Sylvie Faucheux Haitham Joumni
Économie et politique des changements climatiques
ISBN 2-7071-4382-0 Le logo qui figur...
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Sylvie Faucheux Haitham Joumni
Économie et politique des changements climatiques
ISBN 2-7071-4382-0 Le logo qui figure au dos de la couverture de ce livre mérite une explication. Son objet est d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit, tout particulièrement dans le domaine des sciences humaines et sociales, le développement massif du photocopillage. Le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit en effet expressément la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or cette pratique s’est généralisée dans les établissements d’enseignement supérieur, provoquant une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée. Nous rappelons donc qu’en application des articles L. 122-10 à L. 122-12 du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction à usage collectif par photocopie, intégralement ou partiellement, du présent ouvrage est interdite sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris). Toute autre forme de reproduction, intégrale ou partielle, est également interdite sans autorisation de l’éditeur.
S
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© Éditions La Découverte, Paris, 2005.
Introduction
Longtemps restreinte aux communautés scientifiques, la problématique des changements climatiques s’est progressivement imposée comme l’un des sujets de politique internationale les plus marquants de la fin du XXe siècle. C’est à la suite de la première Conférence mondiale sur l’environnement et le développement, en 1992 à Rio, que la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a été soumise à l’ensemble des pays de la planète. Elle constitue le principal référent institutionnel à l’échelle mondiale dans lequel sont élaborées les politiques et mesures visant à lutter contre les perturbations du climat. Une étape importante a été franchie. Il ne s’agit plus de remettre en cause les origines des menaces climatiques, qu’elles soient naturelles ou humaines, mais de définir les moyens à mobiliser afin de réduire les impacts à court, moyen et long terme. Des avancées scientifiques ont été importantes dans le cadre du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évaluation du climat (GIEC), instauré en 1988 par les Nations unies et l’Organisation météorologique mondiale. Malgré l’existence d’incertitudes, selon la quasi-unanimité de la communauté scientifique, la température moyenne globale devrait s’élever de 1,4 ºC à 5,8 ºC entre 1990 et 2100 [GIEC, 2001a]*. En revanche, les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir constituent une source d’opposition récurrente entre pays et entre groupes d’acteurs subissant et/ou contribuant à différents degrés aux changements climatiques. C’est pourquoi
* Les références entre crochets renvoient à la bibliographie en fin d’ouvrage.
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les négociations sur l’effet de serre apparaissent comme un véritable enjeu stratégique. Les divergences portent sur l’appréciation à la fois des potentialités de réduction des GES et des obligations en découlant par rapport à la responsabilité de chacun. Le protocole de Kyoto, élaboré en 1997, définit pour la première fois des engagements chiffrés de réduction des émissions. À titre d’illustration, il stipule que la France, dans le cadre d’un engagement européen commun, ne devra pas émettre entre 2008 et 2012 plus de GES qu’en 1990. Les coûts socioéconomiques de réduction des émissions ainsi que ceux de prévention et d’adaptation contre les effets négatifs des bouleversements climatiques sont inégalement distribués entre les pays de la planète. Il en est de même pour les bénéfices. La particularité de cette menace environnementale est sans conteste son caractère global en termes d’émissions, de perturbations et d’impacts. Ces derniers peuvent se multiplier sur le court terme (hausse des températures, fonte des glaciers, accroissement du nombre des événements exceptionnels comme les tempêtes, les inondations ou les vagues de chaleur) et s’étendre sur le très long terme, affectant ainsi les générations actuelles et futures. Les changements qu’ils occasionnent peuvent également conduire à des situations d’irréversibilité comme la perte de certains écosystèmes, l’élévation du niveau des mers ou la détérioration des conditions de vie des populations les plus exposées, particulièrement dans les pays pauvres. C’est donc face à cette globalité que se dessinent les contours d’une politique mondiale guidée par une approche économique. L’année 2005 constitue un tournant décisif avec successivement le lancement du marché européen des permis d’émissions au 1er janvier et l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto le 16 février à la suite de la ratification de la Russie. Même si, du point de vue des experts scientifiques, le processus politique est lent et chaotique et en dépit du retrait des États-Unis du dispositif de Kyoto en 2001, l’ampleur du chemin parcouru depuis 1992 n’est pas à négliger. Des instruments économiques innovants, alliant des mécanismes de marché (permis d’émissions) et des mécanismes projets (MDP et MOC) pour atteindre les objectifs de Kyoto aux moindres coûts, ont été élaborés. Ils sont progressivement mis en œuvre. Leur « technicité » ne doit pas occulter leur finalité : donner un prix au carbone et aux cinq autres GES couverts par le protocole de Kyoto qui pénalisera les acteurs augmentant leurs émissions et
INTRODUCTION
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rémunérera ceux qui les réduiront. Ce qui fait dire à de Perthuis [2005] : « Depuis le début de la révolution industrielle, nous avons assis notre prospérité sur la gratuité du carbone. Cette ère est désormais révolue. » Un système d’internalisation économique d’un « bien public mondial » est de ce fait entré en application : on passe d’une économie de la gratuité du CO2 à un système où le CO2 a un prix. Le succès d’un tel système requiert une coordination de l’action collective internationale, non seulement pour contrôler les engagements pris, comme le protocole l’impose à partir de 2008, mais également pour la négociation sur l’après 2012 (date d’expiration du protocole de Kyoto), lancée en décembre 2004 lors de la conférence de Buenos Aires. Cette dernière concerne tant le mode d’insertion des PED (pays en développement), dont le poids dans les émissions mondiales de GES va croissant, que le retour des États-Unis dans le dispositif multilatéral. Une telle question se trouve au cœur du débat sur la gouvernance internationale de l’environnement dans lequel des pays comme la France et l’Allemagne sont fortement engagés par leur proposition, loin de faire l’unanimité, en faveur d’une Organisation mondiale de l’environnement (OME).
I / L’état des connaissances scientifiques
Comment se manifeste le caractère global des changements climatiques en termes d’effets et d’impacts ? Quels sont les scénarios de modélisation climatiques et quels en sont les résultats probables et les enjeux ? Comment se dessinent les conséquences socioéconomiques d’une variation significative du climat ? Ce chapitre tente de fournir des réponses à ces différentes interrogations.
Les changements climatiques : une globalisation en termes d’effets De Rio à Johannesburg Jusqu’à la fin des années 1970, les pollutions ont essentiellement une forme locale touchant, par exemple, un bassin hydrographique ou une zone atmosphérique déterminés. Elles entraînent alors des dommages ponctuels et généralement réversibles par le biais de techniques de dépollution. Dans les années 1980, elles changent brusquement d’échelle. La mise en évidence de la destruction des forêts européennes par les pluies acides, d’un trou dans la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique, puis des risques de changements climatiques fait prendre conscience à la communauté internationale de l’ampleur des risques. On passe de la gestion de problèmes classiques locaux ou régionaux à celle de pollutions dites « globales » [Faucheux et Noël, 1990]. Il s’agit de menaces planétaires, en ce sens que leurs causes sont répandues sur la plus grande partie du globe, telles les émissions de GES, tandis que leurs conséquences sont supportées par l’ensemble de la biosphère (conçue comme
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l’ensemble des êtres vivants et des éléments matériels qui leur sont associés). Les impacts de ces pollutions globales, et donc de l’accroissement de l’effet de serre, sont par ailleurs susceptibles de rétroagir sur l’économie et la société quelles que soient les politiques adoptées. L’absence de politiques conduirait, au pis à la disparition de l’homme, au mieux (!) à de véritables catastrophes écologiques (désertification, salinisation, élévation du niveau de la mer) et à de profondes modifications du système économique mondial. Des politiques préventives, par lesquelles on s’attaquerait aux causes en agissant sur les émissions de gaz-sources, par exemple sur le CO2 dans le cas du changement climatique, affecteraient l’ensemble des secteurs économiques. Des politiques adaptatives (élévation de digues, changement de types de cultures) n’enrayeraient pas le phénomène et accentueraient les déséquilibres Nord/Sud. La question de la pérennité du développement économique à l’origine de ces atteintes est alors posée : on prend conscience que les interactions entre économie, environnement et société doivent être gérées de façon à répondre aux besoins des générations présentes sans compromettre la satisfaction de ceux des générations futures. Le développement durable, popularisé par le rapport Brundtland [WCED, 1987] occupe une place de choix dans les paragraphes de l’agenda 21 où sont répertoriées les actions mondiales adoptées au Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en juin 1992. Il constitue désormais un objectif prioritaire, tant pour les États que pour les collectivités territoriales et les entreprises [Burgenmeier, 2004]. Ce Sommet de Rio fait figure de tournant puisqu’il a jeté les bases d’une « structuration institutionnelle globale » des politiques et des actions à entreprendre par le biais de nouveaux organes de coordination dédiés à la lutte contre les changements climatiques. Il a également permis de mettre au jour la complexité du traitement d’une problématique globale en raison de l’enchevêtrement des enjeux (économiques, sociaux, environnementaux, éthiques) par rapport à chaque pays en termes d’effets et d’impacts. Les effets renvoient aux manifestations naturelles de la modification du climat comme l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements extrêmes (tempêtes, canicules, inondations). Les impacts concernent les modifications socioéconomiques, sanitaires, environnementales, etc. qu’entraînent ces effets.
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Dans le sillage du Sommet mondial du développement durable en 2002 à Johannesburg, les entreprises prennent part à la lutte contre les changements climatiques pour assumer leur « responsabilité sociétale » [Faucheux et Nicolaï, 2004]. Elles s’engagent à prendre en compte l’impact économique, social et environnemental de leurs activités pour les rendre compatibles avec les impératifs du développement durable. Cette démarche, soulignée dans le point 17 du programme de mise en œuvre du Sommet mondial de Johannesburg, est au cœur du livre vert de la Commission européenne visant à « promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociétale des entreprises » (18 juillet 2001). Elle est également placée en exergue par nombre d’institutions privées et publiques telles que le World Business Council for Sustainable Development [WBCSD, 1999]. Les mises en garde répétées des scientifiques Les premières préoccupations concernant les risques climatiques émergent dès la fin du XIXe siècle, lorsque le chimiste et prix Nobel suédois Svante Arrhenius reprend la notion d’effet de serre utilisée avant lui par le mathématicien français JeanBaptiste Fourier en 1827, pour qui le gaz carbonique (CO2) agissait dans l’atmosphère à la manière des parois vitrées d’une serre. Arrhenius met en garde sur le fait que, si nous continuons à brûler avec une telle libéralité les combustibles fossiles à base de carbone, nous ferons monter la température de la Terre au-dessus de la normale, ce qui conduira à une dérégulation du climat. À cette époque, l’idée que l’action de l’homme puisse avoir un quelconque impact sur l’ensemble de la planète semble ridicule et ces travaux tombent un temps dans l’oubli. En 1938, le Britannique Callender relie le réchauffement en Amérique et en Europe à l’accroissement de 10 % de la concentration en CO2 observée depuis 1880. En 1956, dans un article publié par la revue Tellus, Gilbert Plass, de la Johns Hopkins University, fait remarquer que le CO2 contrôle le climat de la Terre, que l’usage croissant des combustibles fossiles par l’homme a déjà considérablement augmenté les concentrations atmosphériques de CO2 et qu’un réchauffement du climat dû à l’effet de serre devrait s’ensuivre. Des mesures systématiques du CO2 (comme d’autres constituants de l’atmosphère) commencent en 1957 au volcan hawaïen Mauna Loa et sur les côtes de l’Alaska. Elles établissent l’existence d’une tendance croissante de la concentration de CO2 dont on peut
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penser qu’elle est passée de 275 ppm à la fin du XIXe siècle à 311 ppm en 1957. Reprenant l’intuition d’Arrhenius et de Plass, Syukuro Manabe et Richard Wetherald calculent en 1967, sur la base des mesures alors connues de la concentration en CO2, que le doublement de cette concentration pourrait intervenir au début du siècle prochain et qu’il serait susceptible d’entraîner une élévation de température moyenne de la Terre de l’ordre de + 2,5 ºC. Ce dernier chiffre ne suscite pas beaucoup d’écho dans les médias ni dans l’opinion. Les climatologues savent, quant à eux, que les écarts de température séparant les périodes glaciaires et interglaciaires n’ont pas dépassé 6 ºC à 7 ºC. En 1988, lors de la Conférence de Toronto, la communauté scientifique recommande une réduction de 20 % des émissions de CO2 de leur valeur de 1988 d’ici à 2005. Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et l’Office mondial de la météorologie (l’OMM) créent, dans la foulée, un Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (le GIEC : IPCC en anglais, pour International Panel for Climate Change). En 1990, le GIEC publie son premier rapport qui contribue à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques soumise à la signature au Sommet de la Terre à Rio en 1992. L’accroissement de l’effet de serre : origines et conséquences Les changements climatiques résultent de la variabilité interne du système climatique associée à l’effet de facteurs extérieurs naturels et d’origine humaine (activités dites « anthropiques »). L’influence de ces facteurs extérieurs sur le climat est représentée par le concept de forçage radiatif. Selon le GIEC, depuis la fin du XIX e siècle la température moyenne à la surface du globe s’est élevée de 0,6 ºC ± 0,2 ºC. L’essentiel de la hausse observée s’est produit pendant deux périodes distinctes à un rythme établi à 0,15 ºC environ par décennie : de 1910 à 1945, et depuis 1976. La décennie 1990 est considérée comme la plus chaude depuis 1861, avec une pointe en 1998, suivie de 2002, puis 2003. Pour la France, c’est sans conteste 2003 qui, avec sa canicule estivale, a battu les records climatiques. Un certain nombre d’indicateurs confirment cette tendance : recul général des glaciers de montagne, diminution de la banquise arctique, avancée progressive des dates de vendanges ou de floraisons, etc. Certaines émissions sectorielles, comme celles issues de la combustion des ressources
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Le forçage radiatif positif L’émission de GES tend à réchauffer la planète dans la mesure où l’augmentation des concentrations réduit l’efficacité avec laquelle la surface de la Terre renvoie le rayonnement incident vers l’espace. Une partie du rayonnement terrestre ascendant est alors absorbée par l’atmosphère et diffusée à des altitudes plus élevées et à des températures plus basses, conduisant à un forçage radiatif positif qui contribue à réchauffer la basse atmosphère et la surface de la Terre. Le fait qu’une moindre quantité de chaleur se perde dans l’espace a pour effet de renforcer l’effet de serre qui est un phénomène naturel se produisant depuis des milliards d’années en raison de la présence de gaz d’origine naturelle : la vapeur d’eau, le dioxyde de carbone, l’ozone, le méthane et l’oxyde nitreux. Le degré du forçage est fonction du taux et de l’évolution de la concentration de chacun de ces gaz, de leurs propriétés radiatives et de la concentration respective des autres GES déjà présents dans l’atmosphère. Source : GIEC [2001a].
fossiles, sont considérées comme la cause principale du forçage positif exercé par les GES, particulièrement le CO2. Le tableau suivant présente les caractéristiques des six principaux GES visés par le protocole de Kyoto et soumis à des restrictions d’émissions chiffrées pour les pays industrialisés et en transition (les pays cités dans l’Annexe I de la convention-cadre sur les changements climatiques). La dernière colonne présente les concentrations totales pour chaque gaz durant l’année 1990 prise comme année de référence par le protocole de Kyoto. La concentration de CO2 dans l’atmosphère est passée de 280 ppm en 1750 à 367 ppm en 1998, soit une augmentation de 3 %. En 1990, le CO2 a représenté 80 % des émissions des GES émis par les pays de l’Annexe I. L’essentiel des émissions de CO2 provient de la consommation énergétique fossile. Celle-ci est réalisée dans les pays industrialisés et de plus en plus dans des pays du Sud comme la Chine et l’Inde. Le tableau suivant indique l’évolution mondiale des émissions régionales de CO2 provenant de la combustion de ressources fossiles entre 1973 et 2001. D’autres pays d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique latine ont également vu leurs trajectoires d’émission s’élever de façon significative en raison de l’évolution à la hausse de certains paramètres de forçage comme la croissance démographique et l’augmentation de la demande énergétique. En l’absence de politiques et mesures garantissant une inversion des tendances actuelles, ces régions pourraient concentrer une part significative des émissions mondiales à moyen et à long terme.
Combustion d’énergies fossiles, production de ciment. Plantation de rizières, combustion de la biomasse, fermentation, production de ressources fossiles, exploitation du gaz naturel, décharges incontrôlées. Combustion de la biomasse, activités industrielles, élevages et activités agricoles. Industries, systèmes réfrigérants. Industries, aluminium, secteur électrique et électronique, industries des solvants. Industries électroniques, électriques.
Dioxyde de carbone (CO2) Méthane (CH4)
Oxyde nitreux (N2O)
Hydrofluorocarbone-23 (HFC-23) Hydrocarbures perfluorés (PFC) Hexafluorure de souffre (SF6) —
80 ppt (CF4)
40 ppt (CF4)
—
14 ppt
Zéro
314 ppb
1 745 ppb
~ 700 ppb
~ 270 ppb
365 ppm
Concentration en 1998
~ 280 ppm
Concentration préindustrielle
3 200 ans
2 6005 000 ans
260 ans
114 ans
12 ans
ans*
Durée de vie atmosphérique
Augmentation dans la plupart des pays.
Stable.
Hausse importante (substitué aux CFC).
Légère hausse dans la plupart des pays, baisse légère dans les pays industrialisés, baisse dans les PET.
En baisse dans la plupart des pays. Augmentation importante aux États-Unis, au Canada et en Norvège.
Stable pour l’UE, augmentation pour les autres pays de l’OCDE et baisse dans les PET.
Évolution des émissions depuis fin 1980
0,30
0,29
0,56
4,0
13,7
81,2
% dans les émissions en GES (Annexe I, 1990)
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Sources : notre compilation.
* Étant donné les différents taux d’absorption des divers processus d’élimination, aucun temps de séjour unique ne peut être déterminé pour le CO2. Abréviations : ppm : parties par million (10-6) ; ppb : parties par milliard (10-9) ; ppt : parties par billion (10-12) : ce sont des ratios entre le nombre de molécules de GES et le nombre total de molécules d’air sec. Par exemple, 270 ppm signifie 270 molécules de gaz à effet de serre par million de molécules d’air sec.
Principales sources
Gaz
Les principaux GES visés par le protocole de Kyoto : les sources et les niveaux d’émissions, les concentrations atmosphériques et leur évolution
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L’évolution des émissions régionales en CO2 issues de la combustion d’énergies fossiles (%) (1973-2001) OCDE Moyen- ExOrient URSS
1973 2001
65,9 52,8
1 4,4
14,4 9,5
Non Chine Asie Amé- Afrique Trans- Total OCDE (hors rique port Mt CO2 Europe Chine) latine naval* 1,7 1,1
5,7 13,1
3 9,2
2,7 3,6
1,9 3
3,6 3,3
15 671 23 683
* Ces émissions correspondent à celles rejetées par le secteur du transport naval qui sont comptabilisées séparément par l’Agence internationale de l’énergie. Source : IEA [2003a].
Les conflits d’intérêts Depuis son entrée sur la scène internationale, la question des changements climatiques et des solutions envisageables a été différemment interprétée selon les intérêts des diverses parties prenantes. Cela peut être illustré par l’hypothèse d’une hausse importante des températures qui favoriserait la fréquentation de certains sites touristiques balnéaires dans certaines régions alors qu’elle provoquerait une élévation du niveau de la mer et la disparition de certaines zones côtières dans d’autres [Nicholls, 2003]. La distribution des coûts et des bénéfices est ainsi différemment appréciée. Les États producteurs/exportateurs de pétrole et les pays industrialisés à forte consommation d’énergies fossiles restent opposés à toute forme de régulation qui viendrait restreindre le recours à ce type de ressources. C’est pourquoi, à Johannesburg en 2002, les États-Unis et l’OPEP ont refusé par leur veto les objectifs chiffrés et datés de développement des énergies renouvelables proposés par les Européens. La prise de décision dans une telle situation de conflits d’intérêts peut alors difficilement se résoudre à un simple arbitrage entre évaluation monétaire des coûts et des bénéfices, comme le propose l’analyse coût-bénéfice (ou coût-avantage), l’outil traditionnel d’aide à la décision en matière de politique environnementale [Bontemps et Rotillon, 2003]. Ce dernier repose sur un processus rationnel de comparaison des avantages et des pertes des différentes actions envisagées. Une valeur monétaire est imputée aux avantages des politiques, c’est-à-dire aux coûts des pollutions qu’elles évitent. Celle-ci est confrontée aux coûts de ces mêmes politiques. Le décideur n’a plus alors
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qu’à sélectionner celles pour lesquelles l’avantage marginal excède ou égalise le coût marginal. Outre l’épineux problème de la multitude des intérêts et des parties prenantes concernées par une politique de lutte contre les changements climatiques, surgissent d’autres interrogations : quels dommages et quels bénéfices retenir pour l’évaluation ? Par rapport à qui et dans quelle dimension temporelle ? Quelle valeur monétaire attribuer à des biens non marchands, croyances ou cultures ? Comment évaluer les manifestations d’irréversibilité comme l’extinction de certaines espèces sur le très long terme, ou encore la disparition de terres côtières cultivables, ou la perte définitive de zones d’habitation ? En réalité, les courbes de dommages évités (de bénéfices) s’avèrent impossibles à déterminer dans le cadre des pollutions globales telles que les changements climatiques [Faucheux et Noël, 1995]. L’approche coût-efficacité découlant de la perspective ouverte par Baumol et Oates [1971] fait appel à une combinaison d’instruments réglementaires et économiques pour résoudre les problèmes environnementaux. Son intérêt réside dans son remplacement de l’objectif habituel d’optimisation de l’analyse coût avantage (recherchant un niveau de pollution optimal impliquant de connaître la courbe de dommages et celle des coûts de dépollution) par la fixation d’une norme établie sur des bases exogènes (par exemple à partir de critères écologiques ou de compromis politiques). Les instruments économiques n’ont alors pas d’autre fonction que d’assurer le respect de la norme. En fixant un plafond global d’émissions réparti entre chaque pays s’engageant à réduire leurs émissions de GES et en recourant à des instruments de marché, le protocole de Kyoto a transposé pour la première fois cette méthode de coût-efficacité à l’échelle internationale. Le processus de Kyoto a donc abouti à un compromis politique instable pour la fixation de ses plafonds d’émissions, entre trois grandes catégories d’acteurs mondiaux, dont seuls les deux premiers ont pris à ce moment-là des engagements de réduction : — les pays développés, responsables de plus de la moitié des émissions mondiales en 1990, s’engagent le plus lourdement en 1997. Les États-Unis et l’Union européenne auront ainsi à réduire leurs émissions respectivement de 7 % et 8 % par rapport à leurs niveaux de 1990 sur la période 2008-2012 ; — les pays en transition (l’ex-URSS et les pays d’Europe centrale et orientale), au moment de la négociation, sont en
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pleine implosion économique et sociale. Ils sont alors traités avec bienveillance puisqu’ils pourront émettre sur la période 2008-2012 autant de GES qu’en 1990, ce qui leur laisse d’importantes marges de progression ; — les PED ne sont soumis à aucun engagement. La répartition de la charge en termes d’engagements de réduction et des coûts qu’ils occasionnent a toujours fortement opposé pays du Sud et pays du Nord. Les premiers considèrent que la concentration en GES provient du mode de développement des pays industrialisés et qu’en conséquence il leur appartient de les réduire et d’y engager les moyens financiers nécessaires. Ils font ainsi valoir l’application de la responsabilité historique dans l’avènement et l’aggravation de ce phénomène : ceux qui ont causé le problème se doivent de le résoudre. Les pays industrialisés pensent que les pays du Sud doivent être associés à l’effort global de réduction pour deux raisons fondamentales. La dimension globale des changements climatiques implique que tout éventuel effort de réduction ou de nonréduction des émissions sera bénéfique ou néfaste à l’ensemble des pays, ce qui justifie la participation de tous aux efforts de réduction ; et ce d’autant plus que les coûts de réduction sont relativement moins élevés dans les PED que dans les pays industrialisés. De plus, même si le principe de responsabilité historique est avéré, il n’en demeure pas moins que les perspectives d’émission en GES pour les prochaines décennies de certains pays dits « émergents » sont à la hausse.
Nécessité et difficultés d’une gouvernance mondiale La convention-cadre des Nations unies pour les changements climatiques : un engagement commun de lutte contre les risques climatiques La convention-cadre des Nations unies pour les changements climatiques (CCNUCC) est chargée, au sein du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), de développer les politiques et mesures scientifiques, techniques, financières et humaines permettant de réduire les risques liés aux changements climatiques. Ouverte pour signature lors du Sommet de la Terre à Rio en juin 1992, elle est ratifiée par 189 États (début 2005). Son objectif ultime est défini par l’article 2 : « Stabiliser les concentrations de GES dans
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l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation dangereuse du système climatique. » L’action contre les changements climatiques : dates charnières
Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques Monde
1992
Entrée en vigueur du protocole (16 février 2005) Signature du protocole de Kyoto
Retrait des États-Unis
Ratification de la Russie
1997 1998 2001 2002 2003
2005
Première période d'observance de Kyoto : marché international
2008
2012
Europe Ratification par l'UE du protocole Accord répartissant les engagements de Kyoto entre les Quinze (17/06/1998)
Directive UE instituant le marché des quotas de CO2
Première période Deuxième période du marché européen du marché européen Allocation des quotas UE (2005-2007)
Allocation des quotas UE (2008-2012)
La convention comprend un certain nombre d’articles concernant l’établissement d’inventaires nationaux en termes d’émissions et d’absorption, la réalisation de campagnes d’information et de sensibilisation, la coopération en matière d’échanges de données, de transferts de technologies et de renforcements des mesures de prévention et d’adaptation. Les parties à la convention se sont divisées en deux groupes : les pays de l’Annexe I, regroupant les pays de l’OCDE et les PET, les pays hors Annexe I issus du monde en développement. Les pays de l’Annexe I, de par leur responsabilité historique et actuelle dans les changements climatiques, ont pris des engagements supplémentaires dans le cadre du protocole de Kyoto (voir encadré). Il s’agit pour eux d’adopter des mesures de limitation de leurs émissions de GES. Ils doivent également assister financièrement les pays les plus vulnérables et favoriser les transferts de technologies. Tout en reconnaissant le droit aux pays du Sud à se développer, la CCNUCC appelle les pays industrialisés à œuvrer pour un renforcement des politiques de lutte contre les changements climatiques dans les PED afin de les inciter à réduire leurs émissions. Cela doit se traduire non seulement à l’échelle de la coopération scientifique, technique, institutionnelle et humaine, mais aussi au niveau des surcoûts financiers résultant des efforts de réduction des émissions. L’article 4.3 de la convention précise que les pays développés « prennent toutes les mesures possibles en vue d’encourager, de faciliter et de financer,
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Le protocole de Kyoto : les modalités de son entrée en vigueur En 1997, 188 pays signataires de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques se sont engagés à Kyoto à réduire leurs émissions de GES. Parmi eux, 38 pays membres de l’OCDE et des pays à économie en transition, dits « de l’Annexe I », ont décidé de réduire leurs émissions totales de GES d’au moins 5 % sur la période 2008-2012 par rapport à l’année de référence 1990. Afin que le protocole entre véritablement en vigueur, deux conditions sont indispensables. La première est qu’au moins 55 parties à la CCNUCC ratifient le protocole. La seconde est qu’un certain nombre de pays de l’Annexe I, dont les émissions constitueraient au moins 55 % des émissions totales de
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CO 2 mesurées en 1990, ratifient le protocole. La première condition est remplie puisqu’à la date du 2 février 2005, 141 pays ont ratifié, accepté, approuvé ou accédé au protocole. La seconde l’est également depuis octobre 2004, date à laquelle la Russie, représentant 17,4 % des émissions, a finalement décidé de rejoindre les pays de l’Annexe I déjà signataires et totalisant 44,2 % des émissions de CO2. Ce protocole est entré en vigueur le 16 février 2005. Les États-Unis, responsables de 36,1 % des émissions, ont décidé, quant à eux, de se retirer du processus depuis 2001, lors de la Conférence des parties à Bonn (COP6 bis). Ils rejettent essentiellement le niveau d’engagement pris par l’administration Clinton à Kyoto et non l’architecture du protocole ou le marché international des permis d’émissions dont ils sont d’ailleurs les promoteurs.
selon les besoins, le transfert ou l’accès de technologies et de savoir-faire aux autres parties et particulièrement à celles d’entres elles qui sont les pays en développement afin de leur permettre d’appliquer les dispositions de la convention » [CCNUCC, 1999, p. 11]. C’est dans cette optique que le mécanisme de développement propre (MDP) proposé par le protocole de Kyoto (article 12), permet le financement de projets réduisant les émissions en GES dans les pays du Sud par des entités nationales et/ou privées du Nord (voir chapitre IV). La Conférence des parties et le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat Le suivi du respect des engagements au titre de la convention et du protocole, l’organisation des politiques scientifiques, institutionnelles, financières ainsi que la construction du processus décisionnel sont élaborés dans le cadre de la Conférence des parties (CDP, ou COP en anglais). Définie par l’article 17 de la CCNUCC, la CDP constitue le lieu de regroupement de l’ensemble des activités relatives à l’organisation et à la
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coordination de la politique globale de lutte contre les changements climatiques. Elle rassemble la totalité des pays signataires appelés les « parties » à la convention. Son rôle est de veiller au respect des articles de la convention, du protocole et de tous les autres instruments juridiques connexes. Elle fait régulièrement le point sur leur mise en œuvre, tout en prenant, dans les limites de son mandat, les décisions nécessaires pour favoriser leur application effective. Pour ce faire, la CDP sollicite l’expertise scientifique du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (le GIEC : en anglais, l’IPCC pour International Panel on Climate Change). Ce dernier a été fondé en 1988. Il a pour objectif de synthétiser et de capitaliser la recherche et les connaissances pour constituer une base de données et de réflexions autour des thématiques liées aux changements climatiques. Le GIEC est organisé en trois groupes de travail, présidé chacun par un binôme de chercheurs issus d’un pays développé et d’un PED. Les thématiques étudiées sont les suivantes : — Les bases scientifiques des changements climatiques, pour le groupe 1 ; — Impacts, adaptation et vulnérabilité, pour le groupe 2 ; — Mesures d’atténuation, pour le groupe 3. Chaque groupe de travail doit publier un rapport dans son domaine tous les cinq à six ans. Ses membres ont la responsabilité d’établir une expertise de l’information technique, scientifique et socioéconomique qui se rapporte au risque des changements climatiques et d’en fournir un résumé synthétique et exploitable pour les décideurs politiques. Cette dernière phase est capitale car c’est en général le résumé qui retient l’attention des décideurs et des médias. Ce résumé doit être ensuite adopté à l’unanimité par les décideurs politiques de l’ensemble des pays signataires dont les intérêts ne sont pas toujours convergents.
Une nécessaire gouvernance mondiale Le succès de la mise en œuvre de cet accord multilatéral (la convention-cadre des Nations unies pour les changements climatiques) est dépendant de l’issue des débats autour de la gouvernance mondiale de l’environnement. L’action collective contre les changements climatiques a en effet à affronter une série de défis qui supposent une véritable coordination internationale.
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À partir de 2008 commence la période dite « d’observance du protocole de Kyoto », autrement dit la phase de contrôle des engagements pris par les différents pays signataires, sans que l’on sache exactement quels seront les moyens déployés ou encore les mesures de rétorsion, faute d’instance s’imposant véritablement aux États et aux entreprises. En 2008, le deuxième cycle du dispositif européen de marché de permis d’émissions est également lancé et ce système doit coexister avec le système du marché international sans que l’on connaisse encore la forme précise du lien entre les deux types d’actifs. Se posera, entre autres, la question de l’allocation de quotas. Faut-il choisir une organisation décentralisée, à la manière du marché européen où l’allocation de quotas a été effectuée, sous le contrôle de la Commission européenne, par les États membres, ce qui n’a pas manqué de susciter des marchandages en tous genres ? La France a ainsi proposé en juin 2004 un plan d’allocation très restreint dans sa couverture et très généreux dans ses dotations, ce qui l’a conduite à plusieurs corrections en fonction des remarques de la Commission. Faut-il préférer une forme plus centralisée notamment par le biais de l’ONU qui est chargée de mettre en place le marché des permis internationaux ? Deux visions s’affrontent : d’un côté, la critique du multilatéralisme et d’une véritable instance mondiale de régulation au nom de l’efficacité (États-Unis et certains de leurs alliés) ou de la sauvegarde des intérêts nationaux (la plupart des pays du G77) ; de l’autre, la promotion du droit international et de la notion de « biens publics mondiaux ». Cette vue est partagée par l’Union européenne dont certains des membres (la France et l’Allemagne, appuyées par le Brésil et l’Afrique du Sud) vont même jusqu’à proposer une Organisation mondiale de l’environnement [Martimort-Asso et Tubiana, 2005]. Il est utile de rappeler que la Conférence des Nations unies sur l’homme et l’environnement en 1972 a abouti la même année à la création du Programme des Nations unies pour l’environnement supposé devenir la plus haute instance multilatérale chargée des questions internationales liées à la préservation de la planète. Si le PNUE s’est bien imposé comme un facilitateur de négociations, son pouvoir politique se révèle quasiment inexistant. Quant à son organe financier, le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), son budget reste dérisoire au regard des besoins. Si plus de 240 accords multilatéraux ont été adoptés sous l’égide du PNUE, dont la convention-cadre sur le climat, les conventions qui ont passé le cap de la ratification ne sont
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Les biens publics mondiaux La notion de bien public mondial est devenue, à partir des années 1990, l’un des thèmes majeurs de réflexion en matière de développement et d’environnement, ou plus généralement de développement durable. Dans un article publié en 1954, Samuelson introduit les notions de non-exclusivité et de non-rivalité pour définir les biens publics. La non-exclusivité signifie que tous ont accès à un bien, même s’ils n’ont pas participé au coût de sa production. Le principe de non-rivalité indique que la consommation des uns n’affecte en rien celle des autres. Le terme de « mal public » peut être employé pour les biens qui ont des effets négatifs sur ses consommateurs. À ces deux propriétés s’ajoutent deux autres notions. D’abord, le concept d’externalités, qui renvoie aux situations dans lesquelles les coûts ou les bénéfices d’un bien n’apparaissent pas dans le prix du bien lui-même. Ensuite, le terme de « passager clandestin » qui désigne le comportement opportuniste d’acteurs qui consomment un
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bien sans vouloir en supporter le coût. Les biens publics mondiaux sont rarement purs. C’est ce qui justifie selon Samuelson la pertinence de l’action collective devant aboutir à un consensus politique et à l’élaboration de politiques internationales. Les premiers maux publics mondiaux identifiés sont liés aux problèmes globaux d’environnement et donc aux externalités globales : diminution de la couche d’ozone, changements climatiques, pertes en biodiversité, etc. Avec eux s’impose l’idée que les choix et les actions dans un pays peuvent avoir des conséquences sur le niveau de bienêtre dans les autres pays du monde et que les biens publics mondiaux qui permettraient d’améliorer le bien-être global ne peuvent être produits (ou supprimés pour les maux) que par l’action conjointe et coordonnée de plusieurs pays, voire de tous. L’absence de gouvernement mondial légitime empêche les solutions étatiques centralisées préconisées par l’économie publique. Pour produire et préserver ces biens publics mondiaux, il faut que les États du monde coopèrent et trouvent des solutions communes.
généralement pas contraignantes puisque aucune sanction n’est prévue pour les contrevenants. Face à un tel vide, ce sont au mieux les juges commerciaux qui exercent l’autorité en matière de régulation environnementale, à travers l’Organisation mondiale du commerce et, au pire, les entreprises multinationales et les grandes puissances du moment. Par ailleurs, il est impératif que les négociations internationales concernant l’après-Kyoto, amorcées fin 2004, puissent aboutir à un nouveau compromis sur les quotas permettant le retour des États-Unis dans le système multilatéral et un élargissement graduel des engagements parmi les pays du Sud. Pour ce faire, un nouvel accord multilatéral devra être trouvé en ce qui concerne les critères conduisant aux engagements de réduction quantitatifs des pays. Le compromis de Kyoto, en reposant sur des dotations en fonction des émissions historiques, suivant la méthode dite « du grand fathering », a conduit à exclure les pays du Sud d’engagements
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quantitatifs. Pour améliorer les critères à prendre en compte, plusieurs propositions se font jour. L’une consiste à combiner les droits historiques avec un niveau cible commun d’émissions par habitant à atteindre pour tous à l’horizon 2050. La pondération de ces deux critères varierait suivant les pays et évoluerait dans le temps, avec l’objectif partagé d’arriver à la cible à l’horizon donné. Cela conduirait dans un premier temps à fixer des contingents relativement élevés pour les PED, en leur attribuant, comme cela a été le cas pour la Russie, de l’« air chaud » pour les encourager à entrer dans le système [Perthuis, 2005]. Le problème est que les pays industrialisés (notamment les États-Unis) risquent de s’opposer à une telle solution. L’autre proposition, défendue par nombre d’industriels, n’imposerait aux PED que des obligations proportionnelles à leur PIB, ce qui revient à une sorte d’indexation des quotas sur la croissance économique. Or cette méthode remet en cause la raison même de l’instauration d’un marché carbone qui est de déterminer ex ante l’objectif environnemental de réduction souhaité en laissant ensuite le marché fixer le prix d’atteinte de l’objectif. Enfin, il est de plus en plus probable que les contraintes des changements climatiques vont se renforcer à l’horizon de quelques décennies. Les experts considèrent en effet que pour stabiliser la concentration atmosphérique des GES à un niveau réduisant les risques de dérèglement majeur du climat, il faudrait stabiliser, d’ici à 2050, les émissions mondiales à la moitié de leur niveau de 1990. Même si des avancées technologiques permettent de reculer les échéances (à condition que des investissements massifs en R&D et des transferts de technologies soient réalisés), la question du nécessaire renforcement de la régulation mondiale de la lutte contre les changements climatiques, tant dans ses aspects de réduction des émissions de GES que dans ceux des politiques et mesures de protection des effets de ces changements, ne tardera pas à se poser. Là encore, la levée des incertitudes que suscitent ces interrogations renvoie au système de gouvernance mondiale.
Les scénarios de modélisation climatique L’amélioration continue des méthodes de construction des scénarios Les changements climatiques sont au cœur de relations interactives entre des dimensions naturelles, humaines et technico-économiques sur des échelles spatio-temporelles très
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étendues. Toute tentative d’évaluation ou de prévision des facteurs contribuant à l’aggravation des perturbations climatiques, de leurs évolutions ou encore de leurs effets potentiels est alors extrêmement complexe. Trois grands types de scénarios peuvent être recensés : — les scénarios dits qualitatifs : ils reposent sur une approche narrative et littéraire visant à établir une vision descriptive des changements climatiques à partir de la perception future que l’on se fait des événements et des relations qui les caractérisent ; — les scénarios dits quantitatifs : ils font appel à des représentations mathématiques des systèmes environnementaux et/ou humains intégrant l’état actuel et futur de nombreux paramètres susceptibles de les influencer comme les ruptures technologiques, l’évolution démographique et les politiques énergétiques ; — les scénarios combinant les approches qualitative et quantitative. Malgré certaines incertitudes inhérentes au grand nombre de paramètres pouvant affecter le climat ainsi que leurs évolutions probables à moyen et long terme, ce sont les scénarios quantitatifs qui semblent présenter le cadre d’analyse le plus rigoureux. Les simulations et les modélisations environnementales globales se sont développées à partir des années 1970 [Meadows et al., 1972 ; Mesarovic et Pestel, 1974]. Une deuxième génération a été construite autour de la problématique du développement durable. C’est ensuite dans le cadre de la préparation du premier rapport du GIEC en 1990 que les premiers scénarios (appelés IS92), propres aux émissions de GES, ont été publiés en 1992. Les nouvelles générations de scénarios Le GIEC a ensuite lancé une génération de scénarios intégrant les connaissances et les données scientifiques les plus récentes ainsi que les acquis méthodologiques et empiriques des premiers scénarios IS92. Publiés en 2000, les scénarios d’émissions SRES améliorent les représentations analytiques du développement économique, en tenant compte, par exemple, des écarts de revenus entre les pays développés et les PED [Nakicenovic et al., 2000]. Les scénarios SRES sont regroupés dans quatre grandes familles : A1, A2, B1 et B2. Ils représentent l’état futur du monde autour de deux axes : la gouvernance (à l’échelle régionale et
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globale) et le développement (intégrant la dimension environnementale et économique) [Arnell et al., 2004] (voir figure ci-dessous). Les lignes de base des scénarios SRES
Source : Arnell et al. [2004].
Les scénarios A1 Les scénarios A1 offrent une vision d’un monde futur reposant sur une croissance économique rapide associée à une augmentation progressive de la population mondiale qui atteint un maximum au milieu du XXIe siècle pour décliner ensuite (avec 8,7 milliards d’habitants en 2050 et 7,1 en 2100). Plusieurs nouvelles technologies plus efficaces (notamment du point de vue environnemental) sont supposées s’introduire rapidement. Les principaux thèmes récurrents sont la convergence entre régions, le renforcement des capacités institutionnelles et techniques, l’accroissement des interactions culturelles et sociales et une réduction des disparités régionales des revenus par habitant. La famille de scénarios A1 se décline en trois groupes décrivant trois directions plausibles de l’évolution technologique des
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systèmes énergétiques : une forte composante en ressources énergétiques fossiles (A1FI), une forte composante en ressources énergétiques non fossiles (A1T) et un équilibre entre les ressources énergétiques fossiles et non fossiles avec une homogénéisation des taux de pénétration technologique (A1B). Les scénarios A2 Les scénarios A2 décrivent un monde très hétérogène caractérisé par une évolution démographique plus rapide (15,1 milliards d’habitants en 2100) et une croissance économique moins importante que pour les scénarios A1. Le thème central est l’autosuffisance et la préservation des identités locales. Le développement économique présente une orientation principalement régionale, tandis que la croissance économique par habitant et l’évolution technologique sont plus fragmentées et moins rapides que dans les autres familles. Les prévisions de fécondité entre régions convergent très lentement conduisant à un accroissement continu de la population mondiale. Les scénarios B1 Les scénarios B1 proposent un monde convergent avec une évolution démographique semblable à celle de la famille A1 : un niveau de population mondiale culminant au milieu du XXIe siècle et déclinant par la suite. L’économie se caractérise par des changements structurels rapides tournés vers les services et l’information, avec des réductions dans l’intensité matérielle et énergétique de la production ainsi que l’introduction de technologies peu polluantes et efficaces. On y fait l’hypothèse d’un ensemble de solutions globales orientées vers une viabilité économique, sociale et environnementale intégrant des exigences d’équité sans pour autant proposer des initiatives supplémentaires pour la lutte contre les changements climatiques. Les scénarios B2 Les scénarios B2 prévoient un monde futur caractérisé par de multiples solutions locales. La population y connaît une croissance continue mais à un rythme plus faible (10,4 milliards d’habitants en 2100) que dans les scénarios A2. Ils supposent l’apparition de niveaux intermédiaires de développement
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économique et l’amorçage d’une évolution technologique moins rapide mais plus diversifiée que dans les familles B1 et A1. Ces scénarios sont également orientés vers la protection de l’environnement et l’équité sociale, tout en supposant des politiques de mise en œuvre locale et régionale. Le tableau suivant résume les principales hypothèses quantitatives des quatre familles pour l’année 2100. Les familles de scénarios pour 2100 Scénarios
A2
B1
B2
Croissance Faible démographique (~ 7 mill.)
A1
Élevée (~ 15 mill.)
Faible (~ 7 mill.)
Moyenne (~ 10 mill.)
Croissance PIB*
Très élevée (525-550)
Moyenne (243)
Élevée (328)
Moyenne (235)
PIB/hab
Indus : 107,300 dollars PED : 66,500 dollars
Indus : 46,200 dollars PED : 11,000 dollars
Indus : 72,800 dollars PED : 40,200 dollars
Indus : 54,400 dollars PED : 18,000 dollars
Utilisation énergie
Très élevée/ élevée
Élevée
Faible
Moyenne
Changement dans l’utilisation des terres
Bas/moyen Terres cultivables + 3 % Forêts + 2 %
Moyen/élevé — —
Élevé Terres cultivables – 28 % Forêts + 30 %
Moyen Terres cultivables + 22 % Forêts + 5 %
Disponibilités des ressources
Élevéemoyenne
Faible
Faible
Moyenne
Intensité des Rapide changements technologiques
Faible
Moyenne
Moyenne
Composante énergétique**
Diversité régionale
Efficacité énergétique et dématérialisation
« Dynamique usuelle »
Fossiles/ non fossiles/ équilibre
* PIB mondial (1012 dollars 1990/an). ** Il existe trois scénarios énergétiques différents pour le canevas A1. Source : d’après Arnell et al. [2004].
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L’influence du carbon lobby américain Une coalition informelle de grands industriels américains (pétroliers, charbonniers, constructeurs automobiles, compagnies électriques, etc.), appelée Global Climate Coalition (GCC), a tout fait pour empêcher les négociations sur le climat d’aboutir à des objectifs contraignants. Arguments : remise en cause du consensus scientifique sur l’effet de serre, spectre de récession économique et pas d’efforts sans un engagement conjoint des grands pays en développement émetteurs de CO2 (Chine, Inde, Brésil notamment). Tout au long du processus de Kyoto, ce groupe de pression a influencé la position américaine, jusqu’à l’annonce de G. W. Bush de ne pas ratifier l’accord le 28 mars 2001. Source : Cornut [2004].
Sur la base de ces grands groupes de scénarios, quarante variantes SRES ont été élaborées par six équipes de modélisation. Cela permet de couvrir de larges fourchettes d’émissions de GES (entre 1990 et 2100). Même dans le cas du scénario le plus optimiste, d’ici la fin du siècle, le rapport de mélange en CO2 qui correspond à l’abondance relative d’un gaz dans l’atmosphère aura quasiment doublé par rapport à sa valeur préindustrielle. Dans le cas le plus pessimiste, il aura été multiplié par près de 3,5. Or le CO2 a une durée de vie très longue dans l’atmosphère (de 50 à 150 ans). Cela signifie que, pour la situation la plus favorable d’une réduction des émissions au cours de la seconde moitié du XXIe siècle, son rapport de mélange poursuivra sa croissance pour ne décliner que durant le XXIIe siècle. En d’autres termes, les risques les plus préoccupants concernent l’après-2100 [Le Treut, 2004]. C’est pourquoi certains considèrent que le protocole de Kyoto, visant à réduire d’ici 2012 les émissions d’au moins 5 % par rapport au niveau de 1990, constitue un objectif bien dérisoire au regard de ce qu’annonçait la convention Climat : « la stabilisation des concentrations de GES à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique ». Le caractère dérisoire est d’autant plus marqué que ni les États-Unis ni les PED ne participent à l’effort de réduction. En ce sens, le protocole de Kyoto doit être considéré comme un premier pas modeste, mais symbolique d’une décennie de négociations au cœur d’enjeux économiques et géopolitiques considérables [Baron et Criqui, 2004].
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Les conséquences globales des changements climatiques Les impacts sur les ressources en eau et les écosystèmes Les changements climatiques affectent le volume et la saisonnalité d’écoulement des rivières et de renouvellement des nappes phréatiques. Ils conditionnent ainsi la distribution des effets qui en résultent et le nombre de personnes touchées par leurs impacts. Selon l’Organisation mondiale de la météorologie, un tiers de la population mondiale, soit environ 1,7 milliard de personnes, vit actuellement dans des pays présentant une situation de stress hydrique : c’est-à-dire un prélèvement de plus de 20 % de leurs ressources renouvelables en eau. Cette proportion pourrait atteindre les deux tiers en 2050 avec une répartition régionale assez disparate. En effet, les changements climatiques pourraient diminuer les ressources en eau dans certaines régions déjà soumises à un stress hydrique, comme l’Asie centrale, l’Afrique australe et la région méditerranéenne. Des études faisant appel aux scénarios SRES ont confirmé les risques d’amplification des situations de stress hydrique au niveau global et l’augmentation du nombre de personnes touchées. À partir de ces scénarios, Arnell [2004] établit une évaluation des risques de stress hydrique sur plusieurs régions du monde. Les résultats obtenus mettent en exergue l’importance de l’évolution démographique dans l’accentuation des situations de stress hydrique. Dès 2020, sur la base des scénarios A2, entre 1 092 et 2 761 millions de personnes pourraient être affectées ; et entre 670 et 1 538 millions de personnes selon le scénario B2. Par ailleurs, l’analyse des corrélations entre l’évolution démographique et l’effet de stress fait apparaître qu’une variation de 10 % de la population pourrait entraîner une variation de 15 % à 20 % du nombre de personnes subissant une augmentation ou une diminution du stress hydrique. Ces perturbations menaceront les écosystèmes naturels : glaciers, récifs coralliens, atolls, mangroves, forêts boréales et tropicales, écosystèmes polaires et alpins. Au total, la biodiversité devrait en être fortement affectée, puisqu’il est couramment admis que, dès 2050, un quart des espèces pourraient avoir disparu dans nombre de régions [Hauglustaine et al., 2004].
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Les impacts sur le secteur agricole et la sécurité alimentaire Que ce soit par la montée des eaux, entraînant la disparition de zones côtières cultivables, ou par la multiplicité des effets extrêmes, les changements climatiques pénaliseraient les ressources agricoles et la sécurité alimentaire. Des températures minimales plus élevées profiteraient à certaines cultures, notamment dans les régions tempérées, et nuiraient à d’autres, essentiellement celles situées aux basses latitudes. Des températures maximales plus élevées seraient défavorables pour de nombreuses cultures. En raison des variations des températures ainsi que de la fréquence et de l’intensité des précipitations, la dégradation de la qualité des sols et des ressources hydriques constitue l’un des grands défis auxquels seront confrontés les systèmes agricoles mondiaux [GIEC, 2001b]. En l’absence de changements climatiques, plusieurs études mondiales et régionales considèrent comme fort probable une baisse des prix réels des produits agricoles suite à l’amélioration tendancielle des rendements, permettant d’atténuer la contrainte alimentaire dans certaines régions du monde. La confiance dans ces résultats diminue sur le long terme et l’amplitude des projections varie en fonction des régions et des possibilités relatives de conversion et d’adaptation des cultures. Or « une hausse de la température annuelle moyenne de 2,5 ºC ou plus ferait croître le prix des aliments (degré de confiance faible) à cause du ralentissement de l’expansion de la capacité agricole mondiale par rapport à la croissance de la demande mondiale » [GIEC, 2001b, p. 37]. Ainsi, même si la sécurité alimentaire ne devait pas être globalement menacée, on peut craindre une baisse générale des rendements des cultures dans la plupart des régions tropicales et subtropicales ainsi que dans les latitudes moyennes. Dans une étude visant à évaluer l’impact des changements climatiques sur la production alimentaire globale à partir des scénarios SRES, Parry et al. [2004] aboutissent à des résultats confirmant la complexité et la variabilité des interactions entre l’élévation des températures et les effets induits régionaux. Grâce à la compensation de la baisse des rendements dans les pays du Sud par une hausse dans ceux du Nord, la productivité globale mondiale devrait continuer à satisfaire la demande, du moins jusqu’à la fin de ce siècle. Cependant, les effets distributifs sont largement disparates puisque les différences dans les rendements agricoles régionaux s’accentueraient dans le temps, multipliant
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les risques de famine dans les pays les plus pauvres (scénarios A1F1 et A2). Les perspectives d’atténuation par l’adaptation (agronomique et économique) varient en fonction des régions et dépendent de plusieurs paramètres comme la disponibilité des ressources financières et l’existence de capacités institutionnelles stables et efficaces. Les impacts sur la santé et les flux migratoires L’élévation de la fréquence et de l’intensité des événements extrêmes (les périodes de chaleur et de froid, les sécheresses et les inondations) devrait entraîner des effets sanitaires négatifs directs (l’augmentation de la morbidité et de la mortalité) et indirects (la sous-production alimentaire locale et la sousalimentation en résultant). La multiplicité des inondations, des ouragans et des tempêtes est susceptible d’accentuer la morbidité et la mortalité de nombreuses populations par la destruction de leur logement, la contamination de l’eau et des nourritures, par la perte de récoltes ou encore par les risques d’épidémie [Parry et al., 2004]. En recourant aux scénarios d’émission SRES et en appliquant le modèle MIASMA d’évaluation des risques liés à la malaria, Van Lieshout et al. [2004] montrent que les changements climatiques étendraient les zones potentielles de transmission des maladies à vecteur (paludisme, malaria, dengue, fièvre jaune) particulièrement en Afrique et en Asie. Dans les pays souffrant de faibles capacités de prévention et d’adaptation, les populations à risque en 2080 pourraient varier entre 90 millions (scénario A1F1) et 200 millions (scénario B2b).
II / Les conséquences socioéconomiques et les politiques nationales
Ce deuxième chapitre se penche sur les conséquences nationales contrastées liées aux changements climatiques ainsi que sur les politiques nationales déployées. Sont d’abord traitées des questions relatives aux sources d’émissions et à la disparité des effets et des moyens d’adaptation qui les caractérisent. Puis sont présentées les principales stratégies nationales de réduction des émissions recourant à des instruments économiques, réglementaires et incitatifs. Seuls les pays du Nord sont véritablement en mesure de les mobiliser.
Émissions et impacts : de grandes disparités nationales Une disparité en termes de vulnérabilité La vulnérabilité traduit ici la sensibilité d’un système aux modifications climatiques : « La vulnérabilité est fonction de la nature, de l’ampleur et du rythme de la variation du climat à laquelle le système considéré est exposé, de la sensibilité de ce système et de sa capacité d’adaptation » [GIEC, 2001b, p. 96]. Certains PED présentent une vulnérabilité forte aggravée par une mise en place lente et fragile des moyens de prévention et d’adaptation. En ce sens, l’Afrique apparaît comme l’une des régions les plus exposées. Ses perspectives d’adaptation sont en effet contraintes par le manque de ressources économiques et techniques, tandis que sa vulnérabilité est accentuée par une forte dépendance vis-à-vis des cultures pluviales et par l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses et des crues.
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Vulnérabilité : l’exemple de l’Ouganda Pour une élévation de la température moyenne de 2 ºC, la surface disponible pour la culture du café en Ouganda serait considérablement réduite. L’agriculture, qui fait vivre 90 % des 22 millions d’habitants et offre 80 % des emplois, représente la principale ressource du pays, soit près de 45 % du PIB et 90 % des exportations […]. Si la superficie destinée à la culture du café était dramatiquement réduite par le changement climatique, le dommage ne se mesurerait pas seulement en termes de productivité multipliée par la part du PIB pour cette activité. Il faudrait également prendre en compte, à l’échelle nationale, les conséquences macroéconomiques (déséquilibre de la balance des échanges, diminution du revenu d’une partie de la population), sociales (chômage, déplacement de population vers la périphérie des zones urbaines) et éventuellement leurs répercussions régionales (flux de migrants vers les pays voisins), ainsi que les effets sur le marché international du café. Source : Van Ypersele et al. [2004].
Les conséquences de la montée du niveau de la mer en Asie Pays
Élévation mer (cm)
Bangladesh Inde Indonésie Japon Malaisie Pakistan Vietnam
45 100 60 50 100 20 100
Perte de terre
Populations affectées
Km2
(%)
(millions)
(%)
15 668 5 763 34 000 1 412 7 000 1 700 40 000
10,9 0,4 1,9 0,4 2,1 0,2 12,1
5,5 7,1 2,0 2,9 > 0,05 n.d*. 17,1
5,0 0,8 1,1 2,3 > 0,3 n.d*. 23,1
n.d. : non disponibles. Source : adapté du GIEC [2001b].
La situation est aussi alarmante dans les régions pauvres d’Asie. Kumar et Parikh [1998] montrent que pour une hausse de la température de 2 ºC, accompagnée d’une augmentation des précipitations de 7 %, le revenu net total de certaines productions agricoles en Inde pourrait baisser de 9 %. La chute pourrait même atteindre jusqu’à 35 % (pour une élévation de la température de 3,5 ºC accompagnée d’une hausse de 15 % des précipitations). De telles baisses de productivité auraient de lourdes répercussions sur l’emploi et la sécurité alimentaire. Par ailleurs, les accroissements de température conjugués aux fortes
— La capacité d’adaptation des systèmes humains est fragilisée par le manque de ressources économiques et techniques, associée à une vulnérabilité aggravée par la pauvreté et par la forte dépendance vis-à-vis des cultures pluviales subissant une recrudescence des sécheresses et des crues. — Plusieurs scénarios prévoient une réduction des rendements agricoles, affaiblissant la sécurité alimentaire, notamment pour les petits pays importateurs de produits alimentaires (degré de confiance moyen à élevé). — L’élévation du niveau de la mer par submersion et érosion des côtes aura un effet néfaste sur les établissements humains côtiers, notamment dans le golfe de Guinée, au Sénégal, en Gambie, en Égypte et le long du littoral de l’Afrique australe et orientale (degré de confiance élevé). — L’extension des aires de distribution géographique d’un certain nombre de vecteurs de maladies infectieuses aura un effet préjudiciable sur la santé des Africains (degré de confiance moyen). — L’ampleur et la fréquence accrues des sécheresses, des inondations et d’autres événements extrêmes accentueront les contraintes subies par les ressources en eau et les infrastructures ainsi que les atteintes à la sécurité alimentaire et à la santé. Ils freineront surtout le développement du continent africain (degré de confiance moyen). — Le recul des glaciers aura un effet défavorable sur l’écoulement et l’approvisionnement en eau (degré de confiance élevé). — Les aires de distribution géographique des maladies infectieuses à transmission vectorielle gagneront de l’altitude et se déplaceront vers le pôle. Les populations seront davantage exposées à des maladies telles que le paludisme, la dengue ou le choléra (degré de confiance moyen). — L’élévation du niveau de la mer aura un effet préjudiciable sur les établissements humains côtiers, les écosystèmes, les activités productives et les infrastructures (degré de confiance moyen). — Dans les pays asiatiques en développement, les systèmes humains font preuve d’une capacité d’adaptation limitée et d’une grande vulnérabilité, alors que les pays développés sont moins vulnérables et devraient mieux s’adapter au changement climatique. — L’Asie tempérée et tropicale doit faire face à une intensification des événements extrêmes (inondations, sécheresses, incendies de forêts, cyclones tropicaux, etc.) (degré de confiance élevé). — La baisse de la productivité agricole et les difficultés de l’aquaculture dues aux agressions thermiques et au stress hydrique, à l’élévation du niveau de la mer, aux inondations, aux sécheresses et aux cyclones tropicaux porteront atteinte à la sécurité alimentaire dans de nombreux pays de l’Asie aride, tropicale et tempérée. En revanche, l’agriculture se développera et deviendra plus productive dans les régions septentrionales (degré de confiance moyen).
Afrique
Amérique latine
Asie
Source : GIEC [2001b].
CONSÉQUENCES SOCIOÉCONOMIQUES ET LES POLITIQUES NATIONALES
Remarque : degré de confiance très élevé (95 % de probabilité ou plus), élevé (67-95 %), moyen (33-67 %), faible (5-33 %), très faible (5 % ou moins).
Capacité d’adaptation et vulnérabilité
Continent
Des exemples régionaux de capacité d’adaptation et de vulnérabilité LES
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précipitations contribueront à l’élévation du niveau de la mer, renforçant ainsi les risques de disparition de certaines régions côtières avec la perte consécutive de zones d’habitation et d’activités économiques et agricoles.
Une disparité en termes de responsabilité Tout en étant fortement tributaire de la réactivité et de l’efficacité des capacités nationales, la vulnérabilité se trouve continuellement renforcée par la croissance de la concentration globale en GES. Cela amène à s’interroger sur le degré de contribution des multiples sources sectorielles émettrices. Dans les pays industrialisés, l’extraction, la production et la consommation des énergies fossiles représentent 85 % des émissions de CO2. Entre 1990 et 1999, les émissions issues de l’énergie de 29 membres de l’OCDE (pays ayant signé la convention sur les changements climatiques en 1992) ont augmenté de 10,3 %. L’essentiel de cette hausse provient du secteur de la production d’électricité et de chaleur (56 %) et de celui des transports (48 %). Or, dans la mesure où 80 % des habitants de la planète n’ont pas de véhicule, ce secteur va continuer sa progression. Les émissions directes du secteur industriel ont, quant à elles, baissé de 10 % [IEA, 2001]. Les projections futures prévoient une réduction relative substantielle des émissions de GES des pays de l’OCDE et des pays en transition (PET), notamment face à la croissance fulgurante de la consommation énergétique fossile de pays comme la Chine. Ce dernier est en effet devenu le deuxième plus gros consommateur d’énergie et émetteur de GES. En 2001, les pays de l’OCDE, avec le sixième de la population mondiale, représentaient 53,2 % de la consommation mondiale finale en énergie évaluée à 6 995 Mtep. Le reste de la population, soit environ cinq milliards de personnes, consomme la moitié restante dans des proportions assez disparates : 11,8 % pour l’Asie (hormis la Chine), 11,5 % pour la Chine, 9 % pour les anciens pays de l’URSS, 5,1 % pour les pays d’Amérique latine, 4 % pour les pays du Moyen-Orient et 0,9 % pour les pays européens non-membres de l’OCDE [IEA, 2003a]. L’Afrique, avec 812 millions de personnes, n’enregistre que 5,5 % de la consommation totale d’énergie avec une moyenne de consommation électrique par habitant de 515 kWh, ce qui est quinze fois inférieur à la quantité moyenne d’électricité consommée par un habitant de l’OCDE.
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CONSÉQUENCES SOCIOÉCONOMIQUES ET LES POLITIQUES NATIONALES
La contribution des pays émergents : l’exemple de la Chine Avec une population avoisinant 1,3 milliard de personnes et des rejets en CO2 représentant 13,5 % des émissions mondiales, la Chine est le deuxième pays émetteur derrière les États-Unis. Selon plusieurs études, ce pays pourrait doubler ses émissions entre 1990 et 2020 [Zhang, 2004]. Au niveau de la demande énergétique, cette situation résulte d’une croissance soutenue de l’économie nationale et d’une hausse de la consommation de biens à forte intensité énergétique. À titre d’exemple, l’immatriculation de véhicules a fortement augmenté pour passer de 6,2 millions en 1990 à 36 millions en 2003, tandis que le parc de climatisation urbain des ménages a connu une progression significative. L’offre repose sur un recours massif au charbon (qui représente 67 % des ressources énergétiques du pays) dont la Chine assure la première production et la première consommation mondiale. Sur le plan sectoriel, c’est surtout la production d’électricité et de chaleur qui absorbe une majeure partie de la demande et qui constitue la principale source d’émissions [State Statistical Bureau, 2004]. Cependant, malgré un profil hautement émetteur à l’échelle macroéconomique, il convient de rappeler deux particularités structurelles importantes. Parallèlement à une consommation énergétique nationale élevée, la consommation chinoise par habitant reste relativement faible (0,5 tep en
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2001) comparée à celles des États-Unis (5,4 tep), de l’Allemagne (3 tep) ou du Japon (2,7 tep) [Crompton et Wu, 2005]. Il en est de même pour le taux d’émission en CO2 par habitant (issu de la combustion des énergies fossiles) qui totalise 2,42 tonnes en Chine alors qu’il atteint 6,32 tonnes en France, 8,9 tonnes au Japon, 10,32 en Allemagne et surtout 19,84 tonnes aux États-Unis [IEA, 2003a]. La deuxième réalité renvoie à l’importance de l’effort engagé par la Chine pour réduire sa consommation énergétique et ses émissions. La principale illustration concerne la baisse continue de l’intensité énergétique de l’économie (rapport de la consommation d’énergie au produit intérieur brut qui représente la quantité d’énergie nécessaire pour constituer une unité de PIB). Celle-ci affichait à la fin des années 1970 un taux de 900 kg équivalent charbon/1 000 dollars, soit le double de celui des États-Unis et le triple de celui du Japon. En 1999, ce taux a chuté de façon notable pour atteindre 300 kg équivalent charbon/1 000 dollars [Crompton et Wu, 2005]. Cette baisse montre une capacité de l’économie chinoise à créer de la richesse en utilisant moins d’énergie et donc à émettre moins de GES. Elle est le résultat de changements technologiques (emplois de matériaux et d’équipements plus efficaces) et structurels (augmentation de la part des industries de services et de la haute technologie dans le PIB, renforcement de la part des énergies renouvelables, restructuration du secteur électrique, parcs éco-industriels). Source : Sinton et Fridley [2000].
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CLIMATIQUES
Le paradoxe apparent dans les données énergétiques, tant du côté de l’offre que du côté de la demande, reste le grand décalage entre, d’un côté, des pays industrialisés pauvres en ressources mais « riches » en termes de consommation énergétique, de l’autre, des pays du Sud souffrant d’une fragilité énergétique handicapante pour leur développement en dépit de la disponibilité sur leur territoire de l’essentiel des gisements exploitables et des réserves fossiles mondiales. À ce premier déséquilibre s’ajoute un deuxième relatif au niveau de contribution des différents pays à l’aggravation des phénomènes climatiques. Les régions développées, consommant la majorité de la production énergétique, sont également celles qui émettent l’essentiel des émissions en GES dont les répercussions sont plus néfastes dans les pays pauvres que dans les pays développés. À ce sujet, il convient de distinguer entre les pays les moins avancés qui présentent des profils faibles en émissions et qui manquent de moyens financiers, scientifiques et institutionnels pour faire face aux effets des changements climatiques et les pays émergents à fortes perspectives d’émissions. C’est pourquoi de plus en plus de pays industrialisés, à l’instar des États-Unis, appellent à l’intégration des PED dans l’effort global de réduction des émissions. La Conférence des parties, qui s’est tenue à Buenos Aires fin 2004, a insisté sur la nécessité de l’engagement des PED dans des réductions chiffrées de leurs émissions pour l’après-Kyoto (après 2012). Cette préoccupation est motivée par les perspectives d’émission à la hausse affichées par des pays émergents comme la Chine ou l’Inde dont l’évolution démographique et industrielle s’accompagne d’une croissance en GES. Une disparité en termes de moyens d’adaptation L’adaptation désigne l’ajustement des systèmes écologiques, sociaux et économiques face aux changements climatiques. Les politiques d’adaptation ont été peu étudiées dans les rapports du GIEC essentiellement parce que, dans le cadre du protocole de Kyoto, le débat politique a porté en priorité sur les politiques de prévention. Ce sont à la fois les systèmes naturels et humains qui font l’objet d’adaptations. Dans le premier cas, l’adaptation se produit de façon autonome en réaction aux changements climatiques. Les saisons de récolte peuvent changer, les écosystèmes peuvent migrer et leur composition se modifier. À titre d’exemple, selon le GIEC, les changements climatiques provoqueront un déplacement vers les pôles des zones géographiques
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Le cas particulier de la France Les émissions françaises de CO2 ont connu une forte baisse à la fin des années 1970 et sont relativement stables depuis le début des années 1990. Il s’agit d’une situation tout à fait particulière au sein des pays industrialisés, due à l’installation des centrales nucléaires qui ne rejettent pas de CO2. La France est donc face à un dilemme qui deviendra prégnant à partir de 2010 où devra se préciser son choix face au renouvellement du parc nucléaire. En effet, le nucléaire fait l’objet de vives critiques également pour des raisons de sécurité environnementale et sanitaire, au point que d’autres pays voisins, dont l’Allemagne, ont pris la décision d’arrêter ce mode de production énergétique. Or la vulnérabilité de la France face aux changements climatiques n’est
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pas négligeable. L’élévation du niveau des océans de l’ordre de 50 centimètres en 2100 provoquant l’inondation des deltas (par exemple, la Camargue), l’érosion des plages et des falaises, la salinisation des nappes phréatiques. Les inondations de plus en plus fréquentes, l’ouragan de décembre 1999, la canicule de l’été 2003, les sécheresses et les incendies estivaux illustrent les effets possibles des perturbations climatiques sur les infrastructures, l’économie, les biens et la population. Le problème de l’adaptation à ces changements concerne donc aussi la France qui semble moins préparée que d’autres de ses voisins, notamment les PaysBas. Un sujet de préoccupation majeur concerne les risques de crue de la Seine qui provoquerait une paralysie totale de l’Île-de-France. Source : Roche [2004].
des poissons d’eaux douces, ainsi qu’une perte d’habitat pour les poissons d’eaux tempérées et froides [GIEC, 2001a]. Les systèmes humains s’adaptent en réaction à ces évolutions en modifiant les pratiques agricoles, en comblant les plages érodées, en élevant des digues, en créant des systèmes d’alerte météorologique précoces, en imaginant de nouvelles primes d’assurance, en développant de nouvelles normes de construction, en construisant des maisons sur pilotis, en modifiant les plates-formes pétrolières, etc. Les PED souffrent d’un sérieux handicap par rapport aux pays industrialisés. L’insuffisance de leurs moyens et l’urgence de leurs priorités socioéconomiques autres que climatiques, comme la lutte contre la pauvreté ou l’amélioration des systèmes sanitaires et éducatifs, font que leurs préoccupations environnementales restent marginalisées. Selon certains auteurs, les effets des changements climatiques entravent, pour nombre de pays pauvres, toute perspective de développement durable [Begg et al., 2002 ; Argawal et al., 2003]. « De manière générale, les changements climatiques et le développement durable interagissent de façon circulaire. La vulnérabilité, les impacts et l’adaptation
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L’inéquité Nord/Sud face à la gestion du risque climatique : la question de l’assurance Dans les pays les plus riches, la gestion du risque fait partie intégrante du management des entreprises et des institutions. Face à la montée des extrêmes climatiques, des instruments de couverture existent (qu’il s’agisse de produits d’assurance ou de produits financiers) et on peut s’attendre à leur développement et à leur sophistication pour se protéger de manière plus efficace des incertitudes du climat, au même titre que l’on se protège du vol, de l’incendie ou des implications de sa responsabilité civile. Cette sophistication des instruments de couverture est largement avancée. Les produits dérivés sur
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indices climatiques, tels ceux créés récemment par la première Bourse européenne Euronext en collaboration avec Météo France (à l’image d’instruments échangés sur le Chicago Board of Trade) sont un exemple de ces innovations financières. Dans les pays du Sud, le problème est bien différent et infiniment plus dramatique. L’assurance contre les risques climatiques y est le plus souvent inexistante et, en cas de catastrophe, c’est en général de pure assistance qu’il s’agit, qu’elle soit le fait des États ou des ONG. De fait, cette absence d’instruments économiques de protection contre les risques (les changements climatiques n’en sont qu’un parmi d’autres) aggrave la vulnérabilité des pays du Sud. Source : Picard [2004].
liés aux menaces climatiques influenceront les perspectives d’un tel développement, et en retour les différents modes de développement détermineront non seulement les niveaux d’émissions en GES qui affecteront les futurs changements du climat, mais influenceront également les capacités futures d’adaptation et d’atténuation des changements climatiques » [Downing et al., 2003, p. S3]. Ce sont surtout les populations des pays les plus pauvres qui seront les principales victimes des futurs événements climatiques extrêmes. L’absence de systèmes d’assurance dans la plupart des PED les rend encore plus démunis face au risque climatique. Au total, les pays les plus vulnérables aux changements climatiques sont aussi ceux qui possèdent les plus faibles capacités d’adaptation et qui sont les moins responsables des émissions de GES ! L’Afrique de l’Ouest représente un exemple pertinent. Elle regroupe des pays n’ayant aucune capacité d’adaptation et de faibles potentiels d’émission alors qu’elle offre une forte sensibilité et une vulnérabilité élevée aux effets des changements climatiques en raison de sa dépendance au secteur agricole et de l’amplification de la désertification dans les zones sahéliennes.
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Les politiques et mesures nationales Les mesures fiscales Les taxes et les subventions : enjeux économiques et environnementaux. — Adoptées comme premiers instruments économiques de lutte contre les dégradations environnementales, les incitations fiscales se déclinent en deux grandes catégories : les taxes et les subventions. L’accroissement des prix par l’emploi d’une taxe, ou leur diminution par le biais d’une subvention, agit directement sur les choix des consommateurs et, par là même, sur les systèmes productifs. La modification des prix dans le cadre de régimes fiscaux spécifiques permet ainsi aux consommateurs et aux producteurs d’apprécier la valeur attribuée aux priorités environnementales et de pouvoir diminuer (ou non) les activités nocives pour l’environnement. Les prix relatifs constituent de ce fait des signaux révélant l’importance accordée à la protection environnementale dans les politiques publiques nationales : les consommateurs sont incités à consommer des produits moins polluants et les industriels sont appelés à utiliser des matières, des procédés et des technologies plus favorables à l’environnement. D’un point de vue théorique, ces deux instruments renvoient à l’internalisation des effets externes et à ses conséquences en termes tant de distributivité des coûts et des bénéfices que de variation du bien-être qui s’ensuit [Bontemps et Rotillon, 2003]. Les activités économiques liées à l’exploitation de l’environnement en tant que source de matières premières et/ou de réceptacle de rejets peuvent entraîner des dommages occasionnant une perte de bien-être pour certaines catégories d’acteurs. En l’absence d’une compensation monétaire, cette perte constitue une externalité négative. L’externalité peut également être positive si une activité économique entraîne un bénéfice pour une certaine catégorie d’acteurs. Samuelson et Nordhaus proposent une définition globale : « Les externalités apparaissent quand les conséquences sur la production ou la consommation ne sont pas comprises dans les prix du marché » [Samuelson et Nordhaus, 1995, p. 433]. En d’autres termes, certaines transactions effectuées par des agents économiques peuvent affecter le bien-être d’autres agents se trouvant en dehors desdites transactions sans donner lieu à une quelconque contrepartie monétaire.
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Développée à l’origine par Pigou [1920], la taxe s’est progressivement imposée comme un outil de politique publique dont l’objectif consiste à agir sur les modes de production et/ou de consommation pour une meilleure protection de l’environnement. Établie selon le principe « pollueur-payeur » dans le cadre d’une analyse en équilibre partiel, elle vise à compenser la perte de bien-être issue des activités polluantes en intégrant dans le calcul économique les coûts externes relatifs aux dommages en plus des coûts privés. Cela peut être schématiquement représenté par une fonction de demande décroissante du prix d’un bien (droite D) dont la production entraîne une pollution environnementale. Dans une situation de concurrence parfaite, l’équilibre est atteint lorsque le producteur égalise son coût marginal de production au prix du marché P (intersection de la droite S avec la droite D). Cet état, appelé « équilibre privé », ignore les coûts externes provoqués par la pollution. Taxe, subvention et internalisation de l’effet externe
L’accroissement du prix (passage de P à P’) par l’instauration d’une taxe vise à réduire les quantités produites (passage de
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Q à Q’), diminuant par la même occasion le degré de pollution. À ce niveau de production, l’équilibre « social » est atteint à l’égalisation du prix P’ au coût marginal social (coût marginal privé + coût environnemental marginal). Au point d’intersection de la droite de l’offre S’ avec celle de la demande D, l’effet externe négatif est internalisé. Supposons maintenant que nous sommes face à un bien dont la production permet d’éviter des émissions de CO2 (exemple de l’électricité produite à partir de l’énergie éolienne en remplacement de celle obtenue à partir du charbon). La mise en œuvre d’une subvention répond à la même démarche économique. Contrairement à la taxe qui élève les prix des biens et des activités polluantes, les subventions ont pour objectif d’abaisser les prix des biens dont la consommation ne provoque pas de pollutions ou permet de les réduire (intégrant ainsi les effets externes positifs). Il en résulte une diminution des prix à l’équilibre et une augmentation de la demande des biens sur le marché (voir graphique). La subvention semble particulièrement justifiée dans les situations où il s’agit de rendre plus compétitives des technologies favorables à l’environnement. Cependant, il convient de souligner deux incidences liées à son application. Dans un équilibre partiel se pose le problème de son financement et de la perte de surplus dans d’autres secteurs. Ensuite, elle pourrait constituer une incitation à la production et donc à la pollution. Enfin, l’application de la taxe suppose que le régulateur dispose de l’information sur les caractéristiques des fonctions de coûts de production et surtout de la fonction de dommage. Dans le cadre de la déréglementation des marchés énergétiques et des procédures d’ajustement fiscal aux frontières dictées par l’OMC, il se trouve que les taxes propres au secteur électrique sont définies en fonction de la consommation énergétique et non de la teneur en carbone. Par conséquent, la production d’électricité à base d’énergies renouvelables se trouve soumise à la même taxation que celle produite à partir de ressources fossiles comme le charbon ou le pétrole fortement émetteurs en CO2. C’est dans ce cadre que des incitations ont été mises en place à travers des mécanismes de subventions spécifiques destinés à contrebalancer cet effet. Quelques exemples nationaux de « fiscalités climatiques ». — Certains pays, comme l’Allemagne et la Finlande, ont engagé des subventions spécifiques en faveur des énergies renouvelables
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pour améliorer leur positionnement sur les marchés électriques. Le Royaume-Uni a également exonéré de la taxe énergétique l’électricité produite à partir de sources renouvelables. La combinaison d’une taxe et d’un système de subventions (financé, entres autres, grâce aux revenus générés par cette dernière) peut se révéler plus efficace qu’une simple taxe à la fois en termes de finalité environnementale et de coûts de réduction des émissions. Certains exercices de modélisation sur la réduction des émissions au Japon de 2 % en 2010 par rapport au niveau de 1991, impliquent l’application d’une taxe carbone à un taux compris entre 273 et 364 dollars la tonne. Or l’instauration d’une taxe dont les recettes financeraient un système de subventions pour stimuler l’efficacité énergétique permettrait d’atteindre le même niveau de réduction des émissions (2 %) à un taux de 27 dollars par tonne [OCDE, 2001]. Dans cette situation, le couplage d’une taxe avec un système de subventions aide à obtenir le même niveau de dépollution à un coût moindre. Toutefois, subventionner des activités industrielles pour renforcer l’efficacité énergétique ou promouvoir des énergies renouvelables nécessite une actualisation régulière des possibilités de changement technologique pour orienter les subventions vers les techniques les plus innovantes. En l’absence de cette veille technologique, une captation de la subvention par des industriels s’avère possible au travers de l’emploi de technologies existantes mais présentées comme innovantes. En outre, le recours simultané à des taxes et à des subventions peut conduire à des transferts de capitaux nets entre les secteurs entraînant aussi bien des avantages que des coûts. Selon l’OCDE [2001], les simulations pour le Japon font apparaître un avantage net pour le secteur des transports et un coût net global pour l’industrie. Par ailleurs, l’instauration de subventions constitue une pratique fortement contrôlée au sein de l’Union européenne et dans le cadre de l’OMC. Les règles de concurrence et/ou les accords d’échanges commerciaux imposent aux États de limiter les systèmes de subventions afin de réduire les risques d’émergence de positions dominantes sur les marchés concurrentiels et de maintenir le principe « pollueur-payeur » sur les activités industrielles polluantes. Les aides financières accordées par les pays européens aux technologies et aux pratiques énergétiques efficaces et peu émettrices en CO 2 ont souvent été accompagnées par un
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Les remboursements, les réductions et les subventions au profit des énergies à faibles émissions en CO2 Renforcer le recours aux énergies renouvelables — Allemagne : la production d’électricité à partir d’énergie hydraulique, géothermique, éolienne, de biomasse et de biogaz de décharge est exonérée de la taxe sur l’électricité ; — Danemark : exonération de taxe sur l’électricité produite par l’énergie éolienne et hydraulique ; — Royaume-Uni : exonération du prélèvement contre les changements climatiques pour les sources d’énergies renouvelables (exceptées la grande hydraulique) ; — Suède : l’électricité produite par les centrales éoliennes bénéficie d’une exonération de la taxe sur l’énergie. Encourager la cogénération et l’efficacité énergétique — Royaume-Uni : exonération du prélèvement contre les changements climatiques pour les installations de cogénération à rendements élevés ; — Royaume-Uni : 50 millions de GBP ont été versés au Fonds pour l’efficacité énergétique finançant les technologies efficaces et les énergies renouvelables. Une somme supplémentaire de 100 millions de GPB sera attribuée sous forme de subventions aux entreprises ayant des pratiques industrielles efficaces en énergie ; — Danemark : une partie de la taxe sur le CO2 est restituée aux industriels sous la forme d’incitations financières pour le renforcement de l’efficacité énergétique ; — Autriche : rembourse 0,21 ATS (0,21 euro) par litre de gazole utilisé dans les centrales de cogénération et les pompes à chaleur ; — Allemagne : exonération des centrales de cogénération dont le taux d’utilisation annuelle dépasse les 70 % ; — Allemagne : exonération de la taxe sur l’électricité produite pour leur propre consommation des installations d’une puissance maximale de 2 MW. Favoriser les transports ferroviaires et les transports publics — Danemark : remboursement de la taxe sur le CO2 aux entreprises de transports publics ; — Finlande : exonération de la taxe sur l’électricité pour les transports ferroviaires ; — Danemark : versement d’une subvention aux entreprises de transports publics de 0,10 DKK (0,013 euro) par litre ; — Allemagne : remboursement de 50 % de la taxe sur l’électricité aux entreprises de transports publics ; — Suède : les transports ferroviaires sont exonérés de la taxe sur l’électricité ; — Royaume-Uni : l’électricité consommée par les transports publics est exonérée du prélèvement contre les changements climatiques. Source : OCDE [2001].
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renforcement des subventions en faveur des énergies fossiles, ce qui s’avère peu cohérent par rapport aux objectifs de lutte contre les changements climatiques. Entre 1995 et 2001 dans l’Europe des Quinze, les subventions attribuées au secteur énergétique, sous des formes diverses (exonération de taxe sur l’exploration, sur l’énergie, sur le carbone, de TVA, crédits préférentiels, aides financières, etc.) ont totalisé 125 milliards d’euros (l’Europe des Quinze regroupe les États membres de la communauté européenne jusqu’au 1er mai 2004, c’est-à-dire avant l’élargissement à 25 pays). En 2001, l’ensemble du secteur énergétique a bénéficié de subventions évaluées à 29 milliards d’euros, dont plus de 21,7 milliards d’euros pour les ressources fossiles (plus de 2,2 milliards d’euros pour le nucléaire et autour de 5,3 milliards d’euros pour les énergies renouvelables) [EEA, 2004a]. Ce soutien aux ressources fossiles s’explique tant par leur part prépondérante dans les structures de l’offre et de la demande primaire européenne (et mondiale), que par leur rôle de catalyseur des systèmes industriels en particulier et de l’économie dans sa globalité. Les subventions dans le domaine énergétique ont toujours représenté une action fondamentale des politiques de soutien de l’offre, notamment pour les pays producteurs de ressources fossiles comme l’Allemagne (pour le charbon) et le Royaume-Uni (pour le pétrole). Une telle contradiction n’est sans doute pas sans rapport avec les difficultés de l’Union européenne à remplir ses engagements de Kyoto. En effet, si elle a enregistré de bons progrès jusqu’en 2000, depuis lors, ses émissions de GES ont à nouveau augmenté, surtout dans le secteur des transports (voir tableau suivant). Taxe carbone et double dividende. — Dans la pratique, la mise en place d’instruments fiscaux à des fins environnementales rencontre des difficultés liées au choix des secteurs concernés et à la manière de les appliquer. C’est pourquoi, lors de l’élaboration d’une taxe nationale sur les émissions de CO 2, il est primordial de prendre en considération l’effet de plusieurs paramètres. Le niveau de perception, l’existence des écarts intersectoriels ou l’adéquation des recettes sont autant d’éléments qui peuvent avoir une incidence sur le niveau de la taxe et sur les résultats escomptés [Pearce, 1991]. À ce titre, la question du double dividende illustre bien les interactions potentielles entre secteurs d’activités. Elle reflète les effets de transfert de l’impact d’une taxation appliquée à certains
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L’état de l’évolution des émissions des pays de l’UE (base année 2010)
Autriche Belgique Danemark Finlande France Allemagne Grèce Irlande Italie Luxembourg Pays-Bas Portugal Espagne Suisse Royaume-Uni Total EU
Objectifs de réduction 2008-2012
Projections en 2010 (mesures existantes)
– 13 – 7,5 – 21,0 0,0 0,0 – 21,0 25,0 13,0 – 6,5 – 28,0 – 6,0 27,0 15,0 4,0 – 12,5 – 8,0
11,5 15,4 16,8 16,5 9,5 – 19,7 35,7 39,8 3,7 – 22,4 6,1 41,0 48,3 0,7 – 13,9 – 0,5
Différences entre les objectifs et les tendances pour 2010 (mesures existantes) 24,5 22,9 16,5 16,5 9,5 1,3 10,7 26,8 10,2 5,6 12,1 14,0 33,3 – 3,3 – 1,4 7,5
Différences entre les objectifs et les tendances pour 2010 (mesures existantes et additionnelles prévues) 5,7 13,4 – 0,5 – 0,5 – 1,2 n.d.* – 0,8 – 0,3 3,1 n.d. 10,7 n.d.* 13,0 n.d.* – 10,0 0,8
* n.d. : non disponibles. Source : EEA [2004b].
produits ou activités sur d’autres. Le double dividende fait référence au « double avantage » qui pourrait résulter d’une politique fiscale en faveur de l’environnement [Zhang et Baranzani, 2004 ; OCDE, 2001]. Le premier avantage découle d’un renforcement de la protection environnementale dépassant le seul cadre du bien ou du secteur taxé. Ainsi, une taxe dont l’assiette porte sur la teneur en carbone, incitera à consommer moins d’énergies fossiles et donc à diminuer le rejet d’autres substances comme le SO2 ou les NOx impliquées dans des pollutions atmosphériques plus classiques. Le second avantage provient des possibilités d’allègement ou de disparition d’autres taxes lors de la mise en place d’une taxe carbone. Par exemple, une éco-taxe peut permettre un allègement de cotisations sociales favorable à l’emploi. Les travaux traitant de la question du double dividende font apparaître des difficultés quant aux avantages liés à un réaménagement et à une réaffectation des charges fiscales [Bovenberg et
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CLIMATIQUES
Goulder, 1996]. Plusieurs conditions doivent être réunies, comme l’existence de distorsion dans la fiscalité nationale et surtout la possibilité de transférer une partie des charges fiscales de certains facteurs de production tels que le capital technique et le capital humain sur le capital naturel (qui aboutirait de ce fait à une croissance de l’emploi, de l’investissement et/ou de l’efficience économique tout en protégeant l’environnement). Le tableau suivant présente des exemples de pays ayant cherché à obtenir des doubles dividendes dans le cadre notamment de leur politique de lutte contre les changements climatiques. Lancées par la Suède en 1990, ces démarches se sont progressivement élargies à d’autres pays de l’OCDE. Les résultats en termes de réaffectation des recettes des taxes sont assez mitigés, sauf pour la Suède et le Danemark. Les allègements fiscaux ont touché essentiellement le facteur travail par le biais de la réduction des cotisations sociales patronales, confirmant ainsi le transfert de la charge fiscale du capital humain vers le capital naturel. L’objectif est alors de dynamiser l’investissement et la création d’emplois tout en réduisant la pollution. Taxe carbone versus taxe énergie : des conséquences économiques et environnementales différenciées. — Une taxe dont l’assiette porte sur le contenu énergétique peut s’avérer plus coûteuse qu’une taxe sur le carbone pour une réduction équivalente des émissions. Elle majore en effet le prix de toutes les formes d’énergie, indépendamment de leurs contributions respectives aux émissions de CO2. Dans ce cas, pour une même quantité de carbone réduite, une taxe sur l’énergie doit avoir un taux suffisamment élevé afin d’atteindre le même niveau de réduction de CO2 qu’avec une taxe carbone. Zhang et Baranzani [2004] expliquent ce fait par les spécificités propres à chaque taxe et les objectifs qui s’y rapportent : les possibilités de remplacement de combustibles pour la taxe carbone et la recherche d’une meilleure efficacité énergétique pour la taxe énergie. Appliquée aux énergies fossiles, la première permet de réduire les émissions de CO2 en incitant à une meilleure efficacité énergétique et en visant surtout au renversement des tendances industrielles pour un choix de combustibles moins émetteurs en CO2 (par exemple, remplacer le charbon par du gaz). Quant à la taxe sur l’énergie, elle est fonction de la teneur énergétique ou de la chaleur dégagée des différentes sources indépendamment de leur contenu en carbone. De ce fait, elle cherche essentiellement à réduire la consommation
LES
CONSÉQUENCES SOCIOÉCONOMIQUES ET LES POLITIQUES NATIONALES
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Des exemples de mesures visant à procurer un double dividende dans certains pays européens Pays
Année d’application
Taxes perçues
Taxes réduites
Ordre de grandeur
Suède
1990
CO2 SO2 Divers
Impôt sur le revenu Taxe sur l’énergie appliquée à l’agriculture Formation continue
2,4 % des recettes globales totales
Danemark
1994
Divers CO2 SO2
Impôt sur le revenu Cotisations sociales Revenu du capital
Environ 3 % du PIB en 2000, ou plus de 6 % des recettes fiscales totales
Pays-Bas*
1996
CO2
Impôt sur les sociétés Impôt sur le revenu Cotisations sociales
0,3 du PIB en 1996, ou environ 0,5 % des recettes fiscales totales
RoyaumeUni
1996
Mise en décharge
Cotisations sociales
Environ 0,1 % des recettes fiscales totales de 1999
Norvège
1999
CO2 SO2 Gazole
Impôt sur le revenu
0,2 % des recettes fiscales totales de 1999
Allemagne
1999
Produits pétroliers
Cotisations sociales
Environ 1 % des recettes fiscales totales de 1999
Italie
1999
Produits pétroliers
Cotisations sociales
Moins de 0,1 % des recettes fiscales totales de 1999
* Selon l’OCDE, l’application d’une taxe CO2 aux Pays-Bas et la réduction en contrepartie de certains impôts (sur le revenu, sur les sociétés, baisse des cotisations sociales) visent surtout à faciliter l’acceptation de la taxe par le public et non à faire disparaître les inefficiences économiques sur les marchés des capitaux (épargne) et du travail. Source : OCDE [2001].
énergétique en faisant intervenir les mécanismes de marché (augmentation ou baisse des prix en fonction de l’efficacité énergétique). Ainsi, pour deux installations consommant une même quantité énergétique, tout en ayant des émissions de CO 2 différentes, la taxe sur l’énergie peut être identique. C’est pourquoi, dans une approche coût-efficacité visant des objectifs
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ÉCONOMIE
ET POLITIQUE DES
CHANGEMENTS
CLIMATIQUES
La situation des différentes taxes de CO2 et/ou en énergie dans des pays de l’OCDE Pays
Statut
Point d’application
Industries exemptées ?
Autriche
Mise à jour 2000
Énergie
Partiellement : taxe appliquée à la consommation d’électricité (plafonnée en fonction de la valeur ajoutée)
Belgique Danemark
Planifiée Mise à jour 1996
Énergie CO2
Planifiée Exemption en cas de signature d’accords sur l’efficacité énergétique
Estonie
Appliquée 2000
CO2
Pas d’exemption, mais un niveau de taxe assez bas
Finlande
Mise à jour 1998
Énergie CO2
Exemption pour les sources d’énergie hors combustibles. Exemption de 85 % de la portion de la taxe excédant 3,7 % de la valeur ajoutée
France Allemagne
Suspendu Appliquée 1996
Énergie CO2 Éco-taxe
n.d.* 80 % de remise sur l’électricité et les combustibles pour l’industrie.
Pays-Bas
Appliquée 1996
Énergie
Pas d’exemption, mais une taxe appliquée à une quantité plafonnée à 10 millions de KWh, et à 1 million de m3 de gaz naturel (utilisé hors production d’électricité)
Norvège
Mise à jour 1999
CO2
Exemption de la taxe, mais obligation d’intégrer le marché de permis échangeables à partir de 2005
Suisse
Planifiée 2004
CO2
Exemption en cas d’engagements volontaires pour des réductions en CO2
* n.d. : non disponibles. Source : Bygrave et Ellis [2003].
environnementaux aux moindres coûts, la taxe sur le carbone frappant les ressources fossiles comme le charbon ou le pétrole semble beaucoup plus appropriée qu’une taxe sur l’énergie élargie à l’ensemble des ressources (fossiles, nucléaires et renouvelables).
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CONSÉQUENCES SOCIOÉCONOMIQUES ET LES POLITIQUES NATIONALES
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Les permis négociables : le recours aux marchés dans des cadres nationaux
L’instauration d’une taxe suppose une maîtrise de l’information sur les conditions de production et les caractéristiques de l’offre et de la demande. La détermination du taux de la taxe doit prendre en considération la double exigence environnementale et économique. En tant qu’instrument agissant sur les prix, la taxe doit être suffisamment élevée pour maintenir un effet dissuasif à l’égard des émissions de GES. Mais elle ne doit pas être trop lourde au risque de conduire à des fermetures d’usines ou à des délocalisations entraînant un effet de « fuites » des émissions de GES vers des pays disposant de réglementations moins contraignantes [Gielen et Moriguchi, 2002]. C’est pour dépasser de telles limites que le concept d’un marché de droits nationaux d’émissions a été élaboré. Reposant sur un principe d’échange, ce marché englobant l’ensemble des sources émettrices vise à atteindre un niveau de dépollution ou de réduction des émissions prédéfini. À la contrainte par les prix véhiculée par la taxe se substitue une obligation par les quantités d’émissions à produire. Au niveau théorique, la notion de permis d’émissions (ou de droits à polluer) renvoie à la question des droits de propriété ou des droits d’accès. Dans son article sur le « problème du coût social », Coase [1960] critique l’approche de Pigou [1920] concernant l’externalité et la démarche analytique permettant de la résoudre par le biais de l’instauration d’une taxe. Selon Coase, la question n’est pas uniquement de savoir si B ne doit pas polluer pour ne pas nuire à A, mais aussi de savoir si A ne doit pas nuire à B en l’empêchant de produire (et donc de polluer). La solution passe par la négociation entre les agents autour des conditions d’accès et d’exploitation (si les coûts de négociation sont faibles, voire nuls). Le concept de permis (ou de droits à polluer) pour l’internalisation des effets externes fut introduit par Dales [1968] dans le cadre de la lutte contre les émissions polluantes en Ontario. Depuis, les permis échangeables ont été largement employés dans le traitement de pollutions ou la régulation de l’accès et de l’exploitation de certaines formes de capital naturel (eaux, ressources halieutiques, ressources forestières, etc.). La question de l’usage des permis d’émission dans la lutte contre les changements climatiques a fait son apparition au cours des années 1990 dans le sillage de certains programmes de
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ÉCONOMIE
ET POLITIQUE DES
CHANGEMENTS
L’expérience américaine des permis d’émission de SO2 dans le cadre de la lutte contre les pluies acides Les États-Unis ont expérimenté depuis les années 1970 différentes formules de flexibilité pour permettre la stabilisation et la réduction des émissions de polluants atmosphériques. En 1990, le programme Acid Rain a instauré les bases d’un marché de permis d’émission qui a ciblé essentiellement les compagnies d’électricité qui représentaient, en 1980, 70 % des émissions de SO2. L’objectif de ce programme était de réduire à terme les émissions annuelles de SO2 de 10 Mt et celle de NO x de 2 Mt par rapport à leurs niveaux de 1980. L’allocation des permis d’émission aux différentes sources existantes est effectuée gratuitement par l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA). Cette procédure a été établie principalement sur la base de la quantité moyenne de chaleur utilisée
CLIMATIQUES
par chaque centrale sur la période 1985-1987 multipliée par un coefficient technique d’émission de SO2. Chaque permis attribué permet à son détenteur de déverser une tonne de SO2 à partir d’une année déterminée. Tout dépassement en termes d’émissions est sanctionné par une pénalité financière révisée en fonction du taux d’inflation. Cette pénalité dépassait en 2000 les 2 500 dollars pour chaque tonne émise en surplus de la quantité d’émission autorisée. Les firmes ayant dépassé leur quota d’émission sont tenues de présenter, pour la prochaine période d’engagement, un montant de permis d’émission qui sera équivalent aux émissions de l’année en cours plus les dépassements de l’année précédente. Deux conclusions peuvent être tirées de l’expérience américaine. Tout d’abord, le système de permis échangeables a aidé à atteindre les objectifs de réduction des émissions de SO2. Il a également abouti à une baisse des coûts du programme et à révéler les coûts de réduction privés pour les agents. Source : Godard [2000].
dépollution à l’instar de celui engagé aux États-Unis pour la réduction du dioxyde de souffre (S02) émis par les centrales électriques à charbon. En supposant l’existence de coûts de réduction différenciés entre les agents économiques, le recours à un système d’échange de droits d’émission vise à égaliser les coûts marginaux entre les différents acteurs. Une firme achète un permis à émettre tant que les coûts de dépollution sont supérieurs au prix du permis sur le marché. Au-delà, il est moins coûteux de dépolluer que d’acquérir un permis. Le jeu de l’offre et de la demande sur le marché finit par établir un prix du permis égalisant le coût marginal de dépollution pour l’ensemble des firmes. Parallèlement à l’expérimentation de plusieurs marchés carbone nationaux (Australie, Pays-Bas, Canada, Danemark, etc.), des marchés d’échange de certificats sectoriels reposant sur un même principe de fonctionnement (une contrainte par les quantités) ont été créés comme les régimes de certificats verts
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CONSÉQUENCES SOCIOÉCONOMIQUES ET LES POLITIQUES NATIONALES
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visant à promouvoir la production électrique à partir des énergies renouvelables [Baron et Serret, 2002]. Ce mécanisme repose sur l’attribution par le régulateur de quotas obligatoires de production d’électricité d’origine renouvelable aux opérateurs intervenant sur le marché électrique (distributeurs, revendeurs ou producteurs). Les participants ont la possibilité de produire la quantité voulue ou d’acheter à d’autres opérateurs des certificats correspondant à la quantité d’électricité qu’ils sont tenus de produire. L’arbitrage entre les deux alternatives s’opère en fonction des coûts marginaux de production et des prix affichés des certificats. Après les Pays-Bas qui ont démarré leur système de certificats verts en 1998, ce mécanisme a été élargi à d’autres pays européens. En 2002, l’Italie, la Belgique et le Royaume-Uni ont ainsi créé des marchés nationaux. L’emploi des certificats verts est progressivement élargi à d’autres secteurs comme le traitement et la valorisation des déchets ou les transports [OECD, 2002]. Les accords volontaires et les perspectives de coopération multiacteurs Les accords volontaires sont établis sur la base d’une entente entre les gouvernements et les partenaires industriels au sujet d’objectifs environnementaux et/ou de la réalisation de performances. Dans le cadre de sa politique de réduction des émissions de GES, l’Union européenne prévoit de ramener le niveau d’émission des nouvelles voitures à 120 g CO2/km par véhicule en 2005 (au plus tard en 2010). Des accords volontaires ont été établis entre la Commission européenne et les trois associations de constructeurs automobiles mondiaux : European Automobile Manufacturers Association (ACEA), Japan Automobile Manufacturers Association (JAMA) et Korean Automobile Manufacturers Association (KAMA). Ces derniers se sont engagés à abaisser le niveau d’émission des nouvelles voitures produites à 140 g CO2/km par véhicule à l’horizon de 2008 pour l’ACEA et de 2009 pour JAMA et KAMA [EEA, 2004b]. D’un point de vue économique, les accords volontaires offrent une plus grande flexibilité pour les industriels que les mesures fiscales. Leurs partisans font valoir les faibles coûts de transaction et l’existence d’une démarche consensuelle pouvant aboutir à une plus grande participation. Les sceptiques se focalisent sur les « effets de non-coopération » et sur le risque de non-implication du secteur privé en l’absence de mesures réglementaires, de surveillance et de pénalités financières.
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ÉCONOMIE
ET POLITIQUE DES
CHANGEMENTS
CLIMATIQUES
Les incertitudes liées aux accords volontaires Les accords volontaires présentent des incertitudes pouvant se manifester à plusieurs niveaux : — l’inefficacité due à l’absence de contrôles ; — les possibilités de captation de la réglementation : certains « lobbies » et groupes industriels puissants peuvent « capturer » ou détourner le processus réglementaire en leur faveur au détriment d’autres industriels. Il s’ensuit une définition des objectifs correspondant à leurs intérêts et des accords environnementaux qui n’apportent aucune amélioration supplémentaire à ce qui se serait produit puisque les mesures prises auraient été appliquées de toute façon ; — les coûts de transaction : les coûts de recherche et de traitement de l’information ainsi que les coûts de négociation entre les différents partenaires peuvent être élevés ; — une diminution des recettes : la mise en place d’accords volontaires en remplacement d’une taxe pourrait entraîner une diminution des recettes fiscales totales tirées. Source : OCDE [2001].
Néanmoins, les accords peuvent constituer un préalable permettant de tester l’intérêt des industriels pour des processus de production moins polluants. Ils peuvent ainsi précéder l’adoption de mesures plus strictes. La normalisation, la certification énergétique et les programmes d’information/sensibilisation La normalisation et la certification ont connu un essor important depuis l’adoption du protocole de Montréal sur les CFC qui a constitué un préalable à leur application pour la réduction des émissions en GES. Appliquées essentiellement aux modes de consommation et de production énergétique dans divers secteurs (habitats, industries, agriculture, etc.), les normes d’efficacité énergétique ont contribué à l’amélioration de la maîtrise de la consommation énergétique pour un nombre croissant de pays [EEA, 2004b]. De telles normes s’avèrent particulièrement efficaces dans les pays où les instruments de marché sont difficiles à instaurer. Leur mise en œuvre implique une veille/prospective technologique en vue d’assurer continuellement la promotion des techniques les plus innovantes. L’inexactitude des informations est considérée comme un échec important du marché. C’est pourquoi les mesures d’éco-étiquetage, les audits énergétiques et les rapports
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CONSÉQUENCES SOCIOÉCONOMIQUES ET LES POLITIQUES NATIONALES
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industriels font partie des instruments d’information à prendre en considération. Parallèlement aux politiques de sensibilisation générale liées aux risques climatiques, les démarches d’information concernant les performances des produits et leur contribution aux changements climatiques peuvent aider au retournement des tendances énergétiques aussi bien au niveau des producteurs qu’à celui des consommateurs. Le mixage des instruments : l’exemple européen À l’échelle européenne, les politiques de réduction des émissions en GES constituent une priorité établie sur la base d’un choix stratégique unique : respecter, dans le cadre du protocole de Kyoto, une charge de réduction globale pour l’ensemble des pays appelée « bulle européenne », dans laquelle l’Europe s’engage à réduire globalement ses émissions de 8 % par rapport à celles de 1990. À l’intérieur de cette bulle, la répartition de la charge de réduction propre à chaque pays a été définie par les instances européennes (et non par le protocole) pour accorder plus de flexibilité à chacun en prenant en considération ses spécificités industrielles et ses besoins de croissance. Pour ce faire, malgré une législation de plus en plus unifiée, les politiques nationales restent assez contrastées et reposent sur le croisement, à des degrés variables, de plusieurs instruments (fiscaux, économiques, coopératifs, d’information et de recherche). Les différences structurelles des industries nationales, l’importance stratégique des multiples sources d’émission ou encore les particularismes institutionnels et culturels dans chaque économie expliquent en grande partie cette situation. Ainsi, certains pays, se caractérisant par une dépendance énergétique à forte composante fossile, ont engagé de nombreuses mesures nationales en vue de relâcher cette contrainte, ce qui les conduit, par la même occasion, à réduire leurs émissions de GES. L’EEA [2004b] a analysé ces mesures au niveau européen (voir tableau suivant). Les principaux instruments employés sont les mécanismes de marché et les incitations fiscales, suivis des accords volontaires. Les pays ayant des engagements élevés dans le cadre du protocole de Kyoto et dont les économies sont majoritairement dépendantes des énergies fossiles comme l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique sont ceux qui ont mis en œuvre le plus de mesures fiscales et économiques (principalement les instruments de marché comme les certificats verts ou
Source : EEA [2004b].
* Exs : existantes. ** Add : additionnelles.
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Autriche Belgique Danemark Finlande France Allemagne Grèce Irlande Italie Luxembourg Pays-Bas Portugal Espagne Suède RoyaumeUni
Politiques
(hormis le transport)
Les différentes politiques et mesures adoptées par les États membres pour l’utilisation de l’énergie
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CONSÉQUENCES SOCIOÉCONOMIQUES ET LES POLITIQUES NATIONALES
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les permis d’émission). Les accords volontaires restent un instrument privilégié des politiques européennes. Alors que la sensibilisation et la recherche se montrent relativement marginalisées. Concernant l’emploi des instruments de flexibilité issus du protocole de Kyoto, l’instauration d’un marché européen d’échange des permis d’émission en 2005 (voir chapitre IV ) marque l’engagement communautaire vers une implication plus soutenue dans l’utilisation de ces nouveaux instruments.
III / Les solutions technologiques et les politiques de R&D
A
u regard des concentrations actuelles et de leur évolution future, il conviendrait, si l’on en croit les scientifiques, de stabiliser d’ici à 2050 les émissions mondiales à la moitié de leur niveau de 1990. Ces objectifs, bien au-delà de ceux de Kyoto, ne sont envisageables que si des innovations technologiques et organisationnelles radicales se produisent. C’est pourquoi le déploiement de politiques technologiques environnementales constitue un axe privilégié de la lutte contre les changements climatiques pour de nombreux pays et firmes. Ce troisième chapitre se focalise sur les solutions technologiques les plus prometteuses et leur état d’avancement dans les différentes économies nationales.
Le rôle de l’innovation technologique dans la lutte contre les changements climatiques Selon le GIEC, l’amélioration des performances existantes et l’introduction de nouvelles technologies pourraient conduire à des réductions s’établissant dans des fourchettes allant de 1 900 à 2 600 MtC par an d’ici à 2010 ; et de 3 600 à 5 050 MtC par an d’ici à 2020 [GIEC, 2001c]. De fortes réductions d’émissions sont à attendre des avancées technologiques de l’ensemble des capacités d’atténuation, regroupant la diminution des émissions par les sources et/ou le renforcement de leur absorption par les puits. Une plus grande contribution des technologies environnementales implique l’intervention des pouvoirs publics pour accélérer les processus de transition technologique. Les pays mobilisant les efforts de R&D les plus importants en matière de lutte contre les changements climatiques sont, par
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SOLUTIONS TECHNOLOGIQUES ET LES POLITIQUES DE
Les puits de GES La surface des continents peut émettre (source) ou absorber (puits) des composés chimiques. Par exemple, la croissance des arbres, consommatrice de carbone, constitue un puits de carbone. La prise en compte des puits de carbone dans la négociation internationale sur les réductions d’émissions de GES a constitué un enjeu important car il n’est pas aisé de distinguer les puits naturels des puits anthropiques, et leur quantification est difficile à réaliser. Les États-Unis ont toujours voulu une large reconnaissance des puits de carbone alors que les Européens étaient plus circonspects. La 9 e Conférence des parties (COP9) à Milan en 2003 a précisé les règles d’intégration des puits de carbone. Les puits naturels de carbone, que sont la biomasse et les
R&D
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océans, pourraient voir leur productivité s’élever par l’optimisation des pratiques agricoles (reconversion de terres agricoles en terres vierges) et par la stimulation du phytoplancton. Toutefois, ces techniques sont loin de faire l’unanimité au sein de la communauté scientifique internationale. Les industriels sont bien sûr favorables à l’intégration des puits de carbone. Cela allégerait d’autant la contrainte à répartir. Quant à la plupart des ONG environnementales, elles considèrent que les puits de carbone constituent une échappatoire. Depuis 1995, plusieurs dizaines de projets ont été lancés, surtout en Amérique latine. Les coûts par tonne de CO2 restent faibles. Les États-Unis sont à l’origine des programmes les plus importants, ces derniers se situant au Costa Rica et en Bolivie. Source : Hauglustaine et al. [2004].
ordre décroissant, les États-Unis, le Japon et l’Allemagne. Les États-Unis investissent beaucoup dans la séquestration du carbone émis par les grandes installations de combustion et dans l’hydrogène à destination des transports. Ce choix s’explique par leur politique d’indépendance énergétique reposant à long terme sur leurs réserves de charbon et de pétrole. Le Japon et l’Europe, moins bien dotés de ce point de vue, soutiennent les recherches sur l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Des voix s’élèvent pour indiquer que les efforts devraient être davantage consacrés aux besoins des PED : conception des infrastructures, production d’électricité décentralisée, recours à la biomasse, optimisation des politiques de transport urbain, etc. L’estimation des possibilités de réduction et des coûts respectifs des différentes technologies est dépendante de plusieurs paramètres entachés de fortes incertitudes. L’évolution des taux d’actualisation, des taux de rendement interne, ou encore celles de la croissance et des taux d’inflation sont autant d’éléments susceptibles d’affecter considérablement le délai d’apparition et de diffusion des technologies, les lieux de leur lancement et de leur transfert ainsi que leurs coûts et bénéfices socioéconomiques.
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ÉCONOMIE
ET POLITIQUE DES
CHANGEMENTS
CLIMATIQUES
Les efforts des États-Unis dans la limitation de leurs émissions en GES Malgré leurs refus de ratifier le protocole de Kyoto, les États-Unis ont développé un ensemble de politiques et mesures en vue de renforcer leurs compétences technologiques dans le domaine environnemental. Parmi les réalisations significatives en rapport avec la problématique climatique, celles relatives aux énergies renouvelables et peu émettrices en GES témoignent d’un fort engagement en faveur d’une plus grande contribution de ces dernières dans l’offre énergétique nationale. Les résultats obtenus dans ce secteur ont permis aux États-Unis de détenir la première place au niveau de la production énergétique renouvelable (32,6 % de l’offre globale des pays de l’OCDE). Concernant le développement par ressource, les États-Unis figurent parmi les premiers pays de l’OCDE dans plusieurs filières [IEA, 2003b] : — premier producteur d’énergie à partir de la biomasse solide (39 % de l’ensemble de la production des pays de l’OCDE), de la biomasse liquide (81 %) et du biogaz (48,5 %) ; — premier producteur d’énergie géothermique (44 % de la totalité de la production des pays de l’OCDE) ; — parmi les premiers pays dans la production d’énergie solaire thermique (avec le Canada et la Turquie) ; — deuxième pays dans la production hydraulique derrière le Canada ; — troisième producteur d’énergie éolienne derrière l’Allemagne et l’Espagne. Ces réalisations devraient encore se confirmer dans le cadre du programme national de réduction des émissions en GES présenté au Sénat américain en janvier 2003. Le Climat Stewardship Act de 2003 comprend une multitude d’actions économiques et fiscales en faveur de la R&D visant à ramener les émissions nationales au niveau de 2000 à l’horizon 2025. Il prévoit, entre autres, d’augmenter la part des énergies renouvelables de 8 % dans le scénario de référence à 23 % dans le cadre de ce programme.
Face à de telles incertitudes, certains pointent le danger que soulève une position comme celle des États-Unis, considérant qu’il est plus efficace de mettre l’accent sur l’innovation technologique que sur la régulation à court et moyen terme des émissions de GES. L’Europe, quant à elle, soutient que les deux types de politiques doivent se compléter. Dans ce qui suit sont présentées les potentialités sectorielles d’atténuation ainsi que les principaux leviers technologiques permettant leurs réalisations.
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SOLUTIONS TECHNOLOGIQUES ET LES POLITIQUES DE
R&D
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Les énergies renouvelables : état des lieux et potentialités technologiques Selon l’Agence internationale de l’énergie, les énergies renouvelables regroupent les ressources combustibles renouvelables (la biomasse solide, le charbon de bois, les déchets solides municipaux renouvelables, les gaz et liquides provenant de la biomasse), l’hydraulique, l’éolien, le solaire, et l’énergie engendrée par le mouvement des marais [IEA, 2003b]. L’énergie primaire produite par les ressources renouvelables ne représente environ que 13,5 % de l’offre totale. Sur l’ensemble de cette offre, 77 % proviennent de l’utilisation de la biomasse non commerciale dans les PED, réduisant la part des énergies renouvelables dites « nouvelles » comme l’énergie éolienne ou photovoltaïque à moins de 0,1 % [IEA, 2003b]. La filière éolienne : une croissance des capacités installées avec une prédominance européenne L’énergie éolienne représente 0,2 % de l’offre énergétique primaire mondiale. L’essentiel de cette production est réalisé dans les pays industrialisés [IEA, 2003b]. La répartition régionale illustre la position dominante de l’Europe avec 29 067 MW (74 % des capacités globales cumulées), suivie de l’Amérique du Nord (17 % des capacités globales). Arrivent ensuite en ordre décroissant l’Inde, la Chine et le Japon [Eurobserv’er, 2004]. L’Allemagne détient la place de leader mondial. La loi sur les énergies renouvelables adoptée le 29 mars 2000 par le Bundestag (parlement allemand) joue en cette matière un rôle crucial. En faisant financer les investissements des petits producteurs par les compagnies d’électricité, la loi a eu un effet de catalyseur particulièrement puissant. Elle a d’ailleurs été amendée en janvier 2004 pour mieux soutenir les bioénergies, la géothermie et les installations photovoltaïques avec une légère réduction pour l’éolien. La France, qui a vu six programmes de lutte contre les changements climatiques se succéder depuis 1990 (le dernier datant de 2004), se situe loin derrière ses voisins en matière de développements technologiques liés aux énergies renouvelables. La principale explication réside dans la quasi-absence de mise en œuvre de ces différents plans ! Ainsi, avec une capacité cumulée totale de 253 MW en 2003, la France occupe la onzième place européenne de l’éolien. Pour donner une impulsion à cette filière et
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ÉCONOMIE
ET POLITIQUE DES
CHANGEMENTS
CLIMATIQUES
atteindre 21 % de production électrique renouvelable en 2010, de multiples appels d’offre ont été lancés avec pour objectif, à l’horizon 2007, l’installation de 1 000 MW terrestres et de 500 MW off shore (en mer). Le financement de ce programme éolien est assuré par un fonds public à hauteur de 500 millions d’euros. L’électricité produite par des installations inférieures à 12 MW est rachetée par Électricité de France (EDF) à un tarif dégressif : 0,0838 euro le kilowatt/heure pendant les cinq premières années, puis de 0,0305 à 0,0838 euro le kilowatt/heure pour les dix années suivantes [Meyer, 2003]. En ouvrant les marchés de la production électrique aux investisseurs privés, la déréglementation engagée dans les pays industrialisés a largement contribué au développement de la filière. Grâce à l’instauration de systèmes incitatifs, comme les certificats verts, les enchères concurrentielles, ou les prix d’achat garantis ainsi qu’à l’amélioration des rendements techniques, le secteur est devenu plus attractif pour les porteurs de projets [Nielsen et Jeppesen, 2003 ; Midttun et Koefoed, 2003]. La saturation des sites les mieux exposés et le renforcement de la concurrence ont conduit à de meilleurs rendements. Afin de soutenir l’amélioration des performances techniques des installations et d’optimiser les sites d’implantation, certains pays comme le Danemark ont mis en place des incitations visant au remplacement des parcs éoliens obsolètes implantés dans des zones à forts potentiels. Des éoliennes de plus en plus puissantes ont été introduites, conduisant à une augmentation considérable de la taille des turbines. Toutefois, le développement de parcs éoliens soulève des questions de nuisances sonores et paysagères qui constituent autant de freins à leur acceptabilité. Le traitement de l’externalité globale des changements climatiques se heurte dans ce cas à une externalité locale. Pour tenter de résoudre en partie ce dilemme, des pays scandinaves comme la Suède, le Danemark et la Norvège ont choisi d’encourager en priorité les parcs éoliens off shore.
La filière photovoltaïque : des développements importants et un maintien du leadership japonais En 2003, la capacité installée cumulée de la filière était d’environ 1,8 GW. Entre 2002 et 2003, la production mondiale de cellules a bénéficié d’une hausse de 37 %. L’Allemagne, les États-Unis et le Japon totalisent 88 % de cette production.
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Le photovoltaïque connaît une évolution soutenue, renforcée par les politiques incitatives adoptées dans plusieurs pays et par les efforts de standardisation au niveau des pratiques industrielles et commerciales. Ces dernières années, l’Europe a maintenu un rythme d’installation élevé, soutenu essentiellement par le marché allemand. L’Allemagne a engagé une politique de subvention en faveur de l’installation de panneaux solaires ou de centrales thermiques solaires dans les pays du Sud. Ce pays occupe ainsi la première place européenne pour cette technologie suivie de l’Espagne, de la France et de l’Italie [IEA, 2004]. Les firmes japonaises Sharp et Kyocera se hissent aux deux premiers rangs mondiaux avec des parts de marché respectives de 26 % et 9,4 %. La troisième place revient à BP Solar avec 9 % de part de marché. Le Néerlandais Shell Solar (8 %) et l’Allemand RWE Schott Solar (5,8 %) se situent respectivement à la quatrième et à la cinquième place. Le Japon conforte son premier rang mondial, non seulement avec ses firmes qui détiennent environ 50 % des parts du marché, mais aussi avec ses capacités productives en assurant 50 % de la totalité de la production mondiale. Le reste de la production est essentiellement fourni par l’Europe puis par les États-Unis. La filière solaire thermique : des perspectives européennes prometteuses Après une baisse des capacités installées européennes en 2002, la filière du solaire thermique a repris sa progression grâce au dynamisme du marché allemand qui a enregistré une croissance de 39 %. En 2003, une capacité additionnelle de 1 374 794 m2 a été installée, ramenant la surface totale cumulée des capteurs solaires thermiques dans l’Union européenne à 12,3 millions de m2. Les réalisations se concentrent autour de l’Allemagne, de l’Autriche et de la Grèce. Ces pays détiennent environ 80 % de l’ensemble du parc européen. La France occupe la quatrième place [ESTIF, 2003a]. En raison de sa forte diversification, l’industrie européenne du solaire thermique est composée d’une centaine d’entreprises évoluant sur différents métiers (production de systèmes complets, production de capteurs, production d’absorbeurs, assembleurs, etc.). La Chine s’élève au premier rang mondial avec une capacité annuelle installée de plus de 5,5 millions de m 2 . Ce pays comporte l’essentiel de la production et de l’utilisation de chauffe-eau solaires avec une capacité totale cumulée de 40 millions de m 2 . Les réalisations se déclinent dans les
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proportions suivantes : 75 % de systèmes résidentiels individuels, 20 % de systèmes résidentiels collectifs et 5 % de systèmes commerciaux et industriels. Le tissu industriel chinois du solaire thermique regroupe plus d’un millier d’entreprises. Les trentetrois plus grandes compagnies nationales emploient directement plus de 50 000 salariés et indirectement plus de 100 000. Le chiffre d’affaires global du secteur chinois dépasse 1 milliard d’euros [ESTIF, 2003b]. La filière hydraulique : des potentialités importantes et une forte contribution dans l’offre électrique La filière hydraulique témoigne d’une importante évolution en termes d’offre énergétique, de développement technologique et de diversification des utilisations. Elle assure une production électrique rapidement mobilisable et indépendante des risques extérieurs de rupture des approvisionnements, tout en répondant à des besoins non énergétiques comme le stockage et l’alimentation en eau, la régulation des flux ou la protection contre les crues. L’essentiel de la production est réalisé dans les pays de l’OCDE (49 %), en Amérique latine (20 %) et en Asie (17 %) [IEA, 2003a]. Le Canada occupe la première place mondiale, suivi de la Chine, du Brésil et des États-Unis. La France se situe à la neuvième place. Malgré l’absence d’émission en CO2, l’aménagement et le fonctionnement des installations hydrauliques ne sont pas exempts de risques environnementaux. Les quantités d’eau stockées et libérées provoquent des changements dans les cours des fleuves et des rivières, ce qui modifie la composition des sols ainsi que l’équilibre biologique de la faune et de la flore. L’aménagement des sites peut conduire à la délocalisation des populations comme ce fut le cas pour le plus grand barrage hydraulique du monde, celui des Trois Gorges réalisé en Chine (18 200 MW) qui a nécessité le déplacement d’environ 1 million de personnes. Il est donc nécessaire de distinguer entre les grandes et les petites hydrauliques. La puissance européenne repose sur le potentiel des cinq premiers pays en termes de capacité des petites hydrauliques, à savoir l’Italie, la France, l’Espagne, l’Allemagne et la Suède. Ces derniers représentent une capacité totale de 8 462 MW permettant d’assurer 82 % du parc de l’Union. Les potentialités de développement des petites hydrauliques sont importantes particulièrement en Asie, en Amérique latine et en Afrique. En raison de nombreuses possibilités d’adaptation,
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elles peuvent être installées sur les différents points d’eau et constituent de ce fait une alternative stratégique dans les politiques d’électrification rurale décentralisée. La filière géothermique : une croissance soutenue La géothermie repose sur l’utilisation de la chaleur contenue dans le sol sous forme de nappes aquifères chaudes (nappes souterraines renfermant de l’eau ou de la vapeur d’eau), de roches chaudes ou de vapeur. Elle répond à diverses utilisations en fonction de la température exploitée. Si celle-ci est modérée (géothermie basse énergie, 30 ºC < T < 100 ºC), la chaleur peut couvrir une large gamme d’usages comme le chauffage des bâtiments (elle peut alors être distribuée par un réseau de chaleur), les processus industriels, le thermalisme, etc. Si la température est plus élevée (géothermie de moyenne énergie, 100 ºC < T < 180 ºC ou géothermie de haute énergie, T > 180 ºC), la valorisation des ressources géothermales est réalisée sous forme électrique. La géothermie présente l’avantage d’être fiable et disponible. Contrairement à d’autres énergies renouvelables, elle ne dépend pas des conditions climatiques comme le vent, le soleil ou l’approvisionnement en eau. En 2001, la géothermie a fourni moins de 0,5 % de l’offre énergétique primaire mondiale. Au niveau de la filière électrique, les États-Unis occupent la première place mondiale avec des réservoirs thermiques permettant de fournir en chaleur quelque 2 100 MW de capacité, répartis sur dix-huit sites [DOE, 2004]. L’Italie détient la première place européenne dans l’exploitation de chaleur géothermique de moyenne et basse consommation, suivie de la France et de l’Autriche. Pour l’exploitation des très basses énergies dont la technique repose sur l’utilisation de pompes à chaleur, la Suède dispose du plus grand parc de l’Union avec 176 000 unités installées d’une puissance globale de 1 056 MW. L’Allemagne et la France détiennent respectivement la deuxième et la troisième place européenne. Ces trois pays regroupent l’essentiel des entreprises produisant les pompes à chaleur, dont les trois premières sont suédoises. La biomasse : la plus grande contribution en énergie renouvelable La biomasse représente la première source d’énergies primaires renouvelables avec 77,4 % de l’offre mondiale en 2001. Elle
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regroupe le bois, les déchets végétaux et animaliers, le charbon de bois, les déchets municipaux renouvelables, ainsi que les gaz et les liquides qu’ils produisent. La part de la biomasse dans l’offre primaire mondiale de l’ensemble des ressources est évaluée à environ 11 %. Près de 90 % de la production de la biomasse solide (bois et boisénergie) est consommée dans les PED notamment pour des besoins domestiques de cuisson, d’éclairage et de chauffage. Ces pratiques énergétiques ne sont toutefois pas neutres vis-à-vis des risques environnementaux, sanitaires et de développement. En 2002, le bois-énergie a représenté l’essentiel de la production en énergie primaire renouvelable de l’Union européenne (51 %). La valorisation est tournée vers des applications domestiques en chaleur (85 %) et en électricité (15 %). La France apparaît comme le premier pays producteur européen avec 8,5 millions de tep, suivi de l’Allemagne et de la Suède. Pour le biogaz, la production européenne a connu en 2002 une croissance annuelle de 6,4 %. La Grande-Bretagne se situe à la première place avec 952 milliers de tep, suivie de l’Allemagne et de la France [Eurobserv’er, 2003]. Quant à la filière des biocarburants, elle représente avec 26,1 % de croissance en 2003 d’importantes perspectives de développement. La production de biodiesel est tirée vers le haut par la forte croissance allemande (59 %) qui a totalisé 715 000 tonnes en 2003. La France occupe la deuxième place, suivie de l’Italie. Dans un pays agricole comme la France, on estime que, si les conditions économiques devenaient favorables, le secteur des biocarburants pourrait assurer de 5 % à 10 % des besoins en carburants (contre 0,5 % actuellement).
Les potentialités technologiques sectorielles Le secteur du bâtiment : de fortes potentialités de réduction des GES à des coûts nets négatifs Avec des taux annuels de croissance en consommation énergétique de 3 % et de 2,2 %, respectivement pour les édifices commerciaux et résidentiels, l’emploi de technologies et de pratiques efficaces dans le secteur des bâtiments recèle des potentialités de réduction allant de 700 à 750 MtC (millions de tonnes de carbone) en 2010, et de 1 000 à 1 100 MtC en 2020. Ces
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réductions pourraient être obtenues à des coûts négatifs (elles entraînent des avantages économiques au moins équivalents à leurs prix) variant entre – 400 à – 150 dollars par tonne de carbone évitée dans les pays industrialisés, et entre – 400 à 50 dollars par tonne de carbone évitée dans les PED [GIEC, 2001c]. Cela suppose de nouveaux procédés améliorant les rendements énergétiques des équipements domestiques servant au chauffage, à la climatisation, à la cuisson et à l’éclairage. Par ailleurs, des progrès probants sont prévisibles au niveau des techniques de construction. Les exemples les plus significatifs concernent l’élaboration de systèmes à énergie solaire passive, la conception intégrée des édifices, l’amélioration des procédés d’isolation, ou encore l’utilisation de cellules photovoltaïques. Les innovations technologiques devraient également renforcer les processus de dématérialisation des composants servant à la construction et à l’aménagement des bâtiments ainsi qu’aux activités de services comme l’aération, le déplacement ou la communication. L’emploi de produits locaux recyclables constitue un atout supplémentaire pour une réduction effective des émissions. Les transports : des perspectives de réduction relativement modestes Le secteur des transports s’affiche comme l’un des plus émetteurs avec une croissance marquée dans les PED. Selon le GIEC, les potentialités globales de réduction s’établissent, pour 2010 et 2020, dans des fourchettes respectives de 100 à 300 MtC et de 300 à 700 MtC. Les coûts des différentes options varient entre 25 et 50 dollars la tonne évitée. Les principales innovations technologiques reposent sur l’amélioration des rendements techniques, notamment dans la conception des moteurs des véhicules où l’on assiste à une nette progression des véhicules hybrides essence/électrique sur le marché. Ces derniers permettent des réductions de l’ordre de 50 % dans la consommation des carburants par rapport aux véhicules traditionnels. Le surcoût de ces véhicules, de 20 % à 30 %, n’incite pas à l’achat, mais pourrait être soutenu par des politiques nationales d’accompagnement telles qu’une fiscalité sur le CO2. L’utilisation des biocombustibles à base de déchets, de bois ou de cultures énergétiques offre également des perspectives encourageantes en termes de performances. Par ailleurs, l’introduction de véhicules électriques recourant à la pile à combustible se
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concrétise progressivement du côté de l’offre. Les principaux constructeurs automobiles ont d’ores et déjà affiché leur intérêt pour ce segment de marché en préparant les premiers prototypes. La pile à combustible est un système de transformation d’énergie chimique en électricité. La réaction de l’hydrogène avec l’oxygène produit du courant avec de la vapeur d’eau et de la chaleur. Pour être vraiment considéré comme neutre sur les changements climatiques, l’hydrogène utilisé doit être produit par des techniques non émettrices de CO2 (nucléaire ou solaire). Cette technologie ne semble pas devoir se propager avant 2020-2030. Les pays en pointe sont les États-Unis, le Canada et le Japon, suivis par les pays européens dont principalement l’Allemagne. Parmi les principaux industriels, citons Ballard (Canada, États-Unis) ou encore Siemens (Allemagne). En France, Air Liquide, le CEA, AREVA, EDF, GDF, Renault et PSA développent un programme de recherche suscité par le ministère de la Recherche et de la Technologie. Cependant, l’amélioration des rendements et la baisse des prix consécutive risquent de conduire à une augmentation de la fréquence des déplacements et des distances parcourues. Ce phénomène, appelé « effet rebond », illustre les limites de l’innovation dans certains secteurs où les réductions obtenues par les nouvelles technologies sont contrebalancées par un accroissement de la demande.
Le secteur industriel En 1995, l’industrie a enregistré 43 % de la totalité des émissions globales des émissions en carbone. Avec un taux de croissance annuel moyen de 1,5 % sur la période 1970-1995, ce secteur affiche une progression moins forte à partir de 1990 atteignant 0,4 % de croissance. L’observation de la répartition des émissions mondiales fait apparaître des situations assez disparates entre pays développés d’une part, et entre ces derniers et les PED d’autre part. Sur la période 1990-1995, les PET enregistrent des baisses plus significatives que celles des pays de l’OCDE (respectivement – 6,4 % par an contre – 0,8 % par an). Les différences régionales s’expliquent par l’effondrement de l’industrie soviétique durant cette période et par la variabilité de l’efficacité énergétique des systèmes industriels. Celle-ci représente les potentialités de réduction les plus avantageuses qui sont
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SOLUTIONS TECHNOLOGIQUES ET LES POLITIQUES DE
La dématérialisation : de quoi s’agit-il ? La réduction des flux matériels et énergétiques, communément appelée dématérialisation, peut avoir des implications positives sur la limitation des émissions de GES. Cette dématérialisation ne peut pas être réalisée uniquement par l’intermédiaire d’innovations technologiques proprement dites. Elle repose également sur ce que l’on qualifie de « services écologiques », en particulier sur le remplacement d’un bien par un service [Kuntze, 1998]. Afin de profiter des services fournis par un produit, il n’est pas nécessaire d’en être le propriétaire. Certains produits ne sont utilisés que très peu souvent, tels les outils de bricolage dans un ménage moyen. Les alternatives à la vente d’un produit sont la location ou le leasing. Dans les deux cas, le producteur reste le propriétaire du produit et vend uniquement l’utilisation au consommateur. Un exemple est la location de téléphones ou de photocopieuses. En fin de contrat d’abonnement, les clients rendent l’appareil mis à disposition. Un autre exemple est celui du partage (le sharing) d’un produit comme l’automobile ou les grands équipements ménagers (machine à laver, lave-vaisselle, etc.). Ces systèmes sont extrêmement développés dans les pays d’Europe du Nord et leur gestion en est favorisée par des systèmes très sophistiqués recourant aux TIC (technologies de l’information et des communications). Des grands équipementiers ou des constructeurs automobiles de ces pays se sont d’ailleurs engagés à diminuer
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dans des proportions non négligeables (parfois plus de 30 % sur 10 ans) leurs produits pour offrir en contrepartie une meilleure gamme de services. D’autres types de services éco-efficaces sont ceux orientés vers le résultat, communément qualifiés d’innovation d’usage. Une entreprise qui offre de l’électricité, comme EDF, envisage dans certains cas de modifier son objectif de vente d’électricité pour offrir des services tels que le chauffage d’appartement ou l’éclairage d’immeuble. Il ne s’agit plus alors de maximiser la vente d’énergie, mais de fournir des services énergétiques de la façon la plus efficiente possible. Un autre exemple concerne un accord entre le constructeur automobile Ford UK et DuPont, dans lequel la peinture des voitures a été confiée à DuPont qui vend maintenant un service de peinture plutôt que des litres de peinture. Cette approche conduit à minimiser la consommation de peinture par voiture et donc diminue d’autant les impacts négatifs sur l’environnement. Enfin, il est souvent avancé que le développement des NTIC dans les prochaines décennies serait source de dématérialisation et donc de réductions des émissions de CO2 très importante. Internet permet par exemple d’envisager une réduction de l’intensité énergétique et matérielle dans les transports en substituant les téléachats aux achats, en développant le télétravail ou en permettant la transmission digitale d’une variété de biens transportés aujourd’hui par camion, train ou avion, notamment les matériaux autrefois imprimés, les logiciels, les films, etc. Source : Faucheux et al. [2002].
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CLIMATIQUES
comprises entre 300 et 500 MtC pour 2010 et entre 700 et 900 MtC pour 2020. Selon le GIEC, la progression d’activités comme le recyclage, la conception efficace des produits, la substitution de produits par des services et le remplacement de certaines matières, pourraient aboutir à des réductions d’environ 200 MtC en 2010 et 600 MtC en 2020. La substitution des matériaux peut également cibler des GES autres que le CO2 comme le N2O et les PFC (CF4, C2F6) dont les potentialités de réduction peuvent atteindre 100 MtC en 2010 et en 2020, à des coûts relativement faibles (entre 0 et 10 dollars la tonne équivalent carbone de N2O). Le secteur agricole et la valorisation des déchets L’agriculture contribue à hauteur de 4 % des émissions globales en GES. Les principales possibilités de réduction en CO2 concernent les activités de stockage du carbone par les sols en réduisant l’intensité d’utilisation des terres et en améliorant les techniques de conservation. Beaucoup de ces actions affichent des coûts faibles, voire négatifs. Pour les gaz autres que le CO2, le secteur agricole émet essentiellement du méthane CH4 et du N2O. La réduction de ces émissions repose sur l’optimisation des techniques de gestion et d’irrigation ainsi que sur l’utilisation d’engrais à libération lente, de fumiers organiques, d’inhibiteurs, de la nitrification et, selon certains (dont les États-Unis), de légumineuses génétiquement modifiées. En ce qui concerne les possibilités de captage du méthane et de valorisation des déchets, les options technologiques se sont améliorées et on enregistre, si l’on en croit le GIEC, un accroissement des performances dans les pays industrialisés, particulièrement en Europe, aux États-Unis et au Japon. Les avancées technologiques futures consistent à élever les rendements des unités produisant de la chaleur et de l’électricité. La production d’électricité issue de la combustion des déchets totalise environ 1,5 % de la production des pays de l’OCDE. La plus grande partie de cette production a été réalisée aux États-Unis et en Allemagne. Les perspectives de réduction par l’ensemble de ces activités s’établissent à 200 MteqC (millions de tonnes équivalent carbone) en 2010 et en 2020 ; 75 % de cette récupération sont réalisés à des coûts négatifs et 25 % à des coûts avoisinant 20 dollars la tonne.
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L’offre et la conversion énergétiques L’approvisionnement énergétique se caractérise par une prédominance des ressources fossiles dans la production de chaleur et d’électricité. Plusieurs alternatives technologiques de réduction des émissions coexistent : 1) la maîtrise de la demande énergétique au niveau de la consommation finale des ménages, de l’industrie du bâtiment et du transport ; 2) l’amélioration du rendement des installations de production électrique et de chaleur ainsi que celle des raffineries ; 3) le remplacement de combustible à fort taux d’émission ; 4) la capture et le stockage du carbone ; 5) une plus grande contribution des énergies renouvelables et nucléaires dans l’offre globale [Philibert, 2003]. Le choix entre ces alternatives implique des réductions différenciées ainsi que des caractéristiques d’offre et de demande diversifiées. Par exemple, le recours au nucléaire fournit une énergie de masse en réponse à une forte demande en électricité, alors que la technologie photovoltaïque est plus adaptée à l’électrification de zones rurales isolées présentant une demande énergétique moins importante. Au niveau des potentialités existantes et prévisibles, l’amélioration des performances des systèmes d’approvisionnement aboutirait à des réductions allant de 50 à 150 MtC en 2010, et de 350 à 700 MtC en 2020. Les coûts relatifs à ces objectifs sont inférieurs à 100 dollars la tonne de carbone évitée. Les avancées technologiques se concentrent sur les techniques d’amélioration des rendements de conversion et de consommation en énergie primaire tout en augmentant les « piégeages » des émissions en GES. Sur le plan du remplacement des ressources fossiles, la substitution de combustibles recèle d’importantes potentialités. Elle offre des réductions d’émissions en GES par unité d’énergie primaire dans des proportions significatives : 26 % lors du passage du charbon au pétrole, 23,5 % en cas de remplacement du pétrole par du gaz et 43 % pour la substitution du gaz au charbon. Quant aux techniques de captage et de stockage du CO2, elles seront surtout adaptées à des sources fixes déployant de grandes capacités, à l’instar des centrales électriques utilisant des ressources fossiles. Les émissions en CO2 sont absorbées chimiquement ou physiquement puis transportées vers des unités de stockage ou de recyclage. Les coûts varient de 25 à 60 dollars la tonne de carbone en fonction des techniques employées et des conditions de transport et de traitement.
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Après une croissance soutenue à partir des années 1973, le nucléaire a connu un ralentissement des capacités installées en raison de la concurrence des énergies fossiles, des risques liés aux accidents (particulièrement depuis celui de Tchernobyl en 1986) et aux problèmes de son acceptabilité sociale ayant conduit des pays à la décision de suspendre leur recours à cette énergie (par exemple en Allemagne). Cependant, l’aggravation des phénomènes climatiques a relancé l’intérêt pour cette filière (par exemple en Suède) qui constitue une alternative stratégique pour le respect des engagements de Kyoto. L’augmentation du facteur de capacité dans les centrales existantes a suffisamment amélioré leur situation économique, contribuant ainsi à la prolongation de leur cycle de vie. En dehors de l’Asie, des États-Unis et de l’Afrique du Sud, peu de nouvelles centrales sont construites ou planifiées. Les efforts visant à construire des réacteurs nucléaires moins coûteux et utilisant moins de combustibles se poursuivent. La technologie de fusion thermonucléaire présentant des perspectives ambitieuses ne sera pas opérationnelle avant la fin du XXIe siècle. Elle produira encore des déchets nucléaires mais, semble-t-il, en moins grande quantité et surtout supprimera ceux à vie longue. L’Europe soutient de façon importante ce programme de recherche internationale, notamment à travers le projet ITER dont le site d’accueil est en France. Il permettra théoriquement de passer de l’étape de laboratoire à celle du prototype industriel. L’extension du nucléaire reste cependant tributaire, entre autres, de la sécurité des installations, du traitement des déchets hautement radioactifs et du mode de garde et de la localisation des déchets. La gestion de ces problèmes présente des problématiques complexes d’ordre socioéconomique, technique, environnemental et éthique [Le Dars, 2004]. Le tableau suivant synthétise les potentiels de réduction des émissions de GES ainsi que leurs coûts prévisibles, d’ici à 2020, dus aux principales avancées technologiques à attendre dans les différents secteurs économiques.
1 900-2 600
50-150
1,5 3 600-5 050
350-700
n.d.**
– Plus de la moitié est disponible à des coûts négatifs nets. – Les coûts sont incertains. – Les coûts de réduction des émissions en N2O sont compris entre 0 et 10 dollars/teqC. – La plupart des réductions auront un coût compris entre 0 et 100 dollars/teqC avec des possibilités pour des options à des coûts négatifs. – Environ 75 % des options de captage du méthane à des coûts négatifs ; 25 % des options à 20 dollars/teqC. – Environ la moitié des réductions est disponible à des coûts inférieurs à 200 dollars/teqC. – Possibilités limitées pour des options à coûts nets négatifs, plusieurs options sont disponibles à moins de 100 dollars/teqC.
– La majorité des réductions est disponible à des coûts négatifs. – La majorité des études indiquent des coûts inférieurs à 25 dollars/teqC.
Les coûts nets directs par tonne de carbonne évitée
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Source : d’après Sims [2004].
SOLUTIONS TECHNOLOGIQUES ET LES POLITIQUES DE
* Le total exclut les sources de puits de carbone, l’énergie utilisée pour la conversion dans l’utilisation énergétique finale des secteurs (630 Mt C/an), les sources émettrices hors énergie (comme la production de ciment 160 MteqC/an, l’utilisation des sols 600-1 400 MteqC/an, et les gaz fugaces 60 MteqC/an). ** n.d. : non disponible.
6 900-8 400*
(1 620)
~ 100
n.d.**
1,0
350-750 ~ 200
150-300 ~ 200
CO2 uniquement CH4/N2O CH4 uniquement n.d.**
Non-CO2 210 1 250-2 800 240
700-900 ~ 600 ~ 100
Potentiel de réduction des émissions en 2020 (MteqC/an)
300-500 ~ 200 ~ 100
1,0 2,4 0,4
1 650 1 080 2 300
Potentiel de réduction des émissions en 2010 (MteqC/an) 1 000-1 100 300-700
Taux annuel de croissance historique 1990-1995 (%)
Émissions historiques en 1990 (MteqC/an)
700-750 100-300
CO2 uniquement CO2 uniquement CO2 uniquement
Gaz
Non-CO2 Protocole de Montréal Remplacement de gaz Approvisionnement et CO2 uniquement conversion en énergie Total
Déchets
Bâtiment Transports Industrie Efficacité énergétique Matériaux efficaces Substitution de matériaux Agriculture
Secteur
L’évolution des potentiels de réduction des émissions de GES en 2010 et en 2020
LES
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IV / Vers un marché carbone mondial
Pendant la 7
e Conférence des parties (COP7) à Marrakech en automne 2001, des positions communes se sont dégagées afin de mettre en pratique les règles de fonctionnement du marché carbone dans les pays industrialisés. Certains pays, dont la France, considéraient que la lutte contre les changements climatiques devait être engagée autour de politiques et de mesures réglementaires et fiscales. D’autres, comme les États-Unis, le Canada ou le Japon prônaient l’instauration d’instruments de marché assurant une flexibilité temporelle (agir demain plutôt qu’aujourd’hui) ou géographique (agir là où les coûts de réduction sont les moins élevés). Finalement, les mécanismes de flexibilité, élaborés par des Américains et acceptés par les pays signataires du protocole de Kyoto, ont offert une voie intermédiaire et novatrice. En effet, à une contrainte réglementaire (notamment les seuils d’émission) conduisant aux échanges de permis, sont adossés des mécanismes projets. Le marché européen, qui devrait s’insérer à partir de 2008 dans le marché international, met progressivement en œuvre ces nouveaux instruments. Ces mécanismes, présentés au cours de ce quatrième chapitre, constituent des compléments aux mesures nationales de réductions présentées précédemment et ne peuvent en aucun cas s’y substituer.
VERS
UN MARCHÉ CARBONE MONDIAL
71
Les instruments de flexibilité du protocole de Kyoto Les échanges de permis d’émission : un instrument spécifique aux pays industrialisés Établi dans le cadre d’une approche coût-efficacité, le marché des permis d’émission de GES repose sur une définition en amont de la quantité totale d’émissions susceptibles d’être produites pendant une période donnée par des acteurs identifiés. C’est en ce sens qu’à Kyoto les pays industrialisés se sont engagés à réduire, entre 2008 et 2012, le total de leurs émissions en GES d’au moins 5 % par rapport au niveau de 1990. À cet effet, des seuils de réduction ont été fixés pour les pays développés (membres de l’OCDE en 1992) et les PET (voir tableau suivant). Cela conduit à un système de quotas portant sur les émissions de GES par pays. Il s’agit de créer une rareté sur un bien (les émissions de GES) et de recourir au marché pour que les agents économiques dévoilent leurs prix pour ce bien. Chaque pays se voit donc attribuer une certaine quantité de GES à émettre. Il peut ensuite procéder à l’allocation nationale des permis selon différents critères (taux d’émission, production totale, âge des installations, etc.). Chaque permis attribué donne à son détenteur le droit d’émettre une quantité précise de GES. Si les rejets d’un agent dépassent les quantités à émettre dont il dispose, il se voit dans l’obligation d’engager des efforts visant à réduire ses émissions pour les quantités non couvertes par ses permis d’émission ou de procéder à l’achat de permis auprès d’un pays n’ayant pas consommé la totalité des permis mis à sa disposition. Ainsi, un marché est créé sur lequel les participants peuvent céder ou acquérir une partie des quantités d’émissions. Les quantités offertes et acquises sont donc à somme nulle, toute addition d’un côté entraîne une soustraction de l’autre, ce qui permet de garantir le respect du plafond total d’émissions à émettre. Suivant les conditions dans lesquelles ils peuvent réduire les émissions, les agents achètent ou non des permis supplémentaires sur le marché. Le cours des permis tend à se fixer au niveau du coût marginal de réduction des émissions pour l’ensemble des émetteurs. Au-delà, acheter des permis devient plus coûteux que réduire les émissions de GES [Hasselknippe, 2003]. L’Union européenne a adopté en 2003 la directive d’un marché de permis négociables entré en vigueur au premier
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ÉCONOMIE
ET POLITIQUE DES
CHANGEMENTS
CLIMATIQUES
Les émissions issues des combustibles fossiles et les engagements de réduction de Kyoto Pays
Allemagne Australie Autriche Belgique Bulgarie Canada Croatie Danemark Espagne Estonie États-Unis Finlande France Grande-Bretagne Grèce Hongrie Irlande Islande Italie Japon Lettonie Liechtenstein Lituanie Luxembourg Monaco Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Pologne Portugal République tchèque Roumanie Russie Slovaquie Slovénie Suède Suisse Ukraine
CO2 fossiles en 1990 (MtC) 269 136 72 352 12 732 28 415 26 044 113 370 — 14 050 56 093 10 141 1 320 132 14 697 97 561 152 091 21 080 21 842 8 067 456 108 633 287 172 6 602 — 10 181 3 309 29 7 192 6 108 43 375 126 272 10 642 43 656 50 611 626 973 15 461 3 626 13 999 10 820 183 293
Source : Ducroux et Jean-Baptiste [2004].
Engagement de Kyoto (%) – 21 8 – 13 – 7,5 –8 –6 –5 – 21 – 15 –8 –7 0 0 – 12,5 25 –6 13 10 – 6,5 –6 –8 –8 –8 – 28 –8 1 0 –6 –6 27 –8 –8 0 –8 –8 4 –8 0
VERS
Les différentes approches pour l’allocation initiale des permis L’attribution des permis de départ peut être effectuée par une allocation gratuite, par la vente des permis ou par la combinaison de ces deux méthodes. Dans tous les cas, il est indispensable de déterminer ex ante le plafond total des émissions à émettre.
L’allocation gratuite L’allocation gratuite des permis, retenue par la France dans son plan national d’allocation des quotas (PNAQ), est réalisable selon deux démarches. Le régulateur peut les attribuer en fonction de l’appréciation des émissions passées de chaque agent sur une période déterminée. Dans ce cas, les permis sont fixés en termes absolus (méthode des droits acquis appelée grandfathering en anglais). Ils peuvent également être alloués en fonction de paramètres liés aux pratiques et aux techniques employées ; ils seraient alors
UN MARCHÉ CARBONE MONDIAL
73
déterminés en termes relatifs (méthodes des critères de performance appelée en anglais benchmarking).
L’allocation par vente des permis Il s’agit d’organiser une vente aux enchères des permis pour des secteurs industriels identifiés. Les défenseurs de cette alternative considèrent que l’établissement d’un système d’enchères dans des conditions de transparence de l’information et des pratiques serait plus équitable puisqu’il ne favoriserait pas un secteur par rapport à un autre ou les installations nouvelles par rapport aux anciennes. Elle permettrait également de réduire les coûts de transaction liés à l’évaluation complexe par le régulateur des critères d’émission et des paramètres technologiques de chaque secteur industriel. Enfin, elle garantirait la disponibilité des permis pour de nouveaux entrants soumis aux mêmes restrictions environnementales. Ses détracteurs font toutefois remarquer l’inéquité d’une telle méthode qui favorise les plus riches acheteurs.
janvier 2005. En instaurant un tel marché, elle incite les acteurs économiques concernés à gérer leurs émissions de CO2 comme un actif financier. Les agents doivent, de ce fait, réaliser des bilans carbone censés fournir des informations précises, fiables, mobilisables et vérifiables sur leurs émissions en CO2. Le CO2 fait son entrée dans le bilan comptable annuel. Banquiers, courtiers, financiers, traders, consultants commencent alors à voir dans les politiques de lutte contre les changements climatiques une opportunité commerciale. Les pays industrialisés et les PET ainsi que les entités morales (entreprises, organismes, investisseurs, etc.) peuvent avoir accès au futur marché carbone international par : — l’achat et la vente directe de permis (appelés « unités de quantité attribuée ») à partir de 2008 ; — le financement de projets aboutissant à des réductions d’émissions en Russie et en Europe de l’Est dans le cadre de la mise en œuvre conjointe (appelées « unités de réduction des
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ÉCONOMIE
ET POLITIQUE DES
CHANGEMENTS
Le marché communautaire d’échange de permis d’émissions de GES : un précédent mondial L’Union européenne fait figure de précurseur avec la création d’un marché d’échanges de permis, par le biais duquel les investisseurs privés et publics doivent désormais intégrer l’existence d’un nouvel actif financier : le permis de CO2. La mise en place de ce système est prévue sur deux périodes : 2005-2007 et 2008-2012. Après 2012, des cycles de cinq ans sont envisagés. Cette directive s’applique aux émissions provenant de cinq secteurs d’activité : énergie, production et transformation des métaux ferreux, industrie minérale, fabrication de produits céramiques par cuisson, production de pâte à papier. Ce système concerne plus de 12 000 usines de production d’énergie et à haute intensité énergétique dans toute l’Union européenne. Chaque État adopte un plan national d’allocation des quotas (PNAQ) définissant la quantité totale de CO2 que ses opérateurs nationaux peuvent produire. Il veille à ce que toutes les installations concernées par la directive détiennent une autorisation d’émettre et puissent surveiller et déclarer leurs émissions. Un permis d’émission sur la base d’une tonne de CO2 équivalent est alloué à chaque installation concernée. Chaque année, la quantité totale de CO2 émise par l’exploitant est calculée et vérifiée. Les installations qui disposent de permis en excès peuvent vendre ce surplus de crédit sur le marché. Celles qui ont un quota inférieur à leurs émissions doivent acheter les crédits disponibles sur le marché. Les échanges peuvent se faire soit entre entreprises, soit via un courtier, une banque ou un autre intermédiaire. Tout exploitant qui, au plus
CLIMATIQUES
tard le 30 avril de chaque année, ne restitue pas un nombre suffisant de permis pour couvrir ses émissions de l’année précédente, est tenu de payer une amende sur les émissions excédentaires et de se mettre en conformité. À titre d’exemple, le PNAQ français concerne 1 140 installations au sein de 18 secteurs différents. Le nombre moyen de permis alloués par installation est de 129 000 tonnes. Environ 75 % des permis ont été alloués aux cinq secteurs industriels suivant : l’électricité, la sidérurgie, le raffinage, la production de ciment et la chimie. Bien entendu, l’efficacité du système dépend du niveau de confiance que les participants placent en lui. C’est pourquoi la Commission européenne a proposé de jouer le rôle d’arbitre pour ses États membres afin de garantir que les règles soient appliquées de manière égale et juste dans les 25 pays. Elle veille également à ce que les gouvernements ne soient pas trop généreux en allouant leurs permis. Elle garantit que les niveaux de ces derniers correspondent à leurs objectifs de réduction des émissions de Kyoto. De même, il s’agit d’éviter les risques de distorsion de concurrence tant que l’internationalisation du marché n’est pas effective. Un marché international est prévu pour 2008. Des marchés régionaux ou nationaux de permis négociables de CO2 existent déjà : le Chicago Climate Exchange aux États-Unis, l’Emission Trading Scheme en Angleterre, un marché de quotas de CO2 au Danemark, en Australie et en NouvelleZélande. D’autres marchés seront opérationnels avant 2008 : le Canada et le Japon. Ces derniers ont d’ailleurs manifesté le souhait de relier leur marché au marché européen, réalisant ainsi une première plate-forme internationale d’échanges.
VERS
UN MARCHÉ CARBONE MONDIAL
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émissions » utilisables à partir de 2008 pour des réductions entre 2008 et 2012) ; — le financement de projets aboutissant à des réductions d’émissions dans les PED dans le cadre du mécanisme de développement propre (appelées « unités de réduction certifiées des émissions » utilisables dès 2002, pour des réductions entre 2000 et 2012). Les « puits de carbone » reposant sur le captage et la fixation de carbone atmosphérique par des activités forestières et agricoles (développement de certaines cultures) pourront également donner lieu à des réductions d’émissions valorisables sur ce marché. En France, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) s’est imposée comme l’un des premiers établissements financiers précurseurs sur l’ensemble des trois principaux mécanismes présentés ci-dessus. En plus du financement diversifié de plusieurs de ces nouveaux instruments, la CDC assurera la tenue du registre national des quotas (registre obligatoire pour tous les pays souhaitant participer au marché). Cette comptabilisation électronique repose sur l’utilisation d’un logiciel baptisé Seringas qui a été également adopté par les registres nationaux allemands, portugais, luxembourgeois et slovaques. En attendant le démarrage du marché international en 2008, des marchés nationaux et régionaux sont mis en place à l’instar du marché européen. Ce dernier permettant l’échange de permis d’émissions (appelés allowances) sera intégré au futur marché carbone en 2008. Le tableau suivant illustre la répartition mondiale des marchés carbone pour l’achat et la vente directe et exclusive des permis (hors crédits de projets MDP et MOC).
Les mécanismes projets : La mise en œuvre conjointe et le mécanisme de développement propre Les mécanismes projets ont été créés afin d’inciter le développement d’investissements directs économisant des émissions dans les PET et les PED. Les crédits obtenus par ces mécanismes allègent les contraintes (issues de Kyoto) des pays du Nord investisseurs. Ils permettent par ailleurs de limiter les délocalisations des installations les plus émettrices de GES du Nord vers les pays moins (PET) ou pas (PED) contraints par le protocole. Théoriquement, ces projets recèlent un double avantage : 1) offrir à l’investisseur la possibilité de financer une partie de ses réductions à l’extérieur des frontières nationales à des coûts relativement
Les sites de BP dans le monde.
Norvège
Gratuite pour 2005-2007
Les 6 GES
1,6 Mteq CO2 (3 %)
5,2 % n.d.*
2005-2007
n.d.* n.d.* 2008-2012 n.d.*
n.d.*
n.d.* n.d.* Gratuite Gratuite
n.d.* n.d.* Les 6 GES CO2
n.d.*
n.d.*
Planifié
Proposé Planifié Proposé Proposé
Proposé
CHANGEMENTS
Japon Corée Kyoto Pays-Bas
CO2
Actif
2005-2007
n.d.*
Gratuite (négociable) Gratuite
Les 6 GES
Proposé Actif Planifié
2008-2012 2001-2003 2005-2007
n.d.* Gratuite Gratuite
n.d.* CO2 CO2
Suspendu
2010
Gratuite
CO2 et CH4
Proposé Actif
2012
Statut
n.d.* 13 Mteq CO2 (5 %) 9 Mteq CO2 (10 %) n.d.* 10 Mteq CO2 n.d.*
n.d.* Gratuite
n.d.* Les 6 GES
Année
ET POLITIQUE DES
Allemagne
Les grands émetteurs finaux. Prod. rejetant plus de 1 000 000 t CO2/an. Industries énergétiques, minières, métallurgiques, papier. Grands émetteurs/dépendant du marché européen. Grands émetteurs/dépendant du marché européen. n.d.* n.d.* Pays de l’annexe B. Grands émetteurs/dépendant du marché européen. Industries exemptées de la taxe CO2
Secteur énergétique/grands émetteurs. Distributeurs d’électricité.
Australie Australie (New South Wales) British Petroleum
Objectif de réduction
Allocation
Gaz concernés
ÉCONOMIE
Canada Danemark Union européenne France
Secteurs couverts
Système
La répartition mondiale des programmes « marché carbone » (hors crédits MDP et MOC)
76 CLIMATIQUES
Gratuite (négociable) Gratuite/enchères Gratuite n.d.*
Gratuite Gratuite Gratuite
CO2 Choix CO2 ou les 6 GES Les 6 GES Les 6 GES
CO2 CO2 Les 6 GES
Compagnies industrielles, commerciales, électriques et pétrolières émettant plus de 10 000 t CO2/an. 6 unités de production. 3 unités de production. Aucun (système suspendu).
14 membres du secteur industriel.
Gratuite Gratuite Gratuite
CO2 et CH4 CO2 CO2
Six unités. Grands émetteurs. Grands émetteurs/dépendant du marché européen. Unités adhérant aux accords volontaires. Unités adhérant au programme climat.
Source : d’après Hasselknippe [2003].
n.d. : non définis.
US Massachusetts US New Hampshire US New Jersey
US Chicago Climate Exchange US Climate Stewardship Act
Suisse Royaume-Uni
Shell Slovaquie Suède
2002 2010-2015
2006 ou 2008 2006-2010
2% stabilisation
10 % 20 Mteq CO2 (7 %) 20,4 Mteq CO2 (3,5 %)
2005
2008-2012 2002-2006
2002 2005-2007 n.d.*
15 % 12 Mteq CO2
500 000 teq CO2 n.d.* n.d.*
Suspendu
Planifié Planifié
Proposé
Planifié
Actif Actif
Suspendu Planifié Proposé
VERS UN MARCHÉ CARBONE MONDIAL
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78
ÉCONOMIE
ET POLITIQUE DES
CHANGEMENTS
Un exemple de projet MDP : le projet Mouhoun Koudougou au Burkina-Faso Initié en 1997, ce projet localisé dans les régions de Mouhoun et Koudougou vise à réduire les émissions de CO 2 issues de l’utilisation massive du bois et du charbon pour des besoins de cuisson, d’éclairage et de chauffage. Il consiste à diffuser des équipements efficaces et à utiliser l’énergie solaire, tout en contribuant à une gestion durable des forêts et à une meilleure organisation de l’industrie du charbon de bois. Il comporte les volets suivants : — la gestion par les communautés locales de 250 villages de 300 000 ha de forêts sur une période de six années à partir de 1997 (la prévention et le traitement des feux de forêts, l’établissement d’inventaires pour les espèces végétales, l’organisation de l’exploitation du bois
CLIMATIQUES
de construction et des activités agricoles, l’instauration d’un marché de bois) ; — la réorganisation de l’industrie du charbon de bois à travers la diffusion de pratiques et techniques efficaces ; — la promotion et la diffusion de 1 000 panneaux photovoltaïques pour la production d’électricité et le fonctionnement de pompes à eau ; — l’introduction de 800 cuisinières à fuel efficaces, en substitution de l’utilisation domestiques du bois comme source d’énergie. Le financement du projet, qui s’élève à 20,4 millions de dollars, est supporté par le gouvernement burkinabé, la Danish International Development Cooperation et la Dutch Development Cooperation. Les réductions totales cumulées sont de 1,5 million de tonnes CO2 sur six ans, avec un coût de réduction à la tonne de 1,6 dollar.
faibles ; 2) renforcer l’investissement étranger dans les pays hôtes et favoriser le transfert des technologies propres et efficaces. La mise en œuvre conjointe (MOC), définie par l’article 6 du protocole, donne la possibilité aux pays industrialisés signataires de Kyoto ainsi qu’à leurs entreprises d’acquérir des crédits d’émissions en finançant des projets dans les PET où les coûts de réduction sont inférieurs. Le mécanisme de développement propre (MDP) est défini par l’article 12 du protocole de Kyoto. Par le biais du MDP, un pays ou une industrie du Nord, en finançant des projets de réductions d’émissions dans un pays du Sud, obtient en contrepartie des unités certifiées de réduction. Ils peuvent les utiliser à domicile ou les revendre sur un « marché carbone ». Les projets en question doivent répondre aux besoins de développement durable du pays d’accueil en affichant une synergie entre développement socioéconomique et réduction des émissions. Ce mécanisme permet à des pays exempts d’engagements dans le protocole de Kyoto d’être associés à la réduction globale des émissions en GES.
VERS
UN MARCHÉ CARBONE MONDIAL
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Le schéma ci-dessous représente un exemple de projet MDP. L’investisseur (public ou privé) issu d’un pays industrialisé se propose de financer une centrale Bagasse-charbon à la place d’une centrale à charbon. Dans ce cas, la récupération de sousproduits de la canne à sucre pour la production énergétique permet d’économiser 50 000 tonnes de CO 2 par an, soit 350 000 URCE (unités de réductions certifiées des émissions sur une période de six années). Ces crédits reviendront à l’investisseur qui pourra soit les utiliser pour respecter ses engagements de réduction, soit les vendre sur le marché carbone. Exemple d’un projet MDP
Émissions de CO2
Émissions évitées par le projet : 50 000 t x 7 ans = 350 000 crédits
Solution de référence : une centrale à charbon
100 000 t/an
Le projet MDP : une centrale Bagasse-charbon 50 000 t/an
2005
2012
Mise en oeuvre opérationnelle du projet
Fin de la période de calcul de différentiel d'émission
Source : Lauvergeat [2005].
Les principaux instruments financiers d’accompagnement Dans ce qui suit sont présentées les activités entreprises sous l’égide de trois institutions qui prennent en charge, selon leurs propres logiques, des prorata spécifiques pour le financement des surcoûts additionnels dans les projets MDP et MOC.
80
ÉCONOMIE
ET POLITIQUE DES
CHANGEMENTS
CLIMATIQUES
Le Fonds pour l’environnement mondial (FEM, ou Global Environmental Facility, GEF en anglais) a été instauré en 1990. — Il a été restructuré après le Sommet de la Terre à Rio et il se présente comme le mécanisme financier central de la convention. Il s’agit d’un organisme multilatéral qui procède par dons pour la mise en œuvre de projets relatifs à la protection de l’environnement mondial et au renforcement de la coopération internationale dans ce domaine. Ce fonds est supervisé par un conseil associant 14 pays de l’OCDE, 2 PECO (Pays d’Europe centrale et orientale) et 16 PED. Le FEM dépend d’un secrétariat localisé à Washington et est géré administrativement par la Banque mondiale. Les ressources du FEM, de l’ordre de 2,7 milliards de dollars, pour les années 1999-2002, regroupent l’apport de 36 pays industrialisés. Elles ont été reconstituées en 2002 à hauteur de 3 milliards de dollars pour couvrir la période 2002-2006. Le FEM fournit un appui financier aux projets ayant des conséquences directes sur la protection de l’environnement comme l’amélioration de l’efficacité énergétique des équipements et des outils de production, ou indirectement à travers le renforcement des capacités institutionnelles en favorisant l’amélioration des compétences humaines et techniques des organismes nationaux et indépendants. Les projets éligibles à une intervention du FEM doivent s’intégrer dans l’un des champs d’application suivant : 1) la réduction des GES ; 2) la protection de la biodiversité ; 3) la protection des eaux internationales ; 4) la protection de la couche d’ozone. De 1991 à 2002, le FEM a alloué 1 409,4 millions de dollars pour l’ensemble des projets liés aux changements climatiques [FEM, 2002]. Il a aussi permis un cofinancement de 4,7 milliards de dollars à travers l’implication d’autres intervenants (investisseurs privés, pays hôtes, ONG, etc.). Parallèlement à sa contribution au titre du FEM, la France a lancé un fonds bilatéral qui s’ajoute à l’aide publique au développement et dont les ressources s’élèvent depuis sa création (en 1994) à 201 millions d’euros. Il s’agit du Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM). Les projets retenus dans ce cadre doivent être proposés par l’un des cinq membres du comité de pilotage du FFEM, qui sont : le ministère chargé de l’Économie, le ministère chargé des Affaires étrangères, le ministère chargé de l’Environnement, le ministère chargé de la Recherche et l’Agence française de développement. Les pays pouvant prétendre aux subventions au titre
VERS
UN MARCHÉ CARBONE MONDIAL
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du FFEM sont les PED et les PET. La priorité du FFEM s’oriente vers les pays de la zone de solidarité prioritaire. Plus de la moitié de ses ressources est consacrée au continent africain. Pour pouvoir bénéficier de subventions dans le cadre de projets au titre de la convention sur les changements climatiques, les pays doivent l’avoir obligatoirement ratifiée. L’internalisation par le FFEM des coûts liés à la prise en compte de préoccupations environnementales s’exprime à travers des subventions plafonnées à 50 % du coût total du projet. Depuis 1994, le FFEM a contribué au financement de 117 projets de développement intégrant des préoccupations environnementales, dont 27 liés aux changements climatiques [FFEM, 2003]. Le Fonds prototype carbone (FPC) a été lancé le 20 juillet 1999. — Il s’agit d’un fonds multilatéral consacré exclusivement au financement du surcoût additionnel relatif à la conception et à la mise en œuvre de projets relevant du MDP et de la MOC. Il est constitué par les apports de six gouvernements (la Suède, la Finlande, le Canada, la Norvège, les Pays-Bas et le Japon) et de dix-sept firmes multinationales : British Petroleum, Chubu Electric Power Co. Inc., Chugoku Electric Power Co. Inc., Deutsche Bank, Electrabel, Fortum, Gaz de France, Kyushu Electric Power Co. Inc., Mitsubishi Corporation, Mitsui & Co. Ltd., Norsk Hydro, Rabo Bank, RWE, Shikoku Electric Power Co. Inc., Statoil Asa, Tokyo Electric Power Compagny, Tokyo Electric Compagny Incorporated [PCF, 2003]. Le FPC dépend du conseil exécutif de la Banque mondiale et intervient en conformité avec les principes de la Convention et du protocole. La finalité des projets est la réduction de quantité d’émissions effectives et certifiables ainsi que la promotion d’un savoir-faire technique et organisationnel en faveur du transfert de technologies propres et de pratiques énergétiques efficaces vers les PED et les PET. L’une des missions essentielles de ce fonds s’avère la stimulation et l’association du secteur privé. Le FPC assure un rôle d’intermédiaire entre les pays accueillant les projets et les bailleurs de fonds. Ces derniers reçoivent un prorata de crédits d’émissions relatif à leurs contributions. Contrairement au FEM et au FFEM, le FPC intervient uniquement au titre des instruments de marché prévus par le protocole de Kyoto. Les projets concernent essentiellement le transfert de technologies liées aux énergies renouvelables et à l’amélioration de l’efficacité énergétique. Un pays ne peut pas bénéficier de plus de 20 % du montant total du fonds. De même, une technologie
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ÉCONOMIE
ET POLITIQUE DES
CHANGEMENTS
CLIMATIQUES
particulière ne doit pas attirer plus de 25 % de la totalité des investissements. Une cinquantaine de projets sont en cours de développement par le FPC avec une priorité affichée pour l’efficacité énergétique (30 %). À la suite de l’intégration de la foresterie et de l’utilisation des sols pour la séquestration du carbone dans le champ d’application du MDP, le Biocarbon Fund a été constitué. Il se donne pour finalité la promotion et le financement des activités potentielles éligibles à cette catégorie. De même, dans le cadre de la promotion de projets MDP dits « de petites tailles », un nouveau fonds a été mis en place (le Community Development Carbon Fund). Il a pour objectif le financement d’activités intervenant essentiellement dans les milieux ruraux des PED (projets d’électrification rurale, diffusion d’équipements énergétiques, etc.).
Quelques retours sur expériences L’accélération de l’investissement carbone En attendant le démarrage du marché international en 2008, le financement d’actifs carbone permet de se prémunir à la fois contre une éventuelle hausse des prix à partir de cette date et contre les risques d’insuffisance des réductions par des mesures nationales. Trois grandes catégories d’acteurs achètent de façon anticipée des réductions d’émissions. Les pays industrialisés qui prévoient des difficultés à atteindre leurs objectifs par des mesures nationales préfèrent recourir à l’achat anticipé de permis le plus tôt possible afin d’éviter de payer trop cher après 2008. Des entreprises contraintes à des réductions nationales (notamment au sein de l’Union européenne) ou à des objectifs de réductions volontaires (au Japon) souhaitent réaliser une partie de leurs objectifs par le biais des mécanismes projets. Enfin, les investisseurs financiers (la CDC en France ou la Deutsche Bank en Allemagne) acquièrent des réductions d’émissions en tablant sur une plus-value après 2008. Les investissements se réalisent dans deux directions : les permis nationaux ou régionaux (européens) et les crédits provenant des projets MDP et MOC. L’accès à ces actifs carbone peut se faire directement auprès de courtiers ou par un investissement à plus long terme, certes moins coûteux, mais relativement plus
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UN MARCHÉ CARBONE MONDIAL
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risqué. Selon Perthuis [2005], en collectivisant les achats et en diversifiant leurs portefeuilles d’actifs, les fonds d’investissement visent une mutualisation des risques sur un marché primaire qui reste peu liquide et qui affiche des transactions en croissance rapide mais faible en valeur absolue : 330 millions de dollars en 2003. Ces éléments entraînent d’importants écarts de prix entre les divers actifs. En raison de la complexité des critères de mise en œuvre et des incertitudes liées à la validation des crédits issus de la MOC et particulièrement du MDP, leurs prix se situent dans une fourchette de 2,6 à 3,9 euros la tonne de CO2 contre une fourchette de 7 à 11,5 euros la tonne de CO2 pour les permis européens qui présentent plus de garanties pour les investisseurs. Les prix des crédits carbone et des permis européens
1. Risque de non-homologation du projet par la CCNUCC élevé. 2. Risque de non-homologation du projet par la CCNUCC faible. Source : Perthuis [2005].
Il est également à préciser que le prix européen était, en 2004, environ dix fois supérieur à celui du Chicago Climate Exchange, fixé sur un marché lié à des engagements volontaires, en dehors des mécanismes de Kyoto.
f) Programme néerlandais de développement de projets MDP. g) Enregistrements d’émissions de réduction. h) Initiative de la Banque mondiale pour le développement des projets de petites tailles dans les PED (procédures de développement simplifiées).
f) ERUPT g) Clean air Canada h) Community Development Carbon Fund
k) Développement d’initiatives de réduction des émissions.
e) Programme néerlandais de développement de projets MOC.
e) CERUPT
k) Germany Hessen tender
i) Environ 2 Mteq CO2 par an 2008-2012.
d) Programme pilote canadien.
d) Canada Gert
i) Programme développé pour le lancement de projets MOC.
c) Initiative de la Banque mondiale pour développer des projets forestiers et agricoles de séquestration de GES.
c) BioCarbon Fund
j) Programme finlandais de projets MOC et MDP.
b) Programme régional de la mer Baltique (projets MOC).
b) BASREC*
k) 1,4 Mteq CO2.
j) 1-1,4 Mteq CO2.
k) Actif.
j) URE, URE/Actif.
i) URE/Actif.
h) URCE/Actif.
g) Actif.
f) URE/Actif.
f) 5 Mteq CO2 (ERUPT 1) 3,25 (ERUPT2). 40 Mteq CO2 prévues pour (ERUPT 3). g) 16,4 Mteq CO2. (26,9 Mt en cours de révision).
d) Autres/Suspendu. e) URCE/Actif.
e) 16 Mteq CO2 (CERUPT2001).
c) URCE/Actif.
b) URE/Actif.
d) 380 000 teq CO2. Révisé.
c) 16-33 Mteq CO2.
b) Vise à produire des crédits de MOC avant 2008. Pas de crédit actuellement.
a) Pas d’objectif d’achat fixé. Budget pour 2003-2004 : 12 millions d’euros. 24 millions pour 2005, et 36 millions/an à partir de 2006.
CHANGEMENTS
i) Czech Republic JI
a) Programme national autrichien des projets MOC et MDP.
a) Austria JI/ CDM initiative
ET POLITIQUE DES
j) Finland JI & CDM Programme
h) 16-33 Mteq CO2.
Descriptions
Programmes/ dénominations a) URCE, URE**/ Planifié 2004.
La répartition mondiale des programmes de développement des projets MDP et MOC Types de crédits/ statut
ÉCONOMIE
Objectifs de réduction
84 CLIMATIQUES
t) 7 projets en 2001 totalisant 3 Mt CO2 en 2001.
s) Un portefeuille de 6 projets MDP et 3 à 4 MOC.
t) Autres/actif.
s) URCE, URE/Actif.
r) URCE, URE/Actif.
q) URCE, URE/Actif.
q) 16 Mteq CO2 en 2002. r) Pas d’information.
p) URCE/actif.
o) URCE/Actif.
o) 10 Mteq CO2. p) Un marché évalué à « 4 millions d’unités ».
n) URCE/Actif.
n) 16 Mteq CO2.
l) URCE/Planifié 2003. m) URCE/Actif.
m) 10 Mteq CO2.
l) Montant total 59 millions de dollars (7 milliards JPY).
Source : Hasselknippe [2003].
* Programme régional « The Baltic Sea Region Energy Co-operation » regroupant : le Danemark, l’Estonie, la Finlande, l’Allemagne, l’Islande, la Lettonie, la Lituanie, la Norvège, la Pologne, la Russie et la Suède. La Commission européenne participe à ce programme par l’intermédiaire de la Direction générale du transport et de l’énergie. ** URCE : Unités de réductions certifiées des émissions : ce sont les crédits issus des projets MDP. URE : Unités de réduction des émissions : ce sont les crédits issus des projets MOC.
t) Initiatives de réductions des émissions.
q) Initiative de la Banque mondiale pour le financement des projets MOC et MDP.
q) Prototype Carbon Fund
t) US Oregon
p) Programme de Nouvelle-Zélande de réduction des émissions.
p) New Zealand CDM tender
r) Programme national de projets MDP et MOC.
o) Partenariat entre le gouvernement néerlandais et la Société financière internationale (IFC) pour des investissements dans des projets MDP.
o) The Netherlands IFC
s) Programme national de projets MDP et MOC.
n) Partenariat entre le gouvernement néerlandais et la Banque internationale pour la construction et le développement (IBRD) pour des investissements dans des projets MDP.
n) The Netherlands IBRD
r) Spain Carbon Fund
m) Partenariat entre le gouvernement néerlandais et l’Andean Development Corporation pour le lancement de projets MDP.
m) The Netherlands CAF
s) Sweden JI/CDM initiative
l) Planification de deux fonds d’investissements (projets MDP).
l) Japan Funds
VERS UN MARCHÉ CARBONE MONDIAL
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86
ÉCONOMIE
ET POLITIQUE DES
CHANGEMENTS
CLIMATIQUES
Où en sont les projets de MOC et de MDP ? Le tableau précédent recense les expériences engagées ou planifiées pour des projets relevant du MDP ou de la MOC. Les programmes sont menés par des institutions internationales au travers de partenariats régionaux et dans le cadre d’initiatives nationales. La Banque mondiale y apparaît comme un acteur institutionnel majeur, notamment pour les programmes multilatéraux. Certains pays ont intégré des programmes régionaux comme le BASREC (Baltic Sea Region Energy Cooperation) propres aux pays nordiques et à la région baltique. D’autres ont préféré promouvoir leurs propres activités nationales. À cet effet, les Pays-Bas se démarquent en termes de nombres de programmes (CERUPT, ERUPT) et de diversification, tant au niveau des crédits recherchés (MDP et MOC) que des partenariats engagés (IFC, IBRD). Les stratégies observées sont largement influencées par des paramètres nationaux comme la charge de réduction incombant à chaque pays, les taux d’émission des différents secteurs économiques et les coûts de réduction des émissions. L’engagement en faveur de projets en dehors des frontières nationales relève d’un double objectif : l’accès à de nouveaux marchés et l’obtention de crédits de réduction moins coûteux et moins contraignants que ceux réalisables à domicile (notamment pour les pays dont les trajectoires d’émission s’éloignent des engagements chiffrés). La confirmation des disparités régionales Environ 160 projets MDP ont démarré ou sont en cours de montage dans 48 pays [Ellis et Morlot, 2004]. Les réductions totales estimées sont de 32 Mteq CO2/an pendant la première période d’engagement (2008-2012). Les gaz visés par l’ensemble de ces projets sont : le CO2, le CH4, le N2O et les HFCs. Aucun projet ne propose une réduction des émissions de SF6 ou de PFCs. Le tableau suivant indique la répartition mondiale prévisionnelle des crédits. Celle-ci prévoit une large part pour l’Asie (67 % du total), 28 % pour l’Amérique latine (63 projets) et 5 % pour l’Afrique qui ne totalise que 19 projets sur 160. Au niveau des capacités de réduction des émissions, 10 pays (l’Inde, la Chine, la Corée, le Vietnam, la Thaïlande, l’Indonésie, le Brésil, le Costa Rica, le Chili et le Pérou) produisent 80 % des crédits prévus annuellement. L’attrait pour les investisseurs semble pour
VERS
UN MARCHÉ CARBONE MONDIAL
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l’instant en faveur des grands pays émetteurs comme l’Inde, la Chine et le Brésil, qui affichent respectivement 23 %, 11 % et 13 % des capacités de réduction. Concernant l’Afrique, il s’avère que parmi les projets en cours, certains étaient à l’origine des projets conventionnels qui ont été convertis en projets MDP. C’est le cas des projets d’efficacité énergétique mauritanien et burkinabé réalisés respectivement dans le cadre des programmes français et norvégien. Les potentialités de réduction régionales des projets MDP Pays/Zone Europe Brésil Moyen-Orient Afrique Inde (projet de valorisation des gaz) Inde (autres projets) Chine Autres pays de l’Asie Autres pays de l’Amérique latine
Pourcentage des crédits annuels (%) 1 13 0 5 11 12 11 32 15
Source : Ellis et Morlot [2004].
Les caractéristiques industrielles des pays africains peuvent expliquer le peu de motivation exprimé par les investisseurs privés. Ces pays ne font pas non plus figure de grands émetteurs comparés à d’autres. L’attrait en termes d’émissions en GES a joué en faveur des PET et des grands pays émetteurs de CO2 comme la Chine. Par ailleurs, l’Afrique souffre de la faiblesse de ses infrastructures. Les données en termes d’émissions dans plusieurs secteurs restent à définir. L’absence de politiques nationales capables d’une part de stimuler l’investissement étranger (facilités fiscales et douanières, garantie sur le rapatriement d’une partie des bénéfices, mesures administratives appropriées, etc.), d’autre part d’adapter les marchés nationaux aux innovations technologiques environnementales (soutien aux entreprises innovantes, développement des organismes de certification, création d’agences de conseil en énergie et en évaluation environnementale, sensibilisation des consommateurs, etc.) sont autant d’éléments qui découragent les investisseurs privés.
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Mécanisme de développement propre ou mécanisme de financement propre ? L’article 12 du protocole de Kyoto stipule que le MDP devrait aider les parties hors Annexe I à parvenir à un développement durable. Une telle problématique invite à intégrer les caractéristiques socioéconomiques et industrielles des différents pays. Il est certain que les champs d’application et les enjeux du MDP pour des pays émergents comme la Chine, l’Inde ou le Brésil restent différents de ceux des pays africains. Il en est de même pour les pays les moins avancés et les petits États insulaires (OASIS) pour qui le MDP présente des enjeux particuliers. Ces pays ont des attentes urgentes en matière de prévention et d’adaptation. Les enjeux du MDP sont donc liés à sa capacité à offrir des solutions en termes d’atténuation des effets néfastes des changements climatiques. Cela implique une approche focalisée sur un transfert technologique orienté vers ces besoins [Joumni, 2003]. L’établissement de procédures uniformes d’élaboration, de financement et d’application des projets cherche à limiter les coûts de transaction et ignore les particularités de développement de chaque pays. Cela risque de réduire le MDP à un simple outil de financement, en évacuant par là même les impératifs du développement durable dans lesquels cet instrument doit se situer. Une nécessaire gouvernance participative Nord-Sud dans des projets MDP Le MDP stipule, on l’a vu précédemment, que les émissions obtenues doivent être certifiées par le conseil exécutif. La procédure de certification consiste à transformer les réductions d’émissions obtenues en des URCE (unités de réduction certifiées des émissions). Cette étape est d’une importance capitale car c’est à travers elle que tous les critères d’éligibilité du projet sont évalués pour décider de l’octroi ou non des URCE. Selon l’article 12 du protocole, la certification est établie par des entités opérationnelles désignées par la Conférence des parties. La détermination des entités comme la décision finale de certification et de délivrance des unités doivent échoir au conseil exécutif. Plusieurs modèles se côtoient. Leur présentation ci-dessous montre qu’aucun n’est pleinement satisfaisant parce que chacun exclut l’une des parties prenantes. Seule une approche
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permettant de mettre en relation l’ensemble de ces parties prenantes (dans les pays du Nord et du Sud) dans le cadre d’une gouvernance participative semble véritablement opérationnelle [Faucheux et O’Connor, 2004]. Cette approche a finalement été partiellement engagée par la convention-cadre sur les changements climatiques qui soumet chaque projet MDP à une évaluation publique en plus de l’évaluation financière, technologique et environnementale. Le modèle « bilatéral » du MDP : une approche adaptée pour les investisseurs privés. — Le modèle bilatéral traduit une démarche reposant sur une coopération entre le pays hôte et l’investisseur. Les opérations de sélection, de développement, de financement et d’attribution des crédits sont définies et élaborées directement entre les parties concernées (pays hôte, investisseurs et éventuellement les développeurs de projets). La vérification et la certification des quantités d’émissions réduites relèvent des prérogatives de l’organe suprême de la convention à travers le Conseil exécutif. Ce modèle présente l’avantage d’offrir une structure flexible et décentralisée facile à mettre en œuvre pour les investisseurs privés ; et ce d’autant plus que leur est accordée la possibilité de participer directement au développement du projet [Baumert et Kete, 2000]. Cependant une telle approche risque d’exclure certains pays du champ d’application du MDP. Certaines études estiment que l’essentiel des investissements pourrait avoir lieu en Chine et en Inde où les coûts de réduction sont les plus bas [Zhang, 2000]. Les pays dont les capacités d’émission sont relativement faibles se voient exclus du mécanisme. C’est le cas du continent africain qui, on l’a vu, n’a enregistré que 19 projets sur un total de 160 ! Le modèle « multilatéral » du MDP : une démarche de gouvernance bancaire. — Un modèle « multilatéral » consiste à développer un fonds dont les ressources sont fournies par les États et les investisseurs des pays industrialisés (exemple du FPC) pour le financement des projets MDP. Il s’agit d’une structure centralisée séparant le financement des projets et les investisseurs qui participent à la constitution du fonds. Ce fonds d’investissement peut également jouer un rôle d’assistance technique au niveau de la phase de développement du projet qui échoit essentiellement à une partie indépendante ou au pays hôte. Les unités de réduction certifiées des émissions (URCE), issues des activités du MDP, peuvent être distribuées aux investisseurs
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proportionnellement à leurs contributions. Les investisseurs privés restent favorables à une telle initiative qui leur assure une garantie quant à l’obtention de crédits certifiés. S’ils investissent à titre personnel dans le montage et la gestion des projets, ils peuvent voir leur réduction d’émissions mise en cause par le conseil exécutif pour non-respect des critères d’éligibilité du MDP. La participation à un fonds d’investissement supervisé contribue à limiter de tels risques. Le modèle « unilatéral » du MDP : une démarche réclamée par les PED. — Le modèle « unilatéral » consiste à centraliser les processus d’élaboration et de financement des projets au sein des PED. Cette structure exclut les pays industrialisés du processus de gouvernance. Dans ce contexte, les PED assurent les phases de prospection et d’élaboration des projets pour les proposer par la suite aux investisseurs du Nord. L’avantage d’une telle structure est d’accorder aux PED une large participation dans le processus de gouvernance du MDP. Elle leur permet par ailleurs de choisir les champs d’application et les projets qu’ils jugent prioritaires et compatibles avec leurs impératifs socioéconomiques. Une telle approche implique l’existence dans les PED des capacités humaines, institutionnelles et techniques capables d’évoluer et de réussir dans une telle structure. Certains, comme le Costa Rica, ont déjà lancé des programmes nationaux pour la phase pilote de la mise en œuvre conjointe. D’autres, comme le Mexique, ont élaboré des stratégies nationales pour le démarrage de projets conformes aux orientations nationales de développement et ayant des capacités de réduction de GES. Cependant, cette configuration risque de pénaliser les pays les moins avancés manquant de structures nationales similaires.
V / Les limites des mécanismes de Kyoto
Malgré l’aspect novateur et promoteur des instruments de flexibilité du protocole, nombre d’interrogations d’ordre éthique, organisationnel et économique se posent. Ces dernières conduisent à s’interroger sur la compatibilité de Kyoto avec les impératifs de développement durable. Ce sont ces questions qui font l’objet de ce dernier chapitre.
Les questions soulevées Le problème de l’« air chaud » dans les allocations d’émissions Les efforts de réduction incombant aux pays industrialisés ont été réalisés sur la base de la responsabilité historique de chacun dans l’accroissement des émissions de GES. Plusieurs paramètres ont été employés pour définir les quantités chiffrées à respecter par chaque partie à l’horizon 2008-2012. Cette répartition des réductions repose, entre autres, sur la prise en considération à la fois des particularités des sources d’émission et des caractéristiques économiques et industrielles des pays concernés. Cependant, en 1997, lors de la définition des efforts de réduction, l’effondrement industriel et économique de certains pays, suite aux restructurations qui ont accompagné le passage à l’économie de marché, n’avait pas été anticipé. Ceci a conduit à une surestimation de leurs projections d’émission dans la mesure où ces dernières étaient à la baisse depuis 1990. La Russie et l’Ukraine ont ainsi bénéficié d’objectifs de réduction surestimés. Au moment de la signature du protocole, les émissions de la Russie avaient ainsi déjà diminué de plus de 45 % par rapport
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à leur niveau de référence de 1990 en raison de la décomposition de l’ancienne industrie lourde soviétique. Le concept de l’air chaud (hot air) correspond aux quantités d’émissions réduites issues de la crise industrielle et non d’un engagement de réduction particulier. En d’autres termes, la Russie et l’Ukraine disposent d’une grande quantité de droits d’émissions, qu’elles pourront vendre aux pays industrialisés. Cette masse est estimée à plus de 300 MteqCO2. Le risque est donc non négligeable de voir certains pays riches réduire leurs politiques climatiques nationales à l’achat massif d’« air chaud » ; et cela au détriment de mesures structurelles sur leurs systèmes de production et de consommation visant à diminuer leurs émissions de façon durable. L’épineuse question de l’« additionnalité » environnementale des projets L’additionnalité environnementale : une exigence difficile à mettre en évidence. — L’article 12 du protocole de Kyoto précise que les activités impulsées par le MDP doivent nécessairement conduire à des réductions en GES qui n’auraient jamais abouti en l’absence du projet. Dans le cadre de la MOC qui intervient entre des pays soumis à des quotas d’émissions, toute réduction s’ajoute aux capacités d’émissions de la partie qui l’acquiert (l’investisseur) mais est déduite des capacités d’émissions de la partie qui la cède (le pays hôte). Se posent alors les problèmes inhérents à la définition de l’additionnalité environnementale. Les fuites : un risque avéré dans les approches par projets. — La phase pilote de la MOC a permis de dévoiler des cas de fuites. En d’autres termes, le projet a permis, certes, des réductions en GES, mais il a également provoqué des émissions. C’est le cas de certains programmes de séquestration du carbone à travers une protection et une gestion durables des ressources forestières. Une telle politique de protection et de conservation des ressources sur le lieu du projet peut éventuellement entraîner un déplacement ou une augmentation des activités d’exploitation et de déforestation sur un autre site non protégé et non concerné par les activités du projet en question [Puhl, 1999]. Il paraît donc nécessaire de prendre en considération les émissions directes (sur le site) et indirectes (à une échelle régionale et nationale).
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La question des « passagers clandestins ». — Les projets de MDP font intervenir deux parties, en l’occurrence l’investisseur et le pays hôte. Leurs motivations sont différentes. L’investisseur vise l’obtention d’un grand nombre de crédits d’émissions à un faible coût. Le pays hôte est motivé par une volonté d’attirer de nouveaux flux financiers. La confrontation de leurs intérêts pourrait pousser les deux intervenants à surestimer les émissions ou à introduire des projets conventionnels dans le champ d’application du MDP. Cette notion de « passagers clandestins » traduit ici les risques de voir des projets classiques transformés en projets MDP, ce qui entrave le principe d’additionnalité environnementale. La notion de référence : des enjeux socioéconomiques et environnementaux différenciés Afin de déterminer les quantités d’émissions réduites pour un projet donné, il est nécessaire de les comparer à ce qui aurait été émis en son absence. Il s’agit d’établir une situation de référence correspondant à l’évolution future des émissions sans le projet et de la comparer aux émissions prévues avec le projet MDP. Or les projets MDP ou MOC ont une durée de vie qui varie en moyenne entre dix et quarante ans en fonction des champs d’application. De ce fait, il paraît assez hasardeux de vouloir prévoir avec certitude l’évolution de la situation future en termes d’émissions. Cela suppose d’appréhender un grand nombre de paramètres très variables (augmentation de la production, changement technologique, nouvelles priorités de développement, nouvelles orientations politiques, etc.). Plusieurs méthodes ont été élaborées pour déterminer la situation de référence. Quelle que soit l’approche retenue, celle-ci doit vérifier quatre critères qui se résument aux éléments suivants : 1) la crédibilité environnementale passant par la réduction d’émissions irréalisable en l’absence du projet ; 2) la transparence (être vérifiable par une entité indépendante) ; 3) la simplicité dans la conception et la mise en œuvre à des coûts faibles ; 4) la garantie d’un minimum de certitude quant à l’obtention de crédits d’émissions qui soient fiables à l’exploitation pour les investisseurs [Ellis et Bosi, 2000]. L’approche par projet spécifique : une méthodologie au cas par cas. — Elle permet d’évaluer les émissions prévues sans les activités du MDP et d’établir la situation de référence pour un projet
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particulier. Les paramètres retenus pour le calcul des émissions en GES de la situation de référence correspondent à ceux liés exclusivement au projet en question. Si par exemple celui-ci remplace une installation thermique fonctionnant au charbon par une installation utilisant le gaz comme combustible, les paramètres permettant de calculer les émissions sans ce projet se réfèrent uniquement aux caractéristiques d’émissions de l’installation fonctionnant au charbon (taux d’émission en GES pour une unité produite ou consommée, âge de l’installation, date prévisible de changement des équipements, emplacement de l’installation par rapport aux autres réseaux, etc.). Les promoteurs de cette démarche précisent que l’intégration de paramètres précis relatifs exclusivement au projet considéré aide à définir avec plus de certitude les émissions prévisionnelles garantissant ainsi l’additionnalité environnementale. Selon d’autres experts, cette démarche est susceptible de conduire à des défaillances. Le scénario permettant d’établir les émissions sans l’apport du projet MDP se limite à étudier les caractéristiques d’émissions actuelles et futures (sur la durée de vie du nouveau projet) de l’installation sans intégrer des paramètres dépassant le cadre restreint de l’installation et pouvant avoir un impact sur les émissions totales. L’éventuelle adoption d’une politique d’électrification à base d’énergies renouvelables pourrait entraîner une diminution de la production électrique de l’installation en question et donc des émissions prévues à la baisse. Dans certains projets énergétiques ayant pour objectif la modification des équipements existants pour réduire les émissions (changement de combustible, renouvellement des équipements, amélioration de l’efficacité, etc.), les incertitudes liées à la définition de la situation de référence selon cette démarche peuvent représenter jusqu’à 80 % des émissions [Begg et al., 1999]. Lors de la phase pilote de la MOC, l’approche par projet spécifique a été retenue dans la majorité des cas. Elle a permis d’établir une certaine crédibilité environnementale et de développement. Elle s’est aussi caractérisée par des coûts de transaction élevés risquant de décourager les investisseurs. Le MDP, censé produire des crédits d’émission à faible coût, pourrait, dans une telle perspective, perdre cet attrait économique qui demeure une motivation forte pour les investisseurs. Pour certains projets, les coûts liés à la définition de la situation de référence par cette méthode représentent entre 1 % et 8 % du coût total du projet [Puhl, 1999].
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L’approche multiprojets : une méthodologie de standardisation. — Cette méthode définit la situation de référence pour une catégorie de projets. Cela consiste à répertorier les émissions des activités liées à un secteur donné et de les comparer aux émissions issues du projet MDP. L’intérêt d’une telle démarche réside dans la conception d’un taux d’émission par secteur évitant d’établir pour chaque projet (intervenant dans la même catégorie) des scénarios d’émissions propres. Cela permet de réduire considérablement les coûts de transaction liés à la vérification de l’additionnalité environnementale. Afin de déterminer, à titre d’illustration, si un projet de remplacement de certains équipements dans une usine de production de ciment respecte le principe de l’additionnalité environnementale, il suffit de comparer les émissions prévues par le nouveau projet à celles de la moyenne d’émission du secteur cimentier à l’échelle nationale, voire régionale. Le taux d’émission du secteur peut être obtenu à partir de différents paramètres. À cet effet, il convient de souligner que les émissions dépendent des paramètres utilisés pour le calcul du taux d’émission de la situation de référence. Ce taux peut correspondre à la moyenne d’émission de toutes les installations ou des installations récentes ou encore de celles utilisant les technologies les plus performantes (moins émettrices). Cette démarche implique l’existence de données sur les émissions passées, actuelles et futures permettant d’évaluer la situation de référence pour le secteur d’activité en question. L’avantage réside pour certains (surtout les investisseurs) dans la capacité à établir et à apprécier la situation de référence et les apports du projet à partir des données existantes sur les émissions du secteur d’activité à l’échelle nationale ou régionale, sans avoir à investir dans des études coûteuses relatives à un projet en particulier. Cependant, si l’approche multiprojets nécessite une mobilisation technique et humaine moins importante et des coûts de transactions moins élevés, l’additionnalité environnementale et socioéconomique est plus difficilement vérifiable. Pour un même projet, les paramètres choisis afin d’établir la situation de référence peuvent influencer considérablement les quantités d’émissions évitées et donc les choix d’investissement ainsi que les conséquences de développement qu’ils impliquent. Le taux d’émission d’un secteur donné (par exemple, une moyenne établie à l’échelle nationale) peut être inférieur à celui d’une installation en particulier appartenant à ce même secteur. Les projets MDP ayant un taux d’émission plus élevé que le taux de
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référence (taux d’émission du secteur) seront écartés même s’ils présentent des taux d’émission inférieurs à celui de l’installation en question (voir encadré). L’approche hybride dans l’évaluation des situations de référence. — Cette méthodologie offre la particularité de recourir à la fois à des données spécifiques aux émissions du projet considéré et à des informations relatives à l’évolution du secteur d’activité. Ces dernières dépassent le cadre restreint de l’analyse des potentialités d’émission de l’installation étudiée. À titre d’illustration, pour remplacer une centrale thermique à charbon par une centrale à gaz, le calcul de la situation de référence fait appel à des paramètres relatifs à l’installation en question (âge, taux d’émission, état des équipements). Il mobilise aussi d’autres paramètres comme la politique industrielle du secteur impliqué, à savoir les éventuelles réformes susceptibles de l’affecter et d’avoir des incidences sur les émissions futures de l’installation (augmentation de la demande, construction de nouvelles installations moins polluantes, renforcement des technologies renouvelables). La méthode hybride pourrait mieux garantir l’additionnalité environnementale et les apports socioéconomiques du projet. En effet, les implications en termes d’émission et les retombées en matière de développement sont évaluées dans une logique globale qui se réfère à la situation particulière du projet, tout en traitant les conditions d’éligibilité dans un contexte plus large faisant intervenir des données d’ordre macroéconomique (certains experts optent pour la dénomination de top-down). L’impact des coûts de transaction Les coûts de transaction correspondent aux coûts de fonctionnement d’un mécanisme de coordination, que ce soit dans le cadre d’un marché ou d’une réglementation spécifique. Sur le marché, la décision de l’agent est précédée d’une recherche de l’information et de son traitement. Dans le secteur public, le coût de fonctionnement de l’administration ainsi que les coûts de gestion de la réglementation représentent aussi des coûts de transaction [Vallée, 2002]. Dans le contexte du marché carbone, les coûts de transaction peuvent influencer le niveau de l’offre (et donc des prix respectifs des permis) pour l’ensemble des trois mécanismes (permis échangeables, crédits issus de la MOC et crédits issus du MDP). Des études établies sur la base des projets
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Un exemple de simulation à partir de l’approche multiprojets : le cas du secteur électrique au Brésil Afin d’illustrer les implications du choix de la situation de référence sur les réductions en CO2 dans les différents projets MDP, Ellis et Bosi [2004] prennent l’exemple de la construction d’une installation pour la production d’électricité au Brésil. Il s’agit de voir comment l’application de l’approche multiprojets permet d’aboutir à des résultats différents selon les paramètres utilisés pour établir un taux d’émission national pour le secteur électrique. Deux scénarios sont retenus pour l’évolution de la consommation électrique au Brésil qui atteint en 2005 : 534,1 TWh (pour le scénario le plus bas) et 743,3 TWh (pour le scénario le plus élevé). Ces estimations prévoient également une baisse de la part de l’hydroélectricité qui représente 92 % de la production totale en 1996 et une croissance au niveau des installations thermiques (charbon, fuel et gaz naturel). La prédominance de l’hydroélectricité pour la production totale permet d’établir un taux d’émission national pour le secteur électrique équivalent à 43,9 t CO2/GWh (moyenne d’émissions pour toutes les sources de production d’électricité). Si l’on choisit ce
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paramètre pour définir une situation de référence par une approche multiprojets, tout projet MDP utilisant une source fossile est à exclure car les émissions obtenues seront au-dessus de cette moyenne. Dans le cas où le projet MDP ferait appel à une source renouvelable, les réductions obtenues seront les suivantes : — 43,9 URCE/GWh (43,9 unités de réduction certifiées des émissions/ GWh), si la situation de référence retenue correspond à la moyenne d’émission nationale de toutes les sources ; — 382 URCE/GWh, si la situation de référence correspond à la moyenne d’émission des installations les plus performantes et utilisant le gaz naturel comme source d’énergie, BAT (Best Available Technology) ; — 882 URCE/GWh si la situation de référence correspond à la moyenne d’émission des installations utilisant les sources fossiles pour la production d’électricité. Cet exemple traduit les implications du choix de la méthode de détermination de la situation de référence ainsi que les paramètres qui la composent sur les résultats obtenus. Les enjeux aussi bien pour l’investisseur (nombre des URCE obtenu) que pour le pays hôte (impacts socioéconomiques et environnementaux) sont différents. Source : Ellis et Bosi [2000].
MDP et MOC (réalisés ou en cours) ont permis d’identifier des coûts de transaction allant de 0,1 euro/t CO2 pour des projets de grande taille (plus de 200 000 t CO 2 réduites par an) à 1 000 euros/t CO2 pour les projets de petite taille (inférieurs à 200 t de CO2 réduites par an) [Michaelowa et al., 2003]. Les coûts de transaction sont plus élevés dans les pays à faibles capacités institutionnelles et humaines et en l’absence de mesures de stan-
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dardisation pour la préparation, la mise en œuvre et le suivi des projets. Les enjeux liés aux revenus de la vente des crédits Un marché carbone mondial intègre les permis échangeables provenant des pays industrialisés ainsi que des crédits (ou unités de réduction) issus des projets de MOC et de MDP. L’intérêt principal des approches par projet réside dans la possibilité d’abaisser les coûts de réduction des émissions en allant les financer là où elles sont le moins élevées. Les unités de réduction offertes par le MDP constituent un attrait particulier pour les investisseurs en raison de leurs faibles coûts et de l’importance des quantités potentielles offertes sur le marché. Springer [2003] évalue la part relative des trois instruments (permis échangeables, MOC et MDP) sur un marché global à partir de huit modèles économiques. Deux modèles regroupent l’ensemble de six gaz : SGM [MacCracken et al., 1999] et Zhang [2000]. Les autres modèles intègrent uniquement les émissions de CO2 : ECN [Sijm et al., 2000], Eppa [Ellerman et al., 1998], G-Cubbed [McKibbin et al., 1999], Green [Van der Mensbrugghe, 1998], Haites [Haites, 1998] et Poles [Criqui et Viguier, 2000]. L’observation des résultats témoigne d’une importante variabilité au niveau des quantités de crédits produites par les trois instruments. Cependant, quels que soient l’approche analytique adoptée et le type de modèle employé, le volume des crédits provenant du MDP représente plus de la moitié des quantités totales de crédits échangés pour l’ensemble des évaluations. Les estimations atteignent jusqu’à 77 % du marché mondial pour Eppa, avec une part minimale évaluée à 55 % pour le modèle G-Cubbed. En termes monétaires, la vente des crédits issus du MDP correspond à plus de la moitié du volume global du marché avec une valeur plancher de 3 212 millions de dollars pour le modèle Zhang, et une valeur plafond de 21 208 millions de dollars pour le modèle Eppa. De ce fait, au-delà de la contribution à la baisse des coûts de réduction des émissions, le MDP véhicule un enjeu économique et financier en termes de revenu. Comparés au permis échangeable et à la MOC, les crédits issus du MDP sont les moins coûteux, alors que les prix de vente sont définis sur un marché global regroupant les crédits résultant des trois instruments, ce qui implique d’importantes possibilités de rentes pour les investisseurs qui auront choisi d’investir là où les coûts marginaux
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Les parts relatives des instruments de Kyoto sur un marché mondial Modèle
ECN Eppa G-Cubbed Green Haites Poles SGM Zhang
Permis et MOC
MDP
Quantités Volume % dans Mt CO2 millions marché de dollars global
Quantités Mt CO2
880 774 1 503 972 1 192 986 1 309 576
3 520 6 189 10 523 6 802 11 917 5 918 10 472 1 727
42 23 45 40 36 32 44 35
1 239 2 651 1 815 1 456 2 108 1 606 1 665 1 071
Volume % dans millions marché de dollars global 4 956 21 208 12 705 10 190 21 083 12 848 13 317 3 212
58 77 55 60 64 68 56 65
Source : Springer [2003].
sont les plus faibles et les potentialités de réduction élevées. Cornut [1998] établit une analogie avec le secteur minier. Dans le cadre d’une phase de prospection en situation d’incertitude par rapport au prix de valorisation de la production, l’investissement dans les projets les moins coûteux permet à la fois d’abaisser les risques et de dégager des perspectives de rentes en cas d’anticipation à la hausse des cours : « Dans un tel contexte, s’approprier les gisements les moins coûteux permet de minimiser les risques encourus tout en ouvrant des perspectives de gains financiers conséquents en cas de forte hausse des cours » [Cornut, 1998, p. 35]. Cependant, le MDP, en subventionnant des investissements en technologies propres du Nord vers le Sud, permet à la fois d’accélérer le transfert de technologies vers les pays du Sud et de les associer à la réduction globale des émissions malgré leur absence d’engagements chiffrés dans le protocole de Kyoto.
Les coûts d’application du protocole de Kyoto Les coûts d’application du protocole de Kyoto en termes de compétitivité Certains considèrent que les coûts seront faibles et bénéfiques à la compétitivité. Ils font référence au double dividende, à la fois à l’échelle microéconomique (des innovations permettant des technologies à la fois moins chères et moins polluantes)
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Kyoto sans les Américains Toute l’économie du projet initial reposait sur la présence et l’effort américains. Principaux responsables des émissions de dioxyde de carbone dans le monde, les États-Unis s’étaient vus fixer un quota en 2010, qui sera 20 % à 30 % inférieur au scénario tendanciel. […] La présence des États-Unis aurait donc fortement amélioré les performances environnementales de l’accord. Qui plus est, leurs achats auraient assuré un niveau élevé de prix international du carbone sur le marché de permis, vraisemblablement de 100 à 200 euros la tonne. Sans les États-Unis, on parle aujourd’hui de moins de 10 euros la tonne. Une illustration éloquente du recul de la performance écologique après le retrait des États-Unis : sans eux, l’incitation financière à limiter les émissions de CO2 sera probablement dix à quinze fois plus faible. Il n’en reste pas moins que chaque tonne de CO2 qu’on évite de relâcher dans l’atmosphère reste un acquis. Source : Guesnerie [2004].
et sur le plan macroéconomique (une fiscalité plus efficace puisque portant surtout sur les émissions de CO2 et beaucoup moins sur le travail). D’autres, comme les États-Unis, prétendent que les coûts en termes de compétitivité seront importants. La réalité semble intermédiaire, même si elle est fortement dépendante de l’adhésion des États-Unis au protocole de Kyoto. Les évaluations de l’impact du protocole de Kyoto sur le produit intérieur brut plafonnent autour d’un point de PIB en 2012 dans les pays industrialisés (selon les différents modèles). Il s’agit bien entendu d’une estimation globale et il est évident que certains secteurs seront plus affectés que d’autres. Toutefois, l’impact global ne doit pas être surestimé car le protocole, avec ses instruments de flexibilité, a été conçu pour minimiser les coûts de réduction. Certains pays, dont les États-Unis, considèrent qu’il serait plus efficace en termes économiques d’investir dans la recherche de solutions technologiques palliatives plutôt que de mettre en œuvre le protocole de Kyoto. Indépendamment des discussions concernant l’occurrence des possibilités technologiques en matière de lutte contre les changements climatiques, il est évident que la R&D avancera d’autant plus rapidement qu’elle sera incitée par le marché. En donnant un prix aux émissions de GES, le protocole de Kyoto pénalise les solutions les plus polluantes et incite à recourir aux technologies les plus efficaces du point de vue environnemental. Il favorise même leur transfert rapide vers les PET et les PED, par le biais de la MOC et du MDP.
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Toutefois, certains pensent que, pour éviter les distorsions de concurrence au niveau international, il semble préférable qu’un tel marché s’établisse au niveau mondial plutôt que régional. Les pays de l’Union européenne ont pris une avance indéniable avec la directive instaurant un tel marché à partir du 1er janvier 2005. D’autres États, comme le Canada ou le Japon, suivent cette approche. Si les États-Unis, la Chine, l’Inde et l’Australie n’entrent pas dans ce système, des formes de dumping environnemental peuvent apparaître, risquant d’entraîner des pertes de compétitivité pour l’Europe. À propos de compétitivité, il paraît intéressant de comparer les estimations des coûts des politiques de lutte contre les changements climatiques avec celles des coûts des dérèglements climatiques. Ces derniers ne feront d’ailleurs que s’accentuer si aucune politique de lutte n’est adoptée. À titre d’illustration, selon le GIEC [2001c], le coût des catastrophes climatiques a connu une forte progression ces dernières décennies. Les pertes économiques annuelles sont passées de 4 milliards de dollars dans la décennie 1950-1959 à 40 milliards de dollars dans la décennie 1990-1999. Les deux tiers de ces pertes ne sont pas couverts par les assurances. En 1998, le coût du réchauffement planétaire, selon les assurances (d’où une forte sous-estimation), a atteint plus de 100 milliards d’euros. L’ouragan qui a sévi en décembre 1999 sur l’Europe a coûté 15 milliards d’euros, dont 6 milliards pour la France ! Il ne s’agit bien entendu que d’infimes parts du coût réel des changements climatiques sur l’ensemble des économies. Malheureusement, on l’a dit, l’évaluation économique des dommages pose des problèmes méthodologiques très complexes, ce qui fait que leur modélisation globale est encore balbutiante [Hourcade et Ambrosi, 2004]. Enfin, de nombreuses incertitudes pèsent encore sur les résultats des modèles économiques visant à évaluer les coûts du protocole de Kyoto. La modélisation des coûts des politiques climatiques Compte tenu des caractéristiques des impacts des changements climatiques et en conformité au principe de précaution, c’est l’approche coût-efficacité qui a été adoptée. Il s’agit d’atteindre un seuil de réduction des émissions de GES au moindre coût. Dans ce cadre, l’évaluation économique fait appel à différentes modélisations. Celles-ci peuvent être classées en fonction des paramètres technico-économiques des secteurs ou
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des technologies d’application, des conditions d’équilibre recherchées ou des variations de bien-être liées à l’évolution de la demande ainsi qu’aux gains et pertes de revenus attribuables à l’évolution des échanges commerciaux. Plusieurs types de modèles coexistent pour l’évaluation des coûts des politiques climatiques et de mise en œuvre des instruments de flexibilité du protocole. Chaque modèle emprunte des paramètres spécifiques et se focalise sur des secteurs particuliers. Cinq grandes catégories de modèles peuvent être distinguées [Springer, 2003 ; Dagoumas et al., 2004]. Chacune permet de répondre à certaines questions relatives aux changements climatiques. C’est davantage dans une optique de complémentarité qu’il semble utile de les employer. Les modèles d’équilibre général calculable. — Appelés également modèles top-down en raison de l’utilisation de données agrégées provenant de l’ensemble des secteurs de l’économie, ils cherchent à déterminer les nouvelles situations d’équilibre d’un système économique sous l’effet d’une variable exogène (comme par exemple l’introduction d’une taxe carbone). Ces modèles peuvent être statiques (comparaison de situations actuelles et futures) ou dynamiques. Dans ce dernier cas, l’investissement de chaque période est supposé déterminer le stock de capital de la période suivante entraînant une modification des structures productives et des niveaux d’émission. Les principaux apports de ces modèles, qui supposent la concurrence parfaite des marchés, résident dans les possibilités d’évaluation des impacts des politiques énergétiques sur les autres secteurs industriels. L’une des principales difficultés de ces modèles, maintes fois évoquée depuis les années 1990 notamment dans leurs applications intertemporelles, est la grande sensibilité de leurs résultats aux paramètres techniques comme les élasticités de substitution et sociétaux (enjeux de distribution) [Muir, 1996]. Parmi les modèles représentatifs de cette catégorie Eppa [Ellerman et al., 1998] et Green [Van der Mensbrugghe, 1998]. Les modèles énergétiques. — Ces modèles, à l’instar de Poles [Criqui et al., 1999], offrent une représentation des secteurs énergétiques plus significative que celle permise par la précédente catégorie, en raison de l’utilisation de paramètres relatifs à l’évolution des technologies existantes et émergentes. Selon Grubb et al. [1993], les principales difficultés caractérisant ces modèles (appelés bottom-up) sont le traitement exogène de
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l’énergie indépendamment des prix, ainsi que l’absence des interactions entre le secteur énergétique et le reste de l’économie. Les modèles d’analyses intégrées. — Ces modèles, comme Grape [Kurosawa et al., 1999] et IGSM [Reilly et al., 1999], représentent les processus sociaux et physiques en intégrant les activités humaines, la composition atmosphérique et les écosystèmes. Considérés comme des modèles d’évaluation environnementale, ils sont employés dans le traitement des problématiques climatiques en raison des représentations détaillées qu’ils offrent au niveau des changements naturels. Les structures économiques de ces évaluations sont empruntées aux autres types de modèles. Les modèles de permis échangeables. — Ces modèles recourent à des courbes marginales de réduction des émissions pour l’analyse des conditions de création et de fonctionnement d’un marché international de permis. Ces courbes peuvent être produites par des modèles énergétiques ou des modèles d’équilibre général calculables. PET [Jotzo et Michaelowa, 2002] et ECN [Sijm et al., 2000] sont représentatifs de cette catégorie. Leur principal inconvénient reste leur impossibilité à déterminer les situations de fuites possibles des émissions. Les modèles macroéconomiques néo-keynésiens. — Contrairement aux modèles d’équilibre général calculable, ils intègrent les politiques monétaires dans l’analyse économique et peuvent représenter des transactions entre différents secteurs. De plus, ils permettent de prendre en compte des situations de concurrence imparfaite et de chômage. Les fonctions de production agrégées ne font intervenir que les facteurs capital et travail en délaissant le capital naturel, ce qui constitue une lacune fâcheuse [Faucheux et al., 1997]. Ils sont d’une portée limitée dans le cadre d’une analyse de long terme [Grubb et al., 1999]. La fonction de demande agrégée constitue le principal déterminant de la taille de l’économie, d’où la référence au terme néo-keynésien [Zhang et Folmer, 1998]. Une application des modèles économiques aux régions du monde Appliqués au secteur de l’énergie, les divers modèles économiques présentés ci-dessus ont été regroupés dans le cadre des travaux du GIEC [2001c]. Ils ont permis de dégager des fourchettes de coût de réduction pour différentes régions mondiales
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CLIMATIQUES
à partir de trois hypothèses : 1) un respect des engagements sans recours au marché ; 2) un respect des engagements avec utilisation des permis dans le cadre d’un marché limité aux pays industrialisés ; et 3) un respect des engagements avec utilisation des trois instruments (permis, MDP et MOC) dans le cadre d’un marché mondial global. Ces modèles font tous l’hypothèse que l’on agit uniquement sur le CO2 émis par le secteur énergétique. Ils ne prennent pas en considération les puits de carbone (les forêts et les activités agricoles), les GES autres que le CO2, les marges de manœuvre possibles par des réformes fiscales, les options technologiques à coûts négatifs, les marchés interrégionaux de permis. L’évaluation des coûts de réduction* avec et sans un marché mondial (résultats du forum de modélisation de l’énergie)** Pas d’échanges Modèles
États-Unis
Aim Ceta Fund G-Cubbed Grape Abare-Gtem Merge3 Mit-Eppa MS-Mrt Rice SGM Worldscan Administration EIA Poles
UE
Échanges Annexe B
153 168
198
147
234
76
227 204 665 218 276 179 159 407 20
157 425 250 247 213 145 201 46
97 304 645 500 501 402 251 357 122
135,3
131,4
194,6
322 264 193 236 132 188 85 154 251 135,8
Échanges mondiaux
CANZAS*** Japon 65 46 14 53 70 106 135 76 77 62 84 20 43 110 5,9
38 26 10 20 44 23 86 27 18 22 5 18 57 18,4
* Exprimés en dollars de 1990 la tonne de carbone. ** Créé en 1976, le Forum de modélisation de l’énergie (Energy Modelling Forum) est une structure regroupant des universitaires et des experts gouvernementaux, et non gouvernementaux. Elle permet de fournir une expertise scientifique autour de la thématique énergétique et de ses implications environnementales et socioéconomiques. *** CANZAS : Canada, Australie et Nouvelle-Zélande. Source : GIEC [2001c].
En cas d’absence d’un marché carbone (le scénario de référence), les réductions des émissions incombant aux quatre
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régions des pays industrialisés devraient être réalisées par des mesures nationales à des prix extrêmes variant (en dollars) de : 76 à 322 pour les États-Unis ; de 20 à 665 pour l’Union européenne ; de 46 à 425 pour la région CANZAS et de 122 à 645 pour le Japon. L’impact sur la croissance des différentes économies reste raisonnable. En 2012, la perte de PIB pour les États-Unis, par rapport aux scénarios de référence, serait, dans l’hypothèse la plus défavorable, de 1,33 %, de 0,64 % au Japon et de 0,81 % en Europe. Si les consommateurs japonais et européens risquent de subir une augmentation des prix de l’énergie supérieure à celle des consommateurs américains, leur perte de revenu serait en réalité beaucoup plus faible. Cela s’explique par le fait que les États-Unis ont pris des engagements de réduction de leurs émissions de GES plus éloignés de leur tendance de référence que l’Europe et le Japon. La faiblesse du prix du carbone est alors plus que compensée par l’importance du volume des réductions à réaliser. De plus, le Japon et l’Europe ont développé des modes de consommation et de production moins consommateurs d’énergie. Les États-Unis subiraient ainsi la perte de croissance la plus significative en cas d’application du protocole de Kyoto. L’instauration d’un marché limité aux pays industrialisés, recourant à des échanges de permis d’émission et à des projets MOC permet d’abaisser les coûts marginaux de réduction. Ces derniers s’établissent dans une fourchette comprise entre 20 et 135 dollars la tonne. Toutefois, c’est surtout dans le cadre de l’hypothèse d’un marché global élargi à l’ensemble des pays (intégration des crédits issus du MDP) que les coûts de respect des engagements pour les pays industrialisés sont les plus faibles. Les coûts d’abattement sont en effet alors compris entre 5 et 86 dollars. Des risques de surestimation des potentiels ne sont pas négligeables pour les différents modèles utilisés. En effet, ces derniers n’intègrent pas les coûts de transaction du MDP qui peuvent être élevés. Les analyses élaborées à partir de ces modèles restent tributaires des conditions de l’offre et de la demande et plus particulièrement de l’adhésion ou non des États-Unis, premier acheteur potentiel de permis. De façon générale, il est clairement établi que les modalités de fonctionnement du marché et les coûts des différents permis, ainsi que les revenus potentiels seront extrêmement dépendants non seulement de la participation des États-Unis, mais aussi de l’offre et de
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CLIMATIQUES
la demande de permis, de la part des crédits issus des puits de carbone, des potentialités technologiques, des possibilités de boycott et des conditions d’observance et de pénalités.
Conclusion
L’économiste ne peut pas se permettre d’être absent du processus de décision en matière de politiques contre les changements climatiques. Faut-il pour autant que l’action globale de lutte contre ce problème soit essentiellement axée sur le recours au marché ? En plus des contraintes techniques, juridiques et institutionnelles qu’implique la mise en place d’un marché carbone à l’échelle planétaire, la globalisation des sources d’émissions et l’étendue des échelles spatio-temporelles des conséquences dépassent le seul cadre des impératifs d’efficacité économique. Elles nous confrontent, entre autres, à des questions d’éthique. Par ailleurs, les coûts de prévention et d’adaptation, qui ne sont couverts par aucun marché, constituent un paramètre critique dont il convient de tenir compte, en particulier pour les pays les moins avancés qui restent les plus vulnérables aux effets négatifs des changements climatiques. Un autre problème concerne le nombre limité des pays concernés par le protocole de Kyoto. En plus du retrait des États-Unis (premiers émetteurs mondiaux), l’absence d’objectifs chiffrés pour les pays les plus émetteurs du Sud représente une source de fragilité dans la lutte contre les changements climatiques. Face à ce constat, il ne s’agit pas tant de débattre continuellement s’il est légitime ou non d’administrer des réductions chiffrées aux PED, que d’identifier les moyens leur permettant d’adhérer à l’effort global de réduction des émissions. L’objectif est surtout de savoir comment accompagner ces pays dans des trajectoires de développement intégrant des exigences environnementales. À cet effet, la mise en place du MDP et les premières réalisations engagées font apparaître d’importantes disparités régionales en raison d’une orientation des investissements vers
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CHANGEMENTS
CLIMATIQUES
les grands pays émergents à fortes potentialités de réduction. Il convient donc de renforcer la composante socioéconomique dans les projets MDP pour qu’ils contribuent véritablement aux stratégies de développement durable des pays d’accueil. Pourquoi alors ne pas préconiser une additionnalité « socioéconomique » à l’instar de l’additionnalité environnementale ? Dans ce contexte, la négociation sur l’après 2012, lancée en décembre 2004 lors de la conférence de Buenos Aires, s’avère d’une importance cruciale. De sa réussite dépendent en effet l’insertion des PED ainsi que le retour indispensable des États-Unis dans le dispositif multilatéral.
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European Environmental Bureau (EEB) : http://www.eeb.org Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) : http://62.23.232.174.81 Global Change Master Directory (GCMD) : http://gcmd.gsfc.nasa.gov Global Environment Facility (GEF)/Fond pour l’environnement mondial (FEM) : http://www.gefweb.org/index.html Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) : http://www.ipcc.ch IEA Greenhouse Gas R&D Programme (IEAGHG) : http://www.ieagreen.org.uk Institut français de l’environnement (Ifen) : http://www.ifen.fr International Human Dimensions Programme on Global Environmental Change : http://www.ihdp.org International Institute for Applied Systems Analysis (IIASA) : http://www.iiasa.ac.at International Institute for Sustainable Development (IISD) : http://www.iisd.org
SITES
Ministère de l’Écologie et du Développement durable : http://www.ecologie.gouv.fr/ sommaire.php3 Mission interministérielle de l’effet de serre (MIFE) : http://www.effet-de-serre.gouv.fr Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) : http://www.oecd.org/home Organisation météorologique mondiale (OMM) : http://www.wmo.ch/index-fr.html Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) : http://www.unep.org/french/ default-fr.asp Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) : http://www.undp.org/french Prototype Carbon Fund (PCF) :
WEB UTILES
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http://prototypecarbonfund.org/ splash.html Resources For the Future (RFF) : http://www.rff.org UN Department of Economic and Social Affairs-Division for Sustainable Development (DSD) : http://www.un.org/esa/sustdev US Climate Change Science Program : http://www.climatescience.gov US Climate Change Technology Program : http://www.climatetechnology.gov US Department of Energy-Energy Efficiency and Renewable Energy (EERE) : http://www.eere.energy.gov US Global Change Research Information Office (GCRIO) : http://www.gcrio.org
Glossaire
AIE Agence internationale de l’énergie IEA International Energy Agency CCNUCC Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques UNFCCC United Nations Framework Convention on Climate Change CH4 Méthane CO2 Dioxyde de carbone AEE Agence européenne de l’environnement EEA European Environmental Agency FEM Fond pour l’environnement mondial GEF Global Environment Fund FFEM Fonds français pour l’environnement mondial FPC Fonds prototype carbone PCF Prototype Carbon Fund GES Gaz à effet de serre GIEC Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat IPCC Intergovernmental Panel on Climate Change GWh Gigawatt-heure (1 000 000 kilowatts-heures) GtC Giga (milliard) tonne de carbone GW Gigawatt (1 000 000 000 watts) HFC Hydrofluorocarbures kW Kilowatt (1 000 watts) KWh Kilowatt-heure MtC Million de tonnes de carbonne Mtep Million de tonnes équivalent pétrole MteqC Million de tonnes équivalent carbone MW Megawatt (1 000 000 watts) N2O Oxyde nitreux NOx Oxyde d’azote OCDE Organisation de coopération et de développement économique OECD Organisation for Economic Co-operation and Development PED Pays en développement
G L O S S A I R E 119
PET PFC PMA PNUD UNDP PNUE UNEP ppb ppm ppmv ppt SF6 tep teqC TW TWh Wh
Pays en transition/à l’économie en transition Perfluorocarbures Pays les moins avancés Programme des Nations unies pour le développement United Nations Development Programme Programme des Nations unies pour l’environnement United Nations Environment Programme Partie par milliard Partie par million (parts per million) Partie par million en volume (parts per million by volume, 10-6) Partie par trillion Hexafluorure de souffre Tonne équivalent pétrole Tonne équivalent carbone Térawatt (1 000 000 000 000 watts) Térawatt-heure (100 000 000 kilowatts-heures) Watt-heure
Table des matières
Introduction I
3
L’état des connaissances scientifiques Les changements climatiques : une globalisation en termes d’effets
6
De Rio à Johannesburg, 6 Les mises en garde répétées des scientifiques, 8 L’accroissement de l’effet de serre : origines et conséquences, 9 _ Encadré : Le forçage radiatif positif, 10 Les conflits d’intérêts, 12
Nécessité et difficultés d’une gouvernance mondiale
14
La convention-cadre des Nations unies pour les changements climatiques : un engagement commun de lutte contre les risques climatiques, 14 _ Encadré : Le protocole de Kyoto : les modalités de son entrée en vigueur, 16
La Conférence des parties et le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat, 16 Une nécessaire gouvernance mondiale, 17 _ Encadré : Les biens publics mondiaux, 19
Les scénarios de modélisation climatique
20
L’amélioration continue des méthodes de construction des scénarios, 20 Les nouvelles générations de scénarios, 21 Les scénarios A1, 22 Les scénarios A2, 23 Les scénarios B1, 23 Les scénarios B2, 23 _ Encadré : L’influence du carbon lobby américain, 25
Les conséquences globales des changements climatiques Les impacts sur les ressources en eau et les écosystèmes, 26 Les impacts sur le secteur agricole et la sécurité alimentaire, 27 Les impacts sur la santé et les flux migratoires, 28
26
TABLE
II
DES MATIÈRES
121
Les conséquences socioéconomiques et les politiques nationales Émissions et impacts : de grandes disparités nationales
29
Une disparité en termes de vulnérabilité, 29 _ Encadré : Vulnérabilité : l’exemple de l’Ouganda, 30 Une disparité en termes de responsabilité, 32 _ Encadré : La contribution des pays émergents : l’exemple de la Chine, 33
Une disparité en termes de moyens d’adaptation, 34 _ Encadré : Le cas particulier de la France, 35 _ Encadré : L’inéquité Nord/Sud face à la gestion du risque climatique : la question de l’assurance, 36
Les politiques et mesures nationales
37
Les mesures fiscales, 37 _ Encadré : Les remboursements, les réductions et les subventions au profit des énergies à faibles émissions en CO2, 41
Les permis négociables : le recours aux marchés dans des cadres nationaux, 47 _ Encadré : L’expérience américaine des permis d’émission de SO2 dans le cadre de la lutte contre les pluies acides, 48
Les accords volontaires et les perspectives de coopération multiacteurs, 49 _ Encadré : Les incertitudes liées aux accords volontaires, 50 La normalisation, la certification énergétique et les programmes d’information/sensibilisation, 50 Le mixage des instruments : l’exemple européen, 51
III Les solutions technologiques et les politiques de R&D Le rôle de l’innovation technologique dans la lutte contre les changements climatiques
54
_ Encadré : Les puits de GES, 55 _ Encadré : Les efforts des États-Unis dans la limitation de leurs émissions en GES, 56
Les énergies renouvelables : état des lieux et potentialités technologiques La filière éolienne : une croissance des capacités installées avec une prédominance européenne, 57 La filière photovoltaïque : des développements importants et un maintien du leadership japonais, 58 La filière solaire thermique : des perspectives européennes prometteuses, 59 La filière hydraulique : des potentialités importantes et une forte contribution dans l’offre électrique, 60
57
122 É C O N O M I E
ET POLITIQUE DES
CHANGEMENTS
CLIMATIQUES
La filière géothermique : une croissance soutenue, 61 La biomasse : la plus grande contribution en énergie renouvelable, 61
Les potentialités technologiques sectorielles
62
Le secteur du bâtiment : de fortes potentialités de réduction des GES à des coûts nets négatifs, 62 Les transports : des perspectives de réduction relativement modestes, 63 Le secteur industriel, 64 _ Encadré : La dématérialisation : de quoi s’agit-il ?, 65 Le secteur agricole et la valorisation des déchets, 66 L’offre et la conversion énergétiques, 67
IV Vers un marché carbone mondial Les instruments de flexibilité du protocole de Kyoto
71
Les échanges de permis d’émission : un instrument spécifique aux pays industrialisés, 71 _ Encadré : Les différentes approches pour l’allocation initiale des permis, 73
_ Encadré : Le marché communautaire d’échange de permis d’émissions de GES : un précédent mondial, 74
Les mécanismes projets : La mise en œuvre conjointe et le mécanisme de développement propre, 75 _ Encadré : Un exemple de projet MDP : le projet Mouhoun Koudougou au Burkina-Faso, 78
Les principaux instruments financiers d’accompagnement, 79
Quelques retours sur expériences
82
L’accélération de l’investissement carbone, 82 Où en sont les projets de MOC et de MDP ?, 86 La confirmation des disparités régionales, 86 Mécanisme de développement propre ou mécanisme de financement propre ?, 88 Une nécessaire gouvernance participative Nord-Sud dans des projets MDP, 88
V
Les limites des mécanismes de Kyoto Les questions soulevées Le problème de l’« air chaud » dans les allocations d’émissions, 91 L’épineuse question de l’« additionnalité » environnementale des projets, 92 La notion de référence : des enjeux socioéconomiques et environnementaux différenciés, 93 L’impact des coûts de transaction, 96
91
TABLE
DES MATIÈRES
123
_ Encadré : Un exemple de simulation à partir de l’approche multiprojets : le cas du secteur électrique au Brésil, 97
Les enjeux liés aux revenus de la vente des crédits, 98
Les coûts d’application du protocole de Kyoto
99
Les coûts d’application du protocole de Kyoto en termes de compétitivité, 99 _ Encadré : Kyoto sans les Américains, 100 La modélisation des coûts des politiques climatiques, 101 Une application des modèles économiques aux régions du monde, 103
Conclusion
107
Repères bibliographiques
109
Sites web utiles
116
Glossaire
118