Dans l’intimité des
stars de la télé Patrick Sébastien | Patrick Poivre d’Arvor | Sophie Davant Jean-Luc Reichmann | Th...
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Dans l’intimité des
stars de la télé Patrick Sébastien | Patrick Poivre d’Arvor | Sophie Davant Jean-Luc Reichmann | Thierry Roland | Mireille Dumas | Nikos Aliagas Nelson Monfort | Corinne Touzet | Charly Nestor
Rémi Castillo • Olivier Clodong - tirage n° 36200
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n° 3
Mise en pages : Istria
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Éditions Eyrolles 61, Bd Saint-Germain 75240 Paris Cedex 05 www.editions-eyrolles.com
Le code de la propriété intellectuelle du 1 er juillet 1992 interdit en effet expressément la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or, cette pratique s’est généralisée notamment dans les établissements d’enseignement, provoquant une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée. En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre Français d’Exploitation du Droit de Copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. © Groupe Eyrolles, 2007 ISBN : 978-2-212-53804-5
Dépôt légal : février 2007
- tirage n° 36200
OLIVIER CLODONG
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RÉMI CASTILLO
Déclics de Stars Dans l’intimité des stars de la télé
Patrick Poivre d’Arvor Jean-Luc Reichmann Mireille Dumas Nelson Monfort Charly Nestor
n° 3
Patrick Sébastien Sophie Davant Thierry Roland Nikos Aliagas Corinne Touzet
- tirage n° 36200
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Avant-propos
Tout d’abord, j’aimerais exprimer mes plus sincères remerciements aux personnalités du petit écran qui ont accepté de dévoiler l’intimité de leur parcours de vie, de sorte que leur expérience puisse être utile aux autres, en particulier aux plus jeunes. Un grand merci à mon ami OLIVIER CLODONG, qui a prêté sa plume et a su retranscrire les entretiens avec justesse et authenticité.
n° 3
Cette idée Déclics de Stars, c’est aussi l’aboutissement de plusieurs années d’interviews réalisées à la radio et à la télévision ; histoire de laisser une trace pour vous permettre de vous approprier ces expériences et ces parcours, jalonnés de blessures et d’épreuves, mais surtout teintés d’amour, de volonté, de générosité et d’humanité.
© Groupe Eyrolles
Puisse ce livre vous guider, vous aider et faire en sorte que vos envies et vos rêves deviennent réalité…
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RÉMI CASTILLO
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Depuis des années, mon ami RÉMI CASTILLO est l’intervieweur et le confident des stars : artistes, comédiens, sportifs, mais aussi (et c’est ce qui nous intéresse ici) personnalités de la télévision…
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Pour Déclics de Stars, il a réalisé avec elles des heures et des heures d’entretiens, revenant parfois à sept ou huit reprises et par des biais différents, sur les moments clés de leur carrière et de leur vie. Par rapport aux centaines d’interviews déjà publiées sur les « people », ce que ce témoignage capital apporte, ce sont les révélations uniques de vérité d’un PATRICK POIVRE D’ARVOR, d’un THIERRY ROLAND ou d’une MIREILLE DUMAS, sur les virages essentiels qui ont jalonné leur existence. Révélations qui sortent du plus fidèle des liens : celui de la confiance et de l’amitié.
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Et le moins que l’on puisse dire est qu’il y a des accents qui ne trompent pas ! Si, en lisant ce livre, vous entendez « parler » les stars comme je les ai moi-même entendues s’ouvrir à RÉMI, je suis certain que vous ne pourrez qu’y reconnaître la plus sincère des voix : celle du cœur. Tout mon travail a été de respecter cette voix, en passant du parler à l’écrit, et de l’organiser en thèmes et en chapitres.
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Avant-propos
Introduction
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Sommaire
Les déclics de Patrick Sébastien
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n° 3
L’absence du père, qui l’a amené à se sentir différent des autres ; des humiliations subies à l’école, provoquant en lui une révolte qui le fait s’écrier à douze ans : « Vous verrez, un jour je passerai à la télé ! » ; la décision de tout quitter pour monter tenter sa chance à Paris, alors qu’il est déjà installé dans l’existence, avec femme et enfant ; sa certitude que face à « l’immense escroquerie » qu’est la vie, il faut simplement rester soi-même et ne pas trop se poser de questions…
© Groupe Eyrolles
Les déclics de Patrick Poivre d’Arvor
Obtenir son baccalauréat à seize ans… et devenir père au même moment ; bénéficier de l’enthousiasme d’une grand-mère qui n’hésite pas à écrire aux politiques pour leur demander de recevoir et donner un coup de pouce à son petit-fils ! ; être un autostoppeur chanceux… ; avoir su comprendre très tôt l’importance du travail dans la réussite de ses objectifs…
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Sommaire
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Les déclics de Sophie Davant
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Une éducation qui lui donne très jeune le sens des responsabilités ; le décès prématuré de sa mère, qui l’amène à tenir le rôle de chef de famille alors qu’elle est tout juste majeure ; un ami commentateur sportif qui lui transmet sa passion du reportage et la pousse à intégrer l’IUT de journalisme de Bordeaux ; la clairvoyance de ses professeurs, qui décèlent son potentiel et l’envoient en stage à Antenne 2… Les déclics de Jean-Luc Reichmann
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Une tâche sur le visage qu’il a su assumer et transformer en force ; un voyage initiatique qui lui a permis de comprendre qu’il avait un don pour communiquer ; un accident de moto qui lui a fait appréhender la vie autrement ; une sœur sourde pour laquelle il a recréé un lien de communication…
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Les déclics de Thierry Roland
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Les déclics de Mireille Dumas
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La perte de son père et de ses grands-parents alors qu’elle n’est qu’une enfant entraînant une peur panique de la solitude
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Un père très tôt disparu ; un report affectif sur les champions sportifs ; un passage déterminant par l’Angleterre ; des rencontres décisives avec GEORGES BRIQUET, RAYMOND MARCILLAC, ROGER COUDERC et ROBERT CHAPATTE ; la volonté de rebondir après la maladie et les coups durs professionnels…
Sommaire
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qu’elle surmonte ; la vie avec sa mère institutrice, dans une école entourée de grilles, barrières qu’elle rêve de briser pour aller vers les autres ; une expérience théâtrale qui lui donne envie de rendre compte de ses émotions en devenant journaliste ; le déclenchement instinctif d’un étonnant positionnement : être à la fois « actrice et spectatrice de sa vie » pour survivre à ses peines d’enfant… Les déclics de Nikos Aliagas
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La maladie, qui a rythmé les deux premières années de son enfance et a probablement contribué à faire de lui un battant ; sa révolte face à l’injustice dont était victime un de ses petits camarades d’école, qui a agi sur lui comme un révélateur ; sa volonté d’enchaîner les défis, pour prouver à ses parents qu’ils n’avaient pas émigré en France pour rien et démontrer à son père qu’il avait envie de réussir dans la vie par ses propres moyens ; les mots justes d’ETIENNE MOUGEOTTE, patron de TF1, qui ont su le convaincre de relever le difficile pari d’animer la Star Academy…
© Groupe Eyrolles
Les déclics de Nelson Monfort
Une enfance baignée de culture internationale et de rencontres, qui lui a donné une véritable ouverture sur le monde… ; la disparition de ses parents, dès son entrée dans la vie active ; sa prise de conscience, dès ses premières expériences professionnelles, de ne pas être fait pour les métiers auxquels sa formation le destinait ; la publication inespérée de son premier article par le magazine Historia…
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Sommaire
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Les déclics de Corinne Touzet
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L’arrivée dans son lycée d’un nouveau professeur passionné de théâtre, qui monte une petite troupe ; son premier rôle, celui d’un vieillard dans une pièce de MOLIÈRE, qui sera une révélation pour elle ; la clairvoyance du conseiller d’orientation de son lycée, qui repère ses aptitudes et l’oriente vers une carrière artistique ; son départ pour Aix-en-Provence, où elle intègre un groupe de comédiens et apprend les bases de son métier… Les déclics de Charly Nestor
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Petite conclusion sur « l’effet papillon »…
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L’irruption dans sa vie, alors qu’il n’a que huit ans, d’un beaupère qui devient le père dont il rêvait ; la prise de conscience de sa singularité, qui survient lorsque des filles de sa classe effectuent en sa présence le classement des plus beaux garçons du collège, sans penser une seconde à l’inclure dans ce « concours » ; le magnéto-cassette offert par sa tante de Londres, qui lui donne l’envie de faire de la radio ; le guichetier du centre d’orientation qui répond à sa demande d’information sur les métiers de la télévision en lui disant : « Monsieur, d’où vous venez, les télés, ou on les répare, ou on les vole »…
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Introduction
Pourquoi PATRICK SÉBASTIEN, PATRICK POIVRE D’ARVOR, SOPHIE DAVANT, MIREILLE DUMAS, NIKOS ALIAGAS ou NELSON MONFORT ont-ils fait de la télévision ? La plupart des stars du petit écran ne sont pas arrivées là où elles sont par le fait du hasard. Le point de départ de leur succès est souvent lié à un ou plusieurs événements particuliers, indépendants de leur volonté, qui ont marqué leur histoire personnelle.
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Des moments à part qu’elles ont su sublimer et transcender pour en faire les « déclics » qui les ont conduites vers les sommets. C’est sur ces moments essentiels et intimes que dix stars de la télévision ont accepté de s’exprimer. Autant de témoignages vécus qui constituent une éclatante affirmation de la force de la vie, de l’amour, de la volonté…
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À chacun de nous ensuite de se les approprier et de trouver son propre déclic. Car, et c’est sans doute la leçon essentielle de cet ouvrage, nous sommes tous capables d’accomplir nos rêves… pour peu que nous en trouvions le point de départ ! RÉMI CASTILLO
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Patrick Sébastien ANIMATEUR, CHANTEUR, IMITATEUR, HOMME DE SCÈNE…
Adolescent, une autre passion a bien failli le détourner de sa vocation d’homme de scène et de télévision : le rugby. C’est en effet au moment où il s’apprête à entamer une carrière de haut niveau dans le ballon ovale qu’il se découvre des talents d’imitateur… et fait le bon choix ! Il quitte les terrains de rugby pour monter à Paris où il enchante l’Olympia avec ses imitations devenues légendaires de BOURVIL, FERNANDEL, GABIN, CABREL et autre COLUCHE. Il débute ensuite un étincelant parcours à la télévision, innovant sans cesse en créant des concepts d’émissions de variété devenues des références, notamment Farandole, Carnaval, Sébastien c’est fou, Super nana, Osons, Fiesta et Le plus grand cabaret du monde, toujours à l’écran sur France 2. Cette actualité riche ne l’empêche pas d’écrire de nombreux livres (Au bonheur des âmes, Ysatis, Vitriol menthe, Putain d’audience), sans oublier le spectacle et les concerts, avec un retour en force au Casino de Paris autour de son album Pochette Surprise sorti fin 2006…
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Sa bio express
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Les déclics qui ont changé sa vie
L’absence du père, qui l’a amené à se sentir différent des autres enfants.
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Des humiliations subies à l’école, provoquant en lui une révolte qui le fait s’écrier à douze ans : « Vous verrez, un jour je passerai à la télé ! » La décision de tout quitter pour monter tenter sa chance à Paris, alors qu’il est déjà installé dans l’existence, avec femme et enfant.
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Sa certitude que face à « l’immense escroquerie » qu’est la vie, il faut simplement rester soimême et ne pas trop se poser de questions…
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Ses confidences
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L’entretien avec PATRICK SÉBASTIEN constitue bien sûr un moment à part, intime. D’abord, parce que c’est au contact de son immense générosité que j’ai eu à mon tour l’envie de transmettre. Ensuite, parce que quelques semaines seulement avant de nous retrouver dans son bureau (où trône le portrait de FRÉDÉRIC DARD) pour Déclics de Stars, nous étions côte à côte sur les plateaux de télévision pour animer les prime time de La Télé de Sébastien. De fabuleux moments de complicité, encore très frais dans nos mémoires respectives…
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Comment vas-tu mon Rémi ?
Bien Patrick, et toi ? Très bien.
Je suis très touché que tu aies accepté de me parler des virages de ta vie, parce que je sais que certains d’entre eux ont été particulièrement délicats à négocier…
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Si mon expérience peut être utile à d’autres…
Je le crois, c’est en tout cas le but de ce livre. D’ailleurs, si tu es d’accord, j’entre tout de suite dans le vif du
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sujet… Quelles sont les plus anciennes images de ton enfance ?
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Une carte postale de Noël d’un petit village où la neige fait le tour des toits qui fument et où il fait bon à l’intérieur des maisons. J’ai cette image-là en tête et je ne sais pas pourquoi. Mais je crois que ce dont je me souviens avant tout, c’est d’une feuille d’arbre, une de ces feuilles qu’on dessinait à l’école. J’ai en mémoire une représentation très précise de la feuille de platane que la maîtresse nous demandait de reproduire et de peindre au moment de l’automne ; je revois de magnifiques couleurs pourpres… Autre vrai souvenir d’enfance : une classe de maternelle, un plumier et un encrier sur une petite table en bois. Voilà, comme ça, à brûle-pourpoint, les quelques flashs qui me viennent spontanément à l’esprit. Sans oublier un truc qu’on appelait chez nous le « frotte à l’ail », du pain frotté avec de l’ail et du fromage blanc ; c’était notre goûter, ça remplaçait le chocolat que nous n’avions pas… (Il s’interrompt un instant.) Maintenant que je repense à cette période, je pourrais aussi te parler d’une foule d’autres images qui ressemblent à du MICHELET ou du PAGNOL : des fermes avec des cochons, des vaches et des poules, une maison dans laquelle il fait froid et où la seule façon de se réchauffer est de se blottir sous le duvet, la boutique du marchand d’électroménager où je passais des heures à regarder la télé…
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Il ne s’agit pas uniquement d’images d’enfance heureuse…
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J’ai été élevé chez ma grand-mère jusqu’à l’âge de huit ans et je garde de toute cette période un souvenir extraordinaire. C’était un bonheur total, j’étais entouré d’énormément d’amour… « Papa est un mot que je ne peux pas prononcer. »
Pourquoi vivais-tu chez ta grand-mère ?
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Parce que contrairement aux autres gosses de ma classe, je n’avais pas de père. Et ma mère bossait à l’usine ; elle devait faire chaque jour plus de vingt kilomètres à vélo pour aller travailler, vingt kilomètres avec des dénivelés importants… Alors c’est ma grand-mère qui s’est pour ainsi dire occupée de moi durant les premières années de ma vie. Elle, mes quatre tantes et mes deux arrière-grands-mères ; j’ai été élevé dans un entourage presque exclusivement féminin. Le seul homme était mon grand-père, que l’on surnommait Jésus.
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Pourquoi ce surnom ?
D’une part parce que mon grand-père ouvrait toujours ses bras en grand, d’autre part parce que pendant la guerre, alors qu’il était boulanger, il avait donné presque tout son pain aux maquisards, ce qui l’a d’ailleurs conduit à la faillite. Son employé est 19
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devenu le patron de la boulangerie et mon grandpère est devenu l’employé de son ancien employé…
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Tu évoques ton grand-père et les femmes qui t’ont entouré dans ta jeunesse… Peux-tu aussi me parler de l’absence de ton papa…
Pas l’absence de mon « papa », mais l’absence de mon « père » ; la nuance est importante pour moi… Le mot « papa » est un mot que je n’aime pas.
Pourquoi ?
Parce que je ne l’aime pas.
À cause du caractère « filial » qu’il induit ?
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Oui, certainement… Même l’homme qui m’a élevé par la suite et que j’aime énormément, je ne l’ai jamais appelé « papa ». Et je ne l’appellerai jamais ainsi. C’est un mot que je n’arrive pas à prononcer et par extension, je n’arrive pas non plus à dire « maman ». Ma mère, je l’appelle par son petit nom : Dédée.
Comment as-tu vécu cette absence de père dans tes jeunes années, à l’école par exemple ? J’étais un bâtard, ce qui avait un sens très fort à l’époque. J’en ai d’ailleurs pris conscience tout de suite, 20
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« À douze ans, j’ai pété un câble et j’ai dit : un jour, vous verrez, je passerai à la télé. »
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parce que les regards portés sur moi étaient différents ; j’avais l’impression d’être constamment montré du doigt, j’encaissais aussi pas mal d’humiliations… Je me souviendrai par exemple toute ma vie des débuts d’année scolaire où les profs faisaient systématiquement remplir aux élèves une fiche de renseignements. Ils m’engueulaient à chaque fois : « Pourquoi vous n’avez pas rempli les cases nom du père et profession du père ? » ou alors « Pourquoi vous indiquez que votre mère porte le même nom que vous, vous vous êtes trompé… » C’était vraiment cruel…
Ce n’était pas mieux. Je me rappelle d’un jour où plusieurs gamins de mon âge m’ont coincé dans un coin et m’ont tabassé en me disant : « Essaie donc de te plaindre à ton père, t’en n’as pas. » Cet épisode m’a marqué à un point terrible… Et puis, j’avais toujours un truc de retard sur les autres : j’étais à pied, ils circulaient à vélo, j’étais en vélo, ils roulaient en mobylette… À douze ans, j’ai pété un câble et j’ai dit : « Un jour, vous verrez, je passerai à la télé. » Même si j’avais lancé ça en l’air, comme une boutade et sans le penser vraiment, dans ma bouche ça signifiait : « Vous verrez, un jour, je serai reconnu, accepté… » Et je suis convaincu que ce qui m’est arrivé ensuite est en partie dû au rejet que j’ai ressenti dans mon enfance…
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Et avec les autres enfants ?
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Tu considères que le Patrick qui réussit brillamment aujourd’hui sur les scènes et les plateaux de télé n’aurait pas existé sans les brimades reçues par le petit Patrick d’il y a quarante ans ?
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Je pense même que tous mes comportements d’aujourd’hui, le fait par exemple de me mettre systématiquement en marge, sont dus au fait que j’ai été marginalisé pendant ma jeunesse et mon adolescence. Et aujourd’hui, dès qu’on me demande de penser comme la majorité ou d’agir comme elle, c’est moi qui fais un rejet ! Je repousse instinctivement tout ce qui est majoritaire : une idée, une mode…
Je reviens un instant à ton père… As-tu recherché des explications sur son absence ? As-tu par exemple questionné ta mère à ce sujet ?
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Ma mère m’a révélé le nom de mon géniteur. Aujourd’hui, si je le voulais, je pourrais faire des analyses ADN pour avoir la confirmation de cette paternité. Mais je refuse de me lancer dans cette procédure…
Parce que j’ai vécu cinquante-trois ans sans cette certitude et que je me suis construit comme ça, sans savoir… Si demain, j’acquérais l’assurance absolue que cet homme est mon père, je ne serais plus vraiment tout à fait moi, je crois que je deviendrais fou…
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Pour quelle raison ?
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Je ne veux en aucun cas remettre en cause l’identité que je me suis forgée…
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« J’ai tout laissé et je suis monté à Paris en suivant mon instinct. »
Et tu l’as bâtie comment ton identité ?
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Si j’avais eu des parents notables, j’aurais eu des livres à la maison, une bibliothèque où j’aurais pu piocher parmi les grands classiques et les meilleurs écrivains. Mais je n’avais rien de tout ça, juste trois disques d’accordéon qui traînaient chez moi et quelques albums de variété que j’écoutais chez mon oncle et ma tante. Je louais aussi des dizaines de disques d’humoristes au foyer culturel… En fait, je suis tombé amoureux de tout ce qui était léger et me permettait de rire et de rêver ; le cirque par exemple. Sans doute parce que j’avais besoin de fuir mon quotidien et de m’évader, comme c’est le cas pour beaucoup de gens aujourd’hui. Toutes ces personnes qui galèrent, qui triment, qui se forcent à faire un boulot qu’elles n’aiment pas mais qu’elles doivent subir parce que c’est ça ou crever la dalle…
C’est en écoutant les disques d’humoristes que tu as décidé de faire rire à ton tour ? Je n’imaginais pas du tout faire un métier dans le rire, je voulais devenir prof de lettres ! Je voulais surtout être riche, mais c’était tellement loin pour moi… Je
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me disais que ce n’était pas possible que je le devienne un jour et je me voyais avec un petit boulot pénard, ce qui s’est d’ailleurs produit. Je me suis retrouvé à dix-sept ans avec ma femme, mon gosse et mon petit appartement ; je bossais, je jouais au rugby et j’allais à la pêche… Pour moi, c’était bouclé, installé sur des rails, je ne pouvais pas prévoir une seule seconde ce qui s’est passé ensuite. À tel point que j’ai l’impression que je me suis endormi et que je vais me réveiller demain matin en constatant que rien de tout ça n’est arrivé… Pour revenir à ta question, j’ai commencé à faire des imitations du GÉNÉRAL DE GAULLE et d’ADAMO, pour amuser les copains… Et ça fonctionnait assez bien, mes potes riaient beaucoup. Alors je me suis dit : « Pourquoi ne pas essayer à Paris ? » Et j’y suis monté avec la conviction que j’allais redescendre peu de temps après…
J’ai tout laissé et je suis parti ! Quelque chose me guidait, me poussait dans ce sens… Quelque chose de fort qui me parlait tout au fond de moi et me disait de tenter ma chance… J’ai pris mon train avec l’espoir de faire du cabaret ; j’ai suivi mon instinct. Je ne cherche pas à disséquer davantage le pourquoi du comment de cette décision. À un moment de ma vie, j’ai essayé d’analyser, mais ça m’a pris la tête. Comme m’avait dit un jour mon prof de philo : « Il ne faut pas vivre pour penser, il faut penser à vivre. » Il avait
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Mais tu avais un travail, un foyer, des obligations à assumer…
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entièrement raison : pendant qu’on cherche, on ne vit pas…
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Alors sans analyser outre mesure, sais-tu ce qui t’a attiré vers l’humour et la scène ?
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Mais je ne sais pas faire autre chose ! (Il réfléchit quelques instants.) Plus sérieusement, il y a un confort qui me plaît, le fait que ça corresponde à mes rêves de gosse, le fait aussi que ce soit un loisir plus qu’un métier, un peu comme des vacances permanentes… En même temps, il ne faut pas raconter d’histoires : c’est un job très difficile, contraignant, qui ne supporte pas l’à peu près. C’est le public qui te juge et si tu lui proposes un spectacle mal ficelé, il ne te le pardonne pas. La scène, la chanson, le divertissement, la télévision, ça exige un énorme investissement pour être au point… « Mon seul but, c’est de continuer à avancer sur le chemin que je me suis promis de suivre à seize ans. »
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C’est pour cette raison que tu es un boulimique de travail ? En partie. Et c’est aussi pour ne pas gamberger. Si je ne me jetais pas à corps perdu dans le boulot, je crois que je me foutrais par la fenêtre… (Il s’interrompt un moment.) Je suis terriblement déçu par la vie ; c’est une gigantesque connerie, une immense escroquerie,
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la vie. On chope des microbes, on souffre de chagrins d’amour, on passe du temps à se battre pour exister ou pour survivre. Et puis, l’humanité est absolument dégueulasse ! Quand tu vois ce que les hommes sont capables de faire : la cruauté et l’égoïsme avec lesquels ils agissent, l’inconscience et la constance dont ils font preuve pour couper la branche sur laquelle ils sont assis… C’est pour ça que comme mon père spirituel, FRÉDÉRIC DARD, je n’ai pas peur de la mort, mais de la vie ! C’est la vie qui m’effraie, alors que la mort ne m’impressionne pas ; parce que lorsque le corps s’éteint, il n’y a rien derrière. C’est d’ailleurs la plus belle des justices sociales…
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Comme tous ceux qui en ont pris un jour plein la gueule et qui ont fini par acquérir la certitude que la vie est dérisoire… Prends la phrase de chevet de FRÉDÉRIC DARD, qui se trouve être aussi la mienne : « Je suis un vieux fœtus blasé, ma vie m’aura servi de leçon, je ne recommencerai jamais… » On ne peut pas dire que ce soit une maxime très drôle ; or, quand tu t’immerges dans l’univers de FRÉDÉRIC DARD, tu plonges dans la rigolade des SAN ANTONIO, la gauloiserie, la paillardise et l’humour de BÉRURIER… Regarde aussi GUY BEDOS, dont je me sens très proche : il se décrit lui-même comme un type « inconsolable et gai »… Tous ces mecs sont faits dans le
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Pour quelqu’un qui dépense une grande énergie à amuser les autres, tu as une vision très pessimiste de l’existence…
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même moule ; ce qui les caractérise, c’est à la fois une immense générosité et un gigantesque pessimisme lucide. Et c’est pour ça qu’ils broient souvent du noir…
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Lorsque tu parles d’en prendre plein la gueule, tu fais référence à quelles épreuves ? L’absence de ton père, le décès de ton fils… ?
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Les deux sont des marques indélébiles. Tu peux toujours te dire qu’il y a des personnes qui endurent des peines pires que la tienne : perdre deux enfants, perdre ses parents…. Tu peux aussi te convaincre qu’il y a d’autres douleurs terribles, physiques : quand tu perds la vue, que tu te retrouves amputé d’une jambe, ou des deux… Mais la souffrance liée à la perte de ton fils, tu ne la surmontes pas ; tu vis avec en essayant de l’enfouir au plus profond de toi et de l’apprivoiser comme tu peux, c’est tout. C’est du moins ma théorie. Je sais que les psys conseillent plutôt l’inverse : faire ressortir les choses ; pas moi. Il y a des questions pour lesquelles on n’obtiendra de toute façon jamais de réponse, alors autant arrêter de se les poser…
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« Ce sont les tartes que tu prends dans la gueule qui sont les plus bénéfiques, car elles te permettent ensuite de t’adapter à toutes les situations. »
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Dans ce vécu très pesant, reste-t-il quand même un peu de place pour les rêves ?
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Je n’ai pas de rêves. Mon seul but, c’est de continuer tant bien que mal à vivre ce qu’il me reste à vivre et d’avancer sur le chemin que je me suis promis de suivre lorsque j’avais seize ans. Mon regard sur le monde, la politique, la gloire, le fric, les hommes et les femmes, n’a d’ailleurs pas bougé d’un millimètre. Aujourd’hui, à cinquante-trois ans, je pense exactement la même chose qu’à seize ans. Et j’ai toujours les mêmes incertitudes sur plein de trucs…
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Mon quotidien est modifié, il est évidemment plus confortable qu’avant ; et le confort, quand tu as grandi sans rien, c’est extrêmement appréciable… Toute mon enfance, j’ai rêvé d’une maison à moi, parce que mes parents étaient locataires et que j’ai toujours eu l’impression d’habiter chez les autres. Alors, lorsque j’ai pu acheter ma maison, je me suis dit : « Ça y est, là, je suis enfin chez moi. » Ça oui, c’est nouveau ! Mais sur le fond, la télé et la notoriété n’ont strictement rien changé ; gamin, si j’avais croisé BRIGITTE BARDOT, j’aurais ouvert des yeux immenses et si je la croise demain, j’ouvrirai les mêmes yeux admiratifs…
Pour clore cet entretien, en te fiant à tout ce que tu as pu emmagasiner comme expériences de vie, quel 28
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La télévision et la notoriété ne t’ont pas changé du tout ?
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message as-tu envie de faire passer aux jeunes qui liront ce livre ?
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Il faut que les gamins se fassent violence, affrontent et assument leur quotidien pour s’en sortir : la vie c’est la plus belle fac du monde ! Ce sont toutes les tartes que tu prends dans la gueule qui sont les plus bénéfiques, parce qu’elles te permettent ensuite de t’adapter aux situations que tu rencontres… Ce que tu apprends sur les bancs de l’école, c’est important ; ce que tu apprends dans les livres, c’est important aussi… Mais l’essentiel, c’est de faire sa cuisine soimême et de savoir s’adapter. Le mec qui apprend à s’adapter, il s’en sortira toujours dans la vie.
Faire sa cuisine soi-même, c’est donc ta recette de vie ? Sans jeu de mots…
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Oui. Être soi-même, ne pas essayer d’être quelqu’un d’autre. Et faire confiance à son instinct, se laisser guider par lui parce que c’est notre allié le plus sûr, à tous autant que nous sommes. Et aussi se méfier des ennemis, de ceux qui nous poussent à devenir ce que nous ne sommes pas, qui voudraient nous entraîner parce que ça les arrange sur un chemin qui n’est pas le nôtre, contre nature… Ceux-là, il faut s’en méfier comme de la peste.
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Patrick Sébastien
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Patrick Poivre d’Arvor JOURNALISTE ET ÉCRIVAIN
Après Sciences-Po, la faculté de droit et l’École des langues orientales de Paris, PATRICK POIVRE D’ARVOR intègre le Centre de formation des journalistes. C’est sur France Inter qu’il débute sa carrière où il est en charge des journaux du matin avant d’animer la chronique quotidienne L’humeur du jour. En 1975, il entre à Antenne 2 pour traiter les sujets de politique intérieure. Un an plus tard, il assure la présentation du Journal de 20 heures qu’il anime de 1976 à 1983. Il quitte alors la chaîne publique pour rejoindre Canal + où il anime Tous en scène jusqu’en 1985. Après un rapide passage sur RMC, il devient en 1987 l’emblématique présentateur du journal de 20 heures sur TF1, puis directeur délégué à l’information. Il anime en parallèle l’émission littéraire Ex-libris en 1988, devenue Vol de nuit et Place au livre sur LCI. Lui-même auteur de nombreux ouvrages, il obtient notamment le prix Interallié pour son roman L’Irrésolu en 2000.
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Sa bio express
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Les déclics qui ont changé sa vie
Obtenir son baccalauréat à seize ans… et devenir père au même moment.
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Bénéficier de l’enthousiasme d’une grandmère qui n’hésite pas à écrire aux politiques pour leur demander de recevoir et donner un coup de pouce à son petit-fils ! Être un auto-stoppeur chanceux…
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Avoir su comprendre très tôt l’importance du travail dans la réussite de ses objectifs.
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Ses confidences
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Le quai du Point du Jour à Boulogne-Billancourt. C’est là que se dresse la tour TF1, haut lieu de l’information où se croisent chaque jour journalistes, politiques, artistes et personnalités nationales et internationales. Le bureau de PATRICK POIVRE D’ARVOR est à l’image du bâtiment ; les murs sont tapissés de photos des grands de ce monde qu’il a rencontrés et interviewés. On y reconnaît pêle-mêle le Pape JEAN-PAUL II, les Présidents américains RONALD REAGAN et BILL CLINTON, sans oublier JACQUES CHIRAC… Des clichés qui en côtoient d’autres, plus intimes, photos d’amis et photos de famille.
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C’est dans ce décor qui rappelle des moments essentiels de sa vie que je pose à Patrick la première (et habituelle) question sur son premier souvenir d’enfance…
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Il s’agit d’un événement assez confus dans ma tête, mais dont mes parents m’ont raconté par la suite qu’il s’était déroulé sur l’île d’Oléron : là, une vague plus forte que les autres m’avait entraîné et roulé sur le sable et avait dû provoquer en moi une petite panique. Du moins si j’en crois ce qui est imprimé dans ma mémoire…
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Te souviens-tu de déclics qui, dans tes jeunes années, auraient pu te donner l’envie d’embrasser la carrière journalistique ?
« Ce qui a changé la donne, c’est le fait d’obtenir mon bac jeune et de devenir père au même moment. »
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Lorsque j’ai eu neuf ou dix ans, il y a deux passions qui se sont déclenchées en moi, pour ainsi dire simultanément. La première, c’est l’écriture. J’avais une envie folle de découvrir les livres ; je rôdais beaucoup dans les bibliothèques et les librairies. Et dès que j’ai eu un peu d’argent, je me suis mis à acheter des livres de poche chez un soldeur : un, puis deux, puis dix, puis vingt-cinq. Je crois qu’ils coûtaient environ un franc pièce à l’époque… Au fur et à mesure de mes lectures, je suis tombé dans un univers qui m’a vraiment emballé et je me disais : « Je voudrais bien devenir écrivain. » C’était vraiment mon désir numéro un ! Parallèlement, je me rappelle avoir été très frappé par la révolte hongroise de 1956 et par la mort d’un jeune photographe français qui s’appelait JEANPIERRE PÉTRAZZINI, dont Paris Match avait publié la photo en couverture. J’avais trouvé cet homme beau et je me rappelle avoir pensé : « J’aimerais être comme lui, journaliste. » Voilà, ce sont deux envies de destin parallèles qui sont nées en moi à peu près au même moment…
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À l’âge de dix ans, tu savais donc déjà que tu serais journaliste et écrivain plus tard…
Pourquoi ?
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Non ; j’étais absolument persuadé que dans un cas comme dans l’autre, j’en étais incapable.
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Parce que nous habitions à Reims, loin de Paris et des endroits fréquentés habituellement par les écrivains et les journalistes. Et parce que nous n’avions aucune relation dans ces mondes-là… Mon père était représentant en chaussures et ma mère ne travaillait pas. Pour tout dire, je ne voyais rien dans mon destin qui ferait qu’un jour, je pourrais arriver à Paris et réussir dans l’une ou l’autre de ces voies. Si j’ajoute qu’à cet âge-là, je n’étais pas extraordinaire en classe, il n’y avait franchement aucun élément susceptible de me faire croire en moi.
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Alors, quel a été le déclic qui a fait que cette situation s’est renversée ? Je pense que ce qui a changé la donne, c’est le fait d’obtenir mon bac assez jeune (et de manière assez miraculeuse puisque je n’étais pas très bon dans les matières scientifiques) et de devenir père à peu près au même moment, avec la naissance de ma première fille Dorothée. Je suis parti poursuivre mes études à Strasbourg où j’ai vécu seul, dans une chambre de bonne. J’avais à peine dix-sept ans ! C’était quand même une situation singulière… Et c’est à ce moment-là que j’ai eu l’idée d’écrire un livre qui 37
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relatait une expérience douloureuse que j’avais vécue un peu plus tôt dans ma jeunesse, une expérience liée à la maladie…
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Cette maladie, en l’occurrence, c’était la leucémie, n’estce pas ? C’était un moment particulièrement douloureux. Je ne souhaite pas m’y attarder… La seule chose, c’est qu’après une épreuve comme celle-là, on a peut-être un peu plus le goût de la vie…
Ce premier livre, c’était un exutoire ?
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Je ne sais pas. Je voulais l’intituler Moia Bieda, qui signifie Mon malheur ou Ma douleur en polonais… Et finalement, un peu plus tard, il a été publié sous le titre Les enfants de l’aube. Ce qui est certain, c’est que le fait d’écrire ce livre tout seul dans mon coin m’a donné envie de m’ouvrir aux autres. J’ai osé parler à des gens, osé parler à des filles…
C’est aussi à cette époque qu’intervient un personnage qui a joué un rôle très important dans ta vie, je veux bien sûr parler de ta grand-mère… Contrairement à mes parents qui m’espéraient sans doute médecin à Reims, ma grand-mère souhaitait
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« Mes grands-parents ont été très importants dans ma construction d’adolescent, puis d’adulte. »
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vraiment que je puisse un jour monter à Paris. Comme elle avait une conception un peu balzacienne des choses, elle n’avait pas hésité à envoyer des lettres à FRANÇOIS MITTERRAND et à VALÉRY GISCARD D’ESTAING pour leur demander de me recevoir. Le plus étonnant est que l’un d’entre eux m’a reçu, en l’occurrence VALÉRY GISCARD D’ESTAING. Elle m’avait aussi fait prendre des leçons de cheval parce qu’elle était persuadée qu’il fallait savoir faire de l’équitation pour pouvoir un jour réussir à Paris ! Tu vois, elle se donnait vraiment du mal et je trouvais son bon sens paysan peut-être un peu naïf, mais très joli, très touchant. Et aussi très stimulant.
Ce coup de pouce de ta grand-mère, ça a été un déclic ?
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Oui, parce que c’était une femme qui n’avait pas été au bout de ses rêves mais qui avait tout de même bien gravi les échelons de ce que l’on appelait la réussite sociale. Elle était paysanne, elle avait épousé mon grand-père qui était lui aussi un fils de paysan. Et elle comme lui voulaient le meilleur pour leurs petitsenfants ! Ils ont été très importants dans ma construction d’adolescent d’abord, puis d’adulte. Mais ce sont bien sûr mes parents qui ont été déterminants. Ils m’ont élevé avec une grande rigueur.
Revenons à ton livre, comment les choses se sont-elles enchaînées ensuite ? Là, c’est la chance qui s’en est mêlée. Comme je voulais être écrivain plus que journaliste, j’ai décidé
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Un jour où je faisais du stop, comme souvent à cette époque lorsque j’avais besoin de me rendre quelque part, je suis monté dans une voiture et j’ai entendu parler à la radio d’un concours de reportage radiophonique sur France Inter. Je me suis inscrit, il y avait je crois près de trois mille candidats ! Je suis allé faire mes reportages à l’île Maurice, puis aux Philippines. Je me suis qualifié pour la finale, où nous n’étions plus que quatre, et j’ai gagné le concours. Or le jury était composé presque exclusivement de grands patrons de médias, il y avait par exemple le directeur du Figaro et l’éditorialiste du Monde PIERRE VIANSSON-PONTÉ. C’est là que ma vie a basculé vers le journalisme, car les membres de ce jury ont tous voulu m’embaucher dans leurs médias respectifs.
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Lequel ?
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d’entrer à l’Institut d’études politiques de Paris, Sciences-Po ; j’étudiais le droit et les langues orientales, j’apprenais le russe et le serbo-croate. Tout cela parce que j’avais l’idée de devenir diplomate et de pouvoir écrire ; car j’avais remarqué que beaucoup de grands diplomates étaient devenus de très grands écrivains, notamment PAUL CLAUDEL, GIRAUDOUX, SAINT-JOHN PERSE et PAUL MORAND. C’était donc ça mon idée, mon objectif. Et en cours de route, alors que je menais ces différentes études avec plus ou moins d’assiduité (parce qu’il fallait aussi que je gagne ma vie), s’est produit un épisode inattendu…
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J’avais une heure pour me décider ! J’aurais pu choisir la presse écrite ou la télévision, mais j’ai préféré la radio et France Inter où j’ai débuté par les journaux du matin. « Il y a des fondamentaux très simples à respecter, comme le fait de travailler. »
Et tu as enchaîné sur la carrière que tout le monde connaît, notamment à travers plus de vingt ans de présentation du Journal de 20 heures. Avec le recul, quels sont selon toi les ingrédients de cette longévité au plus haut niveau journalistique ?
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Sincèrement, je ne sais pas. Là, je suis vraiment incapable de le dire… Ce serait davantage aux autres d’essayer de donner des explications. Ce dont je suis persuadé, c’est qu’il y a forcément des fondamentaux à respecter et à ne jamais négliger. Parmi ces fondamentaux, il y a des évidences qui peuvent sembler simplistes, mais qui sont pourtant tout à fait capitales, par exemple que le travail aide énormément. Moi, je travaille énormément depuis toujours et je ne m’en plaindrai jamais ! Je travaille jour et nuit, je travaille chaque week-end, je suis fou de mon travail, c’est un métier formidable…
Pourquoi cette passion ?
Mais parce que c’est un travail magnifique ! Et lorsqu’on a la chance de le faire, je trouve que l’on n’a
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pas le droit de s’économiser. De toute façon, dans la vie, je déteste m’économiser, peu importe le domaine. Caser une interview à Londres puis une en Guadeloupe, le tout en trois jours, ne me dérange pas. Même si je dois ensuite enchaîner sur le marathon de New York, un défi sportif que j’adore relever. Voilà, j’ai besoin de ça. C’est mon bonheur, mon oxygène, mon carburant…
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Évidemment, ça a beaucoup compté dans mon itinéraire. La mort, hélas, je l’ai rencontrée d’une manière extrêmement intime, personnellement et à plusieurs reprises. D’abord en 1974, lors du décès de ma fille TIPHAINE, puis de nouveau en 1995 avec la disparition d’une autre de mes filles, SOLENN. J’ai aussi vu partir mon filleul FLORIAN, que j’avais exfiltré d’Irak et qui n’avait que dix ans lors de l’accident de voiture qui lui a coûté la vie. C’est dans ces moments tragiques, lorsque tu constates à quel point la vie est fragile, pour toi comme pour ceux que tu aimes le plus, que tu te rends compte qu’il faut vraiment essayer de profiter de chaque instant et de ne pas t’économiser. Dès lors que tu as la chance de pouvoir le faire, bien entendu.
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Pardonne-moi de rentrer un peu plus profondément dans l’intimité de ta vie, mais c’est aussi le but de Déclics de Stars : le fait de donner autant, de vivre aussi intensément, est-ce que ce n’est pas finalement la conséquence des épreuves qui t’ont touché ? Frôler la mort par exemple…
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« Je pense qu’il est assez facile de trouver le domaine pour lequel on a du talent. »
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Ne pas s’économiser, c’est le conseil que tu donnerais aujourd’hui à un jeune qui voudrait devenir journaliste ?
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Dans le journalisme ou dans n’importe quel autre domaine. Ce qui compte, c’est de faire les choses sans calcul, à fond. Poursuivre ses rêves, aller au bout de ses envies et pour cela, travailler encore et toujours. Cela rejoint ce que je te confiais tout à l’heure sur mes rêves d’enfant : je pensais réellement qu’ils n’étaient pas réalisables, que devenir journaliste ou écrivain était un fantasme hors de ma portée. Pourtant, à force de travail et de volonté, et aussi d’un petit brin de chance, ces espoirs sont devenus réalité. Cela prouve que c’est possible, pas seulement pour moi mais pour tout le monde.
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Tu penses qu’à partir du moment où l’on s’investit totalement, la récompense est forcément à l’arrivée ? Chacun puise ses ressources où il le veut et où il le peut. Tout le monde n’est pas doué pour les mêmes choses, mais en même temps, je pense qu’il est assez facile de trouver le domaine pour lequel on développe du talent et dans quelle voie on va pouvoir s’investir. Ensuite, une fois qu’on l’a décidé, on peut se lancer, il faut alors vraiment aller au bout et se battre, se battre et se battre encore ; se montrer généreux dans l’effort… 43
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La générosité, c’est une valeur qui compte beaucoup à tes yeux ?
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Énormément. La générosité dans le travail, mais aussi la générosité avec les autres. Si vous êtes généreux, un jour ou l’autre, vous recevez le retour de cette générosité. En ce qui me concerne, en maintes occasions, dans des circonstances difficiles, j’ai vu des gens me tendre la main, parce que je leur avais moi-même tendue à des moments de leur vie où ils en avaient besoin. Attention, je ne dis pas qu’il faut faire les choses en espérant un retour, ce n’est pas du calcul, c’est simplement l’évidence de la vie ! Mais il faut le savoir… Et être extrêmement fidèle en amitié.
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« Suivre son instinct, quels que soient les avis contraires, c’est essentiel. »
Oui, on peut vraiment s’accomplir de façon extraordinaire quand on fait les choses avec générosité, en pensant à ceux pour qui on les fait. Pour un artisan du bois, fabriquer un meuble par exemple, en pensant à son usage futur, ça doit être magnifique ! Et l’agriculteur, lorsqu’il voit pousser ce qu’il a semé de ses mains, il doit aussi ressentir des sensations splendides. Je trouve qu’il y a de très, très beaux métiers ; je considère même que tous les métiers sont beaux à partir du moment où on y met beaucoup de passion et peu de calcul.
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Plus qu’une valeur, la générosité est donc un moteur…
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Tu veux dire qu’il faut avant tout suivre son instinct ?
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Très souvent, il m’est arrivé de me retrouver dans des situations où je décidais à l’instinct ; ces choix ont parfois été critiqués sur le moment, mais des mois ou des années plus tard on me disait : « Tu as été courageux et tu as bien fait de faire ce que tu as fait. » Suivre son instinct, ses envies, quels que soient les avis contraires et les empêcheurs de tourner en rond, c’est essentiel.
Cette forme de liberté, c’est ce qui te plaît dans l’écriture ?
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Il est certain que les additions de tout ce que j’écris, dans mes romans comme dans mes récits, en disent plus sur moi que les dix mille journaux télévisés que j’ai pu présenter. Du moins c’est ce qu’il me semble…
Cela signifie-t-il que tes livres permettent davantage de s’imprégner de toi que le fait de te voir chaque soir à la télévision ?
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Oui, oui, car les livres laissent une trace infiniment plus durable. « Ce qui compte par-dessus tout, c’est de suivre le sillage du rêve que, enfant, on s’est tracé. »
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Si l’on en revient à tes rêves d’enfant, à savoir devenir écrivain et journaliste, on peut considérer que tes objectifs ont été atteints et même plutôt largement… Aujourd’hui, est-ce qu’il te manque encore quelque chose ?
Bien sûr ! Je suis sans cesse à la recherche de nouveaux challenges ; ce sont eux qui doivent servir de moteur. Je ne parle pas de challenges vis-à-vis des autres ou du monde extérieur, mais de défis à relever vis-à-vis de soi-même. Car qui que l’on soit, on a toujours quelque chose de plus à se prouver.
Ce pourrait être cela la recette de vie de Patrick Poivre d’Arvor ?
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Je ne suis pas un chef cuisinier, je ne donne aucune recette à qui que ce soit. Je dis simplement que ce qui compte par-dessus tout, c’est de suivre le sillage du rêve que, petit garçon ou petite fille, on s’est tracé…
Et quel est ton prochain rêve ? Il est secret.
Ça, c’est vraiment à chacun d’en décider et surtout pas à moi.
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Pour conclure, qu’aimerais-tu que l’on dise de toi au terme de ta carrière ?
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Sophie Davant JOURNALISTE ET ANIMATRICE
C’est après une maîtrise de langues étrangères appliquées (LEA) obtenue à la faculté de Bordeaux que SOPHIE DAVANT décide d’étudier le journalisme. À la suite d’un stage concluant de rédactrice à Antenne 2 en 1986, elle est engagée sur l’autre chaîne publique, FR3, dans le cadre de la tranche info du 19/20. En 1987, Antenne 2 fait appel à elle pour présenter la météo puis, en 1989, pour animer avec DIDIER RÉGNIER l’émission Aventures Voyages. À partir de 1990, elle coprésente durant deux saisons Fort Boyard avec PATRICE LAFFONT, et de janvier à juin 1992, La Piste de Xapatan (depuis le Mexique). Nommée responsable du service météo de France 2, elle est toujours plébiscitée par sa chaîne pour diverses émissions de divertissement, telles que Sportissimo et Campus. Depuis 2001, elle anime C’est au programme. Et elle présente bien sûr chaque année le Téléthon, dont elle est devenue l’animatrice emblématique.
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Les déclics qui ont changé sa vie
Une éducation qui lui fait acquérir très jeune le sens des responsabilités. Le décès prématuré de sa mère, qui l’amène à tenir le rôle de chef de famille alors qu’elle est tout juste majeure.
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Un ami commentateur sportif qui lui transmet sa passion du reportage et la pousse à intégrer l’IUT de journalisme de Bordeaux.
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La clairvoyance de ses professeurs, qui décèlent son potentiel et l’envoient en stage à Antenne 2…
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C’est dans le décor sobre et contemporain de l’AOC Lounge, le restaurant de l’hôtel Radisson SAS à Boulogne-Billancourt, que SOPHIE, radieuse et pleine d’entrain, me rejoint.
Tu sais Rémi, je me demande encore pourquoi j’ai accepté cet entretien. Je n’aime pas beaucoup parler de moi. Je le fais uniquement parce que tu considères que mon parcours peut être utile à d’autres…
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Tout SOPHIE DAVANT est déjà résumé dans cette entrée en matière car avant d’être une star, elle est d’abord caractérisée par l’humilité et la pudeur, mais aussi et surtout la générosité et l’envie de donner…
Mes souvenirs d’enfance les plus marquants ? J’en ai tellement en mémoire… Les premiers m’entraînent dans le Sud-Ouest, à une quinzaine de kilomètres de Bordeaux, dans la petite ville de Cestas, très exactement dans la campagne environnante de Cestas pour être tout à fait précise. Là, je revois un jardin, des arbres, des dimanches entiers passés à observer la magie de la nature, à aller ramasser des cèpes dans la forêt ou à se poster dans les champs pour regarder les migrations d’oies cendrées. Autant de moments partagés en compagnie de mon père, qui était biologiste, ornithologue et grand protecteur de la nature. Il m’a 53
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inculqué à quel point il était essentiel de respecter l’environnement dans lequel on vivait.
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« Une éducation équilibrée qui m’a permis de devenir responsable très jeune. »
Et tes autres souvenirs ?
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Des repas familiaux où la politique était un enjeu et un sujet de discussion qui tenait une grande place. Car d’une part, j’étais la petite fille du directeur de l’école, de l’autre, la petite fille des buralistes qui tenaient le grand bar-tabac PMU en face de la gare. D’un côté donc, une famille profondément laïque et socialiste, de l’autre, une famille de petits entrepreneurs de tendance plus libérale. Les deux branches se respectaient et s’aimaient beaucoup, ce qui ne les empêchaient pas de se livrer à des débats enflammés. Voilà, s’il fallait résumer mon enfance, ce serait ce curieux mélange entre les dimanches champêtres consacrés à scruter les oiseaux et les repas de famille rythmés par les conversations idéologiques…
L’une comme l’autre m’ont apporté le sens des responsabilités. Je crois que le contexte éducatif dans lequel j’ai baigné était finalement assez équilibré et m’a permis de devenir responsable très jeune. J’étais à la fois l’aînée des enfants (mon petit frère a quatre ans de moins que moi), la fille d’un biologiste et d’une
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Qu’as-tu retenu de ces différentes expériences ?
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spécialiste en biologie cellulaire, la petite fille du directeur d’école… Il fallait donc assumer cette responsabilité, être à la hauteur, montrer l’exemple… (Elle marque un bref silence.) Oui, c’est la bonne formule : montrer l’exemple ! Que ce soit dans la cour de l’école, à la caisse du bar-tabac où j’aidais régulièrement mes grands-parents et le dimanche dans les champs, où je devais éduquer mon petit frère au respect de la nature.
Quels étaient tes qualités et tes défauts d’adolescente ? Comment, avec le recul, les définirais-tu ?
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Je crois que j’étais avant tout une jeune fille responsable. Je ne me souviens pas, par exemple, avoir fait de grosses bêtises comme on peut en faire à cet âgelà. J’étais aussi assez volontaire, plutôt battante. J’ai toujours été deuxième ou troisième de ma classe (jamais première), j’étais sportive (je faisais de la danse, du tennis, du basket, de la natation). J’avais le sens de la compétition mais en même temps, je crois que je manquais de confiance en moi. C’est d’ailleurs un trait de caractère qui ne m’a pas quitté depuis… J’étais déterminée mais pas suffisamment sûre de moi pour être chef de bande ; il y avait toujours une copine que j’admirais, ou un copain, ou un professeur. J’étais plutôt contemplative, j’observais, je prenais exemple…
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Cette attitude était aussi valable vis-à-vis de tes parents ?
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Mes parents étaient très modernes et très investis dans leur travail. Mon père était donc ornithologue et ma mère chercheur au CNRS, spécialiste en biologie cellulaire. Un métier difficile à appréhender quand tu es gamine… Alors à chaque rentrée scolaire, lorsque les institutrices s’enquéraient auprès des élèves de la profession de leurs parents et que mon tour venait, je répondais « ornithologue » pour mon père et « opératrice en vers de terre » pour ma mère. Parce qu’elle étudiait la gynécologie du ver de terre qui a, paraîtil, des similitudes avec la gynécologie de l’être humain…
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J’étais très indépendante. Notre structure familiale me permettait de faire énormément de choses toute seule. Mais cette indépendance est vite devenue une source de conflits : comme j’étais autonome sur beaucoup de plans, je m’opposais souvent à mes parents. Nous avions des discussions animées, pour ne pas dire des disputes, particulièrement pendant les repas que nous prenions tous les quatre, mes parents, mon frère et moi. J’étais une adolescente qui voulait s’affirmer et je le faisais en prenant position contre l’autorité parentale sur des tas de sujets ; j’étais certainement un peu provocatrice…
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Mais quel type de relations entretenais-tu avec tes parents ?
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« Mes parents ne me disaient pas “on t’adore, tu es belle”, mais “construis-toi, apprends à te battre”. »
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Y avait-il une raison qui te poussait à provoquer ces conflits ?
(Elle marque un instant de réflexion.) C’est difficile à dire… Peut-être que le climat familial était trop serein, trop « cocooning » pour moi et que je ressentais inconsciemment le besoin de créer le conflit ; ou peut-être y avait-il un manque quelque part… Aujourd’hui encore, avec le recul, c’est un point que je ne parviens pas à élucider.
Mais as-tu souffert de ces disputes ?
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Probablement un peu sur le moment, ce qui peut sembler paradoxal puisque c’est moi qui, la plupart du temps, provoquais ces petites querelles. Mais je pense qu’elles m’ont surtout beaucoup aidée à me construire.
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Comment tes parents te motivaient-ils ? Comment te poussaient-ils à réussir ? Et surtout, le faisaient-ils ? Je n’ai pas de souvenirs de mon père me disant qu’il m’aimait ou qu’il me trouvait belle ; ma mère était assez dure aussi. Très tôt, elle m’a inculqué le goût de l’indépendance, de la réussite professionnelle, le devoir de gagner correctement sa vie. Elle voulait que je sois armée pour l’existence… Elle m’a par exemple
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amenée très tôt chez un gynécologue pour que je sois informée sur l’utilisation de la pilule. Cette démarche m’a d’ailleurs plus effrayée que rassurée et ne m’a pas spécialement donné envie d’avoir des rapports sexuels. Ma mère m’a aussi emmenée voir un film très dur qui s’appelait L’amour violé, où il était question d’un viol, comme l’indique le titre. C’était une horreur ! Ce film m’a traumatisée pendant des années… Donc si je devais résumer, je dirais que le style de motivations exprimées par mon père ou ma mère, ce n’était pas « ma petite fille, je t’aime, je t’adore, tu es belle », mais plutôt « ma fille, construistoi, apprends à te battre, apprends à te forger une carapace et à faire ton chemin dans la vie ».
Ils avaient envie que tu deviennes quelqu’un, que tu sois forte…
« Il y a eu beaucoup de déclics qui m’ont conduite à faire de la télévision. »
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Oui, c’était évidemment leur objectif. Du reste, c’était une façon de fonctionner qui portait ses fruits : je n’avais besoin de personne pour faire mes devoirs, j’étais autonome, j’allais toute seule à l’école ou faire du sport… Mais il est vrai aussi que l’on a parfois besoin d’entendre un « je t’aime » ; et ça, je n’ai pas le souvenir de l’avoir beaucoup entendu…
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Avec le recul, penses-tu que c’est une des raisons pour lesquelles tu as choisi de faire de la télévision, métier public par excellence où l’on espère recevoir une forme d’amour de la part des téléspectateurs ?
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Je ne sais pas. Il y a eu beaucoup de déclics qui m’ont conduite à choisir cette voie. Je me souviens avoir eu un vrai goût pour la télévision bien avant de savoir que j’allais en faire moi-même. J’étais fan de MONTAND, de SIGNORET, de Saint-Germain-des-Prés, des années 1950, au point que je séchais les cours pour regarder l’émission d’ANNE SINCLAIR, qui était diffusée l’après-midi sur FR3, lorsque SIMONE SIGNORET ou YVES MONTAND en étaient les invités vedettes. Je me souviens en particulier avoir regardé goulûment une émission où SIMONE SIGNORET était le fil rouge de l’après-midi ; elle avait invité auprès d’elle deux jeunes talents qui débutaient dans la chanson : ALAIN SOUCHON et LAURENT VOULZY… Je regardais aussi presque toutes les émissions de BERNARD PIVOT et Le Grand Échiquier de JACQUES CHANCEL. J’ai ainsi des souvenirs de grands plaisirs audiovisuels, parce que tous ces programmes correspondaient à des sortes de rendez-vous que j’avais avec le petit écran. À l’image aussi des films du dimanche soir, qui étaient incontournables dans mon emploi du temps. Tout ceci pour dire que j’étais déjà très imprégnée par la télévision bien avant d’y travailler…
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Un autre déclic, dramatique celui-là, a été le décès prématuré de ta maman…
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Malheureusement oui. Elle a été rongée par un cancer du sein extrêmement invasif, décelé alors qu’elle avait quarante-deux ans. Les médecins lui ont prodigué de la chimiothérapie à très haute dose. J’avais dix-huit ans et mon frère quatorze lorsque la maladie a été diagnostiquée. Ma mère m’a demandé d’être un bon soldat à ses côtés et on a lutté tous ensemble. Au bout d’un an, on lui a dit qu’elle était guérie ; mais six mois plus tard, on lui annonçait qu’elle était perdue. À partir de ce moment-là, elle a refusé tout traitement, sans doute parce qu’elle connaissait mieux que personne l’issue fatale de sa maladie et le temps qu’il lui restait à vivre. Elle s’est alors lancée dans des projets incroyables ; elle, la cartésienne, la biologiste, elle a par exemple fait de l’instinctothérapie ! Et puis un jour, le jour de mon anniversaire, elle m’a annoncé qu’elle ne serait plus là très longtemps, que je devais être à la hauteur du combat qui m’attendait et ne pas baisser les bras…
Sa disparition a été pour moi un énorme traumatisme, une vraie fêlure… (Elle s’interrompt quelques instants.) Elle avait une personnalité très forte, moi aussi, on s’engueulait beaucoup et en même temps, quand elle nous a quittés, j’étais certaine de ne pas survivre
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Tu avais à peine vingt ans quand elle est partie… ; comment, à cet âge-là, peut-on faire face à une telle épreuve ?
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à sa mort. C’était une idée récurrente chez moi comme chez beaucoup de personnes confrontées à cette douleur. Ce qui m’a permis de tenir le coup, c’est le fait d’être persuadée qu’en partant, elle me transmettait le flambeau, elle me donnait les clefs… Et qu’à partir de là, je devais continuer à vivre pour elle, pour essayer d’avoir la vie qu’elle n’avait pas eue. Je pensais même qu’elle s’était peut-être fabriqué sa maladie parce que sa vie ne lui convenait pas. Je dis « peut-être » (elle hésite), mais j’en suis pratiquement convaincue… « Des nouvelles responsabilités auxquelles je devais faire face. »
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… N’est-il pas trop indiscret de te demander de développer ce point ? Je pense que ma mère a accepté beaucoup de choses par amour pour mon père et, de ce fait, n’est pas forcément allée au bout de ses envies… (Elle s’interrompt.) Pour revenir sur son départ, il a vraiment constitué pour moi un choc terrible. À l’époque, c’était en 1983, on ne parlait pas encore de travail psychologique autour de la mort, de travail de deuil. J’ai vraiment été livrée à moi-même, j’ai dû m’occuper de mon frère et de mon père, qui était lui aussi en pleine détresse…
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À quel stade de tes études te trouvais-tu lorsque tu as traversé ce douloureux épisode ?
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J’étais étudiante en langues étrangères appliquées à la faculté de Bordeaux ; je devais être en deuxième année de DEUG. Comme je me débrouillais bien, je venais d’obtenir une bourse pour partir étudier en Allemagne. Les circonstances ont fait que je suis restée à Bordeaux, abandonnant du même coup la vie d’étudiante dont je rêvais à l’époque : un appartement, les fiestas entre amis, l’apprentissage de la vie… Tout cela a été balayé et remplacé par les responsabilités nouvelles auxquelles je devais faire face…
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Oui, enfin, je n’étais pas Cosette non plus ! Même s’il est vrai que ces années ont été particulièrement difficiles. J’ai malgré tout pu poursuivre mes études, passer ma licence, puis ma maîtrise. Comme je voulais travailler dans le milieu du vin, j’ai fait un ou deux stages chez des négociants avant de me rendre compte que ce n’était pas une carrière pour moi. Et il se trouve qu’à l’époque, j’avais un ami journaliste sportif qui m’emmenait en reportage avec lui lorsqu’il suivait les matches pour Radio France BordeauxGironde. Il m’a donné le goût du journalisme et m’a vraiment beaucoup aidée ; c’est lui qui m’a poussée à m’inscrire à l’IUT de journalisme de Bordeaux. J’ai passé les épreuves d’admissibilité et je les ai réussies.
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Des années très difficiles durant lesquelles tu as dû en quelque sorte endosser le rôle de ta mère…
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« Mes professeurs m’ont dit : “Nous pensons que tu as la plus forte capacité d’adaptabilité.” »
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C’est à ce moment-là que ton goût pour la télévision s’est confirmé ?
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Oui. À l’issue de la formation, il y avait un stage obligatoire à effectuer dans un média. Le plus convoité par les étudiants était Antenne 2, puis il y avait les différents FR3 Région, les radios et pour finir, la presse écrite. C’était ainsi que s’établissait la hiérarchie des souhaits des étudiants de l’IUT. À la fin de l’année, mes professeurs m’ont dit : « Voilà Sophie, on te propose le stage à Antenne 2. » J’étais abasourdie ! Tellement surprise que ma première réaction a été de leur dire : « Pourquoi me choisir moi ? Je ne suis pas la meilleure, il y a des étudiants bien plus doués que moi en reportage… » Ils ont été étonnés par ma réaction, parce que d’habitude, celui ou celle qui était choisi pour Antenne 2 se réjouissait de cette attribution et acceptait la proposition avec enthousiasme ; et ils ont insisté : « Nous pensons que tu as la plus forte capacité d’adaptabilité. » Ce n’est que plus tard que j’ai vraiment compris ce qu’ils voulaient dire, à savoir que dans le journalisme, c’est effectivement l’adaptabilité qui est la qualité essentielle, celle dont il faut savoir faire preuve en toutes circonstances.
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Comment ton père a-t-il réagi lorsque tu lui as annoncé que tu voulais être journaliste ?
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Pas très bien ! Il avait toujours voulu que je sois enseignante. Je lui ai dit « papa, je veux être journaliste » ; il m’a répondu « mais c’est un métier difficile, tu ne vas pas y arriver ! En plus, tu n’auras jamais de vacances, je ne comprends pas pourquoi tu choisis cette vie… » Il m’imaginait sans doute pigiste, sans boulot fixe ni revenus réguliers. Il était réellement catastrophé et soucieux pour moi. En même temps, tout au fond de lui, je crois qu’il était assez fier que sur une promotion de deux cents élèves, ce soit sa fille qui ait obtenu le stage le plus convoité.
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Oh que oui ! J’étais affectée au service « Infos-géné » de la chaîne, comme on disait à l’époque ; je travaillais avec de grands professionnels tels que HERVÉ BRUSINI et ISABELLE BAECHLER. C’est dans ce service que j’ai effectué mes premières armes en tant que reporter, que j’ai vraiment découvert le quotidien de ce métier. Le premier sujet que l’on m’a envoyé couvrir était un fait divers sordide : j’ai dû me rendre dans un cimetière pour vérifier que la victime y était bien enterrée… Il a fallu que je m’assure que la terre recouvrant la tombe était fraîche. L’horreur totale ! Mais c’est aussi au cours de ce stage que j’ai rencontré un journaliste formidable pour qui j’ai une pensée amicale et émue maintenant qu’il n’est plus parmi nous : BERNARD RAPP, un homme fantasti-
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Et ce stage, tu en as des souvenirs ?
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que, qui a su m’épauler alors que je faisais mes premiers pas dans la profession.
Après le stage à Antenne 2, j’ai enchaîné sur un autre stage, à la télévision câblée de Biarritz ; une petite structure locale où je devais me débrouiller, présenter un journal de trente minutes, faire trois reportages par jour… C’était très formateur. Puis je suis revenue à Paris et j’ai envoyé des CV, sans succès. Alors je suis redescendue dans le Sud-Ouest et je suis partie me ressourcer quelques jours dans les Pyrénées, faire du ski avec des copines. Et là, au beau milieu d’une descente, j’entends tout à coup une annonce dans les haut-parleurs : « SOPHIE DAVANT est demandée à l’accueil de la station. » C’était HENRI SANNIER, qui présentait à l’époque le 19/20, qui me rappelait pour faire un remplacement de dernière minute. J’ai pris un train de nuit et j’ai débuté le lendemain au 19/20. Quelque temps plus tard, à la cantine d’Antenne 2, j’apprends que BRIGITTE SIMONETTA va arrêter de présenter la météo et que la chaîne lui cherche une remplaçante. Je me suis lancée, j’ai passé le casting et le soir même, on m’annonçait que j’étais retenue. J’étais catastrophée…
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En dépit de ce premier reportage effectivement peu amusant, qu’est-ce qui a fait que tu as poursuivi dans cette voie ?
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« Tu sauras t’adapter pour présenter le Téléthon. »
Pourquoi ?
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Mais parce que ce n’était pas du tout ce que j’avais prévu de faire ! J’ai appelé mon père pour savoir ce qu’il en pensait ; il m’a dit : « Écoute, c’est pas mal, ça te fait un salaire tous les mois… » J’ai aussi pris l’avis de mes anciens professeurs de l’IUT qui m’ont également incitée à dire oui, mais pour d’autres raisons. Alors j’ai accepté, j’ai présenté la météo pour l’émission Télématin qu’animait alors ROGER ZABEL, et j’ai adoré cette expérience : l’antenne, l’ambiance qui régnait dans l’équipe… Et très vite, on m’a proposé d’autres choses à côté, du reportage et de l’animation, ce qui fait que je ne me suis jamais sentie « enfermée » dans la météo…
Oui, ce jour de 1998 où DANIEL PATTE, le producteur, m’a proposé de succéder à CLAUDE SÉRILLON dans la présentation du Téléthon… Je lui ai dit : « Tu es fou, je ne saurai jamais faire ça ! » Et il m’a dit : « Mais si, tu sauras t’adapter ! » Cette fameuse phrase que j’avais déjà entendue quelques années plus tôt…. Et le plus curieux est qu’il m’ait fait cette proposition alors que quelques mois auparavant, il estimait que je n’étais pas encore assez « crédible » pour certains sujets… En fait, il avait raison sur toute la ligne et possédait un réel talent pour mettre les bonnes personnes à la bonne place et au bon moment. 66
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Jusqu’à ce jour de 1998 qui a changé ta vie…
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Qu’est ce qui, d’après toi, a été déterminant dans le fait que tu sois choisie pour présenter le Téléthon : ta générosité, ta sincérité ?
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Ce n’est pas à moi de répondre. Ce qui est certain, c’est que je ne triche pas, je ne cherche pas à être quelqu’un d’autre. Alors, peut-être que les gens le perçoivent. Le Téléthon, je le fais avec tout mon cœur, parce que j’ai côtoyé la souffrance, la mort ; je pense être bien placée pour savoir ce que la maladie représente pour ces familles. En plus, je suis maman et je peux imaginer le désarroi des parents qui voient leurs enfants privés de leur liberté d’agir, de se mouvoir, de s’amuser comme les autres gamins. Je me sens donc « légitime » pour parler de tous ces sujets. Et puis j’ai envie d’être curieuse des autres, d’être disponible pour eux, de les aider… Je dois cela probablement à mon père qui m’a appris à observer la nature, les oiseaux et les êtres humains… « Être curieux, se découvrir des passions et se donner les moyens de les mener à bien. »
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C’est désormais à ton tour de transmettre des valeurs à tes enfants… Quelles sont celles sur lesquelles tu insistes le plus ? La curiosité : avoir envie de savoir, dans tous les domaines ; la valeur du travail aussi. Je leur explique que l’on n’a rien sans rien, qu’il faut se donner du mal pour obtenir ce que l’on veut. Je suis également
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très ferme sur la politesse et la bienveillance vis-à-vis d’autrui. Arriver à l’heure, respecter son interlocuteur quel qu’il soit… Pour moi, ce sont des valeurs fondamentales, des valeurs de base.
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Au-delà de tes enfants, quels conseils donnerais-tu aux jeunes qui liront ce livre, pour les aider à s’accomplir ?
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Je leur dirais qu’il faut se découvrir des passions et se donner les moyens de les mener à bien. Il n’y a rien de pire que les gens velléitaires qui ont des envies et qui ne se donnent pas les moyens de les assouvir. Je leur dirais aussi qu’il faut toujours garder beaucoup d’humilité, d’humour et de recul sur soi-même. Et bien entendu travailler, progresser, se remettre en question… À partir de là, rien n’est impossible…
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Jean-Luc Reichmann
Comédien à ses débuts, animateur sur la bande FM, ce Toulousain touche-à-tout a été un temps la célèbre voix off des émissions de NAGUI avant de se retrouver lui-même sous les feux des projecteurs. Il présente successivement plusieurs jeux télévisés, d’abord sur France 2 (Les Forges du désert, Jeux Sans Frontières, Campus et Les Z’amours), puis sur TF1 (Attention à la marche), un concept d’émission qu’il a lui-même imaginé de A à Z et qu’il anime sept jours sur sept depuis sa création. Il a aussi prêté sa voix au milieu des années 1990 aux Guignols de l’info. Sportif accompli, il a pratiqué le karaté shotokan à haut niveau pendant plus de dix ans, avant d’être victime d’un grave accident de moto. En septembre 2005, il a fait son retour sur les ondes et anime les matinales de RFM.
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Sa bio express
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Les déclics qui ont changé sa vie
Une tâche sur le visage qu’il a d’abord vécu comme une faiblesse avant de l’assumer et d’en faire une force.
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Un voyage initiatique qui lui a permis de comprendre qu’il avait le don de la communication avec les autres… Un accident de moto qui lui a donné l’occasion de se battre contre le destin et d’appréhender la vie de façon différente.
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Une sœur sourde pour laquelle il a su recréer un lien de communication salutaire.
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Ses confidences
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Pour notre entretien, JEAN-LUC REICHMANN m’a donné rendez-vous chez lui, près de la place Clichy. Il m’ouvre la porte de son étonnant duplex, un long et lumineux rectangle rythmé par des ouvertures vitrées et un design (de sa conception) qui fait une large place aux matériaux naturels et aux plantes vertes (dont il prend soin chaque jour). Impossible de ne pas être séduit par cet endroit zen et accueillant, bien à l’image de son propriétaire. Le temps d’échanger quelques anecdotes sur l’actualité de la profession et nous entrons dans le vif du sujet…
Dis-moi Jean-Luc, pourquoi as-tu choisi de faire ce métier ?
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Pour être franc avec toi, je ne sais comment ni pourquoi j’ai eu le déclic. Mon parcours est jalonné d’une succession de portes, dont certaines se sont ouvertes au bon moment sans que je n’ai jamais rien calculé. À aucun moment je ne me suis dit : « Tiens, il faudrait que tu fasses comme si ou comme ça. » Le déclic, c’est peut-être simplement d’être bien avec les gens…
Question rituelle de Déclics de Stars : à quand remonte ton souvenir d’enfance le plus ancien et quel est ce souvenir ? Comme j’étais un enfant très possessif, je me revois accroché à la jambe de ma mère pour ne pas la quitter
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d’un centimètre ! Voilà, c’est ça mon souvenir le plus ancien. Ce n’était pas de la jalousie mais une sorte d’osmose. C’est du reste quelque chose qui ne m’a pas quitté ; quand j’aime, j’aime bien appartenir et j’aime bien qu’on m’appartienne, en amitié comme en amour. Tu vas me dire que c’est très compliqué, mais en même temps, c’est un « tout ou rien » qui me correspond car je suis quelqu’un d’entier. (Il réfléchit.) Mais c’est vrai, de temps en temps, ça provoque des situations un peu complexes. « J’ai appris de la vie une chose essentielle : “Ta faiblesse, fais-en une force.” »
D’après toi, à quoi correspond ce besoin de relations pleines et entières ?
Pour revenir à tes jeunes années et à ton éducation, que retiens-tu de cette période ? Je ne remercierai jamais assez mes parents de m’avoir donné une vraie éducation, axée sur les valeurs de la
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Lorsque je suis arrivé à Paris, mais là on quitte le domaine de l’enfance, j’ai souffert des non-dits, des petits secrets qui restent dans les tiroirs, des gens qui ne te disent pas les choses ou font semblant de te les dire… C’est peut-être en réaction à cette hypocrisie que je demande aux personnes qui font un bout de chemin avec moi d’être franches et directes, le plus cash possible.
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famille, des relations humaines, du partage. Comme tu le sais, j’ai une petite sœur handicapée, sourde, ce qui a certainement contribué à renforcer encore notre lien familial et notre envie d’être ensemble. J’en parle désormais tout à fait librement, mais cette situation a été pour moi un vrai déclic. Pour parler avec ma sœur, je devais faire de gros efforts de communication, apporter le plus grand soin à mon élocution verbale, tout faire pour être bien compris par elle… Et quand aujourd’hui, je reçois des lettres de téléspectateurs me félicitant pour les mots que j’emploie et pour ma manière de parler, je me dis que c’est grâce à ma petite sœur. De son handicap j’ai tiré un aspect positif. Tout cela se résume en une phrase, une leçon de vie essentielle que j’ai apprise : « Ta faiblesse, fais-en une force. »
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Il y a d’autres points faibles que tu as su transformer en force ? Bien sûr. Je peux te parler de la tache de naissance que j’ai sur le nez car elle a été une faiblesse. Adolescent, on m’a traité de tous les noms, j’en ai bavé. Plus tard, on me l’a même fait cacher ! Quand je suis arrivé à la télévision et que je ne savais pas comment fonctionnait ce métier, les producteurs et les têtes bien pensantes me disaient : « Attends, ce n’est pas beau ce que tu as sur le nez, il faut me masquer ça au maquillage… » Et un beau jour, tu t’aperçois qu’il y a des gens qui te sourient dans la rue parce qu’ils ont une tache similaire à la tienne, un angiome ou un
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grain de beauté ; ils ont, comme toi, une différence. Alors cette faiblesse aussi, tu en fais une force. Il y a longtemps que je ne cherche plus à cacher mon angiome, que je me montre tel que je suis. « Après mon accident, j’ai été déclaré mort ! Imagine ce que cela peut produire comme déclic. »
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Oui. Une personne âgée qui conduisait sa voiture m’a percuté de plein fouet. J’avais vingt-quatre ans, ça fait donc plus de vingt ans aujourd’hui. On m’a retrouvé dans le fossé et j’ai été déclaré mort ! Ça a même été annoncé dans La Dépêche du Midi ! Lorsque tes parents lisent dans le journal que tu es décédé, je te laisse imaginer ce que cela peut produire comme déclic pour toi par la suite… Et les séquelles ont été importantes : je n’ai pas pu jouer de piano pendant quinze ans, j’ai arrêté le sport de combat que je pratiquais à haut niveau… Mais une fois de plus, de cet énorme accident, j’ai tiré une force, une énergie… Même si physiquement, je souffre toujours un peu, lorsque le temps change.
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Tu parles des déclics provoqués par le handicap de ta petite sœur, par cette tache que tu as sur le nez… Je crois qu’un autre déclic a été l’accident de moto dont tu as été victime…
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Cette force, tu l’as acquise avec le recul ; mais lorsque du haut de tes vingt-quatre ans, tu t’es retrouvé sur ton lit d’hôpital, à quoi as-tu pensé ?
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Je ne comprenais pas que le type qui m’avait fauché ne vienne pas me rendre visite ; je trouvais cela totalement injuste. Je suis resté six mois en fauteuil roulant puis des mois avec des béquilles ; j’étais d’ailleurs encore plâtré et en béquilles lorsque j’ai commandé ma nouvelle moto. Ma mère était furieuse mais je me suis dit : « Si je ne le fais pas maintenant, je ne le ferai jamais. » C’est ce qui m’a donné la force, plus tard, de remonter sur une moto.Vingt ans ont passé depuis et je circule toujours en deux-roues.
Je ne me sens pas plus fort que d’autres, mais plus fort que celui que j’étais à l’époque. Tout simplement parce que les événements de la vie te rendent plus costaud. Je reviens sur la surdité de ma petite sœur… Je me suis dit : « Il faut qu’elle entende, qu’elle s’exprime, que je l’aide à y arriver ! » Et aujourd’hui, tu vois, ma petite sœur, elle va à la boulangerie, elle conduit, elle travaille, elle est mariée avec un sourd qui est ingénieur… On a en quelque sorte réussi notre pari familial ! Eh bien ça, oui, ça m’a rendu plus fort ! Comme chaque drame que j’ai surmonté. Et je vis à l’heure actuelle beaucoup de joies, grâce à ma famille, à mes enfants. J’ai plus que jamais envie d’en profiter à 200 %.
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D’une certaine manière, tes épreuves de jeunesse t’ontelles rendu plus fort que les autres ?
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« Si tu n’as pas la petite flamme pour entamer un nouveau challenge, tu profites moins de ce que la vie peut t’apporter. »
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Tu donnes l’impression d’aimer prendre des risques. C’est le cas ?
Oui, parce qu’autrement je m’ennuie, et parce que la vie est faite ainsi ! Une fois que tu t’es prouvé à toimême que tu pouvais faire quelque chose, si tu n’as pas cet émoustillement, cette petite flamme pour entamer un nouveau challenge, tu profites moins de ce que la vie peut t’apporter. Je vais d’ailleurs bientôt relever un nouveau défi qui va me mettre le bide à l’envers : je me lance dans la comédie…
Il y a eu plusieurs raisons à ce périple. D’abord, j’avais besoin de me prouver que j’étais capable de vivre sans ma famille, de barouder, de partir seul. Et puis, j’avais aussi envie de découvrir d’autres cultures, d’autres langues, d’autres façons d’agir, de penser, de se nourrir… Tu ne vas pas à l’étranger pour manger un steak frites, tu y vas pour t’ouvrir à de nouveaux horizons. C’est d’ailleurs vers cela que je pousse mon fils
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… Dans le cadre d’une fiction que l’on verra prochainement sur TF1. Mais pour revenir à tes jeunes années, vers la fin de tes études, tu es parti en Tunisie puis en Andalousie… Tu avais besoin de faire le vide, de changer d’air ? Où bien est-ce que ça aussi, c’était un risque que tu avais envie de prendre ?
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aujourd’hui. Parce que c’est important, quand on est jeune, de s’ouvrir aux autres.
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Peut-on imaginer que tes voyages ont constitué une forme de déclic pour faire le métier que tu as décidé de faire, à savoir la radio et la télévision ?
Oui, le déclic de la communication. Puisque la base de mon métier, que ce soit avec le théâtre, l’animation, la comédie, la radio ou la télé, c’est la communication. Je vais t’avouer quelque chose : c’est à cette période, lorsque j’ai voyagé, que je me suis aperçu que j’avais quelque chose de singulier en moi pour communiquer avec les autres. Car je ne parlais pas la langue du pays dans lequel j’étais, que ce soit en Tunisie, en Espagne ou ailleurs, mais j’arrivais quand même à faire rire tout le monde.
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Comment ?
Je ne sais pas, je ne saurais pas te l’expliquer. Je parlais un anglais-allemand très approximatif et je me débrouillais avec ça. Je me suis habitué à communiquer avec des gens qui ne me comprenaient pas au départ et qui, au final, finissaient par me comprendre.
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L’humour a joué un rôle important dans ta vie ? Oui, parce que c’est une bonne porte d’entrée. C’est souvent l’humour qui m’a permis de créer le dialogue.
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« Les réflexions et les remarques ont agi sur moi comme un moteur. »
C’est ce qui t’a donné confiance en toi ?
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Oui, mais surtout, ça m’a donné l’envie d’aller encore plus vers les autres.
Et c’est pour aller vers les autres que tu as choisi la radio ? Oui, j’ai toujours eu soif de dialogue, soif des autres. Sans eux, je ne suis rien. Pour moi, le partage et le dialogue sont des choses très importantes. Le jour où tu ne dialogues plus, où tu ne partages plus, que ce soit avec tes enfants, ta compagne, tes copains ou tes amis, c’est mort !
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C’est ce qui explique que dans tes émissions, tu laisses beaucoup parler tes invités ou les auditeurs qui interviennent par téléphone…
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Oui, oui, complètement. Je me rappelle de ma première émission, Les Z’amours, où je faisais parler les gens, j’adorais ça. Ce sont les personnes qui m’inspirent. C’est ce qui se passe sur Attention à la marche : plus qu’un jeu, un talk, un divertissement ou de la variété, c’est avant tout un dialogue.
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Puisque tu évoques tes débuts sur les ondes, je me souviens qu’au départ, on te disait que tu n’avais pas une voix de radio…
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Absolument. On me disait que j’étais trop provincial dans ma façon de parler. Et ça rejoint la problématique de ton livre parce que moi, quand on me dit non, je veux savoir pourquoi. Alors j’ai cherché à comprendre et comme je ne comprenais pas, j’ai voulu prouver à ceux qui ne me voyaient aucun avenir radiophonique qu’ils se trompaient ! Les réflexions et les remarques des « gens de radio » ont en quelque sorte agi sur moi comme un moteur.
Ensuite, il y a eu la télévision…
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Oui, c’était un nouveau défi. J’ai eu envie de découvrir ce fabuleux outil de communication, de tenter de nouvelles expériences, parce que c’est ça aussi le sens de la vie. Je recherche les sensations, les sentiments… Quand je ne ressens plus les vibrations, qu’elles deviennent mécaniques, c’est pour moi le signe qu’il faut passer à autre chose.
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À la télévision, tu en es aujourd’hui à plus de 4 000 émissions. Est-ce que là, justement, ça ne devient pas un peu « mécanique » ? Non parce que j’écoute toujours avec la même envie. Et comme pour moi, c’est l’écoute et la découverte de l’autre, l’intérêt que tu peux lui porter, qui font la joie et le sel de ce métier, je n’ai pas l’impression
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d’être rentré dans une mécanique. Même si ça fait douze ans que je suis à la télé et vingt ans que je suis à la radio.
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« La clé de la réussite, c’est justement de ne pas avoir de clé, car cela veut dire que l’on a su garder sa porte ouverte. »
Ces années t’ont-elles bonifié ?
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Je sens que j’ai plus de patience, que je prends plus le temps. C’est ce qui me permet de rester à l’écoute de mes enfants, de la vie, des autres. Je suis par exemple moins accro au téléphone qu’avant. C’est un détail qui peut sembler anecdotique mais qui a son importance ; tu vois, là par exemple, je ne réponds pas au téléphone, je prends le temps nécessaire pour notre entretien et je me déconnecte de tout le reste. C’est aussi une manière pour moi d’être en accord avec moi-même.
Oui. Peut-être parce que je regarde les gens différemment et mon métier d’une autre façon. Je fais davantage ce que j’ai envie de faire, sans pour cela avoir à me montrer dans les journaux. Je pense d’ailleurs être l’animateur que l’on voit le moins dans la presse people.
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Tu as l’impression d’être plus en accord avec toi-même aujourd’hui que par le passé ?
Jean-Luc Reichmann
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De quoi es-tu le plus fier aujourd’hui ? De mes enfants et de ma famille.
Et sur le plan professionnel ?
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Je suis très fier d’avoir mis à l’antenne un concept d’émission tel que Attention à la marche, que je fais grandir comme je le ressens et comme je le souhaite. En plus, maintenant, le concept s’exporte ! Tu te rends compte… Une idée française qui s’exporte à l’étranger ! C’est l’inverse de ce qui se passe habituellement dans l’audiovisuel. De ça, vraiment, je suis très fier.
Autre question rituelle de Déclics de Stars : qu’aimerais-tu que l’on dise de toi à la fin de ta carrière ?
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Rien ! Je n’ai pas envie que l’on dise quelque chose de moi. Non, vraiment, j’ai beau y réfléchir, je ne vois pas… Je vis au jour le jour, j’improvise sans cesse, j’écoute mon imaginaire et je déroule ma pelote de laine… Mais je ne sais pas ce qu’il y a au bout du fil, et d’ailleurs peu importe ce qu’il y a ; je garde la porte des idées grande ouverte car dans chaque événement, il y a des choses bonnes à prendre. La clé de la réussite, c’est justement de ne pas avoir de clé, de serrure ou de verrou. Car cela veut dire que l’on a su garder sa porte ouverte…
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Jean-Luc Reichmann
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En guise de conclusion, considères-tu que cette attitude peut constituer une recette de vie ?
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Absolument ! Ce que je veux dire, c’est qu’il faut toujours rester ouvert aux autres et à l’écoute du monde qui t’entoure. Il y a toujours au coin de la rue quelqu’un qui va te sourire, peut-être pas tout de suite et peut-être pas au premier coin de rue, ni au deuxième, mais à un moment donné, tu verras une main se tendre vers toi. C’est inévitable…
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Thierry Roland JOURNALISTE SPORTIF
Habitant à proximité des studios du Poste Parisien, le jeune THIERRY n’a que neuf ans lorsqu’il participe à sa première émission sur les ondes. Une expérience qui le marque et qui, sans qu’il le sache encore, modifie le cours de sa vie. Car il prend l’habitude de fréquenter la radio et, à dix-huit ans, demande à y travailler. Intégré au service des sports, le « môme » (ainsi que ses collègues le surnomment) fait rapidement ses classes (et sa place) sur France Inter, puis Antenne 2. En 1980, sa route croise celle de JEAN-MICHEL LARQUÉ, avec lequel il s’engage dans une longue aventure de commentaires de matches de football. Recruté par TF1 en 1984, il devient la voix du foot et anime durant des années l’émission dominicale Téléfoot. Pétri d’humour, il fait aussi des apparitions aux Grosses Têtes de RTL. Victime d’une rupture d’anévrisme en 2003, il est contraint de réduire la cadence, mais pour mieux revenir. Il se marie en 2004 avec la réalisatrice FRANÇOISE BOULAIN (sa compagne depuis trentehuit ans) et commente la Coupe du monde 2006 pour M6…
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Sa bio express
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Les déclics qui ont changé sa vie
Un père très tôt disparu, ce qui entraîne un report affectif sur les champions sportifs. Un passage par l’Angleterre qui sera « un bien pour un mal ».
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Des rencontres décisives avec les journalistes GEORGES BRIQUET, RAYMOND MARCILLAC, ROGER COUDERC et ROBERT CHAPATTE.
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La volonté de rebondir après la maladie et les coups durs professionnels.
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Ses confidences
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C’est dans son appartement parisien situé à deux pas de la Tour Eiffel que THIERRY ROLAND me reçoit. Souriant, chaleureux, décontracté, sans prétention. Tel qu’en luimême.
Bonjour Rémi, entre, assieds-toi…
Bonjour Thierry. Merci de me recevoir.
Mais je t’en prie. Alors, parle-moi de ce livre, c’est quoi l’objectif ?
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Montrer que nous sommes tous capables d’accomplir nos rêves pour peu que nous sachions en trouver les déclics. Ces événements qui, consciemment ou inconsciemment, vont nous déclencher. Pour illustrer cette idée, je voudrais montrer que les stars, en particulier celles de la télé, n’ont pas creusé leur sillon par hasard…
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C’est une excellente idée. Par quoi veux-tu que l’on commence ?
Par le commencement : l’enfance. À quand remontent tes premiers souvenirs ? À mes toutes premières années, au moment où le cerveau humain nous donne justement la capacité de nous souvenir. Je suis longtemps resté fils unique, 93
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Thierry Roland
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puisque j’ai neuf ans de plus que mon petit frère. Ce qui fait que mes premiers souvenirs de gamin sont avec ma mère et mes copains. J’ai eu la tristesse de perdre mon père alors que j’étais tout jeune ; j’allais justement sur mes neuf ans lorsqu’en rentrant de la guerre, il a été emporté par une méningite foudroyante. C’était en 1946. Il est parti en quarantehuit heures. Il n’a pas eu de chance car quelques mois plus tard, on inventait la pénicilline, ce qui l’aurait probablement sauvé. « Dans la vie, il y a un bien pour un mal. »
J’imagine que c’était la première grande épreuve de ta vie ?
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n° 3
Oui, une épreuve que m’a envoyée le Bon Dieu. Évidemment, sur le coup, je n’ai pas vraiment réalisé. Je connaissais à peine mon père : j’étais âgé de trois ans quand il est parti à la guerre et huit et demi quand il en est revenu. De surcroît, il a tout de suite repris ses activités professionnelles ; alors le matin, il n’était pas réveillé lorsque je partais à l’école, et le soir, il n’était pas encore rentré que j’avais déjà pris mon bain, fait mes devoirs et dîné. Restait le dimanche, mais c’était le jour où il récupérait ou sortait avec ses amis. Moi, j’allais jouer au football.
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Comment surmonte-t-on une telle épreuve quand on est un gamin de neuf ans ?
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Ma mère dit toujours que dans la vie, il y a un bien pour un mal. Et que lorsqu’un coup dur vous arrive, le bien n’est pas loin ! Même si quelquefois, il faut le chercher un peu… C’est ce qui s’est produit pour moi. Comme le décès de mon père est survenu au moment où ma mère attendait mon petit frère, elle m’a envoyé dans un collège en Angleterre en pensant que ce serait mieux pour moi. Je suis parti là-bas, j’étais en larmes, j’avais l’impression d’aller en prison. Et finalement, ça a été la plus belle période de ma jeunesse et ça m’a fait un bien énorme ; j’ai appris l’anglais ce qui m’a beaucoup servi par la suite dans mon boulot, par exemple lorsque RAYMOND MARCILLAC m’a emmené avec lui couvrir les grandes conférences sportives… « J’ai réussi à reporter ailleurs l’amour que j’aurais pu avoir pour mon père. »
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Qu’est-ce qui te frappe le plus quand tu repenses à ton enfance ? Je n’ai pas dans ma tête, dans mes oreilles, le son de la voix de mon père. Alors que j’ai en mémoire celui des Allemands défilant sur les Champs-Élysées et le bruit de leurs bottes qui tapaient le pavé (à l’époque nous habitions à côté des Champs, rue Washington). Ça, c’est vraiment un truc qui me frappe aujourd’hui.
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Ne pas vraiment avoir connu mon père est quelque chose qui m’a toujours poursuivi et me poursuit encore.
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Pourtant, tu m’as déclaré un jour à la radio que tu avais plus d’admiration pour le boxeur MARCEL CERDAN que pour ton papa…
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Ce que je voulais dire, c’est que j’ai réussi à reporter ailleurs l’amour que j’aurais pu avoir pour mon père. Quand on est gosse, on peut faire une foule de choses avec son papa : aller au cinéma ou au théâtre, découvrir d’autres pays, de nouveaux visages… Moi, je n’ai pas connu ça et j’ai l’impression que le sport est devenu tout naturellement une compensation, que les champions étaient à la fois idoles et parents. À dix ans, j’avais deux idoles : MARCEL CERDAN, un boxeur exceptionnel, champion du monde des poids moyens, et RENÉ VIGNAL, le gardien de but du Racing Club de Paris dans les années 1945-1950. Je crois que l’absence de mon père explique en partie mon admiration pour ces champions…
Oui. J’ai appris à lire avec L’Équipe et ce n’est pas une formule en l’air. J’ai commencé à dévorer ce journal en 1947. Je l’achetais tous les jours. Et chaque lundi, j’achetais France Football. Je pense d’ailleurs être le seul au monde à posséder toute la collection de France Football depuis le premier numéro paru en 1946. Et
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C’est donc à l’enfance que remonte ta passion pour le sport ?
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de manière générale, j’achetais tous les journaux qui parlaient de sport ; l’intégralité de mon argent de poche y passait. Je me pénétrais de tous les sports, le foot bien sûr, mais aussi le vélo, la natation, la boxe, le rugby, l’athlétisme…
Parallèlement à cet intérêt pour le sport, quel genre d’écolier étais-tu ?
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Un écolier puis un lycéen plutôt banal, un peu ramier comme le sont la plupart des mômes. Mais je réussissais à donner le petit coup de rein pour passer d’une classe à l’autre ; vers la fin de l’année scolaire, j’accélérais. Un peu comme dans une épreuve de cyclisme sur piste où le dernier est éliminé ; je faisais l’effort nécessaire pour terminer avant-dernier et avoir le droit de continuer… De fil en aiguille, j’ai passé mon bac. Difficilement, mais je l’ai passé. Et puis, j’en ai eu marre ; je ne me voyais pas poursuivre mes études.
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Qu’avez-vous décidé alors, ta mère et toi ? Ma mère connaissait le directeur de l’un des hôtels les plus cotés de Paris, qui se trouvait rue de Berry : le Lancaster. C’était un établissement très british, d’aspect et de culture. On n’y faisait pas d’esclandre, l’atmosphère était feutrée. J’ai été engagé pour un stage de neuf mois : trois mois commis de restaurant, trois mois à la plonge et trois mois garçon d’étage. Et ça a été pour moi une expérience extraordinaire. D’abord parce que c’était mes premières fiches de
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paie, le premier argent que je gagnais ; ensuite parce que ce n’était pas un travail facile : je n’étais pas à la plonge des verres et des assiettes, mais à celle des gros chaudrons au fond desquels il y avait dix centimètres de saletés qu’il fallait enlever et récurer. Et tu vois, quand on est môme, on a des pudeurs étranges ; j’avais l’impression d’être imprégné de l’odeur des chaudrons et que tout le monde s’en rendait compte ; alors, après mon service, je rentrais chez moi en courant avec l’idée de ne surtout rencontrer personne que je connaissais et je restais deux heures sous la douche… « Voilà, Georges, je voudrais intégrer l’équipe… »
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Là, il faut que je revienne un peu en arrière.Vers l’âge de dix ans, j’ai participé à une émission du Poste Parisien avec deux monstres sacrés de l’époque : LOÏS VAN LEE et ANDRÉ BIBAL, qui faisaient une émission pour la jeunesse et recherchaient un petit témoin pour parler de football. Ils s’étaient adressés au Racing, qui était mon club ; comme j’étais celui qui habitait le plus près de la radio, c’est moi que les dirigeants ont décidé d’envoyer. J’ai donc fait cette émission, j’ai beaucoup discuté avec les journalistes et j’ai pris l’habitude de retourner les voir. De temps en temps au début, puis de plus en plus souvent. Le journalisme n’était pas encore une passion, mais le sport,
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Et la radio dans tout ça…
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si. Lorsque CERDAN boxait aux États-Unis, c’était la nuit à Paris et moi, j’allais à la radio ; j’avais l’impression de savoir avant tout le monde ce qui se passait. C’était très grisant. Plus tard, après mes neuf mois au Lancaster, j’ai pris mon courage à deux mains et je suis allé voir GEORGES BRIQUET qui était le patron des sports du Poste Parisien ; un monsieur que j’adorais. Je lui ai dit : « Voilà, GEORGES, je voudrais intégrer l’équipe… » Il m’a dit : « Tu as de la veine, parce que je cherche un jeune, et ça peut aussi bien être toi ; mais je te préviens, je ne te passerai rien. » J’ai dit : « J’espère bien. » C’est ainsi que cela a commencé…
Ma rencontre avec des hommes comme GEORGES BRIQUET, RAYMOND MARCILLAC, plus tard ROGER COUDERC, ROBERT CHAPATTE et ANDRÉ BOURILLON. Tous passionnés de sport comme moi. Pour le jeune homme que j’étais, travailler à la radio, c’était un plaisir, pas un métier. J’aurais même bossé à l’œil, je te le dis franchement. Ce n’est que bien plus tard que j’ai mesuré le fait que ma passion était aussi ma profession : lorsque j’ai eu droit à mes premières interviews, que des magazines comme Télé 7 Jours ont commencé à parler de moi. Et plus précisément lorsque JEANINE BRILLET m’a consacré une double page dans ce même Télé 7 Jours ; là, je me suis dit : « C’est la consécration ! » À l’époque, c’était un grand honneur que d’être interviewé par elle.
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Mais qu’est-ce qui a provoqué en toi le déclic ?
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C’est à ce moment-là que tu as senti que tu étais arrivé à quelque chose ?
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Oui, parce que c’était un aboutissement. Comme la première fois que RAYMOND MARCILLAC m’a envoyé à l’autre bout du monde couvrir des sujets pour Les Coulisses de l’exploit. Ça aussi, c’était vraiment une reconnaissance ! Cette émission était l’équivalent de Cinq colonnes à la Une. Être choisi pour y faire un reportage prouvait que l’on était devenu quelqu’un dans ce métier. Pour moi, c’était aussi la reconnaissance de mon travail, car j’avais beaucoup donné pour en arriver là.
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Oui. J’ai en mémoire un épisode qui en est une bonne illustration : à France Inter, nous nous sommes retrouvés à trois ou quatre journalistes du service pour couvrir le terrible attentat contre les athlètes israéliens à Munich. Je me souviens qu’à la rédaction, la première réaction a été de dire : « Aïe, on n’a que les mecs des sports sur place pour couvrir l’événement, comment va-t-on s’en sortir ? » Il faut te dire qu’à l’époque, les journalistes sportifs n’étaient pas très bien considérés. Finalement, avec mes confrères, nous sommes restés pratiquement trois jours et trois nuits sans dormir, à bosser comme des forcenés, exaltés par la tâche qui nous incombait. Au final, nous avons reçu les félicitations de la direction pour avoir su rendre compte comme il le fallait de cette catastro-
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Le travail et la passion sont donc tes principaux moteurs ?
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phe ! Tout ceci pour dire qu’à partir du moment où tu fais les choses avec passion, tu parviens à te surpasser et à relever des défis que tu n’aurais peut-être pas été capable de relever en temps normal. « Il faut dire aux jeunes que Paris ne s’est pas fait en un jour. »
D’après toi, la passion, c’est le point de départ de tout ?
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Je pense très sincèrement que oui. Dans mon cas, ça a été ma passion pour le sport, mais il peut tout aussi bien s’agir de la musique ou de n’importe quelle autre discipline. Ensuite, une fois que l’on a trouvé ce que l’on a envie de faire par-dessus tout, ce qui compte, c’est le travail. Car ce n’est pas le tout d’avoir de l’envie ; après, il faut bosser.
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Justement, dans les métiers de la télévision, l’important (et le plus difficile), c’est de durer. Quel conseil donnerais-tu à un jeune qui voudrait se lancer dans cette carrière aujourd’hui ?
Je crois que ce qu’il faut d’abord dire, c’est que Paris ne s’est pas fait en un jour ! Il faut avancer progressivement, respecter ceux qui ont quelques années de plus et vous apprennent comment faire ; tout simplement parce qu’ils ont l’expérience du travail, du métier… Aujourd’hui, les mômes veulent être CHAPATTE et COUDERC tout de suite. Mais CHAPATTE et COUDERC ont appris leur métier au fur et à
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mesure ; ils ont bouffé de la vache enragée avant d’arriver au sommet. Je ne veux pas avoir l’air de donner des leçons, mais je crois qu’il faut revenir à des valeurs saines et à un minimum de travail pour mériter ce que l’on peut obtenir de bon dans l’existence. Pour persévérer dans ce métier, je ne connais pas autre chose que le travail. C’est si vrai que les grands champions, ceux qui réussissent, sont ceux qui travaillent. Il n’y a pas de mystère.
Mais qu’est-ce qui fait la différence ? Pourquoi devienton un ROGER COUDERC ou un THIERRY ROLAND ?
« La chance, ça existe vraiment. »
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En ce qui me concerne, je crois que j’ai eu beaucoup de chance. D’abord parce que j’ai débuté à la télévision sans le vouloir vraiment ! J’étais heureux à la radio lorsqu’un jour, GEORGES BRIQUET est arrivé avec dans sa main une note de service indiquant que ROBERT CHAPATTE et THIERRY ROLAND étaient mutés à la télévision sur demande de RAYMOND MARCILLAC. Et voilà. ROBERT et moi y sommes allés, sans vraiment en avoir envie. J’ai commencé par faire des petits sujets pour le Journal de 23 heures, puis des reportages pour le Journal de 13 heures, puis mon premier tournage en province… Exactement comme à la radio. J’ai appris mon métier en essayant de faire du mieux que je pouvais.
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Mais la chance il faut savoir la forcer… Pardonne-moi d‘insister sur ce point, mais j’ai la faiblesse de penser que le hasard n’est pas pour grand-chose dans ta longévité professionnelle…
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Franchement, je ne sais pas. Pourquoi PATRICK POIVRE D’ARVOR est-il le meilleur présentateur du journal ? Parce qu’il le présente avec le même talent depuis plus de vingt ans. Pourquoi MICHEL DRUCKER est-il le meilleur présentateur de variété ? Parce qu’il anime depuis quarante ans des émissions que les gens aiment. Les bons sont ceux qui durent. Alors c’est vrai, moi aussi, j’ai eu la chance de durer. Et je reviens de nouveau sur la notion de chance, parce que ce mot existe vraiment dans la petite famille des gens qui durent. Jusqu’au jour où quelqu’un que j’aime beaucoup, que je connais bien, me dira : « Bon, je t’ai entendu, ça fait deux trois fois, c’est plus comme avant… » Là, je répondrai : « Bon, si tu me le dis… » Et j’en tirerai les conclusions.
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Et les personnes que tu rencontres au hasard de la vie, elles, qu’est-ce qu’elles te disent ? Des mots simples et gentils. Ceux d’une vraie relation, sincère et amicale. Lorsque je promène mon chien et que les gens que je croise me font l’amitié de me reconnaître, ou bien lorsque je suis coincé dans les embouteillages et que le type bloqué dans la voiture d’à côté baisse sa vitre pour me dire un mot sympa, cela me touche énormément. Sans parler du volume de courrier que je reçois. Il ne doit pas y
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À quoi c’est dû d’après toi ?
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avoir beaucoup de gens à la télévision qui ont des liens aussi amicaux avec les téléspectateurs.
« C’est mon accident de santé qui a provoqué le déclic. »
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C’est dû aux plus de cinquante ans que j’ai vécus avec eux ! Je rencontre des téléspectateurs qui me disent : « J’ai l’impression de vous avoir toujours connu parce que vous commentiez le premier match de foot que j’ai vu lorsque j’avais huit ans et qu’aujourd’hui, j’en ai trente-cinq. » Avec JEAN-MICHEL LARQUÉ, que j’associe à toutes ces années, on a toujours commenté l’actualité heureuse ; pas les guerres, pas la politique, mais le sport… Des moments de très grande joie ou de grande peine, mais toujours dans le cadre du sport ; c’est ce que je qualifie d’actualité heureuse. Même si on a d’abord mangé notre pain noir, car il faut reconnaître qu’au début, l’équipe de France de foot ne gagnait pas un match et les clubs français ne passaient pas un tour dans les coupes d’Europe. C’était difficile. Et puis petit à petit, les résultats sont venus, jusqu’à l’apothéose de la Coupe du Monde 1998 et du Championnat d’Europe 2000. Or dans ces moments de ferveur populaire, nous étions le trait d’union entre les joueurs et les téléspectateurs ; c’était des rapports presque charnels.
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Mais quelque temps après, le destin s’en mêle et tout semble s’écrouler pour toi…
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Oui, en 2003, j’ai subi une rupture de l’aorte abdominale et je suis passé tout près de la porte finale ; une demi-heure de plus et je me retrouvais dans la grande prairie. Mon anévrisme a explosé dans mon corps plus tôt que prévu, avant l’opération qui était programmée pour plus tard…
L’année suivante, en 2004, tu épousais FRANÇOISE BOULAIN, la réalisatrice de télévision bien connue, dont tu partages la vie depuis plus de quarante ans… Oui, je l’ai connue avant l’assassinat de KENNEDY, c’est te dire si notre histoire ne date pas d’hier…
Alors pourquoi, tout à coup, décider de vous marier ?
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Eh bien, ce qui a provoqué le déclic, c’est mon accident de santé. Ce mariage, c’était une sécurité pour l’héritier, qui s’appelle GARY et qui allait sur ses vingt ans. C’était mieux pour lui. FRANÇOISE aussi, je pense qu’elle a été contente de cette décision. En tout cas, c’est une chose que je ne regrette pas du tout, car je l’ai faite pour FRANÇOISE et pour GARY, qui est un bon môme et qui me rend très fier.
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Si 2004 reste pour toi une grande année sur le plan personnel, je crois qu’il n’en a pas été de même sur le plan professionnel…
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C’est le moins que l’on puisse dire. Avec JEANMICHEL, nous avions commenté le Championnat d’Europe 2004 de football pour TF1 et tout s’était très bien passé. Dans la foulée, en juillet, ÉTIENNE MOUGEOTTE, le patron, m’annonce que l’on continue jusqu’à la Coupe du monde 2006. Sur ce, je pars en vacances et lorsque je rentre à Paris au mois de septembre, j’apprends que la chaîne a engagé THIERRY GILARDI et qu’à compter du 1er janvier suivant, je ne commenterai plus les matchs de l’équipe de France, ni ceux de la Ligue des Champions. J’ai pris un petit coup derrière la tête car je ne m’y attendais pas du tout. J’ai été malheureux pendant quelques jours. Pas tant sur le fond, parce que j’avais soixante-huit ans et que je pouvais admettre que j’avais fait mon temps, mais sur la forme : j’avais l’impression d’avoir été trahi. J’ai pour habitude de faire confiance à la parole donnée ; quand on me dit quelque chose dans le blanc des yeux, je m’y tiens. Je ne suis pas un tricheur.
Un épisode extraordinaire ! J’étais chez moi le jour où les responsables de TF1 ont appris que je pourrais aller commenter des matches sur M6. Le téléphone sonne, c’était CHARLES VILLENEUVE, responsable des sports de la Une, qui m’avait viré neuf mois plus
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Arrive la préparation de la Coupe du monde 2006…
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tôt et qui m’appelait comme si nous nous étions quittés la veille. Il me dit : « THIERRY, il faut que je te voie… ». Je lui réponds : « Bien CHARLES, j’en prends bonne note, je te rappellerai dans quelques jours » ; « Non, il faut que je te voie demain » insistet-il « parce que c’est très pressé ». Et il me convoque pour un petit-déjeuner le lendemain matin, dans un café à l’angle de l’avenue Montaigne et de la rue François 1er. J’arrive au rendez-vous et je m’installe en face de lui ; il interrompt sa lecture des journaux, relève la tête, me regarde et m’assène : « THIERRY, ta vraie famille de télévision, c’est laquelle ? » Il me dit ça, à moi ! Je lui réponds : « Non, CHARLES, là c’est un peu trop, je te rappelle quand même qu’il y a neuf mois, vous m’avez poussé vers la sortie. » Puis il me propose de réintégrer TF1 et de commenter pour la chaîne la moitié des matchs de la Coupe du monde. Je lui dis : « Écoute, je suis très flatté, je te remercie, je vais réfléchir… » « J’aimerais qu’on dise que j’ai été un journaliste qui a bien fait son boulot. »
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À quoi pensais-tu à cet instant précis de votre conversation ? À ce moment-là, mon état d’esprit est de continuer dans la maison TF1 parce que, à tort ou à raison, je ne suis pas un oiseau migrateur qui passe facilement d’une entreprise à une autre. Et puis, je n’avais pas
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encore rencontré les gens de M6. Suivent deux rendez-vous importants, l’un avec ETIENNE MOUGEOTTE, qui me confirme la proposition faite par CHARLES VILLENEUVE, l’autre avec les responsables de M6, notamment JÉRÔME BUREAU que je connais très bien. Et j’ai eu la nette impression, qui ne s’est pas démentie par la suite, que les responsables de M6 me parlaient avec leur cœur et avaient vraiment envie de faire un bout de chemin avec moi, tandis qu’à TF1, on m’avait fait signe pour ne pas que j’aille sur M6…
Choisir M6, c’était une forme de revanche ?
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Je ne l’ai pas fait pour ça mais c’est vrai, ça m’a permis de réparer ce que je considérais comme une injustice. Comme tout le monde j’ai des défauts, mais en tout cas, j’essaie d’être le plus honnête possible, aussi bien dans ma vie de tous les jours que dans mon métier. Si j’ai envie de dire ou de faire quelque chose, je le dis et je le fais.
Eh bien j’aimerais qu’on dise que j’ai été un journaliste qui a bien fait son boulot, qui a été honnête jusqu’au bout et qui est parti au jour J sans casseroles et en laissant quelques regrets à ceux qui l’aimaient bien. Ce serait une belle épitaphe, qui me ferait plaisir.
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Pour conclure, qu’est-ce que tu aimerais que l’on dise de toi plus tard ?
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C’est en 1975, à l’âge de vingt-deux ans, que MIREILLE DUMAS débute sa carrière en tant que journaliste pigiste au sein de titres prestigieux tels que Le Monde et Le Matin de Paris. La presse écrite n’étant cependant pas son unique domaine de prédilection, elle réalise aussi de nombreux documentaires de société pour la télévision. En 1991, elle se lance dans la grande aventure et devient présidente fondatrice de sa propre société de production, qui porte d’ailleurs ses initiales : MD Productions. Et elle enchaîne avec succès les émissions de société : Bas les masques, La vie à l’endroit, et, depuis le 3 octobre 2000, l’incontournable Vie privée, Vie publique…
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Les déclics qui ont changé sa vie
La perte de son père et de ses grands-parents alors qu’elle n’est qu’une enfant, entraînant une peur panique de la solitude qu’elle surmonte.
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La vie avec sa mère institutrice, dans une école entourée de grilles, barrières qu’elle rêve de briser pour aller vers les autres… Une expérience théâtrale qui lui donne envie de rendre compte de ses émotions en devenant journaliste…
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Le déclenchement instinctif d’un étonnant positionnement : être à la fois « actrice et spectatrice de sa vie » pour survivre à ses peines d’enfant.
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Un, deux, puis trois rendez-vous annulés en quelques jours… Si je ne connaissais pas MIREILLE DUMAS telle que je la connais, je crois que j’aurais renoncé à faire son interview en me disant qu’elle n’avait de toute évidence aucune envie de répondre à mes questions. Mais pour la côtoyer depuis quelques années, je sais que si elle est souvent fâchée avec la ponctualité du calendrier, cela ne préjuge en rien de l’intérêt qu’elle vous porte. Je ne me suis donc pas résigné et bien m’en a pris, car le quatrième rendez-vous a été le bon, même si, histoire de conserver le rythme, il a débuté avec une heure de retard sur l’horaire prévu !
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Visiblement ravie d’être là, spontanée, chaleureuse comme si nous nous étions quittés la veille alors que nos routes ne s’étaient pas croisées depuis des mois, je pouvais enfin questionner MIREILLE…
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Je débute chaque entretien par une question rituelle sur le premier souvenir d’enfance… En ce qui te concerne, quel est-il ? Mon premier souvenir d’enfance… (Elle se plonge quelques secondes dans ses pensées.) Je devais avoir entre deux et trois ans, je me revois assise sur les genoux de mon père, occupé à mettre minutieusement de l’ordre dans sa collection de timbres, à l’aide d’une longue pince. Il est assis à son bureau, dans la salle à manger qui faisait aussi fonction de bibliothèque. Il
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me parle, m’explique ce qu’il fait… À cette époque, il était déjà malade et ne pouvait plus marcher. C’est une scène que j’ai l’impression d’avoir vécue de nombreuses fois ; et c’est certainement une réalité puisque ma mère m’a expliqué plus tard que mon père, dès lors qu’il a été paralysé, passait des journées entières à son bureau à confectionner des collections de timbres. Voilà mon plus lointain souvenir… Un vrai souvenir, pas une scène reconstituée à partir d’une photo, comme cela arrive quelquefois. « Le souvenir de mon père est une force qui m’a beaucoup aidée dans ma vie. »
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Mon père est mort quand j’avais trois ans et trois mois. Et il est vrai que le souvenir que je viens de te décrire est très important pour moi, car il m’accompagne. Cela peut sembler un peu fou, mais j’ai toujours le sentiment que mon père est près de moi. Je ressens sa présence, sa chaleur… Un peu comme si j’en avais emmagasiné une partie en moi pendant les heures passées sur ses genoux et que des petites particules se distillaient doucement et régulièrement depuis… C’est une force qui m’a beaucoup aidée dans ma vie. Contrairement par exemple à ma jeune sœur, qui avait seulement un an quand mon père est parti. Elle s’est toujours sentie orpheline, ce qui n’a jamais été mon cas. 116
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À t’écouter le relater, j’ai la sensation que tu en es encore très imprégnée…
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Je crois même qu’enfant, tu continuais à chercher ton papa ; tu pensais qu’il était là, caché quelque part…
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Mais oui, bien sûr ! Quand on a trois ans et quelques mois, on ne comprend pas ce que signifie la mort ! Je me rappelle avoir cherché indéfiniment mon père, notamment dans le grenier de notre maison où il y avait une grande horloge dont la porte s’ouvrait et à l’intérieur de laquelle on se cachait, ma sœur et moi. Je me revois ouvrant la porte de cette horloge en espérant que mon père serait à l’intérieur… Ce n’est qu’à l’âge de sept ou huit ans, lorsque mes grandsparents sont partis à leur tour, que j’ai réellement compris ce qu’était la mort, son caractère définitif, l’absence qui en découlait…
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Justement, comment réagit-on lorsqu’on est une petite fille de huit ans et que l’on comprend que son papa ne sera plus jamais là ? J’ai ressenti un énorme manque durant mon enfance. Et a contrario, durant la période de l’adolescence, j’ai pour ainsi dire oublié que je n’avais plus mon père. Mais vraiment ! L’adolescence, c’est la découverte des garçons, les premières amours, les premiers flirts, une période propice à l’insouciance… Ce n’est que beaucoup plus tard, à l’âge adulte, qu’il a recommencé à me manquer ; lorsque j’ai réalisé qu’il n’avait pas été là pour des périodes importantes de ma vie. A posteriori, je m’aperçois que j’ai ressenti une peur panique, colossale, après le décès de mes grands-parents. Précisément à l’âge où l’on commence à se rendre
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compte de ce que la mort signifie réellement, physiquement. Et à ce moment-là, brutalement, j’ai pensé : « Mais ils s’en vont tous, ils me laissent tous »… Certes, nous étions six frères et sœurs, mais les adultes, ceux qui étaient censés nous protéger, s’en allaient les uns après les autres… J’étais envahie par la douleur et la peur… Au point de penser que je pourrais devenir folle ; même si je n’exprimais rien de ce tumulte intérieur car j’étais très timide, renfermée sur moi-même. « Ce n’est ni une recherche d’amour, ni une quête d’affection, qui m’ont amenée à faire ce métier. »
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Oui, il me restait uniquement ma mère, ce qui fait que je suis entrée dans un amour fusionnel, total, avec elle. Mais dans le même temps, je lui en voulais… Parce que du haut de mes huit ans, je ne comprenais pas pourquoi, en tant qu’adulte, elle n’était pas parvenue à empêcher la mort de ceux que j’aimais. Je lui reprochais inconsciemment, sans le formuler comme je le fais maintenant, de ne pas avoir réussi à me protéger contre cette douleur, ce chaos… Je pense dans le fond que j’ai peut-être failli chavirer. J’étais souvent malade, je somatisais…
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Ta maman était toujours là, elle…
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C’est cette carence d’amour paternel qui t’a conduite à exercer le métier que tu fais aujourd’hui ? C’est cette quête qui constitue le premier pas de ton chemin de journaliste, d’intervieweuse ?
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En fait, ce n’est ni une recherche d’amour, ni une quelconque quête d’affection qui m’ont amenée à faire un métier public. J’ai eu toute ma vie le sentiment d’avoir été remplie de l’amour de mon père. C’est une émotion incroyable, c’est d’ailleurs la première fois que je l’évoque de cette manière… (Elle s’interrompt un instant.) Mais c’est vrai, lorsque j’y réfléchis, le temps passant, je sens sa présence ici. (Elle pose sa main sur son cœur.) Donc je n’ai jamais recherché ailleurs l’amour d’un père puisque je l’avais en moi ; quant à celui de ma mère, je l’ai constamment reçu et je le reçois encore. Maman est toujours là, magnifique, elle m’entoure de tout son amour, même si elle ne le formule pas avec des phrases. D’ailleurs, nous n’avons jamais vraiment échangé de mots d’amour, ma mère et moi ; on ne se disait pas « je t’aime » toutes les cinq minutes… mais on savait qu’on s’aimait et on le sait encore, et pour toujours…
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As-tu souffert de cette absence d’échanges de mots ? Sincèrement, pour moi, les mots d’amour étaient réservés aux garçons, au cadre intime du langage amoureux.
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Alors, puisque ce n’est pas le manque d’amour, quel a été selon toi le déclic qui a fait que tu n’as de cesse d’aller vers les autres, de vouloir les questionner, les rencontrer, te nourrir de tes échanges avec eux ?
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Le premier déclic, c’est la souffrance liée à la perte des êtres chers et la force dont il a fallu faire preuve pour surmonter leur disparition. Je suis absolument convaincue que cette épreuve a constitué pour moi le premier grand tournant de mon existence. D’ailleurs aujourd’hui, lorsque l’on m’interroge sur le sens de mon travail, je réponds que ce qui m’intéresse avant tout, c’est de voir la façon dont les gens parviennent à rebondir, à aller de l’avant malgré les épreuves de la vie. C’est vraiment cet aspect-là qui me passionne, sans doute parce qu’il est ancré en moi. Combien de fois, par exemple, m’a-t-on fait remarquer que je serre le poing lorsque je parle ! Je le serre effectivement très souvent, inconsciemment, comme une personne qui a lutté, qui a dû combattre pour rester au cœur de la vie… « J’ai voulu voir ce qu’il y avait au-delà des grilles de l’école où je vivais, aller vers les autres, vers la vie… »
Il y en a beaucoup. Un deuxième déclic a certainement été la rencontre de l’autre dans l’amour ; c’est formidable de partager l’amour d’un garçon quand
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Ensuite, quels ont été tes autres déclics ?
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on est une jeune fille plutôt timide comme je l’étais. (Elle s’interrompt de nouveau quelques instants.) Le fait d’avoir grandi dans une école où ma mère était logée en tant qu’institutrice a été un autre déclic, particulièrement important. Parce que cette école était entourée de grilles immenses, donnant ellesmêmes sur un grand mur, celui de la ferme voisine… Un univers absolument clos ! Je n’ai eu de cesse de sortir de ce confinement, de ce huis clos, or j’y suis revenue en permanence : j’ai réalisé des films dans les prisons et les monastères, j’affectionne les entretiens en tête à tête (justement parce que c’est un huis clos et que j’aime bien partir de cette situation pour aller chercher ce qui se cache au-delà du paraître). Mon passage dans cette école a vraiment été un élément constitutif de ma personne et déclencheur pour moi : j’ai eu envie de faire tomber ces grilles et ce mur, de voir ce qui se passait au-delà des apparences, de les « traverser » pour reprendre l’expression de VIRGINIA WOOLF, d’aller vers les autres, vers d’autres vies…
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C’est peut-être aussi pour cette raison que tu as eu envie de faire du théâtre ? C’est un ensemble de motivations. Sortir de soi (car j’étais très timide), aller puiser de l’énergie, du sens et de la compréhension dans d’autres personnages. Faire l’expérience de moi en étant une autre, ou le contraire, d’une autre en étant moi-même. C’est tout le paradoxe du comédien. Et cette découverte m’a effectivement donné envie de faire du théâtre lorsque
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j’ai eu dix-huit ans. En même temps, ce n’est pas un hasard si ma première expérience avec les comédiens de PETER BROOK s’est déroulée dans le cadre d’un hôpital psychiatrique… Quand j’y réfléchis, je constate que j’ai eu envie de communiquer avec l’autre dans toute sa différence, mais aussi de m’approcher de la souffrance mentale. Au départ, le théâtre, c’était pour ressentir tout cela et partager toutes ces émotions. Cet épisode de ma vie a été très intense, très fort. J’avais vingt et un ans et j’ai eu envie de devenir journaliste, pour rapporter ce que je venais de vivre, témoigner de ce que j’avais vécu, tendre mon micro à tous ceux que l’on n’entend pas, écouter ce qu’ils avaient à dire, mais aussi donner un sens à leur histoire…
Il y a eu un autre déclic, une rencontre importante avec PIERRE VIANSSON-PONTÉ, éditorialiste et rédacteur en chef au journal Le Monde. C’est lui qui a publié mon premier article, largement inspiré de mon expérience théâtrale. Il m’a donné tout de suite confiance en moi, ce qui est important quand on est jeune. Il m’a même poussée à développer un ton très personnel dans l’écriture, alors qu’à l’époque, on ne jurait que par la sacro-sainte objectivité du journaliste ! Bien sûr ce métier demande le plus d’objectivité possible, mais quand on « travaille dans la pâte humaine », on doit tricoter avec ses émotions et les
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Alors précisément, comment es-tu passée du théâtre au journalisme ?
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émotions de l’autre. Jamais je n’ai pensé me retrouver un jour à la télévision. Le passage à l’antenne a été un « accident » si je puis dire, qui se prolonge certes, mais mon métier et mon souhait ont toujours été de faire du journalisme, du documentaire, de poser des questions tout en restant en retrait. Ce sont les personnes qui m’intéressent, elles et leur histoire, pas ma mise en lumière.
Qu’est-ce qui te motive le plus lorsque tu exerces ton métier de journaliste ?
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Ce qui me passionne plus que tout, c’est ce que j’explore dans mes documentaires ou mes émissions (Bas les masques, Vie privée, vie publique…), à savoir l’extrême étroitesse de la frontière entre soi et les autres, l’intime et le social, l’individu et le groupe, et en particulier la liberté individuelle dans le respect de la collectivité, ou bien encore la normalité et l’anormalité. Tout ce qui fait qu’un individu peut avancer debout ou être complètement « cassé ». La télévision comme seul miroir ne m’intéresse pas. Faire l’expérience de sa différence dans la ressemblance, ce qui peut s’énoncer aussi à l’inverse, c’est ce que j’espère transmettre à la télévision. J’aime bien l’idée de la transmission… « Une faiblesse peut devenir une force. C’est valable pour chacun, quelle que soit la faiblesse en question. »
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Dans tes documentaires, tu abordes en effet des thèmes auxquels tu as été personnellement confrontée, et d’autres qui te sont plus étrangers.Vois-tu les choses de la même manière selon que tu es actrice ou spectatrice ?
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Je vais te parler d’un des souvenirs les plus doux de mon enfance, à l’époque où nous habitions dans l’école de ma mère. Comme j’étais souvent malade, je restais dans la maison et l’hiver, je passais des heures assise sur un gros radiateur en fonte ; j’avais bien chaud, j’avais le sentiment d’être protégée, que rien ne pouvait m’arriver… Et à l’extérieur, je voyais par la vitre les autres enfants qui jouaient dans le froid, criaient, s’amusaient. Je regardais la vie s’écouler, enfin rassurée, en étant actrice et spectatrice car légèrement à l’écart. Et c’est là où je veux en venir. Actrice et spectatrice de ma vie, c’est une combinaison singulière que j’ai expérimentée très tôt dans ma jeunesse ! Et toute ma vie, même lors des situations les plus intenses, j’ai toujours été ainsi. Aujourd’hui, j’ai enfin une explication à ce phénomène…
Eh bien, je pense que très jeune, c’est le moyen que j’ai trouvé pour me protéger et ne pas être broyée par la douleur. La disparition de ceux que j’aimais créait une douleur trop forte pour moi : tellement forte qu’il m’était impossible de vivre et d’assumer complètement ces drames, de recevoir ces coups de poignard dans le ventre. Alors, je me suis construite cette barrière invisible dans une sorte de réflexe de survie
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Peux-tu m’en faire part si ce n’est pas trop indiscret ?
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et je crois que c’est l’une des raisons qui m’a permis de devenir journaliste puis réalisatrice.
En grande partie. À moins qu’elle ne soit invalidante, quelle que soit la différence en question, on peut l’affirmer et travailler pour la transformer en force. Une faiblesse peut toujours devenir un atout en travaillant et en la transcendant. C’est d’ailleurs ce que décrit la « résilience », à savoir cette formidable capacité qu’ont les êtres humains à rebondir après un traumatisme. C’est l’un des secrets pour survivre dans une existence où l’on est soumis à de grands chocs. Sommes-nous tous égaux dans cette capacité à surmonter les épreuves ? Cela demeure une réelle question, car entrent en jeu l’univers familial et social dans lequel on a grandi, ainsi que ses ressources personnelles. Sortir de soi, aller vers les autres est aussi un moyen de dépasser ses propres blessures et de se transcender. Et j’ajouterais que pour moi, il est important de rester en harmonie avec soi-même, ses principes et ses valeurs, de s’enrouler (si je puis dire) autour de sa propre colonne vertébrale. La télévision est pour cela un très bon révélateur : quelqu’un qui n’est pas authentique, qu’il soit journaliste, animateur, artiste ou témoin
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Mireille, dans les entretiens que je réalise pour ce livre, j’ai souvent le sentiment qu’une différence pénalisante dans la jeunesse peut devenir une force à l’âge adulte ; que les épreuves, les blessures, les fêlures, peuvent être transcendées. Le « secret » n’est-il pas finalement là : faire de sa différence une force ?
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anonyme est tout de suite « repéré » par le téléspectateur. Le public n’est pas dupe, il ressent l’absence de sincérité dans n’importe quelle interview.
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« Un simple mot, une parole qui fait écho, peut devenir une clé qui ouvre une porte… »
Pour en venir précisément au public, quels genres de témoignages reçois-tu des téléspectateurs ?
Ton travail de mise en valeur des autres a donc porté ses fruits… L’essentiel c’est la vie, celle de chacun de nous. Et chacun de nous doit pouvoir découvrir sa voie, en 126
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Je reçois des messages, des courriers qui prennent des formes différentes, le plus souvent amicales ou de conseils. Je remarque que beaucoup de téléspectateurs m’écrivent comme à une amie ; avec chaleur et proximité. L’écrivain YANN QUEFFÉLEC, que j’ai reçu sur un de mes plateaux, m’a fait le plus beau des compliments en écrivant ceci : « Avec MIREILLE DUMAS, pas de cirque lacrymal, mais une émotion qui n’est pas gagnée d’avance. Invité, on se surprend à donner le meilleur de soi-même, à dire ce qu’on n’avait jamais voulu formuler avant. Spectateur, on entend souvent sa propre histoire et l’on participe à ces échanges où la star, la seule star, amochée, ressuscitée, pardonnée, toujours grandie par la voix des témoins, c’est la vie. » Si je suis parvenue à ce résultat-là, j’en suis fière !
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étant soi-même mais aussi en se nourrissant des autres et de leur expérience. C’est en soi qu’il faut trouver un chemin, une vérité, mais tout ce que l’on emmagasine au dehors peut aussi nous servir un jour ou l’autre. Je pense que parfois, j’ai pu modestement aider certaines personnes. De la même manière, tout ce que j’ai entendu m’a, à un moment donné, servi dans ma propre vie.
C’est un message que tu tiens à faire passer ?
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Oui, notamment à toutes les personnes qui sont venues témoigner dans mes émissions et qui ne se doutent probablement pas à quel point leurs propos ou leur message ont été très utiles aux autres et parfois à moi-même ! Un simple mot, une parole qui fait écho, cela devient une clé qui peut ouvrir une porte et permettre de franchir une étape. Mais le plus sûr moyen d’avancer, c’est de trouver des mains tendues et de faire confiance aux autres.
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Pour conclure, est-ce que je peux connaître les sentiments et les émotions que te procure notre entretien, toi qui es d’habitude dans la position inverse, celle de l’intervieweur ? Je crois que je suis allée au plus profond de ce que je pouvais te donner. Et tu vois, c’est ça la marque d’un bon entretien : laisser l’autre aller le plus loin possible, être dans l’écoute comme tu l’as été… Être dans l’écoute et en même temps guider, en posant toutes les questions. J’ai le sentiment de t’avoir dévoilé
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beaucoup, sans gêne. Je ne suis pas en train de me dire : « J’ai raconté des choses que j’aurais dû garder pour moi… » Pas du tout. Je pense au contraire que dès lors que l’on essaie de transmettre, il ne faut pas se fixer de barrières. Et moi, pour les barrières, les grilles, les murs, j’ai été servie !
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Nikos Aliagas JOURNALISTE ET ANIMATEUR
En parallèle à de brillantes études littéraires (il décroche une maîtrise de littérature à la Sorbonne), c’est à Radio France Internationale (RFI) que NIKOS débute son parcours radiophonique (1988), en triant les dépêches de la nuit ! Après un bref passage par Radio Notre Dame (1992) où il anime les matinales, il est recruté comme journaliste sur la chaîne d’information européenne Euronews, de 1993 à 1999. Dans le même temps, il présente le journal sur la chaîne câblée TMC. C’est là, en 1998, qu’il est repéré par CHRISTINE BRAVO, qui l’engage. De 1999 à 2001, il est chroniqueur et représente la Grèce dans l’émission Union libre, consacrée à l’Union européenne et diffusée sur France 2. Il présente aussi le journal télévisé d’Alter Channel. C’est en 2001 que se produit le tournant le plus important de sa carrière, lorsqu’ETIENNE MOUGEOTTE le fait venir sur TF1 pour présenter une émission musicale d’un nouveau genre, la Star Academy, qui connaîtra le succès que l’on sait…
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Sa bio express
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Les déclics qui ont changé sa vie
La maladie, qui a rythmé les deux premières années de son enfance et a probablement contribué à faire de lui un battant. Sa révolte face à l’injustice dont était victime un de ses petits camarades d’école, qui a agi sur lui comme un révélateur.
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Sa volonté d’enchaîner les défis, pour prouver à ses parents qu’ils n’avaient pas émigré en France pour rien et démontrer à son père qu’il avait envie de réussir dans la vie par ses propres moyens.
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Les mots justes d’ÉTIENNE MOUGEOTTE, patron de TF1, qui ont su le convaincre de relever le difficile pari d’animer la Star Academy…
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Ses confidences
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C’est dans son bureau de la Plaine Saint-Denis que NIKOS ALIAGAS me reçoit. À quelques heures seulement d’un important direct de la Star Academy et rentrant tout juste d’une visite dans un service pour enfants malades d’un hôpital parisien. C’est d’ailleurs avec une grande pudeur, presque ennuyé que le sujet soit abordé, qu’il évoque cette visite. L’emploi du temps de cette fin de journée suffirait presque à décrire NIKOS : à la scène, animateur de télévision brillant et charismatique, au sommet de sa popularité ; à la ville, homme discret, généreux, altruiste, ému par la souffrance infantile…
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Comme à l’accoutumée dans Déclics de Stars, c’est justement par un petit voyage en enfance que débute l’entretien ; NIKOS se remémore alors ses premiers souvenirs de môme…
Des odeurs, en particulier celle du jasmin s’imposant au milieu d’autres parfums fleuris. Des voix également : celles de mes parents et de ma grand-mère discutant autour de moi. La scène se déroule en Grèce pendant les vacances, je dois avoir à peine deux ou trois ans… Voilà, ce sont les plus anciens clichés d’enfance qui remontent lorsque j’interroge ma mémoire. Une autre image, très forte, est celle d’un déclic qui a totalement modifié le cours de ma vie : lorsque l’enfant timide que j’étais s’est mis soudainement à devenir bavard, à tout extérioriser.
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« Un jour j’en ai eu assez et, d’un coup, je suis sorti de ma coquille. »
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Peux-tu me parler des circonstances de cet étonnant virage ?
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J’ai été opéré cinq jours après ma naissance et j’ai passé les deux premières années de ma vie à faire des allers-retours entre la maison et l’hôpital. Deux ans d’examens incessants, de traitements, d’opérations, de phases de convalescence interminables. Ensuite, jusqu’à l’âge de dix ans, j’ai eu l’impression d’être mis à l’écart : j’étais dispensé de la plupart des sports, on ne me laissait pas manger la même chose que les autres, à la piscine, on m’interrogeait sur mes cicatrices… Alors comme tous ceux qui se sentent différents, j’étais un peu introverti, en retrait, avec un manque énorme de confiance en moi… Et puis un jour, j’en ai eu assez ! D’un seul coup, j’ai fait comme si tout cela n’existait pas. Je suis sorti de ma coquille, je suis devenu délégué de classe, je me suis inscrit au judo, j’ai commencé à me bagarrer dans la cour de récréation… Bref, j’ai franchi un palier.
Un jour en classe, alors que je devais avoir dix ou onze ans, l’institutrice a confisqué les bons points de mon voisin de table pour le punir d’une bêtise qu’il n’avait pas commise. Je me souviens avoir éprouvé à ce moment-là un immense sentiment d’injustice. 136
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Mais qu’est-ce qui a provoqué ce changement d’attitude, quel a été le déclic ?
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J’avais la gorge serrée et au bout de quelques secondes, j’ai explosé : à la surprise générale, y compris la mienne, je me suis levé et j’ai pris la parole pour défendre mon petit camarade… J’ai dit à la maîtresse : « Écoutez Madame, ce n’est pas juste, vous devez lui rendre ses bons points parce qu’il n’a rien fait. » Elle m’a foudroyé du regard et m’a dit : « Comment oses-tu ? » Puis elle m’a tiré par les cheveux pour m’entraîner au coin ; je suis resté puni tout l’après-midi mais je me suis senti bien, comme libéré d’un énorme carcan qui pesait sur moi depuis des années… Et à partir de ce moment-là, je me suis mis à parler tout le temps, je suis devenu un véritable bavard, l’animateur de la classe… (Il s’interrompt un instant.) Je réalise que je n’avais encore jamais parlé de cette histoire à quiconque avant aujourd’hui…
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C’est le fait d’être en quelque sorte devenu le « Zorro » de la classe qui t’a donné confiance en toi ? Oui. Parce que je venais tout à coup de prendre conscience du pouvoir des mots ! Tu peux expliquer, convaincre, t’opposer, t’imposer…, tu peux véritablement changer le monde avec des mots. La meilleure preuve en est le flot de textes, de poèmes, de slogans et de philosophies qui ont traversé les siècles et même les millénaires sans prendre une ride. Les mots sont plus forts que tout… Je vis d’ailleurs grâce à eux et par eux : j’ai commencé le journalisme par l’écriture, j’ai d’abord couché les mots sur le papier avant de les transposer à la radio puis à la télé-
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vision. Mais le premier maillon de l’engrenage, c’est l’épisode des bons points dont je viens de te faire part.
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Te souviens-tu des changements que ce déclic a déclenchés en toi ?
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Je crois que le principal bouleversement qui s’en est suivi a été de me sentir enfin comme les autres gamins de mon âge. Si je me suis mis en avant ce jour-là, c’était pour montrer que j’étais comme eux, tout simplement… Parce qu’à force d’être protégé de tout et dispensé de tout, je ne profitais de rien… L’autre bouleversement fondamental qui a germé en moi à cette occasion, c’est une prise de conscience : lorsque tu as quelque chose à dire, il faut le dire. Et lorsque tu as quelque chose à tenter dans la vie, il ne faut pas hésiter et suivre ton envie. Même si tu dois te planter par la suite, ce n’est pas grave. Car ce qui est important, c’est de dépasser tes peurs… Si tu peux déjà te dire « moi aussi, je suis capable de descendre dans l’arène », alors peu importe le résultat final, c’est déjà une victoire…
D’après toi, c’est justement en suivant le fil de tes envies que tu es devenu l’un des animateurs les plus populaires de la télévision française ?
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« Ce qui compte avant tout, c’est de transgresser sa peur, de se surpasser à un moment donné… »
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Ce sont à la fois les circonstances de la vie et les petits paris successifs que je me suis lancés qui m’ont fait progresser dans l’existence. J’ai simplement joué, exactement comme je le faisais étant môme ; j’ai pris des risques sans savoir si j’allais parvenir à mes fins. Mais ce laps de seconde où tu dépasses tes peurs pour prendre ta plume et écrire, parler dans un micro, te présenter devant une caméra ou sur une scène, ce petit frisson-là, il est extraordinaire. Après, tant mieux si ça marche ! Mais encore une fois, ce n’est pas le résultat qui est important ; ce qui compte avant tout, c’est d’avoir la liberté de décider des actes qu’on entreprend, de transgresser sa peur, de se surpasser à un moment donné… Et je ne dis pas que c’est facile, au contraire ! Ça réclame du courage, beaucoup de courage, surtout lorsqu’on est plutôt mal dans sa peau…
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Ce qui était ton cas ?
Gamin, j’étais très complexé, absolument terrorisé à l’idée de prendre la parole devant les autres ; j’avais même un mal fou à demander du pain quand je me rendais à la boulangerie. J’avais honte. Tu ne peux pas imaginer ce que c’était de ressentir ça ! Je baissais les yeux… D’ailleurs, ce sentiment ne m’a pas totalement quitté : j’ai encore beaucoup de mal à me regarder à la télé devant d’autres personnes. Je n’y arrive pour ainsi dire pas. J’ai honte…
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Honte de quoi ?
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Honte de me voir. Et je ne parle pas de ce que j’ai fait à la télé. Je suis fier et je ne regrette rien de tout ce que j’ai entrepris. Je parle de moi…
Pour quelqu’un qui fait un métier public, ça peut sembler paradoxal…
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C’est pourtant souvent le cas. Lorsque j’en parle avec des confrères, ils me disent qu’ils ressentent la même chose. C’est d’ailleurs un mal pour un bien : le danger survient le jour où tu commences à t’aimer ! Car à ce moment-là, tu te mets à jouer un rôle et tu n’es plus toi ; tu privilégies le reflet que tu renvoies à l’amour que tu as au fond de ton cœur et que tu devrais diffuser. Or dans notre métier, l’amour, c’est le mot clé ; l’amour que l’on donne et celui que l’on demande, que l’on cherche à recevoir…
Je ne saurais pas vraiment l’expliquer. Je n’ai jamais connu de carence dans ce domaine. Mes parents m’ont constamment entouré d’énormément d’affection ; ils sont là, on s’aime et on se le dit. Donc de l’amour, j’en ai toujours reçu en quantité suffisante… (Il marque un bref temps d’arrêt.) Quand j’y réfléchis, je me dis que cette demande trouve peut-être sa source dans ma plus petite enfance, durant ces deux années passées à l’hôpital. Je pense à ça maintenant parce qu’à chaque fois que je rends visite à un gosse hospi140
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Et en ce qui te concerne, quelle est l’origine de cette demande, de cette quête d’amour ?
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talisé, je me revois dans la même situation. Je reçois des flashs très violents, qui proviennent certainement du plus profond de mon cerveau où ils sont enfouis. (Il marque un nouveau temps de réflexion.) Et, pour finir de dérouler entièrement ce fil, j’ai remarqué une autre coïncidence qui n’est sûrement pas anodine : tous mes meilleurs amis ont souffert d’accidents, d’opérations, de gros soucis de santé lorsqu’ils étaient mômes… Ils ont été à deux doigts de partir, mais finalement, sont revenus avec force et détermination. « Le fait d’avoir à se battre pour s’en sortir dès son plus jeune âge procure une force pour toute la vie. »
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Mais en quoi le fait d’avoir été malade durant les premiers mois de sa vie peut-il constituer un déclic vingt ou trente ans plus tard ? Je ne suis pas psychanalyste, je n’ai pas d’explication scientifique à ce phénomène. Je pense néanmoins que le fait d’avoir à se battre pour s’en sortir dès son plus jeune âge ancre et procure nécessairement une force, une énergie pour toute l’existence. Et je pense aussi qu’un enfant se sent coupable de voir ses parents souffrir et s’inquiéter à cause de lui. Alors dès qu’il est en mesure de le faire, pour réduire un peu cette culpabilité, il fait inconsciemment en sorte que ses parents se sentent heureux et fiers de lui. (Nouveau silence.) Tu vois, en en parlant avec toi, je découvre des
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schémas auxquels je n’avais pas nécessairement pensé jusqu’à présent…
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Donner de la fierté à tes parents a donc été pour toi un moteur ?
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Probablement. J’ai grandi de façon parfois humble socialement, mais toujours dignement et ai été entouré de beaucoup d’affection familiale. J’ai vu mon père, qui était tailleur, travailler nuit et jour ; je l’ai vu peiner à façonner des pantalons et des chemisiers des heures et des heures durant… Pour assurer la subsistance de sa famille et pourvoir à l’éducation de ses enfants. Alors c’est vrai, j’ai pris conscience très tôt du coût de la vie et que je devais lui prouver qu’il n’avait pas perdu son temps en faisant tous ces efforts. Ne pas décevoir ses parents, les rendre fiers, c’est donc effectivement un moteur important. En même temps, on ne fait pas les choses uniquement pour plaire à son père ou à sa mère, on les fait aussi et surtout parce qu’on a envie de les faire…
Oui, mais sans me le dire aussi directement. Disons qu’il me l’a fait comprendre ; et ça me va très bien ainsi. Dans notre famille, on communique souvent avec une grande pudeur. Je sais qu’il est content de la manière dont je mène ma vie, pas uniquement ma carrière, et cela me suffit… Je n’ai pas besoin de plus ; d’ailleurs, je ne sais pas si je serais prêt à accepter sans
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Ton père t’a-t-il déjà dit qu’il était fier de toi ?
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m’effondrer une déclaration de fierté de mon père… Nos silences parlent autant que les mots.
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Et comment tes parents ont-ils réagi lorsque tu as commencé à connaître la célébrité ?
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Je me souviens que lors des premières diffusions de la Star’Ac, je ne m’en sortais pas. L’émission n’avait pas trouvé son rythme de croisière et je me faisais constamment incendier dans la presse. Un soir, je suis allé trouver mes parents et je leur ai dit : « Ça ne va plus, ce n’est pas pour moi toutes ces attaques… » Alors ma mère m’a dit : « Écoute mon garçon, tu as voulu danser, et bien tu vas danser jusqu’au bout. On ne quitte jamais un train quand il est en marche, ou alors, ça s’appelle de la lâcheté ! Et cette lâcheté, cette peur, tu la retrouveras dans tout ce que tu feras plus tard. Alors affronte, n’abdique pas, termine ce que tu as commencé ! Et ce n’est pas grave si tu perds. » Et j’ai continué…
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« L’essentiel n’est pas d’être aimé de tout le monde mais de donner le meilleur de soi-même, sans tricher. »
Les critiques t’atteignent-elles toujours autant aujourd’hui ? Non, plus maintenant… J’ai compris qu’il s’agissait uniquement d’un jeu et qu’au fond, il n’y avait rien de personnel dans cette affaire, donc je relativise
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énormément. Quand tu fais ce métier depuis un certain temps comme c’est mon cas, tu comprends ce que veulent dire les Anglo-Saxons avec leur formule « not personal, just business ». À partir du moment où tu fais honnêtement ton métier, avec la conviction et le professionnalisme nécessaires, tu peux rentrer tranquillement chez toi et laisser les choses à leur juste place. Chacun est dans son rôle, le flatteur comme le critique, celui qui ne joue pas de rôle, c’est le public. L’essentiel n’est pas d’être aimé de tout le monde, c’est de toute façon impossible ; l’essentiel est de toujours donner le meilleur de soi, sans tricher, et autant que possible de faire ce que l’on aime…
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Il est vrai qu’on m’a souvent demandé pourquoi j’avais accepté d’animer la Star Academy dans la mesure où il n’y avait aucune logique au vu de mon parcours précédent : je venais du journalisme, RFI, Euronews, je présentais le journal de 20 heures sur une télévision grecque et je participais chaque semaine aux émissions européennes de CHRISTINE BRAVO, ce qui me convenait parfaitement… En fait, lorsqu’ETIENNE MOUGEOTTE m’a proposé la Star’Ac, il m’a dit : « Cette émission ne va pas être facile, ce n’est pas gagné d’avance, mais je crois en toi et ça en vaut la peine… » Et mon instinct m’a dit : « Vas-y. » J’ignore s’il s’agissait d’une résonance du désir de surpasser ma peur ou la vibration motivante du « ce n’est pas gagné d’avance », mais le fait est que
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C’est le cas pour toi avec la Star’Ac ?
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j’ai eu spontanément envie de relever ce défi, d’en faire un challenge personnel.
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Suivre son instinct, c’est une règle de vie que tu recommandes ?
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Lorsqu’une occasion se présente, il faut savoir s’approprier l’instant sans calculer d’une façon cartésienne mais avec la générosité de l’instinct. Certains diront qu’il faut être un peu inconscient, moi je crois qu’il faut simplement se fier à son instinct. Je vais te raconter une anecdote : un jour, alors que j’étais sur Euronews, je passe par hasard sur le casting du journal de TMC ; pour rire, je me mets devant la caméra et je fais un petit speech. Et on me dit : « Bravo, tu es retenu. » ; alors je réponds : « Mais je plaisantais, je ne passais pas l’audition sérieusement… » ; mais on me dit : « Tant pis si tu l’as fait pour t’amuser, tu es engagé… » Et tu vois, même si j’ai fait cet essai pour rigoler, au fond de moi, c’est mon instinct qui m’a commandé de le faire…
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Aujourd’hui, tu penses déjà à l’après-Star’Ac ? Tu te fixes d’autres challenges ? Depuis toujours, je marche au bord d’une dune qui s’effondre derrière moi au fur et à mesure. Je dois donc constamment avancer, mon équilibre en dépend. Alors, un jour viendra probablement où j’irai vers un autre « danger », où je me lancerai dans un nouveau projet complètement atypique, à l’image de mon cheminement professionnel qui n’obéit à aucune
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logique… Mais sincèrement, en ce moment, je baigne dans la sérénité et je ne me pose pas de questions de cet ordre. Je sais aussi que quoi qu’il advienne de ma future carrière, je l’accepterai et je me donnerai à 100 %, comme je l’ai toujours fait jusqu’à présent. « On ne décide pas de l’issue d’une aventure, mais on décide seul de tenter l’aventure… »
Que voudrais-tu que l’on dise de toi plus tard ?
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Eh bien précisément que j’ai fait correctement mon métier avant de quitter les plateaux et de rentrer chez moi ! Que je suis un type qui a toujours bossé honnêtement et sincèrement. J’aimerais que l’on mette à mon crédit le fait que c’est la sincérité qui a toujours guidé ma démarche, que je n’ai jamais vendu mon âme ni cherché à faire de tort à quiconque. Et au-delà de mon travail, je serais heureux que ceux qui me connaissent disent que dans ma vie, j’ai mené ma barque en écoutant mon cœur…
Qu’il est très important d’essayer de faire aboutir ses rêves, car c’est la meilleure… et même la seule façon de rester soi-même, en phase avec ses envies ! Fustigez le « j’aurais pu si… » ! À des moments opportuns de notre vie, il faut savoir descendre dans l’arène, même si on ne gagne pas à chaque fois. On ne décide
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Et qu’aimerais-tu dire à ceux qui vont lire ce livre, en particulier les jeunes…
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pas de l’issue de l’aventure dans laquelle on se lance, c’est une certitude ; en revanche, il ne tient vraiment qu’à nous d’oser tenter l’aventure en question. Cette décision-là, personne ne peut la prendre à notre place ; et rien ni personne ne doit nous empêcher de la prendre. Un autre petit conseil que je voudrais donner à méditer, c’est que rien n’est jamais acquis et que tout peut toujours être remis en cause dès lors que l’on s’endort sur ses lauriers. Pour éviter cette désillusion, le secret est de constamment aller de l’avant, de se lancer dans l’ascension des nouvelles montagnes que l’on a envie de gravir… Pas comme un affamé, juste comme un passionné. La sagesse frappera à votre porte avec le temps…
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Nelson Monfort JOURNALISTE SPORTIF
Son diplôme de droit en poche, il intègre brillamment Sciences-Po Paris en se spécialisant dans les relations étrangères. Un cursus qui le fait partir une année à San Francisco où il travaille pour le compte d’un établissement bancaire. De retour en France, il a choisi sa vocation : il sera journaliste sportif. Engagé par FR3 Lyon, il commente les tournois de tennis et en 1987, il apparaît pour la première fois sur le court, un micro à la main, lors d’une interview de la légendaire championne MARTINA NAVRATILOVA. Depuis cette date, il sillonne les courts, les patinoires, les pistes d’athlétisme, les terrains de foot et de rugby, ainsi que les parcours de golf. Il pratique d’ailleurs régulièrement le tennis, la natation, le golf, le ski et le patinage car, par respect pour le téléspectateur, il considère qu’il se doit de pratiquer les disciplines qu’il commente à l’écran. Maîtrisant parfaitement outre le français, l’anglais, l’espagnol, l’allemand et l’italien, il jongle avec ces différentes langues, pour le plus grand bonheur (et parfois l’amusement) des téléspectateurs.
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Sa bio express
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Les déclics qui ont changé sa vie
Une enfance baignée de culture internationale et de rencontres, qui lui a donné une véritable ouverture sur le monde… La disparition de ses parents, dès son entrée dans la vie active.
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Sa prise de conscience, dès ses premières expériences professionnelles, de ne pas être fait pour les métiers auxquels sa formation le destinait.
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La publication inespérée de son premier article par le magazine Historia.
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Ses confidences
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C’est dans le décor feutré du Press Club de France que NELSON MONFORT m’a fixé rendez-vous. Ou plutôt devraisje dire le gentleman NELSON MONFORT : élégant, raffiné, poli et ponctuel…, so british comme à son habitude ! La classe du personnage n’est pas une surprise. Sa délicatesse non plus… Dès les premières secondes de notre entretien, NELSON me met à l’aise : « Je trouve le concept de ce livre tout à fait excellent et je suis ravi d’en faire partie ; si les lumières qui ont éclairé mon chemin peuvent en éclairer d’autres, tant mieux… » Ce qui est formidable avec NELSON, c’est qu’il sait rendre les choses simples, naturelles ; ce qui me permet de plonger sans difficulté dans l’intimité de l’interview…
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Quels souvenirs gardes-tu de ton enfance ?
J’ai connu une enfance très privilégiée en tant que fils unique, arrivé relativement « sur le tard » dans une famille très aimante. Mon père était citoyen américain ; il était colonel dans l’armée américaine pendant le second conflit mondial et a fait toute la guerre au front, avec le GÉNÉRAL PATTON. Et ma mère était néerlandaise, ce qui fait que dès mon plus jeune âge, j’ai baigné dans une culture internationale et j’ai été pétri de langues étrangères, en particulier l’anglais qui était la langue que mes parents parlaient entre eux à la maison.
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Quels ont été les « décors » de tes jeunes années ?
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Mes parents se sont installés d’abord aux Pays-Bas, puis en France. J’ai vécu la majeure partie de mes premières années en France, mais aussi en Suisse. Comme mon père se déplaçait beaucoup et devait souvent voyager (il était devenu banquier international à l’issue de sa carrière militaire), j’ai fréquenté différentes pensions françaises (notamment une qui se trouvait à Jouy-en-Josas, à l’emplacement exact de l’actuel campus d’HEC), ainsi qu’un pensionnat helvétique. « Fréquenter des pensionnats différents m’a ouvert sur une culture internationale qui m’accompagne encore aujourd’hui. »
Oui, sans doute un peu, même si paradoxalement, les retrouvailles avec mes parents étaient des moments très forts, de joie intense, que j’appréciais énormément et qui suffisaient probablement à mon bonheur. Tout cela pour dire que je n’ai ni remords ni regrets par rapport à cette période. C’est même tout le contraire : fréquenter des lieux et des enfants différents m’a ouvert sur une culture internationale qui m’accompagne encore aujourd’hui. Il y a une expression que j’aime beaucoup, qui est celle de « citoyen du monde » ; et il est vrai que cette définition m’a été
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As-tu souffert de ces mises en pension successives, forcément synonymes de séparation familale ?
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appropriée dès l’enfance, puisque je côtoyais des jeunes garçons et des jeunes filles issus de tous horizons et de toutes nationalités. C’est auprès d’eux et avec eux que j’ai commencé à parler anglais, espagnol…
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Le Nelson polyglotte qui fait aujourd’hui l’admiration du téléspectateur est donc né très tôt…
Oui, très tôt ; et comme j’avais de surcroît des dispositions pour les langues…
Tout de même, cet enrichissement culturel est certes très positif, mais il n’est qu’un des aspects de la vie en pensionnat ; la solitude que j’évoquais devait forcément surgir de temps à autre, comment l’as-tu vécue ?
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Disons que le fait de ne pas avoir de frères ni de sœurs, et de ne pas pouvoir partager plus souvent de moments familiaux intimes, a sûrement créé un manque à certaines périodes de ma jeunesse. D’ailleurs plus tard, lorsque nous avons fondé notre famille, ma femme et moi, nous étions déterminés à avoir au moins deux enfants (et nous avons deux filles) ; dans mon esprit, il s’agissait justement de ne pas reproduire la configuration du fils unique qui avait été la mienne. Donc pour répondre à ta question, oui, j’ai certainement dû ressentir des moments de solitude dans ma jeunesse…
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Je souhaiterais à présent qu’on mette de côté ta vocation de père de famille pour parler de ta vocation de journaliste… Comment s’est-elle imposée ?
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À ma sortie de Sciences-Po, où j’avais suivi la section internationale, j’ai reçu beaucoup de propositions, mais qui ne m’intéressaient pas plus que ça… Alors bon gré mal gré, j’en ai accepté certaines et j’ai testé au moins vingt métiers différents : dans la banque, l’assurance… À chaque fois, l’expérience se transformait en catastrophe. La plupart du temps d’ailleurs, je prenais les devants et je partais de moi-même : je comprenais assez vite que je n’étais pas fait pour être comptable dans une entreprise ou auditeur dans un cabinet d’assurance, et je dis ça sans le moindre mépris pour l’une ou l’autre de ces professions, bien entendu.
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« J’ai envoyé au magazine Historia un article qui a plu et qui a été publié : ça a constitué mon premier déclic. »
Il me manquait tout simplement l’intérêt du travail ! J’avais l’impression d’aller au bureau comme au cimetière, c’était un vrai cauchemar ! Moi qui fonctionnais au coup de cœur et à l’enthousiasme, là, je ne trouvais ni l’un, ni l’autre. Et plus le temps passait, moins l’envie venait… Il y avait aussi le fait que je ne
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Mais qu’est-ce qui selon toi t’empêchait de t’épanouir dans ces filières ?
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tombais pas toujours sur des supérieurs hiérarchiques qui me mettaient dans les meilleures conditions…
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Comment tes parents ont-ils réagi vis-à-vis de tes changements professionnels fréquents ? Mes parents n’étaient hélas plus là pour me conseiller. J’ai perdu mon père lorsque j’avais vingt-trois ans et ma mère lorsque j’en avais vingt-huit. Seule ma mère a connu mes premiers pas dans le journalisme…
Alors précisément, ces premiers pas, comment se sont-ils produits ?
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Un jour, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai contacté des médias, bien qu’il s’agisse d’un domaine qui m’était totalement étranger et dans lequel je ne disposais pas de la plus petite porte d’entrée. J’ai en particulier envoyé un article au magazine Historia ; et alors que je ne m’y attendais pas, cet article a plu et il a été publié. C’est ce qui a constitué pour moi le premier vrai déclic.
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De quoi parlait cet article ?
D’un film qui s’appelait Mac Arthur, dont le rôle principal était tenu par GRÉGORY PECK, un acteur que j’adorais. Ce film me faisait penser à mon père… (Il marque un temps d’arrêt.) J’ai envoyé le papier sans grande conviction car Historia parlait en général rarement de cinéma…
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Depuis le début de notre conversation, tu reviens régulièrement sur ton père ; j’ai le sentiment qu’il t’a tout de même un peu influencé…
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Je dirais même énormément ! Mon père était un homme assez dur d’apparence, mais extraordinairement doux dans sa nature, avec un cœur extraordinaire. Il m’impressionnait beaucoup et je n’ai pas la moitié de ses qualités. Le vers de VICTOR HUGO, « Mon père, ce héros », me va très bien… J’avais vraiment de l’admiration pour mon papa…
Cela me fait penser à une émission de radio que nous avons faite ensemble il y a quelques années ; je concluais l’interview par cette demande : « Maintenant Nelson, dites-nous tout… » ; et tu avais prononcé une phrase qui m’est restée en mémoire : « Il faut toujours dire aux gens qu’on les aime quand il en est encore temps… »
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Absolument. Et j’en suis toujours intimement persuadé. Je pense que, quand on aime quelqu’un, il faut le lui dire tant que l’on est en mesure de le faire… GEORGES BRASSENS a très bien dit cela en chansons…
Vis-à-vis de mes parents, certainement ! Il y a une chanson que j’adore, qui s’appelle Mon vieux, elle est chantée par DANIEL GUICHARD. C’est JEAN FER-
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À l’époque, lorsque je t’ai entendu dire cette phrase, je me suis demandé si tu ne souffrais pas justement de ne pas avoir pu dire les choses à temps…
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qui en a écrit les paroles, JEAN FERRAT que je rencontre chaque année au mois de décembre (c’est notre rendez-vous d’amitié) et qui est devenu quelqu’un pour qui j’ai une profonde affection. Lui le sait : je lui ai dit que je l’aimais… Et cette chanson, Mon vieux, je la trouve magnifique, c’est pour moi une des plus belles chansons françaises… (Il s’interrompt.) « J’aimerais bien qu’il soit près de moi… papa » : je trouve ce passage très, très émouvant.
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« Mon père avait une vraie qualité qui était l’honnêteté. Et j’essaie moi aussi dans mon métier d’avoir cette honnêteté, car c’est très important. »
Mais pour moi, il ne s’agit pas vraiment d’une absence ; je suis convaincu que mes parents me voient, d’une certaine manière. En tout cas, moi, je les vois. Leur absence est uniquement physique, pas morale ni sentimentale. Je dirais même que je ressens leur présence de plus en plus fortement. Souvent, lorsque je réussis un beau moment journalistique, je pense à eux.Très souvent même… Il arrive qu’on me demande si j’ai peur de la caméra… Je réponds que je n’en ai jamais peur, car elle a pour moi un visage ami : j’y vois parfois le visage de mon père…
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Plus je t’écoute et plus j’ai le sentiment que l’absence de ton père constitue pour toi un moteur…
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Le fait que tes parents n’aient pas eu le temps d’assister à ta réussite professionnelle semble être pour toi un immense regret ; tu aurais aimé les rendre fiers ?
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Oui… Même si je me dis que de là-haut, ils sont fiers de moi ! Parfois fiers et peut-être parfois moins fiers d’ailleurs ; je n’ai pas une trajectoire exempte de tous nuages. Mon père avait une vraie qualité qui était l’honnêteté. Et j’essaie moi aussi dans mon métier d’avoir cette honnêteté, parce que c’est très important. Je n’ai pas le sentiment de m’être mal comporté vis-à-vis de quelqu’un… On ne s’est pas toujours bien comporté vis-à-vis de moi, mais je n’ai jamais riposté, ce n’est pas dans ma nature…
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Le fait de constamment vouloir le faire évoluer ; m’orienter vers le commentaire, vers le patinage… Lorsque je commente un gala de patinage avec PHILIPPE CANDELORO par exemple, on fait à la fois du commentaire et un petit show : on s’efforce de séduire le public, de le faire sourire… Une deuxième chose qui me motive est de développer une autre de mes passions : la musique. J’anime désormais une émission quotidienne sur Radio Classique, entre onze heures et midi. Une émission qui s’appelle Mélodie Nelson, en référence à la très belle chanson de SERGE GAINSBOURG.
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Alors, qu’est-ce qui explique que tu aies gardé une passion intacte pour ce métier ?
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Est-ce que c’est aussi une manière de prouver que tu réussis très bien dès lors que tu as trouvé ta voie ?
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Oui, sans aucun doute. Ce n’est pas de la vengeance, mais une sorte de petite revanche… Oui, il y a de ça… « Côtoyer les grands champions, c’est la vie : c’est se réjouir des victoires et compatir des défaites. »
Revanche sur qui et sur quoi ?
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Revanche sur certains échecs professionnels passés… Réussir dans le journalisme prouve que je n’étais peut-être pas le seul responsable de ces ratages. Peutêtre que d’autres l’étaient autant que moi… (Il marque un temps de réflexion.) Lorsque j’arrivais dans une société, je venais l’esprit ouvert, prêt à donner le meilleur de moi-même pour peu que l’on sache me faire confiance…
Ta réussite est donc une victoire ?
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Oui. En plus, c’est une belle victoire car elle est pacifique…
Et l’amour dont tu parlais tout à l’heure, il constitue aussi chez toi une source de motivation ? Bien entendu ! Je crois vraiment que les gens sentent quand on les aime… À travers notre manière de leur
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parler, à travers certains regards aussi… JACQUES CHANCEL, qui est quelqu’un pour qui j’éprouve une grande admiration et qui fait partie des gens qui m’ont aidé et marqué, dit toujours que pour réussir dans ce métier, il faut aimer les gens… Et ce que j’apprécie tout particulièrement chez lui, c’est qu’il a la même attitude avec les puissants et avec les modestes. Je pense sincèrement que c’est comme ça qu’il faut se comporter dans la vie : ne pas faire de courbettes aux puissants et être poli, et si possible gentil, avec tout le monde ; mais de façon sincère… Voilà, cette attitude-là me plaît beaucoup et je pense que les gens le ressentent…
Aimer les autres, rester naturel et honnête, c’est ce qui fait ta force ?
Cette authenticité, conjuguée à ton enthousiasme légendaire, te vaut d’être régulièrement caricaturé par des imitateurs ou par les Guignols de l’info… Comment réagis-tu par rapport à ce phénomène ? C’est une forme de dérision qui ne me dérange aucunement. Je considère que savoir rire de soi-même est une qualité essentielle dans la vie. Et puis, on peut
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Sans aucune prétention, je pense effectivement parvenir à conjuguer ces trois caractéristiques. Mais mon métier m’y aide beaucoup : côtoyer les grands champions, c’est la vie : ça veut dire se réjouir des victoires, compatir des défaites, et le faire de façon sincère dans les deux cas…
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aussi y voir une forme de reconnaissance. Donc tout ça est bien sympathique…
Y a-t-il quelque chose qui te fasse peur aujourd’hui ?
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Professionnellement j’ai le sentiment d’être assez fort, serein, sûr de moi… En revanche, dans la vie, je suis envahi de doutes et de peurs, j’ai toujours été quelqu’un d’inquiet… « On n’est jamais débordé quand on fait ce que l’on aime. »
Qu’est-ce qui t’inquiète ?
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Tout m’inquiète ! Le fait que mes filles apprennent à conduire, qu’elles commencent à avoir une trajectoire dans la vie, que je doive trouver le juste équilibre en les aidant sans en faire trop, en les protégeant sans les étouffer…
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Et l’avenir, tu y penses ?
Bien entendu ; l’avenir de ma famille, de mes filles… Mon avenir professionnel aussi… Je sais que ma passion pour la musique, la littérature et la poésie pourra m’entraîner vers des sentiers assez différents de ceux que je suis en ce moment. Organiser un festival de musique me plairait beaucoup, par exemple : faire venir les artistes, concevoir les programmes musicaux…
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La musique, le sport… Tu ne crains pas d’être débordé ?
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On n’est jamais débordé quand on fait ce que l’on aime. Je ne dis jamais que je suis débordé. Jamais je ne regarde ma montre, d’ailleurs souvent, je n’en porte pas. Je suis à l’heure à mes rendez-vous par respect pour mes interlocuteurs, c’est tout. Pour le reste, multiplier les passions, ce n’est pas de la boulimie, c’est une quête de vie, tout simplement. Je crois qu’il est important d’avoir plusieurs passions… Lorsque j’écoute une symphonie de MOZART, je suis dans un état de passion absolue…
Quelle image aimerais-tu que l’on garde de toi plus tard ?
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J’aimerais que ça tourne autour de l’honnêteté, et peut-être aussi autour d’une certaine humilité. Parce que ceux qui me connaissent savent que je suis quelqu’un d’humble et d’honnête. Grâce à l’héritage familial ; je l’ai déjà dit mais je le redis : mon père était d’une honnêteté sans faille.
L’honnêteté, c’est ta recette de vie ?
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Oui, l’honnêteté. Le sourire aussi. Et puis la faculté de pouvoir rire de soi-même, de savoir prendre du bonheur pour essayer d’en donner aux autres…
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ACTRICE
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Parallèlement à sa faculté de lettres à Aix-en-Provence, CORINNE TOUZET s’adonne à sa passion pour le théâtre et le cirque ; elle fréquente le Relais culturel d’Aix-en-Provence avec des amateurs et participe à ses premiers spectacles dans une salle de 400 places, puis intègre les Ateliers sur le travail clownesque, dirigés par YVES QUINIO. Sa carrière artistique bascule en 1981 avec le tournage de Marianne, une étoile pour Napoléon, suivi de Hôtel de police, La Rumba, Prisonnières, puis elle enchaîne de nombreux tournages en Angleterre, aux États-Unis et en Italie. Arrive ensuite Une femme d’honneur, qui lui vaut de recevoir le 7 d’Or de la meilleure comédienne en 1997. Depuis, l’actrice enchaîne avec succès les fictions et séries pour la télévision ; elle a aussi créé sa propre société de production à qui l’on doit notamment : Et demain Paula (2001), Valentine (2003), Un parfum de Caraïbe (2004), Maldonne et L’enfant de personne (2005)…
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Sa bio express
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Les déclics qui ont changé sa vie
L’arrivée dans son lycée d’un nouveau professeur passionné de théâtre, qui monte une petite troupe. Son premier rôle, celui d’un vieillard dans une pièce de Molière, qui sera une révélation pour elle.
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La clairvoyance du conseiller d’orientation de son lycée, qui repère ses aptitudes et l’oriente vers une carrière artistique.
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Son départ pour Aix-en-Provence, où elle intègre un groupe de comédiens et apprend les bases de son métier…
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Ses confidences
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Consacrer un chapitre du livre sur les déclics des stars de la télévision à CORINNE TOUZET constitue en soi une curiosité : d’abord parce que contrairement aux autres personnalités dont les parcours sont exposés dans ces pages, CORINNE est la seule qui ne soit ni animatrice, ni journaliste, mais actrice ; ensuite parce qu’elle parle d’ordinaire peu d’elle-même et de sa vie… Lorsqu’en ce mardi soir, je suis entré dans son bureau de directrice de la société Yes Productions, CORINNE terminait une conversation téléphonique avec sa fille et achevait de faire le point avec elle sur ses dernières notes et sur ses devoirs d’école à faire pour le jeudi suivant.
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Cette intrusion fortuite dans son intimité de maman a en quelque sorte donné le ton à notre entretien : intense, naturel, familier, empreint de confiance et de simplicité… Et débutant bien entendu par un retour sur ses jeunes années…
Je n’ai malheureusement aucun souvenir de ma petite enfance ; uniquement des photos de moi bébé, ou petite fille, que j’ai fini par enregistrer dans ma mémoire et intégrer très fortement en moi. Même s’ils ne constituent pas des souvenirs en tant que tels… La première image réelle dont je me rappelle, quoiqu’elle demeure assez floue, est celle d’une petite bicyclette jaune. Je dois avoir environ cinq ans et je suis à Compiègne dans l’Oise, devant l’immeuble au
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dernier étage duquel nous habitons mes parents et moi.
Alors, à quand remontent tes premiers souvenirs précis ?
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(Elle s’octroie un petit temps de réflexion.) À ma préadolescence et encore… Ils sont liés à ma chienne Vanille, un caniche royal noir dont je me souviens très bien, que j’adorais comme tous les animaux qui m’ont accompagnée, et qui était la chienne de notre famille lorsque nous vivions à Amiens dans la Somme. Mais à ce moment-là, j’ai déjà au moins douze ou treize ans. Je visualise aussi très bien l’intérieur de ma chambre, mais pas des autres pièces de l’appartement ; je sais simplement qu’il se trouvait juste au-dessus du magasin de meubles dans lequel mes parents travaillaient.
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Qu’est-ce qui selon toi explique ce flou de ta mémoire par rapport à tes dix ou douze premières années ?
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Évidemment, je me suis posé la question des millions de fois ! Mais je n’ai toujours pas trouvé la réponse… Je voudrais faire un jour des séances d’hypnose pour obtenir la solution… Mais pour l’instant, je ne ressens ni la nécessité, ni le besoin d’y recourir. J’ai peut-être un peu peur, mais je pense qu’en vieillissant, cela deviendra nécessaire.
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Malgré cette absence de souvenirs précis, peux-tu me parler de la petite fille que tu étais ?
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Non, je ne peux pas, je sais juste ce que ma mère m’a dit : que j’étais une petite fille très sage et plutôt solitaire, qui se créait son univers imaginaire. Elle m’a raconté que j’étais souvent dans ma chambre à inventer des histoires mettant en scène des personnages, et à faire parler mes poupées… L’explication réside sans doute dans le fait que j’étais fille unique et que mes parents étaient comme tous les commerçants : ils travaillaient énormément, avaient des horaires compliqués et ne disposaient pas forcément de tout le temps qu’ils auraient souhaité avoir pour être avec moi.
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« Pour moi, le déclic a eu lieu en classe de seconde, lorsqu’un professeur a créé une troupe de théâtre. »
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Et par la suite, quelle adolescente es-tu devenue ? Mon adolescence a été une période très mouvementée mais qui me laisse de bons souvenirs. Nous étions venus nous installer dans le Nord-Pas-de-Calais, à Boulogne-sur-Mer. J’ouvre une parenthèse pour dire que si nous avons déménagé aussi souvent, c’est parce que le travail de mon père consistait à créer des magasins et à assurer leur lancement, ce qui n’avait par définition qu’un temps limité ; alors nous suivions le rythme… Pour revenir à Boulogne-sur-Mer, j’avais quatorze, quinze ans, des copines, un amoureux pla-
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tonique, un vrai et bel amour, et j’allais au lycée. Rien de très original bien sûr, mais je me souviens que j’aimais beaucoup aller à la plage, par n’importe quel temps (et Dieu sait si là-haut, il fait souvent mauvais !) ; j’allais promener mon chien que j’adorais, Toddy, un basset Hound, j’étais déjà très solitaire… Mais c’était vraiment une période joyeuse, on allait danser le samedi soir (j’ai toujours adoré danser). En même temps, je crois que j’étais très compliquée, comme tous les ados ; on se cherche, on ne sait pas qui on est, ce que l’on veut, ce que l’on va devenir… Ça fait peur.
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Si, sûrement, mais je n’en ai pas le souvenir. Je sais en revanche qu’aujourd’hui encore, j’ai un problème avec les départs. Ce sont des moments que je n’aime guère et les fins de tournages par exemple, sont toujours pour moi une source de grande tristesse et de mélancolie. Bien sûr, à force, on s’habitue ; mais il est incroyable de réaliser qu’on a vécu quasiment vingtquatre heures sur vingt-quatre ensemble, pendant trente ou cinquante jours, dans le froid ou le chaud, quelquefois dans la neige ou le vent, et que l’on se quitte comme ça, du jour au lendemain, sans s’appeler ni se revoir… Cela vient peut-être de là… J’ai toujours eu un profond sentiment de solitude, qui
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On sait qu’il est parfois perturbant pour un enfant d’avoir à se réadapter sans cesse à un nouveau milieu… Ces déménagements à répétition n’ont-ils pas été tout de même un peu difficiles à vivre ?
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s’est accru avec ce que la notoriété nous impose à tous, car elle nous coupe du monde en nous isolant ; et je me demande toujours pourquoi je suis ainsi… La seule chose que je peux te dire pour répondre à cette question dont j’ignore toute la réponse, c’est que j’ai toujours envié les gens qui disaient : « C’est un ou une ami(e) d’enfance. » Car comme nous déménagions souvent, je quittais mes copines et je devais m’en faire sans cesse de nouvelles ; c’était dur chaque fois, les nouvelles écoles remplies d’inconnus, ce sont des épreuves qui ont fait que je ne me souviens malheureusement de personne…
J’étais en seconde à Boulogne-sur-mer ; j’étais plutôt forte dans les matières littéraires : les langues, le français, la philo. Et cette année-là, un nouveau professeur est arrivé au lycée, un passionné de théâtre. Il a proposé la création d’une petite troupe, ouverte à tous ceux qui voulaient participer… On a été quelques-uns à s’inscrire, six ou sept élèves, plus de filles que de garçons… On a joué La jalousie du barbouillé, une comédie en un acte de MOLIÈRE, dont le rôle principal est celui d’un vieil homme de quatre-vingts ans. Évidemment, personne ne voulait de ce rôle ; et je l’ai accepté ! Par rigolade ou par provocation, je ne saurais le dire aujourd’hui… Toujours est-il que j’ai dû me déguiser, me transformer en un vieillard au nez crochu avec des verrues partout sur le visage…
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Quel a été le déclic qui t’a poussée à vouloir devenir comédienne ?
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Jouer cette pièce a été pour moi un déclic : c’était la première fois de ma vie que j’avais autant de facilité à faire quelque chose ! C’était comme si j’avais fait du théâtre depuis toujours, j’étais incroyablement à l’aise et je ne comprenais pas pourquoi… « Le théâtre m’a apporté la certitude d’être douée pour quelque chose ! »
À t’entendre, plus qu’un déclic, il s’agissait d’une vraie révélation…
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Complètement. Je me souviens parfaitement du sentiment très fort que j’ai ressenti à ce moment-là : cette certitude qu’un fait nouveau venait de se produire, que j’étais douée pour quelque chose ; et la joie, le bonheur qui découlait de cette certitude… La pièce a d’ailleurs connu un petit succès : on est même allé la jouer dans d’autres lycées du coin… J’ai pensé à ce moment-là que je pourrais peut-être en refaire, mais sans grande certitude et sans savoir comment, car j’étais une élève un peu trop sérieuse…
Là, le destin m’a donné un petit coup de pouce… Comme tous mes petits camarades, j’ai passé un test d’orientation pour savoir dans quelle branche poursuivre mes études. Inutile de te préciser que je redoutais énormément le verdict et que j’appréhendais de savoir à quelle sauce j’allais être mangée… Arrive le
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Restait aussi à convaincre tes parents, tes professeurs…
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jour du rendez-vous avec le conseiller d’orientation ; je m’y rends avec mes parents et nous tombons sur un homme attentif, généreux, très ouvert… Et à la grande surprise de mes parents, et de la mienne, il nous annonce que j’ai une vocation artistique très claire et que c’est vers cette voie que je dois me diriger. Alors j’ai éclaté de rire ! Car non seulement, je n’en avais jamais parlé à mes parents, mais je crois que je n’y avais même pas songé sérieusement moimême. C’était jusque-là rester à l’état de rêve…
J’étais assez en avance puisque j’ai passé et réussi mon bac à seize ans. Mais il se trouve que cette même année, mes parents ont divorcé. Ma mère et moi sommes parties habiter à Aix-en-Provence et je me suis inscrite à la fac de lettres d’Aix pour passer une licence d’anglais. Cette université présentait la particularité, comme la Sorbonne, de donner aux étudiants la possibilité de s’inscrire à l’IFCA. (Institut de Formation pour Comédiens-Animateurs) et de recevoir des cours de théâtre en plus de leur cursus normal. Ça a été une deuxième grande chance pour moi, j’ai profité de cette opportunité et j’ai rencontré des metteurs en scène, travaillé le chant, la danse, les claquettes, les pratiques scéniques… Et, bien entendu, j’ai continué à faire du théâtre.
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Comment les choses se sont-elles enchaînées pour toi à partir de ce moment-là ?
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Tu as brièvement évoqué le divorce de tes parents ; peuton ouvrir une parenthèse sur cet épisode ?
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(Elle marque un temps de réflexion.) Non, je ne souhaite pas en parler. « Inconsciemment, j’avais besoin d’une troupe, d’un groupe, de recréer une famille… »
Mais sans rentrer dans les détails, penses-tu que ce tournant familial a renforcé ton envie de faire un métier artistique, public ?
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Non, je ne crois pas. Je pense que je me cherchais, que j’étais en quête de quelque chose ; j’avais des rêves plein la tête et beaucoup de colère, d’énergie, je devais être un peu perdue comme tous les ados. (Elle s’interrompt à nouveau quelques secondes.) Probablement qu’inconsciemment j’avais besoin d’une troupe, d’un groupe, de recréer une famille… C’est d’ailleurs une constante dans ma manière de fonctionner : j’adore travailler durablement avec les mêmes personnes, me sentir en groupe, en famille… Partout où je fais un bout de chemin, j’essaye de créer ce lien.
J’ai intégré un groupe d’apprentis comédiens qui comprenait des clowns, des danseurs, des artistes… Que des fous passionnés, comme moi ! Ensemble, pendant deux ans, nous avons essentiellement tra178
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Fin de la parenthèse familiale ; revenons à tes cours de théâtre et à la faculté d’Aix : que s’est-il passé ensuite ?
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vaillé sur l’improvisation, la souplesse, la voix, le masque, l’acrobatie, le théâtre de rue, la commedia dell’Arte, le « happening »… Nous avions une énergie dingue… C’est du reste une chose essentielle que j’ai apprise sur moi à cette période : mon obstination, mon énergie à toujours vouloir aller au bout des choses, toute cette force que j’avais en moi… D’ailleurs, les metteurs en scène ne s’y trompaient pas : ils me confiaient des rôles (petits… !) de femme énergique, têtue et forte : dans Le Médecin malgré lui, je jouais la nourrice ; et dans L’Opéra de Quat’sous, j’interprétais un personnage de fille qui avait subi la guerre…
C’est la force du désespoir… Je ne dis pas que je suis déprimée ni dépressive, mais désespérée. C’est ma nature : je suis une personne profondément mélancolique, au vrai sens du terme. RACINE a fait dire à Andromaque : « Surtout je redoutais votre mélancolie, où j’ai vu si longtemps votre âme ensevelie. » À l’époque, c’était une maladie, qui pouvait amener à la folie, comme la manie (rires) ; cela a été énormément repris par les grands romantiques comme LAMARTINE, mais aussi BAUDELAIRE ou ROUSSEAU. Cela peut sembler antagoniste avec le fait d’apparaître comme une actrice pleine d’énergie à qui l’on confie des rôles forts, mais c’est pourtant bel et bien le cas et cela m’épuise constamment parce que ce n’est pas ma vraie nature : je suis la femme la plus fragile que tu puisses imaginer ! Toute ma contradiction est là…
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Selon toi, qu’est-ce qui te donne cette force ?
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Ta contradiction ?
« Je peux dire aujourd’hui que j’ai reçu de mes parents de bonnes valeurs, en particulier le respect des autres. »
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Oui, ma contradiction… Cette conjugaison permanente de la force et du désespoir. Face à la maladie par exemple, il y a des moments où tu tombes au plus bas et où tu te dis : « C’est fichu, je ne m’en sortirai pas, je suis trop fatiguée, je n’y arriverai jamais »… Et le lendemain matin, sans savoir pourquoi, tu te réveilles en t’exclamant : « Aujourd’hui, je vais me battre. » Puis le soir, patatras, tout s’écroule à nouveau… (Elle soupire.) J’ai tout le temps envie de partir, de tout arrêter, de fuir, de dormir (rires), et puis je repars, je me remets en question et je m’accroche, je continue et je me tue au travail… Je suis tellement éloignée des femmes de caractère que je campe à l’écran… ; en réalité, je suis cachée dans une sorte de coquille, un petit coffret protégé par un arsenal de grillages et de clés… J’ai fabriqué cette carapace parce que l’intérieur est fragile, vulnérable et bien trop naïf pour ce monde impitoyable ; il se casse facilement, alors je cherche à l’exposer le moins possible… En fait, je me protège comme le font la plupart des personnes hypersensibles mais malheureusement, je n’y arrive pas toujours et je le regrette, car cela me détruit chaque fois un peu plus…
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Tu es quelqu’un d’hypersensible ?
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Oui. C’est beaucoup plus difficile à vivre que ce que l’on pense. Les gens méchants ou les intellos appellent cela de la sensiblerie car ce n’est pas chic de montrer ses émotions ; c’est même vulgaire pour certains. J’en suis désolée souvent, je vis trop pleinement les émotions que je reçois même si, l’expérience aidant, j’arrive aujourd’hui à me contrôler davantage. Je sais que certaines personnes m’ont dit que cela me servait à faire mon métier, mais parfois, cela m’envahit tellement que ça devient un handicap (rires). Mais je n’ai pas une maîtrise « tout-terrain », loin s’en faut : il y a des sujets qui me touchent et me toucheront toujours de plein fouet ; la détresse et la souffrance d’un enfant par exemple, le massacre des animaux pour le commerce de la fourrure… Je ne parviendrai jamais à me blinder ne serait-ce qu’un tant soit peu par rapport à ça…
Hypersensible donc, et aussi mélancolique d’après ce que tu disais tout à l’heure… D’où te vient cette tristesse ? Je ne sais pas. Mais j’insiste : la mélancolie et la tristesse sont deux sentiments distincts.
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Elle doit pourtant bien avoir une cause… Certainement.
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Tu n’essaies pas de la rechercher ? Non.
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Tu dis cela comme si tu éprouvais une forme de crainte à regarder en arrière…
Non, je n’ai aucune appréhension de cet ordre. La meilleure preuve est que depuis quelques années, je redécouvre mes parents, j’apprends à mieux les connaître et je profite avec eux de plein de bons moments. J’ai été bien élevée, on m’a transmis de bonnes valeurs, en particulier le respect des autres. Et je m’aperçois que c’est en partie grâce à l’éducation que j’ai reçue que je m’en suis plutôt bien sortie dans la vie…
J’observe énormément les gens, je m’intéresse à eux, je passe une grande partie de ma vie à les regarder pour capturer des expressions, des rires, des voix, des démarches… Je fais ça tout le temps : dans la rue, dans l’avion, chez le boulanger, dans les embouteillages… C’est pour moi une matière première essentielle : je m’en aperçois quand j’ai un rôle à préparer et qu’inconsciemment, je reproduis des choses que j’ai pêchées et qui me semblent adaptées, vraies, justes… C’est ma façon de travailler : je suis instinctive, je m’inspire et je m’irrigue des personnes et de la vie. Ce n’est d’ailleurs pas sans poser de problèmes avec certains metteurs en scène qui veulent en général 182
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… Dans la vie et à l’écran ! À ce propos, comment abordes-tu tes personnages ?
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qu’un acteur parle, s’exprime sur sa manière de voir le rôle, d’interpréter chaque détail du personnage… Or moi, au départ, je n’ai pas besoin de parler mais de sentir et de ressentir, de laisser mon instinct se mettre en marche… Ensuite, j’ai bien sûr besoin d’un chef d’orchestre car nous sommes des instruments et que jouer seul n’est pas du tout intéressant. J’aime l’échange et le partage avec les metteurs en scène, pas les monologues… « C’est en travaillant et en positivant ses échecs qu’on peut aller au bout de ses envies. »
C’est cette marque de fabrique qui te permet de donner autant de sens aux fictions dans lesquelles tu joues, Une femme d’honneur par exemple ?
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Oui et je ne pourrais pas faire autrement, pour une raison très simple : que ce soit en tant qu’actrice ou en tant que productrice, je ne peux tourner que des choses que je veux pouvoir défendre avant et après ; j’ai donc un besoin impérieux de croire en ce que je fais…
Parmi les rôles que tu as incarnés et qui comptent pour toi, je sais qu’il y a aussi Paula, un autre personnage fort dans ta filmographie… Oui c’est vrai, Paula, c’était un pari ; je ne pouvais pas imaginer qu’il y aurait plus de huit millions de personnes qui suivraient ses aventures sur leur petit
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La leçon à retenir de Paula, c’est au final qu’il faut aller au bout de ses envies… C’est précisément ce message que tu aimerais faire passer aux jeunes générations et
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écran. Autour de moi, et professionnellement, tout le monde pensait que j’allais à la catastrophe et me disait que les téléspectateurs n’auraient pas envie de me voir dans cet état : moche, sale, le regard éteint, habillée avec des fringues hideuses et coiffée du bonnet le plus horrible que l’on puisse trouver… merci Yvette ! (Petit clin d’œil à sa costumière avec qui elle travaille depuis dix ans.) Me voir ainsi tous les jours a d’ailleurs été une expérience violente, j’ai perdu près de cinq kilos pendant le tournage… Mais je suis allée au bout du défi, j’ai terminé ce que j’avais commencé, tout en sachant que tout le monde m’attendait au tournant et qu’on ne me passerait rien car les mauvaises langues disaient déjà : « Ouais, elle va se salir et nous faire croire qu’elle est SDF bien sûr… » La veille de la première diffusion du film, je n’arrivais pas à dormir, alors en pleine nuit, j’ai téléphoné à mon associée et je lui ai dit : « On va peut-être se planter, y laisser beaucoup de plumes parce qu’on doit de l’argent à tout le monde, mais ce n’est pas grave ; car Paula existe et j’ai fait du mieux que je pouvais, avec sincérité… » C’est te dire si j’ai été vraiment heureuse que Paula ait rencontré un si large public ; les lettres que j’ai reçues des téléspectateurs m’ont donné des ailes pour entreprendre les films que j’ai tournés par la suite…
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plus précisément aux comédiens en devenir qui liront ce livre ?
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Disons qu’aujourd’hui, si l’on me demandait comment y arriver, je répondrais que c’est de plus en plus dur et que l’on est bien trop nombreux, mais il y a une chose dont je suis certaine, c’est que le travail amène le travail. Alors si je devais donner un conseil, je dirais : travailler, travailler et travailler encore, en se remettant constamment en question ; ensuite, même si l’on se plante, essayer de positiver ses échecs, le plus possible, car ils sont toujours source de progression. Et je crois qu’en suivant ces deux conseils, on peut aller au bout de ses envies et de ses rêves, c’est le plus important !
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Charly Nestor ANIMATEUR
Après des débuts à la radio sur la station Radio 7, c’est par la production que CHARLY NESTOR découvre l’univers de la télévision : dans les émissions de GÉRARD LOUVIN où il fait ses premières armes en occupant à peu près tous les postes, de coursier à « surpriseur » pour Sacrée soirée. Repéré par CHRISTOPHE DECHAVANNE, il est engagé pour rejoindre l’équipe de production de Ciel mon mardi. Et le 22 septembre 1992, c’est le même CHRISTOPHE DECHAVANNE qui lui donne pour la première fois sa chance à l’antenne, dans Coucou c’est nous, sous la forme d’une chronique (d’abord en solo) sur les traditions françaises, puis très vite sous la forme d’un duo avec son compère LULU. L’essai s’avérant concluant, plus de 400 chroniques estampillées CHARLY et LULU suivront. Après un passage sur France 2, c’est sur M6 que CHARLY finit par poser ses valises pour présenter le Hit Machine, devenu l’un des programmes les plus pérennes de la télévision française, puisqu’on a récemment fêté ses dix ans de présence à l’antenne…
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Les déclics qui ont changé sa vie
L’irruption dans sa vie, alors qu’il n’a que huit ans, d’un beau-père qui devient le père dont il rêvait.
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La prise de conscience de sa singularité, qui survient lorsque des filles de sa classe effectuent en sa présence le classement des plus beaux garçons du collège, sans penser une seconde à l’inclure dans ce « concours »…
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Le magnéto-cassette offert par sa tante de Londres, qui lui donne l’envie de faire de la radio. Le guichetier du centre d’orientation qui répond à sa demande d’information sur les métiers de la télévision en lui disant : « Monsieur, d’où vous venez, les télés, ou on les répare, ou on les vole. »
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Interviewer CHARLY NESTOR pour Déclics de Stars a été à la fois une difficulté et un plaisir ; parce qu’avec CHARLY, nous sommes des amis de longue date. Nous avons en effet débuté en même temps, sur la même radio FM (pirate à l’époque !), puis nous avons souvent été amenés à travailler ensemble et au fil des années, avons empilé une foule de souvenirs communs. Or, même si l’exercice est agréable, il est toujours délicat de questionner une personnalité qui est d’abord un ami. C’est pourquoi, histoire de nous assurer de bonnes ondes, c’est au Studio École de France, qui forme des jeunes aux métiers de la radio, que nous nous sommes retrouvés pour cet entretien.
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Ce n’est qu’après nous être replongés copieusement (et avec délectation) quelques années en arrière, que nous avons entamé le second plongeon, plus profond celui-là, dans l’enfance de CHARLY… Jusqu’à son plus lointain souvenir que je lui ai demandé de relater…
Je ne sais pas si c’est un vrai souvenir, inscrit dans ma mémoire, ou une image fabriquée à force d’avoir si souvent entendu parler de cet épisode… Toujours est-il que la scène se passe en Guadeloupe, dans la cour d’une école dont ma grand-mère est la concierge ; je dois avoir deux ans et demi ou trois ans et je me vois dans cette cour, en short, en train de gambader en compagnie d’autres enfants qui jouent avec moi. Et comme je suis le petit-fils de la gardienne, j’ai
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le droit de faire à peu près tout ce que je veux, d’aller et venir librement dans chaque recoin de l’établissement, de rentrer partout sans me faire attraper…
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La Guadeloupe, c’est donc le décor de ton enfance ?
Non, non, j’y allais uniquement pour les vacances ; je suis né à Paris et j’ai passé mes jeunes années en métropole, dans la banlieue parisienne.
Et tu as connu une enfance heureuse ?
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Très heureuse ! J’étais le petit dernier d’une fratrie de trois et j’avais deux sœurs aînées qui me chouchoutaient et s’occupaient de moi tout le temps. Je me suis vraiment senti aimé, à la fois par mes frangines et par mes parents, même si mon père a quitté la maison assez tôt, lorsque j’avais sept ans. Je n’ai que très peu de souvenirs avec lui… « Mon beau-père a été ma grande chance. »
Mes parents ont tout simplement divorcé, comme cela arrive hélas à beaucoup de couples. Sur les motifs qui ont entraîné cette séparation, d’après ce que j’ai pu en juger, le principal problème était que mon père n’était pas assez mature pour élever une famille. C’est
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Est-ce que je peux me permettre de te demander les raisons du départ de ton père, si ce n’est pas une question trop intime bien entendu…
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une responsabilité qui lui est tombée dessus peu de temps après qu’il soit arrivé en métropole et qui l’a totalement dépassé. Il n’a pas su gérer et assumer ce contexte nouveau pour lui. Et la situation s’est rapidement dégradée, jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une seule issue possible : la séparation…
Tu en as voulu à ton papa d’être parti ?
Non. Et je ne lui en veux pas davantage aujourd’hui. Je n’ai jamais eu envie de prendre de revanche par rapport à son absence.
Ta mère t’a donc élevé seule ?
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Pas tout à fait, car j’ai eu un beau-père, ROGER, qui est arrivé assez vite dans ma vie. J’avais un peu plus de huit ans lorsqu’il est venu vivre avec nous et j’avoue que sa présence a tout changé. Ça a été magique ! Il était le papa idéal, celui que tout gamin rêve d’avoir : sympa, présent, heureux de partager plein de choses… Bref, le papa modèle, moderne, génial. Et cette rencontre, je le dis aujourd’hui avec tout le recul nécessaire : elle a constitué ma grande chance.
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En même temps, ROGER n’était pas ton vrai papa… Mais je m’en fichais totalement ! L’important quand tu es gosse, c’est d’avoir quelqu’un sur qui tu puisses compter et t’appuyer. Quelqu’un qui apporte des réponses aux questions que tu te poses. L’important, c’est cette relation filiale qui se construit jour après
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jour, cette confiance qui se tisse et qui peut s’avérer aussi solide que le lien du sang, sinon plus…
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« Je me suis dit qu’il fallait absolument que j’exploite ma singularité… »
Cette situation t’a-t-elle fait te sentir différent des autres gamins de ton âge ?
Mais ce sentiment de ne pas être comme les autres, où prend-il sa source d’après toi ? Ma mère raconte à qui veut l’entendre que j’ai chanté avant de parler. Elle exagère bien entendu, mais ce
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J’ai vite eu l’impression d’être un garçon singulier et je dis cela sans aucune prétention, tu le sais. Je pensais effectivement être différent, mais pas à cause de mon père ou de mon beau-père ; à cause de trucs que j’avais en moi et que je ne pouvais pas vraiment analyser… Au moment de l’adolescence, j’avais la sensation que des CHARLY NESTOR, il n’y en avait qu’un seul. Et je me suis dit qu’il fallait absolument que j’exploite cette singularité, qu’il ne fallait pas que je me retrouve coincé dans un carcan, juste pour faire comme les autres et être malheureux après. Je craignais énormément ça ; c’est pour cette raison que j’avais peur de l’école : je croyais que la scolarité emmenait tout le monde dans une sorte de grand wagon où tout était préformaté, préétabli… Et cette pensée me fichait la trouille.
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qui est vrai, c’est que je suis né avec quinze jours de retard, ce qui explique le lien assez fusionnel qui s’est développé ensuite entre elle et moi. Lorsque ma mère me parle de ma venue au monde, elle me dit d’ailleurs qu’en me voyant, elle a reçu des flashs ; elle a vu et imaginé le garçon que je serai plus tard… Et je pense effectivement que dès ma naissance, elle a transposé énormément de choses sur moi… Tiens, par exemple, pourquoi est-ce que je me prénomme CHARLY ? Parce que ma mère était fan de jazz et que quelques semaines avant ma naissance, pour l’anniversaire de mon père, elle avait acheté un disque de CHARLIE PARKER… Alors pour revenir précisément à ta question, ce sentiment de différence, il trouve sans doute sa première source dès les premières heures de mon existence…
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Tu parles de « première source », ce qui laisse supposer qu’il en existe d’autres… Oui, il y a un déclic capital qui s’est produit lorsque j’avais quatorze ans : je me trouvais avec des copines et elles s’amusaient à établir la liste des plus beaux garçons du collège ; au bout d’un moment, une des filles de ce petit groupe s’exclame : « Toi, on ne peut pas te mettre dans la liste parce que c’est pas pareil… ». Et je reçois cette sentence comme un choc, avec une violence inouïe ; je n’en voulais pas du tout à ma copine d’avoir dit ça, elle ne le disait pas méchamment, plutôt comme une évidence pour elle… Mais à ce moment précis, j’ai pris conscience
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que j’étais « hors liste », hors concours… Je me suis dit : « Mais oui, elle a raison, ce n’est pas pareil… ». Sa remarque a provoqué en moi un vrai bouleversement : puisque je ne pouvais pas figurer dans les listes, il fallait que je joue une autre carte, celle de la différence ; que je me démarque… « Ma tante, qui vivait à Londres, m’a offert un jour un magnéto-cassette qui a littéralement changé ma vie ! »
C’est donc cette différence que tu as cultivée par la suite ?
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Oui, bien sûr. J’ai d’ailleurs commencé à la faire immédiatement après l’incident dont je viens de te parler : j’étais proche de mes camarades, les filles comme les garçons ; j’étais un peu le confident, le médiateur, celui qui réglait les conflits entre les uns et les autres…
Plus que ça ; c’était un vrai boulot ! Je me donnais du mal pour que les gens soient heureux, que les disputes cessent ou n’éclatent pas, que les couples se forment… Et aussi pour amuser mes camarades… J’écrivais une chronique sur la vie de la classe et de l’école ; elle s’appelait « La chronique de CHARLY » et je la distribuais chaque lundi…
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Le bon copain…
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Et toi dans tout ça ? Je veux dire ta vie sentimentale, personnelle, amoureuse…
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Ce n’était pas ce qui comptait pour moi à ce moment-là. J’avais bien sûr mes petits coups de cœur, mais ils étaient sans importance. Je tombais amoureux à peu près tous les quarts d’heure ! Je disais à Nadia : « On va vivre ensemble, on aura des enfants et un chien, je travaillerai dans la publicité, on aura un pavillon… » Ça durait à peu près quinze minutes, le temps de tomber sur Florence, à qui je disais : « On vivra ensemble dans une maison, on aura un chien, je travaillerai dans la publicité. » Ce qui ne changeait jamais, c’était la publicité, le chien et la maison ; mais la fille, elle, n’était jamais la même…
Ma passion pour la radio est venue un peu plus tard, lorsque ma tante, qui vivait à Londres, m’a offert un magnéto-cassette. Le magnéto-cassette qui a littéralement changé ma vie ! J’enregistrais ma voix, j’ajoutais des fonds sonores, des jingles, je faisais des lancements de disques… Pour moi, je faisais déjà de la radio ! Puis je pars en vacances en Espagne où j’ai fait la connaissance d’un copain, JEAN-PIERRE, qui restera longtemps mon meilleur ami. Comme il était branché musique, je lui ai parlé de mes petites expériences radiophoniques et j’ai trouvé en lui mon premier auditeur… Je faisais des émissions non plus pour moi,
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À cette époque, tu n’avais donc pas encore été « happé » par les sirènes de la radio ?
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mais pour lui. Je lui envoyais les cassettes et je l’appelais pour lui demander ce qu’il en pensait…
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« Richard m’a dit : “Tu as une bonne voix, tu devrais persévérer.” Et j’ai eu le déclic… »
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Nous étions en plein dans la période de l’avènement des radios libres et grâce à un de mes cousins de Guadeloupe, j’ai eu l’opportunité de pousser la porte de Radio 7. Là, alors que j’avais à peine dix-sept ans, j’ai découvert une vraie radio, un vrai studio… Deux jours plus tard, j’y suis retourné, cette fois sans mon cousin, et j’ai rencontré un type très sympa, RICHARD ; j’ai discuté quelques minutes avec lui et il m’a dit : « Je vais animer mon émission, j’ai des petites annonces à diffuser, tu veux les faire ? » J’ai accepté et RICHARD m’a dit : « Tu sais, tu as une bonne voix, tu devrais persévérer… » C’est là que j’ai eu le déclic ; je me suis dit : « Il faut que je fasse ce métier ! » À partir de ce moment-là, je suis revenu à Radio 7 tous les jours, gratuitement, pour aider aux émissions, tenir le standard… Et un matin, j’ai croisé la route d’un jeune animateur débutant, CHRISTOPHE DECHAVANNE, sans me douter que j’allais le retrouver sur mon chemin quelque temps plus tard…
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Et ensuite, comment es-tu passé du magnétophone offert par ta tante aux studios de radio ?
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Te souviens-tu de ce qui t’as poussé à retourner à Radio 7 deux jours après y être allé avec ton cousin ?
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Comme je ne connaissais personne dans ce milieu, je me suis dit : « Si tu veux y arriver, il n’y a pas quarante solutions, il faut y aller au culot. » Ma motivation et la chance ont fait le reste… J’ai d’ailleurs reproduit la même mécanique par la suite : j’ai commencé à truster les enregistrements ouverts au public, à assister aux émissions de MICHEL DRUCKER, de PHILIPPE GILDAS… Ça a été formidable, une vraie révélation ! Je voyais MICHEL DRUCKER lire le journal quelques minutes seulement avant le début de l’antenne, en toute décontraction ; et je me disais : « Quel pro, être capable de faire ça… »
Pas exactement. Pour la télévision, il s’est produit un déclic un peu particulier… Un jour, je vais au centre d’orientation, précisément pour me renseigner sur les métiers du petit écran. Un type me reçoit et me dit : « Monsieur, là d’où vous venez, les télés, ou on les répare, ou on les vole. » Cette phrase a été un nouveau choc pour moi. Je ne remercierai jamais assez cet homme de me l’avoir envoyée à la figure ! Parce que je me suis dit : « Il faut que je lui prouve qu’il se trompe. » Et j’ai tout fait pour ça…
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Ta passion pour la télévision est née de la même manière ?
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Tu as transformé cette phrase choc en moteur pour toi, en source de motivation…
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Oui, mais sans esprit revanchard. Simplement en faisant confiance à la vie, en croyant en mes chances, en allant au culot rencontrer les bonnes personnes… J’ai écrit une jolie lettre à CHRISTOPHE DECHAVANNE parce que j’étais totalement fan de la manière dont il animait ses émissions. Elle correspondait exactement à ma façon de faire. Je lui ai donc écrit pour qu’il sache que mon rêve secret était de travailler avec lui. Et il m’a répondu d’une gentille dédicace. Alors je suis allé le voir devant l’entrée de la Maison de la Radio ; je me suis planté sur le parking et je l’ai attendu. Au bout de quelques minutes, je l’ai vu arriver, il fumait un énorme cigare et quelqu’un portait son sac. Cette scène m’a frappé, à tel point que j’en ai encore la vision exacte aujourd’hui ! Je me suis dit : « Quelle star ! Il fait de la télé, il fume le cigare et il a un garde du corps qui porte ses bagages… »
Et tu l’as abordé ?
Non, je n’ai pas osé, je n’ai pas réussi à sortir un mot…
Pourtant, quelque temps plus tard, tu es devenu chroniqueur dans ses émissions… 200
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« Ce qui m’étonne le plus, c’est la vitesse avec laquelle les événements s’enchaînent… »
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Oui et ce qui m’étonne le plus dans toute cette histoire, c’est la vitesse avec laquelle les événements se sont enchaînés… Entre le moment où tu mets les pieds pour la première fois sur un plateau de télévision, ta première fiche de paie, et le moment où les spectateurs t’applaudissent et te reconnaissent comme faisant partie de leur vie, il s’écoule en réalité très peu de temps. C’est extrêmement rapide, une sorte de flash…
Aujourd’hui, avec le recul que tu peux avoir sur toute cette période, qu’est-ce qui fait que le petit Charly de banlieue parisienne, à qui on dit « chez vous, les télévisions, on les répare ou on les vole », est parvenu à atteindre ses objectifs ?
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C’est le mélange de plein de choses : l’impression précoce d’être différent des autres, le fait d’être très vite happé par la passion de la radio et de la télé, le fait aussi de ne rien lâcher et de tenter ma chance au culot… Sans oublier les circonstances favorables, car il faut aussi un peu de chance pour faire ce métier, et les rencontres décisives…
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Dans ton cas, quelles sont ces rencontres ?
CHRISTOPHE DECHAVANNE. Et GÉRARD LOUVIN, qui m’a appris la rigueur du travail. Je l’ai observé et j’ai vu un homme capable de passer un coup de balai, d’engueuler deux assistantes, de refaire un conducteur une demi-heure avant le direct, de descendre s’assurer de la présence des invités et de vérifier qu’on
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leur avait bien offert une coupe de champagne… Tout ça en même temps ! Il me faisait penser à une de mes idoles, CLAUDE FRANÇOIS, parce qu’il se comportait comme lui, faisait mille choses à la fois… C’est aussi quelqu’un de très chaleureux et de généreux. « La seule recette que je connaisse, c’est : allez-y, foncez, il faut y croire ! »
Je ne sais pas si tu t’en souviens, mais c’est à cette même époque que tu m’as dit : « Un jour, je serai le premier animateur noir à la télévision française. » J’ai dit ça ?
Oui.
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Alors c’était très prétentieux de ma part !
Mais est-ce que ta couleur de peau a pu aussi constituer une source de motivation ?
Sans parler de leçon, quelle est ta recette de vie ? Celle que tu conseillerais aux jeunes qui liront ce livre…
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Oui, bien sûr. Ça rejoint la remarque du type du centre d’orientation… En même temps, je ne me sens pas l’âme d’un porte-drapeau, je ne suis pas le leader d’une cause, pas plus que je n’ai de leçons à donner à qui que ce soit…
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La seule recette que je connaisse, c’est « allez-y, foncez, il faut y croire » ; ça consiste à se réveiller le matin en se disant « voilà ce que je veux faire de ma vie » et à se coucher le soir en se disant « voilà comment je vais y arriver ». Ce qui signifie qu’il faut bosser, faire les sacrifices nécessaires pour réussir, travailler sans se décourager…
Qu’aimerais-tu que l’on dise de toi plus tard ?
J’espère que mes amis diront : « C’était un mec sympa. »
C’est tout ?
C’est déjà pas mal !
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Et avant d’en arriver à cet aboutissement, quelle va être ta prochaine étape ? Produire d’autres artistes ! Je m’aperçois que je prends beaucoup de plaisir à faire ça, à l’image de ce que je viens de réaliser aux États-Unis avec GAD ELMALEH. Savoir si GAD va pouvoir remplir 3 000 places à Miami un jeudi soir, c’est un nouveau challenge, un truc qui m’angoisse et que je vis intensément… C’est un risque, c’est vrai, mais ça correspond à ce que j’ai envie de faire ; je suis en accord avec moi-même… C’est pour ça que la nuit je dors bien et que je m’endors facilement. Le secret, finalement, c’est de bien dormir !
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Petite conclusion sur « l’effet papillon »… Réaliser ce livre a été pour nous une expérience captivante.
Il retrace des itinéraires passionnants et différents, marqués par des ruptures, des blessures et des cicatrices, mais aussi des défis et des paris gagnés.
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Il est imprégné de témoignages recueillis avec une écoute intense et retranscrits avec un double souci d’authenticité et de pédagogie. Il est fait de respect et surtout de confiance dans les personnalités interviewées, de cette attention à en découvrir les ressources pour mieux les restituer et vous les transmettre…
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Étudiant à Strasbourg, c’est en faisant de l’auto-stop que PATRICK POIVRE D’ARVOR entend parler d’un concours radiophonique qu’il remporte et lui ouvre les portes des médias. Quarante plus tard, il incarne l’information télévisée… Lors d’un voyage en Andalousie, c’est en réussissant à faire rire des Espagnols ne parlant pas un mot de français que JEAN-LUC REICHMANN prend conscience de sa capacité à transmettre des émotions. De retour en France, il s’oriente
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Petite conclusion sur « l’effet papillon »…
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vers la radio et la télévision où son talent est aujourd’hui l’un des plus recherché…
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Reporter en devenir à l’IUT de journalisme de Bordeaux, c’est sur l’insistance de ses professeurs que SOPHIE DAVANT finit par accepter un stage à Antenne 2, chaîne sur laquelle elle poursuit la brillante carrière que l’on connaît, étant notamment devenue l’animatrice emblématique du Téléthon… Confrontée très jeune à la perte de ses proches, c’est pour surmonter cette douleur que MIREILLE DUMAS s’est ellemême « mise en dehors de sa vie », devenant à la fois actrice et spectatrice de son existence. Un instinct de survie à l’origine de sa carrière de « plus grande intervieweuse de France »…
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Sollicité par TF1 pour animer la Star Academy, challenge « qui n’est vraiment pas un cadeau » (selon les propres mots d’ETIENNE MOUGEOTTE), NIKOS ALIAGAS écoute son instinct et accepte de tenter l’aventure. En 2007, l’émission est un programme culte de la télévision française…
Car s’il est une leçon à retenir des parcours dévoilés dans cet ouvrage, c’est qu’il est extrêmement important de croire en sa chance, en un point de départ déclencheur (qui peut intervenir n’importe quand et sous n’importe quelle forme, même la plus inattendue) et en la possibilité d’effets en chaîne insoupçonnés et insoupçonnables.
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À l’instar de tous les autres, ces quelques « déclics de stars » pourraient bien inspirer les vôtres ; et faire en sorte que, pour vous aussi, tout s’enchaîne de manière positive…
Petite conclusion sur « l’effet papillon »…
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Les météorologues parlent de « l’effet papillon » : un simple battement d’ailes de papillon en Australie pouvant créer de grands vents qui chassent les nuages au-dessus de la Floride !
OLIVIER CLODONG
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Alors, à vous maintenant de donner votre premier « coup d’aile » pour prendre votre envol…
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Découvrez les déclics qui ont changé la vie des stars de la télé…
Essayiste et chroniqueur, Olivier Clodong est l’auteur de nombreux o u v ra g e s d o nt l e s décapants Pourquoi les Français sont les moins fréquentables de la planète ! (2005), La grande arnaque (2006) et Politiques et langue de bois (2006), parus chez Eyrolles. Il prête aujourd’hui sa plume alerte à Déclics de Stars pour exprimer la quintessence des entretiens réalisés par Rémi Castillo.
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Que ce soit sur M6, Sud Radio, et tout récemment sur France 2 au côté de Patrick Sébastien (dans l’émission La Télé de Sébastien), Rémi Castillo a interviewé les acteurs, chanteurs, comédiens et artistes qui font l’actualité. Il met aujourd’hui ses talents d’intervieweur au service de Déclics de Stars et c’est tout naturellement que les personnalités du petit écran lui ont ouvert leur cœur…
Code éditeur : G53804 • ISBN : 978-2-212-53804-5
Pourquoi Patrick Sébastien, Patrick Poivre d’Arvor, Sophie Davant, Mireille Dumas, Nikos Aliagas ou Nelson Monfort… ont-ils fait de la télévision ? Le point de départ de leur succès est souvent lié à un ou plusieurs événements particuliers, indépendants de leur volonté, qui ont marqué leur histoire personnelle. C’est sur ces moments essentiels et intimes que dix stars de la télévision ont accepté de s’exprimer. Autant de témoignages vécus qui constituent, pour chacun de nous, une éclatante affirmation de la force de la vie, de l’amour, de la volonté…