THE LIBRARY
The Ontario for Studies in
Institute
Education
Toronto, Canada
LIBRARY SEP
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197J
THE ONfARIO IN...
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THE LIBRARY
The Ontario for Studies in
Institute
Education
Toronto, Canada
LIBRARY SEP
?î>
197J
THE ONfARIO INSTITUTE IN i:DUCATIOM
FOR STUDIOS
,
LA PHILOSOPHIE DE
DAVID HUME PAR
Gabriel
COMPAYRÊ
ANCIEN ÉLÈVE DE L'ÉCOLE NORMALE, AGRÉGÉ DE PHILOSOPHIE,
DOCTEUR ES LETTRES-
PARIS
ERNEST THORIN, EDITEUR LIBRAIRE DU COLLÈGE DE FRANCE 7
,
RUE DE MÉDICIS
1873
,
7
INTRODUCTION.
LA YIE ET LES ŒUVRES DE DAVID HUME.
Il
la
n'entre pas dans notre plan de raconter en détail
vie de David
Hume. Des
divers incidents qui mar-
quèrent une existence d'ailleurs peu troublée s'agit
de retenir
ici
que
il
,
les faits les plus saillants,
ne
ceux
qui influèrent sur les idées de l'auteur et sur les destinées de son esprit.
L'étude du caractère préparera
l'intelligence des doctrines.
Sans doute, par
spéciale de leurs méditations, leurs
les
œuvres, échappent plus que
à lïnfluence de leur vie
;
ils
la
nature
philosophes, dans les autres écrivains
n'y échappent cependant
pas complètement, et les événements laissent toujours
quelque empreinte dans abstraites qu'elles soient. et l'intérêt
de
la
les
pensées d'un auteur,
D'un autre côté,
si
la justice
renommée de Hume veulent qu'on
mette en regard de ses théories souvent téméraires sa noble et laborieuse existence,
sa jeunesse active et 1
uniquement ambitieuse des succès littéraires , l'irréprochable austérité de ses mœurs^ l'enjouement aimable qui animait ses conversations , la douceur qui surtout sa vieillesse
rechercher son amitié^
faisait
vraiment philosophique , tranquillement écoulée, au dans l'attente milieu des livres et de quelques amis ,
d'une mort dont
les
approches ne troublèrent point
la
constance de son âme. Ce coup d'œil, jeté en passant sur la vie de
Hume,
profitera à la réputation d'un libre
penseur, qu'on a quelquefois représenté sous des couleurs trop noires. Sachant ce
que
l'homme, on se
fut
scandalisera un peu moins de ce que pensa l'écrivain.
Hume
l'étude l'absorba tout entier, et lui
avec
maturité du jugement
la
génie et
la
De bonne heure
point de jeunesse.
n'eut
la
,
passion de la gloire.
donna avant
l'âge,
conscience de son
de
L'histoire
la phi-
losophie offre peu d'exemples d'une vocation aussi
précoce pour les spéculations abstraites.
bourg, ans
le
le 2l6 avril
1711
,
Hume
concevait à dix-huit
premier plan de son système
animé par des découvertes qui
comme un instrument
Pour
(1)
l'histoire
leurs assez courte
mois avant sa mort 1846
,
de
certain
Hume
,
;
(1).
lui
Et dès lors,
apparaissaient
de renommée,
nous avons suivi lui-môme
qu'il a écrite
,
Né à Edim-
et surtout l'excellente
,
en
la notice
avril
tome VI,
p. 107; et le travail
,
1776
ne
d'ail-
,
,
trois
biographie puyiée en
à Edimbourg, par J.-H. Burton, 2 vol. in-S".
l'étude de M. Cucheval-Clarigny
il
— "Voir aussi
Revue des Deux-Mondes
,
1856
,
de M. Campcnon (de l'Académie
française), en tête de sa traduction de V Histoire d'Angleterre, 1839.
vécut plus que pour ses pensées. Captivé par acquit, avant vingt ans,
un sentiment
il
assez vif de sa
responsabilité pour imposer à sa jeunesse
plus rigoureux stoïcisme.
elles,
la loi
du
C'est plaisir d'entendre ce
sage de seize ans déclarer, dans une lettre à son ami
Ramsay (1),
qu'il
met résolument en pratique
les règles
morales qui ordonnent de réprimer toute passion, et cherche dans l'étude, dans
qu'il
moyens
d'élever son esprit. Déjà
contemplation, les
la il
observait
»
sur Fauteur que je
))
là
))
cherche l'explication.
))
en philosophe...
encore
lis; là c'est
un
»
. .
Une
les réflexions
notait
de passion; dont je
l'esprit
Permettez-moi de vous parler pareille précocité
ne va pas sans quelque pédantisme,
que
éclair
un phénomène de
c'est
il
,
une critique
ses pensées. « Ici, » dit-il, « je recueille
et
de sagesse
Ton peut douter
psychologiques du jeune écolier
eussent toute la valeur qu'il leur attribuait. Mais ces efforts louables, cette vanité d'auteur
turée
,
le
sauvèrent au moins de
la paresse, les frivolités
et lui firent
un peu préma-
la dissipation et
de
une àme supérieure à toutes
de son âge.
Et cependant autour de
lui rien
penchant qui
contrariait plutôt, le
ne favorisait, tout le portait
philosophie. L'université d'Edimbourg
,
où
il
vers la étudia
,
ne comptait encore dans ses rangs aucun de ces maîtres éminents,
comme
la fin
du
siècle
en
vit paraître,
qui, par leclat de leur enseignement, déterminent les
vocations hésitantes.
(1)
Burton.
Tome
1, p.
A
défaut de professeurs
12, lettre du 4 juillet 1727.
illustres,.
—4— cette université avait-elle
au moins un enseignement
régulier delà philosophie?
Le formalisme presbytérien
s'y était
constamment opposé,
et avait
tenu jusqu'alors
en échec tous les efforts tentés pour organiser le pro-
gramme
même
d'un cours suivi. Les écrits de Locke lui-
ne furent guère connus à Edimbourg qu'en
1730, par les soins du professeur Stevenson, et encore dans un abrégé, œuvre de l'évêque Wynne. C'était l'époque,
il
versité de
est vrai,
où Hutcheson inaugurait, à
Glasgow, ces
l'uni-
brillantes leçons auxquelles
D. Stewart attribue l'honneur d'avoir
commencé
le
réveil
philosophique et littéraire de l'Ecosse. Mais
Hume
ne subit en aucune façon
travaux l'influence de son
ne
fut
dans ses premiers
illustre
contemporain
:
que beaucoup plus tard son correspondant
il
et
son ami, sans devenir jamais son disciple. D'autre part,
Hume
ne trouvait au foyer domestique
aucune de ces excitations journalières qui éveillent quelquefois les grands génies. famille étaient
simplement
Les traditions de sa
de gentilshommes de
celles
campagne. Sa mère, restée veuve avec
trois enfants,
contribua à former ses vertus privées
mais
;
,
simple
autant que bonne, elle ne pouvait agir sur le
vement de
ses idées.
C'est
donc à lui-même,
des méditations personnelles,
menses lectures, que
Hume
développement de son
mou-
c'est à
soutenues par d'im-
du
est surtout redevable
esprit.
Les poètes et
les philo-
sophes se partagèrent ses premières admirations tandis qu'à l'école de Locke et de Berkeley cette subtilité pénétrante qui est
un des
il
;
et
exerçait
traits
carac-
téristiques
de son talent,
apprenait, avec Virgile et
il
Cicéron, cette pureté de goût, cette admirable justesse
d'expression
qui distinguent à un
,
écrits, et qui
lui
haut point ses
si
ont acquis l'honneur de passer dans
son pays pour un maître en Fart d'écrire. Disons cependant que ses lectures philosophiques si
abondantes
plètes.
heure
eût connu Platon,
il
un point incom-
ignorait la philosophie grecque. Si de
Il
comme
et si variées, furent sur
étudiait
il
Locke
s'il
et
bonne
étudié avec ardeur,
l'eût
Berkeley, peut-être cette
influence nouvelle eût-elle modifié et corrigé les ten-
dances exclusivement empiriques de ses doctrines.
Mais à quoi bon regretter que ce libre esprit, n'acceptant qu'une seule domination
anglais, ait développé dans
Dans
théories originales?
philosophiques
,
le
d'expérimentations
mieux ,
que
celle
,
de l'empirisme
une seule
direction ses
même
l'intérêt n'est-il
des progrès
pas que ces sortes
l'on appelle
des systèmes
,
soient poursuivies jusqu'au bout par leurs auteurs? Et
ne
pas se réjouir qu'au lieu d'ajouter un
faut-il
de plus à
la liste
de ces philosophes modérés, qui doi-
vent à une éducation complète leurs doctrines.
nom
la vérité
Hume, poussant
relative
de
à outrance jusqu'à
extrêmes conséquences quelques affirmations
leurs
par l'excès
absolues,
ait,
cause de
la vérité?
même
de ses erreurs, servi
n'est pas le seul,
Il
parmi
les
la
pen-
seurs, dont l'originalité soit faite de quelque génie et
d'un peu d'ignorance
A
deux
faillit
1
reprises, la vocation philosophique de Hume
être déjouée par les événements.
La volonté de
—6— sa famille le destinait au barreau
:
Hume
accepta doci-
lement l'épreuve. Mais bientôt, incapable de surmonter la
répugnance que
lui inspirait le droit,
il
revint avec
passion à ses chères études. Par malheur l'excès
de son
travail et l'ardeur
même
de son application compro-
mirent assez gravement sa santé pour l'obliger à sus-
pendre tout
effort d'esprit.
une véritable
A
crise physique, qui troubla
son âme, jusque-là sereine Il
se crut dangereusement
force
ne
lui
vingt-trois ans,
manquât pour
vail et les espérances
et confiante
malade
de gloire dont
une maison de commerce, Mais Hume,
prendre à lonté, le
il
il
dans l'avenir.
que
craignit
de
la
tra-
s'était jusqu'alors
se résigna à entrer dans
sacrifice qui équivalait
— quelque indolent
qu'il fût
pour
la fortune,
l'unique objet de sa passion faut lire le
mémoire
:
avec une minutie naïve, et lui
les
— Hume
n'était
et sans résistance
les lettres et la philosoqu'il adressait,
à un médecin célèbre de Londres,
son mal,
ait laissé
n'ayant pas su l'exercer par sa vo-
gouvernement de sa destinée,
11
de son na-
que le plus souvent dans sa vie il
homme à abandonner facilement
phie.
profondément
un suicide moral.
turel, et bien
pas
traversa
réaliser les projets
nourri. Condamné au repos,
lui à
;
il
il
pour
en 1734,
lui décrire,
moindres symptômes de
demander, avec une anxiété touchante,
des remèdes décisifs (i).
La santé revint au bout de quelques mois, s'empressa de quitter Bristol et
tl) Burton
,
tome
I, p. 30.
le
et
Hume
commerce. Mais
les
défaillances
du tempérament une
fois
dominées,
restait encore d'autres difficultés à vaincre.
Il
il
lui
lui fallait,
malgré l'exiguité de ses ressources, assurer l'indé-
pendance de sa
un
prit
vie.
Sans protecteur, sans fortune,
parti viril, celui
aux habitudes
et
il
de s'expatrier, de s'arracher
aux douceurs du pays natal, pour dans une solitude que
vivre frugalement en France,
devait rendre plus complète encore son inexpérience
de
langue française. C'est à Reims, puis à La Flèche,
la
Hume
que
passa les trois laborieuses années de son
premier séjour en France (1734-37).
«
Une rigoureuse
« de suppléer me à ce qui me manquait du côté de la fortune, de conserver ma liberté entière et de mépriser tout
permit, »
frugalité
))
))
»
dit-il
lui-même,
,
» ce qui
n'intéressait pas directement
littéraires (1). »
))
1737,
le Traité de la
l'auteur partait
Après
trois
mes progrès
ans de réflexion,
Nature humaine
pour l'Angleterre,
était
afin
en
terminé, et
de surveiller
la
publication de son œuvre.
Hume, dont guère
les
ble-t-il,
distance
un peu
la
rencontre singulière qui, à cent ans de
l'avait
conduit auprès de ce fameux collège
des Jésuites, où Descartes avait étudié.
dant quelque intérêt à remarquer que
de
lente n'aimait
rapprochements, n'a jamais été frappé, sem-
de ,
l'imagination
Il
le
y a cepen-
même
coin
vu naître, dans leur premier germe tout au moins , deux systèmes de philosophie aussi irréconciterre a
Hume, tome I, My own life, p. xrv. sers de l'édition en quatre volumes in-8o. Edimbourg, 1854.
OEuvres philosophiques de
(1)
Je me
—8— un scepticisme résigné qui se complaît dans négations, et auquel on peut rattacher sans para-
liables
ses
doxe
:
du positivisme contemporain
l'origine
;
et ce
doute méthodique qui n'aspire qu à triompher de
même
5
idéaliste des
temps modernes.
Quelque jugement que Nature humaine^
Hume
l'on porte sur le Traité de la
on ne peut s'empêcher
d'admirer
A
vingt-sept
qui lui donna
l'effort d'esprit
ans,
lui-
grande conception
et d'oii est sortie la plus
composé
avait
le jour.
et publié
son chef-d'œuvre.
Descartes écrivit le sien à quarante. Reid et Kant entre
cinquante et soixante ans. Les poètes seuls ont d'ordinaire le privilège de ces improvisations de jeunesse,
qui prennent rang parmi les Cette fois
le
un
de réflexion
pareil
même
résultat
!
et
de travail ne suppose pas
talent d'utiliser leurs fa-
le
une sévère économie de
leurs forces.
pensée.
Peu d'hommes ont possédé, au
Hume,
degré que
cultés par
la
du génie poétique. Mais quelle
l'effervescence hâtive intensité
monuments de
génie philosophique avait éclaté avec
leurs temps et
de
était inaccessible à toute distraction,
Il
De cette concentrasur un même point, il
indifférent à tout divertissement.
tion vigoureuse de son esprit n'est pas étonnant qu'ait
un ouvrage même
pu
sortir
bien considérer surtout que
humaine
duquel saires
,
n'est les
et
en quelques années
aussi considérable,
qu'un système
le ,
si
l'on
veut
Traité de la Nature
pour
la
construction
longues expériences n'ont pas été néces-
où
il
a
rement acceptés
suffi ,
de quelques principes témérai-
pour que l'auteur, par une déduc-
—9— tion presque algébrique, déroulât sans effort
gue
une lon-
de conséquences.
série
En 1739, parurent
deux premières
les
parties
Traité, celles qui se rapportent à l'Intelligence et
La troisième
Passions.
ne
(of Morals),
vrage, »
))
n'ayant
j)
des dévots
dit-il
lui-même,
«
1740. Le succès ne l'auteur.
L'ou-
«
mourut en naissant,
même réussi à exciter les murmures (1). » Hume en conçut un vif accès de
pas
même
sérieux, le caractère abstrait et la nouveauté
du système devaient indifférent
ou
faire pressentir à
hostile
du public. Mais
écrivains inconséquents,
humain dans nent que
n'était
mouvement philosophique
théâtre d'aucun
le
aux
morale
cependant, sans compter que l'Ecosse
dépit. Et
alors
fut publiée qu'en
aux espérances de
répondit pas ))
partie, consacrée à la
du
Hume il
l'accueil
de ces
était
qui, contrecarrant le genre
ses sentiments et ses croyances
,
s'éton-
genre humain n'applaudisse pas à leurs
le
attaques, et qui, tout à la fois passionnés pour la gloire et épris les
de leurs propres systèmes, voudraient être
héros de
la foule
,
sans renoncer à en combattre
Notre philosophe ne se résigna que peu
les préjugés.
à peu à cette impopularité douloureuse, au prix
de
laquelle s'achète le plus souvent l'indépendance de la
pensée
;
tion d'un
et ce fut
amour-propre exigeant avec
conscience jeta
(1)
en partie pour concilier
dans
Hume
les devoirs
sincère, que, vers la fin de sa vie,
les
,
la satisfac-
d'une il
se
études historiques, heureux de faire enfia
3ïy
own
life
,
p. xv.
—
10
l'emploi de son talent dans
—
une science où au cœur
toute sa pensée sans blesser
il
pût dire
la foi
de l'hu-
manité, et plaire à tous sans cesser d'être lui-même
Le désir trait
fût
du succès, tel est le physionomie de Hume. Quoiqu'il
et aussi la volonté
dominant de
la
certainement de ceux qui aiment assez les
pour que
le
lettres,
par ses douceurs, les récompense
l'étude^
elle-même des dans
1
exige,
sacrifices qu'elle
commerce désintéressé de
la
apportait
il
pensée une cer-
taine âpreté d'amour-propre, qui exigeait impérieuse-
ment
la
accompli arts,
comme
gloire
prix
le
obligé
du
travail
aux
et des privations souffertes. Insensible
aux passions du cœur,
il
avait rejeté sur les
succès littéraires toutes les ardeurs de son ambition.
La passion
pour ainsi
s'était,
parties de son
âme pour ne
seul désir, auquel
il
dire, retirée des autres
surexciter en lui qu'un
s'abandonnait avec toutes les
émotions, toutes les fièvres d'un véritable amour. C'était
cependant se méprendre singulièrement sur
les conditions
atteindre
de
la gloire,
que
pour y de métaphy-
faire fonds,
du premier coup, sur un
livre
sique, originale mais téméraire, profonde mais abstruse et compliquée.
De
toutes les
œuvres de Hume,
le
Traité est à coup sûr la plus remarquable, mais elle est aussi la
donc
,
moins propre à devenir populaire. Qui
hormis
les
philosophes de profession
,
eût
pu
consentir à suivre l'auteur dans le dédale où s'engageait son scepticisme arrogant et inexorable ?
On
peut^dire du Traité de
la
Nature humaine
représente, dans l'ensemble des écrits de
qu'il
Hume, ce
le Discours de
q?est pour Descartes
résumé général de
Méthode
:
un
du philosophe. Mais
la doctrine
il
que Descartes, dans ses au-
faut noter cette différence, tres ouvrages^
la
développe fidèlement
de sa
les principes
méthode, tandis que Hume, pendant toute sa vie, semble s'être
donné pour tâche d'atténuer, de dissimuler,
à force d'habileté, les conséquences inquiétantes des théories de sa jeunesse.
Avec une témérité de
avec une hau-
chise qui accuse l'âge de l'écrivain, teur de ton qui
Hume, nous découvre, dans
des idées. écrit
,
le
sceptique du Traité
dans cet ouvrage,
«
me
))
relire (1).
tant
déplaît
conclusions
,
»
Il
«
:
))
;
il
désavoua
L'air
que je
n'ai
la
fois
amertume de ceux de
un
contre
éclat et par
dans
et
homme
le
Traité,
l'auteur,
»
un scandale,
aux adoucisse-
qui entrant, pour
la société, se serait brouillé
(1)
Lettre à Gilbert Stuart. V. Burton
(2)
Y, Avertissement des
,
tome
avec
I, p. 98.
Essais... «
L'auteur désire que les es-
comme
contenant seuls ses senti-
sais suivants soient considérés
ments
amis,
hardiesse de ses
la
ménagements
ressemblait à un
première
ses
jamais reconnu (%). » C'est ainsi qu'a-
revenait aux Il
un de
à
un ouvrage de jeunesse, que
près avoir débuté par
ments.
dogmatisme
pas le courage de le
désavoua aussi
se plaignant avec
ajoute-t-il, « n'a
Hume
le
il
de confiance qui règne
» écrivait-il
ses adversaires qui s'acharnaient
contre
ce premier
fond intime de sa pensée. Plus tard,
reconnut son imprudence
((
pyrrhonisme
contraste avec le
fait
fran-
et ses principes philosophiques. »
— tout le
monde,
de ses jours à
et qui passerait le reste
avec ceux
se réconcilier
—
12
volontairement
qu'il aurait
froissés et irrités.
Quoique Hume, dans son Traité de maine,
devancé Reid
ait
la
Nature hu-
Dugald-Stewart
et
l'observation minutieuse de quelques
pour
psycholo-
faits
giques, c'est plus particulièrement Kant qu'il annonce et qu'il
prépare
,
non-seulement par
recherches, mais
ses
aussi par
la direction
un peu
froideur
la
de
sèche d'un style qui se refuse presque tout appel à l'imagination et au
Hutcheson
sentiment.
l'aimable
,
et
A
ceux qui
séduisant
comme
,
de
professeur
Glasgow, s'étonnaient de ce qu'on pourrait appeler de
l'insensibilité
son
dans ses études sur
un anatomiste
et
style',
l'esprit
Hume humain
non un peintre «
découvrir
répondait
que
voulait
être
il
((
:
Autre chose plus
secrets
))
est,
))
principes de l'intelligence, autre chose décrire la
))
grâce et
» sible
De
))
disait-il
les
beauté de ses actions. Et
la
il
est
impos-
de concilier ces deux points de vue
(1). »
rigoureuse précision de style, qui distin-
là cette
gue
,
le Traité
entre tous les ouvrages de
Hume.
L'au-
teur y semblerait oublier complètement le public,
ne se montrait avant tout préoccupé de ses lecteurs, qui est
(1)
comme
Burton
,
s'il
d'être compris
et d'atteindre cette précieuse qualité
l'élégance des savants
tome I,
p. 112, lettre à T.
:
je
veux
Hutcheson du 17 sep-
tembre 1739. Les mômes idées sont exprimées dans de la 3e partie du traité Of morals tome II, p. 407. ,
dire la
la
conclusion
— Ajoutons,
clarté.
rigueur
13
— que
cependant,
se manifestent
la netteté
beaucoup plus dans
el
la
le détail
de chaque partie que dans l'ensemble du plan, auquel on peut reprocher quelque indécision et même quelque désordre.
Il
semble que Fauteur
n'ait
pas
embrassé d'un seul coup d'œil cette longue série de chapitres, qui se complètent sans se suivre, et qu'il les
sinon sans méthode, du moins sans faire
ait écrits,
pour ramener à une division rigoureuse, et
effort
disposer dans
un ordre logique
les différentes parties
de son œuvre. Malgré ces défauts,
ment que
l'on
juge
quelque sévère-
et
les théories qu'il
expose,
de la Nature humaine n'en laisse pas
impression d'admiration. D'autres
Hume
le Traité
moins une vive
œuvres ont rendu
célèbre parmi ses contemporains
:
celle-là sur-
tout assure sa gloire auprès de la postérité.
Après avoir quelque temps attendu à Londres un succès qui ne vintpas,
à Ninewels,
Hume se retira auprès de sa famille,
à quelques lieues d'Edimbourg.
quelques jours de découragement , à l'étude.
Il
reprit vite goût
se consola de son insuccès, en méditant
après coup les causes
qui le rendaient inévitable.
((
Ceux qui ont l'habitude de
y>
abstraits,
({
sont
le
il
Après
»
écrivait-il
réfléchir sur des sujets
à son ami
Henry Home,
plus souvent imbus de préjugés
;
et
ceux
))
qui n'ont pas de préjugés sont généralement igno-
»
rants en matière de philosophie. Or,
éloignés des opinions
»
sont
»
qu'on ne saurait
»
les idées
si
les
mes principes communément reçues,
admettre sans introduire dans
philosophiques un changement
considé-
— » rable. Et
—
14
vous savez que des révolutions sembla-
ne réussissent pas facilement
» blés
que l'amour-propre de
Hume
(1).
))
C'est ainsi
se résignait à l'indiffé-
rence du public, en l'expliquant par l'incompétence des uns, par
Mais
il
la
tira
présomption intraitable des autres.
de son échec, sinon des pensées de
modestie, du moins des leçons de prudence. fia
son système de
travail.
modi-
Il
Désormais plus soucieux
de l'approbation d'autrui, ou, pour mieux dire, plus préoccupé des moyens de
l'obtenir,
il
plus dans cette solitude intellectuelle,
ne se confina
oîi
il
s'était jus-
que-là dérobé à tout conseil, à toute inspiration du
dehors.
La composition de
la
du
troisième partie
Traité de la Nature humaine (publiée en 1740), se res-
de ce changement de méthode. Par une condes-
sentit
cendance nouvelle chez
lui,
Hume
soumit son ma-
nuscrit à l'examen d'Hutcheson, avec lequel
il
venait
d'entrer en relations. Hutcheson était alors dans tout l'éclat
de son enseignement (de 172S9 à 1747). Juge
particulièrement excellent dans les questions de rale,
il
critiqua librement les vues de
Hume.
mo-
Celui-ci
reçut ces avertissements avec une déférence marquée
mais
il
en profita peu.
Il
était trop
personnel,
absolu dans ses opinions pour céder à l'influence,
douce, teur
si
Leechman, un ami commun des deux
tre le plus puissant et le plus
(1)
si
persuasive pourtant, de celui dont le doc-
a pu dire, dans un éloge funèbre, »
;
trop
Burton, tome I,
p. 105.
moralistes,.
« qu'il était le
maî-
aimable qui eût paru
—
15
—
de son temps. » Dans le détail de l'ouvrage, Hume des observations qui tint cependant quelque compte ))
apporta quelques ménagements à
Il
lui étaient faites.
l'expression de ses idées, bien que sur ce point encore
ne partageât pas tout à fait les scrupules deHutcheson. Il se targuait de l'indépendance de sa condition
il
:
ne
lui donnait-elle
pas
le
droit
de parler avec plus
de liberté qu'un
homme
un
ou un professeur (1)? Quoi
ecclésiastique
soit,
Hume
sut inspirer
qui aurait
charge d'âmes^
en
qu'il
une assez vive estime à son
correspondant pour que celui-ci à son tour, par un
échange amical,
lui
nouvel ouvrage
:
communiquât, deux ans après, son
Philosophiœ moralis institutio compen-
en 17 4^); mais ses opinions n'en avaient
(^lana (publié
pas moins effrayé Hutcheson didature, lorsque, en 1745,
qui combattit sa can-
,
il
une chaire de
sollicita
philosophie à l'université d'Edimbourg.
Hume
avait compté sur le caractère pratique
ses spéculations morales pour
deur du public.
«
Sans
triompher de
qui s'atta-
l'intérêt particulier
me
de morale, je ne
de
la froi-
»
che aux études
))
hasardé à publier un troisième volume de métaphy-
»
sique à une époque
oii la
» cordent à transformer
exige un
))
'1)
hommes
plupart des
en amusement
» la lecture, et rejettent tout ce qui,
serais
le
pa&
s'ac-
travail
de
pour être compris,
effort considérable d'attention (%). » Mais,
Burton, tome I, correspondance de
Hume
et
de Hutcheson,
p. 114 et suiv. (2)
de
Hume,
OEuvres philosophiques
la 3^ partie.
,
tome H,
p.
216,
l''^
section
—
—
16
passionnées de
Hume,
pour trouver notre auteur
et,
en possession de quelque célébrité, au lendemain de et
aux poursuites
encore, la gloire se déroba
<;ette fois
Politiques,
»
En abordant
la
publication de ses « Essais
Moraux
de
l'année
c'est-à-dire
les
faut le prendre
il
vers la
sujets politiques,
fin
Hume
obéissait
encore à ses premiers plans de travail. Ce n'est pas
comme on
pourrait être tenté de le croire
,
le
dépit
d'avoir échoué en métaphysique qui l'entraînait dans
ces recherches d'un
nouveau genre.
Il
ne
faisait
poursuivre , avec une persévérance opiniâtre q^u'il s'était
défini
proposé de prime abord. Ce but,
,
il
le
que but
l'avait
lui-même, en déclarant, dans son Introduction
au Traité de
la
Nature humaine,
fonder
qu'il voulait
sur l'analyse de l'esprit un système complet de sciences (1). Ce ne fut donc pas sans tion, sans
nuées
de vastes lectures, silencieusement
dans
s'essaya
à
une lente prépara-
la
de
retraite
des études de
Ninevs^ells
faits
qui
son œuvre nouvelle de il ))
se présenta au public
,
réflexions
les la
destinée de
mauvaise fortune du
la
comme un
conti--
Hume
ne convenaient
guère moins à son souple génie que métaphysiques. Préoccupé de séparer
que
débutant
:
«
Traité,
Comme
tous les jeunes auteurs, » écrivait-il dans son aver-
(l)
«
En nous
efforçant d'éclaircir les principes de la nature
humaine nous nous proposons en réalité de construire un système complet de sciences sur des fondements entièrement nouveaux les seuls qui puissent assurer à ces sciences une base ,
,
solide. » OEuvres philosophiques
,
tome
I, p. 8.
— "ment »
mon
))
que
—
j^prSuve quelque anxiété sur
«
,
17
livre;
mais une réflexion
le lecteur,
s'il
me
n'est pas satisfait
le sort
rassure
mon
de
de
c'est
:
talent,
))
appréciera du moins la modération, l'impartialité
))
dont je
Hume
fais
preuve dans
les sujets politiques (1). »
avait raison de réclamer pour ses écrits poli-
tiques le mérite de l'impartialité. C'était chez lui qualité naturelle rantissait
:
la
froideur de son caractère le ga-
de tout enthousiasme irréfléchi;
scrupuleuse de son jugement
le
la
lenteur
défendait contre les
préjugés vulgaires; enfin l'isolement de sa vie tégeait contre les entraînements des partis. sicien absolu, »
sais
sont
Rémusat. ))
«
il
fut
une
un
libéraux
le
pro-
Métaphy-
politique modéré. « Les Ecos»
,
dit
quelque part M.
de
La plupart de leurs écrivains, Smith,
Reid, Ferguson, sont des vvhigs modérés (2). »
Hume
mérite d'être associé à cette honorable tradi-
tion. Libre
de toute attache, étranger à toute
gue, éclairé par une érudition historique qui défaut en philosophie.
Hume, du
intri-
lui faisait
fond de son cabi-
net, pouvait juger les choses de la politique avec
indépendance que ne sauraient maintenir au degré
les
ments qui
hommes les
une
même
d'action dans la mêlée des événe-
aveuglent et
les passionnent.
D'un autre
côté, l'habitude des réflexions abstraites et l'intensité"
de l'étude avaient éteint ou du moins amorti dans son
âme
la
vivacitéMu sentiment, dissipé
(1)
Burton, tome I,
(2)
Revue des Deux-Mondes, 1856.
les
fantômes
p. 136.
_;
—
—
18
établi sur toutes ses facultés la
de l'imagination,
mination de l'idée, et, par suite, préparé
do-
les qualités
d'un sage et impartial historien.
Les Essais parurent en deux volumes,
en 1741,
le
second en 1742. Par
tive de quelques sujets
qui
,
premier
nouveauté rela-
la
même
,
le
après Sidney
après Locke, n'étaient pas épuisés; par la prodigieuse variété de lectures qu'attestent les titres de ces étu-
des
la Liberté de la presse ,
:
la Superstition et
siasme, Wrigine du gouvernement des sciences, la Polygamie et
une
enfin, par
le
quable
originalité persistante
parti
!
qu'il obtint,
C'est à tort,
en
et
que
Hume
,
le
poids de
était
digne
succès d'autant plus remar-
que l'auteur ne
,
Progrès des arts
Divorce, F Eloquence, etc.;
l'érudition n'avait point étouffée
du succès
le
,
l'Enthou-
effet,
faisait
d'avances à aucun
que M.Macaulay représente
Hume comme un partisan passionné du pouvoir absolu. Sans doute. Hume n'est rien moins qu'un révolutionmême, avec
naire; et
pour
la
d^ Angleterre
prendre
les
progrès de l'âge, son goût
monarchie parut grandir. Dans son particulièrement
le parti
,
il
lui arrive
Histoire
souvent de
des tories contre les whigs. Et plus
tard encore, lorsque, quelques années avant sa mort, il
relut ses Essais
velle,
il
passages
pour en préparer une édition nou-
eut soin de corriger ou de supprimer les qui
lui
paraissaient
idées démocratiques.
a
été toute sa vie
Il
un
trop
libéral
modéré
suite à tous les partis extrêmes, et
ardents de
la liberté
favorables
aux
n'en est pas moins vrai qu'il ,
suspect par
que des amis plus
ont dû regarder
comme
leur
—
—
19
adversaire, parce qu'il semble que la liberté ne soit
pas aimée, quand elle
En même temps tisfactions
l'est
froidement
à Ninewells des sa-
qu'il jouissait
d'amour-propre que
apporta, après la
lui
publication des Essais,
un premier
mée, Hume cherchait
aussi,
lettres
souffle
de renom-
tout en préparant
nouveaux travaux, à étendre mait les loisirs que lui laissait de
!
ses relations. l'étude par
de
char-
Il
un échange
hommes
amicales avec quelques-uns des
les
plus distingués de son temps. Ses correspondants les
plus célèbres furent d'abord Hutcheson, le docteur Blair; plus tard Montesquieu, auquel
une édition anglaise de V Esprit
il
de surveiller
offrit
Reid, qui
des Lois;
communiqua, en 1763,
ses
main (1); Robertson
Gibbon, ses rivaux dans
et
lui
Recherches sur V esprit hule
genre historique, tous deux plus jeunes que lui, et
auxquels
il
avec une cordialité parfaite,
adressait,
ses réflexions et ses conseils lui
recommanda Rousseau,
d'être l'ami
(2))
;
;
W"^ de dont
et
enfin, et surtout
aimait tendrement,
Boufflers
Adam
Smith,
de l'amitié duquel
et
,
qu'il
reçut,
il
après sa mort, ce beau témoignage, qui remet en
(1)
Les Recherches sur l'esprit
humain (Inquiry
minci) ne parurent qu'un an après (2)
M™e du Deffand
paysan du Danube
,
,
,
qui n'aimait pas
accorde pourtant des éloges à une
de n
la
de
,
écrivit à
mort du prince de Conti. la
«
Walpole
,
Hume
d'un mot lettre
M™^ de
que
tome
the
human
qu'elle appelait le
,
:
«
il
m'a déplu
Hume
Boufflers
Cette lettre,
plus grande beauté; j'en ai
» rai. » Lettres à H.
into
mé-
en 1764.
et qu'elle jugeait
cinq jours avant sa mort
qui
ne cessa jamais
il
,
,
»
à l'occasion
» dit-elle, a
demandé une copie
11, p. 118.
,
quatre ou
m'a paru :
je l'au-
— moire
—
20
touchantes paroles des disciples de Socrate
les
pleurant la mort de leur maître
Hume
»
pensé que M.
))
nature humaine
»
tion et
de
la
permet, de
le
sagesse (1).
mun
de
Hume
avec
«
toujours
J'ai
de
l'idéal
la
la
perfec-
»
que
et tranchant,
Le penseur hautain écrits
s'était
:
approché^ autant que
les
premiers
nous révèlent , n'avait rien de com-
correspondant affable et conciliant dont
le
nous pouvons par nous-mêmes apprécier l'aimable indolence, ni avec le causeur enjoué qu'aimait et qu'appréciait la société distinguée d'Edimbourg. Ses
de dogmatique
lettres n'ont rien écrit,
non pour
faire
et
Hume
de pédant.
triompher des idées, mais pour
communiquer des impressions, surtout pour s'abandonner aux charmes de
l'intimité. N'est-ce
a dit, dans un élan de cœur inattendu
du ))
reste justifié qu'à moitié tié,
vie
la
comme
les
«
hommes,
il
profonds contrastes, qui déjouent lus
que
l'on s'efforce
caractères
;
car
et qu'il n*a
Sans l'amour et l'ami-
aucun prix!
n'aurait
chez tous
:
pas lui qui
»
Chez
Hume,
y a ainsi de ces jugements abso-
les
en vain de porter sur leurs
ces jugements
n'expriment jamais
l'étonnante variété et la souplesse admirable dont la
nature a doué les âmes humaines.
Comment
,
par
exemple, ne pas être surpris d'apprendre que, dans ses entretiens. quittait
(1)
guère
Lettre
sophiques de
Hume, le ton
de
le
d'Adam Smith sur Hume tome I, p. ,
grave
et austère
la plaisanterie?
la
Hume, ne
Sa plaisante-
mort de Hume. OEuvres philo^
xxix.
d
rie,
au témoignage d'Adam Smith,
ailleurs,
n'était
que Texpansion naturelle de sa bonne humeur, tempérée par
la
délicatesse de son goût;
jamais la plus légère teinte
de malignité
Ce qui peut étonner encore, gré ait
la
c'est
il
n'y mêlait
(1).
que Hume, mal-
dissidence radicale de ses opinions religieuses,
su se concilier des sympathies
rencontré de profondes amitiés dans
et qu'il ait
,
les
même
rangs du clergé
d'Ecosse, parmi ces presbytériens exaltés, dont
la
tolérance ne passait pas pour être la plus solide vertu. C'est
cependant avec quelques-uns des membres
plus influents
de cette Eglise
qu'il
les
a entretenu des
relations étroites, qui ne se sont terminées qu'au tom-
beau. La plupart
lui
pardonnaient une impiété dogma-
tique, qui n'altérait ni la pureté de sa vie, ni la bonté
de son âme. Quelques-uns aussi, qui ne soupçonnaient pas quelle inattaquable ténacité de conviction recouvrait la douceur de son caractère, ne désespéraient peut-être pas de le ramener, et de faire tôt
ou
tard une conversion. D'ailleurs, dans ces causeries
comme dans étaient, par
ces lettres, la philosophie et la religion
un accord
des sujets réservés. Les
tacite,
Hume comme on se
amis religieux de
se taisaient avec lui sur ces
questions
tait
le
,
malheur qui
l'a
devant un infortuné sur
frappé. Et de son côté.
n'avait pas l'esprit de
propagande,
de psychologie pour ne pas se
Hume, qui
et qui savait assez
faire illusion sur l'effi-
cacité de la discussion, évitait d'engager des contro-
(l)
Adam
Smith
,
lettre déjà citée.
—
22
qui aigrissent et divisent
verses,
presque jamais rapprocher Enfin tait,
—
,
parmi
cœurs, sans
les
les esprits.
les ecclésiastiques
Hume
que
fréquen-
quelques-uns peut-être n'étaient pas éloignés de
s'entendre avec
lui.
semble
Il
qu'il
ne
fût pas rare
alors de trouver en Ecosse et en Angleterre des Vi-
croire
,
semble
et
pour qui
même que
l'Eglise n'était
cette fausseté
presque légitime,
qu'une carrière.
moin Hume lui-même
et élevés.
:
« C'est
accorder, » lui écri-
un trop grand respect au vulgaire que de se piquer de
superstitions
»
vis de lui. Peut-on se faire
» dire la vérité à
Té-
qui n'hésitait pas à calmer les
,
»
,
II
homme, un peu imprudemment
entré dans les ordres ((
y
ne choquât pas, autant
et qu'elle
scrupules d'un jeune
sans
de conscience parût
convenu, des esprits délicats
qu'il eût
vait-il,
l'Evangile
prêchaient
qui
savoyards,
caires
et à ses
sincérité vis-à-
un point d'honneur de
des enfants ou à des fous? Je vou-
» drais bien qu'il fût encore
en
mon
pouvoir d'être
»
hypocrite sur ce point. Les devoirs de la société
»
imposent cette hypocrisie,
» siastique
ne
fait
et la profession
ecclé-
qu'augmenter un peu cette
dissi-
» mutation, ou plutôt cette réserve innocente, »
laquelle
il
est impossible
de traverser
sans
la vie (1).
»
Ajoutons que ces maximes commodes, qui font de toute une vie le tort
de
un mensonge
les conseiller
Burton, tome
Hume,
aux autres, ne
pratiquées pour lui-même.
(1)
officiel.
II, p. 187.
les
s'il
a eu
a jamais
— au contraire par
C'est
opinions que
Hume
—
23
franchise déclarée de ses
la
échoua toutes
qu
les fois
voulut
il
se faire admettre dans les universités d'Ecosse. Lors-
qu'en 1745,
il
sollicita à
Edimbourg
la chaire
de psy-
chologie et de morale (ethics and pneumatic philosophy^j, il
fut
de nouveau combattu avec acharnement,
au
et
premier rang de ses adversaires se distinguaient ses propres amis, Plus tard,
il
docteur Leechmann et Hutcheson.
le
renouvela ses efforts, sans jamais par-
venir à désarmer l'opposition de ses compatriotes. La philosophie de tiers
n'était
,
Hume, nous
pas
quelque justes
raisons
les
haut enseignement
moins regrettable que son
En
reconnaissons volon-
pour devenir classique
qu'aient été
Hume du
exclure
faite
le
vœu
être la nécessité cilier
pu
être réalisé.
sociale
,
eût-elle
avec
modéré
les nécessités ,
adouci
les
,
extrêmes de ses opinions. En tout cas, philosophiques
il
,
de
Hume
eût dé-
la philosophie.
de parler à des jeunes gens
ses croyances
firent
n'en est pas
possession de la chaire qu'il convoitait
sormais appartenu tout entier à
qui
mais
il
,
n'ait
;
auraient eu
,
de
Peut-
de conla
vie
tendances les
efforts
certainement
plus de suite. Quoiqu'il n'ait jamais cessé d'être fidèle
à
la
science qui avait eu ses premières affections
,
la
médiocrité de sa fortune, les soucis pratiques de l'existence, le forcèrent'à dissiper une partie de son temps
dans des occupations plus lucratives que
littéraires,
qui profitèrent à son revenu plus qu'à ses études. Professeur à l'université d'Edimbourg,
des soucis matériels de l'existence
;
il
il
eût été à l'abri n'aurait pas été
— réduit,
comme nous
24
—
allons maintenant le raconter, à
se faire tour à tour précepteur, secrétaire d'état, secrétaire d'ambassade.
En
qu'un but
il
se résigna à devenir,
grande maison d'Angleterre ,
quelque réputation, qu'un doux
,
comptée comme fut
,
s'était
à
fait
un médecin résolu,
c'était plutôt
la plus
dans une
qu'il fallait
et savant professeur. Aussi et cette
,
C'est
précepteur, ou plutôt
par ses équipées
à subir d'amers déboires
Ce
le
garde-malade de lord Annandale. Ce
ce jeune seigneur, qui
n'avait
modeste patrimoine.
accroître son
:
ainsi qu'en 1745,
le
Hume
acceptant ces diverses fonctions,
Hume
eut-il
année peut être
malheureuse de toute sa vie.
une véritable domesticité , entrecoupée de scè-
nes violentes ou ridicules bien de
pendant
notre philosophe eut
peine à sauvegarder sa dignité (1).
la '
oii
,
quelques
cette servitude
mois
dure
la
,
morale , à laquelle
fit,
expérience
les
même
fortune condamnaient, à la
Il
de
rigueurs de la
époque,
celui qui
Hume,
devait un jour se rencontrer sur le chemin de l'infortuné Jean- Jacques Rousseau.
Ce
triste
épisode, qu'on pourrait appeler
d'ailleurs fort trivial, d'un
même
ne mériterait pas tout son jour
un
roman,
jeune précepteur pauvre,
d'être cité,
trait essentiel
la ténacité stoique
le
s'il
ne mettait en
du caractère de Hume:
avec laquelle
il
affrontait toutes
leSt
privations plutôt que de renoncer à ses desseins.
Il
Burton a consacré un long chapitre de 40 pages au
de
(1) çfette
aventure
,
tome
I, p. 170-208.
récit
— voulait
non pas
,
—
25
faire fortune
,
mais, au prix d'une
servitude passagère, acquérir assez de ressources pour assurer, jusqu'aux derniersjours de sa vieillesse, l'in-
dépendance de sa pensée pour
C'est
même
le
de ses travaux.
et
motif
qu'il
se
fit
nommer, en
1746, secrétaire du général Saint-Clair. Ce personnage choisi par
avait été
gouvernement anglais pour
le
commander une expédition navale d'abord
France
,
taque contre
que
Hume
velle situation
mais
dirigée
,
Canada, se retourna contre
la
at-
le
le port
ne
qui
échouer misérablement dans une
contre et vint
,
de Lorient.
Il
s'en fallut
de peu
fût séduit
par les avantages de sa nou-
et qu'il
ne se décidât à suivre désor-
,
la carrière
des armes. La vie des camps
l'attirait;
y entrevoyait une série de spectacles instructifs. Il ne lui eût pas déplu d'assister par lui-même à de
il
grands événements dont
il
jours, écrire
On
pages
qu'il
la relation.
aurait
pu
,
sur ses vieux
a conservé les quelques
consacra à raconter l'échec du
Saint-Clair. C'est le
premier essai de sa plume dans
genre historique. L'écrivain d'histoire
avec ses qualités
général
et ses défauts
:
le
s'y révélait déjà
plus de précision que
de chaleur, plus de netteté que de mouvement.
Il
se
piquait avant tout de véracité, et attaquait assez ai-
grement Voltaire satirique
de
,
pour
s'être
l'expédition
d'intéresser ses
lecteurs,
de
faits.
la vérité
des
Nous possédons aussi
Hume composa
montré
manquée,
,
dans un récit plus
soucieux
que de s'assurer lui-même
le
journal
de voyage que
pour son frère, lorsque, en 1748,
il
— 26 — accompagna
le
même
dans son
général Saint-Clair^
ambassade à Tarin. Malgré l'importance des qu'il
Cologne
visita,
Vienne offrent
encore,
et d'autres
;,
peu
d'intérêt.
Wurtzbourg
Francfort,
et
Il
les
villes
observations de
n'avait pas
et
Hume
vivacité
cette
d'imagination qui saisit d'un coup d'œil les détails
pit-
toresques
d'un
son
voyage
un voyage politique, encombré
fut
Le
D'ailleurs,
cité.
de présentations cérémonieuses,
officielles, pli
d'une
pays,
avec une précipitation qui excluait
d'affaires
accom-
et
incidents.
les
du caractère diplomatique du tenue correcte, mais dépourvue
récit s'est ressenti
voyageur.
Il
d'abandon,
a la
que
l'étiquette
impose à un secrétaire
d'ambassade. L'esprit positif de
Hume
complaît
s'y
dans des observations judicieuses, mais froides sèches. Les beautés de la nature et de
chent pas. Cologne.
Il Il
passe insensible devant
aime
la
les sites poétiques.
la
cathédrale de
nature bien cultivée plutôt que
du comfort qui
le
admire-t-il beaucoup l'Allemagne, dont ))
lemagne
»
un peuple honnête
))
elle serait la plus
et
ne le tou-
Economiste plutôt que poëte,
surtout l'apparence
est
l'art
c'est
charme. Aussi il
dit
:
« L'Al-
certainement un beau pays, habité par et industrieux. Si elle était unie,
grande puissance du monde
L'Italie, elle aussi,
—
le
(1).
))
pays de Virgile, de celui
qui avait été de tout temps son poëte de prédilection et qui, par son génie
mesuré
et
doux, devait
duire un écrivain correct et discret
(1)
Burton, tomel,
p. 257.
,
disposé
,
sé-
quoi-
—
—
27
que Anglais^ à mettre dans son admiration Racine audessus de Shakespeare,
cœur de Hume par
le
et rien
le salut
l'Italie
semble avoir
ému
ses souvenirs classiques et par
ses beautés éternelles
cisément sur
—
mais
:
le
journal s'arrête pré-
d'enthousiasme
qu'il lui
adresse,
dans sa correspondance, ni dans ses autres
que son séjour en
écrits, n'indique
dans son âme
Italie
ait
laissé
des traces profondes.
Dans ses fonctions délicates de secrétaire du général
éminemment son
Hume donna
Saint-Clair,
esprit.
aux aptitudes
carrière
un côté de
pratiques qui distinguaient
Il
eut d'autant plus de mérite
à
réussir,
que sa tournure gauche, ses allures pesantes, dont
Grimm
moqua
se
plus tard
,
ne disposaient pas en sa
faveur les premières impressions de ceux qu'il abordait.
Un
Irlandais célèbre
,
lord Charlemont
sion de le voir à Turin
,
nous
le
,
qui eut occa-
dépeint fort ridicule
dans son uniforme d'ordonnance. En sa qualité d'aide
de camp,
il
souffrît déjà
l'âge,
ne
» »
((
de
:
cette corpulence disgracieuse qui,
que se développer,
fit
plaisanter sait-il,
avait endossé Ihabit militaire, bien qu'il
«
et
dont
ordinaires. trois
aimait à
Je mériterais qu'on m'appliquât, » di-
gauloise qui imposait une
la loi
ceux dont l'embonpoint dépassait Les
il
avec
amende à proportions
les
»
années que
Hume
passa loin de l'Ecosse
(1746-1748) ne furent pas perdues pour
la
philoso-
phie. Malgré les séductions de la vie active, les préoc-
cupations spéculatives avaient toujours »
ne suis qu'un philosophe
,
le
» écrivait-il
dessus. « Je ,
«
et je
ne
—
28
jamais que cela.
» serai
séjour à Turin
,
==:
Et en effet, pendant son
)>
paraissaient à Londres les Essais sur
r Entendement humain^ en
même
sième édition des Essais moraux
temps qu'une
troi-
et politiques (1).
Les Essais sur r Entendement humain, réduction élé- | gante d'une partie du Traité de la Nature humaine y étaient destinés à
ramener vers
les principes
teur, par la modération des idées, par le la
de
charme de
composition, la partie du public qu'avait effarou-
chée
hardiesse un peu crue du Traité (%). Par une
la
feinte
Hume
habile,
complètement
semblant d'abandonner
faisait
de son premier ouvrage.
les théories
Dans son avertissement,
il
demandait avec instance
comme l'expression de sa une œuvre de jeune homme projetée par
qu'on ne regardât plus sée
«
,
» teur avant qu'il fût sorti ))
l'au-
peu de temps après.
Hume
ne
»
donné
(1) Intitulé
derstanding
ding
,
cet
nom
sans
,
une
l'au-
collège et terminée
Malgré ce désaveu public^
que reproduire
faisait
populaire et plus brève, déjà
du
pen-
les
exposition
,
sous une
doctrines dont
complète
et
forme il
avait
didacti-
Human UnHuman Understan-
d'abord Philosophical essays concerning
et plus tard
An
inquiry concerning
ouvrage parut pour
la
première
fois à
Londres, en 1748,
d'auteur. L'avertissement ne date que d'une édition
postérieure.
ne nous paraît pas exact de dire par conséquent comme M. Villemain « Hume s'occupait alors de refaire son Traité^
(2) Il
le fait
,
:
» de la
nature humaine sans pouvoir
» assez
scandaleux
,
pour
le
rendre assez sceptique
,
réveiller l'apathie de l'orthodoxie angli-
» cane. » Villemain, Tableau de la Utlérature au dix-huitième siè^ 6ig,
tome
II, p. 365.
—
—
29
que. Nous avons d'ailleurs, là-dessus, le propre té-
moignage de Fauteur ami
Gilbert Elliot, «
:
pense,
« Je
que
» écrivait-il à
son
les Essais philosophiques con-
»
tiennent toutes les observations importantes, relati-
))
ves à
l'intelligence,
que vous pourriez trouver dans
Aussi vous engagerai-je à ne pas
lire
ce
en simplifiant
les
»
le traité.
»
dernier ouvrage.
»
discussions, je les rends en réalité plus complètes.
))
Addo diim minuo. Les principes philosophiques sont
))
les
mêmes dans
En abrégeant
deux
les
et
livres (1)...
»
Hume
Ainsi, après dix ans de réflexions nouvelles,
ne voyait rien à modifier dans ses principes philosoCette absence complète de
phiques.
progrès
Hume
dans
les
s'était laissé
mouvement, de
idées, montre jusqu'à quel point
dominer par son système.
est
Il
de
ceux qui ne se débarrassent des préjugés du vulgaire que pour
Et ce
de n'être
tiers
s'asservir à leurs propres préjugés.
philosophe indépendant, qui se le disciple
flattait
volon-
de personne, a été toute sa
vie l'élève docile de quelques théories qu'il avait con-
çues vers la vingt-cinquième année
Ce
fut surtout
cles »
que
par
les Essais
le chapitre
!
célèbre « sur
les
Mira-
excitèrent l'attention, et provo-
quèrent des réfutations violentes. L'évêque Warburton écrivait en tuelle
:
((
1749, avec l'aménité qui
J'ai
envie de lancer en
contre
»
traits
»
ments contre
(1)
Hume,
Burton, tome
et
de
les miracles.
I, p. 337.
lui
faire justice
Mais
était habi-
passant quelques
est-il
de ses argu-
connu parmi
— »
vous
»
il
ne
l'est
pas, et
par son propre poids
si
reste plongé dans l'obscarité, je serai fort cha-
de contribuer à
» grin »
? S'il
—
30
le
rendre
illustre et à le rap-
prêcher d'un autre endroit que
le pilori (i).
»
Une
polémique, qui débutait par de pareilles intempérances
de langage,
n'était
guère engageante.
Hume
la
dédai-
gna. Jaloux de sa tranquillité personnelle, convaincu d'ailleurs
de
la stérilité
des discussions engagées entre
de principes différents,
partent
philosophes qui
il
maintint toute sa vie cette inflexible ligne de conduite
de ne point répondre aux attaques injures.
n'eut qu'un tort
Il
et
de mépriser
ce fut d'oublier
:
les
un jour
ces sages résolutions, et de sortir de son calme habituel
pour charger
,
Rousseau de ses in-
et accabler
vectives et de ses récriminations.
De retour
d'Italie,
Hume
se remit à
une ardeur nouvelle. Les deux ans
qu'il
l'étude
avec
passa encore
quoique
attristés
par
mère, furent peut-être
les plus
laborieux de sa vie.
à Ninewells,
11
la
mort de sa
écrivait alors ses Dialogues sur la Religion Naturelle,
que Schopenhauer considérait comme quable de ses ouvrages (2)
(1)
disait
Burton, tome :
«
I, p. 286.
il
;
de l'orgueil
»
mauvaise
»
comme un homme dangereux
foi et celui
» écrivain sans
;
gens de
les
goût et sans méthode
,
les soins
du neveu de
lettres
la
regarde
comme un
qui ne sait qu'entasser ci-
comme un
Ces dialogues ne furent publiés qu'après
en 1779, par
Voltaii'e
reprochent l'excès de
l'Eglise anglicane le
» tations sur citations; les politiques (2)
Warburton dont
lui ;
remar-
apprenait le grec, qu'il
C'est ce
Les philosophes anglais
le plus
l'auteur.
la
brouillon, etc. »
mort de
Hume
^
— sine savait encore que très-imparfaitement Strabon
meux
anciens
et les historiens
;
il
lisait
il
;
préparait ces fa-
Discours Politiques, » qui devaient répandre
((
jusque sur
sa gloire
continent (1)
le
d'énormes provisions de notes
(la
;
il
amassait
Bibliothèque d'Edim-
bourg en possède encore quelques cahiers), qui furent plus tard utilisées, les unes par Hume lui-même, les autres par
Adam
Smith: preuve nouvelle de l'intimité
deux grands
de ces
nière partie sait ses
((
du
esprits. Enfin,
il
Traité de la Nature humaine
Recherches sur
les
der^
refaisait la ,
il
compo-
principes de la morale, » le
dernier de ses ouvrages philosophiques, et celui qu'il jugeait le meilleur. Absorbé par tant de travaux,
pouvait
,
avec quelque vérité, répondre à ceux de ses
correspondants qui
son temps
ployait
lui :
demandaient comment
pensez-vous que je puisse foire tenir dans
))
espace
))
tière ? »
d'une
une
lettre
Les Discours politiques
,
encyclopédie
em-
il
Je ne saurais vous le
«
))
dire
court
le
en-
tout
Hume une
véritable po-
pularité dans notre pays. C'était la première fois
(1)
«
La
traduction se débite à Paris
Hume un
Les Discours 1°
comme un roman
politiques ont été traduits trois fois 2<*
trait, qu'il
3°
La Chaux.
»
écri-
en français
en 1766
r
en 1754, par l'abbé Leblanc. Pour
donner, en passant, une idée de l'érudition de cet abbé,
pereur;
,
que
de ses interprètes français.
en 1753, par Mauvillon;
noter ce
:
publiés en 1752!, et aussitôt
traduits en français, firent à
vait à
il
il
suffit
de
avait traduit Sextus Empiricus par Sextus l'Emet
en 1767, à Paris
et à
Amsterdam, par
M'^^
de
—
32
—
dans des études suivies un auteur spéculait sur
les
conditions matérielles de la prospérité d'un peuple.
Hume
est
avant
Adam
Smith
mie politique. Le Traité de
le
fondateur de l'écono-
la Richesse des
Nations ne
parut en effet qu'en 1776. L'observation
économiques, qui exige un grand
de patience,
et qui se
effort
des
faits
de sagacité
et
passe de tout enthousiasme, de
toute délicatesse d'imagination, s'accommodait mer-
veilleusement aux qualités et aussi aux défauts de
Hume. Nous vail
le
retrouvons, avec son énergie de tra-
dans V Essai sur
,
quité;
la
Population des nations de Fanti-
avec sa subtilité dialectique, quand
dans une longue énumération,
les
distingue,
il
avantages et
les
inconvénients qui résultent pour un Etat de l'extension
de
la dette
il
écrit
publique; avec sa finesse piquante, quand
par exemple
:
«
A
voir les rois et les peuples
))
se livrer des guerres, malgré les dettes qui pèsent
»
sur eux et les engagements qui les lient, je crois
»
assister à
))
la
une
partie de quilles qui se jouerait dans
boutique d'un marchand de porcelaine,
nous le retrouvons aussi avec ses préjugés
,
»
mais
avec son
impuissance habituelle à s'élever, faute d'imagination, au-dessus des
faits
observés,
cette affirmation téméraire
:
comme «
par exemple dans
Aucune
ville
»
croissementde sa population ne dépassera
»
que Londres
tait alors
atteint aujourd'hui; »
l'ac-
Londres ne comp-
que sept cent mille habitants. Du
Hume comme
dans
les limites
reste,
avec
avec Smith, l'économie politique est
plutôt l'analyse exacte et l'explication des faits accomplis
,
qu'elle n'est la recherche originale
de nouvelles
— De
institutions.
33
—
qui a inauguré la science économique, que
cesseurs de
Hume
à
celles qu'il
ont établi un grand
du moins
ries nouvelles,
un
ce mérite singulier, pour
là
si les
nombre de
livre
sucthéo-
nont presque rien changé
ils
avait lui-même exposées.
Et
il
y avait
quelque force d esprit à démêler avec celte simplicité, avec cette justesse, lation
les lois
du commerce, de
de l'argent, du crédit public; à s'avancer avec
cette sûreté difficiles
;
dans une science où
à écrire enfin ce
grammaire de l'économie
les
premiers pas sont
qu on pourrait appeler
politique, alors qu'en
Mirabeau n'en écrivait que V Apocalypse
La
de
Hume
le
la
France
(1).
politiques
marque dans
commencement d'une
ère nouvelle.
La publication des Discours la vie
la circu-
gloire lui était désormais acquise.
Il
sut aussi s'as-
surer dans sa vie intérieure le bonheur que comportait la
modération de ses goûts. En 175^,
à Edimbourg, et
il
y vécut,
retraite studieuse, qui
ne
le reste
fut
il
vint s'établir
de sa vie, dans une
guère interrompue que
par son second voyage en France. C'est à cette
époque
qu'il sollicita
de nouveau
sans plus de succès, une chaire de philosophie chaire de logique de l'université de
Glasgow,
et
,
:
la
laissée
Adam Smith, qui devenait professeur de Hume n'eut pas de peine à se consoler de son
vacante par morale. échec.
(l)
Une grande
joie l'attendait, la plus
C'est ainsi qu'on appelait,
au dix-huitième
grande que
siècle, le livre
de
Mirabeau, l'Ami des hommes, qui fut composé en partie pour répondre à VEssai de
Hume
sur
la
population chez les peuples anciens.
3
-
34
-
homme voué tout entier au fut nommé conservateur de la
pût ressentir un
de
la
pensée.
Il
thèque des avocats d'Edimbourg.
travail
biblio4
Ses compatriotes
préféraient lui donner des livres à garder
que des
jeunes gens à élever. Et cependant les protestations
ne manquèrent pas. Un
femmes moins
plaisait d ailleurs par
société,
et les flattait,
zèle. «
de ses amies,
Il
«
»
célestes
»
orbites
Il
recherchait volontiers leur
quoique avec moins de goût
il
femmes; ce sont
seuls corps
maître des richesses que renfermait
Il
traits
Hume
ne connut plus
» disait-il,
« j'ai
une maison au grand complet, composée
subalternes,
moi-même)
une bonne
et
et
un
de deux membres chat...
Qu'ai-je à
»
désirer de plus? L'indépendance? je la possède
»
suprême degré. Les honneurs? je n'en
»
plélement dépourvu. La grâce?
»
la
assez vifs sa philosophie pra-
Depuis sept mois environ,
» d'un chef (c'est
» temps.
les
exprimait son bonheur dans une lettre
qui nous peint en
»
les
»
!
rien à désirer.
((
une
impossible de calculer
soit
bibliothèque qui lui était livrée,
:
son
et
qui puissent déterminer avec rigueur
dont
fois
installé
par
et
n'y a pas de lois, » écrivait-il à
» le caractère des
»
les
de Hume. Le philosophe leur
son attitude respectueuse
amabilité désintéressée.
tique
que
de doctrines qu'elles ignoraient,
suite ne se défiaient pas
Une
c'est
étaient pour lui. Elles soupçonnaient peut-être
le péril
que de
détail à noter,
Une femme? ce
n'est pas
elle
suis pas
au
com-
viendra en son
une des nécessités
indispensables de la vie. Des livres? voilà une de
— ))
ces nécessités,
»
lire (1)... »
Le passage de
35
— que
et j'en ai plus
Hume
peux
je n'en
à la bibliothèque des avocats
d'Edimbourg (de 1752; à 1757) décida du reste de sa vie littéraire, et le détermina à mettre enfin à exécution ses projets historiques.
Hume composa
Dans
l'espace
de dix ans,
en entier cette Histoire d'Angleterre^
qui a plus servi que tous ses travaux philosophiques à l'illustration
que l'auteur
de son nom. Des critiques se sont plaints
ait
mis quelque précipitation dans
position d'un aussi grand ouvrage.
quelles conditions
Hume
com-
oublient dans
Ils
Nul souci
travaillait.
la
,
nulle
passion n'interrompait le cours de ses recherches.
main
trouvait sous la
documents dont
il
,
à sa portée
la
,
plupart des
avait besoin. Les plaisirs de la cor-
respondance se mêlaient seuls à ses travaux, son ardeur au travail était les devoirs
Il
de l'amitié
:
u
telle qu'il
et parfois
en oubliait
Je regarde
même
comme une
au docteur Cléphane,
ba-
d'ex-
))
gatelle, » écrivait-il
»
pédier un volume in-4^ en quinze ou dix-huit mois,
))
et je
»
deux ans.
ne suis pas capable d'écrire une
«
lettre tous les
»
Cette continuité de loisirs, ce calme absolu qu'assurait
aux moines du moyen âge
sacrée à Dieu
,
d'une
âme con-
l'isolement de la vie et Tabsence de
passion les réalisaient chez trui, les
l'état
Hume. Les
passions d'au-
fureurs religieuses auraient seules
pu troubler
son recueillement. Mais les pamphlets lancés contre
(1)
Lettre au
D^ Cléphane
,
1753. Burton
,
t.
I,
p. 376.
— 36 — même
ou
lui,
des événements plus graves,
con-
la
damnation de ses ouvrages prononcée en 1755, par l'assemblée générale de l'Eglise d'Ecosse, n'atteignaient
pas
,
ne troublaient pas l'impassibilité de son âme.
Nous n'avons pas ^Angleterre.
dans
Le secret du succès
l'intérêt
d'une pareille entreprise, et aussi dans clarté admirable
du
de l'auteur.
style
obtint
qu'elle
nouveauté du sujet, dans
la
de VHistoire
à faire l'éloge
ici
fut
national
la netteté, la
Il
avait pris les
anciens pour modèles, et prétendait imiter Thucydide,
au moins pour
la
du langage. Hume
concision
bien inspiré dans
d'ailleurs
choix des diverses
le
périodes qu'il étudia successivement.
de
l'histoire
la
fut
Commencer par
Maison des Stuarts, par
l'histoire
de
la
Révolution, qui avait laissé au cœur des Anglais tant
de souvenirs c'était
,
un coup
écrite sur
une
de regrets ou d'enthousiasme
tant
d'habileté.
pareille
d'éveiller l'attention
,
Une composition
historique
époque ne pouvait manquer
et, si elle était
bien
d'ob-
faite,
tenir vite la popularité. L'auteur pouvait ensuite sans
danger remonter dans
Tudors
et
,
anglaise
:
il
le
passé jusqu'à
enfin jusqu'aux
origines
était sûr d'être suivi,
la
maison des
de
la
nation
dans ces recherches
moins séduisantes, par des lecteurs
fidèles
dont
l'ap-
probation était déjà conquise.
Quelque admiration qu'on
aux
écrits historiques
furent pas ménagées. tialité
pour
les tories.
ait
en général accordée
de Hume,
On
lui
les critiques
ne
lui|
reprocha surtout sa par-
Les whigs
lui firent
un crime
d'avoir témoigné quelque pitié pour le sort de Char-
— les P^
,
—
37
donné une larme à Strafford
d'avoir
quelques endroits, défendu
la
Smith,
«
whigs,
» écrivait-il à
,
et
,
en
prérogative royale. « Les sont furieux contre moi
;
»
mais je ne leur réponds pas. Si mes précédents
»
écrits
ne prouvent pas suffisamment que je ne sais
» pas jacobite, dix
pas (1)
»
!
A
))
volumes
vrai
hasardées justifiaient
in-folio
ne
prouveront
le
quelques appréciations
dire,
A
des whigs.
la colère
force de
viser à l'impartialité et de vouloir tenir la balance
égale entre les partis,
à justifier
whigs
Hume
souvent
trop
en
était
parti
le
venu à excuser,
monarchique. Les
étaient tout-puissants à l'époque
oh
il
Par humeur d opposition et de contradiction tôt
,
écrivait.
ou plu-
par suite de cette excellente tendance d'un esprit
critique qui cherche le faible des opinions régnantes
qui insiste de préférence sur les défauts du parti victorieux,
Hume
ments sévères, ((
se laissa souvent entraîner à des jugea
Mes vues sur
les choses, » disait-il,
aux principes des whigs
sont plutôt conformes
;
))
mes
))
les
»
pour un tory que pour un whig, ce qui prouve
»
que
))
qu'aux choses.
(!)
portraits de personnes sont plutôt d'accord
préjugés des tories; et je passe plus souvent
les
hommes
lot traduisit,
que de
en 1763,
aux personnes
»
paraît être celle
s'agissait encore
la
font plus attention
La première traduction
Hume
avec
française des
œuvres historiques de
que l'abbé Prévost publia en 1760. l'histoire
l'histoire
dernière partie du travail de
de
de
la
la
Il
ne
maison des Stuarts. M^^ Be-
maison des Tudors,
Hume. Hume
n'était
et
en 1765
guère heureux
— D'ailleurs,
il
— malgré ses
faut l'avouer,
Hume
rester libéral,
38
pour
efforts
était conduit par les tendances de
son système à devenir, sans
le
vouloir,
un peu indul-
gent pour labsolutisme. Disciple de Hobbes en philosophie,
contré avec
on nie
étonnant
n'est pas
il
lui
sur
qu'il se soit parfois ren-
le terrain
le libre-arbitre,
de
quand on réduit
ensemble d'habitudes,
n'être qu'un
Quand
la politique.
raison à
la
n'est-il
pas natu-
qu'on se défie des innovations, qu'on doute du
rel
progrès, et que, par un faux esprit de conservation,
on en vienne à accepter, à chérir
même
le
pouvoir
absolu? De plus, par son atticisme et son bon goût.
Hume parti le
une propension
avait
monarchique
naturelle à
aimer
le
autant l'élégance aristocratique,
:
courage malheureux
ses amis l'attiraient
et
et le
digne de Charles P^
charmaient, autant
et
il
de
était
rebuté dans sa délicatesse naturelle, dans son amour
de
la
tes
sier
mesure, par
du
Quoi
qu'il
Hume
vigoureuses et arden-
opposé, par ce langage plébéien
parti
que Voltaire appelait
de Cromwell.
que
les passions
« le
et gros-
galimatias prophétique
»
en soit, nous croyons pouvoir affirmer
n'a apporté,
époque tourmentée de parti pris d'adhésion
dans ses jugements sur cette l'histoire d'Angleterre,
ou de blâme.
aucun
Si ses conclusions
se sont en maints endroits écartées de la vérité,
nécessaire
en
fait
,
de traducteurs. M»ie Belot traduisait, par exemple,
aristocracij
est-il
pour expliquer ces inexactitudes de juge-
par ces mots
:
aristocratie polie.
tlie
Polish
|
^ ment
trop naturelles à la faiblesse humaine, de recou-
comme
rir,
mauvaise
Aucun tes
—
39
Ta
foi
fait
M. Macaulay, à une imputation de
(1)?
incident remarquable ne troubla les patien-
Hume
recherches que pendant dix années
suivit à
Edimbourg, pour amasser
achever
la
les
pour-
matériaux
et
composition de son Histoire. En 1757,
publia V Histoire naturelle de la religion peut-être de ses ouvrages.
,
En 1760,
piquant
le plus il
il
se mêla à la
polémique que souleva en Ecosse l'apparition des prétendus poëmes d'Ossian. gloire nationale,
relevait l'éclat,
Macpherson
ment
le
;
Hume, très-amoureux de
la
très-sympathique à tout ce qui en se
d'abord
déclara
de
partisan
le
mais son esprit critique reprit prompte-
dessus, et
il
Hume
Enfin, en 1763,
reconnut volontiers son erreur.
œuvre
avait terminé sa grande
historique (les derniers volumes parurent en 176^); il
en
Hume, sans
«
(l)
»
de ses
s'apprêtait à passer tranquillement le reste
affirmer positivement plus qu'il ne pense,
relief toutes les
» glisse » actes
légèrement sur celles qui
du
parti qu'il
met
circonstances qui favorisent son opinion. lui
Il
sont contraires... Tous les
combat sont examinés avec
la
plus grande
toute circonstance équivoque devient matière à
com-
»
sévérité
»
mentaires et à invectives. Ce qui ne peut être nié est au moins
;
»
atténué ou passé sous silence. Parfois
»
mais cette candeur insidieuse ne
»
masse énorme de sophismes
Review
,
Macaalay.
Grimm
))
qu'un grief contre M.
»
qui
p. 181
le fait ,
il
fait
des concessions
qu'accroître
l'effet
,
:
c'est d'aimer trop le paradoxe, ce
déraisonner quelquefois, et d'être jacobite
édition de 1829).
de cette
mass of sophistrij). Edimhurg presque du même avis « Je n'ai
{vafst
était
Hume
fait
»
(tome
I
,
—
40
~
jours à Edimbourg, lorsque les événements le rejetèrent de
nouveau dans
la vie
active.
Lambassadeurlord Hertford lui proposa de l'accompagner à Paris, avec
Hume
d'ambassade.
taire
lopinion parisienne.
meur
Il
que
l'y
nommer
refusa d'abord
il
:
secré-
redoutait
ne se sentait ni d'âge ni d'hu-
une société qui passait pour être
à réussir dans
aussi légère
promesse de
la
brillante.
Les instances de lord Hert-
ford entraînèrent cependant sa résolution, n'eut pas à s'en repentir.
Dans
et
Hume
cette longue vie,
que
remplissent les travaux de tout genre pour obtenir le succès, et, le plus souvent, le chagrin de ne lavoir
pas obtenu,
voyage à Paris vint à propos pour
le
couronner par un véritable triomphe rieuse des existences. Le séjour de
ne
fut
ses
qu'une série d'ovations.
Mémoires de
»
effets
))
cueil qui
»
la
:
Il
mode ne pourront
me
Hume
fut fait à Paris
.femmes du rang
le
en France
nous l'apprend dans
Ceux qui n'ont pas vu
«
plus labo-
la
les étranges
pas s'imaginer
par les
hommes
l'ac-
et les
plus élevé. Plus je voulais ré-
»
sister à leurs civilités excessives, plus je recevais
))
de louanges.
))
vivre à Paris,
^)
sensibles,
»
Il
y a une véritable satisfaction de à cause
éclairés,
du grand nombre de gens
polis
que contient
cette cité,
supérieure en cela à toute autre ville du monde(l).
»
Plusieurs causes contribuèrent à l'engouement des Parisiens.
vétius
(1)
,
Hume
M"^^
Hume
,
avait déjà des amis en France
de Boufflers
31 1/
own
llfe
,
lui firent le plus
p. xx.
:
Hel-
engageant
— 41 — Sa réputation
accueil.
peu
parmi
factice, car,
saient cortège,
était
grande
admirateurs qui
les
seraient devenus ses détracteurs
,
fai-
lui
plupart ne l'avaient pas
la
un
réputation
:
lu,
et
avaient connu
s'ils
ses ouvrages. D'un autre côté, sa qualité d'étranger
hommes de
désarn^ait la jalousie des
On
lettres.
par-
donnait volontiers son succès à un Ecossais de pas-
comme on pardonne
sage,
son caractère
n'en jouit plus. Enfin,
un mort qui
sa gloire à
uni à
officiel,
ses titres littéraires, fixait l'attention et appelait les
hommages. Aussi
fut-il
chez M. de Choiseul
fêté
dans tous
salons
les
chez W^^ de Pompadour,
,
:
même
à la cour (1).
Quelques
aux
(1)
railleries se
Hume
flatteries.
On
:
»
nière, lorsque j'ai
»
phin
»
enfant dix ans
,
Voici ce qui m'est arrivé
«
s'arrêta droit devant
»
j'avais d'amis et d'admirateurs
mettait du
»
sieurs passages de
))
frère
le
la
semaine der-
Le duc de Berry (Louis XVI)
»
,
ne distingua
,
eu l'honneur d'être présenté aux
à Versailles.
,
enivré d'encens
,
connaît la délicieuse anecdote qu'il raconte dans une
Robertson
lettre à
mêlèrent aux compliments et
nombre par ,
moi
me
et
,
fils ,
dit
dans ce pays, ajoutant trouvé à
le plaisir qu'il avait
mes ouvrages. Quand
comte de Provence (Louis XVIII)
il
,
du Dau-
l'aîné,
un
combien qu'il se
plu-
lire
eut achevé
,
son
de deux ans plus
»
prit la parole et me dit que j'avais été longtemps et impatiemment attendu en France et qu'il attendait pour son compte un grand intérêt de la lecture de ma belle histoire.
» ))
jeune
,
,
»
Mais ce n'est pas tout
»
(Charles
»
butier quelques mots, qui
»
ment qu'on
»
pas retenu tout entier...
X)
,
;
quand je fus devant
le
comte d'Artois
qui n'est âgé que de quatre ans, je l'entendis bal-
lui avait
me
parurent faire partie d'un compli^
sans doute appris et que l'enfant n'avait »
Burton, tome
II,
p. 177,
42
—
connaît
le
— que
On
éloges.
les
Grimm
écrivit
« c'est
que toutes
ché, et que
»
Ce
a
:
))
dans leur société.
))
David
»
tend finement;
»
qu'il parle
:
C'est
il
dit
leur, ni grâce
qui soit propre à
»
mantes
»
femmes.
»
pie (1)
il
est lourd;
agrément dans
ni
il
cha-
ni
n'a
l'esprit
,
ni rien
au ramage de ces char-
s'allier
machines qu'on appelle des
petites
en-
il
;
quelquefois avec sel^ quoi-
peu; mais ,
homme que
un excellent
est naturellement serein
»
jolies
que nous sommes un drôle de peuRien n'est amusant
»
Mémoires de
les
se le sont arra-
il
»
!
femmes
les jolies
dit-il,
gros philosophe écossais s'est plu
le
Hume
malicieux portrait que
y a de plaisant, »
qu'il
M"'^
comme de
d'Epinay,
voir, dans
tentés
efforts
les
par ces Parisiennes élégantes et frivoles pour faire du
homme
bon Ecossais un on
allait
mode
à la
pas (2). Idole improvisée,
brillait
un
et
bel esprit;
jusqu'à lui faire jouer des charades, et il
il
n'y
avait de la peine
à justifier tant d'enthousiasme.
(1)
Grimm,
(2) «
»
...
le rôle
vol.
Il fît
V,
p. 125.
son début chez
M^^^^
^q T...
;
on
lui avait destiné
d'un sultan assis entre deux esclaves, employant toute
aimer
»
son élovquence pour s'en
»
il
»
on
)»
Paris
n
genoux à plusieurs reprises
w
leur dire
w
Eh
»
d'heure, sans qu'il put en sortir.
trouvant inexorables
,
devait chercher le sujet de leurs peines et de leur résistance
:
le
place sur ;
il
un
faire
sofa entre les
regarde attentivement
les
que
:
Eh
,
et
les
;
deux plus ;
il
jolies
femmes de
se frappe le ventre et les
ne trouve jamais autre chose à
bien! mesdemoiselles...
Eh
bien! vous voilà donc!
bien! vous voilà... vous voilà ici! Cette phrase dura
» ticnce.
Ah!
dit-elle
,
je
m'en
Une
d'elles
un quart
se leva d'impa-
étais bien douté; cet
homme
n'est
—
—
43
Ses succès mondains ne
lui faisaient d'ailleurs
pas
négliger quelques relations plus sérieuses. Parmi tous
hommes
les
ou éminents que renfermait
distingués
semble
,
d'Alembert
et à Turgot.
il
Après eux, ceux dont
conversation et
férait la
de préférence à
s'être attaché
alors Paris
le
pré-
il
caractère étaient Diderot,
Helvélius, et aussi Duclos, le président Hénault; enfin
Buffon, dont
il
ses amis d'Ecosse
disait à
ressemble à un maréchal de France.
Au
«
:
Buffon
»
milieu des caresses un peu affectées qu'on lui
Hume
prodiguait,
avait eu quelque peine à garder son
sang-iroid. Le contraste de l'aménité et de la gentilfrançaises avec la froideur et la prud'homie de
lesse
ses compatriotes le frappait vivement. fut si forte
,
qu'il faillit se fixer
((
On
))
France vaut mieux encore
»
l'on
))
Paris. » Et ailleurs
))
en décadence
»
bords de
a
beaucoup parlé de
«
:
Grèce il
))
,
disait-il
« la
,
n'y a pas de pays oii
Le goût des
comme parmi
ici,
Tamise
la
;
pour toujours à Paris.
honneur au génie comme à
rendre
sache
la
La séduction
(1).
lettres n'est
les
pas
barbares des
))
Cependant sa pensée se retournait sans cesse vers calme
sa
et
modeste
retraite
d'Edimbourg.
»
bon qu'à manger du veau
»
de si^ectateur et n'en est pas moins
de Mn^e d'Epinay
,
vol. III
,
!
Depuis ce jour
il
Du
est relégué
fêté- et cajolé.
»
milieu
au rôle
Mémoires
p. 284.
la y aurait une étude intéressante à faire sous ce titre société française au dix-huitième siècle d'après la correspondance (1)
de
Il
Hume. Sauf quelques
lité,
:
traits
d'affectation ridicule
ce tableau serait tout à l'honneur de notre pays.
ou de
frivo-
des
hommages
lui venait
qui l'obsédaient,
au cœur. Aussi
rappelé en Angleterre,
,
le
regret du pays natal
lorsque lord Hertford fut
Hume, après
avoir prolongé de
quelques mois son séjour à Paris en qualité de chargé
ne tarda pas, malgré quelques hésitations,
d'affaires,
à reprendre
le
chemin de
l'Ecosse.
dit sans
Il
ennui
adieu aux grandeurs, et se replongea, sans murmure,
dans l'humilité de sa
vie.
Il
emportait dans
la soli-
tude la conscience d'avoir dignement rempli ses fonctions, le
doux souvenir de
contrée en France
la
faveur qu'il avait ren-
de quoi enfin embellir
,
et consoler
par l'imagination la tristesse de ses derniers jours.
un
C'est sous
lesse,
si
ciel serein
que se
fût écoulée sa
vieil-
sa brouillerie avec Rousseau, et plus tard
ses souffrances physiques, n'y avaient jeté quelques
ombres
et
semé quelques nuages que
Triste histoire
prochèrent un
de s'entendre
celle
!
des événements qui rap-
moment deux grands
et
de s'aimer, pour
par une querelle bruyante, et
les
esprits, dignes
séparer ensuite
animer
les
l'un contre
haine mortelle! C'est M'"^ de Boufflers
l'autre d'une
qui fut l'introductrice de Rousseau auprès de
Dès 1761,
elle était
entrée en relations avec l'historien
écossais, en lui écrivant le
goût du temps.
dut sourire à vrage,
))
de sa
une
emphatique, dans
lettre
Hume, peu
cajolé dans son pays,
entendre parler de son ((
Hume,
diviîie impartialité ; »
sible à d'aussi gracieuses
avances
;
«
mais
sublime ouil
et lorsque
Boufflers lui
recommanda Rousseau,
lui offrir ses
services et sa protection
il
:
fut sen-
M™^ de
s'empressa de « J'ai
de
l'es-
—
—
45
écrivait-il alors
j'allais
dire de la véné-
))
time
»
ration,
))
Je révère cette grandeur d'âme qui lui fait éviter
»
les
))
de penser que
))
efforcé
»
maximes.
,
))
pour
((
,
vertu et le génie de
la
obligations et la dépendance;
de
lui »
,
ressembler dans
Mais
Hume
))
vie
je
,
me
«
:
suis
pratique de ces
pousser quelques
pour se convaincre que
înême
Nous sommes maintenant assez
heureux pour posséder un
» j'ai
vanité
n'entendait pas l'indépendance dans le
sens que Rousseau ))
la
de
suffit
il
lignes plus loin la lecture,
Rousseau.
et j'ai la
ma
durant toute
J.-J.
roi
ami des
lettres;
pensé que Rousseau ne dédaignerait pas
bienfaits d'un aussi
grand monarque.
» C'était
et les
bien
mal connaître ce misanthrope exalté, ce maniaque d'indépendance, qui voyait dans tout protecteur un maître,
qui
et
appelait
lourde des chaînes
reconnaissance
la
la
plus
!
La vraie cause de
rupture fut précisément
la
la
dissemblance profonde de deux caractères, qui avaient cru se convenir, dans un premier élan d'admiration
réciproque, mais qui ne tardèrent pas à se heurter.
Hume, dans éclater
sa
rente.
Il
vice;
il
ses rapports avec Rousseau, laissa trop
supériorité
accabla
le
d'homme bien posé
pauvre
laissa trop
fugitif
de ses
offres
naïvement paraître
et
bien
de ser-
la joie
qu'il
éprouvait à présenter à TAngleterre, sous son patro-
nage, un aussi grand homme. fectation
,
« J'espère, »
y
je puis dire
si ))
installer
disait-il,
,
le
« être
Il
se
fit
avec trop
d'af-
montreur de Rousseau
:
bientôt à Londres pour
Rousseau, Rousseau qui a refusé
les in-
—
moitié des princes et des rois de
»
vitations
de
»
l'Europe
je
»
fortune, que le
;
» voudrais. Il
âme
n'en
la
—
46
ne pouvais désirer une meilleure bonue privilège de le montrer à
qui je
»
pas davantage pour effaroucher une
fallait
Avec son bon
délicate et aigrie par Tinfortune.
sens un peu épais, avec son flegme impassible, n'avait pas assez
Hume
de finesse pour comprendre un ca-
ractère aussi compliqué que celui de Rousseau.
sut pas
ménager ce cœur endolori
sensibilité maladive. Enfin,
il
ne
Il
ni satisfaire cette
,
pécha surtout par ma-
ladresse et par excès de zèle. Il
pécha aussi, après coup,
gravement,
et plus
lorsqu'il s'emporta jusqu'à publier les lettres
seau, pour se défendre, soupçons.
Il
est vrai, contre d'injustes
il
n'en eut pas moins le tort de vouloir trop
bruyamment avoir Jean-Jacques décrier
raison.
le traiter
,
amèrement
en enfant
en malade
,
celui qui avait été son
sang-froid et de philosophie. d'être indulgent
avait tout
fait
pour
lui
pour être
et
capable d'avoir trempé dans
le
Walpole, cause principale de
((
Je regarde
malheur de
ma
vie. »
nous
ami. Ce
Rousseau.
Il
le
croyons in-
pamphlet d'Horace
la
la sincérité,
querelle. la
comme
Ce
qui
loyauté de ses
avec laquelle
cette aventure
non
son hôte. Ses torts en-
utile à
la tristesse
et
convient néanmoins
Il
:
prouve, à nos yeux,
,
Hume manqua de
comme pour
lui furent involontaires
intentions, c'est
dû pardonner à
aurait
11
jour-là, chose rare dans sa vie,
vers
de Rous-
le
il
s'écriait
:
plus grand
—
—
47
Tandis que Rousseau repartait pour
cœur
et
,
le
,
un
tion qu'il avait
instant ressentie
calme de sa vie studieuse. fois,
France
pour y reprendre son existence vagamisérable, Hume, bientôt remis de Témo-
ulcéré
bonde
la
en 1767, lorsque
le
Il
rentrait dans le
,
n'en sortit plus qu'une
Gonway
général
Londres, pour occuper au ministère des
l'appela à
affaires étran-
gères les fonctions de sous-secrétaire d'Etat.
Après
un court passage au pouvoir. Hume retourna
Edim-
bourg (1769).
«
Je
me
trouvais,
nous
»
à
dit-il, « très-
»
riche et très-heureux (car je possédais un revenu
»
annuel de 1000
»
rage, j'avais l'espoir de jouir longtemps de
»
aisance
et
livres).
d'assister
Quoique un peu
rapide
d'une santé
la correction
voulait consacrer les loisirs à
de ses œuvres
pondance ou de
la
usée
Hume.
par Texcès du travail trompa les espérances de il
mon
aux progrès de ma réputa-
» tion. » L'affaiblissement
Cette vieillesse, dont
par
affaibli
,
aux
de
joies
la
corres-
conversation, fut attristée et abré-
gée par une maladie douloureuse qui
consuma
le
len-
tement. Les sept années qu'il vécut encore ne furent
pour ainsi dire que
le
long et insensible épuisement
de ses forces physiques.
Quant à son
esprit,
il
resta
jusqu'au bout jeune, libre, inflexible. Des préoccupations
patriotiques
l'Amérique
,
à
de
l'occasion
quelques velléités d'écrire
l'Angleterre au dix-huitième siècle
dance assez active avec Gibbon entreliens
Adam
guerre avec
la
familiers
avec
ses
,
l'histoire
de
une correspon-
et
amis,
Robertson, des surtout
avec
Smith, pour lequel son affection croissait avec
— dont
l'âge, et
les
48
—
succès ne le rendaient point jaloux;
enfin et surtout la préparation d'une nouvelle édition
de ses œuvres,
telles furent les dernières
pensées, les
du vertueux philosophe auquel une grande dame anglaise (lady Elliot Murray) écri« Vous êtes un vait avec une admiration méritée dernières
actions
,
:
saint dans votre genre
Ce
»
sans émotion qu'on
n'est pas
d'Adam Smith
!
le récit
de
dans
lit
mort de Hume. Prévue
la
de longue date, presque prédite à jour esprit courageux accueillie sans
qu'elle
les lettres
fixe par
ne troublait pas,
murmure, comme l'événement
simple du monde. C'est bien ainsi qu'on rêve d'un sage
sans illusion sur
:
ne se révolte point contre
le trépas
d'avoir vécu
faible qu'il est,
des jours que
la petitesse
la
nature
lui
quillement ses préparatifs
si
;
il
un fut
elle
le plus la
mort
humaine,
il
s'étonne plutôt,
longtemps. Satisfait
a comptés,
de départ,
il
et
fait
tran-
expire au
milieu de ses amis, en plaisantant doucement, avec
de mélancoliques sourires, sur espérances
la
brièveté de nos
!
Ce détachement des choses humaines, sibilité
devant
la
mort suppose
un cœur vide de grandes rien autour de lui tence. Ses amis
,
se passer de lui.
dans ))
la
cette impas-
d'ailleurs, avouons-le,
affections.
Hume
n'avait
qui l'attachât fortement à l'exis-
ses parents pouvaient à la rigueur Il
se réjouissait de les laisser tous
plus complète prospérité
véritable satisfaction,
entretien qui nous
»
:
disait-il
« J'en
ressens une
à Smith dans
un
donne, mieux que tout commen-
—
de douceur calme, de courage
taire, la note exacte
aimable, qui
marqua
» satisfaction
est
»
l'autre
))
Lucien
jour, je
,
moments.
ses derniers
complète,
si
en
—
49
lisant
que
a
Dialogues des morts de
les
cette réflexion
faisais
Cette
f(
ajoutait-il,
))
me
quil
serait
»
impossible de trouver une excuse qui pût contenter
»
Caron,
lorsqu'il
» que. Je n'ai pas
m'engagera à monter dans sa bar-
de maison à achever, pas de
))
marier, pas d ennemi dont je désire
M
Tout au plus pourrai-je
lui dire
:
me
fille
à
venger.
— Cher Caron,
en train de corriger mes ouvrages; accorde-
» je suis
—
me
»
moi encore un peu de temps.
»
répondrait
»
de
»
et cela
»
lent
))
du
))
verrai tomber peut-être quelques-unes
»
superstitieuses qui
))
Caron,
»
que dans plusieurs centaines d'années
))
je veuille t'attendre jusque-là (1)?... » C'est sur ce
:
finira
public.
ton de
faire
de nouvelles,
jamais. — Prends patience,
Si je
bonne humeur, que
Hume
et
parlait
Mais
cela :
n arrivera crois-tu
de sa
fin
(l)
Burton
le %'6
,
tome
la
mort. Les progrès de
l'égalité
août 1776.
II, p. 511.
que
prochaine, et pour
de son caractère ni
vigueur de ses convictions philosophiques.
de mourir
— Alors
avec cette inaltérable tran-
avec Tidée de
maladie n'altérèrent ni
yeux
des idées
dominent aujourd'hui. :
excel-
les
années encore, je
vis quelques
perdant patience
ainsi dire jouait la
voudras en
succès
le
Caron; laisse-moi achever d'ouvrir
quillité,
la
Lorsque tu auras constaté
tes corrections, tu
ne
Mais Caron
Il
Il
acheva
avait soixante-cinq ans.
— On
50
—
discutera longtemps encore la valeur des opi-
Hume.
nions de
Cette discussion durera autant
que
la
philosophie elle-même. Mais ce qu'on ne saurait contester sans injustice, ce
que ce
livre,
nous lespérons,
Hume
a été un assez
grand agitateur d'idées. En histoire,
en économie
contribuera à montrer, c'est que
politique, dans toutes les parties de la philosophie,
dans
critique littéraire,
la
efforts féconds qui,
découverte de
la
rement
ils
Ce qui
il
en secouant
la vérité,
par ces
s'est signalé
les esprits,
préparent
même que
alors
passagè-
aboutiraient à l'erreur.
Hume
aussi chez
est
au-dessus de
toute
contestation, c'est le talent de lecrivain, lexcellence
des qualités
littéraires.
Il
doute
est sans
erreurs que
de
écrit
dans une
Hume
lui-même
prononcer un jugement sur un livre langue étrangère. Les
difficile
a commises, dans ses appréciations sur les écrivains
doivent nous
français,
pas avisé, en effet,
s'est-il
sublime raît
poésie
style
de
netteté.
de louer
Ne
naturel et la
le
de Fléchier?
Hume
est
admirable
Les historiens aussi
reconnaître ses grandes qualités jours égal et
facile,
son
simple, plus expressif dans maine. Dans les Essais
gance
(1)
prudence.
la
Il
nous pa-
cependant permis de dire que l'exposition phi-
losophique
de
du
à
inviter
,
il
^
style
sont
de
clarté
unanimes
de narrateur. est
à
Tou-
cependant plus
le Traité de la
avec plus d'art
Nature hu-
et plus d'élé-
y a trop d'apprêt et trop d'agrément (1
Nous avons peine à comprendre qu'un
et
critique de
); et
Hume
ait
— comme
Dugald Stewart
le dit
que
»
plus à son avantage. Je
»
côté
))
fait
»
l'exposition (1).
le talent
qu
ait
il
ne
Hume
dans
le Traité
se montre le
crois pas^ d'un autre
jamais déployé plus d'habileté ou
preuve de plus de goût au point de vue de »
Quel que
jugement que Ton porte sur il
« C'est
:
métaphysique de
»
,
—
51
soit par
homme,
la gloire
le
Hume,
de
les doctrines
reste, avec le mérite d'avoir
lui
conséquent
vécu en honnête
d'avoir été malgré tout
un profond
penseur et un excellent écrivain.
Ce
qui
de sa
surtout à nos
fait
yeux
vie, c est son infatigable
beauté
l'unité et la
amour pour
la philoso-
phie et les lettres. Son existence n'a été ni animée par de grandes* passions
mais
nous
elle
,
ni féconde en
offre le spectacle
événements
encourageant des
beurs opiniâtres du plus studieux des hommes.
que la
peuvent pour occuper une âme
les lettres
purifier,
pour
l'élever
sans
cesse, on
,
le
;
la-
Ce
pour sait,
quand on connaît David Hume. Les vertus, que d'autres pratiquent
du devoir,
et
par amour de Dieu, ou par conscience
dont on est quelquefois disposé à faire
bon marché, quand on a perdu
même
la foi
conserva.
Il
M
«
:
celui
Le
du
fut
(l)
lui
tempérant, courageux, patient, parce
de sa pensée, parce
style des Essais est aussi facile
Traité est obscur et embarrassé.
sciences philosophiques. Art. D.
Dugald Stewart,
p. 171.
religieuse et
philosophique, l'amour des lettres les
qu'il avait souci
écrit
la foi
«
Of
qu'il veillait
avec
clair et agréable
,
»
V. Dictionnaire
que des
Hume.
the progress of philosophy
,
»
partie II,
— un
52
-
soin jaloux sur le trésor d'idées qu'il portait en lui.
D'un autre côté, tout ce que peut produire de qualités dans veillance pour les autres
térieure de l'honnête
des
l'école
la politesse et
en un mot
tout ce qui constitue
,
de
l'esprit
caractère, la bienl'affabilité,
scrupuleuse, la loyauté dans les engage-
l'intégrité
ments
,
la culture
le
homme, Hume
Pour
lettres.
elles
un héros de résignation énergies dont
et
la
tenue ex-
encore à
l'apprit
fut, à certains jours,
il
de courage;
et les viriles
preuve jusqu'au dernier jour,
il fit
c'est
l'ardeur sainte de l'étude qui en rallumait sans cesse le
foyer dans son Si
cœur
!
passion des lettres donne à la vie de
la
un certain
air
de noblesse
,
Hume
pour avoir été inca-
c'est
pable de toute autre passion que son caractère de-
meure comme découronné
et
incomplet, et
qu'il
nous
force à l'estime sans entraîner l'admiration. Ce je sais quoi, qui
voque
la
toire
la
hommes,
certains
sympathie, qui nous
les siècles,
cœur,
charme dans
les fait
c'est la sensibilité,
c'est
Hume. Et
tièrement défaut à
médiable
l'abondance de
A
vrai dire,
sans doute un égoïste à
de ceux dont
le
la
l'his-
sais quoi fait en-
voilà le secret de l'irré-
de son âme
infériorité
par tant de parties.
rieurs,
aimer à travers
flamme divine de l'enthousiasme, que
nous révèle chez eux. Ce je ne
ne
qui pro-
,
grande néanmoins
Hume
façon des
fut
un égoïste:
hommes
moi se confond avec
les
supéplus
hautes pensées, avec les œuvres les plus sublimes de l'esprit;
mais enfin
ne donna son âme
il
et
ne
sortit
jamais de lui-même.
son cœur
ni à
Il
dautres êtres vi-
— Devants, ni Il
ne
même
fut ni
un
à une cause politique ou religieuse.
patriote, ni
un
homme
dans son passage aux affaires qu'un
d'état.
moyen
Il
ne
vit
d'amélio-
rer son sort, pour vaquer plus facilement ensuite à la
culture de son esprit.
losophe d'action
Il
ne
fut pas
davantage un phi-
de propagande. C'est avec une
et
nonchalance tout épicurienne, et quelque dédain du
monde,
qu'il laissait
tomber de sa plume ses pensées
philosophiques, sans s'inquiéter de
l'effet
salutaire
pernicieux qu'elles pourraient produire sur les
mes. En un mot, viteur de sa
largement
ne
fut, toute sa vie,
propre intelligence.
son
âme
Cette stérilité de tristesse
il
à
cœur
que nous
Il
que
les
hommes
ser-
des affections désintéressées. est la
laisse,
,
hom-
le
n'ouvrit jamais
cause de l'impression de
après tout, sa vie,
étudiée avec déférence et sympathie. Ceux
parmi
ou
là
même seuls,
obtiennent d'être aimés complète-
ment, qui ont aimé eux-mêmes autre chose que des abstractions et des idées pures
!
LA PHILOSOPHIE DE
DAVID HUME CHAPITRE PREMIER.
LES
DE
ORIGINES
LA PHILOSOPHIE
DE D.
HUME.
LES
CARACTÈRES PRINCIPAUX DE SA MÉTHODE.
Hume
avant tout un psychologue.
Le
scepti-
cisme de ses conclusions a généralement
fait
oublier
le
est
caractère psychologique de ses recherches
n'est pas
:
mais
il
nécessaire de l'étudier longtemps pour se
convaincre que
l'effort
de sa pensée a surtout porté
sur l'analyse de
la
conscience. Cela est
connaissance de
la
nature humaine
si
vrai
lui paraît
que
la
la
seule
science à laquelle puisse aspirer Thumanité (1). Par là
Hume
appartient
aux grandes
traditions de la phi-
losophie anglaise. L'observation des
(1)
tome
«
Human
I, p. 336.
nature
is
the only science of
phénomènes de
man.
»
Œuvres phiL,
—
—
56
l'âme a été en effet de tout temps la vocation presque
exclusive des philo-ophes de il
remarquer que leurs
est à
plus d'une
penseurs de notre pays.
et
Grande-Bretagne
écrits
le
d'oii
et
les
que remonte à
C'est ainsi
mouvement
,
en ce genre ont
exercé une influence décisive sur
foi
l'Angleterre
la
est sorti Condillac
son école. Le Traité des Sensations ne descend-il
pas en ligne directe de V Essai sur r Entendement? Et
de même, sans rien ôter à loriginalité des philosophes qui, au dix-neuvième
mains
les destinées
siècle, ont
delà psychologie française,
pas certain que par leur méthode
intimement à
tenu dans leurs
ils
n'est-il
se rattachent
l'école écossaise?
Celte suprématie presque incontestée dans les
des qui se rapportent à terre
ne
la
nature humaine, l'Angle-
paraît pas d'ailleurs disposée à l'abandonner.
Avec récole écossaise ne
s'est
pas épuisée
psychologique de cette race d observateurs ditatifs.
étu-
la
et
sève
de mé-
Voici en effet qu'après Reid, après Dugald-
Stewart, après Hamilton leur dernier disciple, disciple plus grand
psychologie
que ses maîtres, une nouvelle école de
s'est
fondée, qui atteste sa fécondité par
des travaux considérables, et qui groupe autour d'elle
dans des croyances communes,
malgré
la
diversité
des talents et des physionomies, un grand nombre de savants illustres en leur pays, M. Stuart Mill, M. Bain,
M. Spencer,
(l)
et d'autres
encore (1).
Voir, sur ce sujet, le livre instructif de
ouvrage français qui nous
ait
M. Ribot,
le
premier
présenté un tableau complet de l'école
— Mais
si les
s'en faut
attire
les
s
accordent dans leur
recherches psychologiques,
que dans ces études, vers lesquelles
une prédilection naturelle,
succès marqué, sent
—
philosophes anglais
goût prédominant pour il
57
ils
apportent
le
où
et
môme
les
les relient
un
esprit et obéis-
aux mêmes tendances. La psychologie anglaise a
toujours suivi un double courant traste entre les
deux écoles
que de nos jours.
sissant
;
et
jamais
con-
été plus sai-
rivales n'a
A
le
de spiritualistes
côté
convaincus, qui, tout en se complaisant dans Fobser-
phénomènes de lame, ny cherchent que
vation des
des
fondements solides pour une métaphysique fu-
ture, se rangent, et en grand
nombre, sous un autre
drapeau, des philosophes empiriques, qui s'autorisent
précisément des conclusions de leur psychologie pour
prononcer
la
condamnation de toute métaphysique.
Limitant leurs recherches aux phénomènes que nous offre,
pour
ainsi dire, la surface
sophes s'interdisent d'en étudier soit
qu'ils refusent à l'esprit
de le
1
âme, ces philo-
fond et l'essence,
humain
pouvoir de
le
pénétrer jusque-là, soit que, plus absolus encore, considèrent les substances et les causes que
de vaines
Quel tiviste
comme
la
développement posi-
psychologie anglaise? Est-il
s'accroître encore,
ou à disparaître avec
destiné
les
anglaise contemporaine
:
La Psychologie anglaise
Ladrange, 1870.
(
à
hommes
qui en sont aujourd'hui les promoteurs? C'est
taie). 1 vol.
ne
et imaginaires entités.
est l'avenir réservé à ce
de
ils
une
Ecole expèrimer\-^
—
58
—
question qu'il serait téméraire de vouloir préjuger.
Mais ce
dès à présent permis d'éclaircir et de
qu'il est
reconnaître, ce sont les origines de cette école, moins
nouvelle qu'elle ne
le paraît
psychologie expérimentale
au premier abord. La
ou
phénoménale
que l'entendent quelques-uns des prits
de l'Angleterre contemporaine
est
,
la
Hume, sans inspirateurs
lui
aussi ses devanciers
nous allons essayer de
à l'heure. Mais
il
est le
publia
1739
date précise de sa naissance.
la
doute, a eu :
y a
il
c'est à l'année
Nature humaine,
qu'on peut rapporter
née
Hume
longtemps. C'est à l'époque où David
son Traité de
telle
,
plus brillants es-
premier qui
le
ait
,
ses
montrer tout
inauguré avec
des développements considérables, et en écartant tout principe rationnel, cette méthode exclusivement pirique, dont
aujourd'hui
une véritable légion d'observateurs
il
fait
l'instrument de ses investigations et de
ses découvertes. Aussi laquelle
em
n'est-il
n'y ait accord entre
guère de question sur
Hume
et ces
prétendus
novateurs, qui semblent parfois avoir oublié
le
nom
d'un maître, dont les leçons leur ont cependant profité
sur tant de points. Quelque originales, quelque
inattendues que paraissent les conceptions contemporaines, elles n'en sont pas
formes
aux
moins
théories exprimées
le ,
plus souvent con-
ou aux espérances
entrevues par Hume. Et ce résultat n'étonnera personne,
si l'on
veut bien considérer que des penseurs
qui partent de principes semblables, et qui emploient
une méthode identique, doivent nécessairement aboutir
à des conclusions analogues.
— Hume
Mais
soyons à s'est
59
—
lui-même, quelque disposés que nous
faire
Hume
grande sa part d'originalité,
largement inspiré des philosophes qui
l'ont pré-
cédé. Quoiqu'il n'aime guère à présenter sa doctrine
sous
patronage de
le
la
presque pas de citations
tradition, quoiqu'il ne fasse ,
et qu'il
semble plutôt pren-
dre soin de dissimuler les rapports qui le rattachent
historiquement à ses devanciers
,
il
est certain qu'il a
été avant tout le disciple conséquent
Berkeley. Certes
de Locke
être,
( c'est
le
de
pour dégager des principes de ces
,
philosophes tout un système rigoureusement fallait
et
sinon
«
lié,
il
un métaphysicien de génie
»
jugement de Cousin), du moins un penseur
habile et subtil (1). Mais nous ne ferons pas tort à
notre admiration pour
Hume, en
sayant de prouver que, pour étaient
affirmant et en es-
la plupart, ses
contenues en germe dans
les écrits
théories
de ses
prédécesseurs.
I
Bien que les traditions du rationalisme aient été
en Angleterre brillamment représentées, au dix-septième siècle et au par des
hommes
commencement du
tels
ton, Shaftesbury,
que Cudworth
les
,
dix-huitième,
Clarke, Wollas-
tendances générales s'accen-
tuaient de plus en plus dans le sens de l'empirisme.
(1)
«Hume, métaphysicien de
génie et
sin, Philosophie écossaise, 1819, p. 20.
homme
excellent.» Cou-
— Bacon
Hobbes, on
et
-
60
ce développement considérable
doute,
du sensualisme. Sans
matérialisme absolu de Hobbes effraya les
le
écoles et les universités anglaises
et
,
son succès se
réduisit à soulever de très-vives polémiques.
même
que Hobbes avait
le
n'en est pas
il
contemporains l'esprit
,
moins vrai
premier formulé des principes
qui, après avoir d'abord rebuté
dans
y eut
marqua par un retour aux théo-
platoniciennes. Mais
ses
Il
contre un empirisme aussi grossier une réac-
tion violente, qui se ries
de
furent les initiateurs
le sait,
le
sens
commun de
insensiblement
s'acclimatèrent
des Anglais, et que nous retrouverons,
avec des adoucissements
et
des atténuations
ouvrages de Hume. D'un autre côté,
si
,
dans
Bacon
les
s'est
médiocrement occupé de philosophie morale,
si,
tout entier à son dessein de réformer l'étude de la
nature physique,
que,
et
défaire faut,
,
y)ar
a dédaigné l'analyse psychologi-
fil
,
la
travail stérile le soin
trame de
l'esprit
en revanche,' convenir qu'il a
ou non, tés
fil
il
comme un
regardé
l'instigateur
de tous
été,
humain
,
de il
volontairement
les efforts qui furent ten-
dans ce but par ses successeurs. La méthode
qu'il
avait
surtout conçue
comme
l'instrument des
sciences de la nature passa des mains des physiciens
dans
les
mains des psychologues
stamment
efforcé
,
quoiqu'il
y
ait
,
et
Hume
s'est
rarement réussi
con,
diriger ses recherches selon les lois et les règles
de
du
Novum Organum. Hobbes, pour y revenir encore, est véritablement le^premier ancêtre de Hume. Il suffirait , pour s'en
—
—
61
convaincre, de constater que Hobbes est
philosophe moderne
aux
de l'association des idées
lois
d après Hume,
le
premier
qui ait donné quelque attention
les ressorts essentiels
qui sont,
lois
:
de
l'esprit. L'ori-
gine des idées ramenée à l'unique source de la sensation, la négation de toute substance immatérielle, le
doute touchant
absolu
le
monde
extérieur, le nominalisme
qui ne voit de réalité que dans les mots, et
,
qui repousse
générale,
la
comme
illusoire
creuse
et
toute idée
mathématiques, voilà
critique des
les
traits
principaux des spéculations de Hobbes (1). Com-
ment
n'y pas reconnaître
avec
les
un
air
de parenté très-voisine
opinionsdeHume?Sur quelques
n'a fait que développer,
avec tous
points,
les artifices
lectique souple et ingénieuse, des théories
contenté d'affirmer,
s'était
si j'ose
Le spiritualisme anglais, dans organisa pour enrayer
le
Hume
d'une dia-
que Hobbes
dire, brutalement.
résistance qu'il
la
mouvement
et le
progrès du
sensualisme, se borna malheureusement à faire preuve
de
foi
plutôt
que de science
et
,
opposa aux doctrines
de ses adversaires des objurgations pieuses plutôt que de solides arguments. Aussi l'empirisme se propagea de plus en plus,
et
on
le vit
aboutir promptement
aux conclusions sceptiques,
qu'il contient
Ainsi un élève de Hobbes
Collins
,
,
en germe.
l'adversaire de
Clarke, composait un livre entier pour exprimer ses
doutes sur
(1)
V.
la liberté
Pteviie
M. de Rémusat.
des
humaine
et
soutenir
la
doctrine
Deux-Mondes, 1870. Article sur Hobbes, de
— de
la nécessité (1}
« Je
:
Dugald Stewart,
dit
«
~
62
ne connais pas d'argument,
employé par
pour combattre
»
les plus récents
»
ne trouve de germe dans
philosophes
les
la liberté,
de
les Essais
Quelques années auparavant
,
Glanvill
»
,
dont on
Collins. »
le
premier
en date des sceptiques anglais, avait attaqué cette notion de causalité qui est le fond de tout
dogma-
du
tisme, et préparé ainsi une des théories capitales
Traité de la Nature humaine, la confusion de la causalité
avec
succession habituelle
la
»
sance des causes
»
tive
»
intuition
;
» effets.
,
» disait
«
:
Glanvill
nous
;
est
déduc-
les saisissons
seulement par leurs
nous ne pouvons conclure qu'une
Ainsi,
chose est
cause d'une autre, sinon de ce qu'elle
la
»
l'accompagne constamment; car
))
même
))
déduire d'une simple concomitance
»
n'est pas
n'est
déceptions
causalité elle-
insensible).
:
Mais
la causalité
au contraire
,
,
ce
on
un procédé semblable, à d'évidentes
(2).
temps.
la
pas perceptible (is
une conclusion certaine
» s'expose, par
même
«
,
nous n'en connaissons aucune par simple
»
))
Toute connais-
»
Collier,
Enfin, un autre philosophe
contemporain
et
du
admirateur de
Berkeley, un de ces pieux esprits qui, avec l'impru-
dence
et la naïveté
tent parfois insiste
(1)
d'une
longuement pour
Collins, n
foi
sûre d'elle-même, por-
des coups terribles à
A
la
raison. Collier
établir qu'il n'y a pas d'autre
Philosophical inquiry concernmg
Human
Liberti/,n
1717. Cet ouvrage a été réfuté directement par Clarke. (2)
Glanvill, « Scepsis scientifica,
min de
la Vérité. »
ou l'Ignorance reconnue, Che-
Londres, 1665,
p. 142.
—
63
—
différence entre l'imaginalion et la perception sensible,
que
la
tirait
vivacité supérieure de la dernière (1); et
aisément de ces principes
la
négation du
il
monde
extérieur.
Nul doute que
Hume
n'ait profité
diverses, et qu'il n'ait recueilli
,
de ces indications
épars dans les écrits
de ses devanciers, ces arguments de scepticisme. Si, à
façon de Marc-Aurèle,
la
il
eût voulu détailler,
d'après les souvenirs de sa jeunesse, les influences
auxquelles doute,
il
il
non ses vertus, mais ses motifs de
devait^
aurait pu presque
toujours
nommer
phi-
le
losophe dont l'inspiration l'avait guidé dans les différentes parties de son tous ceux qui
,
système.
Mais au dessus
par quelques opinions isolées
,
de
avaient
agi sur son esprit, c'est Locke, c'est Berkeley qu'il
eût distingués l'école
comme
du premier
dances sensualistes appris
comment
ses maîtres privilégiés.
qu'il ,
C
est à
a surtout contracté ses ten-
avec
et c'est
le
second
qu'il
a
ces tendances pouvaient conduire à
une négation rigoureuse
de
et sans réserve
la
sub-
stance matérielle. Faisons voir en peu de mots
com-
ment
les doctrines
de ces deux philosophes ont con-
tribué à faire éclore et mûrir dans l'esprit de
conception
d'un sensualisme
complet,
Hume
la
ayant assez
conscience de lui-même pour avouer qu'il se confondait Il
avec
le
scepticisme.
est impossible
(l) Collier, «
de résumer en quelques lignes
Clavis universalis
à Londres en 1837, p. 11.
,
»
imprimé pour
la
première
fois
—
—
6i
une philosophie aussi compliquée
que
aussi inconsistante
nous
suffise
communs
celle
de signaler
de
par endroits
et
lïllustre Locke. Qu'il
principaux qui sont
les traits
Hume. D'abord
à son système et à celui de
Locke prend pour point de départ de toutes ses
re-
En
se-
cherches l'analyse de l'entendement humain.
cond
lieu
priori
n'admet
il
ni idées
innées
,
ni principes
,
et à la réflexion
:
c'est-à-dire,
malgré
la signification
indécise de ce mot, au sens intime. Telle est
thode
a
et attribue toutes nos connaissances aux sens-
et tel est le principe
V entendement
.
Hume
la
mé-
fondamental de V Essai sur
a pratiqué l'une et adopté l'autre.
Voici maintenant les conclusions générales, auxquelles
Locke aboutissaitquandilétaii conséquent avec
même, mais
qu'il corrigeait
lui-
presque toujours par des
restrictions et des réserves, afin d'obéir à ses instincts
religieux et spiritualistes.
Il
impossible en
est
effet
de se rendre compte des contradictions apparentes de sa philosophie,
si l'on n'a
pas remarqué
qu'il est
sans
cesse partagé entre les exigences de la philosophie sensualiste et les tendances contraires
Le
rôle
de
Hume
fut
du senscommun.
de développer
surtout
jus-
qu'au bout ces aspirations sensualistes, en dédaignani le plus possible les protestations
1°
La théorie de
conçue réalité
,
la
du bon
connaissance,
sens. Ainsi
telle qu'il l'avaii
ne permettait pas à Locke d'admettre
de Tidée de substance. Ni
les sens,
la
ni la ré-
flexion ne nous font rien connaître de la substance.
Et cependant Locke rétablit jusqu'à un certain poim cette idée, en déclarant
que nous avons
la
représen-
— tation obscure d'un je
figurons ses
il
;
comme
est
ne
si
loin
substances que, fidèle
reprenant les principes, tions n'aura qu'à nier
Quant à
res,
sais
quoi
le
,
que nous nous
substratum des cho-
de nier
la
connaissance des il
en dis-
l'esprit.
Hume,
au dualisme cartésien,
tingue de deux espèces
21°
—
support ou
le
même
65
:
la
et
matière et
supprimant
atténua-
les
énergiquement toute substance.
l'existence des choses sensibles particuliè-
Locke tend évidemment à en douter
;
car
la
sen-
sation lui paraît insuffisante à garantir la réalité d'un
monde
extérieur
il
;
néral pour interpréter la sensation
pas à
sensible
:
«
A
,
sortir
d'em-
appel à ce qu'il appelle l'évidence
fait
la
et ce principe n'est
de Locke. Mais pour
la disposition
barras, Locke
un principe gé-
faudrait invoquer
connaissance intuitive (conscience),
»
à la démonstration (raisonnement mathématique)
»
nous pouvons ajouter
»
nous obtenons par l'existence des objets extérieurs
))
particuliers. »
Ici
la
connaissance sensitive que
encore
Hume
n'aura qu'à faire
disparaître les tergiversations de Locke. 3°
matière en général
,
Quant
à la
Locke, qui nie toute substance,
qui affirme que l'essence des choses est insondable peut-il
,
admettre qu'elle existe? Evidemment non. Et
néanmoins, par sa distinction des propriétés primordiales et des propriétés dérivées
de
la
matière, les
unes saisies immédiatement par leur action sur
les
sens et qui s'évanouiraient avec eux, les autres qui
ne se révèlent à nous que par leurs
effets
sur les
corps extérieurs et qui constituent véritablement la •
matière, Locke, avec une inconséquence manifeste, ra5
— mène en quelque croyance à
la
^
66
une forme mitigée,
sorte, sous
réalité
de
la
distinction aussi précaire. 3°
sur une
On
substance matérielle.
prévoit quel sera le jugement de Berkeley et de
Quant à
Hume
l'esprit,
Locke tombe dans des contradictions analogues. vrai dire, puisque la réflexion,
ne fournit aucune stance,
sidère la pensée qu'il
c'est
il
de
est
sub-
la
du moi. Ce qui
en doute en
comme une
A
la sensation,
représentation claire
devrait douter de l'identité
il
prouve que par moments
nes,
comme
la
effet, et
con-
phénomè-
succession de
embarrassé pour expliquer que
l'entendement puisse produire autre chose qu'une série d'idées successives, c'est-à-dire
un
un raisonnement,
véritable enchaînement d'idées et de jugements.
Et cependant
ment
il
l'intuition
maintient que nous
avons directe-
du moi. Pouvait-on ne pas
d'un défaut de cohérence aussi évident?
comment échapper cer
à l'alternative,
les
conséquences
et,
par suite,
ou bien de renon-
aux principes de Locke, ou bien de
avec
être frappé
qu'ils entraînent,
les
accorder
en niant ca-
tégoriquement l'existence de l'âme? In'ous
en avons
comment Locke a
assez été
dit
pour
faire
l'inspirateur
comprendre
de Hume.
Les
vraisemblances qui suffisaient au maître ne purent
longtemps
satisfaire l'esprit
plus décidé
du
disciple.
Locke, dans l'histoire des idées sensualistes, représente ce
moment où
tonne
,
aussitôt. ties,
l'esprit
philosophique hésite
et
tâ-
n'avançant de quelques pas que pour reculer
Dans cet
Essai, admirable par tant
dans ce livre de bonne
foi
,
de par-
pour lequel nous ne
— partager
saurions
mande
(1),
67
sévérités
les
sincèrement
avait
de
la critique alle-
Locke avait sans doute ébranlé
dements du rationalisme il
— les
fon-
et
de toute science; mais
espéré
maintenir Tédifice des
croyances humaines, en l'étayant d'appuis dont soupçonnait par
la
entreprenant de
Hume
fragilité.
il
ne
appartenait à Tesprit
Il
de renverser à
fois et ces
la
fragiles appuis et l'édifice tout entier.
Berkeley
lui
donna
d'ailleurs l'exemple
rigueur toute nouvelle, les
conséquences
qu'ils
il
tira
avec une
:
des principes de Locke
comportaient au point de vue
de l'idéalisme. Par une association étrange de docBerkeley représente Talliance raisonnée du
trines,
sensualisme et de à qui d'avoir
métaphysique. Ce philosophe,
manqué que
n'a
il
la foi
mieux approfondi
né en France
les principes
pour être un Malebranche
comme
d'être
,
de Descartes,
accepte sans scrupule,
point de départ, l'empirisme
,
et
le suit
quelques-unes de ses conséquences extrêmes. pant avec
les indécisions
dans
Rom-
de Locke, Berkeley rencon-
tre déjà sur plusieurs points les opinions radicales
Hume. Nous ne parlons pas seulement de son lisme absolu à l'égard des choses sensibles
(l)
«
On
et
s'étonne qu'une doctrine d'une valeur
si
de
idéa-
qu'il
ne
faible ait
pu
,
»
exercer une influence aussi considérable... \J Essai sur l'Enten-
»
dément humain
n'offre rien
»
amateur qui
sans méditations suffisantes et sans profondeur
» d'esprit,
,
passe en revue les
toire
de la philosophie
tome
II,
p.
de bien nouveau... C'est l'œuvre d'un
102 et suiv.
faits
moderne.
de
la science... »
Traduction
Ritter,
His-
Challemel-Lacour
— 68 — considère
nous y
que comme des apparences dans l'âme
reviendrons plus
tard.
:
Mais dans d'autres
questions encore, principalement dans sa
discussion
sur l'idée de substance, dans sa polémique contre les idées générales
et
contre les
mathématiques, enfin
dans sa conception d'un entendement passif, incapable d'agir sur la liaison des idées
préparé
le travail
Dans
,
Berkeley a devancé ou
philosophique de Hume.
les explications
qu'il
donne sur
l'idée
substance, au moins de substance sensible
innove surtout par sa façon d entendre
ment de dit-il,
cette notion illusoire.
me :
,
Berkeley
développe-
La notion de substance,
vient uniquement de ce que je remarque
différentes sensations
toujours
le
de
((
ou
idées, qui
Je les désigne alors par
sont réputées être une chose (1).
»
s'accompagnent
un nom,
et elles
Les substances
ne sont donc que des collections de représentations, et la liaison
qui les associe dans notre esprit est
la
seule cause qui nous les fasse rattacher à un principe
unique. Cette liaison d'ailleurs est toute subjective,
comme
les représentations
que pour
Hume
elles-mêmes. Nous verrons
aussi la substance n'est pas autre
chose qu'une association opérée par l'imagination et par l'habitude entre des représentations idéales.
Ce
n'est pas
une des moindres étrangetés des ou-
vrages de Berkeley,
d'y voir
aussi
vivement com-
battue par un idéaliste la valeur de toute notion, de toute vérité générale. Berkeley n'admet
(1)
Berkeley, Principes de la Conn. Hum., p, 148.
pas d'autre
—
69
—
que l'existence individuelle.
existence
«que de
rien, » dit-il,
« Il n'existe
Par suite
particulier. »
elles-mêmes ne sont jamais générales
;
les idées
aux mots
et
généraux correspondent toujours, dans l'imagination, des représentations particulières. Les mathématiques
ne sont pas exceptées de ce nominalisme absolu auquel
Hume
accordait les
plus grands éloges
keley n'a jamais plus affaibli
le
et
;
Ber-
rationalisme, qu'il
prétendait cependant défendre, qu'en affirmant que
dans
mathématiques elles-mêmes nous ne nous
les
élevons jamais au-dessus du sensible. Enfin,
gence
,
un dernier point
au moins dans
le
à noter, c'est que
domaine des choses
domaine comprend jusqu'à
bles (et ce
L'âme sans doute ;
la
sensi-
géométrie),
par Berkeley de toute activité véritable.
est dépouillée
force active
l'intelli-
lui
paraît
mais cette force,
être il
en
éminemment une fait
surtout le pri-
vilège de la volonté. Quant à l'intelligence elle-même, il
semble ne
lui
ment passive.
reconnaître qu'une attitude entière-
Elle subit les représentations
pose l'intervention mystérieuse de Dieu. sinon l'âme, de
ainsi l'esprit,
que lui imDépouiller
toute activité et de
toute force, n'était-ce pas aplanir la voie à
une phi-
losophie qui, supprimant l'action divine, et mainte-
nant l'inaction de l'intelligence, essaierait d'expliquer
par
les lois
d'un pur mécanisme tous les phénomènes
intellectuels?
Je sais bien
physique,
il
que quand Berkeley arrive à
la
méta-
s'empresse d'accepter des théories con-
traires à celles
que je viens d'indiquer.
Ici
,
en
effet
,
— il
70
—
appel à l'entendement et à
fait
raison, qui nous
la
révèlent les vraies causes et les substances permanentes,
les
tard
:
Mais en quelque sorte
esprits.
le
mal
était fait et l'impulsion
ces contradictions
était
il
trop
donnée. Si, par
Berkeley échappe lui-même à des
,
conclusions sensualistes
il
,
ne peut du moins se sau-
ver du reproche d'avoir favorisé en général l'empirisme,
exercé sur
et d'avoir
l'esprit
de
grande partie
influence profonde, qui détermina en la direction
Locke
et
Hume une
sceptique de ses idées (1).
Berkeley sont l'un et l'autre des philoso-
phes assez considérables pour
de s'étonner du crédit
de
et
auprès de Hume.
Il
rance relative de
Hume,
faut
qu'il
ne
l'autorité
soit
dont
pas permis ils
jouirent
cependant ajouter que à l'égard
de
la
l'igno-
philosophie
ancienne, contribua à rendre plus puissante encore sur ses travaux l'action presque exclusive des sensualistes anglais. Il
suffil
d'avoir lu les
œuvres de Hume pour se con-
vaincre des lacunes de son érudition en matière de philosophie. s'essaie
(1)
rent
dans et
Il
cite
très-rarement les anciens.
Il
ne
presque jamais à analyser leurs systèmes.
Ce fut en Ecosse surtout que
les doctrines
de Berkeley obtin-
du succès. Des jeunes gens d'Edimbourg fondèrent une société le
but unique de demander à Fauteur des Dialogues d'Hylas
de Philonolis des explications sur quelques points
obscurs ou
équivoques de sadoctrine. «J'ai entendu raconter,» écritD.-Stewart, «
que Berkeley avait coutume de dire que ses raisonnements
» n'avaient nulle part »
jeunes Ecossais.
»
été
On
mieux compris que dans ce
the progress
of philosophy
,
cercle de
part. II, p. 112.
— Quatre portraits rien,
qu'il intitule
Platonicien,
le
—
71
«
:
Le Stoïcien, l'Epicu-
Sceptique, » et qui font partie
le
des Essais moraux, sont plutôt des esquisses générales
du caractère humain, ceptions écrites
du
avec
que des
de
le souci
études historiques
la vérité (1).
Hume
Le mépris que
Texposé des diverses con-
et
bonheur,
professe pour la philosophie
ancienne nous est une nouvelle preuve de son ignorance.
pas
On ne peut
Or,
la connaître.
un amas d'erreurs. de
faire
Il
ne l'envisage que
recommande
n'en
comme
l'étude qu'à
connaissance avec l'astrologie et l'alchimie.
Les moralistes
» dit-il
,
d'examiner
» fois ))
Hume
façon dont les logiciens de Port-Royal conseillent
la
((
mépriser, qu'à condition de ne
la
les
notre état moral
en revue
» ser
:
rêves de nos nuits pour juger de
de
même
les rêveries
Et quelques pages
lui
besogne
Dans
cette
(%),
recommandent quelque-
«
,
peut être bon de pas-
il
des anciens philosophes. »
suffisent la
pour s'acquitter de
philosophie grecque,
il
ne
dislingue guère que la théorie des formes substantiel-
des qualités occultes, dont il se
les et
moque
avec quelque verve et quelque humour
:
«
d'ailleurs
La nature
))
semble avoir usé en toutes choses de justice
))
bonté, et
»
que
»
consolation au milieu de tous leurs désappointe-
elle n'a
le reste
(1)
OEuvres
(2)
Voir
,
les
cienne » et «
De
de
tome
et
de
pas négligé les philosophes plus
la création
III, p.
150 et
deux chapitres la philosophie
:
elle leur
a réservé une
siiiv,
intitulés
moderne,
»
:
t.
a
De
I, p.
la philosophie an-
274 et suiv.
))
ments.
»
dans l'invention du mot faculté
» culte (1).
ton
,
rer.
c'est
En
consolation
Cette
»
principalement
consiste et
du mot
Ce nest pas seulement Aristote
Descartes et Leibnitz que
tout cas,
les a
s'il
ces modernes,
en
anglaises, qu'il a
sa philosophie.
même
Hume
connus,
compte de leurs théories.
il
et Pla-
paraît igno-
n'a tenu
aucun
donc à des influen-
C'est
temps qu'à des influences
emprunté
l'inspiration
Pour achever de
indiquer les caractères de
première de connaître
faire
point de départ de cette philosophie,
fait
qualité oc-
il
le
nous reste à
méthode dont Hume a
la
usage.
II
On ne saisi plus
saurait contester à
Hume
psychologie est appelée à jouer dans
moderne. Nul
n'a senti
chercher dans
la
toute
science,
l'esprit la règle
A
mérite d'avoir
le
nettement encore que Locke
et
mieux que
le rôle la
que
philosophie
lui la nécessité
conscience humaine
le
la
de
principe de
de trouver dans une critique de
sûre pour écarter les vains systèmes.
ce point de vue, ce n'est pas Reid, c'est
devrait être regardé
comme
Hume
qui
chef de l'école écos-
le
saise; ce n'est pas Kant, c'est
Hume
philosophie critique
débutant par une ana-
:
celle qui,
lyse minutieuse de rintelligence
qui a fondé la
humaine surprend à
leur source les principes de toute erreur et de toute
(!)
OEuvres,
tomel,
p. 279.
—
'
vérité.
Il
voir avec
faut
—
73
enthousiasme
quel
qu'une opinion trop répandue nous représente
un sceptique insouciant rappelle
»
changements
«
:
et quels
leur
il
progrès pourraient être accom-
dans toutes les branches de connaissance,
))
plis
»
nous connaissions exactement l'étendue
»
de
l'intelligence
» cir
» la
»
le
marchons
» toute
droit
au cœur,
veux
science, je
elle-même.
»
A
tantôt
philosophes
lieu
de prendre
un village sur
la frontière,
à la capitale
au centre de
et
;
au
,
dire à la nature
vrai dire,
Hume ne Nous
humaine
tendait, dans
domaine de
et à restreindre ses ambitions.
cet esprit
Renonçons à
«
:
les
ses analyses, qu'à rétrécir le
plus tard
et la force
mécanisme de nos
Et plus loin
longue et fastidieuse méthode que
un château,
si
nous pouvions éclair-
si
nature de nos idées et
la
» tantôt
»
,
ont jusqu'à présent suivie
»
»
humaine
raisonnements (1)1
((
à
promet
de dire quels
est impossible
Il
comme
philosophes
les
l'observation de l'esprit, et quels fruits
de cette étude
celui
lui
l'intelligence
reprocherons
d'avoir singulièrement réduit et amoindri
humain
qu'il n'a
pour mieux en nier
la
tant désiré connaître
que
portée; mais enfin, n'est-ce pas
un progrès philosophique remarquable d'avoir aussi clairement compris, qu'en approfondissant la nature
de
la
raison on met
l'édifice entier
De même
main sur
de voûte de
la clé
des sciences humaines?
qu'il faut
mirablement visé
(1)
la
le
Préface du Traité de
savoir gré à
Hume
but principal de
la
nature humaine,
la
t.
d'avoir ad-
philosophie,
I, p. 7.
— quoiqu'il ne
nous
74
—
pas précisément atteint, de même^
l'ait
louerons d'avoir énergiquement
le
méthode psychologique
la vraie
recommanda
bien qu'il ne
,
l'ait
pas lui-même toujours appliquée. C'était d'ailleurs une
du temps de Hume, que
vérité banale
d'appliquer aux
la
nécessité
sciences morales les procédés
des
sciences physiques. Après Locke, après Shaftesbury
du
le sous-titre
tenté
pour introduire
nement dans
les
félicite
la
:
Essai
méthode expérimentale de raison-
sciences înorales, n'était
une nouveauté.
humaine
Traité de la Nature
Hume
le
pas précisément
reconnaît lui-même, et
il
son pays d'avoir, depuis quelques années, en-
gagé dans
la
voie de l'expérience les recherches psy-
chologiques.
Mais
il
est
dans
les destinées
des maximes logiques
comme les vérités morales, plus louées que pratiquées, et Hume n'est pas le premier qui ait célébré d'être,
les vertus
d'une méthode sans en appliquer les
Rien de moins expérimental, en habituels de
nous
le
effet,
Hume. Le système
que
les
lois.
procédés
tout entier repose,
savons déjà, sur un préjugé que
Hume em-
prunte à Locke et aux idées régnantes de son temps à savoir
,
quelques impressions primitives. » ))
tions
de
l'esprit
ces distinctes
» idées, »
humain
que
Toutes les percep-
((
se réduisent à
C'est par cette affirmation
Hume va
deux espè-
j'appellerai les impressions et les
Traité de la Nature humaine.
que
:
que toutes nos connaissances dérivent de
On
le
s'imagine peut-être
donner des exemples
revue générale des différents
que s'ouvre
faits
et
procéder à une
que l'observation
—
—
75
onstate dans la conscience, afin de justifier
absolue.
iion aussi iit-il
a différence entre
and
^eeling
les
et
divi-
n'en est rien. Je m'en remets,
Il
au bon sens de chacun
,
une
qui saisit facilement
,
pensée
la sensibilité et la
(
betwixt
thinking), c'est-à-dire entre les impressions
idées; et aussitôt
pose des
il
qui devraient être le dernier
mot
générales,
lois
et le résultat
de ses
investigations, et qu'il place au contraire en tête de
comme
ses recherches
des axiomes psychologiques qui
dirigeront et éclaireront sa marche. « Toutes nos idées »
simples, dans leur première apparition, dérivent
))
d'impressions
» qu'elles
simples
qui
correspondent et
leur
représentent exactement (1).
que dans des analyses tout a priori,
et
d'oii l'auteur
prétend exclure
où ne figurent pas en
principes réels de la raison
un faux a
tout
le
comme fier
preuve reste. la
,
et qui
Hume
plupart des
effet
les
s'introduit furtivement
,
priori, c'est-à-dire
un
certain
généralisations empiriques dont on faire la
C'est ainsi
))
deviennent
se
les
nombre de
dispense de
fondements de mais,
observe, sans doute;
hommes
,
il
observe pour véri-
après coup quelques opinions préconçues qu'il est
bien décidé à ne pas sacrifier. Ses classifications sont
presque toujours arbitraires.
Il
pousse quelquefois la
négligence jusqu'à citer lui-même des
faits
en contradiction avec son système. Ces
une inexplicable indolence,
il
les
qui sont
faits
,
avec
expose, sans cher-
cher à réfuter les conclusions qu'ils suggèrent;
(l)
OFAivrcs,
t.
l, p. 17, 18.
et
— violant
76
^
—
toutes les règles de la méthode,
feiinsi
subsister, en face
Tune de
l'autre, sa thèse radicale et
absolue, et des observations qu'il ne sait concilier avec elles
nuance
si
:
» s'apercevra » l'idée ))
«
Supposons,
»
comment
dit-il,
«
une
de couleurs qui se dégradent de nuance en
» série ))
:
laisse
il
une nuance manque, tout œil humain de cette solution de continuité;
de cette couleur, quoiqu'il ne
l'ait
il
aura
jamais vue.
devance l'impression, puisque l'impression
Ici l'idée
» n'existe pas. L'idée se
passe de l'impression (1).
Contradiction flagrante avec le
que toute
principe
idée simple correspond à une impression.
ment étrange que Hume, qui laissé subsister qu'il se soit
» culier qu'il
Il
est vrai-
se pique d'analyse, ait
dans son système cette exception,
contenté d'ajouter
:
Ce cas
«
ne mérite guère qu'on
»
ne pense pas que pour
»
notre
maxime
»
lui seul
il
et
est si parti-
s'y arrête, et je faille
réformer
générale. »
Rien ne ressemble moins aux lenteurs, aux indécisions d'une observation désintéressée de
tème et
et indifférente à toute
tout sys-
conclusion, que les brèves
impérieuses affirmations familières à notre auteur.
Le raisonnement pur,
la liaison
rigoureuse des consé-
quences déduites avec les principes admis, l'enchaî-
nement presque géométrique des pensées, le^ traits habituels fois
(1)
il
fait
des œuvres de
Hume.
Si
tels
quelque-
semblant de chercher et de tâtonner,
OEuvres,
tome
I, p.
Traité des facultés de l'âme.
20; tome IV,
p. 19; cité
sont
c'est
par Garnier
— i
—
77
façon d'un faux aveugle qui sait parfaitement où
la
va
,
mais qui hésite dans sa marche pour tromper
c? passants (1). Enfin,
s'il
a
fait lui
même
au préa-
able des expériences et des observations, 3onfie pas
ne
il
les
plus souvent au lecteur; de sorte que
le
dans une méthode qui prétend être expérimentale, les
hypothèses paraissent dominer.
De
toutes les promesses de sa préface,
qu'une seule
tenue jusqu'au bout
qu'il ait
n'y en a
il
:
de
celle
ne pas demander à l'éloquence seule, aux séductions
de
la
parole,
ment. Dans rement,
c'est
non par
le
puissance qui
la
commande
l'assenti-
Traité de la Nature humaine particuliè-
le
par
la
rigueur d'un raisonnement sévère,
charme d'un
prétend conquérir
style insinuant,
que
Hume
les lecteurs à ses principes; et
il
a
d'autant plus de mérite à n'avoir pas cherché le succès
dans
les
du
artifices
style,
personne l'influence que les convictions dit-il
«
:
Dans
spirituellement,
» l'éloquence
qui
le
ceux qui manient
» trompettes »
ment Il
(1)
,
l'art
parole exerce sur
la
philosophiques
,
»
ce n'est pas la raison, c'est
non pas aux soldats en armes, à la
pique et l'épée,
mais aux
aux tambours , aux musiciens du
régi-
(%). »
est trop naturel
Voir plus loin
aux hommes de ne pas mettre
le détail
de
lyse de l'idée de cause, ch. IV. (2)
de
les luttes
mieux que
plus souvent emporte le prix. La
» victoire appartient »
(c
savait
qu'il
Œuvres, tome
I, p. 6.
la
méthode
qu'il
applique à l'ana-
— en pratique plus
,
pour
-
les
maximes qu'en
qu'il
nous paraisse
l'égard de la
théorie
Hume
Hume
avec raison que
s'en était pas fait
»
11
»
nette. «
qu'il
qu'il
ne
La preuve
ajoute Dugald Stewart,
« c'est
de génie, dans un des passages
plus travaillés de V Histoire d'Angleterre (1).
Nous ajouterons que, quand la
,
parce
n'accorde qu'un éloge froid et compassé
homme
cet
à
tenu aucun compte du mérite extraordinaire
de Bacon.
» à
a commises
a négligé la méthode
une idée assez
de ce que j'avance,
» qu'il n'a »
le
les
méthode expérimentale. Diigald Stewart
avait le dessein de mettre en usage
»
estiment
ils
d'expliquer
difficile
fréquentes que
infractions trop
dit
78
nature humaine
n'est plus facile
la
»
s'agit d'appliquer à
il
méthode d'observation,
que de se
les
faire illusion
et
,
rien
de croire
qu'on observe encore, quand depuis longtemps déjà
on raisonne d'après Quelque il
effort d'impartialité
n'étudie jamais,
esprit déjà
imbu
et ses hypothèses.
ses préjugés
quand
il
que
fasse le philosophe,
s'étudie lui-même, qu'un
d'idées préconçues
et les méditations
,
que
sens ou dans un autre. L'observation de
(1)
...
«
Si nous considérons
comme un philosophe,
»
teur et
»
quoique très-honorable
»
contemporain Galilée
»
nationale, qui
» le »
,
nous-même
Bacon simplement comme un au le rang que nous lui accorderons
sera cependant inférieur à celui de so
et peut-être à celui
domine chez les Anglais,
nom de Bacon
les lectures
personnelles ont modifié dans u
de Kepler... La vanit
fait qu'ils
ont répandu su
des louanges et des applaudissements qui parais
sent souvent empreints de partialité et d'exagération.
» tory of England, vol. \1II, p. 248.
)>
The His
—
-. 79
faite
car
;
sous
souvent qu'une expérimentation mal
plus
n'est le
dun
l'œil
nature ne suit plus son libre cours
la
ici
observateur étranger. L'observateur
psychologue intervient au contraire à chaque instant
dans nirs
considère
faits qu'il
les
ses croyances
,
développées en
lui.
Il
y mêle ses souve-
il
tendances que l'éducation a
les
,
:
donc tout naturel que, ren-
est
contrant dans sa propre raison des déductions et des inductions suggérées par l'autorité trompeuse de
ou
principe, le psychologue les prenne pour des
tel
d'expérience
faits
tel
,
rôle d'observateur
dans son
et qu'il s'imagine rester
de
quoiqu'il ne fasse plus
la
nature humaine en général,
que noter des
faits
qui lui sont
personnels. La conscience est un miroir sans doute,
mais un miroir, pour ainsi dire,
nous
qu'il est
,
nous masque
la
à
sans cesse terni par notre propre souf-
Hume
la
vue de
s'y reflète,
vraie nature humaine.
la
manqué aux exigences de
a trop souvent
méthode expérimentale la
rapproché de
que notre image individuelle, qui
fle, et
Si
si
il
,
ressemble donc en cela
plupart des psychologues. Les difficultés de l'en-
bonnes intentions.
treprise ont déconcerté ses est pas
logie
moins vrai
qu'il a
une science tout à
comme nous
prétendu
fait
puisqu'il interdit
le
a,
il
rôle
We
la ;
n'en
psycho-
et
même,
en un sens, exa-
de l'observation,
absolument au psychologue toute
démarche au delà de l'expérience
(1) «
de
expérimentale
allons le montrer,
géré plutôt que déprécié
faire
Il
cannot go heyond expérience.
»
(1).
Traité,
tome
I, p.
9.
— Comment a, pense-til,
80
—
enlendait-il l'objet delà psychologie? Elle
deux
résultats à atteindre
qu'elle classe les
phénomènes,
uns des autres ces
:
faut d'abord
il
qu'elle distingue les
de conscience dont
faits
les diffé-
rences ne se révèlent qu'à un regard subtil et pénétrant; en d'autres termes, qu'elle fasse la géographie
de l'àme. Mais
ne
là
s'arrête
pas la science de
nature humaine. Après qu'elle aura distribué en
la
dif-
férentes provinces les différentes opérations qui constituent l'âme, c'est surtout à déterminer l'ordre
succession des phénomènes, leur liaison
nement
et leurs lois
que tendra son principal
Les opérations de l'âme dépendent
anglaise contemporaine a mis fort
connu
,
et
en a
lui
dépendance
la
mode
,
l'école
Hume
but suprême de ses recher-
fait le
ches. Reste à savoir
système
à.
effort.
unes des au-
Le déterminisme psychologique que
tres (1).
l'a
les
si les
tendances générales de son
une
permettaient d'établir une liaison, entre les divers
réelle
de
leur enchaî-
,
phénomènes de
l'âme.
D'un côté,
(1) « Il »
Hume
faut espérer...
nous présente l'âme humaine
que
la
dans une certaine mesure,
philosophie découvrira, au moins les secrets principes et les ressorts
»
qui déterminent les opérations de l'esprit humain...
»
bable que chaque opération
»
dépend d'autres opérations, d'autres principes qui peuvent eux-
chaque principe de
,
»
mêmes
»
peuvent être poussées de pareilles investigations
être
telle
est pro-
humain
ramenés à d'autres plus généraux encore. Jusqu'où
» est d'ailleurs difficile
phiques,
Il
l'esprit
tome IV,
de déterminer exactement.
p. 12. Voir,
sur les caractères de
que l'entend Hume, toute
la
c'est ce qu'il
,
»
Essais philoso-
la
psychologie,
dernière partie de V Essai
I.
—-8t — comme une machine admirable, ties, comme autant de ressorts, les autres, et
dans
extrêmement
simples
,
il
par
et
met en
avec
,
Hume
suite
des éléments les
plus com-
nie toute cause,
dissout
il
de ce tout
les diverses parties
agrège
et
une
isolés les
uns des autres, ne sauraient produire
apparente de
l'esprit
et la
de morceaux qui, radicalement
divise en
infinité
dés-
bien lié;
si
pour ainsi dire, l'àme humaine,
pièces,
par-
s'engrènent les unes
résultats
les
pliqués. Mais, d'autre part.
toute substance,
les
par une série d'actions et de réac-
réciproques produisent
tions
dont toutes
l'unité
que par un prodige tout à
fait
une
dis-
inexplicable (1).
Nous abordons
ici,
pour
la
première
fois,
cussion qui nécessairement se renouvellera plusieurs fois
dans
le
rattache à
courant de cet ouvrage, parce quelle se toutes les questions philosophiques,
mais
qui doit nous arrêter dès à présent, parce qu'elle atrait aussi
à l'objet et à la destinée générale de
psychologie. Sans doute, la celle qui
que
la*'
vraie psychologie sera
^
montrera que dans l'âme tout s'enchaîne, et
'
simples y préparent les plus complexes. Mais ce déterminisme psychologique nous-' les
faits
les plus
semble rendre plus nécessaire encore
(l) «
L'essence de
l'esprit
nous
est aussi
»
de
)>
cipes et les qualités fondamentales
la
matière...
de
la
croyance à
inconnue que l'essence
Toute hypothèse qui prétend exiDliquer (
les prin-
the ultimate original quali-
nature humaine, doit être rejetée
comme présomp-
»
ties)
»
tueuse et chimérique. C'est une succession d'impressions qui
»
seule constitue l'esprit.» {Traité, passim.)
la
6
'
—
—
82
certaines forces, à certaines facultés, dont les énergies
cachées expliquent
le
développement régulier,
la liai-
son rigoureuse de nos sentiments et de nos pensées. C'est
pour avoir repoussé
ces facultés, qu'il rejette
la
notion de ces forces et de
comme
des abstractions chi-
mériques, que Hume, après avoir admis Texistence
des
lois
psychologiques, l'enchaînement réel de tous
nos états de conscience, en est venu peu à peu à le& nos idées ou nos pas-
à n'admettre entre
nier, et
sions que des rapports factices, suggérés par l'imagi-
nation et entretenus par Ihabitude.
La psychologie empirique ou phénoménale, dont
Hume comme
nous regardons
elle-même, quand la pensée, les lois
elle aspire
de
le chef,
s'abuse en effet
à déterminer les lois de
la sensibilité.
Au contraire,
la
né-
gation de toute loi, ou, en d'autres termes, de toute liaison réelle entre les
phénomènes,
laire nécessaire d'une théorie qui exclut
que de
logie, aussi bien
cause et de force.
on
dit
,
On
ou
côté le
mot
la
psycho-
physique, toute idée de
« les
idées des
celles qui ont été
ensemble à
:
phénomènes
conçues en conti-
» guïté intime l'une avec l'autre, ont » se présenter
de
le corol-
parle des lois de l'association
par exemple, que
» semblables
la
que
n'est
une tendance à
l'esprit (1). » je laisse
tendance, quoiqu'il soit peut-être
de
un aveu
implicite de la vérité,
puisqu'il exprime, avec quel-
que atténuation,
de pouvoir
(1) Stiiart
p. 212.
Mill,
l'idée
et
de
force. Je de-
La philosophie d'IIamilton. Traduction Gazelle
,
— mande
—
83
ce qu'on entend au fond, et en dehors des
mots
dont on pourrait dire qu'ils ne sont qu'un sacrifice sans portée à Tusage
commun du
qu'on veut dire, quand on prit l'union constante
Entend-on
réelle qui force
qu'il
constate ainsi dans
n'y a
Il
qu'il
l'es-
que deux hypothèses
y a une raison objective et
et contraint les
Dans ce
s'associer ?
demande ce
des idées qui représentent des
phénomènes semblables. possibles.
langage, je
cas,
il
semblables à
idées
bien admettre aussi
faut
y a dans les faits autre chose que les faits eux-
mêmes, qu'une raison,
raison intérieure les unit; et cette
que peut-elle
être, sinon
une tendance qui pousse Et alors
une force secrète,
les idées l'une
vers l'autre?
semble que ces nouveaux psychologues,
il
qui se séparent avec tant d'éclat de la vieille psycho-
ne sont pas au fond très-éloignés de s'entendre
logie,
avec
Ou
elle.
bien on ne reconnaît entre les phéno-
mènes aucune
on n'admet que des
relation réelle,
associations fondées sur l'expérience et l'habitude
;
et
je ne vois pas alors de quel droit on affirme qu'une loi
constante les unit. L'observation permanente de
l'union de
deux
scientifique, à
signe
faits
moins qu'on ne
d'un rapport
preuve que
ne peut produire aucun résultat
le
réel
la
considère
entre ces
premier contient
la
faits,
comme comme
raison d'être
second. L'uniformité habituelle de succession
bien être
l'indice
dune'
loi
loir à
une
Hume
:
mais
presque
elle
infaillible
le la
du
peut
de l'existence
ne peut, par elle-même, équiva-
loi.
l'avait
compris; et
comme
il
se voyait con-
— damné, par son système, nature humaine
comme
qu'une
—
.84
à ne voir dans les faits de la
poussière inconsistante, et
des grains de sable que rien ne
nation tions
pouvoir de créer entre
le
que
la
il
s'est
l'imagi-
choses les rela-
les
nature ne produit pas. Les
ques deviennent alors, aussi bien que
relie,
donne à
réfugié dans l'hypothèse bizarre qui
lois
les lois
psychologi-
physiques,
des manières devoir toutes subjectives, quelque chose d'analogue aux formes de
Kant
admet
les
:
la
sensibilité,
telles
que
avec cette différence considérable
que, pour Kant, ces principes sont des tendances primitives et nécessaires, l'expression de notre constitution intellectuelle,
au
de notre raison innée
;
pour Hume,
contraire, ces lois subjectives sont le résultat
quelque sorte
fortuit et
en
lentement acquis des mouve-
ments habituels de notre imagination.
Une autre conséquence de des forces inhérentes à l'âme,
la
négation des facultés,
que
c'est
psychologiques, ceux du moins que
comme outre
des phénomènes
qu'ils
d'aucun
dérivent
Hume
primitifs
n'ont pas entre
principe
les
phénomènes
Hume et
irréductibles,
eux de rapports qu'on
considéra
puisse
réels,
ne
préciser.
ne se cachait pas de cette ignorance à laquelle
sa méthode le térieurs.
((
condamne touchant
l'origine des faits in-
Toute hypothèse qui prétend découvrir les
» premiers principes de l'âme (the ultimate principles of »
the soûl) doit être rejetée
i)
tueuse et chimérique
i\) Traité ,
t.
I,
p. 9.
d'emblée
(1). »
L'âme
comme présomp-
n'est
qu'un ensem-
— ble de
phénomènes. Quel
mènes,
c'est
Il
s'il
rhomme, ;
serait d'ailleurs
faits.
Dans
cette chaîne
rattachez,
si
de pensées
morale de
vie
la
vous voulez, un anneau à un
mais ne vous demandez pas à quoi
suspendue pour
croit pas néces-
avait la curiosité de Tagi-
de sentiments dont se compose
autre
ne
de ces phéno-
n'y a de possible et de vrai qu'une description
superficielle des et
Hume
que Tesprit humain
et
incapable de résoudre, ter.
est le principe
une question que
de poser,
saire
85
tient et est
chaîne tout entière. La conscience n'est
la
ainsi dire
qu'une éclaircie de
ciel
de toutes parts
environnée de nuages. Tel est l'empirisme psychologique de
Hume, empirisme qui ne
dexclure
la
recherche de
mais qui renonce secondes
les
même
facilité
cause première dumonde^
à l'investigation
rapprochées de nous,
plus
Hume
de nos impressions. naïve
la
se contente pas
avec laquelle
des causes les
causes
parle quelque part de la les
premiers
hommes
se
bornaient, dans l'explication des choses, à reconnaître
légèrement quelques antécédents.
dans
la
Ils
s'arrêtaient vite
détermination des causes, et sils avaient pu
reculer leur ignorance de quelques pas,
pour
satisfaits.
Cette
rieuse, qui se contente à
bon marché,
chez des esprits simples et primitifs être le dernier
à
mot de
son plus haut
moral
ils
se tenaient
indolence d'une pensée incu-
l'esprit
est très-naturelle :
mais peut-elle
philosophique parvenu
degré de raffinement? Le
doit-il rester
pour nous ce qu'était
physique connu des anciens
:
le
monde monde
quelques terres explo-
rées dont les limites sont inconnues, et dont les con-
—
—
86
tours se perdent dans un Océan vague et indéterminé?
Que penser d une psychologie que
est impossible de connaître?
principes
))
impossible (1).
de
la
Expliquer
(f
les
de nos opérations mentales
))
Hume
qui débute en affirmant
dérivent de principes cachés, qu'il
les sensations
premiers
chose
est
»
a donc été conduit par ses principes à exclure
psychologie toute les questions fondamentales, à
écarter la question de l'origine des impressions pri-
mitives
,
sinon celle de l'origine des idées dérivées
enfin, à n'étudier
seule
relie
les
ensemble ne se
que quelques uns
aux
autres, et qui, dans
relient à rien.
Il
Hume
quer, pour être juste, que
et
tend plutôt à modé-
Il
est
et
de ces princi-
de ces philosophes, de plus en plus nom-
breux, qui regardent
les
phénomènes comme
objet de la conception ou delà connaissance
mais qui inclineraient à croire
qu'ils
faire
honneur à
Hume
le seul
humaine,
ne sont pas
seule réalité. Ce serait sortir cependant de
que
recher-
la
des premiers principes, qu'à nier
absolument l'existence de ces causes pes.
leur
cependant remar-
humain dans
rer les prétentions de l'esprit
che des causes
faut
;
que l'imagination
faits,
la
vérité,
la
d'une conception précise
de ce monde supérieur à toute expérience
,
de ces
noumèneSy qu'il a laissé à Kant l'honneur de concevoir le
premier.
Ce
n'est pas
seulement dans
de sa psychologie,
(1) Traité,
t.
c'est aussi
I, p. 40.
les
tendances générales
sur plusieurs points par-
—
de sa méthode que
ticuliers
les psychologues anglais
compte, parmi
il
87
psychologique,
Hume
est d'accord
avec
Comme
eux,
de notre temps.
la
méthode
confrontation de la raison
humaine
les
la
—
procédés essentiels de
avec rinstinct des animaux. Plusieurs chapitres du Traité sont consacrés à ces recherches de psychologie
comparée, où
Hume
espère trouver de nouveaux ar-
guments en faveur de ses
une heureuse
théories.
A
coup sûr,
inspiration de la philosophie
moderne,
inspiration d'ailleurs qui n'est pas nouvelle
Aristote
laquelle
devancé
a
nos
c'est
et
dans
contemporains
d'avoir compris qu'il est utile de poursuivre dans les
espèces animales les plus humbles manifestations de la
vie intellectuelle, afin de s'élever, par des
raisons
bien
complète de
Hume
a
faites,
vue plus nette
à une
nature humaine.
la
compromis par
Mais
les
Il
animaux, de ce préjugé que
méthode expé-
la raison
humaine
Par exemple,
il
et
nécessairement se res-
sembler. Tout ce qu'il observe dans l'animal, priori et
encore
part, en effet, dans ses études sur
l'intelligence des bêtes doivent
pouvoir a
et plus
ses défauts habituels l'appli-
cation d'un procédé très-légitime de la
rimentale (1).
ici
compa-
il
croit
par analogie l'affirmer de l'homme.
n'a pas
de peine à établir que
les in-
ductions de l'animal ne sont fondées sur aucun principe explicitement formulé
(1) Traité,
part. I, sect.
IX, tome
liv. I,
;
part. III, sect.
XII; part. II,
IV, p. 118.
et
que
le
XVI, tome
raisonnement
I,
sect. XII, p. 61, 145.
p. 224; liv. II,
— Essais,
sect.
est une opération trop compliquée pour des intelligenimparfaites.
ces aussi ))
détermine
les
«
C'est la
coutume seule qui
animaux, à propos de chaque objet qui dordi-
» qui frappe leurs sens, à inférer l'objet
» naire l'accompagne ^))
(its
usual attendant).
cette conclusion, » ajoute-t-il,
pour certains
))
supposer, d'après tontes
êtres,
une
«
nous avons de
»
»
—
fois
«
établie
fortes raisons
les règles
Et
de
de l'analogie,
» qu'elle doit être acceptée pour tous les autres, sans .))
Hume
exception ni réserve. » C'est ainsi que
avoir cause gagnée, quand
il
croit
a prouvé que les ani-
maux agissent en effet, comme il suppose que les hommes le font. Ce qui serait pour le sens commun une raison de repousser, sans examen
,
une théorie
psychologique, devient pour notre auteur un motif sans réplique d'y ajouter
en convenons, aurait tort
foi. :
Le sens commun, nous
car la distinction radicale
.de l'intelligence de l'homme, et de celle de la bête est
un préjugé;
et
il
faut savoir reconnaître,
quand
l'expérience les signale, les ressemblances qui rappro-
chent des êtres différents. Trop souvent on a raisonné ainsi
:
les
qui sont
animaux
le privilège
n'ont pas ces facultés supérieures
de
la raison
humaine; donc
ils
ne
sont en aucune façon intelligents. Mais n'est-ce pas
raisonner plus mal encore que dire
de quelque intelligence, certaines lois
:
l'animal estdoûé
et cette intelligence obéit à
donc Tesprit humain
ses développements
'fermé dans les
:
est
soumis dans
aux mêmes conditions,
mêmes
limites?
Quand, à
et
en-
l'appui. des
théories qu'il propose touchant des faits directement
— «observables
Hume
,
—
89
invoque des
hypothèses
bâ-
tiessur l'inaccessible conscience des animaux, n'est-il
pas vrai
quelque sorte de Tin-
raisonne en
qu'il
connu au connu,
tombe dans une
et qu'il
qui croit
analogue à celle de Condillac,
montré de rhomme tout ce
illusion
avoir
dé-
prouvé de sa statue
qu'il a
imaginaire?
Hume
Si
de
la
a mal usé de quelques-uns des procédés
méthode expérimentale
a complètement
méconnus;
et
,
il
parmi eux
ter lobservation physiologique.
mérite d'avoir distingué
confondus de
(Hume
,
les
a été
,
part de ses successeurs.
Sophie morale
»
sur
»
il
la
comp-
faut
Sans doute,
mieux
«
Il
,
un
c'est
domaines trop souvent
a
inspiré
su,
que
» dit
la
:
et
plu-
Stewart,
complètement ses recherches sur
»
Et
il
qu'il
psychologie et de la physiologie
la
sur ce point
« séparer
en est d'autres
la philo-
de toute hypothèse physiologique
nature des rapports de l'âme et du corps (1). »
ajoute
grande
:
«
A
cet égard, son
exemple a
aux autres philosophes
utilité
Dugald Stewart se trompait certainement séparer
ici
été d'une
écossais.
gravement.
Il
»
faut
monde physique du monde
le
moral mais cette distinction de deux sciences ne doit ;
pas s'entendre l'autre. L'étude
tème nerveux,
comme
le
devoir pour l'une d'ignorer
du corps, est le
et particulièrement
préambule nécessaire de
de l'âme. Le trop grand dédain que
les
du sysl
étude
psychologues
ont témoigné pour les observations physiologiques a
(1)
D. Stewart, On
thb progress of philosophy.
'
— 90 — autorisé et justifié l'excès contraire
physiologistes
les
sont
restés
:
Toubli complet
oii
des phénomènes
de
Fâme. Les hypothèses matérialistes ont
été encoura-
gées, plus qu'on ne croit, par l'ignorance
oii les
philo-
sophes se sont complu relativement aux phénomènes cérébraux. Or, sur ce point,
de
le silence
Hume
est
absolu.
En un :à
seul endroit de ses ouvrages,
l'influence
du cerveau sur
la
allusion
fait
il
pensée (1); mais
il
n'a
pas Tair d'attacher grande importance à cette question, et
il
en parle en homme qui l'ignore, ou qui
Le monde psychologique,
ment délimité,
n'est
tel
que
Hume
la
dédaigne.
arbitraire^
l'a
qu'une série fragmentaire et
in^
déterminée de phénomènes, sans commencement ni dont
fin,
dans
le
il
ne cherche
le
principe ni dans l'âme ql|
corps (%). Cette omission de toute recherche
physiologique est d'autant plus étonnante que, vers
même
époque, un compatriote de Hume,
Hartley, exposait
opposée
un système
le
médecii
une exagératioi
mouvement des
attribuait lé
,
qui, par
Ij
idées
à
d<
principes matériels.
Quand on
Hume
a
(1) «...
fait
That
ainsi parle
sur
,
a exposé l'usage incomplet ou l'abus qu(
des procédés de l'expérience, on a
littlô
non pas
agitation of the brain which
Hume
la Religion naturelle, le
(2)
,
we
toi
call thougth,
mais un personnage de ses Dialogues
sceptique Philon.
Ce dédain des observations physiologiques est du reste
des caractères généraux de
la
de
Hume subissait ici l'influence. idéalist
^e
la
psychologie française.
Berkeley.
philosophie écossaise
,
et
par suit
j
-
-
91
sur sa méthode générale. Nous verrons plus tard
dit
comment il entend les règles et le détail de sa logique. En définitive, Hume a été, en psychologie, un théoricien habile plutôt qu'un grand observateur. Les
mêmes dans
conditions
philosophie
le
un penseur systéma-
destinaient à être
non un sage
tique, et
lesquelles s est développée sa
et lent
parle pas seulement de
la
expérimentateur. Je ne
brièveté hâtive avec la-
quelle a été composé son Traité de la Nature humaine; I
mais une
ce système établi,
fois
na
il
plus observé
I
i
:
qu
a la lumière des principes qu'il y avait
mérairement posés. De plus,
un peu
té-
guère étudié que
n'a
il
son propre esprit. Son caractère, letrangeté hardie
[de ses opinions l'éloignaient du monde. Son célibat
;
\
l'a
du doux bénéfice que
privé
à
parfois
faire
de
philosophe trouve
le
ses propres
de
enfants l'objet
ses observations. Aussi n'a-t-il jamais parlé de cette
méthode son
qui
,
,
plus en faveur aujourd'hui
non pas seulement l'homme
fait,
jeunes gens, afin d'assister à des
facultés et
lame. Enfin sonnel
,
et
,
non sans
recommande aux psychologues
,
la
mais
était
les enfants, les
formation graduelle
en quelque sorte à
Hume
la
lui-même un
trop enfermé dans
rai-
d'étudier,
un cercle
naissance de être trop per-
étroit d'habitu-
des et de sentiments, pour qu'il pût retrouver dans
son cœur et dans sa raison tous
les
grands
traits
de
la
nature humaine. 11
n'en a pas moins observé, avec
une pénétration
I
•remarquable quelques parties de et sa philosophie est
la
nature humaine,
un fragment admirable de psy-
— chologie. Si, Traité de
la
92
renonçant au
Nature humaine,
titre
s'était
traité
contenté de
de l'habitude
dominé par
instinctif,
coutume, sa méthode
et les
au delà,
Quelques
s'il
les
de
sens e
résultats qu'il en
obtenus seraient presque satisfaisants. Mais allé
;
compte que d'une moitié
n'avait prétendu rendre
l'homme, l'homme
ambitieux de
trop
Hume
comme un
présenter son livre
la
—
i.
a cruêtn
il
avoir embrassé l'âme tout entière
et
ont
faits lui
m
pour échafaader tout
suffi
système. Doué d'une remarquable puissance de gêné ralisation
,
sortir d'un
avec un art merveilleux
c'est
qu'il faisai
infiniment petit psychologique une multi
tude de conséquences. Et n'a été entre ses
c'est ainsi
que rexpérien€(
mains qu'un instrument dhypothi
I
de déduction.
et
Quoi
qu'il
en soit,
il
faut louer
Hume
d'avoir, pa
donné
sa franchise et la rigueur de sa méthode,
l'empirisme l'achèvement et porte toute doctrine quelque
que
preuve,
sait,
l'on
et aussi l'aveu,
fausse qu'elle soit. Lors
c'est
que
que com
la perfection
que Reid, lorsque Kant, ont étudié passion
>
Hume
avec
quils y trouvaient
i
le sensualisme, poussé jus
qu'à ses dernières conséquences, est impuissant à con stituer
pu
une science
croire
vieilles
que
le
certaine. Jusqu'à
Hume
,
on aval
sensualisme se conciliait avec
croyances humaines.
Chez Locke,
en e
m
l'empirisme avait été tempéré par toute sorte de ré serves. Prudent et timoré, l'auteur de Y Essai sur FEn
tendement n'avait pas suivi jusqu'au bout sesprémis
retenu qu'il
était
par
la timidité naturelle
de son
— par
prit,
le
—
93
bon sens auquel
juge suprême, enfin par sa sincère. Berkeley, de
s'adressait
il
foi
même,
religieuse
comme
forte et si
si
avait échappé
au scep-
ticisme en mêlant à ses
tendances sensualistes
conceptions théologiques
et
izrànd mérite
de
timidités
et ces
avec une
même
Hume
presque
des
mystiques. Le
de n'avoir pas connu ces
est
atermoiements,
parcouru
et d'avoir
logique inexorable presque toutes les
parties de la philosophie. Rien utile, dans Thistoire de la pensée
livres
un
à
n'est appréciable
et
humaine, comme ces
où un' système se développe en
pur de
entier,
tout alliage, et dans lequel des opinions étrangères,
admises sans aucun lien qui les rattache au système,
ne viennent pas dissimuler
de
la doctrine.
et voiler le vrai caractère
Le scepticisme de
Hume
service de ce genre à la philosophie
a rendu un
moderne
:
il
nous
a montré les fruits de l'empirisme. Le remède qu'il a
prétendu apporter aux conséquences sceptiques d'un sensualisme logiquement conduit à son terme il
l'a
présenté sans confiance,
même
son lecteur
naire.
De
son
sorte
que ce remède
que
si
le
phe pour
le
témoignage
justifier sa
Hume,
et l'autorité
est
imagi-
moderne a il
lui-
rai-
aurait tort»
de ce philoso-
prétention à être une philosophie
vraie, fondée sur des principes
visme
avertissant
était fictif et
positivisme
de se reconnaître dans
d'invoquer
en
définitif,
dans Hume; mais
solides.
Le
Hume lui-même
cru à la valeur scientifique du positivisme.
positi-
n'a pas
CHAPITRE
les
éléments de la
IL
connaissance.
les
de
lois
l'association des idées.
Le principal objet de de nos idées,
l'histoire
psychologie de
la la
:
la
il
n'a pas négligé les
volonté, les passions sur-
ont inspiré des réflexions originales.
tout lui
l'analyse de l'intelligence n'en est pas
moins
Maiî le fail
de ses œuvres philosophiques. La plus grande
capital
partie
c'est
description de noire orga-
nisme intellectuel. Sans doute, autres parties de l'âme
Hume,
du
Traité de la Nature humaine
,
et la
plupai
des Essais, n'ont d'autre but que de décomposer
\ei
ressorts de l'entendement (1j.
Dans
cette étude
Hume,
oii
nous
y a deux parties à distinguer une description en quelque sorte abstraite des élé-
allons suivre 4°
de l'intelligence humaine
ments de général
la
le
il
connaissance et des
développement de
lois
qui règlent
l'esprit
;
2^
en
lexamen
particulier des diverses croyances qui constituent le
fond de
la
pensée humaine
:
la
croyance au
monde
extérieur, la croyance au moi, la croyance à Dieu.
(1)
Traité, liv.
I, II, III.
Essais
U,
III,
IV, V, YI.
— De
ces
première
;
—
95
deux
parties^ la plus
celle
où
faible
est
encore la
analyse les principes et
il
les lois
K'mentaires de toute connaissance. Ce serait s'expo-
une déception que s'attendre à y trouver des
à
eussions précises et approfondies sur
Sur ce
los idées.
sujet,
esquisses qui
ques
n'a ni réussi
]u'il
,
Hume
s'est
de
l'origine
contenté de quel-
soulèvent de graves difficultés, ni
même
toujours cherché à pal-
ier.
Pour
lui, l'esprit
ceptions
humain
n'est
qu'une série de per-
d'abord de perceptions isolées et distinc-
:
qui sont autant d'états primitifs de conscience; en-
tes,
suite
de perceptions associées,
liées
ensemble, d'après
com-
^'Tlaines lois, et qui forment nos idées les plus
exes. Cette association
deux origines:
d'ailleurs a
— tantôt des relations naturelles,
inhérentes aux idées
slles-mêmes, unissent entre eux les éléments primitifs
de
la
connaissance, et produisent les seules
mations dont
Hume
reconnaisse
étudierons dans un chapitre à part (1); lois
d'une association fortuite et
riiabitude, viennent déterminer d'idées, et
donnent
—
affir-
nous
la certitude;
les
tantôt les
artificielle, les lois
de
de nouvelles liaisons
lieu à des opinions
ou croyances
qui s'étagent à lous les degrés de la probabilité.
Ainsi
des
impressions
transformations nirs,
successives
,
qui
Chap.
par
deviennent des
des images, des conceptions abstraites
^ociations
(l)
primitives
des
souve;
qui résultent ou d'une intuition
III, Des vérités cer laines et de la démonstration.
et
des
immé-
— diate, ou
96
—
des effets de l'habitude,
leur simplicité, les théories de
telles
Hume
sont, daas
sur l'origine de
nos connaissances. Simplicité séduisante, au premier
coup
de
l'esprit;
plicité
matériaux nécessaires à
mais,
si l'on
En
les plus
ses et compliquées rintelligence
les
ingénieux auxquels
rendre compte de
nous sera
facile
la
diminué
le
opérations nécessaires pour
minimes ressources,
si
puisse se développer autant qu'elle artifices
et
constitutifs, plus sont laborieu-
avec de
,
formation
grandes complit.
plus est restreint
effet,
nombre des éléments
la
y regarde de plus près, sim-
trompeuse, qui cache
cations.
que
nombre de principes auxquels
d'œil, par le petit
elle réduit les
Hume
le
fait.
Dans
les
a recours pour se
production de nos pensées
de reconnaître l'imagination déliée
subtile d'un philosophe de talent, qui dépense bea
coup
d'esprit
pour
sortir à
prise dans laquelle
il
il
,
]
i
son honneur d'une entrqg
sest témérairement engagé
mais nous n'y retrouverons pas
la
démarche
franc'
et aisée de cette puissance créatrice qui agit toujo
par les voies les plus simples et les plus naturelles.
I
Arrêtons-nous d'abord
Hume,
selon
les
à
éléments de
considérer la
quels son!
connaissance.
Non
verrons ensuite comment l'association des idées inter vient pour former avec ces éléments les idées gêné raies
,
et déterminer les opérations les plus
quées de
l'esprit.
compli
—
Toutes les perceptions de
«
Hume, »
—
97
((
humain
l'esprit
et les idées (1). » Ces
mots un peu arbitraires ont
besoin d'être éclaircis. Les impressions les
» dit
,
se réduisent à ce que j'appelle les impressions
phénomènes que dans
le
ce sont
,
langage de
tous
psycholo-
la
gie française nous appellerions des sensations et des
perceptions (2).
Hume
entend par
là,
en
aussi
effet,
bien les passions, les émotions sensibles que les
Sous ce nom,
intellectuels. «
passions
je
sensations
))
leur première apparition dans
idées,
il
,
appelle ainsi
»
pressions
))
pensée et dans
reasoning)
,
,
«
,
font
Quant aux
»
affaiblies
des im-
présentent dans
se
en d'autres termes
:
Fâme.
raisonnement
le
lorsqu'elles
,
images
les
qu'elles
telles
comprends toutes nos
émotions
»
faits
(m
thinking
and
souvenirs et
les
»
les
la
représentations de l'imagination.
Que c'est là
tout se réduit
aux impressions
Hume comme le
un premier point que
peine de démontrer sa philosophie.
prendre qu
il
Il
c'est
:
insiste
y a entre
»
homme
»
autrement que celui qui ne passion. Si vous
(1)
OEuvres phil., tome
(2)
A
vrai dire
pression, qui
de
,
me
Hume
I,
idées, la
postulat de toute faire
com-
impressions et les idées
les
pris d'un accès
aux
ne prend pas
seulement pour
une différence marquée de force
))
et
et
de vivacité.
de colère fait
«
Un
est affecté bien
que penser à
cette
parlez d'une personne trans-
p. 15;
tome IV, Essai U,
p. 16.
n'a pas le droit d'employer le
suppose un objet; car
Hume
mot im-
n'admet pas l'existence
l'objet.
7
— vos paroles,
me
expriment
» qu'elles »
et je
avec
cette idée
» produiraient
sens de
le
une idée juste de Tétaip
fais
mais je ne confondrai jamais
:
le
dans
—
comprends aisément
» portée d'amour, je »
98
désordre et l'agitation qui
mon âme,
si
» vais réellement ce sentiment.
moi-même
se
j'éprou-
Lorsque nous
réflé-
» chissons sur nos émotions passées, notre pensée est »
comme un
» exactitude
miroir fidèle qui reflète ces objets avec ;
mais
»
les
couleurs qu'elle emploie sont
en comparaison de
» éteintes et pâles,
mot
» le
impression je
désignerai donc toutes
» perceptions les plus vives, »
dont
celles
nos perceptions primitives étaient revêtues... Par
» sir,
de
de
celles
vue, du toucher, de l'amour, de
la
l'ouïe,
nos
de
la
haine, du dé-
volonté. Et je distingue de ces impres-
la
moins
))
sions les idées^ qui sont nos perceptions les
»
vives, celles dont nous prenons conscience, lorsque
»
nous réfléchissons après coup sur quelqu'une des
ou
» sensations »
quer
(1).
des émotions que je viens d'indi-
»
Le second principe de Hume,
c'est
que toute idée
dérive nécessairement d'une impression antérieure. «
Tous
les
matériaux de
» notre sensibilité » idées ))
,
la
pensée sont pris dans
extérieure ou interne;...
c'est-à-dire
les
perceptions
plus
et
les
faibles
sont toutes des copies de nos impressions, c'est-à-
» dire
(1)
de nos perceptions
Tome
IV, Essai
(2) Jbid, p. 17.
U
,
p. 16.
les plus vives (%).
»
La
—
—
99
conséquence de ce principe,
comme creux d'une
idée
c'est
etjsans valeur tout
à
faut rejeter
qu'il
mot qui
ne correspond
laquelle
est le signe
aucune im-
pression.
Le point de départ de sensation et la
la
sensibilité
réflexion
,
qu'acceptent, en
formes diverses
,
les
:
la
fiant
» été ))
:
«
Toutes les
de Locke;
c'est celle
sensualistes de tous les
légèrement. Voici
comment M.
fois
en
temps.
la
modi-
Stuart Mill s'ex-
qu'un état de conscience a
déterminé par une cause quelconque
de conscience ressemblant au premier
» tensité
n'est
renouvelant sous des
L'école anglaise contemporaine l'adopte
prime
Hume
La théorie de
intérieure.
la
on entend par réflexion
si
pas nouvelle par conséquent c'est celle
donc
l'intelligence, c'est
,
,
un
état
mais d'in-
moindre, peut se reproduire sous
la
pré-
»
sence d'une cause semblable à celle qui l'avait pro-
»
duit
))
chaque impression mentale a son idée
d'abord...
On énonce
plus catégorique, disait ^)
:
«
dérive d'une impression.
cette
en disant (i). »
:
Hume,
n'y a pas d'idée qui
Il
»
loi
ne
Mais, au fond, les deux
philosophes ne diffèrent que dans l'expression de leur pensée. M. Stuart Mill agit
ici
avec
la
circonspection
qu'exige la méthode expérimentale, et qui n'est pas
dans
les
pense,
habitudes de
Hume; mais, en
comme Hume lui-même, que
définitive,
il
ces états secon-
daires de l'esprit, qu'on appelle des idées, sont tous excités par des impressions
(1)
M. Stuart
Mill, Logique,
ou par d'autres idées qui
tome
II, p.
437.
—
—
100
elles-mêmes, en dernière analyse, remontent dans à des impressions primitives
leur origine sorte
que l'hypothèse d'un
:
théorie de
deux
sées en les
importantes
:
les
trame
complètent
Hume. Les impressions peuvent classes
la
inutile et chimérique.
de nos connaissances, devient distinctions
telle
esprit actif, introduisant
par lui-même de nouveaux éléments dans
D'autres
de
la
être divi-
impressions de sensation
;
impressions de réflexion. « Les premières se prooriginellement dans l'âme et résultent de
))
duisent
»
causes inconnues. Les autres dérivent en grande
de nos idées,
» partie »
façon suivante.
la
Une impression frappe d'abord nos sens
» fait ))
de
et cela
percevoir
soif,
chaud ou
le
le plaisir
ou
le froid
peine.
la
De
,
la
nous
et
faim ou
la
impression
cette
garde, pour ainsi dire, une copie, qui per-
» l'esprit
» siste après
que l'impression a disparu
:
c'est ce
que
»
nous appelons une idée. Cette idée de
»
peine, lorsqu'elle reparaît dans l'esprit, produit des
»
impressions nouvelles de désir ou d'aversion, d'es-
»
pérance ou de crainte
»
proprement des impressions de réflexion, puisque
» c'est la réflexion
,
))
,
et
ou de
que nous pouvons appeler
qui les produit. Ces impressions
» sont à leur tour copiées » nation
plaisir
par
la
mémoire
et l'imagi-
deviennent des idées, qui peut-être en-
gendreront elles-mêmes d'autres
» d'autres idées;
de
telle sorte
que
les
impressions
et
impressions de
précèdent leurs idées correspon-
*)
réflexion,
))
dantes
))
sions de sensation d'où elles dérivent. L'étude de
,
si elles
sont cependant postérieures aux impres-
—
—
lOl
ces sensations appartient
aux anatomistes
et à l'ob-
servateur naturaliste plutôt qu'au philosophe
;
aussi
ne nous en occuperons-nous pas. Quant aux impres-
de réflexion,
passions, les désirs, les
les
))
sions
»
émotions
»
comme
)->
est nécessaire de renverser
))
pu paraître d'abord
»
en premier lieu
méritent
elles
,
attention
;
plus naturelle
la
,
il
méthode qui aurait
la
et d'étudier
,
les idées (1). »
Hume, deux manières
d'avoir des
tantôt, lorsque l'impression reparaît, elle
:
mais
dérivent le plus souvent des idées
elles
y a, d après
Il
idées
notre
garde
encore un degré considérable de sa vivacité primitive
;
tantôt
elle est
a perdu entièrement sa vivacité
elle
,
devenue une
idée parfaite
(a
perfect idea).
mémoire; dans
le
premier cas, nous avons
le
second, à Yimagination. Ces deux facultés
emploie
mot sans
le
affaire à la
:
Dans
(Hume
croire à la chose) diffèrent encore
en ce que l'imagination n'est pas astreinte à repro-
même
duire les impressions primitives dans le
sous
et
est ))
la
même
;
la
mémoire , au contraire
rigoureusement soumise à cette
tère principal
de
» server les idées »
forme
la
mémoire
loi.
entendu, pouvoir
et
I,
de con-
simples que de maintenir leur ordre
au premier abord
illimité
Tome
Le carac-
un tout au-
peut inventer ce qui n'a jamais été vu ni
pas cependant
(1)
«
n'est pas tant
et leur situation. » L'imagination remplit
tre rôle: elle
ordre
:
elle
semble jouir d'un
de conception. Qu'on ne ce pouvoir se réduit
Traité, p. 22.
«
s'y
trompe
à associer, à
— » transposer, à
—
102
augmenter, à diminuer
les
matériaux
» fournis par les sens et par l'expérience (1). »
A
de l'imagination se rattache
cette théorie
deux catégories
tinction capitale des idées en
idées complexes.
idées simples et les
impressions,
Hume
dit
le
la dis-
n'y a pas
Il
:
les
deux
formellement, qui soient
simples, qui soient absolument indivisibles. Les idées
qui leur correspondent seront par conséquent complexes elles-mêmes. Mais Timagination, usant de son
pouvoir, distinguera, séparera idées.
((
Partout
» entre les idées
oii ,
les
une différence
l'imagination saisit
elle n'a
pas de peine à opérer une
séparation (â). » Principe important
))
éléments de ces
— quoique Hume
le jette,
pour ainsi dire, négligemment
à
d'un chapitre
la fin
— car
ment que nous ayons rencontré dans la
et
en passant,
est le seul éclaircisse-
il
ses
œuvres sur
formation des idées abstraites. D'un autre côté,
l'imagination possède la faculté d'associer, d'unir les
idées de manière à former des notions
plexes encore
;
et c'est à ce
plus
com-
nouvel emploi de l'ima-
gination que sont dues les idées générales et les idées universelles.
Dans ce
chement entre
travail
les idées,
guidée par quelques
vent régulariser
la
lois
de liaison, de rappro-
l'imagination est d'ailleurs
constantes qui seules peu-
marche d'une
faculté aussi capri-
cieuse, et qui sont précisément les lois de l'association des idées. Ce
(1)
12)
que sont ces
Tome IV, Essai II, Tome I, Traité, p.
p. 17.
25.
lois et
comment
elles
—
103
—
gouvernent en général notre esprit^ restera à exposer, pour achever
Hume
de
la théorie
qui nous
c'est ce
de
faire
connaître
sur les opérations essentielles de
Fintelligence.
Mais avant d'en arriver là, reprenons, pour
mieux comprendre, La
les
premières réflexions de
résume toutes
plus grave, celle qui
c'est
que
les
les
Hume. autres,
idées, quelles qu'elles soient, corres-
les
pondent toujours à des impressions primitives. Pour
Hume
établir ce principe.
raisons. fait.
La première
Hume
n'est
ne
fait
que deux
valoir
guère que l'affirmation du
adversaires Voîîus probandi,
laisse à ses
qui n'admettent pas que toute
((
Ceux,
))
idée est copiée sur une impression semblable n'ont
))
qu'un
))
idées qui
»
dit-il,
moyen de me ,
si
c'est
:
Ce
sera alors
,
de produire des
ne dérivent pas de
pour nous une nécessité,
nous voulons maintenir notre doctrine, de
ou
» l'impression ))
réfuter
dans leur opinion
» cette source. j)
«
la
perception vive qui correspond à
cette idée(1). » Or, les adversaires
que
ne font guère, dans leurs ouvrages, que
ou
à raison
,
citer
Hume
défie
citer, à tort
des idées et des principes auxquels
ils
attribuent précisément ce caractère d'être supérieurs
à l'expérience,
et
de ne pas dériver de
La logique exigerait, ce semble quelque attention à ces
,
que
la sensation.
Hume
eût prêté
listes
de catégories, de no-
que
l'école rationaliste s'est
tions premières et innées,
toujours complu à dresser. C'est vraiment une exécu-
(l)
Tome
IV, Essai
II,
p. 18.
—
—
sommaire, que
tion par trop
Hume,
104
procédé par lequel
le
examen,
sans le moindre
rentrer ces no-
fait
tions fondamentales dans la catégorie des idées déri-
vées, calquées sur des impressions ou combinées par
Le croirait-on
l'imagination.
tendu expérimental,
une seule expérience
n'y a pas
il
directe, pour établir
dans ce système pré-
,
que
les
conceptions de
la raison
peuvent être ramenées à des sensations primitives 1
De
toutes les notions rationnelles, l'idée de Dieu est la
seule que
gnes
,
veuille bien rappeler; et en trois
prétend en faire justice
il
blement l'air
Hume
les difficultés qu'elle
de se douter de
emploie lui-même »
«
sans aborder vérita-
soulève, et sans avoir
portée des expressions qu'il
la
L'idée de Dieu, c'est-à-dire d'un
Dieu infiniment intelligent, sage
» ce
et
bon, dérive de
que nous réfléchissons sur les opérations de notre
» propre espri ))
:
,
li-
mitées ces
t
,
et
de
ce
que nous concevons comme
qualités de sagesse
de bonté
prenne dans l'âme humaine
Que
la raison
pour
ainsi dire,
buts moraux de
et
avec laquelle
elle
la divinité, c'est
liste
s'empressera d'accorder à
que
la
illi-
(1). »
l'étoffe,
façonne les
attri-
ce que tout spiritua-
Hume
;
mais
la
forme
raison donne à ces qualités, l'infinité qu'elle
leur confère, et que lui-même ne leur dispute pas, cil
donc
qui
est l'impression
ou l'ensemble d'impressions
de modèle
ces conceptions métaphysi-
sert
ques? Ne
faut-il
à
pas reconnaître qu'elles expriment
une tendance innée de notre
(1)
T. IV, p. 18.
esprit, qui reçoit sans
— doute de l'expérience
matière de ses pensées
la
qui donne de lui-même
fonds, encore plus qu'il il
—
105
,
fournit
et
de son
n'a reçu, par
la
mais
,
propre
forme dont
revêt ces éléments empiriques ?
Hume
Le second argument de
voudrait être une
contre-épreuve du premier. Après avoir affirmé, sans le
prouver, que les idées ressemblent toutes à des im-
pressions antérieures,
successeurs appellent
Hume, la
joignant à ce que ses
méthode de concordance
vérification nouvelle qui constitue
Hume
rence ,
une
la
,
ce défaut tient à une lacune corres-
pondante dans nos impressions primitives.
Hume
moins.
Un aveugle ne
un sourd imaginer
manquent
infortunés les sens qui leur
cite
Rendez à ces :
en ouvrant
vous créez pour
chacun d'eux une nouvelle source d'idées.
même
du
et
saurait concevoir
le son.
cette nouvelle source d'impressions,
de
Ici,
développe un peu sa pensée,
quelques exemples. la couleur, ni
si le
diffé-
manque
déclare que dans tout esprit où
série d'idées
cette
-^
méthode de
sens
Il
en est
quoique normalement organisé
,
n'a jamais rencontré Tobjet propre à exciter telle telle
sensation
:
du goût
l'idée
du
d'exemples aussi
dans
les
un nègre, un Lapon,
ainsi
vin.
Et
de
frappants
impressions morales
ressenti certaines passions,
incapable,
la
même
quoiqu'il
,
si
n'y
ou
n'a pas ait
pas
semblables lacunes
une âme
si elle
n'a jamais
en est tout à
observation s'applique
monde nouveau des Un homme de mœurs douces
fait
encore
avec quelque justesse à ce
senti-
ments
n'aura
intérieurs.
pas l'idée de
la
cruauté ni d'un ressentiment implaca-
— ble.
Un
l'amitié
ne comprendra pas
égoïste ,
ni les
—
106
douceurs de
la générosité.
Observations très-justes en un sens, cette vivacité d'esprit,
sublime de
le
s'il
s'agit
de
de cette finesse de cœur, qui
seules peuvent saisir toutes les nuances d'une pensée, toutes les délicatesses d'un sentiment!
L'expérience
personnelle est nécessaire
pour donner à certains
mots, qui sont sur
de tous, cette valeur ex-
les lèvres
pressive, cette signification secrète, qu'ils
ne possè-
dent que pour un petit nombre d'âmes. Avant qu'un sentiment se développe en nous,
en faisons
est
vague
l'idée
que nous nous
et incertaine; la réalité seule re-
nouvelle dans leur fraîcheur première ces notions traditionnelles. Mais autre chose est se représenter avec force,
avec toute
la
puissance de l'imagination, une
émotion du cœur, autre chose
est
en avoir
l'idée.
La
conception d'un sentiment, que nous n'éprouvons pas,
que nous n'avons pas éprouvé. Hume nous
la refu-
sera-t-il? Réduisez autant
que vous voudrez son mi-
nimum de
l'idée
représentation
nous n'avons pas
fait
moins dans notre
esprit.
Hume,
il
,
l'expérience
est vrai, pourrait
avons observé chez
nous-mêmes,
les
de ce sentiment dont n'en existe
pas
nous répondre que nous
les autres, sinon
expérimenté en
émotions dont nous avons quelque
idée. Telle est, en effet, l'origine des notions confu-
ses et obscures que
nous
nous n'avons pas
l'épreuve personnelle. Nous l'ac-
fait
laisse tout
cordons volontiers à Hume, qui la peine
sentiment dont
d'ailleurs n'a pas pris
de pousser l'analyse jusque-là. Mais ce qui
— t
vrai de
.>es,
107
—
nos sentiments, et de
de toutes
Fest-il aussi
iiumaine ? Les
faits
rapportés par
produit
,
et
la
plupart de nos
formes de
les
pas une conclusion aussi absolue. passe singulièrement
la
Hume
ne
pensée
justifient
Son affirmation dédes exemples
portée
Les conditions que
Hume
qu'il
monde de
qui sont tous empruntés au
l'expérience.
la
impose avec
raison aux conceptions qui ont leurs racines dans les faits, faut-il
les
étendre aussi aux idées qui passent
généralement pour se développer à priori possible, mais
Hume
?
Cela est
ne prouve aucunement que cela
y a là tout au moins un défaut de méthode à signaler. La démonstration notoirement insuffisante soit.
du
Il
Traité de la Nature humaine n'est
nous
détourner de considérer
pas
l'esprit
faite
pour
comme une
puissance active et indépendante, qui non-seulement
soumet l'expérience à ses
lois,
mais qui encore est
capable de s'élever par elle-même plus haut et plus loin Si
que l'expérience.
Hume
s'était
contenté de dire que pour nous
représenter un objet
dans
les
choses
nous avons besoin de trouver
sensibles
un point d'appui ou
symbole, nous pourrions être d'accord avec
nous paraît
être,
en effet,
la loi
de
l'esprit
que nous sommes incapables de penser, concevons en
même
si
lui.
un
Telle
humain, nous ne
temps, ou une représentation
Imaginative (souvenir d'impression morale, ou image sensible),
ou tout au moins un mot, un signe con-
venu qui tombe sous nos sens ou frappe notre imagination.
—
108
—
Ce dernier point ^ l'intervention du d'ailleurs trop négligé par
Hume.
C'est
signe, a été
une des gran-
des lacunes de sa psychologie que l'omission de toute
étude sur prit qu'un
le
langage. S'obstinant à ne voir dans
ensemble
de phénomènes,
l'es-
il
n'a cher-
de notre pensée avec
le
cerveau,
ni les liens qui l'unissent avec les signes.
Il
a dédai-
ché
ni les rapports
isolé
gné de marcher dans des voies que Locke ley lui avaient cependant ouvertes
engagé avec une imprudence qui
et
où Condillac
;
l'a
mené
foule d'observations utiles.
Il
ou sensible
fait
recueillir
nous semble, quant
à nous, que lorsque l'image, lorsque ral
s'est
trop loin,
mais où une sage psychologie trouverait à
une
Berke-
souvenir mo-
le
entièrement défaut, un mot est
indispensable pour que notre pensée abstraite se dé-
veloppe. Par exemple, je ne puis penser Vinfini sans
que
présentent à
mon
infini
esprit, soit sur le papier
est
il
Si
le
ne se présente pas lui-même, ce seront, du
moins, d'autres signes équivalents fait.
où
une vague apparition mentale.
écrit, soit par
mot
dont ce mot se compose se re-
les trois syllabes
Que chacun
Dieu,
:
s'interroge sur ce point
fermement que tout
effort
:
l'être
par-
nous croyons
de pensée abstraite
,
si
haut
qu'il place
tion
nécessaire d'une représentation sensible, quelle
son objet, est soumis à cette condi-
qu'elle soit d'ailleurs
;
et
que notre
esprit,
pour ainsi
dire, ne peut prendre son vol dans les régions méta-
physiques qu'en restant par une partie de lui-même
appuyé sur
les réalités
empiriques.
Mais autre chose est considérer
la
présence de ces
—
109
—
représentations sensibles (lobjet lui-même, ou le
qui en est le substitut),
comme une des conditions de comme le fait Hume,
la
pensée; autre chose soutenir,
qu
elles constituent à elles seules tous les
Pour nous,
la pensée.
s'aide,
intellectuels,
ne sau-
sans doute, des images, des souve-
mais qui reste distincte de ces conditions
nirs, des mots,
seule représentation matérielle de
mot
sible, c'est le
infini
sation, ni impression
exemple,
Par
supérieure.
leur est
et
sensibles,
en
une puissance interne de pen-
raient s'expliquer sans ser, qui
éléments de
premières, et
les notions
phénomènes
général tous les
mot
qui soit pos-
l'infini
lui-même.
Ici
il
la
n'y a ni sen-
d'aucune sorte, qui nous aide à
concevoir, en tant qu'il est infini,
l'être
que désigne
y a en dehors du mot qui se présente à l'imagination, un acte intellectuel par lequel nous
ce mot. Mais
il
interprétons ce
mot
et
concevons à son occasion
l'at-
tribut divin qu'il exprime.
A quoi Hume
bon
insister d'ailleurs sur
une question que
a éludée et non résolue? Ces notions que Kant
rattache à la constitution native de l'esprit, que d'autres philosophes considèrent
comme
rectes d'essences suprasensibles
admises dans un système où l'esprit est
clamée
rigoureusement niée,
comme
Les idées a
,
les intuitions di-
ne pouvaient être
l'activité
propre
de
et la sensation pro-
l'unique source de nos connaissances.
priori, si elles existent réellement, seraient,
dans l'ordre spéculatif, ce que nos volontés semblent être dans l'ordre pratique
:
des actes absolument
ir-
réductibles de l'esprit, qui surgiraient spontanément
— dans
de nos phénomènes de conscience,
la série
dépendants de tout ce qui
Hume
que
—
110
les
précède.
Il
ne peut leur donner place ni parmi
impressions primitives, qui sont toutes a
parmi
ni
les idées qui
in-
est évident les
posteriori,
dérivent directement des im-
pressions.
dans cette question, toujours controversée
Si
toujours obscure, de la
Hume
priori,
raison et des conceptions a
a évité de s'expliquer,
de
la
n'est
il
guère plus
veut rendre compte
satisfaisant ni plus clair, lorsqu'il
il
et
formation des idées abstraites. Ici, cependant,
pouvait, en un sens, justifier et maintenir son prin-
cipe
que
:
idées résultent des impressions. C'est
les
l'expérience en effet qui fournit la matière avec laquelle l'esprit
encore parer
faut-il
les
notions abstraites. Mais
fabrique les
que
l'esprit existe; qu'il
tuelle seule est capable.
dont une force
Or,
ainsi. L'idée abstraite n'est
nue souvenir
;
Hume
pour
primitive, affaiblie, amincie,
compter
pour sé-
ait
éléments des impressions primitives,
travail intérieur d'attention,
tant de
y
si
morceaux
que
et
de
là
sensation
la
je puis dire,
deve-
d'elle-même en au-
de parties. Sans
qu'elle contenait
qu'il résulterait
seraient vagues,
ne l'entend pas
lui
et enfin se divisant
un
intellec-
que
les idées abstraites
dépourvues de toute vivacité (ce
qui est contraire à l'expérience et ce qu'un
mathéma-
ticien n'admettrait jamais),
il
est impossible
prendre comment
si
délicat
ce travail
qui néglige certaines qualités des
de com-
de l'abstraction,
choses,
pour ne
mettre en lumière que celles qu'il importe d'étudier,
m—
—
pourrait s'accomplir mécaniquement, sans le concours
d'une raison active. Cette nécessité d'une activité rai-
sonnable est
si
évidente qu'elle s'impose à
lorsque, se démentant jusqu'à
même;
lui-même,
un
invoque pour expliquer
il
traites, rinfluence
Hume
lui-
certain point
abs-
les idées
de l'imagination, qui,
comme nous
peut opérer une séparation partout
lavons déjà
dit
où
une différence. N'est-ce pas reconnaître,
elle saisit
,
après lavoir niée, l'existence des facultés et des pouvoirs de l'esprit?
Comment je
d'ailleurs, si l'esprit n'agit pas,
ne dis pas seulement l'abstraction, ou
de
mais aussi ces impressions primitives^ dont
la raison,
Hume
expliquer
les idées
nous
dit qu'il n'y
complexes? Or,
comment
se
si
en a pas deux qui ne soient
elles sont
complexes en
quelles apparaissent
fait-il
réalité,
comme
sim-
ples? Cette simplicité apparente n'exige-t-elle pas déjà l'intervention d'un esprit réelle des la
éléments de
qui
soumette
la
diversité
l'objet à l'unité subjective
de
perception?
Hume n'a pas
ne
s'est
pas préoccupé de ces difficultés.
H
songé à rendre compte de l'origine de ces
impressions primitives qu'il considère
comme
le
point
de départ de toute connaissance. Elles existent par
une sorte de création miraculeuse: voilà tout ce en
sait. C'est là,
vice fondamental
même ,
que
qu'il
au point de vue logique, un les
empiriques 'modernes ont
en général tenu à éviter. L'école contemporaine anglaise, si elle
n'admet pas plus que
originelles, s'efforce
Hume
des facultés
au moins de chercher,
soit
dans
—
112
1
—
rorganisation du cerveau, soit dans l'hérédité, dans les impressions
ces,
accumulées des individus
et des
ra-
dans ce que M. Spencer appelle ïévolutiouy des
raisons qui puissent expliquer la production des phé-
nomènes Si
de
primitifs
Hume
grand
effort
conscience.
même
n'a pas
tions élémentaires
la
^e
tenté d'expliquer les percep-
l'esprit,
a
il
du moins un
fait
pour déterminer l'origine des idées déri-
vées, c'est-à-dire des idées générales; origine dont les lois
de l'association des idées contiennent, d'après
lui, le secret.
Nous touchons
ici
à un des points les
plus importants de la philosophie de
Hume
mais
;
avant d'exposer ses propres idées sur ce sujet, quel-
ques explications générales sont nécessaires pour
comprendre dans
le rôle
l'histoire
de
la
que sa théorie
est appelée à
faire
jouer
psychologie.
II
Une des
plus grosses difficultés que soulève le sen-
sualisme, particulièrement celui de Condillac, l'impossibilité
de transformation, qui d'un élément unique, sation, et
de
fait sortir
la
tiplient
cipe.
tous les
série
de
la
sen-
pensée est alors
de miracles qui renouvellent
sous toutes les formes un seul et
Hume
la
phénomènes du sentiment
pensée. L'histoire
comme une
c'est
de comprendre ce merveilleux pouvoir
et les sensualistes anglais,
et
même
mulprin-
qui se sont
condamnés, eux aussi, à prouver que quelques impressions primitives suffisent à la génération de tou-
tes
nos idées
j
113 -.
du moins
ôiît
suivi
une méthode plus
ingénieuse et en apparence plus satisfaisante. Ce n'est poiht par d'inexplicables métamorphoses de la sensa-
compte de nos pensées
tion qu'ils rendent
sociation des idées
c'est
,
au mélange ou à
nombre d'éléments
naison d'un certain
l'explication
à Dîeti.
se passer
de l'âme
et
de
du monde, quand on écarte
Deux
:
ils
ses faeui-
comme de la
croyance
ce sont précisément celles qu'avaierit
premiers
philosophes
grecs,
se représentaient le monde,' tantôt
comme
rencontrées
quand
in-
solutions seulement s'offrent au choix
des philosophes déjà
combi-
priiuitifs qu'tte
en est de l'explication de l'esprit
il
l'as-
ou sensibles.
Quand on veut tés,
la
à
phénomènes
attribuent la production de tous les tellectuels
c'est
;
les
varié d'un élément unique , qui, dans sesévo-
l'effet
Wiotis perperttielles
comme
tà'tjtôt
,
se prête à toutes les formes;
l'assemblage complexe d'une multitude
de principes qui, s'associant entre eux de mille manières, réalisent l'infinie variété des choses. C'est
même dans
façon
que
l'es
l'esprit tantôt les
sensation
,
sensualistes
de
M:
modernes voient
transformations multiples de la
tantôt les associations diverses
de quelques
impressions élémentaires. L'école anglaise contemporaine s'est ralliée à cette
dernière hypothèse. L'association est devenue pour elle
comme un mot magique
tères
du cœur
tes, les
et
de
l'esprit.
qui éclaire tous les mys-
Les idées
les plus
hau-
conceptions les plus générales, que l'école ra-
tionaliste
considère
comme données
a priori , 8
l'école
—
—
114
expérimentale les explique par l'association des idées.
Les substances ne sont plus alors que des groupes de
phénomènes simultanés
,
associés par l'habitude. Les i
causes et les effets ne sont pas autre chose que des successions invariables de phénomènes, associés en-
core par l'habitude. Et de
même,
les
sentiments les
plus élevés ne sont probablement que des associations d'idées et de sentiments plus simples; mais
expérimentale hésite encore, et malgré récentes de M. Bain sur les émotions
,
ici l'école
les
analyses
elle n'est
pas
arrivée sur ce point à se satisfaire elle-même (i). Il
serait à
Hume
,
faire
remonter à
l'honneur d'avoir provoqué, par ses ré-
seul
flexions
coup sûr exagéré de
les
analyses ingénieuses ou profondes où se
complaît de notre temps la psychologie anglaise. La
comme la faculté humain ou plutôt comme la loi
théorie de l'association, considérée
maîtresse de l'esprit
,
unique des phénomènes de l'âme, ne en un jour. Elle a son histoire;
En
diverses vicissitudes.
son livre sur dérait
les
18210,
progrès de
comme abandonnée,
la
et
s'est
pas fondée
elle est
passée par
Dugald Stewart, dans philosophie, la consi-
en proclamait
« Cette théorie, » disait-il, « est à ))
dans
» joui
l'oubli;
est certain, » dit
logues de
» tioii les
»
chute
:
peu près tombée
éphémère dont
elle
a
en Angleterre a cessé, en grande partie, de
(l) « Il
»
la popularité
la
l'associai ion,
phénomènes de
de succès,
n
M.
Mill, «
que
les- efforts
des psycho-
ayant pour but d'expliquer par l'associala sensibilité, n'oiit
guère été couronnés
Revue des Cours littéraires, sixième année, p. 604.
—
115
—
))
puis la mort de son infatigable apôtre, le docteur
)>
Priestley (1). » Cette théorie, dont
annonçait prématurément
la
Dugald Stewart
ruine, c'est la
même qui,
dès cette époque, prenait, dans les méditations et les écrits
de Thomas Brown
veaux développements,
une école
(2!).
de James Mill, de nou-
et qui devait,
devenir
nées plus tard, toute
et
le
signe
M. Stuart
C'est Hartley qu'il est d'usage,
sidérer
comme
le
amis accep-
Mill et ses
nom nouveau
tent volontiers le
quelques an-
de ralliement de
d'Associationnistes.
en Angleterre, de con-
fondateur de la théorie de l'associa-
tion des idées. Et, à vrai dire, cette théorie lui doit
beaucoup. C'est tinction,
qui a imaginé l'ingénieuse dis-
lui
sans cesse reproduite par M. Stuart Mill,
entre ces associations d'idées, qui ne sont que des mélanges, et ces associations plus intimes, qui
deviennent
de véritables combinaisons, analogues aux combinaisons chimiques. Tantôt l'idée complexe, l'idée d'une rose
,
par exemple
avec un
,
est telle qu'on peut
y retrouver,
peu de réflexion, tous les éléments primitifs
qui la composent
:
certaines idées simples de forme,
de couleur, de parfum; de
poudre bleue
et
même
qu'en mêlant une
une poudre jaune , on obtient une
masse qui, à distance, paraît verte, mais dans
la-
quelle on distingue de près les grains bleus et
les
(1)
Le docteur Priestley avait publié, en 1790, une seconde du livre de Hartley :« r/ieor of the human Mind on the
dition ))
principle of ths association of ideas. » (2)
Brown, Esquisses de la 'physiologie de James Mill, Analyse de l'Esprit humain,
Tiiooias
uain, 1820.
Esprit hu-
l*
1829.
— grains jaunes
:
-
116
jusque-là nous ne dépassons pas les
idées de Locke. Tantôt , au contraire ples s'unissent
si
reconnaître dans est
formée; de
intimement,
qu'il est
complexe
l'idée
même que
idées sim-
les
,
impossible de
éléments dont
les
elle
comme
dans un composé,
on ne saurait démêler Thydrogènede l'oxygène.
l'eau,
vue pénétrante
Piar cette
et
par d'autres théories en-
core, Hartley mérite sans doute d'être placé au pre-
mier rang parmi Mais
arec
Hume doit partager Comme Hartley,
lui.
de» idées pour expliquer
rbumanité, de
et,
de plus,
ne publia ses
Hume
»^
tout au
moins cet honneur
il
s'est servi
les principales il
croyances de
avant
l'a fait
1737
de
Le
lui. ,
traité
Hartley
et
Fhomme
Observations sur
«
de l'association
qu'en
»
(â). s'est
rendu à lui-même ce témoignage,
premier qui
est le les
nouvelle école (1).
Nature humaine date
la
1749
de
la
les chefs
ail
phénomènes de
ne connais
qu'il
étudié avec quelque attention
des idées
Tassociation
pas de philosophe qui
ait
:
«
Je
entrepris
» d'énumérer et de classer tous les principes d'asson ciation (3).
»
Bobbes, en
effet,
s'était
contenté
d'indiquer quelques-uns des rapports qui, le plus or-
(1)
Yoir, sur la théorie de l'association dans Hartley, une étude
intéressante de (2) Il n'est
Hartley
dans
:
iî
semble ne pa«
les considérations
Hume, on (3)
M. A. Maury, Le Sommeil
et les
pas inutile de remarquer que
le sait, s'est
Essai ni,
le
connaître.
Il
Rêves, p. 467.
Hume
ne
cite
ne Teût pas suivi
physiologiques dont Hartley abuse toujours abstenu.
tome IV,
p. 23.
jamais
d*ailleurs ,
et
dont
—
117
—
dinairement, unissent nos idées
il
;
n'avait point cher-
ché à établir une classification rigoureuse et méthodique de ces rapports. Aristote seul avait déjà donné l'exemple d'un pareil essai. Dans son petit Traité sur la
Mémoire,
que nos souvenirs
affirme en passant
il
ne se rattachent guère manières distinctes
les
uns aux autres que de
« soit
:
par ressemblance^ soit par
différence, soit par proximité (1). » Et
))
loin
de cette
mène
de
classification à celle
il
n'y a pas
Hume,
tous les principes d'association à trois
semblance,
dans
la contiguïté
trois
le
temps
pace, enfin la relation de la cause à
et
qui ra:
la res-
dans
l'effet, la
l'es-
seule
dont Aristote ne parle pas (%).
A le
vrai dire
seulement par complaisance pour
c'est
,
commun que Hume met
sens
principe
:
celui
de causalité. Dans son système,
de cause à
relation
distinguée de
la
à part le troisième la
ne saurait être sérieusement
effet
contiguïté dans le temps et dans l'es-
pace. Lïdée de causalité n'est en effet pour lui qu'une idée dérivée,
fondée sur
De
une
fiction
habituelle de
la liaison
qui se suivent.
sorte
que
de l'imagination,
deux phénomènes
la causalité est plutôt le
de l'association qu'un principe distinct d'as-
résultat
(1)
factice,
Aristote
:
IIspl
{xvt^[i.'/i;
...
àç' Ôjjloéou
,
9i
évavTiou
,
^ toù (Tuvsyyuç.
Tauchnitz, tome YII, p. 123. (2)
Une preuve que Hume n'a
en accorder toutes les parties apparente
,
,
point assez mûri son système pouF c'est la contradiction
,
au moins
qui ressort de sa doctrine sur les trois principes d'as-
sociation et de sa théorie sur les sept relations qui peuvent exister
^ntre les idées. Voir plus loin, chap. III.
— sociation.
Hume
ne
l'ait
pas reconnu formel-
les principes qu'il distingue se réduisent
lement,
à
Quoique
—
118
la contiguïté et
donc
à la ressemblance. Toute l'école anse range
glaise contemporaine
à
son opinion ainsi
interprétée. « Des lois d'association,
première est que
les idées
»
M.
dit
Mill,
semblables tendent à
((
la
»
s'éveiller l'une l'autre
»
pressions fréquemment éprouvées ensemble simul-
))
tanément ou dans une succession immédiate, ten-
»
dent aussi à se
rappeler
M. Bain, dans son
livre sur
seconde , que deux im-
la
;
,
les
Et de
»
(1).
Sens
et
même,
r Intelligence,
consacre deux longs chapitres à l'étude de l'association dans ses
guïté
,
deux
variétés
:
l'association par conti-
ressemblance
l'association par
(21).
La réduc-
tion de tous les principes d'association à deux, tel est
donc
le
mot d'ordre de
l'école tout entière.
guïté dans le temps et dans l'espace voilà les
deux
la contiguïté
réduit, pour des idéalistes
à
la contiguïté
la
ressemblance
chevilles ouvrières de l'esprit humain.
Ajoutons qu'en un sens
la
,
La conti-
dans
le
comme Hume, comme
temps, à
succession. Enfin, le
dans l'espace se
la simultanéité,
mouvement
Mill,
ou à
qui entraîne les
philosophes de l'école expérimentale à ramener au plus petit
nombre
possible les principes de l'associa-
tion est si vif, si accentué
leurs imitateurs,
,
que nous avons vu un de
M. Mervoyer, affirmer que
c'était
encore trop de deux rapports distincts, et ramener
(1) Stiiart Mill,
(2)
Logique,
Voir aussi Spencer.
tome
TI, p.
43
la
—
—
119
contiguïté elle-même à n'être qu'une forme de la res-
semblance
(1).
Nous sommes
on
loin,
le voit,
de
la théorie
de Du-
gald Ste\\art, qui comptait sept ou huit principes, et
qui ne prétendait pas les avoir découverts tous. Nous
sommes
loin aussi
de
de sagesse
l'esprit
Hume comme
qui faisait dire à
,
))
énumération
))
très principes d'association
))
soit
:
complète, et qu'il n'y
qués, c'est ce qu'il serait
de prudence
se fût repenti de
un peu systématique
sa classification
Il
s'il
et
«
Que notre
ait
pas d'au-
que ceux que
difficile
indi-
j'ai
de prouver
(2). »
n'en a pas moins maintenu, dans ses Essais, la doc-
du
trine
Ce
Traité.
n'est pas d'ailleurs
dans
la classification
des prin-
cipes de l'association que consiste l'originalité véritable
de Hume,
dans l'usage
c'est
pour expliquer nos idées
Nous aurons à étudier, en
qu'il fait
de ces principes
aussi
nos croyances.
et
particulier,
pour ramener à une association d'idées
ses tentatives la
croyance au
monde extérieur, la croyance à l'âme elle-même. Pour le moment montrons comment l'association des idées ,
est,
A
d'après lui
ne
pitres
lire,
,
le vrai
dans
ou
les Essais,
que Hume a consacrés directement à
(1)
Mervoyer, Essai sur
(2)
En
encore
principe des idées générales.
le Traité
le
note,
Hume
fait
p. 28.
cha-
l'association
remarquer qu'on pourrait distinguer
quoique, par une analyse subtile,
tome IV,
les
l'association des idées, 1864.
contraste ou la différence
rapport avec ceux de
que
il
la causalité et
comme un
principe spécial
soit possible
de
la
de confondre ce
ressemblance. Essai III,
—
120
~
des idées, on ne se douterait pas
losophes
les
de
signale
Il
les
déduire
de leurs
spnnements trop profonds
))
Essais. » Et ailleurs
))
afin d'exciter la curiosité
»
faire
»
que beaucoup d'opérations de
soupçonner,
si
«
phi-
de
tirer
pas chargé
de ces prin-
nous conduirait à des
effets
cipj3s et
:
s'était
« L'explication
:
»
et trop longs
rai-
pouf ces
Je réunis ces quelques traits,
je
des philosophes, et
leijr
ne puis les en convaincre,
» l'association des idées (1). »
Hume
vaguement aux
comme s'il ne
))
de
fait le res-
lui suffisent
conséquences qu'on pourrait
l'étude de l'association, lui-iïiême
en
Quelques lignes
sort principal de l'esprit.
pour exppser ses vues.
qu'il
l'esprit
dépendent de
La plupart des théories
ne sont cependant que des applications
ri-
goureuses de sa doctrine sur l'association. Mais n'aimait pas, on le sait,
il
ces expositions didactiques
qui, rapprochant les conséquences des principes,
annon-
cent d'avance les résultats auxquels on doit aboutir. Il
conduit son lecteur de surprise en surprise
mène en aveugle jusqu'au bout de
,
et le
ses déductions;
comptant précisément, pour mieux s'emparer de esprit, sur l'ignorance
où
il
le laisse
soi^i
des dangers que
courent ses croyances en compagnie d'un guide aussi
ayentureux. Méthode habile qui, dissimulant des çqqclusions inquiétantes, afin de faire plus sûrement ac-
cepter ses prémisses, ne
démasque
le
but que lors-
nous y a insensiblement conduits Ce ne sont pas les idées de la mémoire, qui, seloa
qu'elle
(1)
Tome
î
IV, Essai TU., p. 29.
—
121
—
lîume, peuvent être soumises aux lois de l'association
mémoire conserve fidèlement
car la
ce sont seulement les concep-
primitives;
Kssions
de rimagination
is
[i{)lis.
:
cest-à-dire
s'évanouit
souvenirs
les
En même temps que diminue
souvenirs,
;
l'ordre des im-
la vivacité
l'enchaînement qui
aussi
maintenait dans un certain ordre, de
telle sorte
des les
que
rimagination ne nous présente que des idées désunies, éparses
coupé
comme
le
fil.
grains d'un collier dont on aurait
les
C'est
précisément parce que l'imagination
dans son action, parce qu'elle ne connaît
est libre
plus ces liaisons inséparables qui s'imposaient encore
mémoire, que
à la
les idées
dont
elle dispose
ont
besoin d'être guidées par quelques principes d'association, et se prêtent à la formation d'idées nouvelles,
en obéissant à certaines
images se
Si les
affinités.
groupent d'une façon à peu près uniforme, pas voir flexion
dans tous sard, le\\x
ce
sachant
comme une
qu'elle
fait.
collection d'idées
les sens,
si elles
ne faut
,
L'imagination
qui
elles
au ha-
lois d'association, qui,
souvent , grâce à
(a gentle force) dont
fait
peu près régularisées dans
posséder ^ur elles un empire absolu le plus
est
s'éparpilleraient
ou se mêleraient tout à
n'étaient à
marche^ par quelques
néanmoins
il
d'une raison véritable, ni d'une ré-
là l'effet
,
les
la force
sont douées.
sans
dominent
modérée
D'où vient
Vautorjté de ces priftçipes de liaison? c'est ce qu'il est
impossible de dire. Tout ce qu'on peut avancer, c'est
que
la
nature désigne, en quelque manière, à chacun
de ces principes,
« celles des idées simples qui sont le
—
122
—
propres à être unies dans des idées corn-
»
plus
))
plexes (1). »
comme dans la mitives Hume écarte Ici,
,
question des impressions pri
recherche des causes et
la
contente de signaler les effets
que
» les idées
«
Les
poui
de l'imagination, de cette connexion
insé-
j'ai
indiqués tiennent lieu
« parable qui les unissait dans la mémoire. ))
une espèce
»
extraordinaires que l'attraction physique.
morale, qui a des
d'attraction
»
sont partout manifestes
))
plus souvent inconnues
»
prises
))
maine,
»
s(
trois principes ,
d'association
))
:
,
parmi ce qualités
que je
n'ai
Il
y a
ic
effets aussi .
.
Ses effets
mais ses causes sont
;
le
et elles doivent être comoriginelles
pas
la
de
la
nature h
prétention
d'éclai
cir (2)... »
Quels sont donc les
effets
C'est grâce à elle, d'abord,
par
le principe
de
de l'association des idées
que l'imagination, guid
la contiguïté
ou
celui
de
la resse
blance, produit la conception de la substance.
ne
fait
guère que généraliser
sées, par Berkeley,
Ici
Hum
les explications esqui
pour rendre compte des substanc
sensibles. L'idée de la substance ne peut passer
d'une
la copie
tions, ni les
impression primitive
émotions ou
sentent ce que
les passions
:
pou
ni les sensa^
ne nous repré
nous appelons une substance.
Cett^
idée n'est qu'une « collection d'idées simples, uniei
par l'imagination.
(1)
Tome
(2) Id.,
»
Cette collection reçoit d'ailleurs u
I, Traité, p. 26.
p. 28.
I
— lom
particulier qui
—
123
nous permet de nous rappeler
ensemble de qualités
qu'il
représente (1).
Les substances ne sont donc que des fictions de l
imagination, déterminées par des mots. L'illusion à
laquelle
nous cédons, quand, derrière ces mots, nous
imaginons des objets réels
et distincts
,
dérive de ce
que nous nous sommes accoutumés à passer, par une succession régulière, de l'une à l'autre des différentes qualités
que nous rapportons à ces
cette habitude
de
la
entités fictives. Et
elle-même résulte de
ressemblance qui
proximité ou
la
relie et associe entre elles ces
diverses qualités.
Ce qui est vrai des idées complexes qui représentent des substances l'est aussi, selon
Hume, de
ces
autres notions composées qui représentent des modes,
en d'autres termes, des idées générales.
c'est-à-dire,
La ressemblance qui blancheur du
lait et
existe, la
par exemple, entre
blancheur de
la
la
neige nous
conduit doucement à unir, à confondre ces deux impressions en une seule, et à former l'idée générale de la
blancheur.
Hume
reconnaît cependant, qu'il y a une différence
entre lïdée de substance et l'idée de
mode. Dans
le
premier cas, nous rapportons l'ensemble des qualités conçues
par l'imagination à quelque chose d'inconnu
(an unknown something), qui est le substratum tes ces qualités s'unissent.
est
(l)
rien
Tome
puisque
,
I,
les
Traité, p. 32.
Dans
le
qualités
second cas, dont
se
oii touil
n'en
compose
— l'idée
d'un
mode
bre d'objets. se la
124 -^
sont dispersées sur
vient cette différence ?
D'oii
que l'imagination ne se
fait-il
un grand nom
Commen
laisse pas glisser sui
pente qui devrait naturellement l'entraîner à
une substance derrière toute
de qualités
"i
que Hume, avec son inexplicable indolence
C'est ce
pour toutes
de nous Quoi
collection
voii
questions d origine, n'a pas pris soin
les
dire. qu'il
en
soit
toute généralisation n'est qu'un
,
travail d'imagination dirigé par les lois
des idées. Une idée générale,
c'est la
de l'association tendance que
rimagination contracte à se représenter successivement. des images qui se ressemblent, ou qui se lient d'autres rapports
et
;
seloi
tendance se caractérisi
cette
par un nom. C'est à peu près ce que pense un auteu français
riques
contemporain, disciple, anglais
:
<(
lui aussi,
des empi
Ce qui se dégage en nous, aprèî
j)
que nous avons vu une série d'objets semblables^
)>
c'est
»
nous pensons une idée générale, qu'une tendance
»
nommer un nom... Ce nom
une tendance
» priété
finale...
Il
n'y a en nous, quant
a pour caractère la pro
d'évoquer en nous les images des individus
» d'une classe,
et
de cette classe seulement
(1)... n
(1) M. Taine, De l'Intelligence, 1" volume. Dans cette question des idées générales Hume reconnaît
inspii^ de Berkeley. «
Un
,
s'êti
grand philosophe a affirmé que
toute!
nos idées générales ne sont pas autre chose que des idées
parti-»
un mot qui leur donne une signification plua qui leur permet de rappeler, à l'occasion, d'autres idées
culiôres, unies à
étendue, et
particulières semblables à elle.
»
Tome
I,
p. 33.
Principes de la Connaissance humaine. Introduction.
Voir Berkeley,
— ne sont pas
Enfin, ce
Hume
;it
alion et
125
—
les idées générales
explique l'origine par
de
Et
dans son système,
lui
il
n'y a
aucune
mettre cette nouvelle conclusion
croyance ne sont pour
plus vives
que
:
l'ima-
jugements,
même
paraissent issus de la
LOS
(a
concours de
le
l'association des idées. Les
croyances
seulement
source.
difficulté à
car le jugement et
Hume que
des impressions
les autres. Or, l'imagination peut,
certains cas, assurer
ad-
dans
aux images, qui en elles-mêmes
ne sont que des impressions affaiblies, ce degré supérieur
de vivacité, nécessaire pour déterminer l'affirma-
tion.
Nous étudierons plus au long
et
en détail
ce
nouvel et ingénieux emploi des principes de l'association
idées ; mais, sans anticiper sur ces théories,
des
nous pouvons dès à présent juger
le rôle
que
Hume
attribue à ces principes dans la formation de nos con*
naissances.
Que Hume
qu'ils l'ont fait, la riche variété
sent nos pensées, si
méconnu, autant
el ses disciples aient
c'est ce
des rapports qui unis-
dont on s'étonnera moins,
considère que les philosophes anglais enten-
l'on
dent l'association des idées tout autrement que nous. C'est
une différence de points de vue Pour
saisir.
n*est
les
qu'une
certain ordre,
l'Imagination,
pensée. t
relies
loi
importe de
psychologues français, l'association qui
les
gouverne, qui range dans un
phénomènes de
la
mémoire
et
de
mais qui ne produit directement aucune
Pour Hume,
de
qu'il
l'esprit
,
elle est
une des
ou du moins,
si
ce
facultés essen-
mot répugne à
des théories positivistes, le principe presqtie unique
— de notre développement
donc ne voir dans rapports qui lient
—
126
un souvenir
une image à une autre image écarte de la
Autre chose
intellectuel.
un autre souvenir,
à
un enchaînement
:
est
qu'un ensemble de
l'association
qui
trame de nos pensées toute conception
qui ne s'y rattacherait pas par un lien ou par un autre
autre chose croire que l'association, en éveillant
;
semblables ou contiguës, les groupe
les idées
nieusement, ou
les unit si
intimement,
si
ingé-
qu'elle nous
prendre ces assemblages d'idées pour des idées
fait
nouvelles. L'association des idées n'est plus alors confinée au
seul
rôle
que nous
lui attribuions
ductrice perpétuelle, qui après tre
une autre sur
une puissance
l'esprit
effective, la source
nos idées générales. Sur ce point
devancé
;
ni
Hobbes
ni
l'association autre chose
d'être
une idée en
scène de
la
,
:
fait
de production
Hume
la loi
par
dévie
elle
n'a
guère été
Aristote n'avaient
que
l'intr
vu dans
ru.qui règle le renou
Tellement de nos souvenirs, ou qui ordonne les tions
fi
de notre imagination. Locke, par sa théorie d
)
idées complexes, et Berkeley, par quelques aperçu
semblent seuls avoir préparé les voies aux doctrines
beaucoup plus hardies de
Dans
Hume
de Hartley.
et
l'étude des principes sur lesquels repose l'as-
sociation,
l'école
expérimentale anglaise
s'est
donc
contentée de rechercher les rapports véritablement
ceux qui
d'après
sont capables
de
produire de nouvelles conceptions. Interrogée sur
les
féconds
,
,
elle
,
rapports quels qu'ils soient qui peuvent lier nos sou-
à
I
— airs
,
je crois qu'elle
la multiplicité.
ter le
c'est
nous en accorderait volontiers
qu'elles ,
augmen-
effet, à
ces relations (on ne
objets de nos idées soit enfin
—
Ce qui contribue, en
nombre de
marqué)
127
pas assez re-
l'a
peuvent exister
soit entre les
soit entre les idées elles
mêmes
entre les mots qui les expriment. L'incohé-
rence des idées n'est souvent qu'une liaison superfientre les mots.
cielle
peut suffire d'une syllabe,
Il
pour jeter notre
d'une lettre quelquefois,
pensée
dans une direction nouvelle. Le mot et l'idée sont si
de
intimement unis dans
servie
langage
au
l'esprit
que
mouvement de
l'un entraîne le
pensée
la
le
mouvement
l'autre;
subit
le
et qu'as-
joug
associations fortuites, qui surviennent entre les
des
sym-
boles matériels qu'elle a créés pour se rendre sensible. Et
objets
de
même
l'association peut exister entre les
mêmes que
cisément
notre esprit conçoit
;
ce sont pré-
les liaisons les plus philosophiques.
Quant
à donner une classification exacte de nos principes d'association entre les mots, les objets et les idées
elles-mêmes,
c'est
ce qu'il serait présomptueux de
tenter. Il
ne faut pas oublier, d'ailleurs
,
que
le
progrès et
l'enchaînement de nos pensées tient à d'autres causes qu'à l'association et à
ses principes. Les puissances
actives de l'esprit, soit par la perception, soit par la
réflexion, interviennent
pensées pour en changer tés intellectuelles,
à chaque instant dans nos le
courant. Le jeu des facul-
des sens et de
du raisonnement sont
la
conscience,
l'effort
les causes principales qui
mo.
—
—
128
difient sans cesse la suite
de nos pensées, et qui
nouvellent constamment, pour ainsi dire, nôtre esprit. Et enfin, jest,
sï l'on
le
re-
décor de
voulait épuiser le
sti*
faudrait aussi tenir compte, pôtir expliquer
il
là
succession de nos idées, de l'influence fnystérieasé
que peuvent exercer sur nos pensées le travail physiologique du cerveau
et les modifications qui s'accomplis-
sent d'instant en iùstant dans sa substance. Tous les
psychologues ont remarqué que, dans nos l'éveriès, des idées tious échappe souvent
lé lien
des ponits invisibles
îl
y a
comme
lesquels passe nôtre imagina-
pâ!r
Ces rapports,
tion.
:
n'apparaissent
qtiî
ni
entre les
idées, ni entre les objets, ni entre les mots, doivenÇ être cherchés dans le travail inconscieiit cultes
,
où dans
Mai^ Ruriie
l'action
sonrde
fte l'eiitend
pas ainsi
idées rétnpîace, à ses yeux, tuaîistes attribuent à l'esprit
accordent
rialistes
le?s ,
:
de ùos
du
et tatetifé
1
Fassociâtioti âës
facultés (jue fôs spirt-
les forces
que
au système nerveux.
admettre cependant que
fk
c'ei'veôtti
l'attraction
les maté-
Comment
et l'affinité deé
idées suffisent, par elles seules, à produire les idée^
complexes? Quand Hartley nous représente une idée générale
que
le
comme une
combinaison, analogue à
chimiste détermine, lorsque, par
étincelle électrique,
il
l'effet
celle
d'une
transforme certains volumes
d'hydrogène et d'oxygène en une substance ùouvélte qui n'a aucun rapport avec ses éléments constitutif^, la
comparaison nous semble ingénieuse
;
Mais
ti
demandons précisémeût qù^f est!,
datis l'esprit, le pot
vôif, la fa<îulté , qui jou^ le f Ole
dé
rétiû'Celle éïectri
[
—
129
—
que, et qui, trouvant rapprochées l'idée de Paul, l'idée ;
de Pierre ,
de Jacques
l'idée
en
,
fait l'idée
complexe
d'humanité. Peut-on comprendre une pareille opération,
on ne reconnaît pas à
si
propre;
si,
l'esprit
une
activité
en dehors de ces éléments simples que
I
!
rassemble, on n'admet pas une
l'association
gence capable de
saisir le
l'avis
soit
de Hartley
il
:
rapport de ces éléments et
Hume
d'en constituer l'unité?
ne
intelli-
d'ailleurs n'est pas
croit pas
de
que Tidée générale
un composé nouveau, dans lequel on ne démêle
plus les éléments simples. Pour lui,
comme pour
Ber-
keley, pour les nominalistes de tous les temps, con-
seulement avoir à sa
cevoir les universaux, c'est disposition
un nom, pour représenter
les idées indivi-
duelles qu'une secrète tendance nous pousse à grou-
per ensemble et à entrevoir rapidement dans une intuition
vague
Dans ce cas,
(1).
encore plus rigoureusement effet,
la
l'action d'un esprit est
requise. Qui
donc, en
peut avoir groupé ces images particulières, dont
série
compose
l'idée
générale? Dira-t-on qu'elles
sont venues se ranger d'elles-mêmes dans un certain
ordre,
comme
et s'ajustaient
atomes des épicuriens s'alignaient
les
par
le
pur
effet
du hasard? Au fond,
c'est à
peu près ce que pensent
l'école
empirique; car
(l)
l'avis
Comme
le fait
la
les
philosophes de
doctrine de l'association des
remarquer Dugald Stewart, qui est un peu de
des nominalistes
ginalité d'une opinion
,
Hume
a tort d'attribuer à Berkeley l'ori-
que Berkeley
ser après beaucoup d'autres.
n'a fait
que défendre
et
expo-
—
—
130
idées, telle qu'ils l'entendent, n'est que l'applicatioj
à l'âme de
phénomènes
théorie atomislique. Les
la
psychologiques ne sont alors
dans lorigine, que de»
,
molécules d'une espèce particulière, dont
le
jeu et
les
divers groupements réalisent l'apparente variété de
nos états de conscience. Mais
quer comment
reste toujours à expli-
pourquoi ces groupements s'accom-
à moins de déclarer qu'ils sont entière-
plissent. Et,
ment
et
il
fortuits,
il
faut bien
supposer l'influence de certaines si
idées,
ont,
tion
comme
dit
modérée, mais néanmoins
plus des lois empiriques, de
de
faits;
elles
il
est vrai
à
de certains
Hume, une
force d'ac-
efficace, elles
simples
que
ne
sont-
constatations
deviennent, sous un autre
nom, de
forces primitives de l'esprit.
véritables facultés, les
Tant
lois,
ces lois agissent réellement sur les
principes. Or, si elles
comme Hume,
en venir,
la
philosophie
ne parviendra
jamais à rendre compte des phénomènes, sans concevoir derrière eux une puissance
,
une force qui
les
dirige.
Resterait la question de savoir
Hume, que 1
s'il
faut croire,
avec
idée générale n'est pas autre chose qu'une
tendance à se représenter une série d'idées simples,
comme un
tendance soutenue par un mot qui,
symbole, résume toute
la série,
et
bref
nous dispense de
la parcourir tout entière. Si l'on affirme
que ces idées
simples ne sont que les représentations des individus
compris dans ter
l'idée
une théorie qui
tes les facultés
générale
,
nous ne saurions accep-
réduirait à l'imagination seule tou-
de notre
esprit.
Mais,
si l'on
soutient
— îenlement que
—
131
générale n'est pas un acte simple
l'idée
rintelligence, qu'elle enveloppe
conceptions distinctes
,
un
certain
nombre
nous ne voyons pas corn-
on pourrait repousser une explication de ce
aient
Comme
genre.
toute opération qui s'élève au-dessus
des choses sensibles et des perceptions de l'expérience,
générale se compose de plusieurs éléments qui
l'idée
peuvent être analysés;
elle
formée d'une série
est
I
i
d'états
de conscience. Notre esprit
est ainsi fait,
quand
les représentations sensibles
ou
intérieures lui font défaut,
moment conçoit;
une de
série
ne peut plus
il
impressions saisir,
en un
par une seule perception, les objets qu'il
et il
les
que
pour ainsi dire, sur
est réduit à s'appuyer,
de conceptions,
d'oii se
dégage, en raison
de notre intelligence, et grâce aussi à
l'inter-
vention des mots, une idée en apparence une.
Quand
l'unité
nous pensons l'humanité, par exemple, ou bien nous n'avons devant nous qu'un mot vide de sens, ou bien
nous concevons rapidement, avec
l'agilité
merveil-
leuse qui caractérise les opérations intellectuelles, les caractères
essentiels
qui
constituent l'humanité, et
qui rentrent dans sa définition l'existence.
Ce
n'est pas
ginatives, la figure la
les
humaine,
la vie,
la
raison^
représentations Ima-
les différents détails
de
physionomie ne puissent concourir à former cet
état
complexe, d'où dérive
l'espèce
humaine.
quand
ils
la
Quelques
s'élèvent pas au-dessus et
que
:
conception générale de
hommes
peut-être
ne
de ces imaginations sensibles;
pensent l'humanité,
ils
conçoivent seu-
lement, en raccourci et avec une extrême prompti-
—
132
—
lude, quelques-uns des individus humains dont la représentation est familière à leur imagination. C'est
propre des esprits réfléchis de mettre sous
le
les idées
générales autre chose que des images, je veux dire
des conceptions abstraites , des rapports constatés par
une comparaison
attentive. Mais, dans tous les cas, les
idées générales nous paraissent résulter d'une certaine
coordination de conceptions simples et élémentaires,
symbolisée par un mot unique
de sorte que quand
:
ce mot se présente à notre pensée,
souvent de considérer une à une
le plus
résume, et
de
pour
et qu'il suffit,
du discours, de cet
nous dispense
il
les idées qu'il
besoins de
les
la
pensée
un ou deux éléments^i abstraites ou concrètes.
se représenter
ensemble d'idées
Les observations qui précèdent sont en partie con-
Hume
formes à l'opinion de
sur un point essentiel qu'il
en
:
,
mais
elles s'en sépareni
l'existence d'un esprit actif,
ne veut point admettre. C'est par
là
que pèche
définitive, toute théorie qui rattache à l'association
des idées le développement de nos connaissances.
a beau analyser
compter
les
les
ressorts de l'esprit, détailler et
rouages de son mécanisme,
quelque chose que l'analyse ne
ne peut
saisir, le
ces opérations,
(1)
M. Stuart
saisit
y a toujours
il
pas, et qu'elle
principe d'activité qui dirige toutes
et qui
en est
le
moteur caché
Mill accorde qu'il paraît impossible
tion des idées rende
On
compte de
Vactivité
mentale
;
que
mais
(1).
A
l'associail
prétend,
que cette impossibilité n'est qu'apparente et il loue l'hypothèse de M. Bain, qui place dans l'activité propre du cerveau, développée sous l'influence du « stimulus organique de la nutrition, » le pria,
— ne regarder
—
133
choses que par le dehors, en quelque
les
sorte, nos idées générales dérivent sans doute de ce
que plusieurs
fois
l'image individuelle d'un objet se
présente à nous. Mais la répétition de ces images ne servirait
de rien
,
sans un esprit qui sache les compa-
rer, qui leur fasse subir
une certaine élaboration,
de concrètes qu'elles étaient, abstraites, qui enfin les
éléments
rale.
d'oii
qui,
transforme en idées
les
accumule peu à peu en lui-même
se dégagera finalement l'idée géné-
Les théories fondées sur l'association des idées
peuvent
mécanisme
suffire à expliquer le
de notre esprit, mais
elles laissent
superficiel
de côté
la
cause
originelle des tendances qui nous poussent à associer
quelques idées plutôt que d'autres. Et
M. Maury à propos de Hartley
:
»
philosophes anglais nous ramène
))
l'existence a
»
dont
de mécanique
modes engendrent
les
,
comme
le dit
«
L'hypothèse des
,
dans tout ce que
à une force simple
la diversité
,
et
des phéno-
»
mènes
«
pénétrer jusqu'à son point de départ; et quand, par
»
un
»
plexité des opérations intellectuelles et de la faculté
mais cette force elle-même, nous ne saurions
;
effort
suprême, qui
est le
summum de
la
com-
»
pensante, nous arrivons, en nous repliant sur nous-
))
mêmes
))
fier
,
à constater ce que nous
notre existence par le
fait
sommes
même
de
et à véri-
la
pensée ,
conscience s'éveille en nous au-dessus d'un mé-
))
la
))
canisme matériel et d'une coordination multipliée
cipe de nos actions morales.
sixième année, p. 601.
M.
St. Mill,
Revue des Cours
littéraires,
— » de mouvements
134
y a alors un moteur qui ne saasubstance nerveuse en vibration (ni une ;
il
4)
rait être la
•»
série d'idées associées les
» teur mystérieux, dans » la nature, se
(1)
— unes aux autres)
dérobe à l'expérimentation
A. Maury, Le Sommeil
;
ce mo-
l'homme comme dans
et les
Rêves, p. 48.
(1).
toute »
CHAPITRE
CERTAINES
DES VÉRITÉS
ET
IIL
DE LA DÉMONSTRATION.
HUME ET l'esthétique TRANSCENDANTALE DE KANT.
Il
résulte de
trines
de
que nous savons déjà des doc-
ce
Hume, que dans son système
la
sance ne peut jamais atteindre les objets stances réelles
:
elle est
,
connaisles
sub-
confinée dans le domaine
des impressions et des idées qui en dérivent. Mais «lie peut saisir les rapports, les relations qui unissent
Hume,
les idées, et, d'après
sortes. Malgré
la
ces rapports sont de
deux
tendance qui l'entraîne à élargir le
rôle de l'association des idées,
il
n'admet pas que
toutes nos croyances soient le résultat de l'habitude,
de
la liaison
conceptions.
fréquemment expérimentée entre deux Il
croit,
gements fondés sur
au contraire, qu'à côté des ju-
l'association et l'habitude, et qui
ne possèdent qu'une probabilité plus ou moins grande, il
y a un certain nombre de connaissances certaines
fondées sur des relations d'idées immédiatement saisies (1). Ces connaissances rités
(l)
ne sont autres que
les
vé-
mathématiques.
V. Traité de
la
Nature humaine,
philosophiques, sect. FV, part. I.
liv.
III,
sect. I,
et Essais
— ({
Tous
les objets
» être divisés » et
de
—
la
raison
en deux catégories
A
questions de fait.
les
136
:
humaine peuvent les
relations d'idées
première catégorie ap-
la
» partiennent la géométrie, l'algèbre, l'arithmétique: »
en un mot, toute affirmation qui est intuitivement
»
ou démonstrativement certaine. Dire que
» ïhypothénuse est égal
exprimer
» c'est
le
au carré
carré de
le
deux autres
des
côtéSy
rapport de ces figures. Dire qum\
» trois fois cinq égalent la moitié de trente, c'est expri-
»
mer une
ï)
tions
relation entre ces
de ce genre se découvrent par de simples de
» opérations
»
nombres. Les proposi-
la
pensée ,
et
ne dépendent en rien
de ce qui existe dans l'univers. N'y eût il ni cercle,
» ni
démon-
triangle dans la nature, les théorèmes
» très par Euclide n'en conserveraient pas moins leur » évidence et leur éternelle vérité. » faits
qui sont la
(matters of fact),
Les relations de
seconde classe
» d'objets sur lesquels la raison s'exerce, » sent pas ))
la
même
manière
ne ressemble pas à
de tout
» n'implique
la
qui leur
soit cette certitude,
précédente. Le contraire
demeure toujours
fait
n'établis-
la certitude
quelque grande que
est propre;
» elle
»
de
possible, parce qu'il
jamais contradiction, et que
l'esprit,
par
» conséquent, le conçoit aussi aisément, aussi distincj)
j)
»
tement que se lèvera
s'il
La proposition
Le soleil ne
:
pas demain, est aussi intelligible et n'impli-
que pas plus contradiction que
» lèvera.
Nous nous
» sa fausseté; 3)
était vrai.
car
celle-ci
si
elle
était
Le
:
efforcerions en vain de
soleil se
démontrer
démonstrativement
fausse, elle impliquerait contradiction
,
et
ne pour-
—
—
conçue distinctement par
être
» rait
137
La distinction que
Hume
établit
n
entre les véri-
ici,
tés intellectuelles et les probabilités
(I).
l'esprit
de l'expérience, a
son principe dans une division préalable des rapports
de nos idées.
Il
y
a, d'après lui, sept relations d'idées,
aux questions de
qui se rapportent
trois
dans un sens absolu
qui sont, d'idées.
de pures relations
,
Les trois premières, qui, pour donner nais-
sance à des jugements
,
exigent l'expérience, c'est-à-
dire le renouvellement des impressions tité, la causalité, la situation
l'espace. L'identité, fet le
quatre
fait,
retour d'une
dans
sont l'iden-
,
temps
le
dans
et
pour être conçue, suppose en
même
impression. La causalité ne
peut non plus dériver d'une sensation unique n'est, selon
Hume, que
accumulé dans
le résultat tardif et
la situation,
dans
l'espace, d'un objet par rapport à
varier indéfiniment, bien que
eux-mêmes
:
elle
lentement
d'une succession constante de
l'esprit
phénomènes. Enfin
ef-
invariables
la
;
le
temps
un autre
les
et
dans
objet, peut
objets restent en
considération
de
l'idée
seule ne peut, par conséquent, entraîner la connais-
sance immédiate des rapports de temps et despace.
Mais tion
y a quatre autres relations d'idées qu'une intuiimmédiate (Hume aurait dû dire une expérience il
unique)
suffit
à nous découvrir
» blance, la contradiction, les
» les proportions
dans
la
:
ce sont «
degrés dans
quantité ou le
la
ressem-
les qualités,
nombre
(1)
Tome
(2)
Après un chapitre de quatre pages seulement
(^). »
IV, Essai IV, p. 30. ,
Hume conclut
—
138
— Hume
Rien de moins net que cette théorie.
prime avec une brièveté dédaigneuse , qui ne
l'ex-
laisse
pas d'inspirer quelque défiance, quand on songe surtout à toutes les questions qui, de loin ou de près, s'y
rattachent (1).
Les quatre dernières relations d'idées donnent
une nouvelle
d'ailleurs à
distinction. Elles sont pour
la plupart découvertes par
une seule exige, pour de
ciels
à première vue
l'esprit
être saisie
démonstration.
la
lieu
S'il
,
les
s'agit
procédés
de
;|^
artifi-
ressem-
la
blance de deux idées, et par suite de deux objets,
une seule
évidemment à
intuition suffit
La
la révéler.
contradiction, c'est-à-dire l'impossibilité qu'une chose existe et n'existe pas à
la fois,
résulte aussi de
la
^comparaison de l'impression qui est produite avec l'impression contraire qui ne les
l'est
pas.
De même, pour
degrés d'une qualité, qui est plus ou moins réali-
sée dans les objets
,
la seule confrontation
de deux
impressions nous éclaire et nous permet de prononcer que l'une est supérieure ou inférieure à l'autre. « Ces trois relations, » dit » le
domaine de
» monstration. »
^n propre
:
Mais à
démonstration appartient
«
de
la
dé-
que se fon-
Voilà tout ce que je crois nécessaire d'observer sur
p. 100.
Tome
la
celui
C'est sur ce dernier rapport,
ces quatre relations qui sont
(1)
plutôt dans
que dans
toute appréciation relative à la quantité et
au nombre.
en disant
Hume, «rentrent
l'intuition
I, Traité, p. 95.
le
fondement de
la science. »
Tome
I,
— dent
les
—
139
Hume
auxquelles
trois sciences
privilège de la démonstration
la
:
réserve le
géométrie, l'algèbre
et l'arithmétique.
Rapports de ressemblance et de degré, contradiction absolue, rapports mathématiques tel est
le
domaine de
au sens commun
semble
faire ici
établit
entre les
de
relations
?
la
démonstra-
,
Hume
La distinction et les
faits
une valeur véritable?
sans contredire son système la certitude
de
portée des concessions que
tion. Quelle est la
d'idées a-t-elle
l'intuition et
de quantité,
qu'il
relations
Peut-il assurer,
un fondement
solide à
mathématique? Les concessions de
Hume
ne sont-elles pas, au contraire, plus apparentes que réelles? Et n'est-il pas certain, quoi qu'il en dise, toutes les vérités sont réduites
,
condamnées, par
que les
principes de sa philosophie, à passer sous le niveau
commun
de l'empirisme? Telles sont
les principales
questions que nous avons à résoudre.
Remarquons d'abord que
la théorie
de
Hume
sur ce
point ne contredit en rien le principe fondamental de
son système
à savoir, que l'esprit
:
humain
est inca-
pable de former d'autres idées que celles dont les impressions primitives fournissent le type. Les critiques
qui se sont autorisés, en cet endroit, des affirmations
de Hume, pour
le
mettre en contradiction avec lui-
même, ont mal compris sophie «
et la
portée
le
sens général de sa philo-
de cette distinction nouvelle
N'y eût-il ni cercle, ni triangle dans
dit
Hume,
((
les
la
nature
,
:
»
théorèmes démontrés par Euclide n'en
» conserveraient
pas moins leur évidence et leur
—
-- 140
de cette
éternelle vérité (1). » Et à la suite
))
Garnier ajoute
:
« Si les
citation,
idées géométriques ne dépen-
»
dent en rien des choses qui existent dans l'univers,
»
elles
))
réminiscences
ne sont pas des copies d'impression ou des de D.
et la théorie
,
Hume
lui-même un nouveau démenti
» l'auteur
nier oublie
Hume
que
ne
reçoit de
Gar-
»
(%).
de
croit pas à l'existence
la
matière, et que pour lui les choses qui existent dans
que des
l'univers ne sont
de
états
de conscience. L'idée
nature équivaut à une succession d'impressions
la
subjectives, sans cesse renouvelées dans le dre. Et, lorsque tes
de
la
nature,
qui
sions
les
réitérées, que, tion, se révèle
échoue
le
Hume admet produisent
les
impres-
pas besoin
n'ont
du premier coup et à la relation
or-
des vérités indépendan-
entend simplement que
il
même
d'être
leur seule inspec-
qui les unit. La critique
plus souvent contre une doctrine aussi ri-
goureusement
liée
dans toutes ses parties quand, pour contente d'y chercher des traces de
la réfuter, elle se
contradiction. C'est
tendre
donc dans un sens subjectif que la
certitude accordée par
tions qui dérivent Il
ne
de
l'intuition
faut pas se laisser
croire
Hume
l'on doit
Hume aux
ou de
la
en-
proposi-
démonstration.
prendre aux apparences, et
sur parole, lorsque, en apparence infidèle
à son scepticisme, tuitions certaines,
il
nous parle de démonstration,
d'in-
avec l'assurance du rationaliste
(1)
Hume,
(2)
Garnier, Traite des facultés de l'âme, tome
Essais, sect. IV, part.
I.
H,
p. 197.
le
— plus décidé.
comparant
—
141
admet que nous sommes capables, en
Il
telle
durée à
durée
telle
tel
,
espace à
tel
espace, de déterminer intuitivement ou démonstrati-
vement
de ces deux quantités; mais cette
les rapports
de valeur que pour nous-mêmes.
intuition n'a
Dans ces
limites,
du moins
sion absolue?
Il
accorde-t-il à la
mathématiques une préci-
des
certitude subjective
Hume
,
que non. Dans
faut bien reconnaître
dernière partie du Traité de ^Intelligence
la s'il
se repentait d'avoir trop
mérite de gèbre,
la
généreusement octroyé
rigueur parfaite à l'arithmétique et à
revient sur son premier
il
comme
,
mouvement,
le
l'al-
et fait
déchoir de leur rang les vérités mathématiques elles-
mêmes, pour
les précipiter
dans
la probabilité. Si les
règles des sciences démonstratives, taines et infaillibles
dans
l'application
avec
lui
De
là,
,
l'esprit
qu'il
fait
sont cer-
dit-il,
humain ne
l'est
de ces règles,
il
pas
,
et
apporte
sa faiblesse, ses défaillances naturelles (1).
même
dans
les propositions
en apparence
les
plus certaines, des chances d'erreur qui altèrent toute
au doute un légitime accès
certitude, et qui ouvrent
jusqu'au cœur des sciences qui paraissaient au-des-
On
sus de ses atteintes.
Hume
(1)
pourrait faire remarquer à
que, pour être logique,
Tome
I, Traité, p. 229.
«Dans
il
aurait
dû contester
les sciences démonstratives,
les règles
sont en elles-mêmes certaines et infaillibles
»
que nous
les
»
traire incertaines et faillibles
»
règles, et par conséquent à
»
appliquons
,
nos facultés ,
,
qui
,
elles
,
;
mais lors-
sont au con-
sont exposées à s'écarter de ces
commettre des erreurs. De cette façon toute connaissance dégénère en probabilité. »
-. 142
^
aussi la rigueur et la certitude des règles elles-mêmes car, enfin, ces règles,
que
sont-elles, sinon l'œuvre
humain? Et par quel prodige pourraient-elles
l'esprit
ne point participer des défauts de
l'intelligence qui les
a créées? Ajoutons qu'en arguant contre les règles
thématiques de l'infirmité de tes,
;
de
Hume nous donne une
l'esprit
:
raisonne
il
ici,
en
qui les a produi-
nouvelle preuve de ces
tendances sophistiques, auxquelles lontiers
ma-
effet,
il
cède trop vo-
comme
accep-
s'il
doctrine qui, dédoublant l'esprit, y distingue à
tait la
la fois le principe
de
la
sée. Or, son système
droit d'opposer
pensée
ne
et les actes
lui laisse
à l'esprit
de
la
pen-
en aucune façon
le
en lui-même, c'est-à-dire à
une substance, à une force permanente,
les règles, les
méthodes particulières qui en seraient l'expression phénoménale. Quoi cette
qu'il
en
liaison
soit,
comment Hume entendait-il, enfin,
immédiate qui assemble naturellement
certaines idées?
Que deux
fleurs se ressemblent
dans
leurs formes; que la couleur de l'une est plus vive que la
couleur de l'autre; qu'elle est bleue ou rouge, et
qu'elle
ne peut
être,
par conséquent, colorée en
temps d'une autre nuance
;
de l'une égalent en quantité
enfin les
,
que
même
les cinq pétales
cinq pétales de l'autre;
voilà des exemples des quatre relations, en quelque sorte a priori, d'oii découlent les seules connaissances
certaines auxquelles
l'homme' puisse prétendre. Im-
patient d'exposer son scepticisme sur ce qu'il appelle les relations il
de
faits,
sur les rapports de cause à
effet,
passe dédaigneusement sur les liaisons immédiates
—
—
143
des idées, liaisons auxquelles
attribue pourtant
il
une
grande importance, puisqu'il déclare lui-même qu'elles sont le fondement de la science {the foimdation of the science).
A vrai
dire, l'intuition qui unit certaines idées n'est,
pour Hume, qu'un
un
l'origine:
comme De
premières impressions sensibles.
quïl y a une affinité acquise pour ainsi dire,
que Ihabitude
même
il
y a
les idées
développent peu à peu
et la répétition
aux
entre les idées soumises
tion
constate sans en chercher
primitif et inexplicable, tout
fait
l'apparition des
même
fait qu'il
une
de
lois
affinité naturelle,
mathématiques.
Il
l'association,
de
immédiate, entre
ne peut donc être ques-
de déterminer un principe sur lequel repose cette
évidence, cette certitude immédiate;
mêmes que
les idées
de cette classe se
c'est
par elles-
lient et s'asso-
cient en raison d'une relation naturelle. Et cependant
Hume et les
parle sans cesse
semble
le
considérer
du principe de contradiction,
comme
le
fondement des seu-
connaissances qui soient certaines. C'est ce prin-
cipe qui limite le pouvoir de conception de l'imagination
;
c'est
parce que le contraire d'une vérité de
fait
n'implique pas contradiction, que cette vérité est seu-
lement probable; contradictoire,
c'est
que
les
parce que leur négative est vérités
mathématiques sont
certaines. D'autres philosophes ont considéré,
Hume, le
l'impossibilité
de concevoir
le contraire
comme comme
caractère propre de ces propositions que la philo-
sophie rationaliste appelle des vérités universelles et nécessaires. C'est^ par exemple, l'opinion de
M. Spen-
— cer
« L'inconcevabilité
:
144
de
—
la
négative est l'épreuve
une croyance donnée
))
par laquelle nous vérifions si
»
existe invariablement
))
signable de l'autorité de nos croyances primordiale
»
est leur invariable existence^ certifiée par lavorte
»
ment de
»
tence (1)...
ou non... La seule raison as
1
la plupart
fait
l'effort
»
pour
établir leur
Mais, pour M. Spencer,
non-exis-
comme
pour
des empiriques, les vérités nécessaires
n
sont que les premières inductions de l'expérience, l'impossibilité
de concevoir
la
négative n'est que
résultat d'une expérience toujours la
même
qui
1
n';
jamais été démentie. Cette impossibilité n'est don
qu'une habitude de
l'esprit et
non un principe pr
mier qui dominerait l'expérience, au senter l'uniformité. bilité
Pour Hume,
cette
semble être tout simplement
lieu d'en repré
même
imposs
le résultat
d'un
expérience fondamentale. C'est ici le lieu
d'examiner une assertion que Ka
répète souvent, et qui mérite de nous occuper. n'aurait pas
rejeté
Hum
toute connaissance a priori,
s'
avait su que les vérités mathématiques étaient de vé ritables propositions synthétiques, tandis qu'il les
prises pour des propositions analytiques, et qu'il a c
se tirer d'affaire et sauver ces vérités du scepticism
universel de son système
ment sur »
le
,
en
les
fondant exclusiv
principe de contradiction
:
«
matiques échappaient à ce scepticisme,
« parce
(1)
que
Hume
Les mathé » dit
Kant
regardait toutes leurs propositio
Spencer, Principes de Psychologie.
— ))
comme
145
—
analytiques, aest-à-dire
comme
allant d'une
))
détermination à une autre en vertu de Tidentité,
»)
c'est-à-dire suivant le principe
))
qui est faux, car, au contraire, ces sont toutes synthétiques
et
,
de contradiction (ce
quoique
propositions la
géométrie
»
par exemple,
»
des choses, mais seulement de leur détermination
))
a priori dans une intuition possible, cependant
pas à s'occuper de l'existence
n'ait
comme
si elle
))
va, tout
))
salité,
))
tout à fait différente
suivait le concept de la cau-
d'une détermination
ment à
la
,
elle
A
à
une détermination B,
pourtant liée nécessaire-
et
première). Mais, cette science
si
vantée,
»
pour sa certitude apodictique, doit aussi tomber à
))
la fin
»
raison qui engage
))
nécessité objective dans le concept de cause; et,
»
malgré tout son orgueil,
»
montrer plus de modestie dans ses prétentions
sous l'empirisme des principes, par la
Hume
même
à substituer l'habitude à la
il
faut qu'elle consente à
en
,
»
n'exigeant plus a priori notre adhésion à l'universa-
»
lité
»
ment
»
bien reconnaître qu'ils ont toujours perçu ce que les
»
géomètres présentent
»
l'empirisme de
»
vitablement à un scepticisme qui atteint
»
mathématiques,
» tout
(1)
de ses principes le
,
mais en réclamant humble-
témoignage des observateurs qui voudront
Hume et
comme dans
conduit iné-
même
les
qui, par conséquent, embrasse
usage scientifique de
Critique de la Raiso^i pratique
Critique de la Raison pure
des principes... Ainsi
les principes
,
théorique (1).
la raison
,
T. Barni
T. Barni, tome
,
I,
p. 211.
»
Voir aussi
p. 63 et suiv.
10
—
146
—
Jusqu'à quel point l'opinion de Kant exprime-t-elle l'exacte vérité?
penser que
Nous ne pouvons nous empêcher de
philosophe allemand a attribué à
le
Hume
une théorie que ne comportait pas son système,
quand
affirme qu'il a fondé sur le principe de con-
il
tradiction les vérités mathématiques. effet
Hume
était
en
bien loin de croire qu'il y eût au fond de notre
au-dessus de nos jugements particuliers, des
esprit,
principes universels, tels que le principe de contra-
Kant
diction.
Hume
trompé aussi, en
s'est
avait eu l'intention de soustraire les
tiques au scepticisme général, qui,
toute connaissance. Enfin, qu'il
supposant que
géométriques
tions
selon lui, attein|j
sans plus de raiso
I
qui considère les proposi
prête l'opinion
lui
c'est
mathéma-
comme
des jugements
analyti-
ques. Insistons en quelques mots sur chacun de ce points.
Que tion ?
faut-il Il
entendre par
le principe
de contradic
nous semble que Kant exprime par
là
,
tous les philosophes, la nécessité qui s'impose à prit,
une
fois certains principes
ave l'es
admis, d'écarter toute
proposition qui serait en contradiction avec ces principes. Et c'est bien ainsi qu'on définit
principe de contradiction dictoires
Or,
il
:
fondées,
le
deux propositions contra-
ne peuvent pas être
n'est pas question, chez
cessité logique.
en général
toutes
deux
Hume, d'une
vraies.
pareille né-
Les vérités mathématiques ne sont
comme nous le montrerons
tout à l'heure,
que
sur l'apparence, sur une apparence irrésistible sans doute, qui entraîne
la conviction,
mais, enfin, sur une
— qui nous et
fait
une expérience abstraite,
sur
intuition subjective,
voir l'égalité, les rapports des
nombres
des figures. Le principe de contradiction a donc
perdu, dans
la
philosophie de
donne généralement.
Il
penser à
traire. Si l'esprit, tel
fait,
que
Hume
du
,
:
il
n'est
à savoir, l'impuissance
une chose
la fois
des vérités mathématiques tion
sens qu'on lui
le
n'a plus la valeur d'une vé-
plus que l'expression d'un l'esprit à
Hume,
fondement de toute logique
rité rationnelle,
de
—
147
son con-
et
l'imagine, est certain
c'est
que
la
représenta-
contraire de ces vérités ne s'est jamais pro-
duite. Parler d'impossibilité,
de nécessité,
c'est sortir
des limites de la nature.
Nous avons déjà
que
la
menace
mathématiques de reur qu'il
fait
La géométrie
Hume
dit
n'a pas excepté les
d'incertitude et d'er-
planer sur toutes nos connaissances. lui paraît
particulièrement indigne de
la réputation de rigueur absolue qu'on
a
lui
faite.
géométrie, c'est-
«
Les idées
»
à-dire celles de l'égalité et de l'inégalité, celles
les plus essentielles à la
))
la ligne droite et
))
d'être
))
croyons
exactes
et
de
la
surface plane,
comme nous
déterminées
communément
(1)... »
de
sont loin
Et ailleurs
:
«
le
Le
»
critérium suprême des figures géométriques étant
»
fondé sur
»
surde de parler d'une perfection supérieure à celle
»
que ces facultés peuvent atteindre
les sens et
» table perfection
(1)
Hume, tome
sur l'imagination,
;
il
puisque
est
ab-
la véri-
d'une chose consiste dans sa confor-
I, p. 73.
—
148
mité à son critérium (1).
»
dire
Hume
que
—
» Il n'est
donc pas vrai de
eût reculé devant son scepticisme,
conséquence, Enfin,
il
entrevu si
la
est
s'il
comme
avait compris que ce scepticisme entraînait,
négation des mathématiques pures (2).
permis de douter que
grand rôle dans
Hume
Kant a
la distinction à laquelle
métaphysique
la
ait
distinction
la
:
jamais
jouer un
fait
des jugements analytiques et des jugements synthétiques.
S'il
est
une vérité désormais acquise à
losophie, c'est celle que Kant a
que
nettement établie,
mathématiques sont, pour
propositions
les
si
plupart (Kant dit toutes), des vérités c'est-à-dire des vérités
qui
seule des concepts,
intuition
nouvelle dans laquelle
et qui
supposent une
pour fonder
les
trouve de
l'esprit
quoi déterminer sa première idée. Tout aujourd'hui d'accord pour
la
synthétiques,
ne peuvent dériver de
l'analyse
qu'il faut,
la phi-
le
monde
est
admettre cette théorie,
mathématiques, des vérités
primitives qui soient synthétiques
grosses de conséquences.
Une
et,
par
là,
fécondes,
science ne saurait se
composer uniquement de vérités analytiques. Avec ces propositions-là, trie
cipe
ne pourrait
faire
»
géomé-
un pas en avant; car
le prin-
étaient seules
,
de contradiction, par lui-même, est bon pour
écarter l'erreur, mais tés.
la
si elles
Et
comme
le
dit
non pour découvrir des très-justement Kant
:
«
vériSi
le
principe de contradiction peut nous faire admettre
(1)
(2)
Hume, tome I p 73. Kant, Critique de la Raison pure, ,
t.
I^ p. 64.
—
—
149
))
une proposition synthétique, ce ne peut
))
tant
»
thétique
quon présuppose une dont
,
autre proposition syn-
puisse être tirée. »
elle
Sur ce terrain
être qu'au-
les partisans
de l'empirisme contem-
porain se rencontrent avec Kant. M. Mill s'exprime,
en
effet, ainsi
:
« C'est
un préjugé vulgaire de
))
que
))
sont purement verbales (ce
))
comme synonyme
))
wi égalent
»
objets,
))
sont égaux à trois cailloux,
» ))
les propositions
trois,
arithmétiques
identité... Ceci
ne
être considéré
d'analytique). L'assertion
considérée
— par exemple
apparence,
mot peut
:
comme
deux
deux
cailloux et
un
caillou
— paraît une absolue
deux cailloux
»
sont les
))
dans des états différents. Quoiqu'ils dénotent
))
même
))
cailloux en
caillou et les
noms des mêmes
en
l'examen. Les mots
supporte pas
»
et
et
appliquée à des
quoique plausible
cependant,
un
croire
algébriques
et
mots
objets,
trois cailloux,
mais de ces objets la
chose, leur connotation est différente. Trois
»
en un seul
))
nos sens,
))
vent, par
ou
deux tas,
parts séparées, et troix cailloux
ne font pas
et l'assertion
que
la
même
les
impression sur
mêmes
cailloux peu-
un changement d'ordre ou d
état, exciter
pas une proposition
))
l'une
»
identique (1). » N'est-ce pas, quoiqu'il est vrai à
l'autre sensation, n'est
un point de vue empirique,
la
démonstration
que Kant expose dans son introduction à
même
la Critique
de la raison pure (%) ?
(1)
M. Stuart
(2)
Conférez Kant, tome
Mill, Logique, trad. L. Peisse, I.
tome
I, p.
202.
— est
Il
150
donc avéré que
ques sont synthétiques, Mais
gagnée.
nous
il
quand
conclusions,
contraire. Ce qui a
et
lui le principe
a,
il
sur ce point, cause
impossible d'adhérer à ses
Hume
tromper,
du point de vue logique,
comme
Kant
rejette
le
mathémati-
les propositions
est
il
pu
—
dans
que, préoccupé
c'est
a cru que
l'opinion
Hume
de contradiction
;
il
entendait
a cru qu'en
parlant de vérités dont le contraire serait contradictoire,
Hume
entendait des propositions
l'attribut
oii
serait déduit par analyse du concept qui sert de sujet.
Or, tout cela suppose une logique que
mais admise.
Hume
capable, par
la considération
pensé que
n'a jamais
Il
n'a ja-
l'esprit fût
d'une seule idée, d'en
déterminer une autre qui serait première.
Hume
la
conséquence de
la
supposait simplement que, parmi les idées
qui se développent en nous, quelques-unes se rapportaient assez l'une à l'autre, par leur ressemblance
ou
leur contraste, par les degrés de leurs qualités ou les
de leur quantité, pour qu'intuitivement
proportions
ou démonstrativement le voit,
distinction
de dire
comme que
qu'il
qu'il
aperçût ce rapport.
possible d'appliquer
à
On
Hume une
ne paraît pas avoir soupçonnée, loin
a considéré les vérités mathématiques
des propositions analytiques, nous serions plu-
tôt tentés
est
était
s'il
l'esprit
de soutenir
Hume
n'a pas
le contraire.
même
Mais
soupçonné
le
les
plus vrai
vues pro-
fondes de Kant, et qu'avec son indifférence habituelle, il
s'est
contenté d'affirmer
la
certitude propre
aux
mathématiques sans chercher à en rendre un compte exact.
S'il
eût
prévu, d'ailleurs, les difficultés que
— Kant
151
—
oppose, on peut être certain qu'il n'eût pas
lui
pour cela désavoué son scepticisme, tence de vérités l'expérience.
ment
l'origine
Pour M. le dire,
tuition.
un système
se serait retranché dans
Il
M. Mill,
supérieures à
synthétiques pures,
analogue à celui qu'acceptent nes,
ni accepté l'exis-
moder-
les sensualistes
par exemple, qui reconnaît franche-
empirique des mathématiques.
Mill
,
comme pour Kant nous venons de ,
mathématiques supposent une in-
les vérités
Le débat se réduit à savoir
si
cette intuition
est a priori ou a posteriori, M. Mill n'hésite pas à sou-
tenir
que
cette
intuition est empirique, qu'elle n'est
qu'un abstrait des sens et de l'imagination. Quant à l'évidence surabondante des axiomes mathématiques^ elle
pas à ses yeux d'autre cause que
n'a
idéale ou imaginaire des objets auxquels
De
portent. figures
cette nature spéciale des
dérive^
en
effet,
la
nature
la
ils
se rap-
nombres
possibilité
et
des
de nous
les
représenter mentalement, aussi souvent que
nous
le
voulons, et de vérifier, par conséquent, un nombre indéfini
de
fois, le
une première
rapport que nous avons saisi dans
intuition.
ment renouvelable, tiques des
axiomes
De
cette vérification, indéfini-
résultent les propriétés caractéris:
la nécessité et l'universalité. Si
nous pouvions nous représenter
les autres
relations
qui existent entre les objets aussi facilement que les
rapports de quantité, nous attacherions bien vite à
mêmes
ces relations
les
versalité.
faut tenir
((
11
idées
de nécessité
et d'uni-
compte d'une des propriétés
» caractéristiques des formes géométriques,
qui les
—
—
152
»
rend aptes à être figurées dans l'imagination avec
))
une
clarté et
une précision égales à
Et ce qui est
des figures
vrai
sensiblement de tous
la réalité
autres objets
les
sérieusement préoccupé l'universalité des vérités
s'il
avait été
l'est
mathé-
des
matiques. C'est évidemment à ce système que se fût définitivement arrêté,
(1).»
géométriques,
Hume
un peu plus
d'expliquer la nécessité et
mathématiques.
—
Pour Kant, au contraire,
démontrer
et c'est à le
qu'est consacrée V Esthétique transcetidantale
,
—
toute
connaissance sensible suppose elle-même une intuition
à
Les perceptions de l'expérience ne seraient
priori.
point possibles, la forme
ports, trie
si
ne possédait en lui-même
l'esprit
dans laquelle s'ordonne, selon certains rap-
la
matière fournie par la sensation. La
géomé-
suppose donc une intuition pure, l'espace. Que
cette représentation
de l'espace ne dérive pas de la
sensation, c'est ce que prouvent, entre autres raisons, la nécessité
de concevoir une étendue illimitée, avant
de se représenter telle
portion
les choses qui
l'impossibilité
:
n'existe pas, et, enfin, la térise cette conception. l'est
telle
ou
de croire que l'espace
grandeur
Ce qui
infinie qui carac-
est vrai
de l'espace
encore de l'idée du temps.
Hume
a,
lui
aussi, longuement étudié les notions
d'espace et de temps, et
quable entre
M.
il
y a une analogie remar-
la Critique de la Raison pure et le Traité
de la Nature humaine
(1)
en occupent
St. Mill, Logique,
,
pour l'importance
tome
I, p. 266.
et la place
— que
—
153
deux auteurs ont données à
les
leurs réflexions
sur ce sujet. C'est par l'Esthétique transcendantale que s'ouvre la Critique de Kant; et de
même,
après quel-
ques observations trop courtes sur les idées en général^
Hume
question de l'espace et du temps que
la
c'est
s'empresse de discuter. Tout son deuxième
livre n'est
qu'un effort tenté pour faire rentrer les
mathématiques dans ques
même que
de
;
la
catégorie des vérités empiri-
l'Esthétique transcendantale
surtout pour objet de donner à la géométrie
ment a
palement
de
la
discussion de
il
à
l'infini
Hume.
Il
que par un bout^
l'infinité
En montrant que divisé,
un fonde-
priori (1).
C'est sur la divisibilité
tion
a
que porte princin'a traité la
ques-
l'infiniment petit.
ne peut être infiniment
l'espace
prétend prouver que l'espace est une repré-
sentation sensible. L'esprit, dit-il, est limité dans ses
conceptions, et ne peut jamais atteindre une représentation l'infini
ties.
adéquate de doit être
l'infinité.
Or, toute chose divisible à
composée d'un nombre
Penser une chose divisible à
possible; car
une
infini
l'infini est
de par-
donc im-
pareille conception supposerait
une
puissance intellectuelle que nous ne possédons pas la
par cela à
:
représentation d'une infinité de parties. L'esprit,
même
un minimum
qu'il est
qu'il
de ses idées. Et l'objet qu'elle
(1)
Traité
:
si
borné, doit arriver à un terme,
ne peut dépasser, dans l'idée n'est
représente ne
le livre II
pas divisible à Tinfini,
l'est
tout entier.
la division
pas davantage. Nous
—
—
154
atteignons vite, dans notre division de l'étendue, un
minimum
de franchir.
n'est pas possible
visihile qu'il
L'étendue n'est donc autre chose qu'une
de
série
points colorés, et, par suite, étendus, disposés dans
un
certain ordre.
de parties
On peut
visibles.
Prenons,
Hume, une
encore
dit
partie de l'espace aussi petite
que possible
l'étendue?
tie indivisible. Est-elle
la juxtaposition
la définir
Non
donc rien?
,
une par-
:
car l'étendue
est
divisible.
soit
quelque chose, puisque laddition de parties sem-
N'est-elle
Il
faut
qu'elle
blables à celle-là constitue l'espace. Qu'est-elle donc? Elle
une impression aussi
est
petite
l'impression d'un atome tangible
ou
que possible,
coloré.
L'espace n'est donc qu'une intuition sensible. le »
formellement
dit
que
l'idée
si
nous
le
vue ou du toucher
» la
considérons (1). »
quences en résultent pour
comme
la
On
comme
le
que sur l'appa-
elle n'a
précision ni de rigueur que n'en le plus,
de
voit quelles consé-
toutes les autres, n'est fondée
L'égalité,
l'objet
géométrie. Cette science,
rence des objets; et, par suite,
rience.
Hume
Nous ne pouvons en avoir
«
:
pas plus de
comporte l'expé-
moins,
dit
Hume,
ce
sont des proportions que nous jugeons à première
(l)
Des arguments semblables avaient pour
Collier,
«
Une
» finie
établir l'impossibilité
été déjà invoqués par
de l'existence de
la
matière
:
matière extérieure, en tant que créature, est évidemment ,
» infinie
et
en tant qu'extérieure
,
elle n'est
pas moins évidemment
quant au nombre de ses parties ou à
»
substance
»
absurde qu'une
,
et
cependant
il
la divisibilité
de sa
ne peut rien être imaginé de plus
telle divisibilité. » Clavis
Universalis
,
p. 50.
— vue^ mais sans être à réflexion
,
—
155
de toute erreur
l'abri
par juxtaposition
,
par l'emploi de
;
par
commu-
nes mesures, nous réformons nos premiers jugements,
mais sans arriver encore à une précision absolue. a pas
n'y
,
en géométrie
exactes. Elles
vague,
participent toutes
la
rigoureusement
d'idées
d'indéterminé dans les
La ligne droite,
sens.
,
Il
y a de impressions de nos à
ce
qu'il
ligne courbe,
la
surface
plane ne peuvent être déterminées avec une exacti-
tude parfaite. Toute mesure de détermination absolue est
une
fiction et
une chimère. Les points indivisibles
dont se compose l'étendue sont tion
ou
la soustraction
être discernée par nos
sommes exposés
à
si
petits,
que
l'addi-
d'une de ces parties ne peut sens,
mille
et,
par suite, nous
chances d'inexactitude et
d'erreur.
Que deviennent
de
alors les définitions
la
géomé-
trie?
Des hypothèses qui peuvent ne pas être d'accord
avec
la réalité;
des suppositions auxquelles ne cor-
respond jamais exactement
l'objet qu'elles définissent.
Hume raisonne encore ici comme nos contemporains, comme M. Mill. Nous ne concevons pas, dit M. Mill, une ligne sans largeur, la
et
cependant
c'est ainsi
que
géométrie considère la ligne. Notre idée d'un point
est toujours
un point,
l'idée
tels
que
d'un minimum
visibile.
les définissent les
Une
ligne,
géomètres, sont
parfaitement inconcevables. Si on s'imagine les concevoir, ajoute-t-il, c'est qu'on suppose que, sans cette
conception, les mathématiques ne seraient pas possibles
,
supposition tout à
fait
fausse. Et
il
conclut par
— ce raisonnement étrange
dans
nature
ni
—
156 :
«
Puisque donc
dans
n'y a,
il
humain
aucun
»
ni
»
objet conforme
»
que, d'ailleurs, on ne peut admettre que cette
))
science ait pour objet des non-entités,
»
qu'une chose à dire
la
,
aux
l'esprit
,
définitions de la géométrie, et
que
c'est
:
ne reste
il
géométrie a pour
la
» objet les lignes, les angles et les figures tels qu'ils
existent (1). »
»
les définitions
De
la
même
façon.
Hume
juge que
géométriques affichent une rigueur
et
des prétentions qu'elles ne comportent ni ne justifient. Elles supposent des intuitions imaginaires
ne peut concevoir. Elles sont
que
efforts
fait l'esprit
que
l'esprit
vains
résultat des
le
pour se hausser en dehors de
l'expérience, jusqu'à des conceptions idéales oii notre esprit
ne saurait atteindre, enchaîné
du monde
liens
Mill.
les
sensible.
Nous n'avons qu'une réponse à M.
dans
qu'il est
faire
Ces définitions existent;
à
Hume
eux-mêmes
et à
le
re-
connaissent. La géométrie nous présente un objet tout à
fait
différent
offre à
de celui que
expérimentale
nos sens. Elle s'exerce sur une étendue idéale,
dans laquelle
les
points n'ont pas d'étendue, les
gnes point de largeur, Elle
la réalité
les surfaces point d'épaisseur.
combine des quantités que rien
n'arrête, ni
leur divisibilité, ni dans leur multiplication à
Comment
les
li-
dans
l'infini.
confondre avec des notions empiriques
grossièrement empruntées aux sens?
Que
la
,
première
origine des conceptions mathématiques se trouve dans
(1)
M.
St. Mill, Logique,
tome
I
,
p. 256.
xpérience, nous ne
—
—
157
le
contestons pas, mais à con-
humain
dition qu'on accorde à l'esprit
m
s
pouvoir de
le
transformer, en les soumettant à une élaboration
térieure, en leur appliquant les lois de la raison. est
difticulté
de concilier, dans
la
La
formation de ces
notions, ce qui dérive des sens et ce qui nous est fourni par l'esprit
;
et
de comprendre comment l'expé-
rience nous suggère des conceptions qui, cependant, la
dépassent et la dominent. C'est parce qu'on recule
devant
solution de ce problème, qu'on se précipite
la
dans des affirmations exclusives
comme une qu'avec Hume on
qu'avec Kant on re-
,
garde l'espace
intuition pure entièrement
a priori;
n'y voit qu'une impression
empirique. Quant à nous, blable que
l'esprit,
en vertu
de l'impression d'où
l'influence
nous semble vraisem-
primitivement empiriques
dans
s'épurent
même
,
il
de notre raison
,
elles
ces notions
,
de
la
répétition
procèdent, et sous
qui les idéalise
,
qui les
soumet à ses principes, qui leur applique sa tendance générale à pousser les choses à
on sauvegarde
le
l'infini.
De
caractère nécessaire des propositions
mathématiques, mais, en
même
temps, on reconnaît
une vérité qui nous parait incontestable empirique
servation
cette façon,
que contient,
la part d'ob-
,
comme
élément
primordial, toute idée abstraite.
Hume
qui, dans cette question, hésite et tâtonne
un peu, avoue lui-même que nos conceptions mathématiques peuvent dépasser tion. »
((
Si
vous
me
les
limites
de l'imagina-
parlez de la millième et dix-mil-
lième partie d'un grain de sable,
j'ai
une idée
—
158
—
de ces nombres
de leurs différentes
et
»
distincte
))
proportions; et cependant je ne peux pas obtenir
»
de
mon
» à celle
tant dont
imagination une représentation inférieure
du grain de sable lui-même. il
Aveu impor-
»
aurait dû, ce semble, tirer d'autres con-
clusions.
En résumé, Hume, malgré pas sorti de Fempirisme, vérités mathématiques.
apparences, n'est
les
même
dans l'explication des
y a
cette seule différence,
Il
entre les probabilités de l'expérience
résultent
de
naturelle
la liaison
idées ; les autres exigent rifications successives.
Hume
,
que
là,
et
les
unes
immédiate des
et
au contraire
Par
les affirma-
et
tions certaines des sciences abstraites,
plusieurs vé-
,
au premier abord.
semblerait se rapprocher de Kant et des parti-
sans de Va priori, plutôt que de l'école anglaise contemporaine. Mais, au fond,
n'en est rien, car le résul-
il
tat est le
même,
soit
comme
veulent
MM. Spencer
le
que
l'on
prenne
les
et Mill,
pour des gé-
axiomes,
néralisations de l'expérience, soit qu'on les considère
comme
des
faits primitifs,
à la manière de
C est donc par abus de langage que tuition et
Hume.
les
mots
d'in-
de démonstration se sont introduits dans
logique de
Hume,
oii
ils
sont tout à
fait
la
imprévus.
Hume
respecte le plus souvent les mots philosophi-
ques,
mais
il
est rare qu'il
signification. L'intuition,
quelquefois son
que
les
nom
en maintienne
— pour
l'école qui
la
vraie
emprunte
à cette opération de l'esprit, et
empiriques anglais se plaisent à appeler l'école
Intuitive,
—
l'intuition
s'entend
de
la
connaissance
—
—
159
dAin objet; elle suppose ou bien la croyance à l'être
dont
que
vérité qu'elle saisit s'applique à tous les cas
Pour Hume,
possibles.
qu'une impression, un prit; elle n'est
ou bien laffirmation
elle est la représentation, la
au contraire^
l'intuition n'est, fait,
un
état particulier
ne représente rien, à vrai
de
l'es-
dire, puisqu'elle
qu'un phénomène subjectif, et qu'elle n'a point
d'autre objet qu'elle
même.
d'un autre côté, elle
Et,
n'a pas d'extension, c'est-à-dire d'application possible
à un grand
moment de
nombre de la
un point
intellectuel, abso-
les limites
de son existence
conscience,
lument circonscrit dans
qu'un
puisqu'elle n'est
cas,
propre.
Quant à à
difficile
ble.
démonstration,
la
Hume
il
est encore bien plus
de donner à ce mot son sens vérita-
La démonstration
nuité et
la
caractère
permanence d'un
singulier
que pour ceux
n'est intelligible
qui admettent au moins deux choses
qui, ayant ce
esprit,
qu'à la fois
dure
il
conti-
la
l''
:
et
il
passe,
peut établir entre les diverses parties d'un raisonne-
ment une des
liaison véritable; qui enfin
propositions
d'autres vérités,
qu'en
nouvelles
les
rattachant à
précédemment conçues, dont
la
nément
effacées de la conscience
découvrir, par réflexion, de
;
2*^
subit
la possibilité
de
nouveaux rapports entre
en s'aidant de principes universels qui
embrassent une foule de conséquences. Or, phie de
il
domination, quoiqu'elles soient momenta-
encore
les choses,
ne se représente
Hume
ne
satisfait à
ditions. L'esprit n'est
pour
la philoso-
aucune de ces deux con-
lui
,
nous
le
savons, qu'une
— collection,
—
160
un assemblage
et
non une unité vivante,
qui, tout en étendant sa pensée sur différents objets,
peut se concentrer tout entière sur le lien qui les unit. L'esprit
humain, dans
le
système de Hume, saute d'une
idée à une autre sans qu'il puisse rendre raison de ce
changement dans ce
;
ou, pour
défilé incessant et
activité intellectuelle, l'effort
mieux
ments dont se compose
la place
malgré le
une impression,
mobile qui constitue notre
prend
intellectuel qui,
dire,
d'un autre. Mais
la pluralité
des élé-
raisonnement, en
saisit les
rapports, et, après les avoir soumis à une élaboration, les
clusion unique, n'existe pas ?
commune
ramène vigoureusement à une conclu-
comment
est-il
possible,
si
l'esprit
CHAPITRE
IV.
LES PROBABILITÉS DE l'eXPÉRIENCE. LA CAUSALITÉ.
Deux questions dominent à la
causalité.
alternative
:
Il
s'agit,
ou bien
la
toute controverse relative
d'abord, de résoudre cette
notion de cause est une
no-
tion spéciale, sui generis, irréductible à toute autre, et
dont
il
importe de connaître l'origine
mot nouveau
causalité n'est qu'un
giné pour représenter la liaison, stante de soit la
ou bien
la
et
ambitieux, ima-
la
succession con-
deux événements inséparables. Quelle que
réponse sur ce premier point,
expliquer
,
pourquoi,
dans
la
vie
il
reste encore à
comme dans
la
science, nous prenons sans cesse pour guide de nos
pensées ce que nous appelons, à tort ou à notion de cause
En
pourquoi, enfin,
il
y a une nécessité,
selon les uns, fictive et illusoire selon les au-
réelle tres,
;
raison,, la
à chercher la raison d'être de toute existence.
d'autres termes
:
valeur représentative
1°
Quel
de
est le sens, quelle est la
l'idée
de causalité
%'^ ,
de
quelque façon qu'on l'entende, comment comprendre qu'elle
devienne un principe nécessaire de
la loi directrice
de nos investigations
Tel est le double problème que
la
pensée,
?
Hume
a prétendu 11
— résoudre sans franchir comptait
Il
même
—
162
les limites
de son système
(1).
trouver, dans ses explications sur
ce sujet ^ une confirmation nouvelle de ses théories.
Pour
lui
,
ridée de cause, puisqu'elle ne correspond à
aucune impression
initiale, est
une invention des phi-
losophes. Rien, ni dans les émotions intimes, ni dans
ne nous suggère
les observations des sens,
la
notion
prétendue d'une force, d'une énergie productive. Et
quant à
nu
effet
comme
nécessité apparente qui
la
l'expliquer.
que
une cause
et
donnés dans l'expérience, Thabitude, ou,
on
dirait aujourd'hui, l'association suffit
Sur ce point,
il
du dix-neuvième
disciples
lie
qui
celle
timidement
et
n'y a, entre
Hume
siècle, d'autre
pour
et ses
différence
une hypothèse, présentée
distingue
avec quelque embarras,
comme
il
con-
vient à un novateur, d'une affirmation décidée et tran-
chante,
comme
il
M. Stuart
les
conjectures du maître.
Mill n'hésite pas à dire
))
du sentiment de
la nécessité,
»
une nécessité de
la
» objective n'est » phes), c'est, ))
des imitateurs qui
est naturel à
prétendent avoir vérifié
pensée
«
:
Pour ce qui
est
ou ce qu'on appelle
(la
nécessité réelle
ou
pas en question pour ces philoso-
de tous
phénomènes,
les
celui
que
l'as-
sociation est le plus capable de produire (^). »
Quelque incomplètes sent les vues de
moins
lui
et inexactes
Hume
sur
la
que nous parais-
causalité,
il
faut
au
rendre cette justice que, mieux que per-
(1)
OEuvres phiL,
(2)
M.
Uim
I,
de
la
Mill, Hamilton, p. 349.
page 95 à
la i)age 224.
— sonne avant
lui
,
a su poser la question et discuter
il
du problème.
les différentes parties
dire
,
—
163
laissé à ses successeurs
différentes
que
Il
le
n'a
,
pour ainsi
choix entre les
hypothèses quil a lui-même examinées.
L'opinion de Maine de Biran, moins nouvelle qu'on
ne et
le croit
généralement, a été exposée tout au long
repoussée par
Hume
;
et ce n'est
que
Traité de la Nature humaine ,
dres curiosités du
l'avance, par un philosophe em-
d'y trouver réfutée à
une théorie que
pirique,
pas une des moin-
mise
les spiritualistes n'ont
formellement en avant qu'un siècle après, et qui est
devenue depuis ce temps M.
Mill
« le
,
On ne
selon les expressions de
,
boulevard de l'Ecole intuitive. »
saurait
non plus refuser à
d'avoir compris l'importance
du
Hume
sujet.
Ce
le
mérite
n'est
pas
sans quelques précautions oratoires qu'il aborde, dans
du
la troisième partie qu'il
Traité de la Nature humaine
,
ce
appelle « une des questions les plus élevées de
» la philosophie.
cipe de causalité,
»
savait qu'en attaquant le prin-
Il
il
touchait
aux fondements de
métaphysique, bien plus, de toute science;
que peu inquiet de
hardiesse de ses vues
la
toute
et, quel,
c'est
avec des détours que ne comporte pas d'habitude l'allure
hautaine de son génie,
ment une théorie dont
il
qu'il
expose prudem-
voudrait dissimuler
la
témé-
rité. 11
faut voir
combien
il
s'ingénie à faire croire au
lecteur
que sa conclusion n'a rien de prémédité
voulu,
et qu'il la
s'y
rencontre
comme
attendre, au bout d'une longue
et
de
par hasard, sans et impartiale re-
— En
cherche.
,
franchise.
est pleine d'artifice
dans
1 ^
:
,
cherche, sans
,
«
manque
l'antériorité
2l°
,
la
abandonner
,
il
l'impression initiale d'où
trouver,
mon
de
l'idée
3" et surtout la liaison nécessaire
dérive une pareille notion t-il
que contient
dans l'espace
la contiguïté
temps
le
et
,
Donnons-en un exemple. Après
avoir analysé les éléments
cause
méthode, plus savante
cet endroit, sa
qu'elle n'en a l'air
un peu de
—
164
:
« Faut-il
donc,
» s'écrie-
système, et reconnaître que je
»
possède une idée qui n'a été précédée d'aucune
»
impression correspondante?
»
mon système
))
Il
))
qu'ils
»
cisément
faut imiter
» sans
Non
car la vérité de
;
Que
a déjà été démontrée.
faire alors?
ceux qui, n'ayant pas rencontré ce
cherchaient à l'endroit
oii ils
comptaient pré-
le trouver, battent le terrain tout
aucun plan ni dessein déterminé
,
dans
autour, l'espé-
»
rance que leur bonne fortune les mettra d'elle-même
»
sur la voie (1). »
Hume
ne se
fie
pas au hasard
autant qu'il le dit; mais, avec une feinte naïveté,
veut paraître ignorer rappelle la
oii
il
va,
et,
il
par un procédé qui
méthode de Socrate, donner à une théorie
habilement construite l'apparence d'une vérité qui s'offre
d'elle-même, et qui a d'autant plus de chance
d'être vraie, qu'elle a été
moins prévue.
remarquer au lecteur,
à la
»
» dit-il
vail, alors qu'il s'est enfin
fin
« Je ferai
de son
tra-
décidé à démasquer son
jeu, et à parler de la succession constante, qui est,
d après
-
lui, le principe
(1) Traité,
tome
de
l'idée
de cause,
I, part. III, sect. II, p. 105.
« je ferai
—
—
165
remarquer que cette nouvelle relation
I^P verte
à nous, au
moins,
>
et
décou-
s'est
moment où nous y
pensions le
que nous étions entièrement ab-
tandis
sorbe par un autre sujet (1). »
»
Venons maintenant au fond des choses de ses
pouillant
Hume^ résumons Sur j
représentative de la notion de cause
!
pas
en
:
il
que
qu'il le
,
la
,
valeur
la
Hume
n'hésite
réduire à ne représenter que l'an-
qui devance
produit?
de
N'est-ce pas la nier,
nie Tidée de causalité.
effet,
técédent
dé-
,
ses théories, tout en les critiquant.
premier point, c'est-à-dire sur
le
et
l'exposition
oratoires
artifices
,
Ici
l'effet
le
,
sans qu'on puisse dire
Hume
scepticisme de
ne se
contente pas de refuser à nos conceptions la valeur objective
que nous leur accordons;
conteste la
il
notion elle-même, et assure, par exemple, que nous
ne nous entendons pas, quand nous parlons de force, de pouvoir, de cause active
et efficace.
Dans ce premier débat,
avec
que
Hume
c'est
le
commun commun ne
sens
a d'abord affaire; car le sens
se laissera pas facilement convaincre qu'il ne conçoit
pas ce des
qu'il croit si
énergies
nettement concevoir, c'est-à-dire
agissantes et productrices. Mais
avec Maine de Biran surtout que losophe écossais entre en lutte
ne constate pas seulement il
;
le fait
la
doctrine du phi-
car Maine de Biran
de
l'idée
en donne l'explication philosophique
mine avec précision
(1)
Traité, sect.
l'origine.
VI, p. 117.
c'est
,
de cause
et
:
en déter-
Sur un point,
—
166
—
Hume
est
d'accord avec Maine de
Biran, avec Dugald Slewart, avec presque tous les
philosophes
:
c'est lorsqu'il insiste
pour montrer que
l'expérience sensible par elle-même, ne nous permet,
en aucun cas, de
saisir
que nous appelons une de
la conscience et
directement
ne s'aidaient de
la raison, c'est-à-dire
préalablement conçue de
la
producteur
l'acte
causalité. S'ils
d'une notioaf
cause en général,
les
sens
n'apercevraient jamais, dans les choses physiques,
que des tuites le
liaisons constantes
de phénomènes
monde
matériel
:
les
ou des coïncidences for-^ causes et les effets
,
dans
ne leur seraient connus qu'à
,
titre
d'antécédents et de conséquents. Mais ici, on le sait, les idées
et
il
de
sont moins originales que justes,
n'a pas le mérite d'avoir le
vérité
que Hobbes avait déjà
venue, après anglaise. la
Hume
un
lui,
lieu
premier exprimé une
saisie, et qui était de-
commun
dans
la
Dans des termes qui annoncent
Nature humaine, Hobbes avait
dit
que
le
» appelons expérience n'est
:
«
philosophie le Traité
de
Ce que nous
souvenir de
tels
» ou tels antécédents suivis de certains conséquents. »
Butler, Collins la
même
,
Berkeley, Locke, ont tous soutenu
opinion. C'est qu'en effet rien n'est moins
contestable.
Les analyses
physique et de
la
les
plus profondes de la
chimie s'arrêtent
apparences. Elles ne soulèvent jamais
couvre
les forces
cachées de
la
toujours le
voile
nature; et,
si
aux qui
noua
ne pouvions introduire, dans notre conception du
monde
extérieur, que les idées sensibles, l'univers
resterait
pour nous un immense assemblage de phé-
—
167
-.-
nomènes qui se déploieraient, sans doute, dans un certain ordre de temps et de lieu, mais dont on ne pourrait jamais dire quelle est leur raison d'être, et quelle cause les détermine à se développer suivant cette loi
â
Mais
de succession régulière. s'il
en est ainsi du monde où ne plonge en-
core que le regard des sens la
,
les
choses changent et
nature prend un autre aspect, quand les phénomè-
yeux sont
nes qu'elle présente à nos
interprétés et
expliqués par l'esprit humain tout entier.
que
dit-on que les forces,
les causes^
En vain nous
ne sont que de
vaines entités scolastiques, qui doivent rejoindre, dans le
pays des chimères,
mes
En vain monde physique
substantielles
cluant du
les qualités occultes et les for-
!
les théories
modernes, ex-
ces puissances, ou vivan-
ou tout au moins actives, que
la vieille
science
admettait, nous représentent-elles la nature
comme
tes,
une machine qui ne proportions infinies
;
diffère jdes autres que par
ses
une machine où d'innombrables
ressorts font jouer d'autres ressorts, sans qu'on puisse
jamais découvrir, sans qu'on doive jamais chercher le
moteur,
la force
initiale!
Nous nous obstinons,
malgré tout, à voir, dans ces couples de phénomènes
que
les lois
que des s'agit
tre
scientifiques déterminent,
faits |qui
se succèdent.
des phénomènes de
croyance à
la
Déjà vive quand
il
matière inorganisée, no-
force devient irrésistible en
sence des fonctions de la
.vie.
pré-
Cette croyance est-elle
A
coup sûr,
elle est universelle et invin-
Le jour
même où
il
trompeuse? cible.
la
autre chose
serait
démontré que dans
—
phénoménal tout peut
l'univers
mécanisme
une
—
168
,
où
et
certitude
être expliqué par le
conjecture actuelle deviendrait
la
nous n'en persisterions pas moins à
,
supposer que derrière
apparences se dérobent à
les
nos yeux, ou des milliers de causes distinctes, ou une cause unique et infinie
et,
;
sions de Maine de Biran,
selon les propres expres«
l'idée
» ductive se présenterait encore
d'une force pro-
obstinément à notre
» esprit, et subsisterait, malgré nous, dans l'intimité
de
»
la
pensée
C'est ce
que
science ou la lui,
(1). »
Hume
ne veut pas admettre,
pour
,
monde reste vide de En raisonnant Hume commet d'ailleurs une sens, le
de toute force active.
établir sa
thèse.
confusion assez grave,
attribue à ses adversaires
il
une prétention qu'ils n'ont jamais eue » prit, » » voir
et
dit-
con-
raison n'ayant rien à ajouter, d'après
aux perceptions des
toute cause
et la
il,
« Si
notre es-
capable de découvrir
« était
l'énergie
:
d'une cause .
quelconque
le
pou-
,
nous
» pourrions prévoir et prédire l'effet sans avoir re-
cours à Texpérience.
))
dés de
la
»
Les partisans
notion de cause ne se sont jamais flattés
d'une pareille puissance de divination. ils
plus déci-
les
Gomme Hume,
reconnaissent que l'expérience physique ne saisit
directement que
mais
ils
des
successions de
soutiennent que, ces couples une
minés par l'observation, fait
(1)
phénomènes
l'esprit voit
plus qu'un antécédent.
Maine de Biran, Œuvres
dans
le
Comme Hume
inédiles, éd. Naville,
premier
ils
tome
;
déter-
fois
accor-
I,
p. 257.
— dent encore que
—
169
la raison
elle-même
est incapable
déterminer à l'avance quel sera précisément d'une cause donnée; mais
soutiennent qu'a
ils
l'effet
pnon
humain affirme qu'entre deux phénomènes,
l'esprit
qui se trouveront dans telle et telle condition,
En
aura un rapport de causalité.
que
l'esprit fournit ici
comme
que l'expérience apporte
ce
y
partout, c'est la forme la
c'est
,
si
matière.
Hume
même
échoue,
:
Et
son argumen-
ne porte que contre des philosophes
qui voudraient tirer de la raison
sances expérimentales,
il
d'autres termes, ce
Hume, qui raisonne très-justement tation
de
excessifs-
des connaiss'il
dirige se&
attaques contre ceux qui voient dans la raison, non
source de connaissances positives et particulières,
la
mais seulement
le
principe de vérités générales et
régulatrices.
Quoi bli
en
qu'il
soit,
sachons gré à
Hume
d'avoir éta-
fortement que l'idée de causalité ne peut avoir son
principe dans l'expérience extérieure. Qu'il ait eu le tort
de ne pas reconnaître à
la
conscience des droits
qu'il avait raison
de refuser aux sens
étonner,
songe que
est
si
l'on
que
Mesurons en
Hume effet
comment
s'en
la question de causalité
pour ainsi dire solidaire de
stance, et
,
niait toute
la
question de sub-
substance (1) ?
dans toute sa portée l'affirmation
de ceux qui prétendent expérimenter en eux-mêmes
une cause véritablement active
et
directement saisie.
Parler ainsi, ce n'est rien moins qu'affirmer que l'es-
(1)
Yoir chap.
II.
— humain
prit
nomène,
peut, en
—
170
un cas au moins,
sortir
qui ne se révèle pas seulement par des tions extérieures, mais qui
elle-même
Hume
du phé-
pénétrer jusqu'à une réalité substantielle,
et
dans
et
faisait
manifesta-
se laisse apercevoir en
profondeurs de son être. Or,
les
passer sous
le
même
niveau
les faits ex-
térieurs et les faits de l'àme, et les réduisait, les uns
et les autres, à n'être alors
que
sans
qu'il
dans
là
la
que de purs phénomènes. Et
lumière des
faits elle
pût la repousser, ce
fait
lui
montrait,
unique, nouveau
nature, qui ne ressemble à rien, et qu'on ap-
pelle la conscience
humaine,
comprendre que, dans ce
fait
ne se décidait pas à
il
nouveau,
dans d'autres conditions, peut tions
même
l'esprit,
placé
recueillir d'autres
no-
que dans l'expérience sensible.
du scepticisme qu3
Tel est le principe général
Hume
professe à l'endroit de toute explication psychologique
de
l'idée
de cause; scepticisme d'autant plus remar-
quable qu'aucune des solutions qui ont été proposées,
avant ou après
Hume,
n'a
échappé à son œil scru-
tateur.
En
effet,
quoique
philosophes spiritualistes s'ac-
les
cordent généralement à faire des actes de le
type primitif d'après lequel
le point précis raît la notion
fait
volonté
nous formons notre
idée de cause et de pouvoir producteur,
dent pas tout à
la
ils
ne s'enten-
sur la question de savoir quel est
de notre
de cause
,
activité volontaire et
ils
Hume
où appa-
ont présenté sous diver-
ses formes la théorie qui leur est rents points de vue,
,
les
commune. Ces
diffé-
a tous distingués.
— <(
»
On
171
pourrait prétendre, »
—
» voir que nous sentons en » fois que, par ))
lonté,
nous-mêmes
»
les
demande
se
toutes
organes de notre
théorie. Plus loin,
« si
l'impression originale qui sert
de modèle à Tidée de cause ne serait pas cet dont nous avons conscience
I)
ce
))
rencontrons une résistance de
nisits,
les
Maine de Biran reconnaît dans ces
lignes l'expression de sa propre
Hume
pou-
un simple commandement de notre vo-
nous pouvons mouvoir
» corps (1).
»
que nous avons à
«
dit-il,
tout instant conscience d'un pouvoir intérieur,
,
effort,
quand nous
part des corps
la
» étrangers (2). » Ceci est précisément l'opinion
M. Engel
de
ce philosophe berlinois auquel Maine
,
de
Biran reprochait d'avoir déplacé l'origine de l'idée de force
ou de
causalité; car
» véritable essence
de
la
M. Engel soutenait que force consiste dans
» bilité de saisir et de déterminer
une
force étrangère,
» extérieure, de se mettre en conflit et action avec »
force étrangère qui résiste (3). » Et, enfin,
mine une troisième hypothèse dériverait, le corps,
:
« la
la possi-
Hume
celle oii l'idée
une exa-
de cause
non de l'action que notre volonté exerce sur
sur les muscles, mais de celle qu'elle exerce
en quelque sorte sur elle-même, en donnant naissance à de nouvelles idées (4). Cette nouvelle modification
de
la
théorie de la causalité fondée sur
(1)
Essais, sect. VII, p. 74.
(2)
Môme
(3)
Maine de Biran, OEuvres
essai, p. 77.
(4) Essais, sect.
VII, p. 77.
inédites, p. 269.
la
—
—
172
Yolition, a encore rencontré son défenseur, son propa-
gateur spécial; puisque, à peu près de
la
même
fa-
çon, un philosophe anglais contemporain,
un
de Hamilton, un adversaire de
empirique,
M. Mansel
cherche l'origine de
,
l'école
la
volonté sur les
mais dans
la
production de
rels,
mêmes
:
«
de cause
l'idée
dans Faction de
,
non
mouvements corpovolonté par nous-
la
Dans tout acte de volition,
mon
disciple
j'ai
pleinement
pouvoir de former une
))
conscience
»
résolution ou de m'abstenir
»
tue la conscience représentative de la volonté libre
»
et
qu'il est
delà puissance
en
:
c'est là ce qui consti-
»
(1).
Cette diversité de points de vue, chez des philoso
phes qui tendent tous à une plutôt contraire
même
que favorable à
conclusion
,
serai
thèse que défenc
la
l'école spiritualiste. Car, pourrait-on dire, si le senti
ment de notre tible, aussi
comment
causalité personnelle est aussi irrésis
manifeste que
se
fait-il
le
prétend Maine de Biran
que, dans son école
même, son
aviî
pas unanimement prévalu, et qu'on se soit v
n'ait
obligé de chercher ailleurs que dans l'action de notre
volonté sur nos organes
,
le
prototype de notre idée
de force? Nous aimons mieux, cependant, explique cette variété d'opinions
une vaine recherche sance radicale de
comme une
(1)
dans une thèse commune, paE
d'originalité,
l'esprit
humain à
,
se saisir lui-même
force active et productrice.
Voir M. Stuart Mill, Hamilton,
musat
que par une impuis-
Philosophie religieuse.
p.
352
,
Nous croyons,
et aussi
M. de Ré-
-
173
—
Maine de Biran, que l'énergie d'une cause agis-
[Sec
sante
ne se montre jamais mieux à nous que dans
l'acte
musculaire, quoiqu'elle puisse se révéler encore,
mais à un moindre degré, soit dans l'action que notre
exerce sur les autres êtres de ce
vMre tout entier
monde,
soit
dans
la
conscience de ce pouvoir incon-
testable par lequel notre volonté domine et maîtrise
notre intelligence et notre sensibilité. Mais
il
n'en est
pas moins inutile de chercher ailleurs que dans particulier
signalé par Maine de Biran
notion de cause
il
;
mes pour percevoir la force; et
il
est
de
est inutile l'effort
sortir
le fait
de
la
de nous-mê-
qui nous inspire l'idée de
chimérique de vouloir, avec M. Man-
saisir cette action efficace
sel,
,
l'origine
dans je ne sais quel
pouvoir mystérieux, qu'un moi absolu, incompréhensible
,
distinct
de nos facultés elles-mêmes, exercerait
sur nos volontés.
Quand on
a saisi dans notre con-
science intime le pouvoir volontaire,
il
nous paraît
impossible d'aller au delà. Laissons donc la question sur
le terrain
où Fa placée Maine de Biran.
qu'est la vérité, et nous allons
ments de
Hume
montrer que
C'est là
les
argu-
ne réussissent pas à en détruire
l'évidence.
D'une façon générale
,
l'argumentation de
réduit à tirer de l'hypothèse qu'il
Hume
se
combat des consé-
quences exagérées qu'elle ne comporte pas; à prouver, ce qui lui est facile, vérifient pas
ser
une
que ces conséquences ne se
dans l'expérience;
théorie
dont
il
a
cause et les destinées avec
et,
par suite, à repous-
habilement confondu la vérité
la
des conséquen-
— ces qu'il lui attribue.
174
— que nous avons
est vrai
S'il
conscience d'un pouvoir intérieur, dit
Hume, nous
devrions, d'avance et antérieurement à toute expél'effet
de ce pouvoir. Or, rien de pa-
et c'est
seulement après coup que nous
rience, prédire reil n'arrive;
apprenons
voir nos membres. De même,
si
cette conscience était
nous devrions connaître tous
réelle,
mou-
notre volonté a réellement réussi à
si
les intermédiai-
res par lesquels notre volonté d'agir se transmet jus-
membre
qu'au
qui agit; or, les nerfs, les muscles,
met en
toutes les parties matérielles que la volonté
jeu ponr exécnter
nous
qu'elle
a résolu,
ignorons. Après cet éclair de lumière, que
les
volonté
mouvement
le
fait
luire dans notre conscience, vient
la
la
nuit
profonde, et nous ne connaissons rien des opérations mystérieuses de notre corps. Enfin, en troisième si
lieu,
nous avions conscience de notre pouvoir volontaire,
nous devrions être en
état d'expliquer
pourquoi ce
pouvoir n'a d'empire que sur quelques-unes de nos facultés, « sur la langue et sur les doigts, par ))
non sur
pie,
Hume
le
cœur
triompherait
(1).
prouvait, à
s'il
conséquences présumées de
exem-
»
la théorie
que ces
la fois,
qui est en dis-
cussion ne se confirment pas dans l'expérience, et qu'elles
résultent
cependant
thèse spiritualiste. Mais point.
Hume
ne
l'est
,
nécessairement
victorieux sur le
pas sur
le
toute son argumentation tombe.
(1)
Tome
I, p. 506.
second,
et
de
la
premier dès lors
—
i75
Demander, en premier
— que
lieu,
conscience du
la
pouvoir producteur soit accompagnée prophétique qui détermine a priori
demander
c'est
En
l'impossible.
mouvoir nos membres
la
fait
d'un instinct
nature de la
,
l'effet,
volonté de
dans
est toujours suivie, sauf
des cas exceptionnels, de l'exécution immédiate de ce
mouvement musculaire.
C'est
dans cette production
réelle d'un effet particulier par
une cause donnée, que
nous saisissons expérimentalement
l'idée
de force ou
de pouvoir. L'école spiritualiste ne prétend pas davantage. Elle ne sort pas de
Hume;
elle
réalité
la
que d'une volonté
,
et
inefficace, et, si je puis dire, d'un
auquel
Hume demande
conscience d'une action le dit ))
Maine de Biran,
qu'il il
l'effet qu'il
cependant d'avoir
n'accomplit pas.
ne
Comme
pas de prévoir,
s'agit
mais de bien sentir ou apercevoir ce qui existe
Hume,
fait
ne se place pas dans l'hypothèse chiméri-
pouvoir impuissant, qui ne produirait pas veut
comme
je le répète, n'a pas
remarqué
l'exigence jusqu'à réclamer que la
qu'il
(1). »
poussait
volonté eût con-
science d'un pouvoir qu'elle n'exercerait pas, et que,
dans l'énergie de
la
cause, on saisît d'avance un effet
qui ne serait pas encore produit. Or,
il
est bien évi-
dent que cette énergie ne peut se révéler à science que
lorsqu'elle
cette expérience et
de
la
agit
(1)
d'effet,
la force et la causalité.
Maine de Bican
,>
la
con-
C'est
dans
cause effectivement agissante
immédiatement suivie
percevoir
réellement.
que nous pouvons Il
ne faut point aller
OEwires xosthinnes ^ tome
I, p. 260.
—
176
—
au
delà de celte unique affirmation
est
un
fait
duit. Et
Maine de Biran lui-même a
admet que
l'énergie
de
elle
))
du
il
se pro-
quand
tort
cause, considérée en
la
même, avant toute production ))
l'action causale
:
que nous saisissons en nous quand
d'effet, «
il
elle-
emporte avec
une sorte de pressentiment ou de prévoyance succès.
l'énergie
de
Confusion manifeste
»
car, à vrai dire,
:
cause ne se sépare pas de
la
pro-
l'effet
duit, et nous ne savons pas, quant à nous, ce que
une cause qui ne produirait pas
serait
Hume
les
tent (1).
que
il
prétend que
elle-même que
naître
tous
exige encore une condition impossible à réa-
quand
liser,
la
elle
si
ressorts par lesquels
Que
le
le résultat
çues pour
la
même
en
temps
les volitions s'exécu-
mouvement de nos membres ne
conscience, c'est ce
soit
Ne
se connaisse véritablement qu'elle
que personne ne
nécessaire que notre con-
est-il
science aille jusque-là ?
de départ de
cause ne peut se consaisit
d'une longue série d'opérations inaper-,
peut contester. Mais
efficace,
d'effet.
suffit-il
pas, pour qu'elle
comme une
cause libre et
saisisse l'acte initial qui est le point
cette série
de phénomènes
et qui
met
en mouvement toute cette chaîne d'opérations? Et, de plus, cette connaissance est-elle possible ?
Une
force
qui se sait agissante, et qui puise cette science dans
un sentiment
intérieur,
peut-elle en
même
temps se
représenter les organes matériels qui servent d'instru-
(1)
Ce raisonnement de
cité par
M.
Hume
a été reproduit par Hamilton
Mill, qui le trouve péremxjtoire.
,
et
— ments à son action, faire les le
et
—
177
que
sens seuls peuvent nous
les
connaître? Demander que
conscience saisisse
la
opérations physiologiques qui s'accomplissent dans
corps à la suite de l'acte volontaire, c'est une erreur
analogue à celle que commettent
les physiologistes,
déclarent qu'ils nieront l'âme jusqu'à ce qu'ils
quand
ils
l'aient
rencontrée au bout de leur scalpel. Maine deBi-
ran a admirablement montré que cette connaissance des organes matériels est inutile à l'action, et
en
en elle-même. Enfin tive
;,
même Il
la
temps impossible, contradictoire
n'y a rien à ajouter à sa démonstration.
quand Hume s'étonne que
dont
conscience de
avons
nous
conscience
la
ne
cause
ac-
rende
se
pas compte à elle-même des limites de son empire,
que réclame- t-il autre chose, sinon qu'une force qui agit connaisse ce qui est en dehors
Qu'une grande partie de échappe à fait
la
domination de notre volonté,
d'expérience
;
mais pourquoi en
cas impossible que
?
fonctions organiques
nos
ce qu'il est difficile de savoir tout
de son action
,
c'est
un
est-il ainsi ? C'est
c'est ce qu'il
est
en
sache, par une conscience
immédiate, une force qui n'intervient pas dans ces opérations.
La conscience
et notre volonté,
dans
le
même, ne peut dépasser 11
en proportion de l'action,
est
sentiment qu'elle a d'elle-
les
bornes de son activité.
ne faut donc pas être surpris que nous ne sentions
pas l'énergie de notre volonté dans des fonctions auxquelles elle ne se
mêle pas. Et quand Hume, à l'appui
de son raisonnement, nous
fait
remarquer qu'un am-
puté ou un paralytique croit encore avoir
le
12
pouvoir
— de remuer ses membres^ agissante
survit ainsi
178
—
et
que
aux instruments sur
ne peut plus s'exercer^
elle
rillusion d'une force
qui peuvent aisément se
Hume
lesquels
invoque des
retourner contre lui
faits
car
;
croyance persistante prouve péremptoirement
cette
que pour avoir
la
conscience de notre énergie,
nullement besoin de connaître énergie met en jeu,
puisque,
les ressorts
n'est
il
que
cette
une
les ressorts
fois
disparus, cette énergie subsiste encore.
En de
se croit autorisé à nier le
fait
conscience intérieure d'un pouvoir actif, pour
la
trois raisons
conscience de
parce que
le
sentiment de
la prédiction
de
l'effet; 2!°
1°
:
ne contient pas pas
Hume
définitive,
la
3° parce
que
pourquoi
elle n'agit
la
cau&
parce que
I
volonté qui ordonne ne compren
représentation
la
la
des ressorts
qui
exécutent
volonté qui agit quelquefois, ignor pas toujours. N'est-il pas de tout
évidence que ces raisonnements ne sauraient prévaloir contre la si
conscience de notre pouvoir personnel,
réellement cette conscience existe ? Si
n'est
Hume que
la
la nie,
nous savons pourquoi. La
manifestation de la substance. La cause
n'est qu'une substance qui l'autre.
est il
Pour un
spiritualiste
un ensemble de
forces,
n'y a rien d'étonnant à ce
soit
force
agit.
Qui nie l'une
convaincu que
le
monde
de substances distinctes,
que
l'une de
ces forces
douée d'intelligence; que, par conséquent,
prenne conscience d'elle-même, de ses action. l'esprit
ni
Mais pour un empirique qui
efforts,
elle
de son
ne voit dan
que des impressions, dans l'univers que de
—
—
Î79
phénomènes, Fidée de cause,
un prodige inexplicable. Et rité; l'idée
serait
si elle était réelle,
système emporte
le
préconçue domine les observations
vé-
la
les plus
claires.
nous
Il
semble, en
exempt de préjugés l'exercice
pouvoir
une
,
il
pour tout esprit
que,
effet,
n'est pas
Que
réel.
illusion,
rendrons aux
et
que
l'on dise
qu'on
le
prouve
la
fait,
soit
il
dua
alors
:
nous nous
raisons de nos adversaires. Mais ce qui
Hume nie le
une
notion
cette conscience est
dans cette dis-
doit éveiller notre défiance, c'est que,
cussion,
que
contestable
de notre volonté nous donne
ne nie pas seulement fait
illusion
du
l'autorité
lui-même. Et cependant, que ce
ou non,
le
fait
existe
nous sentons
;
en nous-même une énergie véritable, tantôt languissante et molle
ment de
la
pour actes
,
vie se sont retrempés; et cela, les
et d'affaisse-
non pas seulement
mouvements musculaires, mais pour tous
les
auxquels notre volonté participe. Quand nous
prenons dans
aux heures d'énervement
tantôt vigoureuse et forte, lorsque les ressorts
la
l'initiative
d'une action quelconque, quand,
plénitude de notre liberté, nous nous détermi-
nons à une résolution grave,
n'est-il
pas vrai que le
sentiment de notre énergie, de notre causalité, déborde
pour ainsi dire de notre âme
?
D'ailleurs, sans insister sur l'origine
a
une chose incontestable,
Hume
le
de
l'idée,
reconnaît
:
il
y
Fidée
existe; la notion de force est familière à l'esprit
hu-
main. D'où vient-elle? Qu'est-ce que cette idée vulgaire, universellement
répandue, de pouvoir
actif,
de
— puissance productrice?
phes
Mais
?
elle se
C'est qu'elle est
ment
180
—
Une invention des
développe dans tous
formée, répond
philoso-
les esprits
Hume, de
!
ce senti-
que nous éprouvons, en présence d'une résistance extérieure, de ce nisus animal, dont nous d'effort
faisons alors l'expérience.
de sentir pourquoi
l'effort
Nous sommes donc capables
de notre énergie physiologique. Et
ne se-
l'effort intellectuel, le nisus intérieur,
pas, lui aussi, saisi par la conscience? Pourquoi
rait-il
comme
pas,
n'entrerait-il
élément essentiel, dans
la
formation de l'idée de cause?
En accordant
qu'il
y a dans
la
notion de force un
élément additionnel qui dérive de ce 7îisus
Hume
animal,
est sur le point d'avouer qu'il
dans ridée de cause, autre chose que d'un antécédent invariable Mill
:
» fois
c(
Nous
,
et
un
qu'il appelle
la
y
a,
conception
de dire avec M. Stuarl
faisons l'expérience d'un effort toutes les
que nous mettons un objet en mouvement, formons naturellement
et,
»
par suite, nous
»
tablement notre première conception de toutes
»
forces de l'univers, par analogie avec les volitions
»
humaines
que des inconséquences
là
aveux involontaires. Hume maintient, malgré notion de cause
tion d'un fait
,
considérée
spécial
qu'une chimère. »
,
comme
la
M. Stuart
Mill, Hamilton,
que
représenta-
immédiatement perçu
« L'esprit n'a
et des
tout,
,
n'est
aucune idée des choses
qui n'affectent ni les sens, ni la conscience.
(1)
les
(1). »
Mais ce ne sont
la
inévi-
et
p. 355.
Il
sem-
—
—
181
que nous n'avons
))
ble donc nécessaire de conclure
))
aucune idée de connexion
»
mots n'ont aucune espèce de sens.
Avec des conclusions
de pouvoir,
et
que ces
aussi absolues, on se
met en
et
non pas seulement avec
opposition,
»
telle
ou
telle
phi-
losophie, qui explique à sa façon l'origine de l'idée de
cause
mais avec
,
la
science qui
principe de ses recherches
le
Hume
avec l'humanité
,
ne craint pas de combattre
sophiques,
devant
le
il
sens
de celte notion
inspire dans tous ses actes.
qui s'en
entière
fait
les
commun
;
et
s'il
ne
s'incliner
croit pas à la soli-
dité des principes qu'admettent la majorité des
mes,
il
cependant
est
préoccupé de
fort
de s'en rendre compte
et
principes dont
il
,
une
surtout quand
«
Certes,
s'il
hom-
expliquer
les
s'agit
il
comprend l'importance. Et
de cause est de ce nombre.
si
systèmes philo-
du moins très-disposé à
est
tout
Or,
la
de
notion
y a entre les
nous importe de connaître,
»
objets
))
c'est celle
»
sent tous les raisonnements qui concernent les ques-
» lions
de
» relation
relation qu'il
de cause
et d'effet.
fait, les vérités
seule,
Sur cette relation repo-
d'existence. Grâce à cette
nous obtenons
quelque certitude
»
touchant les objets qui échappent au témoignage de
))
nos sens ou de
donc
de-
notre
mémoire
(1).
»
Il
importe
savoir quelle est cette nécessité secrète qui
nous force à considérer deux phénomènes
comme
comme
dépendants l'un de
l'autre,
l'autre. C'est ici la
seconde question que nous avons
(1)
Essais, sect. YII, p. 87.
produits l'un par
—
182
— Hume, comme nous
signalée au début de ce chapitre. le verrons, la résout et sa théorie
nale,
d'une façon véritablement origi-
a directement provoqué celle qui
défraie aujourd'hui la logique inductive de M. Stuart Mill et
de ses amis.
Distinguons, d'abord, deux choses rale, qui
nous paraît une
définit ainsi >)
de
d'être
lieu, l'application particulière
de ce principe
à la
que Hume
et
»
;
,
en se-
que nous faisons
recherche expérimentale des cau-
ses dans le
monde physique
à discuter
la légitimité et le
tion
la raison, et
une cause, une raison
avoir
cond
loi
Tout ce qui commence à exister doit
«
:
géné-
la vérité
:
moral
et
:
ce qui revient
fondement de l'induc-
.
Hume, qui ne causalité
de discuter
plupart des philosophes, certain
;
autres
le
le
principe de
la
valeur de ce principe. La
dit-il
,
le
considèrent
comme
croient pouvoir le démontrer, les
uns
les
que
à l'expérience, a du moins
antérieur
soit
pris la peine
saurait admettre
prennent pour une vérité intuitive.
quer
les
anciennes
et
prouver que
le
faut
Il
donc, avant de présenter une nouvelle théorie,
criti-
principe
en
question n'est ni une vérité intuitive, ni une vérité
de raisonnement philosophes qui
,
(1). Hume a beau jeu comme Hobbes, Clarke et
tenté
une démonstration a
salité
:
«
Il
D. Steward,
{!)
Tomel,
est le premier, «
priori
à
ma
contre
les
Locke, ont
du principe de cauconnaissance,
» dit
qui ait prouvé d'une façon satisfaisante
p. 106 et suiv.
—
—
183
»
que toute démonstration tendant à
})
d'une cause pour toute existence nouvelle ne peut
que fausse
» être
par exemple
,
établir la nécessité
et sophistique (1). »
Lorsque Clarke,
veut fonder l'évidence de ce principe sur
l'absurdité qu'il y aurait à ce qu'une chose fût à elle-
même
nement analogue, nothing), ces
deux
le
néant
principe
même dont
ils
recherchent
il
n'y
démonstration. le
principe de
a plus aucune nécessité à dire
elles-mêmes leurs propres causes
quement la
le principe
salité
que
c'est
uni-
une
fait
loi
recherche des causes.
est
donc impuissante,
qu'un cercle vicieux. cette
puisque
;
de causalité qui nous
Toute tentative pour démontrer
ils
la
l'on respecte le
choses ont le néant pour cause, ni qu'elles sont à
les
de
ne
s'appuient
hypothèse, on écarte un instant
causalité,
produced by
cercle vicieux,
ils
demeure une absurdité qu'autant que Si, par
(^is
un
philosophes font
labsurdité sur laquelle
puisque
de soute-
insiste sur l'impossibilité
qu'un être a pour cause
nir
un raison-
sa propre cause; lorsque Locke, par
tâche
et
le
principe de cau-
condamnée
à n'être
Les philosophes qui s'imposent
ingrate oublient que, quoiqu'ils fassent,
n'échapperont pas dans leurs raisonnements à la
domination d'un principe qui est au fond de
humaine. La réfutation que
Hume présente
retrouvons, presque dans les milton, qui attribue à nitz le
(1)
Wolf
raisonnement que
D. Stewart, Dissertation
mêmes et
aux
etc., p. 178.
ici,
raison
nous
la
termes, dansHadisciples de Leib"
Hume combat ,
la
chez Clarke et
— chez Locke.
((
18i
Ecoutez,
— Hamilton, « ce qu'on
dit
»
donne pour une démonstration. Tout ce qui
»
» duit
est pro-
sans cause n'est produit par rien, ou, en d'aua rien pour cause. Mais rien ne peut
))
très termes,
))
pas plus être une cause qu'être quelque chose.
»
même
»
quelque chose nous montre que chaque chose doit
nous apprend que rien
intuition qui
une cause de son existence.
» avoir
A
cet
La
n'est
pas
argument
»
nous répondrons que l'existence des causes étant
»
point en
»
dans
litige,
» réalité.
il
ne
faut pas la
même
raisonnement
le
En excluant
»
considéré
))
trairement à
de
une cause,
» rien soit
les causes,
cause
l'effet
:
cette exclusion, supposer
de l'absurdité de
et
» toutes les choses doivent
que, par
» causes, »
il
la raison
faut faire
précisément
le
donc
))
nant pour vrai
les expressions
tuellement dans
supposi-
de l'exclusion même. Si
qui a
il
s'en-
exclure les autres
fait
de rien une cause. Mais
l'objet
:
c'est là
on veut savoir
une cause ou non
;
si
on viole
du débat
(1). »
Les idées et
de Hamilton se trouvent presque texle Traité de
Sur ce premier point,
(1)
que
premier principe du raisonnement en pre-
»
la
Hume
Nature humaine. a facilement raison
Hamilton, Lectures, II, 391, 392. Conférez
p. 108.
la
avoir une cause,
point en question
» toutes les choses ont le
nous excluons toutes
on ne peut donc pas, con-
» tion conclure à l'absurdité
» suit
prendre pour vraie
qui doit prouver sa
conséquent, nous excluons rien
» les causes, et, par
comme
le
Hume, tome
de
I,
— quand
—
nous sommes moins disposé à
ses adversaires. Mais le suivre,
185
affirme que le principe de causalité
il
pas davantage une vérité évidente
n'est
mêaie, une intuition de la raison.
Il
n'y a, on le sait^
que quatre relations d'idées qui donnent
Hume,
par elle-
d'après
lieu^
une certitude immédiate. La causalité ne
à
rentre dans aucune d'elles
elle
;
ne peut donc aspirer
à être intuitivement saisie. Mais sur ce point, la théo-
Hume
de
rie
est tout à fait arbitraire
;
aucun
n'a
il
droit de réduire à quatre catégories les rapports im-
médiatement aperçus par conséquences avec
le
Mais
par suite, les
de cette supposition tombent
qu'il tire
insiste, et le
reconnaissant que Timpossibilité
contraire
du principe de
causalité, à
un commencement d'existence sans cause,
prouverait,
si elle était réelle,
intuition a priori,
Hume
que ce principe
s'attache à
impossibilité n'existe pas.
ment
et,
système qui leur sert de principe. il
de concevoir savoir,
l'esprit,
Il
est
une
montrer que cette
admet qu'un commence-
d'existence peut se produire sans cause produc-
trice,
que
l'esprit
en peut être
humain, tout au moins, conçoit
ainsi.
Nous nions absolument que
qu'il
la rai-
son se prête à cette supposition, bien que, par une hypothèse bizarre, des rationalistes
comme M. Mansel
acceptent cette possibilité, et rêvent des étoiles où la loi
de causalité ne régnerait plus en souveraine. La
raison
dément de
de vérité que
que
l'esprit
la nécessité
quelquefois
pareilles hypothèses.
humain
de
faire
n'y a pas
affirme plus résolument
d'une cause. Cela est
difficile
Il
si vrai,
qu
il
comprendre à certaines
est in-
—
•
que Dieu,
telligences
même que
cause; de
Cause Suprême, n'a pas de
la
ont de
les chimistes
admettre aux enfants
faire
—
186
qu'il
y a des corps sim-
ples, dont toutes les molécules sont
La fausseté de
de considérer
principe de
le
même
de
de Hume,
l'opinion
peine à
la
nature.
et la nécessité
comme une
causalité
primitive de notre esprit, ressort d'ailleurs de la
loi
même
des explications
cette
vérité se fonde sur l'expérience
faiblesse
que
blir
Voici
phrase
cette
qui
sa théorie,
donne pour éta-
qu'il
pourrait
dans
résumer
se
de Maine de Biran
:
(1).
L'habitude
«
»
nous crée des causes dans l'ordre des successions,
»
comme
des essences dans l'ordre des
coexisten-
» ces (%). »
nous étudions de près ce qu on
Si
ment une cause
un
effet
contigus
« la
cause
l'effet.
))
»
dans l'espace,
des
finale est et,
assertions.
prévue
elle est
Il
Maine de Biran
si
l'on
est vrai
ils
,
Hume
la
admet que
la
l'exis-
cause
détermine
;
idéalement antérieure; mais
C'est dans le Traité su?' la Nature
a fort abrégé sa théorie. (2)
:
appelle
est-elle tou-
par l'intelligence qu'elle
les longues explications de il
La cause
Non,
?
causes finales.
dans ce sens,
(1)
relations
celui qu'on
pourrait déjà contester à
deux
jours antérieure à Teffet tence
et
entre
,
précède toujours celui qu'on appelle
— On
vérité de ces
vulgaire-
nous remarquons
,
deux phénomènes, deux premières
ces
sont
<(
et
nomme
Hume
Tome
humaine qu'il faut cherchei*
sur ce sujet. Dans les Essais
I, p. 111 et suiv.
Mémoire sur
l'habitude.
—
Hume
antériorité dont
une
c'est
—
187
n'a
considère, d'ailleurs, la négation
aucune idée.
des causes
corame un corollaire de sa doctrine sur Il
n'y a,
dit-il
antécédents invariables. Quant à
de
finales
la causalité.
qu'une seule espèce de causes
,
la causalité, la
la
Il
les
:
seconde condition
Hume,
juxtaposition dans l'espace.
encore, nous paraît dans l'erreur. N'y a-t-il pas
ici
une multitude de causes, connues agissent à distance, et loi
générale que
Quoi
qu'il
en
comme
qui
telles,
qui, par suite, échappent à la
Hume admet sans discussion ? soit, Hume reconnaît que la conti-
guïté et la succession de
deux phénomènes ne
suffi-
sent pas à nous inspirer l'idée de la liaison nécessaire
qu'en
nous concevons entre un
fait
effet et sa
Dans une seule expérience de deux successifs liécessité.
donc
Trouverons-nous
cela est-il
même,
«
contigus et
nous ne trouvons rien qui ressemble à
,
bout de plusieurs expériences
ment
faits
cause.
possible?
?
cette nécessité
Hume
le croit.
Comment,
a
la
au
Com-
dit-il lui-
»
ce que nous n'apprenons pas à la vue d'un
))
objet, pourrions-nous l'apprendre à la vue de cent
))
objets
absolument semblables au premier
qu'à chaque apparition nouvelle des deux nes, une nouvelle impression se produit prit
contracte
l'autre.
ainsi
l'habitude de
Une goutte d'eau
à creuser
le
est
,
? » C'est
phénomè-
et
que
l'es-
passer de l'un à
assurément impuissante
moindre trou dans
la
pierre, et cependant
un million de gouttes d'eau semblables aura peut-être
De même, ce qu'une seule apparition des phénomènes n'avait pu faire, la répétition constante ce pouvoir.
— des phénomènes
188
le fera;
—
et,
en
effet,
nous remar-
quons qu'après un fréquent retour des mêmes couples de
faits,
l'imagination est déterminée par l'habitude à
penser, en présence de l'antécédent ord'mdilre (its usual attendant), a ))
à son conséquent
,
La répétition constante
de deux objets ne découvre rien de nouveau en eux,
» et c'est
cependant de laque dérive
l'idée
de pouvoir,
»
de liaison nécessaire.
»
d'exemples, d'où dérive l'idée de cause, ne découvre,
»
dans
))
servir de
»
de cette succession constante produit une nouvelle
les objets,
.
.
C'est que, si cette multiplicité
aucune qualité nouvelle qui puisse
modèle à
cette idée,
du moins
Vobservation
» impression dans l'esprit : c'est cette impression qui est
» le
modèle réel del'idée de cause... La nécessité
n'est
))
donc que
))
blables
»
interne de l'esprit, une tendance à passer, par
»
pensée, d'un objet à un autre (1).
Le n'est
de
l'effet
de
elle n'est
;
cette observation d'exemples
pas autre chose qu'une impression
lien nécessaire par lequel
nous unissons
humain comme de ces menteurs
de répéter leurs mensonges,
eux-mêmes. l'esprit
A
finissent par
force de voir des
la
»
donc qu'une tendance de l'imagination.
l'esprit
sem-
les faits Il
en est
qui, à force
en être dupes
phénomènes
associés,
imagine une relation de causalité, une relation
nécessaire entre des
phénomènes
oii,
en
réalité,
il
n'y
en a pas trace. Cette relation, effet de l'imagination, est entièrement
subjective.
(1)
Tomel,
Il
p.
y a cette seule différence, de
210
et suiv.
Hume
à
— Kant , que pour Kant de
diat
Hume
la constitution intellectuelle
fiction,
immé-
le subjectif est le résultat
\e subjectif est l'effet
par une
—
189
de l'homme
pour
:
de l'habitude. L'esprit qui,
a créé l'univers, par une autre fiction
phénomènes
crée les rapports qui paraissent unir les
Hume avoue que
dont se compose cet univers.
c'est
plus étonnant paradoxe (the most violent) de toute
là le
sa philosophie et
per,
décisifs
mais
ne croit pas pour cela se trom-
il
espère que
il
arguments
ses
pour convaincre à peu près tout de
les objets
que
tions
;
de contiguïté
tout le reste n'est qu'un
monde que
poëme, en quelque
Le moyen proposé par
que soulève
de succession
et
ajouté par notre imagination à
ficultés
le
nature n'ont entre eux d'autres rela-
la
celles
seront assez
que
sorte, sur-
la réalité.
Hume
la nécessité
;
pour obvier aux
dif-
reconnue d'une liaison
causale dans une doctrine empirique, ne saurait nous satisfaire
;
mais
il
n'en est pas moins le meilleur, le
seul peut-être qu'on puisse imaginer pour conserver,
un
pareil
nécessité
dans
dans
système, l'ombre et l'apparence de la les
rapports des
phénomènes. Nul
doute que M. Mill et son école n'adhère à cette théorie, quoiqu'il
ce
de
ne
l'ait
pas expressément déclaré. C'est
moyen que, dans un l'école
française
comme l'unique d'embarras. Comme il
glais
récent travail,
présentait
au
un philosophe
philosophe
voie à suivre pour n'est
se
antirer
guère possible de mieux
résumer l'opinion de Hume, nous citerons en entier ce passage, emprunté à la thèse de M. Lachelier sur le
Fondement de V Induction:
((
Supposons, d'abord, que
—
190
—
» l'induction spontanée ne soit pas an
jugement porté
» par notre esprit sur la succession objective des »
phé-
nomènes, mais une disposition subjective de notre
» imagination à les reproduire
dans l'ordre où
ils
ont
» frappé
nos sens; on peut accorder, sans franchir
» bornes
de l'empirisme, que cette disposition, d'abord
))
purement
» fluence
développe en nous sous
virtuelle, se
de nos premières sensations,
même
temps, que,
))
en
»
incessamment
faible à son
les
l'in-
et l'on conçoit,
début,
elle soit
par l'ordre invariable dans
fortifiée
» lequel se succèdent, en fait, toutes ces sensations. »
Supposons, en second
» siste ))
l'imagination, et
l'on
certitude
la
passage de
n'attache pas
» trop absolu, et » à la
la probabilité
con-
dans une habitude
la probabilité
à la certitude
à son tour, rien d'inconcevable,
» n'a plus,
que
que
pour nous dans une habitude puissante de
» invincible, le
))
lieu,
que
l'on
au mot
invincible
pourvu
un sens
avoue que notre croyance
causalité universelle,
fondée sur un nombre
))
prodigieux d'impressions conformes, pourrait être
»
ébranlée à
)î
contraires
d'induction,
longue par le choc répété d'impressions
la
(1). et
Quoiqu'il s'agisse
»
non,
à
ici
du principe
proprement parler, du prin-
cipe de causalité, les lignes que nous venons de citer
contiennent, mutatis mutandis, l'expression exacte de la
pensée de
(1)
M.
(2)
Voici
Hume
(2).
Du fondement de l'induction p. comment Hume résume sa théorie
Laciielier,
» nécessité dérive
,
:
de quelque impression.
Il
28, 29. «
Vidée de
la
n'y a pas d'impression
— Nous
191
—
objecterons d'abord l'impossibilité de con-
lui
fondre une tendance de l'imagination^ quelque entraî-
nante qu'elle
que
avec une affirmation aussi invincible
soit,
croyance à une cause pour toute existence
la
Nous trouvons tous, dans notre expérience
nouvelle.
personnelle, des habitudes invétérées contractées par notre imagination
or,
y
a-t-il
quelque ressemblance
conceptions qu'elles nous suggèrent et les
les
.entre
:
jugements nécessaires que nous impose de causalité? De
qué Il
le
principe
le
plus, combien serait lent et compli-
développement de cette tendance imagina tive pour
faudrait,
lui
donner une force
même
l
modérée,
un nombre considérable d'observations. Cela
peut-il
se concilier avec la spontanéité de nos affirmations,
avec
la curiosité instinctive
de l'enfant?
mot came n'exprime pas un rapport
Si le
dépendance entre deux phénomènes seulement
la
succession
,
s'il
spécial
de
représente
pourquoi donc
constante,
»
fournie par les sens qui puisse donner naissance à cette idée.
»
faut
))
pression de réflexion.
» se
donc
qu'elle dérive d'une
Or
il
n'y a pas d'impression intérieure qui
rapporte au sujet qui nous occupe,
si
ce n'est cette inclination,
de l'habitude, qui nous pousse à passer d'un objet à
»
effet
)>
l'objet qui
cette inclination qui constitue la nécessité
«
sitij).
En un mot,
la
objets et
de cette nécessité considérée
il
(
ne nous est pas possible de nous
M
comme une
nous n'avons aucune idée de
que
de
tendance de
»
n'est
«
et des effets
o
par l'expérience.
la
la
la
T.
the essence of neces-
I,
faire la
moindre idée
qualité des choses.
nécessité
,
ou
la
p. 212.
Ou
nécessité
pensée à passer des causes aux
aux causes, conformément »
is
nécessité existe dans l'esprit, non dans les
^
» bien
l'idée
l'accompagne ordinairement. C'est, à n'en pas douter,
M
;
II
impression intérieure ou d'une im-
effets
à leur liaison constatée
—
—
192
n'intervertissons-nous pas quelquefois les termes d'une
Deux phénomènes
se suivent
Ne pourrions-nous pas appeler
indifférem-
relation aussi fragile?
sans cesse.
ment que
cause et
mot
le
effet
chacun de ces phénomènes, puis-
cause et le
mot
effet
ne désignent que des
successifs? Et cependant, en
faits
tons dans ces
ment
deux termes une énergie de sens
spéciale,
que toute confusion
Dira-t-on que ce qui
empêche
la
est inféré
,
confusion, c'est seu-
de départ à linférence,
qui
celui
et effet celui qui
n'y a-t-il pas des cas où nous devrions
sans voir le feu
,
nous appe-
si
phénomène perçu,
appeler cause ce que nous appelons
exemple
telle-
impossible,
est
lement l'antécédence invariable? Mais lons cause le premier sert de point
nous met-
réalité,
,
effet ?
Si
pai
,
nous éprouvons de
la
chaleur, et concluons à l'existence du feu, ne devrions-
nous pas
Hume,
conformément aux règles de
la
logique de
considérer la sensation de chaleur
comme h
,
cause du feu? Pour rendre cette absurdité possible, suffirait
un
que
certain
les
deux phénomènes se produisissent
nombre de
fois
dans l'ordre
versé que nous venons d'indiquer.
mes, on ne s'expliquerait plus
que
la science
fortuit et ren-
En
d'autres
la régularité
conçoit dans la nature,
mité supposée de nos perceptions
,
ter-
admirable liaisom
si les
qu'elle détermine dépendaient seulement
si
il
de
l'unifor-
uniformité qui es
souvent troublée. C'est à tort
que
Hume
prétend
tirer
un argumen
en faveur de sa théorie, de l'existence de ces systèmes qui
,
supprimant toutes
les
causes secondes
,
attri-
—
193
—
buent à Dieu seul l'énergie causatrice; car, se retrouve, avec tons pas
comment
unes sur les autres,
les
choses agissent les
la conviction
profonde quil y a
quelque part un pouvoir centré tout entier dans
même
vient au lité
les
Que
ce pouvoir
êtres créés
substance divine
la
deux
,
ou concela re-
,
cas on croit à la causa-
à la nécessité d'une
ici,
:
dans
;
actif infini.
différents
soit réparti entre les
encore^
que nous ne contes-
la difficulté,
d'expliquer
,
là
multitude de causes
secondes dépendantes d'une cause première
;
là
,
à la
nécessité d'une cause unique qui intervient à chaque
pour assurer
instant
succession des phénomènes
la
dans un certain ordre. Des deux côtés, on
Hume
voit,
ne saurait recruter des adhérents.
Nous n'avons pas besoin de redire, après
comme Reid
tres, et la
le
l'a fait
observer
le
tant d'au-
premier, que
succession constante, universelle de deux phéno-
mènes, n'équivaut pas toujours à une
liaison causale;
que l'habitude, par exemple, de voir le jour succéder à la nuit
cause qu'il
que
la
,
ne nous nuit.
avoue la
M.
fait
pas croire que
le
Mill repousse celte objection, quoi-
qu'elle esta très-plausible, »
succession invariable ne
encore qu'elle
jour a pour
soit
suffit
en déclarant
pas, qu'il faut
inconditionnelle; c'est-à-dire que
l'expérience nous ait prouvé « qu'il n'y a pas d autres »
conditions (comme, dans l'exemple cité, le lever
))
soleil) d'oii
»
servée (i).
(1)
M. Stuart
dépende »
la
séquence invariablement ob-
Mais n'est-ce pas renverser
Mill, Logique,
du
tome
les
I, p. 381.
13
fonde-
—
—
194
ments du système^ sous prétexte de l'étayer, et reconnaîy a en nous quelque puissance de raisonnement capable de surmonter les tendances les plus fortes de tre qu'il
notre imagination?
Il
ne saurait y avoir, en
effet,
de
succession plus frappante pour nos sens, plus répétée
du jour
de
que
celle
que
l'expérience seule, en nous montrant
du
une
liaison
si elle
beau dire
Mill a
que
le
lever
le jour,
plement, se succèdent; tion,
M.
nuit.
la
empêche notre esprit de voir causale entre deux phénomènes qui , sim-
précède
soleil
et
est certain
il
que l'imagina-
des liaisons causales,
était le vrai principe
ne tiendrait aucun compte des expériences
du
res relatives à l'apparition
soleil
,
particuliè-
et qu'elle passe-
rait outre sans scrupule, tant l'observation générale
de
du jour
succession
la
l'autre par le
nombre des
et
efforts
,
à trouver
La
causalité.
mènes,
et
Hume
,
et
est
permis de conclure
malgré ses
confie la garde à
il
,
une
résiste pas à la
phéno-
faculté aussi
peut un instant faire
de
phénomènes
lois,
illu-
;
mais ce
réalité
que
tissu
fondées sur l'habitude,
moindre analyse. La science, créa-
tion passagère de l'imagination, n'a pas plus
de
de
maintenir jusqu'à un certain point un ordre
factice et précaire entre les
et
la loi
frêle liaison qu'il établit entre les
dont
fragile et inconsistant
ne
il
est impuissant,
une explication solide de
indécise que l'imagination sion
nuit l'emporte sur
la
constatations faites.
Pour toutes ces raisons,
que l'empirisme de
de
les
modes
éphémères des hommes,
artificielles,
qui,
que
de valeur les goûts
fondés sur l'habitude,
sur l'usage prolongé, peuvent disparaître un jour ou
I
— l'autre.
195
—
Les prétendues vérités scientifiques ne sont
que des préjugés un peu plus durables que Il
n'y a pas de raison
pour que
les autres.
les successions uni-
formes jusqu'à présent constatées, se maintiennent toujours.
Un
jour peut renverser l'ordre entier de la
nature, mettre les effets à causes morales à
la
place des causes, les
place des causes matérielles, et
la
réciproquement. La nature n'est plus qu'un assemblage incohérent de phénomènes qui sont ordonnés aujourd'hui dans certains rapports de succession, mais qui demain peuvent prendre un ordre contraire. Sans
doute,
HumO;
quiétera pas se trompe
qui ne croit pas à la nature, ne s'in-
du
s'il
sort
croit
que
lui fait
son système
;
mais
il
pouvoir au moins maintenir quel-
liaison solide entre les perceptions elles-mêmes.
que
La nature intérieure échappe, scientifique,
à
elle aussi,
toute connaissance
à toute loi
réelle,
n'avons, pour déterminer ses phénomènes,
si
nous
d'autres
instruments que l'habitude et l'imagination. De sorte
que ce dogmatisme empirique, qui les
mouvements de
aux
croit trouver
l'imagination quelque fondement
affirmations générales de la science
le plus
dans
complet des scepticismes.
,
est
au fond
CHAPITRE
V.
DE l'induction. LA LOGIQUE DE HUME ET LA LOGIQUE DE M. STUART MILL.
La négation du principe de causalité
ment pour
résultat
de détruire
dépendance qui unit et par
conséquent
science
;
elle
laisser sans
les
le
n'a pas seule-
rapport effectif de
causes et les effets observés,
des
la certitude objective
lois
de
la
a encore cet inconvénient grave, de nous
aucun principe qui puisse nous conduire
au delà de nos observations, goureusement dans
et
les limites,
de nous enfermer
ri-
non pas seulement de
Texpérience possible, mais des expériences réellement accomplies par nous.
En
d'autres termes, la suppres-
phénomènes rend im-
sion de toute liaison entre les
possible toute induction légitime. L'induction suppose,
en
effet,
une
loi
de notre raison qui
,
sement formulée, revient toujours à les
mêmes
maxime
:
effets. Cette
traduction immédiate d'une croyance
plus fondamentale encore
:
il
y a de l'ordre dans
la
phénomènes
se
quand on prétend que
succèdent, sans qu'ils aient suivre
cette
causes produisent les mêm.es
affirmation est la
nature. Or,
bien que diver-
les
une raison intrinsèque de
un ordre de succession
plutôt
qu'un autre,
—
—
197
quand on leur refuse toute puissance intime de gendrer mutuellement,
pas certain qu'on ôte,
n'est-il
parla même, toute raison d'être au principe de duction?
de
phénomènes
tous les
attribuions en
cause au
tout
,
et celle qui
temps
c'est
Car,
cours de
le
veut aussi que nous
en tout lieu
,
même phénomène.
de croire que
saire ,
l'in-
y a une corrélation évidente, entre la loi
Il
pensée qui veut que nous donnions une cause à
la
pas
s'en-
,
la
même
s'il
nous paraît néces-
la
nature ne change
que nous pensons trouver, dans l'essence de
chaque cause, des caractères spéciaux qui déterminent
l'effet,
si la
cause n'est plus considérée que
qui l'obligent à être
dent invariable de
l'effet,
nous porte à croire que
produire toute chose
))
C'est,
de
la
»
Hume
«
(any thing
nous l'avons vu,
théorie de
sur
autre. Mais,
comme
l'antécé-
rapport, jusqu'à présent
constaté, se maintienne toujours.
thing).
non
n'y a plus de motif qui
il
le
tel et
la
Toute chose peut
may
produce any
conclusion avouée
la causalité.
N'est-ce pas
précisément s'interdire toute inférence des cas observés à ceux qui ne
dehors des
faits
le
sont pas
,
toute affirmation en
positivement constatés?
Nous ne saurions donc partager
l'avis
de M. Mill
qui prétend que l'on peut établir l'induction sur des
bases solides torité
,
et
donner toute sa force
toute son au-
à la loi de causalité universelle,
préalablement pris parti sur causalité. «
A
la
vérité,
et si
la
si la
» geait, pour se constituer, »
,
que
sans avoir
nature du rapport de
logique inductive exiles disputes si
longues
acharnées des différentes écoles de philoso-
^
198
^
»
phie sur l'origine et l'analyse de l'idée de causa-
))
lité
»
ou du moins l'adoption d'une bonne théorie de Fin-
»
duction pourrait être considérée
fussent décidément étouffées
,
comme
,
,
promulgation
la
pour longtemps
désespérée. Mais heureusement, la
»
encore,
))
science de l'investigation de la vérité par la voie
»
de
»
troublent la science de l'esprit
))
nécessairement tenue de poursuivre l'analyse des
»
preuve
la
phénomènes
indépendante des controverses qui
est
humain
,
et n'est
pas
intellectuels jusqu'à cette dernière
li-
»
mite qui, seule^ pourrait contenter un métaphysi-
»
cien (1).
»
Quoi qu'en dise M. Mill,
la
science empirique,
ces
à ne pas dépasser ces inductions fausses
inductions
«
(comme
le dit
résumé,
le
M.
improprement appelées,
»
lui-même), qui ne sont que
le
ainsi
Mill
catalogue abréviatif des
observés.
faits
astronome a considéré successivement toutes nètes
:
il
pose en
loi
que tous ces astres
lumière empruntée au
une il
terre
si
ses principes, est
elle persiste à écarter la raison et
condamnée
m
soleil.
dans l'Océan,
prononce que
c'est
tions, des colligations
que l'expérience
et
une
île.
brillent d'une
Un navigateur découvre fait
rapidement
Ce sont
comme on
,
suffit
en
Un
les pla-
dit
là
le tour:
des descrip-
en Angleterre,
à légitimer, puisqu'elle en four-
nit tous les éléments.
Mais comment
Qu'est-ce qui pourrait autoriser
la
aller
au delà?
pensée humaine à
porter ses affirmations sur des objets que non-seule-
(1)
M.
Mill, Logique,
tome
I, p.
368, 369.
I
— ment
199
—
pas observés, mais que Tobservalion ne
elle n'a
peut atteindre?
On
sait
comment M.
Mill
répond à ces
questions. Rappelons brièvement sa théorie, afin de faire
mieux comprendre combien
opinions de
elle se
rapproche des
Hume.
D'après M. Mill, l'esprit
humain débute par des
inductions spontanées et naturelles
dont
,
expé-
les
riences quotidiennes augmentent sans cesse le
nom-
bre. Ces inductions consistent à généraliser les uni-
formités partielles que l'observation a constatées dans la
En elles-mêmes,
nature.
ces inductions ne sont fon-
supposent cependant un postulat,
dées
sur rien. Elles
qui
impliqué dans chacune d'elles, n'est autre que la
,
croyance
à l'ordre
de l'univers.
« Il
faut d'abord ob-
))
server qu'il y a un principe impliqué dans
»
même
»
au cours de
1
énoncé
de ce qui est l'induction, un postulat la
relatif
nature et à l'ordre de l'univers
,
à
»
qu il y a dans la nature des cas parallèles que ce qui arrive une fois arrivera encore dans des
))
circonstances suffisamment semblables,
»
arrivera aussi souvent que les
))
se représenteront (1). » Mais
» savoir
de
croire
:
;
que
mêmes il
de plus,
circonstances
faut bien se garder
cette croyance à l'uniformité
soit l'origine et le principe
et,
du procédé
de
la
nature
inductif. L'af-
firmation que la nature est gouvernée par des lois
générales est elle-même une induction
de
toutes.
partielles,
(i)
M.
Nous constatons d'abord et,
,
la
les
plus vaste
uniformités
d'induction en induction, nous nous
Mill, Logique,
tome
I, p. 347.
—
200
—
élevons peu à peu à l'uniformité universelle. Cette généralisation
de toutes fois le
suprême n'en
est pas
moins
la
garantie
les généralisations précédentes. Elle est à la
résumé de toutes
et l'affirmation qui
les inductions particulières
en assure
,
la légitimité.
y a là un cercle vicieux évident. Dans le système de M. Mill ni les premières inductions n'ont de rai11
,
son d'être, puisqu'elles ne sont que des
faits instinc-
qu'aucune vérité générale ne garantit et ne sou-
tifs,
tient
encore, ni
et d'autorité,
la
dernière induction n'a de valeur
uniquement sur
puisqu'elle repose
premières. Les principes n'y sont vrais que clusion est certaine
certaine que
si
et la conclusion
;
con-
elle-même
n'est
principes sont vrais. La
les
loi
donc que l'usurpation
causalité universelle n'est
les
la
si
de
finale
d'une imagination qui s'enhardit, et qui, d'empiéte-
ment en empiétement,
arrive à
Si Texpérience seule est la
loi
de
et
d'état décisif.
au fond de nos inductions,
causalité n'est
tions partielles;
un coup
que
total
le
des
induc-
ces inductions partielles, n'ayant
qu'une valeur expérimentale limitée,
ne sauraient,
dans leur ensemble, s'égaler à une affirmation universelle,
M. sités
aussi
comprenant tous
les
temps
et tous les espaces.
Mill a été conduit à cette théorie par les néces-
de son système
,
mais on peut croire
qu'il a été
guidé par des apparences trompeuses.
A ne
semblerait que
regarder que
la
la réalité lui
donnât raison. L'homme commence, en
fait,
de
surface des choses,
il
par induire spontanément, sans se rendre compte
l'opération qu'il accomplit, et sans réfléchir
aux
—
principes qui la légitiment.
quoi
il
léfie
Demandez
à l'enfant pour-
a peur du feu; au sauvage, pourquoi
d'une bête fauve
bles de
—
201
:
où
ont
ils
se
seront tout au plus capa-
ils
vous répondre en citant
ticulières
il
expériences par-
les
l'épreuve du danger qu'ils
fait
redoutent. Quant à l'universalité des lois naturelles, ils
moindre soupçon
n'en ont pas le
;
et
cependant
une
s'attachent à ces généralisations instinctives avec
confiance invincible. Mais l'intelligence
cet instinct qui
du sauvage ou de
chose, sinon
la
ils
gouverne
l'enfant, qu'est-il autre
manifestation obscure d'une raison
encore latente et incapable de formuler ses principes?
Le philosophe qui va au fond des choses ne
doit-il
pas démêler, dans les développements inconscients
de
la
nature primitive, les principes qui, seuls, don-
nent à l'entendement quelque autorité? n'a
aucune valeur
de
l'esprit,
ou
et n'est
elle
Ou
l'induction
qu'un mouvement arbitraire
repose sur une vérité préalable, la
Que
certitude de l'uniformité universelle de la nature. cette vérité se
présente ou non à l'intelligence qui
induit, peu importe.
nécessaire que cette
Au
spontanées, assure
une
la solidité
comme un
toiture
chancelants
Dire que
la loi
couronnement de toutes
universelle,
est
que
de causalité
les
inductions
de ces inductions,
c'est
architecte qui prétendrait, par
appuyée sur des fondements ,
il
vérité soit certaine, pour
l'induction soit légitime.
raisonner
point de vue objectif,
consolider
un
édifice
;
ou
et des
murs
comme un
théologien qui, pour démontrer les miracles, invoquerait
un miracle plus grand que
les autres.
^ 202 — Il
premier conçu
le
à
serait faux d'attribuer à
la
dant, qu'une inspiration des deux
mérite d'avoir
le
théorie qui sert de principal étai
la
Logique inductive de M.
travail
Hume
Nul doute, cepen-
Mill.
commune
philosophes
n'ait
ce
c'est
:
présidé au
que nous
allons montrer.
En étudiant se
vues de
les
Hume
sur la causalité
,
on I
demande, non sans embarras, comment, avec de
pareilles ble.
données, une logique inductive serait possi-
L'embarras n'existe guère pour Hume. La logique
qu'il
ne peut déterminer,
il
ne
la croit
pas nécessaire.
Après avoir indiqué quelques règles générales que nous examinerons tout à l'heure, autant d'oracles
,
il
et
qu
il
édicté
a soin d'ajouter lui-même
:
comme «
Voilà
je crois à propos d'employer
que
))
toute la logique
»
dans mes raisonnements;
et peut-être
» règles n'étaient-elles pas nécessaires, »
aisément suppléées par
»
l'entendement (1).
»
les
même
ces
pouvant être
principes naturels de
Combien nous sommes
loin
des longues théories que M. Mill, en deux volumes, s'efforce d'asseoir sur la base fragile
Plus conséquent avec lui-même l'impossibilité
de
tirer
,
de l'empirisme!
Hume
a reconnu
des principes de son école une
logique fondée en raison, et d'une valeur véritable-
ment
ne peut pas y avoir, » dit-il d'arguments démonstratifs pour prou-
scientifique. «
positivement,
«
11
»
ver que
i)
rience ressemblent à ceux que nous avons expéri-
(1)
Traité,
les cas
tome
dont nous n'avons pas
I, p. 223.
fait
l'expé-
'
— 203 ^ »
mentes.
Nous pouvons concevoir un changement
»
dans
cours de
))
samment qu'un
))
ble (1). »
le
11
en niant
môme
,
ce qui prouve
changement
tel
dans
était
désillusionner tous
nature
la
de
après coup ou à l'avance
la
raison
,
maintenir quand
,
par ses pénétrantes analy-
efforts tentés par l'empirisme
mettre d'accord avec le bon sens.
que, par ses observations sur ,
de
croyances de l'humanité, et de décrier,
les
il
Hume
ceux qui s'imagineraient pouvoir,
les principes
ses, tous les
bles
n'est pas impossi-
destinée de
la
suffi-
On
pour se
a souvent redit
perceptions sensi-
les
avait percé à jour Terreur et l'inconséquence
de ceux qui maintiendraient
l'idée
de cause dans des
systèmes où toute idée dériverait des sens. De même, et
avec autant de justesse, on peut dire que, par ses
propres aveux,
M.
Mill et
de
il
a dévoilé d'avance l'impuissance de
l'école
empirique à établir une logique
înductive.
Hume
est
de ces esprits décidés
et francs qui
ne
se paient jamais de mots, et qui éclairent d'une impi-
toyable clarté toutes les conséquences de leur pensée trahissant, pour ainsi dire, en enfants terribles, les
secrets de la maison.
Ecoutons-le
,
en
effet
:
«
nous est impossible de
Il
»
trouver, dans notre raison
))
façon satisfaisante l'extension que nous faisons de
))
notre expérience au delà des cas particuliers obser-
j)
vés par nous... »
(1)
Tomel,
p. 119.
—
« Cette
,
de quoi
justifier
supposition que
le
d'une
futur
—
204
—
»
ressemble au passé ne s'appuie sur aucune espèce
»
d'arguments
»
qui nous détermine à attendre pour l'avenir
))
même
suite d'objets à laquelle
))
tumés
(1).
»
ces
:
))
elle
—
«
dérive entièrement de l'habitude,
nous sommes accou-
Soyons convaincus pleinement de
deux principes
:
1^
il
n'y a pas d'objet, consi-
))
déré en lui-même, qui possède des qualités
))
que nous ayons
môme
» %^
la
d en
le droit
tirer
après l'observation de
telles
une conclusion
la liaison
;
fréquente
»
ou constante des objets, nous n'avons aucun motif
»
de
une inférence
tirer
relative à quelque objet, en
»
dehors de ceux dont nous avons déjà
»
rience (%). » Il
n'est pas possible
fait
l'expé-
de refuser plus nettement à
l'esprit toute autorité
inductive, et de l'enfermer plus
rigoureusement dans
le cercle
Au
fond, M. Mill pense bien,
des
l'association
idées
seule,
nos
mais
ne l'avoue pas aussi
il
théories des
les
blent,
devant
conclusions
y
il
la
d'abord illusion;
une
Hume
ou l'habitude, peut l'expérience;
nettement.
Et quoi-
deux philosophes se ressem-
a cette différence
sienne
faites.
comme Hume, que
au delà de
étendre
que
des expériences
que M.
magnifique n'a
Mill a
bâti
qui
fait
façade
presque pas songé à mas-
quer, à dissimuler la faiblesse et l'insuffisance de sa doctrine. Si
(1)
Hume Tomel,
(2) Ibid.,
n'admet pas que l'induction
p. 174.
p. 181.
ait
une valeur
— scientifique,
s'il
rationnel,
est
fait,
il
ne
lui
205
reconnaît pas de fondement
du moins
et d'expliquer,
— du
obligé de tenir compte
sinon
la
au moins
légitimité,
comment
lexistence de l'induction. Voici
il
résout
la
difficulté.
D'après
lui
,
nous ne pouvons nous représenter
les
événements futurs que comme probables ou possibles. La
possibilité est
l'objet;
la
une vue vague
,
mal déterminée de
probabilité, c'est la conception
objet, plus précise et plus nette. Le
périences assurera aux idées
le
du même
nombre des ex-
degré de force
et
de
vivacité nécessaire pour que, de possibles, elles de-
viennent insensiblement probables. En effet, les images qui survivent aux expériences particulières s'unissent et se fondent dans une seule image totale, dont la netteté croîtra
riences.
évidemment en proportion des expé-
Chaque nouvelle observation, conforme aux
précédentes
,
est
qui avive l'image
comme un nouveau coup de ,
et renforce sa
pinceau
couleur et son éclat,
sans agrandir ou changer la forme de l'objet. Si les
expériences ont été uniformes, l'habitude qui nous porte à induire est pleine et entière.
S'il
ceptions, des contradictions, l'impulsion
y a des exde l'imagi-
nation est enrayée, mais la tendance subsiste, tant
que
le
nombre des expériences
contraires ne dépasse
pas celui des expériences conformes. Si ce dernier cas se présentait, l'impulsion primitive s'effacerait pour faire place à
une impulsion en sens opposé, parce que
dans ce cas l'image de
l'objet contraire,
formé d'un plus
grand nombre de représentations particulières, serait
—
-— 206
plus vive et plus forte, et, par suite, entraînerait de
son côté
En
croyance
la
(i).
d'autres termes,
nous affirmons que
si
non observés ressemblent que
la
ceux qui
à
conception de Tobjet, sous
forme qui
la
domine
l'esprit.
s'est
très-
Pour que
de cet objet,
tious affirmions l'existence future qu'il soit
c'est
,
images semblables, une impression
nette et très-déterminée qui
fit
l'ont été
devenue peu à peu, par l'accumu-
offerte à nous, est
lation des
les cas
suf-
il
en relation avec une des perceptions que
l'expérience actuelle nous fournit. La perception pré-
sente entraînera, par association
en
même
,
de
l'idée
par un rapport quelconque
lui est uni
la
;
qui
l'objet
perception
temps, communiquera à l'idée quelque chose
de sa vivacité,
et
transformera en croyance. Si
la
l'impression présente n'est pas directement associée à l'idée,
il
pourra y avoir entre
nombreux
intermédiaires
(1)
«La
supposition que
le
raisonnement;
;
les
deux termes des
et alors la force
communi-
futur ressemhle au passé n'est pas fondérive entièrement de l'habitude...
»
dée sur
»
La tendance
à transporter le passé dans l'avenir est aussi forte
»
que possible
{is
»
ment de l'imagination dans ce cas
le
full
and
elle
perfect) ,Qi
Si,
contraires, bien
»
gination nous offre
»
les autres.
» imparfaite,
l'inia-
nombre d'images en désaccord avec Le premier mouvement de l'imagination est, par suite, un
certain
Les images contraires ont pour
fait
premier mouve-
que la tendance reste parfaite en elle-même,
» divisé, et l'imagination s'éparpille
»
le
en considérant les expériences passées, nous en trouvons de
» n
»
par suite
est lui aussi complet et parfait.
sur chacune de ces images...
résultat de produire
en divisant VhabUude parfaito
une croyance
{perfect habit) qui
nous
conclure en général que les cas non expérimentés ressem-
« blent à
ceux qui
l'ont été. »
Tome
I
,
p. 176
,
177.
—
—
207
quce par l'impression se perdra peu à peu en traversant transmet à
donc
Si
dans
s'affaiblira
intermédiaires par lesquels elle se
les
conclusion.
la il
,
événement
d'un
s'agit
très-éloigné,
soit
passé, soit dans l'avenir, la probabilité s'efface
le
peu à peu, parce qu'elle s'écoule, en quelque sorte, à chaque anneau de
chaîne qui relie l'événement à
la
notre conception présente.
Hume
reconnaît
le
,
que
semblerait en résulter.
Il
la certitude
cienne se perd à mesure que
de
l'histoire
an-
des intermédiai-
la série
res augmente. La croyance n'étant qu'un certain degré
de vivacité, qui dérive d'une impression originale, et
aux idées associées à
se transmet
par
elle doit décroître
cette impression,
d'une transmission trop
l'effet
prolongée. Pour se tirer d'embarras,
de
suffit
faire
remarquer que
Hume
croit qu'il
les intermédiaires histo-
riques (les témoignages concordants de plusieurs écrivains) sont de
même
nature. L'imagination n'a, par
aucune peine à se représenter successivement
suite,
ces affirmations en qu'elle
ne dépense pas, bout de
intacte, jusqu'au
la vivacité originale
animée
tout point
et
douée.
«
semblables
;
de sorte
elle
conserve, au contraire,
la
chaîne qu'elle parcourt,
dont une impression actuelle
Cette circonstance seule, » ajoute
certitude historique (1). » Hume, sauve mieux valu reconnaître qu'en réalité, quelque la
((
rents
que soient
les intermédiaires
pensée atteint une
(1)
Tome
I
,
p. 189.
l'a
Il
eût
diffé-
par lesquels notre
vérité éloignée,
la
force
de
la
— croyance ne
pas
s'affaiblit
—
208
que
et
,
aussi grande, au bout d'une longue
dans et
prémisses qui
les
lui
certitude est
la
déduction, que
ont servi de point de départ
de principe. Les affirmations inductives, relatives à l'avenir, aux
ne sont donc, d'après
cas non directement observés,
Hume, que des
une
associations d'autant plus
présente,
pression et,
associations d'idées reliées à
ira-
fortes,
par suite, affirmations d'autant plus probables
que l'habitude qui
produit
les
se fonde sur
un plus
grand nombre d'expériences. Par une impulsion marimagination
chinale,
transporte
images du passé. Le souvenir des
dans
l'avenir
les
uniformément
faits
se grave dans la mémoire, et ne cesse de
observés
hanter l'imagination
croyance au renouvelle-
et la
;
d'un objet n'est pas autre chose qu'une concep-
ment
de cet objet, avivée par son rapport avec une
tion
perception actuelle (1).
((
Hume
de
Telle est l'explication sujet,
:
tels
les principes extraordinaires et
de sa philosophie.
«
Hume
ne se
sont, sur ce
fondamentaux
faisait
pas illusion,
d'ailleurs, sur le sort qui leur était réservé
(l) « Il
n'y a pas d'autre principe
que
l'action
:
«
Quoi-
de l'habitude sur
Les
»
l'imagination, pour expliquer les inférences...
))
l'habitude
1)
un instant à passer de
«
objets dans les expériences passées produit dans l'esprit une
»
telle
w
de
»
môme
paraissent
,
si
l'un à l'autre...
habitude d'association
l'autre...
Tous
origine
n présente. »
:
les
,
que
L'union constante de deux
l'esprit
ne les sépare plus l'un
raisonnements probables dérivent de
c'est-à-dh'e V association des idées à
Tome
I.
objets, grâce à
inséparables que nous ne mettons pas
p. 137,
138, 171.
la
une impression
— que
»
les
))
opinion
))
faire
preuves que
me
200
j'ai
—
données à l'appui de
mon
paraissent péremptoires, je n'espère pas
beaucoup de prosélytes.
trouvé dans notre
en
du moins,
a,
La théorie de M.
siècle.
diffère pas sensiblement
» Il
de
Mill
ne
de Hume. L'un
celle
et
lautre pensent que l'expérience de la liaison constante
des phénomènes est
le
duction. Seulement,
Hume avoue plus franchement que
point de départ unique de Fin-
raffirmation inductive n'est qu'une tendance subjective
de l'imagination, Mais
comme
et n'atteint
Mill, et c'est là le point
une,
comme
n'y a
ici
toutes
habitude
d'attendre
un
effet
loi
de
Hume,
l'esprit
inductions possibles,
les
suprême que contracte
partout
oii
l'esprit ce
l'esprit
y a une cause. Et
il
qu'une seule différence
appelle une
important,
autant d'habitudes prises par
d'ensemble
par celte
les objets.
isolément les inductions une à
après avoir expliqué
justifie
aucunement
que
:
que M.
c'est
Hume
il
Mill
appelait sim-
plement une habitude.
Nous reprocherons d'abord à Hume, de ne pas rendre compte de
la distinction,
pourtant
si
nette,
que
notre pensée, dans ses inductions, établit entre le passé et le futur.
esprit,
S'il
que des
n'y a, dans la généralisation de notre faits
associés à des faits,
des idées
unies à d'autres idées, sans aucun principe qui guide,
on ne voit pas pourquoi nous localiserions
fermement autres
nous
les faits induits, les
uns dans
dans l'avenir. Quelle est donc
le la
si
passé, les
raison qui
détermine l'imagination à prendre quelques-unes de ses représentations pour des
événements historiques, 14
—
—
210
pour des
faits
qui ne se reproduiront plus, les autres
pour des
faits
universels indéfiniment renouvelables?
Un
chapitre
d'histoire
qu'on a relu cent
une
fois,
prière qu'on redit tous les matins, voilà des impres-
ne sommes nullement
habituelles, dont nous
sions
tentés de faire des affirmations inductives. rien, qui se sera spécialement
Un
histo-
occupé d'un peuple ou
d'un personnage, qui aura pris l'habitude de ne penser qu'à l'objet de ses recherches, aurait quelque peine,
Hume
si
dit
vrai
,
à ne pas transporter dans l'avenir
De Hume,
des conceptions qui lui sont devenues familières.
même
que,
comme nous
par sa théorie sur
que inexplicable
il
verrons
bientôt.
matière et sur l'âme, rend pres-
la distinction
de même, par
extérieur,
duction,
la
le
du moi
et
du monde
sa manière de concevoir l'in-
admet presque
de confondre
la possibilité
l'avenir avec le passé, et vice versa. Si l'induction dé-
pend, en
effet,
tion d'idées, l'esprit
il
de l'habitude seule est difficile
et
ne s'égare pas, ne s'embrouille pas lui-même,
au milieu des innombrables images qui
comment
et
d'une associa-
de comprendre comment
s'offrent à lui;
une bar-
s'élève, entre le passé et l'avenir,
rière infranchissable,
une
ligne de démarcation ab-
solue.
Mais ce qu'on s'explique moins encore l'habitude
d'observer un
,
c'est
même phénomène
qu
puisse
produire une affirmation générale comprenant tou les
temps
firait
et tous les lieux.
peut-être,
si
Hume
suf-
l'attente
ma-
La théorie de
l'induction n'était
chinale d'un événement probable
;
que
comme
il
nous ar-
-
rive parfois,
—
—
211
dans un demi-sommeil, dans un état
d'assoupissement et de rêverie
voyons vaguement
que
venir,
le
formulés, que
le
ne
vagues
comment
la
Ici,
comme
il
pose une
partout,
nettement
la pleine lu-
loi
générale de
psychologie de
la
qu'une moitié de l'âme humaine
saisit
et indécises
at-
prendre pour et
savant prononce dans
mière de sa raison, quand
Hume
que quelqu'un va
de ces jugements résolus
l'équivalent
nature?
quand nous entre-
jour va nous surprendre. Mais cette
tente incertaine et confuse,
la
,
la probabilité
tendances de l'instinct;
il
pas reconnaître les mouvements réfléchis de
les
,
ne veut l'intelli-
gence, qui, appuyée sur des principes dont elle a
pleinement conscience, s'avance d'affirmation en
affir-
mation, de découverte en découverte, sachant d'où elle part et
où
les opérations l'esprit est
elle va.
On ne peut
du raisonnement,
de l'expérience ,
vérités universelles, qui
lois
série
si l'on
n'admet pas que
capable de formuler, soit a priori, soit par
généralisation
une
rien expliquer, dans
de réflexions
des principes
gouvernent ;
qui
,
et
des
,
dominent toute
ou bien expriment
les
primordiales de la pensée, ou bien résument les
observations faites, et permettent ainsi à l'esprit d'aller plus avant.
aussi simples
par
la
Les inductions ne sont pas toujours
que
le croit
pluralité des
effets. Elles
Hume,
elles se
compliquent
causes et l'enchevêtrement des
supposent alors une foule d'opérations sa-
vantes, de rectifications délicates, qui semblent tout à
fait
interdites à
un
esprit esclave
de l'habitude
l'association des idées. Les inductions vulgaires
et
de
peu-
—
212
—
vent nêtie qu'une accumulation d'expériences: mais, lorsque
le
physicien ou le chimiste déterminent, par
quelques expériences, une nouvelle
loi
tout à
fait inat-
tendue, comment soutenir que l'habitude est core
l'esprit,
du raisonnement? Dira-t-on
principe
le
ayant pris sur d'autres points
que
coutume de
la
croire à l'ordre général de la nature, agit
sous
ici
de cette croyance universelle (1)? Mais
l'influence
avouer que
n'est-ce pas
que des
en-
ici
faits
l'esprit contient
associés à des faits
;
autre chose
n'est-ce pas lui re-
connaître la faculté de développer peu à peu
sinon
,
de posséder du premier coup, des tendances, des clinations à voir les choses
de
ou
telle
telle
in-
façon ? Si
nous pouvons induire une vérité générale après une seule expérience,
comment
est le principe qui
nous l'inspire? Ce qui reviendrait
soutenir que l'habitude
même
à dire que l'habitude agit et produit ses effets,
quand
(1)
elle n'existe pas.
Hume
a prévu cette objection et
» est certain, » dit-il
,
«
il
essaie d'y répondre
que nous pouvons atteindre
M d'une cause particulière par
conclure que
» l'habitude.
» ))
,
dans ce cas
Mais cette
bien qu'il n'y ticulier
,
ait
,
:
« Il
connaissance
une seule expérience. Or, l'habitude on pourrait donc en
» ne saurait dériver d'une seule expérience »
la
la
:
croyance n'est pas
difficulté s'évanouit, si l'on
le résultat
de
considère que,
eu qu'une seule expérience pour cet
effet
par-
nous avons plusieurs millions d'expériences pour nous
»
convaincre de ce principe, que des
M
circonstances semblables, produiront toujours de semblables
»
La
liaison des idées
objets semhlahles, placés
dans des effets...
ne peut être devenue une habitude aprèsj
mais cette liaison est comprise sous ur
»
une seule expérience
»
autre principe qui est lui-même une habitude.
;
»
tome.
I.
p. 139^
—
213
—
N'oublions pas celte autre difficulté insoluble pour
Hume: comment
même
qu'une vérité incertaine, ou
fait-il
un certain nombre
tout à fait douteuse après
d'expériences,
acquière tout
pour ressembler
élevé
sais bien
Hume
que
ne se
d'un coup, avec une
de plus, un degré de probabilité assez
expérience
lion
se
fait
pas
presque à
certitude? Je
la
répondra que cette transforma-
si
promptement, que
croyance
la
passe par une infinité de degrés; qu'enfin, dans son
hypothèse, tout est habilement ménagé pour rendre vraisemblable ce passage gradué et insensiblement progressif de l'incertitude à la croyance.
hypothèse n'est pas d'accord avec
Mais son
En
la réalité.
fait,
nous nous élevons tout à coup d'un peut-être aussi indécis
sûres
que possible à des affirmations presque aussi d'elles-mêmes que les jugements
mathémati-
une
ques. Cette soudaineté d'inspiration, qui, après
expérience concluante, enhardit faire
savant jusqu'à lui
le monde entier à l'image de sa penmoment, comment la concilier avec un sys-
concevoir
sée d'un
tème dans lequel bilité
le
la
certitude inductive
,
ou
proba-
la
qui en approche, ne serait que le pénible et
tardif produit d'une
longue élaboration d'idées?
Nous n'avons pas besoin de
le redire
,
la plus
objection que l'on puisse faire à la théorie de c'est qu'elle
grave
Hume
ne sauvegarde en aucune façon (et elle
n'en a pas la prétention) la portée objective
du
sonnement
,
inductif.
les objets liés
Il
n'y
a
par l'induction
,
d'autre relation
que
celle
rai-
entre
que l'habitude
y introduit peu à peu. Les généralisations
scientifi-
—
214
—
qaes n'ont pas plus de valeur que
les
modes
La nature
res, les capricieuses inventions de l'usage. n'est qu'un roman, qu'on
par confondre avec pas de
Hume
faiblesse des
la
finit,
la réalité.
arbitrai-
à force de le relire,
Ne nous étonnons donc
suppositions imaginées par
pour rendre compte de l'induction. Partant de
ce préjugé sceptique, que nos raisonnements inductifs sont illusoires
dans
,
il
est naturel qu'il
choix des moyens
le
quer des résultats aussi
qu'il
ne
soit
pas exigeant
invoque pour expli-
fragiles. Dira-t-on
que quand
nous cherchons à l'induction un fondement solide nous sommes dupes d'un préjugé contraire avons commencé par croire à et que, par suite,
;
que nous
de l'induction,
l'autorité
nous nous sommes en quelque sorte
engagés d'avance à trouver, coûte que coûte, à inventer, n'existait pas, le principe
s'il
pour
justifier
notre
dont nous avons besoin
croyance? Cela est vrai; mais
comment confondre un préjugé que inspire,
et
duquel
dépend
la
la
nature nous
certitude
de toute
science, avec un préjugé qui ne résulte que d'un sys-
tème,
c'est-à-dire d'une opinion individuelle, et qui,
d'ailleurs Il
,
tend à rendre impossible toute science?
semble que, dans un système où l'auteur avoue
franchement
qu'il n'y a
aucune limite assignable aux
combinaisons possibles des causes
mieux que;
et
serait
et
des effets, le
de s'abstenir de toute prétention
logi-
qu'une induction aussi peu fondée en raison
ne
soit
guère susceptible d'être soumise à des règles
à
des
lois.
Hume
le
sentait à
merveille, et
il
ne
croyait ni à la nécessité ni à la possibilité d une logi-
—
—
215
que inductive. Mais, d'un autre côté, un philosophe qui prétend rendre compte de la nature humaine est
compte des
obligé de tenir
monde
faits saillants
Hume
a observés; et
que tout
le
ne pouvait ignorer que
ses devanciers avaient tous entrepris de déterminer
une logique à l'usage de que
tel
Hume
l'induction. L'esprit
rame, ce qu'un automate, aussi serait en face du corps humain. y
mais
faire circuler la vie;
pris la nécessité
il
parfait
Hume
,
de
que possible,
aurait au moins
de représenter en raccourci
de son modèle réel
son
la réalité
L'artisan n'aurait
des formes équivalentes, toutes les
de
est, auprès
le figure,
humain,
par
et
,
pu
com-
les parties essentiel-
Pour
et vivant.
a voulu avoir au moins
la
même
une ombre
,
rai-
une
apparence de logique inductive, sauf à déclarer ensuite
lui-même que
Cette logique,
réduite
cette logique n'a
ou huit règles
à sept
aucune valeur (1).
Ta résumée en quelques pages, et
il
(^).
Quelque courte
qu'elle soit, elle paraît encore trop longue; soit parce
Hume
(1) ti'ois
parties
distinguait dans la raison :
1° la
humaine {human reason{
connaissance (knoivledge), 2» les preuves
(proofs),
3° les probabilités (probahilities). «
»
Par connaissance, j'entends
la
certitude qui dérive de la
com-
paraison des idées; par preuves, ces arguments qui résultent de
» la relation
de cause à
»
doute et d'incertitude
»
dence) qui
(2) effets
,
et
il
,
et qui sont
entièrement exempts de
par probabilité, cette évidence (that evi-
admet quelque
La logique dont preuves
effet ;
incertitude. »
s'agit ici
Tome
I, p. 164.
ne s'applique évidemment qu'aux
aux probabilités.
Dans un chapitre tome I p. 221. ,
intitulé
:
Règles
pour juger des causes
et
des
—
—
216
qu'elle contient des erreurs, qui ont été parfois rele-
vées par M. Stuart Mill
que comportent C'est à tort,
soit surtout
,
parce qu'elle va,
présomptueuses, au delà de ce
par ses affirmations
de Fauteur.
les principes
par exemple, que Hume se croit autorisé
à affirmer que la cause et
l'effet
doivent toujours être
contigus dans l'espace et dans le temps. M. Stuart Mill
vivement contre
proteste » cette »
arme,
» quelle,
que
» dit-il, «
guerre terrible à
pable, devait être
»
pouvait pas agir sur
»
pas (1)...
A
»
sualistes
principes,
me
Le
vrai dire.
Hume
était ici
théorie empirique
;
ne
soleil
terre, puisqu'il
la
pal-
si
n'y était
dans
le
sen-
et les
paraissent en contradiction avec leurs
quand
considérer,
une
gravitation, la-
la
rejetée in limine.
véritable esprit de sa
qui en
de
impliquant, selon eux, une absurdité
»
avec
« C'est
les cartésiens firent
théorie
la
erreur.
cette
ils
comme
commun, un phénomène
veulent, avec le sens
la
cause d'un
fait,
de grands intervalles dans
est séparé par
temps ou dans l'étendue.
Qu'il n'y ait
aucune
le
difficulté
à comprendre les influences lointaines, les déterminations à
longue échéance
donnée, quand
la
trice, cela se conçoit
técédent de
nom
à
un
tent dans
fait
l'effet,
M.
qui proviennent d'une cause
j
mais,
si la
cause n'est que
l'an-
de quel droit donner encore ce
que de nombreux intermédiaires
rejet-
un passé reculé ou dans un éloignement
considérable ? La
(1)
,
cause représente une force produc-
Mill, Logique,
maxime de Hume tome
II, p. 317.
est fausse
;
mais
—
conséquence logique de sa théorie de
elle est la
M.
causalité. il
—
217
la
Mill rétablit la vérité; mais, en le faisant,
outre-passe les droits d'un sensualisme conséquent
avec lui-même.
Hume ne
encore que résumer sa théorie et
fait
condenser en formules, quand cette troisième règle »
—
))
fet.
))
entre la cause
({
et l'effet. »
l'ef-
y avoir union constante le premier point, Hume
doit toujours
Il
la
pose cette seconde et
La cause doit précéder
«
:
il
Sur
peut rester fidèle à son système sans choquer le sens
commun. La cause
efficiente
empirique ou dans
le
Il
y
des effets contemporains
a, alors,
sens
cependant, des causes
a, ;
et,
le plus
cause n'est pas plus tôt réalisée que
y
le
sens spiritualiste, doit toujours
être antérieure à l'effet. et
entendue dans
,
souvent,
la
l'effet l'est aussi. Il
une simultanéité, apparente tout au moins,
qui rend presque indiscernable l'antériorité
du pou-
voir producteur. La solution la plus précise et la plus juste de cette question incidente consisterait à dire ((
L'effet
point,
il
ne précède jamais est évident
la
Hume
que
cause.
)^
Sur
le
est contraint
:
second par ses
hypothèses de soutenir une proposition inadmissible.
Combien de cette
fois
,
en
effet,
l'expérience dément-elle
prétendue liaison constante, qui devrait exister
entre la cause et
l'effet
1
II
arrive, à
chaque
instant,
que des événements inattendus se produisent;
effets
nouveaux d'une cause qui, depuis longtemps, existait
,
mais qui
s'unissant
à
,
modifiée dans une de ses qualités, ou
une autre cause, a été tout d'un coup
provoquée à manifester des
effets
imprévus. Atten-
—
—
218
drons-nous, pour dire que ces phénomènes inaccou-
tumés ont une cause,
et
même
pour déterminer
la
nature spéciale de leur cause, que l'expérience nous ait
montré
la liaison habituelle
Croirons-nous,
comme
peu, et quand
comme
pas;
n'est
elle
c'est
seulement peu à
pour ainsi dire, une cause? La
de causalité,
tion
que
et
des miracles
se sont reproduits plusieurs fois,
ils
qu'ils acquièrent,
;
?
événements nouveaux ou
les
rares nous apparaissent d'abord
que rien n'explique
Hume
tendrait à le faire supposer la
Hume, que
théorie de
que réclame
que l'entend Hume, en
telle
devient.
Elle se crée
rela-
réalité
peu à peu par
une habitude con-
l'habitude, et se détruit aussi par traire.
dans
Jusqu'ici,
indiquées,
mes
les
mais
il
dit
Hume
les s'est
trois
que nous avons
règles
contenté de formuler en maxi-
de ses analyses sur
résultats
oublie tout à
la
causalité
;
fait les limites qu'il lui est inter-
de franchir, quand
il
ajoute,
comme quatrième
principe, cette vérité inadmissible pour un empiri-
»
même cause produit toujours le même effet et le même effet ne peut jamais dériver que de la même cause. Ce principe nous est
»
découvert par l'expérience
que »
tel
que
lui
«
:
La
,
» la plupart
,
et
il
est la source
de
de nos raisonnements philosophiques.
))
Lorsque, par une expérience décisive, nous avons
))
déterminé
))
phénomène, nous étendons immédiatement notre
))
observation
))
sans attendre cette répétition constante, d'où est
les
à
causes
tout
et
les
effets
de quelque
phénomène de même nature,
— » sortie la
Hume
—
219
première idée de
la relation
»
a bien raison de dire que nos raisonnements
sont fondés sur ce principe; mais
une
de causalité.
pareille affirmation,
mot
dernier
est xîelui-ci
:
comment
justifier
dans un système dont
le
Toute chose peut produire
toute chose?
Hume
n'a
donc
que
fait
en apparence et pour
la
sa logique le principe
forme
même
nait à la lettre le passage
,
commun
au sens
sacrifier
quand
il
a inscrit dans
de l'induction.
on pre-
Si
que nous venons de
citer,
y voir un désaveu formel de sa doctrine mais, bien évidemment, il n'entend la maxime connue il
faudrait
((
Les
mêmes
causes produisent les
mêmes
;
:
effets, n
que comme l'expression d'une tendance de l'imagination, qui
nous
est
suggérée par l'expérience en
général uniforme de la nature, et qui reste vraie jusqu'à concurrence d'observations contraires; observations dont
on
on ne peut contester
n'y pas de rapport de causalité
croit qu'il
que
bizarre,
quelque déraisonnable
puisse exister
quand
la possibilité,
qu'il soit,
quel-
,
qui ne
!
Nous en dirons autant des autres règles par quelles
Hume
termine son abrégé de Logique, et par-
ticulièrement de celles objets produisent le
oii
même
il
affirme que,
si
si
différents
effet, ce doit être
son de quelque qualité qui leur est
que
les-
commune
en raià tous
;
des objets semblables, au contraire, produi-
sent des effets différents
quelque particularité qui
,
ce doit être par suite de les distingue.
ne peuvent être solidement
établies
,
De
telles lois
que
si
l'on
— prend au sérieux
—
220
la relation qui lie l'effet
à la cause
même effet à la même cause. Mais si comme Hume on n'entend par là qu'une succession hale
,
,
bituelle
pourquoi
,
semblables
de
s'étonner
produire
des
voir
des
différents,
effets
causes
des
ef-
semblables dériver de causes différentes? Tout
fets
est possible
n'y a
il
:
l'existence
et
,
Hume
dit
le
non-existence
la
qui
lui-même soient
,
que
contra-
donc des phénomènes analogues se ma-
dictoires. Si
nifestent par des effets dissemblables,
on ne comprend
pas pourquoi on chercherait à s'affranchir du résultat brutal de l'expérience, et pourquoi
pas
comme une
nouvelle
vent produire des
loi
mêmes
les
causes peu-
effets différents.
Hume
donc en vain que
C'est
:
on n'admettrait
a prétendu établir
des règles fixes et stables sur un sol aussi mouvant
que
celui
de l'empirisme. Sa logique
est
quée sur un fond d'idées avec lesquelles cessairement. Le
fait seul, le fait
comme
pla-
elle jure
né-
unique, rare, ou fré-
quent, voilà tout ce que la logique des empiriques, elle
si
ne se payait pas de mots, aurait le droit de déter-
miner. Les
lois
générales
,
qu'elle prétend fonder sur
ces faits, ne sont que des agglomérations fortuites,
qui, d'un
moment
par d'autres
à l'autre, peuvent être renversées
faits. Si les
hommes
voyaient
ment que
bon sens nous
tions
,
le
fondées
troublés
,
sur les
de
rapports des choses autre-
folie, et s'ils
les
étaient tous frappés
les
montre, leurs induc-
habitudes
de leurs esprits
auraient tout autant de valeur que celles
qui sont aujourd'hui l'honneur de la science. Si nous
—
221
Hume, ne nous
acceptons les doctrines de
donc pas
illusion
—
notre prétendue science n'a pas
:
beaucoup plus d'autorité que niaque. Attendons-nous à voir,
monde renversé, remplacées par
et
nos
main
;
,
les rêveries d'un
un jour ou
affirmations
,
rna-
l'autre, le
orgueilleuses
Les choses
les affirmations contraires.
ont jusqu'à présent suivi
ordre
faisons
ou paru suivre
,
un certain
qui nous dit qu'un miracle ne peut pas de-
après-demain
,
nous ménager
bouleversement complet,
et
la surprise
d'un
nous présenter un uni-
vers nouveau, où deviendra vrai ce qui était faux dans l'ancien,
et
faux ce qui était vrai? Mais
si
nous ne
pouvons nous résigner à d'aussi bizarres conséquences, revenons à la vieille doctrine qui, seule, garantit la
légitimité
de l'induction,
et affirmons
une harmonie naturelle, notre raison, l'expérience,
conçoit dans
existe réellement.
la
nature
que, par
éclairée par l'ordre
qui y
CHAPITRE
VI.
LA CROYANCE EN GÉNÉRAL.
De
tous les
phénomènes de
Hume
philosophie de c'est
précisément
plus essentiel
le
simple , et en
jugement,
les opérations
sonnement, mais
que
lî
a le plus de peine à expliquer,]
le plus
la
de l'empirisme,
est le sort
seulement
:
celui
l'esprit,
qu'il
même
croyance
temps
ne compromet
qu'il
un peu compliquées du
rend encore impossible
de
explication satisfaisante
l'acte le
le]
(belief). Tel
paî rai-]
toute
plus simple de|
croire.
Nous avons, là-dessus,
même
:
«
La croyance
les
est,
que
aveux de M.
de tous
les
Mill lui-
phénomènes
philosophes de V associa-
»
intellectuels, celui
))
lion
et
M. Bain pense, de même^ que
les
ont le moins réussi à expliquer ou à analyser ; les
))j
psychologues de-
son école n'ont pu, jusqu'à présent, rendre compte
de
la
croyance
marque que
la
intellectuel
oii
(1)
(1).
Comment
s'en étonner, si l'on re-
croyance est précisément se
manifestent
La Psychologie de M. A. Bain
,
le
plus
le
phénomène
l'activité
de
par M. Stuart Mill, Revue des
Cours littéraires, sixième année, p. 607.
—
son rapport avec un objet réel? Le juge-
iL-sprit et
gent la
ou
est l'acte primitif
ment
—
223
vers lequel conver-
final
toutes les autres opérations intellectuelles
manifestation d'un être
un
et actif. Or,
philosophes qui nous occupent, et pour
comme
unies, peut-être, l'une à l'autre, est faite la
trame d'une
étoffe
pour
Hume
est les
parti-
qu'un tissu d'idées,
l'intelligence n'est
culièrement,
il
;
les
dont
fils
mais qui ne supposent
,
nullement au-dessous d'elles un foyer et un centre
De
d'action.
plus, la croyance,
quelle
que
le
mou-
d'elle-même pour
saisir
forme, est toujours l'affirmation d'un objet;
vement par lequel
l'idée sort
sa
soit
autre chose qu'elle-même. Or, pour la plupart de ces
mêmes
philosophes
,
pour
et
ne saurait franchir
l'esprit
Hume
tout au moins
les limites
des conceptions
subjectives.
La question rement fixer la
réalité
brasse
,
la
est
donc grave de
l'attention
de
l'esprit et
elle devait nécessai-
;
Hume
Quand on admet
(1).
des objets que
l'esprit
croyance sera aisément définie
:
une
emaffir-
mation par laquelle l'intelligence, mise en rapport avec
les
réalités,
l'objet n'est
adhère à leur existence. Mais,
qu'une idée qui nous
comment comprendre que, parmi l'état
ces
de conceptions
au contraire, par un entraînement
(i)
Voir surtout
p. 125.
:
Traité
,
si
sur-
qu'une série de phénomènes
tout notre esprit n'est
uns restent à
fait illusion
si
,
livre III
,
,
phénomènes,
que
les
les autres
irrésistible,
nous
sections Vil, VIII, tome
I,
— 224 — reconnaître
obligent
à
quel
paraissent
ils
il
sa
homme
ne
elle.
est
vient
D'oii
assez
ponse.
S'il
a eu
Nous connaissons
pour prévoir
prudence de
La croyance
Traité.
est croyant,
mourir pour
la
sa
ré-
dissimuler dans
du moins longuement exposée dans
les Essais, 'i\ l'a le
Hume
est athée,
s'il
s'il
;
croyance?
la
prêt à
est
différence?
de la
existence
qu'il
la
système
le
son
à
vive,
si
au-
l'objet
d'autres ter-
à
l'idée
a l'idée de Dieu; mais,
pas
croit
foi
En
correspondre?
mes^ pourquoi passons-nous de Tout
de
l'existence
pour lui, qu'une idée
n'est,
plus vive, dont la vivacité est
l'effet
de
la
coutume,
le résultat d'une association d'idées.
Analysons,
aux simples
parons-les
croyances humaines
dit-il, les
Au
idées.
,
et
com-
point de vue de la
représentation, la conception d'un objet, qu'on laffirme ou qu'on le nie,
conception est
la
la
même.
((
Lorsque nous affirmons que Dieu existe, nous nous
»
formons simplement
» est représenté »
nous
))
particulière,
par
d'un être
l'idée
le
mot Dieu;
lui attribuons n'est
tel qu'il
nous
et l'existence
pas conçue par une idée
qui se joindrait à l'idée de ses autres
» qualités, et qu'il serait possible
de séparer
et
de dis-
»
tinguer de ces qualités. Mais je vais plus loin
))
ne
me
contente pas d'affirmer que
))
l'existence
»
pendant
» objet;
,
je
» n'ajoute,
» qui
que
la conception
:
je
de
d'un objet n'est pas un élément indé-
qui s'ajoute à soutiens que
la
simple conception de cet
la
croyance
à
l'existence
elle-même, aucune idée nouvelle à celles
composaient déjà
l'idée
de
l'objet.
Lorsque je
—
225
—
»
pense à Dieu, lorsque je pense à son existence, et
»
lorsque j'affirme son existence, Fidée que je
»
de
))
suis certain qu'il
n augmente
lui
ni
ne diminue. Mais,
y a une grande différence entre de l'existence d'un objet
» la
simple conception
M la
croyance réelle à cette existence;
position
cevons
n
ment dans
la
»
même
(it
))
conceive
il
,
objet it)
com-
que nous con-
s'ensuit qu'elle doit consister unique-
))
Voilà
éléments de lïdée
et les
et
comme, de
différence ne consiste pas dans la
» plus, celte ))
me fais comme je
manière
must
lie
nous concevons
dont in
manner
the
le
in ivhich ive
(1). »
un premier point
acquis.
La croyance
n'est
qu'une idée plus vive. Nous croyons, parce que la vivacité de l'idée force notre assentiment. Mais cette vivacité particulière de l'idée
devenue croyance, d'où
résulte- t-el le ? Il
convient, d'abord, de mettre à part les croyances
qui dérivent immédiatement de l'intuition et de
démonstration
pressément
,
contraire. Mais il
» effet,
))
les
dit
par l'impossibilité de concevoir
le
pri-
expliquer la plupart des croyances
croyances expérimentales.
Hume,
«
dans
»
sur la causalité, et relatifs
»
absolue de croire n'existe
(l)Tomel,
la
accorde ex-
en laissant de côté ces jugements
reste à
humaines,
Hume
déterminées par une
le privilège d'être
nécessité secrète,
mitifs,
auxquelles
et
les
«
Ici,
en
raisonnements fondés
aux pas.
faits,
une nécessité
L'imagination est
p. 125. 126.
15
— ))
libre
les deux côtés de la question demande en quoi consiste la diffé-
de concevoir
» et, par suite, je ))
—
226
,
rence entre croire et ne pas croire (1).
Pour qu'une idée de
fait
»
acquière ce degré d'éner-
gie, qui est la caractéristique
de
la
croyance,
il
faut,
selon Hurae, que cette idée soit en rapport avec une
impression actuelle. Par une à l'esprit des
sion
transmission de blit: ))
((
que
les
lois
loi
qui n'est que l'exten-
matérielles,
la force et
relatives
du mouvement. Hume
à la éta-
impressions qui se présentent à nous,
non-seulement nous suggèrent toutes des relations avec
les idées qui
mais encore commu-
)^
ont
))
niquent à ces idées une partie de leur force et de
))
leur vivacité.
ajoute-t-il
» tions
de
les
opérations
de l'âme,
»
dépendent en grande partie des disposi-
«
,
Toutes
elles,
au moment où
l'esprit
il
les
accomplit
;
»
selon que les sentiments seront plus ou moins ar-
))
dents, l'attention plus ou moins fixée, l'activité de
» Fesprit aura plus » cité.
ou moins de vigueur
Lorsque, par conséquent
,
et
de viva-
un objet se présente
»
qui élève et anime la pensée, toutes les opérations
»
auxquelles
l'esprit se livre ensuite
» reuses et plus fortes, aussi » position durera... ))
l'esprit
» actuelle
a ,
été il
une
(1)
Tome
longtemps que cette dis-
arrive, par suite,
fois
que lorsque
animé par une impression
tend à se former une idée plus vive de
» tous les objets qui
» L'esprit
Il
seront plus vigou-
serapportent à celte impression...
s'appliquera à la conception de ces objets
I, Traité, p. 126.
—
la force et toute la vivacité qu'il tient
»
avec toute
»
l'impression présente (1).
Hume
vraisemblable
est
mais, de plus,
;
exemples empruntés aux
tiguïté, la causalité. fait
Le
ou
tristes «
A
:
la
ressemblance,
portrait d'un
Hume, ))
«
une
que
faire
con-
ami absent, non-
et,
par suite,
cette idée excite, qu'ils soient
une nouvelle
effet
concourent à
la
relation (la ressemblance) et
sion présente (le portrait). »
de
la
penser à lui, mais donne à l'idée
joyeux, acquièrent
produire cet
elle-
confirmer par des
la
de cet ami une plus grande vivacité; tous les sentiments
la
trois relations sur lesquelles
se fonde l'association des idées
seulement nous
de
en
séduisante
et
prétend
il
de
»
juge a priori que cette explication
croyance
même
—
227
Il
est
force. »
fois,
dit
une impres-
presque inutile
remarquer combien cet exemple répond peu
aux prétentions de Hume. L'association des idées produit
un redoublement de sentiment, non un acte
ici
nouveau de croyance. exemple
Hume
:
«
en est de
même
de cet autre »
(que
appelle une étrange superstition, a strange su-
perstition)y a w leur
Il
Les fidèles de l'Eglise catholique
s'excusent en général des momeries qu'on
reproche, en disant que les gestes, les attitu-
))
des, les actes
du culte extérieur, ont ce bon
résultat
))
de vivifier leur dévotion, d'animer leur ferveur,
))
qui s'éteindrait peu à peu,
»
lement à des objets éloignés
fl)
Tome
I, Traité, p. 131.
Ibid., p. 133.
s'ils
et
s'adressaient seu-
immatériels (%), »
— Hume
pas mieux réussi dans les expériences
n'a
emprunte aux autres
qu'il '»
que
qui se rapporte à
»
vivement
que
ma maison me
si
j
» lieues (contiguïté).
»
—
«
Lors-
moi, tout ce
touche bien plus
deux
éloigné de
étais
:
cents
Le vulgaire superstitieux
a
se passionne pour les reliques des saints, dans
de
» but
fortifier sa piété et
»
prouvent
»
avec
))
guïté ou de
le
Hume
conclut
:
»
Satisfait
«
Ces
de
cette
phénomènes
qu'une impression présente,
clairement
secours d'une relation de causalité, de conti-
ressemblance,
une idée;
» vivacité à la
ces vies exemplaires
imiter (causalité).
» qu'il désire
démonstration,
le
d'acquérir une idée plus
puissante de
» intime et plus
))
relations d'idées
je suis à quelques milles de chez
»
))
—
228
—
et,
peut donner
plus
de
conséquemment, produire
croyance ou l'assentiment, conformément à
» définition
que nous en avons donnée
mier point
est
hors de doute; mais
(1). » le
la
Le pre-
second
n'est
Hume a l'incroyable présompcomme une vérité certaine, en dé-
qu'une hypothèse, que tion de maintenir pit
de
l'insuffisance
possibilité avérée Ici,
comme
de ses preuves,
faire
Hume
ses théories
à l'expérience
lui
(1)
;
but
les conclusions
ont déjà imposées ses principes. il
les appels
n'ont d'autre
que de rendre après coup plausibles
que
l'im-
ailleurs, c'est la déduction, c'est l'esprit
semble
pourquoi
malgré
de toute vérification expérimentale.
systématique qui dicte à qu'il
et
Et voilà
n'hésite pas à affirmer « qu'il n'entre, dans
Tomel,
Traité, p. 135.
— tuelle,
))
de
opérations
» les
par
» établie
— qu'une impression ac-
l'esprit,
une idée vive,
» l'idée (1).
229
et
une
relation ou association
l'imagination
entre
l'impression
comme toujours, il y a, au fond Hume, une part de vérité qu'il est
des paradoxes
Ici,
de
démêler. s'est
Il
et
»
intéressant de
que l'âme humaine
est certain
,
quand
modifiée dans un sens ou dans un autre
elle
a une
,
tendance à se maintenir quelque temps dans les dispositions oii Ta jetée est certain
que nos
tel
sentiment ou
différents états
prolongent volontiers,
pensée.
telle
Il
de conscience se
même quand
nous appliquons
nos facultés à des objets entièrement différents. Mais
comment ne pas
voir précisément dans ce
preuve considérable de
fait
âme
de notre
l'unité
,
une
unité
qui n'admet pas ces brusques changements, ces cou-
pures et ces solutions de continuité que les théories
Hume rendraient, au contraire, vraisemblables même nécessaires? Prenez un homme amoureux
de
est
secrètement disposé, ,
nature ou de
l'art; s'il est
:
il
heureux, à aimer
mieux comprendre
toutes choses
à
est
s'il
et
les
beautés de
la
malheureux, au contraire,
à s'irriter contre toutes choses
et
,
non pas seulement
contre l'objet de son amour. Vient-on de faire en pu-
(l)
Tome
I, p. 135.
Il
résulte de tout cela
que
le
jugement
raisonnement n'existent pas à vrai dire pour Hume. en être autrement, puisque, à ses yeux, voir unique
,
n'est qu'une
chimérique
l'esprit,
entité.
Il
le,
en tant que pou-
Le jugement
raisonnement ne sont que des formes particulières de tion {particular waxjs of conceiving our objects).
et
ne saurait
Tome
I
la ,
et le
concep-
p. 128.
— blic
une harangue,
et,
—
230
par suite, de soigner son lan-
gage plus que de coutume? Si, une cause avec un ami
fini, l'on
dans
,
conversation, un apprêt involontaire, et
la
plus
homme
discours
on apporte, malgré
phrases s'arrondissent d'elles-mêmes soit
fois le
moment
le
mis en colère
s'est-il
choses indifférentes
,
élégant
d'être
Même
?
soi, les
quoique ce ne et
disert.
Un
en parlant de
son accent gardera encore quel-
,
que chose de passionné
et d'amer.
multiplier les exemples ?
Il
Mais à quoi bon
que dans
est bien évident
l'âme aucun événement ne passe inaperçu, que toute
une
émotion y
laisse
tissement
comme
,
trace et
comme un
la pierre jetée
ble en ride au loin la surface.
longtemps tombée s'éteint
De
que
,
encore contre
dans une eau paisi-
La pierre
dernière
la
long reten-
est depuis
petite
vague
la rive.
ces faits incontestables
,
on ne peut
faire sortir
rigoureusement aucune autre conséquence que
l'iden-
permanence de notre âme. Ce qui se
trans-
tité et la
met dans c'est
l'esprit,
se présentent,
tristement ou gaiement lère.
Mais en
à
un autre moment,
mentale à considérer
la disposition
nouveaux qui
moment
d'un
même
,
sous
tel
les
ou
tel
objets
jour,
avec tendresse ou avec co-
temps que
l'esprit
conserve quel-
que chose de ses impressions évanouies ,
il
est tou-
jours présent tout entier, avec ses forces sensibles et intellectuelles, prêt à porter
de nouveaux jugements,
à éprouver de nouveaux sentiments.
La théorie de Il
ne
s'agit plus
Hume pour
aurait
lui
une bien autre portée.
des dispositions affectives de
— lesprit
il
:
s'agit
de
—
231
l'acte le plus essentiel
de Fenten-
dement. La croyance se transmettrait de proche en proche, et se propagerait decho en écho, toujours
de plus en plus
Le jugement ne
initiale.
à partir d'une impression
affaiblie,
donc plus qu'une im-
serait
pulsion de la sensibilité, le résultat, pour ainsi dire,
d'une inclination affirmative vive déterminerait dans
que toute impression
,
l'esprit.
Une
seule impression
engendrerait toute une série de croyances.
Il
possible de pousser plus loin l'explication
mécanique
n'est pas
des phénomènes de la pensée, et de mettre plus bas rintelligence
humaine,
puisqu'il suffirait,
pour croire
à un objet, que cet objet eût, dans notre imagination,
un rapport de contiguïté, de ressemblance ou
de causalité avec une impression déjà éprouvée. à peu près
comme
€u verte qui d'objets,
on
C'est
si,
à la vue d'une lumière bleue
teindrait
de ces couleurs un ensemble
disait
:
La lumière
est la
cause qui crée
ces objets.
y a deux parties à distinguer dans la théorie de 1*^ l'affirmation Hume de fait, que la croyance ne Il
:
diffère
de
l'idée
que par un degré de vivacité de plus.
L'idée en elle-même est
qué
;
la
croyance,
c'est
cre et plus nettement
comme un trait à peine indile même trait repassé à l'en-
marqué
sée pour rendre compte de
la
;
21**
l'explication propo-
croyance, une
fois
ces
données admises.
Comment ne pas
arrêter
Hume
sur sa première af-
firmation, et ne pas lui faire remarquer est
en contradiction
avec
l'expérience
combien
elle
aussi
bien
— qu'avec
232
—
raison? Si une idée
la
en
se transformait
croyance, par cela seul qu'elle aurait acquis un degré
nouveau de drait
force et de vivacité, la difficulté devien-
grande, pour un
mêler dans sa pensée ventées et
de plus
la réalité
de
vif,
homme
et
connue de tous
plus détaillé,
que
les
hommes! Rien
représentation des
la
les
in-
romans ou dans
les
cependant nous ne sommes jamais tentés de
croire à leur existence réelle. gle, d'un cercle, n'est-elle
géomètre
le
lui-même
les fictions qu'il a
paysages ou des caractères dans
poëmes,
d'imagination, de dé-
que
,
magne pour un que César,
S'il était
historien? Et cependant nous croyons
le cercle, le triangle,
pour des abstractions
tandis
,
pour ce
et
que
qu'ils sont,
des hypothèses.
vrai que la croyance n'est qu'un degré de
plus de vivacité dans l'idée, qu'à force
trian-
conception de César, de Charle-
que Charlemage ont existé
nous prenons c'est-à-dire
la
La conception d'un
pas beaucoup plus vive, pour
il
en résulterait encore
de penser à un objet,
suite, sa représentation
dans
d'aviver,
et
l'esprit,
,
par
nous en vien-
drions, peu à peu, à croire à son existence; nous créerions ainsi, par le retour fréquent de l'imagination sur les fictifs
la les
mêmes
conceptions
,
la réalité
qu'elles représentent, et ces
même
valeur, elles seraient de
des objets
croyances auraient
même
croyances les plus certaines, que
nature, que suggestions
les
Nous
primitives de nos sens ou de notre conscience.
retrouvons
ici
de confondre
le
un défaut perpétuel chez
Hume
développement normal de
:
l'esprit
celu^
dans
ses facultés les plus hautes et dans la pleine conscience
— de lui-même^ l'intelligence Il
avec
le
la
ou par l'habitude.
coutume, du retour habituel
Mais,
d'une impression.
glisser sur cette pente, la folie
l'instinct
que quelques croyances humaines
sont le résultat de
ou de
—
développemeat machinal de
dominée par
est incontestable
tie
233
il
quand l'homme se
laisse
chemin de
l'idio-
est sur le
et l'erreur
;
Hume
de
de croire
est
que ces phénomènes anormaux, irréguliers, qui correspondent à l'affaiblissement ou à plète de l'intelligence, soient la loi tout entier, le dernier lectuelle. Si
Hume
la
décadence com-
commune de
l'esprit
mot de notre puissance
avait dit la vérité,
il
intel-
faudrait né-
cessairement en conclure que les croyances les plus chères à l'humanité sont à peine supérieures, puisqu'elles
seraient également chimériques,
fixes d'un
Mais
aux idées
pauvre fou.
Hume
applaudirait peut-être à de semblables
conclusions, bien qu'il n'ait pas eu le courage de les
proclamer lui-même. Ce qui c'est
la
(difficulté qu'il
touche davantage,
le
que nous signalions tout à l'heure
difficulté
ne peut écarter par
la
question préala-
ble, parce qu'elle dérive de l'expérience et se concilie
avec ses principes )
,
à savoir, qu'un grand
nombre de
conceptions et d'imaginations très-vives n'entraînent
cependant pas
la
croyance.
embarrassé par ce
fait
que
Hume avoue la vivacité
revêtir ainsi des formes différentes,
jours aboutir à un jugement (1).
(l) «
Je dois avouer que je trouve
ici
Il
qu'il est fort
de
l'idée puisse
et
ne pas tou-
ne faut pas,
une
difficulté
dit-il,
considéra-
— confondre l'exactitude
avec
vivacité
la
et
la
234
—
propre
à
de
netteté
croyance avec
représentation, ni
la
de l'imagination. Oui
l'éclat
la
mais par quoi s'en
;
distingue-t-elle? Quelle est donc enfin cette vivacité particulière et mystérieuse, cette manière extraordi-
naire de concevoir, qui emporte la croyance? Poussé
à bout,
sceptique confesse qu'il
le
impossible
lui est
de rendre compte exactement de cette forme spéciale de
la
conception Çthis feelmg
tion) (^\). Elle est, ajoute-t-il,
or
quelque chose que
prit ressent (something felt hy the
gue
En
les idées
manner of concep-
mind)
l'es-
et qui distin-
,
du jugement des idées de l'imagination.
d'autres termes, elle est quelque chose d'indéfinis-
sable
d'inconnu,
et
que l'empirisme
n'atteint
pas.
Hume,
d'ex-
L'impuissance, vainement dissimulée par pliquer ce qu'il entend par
un degré plus grand de
vivacité dans l'idée, n'est-elle pas la preuve qu'il faut
chercher ailleurs l'origine de
quelque chose,
qu'il
la
croyance, et que ce
ne peut définir, est
l'acte
même
par lequel notre esprit, dans sa relation réelle avec les
objets qu'il connaît, porte tel
Hume
a
si
bien compris
croyance prêtait
ou
tel
que sa théorie de
le flanc à la critique,
:
«
Je n'ai
pas
eu
le
la
cru
qu'il s'est
obligé d'y revenir dans un Appendice au
Nature humaine
jugement?
Traité de la
bonheur,
» ble; et
bien que je croie comprendre parfaitement la question
» je suis
en peine de trouver des termes pour exprimer
»
fi
de voir.
»
Tome
ma
»
,
façon
I, p. 123.
(i) a
Je confesse
cette
manière de concevoir.
qu'il est
impossible d'éclaircir complètement »
Tome
I, p. 130.
—
—
235
mon ouvrage une
de découvrir dans
dit-il, «
erreur; mais
j'ai
seule
pu me convaincre, par expérience,
))
que toutes mes expressions n'ont pas été choisies
»
de façon à empêcher
Et
accompagne
qui
lier
croyance.
çue
»
dans
«
(%). »
les
confusions du lecteur (1).
»
de mieux définir ce sentiment particu-
s'efforce
il
Elle
est
quand
l'idée
alors
elle
sentie,
devient une
plutôt
que con-
Ce sentiment est spécial, sans analogue
la sensibilité
humaine. Voilà tout ce que
Hume
en peut dire, et ses éclaircissements n'ajoutent pres-
que rien à
ne font que rendre
la théorie primitive. Ils
plus manifeste encore son impuissance à rendre compte
de
croyance
la
et
,
d'une hypothèse qui nie que
élément distinct de
la
de croire
le fait
conception.
formellement,
fondamental
vice
trahissent le
«
soit
un
Nous n'avons
une idée abstraite de
))
pas,
))
l'existence, qui puisse être séparée et distinguée
))
dit-il
«
))
des objets particuliers de nos conceptions.
»
impossible,
))
l'existence puisse être ajoutée à l'idée
»
objet, ou constituer la différence entre la simple
))
conception et
Au
ne diffère, en
thèse,
(1)
la
croyance
surplus, admettons
plus grande. est
il
Tome
effet,
Ne
de
cette
Il
est
idée
de
de quelque
(3). »
un
instant
voit-on pas
que
la
croyance
que par une vivacité
l'idée,
que
,
dans cette hypo-
impossible d'expliquer
la
différence des
II, p. 543.
(2) « It is
fdt rather than conceived.
(3) IbUl.
p. 544.
,
que
par conséquent,
»
Tome
I,
p. 548.
— jugements
affirraatifs et
236
—
des jugements négatifs? Si
la
croyance n'est qu'une conception plus vive, quelle
donc
est
Prenons
différence entre croire et ne pas croire?
la
jugements
les
les plus simples, les
Les hommes, tantôt
d'existence.
vrais, tantôt les rejettent avec croient ou
faite. Ils
croyance
Si la
ils
n'était
jugements
pour
tiennent
les
une conviction par-
ne croient pas. Tel est
le fait.
qu'une conception plus vive
tous les jugements devraient être affirmatifs.
L'homme
devrait croire à la réalité de tout ce qu'il se représente
vivement.
serait incapable
Il
traînement de
aucune idée la
la sensibilité et
distincte
vue d'un objet
,
de se refuser à cet en-
de l'imagination. N'ayant
de l'existence,
déterminer
Texistence
si
cédant à l'impulsion mécanique de plus vive,
il
plateau de
la
,
lui
appar-
comme
conception
la
adhérerait à cette conception,
comme
le
balance penche sous
plus fort.
les-
le
la
poids
le
conceptions sont toujours nécessaire-
ment positives, comme
de
elles sont les représentations
quelque chose, l'affirmation serait la
ne saurait, à
ou non. Incapable d'une comparaison réfléchie,
tient
Et
il
la
seule forme et
forme nécessaire de tous nos jugements.
Hume
ne paraît pas avoir prévu cette objection
qui est capitale pourtant rait
,
et contre laquelle
défendre son système. Car
non moins certain que n'a pas
seulement
n'existe pas
;
la
l'idée
la
il
ne sau-
négation est un
fait
croyance affirmative. L'athée
de Dieu
,
il
affirme que Dieu
son jugement est aussi décidé que
le
juge-
ment
contraire.
esprit
que dans l'esprit du croyant. Pourquoi donc l'un
La conception est aussi nette dans son af-
— 237 — que l'autre nie ? Hume lui-même ne
firme-t-il tandis
pas à lexistence de la matière, du
extérieur,
cependant, puisqu'il a des sens, la représentation
et,
se fait de la matière est nécessairement aussi
qu'il
vive que dans la
monde
croit
l'esprit
du
vulgaire. Pourquoi donc,
croyance affirmative ne
la
pas
suit-elle
conception? Sans doute,
du scepticisme de se contredire lui-même
,
et
dire, le sceptique recherche, plutôt qu'il
de
même
condition
c'est la
ici,
la vivacité
à vrai
,
ne
fuit,
occasions de mettre sa propre pensée en lutte
les
avec elle-même sort
;
car,
de ces contradictions mêmes
un nouvel argument en faveur du scepticisme.
Les fautes de l'auteur profitent, doctrine qu'il veut établir.
que
Hume
ait
entrevu
la
11
ici
,
au succès de
la
ne paraît pourtant pas
contradiction singulière à la-
quelle le condamnaient les conséquences de sa théorie
de
la
le
scepticisme serait impossible, car la vivacité de
la
conception
de
la
croyance. Si cette théorie était juste, en effet,
Hume
,
le dit lui
môme, ne dépend pas
volonté, elle est produite par certaines causes
déterminées
Comment
,
^lont
nous ne sommes pas
alors échapper à la domination
les
maîtres.
de ces prin-
cipes naturels qui, malgré nous, animent et vivifient
nos idées
un
?
Si
Ton
effort d'esprit,
système de
y échappe par réflexion , par peu explicable d'ailleurs dans le
Hume, comment
atteindre de nouvelles
croyances, radicalement contraires aux croyances naturelles? Ces croyances nouvelles n'auraient pas d'objet,
puisque notre esprit ne
sait
existence de l'existence.
Quand Hume
pas distinguer nie le
la
non-
monde
—
—
238
extérieur ou l'identité personnelle, le droit
car, alors encore,
:
n'en a donc pas
il
se représente le
il
monde
extérieur ou l'identité. Dira-t-il qu'il se les représente
faiblement? Nous admettons que cette indécision va-
gue de
mer
mais
;
l'empêche de croire et
conception
la
elle
ne
et à nier, surtout
l'autorise
d'affir-
nullement à ne pas croire
veut attribuer à ses négations
s'il
quelque certitude et quelque valeur.
La seconde partie de lève pas moins consiste,
on
le
de
la
théorie de
que
difficultés
sou-
première. Elle
à soutenir que la vivacité de
sait,
qui constitue la croyance
l'idée
la
Hume ne
d'une
est le reflet
impression primitive. L'impression par elle-même est si
vive qu'elle dispose
vivacité semblable,
l'esprit
à concevoir, avec
tous les objets qui se rapportent
un mot, comme un
à cette impression. Elle est, en éclair
de lumière, qui traverse
l'esprit
conceptions qui se trouvent dans tent
une
de cette lumière,
et
;
toutes
les
voisinage profi-
le
en sont elles-mêmes
éclai-
rées.
Nous ferons tout de
suite
une objection à Hume.
Cette transmission de la vivacité d'une première im-
pression
aux idées qui
lui
succèdent immédiatement
ne peut se comprendre, à moins d'admettre une relation réelle entre les c'est
un des principes
de Hume, que
une
succession
ments sont réel.
conceptions qui se suivent. Or,
les ,
les plus nets
de
la
philosophie
impressions et les idées forment
une
série
,
dont
distincts et n'ont entre
tous
les
élé-
eux aucun rapport
—
—
239
Dans l'appendice que nous
Hume
deux
affirme qu'il y a
de renoncer
impossible
lois
auxquelles
1° toutes
l'heure, lui est
il
nos perceptions
existences distinctes
des
distinctes sont
:
à
citions tout
^^
;
notre
esprit ne peut jamais percevoir, entre des existences
une connexion
distinctes,
précisément
réelle (1). C'est
pour obéir à ces principes que
Hume
a imaginé la
théorie
que nous examinons
c'est
parce qu'il n'y a
pas de
liaison réelle entre les idées
que Hume, pour
expliquer
le
jugement qui
;
est la liaison
suppose une communication fatale
et
de deux idées,
mécanique de
force,
que possède l'impression première, à toutes
idées
qui s'y
n'est possible tre
les
rattachent.
y a un qui se succèdent
l'existence d'un
même
lien réel en-
s'il
dans un premier état de conscience, applique aux états
les
de conscience
conserve et
qui
après. Si bien, qu'en définitive, l'hypothèse a
exige
elle
:
esprit, qui passe d'une idée à
autre, et qui, ayant acquis certaines dispositions
une
les
les
Mais cette communication
elle-même que
conceptions
la
viennent
Hume
que
péniblement construite pour se passer de
l'esprit
dans l'explication du jugement, n'a de sens, elle-même, qu'à la condition
que
l'esprit existe.
Sans relever toutes sister
les
explications
voici encore
(1)
Tome
les obscurités
Hume
laissent sub-
un peu confuses de Hume
un autre point
II, p. 551.
que
à noter.
ajoute
:
«
Si nos perceptions étaient
»
inhérentes à un sujet simple et individuel, ou
^x
vait
»
plus de difficulté. »
quelque liaison réelle entre
les
si l'esprit
perceptions
,
il
perce-
n'y aurait
—
240 -^
Qu'est-ce que cette impression initiale, qui est
d'appui de
point
aux questions de
quoique
car, si elle n'est pas rait-elle
en elle-même, une
fait? Est-elle,
croyance spontanée, immédiate l'admettre,
le
toute croyance inductive, relative
Hume
?
Il
semble
qu'il faille
muet sur ce point
soit
;
une croyance, comment produi-
par contre-coup d'autres croyances ? Si
les
croyances dérivées ne se produisent qu'en vertu de la vivacité qu'elles empruntent à limpression première,
comment
l'impression qui possède cette vivacité dans
son entier ne serait-elle pas elle-même une croyance? Il
est
donc logique
si
on
l'accorde,
donc
lexistenco le
difficultés
fait
:
comment
même
pour rendre
ments, n'est ce pas à ce
mais,
;
!
Il
dans
expliquer, sinon
les
de
d'un esprit capable
rapport des idées? Et
cet esprit
nouvelles
croyances immédiates,
alors des
questions de
de l'accorder
et nécessaire
que de
si l'on
saisir
admet
y a les
par
d'emblée
l'existence de
compte des premiers juge-
même
esprit qu'il
faut avoir
recours pour expliquer les jugements ultérieurs? Hume est
comme
philosophes qui s'ingénient à faire
ces
voir que tous les êtres ne sont que les transformations
même
multiples d'un seul et
cule
être
,
même, comment comprendre son Dieu créateur
!
pour expliquer tant
d'une seule molé-
matérielle peut-être. Mais cette
d
efforts
Et la
si
molécule
elle-
existence, sans
ce Dieu créateur est nécessaire
première existence, à quoi bon
pour s'en
faire
passer et pour éliminer son
action dans l'explication des existences dérivées?
même, Hume
bâtit
un
toute son hypothèse
De
du dévelop-
— pement de
la
croyance sur un seul fondement
pression actuelle
peut avoir
—
241
la
;
valeur qu'il
,
Tim-
impression elle-même ne
et cette
prête que
lui
elle
si
est
déjà une croyance.
On peut encore
Hume
remarquer que
faire
aurait pour
la
théorie de
de rendre toute longue
résultat
méditation impossible. Le penseur, qui, après avoir
emprunté à
la
ou à l'expérience
lecture
le point
de
départ de ses réflexions, enchaînerait les souvenirs
aux souvenirs, bientôt de croire
entendement
pensées aux pensées, cesserait
les
lui
aux
que sa mémoire ou son
objets
présenteraient tour à tour, à moins
qu'on ne supposât l'impulsion initiale tellement forte,
que son influence durât toujours, fût inépuisable lois
de
la
Hume,
la
les lois
sur lesquelles
,
Hume
a évidem-
de sa psychologie.
conséquence
plus grave de la théorie de
la
précipite
c'est qu'elle
sphères inférieures de subjectives.
que son action
supposition peu conciliable avec les
mécanique
ment calqué Mais
:
et
la
croyance dans
la sensibilité
La croyance
que
n'est
la
et des
les
émotions
sensation trans-
formée, puisqu'elle n'est qu'une idée qui a retenu
quelque chose de
la
vivacité de l'impression avec
Hume
laquelle elle est liée.
ne songe d'ailleurs pas à
désavouer cette conséquence. la
croyance est plutôt un
mène
intellectuel.
«
fait
Tout
qu'une forme de
Il
répète sans cesse que sensible qu'un phéno-
raisonnement probable
la sensation (et tous les rai-
))
n'est
»
sonnements fondés sur
»
raisonnements probables). Ce n'est pas seulement
la
causalité ne sont
16
que des
—
242
—
poésie et dans la musique que nous devons
»
dans
»
suivre notre goût et notre sentiment, c'est aussi
la
))
dans
»
quelque principe,
c'est
))
me
fortement.
»
préférence à un argument sur un autre, je ne
))
que me
))
reconnaître la supériorité
»
objets n'ont pas entre
philosophie. Lorsque je suis convaincu de
la
frappe
plus
seulement parce qu'une idée
Lorsque je donne
ma
déterminer, en raison de
seulement
la
fais
sensibilité, à
de son influence.
eux de
la
Les
relations saisissables
coutume, agissant sur l'imagi-
))
et c'est
))
nation, qui peut nous autoriser à inférer, de l'ap-
» parition d'un objet, l'existence d'un autre (1). »
d autres termes
,
la
En
sensation est la mesure de toutes
choses. Il
ne nous reste plus qu'un mot à ajouter
que, dans est le vrai
Hume,
pensée de
la
fondement de
la
c'est
l'impression initiale
croyance. Le rapport ha-
bituel
que l'imagination
l'idée
ne joue qu'un rôle secondaire. Or,
établit entre l'impression
phes contemporains ont, en général rie
:
,
les philoso-
écarté la théo-
fondamentale de Hume, pour ne conserver que
théorie subsidiaire
:
je
veux
la
croyance, que
la
forme
et fausse, c'est ce
nous apprendre.
(1)
Tomel,
,
n'invoquent, c'est-à-
Combien, sous
l'explication est encore précaire
que M. «
ils
coutume,
dire l'association habituelle des idées. cette nouvelle
sa
dire que, laissant de côté
l'influence d'une impression actuelle,
pour expliquer
et
Mill se
L'opinion de
Traité, p. 137.
charge lui-même de
MM. James
Mill et
—
2i3
—
))
Spencer, que lacté de croire n'est que
»
d'une association indissoluble entre deux idées, ne
»
donnait pas une solution sérieuse de
»
S'il
en
ne
la
question.
croyance serait indissoluble,
était ainsi, la l'est pas...
le résultat
La doctrine de ces philosophes
))
et elle
»
eut été certainement
))
contentés d'affirmer qu'une association indissoluble
» entraîne
généralement la croyance,
éprouve de grandes
difficultés à
que, lorsqu'une
une
))
Mais,
))
qui paraissent les plus concluants
liaison entre les
même
dans
l'es-
ne pas croire à
phénomènes correspondants.
»
exemples de cette nature
les
à la spéculation
» tué
et
s'étaient
s'ils
,
de ce genre existe entre deux idées,
» association » prit
incontestable
abstraite
,
un
esprit habi-
peut repousser
la
»
croyance, quoique incapable de surmonter l'asso-
))
ciation (1). »
naît
lui-même
En s'il
,
d'autres termes,
M.
y a des croyances
Mill le reconfortuites
ma-
,
chinales, à l'usage des intelligences qui se laissent
gouverner par
l'instinct,
cultivés tout au
moins,
il
le
y a aussi, pour les esprits pouvoir de juger s'il faut
accepter ou non les croyances suggérées par l'association
,
le
pouvoir de comparer les jugements
les corriger les
uns par
,
de
les autres; une faculté, enfin,
qui n'est pas soumise aux influences fatales et subjectives de la sensibilité, et qui, par elle-même, par
des actes spéciaux et irréductibles, adhère à telle
(l)
telle
ou
croyance.
La Psychologie de M. A. Bain
Cours littéraires
,
sixième année
,
,
par M. Stuait Mill
p. 607.
,
Revue des
CHAPITRE
LA CROYANCE A LA MATIÈRE.
VII.
l'iDÉALISME DE
HUME ET
l'idéalisme de m. STUART MILL.
Pour bien comprendre Hume,
faut avoir lu Ber-
il
keley. Rien n'éclaire certains passages
comme
Nature humaine gues d'Hylas
et
la
de Philonous, ou
du
de la connaissance humaine.
cipes
connu
le disciple
,
amertume pour Gloyne
,
c'eût été le
pieux
du
Traité de la
lecture des célèbres Dialo-
,
Traité sur
Si
,
une grande
et enthousiaste
de voir ses raisonnements
transportés dans les écrits
Prin-
maître avait
le
à coup sûr
les
évêque de
les plus étudiés
d'un penseur incrédule,
pour y devenir des instruments de scepticisme et peut-être d'irréligion. Mais il n'en est pas moins vrai
que
,
converties
pour ainsi dire , au pyrrhonisme
,
quelques-unes de ses théories
conçues ont passé tout entières dans
Hume. Sur
,
la
ressemblance est à peu près complète
la discussion
ment que
philosophie de
monde extérieur particuliècapitale, comme on sait, pour Ber-
deux philosophes s'accordent dans dans
la
question du
la
rement, question keley
plus pieusement
les
la
la
du problème. L'un
solution
:
les
comme
et l'autre affir-
matière n'est qu'une idée, et
ils le
prou-
— vent de pas de
^
même manière même façon.
la
la
Comment Berkeley
^
245 ,
quoiqu'ils ne l'entendent
avait-il été conduit
des choses extérieures?
réalité
quelque naïveté à supposer suivi la longue chaîne
Il
à nier la
y aurait, sans doute,
qu'il avait
préalablement
de raisonnements qui se dé-
roule dans ses Dialogues. Les philosophes, dans leurs
jugements
que
,
sont quelquefois aussi peu circonspects
vulgaire
le
:
ils
sonner ensuite pour suffirait
concluent d'abord, sauf à rai-
justifier leurs conclusions.
pas non plus
,
Il
ne
pour expliquer l'idéalisme de
Berkeley, de rappeler les tendances mystiques d'un esprit
éminemment
térialisme, voudrait
du ma-
religieux, qui, en haine
supprimer
la
matière, afin d'ôter
à une doctrine impie tout prétexte à l'existence. Cer-
tainement, l'idéalisme de Berkeley
en partie par sa piété, mais
une cause plus particulière
il
lui
a été suggéré
a été déterminé par
et plus précise
:
par une
opinion fausse, issue d'une observation vraie qui avait
vivement frappé son esprit,
et qui
domine toute son
argumentation. Une vérité longtemps ignorée jour au dix-septièmesiècle
fait
que
la
:
s'était
on savait maintenant
couleur et quelques autres qualités sensibles
n'existent pas dans les objets, telles qu'elles apparais-
sent aux sens.
De
là
sensibles n'existent
quelques pas cette loi, si
,
et
à affirmer que toutes les qualités
que dans
Berkeley
les
l'esprit,
franchit.
il
n'y
a
que
En vertu de
souvent constatée, qui veut que toute pen-
sée nouvelle absorbe complètement l'esprit qu'elle saisit
pour
la
première
fois, et
que, dans cette première
—
246
—
surprise de rimagination, l'entendement n'ait pas assez
de force pour circonscrire, dans ses justes bornes, portée de la vérité qu
il
la
découvre Berkeley fut amené ,
à exagérer ce qu'il y a de subjectif et d'idéal dans les
phénomènes de
perception extérieure, et à ne
la
voir dans les faits sensibles que
Après
sant.
sensation
la
s'en rencontra
part
du moi pen-
philosophes, qui, ne sachant pas dis-
les
tinguer deux éléments dans
de
la
,
le
phénomène complexe
avaient tout attribué aux objets
,
il
une confusion con-
d'autres qui, par
traire, attribuèrent tout à l'esprit. Si
Berkeley a raison contre
combat,
il
système absolu
le
un autre excès. Son argumentation force,
quand
il
la
:
comme
tion,
n'a pas
si elle n'est
la
idées sont la repré-
les le
portrait
de
Mais, en poursuivant ces erreurs, Berkeley Il
que
1"
connaissance immédiate des
choses extérieures; ^° que sentation exacte et
de
pleine
est
attaque ces deux préjugés
perception nous donne
à son tour.
qu'il
trompé à son tour en tombant dans
s'est
voulu admettre que
pas l'image et
la
la
réalité.
s'est la
copie de
égaré
percep-
la réalité
matérielle, n'en est pas moins le signe; que les sens, s'ils
ne nous représentent pas exactement
extérieure
,
la
nature
sont cependant des interprètes qui nous
traduisent, dans un langage spécial, les faits qui se
passent hors de nous; qu'enfin,
si
le
moi est pour
quelque chose dans nos représentations sensibles
ne
s'ensuit nullement
Hume
que
le
dehors n'y
soit
A
ses
yeux
,
la
il
pour rien.
adopte, sans y insister, les principes et
gumentation de Berkeley.
,
l'ar-
théorie qui
I
—
^m ^^déalise
la
—
247
matière est un
besoin de démonstration
acquis
fait
A
(1).
guère
et n'a
,
quoi bon,
dit-il, ar-
gumenter longuement, pour confirmer une YéniéuniverseUement acceptée
que lunivers
à savoir,
y
phénomènes sont seulement des perceptions
ses
et
subjecti-
ves, des formes de notre conscience? Quelle que soit la
chose que nous percevons
nous-mêmes avec
elles
les
;
nous
,
la
percevons en
impressions sensibles n'apportent donc
aucune autre certitude que
de leur
celle
propre existence. Poussons notre imagination aussi
que possible
loin
de l'univers
limites
jusqu'aux dernières
portons-la
,
:
en
réalité,
mais un seul pas hors de nous
nous ne faisons
pour mieux dire,
partout présent à lui-même, ou, Tesprit n'étant
ja-
(%). Lesprit seul est
lui-même qu'une
entité fictive
,
l'idée
seule existe. Enfermés dans le cercle infranchissable
de nos sensations, nous ne saisissons, en définitive,
que nous-mêmes, dans des impressions où croit apercevoir des objets
de nous
(1)
Voir
(*2)
et distincts
YI, De
d'une existence
(3).
:
Traiét,
les Essais
1.
I,
part. II, sect.
,
la
qu'il est
»
par les philosophes
»
rien n'est présent à l'esprit
»
impressions et ses idées.
»
dune
))
de distinct de nos perceptions
»
était (3)
,
et qu'il est
»
existence extérieure
absurde de l'admettre.
Locke, avant
l'idée
par rapport aux
sens.
question n'est pas abordée.
Nous pouvons observer
«
vulgaire
indépendants
extérieure; part. IV, sect. II, I)a scepticisme
Dans
le
Hume
,
,
si
Tome ,
»
universellement accordé
en outre évident de soi ce n'est ses perceptions I
p. 93.
,
considérée ,
«
Quant à
comme
la
I
,
,
ses
notion
quelque chose
nous avons dvyk montré
Tome
que
,
qu'il
p. 239.
avant Berkeley, avait dit
:
«
Les idées
—
Hume sait que le monde extérieur n'existe croit, comme tout le monde, qu'il existe. Et
Mais pas,
—
248
si
il
cette croyance n'est pas
de sa part une concession
aux exigences du sens commun ou à yeux,
cule. Elle est, à ses
le résultat
naturelles de notre esprit.
croyance à
Ces
faite
peur du
la
ridi-
nécessaire des lois
lois,
qui
de
font
la
matière une illusion irrésistible, supé-
la
rieure à toute réflexion, gouvernent le sceptique lui-
même,
et lobligent
au
,
de son cabinet, à rede-
sortir
venir, dans la rue, aussi crédule que le
hommes
(1).
en cela consiste surtout
Hume
:
il
commun
importe donc d'analyser ces
Il
tâche que
la
s'est
des
lois, et
proposée
a voulu déterminer l'origine d'une opinion
consacrée par
le
témoignage unanime des hommes,
et
mécanisme nous en venons à
expliquer par quel
fabriquer de toutes pièces, par notre seule imagina-
un monde extérieur qui
tion,
celle Il
que nous
lui
de
blème qui exerce à un et
faire si
que son préjugé
simples que nous recevons de
))
sont les limites de nos pensées
)>
ques
«
pas. » Liv. II
»
corps, bien qu'il ne puisse, par
»
en maintenir
efforts qu'il puisse
»
idéaliste le
la
condamne à
sensation et de
hors desquelles
,
la
réflexion
l'esprit
tenter, est incapable de faire
XXII
pro-
le
,
un
quelseul
§ 29. Le sceptique doit adhérer au principe de l'existence des
» liberté
» était
chap.
remarquer que
haut point l'ingéniosité de
«
(1) «
que
prêtons.
n'est pas inutile
Hume,
n'a d'autre réalité
,
la vérité.
du choix,
une
affaire
,
aucun argument philosophique,
La nature ne nous
a pas laissé ici la
et elle a sans doute considéré
que cette croyance
de trop d'importance pour être confiée à
garde de nos raisonnements et de nos spéculations.
»
T.
I,
la
p. 238.
— résoudre, n'existe pas au
249
—
même
degré pour Berkeley.
Pour ce dernier philosophe, en diate de
la Divinité
peut,
immé-
effet, l'action
jusqu'à un certain point,
rendre compte de notre tendance à projeter hors de
nous nos perceptions sensibles. De plus, par une
illu-
sion singulière, Berkeley s'imagine être d'accord avec le
commun
sens
:
il
n'y a, selon lui
système. Ce sont les
venté
la
,
dans
la
croyance
aucune affirmation qui dépasse son propre
vulgaire,
seuls qui
philosophes
ont in-
mot pour représenter
matière, et employé ce
une substance distincte de nos perceptions. dans
Il y a ici de Berkeley, une confusion évidente. Il
l'esprit
en
n'est pas contestable,
mun
hommes,
des
la
effet,
qu'aux yeux du com-
matière existe effectivement.
Berkeley, lui-même, est revenu, dans un autre passage
de ses Il
écrits,
sur cette affirmation un peu téméraire.
veut bien reconnaître que les
ralement à
la
hommes
croient géné-
permanence des objets extérieurs,
indique
même, en quelques mots, une
laquelle
on pourrait
expliquer
la
les
de cette D'après
perceptions sensibles, puisqu'elles n'émanent
même
pas d'une
indépendantes
moment,
il
théorie par
réalité
croyance, sans cesser d'en nier la vérité (1). lui,
et
les
le livre
n'est pas le
nos mains
;
même
source extérieure, sont à ce point
unes des autres, que, dans dont nos yeux lisent
que
le livre
le
même
les caractères
que nous tenons dans
ce qui est la conséquence nécessaire et
absurde de l'idéalisme. Mais ces perceptions, quelque
(1)
Troisième dialogue d'Hylas et de Philonoûs.
— divisées qu'elles soient
,
250 .
— souvent
se ressemblent
les
unes aux autres; des idées semblables reparaissent
en diverses rencontres. Cest alors que, pour
modité du langage, nous
même
groupons sous un
une
les
chose
sentons l'unité
les
par
comme une
extérieure de
seule
ei
impressions diverses que nous repré
même
un
du mot
les
naturel que
trouve tout
nous en venions à considérer
même
nous
assemblons,
nom. Cette unité nominale
établie, Berkeley
fois
la corn-
mot.
En
de
créerait l'illusion
l'objet.
Je ne sais
termes^
d'autres
si
permanenci
la
cette explicatioi
Hum<
bizarre, indiquée par Berkeley, n'a pas été pour
une indication précieuse,
chercha à son toui
lorsqu'il
pourquoi nous projetons hors de nous,
comme
dei
objets permanents et distincts, des perceptions sub^ jectives et passagères.
tenté d'en
tout cas,
il
ne
s'est
pas coa
appeler à une théorie nominaliste
plus profondément, l'esprit et
En
c'est
de l'imagination
dans qu'il
les
lois
a cherché
c'eg
:
mêmes
de"
les princi-
pes d'une théorie qui, pour être tout aussi précaire
au fond que
celle
de Berkeley, n'en
est pas
moins
beaucoup plus étudiée, beaucoup plus originale.
Hume
établit,
d'abord, que la croyance au
monde
extérieur se réduit, en définilive, à affirmer une exis-
tence permanente et distincte de la nôtre (acontinued,
a
distinct existence).
Or, ni les sens ni la raison (rai-
sonnement), ne peuvent, selon rer ces
(1)
deux notions
Tome
(4).
I, p. 238 et suiv.
Hume, nous suggé-
— En premier
251
—
comment
lieu,
soutenir que les
^vec leurs sensations fugitives
(perishing),
sens
nous don-
nent l'idée d'un objet permanent? Ce serait prétendre qu'ils agissent
quand
ils
n'agissent plus, et qu'ils
nous
—A
cela
ne perçoivent pas.
font connaître ce qu'ils
nous répondrons tout de
même
la
perception,
plus courte, dure cependant quelques
la
tants,
que
suite
et
ins-
nous révèle immé-
que, par suite, elle
diatement une permanence au moins égale à sa pro-
Que
pre durée.
de
la
nos yeux une
si,
vue ne nous montre plus
cevions
tout à
l'heure, et
fermés, le sens
fois
l'objet
que nous aper-
ne peut, par conséquent
nous assurer de son existence, nous pouvons cependant,
autant de
fois
que nous
l'expérience, rouvrir nos
à la
même
place le
yeux
même
le
e\,
;
objet
,
voulons,
réitérer
retrouvant toujours
nous n'avons besoin
que d'une rapide induction, pour affirmer que
l'objet
a continué à exister dans l'intervalle de nos différentes perceptions.
pose que
les
l'extériorité
sément
le
Il
que
est vrai
cette
affirmation sup-
sens nous ont précédemment avertis de
de
l'objet
et
,
Hume
leur conteste préci-
pouvoir de nous donner cette idée. Nous y moment, nous
arriverons tout à l'heure; mais, pour le
affirmons que l'extériorité des objets sensibles étant
une
fois
accordée,
leur
permanence ne semble pas
pouvoir être mise en question. D'ailleurs,
parmi nos sens, un au moins, sinon tous,
nous fournit directement, par perceptions,
l'idée
de
la
la
permanence de ses
permanence des
sens du toucher, répandu sur tout
objets.
Le
le corps, n'est
pas
— sujet,
comme
.
252
tous les autres, à ces intermittences que
Hume. Toujours en
signale
la veille,
il
—
activité,
au moins pendant
ne cesse de nous donner
la
notion d'une
résistance permanente des choses extérieures.
Ici, le
raisonnement
d'être
et
Tinduction
besoin
n'auront
invoqués tout au plus que pour combler
que
le
sommeil
En second
laisse
lieu, dit
lacunes
les
dans notre conscience.
Hume
,
les sens sont incapables
de nous inspirer la croyance à une existence extérieure, distincte
de nous
(1). Ils
déjà, nous faire sortir de
ne peuvent, nous
savons
le
nous-mêmes. Les sensations
sont pour ainsi dire murées, fermées sur elles-mêmes. Dira-t-on que les sens,
par une
illusion
naturelle,
nous portent du moins à admettre cette existence d'objets distincts et extérieurs? Ce
de Hume.
Ce
serait
peut-être
n'est pas l'opinion
aujourd'hui
celle
de
M. Taine, qui nous semble, dans ses longues analyses sur
la
perception extérieure, avoir surtout cherché à
montrer par quel mécanisme physiologique
sens
les
s'habituent peu à peu à localiser, à différentes distan-
(l) «
Les sens ne nous apportent pas autre chose qu'une per-
»
ception simple (a single perception) et ne nous donnent jamais
»
moindre indication sur quelque chose au
^)
simple ne peut jamais produire l'idée d'une double existence, à
«
moins que ce ne
soit
»
ou l'imagination.
»
M
sens ne peuvent produire
»
car
ils
delà.
Une
par quelque inférence fondée sur
Tome
I
,
la
p. 239.
Et plus loin,
p.
la
perception
raison
la
242
:
«
Les
croyance à une existence distincte
;
ne nous offrent cette existence ni sous forme de repré-
» sentation, ni
en elle-même. Pour nous
»
représentation
»
une image
,
,
ils
etc. »
la
donner sous forme de
devraient nous montrer à
la fois
un
objet et
—
253
—
ces, nos différentes perceptions. la
connaissance du
monde
Dans ce système, où
extérieur se réduit à une
simplement
hallucination vraie, ou, plus
,
ception fausse, les sens jouent un rôle leur refuse,
dans n'est
et qu'il attribue
comme
l'un
dans
à une per-
Hume
que
à l'imagination. Mais,
système, l'extériorité
l'autre
qu'un rêve. L'homme, en vieillissant, apprend à
se tromper. L'enfant est protégé contre l'erreur par
son inexpérience
même
il
;
est plus
avec ses yeux encore inexercés, sur le
même
plan,
que l'homme
il
dans
quand,
le vrai
voit tous les objets
qui les aperçoit à
fait
distance et dans des rapports déterminés.
Pour prouver que lïllusion qui distincte
de
les
sens ne sont pas la source de
nous présente une existence extérieure la
nôtre,
Hume
comme
mais toutes deux supposant, rité
de
l'idéalisme, les raisonnements
guère que des cercles vicieux. le
invoque deux raisons;
pouvoir de nous donner
de distinct, d'extérieur,
ils
—
principe, la vé-
de
Hume
ne sont
Si les sens avaient
l'idée
de quelque chose
devraient appliquer ce
pouvoir à nos sensations de douleur, à nos passions,
comme à nos
sensations d'étendue. Car, par hypothèse,
toutes nos perceptions sont
de
même
nature
;
elles
sont purement subjectives, et tendent, par conséquent, à nous apparaître toutes
comme
intérieures. Si
quelques-unes nous semblent extérieures,
donc
ce n'est
point par elles-mêmes qu'elles peuvent avoir acquis ce caractère.
En
d'autres
termes, ce ne sont pas
les
sens, c est l'imagination seule qui opère Tillusion et qui
détermine une ligne de démarcation entre nos percep-
—
—
254
unes étant attribuées au moi,
lions, les
non-moi. Hume,
procès à son propre système
une des plus grosses
aux
idéalistes,
les autres
sans paraître s'en douter,
que
car c'est
:
que
difficultés
,
fait' ici
au le
à coup sûr,
l'on puisse
opposer
cette distinction naturelle
de nos
sensations, dont les unes nous apparaissent au dedans
de nous, .ait là
les autres
hors nous. Est-il possible qu'il n'y
qu'une apparence fondée sur
les lois
de l'imagi-
nation? L'autre raison consiste à dire que les sens ne pourraient tracer la frontière illusoire qui, dans la croyance
commune, sépare
Tesprit de la matière,
donnaient d'abord la justesse
l'idée
que
de notre corps.
de l'argumentation dépend de
l'hypothèse idéaliste
oii
Hume
toutes nos perceptions sont
s'ils
Ici, la
nous
encore,
valeur de
s'est placé. Si,
en
purement idéales,
effet, il
est
incontestable qu'elles ne peuvent pas plus nous assurer
de l'existence de notre corps que de n'importe
quel autre objet matériel. Le cerveau, entier, dit Berkeley, n'est
peuvent donc corps et
ner
le
l'idée
nement
établir
corps tout
aucune comparaison entre notre
monde extérieur, ni, par suite, nous donmonde extérieur. Outre que ce raison-
d'un
n'a
aucune espèce de force
préjugé sur lequel
marquer
le
qu'une idée. Les sens ne
qu'il suffit
il
est
si
l'on écarte le
fondé, on pourrait faire re-
que certaines de nos perceptions
nous donnent, non pas
l'idée
du corps, mais
du moi immatériel, pour que
,
ce moi, d'autres perceptions,
ou
l'idée
par opposition avec les
mêmes, nous
apportent l'idée du non-moi. Et c'est précisément,
le sait, l'opinion
on
de Hamilton
et
de Maine de Biran,
qui pensent que toute sensation contient une double
connaissance, celle de nous-même, et celle du
monde
extérieur.
Hume, quoi
en soit, conclut que
qu'il
produisent pas la croyance au
monde
))
point de vue des sens, toutes
»
les
mêmes;
les
les
sens ne
Au
extérieur, a
perceptions sont
rien ne distingue leur manière d'être. »
Le raisonnement n'est pas moins impuissant à distinguer
moi du non-moi. La preuve qu'en donne
le
Hume
est singulière.
H prétend que
la
croyance à
réalité matérielle, qui est naturelle à tous les
ne peut être vre de
le résultat
la
hommes,
du raisonnement, qui
œu-
est
Quelques arguments convaincants
réflexion. «
philosophes s'imaginent avoir avancés pour
»
que
))
établir la
croyance à des objets indépendants de
))
l'esprit,
est évident
))
connus que d'un
))
par
))
majeure partie du genre humain, en
»
tribuer
))
ser
les
là
il
que
petit
que ces arguments ne sont
nombre
les enfants,
un objet
aux autres
que l'induction
que
;
les
et
que ce
n'est point
paysans, enfin que est
venue
la
à at-
à certaines impressions, à le refu-
(1). »
n'est
On
pourrait répondre à
nullement
le privilège
Hume
des philo-
sophes; qu'à défaut de la perception immédiate, le
raisonnement inductif, qui nous la
cause et que
le
fait
passer de
l'effet
vulgaire lui-même pratique sans
cesse, peut être le principe de la croyance à la tière.
(1)
à
ma-
Mais cette hypothèse ne saurait se concilier avec
Tomel,
p. 244.
— les principes
de Hume. Pour
sonnement que pas applicable fait
n'y a d'autre rai-
Le raisonnement inductif qui nous chose signifiée, de
la
l'effet
à la
qui puisse nous assurer de la certi-
extérieur (dans le cas où le raisonne-
pour cela);
nécessaire
possible de l'invoquer dans
supprime,
il
ici.
le seul
serait
,
raisonnement par identité, qui n'est
monde
tude du
ment
lui
le
passer du signe à
cause, est
—
256
et qui réduit
causes à n'être que
la
or,
une philosophie qui des
rapport
le
pas
n'est
il
effets
le
aux
rencontre habituellement obser-
vée de deux phénomènes. D'après Hume, nous pouvons bien saisir un rapport de causalité entre deux percep-
non entre
tions, mais
les perceptions et leurs objets,
lesquels restent absolument
inconnus
et
dont nous
n'avons aucun droit de supposer l'existence.
Ce
n'est
donc
ni
aux sens
ni
au raisonnement que
nous devons de croire à une existence permanente
et
extérieure. La question subsiste tout entière. L'huma-
pourquoi y croit-elle? Voici
nité croit à la matière; la
réponse de Hume.
Le principe de notre
du monde
illusion,
extérieur, c'est
la
touchant l'existence
ressemblance de nos per-
ceptions sensibles (1). Si elles différaient toutes l'une
de
nous ne songerions pas à
l'autre,
mêmes,
et à
rêver un
monde
sortir
de nous-
matériel. Mais ces per-
ceptions se représentent souvent dans notre esprit,
semblables, dans leur nouvelle apparition, à ce qu'elles furent dans la première.
(1)
Tome
I
,
p.
246 et suiv.
De
là^
pour l'imagination,
—
—
257
une tendance à confondre ces images qui se ressemblent, à les faire rentrer l'une dans l'autie, et, enfin,
par un abus analogue à celui que l'on
dans
le
langage
,
fait
sans cesse
à croire que ces impressions sembla-
ne sont qu'une 7nême perception; en un mot, à
bles
prendre fois
ressemblance pour
la
Mais, une
l'identité.
ce premier pas fait, l'imagination ne s'arrête pas
en chemin
elle
;
a
dépasser sans cesse son
poussée par après que
les
rames
Hume une objet; comme la
dit
,
,
tendance
,
à
barque qui,
marche quelque temps encore
rameurs ont suspendu leurs mouve-
les
ments. Pour s'expliquer qu'à des époques différentes la
même
perception se soit offerte à nous, l'imagina-
tion incline nécessairement à croire tion n'a pas cessé d'exister.
reconnaît, en effet, à
varier dans sa nature tence.
11
n'est
que
Une chose identique
deux caractères ;
cette percep-
:
i**
se
de ne point
%^ de se perpétuer dans l'exis-
donc pas étonnant que l'imagination
qui attribue déjà l'invariabilité à la perception,
lui
prête aussi la permanence; qu'elle passe, par une transition insensible,
du premier caractère de
l'identité
au second. Voilà déjà presque toute la théorie faire
comprejidre, donnons
la parole à
;
pour
Hume
la :
«
mieux Après
»
un court examen, on peut constater que tous
))
objets auxquels nous attribuons
ont une
constance
les
une existence con-
particulière
(a peculiar
»
tinue,
»
constancij)
qui les distingue des impressions dont
»
l'existence
dépend de nos propres perceptions. Ces
»
montagnes, ces arbres, ces maisons, qui sont pour 17
— moment
le
dans
))
de vue en fermant
même
—
mes yeux, m'ont
sous
))
))
le
258
ordre; et,
je les
si
toujours apparu
perds un instant
yeux, ou en tournant
les
moindre
la
»
tête, je les retrouve aussitôt sans la
))
ration...
»
exceptions. Les corps changent souvent de situation
))
et
»
ils
» ici
de qualités,
après une absence,
et,
même
courte,
peuvent devenir à peine reconnaissables. Mais, ,
il
))
ments,
que
faut observer ils
suivent
un
rence), et ont entre
Lorsque je reviens dans
))
heure d'absence
» je l'avais laissé;
je
mais
dans ces change-
eux des rapports
))
,
même
,
certain ordre (préserve a cohe-
»
»
alté-
admet cependant quelques
Cette constance
ne
réguliers...
ma chambre, trouve pas mon
j'ai
après une feu
été précisément
comme
accoutumé
par d'autres expériences à voir une altération sem-
» blable
se
produire dans
même
le
intervalle
de
))
temps... Cet ordre dans les changements est donc
»
un des
»
aussi bien ))
»
traits caractéristiques
des objets extérieurs,
que leur constance.
Après avoir
établi
que l'opinion d'une existence
continue des corps dépend de Vordre et de
de
certaines
impressions,
la con-
maintenant
»
stance
))
à chercher de quelle manière ces qualités donnent
» naissance à
j'ai
une opinion aussi extraordinaire... Je
ma chambre,
»
suis assis dans
))
tous les objets qui frappent
»
sent
devant
mon
feu, et
mes regards ne dépaspas un rayon de quelques yards. Ma mémoire
»
m'informe, sans doute, de l'existence d'un grand
»
nombre
»
pas
d'objets
;
mais cette information ne s'étend
au delà de leur existence passée,
et
la
mé-
—
—
259
»
moire, pas pins que
»
moignage de
»
Pendant que je sais assis, j'entends tout d'un coup
)
))
comme
continuation de cette existence.
la
le bruit
sens, ne peut porter té-
les
d'une porte qui roule sur ses gonds;
et quelques instants après, je vois un portier qui
De
»
s'avance
vers moi.
»
Dabord,
je n'ai jamais
))
blable à celui
»
chose que du mouvement d'une porte
»
quoi je conclus que le
»
contradiction avec toutes les expériences passées
))
à moins que la porte, que je
u
de
que
l'autre côté
de
j'ai
la
plusieurs
là,
réflexions.
observé qu'un bruit sem-
entendu pût provenir d'autre
phénomène
me
pour-
c'est
;
en
actuel est
rappelle avoir
vue
chambre, n'existe encore réel-
» lement.
De
»
humain
est
))
qu'il
»
que
le portier,
»
que
l'escalier,
»
tiaué à exister en
»
tout
))
l'écriture
»
me
»
moi de deux cents
))
puis
))
senter les mers et les continents qui nous séparent,
»
sans admettre
))
des routes, conformément à mes observations an-
»
térieures.
plus,
j'ai
toujours constaté qu'un corps
soumis aux
de
lois
la
pesanteur, et
ne peut, par suite, s'élever dans
:
les airs;
cependant, aurait dû faire, à moins
dont j'ai gardé
le
souvenir, n'ait con-
mon absence. Mais ce n'est pas portier me remet une lettre que j'ouvre et la signature me font connaître qu'elle
le
;
vient d'un ami, qui, m'écrit-il, est éloigné de
me
lieues.
Il
rendre compte de ce
Ces
encore
faits,
est évident fait,
l'existence
la
sans
des
que
me
je
venue du portier
ne
repré-
postes
» remise d'une lettre, paraissent contraires, »
ce
et
et
la
en un
sens, à l'expérience commune... Car, en général.
— » je n'entends
un
tel
son
(le bruit
même
condition de voir en
))
la
»
mouvement.
Ici, je
—
260
n'ai
de
la porte), qu'à
temps
porte en
la
pas éprouvé à
la fois ces
»
deux perceptions.
»
donc en contradiction avec mon expérience passée,
»
si
»
s'est
L'observation
je ne supposais pas
que
la porte existe
ouverte, quoique je ne
»
supposition
»
traire et
»
l
,
présente serait
la
,
et qu'elle
voie pas; et cette
qui paraît d'abord entièrement arbi-
hypothétique, acquiert de
évidence, parce qu'elle est
la
la
force et de
seule qui puisse faire
»
disparaître la contradiction... Je suis donc naturel-
»
lement conduit à regarder
»
chose de durable
))
même
et
à-dire l'ordre,
((
nous
Mais,
de réel
Hume
qui continue à exister,
appelle la cohérence
la régularité
décident
à
» ajoute-t-il,
,
c'est-
propre aux impressions
croire
au monde
« quelle
que
ne
soit
» principe, je crains qu'il »
,
monde comme quelque
lorsque je ne le perçois pas (1). »
Voilà pour ce que
qui
le
extérieur.
soit la force
trop
faible
de ce
pour
supporter un édifice aussi vaste que celui de l'exis-
» tence continue
de tous
»
pourquoi, à
»
gnons un autre principe,
» perceptions.
la régularité
les corps extérieurs. C'est
des perceptions, nous joila constance
,
mêmes
Par inférence de ce second caractère
» des impressions, se produit l'idée » continue
de ces
d'une existence
idée qui précède celle d'une existence dis-
qui est le fondement de cette dernière.
))
tincte, et
»
Lorsque nous nous sommes habitués à observer
(1)
Tomel,
p.
246 et suiv.
le
i
—
—
2GI
^^ retour constant des mêmes impressions, et à voir ^^e soleil TOcéan apparaître devant nous après un ,
absolument semblables à ce
intervalle,
qu'ils étaient
))
dans leur première apparition, nous ne pouvons
))
considérer ces perceptions interrompues
»
férentes l'une
))
réellement); au contraire, nous
de
sommes
dif-
soient
le
disposés à
de leur ressemblance,
considérer, en raison
» les
comme
(bien qu'elles
l'autre
mêmes. Mais comme
))
comme
))
de leur existence rend
))
absolue, nous nous trouvons enveloppés dans une
))
sorte
))
d'échapper à cette difficulté
))
tant
))
sions semblables
» à
étant les
de contradiction.
C'est alors ,
,
l'interruption identité
cette
que, dans
le
ou plutôt nous
réelle des la
impres-
supprimons tout
en imaginant que ces impressions,
fait,
qu'interrompues
))
continuité d'une
Hume achève la fortifier
,
même
existence (1)...
»
l'exposition de sa théorie en essayant
par des explications nouvelles
démarches, en apparence
duisent jusqu'à la fiction d'un
dérivent des naissons déjà, effets Il
dans
bien
sont liées l'une à l'autre par la
,
en mon-
trant quelles sont les lois qui règlent l'imagination, les
but
nous dissimulons, au-
que possible, l'interruption
»
de
impossible
si
dans
téméraires, qui la con-
monde
extérieur. Ces lois
principes d'association que nous con-
mais dont
il
le cas particulier
y a d'abord
nous reste à étudier
les
qui nous occupe.
une première
loi
d'association, qui
veut que les phénomènes semblables, non-seulement
(1)
Tome
I
,
p.
250 et suiv.
—
262
— même,
se rappellent l'un l'autre, mais finissent
sous
l'influence d'une répétition fréquente, par se confondre
dans
l'un
l'autre.
Ce
n'est plus alors
seulement un
un exemple de
d'association, mais
fait
cette pénétration
mutuelle, de ce travail de combinaison intime, qui, d'après les
millier d'expériences
dire,
l'une à l'autre,
affirment une solidité
,
se
Une seconde
nécessaires
soudant
donnent au
,
pour
,
fait qu'elles
qu'une ou deux expériences
évidemment impuissantes à
seraient
transforme
,
expérimentales en vérités
vérités
lorsqu'un ainsi
anglaise contemporaine
l'école
lui assurer.
d'association consiste dans cette
loi
tendance qui excite l'imagination à passer d'une idée
analogue à une autre idée analogue, d'une partie
mêm^
d'une idée complexe à une autre partie de cette idée; et
Hume montre
s'exerce cette dernière
semblables sur
dans une
même
très-ingénieusement comment loi.
l'esprit est
deux
L'influence de
naturellement de
disposition. D'où
il
objets
le placer
résulte
que
tous
les objets, toutes les idées qui disposent et affectent
Tesprit de la
fondus
même
façon courent le risque d'être con*
et c'est ce qui arrive
;
nous occupe. L'identité entièrement calme
change pas qu'il n'a
,
:
l'esprit
dans
la
réelle laisse l'âme
question qui
dans un
état
en présence d'une chose qui n'éprouve aucune fatigue
,
n(
puis-
pas à renouveler ses impressions. N'est-il pa^
évident que deux perceptions, quoique successives distinctes, si l'esprit
ment
un
elles sont semblables, produiront
effet
ej
suj
analogue? L'imagination glisse douce-
et sans secousse,
sans
le
moindre
effort, d(
— Tune des impressions à la
263
— elle
prend une simple
ressemblance pour une identité réelle
comme
des
identiques
trompée par
l'autre; et alors,
deux cas,
similitude des
considère
elle
:
perceptions qui, en réalité,
sont multiples, et que séparent quelquefois de longs intervalles, remplis par d'autres perceptions.
Mais comment notre imagination
est-elle assez puis-
sante pour couvrir la voix des sens, la voix de la
conscience
,
qui nous montrent ces perceptions telles
quelles sont réellement, c'est-à-dire interrompues et
Hume
coupées?
dit-il,
a beaucoup de peine à rendre compte
singulière et mystérieuse influence.
de cette
un
conflit,
Il y a, une contradiction marquée entre
l'imagination qui rêve
un objet identique,
et la réalité
qui nous montre une succession d'idées. L'esprit, embarrassé, ne peut sortir de cette difficulté qu'en sacrifiant
un des termes
en
,
effet
contradictoires
celui qui n'a pas
l'imagination.
pour
le
et
,
il
sacrifie
soutenir l'appui de
La raison a beau nous montrer que nos
sensations sont distinctes et séparées
:
l'instinct
de
l'imagination est plus fort, et, entraînés par lui, nous
en venons à nous représenter un objet permanent et invariable,
pour servir de fondement
et
de
trait
d'union à nos diverses sensations.
Mais ce quelque chose de permanent,
nous-même,
localisons son existence ininterrompue?
pour
qu'il n'y ait
objet, nous
est-ce en
ou hors de nous, que nous plaçons et
Evidemment,
pas solution de continuité dans cet
sommes
obligés de
le
détacher de nous,
puisque nous ne sommes, nous-mêmes, que mobilité
— et succession
—
de considérer
et
;
264
comme une
distincte cette existence continue qui n'est
réalité
cependant
qu'un fantôme de notre imagination. C'est donc, on voit, la
permanence qui
tcrionté: c'est parce
le
crée, en quelque sorte, Vex-
que nous sommes conduits à ima-
giner quelque chose qui dure et qui ne change pas,
que, pour compléter notre illusion et satisfaire notre
imagination, nous supposons encore quelque chose qui existe hors de nous, et, qui échappe, par consé-
quent, dans sa permanence, au courant
fugitif
de nos
sensations.
Hume
plus
n'a
comment, de
qu'une chose à nous apprendre
nous passons,
et
avec nous tout
le
genre humain, à
une croyance qui ne doute pas d'elle-même, n'a contre elle
que
l'opinion
:
purement Imaginative,
cette supposition
et
qui
de quelques philosophes.
Mais, nous l'avons déjà vu, la transition de l'idée à la
croyance n'offre aucune
Hume. La
difficulté,
croyance,, ce n'est
que
dans
le
système de
l'idée plus vive, et
cette vivacité, l'idée l'acquiert par son rapport
une impression
actuelle.
Dans
le
avec
cas particulier de la
croyance à une extériorité permanente, l'impression actuelle
nous est fournie par
la
mémoire, qui nous
grand nombre d'images semblables à
présente un
l'image qui se renouvelle à nos yeux. D'oii rait résulter
que
la
pour ainsi
susceptible de degrés, en proportion la
eu plusieurs fois
semble-
croyance au monde extérieur ne
s'acquiert que|peu à peu, .qu'elle est,
souvenirs que
il
mémoire contient une même
;
dire,
du nombre de
et qu'il faut avoir
perception, pour en venir
— à
la
dédoubler
—
265
et à distinguer d'elle
un objet
illusoire.
Or, l'expérience est tout à fait contraire à une semblable hypothèse, et la croyance au
monde
extérieur^
qui a, en apparence au moins, la rapidité d'une intuition
immédiate, ne peut, en aucune façon, s'expli-
quer par une formation aussi lente, aussi susceptible
de progrès.
Remarquons,
que
d'ailleurs,
Hume
ne peut consi-
dérer Télaboration de notre croyance au rieur
dans
comme le
le privilège
monde
de l'enfance, de cet âge
oii,
premier éveil d'une conscience à demi éclose,
évidemment bien des
s'accomplissent lyse
psychologique
reiit
les
ne peut
phénomèmes de
système de
Hume
faits
et
saisir,
que
qui
puisque,
à
l'ana-
prépa-
conscience adulte. Si
la
était vrai
,
le
les images que la per-
ception nous présente étant souvent tout à velles,
exté-
fait
vingt ans, à trente ans,
il
nou-
nous
arrive de voir pour la première fois des objets incon-
nus, nous aurions, durant toute la vie, à répéter
ma-
chinalement, à renouveler sans cesse, pour tous les objets qui nous tion qui la
nous
sont inconnus,
fait
passer de
croyance objective. La
la
foi
à
le travail
d'imagina-
perception subjective à l'existence
du monde
extérieur ne serait donc qu'une conquête laborieuse et successive.
Or, nous
n'avons aucune conscience
de ces acquisitions consécutives.
Du
reste, et c'est la vraie difficulté,
convaincra
jamais
qu'une
fiction
Hume
ne nous
de l'imagination
puisse devenir une croyance irrésistible, universelle,
une croyance de tous
les
instants.
Admettons
les
—
266
—
déductions ingénieuses, par lesquelles
nous montre
il
rimagination,groupant des perceptions isolées, qu
elle
fond pour ainsi dire et fusionne les unes dans les au" forcée ensuite de supposer leur identité, puis
très
;
leur
permanence
enfin
,
,
leur existence hors de nous.
Admettons que l'imagination en vienne le
monde
ainsi à rêver
comme un moyen de
extérieur
sortir d'em-
barras dans les contradictions où elle se perd
rapport y
a-t-il,
gile, et la
que
le
entre cette fiction inconsistante et fra-
certitude absolue
monde
quel
:
où nous sommes tous qu'un philo^
existe ? C'est avec raison
sophe anglais contemporain, nourri cependant dans les préjugés
de
l'école
de
l'association,
affirme que « la loi d'association, » dre
compte de
l'origine
les finesses, tous les artifices
guidée par
les lois
à ren-
de nos conceptions,
» totalement incapable d'expliquer nos
Toutes
M. Murphy,
si elle suffit
croyances
est
(1 ). »
de l'imagination
de l'association, paraissent impuisprofonde,
sants à engendrer cette conviction
cette
invincible certitude, qui caractérise, en général, nos
croyances, et particulièrement
la
foi
à
une
réalité
externe. Dira-t-on que l'imagination,
ment excitée par un au point de nous réalités
;
elle est
faire
,
notre
cœur bat
d'événements historiques
M. Murphy, De
savam-
prendre des chimères pour des
qu'en lisant un auteur dramatique
sommes émus
(!)
quand
romancier habile, nous illusionne
l'habitude.
?
,
comme
s'il
,
nous
s'agissait
Nous répondrons que
,
— 267 — même
Dans
alors, rillusion n'est jamais complète.
plus fort de notre émotion à l'existence
lement
,
nous ne croyons pas
réel-
des héros de notre roman ou de
noire poëme; au fond de notre conscience
dormie,
reste, en-
Ton veut, mais prête à se réveiller,
si
le
la
pensée que nous avons affaire à de pures inventions.
Dès que nous
le
voulons, nous pouvons nous ressaisir
nous-mêmes,
et
surmonter toutes
l'imagination.
Y
a-t-il
rien
croyance que nous suggère
duperies de
les
de semblable dans
la
du monde ex-
la réalité
térieur ?
Hume, comme
Ce qui a trompé qui
dans l'hypothèse idéaliste
,
expliquer la croyance au
plupart de ceux
la
ont
,
monde
fait effort
matériel
rend peu exigeant en matière d'explication
que
part de ce préjugé sion.
Comment
la réalité
pour
ce qui le
,
c'est qu'il
,
sensible est une illu-
s'étonner qu'il se soit contenté, pour
fonder une croyance qu'il n'admettait pas, de motifs
Hume,
précisé-
comme
dans un
précaires et tout à fait insuffisants?
ment
,
roman pour
lisait ;
il
dans
le
monde
en acceptait
satisfaire
les
extérieur
impressions trompeuses
aux nécessités de
à lui-même et à
ses
la
vie;
méditations
une
fois
intérieures,
rendu il
se
détachait facilement de son illusion.
Ce retour à ce
qu'ils appellent la vérité est si naturel
aux
qu'ils le croient possible et
hommes
:
ils
n'a pas plus
matière.
même
facile
s'imaginent volontiers que
de
foi
qu'eux-mêmes à
Nous avons déjà signalé
idéalistes,
pour tous le
les
vulgaire
l'existence de la cette
singulière
erreur chez Berkeley. Nous la retrouvons chez
Hume.
—
268
—
«
Les philosophes seuls ont inventé
))
sujet et
»
il
M.
n'y
de
que
a
Pour
l'objet.
Mill prétend
perceptions.
les
que
hommes,
les
la distinction
commun
le
met
l'on
si
même,
de
Et,
»
du
hommes,
des
à part les
philosophes, ne croient pas à quelque chose qui existerait
en dehors de
sensation possible (1). Là ne
la
ressemblance entre
s'arrête pas, d'ailleurs, la
tème de M.
de Hume. du Traité de
La doctrine bizarre
que M.
a, en effet, inspiré celle d'hui sous ce titre
à
matière,
la
récemment
:
la
Nature humaine
Mill soutient aujour-
Théorie psychologique de la croyance
:
théorie qu'un de nos maîtres qualifiait ((
le
plus grand effort qui ait été
))
pour expliquer, sans y croire
))
tière (%), » Pleine
mun,
le sys-
Mill et celui
,
la
croyance à
la
de surprises pour le sens
cette opinion mériterait
que
l'épithète
appliquait à ses propres idées sur le sujet, les déclarait très-étranges (very curious)
moins originale, moins nouvelle qu'on ne
ma-
com-
Hume
quand
mais
;
fait
il
elle est
serait d'abord
tenté de le croire.
Hume tions
eût défini la matière
que l'imagination
comme permanentes
d'abord
suite. Peut-être n'y a-t-il
de M. Mill
tion à celle »
lité
vérité
(1)
(2)
finit
des groupes de sensapar nous représenter
comme
La matière
permanente de sensations. de son assertion
M. Mill La M. P. Janet ,
,
le
»
est
une possibi-
Pour
établir la
philosophe anglais invo-
Philosophie de Hamilton ,
extérieures en-
pas bien loin de cette défini«
:
,
:
,
Revue des Deux-Mondes.
chap.
XI
,
p. 220.
i
i
—
Hume
que des principes que mains. Le plus important capable d'expectation.
est la
sensation actuelle
tiens nouvelles.
c'est
eût
que
signés des
l'esprit, dit
M.
deux Mill,
ne se circonscrit pas dans
Il
attend,
il
:
Hume
—
269
pressent des sensa-
il
ramené
eût
cette faculté d'ex-
j
pectation
ou
gination
à
d'attente à la tendance qui pousse l'ima-
dépasser sans cesse son
faculté s'ajoutent les lois ordinaires
idées.
M.
Une
fois ces principes
Mill, d'établir
les sensations
produire
M.
de
la
il
est facile, selon
de
la
mémoire
et
la
matière.
Comme Hume,
réduire l'idée de la matière à
permanence, àcequeKant appelle ^ero^i^ra-
Comment
bilité (1).
cette
présentes peuvent s'associer de façon à
croyance à
la
A
de l'association des
admis,
les sensations
commence par
Mill
l'idée
que
objet.
expliquer cette permanence? Par
un système non moins ingénieux que celui de Hume.
En vertu des
lois
de notre
esprit,
en
même
temps que
nous percevons une sensation présente, nous croyons à la possibilité des sensations déjà perçues. Autour
du
petit
noyau que forme
la
perception
actuelle se
groupent, quoique vaguement, les idées des sensations possibles, et, bien
même
que
la
sensation actuelle change, ce
cortège, pour ainsi dire, accom.pagne sans cesse
toutes les nouvelles déterminations de notre esprit.
Nous sommes donc toujours entourés, pour
ainsi dire,
par cet ensemble fixe et permanent de possibilités de sensation. le
Or,
c'est
précisément dans l'opposition et
contraste de ces possibilités permanentes et de
(l)
M.
Mill,
o;;. ci7.,
p. 214.
la
—
270
—
sensation actuelle, qui varie d'instant en instant, que
trouve son germe
moi variable
distinction d'un
la
et
d'un non-moi immobile. C'est parce qu'il y a toujours^
en nous c'est,
la
représentation de ces perceptions possibles
par exemple
,
actuellement entre
parce que
mes mains,
talement, tout entière
,
outre
,
je
me
j'ai
représente rnen-
bibliothèque
la
que
le livre
ti ,
oii
je
l'ai
pris,
que nous concevons peu à peu l'existence du monde extérieur.
Nous n'avons pas à suivre M.
Mill
dans l'exposé des
considérations subsidiaires qu'il développe à l'appui
de son système, pour montrer que
l'idée
manence devient plus précise encore ception présente
fait
partie d'un
qui forment un tout bien est
une qualité
sens
lié
particulière
;
quand
,
per-
la per-
c'est-à-dire
dé ce que
quand
lui aussi
Hume
loi
c'est-à-dire
leur
de causalité.
est manifeste, car
pour établir que
la cohérence
de
l'idée
manente. Ce que nous avons
encore,
Ici
Hume
,
est
une des
dit suffit
amplement à
Mill, la
représentations dans l'imagination
lieu à l'idée
de
la
insist
d'une existence per-
comprendre comment, pour M.
nence des
mêm
des perceptions,
succession régulière
conditions essentielles
perma-
donne
matière, qui n'est, en définitive,
qu'un mot, par lequel nous exprimons l'attente
nous sommes
ell
ou futures pa
ordre de succession constante que cette
philosophie appelle la
elle
philosophie du
la
commun appelle une substance, ou bien quand
l'analogie avec
faire
la
groupe de sensations
est rattachée à des sensations passées
cet
de
oii
de pouvoir transformer en sensations
I
—
271
que notre
actuelles toutes les idées
ente
comme
Sans compter la
croyance au
bilité
— nous re-
esprit
des sensations possibles.
que, pour expliquer
qu'il est bizarre
monde
extérieur, on invoque la possi-
permanente de nos sensations,
et
non
le fait in-
du renouvellement de nos perceptions
contestable
actuelles, la théorie
de M. Mill nous paraît reposer
sur un cercle vicieux. Car la croyance à la possibilité
permanente de nos impressions
au monde extérieur.
sur la croyance préalable
nous n'avions pas
le voir reparaître
sommes en
vant nous. Pour croire que nous
que nous occupons, au delà de cette chambre au delà de
la
rue
la ville,
il
faut
de-
de
état
chambre voisine de
la
Si
que l'univers existe,
la certitude
nous ne nous attendrions pas à
percevoir de nouveau
elle-même fondée
est
la
celle
rue,
que nous soyons
d'avance persuadés que tout cela existe.
Au
fond,
la théorie
de M.
Mill se réduit à soutenir
permanence de nos perceptions exige,
que
la
est
conçue,
la
croyance à Vexténorité;
c'est
si
elle
sur ce
point surtout (et c'est le point essentiel) que les rapports avec
Hume
sont frappants
M. Mill,
:
((
On
pourrait pré-
que ma théorie rend bien
»
tendre,
»
compte de
»
une partie de notre conception de
»
qu'elle n'explique pas
»
ces objets permanents sont extérieurs ou
»
nous. Je crois, au contraire, que l'idée de quelque
))
chose d'extérieur
))
connaissance que Texpérience nous donne des pos-
» dit
((
l'idée d'existence
tire
permanente qui forme ,
la
matière, mais
pourquoi nous croyons que hors de
son origine uniquement de
la
—
272
—
permanentes. Nous portons avec nous nos
»
sibilités
»
sensations partout où nous allons, et elles n'exis-
où nous ne sommes pas; mais, quand
»
tent jamais
»
nous changeons de place,
»
avec nous
les possibilités
nous n'emportons pas
permanentes de sensation.
commencent
»
Elles restent jusqu'à notre retour,
»
finissent sous des conditions
»
présence n'a
»
sus tout, elles sont des possibilités permanentes de
))
sensation pour d'autres êtres que nous, et elles le
»
seront encore quand nous aurons cessé de sentir.
»
Ainsi, nos sensations actuelles et les possibilités
»
permanentes de
»
ment un contraste
tes
,
en général
,
et
avec lesquelles notre
rien à faire. Et, par-des-
sensation
présentent inévitable-
saillant (1). »
Nos deux
idéalis-
ne diffèrent donc que dans l'explication de
de permanence. Pour Hume,
la
l'idée
permanence dérive
surtout du renouvellement d'impressions semblables,
qui, sous l'influence de l'imagination, parviennent à
en quelque sorte, et s'opposent alors à
faire corps
la
mobilité de nos impressions intérieures. Pour M. Mill, la
permanence des objets extérieurs résulte du con-
traste frappant
actuelle,
que présente, en face de
la
l'ensemble des possibilités permanentes de
nos sensations. Mais,
une
fois l'idée
de
la
permanence
acquise d'une façon ou d'une autre, c'est de
manière que
nous
,
cette
Hume
et
M.
Mill
M.
Mill
,
la
projettent,
même
hors de
existence permanente qui ne peut
confondue avec notre mobilité subjective. (l)
sensation
Hamilton
,
p.
224
,
225.
S'il
être
y avait
— quelque intérêt à
—
273
un choix entre deux doctrines
faire
que nous jugeons également fausses
nous indique-
,
rions une préférence en faveur de celle de Hume.
Hume
nous paraît avoir mieux réussi à expliquer
formation de capital
idée de permanence
1
la
ce qui est le point
,
du système.
même
du reste, au
C'est,
ment avoué
que
,
scepticisme, franche-
deux philosophes aboutissent.
les
Après avoir épuisé leur ingéniosité à expliquer com-
ment
se produit l'illusion
du monde
ouvertement, l'un
clarent
extérieur,
dé-
ils
ne sont
et l'autre, qu'ils
pas dupes d'une pareille fiction. Il
y
a,
cependant, encore une différence importante
à signaler.
M.
Mill excepte
tence des autres
hommes.
comprendre pourquoi
:
de son scepticisme Il
non pas que les raisons
donne ne soient excellentes
,
entier
;
et l'on
la
mais ces
matière et du
mêmes
monde
la
en
raisons la
dé-
extérieur tout
ne s'explique pas que, rejetées sur un
point, elles soient respectées sur est qu'il
de
qu'il
pourraient être aussi légitimement employées à
monstration de
l'exis-
est d'ailleurs difficile
un
autre.
La vérité
en coûte de trouver au bout de son système
négation
même
de l'hnmanité;
et
qu'on se décide
alors à se sauver de cette conséquence, aussi affligeante
Hume,
qu'absurde, au prix d'une contradiction. absolu, et, ticisme,
il
faut le dire, plus logique dans son scep-
semble ne pas
ne dise nulle part
mes ral,
plus
aussi bien
qu'il
faire d'exception
;
et quoiqu'il
doute de l'existence des hom-
que de l'existence des corps en géné-
son silence permet de supposer que
telle était,
18
en
— effet, sa
et
que
—
conclusion. L'oubli, en pareille question, l'ou-
peu admissible
bli involontaire est
sait
274
Hume s'était
nourri de
;
surtout
la lecture
quand on
de Berkeley,
que Berkeley explique longuement, en plusieurs de ses ouvrages
endroits
s'étend pas jusqu'aux
,
Tout se réduit donc, dans l'existence
que son scepticisme ne
âmes de nos semblables. le
système de Hume, à
vague, indéterminée de nos impressions
flottantes. Jamais l'idéalisme n'a été poussé
si loin,
et
ce n'est pas sans étonnement qu'on réfléchit que de tels fruits
une
se sont développés, pour ainsi dire, sur
tige sensualiste.
On comprend mieux un Maie-
branche, un Berkeley idéaliste. Chez Berkeley,
si la
raison proteste, la logique au moins est à peu près sa-
Berkeley, en effet, à côté des idées perçues,
tisfaite.
maintient l'existence de l'esprit qui les perçoit; et en
même
temps
donne à ces perceptions un point
qu'il
d'appui, l'âme humaine,
volonté
divine.
tème dans lequel isolées,
il
les
impressions sensibles restent
suspendues dans
mêmes comme sait d'oii,
leur attribue une cause, la
Mais comment comprendre un sys-
le
vide
,
se suffisant à elles-
des existences absolues? Venues on ne
enchaînées dans un certain ordre on ne
pourquoi, elles n'ont pas de substance, puisque .prit n'est
qu'un mot
la matière n'est
n'est pas
;
elles n'ont
qu'une
invoquée
Pour réfuter un
l'es-
pas de cause, puisque
illusion, et
que
l'action divine
!
pareil idéalisme,
les raisons qu'a
invoquées Reid sont peut-être insuffisantes. gnifie rien, par
sait
11
ne
si-
exemple, d'invoquer l'argument de
— fait
—
275
qui consiste à en appeler au témoignage des sens.
Cette preuve, qui revient à frapper la terre d'un bout
de son bâton,
que
et
Anglais appellent Yargumeri'
les
baculinum, celle dont Molière se sert dans une
tum
des plus plaisantes scènes de son théâtre, n'a aucune valeur, et n'établit qu une
chose, c'est que ceux qui
l'emploient n'ont pas compris la force de la position
de nos adversaires,
sens de leur argumentation.
et le
Pour peu qu'on y réfléchisse en effet , il est facile de se convaincre que l'idéalisme ne change rien aux ,
apparences des choses. Les philosophes,
comme M.
Mill, ne contestent pas
être frappés
;
mais
n'a
donc rien
l'irrésistible
fait,
pensent l'avoir prouvé.
ils
lorsqu'on a invoqué contre
croyance que
Reid plaisante à
tort
Hume
Quand
pratique.
sur les infortunes sup-
amis se seraient gardé de s'ils
avaient cru qu'il fût sincère,
En un eût
dans
fait
n'est sceptique
point sérieuse.
croyance vulgaire,
que durant
les
on a quelque envie de
n'a pas lu
Hume,
de rappeller, en
ou bien effet,
il
que
ne
comme et qu'il
douze pages de son
s'écrier l'a
:
ou bien Reid
pas compris. Inutile
la théorie
cisément pour but d'établir que,
rue,
Hume retombe de
une découverte, que la
la
réflexion n'est
la
elle n'est
autre endroit, lorsque Reid remarque,
temps en temps dans
Traité,
condamnait dans
le laisser sortir
guère piquante, mais surtout
s'il
le
par exemple, que ses
dit,
il
eux
sens nous suggèrent.
les
posées auxquelles son scepticisme la vie
que nous croyions
prétendent que ces croyances
ils
sont vaines et illusoires, et
On
comme Hume,
si
de
Hume
a pré-
d'une part nos per-
— 276 — ceptions sont en réalité subjectives, d'autre part, et par
d'une tendance irrésistible, elles nous parais-
le fait
mène au
sent objectives. La réflexion nous
scepti-
cisme, mais l'instinct et la nature nous ramènent à la foi.
Hume
aurait parlé
sceptique, l'évêque d'Avranches.
chaient
comme un
volontiers
A ceux qui lui
autre repro-
de rendre impossible, par son scepticisme,
Tusage pratique de
la raison,
Huet répondait
:
« Lors-
de conduire notre vie, nous cessons
»
quil s'agit
»
d'être
»
nous redevenons
philosophes,
douteux
d'être
idiots,
et incertains;
simples et crédules
!
»
Ried ne se trompe pas moins, lorsque avec une insistance inexplicable,
il
fait
de
la théorie
images l'origine du scepticisme de celui
de Berkeley
entre
la théorie
idées-
Hume, comme de
Quel rapport peut-il y avoir
(1).
de
des
Hume
comme des extérieur, comme
et celle qui considère les
émanés
sensations
intermédiaires
objet
des signes qui viennent nous
d'un
instruire de l'existence de l'objet qu'ils représentent ?
Hume, précisément, fût autre tif.
n'a jamais
cru que la sensation
chose qu'un phénomène absolument subjec-
Ce qui a égaré Reid,
ception extérieure
est
yeux
la per-
immédiate.
Notre
c'est qu'à ses
directe,
esprit, d'après lui, connaît et saisit la matière
un miroir
(1)
reflète
une image. Ea perception ne sup-
Dugald Stewart s'étonne que Kant
dre attention à cette discussion sur
que Reid considérait comme phie.
Kant
a-t-il
comme
eu tout à
la
n'ait
pas accordé
la partie essentielle
fait tort?
la
moin-
théorie des idées-images
,
de sa philoso-
—
277
—
pose que deux éléments, un acte de çoit et
un objet perçu comme
suite,
toute
entre
l'esprit et la
de
aujourd'hui
,
entre les
la
en supprimant
cette intuition
immédiate n'existe pas
deux éléments que Reid
phénomène dans
carac-
le
perception. Et cependant, on le sait
des intermédiaires le
nombreux
distingue,
la
:
il
;
y a
transmission du
milieu ambiant, les nerfs, le cer-
La perception
veau.
des intermédiaires
matière semblait à Reid favoriser
le scepticisme,
tère intuitif
qui per-
de cet acte. Par
distinct
doctrine qui admet
préparer
et
l'esprit
n'est,
que
par conséquent,
le
dernier acte d'une série d'événements. Reid concluraitt-il
de
cisme
là
que
la
doctrine
moderne
favorise le scepti-
?
Le meilleur argument de Reid l'appel qu'il
fait
en définitive,
est,
à la croyance vulgaire. Toutes les
hypothèses que l'idéalisme invente pour se justifier,
pour rendre compte de cette croyance
ment
insuffisantes.
S'il
,
sont radicale-
n'y avait pas d'autre raison
qui nous portât à croire à la matière que les tendances de l'imagination et les lois de l'association
comprendrait pas que
la
,
on ne
croyance subsistât un seul
instant. Il
faut, après tout, louer
Reid d'avoir protesté avec
cette chaleur et cette énergie contre
un scepticisme
inadmissible; mais son erreur grave est d'avoir pris la
croyance à
tive
la
matière pour une suggestion primi-
de notre esprit , pour une intuition immédiate
directe de la réalité matérielle.
A
aux yeux de presque tous
philosophes
les
nos yeux, ,
et
comme la
con-
— naissance du
monde
extérieur est une inférence assez
rapide pour être insensible
âge
oii
—
278
et qui s'accomplit à
,
un
nous n'avons pas encore pleine conscience de
nos opérations, mais, enfin, une inférence
réelle.
La
perception n'est que la conséquence d'une série d'antécédents, et, selon les fortes paroles de Leibnitz,
propos de ce qui se passe en
que l'âme
((
c'est à
))
conçoit ce qui se passe hors d'elle. » Dans la con-
y a un travail latent de détermine à concevoir, en
science obscure de l'enfant, raison naturelle qui le
la
elle
il
face de son moi, l'existence
du principe extérieur de
ses impressions sensibles plusieurs fois renouvelées.
Cette croyance, résultat de l'instinct, la raison réflé-
chie la confirme par le principe de causalité. et là encore
monde
Reid
s'est
trompé,
En
outre,
connaissance du
la
extérieur est une connaissance relative à la-
quelle collaborent l'esprit et la matière. Faire de nos
représentations sensibles le produit exclusif du dehors est
une erreur moindre, sans doute, que d'en
création
A
du dedans
mais
sujet
,
c'est
deux
ce résultat complexe
La perception les
;
est l'œuvre
faire la
encore une erreur. "facteurs concourent.
commune de
et cette théorie se trouve d
l'objet et
du
accord avec toutes
découvertes physiques, avec toutes
les
observa-
tions physiologiques.
Dans ce système,
l'objet extérieur n'est
ni coloré, ni résistant,
que par rapport aux
ni étendu,
êtres sensibles
la couleur, l'étendue, c'est la bilité
impose à
;
il
ne
car
en lui-même le
devient
la résistance,
forme que notre sensi-
la réalité extérieure.
Mais pour avoir
— 279 — perdu toutes ces qualités, pas moins en elle-même
pouvons
matière n'en existerait
la
dans un état que nous ne
,
En d autres termes, nous sommes ne connaître le monde extérieur que par les
définir.
réduits à
traductions spéciales que nous en fournissent les sens.
Chaque sens parle, pour
nous interprète à sa manière
monde
cachée. Le
est
dire, sa langue, et
ainsi
nature éternellement
la
comme un
texte,
comme un
modèle perdu, que nous sommes condamnés à ignorer toujours
,
que nous ne pouvons connaître que par
des copies plus ou moins fidèles, mais qui n'en existe pas moins pour cela. Tous les efforts que l'on
fait
pour
nier cette existence objective sont impuissants. Dira-
que l'étendue, par exemple,
t-on
d'états subjectifs
,
que
objet étendu? Oui;
continuité de l'effort inté-
la
de
rieur est le principe
qu'une série
n'est
la
sensation apparente d'un
mais analysons cette sensation
moment de
prolongée, nous trouverons, à chaque l'effort,
la
conscience du moi s'opposant à quelque
chose d'extérieur,
Ce
n'est pas
le
que nous soyons disposé à chercher,
avec Maine de Biran matière
,
dans
sentiment d'une résistance.
de
l'origine
,
de
l'opposition
dont nous avons conscience, et de
nous est opposée par ble
le corps.
que l'âme pénétrant toutes
corps,
la
croyance au
de l'opposition du
monde
corps
;
il
nous semde notre
extérieur dérive plutôt
tout
la terre,
résistance qui
la
Non
la
musculaire
les parties
entier
extérieures. La preuve en est que,
puyons un bâton sur
croyance à
la
l'effort
aux
réalités
quand nous ap-
nous sentons
la résis-
— tance au bout
—
280
du bâton, non au bout des
doigts.
Une
seule expérience ne suffit pas d'ailleurs, selon nous,
pour produire
notion complète de rextériorité.
la
éprouvé
faut avoir plusieurs fois
ou , par staté la
de
la répétition
même
la
l'objet
,
pour que
l'existence matérielle s'établisse
le
la
certitude
complètement dan&
notre esprit. Ce qui contribue surtout à
nous
résistance,
de perceptions semblables, con-
permanence de
la consolider, c'est
Il
la
fonder et à
que nous pouvons toujours, quand
mêmes condimêmes impressions. En un mot,,
voulons, en nous plaçant dans les
tions, renouveler les
de
et à l'inverse des théories
Hume
que
Mill, nous dirions volontiers
la
et
de M. Stuart
notion de quelque
chose d'extérieur nous est donnée immédiatement
mais
l'idée
de
la
permanence
est le résultat
;
du renou-
vellement fréquent de ces impressions primitives où le
moi se distingue de tout ce qui
n'est pas lui.
Quel motif aurions-nous d'ailleurs de
mettre en
doute une croyance qui se produit aussi naturellement
dans notre âme? Ce serait
le
cas de retourner contre
Hume la méthode qu'il pratique souvent lui-même, et qui consiste à rejeter sur ses adversaires Yonus probandi.
Transformer
la
croyance au
monde
extérieur en
hallucination qui dure toute la vie,
dans l'impossibilité d'expliquer sagères dont nous c'est
sommes
c'est se
une
mettre
les hallucinations pas-
quelquefois les victimes
;
rendre l'existence de nos semblables douteuse et
improbable;
c'est faire
de l'homme
un mystère incompréhensible où c'est surtout contredire à
la
et
de
la création
raison se perd;
un penchant
invincible dont
—
281
—
nous n'avons aucune raison de suspecter Sans doute nous ne méconnaissons pas
de
la
question
philosophe »
:
<(
,
et
la véracité
î
les difficultés
nous comprenons ces paroles d'un
Quiconque n'a jamais douté de
l'exis-
lence de la matière peut être assuré qu'il n'est point
» fait
pour
les
recherches métaphysiques.
résister à ces doutes,
nous
est
»
Mais pour
rien ne vaut le spectacle qui
donné par Hume,
listes; rien n'est instructif
et
en général par
comme de
les idéa-
suivre, dans sa
laborieuse entreprise, ce dialecticien sceptique, éle-
vant péniblement un fragile échafaudage pour expli-
quer la
l'illusion persistante
des
perception extérieure.
On
Hume, monde
à l'endroit de
se convainc, en lisant
qu'en partant de cette idée préconçue, que le est
térieux;
une chimère, tout devient obscur
qu'au contraire
fondée en raison
la foi
si
est difficile d'expliquer
nous acceptons
que nous inspire
tout est clair, tout est simple. il
hommes
la
et
mys-
comme nature,
Et en voyant combien
de quelle façon
les
hommes
parviennent à se tromper, on est de plus en plus porté à conclure qu'ils ne se trompent point
î
CHAPITRE
VIII.
LA CROYANCE A l'aME OU AU MOI.
LIDENTITÉ
PERSONNELLE.
Satisfait
de
la
méthode
rendre compte de était trop
même
bon
la
qu'il avait
croyance à
l'esprit.
au dedans comme au dehors sait il
notion primitive la réalité.
fier. Il faut
,
Hume
Des deux côtés,
son système
,
la
lui interdi-
Et cependant cette notion existe; elle est le
moins disposé à sacri-
donc en déterminer
l'origine, et, puisque
nature ne fournit pas
le
modèle
paraît être la représentation,
élaboration
notion du moi fût une
la
immédiatement conçue en présence
que l'homme
est de celles
la
,
de croire qu'aucune substance existât. Par suite,
ne pouvait admettre que
de
matière
ne pas expliquer de
logicien pour
façon la croyance à
la
employée pour
,
pour
il
réel
faut
ainsi dire artificielle
canisme compliqué, surgit
et se
dont cette idée
montrer par quelle ,
par quel mé-
développe peu à peu
Ja croyance illusoire au moi.
Sur ce point, l'opinion de ginale. fait
Dans
les écrits
pressentir.
Locke
affirmait
Hume
est tout à fait ori-
de ses devanciers, rien ne
la
Fidèle
aux principes de Descartes,
que
conscience de notre existence
la
— l'on
l'on se sait exister
moment que
pense, du
ou de la peine
(1). Mais,
de la substance, tion
que
et
est intuitive,
que
de savoir
si
il
—
283
l'on
laissait indécise et
Fàme est un
pendante
ou
que des
ques-
la
être substantiel incessamsérie de modifica-
ne sont, à vrai
tions sans substance. Les substances
dire, pour Locke,
plaisir
par ses hésitations à l'endroit
ment modifié, ou simplement une
sibles
du moment
éprouve du
collections de qualités sen-
d'idées. Berkeley, qui pensait
que, dans
objets corporels, « substance et modification sont »
même
trait
»
chose (%)
dans
ou
le
l'esprit
,
changeait d'avis quand
»
monde
intérieur
:
<(
une
péné-
il
L'intelligence
les
,
l'àme
existe réellement et en vérité (3). »
ne se doutait pas que
les
armes dont
il
Il
s'était servi
contre la matière, un scepticisme subtil les retournerait
contre l'esprit, et que
idéaliste,
l'impiété, fait
il
dont
il
voulait faire une forteresse contre
sortirait
dériver de
du fond de ce système
la
un nihilisme absolu. Quant à
lui,
conscience, qu'il appelle réflexion
et aussi intuition, la
connaissance du moi. Dans quel-
ques passages, cependant,
il
se laisse aller à exprimer
assez vivement quelques doutes sur la démonstration
de
l'identité personnelle, lorsqu'on
ne
tire les
preuves
qui l'établissent que de l'unité de la conscience (4). Ailleurs,
(1) «
va jusqu'à admettre que nous n'avons
Nous avons une connaissance
existence. (2)
il
»
intuitive
de notre propre
Locke, Essai sur l'entendement humain, IV,
Berkeley, Principes de la connaissance humaine
(3) /d.,
5im,
(4) Id.,
Alciphron, VII, § 11.
p. 166.
,
9, 2.
§ 49.
— aucune idée
claire
—
284
d'un esprit (1). Mais ces doutes
accidentels ne pouvaient prévaloir contre les princi-
pes de sa
philosophique, et, avec
foi
même
la
rance quïl niait toute substance matérielle,
mait
des
l'existence
assu-
il
substances spirituelles.
affir-
Cette
contradiction ne l'arrêtait pas, parce qu'il croyait voir
dans l'âme un principe d'action, une force dont matière
complètement dépourvue.
lui paraissait
Plus net et plus résolu que Locke, la
question
Berkeley.
,
Il
et
la
il
la
Hume
tranche
tranche dans le sens opposé à
nie que l'âme existe, qu'il
y
ait
en nous
autre chose qu'une série d'événements et d'états de
conscience, et ensuite, par les lois de l'association, il
rétablit,
comme une
illusion naturelle et inévitable,
cette croyance à l'identité personnelle, qu'il repousse
quand
elle se
donne pour une vérité certaine
(2).
I
Examinons d'abord combat l'âme.
les
Il
être ni
arguments par lesquels Hume
doctrines spiritualistes de l'existence de
prétend montrer que l'âme ou
une cause dont
seraient les effets
mènes
les
,
intérieurs
ni
le
moi ne peut
impressions et les idées
les
une substance dont
seraient les modes.
Une
(1)
Berkeley, Principes de la connaissance humaine
(2)
Hume,
traitée
dans
Traité
,
part.
les Essais.
IV,
Hume
,
phénofois
ces
§ 138.
V, VI. La question n'est pas prudemment omis tout ce qui
sect.
y a
les
<;oncerne son scepticisme sur l'âme.
— mltats acquis,
de sens
,
et la
il
—
conclut que l'âme est
1^ Qu'il n'est
inintelligible.
pas nécessaire d'attribuer une cause
aux phénomènes de
spirituelle
la
pensée,
causalité. L'insuffisance
saurait ici
différents, qui
notre activité
commun
,
il
la
de sa doctrine sur ce sujet ne
si
fait
profondé-
composent notre vie physique
morale,
les spiritualistes
raisonnent ainsi
matière
la
sur
se déclarer que par l'usage qu'il en
En présence des événements,
(1).
ment
une
c'est
Hume
conséquence évidente des théories de
mieux
un mot vide
question de son immatérialité une ques-
absolument
tion
285
:
la
et
et
sens
le
matière sera toujours
n'est pas possible qu'elle soit la pensée.
Pourquoi? Parce que développement,
les
limitées
causes restent, dans leur
aux
actions
que comporte
leur nature; parce qu'elles ne peuvent dépasser leur
pouvoir spécial, et produire des
contraires à
effets
leurs qualités. Mais ces considérations n'ont
valeur aux yeux de causalité
n'implique
Hume. Pour
lui
nullement dans
aucune
la
relation de
la
cause une
,
énergie, une vertu capable de produire l'effet, puis-
quelle représente uniquement
la
succession constante
de deux phénomènes. Dans cette hypothèse, évident qu'on ne saurait a priori limiter
la
est
il
nature, et
déterminer l'impuissance d'une cause à produire
ou ((
tel
effet.
La vérité,
c'est
que tout
N'importe quoi peut produire n'importe quoi
thing
(l)
may
tel
est possible. »
(any
produce any thing). Voilà donc le spiritua-
Traité, p. 305.
—
286
—
lisme désarmé dans un de ses meilleurs arguments. 11
faut renoncer à spéculer sur la nature des causes
par des inductions fondées sur
nature des
la
Le matérialisme seul trouverait son mentation fondée sur sens
états
une argu-
de causalité^ dans le
la relation
Hume
l'entend, puisque l'expérience nous
les états
de l'âme constamment unis à certains
oii
montre
profit à
du corps.
Nous ne reviendrons pas sur
la critique
Hume
avons déjà faite des erreurs de
La science ne
causalité.
serait
,
que nous
relatives à la
évidemment qu'une
vaine et insignifiante chronologie,
réduite
si elle était
à constater les uniformités de succession, et
ne pouvait nous expliquer quelles sont
les
si
hommes ne
disant » tre,
Le
u
:
))
ils
température sur notre globe avec
de
la
du
soleil
et
ces, ou,
stances
,
avec raison ce
si
source de la chaleur terres-
affirment uniquement la coïncidence de
l'élévation
,
l'effet.
se décideront jamais à croire qu'en
soleil est la
l'apparition
jours
elle
qualités
qui, dans la cause, préparent et déterminent
Les
effets.
mot
sur l'horizon. ,
qu'il
Ils
y a dans
penseront tou-
le soleil
des for-
déplaît, des qualités, des circon-
qui produisent nécessairement la chaleur, et
qui la produiront toujours,
tant
humaine
restera ce qu'elle est.
séquent,
aussi, qu'il
les connaissances
enseignées
,
Ils
que
la
sensibilité
croiront, par con-
est possible, en s'appuyant sur
que l'expérience elle-même nous a
de déterminer a
priori quelle nature d'ef-
fets on est en droit d'attendre de telle nature de cau-
ses.
Hume lui-même, quand
son système ne l'aveugle
— 287 — pas
,
se rend à l'évidence, et reconnaît, par exemple,
que notre confiance au témoignage des fondée sur l'expérience que qualités qui, chez la plupart
nous avons
ne savions,
»
degré de ténacité
»
ment une
1)
de probité;
» d'être
» dit- il, « ;
que
que
la
les
la vérité
mémoire
hommes
:
est
des
faite
de nos semblables
veloppent et protègent l'amour de ))
hommes
dé-
,
nous
« Si
a un certain
communé-
ont
inclination à la franchise, et des principes
sont très-sensibles
qu'ils
surpris en
à
la
honte
mensonge;
flagrant délit de
si
))
nous n'avions déjà vérifié, par l'expérience,
))
ce sont là des qualités inhérentes à la nature hu-
»
maine, nous ne nous reposerions jamais avec con-
))
fiance sur la parole d'autrui (1). »
de
la
nature humaine,
conclure que
le
Hume
mensonge
De
que
l'observation
se croit donc autorisé à
et la
tromperie ne peuvent
être l'effet ordinaire
de facultés aussi visiblement por-
tées vers la vérité.
Ce raisonnement ne ressemble-t-il
pas à celui par lequel nous
affirmons, d'après les
propriétés connues de la matière, la
que
la
pensée dont
conscience nous a révélé les caractères essentiels
ne peut être
l'effet
d'une cause ainsi déterminée?
a donc moyen, — sur ce point, moins systématiques que Hume — y a moyen sinon de notre et,
il
,
eux-mêmes
d'établir a priori
qu'une cause donnée ne produira pas effets (elle
moins
(l)
,
tels
peut en produire d'inattendus)
qu'un
Essai sur
les
effet
y
des empiriques
seraient
avis,
Il
,
ou
mais
tels ,
du
dont on a complètement exploré
miracles
,
tome IV,
p. 127.
—
—
288
ne peut pas être produit par une cause
les qualités,
dont on connaît exactement
la nature. Si le spiritua-
lisme pouvait se flatter d'avoir approfondi entièrement l'essence de la matière, je crois
sur
de
la simplicité
que l'argument fondé
pensée opposée à
la
la division
moléculaire des corps serait un argument excellent, à Tabri de toute objection. Il
faut, en tout cas, maintenir
fermement ce prin-
cipe, qu'on peut, dans la nature d'un objet, démêler
a
nature de ses
priori la
du hasard
c'est faire
considérer la nature
A
miracles.
effets.
le
Soutenir
souverain du
comme une
ce compte
,
en
effet
le contraire,
monde
suite perpétuelle de ,
les
choses pour-
du jour au lendemain, prendre une
raient,
moins que
velle, à
les
c'est
;
face nou-
habitudes prises ne soient
tout aussi puissantes sur la nature
que sur
le
caractère
humain. ^^ C'est de la
même
de ses principes l'âme
comme
,
que
lui
Hume
et
par une déduction
écarte la conception de
substance. Par un procédé d'argumen-
tation déjà signalé,
de
manière,
il
met
ses contradicteurs
à l'idée
de substance,
Lui-même affirme a
et surtout
de substance imma-
priori qu'il est impossible
de rencontrer une pareille impression Nous n'avons
>>
tions. Or,
»
ception.
»)
dira-t-on
»
défi
opposer une seule impression qui corresponde
térielle.
(1) «
au
d'idée claire et complète
une substance
La sub-
que de nos percep-
est entièrement différente de la per-
Nous n'avons donc aucune ,
(1).
idée de la substance. Mais,
pour expliquer l'existence de ces perceptions
admettre qu'elles sont inhérentes à quelque chose
,
(m
il
faut
some-
— slance
en
,
effet
,
289
—
représente tout au moins quelque
chose de permanent. Or, dans
nos événements intérieurs
uniforme qui
pression
la
seule
,
succession variée de
où rencontrer
,
pourrait
,
de
servir
permanence?
principe à la notion de l'identité, de la
Hume
im-
cette
triomphe de cette mobilité incessante de nos
impressions.
se
11
moque de
avec une perspicacité conscience
terroger,
Quant à
lui
,
a beau s'examiner, s'in-
il
ne trouve rien qui ressemble à un moi
il
permanent
envie, trouvent dans leur
sentiment intime et invariable de leur
le
personnalité.
qu'il
ces métaphysiciens qui,
et identique
il
;
déclare qu'il ne se consi-
comme un
dère, par conséquent, que
«
paquet de
sensations » (a bundle of perceptions) (1).
Avant
notons au passage, en pro-
d'aller plus loin,
testant contre sa
incidemment à
fausseté,
une théorie qui se mêle
la discussion,
d'après laquelle
et
une
impression ne pourrait représenter une substance qu'à la
condition d'être une substance elle-même. C'est là
un des axiomes de idéaliste, qui l'objet.
Ne
maintenir
la
faut-il
Hume, axiome
philosophie de
proclame
l'identité
de
la
ne nous paraît pas nécessaire
thing). Cela
perception s'explique par elle-même...
»
conséquent à cette question
»
immatérielle que se rattachent nos ferceptioas
»
pouvons pas
même
:
est-ce
comprendre
l'existence de la
:
Comment
répondre, par
à une substance matérielle ou
le
,
puisque nous ne
sens de cette question
p. 291 et suiv.
(1) Trait:>,
de
caractère représentatif de la pensée? Cette
le
«
,
et
pas, au contraire, soigneusement
»
Traité
pensée
p. 311 et suiv.
19
?
»
— 290 — croyance ne peut se démontrer, sans doute
;
mais nos
adversaires démontrent-ils la croyance contraire? Et entre
deux opinions,
l'une irrésistible et inspirée par
la
nature , l'autre inventée par quelques philosophes
le
choix peut-il être douteux? L'identité du sujet
de
l'objet n'est
une vérité que quand
conscience de nous-mêmes.
En
ce sens,
Hume
être
la
a rai-
son de dire que l'impression qui nous donnerait
de substance devrait
et
de
s'agit
il
l'idée
elle-même une substance.
Généralisée et transportée aux autres parties de
la
maxime imprudente a négation du monde extérieur.
connaissance humaine, cette
pour premier résultat
Hume
est vrai
il
,
,
la
ne
s'effraierait
pas pour
peu
si
;
mais n'eût- il pas reculé lui-même devant cette autre
conséquence, que, pour avoir drait être Dieu
Dans rieure
limites seules
les
de
de Dieu,
il
fau-
connaissance inté-
la
de dire que
est vrai
il
l'idée
soi-même ? pensée, étant
la
la
représentation d'elle-même, doit posséder les caractères dont elle nous
donne
nous suggère réellement il
faut
que
cette notion
la
la
conscience
notion de la permanence,
elle-même
C'est précisément ce qui arrive
tions
donc
l'idée. Si
,
soit
permanente.
en dépit des dénéga-
de Hume. Malgré l'évolution incessante des phé^
nomènes
intérieurs
,
malgré cette
fuite perpétuelle d(
nos sentiments et de nos pensées qui défilent ave(
une inconcevable rapidité, malgré
l'opposition et
contraste de nos états de conscience
,
eux-mêmes
qu'ils
appartenir au
même
si
différents enj
ne paraissent pas, bien souvent,] être
,
n'y a-t-il pas quelque chos(
—
291
^
qui persiste et qui se maintient toujours, à savoir, l'impression qu'ils sont nôtres? Et
si
nous avons cette
impression qu'ils sont nôtres, c'est qu'ils nous apparaissent tous
nent tous
1
comme
intérieurs
nous don-
c'est qu'ils
;
idée de quelque chose d'interne qui s'op-
pose nettement aux choses du dehors. Sous la surface
mobile de nos sentiments sentons
comme un
et
de nos pensées
courant intime
,
nous
profond, sur
et
lequel glissent à chaque instant, pour mourir aussitôt,
vagues
les
de
nos
accompagne tous
les
et c'est elle, à n'en
et le
impressions.
conscience
Cette
événements de notre vie morale,
pas douter, qui est
le
fondement,
fondement solide de Tidée du moi.
Qu'on
le
remarque
,
trois faits certains qui
en
effet
il
:
y a pour
le
moins
semblent assurer une base de
résistance inexpugnable contre
ceux qui poussent
le
scepticisme jusqu'à douter de la personnalité humaine. 1°
Chaque nouveau phénomène moral, par
qu'il est
un
état
de conscience, nous apparaît
comme
A
chaque
intérieur, et, par suite,
moment de
cela seul
comme
notre existence,
nôtre.
21°
nous pouvons, par
le
souvenir, rayonner en quelque sorte dans notre vie passée, reconnaître
comme
nôtres des pensées, des
sentiments qui ne sont plus. 3° Enfin, de
nous pouvons
,
par
le
même que
souvenir, reconstituer notre
passé, nous pouvons, par induction, déterminer jusqu'à
un
certain point notre avenir, et relier, par pré-
vision, à notre pensée actuelle la série de nos pen-
sées futures. Ainsi, d'une part, les différents états
de conscience qui se succèdent en nous ont ce carac-
— 292 — comme
tère qu'ils nous apparaissent tous et qu'ils
De
moi.
de
la
permanence
Ce premier point de vue
que l'âme
tres établissent
Si le
moi
n'était
et
y en
ait
la personnalité.
substance; mais les au-
une substance en
est
effet.
qu'une succession de sensations, com-
ment comprendre que, parmi ces il
de
à expliquer que nous
suffit
comme une
regardions l'âme
qui, en
même
temps
états
de conscience,
qu'ils sont
des états
actuels de pensée et des affirmations présentes
moi
du
puissent être le souvenir d'un sentiment anté-
,
rieur, c'est-à-dire l'affirmation
ou, encore,
la
donc que
le
passé,
moi dans l'avenir? Qu'est-ce
cette sensation qui
en
,
une autre qui
pas encore? Comment
même
moment
se saisit elle-même, dans le saisit
du moi dans
conception d'une action future, c'est-
à-dire l'affirmation du
en
:
d'impression requise pour
là cette continuité
éveiller l'idée
intérieurs
même mot
amènent tous sur nos lèvres ce
n'existe plus
temps qu'elle
oii elle
existe,
ou qui n'existe
expliquer cette dualité, ce dou-
ble aspect de nos souvenirs ou de nos prévisions
^
sinon en admettant que chacun de ces états de conscience
que
n'est
force unique
cesse par de
et
la
manifestation
persistante
qui se
nouveaux actes,
résidu de ses actes précédents
passagère d'une
détermine sans
tout en accumulant le ,
tout en concevant à
l'avance sa future activité?
Ces considérations ont assez de force pour émouvoir les disciples de
lement
de
la
qu'il est
Hume. M.
Mill reconnaît formel-
impossible d'expliquer les phénomènes
conscience humaine sans admettre un principe
—
Après avoir essayé d'appliquer à
d'identité.
théorie psychologique,
la
rieusement établie
avoue
—
293
regarde
qu'il
pour
le
monde
comme
victo-
extérieur, M. Mill
manifestement absurde de
qu'il serait
l'esprit
faire
du
moi un groupe de sensations possibles, qui n'auraient entre elles d'autres liens que ceux de l'imagination. <(
Le
»
che
lien, » dit-il, «
ou
qui ratta-
la loi inexplicable
conscience présente à la conscience passée
la
nous rappelle
qu'elle
mation que nous puissions
))
positive
»
chose de réel dans ce lien
du
soi.
grande approxi-
est la plus
))
»
,
atteindre
d'une idée
Je crois fermement qu'il y a quelque ,
réel autant
que
pas un simple
»
sations elles-mêmes,
»
produit des lois de la pensée, sans aucun
))
lui
et qui
n'est
corresponde (1). » Et ailleurs
comme une
i)
dons
i)
sommes
>^
l'appelant
une
»)
elle-même
comme
l'esprit
))
sommes ou
»
ments ou de
))
mettre
le
» thesi
y
série
« Si
la
le
nous regar-
nous
,
proposition
,
en
passée et
comme
future
et
;
que
nous
l'esprit
est autre chose que les séries de senti-
possibilités
de sentiment, ou bien d'ad-
paradoxe que quelque chose qui
,
qu'une série de sentiments
,
n'est
» connaître
qui
de sentiments qui se connaît
réduits à l'alternative de croire
moi
fait
de sentiments
de compléter
obligés
i)
série
:
sen-
les
soi-même en tant que série
ex
hijpo-
peut se
(2). »
Les observations qui précèdent ne lèvent pas, sans doute, toutes les
(1)
difficultés.
M. Stuart Mill, Hamilton,
(2) Ibid., p.
235.
La permanence du moi
p. 250.
— ne
suffit peut-être
tinction
de l'âme
—
294
pas à établir définitivement la diset
du
un
corps. Car,
matérialiste
pourrait objecter que la perpétuité d'un courant inin-
terrompu produit par
cipe de la continuité de
ainsi
dire
;
montré que
a
qu'elle
inépuisables de
flots
la
faits isolés,
condé-
nous révèle, au
contraire, un principe d'unité, une source
d'où s'épanchent et où se
nous
Il
quelque chose pour
fait
quand on
science contient autre chose que des
membrés pour
est le prin-
notre conscience.
semble, cependant, qu'on a la thèse spiritualiste,
nerveux
les centres
et
un centre
replongent sans cesse les
nos souvenirs du passé et de
nos prévisions de l'avenir.
Ce
pas seulement
n'est
la
permanence de
la
science, c'est aussi l'indivisibilité de la pensée
aux yeux des
phénomènes
avec
la
matière, et implique
l'existence d'une substance spirituelle.
ce nouvel argument sans ici
Hume
en être touché
;
connu
a
et
c'est
qu'on peut apprécier toute l'étrangeté hardie de
son système il
qui
union des
spiritualistes, exclut toute
intellectuels
,
con-
Hume
(1).
est encore
n'est pas spiritualiste
moins matérialiste.
:
mais
reconnaît que la
Il
plupart de nos impressions (toutes, excepté celles de la
vue
et
conjonction
du toucher), ne sont pas susceptibles d'une locale
avec
la matière.
par exemple, de dire d'une passion, » droite d'une
autre passion. »
que ces perceptions, qui
(1)
Traité,]^. 292.
Il
est
impossible,
« qu'elle est à la
En conclurons-nous
n'existent pas dans la matière,
— 295 — existent dans
l'âme, dans
elles existent,
mais
elles
un
sujet spirituel?
Non,
ne sont nulle part (an
object
métaphy-
mai) exist, and y et be nowhere). L'erreur des siciens
est
précisément de vouloir rattacher à une
substance unique des perceptions indépendantes qui
ne peuvent être localisées,
et qui existent
mêmes, sans qu'aucune détermination de nature
compatible avec leur
Hume,
:
Nous
«
en elleslieu
soit
n'avons
qu'entre trois hypothèses
le
ou
»
choix,
»
bien les impressions existent sans occuper de placer
»
ou bien
))
quoique
))
dit
elles
«
sont figurées et étendues
en
indivisibles
elles-mêmes,
:
ou bien,
;
sont
elles
»
unies et incorporées à des objets étendus. L'absur-
»
dite des
»
abondamment
deux dernières propositions démontre sur-
n'y a-t-il pas
de
la vérité
la
première
une absurdité au moins égale à
nos divers états de conscience planer dans
comme se
laisser
le
vide,
autant d'atomes mystérieux et absolus, qui ne
rattachent
reste,
Mais
(1). »
en
effet
à rien, ,
qui
ne reposent sur rien
?
Il
une quatrième hypothèse, qui nous
sauve de l'absurdité des
trois autres
:
celle qui consi-
comme les modes d'une Hume avait pu consentir à
dère ces états de conscience substance spirituelle.
admettre autre
Si
chose que 'des impressions indépen-
dantes et successives, c'est de
ce côté, et dans
le
sens de cette dernière supposition, qu'il eût penché; car les
(1)
il
comprenait trop bien l'impossibilité de localiser
impressions indivisibles de
Traif^, p. 297.
la
pensée, pour être
— jamais tenté de
296
les attribuer
— à une substance maté-
rielle. Il
que, sur d'autres points,
est vrai
avances aux matérialistes. D'après seulement, dans
la
et
lui,
il
des 1| n'y a pas fait
conscience, des impressions indivi-
sibles et inétendues,
vue
Hume
y a aussi
il
les perceptions
de
la
du toucher. Ces perceptions sont elles-mêmes
comme
divisibles,
donnent
l'étendue dont
seules elles nous
de
Elles possèdent toutes les qualités
l'idée.
sont la matière
la matière, elles
même
conséquence naturelle de l'idéalisme
;
de
une
c'est là
Hume
et
de
sa confusion perpétuelle de la pensée et de l'objet.
Or,
l'âme existait,
si
il
ceptions de la vue et
faudrait lui attribuer ces per-
du toucher
;
comment
mais
admettre que des impressions étendues et divisibles à
appartiennent à-dire
une substance immatérielle,
indivisible ? Les perceptions de la
vue
c'est-
et
du
toucher ne peuvent donc dériver d'un principe spirituel
,
tion.
matérialistes ont raison dans leur néga-
et les
Mais
ils
ont tort dans leur affirmation quand
renouvellent sous une autre forme
le
ils
préjugé de leurs
adversaires, et admettent une substance matérielle,
de laquelle dues
et
nent pas de
En
ils
font
dépendre des impressions inéten-
indivisibles, la
réalité,
vue
et
comme
du toucher.
pour Hume,
choses qui existent
:
toutes celles qui n'éma-
il
n'y a
que deux
séries
de
d'une part des impressions iné-
tendues, source de nos illusions concernant l'esprit et des impressions étendues, source
de nos illusions
concernant
fond de
la matière. Voilà
bien
le
la
pen-
— On
sée de Hume.
—
297
chercherait en vain^ dans la variété
vieux vocabulaire philosophique, un mot qui conTienne
Le
ici.
me
pour Hume,
a été inventé un peu
nihilisme, qui
une expression mal
paraît
faite,
qui
ne peut désigner complètement un système, très-sceptique à Tendroit des réalités substantielles, mais très-
phénomènes. Le phénoménisîne
affirmatif à l'égard des serait le
mot
le plus juste,
Un
ception de la nature.
système de
Hume
Il
nécessaire, pour
qualificatif compléterait la
qui serait assez exacte sous cette forme
définition,
gique.
mot
dans sa nuance vraie, une semblable con-
caractériser,
le
le
Hume en
faut,
est
:
un phénoménisme psycholo-
effet, distinguer la
philosophie de
de ces doctrines analogues qui, bien qu'elles
n'admettent
d'autres
que
réalités
répugnent à l'idéalisme,
et
phénomènes,
les
séparent avec soin les
phénomènes du dehors des phénomènes du dedans. Les conséquences de ce positivisme idéaliste apparaissent d'elles-mêmes
remarquer,
c'est
çonner. Bien
que
;
mais ce
Hume
plus, avec
qu'il est intéressant
n'a pas l'air
de
les
de
soup-
sa dextérité habituelle, et
par un jeu de dialectique assez divertissant (car nous
ne pouvons croire que
Hume
ait pris
tout à
fait
au
sérieux son argumentation sur ce point), notre philo-
sophe renvoie à les
peut guère phie,
(l)
la
doctrine de l'immatérialité de l'âme
accusations d'athéisme et lui
dit-il,
Traité
,
de fatalisme qu'on ne
épargner à lui-même
n'est
p. 298.
pas comptable
(1).
La philoso-
de ses opinions,
—
298
—
lorsqu'elles contredisent les autres sciences
;
car elle
est la souveraine des sciences, et lorsqu'elle est atta-
quée par
elles,
on peut dire
accusé par ses doit à
Cependant
sujets.
elle-même de se
qu'elle ressemble à
justifier,
un
roi
philosophie se
la
quand
elle paraît
con-
tredire la religion, « la religion, dont les droits lui »
sont aussi chers que les siens propres et sont en
))
réalité les
il
mêmes.
entend surtout
Or,
il
il
parle de religion,
dogme de l'immortalité de l'âme
le
(1 ).
n'y a pas, dit-il, d'argument a priori qui puisse
nous donner
la certitude
ou immatériel
riel
Et quand
»
également
la
durée d'un être maté-
arguments métaphysiques sont
les
faibles et impuissants
thèses. Les
moraux
:
de
I
dans
arguments a joos^enon
les
deux hypo-
seuls, les
arguments
sont également forts dans toutes les théories,
et la négation
de l'âme,
de ces arguments, ne
si elle
n'ajoute rien à la force
la détruit
pas non plus. C'est
une prétention analogue que nous trpuvons dévelop-
(1)
Hume
avait consacré
en
même temps que
particulier à la question de
un Essai
l'immortalité de l'âme. Cet opuscule
,
qui devait paraître en 1757
VHistoire naturelle de la religion, fut
,
supprimé
ne parut qu'en 1783. Le scepticisme y domine arguments ordinaires de l'immortalité y est exposée avec une grande vigueur. Hume y développe ce dilemme
par prudence
,
et
,
et la critique des
:
« S'il j)
il
y a dans
monde des marques d'une
le
faut conclure
que
» satisfaite. S'il n'y o
buer à Dieu
»
un juste milieu
»
bas qu'en partie
la justice se
que nous l'entendons. Si
on soutient que ,
il
n'y a encore
,
déploie ici-bas, et qu'elle y est
en a pas, nous n'avons aucune raison
la justice telle ,
justice distributive
la justice
,
d'attri-
prenant
ne se manifeste
ici-
aucun motif de prêter à Dieu
» plus de justice qu'il n'en exerce dans ce
monde.
»
Tome IV, p.
547.
— pée dans lité,
))
les écrits
de M. Mill
est aussi aisé
il
e sentiments
Quant à lïmmorta-
«
:
de concevoir qu'une succession
une
,
—
299
de conscience,
série de faits
"puisse se prolonger éternellement, que de conce))
voir qu'une substance continue toujours à exister
»
et
))
pour
))
siciens
;
une preuve bonne pour une théorie sera bonne l'autre.
Sans doute,
les théologiens
raétaphy-
))
y perdront l'argument a priori, par lequel ils se flattaient de prouver qu'une substance spirituelle,
»
en vertu de sa constitution essentielle,
mais
» périr;
leur
))
mieux d'y renoncer,
feraient
ils
rendre justice,
s'en servent
ils
ne peut et,
pour
rarement au-
jourd'hui (1). »
))
Après
s'être justifié sur le chapitre
Hume change de
rôle, et se fait accusateur, dans la
question de l'existence de Dieu. voir
gourmander
Il
les spiritualistes
prouver que non-seulement
ils
,
nir des panthéistes sans le savoir.
évident que
est et
que
la doctrine
la logique, à
On ne
deve-
peut, sans
les
manifestations d'un seul
que
les
phénomènes
modes d'une substance unique.
Hume
le
de leur
considérer les phénomè-
principe, et, d'autre part, nier l'univers soient les
piquant de
,
inconséquence, assure-t-il
comme
est
et essayer
se trompent, mais
encore qu'ils sont condamnés, par
nes de l'esprit
de l'immortalité.
fait ici
de^ Il
de graves confusions;
de l'immatérialité de l'âme est, au
contraire, la seule qui ait des affinités réelles avec la
croyance à un Dieu personnel. Si quelque opinioa
(1)
M. Stuart
Mill
,
Hamilton
,
p. 233.
— favorisait le panthéisme,
conde,
ce serait précisément celle
Hume,
qui, à l'imitation de
—
300
niant toute substance se-
vide dans l'univers, et ouvrirait
ferait ainsi le
comme un immense abîme,
qu'une substance unique
seule combler. Mais nous n'en
pourrait
dons pas moins,
comme un
brillant
recomman-
exemple de
paradoxal de Hume, tout ce passage
oii le
l'esprit
sceptique
écossais se plaît à agiter, devant les spiritualistes, le
fantôme du panthéisme, la religion,
il
devenu
et où,
nous parle, sur
le ton
le
champion de
d'une orthodoxie
effarouchée, de la mauvaise réputation de Spinosa et
de son horrible hypothèse (ïnfamouSy hideous
hypo-
thesis).
humain
L'esprit
Hume,
n'est
si
,
l'on accepte les conclusions
qu'une série de sensations
bien entendre, dans quel sens, tout à
Hume qui
comme une rialistes
tes,
Pour
fugitif et
les positivistes la
si
ou
les
maté-
conscience n'est qu'un
sans point d'appui spirituel
,
du
la
conscience dans l'homme, c'est en quel-
comme
la fleur
qui,
au haut de
la tige,
puis sèche et retombe dans
sorte
le néant.
(1)
illusion.
y a derrière elle des forces réelles et latendont elle n'est qu'une transformation passagère.
brille
»
ceux
il
Pour eux,
que
bizarre,
considèrent aussi la personnalité
,
contemporains,
phénomène moins
fait
faut
Il
soutient cette thèse, et se distingue de
de nos jours
,
(1).
de
Hume
De même
le dit
,
les forces
formellement
:
«
un
instant, apparaît et
dont se compose notre
They are
lions only that constitute the mitid. » Traité
the successive percep,
p. 313.
I
— s'élèvent, par
ire
—
301
un dernier
effort, jusqu'à
cime de leur activité qu'on appelle
la
cette
conscience et la
pensée; puis, cet état éphémère, suprême efflorescence de raît, le
mais
il
la force,
cesse et dispa-
les forces qui l'ont produit subsistent.
sommeil
éteinte,
matière ou de
la
par exemple
,
,
lorsque
la
Dans
conscience est
n'y a plus d'être pensant, puisqu'il n'y a
y a du moins un être réel dans lequel survit un ensemble de forces qui s'éveil-
plus de pensée
mais
;
il
,
,
leront le lendemain, et produiront,
comme
la veille,
Hume,
une nouvelle série d'états de conscience. Pour au
contraire,
le
sommeil,
l'évanouissement,
suppression momentanée de conscience est
de néant absolu.
de néant,
D'oii
cette
toute
synonyme conclusion
absurde, que l'homme qui s'assoupit et s'endort, perd
avec
la
dernière impression vague de
non-seulement C'est à
de
conséquences qu'on aboutit nécessai-
rement quand on ne veut admettre d'autre le fait actuel
mère
la force
substance et
la
Hume,
matérielles
qu'il ,
,
cause
Telle est donc la
de
,
réalité
que
comme une
chi-
scolastique, ce qui est cependant le fond des
phénomènes, la
quand on repousse
,
de veille
conscience, mais encore l'existence.
la
telles
l'état
la vitalité secrète,
qui en est
!
nuance particulière du scepticisme
ne rattache pas
même
à des forces
ou tout au moins à d'autres phénomènes
préexistants, ces
phénomènes de
l'esprit, qui,
pour
la
plupart des philosophes, sont la manifestation d'une force immatérielle, qui, pour tous, sont la manifestalion d'une force quelconque.
Singulier positivisme^
—
302
—
qui supprime non pas seulement la recherche des causes premières,
comme
mais jusqu'à
la
recherche des causes secondes
en tout cas
ne ressemble moins au matérialisme que
^
le
positivisme contemporain,
cet idéalisme tronqué et incomplet. Si blait à
Hume
1
Rien,
ressem-
quelqu'un, ce serait à Kant, et à tous ceux
qui, avec Kant, placent en dehors des limites de connaissance,
le
de ces apparences phénoménales l'esprit
humain,
rêvent un
,
seules accessibles à
par delà les phénomènes,
et qui,
monde de
incompréhensibles
réalités
dont
impénétrables,
substances
la
principe et la substance inaccessible
une
,
de
appréciation
exacte de notre mesure intellectuelle exige que nous
ne tentions pas vainement d'approfondir
la nature (1).
Admettre que
,
les sensations successives
dont l'expé-
rience et la raison ne peuvent pénétrer le lien et la
commune
origine, ont leurs racines cachées dans une
réalité supérieure à
seul
moyen
raisonnable pour
barras où le jetait le spectacle
notre expérience,
,
Hume
de
ce serait
sortir
le
de l'em-
à ses heures de réflexion triste,
des ruines que son système amoncelait.
ne semble pas, cependant,
qu'il ait
Il
jamais pris parti,
avec décision, pour l'hypothèse que nous indiquons ici.
L'eût-il fait d'ailleurs,
nous ne
core quitte de toute critique.
{l)
Voir
comme développement
Premiers Principes.
mant
La première
intitulée « l'Inconnaissable.
Il
le tiendrions
pas en-
nous semble, en
de cette thèse
:
effet.
M. Spencer,
les
partie de cet ouvrage est précisé»
que
la
303
—
question de la personnalité humaine est de celles
que Texpérience peut résoudre
et
,
pour lesquelles
ne convient nullement de faire appel à un
A
mystérieux.
coup sûr,
de
les efforts
il
noumène
l'intelligence
humaine se heurtent de toutes parts à des bornes que nous ne pouvons franchir, et qui nous cachent intime des choses. Mais
commence
oii
le
fond
précisément de savoir
s'agit
il
ce domaine des choses inexplicables,
dont tout esprit philosophique n'a pas de peine à reconnaître l'existence, mais dont
il
importe de ne
pas rapprocher les frontières trop près de nous. Or, le
problème de
de
l'identité et
de ceux qu'on aurait
est
questions insolubles
essayé de
le
;
prouver,
de rejeter parmi
tort
comme nous avons
et,
peut,
il
personnalité humaine
la
il
les
déjà
doit être résolu par
conscience.
la
On ne
le
plement à
résout pas, cependant, en opposant sim-
Hume
à la personnalité (1). Cette
ne
la conteste
pas
hommes croyance, en effet. Hume
croyance invincible des
la
:
il
en reconnaît toute la force;
mais
il
c'est
par les effets irrésistibles de l'imagination avec
se charge de l'expliquer à sa façon.
Ici
encore,
lassociation des idées qu'il prétend réconcilier l'instinct universel qui affirme la personnalité, et la cri-
tique philosophique qui la nie.
(1) lui.
C'est ce
Voir
:
que Reid
s'est contenté
Philosophie écossaise
,
de
p. 286.
faire, et
M. Cousin après
—
304
—
II
Nous connaissons
déjà,
pour
vus employée
les avoir
à l'explication de la croyance à la matière, les princi«
Hume
pes sur lesquels
comment tité
s'appuie,
de montrei
afin
s'introduit dans l'esprit la fiction
personnelle. Selon
sur notre sensibilité
Hume,
(Jeeling)
de
l'iden-^
l'impression produite
par un objet réellement
identique serait à peu près la
même
fluence décisive de l'imagination
grâce à
,
l'in-
que l'impression
,
qui résulte d'une succession d'objets semblables. En
présence d'un objet identique, en se produit dans l'esprit?
que
Une succession de percep-
absolument semblables. Qu'est-ce que
tions tité
effet, qu'est-ce qui
du
livre
que je
tiens
dans
les
mains, de
la
l'iden-
maison
considère? Pas autre chose qu'une série de
je
perceptions
identiques. Par suite,
une
indépendantes et distinctes
ceptions,
série de per,
mais
unies
entre elles par quelques relations et semblables sur
quelques
points,
peut
affecter
notre
imagination
d'une façon qui ne diffère pas sensiblement de l'impression produite par un objet réellement identique. ((
La ressemblance qui existe entre ces
»
perceptions rend aisé pour l'esprit le passage de
» l'une
»
que
»
à l'autre, et rend cette transition aussi douce
s'il
» objet.
différentes
n'avait pas cessé de contempler
La ressemblance
est la cause
un même
de notre confu-
sion et de notre erreur, et nous entraîne à substi-
» tuer la notion
de
l'identité à
celle
d'une succession
- 305 »)
—
d'objets semblables (1). » Et
que
il
n'est pas nécessaire
rapports des objets qui composent cette suc-
les
soient importants et
cession
relation suffit; car, si cette
nombreux
une seule
:
première relation existe,
l'imagination se chargera de créer toutes les autres.
une
C'est
loi
de
la
nature humaine
unis par quelque
,
qu'en présence
n
dobjets
))
lions
))
imaginer entre eux d'autres relations encore, afin
))
de rendre leur union plus complète
une
forte
La croyance à
inclination
flammé
la
,
(%). »
,
donc
,
lorsqu'un tison
cercle de flamme.
.la
nous
continuité d'une ligne circulaire
l'âme, c'est la ressemblance des impressions qui lieu à
en-
Dans ce cas, cest
rapidité des perceptions successives qui
croire à
le ré-
mis rapidement sous nos yeux , nous pré-
comme un
sente
nous ressen-
quelque chose d'analogue à
abuse nos sens
qui
,
strong propensity) à
l'identité personnelle est
sultat d'une confusion
rillusion
relation
(a
une erreur du
même
choses à faire
:
pour
donne
genre.
Pour confirmer sa théorie, 1°
;
fait
Hume
n'a plus
que deux
montrer, par des exemples, que,
dans une foule de cas, l'association des impressions unies par ressemblance, par contiguïté, ou par causation
,
nous entraîne à imaginer une permanence qui
n'existe pas
;
^° chercher quelle est la relation parti-
culière qui prépare le travail de l'imagination dans le
cas de la croyance à l'identité humaine.
(l) Traité, p. (•2)
Ibid., p.
314.
295.
20
— Si
306
—
nous en étions encore à prouver qu'une ingé-
nieuse subtilité est
de
l'esprit
Hume, nous invoquerions
losophique de
comme
le trait distinctif
témoignage l'analyse dont voici
Supposez,
phi
-
volontiers
résumé.
le
une masse de matière, à laquelle
dit-il,
nous attribuons une parfaite identité; qu'un change-
ment
se produise dans cette masse, qu'on lui retranche
ajoute une certaine quantité de matière;
ou qu'on
lai
quoique
l'identité
soit détruite
cette
à parler rigoureusement^
nous n'en continuons pas moins,
,
changement
réelle,
si
le
pas considérable, à affirmer que
n'est
masse de matière
est la
quer cette affirmation,
si
même. Comment
expli-
ce n'est par la facilité que
trouve notre imagination à passer doucement et sans secousse de
la
première impression à
la
seconde? Re-
marquez, ajoute Hume, cette condition essentielle le
changement
n'est
changement ne
pas
La
limite
masse
la
totale
si
que
le
ou avance
doit pas dépasser recule
proportionnellement à suffit
considérable.
:
de
l'objet.
Il
de quelques centimètres ôtés ou ajoutés pour
altérer l'intégrité
disparition
ou
de certains objets; au contraire,
l'addition d'une
montagne ne
la
détruit
pas ridenlité d'une planète. Preuve nouvelle de lïnfluence de l'imagination
!
Dans
le
premier cas, en
effet,
c'est la disproportion
du changement avec
de
interrompant brusquement Tima-
l'objet primitif qui,
gination dans sa marche,
ne
lui
la
grandeur
permet pas de con-
fondre les deux impressions. Dans
le
second cas, les
relations proportionnelles des objets laissent la pensée
suivre un progrès ininterrompu,
et produisent,
par
— lite,
rillusion
gues,
la
307
—
de ridentité. Pour des raisons analo-
de continuité,
solution
quua
coupure
la
changement proportionnellement
trop
considérable
déterminerait dans le cours de l'imagination
et
,
qui
par suite nous empêcherait de croire à Tidentité de
ne se produit pas,
l'objet,
considérable,
s
sions graduées
accomplit insensiblement par progres-
(comme dans un
les parties nouvelles
parties anciennes
le
tendent au
même
les
unes sur
(comme dans
but que les
peut s'étendre à tous les éléments, cessions de (f
reconstruit
à Tidentité.
si
les parties
les autres
les plantes,
animaux). Dans ce dernier cas,
croire
le
un grand arbre,
))
qu'il n'y ait
» substance
est encore le
changement
sans que nous
« C'est
même
pas dans sa forme un seul
un seul atome qui soient
»
Un
))
tantôt maigre, sans
»
de son identité
ainsi
,
»
dit
enfant devient
un homme
trait,
dans sa
restés les
mêmes.
il
:
chêne, quoi-
est tantôt gras
que nous nous avisions de douter
(1). »
Faisons encore deux observations, ajoute
première, c'est que nous
Videntîté numérique
à abuser du
(l)
une
dans
qu'un chêne, qui, de petit arbuste, devient
»
la
si
un exemple banal, comme
dont se compose lobjet ont
Hume,
ou encore,
;
couteau de Jeannot); ou enfin,
influence réciproque les
arbre)
(comme dans un vaisseau
à moitié, et, pour prendre
dans
changement, quoique
si le
avec \ identité
mot même
Trailé, p. 318.
sommes
:
à dire,
Hume
:
portés à confondre
spécifique^ c'est-à-dire
par exemple, d'une
— église
neuve, qui a été rebâtie sur l'emplacement de
l'ancienne
même
—
308
et d'après le
,
église;
l'objet qui
la
même modèle
seconde,
change
est
que
,
que, dans
c'est la
le cas
où
connu pour être variable
et
c'est
mobile de sa nature (comme, par exemple, une rivière), la rapidité
gination
des changements ne déconcerte pas l'ima-
parce que l'imagination y est préparée
,
encore
laisse subsister
est facile
Il
nant
tirer
la
croyance à
de prévoir quel
,
et
l'identité.
Hume va
parti
de ces diverses réflexions puisque
maintel'identité
:
delà plante, de l'animal, dérive uniquement de l'union
que l'imagination
établit entre les différentes parties
qui composent ces êtres, l'identité de
humaine ne sera elle-même qu'une
la
personne
association de per-
ceptions.
Répondons, en quelques mots, à une argumentation qui mériterait peut-être,
historiques de
Hume,
mieux que
les
travaux
Macau-
l'accusation dirigée par
lay contre V Histoire d'Angleterre, qu'il appelle «
masse de sophismes la
théorie de
Hume,
ne peut
l'esprit
»
sortir
(a mass of sophistry).
Le fond de
c'est l'affirmation idéaliste
de lui-même.
Il
une
résulte
,
que
de ce
préjugé, que l'identité d'un objet n'est pas autre chose
que
la
continuité ininterrompue d'une
tion qui se prolonge.
que
,
malgré
De
la diversité
là,
même
cette autre
des perceptions ,
percep-
conséquence si la
diver-
sité n'est
pas trop grande et
si elle
courant
de l'imagination,
nous croyons encore à
ne trouble pas
le
l'identité.
Mais,
si
l'on écarte le
préjugé idéaliste, combien
— les
309
—
choses apparaissent plus simples
combien sem-
;
blent vains et chimériques les artifices imaginés pour
expliquer les
Rien
d'identité!
comme
applications
différentes
obscur,
n'est
Ou
doute,
nature des forces et des principes secrets
la
comme
mais rien n'est
formation de nos idées sur ce sujet.
la
bien les changements qui surviennent dans les
objets n'atteignent
apparences altérée
choses
,
;
,
que
les qualités accessoires
les accidents
,
,
les
et alors l'identité n'est
pas
parce qu'elle dérive de l'essence intime des
ou bien
les
changements s'attaquent aux quasuccombe. L'iden-
lités essentielles, et alors l'identité tité
notion
la
sans aucun
qui constituent l'identité des êtres; clair
de
même
dérive de l'existence continue d'une
force,
qui tantôt se révèle à nous dans la conscience, tantôt se manifeste dans le
monde
extérieur par des effets
semblables que notre raison interprète. s'agit d'êtres
animés, vivants,
et,
Ou
bien
il
dans ce cas, par
delà les apparences, tantôt nous percevons, tantôt
nous concevons, un je ne
une cause
comme
,
sais quoi,
une énergie cachée
la véritable
essence de
de choses purement matérielles d'un vaisseau, d'une église, ples de
nous
Hume;
parlons
qu'ils ont été
et alors c'est
de
l'identité
une substance,
que nous considérons
,
l'être; ,
ou bien
il
d'œuvres humaines,
comme dans
exem-
les
par abus de langage que
de
ces
objets
,
même
lors-
renouvelés dans toutes leurs parties. Le
langage, cependant, ne nous trompe pas tout à car,
s'agit
pour ces objets matériels
d'identité qui subsiste
,
il
fait;
y a une sorte
en dépit du changement total
— 310 — des éléments que
les
composent. Cette identité dérivée,
pour ainsi dire empruntée
et
tention unique,
sidé au
malgré
la
travail
les
cause
raisonnements de
la faiblesse
même
tre
croyance à
l'identité
ne
lui
la
continuité
nuité
Hume, ou
plutôt à cause
ne saurait s'expliquer
accorde une valeur objective. Sans doute,
Mais
de nos
il
perceptions
qui
et
est le
si
on
c'est
signe
des objets exté-
l'identité
y a au moins un cas
de perception enveloppe
même la
l'in-
de ces raisonnements, que no-
auquel nous reconnaissons rieurs.
que
Nous croyons donc,
de l'ouvrier.
de
n'est autre
,
finale identique, qui a pré-
oii
cette conti-
contient
en
elle-
certitude de l'objet: c'est lorsque la conscience
nous révèle notre unité Restait pour
Hume
et
notre permanence morale.
à déterminer quelles sont les
relations spéciales qui unissent les perceptions et dé-
cident notre esprit à confondre une diversité réelle
d'impressions avec une identité illusoire. Ces relations sont la ressemblance et la causalité. La mémoire, en replaçant souvent devant nous les
en introduisant dans ges semblables,
fait
tion d'un chaînon à l'aspect d'un
mes,
c'est
la
même
mêmes
perceptions,
chaîne de nos pensées des ima-
passer plus aisément l'imagina-
un autre
,
et
donne à l'ensemble
objet permanent.
parce que les
mêmes
En
d'autres ter-
impressions reparais-
sent souvent dans notre mémoire, que notre imagination associe ces images semblables, et se laisse aller à
admettre une fausse identité. Mais, alors, ferons-nous observer à Hume, les impressions nouvelles, celles qui n'ont pas encore été perçues, devraient nous apparaî-
—
—
311
en dehors du moi. Comment
tre
les faire rentrer
dans
chaîne des pensées que nous nous attribuons à
la
nous-mêmes? Faudra-t-il pour deviennent des conceptions de par une autre conséquence, tion dût
cela attendre qu'elles
mémoire?
la
D'ailleurs,
semble que l'imagina-
il
nous représenter autant d'identités distinctes,
autant de permanences spéciales, que la mémoire nous
d images particulières plusieurs
fournit
Hume
tes.
ne
pourrait échapper
à
fois
reprodui-
cette
difficulté
qu'en admettant que les phénomènes de conscience,
en dehors de leur représentation
eux une ressemblance
nation propres, ont tous entre
intrinsèque, un rapport qui versité,
même
ils
de
que, malgré leur di-
comme
les effets
l'identité.
semblance,
marquée des perceptions que Hume
De quel
l'identité réelle, et la
afin d'expliquer Tillusion
alors
qu'il
ressemblance, afin de nier
permanence
conscience
droit viendrait-il parler de res-
permanence de lame,
prétendue de
de cette
?
Quant au rapport de causalité
€u
,
ces
le tort
la
a contesté cette la réalité
invoque en
qu'il
second lieu, pour recoudre, en apparence, dire
d'une
cause. Or, c'est précisément sur la distinction
appuyé pour nier
même
fait
nous apparaissent
et la différence s'est
de leur détermi-
et
morceaux de notre
être identique
de disjoindre, voici comment
il
si ,
j'ose
a
qu'il
s'exprime
:
« Nous pouvons observer que la vérité est de consi-
comme un système de
»
dérer l'esprit humain
^)
ceptions ou d'existences différentes, qui sont liées
» ensemble par la
relation
de
la
cause à
per-
l'effet,
et
— 312 — » qui, mutuellement, se produisent, » s'influencent, se modifient les
unes
se détruisent, les autres.
Nos
donnent naissance à leurs idées corres-i
» impressions
» pondantes, et ces idées, à leur tour, produisent ))
d'autres impressions (1). » A-t-on tout à
Hume
de reprendre dans
fait
tort
quelques tendances sophis-
tiques, lorsqu'on le voit, d'un côté, nier le rapport
de causalité, de
s'appuyer pour cela sur
et
de
l'identité personnelle,
stance intérieure
de causalité,
;
la force
et, d'autre part,
et
de
effet, le
contredit tout
sur
à
arguer du rapports
un empirique,
tre les faits toute autre
stante.
S'il
est vrai
phénomènes de nent
les
doués
et
uns
la
(comme
puisqu'il
Hume) que
;
et
d'une énergie qu'ils se
et cette force qui se
,
le
TraiYd, p. 322.
il
com-
une autre, et
perma-
rapport de causalité n'est
qu'un rapport de succession ,
les-
faut reconnaître qu'ils sont
il
que l'âme identique
au contraire
partout ailleurs)
en-
établit
circule d'une impression à
qu'est-ce autre chose
(1)
tout à fait inad-
pensée et du sentiment se détermi-
transmettent l'un à l'autre
,
est
le dit ici
animés d'une force
nente? Si
Hume action,^
chose qu'une succession con-
les autres,
munique, qui
remar-j
idées habituelles de
Ce passage implique une
une influence réciproque qui missible pour
le
passage que nous venons de citer fait les
causalité.
la
sub-
la
a nié, pour soutenir son scepti-
qu'il
cisme à l'endroit de l'àme identique? Qu'on
que, en
négation
la
(comme Hume
est impossible
l'affirme
de voir pourquoi
^
—
313
—
de préférence à toutes
les perceptions
lisons au dehors dans
le
unes
comme Il
l'avantage
ont
modes
les
monde
d'être
que nous loca-
extérieur, quelques-
considérées
même
successifs d'un
par
nous
moi.
peut paraître étrange qu'un penseur aussi émi-
Hume
nent que
problème de insuffisantes.
de
l'histoire
se soit contenté, pour résoudre le
l'identité personnelle,
d'hypothèses aussi
Mais son exemple n'est pas isolé dans la
philosophie. Pour ne faire qu'un ou
deux rapprochements,
n'est-ce pas
une théorie analo-
gue qui se retrouve dans des livres récents?
«
Le
perma-
))
moi,
))
nente de certains événements... Nos événements
»
antérieurs
»
Tout cela, grâce à
»
continue d'éléments contigus. Le détail des sensa-
» tiens »
dit
))
»
donnent
))
trait
se soudent à nos
faits
la
événements actuels.
mémoire, forme une ligne
il
ne reste que et qui
nous
dedans. Le moi n'est qu'un ex-
des événements internes (1). » C'est de façon que M. Mill écrit
le
la
Notre notion de ,
dont
la
per-
flux perpétuel des sen^
des autres sentiments que nous y ratta-
de quelque chose que nous nous figurons
»
chons
»
comme
»
nence pourrait s'expliquer pour
,
«
:
notion de quelque chose
manence contraste avec
» sations et
restant le
» la matière.
(1)
;
dominants qui surnagent
l'idée d'un
» l'esprit est la »
« c'est la possibilité
des états antérieurs s'efface
,
quelques
même
M. Taine,
même... Cet attribut de permal'esprit
La croyance que mon
M. Taine, De
l'intelligence,
passim.
comme pour
esprit existe, alors.
— 3)
même
—
314
quïl ne sent pas,
qu'il
ne pense pas, se ré-
croyance d'une possibilité permanente de
» duit à la ))
ces états... L'esprit n'est
))
sensations (1). »
donc que
la série
de nos
Ce qui frappe surtout dans ces différentes expres-
même
sions d'une
théorie sceptique,
souci que montrent
Hume
Yiniériorité
du moi,
extérieur. Jusqu'à
la distinction naturelle
comprendre que
amenât cette
permanence
comme
monde? Hume ne
esprit
pour
s'est
le
le
problème, ne s'en faire
que dire comme
comme comme idée?» Dans
il
en le
effet fait
:
intérieure parce qu'elle
nous apparaît
ainsi dire par hasard, par
monde
dans
guère essayé à résoudre cette
pétition de principe
le
intérieure,
représente
se
M. Taine, qui a abordé
nous apparaît
que
comme
conçue
est-elle
que par une tautologie. N'est-ce pas
« l'idée
»
mêmes impressions
des
radicalement distincte de toutes les autres per-
difficulté.
une
et
permanence; mais pourquoi
la
manences que notre
tire
de l'âme
un certain point on pour-
le retour
croyance à
la
peu de
et ses imitateurs d'expliquer
du monde rait
c'est le
ces systèmes, c'est
une rencontre
fortuite,
intérieur se crée dans son opposition
au monde extérieur. Tandis que
la
plupart de nos per-
ceptions nous suggèrent l'idée de la matière, quelques-
unes d'entre »
canisme
elles, dit
qui
M. Taine,
enraie leur
M (c'est-à-dire objective
«
tendance hallucinatoire
au dehors), sont affectées
» d'une contradiction qui les nie
(1)
M.
Mill
,
Hamilton
,
par suite d'un mé-
p. 228.
comme
objets ex-
— n ternes »
;
elles
^
315
s'opposent ainsi aux objets extérieurs
en d'autres termes,
» ternes. » Il s'en faut
elles apparaissent
comme
;
in-
donc de peu que notre moi ne
nous échappe et ne s'évanouisse, en se confondant avec
le
monde
extérieur.
en
Il
serait ainsi,
si
nos
idées, qui sont toujours les idées de quelque chose,
ne comprenaient pas deux moments » illusoire, oii elles » le ))
semblent
second, rectificateur,
les
oii elles
:
«
le
premier,
choses elles-mêmes; apparaissent
simples idées. » Peut-on admettre qu'un
comme
fait
aussi
naturel, aussi simple que la conscience, dérive d'un
mécanisme aussi compliqué? Ile
D'ailleurs quel peut-être
principe de cette contradiction
tion qui se produit tout juste à la
,
de cette
rectifica-
temps pour empêcher
conscience du moi de se confondre avec la croyance
à la matière?
Ne
fondement dans
la
suite, la croyance illusoire
faut-il
qu'on ne
pas admettre qu'elle a son
nature,
dans
la réalité;
que, par
au moi est moins précaire, moins le dit?
De même quand Hume nous
parle de l'imagination et de ses tendances
,
quand
il
nous montre cette faculté Imaginative passant d'une perception à une autre, que reconstruire sous
fait-il
une autre forme
rieure, cette identité
permanente
Les empiriques ont beau faire science série
:
autre chose, sinon cette réalité inté-
qu'il s'obstine à nier?
pour expliquer
du moi dans une âme qui ne
de perceptions distinctes
serait
la
con-
qu'une
et détachées, ils seront
toujours contraints d'introduire une force quelconque,
de quelque possibilité
nom
adouci et effacé qu'ils l'appellent. La
permanente de M.
Mill n'est-elle pas elle
—
une autre appellation, ce qu'Aristote appe
aussi, sous lait
\di
puissance y l'existence latente et en germe, une
force enfin,
une énergie prête à se développer?
Tout homme qui
moire
—
316
,
sans parti pris
,
consultera sa mé-
remarquera comment nous rentrons à chaque
et
instant dans nos états de conscience passés
nous reconnaissons
les
,
comment
impressions que nous avons
subies antérieurement, n'aura pas besoin d'une plus
longue démonstration pour affirmer son identité. Dans tous nos actes intellectuels, le passé se mêle au présent, et nos perceptions nouvelles sont
en partie com-
posées de perceptions antérieures. Dans les perception acquises des sens par exemple, la représentation
immédiate
se placent
limitée
,
sées à
demi
est évident qu'à côté
et naturelle, qui est trè
une multitude de perceptions
effacées, et
l'habitude a fait
il
même
comme
pas
de raisonnements do
des instincts. De
telle sort
que dans un seul moment de notre conscience,
même
temps que nous saisissons notre perceptio
présente
,
nous retrouvons
,
nous ressaisissons no
perceptions passées, qui, conservées par la mémoii
à
l'état
de virtualités latentes , éclairent nos impres
sions nouvelles, et leur imposent ticulière.
Comment
croire à la
permanence de
déjà
avec
un
certain
une forme toute par
expliquer ces
phénomènes san
la force, qui, s'étant
nombre de
fois, s'exerce
les aptitudes nouvelles qu'elle a
exercé
au de nouveau
acquises?
R
marquons aussi que nos souvenirs ne se présente pas isolés , un à un
,
défilant par apparitions
coupées, et laissant un intervalle de l'un à
1
entrel'autre
— 317 — mais
qu'ils se
continuent mutuellement de
que, par leurs extrémités pour ainsi dire, l'un
dans
la
ils
plongent
de
l'être
pensant. Les phénomènes
mémoire nous découvrent donc, avec une
cusable évidence
lement
ils
la
,
la
qu'ils
ne s'expliquent pas sans
nous
la
directement
vérité d'expérience,
donnent.
irré-
permanence de l'âme. Non-seu-
rendent nécessaire
révèlent
façon
manifestant ainsi, par leur cohésion
l'autre,
naturelle, l'identité
de
telle
par
la
comme elle
;
principe, puis-
mais, de plus,
comme
fait,
ils
comme
représentation qu'ils
en
CHAPITRE
IX.
LA CROYANCE A DIEU. LES DIALOGUES SUR LA
RELIGIOlf
NATURELLE , ET l'hISTOIRE NATURELLE DE LA RELIGION.
Ce
un
serait faire injure à
écrits protestent contre
cependant,
abord
Un
Hume que
prendre pour
le
athée. Les sentiments de toute sa vie, ses proprei
,
la
une
E
pareille qualification.
négation de Dieu semble, au premie
conséquence nécessaire de sa philosophie
la
philosophe qui va jusqu'à s'interdire toute spécu
immédiate de no
lation sur la cause prochaine et
sensations droit
;
ne se prive- t-il pas à plus forte raison
de rechercher
la
di
cause suprême de l'univers
Dans un système où l'expérience que de toute connaissance
,
et
est le principe uni
où
les idées
les pi
hautes ne sont que des groupes d'impressions primi
combinées selon certaines
tives
lois,
y
l a-t-il quelque
espoir de s'élever, je ne dis pas à la démonstration
mais seulement à
la
conception de
l'infini?
avait été conséquent avec lui-même,
abandonné en ses
comme
Hum
n'avait p
partie, dans les questions religieuses
principes positivistes,
Dieu,
s'il
Si
il
nul doute
nie la matière,
comme
qu'il il
eût
nie le
ni
m
pensant. Mais, par une inconséquence heureuse,
— n'est pas allé jusqu'au
est
Non pas que
athée.
bien
une
bout de son scepticisme.
le
un
tenir,
comme une
,
oii
un
esprit
halte provisoire
religieuse et le scepticisme absolu. Cette
foi
philosophique peut suffire aux exigences du senti-
ment religieux;
elle
peut être, dans certains cas,
rétat définitif, le dernier port de refuge les consciences. lui
Hume
déisme, en lui-même, nous pa-
situation instable et précaire
ne peut se
fait
entre la foi
—
déiste qui n'a pas eu le temps de devenir
un
raisse
319
de
vents.
Mais
Hume n'est Hommage
il
y a déisme
et
point d'appui
son système;
déisme,
et ce-
involontaire que le philosophe, en
religieux de son
manque de
s'abritent
ni des plus solides, ni des plus fer-
dépit de ses principes, rend au sens instincts
où
;
âme, il
déisme de
et
aux
Hume
ne se rattache en rien à
comme un
c'est
le
commun
dernier débris de spiri-
tualisme, qui subsiste isolé, au milieu d'un courant contraire d'opinions sceptiques, en attendant que la
tempête l'emporte,
lui aussi,
à la dérive, avec le reste
des croyances de l'humanité (1) Il
sité
n'en est pas moins vrai que
le
n'a jamais
Traité de la Nature humaine (%),
hé-
Même
où cepen-
Locke
blable.
avait déjà donné l'exemple d'une inconséquence semQuoique ses principes répugnent évidemment à toute dé-
monstration de l'existence de Dieu démonstration tant
Hume
dans sa croyance à l'existence de Dieu.
dans
(1)
!
il
est
,
,
il
n'hésite pas à tenter cette
sans s'inquiéter du peu de rigueur
préoccupé
d'établir
qu'il y met ^ une doctrine indispensable au but
pratique qu'il poursuit avant tout. (2) «
L'ordre de l'univers prouve l'existence d'un Esprit tout-
— 320 — dant
a poussé aussi loin que possible la témérité de
il
son scepticisme,
témoigne
il
qu'il croit à
non pas sans doute avec
croit,
Dieu.
Il
y
cœur
l'effusion d'un
comme Rousseau, ni avec la dévotion de bonhomie d'une âme pieuse, comme Locke
enthousiaste, pleine
;
mais avec
confiance tranquille d'un philosophe, qui
la
ne voit pas à
de Dieu,
l'existence
du monde d'autre solution que
l'origine
devant
et qui,
les merveilles
nature, confesse l'Etre suprême. Quoique
la
on
de fût,
naturellement froid, parfois, en présence
le sait,
.des
Hume
un
de l'univers,
beautés
d'admiration
cri
lui
échappait; et l'Ecossais Ferguson aimait à raconter
commune sous un ciel étoile. Hume, tout d'un coup ému et transporté « Ah s'était écrié en élevant les mains mon ami qu'un
dans une promenade
soir,
,
-))
»
:
peut-on contempler qu'il
le
y a un Dieu (1)?
!
fiirmament, et ne pas croire
Un
»
autre témoignage nous
prouve que ses sentiments religieux étaient au moins assez vifs pour l'empêcher d'admettre la possibilité de l'athéisme
:
dHolbach. On
était dix-huit à
roulait sur des
Hume
connue de son dîner
c'est l'anecdote
sujets
table.
La conversation
religieux, irréligieux plutôt
se risqua à dire qu'il n'avait jamais rencontré
d'athée, et qu'il ne croyait pas qu'il en existât »
avez été malheureux jusqu'ici,
Cette vérité
à donner
»
puissant...
»
toutes les croyances religieuses
«
nous nous formions une idée distincte de
>)
de l'Etre suprême. (l)
che».
Burton
,
tome
»
suffit
,
et
il
»
lui
«
Vou
répondit en
un fondement
solide à
n'est pas nécessaire la force et
Traité, p. 207, en note,
II, p. 451.
;
que
de l'énergie
— souriant d'Holbach »
a car,
;,
—
321
ea ce moment, vous en
avez dix-sept devant vous (i)!
»
L'exemple n'entraîna pas Hume, lui vint
brillante
ne
et la tentation
ne
pas d'embrasser l'athéisme en nombreuse et
compagnie. Les
lui firent
railleries
des libres-penseurs
pas désavouer, à Paris, une conviction
que n'avaient pas ébranlée
à Edimbourg, les persé-
,
cutions des théologiens. Placé tour à tour dans des sociétés dont le constraste est piquant,
quittant
les
graves docteurs de l'Ecosse protestante, pour vivre
quelques années au milieu des beaux esprits du ma-
comme un imcomme un homme à
térialisme français, injurié par les uns
pie
un peu
,
préjugés.
raillé
Hume
par les autres
eut peut-être quelque mérite à ne
pas se départir de ses croyances, et à maintenir avec fermeté un déisme que minait sourdement, d'ailleurs, le flot
montant de ses propres doctrines
C'est surtout turelle
que
dans ses Dialogues sur
Hume
nous a exposé
les
!
la Religion
doutes qui
nal'as-
siégeaient en matière de théodicée, et les arguments
par lesquels
il
en triomphait. Ce livre,
n'a été édité qu'en 1779, trois
son auteur (2). L'intolérance
que
Hume
n'osa pas le
uns de ses amis laient
même
chait
trop
(le
écrit avant
ans après la mort de
était si
grande en Ecosse,
publier de son vivant. Quelques-
docteur Blair, par exemple), vou-
qu'il le détruisît.
Mais
le
philosophe atta-
d'importance aux questions
(1)
Burton, tome II,
(2)
Hume, tome
1751,
II, p.
religieuses.
p. 220.
411.
21
—
un ouvrage où
pour supprimer utilement
avoir
comme de
—
322
Rien
discutées.
le voir,
se flattait de les
il
n'est
aux approches de
sionnément préoccupé de
la
de livrer à des mains infidèles
pour
la
paraît-il
,
pas-
;
implorant
protection de ses amis, peu empressés,
à accepter
,
mort
la
destinée d'un écrit qu'il
craignait lui
intéressant,
un héritage
comme compromettant
qu'ils
regardaient
obligé, enfin, de le confier,
;
par une clause spéciale de son testament, au plus dé-
voué de ses amis, au célèbre A.
sabilité
dans
clusions
Adam
Smith
(1).
Mais
lui-même, hésita à engager sa respon-
Smith,
peine
à
étaient
chrétiennes.
d'un livre dont les con-
la publication
Hume
fut
déistes forcé
et
de
pas
choisir
du
tout
un autre
exécuteur testamentaire, qui se déroba encore, pour des scrupules reçue, et
il
semblables,
fallut
que
le
d'accomplir la dernière
à la mission qu'il avait
neveu de
Hume
se chargeât
et formelle volonté
de son
oncle. Il
est
donc permis de considérer
comme
la Religion naturelle
le
les Dialogues sur
testament philosophi-
que de Hume. Pendant vingt-cinq ans de sa restèrent
l'expression
obscurs sujets de
composés dans
la
la
vraie
vie,
de sa pensée sur
métaphysique
;
ils
les
après les avoir
maturité de son âge, mourant,
il
n'eut rien à y changer. N'est-ce pas un remarquable exemple de constance intellectuelle, exemple d'autant
plus louable qu'il est plus rare, que cette croyance qui
(1)
Burton, tome II,
p. 490.
— 323 — demeure invariablement
pendant toute
fixe
seconde
la
moitié d'une longue existence, et qui ne fléchit pas
même devant la mort ? Hume nous apprend lui-même forme du dialogue,
choisi la
si
pourquoi
familière
il
avait
aux philoso-
temps, mais particulièrement com-
phes de tous
les
mode dans un
sujet aussi rebattu qu'incertain, qui a
besoin d'être rajeuni par des artifices de langage, et
dont l'obscurité
même
trouve son compte aux vicissi-
tudes d'une discussion où les se
traires
croisent
,
et
opinions les plus con-
oii l'on
pourrait,
dissimuler l'absence de conclusion.
Des
au besoin,
trois
nages du Dialogue, l'un, Déméa, représente gien
:
inutile d'ajouter
peut être attribué à
person-
le théolo-
qu'aucun de ses sentiments ne
Hume. Quant aux deux
autres
interlocuteurs, le sceptique Philon et le déiste Cléanthe,
il
est évident
encore que
Hume
ne s'accorde
exclusivement avec aucun d'eux. C'est en corrigeant l'ardeur
un peu enthousiaste du
déiste par les réser-
ves prudentes du sceptique, qu'on peut espérer saisir l'opinion
de Hume, dans sa vraie nuance
et
dans sa
complexité un peu confuse. Philon, à vrai dire, représente plus exactement les tendances critiques qui ani-
ment Hume,
et qui, après lui,
que Philon
soulève contre toute métaphysique des
domineront Kant. Lors-
objections graves qui se retrouvent en partie dans la Critique de la Raison pure,
cette déduction
nous reconnaissons, dans
de conséquences sceptiques,
thode et les principes du Traité de Et
cependant,
d'après
les
la
la
mé-
Nature humainsk
Dialogues eux-mêmes.
— d'après
—
324
correspondance de Hume,
la
feste qu'il n'acceptait
mani-
est
il
pas les conclusions de son per-
sonnage sceptique. Les dernières paroles du permettent aucun doute
:
Après mûr examen,
«
m'empêcher de croire que
ne
livre je
ne de
les principes
»
puis
»
Philon sont plus solides que ceux de Déméa; mais
»
ceux de Cléanthe sont encore plus près de
De même, dans
» rite. »
ses amis
,
Hume
plusieurs lettres écrites à
lui prê-
sentiments du sceptique (1). C'est donc
les
Cléanthe
vé-
proteste contre l'opinion de ceux qui,
après avoir lu ses Dialogues en manuscrit, taient
la
qu'il
la doctrine
de
faut considérer
Hume
et
;
si
comme
l'interprète
de
Philon nous révèle plus
fidèlement peut-être les tendances de sa philosophie,
Cléanthe
nous manifeste du moins ses conclusions
même.
voulues, son parti pris de rester déiste quand
Ne savons-nous pas rience, que,
laquelle
(l)
s'agit
d'une de ces croyances à
Dans une le
que nous n'apercevons plus
lettre à sir Gilbert Elliot
héros du dialogue; et
avec plaisir toutes
les
du
il
,
Hume ajoute
déclare qu'il :
«
» Il
cherche, on
tome
I,
p. 331.
efforts
,
et
La
lettre est
pour écarter de son esprit
gieuse.
le
fortifier
demande Voir Bur-
le voit, et
de 1751. Elle vaut
prouve clairement que
fai
J'accepterailf'
renfort à ses amis contre les doutes qui l'assaillent.
lue tout entière
moyens
les
pensées qui vous viendront jDOur
» ce côté de l'argumentation.
ton,
entier,
du sens commun nous tiennent attachés
même
de Cléanthe »
il
par notre propre expé-
une longue habitude, notre passé tout
l'autorité
alors
quand
tous,
Hume
la
peine d'être
faisait
tous ses
scepticisme en matière
reli-
— de
défendre, et que tous les raisonnements nous
la
semblent
une
faire
la défaillance
prononce
de décrire,
venons
spectacle
nous ne nous trompons
Si
trouvé dans
s'est
et,
de notre intelligence, notre volonté
commande.
et
Hume
pas.
de l'abandonner, nous résis-
loi
nous ne cessons pas de croire;
tons néanmoins,
dans
325
émouvant d'un
que nous
situation
la
Dialogues nous offrent
les
et
le
esprit sincère et libre, qui,
tandis qu'il tend par toutes les habitudes de sa pen-
à
sée
Dieu, taudis que sa
nier
dialectique subtile
multiplie les assauts contre les preuves de l'existence
divine, soutient
par d'autres parties de son âme, ces
,
attaques redoutables,
et,
par sa raison, conclut contre
ses propres raisonnements
Ce la
n'est pas tout à fait ainsi
métaphysiques l'on
»
homme
))
ce
» si
,
Hume
que Kant envisageait
en face des problèmes
lorsqu'il écrivait le
passage suivant
demandait au grave David bien
si
qui
pour
fait
l'équilibre
Hume
laborieusement cherchées,
consolante et
si
salutaire
,
à
:
cet
du jugement,
poussé à vouloir renverser
l'a
» objections
))
par
position prise
« Si
'
par des
,
cette persuasion
aux hommes
,
que
les
lumières de leur raison suffisent pour affirmer l'exis-
» tence d'un Être »
déterminé
i)
faire
:
—
suprême
,
avancer d'un pas
un concept
et s'en faire
rien, répondrait-il, la raison
même
que dans
temps
le
dessein de
la
connaispeine que
))
sance d'elle-même, et en
»
j'éprouve à voir la violence qu'on veut lui faire,
» lorsqu'on l'exalte outre » d'avouer
loyalement
la
mesure
,
et
faiblesse
la
qu'on l'empêche qu'elle
découvre
— 326 — » en s'examinant elle-même (1)... » Sans doute,
Hume
n'a pas eu, dans toute sa philosophie, de but plus
avoué que de déterminer
limites
les
de
la
raison,
d'en être le géographe, selon l'expression de Kant; et,
pour avoir craint de favoriser ses prétentions am-
bitieuses,
lui est
il
arrivé souvent de supprimer ses
aspirations les plus légitimes. Mais, dans ses Dialo-
gues sur
Hume
la Religion,
nous paraîtrait plutôt dis-
posé à lutter contre son propre système, effort S'il
pour affranchir
l'esprit et
et à faire
en élargir l'horizon.
y a dans cet écrit quelque chose de laborieusement
cherché, c'est l'argumentation de Cléanthe et
non
celle
de Philon. On n'en saurait douter, après avoir exa-
miné
invoque à l'appui du déisme^
les raisons qu'il
commentaire
et le
pondance
((
:
» l'argument
en a donné dans sa corres-
qu'il
Je voudrais
,
de Cléanthe
» écrit-il à sir Elliot, «
de
(il s'agit
» causes finales) fût assez
la
que
preuve des
nettement analysé pour
» revêtir la forme d'un raisonnement tout à fait ré-
» gulier.
L'inclination
»
pour vrai
»
ment
» C'est
Insuffisant et ici
de notre esprit à l'accepter
n'est encore, j'en ai peur, qu'un fonde-
douteux (a
suspicions fondation).
que j'implore votre assistance.
Il
faut
nous
» efforcer de prouver que cette inclination diffère en » quelque chose de la tendance trompeuse qui nous
» dispose à retrouver des figures humaines dans les » nuages
(1)
,
nos
traits
Kant, Critique de
Barni.
dans
la raison
la
lune
,
pure, tome
nos passions et
II, p.
315, traduction
—
327
—
nos sentiments dans des êtres inanimés
))
Nous verrons dans ses
et qu'en
,
Hume
que
tout à l'heure
efforts
n'a guère réussi
définitive
se contente
il
précisément de cette inclination naturelle qui
Mais
la lutte
vœux
engagée entre
Hume
de
le
scepticisme et
le
déisme,
sont pour le succès du déisme.
y a, d'ailleurs, plusieurs points à distinguer dans
Il
nous occupent,
les Dialogues qui
dre un compte exact de
première question c'est celle
,
de l'existence
hommes
))
sur de pareils sujets,
Hume
même
de Dieu.
n'hésite pas, «
Partout où
»
dire à Philon
fait-il
lui-
ce qui peut être controversé, ce n'est pas
((
l'existence
prême.
»
,
Et
c'est
seulement
nature de l'Être su-
la
ajoute que la vérité de l'existence de
il
est évidente par
Dieu
pensée de l'auteur. Une
la
raisonnables engagent une discussion
des
même,
veut se ren-
l'on
si
sur laquelle
»
»
pa-
n'en est pas moins digne de remarque que
il
dans
))
lui
avec quelque raison, un fondement insuffisant.
raît,
les
»
(1)...
elle-même
(%).
Mais une seconde question s'élève aussitôt
:
Sur
quoi repose cette certitude de l'existence divine? Et, ici,
on ne saurait être
(1)
Burton, tome
(2)
Dialogues, etc.,
de
Hume
essentiels
par
une
D^ Leechmann qu'il
,
II, p. 431.
Toute
la religion
d'après ses propres paroles
à cette proposition
lettre écrite
,
tome
,
pratique
à deux points
l'accomplissement du^devoir, et l'assentiment donné
la raison
prière
de l'argumentation de
I, p. 333.
se réduisait :
satisfait
,
:
Dieu
vers 1743 ou 1744
;
il
existe. Voir, sur ce sujet,
y apprécie un sermon du de
et critique les pratiques
juge
inutile.
Burton
,
tome
I
,
la
dévotion
p. 162.
,
même
la
— Hume. Sa pensée apprendre ce dont
tible
il
328
—
reste confuse.
Il
néglige de nous
entend par celte évidence
qu'il
accorde
le privilège à la vérité
irrésis-
de Texis-
tence divine; et l'on chercherait en vain dans l'âme
humaine,
telle qu'il l'a décrite,
une
faculté capable
de
produire immédiatement une croyance aussi élevée. Enfin, et c'est autour de ce dernier point que débattent surtout les interlocuteurs
de savoir pour se si,
si la
de Dieu
faire
au contraire,
sortir
du
du dialogue
,
s'agit
il
raison de l'homme est assez puissante
relatif
elle
un concept déterminé
»
ou
est radicalement incapable
de
«
pour concevoir l'absolu
,
et l'infini.
Et
cette controverse elle-même est tour à tour agitée à
deux points de vue
ment Dieu, soit
que
tentatives
les
soit
car
,
Hume fait
considère successive-
l'esprit
pour déterminer
a posteriori, en s'appuyant sur l'expérience,
a priori, en tirant de lui-même les raisons de sa
croyance.
ment
la
11
met
ainsi
que Kant
distinction
la théologie
en pratique
physique
et saisit très-nette-
établira plus tard entre
et la théologie rationnelle.
Nous n'étonnerons personne en disant que Hume a surtout porté son attention sur l'argument fondamental,
qui
,
de l'ordre observé dans l'univers, conclut à
l'existence d'une intelligence suprême. Cette preuve
est, plus qu'aucune autre, sympathique au génie de
l'Angleterre
:
«
La
téléologie,
» dit
M. de Rémusat,
((
a été longtemps la base de la théologie anglaise.
))
Dans aucun pays
» j)
,
il
ne
de théologie naturelle
s'est
publié autant de traités
oii fût
faite
une
si
part à la contemplation de l'ordre universel.
grande »
Moins
—
—
329
porté encore qu'aucun de ses compatriotes lations a priori,
Hume
unique de son déisme
aux spécu-
pour principe presque
a pris
preuve des causes
la
finales.
Quant aux raisonnements métaphysiques proprement dits
n'en parlera guère que pour les écarter aussi-
il
,
à ce sujet,
Et,
tôt.
de propos de
n'est pas hors
il
rappeler que l'argument téléologique est le seul aussi
pour lequel
la critique
de Kant
soit
demeurée respec-
tueuse et modérée. Telle est aussi l'opinion de M.Stuart Mill
:
De
((
tous les arguments de l'existence de Dieu, »
dit lillustre
philosophe, « celui-là est
»
puis,
))
trouver une preuve en faveur
»
que
» fait »
c'est
le
plus saisissant.
celle qui consiste à dire
par un être qui voit, et
entend (1).
Il
le
meilleur;
serait difficile
du théisme plus
que
l'œil doit
l'oreille
de
forte
avoir été
par un être qui
»
Examinons en
détail les raisons
Hume
que
a fait
pour ou contre un argument assez remarquable
valoir,
pour que tant de philosophes
lui aient
assigné le pre-
mier rôle en théodicée.
Après une assez longue discussion
préambule à l'ouvrage, ralités
du
sujet, Philon
(l)
Mill
M.
Mill,
donne à
,
géné-
d accord sur ce point avec
la
est
un
être mystérieux,
nature dépasse infiniment
Hamilton, p. 539. Notons, en passant, que M. Stuart la
preuve des causes finales une expression bien
naïve et bien populaire ceptable.
qui sert de
et oii sont traitées les
Déméa, proclame que Dieu incompréhensible, dont
,
,
qui ne serait pas philosophiquement ac-
—
330 --
portée de nos conceptions. C'est alors que Cléanthe
la
intervient, et qu'exposant avec force la finalité qu'on
observe dans
dans
œuvres de
les
œuvres humaines,
les
vons, d'après toutes
de
nature aussi bien que affirme que nous de-
il
les règles
ressemblance des
la
la
effets
de l'analogie, inférer la
par conséquent
causes
;
est en
quelque façon semblable à
qu'il
faut
,
ressemblance des croire
,
l'esprit
que Dieu
de l'homme
quoique doué de facultés beaucoup plus grandes, proportionnées à
grandeur de l'ouvrage
la
exécuté. « Par cet argument a posteriori the,
((
» fois
»
et
par cet
que Dieu
existe, et qu'il possède
une
a
Cléan-
» dit
,
argument seul, nous prouvons à
comme l'homme.
la
intelligence
»
C'est à cette thèse tre objections.
qu'il
que Philon oppose
ou qua-
trois
Les premières contestent toute solidité
à l'argument; les autres ne tendent qu'à en montrer les lacunes et l'insuffisance.
Kant, dans son admirable exposition de physico-théologique
disait
,
:
«
Nous ne chicanerons
» pas ici la raison naturelle sur ce
» se fondant sur l'analogie
elle conclut
»
une
»
douée d'intelligence
causalité
produit
du même genre , et
c'est-à-dire
de volonté
(1)
une cause
(1)... »
canes que Kant épargnait à l'argument, lui a
humain,
l'art
nature doit avoir pour principe
))
la
raisonnement, où,
de quelques productions
» de la nature avec ce que
que
preuve
la
Ces chi-
Hume
ne
les
pas ménagées. Par l'organe de Philon, en effet,
Kant, Critique de
la raison pure, trad. Barni,
tome
II, p.
216.
—
—
331
soutient qu'il n y a entre les
humaines qu'une lointaine analogie.
actions
les
monde ne présentée que comme une conjecture. On d'une cause intelligente du
L'affirmation
peut être
de prendre un
n'a pas le droit
aussi isolé dans l'univers
humaine, pour
le
nature entière.
L'homme
rait
phénomènes naturels
que
fait
de l'intelligence
modèle unique des opérations de
la
qui raisonnerait ainsi ne se-
pas moins naïf qu'un paysan
qu'on gouverne les royaumes
même
aussi particulier,
l'action
qui s'imaginerait
comme
sa propre maison. D'ailleurs, le
dirige lui-
il
monde
est en-
core en voie de formation; on peut voir d'un jour à l'autre surgir
de nouveaux principes, éclorede nouveaux
germes dans
Enfin, on ne peut remonter
la nature.
avec certitude d'un
de l'habitude
(%
effet à sa
cause que sous l'influence
custom), lorsqu'on a constaté par
expérience l'union constante des deux
faits; et,
par
conséquent, pour conclure qu'une intelligence divine a produit le
monde,
il
faudrait avoir assisté à la créa-
de plusieurs univers
tion
et
,
non pas seulement vu
construire des vaisseaux et des cités.
— Etrange
absurde conclusion, où se retrouve d'ailleurs
de
la
voit,
Hume! Dans cette théorie, on la certain que le monde est l'ouvrage
pour être
divine,
miracle nous eût mis à
cle
tous
l'esprit
philosophie de
d'une intelligence
sonne
et
l'acte
fût les
de
il
même
la création
:
il
ne
pas qu'un
suffirait
de contempler en perfaudrait
que ce specta-
devenu pour nous comme une habitude de jours, et qu'il nous eût été donné de voir
plusieurs fois
un Dieu créateur à l'œuvre
!
—
332
—
Lorsque Philon a terminé ce long réquisitoire con-
preuve des causes finales, Gléanthe répond au
tre la
sceptique avec vivacité et énergie;
exemples où Tanalogie nous guide conclusions;
il
reprend, en
invoque des
il
et préside à
nos
la rajeunissant, la vieille
comparaison du monde avec un
Mais
livre.
,
par un
revirement bizarre, après avoir revendiqué presque aussi
éloquemment qu'un Bossuet ou un Fénelon,
droit
qua
des
de conclure de
la raison
effets à la
le
ressemblance
la
ressemblance des causes,
semble
il
abandonner tout d'un coup ce système de défense
;
et
reconnaissant que l'argument est irrégulier, contraire
aux principes de
la
logique
,
il
ne prétend plus en éta-
hliv la légitimité qu'en constatant son universelle et irrésistible influence (1).
Hume
Ces hésitations trahissent l'embarras où jetait l'impossibilité
de concilier avec ses théories logiques
ses conclusions religieuses. la difficulté
aux croyances
<;ommun ter
qu
il
,
les
voies à
cette
le ,
que de
»
tre prétention
»
ambitieux, raffinés;
et
Hume,
sect,
XI.
u n'a
:
qu'il «
Un
pas d'au-
arguments abstraits,
adhère au sens
Les mêmes idées ont été exprimées par ,
l'in-
sans se dou-
presque de maudire
rejeter les il
,
principe au philosophe
sceptique raisonnable, » dit
(l)
se dé-
philosophie du sens
que Reid propagera plus tard
en emprunte
philosophiques
il
naturelles de l'humanité, pré-
n'a cessé de combattre j)
toujours,
qui le presse par un appel à
robe à stinct,
parant ainsi
Gomme
commun
et
Hume dans les Essais
—
—
333
de
instincts manifestes
nature humaine.
»
aux
))
accepte toutes les raisons qui le frappent assez for-
tement pour
»
faire
))
religion
»
ture (1)...
les
il
Il
repousser sans se
arguments de
les
la
de cette na-
naturelle sont précisément
Hume
nager,
ne puisse
qu'il
violence à lui-même. Or,
))
Si
la
»
mé-
n'avait pas eu son propre système à
pas aussi
n'aurait
méconnu
facilement
nerf logique de l'argument des causes finales, et
ne faut pas s'exagérer
il
ne
il
au sens
se fût pas contenté d'en remettre la défense
commun. Sans doute,
le
la
va-
leur des preuves de l'existence de Dieu. Défions-nous
de
quand on
,
mais de
,
non de
la solidité
de notre
la vivacité
est tellement sûre la
est toujours prêt à céder
examine. La force que nous leur prê-
les
tons dérive souvent
ment
on
à laquelle
l'illusion
foi.
du raisonne-
Notre croyance
d'elle-même, qu'elle recouvre, en
dissimulant, la faiblesse
pour ne pas commettre
de l'argumentation. Mais
la faute d'accorder
aux raison-
nements des métaphysiciens une certitude absolue
,
il
ne faut pas tomber dans cet autre excès, de leur refuser toute
(l)
Dialogues
Hume
lequel
lettre écrite à
,
etc.,
invoque
croyances que
»
Les preuves expérimentales de
autorité.
la
tome le
II
,
part. III, p. 447.
Ce passage, dans
respect qu'il a toujours professé pour les
nature suggère, justifie les lignes suivantes d'une
M. Balfour
:
a
Je
me
suis efforcé de réfuter le scep-
tique Philon avec toute la force dont je suis capable
« futation doit être
regardée
comme
sincère
,
;
et
ma
ré-
puisqu'elle est tirée
^3
des principes les plus importants {from the capital principles)
»
de
mon
système... » Burton
,
tome I,
p. 345.
—
334 --
de Dieu ne sont , sans doute
l'existence
que des
,
preuves par analogie. Elles consistent à interpréter
rharmonie les
et
considérer
Tordre du
comme
monde
elles
;
nous forcent à
d'une sagesse suprême,
le fruit
parce que notre propre expérience nous a montré,
dans un nombre indéfini de cas, que nos actions n'étaient
gence
ordonnées
les dirigeait.
et réglées
que lorsque
l'intelli-
Quoi de plus raisonnable
de
et
plus naturel que de se laisser guider par ces analogies
manifestes
,
qui frappent les esprits les plus incrédu-
que Voltaire lui-même
les, et
faisait valoir
avec force
dans ces Dialogues philosophiques de Jenni, qui, par
lensemble des idées, sinon pour rappellent les dialogues de
la gravité
Hume?
Il
pour donner un sens à ces analogies, raison parle. cette vérité,
Il
faut qu'elle
que des
analogues. Et
causes
effets
érige en
du ton,
est vrai il
faut
loi
que,
que
la
nécessaire
analogues supposent des
comment
contester cette ten-
dance invincible de notre esprit à inférer sans cesse de
ressemblance des œuvres
la
la
ressemblance des
auteurs? Cette tendance peut parfois nous tromper, lorsque nous fondons les conclusions qu'elle suggère
sur des analogies apparentes et superficielles.
quand
,
Mais
pénétrant pour ainsi dire dans l'intimité des
choses, nous y découvrons
,
partout présente, partout
manifeste, cette finalité secrète qui semble être, au milieu de tant de diversités, le mot d'ordre de
la
na-
ture entière, quand, d'autre part, notre expérience
interne nous permet de démêler nettement le rapport
qui
lie
à
une
pensée
productrice
toute
action
d'avance adaptée à un but déterminé, n'avons-nous pas
toutes les garanties possibles pour appliquer,
ici
sans scrupule
principe des raisonnements par ana-
le
,
logie?
Hume Il
parle beaucoup de l'analogie et de ses règles.
est facile
limites
de
de son système,
il
qu'une induction imparfaite, suppose, en
que l'induction elle-même
ne soupçonne pas. sert
voir,
:
répète volontiers la
Il
s'il
et c'est ce
que
mêmes
mêmes
effets
;
mais
effet,
est possi-
Hume
que
maxime
de fondement à toute inférence inductive les
les
n'a aucun droit à raisonner
l'intervention de la raison, encore plus, ble,
dans
reste
s'il
Le raisonnement par analogie, qui
de cette façon. n'est
prouver que
lui
:
qui
à sa-
causes produisent toujours les l'entend
il
évidemment en un
autre sens que nous. Pour lui, cette affirmation n'a rien de
nécessaire
elle n'est vraie
:
mites de l'expérience, et grâce puissante de l'habitude.
qu'une cause
A
produit
Il
un
que dans
les
li-
à l'influence toute-
devient vrai, peu à peu, effet
B quand ,
ce rapport
de causalité a été expérimenté un grand nombre de fois.
Mais quand
Hume
universelle absolue à
semble donner une portée
une vérité qui
qu'une simple constatation de
ment des mots. De
faits,
il
n'est
pour
lui
abuse évidem-
sa logique résulte l'impossibilité
d affirmer qu'un phénomène a une cause, tant que cette cause n'a pas été découverte, et , une observé,
dans
le
l'incapacité
fois le
rapport
de généraliser ce rapport
soit
temps, soit dans l'espace. De sa logique ré-
sulte encore
l'illégitimité
de tout raisonnement par
—
Dans ce dernier
analogie.
ne nous montre pas
en
cas,
même une
effet, l'expérience
fois la
dont nous
Texislence, et
affirmons
—
336
cause dont nous
déterminons
la
nature. La question revient toujours à chercher quelle est
la
cause
d'effets C.
inconnue
X
à B, qui est l'effet de A,
mode
ressembler à A. Ce faitement légitime raison
d'un effet ou d'une série
Par analogie, on conclut que C ressemblant
;
cause inconnue
la
doit
d'inférence nous paraît par-
mais
il
ne peut
l'être
que
si la
vient combler les lacunes de l'expérience, en
nous fournissant
,
non pas seulement
Hume, du
puissance où
la
reste, reconnaît
le réduisait
forme,
la
dans l'induction parfaite, mais encore conclusion.
l'aveu tardif
comme
matière de la
lui-même
l'im-
son système, quand, après
avoir instinctivement raisonné par analogie, fait
X
il
que ce mode de raisonnement
nous n'est
pas régulier. L'analogie, sans aucun doute, est bien loin d'égaler
en certitude une induction parfaite.
l'expérience décisive
pendant, et
que quand aussi
celle
il
Ici,
en
On peut
dire, ce-
s'agit d'analogies aussi
finales, la multiplicité
la
effet,
qui nous ferait
fréquemment observées que
de fondement à
qui servent
un
:
cause que nous cherchons.
saisir la
pantes
manque
frapcelles
preuve des causes
des expériences rétablit jusqu'à
certain point l'égalité, et tend à donner au raison-
nement
la
force
d'une induction complète.
Qu on y
songe, en effet, ce n'est pas seulement dans une série limitée d'observations, les
rapports
que
les
philosophes ont saisi
qui, par comparaison avec les œuvres
— de
l'art
humain, nous signalent dans
traces de Fart divin
dans tous
c'est
:
raisonnable do
la
temps
ont découvert ce
tendentàunbut,
toutes,
;
c'est
oii la
ce n'est pas la nature qui viole
finalité n'apparaît pas,
ses propres lois
dans
et
guidées par une prévoyance latente. Là
notre science qui est en défaut.
donc pas permis de dire que
N'est-il
les
nature universelle, cette dé-
marche secrètedes choses, qui
comme
monde
le
les
hommes
tous les pays, que tous les travail
—
337
cette uniformité,
pour ne pas dire cette universalité des expériences qui constatent l'analogie, compense, en une certaine
me-
sure, ce qu'il y a de naturellement insuffisant dans
raisonnement de cette espèce avoir observé un petit
deux phénomènes, une la
la
;
nombre de
fois
liaison
la
de
transforme avec confiance en
nécessaire qu'il impose à tous les
loi
un
et si le physicien, après
moments de
durée, à tous les points de l'espace, n'est-ce pas
avec une autorité à peu près égale que s'élèvera,
temps
et
le
théologien
de l'ensemble des choses observées dans
suprême, principe unique de tout ce qui existe
Quoique nelle
le
dans l'espace, à l'affirmation d'une pensée
Hume
n'ait
pas su dégager
de l'argument des causes
inoins fait cet
finales,
aveu précieux, que
tion exerçait sur le sens
la
la
?
portée rationil
n'en a pas
preuve en ques-
commun une
influence irré-
Et si Ton veut y réfléchir, qu est-ce que cet au sens commun, sinon une reconnaissance
sistible.
appel
implicite des droits et
de
la
Cet instinct primitif auquel
souveraineté de
Hume
la
raison?
a sans cesse recours,
pour réconcilier son système avec
les
croyances uni22
— verselles des
que
nitive,
hommes,
338
raison
la
à
défi-
latent,
l'état
vague que
alors qu'elle n'est encore qu'une tendance la réflexion
en
qu'est-il autre chose,
raison,
la
—
n'a pas précisée, et dont les inspirations
n'ont pas été ramenées par l'analyse à des principes
formels?
Quelque insuffisante tation
qu'ait
pu nous paraître
opposée par Cléanthe à
de Philon
Hume
,
la
la réfu-
première objection
En
la jugeait victorieuse.
effet,
un jeu de scène imité des dialogues de Platon, montre
le
sceptique troublé et confondu
,
nous
ne sachant
que répondre à son contradicteur. Mais, dans
du dialogue, Philon reprend l'avantage.
il
par
Il
la suite
montre,
avec une justesse parfaite, que toute argu-
cette fois
mentation, qui fonde sur des analogies empruntées à l'expérience la notion de la cause divine, reste, dans ses résultats, fort en deçà de ce qu'exige la conception
d'un être infini et parfait. Si toute théologie se réduit à
des preuves expérimentales,
compter
l'infinité et la
faut
il
renoncer à
perfection parmi les attributs
de Dieu. La cause doit être proportionnée à
nous l'accordons rait-il
;
mais comment un
prouver une cause
effet fini
Un
infinie? «
l'effet,
pour-
poids de dix
»
onces qui s'élève sur un plateau de balance prouve
))
que
»
mais non
le
poids de l'autre plateau dépasse dix onces qu'il
dépasse cent onces.
admirable de grandeur voulez^ que
la
il
y
a
de beauté
)>
:
L'univers est dites,
si
vous
cause de l'univers est très-grande, très-
puissante et très-sage l'infini
et
;
mais entre ces superlatifs et
un abîme que
rien,
dans
la
théologie phy-
I
— siqiie
,
Kant
—
ne nous permet de combler
Hume
raisonnement de
le
339
pu que
n'a
le
est
de franchir.
Ici
tout à fait juste,
et
reprendre en
»
transcendantale
»
absolument suffisant,
et
être premier,
d'un
« L'idée
le fortifiant.
nécessaire et
immensément grande,
est si
élevée au-dessus de tout ce qui est empirique,
» si ))
qu'on ne saurait jamais trouver assez de matière
»
dans l'expérience pour remplir un
Et plus loin
:
«
vante d'apercevoir
))
monde par
»
rapport de l'ordre du
))
ni enfin celui
))
de son auteur
Dans divine,
lui
le
rapport
observé à
la
monde
suprême
à la
ni
,
le
sagesse,
l'unité
absolue
)>
cette dernière observation, relative à l'unité
comme dans
les
précédentes, Kant a été de-
vers ne nous donne pas plus divine que l'idée de
,
absolue, de
le spectacle
la certitude
l'infinité et
de
de de
l'uni-
l'unité
la perfection.
deux philosophes
Seu-
cette
grande
que Kant n'entend parler que de
l'unité
y a entre les
il
différence
en
grandeur du
la
toute-puissance
vancé par Hume. Selon Philon,
lement
de
de l'unité du monde à (1).
concept... »
que quelqu'un se
Je ne puis croire
»
tel
la simplicité infinie
effet difficile d'inférer
que Hume, prenant
le
de
mot
la
de Dieu,
qu'il serait
seule expérience, tandis
d'unité dans
un sens plus
modeste, soutient, contre toute vraisemblance, que la
considération des choses physiques favoriserait plu-
tôt
des conclusions polythéistes que
(l)
p.
Kant
,
209,310.
la
croyance à un
Critique de la raison pure, traduction Barni,
tome
II
,
— 340 — seul Dieu.
Ici
évidemment
c'est l'esprit
che sans cesse à
faire
de sophisme
Hume^
qui parle, c'est ce génie tentateur de
qui cher-
échec à son bon sens
qui y réussit quelquefois, mais qu'il désavoue le plus sou-
vent après réflexion. Pour rétablir
la vérité
,
dans cette
question, nous n'avons, en effet, qu'à invoquer le pro-
Hume. Dans son
pre témoignage de
Histoire naturelle
de la religion, après avoir fait allusion à ces philosophes
d'un tour d'esprit particulier qui ne voient pas qu'il soit si
absurde d'imaginer que plusieurs êtres sages
et puissants se sont concertés il
écarte fermement une
puyant précisément sur physique
:
«
pour produire
le
pareille hypothèse,
monde, en s'ap-
caractères de l'univers
les
Dans toute l'étendue du monde,
» dit-il,
«
on ne voit qu un modèle. Tous
les êtres sont
»
tement ajustés
même
» partout. Cette »
l'un à l'autre; le
uniformité nous oblige à reconnaître
un auteur unique
» pies,
:
la
supposition de causes multi-
douées des mêmes attributs
»
mêmes
»
sans contenter l'entendement (1).
Ce que
effets,
Hume
ne
ferait
produisant
et
n'a jamais
»
désavoué, par
et
onzième Essai
à cette vérité
,
loppements,
et sur ce point
le
(1) Ili.Hoire
«
,
Il
a consacré
de longs déve-
nous sommes,
Kant, entièrement de son avis.
pense M. StuartMill,
avec raison,
voie empirique
la
seule, à la conception d'un Dieu infini.
dans
les
qu'embarrasser l'imagination
c'est l'impossibilité d'arriver,
le
exac-
dessein règne
S'il était
vrai,
comme comme
que tout ce qui se rapporte à
naturelle de la religion
,
chap.
"VI.
I
-- 341
—
Dieu est matière d'inférence , et d'inférence a poste-
»
» riori, »
ception de
comme
faudrait rejeter
il
illusoire toute
con-
divine (1).
l'infinité
Mais, après avoir finement analysé les lacunes de la théologie physique,
Hume
ses observations.
n'a pas
Il
n'a pas su tirer profit
voulu reconnaître
clusion qui s'en dégageait naturellement la
je
:
de
con-
la
veux
dire
nécessité de recourir à des principes a priori qui,
que de notre raison
seuls, peuvent expliquer
même
fond
de notre esprit s'échappe de
l'infinité et
la
et
du
conception de
la perfection divines. C'est
a admirablement compris. Si l'on nie, en
ce que Kant effet,
que
la
raison ait par elle-même le pouvoir d'enfanter de paidées,
reilles
il
faut se résigner à cette
absurde que Dieu c'est à cette
scrupule.
que
Il
est
être fini.
Hume
conclusion que
Qui
conséquence le croirait?
se laisse aller sans
déclare, par l'intermédiaire de Cléanthe,
Dieu est parfait,
si
un
il
ne
relative (finitely perfect).
d invoquer Dieu
l'est
comme un
que d'une perfection
faut, dit-il, se contenter
Il
être admirable, excellent,
extrêmement sage, extrêmement grand. Là doit pour
rêter
humain
l'esprit
la
s'ar-
détermination de la
nature divine. Aller plus loin^ c'est s'exposer à des
conséquences contradictoires, à un verbiage dépourvu de sens.
Il
faut avant tout
que Dieu reste pour l'homme
un objet de compréhension (1) (2)
l'idée
M.
Mill
,
Hamilton
,
(2i).
p. 44.
Clarke disait que l'observation du
que d'un être assez sage
Clarke
,
qu'il cite quelquefois.
monde ne nous donne
et assez puissant.
Hume
avait lu
— Sans doute, qu'il la
a
il
Hume
faut savoir gré à
pour maintenir
faits
—
342
conception de Dieu à
la
portée de l'intelligence humaine.
Dialogues sur
la religion naturelle
vent par
finesse
la
de
,
Dans tous ses
remarquables sou-
si
pensée
la
comme
,
par Tam-
noblesse du style, ce que nous aimons le
pleur et
la
mieux,
c'est
encore
la
vigoureuse polémique
dirige contre les théologiens mystiques
en système
qu'il
qui érigent
,
absolue de Dieu, et qui
l'inintelligibilité
l'existence
rejettent
des efforts
suprême dans
je ne sais quelle
région mystérieuse, où, enveloppée de nuages et de impénétrables, elle se dérobe à toute pensée
voiles
humaine. Nous ne connaissons rien, quant à nous, d aussi antireligieux qu'une pareille théorie. C'est, à
coup sûr, de son les
le
respect de Dieu et la conviction profonde
infinité qui
1
inspire à ses partisans. Mais
Epicuriens voulaient détruire
temps, c'est
ils
tiques à outrance des lui, le
humaine, pour
Hume
hommes ,
,
ne
si
j'ose dire,
cimes ardues de
que supprimer
un sens
la
les analogies
primer aussi toute religion, ser
est,
le
en élevant Dieu relègue pas dans
où l'extase seule pourrait
conduire les pas de l'humanité.
les
Il
défenseur convaincu d'une théologie
un isolement inaccessible
gieuse puisse,
mys-
appelle ces
athées sans le savoir.
ainsi dire, qui, tout
bien au-dessus des
douce
religion de leur
n'employaient pas un autre procédé. Aussi
avec quelque raison que
quant à
la
quand
11
veut que l'âme
nature divine.
humaines, ce et
à l'adoration des
que,
si
hommes
l'on ,
reli-
une pente
gravir par
il
Il
pense
serait sup-
veut
lais-
faut con-
— rver à Dieu les
décernés
la piété,
—
343
noms que lui a de tout temps les noms de Bonté, de Puissance,
de Sagesse suprême.
Nous louons donc pleinement
Hume
le zèle
avec lequel
ne cesse de combattre cette théologie qui
de rincompréhensibilité divine toute foi religieuse.
Déméa
fait
premier article de
le
représente imaginairement
ce mystique excessif, dans les Dialogues sur la religion naturelle.
Combien de théologiens
lement dans
la
habituel de M. Stuart
M. Mansel, Mill.
Limites de la pensée religieuse,
dicée les principes
de
M. Mansel refuse à
la
quoiqu'il lui fasse en
tions en
Dans un
où
il
sur les
le
même
la
faculté
de
moindre attribut divin,
temps une
loi
de croire à
Théorie contradictoire, qui, à des spécula-
quelque sorte athées, veut
un
,
et
Ou
allier les bénéfi-
qui nous
être sur la nature duquel
de rien savoir. ,
livre
applique à la théo-
de subordonner toutes nos pensées
existe
contradicteur
le
pensée humaine
ces pratiques de la religion
tions à
On pour-
philosophie de Hamilton,
la
concevoir et de connaître
(1).
représentent réel-
philosophie contemporaine ?
rait, entre autres, citer
Dieu
le
commande
et toutes il
nos ac-
est impossible
bien Dieu n'existe pas, ou,
nous concevons quelque chose de
lui
;
s'il
et c'est,
en définitive, par ce quelque chose que nous
affir-
mons, que nous prouvons son existence. L'incompréhensibilité le
absolue de Dieu n'aurait pas seulement
grave inconvénient pratique de
(l)
M. de Rémusat
,
faire
Philosophie religieuse.
de toute ado-
—
344
—
une cérémonie vide de sens;
ration religieuse
même
nous semble compromettre,
ce sujet,
spéculativeraent,
de l'existence divine.
la certitude
Hume comme sur
C'est ce
elle
que
a le mérite d'avoir compris. Sur tant d'autres,
il
rencontré
s'est
avec M. Mill, qui, dans un chapitre de son livre sur Hamilton la
(1), attaque, lui aussi,
doctrine de M. Mansel
la possibilité
,
avec quelque vivacité
de tous ceux qui nient
et
de concevoir humainement
par quelque côté
la
et
de
saisir
nature divine. Mais cette tendance
excellente qui nous porte à ne pas rejeter Dieu hors
de notre horizon,
nous-mêmes des duire dans
dans
et à chercher
attributs
le
monde ou en
que nous puissions intro-
substance divine, ne doit pas faire ou-
la
blier les droits
de
la raison
si
;
,
d'un côté
,
la
piété
tend, par de perpétuels envahissements, à rapprocher d'elle l'objet
de son adoration, parce que tout amour est
porté à supprimer les distances et à établir peu à peu l'égalité,
cesse
mot,
raison doit, d'autre part, relever sans
notion divine et la tenir à son rang.
la il
la
faut compléter la théologie physique par
sage théologie a
Que
la
théologie a priori,
Hume
théologie
le
une
priori. si elle
seule capable de nous donner divins,
En un
sait;
mais
il
est possible, soit
l'infinité
des attributs
n'admet pas que cette
soit possible. C'est ce qu'il essaie d'établir
en examinant un argument, qui n'est autre que
la
preuve cosmologique, compliquée du raisonnement
(1)
M.
Mill,
HamUton, chap. VIL
— de
Anselme,
saitit
imaginé par
dans
et qui lui paraît le plus
grand
effort
philosophie pour s'élever jusqu'à Dieu
la
voie de
la
—
345
Kant répète souvent que
l'a priori.
la
preuve cosmologique n'est qu'une preuve ontologique déguisée.
S'il
avait cru nécessaire de justifier son affir-
mation autrement que d'une façon abstraite,
pu invoquer l'exemple de
Hume. la
Il
est
,
en
effet,
nature des choses, que
la
preuve cosmologique, qui débute par un appel à
change
l'expérience,
passe à
l'a
coup
à
tout
priori pur. Cette
pensée de Hume.
de caractère,
démarches de
les
est, d'ailleurs,
Il
et
manifeste
se
nécessité
avec une irrésistible évidence dans la
aurait
confusion commise par
la
dans
il
facile
de s'en
rendre compte théoriquement. L'argument cosmologi-
comme
que ne procède plus par analogie, des causes finales.
non, mais une
:
un certain temps,
la
coupe brusquement sortir
preuve
ne se contente pas de dire, ce
Il
qui serait expérimental
tence
la
la
,
qu'il
fois qu'il
série
y a toujours de nous a
fait
l'exis-
remonter,
des causes secondes,
il
chaîne des phénomènes, pour
de cette succession des choses contingentes. La d'un
raison,
coup
dehors de toutes
les
d'aile,
nous transporte alors, en
existences relatives, jusqu'à une
existence transcendantale,
comme
dit
Kant, ou, plus
simplement, jusqu'à une cause première, un être nécessaire.
La preuve cosmologique n'est donc pas con-
forme au type ordinaire des preuves de l'existence de Dieu, puisque sité, est
traire
la
cause, dont elle proclame
précisément conçue
aux
effets qui
comme
la
néces-
radicalement con-
servent de 'point de départ à
— rargumentation. ainsi
Or,
346
—
nous autorise à conclure
qui
qu'une cause existe, non
pas
mais
analogue,
contraire à toute expérience connue? C'est uniquement la
raison, qui
prétend ne se tenir pour satisfaite que
a trouvé un être nécessaire; et c'est cette pré-
si elle
tention de la raison qui est^ au fond, le seul principe
quand on
solide de la preuve ontologique,
de
l'appareil
blée.
le
La preuve cosraologique
choses qui existe. l'être
pédantesque dont
existent,
il
faut
La preuve ontologique
dépouille
la
moyen âge
dit
:
affu-
l'a
y a des
puisqu'il
qu'un être nécessaire dit:
puisque
de
l'idée
nécessaire est conçue, l'être nécessaire est réel.
En apparence,
second argument semble
le
pas de plus que
le
premier
mais, en réalité,
;
La preuve cosmologique, quand
est rien.
un
faire
elle
il
n'en
pose sa
conclusion,
ne s'appuie nullement sur l'expérience,
dont
fait
elle
a
mention dans sa mineure
:
elle
tire
toute sa force de la nécessité rationnelle de croire à
un être premier
et absolu. Et,
de même,
la
preuve
ontologique, quelque effort qu'elle fasse, ne peut aller
au delà de cette
même
loi
rationnelle, qui veut
que
nous admettions, en quelque sorte, sans démonstration, la
l'existence d'un être nécessaire.
même
preuve,
Au
fond, c'est
présentée d'abord sous une .forme
expérimentale, et ensuite sous une forme géométrique.
Ce qui peut contribuer à entretenir simuler
le vrai
l'illusion et
à dis-
caractère de la preuve a contingentia
mundi, c'est que cette preuve
demande une cause du
monde, comme toute raison demande une cause qui existe.
Au
premier abord,
il
semble
qu'il
à ce
y
ait
— encore analogie
—
347
on oublie
:
ne
qu'il
s'agit plus ici
d'une cause semblable à celles que l'expérience nous
montre, et qui ne sont toutes que des effets antérieurs; il
s'agit
d'une cause qui elle-même n'a point de cause.
pourquoi
C'est
une
à nous fournir la
lanalogie est tout à
impuissante
fait
pareille conception
ïa priori seul,
:
preuve ontologique peut compléter
ici l'effort
de
notre dialectique. Reste^ maintenant la question de savoir
de
la
Hume, naturellement, ne
le
point
les prétentions
,
toute preuve a priori, par
raison
si
,
sur ce
sont légitimes.
pense pas,
et
il
écarte
une application rigoureuse
de ses principes philosophiques. L'existence de Dieu, dit-il, est faits
un
fait
nécessaires.
le contraire
(matter of fact)
On ne la
qu'il
quant à nous, qu'en un sens, :
de
;
et
il
n'y a pas
possible.
de nier ce qui est
se retranche derrière son système, et
ne prouve nullement ce
saires
,
définitive, se contente Il
n'y a pas
il
non-existence ne puisse être con-
çue, et ne soit, par conséquent
en question.
or,
implique contradiction
d existence dont
Hume, en
;
peut démontrer que ce dont
avance.
Il
nous semble,
y a des
il
faits
néces-
tous ceux qui sont les conséquences légitimes
d'un principe préalablement admis, les effets naturels
d'une cause connue. Or, dans qui nous occupe,
il
est
la
question particulière
de toute évidence que
la rai-
même, réclame
l'exis-
son, en vertu de sa constitution
tence de quelque chose de nécessaire.
Nous ne disons
pas qu'elle pose immédiatement l'existence de Dieu l'intuition
immédiate de
la
Divinité nous paraît
;
une
— chimère
348
qu'il faut écarter
—
sans hésitation, n'y eût-il
à cela d'autre raison que le témoignage de ceux qui, interrogeant loyalement leur conscience, n'y ont pas
trouvé trace de cette illumination soudaine et spon-
que nous tenons pour
tanée. Mais ce
humaine qui
toute
raison
de
conception
la
dun
certain, c'est
être nécessaire,
soit, d'ailleurs, la nature
que
du monde. Infailliblement,
ainsi
devant toute intelligence développée
question se pose
la
:
choses existent par elles-mêmes, et alors
sité est
étant
dans
les choses,
contingents
être indépendant alternative,
il
la
,
cet être
elle-même, ou un Dieu dis-
tinct
les
que
ne peut se passer
réfléchit
ou bien,
les êtres
ou bieÉ la
néces-
de ce monde
est l'attribut d'un
nécessité
du monde. Et pour résoudre
cette
faut recourir à d'autres considérations,
précisément aux causes finales, qui nous prouvent
que
l'être
nécessaire, étant en
ne peut être
même
monde lui-même.
le
de l'expérience,
ces analogies
les clartés
s'agit
est
il
incontestable
brille,
comme un
seulement de projeter
sur un point ou sur un autre, l'idée de l'être
nécessaire, et
ment de
il
intelligent,
Mais, en dehors de
qu'au fond de toute raison humaine foyer de lumière dont
temps
que
cette idée est le principe, le fonde-
toute philosophie religieuse.
Hume, avec
^
l'incertitude oii
sa perspicacité habituelle, a compris
nous
de
l'être nécessaire.
ne
serait-il
laisse par
elle-même
Pourquoi, dit Cléanthe,
cette idée le
monde
pas cet être? Et, en effet, rien, dans
preuve cosmologique ou dans
la
la
preuve ontologique,
ne nous permet de nous prononcer contre une pareille
Hume
hypothèse.
s'est ici
encore rencontré avec Kant,
qui, dans ses remarques sur la thèse de la quatrième
antinomie, reconnaît que
Fargument cosmologique
«
»
pur ne peut prouver l'existence d'un être nécessaire
))
qu'en laissant indécise
))
être est le
»
rent. »
monde lui-même, ou
s'il
en est
qu'aux yeux de Kant
est vrai
Il
question de savoir
la
tion transcendantale de
si
cet
diffé-
concep-
la
nécessaire excluait toute
l'être
hypothèse naturaliste. Nous avouons ne pas être de cet avis,
nous ne voyons pas que
et
nous obliger à et
un Dieu
nait
que
l'idée
donne aussi et ces
faire
distinct
de
elle
si
Mais
l'être nécessaire.
l'idée d'un être parfait,
ne nous donla raison
nous
d'un être infini,
conceptions excluent toute possibilité de conet,
de l'expérience nous révèlent
l'Intelligence
alliance à
raison pût
un choix entre un monde éternel
du monde,
fondre Dieu et l'univers. Déplus gies
la
divines
;
de l'expérience
et
,
surtout, les analo-
la
Bonté,
grâce à
heureuse
cette
et (}^ la raison
,
Sagesse,
la
nous arrivons
une idée de Dieu aussi complète, aussi satisfaisante
que
l'esprit
humain
La théodicée de elle
est capable
Hume
découronne Dieu, en
nité.
faible
de
offre lui
la
former
1
de grandes lacunes
ôtant l'attribut de
;
l'infi-
Mais, malgré ce défaut capital, nous avons un
pour cette métaphysique sage, timide
même,
qui redoute, avant tout, les écarts aventureux de la
pensée. Si les résultais ne sont pas toujours exacts, la
méthode au moins
est excellente. C'est celle qui a
inspiré la critique de Kant.
Nous n'insisterons pas sur
autres parties delà théodicée de
Hume, sur
les
la distinc-
—
350
—
tion qu'il établit entre les attributs naturels (intelligence) et les attributs
moraux de
la divinité
(bonté, justice),
engage
ni sur la discussion légèrement pessimiste qu'il
à propos des misères de l'humanité, ni
,
enfin
conception d'une Providence générale
,
à laquelle se
,
sur sa
rattachait sa négation décidée de toute espèce de mi-
Nous en avons assez
pour
faire saisir,
dans
son ensemble, cette théodicée raisonnable, cette
reli-
racles.
dit
gion modérée, qu'admirait un Schopenhauer
avancé sur
rien n'est
la
,
où
et
nature divine qui ne puisse
être rigoureusement prouvé. Par les objections qu'il
placées dans
la
bouche du sceptique Philon,
Hume
laissé peu à faire au naturalisme moderne, dont
semble avoir prévu toutes
les objections.
Mais
a pas moins maintenu, malgré toutes les
il
i
i
n'ei
difficultés
qui surgissaient dans son esprit, sa conclusion déiste conclusion très-religieuse, et particulièrement hostil
au panthéisme, dont
les
chimères révoltaient son boi
sens, conclusion très-analogue, enfin, à celles
d'ui
Socrate ou d'un Reid.
Les Dialogues sur d'ailleurs le seul
la
ne sont
religion naturelle
ouvrage dnns lequel
explicitement profession
Hume
il
ait fai
de déisme. Les question!
religieuses l'attiraient et le captivaient. Si
Dialogues,
pai
,
dans
sef
a discuté théoriquement la légitimité dei
raisonnements métaphysiques, dans un autre écrit qu faitsurtout
origines
a recherché
\ei
développement
d\
honneur à son érudition,
historiques
et suivi le
il
sentiment religieux. L'Histoire naturelle de
quoique en maint passage
Hume
y
la
religion^
justifie l'opinion d(
—
IIP de
—
351
d'aimer
ses adversaires qui laccusaient
iix
radoxe,
—
de tous
est peut-être,
le
travaux de notre
les
auteur, le plus remarquable par l'abondance des faits intéressants, des observations fines ou profondes, des
vues pénétrantes ou hardies talent
de premier ordre pour
Hume
(1).
y révèle un
l'histoire critique, celle
qui exige surtout que l'on raisonne et que l'on dis-
proprement
cute.
Pour
sait,
manquait de certaines qualités.
l'histoire
nation qui invente, non qui anime
la sensibilité
celle qui
les
le
avait l'imagi-
Il
voit
mais dans
;
Hume, on
dite.
vivement écrits
de
et
cri-
tique historique, on peut dire qu'il excelle.
Dans son
Hume
fait
Histoire de
religion
,
comme
ailleurs
de l'existence de Dieu une vérité certaine,
dont aucun
homme
de bon sens ne peut douter. Cette
néanmoins,
croyance,
perception immédiate jours de l'humanité.
comme
la
le
,
n'est
pas, à ses yeux, une
contemporaine des premiers
Il
la
considère,
au contraire,
résultat d'opérations compliquées, dont
est difficile
d'analyser le progrès. Pour lui,
pour nous,
la
sion
perception directe de
il
comme
l'infini est l'illu-
respectable de quelques esprits
profondément
religieux, qui, à force de croire à Dieu, s'imaginent qu'ils le
connaissent immédiatement. Elle est, dans
raison des philosophes, ce qu'est l'extase dans
des illuminés. Cette chimère écartée.
Hume
\J Histoire naturelle de la religion parut
en 1757
(i)
temps que
trois autres traités
sur la Hègledugoùt.
Tome
:
Sur
les
IV, p. 419.
Passions, sur
la
la foi
suit pas
,
en nriômc
la Tragédie,
—
352
—
à pas la marche progressive de
la
struction des croyances divines.
Il
raison dans la conétablit
avec force,
avec une grande richesse d'arguments, que théisme a été et a dû être
hommes. Soutenir que un
les
la
hommes
seul Dieu, alors qu'à des
poly-
le
première religion des primitifs ont cru à
époques plus rappro-
chées de nous on les trouve encore en proie aux superstitions polythéistes, ce serait dire « qu'on a con» struit des palais »
avant de bâtir des huttes
et fait
delà géométrie avant de pratiquer l'agriculture (1).
Dira-t-on que les l'instinct qui
hommes
Hume se
cause unique
la
répond à merveille que,
dans cette recherche des causes intelligente naissante
à bon compte, et
de quelques degrés leur ignorance.
ler
âmes,
et
ciel
même l'unité
Il
était
donc
polythéisme régnât d'abord sur
que l'humanité commençante
les
dans
installât
une peuplade de dieux. D'autant plus qu'à
époque
cette
une
et des principes,
satisfait
des peuples enfants de recu-
qu'il suffit à la curiosité
naturel que le
»
ont tout de suite obéi à
nous pousse à chercher
de toutes choses?
le
,
et
;
l'homme, préoccupé avant
de ses
affaires
,
du monde que de
tout
de
lui-
devait être frappé moins de la multiplicité
de ses propres
désirs et de ses propres besoins, de l'agitation de sa
vie, des innombrables hasards qui en
troublaient le
cours. Seule la contemplation scientifique nous l'idée
(1)
de l'ordre, de
Tome IV,
p.
de
la
na-
polythéisme a été
la
pre-
la sérénité universelle
420, sect.
mière religion de l'humanité.
I.
Que
le
donne
—
—
353
lure; et l'humanité naissante n'avait pas le loisir s'y livrer. C'est
avec
même pénétration,
la
et
de
avec une
Hume
grande abondance de détails piquants, que
nous expose quelques-unes des conséquences du polythéisme
d'une part, l'intolérance aveugle et cruelle
:
qui frappait un Socrate, qui combattait tout effort pour épurer, pour relever la religion
rance bizarre qui supportait les
plaisanteries
plus
les
d autre part,
;
la tolé-
qui acceptait
les impiétés,
vives dirigées contre les
dieux de FOlympe, qui applaudissait enfin aux comédies d'Aristophane. C'est qu'Aristophane, en peignant les vices
des dieux
avec leurs
ne
,
rituel païen.
que
faisait
dans
traits officiels, et
La psychologie humaine se
le ciel d'alors
représenter
les
la vérité
même du dans
reflétait
avec toutes ses passions, et
l'on voyait
des prêtres ordonner pieusement qu'on représentât plusieurs fois de suite la comédie d'Amphitryon, afin d'être agréable à Jupiter vieilli,
amours C'est
en
lui
rappelant ses
de jeunesse.
et ses succès
avec beaucoup moins de justesse que
Hume
du théisme
para-
analyse les origines
:
ici
l'esprit
doxal reparaît. Quoiqu'il en reconnaisse l'antiquité,
ne veut pas admettre que seurs aient pu, par
les
il
philosophes et les pen-
un élan de
leur raison
ou par un
progrès de réflexion, découvrir d'assez bonne heure le
Dieu unique et
infini.
Il
à sa théorie de l'habitude tes le résultat
une nation
il
recours encore une fois fait
des croyances théis-
d'un instinct machinal qui
siblement développé »
;
a
:
idolâtre,
« Il
peut arriver,
que parmi
s'est
insen-
» dit-il, «
chez
les divinités qu'elle
23
—
une pour en
» adore, elle en choisisse
Que ce dieu
» d'un culte privilégié. » considéré »
comme
comme
ou
» porte;
—
354
faire l'objet
particulier soit
protecteur national du
le
pays
maître souverain des cieux, peu im-
le
dans tous les cas, les dévots qui le révèrent
moyens
» s'efforceront, par tous les
possibles, de s'in-
))
sinuer dans sa faveur. Supposant qu'il prend plaisir,
))
comme eux-mêmes,
»
aura pas de louange, quelque exagérée qu'elle
))
qu'ils
ne croient devoir
» les craintes
et les
les
))
grandes
»
ancêtres dans
fidèles
adresser.
lui
A
mesure que
plus
l'homme qui aura dépassé ses
flatteries, et
l'art d'enfler les titres
de
la
divinité
sera lui-même dépassé à son tour par les générations nouvelles, qui
))
des
»
que se comporteront
»
dans leurs prières,
»
Tout sera bien,
épithètes
» avoir voulu
ne manqueront pas d'imaginer
pompeuses encore.
plus
hommes, jusqu'àce qu'enfin,
les ils
s'ils
C'est ainsi
invoquent
l'infini
lui-même
s'en tiennent là, et si,
» simplicité absolue,
ils
»
gence de Dieu
»
ment sur
en détruisant ainsi
lequel puisse être établi
» d'un Etre parfait. Créateur
» et
de
par hasard la
avec
fonde-
un culte raison-
du monde,
les
l'intelli-
le seul
» nable. Tant qu'ils savent se contenter
trent
pour
ne s'exposent pas à tomber
dans d'inexplicables mystères, en niant et
!
plus loin et se représenter une
aller
»
»
n'y
soit,
misères humaines s'accroîtront,
))
»
il
inventeront de nouvelles et de
»
))
à l'éloge et à la flatterie,
de
ils
la
notion
se rencon-
principes de
la
raisoi
vraie philosophie, quoiqu'ils aient été con-
duits à cette conception,
non par
la
raison, maiî
—
—
355
»
par l'adulatioa et par les
»
plus vulgaire superstition (1)... »
La métaphysique ne outrée
î
psychologiques de
immédiats
pes
serait
Paradoxe ingénieux,
une part de
tient
et qui,
Hume
flatterie
expliquent, non
les théories les princi-
progrès réfléchis de
les
la
en un sens, con-
De même que
gence, mais seulement
l'intelli-
développement machinal
le
de notre âme; de
même
venons de
peut rendre
citer
donc qu'une
vérité.
ou
de
frayeurs vaines
l'explication bizarre
compte,
que nous de
sinon
la
croyance fondamentale à Dieu, au moins de ce travail
de transformation qui, dans gion,
fait
le sein
même
reli-
passer une divinité inférieure à un rang de
plus en plus élevé, et peu à peu tout à côté
De
d'une
du Dieu suprême
en vient à l'asseoir
!
Hume
toutes les parties de la philosophie de
et
dans l'ensemble de ses ouvrages, ce que nous serions
de préférer
tentés
et
de mettre
ce qu'il a pensé et écrit sur
Sur ce points
il
rante, qui se défie
un peu de
vons pas besoin de redire,
se
foi
à
la
Il
fait.
d'ailleurs, qu'en
Nous
n'a-
maintenant
Hume
intelligent,
contradiction avec ses propres
princi-
n'y a, selon nous, d'autres preuves solides
l'existence de Dieu
que
cipe de causalité, et
(l)
Religion.
métaphysique, mais
un Être suprême, à un Dieu
mettait en
pes.
la
a professé une philosophie sage, tolé-
qui ne voudrait pas la supprimer tout à
sa
de tout
au-dessus
le reste, c'est
Tome
celles qui reposent sur le prin-
Hume
IV, p. 447, 448.
de
nie ce
principe.
Y
eût-il
— d'autres preuves
,
356
elles seraient
tradiction avec le système
de
soleil
— encore plus en con-
de Hume. Quand un rayon
pénètre jusqu'à nous, dans l'obscurité d'une
chambre de tous
côtés fermée au jour, nous
remon-
tons, par induction, jusqu'au soleil d'où part ce rayon.
De même, du fond de
notre
monde
terrestre, la
pen-
sée humaine s'élève, des effets qu'elle contemple, jusqu'à
la
cause qu'elle ne peut saisir directement. Tout
raisonnement de ce genre
est interdit à la philosophie
empirique. Elle ne saurait croire à Dieu que par une pieuse pas
le
inconséquence droit de
;
à plus forte raison, elle n'a
nous parler de
l'infinité,
pouvons nous étonner assez que Hume,
cemment, M.
et
et
,
nous ne plus ré-
Mill, persistent à conserver ces
mots
dans leur vocabulaire. Quand nous parlons de bonté, d'intelligence infinie,
nous n'avons sans
de CCS objets une idée adéquate néanmoins, car
c'est la loi
nous
;
commune de
gence, et nous n'avons pas non plus,
une idée adéquate des choses
le
notre intelliplus souvent,
représente
nous pensons au rivage, nous imaginons vagues, et
pensons
Lorsque, par
finies.
exemple, notre imagination se
doute pas les
les
la
mer,
premières
nous faisons aussitôt une enjambée jusqu'à
l'autre rive.
Il
en est de
même
de
l'idée
de Dieu,
sauf qu'ici nous croyons qu'il n'y a pas d'autre rive, et
que l'immensité de Dieu
n'a pas
de
limites. N'est-il
pas évident qu'une pareille conception dérive raison et qu'elle
est
l'expression
supérieure à l'expérience
d'une
de
la
tendance
?
Mais ne reprochons pas aux empiriques des contra-
— dictions qui tournent
au
—
357
profit
de leurs croyances^,
qui attestent l'élévation de leurs âmes, en qu'elles rendent
même
un nouveau témoignage de
tude de l'existence de Dieu. Toute s'oppose à l'existence divine piriques y croient encore
î
;
et
la
et
temps
la certi-
logique empirique
cependant,
les
em-
Quelle confirmation meil-
leure pourrions-nous désirer de cette tendance naturelle qui
pousse
les
hommes
à croire à Dieu ?
CHAPITRE
X,
LES PASSIONS.
Hume
n'a pas accordé
aux passions moins
tion qu'aux phénomènes de
pements
qu'il
leur
a
d'atten-
pensée. Les dévelop-
la
réservés dans le Imité de la
Nature humaine sont matériellement presque aussi considérables que les longues et minutieuses études conà l'intelligence
sacrées
qu'ils aient la
même
(1).
valeur et
la
ques pages nous suffiront pour
faut
s'en
Il
même
les
cependant
portée. Quel-
résumer,
et
pour
au milieu de descriptions ingénieuses qui ne
saisir,
dépareraient pas les écrits d'un Labruyère, un essai
de
classification et d'explication des
sibles
oii
5
phénomènes sen-
se retrouve la pénétration de notre auteur,
mais qui ne saurait prétendre à constituer définitive-
ment
la
psychologie des sentiments (%).
La pauvreté relative des réflexions de ce sujet tient d'ailleurs à plusieurs causes
(1)
ron
,
Voir Traité de
tome
II
,
la
Nature humaine,
liv.
II
:
:
Hume
sur
et d'abord,
200 pages envi-
p. 3.
(2) Hume a recueilli lui-même le meilleur de ses pensées dans un cent assez court intitulé Dissertation sur les passions, et publié en 1757 tome IV, p. 189. :
,
—
I
l'insuffisance
-
359
de sa méthode. Malgré
rapports
les
manifestes de l'organisme et des émotions sensibles
Hume E
se maintient encore
dans
ici
jde l'observation psychologique.
es lumières
i
que
la
Il
les strictes limites
écarte de parti pris
physiologie eût répandues sur ses
echerches; et ce vice de méthode est d'autant plus re-
marquable chez Hume^
le
physique
dont
il
et le
qu'il
avouait lui-même qu'entre
moral existe une étroite dépendance,
n'a pas eu
cependant souci de déterminer
la
nature. Des deux séries d'impressions sensibles qu'il distingue, les unes primitives, les autres secondaires et dérivées,
il
déclare que les premières
))
de causes physiques
))
men de
;
mais
,
«
dépendent
» ajoute-t-il
,
« l'exa-
ces impressions et de leurs causes m'en-
de
mon
dans des études
»
traînerait, trop loin
))
d'anatomie et de philosophie naturelle
sujet
,
(1). »
Et
il
passe outre, laissant de côté ces impressions primiti-
ves et instinctives, dont les principes se cachent dans les
profondeurs de notre être, pour n'étudier que les
impressions
«
de réflexion.
»
Il
est impossible
de vio-
du déterminisme
ler plus
ouvertement
tifique,
qui ne saurait admettre que l'on se restreigne
à l'étude superficielle daires Si
,
les règles
scien-
de quelques phénomènes secon-
sans en scruter l'origine et le point de départ.
Hume
son sujet
,
est resté
en quelque sorte à
ce n'est pas seulement le
gnance habituelle à entrer dans
le
fait
la surface
de
de sa répu-
domaine de
la
physiologie; c'est aussi que, considérant toujours la
(l)
Hume, tome
II
,
p. 4.
— comme
d'association
loi
nes psychologiques, faire
360
unique des phénomè-
la loi
pu, malgré ses
n'a
il
— efforts,
pénétrer bien avant un système d'analyse qui
rend compte tout au plus de l'ordre de développe-
ment des passions, mais qui duction ni
la diversité.
l'intelligence, recèle
La
n'en explique ni
sensibilité,
la
pro-
non moins que
un fonds d'énergies naturelles
et
de principes irréductibles que ne saurait entamer, malgré
en
qu'il
les présenter
l'empirisme excessif qui voudrait
ait,
comme
les
transformations d'un élément
unique. Ces tendances innées et diverses
mieux aimé
les ignorer,
que s'exposer, en
vant, à compromettre sa théorie générale
de méthode
,
trop familier
aux
qui omettent volontiers les
faiseurs
a
les obser-
sophisme
:
de systèmes,
recherches
sentent pour leurs préjugés une
Hume
oii
ils
contradiction
preset
un
échec.
Qu'avec ces procédés incomplets et systématiques
Hume
que d'assez médiocres
n'ait atteint
résultats,
il
n'y a pas lieu de s'en étonner, particulièrement dans
une question aussi compliquée n'est pas le seul, la
parmi
les
et
aussi délicate.
Il
philosophes, chez lequel
psychologie des sentiments soit notablement infé-
rieure à la psychologie des idées.
contemporaine
humain
,
,
si
fière
de ses analyses de
avoue modestement elle-même
longtemps encore
tre tous les
est
il
en sera
le
plus complexe.
la sensibi-
ainsi. C'est qu'en-
phénomènes psychologiques,
de beaucoup
l'esprit
qu'elle n'est
pas arrivée à se satisfaire dans l'étude de lité; et
anglaise
L'école
le
Toute
sentiment la
nature
— humaine, physique
—
361
morale, concourt à
et
pro-
le
duire.
Toutes les facultés de l'âme conspirent à en
former
les
en
éléments. L'amitié, l'amour, que sont-ils,
sinon un ensemble de phénomènes, parmi
effet,
compter
faut
outre
lesquels
il
cause
la
présence de l'objet aimé
série
d'idées joyeuses
,
même
cette
pensée? Et
quel qu'il soit, la ,
que suggère
les volontés
et
la
qu'excite
plaisir, qui est l'élément
si le
de ce tout complexe
essentiel
,
ou tendres
pensée de ce qu'on aime,
que
plaisir spécial
le
et
hétérogène
,
se tra-
duit dans l'intelligence, selon son caractère propre,
par
tel
ou
mouvement
tel
d'idées, l'intelligence, à
son tour, par ses conceptions, réagit en mille façons sur les
le plaisir primitif, et
nuances
si
ner, par suite
variées
du sentiment. Comment
qu'il soit difficile
,
ment d'analyser des physiques, un
contribue à multiplier encore
si
s'éton-
de classer ou seule-
où, sans parler des causes
faits
grand nombre d'éléments moraux se
mêlent et s'entrecroisent? Combien sont plus simples les
phénomènes
même un effet,
raisonnement!
même
faits,
nature
idée,
un jugement,
raisonner suppose,
Si
une succession de
sont tous de
une
intellectuels,
:
ces faits,
c'est
simple dont toutes les molécules
en
du moins,
comme un
corps
sont semblables.
Aimer, au contraire, ou haïr, comprennent une série d'états
intellectuels,
affectifs,
volontaires,
qui,
agissant et réagissant les uns sur les autres, produisent
une
infinité
fier et
Mais
d'émotions
,
que viennent encore modi-
varier les causes physiologiques. c'est assez insister
sur les difficultés du sujet.
—
362
—
Voyons maintenant jusqu'à quel point Hume
les
a
résolues Il
s'occupe d'abord de classer les
phénomènes
qu'il
essaiera ensuite d'analyser. L'âme^ pour lui, se réduit,
on s'en souvient, à des impressions
des idées. Les
et à
idées constituent ce que la philosophie du sens
mun
appelle les facultés intellectuelles.
Quant aux
impressions, elles se divisent en deux classes impressions de sensation
,
a
qui
com1° les
:
se développent dans
»
l'âme sous l'influence de l'organisation physique,
»
par
»
des organes des sens aux objets extérieurs
l'effet
des esprits animaux, ou par l'application
impressions de réflexion
des
la
distinction classique des
sentiments
les
:
proviennent immédiatement du corps qui supposent pression
comme
» %^ les
issues des impressions primi-
,
peu près
C'est à
tives.
sensations et
;
premières, qui ;
autres,
les
antécédent nécessaire une im-
antérieure, ou une représentation intellec-
tuelle.
De
ces
deux catégories d'impressions. Hume, comme
nous l'avons déjà dit, néglige complètement mière
;
et nulle part ne se montre
la
pre-
mieux l'impuissance
d'un système qui, arbitrairement, arrête et interrompt
où
il
l'enchaînement des phénomènes, et
plaît
lui
coupe cours tout d'un coup à l'explication des élémentaires de l'âme
:
« Il est
certain, » dit-il, «
dans ses perceptions
doit
faits
que
commencer
»
l'esprit
»
quelque part
»
toujours les idéqs qui leur correspondent,
))
avoir quelques iàipressions qui font leur apparition
,
;
et
puisque
les
,
impressions précèdent il
doit
y
—
363
—
dans l'âme sans aucun antécédent (1).
»
^^^vent moqué des
spiritualistes qui
,
»
On
s'est
à bout d'expli-
^ffions, invoquent, pour rendre compte des phénones,
comme un Deus
trgie
secrète
ex machina
à laquelle
,
,
une
attribuent tout ce qu'il
ils
leur a été impossible
de déterminer dans
mais, sans rentrer
dans
que
rer
les
ici
le
une
force,
débat,
les
faits
;
ne considé-
et à
apparences, ne voit-on pas combien est
Hume
plus étrange le procédé de
,
qui admet
au
,
début des phénomènes psychologiques, un commen-
cement inexpliqué, une sorte de création ex nihilo? Les impressions dérivées ou de réflexion sont donc les
seules que
Hume
mine toute une
étudie. Mais
ici
encore,
il
classe de sentiments. Les impressions
dérivées, en effet, sont ou calmes ou violentes.
première forme
Hume
passions proprement dites (3)
(l)
Hume tome
(-2)
Voir, plus loin, cliap. XIII.
(3)
Rcid critique avec raison l'abus que
,
II
passion. «Il l'applique vol.
,
p.
:
et ce
haine,
p. 4.
,
,
» dit-il, «
La volonté
94.
qu'une passion
la
les
l'orgueil et l'humilité. Et enfin,
la tristesse et la joie,
6"
l'amour et
:
:
idées sur ce
seconde catégorie se rangent
la
la
dans quelques
faut chercher ses
Essais détachés, qu'il
Dans
ailleurs,
c'est
;
A
du beau
appartient le sentiment
n'en parle pas
sujet (%).
éli-
que
,
en
Hume
a
fait
du mot
k tous les principes d'action, » effet
,
pour
Hume
,
n'est guère
les moralistes appellent la raison (dans
son sens pratique) n'est encore que l'ensemble de nos passions les plus calmes.
théories de tés actives.
Reid n'a
Hume
d'ailleurs accordé
aucune attention aux
sur les passions. Voir l'Essai III sur les Facul-
—
^
—
364
ces passions elles-mêmes, les plus violentes de nos
émotions,
sont tantôt directes,
tantôt
Les
indirectes.
unes dérivent immédiatement du bien et du mal, du
ou de
plaisir
peine. « Ce sont le désir, laversion,
la
»
la tristesse, la
»
espoir, la sécurité. »
joindre
joie, l'espérance,
volonté (1).
la
A «
mes
»
qualités, » c'est-à-dire qu'elles
principes, mais paf
sont:
mal
le
,
l'adjonction de nouvelles
))
l'amour,
»
malveillance. »
dans
conçue,
tesse.
la
comme
la
intellectuelle,
(1)
simile
C'est dans la 3® partie
que
Hume
pas
comme un
même,
immédiat du
même
plaisir et
de
renferme
est tout à la
livre II (of the will
complètement aux passions efifet
même temps
probabilité que le
s'explique sur la volonté.
directes sont dans le »
du
la jus-
'passions
les
sensibilité, la
bien désiré arrivera. L'amour, de
sions)
admettre
l'espérance, nous
L'espérance, en
une émotion de
une conception
Hume
que
telle
compliquées que
aussi
comme l'amour.
qu'elle est
vanité,
la
soit cette dernière dis-
est assez difficile d'en
il
tout
indirectes,
l'ambition,
théorie des passions
Les passions directes,
paraissent
le
haine, la pitié, l'envie, la générosité, la
la
Quelque fondamentale que
l'a
ont pour principe
mais indirectement. Et ces passions
«l'orgueil, l'humilité,
tinction,
dés-
Les autres dérivent des mê-
»
bien et
la crainte, le
énumération on peut
cette
A
:
la
and
direct pas-
vrai dire,
mais
il
il
ne
l'as-
considère
la
peine et les passions ;
cas. Il la définit d'ailleurs
:
«
L'im-
pression intérieure que nous sentons et dont nous avons con-
donnons sciemment naissance à un nou-
»
science, lorsque nous
»
veau mouvement de notre corps
»
de notre esprit.
»
Tome
,
ou à une nouvelle perception
II, p. 148.
I
de
fois l'idée
365
-
personne aimée,
la
la
représentation des
mouve-
qualités pcoir lesquelles nous l'aimons, et le
ment de cœur qui en
est la suite.
Sous ce rapport
donc, au point de vue du degré de complexité dans le
on ne voit pas en quoi diffèrent l'une
sentiment,
de l'autre par
deux catégories de passions distinguées
les
Hume. Bien
plus,
y a quelque différence,
s'il
si
quelques-unes de nos émotions paraissent plus complexes que les autres, ce sont précisément celles que
Hume effet,
appelle passions directes.
que
la tristesse et la joie,
et le désespoir,
l'amour
A
et la
sont
en
ou encore l'espérance
des passions plus simples que
défaut de valeur réelle,
la
Hume
division de
a
Le bien
précis dans son système.
mal, qui sont les principes de toute passion, peu-
vent être considérés de diverses manières:
en eux-mêmes, directes
certain
;
la crainte,
gueil
l'idée
1
;
;
le désir, l'aver-
l'idée
d'un bien ou
non
la
les per-
autres.
:
l'or-
simple considération du bien,
des qualités que nous possédons
même
fondé de
abord
d'un mal incertain
et alors naissent les passions indirectes
;
par les
passions
les
— ou bien dans leur rapport avec
;
qu'excite,
,
mais
se produisent
supposent simplement
d'un mal
sonnes
et alors
— ou bien
l'espérance, qui est le résultat d'un bien in-
:
sion, qui
près
croire,
haine, dont elles sont les effets ?
du moins un sens et le
Comment
;
l'amour,
sur la notion des qualités possédées Distinction
séduisante
au premier
mais combien précaire, Car
qu'il soit,
il
n'y a pas
qui
si l'on y regarde de de sentiment, quelque simple
n'implique
un rapport entre
l'objet
— 366 — aimé
nous-mêmes. Le bien en
et
soi, le
mal en soi,
sont des mots vides de sens, des absolus imaginaires,
quand
il
de
s'agit
sensibilité, oii tout est relatif. L'es-
pérance, par exemple, pourrait-elle s'expliquer,
bien
incertain
si
entrevoit était considéré
qu'elle
le
en
dehors de tout rapport avec nous-mêmes ou avec
ceux que nous aimons
Hume
?
a donc échoué dans sa tentative de
cation des phénomènes
classifi-
sensibles. Véritablement, cette
encore possible qu'au point de vue
classification n'est
objectif, c'est-à-dire par la détermination des catégories
que nos inclinations
d'objets
poursuivent.
Au
point de vue subjectif, trop d'obscurités entravent en-
core
la
marche du philosophe, pour
qu'il soit possible
d'espérer un résultat solide et définitif. Si l'on consi-
dère l'origine des phénomènes sensibles, on rencontre aussitôt les difficultés
de l'âme
que soulèvent
du corps. Sans doute, on
et
distinguer le sentiment de la sensation
exemple, que sort
de
l'idée,
aussitôt,
;
rapports
a le droit de
de dire, par
sentiment est une émotion morale qui
pour
replonger et s'y perdre presque
s'y
jetée qu'elle
l'objet senti
plaisir
le
les
et la suite
développe
;
est
entre la
conception
de pensées agréables que
tandis que
la
de e l
sensation est un
émotion physique, qui, issue d'un mouvement organique, produit aussitôt d'autres
ques. Mais cependant, sensation, n'est
ni
\
mouvements organi
l'âme n'est absente de
pour grossière qu'elle soit,
ni
le
la
corps
absolument étranger au sentiment, à quelque
degré de raffinement
qu'il s'élève.
Et
si, laissant
de
ié
—
367
question d'origine, on considère
la
isèque des phénomènes sensibles,
la
nature in-
difficulté
la
classer apparaît plus grande encore.
Il
de
ne sert de
n de dire, en effet, qu'ils sont tous des modifica-
tions d'un
même
qui se retrouve
comme élément
essentiel
au fond de tout sentiment,
et qui est l'im-
fait,
pression de plaisir ou de peine. La métaphysique peut
avoir
raison
d'avancer que
persévérer dans et
que
l'être est le
même
développement de
moins vrai que cette
une multitude
l'être
à
principe de la sensibilité;
accompagne toute extension de notre
le plaisir
existence, de la tout
tendance de
la
façon que la conscience suit
pensée. Mais
la
il
unique domine
loi
de phénomènes
n'en est pas
et
comprend
que, combiné avec
;
d'autres éléments, placé dans des conditions diverses, le plaisir primitif se
un très-grand s'agirait
transforme, de façon à produire
nombre d'émotions
distinctes
qu'il
,
précisément de distribuer en catégories.
Mais une pareille classification supposerait achevée des phénomènes
l'analyse
Hume,
aperçus remarquables.
meuré bien en deçà du
ici
cœur de
vérifier l'exactitude
semblables chaîne
,
,
Hume
est
de-
s'associent;
a eu surtout
de quelques
peuvent se résumer ainsi
rales, qui
encore,
but.
Dans son analyse des passions à
Or, malgré des
affectifs.
elles
:
1^
forment
lois
géné-
Les passions
comme une
dont on ne peut remuer un anneau sans que
les autres
ne s'ébranlent.
«
Le chagrin que nous cause
))
un dessein manqué produit
»
traîne l'envie à sa suite; l'envie fait naître la haine,
la
colère;
la
colère
— » et
haine reproduit
la
— De même, une
chagrin.
le
change naturellement en amour,
» joie excessive se
en générosité, en
»
368
courage,
deux
2^ Lorsqu'il y a entre
en
objets
orgueil
»
(1).
ou deux idées un
rapport (de contiguïté, de causalité ou de ressemblance), les passions qui dérivent de chacun de ce
un
objets, quoiqu'elles ne se ressemblent pas, ont
tendance à s'associer, mêler,
soit
que (2). En
en se succédant sans
soit
s
en se fondant dans une passion uni d'autres termes
,
ce qui détermine
la
pro
duction des sentiments, c'est, ou bien l'associatio
émotions
directe des
,
d'après le
rapport
seul
qu
puisse exister entre elles, le rapport de ressemblance
ou bien
1
association des idées qui donnent naissanc<
aux passicns. Sans c'-scuter
voyons
la
valeur de ces
comment Hume
deux principes
s'est efforcé
de
les vérifie
par l'expérience. Parlons d'abord des passions directes, sur lesquel les
Hume
passe d'ailleurs très-rapidement.
»
elles, » dit-il, « l'espérance et la
))
seules notre attention.
fet,
dans une longue
sions.
,
quoique
le
(1)
mal
cependant probable.
surtout établir, c'est
(2)
et fine
il
crainte
Parm
mériten
se complaît, en
ef<
analyse de ces deux pas-
L'espérance résulte évidemment de ce juge-
ment que est
Et
»
«
Tome Tome
IV,
p. 197.
II, p. 12.
soit possible, le
Mais
qu'en
ce
que
définitive
bien désin
Hume veu ce
sentimen
— complexe
et
Ixte mts
la
:
—
formé de deux autres senti-
est
que cause
joie
que cause
ine
369
l'idée
l'idée
du bien probable;
du mal
la
possible. « Les pas-
sions de la crainte et de lespérance peuvent, » dit
Hume,
«
se développer lorsque les chances de part
et d'autre sont égales;
que
»
cette situation
))
lentes
»
se fixer, jeté qu'il est
,
et
précisément dans
c'est
passions sont
les
le
plus vio-
parce qu'alors Tesprit n'a aucune raison de
» rincertitude
aux dernières extrémités de
Mais ajoutez, du côté de
î
»
degré de plus de probabilité,
»
tôt cette
et
la peine,
un
vous voyez aussi-
passion se répandre (diffuse
itself)
sur
le
))
sentiment mixte qui se forme, et
))
blement des couleurs de
))
core
»
la
;>
qu'enfin, toute trace de joie effacée, elle se trans-
»
forme
»
lange (1)...
la
probabilité
crainte
parce que bable;
du mal,
et
Augmentez en-
par suite
la peine, et
dominera de plus en plus, jusqu'à ce
une
en
le
la teindre sensi-
la crainte.
»
douleur
Un peu
complète
plus de
et
sans
peine que de joie,
mal redouté, quoique incertain,
voilà
donc
la définition
crainte n'est pas seulement
mé-
de
la
est pro-
crainte.
Et
la
un mot, imaginé pour dé-
signer une succession d'états de tristesse en plus grand
nombre, entrecoupée de quelques moments joyeux, en présence du mal qui menace: Non,
la
crainte est
bien un sentiment particulier, spécial, composé de sentiments élémentaires, qui se sont mêlés et confondus jusqu'à former
(l)
Tome
un tout
distinct et
nouveau. Les
II, p. 199.
24
lois
de
— qu
Fassociation veulent
que
les
—
370
il
sentiments simples
en ,
soit ainsi toutes les fois
qui entrent dans
la
com-
position d'un sentiment complexe, ont pour principe
même
un
objet, considéré successivement sous différents
aspects. Lorsque la joie et la tristesse, se succédant
dans l'âme, ont, au contraire
un
objet différent,
cient.
,
pour cause
homme
n'est pas possible qu'elles s'asso-
il
et tristesse les
de
affligé
naissance d'un
la
chacune
Le rapport des idées peut seul servir de fonde-
ment à une combinaison de passions un
,
,
différentes. Ainsi
perte d'un procès, et réjoui de
la
ressentira successivement joie
fils,
sans que ces deux émotions s'unissent,
événements qui
les excitent n'ayant entre
eux au-
cun rapport. Mais un père, qui prévoit que son va mourir, considérant tour à tour de
et la possibilité
guérison
la
,
gravité
la
fils
du mal
verra sa douleur tra-
versée de quelques lueurs de joie; et ces deux séries d'impressions, ayant pour origine
cette analyse
intéressantes.
bien ou
nos espérances tions
soit la ,
était
il
fait
s'il
en général
,
la probabilité
du
source de nos craintes ou de
remarquer que ces deux émo-
exemple, un mal qui
n'est
est terrible, excite la crainte, tout
probable
:
ici la
défaut de probabilité.
un
,
peuvent naître dans des circonstances un peu
différentes. Par ble,
:
Quoique
du mal
cause, se
même effet la crainte. Hume a joint quelques observations
confondront dans un
A
même
la
mal impossible
doute, mais au
que possi-
comme
grandeur du mal compense
Hume
va jusqu'à dire que
peut inspirer
moment où nous
le
la
s'il
le
même
peur. Oui sans
craignons, notre
—
-
371
imagination frappée nous le représente comme possible,
quoique notre raison nous dise
remarque, la
ne
qu'il
pas. Autre
qu'un mal qui est certain, mais dont
c'est
nature est inconnue, produit non
la
douleur, mais
par exemple, l'émotion d'une mère qui
la crainte;
apprend qu'elle a perdu son
comment
l'est
il
A
est mort.
Hume
langage que
fils
,
vrai dire
,
conserve
ici
mais qui ignore c'est
le
mot de
L'émotion qu'une mère éprouverait en
ressembler à
la crainte
:
crainte.
pareil cas peut
tous les sentiments agités et
désordonnés se ressemblent peler de ce
par abus de
;
nom. Hume n'en
mais a pas
ne saurait
elle
s'ap-
moins raison d'ob-
server que les émotions qui dépendent de quelque incertitude d'esprit ont toutes quelque rapport avec la
peur, et d'expliquer ainsi que l'apparition d'un objet
nouveau,
le spectacle
éveillant dans l'âme
d'une œuvre d'art inconnue,
une certaine agitation d'impres-
sions qui l'empêche de se fixer, produise
ment de surprise
,
d'admiration
,
un
senti-
assez rapproché de
la crainte.
Sans le
aller plus loin,
il
est déjà possible d'apprécier
système d'explication auquel
sions. Rien n'est plus juste
rance et
Hume
la
crainte
expose
ici
comme
Hume soumet
que de considérer
les pas-
l'espé-
des passions composées.
des vues qui ont été reprises par
nos contemporains, et en particulier par un éminent physiologiste,
(1)
p.
Gratiolet (1). C'est aussi avec raison
Gratiolet, cité par
116), subdivise
les
M. Laugel (voir
les
Problèmes de l'âme
passions en homogènes et hétérogènes.
,
Il
— qu'il
372
—
des relations d'idées
fait
le
taines associations de sentiments.
fondement de cera compris que
Il
sensibilité reposait sur l'intelligence.
la
Pourquoi notre
amour-propre, sortant de lui-même, se répand-il sur toutes les choses qui nous appartiennent, sinon parce
que
a saisi un rapport entre
l'esprit
nous-mêmes
et
que nous possédons? Pourquoi notre amitié
les objets
se communique-t-elle
de proche en proche à tous
ceux qui touchent de près à nos amis, sinon parce
que
a saisi de
l'esprit
entrevu
même
une vérité qui
ici
cette relation ?
fera
un jour
théorie définitive de la sensibilité
;
l'association des sentiments a cette
sur
la
Hume
a
partie de la
et sa doctrine
de
grande supériorité
doctrine de l'association des idées, qu'on sait
au moins pourquoi
un antécédent produit.
les
sentiments s'associent.
existe et supporte le
phénomène qui
se
Les relations des idées, au contraire, ne
sont guère, à ses yeux, que
Par suite ^ la liaison
Ici
est vrai, le
il
l'effet
de
la
coutume.
fondement sur lequel repose
des sentiments est précaire lui-même,
cette liaison participe à
son principe
;
mais, enfin, dans
portait son système,
miner, par
et
ce qu'il y a de fortuit dans
Hume
a
la
fait
mesure que comeffort
des conditions précises,
la
pour déterproduction
de nos passions complexes. Ce
compte
qu'il faut
la
peur
lui
reprocher,
et la confiance
parmi
c'est
les
de prendre
la
passions homogènes.
L'orgueil et rhmnilité font aussi partie des trente-deux passions
de cette espèce.
comme
crainte^
373
—
l'espérance, pour
pour un composé
distinct
,
et
nouveau,
tout
série
unité dans l'âme
d'états divers qui retrouvent leur
leur source
un
non pour une
commune. Son système
lui
,
imposait en-
core cette conséquence de ne voir dans la conscience,
fondamentale étant détruite, que des atomes
l'identité
indivisibles,
ou des composés indépendants
en quelque sorte. Les passions
comme
,
et isolés
les autres
phénomènes de l'âme, nous paraissent inexplicables, si
n'admet pas l'existence d'une force unique
l'on
capable de se modifier en mille manières.
Que sup-
pose, par exemple, l'espérance? L'intelligence y joue le principal rôle. L'espérance est une imagination vive
du
plaisir
connu, une représentation animée de
jet
aimé
accompagnée de
,
cette
l'ob-
croyance que nous
posséderons de nouveau cet objet, que notre plaisir se renouvellera
;
et notre nature est ainsi faite
que ces
imaginations sont suivies d'une certaine émotion et d'un
commencement de
plaisir.
Tous ces phénomè-
nes, liés ensemble pour se confondre dans un senti-
ment commun que
le
langage désigne par un seul
mot, n'exigent-ils pas une âme vivante, passant par différents états ? S'ils
ne sont que des moments sépa-
rés de notre conscience,
où se
refait
donc,
oii
Hume ne saurait le dire. de Hume font encore mieux
se
reconstitue leur unité ?
Les
analyses ingénieuses
res-
sortir
la
nécessité
d'un
principe
substantiel,
dans
lequel s'accomplisse la synthèse des parties qu'il dis-
tingue lui-même dans l'âme.
Mais revenons à
la
théorie de notre
auteur. La
—
—
374
crainte et l'espérance sont les seules passions directes
d'analyser
ait tenté
qu'il
rattache les autres à la
il
:
constitution naturelle de l'esprit. Ce sont les passions
de soumettre à un
indirectes surtout qu'il a essayé
mécanisme régulier
mécanisme dont
,
nées que
les lois
pour-
les lois
aussi exactement détermi-
raient être, d'après lui,
de l'optique ou de
la
mécanique. Les
passions se réduisent à deux couples d'affections originelles et contraires, d'où dérivent
bre de passions secondaires milité (pride
and humility)
En
être assez mal choisis.
d'une part, l'autre,
toutes
la
nom-
haine {love
a adoptés sont
réalité,
affections
les
certain
l'amour et
^
Hume
andhatred). Les mots que
un
ce sont l'orgueil et l'hu-
:
il
peut-
veut désigner,
personnelles
;
de
bienveillantes. Sa divi-
toutes les affections
sion est celle qu'acceptent encore les positivistes
mo-
dernes (Auguste Comte, par exemple), qui distinguent
deux
classes de passions
l'égoïsme et l'altruisme.
:
Analysons d'abord l'orgueil, ou plutôt,
l'orgueil
étant une passion simple, les conditions qui le pré-
cèdent et
guer
le
produisent (1).
l'objet et
la
cause de
l'orgueil, c'est la qualité
choses se passent
agit d'abord plaisir
(1)
;
:
la
elle excite
distinct
faut, dit
Hume,
la passion.
distin-
La cause de
dont nous nous enorgueil-
nous-mêmes. Or,
lissons; l'objet, c'est les
II
cause
,
voici
comment
c'est-à dire la qualité,
une impression agréable, un
et indépendant;
puis
une
relation
The passion of pricle and humility helng simple and uniform
impression.
..
Tome
II, p. 5.
I— 'idées se présente
(
-
375
la qualité
;
d'une façon ou d'une
,
autre, se rapporte à nous; notre imagination passe
insi
de
l'idée
de
la qualité
détourne pour ainsi dire sur nous
t
l'effet
pression agréable qui a été produite.
même
de l'amour
:
même,
à l'idée de nous
de
en
Il
l'im-
est
de
encore une qualité produit une
ici
impression de plaisir; cette qualité se rapporte à une autre personne; l'imagination, par suite de cette re-
personne,
lation d'idées, se porte sur cette
mouvements
traîne dans ses
En
en-
et elle
elle-même.
la sensibilité
d'autres termes, les différentes qualités qui peu-
vent exciter, soit l'orgueil, soit l'amour (et ces qualités sont les
mêmes), sont
vertus
les
les talents
,
tout ce qui compose le mérite personnel la
richesse, la
renommée,
core. Ces qualités excitent
direct, indépendant;
remarquons que à
une
et
beauté
avantages en-
et d'autres
immédiatement un
fois
la qualité
la
,
,
plaisir
ce plaisir produit, nous
doù
il
émane
nous-mêmes ou aux autres; dans
nous éprouvons de l'orgueil,
le
dans
le
se rapporte
premier cas,
second
de
l'amour. Le plaisir resterait, pour ainsi dire, suspendu
dans
le
vide
si
ne
l'association des idées
le
nous ou sur autrui. La relation qui rattache à
nous-même ou aux autres peut
relation de contiguïté, Il
être
,
dans un système
considérée
sur
la qualité
d'ailleurs
,
une
de ressemblance ou de causalité.
ne peut être question de possession
réelle
fixait
comme une
oii le
moi
,
,
oii la
de propriété personne est
chimère. Les qualités que nous
appelons nôtres ne sont, en définitive, que des qualités
qui se rapportent à nous, selon l'un ou l'autre
—
—
376
des trois principes d'association. Bien entendu la relation est étroite,
Pour
et
causes de l'orgueil
montre
il
qu'elles ont
,
Hume
(1).
La vertu, de quelque
façon qu'on l'entende, répond,
thèse
:
Hume), ou
l'essence (ce qui est l'opinion de
moins reconnaît-on que cause de
la
vertu
sais quoi qui plaît?
soit
sir n'est il
pas seulement
en est
par
un la
si
l'effet
l'orgueil et l'amour,
conséquence de
le plaisir,
l'in-
les
la
beauté,
Hume,
passant
causes qui engendrent
un
prouver que
plaisir particulier, plaisir
qui, interposé entre deux idées, qui cause
par
de notre organisa-
n'a pas de peine à
toutes excitent en nous
soit
plaisir à l'âme, et ce plai-
longuement en revue toutes
lité
ce n'est un je ne
véritable essence (2). Et
la
au
n'est pas la
s'il
La beauté, de même,
tion naturelle, procure
tout
inséparable. L'esprit
l'effet
les définir,
mode,
fluence de la
plaisir,
le
en est
,
Vhumour, comment
mon hypocomme
à
dit-il,
en est considéré
plaisir
le
passe en revue
toutes celles de l'amour,
pour caractère d'être toutes
immédiatement agréables
ou bien
plus
plus la passion sera vive.
justifier ces assertions,
toutes les
,
de
l'idée
quelle se rapporte cette qualité
,
l'idée la
de
la
qua-
personne à
la-
constitue ou l'orgueil
ou l'amour. Telle est la décomposition arbitraire et artificielle
selon
nous
,
que
Hume
a cru devoir appliquer
sentiments égoïstes et bienveillants qui sont
(1)
Tome
(2)
Ibid.
II, p. ,
26 à 65 pour l'orgueil
p. 31.
;
p.
le
aux fond
66 à 145 pour l'amour.
—
ft
e
la
—
nature humaine. Avec une abondance qui prouve
qu'il attachait
beaucoup d'importance à sa théorie
arguments
multiplie les
d une multitude de
dans
377
le
et
les
faits qu'il
exemples.
,
il
s'empare
11
explique ingénieusement
sens de son système.
apparence au moins, à toutes
en
s'astreint enfin,
Il
de
les lenteurs
la
mé-
thode expérimentale.
Au premier abord on a quelque envie de penser que Hume met beaucoup trop de temps à prouver ces ,
vérités banales
mable dans
la
:
que Famour suppose une qualité
personne que nous aimons,
ai-
l'orgueil
des qualités agréables en nous mêmes. Ce serait mal apprécier
une théorie incontestablement originale,
et qui est
remarquable tout au moins par sa simpli-
cité
systématique.
Elle et
n'est,
d'ailleurs,
qu'une
forme particulière
une application aux passions de
rale
de Hume, un
effort
la
doctrine géné-
pour expliquer, par
vements de l'imagination,
les
considère en général, ou bien facultés innées et irréductibles,
d'une réflexion gouvernée par
les
mou-
phénomènes que
comme ou bien la
le
l'on
résultat
de
comme l'effet Hume s'est
raison.
attaché lui-même à faire ressortir cette ressemblance et ce rapport
:
«
Pour confirmer
mon hypothèse, nous
»
pouvons
»
relativement aux jugements qui se fondent sur la
la
comparer à
celle
que
j'ai
déjà exposée
»
causalité.
Dans
))
a toujours
une impression présente
))
et
»
cause). L'impression présente suscite dans l'imagi-
une idée qui
tout
jugement de
cette espèce, (le fait
il
y
observé),
est relative à cette impression (la
— mouvement
378
—
»
nation un
»
entre l'idée et l'impression
»
de l'impression à
))
l'attention
»
tentiôn resterait toujours sur le
»
s'arrêterait là (i). »
l'idée.
De même, dans agréable, et
qualité et logie, prit
fait
passer cette vivacité
Sans l'impression actuelle,
ne serait pas fixée; sans
le rapport, l'at-
même
objet, et tout
sentiment de l'orgueil,
le
une impression présente lité
vif, et la relation qui existe
,
le plaisir
que cause
il
la
y a qua-
y a aussi un rapport entre cette
il
nous-mêmes.
Hume
triomphe de cette ana-
qui ne prouve cependant qu'une chose
:
l'es-
systématique de notre auteur.
L'association peut
,
sans doute, expliquer quelques-
uns de nos sentiments dérivés
;
mais
nous paraît
il
impossible qu'elle rende compte d'affections aussi fon-
damentales que l'amour de nous-même, ou l'amour des autres.
Hume,
qui accorde, lui aussi, qu'il y a
des impressions primitives qui dérivent de et qu'il serait
dû
la
nature
chimérique de vouloir analyser, aurait
faire place,
parmi
elles, à l'amour, à l'orgueil,
pour mieux dire, à l'amour de
soi. «
A
ou,
moins que
la
))
nature n'ait donné à l'âme des qualités originelles
))
il
»
ne saurait y en avoir de secondaires car, si les premiers principes de toute activité manquaient, ;
ne pourrait jamais, de lui-même, se mettre
»
l'esprit
»
en mouvement
(21).
»
Or, quoi de plus primitif que
l'amour qui attache un être à lui-même et aux êtres
(1)
Tome
(2)
Ibid.
,
II, p. 20. p. 9.
I
—
—
379
que Hume ne voit dans
qui lui ressemblent? Je sais bien le
comme dans
moi,
tités fictives,
ne saurait,
produit
les autres artificiel
personnes, que des en-
de l'imagination;
conséquent, se faire un scrupule
par
de fonder encore sur l'imagination
les affections qui se
rapportent à des êtres imaginaires. Mais,
du système de
et qu'il
Hume
pour rentrer dans
l'on sort
si
la réalité
ne
,
voit-on pas qu'il est impossible de rendre compte de toutes les formes
de l'amour de
une
autres sans admettre
soi
ou de l'amour des
produit
,
fois
nous avons con-
et
quand nous avons éprouvé
science de cet amour,
plusieurs fois le plaisir qui
accompagne
ment de nos
le plaisir
pas,
terait
une
plaisir,
avive sans doute et précise nos inclinations.
Nous nous aimons davantage,
à telle
une
inclination naturelle,
tendance innée vers ces objets? Le
ou
Mais
facultés.
s'il
Le
développe-
lui-même n'exis-
une force prédestinée
n'y avait en nous
telle activité.
le
plaisir
dont
Hume
fait le
principe de l'inclination n'en est, au contraire, que la
conséquence
et le signe.
Malgré ses efforts.
bien obligé de reconnaître ductibles
,
le plaisir
comme phénomènes
qualités
pas allé un peu plus loin
reconnu
l'innéité
de
Pourquoi? parce que
contraires.
Hume
irré-
;
pourquoi
l'affection, le plaisir est
Pourquoi n'a-t-il
un
fait, et le ;
scep-
l'affec-
au contraire, suppose une force, une faculté ne veut pas d'une théorie qui exigerait des
cultés et des forces.
pas
source du plaisir?
ticisme ne peut contester l'existence des faits tion,
est
qui naît de certaines qualités, la
peine qui dérive des n'est-il
,
Hume
;
et fa-
— Les tion
sont
faits, d'ailleurs,
—
380
eux-mêmes en
contradic-
avec son hypothèse. Combien de qualités agréa-
bles chez les autres, qui ne nous inspirent pas d'amour
pour eux il
î
Un homme
est passionné
entend chaque jour un
art
,
artiste
,
pour
il
;
distingué dans son
méprisable dans sa vie? L'aime-t-il?
plutôt, mais
musique
la
Il
méprise
le
ne jouit pas moins délicieusement des
impressions esthétiques que Tartiste D'après les principes de
Hume,
éprouver.
lui fait
la qualité étant aussi
agréable que possible, et ayant d'ailleurs un rapport
avec
très-étroit
musicien qui
le
possède
la
l'amour
,
devrait s'ensuivre. Et cependant l'auditeur continue à
aimer
l'art,
c'est qu'ici
à côté de la qualité agréable
,
odieuse qui
qualité
mouvement et
sans aimer lartiste. Mais, dira
Hume, y a une
détourne l'imagination de son
primitif. Soit,
supposons que
il
,
l'artiste,
mais modifions l'hypothèse, par lui-même, par sa vie
privée, ne nous inspire aucune aversion. L'aimerons-
nous par cela seul
Evidemment non;
qu'il
nous plaira par ses talents
rien ne nous
y
force.
Le plus sou-
vent nous resterons indifférents pour lui, passionnés que nous soyons pour son théorie de
Hume
était vraie
,
si
notre
terminé par l'impulsion mécanique faudrait le cas
que
oii
l'occasion,
art.
amour
quelque Or,
le
non
était déil
Dans
produirait, d'ailleurs, n'est-il pas
talent la
si la
qu'il a décrite,
l'affection se produisît fatalement.
elle se
évident que
?
du musicien
serait
seulement
cause de notre amour? Les qualités
agréables que nous rencontrons chez les autres appellent,
en
effet,
sur
ceux qui
les
possèdent
les
p
— mais
ne créent pas
élans
de notre affection
elles
n'engendrent pas une puissance
existe naturellement diriger le cours
;
elles
en nous. Elles ne peuvent qu'en
en particulariser
,
d'aimer qui
mouvement dans
le
an sens ou dans un autre.
Ce
pas une des moindres singularités de la
n'est
philosophie de
phénomènes jectives
de
Hume, que
intellectuels
par contre à réduire
mouvements d'imagination,
sentiments à des Jire à
à faire des
de pures impressions sub-
sensibilité, et
la
sa tendance
les
c'est-à-
des phénomènes intellectuels. Ces phénomènes
llectuels d'ailleurs,
ne l'oublions pas, n'expriment
ucune façon des rapports
réels
objectifs
et
:
e consistent qu'en associations fortuites et superles.
De
sorte que,
comme
Hume
le dit
sentiments ne sont qu'un jeu de
lui-même,
nature. « Je
la
de contradiction à ce que
nature
»)
ne vois pas
»)
eût uni à l'amour un désir de malveillance
»
l'objet
moment
de cet amour.
»
Nos
affections sont
réglées d'une certaine manière
pourraient l'être
la
tout autrement.
A
,
relatif
dans
la
sensibilité
humaine
,
pas. Dépendrait-il,
néanmoins, de
lance ces
pour
la
le
comportent
volonté de la
la
,
lopper? Sans doute, le
de
tout
des
bienveil-
personne qui donne à ces instincts
inclinations l'occasion
ne
ni vouloir cher-
éprouvât autre chose que de
la
il
y a de
nature, de faire qu'un être qui a des instincts inclinations,
le
elles
coup sûr,
dans des choses qui ne
cher l'absolu
pour
mais
pas hésiter à reconnaître tout ce qu'il
faut
pour
et à
s'éveiller et
de se déve-
de l'homme
est relatif;
— mais une
—
nature humaine et ses conditions
la
fois
382
données, tout ce qui en dépend est, en un sens, né-
nous ménager d'autres amours;
cessaire. Dieu pouvait
mais pouvait-il
faire
que l'amour ne
pas uni au
fût
plaisir ?
La réponse
quand on prend
n'est pas douteuse,
moi pour une
pour des
réalité, et
du moi. Mais
objets sur lesquels se porte l'affection
dans
monde
le
Hume,
il
imaginaire, où se
en est tout autrement
meut
pensée de
la
Hume
;
le
réalités aussi les
qui a nié
le
caractère raisonnable des actes de la pensée ne saurait être tenté sibilité.
qui
fait
de
le rétablir
pour
les actes
la se
Voici une explication, empruntée à ses
bien comprendre
le
même
de ce que
la
famille à
laquelle
écriti tr
sens et la portée de sa
Théorie des Passions, Pourquoi, dit-il
,
s'enorgueillit-on
propriété a été transmise dans
fils
,
par une succession ininte
I
Le bon sens répondrait q vanité d'un pareil fait c'est que les préju u-
d'héritiers mâles.
si l'on tire
la
on appartient, de génération en
génération, de père en
rompue
de
,
gés nous font attacher un grand prix à notre race, à
transmission de
la
parce qu'un pareil
fait
l'antiquité
la richesse; et
prouve une
vitalité,
de
au
i
une éne
gie de tempérament, où la réflexion peut trouver un
légitime motif de fierté.
réponse de
Hume
!
Que nous sommes
C'est par des
mécaniques que s'explique pour
Le passage, ancêtre à
la
transition
la richesse
à l'imagination
,
si
de
la
du second,
lui
loin de la
phénomènes un
pareil orgueil.
du premi#j
richesse offre plus
la richesse a été
tout
de
facilités
précisément
I
— 383 —
même (un même château, nn même
en outre,
fief), et,
lagination a plus de propension à descendre ou à lonter la série des héritiers, :e
s'ils
sont tous du
même
et, par suite, d'une plus haute importance. Les
)lications
|me sur îlure
semblables abondent dans les
l'action
lyance à une
Passions. Là encore.
de
âme
la
raison,
et
la
théorie de
Hume
a voulu
rendre inutile
la
qui s'émeut diversement selon
rapports réels qui l'unissent
aux
objets.
CHAPITRE XL
LA LIBERTE ET LA NÉCESSITÉ.
Si
anglaise contemporaine a de beaucoup
l'école
Hume
dépassé
veauté et pas de
dans Fétude des Passions, par
profondeur de ses recherches,
la
même
dans
peut dire qu'elle
ment
théorie de la
la
s'est
il
la
nou-
n'en est
liberté,
oii l'on
contentée de reproduire fidèle
ses idées. Quelques nuances à peine séparent la
doctrine de M. Stuart Mill de celle de notre auteur, et,
même
sur ce point, M. Bain, M. Spencer, sont du
avis que
M.
Cette unanimité d'opinions, cette
Mill.
absence de modifications sérieuses dans seraient-elles le signe
que
Hume
la
théorie,
a rencontré la vérité
définitive? C'est ce qu'il s'agit de rechercher (1).
Pour Hume,
comme
pour tous
temps qui s'inspirent de arbitre, très claire
Voir
Hume
part. III, p. 148
'philosophiques
,
,
:
Traité de
De
penseurs de notr<
la
question du
libr^
en elle-même, a été mal posée,
par suite obscurcie par
(1)
lui,
les
les
la
la voloiilé
tome IV,
p. 91.
philosophes de tous
nature humaine, et
t.
II,
liv.
e\ les
II,
des passions directes, et Essaii
I—
385
Les partisans de
—
la nécessité
ne commettent
pas une moindre confusion que les
partisans de la
artis.
Dans
liberté.
deux
les
employés
écoles, les termes
En un mot, on
sont impropres ou ambigus.
pourrait
appliquer aux longs et interminables débats philosophie,
comme
la religion, a
liberté morale, cette phrase «
La
»
la
»
suite
On
difficulté vient
la
engagés autour de
remarquable de Berkeley
la
question,
:
nous est en
il
de rien distinguer nettement.
impossible
la
de ce quayant d'abord soulevé
poussière autour de
s'est fait
que
une fausse idée de
»
une fausse
la liberté,
idée de la nécessité, et ces expressions confuses, qui représentent,
l'une
deux
et l'autre,
empêche
esprit, sont le seul obstacle qui
de se rapprocher
res
et
fictions
les adversai-
Au
de s'entendre.
de notre
fond,
un sens absolu.
a ni liberté, ni nécessité, dans
n'y
il
Il
suf-
de quelques définitions précises, qui rendent à ces
fit
deux expressions leur qu'en réalité,
et
vérité relative, pour prouver
sans le savoir, tout le
monde
est
d accord. Il
est
permis de croire que l'entente sera plus mal-
aisée à rétablir rie qu'il tis,
que
Hume
ne
le
met en avant, pour réconcilier
ne servira elle-même qu'à
motifs
suppose, et
du désaccord. Mais
du moins en admettant
partie,
ici
encore,
deux par-
telle
les
se rencontre,
il
avec M. Stuart Mill
libre arbitre,
théo-
mieux accuser
l'irréductibilité incontestable
métaphysique du
les
la
,
de
qui, tout en la
doctrine
que l'entendent
la
plupart des philosophes spiritualistes, maintient que
le
sentiment pratique du genre humain peut, sans 25
— effort, se concilier
avec
compris
qu'il doit être
—
386 le
système de
la
nécessité
tel
(1).
n'en est pas moins vrai que l'opinion vulgaire
Il
regarde
le
monde moral des
profondément
distinct
nomènes de
la
soumis à des
lois
actions
humaines comme
du règne mécanique des phéD'un côté, des événements
nature.
nécessaires, déterminés par d'autres
événements; de
l'autre,
des actes libres issus d'une
volonté qui se détermine elle-même et par elle-même, l'opposition,
telle est
majorité des
hommes
et l'humanité.
ou chimérique, que
réelle
perçoit
ou imagine entre la nature
Voyons par quels moyens Hume
che à effacer un contraste qui frappe
commun,
sens
même
loi
Selon
comment
et
il
la
si
s'atta-
fortement
le
essaie de montrer qu'une
gouverne toutes choses.
Hume,
et
conformément à sa théorie de
la
causalité, la nécessité physique implique seulement
deux
faits
riable des
1° l'union constante, la succession inva-
:
mêmes
de conclure de
objets
;
%^ la possibilité pour lesprit
l'existence des uns à l'existence des
autres (the constant conjunction ofsimilar objets, the conséquent inference front one to the other). Soutenir
nécessité gouverne la matière,
cela revient
que
la
donc à
proclamer en premier lieu l'uniformité du cours de
la
nature, et aussi le pouvoir de fonder sur cette uniformité de légitimes inductions.
Ramenée
à ces deux éléments, l'idée de la nécessil
exclut toute idée de contrainte et de fatalité.
(1)
M. Stuart
Mill
,
Logique
,
tome
II, p. 418.
11
es
comme
trop évident qu'un système
rire à plus forte raison toute notion
,
c'est
actif, doit pros-
de pouvoir néces-
Les choses se succédant dans un ordre invaria-
saire.
ble
Hume,
de
celui
de pouvoir
ui proscrit toute notion
les
mêmes
un
fait
sommes en aucune rement
mêmes
causes produisent les
copstaté par l'expérience;
effets
:
mais nous ne
façon autorisés à dire que nécessai-
en est ainsi, que fatalement l'antécédent pro-
il
duit le conséquent.
De cette analyse, qui réduit les prétendues lois nécessaires les
du monde physique à
habitudes de
la
nature.
n'être
Hume
pour ainsi dire que
conclut qu'il ne peut
y avoir de difficulté à introduire dans le
une explication analogue
,
humaines comme gouvernées par
hommes
monde moral
et à considérer les actions
Tous
la nécessité.
sans qu'ils s'en doutent
;
tous
reconnaissent l'uniformité des actions humaines
;
tous
les
l'accordent
,
admettent que des individus de même caractère, placés
dans des circonstances semblables, agiront de
la
même
façon, ce qui est l'élément principal de l'idée de né-
Et de
cessité.
même
peu d'expérience
et
tout le
monde
croit qu'avec
quelque pénétration,
il
est possi-
hommes,
ble de deviner et de prédire les actions des
étant
donné leur caractère, ou réciproquement de
construire le caractère, les qualités générales
homme
re-
d'un
dont on ne connaît que quelques actions parprécisément
ticulières; ce qui est la nécessité.
est aussi sité
un
Que
si la
grande qu'elle
des conditions,
la
conséquence de
variété des actions l'est, cela
des âges,
humaines
dérive de
du sexe
et
la
diver-
de mille
388
—
enfin
il
— Que
causes délicates. fois
si
se rencontre quelque-
des actions extraordinaires,
faut se garder
il
de
conclure qu'elles n'ont pas de cause déterminante;
mais seulement, à l'exemple des physiciens, admettre que, par suite d'une complication de circonstances in-
connues, un
effet
nouveau a surgi,
résultat inattendu
de causes qui concourent rarement ensemble.
Hume
que
affirme donc
de
les actes
la
la
avec
liaison des motifs
volonté n'est ni moins étroite ni moins
régulière que celle des autres causes naturelles avec leurs effets;
il
mes acceptent l'humanité
soutient, en outre, que tous les cette conclusion,
et
il
hom-
précipite ainsi
entière dans l'école de la nécessité.
tout
Reste cependant à expliquer pourquoi l'humanité résiste à cet
enrôlement, pourquoi
grande majorité pour
pouvons cations
citer tour à tour
Hume et
les
hommes
physique ce qu
elle se
prononce en
la liberté. I^. Mill;
ne contient pas
de
ensuite dans le
monde moral
la fatalité, et
ont prise à tort
monde physique,
ils
maines échappent à d'autres lois, u
leurs expli-
C
dit
,
de
que ne retrouvant pas
cette détermination fatale
comme
la
loi
en concluent que la nécessité et se
souveraine du les actions
hu-
gouvernent par
Quoique l'examen des opérations de
matière ne nous montre que deux choses
))
que
))
l'un à l'autre (constantly conjoined), ensuite
objets particuliers sont
» prit est porté
est
l'idée
,
»
les
nous
Ici
s'obstinent à voir dans la né-
elle
la contrainte et
qu'ils
de
se complètent et se confondent.
Hume, que cessité
le parti
:
la
d abord
constamment
liés
que
l'es-
par une transition habituelle (by eus-
— rnSmary
389
— de l'apparitioQ de
transition) k inférer
de l'autre;
» l'existence
les
hommes
l'un
sont pas
n'en
))
moins disposés à penser qu'ils peuvent pénétrer plus
))
avant dans
))
ture
))
lien nécessaire entre les
))
ensuite
,
la
connaissance des pouvoirs de
et percevoir
ils
quelque chose qui
na-
la
comme un
effets.
Lorsque
tournent leurs regards vers les opérations
»
de l'âme,
))
ble entre le motif et
»
supposer
))
les effets qui résultent
» et
causes et les
soit
ils
n'y aperçoivent
qu'il
1
action;
ils
liaison
sembla-
sont alors portés à
y a une différence essentielle entre des forces brutes de
ceux que produisent
une
aucune
la
matière
volonté et l'intelligence.
la
de
»
Mais
))
causalité nos connaissances se bornent à l'expérience
»
de
»
férence qui en est
»
de reconnaître qu'au témoignage de tous , ces deux
))
circonstances se retrouvent dans les actions volon-
))
taires,
))
toutes les causes, de quelque nature qu'elles soient,
»
exercent sur leurs effets
la
si
fois ils s étaient
convaincus qu'en
fait
succession invariable de deux objets, et à
il
ne
leiir
Et presque de la
la suite,
l'in-
obligés qu'ils seraient
en coûterait plus d'avouer que
même
la
même
façon,
M.
nécessité (1). » Mill écrit: «
Bien
»
des gens ne croient pas, et très-peu sentent dans la
»
pratique, que la causation n'est rien autre qu'une
»
succession invariable, certaine et inconditionnelle,
»
et
M
cession semble un lien assez fort pour une relation
))
aussi spéciale
(l)
il
en est peu à qui
Hume
,
que
la
celle
simple constance de la suc-
de cause à
Essais philosophiques
,
tome IV,
effet.
p. 104.
Lors
même
—
—
390
»
que
»
timent d'une connexion plus intime, d'un lien par-
))
ticulier,
»
par
»
application à la volonté, est repoussé par
raison le renie, Timaginalion retient le sen-
la
la
ou d'une contrainte mystérieuse exercée
cause sur
Or, c'est
l'effet.
» science et révolte
ce qui, dans son
là
con-
la
nos sentiments... Ceux qui pen-
»
sent que les causes traînent leurs effets après elles
))
par un lien mystique, ont raison de croire que
»
relation entre les volitions et leur
»
d'une autre nature... Quand on prend
»
dans ce sens,
»
matière n'est pas soumise à
»
soumis
il
dire que l'esprit y est
donc de
C'est
Hume
même
la
(l)
la
que de
(1). »
manière que M.
Mill
et
expliquent la croyance, ou, pour parler leur
hommes
morale. Si l'on rétablit
la liberté
mes,
la nécessité
nécessité,
langage, l'illusion persistante des
de
antécédent est
de dire que
serait plus exact la
la
il
des ter-
monde
n'y a, à vrai dire, ni nécessité dans le
M. Mill, Logique, tome
même
est la
à l'égard
la vérité
M. Bain
«
:
,
»
L'opinion de M. Bain
II, p. 420. dit
M.
Mill
«
,
pense que
les
mots
»
liberté et nécessité
sont impropres à donner une idée juste des
que
»
phénomènes
»
n'est
en vérité qu'un embarras. Par exemple
»
ment
à l'universalité de la loi de cause à effet,
»
l'uniformité de succession
»
laquelle
»
fassent en
»
volontaires de
le
dernier
dans
,
dans
ne pense pas que
il
» certitude » tre
et
,
les
les
que
l'homme pourraient les
Revue des Cours
,
adhère pleine-
il
c'est-à-dire à
phénomènes naturels Il
admet que
la
année
,
à
les actions
si l'on
pouvait connaî-
agents multiples qui influencent
littér., 6^
,
volonté
être prédites avec autant de
phénomènes physiques,
les
langue scientifique
déterminations de
aucune manière exception.
exactement
la
p. 606.
l'esprit. »
— physique^ ni liberté dans
gence
est la loi
—
391
monde
le
ue ces philosophes, proclamant
tfènes
pour asservir l'âme
même
cessité,
ainsi réduite,
des phéno-
sur cette question fait
;
et rien, ni
passe légèrement
dans ses Essais, ni dans
pressentir les ingénieuses analyses
Mill sur ce sujet
clusion est la
même
même
conscience intérieure
Hume
de M. Stuart
peu de
doctrine de la né-
la
la
de nos actes?
liberté
son Traité, ne
la
l'identité
!
Mais comment accorder avec
la
et c'est ainsi
naturels et des actes volontaires, affranchissent
l'univers
de
moral. La contin-
unique des événements,
dans
les
;
néanmoins,
deux auteurs,
la
con-
et c'est
de
façon qu'ils comprennent, l'un et l'autre, le liberté qu'ils laissent à
Hume,
l'homme.
«
Par
li-
nous devons seulement en-
»
berté,
»
dit
»
tendre
le
pouvoir d'agir ou de ne pas agir, confor-
))
«
mément aux déterminations de l'âme c'est-à-dire si nom choisissons d'agir, nous agirons, si nom ;
))
que
»
choisissons de ne pas agir, nous n'agirons pas. Or,
))
personne ne nie que tous
»
liberté hypothétique conditionnelle (1). » C'est pré-
les
hommes
n'aient cette
cisément sur ce caractère conditionnel de notre libre
que M.
arbitre
Mill
insiste
et
revient sans cesse
«
La conscience que notre volonté
))
elle? »
»
eus? On
me
»
soit
que
je
» avoir
(1)
demande
t-il.
(.<
est libre, qu'est-
De quoi sommes nous convain-
dit que, soit
que
je
me
décide à agir,
m'abstienne, je sens que je pourrais
décidé autrement.
Hume, tome
:
IV, Essais,
Je
p. 107.
demande
à
ma
con-
— ))
» ))
—
392
science ce que je sens^ et je trouve que je sens
que
pu choisir
j'aurais
je l'aurais choisie, si
»
que
))
tre (1). »
La
j'aurais
le
je
ne trouve pas
choisir l'une, tout en préférant l'au-
n'est
liberté
Reid,
pu
même que
préférée, c'est-à-dire
mieux aimé; mais
je l'avais
»
l'autre voie, et
si je l'avais
donc pas
,
selon la définition de
pouvoir que lame exercerait sur les déter-
minations de sa volonté
:
que l'adhésion
elle n'est
mo-
consciente de notre esprit au motif qu'il préfère, tif qu'il
avait
placé
été
dans d'autres circonstances
qu'il préférera toujours, tant
ront les
que
mêmes. La conscience de
comme un
s'il
mais
,
les conditions restela liberté,
entendue
pouvoir absolu, est donc une pure chimère.
Ce sentiment seul
ne pas préférer,
aurait pu, sans doute,
vrai,
illusoire
à savoir,
résulte de ce fait,
que
si
qui est le
nous avions voulu, nous
aurions pu agir autrement; mais nous ne pouvions le vouloir que
si
notre caractère,
toutes les causes
qiii
eussent été autres.
«
si les
circonstances,
si
agissent sur nos déterminations
La volonté,
))
dit
Hume,
«
n'est
»
que l'impression intérieure dont nous avons con-
»
science, lorsque nous
»
à un
»
nouvelle perception de notre esprit (%).
donnons sciemment naissance
nouveau mouvement de notre corps, à une donc que
lonté n'est liberté n'est
(1)
M.
(2)
Hume,
Mill
,
que
la
Hamilton
la
,
La vo-
conscience de l'action, et
contingence de cette
p. 552.
Traité,]). 148.
»
même
la
action.
—
393
— soumise à une nécessité
L'action, en effet, n'est pas
absolue:
par rapport à une
elle n'est nécessaire .que
d'événements, qui aurait pu tout aussi bien ne
série
pas se produire, et laisser
la
place à une série toute
contraire.
Une
théorie de la liberté n'est complète que
rend compte des
moraux de
la
nature humaine,
explique d'une façon satisfaisante
et si elle sabilité
faits
humaine,
Hume
châtiment.
sa tâche, et la liberté et
corde avec
de
la légitimité
ne
s'est
la
la
la
respon-
récompense
et
du
pas dérobé à cette partie de
non content de penser que de
elle
si
la
doctrine de
la nécessité, telle qu'il l'expose, s'ac-
morale
et
religion,
la
il
soutiendrait
volontiers ce paradoxe que seule elle leur est con-
forme, que seule elle peut leur fournir des principes qui ne soient pas logiquement précaires.
Quant à
la
distinction
du bien
et
prétend qu'elle n'a rien à voir avec actes. Et l'on conçoit,
en
que
effet,
si le
si
d'où
si elle l'avait
bien moral est inexplicable dans
le
la
même bien
liberté
est
exclue,
Hume
est
dans ce système, de maintenir et
du mal
,
comme une
naturelle, analogue à celle
beau
il
du
et :
«
laid.
du vice
la distinction réelle
»
concilier avec tous les
libre,
voulu,
—
une théorie
encore possible, la distinction
en
et
effet,
Pourquoi ne pas reconnaître,
»
—
du
distinction primitive et
du bleu
C'est bien,
de nos
bien moral,
une volonté
c'est-à-dire le devoir accompli par
qui aurait pu ne pas l'accomplir,
du mal, Hume la liberté
et
de
la
du rouge, du l'opinion » dit-il, «
de
que
vertu peut se
systèmes spéculatifs, quels
— »
qu'ils soient
aussi bien que
,
» laideur et
de
Mill affirme
que
la
beauté (1)?
la réalité
pendantes l'une de ,
distinction
la
Et de
même, M.
de
la
Stuart
des distinctions morales et
l'autre.
«
Ce que je soutiens,
»
qu'un être humain qui a pour ses sem-
c'est
«
»
de nos volitions sont deux questions indé-
la liberté
dit-il
—
394
un
amour
»
blables
»
recherche tout ce qui tend à leur faire du bien, qui
))
nourrit
une haine vigoureuse contre tout ce qui
»
leur
du mal
»
nature que les sentiments, est naturellement
»
raisonnablement un objet d'amour, d'admiration et
»
de sympathie...; tandis qu'au contraire, une per-
»
sonne qui ne possède aucune de ces qualités, ou
»
qui les possède à un
»
sont continuellement en opposition et
»
avec
»
objet légitime et naturel de leur aversion
perma-
»
nente et de leur hostilité, et cela, que
volonté
»
soit libre
fait
le
bien
,
désintéressé et constant,
dont
et
les actions sont
si faible
autres
des
ou non,
et
même
en
personne
la
conflit
est
du bien
du mal, pourvu,
théorie sur la différence
»
cependant, que, d'une façon ou d'une autre,
))
reconnaisse cette différence (2). »
mal
le
et
on
ce sens, en effet, la distinction du bien et
n'est
pas une dépendance logique de
théorie sur la liberté
mal,
tels
que
(1)
Hume, tome
(2)
M.
les
;
telle
mais autre chose est
entendent
IV, Essais,
un
indépendamment de toute
»
En
et
degré que ses actions
cette
,
de
qui
Hume et M.
p. 116.
Mill, Hamilton, p. 560, 561.
le
ou
du
telle
bien et
Stuart Mill
;
^Ê
395
autre chose le bien et le mal, tels que les conçoivent la
effet,
dans
doctrines effacent, en
hommes. Leurs
plupart des
les distinctions
morales, ce qui en
veux
caractère propre et spécifique, je
La morale
tion.
comme nous
le
fait le
dire l'obliga-
qu'ils laissent subsister
n'est plus,
montrerons plus amplement, qu'un
chapitre détaché de l'esthétique; elle ne rend compte,
du devoir,
ni
ni
du bien
analogies
du et
droit.
A
force de multiplier les
du beau,
elle les
met, par conséquent, en opposition avec
humaine qui
De que dans
les
sépare
si
la
conscience
et
échouent
les efforts
la justice
du châtiment
doctrine de la nécessité. Sans doute,
la
et se
nettement.
même façon pèchent Hume pour expliquer
la
fait
confond
il
fait
observer, avec raison, que, dans Thypothèse d'une liberté indifférente qui agirait sans motifs
ment ou
la
le châti-
,
récompense n'auraient plus de sens. La
liberté absolue, telle
que
l'ont
rêvée quelques philo-
sophes, innocente toute action et désarme toute justice.
De quel
lequel
droit punir
un
homme
pour un acte dans
son caractère n'est pas intéressé
l'accomplit sans raison
,
et
puisqu'il
,
qui est le résultat fortuit
d'une volonté capricieuse? La liberté d'indifférence,
en introduisant exclut la
la
théorie
c'est
le
hasard dans
responsabilité.
Hume
la
qu'il
en
a donc raison contre
excessive d'une liberté
avec force
vie humaine,
montre que
indéterminée, et
la justice
ment dérive précisément de ce que
du
l'action
châti-
punie a
été chez le coupable l'expression d'une volonté réfléchie. Mais la philosophie
de
Hume
n'en est pas moins
—
—
396
impuissante, elle aussi, à rendre compte de la moralité
de
la peine. Cette
comme
notion,
toutes les autres
notions morales, s'appauvrit, pour ainsi dire, dans
système de Hume.
Des deux
qui
fins
nécessitent le châtiment, à savoir,
coupable et
réparation de
la
conserver que
Tamendement du
la faute
première. Pour
la
le
légitiment et
Hume
,
lui
ne peut
est juste
il
,
de
punir, parce que la punition prolite au coupable, et,
par
peur quelle
la
agit sur ses volontés
lui inspire,
comme un nouveau
motif d'action. M. Mill, à ce pre-
mier point de vue, en ajoute un second,
la protection
des autres hommes. Le châtiment sauvegarde l'intérêt général. Mais ce second point de
nature que
précédent.
le
du châtiment
l'utilité
dehors ce qui justifie
pour
,
;
Ils
ont
la
trait,
laissent
ils
aux yeux de
moralement
vue
la
est
Tun
de
la
même
et l'autre, à
complètement en
conscience générale
punition, à savoir, la nécessité
criminel d'expier sa faute et de satisfaire à la
le
justice outragée. est
Il
donc évident, pour qui ne veut pas se payer
d'apparences, que les conséquences morales de trine
de
Hume avec
la nécessité,
lui
même
a donnée, sont tout à
fait
du châtiment,
récompense
et
beauté de
vertu, sont de grands mots
;
incompatibles
croyances de l'humanité. La justice de
les
encore
la doc-
sous la forme adoucie que
la
mais
il
ne
la
la
responsabilité, la qu'il
emploie
prend que dans un sens pré-
les
caire et illusoire. Il
les
faut
,
ou renoncer à
générations passées
,
la
vieille
morale de toutes
à celle qui nous parle d'obli-
—
397
—
gation et de mérite, ou bien restituer, d'une façon ou
d'une autre, à ]a nature humaine,
le
pouvoir de se
déterminer elle-même. Sans doute ^
le
jour où le sen-
la liberté
l'homme,
les choses,
changées
:
hommes
des
extérieurement, ne seraient guère
hommes admirés
y aurait encore des
il
méprisés.
et
Les juges ne cesseraient pas
d'exercer leur redoutable ministère. Mais les
cœur de
viendrait à s'éteindre au
timent de
si
l'on écarte
apparences, combien ce jour-là seraient profondé-
ment modifiées
la
vie et les croyances humaines. Le
châtiment, qui nous paraît juste
même quand
un coupable qu'on ne peut amender nité serait sans
plus que dans
danger pour
la
et
dont
les autres,
mesure exacte de son
ne
frappe
il
mes.
11
ne serait plus question de ce que
lieu des
serait
le
pour
utilité
l'amélioration des coupables et la sécurité des
doivent faire, mais de ce qu'ils
impu-
1
les
peuvent
hom-
hommes Au
faire.
tortures qu'intlige à la conscience le senti-
ment d'une responsabilité mal gouvernée,
le
coupable
n'éprouverait plus que le regret d'être né faible, avec
L'homme de bien échan-
des dispositions mauvaises. gerait contre la fierté
que donne
le
talent et
une na-
ture heureuse les joies intérieures de la conscience, ces joies qu'on ne peut confondre ni comparer avec
aucune autre.
Il
n'y aurait plus
d'hommes vertueux,
mais seulement des
hommes
que nous impose
vertu ne se distinguerait plus de
celle
la
bien doués. L'admiration
que nous accordons à un beau tableau, à une
belle statue; et surtout lobh'gation tère impératif
du devoir,
si
du bien,
le
carac-
bien défini par Kant, dis-
-- 398 --
complètement pour
paraîtrait
bâtarde
et
une morale
faire place à
sans autorité*, qui n'a plus rien à
comman-
der, puisqu'il n'y a plus de libre arbitre qui puisse obéir; qui est réduite enfin à nous présenter la vertu
comme un
objet de luxe et de
de quelques âmes délicates L'impuissance où est
et
bon goût
Il
le privilège
supérieurement douées.
Hume
de rendre compte des
croyances morales de l'humanité trahit théorie de la liberté.
,
le
faut, néanmoins,
vice de sa
savoir
lui
gré d'avoir remis en lumière une portion de vérité
que trop souvent on a perdu de vue, à savoir, que volonté humaine se détermine d'après des motifs.
la
L'hypothèse d'un
commencement absolu ou d'une
liberté indéterminée est tout à fait chimérique.
point, les positivistes triomphent aisément, et
soit
tion individuelle, soit par les résultats
que. La volition est un effet moral
première, tisans
de
comme la
il
nous
une vérité désor-
paraît inutile d'insister pour établir
mais incontestable, qui se vérifie,
Sur ce
par l'observa-
de
la statisti-
non une cause
,
tendraient à le faire croire les par-
On ne comprend
liberté d'indifférence.
pas que Reid et d'autres philosophes aient refusé de se rendre à l'évidence sur ce point. »
dans l'homme,
»
appelle caprice, obstination,
Mais
n'est-il
dit
))
Reid,
«
«
N'y
a-t-il
pas
une chose qu'on
entêtement (i)?
»
pas manifeste que ces impulsions ou ces
résistances déraisonnables n ont rien à voir avec la liberté, et
(1)
Reid,
que, d ailleurs
trad. Jouffroy
,
,
elles ont
tome VI
,
p. 216.
elles-mêmes des
—
399
^
motifs ignorés? Kant, Hamilton, ont reconnu l'un et
nisme rience
ne
je
,
quand on se
,
et
régions de l'expé-
les
qu'on ne se réfugie pas , à leur exemple
pour
tirer
échapper à
car la
il
transcen-
philosophes d'embarras.
les
la
détermination.
que
»
écrit
»
—
a
On
du
Nous
«
Hamilton,
observera,
»
ne considère pas cette incapacité
je
comme
d'acquérir la notion du libre arbitre
» tation
et
un peu trop commodément inventée peut-
,
ajoute- t-il, « ))
dans
ne pouvons jamais, en pensée y
))
«
tient
dans quelle région mystérieuse
sais
dantale être
de se soustraire au détermi-
l'impossibilité
l'autre
Kant va plus
fait (1). »
loin
la
réfu-
que Hamilton
;
nie non-seulement la possibilité, de l'idée, mais
du
possibilité
fait
La
«
:
liberté
,
c'est-à-dire
la
de commencer par soi-même un état, est
))
faculté
»
une idée purement transcendantale, qui, d'abord,
»
n'emprunte rien de l'expérience, et dont, ensuite,
» Tobjet
ne peut
»
expérience
))
pour
,
même
parce que c'est une
la possibilité
loi
aucune
même
générale,
de toute expérience, que tout ce
» qui arrive doit avoir Il
être déterminé dans
une cause
(2). »
nous paraît donc impossible, quand on reste dans
les limites
de l'observation psychologique,
méthode dont nous reconnaissions il
s'agit
la
théorie
a, selon
de l'étude des
faits
qui conclut au
—
la
la légitimité,
de l'âme,
—
seule
quand
d'écarter
déterminisme. Mais
il
nous, deux déterminismes bien différents
(1)
Hamilton
(2)
Kant, CrUique de
,
Lectures
,
la
II
,
31.
Raison inire, tome II,
jj.
135.
y :
— l'un
que
— déterminisme méca-
l'on pourrait apj3eler le
nique^ l'autre
patronné
second
400
le
Hume
déterminisme dynamique.
premier, qui est faux. Nous regardons
le
comme
vrai, et voici
comment nous
a le
l'enten-
dons.
Hume s
deux choses qui sont
oublie on méconnaît
essentielles
:
1°
que
1
ame humaine, quelque
idée qu on
en fasse d'ailleurs, est tout au moins un pouvoir
actif;
2i*^
qu à côté des causes
nent fatalement
efficientes qui détermi-
qu'elles produisent,
l'effet
causes finales qui exercent sur
Tàme une
il
y a
les
action par-
ticulière et sui generis.
En
d'autres termes, dans l'action volontaire,
a pas seulement
un
fait
il
qui vient après un autre,
n'y il
y
a une force intelligente qui agit sous l'influence de certains motifs, et ces motifs ne sont pas d'elle;
ils
puissance.
distincts
composent précisément une partie de
Quand on
dit
que
sa
la liberté consiste à se
déterminer soi-même d'après un motif,
on semble
croire qu'il y a en nous quelque chose en dehors de
ce qui pense et de ce qui sent. Erreur complète
peut sans doute distinguer par abstraction désire, et le
de
moi
le
i
On
moi qui
qui, par suite d'habitudes vertueuses et
fortes réflexions morales,
triomphe de ce désir pas-
sager. Mais tout cela, désir, réflexions, habitudes, ce n'est le
en définitive qu'un seul et
moi prend une résolution,
de nous-mêmes que sort
même
c'est
par lui-même. C'est
la résolution
motifs d'actions leur force décisive. particulier,
de
l'idée particulière
moi. Si donc
qui donne aux
En
face
du
désir
qui se présente à
—
401
—
notre esprit ou à notre sensibilité^
de nos sentiments acquise
et
il
y a lensemble
de nos pensées;
y a la force
il
accumulée par nos actions antérieures
,
et
;
en vertu de ce que nous sommes devenus peu à
c'est
peu que nous décidons
auquel nous
l'acte particulier
nous déterminons. Voilà dans quel sens
faut dire
il
que nous nous déterminons nous-mêmes. La
libellé,
ce premier point de vue, n'est que l'influence exercée
sur nos décisions particulières par
la
puissance
en
,
partie naturelle, en partie acquise, qui constitue notre
Comme
être moral. ((
De
ce que
»
qui
la
» n'est
la
dit
l'a
récemment un philosophe:
volonté dépend toujours
déterminent,
faut-il
des motifs
conclure que
pas libre? Non, car les motifs qui me détermi-
»
nent sont mes motifs. En leur obéissant,
»
que
»
dépendre que de
j'obéis
Mais
volonté
la
il
,
et la liberté consiste
c'est à
précisément
moi à
ne
soi (1). »
y a un second point de vue à
faire valoir,
qui n est pas moins important que le premier. L'influence que le motif exerce sur nos résolutions n'esi
pas une influence mécanique, analogue à celle d'une bille qui,
par impulsion, en meut une autre. Non,
raison d'après laquelle nous nous déterminons est
cause finale prévue par la
valeur, la
l'intelligence
hésite, et enfin se prononce, selon ce qu'elle a
ou de
(I)
vice,
en pèse
l'esprit; l'intelligence
compare aux autres motifs;
la
une
de vertu
de faiblesse ou de force. La détermination.
M. Charles
Dollfus, cité par
France au dix-neuvième
siècle
,
M. Ravaisson,
la Philosophie
p. 223.
26
en
~
—
402
sans doute, n'est pas libre dans le sens absolu du mot elle n'est
de
pas un
la série
libre,
mouvement indéterminé
,
de nos événements moraux. Mais
dans un sens
relatif,
A
elle est
en ce que notre intelligence
adhère d elle-même au motif qu'elle préfère choisit.
;
en dehors
et qu'elle
ce second point de vue, la liberté n'est pas
autre chose que
la
poursuite consciente d'un but.
Ces deux caractères de
la
sent à creuser un abîme entre
monde de
la
nature.
le
suffi-
monde moral
et le
suffisent à légitimer toutes les
Ils
notions dont s'honore l'humanité serait considérée
humaine
résolution
avec raison
,
et
dont
comme une
la
perte
dégradation
de notre nature. Par cette doctrine, notre personnalité est
sauvegardée, notre responsabilité assurée. C'est
nous-mêmes et
qui, dans l'indépendance de nos pensées
de nos sentiments
,
préférons telle action à
autre: n'est-il pas juste, par conséquent, que
telle
la res-
ponsabilité pèse et retombe sur nous? Chacune de nos actions se relie sans doute à la série entière de nos
volontés
,
mais
la liberté flotte
pour ainsi dire sur
l'en-
Nous ne sommes pas libres à un moment donné de nous déterminer dans un sens ou dans un autre. Nous sommes les esclaves de notre
semble de nos
actes.
passé, les victimes de nos habitudes.
Mais
il
nous
appartient de modifier notre caractère par des efforts
persévérants et soutenus; et cette puissance
maintenir dans nos âmes ce
monde,
le
la
chose
la
suffit
pour
plus précieuse de
sentiment pratique de notre liberté.
CHAPITRE
XII.
THÉORIES MORALES.
comme
Qu'une philosophie négative
celle
de
Hume
suppriuie les fondements nécessaires de toute doctrine lieu
morale,
c'est
commun.
illusion
une vérité banale,
Si la liberté
et
de nos actions
presque un n'est
qu'une
de notre orgueil, de quel droit parler encore
d'obligations et de devoirs? Si notre
âme
tissu fragile d'impressions et d'idées
sans consistance
et sans unité réelle,
,
par où saisir et fixer cette exis-
tence fuyante pour ainsi dire
,
afin
de
lui
imposer,
par une attache solide, cette responsabilité, à
douce lui
et terrible, qui
donne son prix?
innées,
s'il
qu'un
n'est
la fois
pèse sur notre vie, mais qui
Si l'esprit n'a pas
n'est à la naissance
de tendances
qu'une page blanche,
où l'expérience seule enregistre peu à peu
les faits
observés, par quelle voie conduirons-nous nos pensées jusqu'à l'idéal, jusqu'à ces régions supérieures,
du haut desquelles l'homme,
et
l'intelligence conçoit la destinée
rêve son perfectionnement? Enfin,
de
si la
raison est muette, qui nous apprendra à distinguer le
bien du mal
,
à
démêler
sions? L'antique morale
la
vertu du chaos des pas-
du genre humain
s'écroule
— tout entière dans
—
404
un système qui
nie la liberté,
la
ne
les
raison et la personnalité.
Hume
méconnu
n'a pas
ces conséquences
a pas désavouées non plus. le
Il
il
;
savait à quels sacrifices
condamnait son système. Les mots, consacrés par
morale de tous
les
voir,
de mérite
pour
lui,
il
ne
temps, de responsabilité
la
de de-
de remords, n'ont plus de sens
et les
et
même
prononce
pousse sans hésitation tend pas moins avoir
la
re-
points avec la con-
les
ne renonce pas à expliquer,
il
à sa façon, la distinction
que gênantes que soient
s'il
n'en pré-
il
sienne. Quoiqu'il se sache en
désaccord sur presque tous science de rhumanité,
pas. Mais
morale vulgaire,
la
du bien
et
les limites
ses théories spéculatives,
c'est
du mal que
;
et quel-
imposent
lui
dans Tespace
étroit
entreprend d'établir un
qu'elles circonscrivent qu'il
système de morale découronné de tout idéal,
et
dénué
de tout fondement rationnel. Entreprise chimérique, mais que lauteur accomplissait avec confiance, qu'il
vre
regardait
(1).
même comme
Hume, on
le sait,
et
meilleur de son
œu-
ne connut jamais, à
l'en-
le
droit de ses doctrines, cette timidité défiante dont la
sûreté de leur jugement n'exempte pas toujours les plus
grands génies; mais
tes les parties
(1) «
En
;
life
,
mes
Recherches sur
de tous mes écrits historiques
» littéraires, ce traité est à
My own
semble qu'entre tou-
de sa philosophie , ses idées morales
1752 furent publiés
» la morale
il
même
tome
I
,
,
les
principes de
philosophiques ou
mon avis incomparablomont le
p. xvii.
lui
meilleur. »
I
—
405
—
aient été particulièrement chères.
Il
se flattait d'avoir,
sur ce point, débrouillé avec une clarté définitive les
opinions confuses des philosophes; et, après avoir
une première nier livre
du
fois
exposé ses principes dans
y rien changer pour
forme de l'exposition
,
Si l'originalité d'un
la
détail.
les
il
n'a
la
pour
dix ans plus
principes de la morale.
système en garantissait
nous partagerions volontiers jamais, en effet,
et d'élégance
qu'il les reprit
tard dans ses Recherches sur
dans
der-
fonds des idées, quoique avec
le
un redoublement marqué de soin la
le
Traité de la Nature humaine (1), c'est sans
la solidité,
prédilection de
Hume
:
déployé plus de souplesse
dialectique, plus de finesse dans les vues de
Mais un invalide, privé de l'usage de ses sens
ou de ses mains, dépenserait en vain des prodiges d'adresse pour suppléer font défaut.
aux
forces naturelles qui lui
La morale de Hume, malgré d'admirables
parties, n'en reste pas moins,
dans son ensemble, une
morale incomplète
et tronquée, dont l'auteur, avec
tout son esprit, n'a
pu combler
les
lacunes, ni effacer
tache originelle.
la
La question
essentielle
de
la
morale est de savoir
sur quel fondement repose la distinction du bien et
du mal?- Le moraliste ne peut s'il
est
parvenu à expliquer
du vice;
s'il
la
édifier
nature de
(t)
la
vertu et
a suffisamment analysé les motifs de
l'appréciation morale. Tout revient
1740.
son œuvre que
Traité, etc., livre TII
,
Of morals. Ce
donc à chercher
livre
si
parut à part en
—
par le raisonnement (reason), ou par le senti-
c'est
ment, que nous distinguons le distinguions
le fait est certain
la lenteur
commun
la
nom de
décore du
le
l'explication en
Torigine,-
méthode expéri-
les qualités
prétend reconnaître
il
,
,
éclaircir
voulue de
mentale, examine toutes
analyse
peut seule vouloir
foi
Pour arriver à en
est douteuse.
Hume, avec
si
bien du mal. Que nous
le
mauvaise
la
,
contester; mais,
sens
—
406
morales que
vertus. Par
la particularité
le
cette
carac-
téristique qui les rend toutes aimables, et les circon-
uniformes
stances d'être
approuvées
auxquelles
doivent
elles
et louées: ce caractère
précisément le principe moral
le
,
toutes
commun
sera
fondement de toute
approbation. La méthode est excellente, jugeons-en les résultats.
Toutes
ment «
parce
sont,
le
qu'elles
nous
Toute appréciation morale
» lité (1).
))
(l) «
Seulement,
en définitive, uniqueagréablement.
affectent
de
relève
le plaisir
sensibi-
la
que nous procurent
même
vertueuses n'est pas toujours de
les actions
p. 286.
comme
que nous considérons
qualités
les
moralement bonnes
AU
morality dépends upon
—
D'après
Hume
,
ainsi
oui' sentiments.
que
Traité,
^)
remarque Reid
le
,
tome la
ne peut être un principe d'action. Elle n'est pas non plus conséquent,
la
Hume
,
Que
les
par
distinctions morales ne dérivent pas de la
entre autres confusions
voir la différence de ces deux questions
apprend à distinguer détermine à
,
source de nos appréciations morales. Voir Traité,
livre III, sect. I,
raison.
II,
raison
faire le
le
y commet
,
:
Est-ce
bien du mal? Est-ce
bien
?
la
la
celle
de ne pas
raison qui nous raison qui nous
—
—
407
nature et ne provient pas de la dériver
de quatre sources
d'abord des qualités
notre
cœur
le
nous réjouit,
mouvement de
bonheur d'autrui
1°
même
raison
,
a
y
Il
joie
c'est
,
le
fait
meilleur de notre
Le spectacle du bonheur d'autrui
«
comme
lumière du soleil,
la
vue d'un champ bien cultivé
la
:
peut
que nous appelons vertus, parce
ressent un
propre bonheur.
))
différentes
Il
cède à cette sympathie naturelle qui nous
qu'il
trouver dans
»
cause.
aux autres hommes. Dans ce cas
qu'elles sont utiles si
même
(1). »
—
%^
comme Pour
la
nous comprendrons dans une seconde
catégorie de vertus les qualités qui profitent à celui-là
même
possède.
qui les
encore
Ici
notre sensibilité
est satisfaite; le profit personnel, qui est le résultat
de
émeut notre sympathie,
l'action,
et,
par suite,
conquiert notre approbation. C'est ainsi que les
mes ont rance
,
toujours accordé leurs louanges à la tempé-
au courage
,
à toutes les façons d'agir qui nous
nous-mêmes
sont utiles à
au dévouement,
sité,
hom-
de
même
qu'à la généro-
c'est-à-dire à des qualités utiles
ne faudrait pas, cependant, résumer
aux
autres.
ces
affirmations en
Il
,
disant
:
Les vertus sociales ne
sont des vertus que parce qu'elles sont utiles à autrui
;
les vertus personnelles
ne sont des vertus que
parce qu'elles nous sont utiles à nous-mêmes. Cette exposition brutale d'une théorie utilitaire aurait été
désavouée par
Hume
,
qui maintient qu'une action est
estimée bonne, non en raison de son utilité, mais
1)
Recherches
mr
les
principes de la morale
,
tome IV,
p. 308.
— pour
que notre sympathie
plaisir
le
—
408
satisfaite retire
toujours d'une action qui assure le bien général ou le
bien individuel. Notre intelligence calcule les consé-
quences d'un acte accompli;
elle
en prévoit
la
fin,
et, par suite, le déclare utile. Mais pour qu'à l'appré-
une approbation morale
ciation utilitaire succède
quelque chose de plus qu'un jugement
faut
que notre
aux
les qualités utiles
ou
sir
mes
émue nous détermine
sensibilité
qualités nuisibles
peine que nous ressentons à voir
la
l'intérêt
apprécié par
la
personnel,
du sentiment
hom-
c'est l'intérêt d'autrui,
principe moral. Ici,
ingénieusement
est
morale
fée sur la
les
générosité de notre cœur, que
comme un
considère
le plai-
unes et souffrir des autres. Ce n'çst
profiter des
donc pas
il
,
faut
à préférer
par
,
il
:
et
la
Hume morale
délicatement gref-
utilitaire.
Pour ces deux premières catégories de vertus, sympathie donne à
deux autres
est encore
bonnes
l'utile
la
un caractère moral. Mais
séries
il
de qualités moralement
ce sont celles qui, par elles-mêmes, et en
:
raison de je ne sais quel
caractère intrinsèque, sont
immédiatement agréables
«
autres
,
» c'est-à-dire
ceux qui sont la
,
les
grandeur d'âme,
effets
Ici
,
à ceux qui les possèdent ou
à
rencontrent chez leurs semblables. Telles
par exemple
l'esprit.
ou à nous-mêmes ou aux
il
heureux
,
dans et,
le
pour
premier cas le
second,
n'est plus nécessaire
,
la gaieté
la politesse,
de considérer
et quelquefois lointains
de
les
l'action,
pour en être réjoui indirectement par sympathie. Ce n'est
plus
par des chemins détournés que
le plaisir
~ pénètre jusqu'à nous
elle-même que
immédiatement
c'est
:
encore,
ici
Elle contribue à
influence.
—
la
par
sympathie exerce son
former notre approbation
au moins quand
tout
et
qualité nous plaît, ou quelle plaît
la
aux autres. Mais,
morale,
409
même
agréables à la personne
il
s'agit
des qualités
qui les possède. C'est
en effet, cest notre bienveillance naturelle qui
elle,
nous dispose favorablement pour tout de facultés heureuses en jouir;
c'est elle
mênae
homme doué
qu'il
encore qui nous
homme
dont un
talents
alors
,
seul à
est
aimer
fait
les
de mérite partage l'agrément
avec ses amis, bien que nous ne puissions pas espérer d'en profiter personnellement.
y a donc
ïl
vertueuses
lités
tres
en résumé
,
,
utiles
,
quatre catégories de qua-
selon qu'elles sont utiles aux au-
:
nous-mêmes, agréables aux autres,
à
agréables à nous-mêmes; et, de
même, nous
appel-
lerons vicieuse toute qualité qui, dans des rapports
semblables
En
,
sera nuisible ou désagréable.
définitive,
il
n'y a pas de qualités bonnes par
elles-mêmes. Les choses ne sont en soi qu'utiles ou agréables plaisir
;
c'est la sensibilité seule qui, à l'occasion
quelles
lui
procurent, leur
communique un
Hume n'hésite donc pas à comme le principe unique de
caractère moral. le
sentiment
Et,
moral un
Transportant
(1)
considérer la
chose remarquable chez un sensualiste,
ce sens
«
...
A
ainsi
principe
à
sensé of morals
la
is
inhérent
sensibilité
du
,
à
morale.
il
fait
de
l'âme (1).
comme nous
a prùiciple inhérent in the soûl, and
—
—
410
nous en sommes déjà convaincus Passions (1), celte innéité à l'intelligence
accorde
il
5
dans l'étude des refuse
absolument
y a dans
la constitu-
qu'il
qu'il
de l'âme des instincts naturels qui nous
tion originelle
prédisposent à aimer certaines qualités, à en détester
dautres; aveu précieux, contradiction flagrante avec les prétentions
d'un système qui, pour être conséquent
avec lui-même, devrait nier tout principe sensible,
comme
il
a nié tout principe intellectuel
se retrouvant chez tous les
mément
Accorder à
!
tendances innées, immuables, qui
des
la sensibilité
hommes, donnent
unifor-
mêmes
appréciations morales,
n'est-ce pas reconstituer, dans
une certaine mesure,
naissance aux
de
cette unité fondamentale, cette réalité substantielle
l'âme humaine, que toutes les autres parties de la
philosophie
Hume
de
conspirent
détruire
à
!
Le
sceptique, qui n'a voulu voir dans les croyances spéculatives de l'humanité que
de
la
l'effet
de l'imagination
coutume, n'ose expliquer de
ses croyances morales
;
et
est
s'il
la
même
manière
encore trop aveuglé
par ses préjugés pour être frappé des lumières de raison naturelle,
du moins
comme une
source vive de
par une effusion naturelle, régulier de nos sympathies.
»
oîie
Tome (1)
est contraint
humaine des
naître dans l'âme et
il
of the most powerful that
instincts
s'est
enters into
II, p. 406.
Voir chapitre
X
:
de recon-
débordej
courant uniforme
Hume
Théorie des passions.
la
permanents^
sensibilité, d'où le
et
ej
donc rappro^
the
compositioty.
— îhé
de
ici
plus
iegrés
vérité, et
la
-
411 s'il
avait poussé de quelques
loin l'analyse,
peut-être eût
me
devant
s'arrête
il
premiers principes de toute mo-
les
dissimulent et recouvrent un foyer intérieur de
,
on et d'intelligence, dont lent
ou
•ue
Hume
I
le reflet
ne sont que
avec
pas admis,
la
comme
versel, proposé
comme
loi
philosophes
semble que, sans
faire
obligatoire
aux
êtres libres,
au reste du monde,
comme
vertus morales
n'exclut pas
aurait
une
pour
effort
pu considérer
Le positivisme,
pareille façon
de voir
les
lui-
témoin
;
ce ferme et remarquable passage de M. Littré ))
mais
;
des relations natu-
le résultat
des choses.
relles et nécessaires
même,
un bien grand
Hume
dominer son système.
ne se
qu'il
nous ne saurions, après tout, nous en étonner il
rayon-
le
conception d'un ordre uni-
nécessaire
loi
les
du bien,
l'idée rationnelle
pas élevé jusqu'à
imposé
ils
!
n'ait
>spiritualistes, •soit
compris
il
ces sentiments primitifs, devant lesquels
«
:
Le
du vrai: quand nous obéis-
juste est de la nature
»
sons à
))
très-semblables à celles que nous inspire la vue de
»
la vérité.
))
mandé:
là,
»
voir (1).
))
nous obéissons à des convictions
la justice,
Des deux il
Mais
l'assentiment est
côtés,
s'appelle
Hume
démonstration;
n'est,
(1)
avec raison
ici,
de-
repousse absolument cette
géométrie morale, d'après laquelle être définie
com-
la
vertu pourrait
la vérité réalisée.
Sa morale
au contraire, qu'une sorte d'esthétique qui ré-
Revue positive
,
1870
:
Origine de
l'idée
de justice.
duit le bien
goût.
comme
—
—
412
le
beau à une pure
que pour arriver à voir dans
C'est
Texpression des rapports nécessaires que établis entre les êtres il
Thomme,
ou
comparer à
et
actions particulières dont
la
final
,
nature a être,
nature et
la
de
vertu
la
même
d'un
les facultés
dans leur but
faut envisager,
vie de
affaire
la
cette destinée idéale les
l'homme
est capable. Si ce
terme de comparaison manque, toute appréciation mo-
Hume
rale devient impossible. Or,
qu'on spéculât sur
les
jamais admis
n'a
causes finales:
«
De semblables
me
»
considérations, «écrivait-il à Hutcheson,
»
blent tout à
»
Car,
»
l'homme
))
vertu ?
pour cette vie, ou pour une vie future
)>
pour
même, ou pour son auteur? Questions
fait
vous
je
lui
sera
incertaines et antiphilosophiques
demande, quelle
le
? Est-il
«
né pour
le
est
la
fin
bonheur, ou pour
d la^
?
tout
à fait insolubles (1)... » Questions obscures, dirons*
nous, mais dans lesquelles
prendre un parti
donner riable
et fixer
,
faut savoir, cependant,
son choix
humaine une
à la conduite
,
si
ne
l'a
pas
vaut se résoudre,
sensibilité.
fait; et
Il
et objective,
règle fixe et inva-
voilà pourquoi, ne poU'
,
il
en
fait
une impression de U
a retiré aux actions toute moralité réelle
pour attribuer
la distinction
du mal à une émotion subjective de notre
tome
veu
d'un autre côté, à supprimer tou
du bien
fait l'idée
(l)
l'on
!
Hume à
il
Lettre à Hutcheson
du
17 septembre 1739.
du bien
et
sensibilité.
Voir Burton
I, p. 113.
1
~ De même idéales
les
ramené
a
qu'il
—
413
de pures
à
impressions
principes de toute science, illusoirement
projetés au dehors par
sens
le
avec plus de netteté encore,
il
comme une
de toute morale
sentiment (1). C'est
la
commun, de même,
considère les principes création
,
du
intérieure
seule,
sensibilité
faculté productrice, dit-il
et
cette
c'est
qui, recouvrant les objets
de couleurs sombres ou riantes, d'apparences agréables ou désagréables, enfante le
beauté et de
la
la
que
est vrai
Il
Hume
est l'œuvre à
vice.
mou-
les effets nécessaires
de notre organisation
,
qui elle-même
jamais réglée d'une volonté suprême; et
essaie de rendre ainsi à la morale, au
il
du
se hâte d'ajouter que les
vements de notre sensibilité sont et invariables
monde nouveau de
bonté, de la laideur et
nom de
cette
nécessité subjective des lois de la sensibilité, la fixité et la
permanence
nature
même
lui interdit
qu'il
flexion, consentirait à
admettre cette prétendue
Hume
des sentiments humains ?
observé
les
de puiser dans
la
des choses. Mais qui donc, après ré-
hommes,
qu'il
stabilité
donc
avait-il
si
peu
ignorât que mille causes
détournent leur sensibilité de son cours naturel, dé-
pravent leurs instincts, et rendent agréable aux uns
(l)
Hume
com^^i'enait kii-méino tout ce qu'il y a de hardi
de pareilles affirmations. Ainsi s'il
convenait de publier
» vice et la vertu »
au chaud et au
n lités
ton
,
dans
tome
le
il
écrivait à
passage suivant de son Traité
peuvent être comparés aux sons froid qui, selon la philosophie,
les objets
I, p. 119.
,
dans
Hutchcson pour savoir
,
:
«
Le
aux couleurs
ne sont pas qua-
mais perceptions dans l'àme.
»
Voir Bur-
—
En
ce qui reste odieux pour les autres?
l'hypothèse de
Hume
1
—
414
est juste et
fondée
vérité,
on ne s'ex-
,
monde un homme
plique pas qu'il y ait au
si
vicieux
Car, le seul principe d'action étant la sensibilité, et
vice affectant toujours désagréablement notre
même, on ne
raison de notre constitution quelle mystérieuse influence luite
âme
voit
et
paî
quelle perversité gra
,
pourrait l'entraîner à accomplir malgré lui de
,
actes qui répugnent à sa sensibilité.
Hume
morale pour une société d'automates
,
où
a conçu
ceux de
l'abeille,
par une
loi fatale et
pas connu la société humaine troublée, où
,
naturelle
société
comme :
n'a
il
mouvante
l'éducation et la libre spontanéité de
et
l'in-
dividu déplacent sans cesse les sentiments, et où est nécessaire,
de
sensibilité la
la
digue in-
la raison.
D'ailleurs, à
supposer que
Hume
que
il
par conséquent, d'opposer aux im-
pressions changeantes de flexible
s;
les instincts
de chaque être seraient invariablement réglés,
fixité
1
le
lui
le
sentiment possédât
la
attribue, la pratique de la loi
morale pourrait bien être assurée en
fait
;
mais
la
que nous examinons n'en demeurerait pas
théorie
moins une erreur considérable au point de vue spécuQuoi de plus faux, en
latif (1).
(1)
et
il
Hume
effet,
que d'enlever aux
voyait parfaitement les conséquences de son système
les considérait
comme
très-importantes {very
mo mentons)
.
«
Si
moralité, conformément à votre opinion aussi bien qu'à la
»
la
»
mienne
»
cheson), elle ne concerne que
»
maine... Si
,
n'est déterminée
la
moralité
que par
était,
la
le
sentiment
(
écrit-il à
nature humaine et
Hut-
la vie
au contraire, déterminée par
hu-
la rai-
choses en elles-mêmes tout caractère moral ? Secourir ses semblables
,
mourir pour son pays
science de l'humanité,
garder
,
un mot, qu'honore
jurée, toutes les actions, en
la foi
la con-
par elles-mêmes
n'ont-elles
aucun mérite? Faut-il se réduire à leur accorder
la
valeur fictive, que, par une habitude invétérée, nous
accordons par exemple à des monnaies d'or ou d'argent; ou, pour mieux dire, leur moralité n'est-elle
qu'une apparence, semblable à celle que nos sens nous présentent quand
parent
ils
toutes ses couleurs?
Non;
la
nature extérieure de
est
il
évident que toute
elle-même
en
action
vertueuse
même,
par suite de sa conformité à l'ordre naturel
des choses à
tester
;
l'est
par
et
elle-
personne aujourd'hui ne songe à con-
et
l'intelligence
le
pouvoir d'apprécier cette
conformité.
Ce
que nous ignorions tout ce que nous
n'est pas
mettons de nous-mêmes,
beau,
soit
dans
le
soit
dans
sentiment du bien.
le
sentiment du
A
nos yeux,
il
y a quelque chose de relatif et de subjectif dans l'une
dans
et
l'autre
de ces deux impressions
;
et
nous ne
disons là qu'une chose toute simple, puisqu'il s'agit
de sentiments, nature
,
et
que
les
sentiments, en vertu de leur
sont toujours des
phénomènes
traduisent intérieurement des
dont
ils
ne sont pas
phénomènes extérieurs
»
son, elle serait la ,
tome
même
I, p. 119.
Les
les représentations exactes.
philosophes ne l'ont pas toujours compris, et
ton
qui
affectifs
pour tous
si
les êtres raisonnables. »
on
Bur-
—
reproché souvent, avec raison, d'introduire
leur a
dans
—
416
notion de
la
et trop
d'elle,
humaine,
il
divinité des qualités indignes
la
légèrement empruntées à l'expérience
faut aussi les
blâmer d'avoir mêlé à des
notions humaines, et par conséquent relatives caractères absolus qui n'ont rien à y voir.
que
soutenir, par exemple,
beauté
la
des
,
Comment
soit
quelque
chose d'absolu? Prenons, soit une beauté physique, soit
une beauté morale
un arbre dont
,
verdure séduit nos yeux
;
la
une pensée dont
forme la
la
,
profon-
deur ou l'énergie touche notre cœur ou étonne notre esprit.
Dans
les
deux cas,
est incontestable
il
que
beauté conçue ou sentie est une beauté relative lative à nos sens
dont
,
portée limitée nous
la
fait
;
structure particulière et
aimer certaines couleurs
âme dont
certaines formes
;
tution s'adapte
à telle combinaison d'idées, à
relative à notre
la
rela
et
la constitelle
espèce de sentiments et non à d'autres. Supposez que
nos yeux soient construits autrement sont
:
le
l'heure,
même
arbre
ne
le
dans sa grandeur mesurée, nous paraîtra
difforme. Mettez au tions domestiques, et la
qu'ils
que nous admirions tout à
réponse du
vieil
lieu d'être sublime. l'intelligence
cœur humain un peu
plus d affec-
un peu moins de patriotisme,
et
Horace vous paraîtra odieuse au
Donnez un peu plus d'étendue
humaine,
et les plus
à
profondes observa-
tions de Descartes vous paraîtront des longueurs inutiles^
au
lieu d'être des traits
quoique à un moindre degré relatif
dans
les
,
de génie. Et de il
même,
y a quelque chose de
notions morales. Dans une société, par
I
— exemple, où tous
les
417
—
hommes
seraient égaux, où la
richesse surabonderait, la charité serait une superfluité, et
qui
non
la
plus grande des vertus. Chez un être
du premier coup
,
et sans effort
connaîtrait tout
,
ce qu'il voudrait connaître, le travail intellectuel ces-
un devoir.
serait d'être
que
le
tution
bien,
comme
le
Il
semble donc, en définitive,
beau,
soit relatif à la consti-
humaine. Les devoirs que
sont les
que l'humanité elle-même
bles
la
morale enseigne
d'un être libre et borné;
lois
:
lois aussi
dura-
mais absolues^ non
pas! Et, de plus,
comme dans
le
y a dans
il
la
connaissance du bien,
sentiment du beau, quelque chose que
l'intelligence seule, c'est-à-dire la
che de ce qui est, ne
suffit
pas à nous procurer, et
qui dérive de la seule sensibilité.
devoirs nous apparaissent
représentation sè-
En eux-mêmes
comme une
les
,
série d'actions
conformes à l'ordre moral ;Jes vertus représentent
les
relations naturelles, réalisées par la volonté d'un être libre, et la réflexion seule est capable
comprendre tout
de nous
faire
Mais, parla réflexion seule,
cela.
pouvons- nous connaître véritablement tout ce que renferme ple
mot
:
en entend cette
le
mot fondamental de
le
bien? Ne semble- 1
le
sens
,
qui
,
toute morale, ce sim-
il
pas que celui
au moins une
émotion caractéristique, ce
fois
,
là seul
a éprouvé
plaisir intérieur
que
ressent l'homme de bien en accomplissant tour à tour les
que
devoirs qu'il rencontre le long de la vie? le
beau, quand on veut
plus, à proprement parler,
De même
le saisir tout entier, n'est
un objet de pure 27
intelli-
— gence lui
que
et
,
dont
418
—
beauté se découvre seulement à ce-
la
sentiment a été délicieusement remué par
le
une œuvre conforme aux
lois
de
l'art;
même
de
bien est aussi en partie un objet de sensibilité,
Texpérience interne de
la satisfaction
conforme à
Mais
que
il
la
l'ordre naturel,
déterminent,
,
les actions
Hume, en
critiques
peut seule achever et
n'en est pas moins certain que la raison
l'ordre naturel plir, et
est
elle
notion du bien.
réflexion
la
et
qui accompa-
gne l'accomplissement d'une action, quand compléter
le
le
comme conformes
,
à
que l'homme doit accom-
niant, s'est exposé à toutes les
que Ton adresse d'ordinaire aux moralistes
du sentiment. Il
est
cependant une partie de
admet que
morale
la
Hume
oii
l'intelligence intervient, et oii la réflexion
devient, bien qu'indirectement,
il
est vrai
,
le
prin-
cipe de l'approbation morale. C'est pour la justice
que
l'auteur fait cette exception à la règle générale qu'i établit
:
seule, entre toutes les vertus, la justice n
dérive pas d'un sentiment immédiatement formé dan
cœur humain.
le
nements que n'est pas
Hume
le
C'est à la suite
une vertu s'est
(1) a
justic
expliqué longuement sur l'origine de la
la propriété (1).
ment en
la
naturelle.
justice, qui se réduit d'ailleurs,
de
de quelques raison
sentiment se produit, et
pour
L'utilité est ici,
lui,
au respect
non pas seule-
partie, mais pour le tout, la source, le fon-
Property ivhich
is
the ohjcct of justice. »
—
419
—
dément du mérite qu'on accorde à
hommes
que
priété, et
dépendait.
le
maintien inviolable de
le
bonheur de
société
la
la justice n'est
et voilà
;
vrai dire,
il
pas une vertu naturelle.
de
la justice
nous semble, en
effet,
principe le plus solide est encore
remarquons-le, sur
là,
il
se
que
les
que, de toutes il
l'intérêt
donne
la justice.
fonde directement sur
la seule qu'il
et,
lui
Hume
là
soient arbitraires; et, à
vertus qu'il reconnaît, celle à laquelle
peu près
pro-
pourquoi on peut dire
défend, d'ailleurs, d'avoir voulu dire par prescriptions
la
humaine en
ont alors déterminé artificiellement les
Ils
règles de la justice
les
Les
justice.
ont de bonne heure compris que l'intérêt
général réclamait
que
la
le
C'est à
l'intérêt,
général, social. Par
accorde un caractère objectif que n'ont pas faut,
tant s'en
les
vertus qui ne dérivent que d'un
sentiment immédiat de plaisir éprouvé par notre âme.
Tandis que
la
plupart des vertus nous sont immédia-
tement agréables à
nous-mêmes
mêmes fice
,
,
soit
soit
parce qu'elles nous sont utiles
parce qu'elles affectent d'elles-
notre sensibilité, la justice qui exige
de nos passions égoïstes au bien
sacrifice
justice
de
l'intérêt
personnel à
même
décisions de la
de tous
l'intérêt
ne peut agir sur nos volontés
le sacri,
le
général, la
et influencer
nos
façon que nos autres devoirs.
Ici, c'est la
raison qui devance le sentiment, qui, pour
ainsi dire
lui
,
ouvre
les
yeux
,
qui le détourne de
céder à des impulsions personnelles la violation
des
lois
de
d'oii résulterait
la justice.
Ou comprend que Hume
soit
embarrassé pour con-
— cilier
avec
de son système sentimen-
les autres parties
tal l'explication utilitaire
—
420
de
la justice.
Il
est obligé
de
confesser lui-même qu'il n'y a pas de sensation particulière de plaisir attachée à la justice (1). Or, si la
nature ne nous a pas directement intéressés
que nous y trouverions
plaisir spécial
justice, et est
il
si
de comprendre
à pratiquer la
que nous puissions
jamais nous décider à reconnaître ,
par le
toute moralité est fondée sur le plaisir,
difficile
une vertu
,
,
la justice
comme
parvenir à en accomplir les
et surtout
prescriptions.
Dira-t-on que
Hume
est
devenu tout d'un coup
compte, pour recommander
litaire, et qu'il
aux hommes, sur
les réflexions
uti-
la justice
que ne peut manquer
de leur inspirer leur intérêt personnel, engagé dans par suite,
l'intérêt social, et,
de
la
et l'honnête.
taire
,
Hume
à l'accomplissement
ne confond nullement
l'utile
a critiqué lui-même la morale
utili-
justice? Mais Il
lié
en montrant qu'elle ne rend pas compte de
l'approbation que nous ne refusons jamais aux actions
vertueuses, quoiqu'elles se soient accomplies loin de
nous,
et
sans que
nous puissions en profiter; en
insistant surtout sur la
homme
familière à tout
saurait confondre,
(1)
sur »
La
de ces deux choses qu'on ne
,
l'honnêteté.
l'utilité et
contradiction est évidente
la sensibilité
fondamentale et
distinction
:
«
La
justice est fondée nonj
mais sur rentendcment
,
dont les jugements]
régularisent ce qu'il y a de désordonné dans les affections.
Tome
II, p. 284.
*
— Où donc,
donne à
dans
C'est
Hume
enfin,
—
trouve-t-il le principe qui
son autorité
la justice
sympathie, dans
la
relle à tout
421
homme.
valeur morale?
et sa
bienveillance natu-
la
Hobbes a
L'influence de
été
moins
que Tinfluence de Hutcheson,
puissante sur
lui
affirme qu'il
n'y a guère
d'homme chez
et
il
lequel les
bienveillantes ne balancent au moins les
affections
Hume
affections égoïstes.
pages charmantes
a écrit sur la sympathie des
qu'Adam Smith
,
n'eût pas désa-
vouées. C'est cette sympathie qui, nous intéressant au
bonheur des autres parce que Il
nous entraîne à aimer
,
la justice,
assure ce bonheur.
la justice
n'en est pas moins vrai que la justice, dans les
idées de
Hume,
repose uniquement sur
de
est sorti sur ce point
l'intérêt. S'il
la sensibilité subjective,
il
n'a pas su aller jusqu'aux rapports objectifs, jusqu'aux
relations naturelles
,
qui sont le vrai fondement des
vertus, et, en particulier, des vertus sociales. résulte
que
que
pas de fondement solide
la justice n'a
les garanties qui
même
tout utile
qu'un lui
,
la justice est utile,
est
bonne
aux autres;
et
comment obtiendrez-vous
en reconnaisse
passions
bienveillantes
si
;
égoïstes
;
mais
elle est sur-
la nécessité,
dominent
cette fleur délicate
de
développée dans son de l'humanité dans
:
il
âme? Hume
a vécu loin des
l'intimité
chez
affections
les la
si,
sympathie,
que tant de causes conspirent à briser, ne
instincts,
et
temps qu'elle
homme les
,
en déterminent l'exécution sont
entièrement précaires. Sans doute,
en
en
Il
s'est
pas
a 'trop bien auguré
hommes
et
de leurs
de quelques grands esprits.
— doux
et bienveillants
image eux,
qu'il
422
pour
— les autres
non pour l'humanité
et
à leur
c'est
;
hommes;
a conçu les autres
pouf
c'est
partagée entre
réelle,
sentiments élevés et les tendances égoïstes,
les
a construit sa morale. s'est
donc trompé
tive, variable,
que
âmes ingrates
les
les tromperies, difficiles
la
qu'il
Hume
nature ne développe pas chez
que
,
vie épuise et dissipe in-
la
les meilleurs
par
les
déceptions et
l'accomplissement des devoirs les plus
quoique
,
point de vue pratique,
en confiant à une sympathie fugi-
,
sensiblement chez
Au
les plus nécessaires
,
de
les devoirs
justice. C'est, d'ailleurs, le défaut général
de toute
la
morale de Hume. Combien peu de vertus seraient pratiquées sur
la terre
,
fallait
s'il
attendre que l'édu-
cation morale eût développé chez tous les plaisirs
que seules
l'exercice
Hume Il
les
âmes bien
de leurs devoirs
s'est
faites
hommes
les
trouvent dans
!
donc trompé au point de vue pratique.
a cru que le plaisir de bien faire pouvait remplacer
pour
les
la raison
hommes
l'obligation stricte et rigoureuse
peut seule leur imposer. Son tort est d'ailleurs
de n'avoir pas considéré en elles-mêmes, de leur rapport avec notre sensibilité morales. Alors
même que
stituerait pas l'action.
vaise,
encore
le
,
et
en dehors
les distinctions
le plaisir serait
cause qui nous déterminerait à agir,
de
que
toujours
le plaisir
la
ne con-
caractère intrinsèque et objectif
En elle-même
l'action est
bonne ou mau-
conforme ou non aux rapports naturels des
choses Enfin, et ce sera notre dernière critique,
Hume,
~
—
423
our ainsi parler^ généralise trop
é
ent moral
n'a rien
tel qu'il le
,
de particulier
le
Le
senti-
réduit à Tagréable
,
de caractéristique. On ne voit
et
pas, dans le système de
conçoit
la vertu.
Hume,
le
moyen de
distinguer
bien d'une sensation voluptueuse ou d'un plaisir
esthétique.
Que de choses
utiles
ou agréables en un
sens qui ne sont pas moralement bonnes
devient alors une vertu
dont se compose
le
procurent tous un rales.
On voit
La vertu
loi
ensemble
acquises
l'éloquence
y
La politesse
tous les talents
mérite personnel, puisqu'ils nous
plaisir,
deviennent des qualités mo-
conséquences de
la
théorie de
Hume.
n'est plus l'action libre et réfléchie d'un être
soumis à une qu'un
les
;
î
,
et
rationnelle
de
:
elle n'est
pas autre chose
qualités naturelles,
où notre volonté
n'a point
de
fatalement part.
CHAPITRE
XIII.
THÉORIES POLITIQUES, ÉCONOMIQUES, LITTÉRAIRES. LES ESSAIS
Si
en quittant
,
lecteur aborde politiques,
il
MORAUX ET
le
Traité de la Nature humaine
,
le
sans transition les Essais moraux
et
aura tout d abord quelque peine à croire
encore affaire au
qu'il ait
POLITIQUES.
cussions subtiles, dont
le
même
auteur. Après les dis-
nihilisme paraît être
la
con-
clusion rigoureuse, c'est une véritable surprise de lire
chez
même
le
pratiques,
oii
philosophe des études substantielles et sont exposées les
lois
générales qui, en
réglant les destinées littéraires et politiques des nations, déterminent la
Essais
,
marche de l'humanité. Dans ces
qui s'étendent sur tant de sujets
une justesse
et
une
,
et oii,
liberté d'esprit admirable, l'auteur,
émancipé de son système, esquisse à grands linéaments de et
de
la
la
politique, de la science
critique littéraire
,
il
au service de
et pénétrante qui les
la vérité,
s'était
traits les
économique
n'y a guère plus qu'à
louer; et l'on ressent presque partout enfin,
avec
une
la joie
de voir
intelligence déliée
trop longtemps égarée dans
paradoxes. Rien, dans ces observations judicieuses,
habilement interprétées par un emploi modéré du rai-
— 425 — sonnement^ rien ne rappelle cette dialectique raffinée qui, pour ainsi dire, enlaçait dans ses
et tortueuse,
replis toutes les réalités
,
et les réduisait à n'être plus
que des ombres vaines. Les hommes ont cessé maintenant d'être ces fantômes qui rêvaient et passaient, au-
tomates sans consistance. et
il
semble qu'au
Hume
les
prend au sérieux,
d'une région de ténèbres,
sortir
oii
choses perdaient leur contour, leur forme précise,
les
nous soyons tout d'un coup rejetés en pleine lumière, devant
nature
la
telle qu'elle est
,
avec ses forces phy-
siques et ses forces morales, avec les êtres vivants qui la peuplent
,
avec
le soleil réel
Que parlions-nous de
qui l'éclairé.
l'impuissance de la raison, du
néant de toute cause et de toute substance fluence souveraine de l'habitude! Voici que
même
,
de
l'in-
Hume
lui-
recherche les causes les plus lointaines des faits
économiques,
et
que, par exemple,
il
spécule a priori,
pendant plus de cinquante pages, sur ont pu assurer à
la
les raisons qui
population, dans les sociétés anti-
ques, un développement plus ou moins considérable
que dans
les sociétés
modernes!
que l'éloignement historique de ou
la
yeux
Il
ne semble nullement
l'objet
longueur de ses raisonnements la
de ses études
affaiblisse à ses
valeur de ses conclusions. Voici encore
qu'il
parle de réformes, de progrès, de perfectionnement, et qu'il attribue à l'esprit
humain
la faculté
de conce-
voir un idéal, de rêver quelque chose de plus parfait
que
la
réalité
de l'habitude la
le
observée! Et cependant, pour qui
fait
principe dominateur de l'intelligence,
routine devrait ê^^e
le
dernier
mot de
la
politique
— et
de
-
426
la vie sociale. Voici enfin qu'il décrit les
rapports
nécessaires qui rattachent à des causes morales, plutôt qu'à
des causes physiques, les caractères généraux
des peuples et les développements de
la civilisation
Et pour justifier de pareilles affirmations, cessaire, ce semble
choses,
des
ficielle
la
et,
par delà faits,
de pénétrer dans
;
la
dans
de chercher dans
nature des effets
la
nature des causes.
la
être tenté de croire, en poursuivant,
richement nourrie d'idées
si
d'un livre à l'autre les opinions de
que
l'intimité des
longue série des Essais, cette lecture atta-
la
chante,
scepticisme
;
nouveau un
que
Hume
hommes
et des
faits,
failli
vivifié à
au contact des
qu'enfin,
la foi
,
,
sincère à la raison, a repris place dans son
de surprendre
matisme, on
Butler
le ,
cédant à
et
il
justifier.
et solitaire
Il
un de ceux
qui,
Hume
dans sa
Si jamais,
d'Edimbourg , un de ses
malgré
n'avaient jamais cessé d'aimer le
âme?
tentation
la
n'eût pas été difficile à
de se
docteur Blair par exemple, ou
pour réfuter
foi
avisé de lui reprocher cette con-
tradiction apparente,
maison studieuse
;
,
une
sceptique en flagrant délit de dog-
le
s'était
de se défendre
et si
;
guéri de son
l'a
se dessécher dans
réalités historiques
n'en est rien pourtant
que
ont changé
pour ainsi dire
l'histoire a
esprit qui avait
les spéculations abstraites;
de
et
l'étude consciencieuse des faits
amis,
1
est né-
succession apparente et super-
détermination a priori de
Comment ne pas
il
le
docteur
leur zèle religieux
Hume,
s'était
philosophe par lui-même, de
ser ses théories sociales et politiques
,
il
imaginé, lui
me
oppo-
semble
— 427 — que, sans se fâcher, avec ce calme, avec cette gravité
douce qui
le caractérisaient,
Comprenez donc
Hume
((
»
distinction
»
spéculation et
»
philosophiques, je suis, dans
»
comme
))
Qu'importe
que
tout le
»
mes propres Mes
la
»
même
»
aimer
de
la vie,
monde, un dogmatique
:
me
et
celles
d'autrui?
une
loi
de nier
cela m'empêche-t-il
de vous
faire
vous répondre en
ce
moment? Mes
personne humaine
»
avec un sentiment énergique de
»
de m'attribuer mes échecs d'autrefois,
»
de
»
:
cela
ma
miner
le
courant plus fort de
la
il
faut encore
que tout
»
semblent à un de ces mythes que
» saient.
est réalité.
que
C'est
nature et de
Les choses de ce
il
les
Grâces
,
res-
Grecs chérisfables
n'y a rien ou presque rien de réel
imaginations
subjuguer
l'in-
monde
La critique a beau prouver que sous ces
et ces fictions
» des
malheurs
en revenir à croire
))
»
les
qu'après s'être convaincu soi-même que
et
» tout est illusion,
» les
responsabilité,
mes quelques succès?
vie, et aussi
la
m'empêche-t-il de vivre
analyses des philosophes sont impuissantes à do-
» stinct;
))
un croyant, de régler
))
ma
écrits
vous,
tendent encore à ôter toute réalité à
» théories
» les
mes
s'agit
il
ou de juger
semblent
votre existence ,
la
comme
pratique. Sceptique dans
actions,
théories
pensée et
:
je n'ai jamais cessé d'établir entre la
mon système, quand
»
ma
enfin le fond de
»
répondu
aurait
lui
se
et l'on
comme
laissent
toujours
séduire
:
et
continue à parler des Muses et
si elles
existaient.
Quand
le
phi-
»
losophe sceptique parle des causes et des substances,
»
il
ressemble encore à un poëte chrétien qui intro-
— » duit
dans ses rimes
—
428
noms de Vénus ou de Jupiter.
les
y a cependant une différence
que
poëte
»
Il
»
ne conserve ces mots démodés que par habitude
et
»
convention; tandis que
se
»
dérobe à son scepticisme savant, pour se replonger
»
dans
donc
allier,
))
une nécessité de
comme
flexion suggère
» j'écris
pour
» pies politiques
et
» principes
que
:
la
doute que
le
la ré-
je prends
si
avant
parti
discute les uto-
YOcéanie de
politique est
la
moi-même
si,
de
nature commande. Si
pays,
prouve que
essentiels;
loi
toujours fait, le doute
les tories; si je
si j'essaie
il
nature. Laissez-moi
la
comme, par exemple,
,
» Harrington; si je ,
l'ai
mon
de
whigs ou
les
je
la foi
,
l'histoire
» science
philosophe, quand
le
et la foi pratique
» spéculatif ))
le
croyances vulgaires, obéit à une
les
» l'instinct, à
»
c'est
:
une
d'en indiquer les
Adam
ami
notre
))
Smith, qui depuis m'a bien dépassé sur ce terrain, je
))
publie quelques idées nouvelles sur l'économie poli-
» tique
»
ma
;
croyez-moi, je puis faire tout cela sans renier
philosophie. Dans
comme vous
» à rester,
dangereux
»
mes jugements sur
» passer
dites,
les actions
homme
pour un
je persiste
homme comme dans
un monstre, un
mais dans mes actions
»
;
mes spéculations,
,
des autres, je tiens à
de bon sens
»
Telle était la situation intellectuelle de
Hume. Re-
levant d'une main ce qu'il abattait de l'autre
,
il
ac-
ceptait, à titre d'illusions nécessaires, les vérités qu'il
repoussait
comme
l'impuissance de pratique.
Il
a
la
des erreurs avérées
,
et opposait à
raison pure l'autorité de la raison
donc pu écrire ses Essais moraux avec
^a
—
-. 429
[^
même
que ses Essais philosophiques. On
sincérité
serait aussi injuste
de
,
le
considérer
,
dans un cas
comme un courtisan du sens commun, que, dans l'autre, comme un fanfaron de scepticisme à la faveur ;
de son double point de vue,
il
a cru pouvoir ôter
toute valeur au raisonnement^ en
comme
raisonner lui-même
même
temps que
plus dogmatique des
le
philosophes. Mais avait-il le droit de le faire qu'il
De
une contradiction
à
,
toutes les critiques
où
il
est
,
que sa philosophie soulève,
de l'abandonner lui-même, quand
veut rendre compte des
Dans
la
faits
préface légèrement enthousiaste
Nature humaine,
il
sidérait
comme
toute
le
du
de
toute esthétique,
entend
,
les théories
nouvelle, avec la confiance d'un ces nouveautés qu'il s
comme
empresse de
qu'il s'agit
;
la
il
con-
principe et la condition nécessaire
politique,
les
Traité de
célébrait les destinées magnifi-
science morale. Et cependant, après
comme il
il
historiques et sociaux ?
ques d'une sage psychologie expérimentale
de
pas à
parce qu'on
plus redoutable n'est-elle pas précisément la né-
cessité
la
ce
en système.
l'érigé
la
On n'échappe
impossible d'admettre.
est
une inconséquence
? C'est
de
toute
avoir exposé,
de cette psychologie
homme
qui regarde
des vérités définitives, voilà
les oublier,
de
les écarter, lors-
d'expliquer les événements de l'histoire
î
Qu'est-ce donc que cette psychologie abstraite qui se dit
en mesure de rendre compte de tous
mènes de
l'esprit et qui
mière rencontre avec
les
phéno-
s'avoue impuissante à sa pre-
les faits ?
Il
n'y
a^,
il
ne peut y
—
430
—
avoir de bonnes théories psychologiques, que celles qui subissent avec succès l'épreuve d'une application
immédiate aux événements politiques, religieux
dont se compose
,
condamner
C'est se
avec
tation
Ne
ou
de l'humanité.
soi-même, que sous-
et se réfuter
traire la psychologie
vie
la
littéraires
aux exigences de
cette confron-
les faits.
nous plaignons pas, cependant, d'une inconsé-
quence à laquelle nous devons une multitude de vues pénétrantes et de raisonnements ou fins ou profonds,
que la
l'influence des théories spéculatives
du
Traité de
Nature humaine eût certainement étouffés dans leur
germe
si elle
avait pesé sur les Essais moraux.
C'est à la politique
nombre de
que se rattachent
le
plus grand
Hume, dont
ces petits écrits de
les plus
longs ne dépassent pas les dimensions d'un article de
Revue, dont quelques-uns sont aussi courts qu'un article
de Journal. Primitivement destinés, en
à des écrits périodiques,
ils
effet,
parurent en volume, sous
forme d'Essais détachés, que Bacon avait
cette
,
de-
puis longtemps, rendue populaire en Angleterre.
La constitution anglaise
est
études dans lesquelles se révèle
Hume « oii
pour
les lois
esprit
prudent ;
et
de plusieurs
vive admiration de
la
de son pays,
règne une extrême
gements
le sujet
«
liberté. »
ce pays, » dit-il,
On y retrouve son
conservateur, qui redoute les chan-
sa modération impartiale, qui
donne à
ses
opinions politiques un air d'indécision, mais qui ne
l'empêche pas de manifester un grand zèle pour libertés publiques
;
sa haine des partis violents
,
les
sa
¥
—
sympathie pour
le
croit,
néanmoins,
terre
mais qui
,
431
—
gouvernement républicain, impossible de réaliser en
lui paraît
ne
marqué
suffisent-ils
entre
,
le
Angle-
en lui-même un idéal bien
supérieur aux formes monarchiques. traits
qu'il
Ces quelques
pas déjà à établir un contraste
politique conciliant et sage
,
et le
philosophe intolérant et absolu, qui ne se complaisait
que dans Mais le
terrain
Hume
extrêmes
les
?
contraste s'accentue encore , lorsque quittant
le
de
politique particulière
la
de son pays.
s'élève à des questions plus générales, et expose
les principes
de
politique est
une
la politique universelle.
Pour
lui
science, science à laquelle trop
,
la
peu
d'expériences ont encore concouru pour qu'il soit possible d'en
science
déterminer
solide
toutes les lois,
et positive,
déjà
riche
mais
enfin,
maximes
en
générales. La vie des peuples n'est pas livrée au ha-
sard
;
il
y a des
lois
qui veulent qu'à chaque forme
de gouvernement correspondent des conséquences né-
que chaque situation sociale dépende de
cessaires, et
causes certaines.
«
Les
))
pondent toujours aux causes
»
correspond
to causes).
laisse aller à
dire
que
»
Hume,
«
corres-
(Effects ivill
allways
effets, » dit
Par endroits même.
des excès de dogmatisme.
les lois politiques
Il
Hume se
va jusqu'à
peuvent être déduites avec
autant d'exactitude et de rigueur que les conclusions qui dérivent des principes mathématiques. Et ailleurs, il
affirme qu'on peut prédire
a priori
les
résultats
nécessaires de telle ou telle forme de gouvernement. Il
oubliait
ici
un peu
trop la part qu'il convient de
— faire à la liberté
—
432
humaine, à
à la diversité des caractères.
événements
plexité des
l'initiative individuelle,
méconnaissait
Il
la
com-
politiques, la multiplicité des
influences qui les produisent et qui viennent à chaque instant contredire les
maximes
les
Mais nous pardonnons volontiers à ration, à laquelle
Hume
établies.
Hume une
exagé-
nous a peu habitués, puisqu'elle
il
consiste à avoir trop de D'ailleurs,
mieux
dans
foi
humaine.
la raison
reconnaît lui-même, dans d'autres
passages, qu'il serait téméraire de vouloir faire de politique
une sorte de géométrie morale
(1).
la
Les ex-
périences faites ne permettent encore d'établir qu'un petit
nombre d'axiomes,
quelque
universels
et,
qu'ils
de plus, ces axiomes,
paraissent,
n'échappent
jamais absolument à des contradictions, à des exceptions graves (%).
M.
Mill a
Hume
entrevoit
ici
les
raisons que
admirablement développées dans
le
dernier
chapitre de sa Logique, et qui rendent l'application de l'induction si
sible. » »
aux événements de
malaisée, ((
traite
part
et,
par suite,
La grande
la
l'histoire si délicate et
déduction presque impos»
difficulté,
des affaires humaines,
du hasard
et la
dit-il,
c'est
«
quand on
de distinguer
part des causes connues.
»
la
Et
par ce mot en apparence peu philosophique de hasard (chance),
il
entend tout ce qui tient aux individus.
La réflexion
serait banale
des grands
hommes
(1)
Essai
XIV,
(2)
Essai
X
,
i^° partie.
2^ partie.
dans notre pays,
a été
si
considérable
oii le ;
elle
rôle
ne
— 433 — l'est
peut-être pas en Angleterre, ou, malgré quelques
secousses, l'ordre profond, le développement régulier
des institutions, amoindrissent et effacent l'influence des individus, et où d'ailleurs le calme et la froideur ordinaire des tempéraments tendent à supprimer les ébranrévolutions, mul-
lements soudains; tandis que ces
tipliées chez d'autres peuples par la vivacité ardente
des caractères, rendent plus
difficile
encore, pour ces na-
tions, l'établissement d'une politique générale et d'une
philosophie de l'histoi re.
Malgré
les
concessions que
semble avoir
dans sa politique, aux partisans de
tes,
reste
ici
,
comme
une lacune
partout
il
applique
au fond de ses doctrines
,
déduction ne sont que des
la
absente et c'est, à coup sûr, une politi-
que incomplète
;
et fausse
dans la région des
faits,
que ne
supérieure et naturelle
commandements
hommes,
il
,
L'idée d'un droit primitif, d'une jus-
faits généralisés.
tice idéale, est
l'a priori
fai-
pas souci de combler. Les princi-
qu'il n'a
pes auxquels
loi
Hume
:
celle qui
sait
dont
,
qui
cette loi
,
se maintenant
pas faire appel à cette la raison ,
analyse les
excitant parmi les
selon la diversité des intelligences, tantôt
des convictions solides, tantôt des enthousiasmes passionnés, pousse le
monde en avant,
des sentiers battus pour l'avenir.
Hume, au
le jeter
En
réalité,
dans
les voies
de
contraire, se contente de com-
pulser froidement les faits acquis.
et le fait sortir
il
,
de constater
ne sort jamais de
politique sage, prudente,
manque
ture sur les destinées des nations.
les résultats
l'ornière.
Sa
d'élan et d'ouverIl
n'a
aucune idée 28
— 434 — des progrès que
concevoir et désirer l'analyse
fait
des droits primordiaux de l'homme. Sans doute
Hume, en observant que
peut excuser
expériences modernes
d'Amérique
et la
grandes
les
fondation des Etats-Unis
la
,
on
,
Révolution française
lui
,
deux
eût été le témoin de ces
man-
ont
qué.
S'il
yeux
se seraient ouverts, son esprit se serait agrandi
à l'école
des événements
mais je doute
;
faits
,
qu'ils
ses
eus-
sent suffi pour guérir le vice radical de son esprit,
défaut d'imagination,
le
le
positivisme incurable d'une
intelligence qui est aussi incapable
hardi
l'idéal, qu'elle est
les faits, et,
avec
la
homme
commenter
Quand
fait.
morale
paraît avoir confondu
différents
l'histoire,
cupe que de
d'un vol
question de l'origine du
la
Hume nous
vue bien
question de
empires,
habile à annoter, à
que, dans
gouvernement,
la
saisir
pour ainsi dire, à souligner l'expérience.
C'est ainsi
points de
de
on
il
s'agit
le sait, est
et la philosophie.
l'histoire. C'est
de mérite
qu'il
deux
question de droit et
la
:
de
fondation des
la
rarement d'accord
Hume
ne se préoc-
par l'ascendant primitif d'un
explique l'institution originelle
du gouvernement. Un conquérant, un
législateur s'est
particulièrement distingué par son intelligence, au mi^ lieu
de ses semblables
encore
faibles
et grossiers,
Ceux-ci, dominés ou contraints, lui ont obéi; puis l'im-l
pression de cette obéissance est restée
venue,
jours. Par
,
une explication de ce genre,
évidemment,
l'habitude est]
gouvernements ont été fondés pour
et les
soit la thèse qui,
par les tories,
fait
Hume
tou-
écarte
soutenue en Angleterre
du pouvoir une
institution divine
,|
—
de l'obéisssance passive un devoir
et
systèmes,
du
Dans l'examen
Hume
comme
Quant à
la
qu'il
consacre à ces deux préjugé
le
Le pouvoir dérive de Dieu,
n dit-il,
toutes choses dérivent de lui (1). »
du contrat
doctrine
avait soutenue,
Hume
,
témoignages de
que Locke
primitif
que Rousseau devait reprendre
et
avec tant d'éclat les
et d'après la-
de peine à écarter
n'a pas
droit divin. «
mais
soit la doctrine
du gouvernement dépend d'un con-
quelle l'autorité trat primitif.
;
whigs défendaient,
contraire, que les
«
-
435
a raison de dire que
l'histoire
dans
,
rien ne la justifie. Tous
,
les
gouvernements ont été fondés par l'usurpation
ou
la
comme le
conquête.
Si
contrat social est
vue de
la
;
est
Hume
dans
;
ne
l'a
longue série des siècles
est
mais
chimère est
elle
présenté
contrat social
une chimère
la justice, cette
jamais été réalisée
dans
le
une thèse historique.
,
vrai,
le
au point de
la vérité. Elle n'a
été qu'une fois
ou deux
Qu'importe
n'en est
!
!
Il
pas moins certain qu'elle aurait dû l'être, et qu'avec le
progrès
prochain,
des temps
l'idéal
mes deviendra ce que
Hume
,
dans un avenir éloigné ou
conçu par
le
fait
la raison
de quelques hom-
réalisé par l'expérience.
ne se décide pas à comprendre. Obsti-
nément attaché
à son point
veut pas en démordre
,
et
de vue historique attaquant
contrat social dans ses parties faibles,
la il
,
il
théorie
ne
du
ne veut pas
reconnaître où elle est vraie, où elle est forte
(1)
C'est
:
quand
Essai XII, 2e partie, Of the original contract; Essai XIII, Of
the passive obédience.
— elle
nous enseigne
436
— a de gouvernement légi-
qu'il n'y
time et de pouvoir sacré que celui qui se fonde sur le
consentement
dont et
monde
autre défaut de
même
n'a pas la
hommes. les
,
et
dont
le
serait finie.
la politique
importance
qui le caractérise
dans
de ceux
ne pourrait être complète que
la politique
jour où l'histoire du
Un
est
conclusions ne devancent jamais l'expérience,
les
dont
Hume
libre d'un peuple.
,
Hume
de
de défiance
c'est l'esprit
il
est
mais qui
,
animé à l'égard des
Je conviens qu'il est dangereux d'apporter
choses de
gouvernement un
la politique et
dans
la
pratique
esprit trop chevaleresque
du
trop
et
optimiste. Mais, enfin, n'est-ce pas pousser l'humeur
soupçonneuse un
maxime
«
:
Tout
que
» fripon
peu
loin
homme
qu'ériger
hommes
,
loi
cette
comme un
doit être regardé
L'historien qui
l'intérêt seul dirige? »
apprécierait les
en
qui les gouver-
le politique
nerait d'après ce principe, ne s'exposeraient-ils pas, l'un à des
graves?
jugements injustes
N'est-il
politique aussi
sur
,
pas plus vrai, au contraire, et plus
de compter sur
la générosité,
Hume
se montre
l'autre à des fautes
,
sur
la
mieux
bons sentiments
les
bonté naturelle des inspiré
quand, expliquant
motifs qui inspirent les partis politiques
,
il
que par des raisons
ajoute-t-il finement,
«
d'intérêt.
gouverne
les
avoue que
presque aussi souvent par
les partis sont guidés
cipes
hommes ?
les prin-
« Si l'intérêt, »
surtout les chefs
;)
ce sont les principes qui, le plus souvent, entrai,
»
nent
))
compose
les
membres subalternes le parti.
»
et
la
foule dont se
—
437
—
Malgré ses imperfections et ses erreurs,
Hume
que de
la politi-
ne se recommande pas moins par de
modé-
très-grandes qualités de sagesse pratique et de ration conciliante. Sans vouloir rien enlever
pect des autorités légitimes,
au res-
s'élève avec énergie
il
contre la doctrine de l'obéissance passive. Dans les
un peuple,
cas extrêmes,
Hume
lésé dans ses droits, peut
est juste sur ce point,
par lequel
y arrive n'étant fondée que sur il
est
mais
quand
ils
;
les anciens se
:
»
:
«
Hume commet comme
pas distincte de l'intérêt général, et
que,
que
lorsque
l'intérêt
secouer
rection n'est
,
la
ments
il
c'est
n'a rien
même Il
d'un
général
tyrannie qui l'opprime
,
l'insur-
philosophes
la
que l'accomplissement.
eût été absolutiste ,
De
peuple
du révolutionnaire. Les gouverne-
la politique absolutiste
semblablement Les
pour cela
yeux, un
établis ont, sur tous les autres, à ses
l'attirer.
n'est
la justice s'accomplisse.
grand avantage, celui précisément d'être fois
le dit,
en aucune façon , un attentat contre
justice, elle n'en est
Hume
dois,
une confusion
ici
qu'il faut
que
Fais ce
manifeste. La justice sociale,
sorte
à
trom-
disaient Fiatjustitia, ruât cœlum, cette
advienne que pourra.
l'oblige à
dit-il,
l'intérêt social, elle doit être,
autre forme du proverbe français
précisément
raisonnement
le
mauvais. La justice,
l'occasion, sacrifiée à cet intérêt
paient
La conclusion de
à l'insurrection.
doit recourir
et
s'il
de Hobbes semble
comme
avait vécu à la
empiriques
établis. Par-
lui
,
très- vrai-
même
subissent
époque.
volontiers
dans leurs doctrines sociales, l'influence du milieu où
— s'écoule leur vie.
—
438
sont les miroirs des
Ils
pas de principes par lesquels
Hume
l'expérience. Mais
tre
ils
faits
n'ayant
,
puissent réagir con-
vivant au milieu d'une
,
société libre, a été conduit naturellement à considérer
comme
la liberté
essentielle
un passage curieux
,
nion bizarre, que
le
au bonheur public. Dans
exprime cependant
il
cette opi-
gouvernement de l'Angleterre
deviendra de plus en plus monarchique, et
ha-
il
sarde cette prédiction que le despotisme absolu sera dernière forme de la monarchie anglaise.
la
core
était influencé
il
de
les prérogatives
grandiraient
les
couronne;
république.
la
mort
la
» pays. »
«
les
pen-
l'Angleterre,
rêver pour
Combien de
fois,
ont
,
même
fait le
prêche
un peu
» partisan » liberté,
comment
ami de de
comme
froids,
raisonnement que
lui
!
Hume
dit ailleurs.
ni tout à fait
dans
et
un tory
la
il
définissait les
monarchie
la famille
,
whigs
et les tories
sans renoncer à
des Stuarts.
—
la liberté
Un whig
est
sans renoncer à la monarchie, et un partisan de
» protestante. »
Tome
IV,
p. 72.
(1).
com-
conciliation à ses compatriotes, et
la
Voici
» tory est
de son
constitution
la
est la
Euthanasie que
dans d'autres temps
un w^hig,
n'était ni tout à fait
pour
efforts impuissants
Personnellement, nous l'avons
(1)
en concluait qu'el-
le véritable
d'autres pays, des libéraux
Il
en-
Ici
voyait grandir
La monarchie absolue
plus douce,
» l'Anglais doit
Hume
il
Et cette perspective ne
toujours.
convulsions violentes et
»
il
:
l'apaisement d'une monarchie absolue, que les
sait-il,
fonder
faits
Mieux vaut pour
pas.
l'effrayait
la
par les
:
,
«
Un
et
un
ami de la
la
dynastie
— mence par whig,
))
Parfois,
disait-il,
—
lui-même.
pratiquer
la
»
439
Je suis
«
mais un whig sceptique.
«
un »
semble pencher assez fortement du côté
il
des tories, toujours en vertu de la tendance de son à
esprit
comme ment^
du
s'incliner la
côté des
opinion celle
meilleure
est la plus forte, et qui a
même
rence à celle qui,
cause
la
qui,
historique-
elle, l'autorité
à ses
de
de préfé-
yeux, représente
la
plus juste et la plus raisonnable. « Les maxi-
»
mes des
))
surdes pour choquer
»
ou d'un Hottentot
Hume
pour
considérer
à
^
de l'ancienneté,
tradition, le prestige
la
faits
lui-même,
tories, » dit-il
(i).
«
sont assez ab-
bon sens d'un Samoyède
le )>
n'apporte donc nullement , dans ses opinions
politiques
,
l'intempérance de ses opinions philosophi-
ques. C'est un monarchiste sage et libéral, qui consi-
dère l'autorité sociétés,
comme
et la liberté,
la
garantie de l'existence des
comme
la
condition de leur
perfection; mais qui n'est pas assez hardi pour croire
que
l'exercice et le
tés tendra à
tien
de
rendre de plus en plus inutile
l'autorité.
ture humaine, notre
avec
le
sens
Na-
autant
il
s'efforce,
dans ses Es-
de se rapprocher de l'opinion générale.
Quelle autorité,
» dit-il,
«
peut avoir un raisonne-
ment moral,
))
rentes de la croyance générale
Essai IX.
la
auteur se souciait peu d'être d'accord
»
(1)
liber-
main-
le
Autant, dans son Traité de
commun,
sais politiques, ((
développement régulier des
s'il
nous conduit à des opinions
diffé-
du genre humain?
)^
— 440 — Hume,
Cette timidité politique de
modération
cette
constamment observée n'excluait pas une certaine vacité de sentiment.
Il
vi-
condamnait sévèrement Tin-
différence en matière politique.
Il
ne pensait pas non
plus qu'il fallût se contenter de n'importe quelles institutions sans chercher à les améliorer. Tout en tant
que
le
admet-
caractère des gouvernants peut tempérer
adoucir les défauts inhérents au régime politique
et
d'un pays,
nement
et la nature des lois sont
tantes,
et
qualités
même du
croyait que la forme
il
extrêmement impor-
qu'au lieu de compter sur
pour corriger
individuelles
institution générale,
hasard des
le
les vices
d'une
au contraire, par des
fallait,
il
gouver-
réformes et des améliorations incessantes, chercher,
dans de bonnes
et solides lois, le
moyen de
neutrali-
ser les ambitions personnelles et les vices des gou-
vernants. Malgré son indolence naturelle,
au besoin
,
un
critique assez
des choses de
la
il
eut été,
mordant des hommes
politique, et
il
et
est arrivé quel-
lui
quefois d'exprimer assez vivement ses sentiments sur les
puissants
du jour
Walpole, dont
il
;
avait
témoin un portrait de Robert fait
un des Essais de
sa pre-
mière édition (1).
M. Yillemain, dans une considéré
comme
patriotisme
(l)
Ce
» l'aime;
:
« Je
brillante leçon sur
historien, l'accuse de
voudrais,
» dit-il
portrait se termine ainsi
comme homme
:
«
,
En »
manquer de
« le voir assister,
qualité
de lettres (a scolar)
Anglais, je désire avec calme sa chute.
Hume
,
d'homme
je le hais;
Voir tome
,
je
comme
III, p. 26-27.
— » tantôt »
—
441
avec tristesse, tantôt avec orgueil, avec joie^
de
à la fortune de l'Angleterre, au développement
» cette
grande
» cela, je
ne
et
le vois
mais bien des
Hume. sais
Il
imposante souveraine. J'aurais voulu pas (1).
»
M. Villemain a raison;
motifs expliquent
ne faut pas oublier
froideur de
cette
avant tout Ecos-
qu'il est
qu'à part quelques brefs séjours à Londres et à
;
Paris, c'est en Ecosse qu'il a vécu. Aussi est-ce sur l'Ecosse
Et
ici
que se sont portées ses
on ne peut
lui
affections patriotiques.
reprocher qu'une chose, d'avoir
poussé jusqu'au fanatisme l'amour de son pays natal.
Le moindre poëte écossais
lui
qu'Homère. Toute sa correspondance
grand
aussi
paraît
est pleine
moignages de tendresse pour ses compatriotes
de téet
de
sollicitude pour la gloire de la littérature nationale.
Quant à l'Angleterre elle-même,
ne
il
lui
pardonnait
pas son indifférence pour la philosophie, et l'insuccès
de ses premiers ouvrages. L'intolérance des dévots anglais
et l'insensibilité générale
travaux de
l'esprit n'étaient
des
furent toujours
lettres.
Le
:
tres était et
dont
pensée
et
les
mode,
oii le
deux
le culte
contraste de la société française,
où
goût des
une préoccupation dominante, avec
les let-
la froide
sèche société anglaise, accrut encore son antipathie
pour ceux »
homme
la libre
déistes étaient presque à la
les
pas faites pour inspirer
beaucoup de patriotisme à un passions
du public pour
bords de
(l)
qu'il appelle « les turbulents la
Villemain
,
Tamise.
»
Littérature
du dix-huitième
siècle.
barbares des
—
442 -^
Aussi son jugement général sur
le
caractère national
anglais n'est pas précisément entaché de complaisance. Il
en admire
les fortes et saines qualités;
mais
il
refuse
à ses compatriotes les parties poétiques de l'âme (musical parts). Il se plaint
que leurs poètes comiques des-
cendent trop vite aux grossièretés obscènes
aux
tragiques,
pas de dictionnaire , à peine une grammaire vestigia ruris. »
Il
:
«
manent
leur accorde cependant cette supé-
riorité d'avoir produit
de plus grands philosophes que
peuples de l'Europe. Pour
les autres
leurs
;
assassinats. Les Anglais, dit-il, n'ont
général, pour le théâtre et pour
l'art,
les lettres il
en
leur préfère,
et de beaucoup, les Italiens et les Français. Rien n'est d'ailleurs plus intéressant
de
Hume
que
les fines
observations
sur les caractères des différents peuples. Ce
que nous y aimons surtout, c'est que dans ses vues générales sur le développement de ces caractères
Hume
n'est
nullement porté à exagérer l'influence et
l'action des causes physiques.
presque entièrement
comme »
Il
rejette,
au contraire,
les explications naturalistes qui
le dit Ritter, «
envahissaient de plus en plus,
à cette époque, le domaine du moraliste. »
mine particulièrement
l'influence
Il
exa-
du climat (question
étrange, remarquons-le en passant, chez un philoso-
phe qui nie ment,
et lui
le
monde
extérieur), la discute longue-
accorde beaucoup moins que Montesquieu,
qui, sans doute, par allusion à cet Essai, le
19 mai 1749
» belle
» plus
:
«
J'aime
dissertation oii
mieux
lui écrivait
vous parler
d'une
vous donnez une beaucoup
grande influence aux causes morales qu'aux
—
—
443
m'a paru, autant que je suis
))
causes physiques; et
»
capable d'en juger, que ce sujet est traité à fond
de main de maître,
» qu'il est écrit » et
de réflexions neuves. cependant moins
C'est et la
il
»
nouveauté que
la
Hume.
économiques (1),
son originalité est entière.
oii
Discours politiques de Ils
les écrits
en est autrement de ses Essais
Il
» serait difficile, » dit lord
» geurs.
sagesse
la
modération qui nous paraît distinguer
politiques de
))
rempli d'idées
et
Brougham,
Hume
« Il
de parler des
«
en termes trop louan-
unissent toutes les qualités qui peuvent
»
appartenir à un ouvrage de ce genre. Le raisonne-
))
ment
))
mots ou d'exemples
»
quer
»
profonde, non pas seulement pour les systèmes de
))
philosophie, mais aussi pour l'histoire ancienne ou
))
moderne. Les sujets sont heureusement
» le
est clair
:
il
la doctrine.
style,
n'est
pas surchargé de plus de
La science
vigoureux,
élégant,
étendue, exacte,
est
précis...
»
grand mérite pourtant de ces discours
))
leur originalité, le
»
d'économie politique
» à n'en »
,
choisis
:
Le plus
c'est
encore
nouveau système de politique
et
Hume
est,
pas douter, l'inventeur de ces doctrines
mo-
qu'ils contiennent.
dernes, qui maintenant sont les règles de la science,
» qui dirigent »
pour expli-
qu'il n'est nécessaire
mes
(1)
en grande partie
les actions
des hom-
d'Etat, et qui seraient appliquées dans toute
Publiés pour
cours politiques politiques.
,
la
première
fois
,
en 1752
,
sous
le titre
de Bis-
ces Essais ont été réunis aux Essais moraux
et
—
—
au gouvernement des peuples , sans
» leur extension ))
444
les intérêts égoïstes et les préjugés
» taines classes
puissantes (1).
Que pourrions-nous
aveugles de cer-
»
un éloge
ajouter à
aussi
com-
plet? Ce qui nous frappe surtout dans les Discours politiques, c'est d'y
un
voir
idéaliste,
un sceptique, aussi
visiblement préoccupé des conditions matérielles du
bonheur humain de
la vie.
aux choses
aussi attentif
,
V Essai sur
le
positives
Commerce, V Essai sur
Luxe,
le
nous montrent un esprit pénétré des nécessités modernes et des besoins nouveaux des sociétés. sur
le
V Essai
Luxe, particulièrement, pourrait être considéré
comme une
excellente réfutation de J.-J. Rousseau,
et des
paradoxes violents du Discours sur
sur
Arts (%). Tout en indiquant les dangers d'un
les
les
Lettres et
luxe excessif, et sans tomber dans une admiration outrée des progrès de l'humanité
avec calme civilisation.
et sagesse,
,
l'auteur
un hymne en l'honneur de
Son optimisme n'exclut pas
sentiment assez vif des plaies sociales
prend
la
de
richesse
la
inégalités excessives. «
dans
))
particulier devrait
» fruits
(1)
»
de son
et
la
un
Hume com-
une meilleure
remède de quelques
le
trop grande disproportion
,
tendance à engendrer
hommes
de lettres, p. 204.
les plaisirs et la
jouir des
en joignant aux nécessités de
Vie des
Le progrès dans
moyens de
avoir les
travail,
Lord Brougham
(2) «
Une
d'ailleurs
fortune des citoyens affaiblit les Etats. Tout
»
la
,
nécessité de chercher dans
distribution
y célèbre,
corruption.
»
dans
Tome
les arts n'a III, p. 302.
pas de
— ))
la
vie quelques-unes des commodités qui
nature humaine; elle diminuerait beaucoup moins
» le ))
charment
Cette espèce d'égalité est conforme à la
» l'existence.
»
—
445
bonheur du riche
du pauvre
un peuple
L'idéal social
i)
(1).
qu'elle n'ajouterait
actif ^ industrieux,
le travail qu'il
Hume
commerçant.
le
taux de f intérêt, sur
ne sont pas moins remarquables
quelques erreurs
exprimés sur
dans
C'est
du bonheur moral.
Les Essais sur F argent, sur ,
donc
serait
place la source de la richesse matérielle
et aussi l'origine
l'impôt
de
au bonheur
comme
,
l'utilité
,
par exemple,
(%). les
A
part
doutes
des banques publiques et des
papiers de crédit, ses réflexions sur des sujets aussi
nouveaux
et aussi
devenus
être
tique.
spéciaux ont assez de justesse pour
les lieux
communs de
monnaies jouent activement dans dustrie
un
les signes
de
la
rôle analogue à celui
le
que
monde de les
mots
les l'in-
,
que
algébriques remplissent dans le domaine
pensée et de
grande netteté
les
la science.
Il
détermine avec une
causes qui maintiennent ou altè-
rent le taux de l'intérêt. Enfin, tice
l'économie poli-
y montre, avec une clarté parfaite, que
Il
de l'impôt en général
,
il
expose sur
la jus-
sur la nature et le choix
des impôts particuliers, les principes les plus justes et les plus sains.
Dans ces études
si
diverses, et où nous ne pou-
vons pas plus longtemps suivre
(1)
Tome m.
{l)
ma.
,
p. 290.
p. 309, 324, 381.
Hume
,
la
méthode
— est
446
—
presque partout excellente. C'est un judicieux mé-
lange de
faits
Hume
rés.
historiques et de raisonnements
avait
sociétés antiques
,
beaucoup et
il
habilement à
la
qu'il
faits
fait
servir
construction de ses théories. Les côtés
économiques de
des sociétés
l'histoire
l'attiraient
préférence. Dans son Histoire d'Angleterre statistiques occupent
ne dédaigne pas
des
l'état
avait retenu de ses vastes lec-
une multitude de menus
tures
sur
réfléchi
modé-
,
de
les détails
,
toujours une certaine place.
par exemple
,
Il
de nous apprendre
d'après les comédies de Shakspeare
,
combien coûtait
sous Elisabeth un pourpoint de velours.
était
11
donc
admirablement préparé aux recherches de l'économie politique
,
et
il
les
a pratiquées avec
prudence
la
d'un observateur qui s'appuie sur l'expérience et non sur des hypothèses.
qu'on
lui
Il
ne mérite pas
ici le
reproche
a adressé d'employer une méthode toute
déductive, et d'appartenir à l'école métaphysique (1).
Hume Mais
a, sans doute, souvent recours à la déduction.
n'est-il
quelque a-t-il
pas nécessaire d'en user,
profit
veut
tirer
des généralisations de l'expérience ?
une seule science qui ne
tive? Ce qui, néanmoins ciation
si l'on
,
soit
justifie
Y
en partie déducen partie l'appré-
que nous venons de relever,
c'est
se laisse entraîner quelquefois à prédire
,
que
Hume
par des con-
M. A. Maury, Bévue des Cours littéraires La civilisation en que M. Maury exprime cette opinion à propos de V Histoire naturelle de la religion. Mais la méthode est la même dans les deux ouvrages beaucoup d'érudition et un peu de rai:
(1)
Ecosse. Il est vrai
:
sonnement.
—
—
447
tures hardies, l'avenir des sociétés et des nations.
Nous en avons déjà donné un exemple à propos de
En
constitution future de l'Angleterre.
non moins curieux
et qui a trait à
,
Hume
de notre pays
que
aussi désespéré
))
taire
»
Chambre des communes
quoique
;
fonciers
» priétaires
»
seconde pour
»
conséquent,
celui d'une
uns
))
est pas
pour
»
engagements de
»
mis de l'extérieur
»
comprendre que notre
les
que
les
fonds publics,
de
la
il
les
l'Etat... ,
désir d'être fidèles
le
,
la
par
n'en
pro-
aux
Mais peut-être nos enne-
ayant eu assez de finesse pour salut
dépend de
le
danger,
et
pour ne nous
lorsqu'il sera inévitable.
Comme
cette
ré-
le
décou-
nos aïeux,
nos pères, nous avons toujours pensé que
du pouvoir, en Europe
Mais lutte
il
,
ne pouvait être
,
maintenu sans notre intervention
» tance.
quoique
,
désespérée, seront assez politiques pour
» l'équilibre
»
dans
fortifier
nous cacher
comme
la
de ces fonds seront toujours assez étroites
» priétaires ))
»
;
moins vrai que leurs relations avec
» solution
et
et les autres soient personnelle-
ment peu. intéressés dans
»
lords
soient composées de pro-
))
» vrir
un expédient
première entièrement
la
:
pour un mi-
banqueroute volon-
Chambre des
la
plus grande partie
la
les
,
,
d'en venir à
,
»
et,
Grande-Bre-
conclut ainsi
sera toujours difficile et dangereux
» nistre
»
la
examiné plusieurs chances vrai-
tagne. Après avoir
semblables de banqueroute, Il
un autre
l'accroissement
formidable de la dette publique dans
«
voici
la
et
notre assis-
peut arriver que nos enfants, fatigués
accablés de difficultés
,
s'abandonnent
— » à
une sécurité
—
448
fatale, qu'ils laissent
opprimer
et con-
))
quérir nos voisins, jusqu'à ce qu'enfin, en compa-
»
gnie de leurs créanciers
ils
y
se trouvent
eux-mêmes
» à la
merci du vainqueur; et ce malheur,
» duit
jamais, pourra être appelé
»
notre crédit public (1).
de
la
question
Nous sommes faisait
»
la
se pro-
mort violente de
Laissons de côté le fond
et
ne considérons que
loin,
évidemment, de
,
s'il
la
la
méthode.
théorie qui
de l'induction une association d'idées garantie
par Ihabitude.
de se jeter plus réso-
serait difficile
Il
lument dans l'hypothèse.
Un des
mérites des Essais moraux
et politiques,
c est
qu'à côté d'études économiques brille dans tout son éclat la délicatesse naturelle
Pour être un
du goût
que
est pas
moins passionné pour il
de Hume.
temps modernes ont créées,
trielles
justesse
littéraire
appréciateur intelligent des sociétés indusles
parle
il
n'en
Avec quelle
les lettres.
du goût, du sentiment du beau dans
quelques-uns de ces Essais moraux, qui sont peut-être les meilleurs
du
recueil
:
Sur
la
sur la règle du goût , sur l'origine sur l'éloquence (%)
1
Le goût
tesse de sentiments telle
de beau,
ni
raît la plus
de
laid,
qu'il
délicatesse et les
progrès des arts
définit
que l'âme ne
du goût,
:
une délica-
laisse rien passer
sans en être émue, le goût
précieuse des facultés de
lui
pa-
l'esprit, celle
qui
est la source des joies les plus fines et les plus pures.
Hume sait, d'ailleurs, combien est rare cette exquise déli
(1)
{1)
Tome
III. p. 399.
Ibid., p. 1,
248, 119, 104.
— 449 — catesse de jugement, et qu'il faut, pour la développer,
de longues études
de profondes
et
-réflexions.
impossible d'analyser plus finement qu'il ne
Il
est
fait les
conditions de la critique littéraire (1).
Eu égard aux principes généraux de la philosophie de Hume, on serait tenté de supposer qu'il n'y a pas à ses yeux de règles universelles qui permettent de distinguer le beau du laid; et que le goût est
timent relatif, capricieux rien.
Hume
comme
mode.
la
Il
un senn'en est
repousse avec vivacité cette esthétique
par trop large
et
proclame que
qui
éclectique,
les
goûts sont indifférents, et que toute appréciation est juste par cela seul
déterminer (bien
même) de
qu'elle existe.
qu'il
quelles conditions
beauté d'une œuvre.
Il
croit possible
ne s'aventure pas à
«
Il
y
dépend a,
»
la
dit-il
,
de
le faire lui-
laideur ou la «
malgré
les
»
caprices et les diversités des goûts,
))
généraux d'approbation
))
littéraire...
»
doivent nécessairement nous plaire où nous déplaire,
))
par suite de la constitution originelle de notre esprit
Tome
(1)
» le
Certaines
III, p.
253 et
et
formes,
siiiv. «
La
des principes
de blâme en matière certaines
qualités
sérénité parfaite de l'esprit
rccuoillement de la pensée, une attention sérieuse pour
» qu'il s'agit d'apprécier, voilà les conditions nécessaires
sommes
»
quelles nous
»
{of the cathoUc
» à
une
« les
incapables de juger sur l'universelle beauté
and universal
sensibilité délicate
,
heauty)...
Un
solide
bon sens, uni
cultivé par la pratique, développé par
comparaisons, et affranchi de tout préjugé, voilà
» qui seules
l'olDJet
sans les-
les qualités
peuvent assurer à un critique son véritable carac-
w tère. »
29
— 450 — » (Jrom the original structure of internai fabric)(\
hommes^
les
leurs
si
goûteraient avec les tés.
Il
âmes
ques lumières
»
Tous
étaient également cultivées,
mêmes
ne faut pas, enfin, se
impressions de
).
mêmes beau-
délices les
laisser guider
la sensibilité
intellectuelles.
faut y mêler quel-
il
;
aux seules
La beauté
une
n'est pas
chose relative, variable au gré des opinions individuelles, et
aux ordres du premier ignorant venu.
Il
y a des principes de goût universels, et qui sont pres-
que
les
mêmes
chez tous les
hommes
il
;
y
a
une
critique littéraire.
La beauté
d'ailleurs,
quoique
fixes et invariables, n'est,
en elle-même, qu'un sen-
timent de notre âme, quelque chose
Ce qui
est vrai des sens et
matériel,
l'est
accordé à
Il
comme
la
intellectuel.
Hume
n'accorde pas plus à
la vertu.
«
couleur.
du goût au point de vue
aussi de la sensibilité morale,
au point de vue principes.
des conditions
liée à
La beauté
du goût
est ici fidèle à ses la
beauté
n'est pas
qu'il n'a
une qualité
»
qui existe dans les objets eux-mêmes, elle réside
»
dans
))
l'esprit
la laideur
qui les contemple... »
ne sont pas plus que
» des qualités dans les objets (^). certaines théories de Kant
dans
les choses,
,
m,
Tome
Essai XXIII, Sur
comme dans
,
y a
d'objectif,
mais de
p. 256. la règle
et
doux ou l'amer
» Ici,
qu'il
dépend non des objets eux-mêmes ture de l'esprit humain.
(2)
La beauté
ce qu'il y a d'invariable
en un mot, ce
(1)
le
«
du goût; passim.
la struc-
—
—
451
Quelques questions particulières ont aussi regards de
Hume
,
entre autres les causes de la déca-
dence de l'éloquence
de
pour
la
bue
lettres
l'antiquité
puissance et
le
fougue de l'éloquence.
et
par suite
du barreau
3^ la régularité
;
partant
il
nels
et
de dire
des orateurs
les orateurs
:
il
n'y a plus de
serait-il plus juste
;
il
;
la froideur, la
grande des mœurs publiques dit-il,
Il
:
attri1^ la
qui n'est bonne tout au
raison
lois,
aux modernes
relle
connaît et qu'il admire
qu'il
pins que pour l'éloquence
du bon sens,
des sciences. Les
des modernes à trois causes
l'infériorité
complexité des
et
au-dessus de tous leurs rivaux
bien
paraissent
lui
auxquelles se
et les conditions
rattache le progrès des
orateurs
attiré les
:
il
y
2° les progrès
rigueur natu-
de plus en plus
n'y a plus de Verres,
Gicérons.
Peut-être
a encore des
crimi-
y a encore des Verres, mais
emploient leur éloquence à les excuser
Quant aux
lettres et
aux
arts
en général
,
leur dé-
veloppement suppose, d'après Hume, une longue boration
,
un milieu favorable
l'apparition
grande
,
en
même
éla-
temps que
de quelques génies privilégiés, doués d'une
initiative
personnelle. Quatre lois lui parais-
sent résumer la philosophie de l'histoire des arts 1°
Les peuples libres seuls peuvent pour
fois
la
première
produire de grandes œuvres intellectuelles. Ces no-
bles plantes ne fleurissent pas d'abord sur
un
sol esclave.
Le despotisme tue tout élan, toute ardeur. Mais une développées sous l'influence bienfaisante de les lettres
et
:
y
fois
la liberté,
peuvent être transplantées dans d'au très pays,
refleurir sous d'autres
gouvernements. Par imita-
— 452 — tion. par reflet,
deront alors
grands siècles
les
même
littéraires coïnci-
avec des royautés despotiques.
^^
Le voisinage, Funion de plusieurs peuples
le
commerce, par des
une condition là
,
les
du progrès
essentielle
grandeurs de
par
liés
relations amicales, est encore
la
De
intellectuel.
Grèce antique. De
là aussi
l'avancement rapide des sciences dans l'Europe occidentale,
influences des grands pays civilisés
oii les
se fécondent, se complètent, se corrigent les unes les
non moins que les
autres. %^ Les lettres peuvent,
réussir à vivre et à fleurir sous
d'une cour brillante passer des
mœurs
mais
;
et
ne peuvent se
les sciences
des institutions d'une société ré-
publicaine, car elles reposent sur
la liberté
de penser,
principe incompatible le plus souvent avec l'esprit
narchique.
le
même
délicats, elles réclament
pays.
un
Comme
quelques arbres
terrain frais et vierge (1).
peut, d'après ces quelques indications, juger
de l'ampleur
de
et
vent néanmoins définitive d'une
servir
,
ces esquisses peu-
à préparer
philosophie de
au moins compris
quait guère, pour
des vues littéraires
la justesse
de Hume. Quoique incomplètes
tout
mo-
Enfin, 4° les lettres et les arts refleurissent
rarement dans
On
arts,
une monarchie, auprès
dont
l'art,
la possibilité.
mener plus
construction
la
ne
11
loin ses
Hume lui
travaux sur
ce sujet, que la connaissance des arts plastiques,
goût
de
et la
connaissance des œuvres de
l'architecture.
1)
Essai
Il
XXIV, tome
la
le
peinture et
resta toujours insensible,
III, p. 123 et suiv.
a
man-
on
le
— sait, à
en
—
453
ces impressions d'un autre genre, et son séjour
ne
Italie,
le guérit
Mais, en revanche, lettres; et,
si
pas de son indifférence.
Hume
aimait passionnément les
nous voulions en chercher
nous nous contenterions de
une question intéressante que
preuves,
nous en donne
celles qu'il
indirectement dans un Essai sur
les
Tragédie (1). C'est
la
de savoir pour-
celle
quoi, au théâtre ou dans les romans, nous éprouvons
un
vif plaisir
Pourquoi y
d'autrui. ser, des
au spectacle ou au a-t-il
récit
des malheurs
des larmes douces à ver-
émotions de terreur et de
sentir? Pourquoi est-il vrai
,
pitié agréables à res-
comme on
une variante ingénieuse du poëte
latin,
l'a
que
dit
,
par
:
Medio de fonte dolorum Surgit
amœni
aliquid luctu quod
qu'au plus
Serait-ce parce
amamus
fort
in ipso?
de notre illusion,
nous conservons encore secrètement
l'idée
que tous
Hume juge même quand il
ces malheurs sont faux et imaginaires?
avec raison l'explication insuffisante s'agit
des choses réelles
une description bien
hommes
ces des les
:
,
faite
:
nous trouvons du
plaisir à
des crimes ou des souffran-
nous aimons à
lire,
par exemple^
passages pathétiques de Cicéron. Quel est donc
enfin,
le#
motif de ce plaisir mystérieux que l'âme
ressent en présence des plus tristes tableaux? C'est
qu'en pareil cas, nous éprouvons à et
deux émotions
Essai
XXII tome El,
ments
(1)
,
:
la fois
deux
senti-
une impression douloureuse
p. 237.
de compassion ou le
d'effroi
langue savante
une impression agréable
;
que causent de beaux vers
plaisir littéraire
et
,
une
harmonieuse. L'impression agréable
et
emporte dans son mouvement l'impression douloureuse
douleur s'efface sous l'action plus forte
et la
,
du sentiment de
beauté. Théorie ingénieuse, peut-
la
être vraie, mais dont nous ne voulons tirer
conclusion
que pour
c'est
:
être un ami
qu'une fallait
il
très-sensible des
!
La lecture des Essais moraux temps
imaginée,
l'avoir
un appréciateur
délicat,
plaisirs littéraires
ici
et politiques,
même
en
grand nombre de
qu'elle enrichit l'esprit d'un
mieux
réflexions justes, procure aussi cet avantage de
pénétrer
le caractère
notre estime pour
même mais
de
lui.
Hume,
et grandit par suite
Un auteur découvre peu de
lui-
dans des théories purement philosophiques; écrit sur des
s'il
littéraires,
il
sujets politiques,
moraux ou
ouvre nécessairement de perpétuelles
échappées sur son cœur pas de passions
;
et
sur son âme.
son caractère
Si l'on avait à choisir, dit-il
Hume
était froid
et
n'avait
calme.
quelque part, entre un tem-
pérament ardent, passionné, capable de grandes mais aussi de peines plus vives,
modéré
paisible et
,
et
joies,
un tempérament
entièrement maître de lui-même,
quel est donc l'homme qui hésiterait à porter ses préférences sur ce dernier caractère? C'était précisément le sien.
Mais
la passion,
périence,
il
la
ment doux
et
s'il
lui
manquait
la
flamme plus vive de
avait, à n'en pas douter, connu, par ex-
douce chaleur du sentiment, mesuré.
Il
du
senti-
possédait cette délicatesse de
— rame, dont
il
parle
si
nous précipiter dans dans
les
bien dans un de ses Essais, qui
de nos
élargit le cercle
—
455
entraînements désordonnés
les
ardeurs troublantes de qui
catesse,
fait
de nos peines, sans
plaisirs et
la
passion
aimer davantage
aime, parce quelle réduit
,
cette déli-
:
choses qu'on
les
nombre des choses qu'on
le
peut aimer, et aussi parce qu'elle nous découvre plus
nettement
les qualités
de
Hume
Les autres œuvres de
combat, où
la
que
celles
aime
l'on
sont des œuvres de
polémique philosophique
sans cesse des armes,
et
sont mêlées d'erreurs
la
et
moment
philosophie. Mais elles
graves, et l'auteur y expose
peu durables.
des hypothèses
avec arrogance Essais politiques
chercher
ira
qui marquent un
considérable de Fhistoire de
!
moraux
sont,
Les
au contraire, une œu-
vre classique, où, dans un style excellent, se font jour des pensées solides
des réflexions judicieuses
,
Par ces mérites,
des sentiments délicats.
gnes de figurer au premier rang parmi littéraires
sont di-
ils
les
œuvres
de l'Angleterre.
Pour résumer nos impressions, nous ne saurions, d'ailleurs,
même
les
mieux
faire
termes dont
il
Hume
qu'emprunter à s'est servi
lui-
pour caractériser
ce genre tempéré de philosophie morale et pratique,
où Ion se préoccupe moins de rechercher rigoureu-
sement
la
vérité pour
soi-même
,
que de persua-
der doucement au lecteur des opinions rend accessibles
,
en se rapprochant de
cissant la pente par laquelle
vous
:
{(
il
qu'on
,
lui
,
lui
en adou-
doit s'élever jusqu'à
La philosophie morale, ou
la
science de la
—
—
456
» nattfre humaine, peut être
traitée,
de deux manières différentes
((
:
»
Hume,
dit
chacune
d'elles
a
» son mérite particulier, et peut contribuer au diver» tissement, à l'instruction, à
la
réformation du genre
comme né
»
humain. L'une considère l'homme
))
cipalement pour l'action,
))
décisions par le goût et par le sentiment;
comme
prin-
guidé dans ses
comme
» déterminé à rechercher ou à éviter les objets par
leur valeur apparente^ par la forme qu'ils revêlent
))
Comme
» à ses yeux.
monde,
estimable au
))
» parlons, pour
la
y a de plus philosophes dont nous
vertu est ce
la
les
qu'il
peindre des plus belles couleurs,
empruntent tous leurs charmes à
»
la
» l'éloquence; et traitant leur sujet sur »
poésie et à
un ton
aisé et
de séduire notre ima-
facile, ils s'efforcent surtout
» gination et d'engager nos sentiments. Les philoso»
phes de
» plutôt
seconde espèce considèrent l'homme
la
comme un
» être actif...
» abstraites
être raisonnable
que comme un
Quoique leurs spéculations paraissent
même
et
inintelligibles
à
la
foule des
visent à l'approbation des savants et
»
lecteurs,
»
des sages, et se croient suffisamment récompensés
ils
» des peines
de toute leur vie
,
s'ils
ont découvert
» quelques vérités cachées qui puissent servir à l'in» struction
de
» losophie
dont
»
la postérité. le
est certain
Il
que
la
phi-
ton est facile et populaire obtien-
dra toujours, auprès de
la
majorité des
hommes,
» la préférence sur la philosophie abstraite et rigou»
reuse;
»
comme
elle sera toujours
considérée, non-seulement
plus agréable, mais
comme
plus utile.
Il
— 457 — que
celte philosophie est celle
))
faut aussi reconnaître
»
qui a valu à ses disciples la gloire
en
même
temps
la
plus durable
plus juste... Les raisonneurs
la
))
et
»
abstraits s'égarent facilement
»
leurs
»
dans leurs systèmes, une série d'autres erreurs,
))
s'ils
))
aucune conclusion ne
))
veauté, ni par sa contradiction avec
dans
subtilité
la
de
raisonnements; une seule erreur engendre,
s'obstinent à en
chercher les conséquences
;
par sa nou-
effraie, ni
les
les
opinions
))
communes. Au
))
propose seulement d'exprimer
»
nés de l'humanité sous des couleurs plus belles et
))
plus séduisantes, s'arrête,
»
quelque méprise; et,
» sens
commun
,
contraire
un philosophe qui se
,
si
les
opinions
par hasard
»
garde contre de dangereuses illusions
rentre dans le droit chemin, et se
précisément
politiques.
Hume
la
a
fait effort
parfois
si
lui-même, ce
n'est pas
sion au sens
commun,
se
il
,
il
un désaveu:
s'y
et
séparer
met lui-même en nous en avertit c'est
une conces-
naturelle dans des écrits qui
sont faits pour plaire aux
!«''
(1)... » Telle
pour ne pas
contradiction avec ses principes
(l)
met en
philosophie des Essais moraux
du sens commun. Et
tomG IV,
commet
renouvelant son appel au
âme,
est
il
aux sentiments naturels de son
»
il
commu-
hommes.
Essai philosophique, Des différentes espèces de philosophie,. p. 1 et suiv.
CHAPITRE XIV.
CONCLUSION. II.
Il
I.
LE SCEPTICISME DE DAVID HUME.
SON INFLUENCE SUR LA PHILOSOPHIE MODERNE.
est
maintenant possible de jeter un coup d'œil
d'ensemble sur
la
philosophie que nous venons d'étu-
dier en détail dans toutes ses parties, et de la déter-
miner par quelques
traits
généraux. Nous voudrions
surtout montrer dans quel sens
que, et dans quel sens lieu,
caractériser
il
ne
Hume
l'est
l'influence
qu'il
est
un
scepti-
pas, et, en second
exercée sur
a
la
philosophie moderne.
I
La plus grave erreur que droit
l'on
du scepticisme de Hume
comme un pyrrhonisme de vaise
foi. 11 n'a
jamais eu
la
pût commettre à l'en-
serait
de
parti pris
pensée de
le
considérer
ou de mau-
faire
de
la dia-
lectique un jeu, et son doute doit être pris au sérieux. Si,
au point de vue intellectuel,
que dangereux
et
Hume
est
un
condamnable, moralement,
scepti-
c'est
un
sceptique estimable et dont les opinions méritent le respect.
Il
a
pu
être sophiste
dans
les détails
de son
— 459 ^ système, et faire quelquefois violence à
tout ramener à ses conclusions générales
évidemment sincère dans l'ensemble de et ce qui le
prouve par dessus
mélancolie où
la
caractère
non plus de lité
la
Son
et digne,
n'a
rien
légèreté de Montaigne, de la tranquil-
de ce pyrrhonien
satisfait, qui se
conclusions sceptiques. le
ses opinions,
qui rappelle Pascal
calme
rigide,
cieusement dans son doute.
où
est
il
émotions de ce sceptique malgré
âme
mais son
mais
jettent parfois ses doctrines.
le
et les dramatiques lui;
;
tout, c'est la tristesse,
rien, sans doute,
n'a
pour
la vérité
Hume
repose
si déli-
a souffert de ses
a plusieurs fois senti le vide
Il
plongeait son système, et
fait
d'amères réflexions
sur son délaissement intellectuel.
S'il
n'a pas réagi
contre ses conclusions, c'est qu'en lui, l'intelligence était toute-puissante
;
c'est
que
pas
la sensibilité n'était
assez forte pour dominer, par ses élans, les négations
qui s'imposaient à son esprit. Ce n'était point ce scep-
Gœthe en pensant
ticisme actif, dont parle tes,
ce
n'est
ses réflexions, renonce sans regret lutaires auxquelles
Par moments,
Hume, triomphe du d'avoir,
je
il
dit
la
aux croyances sa-
il
semble entendre, en
sais quel accent
raisonneur,
qui
joyeux,
s'applaudit
le cri
de
lui-même
par de nouvelles observations, confirmé la
vérité de ses conclusions. Mais cette joie est lide et
pente de
un irrévocable adieu.
cependant,
ne
lui-
pas non plus un scepticisme
entièrement résigné, qui, s'abandonnant à
lisant
de
sans relâche à triompher
qui s'efforce
même; mais
à Descar-
peu durable. Elle
est
le
fait
peu so-
d'un philosophe
— qui
460
—
condamné au scepticisme par son éducation,
,
d'appuyer sur de nouvelles preuves des théories
félicite
auxquelles toute
il
se sait fatalement voué, et qui, sentant
gravité du parti qu'il a pris, éprouve quelque
la
contentement à penser
qu'il a
mis une nouvelle
fois
de son côté. Aussi, lorsque arrivé au bout de
la raison
ses raisonnements
en recueille
il
,
que son scepticisme
vpit bien
sincèrement des ruines
fraie
se
les résultats
lui pèse,
on
,
et qu'il s'ef-
lui-même amon-
qu'il a
celées autour de lui.
Au
terme de
la
première partie du Traité de
Nature humaine, Y o'ici comment
Hume
que je
«
» avoir
suis
échoué plusieurs
fois
un
traversant
»
témérité de se remettre en
» seau, qui fait si
pour
contre des bancs de
détroit
mer sur
eau de toutes parts
et
même
le
que
souvent... Le souvenir de
l'avenir.
La misérable condition,
la
la
vais-
tempête
mes erreurs la
défiance
la faiblesse,
désordre des facultés que je dois employer dans
» le »
Il
de mes perplexités m'inspire de
» passées,
»
«
dangereux, aurait encore
»
battu
:
échappé miraculeusement au naufrage en
» sable, et
» a
s'exprime, avant
me semble,» comme un homme qui, après
d'aborder l'étude des Passions (1) dit-il,
la
mes recherches,
» L'impossibilité » tés
me
accroît
encore mes inquiétudes.
de corriger ou d'amender ces facul-
réduit
absolument au désespoir, rocher stérile où
et
me
mainte-
))
décide à périr sur
))
nant abordé, plutôt que de m'aventurer sur cet
(1)
Tome
I
,
le
p. 325 et suiv.
j'ai
— Océan sans
»
qui roule ses
linaites,
les
de mélancolie
remplit
dansTimmen-
flots
soudaine sur
» site. Cette réflexion
me
—
461
dangers que je
comme
»
cours
»
passion, plus que toute autre encore, a l'habitude de
))
se complaire à elle-même, je ne puis éviter de nour-
mon
» rir »
» Je suis
le sujet
me
fournit avec abondance.
tude et de ce délaissement
»
Sophie; je
))
monstre étrange
me
ma philomoi-même comme un
représente à
odieux qui
et
humaine
a
,
été
me
oii
,
jette
jugé indigne de
,
sans conso-
autres à se joindre à moi, pour
» lation... J'excite les
bande à part
mais personne ne m'écoute.
,
chacun a peur de
))
Chacun se
))
tempête qui fond sur moi de toutes parts. Je
tient à distance
exposé de moi-même à
» suis
;
la
siciens, des logiciens, des mathématiciens, et
»
des théologiens
»
dont
))
vais leurs systèmes
ils
» tour ils » et »
pour
moi
,
comment
m'abreuvent?
que
Hume la
déclaré que je désapprous'étonner qu'à leur
Lorsque je regarde autour de
je ne vois de toutes parts que dispute
je
même
être surpris des injures
comment
ma personne?
me
calomnie et diffamation;
considère
» certitude et
de
J'ai
me
expriment leur aversion pour mes doctrines
» tradiction, colère, »
:
la
haine des métaphy-
))
:
la
de tout commerce
exclu
avec ses semblables, et demeure seul
» faire
cette
d'abord effrayé et consterné de cette soli-
»
))
et
désespoir de toutes les réflexions découra-
géantes que
» société
;
moi-même
ignorance.
,
je
,
con-
et lors-
ne trouve qu'in-
»
s'exprimait ainsi à vingt-sept ans, au terme
première partie du Traité de
la
Nature humaine.
— mêmes
Les
—
462
sentiments l'accablaient encore dix ans
après, lorsqu'il composa ses Essais philosophiques. Dans
un passage remarquable
où
;,
oppose
il
la
philosophie
réellement scientifique, qui n'aspire qu'à
la
vérité,
à la philosophie morale, qui recherche le succès et
qui veut complaire au sens
commun
les traits les plus sévères, l'état
ceux qui se livrent à prête à
nature
la
hommes, ))
))
))
«
la
iVbandonnez-vous
votre science reste humaine
;
la
dépeint, sous
première plonge langage
voici le
et
;
où
votre passion pour
« à
» dit-elle
,
qu'il
aux
science; mais que
qu'elle soit telle qu'on
immédiatement l'appliquer à
» puisse ))
:
elle
il
,
l'action et à la
société. J'interdis toute
pensée abstruse, toute spé-
culation trop profonde.
Ceux qui me désobéiront,
je les punirai rigoureusement par la mélancolie pen-
où ces méditations
» sive
» certitude ))
enfin
))
des
))
ils
sans
voudront
Hume tesse
dont
fin
auront jetés, par
elles
les
l'in-
envelopperont
;
par l'accueil glacé que rencontreront auprès
,
hommes
aveux,
les
était
il
que
leurs prétendues découvertes, les
mettre au jour (1)... »
de ceux-là
est impossible lui
quand
,
et je crois qu'après
de
de douter de l'incurable
tels
tris-
avaient inspirée ses méditations philo-
sophiques. Peut-être
même
faut-il voir,
dans ces im-
pressions de découragement et de chagrin, la cause
qui l'éloigna peu à peu de
son esprit
et ses goûts
moins troublantes de
(l)
Tome IV,
p. 5.
la
philosophie, pour diriger
vers les études plus sereines et l'histoire.
Il
ne faudrait pas,
— sans doute
que
la
pousser au tragique une situation morale
,
Hume
froideur naturelle de
tolérable. tes
—
463
rendit
toujours
ne connut jamais ces angoisses poignan-
Il
que des âmes plus passionnées ressentent, quand
elles se
séparent des croyances de l'humanité, quand
commun. Et
tout lien avec le sens
elles brisent
donc, pour flegmatique
ne
soit,
qu'il
qui
trouverait
pas dans son expérience personnelle de quoi com-
prendre tout ce
communion
y a d'amer à n'être plus en
qu'il
d'idées avec ses semblables? Si
pour une seule opinion,
en coûte de rompre avec
il
conscience de l'humanité, combien
la
même
la
souffrance
doit-elle être plus vive, lorsque, sur tous les points,
on se trouve en contradiction avec elle? Ce seulement per
:
la foi religieuse
c'était aussi la foi
'écroulait autour
de
lui.
que
Un
sent largement à remplir positiviste
sentait lui
pas
échap-
philosophique. Toute réalité idéaliste
de consolation
n'a pas besoin
Un
Hume
n'est
,
:
comme
Berkeley
l'âme et Dieu suffi-
à occuper ses croyances.
comme Auguste Comte
se passe,
au
moins quelque temps, des croyances surnaturelles il
:
a pour exercer son activité, pour étouffer ses tris-
tesses, le
monde
Mais, je
le
sensible, le
demande, que
monde
restait-il
à
entier à explorer.
Hume
pour com-
bler le vide des croyances perdues? Autour de fui,
en lui-même, aucune
réalité
n'en sait rien. Ce qu'il est, ((
De
>)
ma
))
quelles causes dérive
destinée?
De qui
De qui
il
certaine.
ne
mon
le sait
Oii est-il?
Il
pas davantage.
existence? Quelle est
dois-je courtiser la faveur?
dois-je craindre la colère? Quels sont les
))
me
êtres qui m'entourent?... Toutes ces questions
commence
comprendre que
))
confondent
»
suis dans la plus misérable condition qu'on puisse
»
imaginer, environné des plus épaisses ténèbres, et
»
entièrement privé de l'usage de mes organes et de
))
,
et je
mes facultés (1)... En vain l'abus de
à
je
»
de
la dialectique et l'ivresse
la
déduction font-ils quelque temps illusion. L'esprit en agissant, en pensant, bien qu'il n'agisse et ne pense
que pour se prouver à lui-même son propre néant trompe
et se satisfait
,
se
pour quelques moments. Mais,
lorsque l'heure de conclure arrive, on hésite, on est
épouvanté.
Si,
du moins, on pouvait gagner des
adhérents, recruter des disciples? Mais non! il
faut traverser le
monde, silencieux
une propagande dangereuse
avec
son secret; ou bien,
si l'on
bien
et prudent, sans
essayer soi
Ou
,
emporter
et
se hasarde à dire
sa pensée, à quelles attaques, à quels anathèmes ne s'expose-t-on pas
!
Mais ce n'est pas seulement de sa rupture avec les
hommes que le sceptique même, du fond de ses
doit souffrir. Rentré en lui-
pensées
solitaires
veaux motifs de douleur surgissent.
11
est à
de nou-
peu près
impossible que la confiance absolue règne dans prit d'un sceptique.
Hume lui-même
cette impassibilité.
a
Il
beau
n'a pas atteint
s'attacher de plus en plus
fermement à ses motifs de doute,
il
ne peut échapper
à des retours involontaires de dogmatisme
(1)
ïomel,
p. 331.
l'es-
,
et
,
pour
— de
ainsi dire, à des accès
du penseur,
soit lorgueil
lible. L'incertitude livre
les plus
—
465
il
ne peut se croire
sonnements
!
Si
il
la
quiétude à laquelle
trompé dans ses
s'était
autres
les
infailli-
des assauts à ses conclusions
décidées, et trouble
aspire. Si, par hasard,
de croyance. Quel que
foi et
hommes
Hume
il
rai-
avaient raison
1
qu'en renon-
((
Puis-je être sûr,
))
çan4^
»
vérité? Par quel signe puis-je distinguer la vérité,
»
à
»
avoir raisonné avec toute la rigueur et le soin dont
))
je suis capable
s'écrie
»
aux opinions
supposer que
la
,
établies, je suis la route
fortune
je
me
mon
assentiment à
forte
tendance qui
»
dans un sens ou dans un autre
telle
me
ou
telle
opinion, que
pousse à considérer
sans exagération, le
agitations intérieures auxquelles
Une âme moins
la
ne puis donner d'autre raison de
))
per.
de
guide vers elle? Après
»
Tel est,
«
,
(1).
»
tableau fidèle des
Hume
ne put échap-
succombé sous
forte eût
la
les objets
le
poids
d'un scepticisme aussi désespérant. Montaigne acceptait,
au moins en apparence, passé de
cal est
exaltée; Auguste sa vie
,
sous
la
la
le
négation à
Comte
est
joug de la
la foi;
dévotion
retombé, vers
la
Pasplus
la fin
domination des croyances aimables
de et
des douces espérances. Peu d'hommes ont maintenu
comme Hume,
,
jusqu'à leur dernier jour, l'inflexible
rigueur de leur scepticisme obstiné.
Une
pareille constance,
une
fidélité aussi inaltérable
à des principes entièrement négatifs, serait un pro-
(1)
Tome
I, p. 326.
30
—
—
466
dige étrange, si, à côté de son nihilisme spéculatif
Hume
n'avait reconstitué
de
instincts
la
et
les fic-
qui lui a permis de réconcilier ses doctrines avec
tif,
sens. On se rappelle comment, monde extérieur, ou dans celle personnelle. Hume, après avoir montré
les affirmations
dans
de
la
du bon
question du
l'identité
néant et
le
turelle. C'est là, la
de
la fausseté
explique cependant
de
sur les tendances
nature, un dogmatisme apparent et
,
la
croyance générale, en
la
nécessité et la production na-
en définitive,
philosophie de
Hume,
revenir une dernière
et
l'originalité principale
on nous pardonnera d'y
fois.
Deux puissances, selon Hume se disputent humain l'imagination et l'entendement. ,
l'esprit
:
L'entendement, qui
n'est d'ailleurs
que l'ensemble
des propriétés les plus générales de l'imagination, se
rend compte de lui
de nos croyances.
l'inanité
obéissons, nous tombons dans
solu. Mais
tion
nous ne pouvons pas
nous retient sous sa
loi.
intérieur
comme
nous
scepticisme ab-
obéir
:
l'imagina-
Grâce à l'association des
idées, elle nous représente le
monde
lui
le
Si
monde
extérieur, le
réels et distincts.
Elle n'est,
à vrai dire, qu'une ouvrière d'erreur et d'illusion; et
hommes qui s'abandonnent à elle sont, dit Hume, comme les anges dont parle l'Ecriture qui se coules
,
vrent les yeux de leurs propres ailes pour ne pas voir la vérité.
Mais enfin nous sommes forcés de subir
joug de l'imagination, parce elle;
elle
est l'expression
qu'elle a la nature
le
pour
des instincts primitifs de
l'homme. Nous n'avons donc pas à craindre que
les
—
467 --
raisonnements raffinés de l'entendement soient victorieux et emportent toutes nos croyances. La nature,
dans sa prévoyance, a confié la garde de ces croyances à un instinct plus fort, plus efficace que tous les argu-
ments des sceptiques.
C
est
donc
la
nature elle-même qui
chargée de
s'est
du sceptique,
dissiper les incertitudes
et au-des-
nature nous détermine à
»
sus de tout contrôle,
»
juger, aussi bien qu'à respirer et à sentir (1).
«
Il
la
que
n'y a pas à craindre
» puisse
la
»
commune
))
primer
»
La nature maintient toujours ses droits,
»
phe, en
pousser
et
l'action,
fin
elle
supprime
de compte, de tous
» abstraits (2).
»
les
au nom de
C'est
la
))
))
l'impuissance
de
mon
» guérit »
Par bonheur,
«
que,
oii est
esprit
ma
de
,
la
et triom-
Hume se croit commun des
raison de dissiper les nuages
nature
suffit
mélancolie, de
en faisant cesser
soit
spéculation.
arrive, » dit-il, a que dans
il
ma
vie
cette inclination
autorisé à vivre, à agir ainsi que le
hommes.
la
raisonnements
dominatrice, suggérée par la nature, que ))
—
doute assez loin pour sup-
le
comme
)>
philosophie vsceptique
jamais détruire les raisonnements de ,
con-
et qui le
Par une nécessité absolue
traint à croire. «
la
à cette tâche
mon
,
et
me
délire philosophi-
tension de
mon
esprit,
par quelque distraction, par quelque impression
))
soit
)•'
vive de mes sens qui
»
mères. Je dîne, je joue au trictrac, je cause avec
(1; (•2)
Tome Tome
I
,
p. 233.
IV, p. 48.
fait
disparaître toutes
mes
chi-
—
468
— ou quatre heures
))
mes amis
))
de divertissement, je reprends mes réflexions,
et lorsque, après trois
;
»
me
»
décider mon cœur
paraissent
C'est par
si
ridicules,
que
ne puis
Hume
expédient bizarre que
cet
je
à s'y attacher de nouveau (1).
pyrrhonisme
A
pen-
en grâce avec
et rentrer
,
le
sens com-
faveur de ce nouveau point de vue, son
la
scepticisme spéculatif lui paraît une chose tout à indifférente,
vc
Suis-je
un de ces hommes
})
aucune certitude? La question :
moi
ni
qui n'accordent à nos jugements est tout à fait super-
personne n'avons jamais été con-
ni
))
stamment d'une
»
prend
»
cisme absolu
»
adversaire
la
Quiconque
semblable opinion...
peine de réfuter les subtilités d'un sceptiet total
discute en réalité contre
qui n'existe pas
,
et s'efforce
»
ment de démontrer par des arguments
))
d'une faculté que
la
un
inutile-
l'existence
nature a implantée dans
dont l'autorité ne peut être éludée
» et
fait
un sceptique? demandera-t-on,
))
» flue
)>
dérober lui-même aux conséquences de son
sait se
mun.
froides,
si
elles
(%).
l'esprit, >>
Cette
faculté c'est limagination. L'intérêt des recherches sceptiques est
dérablement diminué par
cette
sommes
comme
nous
gination,
mieux
(1)
(2)
tous,
les
savants
incliner devant l'autorité
ou de
la
coutume.
de
donc consi-
nécessité
la
les
II, p. 331, I. p. 233.
nous
ignorants, de
nature, de l'ima-
Hume
ne pouvait pas
critiquer son système, qu'en avouant
Tome Tome
oti
lui-même
— dans
qu'il faut agir^
tème
n'existait pas
la
—
469
vie pratique,
bien plus,
;
comme
qu'il
si
ce sys-
absolument
est
impossible de s'en tenir aux négations que ce système
grande notre propension
pose en vérités, tant est naturelle
à croire et à affirmer.
A
quoi servent des
analyses qui seront nécessairement démenties par les
de
instincts les plus puissants
prouver que
la
nature?
A
quoi bon
opinions humaines sont fausses, puis-
les
que non-seulement
il
utile, puisqu'il
est
est
même
nécessaire de les croire vraies ?
Comment
s'expliquer, d'ailleurs, cette lutte entre les
différents principes
a leurrés,
si elle
de notre être
nous a entourés
donc bien peu habile,
qu'elle ait
fléchi l'intelligence nécessaire
apparences sont trompeuses nos instincts
nous
d'illusions, elle est
donné à l'homme ré-
pour comprendre que
les
et qu'il faut se défier
de
Le mécanisme
î
? Si la nature
qu'elle a
imaginé pour
nous induire en erreur est mal combiné, puisqu'elle
y a placé, par mégarde sans doute, l'entendement qui nous avertit nous-mêmes de nos illusions Si elle î
voulait nous tromper, pourquoi ne nous a>t-elle pas
aveuglés complètement! Qu'est-ce donc que cet esprit
humain, qu'une pente invincible pousse à se duper lui-même par son imagination, à se précipiter dans des abîmes d'erreur, qu'il a cependant reconnaître ouverts devant ses
que l'homme,
tel
incompréhensible.
encore l'homme
qu'il
le
concevait, est
de
s'écriait
un monstre
incompréhensible
rêvé par
d'ailleurs,
faculté
pas? Pascal
Combien plus
tel qu'il est
Ne soyons pas^
la
Hume
1
dupes des mots;
et
ne
— nous figurons pas que croyant, parce
qu'il
—
470
Hume
redevenu réellement
soit
accorde une autorité irrésistible
aux
fictions
de l'imagination.
lui,
que
suggestions de l'imagination sont entière-
les
ment dénuées de
Il
est bien
Nous sommes
vérité.
entendu, pour
les jouets
d'une
hallucination perpétuelle, qui partout nous crée des
fantômes
fantôme de
le
:
la
cause ou de
la
force
active, que nous imaginons derrière les successions
de
fantôme de
faits; le
la
matière, que nous présen-
tent quelques-unes de nos perceptions
rame
enfin,
;
fantôme de
le
dont l'apparition mensongère dépend de
quelques autres de nos perceptions. Et fantômes
si
nous voulons
nous retombons dans
repousser
ces
néant
Hume, nous n'avons le choix qu entre raison et pas de raison du tout, c'est-à-dire
,
le
car, dit
:
une fausse
entre les illusions de l'imagination et le nihilisme le plus
complet
(loe
and none at
reason,
hâve no
clioice,
tirer
d'une pareille doc-
la philosophie, c'est-à-dire la réflexion,
que l'entendement engage contre l'imagina-
la lutte
tion, loin
fléau
que
betwixt a false
ail).
La conclusion rigoureuse à trine, c'est
but
le
de rendre des services à Thumanité, est plus
pernicieux que l'on puisse
le
inventer.
L'homme qui pense, selon Hume, est presque nécessairement un sceptique, et plus il réfléchit, plus l'incertitude le »
gagne
première décision, être corrigée par
:
Dans
«
tirée
de
la
tout
jugement, notre
nature de
une seconde,
tirée
de
l'objet, doit
la
mon
juge-
moins de confiance en
mon
j)
notre entendement... Si je réfléchis que
»
ment
est faillible, j'ai
nature de
—
me
» opinion que lorsque je » choses qui
—
471
en sont Tobjet,
borne à considérer les
i)
examen, j'envisage, Tune après
mon
continuant
et lorsque,
l'autre,
chacune des
))
appréciations successives que je suis obligé de faire
i)
de mes facultés
))
nent l'évidence, et, par conséquent,
))
à un affaiblissement progressif qui aboutit à une
))
destruction complète (1).
les règles
,
»
de
la
logique condam-
ma
Pour échapper à
négation d'ellle-même, à ce suicide qui est
mot des recherches a qu'un moyen dans
bilité,
croyance,
))
la »
et des efforts
c'est
:
» partie sensitive
de
le
que de
il
est
«
le
fait
n'y
la sensi-
dans l'imagination.
Hume,
cette
dernier
la raison,
de se retrancher dans
coutume, dit
croyance,
«
La
plutôt de la
la partie cogitative
de notre
nature. »
))
On
le voit,
c'est le scepticisme, le
scepticisme ab-
solu qui semble, en définitive, l'emporter, dans les pen-
sées de
Hume. Et cependant,
ce sceptique qui en vient
à dire que plus on examine une opinion, plus souvent
on
la
démontre ou on
probable
et
douteuse,
intellectuelle apporte
d'erreur
:
la vérifie,
plus on la rend im-
— car chaque nouvelle opération avec
elle sa
— ce sceptique qui
sophie toute raison d'être, à
chance particulière
semble ôter à
la
la
philo-
science toute valeur et
toute autorité; ce sceptique ne renonce pourtant pas à la spéculation et à la
» espérer d'établir ))
pensée.
Nous ne devons pas dés-
un système qui
moins satisfaisant^ pour
(1)
«
l'esprit
soit,
sinon vrai, au
humain,
et qui puisse
Traité de la nature humaine, cité par llcyd, toii^e
V,
p.
239.
— l'examen de
—
472
•
la critique la plus rigoureuse.
))
résister à
»
Pour
»
progrès delà connaissance, en donnant, sur quelques
))
points particuliers,
ma
la
))
un tour
différent
aux spécu-
en leur désignant
et
ils
ne
contre
le
il
vrai
dire,
Hume
sous ces attaques
le
était
moins sceptique
pensait lui-même. Sous ces négations mul-
sens
si
ardentes contre
Il
nettement
saisi la
valeur et
d'un seul mot appeler les noumènes; mais
il
pouvons croit
aux
l'enceinte des impressions subjec-
croit à des lois fixes, à des tendances, à des
instincts naturels. C'est
tout
il
carac-
le
nie absolument ce que nous
phénomènes. Dans tives,
la raison,
commun, il y a un courant de dogmatisme,
n'a pas
tère spécial.
dans
les questions
morales sur-
que se révèle ce positivisme dogmatique de Hume.
faut voir
Il
les
peuvent rencontrer
certitude et la conviction (1). »
tipliées,
dont
.
de contribuer un peu au
l'espoir
dans lesquels
sujets
C'est qu'à qu'il
j'ai
des philosophes,
» lations » seuls
part,
comme
il
malmène
les sceptiques qui nient'
toute distinction primordiale entre le bien et le mal.
n'admet pas qu'on puisse soutenir ce scepticisme
Il
moral, sans être de mauvaise s'en souvient,
dans
la
foi.
Et de
même, on
question religieuse,
il
pouvoir, sans contredire ses principes, affirmer
croit l'exis-
tence divine!
Ce dogmatisme de Hume, nous n'avons pas besoin de
le répéter,
qu'il
(1)
repose sur des bases trop fragiles pour
soit possible d'en être
Tome
I, p. 336.
dupe. Mais, quel
qu'il
— 473 — que
soit, quelle
lui-niême,
nos jours
Nous
positivistes.
les
philosophie de
la
Hume
fut la défiance qu'il inspirait à
ressemble à celui dont se contentent de
il
Hume
définirions volontiers
un système
:
positiviste,
ou
phénoméniste, exposé par un sceptique. Cest ainsi
que s'expliquent
Hume
qu'on a faites à
deux réputations
et se concilient les
uns
les
:
le
considérant
comme
un pur sceptique, un vrai sceptique, qui doute de
comme
son propre doute, qui,
il
lui-même, ne
le dit
doute pas seulement de ses croyances scientifiques
mais de ses doutes (1); le
les
autres
saluant
le
comme
premier ancêtre de cette école dogmatique moderne
qui s'intitule elle-même l'école positiviste.
Hume
a contrecarré sur tous les points la vieille
philosophie, la vieille métaphysique, trop ardente et trop vive,
il
et,
dans sa lutte
a dépassé le but.
Il
sem-
ble n'avoir pas seulement ruiné telle ou telle philoso-
phie, mais toute philosophie, et avoir rendu impossible,
non pas seulement
la
métaphysique, mais
Dans son entrain à détruire,
science.
non pas seulement
a compromis,
les théories existantes
aussi qui voudraient à leur
venu à douter de
il
tout.
la
,
tour exister.
mais celles Il
en est
Mais surpris dans ce doute
universel, où l'avaient précipité, sans parti pris, les vivacités de la polémique et l'enthousiasme de la pri-
(1)
la
dit
Ce qui donne, en
philosophie de
lui-même,
phique est tendement
,
«
effet,
Hume,
un tour nouveau
de ses doutes sceptiques.
intitulé
et le 5®
:
»
Doutes sceptiques touchant :
et extraordinaire
à.
comme
il
c'est « la solution sceptique, w
Le les
4«
Essai philoso-
opérations de
Solution sceptique de ces doutes.
l'en-^
— 474 — tique,
il
a cherché à se sauver lui-même des consé-
quences de son œuvre;
a imaginé, sans y croire
un expédient plus
et par
que solide au fond
l'association entre les
idées.
ainsi dire, le tour
principes
les
avait
Il
Il
qui n'a
,
de
naturels
même,
lui
fait
de sa création.
faiblesse et l'insuffisance. Mais ce
,
en apparence
satisfaisant
un dogmatisme nouveau
,
fondements que
d'autres
pour
il
en savait
la
dogmatisme, auquel
ne se trompait pas, d'autres s'en sont emparés, qui
il
ont prétendu
,
après l'avoir modifié et amélioré
en
,
faire la science définitive, la science qui, seule, se-
l'homme. De
rait accessible à
mérite d'être considéré
telle
comme un
façon que
positiviste,
Hume
mais non
comme un positiviste naïf, satisfait de ses affirmations. Hume a substitué à la métaphysique le phénoménisme, mais un phénoménisme qui doute de lui-même, qui se chancelant et mal assuré, et qui, par conséquent,
sait
devait provoquer efforts
de
,
nouveaux pour
la part
des rationalistes
ressaisir,
en dehors
,
des
au-des-
et
sus des phénomènes, la réalité substantielle, la vérité objective, qui seules peuvent donner au et à la science
un fondement
solides (1).
explications, citons tout
un passage de
objet et
Pour compléter ces
(1)
M.
un
au moins en partie
Mill qui confirme,
dogmatisme
,
notre opinion sur
caractère relativement dogmatique des spéculations «
Au
»
et
sujet
du but
» phie
de
Hume,
,
une opinion fausse.
Hume comme le d'après lui
,
,
Il
regarde
scepticisme à son vrai sens
la :
le
Hume.
du plan général des spéculations de Hamilton avance une opinion
et
de l'esprit qui y règne
» n'hésite pas à le dire
»
de
Hume ,
et je
pbiloso-
l'objet
de
étant de prouver l'incertitude de toute con-.
—
—
475
II
Au
milieu des contradictions passionnées que sou-
Hume, il y a, du le monde est d'ac-
lève l'appréciation des doctrines de
moins, un point sur lequel tout
» naissance.
Dans
» prémisses
« qu'il
» tées
seulement
cette intention,
le
il
montre raisonnant sur des
n'a pas établies lui-même,
comme
mais
qu'il a
»
dans les écoles de philosophie qui l'avaient précédé.
»
faisait voir (d'après
» à
des conclusions en contradiction avec
»
que
philosophes
les
non que
la
et
Hume
témoignage de
le
la
conscience trompe, mais
prémisses généralement acceptées sur ,
»
Hamilton) que ces prétentions conduisaient
» conscience, ce qui prouvait
»
accep-
des principes universellement accordés
des
l'autorité
qui conduisent à ces conclusions, doivent être
» fausses. (Dlscussiuns, pp. 87-88, et ailleurs.) ))
C'est là certainement l'usage
de
» versaires
» validité »
»
comme
prouvant
» ab
Hume
les
fait
que R,eidet plusieurs autres ad-
de ses arguments. Admettant leur
non comme comme une reductio Cei)endant il me semble extrê-
arguments, Reid
les
Hume
conclusions de
ahsurdum de ses prémisses.
mement improbable que Hume
» à cet usage, soit »
ont
ait
,
considérait
mais
prévu qu'on
dans un but dogmatique,
soit
les ferait servir
dans un but pu-
rement sceptique. Si nous formons notre opinion en
Hume
des essais métaphysiques de
lisant la
au
lieu
de
»
juger sur quelques expressions détachées d'un seul Essai
(la
»
philosophie académique ou sceptique), notre conclusion sera, je
»
crois,
» série tout entière
Hume
que
acceptait sincèrement les
» conclusions. Il serait difficile
sans doute de
me
prémisses le
et les
prouver par un
»
témoignage
décisif, et je
ne
»
manière absolue. Quand
il
»
seurs du dernier siècle
r>
complètement de ce qu'étaient réellement leurs opinions
» connaître »
,
il
hasarderai pas à l'affirmer d'une
s'agit
des philosophes libres pen-
est souvent impossible de s'assurer ,
de
jusqu'à quel point leurs réserves exprimaient leurs
convictions réelles ou étaient des concessions aux prétendues
— cord
c'est
:
l'imporlance de son rôle historique. La
philosophie de
Hume
dent sans valeur
ne saurait passer pour un acci-
sans portée, pour un épisode in-
et
de rhistoire de
différent
—
476
pensée. L'auteur du Traité
la
un
faiseur
de paradoxes qu'une érudition curieuse doit
tenir à
de la Nature humaine n'est pas seulement
» nécessités
du moment. Hume,
est certain
il
a
,
fait
largement
»
des concessions de cette nature; on ne peut pas dire qu'elles
»
ne soient pas sincères, elles sont évidemment comprises
au moins
» çovy-evfa,
» scepticisme «
de
comme
Hume
cuveToïo-i.
était
me
Il
semble
un déguisement de
fort
comme que
le
cette espèce,
adopté plutôt pour esquiver une attaque que jiour cacher son
mieux recevoir
)>
opinion
o
qu'une autre plus odieuse
;
il
aimait
»
clusions dans lesquelles
»"
part
il
;
de sceptique
la qualification
comme
et
avait à tirer des con-
il
savait qu'on verrait la négation, d'une
»
du témoignage du sens commun, d'autre part des doctrinés de la religion, il ne voulut pas les donner pour des convicet crut plus
à propos de les donner^pour les
»
tiens positives,
»
résultats auxquels
»
tière confiance à la véracité de la raison.
» n'ait 1)
on pourrait arriver,
eu lui-mémo cette confiance
voir pnrtagerà ses lecteurs.
et
si l'on
accordait une en-
Je ne doute pas
qu'il n'ait
qu'il
souhaité de
la
Il n'y a certainement pas trace d'un
»
sentiment différent dans ses spéculations sur les autres sujets
»
importants traités dans ses œuvres
»
sens général de ses écrits indique une tendance, et des passa-
:
et
même
sur ce sujet,
donc plus
le
»
ges isolés seuls en indiquent une autre;
»
sonnable d'interpréter les derniers de manière à ne pas con-
» tredire l'état d'esprit »
premier.
»
ton a mal compris
»
honore à
»
est
rai-
habituel de l'auteur qui se révèle dans le
Par conséquent je ne peux m'empécher de croire que Hamilla fois
le
caractère essentiel de
Hamilton
jour
comme
Hume
w
c'est qu'il professe
w
a loyalement réclamé pour lui
M.
il
Mill, Hamilton, p. 611.
Hume
philosophe
et
;
mais ce qui
comme homme,
une ardente admiration le
titre
de penseur.
»
et qu'il
—
Voir
— remettre en lumière critique dans
le vif
477
sa
des questions modernes^ et dont
encore vivante dans
l'inspiration se retrouve les les plus
un penseur qui a porté
c'est
:
—
opposées. Dans
les
éco-
chaîne des systèmes
la
philosophiques, sa doctrine est un anneau particuliè-
rement solide
nombre
et saillant,
A
d'autres anneaux.
qu'on se place pour
un de
auquel se soudent un grand
le
juger,
il
faut reconnaître en lui
ces esprits dominateurs qui subjuguent
leurs adversaires, et qui, tion,
quelque point de vue
s'ils
provoquent
s'ils
même
excitent la contradic-
les récriminations violentes,
ne
permettent pas du moins l'indifférence. Aucun grand philosophe moderne ne
s'est soustrait à l'influence
Hume. La plupart
combattu
l'ont
et réfuté
hommes qui considérés comme
passé sous silence. Trois divers, peuvent être
de
la
,
;
de
nul ne Fa
à des degrés trois maîtres
pensée moderne, Reid, Kant, Auguste Comte,
ont particulièrement subi l'action de son génie. C'est ce que nous allons montrer en peu de mots.
Nous
dirons ensuite, en dehors de l'histoire et des faits, quelle est la part légitime d'influence et doit exercer sur les destinées
de
que la
Hume
peut
philosophie
;
quelle est, en d'autres termes, la mesure de vérité
que contient son système.
§ Parlons d'abord
1-
de Reid
et
de l'Ecole écossaise.
Reid est d'un an à peine plus jeune que Hume. Mais tandis
que
Hume
publiait à vingt-huit ans son Traité ^
—
—
478
Reid attendait sa cinquante -quatrième année pour mettre au jour son premier Essai(\). Aussi trouve-t-on, d'un côté
témérité juvénile qui se hasarde sans
la
,
scrupule dans une voie nouvelle et périlleuse l'autre^ la
prudence réfléchie d'un esprit mûr
qui se confie surtout au sens
suprême
bition
commun
,
;
de
et solide
dont l'am-
et
de mettre au service des croyances
est
générales l'appoint de ses réflexions personnelles.
Quelque jugement que
sur la philosophie
l'on porte
de Reid, on ne saurait contester qu'elle a été presque
Revendiquer tions
du
les droits
de
la
raison contre les néga-
Traité de la Nature humaine y relever les véri-
que l'impitoyable sceptique avait reléguées au
tés
rang des chimères, et l'enthousiasme
tel est le
du simple
Machar. Reid nous
dans son calme
de trouble
;
plirent toute
n y
l'a
elle
lui-même
détermina
une longue
l'histoire doit
En 1764 parut human mind.
(l)
,
la lecture
des
méditations qui rem-
les
;,
garder
du docteur
à l'examen
dans sa solitude,
entre Reid et Hume, des relacommencement de correspondance
eut d'ailleurs
l'intermédiaire
:
et studieuse existence.
le
au public ses Recherches sur
livre
bon pasteur de New-
apporta des éléments d'agitation et
tions directes et un
dont
dit
but qui anima les efforts et
paix évangélique
et sa
œuvres de Hume
the
de Hume.
par la philosophie
tout entière suscitée
F esprit
Blair
de celui
le
souvenir. Avant de livrer
,
humain, Reid, par
voulut soumettre son
dont
il
s'était
premier ouvrage de Reid
:
constitué
Inqulry into
— 479 -^ Mais, entre deux nobles
l'irréconciliable adversaire.
esprits
l'opposition
,
des
l'aménité
des
On
rapports.
(il
y
félicité
les
il
lettres
deux philosophes.
la
vue),
obscurités de détail
termine en déclarant que, loin d'être mortifié
de son contradicteur,
les critiques
prétend
,
dit-il
,
mêmes, par
erreurs
mon
» naître
qu'il croit,
mettre sur
le
Reid répondit par une
crivons presque en entier
dans
s'en
honore
;
par ses
leur rigoureuse liaison tout au
moins, avoir contribué à la vérité.
il
à une part des louanges que méri-
travaux de Reid, parce
tent les
))
pas
Reid sur l'ensemble de l'ouvrage
après avoir signalé quelques
par
les
question des perceptions de
était surtout
Hume
conservé
a
qu'échangèrent à cette époque
Après avoir
n'empêche
doctrines
:
«
. . .
lettre
Que
le
chemin de
que nous trans-
j'ai
ou non réussi
entreprise, je n'en dois pas moins recon-
que je
suis votre disciple
en métaphysique.
plus appris dans vos écrits sur ce sujet que dans
))
J'ai
»
tous les autres écrits des philosophes. Je ne regarde
»
pas seulement votre système
))
sèment
lié
comme
très-rigoureu-
dans toutes ses parties, mais déduit
des
comme
que
vous
y)
très-exactement
))
acceptez, et qui sont généralement admis par les
))
philosophes
»
jamais douté,
»
ne m'avaient inspiré de
»
étaient vrais, votre système le serait aussi. Et sur
» la question est
:
principes
principes dont je n'aurais si les
moi-même
conséquences que vous en
de savoir
la
s'ils
tirez
défiance. Si ces principes
sont vrais, oui ou non,
évidemment beaucoup
plus facile de répondre,
»
il
))
maintenant que vous avez mis au jour toutes les
— »
»
—
conséquences qui en procèdent,
» Ja ))
480
qu'il
ne
l'était
quand
était
encoie
majeure partie de ces conséquences
dans
ombre.
donc ces conséquences doivent être repoussées, vous méritez une part de leloge 1
Si
))
qui reviendra aux adversaires et aux contradicteurs
))
d'un pareil système
))
indiqué
»
but
le
;
car vous leur avez à la fois
armes
qu'il fallait viser et fourni les
pour y atteindre (1)... » Reid voulait dire qu'en dévoilant
les
conséquences
des prémisses empiriques on idéalistes de ses devanciers,
Hume
avait montré à ses successeurs de quel
côté surtout leurs coups devaient être dirigés; et
même
temps
quen
par l'absurdité de son scepticisme
,
,
il
avait discrédité lui-même et réfuté à l'avance les principes sur lesquels Il
il
serait trop long
s était
de suivre dans
polémique de Reid contre points,
la
lutte
appuyé.
Hume
est déclarée et
le détail la
(2).
longue
Sur tous
les
vivement soutenue.
Disons cependant que, dans ces critiques poursuivies sans relâche, Reid se montre plus ferme de croyance
Hume
que puissant en argumentation. Sa réfutation de est plus éloquente
clamations,
que
solide. Elle contient plus
que de bonnes
et solides raisons.
Sa tactique consiste
presque partout à retourner contre
(1)
d ex-
plus de cris de révolte et d'impatience
Voir Burton
,
tome
II, p. 154.
—
Hume
Yoir aussi
la
les
consé-
Dédicace de
Reid, dans les Recherches sur l'entendement humain. (2)
On
Cousin.
peut consufter, sur ce sujet,
la
Philosophie écossaise de
—
—
481
Hume s'em-
quences de soq système, conséquences que pressait
du
avouer.
(1
Il
était trop facile
de mettre Fauteur
Traité de la Nature humaine en opposition avec le
sens
commun
et
;
Reid a mieux réussi à établir que
Hume
doctrines de
les
sont dangereuses qu'à prouver
quelles étaient fausses.
Sur plusieurs points on peut affirmer que Reid n'a pas tout à
fait
compris Hume. Nous avons déjà
quelle illusion
dans
la théorie
il
des idées-images
Hume
cisme de
avait été victime, le
quand
il
principe
dit
de
a cru voir
du
scepti-
du monde extérieur. De
à l'endroit
même, quand il reproche a Hume d'avoir employé le mot impression d'un façon vague, sans qu'on puisse savoir, dit-il, si
ce mot désigne l'acte de voir, ou bien l'objet
qu'on voit;
il
est clair qu'en
posant une semblable
question, Reid n'a pas eu une conception nette du systè-
me
de Hume, puisque ce système consiste précisément
à supprimer tout objet, à considérer les impressions uni-
quement au non plus
point de
réfuter
vue
subjectif (1).
Hume que
lui faire
Ce
n'est pas
remarquer qu'on
arrive par ses principes à détruire toute distinction
entre les opérations de l'âme et les objets de ces opérations (%).
Hume
distinction.
En résumé, Reid
n'a jamais
prétendu maintenir cette s'est trop
souvent con-
tenté contre son adversaire d'une réfutation par l'ab-
surde. Les appels au sens
dans son
(1)
Reid
livre
,
que
les
trad. Jouffroy,
commun
sont plus fréquents
recherches positives, dérivées
tome
III, p. 36 et suiv.
(2) Ibid.. p. 29.
31
— 482 — de l'observation, ou interprétées par
le
raisonnement.
Les Essais de Reid n'en sont pas moins une œuvre considérable
,
un
effort
vigoureusement tenté pour
systématiser les croyances générales. Quelques partie»
aux
entre autres les observations relatives
surtout,
sens, et la longue discussion sur les notions morales,
sur l'origine de à
la
la justice,
sur
la nécessité
de donner
morale un fondement rationnel, sont dignes du
grand nom que Reid
s'est
Hume
philosophie moderne.
que
celui
acquis dans l'histoire de la n'eût-il
d'avoir forcé Reid,
conclusions qu'une vait accepter, à
d'autre mérite
pour échapper à des
âme dogmatique
ne pou-
et pieuse
examiner avec sa bonne
foi
son
et
ardeur naturelle les principales questions de la philosophie, qu'il faudrait faire déjà très-grande la part de
Hume a déterminé la réaction de comme autrefois les sophistes d'Athè-
du sceptique.
gloire
l'Ecole écossaise,
nes avaient provoqué
Mais l'influence de
les efforts
Hume
ne s'arrête point
peut sans hésitation affirmer que
ment sur TEcole
un goût
écossaise.
Il
fait le
on
:
a agi directe-
exclusif pour les recherches psychologiques
humain, dont Reid
le
cette philosophie
de prudence
et
;
de
loue avec raison d avoir
centre de toutes les sciences (1).
cet esprit
Il
lui a
transmis
de timidité métaphysique
dont elle ne s'est guère départie.
(1)
Hume
là
a contribué à lui inspirer
une prédilection marquée pour l'esprit
de Socrate.
Il
a enfin
été
son
Reid, Préface des Essais sur l'entendement humain, trad.
Jouffroy, tome III.
— modèle, dans toutes de
rales
les applications pratiques et
psychologie où
la
—
483
pas jusqu'au principe fondamental de
Reid
de ses successeurs,
et
mun, dont Hume
n'ait
pour son compte
comme
la
Il
mo-
n'y a
la
philosophie de
l'autorité
du sens com-
quelque droit à revendiquer
Hume
primitive inspiration.
Reid, parle d'instincts naturels, de croyances
invincibles;
y a cette seule différence que
il
devant laquelle
ils
soire et fictive
pour l'un, légitime
yeux de relles
complu.
elle s'est
l'autre
;
l'autorité,
s'inclinent l'un et l'autre, est illu-
que, pour
Hume,
et infaillible
les
aux
croyances natu-
ne sont que des nécessités subjectives pour Reid, ;
au contraire,
elles sont d'incontestables
Hume
L'action directe de
vérités (1).
sur l'Ecole écossaise s'ac-
centue encore et se précise davantage chez les successeurs de Reid.
Dugald
semble
Stewart
déjà
moins de rigueur. Sur quelque points, s'entendre avec
l'esprit perçoit-il
des choses?
—
Sur
lui.
les
la
Hume
juger
avec
est près
il
question fondamentale:
directement l'essence,
la
de
—
substance
deux philosophes professent la même
conclusion négative, et réduisent la portée directe de l'esprit
à
la
perception des phénomènes
matière ou
))
pas
»
par les sens
» la
(1)
la
couleur
;
:
c'est
le
corps dont
j'ai la
uniquement l'étendue,
toutes choses
Cette remarque a déjà été
Hume
:
que
faite. «
d'accord avec
»
tence des choses repose sur une foi
il
dit
Ce
,
n'est
perception figure,
la
constitution natu-
Reid,
)i
dit Ritter, « est
que notre croyance à
»
(juand
ma
«
sur un instinct.
»
l'exis-
—
484
—
me fait rapporter à quelque chose d'extérieur. de même pour l'esprit. Nous n'avons pas immé-
))
relie
»
Et
»
diatement conscience de son existence
»
avons conscience de nos sensations, de nos pensées,
))
des actes de notre volonté. Ces opérations suppo-
))
sent l'existence d'an être qui sent
y.
la
de ce qui constitue l'essence de l'âme
matière (1).
Y
»
a-t-il
un
les qualités perçues,
de
bien loin de cette constitu-
être substantiel et identique,
naturel qui, selon
l'instinct
et celle
qui nous détermine à concevoir, derrière
tion naturelle
à
pense et
qui
,
Nous sommes dans une ignorance abso-
» qui veut... » lue
mais nous
;
Hume,
maintient
nos
.croyances malgré les raisonnements du scepticisme?
Pour Stewart, comme pour Hume, seuls sont
tence de
1
immédiatement
par
saisis
ame, l'existence de
les
phénomènes
l'esprit
l'exis-
;
matière relèvent non
la
d'une perception directe, mais d'une croyance suggérée par la nature.
Stewart
a
beaucoup
pour
insisté
certain point de vue, la théorie de lité.
Dans ses notes,
trer
que l'opinion de
nomènes
comme dans
au
n'est pas,
Reid
de
la
,
les textes
;
un
pour mondes phécroire et
un paradoxe nouveau
philosophie
à
sur la causa-
Hume sur les relations comme on pourrait le
le pensait
l'histoire
accumule
il
justifier,
Hume
qu'elle a
et isolé
pour
elle,
contraire, les témoignages de Butler, de Berkeley
(dans son ouvragé
(l)
intitulé Siris,
ou Recherches
Eléments de la philosophie de l'entendement humain
philoso-
,
tome
I
,
— phiques sur
de Locke,
vertus de l'eau de goudron),
les
avant eux, de Hobbes, de Malebranche lui-même.
et
est vrai
Il
,
que Dugald Stewart ne se range à
Hume que ble. Comme
dans
de
de
la
l'avis
de l'observation sensi-
les limites
dit
le
il
»
—
485
lui-même,
«
dans cette question
causalité, ses prémisses sont vraies, sa con-
» clusion
fausse
est
ses prémisses,
»
;
c'est-à-dire
de percevoir immédiatement par
l'impossibilité
les
sens une cause, une force réelle; sa conclusion, c'est-
du principe de
à-dire la négation
Stewart ne
s'est
jamais caché de
profonde pour Hume.
pour se convaincre II
le cite
Il
de
suffit
qu'il l'avait
son admiration
il
lui fait
qu'à Locke ou à Kant. ticisme, mais
Il
aux progrès de
le
détail
les
progrès
combat, sans doute, son scep-
l'envisage
il
les
une place aussi importante
la
comme une
crise
utile et
philosophie.
Nous ne voulons pas pousser plus dans
ses ouvrages
lire
assidûment pratiqué.
sans cesse. Dans sa Dissertation sur
de la pjhilosophie,
salutaire
causalité.
rapports de
écossaise. Disons seulement
que
mier des grands philosophes
loin
et suivre
et
de l'Ecole
Hume
l'influence
écossais,
encore dans les écrits de Hamilton,
du pre-
se retrouve
dernier repré-
le
sentant de cette école. Sans y insister, nous citerons le
jugement que
Hume ))
la
•(1)
tome
Hamilton
dans ses leçons sur
la
lui-même a porté sur métaphysique (1):
Hume
philosophie sensualiste de Locke,
Voir Hamilton II, p. 395.
,
Lectures on
métaphysks
,
édition
«
A
opposa
Mansel
— » la difficulté » est ))
))
de rendre compte de
un des caractères de
la nécessité,
la liaison
même
qui pût servir
une
tenter
à
pareille
explication; quant au principe de la coutume,
» a
montré
qui
de causalité. Le
de Locke ne présentait pas de prin-
sensualisme
» cipe
—
486
donner une nécessité
ne pouvait
qu'il
donc
Hume
ou bien
doctrine
du
))
réelle. L'alternative est
»
sensualisme est fausse, ou notre nature est un en-
»
semble
»
déterminés par
ment
»
Locke.
» tout
»
Hume
a été ainsi
un plus
solide fondesuperficiel
l'édifice
de
cause ou l'occasion de
la
ce qui a de la valeur dans nos récents travaux
more
philosophie deKant,
»
Sophie allemande
:
en Ecosse,
» Ste^vart
that
(o/* ail
il
soit
,
de
la
la philo-
de Reid, de
de tout ce qui se distingue soit
,
la
dans
la
philosophie
Hamilton exagère peut-être un peu évident
est le père
est le père aussi
et
dans
of principal value in
par Kant, de toute
et,
par un mérite éminent
» française,
is
Hume
récent metaphysics).
))
))
que
à la philosophie,
de métaphysique
» our
à chercher
là
la
Les profonds penseurs ont été
d'illusions...
))
:
par son témoignage,
qu'il
;
philosophie
italienne.
mais
ne
il
»
est bien
croit pas avoir
échappé lui-même à l'influence de Hume, puisqu'il fait
de cette influence
le
principe de tout ce que les
travaux récents de métaphysique ont produit de distingué dans les contrées philosophiques de l'Europe.
§
On
2.
connaît la phrase célèbre de Kant
:
« C'est
Hume
— qui m'a réveillé de faut
Il
ques,
ajouter que
la nécessité
lui a parfois aussi
€ontre
—
mon sommeil dogmatique (1). » Hume lui a révélé, par ses atta-
si
de renouveler suggéré
scepticisme. «
le
487
métaphysique
la
moyens de
les
Hume,
M. Cousin,
» dit
))
phe allemand
»
dans l'ancienne route,
est tenté
de
« est
le philoso-
un pas en arrière
faire
Hume
il
se défendre
fantôme perpétuel de Kant. Dès que
» le
,
apparaît et l'en dé-
lui
de Kant est de placer
0)
tourne
»
philosophie entre l'ancien dogmatisme et le sensua-
de Locke et de Condillac, à
» lisme »
tout l'effort
et
;
du scepticisme de
Nous
Hume
l'abri
la
des attaques
(%). »
allons rapidement préciser sur quels points
a principalement porté
l'influence
du philosophe écos-
sais.
Mais disons d'abord que cette influence est sur-
tout
indirecte,
qu'elle se manifeste par l'opposition
presque constante du disciple.
ment étudié pour mieux parfois
la la
philosophie de
combattre.
ou des personnes
Kant a passionné-
Hume,
ce n'a été que
lui est arrivé
Il
aux enfants, vdont
une réaction contre
Si
le
ce qui arrive
caractère est en partie
les caractères
qu'ils ont le plus
de leurs parents familièrement fré-
quentées. Néanmoins, Kant a eu quelque peine à se
défendre contre l'obsession des idées de
remèdes fait
qu'il a
Hume
imaginés pour guérir
le
Hume
,
et les
mal qu'avait
ressemblent quelquefois d'assez près à ce
mal lui-même.
(l)Kant (2)
,
Prolégomènes de toute tnétaphysiqiie future
Cousin, Philosophie de Kant
,
p. 18.
,
Préface.
—
.
Ce qui
—
d'épithète
élogieuse
Hume
pour
est
lui
que
le
ment à Hume, la portée
de
graphes de
n'y a pas
un
et judicieux philosophe...,
un homme
si
habile et
si esti-
Cette admiration a surtout pour principe
»
le mérite
H
accorde. L'illustre
lui
plus ingénieux des scepti-
le
«
pénétrant...,
mable!
ne
qu'il
un grave
» ques..., » esprit
Tadmi-
est tout d'abord incontestable, c'est
profonde de Kant pour Hume.
ration
»
488
philosophe allemand attribue juste-
d'avoir voulu déterminer exactement
l'intelligence
la
,
et d'avoir été
un des géo-
Hume
qui, le pre-
raison humaine. C'est
mier, a réellement inauguré
les
attaques contre les
prétentions, justifiées ou non, de ce que Kant appelle la raison pure. Et peut-être,
malgré
nous allons relever,
permis de dire
est-il
que s'arroge
droit
les
qu'ici
deux philosophes sont à peu près du même Le
que
les différences
avis.
raison de sortir des limites de
la
l'expérience possible, pour concevoir des vérités trans-
cendantales, Kant
le
conteste aussi bien que
Sur un point au moins, l'entente
est
damnation de l'ancien dogmatisme. le
scepticisme de
comme
Hume
complète Si
:
Hume. con-
la
Kant condamne
en lui-même,
il
l'approuve
négation de la vieille métaphysique,
qu'il
im-
porte de renverser, ou tout au moins de réformer.
Hume son
a donc entrepris une
tort a été
de ne pas
la
œuvre louable; mais
pousser jusqu'au bout
de ne pas l'embrasser dans son ensemble.
Kant,
trois
moments à
pensée philosophique le
scepticisme;
Il
y
,
et
selon
a,
distinguer dans le travail de la :
enfin,
le la
dogmatisme d'abord critique.
,
puis
Le scepticisme
—
—
489
s'insurge justement contre les vaines tentatives d'un
dogmatisme imprudent de rien accorder à existence et
cisément à
mais
:
raison
la
se trompe, en refusant
il
et
,
de reconnaître son
son rôle spécial. La critique consiste pré-
du sceptique,
rectifier les erreurs
par
et,
une détermination complète des principes de l'enten-
dement
de
et
la raison, elle rétablit le
dogmatisme sur
des fondements inébranlables. Mais c'est le scepticisme qui a préparé l'œuvre de
critique,
la
qui rend
et
possible la saine appréciation des facultés de
gence. Or,
Hume
Le
tique.
la
:
méthode
nature humaine nie
en ce sens
mais
il
est
qu'il
laquelle nous
il
est
nous inspire une défiance
dans
marque pas exactement
-cri-
toute ex-
raison en dehors de l'expérience, et
le vrai,
générale
la
l'intelli-
méthode sceptique,
le soin d'instituer la
Traité de
tension de
dans
en
Kant
et a laissé à
est resté à la
faux, en ce
le
qu'il
bornes de l'ignorance à
les
sommes condamnés. Après
avoir con-
testé légitimement certaines applications
de
Hume
préalable,
se trompe, lorsque, sans
dénie à
l'esprit tout
ne
examen
pouvoir de s'étendre a
critique est négative, celle de
la raison,
priori.
il
Sa
Kant positive. Et, pour
reprendre une comparaison qui revient souvent dans la Critique
de
la raison
pure,
Hume
géographe qui se contenterait de dire mitée
;
ressemble à un :
la terre est
li-
tandis que Kant prétend aller plus loin et déter-
miner exactement précises d'un
la
forme sphérique
monde dont
il
et les limites
a fait le tour.
Disons-le tout de suite, Kant nous paraît trop in-
dulgent pour Hume.
Que
les
négations absolues de
— Hume
au
aient tourné
Kant en
de
profit
des
tiré
ait
—
490
inspirations
salutaires
pour
rétablissement du dogmatisme, on ne saurait tester; mais, pris le
ment à
laisser
connaissances, le
le
con-
le
dans ses intentions
et
Hume
ne tend pas
seule-
indécise et confuse la limite de nos il
dçtermine très-nettement cette limite
sens le plus étroit de l'empirisme, sans auto-
riser la raison
tenter de nouvelles entreprises oii
à
moindre espoir d'un meilleur
puisse avoir le
elle
lettre
la
scepticisme de
réelles,
dans
à
que
philosophie, et
la
succès.
Kant a, d
compris que
parfaitement
ailleurs,
la
discussion du principe de causalité est le point capital
de
philosophie de
la
examinant
Hume.
Il
valeur de ce
la
le
d'avoir, en
loue
principe,
soulevé une
question de laquelle dépend le salut ou la ruine de la
métaphysique
:
la
question de
ments synthétiques a circonscrit son
tique de
la
priori.
examen
l'effet
» erreurs vinrent surtout, » lui ))
est
qu'il
commun
» les espèces » car »
il
pas
Il
de
«
:
Ses
d'un défaut qui
dogmatiques
:
c'est
toutes
de synthèses a priori de l'entendement
aurait trouvé
» lui-là), est,
les
«
systématiquement
que
comme
celui
de
ici
;
permanence,
le principe de la
par exemple (pour ne faire
» pation
des juge-
blâme d'avoir
avec sa cause
» dit-il,
avec tous
ne considérait
le
il
à la seule proposition synthé-
de
liaison
la possibilité
Mais
mention que de ce-
la causalité,
une
antici-
de l'expérience. »
est certain,
le répéter,
et
qu'en
nous avons eu souvent l'occasion fait
d'analyses,
Hume
se satisfait
I
~
—
491
trop vite, et le défaut fondamental de sa
méthode a
été très-justement mis en lumière par Kant. Mais
semble un peu exces-
critique est fondée, l'éloge nous
songé à
la
inventifs,
Hume
autres.
est
Il
même
texte
» ))
un
lisent
que l'auteur leur
expliqué là-dessus
et
tous les esprits
aux
livre plutôt
inspire,
dans
que dans
le
sous les yeux. Kant, d'ailleurs,
qu'ils ont
Hume
reconnaît lui-même que « ))
Comme
prête souvent ses propres idées
de ceux qui
les méditations
n'a jamais
jugements synthétiques
distinction des
jugements analytiques.
des
Hume
nous persistons à penser que
sif, et
si la
:
ne
s'est
jamais bien
pensait peut-être bien qu'il
il
y a certains jugements où nous sortons du concept de lobjet... » La question ne s'est jamais posée pour Hume.
ainsi
Il
distinguait,
connaissances qui résultaient de
on s'en souvient, la
comparaison
les
même
des idées, et les probabilités qui dérivaient de l'expérience.
Il
ver dans
faut la
beaucoup de bonne volonté pour retrou-
première catégorie
ques, et dans
Mais
la facilité
ver dans tales
la
seconde
les
les
jugements analyti-
jugements synthétiques.
avec laquelle Kant se décidait à retrou-
Hume
l'origine d'une des distinctions capi-
de sa philosophie,
sur d'autres points,
il
est
elle-même une preuve que,
lui était
réellement redevable
de quelques inspirations. Il
est certain, par
Hume les
est la raison
catégories
formes
exemple, que
scepticisme de
qui a déterminé Kant à imaginer
de l'entendement
subjectives, quelque
d'ailleurs,
le
par lesquelles
il
nom
et
l'ensemble des
qu'il
leur
donne
croit rétablir l'autorité
de
— nos jugements
—
492
compromise par Hume. Hume
si
avait,
en quelque sorte, abouti à une dissolution totale de l'entendement;
nombre
il
avait
décomposé
aucun
d'éléments, sans
indéfini
unis seulement par l'habitude.
Au
en un
l'intelligence
lieu
réel,
lien
de ces relations
précaires et entièrement a posteriori, Kant admet des
principes premiers, qui sont les fondements de l'expé-
comme
rience,
qui
même
de l'entendement, ou
les catégories
tendent à nous faire sortir des limites de
l'expérience, les lois de la raison. Mais,
Kant ne va pas chercher dans dans un rapport direct de
de
principe
la
lui,
Pour
;
de l'expérience
et
de
la
le
lui,
des
mais ces rapports
a priori^ de la constitution
tandis qu'ils ne sont pour
l'esprit,
avec son objet,
les relations, les rapports
entièrement subjectifs
idées sont
dérivent pour
choses elles-mêmes,
l'esprit
science et de la certitude.
comme pour Hume,
sultats
les
comme Hume,
même
Hume que
de
les ré-
coutume.
L'existence des jugements synthétiques a priori, qu'ils
dérivent de l'entendement ou de
Kant reproche surtout à
comme Hume ne causalité
Kant
c'est
,
insiste
s'est
Hume
la raison, voilà
d'avoir
ce que
méconnu
;
et
guère occupé que du jugement de
sur ce point particulièrement
dans sa critique.
Il
y a
,
dans
la
que
Critique
de la raison pure, d'admirables chapitres destinés à rétablir l'autorité primitive et
causalité.
prend
Avec une
Hume
culière
de
innée du principe de
perspicacité parfaite, Kant re-
d'avoir confondu la détermination partitelle
ou
telle
cause, qui n'est possible
qu'après expérience, avec l'affirmation générale de
—
d'une cause , affirmation qui s'impose a
la nécessité
Que
priori.
—
493
le soleil
durcisse largile et fonde la neige,
ce que nous ne pouvons savoir qu'après obser-
c'est
vations préalables
;
mais que ces deux phénomènes
que tout
aient une cause, c'est ce
même, en
vertu des conditions
esprit sait par lui-
mêmes de
son déve-
loppement.
Ce
n'est peut-être pas
Hume que Kant forme de
mais
;
la
La
les
la sensibilité
première
la
pour
sensibilité est
de connaître, non pas
les
on
lui,
choses en
Pour Hume,
phénomènes.
tion est le principe tuel
de
fait
l'intelligence.
le sait, la faculté
soi,
a
non plus sans se souvenir de
la
de tout développement
sensa-
intellec-
croyance n'est qu'une sensation, ou une idée
avivée par son rapport avec une sensation. Enfin
,
de ne pas être frappé du
est impossible
il
rapport qui existe entre le dogmatisme de
fondé sur les instincts de
de Kant, appuyé sur philosophes
de
la
,
les notions
ont senti
,
,
morales. Les deux
la
quoique différemment, au nécessité
de reconstruire
l'édifice qu'ils
avaient détruit. Mais chez
allemand,
croyances de
les
la
sit le
;
et c'est
n'a
supérieur à ,
l'esprit sai-
dans ce monde idéal que nos
croyances sont réalisées.
Hume
monde
au-dessus des phénomènes
noumène,
philosophe
le
raison pratique trou-
vent leur point d'appui dans un l'expérience
Hume,
dogmatisme
et le
après avoir critiqué l'usage spéculatif
raison, et abouti,
scepticisme
nature
la
Il
est inutile
de dire que
conçu avec netteté rien de semblable
que, soutenues seulement par
1
instinct, les
,
et
croyances
—
494
—
qu'il
combat ne sont sauvées qu'en apparence
pour
le
besoin de
Son
la vie pratique.
et
,
esprit n'a pas
eu assez d'essor pour échapper au scepticisme autre-
ment que par un dogmatisme précaire qui ,
expédient sans valeur. Mais
lui-même dans a
gloire
la
la
^
il
est
permis
que, par sa distinction de il
marcher
n'a pas su
voie hardie où s'est jeté celui qu'il
d avoir compté parmi ses admirateurs
ses disciples
tique,
s'il
qu'un
n'est
la
du moins
,
et
de penser
,
spéculation et de
pra-
la
a déterminé, dans la pensée de Kant, des
réflexions fécondes
;
il
lui
a donné l'idée d'écarter le
pyrrhonisme par un idéalisme étrange, dont loriginalité est incontestable
,
mais qui n'en
moins
est pas
fondé sur une distinction analogue à celle de Hume.
En enfermant
l'esprit
humain dans ce
l'empirisme sceptique, d'où sortir
que par
la
il
porte du sens
ne
permettait de
commun,
il
a forcé le
génie de Kant à se frayer une voie nouvelle élargir les horizons
d'un
de
la
de
cercle étroit
lui
et
,
à
philosophie par lïnvention
monde nouménal, que nous ne pouvons nous
représenter, mais que nous pouvons concevoir, et dont l'existence est certaine.
§3. Si
Hume, par
ses négations, a
provoqué un rajeu-
nissement du dogmatisme spiritualiste
Kant à inventer, par delà presque raison à tés
Hume
,
les
;
s'il
phénomènes où
a il
un monde nouveau de
que nous pouvons penser
et
forcé
donne réali-
non connaître,
afin
— un refuge
d'y chercher
ver,
même,
—
et d'y
emporter, pour
croyances humaines;
trésor des
le
495
sau-
le
a, de
s'il
contraint les Ecossais à s'appuyer de plus en
plus sur le sens
commun, par
individuelle et par
défiance de la raison
un sentiment
des preuves philosophiques
;
il
secret de la faiblesse
a aussi
,
par ses ana-
lyses, directement inspiré les philosophes qui, à des
degrés divers
se rattachent de notre temps à FEcole
,
il
a agi sur la pensée
moderne, non pas
seulement par
les réactions qu'il a
soulevées
positiviste
:
contradictions qu'il a rendues nécessaires
tendances
les
qu'il
des
qu'il
a léguées
lui
chefs
lui ;
il
a transmises est l'un
de cette école qui
,
,
par les
,
mais par
,
par
idées
les
des maîtres et l'un
en France
relève
,
d'Auguste Comte, en Angleterre, de M. Stuart Mill
;
maître ignoré par les uns, avoué par les autres, mais
dont
l'esprit se
retrouve sans cesse
,
et
dont
nom
le
revient souvent, dans des travaux qui, par la puis-
sance de leurs déductions, par doctrines
,
sinon pour
la vérité
la
hardiesse de leurs
de leurs conclusions
méritent de prendre rang parmi les œuvres les plus considérables de notre temps. Citons d'abord le témoignage d'Auguste
même
:
((
Sous
))
principaux
))
cieux
l'aspect
purement mental
membres de FEcole
Hume
,
Comte
lui-
l'un
des
,
écossaise
,
le
judi-
par une élaboration plus originale sur
théorie de la causalité,
entreprend avec har-
))
la
))
diesse, mais avec les inconvénients inséparables
))
la scission
jj
générale entre la science et
la
de
philoso-
phie, d'ébaucher directement le vrai caractère des
— »
—
496
conceptions positives... Malgré toutes ces graves
»
imperfections, ce travail constitue, à
»
seul pas capital qu'ait fait l'esprit
»
juste appréciation
mon
gré, le
humain vers
directe de la nature
la
purement
))
relative, propre à la saine philosophie, depuis la
»
grande controverse entre
»
nalistes,
»
historique de cette détermination fondamentale.
»
doit aussi noter, à cet égard, le concours spontané
»
des ingénieux aperçus de son immortel ami
»
Smith, sur
»
tout
))
encore davantage du vrai sentiment de
où
j'ai
de
nomi-
ci-dessus indiqué le premier
germe
l'histoire
me
ma
,
On
Adam
générale des sciences, et sur-
où
de l'astronomie,
» rationnelle. Je ))
les réalistes et les
il
s'approche
plais à consigner
peut-être
la positivité
l'expression
ici
reconnaissance spéciale pour ces deux émi-
dont Tinfluence
ma
»
nents penseurs
»
première éducation philosophique, avant que j'eusse
»
découvert
»
la
,
grande
loi
fut très-utile à
qui en a nécessairement
dirigé tout le cours ultérieur (1). »
Après Reid, après Kant, voici donc Auguste Comte qui reconnaît,
aussi,
lui
ses premières réflexions.
dans
Y
Hume,
a-t-il
l'inspirateur
de
donc beaucoup de
penseurs, anciens ou modernes, qui aient eu
la
bonne
fortune d'appeler à la vie philosophique, en présidant
au premier
renom
éveil
de leur
esprit, trois
philosophes d'un
aussi éminent?
Auguste Comte, nous a témoigné encore l'estime
(l)
Auguste Comte
tome VI,
p. 259.
,
Cours de philosophie positive
,
qu'il
édition Littré,
— 497 — de
faisait
Hume
par
Dans ce calendrier, résumé de
Calendrier positiviste. l'histoire
de tous
place qu'il lui a donnée dans son
la
les
temps
de tous
et
nom
à chaque jour de l'année correspond un
par l'action ou par
la
nes ont leur mois
:
patron. Les
noms
pensée, le
les
à côté de Pascal
Hobbes y
:
célèbre
même
places
Kant
et
que Locke
les autres
:
et c'est pré-
Hume
est
Bacon
,
Montesquieu
,
comme
,
compté, et Leib-
Cabanis
Hegel eux-mêmes sont relégués aux rangs plus
obscurs des jours de
a
inscrit
est
aux philosophes que
d'honneur,
temps que saint Thomas
tandis
:
le
Joseph de Maistre, à côté de Fréret.
;
cisément parmi ces privilégiés que
en
où
plus glorieux figurent dans la
les
Comte met au-dessus de tous
nitz
et
philosophes moder-
Les quatre dimanches du mois ont été réservés, autant de
,
onzième. Descartes en est
sans acception de parti
liste,
pays
les
la
semaine
(1).
De même, Hume com-
trouvé place dans la Bibliothèque positiviste
posée par Auguste Comte pour guider ses disciples, et
les
où ne figurent cependant
,
études de
ni les
œuvres
de Locke ou de Condillac, ni celles de Voltaire ou de Rousseau. Après
la Bible et
cours sur la Méthode, ei selle,
prennent
rang
«
i)
double Dissertation sur
(1)
précédés (ainsi
,
le Dis-
philosophiques
le
demande Comte) de
les
sourds
Ce calendrier se compose de
-chacun
Essais
les
Hume,
Coran, après
Discours sur F Histoire univer-
le
»
le
treize
et
les
aveugles
de la
de
mois de vingt-huit jours
qui ne laissent qu'un jom' complémentaire dans les an-
nées ordinaires et deux dans
les
années bissextiles.
32
— nomie, par
Adam
—
de VEssai sur
» Diderot, et suivis »
498
Smith.
Hume
L'opinioQ de Comte sur
Vhistoire de VAstro-
»
n'est pas restée sans
écho parmi ses disciples ou ses adhérents » tation
de
Hume
du
» stitution
sur
la causalité
relatif à l'absolu
un pas
unabréviateur du système de Comte » positiviste, » dit »
pour
»
ne
première
la
Hume,
» par
fait
M.
qui
Mill, « fut
:
La disser-
faire à la
sub-
décisif,
écrit
))
La doctrine
(1). «
probablement conçue
dans son entière généralité,
fois,
même
fit
la
mena un peu
plus loin
que
Comle, soutenant non pas simplement que
» les seules causes des
phénomènes susceptibles
d'être
»
connues de nous sont d'autres phénomènes, leurs
))
antécédents invariables, mais qu'il n'y a pas d'au-
espèce de causes,
» tre
la cause,
telle
qu'il Tinter-
» prête, signifiant l'antécédent invariable (%). »
C'est la
ressemblance des doctrines qui révèle
cendant d'un maître mieux encore que des disciples. Or l'Ecole
positiviste
il
suffit
pour remarquer sur combien de
C'est surtout la négation
de toute substance, qui, a
de toute
Hume.
force, et, par suite,
attiré sur
Hume
les
sympa-
d Auguste Comte. En niant toute cause réelle,
thies
Hume
ouvrait les voies à l'affirmation fondamentale
du positivisme
:
qu'il n'y
a que des connaissances re-
C. de Blignicres, Exposition abrégée
sophie positive (2)
l'as-
hommages
de jeter un coup d'œil sur
points essentiels elle se rencontre avec
(1)
les
,
M. Stuart
et
populaire de la philo-
p. 446. Mill,
Comte
et le
positivisme, trad.
Clemenceau,
p. 8»
—
—
499
latives, et qu'en toute'chose l'essence réelle^ la vérité
absolue nous échappe. Pour A. Comte,
science se
la
réduit à déterminer les phénomènes dans leurs rapports de similitude et de succession.
aux causes
efficientes et
ment que
recherche
la
Hume ou M.
primant
la
chose,
du mot cause
:
il
,
et,
finales,
Quant aux causes
en proscrit entière-
plus conséquent avec lui-même
Mill, qui
conservent
le
nom
en sup-
rigoureusement l'emploi
s'interdit
il
il
ne parle que des
lois
de succession.
Qui ne reconnaîtrait, dans ces principes, l'expression
même Comte,
des pensées de il
n'y a
Hume? Pour
de certains que
nomènes, ce qui
est
comme pour
lui,
les faits positifs, les
donné par l'expérence.
Il
phé-
y a seu-
lement cette différence que Hume, nourri dans
l'idéa-
lisme de Berkeley, considère les choses au point de
vue
subjectif;
que Comte, au contraire, élevé à
des sciences mathématiques et physiques point de vue
objectif.
Mais
sont pas autre chose au fond que les
se place
,
les impressions
l'école
de
les
faits,
au
Hume ne phéno-
mènes de Comte.
Un même mépris de
la
logique anime auss4 les
philosophes. Ce mépris nous turel et
deux
un préjugé na-
paraît
presque inévitable pour des penseurs qui nient
tout a priori. « La
méthode,
»
dit
Comte,
« n'est
pas
en dehors des recherches
))
susceptible d'être étudiée
»
où
employée, ou du moins ce
n'est là
qu'une
))
étude morte, incapable de féconder
l'esprit
qui s'y
))
livre (1).
(l)
elle est
En elle-même
))
A. Comte
,
la
logique ne peut ensei-
Cours de philosophie positive
,
tome
I
,
p. 33.
— 500 — gner que des généralités vagues. Elle ne se précise
que dans
ses applications,
c'est là qu'il faut l'ap-
et
prendre. C'est par l'étude des sciences que l'on par-
viendra à acquérir de bonnes habitudes intellectuelles. Il
n'y a pas d'opinion sur laquelle
fréquemment dans
Hume
n'ait
sion et le la
la
série
Comte revienne plus
de ces leçons. Bien que
pas traité la question avec
même
développement,
déci-
condamnation de
la
logique était manifestement au bout de ses doctrines.
Nous n'avons pas besoin de redire (voir combien sont et
même
la
combien
elles
,
chap. VI)
le
insuffisantes les règles de son
malgré leur faiblesse
Organum,
et leur brièveté
dépassent par leurs prétentions
légitime portée
la
d'une logique empirique. Fondée exclusivement sur les faits, sur les résultats
de l'expérience, vide de tout
principe a priori, la logique empirique ou positiviste n'est
que
le
résumé de
la
science
faite.
progrès, les nouvelles applications de
vent à tout
de
la
moment
dont
la
science peu-
modifier, transformer les règles
méthode; de sorte que, variable
la science
Les nouveaux
elle n'est
que
et
mobile
comme
forme abstraite
la
,
la
logique n'a pas de valeur en elle-même; surtout elle
ne peut être déterminée avec l'avance.
se
Le savant qui
mettre à l'œuvre
profit
et
formulée à
méthode avant de
établit sa
ressemble à un voyageur qui
voudrait a priori fixer l'itinéraire d'un voyage de découverte. Si les points
communs entre Hume
et
Auguste Comte
ne sont pas aussi nombreux qu'on pourrait l'attendre
de philosophes qui professent
les
mêmes
principes
—
501
ont poussé leurs investigations dans des
c'est qu'ils
voies tout à
fait
vent répété
est
,
différentes.
»
,
l'avons sou:
ramène
il
une aberration singulière
peu digne d'un aussi grand contraire
Hume, nous
avant tout un psychologue
tout à la psychologie. Par
arrêt de
—
A. Comte,
esprit,
et
au
prononce contre Tobservation intérieure un
mort absolu. «L'esprit humain peut observer
directement tous les phénomènes
excepté
,
les siens
L'individu pensant ne saurait se partager
» propres...
que
»
en deux, dont
))
regarderait
»
psychologique est donc radicalement nulle dans son
l'un raisonnerait, tandis
raisonner.
Cette
» principe (1). » L'écart est aussi
entre les deux philosophies
d'une
même
;
l'autre
prétendue méthode
grand que possible
et à voir
deux adhérents
école se contredire aussi absolument sur
un point aussi
essentiel,
on a quelque envie de déses-
pérer du progrès philosophique, et de s'effrayer sur les
destinées d'un science où les opinions
les
plus
contraires peuvent être aussi résolument affirmées.
Auguste Comte, bien qu
Si
a su apprécier D.
Hume,
il
hostile à la psychologie, n'est pas
étonnant que
notre auteur ait excité l'admiration de ceux d'entre les positivistes qui,
mieux
inspirés, reconnaissent les
droits et l'importance des études psychologiques.
l'avons montré bien souvent dans ce livre
:
les philo-
sophes de l'Ecole anglaise contemporaine sont ciples
ment
(1)
de Hume. les
Ils
lui
,
les dis-
ont emprunté non pas seule-
tendances positivistes qui
A. Comte
Nous
les
Cours de philosophie positive
;
déterminent à
passim.
— sacrifier
comme
lui toute
au delà des phénomènes
commencements des de résoudre
502
~
recherche, toute spéculation ,
mais aussi
les
germes ,
théories par lesquelles
les
essaient
ils
problèmes de l'âme. Nous ne dirons
les
pas que M. Stuart Mill, par exemple, soit seulement
un Hume
diffus,
mais
c'est
Hume
un
perfectionné, qui
a su développer avec une admirable clarté les principes
que Fauteur du
Traité de la Nature humaine avait négli-
gemment jetés dans peu obscure
avec
et
Hume, Ihypothèse :
peu
trop
elle est
une forme un
d'éclaircissements.
supprime
expérimentale anglaise
L'Ecole
tique
ses ouvrages sous
comme
,
d'une âme, d'une substance iden-
donc bien forcée
comme Hume
,
chercher dans l'association des idées
,
dans
la
,
de
combi-
naison de quelques impressions primitives, l'explication des
phénomènes
tions les plus
compliqués, des opéra-
les plus
élevées de l'esprit.
Nous pouvons donc conclure que Hume philosophes modernes qui ont
le
est
un des
plus agi sur la pen-
sée de ses contemporains et de ses successeurs. Après cent ans, son influence n'est pas éteinte. lui tous les
cupent et
S'il
a contre
philosophes métaphysiciens qui se préoc-
avant
des
tout
suprasensibles
,
il
questions
transcendantes
a pour lui, au contiaire, tous
ceux qui, à quelque école
qu'ils
tachent de préférence aux
appartiennent,
s'at-
recherches positives, et
excluent, les uns absolument, les autres le plus possible, ces entités, ces facultés
dont
la
cienne a tant abusé. Hegel a pu dire » possible de descendre plus bas,
philosophie an:
«
Il
comme
n'est pas
penseur,
» qu'en faiSSnP%le l'habilude et de » source ))
élevées. » Mais,
M. Huxley,
l'illustre
il
et les plus
a quelques années à peine,
y
savant anglais, écrivait, peut-être
avec une exagération contraire, par
rimagination la
des notions les plus générales
et
pour mieux écraser,
comparaison avec un génie supérieur,
la
le
mérite
Comte, à propos de qui ce passage a été com-
d'A.
posé
:
((
Les pages lourdes et verbeuses d'A. Comte
» rappellent
peu
» leuse précision
la
vigueur de pensée
et la
de style de l'homme que
» pas à appeler le plus
merveil-
je n'hésite
penseur du dix-huitième
fin
» siècle, bien que ce siècle ait produit Kant (1), »
III
De
tout ce
que nous avons
a posé, sinon résolu,
que puissent questions
résulte
il
que
Hume
questions les plus graves
les
débattre
dit,
les
philosophes
redoutables qui seront
modernes
:
longtemps agitées
avant d'aboutir à une conclusion définitive, questions qui se réduisent à deux 1**
L'esprit
humain
:
peut-il sortir
de lui-même,
et,
franchissant les limites des impressions subjectives, peut-il connaître les objets ?
^° L'esprit lui,
humain, en lui-même ou au dehors de
réduit à des connaissances subjectives, ou capa-
ble de déterminer des vérités
objectives, connaît-il
autre chose que des phénomènes;
(l)
Revue des cours scientifiques
,
saisit-il, soit
17 janvier 1869.
direc-
— 504 — tement cédés
et
une vue immédiate,
par
inductifs,
substances,
les
soit
les
par des pro-
principes,
les
essences des choses?
Sommes-nous seulement un ensemble d'affections et de conceptions subjectives, une série d'états de conscience, qui prennent successivement possession d'eux-
n'ont aucune prise sur les objets
mêmes, mais qui
sur les réalités distinctes
extérieurs,
ouverture sur
sur eux-mêmes,
de nous; sans
dehors, et rigoureusement fermés^
le
comme
Et quel que soit
monades de Leibnitz?
les
le résultat
de nos recherches sur ce
premier point, que nous soyons disposés à admettre l'idéalisme
ou à
le
repousser, les connaissances que
nous ne pouvons refuser à dtiire, ont-elles
l'esprit le
pouvoir de pro-
une portée phénoménale, ou une portée
transcendante ? Sommes-nous emprisonnés relatif, ou,
dans
le
par quelques côtés, avons -nous accès sur
l'absolu ?
Nous venons devoir comment
les
systèmes moder-
nes (ceux du moins qui ont été attentifs aux travaux
de Hume), ont répondu à ces deux grandes questions.
Les uns, acceptant l'idéalisme et
comprenant, cependant,
le
et
lephénoménisme
y
besoin de satisfaire aux
croyances de l'humanité, admettent l'existence vague d'un
monde
inaccessible à nos pensées.
retranchent dans leurs lois; et
si
objective de ces ils
la
Mais
ils
se
recherche des phénomènes et de
on leur demande quelle
est la valeur
connaissances, d'ailleurs
relatives,
reconnaissent volontiers qu'elles n'en ont aucune
;
— que
l'esprit
ne peut^ quelque
preuve d'une
la
—
505
effort qu'il fasse,
existence distincte de
sont les vrais disciples de
Hume
;
lui.
M. Stuart
trouver
Ceux-là Mill
en
est le plus illustre représentant.
Les autres, dont Kant est soulevées par
le chef, font,
aux questions
Hume, des réponses beaucoup
plus com-
pliquées. Mais en négligeant les détails et d'une façon
générale, on peut dire qu'ils sont, eux aussi, convain-
cus qu'au point de vue spéculatif nous ne pouvons saisir autre
chose que nos idées, ni, par delà l'expé-
rience, connaître directement des objets transcendants.
Mais ce monde des réalités substantielles et nouménales;
que
regret, et dont
comme à que vaguement, comme
ne font qu'indiquer
les positivistes
ne parlent
ils
on parle d'une région lointaine qu'on ne visitera jamais,
philosophes de l'école critique prétendent
les
l'aborder, l'explorer, grâce à
un guide nouveau,
la
conscience morale.
combat catégoriquement la
Enfin, la troisième école
philosophie idéaliste et phénoménale de
Hume
:
elle
affirme que nous connaissons les objets distincts de
nous aussi certainement que nous-mêmes de conscience,
subjectifs
au sens intime, intérieure
;
grâce à
avec vérité,
même
la
A vrai
saisir le
les
et
moi
et
nos états
que nous pouvons, grâce ,
la raison,
c'est-à-dire la substance
concevoir, et concevoir
substances autres que
la
nôtre, et
substance divine. dire, la vérité
entière dans
ne nous semble contenue tout
aucun de ces
Le renouvellement de
trois
la
systèmes.
philosophie qu'a provoqué
— le
scepticisme de
Hume
506
—
n'est pas
encore arrivé à son
terme, et n'a pas produit tous les résultats qu'on doit
en attendre. Les positivistes se trompent,
comme
pent gravement, en réservant,
et se
trom-
insolubles, des
questions que la curiosité humaine ne se lassera pas d'agiter,
que
et
d'éclaircir. Ils se
humaine
l'intelligence
trompent encore quand
connaissance objective
:
la
nous paraît contenue dans qu'il existe autre
est
ils
capable
nient toute
connaissance du non-moi
celle
chose que lui,
du moi. L'homme le
jour où
il
sait
a acquis la
connaissance de sa propre existence. Sans doute, cette notion du non-moi n'est pas encore la
du monde extérieur
;
progressivement par l'existence d'une
dans
la
celle-ci
sens. Mais la certitude de
les
faits.
positivistes se
Nous
fonde, l'esprit intuition, c'est-à-dire
la
trompent enfin
ne
donnée
humain
est incapable soit
Dieu.
Si
cette la
de ces objets transcendants
que nous ne
comme le
intuition,
était possi-
contradictions
les
et
hu-
les connaissions
,
elle
si
Dieu par intuition,
prétendent les positivistes, pas autrement.
l'Ecole critique, elle
fiance en la raison
ils
représen-
diversité des opinions sur ce sujet. Mais
s'ensuit pas,
Quant à
quand
de connaître, par
connaissance immédiate,
on ne s'expliquerait pas la
,
toute affirmation supérieure
nous ne connaissons pas l'âme il
est
disons avec une conviction pro-
le
soit l'âme,
tation directe
maines,
nous
réalité extérieure
veulent nous interdire
ble,
ne nous est donnée que
première conscience que nous avons de nous-
même. Les aux
connaissance
a trop
a trop de
foi
peu de condans
la
con-
— production de nos
l'accès des
—
En exagérant
science morale. la
507
la part
objectives
réalités
nécessités subjectives
elle
;
rieures
résultats
dans
ferme
dans des
la
communicachoses exté-
que peu à peu l'expérience
accumule. Et, pour accorder trop peu à est forcée
se
les
méconnaît
de notre esprit avec
les
priori
l'a
elle
elle s'isole
;
tion incessante et
de
connaissances,
de tout attribuer à
la raison, elle
conscience morale, et
la
d'investir la raisoa pratique d'une autorité qu'elle
ne
saurait avoir.
Enfin, l'Ecole écossaise et ses adhérents simplifient
par trop
les
questions auxquelles
ils
veulent satisfaire.
La connaissance que nous acquérons des pas aussi aisée qu'ils le croient;
aussi
,
immédiate
et les objets,
une
,
objets n'est
aussi fois
intuitive
connus, ne
sont peut-être pas aussi absolus qu'ils semblent le
supposer. Selon nous, grâce à l'expérience, qui nous met
réellement en rapport avec des objets indépendants
de notre être, grâce à lois
mêmes
et
la
raison aussi, c'est-à-dire
aux
aux conditions subjectives du dévelop-
pement de notre pensée, nous acquérons insensiblement, non pas du premier coup connaissance de nous-même,
la
et
en une
fois,
connaissance du
extérieur, enfin la connaissance de Dieu.
Il
la
monde
faut, sans
doute, à l'enfant une série assez longue de perceptions et d'émotions il
saisisse et
,
pour que
,
conçoive l'unité et
aidé de sa mémoire l'identité
du moi. Une
seule impression ne suffirait pas à développer pareille idée.
Il
faut
un
travail
de comparaison, de réflexion,
^ pour que
508
—
parvienne à formuler nettement
l'esprit
clairement l'affirmation
:
«
donc
Je pense,
et
je suis. »
Mais de ce que cette connaissance s'acquiert lente-
ment
insensiblement
et
,
s'ensuit-il
qu'elle
une valeur sérieuse? Nous sommes
loin
Nous croyons fermement à
de
l'identité
nous croyons que, du berceau à et
même
développe
force se
;
la
de
n'ait
l'être
pas
penser.
le
humain ;|j
tombe, une seule
mais
il
nous semble
qu'une force,
telle
que l'âme humaine, qui se mani-
feste par des
faits
successifs, ne peut prendre con
une
science en
que
la
fois
que de chacun de ces
faits
,
e
conscience générale qu'elle a delle-même es
nécessairement
le
résultat d'une
série
de ces acte
particuliers.
De même,
connaissance du
la
monde
extérieur
quoique implicitement contenue dans l'affirmation d notre propre existence, ne se précise et ne se déve
loppe qu'au fur et à mesure que nos sens agissent e
que nous comparons nos différentes perceptions. Et ce qui est vrai du moi et du plus de l'existence divine. tuition directe
:
il
prême
:
monde
l'est
encore
n'y a pas encore d'in-
induction,
de réflexion en ré-
nous conduit jusqu'à cette affirmation suDieu
Sans doute, rons de
il
n'y a qu'un travail lent et pénible,
qui, d'induction en flexion,
Ici,
le
est.
la raison
—
c'est-à-dire,
répéter, la condition de
la
nous ne cessepensée,
dance à chercher une cause, par exemple,
la
la
ten-
tendance
à chercher cette cause toujours plus haut et plus loin,
ou, encore,
la
nécessité
de ne pas affirmer deux
— ^^oses en même temps
^Bssances
^Kice
^Bt
509
—
sur nos con-
déterminer. Mais l'expé-
source
la
nous puisons sur-
oii
lui-même
L'esprit n'est par
ces connaissances.
^p'une
la raison agit
et contribue à les
est cependant
—
force capable de connaître
lobjet soit mis en rapport avec lui
à condition que
,
:
force impuissante
par elle-même à produire des connaissances positives; objet réel, et que l'esprit se représente, mais, il
est vrai
selon les lois de
,
sa constitution natu-
relle.
nous semble qu'on ne peut pas douter sérieuse-
Il
ment aujourd'hui de naissances,
la
valeur objective de nos con-
que l'idéalisme
et
plus
n'a
de raison
detre. Nous serions moins affirmatif sur le point, sur la question de savoir
dépassent
le
phénomène
si
second
nos connaissances
La raison
et le relatif.
est
surtout
un
rences
mais, dans la sphère où la nature nous a en-
;
effort
fermés, nous ne le
pour s'élever au-dessus des appa-
sommes réellement en
dehors des choses, avec
que
Teffort
puissant. lues,
de
la
les
si
bien
raison pour aller au delà reste im-
Nous pouvons concevoir
nous ne
rapport qu'avec
phénomènes;
les
choses abso-
pouvons pas les connaître.
Qu'elles
existent, nous avons le droit de l'affirmer. Quelles elles sont,
Si
nous ne
Hume, dans
le
saurons jamais.
sa réaction contre Tancien
dogma-
tisme, n'avait pas dépassé les limites que nous ve-
nons d'indiquer,
il
n'eût rendu
que des services à
la
philosophie. Mais les réactions sont toujours intolérantes et excessives, et la philosophie, oscillant d'un
— excès à un autre bre.
Hume
valeur
—
a de la peine à trouver son équili-
^
a le double tort d'avoir nié à la fois la
de l'expérience,
objective
l'esprit et
510
de ses
nécessaires.
lois
et l'existence
de
Nous n'avons pas
besoin de redire combien est inadmissible l'ensemble d'hypothèses qu'il a proposé pour expliquer les
opérations intellectuelles
,
sans admettre le rapport
de l'intelligence et de
réel
l'objet,
sans admettre,
d'un autre côté, ni facultés, ni force initiale et unique. Son système est incontestablement faux
y
a
,
dans quelques parties de son système
dances précieuses à C'est
de
lui
exemple, à
que
faire
,
;
mais
il
des ten-
recueillir.
la
philosophie peut apprendre, par
de plus en plus de
la
psychologie le
centre de ses recherches et de ses préoccupations. C'est
de
lui qu'elle
empruntera avec
tous ses disciples anglais, la
nisme psychologique, faits
la
profit, à l'exemple
tendance à voir dans les
qui se succèdent en nous des causes et des effets
unis par les liens d'une mutuelle dépendance ler
de
méthode du détermi-
cependant jusqu'à supprimer avec
;
sans al-
lui la force
une et
multiple sans laquelle on ne peut rien expliquer dans l'âme. C'est à lui qu'il faudra revenir toujours pour
trouver
la
première application sérieuse de cette
de l'association des idées abusent, sans doute,
,
loi
dont nos contemporains
comme on
abuse de toute dé-
couverte nouvelle, promptement transformée en sys-
tème exclusif par
les
intempérances de
la
logique,
mais dont on doit cependant tenir grand compte dans l'explication des
phénomènes psychologiques.
C'est lui
—
511
—
qui nous enseignera encore à ne pas être dupe de ces
mots de
facultés^
divisent l'âme en
mériques. C'est
de pouvoirs, qui, mal interprétés,
un
Hume,
nombre d entités chiqui, un des premiers,
certain
enfin,
a compris que la psychologie doit, selon le
physique.
mot de Newton,
Non que
la
impossible; mais dans l'esprit
humain,
ble
,
;
et
,
surtout
elle est ,
il
comme
la
physique
se défier de la méta-
métaphysique nous paraisse l'état
actuel de la science de
encore difficilement aborda-
ne faut pas que
le
souci d'une
métaphysique presque inaccessible fasse négliger une science aussi positive, aussi praticable que la psychologie.
FIN.
TABLE DES MATIÈRES.
INTRODUCTION. La vie
et les
œuvres de David
Hume
1
CHAPITRE PREMIER. Les origines de
la
philosophie de D.
Hume. Les
caractères princi-
paux de sa méthode
55
CHAPITRE Les éléments de
la
IL
connaissance. Les lois de
l'association
des
idées
94
CHAPITRE Des
III.
vérités certaines et de la démonstration.
Hume
et l'esthétique
transcendantale de Kant
135
CHAPITRE
IV.
Les probabilités de l'expérience. La causalité
CHAPITRE De
l'induction.
La logique de Hume
161
V.
et la logique
de M.
Stuart
Mill
196
CHAPITRE VL La croyance en général
222
CHAPITRE La croyance à la M. Stuart Mill
VII.
matière. L'idéalisme de
Hume
et l'idéalisme
de 244
—
—
514
CHAPITRE
VIII.
La croyance
à l'âme ou au moi. L'identité personnelle
La croyance
à Dieu. Les
CHAPITRE l'histoire
dialogues
282
IX.
sur la religion
naturelle de la religion
naturelle, et
318
•
CHAPITRE
X.
Les passions
358
CHAPITRE La
XI. 384
liberté et la nécessité
CHAPITRE
XII. 403
Théories morales
CHAPITRE Théories politiques
,
économiques,
XIII.
littéraires.
Les Essais moraux 424
et politiques
CHAPITRE XIV. Conclusion.
—
l.
Le scepticisme de David Hume.
fluence sur la philosophie
moderne
FIN DE LA TABLE DES MATIERES.
5365 -^J
—
II.
Son in458
192H921 C737C.1
Compayre # La philosophie de David Hume. --.
3 0005 02081435 9
192 H921 C737
Compayre La philosophie de David Hume
1Ô2 H921 C737 ^ Compayre La philosophie de David Hume
The R.W.B. Jackson Library
OISE