences — have to be verified. Thus, Searle too has, after outlining the linguistic characterizations, to answer the question for the truth of these statements, of "how I know that what I have to say is true" (1978: 5). He is here concerned with doubts aim ing at the criteria for the application of notions like 'analytic' or 'synonym ous', in a wider sense with the verification of statements about language (1978: 5). Searching for criteria, Searle decidedly refuses any claim to extensional, formal or such criteria for the verification of notions which are related to the observation of behaviour; this being a renunciation of empiristic procedures. The empirical method of the verification of notions, Searle says, "rest(s) on certain general and mistaken assumptions about the relations between our understanding of a notion and our ability to provide criteria of a certain kind for its application" (1978: 6). A knowledge of adequacy or inadequacy of any criterion already presupposes a knowledge of the meaning and consequently the proper application of our notions. "We could not embark on our investigation if we did not understand the concept, for it is only in virtue of that understanding that we could assess the adequacy of proposed criteria." (1978: 7)
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Therefore the knowledge of meaning and application of concepts is not verifable empiristically, but preceding (prior). The statements implied in linguistic characterizations relate to preceding, and that is intuitive knowl edge. Any criterion of verification is unfounded without the knowledge exressed in the linguistic characterizations. There is no objective procedure to test the application of concepts, like an operational procedure. Certainty in applying concepts is only derived from the knowlege prior to them. Even if I am not sure whether I should apply the concept of "green" to a glass of Chartreuse, this is actually a proof that I do know what "green" is , because I would surely not apply it to fresh snow or a healthy lawn (1978: 8). The same applies to the uncer tainty with respect to the decision whether a sentence is analytic or not. Searle here quotes Quine's exemple: "I do known whether the statement "Everything green is extended" is analytic" (1978: 8). Actually this border line case, Searle says (it is a borderline case as there are people who main tain that sensual data can be green but who maintain at the same time that sensual data cannot be extended. This refers to Russell!), does not show that we don't have any adequate notion of analyticity, but on the contrary that we indeed know very well what is analytic (1978: 8). Thus any criterion for the application of concepts would be unfounded without any prior knowledge. What does this prior knowledge consists of? What does it relate to? "The 'justification' I have for my linguistic intuitions as expressed in my linguistic characterizations is simply that I am a native speaker of a certain dialect of English and consequently have mastered the rules of that dialect" (1978: 13).
The prior knowledge certainly is developed with the practise of speaking, but it does not originate in the practice of speaking. This knowledge is accessible by means of intuition, which thus gains a crucial importance in Searle's philosophy. This knowledge is manifested in the practice of speaking and guarantees the application of my concepts. It can not be inferred from the use of my concepts, but on the contrary under lies this use. It is a prior knowledge which relates to the rules underlying language and the use of language. In Kantian terms the conditions of the possibility of the application of concepts are here pointed out by maintaining the existence of an underlying system of rules. This system guarantees the certainty of application of the concepts. "Speaking a language is engaging in a (highly complex) rule-gov-
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erned form of behavior" (1978: 12). Thus the rules secure the use of con cepts, and the latter receive not their empirical, but their rational verifica tion in the sense of a guarantee a priori. "... the truth that in my idiolect "oculist" means eye doctor is not refuted by evidence concerning the behavior of others" (1978: 13), and that means, in addition, that this truth can neither be proved by other people's behavior. Therefore the verifica tion of concepts is not based on experience. Experience is replaced by maintaining an intuitive recurrence to an underlying system of rules. "My knowledge of how to speak the language", i.e. how, for instance apply my concepts, "involves a mastery of a system of rules which renders my use of the elements of that language regular and systematic" (1978: 13). By reflecting the use of these elements it is possible to realize by means of the intuitive force the rules underlying language resp. the linguistic characterizations, and to formulate them; for the rule itself always has to be distinguished from its formulation. The actual rule is what is underlying respectively; it is manifested in linguistic characterizations and can be for mulated in linguistic explanations. "I shall ... offer linguistic characteriza tions and then explain the data in those characterizations by formulating the underlying rules" (1978: 15). Thus the formulated rules are the so-cal led linguistic explanations. But these explanations are not derived by way of induction according to the empiristic paradigm of natural science, but are founded rationalistically on underlying rules. In his terminology Searle adopts terms originating in a terminological tradition which finally leads to empirism resp. logical positivism, but are re-interpreted in favour of a rationalistic paradigm mistrusting empirism. Recurring to a quasi-transcendental system of rules means turning away from the orthodox paradigm of empirical verification — as Searle says — and replacing the latter by orthodox rationalism. Concepts are not ver ified by experience, more exactly: the rules which govern their application are not secured by their use in the community of speakers. It is true that according to Searle rules are internalised, and that means, learnt by experi ence in the community of speakers — which would be an empiristic argu ment — but these rules gain their certainty because they rest on underlying rules, and that does not mean rules transcending experience, but rules and systems of rules a priori. It is the application of concepts that is governed by rules. Our discus sion had to deal with doubts with regard to the criteria for this application of concepts and, moreover, doubts with respect to the verification of state-
METHODOLOGY IN SEARLE'S THEORY OF SPEECH ACTS
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ments about language. By establishing an underlying system of rules those doubts concerning the application of concepts are abolished insofar as their application is regulated a priori, and that means guaranteed or secured. Moreover, they are the condition of the possibility of general statements about language. The question, why I know what I say is true, is answered in a way not empirically, but a priori secured. This is — though Searle does not expressly state it — Kantian tradition. The underlying rules are non-verbal or pre-verbal entities. They consti tute a knowledge "prior to and independant of any formulation" (1978: 14.) It is a knowledge prior to and independant of any experience in language; it is not formulated and the difficulty, according to Searle, lies in "convert ing knowing how into knowing that" (1978: 14). This knowledge of rules which is non-verbal and not formulated is for mulated in linguistic explanations, which mean the respectively subjective and contingent formulations originating from an objective system of truth. Making statements about my mother tongue, I am not reporting the behavior of a group but describing of my mastery of a rule-governed skill" (1978: 12). It is possible that others have internalized different rules, but this does not mean false statistical generalizations from deficient empirical data. The speaker's intuitive insight into their underlying system of rules may be fallible. But the underlying system itself is not fallible. The underly ing rules have an objective status and guarantee general validity. Only the relative uncertainty of the subjects's intuitive insights into his generally valid system of rules is problematical, the possibly deficient internalization of rules resp. deficient manifestation or description of rules. These difficul ties point to the problem of 'intuition' in rationalistic systems. Searle dis penses with the claim for certainty of intuitive insight, but he would not renounce intuition as an epistemological factor in favour of the idea of a historically contingent and empirical mediability of rules. Intuitive insights may err, but nevertheless intuition is the via regia to the underlying knowl edge, to underlying rules. Experience is not the royal road, it is only incidental. This does not mean that intuitive insights are necessarily wrong all the time; it is only possible on principle that they are wrong. To put it in a posi tive way, intuition is the power which mediates subjectivity and objectivity. The respective subjective remarks about language can be generally valid, because the underlying rules guarantee this general validity. Thus general and objective statements about language are rendered possible.
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The rules underlying speech acts are prior to any use of language. The latter involves the mastery of an underlying system of rules. This mastery resp. the knowledge about rules is, in Kantian terms, a priori. The knowl edge with respect to rules must have the form of a synthetic judgement a priori. And, moreover, as it is independant of any experience, i.e. not determined by the practice of language, and rather renders the latter possi ble, it may claim the term 'transcendental'. Kant has undertaken to investigate into the conditions of the possibility of experience which are at the same time the conditions of the possibility of objects within experience. Accordingly, with him the forms of intuition, time and space, the categories as acts of pure thought, the principle of the pure understanding, by all of which the possibility of the objects within experience is conditioned, are transcendental. Insofar Searle's system, talk ing of speech acts and rules, is not Kantian. But his method which, in anal ogy to Kant's proceeding, investigates into the conditions of the possibility of speech acts and finds them in transcendenatal rules a priori, has to be termed Kantian. Richard M. Hare (1960) tends to or is at least tempted to call the con ditions of the possibility of dancing the Eightsome Reel a synthetical judge ment a priori. In the same way, Hare says, we might explain our statements about our use of language. But then he operates with the Platonic term of Anamnesis, and the process of learning rules is shifted into the sphere of time. This would mean a synthesis a priori. We remember a knowledge by making use of it, but we do not remember the process of learning itself. This is a weaker form of a priori, as opposed to the stronger Kantian mode which Searle could be said to apply with regard to which the preposition "prior to" is not to be taken in terms of time, but systematically and logi cally. The underlying rules are not syntactical rules which generate phrases as in Chomsky's system. They are not rules of a deep structure generating surface structure. They, being a knowledge a priori, guarantee sense, for mulated by language. To express this in Kantian terms: they are the condi tions of the possibility of sense expressed in language. In this sense, they are semantic rules. Searle called his method rather empirical and rational than a priori and speculative. To be sure this method is rational as well as empirical, because the data of his theory originate from experience, i.e. from natural language. But the objectivity or general validity of this theory does not originate in
METHODOLOGY IN SEARLE'S THEORY OF SPEECH ACTS
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experience resp. in the observation of natural languages, but in a system of rules underlying the latter, which is a priori and transcendental, insofar as it is the condition of the possibility of the practice of language. If speculative can be said to mean as much as independant of experience and independant of the contingencies of historical development and changeability, if this can be maintained, this theory is speculative, too. This would mean Searle's method is rather a priori and speculative than empirical and rational. And if the Kantian theory is said to achieve the philosophical mediation of rationalism and empirism, it follows that Searle's philosophy can be taken as a mediation of both positions in the philosophy of language; an initial step towards a transcendental philosophy of language. References Hare, M. 1960. "Philosophical Discoveries." Mind 69. Hosper, John. 1952. Introduction to Philosophical Analysis. Kaulbach, Friedrich. 1971. "Beschreibung." Historisches Wörterbuch der Philosophie. Vol. 1. Riehl, A. 1876-1887. Der philosophische Kritizismus. Leipzig. Russell, Bertrand. 1946. A History of Western Philosophy. London. Schlick, Moritz. 1948. Grundzüge der Naturphilosophie. Edited by Hollitscher and Rauscher. Vienna. Searle, J.R. 1978. 8th ed. Speech Acts. Cambridge: Cambridge University Press. Vaihinger, Hans. 1922. Kommentar zu Kants Kritik der reinen Vernunft, Vol. 1. 2nd ed. Stuttgart, Berlin, Leipzig.
Peirce's sixty-six signs revisited A.Jappy
On these considerations I base a rec ognition of ten respects in which signs may be divided. I do not say that these divisions are enough. But since every one of them turns out to be a trichotomy, it follows that in order to decide what classes of signs result from them, I have ^10, or 59049, dif ficult questions to carefully consider. (8.343)
Introduction In a letter to Lady Welby dated December 23,1908, Peirce gave a brief glimpse of the principles governing his new hexadic classifying system and the twenty-eight classes of signs it was to generate; in the same letter he predicted a decade of divisions which theoretically would yield sixty-six classes of signs. By early 1909 he already had doubts about the way this decadic system was organised, but nevertheless went on the sketch out the ten divisions of which it was to be composed. In 1945, Weiss and Burks reaffirmed the possibilities of the decadic system (1945), even going so far as to name the various types of sign yielded by each trichotomy, and to include generously, if a little naively, an algorithm for the calculation of any n-adic sign system. More recently, in an introduction to semiotics and literature, Jonathan Culler has made a passing reference to the decadic taxonomy (1981:23). In view of the hopes which Culler holds for semiotics in the human sciences in our post-structuralist world, the decadic system, Peirce's most complex taxonomy, would seem assured of a prominent place in semiotic methodology, more especially as, according to Culler (1981:23),
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the scientific community has at long last caught up with the master's innova tions. There is, however, reason to believe that this system is not opera tional as it stands, a point that Peirce himself seemed to be fully aware of. For this reason, before any discussion of the interest to be derived from the decadic taxonomy can be undertaken, it seems of fundamental importance to be able to assure ourselves that it functions correctly. It is to this task that the present research is addressed. 1.
Preliminaries
We begin with a brief reminder of how Peirce established his taxonomies. 1 He first selects, within the semiotic framework, the criteria upon which to base his divisions; each set of criteria is mapped, in a particu lar order, on one or other of the three phaneroscopic categories; in the case of the decadic system, henceforth DECADE, this process gives a table of 103 (59049) possible combinations, which, when subjected to the principle of the hierarchy of the categories, 2 are reduced to the predicted sixty-six (un fortunately, Peirce' s published works give no examples of complete sign classes obtained from either the hexadic or the decadic system); a sign is named according to the category in each division to which it corresponds: e.g. an Icon corresponds to a Firstness of division (S-0); a complete class of signs is obtained when values have been obtained from each of the divisions making up the particular system. Previous taxonomies, obtained from three and six divisions respectively, fall into two distinct groups according as the criteria making up each division are relational or correlative, DECADE is a combination of the two. In a previous paper that investigated an apparent incompatibility between the two types of criteria (Jappy, 1985), it was shown that they were compatible when kept separate, but it was suggested that there might be difficulties if the two sets of criteria were included in the same set of divisions. This, as it happens, is the situation in DECADE. 2.
Decade
2.1 The original version The taxonomic system illustrated in Figure 1 represents the decadic taxonomy 3 as Peirce described it in draft letters to Lady Welby in late 1908 (8.342-75)
PEIRCE'S SIXTY-SIX SIGNS REVISITED
Cat
S
3 2 1
Famisigns Actisigns Potisigns
Cat
Id
3 2 1
!
Usuals Percussives Sympathetics
Od Copulants Designatives Descriptives
S-Id Indicatives Imperatives Suggestives
Od Collectives Concretives Abstractives
If? Pragmatistics Practical-S Gratifics
S-Od Symbols Indices Icons
S-If Arguments Dicents Rhemes
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Ii Relatives Categoricals Hypotheticals
s,o,I Formais Experientals Instinctives
Figure 1.
The problems to which Peirce was referring when he wrote "... the relations I assumed between the different classes were the wildest guesses, and can not be altogether right I think" (8. 365), are immediately apparent when an attempt is made to classify, for example, the statues discussed by Peirce himself in 8.356-7. These, he tells us, although they have general Objects, are not in themselves general: "To each such family that very realistic statue represents the mourned one who fell in the war. That statue is one piece of granite, and is not a Famisign. Yet it is what we call a "General" sign, meaning that it is applicable to many singulars. It is not itself General; it is its Object which is taken to be General." (8.357): thus the village statue is a Token, or Actisign, and has a Thirdness of Od as its object. Reading along figure 1 from S to (S-O), we find that the path described goes from Secondness of S, through Secondness of Oi, up through Thirdness of Od and back down to Secondness of (S-O): the path has an illegal 'hump' at Od, indicating that if we take the juxtaposition of each division with its neighbours to mean some 'organic' relation the principle of the hierarchy of the categories is infringed; alternatively, if we simply consider each division in turn, independently of its neighbours then the structure represented in figure 1 in no way qualifies as a taxonomy, but simply as an unordered set of criteria. In either case the predicted 66 classes of signs are pure myth.
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2.2 Criteria as categories To see why this should be, it is useful to consider the formalisation of Peirce's triadic taxonomy undertaken by Robert Marty (Marty 1977, 1979) where, using category theory, the author shows that the non-linear struc ture described in 2.254-64 can more conveniently be represented as a lat tice, which exhibits unambiguously the relations between the various clas ses of signs. In this case the objects of the first category are the criteria S, (S-O) and ((S-O)-I), and its morphisms the identity relations holding on each of these, plus the 'determination' relation represented thus: S → (SO) → ((S-O)-I), where S is included in S-O, and (S-O) in ((S-O)-I). The other category involved in the triadic taxonomy has the three phaneroscopic modes of being (Firstness, Secondness and Thirdness) as its objects, and the relation 'of greater complexity than' (plus the identity relations) as its morphisms. In either case the morphisms have a motivated, 'organic' character, and are more than mere juxtaposition. Consider now the hexadic classification presented in the letter to Lady Welby dated December 23, 1908. This can be represented as a category with the following objects and morphisms: Od → Oi → S → Ii → Id → If, where the arrow signifies 'determines what follows to be such as it is' (e.g. an Od involving a request for information will produce an utterance in English with subject-verb/auxiliary inversion, or with a WH-term in initial posi tion). The other category involved in this taxonomy is, as before, the three modes of being and their morphisms. Within category theory, then, Peirce's lattice-taxonomies are obtained by defining the ten (twenty-eight) functors from the category S → (S-O) → ((S-O)-I) (Od → ΟΙ → S → Ii → Id → If) into the category Third → Second → First. What Marty's formalisation clearly shows, of course, is that the relations between the divisions in each taxonomy are not random and haphazard, but in fact arranged in a logical manner, for the divisions are obtained when the sets of triadic criteria are mapped onto the set of modes of being in accordance with the principles of the hierarchy of the categories. Thus, S is now seen to 'determine' (S-O) to the extent that a Secondness in that division cannot logically be the first element in a relation between sign and object that is conventional, that is, a relation partaking of Thirdness: Sinsigns cannot be Symbols. Turning to the third division or trichotomy, we find that a Dicent sign is one that is represented by its interpretant as being in an existential relation to its object: "...the Interpretant [of the Dicisign]
PEIRCE'S SIXTY-SIX SIGNS REVISITED
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represents a real existential relation or genuine Secondness, as subsisting between the Dicisign and its real Object." (2.310); in this way, an icon , as a sign of a possible object only, can in no way be Dicent. The categorical constraints, when seen in this way, are no more than a formalisation of the logic of common sense. Returning now to Peirce's decadic taxonomy, we find that by mixing relational and correlate criteria, the determination sequencing apparent in the taxonomies examined above is lost and cannot be deduced as matters stand: there is simply no 'organic' relation, or morphism, in the sequence, say, from S to Ii, and the set of ten criteria in Decade do not constitute a category in Marty's sense of the term, which explains why the taxonomy fails to classify the village statue. 2.3 Λ reformulation Interestingly, at the same time as it affords an explanation of the fail ings of DECADE, Marty's use of category theory suggests a possible way of emending the system, and that is to reconstruct it in a way which respects the determination involved in each set of criteria: namely, by reordering the sets of criteria according to whether they are correlative or relational in a way that respects Peirce's original determination sequences. The most reasonable reformulation of the structure seems to be the following:
where the relational criteria are 'appended' to the correlative at the only point of intersection, namely S. Figure 2 calls for two important remarks. Firstly, since Peirce explicitly states that the S-If relation in TRIAD is deter mined by the nature of the S-O relation, it is assumed that this is also true of S-Id, and that Indicatives, Imperatives and Suggestives can be Symbols,
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while no Icon can be Indicative or Imperative. Secondly, the relations between Id and If and S-If respectively only make sense if we admit that the nature of Id determines the nature of S-If ; this means that there are Usual Indicatives: "The police are watching the house.", and Usual Imperatives: "Are you coming?", "Get dressed!", but no Sympathetic Indicatives. Likewise, it makes sense to talk of Pragmatistic Arguments (e.g. any syl logism), Dicents ("It's five o'clock") and Rhemes ("camel"); of Practical Dicents ("Who's that knocking?"), and Rhemes (the graduated markings on a thermometer), and gratific Rhemes (a drawing without a caption), but not of, say, Gratific Arguments. 3.
Defence and illustration of decade
The type of classification made available by the modified form of and the sort of analysis it entails will now be illustrated by an examination of two linguistic signs. Consider the following extract from a letter to William James dated March 19, 1909: DECADE,
... suppose I awake in the morning before my wife, and that afterwards she wakes up and inquires, "What sort of a day is it?" This is a sign, whose Object, as expressed, is the weather at that time, but whose Dynamical Object is the impression which I have presumably derived from peeping between the window-curtains. Whose Interpretant as expressed, is the qual ity of the weather, but whose Dynamical Interpretant, is my answering her question. But beyond that, there is a third Interpretant. The Immediate Interpretant is what the Question expresses, all that it immediately expres ses, which I have imperfectly restated above. The Dynamical Interpretant is the actual effect that it has upon me, its interpreter. But the Signifiance of it, the Ultimate, or Final, Interpretant is her purpose in asking it, what effect its answer will have as to her plans for the ensuing day. I reply, let us suppose:"It is a stormy day." Here is another sign. Its Immediate Object is the notion of the present weather so far as this is common to her mind and mine -not the character of it, but the identity of it. The Dynamical Object is the identity of the actual or Real meterological conditions at the moment. The Immediate Interpretant is the schema in her imagination, i.e. the vague Image or what there is in common to the different Images of a stormy day. The Dynamical Interpretant is the disappointment or whatever actual effect it at once has upon her. The Final Interpretant is the sum of the Lessons of the reply, Moral, Scientific, etc. (8.314)
Now what we have here is an example of Peirce's Pragmatist theory of meaning being applied to two consecutive utterances: we thus have two signs to classify, where the second represents the dynamic interpretant of
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the first. We begin with Mrs. Peirce's question "What sort of a day is it?". (for convenience the Legisign/Replica, Type/Instance distinction is waived in the following discussion.) This sign is applicable to an infinite number of objects — there is a definite state of the weather each and every day — thus the impression Mrs. Peirce presumes her husband to have gained from a brief glimpse from behind the curtains is infinitely iterable; the sign is thus applicable to a gen eral object, and as such qualifies as a Collective. By virtue of Oi, namely the identity of the weather on that occasion, the sign expresses a distribu tive relation — to each situation of utterance there corresponds an identifi able weather type: the sign is therefore Copulant. In its own right the sign is a familiar sign, or Type, since it determines countless instances or replicas. By Ii, which Peirce identifies as "the quality of the weather" (at the time), the question is a Relative sign, expressing an identifiable relation between the quality of the weather and a given moment (there being for Peirce no generality without relation). The dynamic interpretant is the fact the Peirce should answer, the reaction the question produces upon him: this, it would seem, is a habitual reaction (i.e. he did not immediately sock his wife on the jaw, commit suicide or ask her a totally irrelevant question such as "Who was that gentleman I saw you with last night?"; put different ly, this means that the range of reponses to Mrs. Peirce's question would in most cases, i.e. habitually, be restricted to the expression of the same objects, allowing of course for differences of intention); this means that the sign is Usual. The final interpretant, Peirce tells us, is "her purpose in ask ing the question, the effect its answer may have as to her plans for the ensu ing day". In view of this criterion, the sign is Practical — it was uttered with the intention of eliciting information upon which the good lady was planning to base part of her actions for the day, and was intended to produce a mod ification of her situation, i.e. an action in the form of an answer, which is typical of questions and interrogatives. An imperative such as "Shut the window!", likewise a Practical sign, would have transformed the situation in a perhaps less predictable manner — by producing the required reaction or eliciting a response such as "Shut it yourself!", or "No,I won't!". When examined in the light of the 'pragmatic' or 'dynamic' axis of DECADE, then, this sign belongs to the class of Collective, Copulant Types, that are also Relative, Usual and Practical: the customary redundancies reduce this to a Practical, Usual sign.
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2. Turning now to the relational, and therefore 'modal', dimension of DECADE, we find that by virtue of (S-O) the sign is conventional and is there fore a symbol; by (S-Id), it is not Indicative but Imperative (Peirce, for obvious reasons, included similarly context- or situation-modifying signs like Interrogatives with the Imperatives, (cf. 4.538)). By (S-If) the utterance is Dicent, for although seeking information, the sign and its various objects — the weather, the situation of utterance and Mrs. Peirce's doubt concern ing these — are presented as being in an existential relation. Finally, with respect to (S, O, I), one assumes that it is a sign that assures its object by experience rather than by instinct and is therefore Experiental. Thus, the complete classification of "What sort of a day is it ?" yields an example of the class of Practical, Usual, Experiential Symbols. If we now examine Peirce's reply, we find that this is a semiotically more complex sign. As in the previous case, "It is a stormy day." is a Col lective, Copulant Type: not only does this type of sign govern countless replicas or instances but can be determined by innumerable stormy days. As before it is Relative and Usual, moreover for the same reasons — it establishes a certain type of relation between the idea of the present time and the "vague Image" of stormy days and is also interpreted not by an unpredictable reaction but rather by one of a class of predictable reactions, namely habits. However, in view of If the sign induces not simply an emo tional reaction (we are often, of course, disappointed or frustated by state ments of this sort), but a conduct-determing belief: information has been given and has now been internalised as a belief and, inspite of her disap pointment, Mrs. Peirce's subsequent actions will allow for the fact that her question has been answered in the manner stated. This makes the sign Pragmatistic. From the modal point of view this sign too is a Symbol. How ever, by its appeal to Id, that is, when we classify it in terms of (S-Id), the sign is obviously Indicative, and this, although only visible in the taxonomy via the paths from Id and If to (S-Id) and (S-If) respectively, is a corollary of the fact that while a question seeks to resolve a doubt or to elicit infor mation, a statement fixes belief and establishes self-control. By virtue of (S-If) the sign is, of course, Dicent; it is, once more presumably, an Expe riential sign. Since Indicative signs cannot be other than Symbols, and since too, Pragmatistic signs cannot be other than Indicative, "It is a stormy day." belongs to the class of Experiential, Dicent, Pragmatistic signs. We note, finally, that If in this case is the sum of the lessons of the
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reply. In the circumstances, the lessons will no doubt appear insignifiant and small-scale in the light of such epoch-making and lapidary statements as 'Έ pur se muove.", "Action and reaction are both equal and opposite", E=MC 2 or "L'homme est né libre, et il est partout dans les fers.". Mrs. Peirce, one assumes, was nonetheless able to plan her day on the strength of those lessons. 3.1 Discussion and conclusions Having classified these signs, and assuming perhaps optimistically that the remodelled DECADE is a valid Peircian taxonomy, the foregoing exercise forces us to consider two issues. The lesser problem concerns the exact number of sign classes the new version may be expected to yield: does this new structure furnish us with more or less than the predicted sixty-six? At the moment this is anybody's guess, and the author is at present working on an algorithm that will trans late into LISP code and calculate the exact number of sign classes generated by the structure in Figure 2; dry runs suggest that the number may be in excess of 93. More urgently, perhaps the classification conducted above raises what for the Peircian is a considerably more disturbing question, namely "So what?". And whither taxonomies indeed? In his less than sympathetic discussion of Peirce's contribution to modern semiotics - the present research would count, in this view, as 'masochistic', Jonathan Culler (1981:vii-viii) has argued persuasively that the field is torn by two conflict ing tendencies, emanating from entirely different theories of what a sign is. There are, Culler tells us, the zoologists and there are the hunters: the former are the Peircians, the latter the Saussurians, the Greimasians etc.; the Peircians classify signs, while the Saussurians et al. search for a sign's meaning. At first blush this seems a very reasonable analysis. Peirce's definition of the sign precludes any idea of seeking meanings, since this definition is formulated in terms of the triadic relation between a sign, its object and ...its interpretant: nothing counts as a sign that has no interpret ant, that has not been interpreted. One can only classify it, in the light of theoretically determined and theoretically ordered criteria. For the Saussu rians, on the other hand, there is no such constraint: since the meaning of a sign is nowhere included in its definition, that is, since the effects produced by, say, a system of differences such as language are not 'given', the nature
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of such meaning or effects is left largely to the initiative and imagination of the researcher. However, all is not lost for the Peircians. We must, up to a point, clearly distinguish between semiotics and pragmatism. For, while it must be admitted that a preoccupation with taxonomic classification is a rather jejune form of sign study, two points should be borne in mind: firstly, that in the hexadic and decadic systems Peirce included a sign's interpretants (that is, its effects or meaning) among the criteria by which it was to be classified, thereby obliging the researcher to take them into account; sec ondly, he went to considerable pains to elaborate a theory of meaning which runs parallel to semiotic analysis: pragmaticism, he tells us, is "merely a method of ascertaining the meanings of hard words and abstract concepts" (5.464); further, he suggests in the Pragmatist Maxim4 a practical way of conducting this method of analysis. And here we find the major con tribution of the decadic, and indeed the hexadic, taxonomy. For it obliges us to classify signs, it is true, but in doing so, as the analysis in 3.2 and 3.3 was intended to show, it obliges the researcher to consider in a thoroughly ordered manner, i.e. within a coherent if constraining theory of signs, the nature and implications of meaning. When the effects, or meaning, of a sign are criteria for its classification, it is simply not true that the research of Peircian semioticians is simply a question of sticking labels on things — the pragmatistic theory of meaning is an essential part of his work, as DECADE amply demonstrates. Notes 1.
For a brief conspectus of four of Peirce's published sign systems the reader is referred to Jappy 1985.
2.
"It is evident that a possible can determine nothing but a Possible, it is equally so that a Necessitant can be determined by nothing but a Necessitant." (Letter to Lady Welby, Dec. 14, 1908).
3.
The decadic system is presented in 8.344 and, in a slightly different form, in sections 8.363 -74. Question marks beside the division indicate that the symbol is 'reconstructed'; the labels employed are Peirce's own where possible; or adapted from Peirce (e.g. 'Urgent'); or else borrowed from Weiss and Burks, namely Practical and Pragmatistic. For conveni ence, the symbols S-Id, S-If are contractions of ((S-O)-Id) and ((S-O)-If) respectively.
4.
"Consider what effects that might conceivably have practical bearings you conceive the objects of your conception to have. Then, your conception of those effects is the whole of your conception of the object." in Peirce (1958b:204).
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References Culler, J. 1981. The Pursuit of Signs: Semiotics, Literature, Deconstruction. London; Routledge and Kegan Paul. Jappy, A. 1985. 'Beauty': sign systems that work. Kcdikas/Code, Ars Semeiotica vol. 8 (1/2), 111-120. Marty, R. 1977. Catégories et foncteurs en sémiotique. Semiosis 6, 5-15. . 1979. Une formalisation de la sémiotique de C.S. Peirce à l'aide de la théorie des catégories. Ars semiotica II (3), 275-294. Peirce, C.S. 1931-5. Collected Papers, vols. I-VI. . Hartshorne and P. Weiss (eds.). Cambridge, Mass.: Harvard University Press. - — . 1958a. Collected Papers, vols VII and VIII. A.W. Burks (ed.). Cam bridge, Mass.: Harvard University Press. . 1958b. Selected Writings, P. Wiener (ed.). New York: Dover. Weiss, P. and A. Burks. 1945. Peirce's sixty-six signs. The Journal of Philosophy, vol. XLII, 383-388.
Some remarks concerning the theory of speech acts and the idea of "pragmatics" Christian Stetter
To begin with, I have to specify exactly in what sense I am going to talk about "pragmatics" in the following essay. The concepts of syntax and semantics have been well known for a long time. Their distinction has been reflected in the respective theories of generative syntax, logical syntax, extensional and intensional semantics etc. This implies that the application of these concepts is more or less clearly restricted. With respect to the term of pragmatics, on the other hand, we meet with a different state of affairs; for we find ourselves con fronted with a wide range of possible interpretations, ranging from Carnap's "empirical pragmatics" to . . Apel's resp. Habermas' "transcen dental" or "universal pragmatics": the same concept is claimed by contrary philosophical positions. The constant oscillation of this term between dif ferent concepts is indicated by the fact that it is more often used in a pre dicative sense than as a substantive and is indeed applied to philosophical concepts which could not be termed "pragmatics". This applies for instance to Wittgenstein's conception of "Sprachspiel". "Pragmatic" as a predicate in a general way characterizes a certain conception of signification related to the sphere of the actual use of signs, whereas the application of the term "pragmatics" as a substantive is restricted to explicitly developed theories. Neither in Peirce nor in Searle — i.e. within the latter's conception of a theory of speech acts — do we meet with "pragmatics" in the substantival sense of this word. This does not mean, however that Peirce's conception of the signs of language resp. the theory of speech acts do not involve certain aspects which might indeed justify the application of a predicate 'pragmatic' in some sense or other, in order to illuminate their respective concepts of 'meaning'. By way of discussing certain ideas in Peirce and Searle (espe cially in the latter's work) I will try to clarify the philosophical signification
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of the term 'pragmatic', and I will refer to ideas developed within German philosophy of language (Humboldt, Wittgenstein etc.). I will proceed from the assumption that the theory of speech acts, particularly as presented by Searle and notably in Germany, has been received as a pragmatic theory of language, for instance by D. Wunderlich, or, still more evidently, by . . Apel who receives it as a pragmatic complement to Chomsky's generative grammar, the latter of which should, however, according to Apel, be cleared of certain misinterpretations it is liable to with respect to its own nature. This interpretation of Searle is, in my opinion, not without any jus tification: which becomes evident if we regard Austin's conception of the illocutionary act which has influenced Searle to a greater extent than he is himself sometimes ready to admit. In How To Do Things With words Austin proceeds from the traditional point of view "that the business of a 'statement' can only be to 'describe' some state of affairs, or to 'state some fact', which it must do either truely or falsly" (1971:1). This point of view is already sufficiently outlined in Pla tan's Sophistes. The question of Socrates: what does εv λέγειν mean, and its answer are well known: the question is answered by the formula τα οντα λέγειν ώς εστίν — name things according to their nature. This idea of the priortity of assertion implies the conviction that it should be possible to reduce all the other different modes of expression to this model. As early as in Performatif-Constatif Austin maintained in opposition to this view that this conviction would amount to the affirmation that any expression could be subjected to the criterion of truth or falsity, which is, with respect to an expression like "I bid you welcome", obviously absurd. The difficulties which arise along with the attempt to determine exact criteria to distinguish performative from constative expressions and the realization that these criteria cannot be established induces Austin to attempt the conception of a general theory of speech acts within the limits of which the pragmatic sense of expressions, i.e. the intention with respect to another person, can be interested systematically. An assertion thus ema nates as a special way of application of the linguistic signs among the others like stating, supposing, pretending, asking etc. and, as a special mode of the use of language, on an equal footing with them. It is just the implicit forms of illocutionary acts which renders it necessary to take into account the respective specific use in these instances. The individual conditions of speech (parole) determine the exact sense of an utterance. Insofar it can well be maintained that the theory of speech acts originates in a pragmatic concept of language.
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The other version of this theory which has been formulated by J. R. Searle and is much more popular today, adopts several of Austin's ideas which are nevertheless opposed to a number of grave modifications. Initially, Searle's version of the theory of illocutionary acts seems to remedy an inconsequence of Austin's system; i.e. the ambiguity of the locutionary act with respect to which the priority of assertion seemed to have survived, is now abandoned; the assertion (predication or constation) is now conceived as an illocutionary act among others and on equal footing with them. Thus it seemed justified to regard this version as the completion of an idea of a general theory of speech acts as conceived by Austin, because it seemed to develop the pragmatic dimension of the meaning of linguistic signs. Anyhow it is requisite to state some reservations. Searle has explicitly stressed his distance from 'linguistic philosophy', which means consequently a distance from Austin. The domain of his thinking is the problem of verification within analytic philosophy origination from logical empirism. The theory of illocutionary acts is maintained to be the solution of a dilemma that especially Quine in a discusssion of Carnap's 'dogma of reductionism' has hinted at: to postulate an empirical verification of asser tions hic-et-nunc contradicts the postulate of the objective validity of lin guistic expressions as implied in terms such as "synonymous" of the signs of language. The issue at stake is, so to say, the Humean problem of modern empirism. Thus the decidedly theoretical claim which distinguishes Searle's think ing from Austin's, can be accounted for. Searle once and for all wants to settle "certain general and mistaken assumptions about the relations between our understanding of a notion and our ability to provide criteria of a certain kind for its application" (1969:6). We are confronted with a renewal of the epistemological claim of philosophy which seemed to be irretrievably lost with Wittgenstein's deli cate attempts to find his way through the wilderness of our thinking bewitched by language. Kant already had restricted a similiar claim to the most rudimentary form of the constitution of meaning, i.e. to the sphere of what is requisite in order to talk about objects beyond any specification. And even then we find ourselves on a little island, remote from the continent of the things-inthemselves {Dinge an sich), "umgeben von einem weiten und stuermischen Ozean, dem eigentlichen Sitze des Scheins."1 The science of navigation has since developed, and it it now possible to approach the open sea not in order to investigate its surface — i.e. the
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forms of particular languages used by an Englishman, a Japanese or a Hot tentot in the course of communication in order to say s. th., ask, require s. th. of s. b., promise s. b. s. th. etc. According to the standards of our cen tury deep-sea research is at issue; i.e. the investigation into the underlying systems of rules, into language in general. In this respect Searle continues the old tradition of a purely grammatical conception of language. "Speaking a language is engaging in a ... rule-governed form of behavior. To learn and master a language is ... to learn and to have mastered these rules. This is a familiar view in philosophy and linguistics, but its conse quences are not always fully realized." (Searle 1969:12)
This depends on the range of reading; from the writings of Kant, Hamann, Humboldt, Wittgenstein and — as we shall see later — Peirce we are acquainted with a rather different point of view, the consequences of which with respect to the concept of language are nevertheless even more obscure than the instance noted by Searle. The principle argument has already been developed by Kant under the heading of transcendental "Urteilskraft" in his Critique of Pure Reason: the application of any rule presupposes decisions as to the cases it applies to, as to what shall be subsumed under it. In order to demonstrate this in a gen eral way, we should again require another rule ("so könnte dieses nicht anders, als wieder durch eine Regel geschehen" Kant 171-172), and so on ad infinitum. The application of a rule thus requires 'motherwit' or judge ment {Urteilskraft), which cannot be learnt: one is either possessed of it or not. If one acts according to a rule, this happens, according to Wittgenstein, blindly (1953: I 219). It is not this instance, though, that is conceived if one talks of reading, or, more generally, understanding. If the rule suggested to me this or that, so to say, without any responsibility, I would not say that I act according to it as a rule. ("... gleichsam verantwortungslos, dieses oder das ein, so wuerde ich nicht sagen, ich folgte ihr als einer Regel" (1953: I 222)). Absolute regularity can only be conceived in a paradoxical way, as an illustration in the Philosophical Investigations shows, for instance like a "mathematical machine" which as a symbol of regular movements has to be conceived as immobile. Every movement would change it — Wittgenstein was an engineer. The interpretation so to say slips in between the text and its application. Thus, however, the conception of language is modified: language is no longer considered as a medium. This modification has been described by the early Peirce in an illuminating fashion. He starts from the traditional
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point of view. We — i.e. the subject — are masters of the process: "Man makes the word, and the word means nothing which the man has not made it mean, and that only to some man. But since man can think only by means of words or other external symbols, these might turn round and say: 'You mean nothing which we have not taught you, and the only so far as you address word as the interpretant of your thought.'" (CP:5.313)
It is not so much ourselves who determine the interpretation of terms but it is rather determined by presuppositions inherent in the system of lan guage, which have not been rendered transparent to this day, and the rela tions of interpretants, schemes of classification, relations of association etc. established along with it, about the nature of which we, since Saussure, have known at least as much as that they have to be reduced to what they are not. The value of a term is essentially negative. The total of these nega tions leaves but little freedom to the subject to interpret a text in the medium of speech (parole). According to this conception, language is not a whole which can be easily controlled and used, but can in every instance only be partially mastered and one can never be sure whether those parts which we cannot control won't produce any consequences we could never have thought of. And if we eventually admit that every rule is in itself a phrase constituted by symbols, the state of affairs appears even more com plicated. Our situation can be compared to an attempt to survey an unknown wilderness without knowing exactly in what part of it we are. The implications remain unknown from purely logical reasons. By trying to comprehend its state. We nolens volens modify it. Establishing a grammar thus resembles the work of Sisyphus. But, fortunately there exists the difference between a rule and its for mulation, the latter of which is nothing but an expression which represents something. The difference between a sign and its meaning prevents our ship from sinking. Thus Searle is able to design a programme which presents language in a much more favourable and optimistic light. If its surface structures can be conceived as signifying and representing something, and if we know by experience that it is possible to translate I promise into je promets, ich verspreche, this means their basis meaning, the tertium parationis logically requisite to any translation, can be identified and recon structed. We are confronted with a programme which can evidently be compared to a kind of pragmatic anthropology, exactly corresponding to the Kantian sense of the term, and which aims at the descriptions of matters of fact in terms of natural science. Searle has, in his discussion of Carnap's
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physicalistic programme, explicitly stated the impossibility of any physical, chemical, biological or psychological description, no matter how exact, ever to reveal the essential aspect of promising, i.e. the essential rule: "The utterance of Pr counts as the undertaking of an obligation to do A" (1969:63). This 'counting as' has an institutional — not a natural — character. A counts as determines obligatory conditions for human actions, but it does not determine our actions like a natural law does, because these rules may be, and actually sometimes are, violated. As a constitutive rule it has itself a conventional character. Thus the complete description of all possible illocutionary acts should amount to the image of the perfect cosmopolitan: to universal grammar of human intentionality, from which the forms of rational actions could immediately be deduced. I think it is here that we meet with the fascination Searle's concept implies for instance for Haber mas' Theorie des kommunikativen Handelns. Thus the rules determining the surface structures of particular lan guages — French, English, German — are conventions of conventions. From this follows 1. 2.
that there is a single place where this programme could be adequately discussed — Geneva. the question in what way statements about these 'basic conventions' can be justified.
Searle's somewhat disarming answer states that there actually is no need for proof or justification, because we know our rules with intuitive certainty, though he doesn't put it all that bluntly: "The 'justification' I have for my linguistic intuitions as expressed in my linguistic characterizations is simply that I am a native speaker of a certain dialect of Englsh and consequently have mastered the rules of that dialect..." (1969:13)
Intuition is the magical epistemological formula which renders possible Searle's deep-sea research. We are here induced to remember Peirce's con cept of sign which actually results from his criticism of the concept of intui tion. Intuitive truths are absolutely certain, and that's why an intuitive insight., according to Peirce's definition given in the first essay of the series from 1868 is "a cognition not determined by a previous cognition of the same object" (CP:5.213). Even regarding s. th. — the Platonic model of cognition —, however, takes a certain amount of time and only comes into
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being by a comparison of different temporal dates. The notion of 'intuitive' certainty is in itself the consequence of a hypothetical deduction. Another aspect has yet to be added to Searle's concept of 'immediate' intuitive knowledge of rules — who simply follows to a common concept of empiri cal linguistics propagated by Chomsky: the aspect of immediate access to our "internal world", the idea of a mode of cognition which Peirce terms "introspection": By introspection I mean a direct perception of the internal world, but not necessarily a perception of it as internal" (CP:5.244). This mode of cognition is characterized by its independance of hypothesis concerning the exterior world. Each predicate concerning an 'in ternal perception', however, according to Peirce is nothing but an abstrac tion from the conflict and interaction between the internal and external worlds. With respect to Searle's conception of rules, this means that rules known by intuition must indeed be considered as a priori preceding any particular biography and any particular process of learning a language, as an anthropologically constant repertoire only modified by the respective cultural conditions. This universalism is in itself absolutely consequent, but it results from Searle's epistemological position and a fortiori, from his concept of semiotics. It is only after this has been revealed that the ques tion, in what sense and to what extent his theory of illocutionary acts takes into account the dimension of the actual use of language, can be raised and answered. Let us leave this discussion for an instance in order to see how Peirce is lead from his above-mentioned criticism of the concept of intuition to his famous "pragmatical maxime" from 1878, i.e. that statement about the meaning of a term Peirce refers to as often as he tries to explain his pragma tics. The following text is well-known: "Consider what effects that might conceivably have practical bearing you conceive the object of our conception to have. Then your conception of those effects is the whole of your conception of the object." (CP:5.402)
Numerous aspects of this maxime have already been discussed many times. This maxim designs a certain form for what is termed 'conception' and regards the meaning of a term as a form of future conceived as a mode of probability which is imagined by the subject. This only makes sense if it is related to the specific situation of the person who actually applies the concept while its meaning is by no means clearly known to him, or, to put it still more radically, can actually never ever, at any instance of its applica tion, be clearly known with respect to its possible implications and interpre-
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tations — except if it were ever possible a priori to exclude possible conse quences of the concept other than those already known, but this supposi tion could, if at all, only be maintained with respect to certain mathematical concepts, the meaning of which has been fixed axiomatically. With regard to any philosophical or empirical concepts , this supposition fails, because we only know the objects designed by the concepts by means of these very concepts; we cannot know anything about the concepts except by interpret ing the concepts. The concept thus has a per se discursive structure. It only exists when developed within a dimension actually lacking in Searle's sys tem of categories of the philosophy of language: the dimension of spoken language, of parole. Thus a conception developed according to the "prag matical maxime" is, for the present, only my conception. Whether it can be said to have objective validity or not will show afterwards. It is impossible to tell a priori. Here again, certain parallels to Wittgenstein may be noted. Up to here the "pragmatical maxime" has only dealt with concept and conception, and maybe those in favour of a theory of illocutionary acts, calmly resting in their armchairs, feel tempted to ask: in how far do these explications at all concern myself! — but, as a consequence (actually its most important consequence) of the criticism of the concepts of intuition and introspection, we can only have any knowledge of objects in modes of signs, because thinking, in a word, is the production of signs and therefore depends on the mastering of a system of signs, above all on language. A large number of his statements proce that Peirce's semiotics are in correspondance with Humboldt or Wittgenstein's genuine philosophy of language. According to the early passage quoted above, in What Prag matism is from 1905 we read: "... all thought whatsoever is a sign, and is mostly of the nature of language" (CP:5.421). A profound analysis of the concept of intuition eliminates the founda tion for a distinction between the rule and its formulation: The rule only exists in its formulation. A rule is a phrase which has to be interpreted, and the meaning of which per definitionem can never be intuitively certain. What does it mean to say s. th. counts as s. th., according to the essen tial rule? Does it mean the same es gilt als, veut dire, equivalent à, etc.? Is not the meaning of a rule resp. of a convention, an object which has to be studied like any other object? The natural sciences have, in the course of their attempts to under stand nature, long ago left the level of phenomenological familiarity with their objects — because those of their modes which can be conceived by
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intuition, do not render their explanation possible. The situation of philosophy is even more precarious, because its objects from the first are only given in signs. A philosophical theory should all the more — per definitionem — try to find methods which secure the sense of hypotheses concerning these delicate objects. The delicacy of the object raised by the theory of speech acts becomes evident if we consider that neither Austin nor Searle have ever followed the execution of a speech act to the part of the hearer, to the person it is aimed at. Within the theory of perlocutionary acts he is considered simply as an object, within the theory of illocutionary acts he is considered as somehow recognizing, perceiving, realizing; not, however, as a participant of an act of communication who is himself acting. This is particularly evident with respect to Searle's criticism of Grice's explication of the term of the "nonnatural" meaning of an utterance. It is true that Searle's "revised" analysis says with respect to the description of the illocutionary effect: "S intends (iI) the utterance U of Τ to produce in H the knowledge (recognition, aware ness) that the states of affairs specified by (certain of) the rules of Τ obtain ...", (Searle 1969:49) but the actual realization of the respective recognition by the hearer is not reflected. Nonetheless we here notice a shift of terms, which immediately reveals the semiotic problems inherent in the concept of intuition. To realize or identify the speaker's intention — the "states of affairs" — the hearer has to produce a speech act of his own:
He could, on the other hand, simply suppose, or be altogether certain, etc.. that S has the intention ... with regard to himself. These conclusions on the one hand implicitly confirm Searle's criticism with respect to Grice, which assures that it is impossible to identify the speaker's intention independently of the sense of the proposition: I shall come tomorrow, and I shall probably come tomorrow cannot in the same sense be interpreted as promises. On the other hand just this means that 1.
the explication of the intention qua articulation of a specific 'indicator of the illocutive function' can in no way determine the interpretation of the ultimate intention. This irrevocably, remains up to the hearer, who
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will at best take an explanation in the above 'indicative' sense as an additional information as to the factual intentions of the speaker: Why does he expressly state: I promise you to ...? Thus an insight of the Tractatus is confirmed, where Wittgenstein says that no sentence can ever confirm its own truth. Here, we meet with the same logical problem: Neither can a sentence confirm that it is a request, an order, a promise, an affirmation etc. The intention, the 'pragmatic' sense of an utterance can only show. The 'principle of expressibility' is founded on the neglect of this limitation of "what can be said" {des "Sagbaren"). 2.
If we extend the analysis to the part of the hearer, we immediately notice that especially with respect to the use of terms which signify illocutive ends the assumption of intuitive, i.e. a priori knowledge of the application of their rules is untenable, because their application is not possible but with an underlying interpretation of a particular utter ance: i.e. of a text, which has to be considered as part of the category of parole, not of langue, which is accordingly individual. The genera tion of a term like I promise dependens of the concrete articulation, the particular combination of signs resp. terms, in a particular lan guage.
Any formulation of general, let alone universal conditions for the 'suc cess' of all illocutionary acts with other words presupposes an infallible knowledge concerning anything that could possibly ever be promised, required, affirmed etc. This is exactly the reason why the 'theoretical ver sion' of the theory of speech acts which explicitly claims to be "a study of langue" (Searle 1969:17) loses sight of the dimension of the actual use of language, of parole. The concept under discussion is a thoroughly non-prag matic construction of language. The explication of performatives and of the indices of an illocutionary function, however, could be interpreted as particular forms of what Peirce termed the "relation of a sign to its interpretant". But this would again imply the recognition of the terms of particular languages as indispensable with regard to the formulation of any intention whatsoever — as opposed to 'underlying' or basic 'rules'. The development of terms signifying 'illocutive functions' can thus be interpreted as an attempt undertaken by speakers in order to master their language — to achieve reflexive categories to sys-
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tematize the use of particular systems of language, which have nevertheless to be yielded to. The universality' of certain types of speech acts could thus at best show its value insofar as it could be translated into all languages. Without this "would be", however, the theory of illocutionary acts remains a purely semantic approach, i.e. a construction beyond any appropriate idea of prag matics. Note 1.
"... surrounded by a wide and stormy sea, the original domain of illusion. " (Kant, Critique of Pure Reason: 294).
References Austin, J.L. 1971. How To Do Things with Words. Oxford: OUP. Peirce, C.S. 1931-1960. Collected Papers, edited by Hartshorne and P. Weiss. Cambridge, MA: Harvard University Press. Searle, J.R. 1969. Speech Acts. Cambridge: Cambridge University Press. Wittgenstein, L. 1953. Philosophical Investigations. Oxford: OUP.
2. Theory/Théorie
Socialité du sens et production de l'individu par lui-même J.F. Bernard-Béchariès
Contrairement à la plupart des exposés présentés au colloque, la pré sente communication n'a pas été lue mais a consisté dans le commentaire d'un plan et de schémas présentés à l'auditoire sous forme de transparents se superposant les uns aux autres. C'est un montage de ce plan et de ces schémas que l'on trouvera ici, mis en forme par M.E. Becouse; le passage de la forme orale à la forme écrite ne permettait pas de concilier les exigen ces d'une présentation complète et courte. Cheminer vers les sources, c'est s'éloigner des Cités. De hauts person nages ont fondé celles-ci ou leur ont donné leur aspect moderne: les Hus serl, les Marshall, les Saussure, les Weber; de non moins puissants penseurs les habitent, ainsi que leurs légitimes admirateurs. Mais leur oeuvre fonda trice ne signifiait pas qu'il fallait oublier les sources, ni clore les Cités. Pour tant elles sont pour la plupart closes et face à la logique de cette clôture, la "pluridisciplinarité" est dérisoire. La recherche présentée ici pose, tantôt en filigrane tantôt explicite ment, ce problème à la fois intellectuel et sociologique du rapport entre les Cités et les sources. Cette recherche est en effet celle d'un "socio-écono miste" pour qui il est important de mettre en évidence un matériau théori que permettant de répondre au besoin d'une lecture synthétique du phéno mène social, sans que synthèse rime avec brouillaminis ni mondanité. Ce matériau de synthèse est le sens comme phénomène social, ou, dit d'une autre façon, la socialité comme phénomène de sens. Il s'agit de le mettre au service de ce qu'un économiste a appelé l'"entendement des affaires humai nes", sur la base d'idées méthodologiques directrices qui doivent beaucoup à l'économie politique classique mais qui conduisent à rejeter le contenu de celle-ci. Rien de tout cela n'est simple et surtout peu de choses peuvent s'en
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dire dans le langage des Cités, puisque par définition ce sont des sources qu'il s'agit de chercher. L'auteur de cette communication est naïvement venu à Perpignan sur la base d'un malentendu résultant de son ignorance de la topographie cita dine: "sémiotique et pragmatique", cela paraissait vouloir dire quelque chose comme "praxis" et "sémiosis", disons par exemple: systèmes sociaux de conduites et systèmes sociaux de sens. Il fallait comprendre "Peirce et Saussure", ou peut-être même "Perpignan et Paris". Que les organisateurs soient pourtant remerciés de leur invitation, et que soient également remer ciées et amicalement saluées les personnes avec qui un dialogue s'est instau ré sur ces thèmes majeurs et occultés: la socialité du sens, la production mu tuelle du sens et de l'action, du sens vécu et du sens social, de l'identité de la personne et de la cohésion sociétale qui l'alimente et la tourmente, de l'historicité et de la quotidienneté du vivre et du savoir. "Mode de vie et communication sociale", qui fait suite à "socialité du sens..." est le plan de la présentation d'une recherche collective faite au col loque dans le cadre de la présentation des équipes et des écoles.
SOCIALITE DU SENS ET PRODUCTION DE L'INDIVIDU PAR LUI-MÊME Paradigmes1 et concepts pour une anthropo-logie Justification: émergence d'une demande sociale relative au sens et au statut de la personne dans les divers "procès" socio-économiques2 Sens de l'action Sens d'être là Sens de la vie. 1.
Renouvellement des conditions de la production de discours savant
Fin de certains mythes et dogmes, nouveaux traits de la demande de savoir [.. reconstruction du statut de la personne 2 "problèmes" .. reconstruction de la théorie des équilibres entre les "projets" humains (notamment: économie, sociologie) des apports récents: "transversalité" de la problématique du sens;3 union du signe et de l'acte.
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Construction du rapport individu-groupe-société comme rapport de sens (=construction du rapport de sens comme rapport individu-groupe-société) 2.
Deux paradigmes et des concepts de "construction"
1.
La production de l'individu4 par lui-même
(to produce, erzeugen, hervorbringen?) L'individu produit son existence bio-sociale par la transformation d'un ensemble de moyens-"intrants" — en un ensemble de produits-"extrants".5
Observations méthodologiques: "constat non objectif'; "radicalité"; "économicité"; "micro". → La production d'existence individuelle fonde une interproduction → — Interproduction sociale: premier pas vers la socialité — Ni donnée d'évidence, ni simplement postulable, la socialité doit être construite. — L'échange des "produits"7 (Figure 1).
Figure 1. — Faire ensemble quelque chose: les uns avec/contre les autres
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2. — —
Le paradigme de sens: deuxième pas vers la socialité Faire ensemble quelque chose au sujet de quelque chose .../... .../... avec quoi les sujets sont en rapports convergents ou antagonistes
—
.../... pratiques mais subjectalement organisés en systèmes d'intelligibili té-valeur = "sens" (dans nos langues et cultures) (Figure 2).
Figure 2.
3. Procès sociétal de sens: troisième et quatrième pas vers la socialité8 Structure générale simplifiée:9
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Figure 3.
3.1 Pour un concept de communauté de sens Émergence d'une cohésion10 —
—
Réussite du procès → cohésion relative à l'enjeu ex.: tout accord de deux sujets manifesté par une conduite pratique ou sémiotique Enjeu minimal: réussite de la négociation du moment (Figure 4).
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Figure 4.
— Enjeu profond: réussite de la production de soi = production d'identité — Réussite différenciée du procès → solidarité inter-sujets (Figure 5).
Figure 5.
Reprise du sens et renforcement — Reprise du sens: la plupart des objets d'un rapport de sens sont des composantes d'un autre procès de sens, ou des moments antérieurs du même procès: le sens est toujours "méta". — Renforcement: sur une aire de cohésion sociétale, la réussite du procès de sens renforce la reprise et certaines procédures s'automati sent → code comme ensemble d'automatismes socialement sanctionnés. (Figure 6.) Un potentiel de conduites identiques voire convergentes, résultant d'une réussite "régionale"11 du procès sociétal de sens
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Figure 6.
Caractérisations — Communauté de sens ≠ sujet collectif mais région du tissu social — "Groupe", "Classe" = des cas de communautés de sens — Degrés de communauté: l'intensité de la cohésion est inversement pro portionnelle à l'extension de l'objet et directement proportionnelle à l'importance de l'enjeu (exemples: comparer couple, famille, associa tion militante, courant de pensée, classe sociale, communauté linguisti que, culture, discipline scientifique) — Caractère non disjonctif.
s,s3
Figure 7.
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Portée pour l'analyse sociale L'équilibre entre les projets humains est constitué par des rapports de sens entre des communautés de sens s'efforçant au minimum de préserver leur identité, au maximum d'acquérir le leadership dans la formation du sens social des choses et de la vie. 3.2 La pathologie du sens Hypothèse de définition La réussite du sens nécessite une certaine clôture: — du système signifiant: stabilité des codes — du processus de reprise: seul le sens reconnu a cours comme référent — de l'aire de cohésion: seules les pratiques codifiées y sont admises; seuls les enjeux qui la fondent sont "sensés" Observation: c'est en tant qu'aire pragmatique qu'une communauté de sens clôt son système sémiotique. Mais une fois la clôture sémiotique opérée, c'est le système sémiotique qui conditionne l'acceptabilité sociale des prati ques. Mais la réussite du sens nécessite aussi l'ouverture. Fermer celle-ci (clôture) c'est en réalité créer une béance. Tout système de sens comporte la zone de non-sens qui le constitue. Le rapport entre clôture et béance constitue Γ "équilibre" du procès social de sens: trop de clôture ou trop de béance constitue une "pathologie" qui se traduit dans les pratiques. Quelques exemples 1.
Pathologies du comportement individuel. Perte du sens de soi ou d'une partie de soi. Perte de sa propre cohésion (—» fausses pathologies indi viduelles = caractère totalitaire de la communauté de sens) —» Pathologie individuelle = disfonctionnement du rapport de sens entre la personne et son milieu —» report éventuel de la problématique de la pathologie sur le milieu Pathologie individuelle Φ déviance Déviance Φ pathologie individuelle 2.
Pathologies du procès sociétal Hyper-clôture → violence perçue comme "légitime" ostracisme, totalitarisme racisme
SOCIALITÉ DU SENS ET PRODUCTION DE L'INDIVIDU
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Hyper-dominance de certains sujets:
=
inégalitarismes sociaux sexisme statut de l'enfant statut des minorités non-négociation du sens de certaines catégories, exclues du procès de sens, ou aliénées dans un procès sémiotique auquel elles ne participent pas
Non-clôture → société éclatée, chaque personne devrait y faire tout le travail de sens → →
Pathologie sociétale: trouble des mécanismes de négociation, donc de clôture → négociation de la négociation Pathologie individuelle: incapacité de négocier quand il y a des méca nismes de négociation; trouble d'une autre composante, telle que la construction de l'intelligibilité → localisation du trouble.
Appendice Mode de vie et communication sociale: un intergroupe de recherche-communication Mode de vie Un Un Un —
problème de société problème de définition système social de sens un ensemble organisé de rapports pratiques: "Qui fait quoi, avec quoi, avec qui, quand, où, comment, pourquoi?" = "vivre" selon certaines "structures" — ces pratiques constituent des rapports de sens Φ "symboles" Φ "vecteurs de sens" Φ "rapports de classes" → Rôle organisateur des "projets": Mode de Vie = un système de projets Recherche-communication Produire un matériau langagier — Un travail "de" langage — Un travail "sur" le(s) langage(s) Structures d'opposition et de proximités "Radicaux de sens"
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J.F. BERNARD-BÉCHARIÈS
Intergroupe Structure — "acteurs-types": P.M.E., grandes entreprises, administrations, associations — "conseil": linguistes, journalistes, médecins etc.. — forme associative inter-institutionnelle Etat actuel: 15 à 20 participants d'horizons divers, groupe P.M.E., groupe administrations Produits attendus — conceptuels → impact sur la recherche et sur les discours sociaux — animation, conseils.
Notes 1.
Paradigme: au sens épistémologique.
2.
Procès: ensemble convergent de processus partiels.
3.
Transversalité: l'omniprésence du fait de sens fait que sa problématique traverse les phé nomènes sociaux, donc les disciplines qui s'en partagent arbitrairement l'étude, ce qui conduit à tout autre chose qu'à la "pluridisciplinarité" pour ce qui est du rapport entre ces disciplines.
4.
Individu, sujet: plus généralement toute micro-entité sociétale, un groupe ou une classe (définis plus loin comme "communautés de sens") étant une micro-entité sociétale par rapport à la société à laquelle ils s'agrègent et une macro-entité sociétale par rapport aux micro- entités qu'ils agrègent.
5.
Intrants-extrants: traduction francophone et translation philosophique de "inputs-out puts" des économistes.
6.
Faire: ensemble organisé d'actèmes.
7.
Produits: littéralement, le résultat d'une production c'est-à-dire d'un faire-être ou d'un faire-apparaître; dans ce dernier cas, le "produit" est un élément sémiotique tel qu'un si gne, un signal, un texte.
8.
Sociétal: qui est de l'ordre de la cohésion* ou de la dispersion; Social: qui est relatif à une société considérée, en tant que macro-entité sociétale présen tant des traits de cohésion particuliers.
9.
Simplifiée: elle fait l'impasse sur la structure du signe ... c'est-à-dire sur le thème réel du colloque!
10.
Cohésion: "caractère d'un ensemble dont les parties sont unies, harmonisées; antonymes: confusion, déagrégation, dispersion" (Robert).
11.
Régionale: relative à un enjeu délimité mais d'une certaine extension.
Eléments pour une sémiotique des évidences Alain Berrendonner
Quelques éclaircissements, d'abord, sur le but poursuivi dans cette étu de, et sur l'utilité des réflexions qui y sont faites: Penser que les linguistes sont à peu près parvenus à tirer au clair les rapports qu'entretiennent les mots et les choses serait illusoire; peut-être n'ont-ils même pas encore entrepris d'envisager vraiment le problème, qu'ils semblent plutôt, jusqu'ici, avoir mis tous leurs soins à éluder. Le moyen le plus commun pour ce faire consiste à décréter une partition axiomatique, et donc arbitraire, entre le linguistique et F'extra-linguistique', lieu de ténèbres extérieures où sont immanquablement rejetés les realia:1 ceux-ci se trouvent ainsi placés hors de tout rapport modélisable avec le dis cours, réduits à l'état de 'références' semiotiquement inertes et stupides, dont on peut certes évoquer, ou invoquer, l'existence quand il est besoin, mais dont, à l'intérieur même d'un modèle du sens restreint au 'verbal', on ne peut représenter explicitement et formellement les comportements sémiotiques. Pourtant, disposer d'un modèle explicite de ces comportements de vient urgent: quelles relations le discours entretient-il dans l'événement de communication avec la réalité ambiante? Quel rôle jouent dans la constitu tion du sens les objets, événements et états de choses, et selon quelles lois? De la réponse à ce genre de questions dépend le développement actuel de la sémantique linguistique. Non seulement parce que son articulation avec les autres sémiologies est à ce prix, mais, bien plus encore, parce qu'y est suspendue la solution de plusieurs problèmes qui relèvent spécifiquement de son champ d'action. Je n'en mentionnerai que deux, d'ailleurs connexes: Se pose, d'une part, la question du statut qu'il convient d'assigner aux realia, compte tenu des fonctions qu'ils remplissent dans le cadre de la com munication verbale. Leur pertinence dans divers processus linguistiques est en effet bien connue. On sait, par exemple, que les objets, événements et
ALAIN BERRENDONNER
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états de choses présents dans la 'situation de discours' et perceptibles pour les interlocuteurs peuvent être assignés comme 'référents' aux expressions anaphoriques, ou servir de 'terme gauche' à certains connecteurs pragmati ques: Il m'énerve, celui-là\ C'est là\ Mais tais-toi donc un peu! C'est donc que les realia sont régulièrement aptes à remplir la fonction sémantico-pragmatique d' 'antécédent', au même titre que n'importe quelle expression verbale énoncée antérieurement dans le discours. La même 'équivalence fonctionnelle' se manifeste dans le processus de validation des énoncés: quand une affirmation est reçue comme vraie, ou rejetée comme fausse, ou récusée comme non pertinente, etc., son évaluation résulte tan tôt de la simple considération de la réalité: (1)
X: - Il pleut! Y (tendant la main et percevant des gouttes): - Tiens, oui, il pleut!
tantôt, au contraire, de la confrontation avec quelque énoncé déjà validé, apparu dans le discours antérieur: - Il pleut! - Tu l'as déjà dit! - Il pleut! - Mais tu m'avais dit qu'il ne pleuvait jamais ici! - Il pleut! - On avait dit qu'on ne parlerait pas des choses qui fâchent! Il semble donc que la fonction d'instrument de validation, elle aussi, puisse être dévolue aussi bien à des realia (cas 1) qu'à des contenus d'énoncés lin guistiques appartenant au contexte antérieur (cas 2, 3 et 4). Ces quelques faits montrent qu'une sémantique du discours, si, du moins, elle entend rendre compte des conditions d'emploi des anaphoriques ou des processus d'évaluation des énoncés (et l'on voit mal comment une sémantique digne de ce nom pourrait s'en dispenser), doit reconnaître explicitement aux rea lia certaines fonctions généralement assurées par des signes ('antécédent d'anaphorique', 'instrument de validation'), autrement dit, leur concéder, malgré leur caractère non verbal, un statut de signes. Les rapports entre les signes et les choses dans la communication devront ainsi être conçus et re-
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présentés comme des rapports de cooccurrence entre deux ordres de signes, toute signification manifestée résultant de la composition de ces deux or dres. Il faut donc renoncer à cette sémiotique assez rudimentaire, mais en core trop répandue chez les linguistes, selon laquelle la fonction des signes (et notamment des mots) serait de représenter les choses, mais où les cho ses, elles, n'auraient d'autre propriété que d'être là, de subsister de façon inerte en attendant que quelqu'un veuille bien les représenter avec des si gnes. Que les realia soient à traiter comme une catégorie particulière de si gnes, c'est d'ailleurs une proposition déjà ancienne, et, pour certains sémiologues, fort banale. C'est ainsi qu'en 1967 déjà, Todorov déclarait: "Dans toute société, qu'elle soit imaginaire ou réelle, les objets forment un système significatif, une langue, et c'est à l'intérieur d'elle qu'apparaît la connotation." (Todorov, 1967:30)
Et Greimas, plus explicitement, proposait dès 1970 de "considérer le monde extra-linguistique non plus comme un référent abso lu, mais comme le lieu de la manifestation du sensible, susceptible de deve nir la manifestation du sens humain, c'est-à-dire de la signification pour l'homme; de traiter en somme ce référent comme un ensemble de systèmes sémiotiques plus ou moins implicites." (Greimas 1970:52)
La conséquence étant qu' "Il nous faut postuler l'existence et la possibilité d'une sémiotique du mon de naturel, et concevoir la relation entre les signes et les systèmes linguisti ques d'une part, les signes et les systèmes de signification du monde natu rel de l'autre, non comme une référence du symbolique au naturel, du va riable à l'invariant, mais comme un réseau de corrélations entre deux ni veaux de réalité signifiante." (1970:52)
Cependant, la majorité des linguistes reste obscurément attachée à la sémiotique naïve qui oppose les signes et les choses comme deux ordres de phénomènes fondamentalement étrangers l'un à l'autre. Quant aux rares études concernant la sémiotique des realia, à ma connaissance, elles portent plutôt sur un certain (méta?-) discours social à propos des objets que sur le fonctionnement sémiotique de ces objets eux-mêmes (voir par exemple Baudrillard 1968).2I1s'ensuit que la suggestion de traiter les realia comme des signes est, en quelque sorte, restée à l'état de pieux principe, ou de pro gramme inappliqué. Ce qui va suivre voudrait être une contribution au dé veloppement de ce programme, dans le domaine de la sémantique du dis cours. Un second problème dont la solution passe par une sémiotique des rea lia est celui des rapports entre l'énoncé et son énonciation. Plus précisé-
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ment, la question est de savoir comment doit être partagée ou distribuée entre ces deux sources la responsabilité du sens: selon quels principes ra tionnels distinguer la part d'information livrée par l'énonciation de celle qui est apportée par l'énoncé? Jusqu'ici, les linguistes ont fait preuve d'un net logocentrisme, en cré ditant l'énoncé d'à peu près tout, aux dépens de l'énonciation. Celle- ci, qui est 'l'acte individuel d'utilisation' de la langue, est en effet un événement extra-linguistique, et, à ce titre, ne joue guère dans les sémantiques que le rôle de 'point de référence': ce qui est le véritable objet de la modélisation, ce n'est pas l'acte d'énonciation, mais ses 'traces' dans l'énoncé; ce n'est pas le dire, mais, dans le dit, les valeurs signifiées qui s'y rapportent. Or, si l'on décide de ne pas considérer l'activité d'énonciation en soi, mais seulement ses traces dans l'énoncé, ce dernier devient la seule instance sémiotique dont il soit possible de faire état, et les unités linguistiques qui le constituent sont les seules 'sources de sens' que le modèle ait les moyens de reconnaître for mellement. Toute parcelle de signification perçue, toute information actua lisée dans l'échange verbal ne pourra donc être rapportée qu'aux mots du discours, et devra nécessairement ou bien rester inexpliquée, ou bien trou ver une explication dans le fonctionnement de ces derniers. C'est pourquoi sans doute Anscombre et Ducrot trouvent tout naturel de réduire l'énonciation au seul énoncé, et l'avouent sans ambages: "(...) l'hypothèse faite plus haut — tout sujet parlant est capable d'inter préter une énonciation — peut se reformuler de la façon suivante: tout su jet parlant est capable d'attribuer à un énoncé une valeur sémantique, va leur que nous appellerons le sens de l'énoncé." (Anscombre et Ducrot 1983:84, souligné par nous)
C'est pourquoi aussi le 'sens' se trouve si souvent caractérisé comme la description que l'énoncé offre de son énonciation, mais jamais, à l'inverse, comme la description que l'énonciation donne de l'énoncé: si l'on refuse de figurer l'énonciation comme un signe, et d'envisager qu'elle participe à la genèse du sens, la 'sui-référence' est nécessairement orientée et unilatérale: tout le sens doit provenir de l'énoncé. C'est pourquoi, enfin, la part de la signification qui résulte du dire luimême, de ses propriétés de réel-signe, de ses aspects mimo-gestuels, cette part non-linguistique du sens, nos modèles, s'ils ne veulent pas la négliger, ne peuvent que l'imputer indûment à l'énoncé, bouc émissaire de toutes les signifiances. Autrement dit, la faire entrer de force dans la langue. Au nombre des produits pervers de ce logocentrisme, on peut citer: la concep-
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tion de l'ironie comme 'trope'; le traitement des citations comme 'noms' plus ou moins autonymes d'un énoncé; l'érection de la 'force illocutoire' au rang de catégorie sémantique; la réduction de toute forme de 'connotation' à une sorte de lexique associant conventionnellement des signifiants de lan gue à des signifiés facultatifs; l'hypothèse qu'un mode de signifier non dénotatif, mais exhibitionniste ('signification attestée', 'monstration') serait propre à certaines constructions syntaxiques ou à certaines unites lexicales; etc. Chacun de ces traitements concourt au même déboire: avec eux, le sys tème de la langue hérite d'un parasite, sous forme d'une valeur sémantique hétérogène, qui ne peut y constituer qu'une 'exception' irréductible. Tandis que du même coup la théorie de la communication perd de son côté une bonne occasion d'accéder à des généralisations sur le fonctionnement de l'énonciation comme signe sui generis. La seule façon d'éviter ces inconvénients est de renoncer au logocentrisme, et d'admettre qu'entre l'énoncé et l'énonciation, le rapport est en fait interactif et réciproque. Certes, par les 'traces' qu'il contient (embrayeurs, 'subjectivèmes', marqueurs illocutoires, connecteurs pragmati ques, opérateurs argumentatifs, etc.), l'énoncé dépeint son énonciation. Mais celle-ci, au moins autant, parle de lui, et surtout d'elle-même: elle se qualifie comme assertive ou dubitative, se met en scène comme parodique, ironique, mimétique ou spontanée, bref, produit de l'information que l'on pourrait qualifier de méta-discursive. 3 Il n'y a d'ailleurs pas lieu de s'en étonner: toute énonciation étant un événement matériel, pratique (doué d' 'historicité', dirait Ducrot), un objet perceptible (et perçu, la plupart du temps, comme une gesticulation, un acte mimo-gestuel complexe), bref, un réel parmi les realia, il est normal qu'elle possède les propriétés sémiotiques communes des realia, puisse donc être reçue comme signe, et produire du sens. Seulememt, on conçoit l'importance que prend alors, en vue d'une sé mantique de l'énonciation, la sémiotique des realia. C'est en étudiant les modes de signifier des choses en général que l'on a en effet les meilleures chances de parvenir à caractériser correctement ceux de la parole. Tour nons-nous donc, sans plus tarder, in medias res. Propriétés sémiotiques des realia Conformément à une définition plus que classique, on admet communé ment qu'un signe est une chose qui en représente une autre, généralement
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absente ou imperceptible, appelée son 'objet' ou son 'référent'. Un signe est toujours signe de quelque chose. Si l'on fait l'hypothèse que les realia sont des signes, la première question que l'on est amené à se poser est donc: signes de quoi? Que représentent au juste, lorsqu'on les considère dans leur mode d'existence le plus ordinaire, comme de simples objets de perception encore innocents de toute manipulation sémiotique sophisti quée, une chose ou un état de choses de la réalité? La réponse nous sera fournie par une devinette idiote, mais involontai rement instructive sur le mode de signifier des realia: Question: Que dit Tarzan quand il voit les éléphants? Réponse: Il dit: Tiens, voilà les éléphants!' En énonçant 'tiens, ... etc.', le héros ne fait que traduire les éléphants en mots: il 'transcode' un signe S1, appartenant au système des realia (S1 = les éléphants) en un signe équivalent S2, emprunté à un autre système (S2 = un énoncé de la langue). Et cette paraphrase nous indique quelle valeur si gnificative s'attache pour lui à S1: il semble bien qu'à première vue un élé phant, s'il est signe, ne soit signe que d'éléphant, et c'est ainsi que ne man que pas de l'interpréter Tarzan, en sémiologue avisé. Un éléphant ne représente donc que lui-même, et il en va de même pour chaque chose: Sauf exploitation sémiotique particulière, c'est-à-dire consi dérée 'au premier degré', elle n'est que le signe de sa propre réalité. Elle se présente à nos sens, et, ce faisant, s'auto-représente. C'est ainsi, par exem ple, qu'on peut faire entendre 'ce vase est bleu' par des moyens non linguis tiques, simplement en exhibant le vase lui-même. Celui-ci est alors à luimême son propre signe: d'une part, il se dénote lui-même, et fonctionne, en quelque sorte, comme son propre nom; d'autre part, il prédique sa pro pre couleur à son propre propos, comme d'ailleurs il prédique toutes ses au tres particularités. 4 Nous nous trouvons donc, avec les realia, devant un cas limite de fonc tionnement sémiotique, dans lequel il y a réflexité de la représentation, le signe étant à lui-même son propre objet, et le représentant étant identique au représenté. Cas limite, parce que ce 'bouclage' réflexif constitue les rea lia en cul-de-sac dans le réseau des transcodages possibles: tandis qu'une chose peut être représentée par de multiples autres signes, elle ne peut, à l'état natif, représenter quoi que ce soit en dehors d'elle-même. Cette analyse, au demeurant, n'a rien d'original, et l'on peut, avec Récanati (1979), en suivre la trace à travers toute la philosophie classique.
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Pour ne prendre qu'un exemple, l'idée que les choses se distinguent des au tres sortes de signes par la réflexivité de la représentation se lit clairement, encore qu'en négatif, dans la Logique de Port-Royal: "Quand on considère un objet en lui-même & dans son propre être, sans porter la vûe de l'esprit à ce qu'il peut représenter, l'idée qu'on en a est une idée de chose, comme l'idée de la terre, du soleil. Mais quand on ne regarde un certain objet que comme en représentant un autre, l'idée qu'on en a est une idée de signe, & ce premier objet s'appelle signe. C'est ainsi que l'on regarde d'ordinaire les cartes & les tableaux. Ainsi, le signe enfer me deux idées, l'une de la chose qui représente, l'autre de chose représen tée; & sa nature consiste à exciter la seconde par la première." (1683:55)
Puisqu'il est dans la nature des choses d'exciter l'idée d'elles-mêmes, c'est donc bien (1) qu'elles sont des signes, et (2) que les représentant y est identique au représenté - cf. aussi sur ce point le commentaire de Récanati (1979:32). On doit admettre, en particulier, que tout acte d'énonciation, puisqu'il est à ranger au nombre des realia, signifie sur ce mode, par auto-représen tation. Dans la gesticulation même où elle s'accomplit, l'énonciation se commente et se qualifie. C'est là, sans doute, qu'il faut voir l'origine des si gnifications répertoriées par la sémantique à la rubrique de la 'monstration'. Leur caractère original d'informations non pas assertées, mais 'jouées' ou exhibées5 s'explique mieux, en effet, si l'on y voit le produit or dinaire de la semiosis d'un réel, que si l'on persiste à en faire des ingré dients du contenu énoncé, attitude qui oblige à leur réserver un statut ad hoc, quasi-magique, 'dans la marge' du signifié linguistique. De ce qui vient d'être exposé, il résulte que les realia occupent dans une typologie générale des signes une position tout à fait originale. La typologie la plus notoire, due pour l'essentiel à Peirce, se fonde pour classer les signes sur la nature du rapport représentatif qui les lie à leur objet. Lorsque ce rapport n'est rien de plus qu'une association arbitraire, le signe est appelé symbole (exemple: les mots de la langue, suites de sons ar bitraires que rien ne prédispose à représenter un objet plutôt qu'un autre). A l'opposé, l'association entre un signe et son objet peut être fondée sur l'existence, entre les deux, d'un rapport préalable qui la motive. Ce rapport peut être une relation d'analogie, de ressemblance: le signe est alors une icône (par exemple, une photographie anthropométrique est une icône: tout ce qu'on lui demande, c'est de représenter un individu avec le maxi mum de ressemblance; de même, le mime est une icône de l'action qu'il si-
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mule). Enfin, le rapport de motivation peut être une forme quelconque de contiguïté: proximité spatiale, inclusion, relation de cause à effet, etc. Le signe est alors nommé un indice (par exemple, la fumée est l'indice du feu). A cette typologie, j'ajouterai pour mon usage une partition des indices en deux sous-classes: les symptômes vs les traces. Un symptôme est un indice lié à son objet par un rapport d'inclusion (non ensembliste, mais méréologique). C'est une partie qui représente le tout auquel elle appartient. Cet usa ge me semble conforme à l'emploi qui est fait habituellement du terme en médecine, où l'on entend par symptôme toute manifestation partielle d'une maladie, qui désigne au médecin la maladie comme totalité. A l'opposé, une trace sera un indice extérieur à son objet, comme l'est la fumée pour le feu, une empreinte de patte pour un gibier, etc. On voit alors immédiatement que cette typologie ne prévoit pas de ca tégorie qui convienne aux realia. Dans leur cas en effet, le signe entretient avec son objet une relation qui n'est ni d'analogie, ni de contiguïté, mais d'identité, l'objet étant à lui-même son propre signe. Cependant, une telle relation d'identité constitue un cas limite: D'une part, en effet, on peut voir dans l'identité une forme extrême d'analogie, une ressemblance particulièrement forte: il y a identité entre deux objets quand leur analogie s'étend à la totalité de leurs propriétés. Se lon ce raisonnement, les realia seraient, en quelque sorte, des icônes parfai tes, à ce point ressemblantes qu'elles se confondent avec leur objet. (Ainsi, on peut penser que le meilleur mime d'une action A, c'est encore A ellemême, qui met intégralement en scène l'ensemble de ses propriétés). Mais par ailleurs, on peut aussi voir dans l'identité un cas limite d'in clusion, qui se réalise lorsque l'étendue d'une partie se rapproche de celle du tout jusqu'à coïncider avec elle (C'est une situation de ce genre qu'expri me, en mathématique ensembliste, la notion de 'partie pleine'). Cette conception extensionnelle de l'identité permet de ranger les realia parmi les symptômes, et d'y voir des 'symptômes complets', qui indiquent leur objet dans sa totalité. Ainsi, le fonctionnement réflexif des realia en fait une catégorie limite de signes, mitoyens entre les icônes et les symptômes, dont ils cumulent les propriétés. Ce statut original requiert une dénomination spécifique. En rai son des propriétés pragmatiques qui s'y attachent, je nommerai évidences les signes qui le possèdent. Les realia font donc partie des évidences,6 et ma typologie rudimentaire s'établit comme à la Figure 1.
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Figure 1.
Ce qui rend particulièrement remarquables les signes que je viens de baptiser 'évidences', c'est une propriété d'ordre pragmatique: celle d'être proprement indéniables. Nul n'a le loisir de contester l'information qu'ils apportent, et, seuls à ma connaissance parmi tous les signes, ils jouissent du privilège exorbitant d'être validés automatiquement et de plein droit, sur leur seule bonne mine. La présente page, par exemple: il ne vous viendrait pas à l'idée de douter qu'elle soit actuellement sous vos yeux. Ceci tient probablement à ce que la réflexivité du rapport de représentation fait de chaque évidence une sorte de tautologie référentielle. Un signe qui s'identi fie totalement à son objet ne peut lui être infidèle: nécessairement confor me en tous points au référent, il ne saurait être mensonger. Verum, quia in dex sui. C'est à cette 'force de l'évidence' que semble faire allusion Pascal lorsque, se demandant pourquoi l'homme tient tant à ses erreurs, il suggè re: "(...) peut-être que cela vient de ce que naturellement l'homme (...) ne se peut tromper dans le côté qu'il envisage, comme les appréhensions des sens sont toujours vraies." (Ed. Le Guern 1977: pensée 594)
Quoi qu'il en soit, il faut admettre qu'au nombre des normes sociales régissant les conduites de communication, il est une loi L qui prescrit à tout sujet parlant de 'recevoir pour vraies les évidences', sans conditions.7 Cette norme, comme beaucoup d'autres, est attestée par le fait qu'elle a reçu des formulations quasi-proverbiales. Chacun sait, par exemple, qu'il
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est inutile de 'nier l'évidence', et qu'on est mal venu de 'nier la lumière en plein midi'. L'existence de la loi L est particulièrement importante pour un modèle de la cohérence du discours. C'est elle, tout d'abord, qui permet d'expli quer que des informations non verbales puissent être en permanence inté grées au savoir partagé des interlocuteurs,8 sans que cette intégration fasse l'objet d'aucun acte de parole explicite, ni d'aucune négociation dialoale. Normalement, en effet, lorsqu'un locuteur A veut qu'une proposition nou velle ρ soit ajoutée au stock de vérités communes qu'il partage officielle ment avec son interlocuteur B, il commence par accomplir une énonciation affirmative explicite de p. Pragmatiquement, cette affirmation, en même temps qu'elle présente ρ comme nantie d'une certaine valeur de vérité (se Ion un système de valeurs qui reste à décrire), donne à l'interlocuteur l'oc casion soit de contester (c'est-à-dire de faire une contre-proposition en assertant à son tour un contenu plus ou moins gravement incompatible avec p), soit d'acquiescer (ce que fait généralement par le silence). Dans ce dernier cas, ρ se trouve validée. La proposition, considérée comme faisant l'objet d'un consensus, est intégrée au savoir partagé des interlocuteurs. Elle se trouve, en quelque sorte, mise en mémoire, et si elle doit être réin troduite ultérieurement dans le discours, elle l'est sur le mode du présuppo sé. Mais dans le cas des évidences, la procédure d'alimentation de la mé moire discursive est beaucoup plus expéditive. Puisqu'en vertu de L, l'in formation apportée par une évidence ne saurait être contestée, il est inutile de la soumettre à négociation. Elle peut être intégrée immédiatement au savoir partagé, où elle 'va sans dire'. Ensuite, la première mention de cette information dans le discours aura naturellement tous les caractères d'une réitération anaphorique: on la verra réapparaître directement sur le mode présupposé, sans qu'elle ait été préalablement posée. De ce mode de vali dation automatique et implicite des évidences découlent toutes sortes de conséquences. Il explique, notamment: — que toute expression anaphorique ait aussi des emplois 'déictiques', la déixis n'étant que l'anaphore d'une évidence. — que grâce à ses embrayeurs, un énoncé puisse contenir la mention pré supposée de tout ou partie de sa propre énonciation. C'est que l'éncia tion, événement pratique que les interlocuteurs ne peuvent pas ne pas per cevoir, est une évidence toujours disponible, validée dans l'instant même où elle s'accomplit, et qui peut être présupposée dans l'énoncé même qu'elle actualise: un embrayage n'est qu'une anaphore instantanée, in praesentia.
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— que les realia puissent être exploités à des fins d'économie et de rapidi té, comme des signes permettant à l'occasion de 'court-circuiter' le discours (style: 'j'aurai plus vite fait de te montrer que de t'expliquer', ou 'un échan tillon vous convaincra mieux qu'une longue publicité'). — que le fait d'énoncer une proposition par trop évidente soit sanctionné. C'est en effet que le discours redonde alors inutilement sur une évidence.9 — qu'affimer méta-linguistiquement d'une proposition qu'elle est éviden te soit un moyen argumentatif fort utilisé pour tenter d'obtenir à bon comp te son acceptation par autrui. Selon la norme L, le fait de résulter d'une évi dence est en effet un motif suffisant de validation. Prétendre qu'il existe une évidence, c'est donc se dispenser d'avoir à fournir toute autre forme de justification. Argument suprême, et surtout bien commode lorsqu'on n'a point d'arguments. De la dégénérescence des évidences Le monde des choses est un univers normé. A propos des realia s'échangent sans cesse dans la société divers discours évaluatifs et prescriptifs: code civil, dictionnaires, manuels scolaires, lieux communs journalisti ques, etc. La communication permanente de ces textes définitionnels cons titue une bonne part du fonctionnement des institutions, et leur permet d'assurer leur emprise sur le réel. Ces discours ont en effet pour fonction d'assigner à chaque objet un type, c'est-à-dire une définition normative idéale. Un type est un ensemble de prédicats conjoints qui, socialement ac crédité par l'effet des discours définitionnels autorisés, se trouve dans pres que toute interaction quotidienne faire partie du savoir partagé des interlo cuteurs. Chaque objet, chaque acte, chaque état de choses se caractérise donc par sa plus ou moins grande conformité à un type, c'est-à-dire par le fait que l'information qu'il fournit est plus ou moins compatible avec l'en semble de prédicats vérifiés qui constitue ce type. Il y a ainsi des realia nor maux et d'autres anormaux, des évidences typiques ou atypiques. Lorsque l'écart entre la chose et le type dépasse un certain seuil, s'ensuivent toutes sortes de conséquences sémiologiquement intéressantes. La première de ces conséquences est que la loi L ci-dessus perd alors sa validité: l'interprète, au lieu de recevoir l'évidence pour vraie de plein droit, se met à en douter. Il 'n'en croit pas ses yeux', se demande si la chose perçue en est bien une, etc. Au point que l'on soupçonne la 'force des évi dences', attribuée ci-dessus à L, d'avoir en fait pour condition indispensable la conformité de l'évidence à un type, et leur validation, qui paraissait
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d'abord automatique, de n'être dans le fond pas si immédiate que cela. Sans doute n'est-elle pas 'de droit', mais résulte-t-elle d'un processus logi que complexe: la confrontation, par l'interprète, de l'évidence perçue avec le stock des types connus et répertoriés. La chose perçue se trouve-t-elle compatible avec un type disponible, l'évidence en est alors aussitôt admise. Mais dans le cas où elle apparaît plus ou moins contradictoire avec chacun des types connus, sa validation n'a pas lieu, et l'interprète se trouve ren voyé à l'examen d'autres critères. Si cette analyse est juste, la loi L devrait plutôt être formulée en L', qui prescrit une stratégie de validation, une pro cédure, plutôt que son résultat: L':
'Les évidences doivent être évaluées par rapport aux types établis. La condition nécessaire et suffisante pour qu'une évidence X soit reçue comme vraie est sa compatibilité avec un type existant T.'10
Quant au recours, en cas de non compatibilité entre X et un type quel conque, à d'autres procédures d'évaluation que L', c'est-à-dire au fait que L' perde alors sa force de loi, il peut s'expliquer par la méta-règle pragmati que très générale qui veut que l'anomalie entraîne et autorise l'anomalie (cf. Berrendonner 1983). Il n'y a d'ailleurs pas que la vérité qui soit refusée à une évidence, lors qu'elle est atypique. Toutes sortes d'autres valeurs positives le sont aussi. Selon une implication en vigueur sur l'ensemble du domaine sémiotique, et dont les fous, les handicapés et les rebelles font chaque jour l'expérience à leur dépens, ce qui s'écarte trop du type commun ne peut être ni bien, ni beau. De là vient que la plupart des termes linguistiques signifiant l'ap proximation soient polysémiques, et prennent aussi une valeur péjorative. Espèce de ..., expression passée telle quelle en injure, en est le meilleur exemple, mais le lexique et son histoire sont pleins de tels sous-entendus lexicalisés. Une deuxième conséquence de la non-conformité d'une chose à son type, c'est que l'interprétation de cette chose se fait alors au second degré. Une évidence anormale devient nécessairement l'évidence de son anoma lie. Et à ce titre, elle se met à requérir une urgente explication. L'état où se trouve, par elle, portée l'information est en quelque sorte instable, et doit être remanié, restructuré, par quelque opération sémiotique. Il semble qu'une règle de communication fondamentale veuille en ef fet que toute anomalie suffisamment évidente constitue un cas marqué d'in formation, qui ne peut subsister en l'état. On constate par exemple que seul
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ce qui est inattendu, peu banal, voire exceptionnel est d'ordinaire objet de narration. On met dans le journal le récit des accidents, mais pas celui des routines réussies. Et chacun sait qu'un homme heureux n'a pas d'histoire, et fait un très mauvais héros de roman: ce qui est conforme à la norme, il n'y a rien à en dire. Si l'on a, au contraire, connaissance d'une anomalie, il ar rive souvent que l'on soit dans l'obligation de la mentionner, sous peine d'être sanctionné pour dissimulation ('Ah, petit cachottier, tu ne m'avais pas dit que...'). Ces faits s'expliquent si l'on admet qu'il existe une loi pragmatique L2 aux termes de laquelle tout état de l'information contenant une anomalie doit être remanié, si possible jusqu'à disparition de l'anomalie. Le discours, qu'il soit narratif ou délibératif, n'est que l'instrument de ce re maniement, un des moyens de transformation du sens qui peuvent alors être utilisés. L'hypothèse de L2 permet d'expliquer bien des choses. Ainsi, par contre-inférence, le fait de rapporter verbalement un événe ment ou un état de choses X laisse-t-il généralement entendre que X est plutôt inattendu, exceptionnel à quelque titre, en un mot: atypique. On re trouve ici, mais avec le statut de théorème et non d'axiome, la loi de dis cours dite d"informativité' (Ducrot 1972). C'est L2 qui explique, également, que ce soit le connecteur et alors, primitivement chargé de marquer la simple succession de deux énonciations, qui serve aussi, associé à une intonation interrogative, à contester comme anormale une évidence ou une énonciation antérieure. Selon L2, toute anomalie survenant dans le discours exige qu'on enchaîne à sa suite. On comprend donc que réclamer un enchaînement revienne dans certains cas à dénoncer une anomalie. Il existe, inversement, de nombreuses formules d'excuse pour qui veut laisser sans retraitement une évidence anormale: 'Passons!','N'insistonspas!', 'Jetons un voile pudique' etc. L'énonciation de tout un discours verbal explicatif n'est pas le seul moyen de retraiter une évidence atypique. Un autre procédé, plus expéditif, consiste à interpréter celle-ci non plus comme évidence, signifiant réflexivement sa propre anomalie, mais comme le signe d'autre chose, qui lui soit extérieur. C'est ainsi qu'une évidence dégénère très facilement en icô ne. Dans tout objet 01 qui présente un certain décalage, un écart par rap port à son type T, on reconnaît volontiers l'icône d'un objet 02 qui serait, lui, exemplaire et conforme à T. On le voit à l'exemple du mime. Nous avons tous les jours l'occasion d'observer des gesticulations parfaitement normales et typiques. Nous n'y
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voyons que des actions bien ordinaires, c'est-à-dire que nous nous conten tons de les interpréter au premier degré, comme des évidences, sans aller chercher plus loin. Mais qu'une semblable gesticulation nous apparaisse plus ou moins savamment décalée par rapport à son type, qu'elle manifeste un écart, soit par la nature, soit par la simple intensité de ses propriétés, et la voilà devenue un mime: nous l'interprétons non plus comme une action ordinaire, mais comme une imitation, une singerie, un signe analogique de cette action qu'elle n'est plus tout à fait. Allumer une cigarette avec son bri quet, c'est un mime, une icône d'allumage. (Incidemment, cette icône est couramment utilisée pour demander de feu, ce qui semble montrer que la dérivation de valeurs illocutoires à partir d'une signification purement représentationnelle n'est pas le propre du code verbal). Les monuments fournis par la récupération d'un objet nors-service nous offrent un autre exemple du même processus. Un marteau-pilon, dé couvert dans un atelier de forges, enveloppé des vapeurs fuligineuses de l'acier en fusion, n'est qu'un marteau pilon. Mais peint en bleu-ciel, installé au milieu d'un carrefour au Creusot, et adorné d'une plaque rappelant ses caractéristiques techniques défuntes, il devient atypique, et ne s'explique plus que comme icône, il se trouve reconverti en signe monumental, érigé à la gloire de ce qu'il a cessé d'être. Le fait que l'iconicité fournisse ainsi une explication naturelle et une excuse à l'imperfection suggère que l'infidélité est une caractéristique pragmatique inhérente aux icônes, et communément attendue chez elles. De fait, cette sorte de signes a plutôt mauvaise réputation ('Méfiez-vous des imitations'). On comprend d'ailleurs qu'un signe ouvertement fondé sur la ressemblance et l'approximation ne puisse être qu'imparfait au regard de son objet. Non seulement il est dans la nature de l'icône d'être déformante, mais, bien plus, elle se doit de l'être, pour que tout soit dans l'ordre. C'est du moins la morale de la fable rapportée par Baudrillard (1968): "C'était au XVIIIème siècle. Un illusionniste fort savant en horlogerie avait fabriqué un automate. Et celui-ci était si parfait, ses mouvements étaient si souples et si naturels, que les spectateurs, lorsque l'illusionniste et son oeuvre paraissaient ensemble sur scène, ne pouvaient discerner quel était l'homme et quel était l'automate. L'illusionniste se vit alors obligé de mécaniser ses propres gestes, et, par un comble de l'art, de détraquer lé gèrement sa propre apparence pour rendre son sens au spectacle, car les spectateurs eussent été trop angoissés à la longue de ne savoir lequel était "vrai", et il valait mieux encore qu'ils prissent l'homme pour la statue et la statue pour l'homme." (1968:79)
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Pour faire une icône, il suffit donc de détraquer une chose. Et inverse ment, toute chose un peu détraquée peut être 'récupérée' comme icône. Quant à la suspicion qui s'attache à cette sorte de signes, elle s'illustre par faitement dans ce que dit E. Goffmann des 'fausses-notes': qu'un acteur social commette par hasard une erreur qui rend son comportement atypi que, et celui-ci a toutes les chances d'être reçu non seulement comme 'jeu', mais encore comme jeu trompeur et mensonger: "(le public) peut donner un sens gênant à des gestes ou à des événements accidentels, dus à la maladresse ou au hasard, et auxquels l'acteur n'enten dait pas conférer de signification particulière (...) Dans le cas où le public doute secrètement de la réalité qu'on cherche à lui imposer, il a tendance à ne laisser passer aucun des défauts, même minimes, de la représentation, et à voir dans chacun d'eux le signe que le spectacle tout entier est menson ger." (1973:54-55)
Au plan linguistique, cette dégénérescence des évidences en icônes af fecte communément les énonciations. Elle est le ressort principal de bien des manoeuvres rhétoriques. Un acte de parole atypique sera volontiers in terprété au second degré, comme icône d'une énonciation primaire norma le. Selon les circonstances et le type de décalage présenté, on verra dans cette mimesis tantôt un simple moyen de citation, tantôt une parodie, tan tôt une ironie. Cette conception de l'ironie permet peut-être d'expliquer que l'hyper bole en soit un instrument banal, comme le montre T'analyse de texte' sui vante, empruntée au courrier des lecteurs d'un quotidien helvétique: "Je ne connais pas M. B..., mais j'hésite à le cataloguer pince-sans-rire ou inquisiteur. Dans le premier cas, sa lettre ne serait qu'une série d'antiphra ses subtiles approuvant mon jugement: la violence de ses propos m'incite rait à le croire." (La Liberté 12-03-84)
C'est que l'exagération reférentielle, la démesure dénotative que comporte l'hyperbole peut constituer le facteur d'anomalie qui rend l'énonciation atypique. Ce type d'ironie partagerait donc avec la caricature le statut d'icônes par excès. Il est à noter que l'écart inverse peut remplir la même fonction, et qu'il existe aussi des ironies qui sont des icônes par défaut, apparentées à l'esquisse ou à la silhouette. Rapporter un état de choses en le minimisant de façon insolite, user d'euphémismes ou de périphrases édulcorantes, est une marque d'ironie aussi commune que l'hyperbole ('Mais non, Obélix, tu n'es pas gros! Tout juste un peu enveloppé!) Il semble donc bien que l'ironie soit fondamentalement liée à l'iconicité de certaines énonciations, ellemême dépendante de leur apparence atypique.
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En guise de conclusion Au point où j'en suis arrivé, une question s'impose: si les évidences, qui sont à la fois icônes et symptômes, peuvent si communément dégénerer en icônes, ne peuvent-elles aussi dégénérer symétriquement, de l'autre coté, en symptômes? Notes 1.
Sous ce nom commode, je range les divers individus plus ou moins discrets que notre per ception reconnaît dans la réalité: choses, actions, événements, états de choses, sans me demander ici par quels processus culturels, idéologiques et discursifs ces individus ont été constitués dans leur identité. Il ne faut donc voir, dans l'usage que je fais de ce concept de realia, aucune assomption ontologique particulière.
2.
Cela ne veut pas dire, d'ailleurs, que je tienne ce type d'étude pour non pertinent. Il est au contraire très important d'étudier ce méta-discours, aux effets normatifs-prescriptifs, que la société tient sur ses objets, car c'est essentiellement par lui que se constituent les types dont je ferai usage plus loin. Mais mon propos ici n'est pas tant de savoir comment, par le discours, se constituent les objets et leurs types idéaux, que le décrire comment ceux-ci, une fois reconnus et établis, sont ultérieurement exploités comme signes dans la communication quotidienne.
3.
Sur ce point, voir Berrendonner (1981).
4.
Il y a là une situation de paradoxe. 'Signifier ses proprifeés' est en effet une des propriétés de l'objet. Non seulement, donc, celui-ci se représente, mais, nécessairement, il se re présente se représentant, il se représente en train de se représenter se représentant etc., en abyme. Cette semiosis paradoxale est ce qui rend toujours possible l'inteprétation des realia non seulement au premier, mais au n-ième degré, et c'est donc elle qui permet la 'dégénerscencé' dont il sera question plus loin. C'est elle aussi, sans doute, qui a pu ame ner à reconnaître aux choses un certai effet d''opacité', puisque par elle, un éventuel in terprète se trouve enfermé sans échappatoire possible dans un cercle vicieux de renvois perpétuels à l'objet.
5.
Pour Ducrot, par exemple, 'Le caractère assertif d'une énonciation fait partie de la re présentation que l'ênoncé en donne, et dans cette mesure, est intérieur au sens: un énon cé de La terre est ronde a pour sens de présenter son énonciation comme affirmation de la rotondité de la terre. Mais ce caractère assertif, l'énoncé ne l'asserte pas; il faudrait dire plutôt qu'il le joue, ou encore, comme dit la philosophie analytique, qu'il montre.' (1980:34)
6.
On peut se demander s'il existe d'autres évidences que les realia. Je préfère ne pas en ex clure la possibilité, bien que je n'en aie pas encore rencontré d'exemple indiscutable.
7.
Pour les adeptes du doute méthodique, je rappelle toutefois que les normes de types L sont 'oblitérables' c'est-à-dire que leur validité peut être suspendue dans certaines cir constances. Voir aussi plus loin.
8.
Sur cette notion de 'savoir partagé' ou de 'mémoire discursive', voir Berrendonner (1983).
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9.
On notera, au passage, toute la perfidie qu'il peut y avoir dans une formule d'acquiesce ment comme 'C'est évident': en même temps qu'elle sert à souscrire à la vérité d'un énon cé, elle permet d'en disqualifier l'énonciation, en suggérant qu'elle est inutile.
10.
Je laisse de côté la question de savoir de quelle forme de 'vérité' il s'agit alors, mon pro pos ici n'étant pas de faire une théorie des valeurs, mais seulement de décrire le méca nisme pragmatique de leur attribution.
Références Anscombre, J.-C. et Ducrot, O. 1983. L'argumentation dans la langue. Bruxelles: Mardaga. Baudrillard, J. 1968. Le système des objets. Paris: Gallimard. Berrendonner, A. 1981. Eléments de pragmatique linguistique. Paris: Mi nuit. . 1983. "Connecteurs pragmatiques et anaphore." C.L.F. 5, 215-246. Genève. Ducrot, O. 1972. Dire et ne pas dire. Paris: Hermann. . 1980. Les mots du discours. Paris: Minuit. Greimas, A.-J. 1970. Du sens (I). Paris: Seuil. Goffman, E. 1973. La mise en scène de la vie quotidienne. 1. La présenta tion de soi. Trad. française. Paris: Minuit. Récanati, F. 1979. La transparence et l'énonciation. Paris: Seuil. Todorov, T. 1967. Littérature et signification. Paris: Larousse.
Pragmatique et abduction Massimo A. Bonfantini
1. Selon ma proposition que j'ai avancée la première fois en 1982, entre la dimension immédiate, illocutoire, de l'acte linguistique, et sa dimension finale, perlocutoire, il y a la dimension de la valence effectivement occurrents, pendant la durée du discours et de la communication, de l'acte lin guistique: la dimension que nous pouvons appeler dialocutoire. En nous expliquant par un exemple: "Cette soupe est fade" dans son aspect illocutoire est évidemment un représentatif', la finalité dernière pour laquelle cet acte linguistique est exécuté par l'émetteur peut être aux yeux de son interprète une question bien hypothétique et de solution très diffici le; mais la valence effective de "Cette soupe est fade" consiste dans son as pect dialocutoire (dans la valence que cette affirmation assume dans un contexte donné et dans des circonstances déterminées). Ainsi, précédé d'une certaine suite d'actes illocutoires et préparé par un certain système de figures de communication, "Cette soupe est fade" sera compris comme une demande elliptique de rajouter du sel à la soupe; précédé d'une autre suite d'actes illocutoire et préparé par un autre système de figures de communi cation, "Cette soupe est fade" devra être interprété plutôt comme le verdict négatif d'un juge (dans une compétition d'entre des cuisiniers). Suivant une terminologie inspirée de Peirce, on peut dire que: l'aspect illocutoire est l'interprétant pragmatique immédiat d'un acte linguistique, l'aspect dialocutoire est l'interprétant pragmatique dynamique, l'aspect perlocutoire Yinterprétant pragmatique final. Mais on peut dire aussi que, l'aspect illocutoire du discours est l'aspect élémentaire, l'aspect dialocutoire est l'aspect structural, l'aspect perlocutoire l'aspect stratégique-herméneuti que. Dans ce texte on cherchera à montrer que cette tripartition du sens pragmatique, en se combinant avec notre théorie des types d'abduction, fournit le cadre conceptual adéquat pour l'interprétation des plusieurs gen-
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res d'implicitation (présupposé, sous-entendu, allusion) diversement af frontés par Ducrot et par d'autres auteurs. 2. J'ai besoin maintenant de trois avertissements ou éclaircissements que je ne soutiendrai pas par des argumentations: je dois recourir donc aux trois lemmes suivants. Premier lemme: Définition d'implicité: Implicite = sens pas explicité et pas exprimé par énumération ou par liste de la part de l'émetteur, mais in terprétable à partir du texte et interpretandum pour la compréhension du texte. Second lemme: Conventionnalité de l'aspect illocutoire. L'aspect illocutoire de n'importe quel acte linguistique est reconnaissable en raison d'une convention fixée. C'est de cette conventionnalité de l'aspect illocutoire que dépend son décodage immédiat, de la part de son destinataire ou d'un audi teur ou d'un lecteur quelconque et par conséquent de la part de l'analyste, uniquement sur la base de la compétence linguistique ( de langue et de lan gage). Troisieme lemme: Sens de l'aspect dialocutoire. Le niveau dialocutoire est celui du sens de l'acte linguistique ou plus en général du texte qui répond à la question du destinataire "qu'est-ce qu'il veut de moi?" La forme de la réponse est exprimable iconiquement dans la représentation qui suit: Représentation de la forme du sens dialocutoire Ε (l'émetteur) s'autorisant à l'exercice de sens et de influence sur moi la destinataire en se constituent en FQE (figure qualifiée d'énonciateur) au moyen de (a) présupposition dans le jeu de la communication vel (b) allusion vel (c) déclaration
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PRAGMATIQUE ET ABDUCTION X
(le fait énoncé et déterminé ça et ça ou l'action énoncée et déterminée ça et ça) par moi D(le destinataire) en faisant appel à moi en tant que disponible à m'identifier à la FAEA (figure adéquate d'énonciataire) constituée au moyen de (a) présupposition vel (b) allusion vel (c) déclaration
3. A ce point, le Tableau 1 de distribution de l'implicite va se révéler compréhensible, ou plutôt la suivante. Tableau 1.
Représentation topologique de l'implicite Sens par l'émetteur
Illocutoire
Vehicule' comme Presuppose'
Manifeste'
Dialocutoire
Comporte'
sous-entendu suggéré suscité par allusion
Induit
Perlocutoire
Trahi
Cache'
Devine'
par le destinataire
EVOQUE
ASPECT
par l'acte
Trouve'
4. Le tableau 1 peut être lu et "raconté" d'une façon assez coulante, ainsi: le sens implicite de l'aspect illocutoire d'un acte linguistique est véhiculé par l'acte même et donc manifesté, tenu à découvert, par l'émetteur, et aisé ment trouvé par son destinaire à l'aide d'interprétations, codifiées et habi tuelles; tandis que le sens implicite de l'aspect dialocutoire est "comporté" ou "entraîné" par l'acte, d'après des renvois plus ou moins usuels, mais de toute façon évidents par définition (autrement la communication n'a pas la possibilité de se réaliser), et donc il est évoqué par l'émetteur (sous-enten-
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du, suggéré ou suscité par allusion, selon le caractère plus ou moins institu tionnalisé du frame où l'acte linguistique a occurrence, et selon les stratégies particulières de l'émetteur) et il est induit avec un peu d'attention par son destinaire; enfin, le sens implicite de l'aspect perlocutoire, l'objectif, est partiellement trahi par l'acte même et donc, bien qu'il soit caché par défini tion de la part de l'émetteur, il s'offre aux tenatives de devinement, sur la base indicaire, de son destinaire. Si nous réexaminons notre exemple de la soupe, nous voyons claire ment le caractère ascendant de l'échelle de difficulté et de créativité des hy pothèses interprétatives synthétiquement indiquées par les trois adjectifs "trouvé", "induit", "deviné" dans la dernière colonne du tableau. Mais, pour une compréhension plus précise il faut avoir recours à la théorie des types d'abduction. 5. Pour abduction, comme chacun sait, Peirce entend une argumentation obéissant au schéma de l'exemple suivant: Ces haricots-ci sont blancs; (mais) tous les haricots de ce sachet-là sont blancs; (alors) ces haricots-ci viennent de ce sachet-là (peut-être).
Résultat Règle Cas
Pour une représentation iconique de l'abduction, qui la dégage de la complexification de la généralisation ou de la quantification universelle (voir Bonfantini 1983) et qui en souligne soit l'aspect formel et automatique soit le caractère absolument vide et fondatif, c'est-à-dire abstrait et prélogi que, par rapport à tous les systèmes logiques possibles avec leurs diverses et particulières déterminations d'éléments constitutifs et de règles précises — il est utile d'employer un symbolisme qui reprend certains usages de Casari (1959). Nous aurons donc la représentation suivante de l'abduction:
6. Il est tout de suite facilement prévisible et amplement justifié autre part (Bonfantini et Proni 1980), que l'"orience créative", à savoir la créati vité et originalité, de l'abduction dépend de la qualité de la loi-médiation.
PRAGMATIQUE ET ABDUCTION
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Aussi aurons-nous trois degrés ou types d'abduction: Premier type d'abduction — la loi-médiation à laquelle il faut avoir recours pour inférer le cas du résultat est donnée d'une manière obligatoire et auto matique ou semi-automatique; Second type d'abduction — la loi-médiation à laquelle il faut avoir recours pour inférer le cas du résultat est trouvée par sélection dans le domaine de l'encyclopédie disponible; Troisième type d'abduction — la loi-médiation à laquelle il faut avoir re cours pour inférer le cas du résultat est entièrement constituée, inventée. A l'intérieur du troisième type d'abduction on distingue trois sous-ty pes, suivant la modalité de constitution de la loi de médiation. Aussi au rons-nous: Premier sous-type — la loi-médiation est une simple extension à un autre champ sémantique d'une forme d'implication déjà présente dans l'encyclo pédie disponible; Second sous-type — la loi-médiation lie d'un bout à l'autre ex novo deux (ensembles de ) éléments déjà présents dans l'univers sémantique de l'ency clopédie disponible. Troisième sous-type — la loi-médiation introduit comme son antécédant lo gique un terme factice. D'après cette typologie on peut dire que dans la communication quoti dienne la compréhension du sens du niveau illocutoire exige des opérations abductives de premier et de second type, du niveau dialocutoire des opéra tions abductives de second type, et du niveau perlocutoire des combinai sons d'abductions de second type et parfois des abductions de troisième type. 7. Le sens dialocutoire, en tant qu'il est toujours et de la même manière sens comporté, évoqué, introduit, demande à l'interprète pour sa compré hension une forme constante des opérations logiques. Mais, dans le dé roulement dialogique du jeu de la communication, le fait que le sens évo qué par l'émetteur est sous-entendu, ou suggéré, ou suscité par allusion aussi, obéit à des stratégies diverses et produit sur le destinaire de différents effets de sens. Le sous-entendu et la suggestion semblent les stratégies nor males pendant les dialogues de routine ou pendant les dialogues courants d'obtention (voir Bonfantini et Ponzio 1983): ils servent à l'émetteur pour tenir bien fermes et hors de discussion des lieux communs déterminés et re connus comme tels. L'allusion semble au contraire jouer sur l'indéterminations, sur le vague, sur l'indéfinissable du sens évoqué. Peirce dit:
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MASSIMO Α. BONFANTINI "Un signe, objectivement indéterminé à quelque égard, est objectivement vague, si et en tant qu'il réserve les déterminations ultérieures à d'autres si gnes concevables, sans indiquer quand même l'interprète comme délégué à cette fonction. Un example: — Un homme que je pourrais mentionner me semble un peu présomptueux —. Ici on insinue par allusion que l'homme en question est la personne à laquelle on s'adresse. Mais l'émetteur n'auto rise ni cette interprétation ni aucune autre application de son énoncé. Il peut très bien dire encore, s'il le veut, qu'il ne vise pas la personne à la quelle il s'adresse." (CP 5.447)
En ce cas de vague et d'allusion que Peirce a traité, ce qui reste (par pure convenance) vague est uniquement le réfèrent du jugement, ce der nier étant au contraire tout à fait déterminé. Ce type d'allusion se présente ainsi sous forme d'une manoeuvre carrément agressive caractéristique d'un dialogue de compétition: il consiste à faire savoir à l'interlocuteur que l'on a une opinion négative et offensante sur lui, en la qualifiant avec précision, et en visant à paralyser la possibilité de réponse par la fiction de la non-dé termination du sujet. Mais il y a un autre type de vague et d'allusion, qui est le réciproque du type d'allusion agressive: c'est l'allusion coopérative séductive. Ici le réf rent est parfaitement déterminé et le destinataire extrêmement impliqué et pas d'autres; de cet interlocuteur on invoque la réponse qui est laissé in tentionnellement très ouverte, dans le jeu de la communication, au moyen de l'ambiguïté ou de l'indéfinissable ou de la pluralité de suggestions du sens évoqué et offert au "faire dialogique" de l'interlocuteur. Références Austin, John Langshaw. 1962. How to Do Things with Words. London: Ox ford University Press. Bonfantini, Massimo Achille. 1982. "L'occhio sull'argomentazione nella comunicazione di massa." Dans Rositi. 1983. "Abduction, A Priori, Brain: for a Research Program." Dans Bonfantini et Proni (eds). . 1984. Semioca ai media. Bari: Adriatica. Bonfantini, Massimo Achille et Ponzio, Augusto. 1983. "Dialogo sui dialoghi." Dans Bonfantini et Proni (eds). Bonfantini, Massimo Achille et Proni, Giampaolo. 1980. "To guess or not to guess?" Scienze umane 6. English transl. in Eco et Sebeok (eds). -— (eds). 1983. "L'abduzione." Versus 34.
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Casari, Ettore. 1959. Lineamenti di logica matematica. Milano: Feltrinelli. Eco, Umberto et Sebeok, Thomas A. (eds). 1983. The Sign of Three. Bloomington: Indiana University Press. Peirce, Charles Sanders, 1931-1958. Collected Papers. Cambridge, Mass.: Harvard University Press. Rositi, Franco. 1982. I modi dell'argomentazione e l'opinione publica. Tori no: Eri.
Véridiction et réalité J.C. Coquet
Le critique littéraire ignore ou, à tout le moins, méconnaît le principe de pertinence qui a fait la force de la description linguistique, puis sémiotique. La raison principale en est sans doute qu'il ne résiste que rarement aux sé ductions de la "profondeur". Selon lui, un bon texte critique, un texte "ri che"', doit offrir au lecteur un éventail de perspectives, de préférence insoli tes, ouvrant la voie à de spectaculaires plongées vers l'"être". Sans doute, le défaut d'une telle démarche est apparent. Il faudrait, pour que la cohé rence du discours ait quelque chance de se maintenir, éviter de "parler de tout", comme le reproche Valéry à la philosophie, et assurer corrolairement "permanence du point de vue et pureté des moyens" {Cahiers I:793). En somme, il faudrait que le littéraire ressente le besoin de se sémiotiser un peu. Dans notre examen de L'homme et la coquille, nous chercherons à ti rer profit de l'avertissement de Valéry. On se souvient de l'argument: le narrateur ramasse sur le sable un coquillage et cherche à l'identifier au plus près. "Ce petit corps calcaire creux et spiral appelle autour de soi quantité de pensées dont aucune ne s'achève ..." {Oeuvres I:907). C'est cette quête épistémique que nous nous efforçons de décrire par paliers. Nous voudrions montrer qu'il y a correspondance réciproque entre le sujet observateur et l'objet observé, entre le discours de vérité tenu et la réalité circonscrite. Nous présenterons ce rapport d'homologie (notre principe de pertinence) sous la forme suivante: objet
x'
sujet
X
t
y'
z'
t
t
z
réalité vérité
NB: A chaque type de discours véridictoire, à chaque sujet (x, y, z...) correspond biunivoquement un type de réalité, un objet (x', y', z'...)
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J.C. COQUET
1. Question de méthode: pour saisir la réalité, ou du moins la première de ses apparences, l'observateur ne peut procéder autrement que par néga tion . Devant lui, le "désordre ordinaire de l'ensemble des choses sensibles" (loc. cit. 886-887) et, en contraste, une forme ... cette coquille: "Elle s'of frait à moi pour n'être pas une chose informe" (loc. cit. 893; nous soulignons). Du "réel pur", il n'y a rien à dire, par définition. Il est, nous dit Valéry, "insignifiant, inexprimable, instantané, informe". On pourra donc, d'une manière équivalente, dénommer ce réel pur, "non-réel". Le réel en est "inséparable"; il vient "après lui", car "on ne commence pas par l'idée de réel"; "il est le non-(non-réel)" {Cahiers I:698 et 1241). Aussi bien, la rencontre avec l'objet coquille revient-elle à opérer une première disjonction entre réel et réel pur (ou non-réel). Ce que nous symboliserons sous la forme:
objet
R2
V
R 1
réalité
pest sujet
0
vérité
(vrai) NB: R2 note le réel, R1 le réel pur qui exclut toute proposition de vérité (p) et, plus généralement, tout discours, d'où la mise entre parenthèses de vrai. Les deux réalités sont disjointes (v).
2. Ce premier palier franchi, comment parler du réel? On peut d'abord le faire à la manière des savants. Valéry a lu leurs livres; il tient compte de ce qu'ils lui apprennent sur le "procédé élémentaire" de l'émanation (en bref, "une grotte émane ses stalactites; un mollusque émane sa coquille"), ou sur le "motif fondamental de l'hélice spiralée" et la "progression périodique". Il suffirait d'en faire la demande au mathématicien, plus spécifiquement au géomètre: il "lirait facilement" un tel "système de lignes et surfaces 'gau ches' et le résumerait en peu de signes, par une relation de quelques gran deurs" Oeuvres I:888-889 et 898). Si l'on s'en tient au plan de réalité qu'ils ont choisi de décrire, le discours des savants échappe à la contestation. Il est donc tout naturel, cette réserve faite, de leur accorder le bénéfice d'avoir formé des énoncés universels. C'est cette extension maximale du dis cours (le discours est valide pour chacun quels que soient le lieu et le temps) que nous symboliserons par:
VÉRIDICTION ET RÉALITÉ
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p est IL vrai (où IL note l'universel). Soit cette double correspondance:
objet
sujet
R2
pest IL vrai
V
R1
réalité
pest 0 (vrai)
vérité
3. Si les livres spécialisés nous donnent une information, disons, sur les composants des aliments digérés par le coquillage, nous n'avons rien à ob jecter. "J'ai lu", note Valéry, "que notre animal emprunte à son milieu une nourriture où existent des sels de calcium, que ce calcium, absorbé, est traité par son foie, et de là, passe dans son sang" Oeuvres I:901. Sans doute, mais les limites de la connaissance sont vite atteintes. Comment ne pas épingler certains discours déviants? En voici un exemple: les savants voient bien des choses au microscope (laissons de côté le problème de la "vision"), mais, selon Valéry, ils "en ajoutent quantité d'autres que je ne crois pas qu'ils aient vues". Certaines même sont "inconcevables, quoiqu'on puisse en fort bien discourir" (898). C'est là le point. "Discourir", c'est d'une certaine façon avouer que l'on se sent incapable de faire. Or la règle que se fixe l'observateur est de lier le savoir au pouvoir. L'acte est le meilleur garant de la connaissance: "Je ne sais que ce que je sais faire" (899). C'est pourquoi, il lui semble conforme à sa déontologie de prendre ses distances vis-à-vis d'une partie de la communauté scientifique qui, elle, ne répugne pas à affaiblir la notion de réalité. Comment le chercheur vérifierait-il la nécessaire équation "connaissance = pouvoir" (Cahiers II:856), si les corps, sur lesquels il doit manifester son emprise, n'obéissaient plus, d'aventure, au principe de localité? Il faudrait alors admettre qu'on puisse changer d'univers, ne plus employer les mêmes termes, ou accepter de dire qu'il y a plusieurs notions, totalement disjointes, de "pouvoir" ou de "corps" ... (868). Dans notre texte, Valéry ne franchit pas le seuil. A dire vrai, il n'en manifeste aucune envie. Il s'en tient à son modèle cognitif. D'où cet avertissement quelque peu solennel: "tout ce qui s'[en] éloigne trop (...) se refuse à notre intellect (ce qui se voit bien dans la physique très récente). Que si nous essayons de forcer la bar-
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J.C. COQUET rière, aussitôt les contradictions, les illusions du langage, les falsifications sentimentales se multiplient; et il arrive que ces productions mythiques oc cupent, et même ravissent longtemps les esprits." (Oeuvres I:899-900; nous soulignons)
A y regarder d'un peu près, il faut donc distinguer au moins deux types de sujet dont les discours sont d'extension inégale; l'un et l'autre disent la "vérité" à l'intérieur de la cité scientifique (grâce à cette fonction ils ont ac quis le statut d'actant collectif), mais dans un cas, l'un dit la vérité pour tous, dans l'autre, il ne dit la vérité que pour les physiciens de la théorie quantique, c'est-à-dire pour les tenants d'une "physique désorientée", se lon l'expression de Valéry (Cahiers II:904). Cette communauté restreinte, dont il se sépare, sera symbolisée par le substitut ON. Il convient alors d'opposer: ρ est ON vrai
à
ρ est IL vrai
et de corréler la position du sujet avec la position de l'objet ("lointain", cas de ON, ou "proche", cas de IL): objet
R3
sujet
pest ON vrai
ν
R2 pest IL vrai
réalité
νR1 ρ est
0
vérité
(vrai)
4. Si la "physique très récente" est rejetée, c'est qu'elle s'est placée sur une pente qui la conduit tout droit, selon Valéry, à substituer des explications aux opérations. Là est le danger. La tentation, toujours renaissante, est de substantifier, de croire aux mots; d'ériger, en conséquence, à la manière des philosophes, un "réel absolu", indépendant de toute observation (Cahiers I:655). A n'en pas douter, cette quatrième forme de réalité "excite" les phi losophes. Si l'on en croit notre analyste, "la philosophie ne consiste-t-elle pas, après tout, à faire semblant d'ignorer ce que l'on sait et de savoir ce que l'on ignore? Elle doute de l'existence; mais elle parle sérieusement de l'Univers' ..." (Oeuvres I:897). Elle n'échappe donc pas à l'exclusion en même temps que le type de "réalité" qu'elle se donne pour objet:
VÉRIDICTION ET RÉALITÉ
objet
R4
pest sujet
0 vrai
V
R3
pest ON vrai
V
R2 pest IL vrai
ν
R 1
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réalité
ρ est
0
vérité
(vrai)
NB: Le support discursif de R1 et de R4 est noté d'une manière très voisine. La présence ou l'absence des parenthèses marque la différence. Lorsque la cible visée est R , il n'y a pas de discours possible: ρ est 0 (vrai). Quant à l'objet "absolu", R4, il suscite bien un discours, le discours de la philoso phie, mais l'analyste lui dénie toute validité: ρ est 0 vrai.
5. Ainsi, par exclusions successives, il ne reste plus que le réel scientifi que proche, ou relativement proche, (R2), qu'admette Valéry. C'est ce champ objectai qui lui paraît le moins mal convenir, s'il veut fonder sa re cherche individuelle. Comme tout "savant", il observe des faits dont il isole les "traits" perti nents. Adoptant un point de vue d'extériorité et de généralisation, il pro cède par homologation de quelques "formations naturelles remarquables". Il avance ainsi une relation que nous présenterons sous cette forme canoni que: le "système mélodique de sons purs" est aux "bruits" ce que le groupe (cristal, fleurs, coquille) est au "désordre ordinaire de l'ensemble des cho ses sensibles". Si nous cherchons maintenant à déterminer un trait commun à la première série (les sons purs, le groupe ternaire) — autrement dit sa pertinence —, nous dirons que chaque unité est totalisante. L'analyse s'appuiera donc sur la notion de structure, dont nous rappelons la définition habituelle: un tout formé de phénomènes solidaires tels que chacun dépend des autres et ne peut être ce qu'il est que dans et par sa relation avec eux. Reprenons l'exemple type. La coquille s'offrait à moi, écrit Valéry, pour être "une chose dont toutes les parties et dont tous les aspects me mon traient une dépendance, et comme une suite remarquable de l'un à l'autre, un tel accord, que je pouvais, après un seul regard, concevoir et prévoir la succession de ces apparences". Bref, le point de vue est gestaltiste: la co quille forme "un tout" {OeuvresI:893).Telle est la conclusion du paragraphe. Mais pour analyser notre objet et sa formation, quel langage employer? La science utilise un système symbolique, nécessairement homogène. Car,
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J.C. COQUET
"n'est pas science, toute connaissance dont les élements ne sont pas faits ad hoc, mais pris dans le langage ordinaire" (Cahiers II:837). La frontière est donc bien tracée. Le langage du géomètre est tout à fait capable de décrire la morphologie structurale de la coquille, alors que "le langage ordinaire [s'y] prête mal". Toutefois les deux doivent renoncer à en "exprimer" la grâce tourbillonnaire" (Oeuvres I:889). Insistons sur ce point: le recours à la langue commune ne conduit pas notre chercheur à abandonner toute préoccupation scientifique. sans doute, il conviendrait de se demander pour quelle raison, coquille pour coquille, Valéry a choisi comme "héros" (904) l'un quelconque des membres de la série "Conque", "Casque", "Rocher", "Haliotis", "Porcelaine", et non "Escargot" ou "Bigorneau". En quoi ces derniers donneraient-ils moins bien que les autres à "songer d'une action qui vise à la grâce et qui s'achève heureusement" (893)? C'est que, se situant plus bas dans l'êchelle des va leurs "sensibles" (extrinsèques), ils ne sont pas aussi délectables à voir et à caresser que le "joyau minéral" choisi par l'observateur. Mais au regard des traits structurels (intrinsèques), rien n'empêche la concordance des points de vue. La démarche d'Einstein, lorsqu'il se fonde sur "l'architecture (ou beauté) des formes" est aussi celle d'un "grand artiste", note Valéry avec satisfaction.1 Nous le voyons, nous sommes contraints d'introduire dans une descrip tion fidèle les images de beauté et, en dernier ressort, de plaisir que dès l'abord la coquille suscite. Tout chercheur en conviendrait s'il ne se refusait pas à écouter "l'ingénu" qu'il porte en lui; s'il ne réprimait pas "l'enfant qui nous demeure et qui veut toujours voir pour la première fois" (Oeuvres I:890). "Pulsion de recherche", "désir sexuel de savoir", dirait peut-être un freudien2. En tout cas, une telle quête est "naïve" (Oeuvres I:890); elle im plique un discours de vérité sans doute aussi universel que l'énoncé scienti fique d'extension maximale (IL) mais de satut différent, puisqu'il met en scène un non-sujet, autrement dit un actant dont l'identité est fonctionnel le. Nous symboliserons cette nouvelle forme de discours par le substitut neutre ÇA: ρ est ÇA vrai Dans cette hypothès du sémioticien, l'"homme" est donc assimilé à un faire; il ne l'assume pas. Et Valéry de même distingue entre ce qui relève de notre vouloir et ce qui tient à "notre activité organique profonde", entre ce que nous construisons et ce qui se construit; nous dirions entre le sujet et le non-sujet (Oeuvres I:896).
VÉRIDICTION ET RÉALITÉ
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Le processus cognitif qui se développe sur le plan du ÇA s'articule, semble-t-il, en deux phases; l'initiale est consacrée à la forme potentielle du savoir, dénommée ici l'"attente": "Ôtez donc l'homme et son attente, tout arrive indistinctement, coquille ou caillou" (898). La seconde introduit le "désir", forme réalisante du savoir. L'homme, nous dit le texte, "imprime" sur le réel "l'empreinte du désir figuré qu'il a dans l'esprit" (895). Par cette opération, l'objet apparaît, du moins en partie, comme l'artefact du sujet. La meilleure manière d'interpréter, sinon de résoudre, le"petit pro blème de la coquille", de cet être qui ne sait que sa leçon" (900), sera donc de procéder par l'absurde en gratifiant l'étrange animal des traits de la sen sibilité humaine. Et de fait, selon Valéry, il vit en sybarite. On croirait qu'il a adopté cette règle de conduite: "Pour les songes d'une vie souvent inté rieure, rien de trop doux et de trop précieux". Producteur d'une "substance exquise", habitant d'une demeure revêtue d'un "suave lambris", "le solitai re (...) se rétracte et se concentre" dans la "cavité profonde et torse" qu'il a su si habilement se préparer (902). On le voit, le coquillage n'est plus vraiment un animal. Et pour rendre encore plus éclatante la parenté entre ces deux formes actantielles, l'hom me et la coquille, il suffira de les considérer du seul point de vue de la fonc tion (de ce qui échappe au vouloir). L'une et l'autre se construisent d'une manière intraduisible par nos "modes d'expresssion et de compréhension". Mais le mollusque a de plus l'avantage d'être parfaitement hermaphrodite. Suivons le développement de la spire; il est exemplaire: "Le tube à la fin s'évase brusquement, se déchire, se retrousse, et déborde en lèvres inégales, souvent rebordées, ondulées ou striées, qui s'écartent comme faites de chair, découvrant dans le repli de la plus douce nacre, le départ, en rampe lisse, d'une vis intérieure, qui se dérobe et gagne l'om bre" (889).
C'est donc la coquille qui représente le mieux l'unification rêvée du sujet et de l'objet et le plaisir à nos yeux sans fin qu'une telle opération provoque. Nous avons réuni maintenant, croyons-nous, les principales variables définissant la position du chercheur. S'il s'était contenté de soumettre un ensemble d'observables à des lois de composition, à une structure, il aurait partagé le statut de l'actant collectif. Mais son ambition est autre. Non seu lement il a choisi de s'exprimer dans le langage ordinaire et non dans la métalangue scientifique, mais il a introduit cette part opaque de l'analyste que nous avons dénommée "non-sujet". C'était peut-être l'opération à me ner s'il voulait "comprendre", avec les moyens limité dont il dispose, le
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J.C. COQUET
phénomène de l'"inhumain" qui l'unit au coquillage.3 L'un et l'autre sont des produits ou mieux des formations de la '"Nature vivante'", autrement dit, de ce tiers actant que nous invoquons pour tout ce que nous ne savons pas faire et qui échappe au hasard (900 et 901). Ils présupposent, en Phylo génèse, le même universel investi sémantiquement de valeurs esthétiques (la "beauté" formelle) et passionnelles (le "désir"). L'analyste n'a pas perdu pour autant le souci de l'objectivité. Certes ses préoccuations sont aujourd'hui celles d'un actant individuel. Son domai ne de vérité est donc étroitement circonscrit. Nous utiliserons les substituts de l'intersubjectivité JE-TU pour noter le plan de validité de la communica tion: ρ est JE-TU vrai Mais le projet relève toujours de la quête épistémique d'un sujet scien tifique. Ce qui excède maintenant notre pensée et notre imagination, les "faits encore tout inhumains" qui nous déconcertent, seront, un jour peutêtre, comptés parmi nos plus grandes et précieuses "découvertes" (899). Tout compte fait, le parangon de notre observateur, c'est bien "l'illus tre Einstein" qu'il ne faut pas confondre avec les champions suspectés de "la physique très récente" citée plus haut (904). Il "a créé un point de vue", même s'"il n'y a pas d'oeil humain qui s'y puisse placer" (CahiersI:816).En nous apprenant à ne plus séparer le géométrie de la physique, l'espace du temps, il nous indique la voie à suivre quand nous posons le problème cru cial de "'l'unité de la Nature'" (Oeuvres I:906). On pourrait objecter par exemple que les temporalités de la coquille et de l'homme sont difficile ment commensurables; que la coquille réclamerait une observation de "quelques centaines de millions d'années, car il n'en faut pas moins pour changer ce que l'on veut en ce que l'on peut" (887). Mais le principe d'une "croissance insensible" chez l'un et chez l'autre demeure et l'on peut consi dérer la coquille comme le simulacre de l'homme dans un autre système de références, tant il est vrai que "nous ne pouvons imaginer le processus vi vant qu'en lui communiquant une allure qui nous appartient" (903). Mue, dirait-on, par le souci de l'unité, la coquille est parvenue à join dre l'intus et l'extra; c'est vrai sur le plan du désir, nous en avons donné des exemples. ça l'est encore plus clairement sur le plan esthétique. Il y a chez elle un tel rapport de conformité entre l'intérieur et l'extérieur, entre "les deux espèces si différentes que son organisation l'oblige à connaître et à su bir successivement", que "nous sommes ici bien tentés de lui supposer un
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VÉRIDICTION ET RÉALITÉ
génie de premier ordre". Alors que "nos artistes ne tirent point de leur substance la matière de leurs ouvrages, et [qu']ils ne tiennent la forme qu'ils poursuivent que d'une application particulière de leur esprit, séparable du tout de leur être", "le moindre coquillage" nous fait voir la "liaison indisso luble et réciproque de la figure avec la matière" en quoi se reconnaît "la perfection dans l'art" (904-905). La complexité des opérations que doit mener l'analyste relève donc de la gageure, car "il n'y a pas d'oeil qui puisse voir à la fois la face et le profil d'un homme, d'un seul tenant" (Cahiers I:816). Essayons néanmoins de rappeler comment ont été localisées la cible et la position du tireur. L'objet doit se situer à bonne distance du réel "pur" (R1) et du réel scientifique (R2), de l'"inhumain" et de l'"humain", de l'informel et du formel, précise ment à leur intersection: R2
R1 R5
C'est à cette jointure que l'inattendu (R5) a des chances de se produire. L'observateur lui aussi a un problème de distance à résoudre avec l'ob jet et avec lui-même. S'il affiche un statut de sujet, et comment ferait-il au trement?, sa position ne lui permet qu'une visée externe. S'il réussissait à lui ajouter la visée interne, il aurait trouvé pour le monde du vivant une so lution analogue à celle avancée par Einstein dans le domaine de la physi que. Ce type de visée est du ressort du non-sujet. Mais en fin de compte, l'analyste peut-il mieux faire que de prêter sa voix tentativement?
....
R2
R1
objet
réalité R5
sujet
vérité
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J.C. COQUET
"Il faut faire des analyses, et de plus en plus fines, serrées, subtiles, précises — insupportables", recommandait Valéry. Le travail comporte toujours un manque. Or "une seule chose importe — celle qui se dérobe, infiniment, indéfiniment, à l'analyse, — ce rien, ce reste, cette décimale ex trême" {Cahiers I:792). Nous voici prémunis contre la tentation de l'exhaustivité et de l'éternité. A vrai dire, le sémioticien ne sacrifie pas plus à ces mythes qu'à celui de la profondeur, déjà dénoncé. Notre propos était simplement de faire apparaître l'une des structures organisatrices du texte L'homme et la coquille, la relation d'homologie en tre sujet et objet d'un côté et vérité et réalité de l'autre. Au lecteur de dire si le sémioticien, dans sa fidélité à Valéry, a su à la fois respecter le principe de pertinence et mener son analyse assez loin pour l'avoir rendue convena blement "insupportable". Notes 1.
"Ceci me touche intimement - Einstein peur procéder comme j'aurais voulu procéder par voie des formes" (Cahiers II: 875).
2.
Citations de Freud par J.B. Pontalis, "L'enfant-question" (Critique 249: 227).
3.
"Voici que, lui ayant concédé tout ce qu'il faut d'humain pour se faire comprendre des hommes, [la "Nature"] nous manifeste, d'autre part, tout ce qu'il faut d'inhumain pour nous déconcerter...". (Oeuvres I:887)
L'homme-signe et la conscience de soi J. Crombie
L'homme est un signe. Voilà, résumée en une formule brutalement la pidaire et énigmatique, la doctrine de Peirce sur ce qu'est un être humain, sur ce que c'est que d'être humain. Or, nous sommes redevables à Gérard Deledalle d'avoir exposé pour les lecteurs de langue française la position de Peirce sur ce point.1 Le présent texte se donne pour but de pousser un peu plus loin l'explicitation de la théorie peircienne du sujet et d'insister sur les conséquences radicalement anticartésiennes de cette théorie. Car, si nous devons donner raison à Deledalle lorsque celui-ci affirme que la théorie de Peirce est une "sémiotique sans sujet", il faut tout de suite préciser que cel le-ci n'est "sans sujet" qu'au sens où elle fait disparaître le sujet cartésien; elle ne l'est pas au sens où, en tant que "théorie sociale du signe" (Deledal le 1978:246), elle manquerait d'assigner au sujet son rôle et sa place appro priés. Au contraire, comme nous le verrons, la sémiotique de Peirce est en même temps une théorie de la genèse de la conscience de soi, ainsi qu'une métaphysique du sujet. Mais on peut déjà se demander, et à bon droit, si la formule: "L'hom me est un signe" est réellement l'expression d'une théorie2 et s'il s'agit d'une théorie qu'on peut se permettre de prendre au sérieux. Car, si l'hom me était un signe, s'il n'était qu'un signe, cela aurait pour conséquence que, pour l'essentiel et à quelques degrés de complexité près, il ressemblerait à un mot, à une phrase. Or, il vient tout de suite à l'esprit des objections qui sembleraient de prime abord si évidentes et si concluantes qu'elles permet traient, avant même qu'elles ne soient clairement formulées, de rejeter comme un non-sens et comme n'étant pas digne d'une considération plus poursuivie l'équation homme-signe proposée par Peirce. Celui-ci, cepen dant, a formulé les plus importantes de ces objections, afin d'y répondre par anticipation.
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J. CROMBIE
"On peut dire [, par exemple,] que l'homme est conscient et que le mot ne l'est pas (Deledalle 1978:258). Mais, répond Peirce, si la conscience en question est celle qui est liée à la possession d'un corps animal, que le mot n'a pas, cette conscience, "étant une simple sensation, n'est qu'une partie de la qualité matérielle de l'homme-signe (5.313). La qualité matérielle d'un signe, on se le rappellera, englobe toutes les qualités que celui-ci pos sède, exception faite de celles qui sont essentielles à sa fonction en tant que signe. Si, par exemple, on faisait imprimer la Critique de la raison pure en encre bleue sur papier jaune, plutôt qu'en noir sur blanc, on n'en aurait changé que la qualité matérielle. (Mentionnons aussi, en passant, que ce qui, sous un rapport donné, ne fait partie que de la qualité matérielle d'un signe peut, sous un autre rapport, prendre une valeur significative, comme par exemple la couleur de l'encre dans un livre de comptabilité.) La conscience, ainsi comprise, se trouve réléguée aux marges de la vie de la pensée, dans le domaine de l'inessentiel. On ne pourra s'empêcher, cependant, d'éprouver un certain malaise devant la désinvolture avec la quelle Peirce écarte le phénomène de la conscience qui, pendant si long temps, a été considéré comme primordial et absolument central dans la dé finition de l'homme. Ce malaise est sans doute attribuable, du moins en partie, aux multiples usages que connaît le mot "conscience", celui-ci ne désignant pas toujours le seul fait d'éprouver des sensations. Effectivement, Peirce écrit-il: "Par la conscience, on entend parfois le je pense, c'est-à-dire l'unité de la pensée; mais cette unité n'est rien d'autre que la cohérence, ou la recon naissance de la cohérence. [Or,] la cohérence appartient à tout signe dans la mesure où il est un signe; ... chaque signe ... signifie sa propre cohéren ce." (5.313)3
Dans un troisième sens du mot "conscience", il a souvent été affirmé que toute conscience est conscience de quelque chose. Ainsi, on prend conscience d'un fait parfois sinon toujours par le truchement de signes qui nous l'indiquent. Quoi qu'en disent les empiristes classiques, prendre cons cience d'un fait ne se réduit pas à avoir une sensation. Mais cette intentionnalité qu'on reconnaît à la conscience, sa dépendance même vis-à-vis des si gnes, peuvent servir de fondement à une nouvelle objection: l'homme ne serait pas un signe, justement parce qu'il se sert des signes afin de s'infor mer, afin d'apprendre, alors qu'on s'imagine mal comment l'inverse pourrait se produire. Peirce, cependant, pour sa part, n'y voit pas de difficulté:
L'HOMME-SIGNE ET LA CONSCIENCE DE SOI
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"L'homme-signe acquiert de l'information, écrit-il, et en vient à signifier davantage qu'avant. Mais les mots font de même. Le mot électricité ne signifie-t-il pas davantage qu'à l'époque de Franklin? C'est l'homme qui fait le mot, et le mot n'a de signification que celle que l'homme lui a donnée, et encore cette signification ne vaut-elle que pour un autre homme. Mais puisque l'homme ne peut penser que par le moyen de mots ou d'autres si gnes extérieurs, ceux-ci pourraient bien se retourner pour lui dire: "Vous ne signifiez rien d'autre que ce que nous vous avons enseigné, et seulement dans la mesure où vous adressez quelque mot en tant qu'interprétant de votre pensée." Effectivement, donc, les hommes et les mots s'éduquent réciproquement; chaque augmentation de l'état d'information de l'homme entraîne et est entraîné par une augmentation correspondante de l'infor mation du mot." (5.313)
Le texte que nous venons de citer est sans doute un des plus beaux que Peirce ait écrit. N'empêche qu'on peut se demander encore si nous n'avons pas affaire ici à ce qui ne serait qu'une métaphore pittoresque, ou si Peirce ne fait pas de l'esprit au dépens du lecteur, un peu à la manière d'un Zénon qui, avec une logique où il est difficile de trouver la faille, cherche à nous démontrer une proposition dont la fausseté, pour nous, ne fait pas de dou te. Afin d'être en mesure de prendre au sérieux l'affirmation de Peirce se lon laquelle l'homme serait un signe, et non seulement un signe mais un si gne extérieur, cela nous aiderait grandement d'ailleurs si nous compre nions un peu mieux ce que cela veut dire au juste et si nous pouvions situer plus précisément la position de Peirce par rapport aux autres théories qui sont en lice. Or, la tendance chez beaucoup de lecteurs de Peirce a été de voir en lui un précurseur du behaviorisme, celui-ci prônant, quoique selon une optique un peu différente de celle de Peirce, l'abandon en psychologie des méthodes dites introspectives et le recours à l'observation des seuls "faits extérieurs". On peut, à ce titre, distinguer entre un behaviorisme méthodologique qui affirmerait, par souci de rigueur, qu'il ne faut pas, dans une recherche psychologique, avoir recours au témoignage des sujets sur leurs propres états intérieurs, ce genre de témoignage s'étant avéré très peu fiable, d'une part, et un behaviorisme qu'on peut qualifier de métaphysique ou d'ontologique, d'autre part, qui affirmerait, en outre, que la significa tion même des termes à caractère "psychologique" (lorsque, par exemple, on parle de mes "intentions", de la sensation de douleur que l'éprouverais, etc.) réside tout entière dans le seul comportement. Ainsi, pour le behavio risme métaphysique, le moyen tout indiqué pour connaître mon état d'es prit serait de consulter un rapport récent sur mon comportement. Mais
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cette doctrine un peu simpliste n'est pas celle de Peirce, malgré l'importan ce primordiale que celui-ci accorde à l'action, aux lignes de conduite (à ne pas confondre avec le comportement des comportementalistes) et aux habi tudes qui y sont implicites. Pour Peirce, en effet, l'action constitue l'inter prétant logique ultime non seulement des signes se rapportant à des réalités à caractère "psychologique" mais de tous les signes en général. De plus, si Peirce, suivi en cela par les behavioristes, rejette l'introspectionnisme "ab solu" des cartésiens, il reconnaît, par contre, comme nous le verrons, la lé gitimité d'une certaine réflexion sur notre propre observation des faits — il s'agit en fait d'une sorte de méta-observation à laquelle un behavioriste ne se prêterait guère — afin d'en venir à une connaissance du sujet.4 Dans une série d'articles publiés en 1868-69, et dont le premier s'intitu le "Questions sur certaines facultés attribuées à l'esprit humain" 5 Peirce tâ che d'établir une série de thèses sur nos possibilités de connaissance en gé néral. La plus importante de ces thèses est sans aucun doute que nous n'avons jamais d'"intuition directe" de quelque objet que soit, c'est-à-dire que la connaissance s'effectue toujours par l'intermédiaire d'une connais sance antérieure (ou d'un signe)6 du même objet. 7 Une autre des thèses soutenues par Peirce veut que, même si à l'occasion nous étions capables de telles "intuitions directes", nous serions de toute façon dans l'impossibi lité de distinguer, dans le cas d'une connaissance particulière, s'il s'agissait d'une véritable intuition ou si, au contraire, il s'agissait d'une connaissance déterminée par des connaissances antérieures (5.213 et sqq.). Ce qui est vrai de notre connaissance des objets en général l'est, en particulier, de la connaissance qu'on peut avoir du moi, ou du sujet. Descartes et ses succes seurs se seraient donc trompés en imaginant que nous avons une saisie in tuitive et infaillible du contenu de nos états de conscience, de nos "états in térieurs", de nous-même en tant que sujet. Loin de constituer un point de départ pour nos connaissances, la conscience de soi serait plutôt, chez Peir ce, de fruit d'un développement relativement tardif. Sa sémiotique du su jet, s'il est permis de nous exprimer ainsi, aurait pour but de montrer com ment les signes, qui nous parlent d'abord et avant tout du monde et des ob jets qui l'habitent, nous autorisent, enfin, à dire "je vois" aussi bien et en même temps que "il y a". Nous verrons d'ailleurs plus loin à quel point les contextes social et langagier jouent un rôle primordial, chez Peirce, dans la genèse de la conscience du moi. Si, comme le dit Peirce, toute connaissance est déterminée par une connaissance antérieure du même objet, cela signifie que lorsque surgit la
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conscience d'un objet, lorsque pour la première fois nous en prenons connaissance, nous avons déjà affaire à une interprétation, interprétation qui aura été précédée et déterminée par toute une série d'autres connais sances qui, elles, seraient demeurées à l'état d'inconscience. Cette doctrine n'est d'ailleurs pas sans rappeler celle des "petites perceptions" que nous retrouvons chez Leibniz. On se souviendra que celui-ci a prétendu que lors que nous entendons le bruit que font les vagues qui déferlent sur une plage, c'est parce que nous percevons en quelque sorte chaque petite gouttelette qui retombe à l'eau, chaque grain de sable qui roule sur ses semblables. Le bruit de la mer que nous entendons, c'est la somme de toutes les petites perceptions que nous avons des mouvements des gouttelettes et des grains de sable individuels — même si le bruit que fait une seule gouttelette ou un seul grain de sable n'est pas suffisant, lorsqu'il ne s'ajoute pas à une multi tude d'autres bruits semblables, pour parvenir au niveau de la perception consciente (aperception). Dans les exemples donnés par Peirce, cependant, il n'y a pas que sommation des données ou des stimuli, il y a aussi et sur tout structuration, interprétation, synthèse. "La hauteur d'un ton, érit Peirce, dépend de la rapidité avec laquelle se succèdent les vibrations qui parviennent jusqu'à l'oreille. Chacune de ces vibrations produit une impulsion sur l'oreille. Lorsqu'une seule de ces im pulsions est donnée à l'oreille, nous savons, expérimentalement, qu'elle est percue. Il y a donc lieu de croire que chacune des impulsions qui cons tituent un ton est percue. ... La hauteur du ton dépend donc de la rapidité avec laquelle certaines impressions parviennent successivement à l'esprit. Ces impressions doivent nécessairement exister antérieurement à tout ton [, même si nous n'en avons aucune conscience]; la tonie de la sensation au ditive [sensation of pitch] est donc déterminée par des connaissances anté rieures. Mais c'est là une découverte qui n'aurait jamais pu se réaliser par la simple contemplation de la sensation en question." (5.222)
De même, lorsqu'une image se déplace sur la rétine, ce mouvement donne lieu à un très grand nombre d'excitations affectant simultanément et succes sivement les nombreux points sensibles de la rétine, de sorte que les rap ports existant entre les impressions qui en résultent sont d'une complexité presque inconcevable (cf. 5.223). Ce sont les notions d'espace et de mouve ment en général, et de surface qui se déplace en particulier, qui permettent à l'esprit de dégager dans ce qui ne serait autrement pour lui qu'un fouillis, qu'un chaos indescriptible l'unité et l'ordre qui y sont inhérents 8 afin d'en extraire les renseignements qui seraient susceptibles de l'intéresser. Cette dernière possibilité pouvant se réaliser, à savoir celle d'en extraire des in-
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formations utilisables, il n'y a plus aucun intérêt, s'il y en a jamais eu, de conserver au niveau de la conscience, ou même de commencer par les y avoir, la multitude d'impressions ayant occasionné la perception en ques tion (cf. 1.549 vers la fin). L'exemple que nous venons de décrire est celui d'une connaissance consciente qui est "déterminée" par des connaissances antérieures qui, el les, sont demeurées au niveau de l'inconscience. Il s'agit aussi, dans le lan gage de la sémiotique peircienne, de signes9 qui en interprètent d'autres. Ou encore, dans un langage emprunté à celui employé pour analyser nos raisonnements, on peut parler de la perception d'une plage étendue et colo rée ou de celle d'un ton sonore comme d'une conclusion, et des impressions qui en sont l'occasion comme des prémisses dont cette conclusion aurait été tirée par une activité de l'exprit parfaitement analogue à celle que l'on voit à l'oeuvre dans le raisonnement proprement dit.10 La seule différence es sentielle entre celui-ci et les processus mentaux dont nous ne sommes pas conscients serait, d'ailleurs, comme Peirce le souligne dans des écrits pos térieurs aux articles de 1868-69, que ceux-ci ne sont pas soumis à ce qu'il appelle le "logical self-control" .11 Si donc, comme le prétend Peirce, l'analyse logique nous révèle es sentiellement trois modes de raisonnement, à savoir la déduction, l'induc tion et l'abduction (ou raisonnement hypothétique),12 nous sommes autori sés, voire même contraints en l'absence de preuves du contraire,13 de con clure à l'existence, à tous les niveaux, de trois modes d'action de la pensée, qu'elle soit ou non assujettie au logical self-control, qu'elle soit consciente ou inconsciente. Ainsi le mode d'action de la pensée qui correspondrait à la déduction serait le déclenchement en et par certaines circonstances, d'une habitude déjà acquise; celui qui correspondrait à l'induction se manifeste rait lorsque, par exemple, une habitude se renforce par la répétition et la réussite; celui qui correspondrait à l'abduction, pour sa part, serait à l'oeu vre dans le processus par lequel surgit la suggestion ou la première ébauche d'une habitude possible (cf. 6.144-147). L'abduction, selon Peirce, lors qu'elle se présente comme un raisonnement assujetti au contrôle logique, c'est ce qu'il appelle parfois le raisonnement hypothétique, c'est le mode de pensée qui aboutit à des tentatives d'explication, qui produit les hypothèses scientifiques — et qu'il ne faut pas confondre avec les procédés de vérifica tion expérimentale, de confirmation ou d'infirmation d'une hypothèse, les quels, selon Peirce, relèvent plutôt du raisonnement inductif.14 La déduc tion, pour sa part, consiste à extraire sous une forme plus utilisable des ren seignements déjà donnés dans les prémisses.
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Mais il n'est par pour autant établi qu'en dehors des trois modes d'ac tion mentale que nous venons de distinguer il n'y en aurait pas d'autres. Y aurait-il, par exemple, d'autres modes de raisonnement que les trois pré sentés par Peirce et, partant, d'autres modes d'action mentale aux niveaux conscients et inconscients? Mais le raisonnement par analogie, analysé par Mill et présenté comme un mode de raisonnement distinct et autonome, ne serait qu'une combinaison des trois modes identifiés par Peirce (cf. 5.277). Et il n'y aurait pas d'autres candidats plausibles. Une possibilité plus inté ressante, c'est que les raisonnements fallacieux s'effectueraient peut-être selon un mode d'action mentale qui serait différent de ceux que l'on voit (que l'on devine plutôt) à l'oeuvre dans les inférences considérées comme valides. D'après Peirce, cependant, il n'en est rien; la structure même des erreurs de raisonnement, des paralogismes, "se conforme à la formule de l'inférence valide" (5.282). Lorsque, par exemple, un paralogisme résulte de la confusion d'une proposition avec une autre, il faut attribuer cette confusion à une certaine ressemblance entre les deux propositions. Voyant que l'une des deux propositions possède quelques-uns des caractères de l'au tre, on aura conclu qu' "elle en a tous les caractères essentiels et lui est [donc] équivalente" (5.282). Ainsi, la ressemblance entre les deux proposi tions s'expliquerait par leur identité. La méprise a pour structure celle d'une abduction qui, "bien que faible et bien que sa conclusion, en l'occur rence, soit fausse, doit être classée parmi les inférences valides" (5.282). Les paralogismes qui résultent d'une telle méprise ne sont donc pas le fait d'un mode d'action original et inédit de la pensée, mais se conforment, comme nous l'avons dit, "à la formule de l'inférence valide". Ce serait le cas, d'ailleurs, selon Peirce du moins, pour tous les types de paralogismes possibles (cf. 5.280-282). En l'absence de toute saisie directe et inconditionnée de l'objet, il n'y aurait donc, en fait d'action mentale, que de l'action inférentielle selon les trois modes distingués. Mais sommes-nous réellement en mesure, pour au tant, d'exclure toute possibilité de connaissance intuitive, même si nous ad mettons, avec Peirce, que toute pensée parvenue au niveau de la pensée consciente comporte déjà un élément d'interprétation, une part de cons truit. Car ne faut-il pas un début à tout processus? N'aurions-nous donc pas affaire, quelque part au fond de l'inconscient, à de l'ininterprêté, à des "données" absolues? Non, répondra Peirce, pas nécessairement, car nous avons à notre disposition un modèle conceptuel qui nous permet de contourner l'obligation de recourir à de tels mystères. On peut, en effet, considérer qu'un commencement de connaissance — et Peirce ne nie nulle-
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ment que la connaissance d'un objet puisse avoir un commencement dans le temps — est analogue à celui d'un commencement de mouvement. Soit donc un corps, K, qui est en repos au point A et que l'on déplace ensuite vers un autre point, B. On constatera qu'il n'existe pas de point M entre A et qui soit le premier point où il y ait du mouvement du corps dans son trajet vers le point B. Car A, en l'occurrence, n'est pas le point M, le corps y étant en repos. M n'est pas non plus un autre point entre A et B, car tout point choisi sur le trajet AB est tel qu'on pourra toujours choisir un deuxième point D entre A et tel qu'il y aura déjà eu du mouvement à D, et ce avant qu'il y en ait eu à C. Et ainsi de suite. Tout point dans l'espacetemps qui est caractérisé par le mouvement du corps est donc précédé par un autre point où était déjà en mouvement. De façon analogue, lors que nous considérons une connaissance naissante, nous ne trouvons pas d'instant où le processus est en cours, sans que cet instant n'en soit précédé par d'autres où le processus était déjà engagé. Rien donc ne nous oblige à supposer qu'il y ait une première connaissance de quelque objet que ce soit. Selon Peirce, en effet, "la connaissance surgit par un processus de commen cement [ou de devenir], comme [d'ailleurs] n'importe quel autre change ment qui se produit" (5.263). Parmi les processus cognitifs inconscients, celui qui doit surtout retenir notre attention, dans le contexte de la théorie peircienne de la prise de conscience de soi, c'est sans doute celui qui aboutit au jugement perceptif, qui nous livre les "faits" tels qu'ils se présentent à la perception ou, sinon les "faits" mêmes, ce qui pour nous, du moins, doit en tenir lieu, faute d'au tre recours possible. Or, selon Peirce, ce processus inconscient que l'on peut supposer comme précédent et comme donnant lieu au jugement per ceptif serait analogue à celui, conscient, qui aboutit à la formulation d'une hypothèse (cf. 5.181 et sqq.), d'une explication. Il s'agit donc d'une sorte d'abduction, au sens large du terme, qui opère comme une synthèse des sti muli très complexes que l'organisme enregistre, en les réduisant à un ordre, en leur donnant ou en en extrayant un sens. Kant ne disait-il pas que l'ob jet, c'est ce sous le concept de quoi le divers de la sensibilité se présente à la conscience? Il existe, pourtant, une considération que serait susceptible de mettre en doute cette tentative de classer la perception parmi les processus à carac tère abductif: c'est que nos jugements perceptifs n'ont rien du caractère provisoire, voire même douteux et spéculatif de l'hypothèse proprement dite. L'abduction, comme le dit Peirce, "ne nous engage à rien" (5.602).
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Souvent, d'ailleurs, dans l'abduction proprement dite, nous sommes littéra lement inondés d'hypothèses, notre plus grand problème en de telles cir constances étant donc de décider dans quel ordre il s'agit de les soumettre à la vérification expérimentale et de déterminer s'il n'y en a pas qu'on peut éliminer d'emblée avant de procéder plus avant (cf. 5.602). La perception, par contre, ne nous propose le plus souvent qu'une seule "hypothèse" à la fois — plutôt, elle nous l'impose davantage qu'elle ne nous la propose. Comment donc concilier la relative certitude et la relative "univocité" qui caractérisent la perception avec le statut de processus à caractère abductif qu'on lui allègue? Un début de réponse à cette objection serait que nos jugements per ceptifs s'effectuent, non pas par ce qu'on pourrait appeler des synthèses de fortune ou ad hoc, mais selon des schémas qui sont, le plus souvent et dans une large mesure, génétiquement déterminés, de sorte qu'ils auront subi l'action de la sélection naturelle. Or, cette sélection naturelle, on peut la considérer comme une sorte de mise à l'épreuve inductive des formes qui lui sont "proposées", à titre d'"hypothèses", par les variations génétiques dues à des causes comme la reproduction sexuelle, les mutations et autres mécanismes de renouvellement génétique. La sélection naturelle tend, en effet, à éliminer du pool génétique les schémas les moins favorables, car le singe qui ne vise pas juste lorsqu'il saute d'une branche à l'autre risque de ne devenir l'ancêtre de personne. Mais les schémas ne seront pas sélection nés sur la seule base de la justesse des jugements qu'ils permettent de por ter, mais aussi sur celle, entre autres facteurs, de la rapidité avec laquelle les jugements en question peuvent s'effectuer. Car le singe qui, poursuivi par un prédateur, se perd en conjectures sur la distance à franchir, sur les angles qui entrent en jeu, ainsi que sur le véritable danger que présente la situation, plutôt que de porter un jugement sommaire et de sauter, risque bien de n'avoir pas même l'occasion de rater son saut. Entre deux schémas, dont le premier permet une plus grande rapidité de jugement au prix d'une plus grande probabilité d'erreur lorsque les circonstances s'écartent de cel les rencontrées habituellement par l'organisme en cause, et dont le second offre une plus grande fiabilité sur une gamme plus étendue de circonstances mais au prix d'une lenteur relative, ce sera donc souvent le premier schéma qui sera "préféré" par la sélection naturelle. Il ne faut pas, comme le dit Peirce, s'attendre à ce que le poussin, "au sortir de l'oeuf, ait à fouiller tou tes les théories possibles avant qu'il ne lui vienne la bonne idée de prendre quelque chose dans son bec et de le manger" (5.591), à quoi on peut ajou-
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ter qu'il ne faut pas non plus que le poussin passe en revue plusieurs géo métries possibles avant de choisir celle qui doit servir de base à son premier coup de bec pour prendre une graine, ni d'ailleurs qu'il se pose trop de questions sur la différence entre les bonnes et les mauvaises graines, les grains de sable, etc. Il y a donc tout lieu de croire que la nature opère une certaine préselection au niveau des hypothèses que sont susceptibles de nous livrer les processus inconscients, et que celles-ci sont dans une large mesure préconfirmées puisque formulées ou produites conformément à des modèles ou à des schémas éprouvés. L'erreur demeure toujours possible, mais puisque les opérations abou tissant au jugement perceptif sont inconscientes et par le fait même sous traites au logical self-control, le jugement perceptif livre ce qui est, pour nous, au moment où il surgit au niveau de la conscience, un fait, un fait qui n'est peut-être que provisoirement indéniable, mais qui est quand même, au moment où le jugement s'effectue, indéniable et d'une évidence irrésisti ble (cf. 4.541). Le jugement perceptif, c'est le monde qui se donne, qui se révèle, impérieux, déjà constitué, interprêté, rendu intelligible par des pro cessus qui se déroulent en nous, mais à notre insu. Il ne nous livre pas la chose en soi, certes, mais tout constat de relativité et de possibilité d'erreur ne vient que par une réflexion subséquente sur des jugements contradictoi res portés sur ce qui serait un seul et même objet. Nous n'avons pas, d'ail leurs, pour cela, d'autre recours que la réflexion subséquente, car nos pou voirs d'introspection, dans la mesure où ils existent réellement, se sont ré vélés bien peu fiables lorsqu'il s'agit de distinguer entre des connaissances véridiques, d'une part, et celles qui sont empreintes de relativité et même d'erreur, d'autre part, les unes et les autres étant souvent prises pour des connaissances intuitives et donc infaillibles (cf. 5.214-220). Rien ne nous oblige non plus à postuler l'existence d'autres pouvoirs d'introspection, car tous les phénomènes qu'on serait tenté d'expliquer par l'existence d'un pouvoir d'introspection sont susceptibles de recevoir d'autres explications qui non seulement seraient plus vraisemblables en elles-mêmes mais, de plus, ne feraient pas intervenir une nouvelle faculté de l'esprit et, pour cette raison, par une application du principe du rasoir d'Occam, seraient donc à préférer aux thèses introspectionnistes: "Personne ne conteste, écrit Peirce en 1868, que lorsqu'un enfant entend un son il pense, plutôt qu'à lui-même qui entend, à la cloche ou autre objet qui sonne. Qu'en est-il donc lorsqu'il souhaite déplacer une table? Pense-t il à ce moment-là à lui-même comme en proie à un désir? ou seulement à
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la table comme bonne à déplacer? Qu'il ait cette dernière pensée est incon testable; qu'il ait la première, doit, jusqu'à ce que l'existence d'une cons cience intuitive de soi ne soit prouvée, demeurer une supposition arbitraire et sans fondement. Aucune bonne raison n'autorise à croire que l'enfant soit moins ignorant de sa propre condition particulière que l'adulte qui nie être sous le coup d'une passion." (5.230)
Lorsque, d'ailleurs, on accepte de reconnaître qu'on a été en colère, c'est déjà une indication que l'on redevient raisonnable (cf. 5.247): "Si un homme est en colère, écrit Peirce encore, il se dit que ceci ou cela est vile et scandaleux. S'il est joyeux, il se dit: "ceci est délicieux". S'il s'émerveille, il se dit: "ceci est étrange [ou extraordinaire]". En somme, lorsqu'un homme éprouve un sentiment, il pense à quelque chose. Même les passions qui n'ont pas d'objet défini — comme la mélancolie — ne se présentent à la conscience que par le coloration qu'elles font prendre aux objets de la pensée." (5.292)
Voilà ce qui Peirce écrivait en 1868. Plus de trente ans plus tard, dans sa Logique minutieuse de 1902, il écrit: "Tout dans les sciences psychiques est inférentiel. Pas le moindre fait en ce qui concerne l'esprit ne peut être directement perçu comme psychique. Une émotion est directement ressentie comme un état du corps, ou bien elle n'est connue que par inférence. Qu'une chose soit agréable se présente [appears] à l'observation en tant que caractère d'un objet et ce n'est que par une inférence [by inference] qu'on le reporte sur l'esprit." (1.250)
L'introspection dont nous nous croyons capable serait, d'ailleurs, selon Peirce, "principalement [une] illusion due à des interprétations quasi-logi ques" (La logique minutieuse, 2.42). Ce qui est vrai à l'égard de la connaissance de nos propres états d'âme le serait aussi pour la conviction que nous avons quant à l'existence et à la nature de ce moi qui serait le lieu des états d'âme en question (cf. 5.223). Peirce nous fait remarquer que l'enfant accorde une grande importance à son propre corps et ce même avant qu'on ne puisse supposer chez lui la no tion du moi, et donc du mien et du tien. Son corps, pour lui, ne serait donc pas "son" corps, mais plutôt le corps "central", car il aura constaté qu'il n'y a que ce que ce corps touche qui ait des qualités actuelles et présentes ("any present and actual feelings"), il n'y a que ce vers quoi le regard de ce corps est tourné qui ait effectivement de la couleur ("any actual color"), il n'y a que ce qui est sur la langue appartenant à ce corps qui ait effectivement du goût (cf. 5.229). Qui plus est, "l'enfant découvrira tôt ... que les choses qui sont ... aptes à subir un changement sont susceptibles de le subir effective-
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ment lorsqu'il y a contact entre elles et ce corps d'une importance toute par ticulière qui s'appelle Willy ou Johnny (5.231)". Vers la même époque, l'enfant est en train de faire l'apprentissage du langage, ce qui l'amène à constater que "ce que disent les gens autour de lui constitue la meilleure in dication des faits qui soit, à tel point que le témoignage acquiert une pré pondérance sur les faits mêmes ou plutôt sur ce que l'on doit désormais considérer comme les apparences ... (5.232)" et, dès lors, il est amené à po ser l'existence d'un moi pour servir de substrat à l'ignorance dont il com mence à se rendre compte (cf. 5.232). Qui plus est: "... Bien que le témoignage, le plus souvent, ne fasse que confirmer et sup pléer aux apparences, il existe une catégorie remarquable d'apparences que le témoignage ne cesse de contredire. Il s'agit de ces prédicats que nous, [adultes,] savons être émotionnels mais que l'enfant distingue [d'abord] par le lien étroit qu'ils ont avec les mouvements de la personne centrale, ... (que la table soit bonne à déplacer, etc.). Ces jugements sont généralement contestés par autrui. En outre, l'enfant a des raisons pour croire que les autres, eux aussi, ont des jugements semblables qui sont ... contestés par tout le reste du monde. Il ajoute donc à la conception de l'apparence en tant qu'actualisation des faits, celle où elle serait également quelque chose de privé qui ne serait valable que pour un seul corps. Bref, l'erreur fait son apparition, et elle ne peut s'expliquer qu'en supposant un moi qui serait faillible." (5.234).
Voilà donc dans quel sens il faut entendre l'affirmation selon laquelle l'homme serait un signe, et même un signe "extérieur"; la connaissance que nous avons de notre propre existence en tant que sujet, ainsi que celle que nous avons de ce qu'il faut considérer comme nos propres états d'âme, est déterminée par la connaissance que nous avons des objets extérieurs — et des autres sujets — et ce surtout par le truchement du langage. Il s'agit d'une philosophie originale du sujet — et, ce qui est sans doute plus impor tant, de l'intersubjectivité — qui se distingue à la fois des différentes varié tés du cartésianisme par son insistance sur le rôle des faits extérieurs dans la genèse de la conception du moi, et du behaviorisme et autres théories à ten dance objectiviste par l'importance qu'elle attache aux expériences du sujet même. La théorie de Peirce, qui fait de l'être humain une sorte de signe, a le double avantage de ne pas refuser au sujet, comme le font les théories objectivistes, une certaine transparence pour lui-même, mais sans lui conférer comme le font les théories cartésiennes une opacité absolue, im pénétrable pour les autres sujets qui, eux, pour leur part, dans l'optique cartésienne, demeurent tout aussi inaccessibles au sujet que celui-ci l'est
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pour eux. La théorie de Peirce, par contre, n'entraîne pas de telles consé quences, puisqu'un signe n'est un signe que dans la mesure où il est intelli gible, que dans la mesure où il est susceptible d'être interprêté par un autre signe.15 De plus, si la métapsychologie sémiotique de Peirce, car il faut l'ap peler ainsi, rend compte du caractère privilégié assumé, dans les faits, par la connaissance que le sujet peut avoir de lui-même, sans lui conférer un statut métaphysique particulier et absolu comme le font les cartésiens, et sans se mettre dans le grand embarras où se trouvent ces derniers devant la grande ignorance et les erreurs qui, comme nous le savons depuis bien avant Freud, caractérisent aussi la saisie du sujet par lui-même. Car, si les erreurs et l'ignorance où nous sommes vis-à-vis de nous-même s'expliquent difficilement d'après les principes cartésiens qui, rappelons-le, rejettent hors du sujet tout ce qui n'est pas conscience et qui font de celle-ci une sai sie intuitive et donc infaillible de soi, il n'en va pas de même pour la théorie de Peirce, qui prévoit la possibilité d'erreurs d'interprétation et de fausses perspectives tout aussi bien à l'égard des manifestations de soi-même que pour n'importe quel autre ordre de réalité. A.quoi on peut ajouter que d'après Peirce la signification d'un signe, d'une pensée, n'est pas donnée d'emblée, ni en elle-même ni dans les premières interprétations qu'on pour rait en faire, mais réside plutôt "dans tout ce avec quoi elle pourra être re liée dans la représentation [qu'en feront] des pensées subséquentes" (5.289; cf. 5.288). Notes 1.
Voir le Commentaire donné en postface à Charles S. Peirce, Ecrits sur le signe, rassem blés, traduits et commentés par Gérard Deledalle, (1978: 203-252), et surtout la Section VII, "La métaphysique du signe", pp. 246 et sqq.
2.
Par souci de brièveté, nous éviterons de répondre directement à la question: "Qu'est-ce qu'une théorie (en général)"; dans la mesure, cependant, où nous aurons donné de bon nes raisons pour croire que, du point de vue théorique, les propos de Peirce méritent no tre attention, nous aurons par le fait même fourni des raisons pour croire qu'il s'agit d'une théorie.
3.
Sauf indication contraire, les textes de Peirce sont traduits par l'auteur.
4.
Voir Crombie (1980); Stephens (1980).
5.
"Questions Concerning Certain Faculties Claimed for Man" (5.213-263). Les deux autres articles de la série s'intitulent "Some Consequences of Four Incapacities" (5.264-317) et "Grounds of Validity of the Laws of Logic: Further Consequences of Four Incapacities" (5.318-357).
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6.
Pour Peirce, justement, toute connaissance est un signe. Le terme employé par Peirce, et que nous traduisons par "connaissance", est cognition, lequel terme signifie "action par laquelle on en vient à connaître (un objet)". Au contraire de knowledge, il s'emploie au pluriel aussi bien qu'au singulier et traduit assez exactement le sens du terme Erkenntniss tel qu'employé par Kant. Assez curieusement, le terme cognition semble être tombé en désuétude chez les auteurs philosophiques de langue anglaise, bien que le qualificatif co gnitive ait connu un regain de faveur au cours du dernier quart de siècle.
7.
A la question de savoir s'il y a quelque connaissance qui ne soit pas déterminée par une connaissance antérieure (cf. 5.259-263), Peirce répond, bien sûr, par la négative.
8.
Cf. ibid., surtout pp. 141 et sq. (le paragraphe en question étant très long).
9.
Cf. 5.283 et sqq., 5.302, etc.
10.
Cf. 5.268, 5.302, etc. En 1906, Peirce écrira: "L'attribution d'existence au percept dans le jugement perceptif est virtuellement et au sens large une inférence logique abductive qui approche de très près l'inférence nécessaire" (4.541). Le langage emprunté à la logique ne s'oppose pas d'ailleurs à celui de la sémiotique en parlant de ces processus cognitifs, car si "tout interprétant n'est pas nécessairement une conclusion, une conclusion, par contre, est nécessairement un interprétant" (4.540).
11.
Le "logical self-control", appliqué à la conduite de la pensée, est une variété du "self-con trol" (tout court), appliqué au domaine de la conduite en général. Le "self-control", chez Peirce, n'est pas à confondre avec la notion classique de maîtrise de soi habituellement exprimée par ce terme qui, chez Peirce, signifie "non pas que l'on peut imprimer à nos ac tions futures n'importe quel caractère arbitrairement assignable, mais au contraire qu'un processus de préparation [self-preparation] tendra à donner à l'action (lorsque l'occasion s'en présentera) un caractère fixe qui est indiqué et peut-être mesuré, grosso modo, par l'absence (ou la relative absence) du sentiment de reproche ressenti à l'égard de soimême et qui sera provoqué par une réflexion subséquente" (5.418). Voir aussi 5.149, 5.194, 5.493, 5.533, 4.540, 1.606 et sq., 2.182 et sqq.
12.
Cf. 5.274-276. Les termes "hypothesis", "hypothetical reasoning" et "hypothetical infe rence" employés dans les textes datant de cette période seront ultérieurement largement remplacés par "abduction" et ses dérivés. Voir, à titre d'exemple, 2.266 et sqq.
13.
Cf. 5.267 et sq. Mon texte dépasse possiblement ici les intentions de Peirce.
14.
Cf. 5.274-276, 5.145, etc.
15.
Car "nous n'avons aucune conception de l'absolument inconnaissable" (5.265). Inverse ment, un signe ne peut être un signe que dans la mesure où il sert à représenter un objet et "où cet objet a lui-même la nature d'un signe, de la pensée" (1.538, cité et traduit par Deledalle [1978:216]).
Bibliographie Crombie, E. James. 1980. "Peirce on Knowledge of Mind: A Neglected Third Approach." Dans Two Centuries of Philosophy in America. Peter Caws (éd.), 77-85. Oxford: Basil Blackwell. Deledalle, Gérard. 1978. Ecrits sur le signe. Paris: Seuil.
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Peirce, Charles S. 1931-1958. Collected Papers, vols. 1-6. Ch. Hartshorne and P. Weiss (éds), vols. 7 et 8 avec A. Burks (éd.). Cambridge, Mass.: Harvard University Press. Stephens, G. Lynn. 1980. "Peirce on Psychological Self-Knowledge." Tran sactions of the Charles S. Peirce Society 16, 212-224.
Rythme du discours, rythme de la pensée Paolo Facchi
Action et activité Tout ce qui produit des conséquences peut être nommé "action" ou "activité". Une action est reconnaissable á ses résultats, qui sont des résul tats "sur le monde" ("tuer" est faire passer quelqu'un de la vie à la mort, "guérir" est remettre quelqu'un en condition de santé). L'activité est ineffi cace sur le monde, mais les changements qu'elle produit sont des change ments dans le sujet (l'auteur) de l'action. Si je compte l'argent dans ma po che, l'argent ne change pas, mais c'est moi qui change, car je connais mes possibilités. L'activité est aussi l'action représentée et non accomplie. En sa qualité de représentation de l'action, l'activité a besoin de si gnes; on signifie par la phrase "se représenter une chose" lui substituer des signes en son absence: la fumée est un signe de feu seulement pour ceux qui ne voient pas le feu; pour les gens qui se trouvent vis-à-vis du feu, la fumée en est seulement un effet. Le rapport entre activité et action d'influence réciproque. Il n'y a pas de dépendance nécessaire de l'action à l'activité, comme il n'y a pas de dé pendance nécessaire de l'activité à l'action. L'action et l'activité ont leur rythme; l'une et l'autre peuvent être fragmentées en unités temporelles, ou en périodes; les périodes se succè dent suivant une formule, qui est le rythme. Le rythme d'une langue est une série de sons disposés en séquences régulières de ton et de temps; Rhythm may be defined in its broadest sense as a series of sounds arranged in regular sequences of pitch and time: "séquences régulières de ton et de temps", ain si serait le rythme de la langue selon Georges Thomson (1949). Naturelle ment séquences régulières ne signifient pas des séquences égales, étant don né que'on peut même trouver une règle dans une série de sons de longueurs et de tons différents.
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Il n'y a pas de doute que le rythme d'un agir porte une influence sur ses résultats. Mais lorsque l'action et l'activité se déroulent ensemble, avec un but commun, on peut se demander dans quelle mesure le rythme influe (sur) les résultats de chacune, (sur) les résultats de l'autre, ou bien (sur) le but commun. Pour ceux qui lisent à haute voix on peut présumer que la succession des tons n'est pas seulement une sorte d'accompagnement sonore de la lec ture, mais qu'elle est aussi une régulation de son rythme; en obligeant la lecture à suivre le rythme de la voix, on lui donne une sorte de stabilité et de régularité qu'elle n'aurait eu pas autrement. Lire c'est faire de la sémiose: les lettres noires sur un papier blanc ne sont que des dessins pour celui qui n'est pas capable de leur attribuer un signifié. Sans rien changer de sa forme graphique le dessin — tout dessin — devient signe dès qu'on lui attri bue un signifié. Pendant des siècles le rapport signifiant-signifié a été objet de réflexion des philosophes. Dans les temps modernes la réflexion sur ce rapport a donné naissance à la discipline de la sémiotique ou sémiologie. N'ayant au cune possibilité de m'occuper du signe en général je renvoie à la tradition philosophique et à la sémiotique-sémiologie et j'ajoute deux points seule ment: On établit un rapport signifiant-signifié avec le but de se rappeler le si gnifié. On affirme qu'un signe "est pour" (stat pro) son signifié, dont il est le substitut. Mais il y a une différence fondamentale entre la substitution tout court, qui est un remplacement, et la substitution sémiotique: dans le simple remplacement on se propose d'éliminer le substitué, on souhaite sa disparition; dans la substitution sémiotique on se propose au contraire de maintenir ce qui a disparu, ou est en train de disparaître; en devenant un si gnifié l'objet ou l'événement perd sa présence physique et acquiert une au tre "présence" que nous nommons appelons "mentale" et qui se prolonge dans le temps. On nomme et décrit un des objets ou un des événements afin de pouvoir se les rappeler, pour avoir la possibilité d'en parler en leur ab sence. Il est également possible d'aller du signe au signifié et du signifié au si gne; dès qu'on a établi que la chose est un signe on peut aller à la recherche de ce qu'il signifie, de même que, ayant quelque chose sous les yeux, on peut en faire une description ou le nommer. Comme la lecture, le parler est une activité sémiotique. De même qu'il est possible de lire en silence, il est aussi possible de parler en silence,
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même le parler est une activité sémiotique. De même que lire en silence, de même il est bien possible de parler en silence, même si la naissance du mot est liée au son. On apprend à parler au fur et à mesure que l'on apprend à s'écouter. La surdité menace l'exécution du discours oral, soit dans les pha ses de l'apprentissage (pour les sourds de naissance) soit dans les phases qui suivent. Mais naturellement l'incapacité à produire des sons signifiants n'est pas l'incapacité à la sémiose; le sourd est tout simplement celui qui ne signi fie pas avec des sons, mais qui peut se servir, comme il arrive, d'autres et de différents matériaux. Chez ceux qui sont en mesure de s'écouter le rythme de la production des mots correspond au rythme de son écoute. D'après des expérimentations rapportées par Lenneberg 1967 on aurait caractérisé "la valeur magique d'un sixième de seconde comme unité de temps fondamen tale dans la production du mot". Ceci mène à conclure qu'on ne produit pas plus que six sons différents à la seconde, parce que telle est la fréquence de nos vibrations dans la respiration. Il y a donc une dépendance physiologi que, qui est dans le rapport entre la production du son, la respiration, les battements du coeur. Cette dépendance devrait être étudiée. Le nombre des sons émis dans chaque unité de temps, ainsi que leur rythme, sont à même d'altérer la correspondance entre discours parlé et discours écrit, si on arrive à supprimer dans le discours parlé certaines voyelles, qui restent dans l'écrit. Dans deux langues particulièrement "rapi des", telles le français et l'anglais, les dictionnaires portent, après le texte littéral du mot écrit, l'indication, également écrite, des sons qui entrent dans le mot parlé correspondant (transcription phonétique). Dans les dic tionnaires de la langue italienne, qui est moins rapide dans le parlé, il n'y a pas besoin de transcription phonétique; pour indiquer la prononciation cou rante il suffit de mettre les accentes et d'indiquer le "s" et le "z" sonores. Un exemple: le mot "femme" est accompagné de la transcription phonéti que "fam"; suivant le développement de la langue italienne on écrirait "fam" directement. Aussi entre la lecture et l'écriture il y a un rapport de dépendance mu tuelle; on écrit, on lit ce qu'on a écrit, on continue; c'est bien la possibilité de lire ce qu'on a écrit qui permet de continuer. Il est plus difficile d'écrire dans l'obscurité, ou avec les yeux fermés. Le rythme de la main qui écrit suit le rythme de l'oeil qui lit; le contraire est plus difficile (la main marche plus lentement).
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La pensée La pensée est une activité. On peut la définir comme une activité qui établit des rapports; c'est une aptitude, une capacité, un art, suivant les cas ou les personnes. Deux objets quelconques, n'importe lesquels, peuvent être mis en rapport entre eux après avoir été considérés ensemble, après avoir été séparés de tout le reste et aussi longtemps que chacun d'eux est considéré dans son identité (on dit qu'il ne change pas pour tout le temps qu'il reste dans le rapport). On peut mettre en rapport des objets qu'on a déjà décrits et nommés, ou bien un objet qu'on a déjà décrit et nommé et un autre qui est à décrire en fonction du rapport (c'est l'inconnue, qui doit satisfaire certaines conditions). Dans une signification plus limitée le mot "pensée" indique l'inférence, c'est-à-dire qu'on fait dériver de l'autre un des deux objets qu'on a consti tués et mis en rapport. Je recours à la signification la plus large lorsque je dis "il y a des chats et des souris"; je recours à la signification la plus étroite lorsque je dis "il y a des chats parce qu'il y a des souris", ou bien "il y a des chats, donc il doit y avoir des souris". La pensée doit son caractère d'activi té, et non d'action, au fait que deux objets, qu'ils soient simplement mis en rapport ou inférés l'un de l'autre (dans leur existence, non existence ou au tre propriété), ne sont pas modifiés par la relation même. Ils ne pourraient même pas en être modifiés, parce qu'une relation qui modifie ses termes n'aurait plus aucun droit à être considérée comme telle; elle serait une ac tion transformatrice. Déduction: une inférence dans laquelle le rapport qui fut établi entre deux ou plusieurs choses est nécessaire. Mais la nécessité annule-t-elle le temps? Si déduire est conclure à des conséquences nécessaires, on peut dire que le rythme de la déduction n'a aucune influence sur son résultat; c'est à cause de ça qu'on a jugé nul le temps d'une démonstration (Chaïm Perelman - Lucie Olbrechts-Tyteca, 1958: 115-133). Mais je crois que 'l'indiffé rence du temps, ou du rythme, est autre chose que sa nullité. Même une déduction se fait dans le temps. En passant d'une inférence à celle qui suit, ayant la première comme point de départ, on constitue un procès, qui est justement le procès de la pensée. Mais ce passage d'une inférence à l'autre n'aurait pas lieu s'il n'y avaient pas la constitution de l'objet, la sémiose et la mémoire. Un objet, ou une substance, est un ensemble de propriétés bien diffé renciées entre elles, que nous attendons à trouver non changées dans leurs
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différences lorsque nous interrompons la perception ou l'observation se ré férant au dit ensemble. Dans ce cas on dit qu'un objet a été constitué. Dès qu'on a constitué et caractérisé un objet, la première chose qu'on doit faire est de l'empêcher de s'enfuir; dans ce but on lui donne un nom, une éti quette. C'est l'opération dite "nomination", dont la forme la plus simple est l'attribution du nom propre, signe exclusif d'un objet et de celui-ci seule ment. Signes et mémoire Une chose ou une action nommée peut être rappelée; une personne qui a reçu un nom peut être appelée directement et personnellement. Le nom est le son auquel la personne, en tant qu'individu, répond, se faisant présente ("je réponds au nom de ..."). Il est bien sûr entendu possible de remplacer le nom propre par une description caractérisante du signifié; alors les caractères exclusifs de la définition prendront la place du nom au quel ils se réfèrent. Celui qui perd sa mémoire perd aussi la capacité de construire des suc cession d'inférences, c'est-à-dire de penser, comme on a dit. Ce qu'on conserve, dans le souvenir, ce n'est pas l'objet qu'on a perçu, mais son si gne. On s'occupera dorénavant seulement du signe linguistique. Le mot n'est qu'un parmi les signes possibles; le mot, qu'il soit son ou dessin, se présente immédiatement, par sa forme sonore ou graphique, comme un si gne. Mais il n'est pas possible d'attribuer un signifié à un mot seul, isolé; il faut construire la phrase dont il est une partie. Car le mot, en particulier le nom commun, est produit dans le but d'être inséré dans un schéma de rela tions (une phrase, un discours), et donc il est par le fait même qu'il se pré sente comme partie d'une structure plus grande, un stimulus, un aiguillon, peut-être même une obligation, à la pensée. Le signe linguistique permet de se rappeler ce qu'on a fait. Dès qu'on se rappelle, on peut établir un rapport. De la simple nomination "ce mont là s'appelle "Mont Blanc" " on peut passer à la phrase qui indique un rap port "le Mont Blanc est le plus haut des Alpes". La seconde phrase a son si gnifié même en l'absence du mont, pour ceux qui ne l'ont jamais vu ou ne le verront jamais. Celui qui a perdu sa mémoire a aussi perdu sa capacité d'inférer, c'est-à-dire de penser, le caractère essentiel de la mémoire a été bien affirmé par Platon dans le Menon, et par Aristote, qui nous a laissé ses analyses dans les Parva Naturalia (parmi les philosophes modernes, Henri
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Bergson). Auteurs récents: Sergio Roncato 1982, Gaetano Benedetti 1976, Giuseppe Vaccarino 1981, Silvio Ceccato 1966. On ne pourrait omettre de signaler un bref texte de Sigmund Freud 1924. Si le signifié est une action achevée et suffisante au regard de son résul tat, ce qu'on s'en rappellera sera la description, en forme de phrase. Que le point de départ soit un nom ou bien une phrase, une première inférence achevée (du nom ou de la phrase) peut donner naissance à un signifiant et ce dès le moment où a été rappelée. On met ainsi en procès ceci qui va de la nomination-désignation (insertion dans un rapport signe-signifié) à la mémoire, et de nouveau à l'inférence; de la description de l'inférence ache vée à la mémoire et encore à l'inférence qui suit, et ainsi de suite, suivant une ligne qui n'est pas une série de répétitions-reproductions et c'est juste ment la présence du signe, le fait qu'on se rappelle des signes, qui empêche la mémoire de reprendre les nominations ou l'inférence dans une forme ri gide, qui serait une simple répétition de la première inférence. C'est Charles S. Peirce (1897) qui affirme, dans sa Grammatica Specu lativa, que "le signe tient lieu de l'objet non pas sous tous rapports, mais par référen ce à une sorte d'idée que j'ai appelé quelquefois le fondement du represen tamen"
et il continue: "'idée' est à entendre ici dans une sorte de sans platonicien, très familier dans le langage quotidien. J'entends dans le sens où l'on dit qu'un homme prend l'idée d'un autre homme; qu'un homme, lorsqu'il rappelle à son es prit ce qu'il pensait précédemment, rappelle la même idée; que si un hom me continue à penser quelque chose, même pour un dixième de seconde dans la mesure où la pensée se maintient en harmonie avec elle-même continuellement durant cette période, c'est-à-dire qu'elle a un contenu semblable, alors cette homme a la même idée, et non à chaque instant une idée nouvelle".
On pourrait arracher la notion de "base fondement d'un signe" des cieux platoniciens où l'avait reléguée son auteur, pour entendre par elle, avec plus d'ampleur et d'élasticité, "tout ce qui guide une personne lors qu'elle établit un rapport entre un signe et son signifié"; on peut indiquer par là le "patrimoine génétique" ainsi que les premiers habitus linguistiques acquis par imitation dans la première enfance, ainsi que les attributions des signifiés déjà achevées, ainsi que les notions règles e t c . , qu'on puise dans son arsenal psychique et mental. Aussi la même phrase, c'est-à-dire le
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même signe, peut recevoir des différents signifiés des différentes personnes, ou encore de la même personne dans des situations différentes; parce que c'est la base qui est changée. On a une succession de répétitions guidées, qui conservent aux inférences déjà achevées leur individualité (autrement elles ne seraient pas reconnaissables), mais qui enlèvent ce qui n'est plus fonctionnel à l'inférence qu'on est en train de faire. Dans les successions inférentielles les plus simples, la sémiose-verbalisation se borne au nom propre ou à la description individualisante qu'on peut lui substituer (celle-ci contient des éléments se référant exclusivement à la chose ou la personne nommée). Dans les successions les plus riches et les plus compliquées une verbalisation majeure s'impose comme nécessai re, parce que, comme on a dit, on se rappelle seulement de ce qu'on a ver balisé. Il paraît préférable de voir la pensée comme un processus, une succes sion d'activités relationnelles ou inférentielles, se servant de la sémiose et du discours qui en dérive, mais qu'on ne peut pas faire correspondre ni à l'une ni à l'autre. Donc la sémiose et la verbalisation, ou la sémiose linguistique, sont un moment de la pensée. Mais elles sont aussi des activités indépendantes, non seulement parce qu'on peut les achever lorsque la pensée est absente, mais aussi parce qu'elles ont des règles particulières, qui ne se rendent pas tou jours aux buts de la pensée. La sémiose, lorsqu'elle se produit à l'intérieur de la pensée, est l'activi té; dans la mesure où elle est une activité elle est privée, et l'emploi des si gnes, même des signes linguistiques, est beaucoup plus libre et dégagée des mécanismes d'une langue que dans l'usage public. Dans ce deuxième cas la sémiose se fait action, puisqu'elle se produit sur un auditoire qui est compo sé d'autres personnes; ou bien encore de la même personne, mais en diffé rents moments, comme dans les notes, dans les journaux privés, etc..où la nécessité que son signe soit reconnaissable est une entrave à la production du signe même. Dans ces cas-là on entre dans la communication et dans le soi-disant "social" et on se pose de nouveaux problèmes; il faut vaincre la résistance de l'auditoire à l'écoute et solliciter sa collaboration; il faut lui apprendre sa propre langue, ou apprendre la sienne, en tout cas se servir d'une langue qui préexiste; il faut aussi pouvoir donner un nom "au dieu in connu", c'est-à-dire aux aspirations et aux désirs de ceux qui écoutent, comme a dû faire l'apôtre Paul dans l'aréopage d'Athènes (Actes des Apô tres, 17, 22).
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C'est à la sémiose privée que nous nous intéressons ici. Elle est un élé ment constitutif du procès de la pensée, mais elle peut aussi se réaliser à son compte. C'est à cause de ça qu'elle a des temps propres, réservés, qui ne sont pas toujours coordonnés. La sémiose suit la constitution d'un objet. La constitution d'un objet se fait lorsqu'on attribue à quelques diversités join tes entre elles la propriété de continuer à exister sans intervention. Mais la pensée, en tant que procès global, s'enraye, elle s'arrête, lorsque la nomi nation de l'objet ne succède pas rapidement à sa constitution; il est néces saire que la nomination soit faite en présence de l'objet, dans la période où l'objet reste présent; si à cause de retards sémiotiques ou linguistiques l'ob jet s'en va, la nomination devient une prétention; en tant que nomination de l'absent elle peut être tellement arbitraire qu'elle en ressort, par là même, trompeuse, pire qu'une nomination absente ou manquée. Si on at tribue à l'objet le caractère d'une personne, douée d'une volonté propre, on lui demande son assentiment à la nomination (c'est justement du fait de cette absence d'assentiment que la baptême paraît faux); personne ne de vrait être obligé à répondre à un nom qu'on lui a imposé. Si la nomination est complètement absente, il se passe que l'inférence achevée ne peut pas être rappelée, et on ne peut pas passer à l'inférence qui suit. A l'intérieur du procès de la pensée il y a la possibilité de verbaliser même avec des signe propres, personnels, comme le font les enfants le plus souvent. Cependant on verbalise dans la plupart des cas dans une des très nombreuses langues de l'humanité, et chacune de ces langues a ses nécessi tés phonétiques, lexicales, sémantiques, grammaticales, syntaxiques. La thèse selon laquelle il y a un rapport entre le son des mots et leur si gnifié a été affirmée dans les temps modernes par la théorie de la relativité linguistique dite de Sapir-Whorf (Whorf 1925 ssq) et dans l'antiquité par Platon, dans son dialogue Le Cratyle. Ici le problème se pose autrement. Il faut considérer que: 1. la production des sons-signes et la production des si gnifiés sont deux processus qui normalement se développent en simultanéi té; 2. la production des sons se fait avec des organes (de la bouche aux pou mons) qui fonctionnent dans le temps et dont nous sommes à même de me surer le rythme; 3. la production des signifiés se fait avec le cerveau; 4. la connexion entre sons-signes et signifiés se fait aussi avec le cerveau; 5. il ne nous est pas possible de mesurer le rythme de l'activité cérébrale dans la sémiose; 6. on peut dire que le rythme de la production des sons-signes peut conditionner le rythme de la production des signifiés et de leur connexion avec les sons-signes.
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Les sons-signes appartiennent toujours à une langue, qui a ses rythmes. Dans les langues les plus musicales le rythme est ralenti par l'im portance qu'il y a à s'écouter soi-même; dans toutes les langues on se sert des mouvements du corps, du langage mimique, des gestes pour remplacer la recherche des mots, qui est souvent moins rapide. Le rythme de la pensée résulte de la succession des activités de consti tuer un objet extérieurement à sa nomination; d'établir un rapport exclusif entre l'objet et un signe (nomination); de conserver dans la mémoire le rap port qu'on a établi; de répérer ce rapport au même objet, s'il s'agit d'un nom propre, à d'autres objets groupés dans une seule catégorie, s'il s'agit d'un nom commun; d'inférer, de nommer les objets inférés; de se rappeler encore et ainsi de suite. Mais chacune de ces activités a sa propre origine et son propre rythme; elles contribuent à la marche d'ensemble du processus mais non nécessairement sans entraves ni difficultés; un processus harmoni que et bien coordonné est plutôt un résultat qu'une condition spontanée. Il peut arriver que la verbalisation d'une inférence, vu précisément du fait des exigences de la langue employée, procède trop lentement, et l'on arrive de cette façon à une inférence déjà achevée. Mais celle-ci à son tour sortira incomplète, ou obscure, justement parce qu'elle se fera sur une pha se précédente non verbalisée et donc non rappelée, ou insuffisamment rap pelée. Il se peut qu'il arrive le contraire, c'est-à-dire que la verbalisation glisse, rapide, car la pensée n'a fait aucune inférence; elle sera répétitrice de ce qu'on a pensé en d'autre moments, logorrhéique. Si la phrase est déjà prête, et qu'elle précède l'inférence, celle-ci peut être abandonnée. On aura alors la verbalisation sans pensée et le discours prendra une allure mécanique, sans participation. La répétition du signe, l'inertie de la sémiose, deviennent un vice ("s'habituer à un mot c'est prendre un vice" a écrit Carlo Michelstaedter, 1910). On entre dans la répétition et dans l'habitude, on établit seulement ces relations inférentielles pour lesquelles on a les mots préparés. Le caractère innovatif de l'inférence s'évanouit. Il peut advenir que la correspondance entre le discours et le processus de la pensée dans sa globalité disparaisse. A la verbalisation interne, ou sémiose privée, peut se substituer une verbalisation publique qui se rapporte à des inférences achevées en d'autres instants: "je te dis ce que je pensais et non pas ce que je pense"; "je te dis ce que je voudrais penser", voilà la ver balisation d'une inférence velléitaire, qui est empêchée de s'achever par des influences externes.
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References Benedetti, Gaetano. 1976. Neuropsicologia. Milano: Feltrinelli. Ceccato, Silvio. 1964-1966. Un tecnico fra i filosofi, Come filosofare, vol. I, Come non filosofare, vol. II, Padova: Marsilio Editori. Freud, Sigmund. 1924. "Notiz über den "Wunderblock"," Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse 11 (1), 1-5. Lenneberg, Erich H. 1967. Biological Foundations of Language. New York: John Wiley and Sons. Michelstaedter, Carlo. 1910. La persuasione e la rettorica. A cura di Sergio Campailla. Milano: Adelphi, 1982. Peirce, Charles S. 1897. Speculative Grammar, Collected Papers. Cambrid ge (Mass.): Harvard University Press. Perelman, Chaïm and Olbrechts-Tyteca, Lucie. 1979. La temporalità come carattere deH'argomentazione." Dans // campo dell'argomentazione, Parma: Pratiche Editrice. Roncato, Sergio. 1982. Apprendimento e memoria. Bologna: Il Mulino. Thomson, George. 1949. Studies in Ancient Greek Society. London: Lawrence and Wishart. Vaccarino, Giuseppe. 1981. Analisi dei significati. Roma: Amando. Whorf, Benjamin Lee. 1956. Language, Thought, and Reality. Cambridge, Mass: M.I.T. Press.
La sémiosis didactique: savoir, savoir-faire, savoir-être M. Grenier-Francœur
La didactique: langage et message D'entrée de jeu, nous tiendrons la didactique pour l'un des nombreux systèmes modélisants secondaires par lesquels l'homme social se donne une certaine image ou connaissance de lui-même et du monde tout en conférant à la société dans laquelle il vit des qualités d'autonomie, de cohérence et de permanence. Du langage naturel, système modélisant primaire, fondement de tous les langages seconds inventés par l'homme à des fins de communica tion particulières, elle retient les deux aspects indissociables de système et de processus, et en termes saussuriens, de langue et de parole. Il y a, en ef fet, dans la polyphonie des discours sociaux, un discours didactique dont les manifestations diverses, en diachronie, témoignent tout autant des états successifs de la didactique comme système de règles pour 'la programma tion, en vue de la transmission, d'un savoir constitué' (Greimas 1976: 13) que de l'évolution du polysystème entier de la culture d'une société, cette dernière modifiant, dans sa recherche d'un nouvel équilibre, les langages par lesquels elle se dit et se fait. Dans le flot de son discours didactique, une société découpe des segments, des messages, auxquels elle confère le statut de texte. Nous nous permettrons de rappeler, pour l'heure, une règle d'usage que donnent de ce terme les sémioticiens soviétiques Lotman et Piatigorskij: 'Dans la notion culturelle de texte, on prend pour point de départ le moment où le simple fait de l'expression linguistique cesse d'être perçu comme suffisant pour qu'un message devienne texte' (1969: 206). Ces plus-que-messages méritent de retenir l'attention du sémioticien à plusieurs titres. Nous en signalerons deux d'abord. Quand une société sanctionne ainsi leur existence, c'est qu'elle leur reconnaît une signification intégrale: être
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un texte de la didactique de la langue maternelle ou des mathématiques, par exemple, de la même façon que d'autres signifient: être un roman, être une prière etc. En conséquence, cette signification textuelle globale autori se le sémioticien à considérer ce message comme un signal unique et non segmentable (Lotman 1973: 92). Le texte didactique, dans cette perspecti ve, et quelle que soit la forme de son expression, devient l'unité minimale de base du discours didactique et, à juste titre, l'objet de toute tentative de description de ses propriétés formelles. Enfin, la sanction sociale que reçoi vent ces segments fondamentaux du discours didactique, signifie qu'ils exercent d'une manière satisfaisante voire excellente la fonction culturelle pour laquelle la société a créé ce type de discours particulier. Fonction culturelle et signification textuelle Signification textuelle globale et fonction culturelle sont en interrela tion avec les fins mêmes du discours didactique: l'intégration personnelle et sociale de l'enseigné, un processus dont l'aboutissement est la transmission et la reconstruction permanente d'un patrimoine culturel, d'un système de valeurs, d'une vision du monde et d'une sensibilité partagés, dans une cer taine mesure, par les membres d'une société. Le discours didactique qui prend en charge l'enseignement de la langue maternelle — ce système modélisant primaire dont nous traitions plus haut — et des textes littéraires auxquels il prête une expression linguistique est tenu par la plupart sinon par toutes les sociétés pour le discours didactique primordial, le plus apte à assumer cette fonction culturelle de personnalisation et de socialisation de l'enseigné. Et l'importance presque aussi grande que l'on reconnaît à l'en seignement des mathématiques, par exemple, souligne encore le rôle des langages dans la formation de l'être humain et de sa société. Avant d'en arriver à la formulation de l'hypothèse de recherche qui nous a guidée dans l'élaboration de cet exposé, nous aimerions préciser à quel titre nous nous intéressons au processus de formation de la personnali té de l'enseigné et de son insertion dans la vie sociale. Notre point de vue ne sera pas celui du pédagogue, sa tâche consistant précisément à assurer, par une série d'interventions, le déroulement du processus. Il ne sera pas non plus celui du didacticien qui s'emploie à rechercher les propriétés for melles du discours didactique susceptibles de le rendre plus efficace, ce qui revient à s'interroger sur les conditions optimales de programmation d'un certain savoir, d'un savoir-faire et d'un savoir-être transmis par le pédago-
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gue. Notre point de vue sera plutôt celui du sémioticien qui entend décrire les interrelations d'au moins trois systèmes de signes et autant de processus de communication. Le premier sera la personnalité de l'enseigné, une col lection de signes articulés en un langage ou un signe global de la nature du symbole. Le deuxième sera la réalité dans laquelle cet être humain vit et évolue, qui lui est étrangère et qu'il affronte mais qu'il saisit et perçoit par ce qu'elle est, elle aussi, signes et faisceaux de relations sémiotiques. Enfin, le troisième sera un langage médiateur, singulièrement apte à véhiculer et à interpréter la totalité des expériences du réel par laquelle une personnalité, individuelle ou collective, se fait en se disant. La réciprocité d'un processus d'éducation: l'homme et les mots-signes Au paragraphe 313 de "Man Sign", Peirce tirait cette conclusion: "In fact, therefore, men and words reciprocally educate each other; each in crease of a man's information involves and is involved by a corresponding increase of a word's information" (5. 313). (En fait, par conséquent, les hommes et les mots s'éduquent réciproquement; chaque accroissement de d'information d'un homme implique et est impliqué par un accroissement d'information correspondant dans un mot). Nous voilà donc au coeur d'un processus didactique fondé sur une relation de solidarité au sens hjelmslevien du terme. Si l'homme croît avec son langage, les sociétés sont donc fondées de faire du discours didactique qui assure l'enseignement des mots de la col lectivité et des textes dans lesquels vivent et s'accroissent ces mots, tout particulièrement les textes littéraires, l'instrument par excellence de la for mation de leurs membres. Nous croyons, pour notre part, que la ou les sémiosis qu'impliquent les textes didactiques peuvent se révéler des expé riences de communication et de communisation réussies, l'occasion et le moyen de développer l'esprit de l'être humain et le contenu de sa conscien ce. Et si nous admettons encore avec Peirce que l'esprit est un signe qui se développe selon les lois de l'inférence — "we must conclude that the mind is a sign developing according to the laws of inference" (5. 313) — n'est-il pas utile, voire nécessaire de nous pencher sur la manière dont se forment certaines pensées-signes ou interprétants quand des enseignés sont mis en relation avec un texte culturel sollicitant leur capacité de produire des inf rences et développant leur compétence à cet égard.
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Communication, communisation, différenciation Ce texte culturel, une légende intitulée Jean et Jeanne Soriole a d'abord paru dans un hebdomadaire artistique et littéraire de Montréal, Le Journal du dimanche, puis dans l'important quotidien La Minerve. A cette époque, en 1884, il avait reçu l'aval des porte-parole de l'institution littérai re car, il s'inscrivait d'emblée dans le combat culturel d'affirmation nationa le que menait l'intelligentsia québécoise, laquelle mobilisait d'ailleurs à cette fin toutes les formes d'écriture (Francoeur 1981: 453). Tenu pour "une bonne et brave action" — ce sont les mots d'un correspondant de l'hebdomadaire — au même titre que toute autre manifestation de cette lit térature engagée, Jean et Jeanne Soriol se voyait reconnaître le statut de texte littéraire et de véhicule privilégié des valeurs socioculturelles de la collectivité québécoise d'alors. Nous avons voulu en faire un élément de contenu d'un texte didactique, puisque sa lecture est susceptible de donner lieu à une expérience de communication réussie grâce à l'établissement d'une signification commune à l'auteur, Stanislas Côté, et à de jeunes lec teurs de 1984. Nous empruntons à Charles Morris sa définition du terme communication: "the use of signs to establish a commonage of significa tion" (Morris 1946: 118). (le recours aux signes pour établir une tenure commune de signification). Dans cette perspective le texte de la légende sera considéré comme un signe global et aussi comme un système et un processus sémiotique. Cette expérience de communication, quand elle est réussie, peut se doubler d'une expérience de communication, autre concept que Morris définit ainsi: "the establishment of commonage whether by signs or other means" (Morris 1946:118) (l'établissement d'une tenure commune que ce soit par des signes ou par quelque autre moyen). Quand une personne réussit à faire comprendre à une autre qu'elle est en colère et que cela s'effectue au moyen de signes, alors, nous dit Morris, il y a communication. Si la même personne réussit à faire partager son sentiment de colère par l'autre, il y a, de surcroît, communisation. Le néologisme morrissien a pour antonyme différenciation, état qui caractérise une relation où, par exemple, celui qui communique sa colère suscite chez l'autre un sentiment de respect ou de crainte. Nous croyons que l'auteur et la société qui sanctionne son discours en l'élevant au rang de texte littéraire cherchent à atteindre ultimement cet état de communisation qui est un effet réel du texte comme signe. La tenure commune qui peut naître d'une communisation littéraire réussie, nous pouvons y voir aussi bien une vision du monde partagée par l'auteur et ses lecteurs qu'une sensibilité analogue. Cependant, il n'est ni sûr ni même
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souhaitable que toute expérience artistique débouche sur une telle communisation. Le rejet par les lecteurs de certaines valeurs socio-culturelles — ce qui suppose néanmoins leur reconnaissance grâce à l'établissement d'une signification commune — participe du renouvellement de la conscience collective. Quant à nous, nous n'avons certes pas l'intention de transformer l'enseignant en propagandiste. Communisation et différenciation s'inscrivent dans le champ de liberté de chaque lecteur. Aussi insisterons-nous davantage sur le processus sémiotique par lequel s'élaborent la mise en place d'une signification commune et l'instauration d'un certain savoire-faire chez les enseignés, en l'occurrence, savoir lire une légende. Le savoir-être, communisation ou différenciation, présuppose ce savoir-faire. La sémiosis didactique Notre texte didactique qu'il importe de ne pas confondre avec la légen de elle-même faisant ici office d'élément de contenu, va revêtir la forme d'un module d'apprentissage, une leçon-cadre élaborée par l'enseignant et qui pourrait assez bien se comparer au texte dramatique écrit par un auteur et comportant ou non une division en actes et/ou en scènes, les noms des personnages apposés aux répliques et les didascalies. Si élaboré soit-il, ce texte n'est jamais l'équivalent du texte vivant de la 'représentation', la schématisation de rigueur dans cette sorte d'écrit s'accompagne d'une dé personnalisation des partenaires, enseignant et enseignés, qui sont de sim ples instances de cette expérience, analogues au sujet parlant de la linguisti que. Cependant, le module d'apprentissage n'en perd pas pour autant sa qualité spécifique de signe et son aptitude à agir au sein d'une interrelation que Peirce appelle sémiosis: "an action or influence which is, or involves, a cooperation of three sujects, such as a sign, its object, and its interpretant, this tri-relative influence not being in any way resolvable into actions between pairs" (5.484) (Une action ou une influence qui est ou qui impli que une coopération de trois sujets tels qu'un signe, son objet et son inter prétant, cette influence tri-relationnelle ne pouvant d'aucune manière se réduire à des actions entre des paires). Soulignant l'aspect dynamique de cette influence, il ajoute que sa définition confère à tout ce qui agit ainsi le titre de signe. Enfin, s'interrogeant sur la nature des interprétants et singu lièrement des interprétants logiques, il voit dans de tels signes des modifica tions de la conscience (5.473). Notre module, un processus interactionnel et une séquence d'interventions d'objetifs, aura pour signification ou objet immédiat toute l'architecture informationelle de la légende Jean et Jeanne
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Soriol, avec ses dimensions syntaxique, sémantique et pragmatique, et pour objet médiat ou dynamoïde, le langage narratif propre à toute légende grâ ce auquel une certaine catégorie de récits a pour signification textuelle com mune: être une légende ou être ce qui doit être lu. L'interprétation sémiotique devrait permettre aux enseignés de se donner le sens et la signification du texte didactique dans son ensemble et de la légende qu'il véhicule, car elle est processus de formation de signes interprétants. Ceux-ci sont des ef fets signifiés propres de tous les signes dont est constitué ce signe global et décrivent la qualité ou le caractère de l'information communiquée (5.473). Ils correspondent à trois types différents de modification de la conscience des enseignés-interprètes, l'interprétation sémiotique comportant trois ni veaux distincts. L'interprétation sentie: formation des interprétants émotifs Les stratégies du module ont pour but d'amener les enseignés à recon naître les intentions de l'auteur de la légende et de son instance relais-entexte, le narrateur. Ces intentions, qui ne sont pas toutes explicites détermi nent la structure de Jean et Jeanne Soriol. Il est nécessaire que les interprè tes saisissent le rapport entre les intentions des émetteurs extra et intratextuels et l'organisation qu'ils confèrent ensemble au signe-texte qu'ils pro duisent puisque vision du monde et sensibilité communes vont s'édifier au fur et à mesure que le message littéraire leur est transmis. (5.473: elles font partie de l'objet immédiat parce qu'elles sont représentées dans le signetexte). C'est aux stratégies dites de 'mise en situation' que revient le rôle de déclencher l'interprétation sémiotique. A son premier niveau, celui del'in terprétation sentie, les enseignés seront appelés à se former des interprétants émotifs. Ce sont des stimuli, des sensations, des émotions, des sentiments perçus et ressentis par lesquels chacun d'entre eux saisit à sa façon ce que Peirce appelle la "qualité matérielle" d'un signe, "how it feels". Une pre mière consigne pourra donc attirer leur attention sur l'aspect matériel de la légende. On ne saurait trop souligner l'importance d'utiliser des fac-similés du Journal du Dimanche ou de La Minerve. Les lecteurs vont d'abord per cevoir des détails d'ordre visuel tels la mise en page propre au journal, sur trois colonnes, la présence d'un titre, Jean et Jeanne Soriol, d'un sous-titre, légende, d'un titre de section, La capitulation, et La vendetta, la mention en italique et entre parenthèses (La fin au prochain numéro) sous la signature de l'auteur à la fin du premier volet, la mention en italique (Suite et fin)
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toujours entre parenthèses, mais sous le titre de la deuxième section. C'est encore aux premiers coup d'oeil que les enseignés vont saisir la densité ma térielle du signe-texte, son morcellement en un très grand nombre de para graphes, l'emploi particulier de certains signes de ponctuation comme les tirets et les points de suspension fréquents, et en groupes largement supérieurs à trois, la présence de parenthèses dans le corps du discours. Si une stratégie de lecture silencieuse permet la formation d'interpré tants émotifs provoqués par l'aspect visuel du texte, en revanche, une au tre, de lecture à voix haute, peut avoir pour effet de faire entendre la quali té sonore et le rythme du récit, par exemple, ou de mettre en évidence tou te sa dimension kinesthésique. Les tirets qui ponctuent le discours de Jean ne Soriol deviennent alors des pauses qui trahissent la souffrance de l'héroï ne en lutte contre elle-même quand elle avoue son amour à Donald Came ron Fraser, pour ensuite lui déclarer: — "il ne m'appartient pas de donner, la première, aux filles de Montréal, l'exemple d'une union avec l'un des conquérants de mon pays". Les parenthèses qui enferment ce commentaire du narrateur: (en ce temps-là, il y avait aussi cette sorte de femmes), mani festent la confidence faite en aparté et signalent du même coup la qualité de la relation qui s'instaure entre son narrataire et lui, au même titre, d'ail leurs, que ses multiples et fréquents points de suspension donnant à enten dre plus que ses mots ne disent. Enfin, certains segments de discours, com me ce passage du premier paragraphe: "s'émiettant lentement, lentement comme à regret sous les coups du temps" où le narrateur combine deux pro cédés stylistiques sonores, l'assonance et l'allitération, pour signifier à la fois la ténacité des vieux murs légendaires et l'implacable destruction du temps, véhiculent aussi une partie de la qualité matérielle du signe-texte. Dans un premier contact entre les signes et le lecteur, les effets signifiés propres de l'assonance et de l'allitération, pour ne retenir que ces deux exemples, dans la mise en place progressive du sens et de la signification du signe-texte, ne s'intègrent pas encore à la conscience de l'interprète. La ré currence des phonèmes (a) et (k) et la prédominance du premier sur le se cond sont senties pour leur valeur purement sonore et leur charge émotive. L'analyse logique: formation des interprétants énergétiques Cependant, si les interprétants émotifs comptent pour une très large part dans l'interprétant global que suscite un texte littéraire et qui corres pond à sa "qualité propre individualisante" pour reprendre une expression
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de Dewey, il importe de se souvenir que cet interprétant esthétique unique non plus que les interprétants émotifs susceptibles d'être produits par les signes que nous avons mentionnés plus haut, ne sont pas des sensations bru tes ou premières. L'interprétant émotif esthétique est un "construit" qui se fonde sur des expériences antérieures de connaissance du beau en général et, dans le cas qui nous occupe, de cette conception particulière du beau propre à une légende d'origine mais non de forme populaire devront tenter d'amener les enseignés à dépasser le stade de l'interprétation sentie. Pour que la lecture de Jean et Jeanne Soriol donne lieu à une authentique expé rience esthétique, les interprétants émotifs produits lors de la première phase de l'interprétation sémiotique devront être mis en relation avec d'autres interprétants déjà présents dans la conscience des interprètes parce qu'ils auront été déterminés au cours d'expériences antérieures de connaissance. La sémiotique peircéenne explique et justifie une initiative pédagogique qui consiste à faire de l'acquisition de connaissance — il s'agit ici du terme qui désigne une partie du module — non pas le terme de la démarche intellec tuelle et esthétique que suppose l'interprétation d'un texte littéraire mais le moyen par lequel elle pourra l'effectuer. Quand, dans une stratégie de mise en relation, l'enseignant demande à ses élèves s'ils connaissent d'autres légendes, orales ou écrites, s'ils se souviennent de récits où intervient le merveilleux ou le fantastique, voire s'il leur propose la lecture de La dame blanche de Montmorency, une légende de François Mora qui exploite des événements historiques de la même époque que ceux retenus par Côté, ou encore La rue du Cheval noir, une autre légende de ce dernier auteur, il pourra les amener à fournir progressivement des interprétants énergétiques susceptibles de saisir Jean et Jeanne Soriol dans toute son unicité, sa spécifi cité. Ces interprétants dont on peut dire qu'ils sont des efforts mentaux, constituent une prise de conscience instantanée, immédiate et donc nonréflexive de l'aspect existentiel, réel du signe-texte dans sa singularité. La légende de Côté est alors saisie comme un signe par contraste, s'opposant autant à la conscience-signe de l'interprète qu'à toutes les autres manifesta tions du discours narratif de nature légendaire ou non et même à toutes les autres formes de discours connues des enseignés. C'est en ce sens que l'on peut parler de l'étape de Yanalyse logique, le deuxième temps de l'inter prétation sémiotique comme d'une opération mentale de comparaison, de confrontation. Tout ce qui relève de l'action-réaction, de la perception de la dualité et de la différence est de son ressort. A ce stade, plusieurs éléments du texte seront interprétés comme des
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signes de nature indicielle pointant vers un sens à donner au texte. Le titre, Jean et Jeanne Soriol, constitue un indice pour l'interprète qui le voit appo sé au texte de la légende avec lequel il entretient un rapport de contiguïté. Il désigne cette légende qu'il distingue de toutes les autres d'un doigt, d'un index, pointé vers elle. Qui plus est, les noms propres dont il est composé expriment une référence: "A proper name, when one meets with it for the first time, is existentially connected with some percept or other equivalent individual knowledge of the individual knowledge of the individual it na mes. It is then and then only, a genuine index (2.329). Mais nous sommes plutôt en présence de subindices comme c'est souvent le cas en communica tion linguistique et littéraire où la secondéité n'est pas authentique. Il est plus que douteux que de jeunes interprètes en 1984 puissent avoir une ex périence collatérale des individus désignés par ces noms propres, des per sonnages qui ont peut-être réellement existé, comme la plupart des héros légendaires. D'autres signes indiciels et spécialement des toponymes com me Montréal, Longueuil, l'île Sainte-Hélène, l'île Ronde, le Pied du Cou rant, le chemin de la Côte-des-Neiges, vont susciter des interprétants éner gétiques seconds ou dynamiques grâce auxquels l'interprète-enseigné va ex périmenter le choc entre la réalité extérieure de 1984, celle de 1884 et la réalité "textuelle" de 1760 où de tels lieux sont le théâtre et souvent les complices des exploits de Jean Soriol. Une autre prise de conscience s'inscrivant dans l'expérience devant être vécue par l'enseigné-interprète, est susceptible de se produire quand ce dernier va remarquer — aidé en cela par les consignes de l'enseignant — des signes verbaux récurrents tels les terminaisons des verbes, ou certains adjectifs qualificatifs et certains substantifs choisis de préférence à d'autres. Quand, par exemple, le narrateur parle de la grotte de l'île Ronde où est enterré Jean Soriol, celle-ci devient le "morceau de granit, témoin de sa vengeance", et s'il désigne les herbes sauvages qui croissaient sur l'îlot en question, elles seront "une végétation maigre et souffreteuse". Ce sont des indices de littérarité. Grâce à l'activité mentale propre à cette étape de l'in terprétation sémiotique, les enseignés-interprètes peuvent saisir la diffé rence entre le discours quotidien, précis ou vague, concis ou redondant, et le discours à caractère littéraire caractérisé dans nos exemples par une vo lonté d'évocation s'exprimant dans la personnification. D'ailleurs, chaque indice du texte de la légende véhicule simultanément de l'information à plu sieurs niveaux. Ainsi, les terminaisons des formes verbales, par l'ordre de leur apparition dans le premier paragraphe de Jean et Jeanne Soriol consti-
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tuent une première chaîne de signaux qui indiquent aux enseignés l'instau ration de l'univers sémantique des choses que l'on commente. Sur le bord de la route si connue qui conduit de la ville de Montréal au vil lage de la Côte-des-Neiges, à main gauche, en plein milieu d'un petit champ de jardinier, le passant d'aujourd'hui voit, sans y prêter beaucoup d'attention, trois pans de mur, délabrés, noircis par l'âge, s'émiettant len tement, lentement, comme à regret sous les coups du temps et dont il ne restera bientôt que de rares vestiges éparpillés ça et là, dont la génération qui va suivre, aussi oublieuse que la présente, n'aura guère souci.
Ce second extrait comporte d'autres formes verbales dont les terminaisons agissent comme signes indiciels pointant, cette fois, vers le monde des cho ses que l'on raconte. Jean Soriol avait, à cette époque, atteint l'âge de vingt-cinq ans. C'était un beau gars dans toute l'acception du mot, un coeur d'or et une tête chaude; mais il était en même temps doué d'un tempérament qui n'acceptait aucune règle, et que la discipline, même la plus sévère, ne pouvait assouplir.
Communication et méta-communication narratives — entendons par ce dernier terme les commentaires du narrateur — se posent en s'opposant. La perception de cette dualité va s'enregistrer dans la conscience de chacun des interprètes sous forme d'un interprétant énergétique immédiat pour y être réactivé par les consignes du module ayant trait à l'objectivation de la pratique. L'information véhiculée et reçue sera alors traitée au cours de la troisième étape de l'interprétation sémiotique, l'analyse pragmatistique. L'analyse pragmatistique: formation des interprétants logiques La reconnaissance de la présence simultanée en texte des temps ver baux propres au récit et au discours, passé simple, imparfait, plus-que-par fait, et passé composé, présent, futur, et le rôle de ces manifestations lin guistiques que depuis les travaux de Benveniste et de Weinrich nous sommes appelés à tenir pour les marques de rénonciation historique et de l'énoncia tion discursive, font partie des éléments préalables de savoir sur lesquels le module s'appuie. Les objectifs et les consignes, qui vont se traduire en classe par des questions et des observations de l'enseignant, visent à créer les conditions nécessaires à l'association par ressemblance, laquelle doit déclencher la formation d'interprétants logiques de deuxième degré, cor respondant à une certaine habileté langagière, à un savoir-lire le discours narratif déjà partiellement acquis et devant être consolidé par chaque nou-
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velle expérience de lecture. Le rappel dans le champ de la conscience active de l'interprétant logique de deuxième catégorie instaure une connaissance réflexive, étape essentielle de la mise en place progressive d'un savoir-faire linguistique et supra-linguistique. S'il a effectivement lieu, l'expérience de communication didactique sera réussie. L'établissement d'une signification commune ouvre la voie à l'enclenchement de nouveaux processus de connaissance, à l'affermissement de certains patterns de conduite et à l'ac complissement d'une communisation ou d'une différenciation dont nous sa vons le rôle capital dans le développement de la personnalité de l'enseigné, puisqu'elle est la condition sine qua non d'un savoir-être. Cette communisation ou cette différenciation que peut produire le tex te à caractère littéraire repose sur la formation d'un interprétant esthétique capable de saisir la qualité matérielle de la légende, dans le cas qui nous oc cupe. Cet interprétant esthétique est d'abord et surtout un interprétant émotif mais il est, comme nous l'avons dit plus haut, un signe complexe qui s'édifie en mobilisant à son profit des interprétants plus spécialisés, comme l'interprétant énergétique de second degré et l'interprétant logique second que ce dernier sollicite, l'habitus. La prédominance dans un tel signe de ce qui ressortit à la conscience immédiate n'exclut en rien la démarche ou le processus de connaissance de soi et de la "réalité" artistique avec laquelle l'interprète est mis en relation par le signe-texte et ses objets. L'émotion ou interprétant esthétique, que l'on ne doit pas confondre avec la sensation, est toujours un prédicat d'une grande complexité (5.293). L'intelligence du texte artistique s'enracine dans les trois types d'inférence reconnus par Peirce, l'abduction, l'induction et la déduction. La sémiosis didactique, par les interventions pédagogiques prévues au module d'apprentissage se fonde sur les deux premières mais elle ne saurait faire l'économie de la troisième. La personnalité de l'élève-interprète, que nous définirons en termes peircéens comme une coordination et une connexion d'idées et partant, comme une idée générale et un sentiment vivant se développant dans le temps selon une finalité propre, à tel point que nous puissions tenir le ca ractère de chaque individu pour une harmonie téléologique (6.155), appelle la mise en place de ce savoir-faire intellectuel. En tant qu'idée générale et sentiment vivant, la personnalité de l'élève-interprète est donc de l'ordre de la synthèse ou saisie de la tiercéité, comme les processus cognitifs et affec tifs grâce auxquels elle s'élabore. L'abduction produit l'élément sensuel de la pensée et se fonde sur l'ac coutumance culturelle ou familiarité vécue avec un culturéme (Moles et
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Zeltmann 1971: 482) qu'elle renforce. L'intégration sociale de l'élève-interprète, une des finalités de l'école, suppose l'instauration d'une capacité et d'une habileté à raisonner par mode d'abduction. L'induction fournit l'élé ment habituel de la pensée (2.643). Son rôle est capital dans le développe ment des habitudes cérébrales, dans la transformation des croyances en ju gements (3.160), dans la mutation d'un savoir-faire particulier en un com portement spécialisé. Enfin, la déduction, qui fait appel à des interprétants logiques troisièmes et constitue, de ce fait, le point culminant de l'interpré tation sémiotique, l'analyse pragmatistique, permet à l'apprenant de connaître le signe-texte dans ses aspects solidaires de système et de proces sus, de se donner sa signification générale et globale, être une légende, par exemple. "The pragmatistic meaning", nous dit Peirce, "is undoubtedly ge neral; and it is equally indisputable that the general is of the nature of a word or sign (5.429)". Nous préciserons que la signification pragmatistique — on nous pardonnera la redondance — ou textuelle est de la nature du mot ou du signe qui s'interprète par référence à une loi générale ou à un système hiérarchisé de lois générales, à un langage ou à une architecture de langages. Synthèse troisième, la déduction a pour but l'intérêt du "moi pen sant lui-même" qu'elle force à établir des rapports étroits entre les divers si gnes composant l'architecture informationnelle du texte. L'apprenant effec tue cette synthèse en introduisant dans le signe-texte une "idée" ou des "idées" non contenues dans le processus sémiotique — pour le discours, ce sera le modèle weinrichien de la syntaxe textuelle, pour le récit, la gram maire narrative greimasienne, par exemple — mais donnant lieu à des rela tions connexes qui n'existeraient pas autrement. Ces systèmes font alors ap paraître un faisceau de relations sémiotiques constituant, en définitive, la signification pragmatistique que l'on peut traduire par être une légende. L'apprenant-interprète, qui l'intègre à sa conscience, pourra la réex primer dans des expériences ultérieures de lecture et d'écriture. Elle fera désormais partie de son "langage". Admettre avec Peirce que: "Thus my language is the sum total of myself, for the man is the thought (5.314)", c'est reconnaître du même coup que la personnalité de l'apprenant croît avec chaque nouvelle expérience littéraire qui atteint son terme, la commu nication, et son corollaire, la communisation ou la différenciation, avec chaque interprétation sémiotique qui enrichit sa définition des signes-tex tes.
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Références Francœur, Louise. 1981. "Quand écrire c'était agir: la série culturelle québécoise au XIXe siècle". Voix et images VI (3), 453-465. Greimas, A.J. 1976. Sémiotique et sciences sociales. Paris: Seuil. Lotman, Iouri M. 1973. La structure du texte artistique. (= Bibliothèque des sciences humaines NRF). Paris: Gallimard. Lotman, Iouri M. et A.M. Piatigorskij. 1969. "Le texte et la fonction" Se miotica 2, 205-517. Morris, Charles. 1946. Signs, Language and Behavior. Ne v York: George Braziller. Moles, Abraham A. et Claude Zeltmann, 1971. La communication. (= Les dictionnaires du savoir moderne). Paris: CEPL. Peirce, Charles Sanders. 1965. Collected Papers, Charles Hartshorne and Paul Weiss (eds.). Cambridge, Mass.: The Belknap Press of Harvard University Press.
Du sens commun comme catastrophe Claude Gandelman
Mon propos est de ré-écrire le "carré sémiotique" ou "carré constitu tionnel" de Greimas en termes d'un modèle "catastrophique". Il ne s'agit pas ici, évidemment, de pragmatique au sens stricte du ter me — et je m'en excuse — mais plutôt de cette semiosis définie par Peirce pas laquelle on passe d'un interprétant à un autre (dans mon cas de l'inter prétant "carré sémiotique" à l'interprétant "cube catastrophique"). Il s'agit donc plus d'heuristique que de pragmatique — ou peut-être de la "pragmatique de l'heuristique". En d'autres termes, je n'utiliserai pas mon interprétant dans un sens positiviste qui le lierait à la notion d'iconicité et Γ apparenterait à la catégorie des "prototypes" ou "répliques iconiques" dans laquelle la ressemblance "physionomique" entre les choses est essentielle — comme dans la cas des modèles dessinés à une échelle plus pe tite que l'objet à construire ou dans celui des circuits schématiques dessinés sur papier et planifiant (mais aussi ressemblant à) des circuits électroniques. Autrement dit, j'utilise le terme "modèle" dans le sens défini par Max Black 1962, c'est-à-dire comme un construct imaginaire et intentionnel compris au départ comme non-iconique, mais qui permettra d'accéder à son corrélatif complexe, à son "objet" au sens Peircien, dans le champ de la dite "réalité". Il s'agit de ré-écriture et de "traduction", c'est-à-dire de l'insertion du fragment de réalité investigué dans une nouvelle perspective, par le moyen d'un changement de langage concernant ce fragment. Mon modèle est essentiellement visuel et son fonctionnement se pro duit dans le domaine du visuel. Mais ce que l'on gagne à l'introduction d'un interprétant visuel c'est la production de sens qui naît précisément de la tra duction c'est-à-dire du passage d'un système interprétatif à un autre, d'un système de signe à un autre.
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Je dois ajouter que ce travail reprend, dans une certaine mesure des es sais qui ont été faits, récemment, pour intégrer les modèles sémiotique de Greimas et la théorie des catastrophes de René Thom, je pense, en particu lier aux travaux de Jean Petitot-Cocorda (1977:109). Le modèle "cusp" On connaît bien le modèle dit "cusp" de René Thom Figure 1.
Figure 1. Modèle 'cusp' de René Thom
DU SENS COMMUN COMME CATASTROPHE
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Il s'agit de la représentation diagrammatique d'une onde choc — mais d'une onde dont la direction n'est pas donnée une fois pour toutes et qui est capable à tout moment de revenir dans la direction d'où elle est partie, de se renverser. Si l'on regarde la surface dite "de contrôle", il n'est pas difficile de voir que les axes en X des pôles "sémantiques" entre lesquels se déroule l'onde de choc correspondent aux axes dit "des contradictoires du carré sémiotique". Dans le cas que nous avons sous les yeux, cet X joint les pôles: peace/ war et surrender/attack et dans cet autre les pôles: pressure/war et self-pity langer. Ce que le diagramme de Zeeman, interprète de Thom, ne montre pas bien (les schémas sont pris à C. Zeeman 1977: 6/4, 16/10, 42/20) c'est le ca ractère de métastabilité qui imprègne le phénomène catastrophe l'onde de choc put à tout moment se renverser de telle sorte qu'un point A, situé sur elle se retrouve en son opposé B, et vice-versa... Un modèle "catastrophique" plus simple est le cube dit "de Necker" (Figure 2):
Figure 2.
Cube transparent et réversible en permanence. Ce modèle a déjà été mentionné comme "catastrophique" par au moins un disciple de Thom, P.T. Saunders (1980:93). Dans deux articles parus dans la revue Semiotica (Gandelman: 1979 et 1982) et dans une autre étude parue dans Sémiotique et Bible (Gandelman: 1983), j'ai déjà utilisé le "cube de Necker" comme modèle type pour la notion catastrophique de "métastabilité" appliqué non seulement au visuel mais au signe linguistique ou littéraire. La métastabilité du cube transparent, terme de la Gestalt psychologie signifie la réversibilité constante de certains signes, reversibilité qui dans le cas de notre cube sem ble se produire de manière orthogonale au plan sur lequel le cube est dessiné.
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En terme de la théorie des catastrophes, le cube de Necker représente rait une cristallisation du "cycle d'hystérésis" de l'onde de choc (Figure 3).
Figure 3.
Ce schéme catastrophique, "métastable" me paraît particulièrement propre à traduire visuellement certains formes de discours, notamment les déclarations de type hystérique dans lesquelles, par exemple, "je t'aime" équivaut à "je te hais" (Figure 4) ou vice-versa et à la description de ce que
Figure 4.
DU SENS COMMUN COMME CATASTROPHE
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le psychanalyste appelle Γ "ambivalence" lorsqu'il écrit qu' "un amour bien motivé et une haine non moins motivée sont dirigés vers une seule et même personne" (1912:372). Freud, on le sait, a utilisé pour la première fois le terme Ambivalenz lorsqu'il décrivait les oscillations "métastables" du patient névrotique engagé dans le procès de transfert dans Zur Dynamik der Uebertragung (1912), alors que l'analyste lui-même était pris dans la toile de sentiments contradictoires dirigés vers lui. Naturellement, son "petit Hans" (1909) est un petit garcon "métastable" pris dans une structure amour/haine. Pour Mélaine Klein, on le sait, ce sont les objets du monde névrotique tout entier qui deviennent "métastables" puisque, chez elle, les mouvements inconscients de l'âme et l'Ambivalence sont synonymes et que l'amour pour un objet quel qu'il soit est toujours lié à la destruction de cet objet. Face à cette oscillation permanente de sa psyché, le névrotique se réfugie dans la transposition du pendule positif/négatif à l'objet lui-même qu'il scinde en "bon" et "mauvais". Pour le névrotique selon Mélanie Klein c'est l'objet de l'affect qui devient un "cube de Necker". Quoi qu'il en soit, il paraît bien évident qu'il existe un type de signe verbal qui fonctionne comme le cube de Necker. Un cas qui nous intéresse particuliérement est celui du fameux Unheimlich de Freud (1957). "Unheimlich:" (Etrange et angoissant) est ce que l'on dirait, dit Freud, à la vue des parties génitales de la mère. Le Unheimlich est, de fait, le Hei misch, le Heim dont on provient, le vagin maternel. Le Unheimlich/heim lich est donc ce que l'"on ne peut pas (ne doit pas) regarder" bien que cela soit la plus familier "chez-soi", le "Heim", la matrice - et peut-être "l'étrange-angoissant" provient-il de cette interdiction, de cet "étrangement" de ce qui est "le plus familier"? Quoi qu'il en soit, le mot qui parle de l'"étrange" parle du moins étranger possible. Le Unheimlich est, lui aussi, un signe métastable: se trouvant topologiquement en étrange on se trouve (métastablement) propulsé en chez-soi et vice versa (Figure 5).
Figure 5.
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"Cet endroit unheimlich est l'entrée de l'ancien Heim, foyer, demeure, de tous les êtres humains... et chaque fois qu'un homme rêve d'un lieu ou d'un pays et se dit en rêve: 'Ce lieu m'est familier, je l'ai déjà vu', nous pouvons interpréter cet endroit étrange et horrifique comme étant les par ties génitales de sa mère ou son corps... Le unheimlich est ce qui était au trefois heimisch, familier; le préfixe un est la marque du refoulement." (Freud 1957:399).
C'est sur cet example "étrange" que je voudrais, en quelque sorte "assoir" ma ré-écriture du carré sémiotique de Greimas ( ce carré qui a déjà été adopté, par certains psychiatres — mais nous reviendrons plus tard làdessus — à la description des psychoses) en termes tri-dimensionnels. Comme point de départ, nous avons le schéma classique, bi-dimensionnel de Greimas: relations permises (culture)
relations exclues (nature)
relations matrimoniales (prescrites)
relations anormales (interdites)
relations "normales" (non-interdites)
relations non-matrimoniales (non prescrites)
Si nous transcrivons notre Unheimlich en termes des modalités du faire (regarder) et du savoir, nous pourrions avoir, par exemple, le carré suivant: Heimlich (relations matrimoniales normales: absence du "regard sur le sexe")
Unheimlich (relation interdite: regard sur le sexe féminin)
Nicht- unheimlich (Par exemple la relation amoureuse hors du mariage excluant également le "regard sur le sexe" puisque visant l'Autre tout entier.)
Nicht-heimlich (par exemple la relation homosexuelle excluant le "Heim", la matrice, et donc le regard sur le sexe féminin)
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Les objections que j'ai à faire au schéma Greimassien proviennent surtout du fait que celui-ci décrit un parcours linéaire (par exemple comme dans Du Sens: 1970,177) Ainsi, le "Héros" ou "Sujet" dans notre schéma— celui-ci devenant alors la base syntaxique du "modèle actantiel" — pourrait aller selon un parcours linéaire d'une réaction prescrite (éviter le "regard de la Méduse" (autre expression freudienne) qu'est le sexe de la femme et se diriger vers les autres pôle de l'interdiction - mais qui est aussi celui de la re connaissance) et "reconnaître" que le sexe de la femme est le Heim. Mais un tel parcours est le résultat de l'analyse ou du moins le résultat d'une pri se de conscience. Elle ne saurait être concomittante de l'énonciation du "Unheimlich:" en situation "pragmatique", concrète. Au niveau de cette énonciation, il existe un étrange/non-étrange fonctionnant comme structure polaire métastable. Dans le Unheimlich: nous sommes pris dans une Gestalt métastable dans laquelle nous "savons et ne savons pas", "connaissons sans connaître" de quoi il s'agit vraiment. En situation d'énonciation il ne sau rait y avoir parcours linéaire des possibilités sémantiques du Unheimlich: mais oscillation permanente, catastrophique, entre les contraires. Métastabilité et mythe De la même façon, on pourrait considérer que la pensée mythique est, elle aussi, une pensée "catastrophique". De fait, certains post-Lévistraussiens ont mis l'accent sur le fait que la pensée mythique est réversible et pour énoncer que, si un actant A assume une fonction négative tandis qu'un autre en assume une positive, A et sont à tout moment susceptibles de changer de signe pour devenir, le positif négatif et le négatif positif. C'est en particulier le cas de Maranda et Kongäs (1981) qui s'appuient sur la for mule de Lévi-Strauss: "Il semble ... que tout mythe ... est réductible à une relation canonique du type: F χ (a) : F y (b) = F χ (b) : F a-1 (y) dans laquelle deux termes a et b étant donnés simultanément ainsi que deux fonctions, χ et y, de ces ter mes, on pose qu'une relation d'équivalence existe entre deux situations, définies respectivement par une inversion des termes et des relations ..." (Lévi-Strauss 1958:222-253).
pour énoncer le principe de la permutation du positif et du négatif dans le mythe: "... Si un personnage donné (a) se caractérise par une fonction négative χ (et devient ainsi un "méchant") tandis qu'un autre personnage (b) se ca-
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CLAUDE GANDELMAN ractérise par une fonction positif fy (et devient ainsi un "héros"), (b) est susceptible d'assumer, à son tour, la fonction négative ..." (Maranda et Kongäs 1981:175).
S'il en est bien ainsi, la structure méchant/héros est bien du type "mé tastable" décrit plus haut. De fait, on a l'impression que certains mythes sont pleinement du type métastable, tel ce mythe bororo repris de LéviStrauss par Greimas (1970:155) dans lequel des structures isotopiques "terre-ciel-eau" et "tortue-pleiades-piranas" peuvent être représentées par les schémas présenté en Figure 6.
Figure 6.
A propos du "cube de Necker" comme matrice de mythe, notons que Lévi-Strauss lui-même, dans son Anthropologie structurale, compare le mythe au cristal, Gestalt métastable par excellence:"Si l'on nous permet une image un peu osée, le mythe est une créature verbale qui occupe, dans le domaine de la parole une position comparable à celle qui est due au cris tal dans le monde de la matière physique. Relativement à la langue, d'une part, et à la parole, d'autre part, sa position est analogue à celle du cristal: il est un objet intermédiaire entre un conglomérat de molécules défini sta tistiquement et la structure moléculaire elle-même" (1958:254). En outre, une anthropologue américaine écrit:"... anthropological structures behave like the outline of a cube, in which what is seen as a foreground plane one minute is seen as a background plane the next, or like light, which scientists say behaves like a particle in one experiment and like a wave in the next" (Brenda E.F. Beck 1978:83-99).
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Métastabilité et pragmatique de la création artistique Selon Iouri Lotman, l'artiste est essentiellement un joueur et, dit-il, "le joueur doit simultanément se rappeler qu'il participe à une situation conventionnelle non véritable (...) et ne pas se le rappeler" (1973:106). Notre collègue pragmaticien de Lyon, Pierre Bange, commente "il doit donc simultanément croire et ne pas croire". (...) De même que la construction de la fonction repose sur une dissociation du locuteur et de l'énonciateur (...) de même sa réception repose sur une dissociation entre un rôle d'énonciataire (soumis aux présupposés du discours fictionnel) et un rôle d'allocutaire (qui reste fidèle à son monde d'éxpérience)." (1983:162)
Selon le modèle explicité précédemment, je dirais moi que le créateur est dans une situation catastrophique du "croire/non-croire". Il en est de même du récepteur de la fiction qui est, métastablement: allocutaire/énonciataire. Conclusion Peu de temps avant de définir le concept d'ambivalence et d'analyser le Unheimlich. Freud s'était penché sur la question des mots antithétiques soulevée par le philologue K.A. Abel, le fameux Gegensinn der Urworte (1884). Je ne pense pas, comme Baudrillard (1976:326) que Benveniste ait définitivement réglé son compte à cette "aberration" lorsqu'il a écrit: "A supposer qu'il existe une langue où "grand" et "petit" se disent identi quement, ce sera une langue oú la distinction de "grand" et de "petit" n'a littéralement pas de sens. Car il est contradictoire d'imputer en même temps à une langue la connaissance des deux notions en tant que contrai res et l'expression de ces notions en tant qu'identiques" (Problèmes de Linguistique Générale, T.I, 82)
Et Baudrillard ajoute "l'ambivalence n'est jamais de l'ordre de la significa tion linguistique". Peut-être, mais à Benveniste, on peut opposer Jakobson lorsqu'il écrit: "A côté de la conscience immédiate de l'identité entre le signe et l'objet (A est Α1), la conscience immédiate de l'absence de cette identité (A n'est pas Α1) est nécessaire" (1977:46). Suivant Jakobson, je di rais que le "Sens" se produit sur fond d'ambivalence. Nous avons vu une série d'énoncés linguistiques ou de vocables qui étaient des "catastrophes permanentes", des "cycles d'hystérésis" dans lesquels la saisie d'un sens fi-
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nal et univoque est impossible. A cette série j'aurais voulu ajouter toute une série de mots, particulièrement de mots hébreux concernant le sacré et qui sont eux-aussi de type métastable. Je me contenterais ici de mentionner Dieu, auquel la religion mosaïque interdit expressément de donner un nom, de nommer, mais auquel la langue courante réfère comme "Le Nom" (Ha-Shem): ainsi Dieu est "Le Nom/Sans-Nom". Je voudrais conclure sur cette problématique du "Sens" : plutôt que parcours linéaire, à la Greimas, entre les pôles des contradictoires et des contraires, la production d'un "Sens" univoque n'est-elle pas l'interruption d'un cycle d'hystérésis (situé, évidemment, à un niveau profond et dont nous n'avons pas conscience), autrement dit l'aboutissement d'une "catas trophe". En d'autres termes, derrière chacune de nos productions de sémè mes, outre la sélection des sèmes — et de manière concomittante à cette sélection — n'y a-t-il pas une matrice "catastrophique" de l'organisation du sens, un "cycle d'hystérésis" unissant en même temps et de manière métasta ble les quatre pôles des contradictoires et des contraires, cycle qui n'est définitivement brisé que par l'énonciation du mot ou de la parole, c'est à dire par l'intention de communication? Ou bien, pour dire ceci autrement: la parole univoque ne se produit-elle pas sur fond de catastrophe alors que chaque unité de "Sens" est chaque fois arrachée à un "cycle d'hystérésis"? C'est sur cette hypothèse que je voudrais terminer. Bibliographie Bange, P. 1983. "Pragmatique et Littérature." In Logique, Argumentation, Conversation. Actes du Colloque de Pragmatique, Fribourg, 1981. Ber ne et Francfort a. M: Peter Lang Verlag. Beck, B.E.F. 1978. "The Metaphor as a Mediator Between Semantic and Analogic Modes of Thought." Current Anthropology 19 (1), 83-99. Freud, S. 1912 (1957). "Zur Dynamik der Uebertragung." in Gesamte Werke, vol VIH. Hamburg: Fischer Verlag. -—. 1917 (1957). "Das Unheimliche", Gesamte Werke, vol. XII. . 1909 (1957). "Analyse der Phobie eines fünfjährigen Knaben." Ge samte Werke vol VII, (Der kleine Hans). Gandelman, C. 1979. "The multistability of Signes/Multistability as a Sign." Semiotica 28 (1/2), 83- 103. . 1982. "Philosophy as a sign-producing activity: The metastable Gestalt of Intentionality." Semiotica 39 (1/2), 45-54.
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. 1983. "Pour une vision tri-dimensionnelle du carré sémiotique: le champ sémantique métastable du sacré." Semiotique et Bible 30, 15-33. Greimas, A.-J. 1970. Du Sens. Paris: Larousse. . 1966. Sémantique Structurale. Paris: Larousse. Jakobson, R. 1977. Huit Questions de Poètique. Paris: Seuil. Lévi-Strauss, C. 1958. Anthropologie Structurale. Paris: Plon. Lotman, I. 1973. La structure du texte artistique. Paris: Gallimard. Petitot-Cocorda, J. 1977. "Identité et Catastrophes : Topologie de la Dif férence." Dans L'identité: Séminaire Dirigé par Claude Lévi-Strauss. Pa ris: Grasset. Saunders, P.T. 1980. An Introduction to Catastrophe Theory. Cambridge: Cambridge University Press. Zeeman, E.Ch. 1977. Catastrophe Theory. Mass: Addison Wesley.
Interprétation vs. production: une perspective peircienne Robert Marty
Les éléments essentiels du signe peircien sont le Representamen, l'Ob jet et l'Interprétant. Cela suffit à montrer combien la conception peircienne du signe est tournée vers l'interprétation. Le problème de la prise en charge théorique de la production des signes dans la perspective peircienne est donc à tout moment posé comme en écho à celui de l'interprétation. Une certaine mise au point théorique est, donc, absolument nécessaire si l'on souhaite aborder la communication dans la même perspective. La première question à laquelle il est indispensable de répondre est la suivante: si la plupart des auteurs se sont intéressés presqu'exclusivement au problème de l'interprétation des signes n'est ce pas parce qu'ils considè rent que leur production serait du même coup décrite par simple réversibili té? Interprétation et production étant considérés comme des processus to talement réversibles, il suffit évidemment de décrire l'un pour décrire l'au tre. C'est l'opinion, par exemple, de Umberto Eco (p.21) pour lequel "les processus du signe sont tels pour autant qu'ils sont réversibles, comme tous les processus intellectuels (Piaget 1968); on peut passer du signe à son réfé rent quand on est capable d'effecteur pareillement le chemin inverse; c'est à dire, quand on sait non seulement que là où il y a de la fumée quelque chose brûle, mais encore que quand quelque chose brûle il se produit de la fumée". Notre thèse sera sensiblement différente et plutôt que de "réversi bilité" nous parlerons de "dualité" en un sens algébrique induit par les for malismes algébriques que nous utiliserons pour formaliser l'interprétation des signes. Mais auparavant, et puisque notre propos se situe dans la perspective peircienne, essayons de voir ce que Peirce lui même dit de la production des signes ou plutôt, pour utiliser son vocabulaire, de leur émission. Bien qu'il
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en parle très rarement et bien qu'il soit très difficile de se livrer à une re cherche exhaustive sur l'ensemble de ses écrits, les quelques citations cidessous doivent suffire à donner une idée de ses conceptions en la matière. La première est tirée de "Apology for pragmaticism" qui parut dans The Monist en 1906 et qui est reproduite en 4.551: "Moreover, signs require at least two quasi-minds; a quasi-utterer and a quasi-interpreter; and although these two are at one (i.e., are one mind) in the sign itself, they must nevertheless be distinct. In the sign, they are, so to say, welded."
Dans le même article on trouve en note de 4.552, au sujet du Phème qui est un type de signe intervenant dans les graphes existentiels, que ces si gnes sont produits par la collaboration de deux parties au sujet desquelles il précise: "They may be two bodies of persons, two persons, or two mental attitudes or states of one person." Dans le même paragraphe il précise: "the two collaborating parties shall be called the Graphist and the Inter preter. The Graphist shall responsibly scribe each original Graph and each addition to it, (...). The Interpreter is to make such erasures and insertions of the Graph delivered to him by the Graphist as may accord with the "Ge neral Permissions" deducible from the Conventions and with his own pur pose".
Dans un brouillon de lettre à Lady Welby datée du 9 mars 1906, Peirce définit trois nouveaux interprétants: "There is the Intentional Interpretant, which is a determination of the mind of the utterer; the Effectual Interpretant, which is a determination of the mind of the interpreter; and the Communicational Interpretant, or say the Cominterpretant, which is a determination of that mind into which the minds of utterer and interpreter have to be fused in order that any commu nication should take place" (Hardwick 1977: 195).
Enfin dans un manuscrit non daté (MS 793) à l'occasion d'une défini tion du signe comme "medium pour la communication d'une forme" il pré cise: "But it is necessary that there should be two, if not three, quasi-minds, meaning things capable of varied determinations as to forms of the kind communicated." Cet ensemble de textes nous éclaire parfaitement sur les conceptions de Peirce en matière de communication: tout signe est communication; en lui émetteur et interprète fusionnent. La note de 4.552 est particulièrement significative à cet égard car elle montre bien que cette conception englobe aussi bien la communication interindividuelle au sens de Jakobson que la
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pensée dialogique. Autrement dit, et l'analyse de la notion de quasi-esprit nous le montrera de manière plus précise, l'interprète peut non seulement interpréter des signes extérieurs et communiquer avec le monde extérieur, mais encore il peut interpréter les signes que lui même produit ou que les si gnes extérieurs produisent en lui, ce qui rend la semiosis possible. Quant au Cominterpretant on peut se demander s'il nomme autre chose que la fusion du Quasi-emetteur et du Quasi-Interprète. En tout état de cause ce n'est qu'après avoir précisé la notion de quasi-esprit que nous pourrons répondre à cette question. Un quasi-esprit pour Peirce est quelque chose capable de détermina tions variées du type de celles qui sont communiquées dans un signe. La meilleure façon de concevoir ce quasi-esprit pourrait être de le considérer comme une sorte d'automate. En cela nous rejoignons Umberto Eco (1980:167) qui propose une ébauche de théorie unifiée du signe faisant appel à "un automate capable de comportements sémiotiques." Les déter minations dont parle Peirce seraient alors les états de cet automate qui seraient de deux types correspondant l'un à l'émission, l'autre à l'interpré tation. Cependant, et pour être en accord avec la note de 4.552, ces états s'exclueraient l'un l'autre. C'est ainsi qu'un signe émis par une personne peut être interprété par cette même personne et conduire à un objet différent de celui qu'il était censé représenter, ce que nous faisons par exemple quand nous interprétons nos propres énoncés. Dans cette hypothèse le Cominterprétant serait alors l'ensemble des règles de fonctionnement commu nes à tous les automates, étant entendu que ces règles sont suffisamment floues pour expliquer les dysfonctionnements de la communication que nous observons quotidiennement. En effet si nous concevions un automate qui établirait des règles de correspondance biunivoques entre les signes et leurs objets nous ne pourrions rendre compte que de communications réus sies et la sémiotique se réduirait alors à un décryptage de langages formels explicites. Il y a, à l'évidence, des possibilités multiples d'association d'un signe à des objets et d'un objet à des signes dont tout modèle doit tenir compte. Nous avons avancé une conception analogue mais formulée en d'autres termes dans notre communication au 3éme Congrès de l'Association Inter nationale de Sémiotique [Marty 1989]. Nous y définissons un champ sémioculturel comme graphe d'une relation, c'est à dire une sous-classe du produit cartésien R x R, où R est la classe des objets réels (c'est-à-dire, pour rester dans le vocabulaire que Peirce emploie dans les citations que
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nous avons reproduites ici, l'ensemble de "formes" capables d'être commu niquées). Dans ce cadre formel une interprétation est l'actualisation chez un interprète de la relation de deux objets qui constitue un élément de cette sous-classe, tout comme une émission d'un signe. La différence entre inter prétation et émission réside seulement dans le fait que l'interprétation est un signe dans le monde intérieur tandis que l'émission est un signe dans le monde extérieur. Mais tous les deux sont capables d'être interprétés. Le su jet sémiotique serait donc cet automate dont les déterminations sont des ac tualisations ponctuelles du champ semio-culturel. Ce dernier peut facile ment être identifié avec le Cominterprétant, en tant que pré-requis pour que la communication soit possible. Pour aller plus avant dans la formalisation de la communication nous reférerons au modèle d'interprétation que nous avons donné dans l'article "Semiotica peirciana: presentación formalizada" [Marty, 1984]. En voici l'essentiel qui paraît absolument conforme à la définition la plus formelle que Peirce ait donnée du signe: "A sign is anything, A which (1) in addition to other characters, of its own, (2) stands in a dyadic relation, α to a purely active correlatives B, (3) and is also in a triadic relation to for a purely passive correlate, C, this triadic relation being such as to determine to be a dyadic relation, β, to B, the relation β corresponding in a recognized way to the relation a." (Hardwick 1977:192)
Notre formalisation consiste à associer à tout representamen R (nous utilisons ce mot pour désigner, comme Peirce l'a fait un temps, le "signe théorique", réservant le mot signe au signe "in actu") le diagramme sui vant:
dans lequel les flèches sont des morphismes d'inclusion ou d'incorporation de R dans la dyade ( R , 0 ) d'une part et de la dyade ( R , 0 ) dans la triade ((R,0),I) qui est construite, comme l'indique la notation, à l'aide de la dya de ( R , 0 ) comme membre d'une dyade ((R,0),I). La correspondance des notations avec celles de la définition de Peirce est évidente: A correspoond à R, à et à I. Nous laissons de côté les questions relatives aux carac tères des corrélats (purement actif pour B, purement passif pour C) qui a trait à la constitution des relations dyadiques dans le signe in actu. Ce que retient essentiellement cette formalisation c'est l'incorporation d'une dyade déjà-là ou même possible dont les éléments sont R et dans une relation
INTERPRETATION VS. PRODUCTION
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triadique. En effet toute relation triadique établit des relations dyadiques (exactement trois) entre les couples d'éléments qu'elle met en jeu. Dire que la dyade (R,0) est incorporée, en tant que telle, dans la triade ((R,0),I) c'est dire qu'il y a coïncidence entre la dyade (R,0) prédéterminée et la dyade induite entre R et par la relation triadique qui s'établit de facto lorsque I est déterminé. La cause en est que I est déterminé à être ce qu'il est, dans un signe in actu, par l'action de R en tant que R est lui même déjà déterminé par O, c'est à dire incorporé dans une relation dyadique (R,0). Ceci justifie notre notation ((R,0),I) qui souligne que I est en fait en rela tion avec la dyade (R,0) et pas seulement avec R. On peut dire, en langage imagé, que I est en relation avec cette dyade par l'un de ses "côtés", ici R. I est bien entendu, "Effectual Interpretant" que Peirce définit dans sa lettre à Lady Welby. Examinons maintenant la question de la production du signe en com mençant par en dégager les caractéres essentiels. Produire un signe in actu, c'est effectuer un acte de représentation d'un objet par un objet R. On peut immédiatement s'interroger sur la nature de cet acte et examiner si on peut le confondre avec un acte de communication, ce qui pose le problème de l'intentionalité de l'émetteur. Ce serait réduire considérablement le champ de la sémiotique que de faire cette assimilation et cela nous éloigne rait très certainement de Peirce pour lequel toute pensée est signe, l'hom me étant lui même un signe. Un acte de représentation peut en effet être le résultat d'une intention de communiquer un objet; il peut aussi échapper à la volonté de son auteur et représenter à son corps défendant peut être, des objets imprévus d'une façon non standard; mais aussi et surtout il peut être un moment de l'activité cognitive propre du sujet, une cognition pour soi, une phase banale du mouvement de la pensée qui représente le monde réel pour le saisir. On peut bien sûr considérer cette dernière possibilité comme une communication du sujet avec lui-même mais ce serait un artifice sans grande valeur heuristique. C'est plutôt l'inverse qu'il faudrait faire à savoir subordonner la représentation à la communication dans la mesure où toute représentation pour un autre est d'abord représentation pour soi. Il est clair, et Peirce le souligne fréquemment, que nous disposons d'une grande liberté pour représenter toute chose dans notre monde inté rieur. N'importe quoi peut représenter n'importe quoi. Cette liberté n'est sans doute pas totale car nous sommes probablement assujettis d'une cer taine manière à des modèles de representation qui maintiennent notre acti-
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vité représentative personnelle à l'intérieur du champ sémio-culturel. Ce dernier est présent avec des degrés d'intériorisation variables suivant les in dividus et d'une certaine manière nous impose nos représentations. Il les impose bien davantage lorsque nous voulons représenter pour communi quer car son respect, avec une plus ou moins grande latitude que nous exa minerons plus loin, est une condition nécessaire de la communication. L'ex pression poétique, par exemple, peut se caractériser comme une représen tation qui s'effecture préférentiellement aux marges du champ semio-culturel qu'elle contribue à explorer et à étendre. Cependant, du côté de l'interprétation nous avons avec Peirce rejeté toute réduction psychologique (attitude résumée dans la distinction interprète-interprétant) nous rejetterons systématiquement, du côté de la pro duction, toute réduction sociologique. Notre formalisation de la production d'un signe consistera alors à asso cier à tout representamen R le diagramme suivant:
dans lequel les flèches sont des morphismes de projection: de la triade (I,(0,R)) sur la dyade ( 0 , R ) et de la dyade ( ) sur le représentamen R. Il faut entendre "projection" dans le sens suivant: la triade (I,(0,R), dès qu'elle est formée (dans l'esprit du producteur du signe) institue une relation dyadique entre et R; c'est sur cette relation qu'elle est projetée par le morphisme b', en "oubliant" I. I est l'"Intentional Interprétant" de Peirce. On peut songer à lui donner un autre nom en créant un néologisme comme "productant" ou "émettant" et le désigner par une autre lettre que la lettre I. Ce faisant on se séparerait ces deux quasi-esprits qui sont un (cf. 4.551) et qui sont pour ainsi dire "soudés" comme l'écrit Peirce. Il y a cependant une différence formelle qui apparaît: I est en relation, comme dans le cas de l'interprétation, avec la dyade ( 0 , R ) , mais par l'autre côté, ici O. Quant à la dyade ( 0 , R ) elle est précisément cet élément du champ semio-culturel dont l'existence permet la communication car il est partagé par tous les sujets. Il n'est même pas besoin de rappeler l'étymologie du mot communication pour soutenir cette assertion. Toute production de signe se projette sur une dyade ( ) déjà là dans le champ semio-culturel, ou bien est institution d'un nouveau couple de ce champ. Ce dernier cas sera examiné plus loin. Nous avons signalé que I était dans chaque cas une détermination de l'esprit. Dans les deux cas cette détermination est une actualisation de la dyade ( R , 0 ) mais l'objet et le representamen R s'ils sont des éléments de
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la dyade sont aussi, d'une certaine manière les deux côtés de la dyade, com me Peirce le précise en 1.326: "The dyad has also two sides according to which subject is considered as first. These two sides of the dyad form a second pair of subjects attached to the dyad; and they have their mode of union. Each of them also has a special character as a subject of the dyad."
Ainsi nous avons noté ( 0 , R ) la dyade constituée par la paire d'élé ments et R lorsque est considéré comme premier sujet, et ( R , 0 ) lors que c'est R. Il ne s'agit pas là d'une simple distinction de deux couples or donnés d'éléments; et R sont considérés, dans le signe, comme des sujets de la dyade, cette seconde paire de sujets dont parle Peirce ci-dessus. Ce sont ces sujets qui déterminent le premier l'"Intentional Interprétant" (qui est donc déterminé par en tant que "côté" de la dyade (0,R)) le second l'"Effectual Interpretant" (qui est donc déterminé par R, l'autre côté de la dyade). On voit donc qu'il y a dans l'établissement d'une relation triadique de production et d'une relation triadique d'interprétation une différence fondamentale qui résulte en fait de l'altérité de R et de . Cette constatation exclut de parler de réversibilité de la production et de l'interprétation, du moins dans cette conception de la semiotique. Si l'on observe les diagrammes que nous avons attachés à l'interpréta tion d'une part et à la production d'autre part, on voit qu'ils sont en parfaite dualité. Plus précisément, il s'agit d'une dualité algébrique, celle de la théo rie des catégories qui consiste à passer d'une catégorie à la catégorie oppo sée. Si l'on apelle A° l'opposé d'un élément A, nous avons ici: R° = R, (R,0)° = ( 0 , R ) , ((R,0),I)° = (I,(0,R)) et pour les morphismes a° = a', b° = b'. Dans des termes moins techniques disons qu'il y a entre production et interprétation une symétrie en miroir, obtenue en plaçant un miroir en R dans le diagramme "intégré" ci-dessous: Ce diagramme se trouve en fait être celui de la communication "réussie". On voit que cette réussite exige deux déterminations identiques de l'es prit par chacun des côtés de la dyade ( 0 , R ) , ce qui n'est réalisé que lorqu'il y a parfaite identité des caractères déterminant l'esprit, qu'ils appartiennent à ou à R. Un modèle réduit n'a pas le même effet sur l'esprit que l'origi nal bien qu'il ne diffère que par la taille, et un petit monstre fait moins peur qu'un grand, tandis qu'un révolver-jouet imitant un modèle connu a rigou reusement le même effet sur la victime d'un hold-up, car la non-conformité
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de son mécanisme interne à l'original n'est pas opératoire dans la détermi nation d'un esprit, du moins dans ces circonstances. La pratique de la com munication interindividuelle, par exemple, nécessite donc de la part de l'émetteur, en vue de sa réussite, une anticipation de l'effet du representa men qu'il produit sur celui qui l'interprète. On conçoit que la connivence culturelle réalisée par les intériorisations par l'un et par l'autre du champ semio-culturel ou Cominterprétant soit la condition sine qua non de cette réussite. Cependant l'expérience quotidienne prouve que la communication est rarement parfaitement réussie et cela tient à la nature même et à la ge nèse du champ semio-culturel. Le champ semio-culturel doit être regardé comme une institution ce mot étant pris non dans son sens juridique (bien que certains signes soient institués par des codes institutionnalisés comme le code de la route) mais dans un sens proche de celui que lui donne Condillac lorsqu'il définit les si gnes d'institution par opposition aux signes accidentels et aux signes natu rels. Mais rendre compte de l'articulation des signes in actu avec le champ semio-culturel exige de dialectiser le concept d'institution. Il ne s'agit pas d'une incursion dans le champ de la sociologie mais simplement de recourir à la logique dialectique. A ce propos, et sans que nous prétendions aucune ment que ce recours à la logique dialectique constitue la solution aux ques tions que se posait Peirce, il convient de remarquer que ce dernier ressen tait probablement un manque dans ses conceptions lorsqu'il écrivait: "So far as I developed this science of phaneroscopy, it is occupied with the formal elements of the phaneron. I know that there is another series of ele ments imperfectly represented by Hegel's Categories. But I have been unable to give any satisfactory account of them" (1.284).
Il n'y a donc aucune contre-indication de nature hétérodoxe à analyser dialectiquement le concept de champ semio-culturel comme institution. Nous sommes alors conduit à distinguer: - Le moment de l'universalité, moment de l'unité positive au niveau duquel toutes les associations effectivement réalisées dans les couples d'ob jets constitutifs du champ semio-culturel seront considérées abstraitement comme des normes universelles. On peut l'identifier au Cominterprétant. - Le moment de la particularité qu'exprime la négation formelle du moment précédent et qui se produit dans chaque acte de représentation par chaque individu particulier. Ce moment là parait correspondre très exacte ment à ce que Peirce appelle "détermination" d'un quasi-esprit. Chaque détermination éprouve l'universalité de la dyade ( 0 , R ) déjà là dans la culture.
INTERPRÉTATION VS. PRODUCTION
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- Et enfin le moment de la singularité, moment de l'unité négative, ré sultante de l'action de la négativité sur l'unité positive de la norme univer selle. C'est en somme le signe in actu tel qu'il est réellement compris ou destiné à être compris suivant que le signe est interprété ou émis. C'est la nouvelle unité positive qui peut comporter une dyade comme norme appa remment universelle, la transformer ou encore créer une nouvelle dyade. Ce résumé de la dialectique hégélienne appliquée au champ semioculturel, bien que schématique a le mérite de permettre d'introduire une perspective qui rend compte de l'évolution bien connue des significations dans l'histoire. Constamment soumis à l'action du négatif dans un monde en perpétuelle évolution matérielle, le champ semio-culturel se transforme de façon à constituer en permanence le noyau sémiotique nécessaire à toute pensée et à toute communication de pensée sur et dans ce monde. Il régit le flux des signes et est produit par lui. Dans ce continuum, interprétation et production se répondent en miroir et se confondent finalement en fusion nant dans l'universalité de la norme puis se distinguent en éprouvant leurs différences dans chaque acte de communication. Mais cette différence n'est autre que la négation de leur fusion antérieure et le mouvement se poursuit dans la semiosis universelle. Dans l'interprétation c'est un côté de l'univer salité d'une dyade universelle qui est éprouvé, dans la production c'est l'au tre côté, dans le champ semio-culturel s'inscrit le résultat de ces épreuves. A un instant donné et pour une culture donnée le champ semio-cultu rel sera donc perçu comme une nébuleuse. Autour d'un noyau central consistant correspondant à la partie institutionnalisée, réifiée, de l'institution ou encore aux systèmes de signes explicités, on distingue une première cou che représentant l'institué du champ c'est à dire tous les systèmes de signes implicites qui sont intériorisés sans être nécessairement conscients pour l'ensemble des sujets et enfin une deuxième couche correspondant à l'insti tuant du champ c'est à dire à toutes les associations plus ou moins fortuites, diffuses et incertaines qui apparaissent sous l'effet des nécessités imposées par les transformantions du monde. Le champ semio-culturel est de plus soumis à un mouvement continu de la périphérie vers le centre. Des asso ciations d'objets nouvelles naissent ici et là à la faveur de circonstances semblables se reproduisent et de ce fait elles deviennent insensiblement normes sociales implicites avant d'être éventuellement explicitées dans une codification qui les universalise. Mais leur universalité est aussitôt niée par la particularité, c'est à dire lorsqu'ils sont utilisés, et dans leur négatif s'ins crivent de nouvelles associations singulières d'objets qui apparaissent à la périphérie et le processus recommence, ad infinitum.
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Empreinte praginatiste, attitude pragmatique et sémiotique intégrée* Herman Parret
On constate en philosophie du langage et dans les sciences sociales une énorme confusion dans l'emploi des dénominations de soi-disant "discipli nes" comme la pragmatique, le pragmatisme et la sémiotique. Le but de cet article est de clarifier autant que possible le statut de ces disciplines, et d'esquisser leur comparaison voire leur homologation. En ce qui concerne la sémiotique, on est frappé par d'indétermination de son domaine et sa substituabilité par d'autres disciplines plus 'acceptées' comme la sémantique, la théorie de la communication, la linguistique ou la logique. On à vite l'impression que la sémiotique est un répertoire d'intérêt, une 'perspective', plutôt qu'une véritable discipline. On est en plus forcé d'accepter qu'il existe deux traditions en sémiotique qui se sont développées sans aucune interpé nétration: la sémiotique issue des travaux de Peirce (on pourrait l'appeler, la sémiotique 'analytique') et la sémiotique d'obédience saussurienne et hjelmslevienne (la sémiotique 'structurale'). Le problème de l'homologation de ces "deux sémiotiques" ne nous intéressera pas dans cette étude, et nous parlerons plutôt d'une sémiotique normative qui n'existe pas en tant que discipline institutionalisée: la sémiotique intégrée. La sémiotique intégrée est cette sémiotique, toujours non-existante, qui serait profondément marquée par le pragmatisme et qui aurait intégrée les composantes essen tielles de l'attitude pragmatique. C'est ainsi que nous évoquerons d'abord l'empreinte pragmatiste, puis l'attitude pragmatique, pour conclure par la présentation des amendements nécessaires pour que la sémiotique devienne une véritable sémiotique intégrée. 1.
L'empreinte pragmatiste
A première vue, l'empreinte pragmatiste ne marque que la sémiotique peircienne, et elle semble totalement absente de la sémiotique saussure-
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hjelmslevienne. On verra que ceci n'est pas tout à fait le cas. Mais revenons d'abord au problème de la terminologie. "Pragmatisme" et "pragmatique" comportent la même racine mais les deux termes ont une application bien spécifique. La pragmatique nous semble une véritable discipline qui a de particulier qu'elle considère toute signification, toute 'vie signitive', comme étant essentiellement en rapport avec l'usage dans un contexte quelconque, avec le raisonnement ou une certaine rationalité qui marque le discours, et avec la compréhension ou l'interprétation des séquences discursives. Ces trois caractéristiques que nous allons commenter dans la seconde section de cet article, donnent à la pragmatique le statut d'une discipline bien identi fiable dont les contours peuvent être reconnus par tous. Le pragmatisme, par contre, est différent puisqu'il a une portée plus généralisée et même plus universelle. Peirce était inspiré par l'usage que Kant fait de ce terme dans la Critique de la Raison Pure, là où 'pragmatisch' signifie "en relation avec un but humain bien défini" (voir Kasher 1981: 58-59). Le pragmatisme a une motivation anthropologique globale — c'est en fait une metathéorie du raisonnement humain, celle qui suggère en quoi parler, et donc raison ner, est motivé par des besoins et des buts fondamentalement anthropologi ques. Cette coloration anthropologique est certainement présente dans la sémiotique de Peirce; elle est moins visible mais quand-même inchoativement à l'oeuvre dans l'autre sémiotique, celle de Hjelmslev, comme nous voulons le faire voir. Un but humain bien défini Nous n'avons pas l'intention de présenter le pragmatisme de Peirce comme un thème en soi. Le pragmatisme ne nous intéresse ici qu'en tant qu'empreinte de la sémiotique intégrée. D'excellentes analyses du pragma tisme de Peirce ont été données, et l'évolution du pragmatisme, surtout après 1871, date de l'introduction de la "maxime pragmatiste", a été suffi samment étudiée (voir Apel 1981, Gallie 1952, Goudge 1950; pour l'impor tance du pragmatisme peircien pour la discussion philosophique contempe rame, voir Rorty 1982). Nous citons ici un fragment de Peirce que nous considérons comme essentiel pour la compréhension du pragmatisme. "(Le pragmatisme est) la théorie selon laquelle une conception, c'est-à-dire la matière rationnelle d'un mot ou d'une expression, consiste exclusivement dans son impact concevable sur la conduite de la vie; ainsi, puisqu'apparemment rien qui ne résulte pas d'un expériment ne peut avoir un impact
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direct sur cette conduite, si on pourrait définir adéquatement tous les phé nomènes expérimentaux concevables que l'affirmation ou la dénégation d'un concept pourrait impliqués, on aurait par là et ainsi une définition complète du concept, et il n'y a absolument rien de plus à cette définition. Pour cette doctrine, il (le philosophe, i.e. Peirce lui-même) inventait le ter me de pragmatisme. Certains de ses amis avaient voulu qu'il l'appelerait practicisme ou practicalisme. Mais pour celui qui a appris la philosophie chez Kant, comme l'auteur, pratique et pragmatique sont éloignés l'un de l'autre comme des pôles, le premier terme appartenant à une région de la pensée où aucun esprit de type expérimental ne peut s'assurer d'un fonde ment solide sous ses pieds, tandis que le second terme exprime la relation avec un but humain bien défini. L'élément le plus frappant de la nouvelle théorie était sa reconnaissance du rapport inséparable entre la pensée ra tionnelle et le but rationnel·, et c'était cette considération qui a déterminé le choix du terme de pragmatisme" (Peirce 1932:5.412; nous soulignons).
Il est vrai que Peirce n'a pas toujours si clairement distingué entre 'pra tique' et 'pragmatiste' bien que cette distinction soit une clé de sa philoso phie. La définition la plus connue de la maxime pragmatiste dit en effet: "pour déterminer le sens d'une conception intellectuelle, il faut considérer les conséquences pratiques que l'on peut concevoir comme résultant de la vérité de cette conception" (Peirce 1932:5.9). Mais 'pragmatiste' est dit dif férer de 'pratique' dans la plupart des textes centraux de Peirce en ce que 'pragmatiste' présuppose un fondement solide (voir 5.412), et ce fondement solide est la rationalité qui met en relation la pensée avec un but humain défini. Le practicalisme ne donne aucune justification ni aucune fondation, tandis que le pragmatisme le fait intrinsèquement. "Le sens rationnel de toute proposition se trouve dans le futur" (5.427): ceci signifie que le conte nu de toute séquence sémiotique exprimé au mode indicatif ayant une moti vation vérifonctionnelle, est une forme confuse de la pensée, à traduire dans une séquence conditionnelle qui trouve sa satisfaction dans un impéra tif pour l'action et l'interprétation. Le practicalisme n'implique aucune systématicité rationnelle selon laquelle des signes provoquent des conséquen ces, et c'est précisément ainsi que le pragmatisme peircien échappe au rela tivisme practicaliste: il y a un fondement anthropologique sous-jacent à tou te action interprétative. Qu'est-ce que Peirce comprend par 'conséquences d'un concept' ou, plus en général, de la signifiance? Il ne discute pas cette question en détail. Il suggère dans certains textes que ces conséquences sont a classe des opérations auxquelles ce concept peut mener, et dans d'autres textes il mentionne les effets sensibles qui suivent de la réalisation de ces opérations (voir Goudge 1950:153). Mais il est évident que la signifiance
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n'appartient pas aux choses elles-mêmes ou aux référents simpliciter — la signifiance n'est que dans l'action interprétative. Et il devient évident ici qu'il est impossible de formuler la maxime pragmatiste sans spécification de la notion d'interprétant (logique/final). Tout concept général, toute signifiance (sous sa forme symbolique, et donc pas en tant qu'indice ou icone) a une habitude formée de manière délibérée comme son interprétant ultime. Les 'concepts intellectuels' — des entités si gnificatives spécifiques — font partie de la classe d'actions désignées à pro duire certains effets spécifiques. Et ces actions sont précisément les "habi tudes expérimentales" qui nous permettent de prédire les événements de l'avenir. S'il y a une éventuelle coloration wittgensteinienne de la doctrine de Peirce, elle consiste bien dans le fait que la signifiance dépend d'opéra tions publiques et répétables. Le pragmatisme présuppose le consensus gé néral et la mise entre parenthèses des idées sans portée publique, les idées privées et subjectives. Peirce insiste de plus en plus sur l'aspect fondationnel de sa théorie. Ses écrits d'avant 1900 étaient essentiellement influencés par sa fascination pour la méthode expérimentale découverte dans les labo ratoires de physiciens et de chimistes. Mais sa théorie tardive — pleinement pragmatiste — est transcendentalisante: le procès de signifiance repose sur la rationalité justificatrice. Dans cette période ultérieure, la sémiotique en tant que logique est conçue pour embrasser rien de moins que la vie intellec tuelle globale de l'humanité. Le practicalisme est la doctrine non-justifiée de la chaîne signe-procès/ action-effet, tandis que le pragmatisme est la metathéorie justifiée et hiérar chiquement supérieure donnant origine à des branches pragmatiques empi riquement adéquates. Mais qu'en est-il de la justification du pragmatisme? (Voir sur ce point, Buchler 1939:154-156). On retombe ici sur la dialectique de la signifiance et de la communicabilité comme étant l'approche la plus pertinente de la semiosis globale. Il est vrai que la solution du problème de la justification du pragmatisme concerne la nature de la semiosis: rien n'est significatif ou signifiant qui n'est pas communicable. Nous communiquons à l'aide de signes et il n'y a aucune situation signitive pertinente sans transpo sition nécessairement résultante dans une description interprétative. L'em ploi des signes ne peut être qu'en accordance avec les règles de la commu nauté de production sémiotique. Le concept lui-même de signe incorpore l'idée même d'être gouverné par des règles de transposition. Le pragma tisme dans Peirce est une théorie qui prescrit le succès de la fonction signiti ve. La leçon définitive du pragmatisme peircien consiste dans le fait que
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nous ne pouvons pas signifier/communiquer que si les séquences sémiotiques ont une portée pragmatiste. Ceci ne nous force pas de fonder les concepts de signifiance et de communicabilité sur des principes psychologi ques mais bien plutôt sur des considérations sociales et même biologiques. Le pragmatisme peircien échappe à l'empiricisme et au positivisme puisqu'il apporte une améliorisation du practicalisme: c'est la composante justificatrice qui est ajoutée. Cette composante justificatrice - plus impor tante que la formulation exacte de la maxime pragmatiste - nous met en lu mière que la semiosis selon Peirce est un fait humain et social. Humanitas et universitas Le paragraphe lyrique qui conclut les Prolégomènes de Hjelmslev sert comme écho de la motivation pragmatiste de Peirce. Nous citons Hjelmslev (1961:127; nous soulignons): "La théorie linguistique est mené par une nécessité interne de reconnaître non seulement le système linguistique, dans son schéma et dans son usage, dans sa totalité et dans son individualité, mais également l'homme et la so ciété humaine derrière le langage, et toute la sphère de la connaissance de l'homme à travers le langage. A ce point la théorie linguistique a atteint son but prescrit: humanitas et universitas".
Hjelmslev et ses successeurs, dans la mesure où ils s'accordent avec lui, manifestent une motivation anthropologique indéniable. Mais ce but qui est anthropologiquement motivé et prescrit comme le but de la sémiotique structurale, ne peut mener à un pragmatisme plein puisque, comme Hjel mslev écrit lui-même, l'immanence, et non la transcendence, est la base ou la fondation de la sémiotique structurale. "Dans son point de départ, la théorie linguistique était établie comme im manente, la constance, la systématicité et la fonction interne étant son seul but, avec le coût apparent de la fluctuation et de la nuance, de la vie et de réalité physique et phénoménologique concrète... Au lieu d'atteindre la transcendence, l'immanence a été donnée une nouvelle et une meilleure base; l'immanence et la trancendence sont rassemblées dans une unité su périeure sur la base de l'immanence" (Hjelmslev 1961: 127; nous souli gnons).
Le noyau doctrinal de Hjelmslev, dans sa vue de la semiosis, était l'immanentisme, et toute fondation transcendentaliste transformant le but an thropologique explicitement mentionné en pragmatisme, est ainsi écartée. L'idée d'une sémiotique comme une logique de l'action par interprétation ne
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peut pas se développer à partir de cet immanentisme. Mais il y a une certai ne ouverture en sémiotique post-hjelmslevienne (Ecole de Paris: les écrits de A.J. Greimas depuis 1975), là où l'idée de la transposition de sens est dé veloppée. Le problème au niveau de l'axiomatique hjelmslevienne reste que la motivation anthropologique n'est pas intégrée dans l'appareil conceptuel — cette motivation anthropologique reste plutôt extérieure à l'architecture sémiotique projetée. Mais pour qu'il y ait une véritable em preinte pragmatiste en sémiotique structurale il faut bien que la motivation anthropologique change l'immanentisme axiomatique profondément ancré chez Hjelmslev pour y introduire humanitas et universitas comme le noyau transcendalisant et justificateur lui-même. 2.
L'attitude pragmatique
L'attitude pragmatique se distingue de l'empreinte pragmatiste en ce qu'elle couvre un certain nombre de propriétés bien délimitables et qu'elle donne lieu à des disciplines empiriques institutionalisées. Les trois caracté ristiques de 'l'attitude pragmatique' sont: la signification discursive est liée au contexte, la rationalité dans le discours est spécifique en tant que rationa lité, et l'approche pragmatique priviligiée est celle de la compréhension (et non pas de la production) de la signifiance. Signification et contexte Le contextualisme s'oppose au 'litéralisme', une conception de la signi fication comme indépendante du contexte. Le litéralisme se prononce en faveur d'une sémantique autonome et indépendante. Il est important de no ter que la défense du contextualisme n'implique pas que la théorie pragma tique soit vague et non-systématique. On peut distinguer rigoureusement des types de contextes, avec leur pertinence grammaticale spécifique. Cinq types de contextes au moins devraient être distingués: le co-texte comme contexte, le contexte existentiel des référents et des 'mondes possibles', le contexte situationnel, le contexte actionnel des fragments discursifs euxmêmes en tant qu'actions ou actes linguistiques, le contexte psychologique des intention, croyances et désirs des interlocuteurs. Une grammaire incor porant ces différents types de contextes est wittgensteinienne plutôt que chomskyenne: c'est une 'grammaire profonde' (au sens de Wittgenstein) considérant tous les emplois du langage dans sa diversité et son infinité;
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c'est une grammaire qui ne s'identifie pas avec la grammaire des linguistes en ce que celle-là est nécessairement réductioniste à l'égard de la richesse du discours 'en tant que forme de vie' (une autre notion wittgensteinienne). 'Stratégie' est la notion centrale de toute pragmatique: une 'grammaire pro fonde' pragmatique n'est pas celle du linguiste puisque les stratégies et non les règles sont pertinentes en pragmatique. Cette pragmatique ne peut être identifiée avec la théorie des actes de langage non plus puisque les straté gies ne sont pas seulement ou simplement des conventions qui sont perti nentes en 'grammaire profonde'. En plus, ce serait un malentendu que de penser au contexte comme d'un ensemble de variable existant autonomement en en toute indépendance du procès de communication et des mem bres de la communauté communicative: les contextes sont bien plutôt dyna miques, ils sont formés par l'activité linguistique elle-même, ils sont plutôt à la sortie qu'à l'entrée de la compétence créatrice du locuteur. La cons truction du contexte comme une dynamique présuppose en effet une com pétence créatrice de compréhension à l'aide de stratégies liées à la rationa lité spécifiquement discursive. La rationalité et le discours Les stratégies sont des régularités extériorisées par une compétence communicative: ce sont des chaînes de raisons et elles sont ainsi basées sur des procès de raisonnement. Le discours, pour le pragmaticien, est la totali té des régularités, reconnaissable par leur généralité, et exprimant le rai sonnement pratique et théorique. Ces stratégies de compréhension sont inférentielles (il ne s'agit pas d'inférences logiques mais d'inférences effec tuées dans et par le langage naturel). L'activité inférentielle est en fait une procédure de transposition de la signifiance d'un niveau-objet à un autre ni veau périphrastique du discours. L'inférence logique présupposant un metalangage dans lequel toute signification peut être finalement traduite, est opposée à ce type d'inférence réalisée par le langage naturel: l'inférence ici se réalise par descriptibilité ou par prescriptibilité. La rationalité liée au dis cours développe de préference des chaînes d'inférences prescriptives: "si vous acceptez s, alors vous acceptez S" et même "Si vous acceptez s, alors il faut accepter S". La propriété de l'acceptabilité d'une inférence est dé pendente de l'évidence. L'activité inférentielle est raisonnement: elle pré suppose l'emploi et la reconnaissance de raisons. Mais ces raisons ne sont pas 'naturelles'-descriptives ("la raison pourquoi A génère B") mais 'non-
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naturelles'-prescriptives ("la raison pour que A génère pour x"). Les rai sons de ceux qui raisonnent par et dans le discours et réalisent ainsi des in férences qui nous permettent de comprendre, sont des raisons non-naturelles/prescriptives. Il est impossible d'élaborer ici les techniques de l'inférence prescripti ve. Il est sans doute important de se rendre compte que l'évidence qui com mande chaque inférence possible (si elle est faite par le raisonnement nonnaturel/prescriptif) est basée sur un schéma de trois termes: la structure du discours raisonnant/raisonnable, la structure de l'objet du raisonnement, et la structure interne du raisonneur. On sait que la sémantique classique em ploie un concept bipolaire de la rationalité dont les deux pôles sont la pen sée et la réalité. La pragmatique, par contre, manipule un modèle triangu laire: le raisonnement n'y est plus déterminé par sa relation avec le réel (où la rationalité ne serait que la faculté de la reconstruction et de la com préhension de la vérité) mais par l'intermédiation du concept d'un être rationnel ou d'un raisonneur. Une notion pragmatique de la rationalité met l'accent sur le fait que l'on raisonne, et que l'on comprend, à l'intérieur de la généralité des buts communs du locuteur et de l'interlocuteur, la communicabilité et l'homogénéité des structures internes de ceux qui raisonnent dans une communauté. Une interprétation anthropologique et pragmatique de la rationalité implique que les stratégies de compréhension sont liées à des valeurs. Il est évident alors que la centralité de la rationalité discursivement incarnée et du raisonnement prescriptivement inférentiel transforme la pragmatique en une théorie de la compréhension: la compréhension a une priorité asymétrique sur la production une fois que l'on prend au sérieux la spécificité des procès de raisonnement dans le discours. Les stratégies de la compréhension Les métaphores qui foisonnent dans les théories linguistiques contem poraines suggèrent clairement que la production des séquences linguisti ques soit considérée paradigmatique pour l'activité linguistique. La com pétence discursive est une formule générative en grammaire transformationnelle et cette formule générative est vue comme le résultat d'une com pétence productive. Chomsky affirme que la compétence est bidirectionnel le ou neutre à l'égard de la production et de la réception, mais le type spé cifique de formalité des règles grammaticales nous montre que la compé tence générative devrait être représentée comme une compétence plutôt
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productive qu'interprétative. Une 'compétence communicative' pragmati que, par contre, est une compétence de compréhension, et une théorie pragmatique du discours est nécessairement 'heuristiquement' orientée: la compréhension ou la découverte de la signifiance d'une séquence discur sive est une contrainte sur le langage en tant que tel, ou dit autrement, la concept de compréhension est une contrainte sur le concept de langue. Il y a donc une asymétrie essentielle entre la production et la compréhension en pragmatique: on ne peut parler d'un langage que dans le cas où le langage est compris (ou plus explicitement: "L est un langage d'une communauté seulement dans le cas où les membres de cette communauté comprennent les séquences discursives de L"). La signifiance ne transcend pas la com préhension, comme c'est le cas en herméneutique. Ce changement radical qui est caractéristique de la perspective pragmatique, ne sousestime pas la productivité discursive mais proclame que la production du discours devrait être vue comme une procédure de compréhension, ou que le concept de production discursive devrait être for mé selon le modèle du concept de la compréhension. Wittgenstein (1953) suggère que le concept de compréhension devrait être considéré comme un concept du type 'family ressemblance', et il affirme que dans la vie ordinai re et le langage quotidien la compréhension fonctionne parfois comme in terprétation, parfois comme explication, et parfois comme traduction. Mais la compréhension ne devrait jamais être considérée comme un état mental ou comme une expérience spécifique: elle est bien plutôt une faculté, une capacité qui permet à celui qui comprend de faire des choses. C'est une fa culté extrinsèque, et non pas une opération purement psychologique: c'est une opération-dans-le-monde. Cette connotation pratique de la compréhen sion est à la base de la perspective pragmatique. L'inférence non-naturelle, évoquée au paragraphe précédent, est caractéristique des stratégies de compréhension. Ce que l'on comprend 'pragmatiquement', ou ce qu'on in fère quand on comprend une séquence sémiotique ou discursive, consiste en fait d'un corrélat de signification comportant trois composantes: un opé rateur de rationalité universel, une structure modale, et un contenu propositionnel/sententiel. En termes informels, cela signifie que le corrélat de signi fication d'une procédure de compréhension est: Il est raisonnable/rationnel (l'opérateur de rationalité universel) que Je/Tu juge(s)/désire(s) (structure modale) que ρ (contenu propositionnel). Une grande variété de combinai sons à l'intérieur de la structure modale sont possibles: le jugement du locu teur/interlocuteur peut être enchâssé dans le désir du locuteur/interlocu-
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teur, et il peut y avoir une concaténation des séquences judicatives et volitives commandant p. De ces trois composantes du corrélat de la signification, trois types spécifiques de contextes peuvent être déduits. Le contexte de l'opérateur de rationalité universel est la communauté de ceux qui utilisent raisonnablement/rationnellement des systèmes de signes ou des discours; traduit au niveau épistémique, ce contexte devient l'ensemble des présomp tions offertes dans une communauté discursive à ses membres. Le contexte modal ce sont les circonstances interactionnelles qui sont organisées autour de la désirabilité commune et mutuelle des valeurs; traduit au niveau épistémique, ce contexte des modalités devient l'ensemble des 'opinions' que les partenaires ont dans une situation communicative (ces opinions concernent les besoins et les buts réciproques des interlocuteurs). Le contexte du contenu propositionnel consiste de la dénotation commune des séquences discursives; traduit au niveau épistémique, ce contexte consiste des croyan ces des interlocuteurs. L'attitude pragmatique est donc essentiellement marquée par la conception de la signification liée au contexte, de la rationalité liée par et dans le discours, et par l'orientation de la pragmatique par l'heuristique de la compréhension. Ces trois composantes conceptuelles réévaluent la sub jectivité dans le langage. Les grands philosophes du début du XXième siè cle, comme Frege, Husserl et Russell, ont réagi contre une notion idéaliste de la subjectivité, et le structuralisme en tant qu'idéologie des sciences so ciales contemporaines, spécialement en France dans les années soixante, ont miné l'humanisme naif et le subjectivisme. La pragmatique, par contre, présuppose le sujet dans le discours sans pour autant introduire le psychologisme et le subjectivisme. C'est ainsi que l'attitude pragmatique réagit con tre la linguistique structurale où, depuis Saussure, la subjectivité a été ex pulsée de la langue dans le domaine irrécupérable de la parole, mais égale ment contre la grammaire générative chomskyenne où le locuteur/interlo cuteur idéal n'est pas le sujet parlant mais l'esprit qui en fin de compte est identifié avec la structure neurophysiologique du cerveau. Benveniste, un structuraliste plutôt marginal, a réintroduit la subjectivité comme catégorie opérationnelle en théorie linguistique. La subjectivité est conçue ici non pas comme l'individualité on comme la personnalité idiosyncratique du locuteur, quelque chose comme l'ensemble des états psychologiques internes individuels — la subjectivité n'y existe que comme l'ensemble des propriétés déterminantes du discours du locuteur. Des linguistes comme Benveniste et Guillaume ont tiré l'attention sur des phénomènes de deixis
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(personne, temps, espace) et sur le fonctionnement du discours comme dans la démonstration (pronoms, démonstratifs), sur l'argumentation et la persuasion. Mais à côté de la méthodologie pragmatique étudiant la subjec tivité dans le discours à travers la deixis, il y a l'autre méthodologie où la notion de modalité est centrale: non seulement les modes grammaticales mais les modes propositionnels et les modalités illocutionnaires devraient être étudiées. Les deux méthodologies — l'étude de la deixis, d'un côté, et de la modalité, de l'autre — ont une position priviligiée dans le domaine pragmatique. 3.
La sémiotique intégrée
L'attitude pragmatique peut servir comme base intégrante de la sémio tique. Nous nous intéressons dans cette section uniquement à la soi-disant 'sémiotique structurale' en faisant abstraction de la sémiotique analytique d'obédience peircienne. La sémiotique structurale est neo-hjelmslevienne et elle est prototypiquement représentée par la sémiotique de A. J. Greimas et de son 'Ecole de Paris'. Le problème qui se pose ainsi dans cette section est celui d'une éventuelle assimilation des propriétés de l'attitude pragmati que par la sémiotique structurale. L'intégration de certaines caractéristi ques de l'attitude pragmatique par la sémiotique hjelmslevienne pourrait mener à l'existence d'une soi-disant 'sémiotique intégrée', i.e. une sémioti que pragmatisée ou une sémiotique qui a assimilé les propriétés essentielles de l'attitude pragmatique. Il y a cinq axes d'organisation de cette éventuelle intégration. Nous les présentons en ordre descendant de généralité: subjec tivité, rationalité, intentionalité, modalité et deixis. Il est intuitivement évi dent que la pragmatisation de la sémiotique devrait restaurer la subjectivité comme l'ensemble des condition de production de la semiosis. Mais le fait que cette production signitive soit gouvernée par des stratégies implique une rationalité. La productivité rationnelle n'est pas une activité interne mais une action-en-contexte, une pratique dans le monde — elle est donc intentionnelle. La productivité rationnelle et intentionnelle ne peut être que liée au discours lui-même et elle se manifeste ainsi de manière complémen taire de deux façons: dans les modifications modales du discours ou de la séquence sémiotique, et dans sa détermination déictique. Comment la sé miotique structurale (ou neo-hjelmslevienne) peut-elle intégrer ces cinq pa ramètres?
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Subjectivité La sémiotique structurale a été très dépendante de l'axiomatique saussurienne. Un des gestes structuralistes les plus dominants a été de clore l'univers des signes et de le rendre ainsi immanent. Mais la subjectivité ne peut être enfermée dans le système des signes, et c'est ainsi que le structu ralisme a banni la subjectivité dans le résidu de la parole et exclu le sujet en dehors de la sphère de la connaissance possible. Cette exclusion pourtant commence à s'affaiblir depuis que la sémiotique structurale est moins préoccupée avec la soi-disant 'structure élémentaire de la signification' (l'analyse des unités textuelles et narratives en unités de signification atomi que) mais plutôt avec la compétence modale de celui qui produit des signes. Dans la grammaire narrative elle-même, des systèmes subjectifs extrême ment complexes sont découverts, et la subjectivation des produits sémiotiques constitue un grand pas en avant à l'égard du structuralisme objectiviste des années soixante. Il est vrai qu'il existe toujours une résistance jus tifiée pour toute notion subjectiviste du sujet parlant ou discursif. La sub jectivité sera même dite une catégorie spéculative qui n'a pas de place dans une méthodologie adéquate. Une fois opérationalisée, la subjectivité dans le discours sera vue comme une compétence modale ou comme un ensem ble de facteurs déictiques. L'importance de la subjectivité consiste dans ses réductions méthologiquement justifiées, notamment celle de la modifica tion modale et celle de la détérmination déictique. Mais ce serait rester aveugle, du point de vue de la metathéorie, que de nier que toute caractérisation de la modalité et de la deixis présuppose une conception souvent implicite de la subjectivité dans le discours, et ce serait une grave erreur de baser sa théorie sémiotique de la modalisation et de la déictisation sur une notion intuitive de la subjectivité, séparée, par exemple, et non modifiée par la rationalité et l'intentionalité. Il est sans doute vrai, comme disent les sémioticiens d'obédience hjemslevienne, qu'il se révèle sans aucune impor tance de définir le sujet 'en soi' puisque le sujet apparaît comme un acteur "dont la nature dépend de la fonction dans laquelle il est inscrit" (Greimas et Courtés 1979:320) et puisque le sujet peut être reconstruit seulement comme un point dans lequel le programme narratif prend son point de départ, ce programme étant cognitif ou pratique. Mais même admis que la sémiotique ne peut reconstruire le sujet-dans-le-discours que comme une compétence modale ou la cause d'un programme narratif, comment alors faut-il thématiser cette subjectivité? Il y a une catégorie dans Hjelmslev qui nous aide à penser la subjectivité: on ne découvre pas la subjectivité par
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analyse mais par catalyse, ou la subjectivité est nécessairement encatalysé. Ceci nous amène à dire que les conditions subjectives de production de la semiosis sont sémiotiquement descriptibles, non pas par analyse mais par catalyse. L'analyse, nous dit Hjelmslev, "établit les relations entre les parties d'un objet, d'un côté, et de l'autre, entre les parties et l'ensemble qu'elles constituent" (Greimas et Courtés 1979:13). Les relations analysées sont des dépendances entre entités in presentia. La catalyse, au contraire, rend expli cites des éléments elliptiques: "Cette procédure (de la catalyse) est effec tuée à l'aide d'éléments contextuels manifestés et grâce aux relations de présupposition qu'ils ont avec des éléments implicites... Nous avons à faire avec l'interpolation d'une raison derrière une conséquence, rendu possible par le principe de généralisation" (Greimas et Courtés 1979:26). Hjelmslev appelle cohésion la relation entre un terme elliptique (la subjectivité, dans notre cas) et le terme encatalysant (la séquence sémiotique). La pragmatisation de la sémiotique ou la mise en état de la sémiotique intégrée devrait avoir comme fonction d'élaborer ces catégories existants mais négligés de l'axiomatique hjelmslevienne, comme cohésion, catalyse et synchrétisme. Une telle élaboration serait largement suffisante pour rendre compte d'une notion pertinente de subjectivité. L'ellipticité de la subjectivité fait de la description sémiotique une procédure periphrastique: la subjectivité, il est vrai, est nécessairement un terme in absentia, et la reconstruction sémioti que devrait être en état de se tenir à la spécificité aussi bien de l'analysandum, l'ellipticité, que de l'analysans, la periphrasticité. La procédure de la catalyse, comme la définition donnée le dit clairement, est effectuée comme une procédure d'interprétation à l'aide d'éléments contextuels. La pragmatisation de la sémiotique, dans le domaine de la reconstruction de la subjecti vité, consiste en effet dans la réévaluation de la description interprétative dépendante des marques du contexte. C'est ainsi que l'on réussit à encatalyser la subjectivité. Rationalité La rationalité d'un sujet consiste dans le déploiement canonique d'un programme de manière compétente. Un sujet compétent déploie canoniquement (selon des règles de la grammaire narrative) un programme, et il se 'présentifie' dans ce programme. Cette intuition a été réalisée en sémio tique structurale récente à l'aide des catégories de la compétence sémiotique et du trajectoire narratif. Une compétence est un savoir-comment-faire, et il appartient à l'étude de l'action humaine de déterminer les types de compé-
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tence. La compétence transforme le sujet en actant ou en acteur. Corrélé au savoir-comment-faire est un devoir-être, un "contenu de la compétence" fonctionnant comme un système de contraintes des programmes d'action. Greimas écrit que toute séquence d'action présuppose "d'un côté un pro gramme narratif virtuel, et de l'autre une compétence particulière qui rend possible son exécution" (Greimas et Courtés 1979: 45). La compétence du sujet peut être considérée, selon Gremas, comme la liaison d'une compé tence modale et d'un programme narratif virtuel. Dans une théorie globale de la semiosis, la compétence aura même un rôle plus important que la no tion metathéorique de subjectivité. "Le sujet de l'énonciation modalise les structures sémiotiques en leur donnant le statut d'un devoir-être (le système de contraintes) et transforme ce devoir-être en savoir-comment-faire, en procès virtuel" (Greimas et Courtés 1979: 46). Le programme narratif vir tuel, appelé parfois la 'compétence sémantique', s'identifie avec les niveaux et les composantes que la théorie sémiotique à pu distinguer en donnant une représentation cohérente du trajectoire narratif. C'est ainsi que la compétence modale et le trajectoire narratif se reflètent réciproquement: ce sont deux côtés de la même compétence du sujet. La force épistémologique primordiale est ainsi donnée à la notion de trajectoire narratif. C'est au niveau metathéorique que la subjectivité domine la compétence et la compétence le trajectoire narratif, mais une fois que l'on a affaire à la stra tégie épistémologique, c'est bien le trajectoire narratif qui devient ce qui est directement récupérable en tant qu'objet de la sémiotique, et la compéten ce ainsi que la subjectivité deviennent des catégories de fond sans véritable rôle fonctionnel. Le trajectoire narratif est le déploiement d'un programme, une 'chaîne logique' en progression. Le sujet est défini par un tel trajectoire ou par la suite cumulative de rôles qu'il doit remplir dans la chaîne en progrès. L'in vestigation sémiotique devrait révéler la typologie de sujets compétents, et il devrait même être possible d'étudier les rôles intersubjectifs que les sujets jouent à l'égard de valeurs communes et conflictuelles. Nous ne pouvons pas entrer dans le détail ici mais il devrait suffir d'avoir montré comment la sémiotique neo-hjelmslevienne réduit des notions metathéoriques comme la subjectivité et la compétence subjective à des catégories qui ont une va leur heuristique et operationnelle, comme celle de la compétence modale et du trajectoire narratif. Mais en quoi cette conception du sujet et de sa ratio nalité est-elle déjà marquée par l'attitude pragmatique? C'est un signe de la pragmatisation de la sémiotique structurale qu'un concept de rationalité syntagmatique a été récemment introduit (voir Grei-
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mas 1983: 141 ss.). La chaîne logique en progression ou le trajectoire narra tif manifeste une systématicité procédurale, une 'syntaxe discursive' que l'on peut qualifier de rationnelle. Il y a des types de rationalité syntagmatique: la rationalité technique, par exemple, qui est algorithmique et qui est articulé par une nécessité modale objective, et la rationalité pratique mani festée par une succession d'événements comportementaux (subjectivement probables) temporellement contigus et prévisibles. Greimas insiste que cette rationalité ne se trouve pas seulement au niveau de la structure syn taxique profonde et constitutive mais au niveau de la structure de surface du discours figuré. Le raisonnement figuratif et le déploiement de la rhéto rique discursive (l'allégorique, le parabolique) sont elles-mêmes marquées par des procédures de raisonnement et donc par une certaine rationalité. Mais cette introduction de la rationalité syntagmatique ne suffit pas pour que la sémiotique structurale soit complètement pragmatisée. L'amende ment ultime qu'il faudrait imposer ici affirme que la sémiotique intégrée ne reconstruit pas la rationalité syntagmatique comme une pensée causale ou comme paradigmatiquement déterminée, mais comme du raisonnement inférentiel. Depuis Propp la narrativité a été dite être structurée comme une chaîne causale, et dans la première période de la sémiotique structurale il suffisait de regarder la chaîne discursive comme causalement linéaire. Il existe toujours le danger de réduire la rationalité syntagmatique à l'un ou l'autre déploiement naturaliste ou causal-linéaire, ou de voir la rationalité syntagmatique comme un epiphénomène de la rationalité paradigmatique. C'est ainsi que les procédures de la compréhension des relations internes au carré sémiotique présuppose avant tout une rationalité paradigmatique, ces relations étant tout binaires et catégoriales. La rationalité syntagmatique se manifeste par du raisonnement inférentiel. Ce raisonnement inférentiel, comme cela a été dit dans des paragra phes précédents, repose sur une conception de la rationalité comme liée au discours où le raisonnement est de prime abord un raisonnement non-natu rel et prescriptif. La pragmatisation de la sémiotique structurale consiste donc dans une réévaluation de la discursivité de la rationalité (sa dépendance de tous les niveaux discursifs de manifestation, comme la figurativité, le thématique, l'anthropomorphique), et dans la dissociation de la rationalité syntagmatique du causalisme et du binarisme paradigmatique. Un autre changement dans la bonne direction est d'accepter l'importance des déter minations épistémiques: raisonner, il est vrai, se trouve en relation intrinsè que avec savoir et croire, et le raisonnement est en fait une fonction mobilisant un grand nombre de paramètres cognitifs.
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Intentionalité L'intentionalité est une autre notion metathéorique qui doit être mise en relation avec la subjectivité et la rationalité. Mais on peut retenir au moins deux sens distincts et complémentaires de la notion d'intentionalité. L'intentionalité peut être définie comme être-dirigé-vers-le-monde. Dans ce sens, l'intentionalité est extériorisée comme une propriété d"attitudes' épistémiques (connaissance, croyance, désir) ou behaviorales (actions). Cette notion d'intentionalité est explicitement anti-psychologiste: les états mentaux intentionnels n'ont aucun contenu excepté le fait d'être dirigé vers un fragment du monde naturel ou socio-culturel (la réalité humain). Le sens complémentaire d'intentionalité est opposé à celui-ci: c'est l'intentio nalité présupposant la volonté et la conscience. Vue de cette manière, l'in tentionalité a un contenu psychologique substantiel, et peut être définie en termes de facultés psychologiques spécifiques. La sémiotique structurale n'a jamais favorisé la notion d'intentionalité. A cause de son anti-psychologisme la sémiotique questionne toute explication en termes d'états mentaux substantiels. Et même des notions formelles d'intentionalité, comme celle de 'intention de communication', sont exclues du cadre de référence sémiotique. Analysant la notion d'intentionalité et faisant abstraction de toute détermination ontologique et psychologique du concept, on retiendra la motivation et la finalité comme ses deux aspects définitifs. Mais comment peut-on traduire ces deux aspects en terminologie sémiotique? La formulation sémiotique que l'on peut donner de l'intentionalité s'approche en effet de celle de compétence modale, i.e. de l'action modalisée transformant un premier état d'affaires dans un autre. L'acte intention nel peut être considérée comme une tension entre deux modes d'existence. C'est pourquoi la sémiotique préfère opérer avec des actes plutôt qu'avec des intentions. Si l'on retourne à la conception de l'intentionalité comme motivation/finalité, on peut voir qu'aucune motivation ou programme fina lisé ou trajectoire narratif ne sont possibles sans valuation. L'acte intention nel, il est vrai, est un tension entre deux modes d'existence (des actes ou des états). Même si on accepte la redéfinition sémiotique d'un acte pour éviter les interprétations traditionnellement ontologiques et psychologiques, il y aura toujours un doute concernant l'idée de valeur et de valuation ou concernant l'enrichissement de la notion d'un acte en tant que tension. Le grand danger en axiomatique sémiotique est d'interpréter la valeur en ter mes purement économiques (ce que faisait Saussure): le concept économi que de valeur a deux catégories définitionnelles: la catégorialité et la substi-
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tuabilité. La signifiance, nous disait Saussure, réside seulement dans des dif férences, et voilà pourquoi le système des valeurs est nécessairement déter miné par les relations différentiels elles-mêmes. Mais un concept sémiotiquement intégré d'intentionalité ne considère pas la valuation en termes éco nomiques de catégorialité ou de substitualibilité mais en termes de tensivité graduelle. Il est vrai que Greimas lui-même distingue entre des valeurs virtuelles et des valeurs actualisées. Le carré sémiotique ne concerne que des valeurs virtuelles, et l'axiologisation des valeurs apparaît au moment de l'investisse ment des valeurs avec la soi-disant catégorie thymique (euphorie versus dys phoric). Cet investissement thymique affecte la valeur et la rend dominée par la subjectivité et son intentionalité. Le problème avec la doctrine greimassienne consiste dans le fait que ces valeurs actualisées par l'axiologisation thymique sont conçues comme des structures de surface sans aucune influence constitutive à l'égard des va leurs virtuelles qui restent essentiellement saussuriennes et économiques. Il est évident que la pragmatisation de la sémiotique ou la mise en fonctionne ment de la soi-disant sémiotique intégrée comporte comme un des aspects les plus fondamentaux l'introduction de la tensivité et de la gradualité jusqu'au niveau profond de la syntaxe. Il faut se libérer de l'idée que, dans la profondeur, les valeurs seraient économiques (au sens de Saussure) et, en surface, graduées et tensives. Si l'on a essentiellement retenu de la conception classique de l'intentionalité les composantes de la motivation et de la finalisation, il devrait être évident qu'au long de tout le parcours génératif la tensivité et la gradualité marquent la valuation axiologique. Modalisation La modalisation et la déictisation sont les deux heuristiques priviligiées qui nous permettent de 'découvrir' et d'opérationaliser le triple [subjectivi té, rationalité, intentionalité] dans une sémiotique institutionalisée. La sé miotique intégrée partira volontiers de la notion de compétence modalisatrice. On sait depuis longtemps qu'il faut distinguer quatre types d'impact mo dal sur des séquences sémiotiques: (1) l'impact modal le mieux observable est celui des modes grammaticaux; c'est le niveau distributionnel de la mo dalisation; (2) il y a, en plus, les modalités propositionnelles selon les axes aléthique, épistémique et déontique; ces modalités co-déterminent la va leur de vérité des propositions; (3) il y a ensuite tout le domaine des moda lités illocutionnaires (le jeu de la production et de la recognition des
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intentions à l'aide des conventions illocutionnaires); c'est le domaine priviligiée de la théorie des actes de langages; (4) les modalisations sémiotiques, le jeu des combinaisons du vouloir, savoir, pouvoir et devoir. La tâ che difficile de la sémiotique intégrée sera de découvrir des isomorphismes entre ces quatre types de subjectivité/rationalité/intentionalité qui se mani festent dans ces quatre types de fonctionnement: le sujet grammatical fonc tionne comme une règle distributionnelle, le sujet logico-linguistique fonc tionne comme une modification propositionnelle, le sujet illocutionnaire fonctionne comme un condition intentionnelle/conventionnelle, et le sujet sémiotique (ou axiologique) fonctionne comme un trajectoire narratif (sub jectivé). Il convient donc de découvrir tous ces isomorphismes, et en plus de subtiliser le nombre des modalités sémiotiques et de leur relations. Le concept sémiotiquement intégrée de la compétence modalisatrice implique l'interdependence descriptive du mode grammatico-distributionnel, de la mo dalité logico-linguistique, du mode illocutionnaire et de la modalisation axiologique. Ces quatre types de modalisation doivent être reliés par un mécanisme génératif (dans leur manifestation). Déictisation L'heuristique de la déictisation, en sémiotique contemporaine, est très négligée en faveur de l'autre heuristique, celle de la modalisation. Il y a peu de considérations soutenues concernant l'organisation des trois termes de la deixis, la personne, l'espace et le temps, et le problème de la spatialisation et de la temporalisation est à peine abordé. En plus, la relation de l'aspectualisation à cette temporalisation et cette spatialisation n'a pas été thématisée de manière convaincante. Il y a une tendance "naturelle" en philoso phie du langage, tout comme en sémiotique, de spatialiser le temps. Mais la centralité de la notion de compétence modalisatrice nous donne le moyen pour effectuer la directionalité opposée: celle où la temporalisation, tout comme la spatialisation, est expliquée à partir de l'actorialisation. Ce serait en fait l'actant qui, par son programme d'action, 'temporalise' et 'spatialise'. Mais cette ego-centralisation de la deixis ne peut pas nous faire oublier que l'organisation des catégories personalisantes de la deixis (Je/Tu/Il/Nous) devrait être soumise à la primauté du Nous, ou de la solidarité ou de la subjectivité communale. L'intersubjectivité, l'interlocution, la co-vérification, l'interaction et la communalité fonctionnent en tant qu'impératif catégo rique dans la globalité du fonctionnement de la semiosis. Cette vue adéquate
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de la déictisation en sémiotique pourrait constituer en effet le noeud le plus difficile du programme que nous nous sommes proposé sous la dénomination de la 'sémiotique intégrée'. Note *
Cet article comporte en traduction des sections choisies du Chapitre 3. "The Homologa tion of Semiotics and Pragmatics" de notre livre Semiotics and Pragmatics. An Evaluative Comparison of Conceptual Frameworks (Pragmatics and Beyond IV:7), Amsterdam, Benjamins, 1983.
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Dénoter et connaître: deux fonctions qui ne peuvent pas être confondues Armando Plebe
Un des points de la théorie de Peirce qui a eu le plus de succès dans la sémiotique d'aujourd'hui a été sa notion d'interprétant comme troisième élément de la relation constitutive du signe. Même les sémiologues qui prêtent peu d'attention à la classification des classes de signes (considérée par Peirce comme le centre de sa sémiotique) reprennent, et cherchent à développer, plusieurs idées qui émergent de la distinction entre interpré tant immédiat, dynamique et final. Ce fait, à mon avis, est dangereux aussi bien pour la sémiotique que pour la gnoséologie, et conduit à glisser sur la distinction, qui au contraire est essentielle, entre la fonction du dénoter et celle de connaître. Sans tenir compte des finesses, bien intéressantes par ailleurs, par les quelles Peirce enrichit sa doctrine, on peut dire qu'au fond il appelle "inter prétant" ce qui communément s'appelle signifié, et appelle "interprétation" ce qui communément s'appelle compréhension du signe, c'est-à-dire l'expli cite prise de conscience de sa référence à l'objet. L'exemple le plus clair qu'il fournit à ce propos est celui de 5.473, où Peirce cite l'ordre d'un offi cier "Armes à terre !", qui n'aurait pas d'interprétant (et donc ne serait pas un signe) si l'officier savait que ses soldats étaient sourd-muets ou qu'il ne connaissaient pas sa langue. Si on remplace le terme "interprétant" par le terme "signifié", le raisonnement de Peirce marche de même. Mais il y a une différence: appeler "interprétant" le signifié peut porter à penser qu'une chose "interprétée" est une chose connue, et que, bien que ce que l'on connaît dans cette interprétation ne soit pas l'objet mais la référence du signe à l'objet, même celle-ci est de toute façon une forme de connais sance de l'objet. En effet, chacun peut constater que les sémiologues qui ont prêté une attention particulière au concept peircien d'interprétant ont négligé, ou tout bonnement ignoré, la distinction entre la fonction du déno ter et celle du connaître.
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Je pense au contraire que cette distinction est tellement essentielle qu'il faut la placer en tête de tous les traités de sémiotique. Déjà au niveau du sens commun on peut remarquer que, alors que pour évaluer une déno tation nous la jugeons "adéquate" ou "inadéquate", "indiquée" ou "non in diquée", l'évaluation la plus spontanée que l'on puisse donner d'une connaissance est de la juger "vraie" ou "fausse". On peut discuter pour sa voir si désigner les particules élémentaires sous le nom de "quark" (pour ci ter James Joyce) constitue ou non une "indication", mais il serait dénué de tout sens de discuter pour savoir si cette dénomination est vraie ou fausse. Du reste, ceci est une conséquence presque évidente du fameux axiome de l'arbitranté du signe. Pourtant une telle considération est considérée comme naïve, du moins par ceux qui estiment que la catégorie vrai-faux est dépassée. A ce propos, il faut tout d'abord ramener ce prétendu dépassement aux propor tions que de fait, lui imposent les récentes théories gnoséologiques et épistémologiques. Avant tout, il ne faut pas oublier qu'il y a juste vingt ans Karl Popper proposa une importante défense du concept de vérité cognitive dans une étude qui est toujours au coeur de bien des discussions et qui a pour titre, précisément, Vérité, rationalité, et accroissement de la connais sance scientifique (dans Conjectures and Réfutations, 1963). Dans ce texte Popper propose,entre autres, en vue d'un empirisme cohérent, que pour que l'on puisse parler d'une connaissance il faut qu'au moins une de ses prévisions (ou si possible, plusieurs) réussisse. Ceci est déjà un fondement suffisant pour établir une distinction nette entre dénoter et connaître, dis tinction qui nous montre clairement que pour "connaître", il faut qu'au moins une de ses prévisions s'avère, tandis que pour la dénotation cette condition se révèle absurde. En effet, une dénotation n'entraîne pas de prévisions, elle peut plutôt produire, pendant le développement de ce que Peirce appelle Γ "interpré tant normal", des règles de comportement, "habits" selon la terminologie peircienne. C'est-à-dire que si je décide d'appeler "aurore boréale" le phé nomène lumineux bien connu des régions arctiques, je peux espérer que cette dénotation aura du succès en tant que coutume, habit: mais il s'agira d'un succès taxonomique et sémantique, non prévisionnel. Dans d'autres cas il peut s'agir d'un succès rhéthorique, ou esthétique, ou (selon la termi nologie de Emanuele) microesthétique, mais de toute façon il ne s'agira pas d'un succès prévisionnel, en tant qu'il n'annonce pas pour l'avenir des faits différents de ceux qui sont contenus dans la dénotation.
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Cette constatation peut être valable par rapport aux concepts de Pop per tels qu'il les a formulés il y a vingt ans. Mais on peut considérer qu'à plusieurs égards, la théorie de Popper a vieilli. Quine, par exemple, a mon tré récemment comment le succès prévisionnel d'une interprétation cogniti ve peut provenir plutôt de son imprécision que d'une prétendue vérité. Je puis en effet prévoir l'arrivée d'un courant de 1,25 ampères et ma prévision peut se réaliser seulement parce qu'elle est formulée par approximation de trois seuls chiffres significatifs: la même prévision, ramenée à quatre chif fres significatifs, par ex. 1,251 ampères, ne se réalisera pas parce que le cou rant se révélera être de 1,252 ampères. Mais notre constatation peut être valable même si l'on abandonne soit le concept de vérité soit celui de prévi sion cognitive dans leur formulation popperienne. Prenons en effet une des plus récentes formulations du concept de connaissance, celle proposée il y a deux ans par Quine lui-même dans son essai "The natural théory of knowledge" (1981). La connaissance, selon Quine, se distingue de la non-connaissance par sa capacité de saisir les simi larités perceptives, grâce auxquelles nous nous attendons que des stimula tions perceptivement semblables soient suivies par des stimulations aussi perceptivement semblables. Si nous acceptons provisoirement cette théorie de Quine, nous pourrons alors dire que la sémiotique, ou science de la dé notation, est l'étude de la compréhension des signes par lesquels nous déno tons, tandis que la gnoséologie, ou science de la connaissance, est l'étude des similarités perceptives. Distinguer la compréhension des signes, objet de la sémiotique, de l'établissement des similarités perceptives, objet d'une gnoséologie sophis tiquée comme celle de nos jours, peut sembler difficile à réaliser. Mais il s'agit d'un critère qui le plus souvent se révèle fonctionnel. Par exemple il faut qu'un radiologue connaisse avant tout la sémiotique des radiographies, c'est-à-dire qu'il sache, par exemple, qu'une ombre plus sombre dans une radiographie pulmonaire indique une perforation et une ombre plus claire un simple infiltrat : ceci est un exemple de "compréhension des signes", ou d'étude de la dénotation. Mais dans ce cas, que Kant aurait appelé un "schématisme", et qui pour nous est un schématisme sémiotique, la donnée perceptive se caractérise toujours par l'imprévisibilité et l'extravagance, ca ractères qui justement d'après Kant, sont ceux de la sensation. Et alors nous dirons que la capacité du radiologue de saisir une ombre labile qui pa raît dans un tissu et de relier cette perception à une semblable perception saisie par lui dans la radiographie d'un patient souffrant d'un infiltrat tuber-
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culeux, cette capacité produit la prise de contact cognitive qu'on appelle diagnostic. Dans la recherche de cette connaissance, la primitive "compré hension des signes", c'est-à-dire la dénotation, est seulement propédeutique ou collatérale, tandis que l'essentiel est de saisir les "similarités percep tives" en quoi, selon une théorie comme celle de Quine, consiste la connais sance. A ce propos il est facile de se méprendre. On pourrait penser que saisir ainsi les similarités perceptives est une forme de compréhension des signes, et qu'il peut donc être ramené aux activités sémiotiques. Dans l'exemple cité plus haut, on pourrait penser que saisir ainsi dans l'ombre labile la simi larité avec le cas de tuberculose est de toute façon une forme (sémiotique) d'interprétation des signes. Mais ce n'est pas du tout vrai. Tandis que la sé miotique radiologique a pour sujet les signes radiologiques et leur interpré tation, la gnoséologie diagnostique a pour sujet l'objet radiographié avec le quel elle tente d'avoir une prise de contact. C'est-à-dire que la dénotation est la fonction d'imaginer des signes, de comprendre des signes, de mettre en relation des signes, bien qu'ils soient rapportés évidemment à des objets, tandis que la connaissance est la fonction de rattraper perceptivement l'ob jet, le plus souvent par des signes, mais non nécessairement par eux. Au contraire, une partie de la gnoséologie -c'est l'enseignement de Kantconsiste justement en l'élimination de l'influence fourvoyante des signes, en considérant que si le signe d'un côté sert d'intermédiaire à l'objet, de l'au tre côté il en représente une inévitable déformation. C'est pour cela que l'on peut dire qu'un minimum de perspective transcendentale, de ce qu'on pourrait appeler le "Kantisme éternel" est inéliminable de toutes les gnoséologies (au risque, autrement, de confondre l'objet avec son signe) dans la mesure où une gnoséologie scientifique doit se méfier des signes', au con traire une sémiotique, étant une science essentiellement taxonomique, n'a rien à gagner par une perspective transcendentale: aucune taxonomie, la sémiotique comprise, ne doit se méfier de ses sujets. L'aspect le plus dangereux de la théorie de l'interprétant de Peirce est constitué justement par le fait qu'elle manque de toute méfiance gnoséologique et qu'en même temps elle présume atteindre des buts gnoséologiques (cela justement parce qu'elle ne fait pas de distinction entre dénoter et connaître). Typique à ce propos est la théorie peircienne contenue dans une lettre à Lady Welby et soulignée par Deledalle dans Théorie et pratique du signe, selon laquelle il y a deux types d'interprétant dynamique: le pre mier produit, d'après Peirce, une lecture du signe dans le contexte présent
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du savoir de l'interprète et ressortit donc à l'abduction; le deuxième produit une lecture dans un contexte étranger au savoir de l'interprète et ressortit à l'induction. Dans les deux cas Peirce part de la prémisse, tout à fait arbitrai re et gnoséologiquement inadmissible, que le signe constitue toujours un élément augmentatif de la connaissance, (soit de celle qui est intérieure à l'interprète comme dans le premier cas, soit de celle qui est périphérique comme dans le deuxième cas). En effet, si pendant qu'un biologiste exami nait au microscope un groupe de spermatozoïdes, il avait l'idée d'en déno ter un par l'expression "petit poisson frétillant", cette dénotation pourrait enrichir de chaleur poétique le froid travail scientifique, mais il serait absur de de la considérer comme un interprétant dynamique qui met en marche un processus cognitif d'abduction. Si on voulait aller au fond de cette confusion qui existe chez Peirce en tre dénoter et connaître, il faudrait remonter à la théorie socratique du τι έστι et à ce que l'on a surnommé "l'essentialisme" et qu'elle a transmis à une grande partie de la tradition logique occidentale. Peirce n'était pas du tout un essentialiste, mais il partagea avec l'essentialisme le respect gnoséologique des dénotations, des prédicats. En effet, si l'on croit que l'opération de dénoter ce que l'on veut connaître est une première forme de la connais sance, on se met au niveau gnoséologique de Socrate qui, en croyant que la connaissance consistait à demander "qu'est-ce que" quelque chose, consi dérait justement comme la première forme de la connaissance l'opération dénotative de donner un prédicat au τι έστι. Si au contraire on refuse l'essentialisme, en accord avec la position ra dicalement empiriste de la gnoséologie scientifique d'aujourd'hui, alors dénotation et connaissance peuvent être considérés comme échangeables seulement dans les rares cas où le signe est échangeable avec son objet. Un de ces cas est l'opération de translittération d'un alphabet à un autre lors qu'il y a une correspondance biunivoque entre les lettres de ces deux alpha bets. Si cette correspondance existe, comme par exemple, entre les lettres de l'alphabet grec et celles d'un autre alphabet occidental, alors dire que le signe aà dénote l'objet α équivaut à dire que le signe α dénote l'objet a: et cette dénotation est en même temps une connaissance parce que tout ce qu'il y a à connaître de l'objet est qu'il correspond à la dénotation a. Mais en principe l'objet non seulement ne coïncide pas avec sa dénotation, mais il peut même ne pas être susceptible de dénotation consciente: déjà Leibniz avait porté son attention sur ce dernier cas, en mettant en évidence le phé nomène des "petites perceptions", qu'on peut dénoter seulement de ma-
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nière indirecte. J'ai cité l'exemple des "petites perceptions" de Leibniz par ce qu'elles permettent de proposer un amendement à la théorie gnoséologique de Quine mentionnée plus haut, selon laquelle connaître est saisir les similarités perceptives, amendement qui peut la rendre plus ample et com préhensive et par conséquent plus acceptable même par les autres milieux gnoséologiques. Dans un de ses livres antérieurs à la formulation de cette théorie, The Root of Reference (1974) Quine lui-même avait proposé une théorie de la connaissance comme "réaction perceptive capable d'engen drer des perceptions futures": et on lui avait objecté, non sans raison, qu'il ne faut pas exiger que chaque connaissance ait nécessairement cette fécon dité, si on ne veut pas retomber dans les difficultés rencontrées par Popper qui en exigeait au moins une précision valable. On pourrait alors reformu ler ensemble ces deux théories de la "réaction perceptive" et des "similari tés perceptives" en disant que "la connaissance est une réaction perceptive capable de conditionner (au lieu d'"engendrer") des perceptions futures". Cette conception de la connaissance permet alors de récupérer son rap port constitutif avec la dénotation. C'est-à-dire que toute dénotation qui ex prime une "réaction perceptive conditionnante" peut être considérée com me un élément de connaissance: ainsi le radiologue qui s'exclame "ceci est une tache découpée!", ayant découvert dans la découpure un élément dont il ne fera plus abstraction dans ses perceptions futures, a exprimé une déno tation qui est en même temps un élément de connaissance. C'est seulement sur cette base que l'on peut alors accepter la théorie peircienne de l'inter prétant, qui identifie l'"interprétant logique final" avec habit (5.491). Si l'on entend cette théorie comme un renoncement à la distinction entre dé noter et connaître et que son pragmatisme signifie qu'on ne peut pas avoir d'autre connaissance que la transformation en habitude de nos dénotations, alors la sémiotique va correspondre à un moderne sacrificium intellectus. Mais on peut la comprendre d'une manière plus subtile: c'est-à-dire dans le sens où lorsqu'une dénotation exprime une réaction perceptive capable de conditionner notre prise de contact avec l'objet (ce qui se passe ni toujours ni souvent), alors elle devient une des conditions qui entrent en jeu dans notre connaissance de l'objet: elle devient un habit cognitif. Cette proposition est justement celle que j'ai voulu présenter dans ma communication. Si elle s'avère consistante elle pourra déclencher une tentative de conciliation entre le pragmatisme sémiotique et la gnoséologie empirique ment scientifique.
Subjectivité et sujet objectivé dans l'énonciation Henri Portine
La notion d'énonciation est difficile à cerner. Deux problématiques distinctes s'y conjoignent: celle de l'effet-sujet et celle du rapport entre le 'réel' et l'activité linguistique (ou langagière?). En fait on ne travaille jamais sur l'énonciation prise en elle-même mais sur le couple 'énonciation-énonciateur'. Il faut un support au phénomène énonciatif, même dans la conception que O. Ducrot a développée en écar tant toute prise en compte de l'activité d'un sujet (cf. Ducrot 1980a: 35-36; 1980b: 529). Ce support, ce sera l'énonciateur, qu'il soit sujet parlant, abs traction obtenue à partir des sujets effectifs, objet formel pris dans une re lation de repérage, ou 'responsable' de ce qui est dit. Mais qu'il y ait ou non sujet, il y a effet-sujet, car il faut bien recourir à une instance de production de sens pour décrire l'énonciation. Que cette instance de production de sens s'incarne dans un sujet parlant ou non, qu'elle soit instance de production de discours ou instance 'responsable' ap porte seulement des déterminations conceptuelles et théoriques secondaires par rapport à la problématique première: l'existence d'un effet-sujet. Ces déterminations permettent de relier l'énonciation au 'réel' en la concevant comme phonation, comme activité cognitive, comme mise en relation d'ob jets formels, ou comme responsabilité (liste non exhaustive). Ce faisant, el les assurent le réglage de l'effet-sujet. Notre propos étant de décrire cet 'ef fet-sujet', nous nous centrerons sur la relation énonciation-énonciateur. Pour la linguistique, cette relation constitue un noeud fondamental qu'il convient soit de rejeter, soit d'englober. Interne: si l'on rejette l'effetsujet il convient de suturer la théorie, c'est le rôle — par exemple — du na tive speaker en grammaire générative; si l'on englobe l'effet-sujet, il faut alors — au sein de la théorie — construire des objets et des concepts per mettant d'en traiter les incidences (repérage chez A. Culioli, reponsabilité chez O. Ducrot, etc.). Externe: le rejet ou la prise en compte de l'effet-sujet
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doivent être justifiés au niveau méta-théorique. C'est alors un problème non de linguistique à proprement parler, mais plutôt de philosophie du lan gage, sans d'ailleurs que la frontière entre les deux soit nette. Sans que l'on puisse dater son apparition et sans oublier que la problé matique elle-même est très ancienne (on peut la faire remonter, au moins, à la rhétorique d'Alistote), on peut constater que la notion d'énonciation a pris une grande importance depuis le début du siècle, malgré l'exclusion opérée par Saussure. Depuis environ une décennie (les premiers effets s'en font sentir vers 1970), se popularise une conception subjectiviste de l'énon ciation dont on trouve déjà des symptômes dans certains articles de Benvéniste. Nous allons parcourir le surgissement de cette conception. L'intrusion de l'humain dans le système Qu'il y ait eu coupure épistémologique avec Saussure est indéniable dès que l'on observe l'évolution de la pensée linguistique depuis la publica tion du Cours. Mais cette coupure n'est pas inscrite dans l'oeuvre de Saus sure: on ne saurait postuler un Saussure d'avant et un Saussure d'après. Il n'y a de coupure épistémologique qu'a posteriori. C'est l'histoire qui en réa lise l'inscription dans le social. Cette coupure saussurienne a cependant un statut un peu particulier dans la mesure où elle ne présente pas une nouvelle problématique mais plutôt un balancement entre deux problématiques pour aboutir à une exclu sion: celle de la parole face à la langue, c'est-à-dire au système. Le surgisse ment de l'énonciation dans ce contexte sera souvent considéré comme la re vanche, un demi-siècle plus tard, de la parole sur la langue. Bally (1944) consacre la première partie de son ouvrage à "l'analyse logique des formes de l'énonciation" tout en remarquant que l'on ne peut ignorer que "toute énonciation de la pensée par la langue est conditionnée logiquement, psychologiquement et linguistiquement" (1944:36). Cepen dant, il ne faudrait pas voir là l'association de la subjectivité à l'énonciation. Pour Bally, la langue maternelle impose des formes (1944:14), il y a préé minence du système. La position de Bally est voisine de celle adoptée dans le Cours de Saus sure publié par Bally et Sechehaye: "l'activité du sujet parlant doit être étu diée dans un ensemble de disciplines qui n'ont de place dans la linguistique que par leur relation avec la langue" (Saussure 1916:37). On a, aussi bien chez Bally que dans la version du Cours que l'on connaît, un refus de l'indi-
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viduel et du subjectif, bien que le signe saussurien s'enracine dans une conception psychologisante. Pour Saussure, "le signe linguistique est (...) une entité psychique à deux faces" (1916:99). Parallèlement au courant saussurien se constitue, dès 1915-1916, la théorie guillaumienne. A. Joly et D. Roulland (1980) ont mis en évidence les rapports entre les premiers travaux de G. Guillaume et la notion d'énonciation, notamment en se fondant sur la 'visée de discours' qui appa raît dans Temps et verbe. Cependant, A. Joly et D. Roulland ne prennent pas clairement position sur la place de la subjectivité dans l'énonciation guillaumienne. Ils se réfèrent tantôt à l'individu, au sujet parlant (parfois implicite). On pourrait faire une remarque analogue sur l'oeuvre gigantes que de Damourette et Pichon. Il est très difficile d'y reconstruire une no tion d'énonciation malgré les allusions au locuteur et au 'moi-ici-maintenant'. On ne peut fonder une conception subjectiviste de l'énonciation sur les travaux de ces linguistes. Mais ils ouvrent la voie à Benvéniste et à Jakob son, qui vont servir d'ancrage à la conception subjectiviste à travers leurs études sur les pronoms. Jakobson (1957) participe à la fondation d'une sé mantique indicielle, c'est-à-dire d'une sémantique comportant des 'symbo les-index'. Cela n'en fait pas pour autant une théorie de l'énonciation. Ja kobson a surtout été utilisé en l'occurrence comme caution renforçant les références aux articles de Benvéniste, et principalement à ceux repris aux chapitres 18,19 et 21 du premier recueil (Benvéniste 1966) et parus initiale ment entre 1949 et 1958. On connaît la formule de Benvéniste: "est 'ego' qui dit 'ego'" (1966:260). On connaît aussi le titre de son article la nature des pronoms, et celui de la cinquième partie du premier recueil de ses articles: l'homme dans la langue. Ces formulations ouvrent la voie à une interprétation sub jective de l'énonciation. Cependant, le capitre 5 du second recueil d'articles de Benvéniste, l'appareil formel de l'énonciation (1974:79-88), paru en 1970, a une structu re plus ambigüe. Certaines formulations comme "l'énonciation est cette mise en fonctionnement de la langue par un acte individuelle d'utilisation" ou "l'énonciation suppose la conversion individuelle de la langue en dis cours" (1974: 80-81) rappellent les articles plus anciens. D'autres formula tions, bien qu'en termes subjectivistes, permettent de fonder trois objets théoriques: le sujet de l'énonciation, la situation et le temps de l'énoncia tion. A. Culioli (cf. notamment 1973: 88) a repris ces objets théoriques
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pour leur donner un statut formel dans sa linguistique de l'énonciation. Si l'on peut constater, à l'heure actuelle, dans nombre d'introductions ou de commentaires et dans 'l'idéologie ambiante', une conception subjectiviste de l'énonciation, cela n'est donc pas tant dû à la pratique linguistique qu'à certaines formulations centrées sur la subjectivité. Les conséquences de la conception subjectiviste de l'énonciation Trois grandes conséquences découlent d'une conception subjectiviste de l'énonciation. La première porte sur le statut de 'énonciateur' comme variante de 'locuteur'. Cette équation a une incidence sur la modalisation. Si 'énonciateur' équivaut à 'locuteur', les modalités sont simple marquage de la subjectivité (et l'on parle alors de 'distance de l'énonciateur à l'énon cé', formulation qui est toujours restée très floue). Manifestations 'psycho logiques' n'ayant ni textualité ni socialité, elles ne peuvent être l'objet que d'un repérage de la part de ceux qui travaillent sur le langage. Si l'on distin gue 'énonciateur' et 'locuteur', on évite le décalque naïf d'opérations psy chologiques (cf. Fuchs 1980) et les modalités prennent un autre statut, celui d'une construction théorique. On tente alors de mettre sur pied une catégo rie modale. Seconde conséquence: l'énonciation est ramenée à un réétiquetage du schéma classique de la communication et l'on retrouve la notion de code. L'énonciateur encode, l'énonciataire décode. On voit là comment il y a bien instrusion de l'humain dans la langue, c'est-à-dire dans le 'système' de Saus sure: la langue est un code comprenant des 'signes vides'. Mais 'code' ren voie à 'codage', c'est-à-dire à 'traduction terme à terme'. On a une relation dyadique. Cette conception est étrangère à Saussure mais elle est née de la rencontre de l'héritage saussurien et des travaux de Shannon et Weaver. Les difficultés ne proviennent pas de l'absence du 'réel' ou du 'réfè rent'. En effet, en logique, on a d'un côté les énoncés (propositions) et de l'autre les domaines d'objets, ce qui correspond au 'réel' ou au 'monde'. Là encore, on est proche du codage. Mais, alors que dans l'héritage de Saussu re cette opération s'effectue entre le signifiant et le signifié, en logique elle a lieu entre le signe 'p', 'signe de quelque chose' et le 'réel' décrit. Le coda ge est lié à la nature double du signe. Dans une conception non subjecti viste de l'énonciation, le signe — ou ce qui tient lieu — aura au moins trois composantes: la 'trace linguistique', la signification construite à laquelle cette trace renvoie et la référence ou le 'réel' (ce dernier choix dépend d'u
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problématique différente, bien que voisine, de celle qui nous occupe ici). C'est pourquoi on ne peut simplement associer l'humain au système. L'in troduction de l'énonciation oblige à repenser l'ensemble de la théorie. La troisième conséquence concerne le statut de celui qui fait face à l'énonciateur. Dans la conception subjectiviste, le couple énonciateur/ énonciataire se distingue mal du couple locuteur/locutaire. On pose un strict équilibre entre les deux pôles de la communication, comme si chaque 'je' annulait le précédent: la subjectivité de l'un se dit à l'autre qui luimême renvoie à sa propre subjectivité. Ce strict parallélisme entre 'énonciateur' et 'énonciataire' oublie que le premier 'je' ne dit pas sa subjectivité à un autre 'je', mais à un 'tu'. Une fois posé ce couple 'je-tu', le locutaire introduit, face au 'je' localement primitif, un autre 'je'. C'est pourquoi A. Culioli {op. cit.) précise que la situation d'énonciation est définie non par rapport au sujet énonciateur mais par rap port au premier sujet énonciateur. Le second 'je' ne renvoie pas à la subjec tivité d'un énonciataire, il est constitutif de l'instance co-énonciatrice. On remplacera le couple 'énonciateur/énonciataire' par 'énonciateur/co-énonciateur', caractérisé par deux relations asymétriques: d'un côté la relation énonciateur/énonciation, de l'autre la relation coénonciateurlénonciation. Cette asymétrie correspond aux usages argumentatifs du langage. Elle est à la base de la rhétorique aristotélicienne (cf. Rhétorique 1358a 36; 1358b:8). 'Enonciateur' et 'énonciataire' ne peuvent que correspondre à des individus concrets, ou former des points sans dimensions, indistinguables (cf. Milner 1978). Le rejet du subjectivisme n'entraîne pas l'abandon de la notion de sub jectivité. Il reste donc à désigner la place de la subjectivité dans le procès de l'énonciation. Pour ce faire, conformément aux critiques qui précèdent, nous rejetterons l'énonciateur en tant que pure expression de la subjectivité d'un locuteur pour lui substituer une objectivation. L'énonciateur est un 'sujet objectivé', une construction théorique. Ce n'est pas le sujet concret producteur de l'énoncé, tout au plus est-il 'en position de sujet' (cf. Fou cault 1969: 126). Il faudrait distinguer entre 'objet réel' et 'objet de connais sance'. Nous supposerons cette distinction implicite. Notons qu'à ce stade, plusieurs types de déterminations secondaires sont compatibles avec notre notion d'énonciateur. Cependant, ces déterminations ne sauraient être d'ordre psychologique. Elles doivent avoir un statut formel, celui d'une ins tance responsable ou d'un repère-origine par exemple. Mais il conviendrait d'effectuer des choix au moment même du traitement linguistique spécifi que.
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Un énonciateur n'est jamais seul (le locuteur peut l'être): la relation énonciateur/énonciation entraîne la relation co-énonciateur/énonciation. C'est en ce sens qu'il y a activité langagière conjointe (cf. Jacques 1983; toutefois F. Jacques parle d'activité linguistique conjointe, ce qui nous sem ble trop fort). Le premier ancrage d'une énonciation met en place un se cond énonciateur potentiel (un 'tu') qui va pouvoir se constituer ou non en co-énonciateur. L'énonciation est dialogique. A vrai dire le dialogisme est double: il fonctionne au sein de l'énonciation et entre l'énonciation et son extériorité. Il en est ainsi parce que l'énonciation est l'objet d'une clôture qui détermine un en-dehors. Le dialogisme assure le réglage entre un inté rieur et un extérieur. Premier axe du dialogisme: l'interlocution. Il faut entendre ici 'interlo cution' en son sens large. Il peut y avoir interlocution sans qu'il y ait dialo gue, la production d'un texte écrit et sa lecture constituant déjà un acte d'interlocution. Ceci a deux conséquences. D'une part, la notion d'acte d'énonciation n'a pas d'existence puisque le sujet parlant n'appartient pas à l'énonciation. D'autre part, l'interlocution n'est pas l'énonciation, mais le lieu d'une énonciation. Dans l'énonciation, deux subjectivités non équiva lentes se trouvent face à face. L'une est origine, l'autre est repérée (et se re père). Ensemble, elles constituent l'intériorité de l'énonciation. Second axe du dialogisme: le rapport de l'énonciation à son extériorité. La bi-subjectivité interne à l'énonciation se trouve confrontée au monde, au social. En fait, le caractère social de l'interlocution est déjà inscrit dans son aspect dual. Il faut donc entendre ici 'social' dans un sens dynamique, celui de rapport au monde et ne pas concevoir l'interlocution comme plon gée dans le social: le social traverse l'ensemble des actes de parole et donc l'interlocution. Notre problematique est autre. Dans l'énonciation se cons titue un rapport dynamique au social. La détermination social clôt l'énon ciation. A ce mouvement répond celui de la socialisation. Se constitue ainsi l'éxtériorité de l'énonciation. L'intériorité de l'énonciation: le rapport bi-subjectif En posant un 'tu' face à un 'je', l'énonciateur met en place un repéra ge: on a alors une instance énonciatrice S. Ce repérage est constitutif de la subjectivité. Une instance co-énonciatrice peut maintenant s'articuler sur le 'je-tu'. Cette deuxième instance posée alors comme un 'je' transforme le système de repérage en un système bi-subjectif. Ce second 'je' est en effet
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extérieur au premier et l'apparition de cette extériorité provoque le fait qu'il y ait énonciation. Le premier 'je' est déterminé par le second qui lui oppose une frontière. On a donc: (a) l'énonciateur S, (b) la frontière de S construite par le second énonciateur S' et déterminant l'intérieur/l'extérieur de S, et (c) le second énonciateur S'. Le principe de la subjectivité de S dé finit S' comme un 'tu' (et donc un 'non-je'). S' n'a pas le pouvoir de trans former le 'je' de S en un 'non-je', c'est-à-dire en un simple 'tu'. C'est pour quoi le 'tu' que S' oppose à S clôt la subjectivité de S en construisant, de l'extérieur, la frontière de S. Ainsi s'établit la relation bi-subjective initiale. Cette première relation reste valide tout au long de l'interlocution. Il n'y a pas positionnement de nouveaux 'je' (on n'est pas en effet ici au ni veau des occurrences). Face à cette bi-subjectivité principielle, l'expres sion de la subjectivité est alors franchissement de la frontière. S peut être posé comme source unique de référence par rapport à S': le paradigme de l'instance S est en 'je' et S' est confiné à un 'tu'; S franchit la frontière cons truite par S': il déborde son intériorité. Dans le cas où c'est S' qui opère ain si, le franchissement de la frontière est réalisé par S' qui 'occupe' alors l'in tériorité de S. Mais S ou S' peuvent aussi adopter un 'nous' ou un 'on' in cluant l'autre énonciateur. Chaque instance conserve sa position de part et d'autre de la frontière. Le cas où 'on' équivaut à 'tu' correspond au décen trage maximal par rapport à 'je'. Nous illustrerons la problématique de 'on' plus loin. D'un strict point de vue linguistique, nous assimilerons l'expression de la subjectivité au franchissement de la frontière. D'un point de vue anthro pologique, on parlera éventuellement de transgression, que ce soit pour des raisons culturelles ou situationnelles. A ce niveau, on retrouve la question de la coopération (telle que l'envisage Grice) et de son opposé l'affronte ment. Le principe de coopération de Grice repose sur un a priori: l'interlo cution est harmonieuse et tend à un accord. Tout cas de non-coopération est un écart au principe et se mesure à cette aune. Mais cette conception re lève au mieux d'un ethnocentrisme. C'est pourquoi nous renvoyons les phénomènes de coopération et d'affrontement aux strates situationnelles ou culturelles afin d'éviter des présupposés trop forts qui, d'ailleurs, prédé terminent une forme de subjectivité. Coopération et affrontement sont des paramètres locaux. Jusqu'à présent, nous avons généralement désigné la constitution de S par 'je' et celle de S' par 'tu' (dans un premier temps) et par 'je' (dans un second temps). Quand les deux 'je' sont localisés face à face, ce ne sont plus
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stricto sensu des 'je', ce sont des 'je/tu'. Autrement dit, on a 'je1 et 'je2 ', et 'je1 détermine 'je2' comme un 'tu' alors que 'je2' détermine 'je1 comme un 'tu'. C'est dans ces 'tu-déterminations' que s'exprime la subjectivité de l'un et de l'autre. Les occurrences de 'je', 'tu', 'vous' présentent peu d'intérêt pour le problème qui nous occupe ici. Le cas de 'on' est plus intéressant. Nous en traiterons sur un exemple. Dans un article publié par Le Canard Enchaîné (12 novembre 1975, page 1), article intitulé 'Le syndicat pendable' qui n'est pas signé et qui porte sur la constitution d'un syndicat de soldats à Besan çon en 1975, on trouve: (1) Le chômage sévit en France et particulièrement chez les jeu nes. Mais (...) il y a des jeunes gens privilégiés, qui ont de 18 à 22 ans, à qui on a donné des emplois(...) A ce privilège s'ajoutent des faveurs inouïes: ces jeunes gens sont nourris (...) et on leur paye même le coiffeur (...) Et bien! ça n'est pas content, ça conteste, ça prétend s'organi ser en syndicat! on n'en croit pas ses oreilles: les jeunes Français que l'Armée emploie, loge, blanchit, nourrit, transporte, soigne et paye, veulent constituer un syndicat. On notera qu'aucun 'je' ni aucun 'nous' n'intervient dans l'article. Re prenons les énoncés de (1) comportant 'on': (2) (3) (4)
Il y a des jeunes gens privilégiés, qui ont 18 à 22 ans, à qui on a donné des emplois on leur paye même le coiffeur on n'en croit pas ses oreilles.
Il est trivial de dire que 'on' peut prendre de multiples valeurs. Plus in téressante est la question du fonctionnement de cette polyvalence de 'on' et de ce qui la rend possible. Avant de l'aborder, il convient d'éclaircir le sta tut des occurrences de 'on' dans les extraits donnés en (1) et repris en (2), (3) et (4). Les occurrences de 'on' dans (2) et (3) renvoient-elles en tout ou en partie à l'instance énonciatrice? On peut répondre par la négative en ar guant du fait que dans (1) 'Armée' (troisième paragraphe) reprend les deux premières occurrences de 'on', le contexte droit de 'Armée' étant sémantiquement proche des contextes droits des occurrences de 'on'. Pour la troi sième occurrence de 'on', le contexte droit de 'Armée' étant sémantiquement proche des contextes droits des occurrences de 'on'. Pour la troisème occurrence de 'on', un tel raisonnement ne saurait être conduit. Elle appa-
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raît bien comme renvoyant au moins partiellement à l'instance énonciatrice. Mais elle n'y renvoie pas en totalité. Elle pourrait être paraphrasée par 'tout le monde dont nous-mêmes'. Cela ressort clairement du texte qui se veut ironique et de l'emplacement de ce 'on' dans un paragraphe qui syn thétise ce qui précède en l'articulant sur la suite. Comment fonctionne, dans notre exemple, le pronom 'on'? Commen çons par la troisième occurrence. A. Berrendonner nous met sur la voie. Constatant que, dans une même phrase, deux occurrences de 'on' peuvent ne pas être coréférentielles, il en déduit que "ce pronom se trouve apte à désigner déictiquement n'importe quel ensemble d'êtres animés, qu'il ne situe pas par rapport à la situation d'interlocution" (1981:45). En effet, le rap port de 'on' au système de repérage posé par le 'je' initial n'est pas fixe. Est-ce à dire, comme pouvait le faire penser la citation qui précède, qu'il y a absence de repérage? Si c'était le cas, on ne pourrait ni déterminer des ex clusions (comme dans 'on = Armée'), ni des inclusions (comme dans 'onnous', 'on-je' ou on n'en croit pas ses oreilles). Le critère proposé par Ber rendonner est trop fort. Il faudrait remplacer qu'il ne situe pas par rapport à par qu'il ne centre pas sur. Le cas de 'on' fait penser à l'analyse que Damourette et Pichon donnent de l'imparfait (1936: 174-246) en opposant au 'noncal' le 'toncal' dont le caractère général est l'abandon du repérage par rapport au moi-ici-maintenant. De la même façon, 'on' opère des glisse ments à partir du centrage premier sur le moi défini dans l'ici-maintenant. Les deux premières occurrences de 'on' illustrent le déplacement maximal. Par les diverses possibilités qu'elles mettent en oeuvre, les instances énonciatrices modulent la bi-subjectivité et agissent sur le mode d'asser tion. Pour en prendre conscience, il ne suffit pas d'analyser des énoncés iso lés, même en les regroupant en classes d'énoncés, il faut aussi voir les effets sur les textes (sur ce point cf. Coquet 1983). Mais on ne saurait pour autant se limiter à l'étude des textes existants. Ce serait oublier que la linguistique a fait de grands progrès en se libérant du corpus. Après avoir assisté à l'ex cès inverse, il conviendrait de s'interroger sur les méthodes d'analyse et sur tout sur leur compatibilité. L'extériorité de l'énonciation: détermination sociale et socialisation L'interlocution est d'emblée traversée par le social du fait même qu'elle est duale. La construction de l'individu humain prenant la forme d'une socialisation, le caractère social de l'interlocution lui est même en
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quelque sorte préalable. C'est pourquoi nous ne pouvons dire que l'interlocution est socialisée. En tant que processus, elle agit sur le social, le trans forme. Pour désigner cet aspect, nous dirons que l'interlocution est sociali sante. Il nous faut voir maintenant comment l'énonciation fonctionne de ce point de vue. Dans l'exemple ci-dessus, l'article n'étant pas signé, l'énonciateur est une instance que nous nommerons 'Canard Enchaîné' (pour le distinguer du journal Canard Enchaîné l'instance énonciatrice serait un mixte de 'Ca nard Enchaîné' et de 'X' (là encore, à distinguer du sujet parlant X). On trouve dans Le Monde des rubriques où l'expression est moins contrainte que dans le reste du journal (dans les autres journaux, en général, ce type de rubrique est absent), l'instance énonciatrice sera alors 'X s'exprimant dans Le Monde'. Dans notre exemple, la position un peu anarchisante du Canard En chaîné, sa place dans le concert des journaux français et son rapport au pouvoir en 1975 induisent un certain fonctionnement de l'instance énoncia trice mais aussi de l'instance co-énonciatrice. Cela se traduit sur le plan du 'réel' par: on ne lit pas, quelle que soit sa propre opinion politique, un arti cle du Canard Enchaîne comme on lit un article du Figaro, de L'Humanité ou du Monde. L'énonciation est d'emblée socialisée, d'où la clôture de l'énonciation. La frontière qui se construit alors ne concerne plus seulement S, mais le Couple (S, S'). Elle ne définit plus une extériorité de l'énoncia teur, mais une extériorité de l'énonciation. A ce premier mouvement répond celui de la socialisation. Les places d'où l'on énonce ne sont pas fixes. Elles ne sont pas désignées une fois pour toutes. L'un des inconvénients de la notion de place est d'ailleurs d'intro duire une certaine rigidité dans la conception de l'activité langagière. La première manifestation de la valeur socialisante de l'énonciation est le posi tionnement de 'je' soit en occupant une place préalablement désignée, soit en forgeant une place. N'est pas ego celui qui dit ego mais celui qui peut dire ego, même dans la coopération (au sens de Grice) ou dans l'affronte ment. Il se constitue ainsi des 'place énonciatives' internes à l'énonciation et qui n'ont de statut que par rapport à l'extériorité — déterminée sociale ment — de l'énonciation. Le remplissage initial de ces places énonciatives permet d'ancrer la socialisation. Quelle forme prend principalement le mouvement de socialisation à partir de cet ancrage? Il détermine des places énonciatives. Comme ces pla ces sont construites de l'intérieur du discours, qu'elles sont images du 'réel'
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et participent d'une tentative de modifier ce 'réel', nous les appellerons po sitions énonciatives. La forme la plus achevée de l'assignation d'une posi tion énonciative est le discours rapporté. 'X a dit que P' peut être paraphra sé par 'voilà quelle position énonciative j'assigne à X, être l'auteur de P'. Ce faisant, l'énonciateur marque du même coup sa propre responsabilité dans cette assignation: dans les paroles de X, il sélectionne P. Mais la prise en charge de la construction d'une position énonciative sera souvent plus distanciée:'selon X', discours dit indirect libre qui globalise et donc rend plus difficile la contestation, 'on', etc. Dans l'interlocution orale, l'assignation de positions énonciatives n'est pas le fait d'un énonciateur. Il faut que chacun des deux énonciateurs (au moins) ou obtienne un consensus ou impose ainsi une certaine forme de communauté langagière. En conséquence, les positions énonciatives ne sont pas statiques. Elles bénéficient de la dynamique de l'interlocution et, une fois celle-ci close, on pourra tenter — en tant qu'analyste — de dessiner leurs contours. Dans le cadre de l'interlocution écrite, il en va différem ment. L'énonciateur propose, mais on ne peut prédire exactement quels se ront les choix du co-énonciateur. Dans notre exemple, on trouve: (5) (6)
M. Bourges, ministre de la Défense, et sa muse Bigeard ont an noncé qu'ils allaient sévir avec vigueur les condamnations les plus nettes sont venues des centrales syndi cales
Les énoncés (5) et (6) donnent un échantillon des positions énonciati ves construites dans l'article comme adversaires de l'initiatives des jeunes soldats. Toutes ces positions énonciatives sont précédées par la phrase: (7)
Tout ce que l'élite française compte d'intelligent (...) n'a eu qu'un cri: non jamais ça!
L'article se termine par: (8)
A-t-on idée, vraiment, quand on a 20 ans, qu'on est employé (...), a-t-on idée, sous le prétexte que le travail, l'environnement (...) vous déplaisent, a-t-on idée de vouloir créer un syndicat pour se défendre? Décidément, la jeunesse française a perdu la tête.
Nous laisserons de côté les occurrences de 'ça' qui actualisent la réfé rence du syntagme 'jeunes gens' de il y a des jeunes gens privilégiés (cf. (1)
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premier paragraphe). L'ensemble des positions énonciatives autres que cel le des jeunes soldats est globalisée par 'tout' en (7). Face à ce 'tout', on a 'des jeunes gens privilégiés', 'ça', 'les jeunes Français que l'Armée (...)' et les occurrences de 'on' que l'on trouve en (8). Toutes ces marques ren voient à la même valeur référentielle et concourent à la construction de la même position énonciative. En (8) se manifestent les propriétés de 'on' déjà remarquées. Cet énoncé est en fin d'article. Les occurrences de 'on' opèrent un glissement de la position énonciative des jeunes soldats à celle de l'énonciateur. L'écart dans (8) entre 'on' et 'la jeunesse française' trans crit la distance ironique du texte. L'ensemble des positions énonciatives tra duit le mouvement de socialisation de l'énonciation. Ainsi, bien que la détermination sociale oppose une clôture à la bi-subjectivité de l'énonciation, celle-ci s'exprime dans le mouvement de sociali sation. On observe, là encore, la construction d'une frontière. Par l'ancrage dans le 'moi-ici-maintenant' et les décentrages opérés par rapport à ce pre mier repérage, la catégorie locale (c'est-à-dire au niveau du texte) de la deixis se met en place (sur la 'déictisation', cf. Parret 1983), et les relations entre S et l'énonciation, entre S' et l'énonciation et entre (S, S') et le 'mon de' se constituent. Cette triple relation qui caractérise l'effet-sujet déborde largement la force illocutoire et les visées perlocutoires des énoncés. L'ef fet-sujet est pris dans un système complexe de relations triangulaires (S/ énonciation/S', S/S'/'monde') qui assurent la signification. On retrouve là un complexe relationnel qui n'est pas sans analogie avec 'l'interprétant' de C.S. Peirce (sur les rapports entre la sémiotique peircienne et l'étude du langage, cf. Deledalle 1979, troisième partie), cependant il semble qu'il n'y ait pas eu d'études sur la notion d'énonciation en relation aux idées de Peir ce et notamment à sa théorie de l'interprétant (cf. Peirce 1934 §§ 475 sq). La deixis n'est donc pas simplement un repérage par rapport à la réali té. C'est aussi une construction qui se fait dans le discours. Au niveau de l'interlocution, la catégorie de la personne se constitue dans l'échange entre les énonciateurs. Ceux-ci mettent en place de la référence qui est, comme le dit Benvéniste, partie intégrante de l'énonciation. C'est à ce niveau que les énonciateurs assignent des positions énonciatives qui leur permettent de franchir la frontière à eux-mêmes assignée par la dimension socialisée de leur parole. Ce faisant ils effectuent une mise en relation, la 'socialisation'.
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Remarques sur 'la théorie du sujet' La reconnaissance d'un effet-sujet dans les énoncés a conduit à l'élabo ration de la notion d'énonciation. Comme la vision substantialiste est géné ralement prédominante, cette notion a souvent entraîné l'idée d'une théo rie du sujet. Un essai de constitution d'une théorie du sujet se heurte toujours à deux obstacles: la non certitude de l'existence de 'sujets' et l'éclatement de l'éventuel sujet (mis à nu par les sciences 'humaines'). Nous avons reconnu un effet-sujet, ce qui ne nous dit rien sur l'existence ou non d'un sujet. La double question de l'existence et de l'éclatement du sujet empêche de prétendre construire une théorie générale du sujet. Il y aura nécessairement filtrage à partir de champs du savoir. Bien qu'étant centrale pour l'anthropo logie, une théorie du sujet ne peut être constituée qu'à partir des com posantes de l'anthropologie. C'est, pour notre propos, un paradoxe fondamental à l'image de celui de l'ensemble de tous les ensembles. Nous ne voyons pas comment le surmonter. De ce fait, on ne saurait construire que des théories locales du sujet (des sujets?). Méritent-elles encore une telle appellation? Du point de vue langagier, une théorie du sujet serait une théorie de la deixis. Il n'y aura donc pas, à proprement parler, objectivation du sujet: dans une théorie lin guistique de l'énonciation, ce qui est objectivé, ce n'est pas le sujet mais l'énonciateur. La subjectivité se marque dans le mode de prise en charge de l'asser tion. Du 'je-tu' au 'il' (que Damourette et Pichon appellent le 'délocutif', dénomination que nous préférons à celle de 'non personne' due à Benvèniste) et au 'on' s'opèrent repérages et décentrages. Ainsi, la subjectivité traduit l'effet-sujet, c'est-à-dire l'expression de la position de sujet. Dans son ensemble, cette conception permet d'éviter les difficultés que soulève une vision subjectiviste qui fait de la subjectivité l'expression de l'individu. Bibliographie Bally, C. 1944. Linguistique générale et linguistique française. Berne: A. Francke (1ère édition: 1932). Benvéniste, E. 1966. Problèmes de linguistique générale, I. Paris: Galli mard. . 1974. Problèmes de linguistique générale, IL Paris: Gallimard.
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Berrendonner, A. 1981. Eléments de pragmatique linguistique. Paris: Ed. de Minuit. Coquet, A. 1973. "L'implicite de l'énonciation." Langages 70, 9-14. Culioli, A. 1973. "Sur quelques contradictions en linguistique." Communi cations 20, 83-91. Damourette, J. et Pichon, Ε. 1936. Des mots à la pensée, Tome 5. Paris: d'Artrey. Deledalle, G. 1979. Théorie et pratique du signe. Paris: Payot. Ducrot, O. et al. 1980a. Les mots du discours. Paris: Ed. de Minuit. . 1980b. "Enonciation." Encyclopaedia Universalis. Supplément. Tome 1. Foucault, M. 1969. L'archéologie du savoir. Paris: Gallimard. Fuchs, . 1980. "Quelques réflexions sur le statut linguistique des sujets énonciateurs et de l'énonciation." La psychomécanique et les théories de l'énonciation, A. Joly (ed.), 143-152. Presses Universitaires de Lille. Jacques, F. 1983. "La mise en communauté de l'énonciation." Langages 70, 47-71. Jakobson, R. 1957. "Shifters, verbal categories, and the Russian verb." Cambridge, Mass.: Harvard Univ. Trad. dans R. Jakobson, Essais de linguistique générale, I, 176-196. Paris: Ed. de Minuit, 1963. Joly, A. et Roulland, D. 1980. "Pour une approche psychomécanique de l'énonciation." La psychomécanique et les théories de l'énonciation, A. Joly (ed.) 105-142. Presses Universitaires de Lille. Milner, J. C. 1978. L'amour de la langue. Paris: Seuil Parret, H. 1983. "La mise en discours en tant que déictisation et modalisation." Langages 70, 83-97. Peirce, C. S. 1934. Collected Papers, volume 5, éd. par C. Hartshorne et P. Weiss. Cambridge, Mass.: Harvard Univ. Press. Saussure, F. de. 1916. Cours de linguistique générale. Lausanne: Payot.
Pragmatic principles of references J.O. Urmson
The supreme principle governing any and every communication is a pragmatic one; it is the principle that the communication should be of such a form and content, and delivered in such a manner, as is most likely to achieve the end envisaged by the communicator. Thus if his end is to give a certain piece of information, to make a certain request, or to give a certain order, the supreme principle is to make the communication such that it will convey that information, that request or that order to the intended audi ence. To this supreme pragmatic principle all principles of semantics, syn tax, accidence and phonetics are subordinate; they have their authority just because in most circumstances their observance is the means most likely to achieve the communicator's ends. It is clearly rational to speak in a deviant way if by so doing one is more likely to be successful. The aim of the communicator is often more complex than the achievment of one of the standard speech acts, or even quite commonly in writing, one may aim to give a piece of information and at the same time exhibit one's mastery of the principles of syntax and semantics; in such a situation the supreme pragmatic principle dictates compliance with these principles, but this is clearly not a case of syntactic or semantic principles over-riding the pragmatic principle. One's aim may even be to confuse or bewilder; in such a case one may give one's communications a character such that it will be unlikely to be understood by the intended audience. In so doing one will be once again complying with the pragmatic principle. The supreme pragmatic principle governing all aspects of communica tion applies, a fortiori, to our choice of modes and methods of reference, and it is to this subordinate matter alone that this paper is addressed. If, as is normally but not inevitably the case, one's over-riding aim in referring is to enable one's audience to identify correctly the object of reference, then the supreme pragmatic principle requires the use of a mode of reference that will succeed in that aim.
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In reference, as generally, semantic and syntactic accuracy are likely to aid in achieving success; if I call a cat a cat I am more likely to succeed in appropriately directing my audience's attention than if I refer to it as a dog. But this is by no means necessarily so; in a recent B.B.C. gardening talk for amateurs the speaker consistently referred to pelargoniums as geraniums — and rightly so, since probably the majority of his audience habitually refer to pelargoniums as geraniums and would not have known what he was talk ing about if he had used the botanically correct name 'pelargonium'. Semantic error in reference is in many circumstances less likely to lead to rejections of a statement as false than when such error occurs elsewhere. Thus let us suppose a speaker who, as quite commonly happens, incorrectly uses the word 'insect' to refer to any small animal. For example, he thinks it quite appropriate to call a centipede an insect. Let us now suppose that a centipede is moving across the ground quite quickly for such a creature. Our speaker now says: 'That insect is moving quite quickly'. I think that even those who recognize that he is misapplying the term 'insect' will agree with him, count his remark as true, granted that his reference is unambiguously clear, even though semantically faulty. If on the other hand he had said: 'That creature moving quickly across the ground is an insect' we should not accept it in most circumstances. We will accept semantic inaccuracy in suc cessful reference when a similar inaccuracy of the predicate would be unacceptable. Factual error incorporated into referential expressions is more tolera ble than in predicates in the same way as in the case of semantic error. The illustration just used can be adapted easily to this case. If our speaker uses the word 'insect' correctly but through faulty eyesight or some similar reason wrongly believes that what is in fact a centipede is some sort of insect, we might still accept from him the statement 'That insect is moving quite quickly' whereas we should certainly reject the statement that the fast-moving animal was an insect. These examples help to emphasize what seems to me to be an impor tant point; in general it is no part of the function of a referential expression to describe or otherwise give information; descriptive accuracy is normally an aid to securing reference, but usually is only this, so that descriptive inaccuracy in the referring expression is no bar to a statement in which it occurs being true. One must here speak only of what is usually or typically the case, for it may be that the aim of the communication includes further requirements of the referring expression beyond securing correct identifica-
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tion of the referend. Thus in referring to a person it may be important that the referring expression be flattering or slighting, rude or polite; or the whole point of a communication may be to cause amusement by choice of referring expression, as when the cockney, using rhyming slang, refers to his wife as his 'trouble and strife'. The essential point is that the relevance, if any, of the descriptive content of a referring expression to the success of the communication is a purely pragmatic issue. It is, of course, possible that accuracy of reference may be the predominant or sole aim of a reference. Thus a teacher may use a correct technical term when referring to an object knowing full well that it is likely to fail in drawing his pupils' attention to the appropriate object. In so doing his wider aim will be to widen his pupils' vocabulary, and in this aim he may be successful. A further pragmatic principle of reference might be called the principle of relevance. This principle tells us that, other things being equal, it is desir able to refer to persons or things in a way that is relevant or appropriate to the occasion. Thus when Mr. Harold Macmillan was simultaneously Chan cellor of the University of Oxford and Prime Minister in the government it was normally appropriate to refer to him as the Chancellor on academic occasions and on political occasions as Prime Minister, though there would have been no falsity or obscurity of reference in saying that the Prime Minister awarded a degree or that the Chancellor voted in a certain way in Parliament. Since the pragmatic principle aims solely at facilitating dis course it is easy to think of occasions when its application will lead to an apparently contrary result. Thus if it had been said that all Oxford men in Parliament were against a certain proposal it could be appropriate to reply: 'No, for the chancellor voted in favour'. This principle applies to things as well as persons: an agriculturalist will refer to nitro-chalk as a fertiliser, while a terrorist might refer to it as an explosive. One could go on multiplying examples of pragmatic principles of reference; but there would be little point in so doing since most are of little intrinsic interest. The main point that I hope to have illustrated so far is that grammatical and factual accuracy in choice of referential expressions is not of such major importance as one might at first think and that inaccuracy may even be justified if it contributes to the success of the communication in which it occurs. An accurate reference which does not succeed with one's audience is a failure; if, speaking to me, you refer to a girl as Mary when I am ignorant of her name your reference may be accurate, but it is a failure and therefore ill-chosen.
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Let us, then, turn to an area where failure to understand the pragmatic principles that we have already noticed has caused philosophical confu sion; I have in mind referential terms in indirect speech. Obviously in most situations accuracy in report is necessary for the success of reported speech, since the usual aim of reported speech is to make known what was said by the person reported. But what we must now notice is that normally a choice by the reporter of a quite different referring expression from that used by the person reported does not constitute an inaccuracy; normally nobody supposes that there will be identity of referring expression. Pragmatic prin ciples require that even in reported speech we should choose a referring expression that will secure correct identification by one's audience, and this may be difficult or impossible if one preserves the referential expressions used by the original speaker. Thus at a party someone may tell me That man standing by the door is named John Doe'; after John Doe has moved on, how am I to do it? I cannot say 'Tom tells me that the man standing by the door is named John Doe' for that would be false now that John Doe has moved on. I can truthfully say Tom told me that the man standing by the door at the time of his utterance was named John Doe'; but that would be silly if one wished to identify the man since one would be almost certainly unsuccessful. In fact I might say Tom told me that the man standing by the window is named John Doe', and you will not be in the least inclined to suppose that The man standing by the window' was Tom's own referring expression. Thus success in securing communication may often require a change of referring expression. Similar changes may be required by considerations of relevance, politeness and the like. If a man tells me that the postman has fallen off his bike, using 'the postman' as his referring expression, and I then meet the postman's wife, I am much more likely to say to her 'Tom tells me that your husband has fallen off his bike' than 'Tom tells me that the postman has fallen off his bike', accurate and successful in securing uptake though the latter might be. What holds for reported speech holds also for reports of knowledge, belief or opinion. Thus if I say to the postman's wife: 'Tom believes that your husband has fallen off his bike', nobody will suppose that I imply even that Tom knows that my referring expression is applicable. He may not even know that the postman is married. Let me set up a slightly more elaborate example in order to illustrate how philosophical problems can be generated by failure to notice the points
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just made. Let us suppose that the police say to me: 'We know that Richard Roe is a bank-robber'; let us further suppose that I know Richard Roe by sight and you do not. As we walk down the street together I see Richard Roe standing outside a baker's shop and say to you: T h e police know that that man standing outside the baker's shop is a bank-robber'. It is clear that if somebody were now to ask the police: 'Do you know that the man stand ing outside the baker's shop is a bank-robber?' the police would reply that they knew no such thing and that if they had known it they too would have been at the baker's shop to arrest him. We can now start constructing philosophical pseudo-problems. Thus T h e police know that the man standing outside the baker's is a bank-rob ber' and T h e police do not know that the man standing outside the baker's is a bank-robber' are contradictory statements and cannot both be true. So am I right in saying that they know or are they right in saying that they do not know? Or have we found a genuine counter-example to the law of con tradiction if we hold that both are true? Or again, it has been often and plausibly claimed that if somebody knows something then he will know that he knows it, though like all philosophical claims it is also disputed. But can we claim to have here a clear counter-example, since I am right to say that the police know the man outside the baker's is a bank-robber but they clearly do not know that they know it since they deny that they know it? You may think these problems to be silly and contrived, but they do lead us to notice a genuine ambiguity in the sentence 'X does not know that S is P', for it can mean 'X does not know that the object that I now refer to as S is P' or 'X does not know that the object which is Ρ can be referred to as S'. Thus, in terms of my example, one can distinguish the assertions (a) that the police are unaware that the man I now refer to as 'the man outside the baker's shop' is a bank-robber', (b) the police are unaware that the man who is a bank-robber may be correctly referred to as 'the man outside the baker's shop'. In my example, the police and I are not contradicting each other since I do not claim that they know that the referring expression correctly applies to the robber. I think that if we look at things in this way we can better understand the problems of so-called 'opacity of reference' than as they are presented in current expositions known to me. The alleged problem arises in this way. It is held that if a is F and b = a then b is F in general. But it is said that the entailment does not hold in cases of indirect speech and cognate utterances. Thus if X knows that a is F and a = b it does not follow that X knows that
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b is F. In terms of our example, if the police know that Richard Roe is a bank-robber and Richard Roe is the man now outside the baker's shop, it does not follow that the police know that the man outside the baker's is a bank-robber and may even rightly disclaim that knowledge. But this argument seems to me to trade on precisely that ambiguity to which I have just drawn attention; without the ambiguity no difficulty arises for the entailment holds if the ambiguity is eliminated. Thus if X knows that the object which may be correctly referred to as a is F and the object that may be correctly referred to as a = the object that may be correctly refer red to as b, then certainly it follows that X knows that b is F. Of course if X knows that the referring expression a applies to that which is F, it does not follow that X knows that the referring expression b applies to that which is F, unless the expressions 'Richard Roe' and 'man standing outside the baker's shop' are not identical. The basic fact is that when I say that X knows that a is F I do not imply that he is aware that the referring expres sion a is applicable to that which is F. The case where some residual puzzlement remains is where the person reported is not merely unaware that the referring expression used by the reporter applies, but would even deny that it does. Thus, let us suppose that I know that Stendhal wrote Lucien Leuwen, but am firmly of the erroneous opinion that Stendhal is someone other than Henri Beyle. Can I be said to know that Henri Beyle wrote Lucien Leuwen when I would not merely dis claim this knowledge but actually deny that Beyle wrote the book? Well, if I know that Stendhal wrote Lucien Leuwen and Stendhal is identical with Henri Beyle, then certainly I do know that the man whose name is in fact Henri Beyle wrote Lucien Leuwen. But whereas the police, in my previous example were merely ignorant of the fact that the man out side the baker's shop was Richard Roe and would not have claimed to know that the man outside the shop was not the bank-robber, in the present example I am supposed to deny that Stendhal is identical with Beyle and so to deny that Beyle wrote Leuwen; I do not merely not know that he did; I claimed to know that he did not. These facts make it pragmatically undesir able to report me as knowing that Henri Beyle wrote Lucien Leuwen, whereas there was no objection to saying that the police knew that the man outside the Baker's was a bank-robber, though logically the cases are iden tical. It is one thing to report speech using a referring expression that the reported speaker does not realise is applicable, and this is unobjectionable; it is quite different pragmatically to use a referring expression that he would
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repudiate and should be avoided if possible. What then if we do want to report the exact referring expression used? Just using it is not enough, for the use of a referring expression in a report gives no reason to suppose that it was used in the original communication; moreover it is quite likely to be inappropriate or unsuccessful in the report however apt it was originally. Still the pragmatic principle of achieving suc cess is paramount and overrides all other considerations. There are a number of devices that we can use, most of them being variants of the com mon-sense move of using two referring expressions, one designed to secure success with the audience, the other to indicate what expression was used by the original speaker. Thus Jones may refer to Smith impolitely as 'that silly fool'; wishing to cause trouble, I report this to Mrs. Smith by saying 'Jones said that your husband was coming, calling him that silly fool'. There are many variants on this. I must not take more time; my aim has been to claim that the pragma tic principle of using that referring expression which will be successful with one's audience over-rides all other principles of language use. In particular I have claimed that this applies even when reporting the sayings and beliefs of others, and I have discussed briefly some of the problems that may arise if we are not clear on the pragmatic issues involved.
La portée pragmatique de la déduction naturelle1 Bill Winder
Du sens aux sens Fondamentalement, la pragmatique pose à la sémiotique moderne la question de l'unité des sciences du sens. Alors que la sémantique s'est tradi tionnellement cantonnée à étudier le sens (le sème), la pragmatique attire notre attention sur les sens (sens contrefactuels, présupposés, illocutoires, perlocutoires, e t c . ) . Ainsi, chaque unité de sens est traduite en diverses interprétations pragmatiques. Il s'agit alors d'accorder ces prises de posi tion et d'harmoniser les diverses dimensions du signe. Celui qui est à l'ori gine de la division entre le sémantique et le pragmatique, C. S. Peirce, est aussi celui qui saurait peut-être le mieux en rétablir la continuité. Mais, ce n'est que dans le contexte global de sa philosophie et de sa logique que l'on peut espérer comprendre l'apport de Peirce dans ce domaine. La pragmati que se trouve en effet au carrefour de la logique, de la théorie de l'action et de la linguistique (cf. Tutescu 1974: 204). En nous appuyant sur le pragmatisme et sur la logique formelle, nous chercherons à repérer quelques éléments de l'échafaudage logique de la sé miotique de Peirce. Nous espérons ainsi jeter les bases d'une meilleure ap préciation d'au moins un aspect de sa sémiotique, celle qui concerne la théorie des interprétants. C'est bien l'interprétant qui constitue l'apport distinctif de Peirce à la sémiotique. Le pragmatisme Dans 'A Survey of Pragmaticism', Peirce affirme que le pragmatisme ... n'est pas une doctrine de métaphysique, ni une tentative pour déterminer la vérité des choses, ... (mais) une méthode destinée à évaluer le sens des mots difficiles et des concepts abstraits' (CP 5. 464).2 Plus que toute autre
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chose, c'est une méthode d'analyse des discours, et d'abord des discours philosophiques, qui comportent des 'concepts intellectuels, ...c'est-à-dire ceux sur la structure desquels peut reposer un argument concernant des faits objectifs' (CP 5. 467). Le pragmatisme se révèle ainsi comme une sorte de sémantique de l'argument, et la maxime pragmatique comme sa con signe méthodologique. Nous verrons cependant que c'est dans la logique formelle que se dé ploie l'appareil théorique de cette sémantique logique. Voilà comment Peirce compare ses graphes existentiels, qui constituent le dernier état de sa logique formelle, et son pragmatisme: "Vous comprenez dans quel sens les graphes existentiels fourniront une évaluation de la vérité ou de la fausseté du Pragmatisme. A savoir, une étude suffisante des graphes montrera quel est le trait commun à toute si gnification d'un concept; une comparaison montrera ensuite si ce trait est ou n'est pas celui que le Pragmatisme juge qu'il est,... Il est vrai que les termes de cette comparaison, bien qu'identiques dans leur substance, peu vent apparaître sous des guises si différentes que l'étudiant pourrait se tromper quant à leur identité réelle." (CP 4. 534n)
La spécificité du pragmatisme peut ainsi être comparée, sinon identi fiée, à la spécificité des graphes existentiels; autrement dit, l'innovation que représente le pragmatisme au niveau méthodologique a pour homologue les graphes existentiels au niveau de la logique formelle. Peu de progrès ont été faits depuis la conception du pragmatisme dans l'élaboration d'une sémantique fondée sur l'usage (cf. Nagel 1982: 302). Par contre, la logique moderne a très bien éclairé les principes de la véritable innovation des graphes, la déduction naturelle, celle qui a sans doute amené Peirce à les considérer comme son chef-d'oeuvre. Dans une logique du sens, la déduction naturelle est destinée à jouer un rôle important. En tout cas, elle représente actuellement le meilleur modèle d'une sémantique pragmatique. Ainsi, comprendre les graphes existentiels dans le détail devrait contri buer à notre compréhension du pragmatisme. Cette tâche nous est facilitée par les recherches récentes en logique. Par la suite nous nous servirons des idées et du symbolisme de la logique moderne, et surtout ceux de Beth, afin de mettre en valeur certains aspects des graphes existentiels. Cette façon d'aborder la déduction naturelle nous épargnera l'apprentissage de la nota tion graphique de Peirce, tout en conservant les idées essentielles de son système. (Pour une présentation sommaire des graphes cf. Prior 1967: 547ff. Pour une présentation complète, cf. Thibaud 1975 et Roberts 1973.)
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Regardons alors de plus près ce qu'est la déduction naturelle moderne, telle qu'elle se présente sous deux formes particulières, les tableaux séman tiques et la construction suppositionnelle. La déduction naturelle La forme de déduction naturelle que l'on trouve chez Peirce n'a pas in fluencé le développement de celle que l'on connaît aujourd'hui. Celle-ci re monte à Gentzen, à Jaskowski et, plus récemment, à Beth. Mais Prior (1967) remarque avec raison que Peirce avait effectivement élaboré, dans le cadre de ses recherches graphiques, ce qu'on appelle aujourd'hui des ta bleaux sémantiques. Ces tableaux sont présentés par Beth comme une in troduction à la preuve logique et à la déduction naturelle; ils constituent en fait un système de déduction naturelle, si l'on prend celle-ci au sens large, c'est-à-dire comme tout système de preuve qui repose sur des règles opéra toires plutôt que sur des axiomes. Chaque expression graphique de Peirce est en réalité une sorte de tableau sémantique, et d'un certain point de vue, le système des graphes n'est qu'un système de manipulation des tableaux. D'un autre point de vue, les graphes constituent une construction supposi tionnelle. Nous essayerons de mettre en valeur la portée sémantique des deux aspects. Les tableaux sémantiques Beth voit la spécificité de la logique moderne dans la possibilité d'un traitement systématique d'une question logique (Beth 1970:12) et il remar que 'qu'une inférence ou preuve n'a de force démonstrative que si elle n'ad met pas de contre-exemple' (Beth 1965:58). Ainsi, pour prouver qu'une proposition est universellement vraie, nous cherchons, de façon systéma tique, à imaginer les conditions dans lesquelles la proposition serait fausse. Si de telles conditions ne peuvent pas être réalisées, nous conclurons que la proposition est nécessairement vraie, car notre recherche d'un contreexemple aura été systématique. Prenons un exemple concret, 'p→(q→p)'. Supposons d'abord qu'il existe une situation dans laquelle cette proposition est fausse (Figure 1, ligne 1). Quel est le sens de l'affirmation de la fausseté de cette proposition? Puisqu'en inscrivant la formule dans la colonne du faux du tableau nous nions une implication, celle où 'p' implique 'q→p', nous pouvons traduire la ligne 1b par la ligne 2; si 'p' n'implique pas 'q→p',
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BILL WINDER Vrai
(la)
Faux
(Ob)
p→(q→p)
(lb)
(2a)
Ρ
q→p
(2b)
()
q
Ρ
(3b)
Figure 1.
c'est parce que le premier est vrai (ligne 2a) tandis que le second est faux (ligne 2b). Par le même raisonnement nous traduirons la ligne 2b par la li gne 3. On remarque alors que l'affirmation de la fausseté de 'p→(q→p)' a pour sens l'affirmation de la vérité et de la fausseté simultanées de 'p' (li gnes 2a et 3b). Cette contradiction nous amène à rejeter la possibilité de la fausseté de la proposition initiale, car les conditions de sa fausseté ne sont pas 'réalisables': la recherche systématique d'un contre-exemple a échoué. La proposition initiale est donc toujours vrai; c'est donc une tautologie. Cet exemple n'épuise pas bien sûr l'usage des tableaux (cf. Beth 1970 ou Dopp 1972. Smullyan 1965 propose une forme évoluée des tableaux.), mais il suffit pour en illustrer les aspects importants, que nous résumerons en trois points. Premièrement, la construction des tableaux repose sur le principe de référence', en cela ils sont sémantiques. Mais on voit qu'il ne s'agit pas sim plement d'une sémantique descriptive, telle qu'on la trouve en lexicologie. C'est bien une sémantique, puisqu'il y a deux catégories d'entités qui sont en relation, mais la première, la valeur de vérité, n'est connue que par son action sur la seconde, la proposition. La sémantique en question est donc une pragmatique dans laquelle un objet détermine un représentamen à ren voyer à des interprétants (respectivement la valeur de vérité, la proposition initiale et les sous-formules). Deuxièmement, les tableaux sont analytiques, car les interprétants sont des sous-formules de la formule initiale. On reconnaîtra là la dimension présuppositionnelle du langage, qui se retrouve à deux niveaux: d'abord au niveau des valeurs de vérité, où, par exemple, la fausseté de 'p→(q→p)' présuppose la vérité de "p"; ensuite au niveau des représentamens, où le si gne-véhicule 'p→(q→p)' présuppose le signe-véhicule 'p'. 3 Enfin, les tableaux utilisent un raisonnement qui concerne un cas parti culier; on recherche un contre-exemple, et donc un exemple tout court. On appellera ce type de raisonnement existentiel.4 Les tableaux sont existentiels
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dans la mesure où les propositions sont déterminées quant à leur valeur prédicative; une preuve n'a pas recours à une règle de substitution au ni veau des variables propositionelles, et le raisonnement passe du particulier au général (à l'inverse d'un raisonnement applicatif d'une axiomatique). La construction suppositionnelle Si l'on se tourne maintenant vers la deuxième formulation de la déduc tion naturelle, la construction suppositionnelle, on remarque qu'à l'opposé des tableaux, qui sont donc référentiels, analytiques, présuppositionnels et existentiels, la construction suppositionnelle est opératoire, synthétique, suppositionnelle, mais comme les tableaux, existentielle. A la base de la construction se trouve une prise de position par rapport au sens des opérateurs logiques que Peirce illustre de la façon suivante: si l'on se demande, par exemple, pourquoi un cheval bai est aussi un cheval (c'est-à-dire qu'est-ce qui justifie l'inférence de 'Cx.Bx' à 'Cx'): "...on pourrait dire (que c'est parce) que la proposition contient une conjonction, "et", ou quelque chose de cette nature, et que le sens même de ce "et", c'est que la proposition copulative est vraie si et seulement si chacun de ses membres est vrai; ainsi, une partie intégrante du sens même d'une proposition copulative est qu'un membre quelconque peut être omis. A cela je m'accorde totalement. Mais après tout, qu'est-ce que cela veut dire? C'est une autre façon de dire que ce que nous appelons le sens d'une proposition embrasse toutes les déductions nécessaires et évidentes qui en découlent. Pris comme le début de l'analyse du sens du mot "sens", c'est une remarque importante." (CP 5. 165)
Dans la construction suppositionnelle, nous tâcherons de justifier le sens d'une proposition par une déduction possible correspondante. Au ni veau de la pratique, la preuve de la vérité tautologique d'une proposition consistera en sa construction à partir des hypothèses et du sens déductif des opérateurs. Nous représenterons cette démarche dans la Figure 2 (cette présenta tion est empruntée à Fitch 1952 et à Grize 1972). A partir d'une première hypothèse, 'p' (ligne 1), on se demande quelles autres propositions peuvent être considérées comme vraies (propositions qui seront alors inscrites im médiatement à droite de l'échasse β en dessous de sa barre horizontale. L'échasse représente donc les limites d'un monde défini par l'acceptation de l'hypothèse; elle peut se traduire par 'supposons que...', au-dessus de la barre horizontale, et 'alors...', en dessous.) Intuitivement, nous voyons
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BILL WINDER
Figure 2.
qu'il est possible de déduire 'q→p' de l'hypothèse, car le sens de l'implica tion matérielle est une disjonction, qvp'. Ainsi, s'il est vrai que 'Paul est venu' ('p')? il est également vrai que 'Paul est venu ou Jean n'aime pas les haricots' ('pv-q'). Telle est la fonction de 'ou'; il ouvre le champ des possi bilités sans pourtant entraîner la fausseté. Alors, si 'p' est vrai, 'pv-q' (c'est-à-dire 'q→p') le sera également. Ce raisonnement est formalisé dans l'échasse γ: selon une hypothèse donnée, 'q' (ligne 2), 'p' (ligne 3) reste vrai en vertu de l'hypothèse initiale (ligne 1). L'inférence qui nous permet de passer de 'q' à 'p' réalisée dans l'échasse γ, peut alors être 'thématisée' dans une proposition conditionnelle: 'q', en tant qu'hypothèse de la déduction 'q — p', a la même valeur que l'antécédant de la proposition conditionnelle, 'q→p' (théorème de la déduc tion). La proposition 4 représente donc la déduction réalisée dans l'échasse γ. La proposition 4 sera elle-même dégagée de sa dépendance par rapport à ß en thématisant de la même façon l'hypothèse originale. La proposition 5 ne dépend plus d'aucune hypothèse (a est sans hypothèse); elle est donc une tautologie. Cet exemple, très simple, suffira pour mettre en valeur certains aspects de la construction suppositionnelle. On voit comment la preuve du statut tautologique d'une formule passe par sa construction à partir d'hypothèses. Elle est en ce sens synthétique. Elle est aussi opératoire dans la mesure où l'opération de déduction justifie la construction (par thématisation) d'une forme propositionnelle. Enfin, nous pouvons dire que l'expérimentation
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déductive réalisée de cette façon est suppositionnelle et existentielle', à partir d'une hypothèse, le raisonnement passe du particulier au général. Il est facile de voir que les traits que nous avons relevés dans les deux systèmes de déduction naturelle sont complémentaires; les distinctions ana lyse/synthèse, présupposition/supposition et référence/opération relèvent toutes d'une manière de voir un même problème fondamental. 5 C'est cette différence de perspective que la sémiotique des interprétants est destinée à éclaircir. La sémiotique Puisque l'innovation de Peirce consiste en une nouvelle conception synthétique du sens et de la déduction, nous sommes amenés à voir dans le concept d'interprétant une tentative pour élaborer cette position. Il est in téressant de remarquer que l'évolution de la logique de Gentzen aboutit à une conception de la déduction et du sens qui ressemble fortement à celle de Peirce. Selon Kneale et Kneale: "Si nous voulons améliorer le résultat de Gentzen, nous devons donner suite à une idée suggérée par la seconde partie de son article et traiter la dérivation ou l'inférence déductive comme un cas particulier de quelque chose que nous appellerons développement. Malheureusement, il n'existe pas de terminologie reconnue, mais on peut le décrire par métaphore com me l'instauration d'un champ à l'intérieur duquel la vérité doit se trouver si certaines prémisses sont acceptées. Quand quelqu'un, après avoir consi déré certaines prémisses, exprimées, par exemple, par Ρ et Q, remarque que certaines autres propositions, exprimées par exemple par R et S, ne peuvent pas être toutes fausses si toutes les prémisses sont vraies, on peut dire qu'il est engagé dans le développement de ces prémisses. Aucune des propositions exprimées par R et S n'est la conclusion d'une inférence, mais on peut peut-être les considérer comme des limites du développement ac tuel." (Kneale et Kneale 1978: 504f)
(Le développement ne diffère pas essentiellement des autres systèmes de déduction naturelle, sauf là où ses règles mettent l'accent sur la notion de 'cas limites'. L'usage explicite de limites se trouve déjà chez Boole, dans l'opération de développement algébrique, qui est une factorisation en ter mes des valeurs limites ' 1 ' et '0'.) Puisque 'le développement est une généralisation de la technique que les mathématiciens appellent la preuve par cas...' (1978:544), nous voyons pourquoi ce type de déduction se situe dans le prolongement de la construc-
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BILL WINDER
tion suppositionnelle et des tableaux sémantiques. Mais c'est l'idée de déve loppement, qui est recouvert chez Peirce par l'étiquette 'interprétation', que nous voudrions étudier du point de vue de la sémiotique. L'interpréta tion est bien l'explicitation du champ de vérité d'une proposition, mais l'explicitation peut prendre des formes différentes. Nous avons déjà évoqué le concept d'interprétant dans le cadre des ta bleaux sémantiques. Là, l'interprétant est une expression dont la référence à son objet est déterminée par sa référence à une autre expression, celle dont elle est considérée comme la traduction. Ainsi, dans la figure 1, 'p' de la ligne 2 est 'vrai' parce que cette référence se veut conditionnée par la ré férence de 'p→(q→) à 'faux'. L'interprétant est une re-représentation, c'est-à-dire qu'il représente une représentation. Peirce illustre cette struc ture par l'exemple suivant: dans un dictionnaire bilingue français/anglais, le mot 'homme' aura pour interprétant 'man', car celui-ci renvoie à la même chose que celui-là; la référence de l'un représente celle de l'autre dans la mesure où l'un est juxtaposé à l'autre dans le dictionnaire (CP 1. 553).6 L'interprétation a cependant plusieurs modalités; l'exemple de la dé duction naturelle nous révèle des interprétants immédiats, ceux des tableaux et des interprétants dynamiques, ceux de la construction suppositionnelle. Les premiers font partie d'une démarche analytique, alors que les seconds font partie d'une démarche synthétique. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'un développement des prémisses au moyen d'une relation prag matique avec l'objet, mais le premier passe par une inférence corollarielle, le second, par une inférence théorématique (CP 4. 233). En opposant les deux systèmes, nous pouvons distinguer le sens du signe en lui-même {involved meaning) du sens en tant qu'effet du signe {evolved meaning) (CP 4. 86): l'inférence de '"p" est vrai' à '"q→p" est vrai' est alors de type théorématique, car 'q' est externe à la prémisse; par contre, l'inférence de "'p→(q→p)" est faux' à '"p" est vrai' est de type corollariel car 'p' est interne à la prémisse. Ces deux types d'inférence recouvrent bien un côté important de la déduction naturelle, mais on peut se demander s'il n'y a pas d'autres as pects qui doivent être relevés. Signalons simplement la dimension métalogique, que nous mettrons en corrélation avec l'interprétant final de Peirce. Nous avons vu que la construction suppositionnelle n'est possible que grâce à la thématisation d'une déduction réelle (théorème de déduction); une tautologie comporte donc une dimension métalogique, ou représentationnelle. De même, dans les tableaux, la valeur tautologique d'une propo sition est déterminée par un usage de l'absurde qui est en tout point homo-
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logue à la thématisation. Dans un cas comme dans l'autre, la tautologie incarne non seulement une référence sémantique à 'vrai', mais aussi une référence représentationnelle ou métalogique à une déduction réalisée. Ainsi, nous pouvons comprendre les interprétants comme une typolo gie sémiotique de fonctions logiques, fonctions qui se manifestent de façon formelle dans la déduction naturelle. La pragmatique Nous ne poursuivrons pas ici le développement de la sémantique logi que de Peirce, mais déjà se dessine au niveau des interprétants le cadre d'une analyse rigoureuse des concepts clés de la pragmatique, telles que la présupposition, l'inférence et la représentation. Il reste cependant la mise en oeuvre de cette sémiotique, pour laquelle nous pouvons nous inspirer des exemples de Peirce, tel celui-ci: "Supposons que je me réveille le matin avant ma femme, qu'elle s'éveille ensuite et me demande: "Quel temps fait-il?" Cette question est un signe, dont l'objet tel qu'il est exprimé, est le temps à ce moment-là, mais dont l'objet dynamique est l'impression présumée que j'ai retirée en jetant un coup d'oeil dehors en entrebâillant les rideaux. Dont l'interprétant tel qu'il est exprimé est la qualité du temps, mais dont l'interprétant dynamique est ma réponse à la question. Mais il y a en outre un troisième interprétant. L'interprétant immédiat est ce que la question exprime, tout ce qu'elle ex prime immédiatement que j'ai imparfaitement réexprimé ci-dessus. L'inter prétant dynamique est l'effet actuel qu'elle a sur moi, son interprète. Mais sa signifiance, l'interprétant ultime ou final est la raison pour laquelle ma femme m'a posé cette question, quel effet la réponse aura sur ses plans pour la journée qui commence." (CP 8. 314, cité dans Deledalle 1979: 150)
Ainsi, l'aperçu que nous venons de donner de la pragmatique peircéenne semble confirmer, et même étendre, l'appréciation de P. Thibaud, qui remarque à propos des écrits de Peirce, '...si l'expression est souvent rhapsodique la pensée est toujours systématique, du moins dans la mesure où elle se caractérise par un effort sans cesse poursuivi pour reprendre et approfondir les mêmes problèmes' (Thibaud 1975: 3). De la logique for melle jusqu'à l'analyse du discours, Peirce semble appliquer une même mé thode pragmatique. Cette cohérence méthodologique devrait permettre à la sémiotique peircéenne de répondre à l'ensemble des questions posées par la pragmatique.
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BILL W I N D E R
Notes 1.
Mes remerciements vont au groupe de sémiotique de Perpignan et à F. Rastier pour leurs remarques.
2.
Les références aux Collected Papers de Peirce sont indiquées par l'abréviation 'CP' suivi du numéro du volume et du paragraphe.
3.
Il est quelque peu arbitraire de définir un type de présupposition pour chaque plan du langage, surtout quand il s'agit d'une langue logique, qui selon certaines théories n'a qu'un plan. Nous abandonnerons d'ailleurs cette distinction en faveur de celle de la di mension corollarielle de l'interprétant.
4.
'Existentiel' fait référence chez Peirce d'abord au quantificateur; les indices des places prédicatives des graphes sont en effet liés existentiellement. Mais la preuve par cas re lève de la même problématique.
5.
Un indice de la similarité des deux démarches réside dans la correspondance entre les propositions des échasses de la Figure 2 et celles des strates de la Figure 1: α et 1, β et 2 et γ et 3 comportent les mêmes propositions.
6.
Peirce définit le signe comme tout ce qui '... (1) au delà de ses propres caractères, (2) en tretient une relation dyadique, r, avec un corrélat purement actif, B, (3) et entretient une relation triadique avec pour un corrélat purement passif, C; cette relation triadique étant de nature à déterminer à entretenir une relation dyadique, ρ, avec Β, ρ corres pondant d'une façon déterminée à r' (Peirce 1977: 192). Cette description est celle de la transitivité de l'inclusion, mais aussi de la déduction naturelle.
Bibliographie Beth, E. W. 1962. Formal Methods. Dordrecht: Reidel. 1965. Mathematical Thought: An Introduction to the Philosophy of Mathematics. Dordrecht: Reidel. . 1970. Aspects of Modern Logic. Dordrecht: Reidel. Deledalle, G. 1972. Théorie et pratique du signe. Paris: Payot. Dopp, J. 1972. Notions de logique formelle. Louvain: Nauwelaerts. Fitch, F. B. 1952. Symbolic Logic: An Introduction. New York: Ronald Press. Grize, J.-B. 1972. Logique moderne, fascicule I. Paris: Mouton. Kneale, W. et Kneale, M. 1978. The Development of Logic. Oxford: Ox ford University Press. Nagel, E. 1982. 'Peirce's Place in Philosophy'. In Historia Mathematica 9(2), 302-310. Peirce, Ch. S. 1960. Collected Papers of Charles Sanders Peirce. C. Hartshorne et P. Weiss (éds). Cambridge, Mass.: Harvard University Press.
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. 1977. Semiotics and Significs: The Correspondance between Charles S. Peirce and Victoria Lady Welby. C. Hardwick (éd.). Bloomington: In diana University Press. Prior, A. N. 1967. "History of Logic". In Encyclopedia of Philosophy, Edwards (éd.). New York. Macmillan. Roberts, D. D. 1973. The Existential Graphs of Charles S. Peirce. The Ha gue: Mouton. Smullyan, R. M. 1968. First Order Logic. Berlin: Springer Verlag. Thibaud, P. 1975. La Logique de C. S. Peirce: de l'algèbre aux graphes. Aix-en-Provence. Université d'Aix. Tutescu, M. 1979. Précis de sémantique française. Bucarest: Editura Didac tica si Pedagogica.
3. Practice/Pratique
L'analyse pragmatique des récits littéraires P. Bange
1. Qu'est-ce que la littérature pour le savoir commun dans notre culture et dans les cultures semblables à la nôtre? Selon les conceptions savantes traditionnelles, c'est un ensemble de textes d'une qualité particulière, précisément: "littéraire", notion vague, à la fois normative et désignant une façon de signifier à nulle autre pareille. Ce sont aussi des formes de manifestation transcendant les contenus véhicu lés: l'épique, le dramatique, le lyrique (das Epische, das Dramatische, das Lyrische), selon les dénominations du critique de langue allemande E. Staiger, sont à la fois "les formes naturelles de la littérature" et les "concepts fondamentaux de la poétique". Pour l'opinion publique contemporaine, l'intuition invite à dire qu'il existerait une opposition entre la support écrit (roman, poésie) et le sup port oral et multicanaux (théâtre). Mais le roman est quantitativement si écrasant que le concept de "littérature" tend dans une certaine mesure à s'identifier à celui de "roman" (dénomination qui vaut pour toute oeuvre narrative sans distinction de genres). Participer à l'institution "littérature", que ce soit comme producteur ou comme récepteur ou comme médiateur (voyez les vitrines des libraires, les émissions sur la littérature dans les mass média, le jeu de l'édition et de la publicité) consiste, pour une part impor tante, à produire ou recevoir du récit, à travers l'une des sous-classes du "roman" (roman policier, récit de science-fiction, prix Goncourt, etc.). Au terme d'une recherche empirique, menée à l'aide de méthodes sta tistiques, Hintzenberg, Schmidt et Zobel (1980) montrent que le concept de "littérature" qui a cours dans l'opinion est fortement marqué par des no tions très vagues de valeur: "il est évident que le concept de littérature dé pend au premier chef des canonisations apprises par les sujets d'expérience dans le déroulement de leur socialisation" (64).
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P. BANGE
On peut donc légitimement se demander si le discours littéraire ne cor respond pas seulement à un emploi de certains textes comme "littéraires", c'est-à-dire dans des conditions pragmatiques spécifiques. Les conceptions littéraires traditionnelles affirment qu'il y a opposition catégorique entre discours ordinaire et discours littéraire sans se préoccu per de dire en quoi. Les structuralistes, héritiers des formalistes russes, l'ont affirmé aussi et, sur cette base, ils sont partis légitimement en quête de la littérarité dans le texte. Schmidt (1980) semble aller encore dans la même direction en opposant la "communication littéraire", qui reposerait sur deux conventions spécifiques, à toutes les autres formes de communication, régies par des conventions opposées. Seule voix discordante jusqu'ici, Pratt (1977) prend pour point de départ ce qu'elle estime être le caractère non fondé de l'opposition discours ordinaire vs discours littéraire. Elle apporte une série d'arguments montrant que le discours littéraire peut être expliqué dans le cadre d'une théorie des actes de langage élargie: elle montre notam ment que le concept classique d'assertion est trop étroit et qu'il convient de faire place à ce qu'elle appelle "display text", que la maxime de la qualité chez Grice doit également être remaniée. Je voudrais apporter ma contribution à cette mise en question de la conception classique du discours littéraire à l'aide de considérations diffé rentes de celles de Pratt. Mon point de départ est le constat d'échec fait par les structuralistes sur le problème de la littérarité. 2. La sémiologie a constitué, dans les années 60, la principale innovation dans le domaine des études littéraires: Ce qui apparaissait de nouveau avec la sémiologie, c'était un changement de statut de l'objet: non une "oeuvre", objet unique, incomparable, irréductible, c'est-à-dire potentiellement sa cralisé, tel qu'on le voit apparaître dans toutes les variantes de ce qu'on peut appeler "Werkimmanenz", du nom de ce courant dominant en Allemagne dans l'immédiat après-guerre, représenté notamment par Staiger, et qui vise essentiellement à l'interprétation; mais un "texte", soumis à des règles des construction, à des régularités de type linguistique, objet de connaissan ce rationnelle. La linguistique dans laquelle les sémiologues ont voulu ancrer la poéti que est la linguistique structurale, d'obédience saussurienne et hjelmslevienne, fondée sur la dichotomie entre "langue" et "parole" et sur le princi pe d'immanence qui en découle. La sémiologie apparaît comme le pendant, au plan des études textuelles et littéraires, de la "linguistique du code" saus surienne. Mais le pas en avant accompli n'a cependant pas conduit à une
L'ANALYSE PRAGMATIQUE DES RÉCITS LITTÉRAIRES
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rupture méthodologique clairement affirmée entre "Werkimmanenz" et cette "Textimmanenz". L'herméneutique, qui vient si naturellement aux études littéraires, est vite reparue et a repris une position dominante. Mais ce qui compte surtout ici, c'est que le principe d'immanence, sur lequel re pose tout l'édifice méthodologique de la sémiologie, a favorisé la confusion du "littéraire" et du "textuel" et conduit, en ce qui concerne la spécificité des textes littéraires, au constat suivant fait sans ambiguïté par T. Todorov: "Croyant saisir le littérature, les poéticiens ont défini la notion logique ment supérieure, le genre "proche", c'est-à-dire le discours (...). Ce qu'on a manqué de faire, cependant, c'est indiquer la "difference spécifique" qui caractérise la littérature au sein du "genre proche". Ne serait-ce pas parce que la littérature n'en a pas une, autrement dit: n'existe pas?" (1975:353).
Et Greimas: "Dans l'impossibilité de reconnaître l'existence de lois, ou même de sim ples régularités qui seraient propres au discours littéraire, on est amené à considérer le concept de littérarité — dans le cadre de la structure intrinsè que du texte — comme dépourvu de sens (...)" (1979: 214).
Comment alors sortir de la contradiction entre les propositions suivan tes: 1. il est impossible de définir une spécificité du texte littéraire dans le cadre méthodologique de la sémiologie et de la linguistique structurale; 2. la littérature existe pourtant, puisque des textes sont reconnus comme littéraires? On peut se demander: comment la littérature existe-t-elle? Quel trait permet de classer un texte comme littérature? Qui le peut et dans quelles conditions? Dans le même article, Greimas indique une voie: il faut dit-il, "conférer (au concept de "littérarité") le statut de connotation sociale (dont on sait qu'elle varie selon les cultures et les époques (...)); c'est dire que la littérarité doit être intégrée dans la problématique des ethnothéories des genres (ou des discours)."
L'étude de la littérarité relèverait d'une "sociosémiotique". Greimas/ Courtés (1979) classe dans l'étude de certains niveaux de connotation notamment le problème de la fiction et le problème de la classification des genres littéraires (357), qui sont évidemment parmi les problèmes centraux de toute théorie de la littérature. L'intuition est juste, mais la carence théorique flagrante. Car si, comme le dit Todorov: "une entité "littéraire" fonctionne au niveau des relations intersujectives et sociales, entité perceptible dans l'enseignement, l'institution librairie, la
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P. BANGE référence culturelle à la littérature dans la conversation quotidienne",
si les problèmes évoqués par Greimas sont bien des problèmes "sociosémiotiques", alors il est raisonnable de dire avec Schmidt, que la littérature est "un domaine délimitable d'actions avant tout communicatives dirigées vers des objets thématiques d'un type déterminé, à savoir ce qu'on appelle les oeuvres littéraires..." (1980: VIII).
Plus même: la littérature est une institution sociale qui existe par tou tes les actions de communication qui la constituent et qui, en retour, leur donne certains traits spécifiques: c'est un cadre actif. Mais, en disant cela, on passe de l'étude intrinsèque des textes littéraires à l'étude de la commu nication littéraire. On opère un changement analogue au passage de la lin guistique structurale (saussurienne ou chomskyenne) à la linguistique pragmatique. Or le concept de "communication" n'a pas bonne réputation parmi les sémiologues. Cela paraît s'expliquer par deux raisons. L'une historique: la sémiologie littéraire s'est constituée au début des années 60 comme "sémio logie de la signification", en opposition à une "sémiologie de la communica tion" (cf. Mounin 1971) qui reposait sur un concept extrêmenent étroit de la communication et qui semblait s'entendre parfaitement avec les traditionnalistes de l'histoire littéraire pour rejeter la nouvelle venue. Cette rai son est sans portée réelle aujourd'hui. L'autre raison de méfiance, et celleci est sérieuse, réside dans la difficulté extrême à prendre en compte la communication, c'est-à-dire la dimension de l'utilisateur — sinon par des artifices — dans le cadre d'une théorie du signe fondée sur une relation bi naire entre signifiant et signifié. L'opposition est fondamentale entre, d'une part, une conception de la langue coupée de la parole, où le sens est affaire de structure et dérive d'un ensemble de relations entre éléments formels de la langue et, d'autre part, une conception de la langue comme fonction. 3.1 Dans la perspective pragmatique, on le sait, la structure n'est pas considérée comme l'élément premier, seul susceptible d'être pris en compte sans que la linguistique sorte de son champ propre, mais comme résultant de la mise en oeuvre des moyens syntaxiques et sémantiques en vue d'une fin non nécessairement linguistique, comme un moyen pour résoudre symboliquement des problèmes sociaux. Le sens est réalisé lorsque le récepteur a compris quel effet un locuteur veut produire au moyen d'un message dans une situation ou, si on se place dans une perspective d'in teraction, lorsque le récepteur tire des conséquences au terme d'un pro-
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cessus de négociation. Le terme d'interaction, tel que je l'emploie ici, dési gne un jeu complexe d'attentes réciproques dans lequel les sujets consti tuent leur identité dans et par le système interpersonnel et dans les actions sociales, un jeu complexe dans lequel la réalité linguistique et la réalité so ciale se constituent dans l'intercompréhension. Une pragmatique adaptée à la constitution d'une science littéraire dé finissant son objet comme la communication littéraire doit inclure explicite ment la dimension du texte ou du discours, c'est-à-dire disposer d'un concept de "macrostructure" au plan sémantique et au plan pragmatique (cf. T. A. v. Dijk 1977). La macrostructure sémantique permet de rendre compte du "topic du discours" ou du "thème". Quant à la macrostructure pragmatique, elle est, ainsi que le souligne van Dijk, "une des bases per mettant de distinguer différents types de discours" (1977: 243). "Tout comme on dit en sémantique qu'un discours a tel topic ou thème ou qu'il porte sur ceci ou cela, on peut dire, en pragmatique, qu'il veut en ve nir à cela, qu'il a telle fin ou telle fonction, en faisant référence à l'acte de langage global accompli en énonçant le discours dans le contexte appro prié." (1977: 246).
La macrostructure pragmatique a besoin d'une base propositionnelle et doit donc être mise en relation avec la macrostructure sémantique et, d'autre part, l'information importante d'un texte ne dépend pas seulement de la structure sémantique du texte, mais aussi des fonctions pragmatiques du discours. La formation de la macrostructure sémantique est donc aussi fonction de la macrostructure pragmatique, de même que celle-ci doit avoir un "contenu" spécifique. Comprendre la macrostructure pragmatique comme macro-acte de lan gage n'est peut-être pas la façon la plus adéquate pour la communication littéraire, dans la mesure où la théorie des actes de langage est centrée sur l'intention du locuteur, dont on ne peut rien dire dans la plupart des cas pour les textes littéraires. Il semble plus intéressant de centrer l'observation et l'analyse sur les processus de réception et d'intercompréhension. Et le schéma pragmatique global devrait être entendu de manière assez souple pour pouvoir désigner aussi bien des schémas d'action que des complexes de constitution de relations entre les interactants et avec le monde repré senté. 3.2 Si la communication littéraire est une spécification de la communica tion verbale, le texte littéraire a une fonction et doit être analysé à partir de
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cette fonction. Il y a quelque paradoxe à poser une telle hypothèse au dé part. Et pourtant, il est difficile d'admettre qu'un aussi vaste domaine d'ac tions, avec ses institutions (de socialisation: école; d'évaluation: critique, mass média), avec les activités économiques qu'il commande, n'ait pas un rôle social. Il est donc légitime de considérer cet usage de la langue au point de vue de la vie sociale et d'analyser les moyens linguistiques (des structu res discursives) par rapport à des modèles culturels. La "question anthropo logique" que D. Hymes pose à propos de la communication et qui se pose à propos de la communication littéraire est la suivante: "Quelles formes d'expression (voice) sont favorisées par une société, les quelles exclues ou seulement tolérées? (...) On peut se représenter les for mes d'expression d'une société comme existant dans des mondes culturels (qui peuvent être partiels et composites à plusieurs niveaux)" (1979: 251).
Dans ce domaine de l'élaboration du concept de communication litté raire, il faut rendre hommage au travail d'avant-garde accompli par Schmidt, notamment avec la parution de son Grundriss der empirischen Li teraturwissenschaft (1980). Mais je voudrais faire valoir, à côté de la théorie clairement fonctionnaliste de Schmidt, une perspective interactionniste qui permette de résoudre certaines difficultés. Pour Schmidt, le système de la communication littéraire est caractérisé et délimité, ainsi que je l'ai indi qué, par deux conventions: convention d'esthéticité et convention de poly valence, qui n'ont cours dans aucun des autres systèmes de communication, caractérisés, eux, par des conventions de vérité et de monosémisation. Il me semble qu'on peut avancer un certain nombre d'arguments empiriques contre la façon dont la dichotomisation: communication littéraire vs non-lit téraire, est conçue et dont les conventions sont mises en oeuvre. On peut douter que la conversation quotidienne repose sur une convention de monosémisation et vise à rendre compte des faits. L'analyse conversationnelle tend à montrer le contraire et l'on connaît, par exemple, l'expérience de Garfinkel sur le vague des expressions de la conversation et sur la fonction nécessaire de ce vague (Garfinkel 1961). Le modèle du dis cours non-littéraire implicitement admis ici par Schmidt est en réalité celui du discours scientifique. On sait combien il existe dans la conversation d'éléments ludiques (jeux de mots, plaisanteries, anecdotes, etc.), qui ont fait l'objet d'analyses nombreuses quant à leurs structures, mais fort peu quant à leur fonction (à l'exception d'articles bien connus de H. Sacks et de J. Sherzer). De tels éléments n'entrent assurément ni sous la convention de vérité-référentialisation, ni sous la convention de monosémisation. Il n'est
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peut-être pas aisé de les ranger sous la convention d'esthéticité, telle que Schmidt la formule. Mais si c'était le cas, ils constitueraient des formes de transition entre littérature et conversation. Etudiant des récits quotidiens oraux et écrits qu'elle classe en "récits fonctionnels selon un schéma d'action" et "récits non-fonctionnels", E. Gülich est conduite, au terme de son analyse, à "conjecturer qu'une séparation stricte entre récits quotidiens et littéraires n'est pas possible. Il existe de toute évidence dans le domaine des récits oraux et écrits des formes de transition (1980: 375).
Toute son argumentation antérieure tendait à montrer que, dans certaines conditions et sous certaines formes, certains récits s'émancipent des con traintes exclusives des schémas d'actions qui les instrumentalisent, que cette libération s'accompagne de manifestations de plaisir, de récompenses données (à la forme notamment) selon des normes faciles à établir: le prédicat "esthétique" leur convient sans doute. Kallmeyer a pu montrer "que certaines formes artistiques (kunsthaft), qui présentent de fortes si militudes structurelles avec des formes de récit explicitement littéraires, sont présentes dans la routine narrative quotidienne." (1981: 410)
Si ces arguments ont quelque valeur, ils permettent de mettre en ques tion la conception fonctionnaliste de Schmidt: j'appelle "fonctionnaliste" la conception selon laquelle les grand complexes sociaux comme les institu tions sont des unités qui agissent de manière autonome et avec leur propre dynamique, selon laquelle les processus sociaux (la communication littérai re) sont créés et maintenus par les règles qui définissent le système, lequel agit de lui-même, sur la base de sa dynamique interne. Une conséquence bien connue du fonctionnalisme réside dans la difficulté — voire l'impossi bilité — de concevoir des formes de passage sinon en termes de déviation; c'est bien ce qu'on voit se produire aussi chez Schmidt (1980). Je lui oppo serai, comme je l'ai dit, une conception interactionniste, selon laquelle c'est le processus social de la vie en commun qui crée et maintient les règles, ce ne sont pas les règles qui créent et maintiennent la vie en commun. Le do maine social d'actions appelé "littérature" devrait alors être conçu comme un réseau vaste et complexe fait de la concaténation et de l'interdépendan ce d'actions diverses liées les unes aux autres, accomplies par des personnes diverses dans des relations de dépendance réciproque. C'est en ce sens qu'on peut parler d'institution. Blumer:
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P. BANGE "Un réseau ou une institution ne fonctionnent pas automatiquement sur la base d'une dynamique interne quelconque ou sur la base d'exigences du système; ils fonctionnent parce que des personnes font quelque chose dans des positions différentes — et ce qu'elles font est le résultat de la manière dont elles définissent la situation où elles doivent agir." (1969-1980: 100)
J'avancerai donc l'hypothèse qu'il n'y a pas de séparation radicale en tre conversation et communication littéraire, mais continuité: c'est-à-dire, d'une part, qu'il y a dans la conversation des éléments "ludiques" (quels sont-ils? quel rôle jouent-ils? que signifie exactement "ludique"?) qui ap partiennent aussi à la communication littéraire, d'autre part, que des ma crostructures pragmatiques sont communes à la conversation et à la com munication littéraire. Cette première hypothèse en appelle-immédiatement une seconde sur la différenciation de la communication littéraire. Celle-ci s'opère par l'autonomisation, en vertu d'un "effet Golem", de certains aspects de la communication quotidienne, plus ou moins détournés de leur rôle instrumental vers un rôle expressif, accomplis par référence à leur propre modèle, par rapport à une situation d'orientation vers la forme qui, selon Jakobson, serait caractéristique de la littérature. Cette conception repose sur l'idée que la communication courante contient déjà in nuce toutes les formes fondamentales de l'utilisation de la langue, que les types spécifiques de discours (discours scientifique, ou discours juridique, ou discours littéraire, etc.) sont le résultat de l'élaboration de certains be soins dans des institutions. On peut peut-être dire avec Kallmeyer que la "littérature" marque "une nette séparation par rapport au domaine quotidien et aux autres do maines institutionalisés de la réalité", et que "cette séparation a pour effet la création d'un espace de liberté pour un traitement spécifique des princi pes et procédés de constitution des structures de représentation" (1981: 410). On peut le dire, car cela implique en effet que ces principes et métho des sont fonctièrement les mêmes, mais diffèrent dans leur modalité de mise en oeuvre. Cette littérarité ne peut être perçue qu'à partir d'une ap proche pragmatique et en particulier par différence avec la communication quotidienne, ce qui doit avoir des conséquences sur l'organisation des pro grammes de recherche. Le passage du littéraire au non-littéraire n'est pas catégorique, il s'ef fectue dans un réseau délimité d'actions et de rôles. E. Gülich cite l'exem ple d'un courrier des lecteurs du magazine populaire "Confidences" qui pa raît sous le titre:
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"Vous avez gagné cent francs. Nous publions chaque semaine des extraits d'une lettre de notre courrier que nous mettons au tableau d'honneur pour ses qualités" (1980: 364).
Phénomène d'intronisation littéraire: mini-prix Goncourt. On peut se représenter l'esthétisation de l'usage de la langue dans l'ins titution littéraire comme devant comporter deux phases: 1. une demande d'accès à l'institution littéraire faite par un utilisateur de la langue dans une situation particulière, caractérisée par une extension du jeu des modalités d'interaction, une plus ou moins grande libération des contraintes sémantiques et pragmatiques du hic et nunc; 2. une intronisation, c'est-à-dire une appréciation de la valeur de la demande par un médiateur agréé. Cet actant devient, en quelque sorte, l'agent central de l'institution, car c'est lui qui règle la communication de masse qu'est la littérature. C'est lui qui suscite et sélectionne la production, qui guide la réception et donc la diffusion, qui co-détermine le contenu des conventions en vigueur à un moment, c'est-à-dire le contenu des prédicats esthétiques. Le médiateur a la fonction institutionnelle de détenteur des normes culturelles; il est le représentant de la "littérature positive". Il de vient alors nécessaire d'analyser aussi les discours de la médiation dans les quels se définit le fonctionnement de l'institution littéraire. Bien entendu, un écrivain est, dans les représentations du sens com mun, non seulement un spécialiste, mais un personnage exceptionnel (posi tivement ou négativement), et seule la reconnaissance comme écrivain fait participer pleinement à l'institution littéraire. L'intérêt d'une conception interactionniste est de pouvoir mettre l'accent sur les processus d'institu tionnalisation. 4. La perspective que je viens d'esquisser implique un renouvellement du domaine d'investigation et des méthodes de la science littéraire. Je parle ici de "science littéraire", car je pense que l'émergence de la pragmatique linguistique permet aux études littéraires d'être fondées com me une science humaine véritable, avec les mêmes exigences méthodologi ques concernant la nature des hypothèses et théories et leur falsifiabilité par des procédures empiriques. Comme tout ce qui touche à l'analyse du discours, le domaine de la science littéraire confine à ceux de la psychologie et de la sociologie notam ment. Mais on ne doit pas l'assimiler à une sociologie ou une économie des biens culturels, qui est autre chose. Le domaine de la science littéraire est
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une partie du domaine d'étude des interactions verbales; c'est le domaine d'étude de l'institutionnalisation de certains types d'interaction à l'aide de textes et de la constitution de certains types de biens culturels à base de communication verbale. Bibliographie Arbeitsgruppe Bielefelder Soziologen (2 Bde.). 1980. Alltagswissen, Interaktion und gesellschaftliche Wirklichkeit. Opladen: Westdeutscher Verlag. Blumer, H. 1969. "The Methodological Position of Symbolic Interactionism." In: Blumer, H., Interactionism; Perspective and Method. (Trad. allde in : Arbeitsgruppe Bielefelder Soziologen (éd.) pp. 80-146.) van Dijk, T. A. 1977. Text and Context. Explorations in the Semantics and Pragmatics of Discourse. London, New York: Longman. Ehlich, K. (éd.). 1980. Erzählen im Alltag. Frankfurt/Main: Suhrkamp. Garfinkel, H. 1961. "Aspects of Common Knowledge of Social Structures." In: Transactions of the Fourth World Congress of Sociology, Milan and Stresa, 1959. Vol IV: The Sociology of Knowledge, Louvain: 51-65. In ternational Sociological Association. Greimas, A.J., Courtés, J. 1979. Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage. Paris: Hachette. Gülich, E. 1980. "Konventionelle Muster und kommunikative Funktionen von Alltagserzählungen." In Ehlich, K. (éd.), 335-384. Hintzenberg, D., Schmidt, S. J., et Zobel, R. 1980. Zum Literaturbegriff in der Bundesrepublik Deutschland. Braunschweig, Wiesbaden: Vieweg. Hymes, D. 1977. "The State of the Art in Linguistic Anthropology." In Perspective of Anthropology. Cité d'après la trad. allde: Zum Stand der linguistischen Anthropologie. In Soziolinguistik, 1979. Frankfurt/ Main: Suhrkamp. Kallmeyer, W. 1981. "Gestaltungsorientiertheit in Alltagserzählungen." In Kloepfer, Janetzke-Dillmer (éd.), 409-429. Kloeper, R., Janetzke-Dillmer (éd.). 1981. Erzählung und Erzählforschung im 20. Jahrhundert. Stuttgart. Kristeva, J. (éd). 1975. Langue, Discours, Société. Paris: Le Seuil. Mounin, G. 1971. Introduction à la sémiologie. Paris: Editions de Minuit. Pratt, M. L. 1977. Toward a Speech Act Theory of Literary Discourse. Bloomington: IUP.
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Schmidt, S.J. 1980. Grundriss der empirischen Literaturwissenschaft. Braunschweig, Wiesbaden: Vieweg. Todorov, T. 1975. "La notion de littérature." In Kristeva, J. (éd.).
Stratégies sémiotiques et banques d'images C. Baryla
Conservateur, chargée de développer ce qu'il est convenu d'appeler les "nouvelles techologies" à la Bibliothèque Sainte-Geneviève, je me sens en maints points concernée par le titre de ce colloque:"Sémiotique et Pragma tisme". La sémiotique, d'abord, parce que par nature, l'activité du bibliothé caire touche à la problématique du sens. Le pragmatisme, ensuite, parce que la nécessité d'un usage pluriel et diachronique des outils d'accès aux collections d'ouvrages, de périodiques ou même d'images, impose une for me particulière de la communication, dont nous verrons, à la suite du déve loppement, qu'elle est essentiellement pragmatique. Dans un ouvrage brillant, publié l'année dernière (1983), "Des miroirs équivoques: aux origines de la communication moderne", Louis QUERE dénonce le schéma shannonien de la communication, qu'il juge par trop simpliste et instrumental. Il en critique surtout "l'hégémonie engeneering" à laquelle nous semblons soumis, répétant inlassablement le schéma priori taire de la société des téléphones Bell, où E, émetteur, parle à R, récep teur, avec un minimum de perte en ligne. Schema dual, peu susceptible de rendre compte de phénomènes plus complexes qui font le corps vivant de la communication. Car enfin, si E parle à R, il faut bien que ça produise quel que chose dans R, que E en tire aussi sa part, et que tous deux, finalement partagent quelque chose qui les unisse. Partant de cette constatation, le schéma triadique peircien m'a semblé être un modèle très intéressant pour rendre compte des phénomènes com plexes de la communication dans un contexte de documentation ou, ce qui est plus précisément ma pratique, dans une grande bibliothèque dotée de fi chiers considérables. Avant de présenter quelques essais/variations sur le schéma triadique, je crois nécessaire de donner quelques chiffres. Une bi bliothèque comme Sainte-Geneviève, c'est environ 2 millions de volumes
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différents, rangés par ordre d'arrivée dans la maison, et par secteurs. Cela signifie tout simplement qu'un livre que n'est pas fiché ou dont la fiche est mal faite, n'existe pas, est tout bonnement mort sur son rayonnage. Deux millions de volumes cela signifie, avec tous les renvois, 1,5 millions de fi ches — auteur et autant de fiches-matière. Enfin, pour en terminer avec les chiffres, avec le mot "Bible", par exemple, vous avez facilement 600 fiches différentes à classer. En ce qui concerne les images (miniatures, estampes, gravures, etc..) les quantités sont moins considérables, mais, trouver une estampe particulière au milieu de cent mille autres peut poser d'autres pro blèmes tout aussi aigus. Pour en revenir au schéma triadique, Figure 1 pourrait rendre compte d'un de nos problèmes bibliothéconomiques fondamentaux, à savoir répon dre à des publics dont les objets, les références, les conceptions, les contex tes, l'environnement, sont complètement différents mais qui utilisent ce pendant des concepts en apparence semblables.
Figure 1.
Le mot sémiologie, par exemple, aura un tout autre sens dans un collo que de médecine. Ces problèmes, bien entendu, deviennent encore plus cruciaux avec l'introduction de l'informatique. Le choix du mot clef n'étant jamais parfait, on rejoint pratiquement là les problèmes soulevés par Henri Hudrisier à propos des banques d'images. Il me semble qu'il serait intéres-
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Figure 2.
sant d'avoir un accès au catalogue du type "feuilletage d'images": il est mil le fois plus simple de balayer rapidement le tiroir "Bible" plutôt que d'assi miler les normes très compliquées de classement qui, dans ce cas particulier font intervenir la chronologie, les notions de préséance entre les saints, les papes et les simples mortels et surtoit, les langues différentes. Manuelle ment, c'est un peut long, mais, écran par écran, on doit avoisiner là les per formances "Tintín", c'est-à-dire la possibilité de sélectionner très rapide ment une fiche pertinente parmi 1000 autres. Il ne s'agit pas, bien entendu, d'utiliser cette technique dans tous les cas, mais elle peut, à mon avis, s'avérer intéressante pour tous les mots matière "chargés". Cette même problématique s'accentue lorsqu'on envisage le plan histo rique. Les mots-clefs, surtout en sciences humaines changent très vite, dé pendent des écoles et posent ainsi d'inextricables problèmes d'indexation et de mise à jour des fichiers. Figure 2, lui, pourrait modéliser le problème de l'expression multiple à propos des mêmes objets. C'est la délicate question de la cohabitation dans les mêmes fichiers d'une série d'accès pluriels selon le public ciblé. Dans ce schéma, pour reprendre Robert Marty "l'interprétant a été remplacé par la notion de productant. Le productant pour représenter produit R, l'en semble constituant un co-signe." Figure 3 rend compte des interprétants multiples. C'est le dernier pôle de cette variation sur un même mode triadique de communica tion. C'est en fait celui de la lecture plurielle des ouvrages. Nous sommes du côté de l'indexation par le bibliothécaire, la plus fine possible mais aussi
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Figure 3.
la plus ouverte; nous sommes aussi du côté des N lecteurs possibles avec leurs quêtes diverses, le contexte historique, leurs cultures et, par consé quent, la nécessaire pérennité relative que doivent prendre les choix d'in dexation faits par l'indexeur et les choix de requêtes établis par les lecteurs. Ces trois schémas, je vous les ai essentiellement proposés pour qu'ils puissent ici être critiqués, validés ou invalidés, et je l'espère, réinjectés à bon escient dans ma pratique. Dans son dernier roman Le Nom de la Rose Umberto Eco analyse les problèmes de la communication dans la bibliothèque: "La bibliothèque est née selon un dessein resté obscur pour tous au cours des siècles et qu'aucun des moines n'est appelé à connaître. Seul le bi bliothécaire en a reçu le secret du bibliothécaire qui le précéda, et le com munique, encore en vie, à aide-bibliothécaire, de façon que la mort ne le surprenne pas en privant ainsi la communeauté de ce savoir. Et leurs lèvres à tous deux sont scellées par le secret. Seul le bibliothécaire, outre qu'il sait, a le droit de circuler dans le labyrinthe des livres, lui seul sait où les trouver et où les replacer, lui seul est responsable de leur conservation. Les autres moines travaillent dans le scriptorium et peuvent connaître la liste des volumes que la bibliothèque renferme. Mais souvent une liste de titres dit fort peu, seul le bibliothécaire sachant, d'après l'emplacement du
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volume, d'après le degré de son inaccessibilité, quel type de secrets, de vérités ou de mensonges le volume recèle."
Puis, plus loin: "Nul ne doit. Nul ne peut (pénétrer dans la bibliothèque se défend toute seule, insondable comme la vérité qu'elle héberge, trompeuse comme le mensonge qu'elle enserre. Labyrinthe spirituel, c'est aussi un labyrinthe terrestre. Vous pourriez entrer et vous ne pourriez plus sortir. Et cela dit, je voudrais que vous vous conformiez aux règles de l'abbaye."
Les nouvelles technologies présentées par quelqu'un qui porte le tire de "conservateur", voilà déjà un paradoxe. Les nouvelles technologies dans une bibliothèque vieille de près d'un millénaire, voilà de quoi, à bon droit, peut-être, faire pousser quelques cris d'horreur à nombre de lecteurs et aussi à nombre de collègues bibliothécaires. Pourtant, chacun sait que le livre imprimé est appelé à se transformer d'ici quelques années. De fait il a déjà commencé sa transformation tout en restant matériellement le même mais en devenant économiquement parlant, fort différent. En reprenant l'histoire de l'édition, juste avant l'in vention de l'imprimerie, on constate deux phénomènes précurseurs: D'abord une introduction du papier en Occident, un siècle environ avant Gutenberg. Ensuite une multiplication fabuleuse du phénomène lecture et une or ganisation laïque de la copie des manuscrits susceptibles de répondre à un nouveau marché du livre dans des conditions qui sont une quasi préfigura tion de l'imprimerie. Nous n'avons pas pour autant constaté depuis la disparition de la copie manuscrite, mais, tout au plus son déplacement d'usage et mon stylo cou rant sur la page blanche en préparant cette communication est la preuve d'une solide survivance du manuscrit au 20ème siècle. Pour revenir à la transformation économique du livre imprimé, les sta tistiques sur la progression de la production française seraient édifiantes. Plus pernicieux et non moins réel est le phénomène de la durée de vie du livre. Le phénomène de la nouveauté, attaché dans les siècles précé dents à une forme inférieure de romans, ou, à l'opposé, au goût d'une intel ligentsia d'être servie la première, dès leur parution, en oeuvres par ailleurs destinées à durer, a pris une ampleur démesurée. C'est cela même qui nous fait attendre et guetter le dernier Deleuze ou le dernier Searle, certains que nous sommes que trois moins après sa sortie il aura disparu des librairies remplacé par d'autres productions théoriques nouvelles. Plus grave encore
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est le cas de l'ouvrage important d'un auteur moins connu, moins médiati sé, très vite épuisé s'il n'est pas acheté dans l'année qui suit sa sortie. Ce contexte parfaitement clair d'une crise de l'édition est corroboré par d'autres phénomènes: l'émergence de tout un nouvel arsenal technique de la pérennisation des information dont l'outil le plus révolutionnaire, complémentaire du phénomène informatique est le stockage optique par la ser de l'information. Bien que je mène à Sainte-Geneviève des expérimentations technolo giques aussi bien du côté du texte que de l'image seule, ce que je vais vous présenter aujourd'hui concerne exclusivement l'image puisqu'il s'agit des miniatures de la bibliothèque. "Et en outre, ajouta l'Abbé (du Nom de la Rose), le livre est créature fra gile, il souffre de l'usure du temps, craint les rongeurs, les intempéries, les mains inhabiles. Si pendant cent et cent ans tout un chacun avait pu libre ment toucher nos manuscrits la plus grand partie d'entre eux n'existerait plus. Le bibliothécaire les défend donc non seulement contre des hommes mais aussi de la nature, et consacre sa vie à cette guerre contre les forces de l'oubli, ennemi de la vérité."
Présentation du videodisque réalisé à la bibliothèque En ce qui concerne les problèmes de méthodes, le videodisque ouvre en histoire de l'art par exemple, des perspectives aussi révolutionnaires que l'apparition de l'estampe. C'est le sens de l'intervention de Henri Hudrisier au dernier Colloque de l'Ecole du Louvre: "L'image n'est plus littéralement copiée comme au temps du scriptorium, mais pressée par un processus semblable à l'imprimerie ce qui permet, pour la première fois le réalisation à bas coût d'innombrables multiples. Cette innovation technique n'a pas pour seule valeur d'être une nouvelle technologie mais repose complètement les problèmes de méthode. Pour la première fois un lecteur peut espérer un accès rapide et interactif en de multiples endroits du même stock d'images."
Pour la première fois aussi cette information est manipulable au même titre que le mot ou la phrase contenus dans une base de données informati que. Ceci implique de repenser les méthodes en matière d'accès à l'image et rend étonnement modernes les analyses d'Erwin Panofsky sur les niveaux iconographiques et iconologique. Bien distinctes jusqu'à leur remise en cause au 19ème siècle les deux activitès de l'iconologie et de l'iconographie ont souvent tendance à être aujourd'hui confondues. Le repérage des ima-
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ges, leur catalographie, (niveau iconographique) est le premier devoir de tout bibliothécaire. N'oublions pas que, sans cette identification, l'image n'existe que pour lui seul. Alors que jusqu'à présent la connaissance d'un fonds ne pouvait être qu'individuelle et fragmentaire, de vastes ensembles sont désormais repérables et accessibles. L'expérience de Michel Melot, re latée au congrès INFODIAL 1983, est à cet égard, révélatrice: préparant alors un videodisque sur l'iconographie révolutionnaire au Département des Es tampes de la Bibliothèque nationale, les bibliothécaires ont repéré environ 80 000 images pertienentes alors qu'un spécialiste du problème n'en connaît personnellement que 2 000. Bibliographie Eco, U. 1982. Le Nom de la Rose. Paris: Grasset. Image et sigification. 1983. (Collection des Rencontres de l'Ecole du Lou vre) Paris: La Documentation Française. INFODIAL 83. 1983. Paris: Congrès. Quère, L. 1982. Des miroirs équivoques. Aux origines de la communication moderne. Paris: Aubier. Panofsky, E. 1967. Essai d'iconologie. Paris: Gallimard.
Phanéroscopies du film Werner Burzlaff
Ce titre renvoie le lecteur à l'oeuvre de Charles S. Peirce telle qu'elle est accessible dans les Collected Papers1 et telle qu'elle a été comprise à Per pignan. Nous tenterons ici une lecture des "conférences de Lowell" qui font du pragmatisme le couronnement de la pensée phanéroscopique et de l'ana lyse sémiotique. Nous limiterons notre tentative au système phanéroscopi que du philosophe américain et mettrons notre compréhension à l'épreuve des questions de la conscience et du mouvement filmiques. En attendant d'établir une classification sémiotique des recherches sur le champ du film, nous emploierons ce terme dans son acceptions quotidienne. 1.
Le système phanéroscopique
Les "conférences sur le pragmatisme"2 constituent un point central des écrits de Peirce. Bien que comparables dans leur volume (118 pages) à la grande série des six articles pour "Popular Science Monthly" de 1877-78 (124 pages) ou à la série pour le "Monist",3 elles apparaissent plus impor tantes lorsqu'on y ajoute les brouillons, dont la version non utilisée de la troisième conférence et surtout le "résumé de certaines questions de la logi que". La première partie de ce "syllabus" (1.180-202) a été imprimée ainsi que huit pages de la seconde partie (3.571-587). Les fonds d'impression étaient alors épuisés et les CP restituent le reste du manuscrit (3.588-3.608, 2.233-2.272). L'ensemble des conférences et du "syllabus" constitue la somme de la pensée peircienne à ce moment de sa vie et contient notamment le seul dé veloppement des classes de signes que nous possédons de la main du philo sophe américain. La lecture de ces documents procure un plaisir indéniable. "L'humour de Peirce, sa fraîcheur, la concision de ses expressions, l'exubérance de ses
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WERNER BURZLAFF
idées, l'extraordinaire auto-contrôle et confiance en lui-même, les projec tions sans fin de vastes construction systématiques, les rayons de son gé nie", le lecteur trouve ici ces propriétés énumérées par les premiers édi teurs des Collected Papers (I, p. IV). Mais notre propos est de déterminer la fonction des différents éléments qui forment l'édifice de la pensée de Peirce. Pour prévenir tout malentendu, les réponses ont déjà été données dans les discussions, papiers de travail et publications du séminaire de sémiotique de l'Université de Perpignan. Il ne peut donc s'agir que de reformuler ce qui est déjà connu avec l'idée d'une remémorisation, surtout des relation existant entre catégories et formes dégénérées des catégories. Peirce attaque cette première conférence avec la définition du pragma tisme considéré comme un théorème philosophique. Un exemple lui sert d'illustration: la probabilité. Ce choix souligne d'emblée — mais implicite ment — l'importance qu'il accorde à la tiercéité, sa découverte majeure qui prendra ici la forme de prédiction. Après quelques restrictions sur l'utilisa tion faite du terme "practical", il revient aux questions fondamentales, celle des preuves. S'agira-t-il de croyance, d'assertion ou de jugement? Il propo se alors un plan pour sa démarche, interrogeant les sciences compétentes, les sciences normatives: l'esthétique dont l'objet est considéré dans sa sim ple présentation, l'éthique qui concerne l'effort de la volonté, la logique qui traite de la représentation de la vérité. Mais un examen préliminaire est nécessaire: la justification de la tentative d'établir un dualisme entre le bon et le mauvais raisonnement (good-bad), problème de tout ce qui est nor matif. Ce rôle incombera à la phénoménologie et aux modes d'être qu'elle fournit: les catégories. Au début de la seconde conférence, Peirce nous rappelle ce qui est né cessaire à l'étude d'un phénomène: ouvrir nos yeux mentalement, voir ce qui est évident, discerner des traits particuliers, généraliser et produire des formules abstraites. Nous avons reconnu une démarche abductive, la dé marche pragmatique par excellence. Il définit ensuite les trois catégories. La priméité est tout ce qui est présent en tant que présent, une qualité de sentiment. La secondéité est l'effort dans la mesure où se fait la distinction entre l'agent de l'effort et le patient, notamment la perception comme ex périence de l'Ego et du Non-Ego, le choc de deux objets réagissant l'un sur l'autre. La perception directe présente ainsi un Ego, détenteur de l'expé rience annihilée et un Non-Ego, un homme plus triste et plus sage. Il place ensuite sa conception de la teircéité dans la tradition évolutionniste darwi-
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niste, contre le nominalisme associé à une explication mécaniste tributaire des lois de la conservation de l'énergie, du monde physique et psychologi que. La troisième conférence commence également par un bref résumé des catégories et se poursuit par la discussion des cas dégénérés. Le terme méme est dérivé des principes de la classification des biologistes (notam ment Agassiz 1857, cf.: 1.230, mais aussi les réticences à propos de "genus" 1.238). La catégorie de la secondéité est ici exemplifiée par la Reaction (5.69). Par la détermination de son caractère essentiel, elle se divise en deux "species". Dans l'un des deux, la secondéité est forte, dans l'autre, faible. Seule l'espèce forte est capable d'une nouvelle subdivision in catenam (terme de 5.72). L'exemple donné, la réaction psychologique peut être schématisé Figure 1 :
Figure 1. (Cf. 7.110-7.120)
On pourrait parler dans ce cas de dégénérescence de la secondéité d'un processus de spécification (de "species"). Peirce distingue les niveaus suc cessifs de la "division" et de la "subdivision" (5.69), cette dernière impli quant "une sorte de tiercéité" (5.70). Il parait clair que la détermination spécifique mène la pensée à une complexité qui s'explique par la présence des niveaux antérieurs de l'analyse. En ce qui concerne la tiercéité, le premier niveau du processus consiste en une trichotomie phanéroscopique. Peirce dit que l'on obtient des "ge nus". Le genus qualitativement dégénéré, donc une priméité de la tiercéité initiale, ne requiert pas une nouvelle subdivision. Le genre dégénéré à un moindre degré, ou "reactionnellement" ("reactionally") dégénéré, suit le processus que nous avons examiné pour la secondéité tandis que le genre "relativement authentique" se subdivisera par trichotomie. Peirce donne un exemple de cette analyse dans un fragment de 1903 où il classe les "buts" avec la numératation suivante.
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I II 1 2 III 1 2 a b 3 a b Nous distinguons ici trois niveaux de divisions symbolisés par des chif fres romains, des chiffres arabes et des lettres de l'alphabet. Dans le contexte de sa conférence (le brouillon indique à cet endroit l'introduction du signe complet), l'auteur se contente de rappeler au bon souvenir de l'auditoire ses publications de 1867 (cf.: 1.558 sur les erreurs de 1867: 1.564-1.567 de 1899). Il utilise les termes d'autrefois sans pour autant contredire ses conceptions postérieures ni invalider les réflexions sur le signe conçues pour le "syllabus". Un représentamen, qui peut être représentamen-signe, représentamen-objet ou représentamen-interprétant, se divise par trichotomie en trois. La forme qualitativement dégénérée est l'icône, par exemple une statue de centaure. La forme réactionnellement dégénérée est un indi ce, par exemple un hygromètre avec des figures indiquant le temps. Cette forme se divise in catenam, par exemple un hygromètre (forme faible) et un panneau indicateur, un doigt tendu, le "Bunker Hill Monument". La forme relativement authentique, le symbole, peut être exemplifiée par un mot gé néral, une phrase, un livre. Cette forme se divise à nouveau par trichotomie en terme, proposition, argument. Ensuite, Peirce ramène son public sur un terrain sans doute plus acces sible et expose une classification des systèmes méthaphysiques possibles se lon la présence ou l'absence des catégories. Il obtient sept divisions agen cées en nid d'abeilles à l'intérieur d'un cercle, en respectant le principe de la contiguïté. Peirce le réutilisera dans la syllabus pour son diagramme des classes de signes (2.264). Mais l'orateur profite de ce moment de détente pour revenir sur deux exigences fondamentales de sa pensée phanéroscopique. D'abord l'irréduc-
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tibilité des catégories: elles ne sont d'ailleurs pas complexes en ce sens qu'elles seraient une addition possible d'éléments simples, mais possèdent une complexité en ce qui concerne la secondéité et la tiercéité. Ensuite, le postulat selon lequel qualité (priméité) et réaction (secondéité) ont leur im portance propre dans le monde (cf.: 5.539 et 1.332). Les quatre conférences restantes seront consacrées à la tiercéité. Il vient à considérer les débuts de toute pensée qu'il trouve dans le jugement conceptuel. L'origine de ce dernier est le percept. Se pose alors la question centrale des sciences normatives, celle de la validité, de la loi de la confor mité des choses et des buts. En suivant les trois sciences concernées, l'éthi que, l'esthétique et la logique, elle peut revêtir les trois formes de l'expres sivité, de la véracité et de la vérité. C'est à cet endroit que Peirce cite un exemple qui l'amène à donner une définition. Les détermination réitérées constituent la triade du Représentamen qui détermine un Interprétant, les deux pouvant être reliés à un Objet réagissant. Il montre ensuite comment un représentamen considéré comme phanéron peut revêtir ces trois formes. Le proverbe "Evil communications corrupt good manners" possède un sens (meaning), une tiercéité. L'acte de le prononcer en anglais ou en grec cons titue sa secondéité. Ses connotations renvoient à la priméité. Peirce restera par la suite dans le cadre de l'analyse phanéroscopique. Du symbole comme tiercéité, il subdivisera rhème, proposition et argument qui lui serviront pour aborder la question de l'excellence d'une argumenta tion. Il retiendra trois façon de raisonner: l'abduction, l'induction, la dé duction. Le pragmatisme sera présenté ici comme une logique de l'abduc tion voisine du jugement perceptuel. Il terminera en disant que "les élé ments de chaque concept entrent dans la pensée logique par la porte de la perception et font leur sortie par la porte de l'action délibérée" (5.212). 2.
Le découpage phanéroscopique
Après avoir présenté notre lecture des "conférences de Lowell", nous exposerons le processus du découpage phanéroscopique en nous référant aussi à d'autres textes de Peirce. Division, décomposition, combination, composition sont des notions importantes pour la pensée phanéroscopique. Avant de définir le phanéron (ou phénomène), Peirce réfléchit sur la possibilité même de la décomposi tion. Il distingue la division "selon leur caractère matériel" ("matter") (1.288 de 1908) et avoue s'être consacré presqu'entièrement à la première.
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Il explique les classifications formelles en les comparant aux "valences" des éléments chimiques et il conclut "qu'aucun élément ne peut avoir une plus grande valence que trois" (1.292). Il précise que "l'analyse logique ne consiste pas en un découpage en éléments existants (c'est nous qui souli gnons)" et poursuit: l'analyse logique "fait ressortir les relations entre concepts" sur la base de la supposition suivante: "quand un concept est donné ou trouvé, on trouve en même temps sa négation ainsi que toute au tre relation qui résulte d'une transposition de ses corrélats" (1.294 de 1905). Une telle phrase évoque fortement Hegel, et Peirce s'en explique tout au long de sa vie. Dans le brouillon d'une lettre à Lady Welby de juillet 1905, il ne situe pas ses propres catégories par rapport à celles du philosophe alle mand, mais — en tenant compte de leur caractère formel — par rapport aux étapes hegeliennes de la pensée (Habermas 1984: 399). Parmi les éléments, Peirce distingue les "primans, secundans, tertians" (cf.: le même brouillon; cf.: 1.295-98 de la même année 1905) et il précise qu'il parle "en général (dans le sens mathématique ou a priori, cf.: aussi 1.350). Il résume son raisonnement pré-phénoménologique: "nous trou vons alors a priori que l'on peut s'attendre à trois catégories d'éléments in décomposables dans le phanéron, ceux qui sont simplement des totalités positives, ceux qui impliquent dépendance mais pas combinaison, ceux qui impliquent conbinaison". Nous reconnaissons dans ces formes "a priori" de priman, secundan, tertian, la présence des catégories qui régissent les phanéra. "Par phaneron, j'entends" dit Peirce, "la totalité collective de tout ce qui, de quelque ma nière et en quelque sens que ce soit, est présent à l'esprit". Il insiste sur le caractère formel du phanéron: "sans considérer aucunement si cela corres pond à quelque chose de réel ou non" (1.284 de 1905). La phanéroscopie, l'étude des phanera, part de l'observation directe pour établir la liste des catégories. Elle "procède enfin à la tâche laborieuse et difficile d'énumérer les principales subdivisions de ces catégories" (1.286 de 1904). C'est à ce moment du raisonnement que se situe notre propose sur le découpage phanéroscopique. La trichotomie constitue à nos yeux un premier niveau de division du phanéron. Elle consiste à constater, par observation directe et par générali sation de ces observations, la priméité, la secondéité et la tiercéité du pha néron; ce sont des modes d'être. Il s'agit du niveau de la caractérisation ou de la qualification. A un deuxième niveau, ces concepts catégoriels — qui ont donc a priori un caractère de priman, secundan ou tertian — se subdivi-
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sent selon les capacités de leurs catégories. Peirce examine longuement ces possibilités et emploie les termes de dégénérescence et de cas dégénéré. La priméité ne possède pas une telle capacité de subdivision mais nous dirons qu'elle peut être réitérée. Le principe de la subdivision de la secondéité est la dichotomie in catenam, et celui de la tiercéité, la trichotomie. Les élé ments obtenus par subdivision sont au nombre de six, c'est pourquoi nous parlons du niveau de l'hexatomie. Il existe également un troisième niveau qui possède dix éléments et est donc une décatomie. Les trois niveaux distingués possèdent également un certain caractère catégoriel dans la mesure où la présence des niveaux antérieurs implique une augmentation de la complexité. Par la suite, nous utiliserons pour indi quer le premier niveau un seul chiffre suivi d'un point marquant son carac tère catégoriel. Le deuxième niveau sera identifié par deux chiffres, et le troisième par trois. Il est évidemment difficile d'exclure, comme l'exige le respect de la hiérarchie des catégories, l'idée de tiercéité dans le troisième niveau de la secondéité, dans 2.11, 2.21 et 2.22. Mais Peirce dit que "la sub division en tant que telle implique quelque chose de plus que la seconde ca tégorie" (5.69). Avant la présentation du découpage complet, revenons un instant sur les trois niveaux distingués. Dans sa jeunesse, Peirce semble avoir retenu comme principe de toute division la détermination: "toute déterminiation est faite par négation" (5.223 note 2 de 1868). Il examine cette notion en référence directe à Hegel (6.625 sqq.). En 1896 encore, il présente le déve loppement suivant: "au début était la nullité ou l'indétermination absolue qui, considérée comme possibilité de toute détermination, est l'être ("is being")... chaque détermination donne la possibilité d'une détermination ultérieure" (1.447). En 1905, Peirce restreind la détermination surtout à la secondéité, à ce qui est singulier, tandis que la priméité qua imprécision est particulière ou indéfinie, et la tiercéité qua généralité est universelle (5.450). Cet usage de la notion de détermination nous a apporté plusiers définitions du signe (4.531, mais surtout 6.347 de 1909) qui sont axées sur l'objet. Dans notre contexte, nous disons que le premier niveau des divisions phanéroscopiques est obtenu par qualification catégorielle, le deuxième par détermination, le troisième par généralisation. La première division nous renseigne sur la structure du phaneron, la seconde sur sa nature, la troisième sur sa généralité. Concept, conception, conceptualisation constituent une série analogue.
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Nous présenterons maintenant un découpage phanéroscopique qui re prend des concepts de Peirce déjà si connus qu'il n'est plus nécessaire de les expliciter. 1. 2. 3.
le sentiment, le "feeling" que Peirce ne cessera d'expliquer la réaction la représentation
1.1 2.1 2.2 3.1 3.2 3.3
la qualité de sentiment une dualité faible (5.57;5.70), indirecte (5.539) une dualité forte, directe l'autoreprésentation une pluralité irrationnelle, la dyadicité la forme de représentation de la pluralité, la triadicité
1.11 2.11 2.21 2.22 3.11 3.21 3.22 3.31 3.32 3.33
qualification réitérative similarité (spécification faible réitérée) identité (spécification inhibée) différence (spécification active) idée générale continuité dyadique subjective continuité dyadique objective continuité par abduction continuité par induction continuité par déduction
Une présentation arborescente fera encore mieux ressortir les niveaux et les possibilités de division (Figure 2). 3.
Phanéroscopie de la conscience cinématographique
La conscience est une des préoccupations majeures de Peirce. Elle est évidemment une tiercéité, mais il s'agit de savoir comment elle se forme et comment elle fonctionne, c'est-à-dire qu'il faut également explorer sa priméité et sa secondéité. Dans un manuscrit non daté (7.539-552, vers 1900), Peirce compare le medium de la conscience à un lac dans lequel les idées flotteraient à plusieurs profondeurs, soumises à des poussées vers le haut ou vers le bas, susceptibles de se regrouper ou de se séparer, d'une netteté
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Figure 2.
plus ou moins grande. Une pluie de percepts tomberait sur la surface. Nous ne raisonnerons pas sur cette métaphore du puits de Mnémosyne, mais nous pouvons déjà dire que la conscience est remplie d'idées et non d'ima ges. L'affirmation est vraie pour les percepts qui ne sont nullement compa rables à des images photographiques. Peirce parle cependant volontiers de "photo composites" pour illustrer certains procédés mentaux, mais il sem ble s'agir là d'une référence au photo-montage plutôt qu'au film (par exem ple 2.435). La peinture, la photographie, le film sont des images que notre oeil re garde avec les mêmes facultés utilisées pour percevoir l'environnement. Ce n'est pas pour autant que nous voyons en images. La nature physiologique de l'oeil contredit formellement une telle conception. Peirce, informé des recherches dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, les relate brièvement et se sert d'un argument scientifique frappant: le trou noir de la rétine ne nous empêche pas de voir une image intacte. La technicité de l'image photochimique ou vidéo n'est pas comparable à l'oeil humain (5.303 de 1868). Les déterminations phanéroscopiques de l'image seraient dans une première approximation: l'image non technique, dessin, tableau, peinture, etc.. et leur reproductibilité; l'image photo en ce qui concerne l'exactitude due aux lois optiques; l'image cinétique comme médiation entre les formescouleurs et la fidélité de la reproduction.
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Notre propos, plus proche ici de l'exégèse peircienne que d'un discours sur le film, se limitera aux deux sens humains sollicités au cinéma: la vision et l'ouie. 1. La priméité, "feeling" ou "primisense" est donc tout sentiment dû à la perception visuelle et auditive. 2. La secondéité, la réaction psychologique ou "altersense" nous sem ble être l'attention, c'est-à-dire le regard orienté vers l'écran, l'oreille ten due. 3. La tiercéité de la conscience, ce qui nait lorsque sentiments et atten tion sont réunis, est la compréhension qui permet la formation d'une idée. 1.1. A ce niveau, nous trouvons des qualités de sentiments, ce que nous exprimons lorsque nous disons: joli, agréable. 2.1. Peirce utilise ici volontiers le terme de sensation, un sentiment qui s'impose à nous. C'est la manière dont nous ressentons la bande-son, le timbre d'une voix. Côté visuel, c'est la reconnaissance de formes et des cou leurs, leurs teintes, l'atmosphère, l'ambiance, la luminosité, le contraste, l'intensité, la température. Ces notions trouvent leurs équivalents pour le noir et blanc. 2.2. Bien qu'il l'ait souvent utilisé vers 1868, Peirce parait avoir aban donné le terme d'émotion en faveur de "willing" ou "volition". Dans notre contexte, ce mot convient tout à fait. Peirce dit que "les émotions se font jour quand notre attention est fortement attirée par des circonstances com plexes et inconcevables", par exemple, peur, joie, étonnement, anxiété, co lère. Il y a cependant déjà un élément de tiercéité dans la mesure où une opération de la pensée est impliquée (5.292). 3.1. Nous soulignons encore une fois que, dans toutes les divisions de la tiercéité, nous avons quitté les sens proprement dits. Ici, nous trouvons Y abstraction dans l'acception qu'une idée se detache d'un ensemble par sa simple présence répétée. 3.2. Le terme de suggestion, qui doit contenir une forte nuance de se condéité, vise la fixation de l'attention à l'aide d'autres idées. 3.3. L'association est à comprendre comme une attraction causale. Sur le troisième niveau, Peirce a été trés peu explicite. 1.11. L'intensité de sentiment, par exemple la rougéité du rouge de technicolor. 2.11. Reconnaissance de la similarité. L'apparition réitérée de formes, teintes, sonorités nous les fait reconnaître comme telles. 2.21. Le plaisir, l'intensité de l'émotion reconnue en tant que telle.
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2.22. L'emphase, ce que Peirce appelle "vividness" ou "liveliness". Ce qui est important dans notre contexte, c'est que c'est ici qu'est faite la dis tinction entre sensation ou émotion et réactions psychologiques soulevées par l'imagination, c'est le lieu de la surprise et du suspens. 3.11. Formation d'une idée par apparition réitérée. 3.21. Suggestion subjective, la conscience vivace de quelque chose. 3.22. La suggestion objective discerne la chose, un son fort par rapport à un son faible par exemple. 3.31. Association par ressemblance due à une disposition de la cons cience. 3.32. Association par contiguïté due à une habitude. 3.33. Association raisonnée. En résumé, nous disons que les idées formées par les images passent par les sentiments et par une réaction. Il en est de même pour le son. Le mot prononcé possède cependant un sens et fait donc appel presque direc tement à la logique. La sonorité et le sens d'un mot se rejoignent, à notre avis, au niveau de l'association, en partie même au niveau de la suggestion. Pour reprendre la métaphore platonicienne du lac, nous imaginons les gouttes de pluie comme les points dont se compose l'image. Mais le liquide n'a pas de cadre, de bord fixe. Les images du film seraient donc plutôt le contenu d'un seau d'eau qui se déverse sur notre conscience. 4.
Le mouvement cinématographique
Peirce fait parfois appel aux notions de vitesse et d'accélération pour combattre, à l'aide du calcul infinétisimal, les idées reçues des philosophes. Le découpage phanéroscopique du mouvement se fait d'après 1.337 (1875) et 1.355 (1890) en position, vitesse et accélération. Voilà notre point de dé part pour conceptualiser l'élément essentiel du "cinéma, Kino, movie". 1. position: toute image montrant un objet sans mouvement. 2. vitesse: par rapport au spectateur, tout mouvement simple soit de l'objet, soit de la caméra montrant un objet immobile. 3. accélération: tout mouvement d'une pluralité. Au niveau de la conception, nous trouvons surtout des déplacement. 1.1. Le cadre. C'est par rapport aux limites de l'image que les objets sont positionnés. Rappelons que la notion de "gauche" est une relation né cessitant la détermination de la tête vers l'azimut, du visage vers le nord et du bras vers l'ouest.
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2.1. Déplacement de l'objet filmé, mobilité. 2.2. Déplacement de la caméra. 3.1. Déplacement de plusieurs objets filmés. 3.2. Déplacement de la caméra et de l'objet filmé. 3.3. Montage. Il peut sembler étonnant de trouver ici cette notion par ce que sa place est trop mince. Nous signalons que des conceptions alors phanéroscopiques peuvent devenir des concepts qui réclament un découpa ge complet ( le scénario est prêt, la réalisation suivra). Au troisième niveau, nous constatons que les notions semblent très générales — ce qui ne nous étonne pas — mais aussi très peu discriminatoi res. Pourtant, elles sont à leur place. Ce fait illustre qu'elles ont également des fonctions dans d'autres conceptualisations. Il s'agit d'un problème de nomenclature qui, répondant aux exigences de praticiens et techniciens, s'accommode mal de celles des théoriciens. Ne retenons que le mot "plan", qui n'a jamais causé de malentendu sur un plateau, mais combien de mala dresses dans les livres. 1.11. le plan fixe 2.11. mouvement de l'objet, pas particulièrement remarqué, naturel, sa normalité 2.21. panoramique, travelling mécanique, optique normale 2.22. mouvement combiné de la caméra, c'est en quelque sorte la tech nicité visible, l'apport de la caméra au mouvement 3.11. la dynamique, l'opulence, l'élégance 3.21. mouvement combiné de la caméra et des objets filmés, la mise en scène 3.22. la mise en scène perçue, le rythme 3.31. montage champ/hors champ 3.32. montage champ/contre-champ 3.33. montage raisonné Ces applications témoignent de la fertilité de la méthode et ouvrent la perspective d'une théorie du film et du cinéma. Notes 1.
Vol. 1-6 (1931-35) éds. Hartshorne et Weiss, vol. 7 et 8, 1958 ed. Burks. Le numéro du volume est séparé du numéro du § par un point.
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2.
"Conférences de Lowell" du 26 mars au 17 mai 1903 à l'université de Harvard à Cambrid ge, Massachusetts. Collected Papers 5.14-5.212; brouillon de la 3ème conf.: 1.15-26, 1.343-49, 1.521-44; "Résumé de certaines questions de logique" ("A Syllabus of Certain Topics of Logic". Alfred Mudge and Son, Boston 1903): 1.180-202, 3.571-587, 3.5883.608, 2.233-272.
3.
Deledalle (1978), voir l'introduction.
Bibliographie Deledalle, Gérard. 1978. Ecrits sur le signe. Paris: Seuil. Habermas, Jürgen. 1984. Philosophisch-politische Profile. Frankfurt: Suhrkamp. Peirce, Charles Sanders. 1931-1935. Collected Papers vols. 1-6. Hartshorne and Weiss (éds). Cambridge, Mass.: Harvard University Press. . 1958. Collected Papers vol. 7, 8. Burks (éd.). Cambridge, Mass.: Har vard University Press.
Eléments de pragmatique ¡conique: Giotto à Assise M. Costantini
La question à poser, sinon à résoudre, est celle de la possibilité d'une pragmatique iconique, soit simplement: comment repérer les signifiants d'un énoncé visuel pour y déceler les indices d'une manipulation de l'énonciataire par l'énonciateur? 1 Le corpus: la Vie de Saint François telle que peinte par Giotto et d'autres dans la basilique supérieure d'Assise. Vingthuit fresques à lire, en principe, l'une après l'autre. 2 Continuité voulue, et sans doute aussi persuasion voulue: derrière les artistes, il y a le général des Franciscains. Mais, quoi qu'il en soit des acteurs de telle ou telle manipula tion, on devra reconnaître au coeur de cette production de sens, de cet énoncé, les traces de son environnement énonciatif approché sous l'angle de son efficience pragmatique. Trois voies, à Assise, sont ouvertes à l'exer cice du faire persuasif: l'une porte sur l'être même de l'énonciataire, l'autre sur son pouvoir-croire — et tend à son devoir-croire —, l'ultime sur son pouvoir-faire — et tend à son devoir-faire. Glosons d'avance: si j'arrive à te convaincre que de te fabula narratur, que tu peux, que tu dois croire ce que je raconte, alors il y a toutes chances que je réussisse à t'indiquer comment agir désormais — et que tu puisses, que tu veuilles agir ainsi. 1.
Mise en place
1.1 L'identification actorielle Dans le domaine verbal, on s'appuie sur des déictiques du type tu, qui représentent l'énonciataire au sein de l'énoncé. L'équivalent, ici, se présen tera comme l'établissement d'une identité posée par l'énoncé visuel, soit, au plan pragmatique, l'appel à une identification. Cette identification est actorielle, au sens où elle reporte notre spectateur vers un acteur de l'énon cé. Mais elle a le privilège d'enclencher la possibilité d'une identification
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plus profonde, et plus utile au propos, actantielle, celle-là. Grossièrement: si tu es même que moi, tu peux faire pareil. Partons donc de l'hypothèse que l'énonciataire-standard, la cible de la manipulation, est le /laïc/ — bour geois des années 1300, banquier, marchand de laine, de soie; il vient d'Assi se même, ou de Rieti, Perugia, Firenze, Lucca, voire Pisa. Or, transposé, réduit à l'essentiel de ses caractères, cet acteur de l'énonciation réelle s'in carne dans notre cycle. L'homologie de traits est suffisante, que n'entachent pas les différences — on pourrait évoquer le luxe vestimentaire de 1300, plus ostentatoire (jusqu'à exiger des lois somptuaires) que vers 1200, et que sur la fresque. Au départ, donc, même un certain François peut faire partie de mon univers, peut attirer, ainsi, mon besoin d'identification; et, situé au coeur de la fresque, il me requiert sans doute davantage. En sept fresques, celui qui se manifeste comme sujet-héros va quitter la /robe/, vêtement type du /laïc/, pour arborer désormais la /bure/, qui si gnifie moins le moine (elle y réfère, seulement) que la qualité acquise de fils de Dieu ou de disciple du Seigneur, la dignité, dirons-nous, de "converti". Donc un /laïc/, c'est-à-dire un "non-converti", peut devenir un /moine/, c'est-à-dire un "converti". 3 Pourquoi pas nous? Est-ce cela que nous devons entendre? D'autres, au demeurant, que le sujet-héros y parviennent: sur la septième fresque, douze personnages portent la bure. Bien mieux, la tradi tion fournissait au peintre le substrat d'une expression de la singularité ou, au moins, de la particularité — avec toutes les restrictions à la participation identificatrice que l'une et l'autre comportent: le vieux manteau donné par l'évêque, et marqué par François d'une croix, aurait pu noter la "singulari té", comme le simple sarrau qu'une simple corde ceinture et la capuche paysanne auraient signalé la "particularité" des douze compagnons de Rivo Torto, ceux-là même que vise la fresque VIL Notre bure, en fait, est gage de non-particularité: cet uniforme franciscain générique, porté plus tardive ment, non distingué de celui des années 1300, n'a pas son extension actorielle limitée à un, ni à douze. En un sens donc, il y a homologie possible, homologie suggérée, entre François et nous. Au plan de l'acteur, s'entend. Car il va arriver, il arrive déjà, à notre héros une histoire qui ne semble pas pouvoir devenir la nôtre. Ou, si l'on veut, un parcours actantiel si singulier qu'on hésite à le croire partagé, par tageable, par l'uomo qualunque. Cet homme limité dans sa compétence, par définition. C'est rue trop vite, il n'est plus comme nous. Le tempo a ici son importance, pour autant qu'en fait nous sommes appelés à devenir comme lui — des saints. Mais notre cheminement, en tout cas celui qu'on
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peut prêcher par l'image, ne saurait décoller aussi rapidement! En vérité, la première fresque nous le disait déjà: l'auréole, portée donc dès le début par François seul entre tous ces laïcs, oppose deux groupes actoriels, canonisé ("reconnu") vs non-canonisé ("non-reconnu"). Débrayage 4 : je reconnais que ces gens ne sont pas moi, qu'ils jouent un drame auquel je suis étranger, n'ai pas participé. Renforcant cette non-concomitance des acteurs et des actances avec mon être propre d'énonciataire, l'auréole m'indique le passage d'une personnalité encore plus étrangère, encore plus extra-ordinaire — cette lumière que consigne le nimbe est littéralement extraterrestre 5 — sur le tréteau. Plus difficile, impossible, de m'identifier. Mais, par contre-coup, ces gens-là, ces sans-auréole, je m'en rapproche. Leur robe ample, aux cou leurs ordinaires, et surtout leur fidélité, au cours du cycle, aux défroques de l'homme ancien: ces gens-là ne se consacreront pas plus que moi, et pas plus vite que moi, à Dieu. Ils me ressemblent bien plus qu'ils ne ressem blent — et moi-même — à François. Ses virtualités, peut -être les possédé - je? Mais je serais plutôt comme ceux-là qui ne les font guére fructifier. Si donc nous appelons identification le processus qui se met en mouve ment à partir d'une identité posée et proposée, à partir d'une relation du Même au Même, à tout le moins au non-Autre, entre énonciataire et acteur d'énoncé, nous ne retrouvons pas ici les processus simplistes de certains films ou publicités. Le mouvement porte-t-il vers le héros positif, le héros négatif, e t c . ? Un début de réponse est déjà complexe, s'il tient compte du caractère évolutif de l'énoncé. Au départ l'énonciataire peut se reconnaître dans le Sujet ou, en tout cas — à cause de l'auréole — s'y projeter; mais aussi, et sans restriction, dans les acteurs qui vont interpréter le sub-Sujet (double rôle de non-Sujet et de non-anti-Sujet), qui vont se situer plus du côté du voir et du laisser-faire que de l'agir et du prescrire — par exemple. Le plus vraisemblable, dès lors, c'est que je m'identifie à ce bourgeois, à ce laïc qui évolue, mais lentement. Rien d'étonnant si l'effort pragmatique — le faire persuasif — porte sur ce point, sur ces personnages. 1.2 L'identification spatiale Le choix du topos de commencement n'est jamais insignifiant, en Assi se moins qu'ailleurs. Alors qu'un peintre plus anecdotique comme Gozzoli6 choisira la crèche de la naissance, Giotto l'élude, les élude: et la crèche et la naissance. Il évite tous ces lieux privés, "singuliers", que seraient outre la crèche, la maison familiale, ou, pourquoi pas? la chambre de François
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quand il rêve du palais armé: on aurait pu commencer par la troisième fres que. En fait, le choix est clair. Un lieu public, ouvert à tous, y compris — je parle du référend — à l'énonciataire. Lieu proche de notre propre espa ce, cette Piazza del Comune dont nous arrivons peut-être. Lieu, par ail leurs, distinct de ma maison, des demeures particulières de mon acheteur et de mon vendeur, de mon débiteur et de mon créancier. Le topos de la fres que initiale est le lieu commun le plus proche où ma singularité puisse se di luer, se reconnaître fondue sinon dans une universalité — la caractérisation m'interdit de penser à Troyes ou à Beaucaire — du moins dans une certaine généralité. Assisiate et public, le lieu coincide donc par ces traits avec mon espace actuel. Mais la non-concomitance d'origine demeure: l'ici de l'énonciataire, même s'il n'en est distant que de quelques centaines de mètres, n'est toujours pas l'ici de l'énoncé. Mais simuler la concomitance absolue eût été mala droit: les architectures destinées à abriter le corps de François, cadre d'une démarche de François vivant? Peu supportable. Et sur un emplacement neutre, terrain vague tel qu'il semble avoir été vers 1200: quel intérêt? Sans compter qu'on s'interdisait dans ce cas toute suggestion d'identification temporelle. On tiendra que face aux apories de ce genre, la solution rete nue par Giotto est la plus élégante: il joue de l'art du presque et du pastout-à-fait, et travaille, si l'on veut, dans la quasi-identité. La figuration n'est-elle pas cette pratique où le je-ne-sais-quoi, plus que partout ailleurs, a droit de cité, grain de sable dans les rouages sémiotiques? Quoi qu'il en soit, ce petit décalage de la concomitance ne doit pas nous faire oublier l'homologie des attitudes: quand je m'avance pour lire, avec l'intention de progresser, un autre, un /laïc/, s'avance dans l'énoncé, et progresse. Son univers, comme mon univers, est caractérisé par la marche, la progression latérale de gauche à droite. Tout ainsi que j'ai pu venir jusqu'ici de la place centrale, lui — en l'occurrence, François, et les deux bourgeois situés à gau che, qui avancent en discutant, non sans quelque esquisse d'arrêt provisoi re — la traverse et, qui sait?, gagne la basilique. Le plus à gauche de ces deux bourgeois n'apparaît pas en entier. A l'arrière, l'encadrement l'occulte partiellement. Dans ce jeu d'énoncé à énonciataire, d'univers de l'un à univers de l'autre, l'un veut ressembler au miroir de l'autre: et je me place vis-à-vis du miroir, je ne me contemple pas en entier mais je ne mets pas en doute pour autant la continuité du monde référentiel, du plan qui me fait face. L'encadrement lui aussi est en face de
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moi. Dans le domaine visuel, on dit souvent qu'il isole l'énoncé de son envi ronnement, qu'il souligne la coupure, le débrayage. Vraie d'un tableau de chevalet, l'affirmation l'est bien moins d'un cycle à lecture progressive, la térale, scripturale: soit, pour nous, de gauche à droite. Le non-pouvoir-sa voir,7 ordinairement développé par l'embrasure de la fenêtre, autant dire par le cadre du tableau entendu dans l'acception de Quattrocento, paraît ici céder la place (ou précéder, si l'on considère la chose historiquement) à un soudain-dévoilé. En effet l'encadrement, ou plus exactement le bord gau che, prélude à la scène, comme une architecture réelle peut — il suffit qu'on s'avance — dévoiler inopinément une perspective, puis une autre. Ajoutons qu'à Assise, une part de l'encadrement est faite de fausses colon nes en trompe-l'oeil, qui participent par là de notre univers, tridimension nel, mais aussi bien, c'est trop clair, de l'univers bidimensionnel de la pein ture narrative, vers lequel elles induisent notre regard, facilitant le transit. Dans la lecture latérale qu'implique un cycle linéairement déployé, l'enca drement — d'autant plus qu'il simule lui-même en continuité avec les vraies colonnes, retombées d'arc, une réalité tridimensionnelle — aura pour effet de faire-croire à un savoir sur l'alentour de la scène, et pas seulement sur la scène. Il concourt ainsi aux procédures d'embrayage, suggérant que Tail leurs est ici. 1.3 L'identification temporelle Comment faire-croire, d'autre part, que le jadis est maintenant? Quel le sera la manipulation de la localisation temporelle? Là encore, l'évidence de départ est la non-concomitance du temps de l'énonciateur et du temps du sujet de l'énoncé. Exemple marqué: l'auréole présuppose la canonisa tion, donc au minimum le décalage entre 1228 et la jeunesse de François, avant la prise d'habit de 1208; en fait, bien entendu, l'écart est plus impor tant, entre l'acte pictural (1295 sans doute) et l'époque supposée de la pre mière scène (autour de 1202). Cependant l'auréole n'est pas un objet repérable dans le champ référentiel comme peut l'être la canonisation de la fres que XXIV, qu'on cherche cet objet dans l'univers de l'énoncé ou dans celui de l'énonciataire. L'embrayage ne s'appuiera donc pas essentiellement sur la présence, ou l'absence, de ce cercle doré, mais sur des configurations, des constructions repérables dans les deux univers. Telle la petite église de Saint-Damien, version ancienne en quatrième fresque, version avant-garde sur la fresque XXIII. Mais c'est bien entendu la première fresque qui a
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pour tache essentielle la désinauguration, l'établissement d'une concomi tance temporelle du narré et de sa lecture. Lorsque Giotto représente la place assisiate telle que construite de son temps, avec sa tour bien visible, il ne s'agit pas d'un anachronisme systématique, tel que le pratiquera souvent la peinture du XVe — ainsi Gozzoli empruntant ses architectures à Michelozzo, pour sa Vie de Saint François. Il s'agit bien d'une volonté de fairecroire que l'énonciataire n'entre pas dans le monde du non-maintenant, mais demeure, en entamant, voire en poursuivant, sa lecture, dans son uni vers quotidien, d'aujourd'hui. Ainsi le triple débrayage obligé qui s'opère au temps un de la lecture: débrayage actoriel (ces gens ne sont pas moi), temporel (ils ne vivent pas cela en simultané), spatial (je ne vis pas dans la fresque) est contrecarré — fictivement gommé — par un triple rembrayage, retour suggéré à l'univers de l'énonciation: des gens comme moi, venus d'où je viens, allant où je vais, dans ma ville d'aujourd'hui. Remarquons au passage que l'illusionisme n'est donc pas, sous quelque forme qu'on le pratique de la perspecti va artificialis à l'Entrée du train en gare de La Ciotat, le seul fondement pos sible, sur le plan visuel, du rembrayage. Chaque époque conçoit ses propres procédés, qui permettent au mieux l'identification des deux univers, où le tu de l'énonciation vient se projeter dans un il de l'énoncé. Une première leçon, ainsi, à tirer pour la pragmatique visuelle: le faire persuasif y ressem ble moins à l'exhibition de la fonction proprement conative8 — impératifs, vocatifs, injonction directe — qu'aux détours rhétoriques de l'allusion — al lusion à l'énonciataire sous le couvert d'une tierce personne. Mais, cela étant, c'est bien avec l'autre, avec l'énonciataire, avec le tu, qu'on cherche à établir un contrat injonctif. La mise en place n'a d'utilité que d'être le dé tonateur de la mise en route, comme si le cycle pictural réunissait les deux types publicitaires, l'affirmation d'identité ("Vous êtes comme lui, achetez comme lui") et la proposition de transformation ("Devenez capitaliste"). Donc, après le Même, l'Autre? Un cheminement différent du mien actuel, mais qu'on me demande de tenir pour exemplaire, et de mimer. 2.
Dans l'ordre cognitif: faire-croire
Tout, à nouveau, part de la première fresque, articulée précisément sur le faire-savoir. Les cinq axes mènent de Giotto à nous, des personnages latéraux à nous, des bourgeois à eux-mêmes, de l'homme simple aux bour geois, et enfin — c'est, si l'on veut, l'énoncé narratif proprement dit, en-
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châssé dans les quatre autres, et ne prenant sens plein que de cet enchâsse ment — le faire-savoir, central y compris topographiquement, de l'homme simple à François. Cinq messages, donc, mais le second seul sert la manipu lation. Celle-ci joue sur l'homologie de nature et de situation des bourgeois/ spectateurs/commentateurs et de nous-mêmes. En robe, en manteau-cape comme nous; récepteurs et interprètes comme nous. Nous nous reconnais sons dans ces Sujets cognitifs qui, face à l'événement signifiant, exercent leur compétence, et leur faire réceptif et leur faire interprétatif. Cependent, rien ne dit cette compétence, rien ne dit que ces Sujets, dans l'incarnation du /laïc/, soient fiables. Et il convient, s'ils ne le sont pas, qu'ils le deviennent. Giotto va développer, au cours de son cycle, un double mouvement: pla çant son acteur en position de destinataire, il établira sa compétence cogni tive; plus tard, mettant en scène sa performance appréciative, il lui confiera le rôle de Destinateur-judicateur, capable de reconnaître accomplie l'épreuve du Sujet-héros. On mesure l'importance du motif, lorsqu'on pen se que le peintre, pour traiter Vistoria — fin de la peinture, sans doute — n'avait nul besoin de recourir à l'une ou l'autre de ces deux insistances. S'il y recourt, n'est-ce pas, justement, pour nous manipuler? Pour nous faire regarder, faire savoir, faire juger? On trouvera ici le point de jonction entre le pragmatique et le sémiotique (à l'entendre en un sens restreint). Pour ga rantir le contrat de confiance9 qu'il entend passer avec nous au plan de l'énonciation ("tu dois croire vrai"), Giotto le redouble par un contrat énoncif, qui en donne l'image au sein de l'énoncé; et là, il le pousse jusqu'au bout de sa réalisation: le /laïc/ peut et sait voir, peut et sait regarder, peut et sait croire, plus particulièrement authentifier. J'appellerai savoir ce qui s'acquiert au cours du premier pan de mur. Treize fresques y sont peintes. Nous y passons d'une ignorance à une sa pience. D'abord la fresque V, qui disjoint radicalement, par le bleu vide, le groupe laïc de l'espace sanctifié, et nous montre, malgré les regards qui se tendent, malgré les yeux qui se fixent, une remarquable impuissance à sa voir. Puis la fresque X, étape intermédiaire: le bourgeois arétin, libéré, peut encore ne-pas-savoir, mais peut aussi déjà savoir. Il va peut-être re joindre, mais n'a pas encore rejoint ce même lieu qu'occupe le saint — et les regards n'ont pas la même direction. Au contraire, achèvement de la dialectique là précisément où s'achève le mur, la fresque XIII agglomère la foule tendue vers un seul point, identique à celui que vise le regard de Fran çois. Cette foule communie dans une commune impossibilité d'ignorer, un terminal ne-pas-pouvoir ne-pas-savoir. Voilà une description sémiotique de
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la progression: quelle habileté pragmatique! Quand nous lisons la fresque V, nous, drapiers, armateurs ou banquiers, nous sommes saisis où nous sommes réellement: ignorants de nos propres capacités, compétents virtuel lement peut-être, mais incapables de le manifester, nous qui pensons que notre parcours personnel ne saurait passer par de tels excès, des renonce ments aussi spectaculaires, des trahisons aussi déroutantes à l'égard de sa propre classe. L'énoncé nous représente bien comme nous sommes hors énoncé, soit aveuglés10, disjoints d'avec le vrai. Cependant, le peintre nous montre cet aveuglement et par là nous dissocie déjà de nos semblables de l'énoncé; il nous donne à repérer ce paraître que ceux-ci nient encore, puisqu'il nous permet de voir la bénédiction divine qui traverse la faille bleue. Aussi, lorsque nous passons à la fresque dixième, et que nous y voyons se dissiper les effets du grand Trompeur, les méfaits du Diable, responsable de tout faux-paraître, nous pouvons plus facilement admettre que le peintre fait pour nous ce que le saint fait pour les gens d'Arezzo: il détrompe, se refusant à faire-paraître ce qui n'est pas. Et cet état de non-conjonction avec le faux est à la fois celui des bourgeois de l'énoncé et le nôtre. Pour finir, la fresque XIII nous conjoint avec le vrai, nous ouvre les yeux, nous dessille: tous, nous voyons ce qui est à voir. Mais là encore Giotto vient nous capter au point où nous nous trouvons. Qu'on se rappelle Francastel démontrant que cette scène n'est pas référée aux événements de 1223, non plus qu'à la réalité contemporaine, mais à quelque nuit du 24 ou 25 décembre composite qui tiendrait à la fois de l'anecdote où François trouve place et des com mémorations annuelles où nous, énonciataires réels, nous participons ou pouvons participer.11 C'est dire combien ce mixte théâtral s'adresse à nous, au point, presque, de nous mettre en scène, comme sur la première fresque: écho significatif sur cette ultime scène du même pan de mur. Partis de notre état réel, pour parvenir à situation qui peut être la nôtre, nous sommes sollicités de cheminer, de l'impuissance à savoir jusqu'à la communion de la sapience. Fin de la première manipulation. J'appellerai juger ce qui s'acquiert au cours du second pan de mur. Par rapport à la première progression, il s'agit d'insister sur le croire plus que sur le savoir, sur l'interprétation plus que sur la réception, sur la reconnais sance, aussi, plus que sur la connaissance. La dialectique commence au tout début, fresque XVI, thème de la mort vis-à-vis du thème de la vie, annonce du propos à venir.12 A droite de notre fresque, le fait de la mort (du cheva lier de Celano); à gauche, la prédiction de ce fait par François, à table. Au
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centre, le /laïc/ assure la liaison formelle des deux lieux. Et aussi, toujours au sein de l'énoncé, la liaison narrative. Il exerce en effet un savoir opéra toire sur cette mort, le faisant paraître; il informe. Mais aussi il manipule le saint, sollicitant son attention, le faisant non pas voir mais regarder.13 Sa fonction sémiotique est double, néanmoins elle porte seulement sur le sa voir — en sa forme figurative du voir —, non sur le croire de son destinatai re. Il en va autrement sur le plan pragmatique, où se déploie pour nous le jeu du faire-croire. Dans notre direction, ce bourgeois-là se ne contente plus d'informer. Il établit une corrélation des deux espaces, et nous suggère d'authentifier à partir de là l'identité des contenus — le contenu des paroles du Saint (la prophétie a eu lieu, montrée par la main droite) et le contenu des faits réalisés (ils sont désignés par la main gauche). On mesure le saut accompli en se retournant de la fresque XIII vers celle-ci. Dans les deux cas, il s'agit bien de dessillement, d'une conjonction avec le vrai, de l'être reconnu se manifester dans le paraître. Mais, tandis qu'en XIII, l'acteur /laïc/ n'est que Sujet dessillé, et que nous devons le mimer de nous-même pour acquérir un statut identique, en face il est devenu le Destinateur du dessillement, et, délégué en cela de l'énonciateur — n'établit-il pas la cor rélation exacte que Giotto construit? — il nous enjoint de croire. C'est donc notre statut déontique qui est bouleversé. En écho, cette fois, avec la première fresque du premier pan de mur (fr. I), la première du second (fr. XVI) réitère le contrat injonctif. Mais celui - là n'était que de devoir - regarder, pour autant que la fiabilité, la compétence cognitive de nos bourgeois n'était pas établie. A l'égard du croire, loin de me trouver dans cette situation de prescription qu'induisait, en ce qui concerne le re garder, la présence des bourgeois-commentateurs,14 à l'égard du croire, donc, je me trouvais, comme la suite, au demeurant, allait le montrer, en tre permissivité (pouvoir: je ne suis pas tenu de nier) et facultativité (pou voir-ne-pas: je ne suis pas obligé d'affirmer).15 Ce contrat-ci, en revanche, fondé sur la compétence acquise de son Destinateur à repérer le vrai, sur son pouvoir/savoir - voir et juger, fondé sur sa capacité, du coup, à fairevoir et à faire-authentifier, suggère que nous acceptions pour nous comme pour lui cette capacité. L'injonction devient: "tu dois croire, puisque te le fait savoir qui en possède la compétence." La fresque XXII, nouvelle étape, est décisive. Un /laïc/, en l'occurren ce le chevalier Jérôme, paraît d'une certaine façon achever le processus. A lui, en effet, est dévolue la sanction du Sujet-héros, le jugement épistémique qui fait de son auteur le Destinateur-judicateur de l'histoire entière.
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Jérôme voulut voir, regarda, constata, jugea. Mais loin de nous raconter cette affaire en produisant simultanément de quoi contrarier notre pouvoir de voir, comme ces images où quelqu'un voit ce qu'il nous cache, 16 Giotto prend bien soin d'exhiber pour nous les trous sanglants des stigmates. L'opération de Jérôme est double: à l'intérieur de l'énoncé, il juge: mais à l'énonciataire, il révèle (glose: ne-pas-faire ne-pas-paraître, ne-pas-censurer, soit, laisser-voir) la marque de sainteté, rendant possible à lui aussi la reconnaissance. On nomme souvent cette fresque La vérification des stigmates par Jérôme, mais en vérité, c'est notre propre lecture qui est l'ob jet de la vérification, notre propre croire acquis que l'énonciateur s'efforce de redoubler, de confirmer. Car nous, nous avons vu la stigmatisation (cette conjonction du héros avec la marque triomphale), et nous l'avons vue seuls (rappelez vous la tête baissée du moine absorbé dans la lecture du Livre). Nous aurions dû y croire, nous y avons sûrement cru, mais la pein ture ne produisait pas, bien au contraire, sa propre confirmation. D'où l'importance de la séquence XIX-XXII qui mène, pour les acteurs de l'énoncé, d'un non-voir à un voir, et, pour nous, d'un pouvoir-ne-pas-croire à un devoir-croire. Deux fresques plus loin, l'épisode de la canonisation présente la masse des bourgeoises et des bourgeois d'Assise, non plus un individu singulier. Nous nous trouvons alors exactement en face de la cinquième fresque, de cette masse qui ne voit pas, ne croit pas: mesurons le chemin parcouru! Ici, en fait, notre foule ne voit pas davantage, il n'y a rien à voir; nous non plus nous ne voyons pas François — c'est la seule fresque, ante ou post mortem dont il soit absent. Cette foule croit, juge et sanctionne — certes pas selon de droit canon, mais selon le droit formel de l'image. C'est le /laïc/ collectif, cette fois, qui est passé du côté du judicateur, juge de l'action du saint. L'extension est remarquable, faisant sauter le dernier obstacle qui nous re tenait hors du cercle de la conversion cognitive: l'éventuelle singularité de l'attitude de Jérôme, comme du bourgeois de la fresque XVI. Mais le contenu n'est pas moins important: c'est en effet sur cette fresque, par cette fresque, et par elle seulement que se justifie, à l'intérieur même de l'énon cé, l'auréole dont Giotto orne la tête de François depuis le début. La scène est en quelque sorte performative: seule cette déclaration fait que le Gio vanni de Donna Pica peut et doit être nommé saint François. Et nos représentants dans l'énoncé en sont les acteurs et les actants à part entière! Nous ne pouvons que croire à cette sainteté, nous ne pouvons dénommer ce héros, nous aussi, que saint François.
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La prescription qui se développe, en rythme ternaire, sur les murs d'Assise, atteint ici son sommet, tant parce qu'elle porte sur la totalité du parcours du héros que parce qu'elle scelle définitivement, sur le plan cognitif, notre statut déontique. La fresque XXII nous obligeait à voir: prescrip tive sur ce plan, elle ne l'était pas absolument sur celui du croire; grâce à un sujet compétent, on voulait nous mettre hors d'état de rester indépendant, hors d'état de pouvoir ne-pas-croire. Mais plus forte, je crois, est la pres cription actuelle, décrétée à l'intérieur de l'énoncé par et pour ses acteurs. Ne-pas-pouvoir ne-pas croire, devoir-croire, voilà où nous sommes menés. Toute l'efficience illocutoire du discours serait donc là pour garantir son authenticité: sans doute acceptions-nous l'auréole avant la vingt-quatrième fresque, tout comme le bien-fondé de la rupture, quand le laïc de la cin quième fresque ne la concevait pas, tout comme la force de la parole sainte s'adressant aux oiseaux dès avant que le laïc de la seizième nous la garan tisse, tout comme la stigmatisation dès que vue en XIX avant que Jérôme ne la vérifie. Ce qui frappe, ainsi, dans l'organisation d'un tel faire persuasif — et telle est peut-être une seconde leçon à tirer de son déploiement dans un récit pictural d'apparence linéaire — c'est l'obsession qu'il met à venir confirmer un énoncé antérieur, à venir redoubler sur le plan injonctif (tu dois) un effet éventuel (tu peux). 3.
Dans l'ordre pragmatique: faire - faire
Une mise en place: l'identification de l'énonciataire à l'acteur; un che minement, selon un parcours complet, du statut cognitif de cet acteur, le /laïc/ — donc, dans ce même ordre cognitif— du statut déontique de l'énon ciataire. Il reste à la manipulation à mettre en route la transformation du faire. On ne proposera pas ici un parcours terminé, mais seulement quel ques jalons et les moyens de poursuivre: concrètement, nous ne verrons pas sur l'image les nouveaux saints suscités par la sainteté de François. Lorsque nous arrivons à la vingt-deuxième fresque, François n'est plus. Ce qui signifie qu'il va falloir passer — je parle des autres que lui — d'un pouvoir-être (ce doit être un pouvoir de devenir Sujet, par exemple) dépen dant de ses opérations et de ses manipulations, à la même possibilité, mais dans l'absence (il sort de l'Histoire, n'est-ce pas?) et presque (car le Trans historique intervient dans l'Histoire, n'est-ce pas?) l'indépendance. En ef fet, jusque-là, l'agissant, c'était lui, moins parce que nous le voyions accom plir des miracles que par ces architectures, ces espaces, qu'il unifie ou réno-
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ve; c'était lui, encore, bâtisseur d'hommes, qui détrompait, rassemblait, en seignait. Maintenant qu'il est mort, son mode d'action ne peut être le même. En revanche, deviennent semblables, plus nettement que par le passé, la situation du /laïc/ et de l'énonciataire: tous, désormais, nous nous trouvons dans le post mortem. Or, la dernière séquence confère une parti culière importance, justement, au /laïc/; quantitativement, et aussi dans la diversité de ses rôles: chevalier, médecin, femmes non consacrées, un mala de, un hérétique... Certes ce /laïc/ paraît demeurer dans son actance de bénéficiaire, Destinataire des dons de François. Successivement, en effet, il lui doit, si l'on choisit de lire de ce point de vue la dernière baic: guérison, absolution, libération — non sans la médiation, toutefois, de l'ange, du confesseur, de l'autorité épiscopale. Mais, en même temps, quelque chose d'autre semble apparaître... On repèrera d'abord, comme signifiants de cette nouveauté, la gestualité, manifestation d'une compétence pragmatique, qui se trouve mimer la compétence acquise depuis longtemps par le saint. Deux attitudes, en parti culier, propres à ce dernier, mises en valeur par leur isolement sur le pan de mur transversal, au centre exact du cycle, attirent notre attention. Elles di sent le pouvoir-recevoir et le pouvoir-transmettre qui caractérisent l'hom me de Dieu. Attitudes d'/agenouillement/ à l'état pur sur la fresque XIV où saint François obtient de Dieu la capacité à faire jaillir la source, et de /sol licitude/ à l'état pur sur la fresque XV, où il montre son savoir et, surtout, son savoir faire-savoir. Quoi? La parole de Dieu. Or, à partir de ce tour nant, au sens propre de la lecture en marche, le /laïc/ (et aussi, mais ce se rait une autre histoire, littéralement, le moine) a capacité d'adopter ces atti tudes ou leurs variantes. Pour l'une, notons simplement, à nouveau, le convive du banquet de Celano. Pour l'autre, attardons-nous sur le premier laïc agenouillé, Jérôme. L'évidence de l'imitation éclate si l'on se retourne: la fresque vis-à-vis, la septième, montre le saint agenouillé devant le Destinateur délégué, qui sanctionne la Règle et envoie l'homme en mission. Et si c'était nous, en face, dont le saint sanctionne les progrès, les épreuves cognitives réussies, et qu'il envoie en mission? Alors l'attitude de Jérôme se rait un jalon dans la manipulation pragmatique, factitive: "comme lui, glo sons, pour devenir Sujet, sache t'agenouiller; lui, il s'est agenouillé comme François, à s'accomplir comme Sujet." Glose peut-être valide de l'injonc tion supposée de la fresque XXII. En deuxième lieu, on étudiera les trois dernières fresques et le jeu de leurs signifiés. Elles suivent un parcours dialectique, au moins au plan des
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attitudes: le bourgeois s'y trouve successivement /allongé/, puis /assis/, puis /debout/ — j'entends le héros bourgeois, celui qui se trouve au centre de la fresque (vous savez, en face déjà, les trois premières fresques, se dégageait aussi un héros bourgeois...). Sans doute pourrait-on arriver à décrire une progression sémantique du type "passif', "non-passif", "actif. Soit un par cours qui paraît bien clos, et qui l'est vraiment, s'agissant de la structure première de la dernière séquence. Pourtant la virtualité d'action qui se ré vèle à travers le sème d'"activité" situé en fin de cycle intrigue. Surtout quand, à la figure debout, celle de Pierre d'Alife, nous ajoutons, comme l'image nous y invite, nous y oblige, le second trait /en marche/. François, sur la première fresque, était aussi un /laïc — debout — en marche/. L'ac teur doté de ces traits manifeste son vouloir — celui de se conjoindre (voyez ses bras, son regard) aux autorités ecclésiastiques-et aussi son pou voir - celui de se disjoindre de l'architecture carcérale. Car il s'agit d'une sortie. Et nous voilà transportés en un vrai début de programme narratif. Oui, nous y découvrons l'espace clos par excellence, la prison, l'espace dont il est interdit de sortir, sous peine de transgression. Pierre d'Alife ne serait-il que l'exemplaire acteur de notre statut de sujet esquissant le dé part, et commençant de s'engager dans l'espace de la quête et de l'épreuve? L'anecdote vaudrait alors comme la représentation métonymique de la si tuation de l'énonciataire. Un individu singulier, Rome, Tivoli, ou plutôt, dirons-nous, un non-Assise (voyez l'en-face), qui vaut pour tout enferme ment initial, un pas-hors et un pas-vers, et des bras et des yeux bien dirigés, qui valent pour toute compétence à gagner l'autre espace — vouloir, savoir, pouvoir — le tout, donc, métonymie de notre histoire à venir, de notre de venir éventuel de Sujet. Car, précisément, sur le plan pragmatique, nous avons à advenir, nous qui, parvenus à cette dernière fresque, n'avons ja mais rien fait, que lire... Dernier point: pour qu'un tel effet soit possible, il faut que la dernière image ne soit pas, d'une façon ou d'une autre, la dernière concevable — dernière image imaginable. Un discours portera d'autant plus sur son énonciataire qu'aucun des deux ne se refermer sur lui-même: ni le discours, ni l'énonciataire. Les procédures d'identification, nous l'avons vu, visent à empêcher le repliement de l'énonciataire. Pour empêcher le discours de se clore, pour maintenir, dirons-nous, l'opera aperta, on peut imaginer par exemple la répétition du Même ou l'appel pressant à l'Autre. Nous trou vons, ici, les deux. D'abord la structure qui paraissait bien conclue par la dialectique ternaire du "passif' (XXVI), "non-passif (XXVII), jusqu'à
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"Actif" (XXVIII), dégage en fait, sur le carré sémiotique, la place, en creux, du "non-actif (XXIX ?). Ce quatrième pôle, cette autre position nécessaire pour obtenir le Tout, est en quelque sorte appelée par l'ultime triade. Or, n'est-ce pas la position même de l'énonciataire à l'égard de ceci: le devenir-saint? Giotto nous prendrait là comme il a pris le /laïc/, en face: tel qu'il est, tel que nous sommes. Mais il nous prendrait alors, bien sûr, hors image, donc par la place vide, la place laissée vacante. Mais il est encore plus remarquable qu'à l'apparente fermeture du signe corresponde une évidente ouverture, si l'on considère la succession des référends. En effet, trois miracles post mortem, c'est une triple répétition du Même, et d'une Même qui ne se termine pas. Non seulement parce que le répétitif est sans doute a priori illimité. Non seulement parce qu'après la mort l'histoire d'un sujet reste de durée indéfinie. Mais aussi, plus précisé ment, parce que les référends imaginables — ceux qui sont consignés dans le De Miraculis de saint Bonaventure, support verbal de notre énoncé pic tural, pour la dernière baie — sont au nombre de quarante et plus, toujours répétition du Même, en leurs traits principaux. C'est supposer qu'avec trois (ce pourrait être quatre, ou cinq), une série s'ouvre, et ne se ferme pas, car les référends potentiels forment une réserve naturelle pour des énoncés nouveaux, ces référends d'ailleurs déjà consignés, sémiotisés. Berlinghieri dès 1235 environ en avait peint bien plus, des post mortem.... L'oeuvre donc est ouverte. Et si l'ouverture n'est pas totale, c'est que l'acteur qui s'en va — celui qui porte en lui tous les espoirs de l'énonciatai re, dans la logique de l'identification — ne gagne pas, comme nous, la droi te. La dernière fresque ne nous offre pas vraiment le symétrique de la pre mière, avec une sortie qui serait orientée à l'image de la nôtre. Notre acteur n'oublie pas, ne transgresse pas la vraie clôture de l'espace pas plus qu'en la fresque X les Arétins libérés, quittant leur ville, ne sortent du cadre, ni ne suggèrent qu'ils le feront. Commentant sa fonction 6, Propp écrit: "Si l'envoi pose la nécessité de partir nous trouvons ici la possibilité de par tir"17. Outre qu'il est question, comme pour notre propre fresque ultime, de la li bération du héros condamné, nous remarquerons qu'ainsi la quête est ren due possible, pour Pierre d'Alife et pour nous. On nous invite à penser la similitude et les différences d'une ultime situation modale, à confronter no tre devoir-quitter l'instance narrative — modalité spécifique de la fin de lec ture linéaire (nous ne pouvons pas ne-pas-partir) et le pouvoir-quitter du /laïc/: ultime appel à l'identité, dernière injonction à poursuivre.
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N'allons pas clore un discours sur l'oeuvre ouverte. Laissons le tu de cette énonciation à son tour devenir je. Notes 1.
Greimas et Courtés (1979) entrées Enonciateur/Enonciataire et Manipulation; cf. aussi Pragmatique.
2.
Le corpus dans son ensemble (photographies en couleurs et schéma de disposition), ainsi que l'interprétation de la décoration pour la nef entière se trouvent dans Ruf, (1974).
3.
Les termes entre / codifient métalinguistiquement des signifiants, les termes entre " des signifiés.
4.
Greimas et Courtés (1979), entrée Débrayage, cf. aussi Embrayage.
5.
Entre autres Ouspensky (1980: 153-159).
6.
Cf. Boschetto (1961: 20-21 et pl.27). Et Costantini (1981).
7.
Sur ce point voir Fontanille (1987).
8.
Au sens de Jakobson (1963: 209 sqq.)
9.
Greimas et Courtés (1979), entrées Fiduciaire, Enonciation, Enoncé § 2.
10.
Aveuglement, dessillement, etc..sont ici utilisés d'après Zilberberg (1980).
11.
Cf. Francastel (1972: 189-190).
12.
Cf. Costantini (1981).
13.
L'analyse sémiotique de la distinction est menée dans Floch (1982: 19-20).
14.
Si l'on admet que le spectateur non-sollicité par l'énoncé n'est qu'en situation de voir — état de conjonction visuelle — non obligatoirement engagé dans l'acte du regard, cf. Hoch (1982: 22-25).
15.
Greimas et Courtés (1979), entrées: Facultativité, Permissivité, Déontique (modalités), Devoir, Pouvoir. Même maladroitement appliquées, toutes mes réflexions doivent beau coup à J.C1. Coquet.
16.
Cf. Floch (1982).
17.
Propp (1970: 47).
Bibliographie Boschetto, Antonio. 1961. Gli affreschi di Benozzo Gozzoli nella chiesa di San Francesco a Montefalco. Milano: Istituto Editoriale Italiano. Costantini, Michel. 1981. "Giotto: la vie, la mort (sauvées)." Revue catholique internationale Communio VI (1), 35-47. Floch, Jean-Marie. 1982. "L'iconicité: enjeu d'une énonciation manipulatoire." Actes sémiotiques — Bulletin V (23), 19-38.
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M. COSTANTINI
Fontanille, Jacques. 1980. Introduction à la dimension cognitive du dis cours. Le Bulletin du Groupe de recherches sémio-linguistiques (EHESS) 15, 5-8. Francastel, Pierre. 1972. La figure et le lieu. Paris: Gallimard. Greimas, Algirdas Julien et Courtés, Joseph, 1979. Sémiotique, dictionnaire raisonné de la théorie du langage. Paris: Hachete. Jakobson, Roman. 1963. Essais de linguistique générale, trad, par Nicolas Ruwet. Paris: Seuil. Ouspensky, Léonide, 1980. Théologie de l'icône dans l'Eglise orthodoxe. Paris: Le Cerf. Propp, Vladimir. 1970. Morphologie du conte, trad. par Marg. Derrida, Tzvetan Todorov et Claude Kahn. Paris: Seuil. Ruf, Gerhard. 1974. San Francesco e san Bonaventura. Assisi: C E . Francescana. Zilberberg, Claude. 1980. "Notes relatives au faire persuasif. Le Bulletin du Groupe de recherches sémio-linguistiques (EHESS). 15, 11-25.
Les racines sémiotiques de la valeur micro-esthétique Pietro Emanuele
La nécessité de fonder et de garantir les principes d'une esthétique scientifique a été la raison essentielle pour la création d'une nouvelle disci pline, la microesthétique, que j'a cherché à théoriser dans mon livre de 1980. Afin de légitimer une telle discipline il faut d'abord répondre à la question récurrente s'il est vraiment nécessaire de distinguer une esthétique scientifique d'autres esthétiques non-scientifiques. Pendant les dernières décennies c'est l'histoire de la pensée même qui a répondu partiellement à cette question. En effet on sait bien que l'esthétique a souvent été l'objet d'une critique qui la considérait comme une récolte arbitraire d'opinions. Cela a conduit, surtout dans les milieux néopositivistes, mais aussi dans d'autres milieux, à un discrédit répandu qui entoure cette discipline. En Amérique on l'a même definie la Mrs. Harris de la philosophie, en la com parant ainsi à un des personnages le plus capricieux des récits de Dickens. Pourtant chaque spécialiste en esthétique ne justifiera pas tout à fait un tel préjugé si radical: tous les esthéticiens auront toujours au moins deux ou trois traités d'esthétiques qu'ils ne considèrent point comme arbitraires ou inutiles. Mais aussi pour cela il faut d'abord établir des critères qui puissent distinguer d'un côté les esthétiques scientifiques des esthétiques non-scien tifiques et de l'autre côté distinguer des réflexions esthétiques qui malgré leur non-scientificité, peuvent quand-même être intéressantes pour d'autres buts. Je voudrais donc proposer deux critères qui selon moi sont les plus essentiels pour distinguer les esthétiques scientifiques d'autres esthéti ques: c'est à dire, je crois qu'une esthétique scientifique doit être caracteri sé soit par une méthode analytique soit par une méthode génétique. Ces deux conditions peuvent d'abord servir comme une individuation minimale de l'esthétique scientifique. Il va de soi que les esthétiques émoti ves et impressionnistes, qui à cause d'une approche immediat à l'oeuvre
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d'art ne connaissent pas la possibilité de l'analyse, ne remplissent pas ces conditions. Même les esthétiques transcendentales de type kantien, qui présupposent une modèle préconstitué de l'art, comme par exemple le plai sir désintéressé, et qui ne peuvent donc pas en reconstruire les genèses mul tiples, ne remplissent pas ces deux conditions. Les esthétiques qui font ap pel à la Gestalt, elles aussi, ne peuvent pas être considérées en tant que scientifiques, car leur perception de la totalité n'est pas compatible avec l'analyse. Mais je voudrais surtout contester la scientificité pleno jure qu'on attribue aux esthétiques structurales, au moins dans la mesure où elles n'affrontent pas le problème dynamique de la genèse de l'oeuvre d'art. La question qui se présente ici est celle de définir plus précisement ce qu'on entend par la méthode analytique et la méthode génétique. La méthode analytique: si toute analyse d'oeuvre d'art devait être considérée comme une esthétique scientifique, toute étude purement philologique ou sociologique d'une tragédie ou d'une peinture devrait alors être considérée en qualité d'esthétique scientifique, ce qui n'est pas le cas. C'est-à-dire il ne suffit pas d'analyser, même rigoureusement, seulement un ou deux compo santes de l'oeuvre d'art, (comme par exemple celle de la linguistique, celle de la métrique); il faut au contraire, afin de constituer sa propre scientifici té, analyser toutes les composantes qui entrent en jeu. Cela n'est pourtant rarement réalisée par les esthétiques courantes, qui thématisent un seul as pect de l'oeuvre d'art (comme dans le cas de l'analyse psychoanalytique). Ces esthétiques pourraient être définies par un terme pris de la théorie des jeux, c'est-à-dire, des esthétiques à information incomplète. Une esthéti que vraiment scientifique par contre doit réaliser avant tout une analyse à information complète. Déjà à partir de cette première condition, je voudrais affirmer qu'une analyse à information complète, telle qu'une esthétique scientifique la re quiert, ne pourra être conduite qu'à partir du point de vue microesthétique. Il s'agit d'individualiser toutes les composantes atomiques qui sont spécifi quement déterminantes pour l'artisticité de l'oeuvre d'art; ou bien "atomi que" signifie que ces composantes ne sont pas susceptibles d'être ultérieure ment sectionnées en parties plus élémentaires. Cela entraîne la perspective micro-esthétique, parce qu'un inventaire complet des composantes déter minantes de l'esthéticité implique mettre en évidence aussi des composan tes qui ne sont pas évidentes à première vue ou qui ne sont pas inclues dans les schèmes d'analyse.
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A ce propos on pourrait faire deux objections. D'abord si la micro-es thétique veut être seulement une analyse à information complète des com posantes spécifiquement déterminantes et non de toutes les composantes d'un texte artistique, on pourra demander quelle est alors la condition de cette spécificité. (Certains composantes sont esthétiquement insignifiantes, comme par exemple les caractères typographiques dans un livre classsique. Pourtant ces mêmes composantes sont bien signifiants dans la poésie de Mallarmé ou d'Apollinaire). La seconde objection est qu'une telle analyse à information complète des composantes spécifiquement déterminantes pourrait être considerée comme déjà influencée par une critique littéraire ou artistique particulièrement consciencieuse, sans la nécessité d'une disci pline spécifique telle que la microesthétique. La réponse à ces deux objections vient de la deuxième condition que nous avons considérée indispensable pour une esthétique scientifique, c'està-dire la méthode génétique. Il s'agit de conduire une analyse non seule ment descriptive, mais aussi telle qu'elle puisse individualiser le mouve ment dynamique qui établit les liaisons parmi les différentes composantes et à la fois les conduit à realiser la fonctionnalité de l'objet artistique. C'est dans le domaine de ce mouvement génétique que les composantes révèlent leur fonctionnalité et donc leur spécificité. Si par exemple dans une compo sition poétique la métrique se révèle génétiquement incapable d'instituer un rapport fonctionnel avec les autres composantes, en ce cas elle devra être considérée comme non spécifique pour l'analyse esthétique. Je me li mite pour le moment à indiquer comme caractéristique de cette fonctionna lité spécifique un détachement de l'éxpression artistique du langage ordi naire, mais sur ce point il faudrait donner des explications ultérieures. Je voudrais avant tout répondre aussi à la deuxième objection: la vérification du dynamisme génétique de ces composantes ne peut pas seulement être conduite par les instruments de la critique littéraire et artistique. Le rapport génétique qui lie par exemple un dynamisme métrique avec un mouvement phonétique et avec une transformation syntactique n'est pas vérifiable par des instruments seulement métriques, ou phonétiques, ou syntactiques: on doit employer une quelconque catégorie ou structure dynamique qui puisse individualiser et évaluer la tension parmi ces différentes composantes. Je me propose de montrer qu'un emploi opportun de la sémiotique est bien adequat à ce but.
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Cependant il ne s'agit pas de n'importe sémiotique, mais des types par ticuliers de procédés sémiotiques comme ceux qui peuvent être réalisés par mi les composantes atomiques d'une certaine oeuvre, c'est-à-dire parmi les composantes non ultérieurement sectionnables en des parties encore plus élémentaires. Il s'agit d'une sémiose différente des sémioses décrites par Peirce lorsqu'il analysait les rapports sémiotiques parmi les objets qui nous entourent, lesquels ne sont pas atomiques, mais diversement décomposables en des objets partiels. Il s'agit par exemple d'une icône qui n'est pas décomposable en deux sous-icônes, mais qui doit être considerée comme un signe élémentaire. Pour cela l'esthétique scientifique, aussi pour cette deuxième condition, qui est génétique, semble-t-elle devoir se reconduire essentiellement à une microesthétique, dans le sens d'une microsémiotique à information complète des composantes spécifiquement déterminantes de l'artisticité d'une oeuvre d'art. Ainsi nous avons établi une distinction entre le procédé microesthéti que et celui que, par opposition à lui, nous pouvons nommer macroesthéti que, en établissant à la fois les raisons qui nous portent à faire coïncider avec la microesthétique l'esthétique proprement scientifique. Il s'agit à ce point de voir si chacun de ces procédés a une tâche seulement descriptive (à information complète dans le cas de la microesthétique, à information par tielle dans celui de la macroesthétique), ou au contraire si sa tâche plus im portante doit être celle d'une évaluation de l'artisticité ou du degré de celleci. Dès que l'esthétique est devenue indépendante des autres disciplines, elle n'a jamais cessé d'aspirer à ce deuxième, tâche plus ambitieuse en la considérant comme le but final de la tâche descriptive. Cette ambition est arrivée souvent au point d'affirmer que la tâche essentielle de l'esthétique est celle de sélectionner les oeuvres d'art d'avec les oeuvres qui ne le sont pas. Si donc nos réflexions précédentes ont quelque validité, on ne peut pas reconnaître un caractère de rigueur scientifique à cette sélection globale de l'art du non art, car elle ne peut être évidemment effectuée qu'au point de vue macroesthétique. Sur ce point nous sommes aujourd'hui d'accord: la distinction entre art et non-art a un caractère pour la plupart factuel, c'est une distinction de facto et non de jure. Désormais il y a de nombreux histo riens de la musique qui reconnaissent que Mozart avait des collègues-musi ciens géniaux qui pourtant par faute de circonstances purement accidentel les, biographiques, politiques de rivalité d'écoles ne font pas partie de l'His toire de l'art. Pour cela nous pourrions affirmer que la valeur macroesthé-
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tique, c'est-à-dire celle qui accomplit le premier choix parmi les oeuvres à considérer artistiques et qui décrète les prétendues chef d'oeuvres, n'est qu'une valeur partiellement de caractère scientifique étant basée sur une analyse à information incomplète. Le succès d'Eschyle est dû aussi à la vic toire des Grecques sur les Persans, celui de Manzoni au triomphe de l'Eglise catholique dans l'Italie de l'époque, celui de Pasolini partiellement à la mode linguistique du dialecte dans la sémiologie des années 1950. Retournons ici, au point de vue d'évaluation, à la question que nous avons avancée au début procéduralement: est-ce qu'il y a à côté de cette va leur macroesthétique de facto, donc contestable, à information incomplète, non rigoureusement scientifique, la possibilité d'une valeur qui prend au contraire sa source des procédés microesthétiques comme nous l'avons dit ci-dessus et telle qu'elle soit à information complète, proprement scientifi que? Pour répondre affirmativement nous devons reconnaître qu'une telle valeur microesthétique est le résultat d'un jugement de second degré, qui n'examine pas n'importe quelle oeuvre, mais bien celles qui sont reconnues artistiques par le jugement macroesthétique et, parmi celles-ci, leur parties qui sont suspectées d'être proprement les plus artistiques. Sur ces oeuvres le jugement de valeur microesthétique pourra confirmer ou démentir le ju gement primitif et globale de la macroesthétique; en tout cas il pourra indi quer le degré et les limites de celui-ci. Nous avons soutenu que le procedé microesthétique se distingue d'au tres critiques littéraires et artistiques par l'emploi d'instruments sémiotiques qui peuvent individualiser les dynamismes génétiques par lesquels les différentes composantes de l'oeuvre d'art produisent des résultats différents que ceux du langage ordinaire. Mais si on veut passer de la tâche purement descriptive à celle d'évaluation, il faut que l'analyse microesthétique ne se limite pas à individualiser les points de détachement de l'oeuvre examinée du langage ordinaire, mais qu'elle montre aussi comment cette différence du langage commun réprésente une supériorité à son endroit. A ce but les instruments sémiotiques, dont nous disions auparavant, même si nécessai res, ne sont plus suffisantes. Il faut de veritables critères d'évaluation, même dans le domaine d'une sémiotique qui opère pendant l'approche mi croesthétique. Cependant si à ce propos on prétendait énoncer des critères d'évalua tion absolus, valables dans toute époque et pour toute production artisti que, on retomberait dans une faute métaphysique et dogmatique évidem ment en opposition avec le but d'analyse scientifique qui caractérise la mi-
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croesthétique. Les critères d'évaluation au contraire doivent être établis de temps en temps d'après le type de production artistique examinée et le type de goût qui caractérise une certaine époque. Pour ce qui concerne mon tra vail je ne me suis pas soustrait à la responsabilité d'adopter quelques uns de ces critères, même si je ne les considère ni eternels ni incontestables. Dans mon livre de 1980 j'ai cherché à les expérimenter dans une première épreu ve. Pendant les trois années suivantes et dans mon travail actuel j'ai cher ché et je cherche encore à les énoncer d'une manière plus systématique et à offrir une application plus complète, de manière que ma recherche puisse aboutir à une théorie plus organique de l'esthétique scientifique conçue comme microesthétique. Pour cela je me suis limitée ici à un aperçu de ses critères qui, bien entendu, sont plutôt des voies vers lesquelles je vais cana liser ma recherche et certainement pas de principes absolus. Dans mes travaux futurs je me concentrerai sur le développement de ces trois critères. Le premier, qui dérive des études bien connus de Birkhoff, recherche une valeur microesthétique dans la tension entre le degré d'ordre présenté par un texte et le degré de complexité de ses composantes. La nouveauté que mes études portent ici est surtout donnée du transfert de ce critère du plan géométrique-figuratif où il naquit, à un plan microesthétique-sémiotique. Un deuxième critère, emprunté à la théorie d'informa tion, lie la valeur microesthétique à la tension entre le quotient d'informa tion promise d'un certain texte et celui qu'il fournit peu à peu (en donnant lieu à des phénomènes particulièrement valides esthétiquement comme ce lui de l'information retardée ou retenue). Le troisieme critère est plus spé cifiquement microsémiotique et vise à individualiser la valeur esthétique dans la complexité des stratifications sémiotiques dans un seul vers ou dans une seule phrase ou, à la limite, dans un seul mot. Pour chacun de ces trois critères je suis parti d'abord de différents mo deles qui déjà avaient été elaborés par d'autres théoriciens. A propos du premier, emprunté à Birkhoff, j'ai eu comme point de départ l'esthétique de Max Bense, à qui on doit l'utilisation de Birkhoff dans le milieu de l'es thétique sémiotique en général. Pour le second critére, celui de la tension informationnel et plus en général de toute tension sémiotique, j'ai pris com me point de repère la logique de la poésie de Plebe, même si elle opère au point de vue macroesthétique à la différence de mes recherches microes thétiques. Pour le troisième critère j'ai procédé d'une manière plus autonome en prenant comme point de départ quelques procédés analogues d'autres esthétologues contemporains: je me rapporte en particulier à des analyses comme celle conduite par Deledalle sur Tropisme I de N. Sarraute.
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Je voudrais terminer en exprimant la conviction que mes brèves ré flexions et surtout mon travail que je suis en train de conduire, dont elles ne sont qu'une sommaire présentation, ne sont pas etrangères au thème géné ral de ce congrès: "Sémiotique et Pragmatique". Ma conviction dérive du fait que le type de théorie microesthétique que j'élabore fait partie d'un genre de sémiotique non abstraitement théorique, mais prend sa source dans la pratique applicative. En ce qui concerne cela, je crois que l'asser tion d'Adorno est toujours valide quand il dit dans sa Théorie esthétique que l'esthétique théorique, élaborée d'une manière abstraite par des philo sophies, est désormais finie et que ces philosophes qui se soustraient au travail de connaître analytiquement les oeuvres d'art en effet ne sont pas capables. Ma théorie naquit d'un travail spécifique et concret d'analyse critique des oeuvres de la même façon que, dans une époque que nous pourrions définir encore comme présémiotique, c'est-à-dire au début des années 1930, William Empson individualisa sept types d'ambi guïté caractéristiques des textes littéraires non d'après une théorie précon çue, mais comme résultat d'un travail minutieux d'exégèse conduit sur de nombreux exemplaires de la poésie anglaise. Dans ce sens je me suis permis de présenter à l'attention des congressistes quelques idées qui forment la base de mon travail.
Le statut pragmatique du texte de fiction Louis Francœur
Le statut pragmatique du texte de fiction repose sur deux notions fon damentales et solidaires en sémiotique de la culture, celle de texte et celle de culture. Un texte apparaît dans une culture donnée au moment même où la seule énonciation linguistique n'est plus considérée comme suffisante pour qu'un message quelconque en langue naturelle devienne un texte (Lotman et Piatigorski 1969: 206). Dans ce cas, on évitera de tenir comme synonymes la notion de texte telle qu'elle est utilisée par les critiques litté raires, les journalistes ou les linguistes et celle proposée par la sémiotique de la culture, dans la mesure où ne seront considérés comme textes que les messages qui sont porteurs d'une fonction déterminée et d'une signification intégrale, comme être un roman, un film, une loi ou une prière (Ivanov et al. 1974: 130). On donnera alors du texte culturel la définition suivante: tout support de signification exprimé, délimité et structurel que l'institution culturelle détache parmi d'autres messages et prend en compte parce qu'il possède une signification globale et une fonction déterminée. De ce point de vue on retiendra que le texte est l'unité de base de la culture (Ivanov et al. 1974: 130). Pour sa part, la notion de culture sera entendue dans sa dimension col lective, dans le sens où on peut parler de culture occidentale, française, américaine ou québécoise par opposition à la culture individuelle qui se rapporterait au domaine de la connaissance de chaque personne humaine acquise par son éducation ou par son expérience. Considérée comme une entité collective, la culture a longtemps été tenue pour la mémoire d'un groupe ou d'une société. La grande anthropologue Margaret Mead ne di sait-elle pas que la culture est l'ensemble de ce que l'homme désormais ne pourra plus oublier? Nombre de chercheurs ont utilisé cette analogie pour expliquer le traitement de l'information au sein d'une collectivité particu lière. Certains ont même fait remarquer que la structure sémiotique de la
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culture et la structure sémiotique de la mémoire représentaient des phéno mènes fonctionnellement de même type situés à des niveaux différents (Ivanov et al. 1974: 143). D'autres, à partir de données statistiques sur la mé moire du monde, cherchent à discerner les facteurs de la conscience collec tive qui valorisent, soulignent ou effaçent tels ou tels des éléments qui lui sont proposés. En définitive, ils veulent déterminer un aménagement de cette mémoire collective qui serait comme un réseau de connaissances (Mo les 1967). De ce point de vue, la culture peut en effet être entendue comme un appareil collectif de conservation et de traitement de l'information (Ivanov et al. 1974: 143). Mais, à la vérité, la culture ne possède pas uniquement cette caractéris tique plus ou moins statique que l'on retrouve du côté de la mémoire. Elle est aussi une puissance tournée vers le devenir de la collectivité puisque aussi bien elle ne cesse d'engendrer de nouveaux systèmes signifiants et partant de nouveaux textes culturels. C'est par rapport à cette fonction es sentielle qu'on réexaminera et redéfinira la notion de culture. Car dans la recherche d'une explication du mécanisme qui génère des textes, au lieu d'opposer la culture mémoire à la culture intelligence, comme ce qui est et a été s'oppose à ce qui devient, on serait fondé à reconnaître un isomorphisme fonctionnel de la culture et de l'intelligence individuelle qui, entre autres, se caractérise par sa capacité à mettre au monde de nouvelles pen sées, de nouveaux messages, de nouveaux concepts. Le comportement de la culture comme intelligence collective pourrait expliquer qu'elle réussisse, grâce aux relations qu'elle leur impose, à former un tout cohérent avec les systèmes signifiants autonomes et différents que sont les textes (Lotman 1979). A la lumière de certains concepts de la sémiotique peircéenne, le point de départ de l'étude de la culture considérée comme intelligence collective et de l'examen des textes qu'elle génère ne se situe pas tant dans la seule présuppostion des relations des systèmes signifiants à l'intérieur du tout culturel comme l'affirment dans leurs thèses pour l'étude sémiotique des cultures les chercheurs de Tartu (Ivanov et al. 1974) qu'elle ne se fonde, au contraire, sur l'observation des faits de culture eux-mêmes pour autant qu'ils soient tenus pour des signes dans l'acception que Peirce donne à ce terme. Dans un article de 1905, 'What Pragmatism is', Peirce (1965: 5.421) soutient que le cercle de la société de l'homme est une sorte de personne 'loosely compacted' à certains égards d'un rang supérieur à celui de la per-
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sonne d'un organisme individuel. Ce qui est pertinent pour la personne in dividuelle peut l'être tout autant pour la personne collective particulière ment lorsqu'il est question des facultés de connaissance comme Peirce les décrivait dans 'Questions Concerning Certain Faculties Claimed for Man'. Peirce y affirme, en effet, que toutes les facultés de connaissance sont relationelles et qu'en conséquence leur produit sont des relations (5.262). Cette affirmation faite en 1868 sera complétée trente ans plus tard quand Peirce soutiendra que la pensée se développe toujours sous la forme d'un dialogue — un dialogue entre les différentes phases de l'ego — de telle sorte qu'étant dialogique, elle est essentiellement composée de signes (4.6). Cette façon de concevoir le fonctionnement de la pensée autorise à tenir le fonctionne ment de la culture en tant qu'intelligence collective comme un mécanisme qui requiert au moins une paire de systèmes signifiants en corrélation, c'està-dire comme un mécanisme sémiotique qui se manifeste et se développe sous la forme d'un 'dialogue' entre les signes qu'il engendre et qui le com pose. En effet, se fondant sur sa logique des relations, Peirce développe une théorie de la connaissance dont l'énoncé central serait que toute pensée, tout message, se trouve dans les signes (5.253). Nous ne sommes familiers, écrit-il, qu'avec les pensées qui se trouvent dans des signes (5.251). Si une pensée ou un message ne se trouvait pas dans un signe, nous ne pourrions le connaître. Toute pensée se trouvant nécessairement dans un signe, elle est elle-même un signe. Cette théorie sémiotique de la connaissance repose à son tour sur sa théorie de la structure du signe qu'on nous excusera de rappeler ici dans la définition qu'il en donnait en 1897: 'Un signe, ou repre sentamen, est quelque chose qui tient lieu pour quelqu'un de quelque chose sous quelque égard ou à quelque titre. Il s'adresse à quelqu'un, c'est-à-dire qu'il crée dans l'esprit de cette personne un signe équivalent, ou peut-être un signe plus développé. J'appelle le signe qu'il crée l'interprétant du pre mier signe. Le signe tient lieu de quelque chose, qui est son objet. Il tient lieu de cet objet non à tous égards, mais par référence à une sorte d'idée que j'ai parfois appelée le fondement du representamen' (2.228). Est-il uti le de rappeler que la sémiosis sera alors définie comme une action ou une interaction qui implique la coopération de trois éléments tel qu'un signe, son objet et son interprétant, cette interaction tri-relationnelle ne pouvant en aucune manière se résoudre en actions entre paires (5.484). En accord avec l'idée que les pensées sont des signes et que le fait de penser est un processus sémiotique, il découle que l'intelligence, individuelle ou collecti-
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ve, est elle-même un signe qui se développe selon les lois de l'inférence (5.313). Placée dans cette perspective, la sémiosis ou interaction des trois éléments du signe pourrait apparaître comme la structure de base nécessai re et suffisante du mécanisme de la culture. On définira alors ce mécanisme comme une succession de paires ordonnées de signes (representamen et ob jet) dont la relation est assurée par un troisième (interprétant) que l'Inter prète culturel utilise pour élaborer, conserver et transmettre de l'informa tion dans une collectivité donnée. Faut-il insister? Cet échange ne devra ja mais être compris comme une relation entre paires mais il nécessitera tou jours la présence d'un troisième, l'interprétant, dont la fonction est juste ment d'interpréter cette relation. De ce point de vue, la culture pourra être définie, à son tour, comme l'Interprète historique d'une collectivité dont la structure est composée d'un continuum d'interprétants. Quels sont donc les éléments essentiels d'un mécanisme que la sémiotique culturelle considérerait comme un mécanisme pensant, s'interrogeait naguère Iouri Lotman (1979: 84). Puisqu'il ne peut y avoir de pensée ou de message que dans un signe, les éléments constitutifs de la culture comme mécanisme pensant seront ceux du signe lui-même, c'est-à-dire la qualité, la relation et la représenta tion (5.290). L'expérience quotidienne des textes-signes culturels a habitué la critique littéraire à saisir leur qualité matérielle, à les ressentir de quel que manière et à percevoir leur fonction de représentation, la relation du si gne à son objet ou à son sens. Mais n'est-ce pas à cause du fait qu'à côté du texte apparaît nécessairement la figure de son interprète: la pythie et son prophète, l'Ecriture sainte et le prêtre, la loi et le légiste, le texte littéraire et ses critiques (Lotman et Piatigorski 1969: 211) que la définition même du texte de fiction doit pour être complète prendre en compte la dimension pragmatique destinateur-destinataire? De façon générale, pourtant, la criti que littéraire est beaucoup moins familière avec le troisième niveau de l'in terprétation sémiotique, l'analyse pragmatistique dans laquelle l'interprète doit avoir recours à des interprétants logiques et notamment à des inter prétants logiques de troisième niveau, des interprétants systématiques. L'interprétant, on le sait, est l'élément actif du signe-action. Déterminé par le signe, c'est lui qui, dans cette relation, renvoie ce dernier à son objet, à son sens, de telle sorte que l'Interprète culturel ne peut rien dire de l'objet d'un signe sans la présence de son ou de ses interprétants. C'est pourquoi il faut dire que tout message, tout texte de fiction littéraire en l'occurrence, parce qu'il est un signe doit s'adresser à un autre, doit en déterminer un au-
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tre qui l'interprète et le met en relation avec son objet, puisque c'est là l'es sence même du signe (5.253 et 5. 287). La première consequénce que l'on peut tirer de cette théorie du signe c'est qu'un message qui possède sa qualité matérielle et qui est relié à un autre message par l'interprétant ou les interprétants que s'en forme l'Inter prète culturel devient apte à être considéré comme un texte dans la culture. Dans le cas contraire, on devrait conclure qu'il n'est pas actuellement un si gne culturel mais qu'il pourrait toujours le devenir dans une éventuelle sémiosis. C'était déjà, d'une certaine manière, la pensée de Mukarovsky (1970: 391) dans sa célèbre définition de l'oeuvre d'art dans laquelle il re connaissait 1. une oeuvre-chose fonctionnant comme symbole sensible; 2. un 'objet esthétique' déposé dans la conscience collective, et qui fonctionne comme 'signification'; 3. un rapport à la chose signifiée, rapport qui vise non une existence distincte — puisqu'il s'agit d'un signe autonome — mais le contexte total des phénomènes sociaux du milieu donné. Bien que tribu taire de la linguistique saussurienne, l'oeuvre-chose étant assimilée au signi fiant et l'objet esthétique à la signification dans la terminologie de Saussu re, la pensée sémiotique de Mukařovský a le mérite enviable de prendre en compte la nécessité de faire intervenir la conscience collective comme inter prète du lien réel qui doit exister entre le symbole sensible et le rapport à la chose signifiée pour que l'objet esthétique ou la signification soit reconnue. A défaut de quoi les poètes demeureront 'maudits'. L'histoire des cultures à différentes époques et sous des cieux divers offre de nombreuses illustra tions de messages qui ont été en quelque sorte ignorés parce qu'ils n'avaient pas acquis le statut de textes culturels, faute de mise en relation et de saisie par l'Interprète culturel. Que l'on songe seulement au sort réservé aux oeu vres du Greco ou de Georges de la Tour en peinture, aux poètes surréalis tes français et à combien d'autres encore. En dépit de l'avertissement que formulait André Breton 'qu'il ne faut pas confondre les livres qu'on lit en voyage et ceux qui font voyager', l'Interprète culturel n'a pas toujours su éviter la confusion, faute de s'être formé les interprétants adéquats. Qu'on en juge par ces lignes d'Henri Clouard (1962: 144): 'En tant que moyen de connaissance, le Surréalisme n'est qu'une sous-psychiatrie, une sous-psy chanalyse. Il ouvre des lucarnes sur le sommeil et le rêve, sur les états hallu cinatoires, sur la folie? Soit! Mais la science correspondante, elle, ouvre des baies! Quant à la mission du désir, c'est Nietzsche qui l'a découverte. Za rathoustra vaut toute la poésie surréaliste.' En vertu de la conception du signe et de la pensée qu'offre la sémioti-
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que peircéenne, il n'y aurait pas davantage de systèmes sémiotiques de la culture qui jouissent d'un mécanisme qui leur assurerait un fonctionnement isolé. Comme les messages qu'ils engendrent, les systèmes sémiotiques se déterminent aussi les uns les autres, s'interprètent aussi les uns dans les au tres. Un exemple particulier et fort répandu de cette combinaison réelle des systèmes sémiotiques peut être observé dans le fonctionnement des syst mes pourvus de signes discrets opposés aux systèmes formés de signes non discrets. C'est évidemment le cas du texte dramatique où on reconnaît vo lontiers un système hétérogène et hiérarchisé à cause de la nature même des deux sous-systèmes qui le composent, le sous-système linguistique cons titué par le dialogue des personnages et le sous-système analogique qui se situe dans la gestualité, les costumes, le décor etc. Les gestes et les attitudes des personnages renvoient à un objet, à un code du contenu, qui ne sera ex plicité que dans le dialogue qui les précède, les accompagne ou les suit, après seulement que le personnage-décodeur-interprète se sera formé des interprétants adéquats. On peut voir un exemple intéressant de cette sémiosis dans la pièce de Eugène Ionesco, Rhinocéros (1963: 96) au moment où Bérenger découvre que son ami le Logicien s'est transformé lui aussi en rhi nocéros. '(De la fosse d'orchestre, sous la fenêtre, on voit émerger un cano tier transpercé par une corne de rhinocéros qui, de gauche, disparaît très vite vers la droite)'. Les personnages en scène à ce moment vont devenir, à tour de rôle et chacun selon son degré de connaissance et ses expériences antérieures, interprètes du signe Logicien-Rhinocéros. Bérenger, en pre mier lieu, se forme des interprétants de première catégorie ou de l'ordre de la priméité, des interprétants affectifs, lorsqu'il perçoit la qualité matérielle de chaque signe indiqué dans la didascalie. Mais parce qu'il a mis chacun de ces signes (le canotier et la corne de rhinocéros) en relation avec son objet, il développe des interprétants de deuxième catégorie, des interprétants énergétiques immédiats et il réagit en s'écriant: 'Un canotier empalé sur la corne du rhinocéros!' Par la suite, il se forme des interprétants énergétiques dynamiques après avoir fait appel à son expérience collatérale, c'est-à-dire à ce qu'il connaît du Logicien par des expériences antérieures: 'Ah, c'est le canotier du Logicien! le canotier du Logicien!' Finalement, Bérenger en ar rive à un troisième type d'interprétant, une habitude spécialisée chez le hé ros de Ionesco à repérer les rhinocéros, l'interprétant logique deuxième qui est un système d'interprétation assimilé à l'induction: 'Mille fois merde, le Logicien est devenu rhinocéros!' Quant à l'autre personnage, Dudard, pour qui 'tout est logique' mais qui ne connaît le Logicien et son canotier que par
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ce que lui en a confié Bérenger et non par expérience personnelle, il se for me des interprétants logiques troisièmes. Ces interprétants, en effet, ne re quièrent pas, comme dans le cas précédent, d'interprétants dynamiques. Se fondant uniquement sur un interprétant logique deuxième, un habitus dé veloppé depuis longtemps tout au cours de sa vie, Dudard procède à une déduction: 'C'est le seul rhinocéros à canotier. Cela vous laisse rêveur. C'est bien votre Logicien! ...' Et les spectateurs? S'ils ont bien saisi la structure signifiante canotierrhinocéros-Logicien proposée par l'auteur, ils se sont livrés de façon conco míttante à un semblable exercise d'interprétation sémiotique. Qui plus est, l'échange entre la scène et la salle a pu donner lieu à la formation chez les interprètes-spectateurs d'interprétants encore plus développés que ceux des personnages eux-mêmes. On en voudra pour preuve leurs réactions multi ples et leurs commentaires nombreux lors des représentations de la pièce. L'opposition nécessaire des systèmes sémiotiques dans la formation du mécanisme de la culture ne saurait d'aucune manière dissimuler leur néces saire différence, particulièrement dans le rôle fondamental de créatur de nouveaux textes que l'on reconnaît à ce mécanisme. Si, en effet, la pensée se développe toujours dans la forme d'un dialogue entre les différentes phases du moi-culturel collectif, il découle que les textes sont des événements de l'intelligence collective. Deux textes culturels apparaissant comme deux ac tes séparés dans le temps, l'un ne peut être entièrement contenu dans l'au tre, à cause de cette dimension temporelle même. Pour qu'ils soient absolu ment identiques, il aurait fallu que le mécanisme de la culture puisse les en gendrer simultanément, ce qui est impossible dans l'hypothèse qui est exa minée où la culture est tenue pour une forme d'interprète collectif. Dans l'expérience de la vie quotidienne peut-être peuvent-ils apparaître comme semblables mais dans leur existence propre ils sont toujours en quelque sor te uniques. C'est affirmer du même coup que le sens ou l'objet d'un messa ge culturel est toujours quelque chose de virtuel aussi longtemps qu'il ne sera pas en relation avec un autre signe-message qui l'interprète, comme si chaque texte était le signe de quelque chose pour celui qui le suit, et celà à l'infini. Ce dialogue, théoriquement du moins, ne peut prendre fin, tout au plus peut-il être interrompu (5.288 et 5.289). Ceci permet encore d'expli quer que des messages ignorés dans une série culturelle sont sanctionnés comme textes dans une série ultérieure quand l'Interprète culturel de cette nouvelle série le met en relation avec un autre texte qu'il crée. Il n'y aurait aucune exception à la loi de la logique des relations selon laquelle tout si-
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gne-texte est interprété ou traduit dans un signe-texte subséquent (5.285). Dans le mécanisme de la culture entendue comme intelligence collective la traduction d'un texte dans un autre ou son interprétation dans un autre est le lieu par excellence de l'élaboration de nouveaux textes. Car, somme tou te, l'établissement d'une équivalence entre deux textes implique toujours une certaine sélection qui joue le rôle de mécanisme créateur d'un nouveau texte. Aucun appareil monologique ne pourrait donc être considéré comme un appareil pensant, c'est-à-dire susceptible de produire de nouveaux tex tes. La culture doit en principe posséder une structure d'opposition dont la nécessité se révèle nettement dans un dernier aspect que l'on considérera, celui de la relation de la culture avec la non-culture. Puisque tout texte est un signe, on peut en déduire que la théorie du si gne est aussi une théorie de l'expérience et avant tout une théorie de la conscience ou mieux encore une théorie de l'être conscient. Car, en der nière analyse, la conscience n'est peut-être pas autre chose qu'un conti nuum d'interprétants. Du moins est-ce bien de cette manière qu'apparaît la culture, particulièrement dans sa relation avec tout ce qui se situe en dehors d'elle. L'interprétant étant l'effet réel d'un signe, il tombe sous le sens qu'un signe peut avoir une grande variété d'effets et que ces effets eux-mê mes varient d'une société à l'autre et d'une série culturelle à une autre. Par exemple, certains signes ou groupes de signes ne font que déterminer, dans la conscience collective de l'Interprète culturel, des interprétants affectifs. Ces interprétants, qui sont de pures sensations, permettent donc de ressen tir la qualité matérielle du signe, mais parce que l'Interprète n'en n'a pas vraiment conscience, il les ignore tout simplement. On peut songer à la pa rution en 1869 des Chants de Maldoror qui passa complètement inaperçue. Cependant, comme l'affirme Peirce à Lady Welby, l'interprétant affectif est une possibilité. Puisque les signes dont on parle n'ont jamais encore déter miné d'autres interprétants que des interprétants affectifs et que, conséquemment, ils n'ont jamais eu accès à la conscience de l'Interprète culturel, on ne peut les connaître ni les identifier. On peut tout au plus supposer que certains d'entre eux, comme l'oeuvre célèbre de Lautréamont, dans d'au tres circonstances ont vu leur possibilité se transformer en réalité en déter minant un ou des interprétants de seconde catégorie, des interprétants énergétiques. On connaît cette catégorie de l'expérience réelle qui réside dans l'opposition à un autre. 'Un chose qui ne s'oppose pas à d'autres cho ses, écrit Peirce (1.457), ipso facto n'existe pas.' Certains messages, que l'on pense à la littérature de masse ou à la para-littérature, déterminent des
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interprétants affectifs puis des interprétants énergétiques de second degré qui font appel à l'expérience collatérale ou antérieure de l'Interprète. Ils sont rejetés dans la non-culture précisément parce que l'expérience colla térale des textes que possède l'Interprète culturel maintient ces messages dans l'altérité. De son propre point de vue, la culture apparaît comme un territoire délimité par ses propres textes auxquels s'opposent les messages de l'histoire, de l'expérience ou de l'activité humaine qui se situent en de hors (Ivanov et al. 1974: 125). La notion de culture est indissociablement liée à son opposition à la non-culture. Si comme on vient de le voir certains signes peuvent être ignorés par la culture ou d'autres rejetés dans la non-culture, il en est d'autres qui sont carrément combattus et qui deviennent, de ce fait, des anti-signes culturels. Qui ne se souvient, dans un passé récent, de propos aussi féroces que ceux tenus par l'un des porte-paroles autorisé de la culture française de l'époque à l'endroit de Robbe-Grillet: 'Brûlez vos livres, Robbe-Grillet! Délivreznous de cette moisissure qui, d'année en année, s'étend sur nos lettres. Epargnez votre temps et le nôtre. Etudiez le système métrique, puisque c'est là votre passion! Silence, on tourne! Taisez-vous! Nous voulons enten dre la musique de l'univers.' Cette moisissure du Nouveau roman dont l'in terprète de Boisdeffre (1967: 150) désire être délivré, détermine chez lui des interprétants de troisième catégorie qui sont, soit des habitudes généra les d'interpréter des signes dans sa propre culture, soit des habitudes spé cialisées comme c'est sûrement le cas chez ce critique littéraire connu, soit enfin des systèmes formels, comme le serait la sémiotique de la culture ou tout autre système d'interprétation sémiotique. Si l'on ajoute aux signes étudiés un code structural de la culture propre à celui qui les décrit, cela peut conduire, comme dans l'exemple cité, à un déplacement de ces signes dans la sphère des anti-textes culturels (Lotman et Piatigorski 1969: 210). En revanche, les mêmes signes ou de nouveaux qui leur seraient apparen tés, la conscience collective de l'Interprète culturel s'étant modifiée sous l'influence d'habitudes collectives d'association, seront intégrés à la culture par la création d'interprétants de troisième catégorie. Du point de vue de leur description externe, la culture et la non-culture se présentent alors comme des domaines, non pas opposés, mais se conditionnant l'un l'autre par le biais de leurs textes ou de leurs signes-messages respectivement (Ivanov et al. 1974: 126). Si donc les interprétants constituent l'Interprète et lui confèrent sa 'personnalité' par la consistance ou l'unité de leur continuum (Peirce 1965:
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5.314 et 5.315), la culture en tant qu'Interprète crée la non-culture, engen dre son propre chaos, par les interprétants qu'elle se forme des signes-mes sages venus de l'extérieur qu'elle rejette ou qu'elle combat. Toutefois, à cause du continuum d'interprétants qui la constitue comme entité réelle, la culture jouit d'un développement téléologique incomparable qui lui permet de transformer sans cesse en textes culturels les signes-messages qui lui sont opposés ou étrangers. Bibliographie Boisdeffre de, Pierre. 1967. La cafetière est sur la table. Paris: La Table ron de. Clouard, Henri. 1962. Histoire de la littérature française. Paris: Albin Mi chel. Ionesco, Eugène. 1963. Rhinocéros, Théâtre complet. Paris: Gallimard. Ivanov, V.V., Lotman, I.M., Ouspenski, B.A., Piatigorski, A.M., Toporov, V.N., 1974. "Thèses pour l'étude sémiotique des cultures." Recher ches internationales 81. Lotman, Yu.M. 1979. "Culture as Collective Intellect and Problems of Ar tificial Intelligence." Russian Poetics in Translation 6 (88). Lotman, Yu.M. et Piatigorski, A.M. 1969. "Le texte et la fonction." Se miotica 2. Moles, A.A. 1967. Sociodynamique de la culture. Paris, La Haye: Mouton. Mukařovsky, Jan. 1970. "L'art comme fait sémiologique." Poétique 3. Peirce, C.S. 1965. Collected Papers. Cambridge Mass.: Harvard University Press.
Sémiotique et ergonomie d'un système documentaire-image interactif H. Hudrisier
Si j'ai accepté avec joie l'invitation, lancée par Gérard Deledalle, à participer au colloque "Sémiotique et Pragmatique", c'est que je sais que chacune de mes rencontres avec l'Université de Perpignan a été pour moi l'occasion de comprendre, et d'immédiatement utiliser, quelques bribes d'une théorie et d'une pratique du signe. Les colloques renouent toujours avec la tradition de la philosophie péripatétitienne; il nous permettent de nous promener, de façon planétaire ou nationale et de confronter nos lectures théoriques à une pratique d'appren tissage-discussion-promenade . Deux ou trois rencontres à Paris ou à Perpignan avec Gérard Deledal le, Robert Marty et leurs amis; quelques coups de téléphone pour affiner une proposition d'approche théorique; un été passé dans la maison (et la bi bliothèque) de notre amie Joëlle Réthoré... il n'y a certes pas là de quoi former un théoricien, tout au plus bricoleur du signe et, en l'occurrence de l'image. De fait, la sémiologie n'était pas si nouvelle pour moi: quelques sémi naires de l'Ecole des Hautes Etudes, quelques lectures désordonnées des classiques de la sémiologie plastique et des revues de communication, la nécessité d'ordonner ses idées pour construire un séminaire ou produire quelques articles, m'avaient apporté les premiers modèles d'une approche sémiologique de l'image. Cependant, le capital des modèles sémiologiques dont je disposais alors ne convenait pas, de beaucoup, à l'usage que j'en voulais faire. Il serait temps, de fait, d'arriver au corps du sujet: que fait-on des ima ges ou, à propos des images, lorsqu'on est iconographe c'est-à-dire docu mentaliste spécialisé en recherche et archivage d'images? On classe et on cherche toutes sortes d'image, sauf (mais encore!) les oeuvres d'art qui re-
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lèvent de l'historien d'art ou du muséographe. On est utilisateur ou respon sable de cinémathèque ou de photothèque. Le métier est assez rare, et en core plus rares sont ceux qui font profession d'être théoriciens de la ciné mathèque ou de la photothèque. On a donc tôt fait d'être, ipso facto, spé cialiste en banque d'images. J'aurais tort d'essayer d'expliquer ce que sont ce métier et cette prati que; Christiane Baryla y reviendra dans sa communication (elle m'évitera d'exposer en détail ce qui est fait précisément à l'Agence Sygma, comme je contribuerai, je l'espère, à éclairer ses propos et ses démonstrations, car nous avons amené des machines étudiées en commun). Je voudrais, pour démarrer, vous faire partir d'une petite expérience: On projette alors les trois doubles pages d'un album Tintin de Hergé; d'abord, 3 projections de chacune des doubles pages, puis successive ment, la suite linéaire des 64 vignettes qui composaient ces 6 feuillets. Le but de l'expérience est d'apprécier le temps passé à rechercher de l'information iconique (présence ou non-présence d'une automobile) selon les stratégies employées. La recherche tabulaire (regard global de 2 à 3 se condes sur les doubles pages) est incomparablement plus efficace que la re cherche séquentielle; la projection successive, même à la cadence d'une se conde l'image, ce qui est très fatiguant, nous amène à un score de 64 secon des, soit dix fois plus de temps que la stratégie tabulaire: double page par double page. J'espère que cette expérience vous a quelque peu éclairés sur l'activité de l'iconographe et surtout sur ce qu'on n'est pas. Ce qu'il n'est pas? Quelqu'un qui traduirait des images en mots, qui les classerait comme tels et essaierait ensuite de les trouver à travers ces mots. Pour le cinéma qui est un media polytextuel (son, musique, texte et dialogues, images chaînées les unes aux autres) une telle pratique de la classification et de l'analyse tex tuelle peut rendre service: une banque de données filmiques peut être, à certains égards une banque de données textuelles sur des abstracts de film; mais pour la photographie? Je rappellerai ici la phrase de Roland Barthes à propos de la classifica tion photographique, dans la Chambre claire (1980): "Qui pouvait me guider? Dès le premier pas, celui du classement (il faut bien classer, échantillonner, si l'on veut constituer un corpus), la Photo graphie se dérobe. Les répartitions auxquelles on la soumet sont en effet ou bien empiriques (professionnels/amateurs), ou bien rhétoriques (paysa ges/objets/portraits/nus), ou bien esthétiques (réalisme/pictorialisme), de
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toute manière extérieures à l'objet, sans rapport avec son essence, qui ne peut être (si elle existe) que le Nouveau dont elle a été l'événement; car ces classifications pourraient très bien s'appliquer à d'autres formes, an ciennes, de représentation. On dirait que la photographie est inclassable. Je me demandai alors à quoi pouvait tenir ce désordre."
Désordre d'images ou préalable méthodologique? Bien qu'ennemi d'une généralisation hâtive d'un modèle linguistique sur un problème de sémiologie plastique, je pense (j'ai essayé de le démontrer dans d'autres textes) que la photothèque est, par rapport à la cinémathèque, un point de passage obligé sur le plan des méthodes. Le film suppose une redondance temporelle qui fonctionne dans le temps du discours que l'image fixe, photographique, n'a généralement pas. Or, pour le système documentaire, ce qui est à privilégier, d'abord, c'est l'accès par variations paradigmatiques avant l'accès syntagmatique. Un dic tionnaire est plus facile à utiliser qu'un ensemble plus ou moins ordonné de citations! Au-delà du modèle paradigme/syntagme, faisons le point sur les modèles sémiologiques dont je pensais pouvoir disposer dans un système de documentation images. Des modèles de communication, qui supputent de la documentation comme étant un acte de communication particulier. C'est une partie dont parlera je pense, Christiane Baryla, qui s'est intéressée plutôt, à ce type de problèmes. Ces modèles linguistiques, dans lesquels on suppose que les images que l'on cherche ou que l'on classe, pour en permettre la recherche, ont une di mension linguistique. C'est vrai comme nous le disions plus haut, pour le ci néma ou la télévision qui a une dimension linguistique à cause de son hété rogénéité textuelle (sous-titre, dialogues) mais aussi à cause de la dimen sion narrative du cinéma (son montage) qui en fait un objet très proche du langage dans une partie de son fonctionnement syntaxique. Cela est vrai aussi de la photographie, qui, par de nombreux côtés sus cite un métadiscours textuel (par exemple une légende) qui fait qu'une photographie pourra fonctionner comme un texte ou un quasi texte. Cette légende, même fausse, surtout si elle a été publiée, donnera à la photogra phie une dimension textuelle non négligeable qui prend force d'archive et doit être classée et retrouvée pour telle: Mr Nixon, tel jour, telle heure, re cevant Mr l'Ambassadeur de France à la Maison Blanche. Je n'ai personnellement pas beaucoup exploré ce côté linguistique de la recherche ou de l'archivage photographique ou filmographique. On peut considérer, qu'une fois l'image traduite en mots, cela fonctionne bon gré mal gré ni mieux ni plus mal que tout autre système documentaire de nature
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textuelle. La banque d'images serait donc l'interactivité, au sein d'un même système documentaire, d'un accès texte et d'un accès image. Plus passion nant pour moi, a donc été, l'aspect purement plastique ou "image", de l'iconographie, sur lequel on peut essayer d'appliquer une théorie sémiotique. Revenons sur l'expérience que je vous proposais tout à l'heure. On s'aperçoit qu'en matière de recherche d'images, l'esprit (ou peut-être seule ment l'oeil ou une partie plus ou moins profonde de l'esprit de l'oeil) fonc tionne sans recourir à une translitération linguistique des notions qu'il trie. Cet aspect des choses est courant et d'ailleurs bien connu dans d'autres do maines. Si chaque action nécessitait la traduction d'un phénomène en pré dicat linguistique, puis l'interprétation de ce prédicat (pense-t-on seulement avec des mots?) on ne serait capable ni de jongler, ni de courir, ni de conduire une automobile, ni même d'assurer la traduction simultanée d'une conférence. Les performances de tri image auxquelles nous arrivions tout à l'heure correspondent d'ailleurs au temps moyen de prise d'information visuelle (l/10ème de seconde), période qui correspond aussi à la durée de la rémanence rétinienne. Un documentaliste de presse est ainsi capable d'explorer sur un table lumineuse 2000 à 5000 photos par 1/2 heure c'est-à-dire 1000 à 250 pages classeur transparentes contenant chacune 20 diapositives. Je travaille ainsi depuis trois ans (après en avoir fait une approche théorique quelques années auparavant) à construire à l'agence de presse Sygma un poste de travail de l'iconographe qui puisse permettre à ces deux ergonomies iconographiques (textuelles et visuelle) de se mêler sur une même machine dont on n'a là qu'une version avant-prototype, le poste dé finitif et industriel étant en cours de développement. Il s'agit en quelque sorte de reconstituer la table lumineuse traditionnelle en lui donnant une dynamique multidimensionnelle et de l'allier dans un même système élec tronique à l'accès purement linguistique et informatique par mots clefs, fi chier et légendes. La démonstration du poste de travail iconographique à la bibliothèque Saint-Geneviève en permettra, si j'ose dire une approche plus pragmatique après expérience. Les modèles qui permettent d'appréhender ces approches de l'icono graphie se déduisent fort bien d'une approche triadique du signe et de l'in terprétation graphique qui en a été donnée par Gérard Deledalle. Partons de la représentation triadique (voir Figure 1). Mettons en oeuvre cette relation sur un photographie et sa légende (voir Figure 2).
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Figure 1.
Figure 2.
Nous mettons en lumière la nécessité qu'il y aurait à mettre en oeuvre deux approches de la photographie que l'on cherche et classe parce que jus tement elle n'est pas seulement une légende mais autre chose (une plus-va lue de l'image serait d'être au-delà du texte). Il conviendrait de mettre en place un modèle sous-tendant deux logiques: l'une, spécifiquement "ima ge", c'est-à-dire s'appuyant sur les dimensions formelles de l'image; l'autre, spécifiquement textuelle et déjà explorée par les spécialistes de la docu mentation. Le besoin s'impose de créer deux concepts opératoires — logologique et phanérologique — qui nous permettront de distinguer les quali-
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tés inhérentes à la logique, selon qu'elle sont pertinentes au parcours heu ristique d'un corpus d'assertions d'ordre narratif (nous parlerons de logologique) ou d'assertions d'ordre graphique (nous parlerons alors de phanérologique). Le concept phanérologique englobe évidemment le concept de logologique puisque, comme le montre Jack Goody (1979), l'émergence d'une réflexion logique sur le discours ne devient possible qu'avec la prise en compte d'une dimension iconique du discours: la page, la table d'écriture, l'alphabet, la table des matières, la page d'écriture, le tableau de chiffres, la formule mathématique ou chimique, l'index, le "menu" informatique, dépendent donc, dans leur analyse, de ces deux dimensions: la phanérologi que, à laquelle les logiciens-informaticiens avaient jusqu'alors apporté peu de soins, et la logologique ou logique du discours narratif. Nous pouvons poursuivre l'inventaire de la boîte à outils sémiotique par le modèle éminemment peircien mis en place par Pierre Schaeffer dans Machines à communiquer (1970, 1972). Je ne peux résister au plaisir de citer une boutade de ce dernier lors de ma soutenance de thèse:" — Regardez donc du côté de Charles Peirce!" Revenons à cette approche triadique du signe, cette lecture peircienne du sens et de la communication que nous facilite de plus en plus en France l'Université de Perpignan. Je m'en fais naïvement l'apôtre (en bon néophy te) auprès des mes nombreux collègues bibliothécaires, informaticiens, spécialistes des nouvelles technologies. Dans une civilisation de la commu nication, les modèles théoriques sémiotiques que nous mettons en oeuvre sont d'une très grande importance. Pour moi "bricoler" quelques modèles sémiotiques se chiffre en dizaines de millions de francs lourds. Un exemple parmi d'autre de l'évolution technologique amène l'électronique à être de main une optoélectronique puis une optonique. Le vidéodisque est aujourd'hui un moyen de stocker optiquement (par laser) une information et non plus de modifier par un champ électromagnétique la position signifiante d'un sel métallique. La fibre optique est le moyen de diffuser optiquement (toujours par laser) une information et non plus de la faire transiter par un courant électrique. Demain c'est le traitement optique du signal (la commutation optique) qui marquera l'ère des transistors optiques d'un au tre type. Contrairement au système électronique où une porte logique ne peut être, en principe, qu'ouverte ou fermée (le courant passe ou ne passe pas), il s'agit maintenant d'un type de traitement parallèle des informations (le rayon lumineux entrant dans la porte optique peut être éclaté en plu sieurs rayons sortants et on s'échappe ainsi du schéma seulement binaire de
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l'informatique). Il y a donc un "mariage" à faire entre ces nouveaux logi ciens de l'informatique et la logique triadique. J'aimerais terminer en illustrant le representamen "grenade" souvent entendu dans les conférences de Gérard Deledalle. La ville de Grenade (Espagne), le fruit grenade, l'arme grenade. Je suis allé refouiller dans une publication dont j'étais le responsable iconographique: Historia Magazine Guerre d'Algérie, et j'ai sorti les quelques pages que voici: Au départ, un article sur la venue de Guy Mollet à Alger en 1956 et un titre accrocheur: "6 février, les tomates de la colère". Voilà pour le maté riau de base; quant au documentaliste image (votre serviteur), la nécessité de trouver des photos en couleurs — si possible — pour illustrer l'événement! De fait, après de très nombreuses recherches, seule cette photo en noir et blanc de Guy Mollet devant le monument aux morts... Confronté à l'absolue nécessité d'ouvrir l'article par une pleine page couleur, voilà donc le docu mentaliste transformé en photographe: mieux vaut, dans certain cas, cons truire sa propre vision qu'en chercher une supposée trace dans des archives. C'est là que l'histoire peut communiquer avec la mise en scène mais la réa lité de cette facette de l'image d'histoire en est souvent beaucoup plus per nicieuse car c'est souvent celui-là même qui est personnage d'histoire qui la met en scène pour le photographe. Tomate? Grenade? arme ou fruit, je préfère conclure par cette vision des grenadiers américains dans une île des Caraïbes... Gérard Deledalle a certainement revu son exemple pour des interprétants à l'heure de l'actuali té! Bibliographie Barthes, Roland. 1980. La Chambre claire. Note sur la photographie (Cahiers cinéma). Paris: Gallimard. Goody, Jack. 1979. La Raison graphique. La domestication de la pensée sauvage. Paris: Minuit. Hudrisier, Henri. 1982. L'Iconothèque, documentation audiovisuelle et banque d'images. Paris: Documentation Française. Schaeffer, Pierre. 1970. Machines à communiquer: Genèse des Simulacres. Paris: Seuil. . 1972. Machines à communiquer: Pouvoir et communication. Paris: Seuil.
Le canon de la Méduse: Analyse d'un cas de lecture Jean Pierre Kaminker
Il y a un livre, paru aux Editions Arthaud en 1982 et intitulé La Médu se, Chronique d'un naufrage ordinaire, dont l'auteur J.Y. Blot, archéolo gue sous-marin, raconte comment lui et son équipe ont découvert l'épave de la fameuse frégate, perdue au début de la Restauration au large du Sé négal. Dans ce récit, je trouve par hasard un cas d'interprétation qui me pa raît présenter un grand intérêt sémiotique, d'où les notes qui suivent. Blot sort de l'eau un petit canon de bronze dont il voudrait bien pou voir dire qu'il permet d'identifier l'épave comme celle de la Méduse. Il trouve gravée dessus l'inscription P° 85 qui donne lieu à trois situations de lecture différentes. Dans un premier temps, le canon étant hissé à bord du bateau, Blot envisage de lire l'inscription de la façon suivante: Poids 85 kilos. Mais c'est sous réserve, car il pense que s'il s'agissait du poids il devrait être inscrit en livres selon un usage hérité de l'ancien régime (La Méduse qui coule en 1816 a été lancée 1801). Ensuite le canon est à terre et posé sur une bascule qui donne un poids de 85 kilos. Enfin il y a consulta tion d'un spécialiste, celui qui connaît parfaitement l'artillerie de marine et reconnaît la pièce comme typique de l'empire. C'est lui qui éclaire Blot sur le fait qu'en 1801 le système métrique sert déjà à marquer le poids d'un ca non. Du moins vais-je considérer qu'il en est ainsi, pour les besoins de mon étude, même si ce n'est pas absolument explicite dans le récit de Blot, dont je donne à présent deux fragments: "Une fois à bord du 6, notre canot pneumatique géant, le pierrier est hissé sur le pont de Mélusine à l'aide de la drisse de grand-voile du vieux ketch. Sur le tourillon droit, on peut lire:"P° 85 K". C'est pour le moins troublant, du moins pour le néophyte que je suis en matière d'artillerie de l'époque "Méduse". Un canon devrait voir son poids exprimé en livres. Le "K" laisse entendre qu'il s'agit plutôt de kilogram mes. Mais cette unité de mesure n'a-t-elle pas été légalisée en 1840 ou 1841 seulement en France, le système métrique remplaçant l'imbroglio de l'an cien système de mesure?
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JEAN PIERRE KAMINKER En tout cas, un poids de quatre-vingt-cinq kilos ne paraît pas idiot, à première vue. Alors, la Méduse ou bien une épave de navire du milieu du XIXè siècle?" (p.373) "Quand il a pris connaissance de mon rapport, Jean Boudriot a dit à Roch en guise de réponse à mon intention: "Qu'attend-il pour annoncer que c'est bien la Méduse? Avec des éléments pareils, je suis en mesure de prouver l'identité de l'épave..." Un des éléments cités par l'archéologue naval est la forme et la nature du pierrier de bronze remonté le 7 janvier. Une pièce particulièrement typique de la marine militaire de l'Empire. Le "85 K.", je le sais depuis quelques jours, signifie "quatre-vingt-cinq kilos". J'en ai acquis la conviction en allant peser le pierrier dès notre retour à Nouadhibou sur les balances de la compagnie U.T.A. à l'aéroport. Papa Kane, notre ami de la marine mauritanienne, m'a aidé à transporter le lourd objet dans un robuste filet et à le déposer sur la plateau de la balance sous les yeux perplexes de quel ques badauds. Son poids a secoué l'aiguille de la balance d'un mouvement franc, lui faisant parcourir un tour de cadran presque complet. Elle indi quait quatre-vingt-cinq kilos et quelques grammes en plus, poids des concrétions persistantes. Ce "K" signifie donc "kilos", et c'est un élément de plus qui contribue à l'identification du site. En effet, cette simple lettre est l'héritière directe des changements survenus sous la Révolution, quand le système de mesu res hérité de l'Ancien Régime a été déclaré vétuste et remplacé par un au tre, tout nouveau, un système universel que le gouvernement français a légalisé dès l'année 1801: le système métrique." (p.379)
Pour l'instant mes réflexions sur ce petit scénario archéologique ont emprunté deux directions. D'abord je vais analyser comme trois sémioses les trois situations que je viens de retracer. Ensuite je voudrais considérer cette séquence en tant qu'elle illustre dans sa particularité une certaine si tuation sémiotique: la validation d'une hypothèse de sens par le moyen d'une enquête. Car ce qui se passe dans cette histoire, comme on l'a déjà compris, c'est la formulation d'un sens, à titre d'hypothèse (abductivement en termes peirciens) puis une validation de ce sens selon deux modes parfai tement contrastés qui sont pourtant l'un et l'autre de l'ordre de Yenquête, car il y a dans les deux cas une modification matérielle raisonnée du contex te d'interprétation. 1.
Analyse des trois sémiosis
Première sémiose: le canon est sur le pont. Blot construit sur un repre sentamen qui est l'inscription un légisigne indiciaire dicent qui dit: le poids
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de ce canon est 85 kilos. Des questions peuvent naître sur cette base: quels sont les interprétants qui sont mis en oeuvre dans cette première sémiose? Pour ma part je répondrais volontiers ici, fût-ce en m'écartant d'une opi nion que j'ai parfois émise, qu'il y a un Ii qui assure l'identification des gra phèmes, un Id qui consiste dans l'estimation à vue de nez du poids du canon ("p. 374: "Un poids de 85 kilos ne paraît pas idiot"); un If qui consiste en la connaissance du système métrique et de sa notation. C'est en somme, je crois, suivre d'assez près la démarche de G. Deledalle (1979, p. 125) dans l'analyse de la Joconde. Autre question: l'analyse de cette sémiose peut-elle prendre en compte le caractère conjectural que Blot donne à son interpré tation? Je dirai que non, mais en désespoir de cause, car j'aimerais beau coup pouvoir spécifier en terme d'interprétant cette opération mentale si essentielle à la démarche scientifique suivie ici par Blot, ce dédoublement par lequel il suspend son adhésion à une interprétation dans le moment même où il la produit. Deuxième sémiose: le canon est sur la bascule. Blot a provoqué un nouveau representamen, la position de l'aiguille sur le cadran de la bascule. C'est sur ce representamen qu'il construit un autre légisigne indiciaire dicent exprimable ainsi: l'aiguille indique que "le poids de la pièce est 85 ki los." Interprétant immédiat: la lecture du chiffre sur le cadran. Interprétant dynamique: le contrôle des conditions matérielles de la pesée, incluant l'es timation du poids des concrétions demeurées sur le métal. Interprétant fi nal: l'usage de la bascule. Troisième sémiose: l'autorité consultée légitime la lecture de comme signe du système métrique. Que ce soit par l'archéologue Boudriot ou par une autre source, Blot est amené à modifier sa croyance sur la date à la quelle le système métrique est devenue usuel. La lecture de comme kilos va alors de soi. Dans cette troisième situation, où contrairement aux deux autres, la position du canon dans l'espace est devenue indifférente, un troisième signe est construit, qui me paraît avoir précisément le même representamen que le premier (c'est toujours l'inscription) et qui appartient alors à la même classe de signes (légisigne indiciaire dicent), mais qui n'a pas de caractère conjectural, du moins dans le contexte du récit (suspecter l'autorité des ex perts pourrait ramener vers une position conjecturale). Les interprétants sont encore ici l'interprétant immédiat qui assure l'identification des gra phèmes, et l'interprétant final, connaissance du système métrique. L'inter prétant dynamique n'intervient plus.
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Sur trois modes d'enquete validant une hypothese de sens
2.1 Les conditions de l'enquête J'ai dit plus haut que la pesée et la consultation étaient l'un et l'autre de l'ordre de l'enquête parce qu'on trouvait dans les deux cas une modifica tion raisonnée du contexte de l'interprétation. Je pense qu'on pourrait faire de l'enquête ainsi entendue un cas particulier de la recherche du sens, dont on peut d'abord se demander quelles sont les conditions générales. J'entends par recherche du sens d'un texte non pas le travail sémiotique plus ou moins intentionnel qui c'est opéré à notre corps défendant dès que nous avons compris quelque chose à ce que nous lisons, mais le proces sus volontaire par lequel un sujet lecteur travaille son interprétation. Deux conditions générales pour cela: qu'il y ait une insatisfaction et qu'elle soit imputable à une zone assez localisée du representamen. Insatisfaction: c'est-à-dire à la fois un désir de sens (la situation archéologique réalise à cet égard un idéal, à l'opposé de toute espèce de nonchalance face à l'écriture) et un manque: pour un raison ou pour une autre du sens fait défaut (ici c'est surtout parce que Blot a en tête la notion de livre, et parce qu'il redoute le sens de Kilo qui lui paraît, à tort, devoir rapprocher la date du canon jusqu'à 1841, ce qui est contraire à sa thèse). Mais à côté de l'insatisfaction, la localisation, à laquelle on n'échappe pas même ici, malgré l'exiguïté ex ceptionnelle du signe global. Toutes les parties de l'inscription ne sont pas problématiques au même titre et c'est la centration sur qui permet au lec teur de travailler sa lecture. A défaut d'une centration de cette sorte je pen se que du point de vue de la recherche du sens un texte entièrement insatis faisant, parfaitement opaque comme le sont tant de textes de poèsie contemporaine pour le tout-venant des lecteurs, ou tant de textes théori ques pour un public profane, ne se distingue en rien d'un texte parfaitement transparent, celui dont la lecture se fait sous le couvert de l'évidence, com me beaucoup de pages romanesques pour un public non critique. Dans une visée de pédagogie de la lecture il serait intéressant de carac tériser avec toute leur diversité les modalités possibles de la recherche du sens; mais je me contenterai ici de justifier d'un mot le traitement de l'en quête comme cas particulier de cette recherche, en faisant les deux remar ques suivantes. D'abord si l'enquête a en propre une modification intention nelle du contexte d'interprétation c'est donc qu'on peut envisager d'autres cas de recherche dans lesquels cette modification n'a pas cours: la lecture
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laborieuse, celle où on se casse la tête sur un texte sans autre recours que le texte même; ou encore le déclenchement qui fait qu'une allusion ou une fa cétie s'éclairent soudainement. Ainsi dans le cas de la chasse de bruit qu'on trouve dans Exercices de style de R. Queneau, et dont parle G. Deledalle (1979: 123): le lecteur perplexe pour qui cette expression se dévoile subite ment comme signifiant "la chaîne d'une sonnette d'autobus" parce qu'il peut puiser dans ses souvenirs de vieux parisien, celui-là s'est bien livré à une recherche plus ou moins inconsciente du sens sans autant procéder à une enquête. En second lieu il est important de remarquer que si l'enquête vise expressément l'établissement du sens, tout un versant de la recherche a trait au contraire à l'ouverture du sens: qu'on songe par exemple à l'effer vescence sémantique qu'on provoque en axant la recherche vers la superpo sition d'isotopies différentes dans la lecture d'un même texte. Ayant ainsi quelque peu spécifié l'enquête je veux à présent montrer qu'elle peut viser chacun des trois éléments du signe. 2.2 Trois modalités de l'enquête sur le sens La pesée du canon: la validation consiste à exhiber l'objet dynamique. Dans un premier temps l'enquête a consisté ici à susciter des representamen complémentaires, dont un au moins aura cette particularité: il va exhiber comme son objet immédiat quelque chose de l'objet dynamique du signe initial, celui dont l'interprétation est en question. Tel est bien le representa men que constitue la position de l'aiguille sur le cadran de la bascule: quand Blot lit ce poids (objet immédiat, ou "objet dans le signe") dans les condi tions de la pesée il peut dire qu'il a vu l'objet dynamique de l'inscription, "l'objet hors du signe", qui a déterminé la lettre 85 à renvoyer à 85 Kilos. (A un risque près, celui de la coïncidence. Si un surcroît d'enquête faisait découvrir un canon beaucoup plus petit portant l'inscription p° 85 il faudrait revenir en arrière). Si on veut préserver pour ce modèle une certaine richesse, et faire qu'il couvre une diversité suffisante de situations de lecture il faut ajouter ceci: le cas de la pesée paye en rareté ce qu'il gagne en exemplarité. Dans des cas particuliers tels que celui-ci l'enquête sur l'objet dynamique prend la forme élémentaire d'une opération procurant la connaissance physique d'un phé nomène initialement hors d'atteinte. Mais dans la généralité des cas l'en quête montre l'objet dynamique sans le saisir dans sa réalité physique mais à travers du discours. Considérons par exemple le titre d'une couverture de
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magazine: Trois mois à l'Olympia, qui veut dire pour trois mois et depuis trois mois. Le lecteur scrupuleux qui voudra donner à l'une des deux inter prétations le caractère d'une hypothèse, en l'appuyant sur tel indice tiré de l'observation du document, pourra valider ou invalider cette hypothèse en y allant voir. Non qu'il ait besoin de courir à l'Olympia car "aller y voir" consiste ici à ne pas se contenter de la couverture de Jour de France où figu re l'expression mais à lire l'intérieur du numéro. L'Expertise: validation d'un interprétant. Pour cette fameuse phrase double, latine et italienne: I vitelli dei Romani sono belli. (double en tant que matériau graphique, car phoniquement la prosodie trancherait), celui qui dit, dans un contexte d'interprétation donné "c'est de l'italien" valide la lecture "les veaux des Romains sont beaux" et fait quelque chose d'analogue à l'intervention de l'expert de notre récit. L'autorité certifie la convenance du système métrique comme interprétant de l'inscription. Par là elle valide le sens le poids de ce canon est 85 Kilos indépendamment de toute pesée; car si ses raisons sont bonnes, l'interprétation resterait à lire de la même façon s'il se trouvait que le poids soit faux. Quelle est cette convenance dont on s'assure ici par enquête en consultant le spécialiste? C'est en somme une convenance entre l'interprétant de l'archéologue en 1980 et celui du graveur en 1801. C'est une convenance de ce type, qui, insuffisam ment vérifiée, donne libre cours à l'abus d'interprétation, dont l'épisode anagrammatique des recherches saussuriennes est un exemple marquant. La validation du representamen, un niveau manquant dans le récit de Blot, mais aisément imaginable. Blot et son équipe ont affaire semble-t-il à un tracé intact et n'ont pas lieu de faire une recherche sur l'identité des gra phèmes composant l'inscription. Mais il est facile d'imaginer une situation différente pour faire fonctionner dans son entier un modèle triadique de l'enquête sur une hypothèse de sens. Q'un tracé soit mutilé, de telle sorte par exemple que l'identification du soit conjecturale, je pense que l'enquête pourrait consister à compa rer les parties restantes avec des tracés attestés dans des inscriptions analo gues non mutilées. Et si on élargit aux cas les plus courants de la lecture, ceux où le support est non pas le bronze d'un canon mais la feuille de papier on pourra rattacher à ce type d'enquête toute réfection d'un representamen pour peu que le moyen choisi pour valider cette réfection consiste à exhiber un autre representamen que celui attesté dans le document initial. Pour re-
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prendre un exemple dont j'ai traité ailleurs (Kaminker 1978), supposons qu'on lise dans une information sportive: il peut envisager une solution dans l'équipe de France et qu'au lieu de rétablir de façon discrétionnaire sélection à la place de solution (ce qui ne comporte ni hypothèse ni enquête) on veuille suspendre sa décision de lecture jusqu'à validation, on pourrait es sayer de retrouver le manuscrit dactylographié livré peut-être par le journa liste à sa rédaction, ou le telex de la dépêche d'agence. J'aime cette fiction pour son absurdité: elle a le mérite de montrer que la recherche du sens peut être une activité au moins aussi mortelle que vitale pour la communi cation. Bibliographie Deledalle, G. 1979. Théorie et pratique du signe. Paris: Payot. Kaminker, J.P. 1977. 'Objets et interprétants dans la lecture de la presse." Semiosis 8. . 1978. "Réflexions sur le statut sémiotique de la censure linguistique." Semiosis 12. Peirce, C.S. 1978. Ecrits sur le signe. G. Deledalle édit. Paris: Seuil.
Le discours aphasique Jean Luc Nespoulous et André Roch Lecours
Fuyant l'utilisation de données qualifiées généralement d"extra-linguistiques' (c'est-à-dire extérieures à la 'Langue' telle que définie par Ferdi nand de Saussure), une première génération de linguistes a concentré son attention sur la mise en exergue des propriétés structurales des différentes langues naturelles, et cette tendance, fort productive au demeurant, est toujours bien représentée à l'heure actuelle par différents courants de la linguistique générale. Parallèlement, à l'instar d'autres linguistes comme Bally et Benveniste, se sont développées d'autres études dont l'objectif primordial réside dans la saisie des phénomènes discursifs, dans l'appréhension — dans les termes de Benveniste repris récemment par Kerbrat-Orecchioni — de la 'subjectivité dans le langage'. Ces deux grandes voies d'accès à l'études du langage humain (étude du code linguistique vs. étude du discours in situ) se retrouvent — avec la même disproportion en faveur de la première sur la seconde — dans le contexte de disciplines en pleine adolescence comme la psycholinguistique et, à fortiori, la neurolinguistique. Au sein de celles-ci — à travers l'étude du développement du langage chez l'enfant, des erreurs de performance (lapsus) des sujets normaux, des perturbations verbales observables dans le contexte de l'aphasie ... —, les chercheurs se proposent de mettre en évi dence les différents processus formels de production et de perception du langage, le plus souvent d'ailleurs sur la base de protocoles expérimentaux plaçant le locuteur dans des situations fort éloignées des conditions naturel les d'utilisation du langage. Ce faisant, ils débouchent sur l'élaboration de modèles qui sont censés rendre des différentes étapes et des différents mé canismes indispensables à l'encodage et au décodage des structures linguis tiques. Ce faisant aussi, se trouvent bien évidemment négligés des paramè tres tels que: l'insertion du locuteur dans son discours, l'insertion du dis-
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cours dans telle ou telle situation de communication, la nature et la qualité de l'interaction verbale ... Nous souhaitons ici, nous éloignant provisoirement d'une neuropsy cholinguistique formelle que nous pratiquons pourtant quotidiennement, présenter — de façon largement anecdotique — quelques observations sus ceptibles de permettre à des non-spécialistes de l'aphasie de se faire une idée de ce qu'est la communication verbale — le dialogue, en d'autres ter mes — avec un aphasique. 1.
L'aphasique et les règles du dialogue
Dans l'étude du dialogue — comme dans celle tout autre type de situa tion de communication — deux séries de facteurs (au minimum) paraissent devoir être pris en considération: des facteurs que nous appellerons respec tivement internes et externes (ces mots ne sont pas nouveaux en linguisti que!). Par facteurs internes, nous entendons l'ensemble des opérations et pro cessus neuro- et psycholinguistiques stables nécessaires à l'encodage et au décodage d'un message quel qu'il soit — c'est-à-dire quelles que soient les circonstances (externes) dans lesquelles ce dernier est émis ou reçu (dialo gue, sermon ...) —.Si l'on prend pour référence un modèle psycholinguisti que de la production des phrases — comme celui de Garrett (1980), par exemple — on pourra dire que (a) les différents niveaux de représentation dont l'existence est postulée et (b) les différents processus requis pour la réalisation d'un message bien formé constituent des facteurs stables, à l'oeuvre dans tout acte de parole (dialogue ou autre). Par facteurs externes, nous entendons l'ensemble des paramètres envi ronnementaux (psychosociologiques, pragmatiques) caractéristiques d'une situation de communication, et donc variables — à la fois qualitativement et quantitativement — d'un acte de parole à un autre. L'emploi du mot exter ne ne signifie point que nous considérions cette deuxième série de facteurs comme marginaux. L'établissement d'un contact avec l'interlocuteur (dans le dialogue particulièrement), la prise en considération — par rétroaction — de ses comportements verbaux et non verbaux (susceptible de déboucher sur la reprise ou sur la modification du message initial), la présence d'éven tuels 'bruits' dans la situation d'interaction, le degré d'insertion du locuteur dans son discours ... sont des facteurs de la toute première importance tant
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il est vrai qu'ils conditionnent souvent le succès ou l'échec de l'acte de paro le. Nous souhaitons simplement évoquer à ce point de l'exposé le fait qu'ils voient leur rôle varier considérablement d'une situation à une autre, d'un individu à un autre ... mais il demeure clair que l'intégrité des deux séries de facteurs est requise pour que la communication verbale atteigne son plein rendement. Si nous avons eu recours — de façon quelque peu didactique, et donc de façon simplificatrice — à une telle dichotomie, c'est parce que convain cus du fait que, dans l'aphasie, les problèmes majeurs — tels que décrits dans la littérature spécialisée — semblent se situer le plus fréquemment au niveau de l'entrée en jeu des facteurs internes: - l'aphasique de Broca est celui qui, en production, présente des diffi cultés avec la composante phonologique — et aussi, semble-t-il, avec la composante syntaxique — du langage, la compréhension étant quasi-nor male; - l'aphasique anomique est celui qui manifeste essentiellement des dif ficultés d'accès au lexique (une difficulté que l'on retrouve d'ailleurs — as sociée à d'autres — chez presque tous le patients). Mais, parallèlement, en revanche, l'organisation pragmatique de l'inte raction avec autrui (phatismes, utilisation de toute information fournie par l'interlocuteur non aphasique) demeure pratiquement normale. On pour rait même dire que l'importance de ces facteurs externes — dans les deux cas évoqués précédemment — est en fait accrue de par la présence même des difficultés de production (attention renforcée, appels à l'aide fré quents...). Même dans le contexte de l'aphasie de Wernicke laquelle, tout au moins en phase initiale, se caractérise par un déficit grossier de la compréhension qui s'accompagne bien évidemment d'une perturbation des mécanismes de rétroaction empêchant le locuteur d'appréhender le carac tère déviant (allant parfois jusqu'à la jargonaphasie indéchiffrable) de ses propres production —, le patient, apparemment anosognosique (i.e. non conscient de son déficit verbal), s'engage dans des interactions avec autrui qui, au niveau 'externe', paraissent normales. Il arrive même, au hasard des recontres, que deux aphasiques de Wernicke jargonaphasiques s'engagent dans un dialogue qui, transmission réelle d'informations verbales mise à part, présente la grand majorité, sinon la totalité, des caractéristiques ex ternes de ce type de situation langagière (contact, orientation, tours de pa role... Argyle & Kendon, 1967)... un exemple qui ne laisse de surprendre! Au niveau de la littérature spécialisée, la grande majorité des travaux
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— nous l'avons dit en commençant — a porté sur l'étude des déficits struc turaux des aphasiques avec pour objectif ultime, si possible, la mise au point de véritables grammaires (ou algorithmes désincarnés et frigides) de déformations permettant, à la limite, la simulation sur ordinateur des com portements déviants observés. Une deuxième tendance toutefois se fait jour depuis quelques années dont le but est (a) non plus uniquement de répondre à la question: 'quelles sont les règles de déformation du discours aphasique? quelle est, pour paro dier Frei, la grammaire de leurs fautes?' mais (b) d'essayer de voir, paro diant Austin cette fois, ce que peut faire l'aphasique avec les mots qu'il par vient à utiliser, en d'autres termes, d'essayer de voir comment il organise la communication avec autrui en dépit de ses déficits verbaux. Ce faisant, ces auteurs fuient le seul examen des propriétés structurales du langage pour porter attention, à la suite d'Halliday, de Bloom et Lahey et d'autres dont Jakobson, à ses propriétés fonctionnelles in situ. Dans le contexte de cette deuxième tendance, Holland (1977) écrit: 'aphasies probably communicate better than they talk'. Selon elle, et comme mentionné précédemment, ces patients semblent garder leur communicative competence, une compétence qui inclut (a) la capacité d'assumer tout a tour la fonction d'émetteur et de récepteur dans la communication duelle, (b) la connaissance des règles so ciales du discours caractéristiques d'une communauté linguistique donnée, (c) la capacité de respecter les 'tours de parole' et (d) la capacité d'utiliser et de comprendre les différents types d'actes de parole tels que définis par Austin, Searle et, plus récemment, par Bach et Harnish. Nous éloignant présentement des travaux s'assignant pour objectif de rendre compte de la nature des perturbations verbales des aphasiques, et négligeant provisoirement les aspects non verbaux de la communication, nous essayerons — dans le droit fil des travaux de Holland (Cf. supra: d, en particulier) — de répondre aux questions suivantes: quelles fonctions par vient à assumer le discours des aphasiques?, quel type d'informations ces derniers parviennent-ils à transmettre par le langage verbal?, y-a-t-il des in formations (et, si oui, lesquelles) que ces patients parviennent à transmettre plus aisément que d'autres? 2.
Quelques caractéristiques discursives des aphasiques
Nous examinerons d'abord quelques échantillons de discours — conversationnel et/ou narratif — émanant de patients appartenant à diffé-
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rentes catégories cliniques d'aphasie, et ce dans le but de dégager quelquesuns des traits saillants de leur comportement verbal. 2.1 Aphasie de Wernicke proprement dite Dans cette première variété d'aphasie, le comportement verbal du pa tient comporte les caractéristiques séméiologiques suivantes: (a) discours fluide — abondant même — entaché de jargon (phonémique, sémantique ou les deux à la fois), (b) difficultés massives en dénomination, répétition et lecture à haute voix, (c) déficits majeurs en compréhension orale et écrite. Un patient de ce type, examiné par le Pr. Poncet, à Marseille, produi sit le discours suivant: Echantillon 1 'Quel est votre nom?... Comment allez-vous?' 'Je suis très heureux de vous... bien heureux — mon Dieu! — je suis très bien. Je reconnais que, euh, — mon Dieu! —j'ai... j'ai... j'aime bien /f/... parce que — qu'est-ce que vous voulez? — euh, je /tREve/... je mettrai à /beRobi/, hein. C'est bête, ça... Alors, je lui: 'Mais, bon sang!, j'ai...' J'ai dit, Maiître, et... et j'ai préferré, carrément... Je suis heureux d'avoir... Je suis /z/... Je suis bien heureux d'avoir... bien /abaglia/. Je suis heureux. Ma parole! Monsieur — Voyez! —.'
En dépit du fait que la plus grande partie des segments linguistiques constitutifs de cet échantillon sont clairement identifiables en tant qu'unités de la langue française, en dépit du fait que les structures syntaxiques (ou, du moins, les ébauches de structures syntaxiques produites) paraissent adéquates, la quantité d'information transmise par le patient à son théra peute est fort limitée, ce qui d'ailleurs n'empêche pas le patient de poursui vre son discours comme si de rien n'était. En fait, l'essentiel de ce que l'on parvient à identifier semble consister en commentaires, interjections et ex pressions qui, la plupart du temps, ne peuvent être facilement interprétés du fait qu'ils ne sont point rattachés à des informations ou des propositions explicites. 2.2 Aphasie de Wernicke avec jargon néologique Les caractéristiques séméiologiques de cette deuxième catégorie de pa tients sont les mêmes que celles que nous venons de mentionner à propos du cas précédent, à cela près que, cette fois, le discours comporte davanta-
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ge de segments non identifiables en tant qu'unités de la langue. Echantillon 2 'Qu'est-ce qui vous est arrivé?' 'Bien,... c'est-à-dire...oui...évidemment...enfin...comment dirais-je? ... je veux dire / A K T 0 M Ä M 0 N 0 / toujours / ΚΟΜ0ΤΑ / toujours / ÄKAB0 RESKÄTÄ / quand même...de nouvelles / ZEKYBYR0 // KÄDURERIBYR0 / . . . oui...forcément...vous comprenez ?' 'Vous êtes déjà venu ici ?' 'Ah, oui, toujours aussi...oh...c'est-à-dire que j'ai eu un / AKYKY / ... euh...comment ça s'appelle ? / SEBYZYR / commen ça / ΒΙΚΥΤ0 / ...un / ÄSDÄ / de / S 0 D 0 F 0 / ... je me souviens pas comment c'était exacte ment... ah, bien sûr, bien sûr...oui...certainement...toujours... / ÄVATEL0B 5/...il faudrait écouter / LEZ Z 0 /, vous comprenez ? C'est exacte ment... ça devait arriver à / DEKUDR0ASEDUB0 / à découvrir ça...un peu plus...un petit peu plus, si vous voulez'.
Dans un tel échantillon, de façon intéressante, les segments non néolo giques sont clairement constitués des mêmes commentaires, interjections et expressions que ceux/celles que nous avons relevé(e)s dans l'échantillon précédent. Ici encore, le récepteur recherche en vain toute information ex plicite, toute proposition du type "Sujet-Prédicat" qui rendrait possible l'in terprétation de la chaîne parlée. En fait, l'observation attentive d'un tel type de production verbale nous donne l'impression que chaque fois que le patient paraît sur le point de produire un lexeme spécifique — renvoyant à référent précis —, il sombre inéluctablement dans le jargon néologique. On semble ainsi être en présence d'une dissociation dans le comportement ver bal du patient, dissociation qui conduit celui-ci à produire des segments néologiques lors de la production des vocables — ou suites des vocables — qui sont censés véhiculer le contenu spécifique du message alors que de tel les informations du signifiant sont absentes lors de la production d'éléments linguistiques que nous continuerons pour l'instant à qualifier grossièrement de commentaires, d'interjections..., autant d'éléments qui ordinairement viennent 'habiller' l'énoncé brut d'une proposition (Cf. infra). 2.3 Aphasie
dynamique
Dans les termes de Luria, la principale caractéristique séméiologique de cette troisième variété d'aphasie réside dans l'impossibilité dans laquelle se trouvant les patients d'organiser aisément tout discours narratif. A la dif-
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férence de bon nombre d'aphasiques d'autres catégories cliniques, de tels patients n'ont pas de difficultés particulières d"accès au lexique' en situa tion — ponctuelle (i.e. hors contexte discursif) — de dénomination; la ré pétition de mots et de phrases est possible et la compréhension est intacte. En revanche, l'organisation du linear scheme of speech according to an in ternal intention or plan est fort difficile, voire impossible, pour eux. Luria interprète donc leur discours déviant comme une perturbation affectant l'organisation dynamique des segments linguistiques. Echantillon 3 Petit chaperon rouge: 'Bien là...d'abord...la grand-mère, en principe, lui sert la soupe, oui...quoi...lui chose...et lui amène, disons, puisque vous voulez des dé tails... lui amène le chose, bon. Ensuite, alors, la petite fille s'en va au bois, apparemment sans histoire.' Echantillon 4 Description d'images séquentielles: 'Ah, j'avais pas remarqué ça (montrant du doigt un élement de l'ima ge)... oui... oui... c'est exact...alors...il y a la rue...là, en principe...ils com mencent à descendre et ils ne se rendent pas très bien compte, je suppo se... puisque, apparemment, c'est...chose...et là, alors, là ils commencent à...un peu...là j'ai l'impression que...ils...chose...c'est là où effectivement on voyait pas très bien, avouez.'
Contrairement à ce que nous avons relevé dans les échantillons précé dents, le patient parvient ici à fournir quelques informations explicites, que celles-ci soient adéquates ou non ('la grand-mère lui sert la soupe', 'la petite fille s'en va au bois'...). Toutefois, comme dans les cas précédemment cités, la grande majorité des segments linguistiques produits consistent en com mentaires, parfois d'un important degré de complexité ('puisque vous vou lez des détails', 'oh! j'avais pas remarqué ça'...). Le patient appartenant à une telle categorie clinique — lequel est parfaitement conscient de ses trou bles — recourt même plus abondamment que tout autre aphasique à ce type de commentaires — parfois 'creux' — ... peut-être dans le but de cacher, jusqu'à un certain point, son déficit verbal: — —
'Pourriez-vous me dire quel êtait votre métier?' 'Ah! ça, mon ami, je ne sais pas si j'aurai le courage de vous le dire.'
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2.4 Aphasie de Broca avec agrammatisme Le comportement verbal des aphasiques de Broca est classiquement caractérisé par (a) une production verbale réduite, (b) la présence de trou bles articulatoires et (c) une compréhension quasi-normale. Le discours de ces patients est parfois entaché d'agrammatisme; il prend alors souvent l'as pect d'un message télégraphique, comme dans le fragment suivant: Echantillon 5 'En chambre... docteur... venu... embarqué... la Montalembert... Purpan... ensuite... opéré.'
civière... alors... Ecole
A l'examen d'un tel échantillon, on peut penser que, contrairement aux aphasiques appartenant aux catégories précédentes, les 'agrammatiques' mettent l'emphase sur la production des lexèmes les plus susceptibles de véhiculer l'information qu'ils souhaitent transmettre à autrui. Dans ce cas, on relève la plupart du temps l'absence de commentaires du type de ceux que nous avons évoqués antérieurement. Si, comme nous en avons déjà émis l'hypothèse (cf. supra), une dissociation existe, dans le discours aphasique, entre différent types de comportements verbaux, force nous est de constater ici qu'elle ne va pas toujours dans le même sens. 2.5 Aphasie trans corticale sensorielle Il est des cas, dans le contexte de l'aphasie — et plus fréquemment en core dans le contexte de la démence ou de certains syndromes psychiatriques —, dans lesquels le discours — évalué à un premier niveau — paraît relati vement normal: prises individuellement, les différentes phrases sont adéquatement construites et, de plus, du point de vue sémantique, elles contiennent certaines des informations spécifiques qui faisaient tant défaut à la plupart des aphasiques mentionnés jusqu'ici. Echantillon 6 'Avec Muriel, c'est clair. Elle essaye de me faire penser des mots, là. Quand je la vois, je dois penser mais souvent, si tu veux, j'essaye de la fai re penser drôle. Dans la population, je pense qu'i faut laisser faire. J'ai mes pensées hautes, mes pensées basses et pui aussi mes pensées moyen nes. Mais c'est avec les filles que je suis content, c'est sûr. Toi, tu es clair pour moi; mais je préfère les filles.'
En dépit de son apparente conformité, un tel discours ne permet toute fois pas à une communication interindividuelle harmonieuse de se dévelop-
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per, aucune cohérence patente ne pouvant être extraite des propos du pa tient. 3.
De deux comportements verbaux de base? De leur dissociation dans le discours aphasique?
A l'exception du dernier échantillon, les extraits de discours aphasique rapportés dans la précédente section semblent plaider en faveur de l'exis tence d'une dissociation dans le comportement verbal de ces patients, disso ciation qui conduit ces derniers à produire fort peu de segments contenant des informations spécifiques — renvoyant, par exemple, à tel ou tel élé ment des données de l'expérience — alors que l"habillage' discursif (com mentaires, interjections ...) demeure accessible et occupe même parfois (e.g. l'aphasique 'dynamique') une place qui paraît démesurée. Parmi les nombreuses dichotomies échafaudées par les linguistes de puis l'avènement de la linguistique générale moderne, il en est une qui — quoique sous des appellations différentes — paraît susceptible de rendre compte, tout au moins au niveau descriptif (de surface), d'une telle disso ciation. Dans les termes de Charles Bally (1942), tout acte de parole renferme deux composantes distinctes: - le dictum, dont l'objectif est la mise en place d'une information ou d'une proposition spécifique — le mot 'proposition' étant ici pris au sens que lui ont octroyé les logiciens (i.e. l'expression d'une relation appliquée à un ou plusieurs arguments) —. Avec Halliday et d'autres, nous appellerons ce premier type de comportement verbal comportement référentiel dans la mesure où, à ce premier niveau, le sujet parlant fait référence à des person nes, à des objets ou à des idées ... constituant l'environnement social et culturel de la communauté humaine à laquelle il appartient. Selon les lin guistes de l'Ecole de Prague, l'organisation de ce discours référentiel s'opère sur la base de séquences de thèmes et de rhémes, séquences qui se doivent de respecter certaines règles (règle de progression, règle de noncontradiction, règle de relation; Charolles, 1978) si la cohérence discursive veut être sauvegardée. - le modus ou modalité: 'forme linguistique d'un jugement intellectuel, d'un jugement affectif ou d'une volonté qu'un sujet pensant énonce à pro pos d'une perception ou d'une représentation de son esprit' (i.e. à propos du dictum). Nous appellerons ce deuxième type de comportement verbal
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comportement modalisateur. Dans tout acte sémiotique 'multicanaux' (Cosnier, 1977), ce comportement peut être verbal ('modalité explicite' de Bal ly) ou non verbal (gestuel, par exemple). Nous ne considérerons, dans ce qui suit, que les modalisations verbales. Chez le locuteur normal, le dosage entre éléments référentiels et élé ments modalisateurs peut varier grandement d'une situation discursive à une autre: Echantillon 7 'C'est une place de village. Il y a personnes...des cireurs de chaussures. Derrière, il y a un bâtiment ancien. Il y a du linge qui est suspendu et qui sèche.'
Dans cet échantillon — extrait de la description orale par un sujet non aphasique d'une image figurative — nous voyons apparaître un comporte ment verbal essentiellement référentiel — très distancié — le locuteur s'impliquant peu dans l'acte d'énonciation. Echantillon 8 'Ça? Ça me laisse froid. Je ne vois pas...Ah, non vraiment, je ne sais pas que vous dire... ça a l'air d'être des arbres découpés... ou bien on dirait de la fumée s'élançant vers le ciel.'
Dans cet échantillon, en revanche, le locuteur — engagé dans la des cription orale d'un tableau non figuratif — ne produit que fort peu de segments référentiels (en italique), l'essentiel du comportement verbal étant de type modalisateur, manifestant l'incertitude et les difficultés que le locuteur ressent devant la tâche proposée. Chez l'aphasique, à présent, il est fort tentant de prétendre que, la plu part du temps, c'est le discours référentiel qui est perturbé, le comporte ment modalisateur demeurant largement accessible. Comme dans le der nier échantillon cité, le patient recourt souvent — et apparemment sans dif ficultés — à des mots ou expressions à valeur modalisatrice, dans le but d'expliquer sa 'détresse verbale' et son malaise: 'je ne sais pas', 'je le sais mais je ne peux pas le dire' ... Entre autres choses, ces modalisations nous renseignent sur le degré de conscience qu'a le patient de ses difficultés lin guistiques (Lecours, Travis & Nespoulous, 1980). Quelquefois, cependant, les segments modalisateurs semblent être produits en relation avec des élé ments thématiques ou Thématiques (a) que le patient ne peut produire ou (b) qui débouchent inéluctablement sur du jargon néologique: 'on devrait arriver à...', 'je suis heureux d'avoir...', 'je reconnais que...', 'j'ai préféré,
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carrément, ...'. Dans ce dernier cas, il semble raisonnable de présumer que le dictum du patient est clairement présent dans la cible narrative sous-jacente même si celui-ci ne peut être clairement explicité 'en surface', les segments modalisateurs étant les seuls à être produits adéquatement. Sur la base des échantillons de discours aphasique cités précédemment, on peut — à titre hypothétique — proposer le tableau suivant dans lequel nous avons tenté de caractériser le comportement verbal de différentes ca tégories cliniques d'aphasiques sur la seule base de la dichotomie référen tiellmodalisateur (Tableau 1). Tableau 1. Types cliniques
Aphasique de Wernicke (Cf. échantillons l et 2) Aphasique dynamique (Cf. échantillons 3 et 4) Aphasique de Broca avec agrammatisme (Cf. échantillon 5) Aphasique transcortical sensoriel (Cf. échantillon 6)
Comportement référentiel
Comportement modalisateur
+ (ou jargon néologique)
(avec grande diversité)
(ou réduit)
(avec grande diversité)
+
+
+ (absent le plus souvent)
+
+
(mais incohérence)
Ainsi: - les aphasiques de Wernicke — même lorsqu'ils produisent abondam ment du jargon néologique — peuvent utiliser les mots et les structures à valeur modalisatrice;
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- les aphasiques dynamiques recourent fréquemment à un grand nom bre de modalisations...comportement hypermodalisateur dépassant parfois celui de nos 'meilleurs' diplomates et de nos meilleurs politiciens; - les aphasiques de Broca avec agrammatisme sont des locuteurs qui semblent se concentrer sur les aspects référentiels du discours, gommant souvent ainsi l'ensemble des modalisations; - les aphasiques transcorticaux sensoriels peuvent parvenir à produire un discours référentiel et modalisateur à peu près comparable — au niveau de la 'répartition des masses' — à celui du sujet normal, incohérence mise à part. Nous ne nous pencherons pas ici sur le problème du déterminisme neu ropsycholinguistique d'une telle dissociation, déterminisme qui, en tout état de cause, est loin d'être clair à l'heure actuelle (Nespoulous, 1980). Nous nous contenterons de souligner encore une fois la nécessité qu'il y a, selon nous, pour l'aphasiologue de sortir de la seule évaluation des déficits présentés par un patient donné pour entreprendre l'étude de son comporte ment discursif in situ. Ce faisant, on complètera l'indispensable délimitation des composantes neuropsycholinguistiques perturbées du fait de la lésion cérébrale qui l'affecte (i.e. recension des phénomènes négatifs), (a) par l'examen de ses capacités sémiotiques restantes — puisque, de fait, il y en a assez souvent — et (b) par l'observation des éventuelles stratégies palliati ves qu'il développe pour essayer de compenser son déficit initial (i.e. recen sion des phénomènes positifs). Ce faisant aussi, on sera mieux à même de déterminer les situations de communication dans lesquelles ce même pa tient est susceptible d'évoluer sans trop d'inconfort, ses perturbations s'y trouvant, en quelque sorte, minimisées. Cette dernière démarche nous pa raît d'autant plus justifiée que la remise en place des processus linguistiques atteints — dans le contexte d'une rééducation formelle ou en dehors d'un tel cadre — demeure fort souvent encore problématique et ne permet que fort rarement au patient de recouvrer un niveau d'efficience comparable à celui qu'il avait antérieurement à la survenue de l'aphasie. Ainsi, l'aphasique ne peut être simplement considéré comme un algo rithme déficient. Il reste, en règle générale, un individu qui — quoique avec des moyens réduits — essaye de maintenir avec autrui une communication sans laquelle toute vie sociale deviendrait sans doute un défi insurmontable. La 'Linguistique de la Parole' semble être seule à permettre l'appréhension synchronique des relations existant, dans l'acte de parole, entre structures linguistiques, sujet parlant et situation de communication. Son rôle, dans le
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contexte de l'aphasiologie, est donc appelé à s'accroître, redonnant à la neurolinguistique un visage humain qu'une approche formaliste tend sou vent à voiler. Bibliographie Argyle, M. & Kendon, A. 1967. "The experimental analysis of social per formance." In Advances in experimental social psychology. L. Berkowitz (ed.). New York: Academic Press. Austin, J.L. 1962. How To Do Things With Words. Cambridge, Mass.: Harvard University Press. Bach, K. et Harnish, R.M. 1979. Linguistic Communication and Speech Acts. Cambridge, Mass.: The M.I.T. Press. Bally, Ch- 1942. "Syntaxe de la modalité explicite." In Cahiers Ferdinand de Saussure. Genève: Droz. Benveniste, E. 1958. "De la subjectivité dans le langage." In Journal de psychologie. Bloom, L. et Lahey, M. 1978. Language Development and Language Disor ders. New York: John Wiley. Carneiro do Couto, A.M. et Marques da Silva, M.M. 1979. La stratégie de lecture de l'image vue à travers l'analyse du discours. Mémoire de maîtrise en psycholinguistique. Université de Toulouse-Le Mirail. Charolles, M. 1978. "Introduction aux problèmes de la cohérence des tex tes." Langue Français 38 (7), 7-41. Cosnier, J. 1977. "Communication non verbale et langage." Psychologie Médicale 9 (11), 2033-2049. Cosnier, J., Coulon, J., Berrendonner, A. et Orecchioni, C. 1982. Les voies du langage. Paris: Dunod. Davis, G.A. et Wilcox, M.J. 1981. "Incorporating parameters of natural conversation in aphasia treatment." In Language Intervention Strategies in Adult Aphasia, R. Chapey (ed.). Baltimore: Williams et Wilkins. Frei, H. 1929. La grammaire des fautes. Paris: Paul Geuthner. Garret, M. 1980. "Levels of processing in sentence production." In Lan guage production, Vol. 1, B. Butterworth (ed.). London: Academic Press. Halliday, M.A.K. 1975. "Learning how to mean." In Foundations of Lan guage Development. A Multidisciplinary Approach, Tome 1, E.H. Lenneberg et E. Lenneberg (eds.). New York: Academic Press; Paris: The Unesco Press.
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Conditions de l'approche sémiotique du texte littéraire Joëlle Réthoré
Un précédent article (Réthoré 1982) s'attachait à montrer qu'il existait une partition sémiotique des savoirs et compétences constitués par ce que nous appelions différentiellement lecture et interprétation de lettres littérai res, deux exercices au centre de la pratique pédagogique scolaire et univer sitaire, et tellement familiers de ce fait qu'ils ne sont que très rarement définis. C'était donc dans une perspective pédagogique qu'était abordée la dis tinction de ces concepts, dans leurs rapports avec la littérature notamment. Dans ce cadre, nous opposions essentiellement le texte comme sens attribué à la lettre,1 à la signification, objet du pré-texte et du texte, et nourrie des données para-littéraires (histoire littéraire, théories diverses plus ou moins directement applicables à la littérature, vie de l'auteur, oeuvre de l'auteur etc.). La définition même de la lecture2 permettait de la distinguer de l'acte d'interprétation, dans et par son respect de l'intégrité de la lettre considé rée comme nécessaire et suffisante pour accéder au texte. Nous insistions sur le fait que l'amalgame des deux pratiques favorisait, dans le système universitaire français tout au moins, la lecture dite savante (que nous appe lons, quant à nous, interprétation), qui de fait déborde du contexte strict de la lettre, pour confronter cette dernière avec des savoirs généraux ou théo riques, des opinions et des jugements de valeur, le tout sous le couvert du concept de 'lecture'. Il nous est apparu que, pour criticable qu'il soit, le schéma de la communication de Jakobson (1963) permettait de rendre compte de fonctions et de lieux propres à faciliter l'analyse de lettres litté raires, pour peu que lui soient adjoints quelques lieux et fonctions supplé mentaires, dans le but de préserver la spécificité de l'acte littéraire. Il nous a semblé aussi que la schématisation des parcours mettrait en lumière, peut-être mieux que les définitions, des 'passages obligés', sur lesquels nous reviendrons.
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1.
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Les processus triadiques: Ecriture, lecture, interprétation3
Soit X A
un écrivain ou auteur, un narrateur ou sujet racontant, écrivant, une lettre ou discours littéraire produit (roman, nouvelle etc.), le narrataire visé par X, destinataire privilégié du récit (soit implici tement, soit explicitement) et qui peut être l'auteur lui-même, Y un lecteur réel ou interprète de la lettre, énonciateur du texte ou du pré-texte, D un texte (ou un pré-texte), c'est-à-dire un sens produit, représenté sous la forme d'un nouvel hypersigne qui est un signe Interprétant (et non pas 'interprétatif!) de la lettre: dissertation (dans le cadre pédagogique), préface, essai etc., du lecteur réel (étudiant, critique littéraire a uteur lni-même). 4
Figure 1. Les triades de l'écriture et de la lecture
D'un point de vue sémiotique, nous sommes en présence de deux triades Τ essentielles, qui tournent autour de la lettre: T.l: A, B, D soit un narrateur, un livre à écrire-écrit, un objet (fictif).5 T.2: B, Y, D soit un livre écrit, un lecteur, un texte. Dans ces deux triades, est le signe ou representamen invariant; A et Y sont les lieux des interprétants', D, objet de T.l, peut aussi devenir l'objet de T.2 s'il est énoicé par Y. Il est clair que l'identité de D dans les deux triades est une fiction et qu'il conviendrait de sous-entendre D' dans T.2, si nous ne craignions d'alourdir la description et si nous admettons que les variations de D à D' sont irréductibles et inconnaissables (hormis le cas limite où X et Y, auteur et lecteur, sont confondus, quand X préface par exemple). Le schéma de Jakobson n'étant encore que partiellement translaté, il nous reste à identifier dans nos propres termes les fonctions correspondant
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à code et contact; et à déterminer le nombre d'actes sémiotiques placés dans le système tant au plan de l'écriture que de la lecture et de l'interprétation. Soit E la compétence culturelle du lecteur: langue(s) dans laquelle est ex primée la lettre; idéologies (du Beau notamment); théories littérai res (plus ou moins bien maîtrisées par le lecteur; histoire littéraire (connue du lecteur); vie de l'auteur; oeuvre de l'auteur etc.. E sera l'indice attribué à Y dans chacun de ses actes de lecture et d'inter prétation. F un interprétant dynamique de la lettre, les effets réels que la lettre va produire chez Y, à chaque moment. E et F vont nous permettre de compléter le premier schéma et d'accéder à G, l'interprétation comme résultat (et non comme acte), un nouveau signe, interprétatif, de la lettre B. Cet Hypersigne G, tout comme l'hypersigne D (texte ou pré-texte), est offert à l'appréciation critique d'un nouveau lec teur, que l'on pourrait appeler Y' (enseignant, autre critique, autre lecteur non institutionnel). (Voir Figure 2.)
Figure 2. Les triades de la lecture et de l'interprétation
Deux (et non pas trois) nouvelles triades surgissent dans ce développe ment du schéma. Mais auparavant, et en guise de justification, disons que
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le code devient le savoir extérieur au livre, le déjà là, le support linguisti que, théorique, exégétique etc., indispensable pour accéder à l'interpréta tion (comme acte et comme résultat). En ce sens, E (appelé ici codes cultu rels) est la coloration et le contenu des champs d'interprétants du lecteur Y. La possibilité de contact est actualisée avec chaque processus sémiotique {lecture ou interprétation), mais cette composante dynamique n'est réelle ment pertinente que dans la situation de lecture, moins analytique et moins théorisée que la démarche d'interprétation. Elle est donc, de ce fait, plus sensible aux effets des re-lectures. Pour revenir à l'exposé des triades sémiotiques décelables dans le schéma, nous voyons que les objets respectifs des processus de lecture et d'interprétation sont D et G, respectivement le texte (ou pré-texte) et l'in terprétation (comme hypersigne interprétatif). D et G sont donc les objets énoncés de la lettre et du texte. Nous pensons que l'interprétation se fait sur la base du texte, premier objet déterminé à la lecture. Mais la pratique uni versitaire, fondée souvent sur les données de l'introspection, donne à pen ser qu'il n'en est pas nécessairement ainsi et que l'on peut accéder directe ment à l'interprétation comme acte et comme résultat, en faisant l'écono mie du texte. Cette hypothèse, qui demande encore à être étayée, figure en pointillé sur le schéma. L'examen postérieur du treillis des classes de signes nous fournit une base de discussion, s'il est vrai que les classes d'interpréta tion sont des légisignes. Nous y reviendrons. Des deux dernières triades, seule la première nous paraît susceptible d'une réelle justification. Il s'agit de T.3: D, YE, G soit un sens produit à la lecture de la lettre B, un lecteur doté d'interprétants plus ou moins développés et savants, et une interprétation énonçant la signification du TEXTE D. La quatrième triade nous semble correspondre à un trajet incertain, même s'il s'avère être le seul trajet valorisé dans l'institution universitaire. Nous pensons plutôt que l'accès à la signification ne peut se faire qu'après attribution d'un sens. Quoi qu'il en soit, il constitue T.4: B, YE, G soit une lettre produite par X via A (le narrateur), un lecteur doté d'interprétants plus ou moins cultivés et idéologiques, et une interprétation qui occulte le sens du texte pour énoncer 'directement' la signification de la lettre, soit par le biais de l'analyse, soit sous la forme d'évaluations plus ou moins subjectives.
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2.
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Sens et signification, texte et interprétation
Il convient maintenant, avant de procéder à une application de carac tère pratique, de préciser davantage l'utilisation que nous faisons de ces quatre concepts, sachant que 'sens' n'est pas 'texte', et que 'signification' n'est pas 'interprétation', ce qui, d'ailleurs, nous autorise à faire état du 'sens d'un texte' et de la 'signification d'une interprétation', à déterminer des 'degrés de sens' et de 'signification' (cf. le treillis ci-après), et à attribuer des 'coefficients de sémioticité' aux 'processus' comme à leurs 'aboutisse ments'. Disons cependant que le sens est au texte ce que la signification est à l'interprétation (comme résultat), et précisons tout de suite que nous ne ré ouvrirons pas le débat sur 'sens' et 'référence' qui a pu opposer Wittgens tein à Frege. En ce qui nous concerne, nous suivrons la traduction par Peirce même de 'sens' par 'meaning' dans "Comment rendre nos idées claires" (CP 5.398), sans ignorer le fait que de nombreux auteurs traduisent 'meaning' par 'signification'. Cet écart dans les traductions nous paraît provenir d'une différence dans la focalisation, selon que l'on parle de mots isolés ou de mots en contexte, surtout lorsque ces derniers sont sommés et aboutissent à la production d'un 'texte'. Peut-être une solution à ces difficultés réside-t-elle dans l'élaboration de nouveaux concepts! Pour définir la notion de 'sens', nous aurons recours à la définition que Peirce donne à 'meaning' (CP 1.339) comme étant ce que le signe véhicule (ou encore communique ou transmet), tandis que l'Objet' (ici le texte) est ce dont le signe (ici la lettre) tient lieu; l''interprétant' enfin étant Vidée à laquelle le signe donne naissance. Dans un autre paragraphe (CP 2.293), Peirce dit "l'objet complet d'un symbole, c'est-à-dire son sens," ailleurs en core (CP 1.343) "le sens (...) cet élément du phénomène ou objet de pensée." Tentons maintenant de justifier une fois encore, si cela semblait néces saire, la notion de texte comme objet de la lettre (ou concaténation de signes). Le meilleur argument est l'écart observé entre les discours produits par les différents lecteurs ou par un même lecteur à l'issue de plusieurs lec tures. Ces variations indiquent à l'évidence que le sens n'est pas donné, mais au contraire qu'il est simplement représenté, par un representamen qui devient signe à partir du moment où il est doté d'un sens, c'est-à-dire qu'il
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renvoie à un objet (comme je est un autre en quelque sorte). Si donc l'on admet le texte comme aboutissement de la lecture, il découle de ce postulat de la sémiotique peircienne que la lecture (comme acte et comme proces sus) ne peut aller au-delà de l'attribution d'un Objet immédiat déterminé par un Objet dynamique (dans l'acte d'écriture) et renvoyant à un Objet immédiat puis dynamique prime (dans l'acte de lecture), qui, dans les conditions de communication les plus optimales, se confondrait avec l'Ob jet dynamique du départ. On connaît les nécessaires distorsions entre les intentions du producteur de signes, sa réalisation effective (soit la capacité des signes à rendre compte des intentions du producteur) et la compétence du lecteur et ses intentions (qui frisent éventuellement la malversation, pour ne pas dire le détournement). Pour conclure, le texte est ce dont la lettre tient lieu, le sens est ce que la lettre communique, nous serions tentée de dire 'effectivement', avec une déperdition possible entre le nouveau signe produit par le lecteur (l'hypersigne-texte) et le sens réel que son propre texte a pour le lecteur devenu à son tour sujet parlant ou écrivant. Avant d'aborder la distinction parallèle entre interprétation (comme résultat) et signification, revenons sur le problème soulevé par l'existence de deux objets (un Objet immédiat et un Objet dynamique) pour chaque si gne, et par l'établissement par la théorie de base de dix classes de signes susceptibles de regrouper, tout en les distinguant, la majeure partie des phénomènes. L'élaboration d'une structure en treillis (Marty 1977) et de re lations d'ordre entre ces dix classes (Marty 1980) nous autorise à parler de 'degrés de sémioticité' des signes produits, les signes qui nous intéressent au premier chef ici étant les signes engendrés par le lecteur sur la base d'une lettre non quelconque. Nous avons, après G. Deledalle, choisi d'appeler pré-texte les signes rendant compte de l'Objet immédiat de la lettre, et texte ceux qui correspondent à l'Objet dynamique. Nous avons précédemment (1) décrit le pré-texte comme une expression discursive reprenant certains termes ou données essentielles de la lettre (identification des actants, des éléments spatio-temporels, ébauche de la trame narrative), mais muette quant au sens de cette lettre, c'est-à-dire ne disant rien sur les orientations représentées dans et par la lettre, au niveau du titre, des mots-clés etc.. Ce pré-texte, souvent assimilable à ce que de nombreux pédagogues appellent résumé ou première lecture6 est sous-jacent au texte proprement dit. Il in dique un début de distanciation du lecteur. L'approche du texte exige de la part du même lecteur des propositions beaucoup plus générales, tant dans
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leur expression que dans leur portée (les circonstances de l'intrigue dispa raissant alors au profit de la synthèse et de la conceptualisation). Le texte en effet oriente les signes constitués et sommés pendant la lec ture, de telle manière qu'ils soient capables de représenter le sens. Il exige un véritable travail sur l'Objet immédiat. La pratique régulière de la lecture fait que cette orientation et ce travail peuvent échapper au lecteur. Ceci peut permettre de mieux comprendre peut-être pourquoi tant de lecteurs savants confondent encore la lettre et le texte, par un excès d'aptitude! Le treillis révèle ainsi quatre classes ou types de lectures. La première, strictement qualitative, est l'accès passif aux Objets immédiats dans leur successivité. La seconde implique des sommations de signes et aboutit à un éventuel résumé de l'intrigue, un pré-texte possible, non argumenté. La troisième classe fournit un sens possible de la lettre, et, de ce fait, permet d'exprimer quelque chose qui est de l'ordre du texte, parce qu'il est déjà la sommation complète de V Objet immédiat de la lettre. La quatrième enfin communique le sens de la lettre dans ce qu'il est convenu d'appeler le texte de cette lettre. En dépit de la difference qui sépare sémiotiquement le texte du pré texte, son expression est souvent encore considérée comme une première lecture dans l'institution universitaire, attitude qui appelle au moins deux ou trois remarques: 1. Le savoir théorique et historique (général ou littéraire) est privilégié par rapport au lectant, lequel est le seul interprétant réel de la lecture. Ce savoir étant extérieur à la lettre, c'est-à-dire n'étant pas 7 représenté par la lettre, n'est donc pas Vidée à laquelle le signe donne naissance, soit une des définitions que Peirce donne de l'interprétant (CP 1.339). Le savoir ne constitue pas les Objets du signe et ne peut donc se substituer au lectant. 2. Ceci nous amène à insister sur l'avantage qu'il y aurait à séparer les deux tâches distinctes que sont la lecture, comme attribution d'un texte à une lettre par l'intermédiaire du lectant, et l'interprétation, que nous allons tenter de cerner plus précisément. Ce processus correspond à peu près à ce que l'institution nomme deuxième lecture, sans que l'on sache toujours clai rement si cette lecture-là part de la lettre ou du texte produit, selon nous, antérieurement, de façon consciente ou pas, grâce au lectant. 3. La troisième remarque est qu'il y aurait bien peu de bons lecteurs s'il fallait faire état, à chaque lecture, de tout (vie et oeuvre de l'auteur, théorie en tous genres, histoire littéraire ou autre) pour accéder au sens du repré-
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senté, c'est-à-dire à l'objet de la représentation. Il en irait de même avec tout autre type de lettre non littéraire. Il nous semble que pour tous ces motifs les choses iraient mieux si la partition signalée par le treillis entre quatre classes d'un côté, six de l'autre, était signifiée dans deux concepts distincts. Qu'en est-il donc de la signification (opposée à sens) et de l'interpréta tion (opposée à lecture)? La 'lecture' de Peirce s'avère d'un moindre secours dans ce domaine, ces oppositions ne figurant pas dans la théorie. A la suite de Lady Welby, Peirce aborde bien l'opposition entre sense, meaning et significance, mais toujours à propos de concepts ou de phrases isolés. Ces trois termes, propres aux "Signifiques" de Lady Welby, sont ratta chés à la théorie des interprétants de Peirce, ainsi qu'à sa théorie des trois degrés de clarté de la pensée, mais sous la forme de simples analogies. Nous maintenons qu'une théorie du sens ('Meaning') relève davantage de l'Objet que de l'Interprétant des signes,8 en dépit de certaines ambiguïtés présentes dans la théorie. Et s'il est vrai que l'Objet d'un signe peut être quelque cho se qui est créé par le signe (CP 8.178), nous dirons que cette idée s'applique particulièrement bien aux signes du champ littéraire, producteur de sens sans référence, de "sens qui fait semblant",9 provoquant frustration et plai sir, pour peu que l'esprit interprétant10 du lecteur se laisse guider (Peirce di rait déterminer) par le signe, cette détermination même étant l'Interprétant, lui aussi créé par le signe. (CP 8.177). Pour en revenir au couple signification-interprétation, nous utiliserons le concept d'interprétation chaque fois que nous nous trouverons face à un acte d'attribution d'une signification à tout ou partie du pré-texte ou du texte, même si ces derniers semblent souvent court-circuités dans la pratique, quand l'interprétation est donnée comme émanant directement de la lettre. Ce qui distingue essentiellement le sens de la signification est que la si gnification est contextuelle et intertextuelle. Elle déborde le texte, alors que le sens se borne aux limites du texte. L'interprétation n'est pas nécessairement globale, ni linéaire, ni subjec tive. Elle peut s'attacher à un simple élément du pré-texte ou du texte. Elle peut le repérer dans le désordre de la lettre. Elle peut se fonder sur des sa voirs attestés. Elle n'est pas seulement 'possible': elle peut en effet expri mer réellement la signification du texte, mieux encore la justifier par un re tour à la lettre, et enfin la situer dans l'intertextualité. Dans la situation pé dagogique, c'est effectivement là que se mesure l'indice E (maîtrise des -
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des culturels et savoirs généraux et spécialisés) du lecteur sommé de fournir un texte (D) ou une interprétation (G). D et G ne deviennent connaissables qu'à partir du moment où ils sont 'représentés' à leur tour sous la forme d'un signe interprétant de ou d'un signe interprétatif de D par y, le lec teur. Cette nouvelle lettre (soumise à la lecture de l'enseignant Y') est le si gne du pré-texte, ou du texte, ou de l'interprétation que donne Y à ou D. C'est cette lettre que l'enseignant compare avec sa propre appréciation de D ou de G. Dans le cadre d'une préface, l'expression de D ou de G peut être réali sée par l'auteur X ou un critique Y' qui se considère plus ou moins comme un archi-lecteur. Si nous prenons, dans le but de faire une application pratique, un ap pareil théorique très largement connu de tous les praticiens de la littérature tel que celui de la poétique de Todorov (1968) — et ce malgré les précau tions prises par ce dernier pour définir la poétique comme une approche 'abstraite' de la littérature — nous situerons globalement cette théorie en E, c'est-à-dire parmi les codes culturels. Ceci n'exclut pas que, par ses ca tégories, elle se répartisse entre diverses composantes du schéma que nous proposons: ainsi, tout ce qui, dans la poétique, relève de l'étude de l'écritu re, c'est-à-dire de la lettre comme discours (actualisation, spatialisation, temporalisation, registres, degré de figuralité, structures d'enchâssement, d'enchaînement, d'alternance) porte-t-il sur un hypersigne donné à lire, soit B; ce qui relève de la vision et de la voix du narrateur (énonciation, modalisation, valorisation, pour adopter une terminologie greimassienne) portet-il sur A; ce qui relève de la fiction, du message (les actants et les prédicats qui les concernent) porte-t-il sur le texte D, avec, ne l'oublions pas, des parcours fictifs entre narrateur et texte, ou narrataire et texte, quand narrateur et lecteur — ou plus précisément narrataire — interpellent ou sont interpellés. N'oublions pas non plus que l'expression de G donne des indices sur le lecteur réel et la connaissance qu'il a de E, mais que ces derniers éléments offerts à notre analyse ne sont généralement pas considérés comme des objets théoriques. 3.
Classes de signes de la lecture et de l'interprétation
Il nous reste à montrer comment fonctionne notre schéma dans une perspective didactique, notamment lorsque le lecteur est un étudiant et qu'il se voit prescrire par un enseignant de lire, interpréter, commenter une
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lettre littéraire, qui peut être un passage de roman ou de nouvelle, une nou velle ou roman tout entier, dont l'étudiant connaît l'auteur (générateur et porte-parole du narrateur) et le code E (au moins dans sa partie linguisti que). C'est au niveau de l'organisation de son discours (expression du texte D ou de l'interprétation G) que se pose le plus grand nombre de difficultés. Il nous semble qu'une bonne compréhension de la différence entre données de l'analyse appliquée à A et (narrateur et lettre), et intégration des résul tats dans la production synthétique mais étayée de D ou de G (texte et interprétation), soit un préalable à la bonne effectuation de cette tâche. Soit B, la lettre suivante: Au-dessous du volcan de Malcolm Lowry, un auteur X. 11 Dans cette préface, M. Lowry mêle remarques analytiques (où E s'ap plique à B), texte (D) et interprétation (G): Nous citons et classons quel ques extraits, et décrivons non seulement le rôle que jouent ses commentai res dans les sémioses interprétantes et interprétatives, mais les catégories auxquelles ces commentaires s'appliquent. "Le thème du bois sombre (El Bosque signifie bois) se résout dans le cha pitre qui relate la mort de l'héroïne et où le bois devient réalité et fatalité."
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"le thème": concept analytique classique en analyse littéraire (donc relevant de E) s'appliquant à D (le texte). "du bois sombre": élément de D (le texte). "(El Bosque signifie bois)": renvoi direct au code E. "se résout dans (...) héroïne": prédicat analytique (relevant donc de E) s'appliquant à (le livre conçu comme un ensemble de chapitres or donnés d'une certaine manière (Todorov 1968: 77f). "et où le bois devient réalité": centration sur D mais par rapport à l'or dre choisi pour ("et où ... devient"). Spatialisation et temporalité. "Ici le Consul a mélangé toute l'affaire d'une manière magnifiquement ivre: au Mexique, le mescal est une boisson du tonnerre de Dieu (...). Mais le mescal est aussi une drogue que l'on prend sous la forme de 'bou tons de mescal', et la transcendance de ses effets est une des épreuves bien connues des occultistes. Il semble que le Consul soit arrivé à confondre les deux états". (p.29)
"Ici": le déictique s'applique à de manière directe, non conceptuali sée, en laissant implicite la référence à la syntaxe narrative (qui relève de E).
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le reste de la citation: D, le texte correspondant à ce passage du roman B. La conceptualisation tourne autour de données de sens. Nous considérons cette citation de la page 29 de la Préface comme étant l'aboutissement possible d'une lecture de roman, qui serait dans ce cas conforme point par point à l'objet visé dans la première triade T.1 par le narrateur A. Cette lecture exprime le sens de la lettre, c'est-à-dire le texte, sous la forme d'un nouvel hypersigne (essentiellement dénotatif) que nous classons parmi les sinsignes indiciaires dicents, dont Peirce dit qu'il s'agit des signes réellement affectés par leur objet, et qui fournissent des informa tions sur cet objet (même si ce dernier est fictif), qui sont de l'ordre du fait. Il est effectivement question ici du personnage central, le Consul, et de cer tains prédicats essentiels éclairant son état. "Ce roman, (...), a pour sujet les forces dont l'homme est le siège, et qui l'amènent à s'épouvanter devant lui-même. Le sujet en est aussi la chute de l'homme, son remords, son incessante lutte pour la lumière sous le poids du passé, son destin. L'allégorie est celle du Jardin d'Eden. (...) Tout au long des douze chapitres, le destin de mon héros peut être consi déré dans sa relation avec le destin de l'humanité."
Par ces quelques phrases, M. Lowry manifeste qu'il est passé de l'acte de lecture à l'acte d'interprétation. Il y énonce la signification du texte D par rapport à la lettre ("ce roman", "tout au long des douze chapitres"), en un légisigne symbolique dicent, soit un signe (ou hypersigne) relié à son ob jet par une association d'idées générales, et que l'interprétant visé (par l'au teur X devenu lecteur Y') représente comme réellement affecté par son ob jet, de sorte que l'existence ou la loi qu'il suscite dans l'esprit (du lecteur Y ou d'un autre Y') soit réellement lié à l'objet indiqué. "... le corps du récit est contenu dans une seule journée de douze heures. De même, il y a douze mois dans une année et le livre entier est enclos dans les limites d'une année, tandis que cette couche profonde du roman ou du poème qui se rattache au mythe se relie, ici, à la kabbale juive où le nombre douze est de la plus haute importance. La kabbale est utilisée à des fins poétiques parce qu'elle représente l'aspiration spirituelle de l'hom me. L'Arbre de Vie, son emblème, est une sorte d'échelle compliquée, dont le haut se nomme Kether ou Lumière, tandis qu'un abîme s'ouvre quelque part en son milieu. Le domaine spirituel du Consul est probable ment le Qliphoth, le monde des écailles et des démons, représenté par l'Arbre de Vie renversé et dirigé par Belzébuth, le dieu des mouches. Tout ceci importait peu pour l'intelligence du livre; je le mentionnai en passant afin de faire sentir, comme le dit Henry James, "qu'il existe des profon deurs". (p.28)
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Dans ce passage, M. Lowry distingue explicitement le sens de la signifi cation ("Tout ceci importait peu pour l'intelligence du livre", dit-il). Il énon ce la signification de son texte (D) dans le cadre de la culture judéo-chré tienne et dans l'intertextualité littéraire. Cet hypersigne, tout comme d'ail leurs les deux extraits qui suivent, est à classer parmi les arguments, c'est-àdire parmi les signes dont l'interprétant représente l'objet comme étant un signe en fonction duquel l'argument est construit par le moyen d'une loi, on serait tenté de dire un genre littéraire, si l'on en croit la citation suivante dans laquelle M. Lowry identifie la tragédie, la comédie, etc. "Ce roman (...) peut être considéré comme une sorte de symphonie, d'opéra, ou même de film de cow-boys. J'ai désiré en faire une chanson, une tragédie, une comédie, une farce et ainsi de suite. Il est superficiel, profond, distrayant, assommant, selon les goûts. C'est une prophétie, un avertissement politique, un cryptogramme, un film loufoque, une absurdi té, une phrase sur le mur." (pp.30-31) "Le livre fut conçu d'abord, d'une manière assez prétentieuse, sur le sem piternel modèle des Ames Mortes de Gogol, et comme le premier volet d'une sorte de Divine Comédie ivre. Le Purgatoire et le Paradis devaient suivre, le protagoniste devenant, comme Tchitchikov, légèrement meilleur à chaque étape...". (p.25)
En guise de conclusion, nous nous bornerons à mettre en regard les fonctions que nous attribuons à chacune des dix classes de signes dans le champ de la littérature (Réthoré 1982:37) et les fragments de préface isolés ci-dessus. Sur un plan strictement pédagogique, il nous semble en effet que l'utilisation du treillis est d'une nature propre à faciliter la bonne perception des rapports qu'entretiennent la lettre d'origine (soit le roman de M. Lowry), la lettre exprimant le texte et la signification de ce roman (soit la préface proposée par l'auteur lui-même), les techniques d'analyse révélées par des concepts relevant de la poétique, de la narratologie ou de la sémiolinguistique, et les classes de signes auxquelles appartient chacune des phra ses de la préface, signes parfois interprétants, le plus souvent interprétatifs (et en cela bien conformes à la tradition française de la critique littéraire) du roman. Notes 1.
Dans les Collected Papers, C.S. Peirce définit l'objet complet immédiat du signe ou 'mea ning' comme étant véhiculé par le signe. Nous procédons de la même manière en ce qui concerne la lettre et le texte, ce dernier étant considéré comme objet de la lettre, et doté d'un sens qui est lui-même véhiculé par cette lettre (2293 et 1.339).
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Figure 3. Treilles des classes de lectures et d'interprétations {dans le cadre pédagogique)
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2.
La lecture est ici l'acte d'attribution d'un texte à une lettre-signe, processus rendu possible par l'interprétant spécifique de la lecture, le lectant. Nous retenons les concepts utilisés par le Séminaire de Sémiotique de Perpignan (SSP).
3.
C'est à dessein que nous employons les concepts les plus largement répandus (notamment ceux de T. Todorov), notre principal objectif étant d'ordre didactique.
4.
Des schémas représentant ces situations de lecture et de représentation du texte sont commentés dans J. Réthoré (1982).
5.
Nous retiendrons que le Narrateur est fonction de l'Auteur, soit A (F(X) ).
6.
Cette première lecture étant une fiction méthodologique, il convient peut-être de spéci fier qu'il s'agit du premier niveau d'une activité reconnue comme lecture dans la pratique pédagogique la plus largement répandue. De ce fait, cette lecture est première dans une hiérarchie, pas dans une chronologie.
7.
Nous excluons de notre propos les situations où ces savoirs constituent la matière et la let tre même du livre, comme, par exemple, dans le roman d'I. Calvino intitulé Si par une nuit d'hiver un voyageur.
8.
CP 8.120: "the object of an idea, then, its external meaning." CP 8.119: "As for the meaning, (...) there is one thing which any sign external or internal, stands for, and another thing which it signifies; its denoted breadth, its connoted depth. (...) the depth, or signification, is intrinsic, the breadth extrinsic." "(...) defining the meaning of an idea." "For an idea, as having a meaning (...)."
9.
Selon l'expression de M. Bertrand, membre du SSP.
10.
"The interpreting mind", dit Peirce.
11.
Gallimard, Folio, 1959.
Bibliographie Marty, R. 1977. "Catégories et foncteurs en sémiotique." Sémiosis 6, 5-15. . 1980. "La sémiotique phanéroscopique de C.S. Peirce." Langages 58, 39-41. Peirce, C.P. 1931-1958. Collected Papers, edited by . Hartshorn and P. Weiss; A.W. Burks. Cambridge, Mass: Harvard University Press. Réthoré, J. 1977. "Lecture et interprétation. Une partition sémiotique des savoirs." Sémiosis 27, 32-37. 1982. "Formalisation des processus de lecture: Méthodologie sémioti que." Présenté au Colloque du DESTEC, Université Paris III, mars (à paraître). Todorov, T. 1968. Qu'est-ce que le structuralisme? 2: La poétique. Paris: Seuil.
Pragmatique et analyse littéraire: vers la définition d'un modèle sémiotique Pascal Robert
La pragmatique peircienne, comme "science des règles d'interpréta tion" (Deledalle 1979: 157), ou plus précisément, en ce qui concerne le lan gage, en tant que "règles et procédés de fonctionnement grâce auxquels il dit quelque chose à quelqu'un dans un contexte donné" (Deledalle 1979: 138), peut servir à définir l'analyse littéraire envisagée comme une sémiose où, dans le contexte de la lecture, un lecteur établit un rapport entre des si gnes et leurs objets textuels grâce à un système interprétatif. Une telle analyse implique donc, à son niveau pragmatique, la défini tion d'un modèle théorique susceptible de fournir des règles d'interpréta tion. Elle implique aussi que l'on définisse au préalable chacune des dimen sions de la sémiose. Or, un texte ne présente de façon explicite que ses representamens qui sont des légisignes. Il faut déterminer les objets ainsi que les interprétants. Une approche consiste à identifier l'objet comme ce qui donne le sens du representamen: "la finalité de ce processus (d'interprétation) est l'éta blissement d'un sens, c'est-à-dire l'attribution d'un objet au representa men" (Marty 1980: 39). Cette approche tend à assimiler le sens et la signifi cation, l'interprétant n'apparaissant plus que comme le niveau d'interpréta tion (Marty 1980: 54). Une autre procédure consiste à définir la signification par rapport à l'interprétant: Ί1 n'y a pas de différence fondamentale entre la signification (comme somme des fondements) et l'interprétant, puisqu'une signification ne peut être décrite qu'au moyen d'interprétants'. 'La signification est (...) tout ce qu'un signe implique sémantiquement' (Eco 1980: 82-83). Peirce luimême semble indiquer que l'objet est ce dont la connaissance est présuppo sée pour que le représentamen crée l'interprétant:
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"Un signe, ou representamen, (...) s'adresse à quelqu'un, c'est-à-dire crée dans l'esprit de cette personne un signe équivalent ou peut-être un signe plus développé. Ce signe qu'il crée, je l'appelle l'interprétant" (Peirce 1979:121) "Le signe ne peut que représenter l'objet et en dire quelque chose. Il ne peut ni faire connaître ni reconnaître l'objet; car c'est ce que veut dire dans le présent volume objet d'un signe; à savoir ce dont la connaissance est présupposée pour pouvoir communiquer des informations supplémen taires le concernant." (Peirce 1979: 123) "L'interprétant d'un signe (...) est tout ce qui est explicite dans le signe luimême, indépendamment de son contexte et des circonstances de son ex pression." (Peirce 1979: 128) "Appartient à l'interprétant tout ce qui décrit la qualité ou le caractère de l'information communiquée et à l'objet tout ce qui, sans décrire cette in formation, la distingue de toutes les autres." (Peirce 1979: 129)
Ces deux dernières citations nous permettent de concevoir l'objet com me ce qui situe la relation triadique d'interprétation. Dans le cadre d'une texte littéraire, nous pouvons donc définir les ob jets suivants: Au niveau iconique. 'L'icône est un signe qui renvoie à l'objet en vertu de caractères qui lui sont propres'. Elle 'communique une idée directement' (Peirce 1979: 231,234). En ce sens, le texte littéraire est un ensemble de si gnes qui donnent une image directe de leur objet dynamique, l'univers du récit, réel ou imaginaire, en vertu de leur caractère dénotatif propre. L'objet immédiat dans le texte est la diégèse. Au niveau indiciaire. "L'indice renvoie à un objet différent de luimême'. 'L'indice est un signe qui renvoie à l'objet du fait qu'il est réelle ment affecté par cet objet" (Peirce 1979: 231, 233). Cet objet différent au quel le texte renvoie et par lequel il est affecté n'est autre que l'instance énonciatrice du texte et l'objet immédiat correspond à la narration. Au niveau symbolique. La détermination symbolique de l'objet peut poser un problème, dans la mesure où il faut tenir compte du sens de 'sym bolique' en littérature comme renvoyant à une signification seconde géné ralement comprise par décryptage, et du fait que chez Peirce, tout ce qui est systématique relève du symbole. Au niveau de la dimension symbolique tel le que nous la concevons, les signes du texte renvoient à un système de si gnifications secondes qui apparaît dans le texte, en tant qu'objet immédiat, comme un métadiscours codé.
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En ce qui concerne les interprétants, nous distinguerons aussi trois ni veaux: l'interprétant immédiat affectif qui correspond à l'appréhension affective et subjective du texte par le lecteur; l'interprétant dynamique référentiel qui est une lecture par rapport à un contexte réel; l'interprétant final systématique qui détermine une interprétation par rapport à un système critique. Selon que l'on considère le système du texte en luimême ou par rapport à la poétique de l'auteur ou par rapport enfin à une théorie préétablie comme la psychanalyse ou la philosophie, on définira trois sous-systèmes textuel, poétique et théorique. Le modèle pragmatique à définir se présentera donc lui-même comme un interprétant final théorique. Son élaboration nécessite que l'on s'arrête quelques instants sur des questions de choix épistémologiques. Par rapport au modèle greimasien qui est déjà utilisé en critique littéraire, l'approche peircienne implique une théorie de la signification sensiblement différente. La sémiotique greimasienne est générative. Elle n'est pas fondée sur une théorie du signe, mais correspond à un métalangage qui rend compte du sens, conçu comme étant immanent, par transcodage. Elle articule la si gnification au niveau d'une structure profonde élémentaire, le carré sémio tique, à partir de laquelle, sous forme de système et de procès, se définis sent des structures de surface narratives et discursives. A cette conception immanentiste du sens et générativiste de la signifi cation, la pragmatique peircienne oppose une théorie de la production du sens, autrement dit de la signifiance, qui tient compte du sens potentiel ins crit dans les mots, du sens actualisé par la mise en texte 2 et du sens qui ré sulte de la sémiose interprétative. L'élaboration d'un modèle sémiotique pose aussi le problème de la priorité à donner soit à une approche taxonomique qui décrit le sens du ré cit selon des catégories, soit à une approche qui analyse l'articulation du sens dans le récit. Le modèle greimasien, pour sa part, définit une taxono mie sémantique profonde qui s'articule au niveau du carré sémiotique en relations de contradiction, contrariété et complémentarité, assurant ainsi le passage du sens en tant que système au sens en tant que procès. Il nous semble peu utile pour la littérature de développer une taxonomie qui essaierait de réduire l'univers de la fiction à quelques catégories logiques fondamentales. A cet égard, la taxonomie sémantique profonde de Greimas n'est pas exempte du reproche d'aboutir à des évidences logiques.
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Nous préférons donc baser notre modèle sémiotique sur l'articulation triadique, réservant l'entreprise taxonomique à la définition de classes de signes qui permettront d'identifier les signes construits par l'analyse, selon le niveau du texte et le type d'interprétant considérés. Ainsi, le representa men est nécessairement un légisigne ou sa réplique, quand la matérialité du signe est à prendre en compte. Par rapport à son objet qui est dans le texte, donc immédiat, selon la deuxième trichotomie du dernier état de la sémioti que peircienne (Peirce 1978: 243), le signe est descriptif s'il renvoie à la diégèse, désignatif s'il renvoie à la narration et figuratif (terme introduit par nous à la place de copulant) s'il renvoie à un métadiscours symbolique. Par rapport à l'interprétant, nous l'avons vu, le signe est soit affectif, référentiel ou systématique. Nous obtenons donc neuf classes de signes: i. S(3.1.1.): légisigne descriptif affectif. ii. S(3.1.2.): légisigne descriptif référentiel. iii. S(3.1.3.): légisigne descriptif systématique. iv. S(3.2.1.): légisigne désignatif affectif. v. S(3.2.2.): légisigne désignatif référentiel. vi. S(3.2.3.) : légisigne désignatif systématique. vii. S(3.3.1.): légisigne figuratif affectif. viii. S(3.3.2.): légisigne figuratif référentiel ix. S(3.3.3.): légisigne figuratif systématique. Nous pouvons à présent définir le modèle théorique correspondant à l'interprétant final systématique. Compte tenu qu'un tel modèle ne peut fai re l'économie d'un certain nombre de concepts développés par la théorie poétique depuis Aristote et qui ont fait la preuve de leur pertinence (Greimas reconnaît ainsi sa dette envers Propp), la définition des interprétants sémiotiques consistera en grande partie à réorganiser ces concepts selon la logique peircéenne. Au niveau de la diégèse, nous pouvons définir un interprétant thémati que qui rend compte des éléments constitutifs de l'histoire (personnages ou décors) en eux-mêmes, sur le mode iconique. L'étude des personnages sur le mode indiciaire, les uns par rapport aux autres, définit des relations d'analogie, d'opposition et d'inversion. Elle est du ressort de l'interprétant relationnel. Enfin, les personnages, par rapport au système événementiel du texte, sont analysés sur le mode symbolique (au sens peircien) par l'in terprétant actantiel qui rend compte du système actantiel d'inspiration proppienne (sujet, objet, destinateur, destinataire, adjuvant, opposant).
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La narration est un domaine qui a été systématisé de façon pertinente par G. Genette. Aussi, nous reprendrons sa terminologie pour définir d'abord un interprétant instantiel qui rend compte, dans le récit, de l'instan ce narrative en elle-même (extradiégétique et homo- ou hétérodiégétique, intradiégétique et homo- ou hétérodiégétique). L'instance envisagée sur le mode indiciaire, par rapport au point de vue dans le récit, est analysée par l'interprétant focalisant (interne, externe ou zéro). Enfin, symboliquement, la narration est un système modalisé de la communication du récit. L'inter prétant modalisant rend compte des modes du récit (narratif ou discursif), des transgressions du système narratif (paralepse, paralipse, métalepse), de la modalisation verbale et de la déictique. Ces deux derniers concepts sont empruntés à la linguistique discursive de Benveniste. L'étude du niveau figuratif du texte, qui s'attache au fonctionnement des tropes, a beaucoup à attendre de la sémiotique peircienne. En effet, sur la base de la théorie saussurienne du signe, on a du mal à rendre comp te de façon cohérente de l'articulation des tropes. On connaît le schéma de la 'sursignification connotative' (voir Adam 1976: 19-20), selon lequel un si gne, constitué d'un signifiant et d'un signifié, devient le signifiant d'un si gnifié second symbolique. Le second signe ainsi constitué articule de façon motivée deux sens initialement indépendants et ne correspond plus à l'enti té inséparable et arbitraire qu'est le signe saussurien. Grâce au modèle triadique qui permet la création de signes dans un contexte, sans contrainte morphologique, on peut rendre compte de l'articulation tropologique entre des termes qui n'ont a priori aucun rapport sémantique entre eux. 3 . Les tropes peuvent s'analyser individuellement ou à intérieur d'un sys tème. Dans ce cas, selon le type de rapport qui peut s'établir entre tropes à l'intérieur du système, on définit un interprétant métonymique de type iconique, quand la relation signifiante entre tropes s'effectue dans le cadre d'un même champ sémantique. Ceci ne concerne pas seulement les métony mies, mais aussi les synecdoques et les antonomases. Si la relation signifian te s'établit entre des champs sémantiques différents, on définit un interpré tant métaphorique de type indiciaire4 qui rend compte en plus des métapho res, des homophones, des anagrammes, des paragrammes, des paronomases, des pérégrinismes, des boustrophédons. Enfin, les figures de pensée ressortissent à l'interprétant conceptuel de type symbolique. Afin d'illustrer ce modèle, nous allons analyser le poème Signe de G. Apollinaire, dont G. Deledalle a déjà proposé une lecture logique et lin guistique en termes peirciens (Deledalle 1979). Afin de ne pas trop éten-
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dre cette étude, nous nous limiterons à une lecture selon les interprétants systématiques que nous venons de définir. Voici le texte: Signe Je suis soumis au Chef du Signe de l'Automne Partant j'aime les fruits je déteste les fleurs Je regrette chacun des baisers que je donne Tel un noyer gaulé dit au vent ses douleurs Mon Automne éternelle ô ma saison mentale Les mains des amantes d'antan jonchent ton sol Une épouse me suit c'est mon ombre fatale Les colombes ce soir prennent leur dernier vol.
L'analyse s'effectuera sur la base de la formalisation suivante: R3: les légisignes R3: les répliques de légisignes Oil: l'objet immédiat diégétique Oi2: l'objet immédiat narratif Oi3: l'objet immédiat symbolique If3: l'interprétant final systématique, noté: If3.1.1: diégétique thématique If3.1.2: diégétique relationnel If3.1.3: diégétique actantiel If3.2.1 : narratif instantiel If3.2.2: narratif focalisant If3.2.3: narratif modalisant If3.3.1: figuratif métonymique If3.3.2: figuratif métaphorique If3.3.3: figuratif conceptuel Un premier signe S1, appartenant à la classe (3.1.3), peut ainsi être dé fini. Il articule R [Je suis soumis...de l'Automne] par rapport à Oil, en défi nissant If3.1.1 [Je = soumission/automne]. On notera: Sl(3.1.3): R3 [Je suis...l'Automne]/Oil => IF3.1.1 [Je = soumission/autom ne], qui se lit: R par rapport à détermine I. La suite de l'analyse thématique permet de définir: S2(3.1.3) R3 [Partant...sol]/Oil =>IF.1.1 [Je = assimilation/automne], S3(3.1.3) R3 [Une épouse...fatale]/Oil => IF.1.1 [Je lié à la mort], S4(3.1.3) R3 [Les colombes...vol]/Oil => IF3.1.1 [envol d'oiseaux]. La recherche d'une cohérence textuelle nous amènera à chercher le lien qui
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peut exister entre S1, S2, S3 d'une part, et S4. Nous ne pouvons pas encore établir un signe tel que S(3.1.3): R3 [le poème]/Oil => If3.1.2 [Je/colombes = . . . ] . Par contre, on peut analyser je en tant qu'actant. On remarquera qu'il est sujet par rapport à des prédicats de sentiments et d'expression et objet par rapport aux prédicats d'actions: S5(3.1.3): R3 [Je suis soumis...Automne]/Oil => If3.1.3 [Je = objet/ac tion]. S6(3.1.3): R3 [Mon épouse...fatale]/Oil => If3.1.3 Je = [objet/action]. S7(3.1.3): R3 [Partant...fruits]/Oil => If3.1.3 [Je = sujet/ sentiment posi tif]. S8(3.1.3): R3 [je déteste les fleurs]/Oil => If3.1.3 [Je = sujet/ sentiment négatif]. S9(3.1.3): R3 [Je regrette...douleurs]/Oil => If3.1.3 [Je = sujet/expression d'un sentiment négatif]. R [Mon Automne...sol] présente un cas particulier où Je est à la fois sujet et objet par rapport à un énoncé d'état. Ce signe présentant un caractère fi guratif, nous remettons son analyse à plus tard. Mis à part S7, les signes du système actantiel présentent donc Je dans un état de soumission et de sentiment négatif. L'analyse de la narration fait ressortir que le personnage principal de ce poème en est en même temps le narrateur: S10(3.2.3): R3 [le poème]/Oi2 => If3.2.1 [Je = intradiégétique, homodiégétique ou autodiégétique]. Sll(3.2.3): R3 [le poème]/Oi2 => If3.2.2 [Je = focalisation interne]. La modalisation verbale confirme la thématique de la soumission déjà mise en évidence par l'analyse actantielle: S12(3.2.3): R3 [Je suis soumis]/Oi2 => If3.2.3 [Je = passif] S13(3.2.3): R3 [Tel un noyer gaulé]/Oi2 => If3.2.3 [Je = passif] S14(3.2.3): R3 [jonchent ton sol]/Oi2 => If3.2.3 [Je subit l'action] S15(3.2.3): R3 [Une épouse me suit]/Oi2 => If.2.3 [Je subit l'action]. C'est à présent l'analyse symbolique qui va nous permettre de préciser le rapport entre Je et la thématique de l'automne et de la mort. On peut noter les déterminations tropologiques suivantes de Je: S16(3.3.3): R3 [Tel un noyer gaulé]/Oi3 => If.3.2 [noyer = Je par compa raison]. S17(3.3.3): R3 [c'est mon ombre]/Oi3 => If.3.1 [ombre = Je par synecdo que].
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S18(3.3.3): R3 [ma saison mentale]/Oi3 => If.3.1 [état d'esprit = Je par synecdoque]. Or, l'ombre dans S 17 sert aussi à déterminer la mort: S19(3.3.3): R3 [ombre fatale]/Oi3 => If3.3.2 [ombre = mort par métaphore]. L'état d'esprit de S18 détermine aussi l'automne: S20(3.3.3): R3 [Mon automne...mentale]/Oi3 => If.3.2 [l'état d'esprit = automne par métaphore]. Il y a donc une équivalence entre S17 et S19 (la mort appartient à Je comme une ombre), entre S18 et S20 (l'automne est l'état d'esprit de Je). En poussant l'analyse plus avant, on note que la mort et l'automne sont tous les deux liés au signe 'femme': S21(3.3.3): R3 [Une épouse...fatale]/Oi3 => If.3.2 [épouse = mort par métaphore], S22(3.3.3): R3 [les mains...sol]/013 => If.3.2 [amantes = automne par métaphore], ce qui est rendu plus explicite par la décomposition suivante: amantes = mains par synecdoque, mains = feuilles mortes par contextualisation (jonchent le sol), feuilles mortes = automne par métonymie. Mais il y a une différence entre la femme de S21 et celle de S22. Alors que la mort est représentée par l'épouse (ce qui est définitif, le mariage de vant Dieu), l'automne est représenté par l'amante, ce qui implique la pas sion amoureuse. On s'aperçoit que la détermination tropologique du signe 'automne' devient plus complexe. D'une part, il renvoie à la mort. En tant que saison mentale, il caractérise Je par un trait qui définit la mort: l'éternité. C'est aussi par rapport à l'automne, en tant que saison mentale, que Je est repré senté tropologiquement par le sol: S23(3.3.3): R3 [jonchent ton sol]/Oi3 => If.3.2 [sol = Je par métaphore]. Or Je, en tant que sol jonché, rejoint la détermination de la mort par l'idée d'ensevelissement. Par ailleurs, le signe automne représente l'amour passionnel passé, par le signe 'amantes' d'une part, mais aussi par le signe 'fruit': le deuxième vers du texte indique clairement que pour Je, l'automne est la saison des fruits. Or, on se souvient que dans S16, Je est assimilé à un noyer. Nous re marquons la mise en parallèle de deux énoncés disjonctifs: Je exprime le don de baisers avec nostalgie (je regrette) Le noyer exprime la perte de ses fruits avec douleur d'où l'on peut déduire les équations suivantes:
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Je = noyer, don = perte (disjonction), baisers = fruits, nostalgie = douleur. Les fruits sont donc assimilés à l'amour en tant que baisers donnés et per dus, par métaphore proportionnelle: ils sont au noyer ce que les baisers sont à Je. S24(3.3.3): R3 [Je regrette...douleurs]/Oi3 => If3.3.2 [fruits = baisers par métaphore]. On notera aussi que la disjonction des fruits par rapport à l'arbre trou ve un équivalent dans la disjonction des feuilles qui jonchent le sol comme autant de mains exprimant les caresses reçues et perdues. Ainsi, l'automne, en tant que passion passée, est déterminé dans le texte par les signes 'aman tes' et 'fruits' qui renvoient aux baisers donnés et aux caresses reçues. Cette analyse définit l'espace symbolique où se situe Je, entre la mort déterminée tropologiquement par le système [femme-automne-sol] et la passion déterminée par le système [femme-automne-fruit]. On remarquera que la femme et l'automne sont des symboles complexes à signification double et opposée. Il reste cependant à interpréter le dernier vers du poème en établissant son rapport avec le reste du texte. Si l'on se fie au symbolisme conventionnel qui semble être appliqué ici, la colombe, qui est l'oiseau de Vénus, repré sente l'amour. Le dernier vers contient des signes que l'on peut rapprocher de signes significatifs dans le reste du poème: 'soir' renvoie à 'ombre' par métonymie, donc à la mort: S25(3.3.3): R3 [soir]/Oi3 => If.3.2 [soir = mort par S 19]; 'vol' renvoie à 'vent' par métonymie, donc à l'expression ('dit au vent'): S26(3.3.3): R3 [vol]/Oi3 =>If3.3.2[vol = expression, par contextualisation]. Par ailleurs, on peut noter dans ce dernier vers une disjonction qui se présente comme le contraire de deux disjonctions que nous avons déjà ana lysées:
colombes quittant le sol:
disjonction dans l'espace par ascension.
Si (a) et (b) expriment la passion perdue, (c) exprime le contraire: la pas sion retrouvée. Le dernier vers peut alors signifier: avant de mourir, le poète essaye de revivre l'amour par la poésie. S4 complète ainsi de façon
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symbolique S1, S2 et S3 qui insistent sur la soumission du poète à la fatalité de la mort. Puisque nous avons affaire à un poème, il serait intéressant de voir si les légisignes en tant que répliques contribuent au sens du texte. Du point de vue phonétique, une étude statistique fait ressortir une op position nette entre les deux quatrains: le premier comporte cinq fois les sons les plus graves [] [] [], le deuxième, treize fois. Le premier contient quatre voyelles nasales, le deuxième, douze. Dans le premier, on trouve cinq fois le son le plus aigu [i], dans le second, une fois seulement. Ce phé nomène donne l'impression qu'une pesanteur croissante prend possession du poème. Cette impression est confirmée si l'on considère la durée des syl labes dans le quatrième et le huitième vers qui tous les deux font thématiquement référence à l'expression. En comptant comme brèves les syllabes terminées par une voyelle sonore et longues celles qui sont terminées par une consonne ou constituées par le e caduc syllabique, on peut noter: (les brèves sont marquées' et les longues -) vers 4: _''''''''' vers 8: "—' 'S27 (3.3.3): R3 [les sons du poème]/Oi3 => If3.. [pesanteur].5 L'analyse des répliques fait ainsi ressortir la force d'attraction exercée par Thanatos dans l'espace de l'écriture où se situe Je et dont l'autre pôle est Eros. Nous pouvons récapituler notre analyse de la façon suivante: R3/Oi1 => I3 [S1, S2, S3, S4, S5, S6, S7, S8, S9] R3/Oi2 => I3 [S10, SU, S12, S13, S14, S15] R3/Oi3 => I3 [S16, S17, S18, S19, S20, S21, S22, S23, S24, S25, S26, S27]. Notes 1.
En suivant l'usage établi par G. Deledalle, on peut dire que le sens correspond à la rela tion de l'indice avec l'objet dynamique, alors que la signification établit une corrélation entre symboles à l'intérieur d'un système (Deledalle 1979: 152-153). Si l'on conçoit le tex te comme un système de signes symboliques qui peut s'analyser en lui-même indépen damment de sa référence à la réalité, le processus d'interprétation est l'attribution d'une signification au texte.
2.
L'importance du phénomène de signifiance au niveau de la textualisation est soulignée par les travaux de J. Derrida et J. Kristeva.
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461
3.
La théorie greimasienne n'échappe pas totalement au conditionnement lexical: le classème ne permet de relier deux lexémes que par un sème commun. Cette relation est déter minée sémantiquement. ('la mise en contexte d'une figure nucléaire, qui la relie à une ou plusieurs autres, fait au moins ressortir un nouveau sème, le sème contextuel ou classème, qui assure leur jonction et les rend compatibles.' J. Courtés 1976: 49-50).
4.
On sait que Peirce concevait la métaphore comme une hypoicône (Peirce 1978: 149). Ce pendant, dans la mesure où elle correspond à la mise en relation de deux signes différents dont l'un est mis pour l'autre, elle s'articule comme un indice.
5.
Les répliques sont classées ainsi dans la mesure où, étant par nature asémiques, tout sens qui leur est attribué est figuratif et conceptuel.
Bibliographie Adam, Jean-Michel. 1976. Linguistique et discours littéraire. Paris: La rousse. Courtès, Joseph. 1976. Introduction à la sémiotique narrative et discursive. Paris: Hachette. Deledalle, Gérard. 1979. Théorie et pratique du signe. Paris: Payot. Eco, Umberto. 1980. "Peirce et la sémantique contemporaine." Traduit par F. Peraldi. Langages 58 (juin), 75-91. Marty, Robert; Bruzy, Claude; Burzlaff, Werner; Réthoré, Joëlle. 1980. "La sémiotique phanéroscopique de Charles S. Peirce." Langages 58 (juin), 29-59. Peirce, Charles S. 1978. Ecrits sur le signe, rassemblés, traduits et commen tés par G. Deledalle. Paris: Seuil.
Index
Abel, Κ.Α., 263 Adam, J.M., 455,461 Adorno, T., 395 Agassiz, L., 361 Anscombe, G., 296 Anscombre, J.C., 182, 195 Apel, K.O., vii, xi, 23, 26, 30, 45, 46, 49, 51, 53, 57, 58, 61, 66, 68, 69, 111, 155-157, 202, 235, 278, 295 Apollinaire, G., 455 Argyle, M., 425,435 Aristotle, 33, 34, 37, 45, 126, 304, 454 Aquin, Th. d', 37 Armengaud, F., xii, 101 Austin, J.L., xi, 3, 17, 51, 57, 60, 69, 72 80, 82, 91, 113, 115, 156, 163, 165, 202, 235, 278, 295 Bach, K., 426,435 Bailey, .J., 296 Bain, Α., 103,112 Bally, , 304, 315, 423, 431, 432, 435 Bange, P., xi, xii, 263, 264 Bar-Hillel, Y., 88, 91, 100, 101 Barthes, R., 73,408,413 Baryla, C , xii, 408, 409 Bastide, F., 83 Baudrillard, J., 181, 192, 195, 263 Beck, ., 262,264 Becouse, Μ.Ε., 169 Benedetti, G., 236,240 Bennett, J., 55, 67, 69 Bense, M., 394 Benveniste, Ε., 72, 88, 250, 263, 286, 305, 314, 315, 423 Bergson, H., 236
Bernard-Béchariès, J.F., xii Berrendonner, Α., xii, 190, 194, 195, 311, 316, 435 Bertrand, D., 79 Bertrand, M., 450 Beth, E.W., 326-328,334 Bierwitsch, M., 17 Birkhoff, G.D., 394 Black, M., 255 Bloom, L., 426,435 Blot, J.Y., 415,417,420 Blumer, H., 345,348 Boisdeffre, P. de, 405, 406 Bonfantini, M., xi, xii, 201, 202 Boole, G., 331 Boschetto, Α., 387 Boudriot, J., 416,417 Bourdieu, P., 83, 84 Bouveresse, J., 69 Bradley, F.H., 32 Brentano, F., 27 Breton, Α., 401 Brock,J., 1 l l , 114,115 Bruzy, ., 461 Buchler, J., 280,295 Bühler, ., xii, 50, 51, 69, 117-129 Burks, Α., 143, 153, 276, 371, 450 Burzlaff, W., 461 Campaila, S., 240 Carnap, R., 20-25, 50, 69, 77, 91, 100, 155, 157, 159 Carneiro do Couto, A.M., 435 Casari, E., 203 Caws, P., 228 Cecco, S., 236,240
464
INDEX
Chapey, R., 435 Charolles, M., 431,435 Chauviré, C , xii Chomsky, N., 140, 156, 161, 284 Cicourel, Α., 80,84 Clouard, H., 401,406 Coquet, J.C., xi, xii, 311, 316, 387 Cosnier, J., 435 Costantini, M., xii, 387 Côté, S., 244 Coulon, J., 435 Courtés, J., 83, 84, 288, 289, 290, 295, 341, 348, 387, 388, 460, 461 Crombie, E., xii, 227, 228 Culioli, Α., 303, 305, 307, 316 Culler, J., 143, 151, 153 Damourette, J., 305, 311, 315, 316 Dascal, M., 101 Davidson, D., 101 Davis, G.Α., 435 Deledalle, G., vii, xi, 101, 215, 216, 227, 228, 300, 314, 333, 334, 371, 394, 407, 410, 413, 419, 421, 442, 451, 455, 460, 461 Deleuze, G., 355 Derrida, J., 460 Derrida, M., 388 Descartes, R., 20, 41, 66, 218 Dewey, J., 107 Dijk, T.A.V., 343,348 Donnellan, K.S., 88 Dopp, J., 328,334 Ducrot, O., 182, 183, 191, 194, 195, 198, 303, 316 Duns Scot, J., 106 Eco, U., 202, 203, 267, 269, 354, 357, 451, 461 Ehlich, K., 348 Einstein, Α., 47, 210, 212, 213 Emanuele, P., xii, 298 Empson, W., 395 Eschbach, Α., xi, xii, 121, 129, 295 Eschyle, 393
Fabbri, P., 82,84 Facchi, P., xii Fernandez-Zoila, Α., 101 Feuerbach, L., 47 Fitch, F.B., 329,334 Fitzgerald, J.J., 26,69 Floch, J.M., 78,88,387 Fontanille, J., 387,388 Foucault, M., 307,316 Francastel, P., 380, 387, 388 Francoeur, L., xii, 244, 253 Francoeur, M., xii Frege, G., 28, 29, 33, 59, 60, 106, 112, 113, 115, 286, 441 Frei, H., 435 Freud, S., 214, 236, 240, 259, 260, 263, 264 Fuchs, , 316 Gallie, W.B., 278,295 Gandelman, , xii, 257, 264, 265 Garfinkel, H., 344,348 Garrett, M., 424,435 Genette, G., 455 Gentzen, G., 327,331 Giotto, 373, 375-380, 386 Giovannangeli, D., 100 Gochet, P., 100,113, 115 Goffman, Ε., 73, 193, 195 Goody, J., 412,413 Goudge, Th.A., 278, 279, 295 Gozzoli, ., 375, 378 Grady, R., 17 Granger, G., 113, 115 Greco, le, 401 Greimas, A.J., vii, xi, 75, 83, 84, 181, 195, 241, 253, 260, 262, 264, 265, 282, 287-291, 293, 295, 341, 342, 348, 387, 388, 452, 454 Grice, H.P., 3, 4, 5, 11, 17, 51, 55, 57, 62, 67, 69, 80, 93, 113, 115, 163, 309, 312 Grize, J.B., 329,334 Groos, K., 120, 125, 129 Grunig, B.N., 100, 101
INDEX Guillaume, G., 286 Gülich, E., 345,346,348 Gutterer, G., xii Habermas, J., xi, 51, 56-58, 63, 65, 66, 155, 160, 364, 371 Halliday, M.A.K., 426,435 Hamann, J.G., 158 Hardwick, C S . , 115,270,276,335 Hare, R.M., 113,115,140, 141 Harman, G., 101 Harnish, R.M., 426,435 Harris, R., 296 Hartshorne, C., 165, 229, 253, 276, 296,334,370,371,450 Hegel, F., 32, 46, 47, 364, 365 Hetzer, H., 122,129 Hilpinen, R., 114,115 Hintikka, J., 77, 88, 89, 90, 94, 95, 101 Hintzenberg, D., 339, 348 Hjelmslev, L., 88, 100, 281, 282, 289, 295 Holland, H., 426,436 Hosper, G., 133, 141 Hudrisier, H., xii, 356, 413 Humboldt, W.V., 127, 156, 158, 162 Hume, D., 135 Husserl, E., 20, 27, 30, 41, 45, 46, 66, 67, 118, 169, 286 Hymes, D., 344,348 Ionesco, E., 402,406 Ivanoff, V.V., 397, 398, 405, 406 Jacques, F., 87-91, 93, 96-101, 308, 316 Jakobson, R., 75, 263, 265, 305, 316, 387, 388, 436-438 James, W., 148 Jappy, Α., 144, 152, 153 Jaskowski, S., 327 Joly, Α., 305,316 Kahn, ., 388 Kalimeyer, W., 345, 346, 348 Kaminker, J.P., 421
465 Kant, Ε., 20, 45, 46, 49, 67, 140, 157, 158, 228, 278, 299, 300 Kasher, Α., 278,295 Kaulbach, F., 135, 141 Kendon, Α., 425,435 Kerbrat-Orecchioni, C., 423, 435, 436 Kiefer, F., 17 Klages, L., 128 Klein, M., 259 Kloeper, R., 348 Kneale, M., 331,334 Kneale,W., 331,334 Kongäs, E., 261, 262 Kries, J.V., 120, 129 Kripke, S., 27, 31-33, 36, 39, 41, 44, 45, 69,88 Kristeva, J., 348,349,460 Lafont, R., xi-xii Lahey, M., 426,435 Lautréamont, Comte de, 404 Lecours, A.R., 432,436 Leibniz, G.W., 32,219,301 Leilich, J., 21,34,70 Lenneberg, E., 435 Lenneberg, E.H., 233, 240, 435 Lévi-Strauss, C., 79, 261, 262, 265 Lewis, D., 55,67,69 Locke,J., 28,41 Lorenzen, P., 96 Lotman, L, 241, 242, 253, 263, 265, 397, 398, 400, 405, 406 Lowry, M., 446-449 Luria, A.R., 428,429,436 Mach, E., 136 Mallarmé, S., 391 Manzoni, Α., 393 Maranda, P., 261,262 Marques da Silva, M.M., 435 Marshall, T., 169 Martin, R., 23,70 Marty, R., vii, 146, 147, 153, 269, z/u, 353,407,442,450,451,461 Mead, G., 120
466
INDEX
Mead, M., 397 Meinong, Α., 101 Melot, M., 357 Michelstaedter, C , 239,240 Milner, J.C., 307,316 Moles, Α., 251,253,398,406 Mora, S., 248 Morris, C , xi, 23-26, 42, 49, 50, 68, 70, 76, 88, 91, 100, 244, 253 Mounin, G., 342,348 Mozart, W.Α., 392 Mukařovsky, J., 401,406 Munitz, M.K., 101
Pichon, E., 305,311,315,316 Platon, 29, 34, 56, 66, 117, 156, 235, 238 Plebe, Α., xii, 399 Pontalis, J.B., 214 Ponzio, Α., 201,202 Popper, ., 45, 50, 51, 298, 302 Portine, H., xii, 399 Pratt, M.L., 340,348 Prior, A.N., 327,335 Proni, G., 202 Propp, V., 291,387,388,454 Putnam, H., 27, 31-39, 44, 45, 70
Nagel, E., 326,334 Nespoulous, J.L., 432, 434, 436 Newton, I., 47 Nietzsche, F., 401
Queneau, R., 419 Quère, L., 351,357 Quine, W.V.O., 87, 98, 112, , 115, 137, 157, 299, 300, 301
Occam G.d', 224 Ogden, C.K., xi Olbrechts-Tyteca, L., 234,240 Ouspensky, L., 387, 388, 406
Ramsey, F.P., xi Rastier, F., 334 Récanati, F., 83,84, 184, 195 Réthoré, J., vii, 407, 437, 448, 450, 461 Richards, I.A., xi Riehl, Α., 133,141 Robbe-Grillet, Α., 405 Roberts, D.D., 326,335 Roncato, S., 236,240 Rorty, R., 270,296 Rositi, F., 203 Roulland, D., 305,316 Royce, J., 30,32 Ruf, G., 388 Russell, ., 59, 88, 90, 91, 101, 133, 137, 141, 286
Panofsky, E., 356,357 Parret, H., x, xi, xii, 69,75, 80, 84,100, 101, 295, 296, 314, 316 Pascal, ., 187 Pasolini, P.P., 393 Paul, l'Apôtre, 237 Peirce, C S . , x-xii, 23-26, 30, 32, 33, 39, 41-47, 49, 60, 64, 69, 76, 87, 91, 100, 101, 103-112, 114, 115, 128, 143-153, 155, 158, 160-162, 165, 185, 197, 202, 203, 215, 229, 236, 240, 243, 245, 246, 252, 253, 267-274, 276, 277-281, 295297, 300, 301, 314, 316, 325-327, 329, 331-335, 359-369, 371, 392, 398, 399, 404-406, 412, 421, 441, 443, 448, 450452, 454, 460, 461 Petitot-Cocorda, J., 256,265 Perelman, C , 235,240 Piaget, J., 267 Piatigorski, A.M., 241, 253, 397, 400, 405, 406
Sacks, H., 344 Sapir, Ε., 238 Sarraute, N., 394 Saunders, P.T., 257,265 Saussure, F. de, 61, 70, 88, 91, 100, 101, 118, 127,128,169, 286, 292, 293, 304-306, 316, 401, 436 Sbisà, M., 82,84 Schaeffer, P., 413
467
INDEX Scheler, M., 123 Schiffer, S.R., 55,67,70 Schlick, M., 135,136,141 Schmidt, S.J., 339, 340, 342, 344, 345, 348, 349 Searle, J., vii, xi, xii, 17, 26, 33, 37-40, 43, 51-55, 58-63, 65-67, 70, 89, 91, 92, 99, 101, 106-111, 113, 131-141, 155165, 355, 426, 436 Sebeok, T.A., 202,203,296 Sechehaye, Α., 304 Shannon, C E . , 92,306 Sherzer, J., 344 Smullyan, R.M., 328,335 Socrate, 56, 156, 301 Sraffa, P., xi Staiger, E., 340 Stalnaker, R., 88,90, 101 Stenius, E., 20,70 Stephens, G.L., 227,229 Strawson, P.F., xi, 51, 52, 57, 70, 88, 90, 91, 101 Stetter, , xii Tarski, Α., 20,22,23 Thibaud, P., 326,333,335 Thorn, R., 256,257 Thomson, G., 231,240 Todorov, T., 181, 195, 341, 349, 388, 446, 450 Toporov, V.N., 406 Tour, G. de la, 401 Trabaut, J., 295
Travis, L., 432,436 Tutescu, M., 325,335 Unger, P.K., 101 Urmson, J., xi, xii Vaccarino, G., 236,240 Vaihinger, H., 141 Valéry, P., 205-214 Vanderveken, D., 89, 101 Warner, R., 17 Weaver, W., 92,306 Weber, M., 169 Weinrich, U., 250 Weiss, P., 143, 153, 165, 229, 253, 276, 296,324,370,371,450 Welby, Lady V., xi, 112, 115, 143, 146, 152, 268, 271, 300, 364, 404, 444 Whorf, B.L., 238,240 Wiener, N., 71 Wilcox, M.J., 435 Winder, ., xii Wittgenstein, L., xi, 4, 12, 20, 22, 27, 41, 48, 67, 70, 77, 131, 136, 155, 156, 158, 162, 164, 165, 282, 296, 441 Wunderlich, D., 92, 156 Zeeman, C , 257, 265 Zeltmann, ., 252,253 Zénon d'Elée, 217 Zilberberg, , 387,388 Zobel, R., 339,348