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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps
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L'Harmattan Hongrie Kossuth L. u. 14·16 1053 Budapest HONGRIE
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Jean-Marc GABAUDE, La philosophie de la culture grecque, 2005. Jean-Marc GABAUDE, Pour la philosophie grecque, 2005. Agnès CASSAGNE, Une idée d'un « système de la liberté» : Fichte et Schelling, 2005. V. M. TIRADO SAN JUAN, Husserl et Zubiri. Six études pour une controverse, 2005. Xavier ZUBIRI, L 'homme et Dieu, 2005. Xavier ZUBIRI, L'intelligence sentante - Intelligence et réalité, 2005. Ariane BILHERAN, La Maladie, critère des valeurs chez Nietzsche, 2005. Florence BERNARD DE COURVILLE, Nietzsche et l'expérience cinématographique. Le savoir désavoué, 2005," Thomas ROUSSOT, Marc-Aurèle et l'empire romain, 2005. Michel FATTAL (sous la dir.), La philosophie de Platon. Tome 2,2005. Marina GRZINIC, Une fiction reconstruite, 2005. Arno MÜNSTER, Sartre et la praxis, 2005. Dominique LÉVY-EISENBERG, La pensée des moyens, 2005. Joseph JUSZEZAK, Invitation à la philosophie, 2005. Franck ROBERT, Phénoménologie et ontologie. Merleau-Ponty lecteur de Husserl et Heidegger, 2005.
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Une collection d'ouvrages qui se propose d'accueillir des travaux originaux sans exclusive d'écoles ou de thématiques. Il s'agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions qu'elles soient le fait de philosophes "professionnels" ou non. On n'y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique; elle est réputée être le fait de tous ceux qu'habite la passion de penser, qu'ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou ... polisseurs de verres de lunettes astronomiques.
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Ouverture Philosophique Collection dirigée par Dominique Château, Agnès Lontrade et Bruno Péquignot
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© L'Harmattan, 2005 ISBN: 2-7475-8428-3 EAN : 9782747584289
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Merci également à Philippe Balas, Michel Calbris, Carole Salldejalld, et Marion Millet
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Introduction
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« { .. .j, il faut premièrement ne rien croire, et ainsi naviguer sur le problème par ses seules forces, se trouver perdu et abandonné comme fut toujours l 'homme qui refuse le mensonge pieux, se reconnaître trompé absolument par les apparences, et se sauver, ( .. .]. » Alain, « Le courage de l'esprit ».
« ( .. .j il faut que, dans les choses mêmes, soit fondé le mouvement qui les dénature, il faut que les choses commencent par se perdre pour que nous finissions par les perdre, il faut qu'un oubli soit fondé dans l'être. » Gilles Deleuze, « Bergson 1859-1941».
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Se perdre. Et se sauver? Car il s'agira bien de cela: s'enfoncer dans l'entreprise du temps traversant l'ensemble de l' œuvre de Gilles Deleuze, machine polymorphe d'un temps multidimensionnel ne se laissant pas appréhender sans s'engager sur le chemin incertain de tous ses sentiers qui bifurquent dans l'abyssal écheveau temporel, afin d'apercevoir si toute appréhension nous reconduit à la perte de son investigation ou permet le salut tant attendu. Mais l'exercice ne peut se mener sans rencontrer des points de résistances, aux risques desquels toute perte s'engage comme une défaillance. Ainsi que l'écrit Jean-Clet Martin en préambule de son livre consacré à Deleuze, «la philosophie de Deleuze ne se prête pas volontiers à l'exercice du commentaire. (... ] les multiplicités qu'elle effeuille de livre en livre ne se laissent pas interpréter de façon généalogique ou
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, Jean-Clet Martin, Variations - La philosophie de Gilles Deleuze, Paris, Ed. Payot, 1993, p. II. 2 Gérard Kaleka, « Un Hegel philosophiquement barbu », in L'Arc, n049, Cavaillon, 1972, p. 40.
irrémédiablement liés. À l'image du mot de Claudel, « le temps est le sens de la vie »3. Traçant les voies divergentes et multiples de toute interprétation possible, nous retiendrons particulièrement celle consistant en la visée de cette puissance du faux qui révèle l'indéfectible lien qu'occupe le temps avec sa potentialisation dans l'économie du système deleuzien, suivant de facto les pérégrinations de Borges qui confessait lui-même « s'être diverti à falsifier »4. Deleuze ou le grand falsificateur? C'est prendre le risque de tracer à notre tour les contours de ce fameux labyrintheS que Deleuze entame, et de pouvoir s'y perdre. C'est donc au risque du temps, au jeu de son envolée en système d'immanence que s'énonce peut-être l'endroit d'une lecture du système philosophique de Deleuze, à tout le moins assurément ce par quoi toute perte est effective. Pas encore de défaillance, mais le frisson de l'abandon nécessitant de laisser là toute autre assurance que celle de ne pas s'y retrouver, encore. Comme on perd l'équilibre on défaille, s'offrir une défaillance et souligner les possibles défaillances d'un jeu de concepts comme autant de lignes de fuites, mesurer les percolations traversant la géologie souterraine du système deleuzien, surfaces parcourues nous le verrons par les indices d'un style temporel ne diffusant peut-être en définitive qu'un doute se retournant éternellement sur son auteur, dans la double hélicoïde d'un temps fait style.
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structurale. C'est que leur contour est indéfininlent variable, [... ]. En fait, chaque multiplicité désigne le lieu d'une pragmatique singulière où se heurtent et se conlpénètrent des sémiotiques complexes suivant en effet de fondu [... ] : la puissance du faux »'. Ce qui dès lors peut apparaître conll11e une première difficulté est de justifier la tentative de toute investigation philosophique à l'encontre de la lettre du texte à interroger. Si cet exercice du cOlllnlentaire ne se laisse effectivelllent pas aisénlent conduire, c'est qu'il obéit d'emblée à une logique de surenchère de l'interprétation, ne lassant pas d'inaugurer glose sur glose. Ne risquons-nous pas alors d'emprunter le chen1În d'une sorte d'entre-glose, pratique qui instamment viendrait condanlner tout objet visé? Conlnlent s'en sortir, si le but consiste bien de sortir, de l'histoire et de son historicisation, tenter d'en passer par un dehors permettant de faire jouer l' «Anti-logos »2 deleuzien aveq lui-même, et par là le systèllle sur lui-même de manière proprement deleuzielme, au sens de ses fameux "enfàntelllents dorsaux". Mais ne lui faire dire évidemnlent que ce qu'il a dit, le nlonstre arrivant simplement par la porte du sens et du mouvelllent désaxé, celui que Deleuze inflige à ses auteurs comme à son écriture et à sa pensée, pour parvenir peut-être à saisir la limite du sens qu'il nous impose, et réussir à accorder une vision à l'inextricable montage temporel et langagier qui résiste; limites dans lesquelles nous devrons nécessairement nous fondre un moment, pour peut-être mieux nous sauver ou nous perdre, mouvement insolite et risqué tant temps et sens demeurent
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C'est ainsi que Deleuze définit le philosophe, insistant sur l'importance de ne plus rester emprisonné dans la distinction théoriepratique, in « Le philosophe menuisier », Libération, Lundi 03 octobre 1983, p. 31.
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emprunte, le dévoilenlent dissipé des contours d'une langue refuge à l'ombre d'un style indirect libre. Bref, comment relever ce qui ressortirait d'une temporalité deleuzienne ? Recouvre-t-elle un sens univoque malgré ses nombreux aspects? La disparité tenlporelle permet-elle au système d'exister en tant que tel ou travaille-t-elle a contrario à ruiner une telle existence? Et comment la philosophie deleuzienne, dans la confrontation de ces résonances, résiste-t-elle elle-même à l'épreuve de la temporalité?
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Interrogeant la nature de ce temps qui fait défaut, à l'observatoire des « copeaux philosophiques» que laisse retomber le « philosophe menuisier»6 au rabot de sa pensée, et dont la possibilité de se consumer se réservera comme énigme de ce texte, il nous a senlblé intéressant de procéder en trois étapes distinctes, quoiqu'indiscernables dirait déjà Deleuze en sa singulière version de l'itnperceptible rupture. Prelnièrement, dégager les conditions d'explicitations de la fondation d'un temps nonlnlé "pur", architectonique multistructurale aussi bien que lnouvante au sein de laquelle nous nous demanderons si l' alnpleur de cette tenlporalité n'essuie pas d' elnblée les incontournables écueils d'une mathématique inlprobable, présentation spectrale du temps deleuzien conditionnant un surnuméraire en échec. Deuxiènlenlent, retrouver la trace de l' affolenlent du temps dans l'histoire de la pensée, et que le seuil de ce décentrelnent, s'il est comlne le point contrapuntique du débordement des identités redéfinissant ainsi le point d'achoppement de toute ontologie, tourne peut-être autour de la porte du Même pour se re-décalquer, lnêlne s'il est aussi l'endroit d'un affranchissenlent et le seuil de toute véritable expérimentation. Enfin, aboutir au terme de ce questionnement à poser les jalons des véritables claudications du systènle de la temporalité deleuzienne dans les formes du cristal de temps, de l'éternel retour et des puissances du faux impulsant définitivement les failles d'un montage du temps qui ne pulse peut-être plus que dans les séries qu'il redonde, l'avènement d'un échec se clouant à la porte du sens qu'il
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« Si bien que, à chaque moment, tout tend à s'étaler dans un continuum instantané, indéfiniment divisible, qui ne se prolongera pas dans l'autre instant, mais qui mourra pour renaître à l'instant suivant, dans un clignement ou un frisson toujours recommencé. »
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Gilles Deleuze, Le bergsonisme, Paris, Ed. P.U.F, 1997 (1 ere éd., 1966), p. 89.
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7 Gilles Deleuze, Différence et répétition, Paris, Ed. P.U.F, 1996 (l ère éd., 1968).
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qualifiée autrement que passive car elle n'est pas faite «par l'esprit, mais se fait dans l'esprit qui contemple, précédant toute mémoire et toute réflexion »11. À la pointe de tout horizon perceptif, la première synthèse oriente la tlèche du temps et recueille dans l'ombre de sa contraction, et le passé et le futur, mais dans la fibrillation incorporelle de leurs dimensions, avant toute prédominance d'une dimension sur l'autre. En cela, le présent détermine pour Deleuze la synthèse de la fondation du temps, l'effleurement de sa peau puisque comme contraction il rejoint le vécu de tout être conçu comme matière sensible et réceptive, double mouvement se déclinant sous le signe du plotinisme et se mêlant à son inspiration humienne, faisant que «dans l'ordre de la passivité constituante, les synthèses perceptives renvoient à des synthèses organiques, comme la sensibilité des sens à une sensibilité primaire que nous sommes. Nous sommes de l'eau, de la terre, de la lumière et de l'air contractés, non seulement avant de les reconnaître ou de les représenter, mais avant de les sentir. Tout organisme est, dans ses éléments réceptifs et perceptifs, mais aussi dans ses viscères, une somme de contractions, de rétentions et d'attentes. Au niveau de cette synthèse vitale primaire, le présent vécu constitue déjà dans le temps un passé et un futur »12. De quoi s'agit-il, en cette somme de contractions, rétentions et attentes, définissant la pure sensibilité que nous sommes? À l'invective de Hume, Deleuze dit: de / 'habitude. Néanmoins, tout habitus déjà découvert ici comme phénomène de répétition annonce avec lui "quelque chose de nouveau": que la différence s'y accomplisse. «Nous ne disons "moi" que par ces mille
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constitué »16. Or le présent, passant, ne peut rendre compte Je son propre passage, et reste pris dans un tourment l'empêchant de se donner lui-même. Il faut un autre tClnps, une autre synthèse dans laquelle puisse s'opérer la première qui ne peut que se défausser de toute prétention à revendiquer le passage du temps et sa fondation. Il faut un autre signe au-delà de toute cicatrice. C'est tout le rôle réservé à la deuxième synthèse du temps, dite du "passé pur", à laquelle il incombe d'assurer le fondement du temps. En effet, toute fondation que puisse constituer le présent de l'habitude, elle n'en demeure pas moins ancrée dans un sol se constituant auquel, dit Deleuze, il manque le ciel. Ce en quoi il faut distinguer la fondation et le fondement. Aussi, tant soit la prétention du présent à passer, tant ce qui fait passer le présent et tend à déterminer son passage, puisqu'il ne peut passer et s'autodéterminer, « doit être déterminé comme fondement du temps » et « le fondement du temps, c'est la Mémoire »17. Entre la terre et le ciel, une alliance secrète les unit dans le passage de l'un à l'autre, constituant un double mouvement de fondation et de fondement. Cependant, la mémoire se fonde elle-même sur l'habitude. Comment fonde-t-elle alors ce sur quoi elle se fonde? En fait, au moment même où elle se fonde sur l'habitude, elle doit se fonder une fois encore sur une autre synthèse distincte de l'habitude: «Habitus et Mnémosyne, ou l'alliance du ciel et de la terre. L'habitude est la synthèse originaire du temps, qui constitue la vie du présent qui passe; la mémoire est la synthèse fondamentale du temps, qui constitue l'être du passé (ce qui fait passer le présent). On dirait d'abord que le passé se trouve coincé entre deux
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Trois synthèses du temps
présents: celui qu'il a été, et celui par rapport auquel il est passé. Le passé n'est pas l'ancien présent lui-même, mais l'élément dans lequel on vise celui-ci. (... ] Or l'ancien présent n'est pas représenté dans l'actuel, sans que l'actuel ne soit lui-mêlne représenté dans cette représentation. Il appartient essentiellelnent à la représentation de représenter non seulelnent quelque chose, nlais sa propre représentativité »18. Cependant que le présent tend à passer, la synthèse de la mémoire prend en charge le double aspect d'un principe représentatif: reproduire l'ancien présent et réfléchir l'actuel. Cette conjonction, à elle seule, joue un rôle très inlportant. Car si la prelnière synthèse se pose au temps COlnme contraction de ses instants, la seconde synthèse, réifiant l'habitude par la percée de la ménloire, elnpile et constitue tout présent conlnle « emboitements des présents eux-nlênles »19. Mais la question s'imposant à l'effectivité de cette deuxiènle synthèse, qui semble garantir le présent alors qu'elle s'affirme en passé, est la question de sa condition. Sonune toute, conlment "Mnémosyne" assure à "Habitus" qu'il passe, cependant qu'elle-même ne passe pas, au risque de retomber dans le travers de la première synthèse? « C'est par l'élément pur du passé, comme passé en général, COlnme passé a priori, que tel ancien présent se trouve reproductible, et que l'actuel présent se réfléchit. C'est en ce sens que la synthèse active de la mémoire a beau se fonder sur la synthèse passive (empirique) de l'habitude, en revanche elle ne peut être fondée que par une autre synthèse passive 20 (transcendantale) propre à la mémoire • » Nous sommes
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C'est ici que point la nécessité du retour d'un futur inconditionné, cependant qu'il garantit le trouble de la condition du passé, et de son conditionné au présent. Ni fondation, non n10ins que fondement, une troisièn1e synthèse advient en s'affirmant bien plus con1me véritable principe d'effondrement, étant même He/fondement universel". Au tern1e échu de tout labyrinthe, à la porte close d'une redondance des deux premières répétitions survient donc une ultime et dernière répétition venant casser l'ordre de la survenance de tout grippage d'effectuation des deux premières synthèses. Affinnant un Moi dissous et un Je fêlé, la troisième synthèse comn1e différence, répète la répétition: c'est l'éternel retour de l'avenir, dont passé et présent ne sont plus à leur tour que des dimensions, tandis que la représentation tend à se boucler. Mais dans cette dernière répétition, « le présent n'est plus qu'un acteur, un auteur, un agent destiné à s'effacer; et le passé n'est plus qu'une condition opérant par défaut. La synthèse du temps constitue ici un avenir qui affinne à la fois le caractère inconditionné du produit par rapport à sa condition, l'indépendance de l' œuvre par rapport à son auteur ou acteur »25. Force et puissance de détournement ou de trahison, l'éternel retour reprend, affirme, sélectionne, et paradoxalement, à la pointe de toute nouveauté, double toute actualisation en son ombre dans la fantasmatique d'un simulacre, faisant ainsi que tout le nouveau ne se dise étrangement que du reproduit et du simulé. Si cette ultime répétition de l'éternel retour contient peut-être avec elle toutes les clés de lecture de
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2. Deux temps, Aiôn et Chronos.
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Un an après la parution de Différence et répétition (1968) parait Logique du sens (1969)27, Si le montage temporel qui s'agence dans Différence et répétition distingue trois moments de la temporalité en trois synthèses distinctes, Deleuze, se situant ici à l'aune de la conception stoïcienne du temps, ne dégage plus que deux ordres différents du temps s'organisant dans une lecture duelle, le temps de Chronos et celui d'Aiôn: «Non pas trois dimensions successives, mais deux lectures simultanées du présent. 28 » Si cette lecture est duelle, c'est que Chronos et Aiôn sont deux temps flirtant avec une limite indiscernable, une frontière au bord de laquelle, s'ils se distinguent, se confondent cependant, s'impliquant et s'excluant mutuellement, s'enveloppant et s'exprimant l'un l'autre sur la grande ligne de l'éternel présent. C'est d'ailleurs depuis cette dualité foncière que Deleuze reconnaît la grandeur de la pensée stoïcienne qui est, à son sens, « de montrer à la fois la nécessité des deux lectures et leur exclusion réciproque »29 ; deux lectures du temps pour deux temps nécessaires, indiscernables mais distincts, se donnant et se repoussant à la fois et se côtoyant dans cette exclusion articulée, Comment se déroule cette double lecture autour de ces deux figures temporelles que sont Chronos et Aiôn et qui assure leur nécessité interne?
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27 Sur l'analyse de cette contemporanéité, cf. Michel Foucault, « Theatrum Philosophicum », in Critique, nO 282, novembre 1970, Paris, Minuit, pp. 885-908. 28 Logique du sens, op. cit., p. 14. Pour éviter tout malentendu, on rappelle néanmoins que la triple synthèse du temps de Différence et répétition agit de façon simultanée. 29 Ibid., p. 77.
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Quels sont ces temps qui tout en étant distincts delneurent toutefois indiscernables? Chronos, temps de l'incarnation des corps et de leurs causes dans le présent éternel est le ten1ps de leur action en tant qu' effectuation. Ce en quoi le présent est qualifié sous Chronos d'être «en quelque n1anière corporel »30. En tant que présent et mesure de l'action des corps, ce tenlps est litnité. Mais en tant qu'il est contraction en un seul et mêlne présent du passé et du futur qu'il rasselnble dans une ronde des présents vivants et enlboîtés, il est infini parce que cyclique inaugurant par là Inênle «un éternel retour physique comme retour du Mêlne »31. Tout en étant pas illimité, Chronos, pour qui seul le présent existe et dont chaque présent vaste et épais habite ses profondeurs, n'en est donc pas moins infini. Et il y a un tout autre ten1ps surgissant contre l'ordre des profondeurs et excluant Chronos, l'Aiôn des surtàces, pur infinitif, temps neutre et impassible. Non plus des corps et non Inoins des causes, Aiôn est le temps des événements-effets lancés à la poursuite illin1itée d'un passé et d'un futur esquivant le présent. Instant sans épaisseur et sans extension, Aiôn vient pervertir et subvertir Chronos. En effet, alors que passé et futur se résorbent dans le présent variable de Chronos dont ils demeurent deux dimensions relatives, ils se déchaînent désormais sous l' Aiôn à insister dans le présent en le subdivisant à l'infini, et ce dans les deux sens à la fois (passé et futur), déroulant ainsi le cercle de Chronos en une pure ligne droite du temps. Mais si l' Aiôn est illimité par le caractère essentiellement illimité du passé et du futur qui le hantent,
Deux temps, Aiôn et Chronos
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L'Ill' ~vénement. Mais tel Janus, il possède une double Il,ltun: le faisant passer à la limite des corps, un quelque hOH' 4ui ne passe pas en lui, qui ne s'effectue pas, et qui, ',III ses bords, persiste à le faire insister sous l'Aiôn - sa l',lIt J'incorporel, sa contre-effectuation. L'événement Il \:st Jonc jamais ce qui se passe mais bien plutôt un dC\'\.=l1ir illimité comme tel, devenant et devenu, toujours ks deux à la fois, double et doublé. Autant Chronos permet à l'événement de " 'i lH.:arner dans les corps dans le présent de son dkctuation, autant Aiôn persiste à le subdiviser selon un l';\Ss~ et un futur esquivant tout présent, arc-boutant son l'Ill:ctuation selon la partition d'une éternité paradoxale li ui transmute l'événement à la pointe de sa contrel'Ilectuation, « toujours dédoublé en passé-futur », « étant Impersonnel et pré-individuel, neutre, ni général ni particulier, eventum tantum ... »37. C'est précisément par l'l'He structure double de tout événement que chaque l'v~ncment est du type la "mort" qui, comme le note Deleuze à l'appel de Blanchot, est « à la fois ce qui est dans un rapport extrême ou définitif avec moi et avec mon corps, ce qui est fondé en moi, mais aussi ce qui est sans rapport avec moi, l'incorporel et l'infinitif, l'impersonnel, ce 4 ui n'est fondé qu'en soi-même »38. Ainsi, entre un pôle d~tinitif et un pôle infinitif, entre le corporel et l'incorporel, se joue le double accomplissement d'un seul et même événement, une effectuation et une contreeffectuation par lesquelles « chaque événement est comme la mort, double et impersonnel en son double. 39 » Quel sibyllin secret, libérant toutes les violences du temps, peut
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Pour autant alors que « la maladie et la mort sont l'événement lui-même, comme tel justiciable d'une double causalité »43, c'est finalement par cette double causalité que l'événement va pouvoir se sauver, par le double que s'opère une libération engageant une véritable éthique du mime où l'événement n'est plus copie mais simulacre, pur infinitif de l'événement assurant sa fondation à la pointe d'un effondement, «être le mime de ce qui arrive effectivement, doubler l'effectuation d'une contreeffectuation, (... ] c'est donner à la vérité de l'événement la chance unique de ne pas se confondre avec son inévitable effectuation, (... ]. Autant que l'événement pur s'emprisonne chaque fois à jamais dans son effectuation, la contre-effectuation le libère, toujours pour d'autres fois »44. Ce "double et impersonnel en son double" par lequel l'événement figurait comme la mort laisse donc poindre en définitive à la lisière de l'apparition de cette impersonnalité pré-individuelle le surgissement de la splendeur du «on ». C'est l'écho de la plus pure singularité qui devient comme tel le point où « la mort se retourne contre la mort [... ] figure que prend la vie la plus singulière »45, une ligne de l'événement qui est que «jamais personne ne meurt, mais vient toujours de mourir et va touj ours mourir, dans le présent vide de l' Aiôn, éternité »46. Et la crainte d'une perte du gain de l'advenir se dissout par l'Aiôn. Aiôn qui se nomme aussi "joueur idéal" et dont le jeu est d'affirmer le hasard à tous les coups et pour tous les coups, événement unique et singulier distribuant aléatoirement sous la flèche du temps
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nous faire comprendre cette incartade moribonde? Sous quels signes de quelles cicatrices est-il déchiffrable? C'est semble-t-il sous la marque du secret de l'événement que Deleuze entrevoit la possibilité de sauver sa fondation: « Voilà le secret de l' événenlent : qu' il soit sur l' Aiôn et pourtant ne le relnplisse pas. Conlnlent l'incorporel renlplirait-il l'incorporel, et l'impénétrable l'ilnpénétrable ? Seuls les corps se pénètrent, seul Chronos est relnpli par les états de choses et les nlouvelnents d'objets qu'il mesure. Mais fonne vide et déroulée du tenlps, l'Aiôn subdivise à l'infini ce qui le hante sans jalnais l'habiter, Événement pour tous les événenlents; c'est pourquoi l'unité des événenlents ou des effets entre eux est d'un tout autre type que l'unité des causes corporelles entre elles. 40 » De la même manière que se distinguent deux tenlps selon lesquels l'événenlent se diftt'acte à l'infini, il existe une double causalité distincte, entre l'intériorité des causes et l'extériorité des effets, entre l'ordre des profondeurs conlnle rapports des causes entre les corps et celui des effets incorporels entre eux et qui se répartissent à la surface comme quasi-cause, Cette rupture de la relation causale est pour Deleuze « une des plus grandes audaces de la pensée stoïcienne »41. Elle inaugure une disjonction entre le présent de l'effectuation comme cause dans l'incarnation des corps et celui de la contre-effectuation comme quasi-cause qui n'est plus présent de l'incorporation mais de l'opération pure, « encore que la quasi-cause elle-même manque à sa propre identité »42.
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Véronique Bergen, L'ontologie de Gilles Deleuze, Paris, Ed. L'Harmattan, 2001, p. 274. 52 Sur le thème de la bouche et de l'oralité dans Logique du sens, nous ème renvoyons notamment à la 27 série jusqu'à la 3ime série (pp. 217267), ainsi qu'à l'article de Michel Foucault, « Theatrum Philosophicum », op. cit. 51
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Ibid., p. 76. 48 François Zourabichvili, Deleuze - Une philosophie de l'événement, Paris, P.U.F, 1996 (1 ère éd., 1994), p. 92. 49 Jacob Rogozinski, « La fêlure de la pensée », in Magazine littéraire na 257, septembre 1988, p. 47. so Cf. Gilles Deleuze, L'Image-temps, Paris, Minuit, 1994 ( 1ère éd., 1985), p. 36.
bien sur le plan des propositions, des mots et des choses que sur celui de l'événement: l'actuel et le virtuel. Œuvrant potentiellement à l'apparition des séries qui dans la dualité temporelle où elles s'agrègent, toujours de part et d'autre de la fêlure du "Je", permettent d'opérer la montée du sans-fond du sens et de l'événement à la frontière où ils s'articulent, virtuel d'une contrecffectuation pour l'actuel d'une incarnation, le schéma deleuzien n'en finit pas de repositionner le couple actuelvirtuel « à partir de sa courbure stoïcienne »51, toujours les deux ensemble. Pour ne pas rester bouche s2 bée, béante et béate, béante au phantasme et béate à l'événement, coi de tout mot et de toute signification, le Je fêlé, bouche par laquelle le sens ne passe plus, est renvoyé à un sans-fond qui fibrille pourtant admirablement à la surface des corps; ce n'est plus Moi, c'est l'Autre. Où à défaut d'autre, le Je glisse sur les déferlements de la scission, sur les bords menus et risqués d'une conscience paralysée se scindant dans la forme pure et vide du temps, mimant l'événement selon les deux faces d'une glace impénétrable - Aiôn. Car l'Aiôn, s'il embrase l'ensemble des séries dans le revenir, demeure aussi la frontière du pur instant qui scinde l'événement en effectuation et contre-effectuation, différencie les plans d'expressions entre les propositions et les choses, assure la frontière indiscernable de l'actuel et du virtuel, mime et redouble la doublure et fait qu'advient la plus pure singularité: il est « exactement la frontière
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la pensée définissant bon sens et sens commun qui se présuppose elle-même et le "vouloir-obtenir" d'une image du temps se redoublant dans le phénomène du regard au travers de la vision dans le cristal de temps, cela force à s'arrêter à l'inspiration bergsonienne de la philosophie deleuzienne, et plus précisément à ce couple conceptuel actuel-virtuel, affirmant désormais la philosophie comme théorie des multiplicités que Deleuze inaugure principalement avec l'ouvrage sur Bergson, qu'il commente, ramifie et développe, pour ne pas dire reproduit 58 •
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Eric Alliez, « Sur le bergsonisme de Deleuze », in Gilles Deleuze, une vie philosophique, op. cil., p. 259. 62 Au point de lui voir attribué par exemple le nom d'« ontologie du virtuel ou matérialisme du virtuel », Eric Alliez, « Sur la philosophie de Gilles Deleuze: une entrée en matière », in Rue Descartes nO 20, op. cit., p. 49. 63 D(fférence et répétition, op. cit., p. 272.
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« comme si l'ef?!ànt monstrueux né de la problématologie bergsonienne n'était autre que Deleuze lui-même dans sa conceptologie métamorphosante »61.
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de l'histoire de la philosophie comme assimilation nonmétaphorique à un devenir permet à Deleuze de développer un jeu de masques travestissant des auteurs qu'il choisit de conlnlenter. Mais peut-être que le terrible et fallleUX "enfant dans le dos" qu'il tente de faire à chacun des auteurs auxquels il consacre une 1110nographie se retourne ici COlllme en son double, comme en son dos,
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Eric Alliez, Deleuze philosophie virtuelle, Le Plessis-Robinson, Ed. Synthélabo, 1996, pp. 12-13. 73 Gilles Deleuze, Le Pli - Leibniz et le baroque, Paris, Minuit, 1988, ~. 142. 4 Logique du sens, op. cit., p. 196.
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François Zourabichvili, Deleuze - Une philosophie de l'événement, op. cil., pp. 89-90. 70 Différence et répétition, op. cil., p. 273. 71 L '/rnage-temps, op. cil., p. 109.
mouvement de "désubstantiation" et de "problématisation" de l'histoire de la philosophie opérée par Deleuze sous le nom de déterritorialisation, si virtualiser, ainsi que le montre Pierre Lévy, consiste avant tout à transformer « l'actualité initiale en cas particulier d'une problématique plus générale, sur laquelle est désormais placé l'accent ontologique. Ce faisant, la virtualisation fluidifie les distinctions instituées, augmente les degrés de liberté, creuse un vide moteur» ... Tout se passant comme si la déterritorialisation deleuzienne élevait les "auteurs" à la puissance de fluctuants nœuds d'événements qui s'interfacent et s'enveloppent réciproquement sur un seul ct même plan d'immanence »72. L'accent plotinien d'une série des puissances, émis selon un seul empirisme radical et transcendantal, laisse malgré tout la virtualité comme une entité entièrement déterritorialisée dont l'actuel, perpétuel double inaffectable et cependant toujours enté sur le présent, devient fantomatiquement image en miroir, reflet sans épaisseur. Cet écho de l'indiscernabilité liant l'Aiôn au Chronos résonne comme la promesse permanente de tout événement s'échappant sur la ligne d'actualisation-virtualisation dans sa «part muette et ombrageuse [... ] qui s'en soustrait »73, cet excessif de l'événement qui ne peut être « effectué sans ruine»74 quand "tombe la foudre du réel qui vient scinder le maintenant", l'Instant ou le Nûn néo-platonicien en deux jets dissymétriques.
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L'actuel et le virtuel, l'Un et le Multiple
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81 Alberto Gualandi, Deleuze, Paris, Les Belles Lettres, 1998, p. 88. 82 Jean Luc Nancy, « Pli deleuzien de la pensée », op. cit., p. 119. 83 L'Image-temps, op. cit., p. 223, cité in Alberto Gualandi, op. cit., p. ü
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84 Alain Badiou, Deleuze-La clameur de l'être, op. cit., p. SO. 85 Gilles Deleuze - Félix Guattari, Qu'est-ce que la philosophie ?,
fondamentalement l'intuition qui en reste, le Trois comme autre coup de dés du hasard ne se laisse pas appréhender sous la forme univoque de l'Un qui voudrait unifier le mouvement? Car, en suivant l'analyse de Badiou, « même successivement pensé comme distinct du possible, absolument réel, complètement déterminé et partie stricte de l'objet actuel, le virtuel ne peut s'ajuster, comme fondement, à l'univocité de l'Être-Un. Au fur et à mesure que Deleuze tente de l'arracher à l'irréalité, à l'indétermination, à l'inobjectivité, c'est l'actuel ou l'étant, qui s' irréalise, s' indétermine et finalement s'inobjective, puisqu'il se dédouble fantomatiquement »86. Et de rajouter ainsi à une critique qui pourrait sembler définitive: « Dans cette trajectoire de pensée, le Deux s'installe au lieu de l'Un. Et quand pour sauver malgré tout l'Un, il faut en venir à un deux impensable, à une indiscernabilité sans remède, à la métaphore conciliante et obscure de « l'image mutuelle », on se dit que décidément le virtuel ne vaut pas mieux que la finalité, dont il est l'inversion »87. Est-ce que finalement, comme le note Alberto Gualandi, « entre la doctrine de l'Être et la doctrine de la pensée le problème de la finitude humaine ne s'insère-t-il pas de nouveau? »88 À déférence de toute solution momentanée, pointillé de questions soulignant pour l'instant l'inextricable richesse convolant en terre deleuzienne, malgré l'ensemble des difficultés qu'elle présente, peutêtre uniquement sous-tendues par la résistance interne d'un système de la représentation dont il faudrait finalement prendre la marge pour s'assurer de toute \ (
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se démène, si ce n'est au nécessaire recours à la croyance où l' impensé s'éprouve comme pensée, y croire comme à l'impossible, à l'impensable qui pourtant ne peut être que pensé: « Du possible, sinon j'étouffe!» s'exclamait Kierkegaard. En définitive, au-delà de la conservation du système de la différence, on peut se delnander, en suivant l'idée d'Alain Badiou, si l'indistinction fondatnentale dont bénéficie le binônle de l'actuel et du virtuel ne tombe pas en désuétude puisque « la détennination cOlnplète du fondelnent comme virtuel inlplique une indéternlination essentielle de ce qui est fondé », ce qui « désoriente nécessairement toute détennination intuitive »84. Flouée dans les deux sens que détennine l' Aiôn, l'orientation deleuzienne l'est; temps ordinal qui ne règle plus l'orientation selon les justes points cardinaux, l'actuel est rendu au virtuel et réciproquement, « pour conjurer le double spectre de l' équivocité et de la dialectique» offrant certainement une équivoque de plus à la prise en charge de la tenlporalité dans le système deleuzien, un Aiôn pour un Chronos, un actuel pour un virtuel, dualité endémique et isonl0rphique diffractant l'Un sur le multiple et déjouant la triple temporalité de D!fférence et répétition. Une défaillance pointe voulant assimiler le modèle du multiple dans un mouvement ininterrompu depuis son élan vital, parce que chaque fois que l'on arrête le mouvement, « la transcendance descend, elle en profite pour ressurgir, rebondir, ressortir »85. N'est-ce pas là que, comme l'Un ne se laisse pas saisir sous le nom de l'actuel et du virtuel sans "diffamer" un Deux qui cependant demeure
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combinaison de l'Un et du Multiple n'arrivant en aucune manière selon Deleuze à éviter le risque de sombrer dans un dualisme apodictique. Car si elle est la pensée la plus usée de l'occident, elle échoue fondamentalement à rendre compte de tout réel changement de nature par degrés de différenciations, les confondant avec des divisions successives comme entrelacs d'une dialectique des potentialisations par degrés : « En vérité, c'est la catégorie de multiplicité, avec la diftërence de nature qu'elle implique entre deux types, qui nous permet de dénoncer la mystification d'une pensée qui procède en termes d'Un et de Multiple 93 » car « l'un et le multiple sont des concepts de l'entendement qui forment les mailles trop lâches d'une dialectique dénaturée, procédant par opposition94 • » Ce à quoi il faut donc parvenir ressemble à la "!<Jfmule magique" inspirée de Bergson s'écrivant telle que « pluralisme = monisme »95. Mais de la même manière qu'ils sont indiscernables, l'actuel et le virtuel se distinguent qualitativement, cependant qu'ils sont tous deux tout aussi réels; il n'y a pas une multiplicité Une, mais des types de multiplicités. Il existe donc une multiplicité quantitative homogène tournée sur la face de l'actuel et une multiplicité qualitative hétérogène qui correspond à la face entière des virtuels, qui ne peut-être que différentielle, différenciante et intensive, de nature perpétuellement changeante, chacune à son tour et ensemble répondant à l'univocité de l'Être. Cette « seule (>ntologie réalisée »96 entonne son chant d'une « seule et
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Gilles Deleuze in Jean-Clet Martin, Variations-La philosophie de Gilles Deleuze, op. cit., préface, p. 7. 90 « L'actuel et le virtuel », op. cit., p. 179. 91 Ibid. 92 DttTérence et répétition, op. cit., p. 274.
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validité d'une saisie philosophique, tout risque en vittualité entraîne avec lui à se perdre peu à peu à l'indistinction fondamentale augurant de l'hétérogène. C'est précisément à ce point que le virtuel qualifie du même fait un type particulier de multiplicité pouvant tenter Phétérogenèse (projet définissant la tentative deleuzienne) et son échappée, rencontre d'un milieu par lequel va s'actualiser le virtuel dans la conflagration d'un autre enselnble de virtualités: « [... ] le système ne doit pas seulenlent être en perpétuelle hétérogénéité, il doit être une hétérogenèse, ce qui, il nle semble, n'a jamais été tenté »89. Ce déploiement du système comme hétérogenèse s'inscrit en droite ligne d'une théorie des multiplicités et d'une philosophie bergsonienne de la diffërence. C'est ainsi que si « la philosophie est la théorie des multiplicités »90, chaque nlultiplicité « inlplique des éléments actuels et des élénlents virtuels »91. Retenant donc toujours de Bergson le principe de la division où le tenlps en tant qu'il est une grandeur intensive ne se divise pas sans changer de nature, Deleuze impulse aux séries du système la nécessité d'une refonte de la pensée de l'Un et du Multiple. En effet, l'effectuation propre au virtuel induit dans sa traîne la notion nlênle de multiplicité selon le procédé de l'intensification: « s'actualiser, pour un potentiel ou un virtuel, c'est toujours créer les lignes divergentes qui correspondent sans ressenlblance à la multiplicité virtuelle »92. Ce qu'à tout prix la Inultiplicité tente de résorber est donc les faux décalques d'une
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Ibid., p. 13. Ibid., p. 18. 105 Mille plateaux-Capitalisme et schizophrénie 2, op. cit., p. 36. 106 Mireille Buydens, « La forme dévorée. Pour une approche deleuzienne d'Internet », in Thierry Lenain (dir.), L'image: Deleuze, Foucault, Lyotard, Paris, Ed. Vrin, 1997, p. 54. \03
Gilles Deleuze, « L'immanence: une vie ... », in Philosophie nO 47, Paris, Minuit, 1995, p. 6. 100 Afille plateaux-Capitalisme et schizophrénie 2, op. cit., p. 13. lOI Ibid., p. 14. 102 Ibid., p. 31.
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lequel de ces points « peut être connecté avec n'importe quel autre, et doit l'être »\03. Non structural et non génératif, le rhizome devient un concept antigénéalogique, perpétuellement acentré, assignifiant et toujours déplacé. Ce n'est pas un objet de reproduction mais bien plutôt une antimémoire qui fait du mimétisme « un très mauvais concept, dépendant d'une logique binaire »104. Qu'en est-il alors du mime stoïcien qui venait doubler l'événement? Y aurait-il une double théorie du double deleuzien? Comment à la pointe de cette "antimimologie", malgré la différence terminologique à laquelle elle s'applique, rendre compte de l'hétérogène qui se différencie alors qu'en son temps elle assurait précisément sur la ligne de fuite de l'événement sa toujours contre-effectuation, seule garante de la survenue de la singularité et de l'individuation? Bref, que se passe-t-il de Logique du sens à Mille Plateaux? À l'image de l'entreprise humienne, le principe de connexion inaugure une philosophie des relations, tels les principes relationnels des propositions de Logique du sens. Cette géographie des relations, des calques, pas des cartes, consacre une logique du « ET» qui destitue le fondement : « assez de force pour secouer et déraciner le verbe être »105. Mais si le premier principe connectif et d'hétérogénéité du rhizome « agglomère de l'hétérogène à l'hétérogène, sans qu'aucun ordre ne vienne canaliser la survenance des connexions »\06, comment néanmoins
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L'actuel et le virtuel, l'Un et le Multiple
lnêlne voix pour tout le multiple aux mille voies, [... ] une seule clameur de l'Être pour tous les étants »97, cependant que « l'Être, ou le Temps, est une multiplicité; mais précisénlent, il n'est pas ""multiple", il est Un, conformélnent à son type de multiplicité98 » puisque P« Un est toujours l'indice d'une multiplicité »99. À ce point de divergence, seul garant de toute véritable hétérogenèse, pensant contre toute hiérarchie et dichotonlie, il fàut se pencher sur le concept de rhizome que forge Deleuze avec Guattari dans Jvfille plateaux. Car le lnultiple ne doit pas simplement se dire, il ne doit pas être un nOln, nlais toujours un substantif, multiplicité; il fàut l'effectuer et le faire, non pas en y ajoutant des dilnensions mais toujours par soustraction, toujours à sa dimension n-l: « Un tel système pourrait être nOlnlné rhizonle lOo .» Les nlultiplicités sont rhizomatiques « et dénoncent les pseudo-multiplicités arborescentes »101. En effet, pour défaire l'ordre péremptoire de la structure classique des grands systèmes dialectiques se développant selon une verticale arborescente, toujours le mênle schénla séculaire, tronc, arbre, racine, qui induit indéfiniInent des dualismes apostasiés, le rhizonle, à son encontre, se présente comlne une tige dont la progression est horizontale. Il est sans comnlencement ni tin, nlais « toujours un milieu, par lequel il pousse et déborde »102. Ne se laissant ramener ni à l'Un ni au Multiple, n'importe
98 Le bergsonisme, op. cit., p. 87.
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mesurés par un nombre qui se redonde? Mais c'est bien là tout le problème habitant les corrélations de séries divergentes hantées par l'insistance d' un élément paradoxal redondant et redoublant le couplage sériel et différentiel, qu'abritant toute dissymétrie, il soit « à la fois excès et défaut, case vide et objet surnuméraire, place sans occupant et occupant sans place »\\0. C'est somme toute le propre du surnuméraire li' être toujours déplacé et en déplacement, manquant à l'observatoire de l'instant où on l'observe, trublion fiévreux et ténébreux flottant dans l'espace à circonscrire, happant toute prétention à sa reconduction. C'est ainsi dans une triple identité permutable que le monisme en équivalence du pluralisme renvoie l'un au multiple comme il soude et condamne l'actuel en terme d'équation identitaire avec le virtuel, déplaçant toujours plus avant la recherche de l'inégal et du dissymétrique. Pourtant, force est de constater que ce travail au cœur du paradoxe creuse dans l'immanence le lieu que la pensée et l'homme pourraient occuper, en s'affairant à penser justement l'impensé ou l'impensable, un presque "Devenir-Artaud", suggérant qu'il s'agit plutôt d'une illusion d'identité qu'il faut acheminer au sein même de la philosophie deleuzienne. À moins que ce ne soit l'ombre fantomatique d'un autre revers détenninant et fondamental du système deleuzien, chronique d'une mort annoncée qu'aurait pu figer le renversement de la subordination du temps au mouvement mais qui se désaxe pour tomber dans le grand doute de la nécessité que convoque l'ampleur d'un système éthique se rattachant à l'expression du besoin d'une foi? Et que toutes volontés et volitions se résolvent en dernier lieu à se lier à un indépassable moteur { =
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107 Pascal Chabot, « Au seuil du virtuel », in Pierre Verstraeten Isabelle Stengers (dir.), Gilles Deleuze, Paris, Ed. Vrin, 1998, p. 34. \08 Mireille Buydens, « La fonne dévorée. Pour une approche deleuzienne d'Intentet », op. cit., p. 54. 109 Alain Badiou, Deleuze-La clameur de l'être, op. cit., p. 65.
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comprendre les relations entre termes hétérogènes s'il est vrai que ce rapport est avant tout « rapport du nonrapport »107 puisque Deleuze assigne ces termes à un perpétuel déplacement toujours illocalisé et indéterminable? SOlnmes-nous dans la dualité du rapport liant Aiôn et Chronos et que venait délivrer le secret de l'événement? Si la Inultiplicité peut se déployer et arpenter les pentes du sens et de la vie selon une structure trouble et floue, illocalisable et assignifiante, inassignable à un centre, devenue et en devenir et dont les fonnes nlajeures de propagation sont le rhizolne et la série conune « les fonnes organisationnelles de la nlultiplicité »108, retolnbe-t-elle dans le sillage d'une autre identité pour une philosophie se pensant comme non-identitaire? Ce dualislne paradoxal exigeant de déjouer l'identité en la posant cependant en des termes irrévocables et indiscernables, où le jeu de l'actuel et du virtuel éprouve un paradoxe quant à l'univocité de l'être, terme fragile et déterminant, refonde le sol de l'Un conlme unique fondement floué en son sens définitif et invite en effet à concevoir et à penser la multiplicité comme strictement identique à l'Un. Le système de la différence asymétrique n'est-il pas ici défaillant? Car si l'Un deleuzien peut être qualifié d' « Être Univoque », le virtuel de son côté est peut-être à son tour, comme le propose Badiou, « sans aucun doute le principal nom de l'Être »109. N'assiste-t-on pas au bruissement inaudible d'un ratage de l'effectuation d'un surnuméraire en échec ou la réalité d~jouée des
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« L'ordre du monde s'est effondré, aussi bien dans les états du monde qui étaient censés le reproduire, que dans les essences ou Idées qui étaient censées l'inspirer. Le monde est devenu miettes et la chaos. Précisément parce que réminiscence va d'associations subjectives à un point de vue originaire, l'objectivité ne peut plus être que dans l'œuvre d'art: elle n'existe plus dans des contenus significatifs comme états du monde, ni dans des significations idéales comme essences stables, mais uniquement dans la structure formelle signifiante de l'œuvre, c'est-à-dire dans le style. »
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à vide de l'expression, sans conjurer l'ultime risque d'un chaos mettant en branle la totalité des 111ultiplicités dévoilées, étant peut-être le sans-fond propre d'où l'impropre se déchaîne véritablenlent, mais toujours entravé en son devenir par la pronlesse inassouvie du cordon onlbilical d'une croyance dernière, permettant à toute chute, qu'elle soit idéelle ou bien réelle, de l'ânle ou bien des corps, de se prémunir toujours de ce dont on ne se relève pas. La tenlporalîté deleuzienne doit-elle se désavouer d'elle-même ou nl0urir pour, telle chez Bergson, « renaître à l'instant suivant, dans un clignement ou un frisson toujours recomillencé »111? Avant d'avancer quelques éléments de réponse, il faut s'attacher à démanteler les schémas transcendantaux du temps, le nl0ntage temporel deleuzien dans sa fondation première se donnant dans l'usage que fait Deleuze du grand renversenlent des subordinations, de l'observation des révolutions, dont la première place est occupée pour lui par l'inversion du temps comme nombre du mouvement.
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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps
Gilles Deleuze, Proust et les signes, Paris, Ed. P.U.F, 1998 (1ère éd., 1964), p. 134.
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Dans le sans-fond du labyrinthe de la pensée Jcleuzienne se développe comme effet de surface travaillé par l'Aiôn l'impénétrable d'une révolution décisive venant rOinpre l'ordre d'un système dépendant de ses empreintes téléologiques: l'arrêt de la course du temps comme simple nombre du mouvement 112. Cette numération, qualifiant le temps à l'aune de la quantification du mouvement, détermine la principale compréhension antique d'un temps mesurable et chiffrable. Ce sont en effet les mises en récits de type physicaliste que l'on trouve principalement dans l'antiquité qui définissent un être du temps aliénant toute représentation temporelle à l'image indirecte d'un temps perpétuellement donné dans la subordination l'effectuant comme mouvement uniforme, réglé et normatif. Cette détermination révoque ainsi toute possibilité d'une découverte de la subjectivité comme temporalité et comme auto-production. La temporalité physique demeure circonscrite à une pure extériorité observable et ancre le devenir des transformations indicielles d'un temps disruptif et déchaîné qui va vouloir se libérer. Guettant l'abolition des cercles monocentrés épinglant toute pensée au joug d'une représentation héliocentrique, l'espoir d'une libération de cette qualification temporelle rejoint celle li' un homme sans gravité, à l'orbe excentrique des transmutations décentrées. E YE=d
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112 Pour cette partie nous renvoyons principalement à la lecture de Véronique Bergen, L'ontologie de Gilles Deleuze, Part. Il, Chap. « Du t~mps subordonné au mouvement au temps se subordonnant le mouvement », op. cit., pp. 209-227, ainsi qu'à l'ouvrage d'Eric Alliez, !'es temps capitaux, Tome l, Récits de la conquête du temps, Paris, Ed. du Cerf, 1991, Chap. 2, « Le temps de l'audace - Plotin», pp. 63-
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Ibid., p. 68. Véronique Bergen, L'ontologie de Gilles Deleuze, op. cit., p. 210. 119 Saint Augustin, Confessions, Paris, Ed. Les Belles Lettres, 1969 (1 ère éd., 1926), Livre onzième, XX, 26, p. 314. 120 On notera l'écho anachronique des carcans génétiques d'une pluridimensionnalité de la temporalité se développant selon l'actuel et le virtuel chez Bergson, ou bien de ce que Deleuze tente de tenir dans q - o - E t t > U ) e' 6 - g - ' E= ' t
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113 Véronique Bergen citant R. Schürman, Des hégémonies brisées, Toulouse, T.E.R, 1997, p. 197, in L'ontologie de Gilles Deleuze, op. cit., p. 210. 114 Platon, Timée - De la Nature, (37d) in Œuvres Complètes, Vol. Il, (trad. Léon Robin), Paris, Ed. Gallimard, 1950, p. 452. 115 Eric Alliez, Les temps capitaux, T.l, op. cil., p. 70. 116 Ibid., p. 64.
mouvement »117. Ainsi, malgré que le temps reste toujours entaché d'une valeur numéraire, la contre-effectuation plotinienne du temps aristotélicien déplace néanmoins la conception physicaliste d'un temps originaire nombré au mouvement local d'un point mobile, à une subsumption spiritualiste qui le rattache désormais à une vie de l'esprit. Cependant, l'éternité comme principe d'immutabilité et de permanence reste souveraine et dans un au-delà du temps. La subordination de la pensée à l'éternel n'enregistre encore ni véritable changement, ni profonde transformation. Qu'elle soit donc antique ou classique, la conception du temps reste toujours prisonnière d'un vice numéraire. Chez Aristote, elle endure la séquence linéaire d'un maintenant, césure suivant laquelle le philosophe envisage le paradoxe de la constitution de l'existence et du passage du temps. Chez Augustin, elle demeure entravée ct subit l'ordre de la succession des présents, « anciens, actuels et à venir selon l'ordre de l'avant et de l'après »118, même si la conception augustinienne inaugure une première version de l'appréhension d'une simultanéité avec ce qu'il nomme les « présents de présent, présents de futur et présents de passé »"9. Or, si l'inspiration augustinienne présente un cadre généalogique cohérent et satisfaisant à une triple temporalité s'actualisant sur le fil de son présent sans se départir des dimensions virtuelles de son passé proche et de son futur immédiat 120, il apparaît chez Deleuze que cette
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Dans la Physique d'Aristote, le temps ne peut être conlpris sans l'ordre chronologique et péremptoire d'un mouvement définissant la distribution de l'antérieur et du postérieur; dans l'enclave du maintenant, ni antériorité, ni postérité «sans que des instants se succèdent dans un devenir observable »113. NOlnbrant et nOlnbré définissent la quantité extensive représentant le Tout du nlonde restant cette "'ünage mobile de l'éternité" platonicienne du Timée, « à l'éternel déroulement rytlmlé par le nombre» 114. Puis le temps s'intériorise avec Plotin et Saint-Augustin pour nlesurer le mouvement de l'Âme, et non plus celui du Inonde, opérant ainsi une translation de quantité extensive à qualité intensive. Le mouvement mondain s'abroge à une élévation spirituelle, émanation d'une psyché se temporalisant cOlnme premier mouvement d'une autoconstitution du temps, et dessine ce «processus de subjectivation du temps qui devient le premier procès de production »"5. D'ailleurs, la critique plotinienne à l'égard de la physique aristotélicielme se déploie sur fond d'une critique globale de celle-ci en tant que «physique téléocratique du mouvement naturel »"6, confondant en dernier lieu à l'endroit du temps ratio cognoscendi et ratio essendi, et concluant, malgré la simple constatation empirique de l' effectuation du temps dans le mouvement, à «la dépendance dans l'ordre de la connaissance à la subordination dans l'ordre des essences, alors que nulle part, on n'a démontré que le temps était engendré par le
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la triple temporalité faite "Une" des trois synthèses de Différence et répétition. 121 Véronique Bergen, L'ontologie de Gilles Deleuze, op. cil., p. 210. 122 L'Image-temps, op. cil., pp. 354-355.
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« prééminence du présent comme temps de la présence »121 conditionnant une genèse des dimensions respectives du passé et du futur à partir de ce présent prédéterminant, ne fournit définitivenlent qu'une représentation empirique ou nlétaphysique d'une inlage du temps s'éclairant dans L'Image-temps: «Tout ce qu'on peut dire, c'est que 1,Ïtnage-lnouvement ne nous donne pas une image-temps. [... ] D'une part, l'image-mouvement constitue le temps sous sa force empirique, le cours du tenlps : un présent successif suivant un rapport extrinsèque de l'avant et de l'après, tel que le passé est un ancien présent, et le futur, un présent à venir. [... ] d'autre palt, l'inlage-nl0uvenlent suscite déjà une inlage du temps qui s'en distingue par excès ou par défaut, par-dessus ou par-dessous le présent conlme cours empirique: cette fois, le temps n'est plus mesuré par le nlouvement, Inais est lui-Inême le nombre ou la mesure du mouvement (représentation métaphysique). [... ] sous l'un ou l'autre aspect, le temps ne se distingue ainsi du nlouvement que comme représentation indirecte»122. Le tenlps est finalement toujours saisi d'une façon indirecte, c'est-à-dire indéfiniment enclin à être une mesure du mouvement ou bien le lnesuré du mouvement, nombrant ou nombré demeurant conlme double détermination reconduite de tous les ratages à envisager le temps dans sa "chair". Qu'il soit donc un temps extériorisé dans un dehors du cosmos et du monde ou bien qu'il subodore le dedans d'une intériorité de l'âme et du mouvement de son expansion, il n'en reste pas moins subordonné à la géométrie cardinale
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"difficulté" de Plotin à saisir l'idée que la mesure est dans la chose mesurée et entraîne un rapport de réciprocité. En ddinitive, c'est l'être du temps qui échappera à la ddinition, comme on le disait déjà du mouvement réel, ce temps dont on affirme tour à tour qu'il est ce qui mesure et ce qui est mesuré, alors que ce sont là de toute évidence deux propositions inverses (enhellagmenos) l'une de l'autre »126. Cette double référence conceptuelle, sous-tendant l'inversion des valeurs théoriques d'une raison enclavée à tlne représentation physique du monde, résonne comme le revers propositionnel inhérent à la duplicité des concepts de l'actuel et du virtuel. Ceux-ci restaient effectivement dans une certaine mesure fondamentalement "bloqués" dans une « analytique de l'indiscernable »127, au creuset de l' indistinction. Hérités et répercutés de la même manière de l' Aiôn au Chronos stoïcien tant qu'à l'actuel-virtuel hergsonien et que nous envisagions précédemment en l'espèce de la possibilité d'une critique formulée par 1\adiou comme défaillance fonctionnelle. Cependant, audelà de cette hyperbole théorétique voyant s'accomplir la "répétition du même" au niveau de schème précurseur de l'intellect, condamnant d'emblée toute révolution possible de la pensée en son sein en scellant le mouvement réflexif ;'l s'arc-bouter aux limites des mêmes points nodaux souffrant à la pensée du paradoxe, c'est toutefois depuis cette "défaite" que Deleuze se tourne vers Kant. Celui-ci inaugure à son sens le véritable renversement d'une temporalité éparpillant littéralement à l'aune de sa révolution copernicienne ce temps qui restait coudé et crucifié comme temps de la représentation et de la or
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C'est par le truchement de la formule du Hamlet de Shakespeare « the time is out of joint! » ou « le temps est hors de ses gonds»128 que Deleuze exprime le grand renversement opéré par Kant. En sa poétique kantienne, cette formule souligne le dérèglement d'un temps affolé et délivré du mouvement lui permettant de libérer ses puissances et de s'affranchir des formes majeures l'assignant jusqu'alors à une virulente dépendance, Dieu, Moi, Monde; formes dans lesquelles il restait jusqu'alors enclavé et prisonnier. L'emploi de la formule dont l'usage est cher à Deleuze ne sert pas à faire dire autre chose au texte que ce qu'il dit, mais à révéler différemment ce qu'il sous-tend fondamentalement. C'est la puissance d'une image à l'allure travestissante qui use comme d'un masque et dont l'énoncé se fait double des virtualités qu'il recèle, formant ainsi que l'écrit Jean-Clet Martin cette «lignée souterraine avec d'autres textes» comme « série de lignées propres à reformuler les concepts» et qui « creuse une zone d' indiscernabilité entre tous les usages d'un terme en variation continue »129. Le temps sort de ses gonds signifie donc littéralement que l'axe de l'éternel selon lequel le temps demeurait courbé se déplie. Déroulant et déployant la cardinalité le long d'une pure ligne droite brisant le cercle, le temps se lance à la conquête d'un régime ordinal. Il n'est ainsi plus dérivé ni E
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128 Gilles Deleuze, « Sur quatre formules poétiques qui pourraient résumer la philosophie kantienne », in Critique et Clinique, Paris, Minuit, 1993, p. 40. Cf. aussi Différence et répétition, op. cit., p. 119. 129 Jean-Clet Martin, Variations - La philosophie de Gilles Deleuze, op. cit., pp. 75-76. Sur la formule, consulter également le texte de Deleuze, « Bartleby ou la formule », in Critique et Clinique, op. cit., pp. 89-115.
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L '[mage-temps, op. CI., 't p. 57 . Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, Livre Il, Analytique des principes, Chap. Il, troisième section, 3, « Les analogies de l'expérience », Première analogie, Paris, P.U.F, 1986 (1 ère éd. 1944), 177-182. 32 « Sur quatre formules poétiques qui pourraient résumer la philosophie kantienne », op. cit., p. 42. 133 Peter Pal Pelbart, « Le temps non-réconcilié », in Gilles Deleuze, une vie philosophique, op. cit., p. 93. 131
l' 'est bien de cela dont il s'agit depuis l'antiquité, que le \L'mps soit centré autour de l'axe de ses «centres de n:'volution du mouvement même, d'équilibre des forces, de gravité des mobiles, et d'observation pour un spectateur l'apable de connaître ou de percevoir le mobile, et d'assigner le mouvement »134. Le temps se subordonne lh Hle le mouvement, temps qui ne "rime" plus selon llülderlin, mais se distribue selon une fêlure indivise, Iilrtne du changement qui ne change pas, «distribution purement formelle de l'inégal en fonction d'une r~sure »135. Cette nouvelle forme du temps nécessite d'autres d~tcrminations. Car cette instance formelle autonome i Ilaugure un "profond mystère" qui marque la forme de ce qui change sans pouvoir à son tour changer, au risque d'être à nouveau renvoyé à la succession. La nouvelle définition d'un temps kantien décrochant proprement le temps du mouvement redéfinit donc par-là même la notion de mouvement, alléguant celui-ci à ne plus être la simple L'valuation d'une extension physique dans l'espace mais le corrélant à la forme du changement dans le temps. « Tout ce qui se meut et change est dans le temps, mais le temps lui-nIème ne change pas, ne se meut pas, pas plus qu'il Il' est éternel. Il est la forme de tout ce qui change et se meut, mais c'est une forme immuable qui ne change pas. 136 » Mais l'immuabilité ne peut ici en aucun cas faire L'cho à l'éternel ni déterminer le temps selon le principe de l'éternité puisque ce dernier est plutôt « la forme de ce qui . J =
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onglnaire, déterminations qui Inaintenaient sa subordination avec le mouvement, mais devient le temps le plus ordinaire, banal et quotidien; avec Kant, «le mouvement aberrant est devenu le plus quotidien, la quotidienneté même, et ce n'est plus le telnps qui dépend du lllouvement, mais l'inverse ... »130. L'apport kantien fondanlental est donc de rompre l'axe définitionnel encerclant le temps sous la succession, la simultanéité et la pennanence. À partir de la Critique de la raison pure 131 et ses analogies de l'expérience, ce ne sont plus que des modes de la temporalité. Mais si les analogies de l'expérience kantienne récusent en dernier lieu ce qu'elles promettaient de faire advenir en leur temps, il n'en reste pas moins que désormais, dans le vertige d'une oscillation, le temps devient pure forme rapportant les éclats du tenlps, durée, série, ensemble, à être des cOITélats décousus sous le fil de la ligne droite du temps. Il ne peut plus être à présent question de « définir le temps par la succession, ni l'espace par la simultanéité, ni la pernlanence par l'éternité »132. L'expression du "Prince du Nord" lâche donc pour Deleuze les véritables puissances significatives d'un temps concaténé jusqu'alors à un mouvement hiératique et permet ainsi des mouvements aberrants, désaxés. Cela donne un temps rendu à lui-même et libéré «du mouvement centré autour de son axe »133 puisque 130
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Illl"mclle suivant laquelle l'esprit s'affecte lui-même, [... ]. l' n'est pas le temps qui nous est intérieur, [... ] c'est nous qlli sommes intérieurs au temps, et à ce titre toujours ,.l'parés par lui de ce qui nous détermine en l'affectant »140 ct. « la seule subjectivité, c'est le temps, le temps nonlltl"onologique saisi dans sa fondation, et c'est nous qui \ommes intérieurs au temps, non pas l'inverse. [... ] Le tl'mps n'est pas l'intérieur en nous, c'est juste le contraire, "intériorité dans laquelle nous sommes, nous nous Illouvons, vivons et changeons. [... ] La subjectivité n'est l;tmais la nôtre, c'est le temps, [... ] lui-même, pure \ irtualité qui se dédouble en affectant et affecté, "l'affection de soi par soi" comme définition du tl'mps »141. Pris dans un double jeu autour d'un sujet scindé ct creusé au-dedans avec le temps comme seule forme ddcnninable de ce qui peut exprimer mon existence Indéterminée, "Je" flirtant aux bords d'une scission tl'mporelle comme forme même de l'intériorité et l'onditionnant le seuil de notre fêlure, le sujet transcendantal kantien ayant cassé la chaîne des divisions spatiales qui épuisait en la figure d'un dualisme cartésien un "'Moi" s'équivalant dans le temps en définissant le rebut exigu d'une subjectivité passive, me sépare de moimême dans l'acte de synthèse transcendantale sous le fil du temps. L'affinnation deleuzienne d'une séparation moïque sous l'égide formelle du temps réitère donc la ditférenciation capitale d'un sujet d'inspiration kantienne pris entre la passivité d'un Moi emporté dans la fonne du changement et l'activité d'un Je assurant sous la fonne de l'immuabilité l'action synthétique d'une conscience effectuant la synthèse entre passé, présent et futur : « Le Je (
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142 « Sur quatre formules poétiques qui pourraient résumer la philosophie kantienne », op. cit., p. 43. 143 L'Image-temps, op. cit., p. 174. 144 Diffërence et répétition, op. cit., p. 178. 145 Ibid., p. 180.
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nonobstant cet écueil kantien aboutissant finalement à inféoder toute libération entre-aperçue au joug d'une pensée représentative, cette défaillance n'apparaît-elle pas finalenlent comme «le paradignle de toute défaillance philosophique »148 7 En effet, si la décardinalisation rompue d'une temporalité désonnais "hors de ses gonds" réapparaît plus tardivement au cinélna dans L 'lmagetemps pour désigner la présentation d'un temps à l'état pur d'une inlage-tenlps « "transcendantale" au sens que Kant donne à ce mot »149, comment retrouver l'axe de la luéthode de Deleuze 7 De quelle manière l'usage du transcendantal se justifie-t-il 7 Quelle est donc cette singulière puissance d'un temps rhizomatique ranlifiant les envolées du système deleuzien et les délocalisant par suite cornille un retour concentrique illimitatif schizoïde en cette « dérive généralisée »150 7
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psychologique »157, hypostasiant par-là même tout champ transcendantal depuis les formes reconnues et reconnaissables d'une expérience sensible. Aussi le transcendantal kantien reste-t-il concaténé à l'orbe d'une pensée représentative à ne pouvoir dégager que les conditions d'une expérience possible et non celle d'une expérience réelle, minant en ce principe de production aliéné toute l'esthétique transcendantale qui se trouve dès lors scindée en deux divisions insurmontables, et se diffracte au seuil de cette irrésolution principielle en «deux domaines irréductibles, celui de la théorie du sensible qui ne retient du réel que sa conformité à l'expérience possible, et celui de la théorie du beau qui recueille la réalité du réel en tant qu'elle se réfléchit d'autre part »158. C'est par cette condamnation d'un rendez-vous "manqué" avec le transcendantal que Deleuze marque la nécessité d'y remédier par la mise en place de ce qu'il nomme un empirisme transcendantal. Si de prime abord la formule peut sembler provocante ou paradoxale, c'est que cet "effet" répond précisément de l'illusion dans laquelle la philosophie s'est entretenue par l'ignorance ou la méconnaissance de cet "empirisme proprement transcendantal" en conditionnant son impuissance à s'élever à un niveau véritablement transcendantal et ce par une dépendance omise au bon sens et au sens commun de principes simplement métempiriques : « C'est pourquoi le transcendantal pour son compte est justiciable d'un empirisme supérieur, seul capable d'en explorer le domaine et les régions, puisque, contrairement à ce que croyait Kant, il ne peut pas être induit des formes empiriques ordinaires telles qu'elles apparaissent sous la
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censé fonder. Pas plus la forme personnelle d'un Je kantien comme unité synthétique d'aperception oblitérant k système à harnacher les rennes subreptices d'une doxa, que l'Urdoxa de la phénoménologie husserlienne qui ne rompt pas d'un pouce avec le sens commun mais s'accrédite au bénitier philosophique alors qu'elle demeure une doxa s'ignorant en tant que telle et assigne toujours le transcendantal à des centres d'individuations I6', Ile peuvent servir à définir le champ transcendantal deleuzien. Il n'est ainsi «pas plus individuel que personnel - pas plus général qu'universel »168 mais bien plutôt toujours singulier et anti-général, impersonnel et pré-individuel. Devrions-nous croire qu'il se résout en son principe de détermination à apparaître comme un sanstùnd indifférencié chaoïde, « abîme schizophrénique »169 ? À son tour, ce réveil d'une croyance de 1Ïndiftërencié comme projectif du gouffre d'un chaos ressort du même travers. Il s'agit d'un égarement dans lequel nous clouent la philosophie transcendantale et la métaphysique, en suspendant au ciel de la seule alternative possible, soit un sans-fond indifférencié comme ce "nonêtre informe" soit un "Être souverainement individué", en dehors desquels ne peut régner qu'un désordre généralisé, options closes par lesquelles chacune à leur tour elles s'accordent « pour ne concevoir de singularités déterminables que déjà emprisonnées dans un Moi suprême ou un Je supérieur »170. C'est précisément ce que Deleuze dénonce comme étant l'illusion ultime et limite r €
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164 Cf. David Lapoujade, « Du champ transcendantal au nomadisme ouvrier. William James », in Gilles Deleuze, une vie philosophique, op. cit., p. 264. 165 « L'immanence: une vie ... », op. cit., p. 4. 166 Logique du sens, op. cit., p. 120 (note 5), 128.
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soubassement Ïlnnlanent de l'ontologie deleuzienne, il s'affirme nettement la césure du champ transcendantal congédiant toute assimilation à une quelconque objectité, tant bien qu'il ne puisse se prévaloir d'aucune appartenance à une subjectivité. Qualifiant par suite le processus opératoire de l'empirisme transcendantal, ce chanlp transcendantal d'inspiration sartrienne défini conl1ne "pur plan d'immanence" est donc, comme l'a précisé David Lapoujade l64 , ce qui sert la visée d'une libération de l'immanence en la rendant à son propre JnOUVelnent puisque le plan d'imnlanence «c'est quand l'inlmanence n'est plus Ïlnmanence à autre que soi »165. L'influence décisive que constitue la philosophie de Sartre pour la pensée du chalnp transcendantal chez Deleuze réside dans un texte de 1937, La transcendance de l'Ego. C'est en efTet Sartre le premier qui définit l'idée d'un champ impersonnel et pré-individuel nlême si, note Deleuze, celui-ci ne parvient pas à développer toutes les conséquences qu'il aurait pu en tirer car encore prisonnier de la détem1ination d'une conscience s'unifiant par « un jeu d'intentionnalités ou de rétentions pures »166. L'importance de l'idée d'une soustraction d'une conscience non-révélée réitère donc les objections fondamentales que Deleuze énonce à l'endroit de toute conscience comme détermination du transcendantal, puisque encore une fois, cette tentation répond d'un même vice de forme élaborant les conditions depuis son conditionné, à la ressemblance et à l'image de ce qu'il est
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ù éloigner l'ambivalence tronquée du confinement de « l' épistémè de "l'analytique de la finitude" (grosso modo de Kant à Sartre) dans l'orbe de la représentation, une représentation entendue [... ] comme image dogmatique de la pensée englobant ces deux a priori épistémiques que sont, pour Foucault, l'âge classique et l'analytique de la finitude »175, puisque c'est cette méthode même du décalque qui selon Deleuze, transférant les formes de l'empirique au fond du transcendantal incline la pensée à de telles injonctions. Perforant ainsi la moindre des résurgences douteuses que biaise une pensée arquée sous l'ordre des apostolats de la récognition, se tenant au point de la terrifiante impassibilité de l'événement, Deleuze lâche totalement l'image du transcendantal kantien 176 et rétrocède au carrefour de la magnificence des champs d'expérimentation. Humien écartelé dans le pur courant de conscience d'un William James, se présente dorénavant un circuit dans lequel s'engage la réalité même des événements comme pure virtualité, et dont le plan d'immanence constitue la réserve infinie. Ainsi s'ouvre le seuil du monde à la discordance des enchaînements ne s'évaluant plus selon l'organisation d'un temps réglé et normé par la perception d'une conscience dans le champ du Je, mais se délite dans l'a-perception impersonnelle de l'immanence du champ transcendantal, de telle manière que « l'événement ne rapporte pas le vécu à un sujet transcendant = Moi, mais se rapporte au contraire au survol immanent d'un champ sans sujet; Autrui ne
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accoinpagnant toute pensée représentative: croire que le sans-fond puisse être sans différence aucune, sort qui lui serait réservé comme répercussion rétrospective de l'ensemble de ses illusions internes que fon1entent les écueils de sa fondation. Alors que le monde du "ON" con1n1e Inonde de singularités ill1persollnelles et préindividuelles déborde partout la représentation 171, et qu'ainsi, « quand s'ouvre le 111011de fourmillant des singularités anonymes et nomades, impersonnelles, préindividuelles, nous foulons enfin le champ du transcendantal. l72 » Cette visée deleuzienne s'affirme dans le ll1ême teInps par le corrélat d'une puissance génétique du chan1p transcendantal au détriment de toute orthodoxie de la dialectique d'une pensée transcendantale, au risque que ce '''planomène'' désertique que constitue le plan de consistance nomadique de l'imll1anence COlnme « Un-Tout illilnité »173 affronte les résurgences parcellaires de tout dualisme, puisque cet "usage en immanence" de la pensée deleuzienne ne va pas, comme le dit Véronique Bergen, sans affronter « les risques de dérive, d'enlisement dans le chaos, ou dans les dualismes de la transcendance comme son n10de d'avancée même »174. Si nous avons vu émerger précédemment, en l'espèce de l'analyse d'Alberto Gualandi, un doute quant au système deleuzien à achopper en dernière instance sur la levée de cette foi pointant comme principe d'une finalité éthique de la croyance en ce monde-ci, il n'en reste pas moins que l'exhortation deleuzienne d'expurger définitivement tout décalque de l'empirique au niveau du transcendantal conduit cependant 171
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toutefois vÏt1uellement compris dans l'entreprise de l'empirisme transcendantal comme son double contredfectuable. S'agira-t-il alors de l'échouage sur la rive accidentée d'une île déserte où viennent buter selon l'écume joyeuse d'une sensibilité asymétrique tous les l'cueils de l'océan philosophique? Ou bien de l'cngloutissement nécessaire de toute l'ivresse dionysiaque de l'immanence dans le sans-fond d'une aspiration saline qui, au seuil de sa suffocation, nous révèle le plus pur éclat suivant sa décomposition cristallographique? La géographie complexe du plan d'immanence deleuzien, impliquant cette «sorte d'expérimentation tütonnante »181, consacre donc cet empirisme radical qui destitue toute velléité de succomber aux attraits des simples limites d'une expérience possible au profit de l'adéquation avec une expérience réelle. Ne s'évaluant plus par l'identité mesurée tant du sujet que de l'objet, son l' tfectuation temporelle distribue partout les germes de cctte vie indéfinie en des "entre-temps" 182. Dès lors, sur la grève d'une "ligne de sorcière" que nécessite le mouvement même de la pensée, relever cette géographie conduit à se diriger indiscernablement à la traversée désertique du champ transcendantal via l'art, ses trouées, tütonnements et bifurcations, et notamment via l'objet cinéma «qui relève d'une expérimentation capable d'en relever la topologie accidentée »183, Or, précisément, dans ce labyrinthe aux sentiers multiples de la temporalité deleuzienne, l'empirisme transcendantal est « une pensée E A.bÉ'-
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redonne pas de la transcendance à un autre moi, tuais rend tout autre moi à l'immanence du champ survolé »177. Aussi est-ce par le traitement que subit ce problème d'un transcendantal revivifié et comme épuré que Deleuze se voit néal1l110ins obligé de reprendre à sa charge « l'adoption d'un point de vue métaphysique de survol qui redouble en sa description la césure du devenir et de l'histoire »178, difficulté linlinaire évoquée précédemnlent comnle cette "dérive généralisée", et qui en son tenlps définissait le trait affirnlatif schizophrénique de l'usage d'une synthèse disjonctive illinlitative par laquelle le schizo, en faisant proprement sauter la généalogie œdipienne opérait sous des relations de proche en proche « des survols absolus de distances indivisibles »179. Mais ce survol à la limite des champs, échappant à toute transcendance du sujet et de l'objet, ne doit-il pas sacrifier une aile à l' aplonlb du vol? En effet, toute enlbardée que convoque cet empirisme transcendantal, impritnée dans une "pulsation sans nlesure", rythnlant une dissipation incorporelle de l'être au brouillage indiscetllable d'une fondation temporelle se défondant dans sa constitution même, ne lasse pas de s'inaugurer dans le mouvement déchaîné d'un sabordage ontologique si, tel que le note Jean-Clet Martin, «l'empirisme transcendantal est inséparable d'une entreprise de piratage (péiratès) lancée [... ] au péril de son propre naufrage »180. Sans pouvoir encore se prononcer sur la possibilité que ce naufrage ait bien lieu, actualisant donc son péril, il est
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Un empirisme transcendantal
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« Il Y avait une fêlure silencieuse, imperceptible, à la surface, unique Evénement de surface comme suspendu sur soi-même, planant sur soi, survolant son propre champ. La vraie différence n'est pas entre J'intérieur et J'extérieur. La fêlure n'est ni intérieure ni extérieure, elle est à la frontière, insensible, incorporelle, idéelle. Aussi a-t-elle avec ce qui arrive à l'extérieur et à l'intérieur des rapports complexes d'interférence et de croisement, de jonction sautillante, un pas pour l'un, un pas pour l'autre, sur deux rythmes différents: tout ce qui arrive de bruyant arrive au bord de la fêlure et ne serait rien sans elle; inversement, la fêlure ne poursuit son chemin silencieux, ne change de direction suivant des lignes de moindre résistance, n'étend sa toile que sous Je coup de ce qui arrive. Jusqu'au moment où les deux, où le bruit et Je silence s'épousent dans le étroitement, continuement, craquement et J'éclatement de la fin qui signifient maintenant que tout le jeu de Ja fêlure s'est incarné dans la profondeur du corps, en même temps que Je travail de l'intérieur et de l'extérieur en a distendu les bords. »
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du temps qui suppose des alliances multiples au sein desquelles le cinéma apparaît comme une épreuve inédite et incontournable »184. Ne serait-ce encore que la tentation de toute défaillance à se perdre au risque et au jeu du telnps, pointant les insuffisances de toute pensée à en relever et à en déchiffrer les signes, qu'il faut malgré tout poursuivre l'avancée, tendant toujours plus à l'inlpersonnelle singularisation d'un style, nlarquant par-là aussi ce qui ressort peut-être de l'indéfectible échec que conlporte toute tentative à son endroit.
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Débarrassé des "impurs" relevant de toute méthode de décalque, l'empirisme transcendantal tend donc à révéler cette région du plan d'immanence - immanentisme radical. Le seuil de cette ère inédite promouvant une nouvelle image de la pensée vers l'aire d'une pensée sans image se propose de la sorte de lâcher définitivement le lot d'une orthodoxie constituant la pensée représentative. Elle parvient ainsi au point de renversement du temps où l'inversion dans des formes non-identitaire sans aucune autre forme de modèle réhabilite le transcendantal via cet empirisme supérieur, réhabilitation permettant selon Deleuze de refondre les deux esthétiques restant séparées entre contemplation et création. Celle-ci vient de fait rompre l'existence de cette ligne de démarcation en une fusion opératoire par laquelle l'expérimentation devient '''reine'', comme l'ouverture d'une sensibilité pure, réceptive à l'intensité de tous les degrés de variations du monde qui changent de nature en se différenciant suivant chaque degré temporel. Cela constitue la promesse de l'avènement d'une temporalité affranchie des formes de la représentation. Car l'esthétique souffre en son sein, pour Deleuze, de cette "dualité déchirante" qui assigne d'un côté, la formation d'une théorie du sensible établissant la forme de l'expérience possible et, d'un autre côté, celui d'une théorie de l'art administrant une réflexion de l'expérience réelle. Or «pour que les deux sens se rejoignent, il faut que les conditions de l'expérience en général deviennent elles-mêmes conditions de l'expérience réelle; l' œuvre d'art, de son côté, apparaît
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1. Cristal et temps: délire de vision ou cristallisation de l'impersonnel?
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transcendance des points de résurgences par lesquels elle en profiterait pour réapparaître, ce par quoi « le propre d'une recherche transcendantale est qu'on ne peut pas l'arrêter quand on veut l87 », le transcendant ne se confondant absolument pas avec le transcendantal. Mais le plan d'immanence est ce qui en tant que tel, s'il doit être pensé, ne peut être pensé. Il renvoie à l'impossible ou l'impensable dans la pensée comme sa limite inflexible, incompressible et dilatatoire, ouvert au dehors absolu, plié et feuilleté à l'infini, faisant plutôt figure d'un "non-pensé dans la pensée". Le plan d'immanence, dit Deleuze, « n'est pas un concept pensé ni pensable mais l'image de la pensée, l'image qu'elle se donne de ce que signifie penser, faire usage de la pensée, s'orienter dans la pensée ... »188. Cet impensable désigne-t-il alors le plan que comme un pur désert allégorique? Car cette définition du plan d'immanence comme image qui ne peut mais doit être pensée résiste tout d'abord à une compréhension claire, et occasionne à tout le moins un statut et un usage de l'image chez Deleuze qui peut, de prime abord, sembler paradoxal. Il faut néanmoins rappeler ici l'importance de l'établissement du principe de l'empirisme transcendantal et de la puissance de la visée génétique du champ transcendantal, seul moyen de l'effectivité d'une genèse univoque du réel libérant enfin des forces intensives de création et d'individuation. Il s'agit de la sorte de rendre justice à l'émergence du nouveau, et de provoquer une réalité par laquelle puisse se faire jour la puissance créatrice du mouvement de pensée puisque « penser, c'est créer, il n'y a pas d'autre création, mais créer, c'est v
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187 Gilles Deleuze, Présentation de Sacher-Masoch - Le froid et le cruel, Paris, Minuit, 1967, p. 98. 188 Qu'est-ce que la philosophie? , op. cit., pp. 39-40. * 6
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alors réelletuent cotume expérinlentation» 185. Si cette volonté de résorption des dualismes est d'inspiration bergsonienne (toute la visée de Matière et Mémoire est de réduire cet affrontement dans la pensée entre idéalisnle d'une part et nlatérialisnle d'autre part), à quel point limite vont pouvoir se rejoindre les deux sens divergents de l'esthétique chez Deleuze? Comment faire échapper l'art à cette soumission déchirante, lui qui semble indéfectiblement sOUluis au réginle de la représentation? Peut-il être à son tour le lieu privilégié de l'affranchissenlent d'un temps libéré? Nous avons vu de quelle tuanière la critique deleuzienne à l'endroit de la représentation s'établit par le reproche de rester subsunlée à la fornle de l'identité, déduisant la condition de son conditionné « sous le double rapport de la chose vue et du sujet voyant »186. L'enlpirisnle transcendantal fournit à cet égard le nl0yen de se placer à ce niveau sub-représentatif qui défait l'ordre des survenances connectives hiérarchisant la pensée, en se situant dans une antéposition qui supprinle toute attribution et distinction de l'objet et du sujet. Cette position stigtuatise ainsi le nomadisme d'un champ transcendantal impersonnel traçant un pur plan d'immanence où cette dernière est rendue à son propre mouvement. Le dessein d'un auto-mouvement de la pensée et de l'immanence est d'ailleurs toujours chez Deleuze condition corrélative de l'auto-constitution d'une philosophie créative et sans présupposés. Il constitue l' ensoi d'un mouvenlent de devenir productif et génital, jamais originaire ni dérivé, puisque l'arrêt du mouveluent demeure constamment le risque de fournir à la 185
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d'abord engendrer "penser" dans la pensée l89 ». Ce ressort de la production d'une pensée qui naît dans la pensée, « l'acte de penser engendré dans sa génitalité, ni donné dans l'innéité ni supposé dans la rénliniscence, est la pensée sans image »190. La philosophie est essentiellement pour Deleuze un constructivisme qui doit se comprendre sous sa double nature, à la fois conlnle activité créatrice de concepts et à la fois comnle instauration d'un plan d'itlll11anence affrontant le chaos et constituant le "sol absolu" de la philosophie. Mais celle-ci ne saurait se concevoir sans une compréhension non-philosophique, elle « ne peut pas se contenter d'être comprise seulenlent de nlanière philosophique ou conceptuelle» 191 tllais «a besoin d'une non-philosophie qui la comprend, elle a besoin d'une compréhension non-philosophique, comme l'art a besoin de non-art, et la science de non-science »192, chaque activité recoupant le plan du chaos en des points ditlërentiels. Philosophie, art et science tirent ainsi respectivement des plans sur le chaos, chacune à leur tour étant les "filles" de ce chaos C0l11l11e fOrl11eS de la pensée, ses '''chaoïdes'' définissant la réalité produite au point de recoupenlent du plan et du chaos. Et que peut l'art, si ce n'est de lutter effectivenlent avec ce chaos pour en tirer des variétés esthétiques, variétés qui ne sont pas comprises comme reproduction d'un sensible, mais plutôt comme émergence de l'être même du sensible, et «faire surgir une vision qui l'illumine un instant, une Sensation »193.
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révéler qu'à un détour de son évolution »196, invitant dès lors à considérer la présentation de l'image-temps directe comme « le fantôme qui a toujours hanté le cinéma, mais il fallait le cinéma moderne pour donner corps à ce fantôme »197. Ainsi, à suivre les inspirations schéfferiennes d'un "homme ordinaire du cinéma", le cinéma révèle « la seule expérience dans laquelle le temps m'est donné comme une perception »198, aboutissant dans les intrications d'une sensibilité pelliculaire à cette survenue en nous de la levée d'une "existence fantomale". Mais si le temps dans cette expérience particulière s'éprouve sensiblement, il ne se laisse pas encore pour autant directement voir; c'est que la promotion des mouvements aberrants d'un cinéma moderne ne surgit pas sans libérer des moments asynchrones qui révèlent plus promptement la saisie de l'articulation grippée d'une temporalité déchirant toute perception naturelle d'un sujet percevant l'ordre réglé d'un monde rationnel, opérant une "suspension du monde" et affectant "le visible d'un trouble", s'adressant finalement plutôt « à ce qui ne se laisse pas penser dans la pensée, comme à ce qui ne se laisse pas voir dans la vision »199. En conséquence de quoi, à la faveur du plan d'immanence qui doit être pensé et ne peut être pensé, l'image-temps directe que promeut le cinéma moderne comme cette image-cristal révélatrice d'un "temps à l'état pur" proclame l'affirmation de ce qui doit être vu et ne peut être vu : c'est un pur état de voyance. De la même -
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198 Deleuze citant Jean-Louis Scheffer, L 'homme ordinaire du cinéma, Paris, Gallimard, 1980, in L'Image-temps, op. cit., p. 54. 199 Ibid., p. 219.
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deux âges du cinéma: d'une part un âge du cinénla dit "classique", celui de l'image-mouvement, qui correspond à un cinéma qui enchaîne les réactions d'un personnage répondant à des situations données selon le schènle d'un lien senSOri-lTIoteur, en des descriptions dites organiques. C'est l'ordre d'une image montée en fonction de coupes rationnelles où le tenlps reste subordonné au mouvenlent (inlage-telTIpS indirecte). D'autre part un âge dit "nloderne" où ce schèlTIe ne vaut plus car il se trouve "brisé du dedans" par quelque chose d'autre, faisant advenir des mouvelllents aberrants et des relations nonlocalisables; le personnage est pris dans des situations le dépassant où partout l'événement déborde, le laissant alors dans une impossibilité qui effondre le circuit classique perception-action, et fait face à ce que Deleuze nonlme des situations optiques et sonores pures. C'est le régilTIe des descriptions cristallines non-organiques, qui sont détachées de tout prolongement moteur et inaugurent un telTIpS sorti de ses gonds se subordonnant le lTIOUVement (illlage-temps directe) ; livrés à l'intolérable et l'insupportable d'une banalité quotidienne, ces personnages deviennent de "purs voyants" condanlnés à une errance et happés par la force d'un dehors contre laquelle ils ne peuvent plus lutter. Le cinéma d'actants est transformé en cinéma de voyants 195. Si ce nouvel âge du cinéma moderne est repéré par Deleuze en Europe avec l'avènement du néo-réalisme comme rupture et nlise en crise du cinéma classique, qui correspond pour lui au cinéma d'avant-guerre, cet état de crise existe néanmoins virtuellement pour Deleuze comme état constant du cinéma depuis ses débuts. Mais, reprenant le mot de Nietzsche, «ce qu'il était depuis le début, il ne peut le
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203 Logique du sens, op. cit., p. 119. 204 Cf. Dijjl'I',' , ,.. . p. 74 . l'Jerence el repellllOn, op. Clt., 205 L" Image-mouvement, op. CI., 't p. 84 .
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transcendantal à partir de la "vision" perceptive »203, car premièrement, celui-ci ne réussit à établir de la sorte qu'un décalque du transcendantal sur l'empirique, et deuxièmement, la phénoménologie, restant à demeure de la norme d'une perception naturelle et de l'ancrage d'un sujet percevant à l'horizon d'un monde phénoménal dans l'intentionnalité d'une conscience, toute conscience étant conscience « de » quelque chose, ne peut rendre compte de ce qu'est le cinéma. Toute la phénoménologie ne reste ainsi pour Deleuze qu'une "épiphénoménologie"204, or ce que le cinéma opère, c'est précisément une suspension du monde déboutant tout ancrage du sujet à son horizon. Ce n'est pas l'image qui deviendrait un monde, mais c'est « le monde qui devient sa propre image »205. De fait, Deleuze reprend Bergson dans la définition par laquelle il pose que toute conscience « est» quelque chose. La transformation radicale qui s'effectue ainsi est l'affirmation de l'identité entre image, matière et lumière. Ce n'est plus, en effet, la considération d'une lumière projetée éclairant les formes, mais l'émanation d'une lumière immanente révélant la matière, et qui diffuse «la lumière sur tout le plan d'immanence »206, enjoignant ainsi à considérer que l'œil n'assure plus une simple fonction organique recueillant le dévoilement d'un apparaître, mais qu'il est déjà toujours "tiré" dans les choses, plus originaire ni dérivé, mais pur milieu immanent et coalescent à la révélation lumineuse. Rompant ainsi avec le poids d'une tradition philosophique où la conscience servait de canal à une lumière de l'esprit venant extirper les choses de leur obscurité première, et
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Inanière que ce qui excède l'événement ne peut être effectué sans ruine mais doit être effectueOO, l'excès de toutes capacités sensori-motrices force à saisir l'insaisissable et l'intolérable à la pointe du vivable par un ""devenir visionnaire" qui s'établit sur les ruines d'une perception naturelle. Le voyant, résultant du choc insurnlontable d'une vision trop forte du monde, auquel il faut croire cependant, un insoutenable qui en tant que tel ne peut être vu et doit être vu, réitère la figure allégorique d'une transnlutation de l'œil au point inqualifiable d'une ultitne fêlure qualitative, prelnière et dernière tout à la fois, simultanéInent et absolument, COlnlne le lancer de dés unique affirmant le hasard absolu, unique fois pour toutes les fois. Toujours est-il que le seuil de ce nouveau visible par l'intermédiaire des sens affranchis à une pure sensation ne s'opère pas sans la transformation de la sinlple forme d'une vue en la force d'une vision délirante, « poursuivi par elle ou la poursuivant »201, qu'éveille une perception proprement hallucinatoire. C'est toute l'itnportance que réserve Deleuze à cet égard à la nlise en place d'une véritable ""pédagogie de la perception" destinée à ce nouveau cinéma de voyants, car comment serait-il en effet possible de voir ce qu'il y a dans ou sur l'image, « tant que manque l'œil de l'esprit »202 ? Ce nouvel état perceptif que convoque Deleuze s'inspire d'une vision bergsonienne réinjectée dans le cinéma et s'inscrit par-là en marge de toute assimilation d'une visée perceptive phénoménologique de l'appréhension du nlonde. Aussi ne peut-il que récuser l'invocation par Husserl d'un «"Voir" originaire et
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une lumière-conscience où ce qui est premier et idéal, c'est la chute, une chute idéelle de l'âme contre une chute réelle des corps, véritable expression intensive où du sansfond vient naître l'ordre de la profondeur, et dont l'image se détermine par un retournement contemplatif vers ce dont on procède, contemplation-production, émanationprocession. C'est ainsi contre le vieux démon de la forme que la force et la puissance d'une vision contemplative inaugurent une tension dans laquelle s'engage un nerf, une optique, un œil pour « voir ». En ce point de retournement de l' œil et de l'image de ce nouveau cinéma de voyants, "œil-monde" d'un "ciné-monde", contre l'insupportable et l'intolérable des situations se déroulant à la pointe du vivable, surgit une force contemplative par laquelle l'œil atteint dans des situations optiques et sonores pures un nouvel état de voyance ou de visionnaire: c'est l'émergence d'un "troisième œil" que révèlent les formes de lumière, car, «l'intolérable lui-même n'est pas séparable d'une révélation ou d'une illumination »208. Ainsi, l'héroïne d'Europe 51 de Rossellini, passant devant l'usine, ne dit pas qu'elle voit des travailleurs mais : «J'ai cru voir des condamnés ... »; et l'usine se révèle prison. Cet être de l'usine, comme prison, se donne tout entier dans l'excès de la vision, pas comme un cliché ou une métaphore, mais plutôt dans un surgissement littéral. C'est une image nonmétaphorique. La nouvelle analytique deleuzienne de l'image rend ainsi visible des choses qui ne le sont pas en tant que telles. Dès lors, autant que la perception se transmue par des données hallucinatoires, l'œil, dans un même mouvement, ne remplit plus uniquement une fonction
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207 Plotin, Ulm!! Ennéades, Chap. 8 [30], 4, « De la Nature, de la contemplation et de l'Un», cité par Deleuze in Vérité, temps, faussaire, cours du 13 mars 1984, Paris, Ed. Bibliothèque Nationale de France, 1998.
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dont l'itnage la plus séculaire est celle de la caverne platonicienne, l'inversion qu'affinne Deleuze avec Bergson fait de la lumière même une conscience inlnlanente à la nlatière. Et si caverne il devait y avoir, elle devient lumineuse et transparente, révélée et se révélant dans l'inlmanentisme d'un auto-mouvement. On reconnaît ICI la puissante inspiration plotinienne d'une contemplation-production, source d'une Nature spiritualisée dans un lnouvement d'émanation-procession dont l'élément se contemple et se produit tout à la fois. Ce souffle néo-platonicien inspirant la philosophie deleuzienne est convoqué en 1984 lors des cours donnés à Saint-Denis, précisélnent consacrés au cinéma, au l1l01nent de l'élaboration de L'ilnage-temps : « Si l'on denlandait à la Nature pourquoi elle produit et si la Nature consentait à écouter et à répondre, elle dirait: « Il eût fallu au lieu de m'interroger comprendre et se taire, comnle moi-nlême je lne tais, je n'ai pas l'habitude de parler. Que fallait-il cOlnprendre? Que ce qui est produit est l'objet de nla contemplation silencieuse. Née moi-mênle d'une contenlplation; et ce qui contemple en moi produit un objet de contemplation comme les géomètres en contemplant écrivent, mais moi je n'écris pas; c'est quand je contemple qu'apparaissent les lignes des corps. On dirait qu'elles tombent de moi »207. Marquant en ce récit l'antiforme platonicienne, puisque chez Platon ce n'est jamais directement une idée qui produit une forme et que c'est ici la lumière qui donne forme à la matière, l'énoncé plotinien révèle les lignes de lumière tombant des corps,
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213 Cf. Lawrence Ferlinghetti, Un regard sur le monde, Paris, Bourgeois, 1970, p. Ill, cité in René Schérer, « Homo tantum L'impersonnel: une politique », in Gilles Deleuze, une vie philosophique, op. cit., p. 25. Voir aussi Logique du sens, op. cit., p. 125. 214 Cf. Logique du sens, op. cit., p. 241-242.
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l'impersonnel, comme cet œil fou de la quatrième personne du singulier de FerlinghettF I3 : « il est l'œil fou de la quatrième personne du singulier de laquelle personne ne parle, (... ] et qui néanmoins existe ». C'est ainsi que la caverne de l' œil, son orbite creuse et caverneuse, qui en tant que telle n'est cependant plus satellite d'une vue centrée mais devient vision acentrée et perdue n'autorisant plus aucun point de vue, toujours fuyante en des synthèses asymétriques et multilinéaires, parcourt le plan d'immanence, cet "Un-Tout illimité". La caverne devient pur dehors au dehors, et ne peut plus reporter les ombres d'une représentation sur une surface qui ne donnerait que le reflet d'une image contenu au ciel de l'intelligible; descendu des hauteurs et parvenu des profondeurs ne subsiste plus qu'un milieu qui, géologiquement, compose dans sa stratigraphie les principes différenciés de plans d'actualisations se distinguant, action projetée sur le double écran d'une surface physique/métaphysique 214 • L'homme n'est ainsi plus le pantin de lumière car la lumière pour reprendre le thème plotinien-bergsonien, est déjà contenue dans les choses, émanente-immanente, tombant d'elle et en révélant les lignes abstraites.
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Deleuze fait référence à la notion d' « haptique» chez Riegl, notion définissant un toucher propre au regard. Cf. L'Image-temps, op. cit., p. 22. 210 L'Image-temps, op. cit., p. 34. 211 Jean-Clet Martin, « L'œil du Dehors », in Gilles Deleuze, une vie philosophique, op. cit., p. 105. 212 Ibid.
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optique mais aussi haptique 209 et non-optique, et dans ce toucher qu'il conquiert, ne voit plus seulelnent le monde nlais le lit. C'est toute une littéralité d'un visible-invisible qui s'engage dans les circuits d'une perception lisant l'inlage sans métaphore, sautant de révélation en hallucination entre les interstices des Ï111ages d'un nlonde devenu livre, vision nomadique et errante à la surface: «en nlênle temps que l' œil accède à une fonction de voyance, dit Deleuze, (... ] l'image entière doit être "lue" non nl0ins que vue, lisible autant que visible. Pour l'œil du voyant comnle du devin, c'est la littéralité du nl0nde sensible qui le constitue comme livre »210. Cet œil fou et schizophrénique passe partout dans les linlites saillantes des ruptures inlposées aux enchaînelnents sensori-nloteurs, globe oculaire et orbital pris dans les aberrations d'un nl0nde à la pointe de l'anomal et du vivable, enserré dans des mouvements forcés où le telnps se substitue au mouvenlent. C'est un "œil du Dehors" qui se retourne au point d'où il énlerge comlne source de sa production, et qui désornlais « révulsé se heurte à la frontière de l'os, à la blancheur vide, à l'internliUence mortelle de la visibilité qu'il ne cesse de transgresser »211. Mais en nlême tenlps, dans ce passage à la limite, il « ne cesse de sauter, de trébucher sur la fente, sur les interstices et les cloisons qui disloquent toutes les images selon un écart irrespirable »212, révélant au point de suffocation de toute distanciation la levée en nous de 209
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218 Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman, chap. « Temps et description », Paris, Minuit, cf. L'Image-temps, op. cit., pp. 15 et 6265. 219 L '1mage-temps, op. Clt., . p. 63 . 13
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s'effectuant notamment en fonction de leur reglme respectif de description. Or, la caractéristique du cinéma moderne opère de façon particulière en tant que la description organique classique qui distingue son objet en le supposant indépendant, ordonnant en cela le régime des enchaînements sensori-moteur, tend à disparaître et à s'effacer. L'image-cristal désigne donc dans un premier temps un régime spécifique de description dite "cristalline". Elle se révèle comme définissant l'image d'un cinéma de la modernité, celui qui convoque précisément cet état de voyance pure. Ce nouvel état descriptif, Deleuze en emprunte les linéaments à la théorie de la description chez Robbe-GrillefI8. Le procédé littéraire du nouveau roman émerge en effet par une rupture avec la situation de description traditionnelle distinguant encore le réel et l'imaginaire. Mais le néoréalisme descriptif abroge cette distinction de fait, en les faisant passer l'un dans l'autre de manière réciproque jusqu'à un point d'indiscemabilité. Le réel et l'imaginaire se courent alors l'un derrière l'autre, bifurquant et se réfléchissant de façon mutuelle, gommant la distinction et la réalité de l'objet en la remplaçant par l'apparition d'une nouvelle réalité qui surgit au point sépulcral d'une nouvelle vision. Retenant ainsi un "menu fragment sans importance" prélevé sur la chose, la description est relancée dans des cercles plus vastes de la description depuis son point le plus contracté de singularité, descriptions «qui se défont en même temps qu'elles se tracent »219. Ainsi, tant que deux pôles existent
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215 Contre l'unité de mesure de la représentation qui est le semblable et dont l'élément est l'identité, Deleuze propose le "dispars" comme l'unité de mesure du simulacre et de la pure présence, dont l'élément est différence de différence. Ce dispars est aussi assimilé à ce que Deleuze nomme le "précurseur sombre". Nous verrons plus loin le rôle de celui-ci. Cf. DijJërence et répétition, op. cit., p. 95 et 157. "16 . p. 50 . - L '1mage-temps, op. Clt., 217 Gilles Deleuze, « Sur le "Régime cristallin" », in Hors-cadre, n04, Paris, 1986, p. 45.
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Cristal et temps
Pur "dispars,,215 de la sensibilité, fleur de peau hallucinatoire, objets pelliculaires dont l'éclat de surface cristallin offre la révélation d'un aveuglement se transmuant en pure voyance, le dispositif cinématophilosophique deleuzien agrège la surface d'une rétine brûlée par la lunlière de l'insupportable vision à celle d'un écran crevé par la force de sa révélation. Cette double surface d'écrans de l'œil et de la toile projective au point de suspension du Inonde préfigure la fusion des deux esthétiques en délire d'expérimentation, rendant présentes les forces de l'invisible de l'événement par un devenir visionnaire, enté sur un retoumelnent que conditiolme la survenue d'une itnage-temps directe et par laquelle surgit une «nlatière transparente »216 qui laisse poindre l'évanescence d'une aube cristalline: une itnage-cristal révélant des cristaux de temps. C'est d'ailleurs l'opération pratique que Deleuze assigne à ses deux livres sur le cinénla, quand il dit que la tâche qu'il aurait souhaité remplir, c'est « essaimer des cristaux de telnps »217. Quelle est donc cette ilnage particulière que Deleuze nonllne inlage-cristal? Et quel rapport entretient-elle avec le tenlps? Les cristaux de telnps sont-ils le tenlps ? On se souvient que Deleuze distingue deux âges du cinéma entre un âge dit "classique" et un autre dit '''moderne'', la spécificité réciproque de chacun
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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps
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indiscernables, à la manière de l' Aiôn et du Chronos des stoïciens. La distinction n'est donc pas supprimée mais rentre dans un rapport inassignable, chaque actuel valant à son tour pour son virtuel et réciproquement, dans un échange qui n'a de cesse de se relancer. Mais l'indiscernabilité à l'œuvre dans ce circuit cristallin ne se limite pas au perpétuel échange de l'actuel et du virtuel autour du point de cristallisation. Car plus l'image actuelle devient virtuelle, plus elle devient opaque; tandis que l'image virtuelle s'actualisant pour son compte, s'éclaire et devient lisible et limpide. De même, l'échange ne s'arrête pas au point réfléchissant d'une typologie des reflets vitreux d'un miroir, mais se prolonge plus profondément dans les couches superficielles de l'image, et devient cristallisation d'un germe capable d'ensemencer un milieu qui puisse cristalliser, ce pourquoi par ailleurs l'image-cristal est expression 223 puisque, ainsi que le note déjà Deleuze dans Spinoza et le problème de l'expression, «l'appareil métaphorique de l'expression, c'est le miroir et le germe »224. Ces circuits de l'actuel et du virtuel, de l'opaque et du limpide, du germe et du milieu définissent l'image-cristal comme résultant de ce triple échange le long d'une infime limite, à la croisée des opérateurs cristallographiques disponibles précipitant l'échange et son inévitable relance. Le cristal, autant structurellement que génétiquement, renvoie les éléments en présence dans un circuit s'effectuant toujours à la limite, sur les bords, tels les cristaux de l'événement de Logique du sens qui « ne deviennent et ne grandissent que
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plans de compositions. Alternant tour à tour leur révélation respective, tous les "Jekyll" et tous les "Hyde" échangent leur reflet dans le délire fiévreux d'un double schizophrénique d'un temps devenu fou et sans contrôle, métamorphose et travestissement de la course cristallographique qui répète et différencie. « Ce circuit cristallin de l'acteur, dit Deleuze, sa face transparente et sa face opaque, c'est le travestF 29 .» Mais l'inspiration scientifique cristalline, chez Deleuze, ne se limite pas à cette parabole cinématographique, et si elle se poursuit dans l'annexe posthume à la réédition de Dialogues 230 , on en trouve aussi les germes significatifs dans les cours prononcés à Saint-denis à propos de L'image-temps. Enjoignant ses auditeurs à la lecture de précis de cristallographie, Deleuze obtient des éclaircissements d'un ancien chimiste, informations qu'il ponctue par une exclamation de joie: « Le cristal passe face après face et ce de façon lente, ce qui implique un espace mais ce qui implique surtout que cela mette nécessairement en jeu un vecteur temps. [... ] Il réside une incompréhension fondamentale au niveau du temps de germination de la fOffile cristal [... ] et à ce titre, on peut parler d'une irréductibilité du cristal qui en fait une forme pure de temps. Il se développe seul: on ne peut pas intervenir dessus. [... ] La seule chose qui permette au cristal de se développer, c'est le mouvement du monde extérieur, qui provoque une geffilination en mettant en présence les atomes qui vont fonctionner 231 • [ ... ] Ce qu'il y a
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Cristal et temps
par les bords, sur les bords »225. Autant cristal de l'événelnent saisissant à la pointe de son effectuation la limpidité d'une actualité dépliée dans son mouvement de captation que fornle désignée d'une contre-effectuation insaisissable révélant l'opacité d'une virtualité repliée devenant actuelle dans son nlouvelnent de libération, la nlultiplicité se joue toujours à la surface d'une pointe indivisible de la fornlation cristalline. Cette lilnite entre Pobservable et l'inobservable, entre la IUlnière et la pénonlbre définit une loi du cristal, comme le note Christine Buci-Glucksluann, « aussi dure que son éclat »226. Mais si Deleuze précise qu'il s'attache à la structure cristalline « en un sens esthétique général plutôt qu'en un sens scientifique »22\ il retrouve néannl0ins, au point d'échange du cristal perpétuellell1ent relancé, un rapprochement avec la science, accointances se développant par exelnple chez Zanussi dans son film La structure du cristal (1969). Le cinéaste montre en effet conl11lent « deux hOl1unes de sciences dont l'un brille, possède déjà toute la lumière de la science officielle, de la science pure, tandis que l'autre s'est replié dans une vie opaque et des tâches obscures »228. Double vie, double face, dont la coalescence tend cependant à tenir indiscernable chaque face dans un circuit alternatif et simultané, où tournent alors à des vitesses infinies de croissances, de cristallisations et d'échanges, les multiples
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d'étonnant dans le cristal réside donc dans le développement interne de son évolution qui irait de l'intérieur vers l'extérieur autour d'un état rythmique et récurrent des occurrences des séries nlathématiques. [... ] Quand un genne apparaît sur une face, il se développe ensuite de façon asynchrone et a-chronologique. Il est une .figure d'imprévisibilité complète qui échappe à la saisie de son développelnent à l'instant (1) sous les opérateurs mathématiques disponibles »232. Le cristal, par ses propriétés physico-chiIniques, assure ainsi une parfaite transitivité à la recherche deleuzienne en lui fournissant des opérateurs pouvant réaliser une réification des concepts scientitiques dans le chanlp philosophique, accédant à une sorte d' "opérativité esthétique" (toute nlétaphysique s'établit depuis une physique). Cette "fonne pure de telnps", son développement asynchrone et a-chronologique en faisant une figure d'imprévisibilité complète, senlble en effet tracer les contours improbables de l'acception du cristal deleuzien à la pointe d'une idiolnatique temporelle. À l'inlage de l'intuition plotinienne, la chute dans le cristal conlme série de contenlplation-production fait émerger la double image du nliroir et de son inlage en reflet comme vibration et oscillation duelle d'une image indicielle du temps s'effectuant à la limite de l'intérieur et de le cristal satisfait-t-il plus l'extérieur. Aussi fondamentalement cet abîme dans lequel le temps s'élance lorsqu'il se distingue en deux grandes voies que sont passé et présent, suivant ce jaillissement bergsonien du temps en deux jets dissymétriques, quand l'un s'avance vers l'avenir tandis que l'autre retombe dans le passé. Dès lors, 232
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présent, et dont l'autre conserve tout le passé. Le temps consiste dans cette scission, et c'est elle, et c'est lui qu'on voit dans le cristal. L'image-cristal n'était pas le temps, mais on voit le temps dans le cristal. On voit dans le cristal la perpétuelle fondation du temps, le temps nonchronologique, Cronos et non pas Chronos. [... ] Le visionnaire, le voyant, c'est celui qui voit dans le cristal, et, ce qu'il voit, c'est le jaillissement du temps comme dédoublement, comme scission237.» Le cristal comme processus définit un devenir et les opérateurs cristallographiques inaugurent cette faille par laquelle on voit "le temps en personne"; et il faut rapprocher sa matérialité en devenir de son évolution germinative, sans cesse sur les bords, anachronique et folle. Aussi est-il toujours ligne de fuite reconduite à l'infini toujours ouvert et en croissance indéfinie, dans une oscillatoire sans arrêt entrechoquée n'interrompant jamais le mouvement, à l'égard de laquelle on n'a pas de prise sur lui mais où l'on glisse toujours à la surface. La cristallisation, révélant un "temps pur" à l'endroit de sa fondation, ne peut être une caverne projective pour la raison qu'elle fait éclater l'espace clôt en mouvement déconnecté sur le dehors, strié, plié et feuilleté, tel le plan d'immanence. C'est d'ailleurs, remarque Deleuze, « sur le plan d'immanence qu'apparaissent les cristaux »238. Toute image-cristal se développe donc selon cette dualité constitutive, dans la scission d'une image biface, générique et génétique, "ontogénétique ". Comment, pour autant, appréhender la perspective biface de cette image en miroir? Car si elle met parfaitement en image le circuit de coalescence entre un présent et son passé le plus immédiat, cette limite,
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établi sans identité préalable pour assurer la disparité des éléments, c'est-à-dire qu'elles aient «le dispars comme unité de communication et de mesure »241. Ainsi, si la structure signalétique différentielle des séries permet la communication sur les bords d'un signe de fulguration qui est « de type éclair ou foudre »242, elle est précédée par ce que Deleuze nomme un précurseur sombre, celui-ci étant précisément assimilé au dispars. C'est lui qui assure la communication de bordure et ramène la différence à la différence sans autre intermédiaire, pure figure du devenir et en-soi de la différence traçant un chemin invisible qui « ne deviendra visible qu'à l'envers »243 et en son creux, perpétuellement déplacé, transfiguré et déguisé, illocalisable. Tout comme le point d'échange inassignable qu'affecte le cristal, le dispars ne se laisse pas mesurer sous l'identité, et ce trouble qui déjoue la représentation dénature aussi la logique. Il n'est donc pas appréhendable sous les catégories de l'identité et du semblable non moins que celle du contradictoire, toutes deux régissant uniquement le possible et l'impossible. C'est ainsi depuis les incompatibilités alogiques leibniziennes que Deleuze développe cette théorie de la communication des disparates et des différents sous la différence et la divergence, et notamment par l'entremisse des règles de compossibilités et d'incompossibilités 244 • Mais Leibniz, précise Deleuze, n'en retient qu'un usage exclusif par lequel la disjonction est utilisée en un sens négatif, c' est-àN
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nouvelles passerelles de communication entre événements effondrent l'impossibilité apparente d'une le truchement d'une incommunicabilité par incompossibilité réifiant le sens affirmatif de la synthèse disjonctive grâce à l'usage de cette instance paradoxale à deux faces impaires. Si on voit le temps dans le cristal comme dans sa fondation pure suivant cette duplication permanente et cet échange incessant du passé et du présent, de l'actuel et du virtuel, son biface apparaît comme multiface à tous les points de disparités du cristal, où chaque point est coalescence, bifurcation, double inassignable. Tant et si bien que le perpétuel Se-distinguer du temps en deux jets dissymétriques marque dans son passage la ligne d'ombre distincte-obscure d'une effectuation perpétuellement contre-effectuée dans le circuit actuel-virtuel cristallin. Cette ligne fuyante trace la venue d'un insunnontable en soi comme ombre de l'effectuation, révélant le sort de l'insupportable du voyant. En son point indiscernable et illocalisable, il coexiste des dualismes pliant dans cette zone d' indiscemabilité, atteignant le paradoxe en son ombre qui se mesure par l'écart de cette affinnation d'une distance positive, vers un monisme généralisé de la coalescence des étants. Et si le monde est une boule de cristal non moins que les individus 246 , tel semble bien être "le sens ultime de la contre-effectuation" où « chaque individu serait comme un miroir pour la condensation des singularités, chaque monde une distance dans le miroir247 », afin que l'individu puisse se saisir lui-même comme événement dans l'affirmation de cette synthèse disjonctive.
dire d'exclusion. Or, ce qui importe, c'est de pouvoir affirmer la différence de différence en tant que telle sans en passer par une identité des contraires. Il s'agit donc d'instaurer un usage affinnatif et positif de cette synthèse disjonctive de ditlërence incluse, qui pernlette une saisie sinlultanée du mouvelnent du devenir différenciant. Bref, il faut concevoir et appréhender une "distance positive" des différents qui les rapporte l'un à l'autre dans leur échange et dans leur cOlnmunication, conception inaugurant un tout nouvel état de perspectivisnle et ne faisant pas de la disjonction une conjonction en dernière instance. Par cette torsion affinnative qui arraiSOlme les forces des principes de l'identité, la divergence « cesse d'être un principe d'exclusion, la disjonction cesse d'être un nl0yen de séparation, l'incompossible est nlaintenant un moyen de conununication. [... ] À l'exclusion des prédicats se substitue la communication des événements. [... ] le procédé de cette disjonction synthétique affinnative: il consiste dans l'érection d'une instance paradoxale, point aléatoire à deux tàces impaires, qui parcourt les séries divergentes comme divergentes et les tàit résonner par leur distance, dans leur distance. [... ] Tout se fait par résonance des disparates, point de vue sur le point de vue, déplacement de la perspective, différenciation de la différence, et non par identité des contraires »245. L'emprunt mutuel de l'actuel et du virtuel s'entend donc dans cette communication immédiate des disparates tendant à effacer la dualité qui pourrait les confronter au miroir d'une frontière représentative. La coalescence de chaque terme ensemble atlimle ainsi le mouvement des séries comnlunicantes par-dessus toute hiérarchie et oriente le sens de leur genèse univoque. Ces 245
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ramener sans cesse des blocs de percepts et d'affects à la tâche interminable d'imager l'image de la pensée? 250 » Sommes-nous en présence du "péril du naufrage" guettant l'empirisme transcendantal, à décharge de sa conséquence possible, et qui ne restait inscrit qu'en filigrane de toute effectuation25 1 ? À tout le moins peut-on indiquer un chemin de conversion arrivant au terme de L'Image-temps. En effet, l'état de pure voyance aboutit à un nécessaire état de croyance se donnant dans une foi. Non pas qu'elle se redonne dans la forme d'une théologie. Néanmoins, elle apparaît comlne la nécessité du besoin corrélatif du voyant déconnecté de croire au lien du monde et de l'homme, lien désormais rompu 252 . On peut malgré tout se demander en quelle mesure, alors que l'image-temps destitue l'abrogation du temps au mouvement en en faisant cette force par laquelle l'homme devient ce pur voyant, n'est pas à son tour une simple station, en ce que le voyant, pour vivre l'invivable de cette voyance par laquelle il entre dans le temps comme cette force du dehors qui le happe, se retourne en son ombre au seuil de la conversion en un retour sur la forme qui habitait l'image-mouvement, et que ce lien de la croyance comme besoin d'une foi soit précisément à l'image ou ne puisse se donner que dans la forme d'un lien sensori-moteur253 •
Eric Alliez, « Un cinéma de philosophie, un cinéma de la pensée ... », in Yannick Beaubatie (dir.), Tombeau de Gilles Deleuze, Tulle, Ed. Mille Sources, 2000, p. 250. 249 L'Image-temps, op. cit., p. 101.
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L'image-cristal deleuzielme recouvre donc en son envers la multiplicité des effusions d'un temps se faisant à la pointe d'une cristallisation virtualisante, et induit, comlne le note Eric Alliez, «une nouvelle Esthétique disjonctive de l'ünage »248. C'est ainsi que l'articulation entre le visuel et le pensant peut se déployer, acconlplissant ce nlouvenlent de révélation au seuil de la fusion des deux esthétiques, et tàit correspondre la nlatière et l'esprit dans l'ünpulsion d'un immanentisme qui pouuait être celui d'une Natura Natul'ans spinoziste. Aussi l'inlage-cristal pour son compte répond au survol d'un écho à cette "expérünentation tâtonnante" que convoque et qu'implique le parcourt et le tracé du plan d'inlnlanence car il réside en elle «cette recherche nlutuelle, aveugle et tâtonnante, de la matière et de l'esprit »249. C'est donc au creux d'un expressionnisme inlnlanentiste suspendant l'œuvre à une pure sensibi lité que Deleuze opère le point de retournement qui hante les deux esthétiques et les fond dans le creuset de ces incompatibilités alogiques, tendant peut-être en cela, COlllme le dit Jacques Rancière, à un accomplissement du "destin de l'esthétique". Reste néanmoins la question prégnante s'imposant au détour de cette fusion et que pose Rancière: «achever le destin de l'esthétique, rendre cohérente l'œuvre moderne incohérente, n'est-ce pas détruire sa consistance, n'est-ce pas en faire une simple station sur le chemin d'une conversion, une simple allégorie du destin de l'esthétique? Et ne serait-ce pas le paradoxe de cette pensée militante de l'immanence que de
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257 Cf. Georg Trakl, Poèmes majeurs, Paris, Ed. Aubier, 1993, p. 19, cité in René Schérer, «Homo tantum - L'impersonnel: une rolitique », op. cit., p. 34. 58 Dôgen, Shôbôgenzô - La réserve visuelle des événements dans leur justesse, Paris, La Différence, 1980, cité par Deleuze dans L'imagetemps, op. cit., p. 28.
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mieux en quelle manière ce temps personnifié impose la présence d'une révélation de l'impersonnel. De surcroît, le cristal n'est pas le temps mais "on" voit le temps dedans, et cette vision en soi dirige déj à la puissance d'une impersonnalité en caractérisant leur sort COll1mun, telles les illuminations du poète allemand Georg Trakl, qui écrit à propos d'un de ses poèmes qu'il « est désormais impersonnel et plein à éclater de mouvement et de visions »257. Ce "on voit" comme tel agit alors plus comme révélateur de la puissance d'impersonnalisation que recèle la nature du temps et fixe par-là même en quelle manière l'impersonnel ne peut peut-être s'éprouver que comme force et non comme forme. La figuration du plan d'immanence ou de composition pourrait ainsi être une anti-forme. En fait, elle n'est ni forme ni anti-forme, mais pour le dire comme le moine Dôgen 258 , "pure réserve visuelle des événements dans leur justesse" où se déploient des lignes d'actualisations aux directions multiples en des vitesses infinies, ne définissant que des forces, c'est-à-dire un monde d'intensité et d'individuation intensive. Relancé dans la ronde hétérogène du cristalritournelle jusqu'à la rupture, s'échappant au point de fuite et capté le long d'une fêlure dans l'unité indivisible du cristal, surgit le moment proprement hallucinatoire, dont le circuit de l' indiscemabilité n'a de cesse que de nous renvoyer à cette fonction de voyance par laquelle il ne
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Toujours est-il que c'est à la pointe de cette expérimentation et de cette pure sensibilité révélée dans l'immanence cristalline que Deleuze dévoile les états cristallins conlme cristaux de temps (cristal achevé chez Ophuls, fêlé chez Renoir, à croissance infinie chez Fellini, en décomposition chez ViscontF 54). Mais si le cristal est cette scène travestissant le réel en un "théâtre généralisé", il recèle bien plus la pronlesse de l'avènement d'un nouveau réel qui Îlnpose de sortir du cristal et de la coalescence de cet échange de l'actuel et du virtuel. Car bien que la formation cristalline soit le lieu de germination d'une vie indéfinie impulsée dans la fêlure de ce pur présent d'une image-temps directe, « le cristal ne retient que la lnort, et la vie doit en sortir après s'être essayée »255. Le nlouvenlent de cristallisation agit donc par captation et libération et nlarque sur chacune de ses faces, dans l'oscillation indéterminée de son biface génétique, "Sauvés !" et "Perdus !". Mais COlnll1e le dit Deleuze, il ne saurait s'agir d'une écriture exclusive et définitive par laquelle s'accomplirait un salut complet ou bien une perdition totale. En somlne, « ce n'est jamais tout l'un ou tout l'autre »256. Aussi, autant le cristal de temps est une forme conceptuelle se suspendant à une théorie de la vision, autant pronlet-il dans le même temps la survenue d'une impersonnalité en personne, soulignant que cette façon de voir le temps est peut-être plus précisément antésingulière et pré-individuelle. Comme il est déjà apparu plus haut, l'expérimentation révèle la splendeur du « On ». Dès lors, la présentation directe du temps en personne comnle affection de soi par soi dans le cristal souligne 254
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À l'aube minérale d'un cristal de temps révélant la présentation d'une image-temps directe, où l'on aperçoit ce temps pur et cristallin comme le jaillissement dissymétrique en deux jets simultanés entre passé et présent, chacun scindés tout autant que liés, con-espond le saisissement coextensif de la révélation de la force du temps. Entre le renvoi dans le circuit actuel-virtuel s'effectuant à la surface double du cristal en ses deux faces indiscernables quoique distinctes, une opaque et une limpide, la temporalité éclatée qu'il nous est donné de percevoir par un état de voyance à la lisière de l'opérateur réflexif cristal emprunte la voie des linéaments récusant tout modèle de vérité, expectant même à la levée d'une véritable puissance du faux qui caractérise encore mieux l'apparition d'un faussaire. Mais comment parvient-on à destituer la notion même de vérité? Et pourquoi est-ce cette force du temps qui promeut l'avènement de la crise sévère que va connaître la vérité? Comment le faux enfin, compris en tant que puissance, permet-il d'assurer la transition métamorphosante de cette affection logique? Car pour Deleuze, ce que recèle plus profondément l'état de crise du temps est la remise en cause du Vrai et du modèle qu'il soutient, tant que de celui qui le soutient; somme toute, cet état de crise temporelle est bien plus aussi signe d'une crise de la vérité que celle-ci porte avec elle cependant qu'elle se refuse encore à l'observer tant qu'à l'admettre. Ainsi, contre la fausse évidence que l'image-temps soit strictement au présent, si ce n'est du présent, elle révèle néanmoins à la pointe de l'extrême "déjà-là" son existence comme constitution du passé le plus infiniment contracté. L'image-cristal comme image-
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augurant en cela d'un terrible art du jàussaire, ou comme le dit Véronique Bergen, « le dispositif deleuzien met en scène une perception projective, narcissique, traçant les coordotmées de son champ d'exercice, et dont le nliroir nlatériel n'est que le reflet d'un simulacre percevant, Oll1bre d'une ombre, où le ressemblé (physique) s'inféode au tllodèle (psychique) du perçu, où percevant et perçu se confondent dans les tllétamorphoses arlequines d'un éternel travestissement »264. Et si la disjonction fait tressauter la langue par l'affirmation sans cesse renouvelée de cette distance positive de la divergence, ce bégaiement porté par la perception hallucinatoire pousse à la défaillance des modèles de vérité, insufflée par une in-épressible poussée d'Archimède mais dont la portance serait à son tour devenue folle, fausse, travestissante et déguisée.
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régime de description sous-tend lui-même un régime de narration qui est puissamment affecté par cette transformation. C'est donc tout à la fois que pour Deleuze, la temporalisation de l'image promouvant le seuil de certaines abolitions non moins que de révolutions, inversant l'ordre de vassalisation du temps au mouvement et rompant la subordination assujettissante qui en faisait une conséquence indirecte et timorée sous-tendant de fait le régime de la représentation, poursuit la lecture de cette grande crise de l'image action. En ramifiant l'opération des faux mouvements aberrants voir abusifs, où la cohérence lâche prise à la folie des situations et des faux raccords, il la conduit jusqu'à la rupture décisive et radicale d'une temporalité devenue folle et justiciable des effets de vérité, qui ne suppriment pas la narration mais lui donnent une nouvelle valeur. Dès lors, si le cristal de temps flirte à la limite de l'impersonnel cependant qu'il révèle le temps en personne, la conjugaison inextricable de la frontière entre nappes de passé et pointes de présent, rendant l'univers entier indécidable, ne lasse pas d'envoûter toute prétention à la vérité dans la robe fantomale de l'indétrônable croyance en l'existence et à la promotion d'une puissance du faux. Elle conjure ainsi tout spectre du vrai à la dissipation des masques des reflets cristallins, puisque ce qu'on voit ainsi désormais dans le cristal, « c'est le faux ou plutôt la puissance du faux. La puissance du faux, c'est le temps en personne, non pas parce que les contenus du temps sont variables, mais parce que la forme du temps comme devenir met en question tout modèle formel de vérité »267. C'est donc en même temps que la narration devient temporelle et falsifiante, inaugurant ainsi une véritable
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telnps directe, loin d'être le temps, permet de voir le temps. En fait, pour Deleuze, l'extrême pointe de cette simultanéité de co-présence et de concrétion des couches du tenlps que sont passé et présent inaugure le seuil de l'ère de l'indécidable. Plus promptement que la possibilité de saisir un présent, nous sonlmes en présence de la coexistence entre "nappes de passé vÏttuel" et "pointes de présent désactualisé". Or, cette coexistence entre deux ditnensions rend sinlultanénlent «le temps terrible, inexplicable »265. Pour autant, l' indécidabilité et l' inexplicabilité auxquelles tend tour à tour l'imposition de la puissante itnage-temps directe ne se séparent pas définitivement de l'univers inexplicable y attenant désornlais. Cette indiscernabilité confine à creuser plus avant l'indistinction entre réel et imaginaire, physique et mental, actuel et virtuel, et s'avance dans le redoutable domaine du temps convolant à la charge de l'affrontenlent du vrai et du faux. Nous somlnes en présence de ce que Deleuze nOlnme des "alternatives indécidables entre des cercles de passé" et des "différences inextricables entre des pointes de présent". Mais, poursuit-il, « la coexistence de nappes de passé virtuel, la simultanéité de pointes de présent désactualisé sont les deux signes directs du Temps en personne »266. La conséquence majeure de ces accointances paradoxales est une profonde modification du statut même de la narration. Nous avons déjà pu constater en quelle mesure la description change et se transforme pour d'organique, passer et se transmuer en ce que Deleuze nomme cristalline. De même, si la description cristalline remplace la description organique, chaque 265
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impossibilité de toute évocation, renforçant l'évidence du lien si puissant existant entre description, nalTatiol1, temps et vérité. « En découle un nouveau statut de la nalTation : la nalTation cesse d'être véridique pour se faire essentiellement falsitiante. Ce n'est pas du tout "chacun sa vérité", une variabilité concernant le contenu. C'est une puissance du faux qui relllplace et détrône la fonne du vrai, parce qu'elle pose la simultanéité des présents incompossibles ou la coexistence de passés non nécessairenlent vrais. La description cristalline atteignait déjà à l'indiscernabilité du réel et de l'imaginaire, mais la nalTation falsitiante qui lui correspond fait un pas de plus, et pose au présent des différences inexplicables, au passé des alternatives indécidables entre le vrai et le faux. L'homnle véridique meurt, tout modèle de vérité s'écroule, au profit de la nouvelle narration. [... ] : c'est Nietzsche, qui, sous le nom de « volonté de puissance », substitue la puissance du faux à la forme du vrai, [... ] »268. Évidemment, le thèllle du lien qu'entretiennent le temps et la vérité dans un rapport réciprocable n'est pas nouveau en philosophie. C'est nlênle un des plus anciens vecteurs paradoxaux dont, par exemple, les paradoxes de Zénon d'Elée en sont une lointaine figure. Deleuze rejoue alors à son conlpte la transfiguration opérée par la torsion des schémas du temps qui « si l'on considère l'histoire de la pensée, [... ] a toujours été la mise en crise de la notion de vérité »269. C'est à ce propos qu'il invoque et déplie les paradoxes du sens inapproprié depuis l'antiquité, et ce depuis la première figure paradoxale de ce qui s'est appelé le « paradoxe des futurs contingents » et du « passé non nécessairement vrai ».
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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps
Puissance du faux, crise de la vérité
Ce paradoxe, plus connu sous la prédication de la proposition « la bataille navale aura lieu demain », pose une figure propositionnelle au futur et tente de lui appliquer la logique des solutions. Soit la bataille a effectivement lieu, et il ne se peut pas qu'elle n'ait pas lieu, annihilant toute contingence au futur, soit elle n'a pas lieu et du possible procède l'impossible. L'impossibilité cuisante à laquelle mène cette proposition selon la logique attributive des propositions des catégories de la logique classique en sape les fondements, ruinant donc principe de non-contradiction, d'identité et de tiers exclu. Enchaînant l'événement projeté dans une course folle au non-sens, ce paradoxe, qui décline l'impossibilité attributive d'une vérité d'existence (X sera ou pas) saille la part belle à toute relativité d'existence, entre hiérarchie temporelle et proposition véridique. Entre le paradoxe dit "dominateur" faisant émerger l'impossible depuis le possible et la conséquence déclinant que ce qui est ou ce qui a été n'est pas nécessairement vrai, la promotion de toute description véridique tend à s'effacer et le monde qui lui est soustendu comme monde organique de la vérité aspire à une moindre réalité. Si la convocation par Deleuze de ce paradoxe précise le sens du combat qu'il entend livrer à l'endroit de la vérité, il n'en reste pas moins que le prétexte pronominal de départ exemplifie à merveille l'étendue des dégâts qu'il veut infliger au monde véridique. Car il s'agit d'une véritable bataille que Deleuze entreprend à l'endroit de la vérité. Pourquoi? Simplement parce que celle-ci est la plus éminente représentante du monde de la représentation et du cortège de valeurs morales dans lesquelles elle surnage. Aussi, ce combat ne se départit pas de l'aliénation d'un monde aux prises avec la représentation dans la fonne du Vrai, 127
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proprement l'impuissance, l'impouvoir d'une pensée noninnée, invitant dans la plus grande violence à la création de ce qui n'existe pas encore, telle l'expérimentation d'Artaud de « ce qu'il Y a un acéphale dans la pensée, COlnme un mnnésique dans la mémoire, un aphasique dans le langage, un agnosique dans la sensibilité »274. C'est donc à l'aune d'une puissance du temps achronologique et décentrée de tous fonctionnenlents des schènles sensori-nl0teurs qu'est nlise en crise la notion de vérité, dans la série d'un telnps vide et pur que la fornle du vrai se transfornle sous l'inspiration d'une puissance du telllps, critique deleuzienne du vrai suivant à cet égard toutes les précédentes renlises en questions de la représentation du véridique. Ce sont par ailleurs autant d'épreuves correspondant à l'image de la pensée dogmatique que Deleuze pourchasse et veut pourfendre sur l'autel des représentations, détruisant l'autel aussi bien. Il s'inscrit en cela dans la lignée des philosophes ayant révélé la force du temps comme seule capable de déstabiliser la statue d'airain du Vrai, figée dans la forme de l'Idée platonicienne où Copie, Modèle et Même, résonnent d'une unique voix, d'un seul chant, dont Nietzsche eut entre autre pour Deleuze la principale initiative de désharmoniser la structure immuable et éternelle. Cette forme suprême et pérenne du lien admis comme intime et évident de la relation qu'entretient la pensée avec la vérité est en fait le présupposé a priori d'une volonté "négative" qui intime la forme d'une intériorité avec celle d'une extériorité, objet définitivement détourné de la vraie nature de la pensée et qui enracine le discours du philosophe dans un décès d'avant l'heure, perpétuellement sounlÎs à l'excédent 274
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entreprise correspond à une rectification des forces vives de la pensée et assigne la multiplicité et la radicaIité du Différent au joug d'une vision a-temporelle sclérosante. Cette forme suprêmement vicieuse recouvre pour Deleuze l'apothéose du règne d'un nihilisme qui ne dit pas son nom et mesure précisément l'écart sous-tendant l'embardée du système deleuzien. Et si la volonté qu'il recèle est dite négative, c'est que la pensée comme la Vie chez Deleuze se rattachent expressément à l'idée d'une affirmation de celles-ci; il n'est donc pas envisageable de penser et d'utiliser la vie contre la vie quelles qu'en soient les justifications dernières. La critique de cette conscience législatrice se fait donc au nom d'une pensée « qui irait jusqu'au bout de ce que peut la vie, une pensée qui mènerait la vie jusqu'au bout de ce qu'elle peut »280. C'est par l'assertion de cette plus haute destination comme unique affirmation que Deleuze énonce la reprise du projet nietzschéen d'une dissolution du carcan avilissant de la morale, pour y préférer la libération des forces vives, actives et créatives de la vie, permettant enfin à la pensée de remplir pleinement la fonction la désignant inventer de nouvelles assuréluent : « découvrir, possibilités de vie »281. À toutes démoniaques tentations que sont autant de fossoyeurs de la vie exerçant leur courroux en revendications de ressentiments nostalgiques, Deleuze dresse un nietzschéisme en passe de l'instance des puissances du faux. Car l'homme qui veut la vérité a « d'étranges mobiles, comme s'il cachait un autre homme en lui, une vengeance [... ] il a soif de juger, il voit dans la vie un mal, une faute à expier [... ] il n'y a pas de valeur supérieure à la vie, la vie n'a pas à être jugée, ni justifiée,
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l'ombre d'une reprise, autant dire d'une correction, et que de surcroît, à la faveur de la figure de l'artiste, celui-ci est pensé comme "malade et médecin de la civilisation". Pour autant l'honlme du faux, le faussaire, ne se laisse pas suspendre aux critères du système du jugement. Celui-ci, en effet, le laisse dans l'alternative dialectique du sens et du non-sens en désignant le faux comme "pauvre" envers de la vérité, le faux demeurant une erreur. Car la notion même d'erreur fait partie du système de la représentation comme son "repentir dialectique"284, comme ombre neutralisante des faux problèmes. Puissance invalidante de la négativité, l'erreur est ainsi la plus artificielle des notions au service de l'homme véridique, décidant de la frontière entre monde des essences et monde des apparences, par reconnaissance de ses modèles. La vérité se met donc en berne de l'idéalité et de la moralité car éclatée par la volonté affirmative des puissances du faux, véritable consolidé d' indécidabilité, d'indiscernabilité et d'incompossibilité d'où s'échappent les puissances déchaînées et libératrices d'un temps profondément décentré inaugurant toute transformation de la narration et de la description. La puissance du faux est ainsi ajjirmative ou volonté d'affinnation, voulant se désenchaîner des contraintes éthiques et morales pesant sur la vérité, affirmant sa puissance de décentrement et de libération tant à l'égard du temps que du mouvement, puisque le temps se libère dans le faux mouvement des enchaînements et des raccords d'images dans le cinéma, mais également faux mouvement de la narration dans la narration. Mais le faux ne peut se résoudre à l'erreur car l'erreur reste une image véhiculée ·par ce fameux
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elle est itmocente, elle à l'innocence du devenir par-delà le bien et le mal ... »282. Le chercheur de vérité, c'est l'ennemi, c'est l'homme platonicien. On reconnaît ici la figure du conlbat d'abjuration de Platon par Deleuze. On renlarquera toutefois que si le thènle de la critique de l'héritage platonicien se déploie principalement sous l'axe d'une "lnaladie" de l'occident dont il faudrait parvenir à se déprendre, cette critique, structurellement, parcourant tant l'œuvre nietzschéenne que deleuzienne ne parvient pas totalement à éviter l'onlbre d'un écueil jouant à son corps défendant. Car en effet, cette visée du philosophe enjoignant de se 111éfier des synlptônles d'une rumeur parcourant la pensée, l' assinlilant au vieux despote du Mêlne et de la Copie, prêche égalelllent à sa ll1anière une rectification, une guérison. N'est-il pas d'enlblée lui aussi le nlédecin de nos âmes, le grand guérisseur assignant à la pensée le statut du maladif? Autre forme de maladie que celle-ci s'il devait y en avoir une, ll1aladie de la nlaladie pounions-nous dire, prescrivant donc à une ll1étiance de rigueur avec la déclaration du "Tout Maladie" et de son déclarant, inoculant le nouveau virus à la pensée, hautel11ent et inémédiablement contagieuse, car si nous sonlnles malades de quelque chose, c'est avant tout de penser et de vivre avec cette pensée, suprême et dangereux délice que de s'accorder à ce délire puisqu'à faveur de l'inspiration deleuzienne, «le fond de la pensée est d'abord délire »283. On objectera, à raison sûrement, que la critique entreprise ne peut s'assimiler structurellement au critiqué en tant que celle-ci, et on se souvient de la grande santé nietzschéenne, n'impose pas à strictement parler de correction puisqu'elle nécessite une coupure radicale, sans 282 L'Image-temps, op. cit., p. 180.
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289 Alain Badiou, Deleuze-La clameur de l'être, op. cit., Chap. « Le temps et la vérité », p. 85. 290 Ibid. 291 Ibid., p. 87. 'ñ
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squelettique »289? Image squelettique dont le corps prendrait chair sous la puissance du faux, interprétation décharnée rendant réelle et "véritable" le règne des simulacres où il n'advient pas moins que, comme le précise encore Alain Badiou, «dans cette affaire, "faux" ne se rapporte qu'à une catégorie de vérité fondée précisément sur le Même du modèle et le Semblable de la copie, catégorie dont [... ] aucun philosophe ne l'a jamais promue autrement que comme image médiatrice, toute sa pensée ayant dès lors pour mission de la défaire. C'est le cas tout spécialement, de Platon, qui consacre par exemple le début du Parménide à établir l'inanité de cette image, dont ailleurs il se sert abondamment »290. Ce dernier rappelle par ailleurs que « le thème de la narration comme vecteur flexible et paradoxal de la vérité est aussi ancien que la philosophie »291, convoquant à tout hasard les histoires d'Achille et de sa tortue et qu'ainsi, l'appellation des "puissances du faux" se jouant dans la pénombre de l'indiscernabilité n'est que l'autre nom deleuzien de la vérité héritée de Nietzsche. D'après Badiou, la substitution opérée par Nietzsche de la puissance du faux à la forme du vrai, et réactualisée par Deleuze, périclite dans une tautologie redondante du cycle actuel-virtuel, cycle dans lequel s'échange mutuellement l'inversion réciproque de cette conception selon que l'on conçoive le vrai comme puissance virtuelle ou comme forme actuelle, mettant fatalement en présence son pendant sous la forme de l'Autre. Tant et si bien, «qu'il ne serait pas exagéré de dire que le classicisme de Deleuze s'accomplit ainsi:
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ininterrompue s'effectue dans l'aube naissante et évanescente d'une lumière cristalline, un circuit faussaire "trouant la trame du sens" dans un procédé fondamental d'impersonnalisation, flouant toute donne sur la table du hasard et mettant ainsi en échec la figure de l'homme véridique qui, cependant, comme le dit si bien Nietzsche, « finit toujours par comprendre qu'il n'a jamais cessé de mentir ». Ce faussaire, qui sème à tout rompre la narration falsifiante et brise le système du jugement, se déroulant «suivant des lieux déconnectés et des mouvements dechronologisés »296, est habité par la puissance du faux qui, « contrairement à la forme du vrai qui est unifiante et tend à l'identification d'un personnage, [... ] n'est pas séparable d'une irréductible multiplicité (où) "Je est un autre" a remplacé Moi = Moi »297. Adresse à tous les faussaires s'acheminant à dérégler les formes du temps et de la narration en glissant dans les labyrinthes de tous les sentiers bifurquant, tous les faussaires qui ne sont finalement peut-être qu'Un en droit, déplaçant tous centres de reconnaissances et d'identités sous les formes illocalisables de l'indiscemabilité et de l'incompossibilité, renvoyant ainsi les termes qui dirigent l'entreprise des canons de l' esthétique occidentale aussi bien que les structures possibles de la pensée depuis Platon en terme de modèle et de copie, à une fin de non-recevoir. Il assure plus pleinement la promotion du règne des simulacres, du pseudos, du faux faisant que la vérité, loin d'être le décalque d'une adéquation soit toujours une création et qu'elle ne puisse s'affirmer qu'à l'unique pointe de cette condition. À toute fin de falsification, la puissance du
pensée selon une intuition essentielle, et particulièrement difficile, la puissance temporelle du faux est une seule et même chose que l'éternité du vrai. Éternité dont le mode d'être est le retour (éternel) »292. Sacrifiant l'imlllobilité à l'éternité, l'analyse de Badiou fait ainsi de Deleuze un "platonicien qui s'ignore" alors que conlme le relllarque Suzanne Hêllle de Lacotte, J'au-delà du nlouvenlent dans lequel Badiou enfemle Deleuze à l'inlmobilisllle n'est pas considéré par Deleuze comme symptônle de l' inlmobilité et «les image-telnps sont au-delà du 1110uvement dans le sens où elles n'ont pas besoin d'en passer par le mouvelllent pour présenter le temps »293. Qu'est-ce qui peut finalement trancher le faux du vrai sur la voie du faussaire? C'est précisélllent le tenlps, en ce que le telllps est ce qui nlet en crise de façon la plus profonde le concept de vérité: c'est alors que le faussaire s'étale d'un bout à l'autre de la chaîne, illocalisable, assénant au vrai le coup et la nlarque du temps, qu'on aurait pu de la mênle façon nommer coût depuis le développement de la chrématistique aristotélicienne et son prolongement dans les analyses de Marx sur la valeur d' échange 294, illocalisable sous la forme de l'indécidable, admirable faussaire qui se déplace en vitesses infinies: « le temps par nature est la conspiration de l'échange inégal »295. Admirable car insaisissable, insaisissable car se déplaçant sur la ligne du temps ne se courbant plus mais qui dans sa course folle et
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Mais au théâtre philosophique des masques de la volonté de puissance, la transmutation des valeurs et la puissance de leur évaluation et de leur sélection ne peuvent s'effectuer que par la saisie de la nature du temps pur qui l' acconlplit : l'éternel retour. Car l'éternel retour est principe même et raison de la différence dans la répétition, assurant précisément au divers qu'il puisse advenir comme essor de la création sous la puissance de transvaluation des masques et des simulacres. De plus, « ce qu'exprime l'éternel retour c'est ce nouveau sens de la synthèse disjonctive »298, déjà envisagé comme force disruptive par laquelle se déplie la force du temps, obligeant à se saisir de cette troisième synthèse du temps vide et pur; il est même, dit Deleuze, « l'affirmation du disjoint comme tel »299. C'est donc toujours dans le même temps déchaîné et disruptif qu'advient le moment du choix de l'éternel retour pour toutes les séries de la temporalité, ajointant le futur au présent et au passé, déjouant mémoire et oubli comme l'ultime épreuve de la pensée - c'est la répétition dernière de toute synthèse possible. Il faut donc retourner à la promesse de l'éternel retour, semblant dernier de toute condition de la temporalité et du Revenir, déclinaison du devenir en germination et du montage inclusif d'un temps retourné, celui d'un présent bafoué parce que foulé à la racine de sa puissance d'étant, enclin à passer éternellement pour être enfin et n'être plus tout à la fois, marqué à mort dans le résidu de son passage.
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temps déplie son cours pour, sous le soleil de midi, offrir l'ombre la plus courte aux apparences, cette ombre disparue au seuil d'un point correspondant chez Nietzsche à la plus fondamentale crise de la vérité où «en nlême tetnps que le monde des essences est aboli le tnonde des apparences ».
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versions que nous avons de l'éternel retour restent dans la part sombre du texte, dans les coulisses du théâtre nietzschéen, aux bords de cette rue lugubre qu'évoque Zarathoustra énonçant sa vision au nain 30I • Et tant l'éternel retour est la grande révélation et intuition nietzschéenne, tant paradoxalement il demeure quasiment absent de son œuvre. C'est-à-dire que l'éternel retour ne s'écrit pas, pas plus qu'il ne se dit ou s'énonce. Et quand il se dit, c'est négativement. Ce que l'on sait principalement de l'éternel retour, c'est ce qu'il n'est pas, résistant ainsi à toute détermination positive. L'éternel retour n'est pas et ne saurait être ni retour du Même, du semblable ou de l'identique. Ainsi, dans l'éternel retour, «ce n'est pas l'être qui revient, mais le revenir lui-même constitue l'être en tant qu'il s'affirme du devenir et de ce qui passe. Ce n'est pas l'un qui revient, mais le revenir lui-même est l'un qui s'affirme du divers et du multiple. En d'autres termes, l'identité dans l'éternel retour ne désigne pas la nature de ce qui revient, mais au contraire le fait de revenir pour ce qui diffère. C'est pourquoi l'éternel retour doit être pensé comme une synthèse : synthèse du temps et de ses dimensions, synthèse du divers et de sa reproduction, synthèse du devenir et de l'être qui s'affirme du devenir, synthèse de la double affirmation »302. L'ultime répétition que représente l'éternel retour permet dès lors de valider tout ce qui revient mais surtout d'assurer le devenir; c'est-à-dire qu'il sert à authentifier et non à identifier, et qu'il est l'unique sens authentique que revêt ce futur inconditionné à l'épreuve de toute réelle pensée s'affirmant en tant que telle. Il est donc pur devenir
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Or, précisélllent, l'éternel retour est «réponse au problèllle du passage »300. Il échoit donc à la troisième synthèse du temps d'assurer toute reprise différentielle du temps puisque les deux premières répétitions du présent et du passé portent avec elles leurs défaillances, entre un présent avorté sur sa ligne de partage de l' Aiôn et de Chronos et un passé retonlbant à demeure dans le cercle de la prenlière répétition, qui dans son désir et sa nécessité de passer ne peut encore assurer au temps qu'il fut, ni qu'il ne devienne. À tout le moins peut-il garantir le temps de la nouveauté dans l'essor créateur qu'il doit conduire pour que jaillissent des cercles des répétitions l'ultitlle singularité du futur se faisant. Mais si l'éternel retour est ce qui permet au temps de potentialiser sa puissance et d'assurer sa force dans la transition intenlpestive d'un passage fulgurant, l'interprétation mêlne de cet éternel retour recèle nombre de difficultés qui dépendent certainement de son interprétation nietzschéenne. Car l'éternel retour que convoque Deleuze à toute fin de l'ultinle différence, puisque unique garant que le temps passe mais aussi que dans la répétition advienne la différence, détient son origine dans la lecture qu'il tàit de Nietzsche. Il ne peut donc s'agir de l'éternel retour cosmologique grec. L'alternative problématique dans laquelle se pose l'interprétation de l'éternel retour s'énonce donc: éternel retour du Même ou bien du Différent? Et aussi: est-il cycle ou instant? Qui plus est, si l'interprétation en soi pose problème, et initie des divergences d'interprétations non moins que la multiplicité possible de celles-ci, cela tient entre autre au fait que cette notion n'a jamais en tant que telle été pleinement et positivement défini par Nietzsche lui-même. La ou les
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éthique. Le premier sens en revient à l'évidence même de sa fulgurance par rapport au passé, à son pouvoir synthétique donc, dans la manière de ramasser tout le passé et dans sa coexistence dans l'instant. Mais tout sens cosmologiste ou cyclique doit a priori être écarté: «le devenir n'a pas pu commencer de devenir, il n'est pas quelque chose de devenu. Or n'étant pas quelque chose de devenu, il n'est pas davantage un devenir de quelque chose. N'étant pas devenu, il serait déjà ce qu'il devient, s'il devenait quelque chose. C'est-à-dire: le temps passé étant infini, le devenir aurait atteint son état final, s'il en avait un »304. En vertu de l'infinité de ce temps passé, toute vision mécaniste ou thermodynamique ne peut expliquer l'éternel retour; il n'est pas «une loi de nature », dit Deleuze, mais «puissance contre la loi »305. Et cette puissance, précisément, exprime la volonté de puissance en tant qu'elle ne doit vouloir que l'actif et le créatif contre le réactif et le nihilisme. À l'instar de l'impératif catégorique kantien, l'éternel retour dans la sélection indique donc que le vouloir ne veut comme règle pratique que ce qu'il peut vouloir comme retour éternel. À l'orbe de ce deuxième sens, sens véritable et authentique de l'éternel retour comme produit d'une sélection et principe sélectif, deux sens s'affrontent cependant. Devant chasser tout le négatif, puisque la puissance sélective dans l'éternel retour fonctionne comme synthèse affirmative, «la leçon de l'éternel retour est qu'il n'y a pas de retour du négatif [... ] que seule la joie revient »306. L'éternel retour impose néanmoins de faire également revenir la négation pour
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affirmant et sélectionnant le retour de la différence par l'être de son principe sélectif, pouvant en dernier lieu faire advenir l'être dans l'affirmation de la différence, et ce dans le creuset d'un unique lancer de dés donnant à chaque lancer le présent tout entier, une fois pour toutes les fois. Et pour braver que le vieux dénlon du Mênle ne surgisse tout au long des répétitions, pour éviter l'éternelle revenance de l'identique, il décompose toute unité en affinnant l'un tnais sous la condition du multiple et que devenant l'être du tenlps, ne revienne à son détour sélectif de la double affirnlation que la différence dans l'être puisqu'il faut «une seconde affirnlation pour que l'affinnation soit elle-nlême affirmée. Il faut qu'elle se dédouble pour pouvoir redoubler »303. L'éternel retour est ainsi vouloir sélectif à la nième puissance dont le minimunl ne peut revenir qu'à la condition d'une seconde puissance sélective et affirmative assurant la transmutation des valeurs, leur transvaluation. Car si sous l'inspiration de la volonté de puissance, le vrai et le faux sont aspirés sous les puissances du faux, c'est que la vérité ainsi jugulée par l'éternel retour revenant et aftinnant devenir et confusion assure l'élévation de toute pensée à hauteur d'une évaluation: le noble et le vil. Transmutation et transvaluation sont même pour Deleuze le sommet de l'éternel retour. Mais l'éternel retour, encore une fois, ne renvoie son immédiate sélection qu'à la volonté d'une interprétation de par sa nature même, qui est de rester caché dans les textes même où il s'énonce. C'est ainsi que Deleuze inspecte deux sens de l'éternel retour, deux aspects. Un premier aspect, cosmologique et physique, et un second, sélectif et 303
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nouveauté que promet ce temps de la troisième répétition, cette offrande de l'éternel retour, il semble bien persister un point de défaillance à perte du sélectionné dans le retour. Car comment envisager cette manière de tout détruire et de tout sélectionner? Ne réside-t-il pas en d'autres termes une dualité irréductible de ces manières se réduisant en dernier lieu à une duplicité «lourde» (on peut penser ici à la lourdeur de l'esprit du nain du Zarathoustra prenant paradoxalement tout à la légère) et trahissant toute possibilité de répétition? Ou pour le dire avec Jacob Rogozinski, comment « une répétition du toutnouveau, de l'absolument-Autre, qui ne répète rien du passé mais brise avec lui sans retour - peut-elle être encore désignée répétition? »310 Entre le négatif et l'affirmatif, il se dessine donc une ligne de fuite risquant à chaque instant sa perte dans la néantisation: défaillir au gouffre de la disparition avant même que d'avoir pu, soit être sélectionné, soit être rejeté et nié. Car la répétition, pour être conséquente, ne peut être partielle mais doit s'affirmer dans une teneur de l'éternel retour ne retenant certes que ce qu'il a élu mais cependant, dans cette même sélection, doit opérer un tour de force radical et définitif pour rejeter le négatif et "éviter le triomphe du négatif'. Voulant ainsi affirmer le positif et la joie nouvelle de l'absolument nouveau, l'éternel retour doit céder à une rupture qui semble totale avec le passé et rejeter dans les méandres de l'histoire humaine l'ensemble de ce qu'elle porte avec elle-même, le triomphe du négatif. Est-ce que la pensée de l'éternel retour n'apparaît pas de nouveau dans ce double irrémédiable impliquant «cette irruption radicale de quelque chose qui "détruit tout" de ce qui la précède, une césure, une coupure dans laquelle
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l'affirmer. C'est-à-dire que pour mettre en place un principe de destruction et pouvoir transmuer le sens des forces réactives, il faut que le négatif revienne et soit affirmé, mais doublement, pour qu'il se redouble et soit évinceo7• À l'épreuve de toute transmutation, la répétition s'affirme doublement, puisque l'épreuve ultime de l'éternel retour est bien de ne faire revenir que l'absolunlent nouveau. Mais si l'affirmation sélective de l'éternel retour permet également qu'il fasse revenir le négatif (à moins que nous ne soyons dans la part insupportable de l'éternel retour faisant tressaillir Zarathoustra en ce que précisélllent mêllle le vil revient), Deleuze selllbie hésiter entre les deux interprétations qu'il présente, à savoir, entre son sens nihiliste et cyclique ou son sens affirnlatif et sélectif. On peut se demander si cette oscillation divergente de la double affirmation ne vacille pas dans le creux de sa propre annulation, dans l'expectative de l'indécidable que Nietzsche lui-même n'a pas "résolu"308? Entre le recueillement des deux premières synthèses du temps et leur exclusion momentanée, l'ultime synthèse que représente l'éternel retour comme unique promesse, tant du devenir que du nouveau, s'arrête là : « L'ultime répétition, l'ultime théâtre recueille tout d'une certaine manière, et d'une autre manière détruit tout, et d'une autre manière il sélectionne en tout. Peut-être est-ce l'objet le plus haut de l'art, de faire jouer simultanément toutes ces répétitions »309. Ainsi, à la pointe de la
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Logique du sens, op. cit., p. 305. cf. aussi D(fférence et répétition, op. cit., p. 80 et 122. 318 Différence et répétition, op. cit., p. 122. 319 Logique du sens, op. cit., p. 349.
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Logique du sens, op. cit., pp. 348-350, la citation finale est de Klossowski. Cf. aussi Différence et répétition, op. cit., p. 3 Il. 323 Ibid., p . 131.
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Le paradoxe parodique de l'éternel retour
l1lême au titre d'une connaissance sans commencement ni fin" »322. L'alternative sans cesse relancée (se perdre/se sauver) distille sous l'impérieuse pression du temps que toute perte devienne effective cependant qu'aucun salut n'est encore prononcé. À demeure de la possibilité de toute éthique se précise malgré tout l'ultime sélection. Mais entre la désignation de ce que Deleuze nomme puissance du faux et contre la définitivement très controversée vérité, l'écart est de taille. D'ailleurs cet écart, en tant que tel, ne peut plus être comblé car la distance séparant la conception classique de la vérité soustendue au réginle de la représentation et l'affirmation de la plus haute puissance du faux promouvant le règne des simulacres, un nlonde est franchi, tant des essences que des apparences. C'est l'autre rive d'une pensée nouvelle auquel convie l'invite du système deleuzien, le plus impensé dans la pensée, étant donc en tant que tel absolunlent in-reconnaissable, autant dire inenvisageable sous le réginle représentatif. Zarathoustra doit se perdre à la fragile faillite des surfaces, accompagnant Nietzsche dans la défaillance d'avoir «regagné le sans-fond qu'il renouvelait », dont Deleuze dit aussi que c'est là « que Nietzsche, à sa manière, a péri »323. La révolution que promet l'avènement de l'éternel retour pour abjurer le négatif n'opère-t-il pas alors son retour du même et du différent dans la forme d'un échec, laissant béante l'interstice par laquelle toute fêlure va se trouver de nouveau submergée et nous reconduire dans sa défaillance même à l'ultime vœu qu'une croyance fut 322
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relançant dans le cercle brisé de la fragmentation et ne lui laissant que le choix de l'intempestif ou de l'inactuel, au travers de quelques-unes de ses visions suggérées ou comme soufflées par l'abîme indifférencié et indéterminé de l'énigme temporelle? q
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et dédoublé, la mort projetée par ordonnance, figure devant accueillir toutes les formes possibles des chutes d'une vie et de son artifice rattrapent toute velléité dans sa course aux faux-semblants, aux faux-fuyants. Voici que la pensée se fige, terrassée en son lieu ne promettant plus les lllultiplicités nlais se voit pour un nlOl11ent condanlnée à ne Illêllle plus pouvoir offrir une contenlplation et produire toujours, nlais bien subir la terrible et angoissante pression de son '"assignation à résidence", bloquée dans le nlouvenlent perpétuel du mêllle, qui n'est pas encore autre retour du nlêl11e, perpétuellement relancée contre le nlur d'une coupe imillobiie. Alors oui, l'imagination peut bien devenir la folle du logis pascalien, laissant la pensée entravée dans ce logis dont l'âtre ne brûle plus que les rebus des errances nlaléfiques, sous l'inspiration du daïmon deleuzien, là où «la disjonction posée cornille synthèse troque son principe théologique contre un principe diabolique »325. Et si la philosophie doit s'être essayée à la puissance des masques et de toute fiction COJlllne prétendante à la sélection de l'éternel retour vrai du faux, aftirnlant ainsi le plus haut vouloir, peut-être qu'alors, au-delà des dérives d'Éros et de Thanatos, malgré Œdipe dont les yeux crevés ne peuvent qu'halluciner, courant dans sa longue errance à sa peine et à celle de l'occident, toute filiation représentative se déplace au devenir insoumis d'une vie, d'une écriture, d'une stylistique du fondement, d'une dérive du '"faux" rejoignant chez Deleuze le procédé dit du discours indirect libre. Serait-il finalement la forme dernière sur laquelle achoppe toute interrogation, le lieu de toutes les butées parvenant à la surface, l'impersonnel dernier miné par le travail d'une temporalité mettant en échec toute critique la 325
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Le paradoxe parodique de l'éternel retour
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dans chaque coup. Machine dionysiaque à produire le sens, et où le non-sens et le sens ne sont plus dans une opposition simple, mais co-présents l'un à l'autre dans un nouveau discours. Ce nouveau discours n'est plus celui de la forme, mais pas davantage celui de l'informe: il est plutôt l'informel pur »329. Repoussant toute identification à dépérir au charnier des vestiges de la représentation, le nouveau statut discursif révèle sens et non-sens dans l'extatique vision de leurs co-présences sans que l'un ne se dise plus au détriment de l'autre, ni ne revête de valeur d'attribution négative. Puisque envers et endroit se lovent dans une fièvre articulant les déshérences du système représentatif à l'impérieuse prédication logique attenante en s'épousant à la surface de l'improbable mais imminente doublure, tout point de vue énonciatif change et se transmue, à l'orée d'un pli baroque. « Pli selon pli »330 dirait Eric Alliez ravivant l'énoncé deleuzien, affirmant l'essence d'un néo-Ieibnizianisme comme le sens d'un leibnizianisme virtuel s'impliquant dans « un nouveau type de récit où [... ] la description prend la place de l'objet, le concept devient narratif, et le sujet, point de vue, sujet d'énonciation »33\. Cet énoncé souligne l'opération d'une transvaluation pratique dans l'accord impersonnel d'une double énonciation, sujet disparu dans la boucle d'un discours dysnarratif, c'est tout l'effet d'un discours indirect libre dont Deleuze emprunte essentiellement la
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son pli, sous la multiplication des points de vue qu'impose toute intransigeance sélective se présente l'étrange formation s'extirpant du brouillard de vapeurs incorporelles, révélant l'articulation au seuil du chaos de l'expérimentation du sens jusqu'à son double, non-sens conlnle neutre, car désormais, le sens « c'est ce qui se fonne et se déploie à la surface. Mênle la frontière n'est pas une séparation, mais l'élément d'une articulation telle que le sens se présente à la fois C0111nle ce qui arrive aux corps et ce qui insiste dans les propositions. Aussi devonsnous nlaintenir que le sens est une doublure, et que la neutralité du sens est inséparable de son statut de double. [... ] la doublure est la continuité de l'envers et de l'endroit, l'art d'instaurer cette continuité, de telle manière que le sens à la surfàce se distribue des deux côtés à la fois, comIne exprimé subsistant dans les propositions et , , 't comme evenement survenantaux e at s de corps »3"8 -. ComInent enregistrer la permanence de l'oubli et saisir les accointances transfigurées de ce double en son oInbre d'existence? Entre l'effectuation et sa contreeffectuation, quelles trouées de la trame du sens vont permettre l'individuation de tout incorporel advenant à la surface du plan réunissant Être et Penser? Sommes-nous vraiment tenus à l'échec intimidant de toute oscillation non-dialectique ou pouvons-nous encore croire qu'à déférence du vide, ce n'est pas le rien, le néant? Deleuze, plus avant, relevant l'hypnotique description du sans-fond émet la promesse hallucinée de « quelque chose qui n'est ni individuel, ni personnel et pourtant qui est singulier, pas du tout abîme indifférencié, mais sautant d'une singularité à une autre, toujours émettant un coup de dés qui fait partie d'un même lancer toujours fragmenté et réformé 328
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Bakhtine, Le marxisme et la philosophie du langage, Paris, Minuit, 1977, Pasolini, L'e.x:périence hérétique, Paris, Ed. Payot, 1976 et Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman, Paris, Minuit, 1961. 333 /tv/ille Plateaux, op. cit., p. 35. 334 L'Image-temps, op. cit., p. 165.
supposer l'indépendance de l'objet, la description va créer son objet et valoir pour lui. En dehors de lui-même, à l'ombre de l'articulation de la frontière du sens et du nonsens, Deleuze stoppe toute remontée en transcendance. Au loin des disparités représentatives, il assure désormais l'Autre éternellement pour qu'en son retour soit bien l'identique mais du dissimilaire, garantissant que « le double n'est jamais une projection de l'intérieur, c'est au contraire une intériorisation du dehors. Ce n'est pas un dédoublement de l'Un, c'est un redoublement de l'Autre. Ce n'est pas une reproduction du Même, c'est une répétition du Différent. Ce n'est pas l'émanation d'un JE, c'est la mise en immanence d'un toujours autre ou d'un Non-moi »335. Le discours indirect libre peut peut-être en définitive fournir une clé de lecture du système deleuzien, et disséminer ici ou là selon les intuitions répétitives de ce quelque chose en quoi une image de la pensée se nommerait « deleuzisme »336. Même s'il est patent qu'à défaut de tout "-isme" redondant, l'actualité par laquelle on peut saisir sa pensée ne nous semble pas encore se réduire à cette catégorisation cédant encore trop à l'analogique, et répondre tant à l'impersonnel qu'il poursuivit, ce devenir imperceptible, qu'à l'ultime courant d'air auquel il s'est offert en toute dernière contemplation, inassignable. Disparition sous la création, l'appropriation impersonnelle apparaît d'abord comme un énoncé paradoxal. Comment peut-on en effet posséder en propre quelque chose sur le mode de l'impropre? C'est que ce paradoxe du sens, s'il ne déjoue pas les catégories
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théorie à Bakhtine, Pasolini ou Robbe-Grillet3 32 . Pli sous le « on » du pli, le « on » qui, à levée de sa splendeur, retentit de toute sa puissance impersonnelle comme avènement d'un pur événement. Ayant remplacé un « Nous» contre tout les « Je », le discours indirect libre se présente contre les affres de la figuration pour une montée en puissance des simulacres. Dès lors, il faut s'inquiéter de toute représentation et que le représenté soit impalpable, illocalisé dans l'ordre du discours, illocalisable sous l'effet du tenlps, et qu'il soit un mixte. Encore une fois, c'est toute la série de l'incrédulité d'un doute qui genne en son milieu pour ne jamais devoir en finir avec cette tenlporalité, cette ontologie réalisée dans un point d'indiscernabilité absolue. Cet état de voyeur plus que de voyant, à nloins que l'un ne se confonde avec l'autre, commande de s'enfuir sur les lignes de la nanation et ditférer si ce n'est abroger définitivement l'effèt de vérité, le faux, et préférer toujours comme l'elnbrulne de cette fonnule deleuzielme à l'encontre de la linguistique, « l'ilnperceptible rupture, plutôt que la coupure signifiante »333. Si l'apparente coque inamovible du "fléau" de la vérité se fissure sous le poids de la narration et de la description, pris dans l'étau interne d'un langage imposant de l'intérieur courbure à tout jugement de vérité et faisant de la description « le seul objet décomposé, démultiplié »334, la reconduite de toute doublure du sens neutralise le double à l'effectivité de son sens. Loin de
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sujets d'énonciation divers, mais un agencement collectif qui va déterminer comme sa conséquence les procès relatifs de subjectivation, les assignations d'individualité et leur distribution mouvante dans le discours »339, et « quant à la distinction du subjectif et de l'objectif, elle tend aussi à perdre de son importance [... ] On tombe en effet dans un principe d'indéterminabilité, d'indiscernabilité [... ]. C'est comme si le réel et l'imaginaire couraient l'un derrière l'autre, se réfléchissaient l'un dans l'autre, autour d'un point d'indiscemabilité. [... ] (la description) comme elle remplace son propre objet, pour une part elle en gomme ou en détruit la réalité qui passe dans l'imaginaire, mais' d'autre part elle en fait surgir toute la réalité que l'imaginaire ou le mental créent par la parole et la vision »340. Sans objet ni sujet, hécceité flottante dans l'espace libre d'un champ transcendantal, chaosmos à l'affirmation du hasard, se délivre le 'Joyeux message" insufflé et disséminé à la surface, dissipé comme le suprême vent recueillant et éparpillant toutes singularités à cette même surface, qu'il y a « toujours un autre souffle dans le mien, une autre pensée dans la mienne, une autre possession dans ce que je possède, mille choses et mille êtres impliqués dans mes complications: toute vraie pensée est une agression. Il ne s'agit pas des influences que nous subissons, mais des insufflations, des fluctuations que nous sommes, avec lesquelles nous nous confondons. Que tout soit si "compliqué", que Je soit un autre, que quelque chose d'autre pense en nous dans une agression qui est celle de la pensée, dans une
« L'immanence: une vie... », in Philosophie n047, op. cit., p. 5. Ibid., p. 6. v R
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dans une langue qui se temporalise ? Nous voilà repris au mode affirmatif de l'infinitif et à la puissance du verbe oscillant sur le pourtour du cercle des différenciations et de toute valeur nominale à sa distinction entre les deux pôles qu'il conjugue, infinitif-virtuel du verbe et présentactuel du verbe 346 . L'Être univoque, de mots et de temps, livre donc ses limites à la frontière d'un style en précurseur sombre, disparition, substantif d'un disparaissant en lui-même tout à la fois que ce lui-même ne puisse pas être assimilé à un intérieur, mais à la reconduite de l'énigme dans une ligne de fuite toujours plus différenciée, happant le transcendantal à toute voie d'immanence selon l'unique urgence récapitulant sa nécessité, que « nous ne croyons plus à un Tout comme intériorité de la pensée, même ouvert, nous croyons à une force du Dehors qui se creuse, nous happe, et attire le Dedans »347. Et c'est sûrement dans l'écheveau de telles limites, mais où la limite est comme un point aléatoire paradoxal, que pénètre le dernier doute, machine dionysiaque deleuzienne comme arme ultime du faussaire et du schizophrène ou du faussaire-schizo, renvoyant l'identité à une image qui tout en étant de lui n'est pas de lui, à l'icône déchue qui pourrait faire triompher toutes les idoles aux simulacres reflétant un double dépareillé, « supprimer vos icônes, où ce sont elles qui vous supprimeront» selon le mot de Nietzsche. Que l'on puisse, dans une mécanique répétitive et différentielle, voir à l'infinitif advenir le retour affirmatif d'une proposition, que « l'art du faussaire s'autorise d'une proposition: une œuvre ne se définit pas des objets qu'aléatoirement elle a élus, ni davantage du système qui
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simulation de récit »351. Deuxième puissance du temps et du verbe, des effets de conjugaisons qui déterritorialisent, pris dans « un flagrant délit de légender »352, dans des « fonctions de fabulation» résonnant comme des fictions de fabulations, détournant toujours l'objet pour un distinguer-dissiper où la production de sens indétermine l'origine. Parvenir à cette «conception fabuleuse du temps », une narration abusée affabulant la fabulation qui incline l'histoire de la philosophie dans une erreur grammaticale encadrant le présent dans un futur et un passé déplaçant le triple assujettissement d'une pratique de cette même histoire de la philosophie dans une autre triple sujétion353 avec ses différentes couches de concrétions autour des germes d'un temps décentré et simultané, une « pensée du présent infinitif »354. C'est une langue, un langage dans lequel « il n'y a pas de métaphore, mais seulement des conjugaisons »355 et où comme le propose Jean Khalfa, l'image du courant d'air doit pouvoir être entendue avec « courant comme un verbe impersonnel, et nom comme un nom »356, pour que monte l'événement le long d'une ligne des incorporels. Ce en quoi, fébrilement, il faut s'en remettre à l'invention de ce peuple que convoque le discourt indirect libre renvoyant à l'inévitable croyance en ce que «les fonnations discursives sont de véritables pratiques, et leurs langages, au lieu d'un universel logos, sont des langages N
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les uns aux autres les articule, pas même de l'intention qui présida au choix des objets et à la clôture du système, mais seulement d'un style qui, puisqu'il n'a plus à exprimer une intention, que le voici en quelque sorte vidé de toute signification, doit pouvoir être mécaniquement imité »348. C'est dans ce paradoxe du jàussaire que l'historien infiltre ses propres thèses, « l'entrislTIe »349, opération dans laquelle la réussite ne s'évalue que dans une nonévaluation, une contre-effectuation invalidante comme le 1110uvement du teillps stoïcien, laissant l'art du faussaire dans sa propre négation, «dans l'indiscernabilité de l'authentique et de la copie. Une histoire de la philosophie pastichante est nécessairement une histoire de la philosophie pastichée: imitation à la deuxième puissance »350. Mais la simulation con1n1e propre du double ne dépendant plus du systèn1e de la représentation, s'affinne non plus comme copie non lTIoins qu'elle destitue l'idée Inême de toute origine, et assure alors à cette deuxième puissance la répétition différenciante de l'éten1el retour sélectif qui ne fait revenir que ce qu'il a élu, que ce qui revient dans l'excès laissant dans sa traînée la ruine de cette contre-effectuation. Ainsi, tout pastiche qu'elle soit ou qu'elle puisse être, c'est par l'instance promotion du règne des masques et des simulacres. À l'ombre de ce théâtre productif, ce qui advient, c'est le nouveau. Mais le nouveau s'étant déjà paradoxalement essayé, simulant un récit ne se rapportant « plus à un idéal du vrai qui en constitue la véracité, mais devient un pseudo-récit, un poème, un récit simulant ou plutôt une
différé », op. cit., p. 62. 349 Ibid., p. 63. 350 Ibid.
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357
Dans la voie clairsemée de repères diffus, nous pouvons nous en remettre à la destitution du logos travaillé par le temps, travaillé par le style, et que déjà Deleuze laissait avec lui à l'invite de Proust: « Peut-être est-ce cela le temps: l'existence ultime de parties de tailles et de formes différentes qui ne se laissent pas adapter, qui ne se développent pas au même rythme, et que le fleuve du style n'entraîne pas à la même vitesse. L'ordre du cosmos s'est effondré, émietté dans des chaînes associatives et des points de vue non communicants. [... ] c'est dans les méandres et les anneaux d'un style Anti-Iogos qu'elle fait autant de détours qu'il faut pour ramasser les morceaux ultimes, entraîner à des vitesses différentes tous les fragments dont chacun renvoie à un ensemble différent, ou ne renvoie à aucun ensemble du tout, ou ne renvoie à aucun autre ensemble que celui du style »362. C'est ainsi que résonne maintenant la terrifiante nouvelle: «il n'y a pas de logos, il n'y a que des hiéroglyphes »363. Face à l'Anti-Iogos propositionnel préconisé se répand, dans l'attente mue d'un désir éconduit, la lente observation d'un déchiffrage en devenir, de l'écriture hiéroglyphique dont il faut prendre patience pour en déchiffrer les signes et que le sens se trahisse. Car il n'y a pas de vérité qui se dévoile puisque toute vérité est productive, se trahissant au défaut d'un dépareillement, d'un travestissement, sous l'ombre d'un masque se faisant son effigie, étant double et original. De même qu'il n'y a plus de copies non moins que des modèles, si ce n'est des simulacres qui se simulent. Entre le signe et le sens, deux versions différées d'un même temps les traversant, les animant, et qui nous force à penser. À la reconduite de la
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1110rtels, aptes à promouvoir et parfois à expritner des Inutations »357. À ce point irréductible du nlultiple se dévoyant à prolifération d'invention s'égrène l'ancienne confusion contre laquelle il faut finalement se mettre « à fabuler pour s'affirmer d'autant plus COlnme réel, et non comlne fictif »358, découvrant dans toutes narrations falsifiantes ce que le temps dégage du faussaire et de sa puissance, la levée d'une troisièllle inlage-tenlps dont « son paradoxe est d'introduire un intervalle qui dure dans le nlonlent lui-nlênle »359. Résonnant à l'étrange paradoxe du faussaire pointé précédenlnlent en la dellleure de l'entrisllle conlme procédé de falsification, il faut rejoindre ce Inilieu dont le rhizome devait en son teillps, au loin du plus lointain plateau de tous les Inille démultipliés, C0111pOSer et c0111biner en quoi, « Entre les choses ne désigne pas une relation localisable qui va de l'une à l'autre et réciproquement, nlais une direction perpendiculaire, un mouvement transversal qui les emporte l'une et l'autre, ruisseau sans début ni fin, qui ronge ses deux rives et prend de la vitesse au milieu360 • » Aussi, entre l'égal et l'inégal comnle ligne de faille le long de laquelle toute embardée ne se fait qu'à un saut définitif dans le vide, se dessine en nlarge de tout inconnu cet "homme sans qualité", impalpable, aux affres ténébreuses d'un style qu'est le discours indirect libre « en tant qu'il témoigne d'un système toujours hétérogène, loin de r équilibre [... ] (qui) est une affaire de style »3(,1.
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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps
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367 Jorge luis Borges, La mort et la boussole, in Fictions, Paris, Gallimard, édition augmentée de 1983 (l ère éd., 1957). 368 L'Image-temps, op. cit., p. 54 369 Ibid., p. 171. 6 tr:'i - 5 * l N
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Deleuze, op. cit., p. 128. 365 Difference et répétition, op. cit., p. 374. 366 Ibid., p. 351.
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364 Françoise Proust, « Le style du philosophe », in Tombeau de Gilles
mais scindant le réel à l'apparition de toute vérité d'existence. Ainsi, de la même façon que dans le récit de Borges 367 le temps se déplie dans l'ordinalité d'un schéma où l'énigme se joue des cardinalités pour finalement prendre rendez-vous avec la mort au terme échu d'un labyrinthe, Deleuze, dans sa décardinalisation, laisse une place vacante pour ce même rendez-vous, celui de l'interprétation d'un faussaire se libérant de tout projectif nan-atif, acte libératoire qui cependant chute dans une mort promise, qui on l'a vu, n'est pas encore la mort cependant qu'on meurt. Il faut ici laisser parler Borges, qui ne peut être lu après ces embardées en forme de patchwork que comme formule, résumant à son tour ce en quoi la philosophie deleuzienne à son point ultime peut faire éclat, feu borgésien qui nous permit d'ouvrir cette falsifiante narration, assassin comme Chronos puisqu'il « n'y d'autre crime que le temps »368: «Pour la prochaine fois que je vous tuerai - répliqua Scharlach - je vous promets ce labyrinthe, qui se compose d'une seule ligne droite et qui est invisible, incessant. 11 recula de quelque pas. Puis, très soigneusement, il fit feu 369 • » Eut-il fallu employer plus tôt cette réplique borgésienne? Est-elle ouverture ou conclusion? À chaque point du texte, elle semble se rencontrer comme boursouflure surannée. Mais si elle s'exprime en ce qui pourrait se comprendre en préambule conclusif, c'est que la spécificité et la difficulté de toute tentative de commentaire à l'égard de la philosophie deleuzienne renvoient aux résonances du système, à ce dispars comme r \o
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Discours indirect libre
représentation, l'imposition d'une fulguration, un "noochoc" zébrant de son éclair tous les possibles orages, toutes les telupêtes virtuelles, traçant les contours déjà indiscernables d'un clair-obscur en zone ombragée. À l' onlbre de Deleuze, agrammaticalité, bégaiement, langue étrangère, innonlnlable, en pleine exploration de ce double nlouvenlent constituant un seul et même geste - "crée des concepts et se crée une langue" - que Françoise Proust souligne si bien en ce qui poun-ait en donner une figure, que Deleuze « forge une langue du dehors du dedans de la langue philosophique »364. N'est-ce encore que la d~raillaJ1ce d'un écart ituperceptible où dans la « dent creuse » et vide ne résonne plus que l'équivoque du fondement contre l'univoque de l'Être, caverne tournant à vide dans le grand creux de l'estonlac d'une baleine de Melville, telle Moby Dick? Doit-on risquer toute tentation à la pointe de ce danger effleuré que constituait 1'« ambiguïté essentielle du fondement» retombant toujours «dans la représentation de ce qu'il fonde »365? Faut-il vaciller dans cette chute imperceptible du sans-fond engloutissant toute défaillance tenlporelle à la zébrure de sa surface? Et qu'ainsi, de la nlême façon que l'éternel retour hésite entre deux interprétations, qu'Aiôn et Chronos, qu'actuel et virtuel, que l'objectif et le subjectif, nous ne cessions de « vaciller entre sa chute dans le fondé et son engloutissement dans un sans-fond» 366 ? Peut-être est-ce le suprênle destin de tout devenir deleuzien : une trahison. Révélant l'essentiel d'une vision cristalline, écrin énigmatique, inapprochable
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Qu'est-ce que la philosophie ?, p. 105.
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Zébrant le plan d'immanence, orage intempestif, l'éclair deleuzien aura donc bien eu lieu. Sur la voie contestant toute analogie justificative, Deleuze en son ombre libère les puissances d'un temps arraisonné en son centre depuis l'antiquité. Que pouvaient nous promettre les forces libératrices du temps des séries disruptives? De se saisir, et de se déprendre. Double promesse qui, on le comprend désormais, laisse miroiter dans le prisme du cristal, le risque éternel d'une chute idéale-réelle dans le sans-fond de l'être, de la pensée et du temps. Et dans la mise au tombeau de toute vérité catégorielle que permettait l'affolement du temps, nous ne savions plus si, en définitive, l'être travaillé à même le mot par la montée d'un style reculant les limites de l'observable ne donnait pas finalement en son usage l'exact inverse de ce qu'il prétendait inaugurer. L'exact inverse? C'est là tout l'inextricable dessein de la critique quand elle se heurte à
Gilles Deleuze, L'épuisé, postface à Samuel Beckett, Quad, Paris, Minuit, 1992, pp. 71-72.
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unité de mesure et à cette différence de différence, coalescence par laquelle, non-dialectiquement, chaque point du texte s'échange avec un autre selon un point indiscernable et fuyant, n'arrêtant en rien le mouvement mais tuant le tenlps à l'itllpersonnel et retournant l'événement en son double conlme à la mort, eventum tantum, un événelnent unique et indivisible au cas duquel ce temps mort du vivant incline à procéder en sa contreeffectuation à un retournement de ce dont il procède, et émane pour jouir enfin insupportablelnent, en une attitude contemplative, de sa propre inlage. Et que peut l'art si ce n'est toujours ça aussi, «tenter de faire une image de tenlps »370.
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Gilles Deleuze, l'épreuve dUlemps
croyance qui pour un temps au moins, aurait nécessairement conduit son auteur à emprunter le chemin improbable d'une résolution différée de la connaissance de l'Être du temps, sans pour autant sombrer dans la mort promise que lui impose le sens qu'il s'en est donné par le jeu du multiple, inscrivant en cela au cœur même du système l'ultime doute de toute viabilité. Si la philosophie de Deleuze ne résiste pas à jouer contre elle-même, tant et si bien qu'il ne reste peut-être plus qu'au philosophe de ramasser ces miettes philosophiques et de les offrir aux vents incrédules de toutes disséminations artificielles, récolter les fruits épars de ce qui pourrait nous en donner une connaissance et peut-être, à l'instar de toute préconisation nietzschéenne du devenir-artiste, se tourner vers l'art, c'est que c'est dans la mesure de cette résistance qu'elle distille justement ce quelque chose exprimant peutêtre la philosophie même, au bout de tout épuisement, perte, risque et défaillance, subtile et suprême fièvre faisant l'effet du chevauchement de ce balai de sorcière de l'homme de Kiev lisant l'Éthique de Spinoza. Et que précisément, elle soit la résistance même éprouvant à la pointe de son effort ce qu'est un style. Si c'est toujours depuis un point de vue qu'il nous est donné d'effectuer une lecture, la différence interne que nous avons pu croire nous aveugler suit le perspectivisme des lignes de fuites deleuzienne, en leur origine ombragée et orageuse, de tomber comme émanant de ces lignes de lumières plotiniennes. Tout se double sans se redoubler encore cependant que le retour de l'affirmation annonce à la joie de sa vue que tout soit simulation. De calque et de carte, toute géographie nous reconduit à son orient. De là à entendre la pensée de Gilles Deleuze à l'empire du milieu, c'est peut-être qu'elle nous convoque à l'orient de
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Cependant, dans la percolation d'un style à l'épreuve d'un temps, nous saisissons tout de même quelques menus fragments, pertes et défaillances, décelant alors sous cette philosophie fragmentaire, le menu moyen de peut-être faire un tant soit peu dévier le survol de tous les aplombs. Il semble que définitivement, hormis l'épreuve du changement dans le cours empirique des choses, la compréhension du temps dans sa réalité pure échappe à toute réelle saisie philosophique, se consumant dans l'âtre du sens qui résiste, à n'apercevoir que l'impuissance dernière d'un système se bouclant sur luinlême, se condatnnant dans l'ouvert à n'être dans tous ses devenirs qu'un concept fuyant de la tenlporalité qui se heurte à la limite de tous les montages possibles. L'énigme réservée que protnettait le début de cette étude apparaît alors devoir se consumer d'elle-même dans l'enchevêtrement d'un jeu de concepts et d'un discours qui abattent la figure du maître sur l'autel de ses représentations, n'avoir pas su se détacher du besoin d'une 174
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une pensée du multiple tentant l'hétérogenèse. Car, tout à la fois que nous conjecturions pouvoir déborder le sens donné des concepts, dans la farandole d'une danse s'engageant dans l'ultitne ritournelle des circuits inassignables et indiscernables, tout à la fois il selnble que nous nous heurtions néanmoins à l'échappée du faussaire qui s'offre ensenlble toutes les portes de sortie; car une seule les contient toutes mais différenciées, augurant que tout abandon s'évalue à la rupture qu'il initie, et qu'avec Deleuze précisélnent, tout risque du temps concorde à la reconduite de l'échec de la représentation, par laquelle il faut rOlnpre tnais dont tout saut dans ce nouveau tarde à s'effectuer.
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musique qu'à travers les mots, les ecnvains sont des musiciens, c'est que la musique "est le temps dans son jaillissement jusque dans l'origine de son fil et de son vertige". Elle saisit le temps dans son accélération ou sa tétanisation, dans sa précipitation ou dans sa catatonie, là où le temps fait devenir les choses, les fait bifurquer ou fuir. Si l'événement n'est pas l'avenir, mais le devenir, s'il n'est pas l'origine ou la fin, mais ce qui pousse au milieu et fait foisonner et proliférer les choses, alors le style est l'événement lui-même, ce bougé imperceptible qui affecte la langue de l'intérieur, la pousse à sa limite, à son vertige, à son dehors, qui la fait filer sur une ligne d'immanence pure de vie indéfinie 373 • » Al' ombre de Deleuze, au risque du temps, ni de commencement, ni de fin, ni de système du fondement non moins que de rémanence d'une téléologie, mais qu'en un retour sur soi se fasse jour l'ombre de midi nietzschéenne destituant tant l'essence que l'apparence, cependant que le temps a passé. C'est bien à ce voyage unique que nous convie le système de1euzien, sa philosophie, ses errances et ses défaillances.
L'échouage du temps renvoie alors à la circonscription d'un espace diffus, flou et multiple, fragmenté, à l'écriture tant littéraire que philosophique. Aussi bien temporel que spatial, rhizomatique, évanescent, il est dans son fond, insaisissable. Claudiquant, avançant à tâtons, tout naufrage fait résonner l'écho des séries divergentes, le multiple aux mille voies de l'être virtuel, s'actualisant sur une ligne de fuite différenciante, toujours et indéracinablement rhizonle, aphone tnais chantant, aveugle mais voyant, en langue étrangère, en son nlilieu perpétuellement décentré. Et entre une « pulsation sans nlesure »371 et «la fêlure silencieuse »372, il faut s'en remettre à la déchirure de l'ouïe, à cette vibratile nlachinerie augurant de la réception de tous les agencelnents disparates, du moins de cette organisation secrète éprouvant la pure musique du style car « si tout style est musical, si le style a une affinité telle avec la
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l'inconnu du soleil levant, peut-être encore pour de nouvelles fois, de nouveaux départs, à la pointe d'une création continuée opérant toujours le double mouvement à l'articulation de sa frontière, dans une plongée en Îlntnanence. Aussi ne peut-il s'agir définitivenlent que de tenter en permanence l'esquisse aléatoire susceptible de dresser quelques cartes nous permettant à tout le moins voyage dans le systèllle deleuzien, au coin de ce canefour de tous sentiers bifurquant dont il faut prendre direction, pour peut-être s'apercevoir en dernier lieu que nous n'avons jatllais quitté notre point de départ, et que l'entrecroisenlent désigne ce nlÎlieu par lequel tout cotntnence ou tout finit.
371Logique du sens, op. cit., p. 149-150. 372 Ibid., p. 181.
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Gilles Deleuze. l'épreuve du temps
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De Gilles Deleuze :
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Sur Gilles Deleuze :
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Bibliographie
Gilles Deleuze, l'épreuve du temps
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Introduction
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1. Trois synthèses du temps: différence ou répétition (J
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2. Deux temps, Aiôn et Chronos
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2. Puissance du faux, crise de la vérité: force du temps . 123 3. Le paradoxe parodique de l'éternel retour .. 141
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4. Discours indirect libre: l'appropriation impersonnelle
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Bibliographie b{)
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