L’ARMÉE GUINÉENNE
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Mamadou Aliou Barry
L’ARMÉE GUINÉENNE Comment et pour quoi faire ?
Préface d’Alpha Sidoux Barry
L’Harmattan
DU MÊME AUTEUR :
La Prévention des conflits en Afrique de l’Ouest : Mythes ou réalités, Editions Karthala, 1997. Le contrôle du commerce des armes en Afrique, Utopie ou réalité ? Editions L’Harmattan, 2005. Guerres et trafics d’armes en Afrique, géostratégique, Editions L’Harmattan, 2006.
approche
Le commerce moderne des armes en Afrique, données chiffrées, circuits et acteurs, Editions L’Harmattan, 2008. Guinée : l’alternance politique à l’issue des élections présidentielles de décembre 2003, ouvrage collectif, Editions L’Harmattan, 2004. Enjeux et défis démocratiques en Guinée (février 2007décembre 2010), ouvrage collectif, Editions L’Harmattan, 2007
© L’Harmattan, 2009 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com
[email protected] [email protected] ISBN : 978-2-296-10190-6 EAN : 9782296101906
à mon frère, le Lieutenant BARRY Bademba et à ses compagnons d’armes, victimes de la dictature de Sékou TOURE
PREFACE Cet ouvrage s’adresse à la conscience de tous les Guinéens. Il répond à la question fondamentale, la seule qui vaille d’être posée : « Comment sortir la Guinée de cinquante ans de dictature pour la placer, enfin, sur les rails du développement ? » L’auteur, officier des armées françaises (cr), docteur en droit et auteur de plusieurs ouvrages sur la sécurité en Afrique, apporte à cette question cruciale la réponse la plus originale que l’on ait jamais pu lire parmi toutes les réflexions qui ont été menées sur ce sujet : la Guinée ne peut s’en sortir que par une réorganisation totale et profonde de son armée, facteur clef de tout changement démocratique dans le pays. A première vue, une telle réponse paraît déconcertante. Car, comment expliquer que l’armée soit devenue aujourd’hui le principal obstacle au changement que les Guinéens appellent de leurs vœux depuis tant d’années ? Sous la Ière République, dite révolutionnaire, l’armée n’était que « le souffre-douleur du peuple », vidée de tout son contenu. Elle était pourtant un véritable épouvantail pour le régime. C’est pourquoi elle fut décimée en 1970-1971 par le « Responsable suprême de la révolution », Ahmed Sékou Touré. La nature ayant horreur du vide, ce sont les résidus de cette mémorable purge qui ont recueilli le pouvoir, le 3 avril 1984, à la mort du premier président guinéen. Sous le régime du général Lansana Conté, qui a suivi, l’armée occupe une position centrale dans la vie politique guinéenne. Elle est érigée en « corps privilégié de l’Etat ». 9
Mais le Général-Président veille à ce qu’elle soit très divisée, qu’elle soit minée par les tensions ethniques, ce qui lui permet de durer au pouvoir. En réalité, c’est une fraction de l’armée qui est privilégiée. La grande masse des militaires, laissés à l’abandon, se livrent, en revanche, à des opérations de racket sur les populations. Au lieu d’assumer sa mission de défense nationale, l’armée devient le principal facteur d’insécurité dans le pays. Le chef de l’Etat, quant à lui, se dote d’une garde prétorienne pour se protéger. A sa mort, c’est encore l’armée qui reprend le pouvoir, le 23 décembre 2008, pour instaurer un nouveau régime d’exception. Le divorce entre l’armée et le peuple est consommé. La réconciliation ne sera possible qu’au prix de sa réorganisation profonde. Sans cela, le processus démocratique restera bloqué. A ce stade de la réflexion, l’auteur apporte une réponse concrète sur le format de la future armée guinéenne. Selon lui, elle « devra être réorganisée et transformée en un grand service public de gendarmerie nationale », pour participer, comme force de l’ordre, à « la défense intérieure du pays ». La défense extérieure, quant à elle, s’organisera dans le cadre sous-régional. Ce grand service de gendarmerie nationale sera structuré selon les trois armes : terre, air, mer. Il participera au développement socio-économique du pays à travers le service de santé des armées et le génie militaire. A côté de cette gendarmerie, il sera créé un module d’unités spéciales, bien formées et bien équipées, qui sera mis à la disposition de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’Union africaine (UA) et de l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour les opérations de maintien de la paix en Afrique et dans le 10
monde. Car, aujourd’hui, la souveraineté nationale tend à se fondre dans celle de la Communauté internationale. L’auteur propose - ce qui est particulièrement remarquable -, la suppression de toutes les forces de sécurité : brigades présidentielle, d’intervention et de sécurité, antigang, anti-criminalité… Car elles contribuent à la montée de l’insécurité par leurs pratiques abusives. Ce qui entraînera la réforme globale du système sécuritaire (RSS), la mise en place d’un service civique obligatoire de six mois pour les jeunes de 16 à 25 ans et la création d’un service militaire adapté (SMA). La dernière partie de l’ouvrage portant sur « L’Armée et l’Etat de droit » est tout aussi novatrice. La nouvelle politique de défense sera fondée essentiellement sur le rapprochement entre l’Armée et la Nation, sur la refonte du système judiciaire et sur la mise en place d’une Commission nationale indépendante des droits de l’homme. C’est la condition sine qua non du rétablissement de l’Etat de droit en Guinée. La restructuration de l’armée est donc le prix à payer pour l’émergence d’un système politique démocratique dans notre pays, conclut l’auteur dans cet ouvrage particulièrement stimulant. Cette approche est, sans aucun doute, une contribution majeure au débat sur le changement en Guinée. Alpha Sidoux BARRY Journaliste, docteur en sciences économiques, Président de Conseil & Communication International
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RAPPEL HISTORIQUE “ L’armée est une nation dans la nation : c’est un vice de nos temps.” Alfred de VIGNY, Servitude et grandeur militaires
L’armée guinéenne a été constituée à partir des éléments volontaires issus de l’armée coloniale. En effet, dès le 1er novembre 1958, le président Sékou Touré confia au capitaine Noumandian Kéita le soin de mettre en place les unités de la nouvelle armée. Ce dernier entouré de quelques militaires volontaires pour servir la jeune République, prit contact avec les militaires incorporés dans l’armée française. C’est ainsi que quelques 20 000 militaires issus des rangs de l’armée coloniale opteront pour la jeune armée guinéenne. Ceux-ci viendront des unités basées en Indochine, en France, en Guinée française, au Soudan1, à Madagascar, au Dahomey, en Syrie, en Algérie, au Maroc, etc.2 . Ce regroupement s’étalera du 28 au 30 octobre 1958 et le 1er novembre 1958, la France mettra à la disposition du nouvel Etat guinéen la moitié des camps de Kindia, Kankan et N’Zérékoré pour accueillir tous ceux qui ont opté pour servir la nouvelle armée nationale. La mise en place de cette armée s’est déroulée dans un contexte de franche hostilité des autorités coloniales qui n’hésitèrent pas à détruire toutes les archives, les armes lourdes et légères et même quelques bâtiments. Le tout nouveau ministre de la défense, Fodéba Kéita3 témoignera de cette attitude de la France dans son discours 1 Le Soudan français de l’époque comprenait le Sénégal et le Mali. 2 Aperçu historique sur les forces armées guinéennes, Horoya n° 3790 du mercredi 29 décembre 1993 et n°3892 du vendredi 31 décembre 1993. 3 Fondateur des célèbres ballets africains, arrêté et fusillé en 1969 par Sékou Touré. 13
prononcé le 1er novembre 1961 en déclarant, je cite : « Nos frères qui ont eu le seul tort d’opter pour leur pays, ont été déshabillés jusqu’aux dernières chaussettes et leurs effets brûlés, les magasins de vivres et d’habillement ont été vidés et leur contenu détruit ou cédé gratuitement à la compagnie Fria et à la Société des bauxites du Midi. A Labé, Dalaba et Kankan, les maisons furent détruites à la dynamite pour éviter que notre jeune armée n’hérite de rien. »4 A travers les différentes garnisons du pays et à l’étranger, les responsables du parti au pouvoir (le Parti démocratique de Guinée), les membres du gouvernement et les militaires volontaires vont mettre en place des commissions d’option et, une large propagande sera organisée en faveur de la Guinée indépendante, facilitant le ralliement de nombreux militaires encore hésitants. Malheureusement, ne rejoindront la future armée guinéenne que les hommes de troupe et les sous-officiers ayant un niveau d’instruction moyen et ceux dont le contrat avec l’armée française arrivait à expiration et qui ont obtenu leur pension. C’est pourquoi, dès octobre 1959, le gouvernement lancera une campagne de recrutement au niveau des lycées et écoles normales qui n’aura malheureusement pas beaucoup de succès au sein de la jeunesse guinéenne. Manquant de moyens et d’hommes suffisamment formés, la jeune armée sera handicapée dès sa création. Ceci, ajouté aux purges effectuées en son sein par le dictateur Sékou Touré, explique peut-être son manque d’efficacité et sa mauvaise organisation que l’on observe aujourd’hui encore.
4 Horoya, op.cité. 14
TITRE I L’ARMEE GUINEENNE DE L’INDEPENDANCE A NOS JOURS
Chapitre I : L’armée guinéenne sous le règne de Sékou Touré Créée donc à l’aube d’une indépendance fraîchement acquise, l’armée guinéenne a été victime au même titre que les autres couches socioprofessionnelles des purges du règne sanglant de Sékou Touré5. Ce dernier avait commencé à s’en méfier après les coups d’Etat contre N’Krumah au Ghana et Modibo Kéita au Mali dans les années 1960. Les officiers les plus valeureux furent fusillés et remplacés par des chefs discrédités car incompétents et collaborateurs. D’aucuns furent même membres du fameux Comité révolutionnaire du Parti dont la tâche consistait à l’interrogatoire des détenus au Camp Boiro6 et occupent aujourd’hui des postes importants dans la haute administration du pays. Laissée pour compte pendant toute la période de la dictature, l’armée guinéenne est aujourd’hui la moins opérationnelle des armées du continent. Elle est l’une des plus désorganisées de l’Afrique de l’Ouest avec des structures disloquées et un effectif pléthorique, dotée d’une formation au rabais. Elle est, aux dires même des responsables locaux un véritable « foutoir ». Pour s’en convaincre, il suffit d’observer les tenues et comportements des militaires guinéens dans les différents barrages dressés à travers le pays. Habillés de tenues disparates et sales, quelquefois ivres, rackettant la population, ils sont la risée de cette dernière.
5 Voir en Annexe 1 la liste des militaires victimes de la répression sanglante du dictateur Sékou Touré. 6 Voir Jean Paul Alata : « Prison d’Afrique », Editions du Seuil.
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Un ancien officier rescapé du Camp Boiro7 décrit de manière éloquente l’état de cette armée du temps de la dictature. Témoin privilégié, il écrit : « A cette époque, l’armée était le souffre-douleur du peuple. Sékou l’avait vidée de tout son contenu. Elle n’existait que de nom. Depuis l’arrestation de Kéita Fodéba en 1969 et surtout depuis les événements du Mali, chaque militaire se demandait pourquoi il portait l’uniforme : pas d’instruction militaire ; les armes n’étaient pas aux râteliers mais dans des caisses scellées. La cuisine de la troupe était inexistante ; les soldats percevaient leur maigre PGA avec laquelle ils se débrouillaient. Soldats et sous-officiers vivaient dans la promiscuité avec leurs familles et dans des taudis aux abords du camp. Sékou avait introduit l’armée dans la fonction publique. Les allocations familiales étaient coupées aux trois-quarts. A l’instar des civils, Sékou avait créé des Comités politiques dits Comité d’unité militaire (CUM). Il enleva le 2ème Bureau à l’armée pour le confier à Siaka Touré. Tenez-vous bien, la désorganisation de l’armée n’est pas finie ! Il va décréter l’indiscipline en disant au soldat de discuter l’ordre du supérieur avant de l’exécuter. Désarmé, fonctionnaire, politicien, en haillons, pieds nus, travaillant dans les plantations et dans les rizières, mal nourri et mal soigné, le soldat guinéen faisait vraiment pitié. Il était devenu la risée de son peuple qui lui en voulait sourdement et pour cause. Voilà l’état de l’armée guinéenne en cette année 1970. Piteux état, n’est-ce pas ? Et ce n’est pas tout. Pour la neutraliser davantage, Sékou va dresser contre elle sa Milice bien entraînée par les Cubains. N’oublions pas que Sékou a juré en 1968, qu’il n’y aura jamais un coup d’Etat militaire en
7 Véritable camp de la mort en plein centre de Conakry où furent incarcérés de nombreux Guinéens victimes de la répression de Sékou Touré. 18
Guinée. Pour détruire l’armée, croyez-moi, il n’y est pas allé de main morte8.» On ne peut pas dire que les choses ont vraiment changé aujourd’hui car, au lieu d’être un instrument de la sécurisation du pays, l’armée guinéenne est devenue un véritable facteur d’insécurité.
8 Kaba 41 Camara, « Dans la Guinée de Sékou Touré, cela a bien eu lieu », Editions L’Harmattan, page 106. 19
Chapitre II : L’armée guinéenne sous le règne de Lansana Conté En 2001, l’effectif de l’armée régulière guinéenne était estimé à environ 10 000 hommes avec 8 500 hommes pour l’armée de terre, 800 hommes pour l’armée de l’air et 600 pour la marine. Au point de vue équipement, elle disposait de 6 chasseurs d’attaque au sol MIG-17, de 9 avions soviétiques de transport ; de trois hélicoptères et de 12 avions d’entraînement9. L’armée de terre était constituée de : 1 bataillon blindé, 5 bataillons d’infanterie, 1 bataillon d’artillerie, 1 bataillon de troupes aéroportées. Elle est équipée d’une cinquantaine de chars lourds et légers, quelques orgues de Staline, des automitrailleuses et des canons tractés. La marine nationale disposait d’une dizaine de bâtiments. Le service militaire durait deux ans. L’organisation actuelle de l’armée guinéenne Les forces armées guinéennes (FAG) sont organisées autour de la gendarmerie nationale, de l’armée de terre, de l’armée de l’air et de l’armée de mer. Le Président de la République, est le commandant en chef des Forces armées guinéennes. Le ministre de la défense dispose d’un directeur de cabinet militaire et d’un chef d’étatmajor général des armées. L’Etat-major général des armées est chargé des questions relatives à l’élaboration des plans et des directives concernant l’organisation générale et la mise en œuvre des forces.
9 Dont un bon nombre est aujourd’hui cloué au sol faute de maintenance. 21
Au cours des deux dernières décennies, les forces armées ont été engagées dans différentes opérations face à des tentatives d’agression du territoire, dans des opérations nationales de sécurité au profit des pays voisins10, dans des opérations sous mandat régional ou international11. A - L’Armée de Terre L’armée de terre est la composante principale des forces armées guinéennes. Les missions de l’armée de terre recouvrent les domaines suivants : la défense du territoire et les opérations de maintien de l’ordre et de défense de points sensibles, la participation à des opérations de maintien de la paix. Pour assurer ces missions l’armée de terre dispose d’unités territoriales au niveau de chacune des quatre régions militaires, d’unités spéciales autonomes au niveau de la zone spéciale de Conakry12. 1. Première Région militaire La Première Région militaire de Kindia, ville située à 150 kilomètres de Conakry, couvre les villes de Kindia, Coyah, Forécariah, Boffa, Boké, Fria, et Télimélé. En plus du camp Kémé Bouréma siège de la première région militaire, un bataillon militaire est implanté à Boké, ville frontalière de la Guinée-Bissau et qui a servi de point d’appui et de logistique au Parti Africain pour l’Indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC)13.
10 Libéria, Sierra-Léone, Guinée-Bissau. 11 République Démocratique du Congo, Burundi, Haïti. 12 Troupes aéroportées, bataillon blindé, bataillon autonome de sécurité présidentielle, bataillon de sécurité de Conakry. 13 Le Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert est un parti fondé, en 1956, par des militants indépendantistes, autour 22
2. Deuxième Région militaire Elle a son siège à Labé, ville située à 350 kilomètres de la capitale dans la région du Foutah au Nord de la Guinée. Elle couvre les zones de Labé, Pita, Dalaba, Mamou, Koundara, Gaoual, Koubia, Lélouma, Tougué et Mali, bref la région du Foutah Djallon. Outre le camp Elh Oumar de Labé siège de la région militaire, deux bataillons autonomes sont implantés à Mamou et Koundara14. 3. Troisième Région militaire La troisième Région militaire de Kankan couvre les villes de Dabola, Kouroussa, Dinguiraye, Siguiri, Mandiana, Faranah, Kankan et Kérouané. Cette zone correspond à la Haute Guinée, la région du mandingue. Au siège de la région militaire est implanté le camp militaire de Kankan et un bataillon autonome à Faranah, ville située à la frontière avec la Sierra Leone. 4. Quatrième Région militaire La quatrième Région militaire a son siège à N'Zérékoré et couvre Kissidougou, Gueckedou, Macenta, N'zérékoré, Lola, Beyla et Yomou. Cette région correspond à la Guinée forestière. Elle dispose d’un camp militaire à N’zérékoré et d’un bataillon autonome sis à Guéckédou, ville qui a connu avec la vile de Macenta des attaques rebelles du temps de la guerre civile au Libéria et en Sierra Leone. Cette zone est aussi appelée « la zone du bec du perroquet » et est très instable.
d'Amílcar Cabral, dans le but de réaliser l'indépendance du Cap-Vert et de la Guinée portugaise alors sous domination coloniale portugaise. 14 Ville située à la frontière du Sénégal et de la Guinée-Bissau. 23
B- L’armée de l’air Placée sous le commandement d’un colonel chef d’état-major, l’armée de l’air a été créée le 17 mars 1967. Mais déjà dès 1959, des aviateurs rejoignaient à bord du voilier SEDOV la base de TALIN en Russie pour y suivre une formation de pilote. En 1967, l’armée de l’air guinéenne volait sur les chasseurs YAK 18, les avions de transport AN 2 et des hélicoptères MI 4. L’armée de l’air a pour mission de garantir la sécurité de l’espace aérien, d’assurer la couverture et l’appui des troupes au sol, de participer à la défense opérationnelle du territoire, à la défense des pays avec lesquels la Guinée a des accords et obligations de défense, de participer à de nombreuses missions de service aux plans national et international. Pour accomplir ces missions, l’armée de l’air dispose : -d’une base aérienne principale à Conakry, -des bases aériennes secondaires réparties dans les quatre régions naturelles du pays, à savoir à Labé, Kankan, Faranah, Siguiri et N’Zérékoré. C. L’armée de mer L’armée de mer guinéenne a pour mission d’assurer en permanence la surveillance des eaux territoriales et de la zone économique exclusive de la République de Guinée , de participer efficacement à la défense des côtes guinéennes en constituant un barrage à toute force d’agression qui tenterait de s’introduire dans le pays par ses frontières maritimes, d’assurer dans les eaux territoriales guinéennes la liberté du trafic maritime, de participer à la répression de la contrebande maritime, de participer à la police maritime et à la réglementation de la navigation maritime, de participer au transport maritime. L’armée de mer dispose de : 24
-1 Etat-major à l’échelon supérieur à Conakry ; -de Forces navales constituées en divisions et brigades, de forces terrestres constituées en unités de fusiliers marins et d’artillerie côtière ; -de Services d’appui logistique ; -Un centre d’instruction navale destiné à fournir aux forces maritimes du personnel qualifié. A la tête la marine nationale se trouve un officier supérieur, chef d’état-major qui exerce son autorité sur l’Etatmajor, l’ensemble des forces navales et terrestres de la marine. Pour mener à bien ces missions, le littoral est découpé en quatre Régions Opérationnelles Maritimes (ROM) : -la ROM du Centre dont le siège est situé à Conakry -la ROM du Sud à Benty -la ROM de Boffa -la ROM du Nord à Kamsar D. La Gendarmerie nationale Créée le 15 novembre 1958, la gendarmerie guinéenne est l’héritière des « maréchaussées et gendarmerie de France ». Elle est chargée de veiller à la sûreté publique, d’assurer le maintien de l’ordre et l’exécution des lois afin de protéger les institutions, les personnes et leurs biens. La gendarmerie guinéenne comprend un état-major et deux subdivisions d’armes : -la gendarmerie départementale implantée en brigades territoriales à l’intérieur du pays sous la tutelle de quatre commandants de région et dans la capitale, Conakry, sous celle d’un commandant de groupement.
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-la gendarmerie mobile composée de trois escadrons opérationnels stationnés sur Conakry mais compétents sur l’ensemble du pays. La gendarmerie guinéenne est un outil essentiel pour la sécurité et la stabilité du pays qui a participé, au même titre que les autres armées à des opérations importantes de maintien de la paix sur le continent15. Aujourd’hui, les autorités militaires du pays ne connaissent pas l’effectif réel de l’armée guinéenne. En effet, ces dernières années un recrutement massif et incontrôlé a été effectué, notamment au niveau de l’armée de terre. Aujourd’hui l’effectif semble approcher les 18 000 hommes si l'on tient compte des dernières recrues16. L’armée actuelle, véritable facteur d’insécurité L’armée actuelle, au lieu d’être un instrument de sécurisation du pays et des citoyens, est devenue au fil des ans un véritable facteur d’insécurité. La dégradation de la situation matérielle et morale des militaires guinéens a abouti à l’anarchie que l’on observe en leur sein. Partout, on relève des manquements graves aux règles de discipline et de l’autorité hiérarchique ; d’où un absentéisme généralisé, une négligence dans l’entretien des matériels, un port de la tenue militaire en tout lieu et en tout temps. Le militaire guinéen est devenu une véritable armurerie ambulante. Une grande majorité des militaires guinéens ne dispose pas d’une formation et d’un déroulement de carrière liés à leurs compétences car le recrutement est fondé sur l’appartenance ethnique. Des pans entiers de cette armée sont laissés à 15 Zaïre, Guinée-Bissau, Bénin, Burundi, Rwanda, Liberia, Sierra Léone. 16 Environ 6 000 hommes. 26
l’abandon au profit des unités chargées de la sécurité présidentielle dont l’équipement et les conditions de rémunération sont nettement meilleures. Les militaires guinéens laissés à l’abandon, sans encadrement efficace, se livrent à des opérations de racket de la société civile en se comportant comme de véritables unités de prédateurs entraînant ainsi une véritable rupture entre l’armée et les citoyens. Cette armée est perçue par les populations comme une armée de façade et de parade et non une armée censée assurer des missions de défense nationale. L’esprit républicain qui devrait l’animer est inexistant et le patriotisme - s’il existe - il faut dire qu’il a été plutôt ethnique car l’ennemi déclaré n’est pas aux frontières mais bien à l’intérieur de l’espace national. Une armée privilégiée mais sous surveillance Durant tout le règne de Lansana Conté, l’armée a été l’un des piliers central du régime. Malgré cette position centrale de l’armée dans la vie politique guinéenne, les relations entre l’armée et le feu Général-Président ont été très fluctuantes. Ces fluctuations sont essentiellement dues au malaise qui régnait et continuait de régner en son sein. Ce malaise est consécutif à la confiscation par les nombreux clans présidentiels et quelques officiers de l’ethnie du Général-Président, des canaux d’enrichissement via l’Etat. Il est également dû à la discrimination envers les officiers formés à l’étranger qui ne sont pas de la mouvance présidentielle et qui voyaient leur avancement bloqué de fait. Ce malaise s’explique aussi par les nombreuses rumeurs de coups d’Etat qui ont ponctué le règne du défunt
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président. En effet, depuis la mutinerie de février 199617, l’armée était étroitement surveillée de l’intérieur par les officiers et sous-officiers originaires de la Basse-Guinée qui étaient toujours prêts à défendre coûte que coûte un régime dont ils profitaient des largesses. Dès lors, les militaires qui étaient tentés par un coup de force hésitaient à passer à l’acte. Une véritable atmosphère de méfiance et de suspicion régnait parmi les officiers de l’armée guinéenne. Cette méfiance fameux « Bérets rouges » qui, en grande majorité soussou (l’ethnie du président) étaient particulièrement choyés. Le Président Conté veillera durant tout son règne à faire de l’armée le corps le plus privilégié de l’Etat. Alors que les principales infrastructures du pays étaient en pleine déliquescence, les forces de sécurité et de défense bénéficiaient elles, d’efforts soutenus. Il a ainsi fait rénover le matériel militaire et intégré de nouvelles recrues, alors qu’aucun recrutement ne fut effectué dans la fonction publique. L’armée était le seul corps qui bénéficiait de l’attention bienveillante de l’Etat. Cela n’assura pourtant pas une fidélité sans faille des militaires envers le GénéralPrésident, mais elle contribua à la longévité du régime Conté. Une armée divisée Malgré les privilèges accordés à l’armée, celle-ci a connu et continue de connaître des divisions internes car tous les militaires guinéens ne profitèrent point des largesses du pouvoir Conté. Une véritable stratification existe aujourd’hui au sein de l’institution militaire guinéenne. Quand on observe cette armée, on constate que les officiers se divisaient en trois principaux groupes : 17 Voir en Annexe 2 la liste des militaires victimes du régime de Lansana Conté. 28
- le premier groupe comprenait les officiers supérieurs (généraux, colonels et lieutenants-colonels) les plus âgés dont certains ont commencé leur carrière dans l’armée coloniale puis sous l’ère du dictateur Sékou Touré. Si ces officiers appartenaient à la même génération et ont échappé aux purges de la tyrannie de ce dernier, ils étaient en revanche issus de groupes ethniques différents, ce qui a ajouté à leurs rivalités personnelles, et a empêché toute unité du commandement militaire en cas de mobilisation. - le deuxième groupe était constitué d’officiers subalternes dont la promotion s’est effectuée à l’arrivée du régime de Lansana Conté. En grande majorité de l’ethnie du défunt président, ces officiers étaient les piliers du régime à qui ils devaient leur ascension sociale. Ils étaient perçus par les autres militaires et par la population comme « d’injustes bénéficiaires » des largesses du pouvoir Conté, car depuis 1984, l’uniforme et les grades sont, en Guinée, un accès privilégié à l’enrichissement personnel, d’autant que cette armée est un acteur économique important. Des marchés d’Etat lui sont régulièrement attribués. Le professionnalisme de ce groupe d’officiers a été mis en doute. Pour autant, ils ont occupé des postes de souspréfet, de préfet et de gouverneur. Certains ont appartenu à l’entourage direct du défunt Président. Cependant, les officiers supérieurs du premier groupe leur firent obstacle. Ils rencontrèrent une franche hostilité de la part des jeunes officiers, ceux du troisième groupe. - le troisième groupe est, quant à lui, constitué de jeunes officiers qui n’ont pas profité des largesses du pouvoir Conté. Une grande majorité d’entre eux a été formée dans les grandes écoles militaires françaises, américaines, marocaines. Issus des autres ethnies du pays, ils n’ont pas appartenu au deuxième groupe d’officiers. 29
Du fait de la suspicion du pouvoir, ils furent nombreux à être bloqués dans l’avancement en grade. Ils ont cultivé un réel ressentiment à l’égard du régime défunt. Certains parmi eux ont envisagé de renverser le régime Conté. Ce groupe fut l’objet d’une surveillance étroite de la part de leurs collègues du deuxième groupe. Les vagues d’arrestations de novembre 2003 ont essentiellement concerné cette catégorie. La longévité du régime de Conté s’explique par ces divisions internes de l’armée guinéenne. La possibilité d’affrontement entre plusieurs groupes au sein de cette armée n’était pas exclue. La question est de savoir aujourd’hui si cette armée au pouvoir saura taire ses différends internes pour une quiétude sociale. Depuis 1984, date de la prise du pouvoir par l’armée, des protestations se font jour en son sein. Les revendications sont de nature purement matérielle et non politique contrairement aux dires du pouvoir en place. Si les militaires guinéens se retournent contre le gouvernement dont le chef est lui-même issu de leurs rangs, ce n’est point pour prendre le pouvoir, mais pour faire valoir leurs droits. L’absence de moyens, le non-paiement des soldes, l’avancement bloqué, le manque de préparation au combat sont les sources de contestation. Elle est aussi minée par des tensions ethniques, des rivalités personnelles. Ce clivage ethnique sous-jacent semble trouver un relais au sein des partis politiques. Par ailleurs, les récents engagements de contingents dans les différents conflits de la sous-région dans des conditions matérielles a entraîné des déplorables, avec de lourdes pertes, frustrations et des rancœurs au sein de l’armée. Au temps des guerres civiles dans la sous région, la présence de
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contingents18 a fait de la Guinée un acteur principal dans ces différents conflits. Ce malaise, ajouté à la paupérisation de ce corps, s’est révélé au cours de la mutinerie des 2 et 3 février 1996. Quant au processus démocratique, il se déroule dans une situation socio-économique précaire, un climat d’insécurité, de fraude, de corruption de la classe dirigeante et de l’impatience de la population devant la lenteur du changement annoncé. Ensuite, le paysage politique du pays s’est organisé autour de partis politiques à base ethnique19, ce qui explique que le débat démocratique reste dominé par des tensions ethniques latentes voir des antagonismes personnels qui risquent à terme de faire basculer le pays dans une crise ethniciste à la libérienne. A chaque consultation électorale, les affrontements entre formations politiques se transforment rapidement en heurts entre Soussous, Peuls et Malinkés. La preuve, la dernière élection présidentielle de décembre 1998 n’a pas dérogé à la règle. D’année en année, le climat politique ne cesse de se dégrader du fait de l’ethnicisation du pouvoir en place. Le régime en place est à dominante soussou tout comme celui de Sékou Touré fut à dominante malinké. L’ethnie peule qui est pourtant le groupe ethnique le plus important du pays n’a pas encore exercé le pouvoir. D’où une frustration lente mais tout de même perceptible de cette frange importante de la population, qui risque à terme de radicaliser les rapports ethniques et conduire le pays vers
18 600 hommes au Liberia, 800 en Sierra Leone et 200 en Guinée-Bissau. 19 Le Parti de l’Unité du Progrès (PUP), Parti du Président à dominante soussou implanté en Basse guinée ; l’Union pour le Progrès et le Renouveau (UPR) à dominante peule implanté au Foutah, le Rassemblement du Peuple Guinéen (RPG) à dominante malinké implanté en Haute Guinée. 31
un conflit du type libérien. D’autant que l’armée constitue en plus un vrai facteur d’insécurité. Du fait de sa géographie, la Guinée est concernée par les conflits du Liberia et de la Sierra Leone. Prolongement naturel des guerres libériennes, sierra-léonaise et bissauguinéenne, le pays semble encore épargné par les conséquences de ces conflits, mais pour combien de temps ? De nombreux accrochages sont signalés aux frontières d’avec la Sierra Leone et le Liberia. Ce dernier pays accusant la Guinée d’appuyer les rebelles dans l’œuvre de déstabilisation du pouvoir en place à Monrovia. Dans un tel contexte, et si rien n’est fait, la Guinée ne restera pas longtemps à l’abri de soubresauts conduisant à un conflit de même nature que ceux qui se déroulent à ses frontières20. La preuve, il suffit d’observer la situation dans la région forestière qui est devenue le ventre mou du pays. En effet, cette région est frontalière du Liberia et de la Sierra Leone. On retrouve les mêmes ethnies de part et d’autre des frontières. C’est aussi une terre d’accueil pour les réfugiés fuyant les combats21 et une base arrière pour certaines unités combattantes qui bénéficient de la porosité des frontières et de la complicité de certaines autorités locales. Cet afflux de réfugiés ajouté à un flux migratoire interne de Malinkés et Peuls islamisés dans un contexte non musulmans est porteur de troubles. Les troubles qui se sont déroulés en décembre 1991 entre Forestiers et Malinkés qui firent un grand nombre de victimes en est la parfaite illustration du climat 20 Voir, Mamadou Aliou BARRY : « la Prévention des conflits en Afrique de l’ouest, Mythes ou réalités ? », Editions Karthala, avril 1997. 21 D’après le Haut Commissariat aux réfugiés on compte actuellement près de 700 000 réfugiés libériens, léonais et bissau-guinéens sur le territoire de la Guinée. 32
d’insécurité dans cette zone. Aujourd’hui, c’est la région la plus vulnérable du pays. Sur le plan religieux, on note l’émergence de différents courants de prosélytisme religieux. Ceux-ci commencent à diffuser à travers le pays un islamisme radical qui semble recevoir un soutien financier des pays du MoyenOrient via les congrégations religieuses du Sénégal et du Mali. La communauté chiite libanaise sert aussi de relais à la diffusion de cet islamisme. Berceau de l’islam en Guinée, le Foutah Djallon semble être la terre de prédilection de ces courants. En effet, on constate dans cette région une montée réelle d’une forme de fanatisme religieux qui risque de s’étendre très rapidement à travers le pays tout entier. Sur le plan économique, malgré tous les discours, le pays n’arrive pas à attirer l’investissement privé car la protection de la propriété privée n’est point assurée. A cette morosité juridique, viennent s’ajouter : un climat politique trouble, les tracasseries administratives, la violation flagrante des droits de l’homme, et le manque de visibilité économique et politique de la classe dirigeante. Le pays n’attire plus les investisseurs étrangers et ce, malgré le formidable potentiel de son sol et de son sous-sol. L’inertie gouvernementale est telle que les seules solutions trouvées relève de la surenchère pour soit-disant assurer la sécurité. C’est ainsi que le chef de l’Etat constitue une garde présidentielle afin de protéger son « fauteuil ». Mais il semble ignorer que la constitution de cette garde ne fait qu’aggraver les problèmes dans le sens où c’est la source de nouveaux abus : détournement de fonds, blocage de moyens, banditisme et racket. Par ailleurs, cette garde présidentielle s’est révélée inefficace au cours de la mutinerie de février 1996. 33
Le véritable problème de fond de l’armée guinéenne, à l’instar des autres armées africaines, est qu’il n’y a pas de rapport entre les impératifs de défense auquel l’Etat doit faire face et les moyens mis en œuvre. La participation de l’armée guinéenne aux différentes missions de maintien de la paix dans la sous-région a permis de mesurer le degré d’inefficacité de cette dernière. Récemment, en GuinéeBissau, le contingent guinéen s’est distingué par la désertion de plusieurs soldats. En effet, nombreux seront les soldats guinéens qui préféreront déserter que participer aux combats. C’est au regard de toute cette situation qu’il est temps de dessiner de nouvelles perspectives de défense nationale pour la Guinée de demain. Depuis la prise du pouvoir par les militaires, le 23 décembre 2008, les Guinéens vivent dans une situation d’exception. Plusieurs militaires proches du président défunt Lansana Conté ont été arrêtés et sont toujours détenus au camp Alpha Yaya Diallo, certains d’entre eux ont été transférés au pénitencier de Kassa en août 2009. Parmi eux figurent les colonels Fodé Vivas Sylla, Soriba Yansané (exchancelier des forces armées), Armand Fabre (ex-responsable de l’armement) et le lieutenant-colonel David Sylla (excommandant adjoint de la BASP). L’armée guinéenne actuelle est perçue par les populations guinéennes comme une force de répression qui a toujours été à la solde du pouvoir en place. Cette armée est aujourd’hui un véritable facteur d’insécurité. Sans sa réorganisation profonde, aucun gouvernement ne pourra durablement inverser cette perception du citoyen guinéen. Au regard de cette situation et sans une refonte en profondeur de l’armée, une réconciliation entre celle-ci et le peuple n’est point possible.
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TITRE II DE LA NECESSAIRE REORGANISATION DE L’ARMEE GUINENNE
Chapitre I : Nouvelles perspectives de défense nationale C’est au regard de cette situation de l’armée guinéenne et des forces de défense et de sécurité qu’il est temps de dessiner de nouvelles perspectives de défense nationale pour la Guinée de demain. Le prochain pouvoir en Guinée devra envisager une refonte complète du dispositif de défense par la réorganisation des structures des forces armées. Cette réforme de l’armée guinéenne s’imposera pour lui permettre de remplir ses missions traditionnelles de défense nationale. En effet, dans sa phase de reconstruction politique, la Guinée ne pourra point faire l’économie d’une nécessaire réorganisation de son outil de défense. Cette réorganisation est devenue indispensable pour assurer un environnement sécurisé, d’autant que les conflits armés prolifèrent sur le continent. Cette restructuration de l’outil de défense est essentielle car l’armée actuelle est techniquement faible et pas du tout performante et politiquement dangereuse. Véritable facteur d’insécurité dans son fonctionnement actuel, elle hypothèque toute possibilité de démocratisation du pays. Aucun développement durable n’est envisageable en Guinée sans un environnement politique, économique et social sécurisé. La réorganisation de l’outil de défense se fera par la redéfinition et la mise en œuvre de nouvelles missions de l’armée. Un accent particulier devra être entrepris pour la formation et un nouveau statut du militaire guinéen devra être mis en place pour éviter toute dérive clanique de l’armée. Il faudra aussi instaurer un environnement institutionnel démocratique qui puisse empêcher l’instrumentalisation de l’ethnicité au profit des intérêts 37
sociaux et politiques d’un clan. Le recrutement au sein de l’armée devra être anonyme et axé sur des critères de diplômes, de qualifications professionnelles. Il devra permettre le pluralisme de l’armée dans toutes ses composantes afin de refléter de manière fiable les diverses couches de la société guinéenne. Les missions de l’armée guinéenne devront être modifiées dans le sens d’une sécurité effective des populations au sein d’un Etat respectueux de la démocratie et des droits de l’homme. Cette évolution des missions de l’armée devra se faire dans un cadre où les militaires guinéens auront fait un serment de fidélité non pas à un homme ou à un clan mais aux institutions et à la Constitution du pays. Une véritable reconversion des mentalités des militaires guinéens orientée vers la défense de l’intérêt général et du bien collectif devra être opérée. La formation de l’armée au service de l’Etat de droit devra être accentuée pour permettre au militaire guinéen d’acquérir une mentalité nouvelle, de nouvelles pratiques. C’est au regard d’une telle situation qu’il est nécessaire de renforcer le lien entre l’armée et la nation par la mise en place d’un véritable enseignement sur le respect des organes de l’Etat, sur le droit humanitaire, sur le droit des conflits armés, sur l’éducation civique, sur les droits humains et la place du militaire dans la société. Des armées coupées des populations, isolées dans leurs quartiers, courent le risque de se refermer sur ellesmêmes avec un risque d’inadaptation à la société moderne et à ses enjeux. Il est évident qu’une armée cantonnée dans ses bases aura des tentations extrémistes en se considérant comme la seule gardienne des valeurs républicaines et de l’intérêt national.
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La défense nationale, dans sa globalité, est à la charge de l’Etat et, l’importance de la sécurité des citoyens et des intérêts nationaux est une nécessité dont la République ne peut se passer. Si par le passé, cet impératif de défense nationale rendait indispensable qu’une administration fondée sur l’homme soit mise en place, de nos jours, il en va différemment. L’homme constituait le socle de ce service rendu à la nation et l’importance quantitative d’une armée était la condition sine qua non d’une véritable force militaire. Ajouter à la tête de cette armée un grand stratège et la sécurité nationale était assurée. L’ensemble de cette masse humaine avait pour vocation et motivation unique de faire barrage à l’envahisseur qui venait réduire à néant ses droits, aspirations et porter atteinte à l’intégrité physique de ses compatriotes. Il s’agissait à cette époque d’une armée dont la légitimité revêtait un caractère incontestable. Aujourd’hui, les rapports de force de la société internationale ont énormément changés, et on assiste à une mutation du plan d’étude et de la nature des rapports de force entre Etats. Les conflits ne sont plus envisagés en termes mondiaux mais régionaux. L’intervention des autres Etats dans ce type de conflits ne doit pas s’envisager comme des actions individuelles, isolées, mais comme des actions communes au service des intérêts internationaux. En ceci, la société des Etats a changé et semble donner une véritable consistance à la notion de Communauté internationale. Le vocabulaire s’est modifié parce que les mutations sont perpétuelles. Les intérêts nationaux sont aujourd’hui sublimés dans les intérêts dits internationaux. Sublimés car les intérêts proprement étatiques de jadis peuvent être compris et reconnus par l’ensemble des Etats. Ces intérêts internationaux sont aujourd’hui essentiellement économiques, mais ils sont aussi philosophiques et humains. Economiques 39
car nous sommes à l’heure de l’économie globale (comme le souligne très justement Gérard Soulier « car la bourse ne se couche jamais ». Lorsque ces intérêts mercantiles sont durement menacés, l’intervention militaire des Etats devient indispensable sous peine de voir s’écrouler un équilibre fragile. Cela se fait principalement sous l’égide de l’ONU. C’est dire combien la notion de souveraineté de l’Etat si chère à nos dirigeants africains est devenue une véritable fiction. Pour les droits fondamentaux des individus, la tendance internationale est à la prévention. Les organisations internationales multiplient des actions dans ce sens. Et là, on tente de passer à la vitesse supérieure : c’est-à-dire de la coopération à l’intégration. Dans les relations internationales, les pourparlers et la conclusion d’accords internationaux ont pris le pas sur le souffle du canon. Ces actions sont menées par les membres des gouvernements, et de plus en plus par des organes internationaux comme le Secrétariat général des Nations unies. C’est pourquoi aujourd’hui, le rôle du militaire guinéen doit revêtir une autre nature. Par le simple fait que le nombre n’est plus la donnée essentielle d’une défense nationale, et que la notion de souveraineté nationale est battue en brèche, il faudra repenser un schéma nouveau de l’armée guinéenne pour les années à venir. Cette réforme de l’armée s’impose pour lui permettre de remplir ses missions traditionnelles et pour la rendre efficace et moins « budgétivore ». Mais cette réforme doit s’inscrire dans un schéma global de la réforme de l’Etat. C’est dans un tel souci, et tenant compte des impératifs de défense du pays et du nouveau contexte des relations internationales, qu’un nouveau format d’organisation devrait 40
voir le jour. D’autant que dans tous les domaines (éducation, justice, armée, police), les structures mises en place par l’ancien colonisateur ont été maintenues sans adaptation aux réalités nationales. Les deux jeunes découverts morts de froid dans le train d’atterrissage d’un avion de la Sabena le 2 août 1999 à Zaventem en Belgique, est la parfaite illustration de l’inadéquation du système éducatif hérité de la colonisation, qui ne répond plus aux besoins de la jeunesse guinéenne. Comme dans les autres domaines, il faudra donc envisager la réorganisation de l’armée guinéenne par sa professionnalisation. Mais ce choix pour une armée professionnalisée devra être le fruit d’une maturation de l’idée au sein du processus de prise de décision politique (débat à l’Assemblée nationale, états généraux, etc.).
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Chapitre II : La réforme du système sécuritaire (RSS) La réforme du système sécuritaire doit concerner tous les acteurs chargés de ce domaine, identifier leurs rôles, leurs responsabilités et leurs actions, dans une synergie visant à assurer la gestion du système de façon cohérente avec les normes démocratiques et les principes de bonne gouvernance, contribuant ainsi au bon fonctionnement du cadre général sécuritaire. Le concept de « sécurité » ne concerne pas simplement les institutions centrales que sont l’armée et la police. Les tribunaux, le système pénitentiaire et les organes de contrôle civil, comme le Gouvernement et le Parlement, doivent de préférence être englobés dans le processus de réforme. Par conséquent, les acteurs essentiels de la sécurité comprennent les forces armées, les services de police, les forces de gendarmerie, les forces paramilitaires, la garde présidentielle, les services de renseignement et de sécurité (militaires et civils), les services de garde-côtes, les services de garde-frontières, les services des douanes. Les forces de sécurité non officielles comprennent les rébellions armées, les sociétés de services sécuritaires, les milices des partis politiques. Les organes de gestion et de contrôle de la sécurité sont : le chef de l’Etat, les organes consultatifs nationaux sur la sécurité, le Parlement et commissions d’enquête parlementaire, les ministères de la Défense, de l’Intérieur, des Affaires étrangères et administrations associées, les Chefs coutumiers et autorités traditionnelles locales, les organismes de gestion financière (ministère des Finances, service du Budget, service de Vérification et de Planification financière), les organismes de la société civile (commissions publiques de contrôle, commissions d’examen des plaintes du public). 43
Les institutions judiciaires et organismes chargés de l’application des lois comprennent les corps judiciaires et le ministère de la Justice, l’administration carcérale, les services chargés des enquêtes et des poursuites pénales, la commission de défense des droits de l’homme et les médiateurs, les systèmes judiciaires coutumiers et traditionnels. Selon le modèle proposé par l’OCDE, l’objectif général de la réforme du système de sécurité est de créer un climat de sécurité propice au développement, à la lutte contre la pauvreté et à la démocratie. Pour l’atteindre, il faut que deux conditions fondamentales soient remplies : l’Etat doit être capable de créer, à travers sa politique et ses programmes de développement, une situation propre à atténuer l’impact des facteurs de vulnérabilité auxquels la population est exposée ; l’Etat doit être capable d’employer les instruments d’action à sa disposition pour prévenir ou prendre en main les phénomènes qui menacent la sécurité et sont préjudiciables au bien-être de la collectivité22. La réforme du système de sécurité (RSS) de la Guinée peut, si elle est menée correctement, conduire à la stabilisation du pays et créer ainsi un terrain propice à des initiatives plus poussées en matière de sécurité et de développement. Cette réforme du système sécuritaire proposée touchera, pour l’essentiel, à la réduction des coûts et permettra d’affecter les économies ainsi réalisées au développement socioéconomique du pays. Ce qui rejoint 22 OCDE, « La Réforme des systèmes de sécurité et bonne gouvernance », publication OCDE, février 2006.
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d’ailleurs les solutions proposées par les organisations internationales. Cette réforme devra s’inscrire dans un schéma régional car, pour assurer la sécurité de la sous-région, la CEDEAO devra consolider son système de sécurité collective, par le renforcement de sa force de maintien de la paix afin de pouvoir répondre efficacement aux crises qui la secoue. Après les échecs en 1997 des interpositions occidentales sur le continent africain, les pays occidentaux sont de plus en plus réticents à intervenir. Le constat est que la majorité des opérations de maintien de la paix des Nations Unies se déroulent en Afrique. En conséquence, il devient nécessaire que les pays africains se dotent de leur propre force de maintien de la paix. Associé à un soutien logistique de la communauté internationale, il s’agit de permettre aux Africains de répondre efficacement aux crises qui secouent leur continent. C’est conscient de cet état de choses que, Britanniques, Français et Américains ont proposé des esquisses de solutions. Mais la vraie solution, il faudra que ce soit les Africains eux-mêmes qui prennent leur sécurité en main. Du contrôle civil de l’armée Dans la construction du nouvel Etat de droit, la structure et les activités de l’armée guinéenne devront être déterminées selon des principes juridiques solides et relever de la responsabilité de la sphère politique. En effet, les élus du peuple doivent non seulement exercer un contrôle sur les forces armées, mais ces dernières doivent être placées sous les ordres directs du pouvoir exécutif. Le budget de l’armée doit être visé par le Parlement 45
et par les organismes de vérification comptable, les médias et la société civile devront pouvoir obtenir des informations sur le budget, l’équipement des forces armées. Au sein des forces armées, un accent particulier sera mis sur le professionnalisme et la neutralité politique du militaire guinéen. En outre, le gouvernement doit pouvoir sanctionner toutes les infractions aux droits de l’homme et les agissements contraires à la déontologie des militaires dans l’exercice de leurs fonctions, d’où la nécessité de la réforme du système sécuritaire de la Guinée. Cette réforme prendra du temps et de l’énergie et suppose une volonté politique forte.
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Chapitre III : Le format de la future armée guinéenne Section 1 : Mise en place d’un Corps unique de Gendarmerie La nouvelle armée devra être réorganisée et transformée en un grand service public de gendarmerie nationale. Au lieu et place donc des structures actuelles, on verrait naître une véritable entité unique de gendarmerie qui aura pour mission essentielle de participer, comme force de police à la défense intérieure du pays. La défense extérieure s’organisant dans le cadre sous-régional. Force de police entendue comme « une activité de régulation sociale coercitive, organisée de manière rationnelle et permanente, en vue de maintenir, par le recours à des forces et à des techniques spécifiques, l’ordre public dans une société 23» Prévenir et réprimer toutes les atteintes à l’ordre public afin d’assurer la stabilité et la sécurité du système Ce service de gendarmerie nationale veillera social. spécialement sur les installations d’intérêt national, sur les voies de communication, les zones frontalières, viendra en aide à la population. La gendarmerie dans le cadre de ses fonctions de police judiciaire devra aussi veiller à l’exécution des lois. Elle devra être une véritable force d’assistance et de secours au service de la population. Mais dans un pays comme la Guinée, la gendarmerie aura comme force publique un rôle essentiel : celui de la préservation de l’Etat de droit. On pourra donc envisager une structure en trois grands corps : -Un Corps de gendarmerie terrestre 23 François DIEU : « La gendarmerie » chroniques, Revue défense nationale, août-septembre 1999, page 1985. 47
-Un Corps de gendarmerie aérienne -Un Corps de gendarmerie maritime La gendarmerie nationale ainsi structurée constituera, par sa vocation, par l’importance de ses missions, par son implantation et par ses possibilités, l’un des moyens essentiels de la défense nationale d’un pays comme la Guinée, dont les priorités nationales devront être l’agriculture, la santé, l’éducation, et le système judiciaire afin de permettre un développement harmonieux du pays. Ce grand corps de gendarmerie aura un effectif correspondant aux besoins réel de sécurité du pays, soit environ 20 000 hommes. 1.1.
Le Corps de gendarmerie terrestre
Ce corps d’un effectif d’environ 10 000 gendarmes doit être en mesure de réagir contre toute agression terrestre et participer à la sûreté de l’appareil gouvernemental et, assurer la sécurité des points sensibles du pays. Pour mieux assurer sa mission, elle sera subdivisée en deux unités reparties sur l’ensemble du territoire national : - Unités de gendarmerie communale et régionale - Unités de gendarmerie mobile L’unité de gendarmerie communale et régionale Elle devra s’adapter aux structures administratives du pays et se repartir sur l’ensemble du territoire national. Il faudra une unité (brigade) par commune ou groupes de villages. L’ensemble de ces brigades formera une compagnie commandée par un officier. Toutes les compagnies d’une région comme la Basse Guinée par exemple (selon l’organisation administrative du pays en place) formeront un groupement de gendarmerie commandé par un officier 48
supérieur. La gendarmerie communale disposera en plus de moyens pour la recherche, la surveillance et l’intervention. L’unité de gendarmerie mobile Elle devra compléter l’action de la gendarmerie communale, régionale et, sera destinée à assurer le maintien de l’ordre. Elle assurera en outre une mission de police de route, de montagne et de surveillance. L’organisation de la gendarmerie terrestre devra se calquer sur l’organisation administrative du pays. Le pays sera par conséquent subdivisé en quatre régions militaires de gendarmerie (sans compter la zone spéciale de Conakry), à savoir : -1ère région militaire de gendarmerie, avec son Etat-major situé à Kindia. -2ème région militaire de gendarmerie, avec son Etat-major à Kankan ; -3ème région militaire de gendarmerie, avec son Etat-major à N’Zérékoré ; -4ème région militaire de gendarmerie, avec son Etat-major situé à Labé. 1.2.
Le Corps de gendarmerie aérienne
Le corps de gendarmerie aérienne agira en coopération étroite avec la gendarmerie terrestre et la gendarmerie maritime. Elle devra participer à la lutte contre toute infiltration hostile. Elle devra pouvoir détecter et évaluer toutes menaces aériennes et défendre le territoire national. La gendarmerie aérienne devra être servie par des professionnels. Tout comme la gendarmerie terrestre, le nombre et la qualité des matériels mis en œuvre, tiendra compte du budget de la Nation et des priorités définies par le 49
gouvernement. Un effectif de 400 hommes semblerait raisonnable. La gendarmerie aérienne sera structurée en quatre régions militaire de gendarmerie aérienne correspondant aux trois villes aériennes proches des frontières terrestres, lesquelles seront constituées par trois grands commandements qui auront leur Etat-major à : - Labé - Kankan - Faranah - Guéguédou 1.3.
Le Corps de gendarmerie maritime
La mission principale de la gendarmerie maritime sera la surveillance des eaux territoriales et des zones de pêche en empêchant, tout agresseur d’utiliser les espaces maritimes ; en assurant la liberté du trafic maritime indispensable à la vie économique en protégeant les installations d’exploitation de ressources de l’océan , en contribuant à l’exécution des accords de défense conclu dans le cadre des traités internationaux. Le littoral guinéen devra être divisé en trois régions maritimes de gendarmerie avec leur Etat-major respectif à : -Conakry, -Benty -Kamsar Ces régions regrouperont l’ensemble des moyens portuaires industriels, logistiques et administratifs adaptés au soutien des forces. Pour remplir ses missions, la gendarmerie maritime devra disposer d’effectifs relativement faibles, très spécialisés sur le plan technique qui mettent en œuvre des moyens navals légers correspondant aux besoins de défense maritime du pays. L’effectif de la gendarmerie maritime 50
devra répondre aux impératifs de défense sans pour autant excéder 400 hommes. Au sein de cette armée ainsi restructurée, il faudra unités militaires qui contribuent au renforcer les développement socioéconomique de la Guinée, à savoir le Génie militaire et le Service de santé des armées. Section 2 : La participation de l’armée à la Politique de développement Participation du service de santé des armées au renforcement de la politique de santé publique L’armée guinéenne, au-delà de sa mission traditionnelle de défense nationale, doit à travers son service de santé des armées, apporter son soutien dans la mise en œuvre et l’exécution de la politique de santé publique dont l’objectif est de promouvoir le bien-être physique, mental et social de la population. C’est pourquoi, malgré les difficultés économiques, il est nécessaire de renforcer les moyens du service de santé des armées afin d’accroître ses capacités d’intégration aux structures nationales du Ministère de la Santé en tous temps, afin de relever les défis qui se posent au pays en matière de santé publique. L’armée guinéenne par le biais de son service de santé militaire devra intervenir de façon spécifique à tous les niveaux de la pyramide sanitaire pour assurer un fort taux de couverture sanitaire. Pour ce faire, le service de santé militaire devra être implanté dans les chefs lieux des communautés rurales ou d’arrondissement et dans les villes. Des médecins militaires devront superviser des centres de santé qui sont les références des postes de santé aux plans préventif, curatif et administratif.
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Le mode de fonctionnement du service de santé militaire doit être en parfaite adéquation avec le système public de santé du pays. Cela trouve sa justification dans la recherche d’extension maximale de l’action sanitaire pour atteindre les populations à la base. Ainsi, de la base au sommet, de la périphérie aux structures intermédiaires, un système de recours, puis de référence, permet de remonter jusqu’à l’hôpital central. La médecine militaire doit se positionner en partenaire de la santé publique. Participation du génie militaire au renforcement de politique de développement local
la
Le génie militaire désigne l'ensemble des techniques d’attaque et de défense des places, des postes, et de construction des infrastructures nécessaires aux armées au combat. Le génie militaire peut donc accomplir une grande variété de tâches de construction ou de réparation de routes, de ponts, de voies de chemins de fer ou toute infrastructure de transport, pose ou destruction de champs de mines, etc. Le génie militaire désigne également le service chargé du développement, de la gestion et de l'entretien du domaine immobilier de l'Armée de terre ainsi que de certaines installations de l'Armée de l'air (notamment les pistes), de la gendarmerie et de la Marine nationale. En Guinée, tout en participant aux fonctions premières de l'armée qui sont les opérations de défense, à travers notamment un appui aux unités, le génie militaire doit avoir une vocation à soutenir le développement communautaire, à l’amélioration des pistes rurales pour le désenclavement et l'évacuation de la production agricole. En effet en saison des pluies notamment, l’accès à beaucoup de villages du pays reste difficile voire impossible. En outre, 52
l’absence d'infrastructures de génie civil ne facilite pas l’entretien des quelques pistes existantes. Cette situation d’enclavement des villages et même de chef lieu de nombreuses communes compromet tous les efforts d’aménagement du territoire. Elle engendre également des conséquences à la fois sociales, par exemple l’accès aux maternités, l’évacuation des malades, et économiques comme l’acheminement des récoltes vers les centres urbains. Par ses actions, le Génie militaire contribuera à la réduction de la pauvreté et à l'amélioration des conditions de vie, notamment en milieu rural. Section 3 : Modules prépositionnés au profit de la force africaine A côté de cette gendarmerie nationale, sera créée des unités spéciales, prépositionnées, sous la forme d’un module, doté des moyens adéquats qui sera mis à disposition de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, de l’Union africaine et des Nations Unies pour les opérations de maintien de la paix. Ces unités seront équipées de tous les matériels nécessaires à leur fonctionnement en service dans l’armée actuelle : les blindés ; les avions de combat ; l’artillerie, etc. Le reste des matériels sera à reverser dans la nouvelle armée. Les matériels non indispensables pour les deux structures seront revendus dans le cadre d’une politique de désarmement avec l’appui des organismes internationaux de désarmement. Le pays pourra solliciter à cet effet une prime pour le processus de désarmement. Ce désarmement, pour être efficace, doit être pratiqué sur le plan régional, dont l’objectif principal sera de prévenir, de contrôler, et de contenir toute forme de violence guerrière. 53
Parallèlement à la mise en place de cette structure nouvelle, devront être supprimées toutes les autres unités non utiles : garde présidentielle, police nationale, brigade antigang, bref toutes les forces de l’ordre. Toutes les autres unités, selon leurs armes d’appartenance, devront être fondues dans l’unité de gendarmerie correspondante. Section 4 : Suppression des forces de l’ordre Par forces de l’ordre il faut entendre : la brigade de sécurité présidentielle, la Compagnie mobile d’intervention et de sécurité, la brigade anti-criminalité, la brigade antigang, etc. Pourquoi supprimer les forces de l’ordre ? Tout simplement par ce qu’en Guinée comme dans la plupart des pays africains, les forces de l’ordre se sont spécialisées dans les abus de tout genre : corruption, banditisme, tortures etc. La montée du banditisme, de l’insécurité dans les différentes régions du pays prouve si besoin en est les défaillances des forces de l’ordre. Le plus grave, c’est que ces forces de l’ordre travaillent en toute impunité car il n’y a point de contre-pouvoirs démocratiques. Les autorités politiques n’ayant qu’une vision répressive de la lutte contre la criminalité et la délinquance, la torture est érigée en unique méthode de travail des forces de l’ordre. Nulle par il n’est fait mention de la réinsertion des délinquants. Mal payées et corrompues, les forces de l’ordre participent à la montée de la criminalité par la vente ou la location des armes et des uniformes. Elles font plus de mal à une population dont elles sont pourtant sensées garantir la sécurité et, accentuent ainsi l’insécurité. La population guinéenne, à la merci de bandes armées qui agissent en toute impunité, organise son autodéfense en s’armant. C’est ainsi que dans les centres urbains, les habitants s’engagent dans une autoprotection et s’enferment avec force cadenas, grilles et murailles, complétés par la présence de gardiens issus le 54
plus souvent de sociétés privées de gardiennage ou de sécurité. La montée de cette autodéfense favorise l’engrenage de la violence et comporte de sérieux risques pour l’autorité publique car elle est laissée sans aucun contrôle de l’Etat et sans la neutralité nécessaire à une mission de service public. L’ex-président de l’Assemblée nationale, M. Boubacar Biro DIALLO dans son discours d’ouverture de la première session ordinaire, le 6 avril 1999, faisait part au gouvernement de la montée de l’insécurité dans le pays. Il faisait remarquer que le « banditisme avait réapparu dans les centres urbains, principalement à Conakry et, il ne se passe plus de jour sans que des cas d’attaque à main armée, quelquefois en plein jour, des agressions nocturnes de paisibles citoyens, des disparitions d’enfants, des coups de feu dans les quartiers en pleine nuit, ne soient signalés aux autorités. C’est une manifestation courante de l’insécurité qui sévit dans nos villes. Pourtant, il suffit de se hasarder à sortir au-delà de 0h pour se rendre compte que la capitale, en particulier, est en état de siège. Un couvre-feu non déclaré, est mis en place depuis que les rebelles du RUF (Front Révolutionnaire Uni) sierra-léonais font des incursions à nos frontières, mais surtout depuis que l’on a arrêté le leader du RPG (Rassemblement du Peuple de Guinée), Mr Alpha Condé. Ces mesures de sécurité ne semblent pas donner le résultat escompté. Plutôt, elles permettent à ceux qui surveillent les barrages érigés au niveau de tous les grands carrefours de la capitale, de se remplir les poches sur le dos des paisibles citoyens »24. Constat accablant prouvant, si besoin en est, la nécessité de mettre fin à une telle situation par la suppression pure et simple de ces forces de l’ordre. 24 Déclaration du président de l’Assemblée nationale du 6 avril 1999. 55
Parallèlement à la suppression de ces forces de l’ordre et leur remplacement par la gendarmerie nationale, l’Etat devra instaurer une véritable politique d’assistance sociale, de protection judiciaire des mineurs délinquants, pour lutter de façon efficace contre la délinquance, tout en sensibilisant la population aux problèmes de sécurité. Il est évident que cette suppression des forces de l’ordre doit s’inscrire dans la réforme globale du système sécuritaire (RSS) du pays (réforme de la justice et des forces armées). Section 5 : Mise en place d’un service civique obligatoire Objectif du service civique obligatoire Le service civique obligatoire aura pour objectif d’apporter un concours personnel et temporaire à la communauté nationale dans le cadre d’une mission d’intérêt général et/ou de développer la solidarité et le sentiment d’appartenance à la Nation. Il peut s’accomplir dans l’un des trois domaines suivants : - La défense, la sécurité et la prévention, avec des missions de protection des personnes, des biens et de l’environnement ; - La cohésion sociale et solidarité par des actions d’intérêt général ; - L’éducation à la démocratie et aux droits humains. Ce service civique obligatoire devra être ouvert à tous les jeunes gens, garçons et filles, entre 16 et 25 ans, afin de leur transmettre les valeurs républicaines. Chacun d’entre eux aura droit pendant son service civique à une formation à la citoyenneté, à un accompagnement personnalisé et se verra délivrer à l’issue un brevet du service civique. Le service civique obligatoire peut être mis à profit pour compléter la formation des jeunes Guinéens dans le 56
domaine de l’éducation civique et viser à leur faire appréhender les questions et les enjeux concernant leurs devoirs, la vie en communauté, la solidarité au sein d'une génération et entre générations. Il devra aussi offrir une perspective aux jeunes sortis du système scolaire en échec total (notamment en grande difficulté de lecture, voire en situation d’illettrisme) et en difficulté d’insertion. Durée du service civique obligatoire Le service civique obligatoire devra se dérouler sur une période de six mois. Une durée de six mois serait en effet susceptible de pouvoir représenter un réel apport à la communauté par le temps qu’elle donne pour s’y consacrer. Le service civique obligatoire pourrait constituer une aide significative, et non une charge, pour les organismes accueillant les jeunes. Elle serait à même de susciter l’implication des jeunes et d’apparaître aux yeux de notre société comme un vrai service et non pas une simple mesure de principe. Six mois permettent de ménager initialement une première période d’information, de formation, de préparation du stage, de l’ordre d’un mois, puis une deuxième période de pratique d’une durée de cinq mois. Sur une telle durée, les organismes d’accueil et de formation des jeunes peuvent rentabiliser la présence des jeunes qu’ils accueilleront. Ceux-ci auront eux-mêmes le sentiment d’être utiles et de pouvoir tirer des bénéfices au plan personnel de ce temps consacré à la Nation. Quelle que soit la durée du service civique obligatoire, une partie devrait en être consacrée à un temps d’information, de formation complémentaire, éventuellement à des stages courts de découverte et de sensibilisation.
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L’organisation et le contenu du service civique obligatoire doivent servir de base pour renforcer le sentiment d’appartenance à la communauté nationale, le sens de la citoyenneté, la solidarité au sein d’une génération et entre générations. Un temps fort de la formation sera consacré aux domaines suivants : - Le devoir de mémoire ; - Les devoirs et les droits du citoyen ; - Les risques liés aux comportements dangereux : drogue, alcool, tabac ; - La conduite sur la route ; - Le secourisme (avec l’acquisition d’un brevet national de secourisme) ; - Une information sur le bénévolat et les associations. L’objectif de cette formation est de sensibiliser les jeunes sur tel ou tel problème de notre société, sur telle ou telle population connaissant des difficultés. Une formation aux questions de l’environnement devra être instaurée. En effet, l’emploi des jeunes en faveur de l’environnement dans le cadre d’un service civique obligatoire présenterait le double intérêt d’ouvrir un champ de possibilités importantes dans un domaine de plus en plus sensible et d’apporter de l’aide dans un secteur qui manque encore de moyens et de qualifications. Le champ de ces actions pourrait concerner l’entretien et le nettoyage des espaces verts, des plages, des cours d’eau, la protection des parcs, le débroussaillage des espaces à risques, forêts, bois, la lutte antipollution, ou encore les travaux de nettoyage et de remise en état après les catastrophes naturelles. À ce domaine de l’environnement, peuvent être aussi rattachées des actions contribuant à l’entretien, à la mise en 58
valeur et à la restauration du patrimoine national. Les possibilités d’emploi des jeunes au cours d’un service civique dans le domaine de la protection civile sont également importantes et remporteraient beaucoup de succès. Il s’agirait d’apporter un concours dans la surveillance et la lutte contre les incendies, ainsi que des actions lors des catastrophes naturelles, inondations, pollutions, rejoignant là le domaine de l’environnement. La mise en place d’un service civique obligatoire constitue certainement une grande ambition pour notre pays. C’est un projet visant à renforcer le sentiment d’appartenance à une même communauté ainsi que la solidarité au sein de celle-ci. Mais c’est un projet complexe et délicat à réaliser. D’où la nécessité de faire appel au savoir-faire d’un pays comme la France dans ce domaine car, au-delà des difficultés pratiques d’organisation et de mise en œuvre, sa réussite ne peut passer que par l’appui technique d’un pays qui a une longue expérience dans ce domaine et par l’adhésion de tous, jeunes et adultes, à cette ambition et aux objectifs visés.
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TITRE III NOUVELLES PERSPECTIVES DE DEFENSE NATIONALE
Chapitre 1 : La coopération en matière de défense nationale La coopération militaire française C’est de loin la coopération la plus importante avec un pays du Nord. La Guinée a signé en avril 1984 un accord de coopération militaire technique avec la France. Cette coopération militaire française s’inscrit aujourd’hui dans une logique de préservation de la paix et de la sécurité sous régionale. La coopération militaire française vise donc à appuyer les forces armées guinéennes dans le domaine de la formation afin de former les jeunes cadres qui devront constituer l’ossature d’une future armée républicaine. Un appui à la formation dispensée à l’Ecole militaire interarmées (EMIA) ouverte en 1994. Deux cycles de formation des formateurs, un cycle de diplômes d’Etat-major (DEM) et un autre pour la formation des élèves d’officiers d’actives (EOA) pour un effectif de 27 cadres. En 2005 a été créée l’école nationale des sousofficiers (ENSOA) de Manéah dont la mission est de former les sous-officiers des forces armées guinéennes. En 2008, près de quatre vingt dix sous-officiers ont obtenu le brevet interarmes et deux salles tactiques ont été réalisées. En 2006 a été ouverte l’école nationale des transmissions qui a formé déjà près de cinquante sousofficiers dans la filière radiotélégraphique. Dans le volet de la formation des officiers, la première division d’application a débuté en octobre 2008 pour une durée de 6 mois. La montée en puissance de l’école est complétée par une formation des formateurs et la mise en place de stations radio sur des véhicules 4 X 4 permettant de réaliser des exercices de synthèse sur le terrain. L’école militaire d’administration développe des stages de formation administrative au profit d’officiers et 63
sous-officiers. A ce jour, trois stages de formation administrative sont dispensés. Au niveau des ressources humaines, la coopé »ration militaire française participe à l’amélioration de l’organisation de la gestion des ressources humaines (ORH) afin d’obtenir une meilleure adéquation entre les besoins et les ressources sur le plan qualitatif et quantitatif. Cette coopération participe aux actions visant à améliorer le fonctionnement général de l’Etat-major notamment dans le domaine de la planification. En 2008, 11 militaires guinéens ont été envoyés en stage dans les écoles de formation en France, 26 dans les écoles militaires régionales d’Afrique de l’Ouest, et 2 auditeurs ont participé au Forum Interarmées du Continent Africain (FICA) organisé par l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (IHEDN). Au niveau des services d’appui, notamment le service de santé des armées, un budget d’environ 100 000 euros par an qui vise à appuyer la Direction générale du service de santé récemment mise en place dans ses efforts de formation des personnels (médecins, infirmiers, laborantins), de restructuration, et d’amélioration de la médecine de soins. Il a permis également la réalisation de moyens de lutte efficaces au sein des Forces armées guinéennes et à travers tout le pays contre les infections sexuellement transmissibles IST/ VIH/ SIDA. Il s’agit concrètement de prévenir, conseiller, dépister et assurer la prise en charge et la mise en place d’un réseau de laboratoires. Au niveau de la Gendarmerie, la coopération militaire française a participe à la formation de des 4 000 élèves gendarmes recrutés en 2008 notamment dans le domaine du maintien de l’ordre et de l’intervention professionnelle sous la direction de deux missionnaires de courte durée. Un soutien du module Police judiciaire et élaboration du 64
programme de formation des futurs agents de police judiciaire (APJ) a été aussi développé dans le cadre de cette coopération. Enfin, la France s’est engagée à soutenir le processus de montée en puissance de la force régionale (brigade de la CEDEAO) de la Force Africaine en Attente (FAA) de l’Union Africaine avec notamment un appui accentué à la formation des cadres, en particulier les stages organisés à l’Ecole du Maintien de la Paix de Bamako et aux exercices d’entraînement régionaux dans le cadre de RECAMP ( Renforcement des Capacités Africaines au Maintien de la Paix) ou à l’initiative des instances africaines régionales. En 2008, l’aide directe de la France d’un montant de 372.665 euros 25se répartissait comme suit : -Pour la formation : 50.425 euros -Pour la logistique : 322.240 euros Il est regrettable qu’un enseignement hétéroclite soit délivré par de nombreux intervenants. Les unités d'élite sont formées à Kindia, la plus importante garnison du pays, par des instructeurs chinois. La coopération française est surtout active dans le domaine de l'administration et des transmissions, alors que les Américains et les Chinois ont formé les rangers affectés à la surveillance des frontières. D'autres ont suivi des sessions de formation à l'étranger, notamment au Mali, au Sénégal, en France, à Cuba, en Allemagne, en Égypte, aux États-Unis et au Maroc Pour l’avenir, en matière de coopération civile et militaire, la Guinée devra privilégier une coopération dans le cadre sous-régional et faire appel au savoir-faire des cadres guinéens de la diaspora. En effet, près d’un demi-siècle après son indépendance, la Guinée a suffisamment de cadres à 25 Pour plus d’informations sur la coopération française voir : http://www.ambafrance-gn.org/france_guinee/spip.php?article506 65
l’intérieur et à l’extérieur du pays, suffisamment bien formés, capables de remplir les fonctions de conseillers des ministres ou d’instructeurs militaires avec des exigences financières nettement inférieures à celles des coopérants civils ou militaires venant du Nord. Ceci est valable dans tous les domaines de la coopération Nord-Sud (justice, économie, etc..). Ne faire appel à la coopération des pays du Nord qu’après avoir épuisé les possibilités du marché des cadres du pays et de la sous-région. Dans le cadre de la réorganisation de l’armée guinéenne, de nouveaux objectifs en matière de coopération militaire devront être définis. Ces objectifs devront permettre de : - Renforcer les capacités de prévention et de gestion des crises à l’échelon national et régional ; - Aider à la restructuration de l’armée par une réduction des effectifs pour une évolution vers la professionnalisation ; -Aider à la mise en place d’un Servie militaire adapté (SMA) avec l’appui de la France pour son expérience de ce type de service militaire dans les Territoires et Départements français d’Outre-mer. - Aider l’armée à remplir ses missions de protection de l’Etat et des Institutions. Sur le plan régional, une véritable politique de concertation intra-africaine sur la défense doit être mise en place afin d’harmoniser les politiques de défense et de coopération militaire. Africaniser via l’union africaine, l’ONU et les partenaires bilatéraux (USA, Union Européenne, Russie) la sécurité par l’édification, l’organisation et la mise en œuvre d’une force interafricaine de maintien de la paix et d’interposition car, la défense extérieure s’organisera dans le cadre sous régional par la prise en compte collective des besoins de sécurité des Etats (ONU/UA/CEDEAO). 66
Chapitre 2 : Mise en place d’un Service Militaire Adapté (SMA) La France développe actuellement dans les Territoires et Départements de l’Outre-mer un service militaire adapté (SMA). Ce service qui a été créé en France en 1961 pourrait servir de modèle à celui qui serait instauré en Guinée. Dans les Territoires et Département de l’Outre-mer, le service militaire adapté a permis de former chaque année environ 2 300 jeunes sortis sans qualification du système scolaire à des métiers déficitaires en main-d’œuvre : agriculture, bâtiment, pêche, restauration, mécanique automobile, sur une durée comprise entre six et douze mois. La formation conduit à un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) et 70% de ces jeunes de l’Outre-mer trouvent immédiatement un emploi à l’issue de leur service militaire adapté. Dans le cadre de cette formation, les jeunes travaillent sur des chantiers qui participent au développement des infrastructures. Les instructeurs sont des militaires, en partie des appelés à l’époque du service national et des civils. Le service militaire adapté a été conservé en l’état après la suspension du service et a été introduit dans le nouveau statut général des militaires, les stagiaires servant sous statut militaire pendant leur formation. Au total ce sont 70 000 jeunes d’outre-mer qui ont été ainsi formés depuis la création de ce SMA. Riche d'une expérience de plus de 40 ans, le Service militaire adapté (SMA) français regroupe des unités militaires implantées dans la quasi-totalité des Départements et Territoire de l’Outre-mer. Ce modèle de service militaire est adaptable au contexte de la Guinée. Il peut être envisagé dans le cadre de la coopération militaire Franco-guinéenne de mettre en place ce système de service militaire adapté. 67
Les unités du service militaire adapté auront pour mission d'assurer, dans un environnement à caractère militaire, la formation professionnelle des jeunes de 16 à 25 à la recherche d’emploi, les militaires désengagés de l’armée à la suite de la restructuration des forces de défense, les jeunes issus de milieux défavorisés, souvent en recherche d'avenir, parfois dans des situations de prédélinquance. Le service militaire adapté devra contribuer également à la lutte contre l’anaphabétisme et à l’instruction civique des jeunes. Au-delà des simples termes de cette mission, la plusvalue du service militaire adapté sera fondée sur la délivrance d'un savoir-être, dérivé des habitudes militaires. Le Service militaire adapté dispensera à ces catégories de personnes une formation professionnelle adaptée afin de faciliter leur réinsertion sociale et professionnelle. La durée de la formation proposée s’étendra de 12 à 24 mois, selon la formation suivie et le niveau scolaire. Le service militaire adapté sera placé sous la double tutelle du ministère de l’Education nationale et du ministère de la Défense. La formation dispensée durant le service militaire adapté s’achevera par la délivrance d'un certificat d'aptitude professionnelle (CAP), d’un certificat d'aptitude professionnelle agricole (CAPA).
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TITRE IV ARMEE ET ETAT DE DROIT
Chapitre 1 : Lien Armée-Nation La nouvelle Politique de défense veut que la défense reste l’affaire de tous les citoyens. Dans cet Etat rénové, le lien entre l’Armée et la Nation devra être renforcé car, une armée coupée du pays, isolée dans ses quartiers risque de se refermer sur elle-même avec un risque d'inadaptation à la société moderne et à ses enjeux. Il est évident qu’une armée cantonnée dans ses bases aura des tentations extrémistes en se considérant comme la seule gardienne des valeurs républicaines et de l’intérêt national. Il est nécessaire de rapprocher l’Armée de la Nation en faisant mieux connaître l’institution militaire à travers les programmes scolaires. Ainsi, dans l’éducation nationale, l’enseignement des principes et de l’organisation de la défense nationale devra être intégré aux cours d’histoire et d’éducation civique, à partir de la classe de troisième dans le cycle secondaire. En effet, l’organisation de la défense, l’instruction civique, la sécurité du pays doivent faire l’objet d’un enseignement à partir du secondaire. Au niveau universitaire, il faudra créer des unités de valeur axées sur la défense et la sécurité. Parallèlement, il faudra instaurer des journées de la défense et des forces armées, trouver des moyens attractifs de promotion de l’armée par une communication objective en insistant, sur ses missions de service public. Ainsi réorganisée, la nouvelle armée guinéenne pourra remplir ses missions de défense nationale dans l’intérêt bien compris de la Nation.
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Pour consolider les bases de l’Etat droit, il faudra que la réorganisation de l’armée soit accompagnée d’une réforme profonde du système judiciaire.
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Chapitre 2 : De la nécessaire réforme du système judiciaire26 Les lacunes de la justice en Guinée s’expliquent par sa connivence avec le pouvoir en place, son absence dans le milieu rural qui constitue pourtant 80% de la population, son éloignement, ses frais trop élevés, la langue de travail utilisée (le français, alors que 75% de la population ne pratique pas cette langue), et surtout la corruption qui y règne. Tous ces facteurs contribuent à éloigner le justiciable de la justice. Le système judiciaire mis en place depuis l’époque coloniale n’a jamais pris en compte les besoins des citoyens. Ceux-ci sont pourtant nombreux. Le rapport de l’Observatoire politique de la coopération française (OPCF) recensait des besoins en « une justice équitable et impartiale dans son rôle d’arbitrage et non au service de quelques individus ; une lutte ouverte contre la corruption ; une prise en compte des valeurs coutumières ; un contrôle suivi des gestionnaires des biens publics ; une protection accrue du citoyen ; l’abandon des intimidations et la sauvegarde de la paix et de l’unité nationale »27. La réforme de la Justice doit entraîner un renforcement du droit des justiciables. Dans ce cadre, l’Etat devra développer une
26 Avec la contribution des juristes Amadou DIALLO et Hassan II DIALLO, conseillers juridiques à la Primature. 27 « Rapport de l’Observatoire de la coopération française », Editions Karthala, 1996, page 61.
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politique globale de prévention et de sécurité qui associerait les citoyens. Dans cette perspective, la réforme d’un secteur aussi complexe et sensible que la justice va, sans nul doute, susciter une mobilisation des acteurs sociaux autour des enjeux liés, d’une part, à l’accessibilité et à l’efficacité du service public de la Justice et, d’autre part, à la crédibilité de l’institution judiciaire. En effet, l’organisation judiciaire étant pour l'essentiel calquée sur l'organisation administrative du pays en régions et préfectures, les justiciables sont ainsi obligés parfois soit de renoncer à faire valoir leurs droits, soit de se plier aux verdicts d’autorités administratives locales pourtant non investies du pouvoir de juger, plutôt que de devoir parcourir des centaines de kilomètres qui les séparent souvent des cours de justice et tribunaux. L’effectif des magistrats actuellement en fonction en Guinée est de 250 environ pour une population de près de 10 millions d’habitants, soit le ratio de 1 magistrat pour près de 40 000 habitants. Le ratio universellement reconnu étant de 1 magistrat pour 10 000 habitants, l’on mesure ainsi aisément les efforts qui restent à fournir par le Gouvernement dans ce domaine. Le coût de la justice exclut aussi les couches défavorisées de la population qui ne sont pas en mesure de payer des frais de consignation relativement élevés et encore moins d'avoir recours aux services d'un avocat. L'assistance judiciaire en faveur des démunis demeure un vœu pieux en dépit des efforts timides du Barreau à travers les cours juridiques qui comportent des constitutions bénévoles au profit des justiciables. En outre, la loi portant assistance judiciaire est pratiquement méconnue. 74
Le justiciable ignore, en outre, la plupart des textes usuels qui définissent ses droits et obligations ou qui régissent ses rapports quotidiens avec l'Etat et ses concitoyens. Le langage ésotérique en usage dans les prétoires lui donne l'impression d'être aux prises avec une corporation sectaire. Et quand il franchit ces obstacles, il ne parvient souvent pas à obtenir satisfaction en raison de la lenteur des procédures, des renvois intempestifs, des difficultés d'obtenir en temps utile la délivrance de tel ou tel acte de procédure ou de supporter le coût de mesures provisoires. L’inefficacité du service public de la justice se manifeste par ailleurs par la difficulté qu’ont souvent les textes usuels à trouver des solutions durables aux litiges, eu égard à leur inadéquation avec l’environnement socioculturel ou économique. C’est le cas notamment en matière foncière dans un pays où plus des deux tiers de la population vit de l’agriculture. L’inefficacité du service public de la justice se manifeste également au niveau du contrôle des dépenses publiques. S’il est vrai que l’Assemblée nationale, qui autorise par la loi de finances les prélèvements d’impôts et de taxes pour constituer les ressources nécessaires aux dépenses de l’Etat, a un droit de regard sur l’utilisation de ces ressources et la concordance des dépenses effectuées avec les autorisations budgétaires accordées, force est de reconnaître qu’elle a été rarement saisie d’un projet de loi de règlement qui lui permette d’exercer un contrôle « a posteriori » de l’exécution des lois de finances. La raison en est simplement que la Chambre des comptes de la Cour suprême ne dispose pas de l’autonomie nécessaire et des ressources humaines et matérielles requises pour faciliter, par son contrôle préalable, l’initiative des lois de règlement. 75
Aux facteurs précités qui expliquent en partie les difficultés d’accès et l’inefficacité de l’institution judiciaire, s’ajoutent ceux liés à la crédibilité de celle-ci. Sur ce dernier point, il n’y a pas de doute que dans les pays en voie de développement - et la Guinée n’échappe pas à la règle – l’administration publique fait l'objet d'une défiance des populations et des investisseurs. En témoignent la recrudescence de la justice privée, les interventions intempestives dans les procédures d’exécution des décisions de justice, le recours aux modes traditionnels de règlement des conflits et la résignation due à un pessimisme nourri par un sentiment d’impunité des forts, le tout entraînant une recrudescence de la criminalité et de la pauvreté. Les causes de la défiance des citoyens vis-à-vis de la justice s’expliquent notamment par des lacunes au niveau des textes normatifs en raison du fait que la plupart de ces textes ont été adoptés à la hâte, afin de combler le vide juridique créé à la suite du changement de régime politique. Le plus souvent, les textes existants ne sont pas appliqués. A cela s’ajoutent les pressions de tous ordres, favorisées par les survivances d’un passé où, pendant plus d’un quart de siècle, l’appareil judiciaire était un véritable prolongement du pouvoir exécutif, lui-même, totalitaire et aux ordres du Parti unique. Aussi, les lacunes de la Justice se traduisent-elles par les lenteurs excessives dans le règlement des affaires, l’inefficacité ou l’inexistence du contrôle hiérarchique, l’inexécution ou l’exécution défectueuse des décisions de justice, les violations flagrantes de la loi et de l’éthique et le règne de la médiocrité. Face à cette situation, les nouvelles autorités dans le cadre de leurs orientations stratégiques doivent inscrire au rang de leurs priorités la restauration de cette confiance qui 76
constitue la "pierre angulaire" de toute véritable politique de développement. La réforme de la Justice apparaît dès lors comme une nécessité incontournable pour mettre fin au règne de l'arbitraire et la déliquescence de l'Etat. C’est seulement à ce prix que la Justice recouvrera véritablement sa place de troisième pouvoir, à la fois indépendant, impartial et diligent, condition « sine qua non » d’un développement harmonieux et durable du pays. Les chances de succès du processus de cette réforme supposent des objectifs ciblés et une stratégie de mise en œuvre efficiente, ainsi que la prise en compte de la valeur personnelle du juge, les principes d’indépendance et d’intégrité étant aussi une question d’état d’esprit personnel. Objectifs et stratégie de mise en œuvre En ce qui concerne les objectifs, il y a lieu de distinguer les objectifs généraux et les objectifs spécifiques. Au titre des objectifs généraux, la réforme doit viser le renforcement de l’ancrage de l’Etat de droit, le raffermissement de la paix sociale et la promotion du développement. En effet, dans un pays, seul l’ancrage de l’Etat de droit qui se traduit nécessairement par la primauté du droit est en mesure d’assurer la légitimité des institutions et de garantir une saine gestion des affaires publiques à travers l'obligation de transparence et l’imputabilité. Malheureusement, à cet égard, il y a lieu de souligner que les mauvais réflexes persistent de nos jours. C’est ainsi qu’il existe encore un décalage entre les principes proclamés, notamment le respect de la présomption d'innocence, et les réalités du terrain en raison des conditions souvent 77
déplorables de la garde à vue, de la durée des détentions provisoires, de l'engorgement des prisons, etc. C'est également au prix du raffermissement de la paix sociale que les populations ne seront pas obligées de se détourner des tâches de développement qui les interpellent en tant qu'individus, mais aussi en tant qu'acteurs responsables du devenir de la Nation. En tant que garant de la stabilité sociale, le droit est de prime abord un instrument d'intermédiation et de régulation des rapports sociaux. Il perd par conséquent sa vocation lorsqu'il attise ou entretient des conflits qui se perpétuent souvent de génération en génération ou qui empruntent des tournures dramatiques à travers des affrontements sanglants entre individus ou groupes d’individus, souvent unis par des liens séculaires et condamnés à vivre ensemble. Le raffermissement de la stabilité sociale passe, d’abord, par le dialogue politique et la lutte contre l’ethnocentrisme ; il passe, en outre, par une politique pénale assurant la sécurité des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire national et une lutte cohérente, d’une part, contre la délinquance en matière économique, financière, voire informatique et, d’autre part, contre le banditisme urbain, interurbain et international. L’obligation de réserve à laquelle sont soumis les magistrats impose à ceux-ci une obligation de loyauté et de probité morale ainsi qu’une neutralité sur le plan politique. Il revient en somme à la Justice non seulement de résoudre l’adéquation entre le droit moderne, héritage de la colonisation, et les règles de la coutume, mais également de concilier des impératifs parfois contradictoires, d’une part, entre les intérêts de la société et ceux de l'individu et, d’autre part, entre le formalisme des procédures et la garantie à tous 78
et à chacun d'un égal accès à la Justice et d’un procès juste, équitable et rendu dans un délai raisonnable. En d’autres termes, il incombe au magistrat de concilier les exigences d'une justice qui se doit d'être rapide sans être expéditive, le respect de la loi et la prise en compte de l'équité. La promotion du développement à travers le programme du Gouvernement à mettre en place participe, elle aussi, à l’adhésion des populations. La symbiose entre le droit et son environnement constitue un terreau fertile pour le développement, en particulier dans sa dimension économique. La Guinée ne saurait, dans le concert des nations évoluer en vase clos dans un environnement économique caractérisé par le jeu de la libre concurrence, l'intégration sous- régionale et le défi de la mondialisation en ce début du 3e millénaire. La ratification des Conventions de l’Union africaine et des Nations unies sur la lutte contre la corruption et l'intégration effective à l'Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA) pour ne citer que ces exemples requièrent des efforts en vue non seulement d’adapter et de simplifier les textes et procédures et d'assurer leur diffusion, afin qu'ils soient mieux connus tant par les professionnels du droit que par les investisseurs nationaux et étrangers, mais également de veiller à leur application effective et à la cohérence de la jurisprudence en tenant compte notamment des décisions de la Cour commune de justice et d’arbitrage siégeant à Abidjan. Au titre des objectifs spécifiques, la réforme de la Justice doit viser et avoir comme axes d’intervention, d’une part, l’amélioration de l’accessibilité et de l’efficacité du service public de la Justice, notamment par la révision de la carte judiciaire, la suppression ou la révision à la baisse des 79
frais de justice, le renforcement des infrastructures, de l’équipement, de la logistique et du budget, la simplification des textes de loi et des procédures, leur harmonisation et leur application effective ; d’autre part, la restauration de la crédibilité et de la confiance des populations, des investisseurs et des partenaires techniques et financiers, notamment par la promotion des droits de l’homme et la lutte contre la corruption et les faits assimilés. En ce qui concerne la stratégie de mise en œuvre de la réforme, celle-ci doit nécessairement définir les résultats attendus, les points d’ancrage et la structure chargée de coordonner l’ensemble du processus. En somme, le peuple de Guinée ne retrouvera confiance dans son système judiciaire – car c’est en son nom que la justice est rendue – que dans la mesure où cette Justice sera plus proche du justiciable, plus diligente et performante et qu’elle assurera, sans discrimination, l’égalité de tous devant la loi. Il reste entendu que cette confiance est le gage de la consolidation des acquis démocratiques dans un contexte social respectueux des lois et des institutions. Une mise en œuvre efficiente de la réforme ainsi conçue suppose, toutefois, un plan d’action à définir, assorti d’un cadre de suivi et d’évaluation.
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Chapitre 3 : La mise en place d’une Commission nationale des droits de l’homme La Commission nationale consultative des droits de l’homme qui sera mise en place sera une institution nationale de promotion et de protection des droits de l’homme. Elle assurera, auprès du Gouvernement, un rôle de conseil et de proposition dans le domaine des droits de l’homme, du droit et de l’action humanitaire et du respect des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques. Dans cette perspective, il serait nécessaire d’élargir la base juridique de l’Observatoire national de la démocratie et des droits de l’homme, créé le 12 juin 2008 par arrêté N° 2405 du Premier ministre afin qu’il réponde aux principes de Paris, concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’homme. L’Observatoire national de la démocratie et des droits de l’homme n’est pas une institution de plus, ce n’est pas non plus un instrument de la bonne conscience ; bien au contraire il figure parmi les institutions citoyennes d’appui à la démocratie, et a pour mission de mettre au pas les pouvoirs publics et la population dans la promotion et la protection des droits de l’homme en Guinée. Il reste entendu que les droits de l’Homme ne vont pas de soi. Leur respect est le fruit d’un combat de tous les jours, parfois contre la tradition, souvent contre l’ordre établi, toujours contre l’ignorance et les préjugés culturels ou religieux. Les Droits de l’Homme sont le bien commun de l’Humanité et il revient à tous et à chacun de s’engager résolument aux côtés de ces hommes et femmes, qui 81
surmontant leur peur et bravant l’oppression, luttent pour pouvoir jouir chez eux de ces mêmes droits inaliénables. Notre conscience, notre histoire, mais aussi notre intérêt bien compris portent cette exigence. Il ne saurait y avoir de paix, de sécurité, de développement dans notre pays sans respect des droits de l’homme. L’Observatoire national de la démocratie et des droits de l’homme (ONDH) a pour mission de protéger et de promouvoir la démocratie, les droits de l’homme et les libertés fondamentales en République de Guinée. A ce titre, il est notamment chargé : - D’assurer auprès du Gouvernement et des Institutions républicaines un rôle de conseil dans le domaine des droits de l’homme, du droit humanitaire et des libertés publiques ; - De vulgariser les instruments nationaux et internationaux en matière de promotion et de protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les écoles et les universités du pays avec l’appui technique et financier des institutions internationales et des Instituts de recherches et d’études sur les droits de l’homme, le droit humanitaire, la démocratie et la bonne gouvernance ; - D’initier des actions de protection et d’assistance en faveur des populations, notamment les couches sociales défavorisées, en l’occurrence les femmes, les enfants, les malades du VIH/SIDA et les personnes handicapées ; - D’attirer l’attention des autorités publiques sur les cas de violation des droits de l’homme et de recommander les mesures appropriées pour y mettre fin et/ou parvenir à la réparation des dommages qui en résultent ; - De participer à l’élaboration et à la mise en œuvre de programmes d’enseignement et de recherche sur les droits de l’homme et les libertés publiques ; 82
- D’assurer la promotion des institutions et associations de défense des droits de l’homme ; - D’initier des campagnes de formation, de vulgarisation et de sensibilisation sur les droits de l’homme pour le grand public et les catégories socioprofessionnelles concernées ; - De préparer des rapports sur la situation générale des droits de l’homme et les cas spécifiques en République de Guinée ; - De participer à la rédaction des rapports périodiques à l’intention des organes des Traités des droits de l’homme auxquels la République est partie prenante. L’ONDH peut initier des investigations et des contrôles en liaison avec les structures compétentes de l’Etat et/ou les experts désignés à cet effet. Depuis l’avènement des militaires au pouvoir en Guinée, le 23 décembre 2008, les Guinéens vivent dans une situation d’exception. Toutes les activités politiques et syndicales sont suspendues, le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont été dissous et la Constitution suspendue. Dès lors, se pose la question du respect des droits humains pendant cette période de transition, notamment l’exercice des libertés publiques durant le processus électoral envisagé en vue des élections législatives et présidentielle. Cela est d’autant plus important que les populations guinéennes, qui sont déjà privées des services sociaux de base (eau, électricité), peuvent à tout moment manifester leur mécontentement par des actions violentes comme en janvierfévrier 2007. De l’avis général, jamais la situation du pays n’a suscité autant d’émotions, parfois contradictoires : crainte et espoir, incertitude et conviction, inquiétude et sérénité. En outre, le souvenir des événements douloureux passés et la crainte que ce sort ne se perpétue justifient 83
amplement ce sentiment de perplexité auquel s’ajoutent les enjeux d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel, présenté comme une dernière chance pour la Guinée de retrouver sa place dans le concert des nations. A cet égard, il convient de souligner que les atteintes aux droits de l’homme ont toujours été la cause profonde ou le principal argument de l’instabilité politique et sociale qui s’exprime avec une intensité particulière à l’occasion d’événements comportant d’importants enjeux, en particulier au cours des élections. Il serait donc illusoire de s’imaginer que la seule approche politique suffirait pour que les futures élections nationales (législatives et présidentielle) se déroulent dans une ambiance différente de celle qui a toujours prévalu. Voilà pourquoi l’Observatoire national de la démocratie et des droits de l’homme dont la mission est de promouvoir la démocratie, de protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales en République de Guinée, entend mettre tout son potentiel au service de la garantie du respect des droits de l’homme pendant et après la transition militaire. L’objectif général étant de permettre à l’ONDH et aux autres structures étatiques de s’impliquer activement dans le processus de transition de manière à consolider l’Etat de droit et contribuer à la tenue d’élections libres, fiables et transparentes, pour une vie politique apaisée en Guinée.
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CONCLUSION La nouvelle armée guinéenne devra défendre et sécuriser le territoire national aux frontières étendues et poreuses, accomplir des missions de défense du territoire recentrées sur leur cœur de métier. La question du territoire est centrale et nous renseigne sur l’importance de la frontière. Le territoire est le lieu de la guerre. Il est le lieu à sécuriser et à reconstruire. Le lieu où se déploie l’intervention, la stabilisation et la normalisation. Comme tel, le territoire est à reconstruire comme objet sociologique et anthropologique et comme réalité pragmatique au cœur de l’engagement opérationnel. L’armée guinéenne devra aussi développer des capacités duales, ce qui désigne l’action concomitante du militaire accomplissant des missions de guerre, de sécurité et de soutien aux populations. A ces missions, s’ajoute l’implication du militaire guinéen dans le développement du pays. L’action duale du militaire guinéen doit donc suivre une tendance double marquée par une extension de la gamme des missions à accomplir, une mission de développement et un retour au cœur du métier : défendre le territoire. Le nouvel Etat de droit nécessitera la restructuration de l’armée guinéenne en vue de sa professionnalisation. Cette restructuration nécessitera, entre autres, que cette armée devienne une vraie armée nationale dépolitisée, au civisme affirmé à côté de réelles institutions républicaines. Par ailleurs, la réappropriation par le militaire guinéen d’un esprit civique, sa capacité à rejeter les ordres illégaux et l'intégration de la défense de l'Etat de droit et des droits de l'homme dans une doctrine de sécurité sont des exigences 85
tout aussi nécessaires pour l'avènement d’une armée au service d’un Etat démocratique. Je suis conscient que ce travail de restructuration de l’armée guinéenne sera long et difficile. Mais, c’est le prix à payer pour l’émergence et la consolidation d’un système politique démocratique en Guinée. Professionnel mais aussi expert de ces questions de défense et de sécurité et candidat indépendant à la prochaine élection présidentielle, je reste convaincu que la présente réflexion ouvre des possibilités d’espérance.
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ANNEXE 1 Liste des militaires tous grades confondus victimes de la dictature de Sékou Touré 1. Général Noumandian KEITA, chef d’Etat-major, Général des forces armées, fusillé le 29 juillet 1971 2. Colonel Kaman DIABY, Chef d’Etat-major Général adjoint, fusillé le 29 juillet 1971 3. Colonel Mamadou DIALLO, Chef d’Etat-major Général adjoint, fusillé le 29 juillet 1971 4. Commandant Siradiou BARRY, Commandant du corps expéditionnaire au Congo, fusillé le 29 juillet 1971 5. Commandant Kékoura BEAVOGUI, fusillé le 29 juillet 1971 6. Commandant Diouma CAMARA, fusillé le 29 juillet 1971 7. Commandant Cheick Mohamed KEITA, fusillé peu après son arrestation 8. Commandant Mahmoudou KEITA, fusillé peu après son arrestation 9. Commandant Mara Ibrahima KALIL, Chef d’état major de l’armée de terre, mort au Camp Boiro par manque de soins le 8 avril1975 10. Commandant Ibrahima SYLLA, Chef d’état major de l’armée de l’air, mort de diète noire du 13 au 31 mars 1977 11. Commandant Théoury SYLLA, mort au Camp Boiro par manque de soins, 12. Commandant Kékoura ZOUMANIGUI, ancien officier d’ordonnance de Sékou TOURE, 87
commandant de la gendarmerie nationale, fusillé le 29 juillet 1971 13. Capitaine Mamadou CONDE, Commandant du Camp Boiro, fusillé le 29 juillet 1971 14. Capitaine Thierno DIALLO, fusillé en 1969 15. Capitaine Kémoko DOUMBOUYA, ancien officier d’ordonnance de Sékou TOURE, fusille le 29 juillet 1971 16. Capitaine Pierre KOIVOGUI, Chef de cabinet du ministre de la défense, mort lors de son transfert à Kindia en 12970 17. Capitaine Lamine KOUYATE, ancien officier d’ordonnance de Sékou TOURE, mort de diète noire du 12 au 28 février 1977 18. Capitaine Sangban KOUYATE, fusillé en 1969 19. Capitaine Mamadou TOUNKARA, mort à Boiro en 1974 20. Capitaine Kaba CAMARA 41, libéré le 5 octobre 1980 21. Capitaine Alpha Oumar DIALLO, libéré en 1971 22. Capitaine Sékou DIALLO, libéré en 1972 23. Capitaine Henry FOULA, libéré en 1978 24. Capitaine Georges KAMANO, libéré en 1976 25. Capitaine Charles KOUROUMA, libéré en 1972 26. Capitaine Amadou MBAYE, libéré en 1975 27. Capitaine Himi SYLLA, libéré en 1980 28. Capitaine Facinet TOURE, libéré en 1978 29. Capitaine Mohamed TRAORE, libéré en 1972 30. Lieutenant Mamadou BAH, ancien garde corps de Sékou TOURE, fusillé le 29 juillet 1971, 31. Lieutenant Bademba BARRY, fusillé le 29 juillet 1971 88
32. Lieutenant Mamadou Saliou CAMARA, mort en détention 33. Lieutenant Ali COUMBASSA, fusillé 34. Lieutenant Alhassane DIALLO, mort de diète noire du 12 au 28 février 1977 35. Lieutenant Cherif DIALLO, fusillé 36. Lieutenant Boubacar FOFANA, chargé de l’armement au camp Samory, fusillé le 29 juillet 1971 37. Lieutenant Amadou KAMISOKO, mort de diète noire 38. Lieutenat LENAUD, mort de diète noire 39. Adjudant Chef Mouctar BALDE, mort de diète noire, tendons coupés 40. Adjudant Chef Namory KEITA, mort de diète noire, tendons coupés 41. Adjudant Chef Himi CAMARA, libéré le 13 mai 1982 42. Adjudant Chef Ibrahima Camara M’BENGUE, mort de diète noire, tendons coupés.
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ANNEXE 2 Liste des militaires guinéens victimes de la dictature de Lansana Conté 1. Colonel Diarra TRAORE, ancien Premier ministre de CONTE et ancien tortionnaire 2. Colonel Idrissa CONDE 3. Général Toya CONDE 4. Chef de bataillon Abraham Kabassan KEITA 5. Commandant Siaka TOURE, ancien commandant et tortionnaire du Camp BOIRO 6. Commandant Sidiki CONDE 7. Commandant Kémoko KEITA 8. Commandant Yaya TOURE 9. Commandant Mory TRAORE 10. Commandant Lancei CAMARA 11. Commandant Nounké KEITA 12. Commandant Fodé SANGARE 13. Commandant Abdourahmane KABA 14. Commandant Sidi Mohamed Lamine KEITA 15. Capitaine Mandiou TOURE, neveu de Sékou TOURE 16. Capitaine Alfa TOURE 17. Capitaine Mamadi CONDE 18. Capitaine Facély KONATE 19. Capitaine MANSARE, directeur de l’Ecole militaire, assassiné dans son bureau 20. Capitaine Mohamed Lamine SAKO 21. Capitaine Mamadi BAYO 91
22. Capitaine Lanciné KEITA dit Fankama 23. Capitaine Oumar KEBE 24. Capitaine Bakary SAKO 25. Capitaine Sékou TRAORE 26. Capitaine Baourou CONDE 27. Capitaine Amadou KOUYATE dit Diol, ancien commandant-adjoint du Camp Boiro sous Siaka Touré 28. Lieutenant Kalangban TOURE, aide-de-camp de Sékou TOURE 29. Lieutenant Lamine KEITA 30. Lieutenant Mamadi KOUROUMA 31. Lieutenant Mory Kaba 32. Lieutenant Lansana KOUROUMA 33. Adjudant Kaba CAMARA « de Gaulle », garde de corps de Sékou Touré 34. Sous-lieutenant Mamadi DIOUBATE dit Blindé 35. Sous-lieutenant Mohamed Lamine KEITA 36. Adiudant-chef Adama KAMISOKO 37. Adjudant-chef Fodé KOUYATE 38. Adjudant Sékou TOURE, chauffeur 39. Adjudant Pivi Moriba TOGBA 40. Adjudant Aguibou THIAM 41. Adjudant Sékou TOURE 42. Adjudant Wa TERO 43. Sergent Alhassane DIALLO.
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TABLE DES MATIERES PREFACE ........................................................................... 9 RAPPEL HISTORIQUE.................................................... 13 TITRE I : L’ARMEE GUINEENNE DE L’INDEPENDANCE A NOS JOURS................................ 15 CHAPITRE 1 : L’ARMEE GUINEENNE SOUS LE REGNE DE SEKOU TOURE ................................................................ 17 CHAPITRE II : L’ARMEE GUINEENNE SOUS LE REGNE DE LANSANA CONTE ............................................................ 21 L’organisation actuelle de l’armée guinéenne............ 21 A - L’Armée de Terre............................................. 22 B- L’armée de l’air................................................. 24 C. L’armée de mer.................................................. 24 D. La Gendarmerie nationale.................................. 25 L’armée actuelle, véritable facteur d’insécurité ......... 26 Une armée privilégiée mais sous surveillance ............ 27 Une armée divisée...................................................... 28 TITRE II : DE LA NECESSAIRE REORGANISATION DE L’ARMEE GUINENNE .................................................... 35 CHAPITRE I : NOUVELLES PERSPECTIVES DE DEFENSE NATIONALE ..................................................................... 37 CHAPITRE II : LA REFORME DU SYSTEME SECURITAIRE
(RSS)............................................................................. 43 Du contrôle civil de l’armée....................................... 45 CHAPITRE III : LE FORMAT DE LA FUTURE ARMEE GUINEENNE ..................................................................... 47 Section 1 : Mise en place d’un Corps unique de Gendarmerie.............................................................. 47 1.1. Le Corps de gendarmerie terrestre .............. 48 L’unité de gendarmerie communale et régionale. 48 93
L’unité de gendarmerie mobile ........................... 49 1.2. Le Corps de gendarmerie aérienne ............. 49 1.3. Le Corps de gendarmerie maritime ............. 50 Section 2 : La participation de l’armée à la Politique de développement ........................................................... 51 Participation du service de santé des armées au renforcement de la politique de santé publique ....... 51 Participation du génie militaire au renforcement de la politique de développement local .......................... 52 Section 3 : Modules prépositionnés au profit de la force africaine..................................................................... 53 Section 4 : Suppression des forces de l’ordre ............. 54 Section 5 : Mise en place d’un service civique obligatoire ................................................................. 56 Objectif du service civique obligatoire ................... 56 Durée du service civique obligatoire....................... 57 TITRE III : NOUVELLES PERSPECTIVES DE DEFENSE NATIONALE .................................................................... 61 CHAPITRE 1 : LA COOPERATION EN MATIERE DE DEFENSE NATIONALE ..................................................................... 63 La coopération militaire française ............................. 63 CHAPITRE 2 : MISE EN PLACE D’UN SERVICE MILITAIRE ADAPTE (SMA) .............................................................. 67 TITRE IV : ARMEE ET ETAT DE DROIT ...................... 69 CHAPITRE 1 : LIEN ARMEE-NATION ................................ 71 CHAPITRE 2 : DE LA NECESSAIRE REFORME DU SYSTEME JUDICIAIRE...................................................................... 73 Objectifs et stratégie de mise en œuvre....................... 77 CHAPITRE 3 : LA MISE EN PLACE D’UNE COMMISSION NATIONALE DES DROITS DE L’HOMME .............................. 81 CONCLUSION ................................................................. 85 94
ANNEXE 1 : LISTE DES MILITAIRES TOUS GRADES CONFONDUS VICTIMES DE LA DICTATURE DE SEKOU TOURE ............................................................... 87 ANNEXE 2 : LISTE DES MILITAIRES GUINEENS VICTIMES DE LA DICTATURE DE LANSANA CONTE .......................................................................................... 91
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