Chopin Vie et œuvre
Du même auteur : Nouvelles Les Madrigaux de Bellone, éditions France-Univers, 2008 π Musicographie L’opéra tout simplement, éditions Eyrolles, 2008 π Traduction Les Amours de la belle Maguelonne et du comte Pierre de Provence, de Ludwig TIECK traduit de l’allemand, éditions Alvik, 2005 π
Enrigistrement disponible : Hector BERLIOZ – Nuits d’été Richard WAGNER – Wesendonk-Lieder 1 CD Tam Attitudes (
[email protected]) Sylvie OUSSENKO - Mezzo-soprano Noël LEE – Piano
À paraître : Recueil de poésies, éditions France-Univers Traductions de l’allemand : Ludwig TIECK : Mélusine et les fils Aymon, éditions Grèges
Sylvie Oussenko
Chopin Vie et œuvre
Préface de Dominique Fanal
Éditions Eyrolles 61, Bd Saint-Germain 75240 Paris Cedex 05 www.editions-eyrolles.com
Mise en pages : Istria
Le code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit en effet expressément la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or, cette pratique s’est généralisée notamment dans les établissements d’enseignement, provoquant une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée. En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre Français d’Exploitation du Droit de Copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. © Groupe Eyrolles, 2009 ISBN 978-2-7081-3744-8
Sommaire Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
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Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Première partie : La naissance d’un prodige (1810-1830) . . . . . . . . . . . 19 Chapitre 1 : Enfance (1810-1825) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Chapitre 2 : Apprentissage et premières compositions (1825-1829) . . . 27 Chapitre 3 : L’année de l’épanouissement (1829-1830) . . . . . . . . . . . . . 35 Deuxième partie : Les voies de la gloire (1831-1844) . . . . . . . . . . . . . .43 Chapitre 4 : Interlude au centre de l’Europe (1830-1831) . . . . . . . . . . . .45 Chapitre 5 : Paris (1831-1833) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 Chapitre 6 : Maria (1834-1837) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65 Chapitre 7 : George Sand (1838-1839) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75 Chapitre 8 : L’impulsion de Nohant (1839-1841) . . . . . . . . . . . . . . . . . . .89 Chapitre 9 : L’approfondissement (1842-1844) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .99 Troisième partie : La rançon de la gloire (1844-1849) . . . . . . . . . . . . .111 Chapitre 10 : L’accomplissement (1844-1847) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113 Chapitre 11 : Une triste fin (1848-1849) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129 Annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141 Cahier de correspondance entre Chopin et George Sand . . . . . . . . . . . 143 Catalogue des œuvres de Chopin publiées de son vivant . . . . . . . . . . 157 Glossaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165 Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175 Table des matières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179 5
Préface Quand mon amie et partenaire de longue date – cantatrice et écrivain – Sylvie Oussenko m’annonça qu’elle aurait un livre à écrire sur Frédéric Chopin, une petite voix intérieure s’éleva en moi, non sans cette malice un peu perverse qui vous pousse à parfois vous moquer de vos propres amis, et, comme La Bruyère – si mes souvenirs sont exacts – nous l’assène perfidement en liminaire de l’un de ses plus célèbres chapitres des Caractères, c’est « tout est dit et l’on vient trop tard » qui me revint soudain à l’esprit. Rubinstein et notre Samson François lui-même, et Bernard Gavoty, Marcel Beaufils, Jean Rousselot, Camille Bourniquel, Alain Duault – sans compter le remarquable abbé Carl de Nys – n’ont-ils pas déjà tout dit et écrit sur Chopin (et nous en omettons mille autres) ? Nos bibliothèques sont pleines, déjà, d’écrits, d’études, de critiques, d’analyses, d’enquêtes sur la vie et la musique de « l’homme de Nohant », de lettres en tous genres (une Correspondance de Marie d’Agoult et de George Sand fut récemment publiée), voire de romans à l’eau de rose parfois inspirés de l’existence même (assez peu commune) de Frédéric Chopin. Il fut tant écrit, en vérité, sur lui.
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Il faut dire que le compositeur – comme son œuvre – a de quoi surprendre, de quoi charmer, de quoi intéresser, de quoi passionner. En même temps, on a beaucoup simplifié et schématisé le parcours pourtant souvent sinueux de nos compositeurs romantiques d’outreRhin, voire d’outre-Vistule !
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Chopin, vie et œuvre
On a stigmatisé Beethoven et sa surdité, et on voulut en faire une sorte de vieux lion solitaire rugissant dans son coin entre deux amours malheureuses, on dépeint volontiers Schubert comme un syphilitique boutonneux hantant – en quête de quelque aventure, ou simplement à la recherche d’un bon saucisson arrosé d’un vin blanc viennois bien frais – les auberges de Grinzing, on simplifie et réduit trop souvent Schumann, au double visage de Janus, habité d’un Florestan et d’un Eusebius sans cesse querelleurs, et qui (déchiré entre lui et lui-même) finit par aller se jeter dans les eaux bouillonnantes de l’« unser Vater Rhein1 », et Brahms, qui, toute sa vie, se mourut d’amour pour la belle Clara Wieck – géniale et virtuose épouse du précédent – et puis aussi Mendelssohn, qui, au regard de ses confrères hirsutes, fit office d’enfant sage, héritier d’une bourgeoisie israélite d’esprits brillants et surdoués, vivant dans l’amour de la musique et du piano, et la vénération d’un Jean-Sébastien Bach qu’il fit redécouvrir au monde. Et puis, il y a enfin ces deux inquiétants géants (et génies) du piano-roi, qui se ressemblent si peu : Franz Liszt et Frédéric Chopin.
1. Le Rhin, notre Père.
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Liszt, homme brillant et mondain, qui fut le roi de l’estrade, la plaque tournante musicale et aussi la radio-télévision de son époque, qui révéla à ses contemporains sa propre musique (folle, agitée, souvent nouvelle et prophétique, parfois extérieure) et celle des autres (il multiplia les transcriptions, celles, entre autres, des Symphonies de Beethoven ou de Berlioz...), qui fut applaudi sur les plus grandes scènes d’Europe, qui fit tourner la tête aux femmes – lesquelles firent tourner la sienne –, qui eut comme égéries les plus fameuses femmes d’esprit de son temps, de Marie d’Agoult à la princesse Caroline de SaynWittgenstein, mais qui finit en diable d’abbé Liszt, à la recherche de l’Esprit, de la Solitude et de Dieu. Le romantique des romantiques, le créateur fou de Rhapsodies aussi diaboliques qu’injouables, et parfois plus tziganes que hongroises, l’auteur des plus folles Études pour le piano (dites « d’exécution transcendante ») et de Transcriptions et Réminiscences d’après Rossini, Liszt ou Meyerbeer, finit sa vie au milieu des Via Crucis, Requiem, Psaumes et autre Légende de saint Christophe, et dans le culte de l’ascèse, avec des pièces étranges, parfois cosmiques, qui, tels les Lugubres Gondoles, Schlaflos (Insomniaque) ou Unstern
(Étoile du malheur, inspirée par le passage de la comète de Halley !), annoncèrent, à leur manière, Fauré incontestablement, Debussy et Ravel sans doute, Scriabine sûrement. Comme on dira un siècle plus tard de Poulenc qu’il a en lui « du moine et du voyou », Liszt dit de luimême : « Il y a en moi du Tzigane et du franciscain »...
Préface
À côté de Liszt, Chopin fait office de reclus, de pauvre malheureux, de malade chronique, de malchanceux, d’apatride errant. Et pourtant, on le sait, c’est à sa musique, probablement plus qu’à celle de Liszt, que le public – mélomane ou non, connaisseur ou béotien – tient avant tout, et ce sont ses Valses qu’on écoute (plus que celles de Liszt ou de Brahms), c’est sa Sonate funèbre que l’on a en tête (bien plus que la « Sonate des sonates » conçue par Franz Liszt), ce sont plus encore ses Nocturnes que ceux de Liszt que l’on fait travailler aux élèves et que l’on imagine dans les salons, et ses Polonaises et ses Mazurkas remplissent encore plus les salles de concerts que les Rhapsodies de Liszt. Si ses dernières surprennent et effarent, la danse revisitée par Chopin, quelle qu’elle soit, melliflue, gracile, solidement attachée au sol polonais, émeut toujours, et vous embue le regard : on se doit de s’essuyer les yeux avant d’applaudir.
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En même temps, on a dit les pires niaiseries sur certains aspects de la musique de Chopin, comme on en dit plus tard, par exemple, sur celle de Fauré. On a beaucoup parlé de cette note bleue (aussi mystérieuse, incompréhensible et virtuelle probablement que le rayon vert ou le monstre du loch Ness...), on a beaucoup fait de ses Valses (comme de certains de ses Nocturnes, comme de certaines Barcarolles de Fauré justement) de la musique salonarde pour jeunes filles en fleur attardées. Et puis, il y a la légende, tenace, très inspirée, il est vrai, des heures les plus noires de la vie de Chopin : si Liszt a en lui du Hongrois, de l’Autrichien et probablement du Tzigane (géopolitique oblige), Chopin est le seul à avoir eu, de son vivant comme dans la mort, son corps et son cerveau en France, et son cœur profondément ancré à la grande dépression de Mazovie et au terroir de Podlasie. Il n’y a qu’à voir, toute l’année, à Paris, les cars déverser leurs flux de touristes polonais aux portes du cimetière du Père-Lachaise, et, à Varsovie, les promeneurs français chercher la mystérieuse colonne de l’église Sainte-Croix contenant le cœur de Chopin, pour comprendre à
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quel point cette double hérédité et ce double héritage ont touché les esprits et les cœurs.
En même temps, sur le plan musical aussi, on croit souvent tout connaître, et l’on ne sait pas toujours grand-chose. Pourrons-nous évoquer notre propre expérience ? J’avais derrière moi déjà quelques années d’études de piano quand je commençais à déchiffrer et modestement travailler quelques Nocturnes (les plus simples techniquement) et deux ou trois Valses (la Valse de l’Adieu d’abord, celle qui tombe le plus facilement sous les doigts... ), et je ne pouvais entreprendre mon travail scolaire – celui du lycéen que j’étais – sans une certaine musique de fond. Je me souviens qu’il m’était difficile, dès mes classes de seconde et de première, de concevoir la rédaction d’une dissertation ou d’un commentaire sans activer, tout près de moi, sur un vieil électrophone monophonique (en ce temps-là), deux ou trois enregistrements que je chérissais, ou qui, du moins, me touchaient. Seul le piano pouvait accompagner mes travaux scolaires. Les timbres de l’orchestre m’auraient trop interpellé, distrait, l’ampleur du son symphonique eût détourné mon attention. Alors que le son du piano m’habitait, me portait, sans me détourner de ma création littéraire de l’époque. Je m’en servais comme d’un dopant. C’étaient mes petites amphétamines
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Si Liszt eut une existence brillante – avec un petit côté dandy parfois – celle de Chopin correspond à l’idée que l’on se fait, dans les cours de littérature classique, du grand romantique amoureux et souffreteux. Tout le monde a en mémoire les errances de Chopinet, déjà tuberculeux et bien mal en point, dans les jardins de Nohant (la dame au cigare ne l’appelait-elle pas « mon cher cadavre » ?), l'enfer qu’il vécut, à Majorque, entre les murs ruisselant d’humidité de la chartreuse de Valldemosa, ses derniers jours dans l’appartement de la place Vendôme, et sa messe d’enterrement à la Madeleine, où l’on joua, à sa demande, à l’orgue, deux de ses Préludes, une orchestration de la Marche funèbre de la Deuxième Sonate, et, tout simplement, la Messe de Requiem d’un autre génie, qu’il chérissait entre tous et admirait tant, et qui lui-même (comme Tchaïkovski, à l’aube de son suicide, composa sa Symphonie pathétique) avait imaginé le requiem de sa propre mort : Wolfgang Amadeus Mozart. Il y a vraiment de quoi dire et redire sur la vie et l’œuvre du Franco-Polonais...
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Préface
personnelles, mes produits interdits à moi ! Plus que d’autres, deux avaient ma faveur : trois Sonates de Beethoven (toujours les mêmes : la Pathétique, l'Appassionata et la Clair de lune, bien entendu) par Hans Richter-Haaser (ce qui n’est pas si mal), et les Quatorze Valses de Chopin, jouées par Jean Doyen – il s’agissait là d’un vieux disque Fontana dont la couverture offrait, mauve sur fond mauve, un bouquet de violettes plus vrai que nature. Je préférais ce disque à un autre que j’avais aussi, les Polonaises par Witold Malcuzynski, qui, elles, par leurs martèlements parfois militaires, me détournaient trop de mon travail. Mais je me souviens encore aujourd’hui que la pochette de ce disque filait, en un style très lyrique, cette étrange métaphore : la musique de Chopin, ce sont « des canons sous des fleurs ». Plus tard, bien plus tard, toujours adolescent, je découvris un coffret édité par Vega, qui regroupait diverses pages de Chopin (de certaines Valses à quelques Études, de quelques Nocturnes à la Fantaisie-Impromptu, de la Deuxième Sonate à la Quatrième Ballade ou à la rare Tarentelle...) jouées par des pianistes aussi différents que Milosz Magin, Alain Berheim, Claude Kahn ou le regretté Thierry de Brunhoff, qui, lui aussi, un jour, comme Franz Liszt – mais bien plus jeune – choisit de quitter l’estrade pour les ordres ! Je commençais alors, bien tard, à m’apercevoir que Chopin n’était pas que le compositeur de quatorze Valses parfois ressassées (où, il est vrai, éclate le génie de la danse – du moins de la danse revisitée et domestiquée par Chopin), mais le géniteur (si l’on peut dire) de tout un monde musical nouveau : des harmonies sourdes, chargées d’angoisse jusqu’à la nausée, d’accords vénéneux ou sulfureux aux agrégats étranges et inquiétants, jamais entendus auparavant, et de paysages musicaux un peu mornes, immobiles, livides et glacés, comme Liszt en conçut aussi à la toute fin de sa vie, qui annonce les étendues harmoniques glacées d’un Prokofiev ou d’un Chostakovitch, ou les brouillards givrants chers à Ravel, et plus encore à notre Debussy. Il n’y a qu’à écouter, ne seraitce que trente secondes, les premières mesures du deuxième des vingtquatre Préludes (opus 28) que Chopin dédia à son ami Camille Pleyel, pour s’en convaincre. Un poète qui proposa quelques titres bizarres et grandiloquents à certains de ces Préludes écrivit en en-tête de celui-ci : « Méditation douloureuse... La mer, déserte, au loin... » Le Debussy des Pas sur la neige ou de La Cathédrale engloutie est tout près, alors que tant d’années séparent le Franco-Polonais de notre Claude de France. Et le
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chaos symphonique qui ouvre un certain Concerto pour la Main gauche1 semble aussi tout près, soudain... Plus tard, j’entendis les deux Concertos de Chopin dans l’interprétation de Samson François (ceux avec Louis Frémeaux, non ceux de Klecki) – et bien plus tard encore, on m’offrit les Quatre Ballades : la partition (qui me fit beaucoup souffrir), et l’enregistrement de Zimerman (véritable bible pour qui veut tout comprendre de Chopin). Et je fus convaincu que Chopin était le prince du piano. Et que son piano, comme celui d’un Liszt (avec des variantes) ou d’un Rachmaninov (pour d’autres raisons), était du grand, du très grand, de l’immense piano.
1. de Maurice Ravel (1931).
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Lorsque, mû par ce désir impérieux de devenir chef d’orchestre, je repris des études sérieuses au Conservatoire, j’entendis quelquefois proférer – y compris par de grands professeurs – des lieux communs : il était de bon ton, par exemple, de prétendre que Chopin ne savait pas écrire pour l’orchestre, que ses Concertos étaient de vastes ballades pour piano de près de trois-quarts d’heure auxquelles l’orchestre n’était pas indispensable (au fait, à quoi ressemblent aujourd’hui ces Concertos de Chopin que l’on joue et enregistre avec quatuor à cordes ?). De la même façon, on entendait dire que Tchaïkovski était vulgaire, que Sibelius, pour reprendre les termes de Stravinski, était « le plus ennuyeux des compositeurs sérieux », et que Moussorgski écrivait des harmonies laides et creuses, et ne savait pas davantage orchestrer que Schumann... Or, on s’est aperçu depuis que, si Ravel avait magnifiquement habillé – d’un si chatoyant manteau d’arlequin – les Tableaux d’une Exposition (le cycle pianistique de Moussorgski), l’œuvre était avant tout devenue une splendide image ravélienne, loin de l’austère et massive eau-forte originale. De même, que les géniales harmonies (incomplètes et minérales, en effet) de Boris Godounov, et son orchestration (parfois – volontairement – taillée à coups de serpe) n’avaient nullement besoin des révisions clinquantes de Rimski-Korsakov ou de Chostakovitch pour exister. Que personne mieux que Schumann n’avait su orchestrer ses Symphonies (d’où l’échec cuisant des réorchestrations de Mahler appliquées à une musique aux antipodes de la sienne !). Que Tchaïkovski était un très grand compositeur et le chantre de l’âme russe, que les maladresses de Sibelius n’en étaient pas toujours et que ce grand
De la même façon, Chopin, s’il n’apparaît pas de prime abord comme un virtuose de l’orchestration, et s’il n’est pas l’auteur d’ébouriffantes instrumentations (qui eussent probablement nui à son propos), a su trouver la parure orchestrale (parure n’est d’ailleurs pas forcément le bon mot) qui convient le mieux à sa musique. Comme le langage des Symphonies de Schumann réclame cette instrumentation compacte qui est la sienne, ramassée dans un « medium » un peu sourd et automnal, que l’on a à tort décriée (et l’on a vu comment les orchestrations, plus brillantes mais plus extérieures et plus décoratives, plus scholastiques aussi, d’un Gustav Mahler ou d’un Felix Weingartner avaient, encore une fois, défiguré l’univers schumannien qu’elles prétendaient servir, préciser et sublimer), la musique même de Chopin (lorsque le piano est accompagné, soutenu, commenté par un orchestre symphonique) ne mérite pas autre chose que ce dont Chopin l’a dotée. Hormis les tutti introductifs, conclusifs ou transitoires, ce sont des accords larges et tranquilles, souvent immobiles, parfois volontairement réduits à leur portion congrue lorsque le piano doit parler librement, qu’il se veut indépendant et qu’il se suffit à lui-même. Mais cette orchestration, si elle est convenue, simple, suffit à faire sonner l’orchestre. Combien de fois a-t-on entendu des pianos rachitiques (qui donnent l’impression qu’on en a baissé les couvercles) égrainer des notes fluettes et cristallines sur un orchestre auquel un chef « peu gourmand de l’oreille » (pour reprendre l’expression si juste de la pianiste française France Clidat) demande de jouer toujours plus piano et plus passif ? L'orchestre de Chopin, bien au contraire, doit jouer le jeu... comme le piano. Jamais une musique n’a été si humaine, si narrative, jamais des interprètes n’ont semblé devoir raconter à ce point-là une histoire. L’orchestre de Chopin, s’il doit être cet énorme matelas – ou ce moelleux coussin d’air – sur lequel un pianiste avide de son et de sens peut s’ébrouer et s’appuyer (ne serait-ce qu’harmoniquement), ne doit pas être non plus que cela : appui, soubassement, clé de voûte parfois de l’ouvrage, il en scelle la structure et la base harmonique, en complétant le piano (déjà si riche, si protéiforme, si symphonique et si parlant) de ses timbres,
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bûcheron finlandais était un compositeur génial et prophétique, qui apportait à la composition et la structure symphoniques modernes un concept autre.
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souvent utilisés pour leurs couleurs les plus crues, les plus franches, les plus primaires, et – malgré le profond romantisme du langage – leurs contours les plus fermes, les plus nets, les plus précisément dessinés.
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J’eus la chance, je dois le dire, de diriger les deux Concertos de Chopin avec des monstres sacrés du piano ! Dès 1988 (j’avais trente-deux ans), c’est avec France Clidat (lisztienne reconnue, grande virtuose, musicienne experte, femme intelligente et de grande culture) que j’eus le bonheur de diriger le Deuxième Concerto (le premier en fait, en fa mineur) de Chopin, à Paris, au Mans (et, au début des années 2000 à nouveau, avec une philharmonie polonaise, au théâtre de Vals-les-Bains, dans le cadre d’un festival d’été ardéchois). En 1990, avec le même orchestre « Sinfonietta de Paris », nous donnions ensemble le Premier Concerto (le redoutable mi mineur), à Paris, dans ce regretté et si bien sonnant Auditorium du Châtelet-Les Halles, et en banlieue parisienne, à Villiers-le-Bel pour être précis, ville où il se passe parfois de bien grandes choses, et où la musique, elle aussi, peut enflammer le public.
Plus tard, à Koszalin, en Pologne aussi, je redonnai le « mi mineur » avec l’étonnant Piotr Paleczny (prononcer palètchné !), qui, depuis Rubinstein et Malcuzynski, demeure, avec Zimerman – et sans doute le tout jeune Rafal Blechacz (prononcer bleratch !) – le plus parfait héritier polonais de Chopin. Clidat comme Paleczny m’ont conforté dans cette idée que Chopin n’était pas – ô combien jamais – l’auteur de douces et sirupeuses romances. Et, l’un comme l’autre m’encouragèrent à faire sonner l’orchestre, à lui donner son relief, à multiplier les contrastes dynamiques (tellement bien indiqués par Chopin), des plus ineffables murmures aux effusions les plus passionnées, se servant de ces vagues orchestrales comme un voilier se sert du vent pour avancer et du roulis des vagues pour mieux se mouvoir. J’appris là ce qu’était un grand son
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C’était, si mes souvenirs sont exacts, la première fois que France Clidat – vieille routière (elle me pardonnera cette familiarité) du Second concerto – présentait le Premier Concerto en public, d’ailleurs juste avant qu’elle ne parte enregistrer le doublé (mi mineur et fa mineur) à Varsovie, à deux pas de Swieta Krzyza, l’église dont le deuxième pilier, à gauche de la nef, contient l’urne renfermant le cœur du compositeur qui avait pu exprimer, dans ses dernières volontés, son secret désir de retrouver Varsovie après sa mort.
de piano, j’appris là toute la différence entre un vrai staccato et un nonlegato, je réappris là les cent couleurs de la musique (dont parle Chabrier à propos de sa Bourrée fantasque), je redécouvris (avec France Clidat surtout) ce qu’est un vrai discours narratif (lorsque l’on suit un concerto comme on lirait un conte) et (avec les pianistes polonais notamment) ce qu’est le véritable rubato à la Chopin (ou le rubato tout court) : j’eus tellement de mal, il y a peu de temps encore, à faire comprendre à des étudiants s’acharnant sur le Nocturne en si majeur opus 32 n˚ 1 que le rubato n’était pas un tangage du tempo permanent à donner le mal de mer à l’auditeur, mais ce sensible rythme interne né d’un décalage léger, indicible (le rythme ne naît-il pas d’ailleurs toujours d’une forme de décalage, donc de retard ?) entre une main droite narrative, plus ou moins libérée, et une main gauche qui, en toute quiétude et sans nervosité, doit imposer le « diktat » du tempo... Eh oui, on croit tout savoir de Chopin et de ses mystères... mais certains mystères demeurent bien conservés !
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Ces écrits de Sylvie Oussenko sur Frédéric Chopin – l’homme, sa vie, son œuvre –, après les mille exégèses nées de la plume et de l’expérience de ses plus grands interprètes ou de critiques et musicologues, est un magnifique ouvrage de synthèse (pour qui connaît la musique de Chopin tout en en ayant une vision assez floue) et, en même temps, un ouvrage pédagogique susceptible de s’adresser à ceux qui, pleins de bonne volonté, attirés par les charmes d’une certaine note bleue, feraient leurs premiers pas vers la connaissance de la musique dite (souvent à tort) « classique », et du piano-roi. Sylvie Oussenko « remet les pendules à l’heure », tend à séparer le bon grain de l’ivraie (entendez par là la seule vérité sur mille et une légendes tenaces), redéfinit bien l’importance de Chopin dans son temps, le situe dans son contexte, l’Histoire (l’Histoire avec un grand H, celle de la France d’alors et de cette Pologne-phénix sans cesse détruite et rayée de la carte, mais qui, démembrée, dénervée, dépulpée et toujours plus affaiblie, renaît chaque fois – avec la régularité du nécessaire – de ses cendres), le situe aussi au milieu de ses contemporains – les autres génies de la grande ère romantique notamment, et il y en eut ! –, reliant sans cesse ses œuvres les plus marquantes aux événements les plus importants (même les plus intimes) de sa vie tourmentée, met en
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valeur tel ou tel éclairage historique donnant une vision nouvelle de tel ou tel ouvrage, et osant redéfinir – sans honte – ce que sont une harmonie, une mélodie, un mode, une tonalité, un rondo, un scherzo, une mazurka... Elle situe enfin Chopin avec ceux qu’il a aimés, admirés, ceux qui l’ont influencé, ceux qu’il a transcrits ou paraphrasés, comme Liszt aussi le fit : Haendel, Mozart, Rossini ou Donizetti... Sylvie Oussenko, qui – à la différence de ceux qui écrivent sur la Musique sans la connaître – sait (interprète elle-même) la lire, et possède les moyens intellectuels et techniques de déchiffrer une partition, va parfois au cœur des œuvres. Elle les replace dans leur contexte aussi, les éclaire d’un jour nouveau, en décrit la structure, le contenu, en décrypte la substantifique moelle...
Chopin, vie et œuvre
Un bel ouvrage, en vérité, qui relève parfois de l’art de la dentellière, et qui (en suivant tout le parcours de Chopin, de ses découvertes, de ses émois, de ses amours, de ses tragédies – de la jolie maison de Zelazowa Wola à l’appartement funèbre du 12, place Vendôme) se veut didactique et éclairant, résumé et synthèse, mise au point et, parfois, rectification argumentée... et qui, enfin, se lit et se relit facilement, tel un Guide Michelin des hauts lieux de cette Vie et de cet Œuvre incroyablement romantiques, tourmentés, passionnés, follement passionnels, forcément passionnants...
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Dominique Fanal, chef d’orchestre
Introduction La personnalité de Frédéric Chopin présente tous les charmes et tous les travers du musicien romantique tel que l’imagination le façonne : exilé d’un pays ami de la France malmené par l’Histoire, enfant chéri de l’émigration polonaise, mais d’origine française par son père, Chopin se présente peu au concert, réservant son talent pour les salons et ses élèves. La correspondance personnelle de Chopin est quasi inexistante, mais l’époque est celle où l’on s’exprime dans les échanges de lettres et tout le monde parle de Chopin tandis qu’il se tait. Il ne se révèle que dans la musique : enfant prodige, puis compositeur doué, il devient, surtout après 1840, l’un des novateurs de l’époque. Atteint de la tuberculose, dont il meurt en 1849, ses faiblesses se muent, par la magie de l’écriture musicale, en « dynamique imaginative » (le mot est du germaniste François Poncet). Devenu l’amant de l’infatigable George Sand, image antagoniste de ce jeune homme transparent, il forme avec elle un étrange duo : la femme est un roc, l’homme, la diaphane incarnation d’une musique nourrie de révoltes, de bel canto pianistique et de prophétiques conceptions harmoniques.
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Chopin est souvent le prétexte à de belles histoires, qui font de sa vie soit un cauchemar perpétuel, soit une promenade idyllique en un siècle de toutes les tourmentes.
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Chopin est un musicien, un compositeur, un homme du monde aussi : être un génie n’affranchit pas des nécessités matérielles. Homme de son temps, il était reconnu par ses contemporains, mais, comme tous les « classiques », son talent et sa force de travail ont su faire de lui notre contemporain. Il vit au XXIe siècle parmi nous, suscite des vocations, sollicite les interprètes de tout âge et charme ceux qui l’écoutent.
Première partie
La naissance d’un prodige (1810-1830)
Chapitre I
Enfance (1810-1825)
1.
1. Enfance (1810-1825)
En 1787, un jeune Lorrain s’établit en Pologne, Nicolas Chopin. Il quitte la France avant qu’elle ait commencé sa grande Révolution (14 juillet 1789) pour un pays qui vient d’être dépecé, en 1772, par ses puissants voisins : la Prusse de Frédéric II, la Russie de Catherine II et l’Autriche de Marie-Thérèse. Malgré la Constitution du roi Stanislas II Poniatowski, en 1793, la Pologne est de nouveau dépossédée d’elle-même, passant, cette fois, essentiellement sous la tutelle prusso-russe. En 1795, la Pologne est partagée une troisième fois, après une insurrection, à laquelle participe Nicolas Chopin, provoquée par le poids de la domination russe. À chaque partage, la Pologne perd un peu plus de territoire propre pour subir le joug des pays occupants. De 1807 à 1814, la Pologne revient à la vie grâce à Napoléon Ier, qui crée le grand-duché de Varsovie. Mais la chute de l’Empereur des Français entraîne les travaux interminables du Congrès de Vienne en 1815, année où la Pologne se voit partagée pour la quatrième fois : la Prusse et l’Autriche retrouvent les provinces confisquées par Napoléon. Quant à la Russie, elle obtient toute autorité sur le pays, excepté un territoire autour de Cracovie, le « royaume de Pologne », dévolu au prince Adam Czartoryski.
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La famille Chopin Nicolas Chopin et Justyna Krzyzanowska se marient en 1806, alors que le jeune Lorrain donne des cours de français au fils d’une famille aristocratique, à Zelazowa Wola, village situé à une quarantaine de kilomè-
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Chopin, vie et œuvre
tres de Varsovie. De leur union naît en 1807 une fille, Ludwika, puis, le 1er mars 1810, un garçon, Fryderyk. Peu de temps après, les Chopin quittent Zelazowa Wola pour Varsovie, où Nicolas (devenu Mikolaj, ayant polonisé son prénom) vient d’obtenir un poste de professeur de français au lycée. Le ménage Chopin fonde un « foyer » pour accueillir les fils des riches familles venus faire leurs études à Varsovie. Il leur en coûte 2 000 florins par an. Cela assure bientôt un confortable train de vie à la famille Chopin, qui s’agrandit avec la naissance d’Izabela en 1811 et d’Emilia en 1812. Après avoir occupé un appartement au palais de Saxe, où se trouve le lycée, les Chopin suivent le déménagement de l’institution pour s’installer au palais Casimir (1817), situé sur l’une des élégantes avenues de Varsovie, le Faubourg-de-Cracovie.
« Chopinek », ou l’enfant musicien Élevé par sa mère avec ses trois sœurs dans une famille de bons musiciens, Frédéric s’imprègne des sons du milieu dans lequel il vit. Son premier professeur de piano est sa mère, Justyna. Sa sœur aînée, Ludwika, s’attache aussi à dispenser un enseignement au petit garçon, qui sait bientôt reproduire les mélodies qu’il entend et se risque même à l’improvisation. Liszt dit de Frédéric Chopin : « Son imagination prit ce velouté tendre des plantes qui ne furent jamais exposées aux poussières des grands chemins. »
Bientôt l’élève dépasse ses premiers professeurs, sa mère et sa sœur, celles qui l’ont mis au clavier. En 1816, il devient l’élève de Wojciech Zywny, violoniste, qui l’initie à la théorie selon les principes de Bach, Haydn et Mozart. En 1817, il commence à « composer » et « Chopinek » (le petit Chopin) fait fureur dans les salons de la haute société.
Alors que Chopin improvise au piano, son père prend l’habitude de noter, à la volée, les créations de son fils.
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Il calme les colères du grand-duc Constantin par son jeu pianistique et rencontre Angelica Catalani, la grande diva, qui est touchée par son talent.
Son professeur Wojciech Zywny s’avoue lui aussi bientôt dépassé par son élève, qui est alors confié à Wilhelm Würfel pour parfaire sa technique pianistique et aborder l’orgue ; Jozef Elsner lui enseigne quant à lui l’écriture musicale. Écriture musicale1 voir Glossaire
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1. Enfance (1810-1825)
Parallèlement, Frédéric suit une bonne scolarité au lycée (1823-1826). Il y devient l’ami à vie de Tytus Woyciechowski et de Julian Fontana. Le jeune Chopin compose toutes sortes de morceaux, charme les puissants (le tsar Alexandre lui offre une bague sertie de brillants), s’essaie à toutes les formes de la musique de chambre pour violon et piano, déchiffre des quantités d’œuvres. Fêté et recherché, le jeune Chopin demeure un enfant équilibré et rieur, doué d’un réel sens de l’imitation qu’il gardera tout au long de son existence.
1. Les définitions des termes musicaux sont regroupées dans un glossaire en fin d’ouvrage auquel vous pouvez vous référer.
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Chapitre 2
Apprentissage et premières compositions (1825-1829)
2.
2. Apprentissage et premières compositions (1825-1829)
Frédéric Chopin possède, à quinze ans, la maîtrise de toutes les notions nécessaires à la composition musicale, dont la combinatoire est infinie, en plus de la virtuosité pianistique qui lui permet d’aborder les œuvres les plus difficiles.
La première œuvre Frédéric Chopin est très influencé par un élève de Mozart, compositeur fort à la mode, Johann Nepomuk Hummel (1778-1837), qui écrit de nombreuses pièces du genre rondeau ou rondo. Il y reprend des thèmes empruntés aux opéras qu’il peut entendre, comme ceux de Bellini (18011835), qu’il ne connaît pas encore personnellement, Gioacchino Rossini (1792-1868), Mozart (1756-1791) ou Carl Maria von Weber (1786-1826), l’auteur du Freischütz, composé en 1817, que Varsovie découvre en 1820. Le Rondeau en ut mineur est la première œuvre que le jeune compositeur inscrit à son catalogue.
Catalogue voir Glossaire
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Rondeau ou Rondo (en italien) voir Glossaire
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Si le Rondeau en ut mineur est porté en tant qu’opus 1 au catalogue de Chopin, une première œuvre a déjà été publiée en 1817, la Polonaise en sol mineur, laquelle ne porte pas de numéro d’opus. Le Rondeau en ut mineur opus 1 est publié par le meilleur éditeur de Varsovie, Antoni Brzezina. Chopin s’y exprime dans le « style brillant », c’est-à-dire qu’il impose à l’interprète une virtuosité étincelante, une partition chargée de notes, de toutes les figures possibles, à exécuter avec une extrême vélocité. 1825 est une date charnière dans la vie de Chopin, qui est reconnu, avec cette parution, comme compositeur à part entière et non plus seulement comme un jeune prodige destiné à divertir les princes.
Chopin, vie et œuvre
Tonalité ou ton voir Glossaire
Modes voir Glossaire
Les opéras dans lesquels Chopin puise de nombreux thèmes reviennent à l’école italienne, principalement à Rossini et Bellini, déjà cités, mais aussi à Gaetano Donizetti (1797-1848). En 1813 et 1816, Rossini écrit respectivement L’Italienne à Alger et Le Barbier de Séville. Bellini et Donizetti ont produit des œuvres, à cette époque, qui ne sont guère restées au répertoire. Mais Varsovie retentit aussi d’opéras français, d’Auber, de Boieldieu et de beaucoup d’autres, aujourd’hui tombés dans l’oubli. Des pièces nationales sont aussi données, ne seraient-ce que celles de Jozef Elsner, le professeur de Chopin. Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871)
Frédéric Chopin possède, à quinze ans, la maîtrise de toutes les notions nécessaires à la composition musicale et peut donc travailler des pièces complexes et difficiles. Il devient expert dans l’art de la modulation, fondement du discours musical.
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Compositeur français, très fécond, d’opéras, de ballets. Auteur de Fra Diavolo, qui a connu un succès durable.
Modulation voir Glossaire
2. Apprentissage et premières compositions (1825-1829)
Le conservatoire À l’automne 1826, Frédéric Chopin entre à l’École supérieure de Musique : il y est un élève peu assidu mais brillant. Durant cette période au conservatoire, deux Mazurkas sont éditées, mais non répertoriées en numéros d’opus, respectivement en si bémol majeur et sol majeur, d’une écriture teintée de folklore qui ne vise pas la virtuosité. Cependant, son professeur Elsner note : « Il s’écarte des sentiers battus et des méthodes habituelles, mais son talent, il faut l’avouer, n’est pas habituel. »
Mazurka voir Glossaire
Développement de la sensibilité
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Frédéric s’essaie à une Polonaise en si bémol mineur, qu’il ne porte pas à son catalogue. Élève du Conservatoire supérieur, il s’inscrit à l’Université de Varsovie pour suivre des cours d’histoire et de littérature ; ses professeurs opposent les styles classique et romantique, sans perdre de vue ce mot de Cicéron : « C’est le sentiment qui est la règle. » On avance ainsi sur un chemin qui enjoint d’exprimer ce que la nature dicte, mais selon des principes auxquels il est impossible de déroger, sous peine de perdre tout moyen d’expression. Chopin restera fidèle à ce mode de pensée. En cette même année 1826, il compose le Rondeau à la Mazur en fa majeur opus 5. Il mêle à cette évocation villageoise, où perce l’âme slave, une virtuosité qui fait briller le piano dans une tonalité lumineuse : les chants d’oiseaux se mêlent à la danse. Son écriture s’affirme, devient plus sûre. Un tableau idyllique se peint devant les yeux de l’auditeur. Chopin dédie cette œuvre à la comtesse Alexandrine
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de Moriolles, qu’il rencontre chez le grand-duc Constantin. Il avouera plus tard à son ami Woyciechowski à propos de la jeune comtesse : « Il s’agit d’un amour que je confesse volontiers. »
Autres œuvres de cette année-là : la Mazurka en la mineur et la Marche funèbre en ut mineur. Cette dernière est une sorte d’hommage à Beethoven, avec une réminiscence de la Sonate en la bémol majeur, œuvre de jeunesse de cet illustre prédécesseur.
Chopin, vie et œuvre
L’année 1827 commence tragiquement avec la mort de la plus jeune des filles Chopin, Emilia, atteinte de tuberculose. On peut imaginer comment à l’âge de dix-sept ans, Chopin a vécu la perte de sa jeune sœur, de deux ans sa cadette. À la fin de l’année universitaire, en juillet 1827, Chopin obtient l’appréciation « Aptitude exceptionnelle » au Conservatoire, où il a excellé dans les exercices de contrepoint, et « Aptitude remarquable » à l’Université.
Les grands genres Chopin se lance ensuite dans l’écriture d’une monumentale sonate, la Sonate pour piano en ut mineur opus 4, qu’il dédie à son maître, Jozef Elsner. En choisissant cette forme et en adoptant un langage où l’on trouve une citation directe de Bach (Invention en ut mineur) et des références permanentes à Haydn et Schubert, il offre à Elsner une sorte de résumé de son enseignement.
Les Variations pour piano et orchestre en si bémol majeur, dédiées à l’ami Tytus Woyciechowski, qui s’inscrivent sur le catalogue au numéro d’opus 2, font dialoguer l’instrument soliste avec l’orchestre : la virtuo-
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Deux polonaises voient le jour, répertoriées après la mort de Chopin en opus posthume, la Polonaise en ré mineur et la Polonaise en si bémol majeur : il y montre son originalité, dégagée du style « corseté » de sa première sonate. Mais l’œuvre qui couronne cette année 1827 s’intitule Variations sur un thème de Mozart (« La ci darem la mano » de Don Giovanni). Le Requiem (1791) de ce dernier sera d’ailleurs chanté aux funérailles de Chopin à sa demande.
sité s’y impose. Ce premier essai orchestral annonce déjà la forme du concerto que Chopin aborde deux ans plus tard.
2. Apprentissage et premières compositions (1825-1829)
Les formes musicales instrumentales voir Glossaire
Sûr de son talent, Chopin envoie ses Variations à l’éditeur viennois Haslinger : c’est sa première incursion vers l’Ouest. Mais Haslinger reste de marbre et ne répond pas au jeune Polonais… Cela n’empêche pas Chopin de persévérer. Il écrit son Trio pour piano, violon et violoncelle et transcrit son opus 1 pour deux pianos.
Voyage de fin d’études Chopin part pour Berlin avec un ami de son père, le professeur Feliks Jarocki, invité à un congrès organisé par le célèbre naturaliste allemand Alexander von Humboldt (1769-1859). Il profite de ce séjour pour se rendre fréquemment au concert et à l’Opéra car, à l’époque, c’est le seul moyen de prendre connaissance des œuvres : il entend des pièces de Carl Maria von Weber (1786-1826), Gasparo Spontini (1774-1851), Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847), Georg Friedrich Haendel (16851759), Domenico Cimarosa (1749-1801)… et découvre une lettre de Tadeusz Kosciuszko (1746-1817), le patriote polonais qui a commandé l’insurrection contre la Russie en 1794. N’ayant pu rencontrer le prince Radziwill, absent de Berlin, les deux Polonais regagnent leur pays. Frédéric se prépare à achever le cycle de ses études dans la classe d’Elsner. Il écrit deux œuvres pour piano et orchestre : le Rondeau de concert à la Krakowiak opus 14 et la Fantaisie sur des airs nationaux polonais opus 15. Ces essais préparent, après les Variations, la plongée dans le grand genre du « concerto ».
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Krakowiak voir Glossaire
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Chapitre 3
L’année de l’épanouissement (1829-1830)
3.
3. L’année de l’épanouissement (1829-1830)
En mai 1829, le tsar Nicolas Ier est couronné roi de Pologne à Varsovie. Son frère aîné, Alexandre Ier, avait été accueilli dans l’enthousiasme, en 1815, lors de son couronnement, qui éveillait un grand espoir au cœur des Polonais. Si déjà Alexandre bafouait régulièrement la Constitution qui garantissait la spécificité polonaise, le nouveau roi ne fera que renforcer le régime policier qui s’était peu à peu instauré au temps de son prédécesseur. Désormais, le nombre de prisonniers politiques va s’accroître. La Pologne passe rapidement sous le contrôle total de la Russie où Nicolas pratique de sanglantes liquidations parmi ceux qui veulent réaliser la démocratisation de leur pays, décabristes et membres de la Société patriotique nationale.
L’influence de Paganini
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Malgré le faste du couronnement de l’empereur Nicolas – des œuvres de circonstance ayant été commandées à Elsner et Kurpinski –, la société polonaise sait que le monarque ne respectera en rien les promesses qu’il a faites. Un événement musical d’importance s’inscrit pourtant dans cette morosité : la venue de Nicolo Paganini et de Karol Lipinski, deux violonistes célèbres qui se mesurent l’un à l’autre. Assistant aux concerts de Paganini, Chopin est vivement impressionné par la virtuosité et l’imagination de cet artiste complet. Mais les ressources du piano lui paraissent si importantes, encore si peu exploitées, qu’il décide de s’en tenir à son instrument. Il écrit alors pour le piano une œuvre très courte, Souvenir de Paganini, d’un caractère humo-
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ristique. Mais il lui attache si peu d’intérêt qu’il en néglige l’édition, dont ses amis se chargeront après sa mort. Nicolo Paganini (1782-1840) Violoniste italien né à Gênes, il meurt à Nice. D’origine modeste, il manifeste très tôt des dons exceptionnels de virtuosité, ainsi que pour la composition. Il connaît un immense succès dans toute l’Europe. Il se produit aussi comme chef d’orchestre. Ami de Berlioz, il lui apporta un soutien financier important aux pires jours de celui-ci.
Chopin, vie et œuvre
En juillet 1829, Chopin achève ses études à l’École supérieure de musique, avec cette mention de son directeur, Elsner : « Capacités exceptionnelles » ! Frédéric alors entreprend une formation internationale pour enrichir son art de tous les courants européens en vogue. Son père sollicite l’attribution d’une bourse auprès du ministre de l’Instruction publique, qui la lui refuse sous prétexte que les fonds publics ne peuvent « servir à encourager pareils artistes » ! Frédéric part pour Vienne. Il y a pourtant connu une déconvenue : ses Variations sur un thème de Mozart et sa Sonate, qu’il a envoyées à l’éditeur viennois Haslinger, n’ont pas été éditées, Haslinger n’a pas même gratifié Chopin d’une réponse. Chopin se rend auprès du célèbre éditeur pour lui jouer ses Variations. Haslinger, finalement enthousiasmé, décide de les éditer sur-le-champ, à condition que Chopin les donne d’abord en concert. Chopin, qui n’apprécie guère de se produire, y consent cependant. Le 11 août 1829, le concert viennois du jeune Chopin est un triomphe.
Compositeur et interprète
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En cette seule soirée viennoise, à l’âge de dix-neuf ans, Chopin devient une personnalité importante du monde musical. La critique l’accueille chaleureusement, tout en pointant son originalité pour l’interprétation et la technique qu’il approche en ces termes :
« Je soumets à ceux qui apprennent l’art de toucher le piano des idées pratiques bien simples que l’expérience m’a démontré être d’une utilité réelle… On a essayé beaucoup de pratiques inutiles et fastidieuses pour apprendre à jouer du piano, et qui n’ont rien de commun avec l’étude de cet instrument. Comme qui apprendrait par exemple à marcher sur la tête pour faire une promenade1. »
3. L’année de l’épanouissement (1829-1830)
Au tableau des célébrités musicales qu’il rencontre dans la capitale autrichienne, manquent Beethoven et Schubert, respectivement morts en 1827 et 1828. Chopin va au concert et à l’opéra où il entend des œuvres de Rossini, Méhul, Boieldieu, Meyerbeer… De Vienne, il passe par Prague, puis par Dresde pour revenir à Varsovie où il retrouve sa condisciple Konstancja Gladkowska, belle chanteuse mezzo-soprano, dont il s’est épris quelques mois auparavant. Il confie à son ami Tytus Woyciechowski : « Je viens peut-être pour mon malheur de rencontrer mon idéal. »
De la valse au concerto L’année 1829 marque le début de la grande production chopénienne : la Polonaise en fa mineur, où l’influence de Schubert n’est pas absente, la Valse en ré bémol majeur, la Valse en si mineur, qui révèle un peu de cette « affliction chopénienne » comme on dira plus tard, sans oublier la Valse en mi majeur.
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Valse voir Glossaire
1. Frédéric Chopin, Esquisses pour une méthode de piano, textes présentés par JeanJacques Eigeldinger, Flammarion,Paris, 1993.
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Mais, à Varsovie, on attend surtout l’œuvre ce sur quoi Chopin travaille : un concerto. C’est une œuvre réellement ambitieuse pour instrument soliste (piano) et orchestre. La première a lieu le 19 décembre 1829 : Chopin ne s’est pas encore fait entendre en Pologne. La presse est laudative et qualifie l’œuvre de « digne des meilleurs musiciens d’Europe ». C’est ainsi que naît le Concerto en fa mineur pour piano et orchestre opus 21. La partie soliste est très sollicitée et l’orchestre, quelque peu sacrifié, fait figure d’accompagnement. Chopin utilise le style brillant, d’une grande virtuosité et sa sensibilité commence à s’exprimer dans sa singularité : il fait preuve d’un esprit raffiné et subtil.
Chopin, vie et œuvre
Pour des raisons éditoriales, ce Concerto en fa mineur se voit attribuer l’appellation de Second Concerto, alors qu’il fut le premier composé. Il comprend trois mouvements : Maestoso, Larghetto et Allegro vivace. Le premier mouvement procède de toute évidence du chant, les phrases musicales se succédant les unes aux autres. Le deuxième mouvement est inspiré par l’amour de Chopin pour la cantatrice Konstancja Gladkowska : le piano se fait bel cantiste pour donner forme à un idéal féminin. Enfin, le dernier mouvement, quant à lui, évoque les danses populaires polonaises, s’achevant avec virtuosité et puissance.
Alors que Chopin n’a que vingt ans, la critique ne craint pas de le comparer à Mozart après l’audition de cette œuvre. Il se remet au travail pour son Concerto en mi mineur pour piano et orchestre opus 11, qui devient son Premier Concerto (selon l’ordre de publication). Sa muse n’est plus Konstancja Gladkowska, mais la célèbre cantatrice Henriette Sontag, qui a alors vingt-quatre ans. Chopin est subjugué et avoue qu’elle « ensorcelle tout le monde ». Il désire créer son œuvre à Varsovie ; ce qui advient le 15 septembre, dans des conditions d’exécution difficiles. Trois mouvements la composent : Allegro maestoso, Romanze : Larghetto, Rondo : Vivace. C’est un tel succès que les amis de Chopin le poussent à écrire un opéra. Mais lui, qui aime et connaît bien les voix, s’en tient à faire « chanter » le piano dans la ligne bel cantiste, alors que le succès d’un compositeur ne peut, à cette époque, être couronné que par le
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Concerto voir Glossaire
théâtre lyrique. Si Chopin n’écrit que fort peu pour la voix, il utilise, dans sa création, toutes les figures qui sont spécifiquement l’apanage de la virtuosité vocale.
Bel canto ou « beau chant » voir Glossaire
3. L’année de l’épanouissement (1829-1830)
Musique et politique Chopin compose peu d’œuvres vocales : dix-neuf mélodies en tout, uniquement sur des textes polonais dus à ses amis poètes qu’il fréquente depuis 1823. Ils appartiennent à la mouvance progressiste, admiratifs de Byron et de Schiller, et rêvent de secouer le joug russe. À Varsovie, Chopin écrit six mélodies sur des poèmes de Stefan Witwicki, les Chansons bucoliques, et met aussi en musique un poème de Mickiewicz. Adam Mickiewicz (1798-1855) Poète polonais, chef de file des opposants à l’oppression tsariste. Exilé, il devient, à Paris, le chef spirituel de l’émigration polonaise. Il enseigne, au Collège de France, la littérature slave.
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Ces premières mélodies déploient un style populaire fondé sur la musique de danse. Elles sont faciles à retenir, du moins quant à la musique, et ont un immense succès. Dans sa musique vocale, Chopin n’emploie pas les ressources du bel canto, qu’il réserve au piano, mais un art de « dire » proche de celui des conteurs, la voix s’en tenant le plus souvent au style du « récit ».
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1830 : une année « phare » Cette année précède l’insurrection polonaise. En France, elle met fin au règne de la branche aînée des Bourbons, à laquelle succède la branche cadette des Orléans avec Louis-Philippe qui se proclame « roi des Français ». La même année, Victor Hugo présente Hernani, à la Comédie-Française, ce qui déclenche une polémique esthétique. Hector Berlioz donne la Symphonie fantastique au Conservatoire. Tous les langages sont bouleversés et les formes bousculées au profit de l’expression et de la subjectivité, avec le retour au drame shakespearien où l’on mêle tous les genres pour arriver à la vraisemblance, au plus proche de la vie réelle.
Chopin, vie et œuvre
Les premiers Nocturnes En 1830, Chopin écrit ses premiers Nocturnes, ainsi que des œuvres de musique de chambre. Si ces pièces sont publiées plus tard (Trois Nocturnes, opus 15, en 1833), elles manifestent un tournant historique et politique qui marque autant l’œuvre de Chopin que celle de nombreux autres auteurs et compositeurs. La production musicale chopénienne n’est cependant pas altérée par la tourmente politique, même si le contexte de la création artistique et la réception que lui en fait le public sont considérablement bouleversés. Les Nocturnes évoquent une confidence à la fois sensuelle et retenue, d’une ligne sinueuse qui manifeste l’émotion de cette sensibilité exceptionnelle.
Nocturne voir Glossaire
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Musique de chambre voir Glossaire
Deuxième partie
Les voies de la gloire (1831-1844)
Chapitre 4
Interlude au centre de l’Europe (1830-1831)
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4. Interlude au centre de l’Europe (1830-1831)
Si Chopin sent la nécessité de partir à l’Ouest pour parfaire son talent et prendre des contacts directs avec les éditeurs de renom, il se résout difficilement à quitter la Pologne. Mais il doit se décider rapidement, car même si les insurrections éclatent de toute part (à Paris en juillet, en Belgique en août…), la situation est intenable à Varsovie. Avant son départ, il souhaite encore se faire entendre en Pologne, ce qu’il fait sous la forme d’un concert d’adieu. Il donne, pour la seconde fois, son Concerto en mi mineur, et, aidé de son père, il fuit les événements violents qui s’annoncent. Il doit alors se séparer des personnes qui ont jalonné sa vie jusque-là : sa famille, Konstancja Gladkowska, Elsner et tant d’autres. Son ami Tytus l’accompagnera pendant plusieurs mois, ce qui l’encourage pour cette aventure angoissante. En effet, Frédéric ne sait pas de quoi il va vivre ni si son art s’imposera ou non. Il part le 2 novembre 1830 pour gagner Vienne par Breslau et Dresde.
Le départ pour Vienne Chopin quitte Varsovie en musique, accompagné d’une chanson écrite par Ludwik Dmuszewski, rédacteur en chef du Courrier de Varsovie : « Né en terre polonaise,
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Que son talent soit fameux partout ; De la Spree, du Tibre ou de la Seine,
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Que selon la coutume polonaise, La mazur et la krakowiak aimées Soient chantées Sur tes mélodies bouleversantes Qui exaltent notre pays… »
À l’étape de Breslau, Chopin joue un extrait de son opus 11. Il écrit à ses parents :
Chopin, vie et œuvre
« L’un des connaisseurs de Breslau s’approcha de moi et loua la nouveauté de la forme en disant qu’il n’avait jamais rien entendu de pareil… »
Déjà, c’est le compositeur qui prend la première place chez Frédéric : son talent de pianiste reste pour lui secondaire. À Dresde, il ne donne aucun concert public, faute de salle ! Fin novembre, Chopin retourne à Vienne ; il y revoit ses amis, ainsi que son éditeur, Haslinger, toujours réservé à son égard. Frédéric en profite également pour se rendre au concert et à l’Opéra où il entend des pièces de Mozart, Rossini et Auber. Au même moment, une insurrection terrible éclate à Varsovie, dont la nouvelle arrive peu après à Vienne. Frédéric et son ami Tytus veulent rentrer en Pologne, mais ce dernier convainc Chopin de demeurer seul à Vienne, où il peut devenir la figure emblématique de son pays. À Varsovie, le prince Adam Czartoryski a accepté la présidence d’un gouvernement indépendant de la Russie, mais les tensions s’exaspèrent très rapidement : des querelles violentes se manifestent entre les diverses tendances politiques. Durant ces conflits, on chante des textes de circonstance sur la musique de Chopin.
Ministre, entre 1802 et 1806, du tsar Alexandre Ier, il croit pouvoir reconstituer la Pologne mais, après sa brève présidence du gouvernement provisoire en 1830-1831, il est condamné à mort par le tsar Nicolas Ier. Il s’exile alors en France, d’où il continue à mener la lutte pour l’indépendance de son pays.
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Adam Jerzy Czartoryski (1770-1861)
Si son talent et sa solitude attirent à Chopin une certaine bienveillance, les Viennois sont néanmoins partisans du tsar, ce qui le met dans une position délicate et même inconfortable. En effet, il entend, dans les lieux publics, des réflexions hostiles à ses compatriotes, telles que : « La Pologne, c’est le vide » ou « Quelle gaffe du bon Dieu, ces Polonais ! »
4. Interlude au centre de l’Europe (1830-1831)
Une production intense Dans ce douloureux état d’esprit, Chopin écrit la Polonaise en sol bémol majeur, poursuit la tâche entreprise à Varsovie pour concevoir la Grande Polonaise brillante en mi bémol majeur – qu’il termine à Paris – et achève un recueil de 12 Études, les Mazurkas opus 7, tout cela dans son petit logement du Kohlmarkt (le Marché aux Choux). Son style évolue et il exploite maintenant la dissonance, qui donne à ses œuvres un caractère exotique et inattendu.
Dissonance voir Glossaire
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L’influence de l’histoire polonaise Ému par les événements dramatiques que connaît la Pologne, Chopin reprend le recueil de poésie de Witwicki pour en choisir deux textes tragiques : Smutna Rzeka (Fleuve triste) et Narzeczony (Fiancé). L’affliction la plus grande est traduite aussi bien dans les vers que par l’écriture de Frédéric. Tout en restant fidèle à un style appartenant au fonds folklorique des campagnes polonaises, il en élargit la palette sonore par des audaces harmoniques très travaillées. Chopin n’a malheureusement pas exploité davantage la mélodie, où il semble exceller, à l’image des grands maîtres, comme Schubert (1797-1828), Schumann (1810-1856) ou Hugo Wolf (1860-1903). Enfin, une troisième mélodie rappelle certains Lieder de Schubert et vient politiquement manifester l’opposition au pouvoir russe, car la Lituanie tente, elle aussi, de secouer le joug tsariste : Chanson lituanienne lui permet de diversifier son écriture vocale et pianistique dans l’esprit de la musique de chambre, union de la voix et d’un instrument (le plus souvent le piano). Les paroles de cette
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chanson sont fortes de symboles : on y remarque un érotisme non déguisé. « La conversation (avec l’amoureux) fut brève Mais humide était la couronne (de la jeune fille). »
Dans le même esprit, Chopin compose, fin 1830, la Valse en la mineur. Loin de sa famille, il fête Noël chez des amis, se rend à la cathédrale Saint-Étienne et écrit :
Chopin, vie et œuvre
« Une harmonie lugubre s’éleva en moi… Plus que jamais je ressentis ma solitude. Je m’abreuvais avec délice à la source d’émotion qu’était pour moi cette vision grandiose (l’architecture gothique de la cathédrale). »
Un nouvel élan de composition On dit que cette méditation dans la cathédrale de Vienne inspire à Chopin le Scherzo en si mineur, opus 20. Il relève d’une facture nouvelle sous la plume du compositeur, empreinte d’un ton tragique encore insoupçonné.
Scherzo voir Glossaire
Chopin esquisse ensuite les Nocturnes opus 15 pour, à la fin de 1830, composer une œuvre proche du Nocturne, le Lento con gran espressione en ut dièse mineur, fraîche réminiscence, non exempte de nostalgie, de la vie polonaise. Cependant, il ne publiera jamais cette pièce, pourtant véritable respiration, nécessaire à l’apnée dramatique des événements récents.
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À la lecture des œuvres de Mickiewicz, Chopin explore une nouvelle forme : la Ballade (cf. CD plage 1), qui répond à l’imagination du temps, fortement marquée par le fantastique, voire l’épouvante. Si les Études ont à l’origine un but purement pianistique, technique et pédagogique, la Ballade est narrative : à l’auditeur d’imaginer les scènes évoquées, selon les diverses interprétations des pianistes !
La fin du séjour viennois
4. Interlude au centre de l’Europe (1830-1831)
La ville des Habsbourg devient difficilement supportable pour un Polonais épris de son pays et de sa liberté. En revanche, et à juste titre, Paris lui semble prospère au lendemain des journées révolutionnaires de 1830. Frédéric est aussi tenté de partir pour l’Italie, mais les troubles politiques, organisés par le mouvement Jeune-Italie, porteur d’idées républicaines, le découragent. Tardant pourtant à quitter Vienne, il y rencontre Johann Nepomuk Hummel (1778-1837), l’élève de Mozart, ainsi que son disciple Sigismund Thalberg (1812-1871), pianiste prodigieux que le monde entier admire. Mais Chopin ne supporte pas les éternelles concessions que celui-ci accorde au public et à la mode. Longtemps absent de la scène, Chopin donne enfin un concert à Vienne au mois de juin 1831, avec un extrait de son Concerto en mi mineur, au milieu d’un programme très éclectique, selon la coutume de l’époque où l’on entend rarement une œuvre dans son intégralité. Par exemple, un concert viennois de 1831 s’articule ainsi : un ballet, une ouverture d’opéra, un mouvement de concerto, un quatuor vocal, et ensuite, les autres mouvements du même concerto… Lors de ce concert de juin 1831, Chopin est largement salué par le public, en tant que compositeur et interprète. Un critique va jusqu’à écrire : « Celui qui conçoit aussi noblement l’art véritable mérite un véritable respect. » Un nouvel éditeur, Pietro Mechetti, achète deux œuvres, tandis que Haslinger et d’autres le boudent. Le 20 juillet, Chopin quitte enfin Vienne.
En route vers Paris
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Avant de se rendre en France, Frédéric passe par Salzbourg puis par Munich, où il connaît un accueil enthousiaste. Soudain, à Stuttgart, Chopin traverse une crise existentielle où l’obsèdent la mort et la tristesse d’être loin des siens. À l’annonce de la capitulation de Varsovie, il est désespéré et le souvenir de Konstancja ne fait qu’attiser sa détresse.
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En septembre 1831, Chopin arrive à Paris, riche déjà d’une belle réputation de pianiste. Il y fait entendre des œuvres essentielles déjà rencontrées par l’auditoire. La plus significative d’entre elles est le recueil des 12 Études opus 10, presque achevé. C’est à Paris que ces Études prennent leur sens, car Chopin y vit des leçons dispensées aussi bien à des amateurs éclairés, qui ne se produisent pas sur scène pour des raisons de convenances, qu’à des virtuoses qui laissent un nom dans l’histoire de l’interprétation pianistique.
Étude voir Glossaire
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Chopin, vie et œuvre
Chopin accomplit en France un parcours qui donne une couleur nouvelle au monde pianistique : il fait évoluer la technique, livre des compositions très originales et dispense un enseignement comme on l’a peu fait auparavant. Rassuré par ce retour sur la terre de ses ancêtres paternels, il « mûrit » alors son œuvre.
Chapitre 5
Paris (1831-1833)
5.
5. Paris (1831-1833)
Le Congrès de Vienne (1815) a remodelé l’Europe après la chute de Napoléon Ier. La France et la Belgique entretiennent un climat de révolte contre l’ordre instauré par les Alliés, ennemis de la France. La Pologne, de son côté, se voit de plus en plus « russifiée ». Le 29 novembre 1830, l’insurrection de Varsovie commence. Le grand-duc Constantin, frère du tsar et maître du pays, s’enfuit avec un régiment polonais, qui, bientôt, l’abandonne, et rejoint les insurgés. La Pologne se croit alors reconstituée et libre. Un gouvernement autonome se met en place sous la présidence du prince Adam Czartoryski mais ne résiste pas aux dissensions internes : la Russie veut en finir avec la Pologne. Le général Chlopicki renonce à la dictature et délègue le pouvoir à Czartoryski et Lelewel. Le tsar Nicolas Ier envoie ses troupes pour écraser les Polonais, mais c’est un échec. Le 25 janvier 1831, la Diète polonaise (Assemblée où l’on règle les affaires politiques ; du latin dies/ jour ; ce terme appartient à certains pays de l’Europe centrale ou du Nord) proclame l’indépendance de la Pologne. Cependant Varsovie tombe le 8 septembre 1831 : les combats sont acharnés sur les barricades dans la ville même. La Pologne connaît alors une grande vague d’émigration, surtout vers Paris qui bénéficie de l’apport de cette intelligentsia.
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Le « climat » de Paris À son arrivée en France, Chopin est ébloui par l’activité culturelle foisonnante de Paris et par son magnifique Opéra.
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L’Opéra national de Paris Nommé à l’époque « Académie royale de Musique », l’Opéra de Paris est situé rue Le Peletier, en 1831. On y utilise l’éclairage au gaz pour des effets de mise en scène. Aujourd’hui, l’Opéra national de Paris se partage en deux salles : le Palais Garnier, de 1875, et l’Opéra-Bastille, inauguré en 1989 par François Mitterrand, afin de rendre l’opéra « moderne et populaire ».
Chopin, vie et œuvre
Le théâtre lyrique accapare la faveur du public parisien amateur de musique ; il en est de même pour le théâtre dramatique qui règne en maître sur la littérature. Victor Hugo (1802-1885) impose à la scène de nouvelles règles qui font voler en éclat les trois unités du théâtre classique (temps, lieu et action) avec Hernani et Marion Delorme, tandis qu’Alfred de Musset (1810-1857) et Théophile Gautier (1811-1872) commencent à peine leur carrière littéraire. À cette époque, de nombreux Allemands viennent s’établir à Paris, aussi bien dans des échoppes de cordonniers que dans d’élégants magasins de mode. L’opérette d’Offenbach, lui-même venu de Cologne, La Vie parisienne, évoque la présence de ces artisans venus de l’Est. Le poète Heinrich Heine (1797-1856) s’installe à Paris en 1831, la même année que Chopin, et adopte la langue française pour écrire une partie de son œuvre. La peinture est alors dominée par Eugène Delacroix, que Chopin rencontre en 1836, tandis qu’en musique, c’est Hector Berlioz (1803-1869) qui, en 1830, s’impose par son inattendue Symphonie fantastique. Chopin s’installe boulevard Poissonnière, non loin de l’Opéra et du quartier où sont implantés de nombreux théâtres ; il se lie immédiatement avec l’émigration polonaise. Grâce à ces nouvelles rencontres, il fait le deuil de son histoire de jeunesse avec Konstancja. Dans cette effervescence, il écrit à son ami Tytus Woyciechowski et se moque des Français, oubliant la solidarité que ceux-ci manifestent pour les malheurs de la Pologne.
Les concerts sont nombreux dans la salle du Conservatoire, située, à l’époque, rue Bergère, dans le IXe arrondissement de Paris. Berlioz y a
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La vie musicale
créé sa Symphonie fantastique et Habeneck assure des saisons consacrées à des œuvres instrumentales. Chopin entend ainsi les symphonies de Beethoven, Mendelssohn… Les grands virtuoses se produisent à Paris : Chopin y retrouve Paganini et rencontre le pianiste allemand Friedrich Kalkbrenner, lui aussi installé dans la capitale française. Ce dernier propose à Chopin de lui donner des cours gratuitement. Flatté de cette approche, Chopin n’y donne pourtant pas suite, ce qui n’empêche pas les deux pianistes de demeurer amis. François Antoine Habeneck (1781-1849)
5. Paris (1831-1833)
Violoniste et chef d’orchestre, François Antoine Habeneck fut nommé directeur de la Société des concerts du Conservatoire en 1828. Il avait créé en France la Première Symphonie de Beethoven qu’il admirait, en 1815, ouvrit la première saison des Concerts du Conservatoire avec sa Symphonie héroïque (IIIe). Il donna fréquemment les neuf symphonies du maître jusqu’en 1848. Il dirigea la première aux Invalides du Requiem (Grande Messe des Morts) de Berlioz, en 1837.
L’entourage de Chopin l’encourage à écrire un opéra, ambition nécessaire à l’époque pour être reconnu comme compositeur à part entière. Paradoxalement, malgré son admiration pour l’art lyrique et l’utilisation qu’il fait toujours du langage belcantiste, Chopin accorde sa préférence au piano dont il continue à explorer toutes les ressources. Le piano au XIXe siècle
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Au XIXe siècle, cet instrument connaît une transformation qui l’amène à son état actuel. Érard et Pleyel, deux Français, en sont l’origine. Érard invente le « double échappement » en 1822, et Pleyel l’utilise aussitôt. Ce changement technique révolutionne l’écriture pianistique, car ce mécanisme permet de frapper la note autant de fois et aussi rapidement qu’on le souhaite, avec la possibilité de la répéter tout en en variant la couleur. Les musiciens peuvent donc développer de nombreuses figures imaginatives et faire preuve d’une virtuosité encore plus brillante.
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Paris, carrefour des arts En 1831, Félix Mendelssohn-Bartholdy séjourne à Paris. Il y rencontre Chopin : la sympathie qui s’installe entre les deux hommes repose davantage sur des centres d’intérêt communs que sur une estime réciproque de compositeur à compositeur. Il en va de même pour Ferdinand Hiller, élève de Hummel, dont Chopin apprécie plus la personnalité que la musique. La seule rencontre fondée à la fois sur la richesse des rapports humains et sur l’admiration artistique est celle de Chopin avec Liszt.
Chopin, vie et œuvre
Liszt est séduit par les Études de Chopin opus 10. Mais il doit les travailler avec une extrême application pour arriver à les jouer, alors qu’habituellement il déchiffre à la première lecture (a prima vista). Ces Études ont une parenté certaine avec le Clavier bien tempéré de JeanSébastien Bach (1742), mais utilisent toute l’étendue du clavier et les nouvelles possibilités d’expression que permet la facture du piano en ce début du XIXe siècle. Écrites en 1829 et 1830, elles sont publiées en France en 1833. Chopin rencontre ensuite Auguste Franchomme (1808-1884), violoncelliste de haut rang, et compose, pour ce nouvel ami et lui-même, un « pot-pourri » sur les thèmes d’un opéra de Meyerbeer, Robert le Diable, créé en 1831, à la demande de l’éditeur Schlesinger.
Un compositeur reconnu Le premier concert en France
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Kalkbrenner et d’autres amis demandent à Ignace Pleyel la salle de concerts qu’il possède rue Cadet, dans le IXe arrondissement de Paris, pour Chopin. Après diverses vicissitudes, le concert a lieu en février 1832. Le programme y mêle des œuvres de Beethoven, des œuvres vocales diverses, le Concerto en mineur, des Nocturnes, Mazurkas et les Variations sur un thème de Don Juan de Mozart, tout cela de Chopin, qu’il interprète lui-même, ainsi que des œuvres pianistiques d’autres compositeurs.
Si la critique émet quelques réserves, elle est en général favorable au jeune auteur. Toutefois, on remarque avec étonnement le peu de puissance de son jeu et son goût pour la demi-teinte. Chopin ne recherche pas l’effet, mais n’atténue pas pour autant la dynamique sonore, la palette des nuances. Ceux qui l’ont entendu soulignent cette technique tout à fait personnelle.
Une grande finesse de jeu
5. Paris (1831-1833)
Chopin souhaite se produire dans un cadre moins confidentiel que la salle de la rue Cadet. Il envoie alors une demande pour donner un concert dans le cadre prestigieux de la Société des Concerts du Conservatoire : il essuie un refus. Cependant, il se produit tout de même dans la salle du Conservatoire, rue Bergère : il y joue, sous la direction de Habeneck, un extrait du Concerto en mi mineur pour un concert de bienfaisance. On constate que la finesse de son jeu s’impose difficilement au milieu de l’orchestre et son embarras à atteindre le public dans une grande salle.
Les débuts de la célébrité Les concerts rapportent à Chopin quelque argent, de même que les éditions de ses œuvres. Mais ce sont surtout les leçons de piano qui lui permettent d’obtenir une indépendance financière inconnue jusque-là. Les familles d’exilés polonais lui fournissent ses premiers élèves : les Platter, les Komar, par exemple. Son élève Delphine Potocka, née Komar, devient dès lors une grande amie et le suivra jusqu’à sa mort : elle chantera pour adoucir l’agonie de Chopin à la demande de celui-ci.
Mazurkas opus 17
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La Pologne martyre inspire à Chopin ses Quatre Mazurkas opus 17. Il écrit cinquante-cinq pièces de cette forme au cours de sa vie. Jean-Jacques Eigeldinger, le grand spécialiste de Chopin, cite Schumann (1836):
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« Si le puissant monarque autocrate du Nord (Nicolas Ier) savait quel dangereux ennemi le menace dans les œuvres de Chopin, dans les simples mélodies de ses Mazurkas, il en interdirait la musique. Les œuvres de Chopin sont des canons dissimulés sous des fleurs. »
Polonaises opus 26
Chopin, vie et œuvre
L’opus 26 est constituées de deux Polonaises : la première, en ut dièse mineur, la seconde en mi bémol mineur, l’une et l’autre d’un caractère très dramatique. Elles traduisent la douleur de l’exil des Polonais réfugiés à Paris et leurs pensées proches de ceux demeurés en Pologne sous le joug russe.
Dièses & bémols voir Glossaire
La répression russe en Pologne est féroce : exécutions, déportations, suppression de tout ce qui pourrait donner à ce pays un statut d’État indépendant. Le tsar est roi de Pologne, tandis que le général russe Paskevitch, qui a écrasé Varsovie, est devenu prince de cette ville. Chopin est désormais le chantre des douleurs polonaises en France, l’alliée historique de la Pologne, pays slave catholique qui utilise l’alphabet latin. Les membres de l’éphémère État indépendant (le prince Czartoryski et les autres grands personnages condamnés à mort par contumace par les vainqueurs) deviennent, à Paris, les amis de Frédéric Chopin, qui retrouve aussi Stefan Witwicki, son ami poète. Paris devient le centre de la culture polonaise broyée par le tsar.
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Chopin est l’un des fondateurs de la « Société littéraire polonaise ». Il trouve au milieu des siens la chaleur qui cimente les minorités. Il est fortement soutenu par un groupe qui a trouvé sa cohésion dans l’épreuve et sa raison d’être dans l’histoire de la Pologne et l’avenir qu’il lui prépare.
L’enseignement Les amis polonais de Chopin ainsi que Liszt l’introduisent auprès des grandes familles parisiennes de riches industriels dont Chopin connaît depuis toujours le langage et les manières. Dans ces milieux fortunés, il apparaît non seulement comme un grand pianiste, un compositeur reconnu, mais aussi un ami reçu et écouté. Il se met volontiers au piano dans ces cercles qu’il préfère au cérémonial des concerts. Par l’intermédiaire de son amie la comtesse Marie d’Agoult, maîtresse de Liszt, ellemême écrivain sous le pseudonyme de Daniel Stern, il rencontre les célébrités musicales et littéraires qui se trouvent à Paris.
5. Paris (1831-1833)
Un enseignement fondé sur une observation physiologique La pédagogie de Chopin est fondée sur la position naturelle de la main, sur sa configuration anatomique, telle qu’il la présente dans son Esquisse pour une méthode de piano : « On commence par une (gamme) qui place la main facilement, occupant les doigts longs avec les touches hautes (les noires), comme par exemple si majeur (cinq dièses à la clef). »
Une remarque de Mme von Gretsch, permet de mesurer l’importance de la dimension psychologique dans l’apprentissage et l’exécution de la musique :
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« Pour m’encourager, il [Chopin] me dit entre autres : “Il me semble que vous n’osez pas vous exprimer comme vous le ressentez. Plus de hardiesse, plus de laisser-aller […]. Ayez pleine confiance en vous ; ayez la volonté de chanter comme Rubini, et vous y réussirez. Oubliez qu’on vous écoute et écoutez-vous toujours vous-même…” »
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Chopin met en valeur les qualités propres de l’élève et non la supériorité (quelquefois provisoire) du professeur. Le domaine des émotions est en effet subjectif, car il reflète l’intériorité, voire le domaine de l’Inconscient tel que l’explorent les psychanalystes. Chopin est un pédagogue qui adapte son enseignement à chacun et non un dispensateur de « recettes ». Son hypersensibilité est à coup sûr la raison de cette ouverture d’esprit, qui le prédispose plus à l’empathie qu’à l’autorité aveugle du professeur.
Un modèle d’interprétation : les chanteurs
Chopin, vie et œuvre
Le modèle d’interprétation demeure pour Chopin celui qu’offrent les chanteurs. Selon Chopin, il appartient à la voix de créer une émotion qui repose sur le fondement même de la vie, le souffle, l’élan vital qui porte le mot mis en musique. Chopin signe un contrat avec un grand éditeur, Schlesinger, qui commence à faire paraître ses œuvres en 1833. Les numéros d’opus ne s’enchaînent nullement suivant l’ordre chronologique des compositions, mais selon une logique éditoriale de rentabilité. Les œuvres pour orchestre sont remises à plus tard, après l’exploitation des œuvres de musique de chambre. Ces publications sont généralement destinées à un dédicataire : pour les Études opus 10, Liszt en est le bénéficiaire. L’édition musicale
C’est à cette époque que le Concerto en mi mineur est publié sous l’étiquette de Concerto n˚ 1 opus 11 alors qu’il a été composé par Chopin en seconde position, mais il a l’avantage d’avoir été joué à Paris, donc
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Elle tient un rôle prépondérant dans la création musicale et la diffusion des œuvres. Au début du XVIe siècle, l’Italien Petrucci invente, à Venise, la typographie musicale. Tous les pays d’Europe suivent, au fil des siècles, cet esprit. Quelques maisons d’édition musicales demeurent célèbres : Schlesinger, fondée à Berlin en 1795, Breitkopf et Härtel, à Leipzig en 1719. Les compositeurs, à l’image des écrivains, ont laissé une importante correspondance qui relate leurs relations avec leurs éditeurs, pour souvent le meilleur et parfois le pire.
d’être connu du grand public. Le Concerto en fa mineur, premier composé, paraît plus tard selon les débouchés qu’en voit Schlesinger : ce sera l’opus 21, publié en 1836.
La critique des maîtres Le fait d’être publié permet à chacun d’acheter les œuvres de Chopin et à la critique de réagir sur elles. C’est ainsi que Robert Schumann n’hésite pas à écrire que Chopin est un génie. Mais cet enthousiasme n’est pas unanime : Mendelssohn trouve que Chopin est « maniéré » ; le critique et poète Ludwig Rellstab, que Schubert a souvent mis en musique, ne l’épargne pas. Il écrit :
5. Paris (1831-1833)
« Dans ses danses, il assouvit son désir passionné d’écrire de manière raffinée et artificielle, jusqu’à l’outrance et la nausée1. »
Nouvel arrivé dans la vie de Chopin, Berlioz (Prix de Rome en 1830) se lie d’amitié avec lui et lui fait rencontrer le milieu littéraire français, notamment Alfred de Vigny. Frédéric déménage à nouveau et s’installe au 5 de la rue de la Chausséed’Antin, en colocation avec un ami médecin polonais, Aleksander Hoffmann. Puis Vincenzo Bellini, compositeur italien très apprécié, arrive à Paris. Chopin se lie d’amitié avec l’Italien, sous le signe de tous les raffinements du bel canto.
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Le 15 décembre 1833, Chopin participe à un concert à la Société des Concerts du Conservatoire pour jouer un mouvement du Concerto en ré mineur de Jean-Sébastien Bach, pour trois pianos. Ses partenaires sont Hiller et Liszt. Berlioz, qui déteste Bach, écrit alors une critique disant qu’il est « déchirant de voir trois talents étonnants, pleins d’énergie, éclatants de jeunesse et de vie, réunis pour exécuter cette psalmodie inepte et ridicule ». C’est sans doute la raison pour laquelle la renaissance de Bach, en France, vient bien plus tard, alors qu’elle commence déjà en Allemagne sous l’influence de Mendelssohn. 1. Cité par Tadeusz Zielinski in Frédéric Chopin, Fayard, Paris, 1995.
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Chopin, vie et œuvre
Entre-temps, Chopin compose une œuvre ambitieuse, la FantaisieImpromptu en ut dièse mineur, audacieuse surtout sur le plan rythmique : à la main droite le rythme binaire, à la main gauche le rythme ternaire. Les deux mains font alliance seulement à la fin de l’œuvre, en optant toutes deux pour le rythme binaire.
Chapitre 6
Maria (1834-1837)
6.
6. Maria (1834-1837)
Un ami de toujours rejoint Chopin et l’émigration polonaise à Paris, Jan Matuszynski : camarade d’école de Frédéric, médecin durant l’insurrection polonaise, il fuit la Pologne russifiée malgré elle pour s’installer à Tübingen, en Allemagne, y obtient son doctorat et gagne Paris où il cohabite avec Chopin. Ce dernier, au printemps 1834, se rend avec son ami Hiller, pianiste et compositeur, au festival d’Aix-la-Chapelle dont Mendelssohn est le directeur : ils y entendent des œuvres de Haendel, Mozart et Beethoven. Après être passés par Düsseldorf et Coblence, ils reviennent à Paris : c’est à ce moment que Chopin doit prendre la décision de retourner en Pologne pour se soumettre au tsar ou d’y renoncer pour demeurer un émigré.
De nouveaux horizons La Ballade La Ballade en sol mineur opus 23, première pièce pianistique à porter ce nom dans l’histoire de la musique, demande à Chopin un travail de longue haleine : commencée en 1831, elle est achevée en 1834 et paraît en 1836. Elle présente une suite de thèmes expressifs, de la majesté rythmique et mélodique au ricanement sardonique de la conclusion.
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Ballade voir Glossaire
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Le festival d’Aix-la-Chapelle Lors de son voyage à Aix-la-Chapelle, Chopin assiste au festival qui est donné tous les ans au moment de la Pentecôte. En 1834, Mendelssohn y présente l’oratorio de Haendel, Israël en Egypte (1738), une redécouverte, un événement musical de première importance car, à l’époque, cette musique « ancienne » est complètement passée de mode. De retour à Paris, Chopin choisit d’adopter le statut d’émigré, ce qui lui ferme définitivement les frontières de la Pologne. Mais il reste ainsi fidèle à ses amis, protecteurs et élèves : Czartoryski, Plater, Jan Matuszynski… À Paris, il sait qu’il peut mener à bien sa vocation de créateur.
Chopin, vie et œuvre
Chopin compose à cette époque les Quatre Mazurkas opus 24 qui paraissent en 1836. On y remarque des emprunts au folklore, une grande richesse harmonique et un caractère général sobre, délicat, triste et profond.
Second Concerto en fa mineur
Pourtant, en avril 1835, Habeneck appelle Chopin pour le concert de clôture de la saison. Il interprète la Grande Polonaise en mi bémol majeur, sa dernière œuvre, le programme comptant des œuvres de Beethoven et le Lied de Schubert le Roi des Aulnes (poème de Goethe), chanté par Nourrit. Le public est cette fois réceptif à son art, mais cela est insuffisant pour que Chopin ne décide pas de s’éloigner des salles de concerts.
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Chopin se produit régulièrement durant la saison 1834-1835. Berlioz organise un concert, en décembre 1834, au Conservatoire, où Chopin peut enfin jouer un mouvement de son Concerto en fa mineur. La critique l’accueille sans enthousiasme mais sans hostilité, manifestant presque de la condescendance, voire de la perfidie à son égard ; elle lui préfère clairement les éclats berlioziens. Chopin paraît encore plusieurs fois en tant qu’interprète, jouant des œuvres de Liszt et d’autres compositeurs. Il décide ensuite de la partie musicale d’un concert organisé au profit des émigrés polonais. Le concert fait recette mais le public accueille froidement le Concerto en mi mineur que Chopin y présente. Une nouvelle fois, le public prouve son incompréhension pour cet art délicat que Chopin impose dans ses œuvres.
Adolphe Nourrit (1802-1839)
6. Maria (1834-1837)
Ténor français de grand talent, élève du ténor Manuel Garcia, qui fut l’ami de Rossini, le père des cantatrices légendaires Maria Malibran et Pauline Viardot, et du baryton Manuel Garcia II, auteur d’un Traité complet de l’Art du Chant (1850), ouvrage sans rival à ce jour. On louait le raffinement des interprétations de Nourrit tant au théâtre que pour son art d’interpréter mélodies et Lieder. Il connut un rival en France, le ténor Gilbert-Louis Duprez (1806-1896), qui lança la mode des aigus chantés à pleine voix (urlo francese, le « hurlement français » comme le disaient les Italiens). Cela nuisit à Nourrit qui tenta de redonner vie à sa carrière en Italie. Mais la censure l’empêcha de créer un opéra de Donizetti auquel il tenait (Poliuto/Polyeucte), ce qui l’amena à mettre fin à ses jours au cours d’une crise de désespoir. Le style de Nourrit, qui relayait l’art de Manuel Garcia, se perpétua difficilement. Il y eut deux ténors français, retirés à ce jour, qui y excellèrent : Michel Sénéchal, né en 1927, et Charles Burles, de dix ans son cadet.
Études opus 25 Ces douze Études sont dédiées à Marie d’Agoult ; elles viennent compléter la démonstration de la maîtrise technique chopénienne. Certaines phrases ne manqueront pas d’inspirer Scriabine car le langage de Chopin s’inscrit dans la spirale de l’avenir. Le médecin de Chopin lui prescrit une cure durant l’été 1835 pour soulager sa santé fragile, à Enghien, station thermale que fréquente aussi Delphine Potocka dont il devient l’ami. De nombreux Polonais habitent Montmorency, ville proche de Paris qui jouxte Enghien. Le marquis de Custine, esthète raffiné, possède le château de Saint-Gratien, autre ville qui jouxte Enghien : il est l’ami de Chopin, que sa cure n’isole point de ses familiers ou de ses admirateurs bien qu’éloigné de Paris d’une dizaine de kilomètres.
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Le « repos » de Carlsbad La station thermale de Carlsbad, en Bohême, est très célèbre. Chopin, ayant appris que sa famille a décidé d’y faire un séjour, laisse Enghien et son lac pour se rendre à Carlsbad au milieu du mois d’août. Il y retrouve
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ses parents, qu’il a quittés avant les terribles événements de Varsovie, et passe plus de trois semaines avec eux : l’adieu est tendrement émouvant. Puis Chopin prend le chemin de Dresde pour y retrouver la famille Wodzinski qu’il fréquentait assidûment à Varsovie pour être allé au lycée avec les fils, frères de Maria Wodzinska, dont le poète Slowacki exalte la beauté. Mais Maria rêve du musicien lointain et adulé, Frédéric Chopin. Elle a seize ans et possède un charme qui ne peut que toucher Frédéric.
La Valse en la bémol majeur opus 69 n˚1
Chopin, vie et œuvre
Chopin compose pour Maria Wodzinska la Valse en la bémol majeur opus 69 n˚ 1, œuvre d’une émotion contenue, comme peut le ressentir un jeune homme épris et timide. Mais Chopin doit rentrer à Paris ; il ne manque toutefois pas de passer par Leipzig, où Mendelssohn a pris la direction du prestigieux Gewandhaus (1835), salle et orchestre de tout premier plan. Mendelssohn écrit à sa sœur Fanny, compositeur ellemême, ces lignes : « Il me fut agréable de me retrouver avec un véritable musicien éloigné de ces demi-virtuoses à moitié classiques qui veulent assembler dans leurs productions vertu digne et péchés voluptueux. J’étais avec un musicien conscient du but qu’il poursuit. Même si ce but est diamétralement opposé au mien, nous pouvons nous comprendre, ce qui est impossible avec ceux qui manquent de détermination. »
De retour à Paris, le sentiment de Chopin pour Maria Wodzinska ne cesse de grandir, attisé par les lettres qu’elle envoie au jeune homme, en français, où transparaît un fort sentiment exprimé avec la pudeur qui convient.
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Mendelssohn emmène Chopin chez le futur beau-père de Schumann, Friedrich Wieck. Les Wieck, père et fille, ainsi que Schumann sont enthousiasmés de cette rencontre durant laquelle la jeune Clara Wieck joue des œuvres de Chopin et de Schumann : Frédéric admire cette virtuose de seize ans.
Les premiers symptômes de la maladie Ce voyage à l’Est a été exténuant pour Chopin. À son retour, il tombe malade à Heidelberg puis, lorsqu’il rentre à Paris, souffre d’une pneumonie, en cette fin d’année 1835 si importante pour son œuvre. Frédéric est très sollicité aussi bien par les salons aristocratiques et érudits que pour les fêtes de charité en faveur des réfugiés polonais, alors qu’il lui faudrait du repos plutôt que les atmosphères confinées des salons citadins.
6. Maria (1834-1837)
Les premiers signes de la maladie mortelle dont il est atteint arrivent alors qu’il vit un amour platonique avec Maria Wodzinska, amour fécond pour l’imagination. Il crée ainsi les deux Nocturnes opus 27, en ut dièse mineur pour le premier et ré bémol majeur pour le second. Malgré sa santé préoccupante, Chopin est en pleine possession de son langage inimitable où le chant se déploie dans des phrases d’une invention infinie. Le drame du premier Nocturne se résout avec la gaieté méditative du second.
Les retrouvailles Au cours de l’été 1836, malgré sa fatigue qui persiste depuis 1835, Chopin refuse toutes les invitations qui se présentent à lui, n’ayant en tête que les retrouvailles avec Maria Wodzinska. Il est gai, provoquant les rires autour de lui avec ses imitations et ses plaisanteries. Lors d’une soirée organisée par Liszt, de passage à Paris, il rencontre Eugène Delacroix avec lequel il noue une amitié qui ne se démentira jamais.
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L’arrivée à Marienbad Les dames Wodzinska arrivent en juillet à Marienbad, peu de temps avant Chopin. Le piano se trouve toujours au centre des conversations entre Frédéric et Maria, qui a appris certaines œuvres de Chopin. Elle exerce aussi sur lui ses talents de portraitiste et le peint à l’aquarelle, traduisant l’expression mûre et grave qui émane de son visage. Tout ce qui n’est pas Maria laisse Frédéric indifférent, même la présence d’amis qui lui ont toujours témoigné admiration et fidélité. Chopin demande la
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main de la jeune fille à sa mère Teresa, qui ne la lui refuse pas, mais la mauvaise santé déjà bien perceptible de Chopin ne joue pas en sa faveur. L’expression « Heure grise » est un code que les dames Wodzinska et Chopin emploient à propos de la conversation durant laquelle Chopin a demandé la main de Maria à Teresa, en septembre 1836. Rentré à Paris, Frédéric reçoit une lettre de Teresa Wodzinska lui recommandant de mener une vie moins trépidante. Mais Chopin n’en a cure. Il déménage de nouveau pour un autre appartement, toujours rue de la Chausséed’Antin, au 38, cette fois.
Chopin, vie et œuvre
Une rencontre annonciatrice Liszt, à son retour de Suisse, s’installe rue Laffitte, à Paris, où il organise maintes réceptions, toujours en compagnie de la comtesse d’Agoult. Au cours de l’une d’elles, il invite George Sand, dont Chopin fait la connaissance à cette occasion. Chopin invite bientôt George chez lui pour un dîner avec Liszt et Marie d’Agoult. Frédéric est alors aimé et célèbre ; ses œuvres sont régulièrement publiées. Il est très heureux : il mène la vie qu’il apprécie avec ses amis artistes, français et polonais, donne des leçons à des élèves talentueux et respectueux. De plus, la critique lui devient de plus en plus favorable et ses ennemis du passé, comme Rellstab à Berlin, commencent à entrer dans son univers, à accepter la nouveauté de son écriture.
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Les Quatre Mazurkas opus 30 marquent cette période par leur originalité, ainsi que la composition d’une mélodie sur un poème de Mickiewicz, Ma Mignonne, d’un grand élan amoureux. Viennent encore les deux Nocturnes opus 32, le deuxième Scherzo en si bémol mineur opus 31 et l’Impromptu en la bémol majeur opus 29. Ces pièces font preuve d’une grande liberté d’invention, comme si, chaque fois, Chopin ouvrait une nouvelle voie dans le processus créateur qui lui est propre. La sûreté de son écriture ne le trahit jamais ; au contraire, elle s’affirme.
« Moja bieda » (Mon malheur) De nouveaux symptômes
6. Maria (1834-1837)
La correspondance entre Chopin et les dames Wodzinska (Teresa, la mère, et Maria) n’a cessé durant toute la fin de 1836. Mais au début de 1837, Chopin tombe de nouveau malade : il a de la fièvre et crache du sang. La famille Wodzinski sait que Chopin n’observe en rien les résolutions qu’il a promis de prendre pour ménager sa santé. De plus, il fréquente deux femmes célèbres dont les mœurs ne sont guère recommandables : Marie d’Agoult et George Sand. La première vit ouvertement avec Liszt après avoir quitté son mari ; la seconde passe de liaison en liaison. Cela n’encourage pas la famille Wodzinski à poursuivre le projet du mariage de Maria avec Chopin. Les lettres prennent un tour purement amical, perdant cette tendre connivence qu’elles manifestaient jusque-là. Chopin en est déconcerté, bien qu’il soit luimême l’artisan de ce refroidissement. Quant à Maria, il semble qu’elle ait rêvé cet amour plutôt que projeter une vie commune avec le jeune compositeur.
La fuite à Londres Chopin, au lieu de se soigner, part pour Londres avec Camille Pleyel pour se consoler de cet échec amoureux, point final à tout espoir de vie conjugale avec Maria. Camille Pleyel et lui fréquentent l’Opéra et les salles de concerts. Cependant, Londres a un effet mitigé sur Chopin, qui écrit à son ami Fontana : « Tout est lavé et relavé, c’est pourtant noir comme un c… de gentilhomme ! »
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En août 1837, Chopin réunit les lettres des dames Wodzinska en les liant d’un ruban bleu et note sur le petit paquet : « Moja bieda » (Mon malheur). Le rêve de cette idylle polonaise s’achève ainsi.
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Chapitre 7
George Sand (1838-1839)
7.
7. George Sand (1838-1839)
L’hiver 1837-1838 absorbe Chopin par de nombreux concerts à Paris, un concert également à Rouen où il joue son Concerto en mi mineur. Si le succès est retentissant, la critique est loin d’être unanime : son inventivité et la richesse de son imagination choquent les esprits conventionnels. Il compose étonnamment rapidement, comme Mozart, comme s’il transcrivait la musique déjà précisément conçue dans son esprit. Il écrit la Valse en fa majeur, une mélodie sur un texte de Witwicki, le Printemps, et d’autres œuvres encore.
Une rencontre décisive En 1838, Frédéric Chopin est en pleine possession de ses moyens de compositeur et de pianiste, mais sa rupture douloureuse avec Maria Wodzinska le laisse vulnérable et seul face à la maladie.
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C’est à ce moment qu’il rencontre George Sand. La première fois que Chopin l’aperçoit, les allures masculines et émancipées de l’écrivain et journaliste lui déplaisent fortement. À cette époque, elle entretient une liaison avec Michel de Bourges, un être autoritaire et tyrannique, qui a été son avocat lors de son procès contre son mari. Chopin, que George Sand a connu par Liszt, attire son attention par sa fragilité, sa délicatesse et son talent. Elle tente de l’attirer à Nohant, sa propriété du Berry où elle séjourne régulièrement, mais il refuse son invitation. Pour mieux l’approcher, elle décide alors de se mêler à l’émigration polonaise. C’est
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ainsi qu’elle devient l’amie de Wojciech Grzymala (né en 1793), très lié à Chopin, fondateur de la « Société littéraire polonaise », avec Chopin et d’autres émigrés.
Mazurkas opus 33 Chopin dédie ce sixième recueil de Quatre Mazurkas à Roza Mostowska, la fille du ministre qui lui a refusé, neuf ans plus tôt, la bourse qu’il avait sollicitée pour se rendre à Vienne et en Italie. Les tonalités respectives de ces Quatre Mazurkas sont les suivantes : sol dièse mineur, ré majeur, ut majeur, si mineur.
Chopin, vie et œuvre
Chopin poursuit activement l’élaboration de son œuvre. On dit même que le tsar tente de l’amadouer en l’attirant à la cour de SaintPétersbourg par des arguments oiseux sur la date de son départ de Varsovie avant l’insurrection. Mais Frédéric demeure intraitable, indifférent à ces manœuvres.
Les prémices d’une passion
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Chopin et George Sand ont l’occasion de se faire quelques confidences. Toutefois, le musicien évite de révéler sa récente rupture avec Maria Wodzinska et George Sand que le précepteur de son fils est aussi son amant ! Mais ils sont fort troublés l’un par l’autre : George Sand et son amie la comédienne Marie Dorval, éprise de George, ont un jour griffonné à l’intention de Chopin ce badinage mondain : « On vous adore ! » Enfin George en vient à écrire une lettre interminable à leur ami commun Wojciech Grzymala, datée de Nohant, au mois de juin 1838 (Nohant où se trouve son amant, Félicien Mallefille, très épris d’elle) : elle désigne dans cette lettre Chopin par des expressions telles que « notre enfant » ou « notre petit », termes affectueux que Grzymala, de dix ans plus âgé que Chopin, emploient souvent à son égard. Voici quelques passages de cette longue missive très significative de l’état d’esprit de George :
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L’aveu
7. George Sand (1838-1839)
« Jamais il ne peut m’arriver de douter de la loyauté de vos conseils, cher ami […]. Moi, je ne veux pas m’abandonner à la passion, bien qu’il y ait au fond de mon cœur un foyer encore bien menaçant parfois. Mes enfants me donneront la force de briser tout ce qui m’éloignerait d’eux […]... On est meilleur quand on aime d’un amour sublime, et loin de commettre un crime, on s’approche de Dieu, source et foyer de cet amour […]. Le passé est une chose appréciable et limitée ; l’avenir, c’est l’infini parce que c’est l’inconnu […]. J'ai toujours condamné la femme quand elle voulait être heureuse au prix du bonheur de l’homme ; j’ai toujours absous l’homme quand on lui demandait plus qu’il n’est donné à la liberté et à la dignité humaine d’engager. Un serment d’amour et de fidélité est un crime ou une lâcheté quand la bouche prononce ce que le cœur désavoue, et on peut tout exiger d’un homme excepté une lâcheté et un crime […]... Il y aura de beaux jours et de saintes flammes […]. Les sentiments ont toujours été plus forts que les raisonnements et les bornes que j’ai voulu me poser ne m’ont jamais servi à rien. »
Cette lettre de George Sand manifeste la profondeur de ses sentiments pour Chopin. Grzymala, de son côté, encourage cette liaison et devient le confident des deux parties. Blessé, mais désormais remis de sa rupture avec Maria, Chopin s’éprend de cette femme plus âgée que lui, pleine d’admiration et de sollicitude. Elle le séduit d’autant plus par la carrière artistique qu’elle mène elle aussi, mais en littérature. Elle connaît les impératifs d’une telle profession et affiche une tendresse qui séduit Chopin par son caractère protecteur.
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Une nouvelle compagne
Animé d’une ardente passion, Chopin n’hésite pas vivre aux côtés de George Sand. Il veut ne plus rien conserver de sa vie antérieure pour ne
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plus la quitter. À son tour, George Sand s’engage auprès de Chopin : elle rompt avec Mallefille, son amant. Ennemi du scandale, Chopin désire s’éloigner de Paris pour vivre en paix son nouvel amour, d’autant plus qu’il est dans une fièvre créatrice qui s’accommode mal de rencontres clandestines. George Sand, quant à elle, projette un nouveau roman (Spiridion). Ils décident de partir pour Majorque, mais l’argent leur manque. Chopin prend la résolution de contracter un emprunt : il vend ses Préludes non encore achevés à Pleyel, qui, en échange, se charge de lui envoyer un piano aux Baléares pour pouvoir travailler.
Chopin, vie et œuvre
Concert chez le marquis de Custine Le marquis de Custine1 apprécie bien peu ce qu’il considère comme un enlèvement de Chopin par George Sand et confie sa tristesse en écrivant à son amie et consœur Sophie Gay, le 22 octobre 1838, ces lignes : « Il [Chopin] part pour Valence en Espagne, c’est comme pour l’autre monde. Vous ne pouvez pas vous imaginer ce que Madame Sand a fait de lui en un été. La phtisie se reflète sur sa figure qui a l’air d’une âme sans corps. Il a joué pour nous en guise d’adieu avec l’expression que vous connaissez. D’abord une Polonaise qu’il vient d’achever, superbe par sa puissance et sa vigueur. C’est une orgie de joie. Ensuite il a exécuté la Prière des Polonais et, à la fin, la Marche funèbre, qui, malgré moi, m’a fait pleurer. C’était comme un cortège le conduisant au repos éternel et, quand je me suis dit que je pouvais ne plus le revoir sur cette terre, mon cœur a saigné. »
1. que l’auteur se plaît à nommer « le Mage de Saint-Gratien » : il résidait au château de cette ville du Val-d’Oise.
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La Prière des Polonais, mentionnée par Custine, fait référence à une courte pièce en forme d’hymne. Quant à la Marche funèbre, il s’agit de l’austère mouvement que Chopin insère dans sa célèbre Sonate en si bémol mineur.
Chopin joue aussi, chez Custine, la Polonaise en la majeur et la Polonaise en ut mineur, les deux volets de l’opus 40. Ces deux nouvelles polonaises présentent deux caractères contraires, l’optimisme face au pessimisme, illustration de l’écrasement et de l’espoir en une Pologne débarrassée de la domination russe.
Le départ pour l’Espagne Une agréable découverte 7. George Sand (1838-1839)
Chopin rejoint George qui l’attend à Perpignan avec ses enfants et une domestique. Ils font route vers Barcelone, puis vers Palma de Majorque, qu’ils atteignent le 8 novembre 1838. Le paysage les séduit, mais ils sont malheureusement déçus par le manque de confort de leur auberge. Le consul de France à Palma signale à George et à Frédéric une chartreuse abandonnée à Valldemosa, dans les montagnes, à une quinzaine de kilomètres de la capitale. En attendant de pouvoir s’y installer, ils louent, près de Palma, une maison dans un site vallonné. Chopin décrit avec enthousiasme son arrivée en Espagne à son ami Julian Fontana, le 15 novembre 1838 : « Du soleil toute la journée. […] La ville et tout ici en général reflète l’Afrique. Bref, une vie admirable ! Aime-moi. Fais une petite visite à Pleyel car le piano n’est pas encore arrivé. […] Je suis près de ce qu’il y a de plus beau au monde. Je me sens meilleur. »
La maladie
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Chopin et George travaillent chacun à de nouvelles œuvres dans le bonheur. Mais, au cours d’une promenade, ils essuient un orage et Frédéric tombe malade. Il écrit le 3 décembre 1838 à Julian Fontana : « J’ai été malade comme un chien, ces deux dernières semaines. J’avais pris froid en dépit des dix-huit degrés de chaleur, des roses, des orangers, des palmiers et des figuiers. Trois médecins –
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les plus célèbres de l’île – m’ont examiné. L’un a flairé mes crachats, l’autre a frappé pour savoir d’où je crachais, le troisième m’a palpé en écoutant comment je crachais. Le premier a dit que j’allais crever, le deuxième que j’étais en train de crever, le dernier que je l’étais déjà. »
Chopin, vie et œuvre
Malheureusement, la bronchite interminable de Chopin laisse présager la phtisie. De plus, lorsque vient l’hiver, le climat se dégrade et le couple d’artistes souffre beaucoup du froid et de l’humidité. Le bruit se répand alors que Chopin est phtisique et le propriétaire de la maison les somme de partir par crainte de la contagion. Avant de pouvoir s’installer à Valldemosa, les amants, qui ne savent plus où loger, sont hébergés par le consul de France.
L’arrivée à Valldemosa La route est difficile pour gagner Valldemosa : Chopin et George Sand doivent franchir des ravins, puis progresser à flanc de montagne ; le sol est meuble et les sentiers non tracés. Ils découvrent enfin cette belle bâtisse du XVe siècle, isolée sur ses rochers. Le trajet entre Palma et Valldemosa se révélant périlleux et inconfortable, Chopin s’inquiète pour l’arrivée de son piano envoyé par Pleyel début novembre ; il n’arrivera à Palma que fin décembre. Chopin peut alors se remettre au travail à un rythme satisfaisant, même s’il est régulièrement interrompu par la toux et les douleurs pectorales. Quant à George Sand, elle pourvoit à tout : les courses, la cuisine, ses enfants… Cependant, les Espagnols n’accueillent pas très favorablement ces étranges personnages venus de France qui ne sont pas mariés, ne vont pas à l’église et qui passent leur temps à écrire ou à jouer du piano. De plus, la femme fume le cigare et sa fille, habillée en garçonnet, ne cesse de dessiner.
Les pluies sont torrentielles et les murs de la chartreuse suintent d’humidité, ce qui n’arrange pas la maladie de Chopin. Il est à bout de
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La progression de la maladie
force, de plus en plus épuisé par la toux. Son moral est aussi affecté, car le courrier n’arrive pas. Il se sent coupé du monde alors qu’il attend des lettres des siens et de ses éditeurs. Chopin achève son opus 40, qu’il dédie à Julian Fontana pour le remercier de s’occuper de ses affaires à Paris durant son absence. Cependant, la présence de George Sand ne suffit pas à adoucir les souffrances du jeune homme déprimé, qui décide de rentrer à Paris en février.
7. George Sand (1838-1839)
Les manifestations d’amour, de tendresse entre Frédéric Chopin et George Sand sont pourtant nombreuses. Dans la lettre citée plus haut, George exprime le coup de foudre qu’elle a éprouvé pour le jeune compositeur. Pour lui, elle n’a pas hésité à mettre un terme à sa liaison avec Mallefille et elle semble lui rester fidèle jusqu’à leur rupture difficile, en 1847. Frédéric, quant à lui, manifeste son affection en utilisant le prénom d’origine de sa compagne pour s’adresser à elle : Aurore ; il y ajoute une touche d’exotisme en le traduisant par le mot polonais « Jutrzenca ».
Barcelone Le passage à Barcelone sur le chemin du retour en France est à la fois épique et pénible. George Sand écrit de cette ville à son amie parisienne, la comtesse Marliani, pour lui raconter cette aventure : « Barcelone, 15 février 1839
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Ma bonne chérie, Me voici à Barcelone. Dieu fasse que j’en sorte bientôt et que je ne remette jamais le pied en Espagne ! C’est un pays qui ne me convient sous aucun rapport et dont je vous dirai ma façon de parler quand nous en serons hors, comme dit La Fontaine. Le climat de Majorque devenait de plus en plus funeste à Chopin, je me suis hâtée d’en sortir. Nous avons été à Majorque comme des parias à cause de la toux de Chopin et aussi parce que nous n’allions pas à la messe. Mes enfants étaient assaillis à coups de pierres sur les chemins. On disait que nous étions païens, que sais-je ? […] Enfin nous avons gagné Barcelone qui nous semble
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le paradis par comparaison. Nous avons voyagé sur le bateau à vapeur en compagnie de cent cochons dont l’odeur n’a pas contribué à guérir Chopin. mais le pauvre enfant serait mort de spleen à Majorque et, à tout prix, il a fallu l’en faire sortir… » Le spleen
Chopin, vie et œuvre
Ce mot anglais vient d’un mot grec qui signifie la « rate ». En 1839, il possède une connotation de nature aristocratique, car seule la classe dominante peut se permettre d’en souffrir. Il signifie l’imprécision des émotions, une sorte de flou en soi-même qui peut mener au suicide. Lord Byron a baptisé un vin de Bordeaux (moulis) « Chasse-Spleen », nom qu’il possède encore.
Le retour en France Chopin reprend quelques forces à Barcelone, mais le médecin précise que le voyage de retour doit se passer en plusieurs étapes, chacune prolongée, afin que le malade puisse se reposer. C’est ainsi qu’arrivent Chopin, George Sand et ses enfants à Marseille le 24 février. Chopin n’a fait qu’aggraver sa faiblesse pulmonaire au cours de ce séjour totalement néfaste à un tuberculeux.
Un foisonnement d’œuvres Les 24 Préludes opus 28, dédiés à Pleyel Cette œuvre explore toutes les tonalités, un hommage rendu à JeanSébastien Bach et plus particulièrement à son œuvre essentielle pour Chopin, le Clavier bien tempéré. Chaque pièce des deux recueils de Bach est constituée d’un prélude suivi d’une fugue dans chacune des tonalités majeures et mineures.
Comme le dit plaisamment le philosophe et musicien Vladimir Jankélévitch, le prélude a pour particularité, chez Chopin et Liszt, qu’il 84
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Fugue voir Glossaire
n’annonce rien, contrairement à ce que sa dénomination indique ; il se suffit à lui-même. Ces 24 Préludes sont des moments de musique aux climats divers, pleins d’idées nouvelles, fruits peut-être du spleen. Ces pièces se tiennent entre elles mais peuvent être données séparément, comme s’il s’agissait d’un tout organique dont chaque élément pouvait se suffire à lui-même. Cet opus 28 traduit la complexité de la création, construction cohérente et mystérieuse. Liszt, ami du compositeur, apprécie fort cette œuvre et ne tarit pas d’éloges à son propos :
7. George Sand (1838-1839)
« Les Préludes de Chopin sont des compositions d’un ordre tout à fait à part. Ce ne sont pas seulement, ainsi que le titre pourrait le faire penser, des morceaux destinés à être joués en guise d’introduction à d’autres morceaux, ce sont des préludes poétiques, analogues à ceux d’un grand poète contemporain [Lamartine, qui inspirera à Liszt un de ses Préludes pour orchestre / 1848-1854], qui bercent l’âme en des songes dorés, et l’élèvent jusqu’aux régions idéales. »
Quant à Frédéric lui-même, peu prolixe en commentaires de ses œuvres, il écrit de Marseille une lettre à son fidèle Julian Fontana, le 7 mars 1839, où il lui donne toutes les directives pratiques pour utiliser l’argent rapporté par son opus 28 : loyer, remboursement de dettes, besoins personnels. De nombreux compositeurs se sont inspirés de cet opus 28 de Chopin, pour écrire à leur tour des préludes : Debussy, Fauré, Scriabine, Szymanowski (1882-1937), Chostakovitch (1906-1975), Maurice Ohana (19141992).
La Mazurka opus 41 n˚ 2 en mi mineur
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Chopin nomme cette Mazurka la « Palmienne ». Elle est profondément marquée de tristesse et d’un sentiment d’abandon. Samson François (1924-1970), pianiste français interprète passionné de Chopin, écrit :
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« Le naturel des Mazurkas ! J’ai longtemps été impressionné par elles. Il fallait être Polonais pour bien les interpréter. Il fallait prendre garde au rythme particulier. J’en suis arrivé à la conclusion qu’elles ressemblaient plus à des chansons qu’à des danses et, dès lors, je ne me suis pas inquiété de leur signification, laissant couler ces flots de musique sans m’interroger, transporté… » Samson François
Chopin, vie et œuvre
Samson François (1924-1970), né à Francfort-sur-le-Main, en Allemagne, est mis au piano à l’âge de deux ans. En Italie, le compositeur Mascagni lui donne ses premières leçons, puis il obtient un premier prix de piano à Belgrade, suivant à travers l’Europe les postes occupés par son père dans divers consulats de France. En 1932, sa famille s’installe à Nice. Il obtient un premier prix au Conservatoire de cette ville. Alfred Cortot le remarque et lui conseille de suivre l’enseignement d’Yvonne Lefébure à l’École normale de Musique de Paris. Il est aussi l’élève de Nadia Boulanger pour l’harmonie. En 1938, après la Licence de Concert à l’École normale, il entre au Conservatoire national supérieur de Paris, dans la classe de Marguerite Long. Il obtient son premier prix en 1940 et, en 1943, reçoit le premier prix du concours Long-Thibaud. À partir de 1945, il commence sa grande carrière internationale, et meurt, terrassé par une crise cardiaque, à Paris, le 22 octobre 1970.
Deuxième Ballade en fa majeur opus 38 Dans cette œuvre, écrite en grande partie à Majorque, on entend succéder au bercement initial des sons sarcastiques qui rompent cette douceur comme dans un cauchemar, sorte d’apparition digne de la Divine Comédie de Dante.
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Cette pièce s’achève en un apaisement blessé, qui est comme la traduction sonore du calme que ressent le malade après une crise, retour à un stade antérieur abîmé par la souffrance, voué à la solitude face à l’inéluctable.
Marseille : un séjour troublé Chopin tente de se reposer pendant ce séjour de trois mois à Marseille. Il écrit alors à Julian Fontana pour lui préciser les dispositions financières qu’il doit tenir auprès de ses éditeurs. Le musicien ne manque pas non plus d’écrire à ses amis ; cette lettre, adressée en français à Grzymala, le 12 mars 1939, en témoigne :
7. George Sand (1838-1839)
« Ma santé s’améliore de jour en jour. Les vésicatoires, la diète, les pilules, les bains et, plus que tout, les soins infinis de mon ange [George Sand] m’ont remis sur pieds – sur des jambes un peu maigres. Tu t’intéresses à mes projets ? Alors, voici : le médecin ne veut pas me libérer avant mai… juin. De Marseille, nous comptons gagner Nohant où l’air d’été me fera beaucoup de bien. Si ma santé l’exige et suivant l’état de mes finances, je passerai l’hiver prochain dans le midi de la France ou à Paris. J’ai maigri et pâli terriblement mais maintenant je mange beaucoup. »
Le 20 mars, Chopin et George apprennent le suicide d’Adolphe Nourrit qui vient de se jeter de sa fenêtre, à Naples, à la suite d’une déception professionnelle. Très affectée elle aussi par cet événement, George Sand écrit à une amie, la comtesse Marliani, ce 20 mars 1839 :
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« Chopin va très bien, il a été secoué aujourd’hui par l’histoire qu’on est venu nous raconter sur Nourrit, lequel se serait jeté d’une fenêtre et brisé sur le pavé en mille pièces, la nouvelle arrive par le bateau à vapeur de Naples. Pourtant nous en doutons encore, c’est trop affreux. J’en suis malade moi-même. J’aimais beaucoup Nourrit comme vous savez. Je fais mes efforts pour persuader Chopin que cette nouvelle est fausse. Elle lui fait bien du mal… »
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Quelques jours auparavant, Chopin écrit à Fontana que Pleyel est un « crétin », Probst (un éditeur) une « canaille », émet l’opinion que Schlesinger peut toujours attendre les Préludes que Pleyel lui a achetés 500 francs et que, de ce fait, ce dernier a « le droit de s’en torcher la partie se trouvant de l’autre côté du ventre » ! Il a donc repris des forces, tandis que George Sand fait « une grande tartine sur Goethe, Byron et Mickiewicz » (sic), destinée à La Revue des Deux Mondes. D’ailleurs, elle ne manque pas d’ajouter des post-scriptum aux lettres que Chopin écrit à son confident Grzymala, d’un style toujours vivement imagé : « Je suis en couches d’un roman qui aurait besoin de forceps », du 12 avril 1839.
Chopin, vie et œuvre
« Bonjour, mon vieux. Je suis au lit et pendant que le petit te griffonne du tartare (polonais), je t’aime et je t’embrasse, (signé) Ta femme », du 16 avril 1839.
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Au service funèbre célébré à Marseille en l’église Notre-Dame-du-Mont pour Nourrit, dont le corps doit ensuite être inhumé à Paris, Chopin joue sur un mauvais orgue un Lied de Schubert cher à Nourrit et à lui-même, die Gestirne/les Astres, sur un poème de Klopstock. Cela déçoit hélas la foule venue en masse pleurer Nourrit et… entendre Chopin. Après un bref voyage à Gênes, Chopin et George prennent le chemin de Nohant.
Chapitre 8
L’impulsion de Nohant (1839-1841)
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8. L’impulsion de Nohant (1839-1841)
George Sand possède, à Nohant, dans le Berry, une grosse demeure de famille. Situé non loin de Châteauroux et jouxtant La Châtre, cette grande maison est élégante, entourée d’un parc prolongé par les champs cultivés.
Le départ pour Nohant Une demeure reposante en Berry Le 2 juin 1839, Frédéric et George sont enfin à Nohant. Dès leur arrivée, Chopin écrit à Grzymala : « Enfin sur place après une semaine de voyage, nous nous sentons tous parfaitement bien. Belle campagne : alouettes, rossignols. Il ne manque que toi, mon oiseau. »
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Il a la joie de trouver sur place un piano à queue, commandé par George à Pleyel, en secret, de Marseille. Passent à Nohant les voisins et des amis parisiens, comme le poète Witwicki, Grzymala. Chopin joue Bach à n’en plus finir et compose. Le « cher cadavre », ainsi que le nomme George, travaille à son œuvre, profitant du calme des lieux, loin des leçons et de la trépidante vie parisienne. Chopin est très sollicité par ses amis pour composer enfin un oratorio ou un opéra, afin d’atteindre la gloire. Néanmoins il ne se laisse pas influencer et demeure fidèle au piano.
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Opéra voir Glossaire
Oratorio voir Glossaire
Une production éclectique De nombreuses œuvres nouvelles voient le jour en cet été 1839, le premier que Chopin passe à Nohant.
Chopin, vie et œuvre
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Scherzo n˚ 3 opus 39
Tout d’abord, Chopin écrit l’opus 39, Scherzo n˚ 3 en ut dièse mineur. André Boucourechliev observe que cette œuvre commence par une série de douze sons qui évoque la musique dodécaphonique.
Dodécaphonisme voir Glossaire
Ensuite, vient la Sonate en si bémol mineur dite « Funèbre » opus 35. ■
La Marche funèbre
La célèbre Marche funèbre, qui se trouve au cœur de la Sonate opus 35, lui confère ce nom. Pourtant, Chopin ne semble pas y attacher un caractère aussi sombre que le laisse entrevoir ce titre. L’auditeur se retrouve devant cette pièce comme devant un immense point d’interrogation et l’arrivée de la Marche funèbre paradoxalement le rassure. ■
Mazurkas opus 41
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Les Mazurkas opus 41 sont au nombre de quatre, d’une écriture plus élaborée que les précédentes. Elles présentent des difficultés d’un nouveau genre qui semblent figer les thèmes en eux-mêmes.
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Nocturnes opus 37
Les Deux Nocturnes opus 37 offrent une palette sonore fondée sur le chromatisme, errance de la tonalité.
Chromatisme voir Glossaire
Un été riche en création
8. L’impulsion de Nohant (1839-1841)
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Les fruits de ce premier été à Nohant sont d’une richesse impressionnante : Chopin a beaucoup composé. Ses œuvres ouvrent des voies nouvelles tant les idées s’y succèdent, tandis que les genres se métamorphosent même s’ils demeurent fidèles à eux-mêmes. Cette vie idyllique a rendu à Chopin un peu de sa santé et favorisé le développement de son langage musical.
Le retour à Paris Le célèbre pianiste Ignaz Moscheles, établi à Londres depuis 1821, rend visite à Chopin et note dans son journal la manière particulière qu’a Chopin de jouer librement, sans contrainte de mesure, d’une façon qui n’appartient qu’à lui. Il en conclut que Chopin est « un spécimen unique dans le monde du piano ». Chopin et Moscheles, fin octobre, sont appelés pour jouer devant la famille royale. Ils interprètent leurs propres œuvres : des Études et des Nocturnes. Le roi ne manque pas de les remercier par des présents. Bien que l’on connaisse l’aversion de Chopin pour le roi Louis-Philippe, Moscheles note qu’il est pourtant traité « comme un favori ».
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À la demande de Moscheles, Chopin écrit Trois Nouvelles Études destinées à la méthode de perfectionnement que celui-ci veut éditer. Parallèlement, Chopin achève son Impromptu en fa dièse majeur opus 36, d’une difficulté redoutable.
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Ignaz Moscheles (1794-1870) Pianiste et compositeur né à Prague. Il étudie à Vienne et rencontre Beethoven, qui lui confie la réalisation de la partition chant et piano de son opéra Fidelio, en 1814. Il commence une grande carrière de pianiste en 1816 et devient professeur à Leipzig. Il est l’auteur d’une méthode de piano dans laquelle il cite des œuvres de Chopin, Liszt et Mendelssohn.
1840, l’année transitoire Un compositeur affaibli
Chopin, vie et œuvre
Le bilan de l’année chopénienne 1839 est très important : c’est le début d’une nouvelle vie avec une femme d’exception, George Sand, un nombre considérable d’œuvres nouvelles sont créées, son art est reconnu par ses pairs (Liszt, Mendelssohn…), ses élèves sont nombreux, talentueux et riches et, enfin, ses œuvres sont publiées par les plus grands éditeurs. Il fréquente aussi les éminentes personnalités artistiques de l’époque, mais sa santé le trahit : il se réfugie chez George Sand, rue Pigalle. Cependant, cette dernière ne veut pas se rendre à l’évidence de la gravité de la maladie et écrit, en avril 1840, à son médecin : « Je crois que c’est un rhumatisme. J’espère que ce n’est pas l’invasion d’une maladie de poitrine quoique son Polonais [Jan Matuszynski, lui-même phtisique] ait l’air de le croire. »
L’heureuse, énergique et impétueuse nature de George Sand est portée à l’optimisme, mais Chopin s’affaiblit tous les jours davantage. Les mauvais rapports entre George et la comtesse d’Agoult, maîtresse de Liszt au caractère froid et perfide, nuisent à cette franche et directe amitié qui unit les deux hommes dont les relations deviennent conventionnelles.
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George et Frédéric passent l’été 1840 à Paris ; ils rendent visite à leurs amis qui habitent autour de Paris en prenant le train. Saint-Germain-enLaye, Saint-Gratien, etc., deviennent ainsi plus accessibles.
Toutefois, cette année 1840 est moins propice à la composition et Paris n’offre pas à Frédéric le calme de Nohant. Il écrit la Valse en la bémol majeur opus 42, dite « Grande Valse ». Schumann ne manque pas d’écrire à ce sujet : « S’il la jouait pour faire danser, il faudrait que la bonne moitié des danseuses fussent comtesses pour le moins. Il a raison, la Valse est aristocratique de pied en cap. »
8. L’impulsion de Nohant (1839-1841)
Il compose aussi une Mazurka en la mineur (cf. CD plage 3), un peu triste… Chopin est préoccupé par l’édition de son importante production de 1839. Bien qu’il ait rompu ses accords avec Schlesinger, il n’a pas encore trouvé d’arrangement avec Pleyel. Mais cela lui permet de prendre un recul nécessaire sur son œuvre. Chopin vit selon un mouvement pendulaire entre son appartement et la maison de George, ponctué par ses leçons qui comblent ses besoins d’argent. S’il a pour élèves des personnes de la très haute société et de la finance, il rencontre aussi des personnalités artistiques qui lui demandent conseil et pour lesquelles il organise des soirées musicales. Leur ami Mickiewicz, de retour en France, s’installe à proximité de George et de Chopin. Gravite autour du poète patriote polonais une société choisie attirée par la littérature slave, si bien qu’il est nommé professeur au Collège de France. Chopin va au concert, écoute Liszt et Pauline Viardot et même GilbertLouis Duprez, la cause indirecte du suicide de son ami Adolphe Nourrit.
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L’année 1840 se présente comme une parenthèse nécessaire à Chopin pour « digérer » l’année précédente tellement féconde. Il a besoin de recul pour envisager l’avenir de son œuvre par les moyens éditoriaux, mais aussi via son enseignement et ses réflexions sur l’esthétique musicale. Il joue à ses élèves le Clavier bien tempéré de Bach par cœur : voyant leur étonnement pour ce prodigieux effort de mémoire, il leur répond qu’« une chose pareille ne s’oublie pas ». Enfin, en décembre 1840, les cendres de Napoléon reviennent en France aux Invalides, accompagnées du Requiem de Mozart. Chopin est transporté par cette œuvre lors de la répétition générale à laquelle il assiste. 95
Le retour sur scène Le concert prévu dans la salle de Pleyel le 26 avril 1841 ne manque pas d’angoisser Chopin car il n’a pas joué en public depuis six ans. Voici comment George Sand présente cet événement dans une lettre qu’elle adresse à la cantatrice Pauline Viardot, en date du 18 avril 1841 :
Chopin, vie et œuvre
« Une grande, grandissime nouvelle, c’est que le petit Chip-Chip [diminutif qu’elle servait à Chopin] va donner un grrrrrrand [sic] concert. […] À peine avait-il lâché le oui fatal, que tout s’est trouvé fait comme par miracle. […] Ce cauchemar chopinesque se passera dans les salons de Pleyel, le 26. Il ne veut pas d’affiches, il ne veut pas de programmes, il ne veut pas de nombreux publics. Il ne veut pas qu’on en parle. Il est effrayé de tant de choses que je lui propose de jouer sans chandelles et sans auditeurs sur un piano muet. »
L’humour et la verdeur de langage de George traduisent l’agacement qu’elle éprouve devant le peu de détermination de Chopin pour se montrer à un public pourtant avide de l’entendre. C’est un grand succès. Au programme, des œuvres de Frédéric luimême, avec un mélange d’airs d’opéras et d’interventions d’autres instrumentistes. Le temps du récital n’est pas encore venu.
Récital voir Glossaire
Chopin ne saura quoi dire contre le principe du récital, qui n’est pour lui que fatuité d’un interprète au détriment de la musique elle-même. Les plus grands noms sont venus l’écouter : Berlioz, Liszt, Delacroix, Heine, Mickiewicz, etc. Toute l’assistance est conquise par cet art empreint de subtilité, d’émotion et d’innovation.
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Léon Escudier, directeur de La France musicale, en fait un compte rendu dans la Gazette musicale :
« Nous avons parlé de Schubert parce qu’il n’est pas une autre nature qui ait avec Chopin une analogie plus complète. L’un a fait pour le piano ce que l’autre a fait pour la voix.[…] Chopin est le pianiste du sentiment par excellence. […] On peut dire que Chopin est le créateur d’une école de piano et d’une école de composition. »
8. L’impulsion de Nohant (1839-1841)
Pour Chopin, être comparé à Schubert ne peut que le ravir : il est l’interprète des sentiments, certes, mais respecte les formes classiques dont Haydn et Mozart sont les plus illustres représentants. Si Chopin déteste se produire en public, c’est cependant de cette façon que sa musique se propage et acquiert la popularité que l’on connaît.
La « note bleue » Cette expression de George Sand est souvent citée hors contexte, c’està-dire vidée de son contenu chopénien : « Chopin a vraiment inventé le piano. Le chant d’un toucher, le timbre d’une main, la note bleue sont une découverte incessante de l’instrument, chaque doigt, chaque dent du clavier, chaque hésitation ayant sa résonance particulière… »
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Ce texte de George Sand, daté de janvier 1841, apparaît comme une description anticipée de l’été de cette même année à Nohant. C’est une période où naissent des œuvres essentielles, comme celles de l’été 1839. George Sand met alors en scène cinq personnages : elle-même, son fils Maurice Sand, élève de Delacroix, Delacroix lui-même, Mickiewicz et Chopin. La conversation, sorte de dialogue platonicien, se passe entre le maître et l’élève, Delacroix et Maurice Sand ; George est la narratrice, l’observatrice ; tandis que Chopin est au piano, improvise, s’arrête et : « reprend, sans avoir l’air de recommencer, tant son dessin est vague et comme incertain. Nos yeux se remplissent peu à peu des teintes douces qui correspondent aux suaves modulations saisies
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par le sens auditif. Et puis la note bleue résonne et nous voilà dans l’azur de la nuit transparente. Des nuages légers prennent toutes les formes de la fantaisie. Ils remplissent le ciel1. »
Nohant est devenu un symbole
Chopin, vie et œuvre
George Sand est une fervente d’ésotérisme et connaît la signification du bleu toujours symbole d’immatérialité, de transcendance, de pureté… En effet, cette couleur est à la fois apaisement et appel vers l’infini, l’irréalité, l’immatérialité. George Sand associe cette « note bleue » à une nuit d’été, cela en plein mois de janvier. On perçoit l’évocation sous-jacente de Nohant, lieu voué au rêve, surtout depuis les mois idylliques de l’été 1839. Avant de quitter Paris, Chopin a composé une valse et une mélodie, tandis qu’à Nohant, il donne sa forme définitive à la Polonaise en fa dièse mineur opus 44. Il est loin, avec cette œuvre, de ses Polonaises précédentes : l’atmosphère est dantesque, comme une stagnation audessus d’un gouffre, avec des élans de révolte vivement réprimés. Il écrit une Tarentelle (opus 43) ainsi que la Ballade n˚ 3 en la bémol majeur opus 47 (cf. CD plage 8), scène lyrique aux couleurs qui expriment un questionnement qui demeure sans réponse. Le Prélude en ut dièse mineur opus 45 s’ajoute aux vingt-quatre déjà écrits pour le titre sinon pour la forme. La pièce est une sorte de marche imaginaire dans un monde irréel, moment de la « note bleue » où tout bascule « derrière le miroir ». Ce Prélude est le plus long de tous ; Chopin s’y autorise une grande liberté avec des passages qui frisent l’atonalité, toujours dans l’interrogation jusqu’à la fin qui répugne à revenir à la tonalité initiale.
1. George Sand, Impressions et Souvenirs, Paleo, Clermont-Ferrand, 2008. 98
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Les deux Nocturnes opus 48, la Fantaisie en fa mineur opus 49 sont autant d’œuvres écrites dans le bonheur mais qui expriment néanmoins tristesse et questionnement devant le sentiment d’éternité que rien pourtant ne devrait altérer.
Chapitre 9
L’approfondissement (1842-1844)
9.
9. L’approfondissement (1842-1844)
L’année 1839 a fait découvrir à Chopin un amour pleinement accompli avec une femme qui lui épargne toute tâche, bien qu’elle-même doive satisfaire à une œuvre de création. En 1840, il s’est consacré à l’édition de ses œuvres. 1841 lui permet de prendre un nouvel envol. Il utilise toujours les termes de « Polonaise », « Nocturne », « Prélude », mais ces références techniques ne correspondent plus à une forme définie : ils sont prétextes à une expression complexe dictée non seulement par l’émotion, mais surtout par une quête, une interrogation sur un avenir qu’il sait malheureusement soumis à la maladie. Il n’est désormais plus prisonnier des genres : il a rejeté le poids des convenances aussi bien musicales que sociales. Toutefois, il craint la solitude et prend donc la décision d’aller vivre chez George Sand tant est précieuse sa présence qui écarte à ses yeux les risques de rechute.
De nouvelles œuvres Un style inclassable
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Chopin continue à bouleverser les attentes de ses pairs et du public : certains l’en louent, tel Schumann qui trouve quelque chose d’énigmatique dans les dernières compositions de Frédéric, semblables au sourire d’une sphinge. D’autres l’en blâment, les uns publiquement, les autres avec discrétion pour ne pas être pris en flagrant délit d’émettre une opinion critique au sujet d’un maître adulé !
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Chopin est confronté aux mêmes difficultés que tous ceux qui ont voulu créer de nouvelles voies hors des sentiers de la mode : il est dorénavant devenu inclassable. De cette manière, il échappe aux idées reçues rassurantes et, à ce titre, devient presque dangereux.
Chopin, vie et œuvre
Le 21 février 1842, un concert réunit Chopin, la cantatrice Pauline Viardot et son ami violoncelliste Auguste Franchomme. Leur prestation est auréolée de succès mais endeuillée par l’annonce de la mort du premier maître de Chopin, Wojciech Zywny. Deux mois plus tard meurt également son ami Matuszynski, dans les bras de George et de Frédéric : il est emporté par la phtisie. Chopin en est bouleversé. Seule la vie à Nohant peut maintenant lui redonner suffisamment d’énergie pour lutter contre sa propre maladie.
Une atmosphère de félicité Chopin retrouve à Nohant une atmosphère propice à l’amélioration de son état de santé et à sa création. George et lui reçoivent cet été-là des amis chers, comme Delacroix qui y fait son premier séjour. Ses lettres décrivent les délices de l’endroit : « Le lieu est très agréable, et les hôtes on ne peut plus aimables pour me plaire. (…) Par instants, il vous arrive par la fenêtre ouverte sur le jardin des bouffées de la musique de Chopin qui travaille de son côté. Cela se mêle au chant des rossignols et à l’odeur des roses. (…) J'ai des tête-à-tête à perte de vue avec Chopin, que j’aime beaucoup et qui est un homme d’une distinction rare. C’est le plus vrai artiste que j’aie rencontré. Il est de ceux en petit nombre qu’on peut admirer et estimer. »
George et Frédéric quittent ensuite Nohant durant quelques jours pour un bref séjour à Paris afin de trouver une nouvelle habitation pour
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Cependant, Nohant commence à être le théâtre d’intrigues domestiques pénibles pour Chopin. Ce même été, il apprend le futur mariage de son ancienne fiancée Maria Wodzinska, ce qui ne manque pas de l’affecter.
l’hiver. Un appartement au square d’Orléans, dans le quartier de la « nouvelle Athènes », au cœur du IXe arrondissement de Paris, devient leur domicile parisien. La « nouvelle Athènes »
9. L’approfondissement (1842-1844)
On nomme ainsi le quartier Saint-Georges, dans le IXe arrondissement de Paris, dans la première partie du XIXe siècle, en raison du nombre d’artistes qui y habitent. On y compte les acteurs de la ComédieFrançaise : François Joseph Talma (qui réforme le costume de scène, grand interprète de Corneille et de Shakespeare) ou Mlle Mars, par exemple (elle crée le rôle de Dona Sol dans Hernani de Victor Hugo). Le « square d’Orléans » lui-même est aujourd’hui la rue Saint-Lazare, entre les églises Notre-Dame-de-Lorette et de la Trinité.
L’éternel bienfait de Nohant Les œuvres se succèdent en chaîne dès le retour à Nohant. ■
Mazurkas opus 50
La troisième de ces Mazurkas poursuit ce qui s’est révélé en 1841. La tonalité d’ut dièse mineur exprime par le chromatisme les interrogations sur l’insaisissable et l’inexorable. C’est toujours dans ce champ-là que se joue l’immuable dialogue de sourds entre Erôs et Thanatos, l’AmourPassion et la Mort. Cette pièce s’achève sur trois accords forte, ultime sursaut d’une révolte inutile.
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Polonaise en la bémol majeur opus 53
La Polonaise en la bémol majeur opus 53 (cf. CD plage 9) présente une incertitude tonale dans l’introduction : Chopin semble chercher sans répit la tonalité qui conviendrait à l’œuvre. Vient enfin le thème « héroïque », surnom que l’on donne parfois à cette polonaise. Cet opus 53, à part cet épisode, est d’une écriture attendue, conforme à celle du Chopin d’avant 1841. Cette musique est virtuose, un peu grandiloquente : l’intériorité et le questionnement se sont estompés, il y a là plus de « paraître » que d’« être ».
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Scherzo en mi majeur opus 54
Le quatrième Scherzo en mi majeur opus 54 revient, lui aussi à l’esthétique brillante et attirante d’avant 1841, un peu creuse mais puissamment séduisante.
De nouvelles « tonalités » Ballade en fa mineur opus 52
Chopin, vie et œuvre
Avec cette Ballade, Chopin confirme l’adoption d’un langage qui influencera par la suite Liszt et Wagner. Le chromatisme s’achemine vers l’atonalité, tandis que le « brillant » des salons cède le pas à des engagements plus essentiels. Si Zielinski note que cette dernière Ballade marque une frontière entre le « style tardif » (sic) de Chopin et le style précédent, ce passage demeure flou, les premières mutations se faisant déjà entendre en 1841. Chopin aurait-il basculé brusquement dans ce « style tardif » ? Il s’agit plutôt d’une évolution telle qu’on la voit chez tous les compositeurs : Mozart à partir de 1787 avec Don Giovanni, Verdi à partir de 1853 avec la Traviata (fort mal accueillie) et surtout de 1884 avec Don Carlo, Liszt à partir de 1853 avec sa Sonate en si mineur et Wagner à partir de 1857 avec les premières ébauches de Tristan et Isolde. Chopin, Liszt et Wagner : trois compositeurs contemporains
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Chopin est né en 1810, Liszt en 1811 et Wagner en 1813 : ces trois compositeurs de nationalités différentes, tous trois marqués par les révoltes et révolutions qui ont eu lieu autour de 1830, font évoluer leur langage musical dans des directions d’abord parallèles et qui convergent ensuite. Ce changement vient-il de Beethoven, considéré comme le premier compositeur qui avait refusé le style convenu, « de cour », pourrait-on dire, pour affirmer la liberté du créateur ? Cette explosion d’existence s’exprime avec ces trois titans du XIXe siècle, Chopin, Liszt et Wagner. Le premier utilise essentiellement le piano, le deuxième le piano et l’orchestre, et le troisième le genre de l’opéra, auquel il assigne le projet fabuleux d’accomplir le fantasme du spectacle total, « précipité », au sens chimique, de tous les arts de la scène.
La Ballade opus 52 épouse au plus près cette succession d’états d’âme, cette « bipolarité », comme l’indique la psychiatrie contemporaine, entre la révolte et la résignation, entre l’action et la contemplation devant la mort. L’amour et la mort se confondent dorénavant dans la vie de l’artiste, car celui-ci ne sait exister sans l’un ni sans l’autre. Cet opus 52 ne cesse de moduler, de passer d’une tonalité à une autre, jusqu’à toutes les fondre dans le chromatisme déjà évoqué, comme si aucune n’était satisfaisante. Toutefois, la tonalité de fa mineur s’affirme dans les derniers accords.
9. L’approfondissement (1842-1844)
L’Impromptu en sol bémol majeur opus 51 Le sentiment du tragique est d’autant plus présent dans cette pièce qu’il se cache a priori sous une forme légère et ornée. Puis l’inéluctable se fait de plus en plus pressant, d’abord exprimé par un motif descendant qui désire s’affirmer jusqu’à envahir, sous la forme d’une mélodie sinistre ; la partie ornée qui disparaît comme un personnage hoffmannien. Malgré la feinte gaieté de l’introduction, le motif dramatique persiste. Cela ressemble aux vanités, peintures où sont juxtaposées la beauté d’une jeune fille et ce que deviendra le cadavre en décomposition de celle-ci. On peut y déceler aussi l’ambiguïté du sentiment amoureux qui appelle et concrétise le bonheur puis s’achève dans la conflagration des émotions. Ernst Theodor Amadeus Hoffmann (1776-1822) Juriste, compositeur, chef d’orchestre et romancier allemand. Il reste de son œuvre ses Contes, qui appartiennent au genre fantastique. La vigueur des images et leur portée symbolique montrent une réelle et profonde connaissance du psychisme humain, de son ambivalence, de son ambiguïté.
Le « viol de Lucrèce »
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Des lettres de George Sand nous renseignent sur le climat de Nohant cet été-là. Chopin et elle-même servent de bonnes d’enfant à Pauline
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Viardot, gardant sa fille Louise d’à peine plus d’un an, car la chanteuse est partie se produire à l’autre bout de l’Europe : « Elle jabote le plus drôlement du monde, écrit George à Pauline, elle m’appelle sa maman ne vous en déplaise, et dit "p’tit Chopin" à désarmer tous les Chopins de la terre. Aussi, Chopin l’adore, et passe sa vie à lui baiser les mains… »
Chopin, vie et œuvre
Chopin a l’illusion d’être, pour quelques semaines, un véritable père de famille grâce à cette petite fille dont il s’occupe. L’entourage du musicien frémit néanmoins en pensant au risque de contagion qu’il représente pour ce tout jeune enfant auquel il manifeste tant de tendresse. Il est si faible alors qu’il ne peut plus marcher longtemps. George Sand lui procure alors une ânesse, « Margot », monture pour accompagner l’infatigable romancière dans ses longues marches. Voici comment George raconte à son fils les aventures de Margot : « La bourrique est très bon enfant. Elle ne veut marcher que le nez dans ma poche, où elle flaire des croûtes de pain. Avant-hier nous avons été poursuivis par un baudet entreprenant qui voulait attenter à sa pudeur. Elle se défendait à grands coups de pieds comme une vraie Lucrèce. Chopin criait et riait, moi je rabrouais le Sextus à coups d’ombrelle. Enfin nous sommes sortis tous sains et saufs de cette aventure terrible, et la bourrique n’a pas été forcée de se poignarder… » Le viol de Lucrèce
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Ce sujet a souvent été illustré par les peintres, ainsi que les compositeurs (Haendel, Benjamin Britten, etc.). Lucrèce, morte en 509 avant J.-C., était une matrone romaine qui fut violée par Sextus, fils de Tarquin. Déshonorée, elle se poignarda. Cet événement a suscité la révolution qui a mis fin à la monarchie et donné naissance à la République de Rome, elle-même remplacée, peu avant le début de notre ère, par l’Empire romain.
Ainsi, Chopin, bien que très affaibli, peut encore rire, juché sur son ânesse, jouir de la campagne de Nohant à l’origine de tant d’œuvres.
Les Deux Nocturnes opus 55
9. L’approfondissement (1842-1844)
L’opus 55 n˚ 1, en fa mineur, énonce un thème sobre, langoureux et pathétique à la fois. C’est une promenade solitaire et bienfaisante, avec cette nuance mélancolique que ressent l’amant (ou l’amante) privé(e) de la présence aimée. Mais la marche se poursuit, elle s’accélère même si bien que l’on perçoit le petit trot saccadé de la brave Margot. La musique doit beaucoup au rythme des montures : tous les compositeurs connaissent leurs allures pour être eux-mêmes le plus souvent cavaliers. Et pourquoi ne pas voir Margot trottiner dans ce Nocturne en fa mineur ? Pourtant elle s’efface devant le retour de l’inéluctable, qui s’enracine dans le chromatisme et l’incertitude tonale. Enfin, c’est le retour au calme contemplatif, au pas, cette fois, d’une Margot qui évolue vers des éclaircies où la nuance mélancolique fait place à la certitude du mode majeur, sorte de palier de décompression pour reprendre souffle. L’opus 55 n˚2 adopte le ton de mi bémol majeur, apparemment plus détendu. La présence de l’inéluctable est plus diffuse, nettement contemplative, la révolte dépassée.
Les Trois Mazurkas opus 56
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Elles sont composées successivement en si majeur, ut majeur (tonalité sans dièse ni bémol, la plus difficile techniquement aux yeux de Chopin) et ut mineur. Elles retracent cette atmosphère d’interrogation ou de joie passagère évoquée précédemment, interrompues par des sections atonales qui sonnent d’autant plus comme un désarroi que l’atmosphère première était apparemment joyeuse et insouciante. L’inéluctable quant à lui obsède le musicien.
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« L’inéluctable »
Chopin, vie et œuvre
Nous employons ce mot depuis que Chopin, après la pause de 1840, exprime ce qui est certainement le plus profond de lui-même. 1840 semble correspondre à un besoin de faire le bilan d’une « première manière » de jouer et de régler les impératifs éditoriaux. Cela ressemble aux respirations musicales comme la pause, la demi-pause, le soupir, le demi-soupir. L’inéluctable nous paraît représenter l’interrogation de Chopin sur les « fins dernières », lui qui fait profession de scepticisme face à la religion. Mais l’inéluctable, c’est la Mort qui le frôle de près à chacune de ses crises et s’affermit en lui au fur et à mesure qu’il s’affaiblit. Il sait néanmoins qu’il survivra par son œuvre. À partir de 1841, Chopin n’a plus rien à prouver, il est désormais lui-même : il ne fait plus ce qu’on attend de lui, il écrit une œuvre testamentaire où il se révèle tel qu’en lui-même.
Des tensions créatrices Une compagne de plus en plus distante George Sand écrit à Grzymala, au moment où Chopin reprend le chemin de Paris, ces mots qui ne trompent personne : « Le petit se porte bien. » Elle a décidé de rester encore quelque temps à Nohant. Mais Chopin va de plus en plus mal : il crache le sang et souffre de la poitrine. Pourtant George le laisse repartir seul.
L’hiver 1843-1844
Le comportement de George Sand à partir de l’hiver 1843-1844 se révèle à l’opposé de celui qu’elle a adopté depuis cinq ans avec Chopin. Elle a toujours fait preuve de générosité, d’abnégation et s’est rendue disponible malgré tous ses travaux d’auteur, sans compter qu’elle se charge de toutes les obligations domestiques et de l’éducation de ses enfants. Elle prend de la distance comme si elle ressentait une fatigue de devoir assister Chopin pour toutes les choses de la vie courante. Plus qu’une maîtresse, elle est une infirmière, l’organisatrice de tout un mode d’existence. Sa « distance » s’expliquerait par la nécessité de se retrouver, de se concentrer sur sa propre création dont elle a besoin pour vivre
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et faire vivre tous ceux qui sont à sa charge. Son emploi du temps est inconcevable à notre époque : elle est sans cesse active et ne dort presque pas. Mais sa robuste nature fléchit, cette année-là, comme si elle était saturée de toutes ses obligations, de tous ses devoirs. Elle sacrifie Chopin, d’abord sans brutalité, par un besoin de solitude, tout en essayant de se mentir à elle-même, prétendant qu’elle sera toujours présente pour lui : l’avenir montrera le contraire. ■
Nouveaux accès de la maladie 9. L’approfondissement (1842-1844)
L’année 1844 commence mal : Chopin souffre de nouvelles crises malgré les soins de son médecin. Le docteur Molin, homéopathe, manifeste son opposition aux saignées, lesquelles viennent à bout des constitutions les plus solides. Comment Chopin peut-il continuer à composer et à donner des leçons dans cet état ? Comment peut-il se mettre au piano dans les salons où on l’invite ? Quelle énergie, sinon la puissance mystérieuse de l’art, peut le maintenir debout ?
La rencontre avec mademoiselle Stirling Une nouvelle élève se présente à Chopin, de six ans son aînée, célibataire et éprise de lui… Originaire d’Écosse, elle vient régulièrement à Paris où vit sa sœur, Mme Katherine Erskine, idolâtre la musique de Chopin et déteste George Sand. Mlle Jane Stirling est riche et, à ce titre, est persuadée qu’elle peut arriver à ses fins bien que Chopin ne l’aime pas.
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À la fin du mois de mai 1844, Chopin apprend la mort de son père : il souffre de cette disparition et tombe à nouveau malade. Entre-temps, George et lui ont repris le cours habituel de leur existence. George Sand profite des lettres de condoléances qu’elle adresse à la famille de Chopin pour entrer en contact direct avec celle-ci, ce qui a pour effet de clarifier la situation.
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La visite de Ludwika
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Chopin, vie et œuvre
Fin mai 1844, Chopin, George Sand et toute leur suite sont à Nohant. La sœur de Frédéric et son mari, Kalasanty Jedrzejewicz, annoncent leur venue. Chopin part pour Paris afin de les installer dans l’appartement de George Sand, 5 square d’Orléans. Il est impatient de les recevoir car il ne les a pas revus depuis son départ définitif de Pologne. Seul dans la capitale, le couple polonais visite les lieux touristiques, se rend au théâtre et surtout rencontre des émigrés polonais. Puis, les Jedrzejewicz partent pour Nohant, où les attendent George et Chopin – qui est retourné rapidement à la campagne. Ils conversent à n’en plus finir sur la famille et les amis de Varsovie. Ludwika et son mari regagnent la Pologne en septembre, tandis que Chopin demeure à Nohant jusqu’à la fin du mois de novembre mais, une nouvelle fois, rentre seul à Paris, suivi une quinzaine de jours plus tard par George Sand.
Troisième partie
La rançon de la gloire (1844-1849)
Chapitre 10
L’accomplissement (1844-1847)
10.
10. L’accomplissement (1844-1847)
Si Chopin a composé seulement deux œuvres durant l’année 1844, celles-ci concentrent toute la recherche d’un musicien libéré des obligations de succès et des contraintes éditoriales.
La Berceuse en ré bémol majeur opus 57 La Berceuse en ré bémol majeur opus 57 est une sorte de condensé des œuvres de la « première manière » qui annoncent la libération des conventions ornementales : on y décèle des réminiscences des deux Concertos, de la Marche funèbre de la Sonate opus 35… Le thème est exposé en premier, puis des « variantes », comme le dit Chopin qui veut éviter le terme technique de « variations », s’égrènent tout au long de l’œuvre.
Thème voir Glossaire
Variations voir Glossaire
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L’opus 57 comporte quatorze variations, de plus en plus enchevêtrées, sur l’idée du thème initial, sorte de rappel de ce que la « musique ancienne » nomme « diminution ».
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Diminution voir Glossaire
La Berceuse opus 57 n’est pas une œuvre anodine, sorte de concession à un genre de salon. Le thème est d’une sobriété qui frise l’austérité, une sorte de pensée musicale essentielle avec un accompagnement à la main gauche immuable.
Accompagnement voir Glossaire
Chopin, vie et œuvre
Le calme qu’engendre cette musique est prolongé, dans la même atmosphère, par les variations qui se greffent sur elle comme l’état de béatitude du demi-sommeil. Le chromatisme s’impose mais, si l’inéluctable affirme sa présence, il est accepté ici comme une délivrance dans une sorte d’apesanteur.
La Sonate n˚ 3 en si mineur opus 58 La Sonate n˚ 3 en si mineur opus 58 adopte une forme « opératique » pour le premier mouvement Allegro maestoso : on y voit des personnages en proie aux contradictions de l’âme humaine. Ce morceau constitue une succession de récitatifs et d’airs, de joie et d’angoisse, d’interrogations sur le destin de l’homme, avec des passages chromatiques.
Le premier mouvement est d’une grande complexité d’écriture ; sorte d’orage avec ses éclairs, sursauts de l’âme en travail. Le deuxième mouvement, Scherzo, est une danse de follets, d’elfes malicieux. Le troisième mouvement, Largo, mouvement lent, propose une marche inexorable, une marche vers « l’inéluctable » ; on y perçoit le cheminement inévitable de Chopin vers la mort. Le dernier mouvement, Presto non
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Sonate voir Glossaire
tanto/Agitato, n’éclaircit guère ce sombre tableau au cheminement effréné, même s’il prête parfois au rire, ne fait pas oublier l’indicible. Durant l’année 1844, Chopin a ralenti le rythme de sa production afin d’arriver à cette quintessence du langage qu’il impose. La Sonate n˚ 3 est l’une de ses plus longues œuvres, au cours de laquelle chaque idée est menée à son terme ; l’attention est sans cesse en alerte. Ainsi, cette Sonate est l’aboutissement de toute la quête antérieure.
10. L’accomplissement (1844-1847)
Après l’hiver Un regain de vigueur George Sand projette un séjour dans les pays chauds, si elle gagne assez d’argent (sic), pour guérir Chopin de sa toux. Mais, au printemps, le musicien se porte mieux, reprend ses sorties, entend le Requiem de Mozart, participe à un concert pour les Polonais. Parmi l’aristocratie polonaise, il découvre de grands talents révélés par ceux et celles qui deviennent ses élèves mais qui ne peuvent se présenter au public en raison de leur naissance. C’est le cas de Marcelina Radziwill, princesse Czartoryska, nièce d’Adam Czartoryski qui a pour peu de temps pris la tête de la Pologne libre. La princesse Marcelina devient l’amie de Chopin et l’une de ses plus fidèles interprètes. Karol Mikuli, musicien et médecin, noue avec Chopin la même qualité d’intimité artistique et personnelle que la princesse. Chopin a besoin de ce soutien moral et musical car il a été profondément affligé par la mort de son élève le plus prometteur, Carl Filtsch, le 11 mai 1845, âgé de quinze ans.
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Trois Mazurkas opus 59 Pièces brèves, les Mazurkas résument les moments créatifs de Chopin en en captant l’esprit. Elles sont toujours émaillées d’interrogations, la tension vers un devenir inconnu, le désir du beau donnant à toutes ces douleurs une forme attachante. Successivement en la mineur, en la bémol majeur et en fa dièse mineur, les pièces de l’opus 59 appartiennent à « ces mondes étranges » dans lesquels Chopin évolue comme détaché de ce monde.
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Deux Mélodies Les Mélodies de Chopin sont rarement évoquées. Or, si discrètes soientelles dans son œuvre, elles ont pourtant jalonné toute sa vie de créateur. Ce sont deux chants d’une facture mélancolique sur des poèmes de Bohdan Zaleski.
Une influence quotidienne Une atmosphère disharmonique
Chopin, vie et œuvre
Déjà l’année précédente, des querelles domestiques ont commencé à empoisonner la vie de Nohant. George Sand écrit à une amie : « Les jours de soleil, il [Chopin] s’égaye, mais les grands jours de pluie, il devient sombre et ennuyé à mourir. Il ne s’amuse pas de tout ce qui m’occupe et me plaît à la campagne. Alors je voudrais le transporter à Paris d’un coup de baguette. Mais, d’un autre côté, je sais qu’il s’ennuie sans moi là-bas. Je lui ferais volontiers le sacrifice de mon amour de la campagne, mais Maurice [Sand, son fils] n’est pas de cet avis-là, et si j’écoutais Chopin plus que Maurice, on jetterait les hauts cris. Voilà comme tout ne va pas de soi-même dans les familles les mieux unies. »
Tout est dit dans ces quelques lignes : George est lasse des querelles incessantes qui ont lieu depuis que ses enfants ont atteint l’âge adulte. Les jalousies viennent à bout de tout et George doit pourtant maintenir sa « production » pour vivre et subvenir aux besoins de sa famille. Mêlé à toutes ces intrigues, Chopin n’a pas le beau rôle et sa maladie ne lui laisse d’énergie que pour continuer son travail.
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George Sand prend le prétexte des rhumes de chacun pour ne pas fêter Noël, ce que Chopin déplore dans une lettre aux siens. Il n’a pas la foi, mais aimerait tout de même rester fidèle aux traditions.
La santé de Chopin est encore mise à rude épreuve durant l’hiver. Cependant il ne manque pas, en février, le bal de bienfaisance organisé pour l’émigration polonaise. La Pologne se soulève à nouveau en vain contre les Russes. Quant à Chopin, il ne voit plus aucune possibilité pour son pays de retrouver son autonomie et compose frénétiquement pour conjurer la cruauté du sort. Il part alors pour Nohant fin mai 1846 afin d’achever les œuvres commencées à Paris.
10. L’accomplissement (1844-1847)
Barcarolle en fa dièse majeur opus 60 Jean-Jacques Eigeldinger note combien les compositeurs français doivent à cet opus 60 (cf. CD plage 11). Claude Debussy (1862-1918), Emmanuel Chabrier (1841-1894) et Gabriel Fauré (1845-1924) révèlent leur filiation, fascinés par ce balancement aquatique non exempt de réminiscences belcantistes. Quant à Maurice Ravel (1875-1937) – dans l’œuvre duquel le pianiste et compositeur Noël Lee voit des figures déjà présentes chez Chopin –, il écrit (Le Courrier musical, 1er janvier 1910) :
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« La Barcarolle synthétise l’art expressif et somptueux de ce grand Slave, Italien d’éducation. […] La ligne mélodique est continue. Un moment, une mélopée s’échappe, reste suspendue, et retombe mollement, attirée par des accords magiques. L’intensité augmente. Un nouveau thème éclate, d’un lyrisme magnifique, tout italien. Tout s’apaise. Du grave s’élève un trait rapide, frissonnant, qui plane sur des harmonies précieuses et tendres. On songe à une mystérieuse apothéose… »
L’opus 60 est tout entier marqué par la volupté d’une Venise languide et vénéneuse, hoffmannienne. Elle est le fruit de l’imagination de Chopin, qui n’est jamais allé à Venise. Son balancement est le bercement d’une promenade en gondole sur laquelle passe le souffle d’un érotisme direct : celui de la caresse. L’inéluctable, cette fois, ne se vit pas en solitaire et le plaisir apaise le corps. Cependant, cet amour-là n’est pas exempt de souffrance : sait-on jamais ce que l’aimé(e) en fera ?
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Polonaise-Fantaisie en la bémol majeur opus 61 Cette fois-ci encore, l’introduction de l’œuvre expose l’incertitude tonale : Chopin passe par le chromatisme pour trouver la tonalité qui correspond à sa pensée. Mais n’est-ce pas plutôt une façon d’entrer dans un monde qui bâtit d’autres constructions harmoniques ? Est-ce à cela que mène l’inéluctable ? La danse elle-même n’apparaît qu’après tous ces tâtonnements apparents : elle est prétexte à une recherche qui la dépasse, abstraite, plus idée que réalité. Chopin parcourt ses mondes imaginés pour arriver aux portes de l’Enfer avec un trille interminable qui oscille entre le sarcasme et la terreur.
Chopin, vie et œuvre
Trille voir Glossaire
Les vagues que l’on retrouve dans Tristan et Isolde (1857-1859) de Wagner, au moment du Liebestod (La mort par amour) qui clôt l’opéra, submergent les amants. Elles représentent une ultime manifestation de l’inconscient : on les entend dans la conclusion de l’opus 61, discernables sous les volutes ornementales. Le chromatisme ne cesse de s’imposer et les inquiétantes phrases descendantes traduisent cette proximité du gouffre. La conclusion de l’œuvre prend le parti de continuer la route en effectuant un pari, celui d’une possible éclaircie.
Peut-on trouver un lien entre la production d’un artiste, quel qu’il soit, et ses tribulations affectives et domestiques ? À chaque créateur, à chaque œuvre son mystère. Mais la psychanalyse nous a familiarisés avec l’exploration de l’« inconscient ». Les travaux de Sigmund Freud (1856-1939) s’appuient certes sur le courant scientifique des recherches psychiatriques, mais l’évidence de l’« inconscient » a pénétré les créateurs depuis toujours, aussi bien en littérature (Goethe : le Roi des Aulnes/Erlkönig) qu’en musique (Beethoven : Symphonie n˚ V) ; d’autant plus que la musique, pour reprendre le mot du sémiologue Roland Barthes (1915-1980), « renforce la signifiance du texte », chanté ou sous-entendu. La « signifiance » n’équivaut pas à la « signification », mais va bien au-delà de celle-ci : c’est la révélation de l’épaisseur des mots. 120
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Musique et psychanalyse
Les Deux Nocturnes opus 62 Le Nocturne n˚ 1 en si majeur opus 62 est une sorte de Songe d’une nuit d’été, perdu dans les brumes des saisons chaudes, évoquées grâce à l’ornementation riche en trilles et petites notes qui soulignent les apparitions d’entités oniriques.
10. L’accomplissement (1844-1847)
Le Nocturne n˚ 2 en mi majeur de l’opus 62 représente le dépouillement même. Il avance en affirmant une mélodie aussi sobre que celle des pièces vocales de Chopin, comme si un texte allait se poser sur le thème, malgré l’absence de celui-ci. La prosodie y est présente ; elle se fait discours essentiel qui pourrait évoluer vers le style durchkomponiert (mélonie continue), mais elle y renonce en réexposant l’idée première. Boucourechliev, dans son ouvrage Regard sur Chopin, dit de la partie centrale de ce Nocturne qu’« on dirait (une œuvre de) Bach né au siècle romantique ! » Voilà le Spätstil – le style tardif – de Chopin.
Durchkomponiert voir Glossaire
Ces deux œuvres, écrites en mode majeur, abolissent le cliché de ce mode synonyme d’allégresse opposé au mode mineur qui traduirait la dépression, l’asthénie. Chopin articule dans chacun des deux modes, majeur et mineur, l’ambiguïté des états de conscience, tous les reflets du psychisme humain, lequel ne peut se satisfaire de catégories prédéterminées pour une classification définitive.
La fin d’une passion
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Nohant agité Chopin souffre de ne plus trouver grand monde autour de lui qui parle polonais. Ses amis sont absents – ou morts – et, sous la pression de la famille de George, il a dû congédier son domestique polonais, Jan. George Sand n’accepte plus de recevoir à Nohant les Polonais de passage, après avoir essuyé quelques déconvenues proches du parasitisme. On se demande souvent comment George Sand peut écrire dans
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l’agitation qui règne dans la demeure, tout en faisant sa confiture, en cousant et assurant vie à son théâtre de marionnettes ! George Sand est éternellement obligée de subvenir aux besoins des siens par sa plume… et la tension monte. Les scènes entre le groupe de base, George, ses deux enfants et Chopin, sont fréquentes et violentes. George écrit à une amie :
Chopin, vie et œuvre
« J’ai bien fait d’avoir un peu de colère qui m’a donné un jour de courage pour lui [Chopin] dire ses vérités et le menacer de m’en lasser. Depuis ce moment il est dans son bon sens, et vous savez comme il est bon, excellent, admirable, quand il n’est pas fou. »
Delacroix passe par Nohant, ainsi que Pauline Viardot, ce qui permet de calmer les esprits et de vivre encore d’agréables heures durant l’été 1846, le dernier pour Chopin dans cette atmosphère familiale, avec tous les bons et mauvais côtés.
Les Trois Mazurkas opus 63 Respectivement en si majeur, fa mineur et ut dièse mineur, elles ont été publiées du vivant de Chopin. Le style chromatique et les phrases interrogatives y sont toujours présents mais n’excluent pas une certaine joie dans ces courtes pièces au cours desquelles l’épanchement ne peut être bien long. Il faut vite conclure et aller de l’avant. Elles constituent des tableaux à part entière très denses, ramassés sur eux-mêmes, où chaque accord prend toute son importance, surtout dans la dissonance. La dimension « affective » apparaît très fortement suggérée à cette période où se consomment les dernières heures des amours chopéniennes avec George Sand.
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Ces Mazurkas répondent aux concepts forgés par le philosophe Vladimir Jankélévitch, grand admirateur de Chopin : elles sont très brèves et se situent entre le « je-ne-sais-quoi » et le « presque-rien », chers à ce penseur. Elles paraissent ne signifier qu’elles-mêmes, danses bien
rythmées, mais elles évoquent des lieux où l’on danse sur les rives du Styx1 plutôt que sur celles de la Vistule2. La subtilité de l’évocation ne nuit en rien à sa profondeur, surtout dans la Mazurka en ut dièse mineur, tonalité souvent choisie par Chopin.
La Sonate pour violoncelle et piano en sol mineur opus 65 10. L’accomplissement (1844-1847)
De retour à Paris mi-novembre, Chopin espère partir pour l’Italie avec George, une fois calmée la tempête familiale née des affaires sentimentales qui agitent les deux enfants de celle-ci. Il se rapproche alors des Polonais, des Czartoryski et de Delphine Potocka. ll fréquente aussi assidûment Delacroix et, surtout, en profite pour achever sa Sonate pour violoncelle et piano en sol mineur. Stravinski (1882-1971) en dira : « L’inspiration (…) est une force motrice que l’on trouve dans n’importe quelle activité humaine et qui n’est nullement le monopole des artistes. Mais cette force ne se déploie que quand elle est mise en action par un effort, et cet effort, c’est le travail 3. »
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Depuis longtemps, Chopin s’est lié avec le violoncelliste Auguste Franchomme. Il l’a même rencontré dès son arrivée à Paris. Né en 1808, soliste de l’Orchestre du Conservatoire, il a déjà collaboré avec Chopin pour une œuvre de commande qui reprend les thèmes d’un opéra à la mode dans les années trente, Robert le Diable, de Meyerbeer.
1. Fleuve des Enfers dans la mythologie grecque, le premier que les âmes des morts devaient traverser avant de passer devant le tribunal d’Hadès, le Zeus souterrain. 2. En polonais Wisla. Fleuve polonais de plus de 1 000 km. Il passe par Cracovie, Varsovie et se jette dans la Baltique par un delta dont l’un des bras relie Gdansk à la mer. 3. Cité par Philippe Mougeot in coffret CD de Samson François, Valses / Impromptus / Ballades / Scherzos de Chopin, EMI Classics, 2002.
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Giacomo Meyerbeer (1791-1864) Compositeur allemand qui connut un succès immense dans le monde entier. L’œuvre est datée et a mal survécu à son siècle. Meyerbeer était fort riche et participait financièrement à la production de ses opéras. Il avait construit son style sur un mélange des apports allemands et italiens qu’il accommoda, à partir de 1831, au goût français. Wagner lui rendit parfois hommage ; Berlioz, Schumann et Mendelssohn émettaient des réserves sur sa création construite sur les solides livrets d’Eugène Scribe (1791-1861).
Chopin, vie et œuvre
Chopin a fait quelques incursions dans la musique de chambre lors de sa toute jeunesse, mais il aborde maintenant ce genre, dans sa maturité d’homme et de compositeur, avec dans l’esprit cette permanence de l’inéluctable. Le chromatisme développé dans cette œuvre conduit à des dissonances auxquelles on peut prêter toutes sortes de significations, car Chopin a confiance en l’imagination des interprètes et en celle des auditeurs. Le dialogue entre les deux instruments imbrique les timbres et les intentions, les couleurs, pour manifester une énergie débordante qui émane de ce corps frêle et bientôt à l’agonie. Cette Sonate comprend quatre mouvements : Allegro moderato, Allegro con brio, Largo et Finale. Les thèmes sont fortement affirmés, la virtuosité n’y est que peu présente. Le chromatisme s’y implante résolument et Chopin apparaît plus soucieux du demi-ton que des envolées pianistiques de sa période brillante d’avant 1841. Dans le premier mouvement, on décèle un thème avec un intervalle dont Wagner se souviendra lorsqu’il composera le Final des Maîtres Chanteurs de Nuremberg, entre 1861 et 1867. Jean-Jacques Eigeldinger note dans son ouvrage, Frédéric Chopin :
1. Jean-Jacques Eigeldinger, Frédéric Chopin, « Mirare », Paris, Fayard, 2003.
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« L’opus 65 a commencé sa carrière dans nos concerts de musique de chambre voilà moins d’un quart de siècle. Après les opinions défavorables de maints analystes et commentateurs, elle [l’œuvre] continue de troubler : complexité d’une œuvre partiellement aboutie1 ? »
Une fin proche Lucrezia Floriani : un roman à clefs En 1847 George Sand traduit dans ce roman les difficultés qui amènent la rupture avec Chopin, les incompréhensions diverses, la lassitude et la fatigue pour une si puissante nature de suppléer à la faiblesse constitutive de Chopin.
10. L’accomplissement (1844-1847)
Chopin est de plus en plus malade malgré les périodes de rémission. En outre, il est pris à témoin par les différents membres d’une famille qui se déchire d’autant plus que s’y sont adjointes de nouvelles personnes au gré des liaisons et mariages. On en vient aux mains et Chopin est prié par George d’adopter une attitude à laquelle il ne se soumet pas. Il le manifeste dans une lettre qu’il lui envoie au mois de juillet. Mais la réponse de George est foudroyante : son exaspération y explose. Elle s’en explique à un ami : « Pour moi, quel débarras ! Quelle chaîne rompue ! Toujours résistant à son esprit étroit et despotique, mais toujours enchaînée par la pitié et la crainte de le faire mourir de chagrin, il y a neuf ans que, pleine de vie, je suis liée à un cadavre. […] Dieu merci, ce ne sera pas moi qui le tuerai, et je pourrai recommencer à vivre, moi qu’il tue à coups d’épingles, depuis neuf ans. […] Je lui ai toujours dit qu’une coquette habile lui convenait, et non une amie sincère, loyale et dévouée. »
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George fait ici allusion à sa propre fille, Solange, pour laquelle Chopin a une tendre affection. Mais si l’exaspération de George est compréhensible, elle se trompe de cible, Chopin étant poursuivi des assauts de Jane Stirling. George Sand n’est pas fautive, bien au contraire, c’est à elle que Chopin doit le confort matériel et moral qu’il trouve à Nohant, lieu si propice à l’épanouissement de son art. Toutefois, si l’expédition de Majorque a été désastreuse pour la santé de Frédéric, c’est que l’époque considère le Sud comme la panacée, ainsi que la saignée, pour lutter contre la maladie.
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Solange Sand et son mari le sculpteur Clésinger restent proches de Chopin jusqu’à sa mort, malgré la brutalité de Clésinger et l’antipathie que Chopin avait ressentie spontanément envers celui-lui. Auguste Jean-Baptiste Clésinger (1814-1883) Jeune sculpteur, il épouse, dans le plus grand tumulte, la fille de George Sand, Solange. Son œuvre la plus célèbre est la Femme au serpent (1847). C’est Clésinger qui prend le masque mortuaire de Chopin et le moulage de sa main gauche (1849). Il est aussi l’auteur du monument funéraire de Chopin.
Chopin, vie et œuvre
C’est Chopin, rencontrant George Sand par hasard, le 4 mars 1848, qui lui annonce la naissance de la fille que Solange vient de mettre au monde, morte peu après sa naissance.
L’inspiration se tarirait-elle ? La veine créatrice de Chopin s’est-elle affaiblie ? La maladie a-t-elle détruit son énergie ? La solitude lui pèse-t-elle ? Il est vrai que l’encombrante et stérile Jane Stirling n’a rien à voir avec la tendresse de la prolifique George Sand, d’autant plus que Chopin n’en est guère amoureux… Durant cette période, il crée les Deux Valses opus 64, respectivement ré bémol majeur n˚ 1, ut dièse mineur n˚ 2. Il dédie la première à son amie Delphine Potocka. Venue après les œuvres composées à partir de 1841, cette Valse n˚ 1 propose, malgré ses dissonances, une vision de salon, charmante mais un peu mièvre. La Valse n˚ 2 marque le retour au langage adopté depuis 1841 et, surtout, depuis le Nocturne n˚ 2 opus 62. Elle est comme un paysage mélancolique, souligné par un chromatisme discret qui fait cheminer l’œuvre jusqu’à une partie médiane brillante, sursaut de vie au milieu de cette lassitude qui n’a rien de la pose d’un dandy revenu de tout. Chopin s’émerveille encore de pouvoir danser, dirait-on.
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Il compose aussi une mélodie, la plus remarquable de toute sa production vocale : Melodia, sur un texte de Zygmunt Krasinski, opus 74 n˚ 9.
10. L’accomplissement (1844-1847)
Les Polonais émigrés se retrouvent dans ce poème sans espoir, à jamais exilés de leur patrie mise en pièces. La mélodie ressemble aux Lieder de Liszt, avec une partie de piano qui n’est pas construite comme un dialogue avec la voix, dans la tradition de la musique de chambre. Ce n’est pas l’« accompagnement » qui soutient le chanteur et disparaît happé par le brillant de la voix. Ici, comme chez Liszt, le piano ponctue le texte, après une introduction de deux phrases à la recherche d’une tonalité, comme on fredonne un air oublié et obsédant. Puis, les dissonances se succèdent et la mélodie s’achève sobrement par le constat de l’infinie tristesse due à l’oubli des siècles et des siècles. Melodia, composition seule de son espèce, est accompagnée de ces mots : « Nella miseria » que Chopin a glanés dans la Divine Comédie de Dante, partie consacrée à l’Enfer : « Nessun maggior dolore Che ricordarsi del tempo felice Nella miseria. » « À personne douleur plus grande N’est de se rappeler jours heureux Accablé de misère1. »
Avec cet emprunt au poète italien, Chopin se dirige vers son inévitable destin, ayant accompli, depuis 1831, lors de son arrivée à Paris, un parcours étonnant et poignant. Il y a obtenu la notoriété, vécu un amour rare avec une femme d’exception et accompli une œuvre d’une densité peu commune. Ses élèves sont toujours nombreux, fidèles et généreux.
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Il n’est pourtant que tristesse : sent-il sa fin prochaine ? Peut-il survivre sans amour ? Devra-t-il mourir seul ? Il a quitté George Sand sur ces interrogations, peut-être même sur un « à quoi bon ? »…
1. Traduction de l’auteur.
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Chapitre 11
Une triste fin (1848-1849)
11.
11. Une triste fin (1848-1849)
En 1848, barricades et violences mettent fin au règne de Louis-Philippe : après la chute de la branche aînée des Bourbons en 1830, c’est maintenant la branche cadette des Orléans qui abdique et émigre en Angleterre. Le banquet interdit par Guizot, ministre de Louis-Philippe, le 22 février, lance le peuple dans la rue. La Deuxième République est proclamée quelques jours plus tard, le 25 février. Le régime autoritaire et conservateur doit s’effacer devant ce soulèvement à la suite duquel de nombreux autres suivent à travers l’Europe, Allemagne, Autriche, Hongrie, Italie, sans oublier la Pologne, une nouvelle fois.
Le dernier concert parisien Le 16 février 1848, Pleyel décide d’organiser un concert pour Chopin, qui ne doit compter dans le public que le roi et les siens, l’aristocratie, les artistes les plus en vue de l’époque et les proches du compositeur.
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Le concert a lieu le 22 février, à la veille des journées révolutionnaires de 1848. Le climat parisien n’est pas au beau. Mais cela n’empêche pas Chopin de jouer des œuvres de Mozart et de lui-même. C’est un mélange de genres musicaux : ainsi, ce jour-là, entend-on des airs d’opéra, divers morceaux de musique de chambre et des œuvres de Chopin lui-même, une variété qui frise le « pot-pourri ». Avec Franchomme, Chopin joue trois des quatre mouvements de sa Sonate opus 65, puis des pièces pour piano seul : la Barcarolle, des Valses, des Études, un Nocturne, des Mazurkas et la Berceuse.
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Chopin reste étranger à l’événement politique qui bouleverse la France. Cependant il tourne les yeux vers la Pologne qui participe à ce « printemps des peuples » et son espoir renaît de la voir enfin grande et libre. À se demander s’il y croit vraiment ou s’il tient un discours destiné à combattre la solitude dans laquelle il se trouve.
Le départ pour la Grande-Bretagne Londres
Chopin, vie et œuvre
Jane Stirling, dans le désarroi où se trouve Chopin, débarrassée de George Sand, veut faire le bonheur de Chopin malgré lui. Elle le pousse à aller vivre à Londres avec elle, loin des émeutiers parisiens. Chopin arrive à Londres le 20 avril 1848, où l’attendent Jane Stirling et sa sœur Catherine, épouse Erskine. Il y retrouve des émigrés polonais qui ont quitté Paris en raison de l’incertitude politique. Mais il mène une vie peu propice au repos dont il a besoin, pourtant nécessaire à sa santé et à sa création, trop sollicité par des obligations mondaines, assailli par ses deux « tutrices ». Il retrouve son amie Pauline Viardot qui connaît un grand succès à Londres, et il rend visite aux Français émigrés qui ont fui eux aussi à la suite des journées de février. Jane Stirling fait un énorme battage autour de Frédéric qui joue dans les salons aristocratiques. On lui propose un concert avec orchestre qu’il décline. Cependant il joue tout de même devant la reine Victoria, bien étrangère à sa musique : elle préfère les opéras à la mode. Frédéric joue aussi dans de petites salles où il est très bien payé. On sait reconnaître la nouveauté de son style, son « génie de compositeur ». Il rencontre ensuite la grande cantatrice Jenny Lind et tous deux découvrent leurs affinités personnelles et musicales pour le folklore de leurs deux pays d’origine, la Pologne pour Chopin, la Suède pour Jenny Lind.
Cantatrice suédoise qui vint à Paris en 1841 travailler avec le baryton Manuel Garcia II, frère de Pauline Viardot. Elle connut un grand succès en Allemagne, en Autriche et en Angleterre. En 1849, elle renonça à l’opéra pour ne chanter qu’en concert. Elle fit une tournée 132
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Jenny Lind (1820-1887)
en Amérique, organisée par Barnum en 1850-1852, où on lui fit un triomphe. On la surnommait « le Rossignol suédois ».
Toutefois Chopin est toujours torturé par les nouvelles qui viennent de Pologne. En France, les suites de la Révolution de 1848 sont manifestes et l’agitation permanente : Chopin demeure alors en Angleterre bien qu’il ait conservé son appartement parisien.
11. Une triste fin (1848-1849)
L’Écosse Chopin est attendu ensuite en Écosse par Jane Stirling et sa famille, dans le château de Calder House. Voici ce qu’il en dit dans une lettre aux siens : « C’est un vieux manoir entouré d’un parc immense aux arbres séculaires. On ne voit que pelouses, frondaisons, montagnes et ciel. Les murs du château sont épais de huit pieds. De tous côtés, ce ne sont que galeries et couloirs sombres ornés d’innombrables portraits d’ancêtres de toutes couleurs et portant tous les costumes qui se puissent imaginer. Il y a des seigneurs vêtus à l’écossaise ou portant l’armure et des dames en vertugadin. Quel charme pour l’imagination. Il y a même un certain chaperon rouge qui fait des apparitions, cependant je ne l’ai pas encore vu. J’ai examiné hier tous les portraits mais je n’ai pas discerné celui de l’ancêtre qui hante le château. De la chambre que j’occupe, on découvre la vue la plus splendide que l’on puisse rêver. »
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Le climat de l’Écosse est cependant préjudiciable à sa santé de plus en plus fragile : il crache le sang, ne peut plus monter les escaliers seul et il avoue à Franchomme sa totale stérilité d’inspiration. Calder House, à plus d’un titre, n’est pas Nohant ! Frédéric est à la fois faible et accaparé par la sollicitude encombrante de Jane Stirling. Elle lui organise des concerts pour le (ou se) mettre en valeur. Il doit reprendre la route pour
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jouer à Manchester dans une salle beaucoup trop vaste où sa sonorité se perd, ce que la critique ne manque pas de souligner. Il retourne ensuite en Écosse, avec les visites ennuyeuses qui l’épuisent et engendrent amertume et stérilité. Heureusement, il rencontre quelques Polonais à Édimbourg, se produit dans cette ville et à Glasgow : sa vie d’agitation se poursuit entre concerts et visites. Jane Stirling se conduit, elle, comme un véritable « vampire », contrairement à George Sand, pourtant désignée comme telle par Custine.
La désillusion Chopin, vie et œuvre
On ne peut trouver deux personnalités plus éloignées l’une de l’autre que George Sand et Jane Stirling. La première est une femme qui doit lutter pour s’imposer dans un métier exigeant et en vivre. Personne d’autre que George Sand ne peut subvenir à ses besoins et ceux de sa famille. Elle crée sans cesse : elle écrit un nombre considérable de romans, d’articles, sans compter ses lettres. Elle joue un rôle politique important et lutte pour que les femmes soient considérées comme des êtres responsables à part entière, alors que l’époque en fait légalement d’éternelles mineures, redoutables d’ailleurs quand elles savent jouer de ce misérable statut. Quant à Jane Stirling, elle est née très riche, sorte de « vieille fille-enfant gâtée » à laquelle rien ne doit résister, pas même la maladie de Chopin. Elle ne sait calmer son ardeur débordante à exhiber un mourant dont la fréquentation la flatte. Son comportement paraît infantile au plus haut point. C’est certainement en raison de son état de grande faiblesse que Chopin ne peut résister à ce raz-de-marée qui attriste sa dernière année de vie. Chopin s’ennuie dans cette agitation perpétuelle engendrée par une frustration sexuelle évidente que Jane Stirling compense par un excès d’empressement. « Mes Écossaises ne peuvent me laisser en paix », écrit Chopin à Grzymala.
L’ardeur insatiable de Jane Stirling
On parle de fiançailles entre Frédéric et Jane Stirling, bruit que Chopin fait rapidement taire. Et il ajoute dans une lettre à Grzymala : 134
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« Je suis plus près du cercueil que d’un lit nuptial. » ■
Un art luxueux
11. Une triste fin (1848-1849)
Ce rude jugement de Chopin adressé injustement, il est vrai, aux Anglais : « Les Anglais n’ont de respect pour l’art que parce que c’est un luxe », s’applique à un type de public qui prend l’art pour gage d’appartenance à une certaine classe sociale, le plus souvent déterminée par l’argent. L’art devient une sorte de denrée, d’ornement dont on se pare sans jamais s’être donné la peine d’en pénétrer les mystères : mystère de la création artistique, mystère de l’émotion reçue par le public et suscitée par l’artiste, mystère de l’œuvre qui résiste à l’épreuve du temps, mystère des familles et filiations artistiques… Il est vrai que l’art ne peut exister sans argent, d’où l’importance des mécènes privés ou publics, car il a besoin de lieux pour se manifester et est lié à un certain luxe. ■
L’ultime concert
Chopin reprend le chemin de Londres, de plus en plus faible : il donne un concert pour les émigrés polonais dans un but charitable. Ce concert est plus un acte de mondanité qu’un événement musical. Chopin rentre à son hôtel exténué, se couche à bout de forces, soigné par des amis polonais. La presse ne mentionne même pas sa présence. C’est sa dernière apparition publique en tant que pianiste. Il écrit à Grzymala fin novembre 1848 : « Encore un jour de plus ici et je serai fou sans en crever. »
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Cette tournée anglaise et écossaise est catastrophique pour Chopin. Il y gagne un peu d’argent mais s’y détruit moralement et physiquement. Il n’a rien composé et s’est épuisé.
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Les derniers moments à Paris Chopin regagne le square d’Orléans à Paris avec une certaine amertume que compense la présence de ses amis : Delacroix, Franchomme… Jane Stirling et sa sœur suivent Frédéric et lui rendent visite. Chopin ne peut plus guère donner de leçons en raison de son état de santé et il se trouve à court d’argent. Jane Stirling y pourvoit sans qu’il le sache, geste d’une naïve générosité. Malgré sa peine, Chopin retrouve des forces et se remet à composer de courtes pièces (après l’éblouissement de la Sonate opus 65) car il est dorénavant trop faible pour produire de tels monuments.
Chopin, vie et œuvre
Il écrit deux Mazurkas, en sol mineur et fa mineur. La mélancolie y prédomine, surtout avec la Mazurka en fa mineur, que Franchomme retrouvera par hasard, pièce testamentaire où Chopin se projette dans les siècles futurs. Il préfigure si nettement le chromatisme de Wagner qu’on y entend déjà le fameux accord dit « accord de Tristan », lequel fera couler beaucoup d’encre sous l’expression : « l’homme malade de l’Europe ».
« L’accord de Tristan » voir Glossaire
Ayant foi en le renouvellement perpétuel de la musique par elle-même, Chopin cesse d’écrire, terrassé par la maladie. Les audaces chromatiques n’arrivent plus à le tenir hors de l’abîme qui l’attire à lui depuis tant d’années. Sur l’avis de ses médecins, il quitte le square d’Orléans pour la campagne sur la colline de Chaillot. Cela lui est profitable, d’autant plus que le choléra a fait son apparition dans la capitale. Mais Chopin n’a plus d’argent pour louer un nouvel appartement ; ses amis y pourvoient donc discrètement. Delphine Potocka, Jenny Lind, Delacroix, Franchomme et la Catalani, qui l’a connu très jeune à Varsovie, viennent lui rendre visite. Chopin trouve parfois la force de se promener au bois de Boulogne. Cependant, le grand médecin Cruveilhier, appelé auprès de lui, déclare que Frédéric est au dernier degré de la phtisie :
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Une fin proche
l’hémoptisie fatale (hémorragie par les voies respiratoires) peut se produire à tout moment. Chopin se sait perdu ; il écrit à sa sœur Ludwika : « Je suis très faible et aucun médicament ne peut m’aider autant que toi. […] Les cyprès n’ont-ils pas leurs caprices ? Mon caprice est de vous avoir ici. »
11. Une triste fin (1848-1849)
Chopin évoque cet arbre, connaissant parfaitement la symbolique mortuaire qu’un de ses auteurs favoris, le poète Lord Byron, attache à cet arbre méditerranéen. Dans cette lettre, sa sœur Ludwika perçoit la gravité de la situation et arrive à Paris à la mi-août. On lui déconseille d’emmener Frédéric à Nice chez Delphine Potocka. Un nouvel appartement, le dernier, doit accueillir Chopin au 12, place Vendôme, après l’été passé sur la colline de Chaillot, lieu dérisoire après tous les séjours estivaux à Nohant. Ses amis vont le voir, tous, sauf George Sand. Elle s’informe par lettre de l’état de Chopin auprès de Ludwika qui ne lui répond pas. L’argent manque à Chopin ; Jane Stirling lui dépose alors une enveloppe contenant une somme importante, d’abord perdue par la concierge, puis retrouvée par l’intermédiaire d’un célèbre mage. Cette anecdote, digne d’une nouvelle de Balzac, impressionne beaucoup Chopin, d’abord sceptique sur les pouvoirs du magnétiseur… À la mi-octobre, il est à l’article de la mort, si bien que ses amis lui dépêchent une de ses vieilles connaissances, un prêtre polonais, le père Jelowicki. Mais Chopin se refuse à recevoir les sacrements, puis s’y résout en disant à son ami : « Sans toi, je serais mort comme un cochon. »
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17 octobre 1849 : la mort de Chopin Le 15 octobre, Chopin est à l’agonie. Delphine Potocka lui chante alors les airs des compositeurs d’antan qu’il aime, tandis que Marcelina Czartoryska et Franchomme jouent le premier mouvement de la Sonate opus 65.
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Le 16 octobre, son état s’améliore suffisamment pour qu’il demande que le Requiem de Mozart soit joué lors de son enterrement et que son cœur revienne à la Pologne. Mais, à deux heures du matin, le 17 octobre, entouré de ses amis, Chopin répond à son médecin qui lui demande s’il souffre : « Plus. » Il murmure encore des syllabes non discernables, lève la main… qui retombe. Frédéric Chopin est mort. Delacroix se trouve en Normandie au moment de la mort de Chopin. Il ne l’apprend que le 20 octobre et note dans son Journal, à cette date :
Chopin, vie et œuvre
« J’ai appris, après déjeuner, la mort du pauvre Chopin.[…] Quelle perte ! Que d’ignobles gredins remplissent la place, pendant que cette belle âme vient de s’éteindre ! »
30 octobre 1849 : les funérailles À la Madeleine, on entend sa Marche funèbre, orchestrée, deux des Préludes de l’opus 28 (mi mineur, si mineur), le Requiem de Mozart, Pauline Viardot, drapée de noir, étant parmi les solistes.
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Ludwika repart ensuite pour Varsovie, en emportant le cœur de son frère qui sera scellé à l’intérieur d’un pilier de l’église Sainte-Croix. Chopin est inhumé au cimetière du Père-Lachaise. Le monument funéraire, grâce à une collecte organisée par Eugène Delacroix, est réalisé par Clésinger.
Conclusion La vie et l’œuvre de Frédéric Chopin, considérées dans leur ensemble, mêlées l’une à l’autre, s’éclairent mutuellement : Chopin est l’auteur d’une œuvre charnière. Il clôt un monde et appartient à ceux qui ouvrent la musique à des voies nouvelles, tout en en conservant les assises. Les années et siècles à venir sauront gré à Chopin de ses audaces, de la vaillance de sa musique qui ne renie jamais la recherche de la beauté, de sa conception de la virtuosité pianistique, empruntée à la virtuosité vocale, justifiée par un contexte et toujours expressive. La courte vie de Chopin, cette fin « grelotteuse », dans la gêne, sous des dehors élégants voire brillants, est pathétique. Son œuvre prophétise les douleurs de son agonie, symbole des convulsions du monde.
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Goethe dit : « Meurs, et deviens » (Stirb, und werde) dans les vers de son poème Selige Sehnsucht/Béatitude désirée, extrait du recueil le Divan occidental-oriental (1814-1816). Cette formule lapidaire convient au destin de Chopin et à la présence de son œuvre au fil des siècles.
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Annexes
Cahier de correspondance entre Chopin et George Sand (extrait de Correspondance de Chopin, La Revue musicale, éditions Richard Masse, Paris, 1981, 3 volumes) N˚ 2601 George Sand à Frédéric Chopin, s.d.
On vous adore George
Annexes
et moi aussi ! et moi aussi ! et moi aussi ! ! !
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Marie Dorval
1. Nous conservons la numérotation des lettres établie par l’éditeur (Note de l’auteur).
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N˚ 372 George Sand à Frédéric Chopin, à Paris, [Cambrai, 13 août 1840]
Cher enfant,
Chopin, vie et œuvre
Je suis arrivée à midi bien fatiguée, car il y a quarante-cinq lieues et non trente-cinq de Paris jusqu’ici. Nous vous raconterons de belles choses des bourgeois de Cambrai. Ils sont beaux, ils sont bêtes, ils sont épiciers ; c’est le sublime du genre. Si la Marche historique ne nous console pas, nous sommes capables de mourir d’ennui des politesses qu’on nous fait. Nous sommes logés comme des princes ; mais quels hôtes, quelles conversations, quels dîners ! Nous en rions quand nous sommes ensemble ; mais quand nous sommes devant l’ennemi, quelle piteuse figure nous faisons. Je ne désire plus vous voir arriver ; mais j’aspire à m’en aller bien vite, et je commence à comprendre pourquoi mon Chop ne veut pas donner de concerts. Il serait possible que Pauline Viardot ne chantât par après-demain faute d’une salle. Nous repartirons peut-être un jour plus tôt. Je voudrais être déjà loin des Cambrésiens et des Cambrésiennes.
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Bonsoir, Chip-Chip ; bonsoir, Bouli. Je vais me coucher, je tombe de fatigue. Aimez votre vieille comme elle vous aime.
N˚ 551 Frédéric Chopin à George Sand, à Nohant, [Paris, 2 décembre 1844]1 Lundi, 3 heures
Annexes
Comment chez vous ? Je viens de recevoir votre excellente lettre. Il neige ici tant que je suis bien aise que vous ne soyez pas en route et je me reproche de vous avoir pu susciter l’idée du voyage en poste par ce temps-là. La Sologne doit être déjà mauvaise car il neige depuis hier matin. Votre décision d’attendre quelques jours me paraît la meilleure et j’aurai plus de temps à vous faire chauffer vos appartements. L’essentiel c’est de ne pas vous mettre en route par ce temps, avec des perspectives de souffrances. Jean a mis vos fleurs dans la cuisine. Votre jardinet est tout en boules de neige, en sucre, en cygne, en fromage à la crème, en mains de Solange et de Maurice. Les fumistes viennent de venir, car je n’osais pas faire beaucoup de feu sans eux. Votre robe est en levantine noire, tout ce qu’il y a de meilleur. Je l’ai choisie selon vos ordres. La couturière l’a emportée avec toutes vos instructions. Elle a trouvé l’étoffe bien belle, simple, mais bien portée. Je crois que vous en serez contente. La couturière m’a paru bien intelligente. L’étoffe a été choisie parmi dix autres, elle est de neuf francs le mètre, ainsi tout ce qu’il y a de meilleur en qualité, elle sera, à ce qu’il paraît, excellente… tout a été prévu du côté de la couturière qui veut bien faire. Il y a ici beaucoup de lettres pour vous. Je vous envoie une qui me paraît être de la mère de Garcia. Il y a une des Colonies, une de la Prusse à Mme Dudevant, née Francueil, que je vous enverrais aujourd’hui si elles étaient moins grandes. Je vous les enverrai si vous le voulez. Il y a tout plein de journaux (l’Atelier, le Bien Public, le Diable),
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1. Toutes les lettres de Chopin reproduites dans cet ouvrage sont écrites en français.
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Chopin, vie et œuvre
quelques livres, quelques cartes, entre autres celles de M. Martins. J’ai dîné hier chez Franchomme, je ne suis sorti qu’à quatre heures, à cause du mauvais temps, et j’ai été le soir chez Mme Marliani. Je dînerai aujourd’hui chez elle, avec Leroux m’a-t-elle dit, si la séance du procès de son frère, qui doit être plaidé aujourd’hui, finit de bonne heure. J’ai trouvé les Marliani assez bien portants, sauf le rhume. Je n’ai vu ni Grzymala ni Pleyel, c’était dimanche. Je compte aller aujourd’hui les voir si la neige cesse un peu. Soignez-vous, ne vous fatiguez pas trop avec vos paquets. À demain une nouvelle lettre, si vous permettez. Votre toujours plus vieux que jamais, et beaucoup, extrêmement, incroyablement vieux. Ch. Et puis voilà ! À vos enfants.
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Franchomme a passé la matinée avec moi. Il est bien bon pour moi. Il se met à vos pieds. Je reçois à l’instant une lettre qui me paraît de Delatouche et je la joins.
N˚552 Frédéric Chopin à George Sand, à Nohant, [Paris, 5 décembre 1844] Jeudi, 3 heures
Ne souffrez pas, ne souffrez pas.
Annexes
Je viens de recevoir votre excellentissime lettre et je vous vois toute tracassée par vos retards. Mais par pitié pour vos amis, prenez patience car vraiment nous serions tous peinés de vous savoir en chemin par ce temps-là et pas en parfaite santé. Je voudrais que vous n’ayez des places que le plus tard possible, afin qu’il fasse moins froid ; ici c’est fabuleux, tout le monde prétend que l’hiver s’annonce beaucoup trop brusquement. Tout le monde, c’est M. Durand et Franchomme, que j’ai vu déjà ce matin, et chez lequel j’ai dîné hier au coin du feu dans ma grosse redingote et à côté de son gros garçon. Il était rosé, frais et jambes nues. J’étais jaune, fané, froid et trois flanelles sous le pantalon. Je lui ai promis du chocolat de votre part. Vous et le chocolat, c’est synonyme maintenant pour lui. Je crois que vos cheveux, qu’il racontait être si noirs, sont devenus dans son souvenir couleur chocolat. Il est drôle tout plein et je l’aime tout particulièrement. Je me suis couché à dix heures et demie. Mais j’ai dormi moins fort que la nuit après le chemin de fer.
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Que je suis fâché que vos plantations soient finies ; j’aurais voulu que vous ayez quelque chose à faire en sabots et dehors, car malgré le froid et le glissant, ici il fait beau. Le ciel est pur et ne s’embrume pas pour laisser tomber un peu de neige. J’ai écrit à Grzym [ala]. Il m’a écrit, mais nous ne nous sommes pas encore vus. J’étais cependant chez lui, mais il est introuvable. Je sortirai comme toujours porter cette lettre à la Bourse, et avant d’aller chez Mlle de Rozières, qui m’attend à dîner, j’irai voir Mme Marliani, que je n’ai vue ni hier ni avant-hier. Je ne
147
Chopin, vie et œuvre
suis pas allé non plus chez Mme Doribeaux, car je suis sans beaux habits, ce qui fait que je ne ferai pas des visites inutiles. Mes leçons ne sont pas encore en train. Primo, je viens de recevoir seulement un piano. Secundo, on ne sait pas encore trop que je suis arrivé : je n’ai eu qu’aujourd’hui seulement quelques visites intéressées. Cela viendra peu à peu, je ne m’en inquiète pas. Mais je m’inquiète de vous avoir quelquefois impatientée, et je mets mon nez à vos pieds pour vous prier de vous armer d’un peu d’indulgence pour les voituriers qui ne vous rapportent pas de réponse de Châteauroux, et pour des choses semblables. À demain. Je vous envoie une lettre pour vous éveiller mieux encore. Je pense qu’il fait matin et que vous êtes dans votre robe de chambre, entourée de vos chers fanfi, que je vous prie de bien vouloir bien embrasser de ma part, ainsi que de me mettre à vos pieds. Pour les fautes d’orthographe, je suis trop paresseux pour voir dans [le dictionnaire] Boiste. Votre momiquement vieux. Ch.
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Jean nettoie dans ce moment le salon. Il est fort occupé des glaces et y met le temps.
N˚629 Frédéric Chopin à George Sand, à Nohant, [Mercredi, 3 heures, Paris, 25 novembre 1846]
Annexes
Je compte que votre migraine est passée et que vous voilà mieux disposée que jamais. Je suis bien aise du retour de tout votre monde et je vous souhaite du beau temps. Il fait ici noir et humide, on ne peut vivre qu’enrhumé. Grzym[ala] est mieux. Il a dormi hier une petite heure pour la première fois depuis dixsept jours. J’ai vu Delacroix, qui vous dit mille tendresses à tous. Il souffre mais va cependant à son travail au Luxembourg. Je suis allé hier soir chez Mme Marliani. Elle sortait avec Mme Scheppard, M. Aubertin (qui a eu l’audace de lire votre Mare au Diable en plein collège comme exemple de style) et M. d’Arpentigny. Ils allaient entendre un nouveau prophète que le capitaine1 protège (ce n’est pas un apôtre). Sa nouvelle religion est celle des fusionistes, le prophète qui a eu la révélation au bois de Meudon, où il a vu Dieu. Il promet pour comble de bonheur, dans une certaine éternité, qu’il n’y aura plus de sexe. Cette idée ne plaît pas beaucoup à Mme de M.[arliani], mais le capitaine est pour et déclare la baronne en ribotte chaque fois qu’elle se moque de son fusionisme. Je vous enverrai demain la fourrure et vos autres commissions. Le prix de votre piano est de neuf cents francs. Je n’ai pas vu Arago, mais il doit se porter bien, car il était sorti, quand Pierre lui a porté votre billet. Remerciez, je vous prie, Marquis2 de ses flairaisons [sic] à ma porte. Soyez heureuse et bien portante. Écrivez quand vous aurez besoin de quelque chose. Votre dévoué.
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Ch.
1. Le capitaine d’Arpentigny qui vient d’être évoqué. 2. Le chien de George Sand.
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À vos chers enfants,
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© Eyrolles Pratique
Chopin, vie et œuvre
Je reçois votre lettre, qui est en retard de six heures. Elle est bonne, bonne et parfaite. Ainsi, je n’enverrai pas demain vos commissions. J’attendrai. Ne m’enverrez-vous pas votre camail pour la faire arranger ici ? Avez-vous des ouvrières capables ? Ainsi j’attendrai vos ordres. Je suis bien aise que les bonbons ont eu du succès. Je suis fautif du briquet mais je ne sais pas s’il y a suffisamment d’amadou. Je vais à la grande poste avec cette lettre avant d’aller chez Grzym[ala].
N˚ 639 Frédéric Chopin à George Sand, à Nohant, [Mardi, 3 heures, Paris, 12 janvier 1847]
Annexes
Votre lettre m’a amusé. Je connais beaucoup de mauvais jours mais en fait des Bonjours, je n’ai rencontré que l’éternel candidat de l’Académie, M. Casimir Bonjour. Mon ami improvisé m’a rappelé le monsieur mélomane de Châteauroux, dont je ne sais pas le nom et qui disait à M. de Préaux me connaître beaucoup. Si cela continue, je finirai par me croire un personnage important. Vous êtes donc maintenant tout entière à l’art dramatique. Je suis sûr que votre prologue est un chefd’œuvre et que les répétitions vous amuseront beaucoup, seulement n’oubliez jamais votre wilchura1 ou votre muse. Ici il refait froid. J’ai vu les Veyret, qui vous présentent leurs hommages. Je n’oublierai pas vos fleurs, votre note du jardinier. Soignez-vous, amusez-vous, soyez bien portants tous. Votre dévoué Ch.
© Eyrolles Pratique
À vos chers enfants.
1. Fourrure (en peau de loup), terme polonais. 151
N˚ 590 George Sand à Frédéric Chopin, à Paris, [Nohant] samedi soir, minuit s.d.
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© Eyrolles Pratique
Chopin, vie et œuvre
Nous partons demain de bonne heure. Nous avons trouvé un cheval de voiture et nous emmenons mon frère. Comme je ne pourrai guère vous écrire en voyage, je veux au moins que vous receviez un petit mot de moi à Paris. Je suis triste en pensant que vous êtes en voiture, que vous passez une mauvaise nuit. Prenez au moins le tems [sic] d’en passer trois bonnes à Paris, et ne vous fatiguez pas trop. Aime-moi, cher Ange, mon cher bonheur. Je t’aime.
N˚ 664 Frédéric Chopin à George Sand, à Nohant, [Paris, 24 juillet 1847]
Je n’ai pas à Vous parler de M. Cl[ésinger]. Ma pensée ne s’est familiarisée avec le nom même de M. Cl[ésinger] que du moment ou [sic] Vous lui avez donné votre fille. Quant à celle-ci – elle ne peut m’être indifférente. Vous vous rappellerez que j’intercédais auprès de Vous en faveur de Vos enfants sans préférence, chaque fois que l’occasion s’en présentait, certain que Vous êtes destinée à les aimer toujours – car ce sont les seules affections qu’on ne change pas. Le malheur peut les voiler, mais non dénaturer.
Annexes
Il faut que ce malheur soit bien puissant aujourd’hui pour qu’il deffende [sic] à Votre cœur d’entendre parler de Votre fille, au début de sa carrière définitive, à l’époque où son état physique exige plus que jamais des soins maternels. En présence d’un fait aussi grave qui touche à Vos affections les plus saintes – je ne relèverai pas ce qui me concerne. Le temps agira. J’attendrai – toujours le même. Votre tout dévoué Ch.
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À Maurice
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N˚ 665 George Sand à Frédéric Chopin, à Paris, [Nohant] mercredi [1847]
Chopin, vie et œuvre
J’avais demandé hier les chevaux de poste et j’allais partir en cabriolet par cet affreux temps, très malade moi-même ; j’allais passer un jour à Paris pour savoir de vos nouvelles. Votre silence m’avait rendue inquiète à ce point sur votre santé. Pendant ce temps-là, vous preniez le temps de la réflexion et votre réponse est fort calme. C’est bien, mon ami, faites ce que votre cœur vous dicte maintenant et prenez son instinct pour le langage de votre conscience. Je comprends parfaitement. Quant à ma fille, sa maladie n’est pas plus inquiétante que celle de l’année dernière, et jamais mon zèle, ni mes soins, ni mes ordres, ni mes prières n’ont pu la décider à ne pas se gouverner comme quelqu’un qui aime à se rendre malade. Elle aurait mauvaise grâce à dire qu’elle a besoin de l’amour d’une mère qu’elle déteste et calomnie, dont elle souille les plus saintes actions et la maison par des propos très atroces. Il vous plaît d’écouter cela et peut-être d’y croire. Je n’engagerai pas un combat de cette nature ; il me fait horreur. J’aime mieux vous voir passer à l’ennemi que de me défendre d’un ennemi sorti de mon sein et nourri de mon lait.
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© Eyrolles Pratique
Soignez-la puisque c’est à elle que vous croyez devoir vous consacrer. Je ne vous en voudrai pas, mais vous comprendrez que je me retranche dans mon rôle de mère outragée et que rien n’en fera, désormais, méconnaître l’autorité et la dignité. C’est assez être dupe et victime. Je vous pardonne et ne vous adresserai aucun reproche désormais, puisque votre confession est sincère. Elle m’étonne un peu, mais, si vous vous sentez plus
libre et plus à l’aise ainsi, je ne souffrirai pas de cette bizarre volte-face. Adieu, mon ami, que vous guérissiez de tous vos maux, et je l’espère maintenant (j’ai mes raisons pour cela) ; et je remercierai Dieu de ce bizarre dénouement à neuf années d’amitié exclusive. Il est inutile de jamais revenir sur le reste.
Annexes
À M. Chopin
© Eyrolles Pratique
Rue Saint-Lazare, 9, cour d’Orléans, Paris.
155
Catalogue des œuvres de Chopin publiées de son vivant Piano seul ■
Ballades
Ballade n˚ 1 en sol mineur
opus 23
1831-1835
Ballade n˚ 2 en fa majeur
opus 38
1836-1839
Ballade n˚ 3 en la bémol majeur
opus 47
1841
Ballade n˚ 4 en fa mineur
opus 52
1842
12 Études
opus 10
1829-1831
12 Études
opus 25
1832-1836
■
Études
3 Nouvelles Études
© Eyrolles Pratique
■
1839
Impromptus
Impromptu n˚ 1 en la bémol majeur
opus 29
1837
Impromptu n˚ 2 en fa dièse majeur
opus 36
1839
Impromptu n˚ 3 en sol bémol majeur
opus 51
1842
157
■
Mazurkas
2 Mazurkas
1825-1826
si bémol majeur sol majeur 4 Mazurkas
opus 6
1830-1831
opus 7
1830-1831
opus 17
1832-1833
opus 24
1834-1835
opus 30
1836-1837
fa dièse mineur ut dièse mineur mi majeur mi bémol mineur 5 Mazurkas
Chopin, vie et œuvre
si bémol majeur la mineur fa mineur la bémol majeur ut majeur 4 Mazurkas si bémol majeur mi mineur la bémol majeur la mineur 4 Mazurkas sol mineur ut majeur la bémol majeur si bémol mineur 4 Mazurkas ut mineur si mineur ut dièse mineur
158
© Eyrolles Pratique
ré bémol majeur
4 Mazurkas
opus 33
1837-1838
opus 41
1838-1839
sol dièse mineur ré majeur
Catalogue des œuvres de Chopin publiées de son vivant
ut majeur si mineur 4 Mazurkas ut dièse mineur mi mineur si majeur la bémol majeur Mazurka en la mineur (pour É. Gaillard)
1839-1841
Mazurka en la mineur (pour le recueil Notre Temps)
1840-1841
3 Mazurkas
opus 50
1841-1842
opus 56
1843
opus 59
1845
opus 63
1846
sol majeur la bémol majeur ut dièse mineur 3 Mazurkas si majeur ut majeur ut mineur 3 Mazurkas la mineur la bémol majeur fa dièse mineur 3 Mazurkas si majeur fa mineur
© Eyrolles Pratique
ut dièse mineur
159
■
Nocturnes
3 Nocturnes
opus 9
1830-1831
opus 15
1831-1832
opus 27
1835
opus 32
1835-1837
opus 37
1837-1839
opus 48
1841
opus 55
1843
opus 62
1846
si bémol mineur mi bémol majeur si majeur 3 Nocturnes fa majeur fa dièse majeur sol mineur 2 Nocturnes
Chopin, vie et œuvre
ut dièse mineur ré bémol majeur 2 Nocturnes si majeur la bémol majeur 2 Nocturnes sol mineur sol majeur 2 Nocturnes ut mineur fa dièse mineur 2 Nocturnes fa mineur mi bémol majeur 2 Nocturnes si majeur
160
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mi majeur
■
Polonaises
Polonaise en sol mineur 2 Polonaises
1817 1832-1835
opus 40
1838-1839
Polonaise en fa dièse mineur
opus 44
1841
Polonaise en la bémol majeur
opus 53
1842
Polonaise-Fantaisie en la bémol majeur opus 61
1846
Catalogue des œuvres de Chopin publiées de son vivant
opus 26
ut dièse mineur mi bémol mineur 2 Polonaises la majeur ut mineur
■
24 Préludes
opus 28
1837-1839
Prélude en ut dièse mineur
opus 45
1841
Rondeau en ut mineur
opus 1
1825
Rondeau à la Mazur en fa mineur
opus 5
1826-1827
Rondeau en mi bémol majeur
opus 16
1832-1833
Scherzo n˚ 1 en si mineur
opus 20
1831
Scherzo n˚ 2 en si bémol mineur
opus 31
1835-1837
Scherzo n˚ 3 en ut dièse mineur
opus 39
1839
Scherzo n˚ 4 en mi majeur
opus 54
1842
■
■
© Eyrolles Pratique
Préludes
Rondeaux
Scherzos
161
■
Sonate n˚ 1 en ut mineur
opus 4
1827-1828
Sonate n˚ 2 en si bémol mineur
opus 35
1837-1839
Sonate n˚ 3 en si mineur
opus 58
1844
■
Chopin, vie et œuvre
Sonates
Valses
Valse en la mineur
opus 34 n˚ 2 1831
Valse en mi bémol majeur
opus 18
Valse en la bémol majeur
opus 34 n˚ 1 1835-1838
Valse en fa majeur
opus 34 n˚ 3 1838
Valse en la bémol majeur
opus 42
Valse en la bémol majeur
opus 64 n˚ 3 1840
Valse en ré bémol majeur
opus 64 n˚ 1 1847
Valse en ut dièse mineur
opus 64 n˚ 2 1847
■
1833
1840
Variations
Variations en mi majeur sur l’air allemand « Der Schweizerbub »
1824-1829
Variations en si bémol majeur sur « Je vends des scapulaires », extrait de Ludovic d’Hérold (Variations brillantes) opus 12 1833 Variation en mi majeur sur La Marche des Puritains de Bellini
1837-1838
162
Barcarolle
opus 60
1845-1846
Berceuse
opus 57
1844
Boléro
opus 19
1833
Fantaisie en fa mineur
opus 49
1841
Tarentelle en la bémol majeur
opus 43
1841
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Œuvres isolées
Œuvres pour piano et orchestre opus 2
1827-1828
Krakowiak, grand rondo de concert en fa majeur
opus 14
1828
Fantaisie sur des airs polonais
opus 13
1829
Concerto pour piano en fa mineur (Concerto n˚ 2) opus 21
1829-1830
Concerto pour piano en mi mineur (Concerto n˚ 1) opus 11
1830
Grande Polonaise brillante précédée d’un Andante spianato, en mi bémol majeur opus 22
1830-1834
Allegro de concert
1832-1841
opus 46
Catalogue des œuvres de Chopin publiées de son vivant
Variations sur « La ci darem la mano » de Mozart
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Musique de chambre Trio pour piano, violon et violoncelle en sol mineur opus 8
1828-1829
Introduction et Polonaise brillante en ut majeur, pour piano et violoncelle
opus 3
1829-1831
Grand Duo concertant pour piano et violoncelle, sur des thèmes de Robert le Diable de Meyerbeer
1832
Sonate en sol mineur pour piano et violoncelle
opus 65
1845-1847
163
Dix-neuf mélodies toutes publiées après la mort de Chopin Dix mélodies, poèmes de S. Witwicki Zyczenie
opus 74 n˚ 1
1829
Gdzie lubi
opus 74 n˚ 5
1829
Chopin, vie et œuvre
Czary
1830
Hulanka
opus 74 n˚ 4
1830
Posel
opus 74 n˚ 7
1830
Wojak
opus 74 n˚ 10
1830
Smutna rzeka
opus 74 n˚ 3
1831
Narzeczony
opus 74 n˚ 15
1831
Pierscien
opus 74 n˚ 14
1836
Wiosna
opus 74 n˚ 2
1838
Quatre mélodies, poèmes de B. Zaleski Dumka
1840
Sliczny chlopiec
opus 74 n˚ 8
1841
Dwojaki koniec
opus 74 n˚ 11
1845
Nie ma czego trzeba opus 74 n˚ 13
1845
Deux mélodies, poèmes d’A. Mickiewicz Precz z moich oczu
opus 74 n˚ 6
1827-1830
Moja pieszczotka
opus 74 n˚ 12
1837
164
Piosnka litewska (paroles de L. Osinski)
opus 74 n˚ 16
1831
Leci liscie z drzewa (paroles de W. Pol)
opus 74 n˚ 17
1836
Melodia (paroles de Z. Krasinski)
opus 74 n˚ 9
1847
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Autres
Glossaire « L’accord de Tristan » : terme qui désigne le premier accord de l’opéra de Wagner, Tristan und Isolde (1858). On le qualifie d’« homme malade de l’Europe ». En effet, alors que nous sommes en la mineur, il présente la particularité de contenir une note (ré dièse) dite « étrangère » à cet accord. Il conduit ainsi, en bafouant l’harmonie classique, à une porte qui s’ouvre sur l’« atonalité », en passant par les méandres de la passion amoureuse. Accompagnement : partie qui soutient la mélodie principale harmoniquement et/ou rythmiquement. Ballade : genre poétique d’abord destiné à la musique vocale. Dès le début du XIXe siècle, ce morceau devient une forme instrumentale destinée au piano. Elle permet une invention dramatique, sans céder à la mode de la « musique à programme » qui se veut l’illustration de scènes précises généralement exposées par le compositeur dans un feuillet remis aux spectateurs, avant l’exécution de l’œuvre ellemême.
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Bel canto ou « beau chant » : art d’utiliser toutes les possibilités de la voix humaine. Catalogue : classement qu’un compositeur donne de ses œuvres. Le plus généralement, elles figurent par numéro d’opus (œuvre, en latin) ou ordre de parution. On attribue parfois, pour certains compositeurs, le nom de l’auteur de leur catalogue à l’ordre dans lequel leurs ouvrages sont répertoriés. Ainsi, les productions de
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Mozart sont-elles classées par numéro de Köchel, nom du savant autrichien qui lui a consacré de nombreux ouvrages, dont le catalogue complet de ses œuvres (Leipzig, 1862-1864). Le catalogue des œuvres de Chopin publiées de son vivant est reproduit en fin d’ouvrage p. 157. Chromatisme : utilisation de tous les demi-tons de la gamme de sept notes, ce qui donne une échelle de douze notes. Par exemple : do, do dièse, ré, ré dièse, mi, fa, fa dièse, sol, sol dièse, la, la dièse, si. Le chromatisme est opposé au diatonique, lié à la gamme (do, ré, mi, fa, sol, la, si pour la gamme do majeur). Le chromatisme rend l’existence de la tonalité si floue qu’elle disparaît : c’est ainsi que naît l’atonalité.
Chopin, vie et œuvre
Concerto : dialogue entre l’instrument (ou les instruments) soliste(s) et l’ensemble de l’orchestre. Cette forme apparaît en Italie au e XVI siècle pour désigner des pièces vocales. Trois siècles plus tard, sous l’influence de Beethoven, le concerto évolue vers la forme instrumentale, qui présente un premier mouvement aux thèmes contrastés. Le nombre de mouvements est variable (de deux à cinq). Dièses & bémols : ces notations altèrent la note initiale considérée dans son état « naturel ». Le dièse élève la note d’un demi-ton, le bémol l’abaisse d’un demi-ton (exemple : do [état naturel], do dièse, do bémol). La note altérée revient à son état « naturel », lorsqu’elle est précédée d’un bécarre. Diminution : procédé qui consiste à raccourcir la valeur de chaque note d’un thème pour y apporter une riche ornementation ; cela revient à agrémenter le thème original de ce qui serait une sorte de dentelle sonore.
Dodécaphonisme : mot qui vient du grec et signifie « douze voix ». C’est l’atonalité qui ne considère pas l’attraction d’une note, la tonique, comme dans la tonalité, mais accorde une égalité entre les douze notes de la gamme chromatique : do, do dièse, ré, ré dièse, mi, fa, fa dièse, sol, sol dièse, la, la dièse, si.
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Dissonance : sons joués ensemble (accord) de façon non conforme à la tonalité choisie. Cela crée un effet de tension qui demande une « résolution », c’est-à-dire un retour à la conformité établie par la tonalité.
Durchkomponiert : terme allemand difficilement traduisible. Il s’agit d’un chant dont la mélodie est continue, sans jamais être répétitive, par opposition aux mélodies strophiques ou à l’air classique tel qu’on le trouve le plus souvent chez Mozart. Ce style de la « mélodie continue » est systématiquement employé par Wagner, qui a le souci de faire avancer l’œuvre lyrique comme le théâtre, sans l’assujettissement musical de la « reprise » (ou da capo) qui retarde l’action. Le durchkomponiert se veut également lié aux impératifs du texte.
Glossaire
Écriture musicale : système de notation fondé sur deux modes de lecture. Le premier est celui de l’harmonie, de l’art de combiner les accords, émissions simultanées des sons. Cette lecture est verticale, de bas en haut. Le second est celui de la mélodie. Cette lecture est horizontale : les notes sont prises comme des sons égrenés l’un après l’autre. Le piano, ainsi que tous les instruments à clavier, est à la fois harmonique – on peut faire entendre plusieurs sons à la fois – et mélodique – on peut y jouer une succession de sons susceptibles d’être chantés. Étude : œuvre destinée à développer la technique pianistique. Chaque étude aborde une difficulté particulière. À partir de 1830, le genre acquiert, en plus de ses qualités pédagogiques, un caractère artistique : cela permet à Chopin de donner les Études en concert. Formes musicales instrumentales : les principales formes musicales instrumentales sont la sonate, le concerto et la symphonie. La sonate est une pièce pour soliste, deux ou plusieurs instrumentistes ; le concerto, pour un ou plusieurs solistes dialoguant avec l’orchestre ; la symphonie présente tout l’orchestre. Fugue : forme polyphonique la plus élaborée qui expose un thème simple et bref, repris successivement par plusieurs voix (contrepoint). Il convient de la différencier du canon, système de mélodies décalées les unes par rapport aux autres.
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Krakowiak : danse polonaise originaire de Cracovie, rapide, sur un rythme binaire. Chopin l’utilise, entre autres, dans le finale du Concerto en mi mineur, opus 11. Mazurka : danse polonaise originaire de la province de Mazovie. De rythme ternaire, elle adopte un mouvement rapide. Elle a donné naissance à deux autres danses : une version très rapide, l’oberek, et
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une version lente, la kujawiak. D’autres compositeurs polonais ont écrit des mazurkas, comme Szymanowski et Moniuszko. Des compositeurs étrangers ont aussi utilisé cette forme : Scriabine, Glinka, Moussorgski, Tchaïkovski, etc. Modes : le mode majeur est associé à un sentiment joyeux, tandis que le mode mineur traduit le plus souvent un climat mélancolique. Les modes sont liés à la tonalité. Le CD joint à l’ouvrage propose des œuvres en modes mineur ou majeur. Modulation : art de passer d’une tonalité à une autre, selon un système d’accords successifs appropriés. Musique de chambre : œuvres vocales et/ou instrumentales destinées à un petit effectif d’exécutants.
Chopin, vie et œuvre
Nocturne : morceau destiné, à l’origine, à être joué la nuit. Au XIXe siècle, le Nocturne devient une pièce simple et gaie. Chopin l’enrichit d’ornementations qui le rapprochent du bel canto. Opéra : œuvre théâtrale mise en musique. Oratorio : sujet religieux, qui n’a pas nécessairement de lien avec la liturgie, mis en musique. Récital : genre de concert où ne se produisent qu’un ou deux artistes. On doit le premier « récital » de piano à Liszt, en 1840, à Londres. Rondeau ou rondo (en italien) : forme musicale qui fait alterner un refrain et des couplets. Très employée dans la musique française des XVIIe et XVIIIe siècles, cette forme est reprise par Mozart et par Chopin lui-même pour le final de son Concerto n˚ 1. Scherzo : terme d’origine italienne qui indique une atmosphère ludique, badine. Chopin en écrit quatre. Ce mouvement, qui appartient à la symphonie chez Beethoven, évolue vers une sorte d’humour grinçant jusqu’à prendre, chez Chopin, un aspect dramatique : les éclats de rire relèvent du sarcasme.
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Sonate : pièce musicale pour un soliste ou un petit groupe instrumental, difficile à cerner car elle a évolué au cours du temps. La « forme sonate » désigne, à l’origine, une structure A B A (exposition – développement – réexposition).
Thème : idée musicale dominante exposée au commencement d’une œuvre. Le « thème » peut être mélodique et/ou rythmique. Tonalité ou ton : organisation des sons, selon une combinatoire très riche, à partir d’une note de référence ou « tonique » qui engendre un accord parfait de trois notes (do - mi - sol, par exemple pour la tonalité de do majeur, do - mi bémol - sol, pour la tonalité du do mineur). À cette tonalité, s’ajoute le mode, qui peut être majeur ou mineur. Trille : figure ornementale très usitée qui consiste, pour tout instrument de même que pour la voix, à partir d’une note principale, en une sorte de battement spasmodique (terme dû à Manuel Garcia II) de cette note avec la note conjointe supérieure. Par exemple : do-rédo-ré-do-ré, répétés très rapidement.
Glossaire
Valse : danse à trois temps, populaire puis mondaine. D’origine austrobavaroise, elle apparaît au XIVe siècle et évolue au fil du temps pour devenir, au XIXe siècle, prétexte à des œuvres de concert, sous la plume de Chopin et d’autres compositeurs.
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Variation : toute « variation » est précédée d’un « thème » dont elle s’inspire. La variation reprend ce thème en le modifiant par toutes sortes d’inventions ornementales, harmoniques et/ou rythmiques.
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Bibliographie sélective Chopin, ouvrage collectif (Marcel Beaufils, Camille Bourniquel, Samson François, Bernard Gavoty, Philippe Julian, Carl de Nys, Anna Langfuss Myriam Soumagnac et Robert Aguettant), Hachette, collection « Génies et Réalités », Paris, 1965. Correspondance de Chopin, La Revue musicale, Richard Masse, Paris, 1981, (3 volumes). L’Harmonie des Peuples, les Écoles musicales nationales aux XIXe et XXe Siècles, ouvrage collectif. Pour la Pologne, contribution de Didier van Moere : « L’Inspiration nationale dans la musique polonaise de Chopin à Szymanowski », Fayard, collection « Mirare », Paris, 2006. Dictionnaire de la Musique, Marc Honegger (dir.), Paris, Bordas, 1970 (2 volumes). Science de la Musique, Marc Honegger (dir.), Bordas, Paris, 1977 (2 volumes). *** Boucourechliev André, Regard sur Chopin, Fayard, collection « Les chemins de la musique », Paris, 1996. Dachez Roger, Histoire de la franc-maçonnerie française, PUF, collection « Que sais-je ? », Paris, 2004. © Eyrolles Pratique
Delacroix Eugène, Journal (1822-1863), Plon, Paris, 1996. Duault Alain, Chopin, Actes Sud, collection « Classica », Arles, 2004.
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Eigeldinger Jean-Jacques, Frédéric Chopin, Fayard, collection « Mirare », Paris, 2003. Eigeldinger Jean-Jacques, L’Univers musical de Chopin, Fayard, Paris, 2000. Eigeldinger Jean-Jacques, Esquisses pour une méthode de piano de Frédéric Chopin, Flammarion, collection « Harmoniques », Paris, 1993. Eigeldinger Jean-Jacques, Chopin vu par ses élèves, Fayard, Paris, 2006. François Maximilien Samson, Samson François, Histoires de… mille vies, Bleu Nuit, Paris, 2002. Gregor-Dellin Martin, Richard Wagner, Fayard, Paris, 1981. Hillairet Jacques, Connaissance du vieux Paris, Rivages, Paris, 1993.
Chopin, vie et œuvre
Jankélévitch Vladimir, La Musique et les Heures, Seuil, Paris, 1988. Liszt Franz, Frédéric Chopin, 1re édition 1849-1850, Buchet-Chastel, Paris, 1997. Massin Jean et Brigitte, Wolfgang Amadeus Mozart, Fayard, Paris, 1970. Mourlet Michel, Histoire d’un maléfice, e-dite, Paris, 2001. Sand George, Lucrezia Floriani, Omnibus, Paris, 1992. Sand George, Consuelo, la comtesse de Rudolstadt, Éditions de l’Aurore, Meylan, 1983 (3 volumes). Sand George, Correspondance (Extraits), Gallimard, « Folio », Paris, 2004. Sand George, Impressions et Souvenirs, Paleo, Clermont-Ferrand, 2008. Zielinski Tadeusz, Frédéric Chopin, Paris, Fayard, 1995. *** Balzac Honoré de, Béatrix, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1976.
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Balzac Honoré de, Modeste Mignon, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1976.
Discographie sélective Danses polonaises de Chopin, par Romain Hervé (Calliope). Nombreux enregistrements d’œuvres de Chopin, par Samson François (EMI). Œuvres de Chopin, par Dinu Lipati (EMI). Nombreux enregistrements d’œuvres de Chopin, par Milosz Magin (Accord). Les deux Concertos de Chopin, par France Clidat, dir. Wojciech Michniewski (Forlane).
Discographie sélective
La Sonate en sol mineur pour violoncelle et piano, par Jacqueline du Pré et Daniel Barenboim (« Les Introuvables »/EMI). Préludes, par Claudio Arrau (Pentatone).
Pièces du CD offert Ballade n˚ 1 (1831-1835), interprétée par Noël Lee. Mazurka en sol majeur, opus 67, n˚ 1 (opus posthume)(1829-1830), interprétée par Romain Hervé1. Mazurka en la mineur, opus 17, n˚ 4 (1832-1833), interprétée par Romain Hervé1. Étude n˚ 1, interprétée par Romain Hervé1. Andante Spianato (1834), interprété par Romain Hervé1. Ballade n˚ 2 (1836-1839), interprétée par Noël Lee. Polonaise n˚ 2 opus 40 (1838-1839), interprétée par Romain Hervé1. Ballade n˚ 3 (1841), interprétée par Noël Lee. Polonaise opus 53 (1842), interprétée par Romain Hervé1. Ballade n˚ 4 (1842), interprétée par Noël Lee.
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Barcarolle (1845-1846), interprétée par Noël Lee.
1. Avec l’aimable autorisation des disques Calliope.
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Romain Hervé Romain Hervé, né en 1977, fut l’élève de Pierre Froment, élève luimême d’Alfred Cortot, à Rennes, et de Bruno Rigutto au Conservatoire national supérieur de Musique de Paris. Il y obtient les premiers prix de piano et de musique de chambre. Il est lauréat des fondations Cziffra et Natexis-Banque populaire, premier prix du Concours de RadioFrance, lauréat des Concours de Genève et du Festival Polignac. Sa carrière commence en 2005 avec son CD consacré à Liszt, suivi de son disque Chopin. On lui reconnaît une musicalité sans faille qui ne s’efface jamais derrière la virtuosité.
Noël Lee
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Chopin, vie et œuvre
Né en 1924 à Nankin de parents américains en poste en Chine, Noël Lee, citoyen des États-Unis, réside en France depuis 1948 et est devenu récemment citoyen français. C’est un des grands pianistes de notre temps, connu sur tous les continents. Il a enregistré plus de deux cents disques de piano et de musique de chambre. Couronné quatorze fois par des prix du disque, il aborde toutes les époques. Il est lui-même compositeur, et ses œuvres lui ont valu de nombreuses récompenses. Il est le pianiste que les chanteurs recherchent pour des récitals de mélodie. Commandeur dans l’ordre des Arts et Lettres, Grand Prix de la Musique de la Ville de Paris, il a reçu en 2004 la Grande Médaille de la Ville de Paris pour l’ensemble de son œuvre de compositeur et d’éditeur (Debussy), ainsi que pour ses interprétations, de Schubert à la musique américaine, en passant par la musique française qu’il aime à servir.
Index
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A Agoult, comtesse d’, née Marie de Flavigny 61, 69, 73, 94 Auber, Daniel-François-Esprit 30 B Bach, Jean-Sébastien 8, 58, 63, 84, 91, 95 Balzac, Honoré de 137 Barthes, Roland 120 Beethoven, Ludwig van 8, 10, 32, 57, 58, 94, 104 Bellini, Vincenzo 29, 30, 63 Berlioz, Hector 8, 38, 42, 56, 63, 68, 96 Boieldieu, François Adrien 30, 39 Boucourechliev, André 92, 121 Bourbons (famille des) 42, 131 Breitkopf und Härtel (éditeurs) 62 Britten, Benjamin 106 Burles, Charles 69 Byron, George Gordon (Lord) 41, 84, 88, 137
C Catalani, Angelica 24, 136 Chabrier, Emmanuel 14, 119 Chostakovitch, Dimitri Dimitrievitch 11, 12, 85 Cimarosa, Domenico 33 Clésinger, Auguste Jean-Baptiste 126, 138 Custine, Astolphe marquis de 69, 80 Czartoryski, Adam 48, 55, 60 D Dante, Durante Alighieri dit 86, 127 Debussy, Claude Achille 8, 11, 85, 119 Delacroix, Eugène 56, 71, 96, 102, 122, 135, 136, 138 Donizetti, Gaetano 16, 30, 69, 87 Dorval, Marie 78, 143 Duault, Alain 7 Duprez, Gilbert-Louis 69, 95
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Hoffmann, Ernst Theodor Amadeus 105 Hugo, Victor 42, 56, 103 Hummel, Johann Nepomuk 29, 51, 58
F Fauré, Gabriel 8, 9, 85, 119 Filtsch, Carl 117 Fontana, Julian 11, 25, 73, 81, 83, 85, 87, 88 Franchomme, Auguste 58, 102, 123, 131, 133, 135, 136, 137, 145, 146, 147 Freud, Sigmund 120
K Kalkbrenner, Friedrich 57, 58 Köchel, Ludwig von 166 Komar (famille) 59 Kosciuszko, Tadeusz 33 Krasinski, Zygmunt 126
G Garcia, Manuel 69, 132, 145 Gautier, Théophile 56 Gladkowska, Konstancja 40, 47 Glinka, Mikhaïl Ivanovitch 168 Goethe, Johann Wolfgang von 68, 88, 120, 139 Gretsch, Emilie von 61 Grzymala, Wojciech 78, 79, 87, 91, 108, 134, 135, 146 Guizot, François 131 H Habeneck, François Antoine 57, 59, 68 Haendel, Georg Friedrich 16, 33, 67, 68, 106 Haydn, Josef 24, 32, 97 Heine, Heinrich 56, 96 Hiller, Ferdinand 58, 63, 67
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L Lee, Noël 119, 173, 174 Lind, Jenny 132, 136 Liszt, Franz 8, 24, 58, 61, 62, 71, 72, 77, 85, 104 M Malibran, Maria, née Garcia 69 Mars Mlle, Anne Boutet, dite 103 Matuszynski, Jan 68, 94 Mendelssohn-Bartholdy, Félix 33, 58 Meyerbeer, Giacomo 8, 58, 123, 124 Mickiewicz, Adam 41, 50, 72, 88, 95, 96, 97 Mikuli, Karol 117 Moniuszko, Stanislas 168 Moscheles, Ignaz 93, 94 Mougeot, Philippe 123 Moussorgski, Modest Pétrovitch 12 Mozart, Wolfgang Amadeus 10, 24, 29, 40, 48, 51, 58, 77, 95, 131, 137, 138 Musset, Alfred de 56
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Chopin, vie et œuvre
E Eigeldinger, Jean-Jacques 39, 59, 119, 124 Elsner, Jozef 25, 30, 31, 32, 37, 38, 47 Érard (facteur de piano) 57
N Nourrit, Adolphe 68, 69, 87, 88, 95 O Ohana, Maurice 85 P Paganini, Nicolo 37, 38, 57 Pleyel (facteur de piano et éditeur) 57, 58, 80, 82, 91, 95, 96, 131 Poncet, François 17 Potocka, née Komar, Delphine 59, 69, 123, 126, 136, 137
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S Sand, George, née Aurore Dupin, exbaronne Dudevant, dite 17, 72, 75, 77, 78, 80, 82, 84, 88, 91, 110, 117, 118, 122, 125, 132 Sand, Maurice 97 Sand, Solange 126 Schiller, Friedrich 41 Schlesinger (éditeur) 58, 62, 63, 88, 95 Schubert, Franz 8, 32, 39, 49, 63, 68, 87, 88 Schumann, Robert 12, 49, 59, 63, 95 Scriabine, Alexandre Nicolaïevitch 9, 69, 85, 168 Sénéchal, Michel 69 Sontag, Henriette 40
T Talma, François Joseph 103 Tchaïkovski, Piotr Ilitch 168 V Viardot, Pauline, née Garcia 69, 95, 96, 102, 105, 122, 132, 138, 144 Vigny, Alfred de 63 W Wagner, Richard 104, 120, 136, 165 Weber, Carl Maria von 29, 33 Wieck, Clara, épouse Schumann 8, 70 Wieck, Friedrich 70 Witwicki, Stefan 41, 49, 60, 77 Wodzinski (famille) 71, 72, 73 Wodzinska, Maria 70, 71, 77, 78, 102 Wolf, Hugo 49 Woyciechowski, Tytus 25, 32, 39, 56
Index
R Radziwill (famille) 33, 117 Ravel, Maurice 11, 12, 119 Rossini, Gioacchino 8, 16, 29, 30, 39, 48, 69
Spontini, Gasparo 33 Stirling, Jane 109, 125, 126, 132, 133, 134, 136, 137 Stravinski, Igor 12, 123
Z Zaleski, Bohdan 118 Zielinski, Tadeusz 104 Zywny, Wojciech 24, 102
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Table des matières Sommaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5 Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Première partie : La naissance d’un prodige (1810-1830) . . . . . . . . . . . 19 Chapitre 1 : Enfance (1810-1825) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 La famille Chopin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23 « Chopinek », ou l’enfant musicien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Chapitre 2 : Apprentissage et premières compositions (1825-1829) . . . 27 La première œuvre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .29 Le conservatoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 Développement de la sensibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 Les grands genres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Voyage de fin d’études . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 Chapitre 3 : L’année de l’épanouissement (1829-1830) . . . . . . . . . . . . . 35
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L’influence de Paganini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .37 Compositeur et interprète . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .38 De la valse au concerto . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .39 Musique et politique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 Les premiers Nocturnes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
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Deuxième partie : Les voies de la gloire (1831-1844) . . . . . . . . . . . . . .43 Chapitre 4 : Interlude au centre de l’Europe (1830-1831) . . . . . . . . . . . .45 Le départ pour Vienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .47 Une production intense . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .49 L’influence de l’histoire polonaise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 Un nouvel élan de composition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 La fin du séjour viennois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51 En route vers Paris . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51 Chapitre 5 : Paris (1831-1833) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
Chopin, vie et œuvre
Le « climat » de Paris . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 La vie musicale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56 Paris, carrefour des arts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58 Un compositeur reconnu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58 Le premier concert en France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58 Une grande finesse de jeu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59 Les débuts de la célébrité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59 Mazurkas opus 17 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59 Polonaises opus 26 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 L’enseignement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 Un enseignement fondé sur une observation physiologique . . . . . .61 Un modèle d’interprétation : les chanteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62 La critique des maîtres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63 Chapitre 6 : Maria (1834-1837) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
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De nouveaux horizons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 La Ballade . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 Le festival d’Aix-la-Chapelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68 Second Concerto en fa mineur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68 Études opus 25 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 Le « repos » de Carlsbad . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .69 La Valse en la bémol majeur opus 69 n˚1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 Les premiers symptômes de la maladie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .71 Les retrouvailles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71 L’arrivée à Marienbad . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .71 Une rencontre annonciatrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
« Moja bieda » (Mon malheur) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .73 De nouveaux symptômes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73 La fuite à Londres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73 Chapitre 7 : George Sand (1838-1839) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
Table des matières
Une rencontre décisive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .77 Mazurkas opus 33 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78 Les prémices d’une passion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78 Concert chez le marquis de Custine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80 Le départ pour l’Espagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 Une agréable découverte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 La maladie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 L’arrivée à Valldemosa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82 La progression de la maladie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82 Barcelone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83 Le retour en France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84 Un foisonnement d’œuvres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84 Les 24 Préludes opus 28, dédiés à Pleyel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84 La Mazurka opus 41 n˚ 2 en mi mineur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85 Deuxième Ballade en fa majeur opus 38 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86 Marseille : un séjour troublé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .87 Chapitre 8 : L’impulsion de Nohant (1839-1841) . . . . . . . . . . . . . . . . . . .89 Le départ pour Nohant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91 Une demeure reposante en Berry . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91 Une production éclectique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92 Le retour à Paris . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .93 1840, l’année transitoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94 Un compositeur affaibli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94 Le retour sur scène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96 La « note bleue » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .97 Nohant est devenu un symbole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
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Chapitre 9 : L’approfondissement (1842-1844) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .99 De nouvelles œuvres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101 Un style inclassable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .101 Une atmosphère de félicité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102 L’éternel bienfait de Nohant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
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De nouvelles « tonalités » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104 Ballade en fa mineur opus 52 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104 L’Impromptu en sol bémol majeur opus 51 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105 Le « viol de Lucrèce » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105 Les Deux Nocturnes opus 55 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .107 Les Trois Mazurkas opus 56 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .107 Des tensions créatrices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108 Une compagne de plus en plus distante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108 La rencontre avec mademoiselle Stirling . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109 La visite de Ludwika . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110 Troisième partie : La rançon de la gloire (1844-1849) . . . . . . . . . . . . .111
Chopin, vie et œuvre
Chapitre 10 : L’accomplissement (1844-1847) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .113 La Berceuse en ré bémol majeur opus 57 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115 La Sonate n˚ 3 en si mineur opus 58 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116 Après l’hiver . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .117 Un regain de vigueur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 Trois Mazurkas opus 59 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 Deux Mélodies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118 Une influence quotidienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118 Une atmosphère disharmonique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118 Barcarolle en fa dièse majeur opus 60 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 Polonaise-Fantaisie en la bémol majeur opus 61 . . . . . . . . . . . . . . . . 120 Les deux Nocturnes opus 62 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121 La fin d’une passion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121 Nohant agité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121 Les Trois Mazurkas opus 63 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .122 La Sonate pour violoncelle et piano en sol mineur opus 65 . . . . . . . .123 Une fin proche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125 Lucrezia Floriani : un roman à clefs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .125 L’inspiration se tarirait-elle ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .126
Le dernier concert parisien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .131 Le départ pour la Grande-Bretagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132 Londres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .132 L’Écosse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .133
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Chapitre 11 : Une triste fin (1848-1849) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
La désillusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134 Les derniers moments à Paris . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135 Une fin proche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136 17 octobre 1849 : la mort de Chopin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .137 30 octobre 1849 : les funérailles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 Annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141
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Table des matières
Cahier de correspondance entre Chopin et George Sand . . . . . . . . . . . 143 Catalogue des œuvres de Chopin publiées de son vivant . . . . . . . . . . 157 Piano seul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .157 Œuvres isolées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162 Œuvres pour piano et orchestre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 Musique de chambre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 Dix-neuf mélodies toutes publiées après la mort de Chopin . . . . . . . . 164 Dix mélodies, poèmes de S. Witwicki . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164 Quatre mélodies, poèmes de B. Zaleski . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164 Deux mélodies, poèmes d’A. Mickiewicz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164 Autres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164 Glossaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165 Bibliographie sélective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171 Discographie sélective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173 Pièces du CD offert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173 Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175
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