La QUALITÉ dans nos
SERVICES de GARDE la petite ÉDUCATIFS àenfance
Dans la collection Éducation à la petite enfance Fondements et pratiques de l’éducation à la petite enfance Micheline Lalonde-Graton 2006, ISBN 2-7605-1264-9, 246 p.
Presses de l’Université du Québec Le Delta I, 2875, boulevard Laurier, bureau 450 Québec (Québec) G1V 2M2 Téléphone : (418) 657-4399 • Télécopieur : (418) 657-2096 Courriel :
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La QUALITÉ dans nos
SERVICES de GARDE à la petite ÉDUCATIFS enfance La définir • La comprendre • La soutenir
Sous la direction de
Ont collaboré à cet ouvrage
Jane Beach Gilles Cantin Martha Friendly Suzanne Manningham Deborah Lowe Vandell
Nathalie Bigras et Christa Japel
Préface d’Andrée Pomerleau et Gérard Malcuit Postface de Geneviève Issalys
2008 Presses de l’Université du Québec Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bur. 450 Québec (Québec) Canada G1V 2M2
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Vedette principale au titre : La qualité dans nos services de garde éducatifs à la petite enfance : la définir, la comprendre et la soutenir (Collection Éducation à la petite enfance) Doit être acc. d’un disque optique d’ordinateur. ISBN 978-2-7605-1495-9 1. Garderies - Qualité - Contrôle. 2. Travailleurs spécialisés dans le soin des enfants Formation. 3. Enfants - Développement. 4. Garderies - Québec (Province) - Qualité Contrôle. I. Bigras, Nathalie, 1964- . II. Japel, Christa, 1953- . III. Collection. HQ778.5.Q34 2007
362.71'2
C2007-940776-5
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIE) pour nos activités d’édition. La publication de cet ouvrage a été rendue possible grâce à l’aide financière de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC).
Mise en pages : Infoscan Collette Québec Couverture : Richard Hodgson
1 2 3 4 5 6 7 8 9 PUQ 2008 9 8 7 6 5 4 3 2 1 Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés © 2007 Presses de l’Université du Québec Dépôt légal – 3e trimestre 2007 Bibliothèque et Archives nationales du Québec / Bibliothèque et Archives Canada Imprimé au Canada
Préface
LA QUALITÉ DE L’ENVIRONNEMENT ET DES EXPÉRIENCES ASSURE LE DÉVELOPPEMENT DES ENFANTS Ce livre arrive à point nommé dans le débat sur les services de garde. De la première à la dernière page, il montre l’importance de la qualité de l’environnement et des expériences offertes aux jeunes enfants en milieu de garde si l’on veut leur assurer un développement harmonieux. Cette qualité, d’ailleurs, doit se retrouver dans tous les milieux (familiaux et extrafamiliaux) qu’ils fréquentent, comme nous le verrons plus loin. Mais disons d’emblée que l’à-propos du livre est conforté par la question, toujours d’actualité : « Est-il adéquat de faire garder les enfants, surtout les très jeunes, hors de leur famille, en particulier dans un
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
milieu collectif et institutionnel comme le sont les garderies ? » Les spécialistes ont souvent répondu à cette question en avançant des arguments plus idéologiques (ou culturels) que scientifiques. En effet, dans nos familles nucléaires traditionnelles, la responsabilité d’élever les jeunes enfants avant leur arrivée à l’école incombe aux parents, essentiellement aux mères. L’entrée des femmes sur le marché du travail a longtemps été vue comme une solution palliative, quand la main-d’œuvre masculine ne suffisait pas (en temps de guerre, par exemple) et, par la suite, quand uniquement le revenu du père ne permettait plus de rencontrer les besoins de la famille. Il fallait donc tolérer que cette responsabilité d’élever les enfants puisse être assumée, en partie, par un service extérieur à la famille nucléaire. C’était un pis-aller toléré par la nécessité de ces situations exceptionnelles, situations malgré tout provisoires ou ne touchant qu’une minorité de familles. Cependant, de plus en plus de femmes ont occupé un emploi pour les mêmes raisons que les hommes : réaliser leur potentiel, faire quelque chose de leur vie en plus d’élever des enfants. L’harmonisation de cette égalité des rôles et la nécessité de prendre soin des enfants n’allaient pas de soi. On ne se trouvait plus dans un système de famille élargie où cette tâche pouvait être partagée avec les autres membres de la famille (grand-mère, tante, cousine, etc.). Recourir à une personne compétente logée à la maison (une gouvernante) n’a été – et n’est – une solution que pour les familles nanties. On a alors créé des garderies pour libérer les familles (les femmes) de cette tâche quotidienne. Ces nouveaux services, malgré plein de bonnes intentions et velléités généreuses, n’étaient pas toujours à la hauteur de ce qu’offraient les parents (les mères) avant d’accéder au marché du travail. Surtout, on ne retrouvait pas toujours dans ces services les ingrédients jugés essentiels pour assurer le développement des enfants. À l’extrême, plusieurs services de garde pouvaient être caricaturés comme des « parkings à enfants » : on les garde, on leur offre une relative sécurité, on les bichonne un peu, et rien de plus. La recherche sur les conditions nécessaires au développement des enfants a toujours montré que cela ne suffisait pas pour qu’ils se développent de façon adéquate. Pas étonnant alors que l’on ait décrié le recours aux garderies. Dans cette foulée, on recommandait aussi le retour aux modes antérieurs : les familles (les mères) devaient s’occuper de leurs enfants (les mères devaient retourner à la maison !). Le débat s’est davantage accentué lorsque le changement suivant s’est généralisé dans notre société : les enfants se faisaient garder de plus en plus jeunes. Les femmes occupant un emploi ou exerçant une
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profession ne pouvaient se permettre une absence de plusieurs années pour s’occuper de leur tout-petit. Si, à la rigueur, sur le plan idéologique, beaucoup finissaient par tolérer la garde des enfants à partir de 2 ou 3 ans, ils ne pouvaient toutefois admettre que des nourrissons soient pris en charge par d’autres que leurs mères. Là-dessus, de nombreux experts étaient d’accord. Selon eux, il se passe quelque chose de fondamental durant la première et le début de la deuxième année de vie des bébés : la formation d’un lien d’attachement avec leur mère. Et si cela se passe mal ou, pis, ne se passe pas (parce que l’enfant est à la garderie), le développement ultérieur global du tout-petit est compromis de façon quasi irréversible ! Tout un courant de pensée en psychologie (les théories de l’attachement) est alors venu soutenir les opposants à la garde des jeunes enfants hors de leur famille. Il faut admettre qu’il y avait des données apparemment solides pour étayer leur prise de position. En effet, les premières recherches sur les soi-disants « effets » des garderies sur la qualité du développement des enfants avaient de quoi faire peur. La comparaison entre les enfants élevés par leurs mères et ceux gardés à l’extérieur défavorisait toujours ces derniers. Cela ne pouvait que culpabiliser les femmes qui osaient placer leurs propres intérêts avant les intérêts de développement et de bien-être de leurs enfants. Cependant, les effets de cette culpabilité induite par une telle pression au conformisme social sur la dynamique familiale n’ont jamais fait l’objet de beaucoup de recherches ! Il fallait avoir quelques connaissances méthodologiques pour saisir la portée réelle des recherches sur le mode de garde des enfants et leur développement. En effet, comme nous l’avons répété souvent aux étudiantes dans nos cours de méthodes scientifiques (et, à l’occasion, rappelé à nos doctorantes), il ne faut pas confondre la relation trouvée entre deux séries de variables sélectionnées et dépendantes – ici, la fréquentation ou non d’une garderie et des mesures de la qualité du développement – avec une relation causale – l’une entraîne, provoque, cause l’autre. Même si une étude corrélationnelle n’autorise pas de conclusion sur la causalité, les premières recherches (ainsi que la majorité des subséquentes) sont de cette nature : les chercheurs sélectionnent dans la population des enfants qui vont en garderie et d’autres qui restent à la maison, puis comparent leurs résultats à des mesures d’attachement, de développement cognitif ou autre. Pourtant la simple raison qui pousse des familles à choisir la garderie ou la maison peut expliquer les différences obtenues, sans que le mode de garde lui-même y participe !
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Surtout, ces premières recherches ne prenaient pas en compte une dimension qui est vite devenue LA variable importante des études: la qualité des conditions de vie offertes aux enfants. En effet, on confondait souvent la relation entre « pauvreté ou richesse des conditions de vie des enfants et leur développement » avec lcelle entre « garderie ou famille et leur développement ». Trop souvent, les enfants qui allaient en garderie y trouvaient des conditions de stimulation et d’expérience inadéquates ou, à tout le moins, bien inférieures à celles des enfants qui restaient à la maison. Cette confusion explique beaucoup de controverses entre tenants et opposants de la garde des enfants hors du milieu familial. Il est évident qu’il vaut mieux laisser l’enfant dans sa famille que de l’envoyer dans un « parking à enfants » ! Dans le premier cas, il bénéficie de l’essentiel, alors que, dans l’autre, il ne trouve souvent pas le minimum requis pour assurer son bien-être et son développement. Un service de garde de qualité insuffisante est aussi néfaste à l’enfant qu’un milieu familial de qualité insuffisante. Il faut que chaque jour l’enfant puisse vivre des occasions adéquates d’apprentissage, avoir des interactions chaleureuses et harmonieuses avec les gens de son entourage, recevoir des stimulations variées et en quantité appropriée, exercer ses habiletés physiques et cognitives dans un environnement sécuritaire, etc. La recherche nous fournit une liste de plus en plus exhaustive des éléments essentiels qui participent au développement et au bien-être des tout-petits. Ces éléments doivent se retrouver dans les expériences et l’environnement quotidiens des enfants. L’absence de l’un ou de l’autre peut résulter en une atteinte plus ou moins importante dans une sphère particulière de leur développement. Cela concerne autant le milieu familial que le milieu des garderies. Une quantité impressionnante d’études montrent, sans ambiguïté, que les enfants qui vivent dans des familles où ces éléments sont absents ou en moindre quantité et qualité ont un développement cognitif compromis, des retards de langage, des troubles de comportement ou des modes interactionnels difficiles. Si la garderie présente les mêmes lacunes, il ne faut pas se surprendre que cela s’accompagne de semblables problèmes. À l’inverse, là où il y a qualité (à la maison ou à la garderie), le développement est adéquat. De plus, l’un des milieux (maison ou garderie) peut pallier les problèmes susceptibles d’être entraînés par l’autre. Ainsi, un milieu de garde de faible qualité suscitera moins de problèmes chez des enfants qui ont la chance de vivre le reste du temps dans un milieu familial de
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bonne qualité. Parallèlement, un milieu de garde de haute qualité est susceptible de compenser les faiblesses d’un milieu familial moins adéquat. Là aussi, la recherche présente des résultats clairs ! Il faut reconnaître que les études sur les services de garde et le développement des enfants se sont beaucoup raffinées au cours des deux dernières décennies. À cet égard, le chapitre 2 du présent livre en est un exemple. Il présente une synthèse lumineuse, détaillée et, à notre avis, des plus complètes sur les problèmes méthodologiques, les questions et les réponses de ce type d’études. Les autres chapitres viennent illustrer les progrès des connaissances et leur mise en application dans les garderies. Constamment, la variable « qualité » du contenu des programmes, de la formation du personnel et de l’aménagement de l’environnement se trouve réaffirmée. Un autre élément ressort avec force : la nécessité de poursuivre la recherche dans ce domaine. En effet, tout n’est pas encore résolu. Il demeure des zones d’ombre et des questionnements. Par exemple, à quel âge serait-il préférable d’entreprendre l’expérience de la garderie, quel est le nombre d’heures hebdomadaire idéal, des caractéristiques particulières chez certains enfants peuvent-elles atténuer ou amplifier les effets de cette expérience ? De surcroît, la recherche sur les éléments qui assurent la qualité des garderies doit se poursuivre. Des travaux semblent montrer que les enfants cumulent plus de stress au cours d’une journée passée en garderie qu’en milieu familial. On peut penser que la promiscuité, le niveau de bruit, la compétition entre pairs et la durée d’attention individuelle que l’enfant reçoit sont bien différents en garderie et à la maison. Il faut isoler l’effet éventuel de ces variables sur le bien-être immédiat de l’enfant et sur la suite de son développement. Il y aurait alors de nouvelles connaissances pour améliorer le fonctionnement des garderies et leur qualité. D’un autre côté, il faut également mieux documenter les apprentissages particuliers que la vie en garderie permet à l’enfant. En effet, les particularités de l’environnement en garderie et des expériences qu’elle lui offre vont favoriser le développement d’habiletés nouvelles ou, à tout le moins, d’habiletés différentes de celles que peut susciter le milieu familial. Bref, la vie en garderie donnerait aussi la possibilité de faire des acquisitions positives propres à ce milieu. Les recherches ont, jusqu’à maintenant, peu abordé cet aspect. Pour terminer, nous voulons souligner la pertinence de considérer les milieux de garde comme un environnement éducatif approprié pour les jeunes enfants. Nous appuyons fermement les positions répétées des auteures de cet ouvrage sur l’universalité que doivent avoir de tels services. Il nous paraît essentiel que tous les enfants puissent bénéficier
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de services de garde de qualité, avec un contenu et un mode de fonctionnement fondés sur ce que la recherche scientifique révèle comme étant nécessaire à leur bien-être et à leur développement. Il nous semble aussi que la controverse actuelle sur les supposés méfaits d’une fréquentation précoce des services de garde repose sur une compréhension incomplète des résultats de recherche. Nous espérons que la lecture du livre de Bigras et Japel viendra convaincre les opposants, les inquiets, les parents et le public en général sur l’importance de la qualité, dans les services de garde et ailleurs, pour le développement des enfants.
Gérard Malcuit, Ph. D., et Andrée Pomerleau, Ph. D., ex-professeurs titulaires, Département de psychologie, Université du Québec à Montréal
Remerciements
Plusieurs personnes ont contribué à notre cheminement et à notre passion pour la qualité des services de garde à la petite enfance. Nous voulons d’abord remercier les enfants des CPE que nous avons rencontrés lorsque nous étions éducatrice ou psychologue clinicienne et qui nous ont aidées à comprendre le monde de la petite enfance et à devenir de véritables éducatrices. Nous remercions aussi les éducatrices qui, dans le cadre de nos fonctions administratives, nous ont rendues plus sensibles à leur réalité quotidienne. Des remerciements spéciaux sont aussi adressés aux étudiantes du collégial en technique d’éducation à l’enfance que nous avons côtoyées pendant notre carrière au collégial et à l’Université du Québec à Montréal dans le cadre des certificats en éducation à la petite enfance et en soutien pédagogique. Nous espérons que ce livre contribuera à soutenir leur engagement envers les enfants et leurs équipes éducatives. En outre, nous voulons souligner la contribution de Lise Tétreau, enseignante au Collège de Saint-Hyacinthe, qui a su nous initier au plaisir de l’enseignement et, surtout, au respect véritable. Nous voudrions également remercier Carole Welp et Manon Mousseau pour leurs contributions à la recherche sur la qualité des services de garde. Un grand merci pour leur enthousiasme et leur engagement envers la
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qualité à Martine Staehler et Diane Bolduc et aux gestionnaires et éducatrices qui font partie du regroupement des centres de la petite enfance des Cantons-de-l’Est. Nous sommes également reconnaissantes à ceux qui ont guidé nos premiers pas dans le monde de la recherche, Andrée Pomerleau, Gérard Malcuit et Richard Tremblay. Merci pour vos enseignements rigoureux et de votre engagement scientifique auprès des enfants et de leurs familles. Enfin, nos derniers remerciements vont à nos enfants (JeanSimon, Vincent, Myriam et Lea) qui nous aident tous les jours à découvrir les joies de la parentalité. Merci d’accepter de partager vos mères avec les enfants du réseau des services de garde éducatifs du Québec dont l’épanouissement nous tient autant à cœur.
Nathalie Bigras et Christa Japel
Avant-propos
L’idée de ce livre nous est venue lors d’échanges avec nos étudiants et les acteurs des milieux de pratique œuvrant dans le réseau des services de garde à la petite enfance. Ces derniers déploraient l’absence de littérature scientifique en français portant sur la qualité de ce type de services. La première partie de l’ouvrage veut répondre à ce premier objectif. Elle est constituée de trois chapitres exposant diverses facettes de la recherche permettant de mieux définir et de mieux comprendre la qualité dans nos services de garde. Le premier chapitre, que nous avons corédigé, propose un modèle écosystémique de la qualité des services de garde à la petite enfance en s’inspirant de l’approche écologique de Bronfenbrenner. Après avoir établi l’importance des services de garde au Québec, nous rappelons les principales définitions utilisées dans le monde de la recherche empirique. Ensuite, nous nous attardons
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aux composantes du modèle écosystémique de la qualité inspirée de l’approche écologique de Bronfenbrenner et adaptée au contexte des services de garde à la petite enfance. Le deuxième chapitre présente une revue de littérature réalisée par Deborah Lowe Vandell, du département d’éducation de l’Université de Californie, Irvine, qui a d’abord été publié en anglais dans la revue internationale Merril Palmer Quarterly en juillet 2004. Madame Vandell y retrace l’évolution de recherches de grande envergure portant sur les services de garde au cours des vingt dernières années. Son texte résume les avancées réalisées sur trois questions qui nous semblent particulièrement importantes pour la communauté scientifique et les milieux de pratique : 1) les relations entre la qualité des services de garde et le développement des enfants, 2) les relations entre la durée et le début de la fréquentation des services de garde et le développement de l’enfant, et 3) les relations entre le type de services de garde utilisé et le développement de l’enfant. Le chapitre se termine par un sommaire des orientations à prendre pour de futures recherches dans le domaine. Le troisième chapitre, qui vient clore la première partie, a été rédigé par Jane Beach et Martha Friendly chercheures canadiennes associées au Child Care Resource and Research Unit (CCRRU) de l’Université de Toronto. Leur texte intitulé « Services éducatifs et de garde à l’enfance : un système de bonne qualité » est issu d’une vaste consultation réalisée au Canada dans le cadre du projet exploratoire du CCRRU Quality by Design visant à stimuler le dialogue sur la qualité des services de garde éducatifs à la petite enfance au Canada, en priorisant les politiques et les systèmes plutôt que des programmes en particulier. Ce projet vise à encourager le débat sur les services de garde en place au Canada, faire état des connaissances actuelles à propos des meilleures politiques et stimuler la réflexion sur les moyens les plus appropriés pour offrir à la fois des services de qualité aux enfants et du soutien à leurs familles. Ce chapitre présente les huit composantes essentielles d’un système permettant d’offrir des services de garde éducatifs à la petite enfance de qualité. Ce sont : 1) un cadre théorique, 2) un mode de gouvernance, 3) une infrastructure, 4) une planification et une élaboration politique, 5) un financement public ciblé, 6) des ressources humaines qualifiées et un soutien approprié, 7) un environnement physique adéquat, 8) des données de recherche qui évaluent les meilleures pratiques et l’utilisation des fonds publics. La seconde partie rend compte d’expériences de formation visant à soutenir la qualité dans les services de garde à la petite enfance auxquelles nous avons contribué au cours des deux dernières années. Ayant toutes deux participé aux plus récentes enquêtes sur la qualité
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des services de garde au Québec (Grandir en qualité 2003 et La qualité, ça compte !) nous étions préoccupées par la recherche de moyens pour hausser ces niveaux de qualité. À ce propos, le chapitre 4, de Christa Japel, professeure au Département d’éducation et formation spécialisées de l’Université du Québec à Montréal, et de Suzanne Manningham, étudiante au doctorat en psychologie à l’Université de Montréal, présente un projet pilote de formation sur mesure réalisé dans des CPE situés dans les Cantons-de-l’Est. En premier lieu, ce chapitre fait état du rôle central de l’éducatrice dans l’établissement d’un milieu éducatif de qualité et des compétences nécessaires pour l’assumer. Ainsi, comme en concluent de nombreuses recherches, la formation initiale et continue constituent des facteurs importants associés à la qualité de l’environnement social et éducatif mis en place par l’éducatrice. Le projet pilote « Un coaching pour la qualité » vise à augmenter les compétences des éducatrices par une démarche basée sur une évaluation de la qualité à l’aide de l’Échelle d’évaluation de l’environnement préscolaire – révisée (EEEP-R ; Harms, Clifford et Cryer, 1998). À partir du profil obtenu par le CPE, trois sessions de formation de trois heures chacune sont offertes aux éducatrices, gestionnaires et conseillers pédagogiques. Sont ensuite présentés dans ce chapitre le contenu d’une de ces formations sur mesure et l’impact de cette démarche sur la qualité des services offerts aux enfants. Le chapitre 5 décrit un projet de formation réalisé par Nathalie Bigras auprès de trois groupes en collaboration avec les regroupements de CPE (Montérégie et Montréal) de même que les résultats de l’évaluation de cette expérience. Après le cadre conceptuel du programme de formation sont présentés les objectifs, contenus et activités de cette formation destinée à soutenir le développement de compétences professionnelles chez le personnel de gestion et de soutien pédagogique afin d’accompagner leur équipe éducative dans la hausse du niveau de qualité de leur services. Basée sur une approche d’appropriation des connaissances conceptualisée par Lafortune et Deaudelin (2000) axée sur l’accompagnement socioconstructiviste, la formation de 45 heures (7 rencontres de 6 heures) s’échelonne sur une période de 8 à 12 mois. Chacune des rencontres permet d’aborder des thèmes liés à la qualité des services de garde de même qu’à son accompagnement. Le chapitre rapporte aussi des données sur la satisfaction des participantes, recueillies tout au long de la formation auprès des trois groupes, et fait état de l’évolution du sentiment d’autoefficacité grâce à des données recueillies au début et à la fin du programme de formation. En conclusion, nous avons éprouvé le besoin d’esquisser certaines réponses aux récentes critiques adressées au réseau des services de garde qui nous semblent occuper de plus en plus d’espace médiatique, contri-
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buant ainsi aux débats publics sur la valeur des services de garde. Nous pensons qu’il est de notre responsabilité en tant que chercheur de nuancer les affirmations, parfois dramatiques, de certains non-spécialistes de la recherche en éducation à la petite enfance concernant la fréquentation des très jeunes enfants dans les services de garde collectifs. Le dernier chapitre, sous la plume de Nathalie Bigras et Gilles Cantin, examine les principaux enjeux auxquels sont confrontés les services de garde et les chercheurs qui tentent de mieux documenter cette réalité. Ce chapitre décrit d’abord le contexte social des services de garde régis au Québec pour ensuite aborder quelques grands thèmes évoqués par les critiques de la pertinence et de l’importance de l’expansion des services de garde éducatifs régis et certains résultats de recherches qui y sont associés. Il se termine en indiquant certaines questions de recherche qui nous permettront de mieux comprendre ces problématiques encore peu documentées.
Table des matières
Préface ...............................................................................................................
VII
Remerciements ...............................................................................................
XIII
Avant-propos ..................................................................................................
XIX
Liste des figures et tableaux ....................................................................
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
PARTIE 1 DÉFINIR ET COMPRENDRE LA QUALITÉ Chapitre 1 VERS UN MODÈLE ÉCOSYSTÉMIQUE DE LA QUALITÉ DES SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE ...................................................................................
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Nathalie Bigras et Christa Japel
1. Définir la qualité des services de garde éducatifs, est-ce possible ?............................................................................................. 2. Vers une modèle écosystémique de la qualité des services de garde à la petite enfance ..................................................................... Bibliographie ......................................................................................................
6 7 16
Chapitre 2 LES SERVICES À LA PETITE ENFANCE Découvertes passées et futures ..............................................................
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Deborah Lowe Vandell
1. Difficultés et mises en garde ................................................................... 2. La qualité des services de garde a-t-elle de l’importance ? ............... 2.1. La qualité des services de garde et le développement des enfants ............................................................................................ 2.2. Quelle est l’ampleur des effets de la qualité ?.............................. 2.3. Les effets de la qualité sont-ils modérés par les caractéristiques de l’enfant et de la famille ? .................. 2.4. Les étapes à venir ................................................................................ 3. La durée et le début de la fréquentation des services de garde ont-ils de l’importance ? ............................................................................ 3.1. La relation d’attachement sécurisante ........................................... 3.2. La qualité de l’interaction mère-enfant ......................................... 3.3. Les problèmes de comportement ................................................... 3.4. Quelle est l’importance des effets de la durée de fréquentation sur les problèmes de comportement des enfants ? .......................................................................................... 3.5. Le développement cognitif et langagier ........................................ 3.6. Les étapes à venir ................................................................................ 4. Le type de service de garde est-il important ?...................................... Conclusions ........................................................................................................ Bibliographie ......................................................................................................
24 27 29 33 34 34 35 37 37 39
40 41 42 43 46 48
TABLE DES MATIÈRES
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Chapitre 3 SERVICES ÉDUCATIFS ET DE GARDE À L’ENFANCE DE BONNE QUALITÉ Un système de bonne qualité .................................................................
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Jane Beach et Martha Friendly
Bibliographie ......................................................................................................
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PARTIE 2 SOUTENIR LA QUALITÉ Chapitre 4 L’ÉDUCATRICE AU CŒUR DE LA QUALITÉ…
Un projet pilote visant l’augmentation des compétences ......
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Christa Japel et Suzanne Manningham
1. L’éducatrice – porteuse de qualité ......................................................... 1.1. Le rôle de l’éducatrice dans la qualité d’un service .................. 1.2. Qu’en dit la recherche ? ................................................................... 2. Les services de garde au Québec ............................................................ 3. Comment augmenter la qualité des services de garde ? ................... 4. Le projet pilote : un coaching pour la qualité ....................................... 5. L’Échelle d’évaluation de l’environnement préscolaire – révisée.............................................. 6. La formation sur mesure .......................................................................... 7. Un exemple de formation sur mesure .................................................. 8. La formation sur mesure a-t-elle un impact sur la qualité ? ............ Conclusion .......................................................................................................... Bibliographie ......................................................................................................
77 77 78 80 82 82 84 87 87 92 97 100
Chapitre 5 UN MODÈLE DE FORMATION POUR SOUTENIR LA QUALITÉ DANS LES CENTRES DE LA PETITE ENFANCE ...............
103
Nathalie Bigras
1. Contexte historique .................................................................................... 2. Cadre conceptuel ........................................................................................ 2.1. Caractéristiques des gestionnaires ................................................. 2.2. Formation continue .......................................................................... 2.3. Soutien social ....................................................................................... 2.4. Fondements du programme éducatif des centres de la petite enfance ......................................................
105 105 106 108 110 111
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
2.5. Fondements du programme de formation à l’école québécoise ............................................................................ 3. Objectifs du projet .................................................................................... 3.1. Objectifs d’apprentissage, déroulement et contenus de la formation .................................................................................... 3.2. Déroulement et contenus ................................................................. 4. Méthode ........................................................................................................ 4.1. Participants ........................................................................................... 4.2. Déroulement et mesures ................................................................... 5. Résultats......................................................................................................... 5.1. Évaluation de l’appréciation............................................................. 5.2. Changements à l’échelle du sentiment d’autoefficacité ........... 6. Discussion ..................................................................................................... 6.1. Satisfaction des participantes ........................................................... 6.2. Évolution du sentiment d’autoefficacité ...................................... Bibliographie ......................................................................................................
111 113 114 114 116 117 118 118 122 123 124 125 126 130
Chapitre 6 ENJEUX ET DÉFIS DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE GARDE À LA PETITE ENFANCE AU QUÉBEC ....................................
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Nathalie Bigras et Gilles Cantin
1. Contexte des services de garde à l’enfance au Québec .................... 2. Que sait-on de la qualité des services de garde à l’enfance ? .......... 2.1. Oui, ça me touche ! ................................................................................ 2.2. La qualité, ça compte !........................................................................... 2.3. Grandir en qualité ................................................................................. 2.4. Synthèse des trois principales recherches réalisées sur la qualité au Québec ................................................................... 3. Pertinence et importance du phénomène des services de garde régis ............................................................................................... 3.1. Serait-il néfaste pour l’enfant de fréquenter un service de garde collectif aux cours des premières années de vie ? ...... 3.2. Relations entre la fréquentation des services de garde à l’enfance et le développement de l’enfant................................ 3.3. Pourquoi les enfants les plus démunis sont-ils ceux qui fréquentent le moins les services de garde ? ......................... 4. Quelles sont les relations entre les familles et les services de garde ? ............................................................................ 4.1. Le rôle des parents dans les CPE....................................................
135 138 138 139 142 144 148 149 150 151 154 154
TABLE DES MATIÈRES
4.2. Pertinence d’établir des liens étroits entre la famille et les services de garde....................................................................... 4.3. Quelques données concernant la qualité de la relation parent-éducatrice ....................................................... 4.4. Obstacles à la collaboration ............................................................. Conclusion .......................................................................................................... Bibliographie ......................................................................................................
XXIII
156 157 160 163 164
Postface...............................................................................................................
169
Notices biographiques ..................................................................................
169
Liste des figures et tableaux
Figures Figure 1.1 Figure 4.1 Figure 4.2 Figure 4.3 Figure 4.4 Figure 4.5
Modèle écosystémique de la qualité .................................... Caractéristiques des trois groupes participant au projet pilote...................................................... Proportion des points obtenus............................................... Moyennes obtenues à l’EEEP-R lors de l’évaluation précédant la formation ............................................................. Qualité d’ensemble à la première et à la deuxième évaluation (score moyen à l’EEEP-R) .................................... Scores moyens aux différentes sous-échelles de l’EEEP-R à la première et à la deuxième évaluation ...
10 83 91 92 94 95
XXVI Figure 4.6
Figure 5.1 Figure 5.2
Figure 6.1
Figure 6.2 Figure 6.3 Figure 6.4 Figure 6.5 Figure 6.6 Figure 6.7 Figure 6.8
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Scores moyens à différentes sous-échelles de l’EEEP-R avant et quatre mois après la formation sur mesure.................................................................................... Scores moyens aux dimensions de l’EAP pour l’ensemble des sept journées de formation .............. Scores moyens aux dimensions de l’échelle du sentiment d’autoefficacité au début et à la fin de la rencontre ............................................................................ Proportion des services de garde à la petite enfance offrant des services de niveaux de qualité élevés et insuffisants ............................................................................. Qualité d’ensemble pour les poupons en garderie à but lucratif ................................................................................ Qualité d’ensemble pour les poupons en installation de CPE .......................................................................................... Qualité d’ensemble pour les enfants d’âge préscolaire des garderies à but lucratif ...................................................... Qualité d’ensemble pour les enfants d’âge préscolaire des CPE en installation ............................................................ Qualité d’ensemble pour les enfants en services de garde en milieu familial ...................................................... Facteurs influençant la recherche et le choix du service de garde par les mères .......................................... Les principes de base du programme éducatif des CPE et leurs domaines d’application .............................................
96 122
123
141 143 143 145 145 146 153 155
Tableaux Tableau 4.1 Les différentes étapes du projet pilote ................................. Tableau 4.2 Score moyen de qualité d’ensemble à l’EEEP-R aux trois temps de mesure ....................................................... Tableau 5.1 Caractéristiques sociodémographiques des participantes ......................................................................... Tableau 5.2 Comparaison des items de l’« Échelle du sentiment d’autoefficacité des participantes » et de l’« Échelle de provisions sociales des éducatrices » ............. Tableau 5.3 Moyennes des dimensions de l’échelle du sentiment d’autoefficacité avant et après la formation........................ Tableau 6.1 Nombre de places disponibles dans les services de garde à l’enfance...................................
84 96 117
119 124 137
LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX
Tableau 6.2 Nombre de milieux de garde évalués, ELDEQ 2000-2003 ....................................................................... Tableau 6.3 Distinctions entre l’approche centrée sur l’enfant et l’approche centrée sur la famille ....................................... Tableau 6.4 Scores moyens des dimensions de l’échelle d’observation de la qualité éducative des cinq types de services de garde observés dans l’enquête Grandir en qualité 2003 .............................................................. Tableau 6.5 Sept dimensions pour distinguer les rôles de parent et d’éducateur .............................................................................
XXVII
140 158
159 162
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P A R T I E
DÉFINIR ET COMPRENDRE LA QUALITÉ
1
CHAPITRE
Vers un modèle écosystémique de la qualité des services de garde éducatifs à la petite enfance Nathalie Bigras et Christa Japel Université du Québec à Montréal
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
RÉSUMÉ Ce premier chapitre propose un modèle écosystémique de la qualité des services de garde à la petite enfance en s’inspirant de l’approche écologique de Bronfenbrenner. Après avoir établi l’importance des services de garde au Québec, nous rappelons les principales définitions utilisées dans le monde de la recherche empirique. Ensuite, nous présentons les composantes du modèle écosystémique de la qualité adapté au contexte des services de garde à la petite enfance.
VERS UN MODÈLE ÉCOSYSTÉMIQUE DE LA QUALITÉ DES SERVICES DE GARDE À LA PETITE ENFANCE
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Les modèles théoriques sur le développement de l’enfant, dont les modèles écologique de Bronfenbrenner (1986, 2000) et transactionnel de Sameroff (1993), invoquent un processus dynamique des multiples interactions de l’enfant avec son environnement. Les caractéristiques de l’enfant, telles que son tempérament, ses forces et ses vulnérabilités biologiques, entrent en interaction avec les divers systèmes de son environnement. On retrouve d’abord son environnement proximal impliquant les échanges avec ses proches, puis son environnement distal comprenant le réseau communautaire et la société dans laquelle évolue sa famille. De l’ensemble de ces interactions résultent les différences individuelles que l’on observe dans le développement des enfants. Selon ces modèles, les services de garde à la petite enfance représentent un élément du contexte de vie proximal de l’enfant. Il paraît donc important d’inclure une analyse des interactions qui se produisent dans ces services pour une compréhension approfondie des contextes de vie de l’enfant et des conditions favorables à son développement (Bigras, 2001). Les recherches récentes qui s’intéressent aux relations entre l’expérience de la garde extrafamiliale et le développement de l’enfant se basent sur une définition plus complexe de l’environnement de l’enfant que celle des recherches antérieures. En effet, ce qui rendrait compte du niveau de développement de l’enfant ne peut être réduit à la simple fréquentation ou non de la garderie. Il faut aussi tenir compte des multiples conditions associées à cette expérience (Li-Grining et Coley, 2006 ; Papero, 2005 ; Votruba-Drzal, Coley et Chase-Lansdale, 2004 ; Vandell, 2004). Ainsi, la qualité de cette expérience joue un rôle prépondérant. Par ailleurs, certains chercheurs analysent maintenant d’autres éléments du contexte du service de garde à la petite enfance susceptibles de favoriser ou, au contraire, d’entraver le développement de l’enfant. Ils adoptent une perspective écologique qui prend en considération les variables présentes dans les divers systèmes contextuels, du plus proximal au plus distal, telles que l’implication du père, le type de travail de la mère, les critères de choix des services de garde, le soutien de la communauté, etc. (Bornstein, Hahn, Gist et Haynes, 2006 ; Scott-Little, Kagan et Frelow, 2006 ; Shpancer, 2006). De tels travaux soulignent la nécessité d’avoir recours à des modèles de développement qui accordent une part grandissante au rôle de l’environnement dans ses multiples dimensions (Bronfenbrenner, 1996, 2000). Parmi les dimensions étudiées, la qualité du service de garde fréquenté serait particulièrement déterminante pour le développement optimal de l’enfant (Aboud, 2006 ; Pianta, Howes, Burchinal, Bryant, Clifford, Early et Barbarin, 2005 ; Sylva, Siraj-Blatchford, Taggart, Sammons, Melhuish, Elliot et Totsika, 2006). Compte tenu des récentes études réalisées sur la qualité des services de garde au Québec, au
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Canada et ailleurs dans le monde, le présent chapitre vise à préciser la notion de qualité des services de garde. Dans un premier temps, nous présentons un bref aperçu des définitions générales de la qualité des services de garde éducatifs à la petite enfance, par la suite, nous proposons une définition de la qualité basée sur le modèle écosystémique de Bronfenbrenner.
1.
DÉFINIR LA QUALITÉ DES SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS, EST-CE POSSIBLE ?
La qualité des services de garde éducatifs est un concept multidimensionnel difficile à cerner. Plusieurs chercheurs ont réfléchi et proposé des définitions. Dans tous les cas, le concept de qualité renvoie aux caractéristiques physiques, sociales et affectives de l’environnement du service de garde (Bigras, 2001). Un service de garde de qualité inclurait les éléments suivants : acceptation des différences, capacité de respecter les enfants, interventions en fonction du niveau de développement des enfants, sensibilité aux besoins des enfants (Cryer, 2003). Selon les définitions traditionnelles, la recherche sur le concept de qualité des services de garde à la petite enfance distingue deux grandes dimensions de variables : les variables liées à la qualité structurelle et les variables liées à la qualité des processus (Beller, Stahnke, Butz, Stahl et Wessels, 1996 ; Shuetze, Lewis et DiMartino, 1999). Les variables liées à la qualité structurelle correspondent à ce qu’on appelle les indicateurs globaux de qualité, tels qu’ils se retrouvent dans la réglementation étatique sur les services de garde, comme des éléments susceptibles de fournir un cadre favorable au développement de l’enfant. Par exemple, le ratio éducatrice-enfants, la taille des groupes, la formation et l’expérience du personnel seraient les indicateurs globaux de qualité les plus associés à la qualité du développement de l’enfant (Cryer, 2003). Selon plusieurs auteurs (Doherty et al., 2006 ; Goelman et al., 2006 ; NICHD, 2002), ces éléments structuraux conditionnent la qualité des processus qui auraient un effet direct « sur le bien-être et le développement de l’enfant ». Les variables liées à la qualité des processus renvoient à des composantes du programme d’activités ainsi qu’aux interactions entre les adultes et les enfants. Ces processus se produisent dans les interactions quotidiennes des enfants avec le personnel éducatif. Ces interactions surviennent lors de l’application du programme éducatif dans tous les
VERS UN MODÈLE ÉCOSYSTÉMIQUE DE LA QUALITÉ DES SERVICES DE GARDE À LA PETITE ENFANCE
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moments vécus par l’enfant. Ils comportent les routines et les transitions quotidiennes vécues par l’enfant (accueil, départ, collation et repas, sieste, moments d’hygiène, etc.), les activités d’apprentissage réalisées en contexte de jeu (jeux de blocs, jeux de rôles, jeux de motricité fine, etc.), de même que les relations de partenariat qui s’établissent avec les parents. Selon la plupart des chercheurs, des interactions de qualité entre les enfants et les adultes impliquent la chaleur et la sensibilité du personnel éducatif ainsi que la capacité d’organiser un environnement physique et social répondant aux besoins des enfants selon leur niveau de développement.
2.
VERS UNE MODÈLE ÉCOSYSTÉMIQUE DE LA QUALITÉ DES SERVICES DE GARDE À LA PETITE ENFANCE
Le modèle écologique de Bronfenbrenner (1979, 2000) postule que le développement est le résultat de l’interaction entre l’enfant et son milieu et varie selon le contexte social. Selon ce modèle, les comportements des parents à l’égard de l’enfant diffèrent selon les classes sociales, l’environnement communautaire et le réseau d’amis de la famille (Tolan, Gorman-Smith et Henry, 2003, cités par Cloutier, Gosselin et Tap, 2005). Selon Cloutier et ses collègues (2005), pour Bronfenbrenner, l’environnement de l’enfant est organisé selon quatre structures enchâssées l’une dans l’autre. Le premier niveau, le microsystème, correspond aux différents contextes dans lesquels l’enfant joue un rôle direct en tant que personne participante, contextes qui présentent chacun certaines caractéristiques physiques et sociales. La famille, la garderie, l’école et le groupe d’amis sont des exemples de microsystèmes. Le deuxième niveau du modèle écologique, le mésosytème, correspond aux relations qui existent entre les microsystèmes de l’enfant. En outre, les liens qui existent entre la famille et la garderie, la famille et le groupe d’amis, le groupe d’amis et l’école, etc., définissent le mésosystème de l’enfant. Le mésosystème représente donc le réseau formé par les microsystèmes dont l’enfant fait partie. Le troisième niveau du modèle écologique, l’exosystème, renvoie aux contextes sociaux qui, sans impliquer la participation directe de l’enfant, influent sur ce qui lui arrive ou sont influencés par ce qui lui arrive. Le milieu de travail de la mère ou du père, le réseau social des parents ou des frères et sœurs, le conseil d’administration de la garderie, le comité d’école et le voisinage sont des exosystèmes. L’enfant ne participe pas directement à l’exosystème, mais sa vie peut être influencée par ce qui y survient ; les actions et les décisions provenant de l’exosystème influent sur le milieu de vie de l’enfant. Enfin, le macrosystème, le niveau le plus englobant du modèle
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
écologique, constitue non pas un contexte physique, mais un contexte culturel. Il se définit comme l’ensemble des attitudes, des règles sociales et des valeurs adoptées par les sous-systèmes des autres niveaux. Par exemple, l’importance accordée à l’enfance par une société se reflétera dans l’aide apportée aux écoles, aux garderies et aux familles (Bouchard, 2001, cité par Cloutier et al., 2005). Plusieurs chercheurs ont utilisé le modèle écologique pour mieux comprendre les interactions entre les différents systèmes et leur relation avec le développement de l’enfant dans le contexte de services de garde éducatifs. Jacques et Baillargeon (1997) analysent les services préscolaires en milieux défavorisés en adoptant un point de vue écologique. Dans leur chapitre, elles utilisent le modèle écologique afin de cerner les facteurs de risque présents dans les systèmes du modèle en éducation à la petite enfance et présentent une problématisation des facteurs de risque en milieux préscolaires défavorisés. Dans ce contexte, elles abordent les facteurs de risque présents dans la famille, dans le service de garde ou la maternelle, et dans les relations entre la famille, les services de garde et l’école, aux niveaux de l’exosystème et du macrosystème. Les auteurs suggèrent aussi des pistes d’amélioration pour chacun des systèmes du réseau des services de garde préscolaires qui œuvrent en milieu socioéconomique défavorisé. Dix ans après la publication de ce chapitre, force est de constater que ces propositions, bien que fort pertinentes, sont encore malheureusement très peu mises en application dans le contexte des services de garde à la petite enfance au Québec. Doherty (1999), dans un texte portant sur les éléments contextuels de la qualité des services de garde à la petite enfance, propose quant à elle l’utilisation du modèle écologique de Bronfenbrenner pour comprendre l’influence des éléments structuraux sur l’expérience quotidienne vécue par l’enfant. Elle y présente certains éléments du mésosystème (style administratif de la directrice, climat organisationnel, salaires, conditions de travail) et de l’exosystème (la gérance, le parrainage des services de garde en milieu familial, la réglementation gouvernementale et les subventions) qui ont fait l’objet de recherche dans le contexte des services de garde éducatifs à la petite enfance. Pour le macrosystème, elle propose que « les attitudes, les valeurs et les buts de la société, et la législation qui les consacrent, influent sur le comportement de l’intervenante » (pour plus de détail, voir Doherty, 1999, p. 22). Notre proposition de modèle écosystémique de la qualité des services de garde à la petite enfance s’inspire de l’analyse réalisée par Doherty mais innove en donnant une définition et une description plus détaillée de chacune des composantes de chacun des systèmes de
VERS UN MODÈLE ÉCOSYSTÉMIQUE DE LA QUALITÉ DES SERVICES DE GARDE À LA PETITE ENFANCE
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même qu’une analyse des interactions entre les composantes et de chacun des systèmes qui, ultimement, produisent des services de qualité élevée. Tout comme le développement de l’enfant vu dans une perspective écologique (Bronfenbrenner, 1979 ; Bronfenbrenner et Crouter, 1983 ; Bronfenbrenner et Ceci, 1994 ; Bronfenbrenner et Morris, 1998), la qualité des services à la petite enfance s’inscrit dans un contexte global complexe et est affectée par les différents niveaux du système. Lorsqu’on adopte la position théorique de Bronfenbrenner, on constate que les dimensions de la qualité des services de garde, soit la qualité structurelle et la qualité des processus, prises isolément ne permettent pas d’illustrer le caractère interactif des divers systèmes dans lesquels évolue l’enfant. Bien que ces éléments permettent de faire état d’un ensemble de variables plus ou moins liées entre elles, la qualité est plus que la somme de toutes ces parties. Selon le modèle écosystémique de la qualité des services de garde à la petite enfance, l’enfant (l’ontosystème) se situe au centre du modèle car il est le premier bénéficiaire d’un service de garde de qualité. Le microsystème fait référence à l’environnement proximal de l’enfant. Le service de garde fréquenté par l’enfant est le microsystème, outre celui de sa famille, dans lequel l’enfant passe la plus grande partie de son temps. Le mésosystème est le contexte dans lequel les deux microsystèmes de l’enfant (sa famille et son service de garde) entrent en interaction. Ces interactions sont affectées par les éléments de l’exosystème et du macrosystème qui sont représentés à la figure 1.1. Examinons maintenant les composantes de chacun des systèmes de ce modèle écosystémique de la qualité des services de garde. Afin de bien illustrer l’interaction entre les divers systèmes, nous décrirons les composantes les plus distales (macrosystème) et terminerons par les composantes les plus proximales de l’expérience quotidienne de l’enfant (microsystème). Dans notre modèle écosystémique de la qualité des services de garde, le macrosystème constitue le niveau le plus éloigné de l‘enfant. Il renvoie aux valeurs de la société nord-américaine concernant l’éducation des enfants et inclut les valeurs et croyances liées à l’importance de la petite enfance de même qu’au rôle de la famille, de la femme et de l’homme dans la société ainsi que les responsabilités quant aux soins et l’éducation des enfants. Dans nos sociétés occidentales, deux positions semblent s’affronter concernant l’éducation des enfants au cours de la période de la petite enfance (0 à 5 ans). D’une part, certains affirment que les jeunes enfants doivent demeurer avec l’un de leur parent, surtout la mère, le plus longtemps possible. Les tenants de cette position affirment qu’il pourrait être néfaste pour le développement socioaffectif des enfants de fréquenter un service de garde collectif, surtout si ces derniers sont
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Figure 1.1 Modèle écosystémique de la qualité Valeurs de la société québécoise Ministère de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine
Financement et réglementation
Conseil d’administration du service de garde à la petite enfance
Groupe (éducatrice, pairs)
Macro
Exo
Méso
Micro
Enfant
Conditions de travail des parents
Famille (parents,fratrie) Équipe éducative et orientations pédagogiques Ville (quartier) Société occidentale
Source : Adaptée par Carole Lavallée des modèles Doherty, 1997 (p. 22) et de Cloutier, Gosselin et Tap, 2005 (p. 18).
âgés de moins de deux ans (Baker, Gruber et Milligan, 2005 ; Belsky, 2006 ; Chicoine et Collard, 2006 ; Lefebvre et Merrigan, 2002 ; 2003a, b ; Lefebvre, 2004). À l’opposé, d’autres soutiennent que les enfants ont besoin de contacts sociaux avec d’autres enfants pour se développer, et ce, dès leur première année de vie (McCartney et al., 1982). Entre ces deux positions, plusieurs points de vue se retrouvent. Les tenants de la position du centre sont plutôt d’avis qu’il ne doit pas y avoir de dogmes en la matière et que le choix de confier ou non une partie de l’éducation de ses enfants à des tiers serait surtout fonction des valeurs personnelles. Ces valeurs seraient le reflet des connaissances des parents sur les effets des services de garde, de leur niveau de scolarité et de revenu (voir Pungello et Kurtz-Costes, 1999 ; Sylva et al., 2007 ; au chapitre 6 de cet ouvrage, p. 18). Pour les tenants de cette position tels que Friendly et Beach (voir le chapitre 3 du présent ouvrage), le rôle des services de garde éducatifs à la petite enfance n’est pas de se substituer à la famille mais de lui offrir un soutien. Dans cette perspective, les services de garde de qualité universels et accessibles seraient une des réponses aux droits fondamentaux de l’enfant et de sa famille.
VERS UN MODÈLE ÉCOSYSTÉMIQUE DE LA QUALITÉ DES SERVICES DE GARDE À LA PETITE ENFANCE
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Les valeurs et conceptions de l’éducation à la petite enfance privilégiées par la société au niveau du macrosystème conditionnent les politiques publiques mises en place pour répondre aux besoins des enfants et de leurs familles. À titre d’exemple, en 1997, le gouvernement du Québec choisit de créer un réseau de services de garde accessible et favorisant l’égalité des chances de tous les enfants lors de leur entrée dans le système scolaire (Ministère du Conseil exécutif, 1997). Ce choix nous apparaît le reflet de valeurs centrées sur une vision collective du soutien aux familles et de conciliation famille-travail dont le gouvernement de l’époque avait fait sa priorité. À l’inverse, la proposition plus récente du gouvernement fédéral d’offrir à toutes les familles d’enfants de moins de 5 ans un financement de 100 $ par mois pour permettre aux familles de choisir le mode de service de garde plus adaptés à leurs besoins nous apparaît plutôt l’illustration de la position centrée sur la responsabilité individuelle des parents envers leur enfant. En choisissant de ne pas investir dans la création d’un réseau de services de garde régis, ce gouvernement semble transmettre le message que ces services ne sont pas essentiels au développement des enfants et que les enfants sont une responsabilité individuelle des familles et non une richesse et une responsabilité collective. L’approche individuelle de la famille prônée par le gouvernement fédéral semble inviter à la privatisation et à la commercialisation de ce secteur, fait inquiétant, compte tenu du niveau minimal de qualité offerte dans ce type de services de garde (Drouin, Bigras, Fournier, Desrosiers et Bernard, 2004 ; Japel, Tremblay et Côté, 2005). Selon le modèle écosystémique de la qualité des services de garde, l’exosystème inclut les divers contextes sociaux pouvant influer sur l’enfant. En outre, ces contextes sociaux ont subi de nombreuses transformations au cours des dernières années. À cet égard, il importe de souligner que la participation des femmes mères de jeunes enfants au marché du travail s’est accrue de plus de 40 % au cours des trente dernières années (passant de 30,2 % en 1976 à 76,2 % en 2003 ; ISQ, 2006). Cette présence sur le marché du travail a affecté de nombreux aspects de la vie quotidienne des familles dont, notamment, l’implication des pères dans l’éducation et les soins de leurs enfants (Lacharité et Guéniart, 2005). Les structures familiales ont aussi subi de nombreux changements tels qu’une hausse importante du nombre de familles monoparentales dont le chef de famille est une femme (Statistique Canada, 2005). Enfin, le marché du travail subit aussi plusieurs transformations. Les parents rapportent travailler plus d’heures par semaine et passer moins de temps avec leurs enfants (Pronovost, 2007). Les emplois à horaires réguliers (9 à 5) se font plus rares et les travailleurs autonomes sont plus nombreux (Rochette et Deslauriers, 2003). Ces modifications des conditions
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de travail et de vie des parents représentent des conditions déterminantes pour la famille qui affectent à la hausse l’utilisation des services de garde pour leurs enfants et soulignent l’importance d’une offre accrue de services de garde de qualité. Pour y répondre, le gouvernement québécois a mis en place des politiques visant la conciliation familletravail. Ainsi, depuis 1997, 120 000 places en services de garde éducatifs dans un réseau intégré et régi ont été créées. En outre, depuis 2006, un congé parental permet aux parents (pères et mères) de demeurer avec l’enfant au cours de sa première année de vie. La mission priorisée pour le réseau des services de garde québécois par le ministère de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine (MFACF), de même que le programme éducatif des services de garde du Québec préconisé par ce ministère sont des composantes de l’exosystème de l’enfant qui fréquente un service de garde. En font aussi partie la législation et la réglementation sur les services de garde éducatifs qui déterminent les conditions de pratique du personnel éducatif telles que les niveaux de formation minimales exigées pour les éducatrices, les conseillères pédagogiques et les responsables de service de garde en milieu familial (RSG). Y sont aussi promulgués les ratios adulte-enfants, la taille des groupes, les espaces attribués pour chacun des enfants de même que les règles de santé, de sécurité et d’hygiène pour protéger les enfants qui fréquentent les services de garde régis. C’est aussi au plan de l’exosystème que l’on retrouve les conditions éducatives mises de l’avant par les services de garde et qu’on précise la mission des services de garde à la petite enfance, les valeurs associées à l’éducation des jeunes enfants et les approches pédagogiques respectant les valeurs privilégiées par la société. Le conseil d’administration du CPE est une composante de l’exosystème. Ses membres, dont font partie les parents, établissent une certaine structure qui a un impact sur la qualité des services offerts. Ainsi, c’est à ce niveau que sont prises les décisions telles que le temps accordé et rémunéré pour que les éducatrices planifient des activités adaptées aux besoins et aux intérêts des enfants qui leur sont confiés. On y détermine également la durée des périodes de rencontres individuelles entre les parents et les éducatrices, de même que la formation continue rémunérée et offerte au personnel éducatif. Ces choix découlent des lois et règlements de l’exosystème. Ce sont les moyens mis en œuvre par chacun des services de garde pour répondre aux besoins des enfants. Les variables telles que le nombre d’enfants dans le CPE, le nombre d’enfants par éducatrice, l’aménagement des locaux et l’équipement choisis, les conditions de travail du personnel de garde, leurs avantages sociaux, sont des éléments de la qualité de l’exosystème. Par contre, en ce qui a trait au ratio adulte-enfants, bien que le règlement
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stipule que l’on doit retrouver 1 adulte pour 8 enfants de 18 mois à 5 ans, son budget le permettant, un CPE peut choisir d’offrir un ratio plus faible (1 adulte pour 6 enfants) pour les enfants de 18 à 24 mois afin d’offrir un environnement éducatif plus sensible aux besoins des enfants. Ainsi, en général, les éléments de l’exosystème conditionnent le vécu de l’enfant et la qualité de ses expériences quotidiennes. Outre les membres du conseil d’administration, on retrouve dans l’exosystème les gestionnaires, les responsables de la pédagogie, les éducatrices et les responsables des services de garde en milieu familial. Ces acteurs décident ensemble les moyens à prendre pour améliorer la qualité des relations entre l’éducatrice et l’enfant. Ils établissent les objectifs et choisissent les moyens. Ces moyens précisent notamment ce qu’implique une structuration des lieux adaptée, une structuration des activités et des moments de vie cohérents de même que des interactions positives avec les enfants et leurs parents. Par exemple, au regard de la structuration des lieux et des activités, les membres de l’équipe éducative peuvent choisir le multi-âge comme mode de regroupement des enfants. À l’extérieur de l’exosystème d’un service de garde de qualité, on retrouve les membres de la communauté (municipalité) et les partenaires du réseau des services de garde éducatifs tels que le réseau scolaire (école de quartier, commission scolaire), le réseau de la santé et des services sociaux (CLSC, centres de stimulation précoce, etc.) et le réseau communautaire (halte-garderie, groupe d’entraide de parents, organismes communautaires, etc.). Ces réseaux ou divers exosystèmes plus éloignés du vécu immédiat de l’enfant sont ceux qui interagissent avec la famille de l’enfant et avec le service de garde. Ce sont les ressources et collaborations auxquelles le service de garde a accès pour mieux soutenir les adultes et les enfants du service de garde. À titre d’exemple, des grands-parents bénévoles issus de la communauté peuvent, à l’occasion, venir raconter des histoires ou bercer les enfants du service de garde. De plus, une infirmière ou intervenante communautaire du CLSC peut venir visiter le CPE et offrir des ateliers de formation destinés aux parents. Le modèle écosystémique de la qualité des services de garde comporte aussi le mésosystème qui inclut l’ensemble des interactions entre les divers microsystèmes engagés auprès de l’enfant. Dans le cas d’un service de garde, le mésosystème englobe les interactions entre la famille de l’enfant, premier microsystème, et le service de garde, second microsystème de l’enfant. La communication entre le personnel éducatif et les parents de l’enfant devient ici le principal produit de ces interactions. Ces communications feront l’objet d’un examen particulier dans le chapitre 6 de cet ouvrage. Par exemple, les parents
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dont les journées de travail sont longues ou dont le lieu de travail est éloigné disposent de peu de temps pour échanger de l’information au sujet de leur enfant lors de l’arrivée et du départ au service de garde. Ils risquent d’être peu enclins à prendre connaissance des rapports écrits journaliers au sujet de leur enfant ou à prendre du temps pour discuter avec l’éducatrice au sujet de leur enfant en matinée. De leur côté, les éducatrices dont la journée de travail débute tôt et se termine avant l’arrivée des parents en fin de journée ne peuvent communiquer qu’en matinée puisqu’elles sont absentes en fin de journée (Zellman et Perlman, 2006). Un service de garde de qualité tentera d’adapter l’horaire de travail de son personnel éducatif afin que celui-ci puisse côtoyer les parents au moment où ceux-ci sont disponibles. Un service de garde de qualité s’assurera aussi que son personnel éducatif possède des habiletés de communication adéquates pour créer une relation de confiance avec les parents et qu’il reçoit un soutien approprié lorsque les parents éprouvent des difficultés de communication. En dernier lieu, nous retrouvons les divers microsystèmes dans lesquels évolue l’enfant. Le premier microsystème de l’enfant est sa famille, ses parents et sa fratrie. Pour l’enfant qui fréquente un service de garde, ce microsystème comprend également le groupe d’appartenance de l’enfant. On y retrouve son éducatrice de référence et les autres éducatrices avec lesquelles il interagit régulièrement (remplaçantes) et ses pairs (les autres enfants). Les processus qui se déroulent dans ce microsystème correspondent à ce que l’on pourrait appeler la qualité pédagogique ou la qualité de l’expérience vécue au quotidien par l’enfant (Lavallée, 2005). Ces processus sont constitués des interactions directes et indirectes entre les enfants et avec les éducatrices. C’est au niveau du microsystème du service de garde que l’on peut observer l’application des moyens permettant d’atteindre les objectifs poursuivis par le service de garde. À ce niveau, on s’intéresse aux interactions de l’enfant à travers les divers moments de vie, c’est-à-dire au vécu quotidien de l’enfant. Ainsi, si l’éducatrice connaît bien les principes et applications du programme éducatif et possède des habiletés de communication et d’intervention avec les enfants, le climat du groupe sera favorisé et les enfants se sentiront en sécurité. Cette éducatrice sera aussi apte à intervenir efficacement pour soutenir les enfants qui éprouvent des difficultés et pourra accompagner chacun d’eux dans la planification et la réalisation d’activités quotidiennes en lien avec leurs intérêts et besoins, ce qui finalement favorisera leur développement. Enfin, le modèle écosystémique de la qualité des services de garde situe l’enfant au centre (ontosystème). L’objectif ultime d’un service de garde éducatif de qualité est de contribuer à garantir le bienêtre des enfants, c’est-à-dire assurer, soutenir, favoriser et privilégier la
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santé physique et mentale ainsi que la sécurité physique et affective des enfants et de tous les adultes qui interagissent avec eux. Précisons que l’approche éducative privilégiée dans les services de garde québécois vise à favoriser le développement global de l’enfant (voir le chapitre 5). Le développement global comporte des dimensions physiques et motrices, socioaffectives et morales, langagières et intellectuelles. Chacun des enfants du groupe devrait recevoir les stimulations et des interventions adaptées peu importe ses origines, ses forces, ses limites, ses caractéristiques physiques, familiales et sociales. En guise de conclusion, il importe de se questionner sur les conditions qui prévalent au niveau de l’exosystème et du macrosystème et qui semblent faire obstacle au développement d’un réseau de services de garde éducatifs de qualité. Les plus récentes recherches sur la qualité des services de garde au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde soulignent l’importance de la formation du personnel éducateur afin de hausser le niveau de qualité des services de garde offerts à l’enfant (Doherty et al., 2006 ; Goelman et al., 2006 ; Vandell, 2004). Au plan de la formation du personnel éducatif, les lois et règlements du Québec et du Canada reflètent un niveau de qualité minimale. En outre, au Québec, la Loi sur les services de garde (LSG) exige que les responsables d’un service de garde en milieu familial (RSG) aient une formation de 45 heures pour assumer seule la responsabilité de l’éducation de six enfants en milieu familial, et ce, plus de 50 heures par semaine. En garderie privée et en installation de CPE, la LSG exige que deux éducatrices sur trois détiennent un diplôme reconnu. Pour les bureaux coordonnateurs qui sont responsables du soutien des services de garde en milieu familial, la loi stipule que les agentes pédagogiques détiennent un diplôme d’études collégiales (DEC) en technique d’éducation à l’enfance afin d’offrir du soutien et de la formation sur demande aux responsables de services de garde en milieu familial. Comme société, nous devons nous interroger sérieusement sur les conditions minimales offertes aux enfants en services de garde et travailler en concertation afin de poursuivre le développement d’un réseau qui assurera un meilleur niveau de qualité. Ce n’est qu’à ce moment-là que nous pourrons affirmer que chaque enfant est vraiment au centre de nos préoccupations. Le prochain chapitre de Deborah Vandell fera état de recherches de grande envergure qui rapportent des associations positives entre la fréquentation d’un service de garde et un développement plus optimal chez les enfants. Ce chapitre nous permettra de comprendre l’importance de la qualité des services de garde, qualité qui est issue des variables des divers systèmes évoqués dans notre définition écologique de la qualité des services de garde, notamment l’importance des variables
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
issues du macro- et de l’exosystème (qualité structurelle) et des variables du méso- et du microsystème (qualité des processus) dans le développement de l’enfant.
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2
CHAPITRE
Les services à la petite enfance Découvertes passées et futures1 Deborah Lowe Vandell Université du Wisconsin-Madison Traduction de Carole Dubois
1.
Cet article est la traduction de « Early Child Care: The Known and Unknown » paru dans la revue Merrill-Palmer Quaterly, vol. 50, no 3, p. 387-414. Nous remercions le GRAVE-ARDEC pour sa contribution financière à la traduction de ce texte.
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
RÉSUMÉ Au cours des vingt dernières années, la recherche sur les services de garde a fait d’immenses progrès en ce qui concerne les questions suivantes : a) les effets de la qualité des services de garde ; b) les effets de la durée aussi bien que du début de la fréquentation des services de garde à la petite enfance ; c) les effets des différents types de services de garde : en installation, en milieu familial et ceux offerts par des proches. Cet article résume les résultats de recherche convergents au regard de chacune de ces questions, puis suggère des orientations pour les futures recherches sur les services de garde.
LES SERVICES À LA PETITE ENFANCE
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Durant la deuxième moitié du XXe siècle, l’augmentation de la présence des mères sur le marché du travail, de même que du nombre d’enfants fréquentant des services de garde non parentaux, a entraîné des changements considérables dans la vie des jeunes enfants. Les recherches connues démontrent que ces services varient grandement sur les plans de la qualité, de la durée de fréquentation et du type des services de garde (National Institute of Child Health and Human Development Early Child Care Research Network – NICHD ECCRN, 1996 ; U.S. Census Bureau, 2003). Ces différences, ainsi que le nombre élevé d’enfants en service de garde (on en comptait en 1999 plus de dix millions aux États-Unis) soulèvent plusieurs questions : a) La qualité des services à la petite enfance a-t-elle de l’importance ? b) Qu’en est-il de l’âge de début de fréquentation et de la durée de celle-ci ? c) Le type de service à la petite enfance importe-t-il ? Les réponses à ces questions sont importantes pour les parents et les décideurs qui s’intéressent, personnellement ou collectivement, au bien-être des enfants. Elles le sont également pour les théories du développement, en raison de leur lien avec les problématiques fondamentales de ce domaine, telles que le rôle des expériences précoces par rapport à celles plus tardives et l’efficacité des efforts pour l’enrichissement et l’intervention. Cet article poursuit deux objectifs : le premier est de résumer les résultats de recherche convergents au regard des trois questions concernant les services de garde. Ceux-ci reflètent l’état de nos connaissances actuelles au sujet des effets des services de garde sur le développement des enfants. Les résultats présentés ne sont pas exhaustifs, mais servent plutôt à illustrer la situation. Le deuxième objectif consiste à examiner des questions jusqu’ici demeurées sans réponses ou qui n’ont pas encore été étudiées. Ces inconnues représentent, selon moi, les futures étapes de la recherche dans le domaine des services de garde. Le besoin de données pour répondre aux questions sur les services à la petite enfance est l’un des facteurs ayant guidé la conception de l’étude NICHD Study of Early Child Care − SECC. Les éléments clés du protocole de la SECC comprennent : a) un échantillon suffisamment grand (n = 1 364) pour détecter la présence d’effets ; b) un échantillon diversifié incluant des enfants provenant de minorités visibles (24 %) ; des mères ayant une scolarité inférieure à une 5e secondaire (11 %) ; ainsi que des familles monoparentales (14 %) ; c) des mesures longitudinales solides de la qualité, de la durée et du début de fréquentation aussi bien que du type des services de garde (en installation, en milieu familial ou par une gardienne d’enfants) ; d) des mesures du développement social, cognitif et langagier des enfants obtenues par diverses méthodes à différents stades de développement : lorsque les enfants sont nourrissons, durant la petite enfance et durant le stade intermédiaire de
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l’enfance ; e) des mesures approfondies de la famille, recueillies peu de temps après la naissance de l’enfant et servant à faire contrepoids aux biais de sélection ; f) des évaluations longitudinales de la famille ayant pour but de mesurer les changements dans le fonctionnement familial qui seraient liés au service de garde. Le NICHD Early Child Care Research Network (ECCRN), nom qui désigne les chercheurs travaillant collectivement à des articles utilisant les données de la SECC, a jusqu’ici traité des effets de la qualité, de la durée et du début de fréquentation, ainsi que du type des services de garde dans une série d’articles examinant l’attachement des enfants à la mère ; les interactions mère-enfant ; les interactions entre pairs ; les problèmes de comportement ; les habiletés sociales ainsi que les performances cognitives, langagières et préscolaires. D’autres chercheurs (Brooks-Gunn, Han et Waldfogel, 2002 ; Sagi, Koren-Karie, Gini, Ziv et Joels, 2002) se sont servis des données de la SECC pour répondre à des questions connexes2. Outre la SECC, on recense quelques autres études multisites d’envergure : Cost, Quality, and Outcomes Study (Peisner-Feinberg et al., 2001) ; Family and Relative Care Study (Kontos, Howes, Shinn et Galinsky, 1995) ; National Day Care Study (Ruopp, Travers, Glantz et Coelen, 1979) ; Child-Care Staffing Study (Howes, Phillips et Whitebook, 1992). Ces études se sont concentrées sur certains types de services de garde en particulier.
1.
DIFFICULTÉS ET MISES EN GARDE
Avant d’examiner le progrès qui a été fait pour répondre aux questions concernant les services de garde, il faut porter attention à plusieurs difficultés d’ordre général. La première réside dans le fait que la plupart des recherches sur les services de garde sont corrélationnelles. Or, comme c’est le cas de toute donnée corrélationnelle, il est à craindre que le biais de sélection de l’échantillon et les variables non considérées puissent expliquer les relations obtenues. Par exemple, lorsque des enfants dont les parents accordent beaucoup d’importance à l’éducation fréquentent un service de garde stimulant sur le plan cognitif, la relation qui apparaît alors entre le service de garde et les habiletés scolaires des enfants peut s’expliquer par des différences familiales préexistantes. Ou
2.
Pour obtenir un exemplaire des données à usage public, voir le site Internet <secc.rti.org/>.
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encore, si des enfants exigeants ou difficiles sont en service de garde durant de plus longues périodes que des enfants n’ayant pas ces caractéristiques, ou à un moindre degré, la relation entre le nombre d’heures passées en service de garde et les problèmes de comportement peut ainsi être expliquée par une différence des enfants. Le défi consiste donc à réduire la possibilité que les effets des services de garde puissent être expliqués par d’autres facteurs que ceux mesurés. Une des façons de résoudre ce problème est d’adopter un protocole expérimental dans lequel les enfants sont assignés au hasard à des services de garde de divers types et de qualité variable. Dans plusieurs études dont il sera question plus loin dans cet article (Campbell et Ramey, 1994 ; Schweinahrd, Weikart et Larner, 1986), on a utilisé un protocole expérimental pour étudier les effets de programmes de grande qualité offerts en centre de service de garde à des enfants présentant des risques d’échec scolaire. Dans d’autres recherches dont il sera aussi question (Ruopp et al., 1979), on a manipulé expérimentalement deux aspects de la qualité des services de garde, soit, d’une part, le ratio adulte-enfants et, d’autre part, la scolarité et la formation de l’éducateur, pour déterminer leurs effets sur le fonctionnement cognitif et social des enfants. À ma connaissance, personne n’a jusqu’ici étudié les effets de la durée et du début de fréquentation des services de garde dans une recherche expérimentale. Étant donné l’absence d’études où la répartition des sujets serait aléatoire, les chercheurs ont adopté d’autres stratégies pour minimiser le biais de sélection et le problème des variables non considérées. Une stratégie, d’abord utilisée dans les années 1980 et qui est maintenant pratique courante, consiste à inclure des mesures de la famille et de l’enfant comme covariables. Les premières études tenaient généralement compte d’un nombre limité de facteurs démographiques, tels que la scolarité de la mère et le sexe de l’enfant. Quant aux recherches récentes, elles intègrent un grand nombre de covariables. Dans la SECC (NICHD ECCRN et Duncan, 2003), on a comparé la taille des coefficients de service de garde obtenus en effectuant des analyses statistiques qui soit n’incluaient aucune covariable, soit en incluaient un nombre plus ou moins grand. La taille des coefficients se trouvait considérablement réduite lorsque les covariables démographiques étaient ajoutées au modèle de base, montrant que ce modèle de base sans covariables était biaisé. Par contraste, l’ajout de nombreuses mesures du fonctionnement familial aux variables démographiques résulte en peu ou pas de changements dans la taille des coefficients, suggérant qu’il est peu probable que des caractéristiques familiales non considérées puissent expliquer les effets des services de garde qui ont été observés.
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Bien que l’utilisation de multiples covariables réduise la possibilité que des variables omises expliquent les relations obtenues, elle a aussi ses propres limites. La variance unique étant attribuée au service de garde et la variance commune aux autres facteurs, cette stratégie donne une estimation prudente des effets. C’est ainsi que, en tentant de les contrôler, les chercheurs peuvent en arriver à neutraliser les effets mêmes qui seraient intéressants pour eux (Newcomb, 2003). Une autre stratégie employée afin de minimiser la possibilité que des facteurs omis ou non mesurés expliquent les effets trouvés est de tenir compte de la performance antérieure des enfants. Des analyses de ce genre utilisées dans la SECC (NICHD ECCRN et Duncan, 2003) et dans la Cost, Quality, and Outcomes Study (Peisner-Feinberg et al., 2001) ont servi à déterminer si un aspect particulier du développement de l’enfant est prédit par la qualité, la durée et le début de fréquentation ou le type des services de garde lorsque la performance antérieure de celui-ci est incluse comme covariable. Ces analyses de changement résiduel tiennent mieux compte de la présence ou non des facteurs observés, mais ont moins de force que la seule prise en considération des facteurs démographiques de la famille et de l’enfant. Une deuxième difficulté tient à la nature des services de garde eux-mêmes, qui est complexe et varie en fonction de multiples dimensions. La recherche s’étant d’abord concentrée sur la qualité ou le type ou la durée de fréquentation des services séparément, il n’était pas possible d’établir avec certitude que des effets apparents de la qualité des services n’étaient pas plutôt dus au type ou à la durée de fréquentation ; ou encore que des effets de la durée de fréquentation ne pouvaient être expliqués plutôt par le type ou la qualité des services. Par conséquent, les recherches récentes, telles que la SECC, ont tenté d’étudier les effets d’un aspect tout en tenant compte des autres. Une troisième difficulté contre laquelle il faut sans aucun doute être mis en garde est attribuable au fait que les résultats de recherche sont basés sur des échantillons particuliers d’enfants fréquentant des services de garde, eux aussi particuliers sur les plans de la qualité, du type et de la durée de fréquentation. Si des familles vivant dans des conditions défavorisées (ou encore plus favorisées) ne sont pas incluses dans les études, notre capacité à comprendre les effets des services de garde dans ces conditions précises s’en trouve réduite. Pour comprendre les effets des services de garde, il faut aussi avoir un échantillon qui tienne compte de toute la gamme de ces services. Il est probable que l’on obtienne une sous-estimation des effets des services de garde si les analyses sont faites à partir d’un échantillon limité quant à la qualité, au type ou à la durée de fréquentation des services. Les études menées en Suède n’ont généralement pas réussi à trouver des effets de la qualité,
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ce qui pourrait s’expliquer par le fait que celle-ci y est uniformément élevée dans ce pays. Suivant cette idée, Sagi et al. (2002) ont remarqué, par des analyses effectuées séparément avec les données de la NICHD SECC et de la Haifa Study of Early Child Care, que le ratio adulteenfants dans les centres n’était pas lié à la sécurité de l’attachement. Toutefois, lorsque les deux échantillons étaient combinés et qu’un plus grand éventail de ratios adulte-enfants était évalué, des relations entre les ratios et l’attachement étaient détectées. En ce qui a trait à la SECC, il est probable que les effets associés à la qualité ont été sous-estimés en raison des taux élevés de refus de participation des services de garde informels et de ceux offrant des soins aux enfants de familles à faible revenu. Ainsi, les résultats des enfants de la SECC étaient-ils plus faibles chez les enfants fréquentant des services de garde n’ayant pas accepté d’être observés (NICHD ECCRN et Duncan, 2003). C’est en gardant à l’esprit les limites et les mises en garde qui précèdent que nous examinerons maintenant la première de nos trois questions.
2.
LA QUALITÉ DES SERVICES DE GARDE A-T-ELLE DE L’IMPORTANCE ?
La recension de Belsky et Steinberg, publiée en 1978 et devenue un classique, montre clairement les progrès qui ont été accomplis dans l’étude de la question de la qualité des services de garde. Dans cette recension de la littérature de l’époque, soit environ 40 études, Belsky et Steinberg ont noté : « Nos connaissances réelles à propos de leurs effets (des services de garde) sont extrêmement limitées. Les recherches ont généralement été menées dans des centres de grande qualité qui ne sont pas représentatifs de la plupart des milieux offrant des soins de substitution » (p. 929). Ce manque d’études les a amenés à conclure : « Les résultats provenant des recherches actuelles sur les services de garde ne peuvent être généralisés au type et à la qualité des services offerts à la plupart des familles du pays » (p. 930). C’est le besoin de comprendre les effets de la qualité des services de garde qui a suscité une bonne partie des recherches des vingt-cinq années suivantes. Les premières études par Howes (1983), Clarke-Stewart (1987), Philips, McCartney et Scarr (1987) et Vandell et Powers (1983) ont observé des enfants en services de garde et ont consigné leurs expériences. Un service de garde de grande qualité a été défini comme un service qui comporte des interactions offrant du soutien de la part des éducateurs, des interactions positives entre pairs et des occasions de
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jeu stimulant sur le plan cognitif, alors qu’un service de faible qualité comporte, inversement, des interactions négatives tant avec les éducateurs qu’entre pairs, de même que des activités sans but. Ces recherches, ainsi que d’autres de la même période, nous ont légué le terme qualité des processus, qui désigne maintenant les expériences qu’ont les enfants avec les éducateurs, les pairs et le matériel. D’autres progrès ont été réalisés sur ces questions de la qualité, avec l’élaboration et l’adoption d’un ensemble commun de mesures de la qualité des processus. L’échelle Early Care Environment Rating Scale (ECERS ; Harms et Clifford, 1980) comporte sept points évaluant l’environnement social et physique ainsi que le langage et le raisonnement dans les services de garde en installation. Les échelles Infant/ Toddlers Environment Rating Scale (ITERS ; Harms, Cryer et Clifford, 1990) et Family Day Care Rating Scale (FDCRS ; Harms et Clifford, 1989) sont des mesures connexes des services en installation pour enfants âgés de moins de deux ans et demi, en ce qui concerne la première échelle, et des services en milieu familial pour la seconde. Le Observational Record of the Caregiving Environment (ORCE), conçu par la SECC (NICHD ECCRN, 1996), évalue quant à lui la qualité de tous les types de services de garde en ayant recours à un échantillonnage temporel des comportements dénombrés à partir des actions des éducateurs et des interactions entre les pairs, en plus de faire l’évaluation qualitative des comportements des éducateurs. Il en existe des versions adaptées à divers âges : nourrissons, trottineurs et enfants d’âge préscolaire. La qualité se mesure également par des caractéristiques structurelles et propres de l’éducateur, telles que le ratio adulte-enfants ainsi que la scolarité et la formation de l’éducateur. Les chercheurs, motivés par la question « comment peut-on améliorer la qualité des processus ? » qui concerne l’élaboration de politiques ainsi que la recherche d’indicateurs faciles à surveiller, ont étudié les liens entre les caractéristiques structurelles et celles de l’éducateur et la qualité des processus ; et des résultats cohérents (Committee on Family and Work Policies, 2003 ; Vandell et Wolfe, 2000) ont émergé de ces recherches. Dans les milieux où le ratio adulte-enfants est moins élevé, les éducateurs consacrent moins de temps à la gestion de groupe et les enfants sont moins apathiques et moins déprimés (Ruopp et al., 1979) ; les éducateurs sont plus stimulants, réceptifs, chaleureux et soutenants (NICHD ECCRN, 1996) ; et les scores de qualité des processus plus élevés (NICHD ECCRN, 1996 ; Phillips, Mekow, Scarr, McCartney et Abbott-Shim, 2000). Le nombre d’enfants dans le groupe est également associé à la qualité des processus. Le NICHD ECCRN, à l’aide d’analyses multivariées tenant compte du ratio adulte-enfants, de la formation et de la
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scolarité de l’éducateur, a trouvé que les éducateurs étaient plus réceptifs, plus stimulants sur le plan social et imposaient moins de restrictions lorsqu’il y avait moins d’enfants dans les groupes. La qualité des processus est également plus élevée dans les services de garde en milieu familial qui respectent la taille de groupe recommandée en fonction de l’âge (Clarke-Stewart, Vandell, Burchinal, O’Brien et McCartney, 2002). L’éducation des intervenants, autant la scolarité que la formation spécialisée, est aussi reliée à la qualité des processus. Les éducateurs tendent en effet à être plus stimulants, plus chaleureux et soutenants, organisent mieux le matériel et offrent des expériences plus appropriées à l’âge des enfants lorsqu’ils ont une scolarité plus élevée et lorsqu’ils ont reçu une formation plus poussée en lien avec l’enfance (Burchinal, Cryer, Clifford et Howes, 2002 ; Clarke-Stewart et al., 2002 ; NICHD ECCRN, 1996 ; Phillips et al., 2000). Deux études expérimentales, la National Child Care Study (Ruopp et al., 1979) et le Florida Child Care Improvement Project (Howes, 1997), ont fourni des données probantes de relations causales entre les caractéristiques structurelles et celles de l’éducateur et la qualité des processus.
2.1.
La qualité des services de garde et le développement des enfants
L’élaboration de mesures de la qualité des services de garde a permis l’étude des effets de la qualité sur le développement des enfants à partir de trois hypothèses liées de façon logique. La première hypothèse est que la qualité, telle qu’elle est mesurée par les caractéristiques structurelles et celles de l’éducateur et la qualité des processus, est liée au fonctionnement de l’enfant dans l’environnement du service de garde. La deuxième pose que la qualité du service de garde est reliée au fonctionnement des enfants (ou influence ce dernier) simultanément dans d’autres environnements, à la maison ou en laboratoire par exemple. La troisième hypothèse veut que la qualité du service de garde soit reliée au développement à long terme des enfants (ou influence ce dernier). Les recherches se rapportant à chacune des hypothèses sont présentées ci-dessous. Qualité du service de garde et comportement de l’enfant en milieu de garde. Dans une revue de littérature récente, la National Academy of Science (Committee on Family and Work Policies, 2003) rapporte six études ayant trouvé des liens entre la qualité des processus et le comportement des enfants en milieu de garde et six études ayant relevé des liens entre les caractéristiques structurelles et celles de l’éducateur et le comportement des enfants dans ces milieux. En résumé, les enfants semblaient plus heureux et paraissaient avoir un lien
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d’attachement sécurisant avec les éducateurs lorsqu’ils fréquentaient des services où la qualité des processus était plus élevée et où le ratio adulte-enfants était plus bas. Ils semblaient manifester davantage de comportements prosociaux et de rapports positifs avec leurs pairs lorsque les éducateurs avaient une attitude réceptive et positive envers eux et lorsque que, d’autre part, le ratio adulte-enfants était plus bas. On a trouvé les enfants plus compétents sur le plan cognitif au cours de périodes de jeux libres dans des services de garde offrant davantage de possibilités de pratiquer des activités d’art (dramatique et autre) ainsi que de jeux de blocs et dans des services où les éducateurs possédaient un diplôme collégial et une formation plus poussée en petite enfance. De même, une recherche récente a découvert des liens entre la qualité du service de garde et certaines mesures physiologiques (Dettling, Parker, Lane, Sebanc et Gunnar, 2000). Les enfants fréquentant un service de garde en milieu familial de grande qualité montraient une baisse du cortisol, du matin jusqu’en après-midi, alors que ceux fréquentant un service de garde en milieu familial de faible qualité montraient une augmentation du cortisol durant la même période. Cette augmentation est contraire au rythme circadien typique du cortisol, mais est similaire à celle enregistrée durant une journée de travail d’un gestionnaire subissant de fortes pressions. Ainsi, la recherche suggère que les enfants fréquentant un service de garde de grande qualité connaissent des environnements différents et ont des comportements et des activités qui diffèrent de ceux des enfants qui fréquentent un service de garde de plus faible qualité. Il reste à voir si les variations de qualité sont reliées au fonctionnement de l’enfant dans d’autres contextes. Qualité des services de garde et développement social et cognitif concomitant. Le National Academy’s Committee on Family and Work Policies (2003) cite 23 études ayant établi des relations entre la qualité des processus des services de garde et le développement cognitif et socioaffectif des enfants dans d’autres contextes, en tenant compte de facteurs de l’environnement de la famille et de l’enfant. En particulier, le comité a noté que les enfants en services de garde ayant un score élevé de qualité des processus obtenaient de meilleurs résultats lors de l’administration simultanée de tests de langage et cognitifs, qu’ils avaient moins de problèmes de comportement et davantage d’habiletés sociales. Depuis la parution de ce rapport, d’autres chercheurs (Loeb, Fuller, Kagan et Carrol, 2004 ; Love et al., 2003) ont également trouvé qu’un service de grande qualité (telle qu’elle a été mesurée par le ECERS et le FDCRS) était associé à de meilleures performances cognitives et à un moins grand nombre de problèmes de comportement.
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Le Committee on Family and Work Policies (2003) cite 14 études en lien avec les caractéristiques structurelles et celles de l’éducateur et le développement des enfants. Par exemple, le NICHD ECCRN a observé des effets positifs sur le développement des enfants, en tenant compte de la scolarité de la mère et de la qualité des pratiques parentales, lorsqu’ils fréquentaient des centres qui suivaient les directives de l’American Public Health Association concernant les structures et l’éducateur. Les enfants qui fréquentaient des centres se conformant aux normes ayant trait au ratio adulte-enfants avaient moins de problèmes de comportement et plus de comportements sociaux positifs, selon leur mère, que les enfants en centres qui ne respectaient pas les normes recommandées. Dans les centres se conformant aux directives eu égard à la formation et la scolarité du personnel spécialisé, les enfants manifestaient moins de problèmes de comportement et obtenaient des scores plus élevés sur le plan de la maturité scolaire et de la compréhension du langage. Lors d’analyses subséquentes, soit lorsque les enfants étaient âgés de quatre ans et demi, on trouvait que des groupes de grande taille étaient associés à des performances scolaires et à un développement cognitif plus faibles, alors qu’une scolarité élevée chez l’éducateur était liée à un meilleur développement cognitif et une meilleure performance scolaire, en tenant compte des facteurs familiaux et du fonctionnement cognitif préalable des enfants (NICHD ECCRN et Duncan, 2003). On a mis au jour des relations similaires entre les caractéristiques structurelles et celles de l’éducateur et le développement des enfants en services de garde en milieu familial (Clarke-Stewart et al., 2002). On a aussi étudié le développement de l’enfant en lien avec les caractéristiques structurelles et celles de l’éducateur combinées. Par exemple, certains programmes font un compromis : des éducateurs ayant reçu une meilleure formation s’occupent d’un plus grand nombre d’enfants comparativement à d’autres programmes où des éducateurs ayant reçu une plus grande formation s’occupent d’un moins grand nombre d’enfants. Et il y a même certains autres programmes où l’on ne respecte aucunement les normes recommandées. Dans la SECC, les enfants qui fréquentaient des centres se conformant à un plus grand nombre de normes recommandées démontraient moins de problèmes de comportement et avaient des scores plus élevés quant à la maturité scolaire et à la compréhension du langage. Par exemple, selon ces analyses, des enfants âgés de trois ans qui fréquentaient des centres ne se conformant à aucune des normes recommandées avaient des scores 14 points au-dessous de la moyenne de l’échantillon de normalisation de l’échelle Bracken Basic Concept Scale comparés aux enfants de centres se conformant aux normes qui obtenaient deux points au-dessus de la moyenne, pour un écart de 16 points.
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Les données expérimentales dont nous disposons montrent des relations causales entre la qualité du service de garde et le développement de l’enfant. Dans la National Day Care Study (Ruopp et al., 1979), les enfants d’âge préscolaire assignés à des groupes dont les éducateurs avaient reçu une plus longue scolarité et formation montraient des gains plus élevés sur le plan de la coopération, de la persistance à la tâche et de la maturité scolaire sur une période de neuf mois, comparativement à des enfants assignés à des groupes dont les éducateurs avaient reçu une moins longue scolarité et formation. Qualité du service de garde et effets à long terme. Le Committee on Family and Work Policies (2003) cite 18 études ayant examiné les relations entre la qualité des services de garde et le développement ultérieur des enfants. Ces relations étaient plus évidentes dans les études qui évaluaient la qualité à plusieurs reprises dans le temps (Burchinal et al., 2000) que dans les études où l’on s’en tenait à une seule évaluation (Chin-Quee et Scarr, 1994 ; Deater-Deckard, Pinkerton et Scarr, 1996). Ces écarts peuvent s’expliquer par la fiabilité des scores que les services de garde ont obtenus. Les enfants étant exposés à différents types de garde, des évaluations longitudinales de la qualité ont probablement fourni des indications de la qualité avec plus d’exactitude. Dans la SECC, des mesures cumulées du comportement de l’éducateur, tel qu’il a été évalué par le ORCE, prédisaient la performance des enfants lors d’évaluations standardisées du fonctionnement cognitif et langagier aux âges de quinze, vingt-quatre, trente-six et cinquante-quatre mois, en tenant compte de la durée de fréquentation et du type de service de garde ainsi que d’une longue liste de covariables familiales. Dans la Cost, Quality and Outcomes Study, une étude prospective longitudinale de 579 enfants fréquentant 151 centres, la qualité des processus telle qu’elle est mesurée par la ECERS prédisait le développement cognitif, langagier et social durant les premières années du primaire (Peisner-Feinberg et al., 2001). Les enfants qui avaient eu une relation plus étroite avec leurs éducateurs, en tenant compte de l’adaptation antérieure de l’enfant et des facteurs familiaux, étaient plus sociables en classe maternelle. Ceux ayant fréquenté un service de garde de grande qualité montraient davantage d’habiletés en mathématiques avant d’entrer à l’école et durant la maternelle ainsi qu’en deuxième année du primaire. À l’aide d’autres analyses provenant de la Cost, Quality and Outcomes Study, on a trouvé que les enfants de deuxième année du primaire ayant eu une relation plus étroite avec leurs éducateurs à l’âge de quatre ans, en tenant compte des facteurs familiaux et
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du fonctionnement antérieur de l’enfant, démontraient plus d’habiletés sociales dans leurs interactions avec leurs pairs, selon leurs enseignants (Howes, 2000). On a aussi rapporté des liens entre les caractéristiques structurelles et celles de l’éducateur et le développement social et cognitif ultérieur de l’enfant. Howes (1988) a par exemple trouvé des liens entre les caractéristiques structurelles et celles de l’éducateur (formation de l’éducateur, ratio adulte-enfants, taille du groupe, programme planifié et espace) des services que fréquentent les enfants lorsqu’ils ont trois ans et leur fonctionnement en première année du primaire. Les enfants qui fréquentaient des services à la petite enfance correspondant mieux aux caractéristiques structurelles et à celles de l’éducateur recommandées avaient moins de problèmes de comportement et de meilleures habitudes de travail que ceux qui fréquentaient des services correspondant moins à ces recommandations, en tenant compte des facteurs familiaux. Les enfants d’un autre échantillon ayant fréquenté un service de faible qualité, établie selon un score composite des caractéristiques structurelles et celles de l’éducateur (ratio adulte-enfants, formation de l’éducateur, stabilité des éducateurs) aux âges de dix-huit, vingt-quatre, trente et trente-six mois, étaient décrits comme plus difficiles par les éducateurs et plus hostiles par les enseignants de la maternelle (Howes, 1990). Ainsi, les données probantes dont nous disposons indiquent que les services de garde de qualité sont liés au développement de l’enfant jusqu’aux premières années du primaire. Toutefois, nous ne savons pas si ces liens sont maintenus après cette période, s’ils disparaissent ou s’ils s’intensifient avec le temps.
2.2.
Quelle est l’ampleur des effets de la qualité ?
En plus de la valeur statistique des effets, il est intéressant d’en considérer la valeur pratique (McCartney et Rosenthal, 2000). Une façon d’évaluer la valeur pratique d’un effet obtenu est d’en comparer la taille à celle d’autres effets que l’on juge importants telles que les pratiques parentales et la pauvreté. Dans le cas du fonctionnement cognitif, la taille des effets (d) associés à la qualité du service de garde dans la SECC était de 0,39 pour la maturité scolaire et de 0,44 pour le langage expressif à l’âge de trente-six mois, alors que la taille des effets des pratiques parentales et de la qualité de vie à la maison était approximativement deux fois plus grande, soit 0,83 et 1,01 respectivement (NICHD ECCRN, 1999c). Pour les habiletés préscolaires des enfants âgés de cinquante-quatre mois, la taille de l’effet de la qualité du service de garde (d) était 0,39 et celle de la pauvreté 0,83. Ainsi, la taille des
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effets de la qualité des services de garde était environ la moitié de celle des effets des pratiques parentales et de la pauvreté. En les comparant à ces points de référence, on peut conclure que les effets associés à la qualité des services de garde sont significatifs.
2.3.
Les effets de la qualité sont-ils modérés par les caractéristiques de l’enfant et de la famille ?
En plus des principaux effets décrits ci-dessus, les chercheurs ont trouvé des exemples d’effets qui sont modérés. Dans certains cas, un service de faible qualité semble être un facteur de risque. Par exemple, dans la SECC, un service de garde de faible qualité associé à une faible sensibilité maternelle était lié à une relation d’attachement mère-enfant de type insécurisant (NICHD ECCRN, 1997b). Dans d’autres cas, un service de garde de grande qualité agissait comme facteur de protection pour des enfants autrement à risque. Les enfants dans la SECC dont la mère était déprimée semblaient avoir une meilleure relation avec elle à l’âge de quatre ans et demi et en première année du primaire lorsqu’ils avaient fréquenté un service de garde de grande qualité. Par des analyses de la maturité scolaire, du langage réceptif et expressif, on a trouvé que les services de garde de grande qualité atténuaient les effets négatifs de la pauvreté familiale pour les jeunes enfants (McCartney, Dearing et Taylor, 2003).
2.4.
Les étapes à venir
Les données récentes concernant les effets de la qualité des services de garde concordent avec les conclusions sommaires de Lamb dans le Handbook of Child Psychology de 1998 selon lesquelles a) un service de garde de grande qualité a un effet positif sur le développement intellectuel, langagier et cognitif des enfants et que b) les enfants qui fréquentent un service de grande qualité ont des habiletés relationnelles supérieures à celles des enfants fréquentant un service de faible qualité, qui sont insuffisantes. De plus, les données provenant de multiples études sur les relations entre les caractéristiques structurelles et celles de l’éducateur et la qualité des processus fournissent des indications pour soutenir ou améliorer la qualité des services de garde. Toutefois, il existe un certain nombre d’inconnues en ce qui a trait à la qualité des services de garde justifiant de nouvelles recherches. D’abord, les chercheurs ont étudié les effets de la qualité durant les premières années du primaire (maternelle, première et deuxième année). Nous ne savons pas si les effets associés à la qualité se maintiennent
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durant l’enfance et l’adolescence. De plus, nous ignorons combien d’enfants aux États-Unis ou ailleurs fréquentent des services de faible qualité, puisque seuls des échantillons de commodité ont été étudiés. Les estimations de la qualité provenant de la NICHD SECC suggèrent toutefois que la qualité des services de garde n’est pas élevée. On a jugé que les soins positifs étaient « non caractéristiques » pour 60 % des environnements observés et que les services étaient excellents pour 10 % d’entre eux (NICHD ECCRN, 2000a). Il y a donc un besoin évident d’enquêtes représentant la qualité des services de garde et menées à intervalles réguliers afin d’évaluer les tendances de la qualité dans le temps. En outre, nous n’avons pas étudié les effets de la qualité des services de garde au-delà de ses impacts sur les enfants pris individuellement. Des études sur l’ensemble des effets de la qualité des services de garde sur les classes des écoles publiques sont nécessaires pour vérifier si les services de grande qualité servent de levier à un bon fonctionnement des classes ou si les services de garde de faible qualité placent les classes dans des conditions de risque. Il paraît probable que les classes dans lesquelles il y a davantage d’enfants ayant fréquenté un service de garde de grande qualité seront différentes des classes où se retrouvent un plus grand nombre d’enfants ayant fréquenté un service de garde de faible qualité. Finalement, nous ne savons quel ensemble de politiques il serait préférable d’adopter en vue d’améliorer la qualité des services de garde et de soutenir les services de grande qualité. Des propositions (Blau, 2001 ; Helburn et Bergman, 2002 ; Lombardi, 2003 ; Vandell et Wolfe, 2000) ont été mises de l’avant, mais elles n’ont pas été testées. Des études expérimentales sont nécessaires pour vérifier l’efficacité de diverses approches afin d’améliorer la qualité des services de garde (autant la qualité des processus que les caractéristiques structurelles et celles de l’éducateur) et d’établir un lien entre ces stratégies et le développement des enfants. Une plus grande collaboration entre les chercheurs des domaines de la psychologie, de l’éducation, de l’économie et des politiques publiques renforcera l’évaluation de ces autres modèles.
3.
LA DURÉE ET LE DÉBUT DE LA FRÉQUENTATION DES SERVICES DE GARDE ONT-ILS DE L’IMPORTANCE ?
Les questions concernant les effets de la durée et du début de fréquentation des services de garde sont également au cœur des recherches sur ces services. Jay Belsky (1986, 1988, 2001) a joué un rôle capital dans la formulation de ces questions. Prenant note des relations obtenues dans les premières recherches entre la durée de fréquentation des services à
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la petite enfance et la désobéissance ainsi que l’agressivité chez les enfants (Baydar et Brooks-Gunn, 1991 ; Bates et al., 1994 ; Schwarz, Strickland et Krolick, 1974 ; Vandell et Corasaniti, 1990), Belsky soutient que les enfants qui commencent à fréquenter un service de garde tôt dans la vie et qui le font durant de longues heures sont à risque quant aux problèmes socioaffectifs. Toutefois, d’autres chercheurs s’opposent à cette affirmation, disant que ces relations peuvent s’expliquer par a) la qualité du service de garde (Phillips, McCartney, Scarr et Howes, 1987), b) des différences dans le milieu familial (Richters et Zahn-Waxler, 1990) ou c) une incapacité à faire la distinction entre l’évitement et l’autonomie dans l’évaluation des relations d’attachement du jeune enfant ainsi qu’entre l’affirmation de soi et l’agressivité dans l’évaluation d’enfants plus âgés (Clarke-Stewart, 1989). Parce que les premières recherches ayant étudié la durée et le début de fréquentation des services de garde n’incluaient pas des mesures de la qualité du service, de l’affirmation de soi ou de l’autonomie et parce qu’elles ne tenaient compte que d’un petit nombre de facteurs familiaux, il est impossible de vérifier ces différentes possibilités. Récemment, les chercheurs ont cependant adopté des devis de recherche exhaustifs qui leur permettent d’évaluer ces autres explications. Les résultats de ces recherches sont décrits ci-dessous. Bien que les chercheurs et les décideurs souhaitent comprendre les effets de la durée de fréquentation des services de garde et du moment où débute cette fréquentation, la situation est telle, à tout le moins aux États-Unis, qu’il est difficile de démêler ces effets. Par exemple, 84 % des enfants de la SECC font l’expérience de soins non maternels de façon habituelle à l’âge de 12 mois (NICHD ECCRN, 1997a). De ce groupe d’enfants, 72 % sont entrés en service de garde à l’âge de quatre mois. Les enfants fréquentaient le service de garde en moyenne 29 heures par semaine au moment de leur entrée. En outre, le temps passé en service de garde hebdomadairement suivant le début de la fréquentation demeurait plus ou moins stable durant la petite enfance. Ainsi, la durée et le début de fréquentation d’un service de garde sont fortement corrélés. Les chercheurs ayant étudié les effets de ces variations naturelles de la durée et du début de fréquentation ont abordé le problème de colinéarité de deux façons : a) en se concentrant soit sur la durée, soit sur le début de la fréquentation dans leurs analyses tout en reconnaissant qu’une partie de la variance pouvait être expliquée par la variable non considérée et b) en incluant la durée et le début de fréquentation dans leurs analyses et en reconnaissant que le fait de se concentrer sur la variance unique pouvait entraîner d’importantes sous-estimations
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des deux effets. Dans le texte qui suit, une grande partie des données montrent les effets combinés de la durée et du début de fréquentation des services de garde.
3.1.
La relation d’attachement sécurisante
Ce qui a motivé la recherche sur les services de garde durant les années 1980 et 1990 était la question visant à déterminer si une fréquentation des services de garde qui débute tôt et qui est de longue durée augmente la probabilité que les enfants forment une relation d’attachement insécurisante avec leur mère. Dans les premières études (Barglow, Vaughn et Molitor, 1987 ; Belsky et Rovine, 1988), on a noté des taux élevés d’attachement insécurisant chez les enfants qui avaient fréquenté un service de garde pendant de longues heures durant leur première année de vie. Toutefois, aucune de ces études n’avait tenu compte de la qualité des services de garde et la plupart n’avait pas considéré les différences familiales potentielles. Plus récemment, la SECC (NICHD ECCRN, 1997b) a étudié les relations entre une fréquentation des services de garde qui débute tôt et qui est de longue durée et la relation d’attachement des enfants provenant d’un important échantillon (n = 1 153) à l’âge de quinze mois en tenant compte de la qualité et du type de service ainsi que de l’environnement familial. Le principal indice d’un attachement sécurisant était la sensibilité observée de la mère avec l’enfant à six et à quinze mois ainsi que l’ajustement psychologique de la mère. La durée de fréquentation du service de garde n’était significative que lorsqu’elle était combinée à la sensibilité maternelle : la probabilité d’un attachement de type insécurisant augmente seulement si les enfants fréquentent le service de garde plus de 10 heures par semaine et que, à la fois, les mères montrent une grande insensibilité. Lorsque les mères sont sensibles, le fait pour les enfants d’être en service de garde durant plus de dix heures par semaine n’est pas relié à la qualité de l’attachement. On a observé une interaction semblable lorsque les enfants sont âgés de trente-six mois (n = 1 140) : de longues heures de fréquentation des services de garde étaient associées à un attachement ambivalent seulement lorsque les mères faisaient montre d’insensibilité.
3.2.
La qualité de l’interaction mère-enfant
Les chercheurs ont aussi étudié les associations de la durée de fréquentation des services de garde à un très jeune âge et de la qualité de l’interaction mère-enfant. Des études connexes ont examiné les effets du travail
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maternel lorsque les enfants sont très jeunes. Certaines de ces études rapportent que la durée de fréquentation des services de garde est reliée à des interactions mère-enfant plus négatives (Campbell, Cohn et Meyers, 1995 ; Owen et Cox, 1988), d’autres ont trouvé des effets positifs (Crockenberg et Litman, 1991 ; Vandell, 1979) et d’autres encore n’ont trouvé aucun effet (Burchinal, Bryant, Lee et Ramey, 1992). La plupart des premières recherches dans ce domaine, comme d’autres recherches de cette époque, avaient des limites en raison de la petite taille des échantillons, du peu de prise en considération des environnements familiaux et de la confiance accordée à un seul temps de mesure. De récentes études ont tenté de résoudre les problèmes que posaient ces limites. Dans la SECC, on a observé les interactions mèreenfant lorsque les enfants étaient âgés de six, quinze, vingt-quatre et trente-six mois pour plus de 1 000 familles. Un plus grand nombre d’heures passées en service de garde est associé à une sensibilité maternelle moindre et à une relation moins positive de l’enfant avec sa mère, en tenant compte de la qualité et du type de service de garde, du revenu familial, de l’éducation de la mère, de l’état matrimonial, des symptômes de dépression de la mère, de l’anxiété de la mère à l’égard de la séparation, du sexe de l’enfant, du tempérament de l’enfant et de l’appartenance à un groupe ethnique. La taille de l’effet des heures de fréquentation du service de garde (0,15) était similaire à celle de la dépression de la mère et à celle d’un tempérament difficile chez l’enfant, mais considérablement plus petite que celle de l’effet associé à l’éducation de la mère (0,70). Dans une étude subséquente, l’examen des relations entre la durée de fréquentation et l’interaction mère-enfant s’est prolongé jusqu’à ce que les enfants soient âgés de quatre ans et demi et jusqu’à ce qu’ils soient en première année du primaire. À ces âges, les relations n’étaient évidentes que pour des sous-échantillons particuliers. Un plus grand nombre d’heures passées en service de garde était associé à une sensibilité maternelle et à une relation positive moindre pour les enfants caucasiens, mais plus grandes pour les enfants afro-américains et hispanophones. Le Wisconsin Maternity Leave and Health Project (Clark, Hyde, Essex et Klein, 1997) a comparé la qualité de l’interaction mère-enfant lorsque les enfants sont âgés de quatre mois avec des mères ayant un congé parental de six semaines et d’autres ayant un congé de douze semaines qui provenaient d’un échantillon comprenant 198 familles. Les congés plus courts étaient associés chez les mères à l’expression d’affects négatifs envers leur jeune enfant et à un comportement négatif avec celui-ci. De plus, il y avait une plus faible probabilité que les mères
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expriment un affect positif envers leur jeune enfant lorsque le congé parental court était combiné à des symptômes de dépression chez la mère et à un tempérament difficile de l’enfant.
3.3.
Les problèmes de comportement
On a également examiné la durée de fréquentation des services de garde en lien avec l’adaptation socioaffective des enfants (problèmes de comportement et compétences sociales) dans une série d’études où l’on tenait compte de la qualité et du type de service de garde autant que de facteurs familiaux. On a observé qu’à l’âge de deux ans, les enfants ayant passé plus de temps en service de garde avaient plus d’interactions négatives avec les pairs ; les éducateurs rapportent quant à eux plus de problèmes de comportement et les mères, une moins grande compétence sociale que pour les enfants ayant passé moins d’heures en service de garde. Quand les enfants étaient âgés de quatre ans et demi, on a observé que ceux ayant passé le plus de temps en service de garde avaient un jeu plus négatif avec leurs pairs et, selon les éducateurs, ils étaient moins compétents socialement, avaient plus de problèmes de comportement externalisés et plus de conflits avec leur éducateur. Quant aux enfants en maternelle, les mères et les enseignants rapportaient plus de problèmes de comportement externalisés et plus de conflits avec les enseignants pour ceux ayant passé plus de temps en service de garde. On a examiné un grand nombre d’explications concernant ces résultats. L’une pouvant être que les relations observées résultent d’autres aspects du service de garde. Une autre que des différences dans l’interaction mère-enfant interviennent sur l’effet de la durée de fréquentation. On a vérifié ces explications à l’aide d’analyses tenant compte d’autres aspects du service de garde (qualité, type, instabilité, contact avec les pairs) et de la sensibilité maternelle. L’ajout de ces variables n’a donné qu’une réduction modeste des coefficients de la durée de fréquentation qui demeuraient significatifs statistiquement, indiquant que les résultats qui y sont liés n’étaient pas expliqués par la qualité du service de garde ou des pratiques parentales, à tout le moins telles qu’elles ont été mesurées dans cette étude. Les recherches de Gunnar et ses collègues (Dettling, Gunnar et Donzella, 1999 ; Tout, de Haan, Campbell et Gunnar, 1998 ; Watamura, Donzella, Alwin et Gunnar, 2003) indiquent une piste ayant un bon potentiel pour faire ressortir les relations entre le temps passé en service de garde et l’adaptation des enfants. Ces chercheurs ont étudié les niveaux et les schémas du cortisol chez les enfants lorsqu’ils étaient au
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service de garde et à la maison. On a observé que le cortisol salivaire augmentait du milieu de la matinée au milieu de l’après-midi les jours où les enfants étaient au service de garde, mais pas les jours où ceux-ci étaient à la maison (Watamura et al., 2003). Dans d’autres études, on a observé les plus importantes augmentations du cortisol durant la journée chez les enfants qui avaient le plus de difficultés à réguler leurs émotions et leurs comportements négatifs (Dettling et al., 1999), qui étaient plus craintifs (Watamura et al., 2003), moins impliqués dans des jeux avec les pairs (Watamura et al., 2003) et moins compétents socialement (Tout et al., 1998). Les augmentations étaient également plus apparentes chez les trottineurs et les enfants d’âge préscolaire que chez les nourrissons et les enfants d’âge scolaire (Dettling et al., 1999 ; Watamura et al., 2003). Ces résultats autorisent à penser que les trottineurs et les enfants d’âge préscolaire qui apprennent à traiter avec leurs pairs peuvent connaître des environnements de groupe socialement exigeants et stressants. On ignore si des changements dans l’organisation des programmes des services de garde ou si des efforts faits par les éducateurs pourraient produire des environnements sociaux moins stressants et offrant plus de soutien pour les enfants (Maccoby et Lewis, 2003).
3.4.
Quelle est l’importance des effets de la durée de fréquentation sur les problèmes de comportement des enfants ?
On peut évaluer l’importance pratique des résultats concernant la durée de fréquentation des services de garde de plusieurs façons. Ainsi, la taille des effets associés avec la durée de fréquentation des services de garde et les problèmes de comportement variait de 0,08 à 0,20 dans la SECC. La taille des effets des pratiques parentales était similaire, allant de 0,09 à 0,16. Cette comparaison montre que les effets de la durée de fréquentation sont significatifs. Une deuxième façon d’évaluer la portée des résultats concernant les problèmes de comportement est de comparer les scores obtenus dans la SECC à ceux de l’échantillon ayant servi à normaliser la Child Behavior Checklist (CBCL). Ainsi, le score moyen de l’échantillon de normalisation de la Child Behavior Checklist (CBCL) était de 50. Les enfants de la SECC qui fréquentaient un service de garde moins de 30 heures par semaine ont généralement obtenu des scores inférieurs à ce score moyen : les enfants en service de garde de zéro à neuf heures par semaine ont eu un score de 47,8 et les enfants en service de 10 à 29 heures par semaine, un score de 49,0. Tandis que les enfants qui passaient en moyenne plus de 30 heures par semaine en service de garde de l’âge de trois mois jusqu’à l’âge de cinquante-quatre mois avaient généralement des scores supérieurs au score moyen de l’échantillon de
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normalisation. Ainsi, les enfants qui fréquentaient un service de garde en moyenne entre 30 et 45 heures ont généralement obtenu un score de 51,3 et les enfants qui passaient en moyenne plus de 45 heures par semaine en service de garde avaient les scores les plus élevés de problèmes externalisés (53,1 à cinquante-quatre mois et 52,1 en maternelle), soit environ un tiers d’écart type au-dessus de la moyenne. Une troisième façon d’évaluer l’importance de l’effet de la durée de fréquentation est d’examiner la proportion d’enfants qui manifestent un taux élevé de problèmes de comportement défini par un score à un écart type au-dessus de la moyenne de l’échantillon de normalisation de la CBCL. Selon ce critère, on s’attend par définition à ce que 17 % des enfants aient un score de 60 ou plus. Dans la SECC, seul le groupe d’enfants qui passaient en moyenne plus de 45 heures par semaine en service de garde de l’âge de trois mois jusqu’à l’âge de cinquante-quatre mois dépassait le pourcentage attendu, atteignant 24 % selon l’évaluation des éducateurs et 26 % selon celle des mères. Ce groupe d’enfants manifestait un taux élevé de problèmes de comportement à l’âge de cinquantequatre mois. Selon ces analyses, ce sont les enfants qui passent un temps considérable en service de garde (45 heures par semaine) sur une longue période de temps (de l’âge de trois mois jusqu’à l’âge de cinquante-quatre mois) qui montrent plus de problèmes de comportement externalisés que ce qui est attendu dans la population en général.
3.5.
Le développement cognitif et langagier
Les résultats sont contradictoires eu égard à la durée et au début de fréquentation des services de garde et les performances cognitives, langagières et scolaires. Les analyses faites par le NICHD ECCRN (NICHD ECCRN et Duncan, 2003) n’ont montré aucune relation entre la durée et le début de fréquentation et des mesures cognitives ainsi que des mesures du langage lorsque les enfants sont âgés de quinze, vingt-quatre, trente-six et cinquante-quatre mois, en tenant compte d’autres aspects du service de garde et de facteurs familiaux. Toutefois, d’autres chercheurs (Baydar et Brooks-Gunn, 1991 ; Brooks-Gunn, Han et Waldfogel, 2002 ; Waldfogel, Han et Brooks-Gunn, 2002) ont détecté des effets de la durée et du début de fréquentation des services de garde dans certaines conditions. En effectuant des analyses avec les enfants euro-américains de la SECC, Brooks-Gunn et al. (2002) ont trouvé que les enfants dont les mères travaillaient plus de 30 heures par semaine lorsqu’ils avaient neuf mois avaient des habiletés préscolaires plus faibles à l’âge de trente-six mois que ceux dont les mères travaillaient moins de 30 heures par semaine. Ces effets n’étaient pas apparents dans les performances cognitives des enfants euro-américains avant l’âge de
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trente-six mois, pas plus que dans celles des enfants de minorités ethniques à quinze, vingt-quatre ou trente-six mois. Ces chercheurs ont aussi trouvé que le travail constant de la mère durant la première année de vie de l’enfant était lié à de plus faibles performances cognitives chez les enfants euro-américains (mais pas chez les enfants afro-américains ni chez les enfants hispanophones) qui participaient au National Longitudinal Survey of Youth (Baydar et Brooks-Gunn, 1991 ; Waldfogel et al., 2002). Vandell et Ramanan (1992), au contraire, ont trouvé que le travail de la mère débutant tôt dans la vie de l’enfant était positivement associé aux performances scolaires en deuxième année du primaire pour le sous-échantillon des enfants de familles à faible revenu dans le National Longitudinal Survey of Youth.
3.6.
Les étapes à venir
Il faut des recherches supplémentaires pour déterminer les processus qui interviennent dans les relations entre la durée de fréquentation des services de garde et le développement des enfants. En général, dans les travaux provenant de la SECC jusqu’ici, les effets de la durée de fréquentation n’étaient pas atténués lorsqu’on tenait compte de la sensibilité maternelle et de la qualité du service de garde, indiquant que la qualité des soins prodigués par les éducateurs ou par les mères, telle qu’elle était mesurée par les chercheurs de cette étude à tout le moins, n’intervenait pas dans ces effets. Une autre étape importante consiste à étudier d’autres aspects de la qualité des services de garde. Il est particulièrement important d’examiner la qualité de l’environnement des pairs (Fabes, Hanish et Martin, 2003 ; Watamura et al., 2003). Les stratégies particulières qu’utilisent les éducateurs pour favoriser le développement des habiletés sociales chez les enfants ou pour intervenir avec les enfants désobéissants ou agressifs peuvent également expliquer les effets associés à la durée de fréquentation des services de garde. Les observations approfondies des services de garde effectuées dans le cadre de la SECC, qui peuvent être consultées dans la série de données rendues publiques, incluent des items liés aux pairs ainsi que des observations des stratégies de socialisation des éducateurs. Ces observations pourraient être utiles pour vérifier ces hypothèses de médiation. De plus amples recherches sont aussi nécessaires pour distinguer les effets de la durée et ceux du début de la fréquentation des services de garde. Une possibilité, si un nombre suffisant de familles sont intéressées, serait d’élaborer une étude expérimentale de congé parental rémunéré où les enfants (et les familles) seraient répartis dans des
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groupes comportant des durées de fréquentation de service de garde variées (d’aucune à 40 heures par semaine) et différents âges d’entrée (de l’âge de deux à vingt-quatre mois). De récentes études expérimentales de grande envergure sur les programmes d’éducation à la petite enfance et les programmes anti-pauvreté basés sur le travail montrent que de tels projets sont réalisables et déterminants (Administration for Children and Families, 2002 ; Gennetian et Miller, 2992 ; Huston et al., 2001).
4.
LE TYPE DE SERVICE DE GARDE EST-IL IMPORTANT ?
Une troisième question au cœur des recherches sur les services de garde tente de savoir si le développement des enfants est influencé par les différents types de service de garde. Dans certains cas, des protocoles corrélationnels ont relié la garde en centre, en milieu familial ou par des proches au développement de l’enfant. D’autres chercheurs ont utilisé des protocoles expérimentaux et quasi expérimentaux pour étudier les effets de la participation à des programmes d’éducation à la petite enfance de grande qualité. Dans une étude préliminaire comptant 80 enfants d’âge préscolaire à Chicago, Clarke-Stewart (1987) a trouvé que les services de garde en centre, en milieu familial et à la maison (par une gardienne d’enfants ou par un proche) se distinguaient de maintes façons. Les services de garde en centre avaient généralement davantage d’éducateurs ayant reçu une solide formation ; de groupes d’enfants de grande taille ; de temps consacré à des « leçons » ; d’activités structurées ; de matériel, d’activités et de jouets adaptés aux enfants. Les éducateurs en centre avaient davantage d’intérêt professionnel et il était beaucoup moins probable qu’ils prodiguent des soins aux enfants comme une faveur envers la famille. Par comparaison, dans les milieux familiaux, il y avait plus de temps consacré à l’exploration libre, à l’apprentissage informel et à la télévision que dans les centres. Les enfants fréquentant les centres avaient des scores plus élevés lors d’évaluations cognitives standardisées, en tenant compte des caractéristiques démographiques des familles et des pratiques parentales observées, résultats qui correspondent à l’orientation éducative de ces centres. Les enfants fréquentant des services de garde en centre étaient également plus compétents en présence d’étrangers et indépendants de leur mère en salle de jeux d’un laboratoire. Les enfants les moins avancés étaient ceux qui demeuraient à la maison avec la personne offrant le service de garde.
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On a obtenu des résultats similaires dans la SECC (NICHD ECCRN, 1996). Les centres avaient les groupes d’enfants de plus grande taille, les ratios adulte-enfants les plus élevés, les environnements physiques les plus stimulants et les éducateurs ayant le plus de formation et de scolarité. Les services de garde en milieu familial se trouvaient dans une position intermédiaire entre les centres et les soins prodigués par les grands-parents et les gardiennes d’enfants. Le développement des enfants était lié aux différents types de service de garde. Les enfants qui faisaient davantage l’expérience des services de garde en centre (en fonction de périodes de trois mois pendant lesquelles les enfants ont fréquenté un centre) ont obtenu de meilleurs scores sur le plan cognitif et langagier à l’âge de deux ans, de trois ans et de quatre ans et demi, en tenant compte des caractéristiques de l’environnement familial ainsi que de la qualité et de la durée de fréquentation des services de garde. La taille des effets dans ces analyses s’étendait de 0,21 à 0,43. À l’aide d’autres analyses, on a étudié les changements dans le fonctionnement cognitif associés avec les services de garde en centre : les enfants ayant fréquenté un centre entre l’âge de vingt-sept mois et de cinquante-quatre mois (mais non plus jeune) ont eu un score plus élevé de 4,1 à des tests cognitifs que les enfants n’ayant jamais fréquenté un centre durant cette période, en tenant compte des caractéristiques familiales (taille de l’effet = 0,27 ; NICHD ECCRN et Duncan, 2003). Loeb et al. (2004) ont aussi déterminé que les services de garde en centre étaient liés à des gains cognitifs. Dans cette étude, on a observé les enfants dans trois environnements de garde (n = 451), soit en centre, en milieu familial et par des amis ou des proches, après que les parents eurent commencé à travailler, et ce, en lien avec le programme TANF (Temporary Assistance to Needy Families). Généralement, les enfants étaient âgés de deux ans et demi au temps 1 et de quatre ans au temps 2. Les enfants qui fréquentaient un centre à l’un et l’autre temps et ceux qui en fréquentaient un au temps 2 ont obtenu de meilleurs scores à des tests cognitifs et de maturité scolaire (taille d’effet de 0,6 et 0,4), en tenant compte de l’environnement familial et de la performance antérieure de l’enfant. La fréquentation de services de garde en centre n’était pas reliée à des problèmes de comportement chez ces enfants. Les données de recherches expérimentales et quasi expérimentales dont nous disposons indiquent que les services de garde en centre de grande qualité procurent des gains cognitifs et scolaires aux enfants qui sont à risque d’échec scolaire. Dans le Carolina Abecedarian Project, le groupe expérimental participait à un programme de grande qualité, et ce, durant des journées complètes, très tôt après la naissance jusqu’à l’âge de cinq ans alors que le groupe témoin recevait des services sociaux
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de soutien aux familles, des soins pédiatriques et des services de nutrition pour enfants. À huit et à douze ans, les enfants du groupe expérimental obtenaient de meilleurs scores de QI (Campbell et Ramey, 1994). À l’âge de quinze ans, ils avaient de meilleures performances en lecture et en mathématiques, les probabilités qu’ils redoublent une classe et qu’ils soient placés en classe d’éducation spécialisée étaient moindres (Ramey, Campbell et Blair, 1998). À l’âge de vingt et un ans, les probabilités qu’ils aient fréquenté un collège pendant quatre ans étaient plus grandes (Campbell, Ramey, Pungello, Sparling et Miller-Johnson, 2002). Toutefois, ce ne sont pas tous les effets rapportés de ce programme qui étaient positifs ; les enseignants de première année évaluaient les enfants du groupe expérimental comme étant plus agressifs (Haskins, 1985). Une deuxième étude expérimentale, le Perry Preschool Project, a également trouvé des effets à long terme à la participation à un programme de grande qualité dans un centre ; il s’agit ici d’un programme se déroulant durant des demi-journées et débutant à l’âge de trois ans. On a suivi un échantillon de 123 enfants jusqu’à l’âge de vingt-sept ans ; à cet âge, les membres du groupe expérimental avaient des revenus plus élevés, avaient fait l’objet de moins d’arrestations et il était moins probable qu’ils aient reçu de l’assistance publique que les membres du groupe témoin (Schweinhart, Barnes et Weikart, 1993). Une troisième étude expérimentale, le Infant Health and Development Project, était une étude aléatoire de traitement, multisite, qui incluait des services en centre de grande qualité en tant qu’élément d’une intervention intégrée ciblant les enfants nés prématurément et avec un faible poids. Le groupe expérimental recevait des visites à la maison de la première année à la troisième année de vie et participait à un programme de grande qualité en centre, durant des journées complètes, pendant la deuxième et troisième année de vie. On a évalué le fonctionnement cognitif et comportemental des enfants aux âges de cinq et huit ans (Brooks-Gunn et al., 1994). Les analyses initiales comparant les enfants du groupe expérimental et du groupe témoin ont montré des gains à l’âge de cinq et huit ans seulement pour les nourrissons les plus lourds parmi ceux nés avec un petit poids. Un article récent (Hill, Brooks-Gunn et Waldfogel, 2003) a poussé plus loin cette étude pour examiner le dosage. Les analyses de dosage montrent des effets cognitifs considérablement plus grands à huit ans pour les nourrissons avec un petit poids à la naissance, les plus légers comme les plus lourds, qui avaient participé au programme durant un plus grand nombre de jours. Les résultats de recherches quasi expérimentales soutiennent également l’hypothèse que des programmes de grande qualité en centres peuvent avoir des effets bénéfiques à long terme pour les enfants provenant
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de milieux défavorisés. Dans une série d’articles (Reynolds, 1994 ; Reynolds et Robertson, 2003 ; Reynolds et Temple, 1998 ; Reynolds, Temple, Robertson et Mann, 2001), Reynolds et ses collègues ont suivi l’éducation et le développement social d’enfants afro-américains et hispanophones vivant au centre-ville de Chicago. Le groupe expérimental était composé d’enfants participant à des programmes à la petite enfance, Title I, subventionnés par le gouvernement en 1985-1986 (n = 989). Le groupe de comparaison était composé d’autres enfants du même quartier qui ne participaient pas aux programmes et qui recevaient le « traitement habituel » dans la communauté (n = 550). Le programme du Chicago Parent-Child Center mettait l’accent sur des habiletés de base en langage et en mathématiques avec des activités assez structurées, dirigées par des enseignants possédant un diplôme collégial. L’implication des parents faisait partie intégrante du programme. On a trouvé des effets du programme chez les participants jusqu’à l’âge de vingt ans. Les enfants ayant participé au programme à la petite enfance ont obtenu des scores significativement plus élevés à des tests de performance en mathématiques et en lecture aux âges de cinq, huit et quatorze ans, en tenant compte des facteurs de risque familiaux, du sexe de l’enfant et de la participation au programme durant les années du primaire (Reynolds et Temple, 1998). À l’âge de vingt ans, les participants avaient de meilleures chances d’avoir complété le secondaire et de présenter un faible taux de délinquance juvénile (Reynolds et al., 2001). La participation au programme était aussi associée à une réduction des abus et de la négligence à l’égard des enfants, avec l’effet le plus important lorsque les enfants étaient âgés entre dix et dix-sept ans (Reynolds et Robertson, 2003).
CONCLUSIONS Au cours des vingt-cinq dernières années, on a relevé des progrès considérables dans l’étude des questions concernant les effets de la qualité, de la durée et du début de fréquentation ainsi que du type des services de garde. Ce progrès est en partie attribuable à l’étude de grands échantillons diversifiés, à l’élaboration d’un ensemble de mesures valides et fiables facilitant les comparaisons entre études, à l’utilisation de stratégies d’analyse sophistiquées réduisant les possibilités de résultats faussés, à l’emploi de protocoles de recherche longitudinaux où les services de garde et les familles sont évalués à intervalles réguliers et à l’étude d’un large éventail d’effets d’ordre social et cognitif évalués à l’aide de multiples méthodes.
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Quant à la qualité des services de garde, tant la qualité des processus (les expériences qu’ont les enfants avec les éducateurs, avec les pairs et avec le matériel) que les caractéristiques structurelles et celles de l’éducateur, on lui a trouvé de façon constante une valeur prédictive du développement cognitif, langagier et social des enfants, même lorsqu’on inclut un nombre considérable de covariables dans les analyses. La majorité de ces recherches ont rapporté des effets principaux de la qualité, mais il y a lieu de penser que les effets de qualité des services de garde sont plus importants pour les enfants qui sont à risque à cause de la pauvreté, de la dépression maternelle ou de pauvres pratiques parentales. Les effets associés à la qualité du service de garde sont « légers » ou « modérés » selon les standards de Cohen (1988), mais ils peuvent tout de même être jugés comme significatifs lorsqu’on les compare aux effets de la pauvreté et des pratiques parentales. En ce qui a trait à la durée et au début de fréquentation des services de garde, les données de recherche suggèrent qu’un nombre considérable d’heures passées en service de garde tôt dans la vie du nourrisson est associé à des interactions mère-enfant moins sensibles et à plus de problèmes de comportement chez les enfants. Dans la NICHD SECC, les enfants en service de garde moins de 30 heures par semaine de l’âge de trois mois jusqu’à l’âge de cinquante-quatre mois avaient généralement des scores de problèmes externalisés sous la moyenne de l’échantillon de normalisation de la Child Behavior Checklist (CBCL) qui était de 50, alors que les enfants en service de garde pour un nombre considérable d’heures (c’est-à-dire plus de 45 heures par semaine) avaient généralement des scores de problèmes externalisés de deux à trois points au-dessus de la moyenne de l’échantillon de normalisation. Les enfants passant un nombre considérable d’heures en service de garde tôt dans leur vie éprouvaient un taux dépassant même le « taux élevé » attendu de problèmes de comportement, contrairement aux enfants fréquentant un service de garde pour un moindre nombre d’heures par semaine. Davantage de recherches sont nécessaires pour déterminer les processus qui interviennent dans les relations entre la durée de fréquentation et les problèmes de comportement et qui les atténuent. Finalement, en ce qui concerne les effets des différents types de service de garde, les études expérimentales de programmes de grande qualité pour les enfants à risque ont rapporté des effets positifs à court et à long terme pour les enfants sur les plans scolaire, cognitif et social. Des études corrélationnelles indiquent également que la fréquentation de services de garde en centre est associée à de meilleurs résultats cognitifs et langagiers.
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Bien que de grands progrès aient été accomplis en ce qui concerne la compréhension des effets des services de garde à la petite enfance, on a nettement besoin de plus de recherches puisqu’il y a encore beaucoup à découvrir. Les questions suivantes demeurent sans réponses : premièrement, les effets de la qualité, de la durée de fréquentation et du type de service de garde continueront-ils à être apparents durant l’enfance et l’adolescence ? Autrement dit, les effets des expériences en petite enfance vont-ils se maintenir ou se dissiper ? Deuxièmement, quelle est la qualité des services de garde aux États-Unis ? Combien y a-t-il de services de garde de faible qualité parmi ceux offerts ? Troisièmement, les mesures de la qualité doivent-elles inclure le contexte des pairs ? Quatrièmement, des politiques efficaces peuvent-elles être mises en place pour améliorer la qualité des services de garde ? Cinquièmement, peut-on démêler les effets de la durée de ceux du début de fréquentation des services de garde ? Finalement, quels sont les effets des politiques de congés parentaux sur le bien-être et le développement des enfants et des familles ? Au fur et à mesure que nous obtenons des réponses à ces questions, la recherche sur les services de garde contribuera à l’avancement de la théorie du développement et à ses applications.
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3
CHAPITRE
Services éducatifs1 et de garde à l’enfance de bonne qualité Un système de bonne qualité Jane Beach et Martha Friendly Université de Montréal
1.
Ce rapport s’appuie sur les meilleures recherches et analyses de politiques disponibles actuellement au Canada et à l’étranger. Les principaux documents afférents aux huit composantes, dont certains sont mentionnés dans le texte et d’autres pas, sont inclus afin de promouvoir et de renforcer les connaissances et de stimuler la discussion et le débat. On peut consulter la plupart de ces études en ligne aux adresses électroniques postées dans le site Web de l’initiative Quality by Design (QBD) au <www.childcarequality. ca> ou dans le site Web de la Childcare Resource and Research Unit au <www.childcarecanada.org>. On trouvera leur résumé ou sommaire dans ces sites Web et de l’information sur l’endroit où se procurer les documents imprimés. Le concept d’un système de système de garde éducatif (SEGE) de bonne qualité tel que décrit dans ce document a été élaboré dans le cadre de l’initiative Quality by Design et grâce à des visites effectuées dans des services de garde partout au Canada, à des rencontres avec des responsables gouvernementaux et des représentantes du milieu des services de garde et à des discussions internes entre les membres de l’équipe de QBD. Cette équipe remarquable était composée de Kathleen Flanagan Rochon, Brenda Goodine et de Cathy McCormack de l’Île-du-Prince-Édouard, de Kathy Reid et Joanne Burkett du Manitoba, Debra Bryck et Cindy Jeanes de la Saskatchewan, Rika Lange et Carol Anne Young de la Colombie-Britannique. Nos remerciements au Programme pour le développement de partenariats sociaux de Développement social Canada pour l’appui accordé à cette initiative. Veuillez noter que les idées et les opinions exprimées dans ce document et dans d’autres publications de QBD ne reflètent pas nécessairement celles de son bailleur de fonds. Veuillez noter que ce document peut être reproduit et incorporé à d’autres documents et utilisé à des fins personnelles ou de formation pourvu qu’on en cite fidèlement la source.
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
RÉSUMÉ Ce chapitre est issus d’une vaste consultation réalisée au Canada dans le cadre du projet exploratoire de la Childcare Resource and Research Unit (CRRU) Quality by Design visant à stimuler le dialogue sur la qualité des services de garde éducatifs à la petite enfance au Canada, en priorisant les politiques et les systèmes plutôt que des programmes en particulier. Ce projet vise à encourager le débat sur les services de garde en place au Canada, faire état des connaissances actuelles à propos des meilleures politiques et stimuler la réflexion sur les moyens les plus appropriés à prendre pour offrir à la fois des services de qualité aux enfants et du soutien à leurs familles. Le chapitre présente les huit composantes essentielles d’un système permettant d’offrir des services de garde éducatifs à la petite enfance de qualité. Ce sont : 1) un cadre théorique, 2) un mode de gouvernance, 3) une infrastructure, 4) une planification et une élaboration politique, 5) un financement public ciblé, 6) des ressources humaines qualifiées et un soutien approprié, 7) un environnement physique adéquat, 8) des données de recherche qui évaluent les meilleures pratiques et qui rendent compte de l’utilisation des fonds publics.
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La recherche et les analyses comparatives révèlent que la meilleure façon de s’assurer que les services éducatifs et de garde à l’enfance (SEGE)2 de bonne qualité soient la norme plutôt que l’exception est d’avoir un système de SEGE dont les composantes sont étroitement liées les unes aux autres. Les composantes de ce système − idées, mode de gouvernance, infrastructure, planification et développement, financement, ressources humaines, environnement physique, données, recherche et évaluation − doivent être prises en compte ensemble car, si elles sont considérées séparément, le potentiel qu’elles ont d’avoir un impact positif sera diminué. La recherche nous indique que les obstacles les plus communs à l’atteinte d’un niveau de qualité supérieur en services de garde sont souvent liés à des faiblesses d’ordre structurel comme le manque de financement, des ratios éducatrice-enfants défavorables, des éducatrices peu qualifiées et sous payées et une théorie éducative peu élaborée et appliquée de façon inadéquate. Or, ce sont les politiques gouvernementales qui déterminent ces aspects des services de garde. Ainsi, la base de services de garde à l’enfance de bonne qualité repose sur un système de SEGE de bonne qualité et la base d’un tel système repose sur des politiques gouvernementales musclées. Les composantes d’un bon système de SEGE fonctionnent comme un tout : il n’y a pas de « composante magique ». Pour que le système réussisse à soutenir un niveau de qualité supérieur sur le plan des services et des programmes, il faut porter attention à toutes ses composantes. 1. Les idées : un cadre théorique qui comprend… • Un énoncé clair à propos des valeurs qui sous-tendent le système. • Des buts à l’échelle du système qui visent les enfants et les familles. • Une philosophie de l’éducation en lien avec les valeurs et les objectifs. • Un bref énoncé général pour définir le projet éducatif (programme).
Un bon système de SEGE devrait d’abord expliquer les idées qui le définiront. Ces idées feront partie d’un cadre théorique qui commence par un énoncé des valeurs de la société et ses aspirations pour ses enfants. L’énoncé des valeurs est basé sur les valeurs et les croyances sociétales implicites se rapportant à la nature des enfants et de l’enfance. 2.
Dans ce document, les expressions « services éducatifs et de garde à l’enfance », « services de garde », « garde à l’enfance » et « garde d’enfants » seront synonymes.
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Il est représentatif de l’histoire, des situations et de la conjoncture économique, sociale et culturelle à l’intérieur desquelles évolue la société. Différentes sociétés ont souvent des perceptions différentes en ce qui concerne les enfants, l’enfance et les buts que visent les services de garde. Même si ces perceptions engendrent parfois des idées très différentes sur la qualité en SEGE, des pays dont l’histoire et les contextes varient partagent néanmoins beaucoup d’idées. Comme le souligne Debbie Cryer (États-Unis) : « Il semblerait que les composantes fondamentales de la qualité […] traversent les frontières internationales. » Les buts à long terme relatifs au système précisent de façon plus détaillée l’énoncé des valeurs. Ils devraient comprendre des objectifs visant les enfants : les sortes d’habiletés, d’attitudes et de dispositions que l’on cherche à favoriser. Ils pourraient porter, notamment, sur le respect de la diversité, la capacité de coopérer avec les autres, le goût d’apprendre, la confiance en soi et l’expression créatrice. Ils devraient également comprendre des objectifs pour la famille, par exemple, l’acquisition d’habiletés parentales et la participation des parents au marché du travail, ainsi que des objectifs concernant la communauté et la société, par exemple, un niveau de scolarisation élevé, l’égalité entre les sexes et l’inclusion sociale. Le cadre théorique devrait aussi comprendre une philosophie de l’éducation et un cadre éducatif pour soutenir la pratique à l’échelle des services de garde individuels. Dans ce document, on accorde au terme « éducatif » le sens de « pédagogique », ce qui correspond à « l’éducation-dans-son-acception-la plus-large-possible ». Moss et d’autres expliquent qu’il s’agit de développement de l’enfant par une participation active avec l’environnement et d’autres personnes fondée sur l’exploration, le questionnement, l’expérimentation et la discussion plutôt que d’un programme prescriptif d’activités pédagogiques. Pour nommer la façon dont les services de garde devraient être organisés pour soutenir les objectifs et la philosophie éducative, on utilise parfois l’expression « projet éducatif ». Le projet éducatif devrait s’énoncer brièvement et décrire les approches qui permettront d’atteindre les objectifs visés pour les enfants, notamment, par l’apprentissage grâce à l’expérience, aux activités ludiques et aux interactions avec les adultes et les autres enfants. Selon l’OCDE, une philosophie de l’éducation explicite et un projet éducatif général ont plusieurs fins : 1) promouvoir un niveau de qualité égal ; 2) orienter et soutenir le personnel dans sa pratique quotidienne ; 3) faciliter la communication entre les parents et le
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personnel. La philosophie et le projet éducatif devraient être flexibles afin que des éducatrices en petite enfance, qualifiées et reconnues, puissent l’adapter au niveau du service de garde individuel tout en respectant la vision globale. Les normes en vigueur dans les services de garde, telles que les ratios éducatrice-enfants, la formation exigée des éducatrices et la participation des parents, renforcent la philosophie et le projet éducatif. Enfin, il ne faudrait pas sous-estimer l’importance de se doter d’un forum participatif permanent pour discuter avec un éventail d’acteurs concernés du cadre théorique et des autres composantes d’un système de bonne qualité. Selon Irene Balaguer (2004) : « En soi, la définition de la qualité est un processus important et la démarche pour y parvenir devrait être démocratique et continue. » 2. Mode de gouvernance : des rôles et des responsabilités qui comprennent… • Une définition claire des rôles et responsabilités des divers ordres de gouvernement, des parents et de la collectivité inscrite dans la loi et les politiques publiques. • Une gestion publique du système. • Une gouverne sans but lucratif. • Une prestation des services à l’échelle locale. • Une participation adéquate de la collectivité, des chercheurs, des parents et des enfants.
Dans le domaine des services de garde, la gouvernance concerne, notamment, la définition des rôles et responsabilités, la gestion, la participation et le mode de propriété. La définition des responsabilités et des rôles attribués aux divers ordres de gouvernement, à la collectivité, aux parents et aux autres intervenants, tels que les employeurs – à savoir préciser « qui fait quoi au juste ? » –, fait partie des conditions essentielles d’une démarche efficace visant la qualité en SEGE et il est fondamental pour la clarté, l’efficacité et la viabilité que ces rôles et responsabilités soient définis par une loi et des politiques. Les responsabilités en SEGE portent sur de nombreux aspects dont la planification et le développement des services, le maintien et la gestion des programmes, le financement, l’évaluation et le contrôle de la qualité. Si les rôles et les responsabilités sont ambigus ou non attribués, des fonctions déterminantes comme le développement et la
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planification des services sont susceptibles d’être laissées de côté ou, dans le cas du financement, de reposer lourdement sur les épaules des parents. Les rôles et les responsabilités en matière de services de garde relèvent d’acteurs publics et privés. Au Canada, les acteurs publics comprennent tous les ordres de gouvernement, fédéral, provinciaux, territoriaux et locaux – telles les municipalités et les commissions scolaires. Les acteurs privés sont les parents, les organismes communautaires ou bénévoles, les employeurs et le milieu des affaires. Dans son examen thématique du Canada, l’OCDE a soumis l’idée que les services éducatifs et de garde à l’enfance devraient être régis par l’État. Cela implique que le gouvernement assumerait des fonctions telles que la planification, la formation et le perfectionnement professionnel, les finances et l’infrastructure sans pour autant fournir directement les services à la population. Quoique au Canada tous les ordres de gouvernement, fédéral, provinciaux, territoriaux et municipaux, jouent un rôle déterminant dans la définition, la création et la gestion des SEGE, la notion voulant que, pour l’essentiel, les décisions relatives à la prestation des services de garde et à leur gestion soient prises localement s’inscrit tout à fait dans le concept de subsidiarité, c’est-à-dire dans ce principe de droits humains voulant que l’autorité compétente la plus près de la population soit la mieux à même d’effectuer les tâches. L’organisation à l’échelle locale de la prestation des services de garde a l’avantage de permettre aux membres de la collectivité, aux parents et aux enfants d’avoir un mot à dire sur des aspects des services qui les concernent le plus, notamment la dotation du personnel, l’aménagement des lieux et le programme d’activités. C’est une façon d’assurer que les services correspondent aux besoins. Outre leur implication à l’échelle des services de garde individuels, les membres de la collectivité et les parents peuvent également prendre part à l’élaboration des priorités, la planification et le contrôle de la qualité d’un système géré localement. Toutefois, comme le souligne Mahon (2004), même si les collectivités locales sont le lieu où les politiques des gouvernements supérieurs sont mises en œuvre, la gestion locale des services de garde n’est possible que si elle est soutenue par des politiques et des programmes de financement que seuls les gouvernements supérieurs sont en mesure de mettre de l’avant. Un dernier aspect de la gouvernance porte sur l’exploitation ou la propriété des services de garde. L’idée voulant qu’il soit préférable que les SEGE soient communautaires et sans but lucratif ou publics, plutôt que des entreprises privées est fortement corroborée dans la recherche sur la qualité réalisée au Canada et à l’étranger. La documen-
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tation fait état de nombreux problèmes liés aux services de garde à but lucratif ainsi que d’avantages importants résultant des soins et services de meilleure qualité offerts dans des services de garde communautaires et sans but lucratif ou publics. Prentice (2005, p. 20) note que : « Lorsque l’on conceptualise les services de garde en tant que bien collectif plutôt que produit de consommation, leur relation étroite au capital social et à l’inclusion sociale devient manifeste. » L’OCDE a signalé dans son examen thématique du Canada que le mécanisme de protection utilisé dans d’autres pays « consiste à ne fournir des deniers publics qu’aux services publics et sans but lucratif ». 3. Infrastructure : une gestion coordonnée des services comprend… • Un ministère dont relèvent les politiques, la planification et la prestation des services. • Une loi pour encadrer le système. • Une réglementation précisant des normes minimales. • Une surveillance pour assurer le respect des normes. • Des dispositions pour l’amélioration continue de la qualité. • Une consultation et une évaluation régulières des services de garde. • L’éducation du public entourant les services éducatifs et de garde à l’enfance.
Les mécanismes administratifs coordonnés qui servent à mettre en place le système sont ce qui donne vie au cadre théorique. Selon des recherches de l’OCDE, les services de garde sont plus susceptibles d’être de bonne qualité lorsque l’ensemble du système auquel ils appartiennent s’inscrit dans un cadre politique commun et est doté d’une infrastructure consistante. L’infrastructure, par sa nature, relève des gouvernements bien qu’il soit opportun de favoriser la participation d’autres acteurs importants, dont les parents, les enfants et les chercheurs, à certaines de ses facettes. À la lumière de nos connaissances en matière de développement de l’enfant et compte tenu des besoins des familles modernes, un consensus est en train d’émerger au Canada (et ailleurs dans le monde) suivant lequel le clivage traditionnel entre « soins » et « éducation », ainsi que le double emploi et la fragmentation qui en résultent pour les enfants et les parents, n’a plus sa raison d’être. Le bien-fondé de coordonner l’élaboration des politiques en matière de SEGE, leur planification et leur gestion est étayé dans la documentation sur les politiques et une telle coordination constitue la norme dans beaucoup d’autres pays.
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À l’instar de la « coordination horizontale », la structure politique de la fédération canadienne exige que l’on tienne compte de la « coordination verticale » entre les différents ordres de gouvernement, fédéral, provinciaux et territoriaux et locaux. L’adoption d’une loi fédérale générale serait une étape importante pour favoriser une approche coordonnée en matière de SEGE. Au Canada, les services de garde sont encadrés par des lois provinciales et territoriales, des règlements ainsi que des normes et des politiques non sanctionnées par la loi. Ces mécanismes définissent les services offerts, les groupes d’âge visés, les prestataires de services et leurs obligations légales, le financement, les normes telles que la formation exigée du personnel, l’espace physique requise, les modalités de surveillance, la consultation et, enfin, les sanctions en cas de nonconformité. Ils pourraient être resserrés et étendus pour comprendre des mesures d’amélioration continue de la qualité et d’évaluation. 4. Planification et élaboration de politiques : une stratégie de mise en œuvre comprend… • Une planification à la grandeur du système, des buts et des calendriers de réalisation. • Une utilisation des meilleures informations disponibles sur les politiques et les pratiques. • Une masse critique de décideurs bien informés. • Une participation prescrite d’experts et d’acteurs concernés dans l’élaboration des politiques à tous les niveaux. • Une planification des services à l’échelle locale.
Pour réussir la mise en œuvre du cadre théorique, les gouvernements provinciaux et territoriaux doivent nécessairement planifier à l’échelle du système. Cette planification, pour être efficace, doit être réalisée par des décideurs bien informés et disposant des ressources suffisantes pour élaborer des politiques satisfaisantes. La participation d’experts et d’expertes en SEGE et d’autres acteurs concernés, tels que parents, éducatrices en petite enfance et syndicats, aura pour effet, d’une part, d’améliorer la planification et le processus d’élaboration des politiques et, d’autre part, d’étendre les appuis aux services de garde. Comme l’a proposé l’OCDE, cette planification coordonnée à l’échelle du système devrait être « obligatoire et s’inscrire dans la législation ». Un plan stratégique devrait : w définir des objectifs ; w fixer des buts et établir un calendrier de réalisation pour chaque but ;
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w élaborer des stratégies pour l’atteinte des buts ; w définir des points de repère et de référence pour évaluer les progrès réalisés dans l’atteinte des buts ; w définir les rôles et responsabilités ; w déterminer des allocations budgétaires et comment les obtenir. La surveillance et le suivi réguliers des progrès réalisés sont essentiels. On devrait s’y adonner selon un calendrier régulier et prévoir des mécanismes pour modifier les buts et les stratégies le cas échéant. 5. Financement : d’importants investissements publics bien ciblés comprennent … • Un financement pour l’immobilisation. • Un financement suffisant pour assurer le fonctionnement à long terme des services de garde. • Un financement de base pour couvrir la majorité des frais d’exploitation des services de garde. • Un financement pour l’infrastructure et la formation. • Des tarifs abordables pour les parents.
La recherche sur les politiques et l’analyse de la pratique démontrent que, pour avoir des services de garde de bonne qualité, il faut consentir suffisamment de financement au fonctionnement des services, aux installations et équipements de qualité, à la formation du personnel, à l’infrastructure et qu’il faut aussi se doter d’une infrastructure de soutien efficace. On doit investir suffisamment de fonds publics pour assurer la stabilité des services et veiller à ce que les tarifs demandés aux parents demeurent abordables. Il faut que le financement public soit suffisamment élevé pour financer les dépenses d’immobilisation, pour couvrir tous les coûts ou la majorité des coûts afférents à l’exploitation du service de manière à ce que les contributions demandées aux parents, si elles existent, soient abordables pour toutes les familles quel que soit leur revenu et, enfin, pour assurer une infrastructure et une formation adéquates à tous les niveaux. Selon l’OCDE, « seul le financement régulier qu’assure l’investissement étatique permet de garantir l’accès et la qualité de façon raisonnablement équitable pour tous les groupes ». Au-delà de la somme de l’investissement public surgissent des questions relatives à la manière dont ces fonds publics sont utilisés. Ces questions portent sur l’efficience, la reddition de comptes et l’équité.
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Au nombre des questions souvent soulevées à propos de la manière dont les fonds publics devraient être dépensés, il y a notamment celles-ci. w Est-ce que les fonds publics devraient être consentis du côté demande (sous forme d’exonération financière, de crédits d’impôts ou de jetons de présence) de l’équation offre et demande, de manière à ce que les parents puissent se procurer directement les services pour leurs enfants ou du côté offre, de manière à financer les coûts d’exploitation des services ? w Est-ce qu’il devrait y avoir des frais d’utilisation – une contribution versée par les parents ? Si oui, quelle part devrait être assumée par les parents ? Et les parents devraient-ils tous payer un même montant ou est-ce que les déboursés devraient être faits en fonction du revenu ? Les arguments en faveur du financement des services de garde côté demande sous forme de jetons de présence ou d’exonération financière sont principalement associés aux « choix des parents » et à l’idée que les services de garde sont un produit de consommation. Ses partisans font valoir que les parents sont les mieux placés pour savoir comment se procurer un service de garde pour leurs enfants et lequel, s’il y a lieu, convient. Ils estiment qu’il s’agit d’un domaine où le gouvernement n’a pas de rôle significatif à jouer. Les arguments des partisans du financement côté offre, c’est-àdire des fonds consentis directement aux services de garde pour couvrir la totalité ou une partie des frais d’exploitation, insistent sur le fait que les SEGE sont un « bien collectif » et que cette forme de financement est le meilleur moyen d’obtenir une reddition des comptes, c’est-à-dire de s’assurer que les fonds publics consentis aux services de garde le soient pour des services de bonne qualité. De plus, selon ce point de vue, il faut offrir des services pour donner des choix aux parents. Selon l’OCDE, le financement côté offre des services de garde leur assure une plus grande stabilité et, en retour, donne au gouvernement plus de contrôle sur la planification, la taille et la localisation des services, les niveaux de qualité, l’évaluation et la collecte de données. Les ressources humaines, c’est-à-dire les personnes qui constituent le système de SEGE, comprennent les éducatrices en garderie, les responsables de services de garde en milieu familial (éducatrices en milieu familial), les directrices, les gestionnaires de services, les décideurs locaux, provinciaux, territoriaux et fédéraux, les formatrices en petite enfance au niveau postsecondaire, les chercheurs et les experts du domaine. Pour toutes ces catégories, le leadership, l’innovation, la créativité et les connaissances rigoureuses sont nécessaires. À mesure
SERVICES ÉDUCATIFS ET DE GARDE À L’ENFANCE DE BONNE QUALITÉ
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que les services de garde se développent au Canada et que les attentes à leur égard s’accroissent, il deviendra de plus en plus complexe d’offrir des services de bonne qualité. Pour réussir, il faudra une main-d’œuvre très compétente à tous les niveaux. 6. Ressources humaines : le personnel qualifié et le soutien à tous les niveaux comprennent … • Un leadership à tous les niveaux (politique, supervision, projet éducatif, programme d’activités). • Une masse critique de décideurs bien informés, de formatrices en petite enfance au niveau postsecondaire et de chercheurs. • Une formation au niveau postsecondaire en développement de la petite enfance et au niveau universitaire pour les éducatrices responsables d’un groupe d’enfants. • Une formation en gestion des ressources humaines pour le personnel de direction. • Une formation préalable et en cours d’emploi. • De bons salaires. • Des conditions de travail qui soutiennent le moral et favorisent un faible taux de roulement du personnel. • Une aide et un soutien technique aux éducatrices. • L’appui, le respect, la reconnaissance et la valorisation du travail.
Il est essentiel pour assurer des SEGE de bonne qualité de les doter d’employées bien formées en éducation de la petite enfance, compétentes et qualifiées, reconnues comme il se doit et bien rémunérées. De nombreuses recherches canadiennes, états-uniennes et internationales le corroborent. Il y a une corrélation étroite entre la qualité des services de garde et la rémunération et les conditions de travail du personnel éducateur, leur formation de niveau postsecondaire en éducation de la petite enfance et leur degré de satisfaction à l’égard de leur travail. De plus, pour soutenir, encourager et stimuler l’équipe de travail et appliquer les pratiques réfléchies réputées améliorer la qualité, il est important que la garderie soit dotée d’une direction compétente en pédagogie et en gestion des ressources humaines. Les interactions entre les éducatrices et les enfants et l’environnement créé par les éducatrices contribuent au développement, à l’épanouissement et au mieux-être des enfants. D’autre part, de bons services de garde pour les enfants concourent à un bon environnement de travail pour les éducatrices, ce qui aide à attirer et retenir une maind’œuvre qualifiée.
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Dans Petite enfance grand défi, l’OCDE (2001) note qu’un [SEGE] de qualité dépend d’une bonne formation des personnels et de conditions de travail satisfaisantes dans tout le secteur. Les formations initiales et en cours de service pourraient être élargies de manière à prendre en compte les croissantes responsabilités éducationnelles et sociales de la profession. Il y a un besoin critique de développer des stratégies permettant de recruter et de retenir une main-d’œuvre qualifiée, diverse et mixte et de garantir qu’une carrière au sein du [SEGE] soit satisfaisante, respectée et financièrement viable.
À un moment où les gouvernements provinciaux et territoriaux du Canada élaborent leurs plans d’action pour accroître l’offre de services de garde réglementés, il faudrait avoir une stratégie coordonnée en matière de ressources humaines pour s’assurer d’une main-d’œuvre qualifiée et capable de mettre en œuvre des services de qualité. Il faudrait aussi disposer à tous les échelons, fédéral, provincial, territorial et local, d’un nombre suffisant de décideurs politiques expérimentés et bien informés en matière de SEGE pour élaborer et mettre en œuvre les plans stratégiques et superviser leur réalisation. Les stratégies en matière de ressources humaines devront s’attaquer aux problèmes de taux de roulement élevé du personnel en SEGE, de recrutement et de rétention ; prévoir des améliorations au chapitre des salaires et des avantages sociaux consentis dans une grande partie du secteur ; tenir compte de la nécessité d’accroître la formation préalable et continue des éducatrices de première ligne et des superviseures ; s’assurer de la présence de formatrices en petite enfance chevronnées au niveau postsecondaire ; former des chercheurs et des experts de disciplines connexes aux services de garde œuvrant dans des disciplines connexes aux SEGE (développement de l’enfant, éducation, sociologie, économie, science politique) ; et, enfin, faire de l’éducation populaire pour sensibiliser la population à la valeur et à l’importance d’un travail en services éducatifs et de garde à l’enfance. Une grande diversité de facteurs dans l’environnement des SEGE, tels que l’espace, l’accès à l’extérieur, l’aménagement des pièces, l’accès à une variété de fournitures, la qualité de l’air, l’équipement et l’éclairage, influent non seulement sur la santé et la sécurité des enfants, mais également sur leur créativité, leur mieux-être et leur bonheur, sur leur capacité à vivre à l’intérieur d’un environnement naturel et sur leur développement cognitif et social. De plus, divers aspects de l’environnement physique – par exemple, il convient de se demander dans quelle mesure l’aménagement des locaux favorise un déroulement harmonieux des activités, si la garderie offre des commodités pour soutenir le personnel, comme une pièce réservée à leur intention et des ressources suffisantes, et si les lieux sont aménagés de manière à véhiculer le message que l’éducation à la petite enfance est une carrière respectée et valorisée –
SERVICES ÉDUCATIFS ET DE GARDE À L’ENFANCE DE BONNE QUALITÉ
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sont autant de facteurs qui ont un impact sur les personnes qui travaillent dans le services de garde et, par conséquent, sur la qualité des services. En outre, comme l’ont souligné divers observateurs, puisque de toutes les parties concernées les enfants sont ceux qui ont le moins de pouvoir, il serait important de trouver des façons de les impliquer dans l’aménagement physique des services de garde. 7. Environnement physique : le milieu de garde comprend … • Des espaces physiques intérieurs et extérieurs suffisamment grands et bien aménagés. • Des équipements, matériels et documentation de première qualité. • Des agréments tels que pièce réservée au personnel, aires de jeux extérieures, cuisine, fenestration et lumière naturelle. • Des relations et des liens avec la collectivité.
Pour soutenir la qualité de l’environnement physique des SEGE, il n’est pas suffisant d’adopter un règlement astreignant ou des normes strictes en ce qui a trait à des aspects comme le nombre et l’emplacement des toilettes, la fenestration, les portes de sortie, la cuisine et les exigences en matière de préparation d’aliments, l’emplacement des éviers pour le lavage des mains et la hauteur des clôtures. Quoique ces aspects soient très importants et doivent être pris en compte, aujourd’hui, au-delà des considérations liées à la santé et à la sécurité, on s’intéresse énormément à l’aménagement et à l’architecture des milieux de vie des enfants et on possède beaucoup de connaissances sur le sujet. On insiste pour que les milieux physiques stimulent la créativité, l’activité physique, le développement social et cognitif, le sens de l’esthétique. On prône des environnements physiques qui, au lieu de nuire, favorisent la mise en œuvre de programmes éducatifs stimulants et font en sorte que le service de garde – la garderie – soit perçu comme un actif communautaire important. 8. Données, recherche et évaluation : la collecte de données et l’analyse d’informations pour évaluer les pratiques efficaces et rendre compte de l’utilisation des fonds publics comprennent … • Un système pour recueillir et analyser des données de base afin de pouvoir suivre les effets des politiques et du financement et assurer la reddition de comptes. • Un programme de recherche pour examiner les grandes questions en matière de politiques et de programmes. • Une évaluation de diverses approches et innovations. • Un examen régulier des progrès réalisés dans l’atteinte des buts visés.
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Au Canada, la collecte régulière de données sur l’offre de services de garde et leurs caractéristiques, sur le niveau de participation et les besoins non satisfaits, sur les familles et sur les caractéristiques et la scolarisation de la main-d’œuvre du secteur est incomplète et inconsistante d’une province et d’un territoire à l’autre. Les données de base qui devraient être recueillies pour soutenir la planification et déterminer l’enveloppe budgétaire requise comprennent, notamment, des mesures de la demande démographique, des données concernant la participation réelle, le nombre de places existantes en fonction de l’âge, les habitudes de fréquentation en fonction des différents groupes d’âge, le nombre de places existantes en fonction des régions géographiques, la nature des installations, le degré d’intégration des enfants ayant des besoins particuliers, les niveaux de scolarité et de formation du personnel, les taux de roulement du personnel et, enfin, les tarifs demandés en fonction du revenu moyen familial dans une même région géographique. Il est également important de recueillir des données contextuelles, notamment, sur la population infantile, le recours au congé parental ou congé de maternité, le taux de participation des parents au marché du travail, la pauvreté et la langue parlée. Pour se doter d’une stratégie de collecte de données, il faudra disposer d’un fonds permanent réservé à cette fin et désigner des personnes qui auront pour fonction de coordonner et d’analyser les différentes informations. Il est possible grâce à des données de base rigoureuses d’exercer une surveillance efficace à l’échelle du système de manière à vérifier si les politiques atteignent effectivement les buts souhaités, à relever les problèmes ou besoins qui surgissent et, le cas échéant, à faire des ajustements. De plus, il est nécessaire d’évaluer certaines initiatives et programmes spécifiques au fil du déroulement des programmes et des politiques. Enfin, un programme de recherche multidisciplinaire à long terme et bien défini concourra à l’efficacité des politiques et des programmes à l’échelle du système ainsi que des services de garde. Cela contribuera également à accroître le corpus canadien de connaissances sur les effets des SEGE sur les enfants, les familles, les femmes, les collectivités et la société dans son ensemble.
SERVICES ÉDUCATIFS ET DE GARDE À L’ENFANCE DE BONNE QUALITÉ
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BIBLIOGRAPHIE Veuillez vous rendre au site <www.childcarequality.ca> pour connaître les liens des documents publiés en ligne. Pour obtenir les documents existants en version imprimée uniquement, veuillez vous adresser à CRRU (les résumés de la plupart des documents imprimés sont disponibles en ligne). Les documents sont répartis par composantes et apparaissent chronologiquement.
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P A R T I E
SOUTENIR LA QUALITÉ
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CHAPITRE
L’éducatrice1 au cœur de la qualité2… Un projet pilote visant l’augmentation des compétences Christa Japel Université du Québec à Montréal
Suzanne Manningham Université de Montréal
1. 2.
Pour alléger le texte, le terme « éducatrice » a été choisi compte tenu de la majorité de femmes travaillant en services de garde. Nous voudrions remercier Carole Welp et Manon Mousseau pour leur contribution à la collecte de données et Pierre McDuff pour ses conseils concernant les analyses statistiques. Un grand merci à Martine Staehler et Diane Bolduc qui nous ont aidées à démarrer et gérer le projet et aux gestionnaires et éducatrices qui font partie du regroupement des centres de la petite enfance des Cantons-de-l’Est. Sans leur enthousiasme et leur collaboration, ce projet n’aurait pas pu être réalisé.
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
RÉSUMÉ D’une perspective écosystémique, l’éducatrice est l’élément le plus proximal à la qualité de l’expérience éducative et sociale que vivent les enfants. De nombreuses études ont en fait établi un lien entre la qualité d’un service de garde et les caractéristiques de l’éducatrice telles que son niveau d’éducation ou sa formation continue. Ces facteurs contribuent ainsi significativement à la mise en place d’un environnement qui favorise le développement global de l’enfant. Bien que la majorité des facteurs associés à la qualité d’un service de garde relèvent des lois et règlements en vigueur et que leur modification à court terme soit peu probable, les compétences de l’éducatrice sont un élément plus malléable à court terme. Le projet pilote présenté dans ce chapitre vise à valider l’impact d’une formation sur mesure sur les habiletés des éducatrices à mettre en place un environnement social et éducatif de qualité. L’analyse des évaluations de la qualité à l’aide de l’EEEP-R révèle que cette formation sur mesure a eu un impact positif à court et à long terme sur la qualité d’ensemble de tous les milieux participants et particulièrement sur certains aspects de qualité qui sont étroitement liés aux connaissances et habiletés de l’éducatrice, à savoir l’aménagement des lieux, les pratiques en matière de santé et sécurité des enfants et les activités éducatives. Les résultats de ce projet montrent ainsi que cette intervention visant l’augmentation des compétences des éducatrices a porté des fruits en ce qu’elle a permis d’améliorer la qualité des services éducatifs prodigués aux enfants. Finalement, ces résultats soulignent la nécessité d’offrir des formations continues et d’évaluer leur impact pour pouvoir déterminer leur efficacité.
L’ÉDUCATRICE AU CŒUR DE LA QUALITÉ…
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Au cours de la petite enfance, l’enfant découvre graduellement le monde. Après une certaine période passée au sein de sa famille, il vit sa première transition importante vers le monde extérieur, soit celle de son entrée dans un service de garde. Dans ce monde, l’enfant passe un bon nombre d’heures avec une personne généralement non apparentée qui lui prodigue des soins. Après le milieu familial, le service de garde représente un environnement important d’apprentissage. Étant donné que cette expérience est devenue normative pour la majorité des enfants – en fait, plus de 70 % des jeunes Québécois reçoivent des soins non parentaux sur une base régulière avant leur entrée dans le monde scolaire (Japel, Tremblay et Côté, 2005) – et que le développement des enfants est influencé par les multiples environnements auxquels ils sont exposés, de nombreux chercheurs se sont interrogés sur l’impact des services de garde sur le développement de l’enfant. Près de trente ans de recherches ont permis de conclure que pour pouvoir saisir l’unique contribution des services de garde au développement de l’enfant, il faut tenir compte de multiples facteurs, notamment des caractéristiques du contexte familial et de la qualité des soins prodigués aux enfants (voir le chapitre 2 dans ce livre). En considérant ces multiples facteurs, les résultats de diverses études longitudinales importantes et raisonnablement représentatives ont confirmé les effets à la fois immédiats et durables des services de garde de qualité sur le développement cognitif et langagier, ainsi que sur la réussite scolaire (Barnett, Tarr, Esponito et Frede, 2001 ; Campbell, Pungello, Miller-Johnson, Burchinal et Ramey, 2001 ; NICHD et Duncan, 2003 ; Peisner-Feinberg et al., 2001). De plus, bien que la qualité puisse être encore plus cruciale pour les enfants issus de milieux socioéconomiques plus défavorisés, les résultats indiquent que la qualité des services a des influences importantes chez les enfants de tous les milieux (Peisner-Feinberg et al., 2001).
1.
L’ÉDUCATRICE – PORTEUSE DE QUALITÉ
1.1.
Le rôle de l’éducatrice dans la qualité d’un service
La définition de qualité d’un service de garde a été grandement inspirée par les critères d’accréditation des services de garde développés dans les années 1980 par la National Association for the Education of Young Children (NAEYC) aux États-Unis. Ces critères sont basés sur les connaissances et preuves scientifiques concernant les conditions et contextes qui favorisent le développement physique, social, cognitif et affectif des jeunes enfants (Bredekamp, 1984 ; Bredekamp et Copple, 1999). La définition de la qualité d’un service de garde généralement utilisée dans
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
la littérature est basée sur ces conditions et contextes et elle comporte deux dimensions, soit celle de la qualité structurelle et celle de la qualité des processus (voir le chapitre 1, ici, et Vandell et Wolfe, 2000). Les éléments se rapportant à la qualité structurelle relèvent en grande partie des lois et règlements à l’égard des services de garde et incluent le ratio éducatrice-enfants, la taille des groupes, les exigences quant à la formation du personnel et la rémunération de ces derniers. La qualité des processus renvoie à l’expérience éducative et sociale des enfants dans un environnement dont le principal metteur en scène est l’éducatrice. Bien que les lois et règlements établissent certains paramètres de l’environnement dans lequel l’éducatrice interagit avec les enfants, la qualité des processus repose largement sur les compétences de l’éducatrice à établir un environnement riche en stimulation et à interagir de façon chaleureuses et positive avec les enfants. En se basant sur notre définition écologique de la qualité, les éléments structurels constituant la qualité d’un service sont donc plus éloignés ou distaux de l’expérience immédiate de l’enfant tandis que l’éducatrice est l’élément le plus proche ou proximal à la qualité de l’expérience éducative et sociale que vivent les enfants (voir le chapitre 1). On pourrait alors concevoir que l’éducatrice est la « porteuse » de la qualité en ce qu’elle est centrale dans la mise en place de l’environnement social et éducatif des enfants. Conséquemment, ses compétences devraient contribuer significativement à la qualité d’un service de garde. En fait, on a soutenu que la relation entre l’éducatrice et l’enfant est l’aspect le plus important de la qualité des services de garde (Campbell et al., 1993).
1.2.
Qu’en dit la recherche ?
De nombreuses études ont établi un lien entre la qualité d’un service de garde et les caractéristiques de l’éducatrice. Ainsi, le niveau d’éducation de l’éducatrice ou sa formation continue figurent parmi les facteurs qui contribuent significativement à la mise en place d’un environnement qui favorise le développement cognitif et social de l’enfant (Barnett, 2004 ; Burchinal, Cryer, Clifford et Howes, 2002 ; Clarke-Stewart, Vandell, Burchinal, O’Brien et McCartney, 2002 ; Goelman, Doherty, Lero, LaGrange et Tougas, 2000 ; NICHD, 2000 ; NICHD et Duncan, 2003). Quel type de formation permettrait aux éducatrices de développer les pratiques éducatives les plus adéquates ? Il semble y avoir consensus qu’une formation spécialisée de niveau d’au moins collégial est nécessaire pour pouvoir répondre adéquatement aux besoins développementaux des jeunes enfants. En fait, plus l’éducatrice a un niveau élevé de formation, plus on observe des impacts positifs dans le quotidien des enfants (Arnett, 1989 ; Barnett et al., 2001 ; Burchinal et al., 2002 ; Howes et Hamilton, 1992 ; Howes, 1997). Ces impacts sont évidents dans plusieurs
L’ÉDUCATRICE AU CŒUR DE LA QUALITÉ…
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aspects du quotidien des enfants, notamment dans la qualité de l’interaction entre l’éducatrice et les enfants et la qualité de l’environnement et des activités éducatives. Ainsi, comparées aux éducatrices moins qualifiées, celles qui possèdent une formation spécialisée de niveau collégial interagissent de façon plus attentive et chaleureuse avec les enfants, se montrent moins autoritaires et appliquent une discipline plus appropriée aux besoins des jeunes enfants (Barnett, 2004 ; Howes et Hamilton, 1992 ; NICHD, 2005). Elles démontrent plus de sensibilité et moins de détachement à l’égard de l’enfant et créent un climat affectif plus positif (Goelman et al., 2000 ; NICHD, 2005). De plus, les éducatrices ayant une formation spécialisée en petite enfance proposent des activités plus créatives, organisent leur local plus efficacement, utilisent un vocabulaire plus élargi, planifient davantage les activités quotidiennes et sont plus susceptibles de répondre adéquatement aux problèmes d’apprentissage ou personnels éprouvés par les enfants (Barnett, 2004). Par ailleurs, elles sont également plus inclinées à individualiser les soins apportés aux enfants et à leur offrir des jeux sociaux et cognitifs plus complexes (Howes, 1997). Outre leur formation initiale, la formation continue des éducatrices représente un aspect qui peut avoir un impact sur la qualité des services offerts. Plusieurs études ont montré que les éducatrices ayant une formation de base spécialisée en petite enfance et ayant participé à des activités de formation dans l’année précédant l’évaluation de la qualité des services de garde obtiennent des résultats de qualité très élevés tant au plan des activités éducatives qu’au plan des interactions (Burchinal et al., 2002 ; Campbell et al., 2001 ; Clarke-Stewart et al., 2002 ; Fiene, 2002 ; Rhodes et Hennessy, 2000). Par ailleurs, la supervision régulière du personnel telle qu’elle est offerte dans des programmes comme le Perry Preschool Program et le Abecedarian Study est reliée à des résultats positifs chez les enfants qui obtiennent de meilleurs résultats au plan cognitif, et ce, à long terme (Burchinal et al., 2002 ; Campbell et al., 2001). Sans toutefois tenir compte de la formation initiale, d’autres recherches ont documenté les effets positifs d’une formation continue offerte aux éducatrices. Rhodes et Hennessy (2000), par exemple, ont examiné l’impact d’un programme de 120 heures de formation sur la qualité de l’interaction entre l’éducatrice et l’enfant. Ils arrivent à la conclusion que cette formation portant sur les comportements des éducatrices et le développement des enfants permet d’augmenter significativement les interactions positives avec les enfants. Pour sa part, Fiene (2002) a montré qu’un programme de mentorat apporte des changements dans les interactions adulte-enfant. Basé sur la relation de confiance d’une durée de quatre mois entre le mentor et son protégé
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
et visant à améliorer la qualité de l’environnement préscolaire et spécialement la qualité des interactions adulte-enfant, ce programme semble avoir des effets positifs. En conclusion, les différentes recherches convergent en ce qui a trait à l’importance de la formation initiale et continue du personnel : plus l’éducatrice a un niveau élevé de formation, plus on observe des impacts positifs dans le quotidien des enfants reliés à la qualité de l’interaction, à la qualité de l’aménagement du local et à la qualité des activités éducatives. Finalement, un service de garde de haute qualité permet à l’enfant d’établir une relation privilégiée avec un adulte (Peisner-Feinberg et al., 2001). Cette relation qui devrait être bienveillante, sécurisante et constante (Campbell et al., 1993) a des impacts non seulement sur le développement cognitif et social ultérieur mais également sur la qualité des liens d’attachement subséquents (Birch et Ladd, 1997 ; Howes et Hamilton, 1992 ; Howes et Smith, 1995 ; Peisner-Feinberg et al., 2001 ; Pianta et Steinberg, 1992).
2.
LES SERVICES DE GARDE AU QUÉBEC
Les services de garde ont connu d’importantes transformations depuis l’adoption de la nouvelle politique familiale du gouvernement du Québec en 1997. L’un des axes de cette politique novatrice était la mise sur pied d’un réseau de services de garde à prix fixe pour tous les enfants de quatre ans et moins, indépendamment du revenu familial. La création de ce réseau, reliée à la question de la conciliation familletravail, avait également comme but de fournir à tous les enfants, quel que soit le statut de leurs parents, un milieu préscolaire de qualité qui favorise à la fois leur développement socioaffectif et cognitif et leur préparation aux exigences auxquelles ils feront face à leur entrée dans le système scolaire (Ministère de la Famille et de l’Enfance, 1997a). Bien que la question de la qualité des services de garde offerts aux familles et leur impact potentiel sur le développement des enfants ait été soulevée à maintes reprises (avant même l’implantation de la politique des services à tarifs réduits) et que le gouvernement se soit engagé, dès l’adoption de la Loi sur les services de garde, en 1997, à offrir des services de bonne qualité, c’est principalement les exigences de la restructuration du réseau autour des centres de la petite enfance et l’urgence de répondre à une demande en croissance fulgurante qui ont occupé les gestionnaires durant les premières années qui ont suivi l’adoption de la nouvelle politique. Ce n’est que plus récemment que la question de la qualité a pris plus d’importance. En 2003, par exemple, le gouver-
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nement a demandé à l’Institut de la statistique du Québec de réaliser une enquête sur la qualité des services de garde régis. Les résultats de cette enquête, intitulée Grandir en qualité, ont été publiés en mai 2004 (Drouin, Bigras, Fournier, Desrosiers et Bernard, 2004). En octobre 2005, un deuxième rapport dresse un portrait du réseau à partir des résultats d’une évaluation de la qualité des services de garde fréquentés de 2000 à 2003 par les enfants suivis dans le cadre de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ELDEQ ; Japel et al., 2005). Ces deux études récentes ont révélé que les services de garde offerts aux familles québécoises n’ont pas atteint le niveau de qualité escompté. En effet, les enquêtes Grandir en qualité (Drouin et al., 2004) et La qualité, ça compte ! (Japel et al., 2005) concluent que la qualité d’ensemble de la majorité des services de garde n’est que minimale ou passable. Cela veut dire que la santé et la sécurité des enfants y sont généralement assurées, mais que la composante éducative y est minimale. Les résultats des deux enquêtes convergent également en ce qui a trait aux faiblesses particulières des milieux de garde observés, à savoir la qualité des activités éducatives et des soins personnels. De plus, ces deux enquêtes confirment que les garderies à but lucratif affichent généralement un niveau de qualité moindre que celui observé dans les garderies à but non lucratif (CPE ; centre de la petite enfance). Cet écart de qualité, qui fait consensus dans d’autres études d’ici ou d’ailleurs (p. ex., Goelman et al., 2000 ; Sylva, Melhuish, Sammons et Siraj-Blatchford, 2004) s’explique partiellement par les exigences variées à l’égard de la proportion du personnel qualifié. Ainsi, selon les lois et règlements en vigueur au Québec, le titulaire d’un permis d’une garderie à but non lucratif (CPE) doit s’assurer que, dans les installations, au moins deux membres du personnel sur trois possèdent une formation reconnue. Pour les garderies à but lucratif, cette proportion doit être de un membre sur trois. Ces ratios de base ne sont toutefois pas encore réalisés. En fait, en 2004, seulement deux tiers des CPE ont atteint l’exigence réglementaire concernant la qualification du personnel et seulement 84 % des garderies ont un membre sur trois qui possède une formation reconnue (Ministère de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine, 2006). Le lien entre les compétences de l’éducatrice et le niveau de qualité d’ensemble des services éducatifs offerts aux enfants semble donc bien évident. Ainsi, comme les résultats de l’enquête Grandir en qualité (Drouin et al., 2004) le montrent, les enfants sont plus nombreux à bénéficier de services éducatifs de meilleure qualité lorsque leur éducatrice possède un diplôme d’études de niveau collégial ou universitaire. Par ailleurs, le fait pour l’éducatrice d’avoir participé à des activités de perfectionnement au cours de l’année précédant l’enquête figure parmi
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
les principales caractéristiques associées à une meilleure qualité d’ensemble des services de garde éducatifs. Ces résultats confirment donc l’importance de la formation de base et de la formation continue de l’éducatrice dans l’établissement d’un environnement qui favorise le développement global des enfants.
3.
COMMENT AUGMENTER LA QUALITÉ DES SERVICES DE GARDE ?
La qualité d’un service de garde est le résultat d’une interaction dynamique entre plusieurs facteurs, notamment le niveau de formation du personnel, le ratio éducatrice-enfants, les ressources financières du service, les salaires du personnel et l’existence d’une formation continue ainsi que d’autres ressources dans la communauté (Cleveland et Krashinsky, 2004 ; Doherty, Friendly et Forrer, 2002). La majorité de ces facteurs relèvent des lois et règlements en vigueur et leur modification à court terme est peu probable. Cependant, les compétences de l’éducatrice qui sont centrales à la mise en place d’un environnement de qualité sont un élément plus malléable. La formation continue, par exemple, représente un moyen pour les éducatrices de parfaire leurs connaissances et habiletés et d’en acquérir de nouvelles. En fait, il semble y avoir un grand besoin de formation continue. Bien que près de 80 % des services de garde offrent à leur personnel éducateur diverses activités liées au programme éducatif, moins de la moitié de ces services proposent des activités liées à l’application de ce programme (Ministère de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine, 2006). Par ailleurs, un sondage auprès de plusieurs centaines de gestionnaires et d’éducatrices a révélé que la grande majorité d’entre eux souhaiterait suivre des formations supplémentaires à l’égard de la prévention en milieu de garde, des interventions auprès des enfants ayant des besoins particuliers ou encore sur la collaboration avec les parents (Japel, 2005, données non publiées).
4.
LE PROJET PILOTE : UN COACHING POUR LA QUALITÉ3
En septembre 2003, les résultats préliminaires de l’ELDEQ ont été présentés à la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale du Québec (Tremblay, Japel et Côté, 2003). Ces résultats également 3.
Ce projet pilote a été subventionné par le Programme d’aide financière à la recherche et à la création (PAFARC) de l’Université du Québec à Montréal ainsi que par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH).
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L’ÉDUCATRICE AU CŒUR DE LA QUALITÉ…
présentés à l’Association québécoise des Centres de la petite enfance et plusieurs regroupements de CPE ont soulevé un questionnement au sujet des pratiques dans le réseau des services de garde et souligné qu’il était nécessaire, après avoir consacré des énergies considérables au développement du réseau, de se pencher maintenant sur la question de la qualité des services offerts aux enfants et à leurs familles. Concerné par les résultats de l’ELDEQ, le comité qualité du regroupement des CPE des Cantons-de-l’Est a proposé à ses membres un projet pilote de formation continue sur mesure (Japel, 2004). La majorité des membres étaient en faveur de ce projet et voulaient y participer. Mais, étant donné le budget restreint, cette formation sur mesure ne pouvait être offerte qu’à 10 CPE qui étaient choisi de façon aléatoire parmi les CPE intéressés. Pour pouvoir déterminer l’impact de cette formation sur la qualité du service, deux autres groupes de comparaison de 10 CPE chacun ont été constitués. La figure 4.1. illustre la différence entre les trois groupes de CPE participants.
Figure 4.1 Caractéristiques des trois groupes participant au projet pilote Projet pilote : Un coaching pour la qualité
Groupe 1 1) Formation des gestionnaires. 2) Trois sessions de coaching pour les éducatrices.
Groupe 2 1) Formation des gestionnaires mais aucun coaching pour les éducatrices.
Groupe 3 Aucune formation des gestionnaires et aucun coaching pour les éducatrices.
Le tableau 4.1 décrit les différentes étapes de ce projet pilote. Ainsi, après avoir offert une formation aux gestionnaires du Groupe 1 et du Groupe 2 portant sur le concept de qualité et l’utilisation de l’Échelle d’évaluation de l’environnement préscolaire – révisée (Harms, Clifford et Cryer, 2004), la qualité de tous les CPE participants a été évaluée à l’aide de cette même échelle. Après cette première évaluation, les résultats obtenus à l’EEEP-R ont été transmis aux trois groupes. Dans le cas du premier groupe, ce profil des forces et faiblesses du service a servi de base pour les trois sessions de formation sur mesure. Celles-ci étaient offertes aux éducatrices et gestionnaires pendant la
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Tableau 4.1 Les différentes étapes du projet pilote Interventions
G1
G2
1. Formation aux gestionnaires.
X
X
2. Première évaluation de la qualité des services.
X
X
X
3. Trois sessions de formation sur mesure d’une durée de trois heures chacune avec les éducatrices et les gestionnaires.
X
4. Résultats de l’EEEP-R donnés lors de la première session de formation sur mesure.
X X
X
X
X
5. Résultats de l’EEEP-R reçus par la poste trois mois après l’évaluation du prétest. 6. Évaluation des effets à court terme des sessions de la formation sur mesure.
X
7. Évaluation de la qualité des services environ un an après la première évaluation.
X
G3
journée, à raison de trois heures chacune à des intervalles d’un mois. Les effets à court terme de cette formation ont été évalués environ quatre mois après la fin de l’intervention. Pour vérifier si ces effets perdurent et si les interventions variées dans les autres groupes avaient un impact différentiel, une autre évaluation de la qualité à l’aide de l’EEEP-R a été prévue environ un an après l’évaluation initiale.
5.
L’ÉCHELLE D’ÉVALUATION DE L’ENVIRONNEMENT PRÉSCOLAIRE – RÉVISÉE
L’une des échelles utilisées dans de nombreuses études en Amérique du Nord et en Europe pour évaluer la qualité des milieux de garde est la Early Childhood Environment Rating Scale (ECERS) – et sa version révisée, l’ECERS-R (Harms, Clifford et Cryer, 1998). Cette échelle permet de mesurer les paramètres de qualité définis par la NAEYC et d’établir si un service de garde constitue un environnement qui favorise le développement des enfants. La version française de l’ECERS-R, l’Échelle d’évaluation de l’environnement préscolaire – révisée (EEEP-R ; Harms et al, 2004) a servi à évaluer la qualité des milieux de garde participant
L’ÉDUCATRICE AU CŒUR DE LA QUALITÉ…
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à ce projet pilote. Cette échelle, dont la validité interne et la fidélité sont bien établies, permet de mesurer plusieurs dimensions qui contribuent à la qualité d’un milieu de garde, telles les interactions entre le personnel et les enfants, les interactions entre les enfants et les activités et les pratiques qui concernent la santé et la sécurité des enfants. Ces pratiques, en lien avec les approches éducatives privilégiées, sont directement reliées au vécu quotidien des enfants. De plus, l’EEEP-R permet d’évaluer des éléments qui sont moins directement reliés au vécu immédiat des enfants, comme la qualité du mobilier et de l’aménagement des lieux, celle de la structure du milieu de garde et celle des dispositions qui concernent le rôle des parents et les conditions de travail du personnel. Ces éléments sont associés de façon significative à la qualité d’ensemble, puisqu’ils définissent le contexte physique et humain à l’intérieur duquel les enfants reçoivent les services (Cassidy, Hestenes, Hedge, Hestenes et Mims, 2003). L’EEEP comporte environ 450 descripteurs regroupés en 43 items qui constituent sept sous-échelles (Mobilier et aménagement, Soins personnels, Langage et raisonnement, Activités, Interactions, Structure du service, Parents et personnel). Cette échelle permet d’obtenir un score global de qualité ainsi qu’un profil de qualité selon chaque item et chaque sous-échelle. Le score le plus bas (1) décrit un service considéré « inadéquat », un score de 3 classe le service dans la catégorie « minimal », un service qui reçoit la cote 5 est considéré comme « bon » et un service qui satisfait à toutes les exigences de l’échelle se situe à 7, soit de niveau « excellent ». En raison de sa construction, cette échelle peut très bien être utilisée comme outil de formation. Plus précisément, les descripteurs constituant l’échelle décrivent des conditions et comportements observés dans le milieu de garde et ainsi des éléments précis pouvant être modifiés pour arriver à un score plus élevé. L’encadré 4.1 présente un exemple tiré de l’EEEP-R illustrant la différence entre un score jugé « Inadéquat », « Minimal », « Bon » ou « Excellent » à l’item 17 : Utilisation du langage pour développer les habiletés de raisonnement de la sous-échelle Langage et raisonnement. Pour arriver à un score de 7, soit excellent, les comportements considérés inadéquats doivent être absents tandis que tous les indicateurs subséquents doivent être présents. Ainsi, plus l’éducatrice manifeste des comportements du niveau 5 et plus, plus nombreuses sont les occasions offertes à l’enfant de développer ses habiletés de raisonnement (dans cet exemple). Il en est de même pour chacun des items de l’échelle. Un milieu répondant aux critères d’excellence (de niveau 7) de l’EEEP-R comprendrait alors un programme éducatif centré sur les besoins de l’enfant et, par conséquent, favorable à son développement global.
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Encadré 4.1 : Item 17 – Utilisation du langage pour développer les habiletés de raisonnement 1. INADÉQUAT 1.1. Le personnel ne parle pas aux enfants de relations logiques (ex. : il ignore les questions des enfants ou leur curiosité devant les différents phénomènes, n’attire pas leur attention sur la séquence des événements quotidiens, sur les différences et les ressemblances de nombre, de taille et de forme, sur les relations de cause à effet). 1.2. Les concepts sont présentés de manière inappropriée (ex. : concepts trop difficiles pour l’âge ou le niveau d’habiletés des enfants, méthodes d’enseignement inadéquates, par exemple, des feuilles d’exercices sans aucune expérimentation concrète ; le personnel donne des réponses toutes faites aux enfants sans les aider à trouver eux-mêmes les solutions). 3. MINIMAL 3.1. Le personnel parle parfois aux enfants de concepts ou de relations logiques (ex. : il explique que les activités à l’extérieur ont lieu après la collation, il attire son attention sur les différentes grosseurs de blocs que l’enfant utilise). 3.2. Certains concepts sont présentés adéquatement pour l’âge et le niveau d’habiletés des enfants du groupe, en utilisant des explications et des expériences concrètes (ex. : les enfants sont soutenus par des questions et des mots dans l’activité consistant à séparer les petits blocs des gros ou à trouver pourquoi la glace fond). 5. BON 5.1. Le personnel parle de relations logiques pendant que l’enfant joue avec du matériel qui stimule son raisonnement (ex. : cartes séquentielles, jeux d’appariement et de classement, jeux de formes, jeux de nombre et de mathématiques). 5.2. Le personnel encourage les enfants à verbaliser et à expliquer leur raisonnement lorsqu’ils résolvent un problème (ex. : pourquoi ils ont classé les objets en différents groupes ; en quoi deux images sont semblables). 7. EXCELLENT 7.1. Le personnel encourage les enfants à raisonner pendant toute la journée en s’appuyant sur des événements et des expériences réels pour l’élaboration de concepts (ex. : les enfants apprennent la séquence en parlant de leurs expériences routinières quotidiennes ou en se rappelant la séquence d’un projet en cuisine). 7.2 Les concepts sont présentés en réponse aux besoins et aux intérêts des enfants (ex. : discuter avec les enfants sur la façon d’équilibrer une construction de blocs en hauteur ; aider les enfants à trouver combien il faut de cuillères pour mettre la table).
L’ÉDUCATRICE AU CŒUR DE LA QUALITÉ…
6.
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LA FORMATION SUR MESURE
Le modèle d’intervention choisi pour ce projet – le coaching – s’inspire de l’approche socioconstructiviste qui est à la base du programme éducatif préconisé par le ministère (Ministère de la Famille et de l’Enfance, 1997b). Tout comme les enfants, l’éducatrice est au centre de ses apprentissages et accompagnée par l’intervenante dans la découverte de nouveaux moyens en équilibre entre ses compétences et les exigences du milieu (Flaherty, 1999). Lafortune et Deaudelin (2001) conceptualisent les principes sous-jacents à cette démarche de la manière suivante : L’accompagnement socioconstructiviste renvoie [donc] au soutien apporté à des personnes en situation d’apprentissage pour qu’elles puissent cheminer dans la construction de leurs connaissances ; il s’agit alors de les aider à activer leurs connaissances antérieures, à établir des liens avec les nouvelles connaissances et à transférer le fruit de leur apprentissage en situation réelle (p. 27).
L’outil d’évaluation de la qualité du milieu permet d’établir un profil détaillé des forces et des faiblesses du service. Le profil individuel de chaque service établi après la première évaluation servira de cadre pour la formulation d’objectifs à atteindre et pour la planification du contenu de trois sessions de formation. Le contenu des sessions de coaching est donc « sur mesure » étant donné que les services varient selon leur profil de qualité et l’ordre dans lequel les équipes désirent aborder les différents éléments.
7.
UN EXEMPLE DE FORMATION SUR MESURE
L’encadré 4.2 présente le plan détaillé des trois rencontres de coaching. Lors de la première rencontre, une attention particulière a été accordée à chacun des participants afin de cerner leurs principales forces et possibilités, leur expérience et leur niveau de formation de base. La première rencontre est la plus cruciale puisqu’elle permet de créer une alliance avec les participants et de donner le ton aux rencontres subséquentes. En raison de son importance et de sa complexité, les deux formatrices ont animé ensemble les premières rencontres pour les 10 CPE alors que les autres rencontres ont été réparties en nombre égal pour chacune d’elles. Les objectifs des formations sont énoncés comme étant 1) de fournir aux enfants des services éducatifs de qualité supérieure en s’appuyant sur les connaissances les plus rigoureuses dans le domaine
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Encadré 4.2 : Plan des rencontres Première rencontre • Présentation des animatrices − formation, − expérience de travail, − liens avec le projet, − anecdotes personnelles. • Présentation de chacun des membres de l’équipe (éducatrices, éducateurs, gestionnaires, conseiller pédagogique) − poste occupé au sein du CPE, − formation, − expérience de travail, − anecdotes personnelles, − objectifs personnels et d’équipe par rapport au projet. • Présentation de la grille de l’EEEP-R − liens avec les grandes études menées au Québec, − validité de la grille, − aspect qualitatif de la grille, − aspect quantitatif relié aux résultats présentés plus loin, − terminologie reliée particulièrement à la grille et à sa cotation, − exercice avec un item choisi au hasard par un participant. • Présentation du graphique − Proportion des points obtenus − accueil des réactions des participants, − accueil des besoins suscités par ces premiers résultats. • Présentation du graphique des moyennes obtenues à l’EEEP-R − accueil des réactions des participants, − accueil des besoins suscités par ces premiers résultats. • Choix par les participants de deux sous-échelles avec lesquelles ils souhaitent débuter − présentation des résultats de ces sous-échelles, − choix d’une sous-catégorie, − référence à la grille : lecture avec les participants des items à cocher dans cette sous-catégorie, − discussion et proposition de moyens concrets permettant de modifier certains points abordés. Deuxième rencontre • Retour sur le cheminement depuis la dernière rencontre − Y a-t-il eu des modifications ? − Cela a-t-il été facile ou non ? − Quelles sont les embûches rencontrées ? − S’il n’y a pas eu de modifications, quels en sont les motifs ? − Les changements apportés ont-ils eu une influence sur les enfants ? − Les changements apportés ont-ils eu une influence sur les adultes ?
L’ÉDUCATRICE AU CŒUR DE LA QUALITÉ…
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Encadré 4.2 : Plan des rencontres (suite) • Choix de sous-échelles à considérer − présentation des résultats de ces sous-échelles, − choix d’une sous-catégorie, − référence à la grille de l’EEEP-R, − discussion et proposition de moyens concrets permettant de modifier certains points abordés. Troisième rencontre • Retour sur le cheminement depuis la dernière rencontre − identique à la deuxième rencontre. • Choix de sous-échelles à considérer en priorité − identique à la deuxième rencontre. • Retour sur l’ensemble des sous-échelles de la grille • Bilan des rencontres
et sur un instrument de mesure validé et utilisé dans de grandes études ; 2) de leur proposer des moyens concrets s’adaptant à leurs forces et capacités qui pourront être utilisés dès leur sortie de la session de formation ; 3) de tabler sur leur participation active afin de signaler rapidement, lors des sessions de formation, ce qui leur paraît trop loin de leur réalité. De plus, les formatrices se sont assurées que chaque participant énonce un objectif précis visé par les formations sur mesure ; cet objectif pouvait en être un d’équipe ou un plus personnel. Ce dernier point est très important puisqu’il permet aux formatrices de revenir sur les objectifs visés lorsque les changements à apporter sont perçus comme impossibles ou trop loin de la réalité vécue au quotidien. De plus, en portant une attention particulière aux besoins particuliers de chacun des participants, cela permet de proposer des actions qui représentent un défi significatif et signifiant. Par exemple, une nouvelle pratique est proposée et les participants s’interrogent sur le comment et surtout le pourquoi de ce changement. Dans ce cas, la formatrice s’efforce de saisir et de s’imprégner de ce que fait déjà la personne afin de lui proposer une façon nouvelle qui lui permettra de changer sa pratique sans vivre un déséquilibre inhibant ou faisant en sorte de rendre le changement encore plus complexe. Les résistances aux changements sont partie prenante d’une telle démarche de coaching. Dans les sessions de coaching, les résistances ont été perçues par les formatrices comme étant naturelles et inhérentes aux changements proposés. Plutôt que de bloquer le processus de
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
changement, celles-ci ont permis de mieux saisir la réalité quotidienne des éducatrices et l’écart, parfois assez grand, entre leur conception de leur rôle et le rôle nouveau qui leur était proposé. Ainsi, les résistances ont dynamisé les échanges, parfois houleux, sans jamais freiner le processus de changement et les essais accompagnés dans les pratiques quotidiennes. Il est certain qu’une telle lecture des résistances au changement s’actualisant dans l’animation demande une sécurité intérieure et une disponibilité de la formatrice qui s’appuie sur des années d’expérience au quotidien des enfants et des parents et d’une connaissance approfondie des concepts sur lesquels reposent les pratiques de qualité suggérées. Ainsi, la formation et l’expérience des formatrices est un élément clé dans cette démarche de coaching (voir encadré 4.3). Pendant la première rencontre, les résultats obtenus à la mesure de qualité ont été présentés aux participants. Dans chacune des équipes, cette étape a suscité de vives réactions, parfois émotives (surprise, désarroi, tristesse, colère, etc.) et parfois, de questionnement (remise en question de la grille, souci de comprendre, etc.). En fait, il existe un écart entre la perception de la qualité des services offerts aux enfants et les résultats d’une grille validée et administrée par un observateur externe. C’est à ce moment que l’expérience et les connaissances des formatrices entrent en jeu et se déploient afin de conserver la motivation de base des participants et de créer un déséquilibre dynamique permettant les changements proposés. En effet, en étant en mesure d’affirmer que des gestes simples du quotidien, s’ils sont issus des meilleures pratiques,
Encadré 4.3 : Les formatrices Formatrice 1 • Maîtrise en éducation de l’Université de Harvard (États-Unis). • Formation au programme High/Scope aux États-Unis. • Plus de trente années d’expérience de travail en service de garde à la petite enfance. • Formatrice experte dans de grandes études québécoises. Formatrice 2 • Maîtrise en psychoéducation de l’Université de Montréal. • Candidate au doctorat en psychologie/option psychoéducation. • Spécialisation en psychiatrie infantile. • Plus de vingt-cinq années d’expérience de travail auprès des enseignants/intervenants, des enfants, des adolescents et de leurs familles.
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L’ÉDUCATRICE AU CŒUR DE LA QUALITÉ…
peuvent aider à garantir un meilleur score de qualité et une meilleure possibilité d’exploration et de développement à l’enfant, les formatrices redonnent aux participants du pouvoir sur leur propre changement. Il en est de même lorsque les formatrices demandent aux participants de préciser les sous-échelles par lesquelles ils veulent commencer leur formation. Le choix du point de départ du changement revient donc aux participants. Les formatrices savent toutefois que toutes les souséchelles permettant d’arriver à un score de qualité d’ensemble sont interreliées et qu’un changement dans une sous-échelle aura des répercussions sur les autres éléments du quotidien de l’éducatrice. Voici une illustration de sessions de coaching avec une équipe qui s’est donné comme objectif de travailler à l’aménagement des locaux selon les pratiques de qualité énoncées lors des formations. 1. Présentation des scores globaux à une équipe La figure 4.2 montre une tarte qui comprend le maximum de points qu’un milieu de garde peut obtenir à l’EEEP-R, soit 301 points si le service obtient un score de 7 aux 43 items constituant l’échelle. La partie grise de la figure 4.2 représente la proportion des points obtenus par le CPE tandis que la partie de la tarte en blanc représente la partie des points non obtenus et ainsi tous les gestes à poser permettant d’augmenter la qualité éducative du service. 2. Accueil des réactions et présentation des moyennes aux différentes sous-échelles 3. Présentation du graphique des différentes sous-échelles.
Figure 4.2 Proportion des points obtenus points obtenus
points non obtenus
92
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
La figure 4.3 présente le score de qualité d’ensemble ainsi que les moyennes obtenues à l’EEEP-R aux différentes sous-échelles. 3.1. Explications de chacune des sous-échelles en référence à la grille de mesure et aux connaissances dans le domaine 3.2. Choix des premiers objectifs de formation4 Dans l’exemple ciblé, l’équipe a choisi de débuter par des changements d’ordre architectural. Ce point a été travaillé à l’aide des plans du CPE et a occupé la majorité du temps des trois sessions de formation. Dans cet exemple, la formatrice a intégré les notions relatives aux autres sous-échelles et aux besoins développementaux des enfants à même ses conseils afin de justifier la modification de l’aménagement des locaux.
8.
LA FORMATION SUR MESURE A-T-ELLE UN IMPACT SUR LA QUALITÉ ?
Afin de vérifier si cette formation sur mesure a eu un impact sur la qualité du service, une deuxième évaluation a été effectuée dans le groupe de CPE ayant participé aux sessions de coaching. Les scores obtenus à l’EEEP-R aux deux temps de mesure ont été analysés à l’aide d’analyses de variance à mesures répétées. Comme l’illustre la figure 4.4, il est possible de remarquer que dans le CPE dont la formation sur mesure est présentée dans ce chapitre, l’intervention à l’égard de l’aménagement a eu une répercussion sur le score global de qualité tel qu’il a été mesuré quatre mois après les sessions de coaching5. Certains résultats plus détaillés illustrent bien comment le fait d’intervenir sur une sous-échelle permet des changements à l’intérieur des autres sous-échelles. Ainsi, comme on peut le constater en examinant les moyennes présentées à la figure 4.5, les changements apportés à l’aménagement des lieux ont eu des retombées positives en ce qui concerne le score obtenu aux sous-échelles Activités et Langage et raisonnement. Plus précisément, les modifications effectuées en ce qui a trait aux aires d’activités ou à l’espace pour l’intimité permettent aux enfants un meilleur accès au matériel et une plus grande variété d’activités qui peuvent se dérouler sans que les uns interfèrent avec les 4.
5.
S’il y a des points relatifs à la sécurité des enfants qui ont été observés, ils sont tout de suite relevés par les formatrices à cette étape et sont alors rapidement proposées des mesures afin de remédier à cette situation. Les résultats présentés aux graphiques 4 et 5 sont statistiquement significatifs à un seuil de p < 0,05.
1
2
3
4
5
6
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Moyenne totale
Mobilier et aménagement
Soins personnels
Langage et raisonnement
Activités
Interactions
Structure de service
Figure 4.3 Moyennes obtenues à l’EEEP-R lors de l’évaluation précédant la formation
Parents et personnel
L’ÉDUCATRICE AU CŒUR DE LA QUALITÉ…
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Figure 4.4 Qualité d’ensemble à la première et à la deuxième évaluation (score moyen à l’EEEP-R)
7 6
4,72
5
3,74
4 3 2 1 1
2
autres. Dans cet environnement physique qui encourage l’autonomie et qui est plus calme et mieux organisé, l’éducatrice passe moins de son temps à gérer le comportement des enfants et, par conséquent, peut consacrer plus de temps à des échanges personnels et enrichissants avec les enfants. Est-ce que cette augmentation de la qualité est observée pour l’ensemble des CPE ayant participé aux sessions de coaching ? Comme on peut le voir au tableau 4.2, les milieux ayant bénéficié de cette intervention affichent un niveau de qualité d’ensemble plus élevé lors de l’évaluation de l’effet à court terme et à long terme. Bien que l’effet à court terme de la formation sur mesure sur la qualité d’ensemble soit marginal sur le plan statistique, étant donné la taille réduite de l’échantillon (n = 10), l’ampleur de l’effet de la formation sur mesure est néanmoins large (d = 0,6) si l’on considère que « la taille de l’effet » est un calcul permettant d’estimer l’impact d’une intervention indépendamment de la taille de l’échantillon (Cohen, 1988). On observe des effets semblables à l’examen des résultats aux différentes sous-échelles. Ainsi, comme le montre la figure 4.6, les sessions de coaching ont eu des effets particulièrement bénéfiques sur plusieurs aspects des services, notamment l’aménagement des lieux, les soins personnels et les activités éducatives. Ces résultats reflètent d’ailleurs
7 6 5 4 3 2 1
1
3,3
Activités
1
2
3
4
5
6
7
2
4,8
1
3,25
2
7 6 5 4 3 2 1
4,5
Mobilier et aménagement
1
2,75
2
4,25
Langage et raisonnement
Figure 4.5 Scores moyens aux différentes sous-échelles de l’EEEP-R à la première et à la deuxième évaluation
L’ÉDUCATRICE AU CŒUR DE LA QUALITÉ…
95
96
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Tableau 4.2 Score moyen de qualité d’ensemble à l’EEEP-R aux trois temps de mesure Temps 1a Avant l’intervention
Temps 2 4 mois après l’intervention
Temps 3c Un an après la 1re évaluation
Groupe 1 Formation des gestionnaires et 3 sessions de coaching
3,75
4,28b
4,57*
Groupe 2 Formation des gestionnaires
3,47
4,39*
Groupe 3 Aucune formation
3,40
4,09*
* Le score moyen de qualité d’ensemble entre le Temps 1 et le Temps 3 varie significativement (p < 0,001). a Les scores moyens de qualité d’ensemble des trois groupes ne diffèrent pas de façon significative au Temps 1. b Le score au Temps 2 diffère du score au Temps 1 à un seuil de p = 0,10. c Le score du Groupe 3 diffère du score du Groupe 1 à un seuil de p = 0,10.
Figure 4.6 Scores moyens à différentes sous-échelles de l’EEEP-R avant et quatre mois après la formation sur mesure
* p 0,05.
L’ÉDUCATRICE AU CŒUR DE LA QUALITÉ…
97
directement le contenu des sessions de coaching qui était généralement centré sur la création d’un environnement plus propice à la réalisation d’une variété d’activités éducatives et à l’amélioration des pratiques relatives à la santé et à la sécurité des enfants. Par ailleurs, même si le résultat n’est pas significatif selon un calcul statistique conventionnel qui est affecté par la petite taille de l’échantillon, les sessions de coaching ont eu un certain impact positif (taille de l’effet moyen, selon le calcul de Cohen, 1988) sur les pratiques éducatives de l’éducatrice visant le développement des habiletés langagières et de raisonnement. Toutefois, l’intervention n’a eu qu’un effet de « petite » taille à l’égard de la qualité de l’interaction. Est-ce que la formation sur mesure a eu un impact à long terme sur la qualité d’ensemble des services ? Comme l’indique le tableau 4.2, le score moyen de qualité du groupe ayant reçu une formation sur mesure a augmenté de façon significative entre la première évaluation et celle effectuée un an après. Notons toutefois que tous les groupes affichent un score moyen de qualité d’ensemble plus élevé lors de l’évaluation un an après le début du projet (voir le tableau 4.2). Cela indique que le niveau de qualité a également augmenté de façon significative dans les autres groupes ayant fait objet d’interventions moins structurées. Quant à l’impact différentiel des interventions dans les trois groupes, il s’avère que le groupe ayant reçu la formation sur mesure se distingue du groupe sans intervention (Groupe 3) par un score de qualité d’ensemble plus élevé à la fin du projet. Étant donné que les trois groupes affichaient des moyennes de qualité semblables au début du projet, c’est-à-dire des moyennes de groupe qui ne différaient pas sur le plan statistique, cela montre que la formation sur mesure a eu un plus grand impact sur la qualité d’ensemble des CPE qu’une seule remise des résultats de l’EEEP-R, non accompagnée par une formation des gestionnaires et des sessions de coaching.
CONCLUSION Les résultats de ce projet pilote révèlent qu’une intervention visant l’augmentation des compétences des éducatrices a porté des fruits en ce qu’elle a permis d’améliorer la qualité des services éducatifs donnés aux enfants. Cette formation sur mesure a eu un impact positif à court terme sur la qualité d’ensemble de tous les milieux participants et particulièrement sur certains aspects de qualité qui sont étroitement liés aux connaissances et habiletés de l’éducatrice, à savoir l’aménagement des lieux, les pratiques en matière de santé et sécurité des enfants et les activités éducatives.
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Ces résultats reflètent bien le contenu des sessions de coaching qui était généralement centré sur un nombre de modifications des pratiques afin d’améliorer les caractéristiques physiques de l’environnement, les mesures d’hygiène et la qualité des activités éducatives. Ainsi, l’impact relativement faible des sessions de coaching sur les habiletés des éducatrices visant à favoriser le développement du langage et du raisonnement chez les enfants ainsi que sur la qualité des interactions n’est pas surprenant. D’une part, ces aspects étaient peu abordés dans la formation sur mesure. D’autre part, entamer des changements dans ces dimensions de l’intervention éducative peut poser un plus grand défi puisque ces dimensions relèvent davantage des caractéristiques personnelles de l’éducatrice et sont, par conséquent, moins malléables à l’intérieur de trois sessions de coaching (Barnett et al., 2001 ; Clarke-Stewart et al., 2002). Modifier les pratiques des éducatrices par rapport au langage qu’elles utilisent pour stimuler le développement langagier et cognitif des enfants et avoir un impact sur leur style d’interaction nécessite fort probablement une intervention plus approfondie et de plus longue durée. Néanmoins, en ce qui concerne les résultats à court terme, nous sommes en mesure d’affirmer que les formations offertes dans le cadre de ce projet pilote ont permis de modifier certaines compétences des éducatrices et que ces nouvelles connaissances et habiletés se reflètent dans la qualité de l’environnement éducatif et social qu’elles mettent en place pour les enfants. Ces effets bénéfiques de la formation sur mesure sont encore évidents un an après la fin des sessions de coaching. Le niveau de qualité d’ensemble observé à la fin du projet suggère que les modifications apportées aux milieux grâce à la formation sur mesure perdurent dans le temps et que l’intervention a permis, à long terme, d’améliorer les pratiques éducatives des éducatrices. Les résultats font ressortir ainsi, d’une part, l’importance et l’effet positif d’une formation continue sur mesure et axée sur les pratiques éducatives de qualité. D’autre part, ils soulignent la nécessité que le personnel formateur soit hautement qualifié afin qu’il puisse, par ses compétences théoriques et relationnelles, accompagner le personnel dans ce processus de remise en question et de changement de leurs pratiques éducatives. Finalement, pour vérifier les effets d’une telle démarche, la rigueur scientifique est de mise en ce qui concerne l’évaluation de l’intervention. Les résultats de l’évaluation de la qualité un an après le début du projet révèlent que les trois groupes de CPE participants affichent un niveau de qualité d’ensemble supérieur à celui observé lors de la première évaluation. Ainsi, les CPE ayant reçu seulement la formation des gestionnaires ou aucune formation particulière affichent également une augmentation significative de la qualité des services éducatifs offerts
L’ÉDUCATRICE AU CŒUR DE LA QUALITÉ…
99
aux enfants. Plusieurs raisons peuvent être évoquées pour expliquer ce phénomène. Par exemple, depuis le début de ce projet pilote, le regroupement dont font partie tous ces CPE s’est donné comme objectif prioritaire l’augmentation de la qualité dans tous les services. Un nombre important de CPE n’ayant pas bénéficié des sessions de coaching ont donc pris des initiatives concrètes visant l’amélioration de la qualité. Par ailleurs, le fait que tous les CPE ont reçu un résumé de leurs résultats à l’EEEP-R après la première évaluation pourrait partiellement expliquer cette amélioration générale de la qualité puisqu’un bon nombre de CPE s’est servi du profil obtenu à l’EEEP-R pour remédier à certaines faiblesses. Cela suggère qu’une évaluation à l’aide d’un instrument validé suivie par une rétroaction prenant la forme d’un profil détaillé des forces et faiblesses remis au service évalué peuvent inciter une équipe à entamer des changements dans leurs pratiques. De plus, ces résultats soulignent l’utilité de l’EEEP-R dans ce processus puisque cet instrument fournit des pistes concrètes et spécifiques pour améliorer la qualité de l’environnement éducatif des enfants. Une dernière question se pose : pourquoi le groupe de CPE ayant bénéficié des sessions de coaching ne se démarque-t-il que faiblement des deux autres groupes à la fin du projet ? Au-delà des facteurs mentionnés auparavant, il faut prendre en considération que d’autres éléments ont probablement limité la possibilité de faire ressortir un effet plus important de la formation sur mesure par rapport aux groupes ayant reçu des interventions moins intenses. D’une part, l’échantillon à l’étude était relativement petit limitant ainsi le pouvoir de saisir les effets de l’intervention sur le plan statistique. D’autre part, il y a un renouvellement de personnel important dans les services de garde. Étant donné qu’une proportion importante des éducatrices ayant participé à la formation sur mesure n’était plus dans les milieux lors de la dernière évaluation, une partie significative de l’effet de la formation n’a pu être mesurée. Ainsi, pour mieux mettre en évidence les bénéfices d’une formation sur mesure, il serait important dans de futures études d’inclure un plus grand nombre de services de garde et de s’assurer qu’il y ait un changement minimal de personnel entre les différentes évaluations. En terminant, l’éducatrice est au cœur de la qualité puisque c’est elle qui met en place un environnement physique et un climat affectif dans lequel les enfants devraient pouvoir s’épanouir. Nous lui confions la responsabilité de traduire les connaissances théoriques relatives aux conditions et contextes favorables au développement de l’enfant en des actions qui auront un impact positif sur le bien-être et les apprentissages des individus à sa charge. Pour pouvoir relever ce défi, il est impératif que les éducatrices aient suivi une bonne formation de base. Celle-ci
100
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
devrait être suivie par un soutien continu comprenant la possibilité d’acquérir de nouvelles connaissances et habiletés ainsi que l’évaluation des pratiques éducatives. Étant donné que le réseau des services de garde à la petite enfance a subi de nombreuses coupures budgétaires, le soutien nécessaire aux éducatrices n’est pas garanti. Ainsi, ce n’est qu’en reconnaissant le rôle central de l’éducatrice dans la création d’un milieu de qualité et en investissant dans leur formation que les milieux de garde réussiront à appliquer un programme éducatif qui favorisera pleinement le développement global des enfants et, donc, à offrir des services de qualité.
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L’ÉDUCATRICE AU CŒUR DE LA QUALITÉ…
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
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5
CHAPITRE
Un modèle de formation pour soutenir la qualité dans les centres de la petite enfance1 Nathalie Bigras Université du Québec à Montréal
1.
Le programme de soutien à la qualité présenté dans ce chapitre n’aurait pu être réalisé sans la contribution de plusieurs acteurs essentiels. Nos premiers remerciements vont aux services aux collectivités de l’Université du Québec à Montréal qui nous ont permis d’offrir ce programme grâce au financement accordé sous forme de trois dégrèvements d’enseignement reçus en 2004-2005. Également, ce projet n’aurait pu voir le jour sans l’engagement du regroupement des CPE de la Montérégie (RCPEM). Des remerciements particuliers sont adressés à Michelle Poirier, responsable de la formation au RCPEM, qui a cru en ce projet dès le départ et en a assumé la coordination technique et la promotion auprès des CPE de la région. Merci Michèle pour tes précieuses questions ! Aussi, nous tenons à remercier l’équipe du regroupement des CPE de l’île de Montréal (RCPEIM) et, surtout, Pierre Prévost, directeur de la qualité éducative, qui ont soutenu et offert ce programme à leurs membres en 2005-2006. Nous tenons aussi à souligner la participation active et enrichissante de Ginette Hébert, formatrice au RCPEIM, qui nous a assistée bénévolement lors de l’animation des journées de formation au RCPEIM et qui a fait preuve d’une grande générosité, souplesse, adaptabilité et tolérance à l’ambiguïté. Ginette, tu es l’incarnation des valeurs de ce programme de formation ! Enfin, la publication de cette expérience de formation n’aurait pu être possible sans la participation active et engagée des participantes à la formation. Nous les remercions particulièrement pour leur générosité et leur spontanéité dans le processus de construction de cette formation. Elles nous ont aidée à mieux comprendre ce processus de coconstruction dans l’action. C’est à elles et à leur travail acharné au quotidien dans les CPE et, surtout, à leur engagement passionné pour la qualité de nos services de garde éducatifs à la petite enfance que ce chapitre est dédié.
104
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
RÉSUMÉ En 2004, à la suite de la parution des résultats préliminaires portant sur la qualité des services de garde éducatifs de l’ELDEQ et en prévision de la publication de l’étude Grandir en qualité 2003, des membres du comité qualité du regroupement des CPE de la Montérégie décident de soutenir la qualité éducative de leurs organisations. Une chercheure de ce comité met alors au point une formation destinée à soutenir le développement de compétences professionnelles chez le personnel de gestion et de soutien pédagogique afin d’accompagner leur équipe éducative dans la hausse du niveau de qualité de leur services. Basée sur une approche d’appropriation des connaissances initiée par Lafortune et Deaudelin (2001), utilisant l’approche de l’accompagnement socioconstructiviste, la formation de 45 heures (7 rencontres) s’échelonne sur une période de 8 à 12 mois. Chacune des rencontres permet d’aborder des thèmes liés à la qualité des services de garde de même qu’à son accompagnement. À ce jour, trois groupes de 30 participants issus du regroupement des CPE de la Montérégie (RCPEM) et du regroupement des CPE de l’île de Montréal (RCPEIM) ont suivi la formation. Ce chapitre présente les données portant sur la satisfaction des participantes recueillies tout au long de la formation auprès des trois groupes. Nous ferons aussi état de l’évolution de la mesure du sentiment d’autoefficacité établie au début et à la fin du programme de formation.
UN MODÈLE DE FORMATION POUR SOUTENIR LA QUALITÉ
1.
105
CONTEXTE HISTORIQUE
En juin 2003, à la suite de la publication des résultats préliminaires sur la qualité des services de garde par les chercheurs de l’ELDEQ (Tremblay, Japel et Côté, 2003) et en préparation à la publication du rapport Grandir en qualité 2003 (Drouin, Bigras, Fournier, Desrosiers et Bernard, 2004) portant sur la qualité des services de garde québécois, le comité qualité du RCPEM cherchait à mettre en place des moyens pour favoriser la hausse des niveaux de qualité de leurs CPE membres. En tant que chercheure associée à la rédaction du rapport Grandir en qualité 2003 (Drouin et al., 2004), je fus invitée à participer aux réflexions de ce comité afin d’élaborer une stratégie de soutien à la qualité. Nous voulions alors développer un plan d’action afin de sensibiliser, informer et former les divers acteurs des services de garde de ce regroupement. Parmi les stratégies choisies, l’une d’elles fut de sensibiliser les gestionnaires et les équipes pédagogiques à la qualité des services de garde. Des présentations aux gestionnaires des CPE des résultats descriptifs et des recommandations de l’étude Grandir en qualité 2003 furent alors planifiées pour juin 2004. Par la suite, à l’automne 2004, des ateliers de réflexion sur les résultats de l’enquête eurent lieu avec les équipes pédagogiques (conseillères, adjointes et responsables du soutien à la pédagogie). Nous voulions aussi que les acteurs du soutien pédagogique des CPE comprennent les fondements de la qualité et se les approprient afin de mieux soutenir leur équipe éducative dans la hausse des niveaux de qualité.
2.
CADRE CONCEPTUEL
Comme nous l’avons évoqué dans le premier chapitre, la qualité des processus ou de l’environnement proximal de l’enfant qui fréquente un service de garde à la petite enfance résulte des multiples interactions entre divers systèmes. De plus, selon Vandell (chapitre 2), les études qui portent sur les relations observées entre la fréquentation des services de garde au cours de la petite enfance et le développement de l’enfant suggèrent que plusieurs variables incluses dans la catégorie de la qualité structurelle sont reliées aux variables de la qualité des processus. En outre, la formation du personnel éducateur (voir Japel et Manningham au chapitre 4) a été maintes fois associée à la qualité des processus, c’est-à-dire la qualité des expériences vécues par l’enfant en service de garde. Or, deux récentes études qui ont examiné la qualité des services
106
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
de garde à la petite enfance au Québec (Grandir en qualité 2003) et au Canada (Oui, ça me touche !) révèlent que certaines caractéristiques des gestionnaires seraient également associées à des niveaux plus élevés de la qualité de l’expérience vécue par l’enfant dans le microsystème du service de garde.
2.1.
Caractéristiques des gestionnaires
Selon Tremblay (2003), par la position qu’elles occupent, les gestionnaires sont appelées à jouer un rôle dans chacun des aspects organisationnels et administratifs ainsi que dans la gestion des activités et de l’environnement physique et humain du milieu de garde. En outre, les directrices et directrices adjointes influencent la qualité des services éducatifs en contribuant à créer un milieu stimulant pour les éducatrices et les enfants, propice à l’application du programme éducatif. Cela dit, comme le soulignent Bigras, Drouin et Fournier (2004), la contribution des gestionnaires à la qualité éducative demeure toutefois peu étudiée et offre ainsi très peu de points de comparaison. La littérature montre notamment, chez les gestionnaires de services de garde à la petite enfance, que le fait de posséder une formation spécialisée en éducation à la petite enfance et une expérience de travail antérieure auprès des enfants dans le contexte d’un service de garde seraient liées à la qualité générale des services offerts dans les établissements qu’elles coordonnent (Doherty et Stuart, 1996 ; Goelman et al., 2000). Sur ce dernier point, d’autres chercheurs avancent que l’expérience des gestionnaires est une variable influençant positivement les résultats aux mesures de développement des enfants (Phillips, McCartney et Scarr, 1987). Les données de l’enquête Grandir en qualité2 concernant la formation des gestionnaires vont dans le même sens. Elles permettent de constater que le fait pour la gestionnaire de détenir un diplôme spécialisé dans le domaine de la garde, de l’éducation ou du développement de l’enfant tend à être associé positivement à la structuration et à la variation des types d’activités (pouponnière en garderie et milieu familial). On note aussi une association de ces caractéristiques avec la qualité de l’interaction éducatrice-enfants (pouponnière en installation) et de l’interaction éducatrice-parents (milieu familial). Au chapitre de l’expérience des gestionnaires, il est aussi intéressant de noter que l’enquête Grandir en qualité indique la présence de liens entre l’expérience des coordonnatrices au CPE du volet milieu
2.
Pour une description détaillée de l’enquête Grandir en qualité, voir le chapitre 6 de cet ouvrage.
UN MODÈLE DE FORMATION POUR SOUTENIR LA QUALITÉ
107
familial et la qualité des services, bien qu’au départ les relations de travail entre les RSG et celles-ci ne soient pas de même nature qu’en installation ou en garderie. Plus particulièrement, l’expérience acquise par la coordonnatrice à titre d’éducatrice, dans une installation ou une garderie, constitue une variable associée de façon positive à la qualité d’ensemble. Enfin, selon certains auteurs (Goelman et al., 2000 ; Doherty et al., 2000), les sentiments des gestionnaires à l’égard de leur travail ou de certains aspects plus spécifiques concernant l’emploi occupé devraient aussi être pris en compte pour mieux comprendre ce qui détermine la qualité des services offerts aux enfants. Les résultats de l’étude Grandir en qualité en témoignent en partie. En particulier, la satisfaction de la gestionnaire à l’égard de sa relation avec les éducatrices semble un élément important dans l’atteinte d’un niveau de qualité supérieur. Rappelons que ce niveau de satisfaction a été mesuré à l’aide d’une seule question posée à la gestionnaire dans le cadre d’un questionnaire autoadministré lors de l’enquête Grandir en qualité. Les gestionnaires devaient exprimer sur une échelle de 1 à 4 (1 très satisfaisant à 4 très insatisfaisant) leur degré de satisfaction envers leurs relations avec le personnel éducateur. Des associations positives ont été relevées avec le niveau de qualité offerte dans les groupes de poupons (enfants de moins de 18 mois) pour les gestionnaires d’installations de CPE et avec le niveau de qualité offerte dans les groupes préscolaires pour les gestionnaires des garderies. Les analyses multivariées réalisées dans le cadre de cette enquête révèlent que parmi l’ensemble des variables liées à la qualité d’ensemble des services offerts aux poupons d’installation de CPE et aux enfants d’âge préscolaire des garderies, la satisfaction de la gestionnaire à l’égard de sa relation avec les éducatrices est l’une des variables liées à la qualité d’ensemble (Drouin, Fournier, Desrosiers, Bernard, Traoré, 2003a, b)3. Ces résultats montrent que les niveaux de qualité des services en pouponnière en installation de CPE et des groupes préscolaires en garderie privée seraient étroitement liés à la relation entre les éducatrices et la responsable de gestion. C’est à tout le moins ce que dénote l’association positive entre le niveau de qualité et l’évaluation que font les gestionnaires de ses deux types de services de garde de leurs relations avec le personnel éducateur. Comme le soulignent Drouin et ses collègues (2003b), on peut penser qu’un niveau plus élevé de satisfaction à cet égard est le reflet des collaborations fructueuses ou du climat organisationnel plus positif présents dans les milieux affichant un certain niveau de qualité. 3.
Pour plus de détail concernant cette analyse, le lecteur est prié de consulter les chapitres 3 et 7 du rapport Grandir en qualité 2003, <www.stat.gouv.qc.ca/publications/conditions/ grandir_qualite.htm>.
108
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Le niveau de satisfaction des relations avec les collègues de travail pourrait aussi être lié au sentiment d’autoefficacité. Selon Bandura (1995, p. 2 ; traduction libre), « l’autoefficacité est la croyance d’une personne en ses capacités à organiser et à exécuter ses actions qui lui permettent de s’adapter aux nouvelles situations ». Haidt et Rodin (1999) affirment que les croyances d’autoefficacité seraient les meilleurs prédicteurs de succès et de performance dans plusieurs contextes. La recherche indique qu’une interaction existe entre les croyances d’autoefficacité et les actions ou comportements (Shelton, 1990). Les facteurs qui influencent le développement de l’autoefficacité, tels que la perception des expériences et le processus d’autoattribution, seraient, en eux-mêmes, modérés par les croyances d’autoefficacité de la personne. Cela signifie qu’une personne ayant vécu des expériences négatives dans un domaine particulier, ou ayant une perception négative de ses habiletés et de ses capacités à réaliser certaines tâches, serait susceptible de se percevoir comme ayant peu d’autoefficacité. Il en résulte que les perceptions peuvent affecter les performances de cette personne dans le cadre d’activités pour lesquelles elle se perçoit comme ayant peu d’autoefficacité. Ainsi, une gestionnaire ou une conseillère pédagogique qui se perçoit comme ayant un faible niveau d’autoefficacité dans ses relations avec les éducatrices du service de garde pourrait adopter des comportements inefficaces et en venir à éprouver un sentiment d’insatisfaction par rapport à ses relations avec les éducatrices. Selon cette approche, une hausse du niveau du sentiment d’autoefficacité pourrait améliorer le niveau de satisfaction à l’égard des collègues de travail et, ultimement, avoir un effet positif sur le niveau de qualité du service de garde.
2.2.
Formation continue
L’enquête Grandir en qualité a aussi permis de signaler le rôle important des mécanismes de formation continue, formels et informels, mis à la disposition du personnel éducatif tels que les activités de perfectionnement, les réunions d’équipe et les rencontres avec les pairs. En particulier, on constate que la participation des éducatrices à des activités de perfectionnement est associée à toutes les dimensions de la qualité. Soulignons que l’importance de ce facteur est d’ailleurs confirmée par les analyses multivariées4 qui indiquent que la participation de l’éducatrice à des activités de perfectionnement est liée directement (c’est-àdire indépendamment des autres variables qui ressortent dans les analyses bivariées) à des services de meilleure qualité dans l’ensemble, tant dans les groupes d’enfants de 18 mois à 5 ans en installation de
4.
Ibid.
UN MODÈLE DE FORMATION POUR SOUTENIR LA QUALITÉ
109
CPE qu’en garderie. Parallèlement, on observe que pour les enfants qui fréquentent un service en milieu familial, c’est plutôt le nombre d’heures de perfectionnement de la RSG qui est lié à la qualité. En fait, la structuration des lieux est de meilleure qualité lorsque la RSG a participé à plus de 12 heures d’activités de perfectionnement dans l’année précédant l’enquête. En lien avec les variables qui traduisent un contexte favorable à l’acquisition de compétences, la participation des éducatrices à des réunions d’équipe se révèle aussi un facteur positif commun pour deux types de services. De façon similaire, le fait que l’éducatrice prenne part à des rencontres d’une association professionnelle ou d’un regroupement de services de garde est ou tend à être lié à des services de meilleure qualité sur plusieurs plans. En ce qui concerne plus particulièrement les services en milieu familial, une étude menée par Doherty et al. (2000) révèle que les échanges entre la responsable de garde en milieu familial et d’autres responsables, de même que son intégration dans des réseaux et des associations favorisant de tels échanges, seraient des prédicteurs importants de la qualité contextuelle dans ce type de services. Les données de l’enquête Grandir en qualité semblent aller dans le même sens puisque la qualité, sur le plan de la structuration et de la variation des types d’activités et de l’interaction RSG-enfants, va de pair avec le nombre de rencontres formelles avec d’autres RSG auxquelles la responsable du service a participé. De plus, une tendance en ce sens est observée pour la qualité d’ensemble. La participation à des rencontres informelles avec d’autres RSG signalent également une association positive avec la qualité de la relation RSG-parents et une tendance dans le même sens à la dimension portant sur les activités. Pour conclure, les données portant sur la formation continue obtenus lors de l’enquête Grandir en qualité suggèrent généralement que les mesures relatives à la formation sont liées assez étroitement aux quatre dimensions de la qualité. Dans le cas de la structuration et de la variation des types d’activités, laquelle comprend deux sous-dimensions relativement faibles touchant la planification des activités et l’observation des enfants, certains liens peuvent être établis avec la littérature. Ainsi, quelques études sur les services en milieu familial font aussi état de résultats faibles concernant la planification. Pour expliquer en partie ces résultats faibles, les auteurs évoquent le manque de formation des RSG et un déficit de temps pour procéder à cette planification (Doherty et al., 2000). Les mêmes raisons sont mentionnées pour expliquer la faiblesse des résultats concernant l’observation des enfants par les responsables en milieu familial. Pour combler ces lacunes, les auteurs d’une étude sur les services offerts en milieu familial recommandent que les
110
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
RSG soient mieux soutenues dans l’organisation et la gestion du temps au quotidien (Coutu et al., 2003). Pour eux, le travail de la responsable comprend de nombreuses tâches dont la coordination exige des habiletés particulières sur le plan de la gestion du temps et de la planification. Ces habiletés s’acquièrent souvent par l’expérience, mais aussi dans le cadre du soutien informel reçu par les pairs et du soutien formel de la part du service de garde auquel elles sont affiliées. Un parallèle peut sans doute être établi pour les services offerts en installation et en garderie, où il est raisonnable de penser qu’un soutien approprié permettrait aux éducatrices de mieux planifier et de mieux aménager des activités adaptées au développement des enfants. À bien des égards, les résultats de l’enquête Grandir en qualité concernant l’importance du soutien à offrir aux RSG de la part des gestionnaires suggèrent qu’il s’agit là d’une piste intéressante à approfondir.
2.3.
Soutien social
Ces résultats soulignent aussi le rôle primordial du soutien social dans l’exercice d’une fonction éducative. La recherche a maintes fois relevé que le fait d’avoir un plus grand réseau de soutien social agit comme facteur de protection pour les parents soumis à des conditions plus difficiles (Attree, 2004 ; Pepin et Banyard, 2006). Les parents moins isolés socialement seraient plus enclins à adopter des pratiques éducatives moins coercitives et rapporteraient une perception plus positive de leur enfant (Bornstein, Putnick, Suwalsky et Gini, 2006 ; Huang et al., 2005 ; Lyons, Henly et Shuerman, 2005 ; Reiner-Hess et al., 2004 ; Hashima et Amato, 1994 ; Martin et Boyer, 1995 ; Kim-Cohen et al., 2004). Les interventions éducatives assumées en contexte d’isolement professionnel par les éducatrices et, surtout, par les RSG et soumises à des situations de stress (Coutu, Lavigueur, Dubeau et Tardif, 2003) constituent sans doute des facteurs de risque pour la qualité des interactions entre les adultes et les enfants, particulièrement en ce qui a trait aux pratiques éducatives coercitives. Outre la formation initiale et continue à encourager, les rencontres formelles et informelles entre RSG et éducatrices de même que le soutien offert par les gestionnaires et le personnel de gestion peuvent sans doute aider à partager des préoccupations et à trouver des solutions aux problèmes rencontrés au quotidien. Dans cette perspective, il apparaît primordial de développer chez les gestionnaires et les conseillères pédagogiques des compétences à l’accompagnement afin qu’elles puissent offrir un soutien adéquat favorisant, en outre, l’appropriation du programme éducatif des CPE par leur personnel éducatif (éducatrices et RSG). Comme ce programme constitue la base de la mesure de la qualité utilisée dans le cadre de l’enquête
UN MODÈLE DE FORMATION POUR SOUTENIR LA QUALITÉ
111
Grandir en qualité suivent un bref rappel des fondements du programme éducatif des centres de la petite enfance (Gouvernement du Québec, 1997).
2.4.
Fondements du programme éducatif des centres de la petite enfance
Comme le soulignent Baillargeon, Bourgon, Lavallée et Bigras (2004, p. 8), le Programme éducatif des centres de la petite enfance a été rédigé à la suite de la publication du programme Jouer C’est magique !, une adaptation québécoise de la High/Scope Educational Approach. D’abord proposé dans le cadre des interventions auprès des enfants de milieux défavorisés, ce programme américain bien connu est centré sur la notion d’apprentissage actif chez l’enfant. Cette notion qui place le bien-être psychologique et physique de l’enfant au cœur des préoccupations de l’adulte s’inscrit dans la tradition constructiviste de Dewey, Decroly et Claparède, dans le cognitivisme de Piaget (Hohmann et al., 2000) ainsi que dans l’humanisme de Maslow. Ces approches peuvent se regrouper sous le vocable de « pédagogie ouverte » ou celui de « pédagogie nouvelle » (Paquette, 1992 ; Pelletier, 1998) et préconisent, en outre, que l’enfant et l’adulte amorcent l’action tour à tour, de sorte que les adultes et les enfants fassent équipe dans la construction des connaissances. Cette approche respecte ainsi les différences de perception du monde entre l’adulte et l’enfant et prône le libre choix des expériences par l’enfant. L’adulte accompagne l’enfant dans ses expériences afin de le soutenir tout en lui laissant la place nécessaire à la construction de ses apprentissages, sans qu’il y ait d’attentes de réponses précises de la part de l’enfant. En conséquence, le rythme de chacun est respecté et valorisé.
2.5.
Fondements du programme de formation à l’école québécoise
Pour Lafortune et Deaudelin (2001), un programme d’accompagnement d’une équipe pédagogique visant l’appropriation du programme de formation de l’école québécoise (PFEQ) devrait être conçu en fonction des bases conceptuelles du socioconstructivisme, de la métacognition et de la pratique réflexive dont voici un bref aperçu5. D’abord, selon Raymond (2001), le constructivisme est un modèle théorique selon lequel l’apprenant construit ses connaissances à travers une activité en situation, l’action en situation étant le principal facteur 5.
Pour plus de détails, le lecteur pourra référer au programme de Lafortune et Deaudelin (2001, p. 27 à 47).
112
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
de l’acquisition de connaissances. Le socioconstructivisme souscrit aux postulats du constructivisme mais y ajoute une dimension : celle des interactions sociales. En fait, pour les socioconstructivistes, ce sont les interactions avec les autres et avec l’environnement qui nous permettent de créer nos propres connaissances. Les échanges avec le milieu sont vus comme essentiels à la construction des connaissances. Cette conception théorique de l’apprentissage permet de mieux décrire comment l’apprentissage se réalise. Il se produit en contexte de groupe, à travers les interactions avec les pairs et avec l’adulte ou l’éducateur. Dans cette perspective, l’accompagnement socioconstructiviste duquel s’inspire notre programme de formation en soutien à la qualité dans les CPE : […] renvoie donc au soutien apporté à des personnes en situation d’apprentissage pour qu’elles puissent cheminer dans la construction de leurs connaissances ; il s’agit de les aider à activer leurs connaissances antérieures, à établir des liens avec les nouvelles connaissances et à transférer les fruits de leur apprentissage en situation nouvelle. Il présuppose une interaction entre la personne accompagnatrice et celle qui est accompagnée (Lafortune et Deaudelin, 2001, p. 27).
La métacognition renvoie quant à elle à la compréhension de la personne de son processus d’apprentissage. La métacognition serait constituée de deux compétences distinctes : les connaissances métacognitives et la gestion de l’activité mentale. Les connaissances métacognitives sont des connaissances et des croyances au sujet des phénomènes liés à la cognition. Elles peuvent porter sur la personne (connaître ses forces et ses faiblesses et les comparer avec celles des autres), sur les tâches à effectuer (évaluer la difficulté ou la facilité de la tâche), ou sur les stratégies pour les effectuer (quoi utiliser, quand et comment). La gestion de l’activité mentale renvoie aux activités mises en branle par l’individu pour contrôler et organiser sa propre pensée. On y inclut des activités de planification (anticiper le résultat), de contrôle (évaluer sa démarche en cours de processus) et de régulation (ajuster sa démarche en cours de processus) (Lafortune et Deaudelin, 2001, p. 37).
Pour les tenants des approches constructiviste et socioconstructivistes, il est essentiel de développer des compétences métacognitives dans le contexte actuel d’apprentissage centré sur la gestion des savoirs. Ces compétences permettraient de distinguer les élèves qui réussissent de ceux qui éprouvent des difficultés d’apprentissage (voir les recensions de Borkowski, Carr, Rellinger et Pressley, 1990, et de Paris et Winograd, 1990). Selon St-Arnaud (1992) et Schön (1994), la pratique réflexive est un ensemble de gestes professionnels qui comprennent l’intervention auprès des personnes en situation d’apprentissage et une réflexion sur ces gestes. Cette réflexion est tournée vers l’action en ce sens qu’elle mène à une adaptation de sa pratique afin de la rendre plus efficace et à
UN MODÈLE DE FORMATION POUR SOUTENIR LA QUALITÉ
113
l’élaboration de ses propres modèles d’intervention. Pour Lafortune et Deaudelin (2001), le praticien réflexif est celui qui est capable de créer ou d’adapter ses propres modèles de pratique en tirant profit des modèles existants afin de rendre sa pratique plus efficace. Le praticien réflexif peut examiner l’efficacité de son action tout en étant en mesure d’analyser l’écart entre la théorie et l’application qu’il en fait. En somme, la recherche sur la qualité des services de garde et les facteurs qui y sont associés souligne l’importance des caractéristiques du personnel de gestion telles que leur expérience et leur formation en petite enfance et leur satisfaction à l’égard de leur travail pour soutenir des niveaux de qualité plus élevés. Dans la même ligne, une qualité plus élevée des services de garde à la petite enfance est observée lorsque les éducatrices et les RSG participent à des activités de formation continue et des rencontres d’échanges leur permettant de recevoir du soutien social de leurs collègues et des gestionnaires et conseillères pédagogiques. Or, un programme permettant de développer les compétences à l’accompagnement au nouveau programme de formation à l’école québécoise chez les gestionnaires et conseillères pédagogiques a été développé par des chercheurs de l’UQTR (Lafortune et Deaudelin, 2001). Ce programme d’accompagnement est basé sur des conceptions théoriques de l’apprentissage telles que le constructivisme, le socioconstructivisme, la métacognition et la pratique réflexive, qui s’inscrivent dans un même courant pédagogique que le programme éducatif des centres de la petite enfance. C’est dans cette perspective que le programme de formation en soutien à la qualité dans les CPE a été réalisé. Il vise, par des activités d’apprentissage d’inspiration socioconstructiviste, à permettre aux participantes 1) de reconnaître l’importance de la qualité éducative des services de garde, 2) de définir la qualité éducative des services de garde et de s’approprier cette définition, 3) de prendre connaissance des normes de qualité à atteindre et 4) de les atteindre plus facilement. La prochaine partie présente les objectifs et éléments de contenu de la formation réalisée à partir d’une adaptation du programme de Lafortune et Deaudelin (2001).
3.
OBJECTIFS DU PROJET
Le projet de formation qui s’adresse aux gestionnaires et conseillères pédagogiques des CPE est centré sur la pratique réflexive. Les intervenantes participantes, en plus de s’approprier de nouvelles connaissances
114
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
sur les méthodes d’évaluation de la qualité éducative, sont amenées à réfléchir sur leurs propres pratiques professionnelles et à en faire l’évaluation. Elles doivent ensuite développer de nouvelles pratiques d’accompagnement de leur équipe de travail dans le but d’améliorer la qualité éducative de leur milieu de garde. En dernier lieu, elles sont invitées à transmettre leurs apprentissages à leurs collègues ayant la responsabilité du soutien pédagogique dans d’autres CPE. La réalisation de ce projet vise aussi, à la fin de la formation, le développement d’un outil permettant aux CPE de travailler concrètement avec tous les membres de leur personnel à la consolidation des services offerts aux enfants et aux familles de leur milieu.
3.1.
Objectifs d’apprentissage, déroulement et contenus de la formation
Le projet de formation a été conçu pour permettre aux participantes6 de s’approprier les connaissances disponibles sur la qualité éducative des services de garde ainsi que de développer des compétences de soutien de leur équipe de travail dans l’implantation d’un processus d’amélioration continue de la qualité éducative. Il visait, ultimement, à favoriser la hausse du niveau de qualité éducative des milieux de garde concernés. Pour ce faire, plusieurs objectifs d’apprentissage ont été établis. Nous les présentons pour chacune des sept journées de formation7.
3.2.
Déroulement et contenus
La première journée de formation visait à permettre de réfléchir au concept de la qualité éducative. Les participantes à la formation étaient amenées à élaborer leur propre définition de la qualité éducative, à réfléchir et à se poser des questions sur leurs valeurs éducatives, sur leurs pratiques, ainsi qu’à confronter leurs perceptions avec celles des autres de même qu’aux connaissances reconnues sur le sujet.
6. 7.
Compte tenu de la forte proportion de femmes chez les participantes, le féminin sera utilisé pour alléger le texte. Il est à noter que les sept journées de formation sont des adaptations de plusieurs des activités proposées par Lafortune et Deaudelin (2001). Le lecteur trouvera sur le cédérom, les éléments détaillés du contenu et des activités d’apprentissage pour chacune des sept journées de formation réalisées. Il pourra ainsi reproduire ces activités et les expérimenter à sa guise.
UN MODÈLE DE FORMATION POUR SOUTENIR LA QUALITÉ
115
La deuxième journée de formation visait à développer des connaissances sur les instruments d’évaluation de la qualité des services de garde à la petite enfance et à réfléchir sur les fondements de ces instruments et leurs particularités. Les participantes prenaient d’abord connaissance des mesures de la qualité éducative disponibles en français. Elles devaient ensuite réfléchir et analyser ces instruments afin de développer un esprit critique. Enfin, elles étaient amenées à choisir l’instrument de mesure le mieux adapté à leurs valeurs ainsi qu’à leurs pratiques pédagogiques. La troisième journée de formation visait à permettre de prendre conscience des liens existants entre le programme éducatif des CPE et les mesures de la qualité éducative disponibles. Dans un premier temps, on amenait les participantes à se remémorer les fondements théoriques du programme éducatif des CPE. Ensuite, elles réalisaient des activités leur permettant de reconnaître les fondements théoriques des mesures d’observation de la qualité éducative. La quatrième journée visait à s’initier aux compétences requises pour l’accompagnement pédagogique ainsi qu’à la pratique réflexive. Dans un premier temps, les participantes tentaient de se définir comme personne accompagnatrice et de clarifier le sens du terme « accompagnement » pour ensuite amorcer une appropriation des compétences de soutien à l’accompagnement. Par la suite, elles étaient amenées à analyser leur démarche de praticien réflexif et à clarifier le sens des termes « pratique réflexive » et « praticien réflexif ». Enfin, elles amorçaient des pratiques de soutien à la pratique réflexive de leur équipe de travail. La cinquième journée était consacrée à l’initiation aux pratiques d’accompagnement dont la rétroaction et le questionnement. Les participantes ont eu l’occasion de réfléchir sur leurs façons de donner de la rétroaction et de questionner en vue de soutenir la pratique réflexive. Elles s’interrogeaient ensuite sur l’influence des différents types de rétroaction et de questions qu’elles favorisent. Elles exploraient aussi différentes façons de donner de la rétroaction et d’interagir de manière à développer des habiletés de réflexion chez les personnes qu’elles allaient accompagner. La sixième journée portait sur la reconnaissance des obstacles au changement de même que sur le développement de stratégies pour surmonter ces obstacles afin de mettre en place des changements appropriés. Les participantes ont été amenées à reconnaître les caractéristiques d’un changement facile par rapport à un changement plus difficile, à déterminer les causes des résistances au changement ainsi qu’à concevoir des interventions en tenant compte des sources de résistance au changement mises en lumière dans la littérature.
116
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
La dernière journée de formation portait sur la construction et l’application d’un modèle d’accompagnement à la qualité éducative. Les participantes prenaient d’abord conscience de leur propre cheminement dans l’appropriation du programme éducatif pour ensuite constater les différences individuelles à l’intérieur du groupe. Elles cernaient alors le niveau d’appropriation de l’équipe pédagogique du CPE qu’elles soutiennent et terminaient en construisant un plan d’intervention adapté au cheminement de l’équipe.
4.
MÉTHODE
Cette section présente l’évaluation de l’implantation du programme de formation en soutien à la qualité auprès des participantes de deux groupes de la Montérégie et d’un groupe de l’île de Montréal. L’échantillon comprend 90 participants (4 hommes et 86 femmes) provenant de trois groupes distincts qui ont participé à la formation à des moments différents. Le premier groupe, issu du regroupement des CPE de la Montérégie (RCPEM), a débuté la formation en septembre 2004 et terminé en juin 2005. Le deuxième groupe, du RCPEM, a commencé la formation en janvier 2005 pour la terminer en janvier 2006. Le troisième groupe, de l’île de Montréal, a suivi la formation de novembre 2005 à mai 2006. Le recrutement s’est fait par l’intermédiaire des regroupements des CPE des régions de la Montérégie et du Montréal métropolitain. Pour la Montérégie, la responsable de la planification de la formation accompagnée de la professeure-chercheure responsable du projet a rencontré les coordonnatrices et les conseillères pédagogiques des CPE présents lors d’une rencontre mensuelle (juin 2004), afin de leur présenter les objectifs et contenus de la formation. Pour la région de Montréal, le projet de formation a été présenté dans un document écrit incluant toutes les activités de formation offertes par le RCPEIM et distribué à tous les CPE membres à l’été 2005. Les participantes devaient satisfaire aux conditions suivantes : 1) occuper des fonctions de responsables de la gestion d’un CPE, ou d’une installation, ou du volet familial ou occuper des fonctions de responsables du soutien pédagogique, et ce, depuis au moins trois ans ; 2) avoir une bonne connaissance de leur équipe de travail, des principes du programme éducatif et du développement de l’enfant ; 3) s’engager à s’investir dans leur milieu pour soutenir l’appropriation de la qualité éducative et veiller au transfert des compétences acquises auprès des autres CPE.
117
UN MODÈLE DE FORMATION POUR SOUTENIR LA QUALITÉ
Tableau 5.1 Caractéristiques sociodémographiques des participantes Âge
M
ET
40 ans
7,6 ans
Fonction de travail Pédagogie Direction
% 55,00 45,00
Diplôme obtenu Attestation d’études collégiales (AEC) Diplôme d’études collégiales (DEC) Certificat universitaire Baccalauréat Programme court 2e cycle Maîtrise
% 10,00 32,00 27,00 27,00 0,01 0,01
Expérience en CPE (années)
14
7,45
Au total, 325 CPE (125 en Montérégie et 200 à Montréal) ont été sollicités. Plus de 60 personnes du RCPEM et 30 de Montréal ont accepté de participer au projet. Des participantes de la Montérégie refusées dans le premier groupe par manque de places ont pu être inscrites dans le second groupe en janvier 2005. Le tableau 5.1 présente les caractéristiques sociodémographiques des participantes recueillies au moyen d’un questionnaire rempli lors de la première rencontre de la formation. En moyenne, les participantes étaient âgées de 40 ans (ET = 7,6) et 55 % d’entre elles exerçaient des fonctions relatives au soutien pédagogique. Elles avaient en moyenne quatorze ans d’expérience de travail en CPE (ET = 7,46) et quatorze ans de scolarité.
4.1.
Participants
Les données ont été recueillies au début et à la fin de la formation. Certaines mesures étaient prises avant la rencontre et d’autres à la fin. Les mesures ont été recueillies à l’aide de deux questionnaires destinés aux participantes. Ces questionnaires portent sur : 1) le sentiment d’autoefficacité et 2) la satisfaction de la rencontre8. 8.
Ces mesures se retrouvent également sur le cédérom.
118
4.2.
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Déroulement et mesures
Au début et à la fin de la formation, les participantes complètent une version adaptée de l’échelle des provisions sociales des éducatrices (EPSE ; Caron, 1996) intitulé, pour l’adapter aux conseillères pédagogiques et gestionnaires de notre projet, l’échelle du sentiment d’autoefficacité des conseillères pédagogiques et gestionnaires (ESA). La cohérence interne pour chacune des dimensions de l’EPSE, calculée à partir d’un échantillon de 157 sujets, donne les résultats suivants : attachement (0,65), guidance (0,77), intégration sociale (0,42), assurance de soutien (0,70), responsabilité éducative (0,68), réassurance de ses compétences (0,72), sentiment de compétence (0,53), intérêt pour la relation (0,60) (Sinclair et Naud, 2006). L’ESA comporte 32 questions et 8 dimensions : 1) attachement, 2) guidance, 3) intégration sociale, 4) assurance de soutien, 5) responsabilité éducative, 6) réassurance de compétence, 7) sentiment de compétence, 8) intérêt pour la relation. Nous avons adapté la formulation des questions à des répondantes gestionnaires ou responsables du soutien à la pédagogie. Le répondant indique, sur une échelle de 1 (tout à fait en désaccord) à 6 (tout à fait d’accord) son niveau d’accord avec l’énoncé. Le tableau 5.2 présente la comparaison de chacun des items de l’ESA avec l’EPSE. Afin de mesurer le niveau de satisfaction des participantes à la fin de chacune des rencontres, les participantes évaluent également leur niveau de satisfaction à l’égard de la journée de formation. Le questionnaire Échelle d’appréciation des participants (EAP ; Gagnon, 1998) comporte 14 questions et 6 dimensions : contenu, moyens, animation, climat, incidence, satisfaction générale. Le participant indique, sur une échelle de 1 (pas du tout d’accord) à 4 (tout à fait d’accord), son niveau d’accord avec les énoncés présentés.
5.
RÉSULTATS
Afin d’évaluer l’implantation de notre programme, nous avons réalisé des analyses de variance sur les variables groupe et moment de mesure. Nous présentons d’abord les analyses réalisées sur les données de satisfaction des participantes ; pour ce faire, nous utilisons les données issues de l’EAP remplie à la fin de chacune des rencontres. Par la suite, nous présentons les analyses réalisées entre le début et la fin de la formation pour mesurer l’évolution des sentiments des participantes de notre programme avec les données issues du questionnaire de l’ESA.
UN MODÈLE DE FORMATION POUR SOUTENIR LA QUALITÉ
119
Tableau 5.2 Comparaison des items de l’« Échelle du sentiment d’autoefficacité (ESA) des participantes » et de l’« Échelle de provisions sociales des éducatrices » Questionnaire ESA « Échelle du sentiment d’autoefficacité des participantes »
Questionnaire EPSE « Échelle de provisions sociales des éducatrices »
1. Il y a des personnes sur qui je peux compter pour m’aider en cas de réel besoin pour les éducatrices ou les parents.
1. Il y a des personnes sur qui je peux compter pour m’aider en cas de réel besoin pour les enfants.
2. J’ai l’impression que je n’ai aucune relation intime avec les éducatrices.
2. J’ai l’impression que je n’ai aucune relation intime avec les enfants.
3. Je n’ai personne à qui m’adresser pour m’orienter quand j’ai des difficultés avec les éducatrices ou les parents.
3. Je n’ai personne à qui m’adresser pour m’orienter quand j’ai des difficultés avec les enfants.
4. Les éducatrices ou les parents ont besoin de moi.
4. Les enfants ont besoin de moi.
5. Il y a des personnes qui prennent plaisir aux mêmes activités que moi avec les éducatrices ou les parents.
5. Il y a des personnes qui prennent plaisir aux mêmes activités que moi avec les enfants.
6. Les autres ne me considèrent pas comme compétente en tant que RSP ou gestionnaire.
6. Les autres ne me considèrent pas comme compétente en tant qu’éducatrice.
7. Quelquefois, lorsque je devrais maîtriser la situation avec les éducatrices ou les parents, je m’en sens incapable.
7. Quelquefois, lorsque je devrais contrôler la situation avec les enfants, je m’en sens incapable.
8. J’accorde beaucoup d’importance à ma relation avec les éducatrices.
8. J’accorde beaucoup d’importance à ma relation avec les enfants.
9. Je me sens personnellement responsable du bien-être des éducatrices.
9. Je me sens personnellement responsable du bien-être des enfants.
10. J’ai l’impression de faire partie d’un groupe de personnes qui partagent mes valeurs et mes pratiques face à l’éducation des enfants.
10. J’ai l’impression de faire partie d’un groupe de personnes qui partagent mes valeurs et mes pratiques face à l’éducation des enfants.
11. Je ne crois pas que les autres aient de la considération pour mes aptitudes et habiletés en tant que RSP ou gestionnaire.
11. Je ne crois pas que les autres aient de la considération pour mes aptitudes et habiletés en tant qu’éducatrice.
120
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Tableau 5.2 (suite) Comparaison des items de l’« Échelle du sentiment d’autoefficacité (ESA) des participantes » et de l’« Échelle de provisions sociales des éducatrices » Questionnaire ESA « Échelle du sentiment d’autoefficacité des participantes »
Questionnaire EPSE « Échelle de provisions sociales des éducatrices »
12. Si quelque chose allait mal, personne ne viendrait à mon aide pour répondre aux besoins du personnel du service de garde.
12. Si quelque chose allait mal, personne ne viendrait à mon aide pour répondre aux besoins des enfants.
13. Je suis comblée par les relations affectives développées avec les éducatrices ou le personnel du service de garde.
13. Je suis comblée par les relations affectives développées avec les enfants.
14. Il y a quelqu’un avec qui je pourrais discuter de décisions importantes concernant les éducatrices ou le personnel du service de garde.
14. Il y a quelqu’un avec qui je pourrais discuter de décisions importantes concernant les enfants.
15. Je ne suis pas intéressée à mon rôle de RSP ou de DG, car mes compétences et mes intérêts se situent ailleurs.
15. Je ne suis pas intéressée à mon rôle d’éducatrice, car mes compétences et mes intérêts se situent ailleurs.
16. Je crois vraiment que j’ai toutes les compétences nécessaires pour être une bonne RSP ou DG.
16. Je crois vraiment que j’ai toutes les compétences nécessaires pour être une bonne éducatrice.
17. Il n’y a personne qui partage mes intérêts et mes préoccupations pour l’éducation des enfants.
17. Il n’y a personne qui partage mes intérêts et mes préoccupations pour l’éducation des enfants.
18. Les éducatrices ou le personnel du CPE n’ont pas vraiment besoin de moi pour que leur bien-être soit assuré.
18. Les enfants n’ont pas réellement besoin de moi pour que leur bien-être soit assuré.
19. J’ai des relations où je suis reconnue pour mes compétences et mon savoirfaire en tant que RSP ou DG.
19. J’ai des relations où sont reconnus ma compétence et mon savoir-faire comme éducatrice.
20. J’ai du plaisir à travailler avec les éducatrices ou le personnel du CPE.
20. J’ai du plaisir à jouer avec les enfants.
21. Il y a une personne fiable à qui je pourrais faire appel pour me conseiller si j’avais des problèmes avec les éducatrices ou le personnel du CPE.
21. Il y a une personne fiable à qui je pourrais faire appel pour me conseiller si j’avais des problèmes avec les enfants.
UN MODÈLE DE FORMATION POUR SOUTENIR LA QUALITÉ
121
Tableau 5.2 (suite) Comparaison des items de l’« Échelle du sentiment d’autoefficacité (ESA) des participantes » et de l’« Échelle de provisions sociales des éducatrices » Questionnaire ESA « Échelle du sentiment d’autoefficacité des participantes »
Questionnaire EPSE « Échelle de provisions sociales des éducatrices »
22. Je ressens un lien affectif fort avec les éducatrices ou le personnel du CPE.
22. Je sens que j’ai un lien affectif fort avec les enfants.
23. Si quelqu’un peut trouver ce qui ne va pas chez les éducatrices ou le personnel du CPE, c’est bien moi.
23. Si quelqu’un peut trouver ce qui ne va pas chez les enfants, c’est bien moi.
24. Il n’y a personne avec qui je me sentirais à l’aise pour parler de mes problèmes avec les éducatrices ou le personnel du CPE.
24. Il n’y a personne avec qui je me sens à l’aise pour parler de mes problèmes avec les enfants.
25. Il y a des gens qui admirent mes talents et habiletés en tant que RSP ou DG.
25. Il y a des gens qui admirent mes talents et habiletés en tant qu’éducatrice.
26. Être RSP ou gestionnaire me rend tendue ou anxieuse.
26. Être éducatrice me rend tendue et anxieuse.
27. Une relation d’intimité avec les éducatrices ou le personnel du CPE me manque.
27. Une relation d’intimité avec les enfants me manque.
28. Personne n’aime faire le même genre d’activités que moi avec les éducatrices ou le personnel du CPE.
28. Personne n’aime faire le même genre d’activités que moi avec les enfants.
29. J’ai plus de plaisir à faire des activités avec les enfants qu’avec les éducatrices ou le personnel du CPE.
29. J’ai plus de plaisir à faire des activités avec d’autres adultes qu’avec les enfants.
30. Il n’y a personne sur qui je peux compter pour obtenir de l’aide si les éducatrices ou le personnel sont réellement dans le besoin.
30. Il n’y a personne sur qui je peux compter pour obtenir de l’aide si les enfants sont réellement dans le besoin.
31. Les éducatrices ou le personnel n’ont pas vraiment besoin de moi.
31. Les enfants n’ont pas vraiment besoin de moi.
32. Il y a des gens sur qui je peux compter en cas d’urgence avec les éducatrices ou le personnel du CPE.
32. Il y a des gens sur qui je peux compter en cas d’urgence pour les enfants.
122
5.1.
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Évaluation de l’appréciation
5.1.1. Échelle d’appréciation des participantes La figure 5.1 présente les scores moyens aux dimensions de l’échelle d’appréciation des participantes pour l’ensemble des sept journées de la formation. L’analyse de variance entre les dimensions révèle une différence significative entre les dimensions, F (5,390) = 120,46, p < 0,0001. Les scores des participantes sont plus faibles pour la dimension impact.
Figure 5.1 Scores moyens aux dimensions de l’EAP pour l’ensemble des sept journées de formation
5.1.2. Échelle des provisions sociales La figure 5.2 illustre les moyennes des huit dimensions de l’ESA, avant et après la participation à la formation. Une première série d’analyses permet de vérifier si les dimensions se distinguent entre elles à chacun des temps de mesure (début et fin de la formation). Au premier temps de la mesure, des analyses de variance sur la moyenne des participantes entre les huit dimensions de l’échelle du sentiment d’autoefficacité révèlent une différence significative entre les dimensions, F (7,656) = 39,185, p < 0,0001. Au début de la formation, les participantes attribuent des scores significativement plus faibles à la dimension sentiment de compétence (4,00) qu’à toutes les autres dimensions de l’échelle.
123
UN MODÈLE DE FORMATION POUR SOUTENIR LA QUALITÉ
Figure 5.2 Scores moyens aux dimensions de l’échelle du sentiment d’autoefficacité au début et à la fin de la rencontre 6
Scores moyens
5 4 3 2 Pré
1 0
Post Attachement Guidance Intégration Réassurance Sentiment Intérêt sociale de de pour compétence compétence la relation
Responsabilité éducative
Assurance de soutien
Dimensions
Au second temps de la mesure, les analyses de variance entre les huit dimensions de l’échelle révèlent une différence significative entre les dimensions, F (7,416) = 30,405, p < 0,0001. À la fin de la formation, les participantes donnent également des scores significativement plus faibles à la dimension sentiment de compétence (3,52) que ceux accordés aux autres dimensions de l’échelle.
5.2.
Changements à l’échelle du sentiment d’autoefficacité
Le tableau 5.3 présente les scores moyens pour chacune des dimensions de l’échelle du sentiment d’autoefficacité avant et après la formation. Les dimensions attachement, guidance, intégration sociale et réassurance de compétence obtiennent des moyennes supérieures (mais non significatives sur le plan statistique) au post-test comparativement au prétest, alors que les dimensions sentiment de compétence, intérêt pour la relation, responsabilité éducative et assurance de soutien présentent des moyennes significativement inférieures au post-test. La dimension sentiment de compétence (4,00) affiche les moyennes les plus faibles au prétest et au post-test. La dimension intérêt pour la relation (5,33) est la plus forte au prétest alors que la dimension assurance de soutien (5,20) est la plus forte au post-test.
124
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Tableau 5.3 Moyennes des dimensions de l’échelle du sentiment d’autoefficacité avant et après la formation Prétest N = 83 Dimensions Attachement Guidance Intégration sociale Réassurance de compétence Sentiment de compétence Intérêt pour la relation Responsabilité éducative Assurance de soutien
Post-test N = 53
M
ET
M
ET
4,22 4,94 4,90 4,77 4,00 5,33 4,42 5,25
0,88 0,69 0,68 0,68 0,49 0,62 0,72 0,69
4,30 5,16 4,94 4,90 3,52 4,53 4,14 5,20
0,76 0,96 0,72 0,76 0,64 0,66 0,74 0,82
Des analyses de la variance entre les deux temps de mesure pour chacune des dimensions de l’ESA font ressortir des différences significatives entre les temps de mesure pour les dimensions sentiment de compétence, F(1,134) = 24,36, p < 0,001, intérêt pour la relation, F(1,134) = 51,22, p < 0,001 et responsabilité éducative, F(1,134) = 4,79 p < 0,05. Les moyennes des participantes chutent significativement entre le début et la fin de la formation aux dimensions sentiments de compétence (4,00 à 3,52), intérêt pour la relation (5,33 à 4,53) et niveau de responsabilité éducative (4,42 à 4,14).
6.
DISCUSSION
L’objectif de ce chapitre était d’évaluer l’implantation de notre programme de formation au soutien à la qualité dans les centres de la petite enfance. Pour ce faire, nous avons considéré le niveau de satisfaction des participantes (EAP) à la fin de chacune des rencontres de formation. Nous avons aussi analysé les sentiments d’autoefficacité des participantes (ESA) avant et après l’ensemble des sept rencontres de formation.
UN MODÈLE DE FORMATION POUR SOUTENIR LA QUALITÉ
6.1.
125
Satisfaction des participantes
Pour l’ensemble des sept journées de formation, les résultats indiquent que les participantes attribuent des scores variant entre 3,38 (impact) à 3,88 (climat) à l’EAP, ce qui démontre un intérêt et une satisfaction élevée pour la démarche proposée. Les moyens innovateurs utilisés pour favoriser l’atteinte des objectifs tels que l’utilisation de la pratique réflexive pour les amener à réfléchir sur leurs pratiques professionnelles et à en faire l’évaluation ont probablement contribué au bon taux de satisfaction des participantes. Ces résultats sont cohérents avec l’approche socioconstructiviste proposée par Lafortune et Deaudelin (2001) dont nous nous sommes inspirée pour adapter la formation au contexte du soutien à la qualité en CPE. Cette approche est basée sur une coconstruction des connaissances par les participantes et fait appel à la réflexion, au partage d’expériences et de connaissances, de même qu’à la métacognition. Toutes ces habiletés favorisent l’autonomie chez les participantes et leur permettent d’utiliser leurs connaissances antérieures mais aussi de construire de nouvelles connaissances dans la réflexion et dans la mise à l’essai de nouvelles stratégies d’accompagnement auprès de leur équipe éducative. Seule la dimension impact est significativement plus faible que les autres et autorise à penser que les participantes font plus difficilement le lien entre le contenu des ateliers et leur travail au quotidien avec leur équipe éducative. L’analyse détaillée des résultats pour chacune des rencontres confirme que la moyenne des participantes à cette dimension est inférieure à 3,5 tout au long de la formation, ce qui constitue tout de même un niveau de satisfaction élevé. Il est possible que ce niveau de satisfaction un peu plus faible, bien que relativement élevé, de la dimension impacts soit le reflet des difficultés appréhendées à animer ces activités auprès de leur équipe de travail, comme l’ont rapporté certaines participantes au début de la formation. Les participantes ont pu, en cours de formation, prendre conscience de la complexité des tâches proposées, et cela a effecté leur évaluation de la dimension impacts à la fin de la formation. De même, il est possible que les participantes aient eu des attentes irréalistes en début de formation eu égard aux applications pouvant résulter d’une telle formation. À ce propos, plusieurs ont témoigné avoir animé les activités issues de la rencontre portant sur la définition de la qualité (rencontre 1), la mesure de la qualité (rencontre 2) et les liens entre le programme éducatif et la qualité (rencontre 3). Toutefois, les dernières rencontres de la formation (4, 5, 6) ont été qualifiées de plus théoriques et plus exigeantes sur le plan cognitif et ont, par conséquent, été jugées
126
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
moins aisément transférables par des activités pratiques auprès de l’équipe éducative ; cela pourrait expliquer la chute des scores pour la dimension impacts de la fin de la formation. Par ailleurs, lors de l’évaluation finale de la formation, nous avons recueilli des suggestions des participantes sur les améliorations à apporter afin d’en bonifier le contenu et la forme. Des analyses qualitatives de ces réponses mettent en relief deux points majeurs à ajouter. En premier lieu, bien qu’elles aient manifesté un grand intérêt pour chacune des thématiques abordées lors des journées de formation, les participantes ont suggéré que des lectures préparatoires soient ajoutées afin qu’elles puissent se familiariser avec les thématiques des rencontres. À cet égard, nos observations des participantes au cours des activités des rencontres 4 à 6 nous ont permis de relever des comportements apparentés à de l’anxiété de performance chez certaines. Ces comportements pourraient laisser croire que les activités de ces rencontres seraient trop exigeantes pour les participantes. Des lectures préalables permettraient sans doute de mieux les préparer à ces activités particulières tout en s’inscrivant davantage dans l’approche constructiviste axée sur la construction et l’organisation de nouvelles connaissances (Tardif, 1997). En second lieu, les participantes ont suggéré de concevoir un guide pédagogique pour les aider à animer les activités du programme de formation auprès de leur équipe éducative. Ce guide d’animation serait composé d’une dizaine d’activités de réflexion et de discussion sur les thèmes abordés pendant la formation et leur durée pourrait varier entre 60 et 90 minutes, ce qui permettrait de les réaliser lors des rencontres d’équipe éducatives ou avec les parents. Les participantes ayant déjà expérimenté ce type d’activités pourraient nous fournir de précieux conseils sur les modalités d’animation à prioriser pour un tel guide d’animation. Toutefois, afin de respecter l’approche théorique sur laquelle s’appuie cette formation, il faudrait s’assurer que le guide propose des activités qui permettent aux participantes de mener une réflexion collective sur leurs pratiques dans le cadre d’un processus d’appropriation collective des apprentissages.
6.2.
Évolution du sentiment d’autoefficacité
L’ensemble des résultats à l’échelle du sentiment d’autoefficacité (ESA) des participantes révèle une augmentation non significative des dimensions attachement, guidance, intégration sociale et réassurance de compétence ; une chute significative des scores aux dimensions sentiments de compétence, intérêt pour la relation et niveau de responsabilité ; une absence de différence significative pour la dimension assurance de soutien. Les
UN MODÈLE DE FORMATION POUR SOUTENIR LA QUALITÉ
127
résultats indiquent également que parmi toutes les dimensions mesurées, le sentiment de compétence obtient les scores les plus faibles au début et à la fin de la formation. Bien que ces changements ne soient pas tous significativement différents, ils semblent indiquer une tendance positive pour certaines dimensions de même qu’une relation plus négative moins prévisible pour d’autres dimensions. En premier lieu, les dimensions attachement, guidance, intégration sociale et réassurance de compétence présentent des scores légèrement supérieurs, mais non significatifs sur le plan statistique, à la fin de la formation. Ces tendances pourraient témoigner d’un besoin de révision des échelles afin de renforcer leurs propriétés discriminantes. Comme notre ESA est une adaptation de l’EPSE (Sinclair et Naud, 2005), nous suggérons d’entreprendre une démarche de validation du questionnaire auprès d’un plus large échantillon afin d’en vérifier la validité et la fiabilité avec des conseillères pédagogiques et des gestionnaires en installation de CPE. En outre, nous notons que les scores obtenus dès le début de la formation sont déjà très élevés pour l’ensemble des dimensions mesurées. L’absence de gains observés à ces échelles pourrait refléter un effet plafond habituellement observé lorsque les scores sont élevés au départ. Il deviendrait alors difficile d’augmenter de manière significative ces scores et conséquemment de mesurer les impacts de la formation sur nos participantes. Cela pourrait suggérer que la mesure du sentiment d’autoefficacité ne serait pas suffisamment discriminante pour évaluer les impacts de ce type de formation sur les gestionnaires et les conseillères pédagogiques. En parallèle, on observe, entre le début et la fin de la formation, une diminution significative des scores aux dimensions sentiments de compétence, intérêt pour la relation et niveau de responsabilité. À première vue, ces résultats paraissent contradictoires. Certains éléments du programme de formation seraient moins favorables à certaines dimensions, alors que d’autres tendraient à soutenir d’autres dimensions. S’il est relativement aisé de repérer les éléments du programme de formation favorables aux dimensions attachement, guidance, intégration sociale et réassurance de compétence, il n’en va pas de même pour ceux qui le sont moins. Une première explication se retrouverait dans la mesure même de la mesure ESA. L’analyse détaillée des items des dimensions sentiment de compétence, intérêt pour la relation et niveau de responsabilité, dont les scores chutent entre le début et la fin de la formation, indique que les items de formulation négative sont plus faibles pour les trois dimensions. Il est possible que ces items aient été moins bien interprétés par les participantes, ce qui a pu induire une baisse artificielle des scores de ces dimensions.
128
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Une seconde explication réside dans la signification, pour les participantes, de certaines dimensions de l’ESA. Ainsi, pour la dimension sentiment de responsabilité, il est possible que le partage des préoccupations liées au soutien à la qualité avec d’autres collègues de travail issues d’autres CPE ait permis aux participantes de se sentir moins isolées dans leur travail et induit un niveau de responsabilité moins élevé envers leur équipe éducative, à la fin de la formation. Il en serait de même pour la dimension intérêt pour la relation. Puisque notre formation met l’accent sur des stratégies cognitives visant à soutenir la qualité avec l’équipe éducative, il est possible que la formation amène les participantes à prendre une certaine distance émotive de leurs collègues de travail. Les témoignages de certaines participantes semblent confirmer cette hypothèse. Plusieurs rapportent qu’elles ne désiraient pas développer une relation affective avec les éducatrices membres de leur équipe éducative. Ces témoignages suscitent une autre réflexion quant aux limites de ce questionnaire. On peut en effet se demander si l’augmentation des scores pour la dimension intérêt pour la relation est un bon indice d’efficacité d’une formation destinée à soutenir les participantes à l’accompagnement de leur équipe éducative. Une prochaine étude devrait tenter de répondre à cette question. Enfin, en ce qui a trait au plus faible score pour la dimension sentiment de compétence, d’autres études rapportent aussi de plus faibles scores pour cette dimension chez les éducatrices et les parents comparativement aux autres dimensions évaluées à l’échelle des provisions sociales (Sinclair, Naud, Robitaille et Lemay, 2004 ; Sinclair et Naud, 2005). Ce sentiment de compétence pour les parents et les éducatrices est lié au sentiment de bien répondre aux besoins des enfants dont ils ont la responsabilité (Sinclair et Naud, 2005). Pour les gestionnaires et les conseillères pédagogiques, il est possible que le sentiment de compétence ne soit pas lié au sentiment de répondre aux besoins de leur équipe éducative. Rappelons que notre échelle du sentiment d’autoefficacité est une adaptation de l’échelle des provisions sociales initialement destinée aux parents et aux éducatrices. Les propriétés de l’échelle pour discriminer le sentiment de compétence de nos participantes pourraient ici être en cause. Par ailleurs, les résultats plus faibles pour la dimension sentiment de compétence et les chutes significatives des scores pour les dimensions sentiments de compétence, intérêt pour la relation et niveau de responsabilité pourraient aussi illustrer la réalité du contexte des services de garde éducatifs qui souffrent souvent d’un manque de reconnaissance sociale (Coutu, Lavigeur, Dubeau et Tardif, 2003 ; Doherty, Forer, Lero, Goelman et LaGrange, 2006 ; Goelman, Forer, Kershaw, Doherty, Lero et LaGrange, 2006). En outre, la chute du niveau du sentiment de compétence entre le
UN MODÈLE DE FORMATION POUR SOUTENIR LA QUALITÉ
129
début et la fin de la formation pour les trois groupes pourrait s’expliquer par les bouleversements du réseau des services éducatifs à la petite enfance au cours des dernières années. Les témoignages et discussions avec les participantes semblent confirmer cette interprétation. La plupart ont rapporté des sentiments de démotivation et de découragement à la suite des changements apportés au financement des centres de la petite enfance par le gouvernement du Québec (Gouvernement du Québec, 2005). À titre d’exemple, entre septembre 2004 et juin 2006, période au cours de laquelle s’est déroulée notre formation, des baisses importantes du financement du réseau des services de garde éducatifs à la petite enfance ont été annoncées. Aussi, la « loi 124 » réorganisant le réseau des services de garde à l’enfance (Gouvernement du Québec, 2005) et l’implantation de cette réforme, ont entraîné des pertes d’emplois pour plusieurs des participantes des trois groupes. Il est raisonnable de croire que ce contexte a pu affecter les résultats. Cette étude comporte forcément des limites. On ne peut affirmer que les différences obtenues à l’ESA soient uniquement dues au programme de formation. Plusieurs variables pouvant influencer l’ESA, dont le sentiment de compétence, n’ont pas été mesurées. En outre, une prochaine étude devrait prendre en compte les événements qui surviennent dans le contexte du travail ou de la vie personnelle et qui peuvent affecter le niveau de sentiment de compétence des participants à la formation. Également, l’ajout d’un groupe témoin, évaluant le sentiment d’autoefficacité de non-participants à la formation aux mêmes moments pourrait nous permettre de contrôler ce facteur. De plus, les participants à la formation présentaient des caractéristiques particulières telles qu’un niveau de scolarité et une expérience de travail qui ne sont pas représentatifs de la population des gestionnaires et conseillères pédagogiques en CPE. Ces caractéristiques ont pu intervenir dans les effets de la formation. Une étude avec un plus vaste échantillon incluant des participantes d’une plus grande diversité de gestionnaires et de conseillères pédagogiques serait à privilégier. En conclusion, ces résultats ouvrent des pistes de réflexion sur les caractéristiques des programmes à implanter pour soutenir la qualité dans les CPE auprès des équipes de gestion et pédagogiques. En premier lieu, il faudrait adapter les activités de certaines journées de formation. Plus particulièrement, les journées 4 à 6 mériteraient de faire l’objet d’une révision afin d’être plus appliquées, plus courtes et comporter des exemples et des activités d’intégration mieux adaptés à la réalité du vécu quotidien des conseillères pédagogiques et des gestionnaires en CPE. Également, on devrait s’assurer que les activités à expérimenter avec l’équipe de travail soient plus faciles à animer. Pour ce faire, la création d’un guide d’animation accompagnant la formation pourrait
130
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
permettre aux participantes d’animer plus facilement ces activités auprès de leur équipe de travail tout en respectant le cadre conceptuel socioconstructiviste. En outre, il faudrait s’assurer de mesurer la qualité de la réalisation et de l’animation de ces activités de transfert auprès des équipes éducatives. Enfin, la mesure de l’impact de cette formation sur les éducatrices (motivation, satisfaction, sentiment d’autoefficacité) et sur la qualité éducative des services offerts par l’ensemble de l’équipe éducative pourrait permettre d’en vérifier les effets à long terme.
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UN MODÈLE DE FORMATION POUR SOUTENIR LA QUALITÉ
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6
CHAPITRE
Enjeux et défis de la recherche sur les services de garde à la petite enfance au Québec Nathalie Bigras Université du Québec à Montréal
Gilles Cantin Université du Québec à Montréal
134
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
RÉSUMÉ Ce dernier chapitre présente le contexte des services de garde à l’enfance régis au Québec et répond à certaines critiques concernant la pertinence et l’importance du phénomène de l’expansion des services de garde éducatifs régis. Sont aussi présentés les résultats concernant la qualité des services de garde au Québec, leur accessibilité et les relations entre les familles et les milieux de garde. Chacune des sections se termine en pointant des questions de recherche qui nous permettront de mieux comprendre ces problématiques encore peu documentées au Québec.
ENJEUX ET DÉFIS DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE GARDE À LA PETITE ENFANCE AU QUÉBEC
135
Ce dernier chapitre vise à approfondir certaines des questions soulevées dans cet ouvrage sur le contexte des services de garde à la petite enfance au Québec. D’abord, nous dressons un portrait détaillé de l’évolution de l’organisation des services de garde à la petite enfance du Québec au cours des dernières années (macrosystème). Puis, nous faisons état des conclusions des plus récentes recherches sur la qualité des services de garde au Québec (microsystème). Ensuite, en nous appuyant sur certains des éléments de la recherche empirique abordés par Vandell dans le deuxième chapitre, nous tentons de répondre aux principales critiques formulées à l’égard des services de garde régis (ontosystème). En dernier lieu, nous présentons un état de la question concernant les relations entre les familles et les services de garde, composante majeure du mésosystème du modèle écosystémique de la qualité.
1.
CONTEXTE DES SERVICES DE GARDE À L’ENFANCE AU QUÉBEC
Au Québec, on dénombre 449 531 enfants âgés de 0 à 5 ans (ISQ, 2006). Par ailleurs, au 30 décembre 2006, le réseau des services de garde comptait 202 487 places pour ces jeunes enfants. En ajoutant à ce nombre les jeunes enfants qui se retrouvent dans des services de garde non régis, c’est plus de la moitié des enfants québécois en bas âge, soit 61 %, qui fréquentent un service de garde (Statistique Canada, 2005). Ces services éducatifs se sont développés progressivement, au rythme des priorités des politiques gouvernementales au fil des dernières décennies. En 1996, pour répondre aux besoins des familles ayant de jeunes enfants, le gouvernement du Québec adopte une politique familiale qui a entraîné des changements profonds dans l’offre des services à la famille (Ministère du Conseil exécutif, 1997). Ainsi, à compter de 1996, trois nouvelles dispositions sont progressivement mises en place : 1) une nouvelle allocation familiale ; 2) un nouveau régime d’assurance parentale ; 3) le développement des services éducatifs et de garde à la petite enfance. Les deux premières dispositions sont destinées à offrir aux parents un soutien économique afin qu’ils puissent s’acquitter de leurs responsabilités à l’égard de leurs enfants. La troisième disposition se traduit par des modifications importantes dans le domaine de l’éducation préscolaire et de la petite enfance. Notamment, les enfants de 5 ans peuvent alors fréquenter la maternelle à temps plein. De plus, le ministère de l’Éducation prévoit pour les enfants de 4 ans venant d’un milieu défavorisé ou les enfants ayant des besoins spéciaux, des maternelles à mi-temps ou des services éducatifs (Ministère du Conseil exécutif, 1997).
136
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Au regard des services de garde régis, la création du ministère de la Famille et de l’Enfance (MFE, 1997) modifie profondément le paysage des services éducatifs destinés à la petite enfance au Québec. Dans l’esprit de la Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde à l’enfance, les garderies et les agences de garde en milieu familial doivent alors se convertir en Centres de la petite enfance (CPE). Conformément avec la volonté gouvernementale d’offrir des services diversifiés aux parents, tout CPE doit alors fournir deux types de services de garde aux familles : un volet en milieu familial et un volet en installation (anciennement désigné par le terme « garderie »). Cette diversification des services offerts vise à permettre aux parents de choisir un mode de garde qui répond à leurs valeurs et à leurs besoins en matière de conciliation famille-travail. Le gouvernement planifie alors la création de 70 000 nouvelles places en cinq ans et offre progressivement à tous les enfants de ce réseau des places à contribution réduite (places à 5 $1 ; MFE, 2001). Cette mesure est si populaire qu’on assiste alors à une pénurie de places dans plusieurs régions du Québec, alors que les CPE s’activent à créer de nouvelles installations ou à accréditer des milieux familiaux. Le développement de l’ensemble des services de garde connaît pendant cette période une poussée considérable. En définitive, sur une période de huit ans, soit de 1998 à 2006, le nombre de places disponibles est passé de 82 302 à 202 487 (ministère de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, 2004). Il a fallu plus ou moins vingt-cinq ans (du début des années 1970 au milieu des années 1990) pour créer les 80 000 premières places en services de garde. En seulement huit ans, ce nombre a été augmenté de 150 %. Tout ceci a constitué évidemment un investissement majeur puisque le montant octroyé pour les services de garde est passé de 203,8 millions en 1995 à 1,8 milliard en 2003 (Beach, Bertrand, Forer, Michael et Tougas, 2004). Ce développement rapide des services de garde à l’enfance a nécessairement eu des répercussions sur l’ensemble des acteurs du réseau. D’une part, compte tenu du développement rapide, il a fallu trouver autour de 2500 nouvelles éducatrices par année. De plus, un changement réglementaire entré en vigueur en septembre 2001 précise maintenant qu’au moins deux éducatrices sur trois en CPE doivent détenir une formation spécifique en petite enfance. Auparavant, les normes en vigueur exigeaient qu’une éducatrice sur trois soit formée. Par conséquent, le développement rapide des services de garde et la hausse des exigences en matière de formation ont provoqué l’arrivée
1.
En janvier 2004, ce montant a été révisé à la hausse pour la première fois depuis 1997, passant alors à 7 $.
ENJEUX ET DÉFIS DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE GARDE À LA PETITE ENFANCE AU QUÉBEC
137
Tableau 6.1 Nombre de places disponibles dans les services de garde à l’enfance Date
31-12-2006
Places à contribution réduite Centre de la petite enfance
Milieu familial
Garderie subventionnée
Total
75 660
88 545
33 799
199 004
Places Total en garderie des places non sous permis subventionnée 4 483
202 487
Source : Gouvernement du Québec, 2007.
d’un grand nombre d’éducatrices nouvellement formées. D’autre part, la nature même des services de garde s’est considérablement transformée et les gestionnaires ont dû composer avec différents problèmes pressants de croissance : transformation en CPE, aménagement de nouvelles installations, recrutement de nouveaux employés, changement dans l’organisation du travail, augmentation des tâches administratives, etc. La taille plus importante des CPE leur permet de bénéficier de marges de manœuvre accrues tant sur le plan financier que des ressources humaines. Toujours dans l’esprit de la politique familiale du gouvernement québécois, ils sont donc incités à développer différents types de services novateurs répondant à des besoins particuliers des parents et des enfants. En somme, les Centres de la petite enfance se sont vu confier le mandat de s’ajuster aux besoins diversifiés de la famille. Ainsi, la mise sur pied de services selon des horaires inhabituels pour les parents travaillant le soir ou les fins de semaine est encouragée. Également, un mandat accru dans la prévention et le dépistage de problèmes de développement est une autre responsabilité qui est confiée aux CPE dans une mission compensatoire précoce (Bédard, Larose et Terrisse, 2002). Cela fera bientôt dix ans que ces diverses transformations ont été amorcées. Alors qu’aujourd’hui le développement du réseau est pratiquement complété, quels constats peut-on établir ? Quelle est la qualité des services offerts et leurs impacts sur les enfants ? Les buts visés par la mise en place d’un tel réseau, notamment au regard du soutien aux familles, sont-ils atteints ou en voie de l’être ? Les intentions de départ du gouvernement à l’égard de ces diverses initiatives demeurentelles toujours les mêmes ? Autant de questions auxquelles il est difficile de répondre étant donné le peu de recherches dans le domaine.
138
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
En ce qui concerne la dernière question relative aux intentions de départ, nous pouvons toujours faire remarquer qu’en décembre 2005 le gouvernement a adopté une nouvelle loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde réorganisant les services de garde québécois. Ainsi, depuis l’été 2006, seulement un certain nombre de CPE offrent les services de garde en milieu familial. Ces CPE sont agréés à titre de bureau coordonnateur (Gouvernement du Québec, 2005) et un plus grand nombre de milieux familiaux sont regroupés sous leur égide. Tous les autres CPE n’offrent plus qu’un type de service de garde, soit en installation. L’offre de services de garde est désormais composée de places en installation (CPE), de places en milieu familial (CPE agréés bureaux coordonnateurs) et de places en garderies à but lucratif. À cette modification des responsabilités des CPE se sont ajoutées des coupures budgétaires qui ont souvent eu pour effet d’éliminer des postes voués à l’encadrement pédagogique du personnel éducateur. Ces récents changements soulèvent évidemment des préoccupations, tant pour les acteurs des services de garde que pour le milieu de la recherche en petite enfance, notamment au regard de leurs impacts sur la qualité de ces services.
2.
QUE SAIT-ON DE LA QUALITÉ DES SERVICES DE GARDE À L’ENFANCE ?
Bien que de nombreuses recherches aient été menées aux États-Unis ou ailleurs dans le monde, on dispose de peu d’informations sur la qualité des services éducatifs destinés à la petite enfance au Canada alors que trois études récentes nous permettent de dresser un portrait relativement fiable des niveaux de qualité observés au Québec et des facteurs qui soutiennent le développement des enfants qui les fréquentent.
2.1.
Oui, ça me touche !
Une première étude pancanadienne Oui, ça me touche ! portant sur les conditions de travail et la qualité des services de garde est menée en 1998 au Québec auprès de 16 groupes de bébés et 32 groupes préscolaires en CPE et en garderie (Goelman, Doherty, Lero, LaGrange et Tougas, 2000) et, en 1999, auprès de 42 responsables de services de garde en milieux familiaux du Québec (Doherty, Lero, Goelman, LaGrange et Tougas, 2000). Cette étude indiquait que les niveaux de qualité offerts aux bébés de l’échantillon des 16 services de garde du Québec et mesurés avec l’Échelle d’évaluation de l’environnement des nourrissons et tout-
ENJEUX ET DÉFIS DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE GARDE À LA PETITE ENFANCE AU QUÉBEC
139
petits (EEENT-P, traduction de l’ITERS, Harms et al., 1998) se situaient à un niveau inférieur à toutes les autres provinces canadiennes (Québec = 3,6 ; Canada = 4,4), ce qui correspond à un niveau de qualité médiocre. Pour les enfants d’âge préscolaire des 32 services de garde de l’échantillon, les niveaux de qualité observés à l’aide de l’Échelle d’évaluation de l’environnement préscolaire-révisé (EEEP-S, traduction de ECERS-R, Harms et al., 1998) étaient plus élevés (score total de 4,7) et correspondaient à un niveau de qualité minimal correspondant à la moyenne des scores observés dans les autres provinces canadiennes. Pour les enfants des 42 services de garde en milieu familial du Québec mesurés avec la grille d’évaluation des services de garde en milieu familial (GESGMF, Harms et Clifford, 1993) le score moyen obtenu (4,5) correspondait à un niveau de qualité minimal équivalent au score moyen obtenu à la suite de l’observation dans les 231 services de garde ayant participé à l’étude au Canada. Les auteurs de l’étude Oui, ça me touche ! concluaient leur rapport en soulignant l’urgence de la mise en œuvre d’une politique nationale sur la garde des enfants et recommandaient aussi de modifier la réglementation et de hausser le financement et la formation du personnel de gestion des services de garde du Canada. Toutefois, cette étude ne permet pas de dresser un portrait représentatif de l’ensemble des services de garde régis au Québec puisqu’elle portait sur un échantillon non aléatoire limité et restreint à certaines régions (Québec, Montréal et banlieues). Rappelons également que les services de garde du Québec ont été mesurés au moment de la plus importante étape de développement du nouveau réseau des CPE, ce qui peut avoir contribué aux plus faibles scores observés dans cette étude.
2.2.
La qualité, ça compte !
Par la suite, l’Étude longitudinale sur le développement des enfants du Québec (ELDEQ) s’est intéressée à la qualité des services de garde dans le cadre d’objectifs plus larges visant à comprendre les trajectoires développementales pendant la petite enfance qui conduisent à la réussite scolaire. Les versions françaises de l’ECERS-R, l’échelle d’évaluation de l’environnement préscolaire (Harms, Clifford et Cryer, 1998) et de son équivalent adapté pour le milieu familial, la Family Day Care Rating Scale (FDCRS) ou grille d’évaluation des services de garde en milieu familial (Harms et Clifford, 1993), ont servi à évaluer la qualité des milieux de garde fréquentés par les enfants de l’ELDEQ (Japel, Tremblay et Côté, 2005). Ainsi 728 groupes en installation de CPE, 296 groupes en garderie régis et 337 services de garde en milieu familial ont été
140
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Tableau 6.2 Nombre de milieux de garde évalués, ELDEQ 2000-2003
2000 (2 ans ½ ) 2001 (3 ans ½ ) 2002 (4 ans) 2003 (5 ans) Total
CPE en installation
CPE en milieu familial
Garderies à but lucratif
Milieux familiaux non régis
Total
126 253 151 198 728
66 166 60 45 337
56 98 51 91 296
53 81 28 17 179
301 598 290 351 1 540
Note : Le total s’élève à N = 1540. Ne faisant pas partie des catégories ci-dessus, 34 milieux (prématernelles, haltes-garderies ou jardins d’enfants) sont exclus des analyses. Source : Japel, Tremblay et Côté (2005). La qualité, ca compte !. Extrait le 21 janvier 2007 : <www. irpp.org/fr/choices/archive/vol11no4.pdf>.
évalués entre 2000 et 2003 lorsque les enfants de l’ELDEQ étaient âgés de 2 ans ½ (2000), 3 ans ½ (2001), 4 ans (2002) et 5 ans (2003). Le tableau 6.2 présente le nombre de milieux de garde évalués à chacun des âges. Les résultats de l’évaluation de ces services de garde fréquentés par les enfants de l’ELDEQ présentés dans les rapports La qualité, ça compte ! (Japel et al., 2005) révèlent que la majorité des services de garde sont de qualité minimale, c’est-à-dire que la santé et la sécurité des enfants ne sont généralement pas compromises dans ces milieux, mais que la composante éducative y est minimale. Seulement un milieu sur quatre affiche une qualité globale de niveau bon, très bon ou excellent et près de un milieu sur huit est inadéquat en ce qui concerne la qualité des soins qu’il prodigue aux enfants. Cependant, d’importantes variations de qualité selon le type de milieu ressortent des données de Japel et ses collaborateurs (2005). Ainsi, les centres de la petite enfance, en installation comme en milieu familial, sont généralement de meilleure qualité que les garderies à but lucratif ou les milieux familiaux non régis (voir figure 6.1). Par ailleurs, cette étude soulève d’importantes questions quant à une des visées de l’implantation du réseau des CPE, soit de favoriser le développement des enfants et l’égalité des chances. En effet, la mise en relation des caractéristiques socioéconomiques des familles utilisatrices avec la qualité des services utilisés mène à un inquiétant constat : les enfants de milieux défavorisés sont plus susceptibles de fréquenter un milieu de moindre qualité comparés aux enfants de familles nanties. Toutefois, les résultats de l’ELDEQ indiquent que dans les CPE en installation, les enfants reçoivent des services dont la qualité est en moyenne d’un même niveau, quel que soit le statut socioéconomique
ENJEUX ET DÉFIS DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE GARDE À LA PETITE ENFANCE AU QUÉBEC
141
Figure 6.1 Proportion des services de garde à la petite enfance offrant des services de niveaux de qualité élevés et insuffisants 35
34,7 28,5
30
27,1
25,7
25 20 %
14,2 15 9,5
10
6,8
5,8
5 0 CPE
Gard
Installation
CPE
Non régi
Milieu familial
Bon à excellent
CPE
Gard
Installation
CPE
Non régi
Milieu familial
Insuffisant
des familles utilisant leurs services. Par contre, les CPE en milieu familial, les garderies à but lucratif et les milieux familiaux non régis fréquentés par les enfants des familles plus défavorisées sont de moindre qualité que les milieux de garde du même type utilisés par les familles aisées (Japel et al., 2005). Bien que ces résultats soient utiles pour amorcer une réflexion sur la qualité des services et en saisir les limites, les données de cette étude ne permettent pas de dresser un portrait représentatif de l’expérience vécue par l’ensemble des enfants fréquentant des services de garde régis au Québec, car l’échantillon a été conçu afin de dresser un portrait représentatif du développement d’enfants nés au Québec en 1997 et non un portrait représentatif de la qualité des services de garde fréquentés par ces enfants (Drouin, Bigras, Fournier, Desrosiers et Bernard, 2004). De plus, comme ces résultats concernent des mesures de la qualité des services fréquentés par les enfants à partir de l’âge de 30 mois (2 ans ½), ils ne nous informent pas sur la qualité expérimentée par les enfants de moins de 30 mois, soit ceux dont la garde soulève le plus de critiques et d’inquiétudes.
142
2.3.
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Grandir en qualité
Dans ce contexte, en 2001, le gouvernement du Québec commande une étude à l’Institut de la statistique (ISQ) visant à évaluer la qualité des services de garde éducatifs régis par le gouvernement du Québec afin d’aider à cibler les mesures susceptibles de soutenir et d’améliorer la qualité des services de garde éducatifs au Québec. Pour mener à bien cette enquête, l’ISQ, avec des experts du MFE, élabore un nouvel instrument pour observer la qualité des services de garde éducatifs (Bourgon, Lavallée et al., 2004a, b, c). Cet outil d’observation de la qualité est conçu en fonction des particularités du réseau québécois, qu’il s’agisse des normes en matière de sécurité ou encore des valeurs et des principes de base présents dans le programme éducatif commun à tous les CPE. En quelque sorte, l’hypothèse de départ de ces travaux est qu’un tel outil pourra alors mesurer avec plus de justesse la qualité réelle des services de garde québécois. L’enquête Grandir en qualité (Drouin et al., 2004) a été réalisée auprès de plus de 800 groupes de services de garde du Québec. En tout, 341 CPE en installation, 296 garderies et 155 milieux familiaux (CPE) ont été évalués. Les résultats indiquent que le niveau de qualité des services de garde du Québec est dans l’ensemble passable mais des variations importantes s’observent en fonction du type de service fréquenté. Et, bien que ces résultats plus précis aient fait l’objet de moins d’attention médiatique et aient été ignorés des détracteurs des services de garde, il ressort que les CPE en installation présentent des niveaux de qualité supérieurs à ceux des services de garde en milieu familial2 (CPE) et en garderies, et ce, pour toutes les dimensions mesurées dans le cadre de l’enquête. De façon plus détaillée, pour les poupons (enfants âgés de moins de 18 mois), on y relève que la proportion qui fréquente des garderies de qualité insatisfaisante est de 28,5 % alors qu’elle est de 3,4 % en installation de CPE. En outre, le niveau de qualité passable est observé dans 62 % des garderies et 36 % des installations de CPE. Enfin, les niveaux de qualité bon ou très bon sont observés dans 9,5 % des garderies accueillant des poupons et 60,6 % des installations de CPE (voir les figures 6.2 et 6.3). Pour les enfants d’âge préscolaire (enfants âgés de 18 mois à 5 ans), la proportion qui fréquente des garderies dont le niveau de qualité est jugée insatisfaisante est de 37,4 % alors qu’elle est seulement de 5,5 % dans les installations de CPE. Le niveau de qualité passable 2.
En ce qui concerne les services de garde en milieu familial non régis, c’est-à-dire non affiliés à un CPE, l’enquête n’a pas permis d’évaluer leur qualité.
ENJEUX ET DÉFIS DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE GARDE À LA PETITE ENFANCE AU QUÉBEC
143
Figure 6.2 Qualité d’ensemble pour les poupons en garderie à but lucratif, Québec, 2003 9,5 %
28,5 %
62 %
Insatisfaisante
Bonne ou très bonne
Passable
Source : Drouin et Fournier, 2004a.
Figure 6.3 Qualité d’ensemble pour les poupons en installation de CPE, Québec, 2003 3,4 %
36 % 60,6 %
Insatisfaisante
Source : Drouin et Fournier, 2004b.
Passable
Bonne ou très bonne
144
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
s’observe dans 51,9 % des garderies et dans 52,7 % des installations de CPE. Alors que les niveaux de qualité bon ou très bon sont observés dans 10,7 % des garderies et 41,8 % des installations de CPE (voir figures 6.4 et 6.5). En ce qui a trait aux services de garde en milieu familial (enfants âgés de 0 à 5 ans), la proportion d’enfants qui fréquente des services de qualité insatisfaisante est de 20,9 %. Le niveau de qualité est considéré comme passable pour une proportion de 60 % des services observés et des niveaux de qualité bon ou très bon sont observés pour 19,1 % des services de garde en milieu familial (voir figure 6.6). Pour soutenir la qualité des services de garde, le rapport de l’enquête Grandir en qualité suggère aussi de nombreuses pistes de modification des pratiques de même que des mesures de soutien au développement des personnes en interaction directe et indirecte avec les enfants. Quelques années après la publication de ce rapport, il faut reconnaître qu’il est difficile de vérifier dans quelle mesure ces résultats ont eu un impact sur les pratiques du milieu. L’identification et la description des moyens pris par ces milieux pour répondre à ces recommandations demeurent un champ de recherche encore inexploré.
2.4.
Synthèse des trois principales recherches réalisées sur la qualité au Québec
En résumé, on constate que les trois plus récentes études Oui, ça me touche !, Grandir en qualité et La qualité, ça compte ! révèlent que la majorité des services de garde au Québec est de qualité « passable » ou « minimale ». Toutefois, les études Grandir en qualité et La qualité, ça compte ! indiquent que les CPE en installation affichent généralement un niveau de qualité supérieur à celui observé dans les garderies à but lucratif et les milieux familiaux régis et non régis3. En ce qui a trait à la qualité expérimentée par les enfants de moins de 30 mois en services de garde, les résultats des études Grandir en qualité et Oui, ça me touche ! semblent contradictoires4. En effet, la plus récente étude réalisée au Québec (Drouin et al., 2004) affiche les résultats les plus élevés pour les services de garde accueillant des enfants de moins de 18 mois en installation de CPE alors que les services de
3.
4.
Compte tenu du petit nombre de garderies participant à l’étude Oui, ça me touche, on ne peut s’avancer quant à la présence d’une meilleure qualité dans l’un ou l’autre de ces types de milieux. Rappelons que l’étude La qualité, ça compte ! n’a pas mesuré la qualité expérimentée par les enfants de moins de 30 mois.
ENJEUX ET DÉFIS DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE GARDE À LA PETITE ENFANCE AU QUÉBEC
Figure 6.4 Qualité d’ensemble pour les enfants d’âge préscolaire des garderies à but lucratif, Québec, 2003 10,7 %
37,4 %
51,9 %
Insatisfaisante
Passable
Bonne ou très bonne
Source : Drouin et Fournier, 2004a.
Figure 6.5 Qualité d’ensemble pour les enfants d’âge préscolaire des CPE en installation, Québec, 2003 5,5 %
52,7 % 41,8 %
Insatisfaisante
Source : Drouin et Fournier, 2004b.
Passable
Bonne ou très bonne
145
146
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Figure 6.6 Qualité d’ensemble pour les enfants en services de garde en milieu familial, Québec, 2003 20,9 %
19,1 %
60,0 %
Insatisfaisante
Passable
Bonne ou très bonne
Source : Drouin et Fournier, 2004c.
garde accueillant des enfants de moins de 30 mois de l’étude pancanadienne (Goelman et al., 2006) sont ceux qui présentent les plus faibles résultats de qualité au Canada. Comme le soulignent Bigras, Drouin et Fournier (2004), il est possible que les catégories d’âge étudiées dans l’enquête Grandir en qualité puissent expliquer en partie ces résultats. En effet, pour l’étude Oui, ça me touche ! on a eu recours, pour la mesure de la qualité des services offerts aux poupons, à des instruments d’observation destinés aux enfants âgés de 0 à 30 mois, tandis que, dans la présente enquête, seuls les enfants de moins de 18 mois sont pris en compte dans l’échelle utilisée en pouponnière. L’absence d’enfants âgés de 18 à 30 mois dans les échantillons en pouponnière influencerait-elle à la hausse les scores obtenus pour les groupes de poupons ? On pourrait le présumer s’il était démontré que les environnements de garde éducatifs pour les poupons sont mieux adaptés aux besoins des enfants de 0 à 17 mois que de ceux de 18 à 30 mois. Il s’agit là d’hypothèses à vérifier par le biais d’études plus approfondies tenant compte des aspects méthodologiques et conceptuels liés à la mesure de la qualité. Concernant les enfants potentiellement à risque, l’étude La qualité, ça compte ! apporte une contribution unique. On y constate que ces enfants sont moins nombreux à fréquenter un milieu de garde que les enfants issus de milieux plus favorisés. Et, s’ils fréquentent un milieu
ENJEUX ET DÉFIS DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE GARDE À LA PETITE ENFANCE AU QUÉBEC
147
de garde, ils sont plus susceptibles de se retrouver dans un service de qualité insuffisante. Cet écart entre la qualité du service et les caractéristiques socioéconomiques des familles dépend cependant du type de milieu fréquenté. Dans les CPE en installation, les enfants reçoivent des services dont la qualité est en moyenne d’un même niveau, quel que soit le statut socioéconomique des familles qui utilisent leurs services. Par contre, dans les CPE en milieu familial, les garderies à but lucratif et les milieux familiaux non régis, on observe d’importantes variations de qualité selon le statut socioéconomique des familles qui utilisent ces services (Japel et al., 2005). Ces trois études mettent l’accent sur une réalité importante : la qualité des services de garde régis et non régis, particulièrement dans les services de garde en garderie et en milieu familial, demeure à développer. Compte tenu des relations observées à maintes reprises entre la qualité des services de garde et le développement de l’enfant (voir le chapitre de Vandell dans le présent ouvrage), il est urgent d’agir pour hausser ces niveaux de qualité. On peut penser que pour les nourrissons (enfants de moins de 18 mois) qui fréquentent les garderies, les résultats sont particulièrement inquiétants. Dans cette ligne, les trois études soulignent l’importance d’un investissement accru dans le secteur des services de garde à l’enfance, d’une hausse des exigences en matière de qualification du personnel et d’une augmentation des salaires et conditions de travail du personnel éducatif. Force est de constater que les coupures récentes et récurrentes des budgets de fonctionnement des CPE et de la gestion des milieux familiaux des dernières années ne vont guère dans cette direction. Les gouvernements ne semblent pas avoir pris acte de l’importance du financement et de la formation du personnel dans l’explication de la qualité offerte dans les services de garde. En outre, dans la dernière modification à la loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde éducatifs (Gouvernement du Québec, 2006), la disparition d’une catégorie de personnel destiné au soutien pédagogique nous apparaît particulièrement préoccupante. Pourtant, l’enquête Grandir en qualité et, avant elle, La qualité, ça compte ! avaient aussi mis en lumière plusieurs facteurs associés à la qualité pour tous les types de service de garde. Ces résultats nous permettent de repérer les éléments de l’environnement des services qui sont susceptibles de favoriser ou d’entraver la qualité des services. Pour les services de garde en milieu familial et les éducatrices en installation et en garderie, ce sont les caractéristiques liées au perfectionnement, à la formation et au soutien reçu par le CPE auquel ils sont affiliés, qui ont été identifiées comme étant les plus importantes pour favoriser la qualité
148
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
de leurs services. En outre, le personnel éducatif (RSG et éducatrices) qui offraient des services d’un niveau de qualité le plus élevé avaient suivi plus de 12 heures de perfectionnement au cours de l’année précédant l’enquête, avaient participé à au moins 5 rencontres informelles ou formelles au cours des 12 derniers mois et détenaient un diplôme d’études postsecondaires (collégiale ou universitaire). Selon les résultats de l’enquête Grandir en qualité, ce dont les RSG et les éducatrices en garderie ont le plus besoin actuellement, c’est de continuer à s’approprier les fondements et applications du programme éducatif. Les responsables du soutien à la pédagogie issues des CPE sont les plus à même de les soutenir dans ce processus. Elles peuvent leur offrir de la formation sur mesure en tenant compte de leurs besoins et défis particuliers. Il a en effet été démontré dans l’enquête que lorsque la responsable du soutien à la pédagogie ou de la gestion du volet familial a déjà occupé un poste d’éducatrice auprès des enfants de 0 à 5 ans (CPE) et qu’elle possède une formation initiale en petite enfance, le niveau de qualité des services de garde en milieu familial qu’elle supervise est plus élevé. Le remplacement des conseillères pédagogiques dans les CPE par des agentes pédagogiques et des agentes de conformité qui doivent posséder respectivement une formation initiale de niveau collégial en éducation à l’enfance et une seule année d’expérience et un DEC collégial général ne nous semble pas présenter toutes les garanties voulues quant au niveau de compétence requis pour offrir un réel soutien aux éducatrices et RSG.
3.
PERTINENCE ET IMPORTANCE DU PHÉNOMÈNE DES SERVICES DE GARDE RÉGIS
La publication des résultats de ces recherches a suscité un battage médiatique et des débats publics sur la place des services de garde éducatifs dans notre société. Opposant les tenants de l’éducation à la petite enfance en services de garde régis aux tenants de la garde au domicile par la mère, ces débats révèlent jusqu’à quel point l’éducation à la petite enfance, sa connaissance et sa reconnaissance, tout en relevant de la sphère privée, est au cœur d’une série d’enjeux politiques et sociaux. Parmi ces enjeux, on retrouve le droit des femmes d’avoir accès au marché du travail, le droit de choisir de demeurer à la maison avec son enfant pendant les premières années de vie ou encore le droit des enfants à une chance égale de réussite éducative. En fait, ces débats illustrent que les services de garde à l’enfance, par leur nature même,
ENJEUX ET DÉFIS DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE GARDE À LA PETITE ENFANCE AU QUÉBEC
149
touchent à une institution5 très sensible, soit la famille, ainsi qu’aux valeurs fondamentales de notre société concernant l’éducation des jeunes enfants (0-5 ans). Il faut peut-être voir là une des raisons pour lesquelles ces débats sont souvent passionnés. Que le débat porte sur la qualité des services de garde, sur le type de financement requis pour soutenir la qualité ou encore sur le besoin des parents de pouvoir compter sur des services permettant d’assurer l’éducation de leurs jeunes enfants même s’ils poursuivent une carrière, tous ces débats doivent, avant tout, ne pas perdre de vue les besoins des enfants et des parents.
3.1.
Serait-il néfaste pour l’enfant de fréquenter un service de garde collectif aux cours des premières années de vie ?
Dans ce sens, pour certains, les principes d’égalité des chances des enfants et de réussite sociale et scolaire ultérieures par l’accessibilité et l’universalité aux services de garde éducatifs comporteraient des risques pour le développement de certains enfants. Selon ces derniers, on ne devrait pas recommander un accès universel aux services de garde, puisqu’on ne peut encore garantir un niveau de qualité élevé et équivalent dans tous les services. Ces inégalités de qualité pourraient, en outre, amener certains enfants à développer une relation insécure avec leur mère et des taux de stress élevés entraînant des niveaux d’anxiété et des problèmes de santé mentale ultérieurs (Chicoine et Collard, 2006). Ces inquiétudes, bien que légitimes, ne nous paraissent pas fondées sur une connaissance et une interprétation nuancée des récents résultats de recherche du domaine. En outre, comme le souligne Vandell au chapitre 2 de ce livre, les chercheurs spécialisés dans l’étude de phénomènes complexes tels que le développement de l’enfant qui fréquente un service de garde rappellent que la grande majorité des études traitant du phénomène sont de nature corrélationnelle et se doivent d’être interprétées avec prudence et discernement (Hickman, 2006 ; Shpancer, 2006). À la lumière des connaissances exposées par Vandell dans cet ouvrage et des résultats issus de l’enquête Grandir en qualité 2003, il nous apparaît abusif de suggérer de retirer tous les enfants de moins de 18 mois des services de garde régis. À l’inverse, il serait tout aussi abusif de prétendre que tous les enfants de moins de 18 mois
5.
D’un point de vue sociologique, une institution peut être considérée comme « un ensemble structuré de valeurs, de normes, de rôles et de comportements partagés par un certain nombre d’individus » (Valois, 1998).
150
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
devraient fréquenter les services de garde régis. Toutefois, un investissement plus ciblé paraît urgent pour hausser la qualité des services particulièrement pour les enfants plus vulnérables qui grandissent dans des familles moins favorisées et qui fréquentent des services de garde de moindre qualité. Par ailleurs, d’autres résistances exprimées au cours des récents débats évoquent le droit des familles de choisir le mode d’éducation de leur enfant qui convient à leurs valeurs. Ces familles dont l’un des parents décide de demeurer à la maison revendiquent aussi un financement approprié pour l’éducation de leurs enfants et affirment que les fonds publics destinés à la petite enfance ne doivent pas être réservés exclusivement aux services de garde éducatifs. Dans la même optique, certains affirment que les services de garde éducatifs accessibles à coût réduit devraient être utilisés uniquement par les enfants dits « à risque » et que les familles favorisées devraient payer davantage pour le mode de garde qui leur convient. Les économies ainsi réalisées permettraient d’investir dans la hausse de la qualité des services de garde6. En effet, comme l’affirme Heckman, lauréat du prix Nobel d’économie en 2004, les économistes ont prouvé que les investissements dans les premières années de la vie d’un enfant sont plus fructueux que ceux faits dans les programmes curatifs. Investir dans les services à la petite enfance signifie prévenir les difficultés que pourraient éprouver les enfants dans leur développement, notamment sur le plan de l’inadaptation psychosociale. Les milieux de garde à la petite enfance, tout comme la maternelle, semblent des voies privilégiées pour favoriser la socialisation, voire l’adaptation du jeune enfant, pour ainsi prévenir bon nombre de difficultés tout au long de la vie (Bouchard et al., 2006).
3.2.
Relations entre la fréquentation des services de garde à l’enfance et le développement de l’enfant
Plusieurs recherches montrent que les enfants qui fréquentent des services de garde de qualité ont de meilleures performances langagières et cognitives et une meilleure capacité à établir des relations harmonieuses avec leurs pairs et les adultes de leur entourage (NICHD, 2005 ; Vandell, 2004) que ceux qui fréquentent des services de garde de faible qualité (Montes, Hightower, Brugger et Moustafa, 2005). Marshall (2004) 6.
Un tel raisonnement démontre jusqu’à quel point deux réseaux voués à l’éducation sont perçus différemment. En effet, il est difficile d’imaginer à l’heure actuelle de l’intérêt pour un débat public sur la pertinence d’imposer des frais aux parents des milieux aisés dont les enfants fréquentent les écoles publiques ; et ce, même si ces frais étaient destinés à améliorer la qualité des écoles accueillant des enfants des milieux défavorisés.
ENJEUX ET DÉFIS DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE GARDE À LA PETITE ENFANCE AU QUÉBEC
151
ainsi que Votruba-Drzal, Coley et Chase-Lansdale (2004) rapportent que les enfants ayant fréquenté la garderie ont des résultats supérieurs à des mesures de sociabilité, de compétences sociales, de langage, de persistance à la tâche, de confiance en soi et de résolution de problèmes. Ce sont surtout les enfants de milieux socioéconomiques défavorisés qui profiteraient davantage de la fréquentation de services de garde de qualité élevée (Barnett, Tarr, Lamy et Frede, 2001 ; Bowman, Donovan et Burns, 2001 ; Burchinal, Roberts, Riggins, Zeisel, Neebe et Bryant, 2000 ; Capizzano et Adams, 2003). De plus, ils obtiendraient de meilleurs résultats aux mesures de développement que ceux qui fréquentent des services de moindre qualité (Li-Grining et Coley, 2006 ; NICHD et Duncan, 2003 ; Papero, 2005 ; Votruba-Drzal et al., 2004 ; Vandell, 2004). Il paraît donc primordial de prendre en compte le niveau de qualité du service de garde de même que le statut socioéconomique des familles lorsqu’on évalue les diverses dimensions du développement de l’enfant qui le fréquente. En définitive, des services de garde de qualité peuvent faire la différence et aider des jeunes enfants de milieux défavorisés à réussir leur intégration scolaire et à contrer de multiples facteurs de risque. Les divers impacts positifs recensés dans la littérature scientifique laissent penser qu’il est approprié pour une collectivité de choisir d’investir dans de tels services collectifs plutôt que de dépenser des sommes afin de soutenir les familles de manière individuelle. Toutefois, les partisans du droit au choix des parents de demeurer à la maison feront toujours valoir la primauté des choix individuels sur les choix collectifs.
3.3.
Pourquoi les enfants les plus démunis sont-ils ceux qui fréquentent le moins les services de garde ?
L’accès aux services de garde éducatifs pour les familles plus démunies sur le plan socioéconomique semble toutefois problématique. Deux études récentes (Bigras, Pomerleau, Malcuit et Blanchard, 2007 ; Japel et al., 2005) menées par des équipes indépendantes indiquent que ces familles utilisent moins les services de garde régis pour leur enfant. Dans la première, portant sur l’utilisation des services de garde par des familles de divers niveaux de risque (sous-scolarité, pauvreté et monoparentalité), il a été observé que la non-utilisation de service de garde ou l’utilisation de services de garde moins structurés (garde par un proche et halte-garderie) est beaucoup plus fréquente chez les familles qui sont exposées à deux et trois facteurs de risques (Bigras et al., 2007). Seuls 38,4 % et 41,2 % des enfants de ces familles fréquentent des services de garde structurés (garderies, CPE en installation et services de garde en milieu familial). À l’inverse, ces pourcentages sont 71,6 % dans les
152
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
familles qui ne présentent aucun facteur de risque et 50,2 % chez celles qui n’en présentent qu’un. Cette étude rapporte aussi que la non-utilisation de services de garde, quels qu’ils soient, peu courante chez les familles sans aucun facteur de risque (13,7 %), passe à plus du double chez les familles aux prises avec deux ou trois facteurs de risques (29,8 % et 27,9 % ; Bigras et al., 2007). Une autre étude réalisée au Québec tend à confirmer cette observation (Japel et al., 2005). Elle démontre que le statut socioéconomique des parents est associé aux types de services utilisés. Les familles qui ont recours à des services de garde ont un statut socioéconomique plus élevé. Quand les auteurs examinent les divers types de services utilisés, ils notent que les familles de statut socioéconomique plus faible recourent davantage aux services de garde non régis. De plus, lorsque ces familles utilisent des services de garde régis (garderie, installation et milieu familial), ce sont davantage des services de garde en garderie et en milieu familial qu’en installation7. Selon les auteurs, ce constat est particulièrement inquiétant puisque les niveaux de qualité de ces services sont généralement décrits comme étant inférieurs à ceux des services en installation (Doherty, Forer, Lero, Goelman et LaGrange, 2006 ; Drouin et al., 2004 ; Goelman, Forer, Kershaw, Doherty, Lero et LaGrange, 2006 ; Peyton, Jacobs, O’Brien et Roy, 2001). Plusieurs raisons peuvent expliquer ces résultats. Des études sur l’utilisation des services de garde rapportent que les familles en situation de précarité économique tendent davantage à recourir à des services moins formels, tels que la garde par un proche (Capizzano et Adams, 2003 ; Li-Grining et Coley, 2006). Afin de mieux comprendre ce phénomène d’utilisation des services Pungello et Kurtz-Costes (1999) proposent un modèle théorique basé sur le modèle écocomportemental de Bronfenbrenner et Morris (1998). Ce modèle (voir la figure 6.7) montre une relation multidirectionnelle entre les multiples facteurs pouvant influencer le choix de la mère d’utiliser un service de garde pour son enfant. Au centre de ce modèle, les auteurs situent les croyances maternelles à l’égard du travail, du rôle maternel et des services de garde eux-mêmes. Ces diverses croyances seraient influencées par les connaissances des mères du développement de l’enfant et par leurs attitudes face au travail des mères et aux services de garde en général. En fait, elles contribueraient à déterminer les préférences de la mère pour un type de service de garde plutôt qu’un autre. Le contexte environnemental, par exemple la disponibilité et l’accessibilité des services de garde (y a-t-il des places ?), influencerait également les comportements
7.
Rappelons que les définitions des catégories de services de garde au Québec se retrouvent dans la Loi sur les services de garde éducatifs.
ENJEUX ET DÉFIS DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE GARDE À LA PETITE ENFANCE AU QUÉBEC
153
Figure 6.7 Facteurs influençant la recherche et le choix du service de garde par les mères
Caractéristiques de la mère Âge, ethnicité, occupation, SES, niveau d’éducation, monoparentalité
Croyances maternelles Contexte environnemental Facteurs sous le contrôle de la mère
Facteurs non contrôlés par la mère
Préférence type de service de garde Effets des services de garde Attitudes face au travail des mères Attitudes face à son travail Attitudes à l’égard de la maternité
Facteurs liés à l’enfant Âge de l’enfant Tempérament de l’enfant Besoins spéciaux Développement de l’enfant
Comportements de la mère Recherche d’un service de garde Choix d’un service de garde
Source : Modèle de Murphy (1992) adapté par Pungello et Kurtz-Costes (1999).
de la mère lors de la recherche et le choix d’un service de garde. Dans cette même catégorie de facteurs reliés au contexte environnemental, les auteurs indiquent que la perception de la mère quant à la possibilité d’influencer ou non cet environnement exerce aussi une influence. À cet égard, les mères qui ont accès à un congé de maternité payé, dont le milieu de travail est plus souple et qui disposent de revenus suffisants pour s’absenter de leur travail seraient plus susceptibles de choisir de demeurer à la maison plus longtemps après la naissance de leur enfant que celles dont les conditions de travail sont précaires et peu rémunérés. On retrouve aussi les facteurs associés à l’enfant tels que son tempérament ou son niveau de développement qui peuvent influencer le choix d’un type de service de garde en particulier. Enfin, les caractéristiques sociodémographiques des mères telles que leur âge, leur origine ethnique, leur revenu, leur scolarité et leur occupation seraient aussi déterminantes dans le choix d’utiliser ou non un service de garde, de la période de retour au travail et du type de service de garde utilisé. Selon ce modèle, on peut émettre l’hypothèse que la moindre utilisation des services de garde structurés par les familles soumises à plusieurs facteurs de risque psychosociaux (sous-scolarité, pauvreté et
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
monoparentalité) pourrait s’expliquer par un faible niveau de contrôle de leur environnement (faible accessibilité aux services et peu de souplesse de leur milieu de travail) affecté par leurs caractéristiques sociodémographiques, par leurs croyances ou attitudes négatives face aux services de garde structurés pour leur enfant et par leur manque de connaissance des effets positifs que peuvent avoir ces services. Afin de mieux comprendre ce phénomène complexe, il faudrait questionner ces familles sur les raisons d’utilisation et de non-utilisation des services de garde structurés. Une meilleure connaissance de la dynamique guidant le choix de ces parents permettrait de mettre en place des moyens favorisant une plus large fréquentation de ce type de service de garde dans les communautés les plus démunies pour en arriver, éventuellement, à assurer des conditions propices à un meilleur développement de tous les enfants.
4.
QUELLES SONT LES RELATIONS ENTRE LES FAMILLES ET LES SERVICES DE GARDE ?
La création du réseau des CPE à compter de 1997 s’inscrivait alors dans une politique familiale ayant notamment pour objectifs de faciliter la conciliation des responsabilités parentales et professionnelles ainsi que de favoriser le développement des enfants et l’égalité des chances (Gouvernement du Québec, 2004). Afin de reconnaître le rôle de premier éducateur des parents et de favoriser une continuité dans les expériences de vie des jeunes enfants, des mesures visant à favoriser l’établissement de relations de collaboration entre les CPE et les parents ont été mises de l’avant. Bien que le tout ne soit pas exprimé de manière explicite dans la documentation disponible alors, une visée d’appropriation (empowerment) transparaît de ces orientations. En fait, ces mesures traduisent une tendance en matière d’intervention socioéducative, prônant des formes de collaboration praticien-parent qui prennent appui sur la reconnaissance et la mise en œuvre des compétences parentales (Larose, Terrisse, Bédard et Couturier, 2006 ; Sinclair et Naud, 2005). Cette manière de concevoir les services à la famille est présente également dans plusieurs autres champs professionnels d’intervention auprès de la famille.
4.1.
Le rôle des parents dans les CPE
Dans le contexte particulier des CPE, le programme éducatif est construit autour de cinq principes directeurs dont l’un d’entre eux précise de manière explicite que : « La collaboration entre le personnel éducateur
ENJEUX ET DÉFIS DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE GARDE À LA PETITE ENFANCE AU QUÉBEC
155
ou la responsable d’un service de garde en milieu familial et les parents est essentielle, elle contribue au développement harmonieux de l’enfant » (Gouvernement du Québec, 1997, p. 21). Dans la figure 6.8, extraite de ce programme éducatif, ce principe est représenté comme devant en quelque sorte chapeauter les quatre autres principes qui concernent plus spécifiquement les pratiques éducatives à préconiser auprès de l’enfant.
Figure 6.8 Les principes de base du programme éducatif des CPE et leurs domaines d’application Intervention du personnel éducateur auprès des enfants et des parents
Le développement de l’enfant est un Chaque enfant est processus global un être unique et intégré L’enfant est le premier agent de son développement
L’enfant apprend par le jeu
Collaboration entre le personnel éducateur et les parents Structuration des lieux
Structuration des activités
Source : Gouvernement du Québec, 1997.
Ainsi, ce programme éducatif en vigueur dans tous les centres de la petite enfance reconnaît d’emblée que le travail de l’éducatrice comprend une part d’interaction auprès de l’ensemble de la famille. Il s’appuie en quelque sorte sur une reconnaissance des compétences parentales, notamment la conviction que les parents connaissent bien leur enfant et qu’ils sont les mieux placés pour épauler le personnel
156
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
éducateur dans leurs interventions. D’ailleurs, en ce sens, les parents sont encouragés à s’engager dans le service de garde de diverses façons dont notamment : w en s’intéressant à ce que l’enfant vit au service de garde ; w en interrogeant le personnel éducateur et en lui fournissant des renseignements utiles sur leur enfant ; w en discutant avec l’enfant de ses activités au service de garde ; w en assistant aux rencontres de parents ; w en devenant membres du conseil d’administration ou de l’un des comités du centre de la petite enfance (Gouvernement du Québec, 2002). Une relation de collaboration, voire de partenariat entre la famille et le service de garde, est donc favorisée que ce soit par l’entremise de la participation des parents aux structures légales ou encore par des moyens plus informels comme les échanges avec le personnel éducateur au quotidien. Au moment de la création du réseau, le gouvernement souhaite également que les CPE en viennent à offrir d’autres formes de soutien aux familles. Ainsi, pour la première fois de leur histoire, les services de garde à l’enfance étaient invités à mettre sur pied des « services spécialisés ou d’autres services à la famille selon les besoins exprimés par les parents et en collaboration avec les partenaires du milieu » (Gouvernement du Québec, 2002). En fait, les centres de la petite enfance semblent se redéfinir en fonction de services offerts à la fois aux enfants et aux parents et non plus seulement aux enfants. Il est mentionné alors que ces services à la famille peuvent prendre diverses formes au gré des besoins particuliers de la clientèle : soutien aux compétences parentales, service d’aide et de conseil, etc. À quelques exceptions près, il s’agissait là d’un tout nouveau type de mandat pour lequel la plupart des services de garde au moment de leur transformation en CPE n’avaient guère d’expérience. De plus, le personnel n’était pas nécessairement formé en ce domaine d’où la proposition d’offrir ces services en collaboration avec d’autres organismes.
4.2.
Pertinence d’établir des liens étroits entre la famille et les services de garde
Cette redéfinition des services offerts à la famille s’inscrit dans une perspective écologique, où de nombreux auteurs s’accordent sur la nécessité de concevoir l’intervention auprès de l’enfant en fonction des
ENJEUX ET DÉFIS DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE GARDE À LA PETITE ENFANCE AU QUÉBEC
157
différents milieux de vie qu’il expérimente (Bronfenbrenner, 1979). Plus précisément, une des hypothèses soumises par Bronfenbrenner précise que : Le potentiel développemental d’un contexte éducationnel augmente en fonction du nombre de liens de support existant entre ce contexte d’éducation et les autres contextes impliquant l’enfant ou les autres personnes responsables de ses soins (Bronfenbrenner, 1979, p. 848, traduction de Falardeau et Cloutier, 1986).
Ainsi, des relations de qualité entre les divers adultes prenant soin d’un enfant contribuent à assurer des conditions propices à son développement optimal. Dans le milieu scolaire, de nombreuses recherches soulignent que des relations de qualité entre le milieu éducatif et le milieu familial se traduisent par des impacts positifs tant pour l’enfant que pour ses parents et même le milieu éducatif (Epstein et al., 1997, 2001 ; Deslandes et Bertrand, 2001). Dans le milieu des services de garde à l’enfance, des recherches menées au Québec (Baillargeon, Jacques et Lamothe, 1996 ; Tochon et Miron, 2000) permettent d’entrevoir les impacts positifs de la mise en place de relations de qualité entre le personnel éducateur et les parents. Pour ces diverses raisons, certains en viennent même à considérer que les services de garde devraient préconiser une approche centrée sur la famille par opposition à une approche centrée sur l’enfant exclusivement (Lopez et Dorros, 1999). Il s’agit d’un changement conceptuel ayant des impacts considérables dans la manière d’organiser, de concevoir le travail d’éducatrice en services de garde à l’enfance comme on peut le constater dans le tableau 6.3. Non seulement le service de garde doit offrir un programme éducatif stimulant le développement global de l’enfant mais, de plus, il doit fournir aux familles les moyens de définir et de participer activement à ce programme. Le rôle des éducatrices change de manière significative dans une telle perspective. À ce propos, Lopez et Dorros (1999) considèrent également que la formation du personnel éducateur en ce qui concerne le travail auprès des parents est à la fois peu développée et très variable selon les établissements d’enseignement en Amérique du Nord. Elles estiment qu’il s’agit là d’un problème important dans la mise en place d’une approche centrée sur la famille.
4.3.
Quelques données concernant la qualité de la relation parent-éducatrice
En définitive, un consensus se dégage quant à la pertinence d’établir des liens étroits et soutenus entre la famille et le milieu éducatif. Dans cet esprit, le réseau des CPE a été mandaté pour travailler en ce sens. Après bientôt une décennie, qu’en est-il des relations entre parents et
158
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Tableau 6.3 Distinctions entre l’approche centrée sur l’enfant et l’approche centrée sur la famille Approche centrée sur l’enfant
Approche centrée sur la famille
Philosophie du programme éducatif
Développement global de l’enfant.
Développement global de l’enfant dans le contexte de sa famille et de sa communauté.
Rôle de l’éducatrice
Communique ses connaissances.
Respecte les connaissances de la famille ; s’engage dans un processus d’apprentissage conjoint.
Rôle de la famille
S’engage dans des activités d’éducation parentale.
S’engage dans la conception d’activités d’éducation parentale.
Services offerts
À l’enfant.
À la famille (adultes et enfants).
Source : Lopez et Dorros, 1999.
éducatrices ? Il faut bien reconnaître qu’il n’y a malheureusement pas beaucoup d’informations disponibles sur ce thème. Dans les données de l’enquête Grandir en qualité, les interactions de l’éducatrice avec les parents constituent la dimension de la qualité qui est la plus positivement évaluée par rapport aux autres dimensions (voir tableau 6.4). Toutefois, il y a lieu de se demander dans quelle mesure ces résultats reflètent l’état réel des relations parents-éducatrices, puisque l’échelle d’observation de la qualité utilisée comprend peu d’items sur ce thème. De plus, la majorité des informations qui ont servi à établir ces scores proviennent d’entrevues avec les éducatrices. Il ne s’agit pas d’observations directes et, de plus, ces données ne tiennent pas compte du point de vue du parent. Ces données sont d’ailleurs difficiles à interpréter comme le soulignent les auteurs du rapport (Drouin et al., 2004). En ce qui concerne plus précisément la qualité de la communication, une étude québécoise, menée dans des services de garde en milieu familial (Coutu, Lavigueur, Dubeau et Beaudoin, 2003), démontre que les parents perçoivent majoritairement la communication avec la responsable du service de garde en milieu familial (RSG) comme très positive. Par contre, ces RSG se disent moins satisfaites de cette
ENJEUX ET DÉFIS DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE GARDE À LA PETITE ENFANCE AU QUÉBEC
159
Tableau 6.4 Scores moyens des dimensions de l’échelle d’observation de la qualité éducative des cinq types de services de garde observés dans l’enquête Grandir en qualité 2003 Score GLOBAL 1. Structuration des lieux 2. Structuration des activités 3. Relations avec les enfants 4. Relations avec les parents
CPE poupons
CPE présco
CPEMF
Garderie poupons
Garderie présco
3,05 2,91 3,02 3,12 3,38
2,93 2,89 3,02 2,85 3,18
2,75 2,65 2,78 2,78 2,97
2,62 2,33 2,66 2,76 2,96
2,58 2,47 2,69 2,54 2,83
Source : Bigras, 2004.
communication. Ces données s’inscrivent dans ce qui est régulièrement rapporté dans la littérature scientifique en Amérique du Nord, les parents affirmant généralement être très satisfaits des services qu’ils obtiennent (Galinsky, 1990 ; Kontos et Dunn, 1989 ; Kontos et Wells, 1986). Des auteurs (Britner et Phillips, 1995 ; Shpancer, 1998) en viennent à se demander si cette satisfaction apparente des parents n’occulte pas en réalité différents problèmes causés par le manque d’options réelles qui sont offertes aux familles. Les parents, n’ayant guère de choix quant aux services de garde disponibles, se disent satisfaits pour taire leurs inquiétudes malgré les difficultés qu’ils peuvent connaître avec le service de garde qu’ils utilisent. Les données présentées par Galinsky (1990) tendent à confirmer ce point de vue. Elle rapporte des sondages démontrant de manière répétée un taux de satisfaction des parents variant entre 85 % et 95 %. Cependant, moins de la moitié de ces parents affirment qu’ils choisiraient à nouveau le même service de garde si d’autres choix abordables et de haute qualité étaient offerts (Galinsky, 1990). En d’autres mots, les parents se disent satisfaits… compte tenu d’un choix restreint de ressources. Plusieurs parents se permettraient de changer de milieux si d’autres services de garde à l’enfance de qualité étaient disponibles. Il s’agit évidemment d’une hypothèse qui demeure à démontrer, mais toute recherche visant à explorer le point de vue des parents quant à leur perception des services reçus doit prendre en considération l’éventualité d’un tel biais. Finalement, quant aux services à la famille qui devaient être développés par les CPE, on ne possède actuellement que très peu d’informations en ce sens. On note des initiatives un peu partout, mais il est difficile de conclure à une mise en place systématique de mesures
160
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
de soutien à la famille dans l’ensemble des services de garde. Des travaux de recensions des pratiques s’amorcent actuellement et les données qui en proviendront permettront certainement de dresser un tableau plus éclairé de l’état de la situation actuelle. Pour l’instant, l’impression générale qui se dégage est que, dans le milieu des services de garde à l’enfance, les pratiques au regard du soutien aux familles sont encore généralement peu développées ou limitées à certains établissements. En fait, il semble bien que si les milieux connaissent divers moyens d’accroître les liens avec la famille, ceux-ci ne sont guère utilisés (Coutu et al., 2005) et surtout, peu documentés.
4.4.
Obstacles à la collaboration
Compte tenu des intentions formelles en matière de collaboration avec les parents mises de l’avant dans la création du réseau, on pourrait être tenté de s’interroger sur les obstacles à l’émergence de pratiques de collaboration avec les parents. Le milieu des services de garde à l’enfance endosse-t-il ces orientations ? Le personnel en place possède-t-il les compétences, les connaissances pour mettre en place des relations de collaboration ? Les parents eux-mêmes souhaitent-ils de tels services ? Évidemment, un des premiers obstacles majeurs à la mise en place de relations suivies est le manque de temps, et ce, tant du point de vue des parents que des éducatrices. D’une part, plusieurs recherches indiquent que les parents de jeunes enfants éprouvent un sentiment de manque de temps et vivent du stress devant leur difficulté à concilier les obligations familiales et professionnelles (Tremblay, Najem et Paquet, 2006). D’autre part, les horaires de travail des éducatrices mais aussi la disponibilité qu’elles doivent offrir aux enfants les rendent souvent peu disponibles pour des échanges avec les parents. Des études américaines ont rapporté que les parents voyaient l’éducatrice en charge de leur enfant pendant 13,7 minutes par semaine (Hughes, 1985) ou encore que la durée moyenne d’une communication était de 27 secondes (Endsley et Minish, 1991). De plus, non seulement les échanges sont brefs mais ils s’effectuent généralement dans des circonstances où la confidentialité ne peut être respectée. Par exemple, ces échanges surviennent essentiellement à l’arrivée et au départ en fin de journée, alors que plusieurs enfants et d’autres adultes, qu’il s’agisse d’éducatrices ou de parents, sont présents. Ces circonstances limitent forcément la nature des sujets de discussion puisque l’on ne peut garantir les conditions de base d’une confidentialité aux parents. Des obstacles reliés aux valeurs ou aux représentations de chacun peuvent également entraver la mise en place de relations de qualité. Notamment, la présence de discontinuités éducatives entre le milieu
ENJEUX ET DÉFIS DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE GARDE À LA PETITE ENFANCE AU QUÉBEC
161
de garde et la famille (Powell, 1980) ou encore une confusion entre les rôles de parent et d’éducatrice (Katz, 2000) compromettent les échanges et la collaboration. En ce qui concerne les discontinuités éducatives, Powell (1980) a observé que les adultes responsables d’enfants peuvent éprouver des difficultés à s’entendre entre eux compte tenu de leurs valeurs ou croyances. De telles mésententes peuvent ainsi survenir entre les adultes d’une même famille ou encore d’une équipe d’éducatrices mais, à plus forte raison, entre les éducatrices d’un service de garde et une famille. Il a relevé cinq sources de discontinuités pouvant exister entre un service de garde et une famille : w les attentes éducatives des parents et des éducatrices ; w les pratiques éducatives ; w les relations interpersonnelles entre les adultes et les enfants ; w le système langagier ; w l’environnement physique. L’effet de telles discontinuités sur le développement de l’enfant varie en fonction de leur ampleur. Si de légères discontinuités peuvent avoir un effet stimulant sur l’enfant, l’amenant par exemple à découvrir de nouvelles expressions langagières, lorsque ces discontinuités sont nombreuses et portent sur des points majeurs, l’enfant peut éprouver des difficultés à s’adapter à deux milieux de vie aussi différents et son développement, en être compromis (Powell, 1980). En ce sens, certains soulignent l’importance de la communication et la prise d’ententes éducatives afin de diminuer l’impact des discontinuités éducatives (Falardeau et Cloutier, 1986). Mais en même temps, l’existence même de ces discontinuités alourdit considérablement la communication et l’établissement de relations entre le parent et l’éducatrice. Pour Katz (2000), une importante source de difficultés dans les relations parent-éducatrice est alimentée par la conception des rôles de chacune des personnes interagissant. Dans les faits, les responsabilités éducatives vis-à-vis de l’enfant sont partagées entre la famille et le milieu de garde. Souvent ces responsabilités se chevauchent de manière intense et une mauvaise compréhension de son propre rôle, chez le parent ou l’éducatrice, provoque des mésententes, des frustrations qui vont nuire à la communication et compromettre la création d’une relation satisfaisante. Une telle confusion des rôles contribue à créer des attentes irréalistes envers soi-même et les autres. Par exemple, Lopez et Dorros (1999) notent que d’importantes tensions peuvent survenir lorsque des éducatrices en viennent à se percevoir comme un parent substitut… et sont tentées de prendre trop de responsabilités vis-à-vis de l’enfant afin de suppléer à ce qu’elles considèrent comme des manquements des parents.
162
LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
Ainsi, le rôle de parent et celui d’éducatrice se distinguent sur plusieurs points et Katz (2000) précise sept dimensions (cf. tableau 6.5) qu’il convient de considérer afin de bien différencier ces rôles.
Tableau 6.5 Sept dimensions pour distinguer les rôles de parent et d’éducateur Dimension
Rôle du parent
Rôle de l’éducateur
1. Étendue des tâches
Diffuses et illimitées
Spécifiques et limitées
2. Intensité affective
Élevée
Faible
3. Attachement de l’adulte à l’enfant
Attachement optimal
Détachement optimal
4. Rationalité
Irrationalité optimale
Rationalité optimale
5. Spontanéité
Spontanéité optimale
Intentionnalité optimale
6. Partialité
Partial / biaisé
Impartial / non biaisé
7. Étendue des responsabilités
Un enfant (individu) parmi un groupe
L’ensemble du groupe d’enfants
Source : Katz, 2000.
Par exemple, il arrive qu’une éducatrice soit surprise de constater que le parent démontre un parti pris, une subjectivité à l’égard de son enfant. Cette éducatrice semble avoir de la difficulté à reconnaître que pour un parent son enfant est unique, que le point de vue de ce parent est nécessairement biaisé (dimension 6, partialité) et qu’en définitive, c’est tout à fait adéquat et normal que le parent pense ainsi de prime abord. L’éducatrice qui raisonne de cette manière peut facilement en venir à blâmer le parent, en le comparant à sa propre attitude impartiale et non biaisée à l’égard de l’enfant. À l’inverse, une éducatrice peut être consciente que son rôle lui impose cette impartialité vis-à-vis de l’enfant, alors qu’une telle attitude de la part du parent n’est pas souhaitable de prime abord. Cette éducatrice sera assurément plus réaliste dans ses attentes envers le parent lorsqu’il s’agira, par exemple, de l’aider à comprendre et accepter que son enfant démontre des difficultés avec ses pairs dans le groupe et qu’il faut chercher ensemble des solutions. Une telle éducatrice, capable de comprendre clairement son rôle mais aussi celui du parent, aura forcément moins tendance à juger
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négativement le parent puisqu’elle ne confondra pas les compétences parentales et les compétences professionnelles d’une éducatrice (Kontos et al., 1983). Finalement, dans un autre ordre d’idées, il faut se demander si les ressources des CPE, tant matérielle qu’humaine, sont adéquates pour développer les pratiques envers les familles. En effet, concernant les ressources matérielles, Bélanger, Carignan, Desjardins, Laurendeau et Kishchuck (1994) ont observé dans les services de garde divers facteurs environnementaux qui nuisent considérablement aux interactions : absence de locaux réservés pour des rencontres parents-éducatrices, bruits ambiants élevés, présence continuelle des enfants… Quant aux ressources humaines, la formation des éducatrices sur l’établissement de relation de collaboration avec les parents ne fait partie du programme de formation collégial que depuis 2001, ce qui fait que la majorité des éducatrices n’ont pas été formées sur cet aspect de leur travail. Par conséquent, même si la littérature relève plusieurs raisons théoriques d’entretenir des relations de collaboration, il est aisé de comprendre que parents et éducatrices éprouvent des difficultés à trouver temps et énergies pour réunir les conditions requises. Il faut également des habiletés personnelles pour établir une relation alors qu’autant d’obstacles sont présents dans le paysage. En définitive, sans une conviction profonde quant aux impacts positifs pouvant résulter de telles relations, il y a fort à parier que peu de parents et d’éducatrices en viendront à prioriser cette activité parmi leurs nombreuses autres occupations. À notre avis, il y a là un vaste champ de recherche qui demeure à explorer afin de mieux comprendre la nature des relations en place, les obstacles présents dans le milieu et les pratiques les plus appropriées pour permettre au personnel éducateur d’établir des relations avec les parents susceptibles de soutenir le développement des jeunes enfants. Pour parvenir à saisir cette dynamique complexe, il faudra évidemment accroître les initiatives de recherche dans le domaine mais également mettre au point des méthodes de travail permettant de déceler et de contrer les biais qui semblent affecter les données, notamment lorsqu’on souhaite recueillir les perceptions des parents.
CONCLUSION L’importance des débats soulevés et des enjeux qu’ils mettent au jour, tant au sein des services éducatifs à la petite enfance, des familles que de la communauté, interpelle le milieu de la recherche et les savoirs qu’elle produit sur les contextes des services de garde éducatifs de la
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petite enfance. L’histoire montre que, sous l’impulsion des mouvements communautaires et féministes dans les pays industriels avancés, se sont développées depuis une vingtaine d’années de nouvelles conceptualisations de l’éducation à la petite enfance comme phénomènes historiques, sociaux et culturels, rompant ainsi avec les anciens discours scientifiques qui les appréhendaient comme néfastes pour le développement des enfants. Ces approches ont renouvelé les questionnements et les pistes de recherche, mais sont peu prises en compte dans la recherche conventionnelle, conséquemment, elles n’ont engendré qu’un corpus restreint de savoirs empiriques. Il est donc nécessaire de produire des connaissances empiriques afin d’étayer les avancées théoriques et d’intégrer ces avancées à la recherche courante, tant dans la nature des questions posées, le nombre de productions, leur mode de diffusion et la reconnaissance de ces objets de recherche au sein d’institutions de recherche et d’enseignement.
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Le réseau des centres de la petite enfance, créé en 1997, achève une période intense de développement et compose avec une restructuration importante. Pour se développer, il a dû innover, intégrer dans l’action et expérimenter, ce qui a CERTES permis la construction de savoirs, mais également l’élaboration progressive de l’identité de ce réseau d’éducation dédié à la petite enfance. Ce premier « sens» mieux défini, les centres de la petite enfance doivent maintenant se préoccuper de la direction à prendre afin de poursuivre le développement de ce qui est, aux yeux de tous, un grand projet social. La réflexion proposée par Nathalie Bigras et Christa Japel dans cet ouvrage invite, notamment les intervenantes, à se centrer sur la « qualité » des services éducatifs et de garde présentée ici comme un processus dynamique, inclusif et large, animé par des interactions, des dialogues, et qui place en son centre l’enfant, sa famille et le personnel éducateur. D’entrée de jeu, il convient
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de souligner que le réseau des centres de la petite enfance est résolument engagé dans cette réflexion sur la qualité, convaincu de l’importance de faire émerger une conception collective et partagée de la qualité, ainsi que des cibles et des seuils clairs pour l’atteindre. C’est dire combien cet ouvrage tombe à point et combien nous croyons qu’il contribuera à nos efforts pour offrir le meilleur aux enfants et à leur famille. La mission des centres de la petite enfance consiste à accueillir l’enfant, à lui offrir des « possibilités » et à l’accompagner dans son développement. Cette « expérience » du service éducatif et de garde, bien qu’elle prépare l’enfant aux apprentissages qu’il fera tout au long de la vie, se déroule d’abord au moment présent, dans l’ici et le maintenant. Réfléchir la valeur de ces services nécessite donc d’ajouter au regard sur les acquisitions de l’enfant une évaluation constante et régulière de la qualité de l’expérience quotidienne. Le modèle écosystémique proposé ici, en plaçant les interactions au cœur de la qualité, redonne toute son importance à l’expérience quotidienne de l’enfant et appuie nos convictions quant au sens premier de celle-ci. Des nombreux indicateurs ou critères de qualité, identifiés par la recherche et présentés dans les différents chapitres, se dégagent notamment ceux qui affirment l’importance d’un projet clair, d’un référentiel partagé, gardien de l’histoire et « fabricant » d’avenir. Le jeune réseau des centres de la petite enfance interpelle régulièrement son histoire, traçant le parcours des communautés et des femmes qui a mené à la création des services de garde d’abord, puis à la mise sur pied d’un réseau éducatif d’économie sociale, géré par les parents, et chargé d’une mission sociale et de lutte à l’exclusion. Si le modèle des CPE est issu d’un consensus social autour de la responsabilité collective de l’éducation des jeunes enfants, il nous appartient toutefois de refaire périodiquement consensus autour des valeurs et convictions qui l’animent, en incluant et en écoutant l’ensemble des acteurs investis pour l’enfant, des chercheurs aux parents. C’est ainsi, comme nous le rappellent les auteures, que nous nous assurerons d’agir comme facteur de protection auprès des enfants et des familles. Pour que se mobilise tout un réseau dans de grands projets de qualité, que l’ensemble des individus qui le composent s’engagent aussi, il faut mettre en œuvre un certain nombre de conditions, assurer l’accompagnement dans la réflexion et l’action, soutenir la reconnaissance, et faciliter la contribution de chacun à l’élaboration d’un projet commun. Nous croyons que le réseau lui-même doit assumer le leadership de cette mobilisation et proposer une démarche de prise en charge de la qualité et de son orientation, en s’appuyant sur son expertise et son expérience comme sur les données probantes des recherches menées en petite enfance. Plus encore, c’est sur l’articulation et la mise en
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commun de l’ensemble des savoirs, issus de la pratique et de la recherche, que le réseau des centres de la petite enfance entend miser, en invitant à un processus de coconstruction de nouveaux savoirs à mettre au service de la qualité. Parmi les conditions à mettre en œuvre que nous identifions, confirmées pour la plupart par les propos contenus dans ce livre, figurent l’importance de placer le personnel éducateur au centre du projet, le rôle crucial de la formation et du développement professionnel, la nécessité de modes de gouvernance et de gestion démocratique et centrés sur la mission, le caractère fondamental de l’implication des parents, ainsi que l’engagement continu à enrichir notre conception de la qualité et l’identification des pratiques qui la soutiennent. Nous avons choisi de coordonner nos efforts, à ce moment-ci de notre parcours comme réseau, afin de répondre et en quelque sorte en réponse aux grandes enquêtes sur la qualité, la gestion stratégique du développement professionnel et le renouvellement des modes de formation et d’accompagnement. Dès lors, les projets que nous imaginons et mettons en œuvre ont comme objectifs communs la professionnalisation du réseau, la consolidation de la fonction-conseil, et également le développement d’une culture évaluative. L’évaluation, la mise en lumière des secrets et des faiblesses, demeure en effet, malgré une ouverture croissante, une source de résistance. Elle reste une question sensible puisqu’elle met en jeu des perceptions de la qualité ainsi que l’estime de soi des équipes et des individus. D’où la nécessité, à notre avis, de mettre en œuvre des projets collectifs de réseau qui parlent de la qualité, la nomme et la valorise par le biais de la recension des pratiques exemplaires, qui invitent à la définir et qui proposent des attitudes d’ouverture, de collaboration, de responsabilité et d’innovation afin de faire contrepoids aux premiers réflexes de protection et de défense. Émerge alors la responsabilité, incontournable, d’agir et de poser des conditions d’exercice, des pratiques qui correspondent aux standards adoptés et retenus par l’ensemble. Ces derniers peuvent découler des normes édictées ou d’une démarche de corégulation avec différents partenaires (dont les parents), mais dès lors que le réseau se les approprie, ils s’inscrivent dans une démarche d’autorégulation ou d’autonomisation, avec ce qu’elle offre d’atouts quant à la mobilisation des acteurs. Nous souhaitons donc qu’une culture évaluative, faite d’ouverture au regard externe mais également d’accroissement de notre capacité à s’autoévaluer, s’intègre progressivement et soit considérée comme une structure de soutien à la qualité. La proximité de savoirs scientifiques validés encourage, nous en sommes convaincue, cette intégration dans la culture et les façons de faire.
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Souhaiter que s’instaure une culture évaluative dans notre réseau, ce qui nécessite des « mesures de la qualité », c’est justement annoncer l’importance de nos liens avec la recherche et souhaiter relever d’un cran la rigueur de nos interventions visant le développement de la qualité. Nous croyons que le réseau des CPE est mûr pour cela et qu’il souhaite cet arrimage avec la recherche, sous la forme toutefois d’un accompagnement dans l’action et d’une réelle collaboration. Le fait que le réseau initie la « relation » avec la recherche nous apparaît un facteur de réussite important, puisque l’action quotidienne des professionnelles et la recherche des meilleures avenues de consolidation de la qualité se retrouvent ainsi au cœur de la démarche. Il s’agit alors moins de s’interroger « sur » les services à la petite enfance que de mettre nos énergies « au service » de la qualité des pratiques en petite enfance. Le développement de relations plus étroites entre le monde de la recherche et les praticiennes – et les choix des auteurs de cet ouvrage en regard de la diffusion des savoirs en témoignent – permet que soient rendus plus accessibles les savoirs scientifiques et que nous travaillions ensemble à trouver les stratégies les plus pertinentes de réinvestissement dans l’action. Au-delà de ce changement de culture et de nos contacts à multiplier avec les chercheurs, et toujours en vue d’assurer une gestion plus stratégique du développement professionnel, il nous faut revoir les modes d’accompagnement de l’ensemble des intervenantes du réseau. Une fois leur formation initiale achevée, elles ont besoin d’être accompagnées et guidées, parce que ce n’est qu’au moment où ce qu’elles ont appris théoriquement est confronté à l’action que commence leur professionnalisation. Ne pas s’engager dans cette voie, c’est non seulement risquer que le réseau n’atteigne pas ses objectifs de qualité, mais perde au fil du temps sa compétence. Enfin, notre réseau dispose d’un cadre d’action défini, de balises posées par le ministère de la Famille et des Aînés, notamment le Programme éducatif, et qui constituent le seuil minimal, ce en dessous de quoi il ne faut pas se trouver si l’on veut offrir un service de qualité. Mais au-delà de nos efforts, nécessaires pour que tous atteignent ce seuil, il nous appartient d’explorer ensemble, comme nous le confirment Jane Beach et Martha Friendly, tout ce qui est au-dessus de cette norme minimale pour définir nos standards de qualité, les cibles que nous souhaitons atteindre et que nous nous engagerons à atteindre, toujours en misant davantage sur les systèmes et les processus que sur les programmes. En définitive, ce livre sur la qualité des services éducatifs et de garde à l’enfance est d’une grande pertinence pour notre réseau, en plus de rendre compte de l’engagement important des auteurs à soutenir
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l’action quotidienne auprès des enfants, par le biais d’initiatives de formation porteuses de qualité et inspirantes. L’accès aux données de la recherche, facilité entre autres par leur regroupement, nous met sur la pistes d’indicateurs de qualité, qu’il s’agisse de l’organisation des services, de la formulation de projets, de la place des parents ou des interactions avec l’enfant ; pour cela, merci. Nous les remercions également d’avoir valorisé le rôle de notre réseau ainsi que l’importance de son action. Un grand merci enfin pour la mise en lumière des enjeux et pour l’invitation à une constante remise en question, que nous recevons comme une contribution importante à l’accompagnement de notre qualité.
Geneviève Issalys, coordonnatrice Innovation, recherche et développement et soutien à la formation Association québécoise des centres de la petite enfance [email protected]
Notices biographiques
Jane Beach est consultante dans le domaine de la recherche sur les services de garde et les politiques publiques s’y rapportant. Elle a contribué à plusieurs études pancanadiennes effectuées par des organismes publics et privés et elle est auteure de nombreuses études et rapports sur les services de garde éducatifs au Canada. Elle était membre de l’équipe de recherche qui a préparé le rapport canadien pour la revue thématique sur les services de garde de l’OCDE. Elle était également chercheure principale de l’étude du marché du travail du Conseil sectoriel des ressources humaines en service de garde du secteur de la petite enfance. Elle codirige actuellement le projet sur des stratégies de formation en petite enfance. Elle contribue à la gestion de la collecte régulière de données et la rédaction de Early Childhood Education and Care in Canada pour le Childcare Resource and Research Unit et elle est impliquée dans plusieurs projets concernant l’amélioration de la qualité et l’accès aux services de garde. Mme Beach a également œuvré pendant plusieurs années dans le secteur public où elle a acquis une expérience dans le domaine des politiques concernant les services de garde et le développement de programmes. Nathalie Bigras œuvre dans le domaine de l’éducation à la petite enfance depuis vingt ans. D’abord éducatrice puis directrice d’un service de garde éducatif à la petite enfance, elle devient ensuite enseignante en techniques d’éducation à l’enfance (TEE) au collégial. Titulaire d’un doctorat en psychologie spécialisée dans l’étude du développement des nourrissons qui fréquentent les CPE, elle est professeure au Département d’éducation et pédagogie à l’Université du Québec à Montréal
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LA QUALITÉ DANS NOS SERVICES DE GARDE ÉDUCATIFS À LA PETITE ENFANCE
depuis 2002. Elle a participé aux plus récentes études portant sur la qualité des services de garde éducatifs (Oui, ça me touche et Grandir en qualité 2003). Elle est codirectrice du laboratoire de recherche en éducation à la petite enfance, codirectrice de l’équipe de chercheurs DEC (Développement des enfants dans leur communauté), membre des comités de direction et scientifique du groupe GRAVE-ARDEC et du comité scientifique du Conseil de la recherche sur la famille du Québec (CRFQ). Depuis juin 2006, elle assume également la direction de l’unité des programmes en éducation à la petite enfance de la Faculté des sciences de l’éducation. Gilles Cantin détient une maîtrise en enseignement secondaire et collégial et un Ph. D. en psychopédagogie et andragogie de l’Université de Montréal. Il a enseigné au programme collégial de Techniques d’éducation à l’enfance (TEE) pendant plusieurs années. Il est actuellement professeur au Département d’éducation et de pédagogie de l’Université du Québec à Montréal. Au fil des ans, il a donné plusieurs cours traitant de divers aspects de l’intervention auprès de jeunes enfants dans les services de garde éducatifs. Il a développé également de la documentation écrite et audiovisuelle afin de soutenir la formation des futures éducatrices. Ses travaux de recherche des dernières années ont porté sur l’évaluation des stages ainsi que sur le développement de la compétence professionnelle : Établir une relation de partenariat avec les parents et les personnes-ressources. Martha Friendly possède une majeure en psychologie et un diplôme de second cycle en psychologie sociale de l’Université du Connecticut. Avant d’immigrer au Canada en 1971, elle a été chercheure sur les services de garde et en éducation à la petite enfance dans le cadre de l’évaluation du programme American Head Start au service de d’évaluation en éducation de Princeton, New Jersey. Par la suite, elle a été chercheure dans le domaine des services de garde au Conseil métropolitain de planification sociale du Toronto métropolitain. En 1978, elle est coordonnatrice de la recherche à l’Université de Toronto au programme Enfant dans la ville (Center for Urban & Community Studies). Elle est actuellement coordonatrice de l’unité de ressources et de recherche sur les services de garde, et chercheure sénior associée à l’Université de Toronto. Elle est auteure de nombreux articles, chapitres et rapports sur les services de garde, de manuscrits portant sur les politiques des services de garde et contribue à de nombreux groupes de pression sur les services de garde. Christa Japel détient un doctorat en psychologie et elle est professeure au Département d’éducation et de formation spécialisées à l’Université du Québec à Montréal. Elle est chercheure associée au Groupe de recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant (GRIP) et
NOTICES BIOGRAPHIQUES
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membre de l’équipe qui mène l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ELDEQ). Dans le cadre de cette étude, elle était responsable du volet « La qualité des services de garde fréquentés par les enfants de l’ELDEQ ». Ses recherches portent sur la qualité des milieux de garde et leur contribution au développement psychosocial de l’enfant, ainsi que sur les interventions qui permettent d’améliorer la qualité des services de garde offerts aux jeunes enfants. Deborah Lowe Vandell a obtenu un doctorat en psychologie de l’Université de Boston. Elle est professeure au Département de psychologie de l’éducation de l’Université de Californie, Irvine, où elle est également associée au Département de psychologie et à l’École d’écologie humaine. Elle est membre du Maternal and Child Health Review Panel du National Institute of Child Health and Human Development (NICHD) et a été rédactrice en chef de revues scientifiques telles que Child Development, Contemporary Psychology, Developmental Psychology et Journal of Family Issues. Elle fait partie des chercheurs principaux du NICHD Study of Child Care and Youth Development, une étude de grande envergure portant sur les impacts des services de garde, des écoles et des familles sur le développement ultérieur des enfants. Ses intérêts de recherche comprennent en outre les relations de l’enfant avec ses parents, sa fratrie et ses pairs. Elle donne régulièrement des cours sur les théories du développement humain, les méthodologies de recherche développementale, le développement social et personnel et les questions dans la recherche portant sur les services de garde. Suzanne Manningham est doctorante en psychologie, option psychoéducation, de l’Université de Montréal. Elle a travaillé pendant près de vingt-cinq ans comme psychoéducatrice auprès des enfants et des adolescents aux prises avec des problèmes comportementaux ou des problématiques psychiatriques ainsi que de leurs parents et des différents intervenants les entourant. Elle s’intéresse particulièrement à la prévention et à l’intervention précoce. Ses travaux de doctorat portent sur la mise en œuvre de pratiques éducatives de qualité en petite enfance.