[mrrr BEI{\|EI{ISTE
EMILE BENVENISTE
6mile benveniste
le vocabulaire
2. Pouvoir, droil, religion. Dans cet ouvrage, ...
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[mrrr BEI{\|EI{ISTE
EMILE BENVENISTE
6mile benveniste
le vocabulaire
2. Pouvoir, droil, religion. Dans cet ouvrage, la m6thode linguistique comparative esi employde A un dessein d'ensemble : I'analyse du vocabulaire propre aux grandes institutions dans les principales langues indo-europ6ennes. Partant des correspondances entre les formes historiques, on cherche, au-delir
des d6signations, qui sont souvent trds divergentes, A atteindre le niveau profond des significations qui les
des institutions indo-europ€ennes 2. pouvoir, droit, religion
fondent, pour retrouver la notion premidre de I'institution comme structure latente, enfouie dans la pr6histoire linguistique. On jette ainsi une lumidre nouvelle sur les fondements de maintes institutions du monde moderne. dans l'6conomie, la soci6t6, le droit, la religion. a'-
En couverture: Grande trise de Pere6polis (d{5tail), photo R. Ghirshman
ls'iBN
2,7073.0066.7
imile
benyeniste
yocabulaire des institutions Ie .t
rnoo.europeennes ouvrages d'emile benveniste aux 6ditions de minuit
2. pouvoir, droir, religion
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPEENNES l. Economie, parent6, soci6t6.
sommaires, tableau et index itablis
par ;ean Iallot
aux dditions gallimard PNOSLEMTS DE LINGUISTIQUE GEN€RALE
Tome I, 1966
-Tomell,
1974.
aux 6ditions klincksieck
fruons sun LA
LANGUE ossETE. ,19J9
TITRES ET NOMS PROPRES EN IRANIEN ANCIEN.1966
** LES EDITIONS DE
MINUIT
livre L Ia royauti et ses priviliges
@ tx
by les EornoNs DE MlNUlr 7, rue Bernard-Palissy - 75006 Paris Tous droits riservis pour lous pays
lsBN 2-7073-0066-7
chapitre
1
rex
Sonmaire. Attesti seulement en italique, en celtique et en indien. c'est-)-dire aux extrdmitis occidentale et orientale du monde indo-europCen, rcr appartient- i.un groupe ttds ancien de termes relatifs i la religion et au droit. , Le rapprochement de lat. rcgo avec gr. orqgd < dtendre en
ligne _droite >. (dont I'o- init.ial s'explique par des raisons pho nologiques.), I'examen des valeurs inciennis de rag- en latin (p. ex. dans regere fines, e regione, rectus, rci sacroram)
donnent i penser que Ie rex, en cela plus pt€tre que roi au sens moderne, itait celui qui avait autoriti Dour tracer les emplacements des villes et dCterminer les rtsgl6s du droit,
Il y a certaines notions que nous ne pouvons atteindre qu'indirectement dans leur 6tat indo-europ€en parce que, tout en relevant des rdalitds sociales, elles ne se manifestent pas paf des faits de vocabulaire communs i I'ensem-
ble des langues. Tel est le concept de soci6t6. Dans l'indo-europden occidental, il est ddsignd par un terme commun. Mais, dans les autres groupes il semble faire ddfaut. En fait, il est exprim6 d'une fagon difi€rente. On le reconnalt en particulier sous le nom de royaatte : Ies limites de la soci6td coincident avec un certain pouvoir qui est le pouvoir du roi. Ainsi est posi le problbme des noms du roi, problime qui intdresse ) la fois l'6tude de la socidtd et des divisions qui la caract6risent et l'6tude des hidrarchies qui, d f int6rieur de Ia socidt6, ddfinissent des groupements.
Quand on aborde cette notion du << roi >> dans son expression lexicale, on est frappd de constater que le nom reprdsentd pat rex n'apparait qu'aux deux exffdmitds du monde indo-europ6en et fait d6faut dans la partie centrale. Nous avons, d'une part, en Tatin rex, en celtique
I,E VOCABULAIRE
DES INSTITUTIONS INDO.EUROPf,ENNES
iil. ri, gat4ois -rix ; d'aufte part, en sanskrit rai-Qx) ; rieu enre les deux, ni dans une auue langue italique, ni en germanique, en baltique, en slave ou en grec, non plus
qu'en hittite. Cette corrdlation est exff6memenr imporrante pouf apprdcier la rdpartition du vocabulair" .bmmun ) travers les langues. Il faut voir dans le cas de rex r-rn timoignage probablement le plus d'un - 6tudi6 par J. Vendryesnotable - des grand phdnomdne (1) : celui survivances de termes relatifs i la relieion et au droit aux deux extr6mit6s de I'aire indo-europdenne dans les
soci6t6s indo-iraniennes er iralo-celtiqueJ. Ce fait est li6 i la srrucrure m€me ies soci6t6s considdr6es_. Ce n'esr pas un simple accident historique si, dans les langues < interm6diaires )>, on ne trouve plus trace de ce nom du < roi >>. Du c6t6 indo-iranien comme du c6td italo-celtique, nous avons afiaire i des sociitds de m6me structure archaique, de tendance trds conservatrice, oi ont persist6 longtemps des institutions et un vocabulaire abolis ailleurs. Le fait essentiel qui explique les survivances communes aux soci6tds indo-iraniennes et italoceltiques, est -l'existence de puissants collBges de pr6ffes
ddpositaires des raditions iacrdes nent avec une rigueur formaliste. Chez les Romains,
les Arvales
-
qu-'ils miintien-
il sufiit de citer les colldses des frd-
chez les Ombriens, les frat-res Atiedii d'Iguvium - chez les Celtes, les druides - pr€tres comme les brahmanes- ouenlesOrient. des corps de atharvans de I'Inde, les i0ravans ou les Mages en Iran. C'est grice ) la persistance de ces lnstitutions qu'une grande partie des notions religieuses des Indo-Europ6ens or.rt surv6cu et nous sont connues, telles qu,elles diaient rdglement6es dans de grands rituels qui restent nos meilIeufes sources. Cependant, il ne faudrait pas croire que c'est seulement du fait de I'archaisme de la soci6t6 qr.r. .e, donndes
ont 6t6 conservdes l) et pas ailleurs. Les changements intloduits dans la structure m6me des instituti6ns ont fait que la notion sp6cifique du rex est inconnue aux au(l) 265 10
Mtmoires de la Soci4tt de Linguistique de paris,
ss.
t. XX,
1918.
<( REX
)>
tres peuples. Il y a bien.en grec et en germanique des nrots.qui peuvent se taduire p-ar < roi ,r. fid;i; tr'toiaiJi ^rai, n'a rien de commun avec le etli pj"r"fire des mors grecs.qui signifient << foi >> o,, bien .. .t"f ,r,-_ontre bien que I'institution dtait renouvelde. Le thime nominal * rEg_ du latin rex, rEgis est ment celui de I'irlandais r7 et du g.rt"ir-'_ir'*";u,on exacre_ uouve
comme terme de noms propres coiaposds tels iue Dumno_ e:.t o - r i x. La'{o ri.,. ruppolt"l i, L } a - du sans_ ir(rrr :',V^::r: : es[ e.yactement Ia m€me, donc un ancien ii r/g_. On la,rerrouve probablement auisi dans l. ,ro,oy.t thru". Rhesos.
r]*ifj.-.:
t:rqe ? euelle est la
,^9:. de ce concepr ? En latin, rex a produit toute une famijle de mots dont le verbe ddrivd ,rgo, ,:rgrrr,-i" tle rcg-no-ln, Ie fdminin regita,'ds fo-.-. agri"t ".rbase sdmantique
t.e,
tlque, comme skt, rajfti < ieine r>, les deux utilisant un suffixe en z pour marquer
caractdrjs_
f.;r1i;;;
Ia << motion -O"-r*r"a la fdminisation d'un ,n.i.n -urfulirr'. i part regio et aussi rectas. oui se_sonr dgtuc[t, JJ.. g.orrp". n'v a plus rex er rec_ lt, pourtantde.ruppo.-t, "n triirrffi;;;; tas >>,
des relations morplrologiqrr"r-.1.ir., .t i a" type bien connu rartachent regii ,r rZriir-a-lu racine de Tel ou tel de ces d6rivds i ur, .o.1.rpoidint uiil.,rrr. ryy. Ainsi i tat. rectus rdpond e.r.-;rii,i-(i'i"ii)tt); nai, le germanique ignore lie terrie nominat iris-|.-No,us avons. en premier lieu i nous d"rn-.nd., si d,au-
rndo-europ€ennes n'auraienr pas conserv6, ::::]"iCt'l:: nleme a l'erat de vestiges, quelque forme apparentde.
Il
est un verbe grec ou,oi .it tl-nrd J. ;;il;gd:i J;;;;; et de la famillJ de iex; mais il esr assez differenr qu'on ait h6sit6 i le faire d'une manidre ?.;fu;:'ji;:Dour git.de ortgo (bp€1r) qu'on traduit p";.;;;.;;;; >>. On ne
volr pas bren comment tonder_ce rapprochement, aussi Ie er gdndral avec doute,-et seulement .ne possrbrlrr€. Si nous pouvions soit r6futer, soit comme tendre propose-t-on.
rapprochemenr,. nous gagnerions une prici_ lijjp,r:?t^"-: slon lmpo{tante pour dttinir Ia notion de << royaut6->. Le ptobl€me est d'abo,rd phondtique : puisque Ia cor_ respondance entre les radicaux * re[- de tit.^ igo et du gr. o-169-6 est dvidente, Ie o_ ini;iaf;,., gr..'p..rt-it reg_ ,. .
1l
LE VoCABULATRE DES TNSTITUTToNS rNDo-EuRopfrrwes <( REX
justifier ? Ce ddtail n'esr pas insignifiant. Il intdresse la morphologie la plus ancienne de I'indo-europ6en. On c-onstate en grec dans des conditions pareilles, surtout devant r, une prothese de I'un des trois timbres vocaliques a, e, o,ld oi ne figure aucune voyelle initiale dans dautres langues. Ainsi erutbr6s (ipu0p6g), en face de lat. rub-er, comporte une voyelle prothitique e-. Nous voyons dans ce cas particulier le m6me phdnomdne que dans ordgo. Sans pouvoir discuter en ddtail ici cette particularit6, contentons-nous d'indiquer qu'elle reldve d'une condition linguistique g6ndrale. Les langues du monde ne pos-stsd_ent pas ndcessairement ni ensemble les liquides r e.t I \l ne {aut pas croire } la n6cessit6 de distinguer ces deux liquides et il serait vain de les chercher dani toutes les langues. En fait on rencontre soit r, soit /, soit les deux ensemble,, suivant Ies langues. Un contfaste frappant est celui du chinois qui connait /, mais prs r, it du japonais qui connait r, mais pas /. Dans d'autres cas, / et r ont I'air d'apparaitre mat6riellement dans la langue, mais ne r6pondent pas pour autant d deux phonEmes distincts. En franEaii on tr. peut pas confondr.-roi et loi, cat r et I sont bien deux phonbmes difidrents dont chacun a sa r6alit6 au sein du systdme phonologique. Mais il existe des langues trbs varides qni prerJnt.rrt -exemple), /" olr / indistinctement (gr polyn6sien par c'est-)-dire une seule liquide ivec mode d'articulation
nui caracdrisent l,emploi de son systdme phonoloOr, on constate dans beaucoup de Iangues qu,il n,y a pas de r i l,initiale. En fi";;;;;riJi, .n basque, ailleurs on ne peut commencer rin mot par :ncore, ,. Si ,rn L_prunr comporte un r initial, on le tuit.pre.eJ"r-;,in; qri / en position inie.i",ri". Telle est aussi Ia :,:I:ll,: enmet sltuatlon indo-eu1op6en ,o**rrr- .. un / n,est Das admis i I'initiale. ple, il n,y a pas^d,,r i^r"rr !,ir,J" tandis que Tq / initial se rencontre. De m€me en ar_ llr:1: nrenren ; pour accommoder les mots emprunt€s avec r initial, I'armdni.n u oreii". ;;;; d"e r6cenre, remDlace k.r- oyiginal pai ,n r f.oft, rour6, Jirri"., de l,r ordinaire. .*ll.r'"": li,t^"-: gique.
I:
cas
du's*"-;;e
<( prorhdse voca_ rlque )> apparufu devanr r, de sorte qr. i'riiii"r."lrr'""ri"a^::j ar-, or_, II,faut y insister. Si le.grec, I,armdnien, le hittite n,ont pas de r- initiat. c'est qu,ifi ili: tial en.indo-euiopden.- ces langues conservent |dtat ancien. C'est en veitu..d',r* ,rrn"J*,nJiion phonique que d'ung. purt, I,indo_irr;i;;;'ilirrr" lrlt" on, / au commencemenr d'un mor. En revancir" I iniii"t Jr;; ; #;: europden et se conserv.,r.t qu.i-, u.'lu .u"in. ,t
F;i,*il^it;ilJilil
f
I
reiku- et
\1. t,y ii,-;;;' ;;",hdse. Q'and re initial,,:::: toujours^. avec csprir rudc, indique un ancien ::]: t (= ,!-).".qyi -',i *_.r/_ ou un an. de l)' Ie "z initial toulo,r;-p;;e; :,:i. (
),erlnu,.),.
li:^t":!^? grec ofrre un r_
variable.
Qulen est-il en indo-europden ? Le systEme commur"r possEde bien deux phonEmes r et l, avec valeur fonctionnelle d'ailleurs-in6gale : r, en g6n&a1, est d'enrploi plus fr6quent, plus vari6 que /. M"ais tous les deux exis-taient dEs l'6poque commune, bien que r et I soient confondus dans une uEs large mesure en indo-iranien. - Cep-endant il ne suflit pas de constater Ia pr6sence des deux liquid-es en. indo-europden. On sait que tous les phondmes d'une langue n'apparaissent pas 6n n'importe quelle position. Poui chaque phonbme certaines positions sont admises, d'autres exclues. En grec on ne peut terminer un mot que par les consonnes -fl, -r ou -s, avec la seule exception de la ndgation ou(k). Il y a ainsi dans chaque langue un regisrre de possibilitds Lt d,impossibi-
)>
f;,itors
thdorie, ne s,opp.ose au rapprochement ,-11:ri--: oe rex avec grec or6go -rien le ; o_ ne iait pr, il-;ft*: te une initiale ancienne que "br;ilI., le conservde. Le li."r^9:: .f"rTe,s, g,re:.ques- est a prJ.ir"r. 'Le. pftsent or6gd
l";;-ri;;rs ou or€gnami (bpdyvupr,) avec ft d6r;;i lrguia (6pyur,a) de par.ticipe pafiait,Jrrr"rir! d;;-i. fr.*:ll :;;r;J <-orasse. t>) signifie pas seulement ., 6iend.. le. .i.r.ii , est aussi celui d,un autre. verbe, pirin)o*l "
(necdvvupu,). Mais pet,innurni est [in*r"i'. sens de la lar_ 1 _ddplt;;' seur )), tandis r"r e,."a.".rlie". plui explicitement-: < i partir du point qu,on *:ir^:^"; occupe, trrer vers l,avant u,ne ligne d..i;; >> ou bien << se Portef en avanr dans Ia direction a;un. tign. ;;;;r;
,i*?:::!irr;a;;..
i I
;.
L2
13
I $
I
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO-EUROPEENNES
Chez Flombre, ororikhatai (6pupiyatau) ddcrit le mouvement,des chevaux qui s'6tirent de toute leur longueur en bonctlssant.
Ce sens est pr6sent en latin aussi. Le mot important regio ne veut pas_ dire i I'origine : << la rdgion ,, miis ..< le point.atteint en ligne droite >>. Ainsi s,explique e regione
<- i l'opposd r>, c'est-)-dire << au point droii, en fafe o. Dans la langue- des auguret, ,ugio indique << le point atteint par une ligne droite tr-acde sur la tirre ou dans le ciel >, puis,<< l'espace compris entre de telles droites tra_ cees dans drltefents sens )>. On interprdtera pareillement l,adiectif rectas comme < droit ) la manibre de cette ligne qu'on trace >. Notion matdrielle er aussi morale : la- << dioite >> reprdsente la norme ; regula, c'est (< I'instrument h ftacer la droite > qui {x9 7a rigle. Ce qui est droit esr opposd dans l,ordre moral i ce qui est tordu, courbi; or iomme droit 6quj_ y?ut 4 iuste, honndte, son contraire tordu, courb6, iera identifid avec perlide, menteur, etc. Cette reprdsentation est .ddji indo-europdenne. A lat. rectus correspond I'ad_ jectif .gotique raihts uaduisant gt. euthris, n droit tr, aussi le vieux-perse rasta, qualifiait la < voie , dan, cett. prescription : << N'abandonne pas la voie droite. . Il faut parrir de cette notion toute mat6rielle i I'ori_ glne, mars prompre i se d6velopper au sens moral, pour blen entcndre la formation de rex et du verbe regere. Cette notion double esr pr€senre dans I'expression iniportante regere fines, acte religieux, acte pr6liminaire de la construction i.regere lines signifie littdralement <( tracer en lignes droites les frontiEres r>. C'est l,opdration i laquelle procbde le grand pr6tre pour la construction d'un temple ou d'une ville et qui consiste i d€terminer sur Ie temain I'espace consacr6. Opdration dont le caractEre magique est visible : il s'agit de ddlimiter l,intdrieur et I'extdrieur, le royaume du -sacrd et le royau-. d" p.ofane, le territoire national et le territoirl itranger.'Ce tracd est efiectu6 par le personnage investi des plu"s hauts pouvoirs, Ie rex. Dans rex, il faut voir moins le souverain que celui qui trace la ligne, la voie ) suivre, qui incarne ioern" t"-p, "n par la racine ce qui est droit : la notion concrBte 6noncde >>
14
<(
REX
>
)' reg- est ,beaucoup plus vivante dans rex, h. I,origine, que nous le pensons. Et cette conception de la nature et pouvoir du rex s'accorde avec la form" m6me du mot.-n !_u
Une forme athdmatique sans suffixe, telle qu" )ri,-
I'aspect de ces mots qui sont employds surtout au deuxid_ me terme de composd, tel -dex dans iu-dex, nom d'ascnt tird de *deik-. C'est ce qui se virifie hors du latin : ainsi, dans les noms composds du gaulois avec -rix, Dumno_r.ix', Ver-cin.geto-rix. En sanskrit rdj- est moins frdquent i
t'etat llbre qu'en composition : sam_rdi_ << roi commun i tou: rl, sua-rai- << celui qui est roi de lui-m6me r>. De fait f! tatm meme, rex appayair avec des ddterminants spdci_ trques, notamment dans Ia locution ancie'ne : rex sacrorurn. Le rex 6tait chargd de regere sacra, au sens oi I'on prend I'expression regire lines. Ainsi se dessine la notion de la royautd indo_euro_ p6enne. Le rex indo-europden esr b"a.r.oup pt", ..iigi."" que politique. Sa mission n'est pas d" .omtund"., di*.rcer un pouvoir, mais de fixer des rEgles, de d6ierminer c: q.ui,",r.!, .uu sens propre, < droit o. En ,ort" que le rex, arnsr d€trni, _s'apparente bien plus i un prdtre qu'i un souverain. c'est certe royautd que les celies er l; Italiques d'une part, les Indiens di l,autre, ont consefv6e. - cette norion 6tait li6e ) r'existence ies grands coiltsges de pr6tres qui avaient pour fonction de p.fudt.r"r l,obs?rvance des rites. Il a {bng fallu une lorg"" evol"lion lt une transformation radicale- pour aboutir"i la .oyu"iJ J. type classique, fond6e exclusivement sur l" p.;;;i; ;; pour que I'autorird politique devienne peu )^ peu inddpendante du pouvoir religieux qui resiait dguol" pr€tres.
""x
75
chapitre
2
xldy-
et la royavte iranienne
.
Sonmaire.
n'y a rien de-
L,Iran est un empire et la notion du
souverain
ii. E i; ;t;;.;;;-i; iiritii, i;;;i;;;. E;;r;; rois; ce titre disigne Ic souverain - -"'
comrnun avec celle' de
pqT,.. xinyaQiya xlayaQiyanan ler. l,_r,.:
sdn.n rilh), comme cclui
le Kol des
,c1ui
.est investi .du pouvoir royal,*du xiay_-
infi
n,x,'n. i x,,.;n,ilu::".o ;:l."-:tti:,,.,,1i',,1i;u,!"'o"3.iJ pouvoir du roi est d'essence mystique.
Les termes que nous venons d'examiner ne forment qu'une des expressions de cette notion de royaut6, _ celle qui, est commune seulement aux deux extrdmitds du monde lndo-europden, aux domaines italo_celtique
et indien. Sur cette notion fondamentale, I'iranien se sdpare de
I'indien. Le tcrme raj-,
tl;JL;il;q;;
.catactfirirtiqu"lJe au vocabulaire ancien de I'IranIl ne reste trace en iranien d'une d6signation corresborr_ dante que. da's Ie dialecte de la rdgion A; K[;r;;-i;"i,;;tr6me sud-est de I'Iran qui avoisine l,Inde),- rri"rieii_
puis le vrrr" sidcle de notre bre dans une littdrature d'inspiration bouddhique er su*o", i"ii. i; ,r;;;;;;;. Ce dialecte khotanais ionnait le terme rri << toi >>, rris_Dur <..fi\ qe roi >>, ddsignations correspond"r; t;k;. ii["", rap-patra; mais on n'est pas absolument certain q.r'il n" s'agir ps5 li d'un .mpr,rni i I'indien, dtant donne [; emprunts. que cette langue'vdhicule et la date loT.b."yl rarolve a laquelle elle est connue. Si, en iranien, le terme *rdz- comme nom du << roi i> t7
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO.EUROPf'ENNES
<<
n'a pas cours, c'est qu'il t'y a, h proprement padet, ni roi ii royaume, mais bien un empite iranien ; telle est la raison de ce renouvellement lexical. Dans le monde indo-europden, tout particulibrement aux yeux des Grecs et des Romains, c'est I'Iran qui a instaurd Ia notion d'empire. Il y a bien eu antdrieurement I'empire hittite, mais celui-ci n'a pas constitud un modEle historique pour les peuples voisins. L'organisation originale irt cill. que les Iianiens ont crd6e et ce sont des iermes iraniens qui ont constitu€ le vocabulaire nouveatt qui - s'y rapporte. Il est, dans le vocabulaire commun i I'Inde et i l'Iran, un terme tepr6sent6 en sanskrit pat ksatra, en iranien par xia\ra indiquant, de part et dtautre, le pouvoir- roval. C'est un ddriv6 de kia- Giav'1 << 6tre malte, disposer de r>, racine qui a fourni en iranien les dddvds les plus irombteux et les plus importants. C'est notamment par u'il d6rivd de cette racine qu'on ddsigne en vieux-perse (mais non dans l'Avesta) le roi : xiaya\iya. De ce vocable vieux-petse, maintenu depuis vingrcinq siEcles au moins' provient le persan moderne iab, par dvolution rdgulibre. La forme- de ce mot permet une analyse plus pr6cise : xlaya\iya- est un adiectif d6riv6 - en -ya d'un absrait *'xfuya\a- lequel est lui-m6me un ddriv6 en -04 du thbme verbal xlayal. Le << roi >> est ddsignd comme < celui qni est investi de royautd >>. On notera que la notion abstraite est ici primaite-; tout pareillement -c'est I'abstrait skr. ksatra. qui a fourni ksairiya, < membre de la classe des guefrlers >>, proprement << qui est investi de -ksatraRemarquons en outre que la forme xiayfr(i)ya est en contradiction avec la phon6tique perse' oil le groupe -O(l)y- aboutit i -i7- ; ainsi I'iranien baIya o vrai >> donne ba|iya en vieux-perse. La conclusion s'impose ; xiaya|iya' n'esi pas un. foime du dialecte proprement petse, .Il n'est prr nB dans la langue oi il a connu une si grande fortune-, mais dans une langue iranienne oir le passage de -9iy' ir -iy- ne se produisalt pas. Ce doit €tre, po-u1 des raisons Iinguistiques et historiques, la langue des Mddes dans le noid-on"it de l'Iran. Le nom perse du << roi >' a 6t6 empruntd par les Perses aux Mbdes : conclusion impottante au point de vue historiquc.
noyautf
IRANIENNE
Ce terme entre dans une formule qui est caractiris_ de la titulature achimini.h, xiaya\iya .ldi;gii;;;; .< Roi des Rois >..La perse a fix6. porrr'la pr.'.iJi. l"i, cette formule de titulature qui est ievenue aussit6t chez "basileis les Grecs, b;it;"6;rt;i; -sous Ia forme Baor,),dov), Ia ddsignation du roi des perses. E*pr"rrion curieus,e, qui ne signifie pas < le roi parmi t., ,oir'", rnui, <( celul qtu regne sur les autres rois rr. C,est une sur_ royaut6, une royautd au deuxiEme degr6 q.ri ,'"*"r." ,* ceux que le .reste du monde considdie .omme des rois. cependant,. I'expression rdvlre une anomarie , iorai. des mots, n'est pas- celui qu'on attend. Dans Ia forme moderne iahan iAh, il a dtd jnversd; ainsi il rdpond i Ia t1*,. d:r_groupes nominaux en'iranien, 6 Jdr#;;;svn_ d abord. II faut voir lA un deuxibme indice d,une orisine non pefse. I,'expression u d,i 6rr; ;;;;',"Ji; 1tra3Stsre, queile et. non pas co-nstitude avec la royautd des Ach6m6_ ntdes. ..L.'est probablement ddjd chez les Mddes qu,elle tiq_ue
a 6t6 6labor6e. De cette m€me racine, I'iranien a tir6 piusieurs autres D'abord, en avesrique xia\ra, qui idpond ," ;;;;: ,te1m:s. Krrt Rsatrd-, et dont Ia torme perse distincte esc xiassa : c'e;t la fois le. pouvoir et le domaine oil s'exerce ;;;,I ro,yautd et.le volr, royaume. euand Darius, drnJ se, .Ia eulogles, drt : << Ahuramazda m,a accord6 ce xiaga >>, il s'agit_de I'un et de,l'autre, le pouvoir m€me me. Ce mot enrre dans un composd important qui erl v.iperse xias;apaaan <( satrape lr. Sous'un" forme "n di;;: tate volslne qui est plus fidblement reproduite en ionien par eqauupaneuur << exercer Ie pouvoir de satrape D, c'esr le tifte qui est devenu gi.. satrip€s, J,ot'., ,u] "r, >. Ce titre signifie < qu-i larde le royaume >>. Les 1t3p., drgritaires ainsi disignds avaient la charge :l:trjiyj:- Ies gfandes . :,1:mmlstr.er -provinces (<< satrapies o) it d assurer amsr la garde de I'Empire. Uette nodon, que I'fran a fix6e, d'un monde constitui .o,TT. empire, pas seulement politique, ,ri, .n'est rergleuse. Un dirait qu'une certaine orgairisation "urri terres_ tre et cdlesre a.pris pour moddl" la roya,ri6 a", ,ouuliri* perses. l;ans I'univers spirituel des Iraniens, hors m6me de Ia Perse, et particuliErement iunr-i;"r.hlr.lG. -;;;:
.ti;;";il-
>>
18
xSAy > ET LA
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$ F
79
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
<{ XSAY
INDO-EIJROPf,ENNES
IRANIENNE
congu donc en tant qu,il d6tient la souverainetd absolue. On mesure ainsi distance entre ce concept et la -la
ddenne, le domaine ori accbderont les fidbles est ddsignd pat xia\ra, << royaume )> ou par xia\ra uajrya << le royau-
me (ou la royaut6) ddsilable >>, Personnifi€, Xla\rauairya (en moyen iranien iabrEuar) ddsigne une des divinit6s dites < Saintes Immortelles r> dont chacune, symbolisant un 6l6ment du monde, ioue un double r6le, i la fois eschatoiogique et mat6riel. Ln est le prototype de ce qui est devenu, dans I'eschatologie du judaisme prophdtique et du chtistianisme, le ., ro),aume des cieux >>, image qui reflbte une cbnception
de.royautd,.telle que lat. rex, skr. raitu triJ,rir"rri i,"rl* 1l nets'agrt plus d'une royautd de caractEr" o ,..,aua-r-, r(; role du souverain-ne consiste plus i << tracet Ia voic droite >>
selon I'iddologie. indo;iodenne. Nous -oUr"rr,- voyons l'avEnemenr -d'un poouol, q"i"rrili incarn6,,oy" yeqx de I'occideni .irrriq.,", a"", fJ,"y"r"; perse achdmdnide. n'est.pas seulement dans le nom du roi, mais aussi _r,Ce dans cerraines de ses qualifications, que l'a ,rrairi." perse ach6mdnide monue son originaiitd, perse_est seul i poss6der certains termes rela_ ..,L'iranien tlrs a Ja royautd. De ce nombre est l,adjectif u. p.ri. ,:::iu: >, devenu cn persan rnoi".n. biroi[ ^,,9,1T1 exclusivement -" adJectrt \- esr ult perse ; on ne Ie conqaTt en aucun autre dialecte iranien ei l,indien o", de co*espondant exact. Dans t"" ,."i.r-".h;;"id* ",", ofi.. 5;; sont des .proclamarions- royales, ; ;Jj;;;^";;;#; comme dpithtste de notions " spdcifiques. uazraka.< le grand dieu >> est la d6signation -r,f)^_!:^f: o'Ahuramazda et de lui seul. Certains textes commencent par cette eulogie : baga aazraka ohoro,iazda--;;'-i; grand dieu est Ahu-ramazda" rr. b) uazraka est appliqui au roi : xiaya\iya uazraka, royal, r6pdG immuablemenr'upiC, souverarn, dans ses trois titres : << Roi grind o, xiaya\iya lazraka, < Roi des Rois ,r, xlaya\iya xilyaviyananz, << Roi de1 pal,s >, xia.ya\iya dohyuoi'i. aeniri.r'a. ,""" statut. La qualitd de u grand o ajo,rtd. au de << roi.,, itait trne nouveautd pour les Gr.c, ; a" te titre t)riUi, ;;;;; rrdr..i, . pour ddsig;;;- i"--rJ ";;""il"rr::."Y; !Bcro.),e'g second ritre, << Roi des Rois lr, fait de r"i r" ,o""..Jin suprdme, nraitre d'un.empire qui englobe les ;;;^;;)rautds. Enfin < Roi des puy, , dtabjir son autoritd sur les provinces de l,empire ;chdm;;a; p.r*, -il:ji., Babylonie, Egypte, etc. qui ,on, u,rrurrr-j. ..r puy, n, t) aazraka s'applique aussi i Ia << terre ,r, ba-mi, enten_ , sens large, comme domaine .le la 9i-"-,1" fovalo.
en rran
iranienne.
Le vocabulaire iranien de la royautd a utilisd d'autres formes encol'e de cette racine xia- ; les termes proprement ach6mdnides ne sont pas les seuls. Des times nouveaux ont 6td constitu6s, ce qui montre bien l'importance de la notion de xia- et I'unii6 du monde iranien. Le plus notable, xiauar <( souverain > dtait en usage dans le Khotan. Nous le retrouvons dans la titulature des petites royautds indo-scythes dont les monnaies portent,- avec les noms des rois, le titre de pnoNeno plo, qu'il faut transcrire phonitiquement launanu $aa, Ce n'est- pas Ie corresponiant d.^ iahan iah, rnais'une expression construite sur Ie m€me type, avec iau issu de xiauan. Il y a lu cependant d'autres titulatures locales. Dans le dialecte moyen-itanien du Nord-Est, le sogdien, qui couvrait la r6gion de Samarkande, nous connaissons un nom difidrent du << toi >>, sous la forme xtDt'ut, c'est-hdire xuatata qui repr6sente un ancien xwa-tiu-(ya) < celui qui est puissaltt par lui-m6m9, gui ne tient que de luim€me son pouvoir >>. Cette formation est ffBs remarquanous avons Meillet le premier l'avait aperqu ble et exaci du grec auto-krit6r -(aritoxptitop)' l) le pendant On ne saurait d6cider si I'iranien est ffaduit du grec, car d'une part le composd sogdien poumait 6tte beaucoup plus an-cien, ) preuve l'dpithEte vddique sua taua << puissant par lui-m6me >> ; d'autre part, -le titre gtec auto'
n'apparait pas avant le v' sibcle. Qu'il ait-6t6 ou non forgd en ftan mdme, ce titte,xua^ tai est notable i un autre point de vue encore. Il est oass6 en moven-perse of il a abouti d la ftorme xada qui est aujolrd'^hui en persan le nom de << Dieu tr,
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LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO-EUROPEENNES
L'analyse de I'adiectif reste en partie hypoth6tique' Selon toute vraisemblance, c'est un ddrivd en -'€a d'un *adzrr-,4'ynt racine thbme en r- non attest6, 'i uazar otJ iu,oz- .r 6tre fort, €me anim6 de vigueur-u (cf' lat' uegeo\ o.ri .orr.roo.rd a celle du substaniif v6dique aaia- << -fo* ce. combai ,>. Dans la terminologie < h6roique >> du Veda, ses ddriv6s tient une place importante et com,iio ^r", ;;;;. ";. vari6t6 d'acceptions qui en ma-squent la signiiication premiBre. Il semble que yaia indique.une forca propre airx dieux, aux hdros-, aux chevaux, qui,leur "::yr" ia v:ictoir. ; c'est dgalement la vertu mystique du sacrttlce, a\rec ce qu'elle pt:o.ut" : bien-6tre, content-ement, puis,urf. , .'!rt uurii la puissance qui se manifeste dans le don, d'oir : g6ndrosit6, richesse' un refiet de cette notion dans les emplois dn "ntr"ui,it o"rr"s de aazraka. Si le dieu Ahuramazda, est ddfini io.rn" uazraka, c'est qu'il est animd de cette force mysi.". ft. uaia- indien).-Le roi aussi est titulaire de cette puirrurr.. ; et la terre dgalement, 6ldment naturel qui supporte et nourrit tout. Peut-0tre cette quali{ication par uazraka- est-elle rdpaltie-seion le schbme des ttois clisses : le dieu, source du pouvoir reiigieux ; le roi, ryai11e de- la -puis.sance guerrie." ; la terie, prototype de la f6condit6. Un simlle adjec tif peut .nferm"r unl^ riche matibre conceptuelle'
chapitre tra
3
royauti helldnique
Somnaire.
_
i la conception indo-iranienne er li*'i"orre. .t algli"i.ii" dgards de l.'-.on.-eption sermanioue _ - proche i piusieurs clue.suggtrent les noms gtecs du ,oi " D'dtymologie inconnus mais attesG ",-EiiilrF-;';;d;;ir.i,un .t l,r;i;'-;l;"1., textes mycdniens, ces. deux termes s'opposent aiiti"ii"..rt ." ce que le second,seul disigne le diieritlur au pouuoi.."--'- -" Quant au basileils., sans"6tre un ai.u .orm. t. ,o-i_ inai.n. il.. exerce des fonctions a" typ. -rgi.o".figllr*, ;. ^;;"';; suucturies ) I'origine la tripa-rtition "ag;i' gtraie." f. .selon scel)*e,. synrbole (d,origine propr"in.ni mffgrif r.i--a" ' ';; ,i" . autoritC, n'est autre, ,u point i. aepu.t, que 'le, ba;;, marche Comparde
italique.du.roi, c'esr une notion
_
drr messager, porteur a,una pua'oi. autorisie.
Rien ne laisse mieux mesufer Ia ffansformation des struclurcs politiques indo-europ6enncs que le uo.u["ralre des rnstirutions de la GrEce primitivi. DEs l,aube de I'histoire, et tout ce qui y , ,"pporre ont en ,l,a.roya.ut6, grec des d.esrgnatrons nouvelles, inconnues ailleurs et que rien, jusqu'ici ne permet d'expliquer. noms du roi, basileils (pdou\e,Jc,) :t Y ^,.n,gr"-..derx uanaks (uava\). Ces- deux tefmes ne sont p", ,u, et l" m€me plan, mais ils dchappent dgalement a to"i. int"rpre_ tation itymo]ogique rigoureuse I ils n'ont p", d" ;.;;;pondant en d'autres langues et oJr ne peut ;leme pas leur trouver ux apparentement, fiit_il partiel, en grec. - On a beaucoup discutd, sans succds,' ,u. i'oaigine de basilcils. Si I'identificadon du ,"di.ui-.rt irporr;il.; J; moins aperEoit-on une analyse vraisemblable de la f;;;: tion; basileds est un d6riv6 i suffixe -ets preceil; di.,., -il- qui esr un dldment de ddrivatio;;;;f lllrpfeme des noms personnels d'Asie Mineure ainsi TrAil-os,
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LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO-EUROPEENNES
Murs-il-os, d quoi correspond le hittite Muriilii' C'est tout ce qu'on Peut dire. hypoQuant^ au rudical bas-, aucune des nombreuses enregisthdJes que les dictionnaires 6tymologiques ont trdes ne peut seulement €tre discutde aujourd'hui' Le terme basiliris a en efiet 6td reconnu dans les tablettes my' cdniennes, or) il a la forme qa-si-re-u, avec le d6riv6 f6minin qa-si-re-ui-ya qui vaut-probablement basileia' Si la assurde, Ie 6- initialile r,rleur phon6tique iu signe [a' "tt labio-vdlaire g--. - On ,rttJ basiter)i reprdsente "nii.ttne mycdnienne forme poser la devra donc .comme g*asileils' jour chance de queloil la pattir le qu'il {.audra C'est de li que rapprochement s'offrira. Pour I'instant nous avons seulemint gagn€ une 6tape sur la voie de la reconstitution. Le cas de uinaks est i la fois compatable et diffdreni' Comme basiletis, il est hom6rique et mycdnien' Mais il a une plus grande extension dialectale et il se rencontr3 une fois hors du grec. Dans nombte de vieilles inscriptions, ce tiue est donn6 soit h des divinitds comme Posdidon ou les Dioscures, soit ) des hommes investis du pouvoir supr6me : ainsi dans une ins*iption bilingue grdco-phdnicienne de Chypre, uinaks traduit le phdnicien i/'o-n < seigneur >>'.On ieldve avec intdrdt qn" d"nt une dddicace en vieux-phrygien datant environ ie 600 av' J.C.,le roi Mida-s est quaiine a. udnaks, sans qu'on puisse dire, toutefois, si le en phrygien ou s'il vient du grec' mot est indigdne *donndes^ lei plus importantes sont fournies Mais les par le myc6nien, oil le teime apparait sous plusieurs-for-.t ; taa-na-ka (: uinaks), ua-na-ke-te, wa-na-ka-t-e (- uaniktei, datif. singulier), uta-na-ka-te-ro (: uandkirror, forme i suffixJ de comparatif), tta-na-sa-ui-ya, raa-na-so-i ot oa-no'so-i, d'interprdtation moins claire' En outre les contextes des ernplois en myc6nien dclai' rent le rapport des titres basileils (en fait g-asilerts) est uinaks.Iiiemble que le basileils soit seulement un chef local, un notable, ttrrllem"nt un toi. Il ne paralt dot6 d'au' cune autorit6 politique. Au contraire le- wdnaks est considdr6 comme ddtenteur du pouvoir royal, m€me si I'on ne peut encore difinir l'dtendue de son tertitoire. Le titre 24
LA ROYAI.ITf HCI,LfNTQUT est-il.aussi_l'apanage de divinitds ou de pr€tres p On ne ;aurait _l'afiirmer, mais cela reste possible. _ La situation respective du basiteils et du w6na,€s dans I'dpopde homdrique rdpond bien i celle qui carac6rise ces,deux personnages dans la socidt6 mycdnienne. Il faut seulement noter que tu,inaks est en outre une qualificetjon divine rdservde aux plus hauts dieux. Apollon, dieu des. Troyens, est le wdniks par excellence ^Zeus 'aussi, ; moins souvent. On ddnommi ainsi, spdcifiquement, les Dioscures comme w,ina/<e (forme de duel .onituri"ni- u*. la flexion qui est bAtie sur le thdme uanakt-). Il serait intdressant de prdciser le rapport j. ,.n, .ntr" basileils et tu,lnaks u,t m6in, dans res'iraits les plus importants. Selon Aristote, les frdres et les fils d. ,oi n"r. taient le titre de whnak:s. Il semblerait donc qu" tu ,'Jo tion entre basileils et a,inaks f0t celle qui eriste entr" << roi > €t < prince >. Telle serait alors la justification du titre winake ddcern6 aux Dioscures, Ar,6olxorpor, prin.* 01 ne peut cependant admetre que u,iniks soit I.oy3g". limitd au fils ou au frBre du roi I car, chez-Hombre m6me. un.personnage peut €tre en m€me temps basileils et ui_ naks : un titre ne contredit pas I'autre, comme on voit dans..l'Odyss6-e, 20, 194. De plus, ,eu[ uilnaks ,.., aqualrtrcation divine : I'invocation ) Zeus Dodonaios, un des textes les plus solennels de I'Iliade, commence ainsi ; Leu (Lva... (16, 233)..Un dieu. n'est jamais appel6. basi_ leils. Au conrraire basileils est largement rep"ndl, iunJL socidtd des hommes; non seulerient Agamemnon, mais une foule de personnages mineurs regoivent ce titre. Il v T,"T. des degrds ei comme ,rn" iridrur.ti" prrrri-L, ibasrleis, .d en .juger par le comparatif basileilteros, et le superlatrt basileiltatos, tandis que uinakr ne compor.re -semblable, chez Homdre aucune variarion *r.;u;'f;;; du uanaktero- myclnien, dont le sens deme.rre ioi;tain, le titre de utdnaks ddnote une qualir6 absolue. De glu:; 9n remarquera que dans la presque totalitd des cas bastl.eus est sans ddterminant ; on est basileils tout court. I7.n'y -a que deux ou tois exemples de basileils ;;;;; ginitif. A I'inverse uinaks a g6idralemenr un ddtermi_ nant, nom de communautd : wdnaks and.r6n o udniis d'hommes )), ou bien nom de pays : uhnaks tu,iii, 25
LE voCABULAIRE DEs lNsrrrurroNs INDo-EURoPESNNBs
winaks de Lycie >>. De m6me le verbe wanissd << €tre )> se construit avec un nom de localitd' 'uinaks C'est que seul udnaks d6signe la ft.a,lit6.du- pouvoir royal j bisiletis n'est plus'qu'un titre traditionnel que dd' tient le chef du gtnos, mais qui ne correspond pas i une souverainetd territoriale et que plusieurs hommes peuvent possdder dans le m6me lieu. Il y a beaucouP.ie ball' Ites iivant i Ithaque (od' 1, 394)'TJne seule ville, celle des Phdaciens, ne comptait pas moins de treize basil€es (8, 190). Personnage respectd, le basileils avait certaines pr6rogatives ) l'asJembl6e, mais I'exercice du pouvoir revierit au uinaks qui I'exerce seul, et c'est ce qu'indique au'ssi le verbe ntaiissd. En tdmoignent igalement des exptessions qui se sont conserv6es comme noms propreJ.: Iphi-inassa < qui rEgne avec puissance )>, n9m d9 la fille d'Agamemnon.- Le fdminin (u)inassa est l'6pithe-t-9 de d€eises comme D6mdter, Athdna. Aussi quand Ulysse voit pour Ia premidre fois Nausicaa, il l'appelle ainsi, la croyant ddesse. <,
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Dans la notion hom6rique de la royaut€ survivent des repr€sentations qu'on retrbuve en quelque manibre dans d'iutres socidt€s indo-europdennes. Il s'agit notamment de l'idie que le roi est I'auteur et le garant -de la prospdrit6 poui ton peuple, s'il suit les rE-gles de-la justice et ies cofr-andementi divins. On lit dans l'Odyssde (L9, 110 ss.) cet 6loge du bon toi : << un bon rci (basileils) qui respecte les dieux, qui vit selon la justice, qui tEgne (-anisson) sur des hommes nombreux et vaillants, pour lui la terre noire porte les bl6s et les orges, les atbres sont chargds de fruits, les troupeaux s'accroissent sans cesse, la her apporte ses poissons, grAce i 'sa bonne administration ; les peuples prospbrent sous lui >>. Ce passage a eu dans la littdrature classique une-longue descendance I les auteurs se sont plu i opposer le bonheur des peuples gouvernds selon la justice aux calamit€s gui naissent du mensonge et du crime. Mais ce n'est 26
LA RoyAUTf Hsr,rENreus ici _un lieu comrnun de morale. En rdalitd, le pobte exalte la vertu mystique et productive du ,oi doit t. fonction est de ddvelopper la f6condit6 autour de lui, dans les €tres et dans ia- nature. Cette. colception se reftouve, beaucoup plus tard, il est vrai, dans la soci6td germanique, aiteit6e presque dans les m€mes termes. ehez les- Siandinaves.'t. 'roi assure.la prospdritd sur terre et sur mer; son ,egn. .rt caractdrisd par I'abondance des fruits, la fdcondi-td des temmes. On lui demande, selon une formule consacrde, 6.r -ok lridr << I'abondance et la paix >, tout comme i Athdnes, aux Bouphonies, on sa.rifirit << pour la pair el la richesse >>. ,Ce ne sont pas li de vaines formules. Ammien Mar. cellin rapporte que les Burgondes, aprds une ddfaite ou une calamitd, mettaient a mort rituellement leur roi. parce qglil n'avair pas su faire prospdrer et rdussir sori peuple. Nous retrouvons ici, rorrc ,rni autfe forme. I'idde qui anime une pridre du roi perse ach6m6nide, que Darius formule ainsi : puisse Ahuramazda m'apport6r ,.corrm avec tous les autres dieux et protiger ce p"y, de I'armde ennemie, de la mauvaise rdcolte, Iu mensong" ,r. Nous avons commentd ci-dessus (vol. I, 'p. ZSS ..y cette pritre. Elle dnonce les maux propres aux tois divi_. sions de la soci6td et ) Ieurs activi;€s ?espectives : esorit religieux (drauga < mensonge >), culture iu sol (d.uiiiiia << mauvaise rdcolte r>), activitd guemiBre (haina >). Cette totaliG de malheurs, que Datius demande au dieu d'dcarter de son royaume est la contreparrie des bienfaits que lui-m€me doii pro.ur"i a_u peuple ; et c'est dans Ia mesure or) il aura la faveur d'Ahuramazda, qu'il assurera la prospdritd du p"yr, lu ddfaite de ses'ennemis, le triomphe de I'esprit a. ugiitE. , 99,1. image du chef noumicier a cr66. eir anglo-saxon Ia ddsignation m€me du << seigneur )>. Le termi anglais lord. << seigneur >>.reprdsente un compos6 ancien hta"ford dont.le premier dldment est hlal < pain >> (anglais loal < miche (de. pain) ,). On restitue- htalori Jn . hlifweard.. << gardien du pain_> ; c'est un seigneur alimentairi, nourricier, le maitre de la rniche de paii. De m€me lady << dame, maitresse > esr en vieil-angiais hlaet'-dige < p6._ pas-
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LE VocABULATRE DES INsrrrurroNs rNDo-EuRoPfglwrs trisseuse de pain >>. Les sujets du lord, ceux qui lui sont soumis, sont les << mangeuts de pain >>. Dans l'dconomie mddidvale, le petit << seigneur >> anglais retrouve sur son domaine le mdme r6le que le << roi > homdrique possddait selon les conceptions indo-europdennes. Cependant tous les peuples n'ont pas la m6me repr6sentation de la fonction royale. Entre la royautd vddique et la royautd grecque se manifeste une difi6rence qui peut ressortir des deux d6finitions que nous allons confrontet. Dans les Lois de Manu. le roi est caractdrisd en une seule phrase : << Le roi est une grande divinitd (mahati deuatnhi) sous forme humaine (nararupena). > Cette ddfi' nition est confirm6e par d'autres dnonciations : << Il y a huit choses sacr6es, objets de rdvdrence, de culte et de circumambulation : le brahrnane, la vache (sacrde), le feu, 1'or, le ghyta (beune fondu), le soleil, les eaux et le roi (comme huitiBme). >
A ceci s'oppose la ddfinition d'Aristote, Politique I, p. 1259 : << Le roi avec ses sujets est dans le m6me rapport qu'un chef de famille avec ses enfants. >> C'est en somme un desp6fts, au sens dtymologique, le malffe de la maison, maltre absolu, sans doute, mais non dieu. Certes, dans la phrasdologie homdrique le basileils est diogends, diotrephds << n6 de Zeus > et <( 6lev6 par Zeus >> ; il a des atilibuts qui lui viennent de Zeus, comme son sceptte. Tout ce qu'il est et tout ce qu'il possbde, ses insignes et ses pouvoirs, lui est confdrd par les dieux, mais il ne le d6tient pas en vertu d'une
divine. Ce changement essentiel, propre i la fois au monde grec et au monde germanique, fait ptdvaloir un type de royautd qui s'oppose ) la conception indienne et romaine du roi : le rex romain est en effet sur le m€me plan que 7e rai indien ; les deux personnages ont une communautd de r6le et de nom. La conception plus << moderne >>, plus << ddmocratique )>, qui se manifeste dans les soci6t6s grecque et germanique a dt se r6aliser d'une manitsre ind6pendante. Elle ne s'accompagne pas de ddnominations communes, alors que I'Inde et Rome sont a cet dgard profonddment conservatrices. La coincidence des termes est instructive : le terme rig- survit dans les langues italiques et en indien, ascendance
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LA ROYAUTf, Hel,I,fNrque
aux deux extrdmitds du domaiqe indo-europden ; c'est conservenr les institutions les plus ;aaid;-se nelles, les concepts les plus archaiques, ,onauir., -a;"n" organisation religieuse qui est maintenue par les colldges de pretres (ct. ci-dessus p. l5). Au contraire, dans le centre de I'Europe, de srancls mouvemen s de peuples ont boulevcrs€ les structures anc.rennes..Ce n'est pas seulement i la Grbce et aux Germarns qu'rl taut penser, mais aussi i d'autres peuples, beaucoup moins connus, qui semblent avoir p^ituie i organisation comme les Illyriens .?t., llgT. .socialel VdnBtes, mais sur Iesquels nous n,avo", 6il q"; j;; tdmoignages rares et indirects,
li.que
Dans la sdrie des termes relatifs au roi et i Ia rovautd. parait iigitime d'inclure le nom d'un des inrign.J froi pres i Ia fonction royale, le scepue, qui est derignd.n gfec par sk1ptron (oxfrntpov). Ce^n'est pffi un t"rrrri indoe.uropd-en, il est restreint,.en fah, grec. Nous voyons -au Ii quclque chose de singulier, car'I'insiitution du ,..ot* s'est trds t6t rdpandue chez nombre d" p""pl., -", pdens, En efiet, "i.o_du- grec le terme .rt prrr6 ul turin au slave, . puis du latin au germanique, couvrant ainsi -rend pamie, de I'Europi. C"l-u d'aurant plus :n:,qruld: trotable l'absence de Ia notion en indo_iranien. , Il L)l a de disignation du scepre ni dans I'Inde, ni clans l'lfan mazd€en ; aucun mot de ce sens n,est connu da.ns Ie lexique du Rig Veda ou de l,Avesra .'"rt un ; fait ndgatif, mais de port6e considdrable. Ceitains ont cru reconnaitre un sceptfe sur un bas-relief ach6m6nide, c-lans l'objet qu'un suivant du roi porte, t" port"ur-"ri "t << pofteul dC Cesrgne suf ce monument pat uassa-bara, uasst >. Etait-il Ie po-rte-sceptre du roi ? Aujourd,hui on s'accorde i voir dans I'objet en question ,rn ui. le terme ; ddsignera. donc le.port.-"r. ou l;archer d" ,oi. Lbra;a;; est.ndgative poyr lq Perse achdm6nide comme pour lilran entier et pour I'Inde.
il
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LE VOCABULAIRE
DES INSTITUTIONS INDO-EUROPEENNES
sceptre dans la royautd homdrique, puisque les rois sont d6finis comme < portesceDtres >> : 6)d'q'n'Eo0yor, paou),freq. Le nom m€me, chez Hornar. et dans la langue ordinaire, est sk€ptron, devenu en latin sceptruru, n*it on a aussi skAptu'I .(oxft'ntov) en dorien, cLez Pindare. En outre, avec un degrd voc'llique difi6rent, lat. scipio et, parallElement, le skipott (orinov) du grec. Ce sk€ptrin est chez Homdre I'atttibut du ror, dcs h6rauts, d., *"ttugets, des juges, tous per,sonnagey e1i. par nature et par occasion, sont revCtus d'autoflt€. L)n patse le sk|ption i I'orateur avant qu'il commence son iir.o.rrt et pour lui permettre de parler avec autoriti' Le << sceptrJ ,, .t toi, .tt un bAton, le bAton -du voyageut, du-mendiant. Il devient ,auguste quald. il est aux irains d'un personnage royal, tel le sceptre d'Agamemnon zi propos du.quel le podte dnumdre .tous ceux-qui se le sont tfansmls, en remontant jusqu') Zeus' Ce sceptre divin dtait conservd en grande'rdvdrence et comme objet de culte d Chdronde, il iestait sous la garde d'un pr€ue qui en recevait la charge annuelle- au cours d'une cdr6monie, d'aprds Pausanias. Cependant on ne l'appelait par sk€ptron, mais ddru,litt. << bois >> (Pausanias IX, 40, it). Cttait donc un bAton long, un bois de lance. Or, aux origines de Rome, le sceptre des rois se d€nommait basta, lrlon Justin 43, 3 : << hastas quas Graeci -sceptru dicer'e... ,, Hatta est bien ainsi en latin l'dquivalent du <( sceptre )> comme bois de lance. Quant au sceptre des Gerrnains, les historiens latins I'appellent une-<< pique >>, contus. Le nom germanique est v. h. a. cbuttin-gerta, v. anglais cyne-geri o baguette de roi )> ; ot le -vieuxha.rt-ailemand girta o baguette o (got. gazds << aiguillon >) correspond au latin hasta. II est intdressant de rechercher la signification propre pout voir si on peut en inf6rer la rep1i991tdu sktptron ^se faisait de cei insigne,. Il y va de-l'idie tation q,r'on car les attributs de la royaut6 sont 3e royaut6, m€me autre chose que des ornements ; le sceptre et la couronne sont la royautd m€me. Ce n'est pas le roi qui rdgne, c'est la couronne, parce qu.'elle fait le roi ; c'est la"couronne qui, dans sa pdrennitd, fonde la royaut6.
On sait I'importance du
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LA ROYAUTE nnr,r€NrQun
Aujourd'hui encore on parle des << biens de la Cou_ lolrne_ >; le fils du roi eit le < prince d. h Co,rro";; (a11. Kronprinz-). Ainsi le roi tieni ,o, po.ruoi, d. i;;;r_ ronne dont iI n'est. que le d6positaire. C.tt. noiion mystique s'attache aussi au skApff'ot hom6rique , ,ln o"r_ rdgne, ne juge, ne-harangu. qud le ikipfrin ::.1.19^:_:" aux malns. . La iormation. et le sens premier du. terme grec n,ont rien de mystdrieux : sk€ption .ri t.-ho- d,i;r;;;;;; ou verbe skeWo << s'appuyer qur > c'est un objet sur quoi,l'on s'appuie,.l. batdo. Muir'.i; ,.ns dtymologique ne rivdle rien sur I'origine des pouvoirs sont attictzs i cet insigne- Certe iraduction *ern; qui esr encore trob > peur se dire a,""ir* rnr"ijrJi l?lT?il::<<,S'appuyer atnil kttnd. Le sens propre de skdpto est <( pesef de torri son poids sur quelque .irore, y tro'urr., o. L. poir. pour d6peindre I'attitude d,un homme^"pp,ri ff.rrg, 1-orl"; par ses compagnons, dit.qu'il .1!ir. de tour son poids > :X,..u,* qui I'aident ) se ddplacer. Le mendia"i-a" r \royssee <, s'appure )>,sur son bAton. De li le sens du verbe skdpto : < alldguer en prdtexte, donner ddrivd .;;;; excuse >>, c'est-i-dire se justifier en <( ,uppffir-rr-;;; un fait itabli. On traduit parfois aussi ce v-erbe par <, voler, s,iland'aprtss-.qu,*ques exempl., aJ, Trugiq,r.l."a;;;; .li1 une ]) rraducrion d rdformer. Dani un passage e.TAg";!;_ d'Eschyle^, ex.mples jr- u.ro" se survent foo _quatre (aux vers 302-308-310) dicrivant un feu q"i ,"rt'd" signal, transmis d'une_ station i l,auffe. Tout au d'une chatne, Ie feu allume [; f";;'L; ,ffi;# lons ir# chit une certaine distance .t l" l".ir-" par-dessus le lac Gorg6pis, d ,.t .ra-ii ";^Ai-,r(ii[eiiiil et invire suivant i ne pas p.rdr. de temps .t-a ,,^llrr*"; Ie feu t ; ,,?yt u*i qui fond (6skepsen), qui atteint l";;;; !. ',u (i Aracnne >. .t urs , u qui s,abat (skeptei) sur le l. voici port toit des Atrides >. La.flamm. d'un sommet et vienr << s'appuyer >> sur les difidrents somme; qu,elle d;ir ;;i: ter. C'est toujours le m6me -oru.a.n, qui est dessind. Parlant du dieu qui apporte .utuirritg, S"pfr*i. (Gdipe loi, j8,) dit- que ie dieu"n. sur la ville. Enfin, dani une inscripti";; I'G. ji;,""i;;;'.
f";;;il;i i#;;r;
)1
LE VOCABULAIRE
LA ROYAUTf suilENrQur
DES INSTITUTIONS INDO-EUROPEENNES
est question des tribres sur lesquelles la temp6te s'est abattue, << a fondu >>. Le sens du verbe est partout << s'appesantir, peser de tout son poids >. En cbnsdquence, le sk€ptr9n est le bAton sur lequel on pbse et qui vous retient de tomber. Or un seul type de bAton r6pond i cette destination, c'est le bdton de marcbe. Comment un insttument ainsi ddfini par sa ddnomination peut-il assurer une pareille dignitd ? On peut dcarter diverses explications qui ont 6td-propros€es : ce n'est pas en soi I'insigne du pouvoir, I'embldme de I'autorit6, le bAton de harangue. Ce n'est pas non plus une baguette magique : la baguette se -dit rh,ibios et d'ailleurs jamais le sk€ptron n'est I'attribut du magicien. Puisque skeptuon signifie < bAton d'appui, cje maiche >, nous avons d nous demander comment unifier en quelque sorte les difldrentes fonctions de ce sk€ptron au-x rnains des difidrents personnages habilitds d le ddtenir. La figuration primordiale du skApilon nous parait 6tre le bAton du nzessager. C'est I'atnibut d'un itindrant, qui s'avance avec autoritd, non pour agir mais p-our parGr. Ces trois conditions I'homme en marche, I'homme d'autorit6, I'homme qui porte une patole, impliquent une seule ionction, celle du messagef qui les rdunit toutes et qui, seule, peut les expliquer. Du fait qu'il est-ndcessaire au porienr d'un message, le sktptron devient comme un symbole de sa fonction et un signe mystique de ldgitimation. Dtss lors, il qualifie le personnage qui porte la patole, personnage sacrd, dont la mission est
il
i. tranrri"ttre le
mesage d'autotitd. Ainsi, c'est
Chez les Germains, le roi exerce une autorit6 tout humaine, tandis Rome Ie rex est de m6me essence et -qu'i tnv::u des memes pouvoirs divins que Ie raj indien. L'est seulement aux ddbuts de Rome que, sous l,inhelldnique, le roi prend po". inrig";, tt Le mot comme Ia chose vient aux Romains de la civilisa_ tion_ €recque, De cet emprunt .rdcent on ne peut rien rnrerer sur le statut original du rex romajn Tout ce grand procds, montre .o-ir"nt un phdnomdne secondaire hlstofrqxe peur fecouvrir et masquer de prol:^i1T"r_,i?". tondes dfterences d'origine.
l:.y
iirjtr.i.
de
Zetrs que part le sk7ptron qui, par une chalne de ddten-
teurt suc&ssi{s, dchoit A Agamemnon. Zeus le
donne
fl
comme insigne de l6gitimation d ceux qu'il d6signe pour parlef en son nom. La rdpartition indgale du sceptte dans le monde indoeuropden reflEte donc la conception variable de la royaut6.
Poui les Indo-Iraniens, le roi est un dieu : il n'a pas i €re ldgitimd par un insigne tel que le sceptre' Mais le roi hoiadriqui, lui, n'est qu'un homme, qui tient de Zeus sa qualification et les attributs qui la rivdlent. 32
31
chapitre 4 7'autorit6 du roi
Somnare. Gr.. krainein se dit de la divinitd qui tionne (d,un -signe de p*iof, .ri'aZri"?"a"'r#'
sanc.
ai.j', .teti, r';;";;tA";; fi",";"q,;i it, og i,i'it'ii"'"i" \^'^c:: force f-!!*texicutoire donne i ,n projet, une proposrtlon _ mais sans I'ex6cuter lui-m€me..
K*'i;;'-;p;;;.rt. a6r.--i"r".. i&-I "i"lrrg,"., d,autorl;J- _ ;i;i;g 'U:1.nn"'i:":.;',.,:T::;
l:.::'i::...:f.i6que de |acte
lli',i3'liil,.il.I.l"ni,:'Tljfj;f en acte.
Quand on dtudie le vocabulaire de la royautd €r srec, on est amen6 i observer que, entre les verbls 1., fiiUrl tanti{s relatifs i la notion'de << r6gner o, "t Ia ,.tuii* est unilatdrale, Les verbes principaui ,orrt'd!riut;?;; -;;t; zubstantifs,, non -l'inverse. Ainsi basiletiein l" oenomrnarit de basileils, anLssein le verbe "ri ddnominatif de 6naks. Il s'ensuit que, par eux_m€mes, ces verbes ne 1:r.cyn.dl6ment qui ne soit ddj) .ont"n,, 1l-":: ,rpp"itent ctans Ie substanttt de base. .Toutefois, on connajt un verbe important qui rait pas. comme un. ddrivd d'un s,-,bsta"# ;;;. n,aDDa_ "fi moins dans la synchronie. du grec ho-eriq,r., .;.r, verbe primaire. Dans_ la langu? Jorq"., il' a' Ia ;;.;;", terazauto, qut s'est rdduite d kraino. Ce. verbe, exclusivement poitique, assez frdquent chez __ Flomire,_ est largement att6std .t ." t., fr"giq"., ,;.; Ie sens de < des emplois .rdgier >. Mais dunr-ll kruino signihe << exdcuref, accomplir r>. t,est l:merlques, qu'on te traduit partour. Comparons deux :^1-T?1nr,atnsr rorlrures homenqu.es. pour mesurer l'6cart de iens dont ce verbe est susceprible dans la m6me langue : krienii eeldor << accomplis ce souhait >> mais ausJi basil€u, ; k*.i
ffiun
35
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
ttoltsi sens
<<
des rois rdgnent
>>.
INDO-EUROPEENNES
Comment concilier ces deux
? On ne sait. Il importerait cependant de voir )
partir de quelle notion s'est formd un certain concept du pouvoir (royal). Au point de vue morphologique, krainl est un ddnominatif d6riv6 du nom de la << t€te >, Le pr6sent homiilque kraiaind rcpose sur 'r- kras"n-y6, {ormd lui-m6me sur le thbme indo-europden de gr. kira, skr. iTrsan, etc. . Quel est le rapport de sens entre le nom radicai et le velbe ddrivd ? Ce serait le m6me qu'entre franEais chel et acbeter. On cite un parallble s€mantique en grec m€me : kephaloi1o. Les Anciens l'avaient ddj) imagin6 quand ils disaient que krainein, c'est <( mettre la t€te
l
quelque chose >>. Mais ces tapprochements ne rdsolvent rien. Le rapport,
en frangais, est d'un tout autre ordre : << achever r>, c'est << mener i chef >>. Ce << chef > est bien la tdte, mais cntendue comme terme ultime du mouvement, d'ot le sens <( mener i son tetme, A son extr6mit6 >. Or la << tdte )>, en grec, que ce soit kephali! ou kdra, ne suscite que les m6taphores inverses, celles du point initial, de la source, de I'origine. On ne peut donc I'assimiler i caput dans la latinit6 tardive ou i chet' en franEais qui d6signe la < pointe, I'extrdmitd >>. Quant d kephaIoi6o, il signifie non <( achever >>, mais << r6sumer, ramener, ramener d son principe >> (kephal6), ou encore, comme nous disons ; donner des tttes de chapitre. Ainsi ces parallbles n'6clairent pas la formation de kraind et I'explication donn6e par les Anciens tombe. Seule une dtude compldte des emplois homdriques peut nous instruire. Nous allons les passer en revue pour replacer chaque fois le verbe dans son contexte. On trouvera ici la presque totalit6 des exemples homdriques de kraiatn1, et aussi de epikraiaino. Dans l'Iliade (1, 41 - 504, cf. Od. 20, Ll5) t6de moi krienon edldor est une formule de pridre qui s'adtesse d un dieu et qu'on traduit : <( accomplis mon
vcu
)>.
Si nous lisons maintenant 11. 2, 4L9 6q, U<par', 006' &pa n-6 oi lnerpeiar,ve Kpovrlov, nous voyons que le dieu n'a
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r'autonrrE
DU ROr
p.as proprement e << accomplir > Ie veu il n'exdcute rien lui-mdme. II doit accepter le veu, ; ,.u1. ..it" sanction divine permet au vcu de prendre "t ;;irt;;;. _ L'actlon .marqude par -le verbe s'exerci toujours comme Lrn acre d'autorite!, de haut en bas. Le dieu ,..rf pour krainein, ce qui implique non pas t'.rt."ii"r=r*i!_ " ""rfiii rielle..mais L) I'acceptation par le dieu d., u*r-itr"r"fl par I'homme, 2) I'autorisation divine accord6e u" u*
de recevoir accomplissement. Voili les deux composantes du sens. Le procBs dnoncd par ce verbe a toujours pour agenr un diJr ; sonnage. royal ou encore tlrr" pirirrance surnatur.lle ";-;;;: ;' et ge procds consiste en une <( sanction )), en un acte d'approbation qui seul rend ,rn" ."r,rr" exdcutoire. Le dieu dans le passage cit6. (2, 4I9) a donc refus6 cette sanction sans laquelle le vceu reste une parole. quelque chose de vide it sans efier. En Il. t; 8'ixpaiauvev igetp&6 @oil6ou'An6l),c,lvoq,, peut_on entendre que les incitations d'Apollon sont << accomplies '0:8,^;;;> par Arbs ? Mais le,verbe.n".re dit que d'rn di",i, rJp6tons-le. De fait, ArEs. n'exi...,t" pui ici un oJr.,'t" contexte Ie montre. Il rdpand ,ui 1", combattants'un nuage,_ il fait en sorte- que le souhait de phoibos p,rirs" se rdaliser. Mais I'exdcution, les combattants s'en'chargent.eux-m€mes ; ils ne pourraient rien faire si cette sanction ne leur dtait pal -accordde, qui est a,uuto.iiJ se laisse prdcir". pu, h ;ir";i; ii:l*; Ici I'explication conslderatlon des circonstances et des pcrsonnagbs en
prdsence.
Un passage (9, 100 ss.) avait ddjA prdoccupd les commentateurs anciens : tti oe XpI nepl piv-rptio0au Urcoq, "fi6' truxofrcav, xprlfrvar 6i xal &,),),,;r, 6-c, iiv tr,va 0uirdq, d,vtiryrlr, eirceiv eiq tiya06v. C'est un discours de Nestor ) Agamemnon, pour I'inciter i ne pas n6gliger les avis expriirds d"u"ni'I"i. R.;;;;: saDle cte nombreux hommes en vertu de I'autoritd rovale. il doit dcouter les conseils sens6s q,-r'on p*i tri-a"ri""i. < Il. te faut -plus que d'autres parler et dcouter et au besorn agir d'aprEs l'avis d'un autre lorsque son ceur 37
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
)
parler pour le bien de tous. > Ici la traduction de P. Mazon est ) corriger. Il faut d'abord 6lucider la construction krEtnai di kai ill6i. Elle s'expligue par une ellipse du rdgime direct qui est 6pos, et qu'on tire du vers pr6c6dent ; << prononcer et dcouter la parole (6pos) >> ainsi que de eipetn au vers suivant. La construction est donc h entendte : krE€nai (6pos) 6lloi et devient exactement symdttique de : kr|non kai etnoi 6pos (Od. 20, lI5). On pourra donc traduire : << Il te {aut, plus qu'i quiconque, parler, pr6ter l'oreille, ratifier (krE6nai) m6me la parole d'un autte, si son esprit I'incite d parler pour le bien. Dans la r€ponse d'Aclrille (9, 310) ;,nep 6l xpavrl^r te xo"i tete).eupr6vov Uotcr,, deux verbes sont coordonn6.s : kralnein et telein. La traduction de P. l'Iazon : < Je dois vous signifier brutalemelrt la chose, comme j'entends la fahe, comme elle se fera >> ne met pas en valeur la relation logique enre krainein << rcndre exdcutoire >> et telein << accomplir >. Nous ftaduirons : .( Je dois signifier tout net mon propos, tel que je vais ie confirmet et comme il s'accomplira. Ap:rbs le re{us d'Achille de prdter secours aux Achdens : << Partous ! > dit Ajax, il ne me semble pas que I'accomplissement de notre plan soit sanctionni (krantesthal) par ce voyage r, (9, 626). L'ambassade auorbs d'Achille ne sera donc suivie d'aucun efiet. Elle a 6chou6. Nous gagnons une nouvelle dtape de cette analyse en consid6rant dans I'Odyssde (5, 169) I'opposition entre ilo€sai et krainein. Calypso s'engage ) tout faire porrt gu'U1ysse rentre chez lui << s'il plait aux dieux, qrri me sont supdrieurs tant i concevoir (no1sai) qu'i efiectuet (kr1nai) >. Le fait notable est I'emploi absolu de krainein et qlre l'acte de krainein soit encore mis au compte des dieux Ceux-ci << accomplissent )>, mais toujours dans leur sphbre propre ; jamais krainein ne se dit d'un accomplissement humain individuel. Dbs ce moment on assiste A un glissement de sens qui va partager les emplois selon la constluction du verbe. Il y aura la construction transitive, dont on a vu ci-dessus des exemples (notamment avec I'aura pouss6
>>
>>
38
r,,auronrrf
INDO-EUROPEENNES
DU ROr
6ldOr), et Ia construction intransitive, qu,il faut maintenant.illustrer de quelques exemplcs. ' apparait. d6jA dans I'Odyisde er donne h, krainein , tlle re sens de <( decrder auto.ritd supr6me >. De I) vieni -par gue Alkinoos peur dire : << douze'r,oir-kiio);;'6; 390) chez les phdaciens. Ce << rdsner >>. mais sans que ce verbe soit par ngi"rri,? rig a lLX..i.J se ra roncrron royale. II signifie toujours la capacitd de oonner eftecuarion i une ddcision d,autoriti. Aprtss Homdre Ia consrrucrion in*ansid;; e. Tiiiir"'ar;H;: cans le m€me sens ; par exemple ch"; E;[ti;-; ltds ikranen << il est adven., d'"u* *mme Zeus en a souverainement ddcidd ,, (Ag. %gl; encore * tdmoiFjnage particuliErement intdlessant,' "i parce qu,unigue en son genre, d'un rexte.dpigraphiqu" _ ao"l-rr-?;;;rl. du sermenr des Eohdbei iri , .. J,ob6irai i;;il;; exerceronr I'autorii6 d6o' k;r;r;,riuii avec vq6rorL sasesse ,t >. visant les magisffats supr€mes d" h litg. '-La consrruction uaniitive de kralnein chez les Tragiques se rencontre surrour au passif ,eri-a a";; ; lesrchoses,,efiectu6es par les gd;l;; loi.", "lle souveraines : (ibid. j92); __ <( La mZte_ diction de son pdre Krono; ,;..;;-pl tua (kranth|setai\ alors entidremenr > (.ibid. 911); __ f.t't"-;;;;"-;: " (kdkrantai), ddcid6 F;;1.';
ilftil;*r
i
;;;;i;;;
ffirf.'ioaccompli
p; i;
i l,action d,une puissance suDrd_ , 9':t, aussiquetoujours rnorvrduerle se rapporre l,adjectif ndgatif hom. akr6-
antos (class. ikrantoi) << non_"iI..tuJ i fu. z. lls'\. ultdrieuremenr <( vain >. Il a ,;;;;;; f"ri.'a"ri, i*l de .l'Odyssd_e ; dans I'un il ,,rppfiqd- a ,i. l1i1g,"-: pl:fheti:,qui ne s'efiectue pas (2, ZOZ).'L,ait .ril.
les _songes (I9, j64)."Il faut se fappe-ler la distjnction homdrique entre le 6nar. re sorrge qtrt peur n'€tre qu,illusion et Ie < bon htipar', :^ejreDre rcr
devetopp€menr.sur
(1) Texte ddcouvert et_ p_u^blid par Louis Etudes 6pigra_ ^'"' pbiques et philologiqaes, 193g, p.';OZ.---'" Robert, 39
LE vocABULATRE DES INSTITU'rIoNS INDo-EURoPf'r,NNEs
qui va s'accomplir >> (ibid. 547). Les.songes -ont une rtalit6 dans leui oldre propre, inddpendant de la tdalitd humaine. C'est au sein de cet ordre onirique qu'il faut poser le rapport enrre les deux vari6t6s de songes : les uns (nous ir6gligeons ici les jeux d'assonances du texte glec) viennent par des portes d'ivoire, ils ddEoivent,
i,
apportant des paroles akrdanta >>;.les autres viennent nar- der portes de corne, ceux-li donnent la sanction d'accomplissement (krainousi) d des choses vraies (6tuna). La pr-risiance souveraine des songes est la condition de leui vdrit6, d6j) acquise, sensible au devin seul, et que l'6v6nement humain- se chargera de confirmer. Ainsi les deux adjectifs se rdpondent : akrdanta d6signe les choses qui ne recevront pas exdcution, par opposition d 6tuma, les choses qui se rdvdleront vraies. Voici maintenant pour compldter cette fevue, des emplois de krainein plus di{ficiles : les ttois exemples de l'Hyrnrte horuirique i Herntis, que nous prenons successivement. << Hermbs dldve la voix en jouant harmo' nieusement de la cithare dont le chant aimable I'accompagne et en << c6ldbrant >> (krairzon) les dieux immortels ait"rii q,-r. la terre tdn6bteuse > (v. 427). La trad|ction par u i6l6brer >> adopt6e par J. Hurnbert (dd, Budd) est lmprunt6e aux commentateurs anciens. L'emploi drr verbe a paru si difTdrent de ceux qu'Hombre pr6sente et m6me de ceux qu'on rencontre ensuite qu'on a jug6 impossible la taduction habituelle. On s'est tabattu sur une glose d'Hdsychius qui rend kraindn par << honorant, cdl6biant >> (timan, gerairdn). Il est fort probable que la glose s'applique I ce passageJ) ; elle indique simple' ment l'embarras des commentateurs anciens devant un emploi si aberrant d'apparence. D'autres ont songd i rendre lerainon pat apotel1n << accomplissant le chant jus-
qu'au bout >>, ce qui est bien artificiel. A notre avis, kraino se d6finit ici comme dans 1'Odyss6e. Le dieu chante l'origine des choses et par son chant <( promeut ) l'existence >> les dieux. Mdtaphore hardie, mais qui s'accotde au rdle d'un pobte qui est luim€me un dieu. Un podte fait exister ; les choses prennent naissance dans son chant. Loin que cet exer4ple tompe 'l'histoire du terme, il en illustre la continuitd. 40
l-'AutonrTE DU Ror
Les conditions textuelles font que, au vers 559, le problEme est un peu plus complexe, mais il reste de rn€me nature. Le podte fait allusion d des Motrai, des Destindes, investies d'un pouvoir prophdtique et institutrices dans I'art de la divination. Ce sont les Thriai, femmes-abeilles. Apollon refuse i Hermbs les secrets de sa mantique, mais lui ofire les T hriai qui i lui-m€me enfant ont enseignd une partie de cet art : << ... trois vierges scurs par la naissance ... m'ont appris I'att div! natoire que j'ai -exercd auprbs de mes baufs, encore cnfant : mon p€re ne s'y opposait pas. C'est de l) qu'elles prennent leur vol pour aller partout se repaitre de cire en faisant se rdaliser (krainousin) toutes choses. Quand, noumies de miel blond, elles sont saisies d'un transport ptoph6tique, elles consentent volontiers ) dire la v6rit6, si au contraire elles sont privdes du doux alirnent des dieux, elles tdchent ensuite de vous fourvoyer. Je te les concdde ddsormais. > (J. Humbert.) Ces femmes-abeilles qui, prenant leur vol, vont se repaltre de cire, puis krainousin ltdkasta, ne poumaient << faire se rdaliser toutes choses >. Elles n'ont pas le pouvoir plus que divin qu'exigerait cette rdalisation, mais seulement le don proph6tique qui est leur seule facult6. f)ts lors, le sens de kratnein est ici le m6me que dans le passage prdcddent. C'est le pouvoir de rendre efiectif, mais dans I'ordre de la prophdtie. Non pas <( faire se rdaliser >>, mais < prddire >> les choses ou, comme on dit dans la suite (561,), aldtheien agoreiein << dire Ia v6rit6 >, explicitant kralnein. La parole prophdtique appelle les choses i I'existence. Voici enfin I'exemple le plus difficile, au vers 529 de I'Hymne. Apollon refuse h Hermds ce don divinatoire, privilEge exclusif de Zeus, concddd seulement i luim6me, Apollon. Mais pour ne pas ddsoler HermBs, Apollon lui accorde certains pouvoirs mineurs et un atuibut ainsi ddcrit : << une baguette -triple merveilleuse d'opulence et de richesse, en or et i feuille : elle te protEgera contre rout danger en faisant s'accomplir (epikrainoasa) les ddcrets favorables, paroles et actes, que je ddclare connaltre de la bouche de Zeus > (trad. Humbert). Le texte ) vrai dire n'est pas assurd : les manuscrits 41
LE vocABULATRE DES rNSTrrurroNS rNDo-EURopfsNxns
donnent pour compl6ment A epi/> qui n'cffre aucuu sens, et qu'on a corrigd en theruoils << dispositions, dicrets >>. Moyennant cette correction, le vers devibnt intelligible et epikralnein retrouve le sens qu'il a dans l'6pop€e. La baguette << donne sanction d'accomplissement )> aux conseils qu'Apollon dnonce en les t.irant de la bouche de Zeus, c'est-)-dire i ses oracles, Il n'y a rien, ici non plus, qui oblige ) interprdter kraineiu autrement que nous ne I'avons
fait
ailleurs.
Nous pouvons reprendre ainsi d'ensemble la signification de kraino : l'idde premibre est celle de sanctionner avec autorit6 l'accomplissement d'un projet humain et par l) de lui donner existence. De l) procddent les emplois passds en revlle : arr6ter avec autorit6 une ddcision politique; exercer I'autorit6 qui sanctionne, rend exdcutoires, les ddcisions prises, en g6ndral, €tre investi d'une autorit6 exdcutive.
Si maintenant nous cherchons, au point de ddpart de cette signification une et constante, le rapport de krainein avec kira << t6te )>, nous pouvons I'envisager autrement qu'on ne l'a fait. C'est une sanction qui se figure par un mouvement de lc t6te. L'approbation est prononcde par le signe de t€te divin (gr. neil6, latin ad-, in-nuo, nutus). Dans l'Hymne honzdrique d Aphrodite, on lit au vers 222 : << ... Zeus fit signe de la t6te (epdneuse) et ratifia (ckrdEnen) son souhait. Que le poEte I'ait cherchd ou non, il s'est ainsi chargd d'dclairer ce qui pourrait bien 6tre le sens propre de kraino. Et si plus tard Sophocle emploie krainein pout indiquer le pouvoir sur un pays (xpaivew ^yd.g, x6pas) nous voyons que ce pouvoir humain se ddfinit par le geste qui indique l'assentiment divin. C'est cette sanction divine, le signe de t€te du dieu, qui ransfdre une parole dans I'ordre de la r6alit6. C'est pourquoi le pouvoir royal indiqud par le verbe krainein, plocdde du geste par lequel le dieu donne existence i ce qui autrement ne serait que parole. >>
42
chapitre 5 I'honneur et les honneurs
Somnaire. En grec, gdras dont le rapprochement avec - > n'esr._rien de- plus girdn < vieillard qu'une-€tymologie popu. laire c'est la part d'honneur iuppldmentaire'accoride 'occa-
-, sionnellemenr au
roi par
ses sujers,
ii
distinctive de sa dienitd.
..Si la tin6, comme-le giras,'enire dans I'apanage au i6i, ii elle comporte comme lui des prestations matdrijles honoiifiQyes, . elle _ s'en distingue comme une dignitd permanente et
d'origine divine .: ddiignant le lot d'hon'n.u, ioy"i [r. t., dieux regoivent du destin er les hommes de Zeus, ii*l sfparer du groupe de gr. tino <( payer >>, poind <'ranEon,-chA"rl-i
llmcnt >, clont la stgnrhcatlon constante est d,ordre juridique.
Les ptivildges particuliers de la royautd homdrique sont 6nonc-ds par un certain nombre de termes qui se rapportent_ d l'honneur et aux honneurs. Ils font partie d'un vocabulaire dont les valeurs spdcifiques sont iides a des institutions ar_chaiques et qu'il faut ddgager par une analyse textuelle. Nous commel_rgols cer examen par un mot qui tient yne place considdrable dans I'dpop6e : c'esr le rirot g6ras (rdpas) ordinairement traduit << honneur )>, <( part dihonneur.)>, < tdmoignage honorifique )>, et cette tradriction semble en eftet convenir partout. L'intdrdt particulier de ce mor, inddpendamment de ce qu'il nous apprend sur les conditiorrs sociales. c'est qu'il,est eclaird par un rapprochement dtymologique qui lart.lor. Un enseigng-qye gdras est apparenrd i gdron << vieillard >>. On ddfinit donc cette notion comm-e un privildge attachl ) I'Age, comme un honneur rendu aux vieillards ; un droit prcpre i une cetaine classe d'6ge plut6t qu'i un rang social ou i une {onction politique. " - Au -point de vue de la forme, gdras est un neutre dont la structufe m6me montre f intiquitd. La forme 43
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO.EUROPEENNES
en -as (-aq) compte en efiet parmi les plus vieilles de la catigorie des neutres, tels o6).4c,, xpiug, ripaq, qui sont sodcifids dans leur fonction nar le vocalisme ndical e (iequel est propre aux anciens^ neutres indo-europdens) et par le suffixe -as ses variations. On a propos# de ^vec le myclnien ke-ra. reconnaitre gdras dans De gdras est tird un adjectif gerar|s (1epcrp6q), d'ot i son tour le verbe d6norninatif geraird (tepaipo), ce qui suppose une ancienne forme ':' gerdr en face de g4ras, thdme en -J- confirmd par la forme n6gative agdrastos (rildpaoroq). Ainsi ce neutre en -as voisine avec un thdme en -ar selon le vieux type des neutres indo-eutopdens. Le sens de gdras ressort de certains emplois, surtout au premier chant de l'Iliade et notamment dans la partie centrale de ce premier chant. Le gdras est prdcisdment I'objet d'une revendication qui met aux prises Agamemnon et Achille.
On connait la situation. L'oracle divin invite
Aga-
memnon i rendle Chrysdis qu'il ddtient. Il y consent sous une condition. << Mais alors, sans retard, pr6.parezmoi une autre part d'honneur (giras) pour que je ne sois pas, seul des Argiens, pliv6 de telle part (ag6rastos) ; ce serait malsiant. Et vous le voyez tous ma - s'en va ailleurs. > (118-120.) part, i moi (6 pror, ydpaq), Le gtras est rcprdsent6 naturellement ici par la captive. Il s'agit bien d'une part d'honneur, mais en quelle qualit6 Agamemnon I'a-t-il reEue ? Achille rdplique vivement : << Comment les Achdens magnanimes pourraient-ils te donner semblable pari d'honneut ? Nous n'avons pas, que je sache, de trdsor commun en rdserve. Tout ce que nous avons tir6 du sac des villes a €t6 panagd : sied-il que les gens de nouveau le rapportent ) la masse ? > (123-126.) Le giras est donc un avantage en nature, conf6r6 par I'ensemble des membres d'un groupe social en vertu d'un partage, lors d'une prise de d6pouilles (sac d'une ville), au moyen d'une mise prdalable en commun de tout ce butin sur lequel pricis6ment est prdlev6 ce g,4ras,
part du chef. . Achille poursuit : << Quitte donc cetre femme au dieu et nous, les Achdens) nous te Ia revaudrons au triple et 44
L,HoNNEUR ET LEs HoNNEURS
au quadruple, si Zeus nous donne un jour de ravager Troie >> (I27-I29), donc si les conditions sont favorab-les ) I'octroi d'un nouveau glras. Puis la discussion conrinue, Asamemnon se fAche : c'est donc chez Achille, chez Ajax" ou chez Ulysse qu'il ira prendre la pat de compensarion. _ Ainsi Agamemnon, Ajax, Ulysse, Achille, voili les hdros qui ont droit au gdras. Ce sont tous des basil€es, des hommes de classe royale.
Le motif reviendra .rr.or. souvent : giras est le motclef de tout le premier chant de l'Iliade. De l) ddpendra le cours des dvdnements qui vont suivre. A pa*ir d., moment oil Agamemnon lui a pris Bris6is, Achille priv6 de son gdras s'estime ddshonord, Ltiruos (lirr,ploi) ; << Car voici le fils d'Atr6e, le puissant prince Agamemnon, qui vient de me faire afiront (rl.ripr1oev) -il m'a pris, il-me retienr ma part d'honneur (gtras),. de son chef, il m'a .ddp-ouilld, > (j55-6.) Voiln l,origine du ressentiment d'Achille, et plus tard Agamemnon dira qu'il a €td comme frappd de ddmence li jour of il a frustrd Achille de son gdras. . Au chant .9, vers 334, sont prdcisdes les conditions de cette attribution. C'est toujouis Agamemnon qui distribuait aux &pr,otrleddr et aux Baoule0or,, aux ,"igne.rrc et aux rois, leur gdras, leuts parts d'honneur. Achilie interpelle ailleurs le Troyen En6e qui s,avance contre lui : < Quelle raison te pousse ) m,afironter ? Espdres-tu_rdgner sur les Troyens it obtenir le rang qu,a Priam 7 M€me si tu me tuais, Priam ne te mettrult pu, en mains son -g,4ras. Il a des enfants, il n,est pas si Jot. A moins que les Troyens r'aienr ddji attribu6 in t1rneno.t au cas oil tu me ruerais >> (I1.20,178 ss.). Le gdras peut 6tre atuibud en rdcomDense d'un exploit ; il comporre une royautd efiective comme celle dont, au dire d'Achille, Ende espBre qu'elle lui sera conf6rde par le souverain-en exercice, priam. Cette prdlogative esr ou peut etre h€rdditaire, selon I'allusion iux fils de Priam. L'octroi- de ce gdras peut s'accompagner d'une attribution de domaine \tdmeios), m"is ce iont deux choses inddpendantes. Lors de la prise de Troie, NdoptolEme se distingue 45
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPfENNES
par
sa_
vaillance
; il
en cons6quence sa paft (moira)
-regoit i laquelle ont di.oir tous les guerriers -en plus - beau g6ras. La natuj:e de ce gZras n'est pas"tspdcifide un ;
on peut pelsel que c'est une femme, comme Chrysdis au chant I de I'Iliade ou comme Eurym6dousa. attritu6e en gdras au roi Alkinoos, er donr il-avait faii sa camdriste en son palais de Phdacie (Od. 7, 10-11). Au chant 4 de I'Odyss6e, on voit Mdn6las, qui est roi, ofin1 i. ses h6tes, en sus de la viande qui leur'a ddja etd servie (v. 57-59), son pl.opre gdras, l'd,ihine (v6ta) d'un bceuf, attribution suppl6mentaire de viande (v. 65-66). Quand Ulysse, aux enfers, s'informe de son bien, du sort prdsent de sa famille, il demande ce qu,est devenu son g€ras Dis-moi ce que sont devenus mon pbre ^: < (Od. ^11, 1.74. s.), On lui rdpond : << Personne ne ddtient ton gdras', mais Tdldmaque administre tes ten6nea. >> Les -d"ulr notions ne sont pas lides : 7e tirneno-r esr distinct du gdras, p.riviiege {e la dignit6 royale. C'est pourquoi chaque prdtendant d6sire, en dpousant pdndlope, oLtenir le g6ras, l'apanage royal d'Ulysse. C."r.exemples laissent voir ce que repr6sente Ie g6ras. _, Il, s'agit en principe prestation, ."u"ordinaires idser.de vees de drort au fol, notamment une part spdciale du butin, et d'avantages..matdriels procuris'par le peuple : piace ct honneur, attnbution des viandes les plus belles, de. coupes de vin. Ecourons Sarpidon, roi Lycien, !n.ri mdrer les privilbges royaux (Il.-L2, 310 ss.)': << 'pour_ quoi sommes-nous honords de tant de privilEges, place d'honneur, viandes, coupes de vin ? pouiquoi io* ,rorn honorent-ils comme des dieux ? pourquoi jouissonsnous d'une grande attriburion de teiain (t6rnenos ndga) ? ... Nore devoir n'est-il pas, dBs lors, de combat_ tre au premier rang pour qu'on dise de nous : << Ce ne sont pas., des gens sans gloire que nos rois..., mais des gens vaillants qui _combattent au premier rang. )> Ce ne sonr pas propos imagds de podtesl Nous touli . chons ) des rdalitds d'i'stitutions, dont les historiens gardent m6moire. Thucydide (I, 13) parlant de Ia Grbce prinritive dit en une formule lapidaiie : << des royautds hdr6ditaires componanr des g6ri ddterminds. ,, fri gl,i
L'HONNEUR
ET LES
HONNEURS
font donc partie de la ddfinition de la basileia, de
l'oyautd.
la
Hdrodote (vr, i6 ss.) donne une reration ddtaiilde des p'vrldges des rois dans la Sparte ancienne. Ils ont deux sacerdoces, le droir de portei la guerre o,) pLit': il l.ur en ,campagne, autant de b6tail qu'ils veulent, les t .u.r* et les echlnes (vrlra, cf. ci-dessus : Od. 4, 65) dei animaux qu'on immole. Plus longue encore est I'dnumdration de leurs droits -L"q*;; d1 paix : premidre place ,"; ::..;.^Tpi_ ,la res premlces de !l"ir-::, -toutes _ choses, une part double ,ee celle ctes autres convives (chaque terme iemble €tre fait pour illusrrer un texre t ; ils ont droit ) une concession de victimes"-E.iqrll po.rr'i", 'ru.rifi."r. Au* jeux, ils onr le sidge d'honn.ui 1.f. .i_a.*"r",]L'i;; ,_-lorsqu'ils nJ paraissenr pas arl repas public, ?]-r_) pofte reur .leur part, mais cette part est douLl. ,,i1, u asslstent; rls conservent les oracles qui sont rendus, etc. Ces tdmoignages historiques p"uuJni a-Li-,'.*"1"'1"* querque lumrere sur un passage de l,Hymne hon1iiaae d .He_rmis (vers I2B-129). Il" s'agit fait HermBs tour enfant encore. Ii ;;^d;";rJ.rT; ttoupeau, il en samifie. deux il les"tiansperce ; avec des broches, les r6tit, les dtend. li airir" les chairs en douze parrs qu,il tire au sort, et en plus il < ajoute i chaque motra un geras >>. Auparavant Hermbs a^ les chairs : oapxaq.. -par6 xa| vivcq. yep&.opr.a Lzf1; ,.l"uon, cette expfession .(v.. n6ta gerisrnia << l,6chin qui consti;;; t. rnorJ.*"'j" _ roi > ; c'est toujours l,dchine qu,on ofire en g€ras d,ans
il
i,;; ;##;"4;;
'il,
Ies festins.
Ainsi, ) chacune des douzc_^parts, Hermds ajoute un morceau des n6ta qui, par d6finition, servent A, ger^-. Comme il ne veut'pas commettre de faute, il f.ait cela douze fois; ofire d _chacun i.r-aiirr--i"'.'s6;'r-i; devait revenir un seul. .it" ,., rres concret, c'est un < privilEge de viande >>. La ddfinition i-laquelle nous parvenons apparalt assez et comporte-.partout t", truiir-que nous avons :.:]lii1: successlvement recueillis dans le te"tes.' On .ri ,ui* tenant en mesure de reprendre le probla.. a" l;eryrn"-
il i
f. t.r..
46
47
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO-EUROPEENNES
logie et du rapprochement de g6ras avec g,|ron < vieil-
lard
>>.
Ce rapprochement a 6t6 propos6 par Osthofi en 1906 (1) et, depuis, admis partout. Osthofi est parti d'une formule hom6rique : td y&p yipo'4 €oti, lep6vtorv, qui apparait deux fois dans I'Iliade (4, 323; 9, 422) d'or) il semble rdsulter que le gtras appartient en propre aux vieillards (gdrontes). Ce serait f illustration d'une 6tymologie que semble imposer la forme mdme des mots. Mais que signifie au juste cette expfession ? Lisons-la dans son contexte.
En 4, J23, Nestor d6clare ; <( je suis trop vieux pour combattre, mais je reste tout de m6me parmi les guerriers afin de 1es guider de mon conseil et de ma voix : cela, c'est Ie gdras des vieillards, leur privildge. > Dans I'autre exemple (9, 422), Achille congddie en ces termes les vdn6rables envoyds d'Agamemnon : <( Allez, signifiez mon message aux chefs des Ach6ens, car tel est le privilEge (g6ras) des vieillards. Cette expression qu'Osthofi a jugde si rdvdlatrice se tamdne d un simple emploi m6taphorique or) g6ras ddborde sa valeur sp6cifique : lahe entendre un conseil, s'entremettre pour r6concilier les puissants, est le gtras des vieillards, le privilBge de ceux que I'Age dcarte des combats. Il n'y a rien d tirer de l) pour 1'6tymologie. On peut s'en convaincre par une auffe formule de m€me structure, qu'on lit six fois et non plus deux, et qu'Osthofi a ignor6e : rd 1ap y€pag ior| 0av6vrurv << tel est le privildge des morts ofirandes, c'est le privildge (gtras) qui leur revient. Personne ne s'aviserait d'en conclure que Ie gtras a quelque relation avec la mort. Ainsi, il n'y a rien qui apparente g|ras << privildge > i gdrdn << vieillard >. La formule oL voisinent ces deux termes ne pose aucun rapport d'dtymologie entre eux. D'ailleurs on ne voit nulle part que 7e gtras soit le lot des vieillards. Certes la vieillesse est entourde de respect : les vieillards forment le conseil des anciens, le sdnat ; mais jamais les honneurs royaux ne leur sont rendus, >>
(l) 4B
Indogernaniscbe Forschungen,
XlX,
7906,
p. 2L7 ss.
L,HONNEUR
ET LES
HONNEURS
jamais un vieillard ne regoit un privilEge royal, un p6ras au pr6cis du terme. Osthofi a 6tJ dupe d,une-dtv_ ,sens motogle popuJaire que Ie souci de tout expliq.r., , ,.rn_ g6rde aux commentareurs anciens de I'IIiade ; : K;;3,
(yepaL6c,) " vieux " de g6ras, car les vieiliardr, . yi.ll g1rontes, sont geraiol, dignes d;honneur et de respect. ,, Ues tantaisies de scholiastes sont ddie r6fut6es par -A; Ies fui. {o111es en.,question. Car, << p.rlYlege >>, rI I a un auffe mot en _as : g6ras (yfrpaq) .; yl.lll.,rt.,rr, q.n, a Ie vocalisme de l,aoriste ig1ra (irrrp"j. Ausst, de deux choses I'une, ou bien g6ras est une forme i degr6 long ancien et i,on ne peut concevoir alors que g6ris < piivildge >> vienne de la m6me racrne) ou blen le degr6 long de gdras << vieillesse > est emprunt6 au thdme d'aoriste du-verbe < vieillir > et c'est Ia preuve qu'on sdparait par Id g€ras << ui"iii.rr. I d,e gera.s privildge >>. Tout confirme qu'il faut tenir .< pour dlstmcts ces termes enfte lesquels aucun rappoft n'€,tait perEp. On sait en ouffe que g6ron < vieillard >> et ptras << vieillesse > sont. en relation dtymologiqu. ,u..'rlr. iarati << rendre d6crdpit >>, iarant- o'vieilla'rj uu.rriqo. zaraan << vieillesse >>. Les formes d€riv€es de ", cette ,u.i"" n'indiquent rien de plus que la ddcr6pitud. phyriq*-.i ne sonr jamais lides d Ia notion d'honneur : on peut en pnj I'expression homdrique sdkos gdron (Od. ZZ, ilg:: 184) qui ddsigne un bouclier vie.rr, usd,-ddcr6pir.-- --' entre g6ras et g6iOn sera donc i . Ce rapprochement Ddgagd d'un appareritement_6iymologrqu" q"i f. ::r1l.l: le terme g€ras rcgagre sa valeuf et son antiquit6. 1?":tu1r, rr ctesrgne l'une des prdrogatives royales, une prestltion due au basileois et constitut]ve de sa'ditgnit€. Achille n,est plus.lui-m6me, il peid son rang si on lii rctfue son p6ras. Arnsi se caractdrise, dans la socidtd hom6rique, "cette notion. Si nous ne pouvons plus .n ,"tro.ru"', l; ;;Z; histoire indo-europ6enne, du moins ,o-."r_nous assurds que l'rnstltutron appartient i la forme la plus ancienne cle royaute en Gtece.
."
iiri"(r+'ij
Dans le vocabulaire que nous 6tudions, bien des mots n'ont pas I'air de se rapporter i des institutions. Ils ,em49
LE voCABULATRE DEs rNSTrrurIoNS rNDo-EURopEpNNrs
blent n'avoir qu'une signification gdndrale. Seules certaines modalit6s de l'emploi peuvent en rdvdler le carac" tdre institutionnel. Tandis que gdras se rencontre surtout en podsie et reste limit6 ) la please ancienne de la langue, c'est i toute dpoque et dans tous les genres qu'on connalt le mot tirnd (rupri), que nous consid6rons maintenant. I-a place qu'il tient dans la langue se mesure ddji au nombre de formes qui appartiennent ) la m6me famille. De plus c'est un mot si clair, si collstamment employ6 qu'il semblerait sufiisant de rappeler que titnd << honneur, dignitd > (dont ddrive le verbe tim6o), est I'abstrait d'un verbe ancien tio (ri,w) << honorer >>. En rdalitd timii est un des termes les plus sp6cifiques de certaines conditions sociales. Encore faut-il I'analyser et, pour donner au problbme toute sa port6e, on considdrera d'abord l'ensemble dtymologique auquel timd se relie. Il constitue une grande famille, assez vaste et diverse pour que les rapports entre les formes cr6ent parfois difiicultd. Rappelons-en les principales : outre ti6, tirndo, Ltirtos << privd de timd )>, etc., il faut citer le groupe de tino (tivo) << payer >>, tinurnai (rivupr.crr,) < faire payer, faire expier >>, tisis (rior,q) << chAtiment, vengeance >>, ititos (d,cLtoq) <( non pay6, impuni >>, etc. Comme on voit, ces termes sont relatifs au paiement d'une dette, d la compensation d'un m6l.ait. Sont apparentds aussi poind (nor,v1), dette qu'on doit payer pour rdparer un crime, et en latin poena, pilnire. Hors du grec, on enregistre skt. ciyate << payer, faite payet, punir, chAtier >>; cayati <( respecter >>, cayu <( respectueux )> ; avest. kay-, iikay- << punir >>, kaE\a, kadna <( vengeance , haine >>, ce dernier rdpondant d gt. poin€. Tel se pr6sente en indo-iranien et en grec cet ensemble de formes qui, matdriellement, s'organisent i partir d'une racine o k-ei-. Mais la disparit6 des sens crde une difiicult6 ; est-ce la notion de << punir >> ou celle d' << honorer > qui pridomine ? Peut-on de .< obtenir punition, tirer vengeance )>, passer i I'idde d'<< honoret, fafue honneur >> ? C'est par une liaison assez vague qu'on arriverait ) unifier les deux significations. Aussi, 1l y a longtemps ddji,
L,HoNNEUR
ET LEs
HoNNEURS
W. .Schulze, dans ses euaestiones epicde (Igg2), posd de sdparer deux familles dtymoiogiques. " ,,
a proL
"d,ii-
aurait une. forme d tid, tintd, et ,^Ilr! -", i-ei-., Ies tormes sanskrites le sens de <( r.espect >>, et une _avec forme i _", n k',ei-, d,oi ttni,- iini)ai, tisis, et les for_
mes sanskrites avec le sens de
<< punir > etc. En gdndral, on ne prend pu, ^poririon nettement
devant certe alternative.-schulze a ie mdrite d'uuoir-rorIignd la difiicult6 d,une origin.et il a donnd I: T.ot:n d'y parer. La quesiion .rr--j" ""iqr"savoir si Ie sens de timii et des mots appurenrds recommande ,; un rapprochement avei la famille de poin6. Il i"1;;; ,ufiii pas de rendre tinzd. par o honr..rr, .rti.. >>. On".doit en prdciser la ddfinition p-ar rapport aux termes de sens Quelques e*.mpl", ,.iont choiris pur.1 ].?i:ll;. explrcttes. . En premier lieu, on reprendta le passag e oi g6ras et time sont associ6s, .o-m. deux Jna.pr. connexes : c'est Ia. querelle d'Aga_.,emnon er d,A;hili.; ,;;;rt.i chant de I'IIiade. Ac-hille,,qTnd-Agg*.rnon essaye de sa part de'butin, lui'lun." ce rcproche : l:tr:":::trtle << Je n'avals aucun intdret personnel i venir iii. C,est toi que nous avons suivi, pdur te_plair", pour te gagner ripvJprvor, v. 1.i9), d toi^ et d M8;Ei;;; :.:: Ies ,:i::-(.1,1-r-i1v sur lrovens. La traduction de timd par << rdcompense > (p. Mazon) est impropre; on ne voit^pas de q"oi atur";;;;;;1 rait €tre rdcompens6 et comment il reccvrait une rdcompense de ceux m€mes qu,il vaincrait. Il s,agit de Ia part -a;"i;r-l;ffi; d'honneur er d'avanrages matdriels i un personnage, en verru de'sa aigritg, a.'r, T:,11,.^r_, conolrron. Agamemnon rdpond : << Va-t_en, si li ceur t,en cur. rl y en a bren d'autres auprBs de moi qui m,accorde_ ront la ilmA Uimesousi), et uuurrt to*-i; p;;; Z;;;. ; (174- ss,) C'est Ii un *ait irnportrnt ; i" .;;;idd;;; que les hommes les dieu" aussi _ lui accorderont. -r"*f""i - erI'apanage cette timd est donc de la conJiii"" 1ofd1e9 par Ies hommes e-r les di"";;';ld':r;;;'rj t"]: tes €gards, des rnanifestarions d" ,.rp..t .i l..j:, des avantages aussl matdriels. Cette ddfinitioir peut se compldter de plusieurs aurres
il ;il;
)>
50 51,
LE vocABULATRE DEs INSTITUTTONS rNDo-EUROPfrNNss tdmoignages. Essayant de calmer la querelle, Nestor dit i Agamemnon : <( Abandonne (i Achille) le gdras qrue les Achdens lui ont attribud >> et ) Achille : <( ne te dispute pas avec un roi. Le roi i qui Zeus a accord6 le kildos << gloire > (cf. ci-dessous, ch. 6) n'a pas en partage la m€me tim6. Tu es fort, une ddesse fut ta mdre; mais il est, lui, supdrieur, parce qu'il commande i plus d'hommes )> (276 ss.). Ici apparait une difi6rence impottante entre lg. q.er4s et la tirui .' ce sont les hommes qui assignent un gdras, rnais la tirud est confdrde par le destin : elle fait partie ari lot personnel. Un texte comme Il. 15, 189 en donne confirmation. Les trois fils de Kronos, Zeus, Pos6idon, HadEs, se sont partag6 toutes choses ; le monde a 6t6 divisd en trois et chacun a eu en lot sa tim6, obtenue par le sort (,ilah.hen). Ainsi chez les dieux comme chez les hommes, c'cst le sort qui ddcidera dc
I'attribution dela timii, et les termes-cl6s moira et lakbei.n achbvent ici la preuve. Personne ne peut donc mettre en question 1a l6gitimit6 de cet apanage. S'il restait un doute sur la liaison enffe la timd et le pouvoir royal, il serait dissip6 par Il. 6, L9J. Le roi donne sa fille de Lvcie. 'la voulant retenir Belldrophon, lui (tim€s basil€idos et << moitid de toute sa tirru| ioyale beruisu pises) >>. Dans un passage d6j) citd (i propos de gdras), Achille raille En6e, qui marche vers lui : << espEres-tu que ce combat te donnera le droit de rdgner sur les Troyens avec la time de Priam ? > (Il, 20, 180 s.) l'expression associe la timd ) I'exercice du pouvoir -royal. Et ce sont bien des rcis (basil€es) qui comptent a.u nombre de leurs privildges ces tirual .' places d'honneur, prdsdance, viandes abondantes et coupes pleines (Il. L2, 110). Non pas seulement I'honneur, mais des avantages substantiels, li6s i la condition de basiletis, accordds par le sort. Quelle est donc I'origine de la tirni ? Le pobte le dit en termes exprEs : << La timii (da roi) vient de Zeus, et Zeus I'a pris en amiti6 >> (Il. 2, I91). La timii est d'origine divine. On retrouverait cette affirmation ailleurs encore. Il faut aussi remarquer que Ies verbes qui r6gissent timd sont des verbes de don : donner >>, bnci(er,v << accotder >>, cpdper,v <( confdrer >>, ou de retrait : on a privd Achille d'une part de $r,66var,
52
<<
L,HONTNEUR
ET LEs
HoNNEURS
sa timd en lui enlevant sa captive. Cette notio n de timd se ddfinit cbmme une dignit3 d,oritine par, le sort,) un personna'ge royal, Sr qui comprcnd non seulement le Douvoir, mais des privildgcs de respect et ctes redevanc., matdii;ii;;. airiine"i-a"n. du giras, pres.tation matdrielle .t o-ccasionnelle que les nommes accordent au souverain ou i un h6ros. Y a-t-il une signification religieuse de ti*A- I On l,atnrme " souvent, en alldguant un passage de 1,Hymne hom6rique d Hernris G. Itzy oi tinzd elt Ii6 (ar:ir\,. C'esr Ie seul exem.ple dans 1., pol-", h;;j.rqr;;semble suggdrer cetie valeur a, iiiA." HermBs.rdpond i .sa.mdre qui le rdprimande, qu,il n,a pas envie de rester ainsi obscui et mdprisd. fl uuui-.i."* vivre avec les Immortels, plutdt q,i. a" -;r"ilil-;h;; soi dans un antre obscur;'il ajouti-; aoni'"n-iJ, (tiryC.1), i'awai vais m,y rn.ii*-_ {1":-1:rm res memes Dnvileges sacrds (t€s hosies) qu,Apollon )> '
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(tad. Humbert). Ainsi, il .,y aurait une liaison entre tim€ et hosie comme privilEges sacrds, ce.qui ferait de ti il*e' f""pri_ villge
d'un dieu ? L9 sens d; ;;;-;Jpasserair alors tout q."':", a Iu,jusqu'ici. Il ne d6signeruit pl.r, ;;;il;;; f^",.rni91.or. qu on a pour un -personnage puissant. tvlats est-ce blen Ie sens de hosiE ? Dans un autre pas_ sage de l'hymne, Hermbs, qui ddsire GG ;;;h;i;, di,,ii a formulds soienr accomplis, reconnait a Ap"il;; ce qu'il a pour luimAme souhait6 , .onrid6r'uri;;; i;;; h;;: neur, avantages de toutes sortes. << Tu es t";;;J;;; fmm.ortels, Zeus t,a * ,g".iiri-;;";ir; :::g:,.f;1,1"r oqL\g \+/U) ceci n'est que fustice _ et t,a conc6dj -
des dons dclatants. r> La traducdon de hosiEs par.< justice > (Humbert), rer_ me ddpourvu de va.leur religieuse, pourrait ,r.pr"nji.. On verra.plus bas (livre 3, ".lrup.'f), Jun, I,d#de ;;_ sacr6e d hisios, que c€t..adjectif n'.rt-pu, t,6q;;ui; de hier1s; il s'opios, a hirii;i<< profane >> au << sacrd >>. Il faut donc entendre ainsi le premier passage de l'Hymne Hermis (1..7j s.), Ji.;'a; aussi, je veux avoir droit cette bosie d;;t j";;;'G;jl
ii*;;l"
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53
I
ii
LE vocABULATRE DES rNSTITurroNs rNDo_EURopEsI,INrs L,HoNNEUR
Igli. o
fl
s'agir des avantages profanes er non d'un privilbge sacr6. La meillerrt" pt.ru" en est dans la suiie : << -.. si mon pdre ne me les accorde pas, je me ferai le Prince des Brigands. Si I'on me punif, l iiai it pyth6 et j'emporterai les trdpieds, I'or, les chaudronr. ,, C" ,ort les avantages dont un dieu iouit hors du domaine du sacrd. Ii n'y a donc pas lieu de donner ici d timd un sens particulier. Le mot est pris dans son acception ordinaire, ct ne ddnote pas une notion religieuse, . ..Nous_ passons i l'examen de l'autre moitid du probltsme. La notion en jeu est celle qu'expriment ttnulnai, tisis et poind avec les formes correspondantes en d'auffes Iangues, et qu'on peut ddcrire comme : << faire payer une prime, rdclamer le prix d'un forfait er spdcialement d,un crime capital. > A-t-elle un rapport avec tirzd ? En premier lieu, consid6rons les formes m€mes, et la difi6rence dans 1e vocalisme radical. Nous avons d'une part rf,1.1{, rio, d'autre part rtvuplc (: re[vu-, d. d,notsr,vrito au ve sibcle en Crite). La difidrence formelle accuse celle qui s6pare les notions. . On a-soutenu que dans un passage homdrique timd est l'6quivalent de poine. C'est sur ce"texte qubn s,appuie pour affirmer la parenr6 des deux familles lexicales. Relisons-le donc. Agameflnon dnonce le pacte solennel qui va lier Achiens et Troyens et demande a rous les dieux de servir de t6moins' : << Si c'est Alexandre qui tue Mdndlas, qu'il ait, seul, Hdltsne et tous les trdsori ; nous nous en irons, nous, sur nos nefs marines. Mais si c'est au contraire le blond Mdndlas qui tue Alexandre, aux Troyens alors de nous rendre HdlEn. et tous les trdsors et de verser aux Argiens une rdcompense (timdn apotlnemen) ddcente, qui profite aux gdndrafions d venir. Et si Priam et les fils de Priam se refusent i nous la verser (timdn tinein), alors c'est moi qui combattrai pour obtenir satisfaction (poini) er ne quitterai pas la place avanr d'avoir men6 la guerre juJqu,au bo,rt )> (I1. 3, 275 ss., trad. Mazon). On a voulu lire ici une liaison dtymologique en .rre tin6, apoti.no < payer >> et titn€,. d'une part, et une 6quivalence entre ilme et Doini!, de l'autre. En fait, ni I'une ni l'"rrtr" relation ne r6siste i I'exa-
ET LEs
HoNNEURS
men' Le pacte pr6voir qu'en cas de victoire de Mdn6las. reniront Hctane i;';;6rr;; ;i'fi:,ir"; paieront en outre 7a tirue a Agum.*non et aux Arsiens. C'est Ii un *ibut qui ddpasse'i; ,t,";t';#;rt#^:":; biens ; il im'lique'tn ,.ionnri;;r;;;';; -;;;r"tr';.;; et I'attribution d'honn;; De ce fait et dans les conditions or) ;;;-i;;iion,pngn". Lrt conclu, la tind erfi.]. se trollve assimilde ) un paiement que 1", froyl^ .fi..'rendron,. tueront en sus des 'C;esr-^ou, qu'ils .biens has_ard et da's ce seul ir, **.ig? payer en rerour"*..pi""rlr'rlii o ; il n.'rbnsuit nullement que ,"jr}r: rc poere art concu tim6 comme un corrdlat morphologi_ q-u9 de apotino. Bi"n ,,, .onrruir", le-meme texte montre clairement Ia distance entre tim6 et poind, Si les Troyens refusent la.timd, alors Agam";;; i*, f""aj I ."#U"i_ tre pour obtenir une poln6. c'est ri tout autre .h;;" ; Ia poini esr Ie chAtiment ., f, ,ej"r"rion J"r-pou"iii violation du sermenr. Les formes compa.fables, hors du grec, sont dgalement dtrangEres i l'iddc' d" .onriddrrrir, "rr-h;h;";i;;'r: rapportent toutes i. la punition ; c,est le cas au irtin poena, terme du droit criminel, emprunt -'{ue ancien i la formc grecque poinh. tt .iui. .poena, pa?rire, n'ont rien de commun avec"ri Ia noiion=i, honor. En avestique, le verbe kay-, Ies d6riv6s e"*a- pneLn_-i"..iiiportent d I'idde de. tirer vengeance, obt"ni, ;6p;;a;;"n d'un.ddlit, d'une injur". au.u'n-i;;. ce groupe en uu.^r:11: ".respecter >. rdpond.au sanskrit ,ayiii << fe,hors rrll total, du grec, avec le sens d' .< honoref )>, on ne tfouve ) compare"r que quelques formes irai"r""J,l. verbe caya-, I'adjecif riyo-^u r"rp".t.r** o. Lependant, tL y ?.eu en grec des contacts secondaires entre les deux fahiiles, doi"r6rui* ilftrdrern <( portet: secoul.s, aider, chAtiet >>, "oimmeffi tim\roJ <( pfotecteuf, vengeur >> ; Iittdralement <( celui qui veille )'i;-;;;d*; (tima-oros); c'est un mdrange d.r dlu* notions. De m€me les formes.les pl'-s ancienn"es tina, tiit, sembrent avoir empruntd le vocalisme i ?t ti,mC,'"insi iilid. I" a; flottement entre r et sr atestd dialectaiement (1).
er;;
les. Troyens
V""*fr le
ddtail des questions de vocali:
Jff S.h*yr.r,-'Gr;rriirrii'"iro*matik,
I, p.
697
et lT"o."
o"
quantitd,
54
55
chapitre 6 le pouvoir magique
Jorunate. terme presque exclusivement dpique dont - Kidos, toute la uadition, ancienne ei modern., fait un ,V"'.n'vrn. A. -, \l:?t " gloire r>,. a au conrrair. ,n ,"n, trC. ,pj.inqi,e it
irrdsistible, apanage des di.ux qui ],n pouvoir.magigue couceoent occaslonne.llement au hdros de leur choix -et assurent ainsi son triomphe. Kildos ar|stbal, c'est p-pi.."ni. en parlant d'un guerrier, << ravir (aux dieux) i; [i;;;';;:";i pal suite,. fort de ce talisman, se couvrir de'gloire. Entre kidos ainsi. compris et v. sl. iado "u'- iiracle. metveille >, la correspondance iormeile ne surprend pt"r-l rrl"iil". desrgne
re
cgqrmune au.x {9.u1 .r*mes, Pretnement rnteulglble.
de < force iurnaturelle
" la ;;;j
Quand on drudie ce vocabulaire, il faut €tre attentif qui s'dtablissent entre les termes. Chacun de ce"ux-ci,. prl,r ..1 lui-m6me, ne parait pas toujours signi_ ficatif, mais il s'6claire dans ses liaisons. On remarlue alors cerraines d6terminations qui rdvBlent t"* ;Gi, ^Joii sens ,er- font_ apparairre une vallur nouvelle. On parto.is lire, chez Homlre,.un long moJceau continu pouf ressaisir des valeurs qui jouent *btil"ment : un terrne important peut, de, par les liaisons oil il est engag6, jeter une tumrere sur des termes qui attirent moins I'atten_ tion. AprEs gdras, tim6, voici maintenant une autre notion 91r^r'{ rattache et qui est aussi notable : celle de k,nd.is (xUdo6). I)e ce neutre uniform6ment traduit par << gloire ,> et de ses ddrivds nominaux et verbaux , kudrAi--kodilinos, kudino, kudain6, kudihneira, etc., nous avons plusieurs centaines d'exemples chez Hombre, Ce sens traditionnel de < gloire >>, gui semble exigd a-ux liaisons
57
LE vocABULATRE DES rNSTrrurroNS rNDo-EuRopfsNr.ms
par le contexte dans certains passages, nous est ddja donn6 par les commentateurs anciens. C'est depuis I'antiquitd qu'il est fixd ; il appartient d I'hldtage huma-
niste.
II faut bien dire cependant qlre notre connaissance du vocabulaire homirique dans l'enfance. Nous "rt "n.ir" avons regu de I'antiquitd un systbme d'interpr6tation auquel on continue de se tenir et qui marque nos lexrques et nos traductions. Tandis qu'un efiort considdrable a dt6 employd i restaurer un texte sffr, et ) ddfinir les caract6ristiques dialectales de \a langue dpique, nos interprdtations restent largement celles d'une dpoque oi les conventions esthdtiques primaient le souci de I'exactitude. Mieux on dtudie les textes hom6riques, plus on aperEoit la distance entre la nature rdelle des concepts et I'image qu'en donne la tradition scolaire. A cet dgard, certaines 6tudes rdcentes ne mafquent auclrn progrds rdel ; ainsi, la dissertation de Greindl, constitlrde par I'dtude de cinq mots grecs : kl6os, kildos, tim6, pbhtis, d6xa (Munich, 1938), rassemble commod6ment les donn6es, mais pour I'essentiel c'est une dtude litt6raire, psychologique. L-'auteur esrime que kildos d€signe l'appalence majestueuse et aussi un avantage dans les combats qui dquivaut d la victoire : le sens serait donc <. Ruhm, gloire, autoritd )> ; ce qui revient ) la tfactuctlon tegue partout. Il -y a pourtant une raison ddj) pour que kfidos ne signifie pas <( gloire > ; c'est que la < gloire > trouve ddji son expression chez HomEre avec Ailos. Nous sommes assurds que le concepr de kl6os est un des plus anciens et des plus constants du monde indo-europden : le vddique lrauas, I'avestique srauah- en sont les correspondants exacts et ont exactement le m6me sens. De plus, Ia langue po6tique conserve en grec et en v6dique une m€me expression formulaire : hom. kl1uos dphthiton, vdd. irauas aksitaru, < gloire impdrissable- r>, ddsignant la r6compense suprdme du guerrier, cette < gloire impdrissable > que le hdros indo-europden souhaite par-dessus tout, pour laquelle il donneraii sa vie. Nous avons 1) un des tdmoignages, assez rares, d'ot I'on peut infdter l'existence sinon d'une langue dpigue,
LE POWOIR
du moins d'expressions podtiques consacrdes europeen commun.
MAGIQUE
dls I'indo-
Cela rend ddji improbable pow kfrdo.r le sens de la terminologie 6pique, il faut s'en convaincre, les termes majeurs lont'tolr, 'rpe.ifiq"", .t ne connaissent pas de synonymie. A priori,kl6os < sloi_ re > et kfrdos ne s'dquivaleni pas, et, en fuit, .o*rn"" on vena, kildos ne signifie jamais <'gloire ,r. Cltte traducpur.rTgr esi ) rejetei. Il n'y ; ;e;;;; Itonl ,"9pireparticuliEre de Jelation entre les deux notions. Leurs qualfrcarions- respectives difiBrent en nombre et en <( glorre >>. I)ans
que kl6os est dit esthl1n << beau >>, m6ga lrr^lilgrand,'I'andis >> (avec les degr6s rneizon et m|giston ., plu's,
<<
trds grand dph.thiton
>>),
eurd <
,large
>>,
isbestan o in'extinguibi;;;
impdrissable->>, hapourdnio,
u ,ub-c?l.ri. o. qu'rl. comporte un pluriel kl6a, et des ddterminants (< gloire des hommei >,.etc.), qu'il favorir. I,hyp;;b;i; (u,r,u, gloire qr:i s'dldve jusqu'au ciel >>), on n.'rroru" e kiid.os que deux dpithbtes yiga << grand >>, hup6rte_ .: ,rn: seule fois-lrprioo o immen'se o ; !ln^::"O1rieur,>>,..i ,.: de pluriel, n'est jamais en syntagme de d6ter,nu..pas mtnatron et ne comporte auclrne description. De pareilles jlf::::..: \o1t leii pressentir q. iiio, esr un concepr dtstrnct, d d€finir pour lui_m6me. Le sens de kfid-os n'est donc pas celui de << gloire que nos dictionnaires er comment;ires enseignent.Ti;;"; faut le retrouvef, en nous guidant sur les contextes et en titant des seuls emplois "*.lrriu"a.nt les dldments -r5e"6gtse de Ia ddfinition. cette fois encore, ,rrJiii"r. nelle d'Homdre doit 6tre revisde a" tona".n .;r"tl;. -i:uridtA. I.es consrructions kildos n'ont pas grrna" .de A I exception. de la formule kridei gafai o"t f. aurii-to.urrt Ractet se lre en un syntagme unique ) la forme parti cipiale dgalemenr- unique {oiao, t.' nori*tit-';;d;;;if Ractos est le seul cas employ6. Mais les emplois, olus d'une soixantaine u.,, totali ," pur,ug"n;-;r;fi';r#;; groupes. Dans I'un, kildos esr ;dgim; d,un verbe ; ;;;: nef )>rdont Ie su,et gtammatical est un nom de divinitd: oans r autfe, kildos est rdgirne d'un verbe .. gusrr., ; dont Ie sujer grammatical est un nom d,hommel I fuur <<
I
>>
ffi
sl
$i g1
res analysef separement,
it
58
,9
il it il ifl
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO.EUROPf,ENNES
IE POWOIR
Dans la premiBre cat6gorie d'emploi, le kildos ddsigne quelque chose que le dieu < donne >> (didosi, opdzei),
off1e > 1r -(ordge,i) ou au conrraire << enlbve > 1apa,;ra1'. Le don du kfidos assure le triomphe de celui qui le reEoit : au combat le ditenteur du kfidos est imman-
quablement victorieux. Voili le caractbre fondamental !:t kfrdos : il agit comme un talistnan de supr1matie. Nous disons bien un talisman, car I'amibution du kildos par le dieu procure un avantage insrantan6 et irrisistible, i Ia manibre d'un pouvoir magique, et le dieu I'accorde tant6t _) I'un, tantdi ) I'autre, r"iorr son 916, et toujours pour donner I'avantage au moffient d6ci# d'un combat ou d'une rivalit6. La ddesse Athdna, pour favoriser Diomdde dans la course de chars, rompt l'attelage de son concurrent Eum6los, qui roule i terre, et Diornbde ainsi le ddpasse. car < Ath6na a rempli ses chevaux d'ardeur et elle u rni, .n lui le kildos (ep' aut6i kildos dtheke) >>. Aussit6t les autres comprennent d'oil vient i DiomEde cet tage..et qu'ils ne saurajent le lui disputer. Deridre^vanlui, Aruiloque, tollt en exhortant ses ch-evaux, leur jette : < Je ne vous demande pas de lutter contre ceux de DiomEde, d qui Ath6na vient de donner la vitesse. et elle a mis en Iuile kfidos (m€me forrnule) >> (I1.23,400-406). Pour tous les choses sont claires : quand un dieu e donn6 Ie kildos d un homme, celui-ci esi assurd de triompher, et ses adversail-es ou ses rivaux savent qu,il est vain de.s'opposer d lui (cf. encore 5, 225). C'e'st pourquoi Achille, au moment ori Patrocle va alfronter )^sa piace Hector, supplie Zeus : << Envoie-lui Ie k.fidos et fortifie sol g$ur t >> (76,241). C'est aussi ce que plaide Nestor : Achille ne.doit pas s'obstiner-contre Agamemnon << puisque I.a t.imd n'a. jamais 4t6 €.gale po.rr t ri roi porre-sc"pu., ) qui Zeus a donnd 7e kildos ,> (L, 279). Quand H.ctoi est- poursuivi et menaci de prbs par le cl-rar de DiomEde et,Nestor, Zeus tonne violemmeni devant ceux-ci. Nestor efrray! aveltit aussit6t son compagnon : << fl ne nous leste- qu'i tourner bride et i fuir. Ne vois-tu pas qu'au_ jourd'hui c'est d notre adversaire que Ze.rs accorh. I. kildos,'demain il nous le donnera b nous, s'il lui plait. Celrendant Diomdde tient bon : ne va-r-il pas encourir le >>
MAGIQUE
reproche de ldchet6
?-Il persiste, contre l,avis vouloir affronter Hectbr. Alorr-2..r, ronnede Nestor. rrois fois aux Troyens 1.,r. ,*un.h. ;;1,--.lf:rug"ult
)
J IiJ;;
;i,T:' L;i,l:,
::: ffi::::,T.#:ff,,?,'iT8li?;i
*
s'dlance donc et presse i*6sistiblement les Danaens, <( puisque Zeus a donn6 le kildos ,, iiia. ire f. Ie danger, Agamemnon ,,i-"i.'aiip""t, ., d;
n*"ri l;;;; j:*.-",:ti*. d:,r": guerrier.s et s'adris^se d Zeus;;;:;; Jama$ aveugrd de la- sorte un des fois tout-puirrant, lui 6rant te -grand kfrd.oi i "n "'iii. )\j t. ,
Dans ce long.€pisode, jalonnd d;emplois caractdristi-
ques, une nouvelle condition s,ajoute
h defr"iti;il; kildos. Nous savonr.gdjt q;. .'.i-u"ttrin"t dmane d,un dieu, qu'il esr accordd i ;;i;*i'.rn h6ros et qu,il Iui confdre Ia vi*oire.. Muil;;;;;,'..iri_.i ,rir-if, a'r", Ia confusion de la m6lde,-q;. ui.n, a. Iui accorder -ilt." le kildos, et comment ,on udu.^uir.'r-,.n aperEoit_il, Iui aussi ? Ils en sont instruit, t"n .il,i.rrr. pu, un signe prodigieux,. qui manifeste le-.i"i. il"ir. C,esr le ton_ nerre qui dclate et redouble au milieu J, ."^Lrr^; ;; le char d'un rival qui se .9*pr-.r'pfeine course; c,esr Ia corde de I'arc qui se utiJr de Teucros """"rains yldis qu,'il vise Hector, qui ,,egur. loin du but ; et Hector ne s,y trompe ",-ir-na.L" pas, Zeus est pour Iui : -y.u* << oui, i'ai vu de mes gi.ir.J 1", un f,g.L Jeer*i sous I'acrion de Zeus. "Facile a ;;;;;;rre est le secours de Zeus aux hommes, soit ;tr;-;;" uns un kild.os .qu,il supdrieur, ou qu'il en affaibjiss. J r"rr., en refusant de Ies aider. or vbici q",it u*uihi; l,;;; qu'il virnt nous appuyer >> (15,488 etdes Argiens et suiv.). De Ii ressort le sens d, Eidi, tlyi,pa)ti*, "inn, qr" Zeus n,intervient pas, les forces s,dtrilibren, , ., I,", Tr;;;";';; les Aclrdens lurtenr i quiZ;;;-#;. .fi*; i"i,,"dor-:, (5, 33); c'esr uu norri"nt d, pl;;-sr*J-a*;;;"; n"..Zeus [aitp.n.h..lu'b;tri.;en fl:.,_,11 rur clonnant un <{ kfidos supdrieur ,, (I2,sa raveur en 437). Cr;;; image.inspire sous d,autres 6rrn"r^f. ,)ppor, des forces en pr6sence : quand Zeus a donn6 L i;ii;;;.lri;;Ii tavorise, du coup r'adversaire .r, ulrre'-a^ ii iei"i* L ii le sait ; les Trbyens s'dlanceni--'.]?*rant l,ordre de a^
60
6r
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO-EUROPEENNES
; Ie maitre des dieux << stimule grandement il jette un charme sur le cceur des Argiens,
Zeus
>>
cceur
et
leur leur
refusant le kildos, tandis qu'il excite leurs adversaires. Cat c'est i Hector qu'il ddsire ofirir le kirdos ,, (15,
593 ss.).
La vertu du kildos est temporaire. Zeus ou Athdna I'accordent pour qu'un hiros triomphe i un moment du combat ou qu'il pousse son avantage jusqu') un point donn6 : ils lui donnent << le kfidos de tuer >> (5, 260 ; 17 , 453, expression coniparable au << kritos de tuer >>, 1,1, L92; 207). C'est toujours sur I'instant et selon les fluctuations de la bataille que I'un ou I'autre des adversaires regoit cet attribut, qui rdtablit ses chances au moment du danger. Les dieux font ainsi jouer leurs pr6. f6rences propres et rbglent leurs rivalit6s personnelles en octroyant le kitdos tour i tour aux Achdens ou aux Troyens. Nous voyons comment Zeus s'en sert pouf apaiser la dispute qui s'est 6levde au camp des dieux aprds la victoire d'Achille. Les uns, indignds des outrages qu'Achille fait subir au corps d'Hector, veulent envoyer Argeiphontbs le lui d6rober. D'aurres s'y opposent : Ia timd n'est pas dgale pour Hector et Achilie : Hector n'est qu'un mortel, Achille est fils d'une ddesse. Zeus alors intervient : non, la timii ne sera pas 6gale enme eux, mais n'essayons pas de ddrober le corps. I1 fait
venir Th6tis, mdre d'Achille, et
lui dit , i,
Certains
dieux poussent ArgeiphontBs i ddrober le corps d'Hector. Mais moi j'atribue ) Achille ce kildo.s, en m6me temps que je conserverai dans I'avenir ton aidds et phil6tes,>> (cf . vol. I, liv. 3, ch. 4). Voici le plan de Zeus : Achille rendra le corps d'Hector, mais seulement quand Priam_ viendra en personne Ie racheter et 1ui apportera de splendides pr6senrs (24, 1.09 ss.). Ainsi Achlle ne sera pas frustrd de son triomphe tout en restituant le corps d'Hector. Dans quelques exemples, le kildos est donn6 i un hdros, non par un dieu, mais par son adversaire m€me. C'est alors une simple figure de style. Le guerrier qui, par malchance ou pir tdmdrit6, s'expose dutr-g.r.m"*ini et s'ofire aux coups de I'ennemi, < fournit I lui-m6me le kfrd.os h son adversaire. Ainsi Periphdttss < fournit le
i
,":ffi.:
kilctos > Hecto, lyut4r orr"rrtl"f ,; tombe i rerre devant't"i7\i,-iq;1. fils Hector de rcstcr..du,rr-i"', _ri, Hdcube supplie son t. Troie ei de nc Pas << fournir ) Achilte , en allant l,af;;;rd;)oo, fronrer (22. 57\. Ai;;i;;r"il;;i,r" "; imprudent qu,il clie-rche lui-nr6mc sa perte. On passe maintenairt- u., _-...ond . gloype d,exemples, or) ,prddonrine la Iocution e,ia"i)|e
zi .;ffi#:l* Y!:,"a #'.::,s' l^llr$ffi ;: :!^-b; se prdsente ti.to'vtnt (.tn* vi'gtaine d" foirrt?:ltlon
;,;,,t fi iii: !:::':":l''Jf ffit,:i: fh:i
tr::,",pas confdr6 par un n'est ii..r, rnoir-i, .mportd )> par un homme, signale une acception nouve]le et qui mdrite
:ti !i,:;.i:ti:
:ilt"*u i"T:mn:
puisque, on I'a ur, .*4{iry;:i,: 1", ai",r" ,."f1'il..ordent aux hom. C" privilbge. est prdsentd ;;" foi, .omm. un don :]:.:-? : << Zeus crrvrn m'a donnd .Gdakcj- i,.*p*;;;-1."'ifrd;; prds des nefs et de refoulei"i.r'air,e"ns i Ia mer )> proclame l{ector a_l?r;;;bG j; f;:r""s (il. 18, 2e3). Cependant, hornris de trds ,u.". la mention d'un dieu esr absenre a"r-.irt"r,iii., "*J*ples, oir un << empote le kildos, o--p" ouir"-l;.ipi.rgon esr gueuier souvent accompagnee d'un datif, indiquun, i"'[engfi;i"i;;
polf.r,
Ie. kfr.dos
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pou, qu.ltu',un:';" "
i r; r#'il'lTJ".::::-l-11dcifieug' Suidoit 6ffe dtudide !::: x:l i:J?1':li*l':;i *Ht qi?::'ff -.oii:'"liilfi
po::.. deux types it[oi:?r':' on ddcouvrc q.,'"11" volcr le premier : c'est loffre tenter seul un exoloit ,inguli;. faite i un guemier de Sii^rlurrir, il << empor_ son-roi, n*; p-zupre o,,.
iil
",,ap:d;{'.:"+iii;'JT:"::"",:xl""t,rulti:., souvenr ul.omp,gne. du
$t
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I:i:^';,,::o:';J:yi iii" o?',jnpffi
".;,r*i:r,
Nous suivorls ce
.sch6ma
fou,
^
-
nom
dans une s6rie d,dpisodes.
n_rlrdo}l.'; in'u.,. fllT1 Onruis6;,.incite
:
direlle, tu
52 63
ffi
ffi f"l
LE VocABULATRE DEs rNsrrrurroNs rNDo-EuRopfrxlrns emporterais la khiris et le kfrdos pour les Troyens, et avant tout pour le roi Alexandre. Tu obtiendrais de lui de splendides prdsents s'il voyait le valeureux Mdndlas domptd par ta flbche >> (4, 95). Envoyd en ambassade auprds d'Achille, Ulysse le presse de reprendre le combat : << Les Achdens t'honoreront comme un dieu. Car tu remporterais poul eux vraiment un gtand kildos, car cette fois tu triompherais d'Hector >> (9, 303). Hector demande dans son iamp un volontaire pour un raid nocturne de reconnaissance chez les Ach6ens. Celui qui aura cette audace aura une grande r6compense et < il emporterait le kildos pour lui-mdme ,r (10, 307). Poseidon exhorte les Danaens : << Allons-nous encore conc€der la victoire i Hector, pour qu'il prenne nos vaisseaux et emporre le kildos ? > (1.4,-i65): Achille instruit patrocle en I'envoyant au combat contre Hector : << Suis bien le plan que je te mets dans I'esprit, de manidre que tu emportes pour moi grande tiru6 et kildos de la part de tous les Danaens... Mais une fois I'ennemi repoussd des vaisseaux, rentte. M€me si Zeus t'accorde de nouveau d'emporter' le kfidos, garde-toi du d6sir de combatte sans moi les Troyens belliqueux >> (16, 84-88). Les phalanges des Troyens << sont plant6es autour du corpJ de Patrocle dans le dessein orgueilleux de le tirer veri leur ville et d'emporter le kildos ,, (I7, 286 s.). << Zeus; dir Hector, m'a accordd d'emporter le kil.d.os prBs des nefs et de refouler les Achdens i la mer n (18,-29j',. Achille se rue et dcrase ses , ennemis, << brtlant d'emporter le kfrdos >a(20,502 cf.. i.2,407 i 21, 543), mais < Apollon ne lui permet pas d'emporrer le kfidos >> (2I, 596), Ddguisd en Agdnor, Apollon se fait poursuivre par Achille,_ puis I'ayant 6loignd du combatf il reprend- sa ^Tu
figure divine. Achille furieux l'interpelle : .< m'as iou6, exdcrable enfte tous les dieux, me menant ici loin des murs... Voili que tu m'as 6t6 Ie grand kfidos et que tu as sauvd les Troyens ! ,> (22, 18). Achille, poursuivant Hector, fait signe aux siens de ne pas lancer de fldches, < de peur que quelque autre n'empdrtAt le kfrdos en atteignant Hector, et que luimdme vint en second r> (22, 207). T-es balances de Zeus ont marqud pour Hector le jour fatal. Alors Athdna vient dire i Achille : << Cette
LE
POUVOIR MAGIQUE
fois j'ai confiance qu'i nous deux nc,us emporterons un gtand kfido,r poul- Ies Achdens a i."r, vaisseaux en abat_ tant lfecror >> (ibid. 2j,7). Il, est,.exceptionnel que I'expression soit i un temos passd indiquant l,acte aciompli un seul i
t{., y- associanr un _aurre trait exceptionnel, """.pf"^L-.r""_ b ,"i"i l" pluriel. C'esr le p6an qu'entonn.r,i t. ilgd-;;.r; rieux: << Nous avons.mportd un grand ifri;-;,';;; avons rud le divin Hector -> (ZZ, 3931. Le .second type d,en-rploi de kildos arlsthai esr au p.u.rri ; .le hdros << e0r errrport6 le kfidos ,, :lnltroflel sr un oteu n'etart. rntervenu pouf sauver I,adversaire. Les exemples sont bien moins nombret,*. nrn, ,o, .or_ bat, srngulrer contre Alexandre, Mdn6las lui seme le cou oe ra courrore de son casque : << il I'efft enffaind et aurait ainsi emporr6 un kfrdos lm'o.rrr. ,i Aphrodi;; ;;-ffi; vu > ; Ia ddesse rompr la courroie et ,igroG A[;#;; (?:37?),. leur force ef vigueur;;i;;; ,". !.:Argiens.par k(d1:,, au_deli m6me du sort-(qui ddpenJ) :,:rryl-:: en personne ,usiit6 Ende > ::r:1l,sr_Apollon.n'avair \rt, )trJ. .hlector eiit entraini le corps de patrocle et emporrd un kildos immense, si Iris dip6chde p., ffgi, n'efft aveti Achille (18, 16.5). Sous ces deux aspects, prospectif (futur) ou pectif (conditionnel),^_<( .-io.t", l" i.Aaoi', -*r-rdtros_ *griralement le fait d'un'homnr., purfoi, .;ir";ri; ;#;; d'trn peuple, tandis ,que, comme on a vu, << donner Ie > esr toujour:s le
fait d,un dieu. Il y a cette seconde donner Ie kildos ,, eit une condition qui prdcdde Ia vicoire, tandis que < emporter pi,Aiile appatait comme Ia consdquen.. d'un , ... F;;";" que Zeus nous donn-e^ d,abattre Ulysse ""ploit .t J,.rfJ;; I; o (Od. 22, 213). On doiil;;; concture que +4d,"t Kudo.s' "ndu triompire. est proprement le talisman ,qur a glrss6 au sens de << triomphe >> dans l,.;p;";;i., <( empo.r.ter Ie kfidos )>, par une transition qr,6n o.ui "i"r#"". imaginer ; Ie hdros, uccompti un'-"*uf.i[ "yuni emporre par sa valeur ce kfrdos que seul ,r^ii..."r{li ai."-E acco.rder;, en sorte il le'ravii "i .quelque ta tormule kildos ar{stbai entre dans le",repertoire d. I'dloge hdroique, au m€me titrc qi-iieos ar\stbai < em-
\flyt
crrnefence_que
(
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LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO.EUROPfENNES
porter Ia gloire > (I1. 5, 3). En oure on aura remarqud que le kfrdos ainsi gagn6 par le hdros va souvenr au hln€* du_ roi._ << Je ne ferai pas reproche ) Agamemnon, dit DiomEde, de pousser les Achdens ) comSattre ; car c'est ) lui que reviendra 7e kildos si les Achdens massacfent les Troyens et prennent la sainte llion, d lui aussi glal{ deuil si les Achdens sont massacrl.s >> (4,41.5). Il$ s'dtablit ainsi une similitude entre le kildos et la tim|, l'un et I'autre. prdrogatives du roi, deux substantifs dgalement construits avec le mdme verbe : <{ nous t'avons suivi te plaire, er gagner (arnilmenoi) pour Mdndlas -pour et toi une tiru6 des Troyens >> (1", j.59). Li ki)dos peut aller aussi i la communaut6 entidre d'un peupl" it3, 676).
Une nouvelle transition va faire de kfidos une qualification appliqude d des hommes. On dira de certains hdros qu'ils_ sonr <_ le grand kildos > des Achiens (Agamemnon-, Nestor, Ulysse) ou des Troyens (Hector). -A eux seuls ils sont un talisman de vicioire. A partir de la ddfinition ici proposde du kildos, de sa nature, d9 ce- qu'il reprdsente danJ les rapports enue les dteux et les hommcs et pour les chances du combat, on peut apprdcier plus clairement le sens des ddrivds que kildos a formds : I'adjectif kudr6s, surtour au superlatif kildistos, qualificatif des plus hauts dieux, notarnmeint Z.eus., ou, parmi les hommes, du seul Agamemnon ; ains.i que kudilinzos d6cern6 i des hdros ou-i des peuples-. Des- verbes tirds de kildos nous retiendrons en ^particulier kudaino ou knd,lno qui signifiera littdralement < remplir. de. kildos _>> ; soir au senJ physique pour dire 1.do-teg du kildos, du talisman de victoire'r, (i? , 1,4B; 7-4,73), de li < infuser dans un corps blessd le pouvoir de surmonter le mal )>, comme L6to et Artdmis'font i Ende qu'elles soignenr (j, 448), soit par mdtaDhore oour << honorer par un attribut de suprdmatie >> (1d,69;'OX. t4, 438). Si forte ltait 7a d6notation de kfrdos qu'eilJ se pr6tait ) maints emplois figurds, oil se reconnali toujours la valeur essentielle. Et cette valeur est bien. i I'origine, de nature magique, comme il ressort des oppositions qu'elle consritue. Le kfidos aeit i la manibre iLn soitiltsge : il assure le triomphe du guerrier ou du camp
LE POWOIR
MAGIQUE
auquel Zeus l,accorde, tandis qu-e les bras et les ceum de ses adversaire par enchant;#: fait ressortir Ia ouissan.; J; ;;;;iio,rr. << Je sais main_ tenanr, dit Aeamemnor.d"urnilJ igrou," de son armde, que Zeus do-te de irrr^inJ'no,n,n es (toils min .eiaii' kad,inei) d l,deal d"; j;";"#.nh"ur"u*, randis qu,a.. nous it lie (6d-esen) .;;;; ;;;"; 73).., G4, Zeu,. jette un charme rtrprri ;"r,i: aux Troyens er a Vlak;fr;il.:r,'ilhj"*., Hecioi
8:';Tl-ffj*'J H,;,|?;ff#i;
ii;;;;;^i; vaissea'x, accomplissan, i"iJr.'il,;#T,,i; sans cesse ranime ftor.n, fur"il, ::^1.,,les vers
; dJlt,ff ;.^;:::.;r:,,Jti^33.i;
puisiant" urJ"u., qr;ii,;.}il ,leur (th.6tge),r", i. .,*r;;;;;s,.ns "nal et reur --C","r, refuse Ie Rudos, excitant, ]eurs. adverruir.r. q",i" " r""^irl avait ddcidi a,uf:ord., i.
Lr,*:::"
il
i;;;r'a ';lsl,euu:r H..ro, le pria_ mide pour qu,il aille t., "u,5g:-(D:"i;ilon recourb6s jeter prodigieux (.15, :l l.y l,6side _,> clevant les Danaen "gitant
j.,:l*
#,6 :l:;ill;!h;;?l{:;:ri1Hn::r"ii,Ti!f, -Acneens au cornbat... privds de force, les turent. Car Apollon a lanc6.h", .u* Il;r;;;* Troyens et i H'.sr"r -r;-;;; t-ie.puaos,> (1j, j27)u.u* nu..9,,:: q":,rgyi aiiuil r., emprois ds ,,It^1 {itty F:ados, le caractdriser i,y* dans_ ie, ].iaironr, s€s oppositions, ses ddrivations, pour u..ed., uu'r.r"r'""rn.ntique de ce terme
si mdconnu. L:.t'!!", de ces charmes de puissanc" -y"t,""-fie.riq;-i;; ;;; qy" I., di.rr* accordent ou retirenr instantan6rrienr, r.to"'Lluir"pierer.nces, t::i. jes parries en guerre, pour rdtablir ) l,une :: combats, pour sauveriel,chef^qui l,6quilibre oes les a honords d,oftrandeg ou pouf soutenir leurs propres rivalitds. Ces taveurs changeanres ,.flet.ni 1." ;ir""rouuunt des fac_ trons au camp des qu. ji,",u", zlu, ,rUii....'rJ- enTil passe donc de I'un a r autre, des Achde
iuis d,He*"i
a
li.r,ift; ;Lfi;'t;1",:ti. "ii ;i!ffi::
prodiges .t proai!. i"i_;#., :::T:: deque rnstrument du Zeus ,.ul ddtiinr lt:Tqh", et qu'il ."?,.:.* poi,,.un you. uu" rois ou d" ftH::.e Lerre descnption ouvfe une vue sur l,6tymo,11 Tn, Iogie. On a depuis longtemps ,.l.ug-lu coihcidence-for-
;;;;;
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LE VoCABULATRE DES INSTITUTIoNS rNDo-EURopEsr.{Nrs nrelle de gr. kfrdos avec slave tudo << miracle, merveille mais le sens de << gloire >> attribud traditionnellement
LE POWOIR >>,
i
kfrdos n'dtait gudre favorable au rapprochement. A prdsent la question se pose en termes nouveaux : kfidos ne signifie jamais << gloire >>, il ddsigne un attribut de nature magique qui assure Ie triomphe. Le caractEre prodigieux du kfrdos, ses efiets immenses et instantands, la confusion qu'il rdpand chez les ennemis, tout le rapproche du tudo slave, et la correspondance 6tymologique devient pleinement recevable. L'un et I'autre des deux tefmes se relie d'ailleurs d une m6me racine verbale, celle de tati << sentir >> en slave, de koein << percevoir, remarquer )> en grec, et. dont le sens propre a d0 6tre << remalquer quelque chose d'insolite, percevoir comme nouveau ou dtrange >>. Cela s'accorde bien avec la valeur centrale qui apparalt commune d gr. kfrdos et d slave tudo. C'est ) l'Iliade que nous avons emprunt€ la totalitd ou presque de nos exemples, qui sont en fait la totalit6 ou presque des exemples du mot. L'Odyss6e en donne peu, surtout si I'on exclut des passages consid6rds comme interpolds ; les uns reproduisent des emplois d6ji dtudids (Od. 4, 275 ; 22,253), d'autres se rapportent i l'autoritd du roi ou du chef de maison (j,57 ; 19, t6t). Dans tous ces exemples, 7e kfrdos est toujours la condition prdalable au succds, quel qu'il soit, i la supdrioritd, en quelque domaine qu'elle se manifeste. NouJ sommes fondds ) le ddfinir comme un avantage de suprdmatie qui se manifeste par un triomphe d'essence magique, avantage tantdt permanent quand il est aux mains de Zeus, tantdt temporaire quand les dieux I'ocftoient aux hommes. C'est ce talisman, ddvolu par faveur divine au roi, au chef, au guerrier valeureux, qui, en toute circonstance, leur assure la pr66minence, dventuellement. leur confbre la victoire. Mais s'il n'y a pas de victoire sans kildos, Ie kfidos n'esr pas n6cessairement li6 au triomphe guerrier. Bien qu'il ne soit jamais ddcrit, on a pu se le reprdsenter sous une apparence matdrietle ; il semble conf6rer un certain 6clat d ceux qui en sont pourvus. Dans 1'6pithEte kudrds attachde a.r*-diuinitds, il y a l,idde d'une,certaine majestd, d'un rayonnement, qui manifeste au dehors la possession du kiidos.
MAGIQUE
Pour en revenir aux notions dont r on apersoit maintenanr commen, .,',:i: rXtTii,rfllilli: Le gdras indique .*.rutiu.r."i'ta* brens matdriers : c'esr de Ia pari d", h;;;;;;"i; p;.r,.tion due au per_ sonnage souverain, Ia reconnaisrun." d;; ;fi;"fi.i?; fu. son rang, de sa suprdmatie f^-iiie est un honneur. reconnu aux dieux, accord6 , ,"rri pr.-i",
rdcompense de leurs ,iJii,., T::^-T er oegards aussi de dons
di.o*
sous
;;.ffif Ia
forme
plus des hommes, mais. il'; l, k,iiil."nn"l"n"-dd;#j ; ;;;l*rrement entre les mains des dieux .i ,"mbl.-mii*.^t',tir.rin au rung des dieux, etunt t;ufrn;g;'j., qui Ie recoit divinitds. C;est un pouvoir masiqr
";'H:"H[JiffiT:.:,"1##;:.",:"Hf; 'i"'i',;;;;;ff ' e1t une garanri. a"
or),
ui.toir;:"", il du terme kildos Jrous ouvre un ,^^r.1l1ryr. domaine ot res termes grecs nous ,ur.m.nt, celui des -inffoduisentde u, f^:::itjdesmagiques dans .la.,"yrrij."f.^'roi l,dtat igdo_europ6er,r,er, un r6le iTl:,i etconceprions ) la fois religieux; il assume t" l.irii,e'j*ilu.il;:: regrssant les rapports des homm", .nir. eux ef Ies rao_ ports des hommls u i", t'i'."i. ii'agri.n, de ce fait une auroritd redoutable ". compos6e de droit et A ;dil: qu'uni i"r. q,r. celle de ,rl!^-r":,_rrmarquable Ka*os an survdcu dans un mond""rii* *rri dJpouilG ;; qr...:"]rj a., poa*.Jtom6riques. :11:jf magiques C,est peut-etre-que, pour une bonne-partie, ses emplois n,en etarenr plus que formulairbs Djtt il Anciens ne com_ pt-d rerme,.quiil, urrimitaient ir kt6os fr3:l::r ft"l,ce <( grorre >> ou d ork:^r:^^y:roire o.,fi-?u"t d;;;J;; mterprdtations .rationalisantes pour Ie ,.,rorru.a dans sa torce et
nl:i:::
sa vdrit6.
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69
chapitre kratos
Sommaire.
t':!!:" :',,,1j,
_r[:::":,!: .,.1":.^.-
signifie.ni < force physique >> (iskbds, "y, t liqii,'rnars. < superioritc, priva-
I' a.^.
o.e,yry;alii"ii^;:j4l'ilJli,;.]';,*,,.,iri..:.T;ii;li"l*fg iini no,."',nin,. .u .o," L" tl :ft:f; q}ll, "ii'ff sens, de kratair
{Uu3,;
"ij
i' :##jt"it#ffi ;arrr**;gqli ,..ii,:;:Xinif lft?'*ff
:,,n*"m:{*,i,'ji#"Jr-fi
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T
iiJ'Ti",li:s';:.'1;y;g;"i"'iill.i:.*liill-r,:r.1ll#H,,i; que passds en revue permettenr ,^tj:_:.r*es cre l?lr_s lvons c*conscrire certains des coicept, iJ.aux
d..1";;;; Ils co'tribuent i ,ruru, du roi, i -difi.nir'L les prddicats d.e ti-'["r*tr, $r.^l::ry* de Ia royautd. r\ous en avons analysd.trois p,niir," homdrique.
"a',
ri*i, iir;"r^"... .iilii,i..,, .j,J,r., textes .,,ll,J,i :;"?,:ff. ;isnin.u,ion-;Hq";":d,"ifi[",ry0i',"*T;",3*J cette rovautd. c'esr re mot.kr,itos -.i fiJ:ili:'f:H:node -il^']",irll+u'offili. o:. gdoe"liie uttriult
t';;o'
qui, dans
d,anaryse r acire. da1,1._
iJ[Ii"
plus que << force. ouissalce rii*"il"ffiH;,,01#']i o. La foil e est krdtos k,irtos sans distincti.on. Ce ou n.,rrlJ;".i." cornporte une Ionsue suire de ddrivds,,". ;h;;; Iioi ou kort_. Nous avons : k*,.,r,r1: -kreissdn, rc comparatif Ie superlatif kr,,tisns' """il;;;r;rlTr, ir" p)rr,rros,. Ie verbe kratein. Sur thEme .n _o,_,1;iiiiit-[*rz.rs
et le
verbe 77
LE vocABULATRE DES rNSTrrurroNS INDo-EURopfeNnrs
kratilnein, enfin des ddrivds en -ai-, kratai6s et les composds krataipous, krataigialos. La traduction admise partout << force, puissance r> ne saurait nous satisfaire. Nous essayons de la prdciser i travers des emplois souvent d6j) formulaires, et d'en citconscrire le concept initial. Que kritos ne peut signifier simplement << force >, cela r6sulte ddjh du fait qu'au moins six autres termes homdriques ont ce sens : bla, is, iskhils, sth6nos, alk6, d.ilnamis. Ce foisonnement crde bien des difiicult6s aux traducteuts. Mais le choix des dquivalents ne peut €te guidd que par des ddfinitions exactes, c'est-i-dire par une notion exacte des dit'f1rence-r entre ces sept manidres de d6signer la << force >>. Ici rbgnent encore I'arbitraire et l'incertitude. On traduit au jug6, et chaque exemple difidfemment.
Et voici
justement que surgit, comme un ddfi, une
instance de krdtos associ6 d alkd, dans I'apostrophe cinglante de Diombde i Agamemnon : <( Zeus a mis en toi des dons conffarids : il t'a donn6 d'€tre plus qu'aucun
auffe honor6 pat le sceptre, mais il ne t'a pas donne l'alk6, qui est le plus grand kritos > (Il. 9, 39). Que veut dite Diomdde ? Et que peut signifier une traduction telle que : < (P. Mazon) ? Tout se tient dans ces problEmes, et dds qu'on entreprend de fixer le sens d'un mot, les synon)rmes affluent et s'enchevdtrent. Essayons donc de ddlimiter kritos et alkd, et tout d'abord de dire
ce qu'est I'alkd. C'est une ceftaine << force >>, assurdment, mais non la force physique, qui est appel€e sth1nos. Pour en reconnaitre la nature, il faut recourir d l'6nonc6 m€me oir I'absence de cette qualitd est incriminde. Pourquoi Diombde reproche-ril i Agamemnon de manquer d'alkd ? C'est qu'Agamemnon, sous le coup des revers subis, jugeant la partie perdue dBs lors que Zeus l'avait trahi, conseillait d I'assemblde de lever le sibge er de partir : << Fuyons avec nos vaisseaux vers notfe patrie; nous ne prendrons plus Troie aux vasres rues )> (9,27). DiomEde aiors I'interpelle : << Zeus ne t'a pas donn6 d'alkd... Si tu as une telle envie de rentrer, pars !... D'autres reste72
<( KRATOS
))
ront pour ruiner Troie. Si ceux_ci ) Ieur tour, qu,ils fuieni avec leurs ,rrirr"u,r* u;-il pu*i" ! Nous deux alors, moi et Sth6n6los, combatrro", ,i"ir-;"rq;? .. d; nous obtenions Ie terme fixd i Troie, cai c'6st uu".'l" dierr que nous somm€s venus > (lbid. lg ss.). Renoncer au combat, c'est njavoir plus 'd,alkd, tout comme des biches-, qui, lasses de ciurir, ,'u.rer.ni, << n'ayant aucune alkd- au ceur )> (4, 245). a" -or.ni du combat ddcisif en sa deme,rr., U)yrr. se voit seul avec trois compaqngns en face d., prSt.rriants << nornb..u* .i valllants >>. Ath6na vient ) lui sous I'aspect de Mentor, er YJIrj. I'im.plore-: << Mentor, ,uuu._'nii d" -rih;;;i ;; dthena d'abord Ie tance : << Ulysse, n'as_tu donc plus de courage ni d'alke 2 ... Comment, quand ," purui.n, tes maisons et biens, devant_les prdtendants,'depior.r_iu "n de devoir efte dtkimo.r / > (Od. iz, z)e Tr ;.t: -- -; a contrayil * tu i&niiion a. _ De ld se d6duit - pdril -sans jamai, ,"."t.1,--;; p;; l'alk| : faire face au
cdder sous I'assaut, tenir fermement d;;-i"'.;;;r:; c.orps, voild |'alkd. Ces caractBres marquent h dans tous les exemples. "Jtion sous les traits de Calchas, s,adresse aux . .Posdidon, _ Ajax alors que les Achdens plient ,o", i;urr*, ,r"d; << Vous deux allez sauver i,armde achdenne, uyuit-uu
ceur |'alkd, non Ia
-gluErnt" , ifi. ii)"qli. L'alternative est toujours ceilerx i ii-t'otpi Mdn6las, ddfendant le corps de patrocie conre"rlr'rriiJ. Euphorbe. .1 J.,briserai^ta fougue ri-r" .;rgr",{#. j? 1:^::11..,,: r enroms de reculer_ et de rejoindre Ia masse. o Mais Eupho.rbe lui tdpond : << Le .6.Uui-ag.idera y;tiA : ou Ia turre >\(I7, 42). Entre Achille et En6e s,dchansent "; que ce dernier conclur : << Ce n'est"pas ::^l"ig-r_ lrlr:, paroles que tu me ddtourneras, moi ardent 1y.: .o"r d.'ilke, avant de nous €tre aflrontds par Ie bronze >> (20, maintes reprises, quand une troupe flgcirii, ..);;l ?,?6), + tlt I'exhortation du chef i.<< rappeler l;alkd >>, ; i"ni; bon sans peur, ) ne pas reculer. di Aj;" foni u.i ;;;;; oevant le corps de patrocle ; << ayant rev€tu l,alkt >^, ils repoussent trois fois l,assaut d;Hector. C.t"i_ci uurri, <( assurd dans son alkd >>, tantdt s'dlance, tant6t s,an6te. << mais sans reculer d,un pas >. Tel un lion qr. t.r-l.rg.rJ ddrout-e
73
LE voCABULATRE DEs rNSTrruTroNS rNDo-Et RopfrNNBs ne peuvent repoussef d'une victime,
<< ainsi les deux Ajax ne peuvent efirayer Hector et l'dcarter du mort > (18, 157 sq,). La comparaison n'est pas vaine : les grands fauves aussi, i l'heure du pdril, font preuve d'alkd. .< Comme une panthdre, jaillissant d'un fourrd profond, fait face i un chasseur ; elle ne songe ni ) craindre ni ) fuir, entendant les abois. Si I'homme le premier la blesse ou I'atteint, fiit-elle ffanspercde, elle ne quitte l'alkC, mais d'abord attaque ou succombe >> (21, 573 sq.). Les termes -dans antith6tiques, alkd et ph6bos, reparaissent les ddriv€s ilkirnos << dot6 d'alkd >> et pbobetn << efftayer, mertre en fuite >>, tels qu'Hector lis articule : < Zeus est toujours supdrieur, il met en fuite (pbobet) m€me le guerrier hlkimos >> (17, L77). Mais quand |'alkd manifestde par 4es prodiges vient de Zeus, elle est infrangible. Un coup de foudre inopin6 devanr le char de Diombde intrdpide en face d'Hector, et son compagnon Nestor est pris de crainte : << Tournons bride !-Ne comprends-tu P1s eue I'alkd venant de Zeus ne t'accompagne pas ? > (8, 140). Et quand Zeus ddtourne la flbche que teucros ddcochait i Hector et brise la corde de l'arc, Hector ne s'y trom-pe pas : <( Facile i reconnalffe est pour les hommes l'alkd de Zeus > (15, 490). C'est la m6me vertu qu'Hdsiode ddsigne lorsque, ddcrivant les fureurs des vents qui s'abatteni snr la mer, mettent les navires en d6route, font p6rir les marins, ii proclame : << Contre ce malheur il n'y a pas d'alkd >, (Th?og. 876). La formule revienr po,r conclure une vision dJs Ages futurs, oil tout sera iubverti : << Conffe le mal rl n'y aura pas d'alkd >> (Trau.201). On pourrait continuer cette lecture chez Pindare, chez Hdrodote, partou t alkC montre le m6me sens : c'est la force de l'Ame, Ia fortitude,, qui ne cEde pas devant le danger et demeure r6solue quel que soit le sort.
* **
- Ayznt ddtermind la nature de l'alkd, nous pourrons aborder la ddfinition du kritos. On a vu qu'un- passase de l'Iliade, cit6 plus haut, assimile ces diux qlafitd"s. Cependant nous ne saurions pouf autant mettfe r:n signe 74
<( KRATOS
D
d'dgalitd entre les deux termes. Un autre exemple nous en d6tournerait aussit6t : << Accourez, arhis, je zuis seul, aidez-moi ! >> clame Idomdnde, < i'ai terri6l"..nt o.ru d'Ende qui approche, aux pieds iapides, er u, fondre sur -moi, Iui qui dans le combut est ffbs karter|s ) tuer les hommes, et il a la fleur de la ieunesse, gui est Ie nlus grand krdtos o (Il. L3, 4BLu.). Cett" fois c'esr'un avantage physique-, Ia fleur de Ia jeunesse qui est le kritos. Plus haut, c'dtait l,alkd.' Concluons que dans cette formule logique << Ie r qui est le kriltos o,'ii r admet..des.. argumenis- difidrenti, le prddicat < 'qui est... > n'implique pas f identird, mais Ia iondition ndcls_ saire. Il y- a donc, selon les circonstances, des conditions diverses du krdtos, les unes renant it l;Age et i I'dtat physique, les aurres i des facuhds comme" I,alk6. Aioutons-y tggt 4" suite une autre condition encore, celie_ci primordiale, le bon voulofu des dieux, ce qui montre dans le , _kritos un rapport de forces susceptibies d. << Larssons malntenant cet afc, et confions_nous "uri"r aux dieux. Demain Ie dieu donnera le krhtos i celui q.r'il uo,,rdra o, dit Ulysse ) ses jeunes rivaux (Od. 2L, ZSO). Ici le kiatoi est la facultd de l'emporter dans une dpreuve de force. Or si.l'on.e,nvisage les circonstances ot^,4rdto, uppurill', on voit qu'elles-se ramEnent toujours i une telle epr",ru.j et .q-ue p^artout kritos indique la supdrioritd d'un horn.., qu'il affirme sa force sur ceu* de^son camp ou ..r, G ennemis. Cette < supdriorit6 >> est dite o grund. > (m6ga) ou <<^la plus grande >> (mtgiston). Elle n,a pas d'auties qualifications. . Temporaire, elle est, toujours mise en jeu. Ce peut €ffe ! gup6riorit6 de la fo._ce corporelle. Idom6n6e voyant Ende s'avancef contre lui, rameute ses amis : << T'ai peur : il a Ia fleur de I'Age, certe supdrioritd la plus haute (kritos mdgiston). Car si nour ariions m6me'6ge avec cette .ardeur,- bien vite ou lui emporterait grani avant?^9.qAS!.kritos), ou je _l'emporlerais moi- > (Il. 1j, phenix pr.rr. !99)...A {thdp,1, qui sous l'apparence de Mdndlas de ddfendre- i tout-prix Ie corps de pa'trocle contre Hecror, Mdndlas rdpond : < Si Ailr6na me don_ nait le kritos et ddtournaif les fltsches impdtueuses !... )> Alors Athdna, heureuse qu'il l'ait invoqude la premidre
/)
LE vocABULATRE DES rNSTrrurroNS INDo-EURopEnruNrs de tous les dieux, met la vigueur dans ses dpaules et ses genoux, et dans sa poirine I'audace d'une mirrche > (17, 561 ss.). Glaucos blessd implore Apollon : < Mais toi,
Seigneur, soigne ma doulouleuse biessure
I
endors mes
douleurs ; donne-moi le kritos, pour que j'appelle et pousse au_combat mes compagnoni lyciens, et que moi-
-6ry9 je bataille autour du corps ddfunt > GA, j24).
Apollon vient de lancer Ende contre Achille. Hdra s'en 6meut et convoque les dieux ; << Que, de m€me, I'un de nous aille assisrer Achille et lui donne grand kr6tos, pour que le ccur ne lui manque pas )> (20-, 1,2L). < Je ionnerai i Hector 7e kr,itos de tuer >>, ddclare Zeus (1,i, I92 ; c[. 77, 205). Et Pdlde, envoyant ] Asamemnon son fils Achille,_munissait celui-ci dtun conr.il , << Le kritos, c'est Ath6na er H6ra qui te le donneront si elles veulent. Toi, retiens en ta poitrine ton ceuf orgueilleux > (9,254). Zeus peut confdrer le kritos ) l'une des deux armdes en lutte; le b6n6ficiaire de certe supdrioritd est alors un peuple, non plus un individu, Th6tis implore Zeus en faveur de son fils outragd : << Place le Eritos chez les Troyens jusqu'i ce que les Achdens payent estime i mon fils et I'accroissent en honneur o-(i, 509). Cette
prdvalence >> change de camp selon l'humeur des dieux. Diomdde d Ulysse, sous I'attaque des Troyens : << Certes je demeure et tiendrai ; mais bien court en sera pour nous le profit, puisque Zeus aime mieux donner le krdtos aux Troyens qu') nous_ o (11, 31.9). << Elle (Andromaque) a entendu. dire que les Troyens faiblissaient, qu,un grand krdtos 6tait aux Achdens >> (6, 387). ., Fouette -iirrt.nant jusqu.'d ce que tu- parviennes i nos vaisseaux rapides : tu le v<jis, le knitos n'est plus aux Ach6ens^> (17, 623). << Devons-nous tomber r.ri l.r vaisseaux multirdmes, pour le cas oi le dieu nous consentirait le kritos ? >> (1,3,743). << Zeus accorda ce jourJ) grand krLtos aux Pyliens o (11, 75j). < Si Zeus enre;d dpargner I'abrupte Ilion, s'il refuse de I'andantir et de 'doiner grand .kritos aux Argiens, qu'il le sache, ce sera entre nous deux une rancune sans iembde >> (j"5, 216). Mais. cette << supdriorit6 > ne s'affirme pas seulement au combat, comme le feraient croire les exemples passds en revue et qui viennent tous de I'Iliade. Elli se mani <<
76
<( KRATOS >
feste dans I'autre activitd du h6ros,
)
I'assemblde
(cf. L2,
ll4), el elle aboutit ) un << pouvoir >> qu'exerce le roi ou le chef. Achille s'indigne qu'un honime, Agamemnon, veuille Qtpr a un pair ia parl ldgitime, u parJ. qu'il lui est supdrieur en kritos >. La fille que les Ach6ens lui avaient assignde. en part et qu'il avait c.;nquise les armes a Ia matn, << Agamemnon souverain Ia lui enldve des mains ,, (16, 54 ss.). On voit que krhtos est ici le <-pouvoir > du roi, avantage perionnel et permanent, tel le, sur les aultres Cyclolrdtos mdgiston de g9s- (Od- 1,,,70), celui d'Alkinoos "olyphEmedans son dtsme llt, 353), celui de T6l6maque dans sa maison (21, 3i.3). Ces deux valeurs de kritos, << sup6riorit6; prdvalence >.dans une dpreuve de {orce ou j,habilete, pl-,s "i particuliBrement << pouvoir (d'autoritd) )> se rerrouveltr dans les .emplois hom6riques du verbe kratetn. D'une parr << a,voir l'avantage, miompher > (Il. j, L7j; 2L, 3ij), de l'auffe << exercer le pouvoir >, souvent avec un ddterminant au gdnitif, nom de pays ou de peuple, << sur les 1{rgiens ,> (I,79), << sur toui > (1, 288Iou-au.datif dans I'Odyssde << sur les morrs > (11, 48j);.<< sur les hommes et les dieux r> (76, 265). Il reste i voir le sens de I'adjectif ddrivd karter|s. Ici surgit une complication inattendue. En principe karter6s, -d'auties formd avec le m€me_ suffixe en -r- que adjectifs du m€me groupe de sens comme iskhur6s, sthinar6s << {ort >>, signifie << pourvu de kritos >>. En nombre de ses emplois, il confirme clairement la ddfinition indiqude plus haut du terme kritos, et il qualifie soit, i iitre d'dpithdte permanente, certains hdros, notamment Diombde, soit comme prddicat occasionnel divers personnages. <( Tu es ttd,s karter6s, une ddesse t'a donn6 naissance )>, dit Nestor h Achille (Il. 1, 280), c'est-i-dire << tu I'emportes sur les autres hommes (en force ou en valeur) >> ; aikhm€t€s krater6s <1 guerrier qui miomphe (de son adversaire) >>, antilnzdn kai kraterds-qu,on pdurrait rendre <( sans reproche et sans dgal >, Le superlatif krdtistos porte cetre qualit6 ) son plus haut poinf : .( ie suis le kirtistos de tous les dieux-,r, proclaire Zeus (8, f 7), celui qui d6tient le pouvoir supr€me. Tout cela, une fois confirm6e la relation entre le sens de krater6s et celui tl
LE vocABULATRE DES rNsrrrurroNs INDo_EURopErlwrs
de kr,itos, ne demande ni commentaire ni longue vdrification. Les exemples de krater6s en ce sens se trouvent facilement. Cependant_ il y en a un autre, peut-effe plus frdquent encofe, que les dictionnaires indiquent certes, mais sans marquer d quel point il est difidrent, et il I'est ) plusieurs dgards.
Quand de krdtos, on passe d kraterds, on attend dans I'adjectif une notion de m6me signe que dans le subsranti{ : kritos ddnotant toujours une qualitd de hdros, de braves, de chefs, il va de soi et l'on a constatd en efiet que I'adjectif. krater1s a valeur d'dloge. On doit d'autant plus s'dtonner alors de rencontrer kiaterls dans d'autres gmplois, ceux-ci rien moins qu'6logieux, impliquant blAme ou reproche. Quand Hdcube, Temme de piiam, s'adressant i Achille qui vient de lui tuer son fils Hector, I'appelle andr krater6s,(24, 212), ce n'est sffrement pas un_ hommage i sa valeur guerriBre ; P. Mazon trajuit << h6ros brutal >>. Pour bien entendrc krater6s appliqud d Ards (2, 5]5), iI faut le rapprocher des autres -epithdtes du dieu : homicide (miaiph6no.s), tueur d'hommes^( androph6y9s), funeste aux morrels (brotolotgos), destructeur (aid,Elos), etc. Aucune ne le prdsente sous un jour favorable.
La discordance va plus loin encofe, et se montre sous un autre rapport. Alors que krbtos se dit exclusivement des dieux et des hommei, kraterds peut qualifier aussi des animaux, des choses, et le sens ist touiours << dut. ctuel, violent >>. Le pobte appelle le lion h,rater6s non pour son- courage, mais parce qu'il pr6pare i la biche avec ses taons << un sort outrageant o (Od. 4,335). Entrd au gite de la biche, le lion broie les faons de << ses dents krat.eroi > (Il. 11, i,1,4, cf.. 175). La bataille -(husnlnE), la discorde (6ris) tegoivent aussi l'6pithdte, et'dans des conrextes 6clairants : 6ris kraterd kdi homoiios pt6lenos << combat cruel (?) , (L3,358), et kraterd husruinE aux adjectifs argal1C polildakrus > (bataille) douloureuse, qui produit- tant de larmes >> (17, 54j). Trds significative auisi est la liaison de kratefts avec des noms"de soufirances cu de maladies. On ne peut se mdprendre sur Ie sens &e I'adjectif kraterLs quand il est apposl. d h1lkos << bles78
<( KRATOS >
sure )> (bitkos karterfin,Il. 16, 51,7 ; 523), si I'on observe que. les autres dpithdtes sont << pdnible >> (argal6os), << funeste >> (lugr6s), << mdchant >> (kak6s). De m6me avec dlgea << soufirances >> dans l'expression, devenue clich6, kratdr' 6lgea pdskhda << subissant de dures souf.. frances >> (2, 72L) ; avec pdnthos << douleur >>, dans kraterdn p1nthos << douleur aiolente o (11, 249); avec anigkE << ndcessit6 >> dans krateri anigkE << destin brutal >> (6, 458) ; avec desm6s << lien >> : d€san kraterdt eni desm1i < ils (le) lidrent d'un lien brutal >> (5, 386; trad. Mazon). Notons encore la locution karterd 6rga << choses p6nibles >> dans la plainte d'Ards blessd ) Zeus : Zeil piter, ou nemesizEi hor6n tide karteri 6rga que P. Mazon traduit : << Zeus pBre, n'es-tu donc pas indignd, quand tu vois toutes ces horreurs ? > (5, 872, cf.. 757). Nous sommes vraiment trbs loin du krater6s laudatif. C'est encore avec le sens de << dur )> que krater1.r forme le composd kraterdnux << (loup, lion, cheval) aux ongles durs D, et figurdment, dans kraterds milthos << parole dure, blessante > or) les anciens observaient d6ji que krater6s dquivaut d skler1s << dur >>. On retrouverait chez H6siode, en partie dans les m€mes expressions, les deux valeurs que nous distinguons pour le krater6s homdrique : favorable quand il accompagne amfinton <( sans reproche >> (Th6og. 1013),
d6favotable quand
il
qualifie Arbs tueur d'hommes
(Boctclier 98; 101), un dragon (Th. 322), les Erinyes (Th, 185), Echidna << i I'Ame violente >> (karterdphr:on, Tb. 297), etc. fci encore nous constatons I'acception matdrielle de << dur ,> pow kraterds appliqud au fer (sideros kraterdtatos, Th. 864) et i I'acier (Trau. 147). Considdrons maintenant les formes nominales bAties sur Ie thdme kratai-. L'adjectif kratai6s est dpithEte de quelques personnages, et aussi de la Destinde (rnofua krataid), du lion ; il pourrait admettre l'une ou I'aure valeur. Mais le choix est tranch6 dans les composds : krataipedos signifie certainement << au sol dur >>, krataigilalos << (cuirasse) au solide plastron >>; et kartaipous (krataipous) surtout posthomdrique, 6pithtste de mulets <( aux pieds durs >>, rejoint pour le sens khalk|pous << (chevaux) aux pieds de bronze > (Il. 8, 41). 79
LE vocABULATRE DEs TNSTITUTToNS rNDo_EURopfsNr,trs
<( KITATOS >
Enfin I'adjectif kratils, fixd dans la formule kratils Argeiphrintcs, est d entendre comme .< dur >>. Ce sens cst assurd par. le verbe ddnominatif leratilnein << durcir qui chez llomdre ddcrit la manceuvre des phalanges. Le corps de bataille se forme <( en masse, ,.rr'd"r, ,o-brer, h6rissdes d'dcus er de piques )> (4, 282). Il piir.nt. ur, front continu, compact. Drc 1) le choix des images, toutes matdrielles, figurant la phalange comme ,rn .o"rpi solicle et mdtallique : on < brise > les phalanges, on I'., ., .r_ o (76, 394), on << bure >> suf les phalanges serrdes ille 145), (I3, ou olr les << durcit >> (ekart-ilnanto phalilpsas ll, 2I5). C'esr aussi dans la langue classique Ie iin, propre. de kartilnein, pat exemple ihez Hippb.rut. po.r, le << durcissement ,, des os, ou chez Xenoihon , ulor. que_ les autres Grecs << arnollissent >> ( haplatrinousi) les pieds de leurs enfants en les chaussanr, i., Spurtiut", <.durcissent.>> (kratrinousi) les pieds des t."rr' "n-i., faisant marcher nu-pieds GApibtique des Lac6d6mir;iens,II,3). On doit souligner-l'6cait entre ce krattineirt << durcir >> tir6 de kratds it Ie kratilnein << gouverner > des Tragiques, d6veloppement secondaire iss,i de kratet;n >>
le pouvolf )>. faut donc prendre conscience d'une situation s6mantique trbs singulidre que cer examen fait ressortir et donr la particularitd n'a pas encore dtd remarqude : l,ensemble lexical consritud aurour de krLtos n'est |as une famille homogdne. Il. se partage en deux groupes iirtin.t, qr:bn peut caractdriser sdpar6ment. 1).Le.premier esr articuld par la norion physique ou nrorale. de <. prdvalence >>, d' << avantrg. o ,L .ombrt ou i I'assemblde : kritos. Il se ddveloppe en une s6rie de termes d rdfdrence morale et politique, dnongant le << pouvoir >> comme facult6 individuelle (egkratiis, akrat1s < qui est )> ou <( qui n'est pas maitre de soi >) ou le <{ pouvorr )> comme << puissance >> territoriale et politi_ que .: krateln << €tre maitre, avoir I'autoritd >>, avec les nombreux d6rivds er composds en -kr,ifts; _krAtii, -kr6.teia, ejc,r ainsi que lei comparatifs er ,"p"rtu,il, kreissdn, krdtistos. Ctest l' < autorit6 o politique en tant.qu'individuelle ou collective, qui fait l^,unit6'de cc <( eXeICef
Il
ddveloppement. 80
2) Le second procdde de la notion physique de << dur r> (contraire de << mou >>) : kratils, kartilnein << durcir >> I kratai- << dur >. Il ne comporte que ce sens, au propre ou au figurd : << brutal, cruel, pdnible ,>. Il n'6volue jamais vers une valeur sociale ou politique, et il se caractdrise par une connotation ddfavorable. Ce sont bien deux domaines distincts. Enre les deux s'dtend l'aire de I'adjectif krater1s dont, on l'a vu, les emplois se partagent ; les uns appartiennent d, krdtos et indiquent la possession de I'autoritd ; les autres se rattachent i kratils << dur >> et qualifient ce qui blessure, - >. Il ne maladie, discorde esr << pdnible, dur, brutal - certe difidrence en rendant krateris faudrait pas brouiller par < fort )> :_ ces artifices de traduction ne font qu'obscutcir les probldmes. I1 a 6td sufiisamment monrid que kraterfs ne signifie pas << fort )> ; une preuve suppl€mintaire en est que cet adjectif peut sans pldonasme qualifiet is << force corporelle >> : kraterd fs Odus€os ^<< la rude vigueur d'Ulysse o (Il. 23, 720; trad. Mazon). Contentons-nous de conclure, pour le moment, que dans les emplois de krater6s coexistent, sans se co-nfondre, les deux notions que les autres termes en krat- permettent de distinguer : d'une paft 7a notion abstraite de < prdvalence, domination >>, de I'autre, la qualitd physique de << dur >. _ Or il se trouve que cette distinction, que nous avons ddgagde de I'analyse des emplois et de la confrontation des valeurs de sens _en grec m€me, trouve hors du grec sa justification dans les correspondances dtymologiquei. _ Jusqu'ici les comparatistes ont cherchd les correspondants de la famille de krdtos dans deux directions : drune part avec got. hardus, de l'autre avec i.-ir. kratu-. Mais la plupart se sentent contraints d'opter pour I'un ou I'autre rapprochement ; ils hdsitent d les admettre ensemble, si grand est le ddsaccord de sens. De toute manidre I'interprdtation de gt. kritos par << force >> n'a jamais 6t6 mise en doute. Ld ltait l'erreur.. 11 apparait maintenant qu'en testituant aux formes grecques leur sens authenti_que, on peut renouveler la solution du problBme dtymologique. L'adjectif gotique hardus signifie << dur > comme all. 81
LE voCABULATRE
DES
_rNsrrrurloNs
rNDo-EURopf,Er,rNEs
hart, angl. hard. Il taduit le grec skleris << dur ,>, Ar.ts. tEr6s << sdvdre, rude >>. De li I'adverbe barduba << dure. nrent >, le composd hardu-hairtel << duret6 de ccur, s,€/drokardia r>, et le vetbe gahardjan << dutcir, sklErilnein >>. On voit maintenant que, b tous dgards, got. hardus << dur > de 'k kartu- r6pond exactement d gr. xpa'r6q << dur >>, xapt0vur (de x kartu- ou 'k kftu-). C'est la m€me {orme d'adjectif ei le rn6me r.nr, p.rirque gr. kratils et kartilnein d6notent le << dur )> comme propridtd physique. Toute difidrente est la sphEre du krdtu- vddique, xratu- avestique. Ce substantif ddsigne une facult6 intellectuelle et spirituelle, la << puissance >> de I'esprit, de I'ardeur. de I'inspiration, qui anime le guerrier, le poBte, le croyant. Notion trbs complexe (L), que la spdculation ultdrieute a encore enrichie et affinde. Il nous suffit ici de marquer l'attache 6vidente du kratu- indo-iranien ramend d sa notion initiale avec le kritos hom€rique, qui indique toujours la < prdvalence )>. De part et d'autre c'est un substantif, non plus un adjectif ; seule la formation difibre un peu (masculin en -u en indo-iranien, neutre en -eJ en grec). Le noyau conceptuel est bien le
<( KRATOS
)>
contamination entre les deux familles ; d'une part il a donn6 un doublet (sur le modble de iskhur|s, sthenar|s) d kratds, avec le sens de << dur, cruel, p6nible >, de I'autre il {ournit d, kritos un adjectif signifiant <( pourvu d'autorit6, de supdriorit6 >>. La notion de kritos retrouve ainsi sa ddfinition propre et, en m€me temps, sa correspondance indo-europdenne. La base est posde pour une dtude de ce concept dans I'dpop6e. Il appartiendra aux helldnistes de suivre I'dvolution du terme dans le vocabulaire politique du grec posthomdrique, of il a largemerit prolifdrd.
meme.
Nous ne ffoyons pas possible de ramener i I'uniti deux groupes lexicaux : ils doivent provenfu de deux radicaux distincts, quoique mBs voisins de forme, sinon m6me semblables, en indo-europden. Nous distinguons donc : 1) un adjectif signifiant << dur >>, reprdsentE par gr. kratils etc. et got. hardus ; 2) un substantif ddnotant la < puissance >>, Ia << prdvalence >>, continud pat i.-it. kratu- et pal gt. krdtos. On remarquera que jamais en germanique les formes de hart, angl. hard. n'ont dvolu6 en valeur morale ou -politique ; et que jamais en indoiranien, les formes de kratu- n. mbntrint le moindre rapport avec I'idde de << dur >. Cela m6me fait encore mieux ressortir la disparit6 que nous avons signalde, i f int6rieur du grec, enfte kratlis << dur >> et kritos, kratein << dominer >>, Mais l'adjectif krateris a op6rd une ces.
ddtail par K. Riinnow, Le Monde Oriental, XWI, .^(l) Analls^de.en p. 1-90. Lcs dtudes parues depuis sont recensdes chez L. Renou. Etudes tediques et panintennes, III, L957, p. 19; IV, 195g, p. 1g. YJZ-,
82
8)
11
il
chapitre I .royavte et noblesse
Sorntnaire. roi, en germanique (ang. king, all. K6nig, - Le. etc.), c'est celui qui est nd, c'est-i-dire bien nd, noble (racini * gen- ,, naitre >). Mais Ie noble a un_ autre nom, extr€mement instructif, p. ex, all. edel, ancien * atalo-, d4.riv6, de x atta <.r pbre noumiiier o : cetle disignation du noble fait supposer que Ies grandes familles indo-e_urop€ennes pratiquaient le losterige. De fait, I'emploi dans le rdcit homdrique des termes ,6tta,- atal6s, atithllo pirait
confirmer cette hypothdse.
Poursuivant cette description sur le dornaine occidental, nous considdrons maintenant Ie nom du et du < noble r> dans le monde germanique. ..La ddsignation du << roi > dbnnde par anglais king, allemand Kdnig etc. repose sur * kun-ing-az] c'est ui d6rivd en ,-ing du mdical kun, cf. got. kuni <( race, famille >>, forme nominale d6rivde elle-in€me de la racine ') gro- << naltre >>, et qui appartient au meme groupe que 'lat. gens et gr. g6no.s. Le < roi >> est d6nomm? .ti ,r"itu de sa naissance comme < celui de la lignde >>, celui qui la reprdsente, qui en est le chef. Au res-te touies les fois que I'on spdcifie la naissance, c'est qu'elle est noble. Reges ex nobilitate... sarftant, dit Tacite des Germains (Gerrn. VII, 1), Dans cefte conception, le << roi > est considdrd comme le reprdsentant des membres de sa
ffibu.
Tout diffdrent est_en germanique le concept de << noble > exprimd par edel, et il pose un probltme -|'allemand beaucoup plus difficile. Le mot figure ddji _en vieil-anglais, en moyen-anglais, en vieux-haut-allemand, sous des formes qui ne difitreni pas beaucoup de celles que nous avons auiourd'hui ; elles 85
LE vocABULATRE DEs rNsrrrurroNs rNDo-EuRopfeuNrs reposent toutes suf un ancien "" atalo-, cf. vieux notrois edal etc. alternant avec uodal qui r6pond ) I'allemand Adel < la noblesse >. Ce thdme 'k atalo restitu6 en germanique ne se pr6te pas i des rapprochements dtymologiques ; la forme germanique semble 6tre complbtement isolde. Cependant il est une forme qui lui corresponc'|, mais avec un sens totalement diff6rent, c'est l'adjectif grec atal6s (rita),66) << d'enfant, enfantin, pudril >>. De cet adjecti{ on passe au verbe cttdllo (&ra),),o) dont la traduction serait : << jouer comme un enfant, bondir, s'amuser )> ; enfin au pr6sent d redoublement atitdllo (d,tr,rct),),c.1) << nourrir un enfant, I'dlever >>. Tout cela n'est pas trEs prdcis en grec m6me ; et srtrtout, on n'aperEoit pas de point de contact avec Ia notion qui est celle du groupe germanique. Ainsi les dictionnaires 6tymologiques, en gdndral, dcartent-ils au nom du sens cette corIespondance.
Il
vaut ndanmoins la peine d'examiner de prbs le sens des mots grecs. La recherche va nous conduiie dans une auffe tdgion du vocabulaire, mais toujours dans le monde des institutions. Tandis que le vetbe atdlld n'esr pratiquement pas attest6, on constatera que atitillo I'est fort bien et avec un sens plus prdcis que celui d'<< dlever, nourrir >>. Certes, il est employd en liaison avec tr|pbd << nourrir >> : ainsi Iliade 24, 60 < je I'ai nourri et 6levd >>; mais on notera (Odyssde 18, 323) : << elle l'avait 6lev6e comme un enfant >>. Ces deux vers contiennent la signification essentielle : << dlever conxme un enfant >>, c'esi-)dire comme s'il 6tait de la famille, ce qu'il n'esr pas en fait. Dans tous les exemples, le verbe stapplique exclusivement i I'enfant qui n'est pas I'enfant propre, ainsi Hdr.a pour la mBre.d'Achille (Il. 24, 60) ; on ne I'emploie jamais en padant de son propre enfant. Hdsiode aussi le prend en ce sens (Th6og. 480). Nous voyons alors d quoi se rapporte ce verbe. Il d6note une institution qui porte un nom consacrd dans la terminologie scientifique, c'est le << fosterage r>, le fait de servir de parent nourricier. , Cet usage est tres important, tout particulilrement dans la soci6td celtique et scandinave, ef il est de rdgle 86
ROYAUTf ET NOBLESSE
pour les enfants royaux. Les familles nobles ont coutume de confier i une autre famille leurs enfants pour effe 6levds jusqu'i un certain Age. C'est une v6ritable parent6 souvent plus forte que la parentd naturelle, qui s'dtablir ainsi enme les deux familles. Dans les anciens codes scandinaves, 1l y a des lois, des gragas, qui ddfinissent Ie statut de I'enfant confid et la conduite des parents qui l'€lbvent. Chez les Celtes, le fait esr bien connn dans les maditions historiques et ldgendaires ; normalement, Ies enfants royaux sont confi6s i une autre famille, gdndralement celle de la mdre, c'est-)-dire au grand-pbre maternel de l'enfant. Un tdrme particulier ddsigne le pdre nourricier; c'est aite, correspondant du latin atti, du grec 6tta, et Ie verbe ddsignant cette pratique est en scandinlve fostra. Hubert, dans son livre sur les Celtes, cite maints tdmoignages de cette institution. Le fosterage est bien attestd aussi chez la noblesse caucasienne, en particulier en Gdorgie. Nous pouvons maintenant poser I'existence de cette institution en GrEce m6me, or) elle est ) reconnalre dans le verbe atit,illo. Il a dff exister d'autres termes qui se raltachaient i cette notion, mais ils ne sont conservds que par hasard. Ainsi, une inscription de Gortyne, en Crdte, nous donne atitdltas (drna),".ca9) qui ddsigne bien le fiopheils, le << pbre nourricier >>, DEs qu'on a fix€ Ie sens institutionnel de ce vefbe, on trouve i y rattacher des traditions. Rappelons-nous comment Achille est dlev6 par Phenix (Il. 9, 455-495) ou,_selon d'autres podtes, par Chiron. En explorant les traditions mythiques et l6gendaires, on trouverait srjrement d'autres confirmations : I'essentiel est de pouvoit identifier et ddnommer cet usage. On peut s'assuier que atitdllo se dit seulement d'enfanrs 6lev6s hors de leur f.amille, quelle qu'en soit la raison, pour dchapper i un danger ou pour €tre nouuis selon une certaine iradition. Examinons i pr6sent ce radical * atalo- de I'adjectif grec. Il corncide curieusement avec le tokharien dtiil, mais ce mot signifie << homme >> ; on ne voit pas bien si c'est seulement une coincidence. La {ormation m€me d'atal6s fait penser i un d6riv6. en -lo- du mot m6me qui est repr6sentd par dtta, le nom du pbre connu de tout le 87
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO-EUROP]6ENNES
; ainsi got. atta,lat. atta << pBre >> ; 6tta, sanskrit attv f.6minin, d6signation familiBre de la sceur ainde, irlandais aite, hittite attai << pdre >> (pater n'apparait pas en hittite). La forme atta est toujours considdrde avec sa g6min6e intdrieure comme une forme du langage enfantin (cf.. pappa, mamrna) (I). Cependant la forme irlandaise aite << pbre nourriciet > prend une valeut particulibre du fait que l'institution du fosterage existe encore en lrlande, ) date histofique; aite est le nom du pbre nourricier et non du pEre naturel. Ce n'est peut-Ctre pas par hasard que Tdldmaque s'adresse par le terme atta ) Eumde qui I'a dlev6, si atta 6tait en grec le nom spdcifique du pBre nourricier. Au terme de cet examen, revenons au germanique Edel. S'il dtait de tradition dans les grandes familles, particulidrement dans les familles royales, de confier les enfants h des pdres nourriciers, on peut admettre que le seul fait d'€re ainsi dlev6 spdcifierait une certaine noblesse. Edel seruit alors proprement le << nourtisson >>, dtant sous-entendu que les enfants ilevds par les parents nouniciers ne peuvent 6tre que de naissance noble. Par lh se serait sp6cifide la relation indiqude par v. h. a. adal <( race )>, ags. adelu << noble origine >> etc. Des morceaux disjoints d'une tradition prdhistorique retrouveraient, dans cette hypothbse, leur unit6 premidre et les conespondances formelles s'accorderaient ainsi au sens supmonde indo-europden grec
pos6.
chapitre 9 le roi et son peuple
Les deux noms homdriques du , Sommaire. dtnos et la6s,- se distinguent par leur sens et par leur origine, D€mos d€.signe i la fois une portion de territoire et le peu-
ple qui
y
vit
;
c'est un terme d'origine dorienne.
La6s, c'est la communauti virile, guerridre, qui se ddfinit par sa relation au chef, le << pasteur >> (poimdn), ou encore lc << conducteur >> (drkhamos), de laoi. Chez Hombre regoivent le titre de poindn ladn des h6ros principalement thessaliens et phrygiens; d'autres timoignages littdraires, ipigraphiques - la6s qui doit donc apparconfirment cette r6partition du terme tenir, du point de vue grec, l la couche achienne, mais qui atteste aussi I'existence d'une certaine communaut6 Colo-phrygienne ) peine antirieure au dibut de Ia tradition littdraire grecque, et dont on ne peut s'itonner de trouver des indices dans I'dpop6e hom€rique.
En ddfinissant la position et les caractdristiques du roi, on doit envisaget aussi les personnes sur qui s'exetce cette foyautd, les termes qui d6signent, diversement, le < peuple >> dont le roi est tant6t le ma?me, tantdt le repr6sentant le plus immddiat. Chez Hombre, il y a deux noms diffdrents du << peuple > qui m6ritent I'un et I'autre d'6re considdr6s de prbs : d€mos (6frpos) et la6s (),466). On connait aussi la mdtaphore du toi <( pasteur de peuples >> : poimdn ladn. Que signifie exactement cette expression ? Il est i remarquer que pointdn, comme quelques autres tiffes de sens
plus politique, Lrkharnos, koiranos, kosmdtdr, ne r6git pas d€naos, mais exclusivement la6s ; tandis que ,inaks, ctgds, et parfois 1rkhartos rdgissent seulement andr1n (1) Sur otta, voir vol.
88
f, p. 209 ss.
<<
hommes
>>.
Nous traduisons pareillement, par ndcessitl, d€mos et 89
LE VoCABULATRE DEs lNsrrruTroNs rNDo-EURoPfrNnrs
peuple o. Il y aurait int6r6t i prdciser la et difidrence enire ces deux notions. Car il y en a une elle est consid6rable. Dtmos, concept tertitorial et politique, ddsigne h la fois une portion de territoire et le peuple qui y vit. Pat << peuple >> i1 faut entendre ici encore autre chose que 1thnoi (H0voq), d6ji du fait que 1thnos ne se dit. pas se..lem.nt des hommes, mais aussi des animaux, des abeilles, tandis qulon nnemploie jamais d€mos en pareil .cas' En outre, 1thnos constitue des expressions comme 4tbnos la6n, 1thnos hetairdn, pour ddsigner le groupement des compagnons de combai. tl ressort enfin ,des exemples hom6riq.res que d?mos est un groupement d'hommes unis se,,tlement pul r.rn" commune condition sociale- et non par un lien de parentd ou une appartenance de caractdre politigue. La particularitd de la6s (le terme s'emploie aussi souu.nt al.r pluriel qu'au singulier) est d'exprimer la relation p.tronn"il. d'.rri gro.tpe-d'hommes avec un chef. C'est une organisation propre aux anciennes socidtds guerridres, que nous avons constatde chez les Germains, et qui' -1ve! li terme /ads, ressuscite dans l'ancienne soci6t6 helldnique. Les laoi font partie de la suite du chef ; ils-s-ont soumir a son commandement; ils lui doivent fiddlitd et obdissance ; ils ne seraient pas laoi s'ils n'dtaient unis d lui par le consentemertt mutuel. Ils peuvent 6tre engagds pour sa cause au combat, c'est le cas qui nous est le plus lamilier ; mais ce fait tient peut-€tre au caractere dpique de I'Iliade. En tout cas la6s est le nom du peuple en tant qu'il porte les armes. Le terme ne concetne ni les vieillards ni les enfants, mais seulement les hommes d'6ge viril. Le la6s est donc la communautd guerridre, i la difi6rence du dlnzos; et le pluriel laoi donne d penser que cette communaut6 comprenait plusieurs fractions. 11 faut ici 6tudier plus attentivement les conditions dans lesquelles l'expression poirndn ladn est employde est-elle aPPliqu6e, dans.quelles A qui cette qualification -apparait-elle dans l'Iliade et I'Odyssde ? circbnstances n'a jamais 6td pos6e. qui, semble-t-Ll, question C'est une .Cette expression est trbs ancienne et ce qui donne la mesure de son andquitd, c'est qu'on en a quafante-quatre
Ia6s par
90
<
LE ROI ET SON PEUPLE exemples dans
I'Iliade contre douze seulement dans
I'Odyss6e ; et encore ces derniers dans des passages tous de caractEre formulaire : ce n'est plus gu'une sutvivance pour le polte de I'Odyssde. Si I'on essaie de classer les exemples, de dresser une liste des personnages h qui l'expression est appliqude,
on arrive i une constatation singuliEre, et propre i faire rdfldchir. Nous la trouvons le plus souvent attachde i Agamemnon, aussi i Achille, Machaon, Jason, un Lapithe (Dryas), enfin Nestor. Cette 6num6ration n'est pas exhaustive, mais elle constitue, comme on va voit, un groupe i I'intdrieur du monde achden. Y a-t-il quelque chose de commun entre tous ces personnages ? Ce sont tous des hommes dont nous connaissons l'ascendance et I'origine. Le podte nous dit d'oil ils viennent. Achille vient de la Phthie, de la Phthiotide, rdgion thessalienne, Machaon d'Ithome, localitd de Thessalie, Jason d'I6lkos, localitd de Thessalie, d'oil partit I'expddition des Argonautes. Dryas, le Lapithe, comme tous les Lapithes, vient du Nord de la Thessalie. Enfin Nestor est roi de Pylos, mais (l'observation a ddjd 6t4, faite) difidrents traits de sa ldgende et I'expression inn6ra Ndott.rp le relient 6galement i la rdgion thessalienne. Nous atteignons ici la couche la plus ancienne de l'6po-
il
pde. Ce n'est pas une simple rencontre si quelques-uns des plus notables << poim4nes la6n >> viennent de la Thessalie.
i tous les rois des Achdens, dont Agamemnon. Il y en a quelques autres dans le camp opposd : Hector, Bi6nor, Hypeiron, Hypdrdnor, Agdnor. Sur ceux-l) nous sommes moins bien renseign€s. Ils appartiennent au camp
Le titre, devenu clichd, a 6td dtendu ensuite
troyen, les uns sont pfoprement tfoyens, les autres phryglens.
Voili comment se dessine la distribution de poimdn ladn, dans deux groupes homdriques, le ptemier est spdcifiquement thessalien, le second ilio-phrygien. Ce point acquis, revenons au mot la6s pout en pousser plus loin I'examen. C'est un mot qui n'a pas de correspondant hors du grec; nous ne pouvons donc le situer dans le vocabulaire indo-europ6en, ni I'dclairer par la prdhistoire. Mais il a assez d'attaches d I'intdrieur m6me 9L
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LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO-EUROPEENNES
du grec pour permettre une recherche plus approfondie, et pour nous procurer quelques prdcisions nouvelles. Une donn6e historique importante, bien qu'indirecte, sut la6s, nous a dtd transmise par Hdrodote (VII, 197), i propos de I'expddition de Xerxbs en Thessalie. Quand Xerxbs patvient dans cette rigion, ) Alos d'Achaie, ses guides lui rappottent une ldgende locale sut Zeus Laphystios. Athamas avait complotd avec fno contre Phryxos et, pour le punir, les Achdens ont 6dictd une rtsgle applicable i ses descendants. Il est interdit ) I'ain6, sous peine de mort, de p6n6trer dans le prytande. S'il y enme, il n'en sortira que pour 6tre sacrifid. C'est une histoire curieuse, et qui semble 6tre le souvenir du sacrifice obligatoire de l'aln6 ) Zeus Laphystios. En rapportant cette interdiction, Hdrodote dit : Upyeo0at to0 ),r1ttou << interdire I'accbs du l|iton > et il ajoute cette glose : trii,tov 6d xatrdouor, td nputavt'li,ov ci << les Ach6ens appellent l€'iton le prytande >. Rappelons que cette scbne se passe en Achaie phthio tide. Ce mot liiiton ({orme ionienne de lditon) se relie } une sdrie de formes consetvdes chez les glossateurs et
'A1ar,oi,
notamment chez Hdsychius : ).dr,"tov rd &pxeiov (la << rdsidence des magistrats >>); )"a'i;tt:v t6v Dr;prooirov t6ntov, c'est-)-dire << des lieux publics >> ; l,r1tm;, tr{tl ' ldper,a << prAtresse publique >> ; puis ],er,tod.pyar, titre de ceux qui s'occupent des sacrifices, et qui ont des postes publics, magistrats. Une autre glose importante parce que I'origine nous - livre un nom d'agent : ),!ripeq ' en est donnde nous - 'A0ap&veq. Or la l€gende rapport€e par iepoi oteEavorp6pou Hdrodote concernait les fils et les descendants d'Athamas ; justement le mot laftr vient de la langue des Athamanes, du peuple m6me qui avait Athamas comme dponyme. Un aute nom d'agent * Ieitdr est attestd par le verbe d6nominatif leitoreil7 <( exercer une magisuature, un emploi public >> qui se rencontre exclusivement dans des inscriptions thessaliennes. Que nous enseignent ces tdmoignages ? Le terme de base lliton qui reprdsente l6(a)iton, d6fiv6 de la(w)ds, ddsignait chez ce peuple achden le prytande, la maison publique. Selon la rdpartition m€me des termes citds, 92
LE ROI ET SON PEUPLE c'est en Thessalie, en Arcadie, que se localisent ces traditions et nulle part ailleurs. On est en droit d'en conclure que la6s est un mot achden. Les garants de la ldgende rapportde par H€rodore sont des Achdens, originaires du pays qui, en GrBce m€me, conserve le nom d;Achaie phthiotide. On considtsre certe rdgion comme dolienne avec la Thessalie, une panie de la Bdotie, des lles et de I'Asie Mineure. Le dialecte dolien forme aussi une communautd un peu l6che, mais rdelle, avec Ia langue hom6lig,rg, en ce sens qu'on y relEve nombre de traits propres A la langue dpique. Or, ici, ce terme donn6 comme ichden, est rapport€ i Athamas, fils d'Eole, I'anc6te des Eoliens. Il y a ainsi concordance entre les raditions historiques et la rdpartition dialectale. Le terme la6s doit 6re aitribud i la couche achdenne du grec. Ceci parait confirm6 par I'onomastique : la6s entre dans la iomposition de tlds nombreux noms propres, soit comme piemier, soit comme second 6ldment, d'une part Lao-rntdon, Lao-koon et d'autre patt Mendlaos (Mdndlas) et tous les noms en -las ; le nombre en est considdrable. Parmi les plus anciens porteurs, nous trouvons un grand nombre de personnages originaires de la rdgion dolienne. Il faut aller plus loin. Le mot la6s ou, plui exactement, le d6riv€ la(w)ito- citd plus haut, se retrouve sans qu'on en ait conscience dans un composd bien connu du grec commun : c'est lditourg1s (Lry,-, ),er,roup16g) aveCl,abstrait lgilo.urgta ().er,toup1ia) < liturgie D, qui s,analyse en
r'leitu-werg-. Ainsi ce mor lditon quf c"hez Hirodote est encore donnd comme local et accompagnd de sa traduction a servi de base i un nom d'inititution qui est entr6 dans la langue corhmune. La < liturgie >> dtait bien un senice public, la prestation publique d'un citoyen vis-)-vis de l'Etat. Le compos6 doit 6tre aussi d'origine 6olo-achdenne ; il s'est formd ndcessairement dans un dialecte oi ld'itos 6tait le terme usuel pour < public >>. Dans une autre rdgion du temitoire helldnique, sur le dom-aine dorien, cette notion de liturgie est exprimde i Cnide par datnoilrgos (Sapro0pyoq). Lis deux mots /eltourg6s et dam-oyrgoJ se cofrespondent exactement pour le sens, leur difidrence m€me est instructive : on -voit que ddmos est la forme dorienne qui correspond i Ia 93
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
forme dolo-ach6enne la(u)6s (et lh(u)iton). L'analyse fournit comme une stratigraphie de ces mots b I'int6rieur du vocabulaire grec. Il y a donc ddj) chez Hombre deux origines distinctes du concept de < peuple >>. C'est i la pdriode achdenne qu'il fauf rapportar la6s, h I'invasion dorienne, donc i une date plus rdcente, qu'il faut rattacher d2mos. Mais nous n'avons considdr6 jusqu'ici que la moitid des faits. Le titre poimdn ladn est donnd aussi dans I'Iliade ) des hiros qui ne sont ni achdens ni grecs, mais troyens. De mdme, parmi les porteurs de noms propres en -laos se trouvent des personnages d'origine asianique, dont des Phrygiens. En eflet nous avons le mot en phrygien m6me sous deux formes. Des inscriptions phrygiennes anciennes livrent le nom propre Akenano-Iauos et 'aussi le mot ; laualtaei, interprdt6 comme un composd qui signifierait << qui nourrit (cf. lat. alo) le peuple >, << qui populum alit >. On ne peut douter en tout cas que le premier 6l6ment soit law6s << peuple >>. I1 ne faut pas s'dtonner que des dldments de vocabulaire semblent communs au grec et au phrygien. Nous distinguons les Grecs des Phrygiens pour des raisons linguistiques et historiques. Mais il est probable que les Grecs sentaient beaucoup plus leur similitude que leur difidrence. Le monde phrygien et troyen est exactement pareil chez HomBre au monde grec. La langue ne semble pas faire obstacle i leuts rapports. Les hdtos s'interpellent et se comprennent de plain-pied. Ce sont les m€mes dieux qu'ils invoquent touf ) tour. Ils ont les m€mes institutions, les m6mes relations d'hospitalit6, la m6me forme de familie. Ils se marient d'un camp d I'autte, voyagent les uns chez les auffes. Pour Hombre, la guerre de Troie n'oppose pas des Grecs d des Barbares, c'est une querelle i I'int6rieur d'un m6me monde, alors que le peuple des Cariens est qualifid de << barbarophone >>. Des traditions anciennes associent dtroitement le monde phrygien et le monde thessalien ou 6olien, Les Phrygiens, Oprileq, Bpilyeq,, passaient pour originaires de Thrace Localisds dans la rdgion oil est le site des Athamanes, les Phrygiens ne sont qu'une fraction ethnique du m6me groupe que les Thraces. Il n'est pas 6tonnant 94
LE ROI ET SON PEUPLE
INDO-EUROPEENNES.
que des t6moignages de leur communautd ou de leur vici-
nit6 persistent dans l'6popde. Du m6me rdpertoire vienr aussi le titre 6rkhamos la6n. La forme 6rkhanos se rattache d irkha << commander >. mais le o- initial_repr6sente un trairement spdcifiquement dolien comme celui de bv pour la prdposition ava. . C'est dans cette vue d'ensemble, i li fois ethnique et sociale, qu'il {aut apprdcier le tire de poimdn ta6n. On remonte i un Age oil, dans une structure sociale fondde sur I'dlevage, le mdtier de la guerre Etait exercd par des << bandes >> soumises i un chef. fl n'est sans doirte oas forruit qu'un des pli-rs anciens tdmoignages du terme lauos soit donnd par Ie nom mycdniJn /a-ua-ke-ta : LauagetAs < chef de lawos > (cf. dor. lag1tas << chef du Feuple >> chez Pindare). Mais la << royairtd >> intoduir une corception du pouvoir qui est difiSrente : I'autoritd est celle du gui.d.e, du << pasteuf > ( 1) et nous le voyons en iranien, en hittite, comme en grec homdrique.
(l)
Cf. Hittite et indo-earop1en, Paris, L962,
p.
100.
95
livre
2
le droit
chapitre thdmis
Sommaire. racine cornmune d skt. Eta, ft, arta, l^t. drt, - La artus, ritus, qui disigne l'<< ordre > comme adaptation harmonieuse des parties d'un tout entre elles, ne fournit pas, en indoeuropien, de ddsignation juddique. La << lor )), c'est en skr. dbdmax, en gr, th|mis littdralement - >) par les la tdgle dtablie (racine * dbe < poser dans l'existence dieux. Cette rlgle ddfinit le droit familial : ainsi thdnii s'oppose
d dik6,
<<
droit interfamilial
>.
La sttucture gdndrale de la soci6td, ddfinie dans ses grandes divisions par un ceftain nombre de concepts, repose suf un ensemble de normes qui constituent un droit. Toutes les socidtds, m6mes les plus primitives, et i plus forte raison la soci6td indo-europ€enne qui n'a rien de primitif nous avons pu voir qu'elle a une civilisa- ddveloppde et une culture dgalement tion matdrielle riche sont rdgies par des principes de droit quant aux - et aux biens. Ces rEgles et ces normes se marpersonnes quent dans le vocabulaire. Comment connaissons-nous I'organisation juridique de la socidtd indo-europ€enne P Y a-t-il un terme qui, dtss l'dpoque commune, ddsigne le droit ? A une question aitrsi pos6e, impliquant d la fois la gdndralit6 de la notion et la totalit6 des langues, il semble qu'on doive rdpondre non, Il y a bien des termes pour le << droit >>, mais ils sont plopres i chaque langue. Cependant les principaux se relient ) des il6ments du vocabulaire commun et peuvent attester d6ji une spdcification juridique remontant ) i'6poque indo-europdenne. Il nous. faudra dtudier i la fois I'origine des'rermes 99
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO-EUROPEENNES
attestds historiquernent et 1'6volution
mes communes, en a particularisd
le
<<
qui, partant de forpour aboutir i
sens
des noms d'institutions. On peut poser, dBs I'itat indo-europ6en, un concept extrdmement important : celui de l' << ordre >>. Il est repr6sentd par le v6dique rta, iranien arta (avestique aia, par une dvolution phondtique particulitre). C'est li une des notions cardinales de I'univers juridique et aussi religieux et moral des Indo-Europdens : c'est l'<< Ordre qui rtsgle aussi bien I'ordonnance de I'univers, le mouven:ent des astres, la p6riodicitd des saisons et des ann6es que les rapports des hommes et des dieux, enfin. des hommes entre eux. Rien de ce qui touche ) l'homme, au nronde, n'dchappe ) l'empire de l'<< Ordre >>. C'est donc le fondement tant religieux que moral de toute socidtd ; sans ce principe, tout retournerait au chaos. L'impoltance de cette notion se marque au nombre consid6rable de formes lexicales qui en sont tirdes. Il serait vain d'dnumdrer en ddtail tous les ddrivds indiens et iraniens de yta et arta, dans le vocabulaire et dans I'onomastique. L'antiquitd indo-iranienne du terme se matque en outre )' des archaismes de morphologie : le < fiddle de l'arta, qui est moralement accompli )> est dit en sanskrit rta-uan, fdminin rta-uar|; de m€me en iranien artauan, artauari. Cette difidrence remarquable entre le masculin et le f6rninin de la forme suffixale -uafl, uari s'explique par le m€nre jeu que I'ancienne flexion dite hdtdroclitique, qui a laissd des survivances dans le paradigme de grec hildor, hildatos, latin iter, itineris. De plus, dans I'Avesta, cette notion est personnifide : il s'y trouve un dieu Arta. Par I'interm6diaire d'une suffixation d'abstrait en -tL!.-, I'indo-iranien a constitu€ le thbme vdd. ytu, rdtLt-, ddsignant I'ordre spdcialement ^v.pdriode de temps dans les saisons, la sg aus5i : la rdgle, ia notme, d'une manibre g6n6rale. Toutes ces formes se rattachent i une racine ar-, bien connue par de nombreuses formations hors de I'indoiranien et qui rejoignent plusieurs des catdgories fornrelles prdcddentes. La racine est celle de gr. arariskd << ajuster, adapter, harmoniser > (arm. ainel << faire >), i laguelle se relient plusieurs ddrivds nominaux : avec >>
100
THfMIS
)>
-ti-, lat. ars, artis < disposition naturelle, qualification, >> ; avec -tu-, lat. artus << articulation >>, et aussi
talent
avec une autre forme du radical,
rite
>>
;
lat. ritus
gr. artils (arm. ard, g6nitif ardu
<<
<<
ordonnance,
ordonnance
>>)
ainsi que le prdsent artilnd <( arranger, dquiper )> ; avec 't'-dhmo- #. arthm|s << lien, jonction >>; avec-*-dhro-, gt. hrtltron <( articulation, membre )>, etc.' Partout, la m6me notion est encore sensible : I'ordonnance, I'ordre, I'adaptation , dtroite entre les parties d'un tout, bien que les ddriv6s se soient diversement spdcialisds selon les langues. Voild donc, dbs f indo-europ6en, un concept gdn&al englobant, sous de nombreuses vari6tds lexicales, les aspects religieux, juridiques, techniques, de l'<< ordre >>. Mais sur chaque domaine des termes distinctifs dtaient ndcessaires. C'est pourquoi le << droit r> a reEu des expressions plus prdcises et qui doivent €tre dtudi6es dans leur sphdre propre. Voici maintenant les principales. En sanskrit vddique on rencontre d'abord dharma-, neutre dharman, qui dquivaut i < loi >>, mais dont le sens propre est << maintenance, statut >> (de dhar- << tenir >) et selon les cas <( coutume, rBgle, usage >>. C'est un terme de vaste portde dans la religion, la philosophie, le droit aussi, mais limitd i I'Inde. A cette racine indo-iranienne dhar- << tenir fetmement r> correspond probablement celle de latin firmus, qui a une formation en -rn- comme dharrnan. La < loi > est ici < ce qui tient fermement, ce qui est 6tabli solidement )>. Une autre image est refldtde dans skr. dhAman, << loi >>, et aussi < sitsge r>, << lieu >>. La formation de dhaman est sym6trique de celle de dharrnan, mais elle procdde de dha- << poser )>, indo-europ6en * dbe- (( poser, placer, 6tablir D, tacine qui a donn6 en latin lacio et en $ec tfuhetd. Il faut noter que le sens de * dh€- est : poset d'une manidre crdatrice, el'ablh dans I'existence, et non pas simplement laisser un objet sur le sol. Le d6rivd dhAnaan ddsigne donc l'< dtablissement )>, ) la fois ce qui est posd, cr€6 et I'endroit oil l'on pose, of I'on dtablit ; d la fois le domaine, le site et aussi la chose posde, o66e dans le monde. A partir de l), nous voyons commenr se ddfinit aussi le sens de < loi > pow dhArzran,la << 7oi >>
101
LE vocABULATRE DES rNSTrrurroNS rNDo_EuRopfnwNns <<
dtant d'abord un << dtablissement >, une institution fondde et prenant dbs lors existence. Cette colception n,esr pas limitde i I'indo_iranien. Nous tiouvcns dans d'autres lingues aussi des termes cir6s de la rn€me racine er qui u. .Eri.nt a,, vocaburait" aii-J-ir. En grec, n-ous en avons plusieurs, ., J"--t""r.-f-r"i. rance. D'abord, thesm6-s,- (dorien tbetbm6s, t"inhar, ancienne forme i redoublement 'F dhedhrno,_)'..r Jirp.ril tion l6gale, rdgle, norme >>. Mais Ie rerme l" pl.r, nor'rbf. <'st thimis. La formation de tb1mis esr voisine de celle de th6me_ tbla (chez Hombre themellia), qgi se rapporte i la cons_ truction et ddsigne < Ia base, leiondemeiri u. On sait que thenzi.s prdsente une flexion archaique ; le gdnitif .h., I{omdre thdmistos et le pluriel ti1rnirtn, Tniilrir-, "rt -,nj.i malisis ultdrieurem"nt .n g6n. th1nitor, acc. th6rnin. Il -..'agit probablement d'un incien ,r.rrtr.. il ;';;; l'instant rien h tirer, pour Ia forme ,ri porr. ";t l. ,.rri du mycdnien ti-mi-to qui-ni y a dtd compar6. A.Ia quantitd radicale pfts, th1nis est exactement com_ p.arable i I'avestique dani- sous le rappon d. t io;;_ rron, et ce rapprochement est notable, car une suffixatio' en -yris, comme celle de dilnamis, est assez rare. Cela renl probable que thdmis est un mot trEs-ancien et qu,il a subi des arrangements destinds i nor-riir";;;; if."i""
arcnalque.
Mais l'avestique darui- a regu la fonction de nom d,a_ gent et signifie << crdareur ,r. Si nous cherchons d g;. th6mis ttn correspondant de m6me sens, nous l. tfir,ro* oans le derrve neurre en 4nan tir6 de la m€me racine en indo-iranien, qui est dhaman << loi >>, ei qui ddsiEne orJ_ cisdmenr, au sein de I'ordre prescrit par Mi;;;"fl;;;, une disposition relative ) la rriaison a t, fu*ilI..-e imq9rtp1, parce qu,il monrre",l" ,phtr" J;;;pli catron de cette loi. Or, que signifie th1nis ^? Corr6lation notable, thdruis ddsigne'te dioit lu',,iitt ., , dlke qui est le droit entre les familles j. f" rriU" "o"*."i" aif""'
lii:-"'j
(1) L'histoire de ces deux termes, leur sig'ifcation pr€cise et leur rapport sont 6rudiis dans un ouvrage excerlJni d. G;ri;b;;r,^-i;
solidarit| d.e la- lanille dans le
notammert
p,
21.)
driit crimiil gr;r,-p;;;: rpoi. ,tff
on doit y
THf,Mts
>>
insister, car les dictionnaires ne tiennent
compte de cette distinction. De plus, tu tt c1,y:u.n, orrgrne
iiir- ni
divine. Seul ce sens permet ie iompr.rrdr" d unifier des accepuons en apparence trds "i diuJrr.r.-Oun, r epopee, on enrend par tb2mis la prescription qui fixe les droits et les devoirs-de chacu" ,"Jrl;*rorit6 du chef du q1r?t, que ce soit dans la vie de ro*l", jours ) I,intdriew ou dans, Ies circonstances exceptionnelles : li,^rl Tuiron a]fance, mariage, combat.
La thdmis est I'apanage de basileis, qui est d,orieine cdleste, et le pluriel thl"mlstes i"aiq".' ft"r".tfi ;;-;;,
prescriptions, code inspir6 par les dieux, Iois non 6;;it;: de dits, d'arr6ti r"nd.r, par les l:.-""ijta conscrence du juge (en qans l,esp€ce, Ie chef de la famille) la conduite a tenii toures les'fois q". itrar. a" gdnos est en jeu. On retrouve m0me dans les emplois les plus consacrds, Ies caractdles spdcifiques de ."ti. norion. Considdrons l'expression d'allure banale hd tb1nis estln qu,on traduit gdn6ralement par << comme il convient >. Ainsi lt. Z, iZ_ 7.3 : < Je vais renrer (les fils des Ach6enr) d,;;rd ;; des.paroles, hE th1nis estin >>. agu;"rnnon pml.-ili? basileils resoonsable de son ur-e{ ii-.n esr le chef. il 7a thdrnis, qui lui prescrit la'cond,rite a ,rf"r.,1;, :T:1* usages d observer. Cette th4rnls s'6nonce par des thiruisl_ tes, qui sonr des arr6rs. Au chant 16 de i,tma., ;. i;;. nous voyonq < Ia de Zeus contre 1", homm"r- qui -coldre par violence dans l'assernblde ddcident dr" fiAiir^r;; ti: tordues >,, c'est-).-dire ceux qui renden,, ** I,.-rt:q, r emplfe de la vrolence, des arrets injustes. _ Parfois le conrexre. est indispensable'i I'apprdciation de I emploi. Patrocle s'6lance dans Ie l.-U"t .iaef"ii ,".."r_ sivement tous ses adversaires mais br.rrqo"m.nt ; sa moft qu'il le sache,_ car phoido, Ap.U""'jri: :^ll6pu.",,sans meme va l'aftronter sous un ddguisement. <( Son crrq.r" de bataille roule sous les pieds 8.r-.ilLurr* et se souille de sang et de poussibre... tl n'et"it pu, (ou tltlrnis iermis cen ) aupat.avant que ce casque pfit se souiller de poussiere, mars rl couvrait Ia t6te d'un homme diuin, d'Achille ; mais alors Zeus a accordd a fi".ro. ;. i. p;;;;; sur sa t6te. >> (1.6, 796 ss.) L'expression m6me I'irifiq;;;
;r;;i;r;;;ili;;;;
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t03
<( THT1MIS >
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPfENNES
c'est en vertu d'un ordre divin que ce casque qui appartenait ) Achille ne doit jamais se souiller de poussiEre. C'est qu'Achille est un << homme divin >> (andr thetos, v.798), il fait partie de la famille divine ; ses armes mdme bdn6ficient de ce privilbge divin. Cette organisation sociale et la thdnzis qui y rdgne ressortent mieux encore du tableau inverse que le poEte trace en quelques traits du pays des Cyclopei. Ceux-ci, dit-il, sont athemistes ; chez eux, il n'y a ni assembldes de d€li bdration, ni thdmistes ; chacun dicte sa 7oi (themisteilei) ) ses femme et enfants, et nul ne se soucie des auffes (Od. 9, 1"06-115). Voili illustr6e d'une manibre lumineuse la ddfinition de la tbdmis. Li of il n'y a pas de gdnos et de roi, il n'y a pas de th1rnis, ni d'assemblde; chaque famille vit sous sa propre loi. Ces Cyclopes sont ddcid6menr des
Comme Nestor le dit i I'Amide : << Tu rbgnes sur de nombreux laoi ; it toi Zeus a confid le sceptre etles thdrnistes, afin que tu diriges leurs d6lib€rations > (Il. 9, 97). Le rci, le ddsignd de Zeus est investi de ces deux atmibuts ; I'un, nratdriel, le sceptre ; l'autte, la connaissance des thdrnis' tes.
A l'autre exff6mit6, au rang le plus humble, le porcher Eumde invoque aussi la tbtnis pour honorer de son mieux I'h6te, qui vient de Zeus. Partout s'afiirme ce rapport entre I'ordre du gdnos et les sentences divines. Et pardeli la civilisation homdrique, nous retrouvons dans le dhaman indien un correspondant prdcis de tbtmis : c'est l'ordre de la maison et de la famille, dtabli par une volont6 divine, celle de Mitra et de Varuna.
sauvages.
Et voici maintenant un texte qui prdsente une corrdlation des deux tetmes thdnis et dikE, et qui, de I'un, nous achemine vers l'6tude de I'autre. Ulysse est requ chez Eumde sans 6tre reconnu de lui et il le remercie pour son hospitalitd : < Puisse Zeus et les autres dieux t'accorder tout ce que tu peux souhaiter ! Eumde r6pond : << La thdmis ne me permer pas (oil ruoi thdrnis dsl'), m€me si quelqu'un venait de plus misdrable encore que toi, d'outrager un hdte ; car c'est de Zeus que viennent tous les h6tes et tous les pauvres > (Od. 14, 53 ss.). Ainsi un dtranger est regu au sein de la famille en vertu de la thtnzis, parce qu'il vient de Zeus. Eumde poursuit ; << Je ne puis, dit-il, que te donner un petit don, mais je te le donne volontiers ; car telle estla dike des esclaves, toujours dans la crainte quand de nouveaux maiffes ont le pouvoir....>> Il pense ici dla domination tyrannique, capricieuse, bttrtale des prdtendants. Cette fois, I'emploi de dikE montre justement que I'on sort de la famille m€me et qu'il s'agit de rapports avec d'autres groupements. Justice et droit sont strictement d6finis par les limites du domaine oil ils s'appliquent. Tout nous rappelle donc que cette th6nis, ces thimistes. ne sont pas inventdes, arbitrairement fixdes par ceux qui doivent les appliquer : elles sont d'origine divine. >>
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chapitre ai*e
'
Le latin dico et le grec iliki imposent la repr6Sommaire. - droit formulaire, diterminant pour chaque ,situasentation d'un hom. d.ika*p6lostion particulidte ce qui doit.€ue,,Tte juge - prononce avec autoest celui qui a la garde du formulaire et qui tit6., dicit, la sentence appropri€e.
A la notion de th1mis fait pendant celle de dlkE' La premibre indique la justice qui s'exerce ) I'intdrieur du groupe familial ; l'auffe, celle qui rbgle les rapports entre les familles. Et tout de suite nous apetcevons, entre l'expression de ces deux notions, des diflirences significatives. L'une tou-. che i la formation m6me des termes. On a vu ci-dessus que thdnris est ddrivd de n dbe- au moyen d'un suflixe dont I'indo-iranien a I'dquivalent. Il en va auuement de CikE, qui est tird de la racine * deik- avec addition de -Z f€minin, et dont les correspondants nominaux reprodui sent la racine non sufiixde ; ce sont les noms-tacines skr. di!- << direction, r€gion >>, lat. * dix, qui survit dans la locution dicis causd <( pour la forme r>. Une autre difi6renie entre thdnis et dlkE se marque encore dans la reprdsentation respective des notions. A la base de thdmis, il y a une racine <( poser' placer, 6tablir >. Le sens du terme s'dnonce ainsi directement et sa valeur institutionnelle procbde de la m6me conception qui est ptdsente dans les formes verbales de cette racine. Ici, par contre, nous sommes en prisence d'une racine gui n'explique pas imm€diatement le sens pris par dik7,-et qui,^m€-me g..., se ddveloppe autrement dans ses for"n et dans ses formes nominales. mes verbales 107
LE VoCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDo-EURopfsl.tNgs
. Il
s'agit d'une racine * deik- qui donne respectivement dii- en sanskrit, dis- en iranien, iico enlatin. ieiknumi en grec. Mais ces formes, si exactement correspondantes, ne -gt. concordent pas dans leur sens, puisque deikn:urni signifie <( montrer >> et lat. dico << dire^o. If faudra donc artiver, par un ftavail d'analyse, d ddgager le sens qui expliquera que dikE ait le sens de < iustiie o. Si I'accold de l'indo-iranien er du-grec donne le droit de considdrer comme_ premier le sens le ., monuer >> paf rapport i celui de < dire >>, il n'en rdsulte pas que la tiansition de << montrer >> i << dire > soit ais6e ) restituer. C'est d6ja Ie un premier probldme. _ Essayons de construire cette reprdsentation ancienne de << montret >>. 1) << montrer >> de quelle manidre ? avec le doigt ? C,est ralement le cas. En g6ndral le sens est <( monffei verbalement. )>, pat,la parole. Cette premibre prdcision est confirmde par de nombreux empiois de di?- en indo-iranien pour. ( enseigner >_ ce qui revient a << montrer >> pat la parole, non par le- geste. En ouffe, il y a en lat^in un composd sur lequel il faudra revenir, oi ;. deik- est conjoint_ d ius : c'est iu-dex, oi * deik- reprdsente un acte de
parole.
2) << monter >> de quelle manidre ? incidemment, d titre d'exemple ? et n'importe qui peut-il << montrer > ?. Le composd latin iu-dex implique Ie fait de monrer avec autoritd. Si ce n'est pas li l_e sens constant de gr. deiknumi,le fait est dfi ) Ln afiaiblissemenr de la raciie " deik- en grec. Toute I'histoire de lat. dicere met en lumidre un mdcanisme d'autoritd : seul le juge peut dicere ius. Cette liaison se rerrouve dans une l"rig.re ituIique, avec rned- substitud e ius dans I'osque *'rad-dirr,
latinisd en rneddix oi med- est apparent6 ai lat. medeor'. cet dquivalent osque- de- ludex, le terme pour . < droit > est distinct, mais dicere reste consrant. 11 faut rappeler en outre la formule latine oi le prdteur . tisumait les uois fonctions qu'il n'a le droit d'exercer qu') certains jours que -) le calendrier prescrit : do, dico, addico. Il est fondd << donner >, a ; dnoncer certaines rBgles- >, <_ adjuger -i conduit d l'emploi frdquent de dicere dans Ia langue des Dans
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<(
DIKE
D
tribunaux : dient dicere << fixer un jour pour une cause )> ou nultatn dicere <( prononcer ,rt. ,r. "*.id. 3) << montrer )>f mais quoi ? une chose visible, un objet existant ? Voici Ie deinier trait de t" ,ijrin..ti.n de * deik- .. c'est monrer ce qui doit 6tre, une- prescription qui intervient sous la forme, par exemple,.di.rn ,rrbt de justice.
, Ces indications permettent de prdciser le sens initial ge gI. dikE, en tant que_ terme d'institution. En comparant Ies formes skr. dii et lat. dicis caasa, on voit que' o iix
dnonce cette fonction 'comme normative ; dicis causa signifie << selon I'dnonciation formelle >>, ou cofiune nous disons <( pour la forme r>. On rendra jonc * Iit lement comme < le fait de montrer avec autorit6 de parole c,e gui .doit 6tre r>, c'esr-)-dire la prescription impdrative de lustlce. Cette valeur impdrativ e de d.ike ressort de plusieurs exemples. Dans Ia desoiption du bouclier i'A.hill. figure une scdne de justice d6uite en ddtail (Iliade iS, !?7 *-1. Deux plaideurs sont devant le tribunal ; I'assem_ bi6e,. fort agitde, niegd. parti pour I'un ou poui I'autre. L'enjeu est une poin6, Ie prix du sang, servant au rachat d'un meurtre. Au centre de I'assemblde sont les anciens, assis dans un cercle sacrd sur des pierres polies. Chacun d'eux se ldve et prononce i son tour. Au mili."- J;."" il- y a_deux talents d'or rdservds au juge qui << aura dit Ia plus_ droite sentence >>, dikEn ithilntati eipoi (v. jOS). poin| est le. typg -9-g de la cauie qui intdresse , Yl..la dikE, la justice interfamiliale. Les termes ?e l,expression hom6rique attestent une m€me construction en grec et en latin : nous avons_ dikEn eipein << dfue la dikE >, comme en latin dicere. On voit cbmment cette <( monstration > aboutit i un acte de parole : en grec le substan_ til dike a .appeld un verbe <<- dire > (eiiein); .n iuii" c'est le verbe m€me <( montrer > (* d.eik-i qui'a glissd a; sens de < dire >. Relevons enfin I'adjectit ithds (ithilntata) < droit )> (au sens.d"rlre ligne droite). L,image complBie bien celle qui est impliqu,ee dans o deik- : montrei ce qu'on doit faire, prescrire-la norme. Car, 17 ne faut pas l'6ubher, la d,ik€ est une formule. Rendre la justice n'est pas une
ili
iii
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LE VocABULAIRE DES rNsrrrurroNs INDo-EURopfBluvrs op6ration intellectuelle qui exigerait m6ditation ou disOn se transmet des formules qui conviennent i des.cas ddterminds, et le r.6le du juge eit de les possdder et de les appliquer. Par l) s'expliqrie I'un des anciens et rares roms du < juge >, l'homdrique dikas-p6los. C,est urre ddsignation curieuse, formde colnme ai_p6los << le chevrier >>, bou-le6los (avec -kolos variante 'de -polos) << le bouvier >>, oi6no-p6los << celui qui observe i. uoi des oiseaux (et. qui en tire _les augurei) u. E., tant que dikas-p6los,le juge esr << celui quiveille sur les dikai'>>. Nous avons 11 un- juxtapos6 de caractBre archaique avec un accusarif pluriel au premier terme. Les dikai slnt bien les fcrmules de droit qui se transmettent et que le juge a charge de conserver et d'appliquer. -ce Cette reprdsentation ripond- ) que nous savons des codes de justice chez lei peuples de civilisation traditionnelle, recueils de ditJ oiaux, articulds fortement autour des relations de parent6, de clan ou de tribu. Tel est .19 noint de ddpart du sens qu'on assigne d'or,. dinaire d dlke ; <( usage, maniBre d,6tre->>, et oi i'on peut encore retrouver la valeur d'institution. euand Ulysse ciescendu aux enfeLs rencontre sa mEre, il-tui demanJe pourquoi il ne peut la saisir : telle est, rdpond-elle,la dlkE des morrels, {}tr' aUtrl 6irq iori, Bpotriv (Od. ti, ZtSy. Ce n'est pas la < manibre d'6tre >>, mais bien la o rEgle impdrative n, lu ,, formule qui rBgle Ie sort >. par"li o5r ar3iyg,i I'emploi" adverbial-dike; << ) la manitsre de >>, c'est-i-dire << selon la norme de telle catdgorie d'6tres ,r. La manidre < habituelle > esr en rdalitd"une obligation de nature ou de convention. Dds lors cetie formule qui fixe le sort et I'attribution est devenue en grec la < justice >> m6me. Mais Ia notion ith.ique de justice, telle que nous I'entendons, n'est Das incluse dans dikE. EIle s'est peu d peu d6gag6e d.s iirconstances oi la dik€ esr invoqude pbur mJtti. fin ) des abus. Cette formule_de justice-devient l,expression de la justice m€me, quand la dtke intervient po-ur mettre fin au pouvoir de la bla, de la force. La- dike s,identifie alors avec la vertu de justice et celui qui a la dike pour lui est dikaios << juste >>. cussion.
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chapitre
3
ius et le serment
Sommaire.
< Ie droit
i
Rome
Patalldle d dike, le latin inr, qu'on traduit pat
- a un vetbe dirivi,
)>,
iarare qui signifie
<'r
jurer
>>.
Etrange au premier abord du point de vue sdmantique, cette ddrivation est dclairde par deux enqu6tes complimentaites : 1") tapprochd de I'av. yaoi- et considdrd dans son affinitd particulidie avec le verbe dico (ias dicere, iudex), lar peut €re ddfini comme << la formule de conformitd r> ;
2') nonrbte de textes montrent qu'i Rome, iutet, iurare,
c'est ptononcet une formule, le ius iurandam <( serment >, Iitt. < formule i formuler r>, redoublement significatif de ce qui est essentiel dans I'acte de lurer; de fait, le jureut doit t€pdtet mot i mot la formule qui lui est imposde : adiurat in quae adactas est uerba.
Autre terme latin li6 i la pratique juridictionnelle, arbiter ddsigne, cutieusement, i la fois le < tdmoin >> et l' < arbitte >>. En fait les textes montrent qtse L'arbiter est toujours le tdmoin invisible, propre i devenir, dans certaines actions judiciaires ddtermin€es, un iudex impartial et souverain.
L'analyse des emplois de dikE
a f.ait ressortir, entle
autres, la frdquence des corrdlations entre le grec dlka et le latin ius. Ces deux termes, quoique difidrents par leur origine, entrent dans des sdries parallBles : dik7n eipein r6pond b. ius dicere ; dikaios d iustus, enfin, d'une manibre
approximative, dikaspfilos d iudex. En outre, nous avons i ielever le fait que dikE ddsigne, par rapport d tbdmis, le droit humain opposd au droit divin, et que de la m€me maniEre, le lzrs s'oppose i ce que les Latins appellent fas. Que signifie donc en propre ce mot ius ? Ici persiste une 6tange obscuritd. On sait bien que lzs d6signe < le droit > ; mais ce sens lexical ne nous livre pas Ia signi fication v6ritable du terme. Et si nous cherchons celle-ci dans la relation entre ias et ses ddrivds, nous rencontrons un nouveau problbme : le vetbe de ius est iuro << jurer >. 111
rl
LE voCABULAIRE DES INSTITUTIoNs rNDo-EURopf,rlrNes
Comment se trouve-t-il s6pard de son verbe par une diffdrence de sens aussi singulidre ? A premibre vue, entre jurer >>, il y a une distance inexplicable. << droit > et _<< Et pourtant la relation formelle est certaine entre ius et iurdre, puisque le << serment > s'appeTle ius iurandun. Que signifi-e cette- exptession et pourquoi un participe futur passif iurandurn 2 Finalement, quel est le r"pport de ius d iuro ? Le dictionnaire d'Ernout-Meillet allEgue une expression ias iurare qui signifierait << prononcer la formule sacrde qui engage >>, malheureusement sans donner de rdf6rence. A notre connaissance une telle locution ne se rencontre pas. Nous n'en avons que la forme r6siduelle ius iurandun, qui laisse subsister I'dcart entre ius et iuro. La rclation du substantif au verbe ne peut donc s'€lucider que dans une. phase antdrieure d l-itat historique, ce qui requiert l'examen de l'6tymologie. On a bien identifid des correspondants de ius, mais ils pr6sentent un sens ciifidrent. Certes, en celtique, I'adjeclif irlandais huisse fixale prbs, on reconnait le latin iustus. Mais du fait que nous n'atteignons qu'un ddrivd et que le nom celtique de base nous manque, la comparaison ne nous apprend rien. C'est en indo-iranien que se prdsentent les correspondants de lat. ius : v6d. yoh, av. yaoi qui ont exactement la m€me forme. _ Mais v6.d. yoh signifie < prospdritf, >>, av. yao! << putification >>. Autant les formes ie correspondent, aritant les notions sont divergentes et troubles. Nous avons ndanmoins ici une de ces grandes corrdlations de vocabulaire enre I'indo-iranien et I'italo-celtique, un des termes dont I'expression ne survit qu'aux deux exftdmitds du monde indo-europ6en. Le sens de '1oD doit 6ffe << bonheur, sant6 >>. Le mot n'intervient que dans des locutions oi il fait couple avec iam; soit ianyoh en un seul mor, soit iamca yoica, pour dire << bonheur et santd >>, dans des formules de souhaits telles que celle-ci : << Le bonheur et la prosp6ritd que Manu s'est acquis par son offrande, puissions-nous les atteindre sous ta conduite, 6 Rudra ! (R.V. 1, 11.4, 2). 'L'iranien n'a 6galement conserv(, yaoi que dans des >>
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'AS
ET LE SERMENT A
ROME
locutions formulaires oi yaol se combine avec Ie verbe << -placet, faire rendre o po.r, f*,n; le verbe ;;;;;; T"aoidl < purifier r>. C'est un vieux compos6 comparable a_u latin crEdo. De ce verbe avestiq. yoZidi;;r;r* des d6riv6s nombreux-; no- d;ullni'yaoidatii_ ; -.-;,ri qui est charg6 de purifier >; abstiait yioidati_ <, p;rifi;;: non )>, etc. pour .retrouver i partir de ces ddiivgs Ie de yaoi, q-ui n esr. pai attestd ..pioi'fiU.., :iTt1:_r l-p." ramener yaoida_, Iitt6ralement ., "" r.ndri yaoi >>', i1. au sens de << rendte conforme aux prescriptions, a.ttra dans I'd.tat req.uis_par Ie_ culte ,Lgi, at"". .onJitlon ". ii rituellement ou sacfrhce : l'offrant doit rendre apte l,ob_ jet de I'oblation. Nous avon, d*-iu une expressron fondamentale du code religie"". CLqu" acte doit 6tre rituellement accompli et I'Jbjet qui au cenrre de cet accomplissemenr d;it etre lui_me-"'run, "ri d€faut. a.;; int6grit6 rituelle esr Ia condition vis6e par yaoida_.--Oi peut .alors mieux enrendre le vddique yi1, ,'rr;;;r; ; Ie < bonheur )> comme jouissance, rnuiJ lgoi;,;;;;rird. dA-
physique,'"r
lii:?fnll'sement maradle n'ont pas pflse.
i.q;;i
i,"f";;
S;'il
faut ici pr6ter atrenrion ) une diffdrence d,emploi , Il-" yaus de entre I'indien er I'iranien. En vddique yoh'i"i une expression de souhait : c,est un terme qu,on' oro_ nonce ) I'adresse de- quelqu,un pour q". t;ttui-a.'oi., pdritl er d'integritd lul soit u..ord6, d;-.; f;i;,;i';, ejflcace en tant. que parole i prononcer. La condiiion de r avestrque yaoi est autre ici la liaison ; m€me de yao! faire >,' montre- qui yaoi ddrG;J;; 2::: ala ,<(. poser, erat non plus une parole ] prononcet. Ainsi ^re€[ser, u un cote la notton !e. * yaus est << ) Iafue >>, de I'autte, < ) dire >>. Cette difi6rence une grande poitde arnr-t. regisfte du droit et du rituel_aoil lei << actes >> consisten,t souvent en << paroles >. . GrAce d I'iranien et au vddique, nous remontons dans la pr6histoire du latin ius. Le *oi indo-.uropden . i;; signifie < I'dtat de r6-gularitd, de normalitd qui .r, ,Jouir, par des .rdgles rituelGs >. En latin, cer 6d; ;- r-d;;' clu doubte statut que_nous venons de distinguer en indorranren. La notion de- ius admet ces deui condidons. L'une est la situation de fait marqude par le d6ri;a ;;;r;; LL3
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LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO-EUROPEENNES
dans les expressions l6gales : iustae nttptile <( iustes noces )> ; iusta uxor << dpouse ldgitime >>, c'est-i-dire << confotme h I'dtat de ius >>. L'autte est signalde par l'expression ius dicere. Ici ius signifie << la formule de normalitd >, prescrivant ce ) quoi il faut se conformer. Tel est le fondement de la notion de << droit >> ) Rome. On est fond6 i consid6rer que ius, en gdndral, est bien ane lormule et non pas un concept absmait ; iura est le recueil des sentences de dtoit. Cf . Plaute : ornnium legum atque iurum lictor (Epidicus 522-523). Ces iura, comme les dikai ou comme les th4rnistes, sont des formules qui 6noncent une ddcision d'autoritd ; et partout oil ces termes sont pris dans leur sens strict, nous retrouvons, aussi bien pour les tbdmistes et les dikai que pottt ius et iura, la notion de textes fix6s, de formules dtablies et dont la possession est le privilbge de certains individus, de certaines familles, de certaines corporations. Le type m€me de ces iura est teprdsentd par le code le plus ancien de Rome, la loi des XII Tables, compos€e h l'origine de sentences formulant l'6tat de ius et pronongant :-ita ius esto.Ici est I'empire de la parole, manifestd pat des termes dont le sens concorde ; en latin iu-dex, en osque rned-diss, en grec dikas-.p6lo.s (et -: di.kas eipein\, et en germanique eo-sago < celui qui dit la rbgle tt, ., l" Juge
)>.
Ce n'est pas le faire, mais toujours le prononcer qui est constitutif du << droit >> : ius et dicere, iu-dex nous ramBnent ) cette liaison constante. En m6me temps que ius, Ie verbe dicere commande des formules judiciaires, telles que multam (dicere) << amende >>, diern (dicere) << jour d'audience >>. Tout cela reldve de la m€me autorit€ et's'exprime dans les mdmes locutions. C'est par I'intetmddiaire de cet acte de parole : ius dicere, que se ddveloppe toute la terminologie de la vie judiciaire : iudex, iudicare, iudiciun, iuris-dictio, etc.
Le sens de ius se ddfinit par li comme expression du droit >>. Mais on ne discerne pas de rapport immddiat entre cette notion et le sens qu'a pris le verbe d6rivd irnmddiatement de ius, qui est iurare. L'interpt6tation que nous proposons de ius est ainsi mise ) I'dpreuve' <<
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TAS
ET LE SERMENT A
ROME
elle est valable, elle doit pouvoir rendre compte de la relation ias avec iurare. Cetie ddrivation singulibre nous oriente dans une direction nouvelle et ouvre un autre chapitre du droit, Entre la notion de < droit >> er la notion de << serment )>, constatons-nous, ailleurs qu'en latin, une liaison ?. Une enqudte sur ce point dani 1", autres langues du domaine indo-europden jera ndcessaire. Le rdsultat en sera ndgatif, disons-le- tout de suite, mais il fera du moins resiortir l'originalit6 de I'expression Si.
latine.
n'avons gudre qu'une correspondance qui dta, ,.N"T: blisse l'existence d'un _v.ibe indo-europ6"n .o*rnun pou, << jurer >>;-c'est celle du sanskrit am- ri jurer >> repr6sentd en particulier par l'imp6ratif am|-sua < jure r>,'avec le gtec 6mnunzl, de mdme sens. La correspondance ne comprend que ces deux termes ; du moins, est-elle exacte et rigoureuse pour la forme et pour le sens. On ne saurait
dite si ce verbe indien ant- i existd en iranien ; mais ce vestige isold suffit ) attester une expression commune. En grec, il y a dissymdtrie entre Ie verbe er le nom : <( serment >> s'exprime par un mot difidrent : h6rkos. Ce
i I'intdrieur m€me du grec it h1rkos explication, d vrai dire, vague et peu saris_ ;<,barliBre,>>; ralsanre : le serment seralt congu comme une interdiction ou une contrainte qu'on se fixe i soi_m€me. De toute {aEon, ce n'est par h une corresponda.r.. indo_"rrro_ pdenne, mais seulement Ie rdsultat i'un d€velopp...nt secondaire (cf. chap. B). Pour I'exprcssion verbale de < jurer )>, nous ne trouho.rt, de Id que des formes limit6es i deux langues, ::l: quelquefois d une seule. Le persan dit pour < jurer >> sdgand xurdan,litt, << consommef, manger Ie s.ogand ,r, en moyen_perse sokand. x'ar-. Ce mot sokand remonte ) I'ancien -av. saokanta <.soufre r>. Ainsi, << jurer >>, c'est << avalet a; ilf;;'; L'expression est a .o*pt"ndr. littdralement. L. ,".m.ni consistait en une ordalie ; c,est l,absorption d" ,";i;;;;; rdevait vdrifier la sinc6ritd du jurant. osque,.le- verhe pour (( jurer r> nous est connu sous , En la torme verbale deiuatuns << qu'ils jurent r> le radical ; mot a dt6 rattachd
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Ls vocesuLAIRE DES INSTITUTIoNS INDo-EURoPfeNNrs verbal deiua- rdpond ) ce que serait un verbe latin o diuare,' proprement ( prendre les dieux ) tdmoin >>, mais 6mangbre au latin. expression -Dans claire,
d'autres langues indo-europdennes, l'expression du serment est conformde ) la manibre dont on jure : irl. tong coffespond au latin tango << toucher " ; 4e m6me en vieux slave, prisegati et i c6t6 prisegnoti signifient dtymologiquement-,, toucher >>. Le sens premier de skr. am- est -saisir >>. Cette corrdlation s'explique par I'habitude de o toucher, en jurant, I'objet ou l'€tre sur qui on- pr€te serment ; car jurer sur quelqu'un ou quelque chose, c'est apporter la malddiction cdleste sur cette personne ou sur cette chose au cas oi I'on se parjurerait. Une dernidre expression est commune au celtique-et-all germanique : irl.'6eth, got. aips; c'est l'allemand Eid, -oath. Cette forni. est litt6ralement un substantif i'anglais verbal de la racine < aller >>. Nous en avons encore un souvenir dans le terme allemand Eidegang, littdralement < le fait d'aller au serment >>, c'est-i-dire au lieu de la prestation, survivance d'un usage trls ancien. Le serment iolennel compottait plusieurs actes dont i'un 6tait ie fait de s'acheminer vers le lieu de la prestation. On <( se rendait au serment >> : latin ire in sacramefltluu't, vieux russe iti na rotu << aller au serment > (cf' chap' 8). Ainsi, nous avons i peu prEs autant d'expressions qu'il y a de langues. Seuls le gr-c et le sanskrit possbdent un verbe de date indo-enropder.ne' Il n'y a donc, hors du latin, aucun parallble qui puisse nous aider i comprendre le rapport de ius diurare; nous sommes renvoyds b la lanpour dlucider la naissance de cette expression' sr:e meme ^dans le monde romain, pr€te-t-on serment ? Lo*-.r,t, Une s6rie de t6moignages explicites nous renseignent sur le mode de prestat-iot du serment, et font comp-rendre comment iurare peut 6tre d6rivd de ius. Il faut lire en nremier une scbne d't Ruden's de Plaute (vers I-331 et iuivants). Entre Gripus et Labrax qui essaient mutuellement de se tromper, un accord est conclu. Gripus veut engager Labrax i un serment : L333 GR. Tange ararn ba"nc"Venerls. LA. tango << Pose la main sur cet autel de Tu vas maintenant iuret par V6nus. Je la pose. - ? Ce que je vais te com' V6nus. - Q.r" jureraije
-
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LE
SERMENT
A
RoME
mander. >> 1.335 LA. praei uerbis quiduis. << Dicte_moi les paroles.que. tu voudras... Tiens cer autel. _ f" i. tiens. >> Puis vient le texte du - serment, for-"G prr'dril pus tel qu'il doit €tre rdp6t6 par Labrax. C'est. l),, transposde sur Ie mode comique, la maniEre consacr6e de preter sermenr chez les Latins.'iliniii"t*i qui induit I'autre d prdter sermenr doit praeire uerbis. il 61once Ie texte que ielui qui s'engag" falement en touchant un objet sacr6 : c'est cett6 paftie de la cdr6monie qui dtait I'essentiel. La solennitd de l,usage gsr confirmde par Gellius (N.,4. II 24) : les chefs "de la citd regoiveni l,o.dr"- J" .,. apud consule.s, uer.bis conceptis >, ik i:*rmarns des consuls << dans les ;r;;;;;;; les termes fix6i >, suivant une formule qu'ils reprendront mot pour mot. , Dans son Panf.$lr.iqu1 dg Trafan, ihap. 64, pline loue tes scrupules de 'l'rajan A observer touteJ les formes cons_ titutionnelles.. Trajan va prCter un serment devant le consul, Iul qur auratt pu se contenter d'en faire pr€ter aux autres : << Toutes les cdr6monies des comices ui.o.oti".. voici qu'au terme tu t'approches du siEge d; ;;;;;i"l adigendum te praebes ii'uerba..., tu tlt'fires-p;;;";;r; amend. aux paroles que les chef.s (princ;pur; ignor"nt-ln gdn&al, sinon pour y amener les auties...; * ; le m€rite de l'empereur est de s'y-rendre lui_m€me. Alors le consul, assis, devant Trajan debout, a dict6 la formut"- fi--;;;: ment, praeiuit iusiurandam et Trajan a jw€, expri;;, prononcd clairement les mors par lesquelr'il uo"uilt-a Iu d1 dieux.;a propre t€te-et ,u -luiron ,'if *unqiri, :"1e. d- sa parole ; et il a jw6,les dieux prdsents, attendeniibus diis, en prdsence de'tous ceux qui ioivent-jurer la ;C,,,; clrose, obseruantibus bis quibus-idem iurandurn est.------'_ L'expression revient' plusieurs fois chez Tite_Live : Brutus... populum...,iurelurando adegit nentinem Rornae r!gn_a!e,, il a amen6 Ie peuple serment l!:tulo:. (II, 1,9). T. Manlius menace Ie tribun^d. I.i ce ;";;"rl ; pr6te serment dans les termes qu'il va lui dicter , n;r;, ii quae ipse concepisset uerba, iuraret; celui_ci, pris de oeur Jure dans les termes gyj llt.soxr imposds: adiirat, in quae adactus est uerba (Vit, :). Rappelons encore I. pur'run. blen connu oD Annibal, encore enfant, amend i ,rn autJl,
a*r refi;fi;r;:
LL7
ii
ii
it
LE vocABULAIRE DES INSTITUTIoNS INDo-EURoPfrrurues
le touche et fait le setment qu'aussit6t qu'il le poutrait il deviendait l'ennemi du peuple romain : tactis sacris, iureiurando adactum (XXI 1; 4). Le verbe adigere est de rigueur pour dire <( amener quelqu'un d pr6ter serment->' puisque le jurant ne fait que r6pdter les paroles qu'on Jui iict.. Tacit.e, Hist. I, 37, en parlant d'un gdndral qui fait preter serment ) ses troup es ; sacramento adigit Voili les expre-ssions tituelles du ius inrandum, du serment ) pt€ter- i praeirc uerbis ; uerbis conceptis ; adigere in iusiurandum.
Ainsi iarare ne ddsigne pas ce que nous entendons .par >>, c'est-d-dire le fait de s'engager d'une maniEre solennelle sous I'invocation d'un dieu. Le serment m€me, l'engagement, est appeld sacr4fllentutl, terme conservd du.rJ i"r langues romun"t et qui a abouti en fran-gais h serment. A R--ome, le sacramenturn est devenu de bonne heure le serment militaire. On distinguera donc ici deux notions, le sacrarnentum, qui est le fait de se consacrer aux dieux, d'appeler sur soi leur vengeance si on transgresse ,u pu.oi"^; et iurare, qui.est l'r {ait de rdp6ter.la iormule prononcde. La prestation exige deux partici pants : celui qui praeit uerbis, qui prdcEde en ptononqant ie ius ; et celui qui proprement iurat,,qui reproduit cette form.,,ie, laquelle s'appell" ius iurandum << la fotmule i {ormulei >>,-celle qui doit 6tre r6p6tde aprds -que le petsonnase ,r'sui pra;il >> I'a dnoncde, la formule fixant en t"rt"i .onru.r6t le texte de I'engagement. On revient ainsi i I'analvse littdtale de iurare. En partant de ius, f.ornule fixant'la norme, le modble, on {dfinita iurare comme <( prononcet le ius > et le ius doit 6tre prononcl in uerba alicuius qu1 praeit, << dans les celui qui pr6cEde a indiquds >>. C'est cette t.rm.i que -obligde qui fait le caractbre imp€ratif dt ius relation iurandurn, Le"s exfressions << adigere in uerba >>, << iurare in uerba tnagistri > indiquent bien la nature conffaignante des paroles que le jurant doit reproduire. Au terme de cette analyse, nous trouvons dans iurare confirmation de ce que I'exatnen propre de ius nous avait enseignd, que ius d€signe bien-une formule,- ici-la {o-rmule"dnongant l^ conduite que le jurant tiendra, la rbgle i laquelle il se conformera. Mais le ius iurandurn indique << jurer
118
,AS ET
LE
SERMENT
A
ROME
Ia nature de la procddure et Ie caractdre solennel
de
I'dnonciation, non Ie texte m€me du serment. En restituant d ius sa valeur pleine telle que la prdcisent d la fois les correspondances dtymologiqu"r la "i r>. Cdrivation latine, no,rs remontons au-dela d; ; droit C'est d'un.concept qui n'est pas seulement moral, mais d'abord religieux qui l" mot tire sa valeur : la notion indo-europdenne de conformitd i une rdgle, de conditions i remplir pour que l'objet (chose ou personne) soit agr66, qu'il remplisse son office et qu'il ait toute son efficace : Zob en vddique, yactidd- in avestique, sont imprdgnds de cette valeur, D'auffe part, nous avons const?t6 la liaison, dans le vocabulaire latin, par I'intermddiaire de iurare, enfte ias et sauamentunt. Ainsi. les origines religieuses et orales du droit se marquent ciairenrent dans les termes fondamentaux.
A la famille sdmantique de iudex, nous allons joindre un terme de forme toute diffdrente, qui n'apparali qu,en la.tin, avec une conespondance en ombrien ; c'est orbitt, (ombr. arputrati << arbitratu o), qui ddsigne aussi un juge ; iudex et arbiter sont dtroitement associds. souvent p.ris I'un pour I'autre, le second n'dtant qu'une sp6cification du premier. C'esr donc un juge partiiulier, li<< arbi tte >. Il ne s'agit pas rant de l'6iymologie que du sens propre du mot. Arbiter a deux sens diEdreits , d,une part le tdmoin,_celui qui assiste ) quelque chose et d'auue part l'arbitre, celui qui tranchi eritre deux parties en vertu d'un pouvoir l6ga1. Comment le << tdmoin > peut-il devenir << juge-aibitre >>, << celui qui ddcide > entre les parties ? LL ?ictionnair.e Ernout-Meillet donne successivement les deux sens : tdmoin, lygq-gb!*g, sans essayer de les joindre. Selon celui de \7alde-Hofmann, le sens premier jerait : << celui qui, en tant que rdmoin d6sintdressd, ddpartage des hommes en litige >>. Mais c'est un procdd'd ar6itraire que d'agglomdrer deux sens distinctr pour en faire une ddfinition. Ici _e!core, I'examen des emplois s'impose. Il montre tout d'abord qu'en traduisant arbiter paf << tdmoin > on ne rend pas compte exactement de la-signification. TL9
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
ius
INDO'EUROPEENNES
Voici quelques exemples de -Plaute, -grri. donne emplois tes plus anciens et les plus significatifs.
les
Captiui ' 219
si uidetur, procul, arbitrati qaeant nostra ne arbitri dicta > On voit d6jh que le sens de-<< t6moin >> ne suffit pas' Secede huc nunciam
Mercator 1005 eamus intro, non utibilest hic locus lactis tuis dum mernorarnus, arbitti ut sint, qui praetereant Lper ilfis propre i pas << Entrons (dans la maison) ; ce lieu n'est en passants nous enffetenir de ta conduite, pour que les soient arbitri. >>
Miles L58
nihi quiden iam arbitri uicini sttnt' rneae
Ita per imPluuiun intro
lquid t'iat domi.
sPectant'
< Voili que mes voisins sont des arbitri de tout 9e qui se passe chez moi ; ils le regardent ) travers l'impluvium' Miles lI37 Sequirnini ; sirnul circunspicite fle qut-s .a!'sit >>
I arbiter.
Suivez-moi et en m6me temps rcgatdez bien i I'entour, de peur qu'un arbiter ne soit ptdsent. Ces passages indiquent clairement la difidrence entre arbiter it ttJit : le tistis est li au vu et au su des parties ; I'arbiter voit et entend sans 6tre vu. Le personnage du Miles LL37 le dit bien : si I'on ne prend ces prdcautions, c'est sous I'ceil de l'arbiter que tout se passera sans que les acteurs le sachent. On n'invoque jamais en justice le t6moignage d'un arbite,' pour, remplir une fonction testimoniale 'i cat c'est touiours I'idde de voir sans 6tre vu que ce terme imPlique' Le verbe arbitiari << €tre t6moin > indique la m6me condition : un personnage de I'Aulularia de Plaute a dtd '<< envoyd en obseruation > (specula.tum ttisit me) pout savoir ce qui se passerait. ( Je vais m'asseoir ici, sans <<
>>
t20
nr
LE
sERMENT
A
RoME
que personne s'en doute >>, et ltinc ego et huc et illuc potero quid agant arbitrarier << d'ici, je pourrai, de part et d'autre, arbitrari ce qu'ils font >> (v. 607), c'est-i-dire voir ce qui se passe d'un c6td et de I'autre, sans €tre vu. Comment s'explique alors le sens de arbiter < juge > ? Comment, de tdmoin clandestin, arbiter peut-il devenir juge souverain ? I1 faut se rappeler qu'au sens le plus ancien, est dit iudex tout personnage d'autorit6 charg6 de statuer sur un litige par un jugement ; en principe, c'est le roi, Ie consul, celui qui d6tient tous les pouvoirs. Mais pour des raisons pratiques, ce pouvoir est ddl6gu6 d un juge privd qui, selon la nature des cas, s'appelle iudex ou iudex priuatus ou iudex selectas ou encore arbiter. Ce dernier a un pouvoir souverain d'apprdciation dans tous les cas qui ne sont pas prdvus pat \a loi. Il y avait en efiet une legis actio pour les cas que la loi ne prdvoyait pas, et les parties prdsentaient cette requdte : << iudicen arbitrurnue postulo uti des. >> L'antiquit6. de l'arbiter dans ce sens est d'ailleurs attest6e par la loi des XII Tables, or) on lit : praetor arbitros tres dato <( que (dans tel cas) le prdteur donne trois arbitri >>. Ce qui caractdrise l'arbiter est 1'6tendue de son pouvoir, que Festus ddfinit : ... pctntilex maxirnus, quod iudex et arbiter habetur rerum diuinarunt burnanarumque et ailleurs : arbiter dicitur iudex quod totius rei habeat arbitriurn << le iudex est appel6 arbiter parce qu'il a la ddcision de I'afiaire enti€re >>. En efiet, l'arbiter ddcide non d'aprbs des formules et des lois, mais par sentiment pfopre et au nom de l'6quit6. L'arbiter est en ftalit4- un iudex qui agit en tant qu'arbiter; il juge en survenant entre les parties, en venant du dehors comme quelqu'un qui a assist6 i !'afr.ake sans €tre vu, qui peut donc juger librement et souverainement du fait, hors de tout prdcddent et en fonction des circonstances. Cette liaison avec le sens premier de << tdmoin qui n'dtait pas en tiers >> permet de comprendre la sp6cialisation du sens d'arbiter dans la langue juridique. A partir de ld, le verbe arbitrari 6tend son emploi et prend Ie sens de aestinare, frxet souvetainement le prix de quelque chose. Ce sens particulier vient encore d'un L2L
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS INDO-EUROPEENNES
emploi sp6cialis6, li6 i la fonction m€me de l'arbiter : c'|.tait 1'arbitilurt litis aestirnandae, le pouvoir souverain d'apprdcier le prix d'un objet en litige, de fixer une peine, un dommage, une amende : de lh plus largement << fixer le prix de quelque chose >>. Toutes les fois que nous constatons des emplois techniques d'un terme, il y a lieu d'en rechercher l'explication i I'intdrieur m6me de la sphbre i laquelle il appartient, mais aprbs avoir ddfini exactement le sens initial. A une plus grande 6chelle, ce n'est pas auffement qu'on peut ddgager la valeur propre des notions dans le vocabulaire des institutions.
chapitre 4
*
med.
et Ia notion de mesure
Sommaire.
- .A
date historique
des notions trds divets".1-:
(
la
gouverner )),
<( mesurer >. La. signification otiginelle
d'une rdduction
racine * med- d€signe
(
penser ,r,
.,
soignei
rr.
ne saurait'r.;fti;-;i
4 utt vague din6minat.u. .or*.rrr, ni d'une d.-es significations Lirtotrq".r'', .il""olri se ddfinir comme << mesure > n6n de mensu.^,i"rl ilH;d: ration (lat. modas, modestas), propre i assurei -.i, ou ) ,6irbl;. I'ordre dans un corps .ied.eoi,.. soigner;,-*;;;;;;;, "" Z.;;';;ei;;: dans l'univers .(hom. Talade.(iat, .Zeis lidethen) teur >>), agglomiration hdtdroclite
^id€a, dans_les affair.es humaines, des plus graves, comme la guerre, aux.. plus quotidjennes, comme ,n-r.purl pon", i;torrn. qui << sait les mddea (ho.p. md.dea eid6s) n3.ri pr, . l,un de un philosophe "i ;;;;"; .", n .h"f, .t'*oa?.i*-u.r-r; (hom. bEgdtores -.-c,estEdl m4doiler) qui en touie .ir.o;;;r;.;-;;;;n; prendre les mesur€s €ptouvies qui s'imposent. *I4edreltve donc du rn6me registre-que- izs ,i atpc:'c'est la ,e"fi Ci.Sii!. ju.stice,.
non de mais d'brdre, qu. t" mrgisiiri;;?;-r;;;; pour ronctton de tormuler : osq. med_dlss, (cf, iu_dex\,
Comme il a 6tE observd plusieurs fois dans les ddveloppements prdcidents, des iialectes voisins p."*ni terer. dans I'expression de notions essentielGs. C'est le encore, pour le terme iudex que Ie larin a cons_
al
irll.l.t
On ne trouve pas ailleurs de rerme comparable : non seulement ius en tant que << droit >> est inConnu de I'ensemble des dialectes.indo-europdens hors a" t"tin, m€me
i
.ri,
I'intdrieur de I'italique, la noriox est, aesilJe par un-radical diffdrent, En-face du laun xuaex, nous avons ddji citd l'osque latinisd rned-dix; l. ;;;;'.;il TeT. : c'est le magistrat supr€me, qui, ouffe Ia fonction !1Fge,.a.charge d'autoritd sur la communaurd. Sur un theme distinct, ned-, l'osque a formd un compos€ ana_ logue d lat. iu-dex. La forme originale medd,tss n,est r22
L23
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIoNS INDo-EURoPEENNTs d'ailleurs pas isolde en osque. Malgrd la pauvretd de noue information sur cette langue, on en posstsde une sdrie de ddrivds. Nous avons rneddikiai << in iudicio >>, rnedicatinom (accusatif singulier) << iudicationem >>, medicirn <, iudicium >>, enfin, directement bAti sur meddix, meddixud (ablatif) < iudicio >>. Dans certains autres parlers italiques dont il ne subsiste que de rares et courtes inscriptions (pdlignien, volsque), nteddix est aussi en usage.
Le
substantif rned-, premier membre
du
composd
osque, apparait en ombrien comme rners qu'on ffaduit << ius >> ou << las >>, ainsi que dans le ddrivd mersto<< iustus >>. La racine * med- qui ici tient la place de ius n'est pas inconnue en latin ; elle y est repr6sentde par la famille de nzedeor (ruedeo) qui comprend aussi le prdsent dit frdquentatif meditor. Elle a fourni en italique une nouveile expression de la notion de < droit > dont nous allons examiner et prdciser le sens. A premidre vue, en partant du latin medeor <( gu6Iir >, on ne voit pas bien comment aboutir ) un terme qui ddsigne I'exercice de la magistrature. Mais la varidt6 des significations de o rned- est plus large encore et doit 6tre envisagde dans son ensemble. ll faut commencer par dnumdrer les folmes, chacune avec son sens distinct, pouf rechercher ensuite comment tous ces sens ont diverg6 et I'origine qu'ils peuvent tous reconnaitre. Latin ruedeo (medeor) << gudrir )> a pour d6riv6 nominal rnedicu.s << m6decin >> qui est lui-m€me h I'origine du groupe nombreux des formes telles que medicare (rnedicari), rnedicatio, nzedicina, medicarnentarfl , en outte remediuru. La valeur de med- apparait bien sp6cialisde. Ce sens mddical coincide curieusement avec celui que nous observons en iranien : avestique ai-mad << m6decin >> (avec le prdverbe ui- soulignant I'id6e d'6cartement), Par contre, en irlandais, rnidiur (flexion moyenne comme le latin medeor) signifie < je juge > et avec le pr6verbe con-, con-tTtidathar << il exerce 1'autorit6, il a le pouvoir, il domine )> ; ce )' med- celtique donne lieu aussi d un diriv6 abstrait mess (< r' med-tu) < iudicium >> : ici nous nous rapprochons du sens de l'osque. L24
<(
MED > ET LA NOTION DE MESURE
Nous nous en dloignons au contraire avec les formes grecques qui sont nombreuses, et qui constituent un groupe unitaire : ru1domai (pdEopar,) o prendre soin de qui, sous la forme du prdsent actif, rt'est guEre attest6 qu€ par participe prdsent m6don, homdrique med^dn .son << Ie chet >. (Jn ne -peut pas en sdparer un substantif de sens technique mddimnoi, nom d6 mesure. Une autre sdrie, trls voisine, ne difiBre de celle_ci que par le.degrd radical long : rnidomai (pr.r16opr.ar,) ,, -e'di rer, rdfldchir, invenrer >> er le subrtaniif ,r".rtr. o neiis qui n'est,attesr6 qu'au pluriel, homdrique m6dea << Ies desserns, les pensdes >> ; nddomal a aussi un vieux nom cl_'agent mistdr << le conseiller >. A ce m6st6l se rattache le fdminin -rnestra dans un nom c6lbbre, Klitairuesfta; < Celle qui prend des ddcisions d'une maniEre renomm6e >>, devenu << Clytemnestre ->. La racine est encore reprdsentde en germanique par des verbes bien connus qui ont dur6 jusqu'd I'dpoque actuelle : got. rnitan <( mesufer l>, v.h.a, nze,zzaltr, all. tnessen, m6me sens ; et, avec une formation de prdsent ddriv6 n medA- j gor: miton, v.h.a. tnezzan ,<< i€{l6chir, faire des plans ,r"cf. all. ermessen. Un substantif tdmoigne de i'alternance ancienne : v.h.a. Maz, alJ,. Mass << m"iure >>. Nous retrou_ vols. .qn colrespondant en atmdnien dans nit, gdnitil mti (rhEme en -l) < pens6e >>, subsranrif d e rudicil. igoon_ dant pour Ia forme au grec ,', m1dos (m6dea). Il faut enregistrer i part le prdsent latin neditor qui s'est 6cart6 si fort du sens de-medeor qu'il est devenu un verbe distinct dont le sens premier est << m6diter, rdfl6chir^ > mais qui, trBs vite, a pris le sens de ..r s'e*ercer )>. On s'accorde ici i reconnaitre l,influence du srec meletdn << s'exercer >> : les Latins 6taient habituds ) relonnaitre dans certains mots de leur vocabulaire une ancienne alternance d/l dont l'origine dtait soit phondtique d I'intdrieur du latin, soit.dialectale, ainsi oieofodoi, dingua/ lingaa. C'esr ce qui fait que par une atraction forrielle neditor a 6,t6, assez rapidement conformd au sens de nteletdn. Le latin prdsente une derniEre s6rie de formes caractdrisdes par un thdme * med- i vocalisme ru{rcal _oalternant avec '1' tned-. Tout d'abord modus, ddriv6 du type du grec l6g-os en face de ldg-o. De modas procdde >>
L25
LE vocABULATRE DEs TNsTITUTIONS INDo-EURopfr,NIrtEs
I'adjectif modestus et le verbe moderor, moderari. En rcalitd rnodestus suppose un neutre qui serait * ntodus, gdn, 'o tnoderis, dans Ie m6me rapport que scelestus d scelus, sceleris. Ce substanti{ a pass6 ensuite } la flexion thdmatique en -o et au genre anirn6. On embrasse ainsi I'ensemble des formes. Les types de formation sont tous clairs ; ils ne pr6tent i aucune remarque particulibre et se recouvrent assez bien. Seul le sens crde un ptoblbme. Du fait rn€me que la racine a ptoduit dans des langues voisines des termes de valeur difldrente, on h6site i ddcider laquelle de ces valeuts doit prddominet dans Ia reconstruction. Est-ce << gudrir >>, comme on pourrait le penser d'aprbs le.latin et I'iranien, est-ce <( mesufet )> comme en gefmamque, est-ce <( se prdoccuper de, rdfldchiL >>, comme en grec ? En gdn6ral, on traduit n med par <( penser, rdfldchir >, et on fait d6river un cettain nombte de valeuts techniques : <( peser, mesurer, juger >> ou << soigner un malade > ou encofe <( gouvefllel )>. Une fois de plus se posent, pour le problbme qui nous intdresse ici, les questions que nous avons rehconildes toutes les fois qu'il a fallu prdciser le sens d'une tacine indo-europdenne. 1) En gdndral on donne i une telle racine la valeur la plus vague, la plus gdndrale possible, pout qu'elle soit susceptible de se dissocier en valeurs particulidres. Mais en fait < soigner >> est une notion, <( gouverner > en est une autre. Dans le vocabulaire indo-europden, <<. r6fldchir i> ou << mesurer )> ou <{ gouverner )>, ou << soigner )>, ce sont autant de concepts distincts qui ne peuvent ni coexister dans les m6mes formes, ni se tirer I'un de l'autre. En outre, pour une notion de sens aussi g6ndral que <( penser rr, il y a des termes consacrds ; en particulier, la racine ;'men-. Or on voit bien ici que le sens des formes qui ont dtd citdes ne permet pas de confondre * ned- avec * rnen-. Cat * med- n'indique pas simplement une activitd mentale, un procBs de r6flexion, comme lait * men-. 2) Souvent encore on essaie de rendre compte de la valeur initiale d'une racine en additionnant, aussi adroitement qu'il se peut, les difldrents sens dans les1,26
<(
MED > ET LA NoTIoN DE MESURE
quels elle se rdalise d dpoque historique. Mais est-il licite.d'op6rer un tel congiomdrat d'iddes, donr .hu;;;; est distincte er se prdsente dans I'histoire de .huq". ^ Jangue fixde dans un sens particulier ? L9l comparatistes pratiquent donc deux op6rations 1) et 2) dont la premidre esr une aistraction consistant i 6vacuer des significations historiquement attestdes, ce qu'elles ont de concret, le rdsidu vagire ainsi obtenu 6tant posd comqg Ie sens premiel _ l2*5s6ends, une. iuxtaposition qui additionne tous les sens ult6rieurs, gu1 n'est qu'une -vue. de I'esprit, sans appui dans 3ais, ra realrte cles emplors. -bn tait un sens comme celui que nous cherchons lle peut 6tre atteint que par une analvse en profondeur de chacune des valeurs'hirtoriqu"mlni constatdes, Des notions simples et distinctes comme < juger >>, << gudrir )>, <( gouvernet )> ne font que tfansposer dans notre langue un systbme de signification autrement articul6. Ce sont toutes les coirposant.s d'un sens global. qu'il s'agit de faire apparaitre i, uu. a" ,.r_ taurer I'unitd fondamentale de la signification. , Faut-il partir de <<, soigner un mulud. )>, sens attest6 dans deux langues distinctes, le latin et l,iranien ? Il
n'est pas possible de ramener i ce sens pr6cis, technique, la notion de << mesurer >>. Er pounanr il^sembie bi"; il;, a priori, et d'une maniEre confuse, ce soit la notion'J. < mesure ), qui prddomine. Celle_ci, limitde en grec ) meatmnos, apparalt plus largement en latin dans modus, en germanique dans got. mitan, all, nessen En m€me temps se prdcise la notion de r6flexion, de dessein i tra_ vers le grec tnddomai, ru\dea. Partons du latin ntodus. C,est la <( mesufe r>, mais tlon une mesure qui soit une dimension propre des choses ; pour <( mesurer > le latin emploie un verbe distinct, metior. Pat nzodus, on. exprime .ri" m.rure imposde aux choses, une mesure dont on est maitre, qui ,,rppor" rdflexion et choix, qui_suppose aussi ddcision. BrA ;; ti'est pas une mesure de rnensuration, mais de moi6ra_ tion, c'est-d-dire une mesure appliqude i ce qui isnore la. mesure, une mesure de limitation ou de .;r;;i;;;. C'est pourquoi modus a plut6t un sens moral G ;;;;_ d.el ; modestus est dit < ielui qui est pourvu d; ;;;;;;, 127
LE VoCABULAIRE DES INSTITUTLoNS INDo-EURoPEsI.wrs
qui observe la mesure ,> ; rnoderari, c'est << soumettre i la mesure (ce qui y dchappe) >. Le latin nous aide i discerner que si '" med- veut dire <( mesure >>, c'est d'une manibre tout i fait difidrente de 'k mE- dont provient i.e. ':' tinens << lune >>, latin mensis << mois )>, mesure de dimension, qualitd fixe et comme passive dont l'emblEme sera la lune mesurant le mois. Nous voyons tout autre chose dans naodu.t .' une mesure de contrainte, supposant rdflexion, prdmdditation, et qui est appliqu6e ) une situation ddsordonn6e. Voil) notre point de ddpart. Maintenant, i I'aide du gtec, mais en prdcisant le sens des tdmoignages qu'il fournit, nous allons porter plus
loin I'analyse. On traduit d'ordinaire gr. * mddo, considdr6 sous les espbces de son participe pr6sent mddon, par <( protdger, gouverner >>, et le participe nddon par << seigneur, maitre >>. Le prdsent moyen rn€doruai est traduit par << veiller, se pr6occuper de quelque chose )>. C'est pourtant le m6me verbe ; il devrait admettre la m6me interpr€tation. Il faut considdrer d'une part, l'emploi homdrique de tned1on dans des formules consacrdes, avec Zeus et un nom de heu : IdEthen med|on littdralement << qui rdgne de l'Ida > (Iliade 3,276; 7, 202) cf. DodonEs medldn (1,8, 234); d'autre part, I'expression frdquente hegiitores Edi rn1dontes (Il. 2, 79) : peut-on se contenter de traduire ici le verbe ou ses ddriv6s participaux par <( prot6ger )> ou << gouverner )> ? Il est 6vident qu'on s'est contentd, du fait que med66n s'applique i un personnage tel que Zeus, d'une traduction vague impliquant autoritd : << gouvernant, r6gnant sur >>. Mais dans le groupe nominal hegdtores Edi nz1dontes, il faut distinguer deux notions. Dans le verbe heg1omai, iI y a la notion d'une conduite des op6rations impliquant calcul et plan ; dans mddon, nous voyons ddjd en premier lieu une notion de la m€me maniBre qu'en latin ti'autoritd, puis la notion d'une -mesure directrice. Prdcisons davantage ) I'aide du moyen nzddomai. Ce verbe comporte des rdgimes beaucoup plus divers que nidon .' des termes qui se rappottent au combat : pol61,28
<(
MED
)>
ET LA NOTION DE
MESURE
(Il. 2, 384) << qu'il se prdoccupe du combat )> ; __ou encore nted1rnetha alk?s << songebns a rdsistel vaillamment >> (5, 718; cf. 4, 4Lg); mais on trouve aussi nzddonai appliqud i la << nourriture >> i sitou, ddrpoio (24,2) ou encore au << retout >>, n|stou pd. 1L, 110 ;12, L37), ou plus vaguemenr i des objets de pens6e ; ainsi, en Il. 4,2I, deux ddesses, AthEna et Fldra, << mdditaient un sorr funeste (kaki...rnedtsthEn) pour les Troyens >>. Dans ce dernier emploi, m1domai coincide avec rnidonai, Iequel signifie assez frdquemment << prdparer, prdnr6diter (un sort funeste) )>, en parlant d'un dieu I < Toute la nuit le prudent Zeus mdditait leur malheur (kaki...nddeto 7,478), ou encore << Zeus m6ditait leur trdpas >> (mddet' 6lethron Od. 14, 100). Prenons le substantlf. ntdea; il est employd couramment avec boulai << desseins n (p. ex. Iliade Z, 340), ou bien il se rapporte i celui qui sait, qui est sage, bien inspird : pepnurnina midea eid6s (I1.7,278 ; Od. 2, jB). _ Voili les principaux emplois dont on tire pour le verbe le sens de < pr6m6diter, conseiller, dominer, se soucier de ... >> et <( gouvefner )>. Toutes ces activit6s compoftent une notion d'autoritd er, le substantif, I'id6e de ddcision moio medistbo
souveraine.
On peut maintenant ddfinir plus pr6cisdment cette notion d'une << mesure > appliqude aui choses. Il s'agit 'C'une mesure de caractere technique ; d'un moyin consacr6 par I'usage et d'une efficacitd ddji dprouvde. Nullement d'un procddd inventd sur I'instant ni d'une r6flexion qui doit cr€er ses plans. Cette <( mesure )> est supposde toujours applicable dans une circonstance ddtermin6e, pour rdsoudre un probltsme particulier. On est donc loin de Ia notion de < rdfldchir >> en gdn&al, autant que de <( protdger > ou de <( gouverner >. Pour donner une ddfinition approximative de ,? tned-, on pourra dire que c'est < prendre avec autoritd les mesures c.1ui sont approprides ) une difficultd actuelle ; ramener i la norme paf un moyen consacr6 un trouble - ddsignera ddfini > ; et -le substantif * medes- ou * modo<< la mesure 6prouvde qui ramEne l'ordre dans une situation troubl5,e >>. La notion ne se trouve pas conservde L29
.
LE voCABULAIRE DEs rNsrrrurloNs rNDo-EURopEpNNss
<(
identiquement et partout ; selon les langues, elle se diversifie, mais on n'a pas de peine i reconnaitre le sens initial. Nous voyons i pr6sent que latin medeor, avestique al-mad- ne signifient pas proprement << gudrir >>, mais bien : <.r traiter selon les rEgies une maladie. >> Ce n'est pas l) une simple tautologie : la notion d6sign6e n'est pas << faire passer ) la sant6 un malade >>, mais : choisie dans un rdpertoire traditionnel i appliquer h un cas >>
>>
prdsent.
Notons ce {ait frappant que ni med- ni ius ne produisent de ddrivds vd;ritables : ce ne sont pas des formes vivantes. De ius en latin qu'avons-nous comme ddrivds ? Le verbe iuro ne reldve plus du sens de ius et ne s'y rattache que par une valeur prdhistorique. Le rapport synchronique est rompu, Autrement, ius donne en tout et pour tout l'adjectif iustus, parallblement h, rnodusf nzodestus. Tous 1es ddrivds se constituent en rdalit6 sur iudex : ainsi iudicium, iudicari, iudicatio, etc. De m€me en osque, sut meddix : medicatinoru. C'est donc par f interm6diaire du nom d'agent que les ddriv6s se constituent. On doit en conclure que ces deux termes juridiques, ius et nzed- rcptlsentent des formes inertes, non vivantes. Nous 6tayons cette observation d'un autre fait. 1.30
MED
)>
ET LA NOTION DE
MESURE
Il-n'existe pas en latin de d6rivd de ias, adjectif ou substantif, qui voudrait dire : << celui qui est juiiste, qui sait le droit, I'exerce, le pratique. )> En face de nediius il n'y a pas de * iuricus ou de ierme analogue. On a bien des composds, mais ce sont des juxtapos€s ; iuris prudens (et prudent-ia), iuris consaltus, iuri{ peritus. Nous pouvons voir h une aurre preuve de I'incapacit6 de ils it
fournir un ddriv6 quelconque.
_ La raison en esr probablemenr que le droit a dt6 considdrd exclusivement iomme .rtt corpi de formules, et I'exercice du droit comme une technique. Il n'a pas constitud une science, il n'a pas admis d'invention. Il s'est fix6 en un code, en un ensemble de dits, de recettes i connaltre et a appliquer. Le r6le du magistrat supr€me sera donc de montrer la << mesure > qui s'impose dans tel ou tel litige. Nous avons constat6 que le droit est une chose qui est i montrer, d dire,.i prononcer, d:ja dans les for-mations paralldles, - iudex, meddiss, germaniqrie eosago'. St. dikasp6los, latin On mesure ainsi un des grands changemenrs survenus dans les langues et dans les institutiolns des difidrents peuples_ indo-europdens, quand le droit, ddpassant son appareil_ technique, se constirue en notiois morales,
quand dikE foutnit l'adjectif dikaios, quand ius et iustui i la notion iustitia. Il faut que le droit m€me se renouveiie et finisse par s'identifier avec ce qui est juste. Mais il a fallu ,rne longue histoire- pour que les notions de droit et de justice se rapprochent.; et c'esr en raison de leur conjonition toujours-plus dtroite que la ddsignation m6me du droit se transtorme et que ius est remplac6 dans les langues romanes. par directum (derectunz).-Le << droit > esr;e qui est << droit >>, opposd i ce qui est <( pervers >>. C'esi ainsi qr.e directufi camme en germanique Recht a pris 1a place de ius comme terme d'institution, tandis qu'en anglais, le < droit > s'identifie d Ia << loi > (law)^; on dit en anglais << dtudier la loi >> pour <( itudier le droit >. Tout cela se tient : ce procds historique d'dvolution de ius ir iustitia et de difi6renciation entie droit er jusaboutissent
tice, entre iustitia et directun, tient par des attaches i saisir, h la maniEri mdme dont le
obscures, difficiles
13t
LE vocABULATRE DES TNSTITUTToNS rNDo-EURopEsI.INrs
droit se pr6sente dans la conscience des peuples anciens. C'est ) travers le vocabulaire des institutions qu'on discerne comment ces notions de caractBre formel ivoluent et se pr6cisent, i mesure que la conscience se raffine, 'puis engendrent des notions morales avec lesquelles elles parviennent quelque{ois i s'identifier.
chapitre fas
Sommaire.
L'existence de deux ddrivCs en * -to-, lat. lastas
et festus, de- significations diamdtralement oppos€es, suffirait ) ruiner le tapprochement souvent proposd entte las et le gfoupe
de faxun, feilae. C'est, de toute dvidence, de lat. lari (gr. phCni, i.e. * bba-) qu'il faut rapprocher fas. Indprochable du point de vue formel, cette dtymologie appelle une justification sdmantique : comment s'dtablit le rapport entre <( parler > (* bba-) et << droit divin > (lar) ? On montre qu'en fait la racine * DIZ- dCsigne spCcifi. quement Ia parole comme inddpendante de qui la profbre, et non en tant qu'elle signi6e, mais en tant qu'elle existe, Ainsi ce qui est dit, lat fatum, ort ce qui se dit, fama, gr, phdnE, hom. dtmou ph€nis << vox populi >, se trouve chatg6, comme parole impersonnelle et absolue, d'une valeur religieuse positive : la pbtmE esr elle-m€me un dieu (tbe6s... ris) > (Hisiode, Truoaux 764\,
est T infrni- fas expliquent que la parole (divine) ait fourni la ddsignation du-droit (divin). Dans le couple gt. thisphatos : ath|sphatos < born€ (par le
En latin, Ies conditions d'emploi de las
tive
<<
le fas existe que ...
destin)
>>
:
reflEte bien
* bba-.
)>
<< illimitd >, I'adjectif verbal de ph€tni, -pbatos, la valeur spdcifique qui a itd reconnue i la racine
Les expressions du droit considdrdes jusqu'ici se rappoftent toutes au dfoit humain, qui rdgle les rapports sociaux en gdn6ral et qui intervient entre des groupes d6finis
i
I'intdrieur de Ia famille ou de famille d famille.
Mais il y q, av moins dans une langue indo-europdenne, en latin, un terme spdcifique qui ddsigne le droit diuin : c'est le fas, distinct du ius. La relation de ces deux tetmes pose un probldme qui est d'abord un problbme de sens. Cette opposition ius : las ne semble pas pouvoir €tre projetde directement dans la pr6histoire indo-euro-
$2
t33
<( FAS
LE voCABULAIRE DES INSTrrurIoNs INDo-EURopfrNNEs
Il y a lieu cependant de voir si le latin l'a vlritablement crd6e. On ne peut pas affirmer que cette opposition n'ait pas exist6 au moins en italique. Nous savons encore si peu de choses des dialectes italiques que nous ne pouvons pas tirer un afgument de leur silence : seul I'ombrien est attestd dans un texte suivi. Mais ce rituel de stvle formulaire ne livre pas, de loin, tout le vocabulaire j il y a certainement des notions capitales en ombrien qui nous dchappent. En latin donc, puisqu'il faut se resfteindre i cette langue, nous avons ius : fas, et cette opposition se reflbte dans leurs ddrivds iustus : lastus, ainsi que dans les expressions paralldles ius est : las est << il est permis par la loi humaine, par la loi divine >> respectivement. Au point de vue morphologique, las est un substantif neutre inddclinable ; c'est un thdme en -r, de m€me formation que ius. Mais pour aller au-del), il faut nous enqudrir de l'6tymologie. Certains auteurs ont pens6 que las devait peut-etre se rattacher au groupe de mots reprdsentds par fanum << temple >>, d cause de Ia valeur religieuse qui se confirmerait pour las dans ce rapprochement. Il faut certainement €carter cette interprdtation, pour plusieurs raisons formelles : lanunz provient d'un ancien :' fasrtrorn, avec a bref ; l'allongement, de caractbre secondaire, est normal quand le groupe -asn- se rdduit d -An-. A son tour * t'asn.ona repose sut 'k dhas-notn qui se relie, avec un auffe degr6 radical au nom du << temple )> connu en osque et en ombrien : osque fiisna, o*bri"r, fesna. Nous avons donc I'alternance * t'Esna (osque, ombrien) f "' lasnoru (degr6 rdduit du radical en latin) ; et ceci, restitu6 i un niveau linguistique plus ancien, donnera " dhEs-naf * dhas-nom. En outre, font partie du m6me groupe en latin lesiae (t'eriae) << f6tes > et I'adiectif t'estus << de f6te, solennel >>. Il est probable que le thdme " dhas-f dhes- ddsigne quelque objet ou rite religieux dont nous ne pouvons plus d6terminer le sens ; en tous cas il relbve de la sphEre du sacr6. Ce t' db€s- se retrolrve ailleurs : dans le pluriel armdnien dik" << les dieux )r, eui repose su * dhes-es (le -k" 6tant le signe du pluriel), et dans les composds grecs pdenne.
134
'
anciens thdspbatos, tbesp|sios, tbdskelos, oi thes- rdpond au r' dhes- de dik". Le sens de thes- ratrache ces adjectifs
) la notion du divin : thtsphatos << fix6 par un art6t divin >> ; thesptslos << merveilleux >, appliqud au chant des sirbnes, 6nonc6 d'origine divine, td{skitos de formation moins claire << prodigieux )>, peut-etre << divin >. Enfin,_ il est fort possible c'esr une hypothBse qu'on a f.aite depuis longtemps qu'on ait i pfacer ici ihe6s - le plus vraisemblable serait < dieu >> dont le prototype bien " thesos. L'existence de l'armdnien dik << dieux permetuait alors d'apparier un couple lexical gr6copo6tiques
>>
arm6nien.
Sommes-nous autorisds i en rapprocher las ? Considdrons Ie sens de feriae, reprdsentant caractdrisd de ce groupe en latin, et nous verrons la difidrence. Feriae, ce sont les < f6tes >>, lestus signifie < f.6fi6. >. Ot se placerait t'astus 2 On comprendrait difficilement, s'ils ont une origine commune, que deux adjectifs distincts en -to se soient constituds sur le m6me radical. De plus, que signifie lastus / On appelle dies lastus le jour- oi il ist permis au tribunal de vaquer, oil le prdteur avait le dtoit de prononcer les trois verbes qui rdsument ses activitds : do, dico, addico. C'est ce que Macrobe dit, Sat. I 1,6 : Fasti (dies) sunt quibus licet t'ari praetori tria rcrba solentnia : do, dico, addico. His contrarii sunt net'asti. Les lasti sont les jours << ouvrables >>, of s'exerce I'activitd des magistrats et des citoyens. C'esr par ld que fasti dies a pu arriver ) prendre le sens de << calendrier >>. Ainsi, lastas < jour ouvrable > est exactement Ie contraire de lestus << jour f.4ri6. >>. Ce fait suffirait i ruiner le rapprochement proposd entte las et leriae qui, au feste, n'a pas ralli6 I'opinion g6n6rale. Il faut donc y renoncer et chercher i far une autre c'rigine. Celle qui parait s'imposer a ddji dtd proposde. EIle a pour elle 2ss5i ce n'est pas une garantie toujours srire, mais dans I'espEce il faut en tenir compte le sentiment des anciens qui n'ont jamais sdpar6 las -de fari, * t'or << patler >>. Ce n'est certes pas li une explication dvidente qu'il suffise de mentionner. Enue la notion de < parler > et celle du < droit spdcifiquement divin >>, telles qu'elles L35
LE vocABULATRE DES TNSTITUTIoNS INDo-EURopfpNNEs
sont ddfinies dans les_dictionnaires, on ne discerne pas de raqport immddiat. Les aureurs qui reproduisent cdtte ir-ymologie cenainemenr jusre ne - cherihent pas i la -d,dtudier ddmontrer. Le seul moyen de la justifier sera de plus prds le sens propre de t'ari. Avgc fas, il . faut compter aussi son conftafte nefas <.pdchd contre la religion >> qui comporte la n€gation ne-, plus ancienne que non. Cai nefas,- en rdalitd] est sorti de l'expression ne las est of il faut entendre ne- comme une^ ndgation de phrase et non comme un prdfixe ; le prdfixe ndgatif n'esr pas ne- en gdnlral, mais bien'in-. C'est aussi par un tolu syntaxique, avec la ndgation rcnforcle nec que doit s'expliquir negotium, isiu de l'expression : nec otiunt est (i[.I, p. 139 ss.). La formation de fas est celle d'anciens mors neurres er inddclinables : ius, tnos, ces derniers poufvus secondairement d'une flexion. Le rapport de fas avec '? for, fari, latus surn se trouve ddji suggdrd par une forme de ce verbe qui, en raison cie sa valeur religieuse, doit €tre mise en rilief. C'est le participe de t' for,le neutre latutil << le destin )>, souvent << Ie mauvais destin > (cf. latalis << f.atal o), qri dEs Ie ddbut de la radition est substantiv6 et ind6pendant. Le verbe o for lui-m6me esr d6suet dds I'dpoque historique ; il n'est guEre employd qu'en podsie au sens de << parler >>. Mais il a produit nombre de d6rivds anciens : lacundus << disert, i la parole facile >>, labula <( conversation, piEce dialogu6e, fable, ldgende >>, enfin fama << rcnommde >>, suftout en bon sens, d'ot z lamosus << qui a bonne renommde > et son contraire inlamis << qui n'a pas bonne renommde, de mauvais renom >. Derridre chaiun d'eux, il y a une longue sdrie de ddrivds (ainsi de labula :. fabulari, fabulatio, etc.). Ce verbe latin correspond au gtec pbEmi, phdto dont la flexion est en partie active, en partie moyenne ; puis phdmE << renommde >> ; ph€mis qui a, i peu prds, le m€me sens : << fumerlr, conversation, bruits >> et aussi phitis. Cette racine fait complBtement ddfaut en indo-iranien. Elle esr resteinte i ^la partie centrale du domaine indo-europden : ourre le latin et le gt'ec, l'armdnien I'atteste dans bay << parcle r> qui repose sur * bati- r6pondant exactement i grec phdtis, ban
t36
<( FAS >
<( mot, chose i>, et dans I'incise bay << dit-il >. On la retrouve partiellement en germanique, vieil anglais bdian << se vanter >> ; enfin, partiellement aussi en slave baiu, bajati << faconter, prononcer des charmes >>, puis, avec une suffixation plus complexe baliji << m6decin, sotcier >>. Au point de ddpart de ces formes, les dictionnaires dtymologiques ne posent que le sens de << parler )>, avec quelques spdcialisations, par exemple en vieux-slave. Mais on ne reldve aucun indice qui permette de sp€cifier la notion de << parler >> en celle de << droit divin >>. Que signifie ici << parler >> ? De quelle manibre se ddtermine cette notion parmi toutes les auffes expressions de la << parole i> ? Il y a une forme latine qui, i cet 6gard, est importante : c'est le participe prdsent inlans << I'enfant en bas Age, celui qui ne parle pas >> ; Varron, pour expliquer le rapport avec fatur nous dit (L.L. VI, 52) : < Fatut is qui primunt homo signilicabilem ore mittit uocem. Ab eo ante quam id faciant, pueri dicuntur infantes; culn id. faciant, iarn lari,.. >. << Parle (fatur) un homme qui, pour la premiBre fois dmet une parole pourvue de sens. C'est pourquoi, avant qu'ils puissent le faire, les enfants s'appellent infantes,' mais quand ils le font, on dit qu'ils parlent d6jd (iam fari). Nous disons aussi qu'un enfant << parle )> ou <( ne parle pas )>. On vise ainsi la parole articulde, I'acte de parole comme manifestation du langage, comme dmanation de la personne humaine. De m6me, i ttavers des sens trbs divers, i la fois <( conversation >, << action au thdAtre >>, etc., labula apparalt comme Ia << mise en paroles >> au sens of nous disons << mettre en musique >>. On d6nomme labula une ldgende, une action, une donnde quelconque mises en paroles. On assiste i une action transposde en paroles humaines. Rdcit, fable ou pidce de thi6ue, on ne considEre que la technique m€me de cette transposition en paroles. De li vient que labula ddsigne ce qui n'est que patoles, ce {ui n'a pas de rdalit6. C'est bien ainsi que les autres ddrivds de la racine doivent €tre entendus : facundus < qui a le talent de la .parole ,>, manifestation verbale considirie inddpendamment du contenu ; non pas qui est dloquent, mais qui a une grande >>
t37
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS abondance de mots
)
INDO-EUROPEENNES
sa disposition. Dans lama << r6putation, rumeur >, nous discernons un nouveau tfait : I'acte de parole non individualisd, impersonnel. Ddje, quand I'enfant << parle >>, iarn fatur, on fetient non pas ce qu'il dit, mais la manifestation d'une facultd impersonnelle, commune d tous les €tres humains, le fait qu'ils soient capables de parole. Pareillement, t'ama c'est la parole en tant que manifestation humaine, impersonnelle, collective, le bruit, Ia renomm6e : << le bruit court que ... >, c'est un << bruit >> fait de voix, la parole comme pure manifestation sonore, parce qu'elle est ddpersonnalisde. C'est ce que signifie aussi le $ec phhtis << rcnomm6e, rumeur )>, non discours, ni patole li6e. Le m€me sens tessort aussi de pb|mis. Dans I'Iliade (1,0,207), un personnage se rend chez les Troyens pour voir s'il peut apprendre quelque ph€mis,. il s'agit des .< on-dit >>, impersonnels, non des propos de I'un ou de I'autre. Assez frdquente dans l'Odvssde est la mention de la d1mou ph\nis << la rumeur" du peuple, la voix populaire >>. Un personnage n'ose pas faire tel acte ir cause de la ddmou ph€mis, du qu'en dira-t-on (6, 273274). Le mot ne ddsigne pas le discours individuel. Voyons maintenant phiruE. En voici un exemple uds significatif : Ulysse demande d Zeus de confirmer qu'il a voulu le ramener chez lui aprbs I'avoir beaucoup fait soufirir. ., Q.re quelqu'un des gens qui s'dveillent dans la maison me dise une pb|nxe et que, au-dehors, un autre signe miraculeux de Zeus apparaisse ! o (Od. 20, 100). tTlysse attend la phdmE comme une parole de caractbre divin, comme manifestation de la volont6 de Zeus, 6quivalant i un signe, et en efiet une femme, la premiEre, tandis que la foudre tonne, dmet une parole (pbdrnE) et cette phenad est un sdnza, un prdsage pour Ulysse (vers 100 et 111). On trouve aussi chez H6rodote (III, 153) phirne accompagnant t|rtts << plodige ,r ; chez Sophocle (Oed. Roi 86, etc.) on a phetfte thedn << phdrnE des dieux > pour dire << oracle r>. Tout cela se lie : la pbiimE est une 6manation de paroles, comme est en efiet une rumeur de voix, une l6putation, une fenomm6e, comme I'est encore une parole d'oracle. Nous voyons enfin pourquoi cette racine de 138
FAS
>>
phenxi, ou de r, for en latin, indique la manifestation d'une parole divine ; toujours parce qu'elle est impersonnelle, parce qu'elle exprime quelque chose de confus, de mystdrieux comme est mystdrieuse dans la bouche d'un enfant la venue de ses premilres paroles. Ce sens de phdmE est lumineusement 6nonc6 dans Hdsiode, Trauaux 763-764 : << La phdme ne peur pas pdrir compldtement quand beaucoup de gens la rdpbtent ; car elle est elle,m6me, de quelque maniEre, divine. > Voil) pourquoi la ddmou ph1mis a tant d'importance er peut faire hdsiter quelqu'un au moment d'entreprendre : i'est un avertissement divin. Vox populi, uox dei, la << voix du peuple a quelque chose de divin. C'est pourquoi aussi Ie latam est une dnonciation qui n'a pas de source personnelle, qui n'est pas rapportde ) un homme et qui tire de cette origine supra-humaine quelque chose de myst6rieux, de fatal, de ddcisif. Enfin, le verbe si commun pbdstbai en dit plus qu'il ne semble. On ne tient pas assez compte de la valeur forte de phasi << on dit, la rumeur veut que >> ; phdto est ) entendre littdralement : <( cette parole 6mana de lui >. et non pas simpiement << il dit >,Ce pouvoir de la parole retranch6e de sa source humaine, souvent d'origine divine, devient aisdment un pouvoir nragique; c'est pourquoi, en slave, baliii ddsigne celui, sorcier ou m6decin, qui a d sa disposition ce pouvoir inspird de parole, d'incantation, qui sait I'employer et le Ciriger. _ Nous pouvons maintenant revenir i fas. Nous voyons dans quelle signification gdndrale de < parole > baigne la notion, comment las ei tire sa valeur-religieuse. Mais nous ne voyons pas encore pourquoi fas s'applique sp6ci{lquement au <( droit r>. Ce sens doit rdsulter de la locution oi las se trouve efiectivement employd i date ancienne : t'as est, avec la proposition infinitive; litt6ralement : < il y a fas,le fas existe que ... > On entendair par li l'6nonciation en paroles divines et impdratives : ) travers cette parole impersonnelle, la volontd des dieux se manifeste, les dieux disent ce qu'il est permis de faire ; et c'est par cette expression fas est << ce qui est voulu par les dieux >>, qu'on pawient i I'idde de droit diuin. >>
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LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO.EUROPEENNES
il n'y a rien qui indique la nature propre de droit,mais c'est de son origine que le moi tient la valeur d'une dnonciation solennelle,-d'une prescription positive : fas o,r nelal et c'est un attribut-du pontife l de connaitre et de codifier l'dnonciation divine q,ri u,rtotise ou qui interdit. -C'est pour la m6me raison, quoique dans une autre sphbre, que gr. phami a le sens de .i dire oui, affrmer, rdpondre positivement >>, ori pbeml de << dire non, refuser )>, d'abord en parlant des oracles ou des collectivitds. Sans se trouver particuliBrement 1i6 d fatum, le fas relEve de la m€me signification gdndrale, qui ne s'est pas 6tablie .en latin m6me. EIle esi ddi) difiuse dans ltnsemble des formes de cette racine i bha-, celle qui ddj) dans le vocabulaire indo-europ6en exprimait Ie pouvoir 6ttange, extra-humain, de la parole, i partir de son premier dveil chez I'enfant jusqu-'aux manifestations collectives, non humaines ) force d'€tre ddpersonnalisdes. oil s'exprime une voix divine. Dans fas,
ce
***
Il
nous faut maintenant examiner un ddrivd grec tres important, mais de sens assez difficile : I'adiecti'f verbal -phatos de pheni. Il entre en composition dans palalpbatos << qui a 6td dnonc6, prononc6 autrefois, dani des temps-reculds >>, puis dans thds-phatos, adjectif usitd dans Ia vieil]e langue podtique avec son contraiie a-th|sphatos. On interprdte thdsphatos comme << dnoncd par un iieu ,r, (thes- ltant le radical qui pourrait expliquer le nom du << dieu >>, the6s), et par suite < merveilleux, prodi-_ gieux >, comme dpithdte de certains phdnomEnes.- Mais que signifierait alors athdsphatos I On lui donne pratiquement le m6me sens, << prodigieux, merveilleux >-; littdralement << gu9 m€me un dieu ne saurait exprimer >>. Cette r6duction de I'adjectif positif et de l'adjeciif n6gatif au mdme sens a 6t6 opdrde ou admise pour expliquer des emplois qui ont I'air d'€tre i peu pGs dquivalents. Mais I'interpr6tation pose pour le linguiite un-probldme 6trange-: comment un adjectif auraitjl la m6rne signification dans sa forme positive et dans sa forme ndgative ? L40
<( FAS >
dit de faits inouis, divins, oracuse.rapporte au destin (c'est le sens pr6domilaqt) : -le neutre pluriel, ti th1sphata indique lis am6ts clivins. Mais I'expression thdsphit6n esti (ioi, soi, etc.) a une valeur spdcifique : elle marque un.dvdnement fatal ; non pas seulemelt un 6v6nement i' venir, prdpard ou prdvu par les dieux, mais une annonce di caractEre << f.atal >,1a prdvision d'une destin1e bornde par les dieux. Ainsi Iliade 5, 64 : oU rr, 0e6v tx lto<pa-co- rdu8rl <( il ne savait pas que les dieux avaient born6 sa vie (qu'il allait au-devant de sa mort) >>. Chez Sapho, chez Pindare, thdsphatos se dit de ce qui vient- briser une existence, ei non pas de toute -thLsphatos annonce divine. Nous donnerons donc it le d9 :,<< auquel une borne, par dnonciation divine, a 9ey
-
Certes thdspbatos se
Iaires
: il
ete asslgnee
)>.
. P.nl-.des expression_s comme thdsphatos, palaiphatos (adjectif), le caractBre divin est mis en dvidenie par I'adjectif verbal. Mais le premier terme dans tlr|spiatus est i comprendre non comme < dieu >>, mais comme < li
mite
>>.
Consid6rons maintenant athdspbatos.
De cette forme ndgative, nous pouvons inf6rer que le sens doit €ffe <, auquel aucune borne n'a €t€ fix6e >. Voili le sens littdral suggdr1, par I'analyse. Maintenant voyons les exemples. On a athdsphatos 6mbros (Il. j,'4) : esr-ce la pluie merveilleuse, divine, prodigieuse ? Nullement, mais
bien < une pluie illimit6e, infrnie, ) laquelle aucune it6 fixde >> ; athdsphatos thilassa (Od. 7, 27)): I'idde est la m€me - avec une amplification podtique ; atbdsphatoi b6es (Od. 20, 211) ne-sonr pas jes b&ufi borne n'a
merveilleux, mais en nombre illimitd ; il en est de m€me avec sitos,(Od. 11, 244), qui ddsigne une quantit€ illimitde de bl6. __.Dans l'Odyss6e, Alkinoos invite son h6te (qui est Ulysse) 1 narler, ) raconter ses aventures : qu,il profite de la nuit ; << Nous avons toute la nuit devant nous, sans limite (athisphatos) > (Od. L1", 373). On peut virifier ce sens dans la Th1ogonie d'H6siode (SjO), sur un emploi int6ressant .i -il interprdtd en g6ndral. C,ert l. passage sur Typh6e, fils de la Terre, in monstre des L4L
LE VoCABULAIRE DES INsrrrurloNs rNDo_EuRopfnNnss dp.aules duquel sortent cent t6tes
de serpent, et des voix
s'dlBvent de toutes ces t€tes teribles, 6mettant une oarole varide (panto'tdn), athdsphatotz ; tant6t c,dtait .rn ,on qrr. les dieux seuls comprennent, tantdt la voix d,un taureiu,
tant6t celle d'un lion, tant6t des cris pareils
jeunes chiens, tantdt un sifflement.
)
chapitre
6
le
et l'aactoritas
censor
ceux des
Or, dans passage_, pantoiEn est compldt € par ath6s. -ce pbaton. Il faut enrendre en r6alit6 , ,, de torite espbce (de toute nature) et en nombre illinit|. Nous avons un deuxitme exemple chez Hdsiode, Trau. 662, oi le podte dit de lui-m6me : << les Muses m'ont appris A clranter ce chant athisphaton >> Le contexte nous guide.: <<- je_vais chanter la mei, Ies navires, la navigation, les lois de la mer, bien que je n'entende rien ) la" navigation ni aux navires. Jamais encore je ne me suis embar_ qud su_r la vaste rner )>. Il faut beaucoup d'audace au poEte pour donner des conseils quand il n'a-aucune exp6rience. < Je ne t'en dirai pas moins les desseins de Zeus, car les 'il Muses m'ont appris ) chanter un chant auqrtel n,t a pas de linite pratiquement n'importe quel chant;"cf. _)>, pantoi€n. Voili pourquoi, ne connaissant rien ) la mer. j'ose quand m6me chanter la navigation. Cette interprdtation e,s.t celle que I'analyse m€mi du rerme suggEre , <( sans Iimites fixdes > pour athdsphatos, ., ,rn" ",rq.iJl Iimite est assign6e )> pour th|sphatbs. En c-onclusion, dans les composds en -phatos apparait -. I'idde d'une dnonciation qui esf divine par son caractEre et son autoritd. On ne peut souhaiter de preuve Dlus n:tjt" de significarion propre, profonde, du uerb. . la . phEmi, et iI taut d'autant plus y insister qve pherni s,est rds largement r6pandu dans lei emplois oidinaires de la conversation et banalis6 par l) m6me au point de s,employer pour une quelconque dnonciation humaine. Il faut remonter de cet emploi banal au sens mieux conserrrd par I'adjectif verbal bt des rermes tels que ph6ne, ph|>>
rtis,
142
phdtis.
Si le magistrat romain dont les fonctions sont Sommaire. noimative,s s'appelle censor, si les sdnale plus spdcifiquement teuir qn'il reciute expriment solennellement leur* avis autorisi 6's5[ que Ia racine i.-e' Aezr- signifie en disant << ceflseo... p << affirmer avec autoritd une vdriti (qui fait loi) >. DroDrement ^
dont il faut €tre investi pour auctoritas C.tte autoritd - profdre ait- force de loi, n'est pas' comme oue la parole qu'on <jn l'a dit, Ie pouvoii de faire croitre (augere), mais la force (skr. ojahi, divine dans son ptincipe (c[. augur), de << faire exlster )>.
Nous avons constatd une relation frdquente entre des termes servant h qualifier des institutions et des verbes marquant d'une maniEre ou d'une autre la notion de o diie >>. De I'acte de parole au droit, i la rbgle, tels qu'ils organisent certaines fonctions sociales, il y a souvent ,rn rapport dtroit. En particulier, des institutions politiques sont parfois d6nomm6es par une sp6cification de la notion de .< parole >> dans le sens d'<< autoritd >>. Ainsi la diversitd de la notion de << parole > s'€claire pat I'dtude des mots qui s'y rattachent. On vena que le lexique de la parole procBde de maintes origines, touche des sphdres s6mantiques ttls diffdrentes. Le travail de comparaison est instructif pour ddterminer le point de ddpirt de termes signifiant << dire )> qui sont devenus termes d'institution et noms d'autorit6. En voici un nouvel exemple, propre ) I'italo-celtique et ) i'indo-iranien, un de.ces mots qui dclaitent les rapports dialectaux et attestent des survivances de caractbre culturel : latin censeo, censor, ceflsus. Le censor est un magistrat, mais le vetbe censeo ne 143
LE voCABULAIRE
DEs.
rNSTITurroNs rNDo_EURopfrNNEs
LB
signifie rien. de plus que << estimer, juger, dnoncer un avts > ;. tand.rs que le censt$ est une op6ration technique : estrmatron de Ia fortune et classement des citoyensi Le verbe m€me est connu ailleurs qu'en larin, i;rIangue italique : en osque, nous avons I'infiniiif -riirnii, ";; et aussi un substantif. kenzstur, kenzsur <( censor > probablement imird du latin. D'autie part, le theme colrespondant en indo_iranien prdsente u,, ddue_ _ Ioppement considdrable dc formes verbales et nominares, avec une difidrence de sens assez marqude : c'est t; ;;;i;; de skr. iams- << louer, proxoncer I'dloge d. o .i d.-i;il: trait Sasti << louange,. dloge, r6citaion d", hy-n., ParallElement d skr. iamsl,' nous avons en iranien". 1) avestique sarlh- << dnoncer solennellem""r,--pro*n-: cej )>, 2) vieux-pese \anh- et \ah_ qu,on taduit :.;;;_ nement. par < proclamer >>. On restitue ainsi un thdme verbal rndo-europden ':. kens_ dont le sens, selon tous les cllctronnalres, serait << proclamer solennellement >>. ..Cependant le sens rids prdcis des termes ladns'se con_ cilie mal avec une d66nition a,rssi vague, qui au reste con_ viendrait ) plusieurs autres verbes egl"m.nt. L" .ugirtrut appele censor a d'abord pour r6le de recenser les citoyens. C'est Ie census,le n cens- )>, gui donne a h Jgrie;rtJn-?; censor toute. sa signification. Evaluer Ia fortune"privde et assigner i chacun un rang d6termin6, ..tt" fonJtion frilrarchisanre doit ddriver l'.rn r.rrr idla rp6ciuris6 de- L
ET L,
<( AUcToRITAs >
rdppndait : puro pioque daello qaaerendas (sous entendu ; res) censeo. << Je suis d'avis que nous devons par un-e guerre juste et sainte obtenir notre d0 r>. par cette tormule, Ie Pire se pronongait en faveur de la guerre, en marquait la ndcessit6. Ce m€me verbe dnongaii la rigle fixde par les sdnatusconsultes. On pourrait dans ces emplois se contenter de traduire censleo par < juger, penser, estimer >>. Mais les substantifs ae ta meme raclne censo,r et census, exigent une valeut plus pr6cise qui doit refldter le sens proir. a. U ,".i".
rnoo-europeenne.
._.C'::, d pr6ciser ce-sens que s'esr employd M. Dumdzil (1). Il a sociologisd la notibn de larnsl dans une ddfi;i_ tion qui, valable pour I'indo-europ6en, contiendrait ddii en pulssance Ie cens romain : << Le sens technique de cinsor et cens.us ne doit- p.as €ffe un sens second, *^i, garder au contraire l'essentiel du sens premier. A I'origin!, il faut sans doure poser une conception politico-reli"gi*;r. ,"11. que : situer (un }omme ou un acte ou une opiiion etc.) i
sa juste place hi6rarchique, avec toutes les consdquences
pratrrlues de cette situation, et cela paf une juste estimation publique, par un dloge_ou un blAme ,ol",rn.l (p. ltgt.---
,
En contraste avec la traduction ordinaire, ,ro.r, avons ici une ddfinition d'une grande pr6cision, qui aboutiraii i reporter ) I'dpoque de la communautd ind'o-europ6enire le sens du latin census, censor. Il nous semble qul cette ddfinition, si on Ia pose comme indo-europdenne, inclut
racine.
Le"cens.or s'occupe_ du recrutement du slnat (lectio senatus); il a pour tdche de surveiller les mceurs, de'r6primer les exces de toute nature : infractions aux rEeles morales aussi bien que luxe ddsordonnJ i; l;';";;"";; , a.vec son sens moral. Enfin il est chargd de mettre .n uJ;": dication la ferme des imp6ts, les tfiva,* p"ilfi*'.iT. r5Sl"t les. rapports enrre i", ,dlrrdi.utaires et l,Etat. Ces dlverses tonctions se rattachent toutes i celle qui est la fonction essentielle du censo. I. ., ..n, ,r, l. .iu**ni aes cltoyens, Le verbe censeo est employd dans une formule souvent cit6e (Tite-Live I, 32,-lt-iZi. Dans la proc6dure d.-i;;lr: ration de guerre 6tablie par Numa, le'rex consultait chacun. des PEres du Sdnat-: dic quid censes _ et l,aurre
<( CENS0R )>
des dldments trop dtroitement calquds uur Iatms.
l.'r"n, i;, ;;;;
Par I'dtude d'autres mots de la m€me racine. notam_ TeLt en iranien, nous sommes conduits i une vue un Deu diffdrente, qui rend mieux compte des di{I6ren,", u.J"p_ tions. Il sera utile d'analyser le tdmoignage du vieux_
x
ji ti
iii
perse.
1) Dans les insuiptions, le roi emploie Ie verbe cor_ respondant i skr, !ams-, lat. cens- ious la forme de-la troisibme personne du prdsent \Atiy pout dnoncer son (1) Dans son livre
sociale de
;
Ser-uius
Lou{rs! et de
et la
Fortune, Essai sur
Bl6me er sur Ies
cens romain, Pafis, 194j.
Cld;.nt,
Ia
fonction
inJ;;";;pa;;;;;
r44 r45
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
propre discours. I1 inffoduit chaque section du texte par la formule : \Atiy dArayauahui xiaya\iya < ainsi parle (pro' clame, 6nonce) Darius roi >>. Suit un ddveloppement de
longueur variable, puis la formule revient pour introduire un auue propos, et ainsi jusqu'i la fin du texte. Ce formulaire est en usage pendant toute I'dpoque achdm6nide.
nous appelons (Eabyarnahiy) Achlmdnides >>. 3 ) Darius vante la soumission des peuples qui lui sont restds fidbles et la fermet6 de son pouvoir : <( tout ce qui par moi leur dtait ordonn6, prescrit (a\ahiya), ils I'ont exicutd, soit de jour, soit de nuit >>. 4) Darius en arrive au mage Gaumdta, le faux Smerdis d'H6rodote. Ce mage a assumd faussement la royautd en trompant ses sujets. Il dtait trbs craint ) la suite de massacres qu'il avait ordonnds et << personne n'osait rien dire (\astanalT) contre lui >>. 5) Puis vient 1'6numdration de tous les rebelles qui ont usurpd I'autoritd royale. Chacun est dvoqud dans les m6mes termes : <( un tel s'est rebell6 ; il a pris le pouvoir en disant (a\aba) ; je suis un tel, roi seul l6gitime >. 6) A la fin de I'inscription, aprbs le r6cit de son accession au tr6ne et I'exposd de sa politique, Darius s'adresse au lecteur futur ; << Si tu lis cette inscription, et que tu la fasses lire aux alrtres et que tu dises (gahy) ce qu'elle contient, Ahura Mazda te protbgera et ta descendance sera longue. Si tu dissimules le contenu de cette inscription, Ahura Mazda te frappera et tu n'autas pas de des>>.
7) Enfin, dans une inscription dite < Testament de Darius >>, le toi dnonce la tbgle qu'il suit i l'dgard de ce
qu'un homme dft (\aily) contre un auue homme. On a parcoutu toute la gamme des formes et des emplois du verbe. Certes on peut, pour une lecture cur' sive, se contenter, selon ies passages, d'6quivalents comme << dire, 6noncef, prescrire >>, ailleurs << s'appelet >>. Mais il faut essayer de serrer le sens de plus prbs. L'emploi le plus fr6quent, 1), n'est pas le plus instructi{. Cette formule recevra quelque clartd des autres 146
<( CENSOR )>
ET L,
<( AUCTORITAS >
er.rplois. Prenons plut6t 4) : Personne n'osait flen << dire )> contre Gaumata, parce qu'on le craignait. Il y a un autre verbe pour << dire >> en vieux-perse (gaub-). Ici il s'agit de << dire Ia v6fit6 >> (beaucoup de gens savaient l'identitd de I'usurpateur ; et Gaumita avait fait tuer de nombreuses personnes, de peur d'6tre reconnu) ; << dire >, ici, c'est, analytiquement ; <( dire qui il 6tait en r6alit6. De m€me 5) : les chefs tebelles se paraient faussement du titre de roi. IIs << disaient >> (mensongbrement) ; cependant ils pr6tendaient dire la vdrit6, et leur af.frrmation dmanait de I'autorit6. Puis, 6) : si tu fais connaitre cette proclarnation au peuple, si tu << dis (ce qu'elle contient) i>, c'est-i-dire si tu en dnonces la teneur authentique. 7) : ce qu'un homme < Cit )> contre un autfe, cette parole pour la v6rit6, elle peut entrainer des .se {o119 >>
2) Darius dnumdre ses ancdttes jusqu'i l'dponyme Haxamanii (Achemenes) et dit : voilh pourquoi << nous
cendance
LE
INDO-EUROPEENNES
poursurtes Judlclaffes.
Revenons maintenant i I'emploi 2) : aprBs avoir dnumdrd ses anc€tres jusqu') l'6ponyme Haxdmanii (Achaemenes), Darius conclut : < voili pourquoi nous rious appelons Achdmdnides >> ; c'est l) un dire de ldgitimation dynastique ; nous dnonEons cotnme dtant notre condition vdritable et authentique celle d'6tre des Ach6mdnides.
Evoquons en dernier I'emploi le plus banal, celui qui introduit chaque d6veloppement du texte. Le rci \atiy ; il << proclame )> ce qui est : Darius veut dtablir la v6rit6, ) la fois dans la rdalitd des faits qu'il tapporte et dans Ia ftalitl des devoirs envers Ahura Mazda, et envers le roi ; ) la fois v6ritd de fait et vdritd normative. Ainsi, au terme de cette revue, nous atteignons une ddfinition du verbe qui serait i peu prEs celle-ci : << affirmer avec autorit6 comme dtant la vdritd ; dile ce qui est conforme A la nature des choses I 6noncer la norme dd conduite. > Celui qui << parle >> ainsi est en position souveraine; en ddclarant ce qui est, il le fixe; il dnonce solennellement ce qui s'impose, Ia vdritd du fait ou du devoir.
Tel est le tdmoignage que nous apporte une des langues I'iranien ancien. Le vieux-perse est confirm6 par les emplois du saryb- avestique, tandis que indo-europ6ennes,
147
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
le ddveloppement s'est orientd en v6dique vers l'6nonciation dlogieuse : iarps- << proclamet ; louer >>. Maintenant, nous pouvons retourner d censeo. Notre ddfinition rend compte de la spdcialisation que censeo, ceflsus, ceflsor ont regue dans les institutions romaines. En tant qu'il spdcifie avec autoritd une vdritd de fait, le censor prononce la situation de chacun et son rang dans la soci6td : c'est Id Ie censuJ, estimation hidtarchisante des conditions er des fortunes ; plus gdndralement, cenJeo, c'est << estimer > toutes choses i leur juste valeur, donc << appr6cier )>, aux deux sens du mot. Pour le faire, il faut I'autoritd requise ; de ld Ie quid censes /, la question rituellement pos6e par le roi aux sdnateurs.
'.i Il est une notion compldmentaire de censor, qui s'y trouve constamment associ6e dans les emplois latins, et que notre ddfinition implique : c'est celle d'<< autotitd >> ; cetlseo est trBs souvent employd avec aactor et auctoritas. Que signifient ces mots, quel en est le fondement dtymologique ? Il est clair que at4ctor est le nom d'agent de augeo, ordinairement traduit << accroltre, augmenter )>. A augeo, correspondent le ptdsent grec auxdnd et, d'autre part, la forme alternante n *rg-, all. wachsez. Sous les deux formes corrdlatives de cette altetnance, le thEme indo-europden signifie <( augmenter >>. Mais les cortespondants indo-iraniens sont seulement nominaux ; skr. oiah, neutte en -J, << fofce, puissance >>, en avestique aog(rr-, aoiah- << force > et l'adjectif skr. agra-, av. agra< fott r>. En latin m€me, i c6ti de auctor, nous avons un ancien neutre masculinis6 cugur, le nom de l'<< augure )>, avec son ddrivd aagustus, qui forment un groupe distinct. On voit I'importance double de ce groupe de mots. Ils appartiennent i la sphdre politique et i la sphtsre religieuse et se sont scindds en plusieurs sous-groupes : celui de augeo, celui de auctor, celui de augar. On voudrait savoir comment il se fait que la notion d'<< autoritd > ait pris naissance dans une racine qui signifie simplement <( augmentef, acctoitre >>. 148
LE
INDO-EUROPEENNES
<( CENSOR )>
ET L,
<( AUCTORITAS
)>
Tout en traduisant ainsi le verbe, nos dictionnaires donnent auctor comme << celui qui fait pousser, I'auteur
>.
Cette d6finition paralt duange et en tour cas insuffisante. Le sens si p_rofond de auctor serait rapport6 simplement d celui de << accrolffe >>. Ce n'est iuEre satisfaisant. La notion de auctor, celle de son abitrait aactoritas se concilient difficilement avec le sens de <( augmenter )> qqe_ augeo a e-n efiet et qu'il ne s'agit pas de contester. Mais est-ce Ie sens pr"mier du ver6e (ugere- ? _Laissons augur que nous retrouverons plus loin. Le fait- qu'en indo-iranien la racine aug- dlsigie la << force > doit retenir I'attention. En outre skt.-oias-, c.omme av. aoiab- er leurs ddrivds, indique tout pariicuIitsrement la << force >> des dieux ; l'adjeciif av. aofahuant<< pourvu de force )> e_st une qualific4tion ) pbu prbs exclusivement divine. Cela indiqui d6ji un ponulir diun* nature et d'une efficacit6 particuliBrer, un^ atffibut que ddtiennent les dieux. Maii laissonr horc de I'exanien I'acception propre i l'indo-iranien et bornons-nous au latin, Le problEme est ici, comme bien souvent, de ddfinir exactement le sens pfopre du terme premier, de telle sorte que les ddrivds en regoivent leur explication. Or le sens de auctor dans ses divers emplois ne peur ddriver de celui de < augmenter )> qu'on aisigne d'augeo. Une large portion du sens de augeo demiure encore dans I'ombre, et c'est justement Ia portion essentielle, celle d'oi procbdent les ddterminations spdciales qui ont fini par se scinder en unitis distinctes. On persiste i traduire ailgeo par <( augmenter > ; c'est exact dans la langue classique, mais non au ddbut de la tradition. Pour nous, <( augmenter >> 6quivaut i << accroltre, tendre plus grand quelque cbose qui existe d1id >>, LA est la difidrence, inaperEue, avec au[eo. Dans ses'plus anciens emplois, aageo indique non le fait d'accroitri ce qui existe, mais I'acte de produire hors de son propre sein; acte crdateur qui fait surgir quelque chose dtun milieu nourricier et qui est le privilbge des dieux ou des g.candes forces naturelles, non des hommes. Lucrbce met souvent ce verbe en, valeur quand il retrace ia genEse des 6tres dans le rythme universel des naissances it des
r49
ffi
LE voCABULAIRE DES rNsTrrurroNS INDO-EURop6rxwns
: quodcu.mque alias ex se res auget alitque <( tout corps qui fait naitre de soi et alimente d'autres choses > (V 322) ; morigera ad t'ruges augendas atque animantis << docile i faire naitre les olantes et les €tres > (V 80). Et dans les formules de piibr.s archaiques, les liomains ddsignent aussi par augere le bienfait qu'ils attendent des dieux, de << promouvoir >> toutes leurs entreprises : Diui diaaer7ue..., Ltos precor quaesoque uti quae in meo imperio gest(t szuxt, gerutttNff, postque gerentur, ... ea uos omnia bene iuuetis, bonis anctibus auxitis (Liv. 29, 27). C'est de ce sens que tdmoigne le nom d'agent auctor. On qualifie de auctor, dans tous les domaines, celui qui <( promeut n, gui prend une initiative, qui est le premier n)orts
LE
<( CENSOR )>
ET L,
<( AUCTORITAS >
que augeo exprime, le pouvoir qui fait surgir les plantes, qui donne existence i une loi. Celui qui est aucior, qui ptomeut, celuih seul est pourvu de cette qualit6 que I'indien appelle ojab. On voit que <( augmenter > est un sens secondaire et affaibli de augeo. Des valeurs obscures et puissantes demeurent dans lette auctoritas, ce don r6serv6 d peu d'hommes de faire sutgir quelque chose er d la let-
tre
-
de produire
)
I'existence.
-
i produire quelque activitd, celui qui fonde, celui qui garantit, et finalement l'<< auteur >>. La notion de aactor se diversifie en maintes acceptions particulibres, mais elle se relie clairement au sens premier de augeo << faire sortir, promouvoir >>. Par lA, l'abstrait auctoritas recouvre sa pleine valeur ; c'est I'acte de production, ou la qualit6 que tev6t le haut magistrat, ou la validit6 d'un t6moignage ou le pouvoir d'initiative, etc., chaque fois en liaison avec une des fonctions sdmantiques de auctor. A augeo, on s'accorde i rattacher aussi le terme religieux augur. C'6tait ddj) le sentiment des Latins, Augur serait un ancien neutre qui aurait ddsignd d'abord la << promotion >> accotd6e par les dieux d une enffeprise et manifestde par un prisage. Cela confirme que l'action de augere est d'origine divine. De * augus, doublet de augur, est tird I'adjectif aagustus litt. <( pourvu de * augus D, c'est-)-dire << dotd de cet accroissement divin
>>.
Dbs une date ancienne, tout cet ensemble s'est disloqud en cinq groupes ind6pendants : 1.) aageo avec augtxen, augnxefttuftx, auctus ; 2) auctor avec auctaritas, auctoro ; 3) augur avec augurium, auguro ; 4) augustus titre devenu nom propre et alors produisant augustalis, augusteunt, etc. ; 5) auxilium avec auxilior, auxiliaris. Le sens premier de augeo se reffouve par I'intermddiaire de auctor dans auctoritas. Toute parole prononc6e avgc l'autorit| dltermine un changement dans le monde, ctde quelque chose ; cette qualitd myst€rieuse, c'est ce 150
t5r
chapitre 7e
7
quaeitor etla*prex
Sommaire.
Lat. qaaero
<< chercher, demander
>
(d'ot
qaaestor, qaaestas), mot sans itymologie, entretient avec precot, * PJe.x ,, prier, p-rilre
>>
une relation trds iuoite et qu'il faut
: en efiet, non seulement en latin m6me ies deux paraissent former redondance dans la vieille formule
prdciser
termes Mars,pater, te precor qaaesoque >>, mais encore dans certaines autres langues des ddrivds de * prek- (ir. lrasa, v.h.a. lorsconl recouvfent exactement Ie sens du lat. quaero. A ddfaut donc d'indices ddcisifs dans. les langues o;-*prek- appatalt seul, c'est en latin m€rne qu'une distinction se laisse apercevoir : en face de * prek- qui ddsigne la demande verbale (precor, procus), re gfoupe de quaero, qtaaestus <( moyen de gagner, gain >, quaestio <( question, tortufe >, qilaestor < juge-d-'insiruition o et -< perc€pteur )>- se ddfinit par le caractEre non-verbal, mat6riel, du moyen mis en euvre pour obtenit ce qu,on clrerche. <<
Dans les termes 6tudi6s jusqu'i maintenant, c'est I'dtymologie qui nous a gdn6ralement aid6 d ddterminer ie sens dont il faut partir. Mais il se prdsente des cas oil l'dtymologie fait ddfaut ; nous n'avlns alors que cies emplois consacrds pour nous renseigner. C'est dans ces conditions que peuvent jouer des oppositions de vocabulaire, des difidienciations qui, ritabiissant entre deux termes une liaison, pefmetient ensuite de distinguer d'dclairer respectivemint les termes qui -e.t sont en considdration. Or, dans la s6rie lexicale considdrde, dans le vocabu. laire latin en particulier, deux mots inierviennent maintenant : I'un est le verbe quaer,o,l'autre le nom d'agent {. ... verbe, qaaestor. Le sens du verbe est gdn6ral, &lui du ddriv6, spdcialisd. On traduit quaero par.icherch.r u; le quaestor est un magistrat qui a la qualit6 i la fois de juge d'instruction et de gardien du ffdsor. Dans la langue
tr3
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO.EUROPEENNES
LE
judiciaire quaero << chercher, recherchet, {.afue une enqudte >> a pour dquivalent en grec z€tein. Toutefois, la traduction admise pour le verbe ne rend pas bien compte du sens qui en rdsulte pour le tine de qilaestor. En outre, il est un verbe qui assume, dans d'autres langues, le m6me emploi que qudero en latin : c'est le verbe dont la racine apparait dans lat. precor, 't prex. En latin, il y a une difidrence entre les verbes quaero et pt'ecor, mais ailleurs c'est par des fotmes de la racine correspondant d precor qu'on d6signe le genre d'activitd or) s'est spdcialisd le quaestor. Voilh donc un de ces probldmes oi deux verbes de sens voisin se sont spdcialis6s difidremment selon les langues, Les conditions de leur emploi peuvent seules nous instruite, en l'absence de toute dtymologie. Considdrons d'abord quaero en lui-m€me et dans son rapport d quaestor. On appelait proprement quaestor le magistrat dont le time complet dtait : quaestor paricidi et aerari, ou, plus briBvement , quaestor paricidi. La fonction du quaestor comme gardien des finances de I'Etat (aerarium) 6tait secondaire par rapport ) la ptemibre : cf. Festus (247, 19) : parricidi qaaestores appellabantur qui solebant creari caNtsa reruflq capitdliun quaerendarunt << on appelait parricidi quaestores ceux qu'on crdait pour enqu6ter sur crime capital >>. On remarque que quaero est employd expressdment dans la formulb qui explique quaestor. Ici apparait ddj) un emploi technique qui invite i' interpr6ter avec plus de prdcision le sens du verbe : nous devons pattfu d'un emploi spdcialisd de quaero pour rechercher la valeur de qui3s.t9r, et particulibrement dans le titre de cluaestor parrcnt.
Qu'il soit permis d'ouvrir ici une
parerithese au sujet paricida. Ces dernibres anndes, une sdrie de paricidiutn, d'interprdtations mbs difidrentes ont 6td proposdes de ce terme trBs ancien sur lequel les Romains eux-m€mes n'avaient plus d'opinion prdcise. En premier lieu, il y a l'dtymologie de pail- par pater ; elle esi trbs certainement ) rejeter. Aujourd'hui plusieurs comparatistes proposent de voir dans la premidre parti:e de pari-cida un mot signifiant << homme r> en gdn6ral.
<( QUAESTOR
> ET LA << PREX
C'est la thtsse de \Mackernagel (1) qui part de I'id6e que paricida est un terme g6ndral ddsignanr le meurtrier dLn homme ; et qu'on retrouverait dans pari- un nom de 1'<< homme >> inconnu par ailleurs du, vocabulaire occidental, r6pondant _a s\r. parula << homme >. fl n'y a pas grande difficultd formelle i ce rapprochement, en admettanr que purilsa repose sw * puii. Mais c,eit le sens mdme du_composd et son emploi dans la l6gislation ancienne des Romains qui fait oGtacle i ce rafproche-
ment.
l
i rj
*
. Il convient de garder, a notre avis, l'dtymologie traditjonnelle de pari- par le grec pE6s (ancien- pai-) : elle " a 6t6 d maintes reprises iustifide et ftaffitmis gn clslnier..lieu par L. Gerner (2) qui, ) I'aide d'argumenrs juridiques, montre qu'il faut s'en tenir ) cette interpr6tation. Le.terme $ec peds ddsigne proprement le << parent par alliance >>; ainsi dans I'Iliade (3, 163), on le voit associd d philos qui a le sens plein 6tudid cidessus (3), Dans l'Odyssde (8, 581 et suiv.l, on le voit employ6 avec d'aures termes de parentd qui I'explicitent : u Ai-,r, un p€6s qui esr mort .devant Troie, gendre ou beau-pbre, ceux qui sont les plus chers aprds ieux de notre propre sang gt de notre race ? ou bien est-ce un compagnon amical ? car il vaut mieux avoir un compagnon pieii de sagesse. qu'un frBre... >> Ainsi pE6s est d'une part li6 ) ganbr1s << gendre >>, et penthei6s ,, beau-pbre i et, d'autre part associd d hetairos <( compagnon )> ou philos : c'est donc quelqu'un avec qui on a contractd ;iliance. Voih la _catdgorie de parentd que ddfinit pE6s : c'esr la parentd d'alliance i I'intdrieur de la tribu. Cette parentd impose des obligations trEs prdcises, notamment en cas de violence faite i I'un des partenaires. Reportons-nous au fameux texte de Numa Pompilius sur le parricide (Fesrus, loc. cit.) : << Si quis hoiinem liberun dolo sciens morti duit, parricidas esto. >> Dans ce texte, comme dans tous les codes et rituels i Rome,
,{ Gnomon. V! 1910, p. 449 ss. = Kleine Scbriften (2) Reuae de Philologie, 63, 1937, pp. $-29. (l) Vol. I, p, 135 ss. (.1.)
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LE voCABULAIRE DES rNSTrTuTroNS rNDo-EURopfeNNss Ies mots doivent assumef leur sens plein. Celui
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LE
qui met
frauduleusement, un homme liber, de naissance libre, doit €tre parricida.r, doit €tre consid6r6 comme << meurtrier d'un parent par alliance >>. Il y a, nous l'avons vu, d'une part, les prescriptions du droit proprement familial de l'autte, le droit - des difidrentes familles interfamilial qui rbgle les rapports entre elles. On pourrait dire que la th1mis et la dikE sont impliqudes dans le contexte sdmantique de cette prescription. Nous voyons qu'on assimile i w paricidas celui qui met a mort un homme liber ; la notion de meurtrier i I'intdrieur de la famille est dtendue i celle de meurtrier i l'intdrieur de la soci6t6 m6me. L'homicide en g€ndral n'est pas puni comme tel dans les codes anciens. Pour €tre punissable, il faut que le meuttre porte sur un homme du groupe : aux frontibres du groupe naturel s'ar€te €galement la morale. Ainsi, c'est i I'intdrieur du gtoupe social ,:onsiddrd ici comme dtant le groupe familial dtendu de toutes ses alliances, que s'exerce I'activitd du quaestor paricidi. A I'aide de cette prdcision, nous devons essayer de semer le sens du verbe quaero. Celui de << faire une enqu6te est trop dvidemment lid d quaestor et aux ddrivds de quaestor pour €fte pos6 comme ufl sens premier. Il vaut mieux partir d'un autre exemple qui a toutes les garanties de l'anciennetd et de l'authenticit6. C'est une vieille priAre (Caton, Agr. 1.4L), une invocation d Mars pater lorc de la lustration du champ. Ce texte, ttbs irnportant par lui-mdme, fourmille d'archais' >>
mes
; il
nous a 6td conserv6 dans sa teneLlr ancienne.
On y trouve une application du sacrifice dit << su-ouetaurilia >, terme dont la formation a 6t6 analysde cidessus (1) et qui ddvoile un profond symbolisme social. Ni I'ordre, ni la nature des animaux n'est le tait du hasard. Nous avons ici trois animaux symboliques : le porc est consacr6 aux divinitds de la terre, d C€rds ; il est associ6 d la puissance fdcondante du sol ; le taureau est traditionnellement consacrd b Jupiter ou ) Zeus ; c'est I'animal des sacrifices les plus sacrds et les plus solennels, (1) Vol.
156
I, p. 30.
<( QUAESTOR
> ET LA
<( PREX >
c-eux qui ont pour ministres les pr6tres des grandes divinit€s. Enfte les deux, souvent, iinon d'une maniEre arrssi constante, Ie mouton, le bdlier est l'animal des guerriers. Nous avons ici exactement les trois classes sociales, reprdsentdes par des animaux symboliques ; c'est ce qui donne la clef du sacrifice de lustration. Le sacrifice dit << suoaetaurilia >> assemble symboliquement les trois ordres sociaux pour les soumettre, dani cette communion solennelle,_i la protection du grand dieu qui est invoqud, Mars ; et la totalitd de la socidt6 ofirante-esr reprdseritde ) ce sacrifice. symbolisme rdvBle I'archaisme d'une priBre comme -Ce celle-ci. Or elle commence par cette invocition : Mars pater, te precor quaesoque uti sies uolens propitius... < Je te prie et je te demande >> : est-ce un redoublement ? Certains sont portds i taxer cette langue religieuse de redondance : les termes semblent redoublds, mdme tripl6s, comme si on se proposait d'accumuler des €quivalents. Il n'en est lien. On discerne ) I'examen que ces juxtapositions, en ftalitl, n'associent pas des termes de sens identique ou trbs voisin; chacun garde son sens plein, et c'est la condition de I'efficacitd de toute priEre. Un deuxiEme exenrple nous est fourni par Lucrtce : prece quaesit (V, 1229) << il demande par une pribre >>. De tels exemples, oi )' prex et quaero s'unissent, sont les plus instructifs pour notre analyse. Enfin et surtout, il faut nous demander comment est employd le verbe qadero et la forme frdquentative qaaeso << demander avec insistance >>. Nous avons eu I'occasion d'examiner i un autre point de vue la formule qui dans le vieux droit romain consacrait la destination du mariage : liberum(-orarn) quaesundum(-orunz) causd (gratid) <( pour obtenir des enfants (ldgitimes) o (1); on ne peut gudre traduire autrement que par < obtenir >> ; en tout cas, ici, il ne s'agit pas de demander avec insistance, de prier d'une manibre rdpdt6e. Enfin le ddriv6 nominal quaestus, dans son emploi ordinaire, ddsigne le << gain >> et aussi le moyen de gagner
(1) Vol. I, p. )24
s.
157
LE vocABULATRE DES lNsrrrurroNs rNDo-EURopfENNr,s sa vie, Ie < mdtier >>. _Ce terme_ci est complBtement en dehors de Ia sdrie juridique q;i ;*;; nce d, nuaestor et coniinue avec qurx.estio > (d'oir quaestiono << rechercher avec I'aide qc ta to.rture, torturer >>). Voili, i peu prls, la sdrie des tcrmes. principaux du g,1gupe-sdmaniique a"' q ioii o,- ur.i Ia varidtd des sens qu ils oftrent. Il. f.aut passer maintenant, en vue d,obtenir d,au*es prdcisions, au verbe qui lui est ass;;i6 priior., Ce.prdsent ddrive d'.ln" racine bi.n connue,t- perk_/ -J"u"-";il,n.i";;X *,.f:k-, Iargement rcprisentie ro,r, arrrefence de sens. En.latin, on a 'k prex, prec-or, posco (pr6sent inchoactif de preco), postito. Lu r"lrJo,i J" .., formes enrre elles demeure vivante dans les consciences, comme l,est' la difidrence de sens qui spdcifie .h;;;; a. ._rte thtin.".rU., - En dehors du latin, noir, ,uon, 1) *r[A p,rr:!". < demander >, iranien -if, perk_) et t<,t i\:: pr,ek); 1,.1f _v, .sl. prositi, lit.'praiiti ,'t Z)'in --!<," skr. prAL suDSranrrf, (uiuap61 o iuge ,r, iitt, cclui ctui rlanche une prat. Le sens se restrcint d,une nranidre inspray, c'esr Ia.<<. question >>, au sens jurilii.tl".l,l1is7ue le procds, donc .l,dquivalenr sdmanrique de ffqi-:l^1,!1, quaestor. A slcr. ptat correspond encor. :? lu,otttt? _du < .Frage, quesrion _)>, terme qui n'a pour f,]r:I:.1^^Irigo dlneJence avec * prex qve l,a mdical. )) uans un aulfe compartiment s6mantique, lat. Dro_ f: ::t celui qui o denrande > en mariag", tl-prj*ral"i ye sens precrs reparait dans Ie lituanien piiiti << deman_ oer en maflage )>. Puis, avec Ie morphtme de prdsent _sAe_ connu oar ,Lat.4)posco, le verbe avestique et perse frasa << faire une enqudte, dernander u et arissi o punir, .liari., ;r*;-";;; -iirrirn hut'raitam aprsam (oi bulrairoi le particiDe I;.asta- du m€me verbe) << (celui qui m,a d6r,jlJi;-.i; (d. muiiEre qu,il fatj 'Ui.n ?i_rl:'t, ie )>l'ai quesrionnd questronne ce qui veut dire : < je l;ai chAti6 s6vd- _ u.h.1, lorscdn u .h.rcher, l"i; ";;" rement >>. Enfin, enq.u€te >>, en parlant d'un iuge. Ainsi coincident dans piurl"u., Iangues des formes particulidres et des emplois de priiavec ceux de "
LE
<( QUAESToR
roujours hors du latin 1?!!ro:,*^is nlen, vleux-haut-allemand. Latin * prex
skr. ptlt-uiudka
skr.
:
<( PREX >
en sanskrir,
ira_
lat, procus
,.h.;fras; precor
> ET LA
ht. p;viti
Drccb-
(cf qki. pys-,.ir. v. st, prosttl
fras)
lir, praii,ti
posco
v.h.a.. lorscdn
ir. lrosa
-
Tableau sommaire des formes particulidles et des emploi s de * prek_. (Les mots.qui il .rt urri, t-,"ir-J"-f.tir"_
- ?e la famille de quaero iens avec-le's-mots
,r;\T\fii::,t
pour
Ie
En
.latin mdme, cependant, on a vu les deux verbes au point que leurs signification, ,.rnbl"nt trJ, etrottement apparentdes. On peut i pr6sent voir comment rls cotncrdent et en. quoi ils difidrent. Il s'agit, dans les deux cas, de fornruler d"r*nd.,-orai, .trj Ui"" o", des moye-ns diffdrents :"n. precor, piex a"ir.* Jii'#: prochds du nom d,agenr-p.rocus "<<'celui q"i;;.;;. J, o]r,.tuq. ,>, n prex es1 Ia demande .r.iuriu.r"n, u.rtd -le specralement adressde aux dieux en vue d,obtenir qu'on attend d'eux. Tel est le trair-dis ti"rt*a-i-'pruil, c'est une demande orale, adressde ) une autoritd.rfi: rieure et qui ne comport. pu. d;uutres moyens que Ia parole. associds
quaero, avec les substantifs ddrivds quaestio
^. l:.1:qitd, er speflatement quaestus, indique un procddd dilidrcnt : q.u,n^rt:!: Ie moyen de gagner, le gain m€me ,, quoir-tio :: < ta questton-torturc
>>
et Ie verbe m6me quaero indiquenr
non de savoir ou d,obienir par G;d. !l-l_n mars "rtuye orale, de se procurer par un moyen matdriel appro_
prre.
Ce. n'est pas -prdcisdment un renseignement qu,orl sollrcrte ou une faveur qu'on demande, mais c,est bien un objet matdriel, un avantage souvent, mai, toujours
158 1.59
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
quelque chose de concret, qui est considdrd comme ndcessaire ) la vie ou i l'activit6.
Ceci se v6rifie dans une expression comme liberum
quaesundum caast : chercher ) obtenir (et non i savoir). Le quaestus, la quaesrlo I'indiquent aussi clairement et ceci se voit m6me dans quaerere uictatn << se procuret de la subsistance, gagnef sa vie \t 4Nld€rer€ rern << s'enrichir >. Nous lisons aussi chez T6rence : hunc abduce, uinci, quaere rem (Ad. 482) < emmBne-le, enchaine-le, obtiens de lui la chose >>, c'est-i-dite <( extofquelui la vdrit€ par un moyen approprid >. On cherche ) gagner par un moyen matiriel quelque chose qui est ddsignd vaguement par res. Seui compte ici la manidre employde pour se le procurer ; ce n'est pas simplement en le demandant.
Ainsi la formule precor quaesoqae n'est nullement une tautologie ni un redoublement rhdtorique. Precor, c'est demander au moyen de ia o prex ; Ia parole est ici l'interm6diaire entre celui qui demande et celui i qui il s'adresse ; cette parole est par elle-m6me I'agent efficace. Mais quaeso difiEre de precor en ce qu'il implique I'emploi de moyens approprids i cette obtention, tels que le sacrifice des ffois animaux et la conjonction m€me de la formule avec les ofirandes. Il a fallu pour cette reconstruction utiliser les formes de '\ prek- dans d'autres langues que le latin, en particulier en iranien, On a soulignd plus haut que ir. fras, t'raita prennent le sens de << chAtiment >, gdndralement << torture )>.' |{ous pouvons maintenant revenir } notre point de ddpart qui dtait le dtre latin de qaaestor. I1 est clair nraintenant que le quaestor n'est pas seulement charg€ de << faire une enqu€te )>, son r6le est bien de quAerere, de chercher d se procurer par des moyens mat6riels soit, dans une afr.aire criminelle, la personne m€me du coupable soit (et le nrot s'associe avec qaaestus) l'atgent. du rdsor dont il doit assurer la rentrde et la rdpartition, Telle est la signification qu'on proposera i Ia - qaaeslumiEre des empiois du verbe du nom d'agent - prece quaesit, il n'y a tor. Dans l'exemple de Lucrbce, plus non de tautologie : quaerere a pour r6gime .pas pacelfl, tei est l'objet rnattriel qu'il cherche ) gagner ; 160
LE
INDO-EUROPEENNES
<( QUAESTOR
> ET LA
<( PREX >
par quel moyen ? Pat Ia * prex, par une demande orale. F,n d'autres circonstances E'auraii pu 6tre paf d'autres
moyens.
Ainsi nous constatons une dualit6 de fonction qui tlahit un fonctionnement'ancien. Pour nous, < demano_, c'est << chercher d obtenir >>. Cette notion se spdcifie de plusieurs manidres dans les contextes, mais en latin alcien on distingue deux reprdsentations : elles rev6tent
4..
dans les socidtds anciennes une forme pr6cise, concrBte, et que seul le vocabulaire peut rdvdler. Les verbes m€mes ou certains de leurs ddrivds nous conservent encore ou nous livrent pat la comparaison le tdmoignage d'un sdmantisme beaucoup plus riche : telle est la distance entre procus et precor en latin, i cause de leur spdcialisation pr6coce. Si -nous ne connaissions pas ces valeurs qui autorisent a rapprocher Lat. procus- et
tit. piTiti, il
nous serait di{ficile de rendre )-la racine prek- sa signification exacte, de voir que * prek- d€signe une activit6 purement verbale, ne compoftant pas de nloyens mat6riels et consistant en une demande gdn6ralement adressde par un inf6rieur i un supdrieur. C'est par l) que " prek- << demande de faveur > se sdpare de Ia racine non attestde ailleurs qui est reprdsentde par - latin quaero et le nom- d'agent quaestor. le verbe o
L6t
i
chapitre 8 le serment en Grdce
Sommaire.
Le serment, affirmation solennelle
- garantie d'une - puissan.. ;; la p_"j,^"11,-
pas plus que
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h;;;i;
notion
a.1
placCe sous
.tiiieil.-,r,-i'.i'p*,iii# a.'iiiir.ii!
;u..". l'1, rndeeurop€enne comlnune-. _!es langues se donneni aar.a*or.._ sions conformes aux rnodatitcs particuli.r.r-;;l;"8;"d;fiL:
anticipie qu'est la prestation .i'"n -i.-rr*nt.' En-tie.-;;;;; rnent, on peut_ ressaisir_-dans le tour dCji homdriiue ii;I;; o_frn!!! liF"ifiaor spicifiqugr.ne_nr < pr€ier s.rment r>, son origtne concrete
: < saisir. le h6rkos r>,-objet chargC di,pUirr".l maldfiq,ue qr€99 I se d€chalner ;; ;r, ;;' manquement au ser_ mcnt. La vieille formule ,r.....nirir. tria iri|..."iri'1"-;o}"i
aux divinitis comme. timojns oculaiiir'ii par suite jug", irit_ cusables (cf. Iat. iudex arbiter) Lat. taclamentum << setment >, peut_etre hitt, lingais (cf. gr, ' tlenkbos t). soulisnent..I?^spaci. i"' -r[jt.,ioo potEnti.ti. qlii ddfinit spdcifi querient t'afnimaiion rl.i"lo'.nrrr...
expr;ssions religieuses oi la parole a une vertu propfes, aucune n'est plus solennelle que llrl.r.pro..ctes ceue du sefment et aucune ne sembleiait plus nicessife .
les
.t .bJlt;; i;; i.'ili; Ll' S.pendanr, Dle, ::,::.1f,: on lur chercherait en- vain une expresston commune.
Il n'y a pas de terme indo-europ6.rr- jorr, on puisse dire se retrouve dans toutes 1., iang,re* anciennes .t ooli se. fapporte propfement i cette notion. chaque lane;e a qu'il
rct sron expressron prolre et, pour Ia plupari, Ies tirmes
empioyes n'ont pas d,itymologie. L'obscuriti des termes semble contraster avec l,importance et la gdn6ralit6
de
I'institution qu'ils servent i^d6nom.o nn ign..rrirl* on voit la raison de cette discordance *rr; lt;;;;;;; l'institution et la raretd des {ormes .or*un.r. C,";; q;; le serment n'est pas une institution autonome, il n,est pas un acte qui ait sa signification en soi .t ,.'ruffir. i r63
LE vocABULAIRE DEs rNsrITuTIoNS INDo-EURoPfrNNns
rite qui garantit et sacralise une affirmation. L'intention du serment est touiours la mdme dans toutes les civilisations.'Mais I'institution peut rev6tir des caractEres difi6rents. Il y a en efiet deux articulations qui le caractdrisent : 1) la nature de l'affirmation, qui prend de ce fait une
lui-mdme. C'est un
solennitd spdciale; 2) la puissance sacralisante qui reEoit et solennise I'affirmation. Voili les deux 6ldments constants et n6cessaires du serment. Celui-ci prend deux formes, selon la circonstance : il sera serment de v6ritd ou assettoire quand il porte sur des faits en litige, ou il sera serment d'engagement ou promissoire quand il appuie une promesse. On peut ddfinir le serment comme une ordalie anticip6e. Celui qui jure met en jeu quelque chose d'essentiel pour lui,.une possession matdrielle, sa.patent6,_m€me sa propre vie, pour garantir la v4.tacit6. de son affirmation. Il n'y a pas de corespondance ndcessaire entre les gestes et les diverses exptessions du serment ; chaque fois le rite oral ou formulaire et les pratiques peuvent difi6rer. Quand nous ttouvons le serment dnoncd par un terme spdcifique, celui-ci peut se rapporter _au mode qu'emprunte la prestation plut6t. qu'au fait luim6me. Si nous connalsslons touJours les circonstances dans lesquelles le serment a lieu, nous serions dclairds par li mieux que nous ne le sommes sur le sens propre du terme ; mais trbs souvent ces conditions ne sont pas connues, et I'expression reste obscure. En germanique, nous avons got. aips qui se continue dans ltnsemble des langues germaniques : v. isl. ei6r, v.h.a. eid, v. angi. ap, anglais oath, et qui correspond exactement ) v. irl. oeth. La coffespondance est si €troite entre le germanigue et le celtique que, comme pour beaucoup d'autres termes de culture, on peut se.demanet alors dans quel sens ? der s'il n'y a pas emprunt Got. aips et v. irl. 6eth se-rambnent d * oito-, qu'il est permis d'interprdter comme une forme ddriv6e de la iacine << aller r>, donc << la ntarche >> ; la difficultd est de voir le rapport de << marche )> avec <( serment >>. On peut penser avec I'historien K. von Amira que cette 164
LE sERMENT EN cni,cn .< marche >> 6tait le fait d'<< aller solennellement au serment >, cf. lat. in ias ire. C'est possible, mais on peut
imaginer d'auffes interprdtations, notamment en dvoquant un rite connu dans plusieurs civilisations anciennes. La prestation de serment donnait lieu ) un sacrifice : on coupait en deux un animal ; puis celui ou ceux qui juraient devaient passer entre les deux moitids de l'animal sauifid. Ce rite est ddji artestd en hittite. On en retrouve la survivance en Lituanie au xrve sibcle. Aux temes d'un serment pr6td en 1351 par le grand-duc de Lituanie au roi de Hongrie, Ie jurant passait enue les deux paties d'un beuf sacrifid en dnongant que tel serait .son sort s'il ne tenait pas sa promesse, sic sibi contingi si promissa fiotl serutrer. Toutefois, comme ce rite n'est pas attestd dans le monde germanique, une pareille interpritation de 't oito- demeure hypothdtique. En germanique comme en plusieurs autres langues, mais non partout, le verbe et le nom sont difidrents. On ne dit pas << jurer un jurement >>. Le verbe est got. suara,I (all. schudren, angl. suear) qui traduit gr. b'p,,ooa,, ; ut'arsuar-an est un calque de tnu-oprelv << se pa{urer, faire un faux serment >, Ce verbe a son corfespondant hors du germanique, en italique, dans I'osque suerrunei, datif singulier de la forme nominale, qui signifierait << ) l'orateur, au garunt >>, Mais serFltro, qui en a dtd rapproch6 ) tort, doit se rattacher d. serere. Ce m€me verbe germanique donne encore isl. snara < rdpondre )), u. h. ,. andsuara << rdpondre > (anglais ansuer),' comparer pour Ia formation lat. re-spondeo, d'or) on conclura que le sens de srDaran est A peu prds celui de spondeo, c'est-idire < garantir, tdpondre de quelque chose >>. Ainsi germanique * suter- <( se porter gamnt >>, se conjoint bien d la notion de << serment >> dnoncde par le substantif qui I'accompagne i titre de compldment nominal.
En grec aussi le verbe imnumi et le substantif lt1rkos difidrent. Le verbe peut a lui seul signifier << jurer >>, mais aucun des deux tefmes n'a d'autre emploi que relatif au setment. Rien n'en dclaire donc, i I'int6rieur du grec, la signification propre. Or le comparatiste ne ttouve matibre i restitution que lorsqu'il constate des L65
LE vocABULATRE DES rNsTrrurroNs INDo-EUROpEnr.rxBs variations ; ici le sens esr fix6, immobile. Mais I'dtyrnologie du verbe grec permet quelques inductions. Le radical om- du prdsent 6m-numi est susceptible d'un rapprochement, qui a 6t6 tait depuis longtemps, uu.. ie verbe sanskrit am- de m6me sens, qui esi aniien, attestd dans des conditions srires par dei textes vddiques et brahmaniques. Ce comespondant est le seul qui- puisse dclairer I'origine de 6nnumi. En v€dique, arrtr- se rencontre tant6t simple, tant6t avec le prdverbe sarn-, comme en grec sun-inznumi en {ace de 6nnunti. Nous en avons l'impdratif dans utr rdcit ldgendaire : un personnage esr invitd i jurer qu'il fera bien ce qu'il dit ; le dieu-dit : ytam amisua << jute par le rta >>, (<< en pfenant pour garant 19 {ta l) _ le_ personnage rtana dm7t, << jura par le rtd >>, Dans le Satapatha-Brdhmafa : etad dha deaah ... samdnire n et cela, les dieux le jurbrent conjointement, se le jurbrent les uns aux autfes )> ; et encore : sama(W\e << il s'engage vis-)-vis d'un autre pour une certaine
durde
>>.
En m6me
temps. que la sp6cificit6 de l'emploi, nous avons Ja chance d'avoir la signification propre : arnveut dire proprement ., prendri, saisir >>, avec ou sans prdverbe ; tarn abhyan\ti Varanab dquivaut avec un verbe diffdrent A : tury gybnati Varuiab << Varuna le 'de saisit_ >. Celui qui est < prii, saisi >>'par un accds maladie est dit abhyinta, participe du mdme verbe arn-. Voili donc une indication prdcieuse pour la pr6histoire de la notion : il faut partir du sens de << saisir >>. Bien qu'en grec il n'en reste plus trace, cette idde sera i int6grer dans une explication totale de I'expression. Car nous pouvons la justifier indirectement. Quand Hypnos fait jurer i Hdra qu'elle lui donnera pour femme- une des jeunes GrAces, Pasithda, il lui demande un sermenr solennei : - << Jure-moi par l'eau inviolable du Styx, en touchant d'une main le sol nourricier, de l'autre ia mer dtincelante, pour que nous soient tdmoins tous les dieux d'en bas qui entourenr Kronos >> (Il. 1,4, 27L). Consid6rons maintenant h6rkos, compldment normal du verbe dans I'expression h6rkon orn6jai. Le sens de h6rkos ne montre aucune variation. Dans la langue iodtigue depuis Homdre, b6rkos avec fintnumi est l;ex-
L66
LE sERI,{ENT rru
cnicr,
pure et simple du << serment >. Signalons en orrtre le diriv€ important epiorkos < parjure i, et epiorkein <, se parjurer >, terme qui demande un examen dis_ tinct. \tgur ne. disposons pas d'appuj dtymologique pour explrquer ho,'kos. Il y a tout au plus un rapprochement formi par les anciens-et repris depuis hhrka, (< serrnent )> et hdrkos << baruidre >. En "ntre apparence, c'est li rune variation de type connu et satislaisant ; comme berko.r €sr un neutre, I'alternance semit h6rkri-lhdrko-. Mais le sens de h1rkos est exclusivement < tarribre. enceinte )) ; on connait la formule homdrique b1rkoi odinton .. la barridre des dents >. Il faudraii donc ima_ giner qu'avec une variation du vocalisme radical, << ser_ ment )> serait ) rapprocher de < barriEre >>. De quelque manidre qu'on se reprdsente ce rapport, il n'y a rien dans 'interpr6tation, les idc,es grccques qui favoris. .itt" au derncuranr peu satisfaisante. Nous ne devo-ns pas pour autanr renclncer i dclairer un peu le sens ) l,int6rieui. du pressio-n
grec.
, Dans la langue.homdrique hdrkos ddsigne toute espBce
de serrnenrs : celui qui garantit ce qu'on va faire, un pacte ou bien celui qui soutienr une a{firmation rela- pass6, le sermenr judiciaire. tive au Le sens de hhrkos ne ddpend donc pas des modalit6s du sermenr. Mais iJ importe- de remarquer que le bfirkos homdrique .
n'est pas rrn fait de parole. Lisons la formule du < grand serment: > des dieux : << Que soient tdmoins la Terre et le vaste Ciel au-dessus, et I'eau du Styx qui descend (aux
Enfers), ce qui est le plus grand et bld redoutable serment pour les dieux bienheureux > (Il. 15, 16 ss.). Cf . Hynne bomdrique d Dintiter 259 : << Que soit timojn 7e hdrkos des dieux, I'eau implacable du Sty*. o Ici ,, hdrkos des dieux >> esr mis en-apposition d -hidOr << eau > : c'est l'eau du Styx qui estle h6ikos. De fait H6siode, dans la Th1ogonie (v. 400) fait de J/yx une nymphe que Zeus a voulu honorer en faisant d'elle- < Ie grand h1rkos des dieux >>. C'est pourquoi quand Zeus veur savoir qui des dieux a menti (vers 7S+ et suiv.), il envoie Iris au loin pour rapporter << le grand hirkcts des dieux ,> dans une aiguidr"-j'"u.r. C,est"l'eau 167
LE vocABULAIRE DES INsrITurroNS IND0-EUROpEr,uNgs
LE SERMENT nN
tenommde qui ruisselle, froide, d'un rocher dlevd et abrupt, l'eau du Styx. On le voit, l'eau du Styx constitue par elle-m6me le b6rkos des dieux, dtant une matidre investie de puissance maldfique.
fl
est encore d'auffes types de hdrkos : Achille veut faire i I'Atride une promesse solennelle ; il lui donne son sceptfe , garant des tbinistes de Zeus. Il ajoute : <( ce sceptre sera pour toi m6gas b6rkos > (Il, 1, 239). Ce n'est pas une maniEre de parler ; I'interprdtation litt6rale conduit ) identifier le h6rkos i un objet : substance sacr6e, bAton d'autorit6, I'essentiel est chaque fois I'objet m€me et non I'acte d'dnonciation. Dls maintenant, on aperEoit une possibilitd de metrre en accord, dans leur signification primitive, le verbe et le substantif r comme 6mnumi renvoie d un sens prdhistorique de << saisir fortement >, ainsi h*rkos, en grec m€me, porte I'empreinte d'une configuration matdrielle. De li l'expression << saisir le bdrkos >> : obiet ou madere. ce h6rkos est I'objet sacralisant, celui qui contient une puissance qui punit tout manquement i la parole donn6e. C'est bien ainsi que les Grecs ont figurd la personni{ication de h6rko{; elle est siniste. Citoni encore Hdsiode : << Horkos qui est le pire des fliaux pour tout homme terrestfe qui aura sciemment viol6 son serment (Th6og. 231-232) ; cf.. Traaaux 804, oi il est dit que Horkos n'a 6t6 mis au jour que pour 6tre le fldau des parjutes. Il court imm6diatement avec les sentences tor>>
tueuses
(ibid.
21,9).
L'imagination mythique n'a fait que personnaliser la notion incluse dans le sens m6me du mot, en reprdsentant Horkos comme une fotce destrucrice, qui se d6chalne en cas de manquement, car le substantif h6rkos ddsignc une substance chargde de mal6fices, puissance divine, autonome, qui chAtie le parjure. Derribre cette conception se devine l'idde pr6sente dans d'autres ddnominations du <( serment >>, En latin, outre ias iurandum 4tvdi6 plus haut, le terme sacranaentuftl (d'oi notre serrnent) implique la notion de rcndte sacer. On associe au serinent la qualitd de sacr6,la plus tedoutable qui puisse affecter l'homme : le << serment )> appa168
cnics
rait ici comme une op6ration consistant a se iendte sacer conditionnellement. Rappelons-nous que I'homme d1claft sacer povvait €tre tu6 par n'importe qui. Cette << consdcration )> se retfouve dans le tetme sanskrit iapatba << jurement >, ddrivi de iap- << maudire et aussi en slave, v. slave klgti << maudire >>, mais klgti sg << jurer )>, comme russe kliast << maudire >> et kljast'sia << jurer >>. L'expression ddvoile la ph6nomdnologie du serment. Le jurant se voue i la mal€diction en cas de parjure, et il solennise son acte en touchant l'objet ou la substance investie de ce pouvoir terrible. Il faut maintenant vdrifier la validitd de cette interpr6tation pour le composd de b6rkos qui ddsigne le << parjute >>, epiorkos, terme si difficile dans sa clartd apparente qu'il est encore objet de discussion. Le mot entre dans deux constructions difidrentes, la plus ancienne avec I'atffibut au nominatif : epiorkos ornnilnai << jurer de manidre ) 6tre epiorkos >> ; l'autre i l'accusatif comme rdgime : eptorkon omnilnai. La premibre construction se ttouve chez H6siode, Truaaux 804, la seconde chez Hombre, par exemple Il. 3, 27g. Le sens litt6ral de ce terme composd a 6t6 plusieurs fois discutd. Une interprdtation rdcente est celle de Schwyzer (1). Pour expliquer que epl * hdrkos signifie < faire un faux serment )> ou <( se parjurer >, Schwyzer est parti d'un vers d'Archiloque (Diehl, Anthol. Lyr. I, 265) : < Lui qui 6tait un compagnon auparavant, il a foul6 aux pieds, marchd sur le serment D, lhx 6be eph' borkiois. Ce serait I'explication littdrale du composd, du fait qve ept figure dans une expression qui formule analytiquement la notion. Il faudrait donc entendre epiorkos comme ho epi hdrkai , donc << celui (qui marche> sur le h6rkos >>. Mais on voit la faille de cette afgumentation, c'est que le terme essentiel,' le verbe baind est justement celui qui est omis dans le compos6. Nous retrouvons bien la construction nominale de eoi. mais sans l'idde de << fouler aux pieds > ; voili .. qui emp6che de suivre l'interprdtation de Schwyzer. >>
(l)
Indogerrnaniscbe Forscbungen, 45, L927, 255 sq.
169
LE vocABULATRE DEs INsrrrurroNs rNDo-EURopEBrqNes
L'explication de epiorkos << parjure >>, et du verbe epiorkein << se parjurer r> doit partir de cette observation que la forme epiorkos ne peut 6ue ancienne : si elle L'6tait, on attendrait * ephorkos. Il s'agit donc d'un --l'rrn adjectif (ou d'un verbe selon qu'on pose ou I'autre comme premier) qui a 6td consritud par jonction d,une locution. oi epi et h1rkos figuraient ensjmble. Cette locution existe, nous Ia trouvons chez Hdsiode (Traaaux 194) dans une description de l'6ge de fer. En cet Age, dit-il, personne n'aura souci du bien et du mal, les cJnventions les plus respectables seront viol€es : << le lAche nuira au brave, s'exprimant en propos toftueux, et il y ajoutera un serment, epi d.'b6rkon omettai >>. On voit ici, i I'itat d'dldments distincts, les membres du composd epi-orkos; et on voir comment ils produisent le seni de << parjure >> : c'est par une Iiaison implicite entre le sefnrent prof6r6 et la parole rnensongire qu'il appuie. L'idde est donc celle d'ajouter (epi) un sermenr (h6rkos) i une parole ou d une promesse qu'on sait mensongtsre. Cela est confirmd par un deuxiEme exemple d'H6siode (Trauaux 282) : << celui qui ddlibdrdmenr fait des tdmoignages mensongers en pr€tant un faux ser.rrent, hbs dd ke rnarturieisi hekdn epiorkos oru6ssas pseilsetai... r>. Dans |'Hymne honzdrique- i Hermis, Hermes lui-m€me donne I'exemple d'un << grand serment > prof6r6 i I'appui d'une afhrmation toute mensongdre (verc 274 et 383). Ainsi le fait d'<< ajouter un h6rkos >> (epi-orkos) suppose toujours, explicitement ou non, que le jurant ne tlendra pas sa parole, qu'il se parjurera, qu'il sera epiorkos. C'est par r6f6rence implicite ) I'usage du serment fallacieux qui devait €tre pass6 en habitude et en proverbe q,r" - un serment >-en est I'expression << ajouter (i son dire) venue i signifier trds t6t << prdter un laux sermenr ; se parjurer >>. Le terme eplorkos nous livre ainsi un ffait de mcuts ; il rdvdle qu'on appuyait facilement d'un hirkos une promesse qu'on n'avait pas l'intention de tenir ou une affirmation qu'on savait fausse. Le tdmoignage de la langue a cutieusement pour gafanl inyq- grecs, lontaire un historien, le premier des historiens Hdrodote- lui-m6me. Celui-ci narre un dpisode de la-lutte enffe les Mides et les Grecs. Les Lacdddmoniens avant 170
E SERMENT EN
GRECE
enjoint i Cyrus de ne nuire ) aucune citd grecque parce qu'ils ne le souflriraient pas, celui-ci rdpondit au hdraut qui lui apportait ce message : << Je n'ai aucune crainte de ces hommes qui ont au milieu de leur citd une place ddsignde of ils se rdunissent pour se tromper les uns les autres par de (faux) sermenrs >> (I, 1,53 : allillous onnrtntes exapat6si). L'expression qui est littdralement : << se
tromper les uns les autres par des serments > implique dviclemment que les serments sont mensongers. On voit ici i plein comme l'intention de tromperie lait du serrnenr un stratageme.- De q-uoi Hdrodote encore rapporte maints autres exemples. Glaucos s'en va demander tranquillement d I'oracle s'il peut s'approprier par un sermenr (h6rkal) un ddp6t qui lui a dtd confid et qu'il voudrait bien ne pas restituer. La Pythie lui fair iette rdponse cinglante : << Cenes dans I'immddiat il y a profit i-vaincre ainsi par un serment et ) s'empoi.r ier richesses. Jure donc, puisque la mort attend aussi bien celui qui garde parole. Mais 1l y a un fils du serment, anonyme, sans mains ni pieds. Rapide cependant il poursuit (le parjure). jusqu'd ce qu'il ait saisi et qu'il ddtruise sa descendance endere et toute sa maison ; tandis que la descendance de celui qui garde parole aura dans la suite meilleur sort > (VI, 86). Qu'on lise encore comment Et€arque fait jurer i son h6te de consentir i toutes ses demandes et en profite pour I'obliger i faire pdrir sa fille : I'aume indignd de < la tomperie du seiment o (tti hapitei tofi h6rkou), se ddgage ing6nieusement de ses obligations (IV, 154). C'est encore par le stratagbme de serments fallacieux (t6i h6rkAi kai t€i bapitei) qu'Ariston s'empare de la femme d'un ami (VI, 62). L'anaiyse du composd epiorkos rejoint ainsi la description des mceurs : dans I'expression fixde de bonne heure pour < parjure )> on retfouve comme une preuve de la pratique abusive, dolosive, du hLrkos dans la vie sociale des Grecs. Il est seulement curieux de constater que ce trait soit si ancien, puisque eplorkos, epiorkeln sont ddji en usage dans I'Iliade ( 1). (I
)
Dans
la Gr}ce
un article antdrieur sur Hist. Relig.,
ancienne (Reu.
l'exptession du serment dans p. 81-94), nous avions
1947-8,
171
LE SERMENT rN/cntcn
LE vocABULATRE DES rNSTrrurroNS rNDo-EURopEuNNrs
Voili,
dtymologiquement
et
conceptuellement, I'inter-
prdtation des notions qui se rangent sous hflrkos et drunumi.
Nous connaissons maintenant en hittite le terme pour jnrer >> : ling- << jurer )>, avec le substantif. Iingai- (gdnitiI -i'yas) <( serment >> et le verbe ddnominatif linganu<< faire prdter serment) assermenter )>, notamment pour Ia prestation du serment militaire qu'un chef impose ) ses troupes. Sturtevant a supposd qq. hittite ling- correspondait d Alenkhos. Or 1lenkhos signifie << inculpation, preuve suffisant i convaincre quelqu'un >>, d'ot, dans le vocabulaire philosophique << r6futation )>. Dbs lots, << juter >> setait en hittite << inculper >>, ce qui rdpondrait assez bien i la teprdsentation grecque et latine. On s'inculpe par avance et conditionnellement en iurant, et I'inculpation prend son efiet en cas de parjure. La notion est de m6me sens dans I'expression latine sacrarnentuftz qui pose un problbme de droit plut6t qu'un problbme dtymologique ou philologique. On connait difidrents sens de sacramentun : la legis actio sacramenti est une forme particulidre de procddure engagde dans les usages archaiques devant le pontilex pour une revendication. Au cas or) la preuve ne serait pas rdgulibrement faite, une poena frapperait celui qui aurait engagd I'action. Une autre formule ddfinit le serment militaire, qui est d'espdce particulidre : consulibus sacralnento dicete, << s'engager envers les consuls paf le sacrantenturn Sacrarnentufti est un d6riv6, non de sacer, mais du <<
>>,
verbe ddnominatif sacr*re, << ddclarer sacer >>, << ddclarer qui commet tel d6lit. Le sacramentutn est proprement le {ait ou I'objet par lequel on anath€nratise par avance sa propre personne (sacramentum militaire) ou encore le gage ddposd (dans le sacranxentaffl iudiciaire). Dds que la parole est prononc€e dans les formes, orr est potentiellement dans l'6tat de sacer. Cet 6tat anatheme > celui
expliqu6 autiement
le
terme epiorkos. L'interptdtation que
nous
proposons ici se rapproche de celle qu'a donnde M. Leumann, Homeilsche lYdrter, L950, p. 79. Le terme h6rkos a donn6 lieu ) des articles de J. Bollack, Reu. 6t. gr., 1958, p. 1 ss., et de R. Hiemche, ibid., p. J5 ss. D'autres dtudes sont cit€es dans le dictionnaire 6tymologique de Frisk, sous epiorkos et h6rkos.
L72
devient efiecti{ et appelle la vengeance divine si on transgresse I'engagement pris. Dans toutes les circonstances, la procddure de l'engagement s'ordonne de la m€me maniCre et, dans une certaine mesure, les termes le laissent apetcevoir. Considdrons maintenant les formules, les modalitds particulidres qui ordonnent la prestation. Il en est une qui nous paraft frappante et i laquelle on ne fait, d'ordinaire, pas attention : c'est la {ormule qui revient chez Flomdre toutes les fois que le texte du serment est reproduit. On fait appel i Zeus et i une sdrie de dieux : "I6'Et') vOv Zefq rcp6tcr... ffr re xai'Hdlr,oq (Il. 19, 258 s.) ., Q.re Zeus,Ia Terte, le Soleil le sacbent... >> Le but n'est pas seulement de faire connaltre aux dieux le texte de I'engagement par lequel on se lie. I1 {aut rendre ici i istd sa pleine force 6tymologique : non pas seulement < qu'il sache >>, mais proprement <( qu'il uoie >>. La racine " uid- survit dans cet emploi avec toute sa valeur. Il s'agit d'dtablir les dieux comme t6moins du setment ; le t6moin, ) date trbs ancienne, est tdmoin en tant qu'il << sait >>, mais tout d'abord en tant qu'Ll a aa. Ce n'est pas h simple conjecture d'dtymologiste. Quand les autres langues indo-europ6ennes ofirent des tdmoignages anciens et explicites sur le sens de r' ttseid-, elles s'accordent avec le grec, Ainsi, skt. uettar qui a ie m6me sens de << tdmoin )> est, au degr6 radical prbs, la forme qui correspond au gtec istdr << tdmoin r>, et signifie bien << le voyeur > ; got. uteitwdps, participe parfait (cf, skr. uiduas-, uidus-) est celui qui sait pour avoit uu; de m€me encote iil. liadu (>. Le grec istor prend place dans la m€me s6rie et la valeur propr,: de cette racine *' uid- est dclaitde pff la rEgle 6noncde dans le Satapatha Brahmala : yad idanim duau uiuadarndnam eydtdm ahant adariam aham airausant iti ya eua brayad aham adariarn iti tasmd eaa iraddadbyarna << si maintenant deux hommes se disputent (ont un litige) en disant, I'un << moi, j'ai vu >>, I'autre < moi, j'ai entendu >>, celui qui dit << moi, j'ai vu >>, c'est celui-li que nous devons croite. Entre celui qui a vu et celui qui a entendu, c'est tou>>
t73
LE voCABULATRE DEs rNSTrrurIoNS rNDo-EURopErfrNus
iourg i celui qui a vu qu'il faut ajouter foi. La valeur fondamentale du timoignage oculaire ressort bien du nom mdme du tdmoin : istdr. Voili pourquoi on prend les dieux i t6moins, en les invitanf i, uoir; le t6moignage de la vue est irricusable; il est le seul. En latin aussi le serment s'accompagne -esi de I'appel aux dieux tdmoins, mais la formule en difidrenid. Nous la lisons dans << le premier engagement connu r>, selon Tite-Live (I, 24,7),-celui entre-Rlome et Albe. AprBs la conclusion du pacte, le fdcial prononce << Audi... Juppiter ; o!.|i, pater fatr€te p9puli Albani ; audi tu populus Albanus >>. On demande ) Jupiter, av pater patiatus et au peuple d'Albe d'entendre. Il faut u > pour
6tre timoin du serment d Rome. Pour"ntendr" le Romain,^ qui attache tant de prix i l'dnoncd des formules solennellis, voir est moins important qu'entendre. Il reste c_ependant quelque incertitude sur un emploi particulier, homdrique, de istor dans un passage important, 11. 18, 498 ss. * que nous avons d6j) dtudid i un autre point de vue (1) : istdr signifie-t-il li < tdmoin > ou << juge > ? Dans -une scBne figurde sur le bouclier d'Achille, on voit deux hornmes qui discutent, et se querellent arr sujet de la poin€ pour racheter le meurtre d'un homme. Tous deux vont chez un istor pour la ddcision
LB
SERMENT
sH cniicr
classique, renotis arbitris signifie <( sans tdmoins >. Et puis : 2) l'<, arbitre_r>. En r6alit6, ce sens s'explique par Ia _fonction propre du iudex arbiter. Comme on j'a iu, afiiter est dtymologiquement << celui qui survient >, en 'tiers, i une action dont il se trouve 6tre timoin sans avoir 6ti vu, celui par consiquent dont le tdmoignage tranche le dibat. En vertu de la loi, le iud.ex arbiter-a li pouvoir de trancher comme s'il 6tait 1'arbiter tdmoin, comrne s'il avait assistd i la scBne m€me. Tout cela est ivoqud aussi par Ia formule du serment hom6riqye. Pourqgoi convoque-t-on les dieux ? C'est parce que Ie chAtiment du parjure n'est pas une afiaire hurnaine,
Aucun code indo-europden ancien ne prdvoit une sanction pour le parjure. Le chAtiment esi censd venir des dieux puisqu'ils garants du serment. Le parjure est -sont_ un ddlit contre les dieux. Et s'engager par un serment, c'est toujours se vouer paf avance i la vengdance divine, puisqu'on implore les dieux de << voir > ou d'<( entendre >r, d'€tre en tout cas prdsents ) I'acte qui engage.
(501).
II est difficile de comprendre qu'il s'agisse d'un tdmoin, puisque sa prdsence aurait 6vitd le d6bat ; il s'agit d'un << arbiter >>. Pour nous, le juge n'est pas le timoin ; cette variation de sens g6ne I'analyse du passage. Mais c'est prdcisdment parce que istor est le tdmoin oculaire, le seul qui tranche le ddbat, qu'on a pu attribuer i, ist6r le sens de < qui tanche par un jugement sans appel sur une question de bonne foi >>. Du m6me coup on saisit aussi le sens propre du terme latin arbiter qui ddsigne 1"<< arbitre o. Comme I a 6.t6 exposd plus haut (2), arbiter ddsigne en fait deux fonctions _: 1) d'abord le << tdmoin > (sens le plus ancien); c'est le seul sens chez Plaute et, encore dans la p6riode (l)
Ci-dessus,
p.
109.
(2) Sur arbiter, cf. cldessus p. 119
174
ss.
175
Iivre 3 la religion
chapitre le sacri
Sonmairc.
_
L'6tude de la
dCsignatir
ringrirtill. t i;iJfft: ioJ::; li"{,'Jlir,,?"t,.if,T"o,i"l'f"*;:*f:l'igrr-rmui,.e;";";;;; f.i:fl#f ::,!ii't'#:}i'$'i?"f"""ffi "J'li* '::'""{f ffi:.1'ru'n:.",: :'-Pl:*:i';:; i"." J",. mais deux signes. ":ii [l,ff r"y':nj! ; double face : oosirive < ce qui est {t chirgJ de prdsence rDet
.en prdsence" d.une- situation
*::#] ;'rirffii
W'
divine >. ndgative <. ie qui.r* des hornmes >. (Li grec bisios n'enme-pas dans.la Jciiln"ii# ou sacrd; une double opposition, d bier6i et d dikarioi,-horn,,,., sa valeur : ., ce qui esi permis
et
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ir,i,l]ir"'il;:;., iA;;;; par
les di.u* o,i
Les chapitres oui.suivent sonr consacris cialement le vocnbuluir.
i
dtud.ier spd-
l.iigi.".T1i"d;;;d;,
;;
p.olnr pour les notions.fond"ilentater. Nour r.n"onrrerons ici les m€mes difficultds a"..ett"a"'qui no,r, ;;;-;;;;: propos des aures institutionsl L;-;;Gilt#; ly"r i d'arteindre dans le lexique un; ;drk; t"d;;;;G;;: Si en efiet on se borne a consiJerer l"-iortion du vocabulaire qui peut €tre ddfinie .";;G;;;;;t'et immddiatenrent par des correspondances-rdgu'lier;;;-;;' est voir peu ) peu i'objet de I'iti,de-r"'air'*uar.. condamnd d Ce que Ia grammair. .o*p".!; ;;;;., J,atteindre se rrouve exposd dans un artilli de Meillet (1). Il *"nt.. que nous ne Douvons accdd,gr de plain_pied 'aux .on.-.ptions indo-eurbpdennes t*;h;n;lr"ffion parce que Ia
-CirUritriqae
bistorique
et linguistiqte g6x6rale, I, paris,
1921,
179
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO-EUROPEENNES
r,r
comparaison ne nous livre que des termes gdndraux, tandis que 1'6tude des rdalitds enseigne que chaque peuple avait ses croyances et ses cultes particuliers'
grammaire comparde, de par sa m6thode m6me, conduii i 6liminer les ddveloppements particuliers pour restituer le fonds colnmun. Cette ddmarche ne laisse subsister qu'un trds petit nombre de mots indo-europdens _ : il n'y aurait ainsi aucun terme commun pour ddsignet la religion m€me, le culte ni le pr€tre, ni m€me aucun des dieux personnels. Il ne resterait en somme au compte de la communautd que la notion m6me de << dieu >. Celle-ci est bien attestde sous la forme *' deiuos dont le sens propre esf << lumineux > et <( c6leste >> ; en cette qualitd le ii"n r'oppose ) I'humain qui est < terresffe >> (tel est le sens du mot latin horno). Nous pouvons ndanmoins nous instruire du vocabulaire religieux-indo-europ6en sans le chercher dans des corres' pondances v6rifides pour I'ensemble des langues. Nous i.nt.ront d'analvser les t.rmes essentiels du vocabulaire teligieux, m6me lorsque la valeur religieuse des termei .oniid6tir n'apparait'que dans une langrre, ) conditioh qu'ils soient susceptiblei d'une interprdtation par I'dtymo-
le plus.possible la signification du terme. Or terme hautement sigiificatif q";on renconre il est un dans
un groupe de.langues contiguds , en slave, fultiq.r!';, ;; iranien; c'esr Ie mot riprdsentd p;; ;. "" ,f. ,rs]]i-fi"# sujat6i), lit. iaentas, av. spanta. Cette correspondance dgfinit un adjectif qui a gard6 'une valeur. -Juri, tra, fori. o", croyances de -rellgieuse caractdre diff.rent ; en slave et en baitiq"., ll-lpprrri# au vocabulaire chr.tien et signifi.- ... ,uirri,
La
logie.
Avnsrrqur.
-
spenta
:
yaoiddta.
Nous constaterons en efiet que la valeur religieuse d'un terme n'est souvent perceptible que dans une langue. Il importe alors de rechercher dans quelle mesure elle est unl sutvivance, dans quelle mesure elle constitue un ddveloppement nouveau I et c'est ptdcis€ment dans cette difi6-
rerrciation et cette dialectique des valeurs que rdside I'intdr6t de cette recherche. Il y a lieu de partir d'abord de cette premibte notion si importante du sau6, par rappoft i quoi s'ordonnent tant d'autres concepts et termes religieux. Nous avons pour cette notion de << sacrd >> un vocabulaire assez riche, assez largement diff€rent selon les langues. Rares sont celles qui prdsentent un terme commun ; mais quand cette chance nous est donnde, il nous faut I'utiliser au mieux et pr6ciser 180
secn6
,rriJ,"r-lr-; en iranien, sous sa fgrme c,est, ;; Iv.stiqu", croyances mazddennes, 1e meilleur equivaleni'd.;; i.; q*
nous appelons le << sacr6 >>. - Ce-terme a dans.chacune des langues un certain nombre
de.
relations dtymologiqu.r
uuJ. *u"rres survivances.
-*i, E; soir avec des d6riv6s"s".o"auir.r. brilil;, irr,*rilli s.:11t1s,fart groupe avec v. pr. swints,Iette sacts qui ayant m€me torme et m6me emploi, n'y ajoutent rien. Mais en iranien, s,paflta- se rartache un'ensemUf" .""rlJei"Uf" de rermes drstincts. Au point de vue formel,
i.
i
spanta est un adjectif verbal en +;_ b6ti sur [i":r: ;": apparait dans les {ormes-de comparajiit "n -r"ji.rf ,prn_yoh_ et de superlatif.,sp an-iita-; conformdment i l^" {;;i!";";;* comparatif et superlatif sont bAtis nor, ,,r, positif, mais sur le radical. f. .e*.-r;i.rt l. ,hC;;-;; ;r;-i;;; trn substantif neu*e spdn_ah_, ;i;_;b,_ .. h' ;;"li;;^;; spanta )> ; er de ce substantif un adjectif d6ri;a-;;;;;-
uant.
L'adjectif ,spe-nta qu,on -traduit par << sanctus >> a une importance fondamentale dans I" uofrb"luir" ."figi"""
.
ai l'Avesta. Avec un aurre. adjictif--ii"rrro <. immortel >, il constitue' l'"pp.llution 1u amaia) _ des ;;;!n_ tpanla.,.groupe de sept - divinitds qui prdsident a i" l[ matdrielle
et morale de- l,homm", _ quoioue portant des noms abstraits _, se ',*, "r'qui i. b""r;;;l;" incarn6es chacune dans un 6ldment ,- auu, terre, plantes. mdtaux, etc. Chacune d,elles est i la f"i, i; vertu er Ia divinitd protecrrice d,un gilr.ni do ;;;. Elles se disposent urrtou..l" di"" ,"pre.. Atr.;J\I;;;;; sont constamment invoqu6es _rant dun, t", tyrnn.r-Jii, Gatbas qui constituent la predi.uiion .-en. d;'Z;;;;;; que dans les texres mythoiogiq";;-;;;ques rassemblds
ililflt,;;
181
LE vocABULATRE DES INsTIl'urIoNS INDo-EURoPErmNrs dans le recueil des Yairs de l'Avesta. Leur nom collectif amaia spaflta peut se traduire << les Saintes Immortelles >>. En outre spenta e$t souvent employd comme sp6cifiant les notions les plus importantes de I'univets religieux. Il s'associe avec tnq\ra << parole efficace >> ; avec nzainyu << esprit (divin) )> ; avec xratu << force mentale, viguetr avec des de I'esprit >> ; avec ga\a << chant, hymne > ;
noms d'€tres : c'est I'dpithbte du dieu de- la boisson haotna (vddique somn), c'est 1'6pithEte d'un animal aussi important que le bovin dans la cosmologie i gdo-spentt. Il est devenu un €ldment du nom m6me de Aramati, dii'init6 d,e la terre : spantd-dnnaiti a donn6 en moyeniranien Spandarnat, avec les deux dldments 6troitement conjoints : le nom n'dtait plus senti colnme_ compos6. Dans le vocabulaire armdnien qui s'est nourti d'emprunts iraniens et qui conserve quantitd de termes de la tradition iranienne, ont subsistd ) la fois le nom Spandarantet comme dquivalent de Dionysos, et le substantif sandarametk' << monde souteuain >> oi sand- peut repr6senter
une fornre dialectale de I'ancien spanta-. Avec sandarametvont les d6rivds, cr66s en armdnien m6me : sandararnet-
alrin traduisafl t gr. kh t b 6nio s, s andar am e t-ak an traduisant kata-kbth6nlos. C'est donc bien en tant qu'ancienne divinit6 du sol que Spandararnel s'est touv6 uansfdr6 en armdnien au rdle de Dionysos comme dieu de la fertilitd. Mais le d6tail de l'dvolution n'est pas encore clair. Autour de spanta, il faut regrouper divers adjectifs et substantifs tirds de la m€me tacine, mais qui s'en sont dissoci€s parfois. D'abord, outre les comparatif et superlatif. spanyabspaniita- qui monttent €n tout cas que la qualiti spafttdest sut.eptlble de degrds, le substantif spanah << sanctitas > associd d masti qui ddsigne la connaissance otl la comprdhension des vdritis religieuses. Les aumes membres de la m€me famille dtymologique sont moins imm6diatement teconnaissables. Il faut pro' cdder pour les identifiet h la restitution du prototype indoqui s'dtablit sans difficultd. Dans les trois lan"orop€.n, gu.s, iranien, slave et baltigue, il prend la forme * Hwen' ia- ; le radical apparait dans la forme du comparatif en '\ -yos (av. span-yih); on a donc un.radical *'ktuen.Mais " Hwen .n€." repr€sente une forme suffix6e d'une L82
r,r sncnf racine qui^ es-t i poser comme * kteu-,. c,est celle . qui apparait dans leverbe avestique sau_ << €tre utile, 6tre avantageux > avec ses ddrivds saua_, -<( - saud_, saaab, profi t, ; ;,; ;, A.-;' rliii,' ; ( ;i', ::.f^'^r::-,if purssant >.', ^h1 Le sens de sau-.en avestique << 6tre avantageux, profiter,'>.se ddgage d'un. for-uil o,i'.iit.nr trois compos6s symdcriques : t'radat-ga€\a, uaradatAaig;, ;;;-; terme commun..gae0a- ddsigne l,enimble j;, ;;;#";;
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er plus partin:li€remenr les "possessions
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C;r';;;i; composis ont pour prerniei t"rme un particife ;A;; !::!^"^t-*:u".- signifie <. q"iu..roit'i.J.r."t,rr. s >> uaradat; gaeua << qur augmente.les crdatures )>; le troisidme-.-ffi, saud'gaE\a- <.qui prolite aux crdatures'u. Mais .Li-"...Jirl semenr ne ddpend p,as.des_moyens ordinair., d. ih;;;;", il est de caractEre !1i"in. *; i;;i; ?fr*er., sont rouiours des. qualificadons divines. ie'i#;l;;;"r*,;;;: pri.td de caractdre surnaturel, ..'. 'u., ;;;;;d;;;;;.i";_ -' sement dans Ie monde d", L'adjectif silra ne.signife".iutur.r. pgs..,ri"rn.n, << forr >; il est aussi une qualification de hdros dont- Zara'uStra, .; ilusieurr-Ai;;", ?;";;;;;inl, .j;" &fi; l' << aurore >. Ici intervi."r t" L.l;;rir", notro.,s comme avec les formes apparent6es de Ia rn6me racine, q,ri no.rs livreni h;;; premier. Le verbe ia_'sra l!diq*, s'accroitre >, impliquant <( force >> et << prospirit6 > ; de Il iura- << fort, vaillant >,. Le m6me ,"ff,on notionnel unit en. grec I,e prdsent kuein < 6tre enceiiie, porter dans son sein >, le substantif. kitna .. grnff._.ni fa;; flot,>, d'une part, er de l,autr"'Efr';;';'" torce, souverai_ netd >, kirios << souverain >>. Ce.rapprochement m-et en lumiEre l,identitd initiale du sens de < gonfle-r >> et, dans .hd;;l;lr"i, rrrer.r, 6volution spdcifique. Toutes t., t.oi.-.oincident dans";. la formation en -ro-i'un norn o., d'un ,Jye-ctif kil_ro_, qui a " pris le sens de < force )>, d,<( il;ri;t". nfri, i,i.;;; a d6velo.pp6 les implication, d" * ,.n-, .n valeurs origi_ nalgs et il en a tird les norions ,"tigi.rr., gtrdiger-ici.--^"' Tant en indo-iranien q"'." g?..l"iJ ,"n, dvolue de << gonflernent )> a <.fo1ce ,, oi n prosp6rit6 >>. Cette << force > difinie par I'adjectrt ii. ,ai-Jii;;; ;;
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LE VPCABULATRE rrES
INSTTTUTTONS INDO-EUROpf,r,NNss
rn sacnf
I
tude,l de gonflement. Finalement, spanta caractdrise la notioh ou l'6ue pourvu de cette vertu, qui est d6veloppement interne, croissance et puissance. Enfte gt. kudd << 6tte enceinte >> et kilrios << souverain )>, entfe av. silra << fort >> et spenta, les relations sont ainsi restaur6es qui, peu A peu, prdcisent l'origine singulibre de la notion de << sacr6 >>. L'€tre ou I'objet spanta est gonfl6 d'une force d6bordante et surnaturelle ; il est investi d'un pouvoir d'autorit6 et d'efficacit6 qui a la propridt6 d'accroitre, d'augrnenter, au sens neutre et au sens transitif pareillement. Certe signification est rest6e longtemps vivante dans iranienne ; la ffaduction et le commentaire de l'Avesta en pehlevi rendent spanta par a\zonlk <( exub6rant, gonfld de force >>. Nous pouvons, bien que le terme slave corespondant ne soit connu que comme traduction d'une notion chrdtienne (higios << saint >>), prdsumer que la notion originelle de v. slave sagtil 6tait chargde de repr6sentations naturistes. Les Slaves ont conservd aprbs la conversion beaucoup de vestiges de notions paiennes. Dans des chansons populaires imprdgndes d'un folklore pr6histotiqlre, sagtil se rdflre h des paroles ou d des €tres dotds d'une puissance surnaturelle. Les formes iraniennes du groupe de spanta, qui sont les plus nombreuses, ont pris une importance consid6rable dEs lors qu'elles ont regu une valeur religieuse ; elles -et ddsignent i la fois la puissance surnarurelle la << saintet6 >> de certaines figurations mythologiques. Le caractbre saint et sacrd se ddfinit ainsi en une notion de force exub6rante et fdcondante, capable d'amener i la vie, de faire surgit les productions de Ia nature.
la conscience
.i Considdrons i pr6sent une autre expression de-la m€me idde, la notion de << sacr6 )> en germanique. Le terme germanique condlatif de sagtil en slave, est en gotique I'adjectif weihs, qui traduit gr. higios et qui fouinit les vqtbes weiban (all. ueiben) << consacer, gr. bagihzein et ueihnan << €tre consacr6, gr. hagii.zestbai >>. Le nom >>
184
abstrair uteihipa_*aduit gr. hagiasntds << consdcration > et toeiha ddsigne le << pr€tie >>. T,e mot est reprdsent6 dans I'ensemble du germanique : anglo-saxon jour consacrd )>, V. h.-a. uih <'hei_ -uih-dag < Irg >>, v. isl. uE ,< temple, endroit consacri >>, etc. paf contre nous n'en trouvons, hors du germanique, que des correspondances rrds limitdes, incerra=ines, difhciies i p;lciser. La seule forme qu'on puisse y comparer avec vraisemblance est le latin uict;m) o b€r! ofi.rie ,"" ai."" lr. mais Ia formation du mot latin est p.u claire ;-;;;;; ; i peu prds I'uniqr-re exemple d'un s,iffi"e -i,na, peut-etti avec. un autre adjectif du m6me groupe sdmantique : sacrtma. connu seulement par une glose ancienne de Festus, ddsignant le. vin dou*, off"it en prdmices i Bacchus. Ia comparaison n'ofire donc rien ddvid.ni ,rl de satisfaisant hors du radical. Peut-€tre aussi avons-nous le droit _ c'est une hvpo_ thtsse. qui a 6t6 souvent reproduite _ a.-r"ti"rr;; omDrlen moyennant une variation de la consonne finale de ce thbme,. un tloisibme dans ii*Xlrii .correspondant, erueietu,s'il signifie < qu,il corrir.r" > ou quelq;;';h;;; de semblable ; le contexte favorise cette interprdtation qui. il"est vrai, parrie 6tymologiqu". ::r."T (ct. rmpefatlt Iatin en -to) reposerait sttt * e_weig_e_tod ; si I'on admet cette interprdtaiion, on trouverait lans tes deux groupes de- langues une significatio" ia"ntiq"".- O" autait ainsi confirmation que la*notion de ,.. ,u.iJ-o qEilue se ddfinit par la nature de l,objet << consacr6 "" >>, ottert en possession exclusive aux dieux. On voit combien cette notion_ci est difidrente de celle que traduisenr I'iranien, Ie baltique et le slave. ii-rt;;;; pour I'instant de conclusions )'tirer d. ;;; efi4;J""; il suffira de la constater. C'est seulement au terme de l'examen que nous aurons ) voir, ,"u".Juit" d., ditrJr"ni, termes.en usage dan-s chacune des langues, comment ddfinir la srgnlficatron protonde d,'une notion qui nous apparait yllq", mars qur a.recu chez les peuples indo_eurbpdens oes expfessrons sl dtverses. fait est que, presque partout, pour Ia _ -U,l o. <<.ftappant sacre )>r. nous avons :T,l:n-,cleux ,non pas un s.ui t"r*", mars tcrmes distincts. En iranien, ) c6t6 d,-, moi
l;l;r;\iilr')
185
LE voCABULATRE DES INsrrTUTroNS INDo-EURopf,rNNEs
r-n
spanta, on rappellera le verbe yaoidd-, ddji rencontr6 i propos de ius (1). Cette dualitd se rdpEte en germanique : gotique ueihs << consactd >> et runique bailag, all. heilig; en latin, sacer et slttrcttts, en grec hdgios et hier6s. Elle pose un problbme qui doit €tre considdrd dans les termes propres d chaque langue. Considdrons d'abord les donndes du germanique. Au point de d6patt de la notion repr6sentde aujourd'hui par I'allernand heilig << saint >>, nous trouvons I'adjectif gotique hails qui exprime une idde toute diffdrente, celle de << salut,
sant6, intdgritd physique et corporelle r> ; hails traduit itutq, 01r,crivu:v << en bonne santd, sain >> ; ga-hails ttaduit 6),6r)"r1po6 << entier, intact >>, adjectif ndgatif an-hails, hppuoroc", xaxdq Ulurv << malade >> et substantif. un-haili .< maladie >. Du thbme nominal proviennent les verbes (ga)hailian << tendre sain, gu6rir >> et gahailnan << devenir sain, €tre gudri >. La signification est un peu difi6rente quand on passe du gotique au vieil islandais : v. isl. heil signifie .< bon prdsage )> ; de m6me, v. a. hael << bon pr6sage, bonheur, pr6sage >>; et le verbe ddriv6 en islandais heilsa << saluer, souhaiter le salut r>. D'auue pan, il a 4t6 form€ d I'aide d'un suffixe commun dans I'ensemble du germanique, I'adjectif " bailaga-. Nous en trouvons le neutte, hailag, dans une ancienne inscription runique grav6e sur I'anneau d'or de Pettossa : Gutan Iowi hailag, ce qui parait signifier << consacrd au dieu des Gots >>. Une autte inscription dgalement en caractbres runiques porte i Vlodini hailag, ce qu'on uaduit : << dotd par \Wotan de bonne fortune >>. L'adjectif est attestd dans les autres Iangues germaniques, vieil islarrdais heilagr <( sanctus ; '> vieux-haut-allemand heilag < heilig >>. En anglais, il a donn6 holy < saint >>, qui voisine avec ubole << entiet correspondant a got. hails :les deux notions, diffdrencides aujourd'hui, ont i date ancienne la relation la plus €troite. C'est uniquement en germanique que ce groupe de mots a connu pareil ddveloppement. Mais 6tymologiquement, il n'est pas isold ; il faut y rattacher le vieux slave c4lil' ,; saiin, entief, saluus > ; avec le prisent d6iv6 cilip >>
(1) Cidessus,
186
p.
113.
sacp.r6
<< gudrir >>, En baltique.y.rdpond v. qr. kails << heil >>; et I'abstrait (accusatif fgmi*n ^en -uo)'iitiart*poi ; b";;; sant6 >. Enfin le celtique le connair aussi, ,i ib;;;;rr.i;; y,*.j:_,:::l-_ < prdsage r>, vieux bretan-'coel ,, i;;;rpre*
oes ptesages
>>.
,.L" .plg,,orlpe de routes ces formes se ramdne d un adJectrt * kai.los, compldtement ignord de l,indo_iruni." olr grec er qul, m€me dans les langues occidentales, est d_ u.n, groupe, slave,. germlniqre, ;;i;iqr;:' O; n esr pas certaln que [e baltique ne I'ait pas eitpruntd au.germanique sous sa forme ancienne uu", h- initiui.--.'-Dtss Ie gotique, hail.s << en bonne ,u"te, q"i-joui, d. son int6gritd physique >>, a aussi la fonction i,uri"
.i
:::::tt:j
i;;;
de souhatt, traduisant grec khatre << salut ! >. On ,,.*oiique que I'inGgritd physique ait une uut*, *fi_i.*Jri caract6risde. Celui qui poisbde le < salur qui.a sa.qualit6 coiporelle intacte, est capable;;il; ", .;!ri_ilji.. confdrer le << salut ,>] <.. Etre intacr'-.r, ii.f.*;;;,;; qu'on attend. il-lst'ur,r..i d;,;; ::.rl1r_",:_i: _!f:'"s.. alt vu dans cette < intdgrit6 r> parfaite une grAce diuine. Lrne. signification sacrdg. porrea.'-fiu, ;;r; \^ divinitd ce don qui est intdgritd, salur, ,i.t"._ chanc., ii o.,iu-f r,r. "lle homm€s, sous Ia forme de la santd iorporelle et ,u"T de ra bonne tortune prdsagde. La notion de biilig, bien -6.tait qu'elle n'apparaisse prs gotique, y .."._;7.*r., "ri ne rucu.rs si m6me sr la ra nature narure des textes permittait pas de'lu ne_pefmettait de la i^i;; faire au cours di I'histoire're*pl*.r*ni
lfl1*i...- !!,1..l,eu LerrN.
-
sacer
:
saflctt4s.
.On passe mainfenant i I'dtude d'un groupe important. celui des mors m6mes qui, ,"lo,r.dd,ri:-r-",irmoderne, d6notent la noiion d,, n ,u..J-o. Ily-a en-latin deux mots, sacer et sanctus," leur relation. au .point de vue morphologique, est prrfuit.rrr"nt;;tr.; mais c'esr dans la rignification des termes que git [;;;] bilme. Le terme latin sacer. enferme Ia repr€sentation qui est pour nous Ia plus prdcise et spdcifiqu. du o sacrd >>. C,est en latrn que se manifeste le mieux Ia division enffe le
il#}ffiJ
187
LE vocABULATRE DES rNSTrrurIoNS INDo-EURopfnrNns
r,n secnf,
profane et le sacr6; c'est aussi en latin qu'on d6couvre le caractbre ambigu du << sacrd )> : consacr6 aux dieux et chargd d'une souillure inefiagable, auguste et maudit, digne de vdndration et suscitant I'horreur. Cette double valeur est propre d. sacer; elle contribue ) distinguer sacer et sanctus, car elle n'affecte h aucun degr6 I'adjectif
apparent6 safictas. En outre, c'est le rapport dtabli entre sacer et sauilicare
qui nous permet de comprendre au mieux le
mdcanisme de
du sacrd et la relation avec le sacrifice. Ce terme
>> qui nous est familier associe une conception qui semblent n'avoir rien de commun. une opdration et Pourquoi << sacrifier >> veur-il dire en fait << mettre h mott quand il signifie proprement << rendre sacr6 >> (cf. sacriliciunt) ? Pourquoi le sacrifice comporte-t-il ndcessairement une mise i mort ? Sur cette imolication fondamentale le m6moire d'Hubert et Mauss a jei6 la plus vive lumidte (1). I1 montre que le sactifice est agencd pour que le ptofane communique avec le divin par I'interm6diaire du prdue et au moyen des rites. Pour rendre la b6te << sacrde >, il faut la retrancher du monde des vivants, il faut qu'elle franchisse ce seuil qui s6pare les deux univers ; c'est le but de la mise i mort, De li la valeur, pour nous si profonde, du terme sacerdos, qui repose sut'\' sakro-dhot-s, composd i l'aide de la racine " dhe- << faire, poser >>, d'oi << rendre efiectif, accomplir > (cf . facio). Le sacerdo.t est I'agent du sacrificium, celui qui est investi des pouvoirs qui I'autorisent a << sacrlller >>. L'adjectif sacel est un ancien o sakros dont la forme comporte une variante, I'adjectif italique sakri-, qu'on retrouve partiellement en vieux latin dans le pluriel sacrEs,' c€ 'k sakros est un ddriv€ en -ro d'une racine 't' sak-. Or, sanctus est proprement le participe de sancio, lequel est ddrivd de la m6me racine '? sak- au moven d'un infixe nasal. Ce prdsent latin en -io et d infixe nasal est ) 'r- sak- ce que iungiu << joindre >> est i iug- en lituanien; le procddd est connu.
<<
sacrifice
>>
Mais cette relation morphologique ne. rend pas comDte il ie'ruffit pas d;-;r;;".f,;; ensemble sancio et sanctus d la racine sik_, p"irq". i/"", " a. pro-duit de son c6td le vetbe sacrare. C,esi a;, ;;;r;;;, signifie pas << rendte sacer >>. Il faut prdcisdr f. rapori entte sacrare et sancire. Nous lisons une d6finition instructive et expricite chez Festus : bomo sacey is est qaem populas iiinill'i| malelicium ; neiqae las est eun imntoliri, sed qui o,rciiit parrtctdi non darnnatar. Celui qui est dit sacer'porte une vdritable souillure qui le m"i horc de la did; A; hommes : on doit fuir son contact. Si on te tue;;;r,;;; pas pour cela homicide. Un homo sacer.rt porl, le, hom_ mes ce que I'anirnal sacer est poul les dieux , 1,"" r autfe n'ont rren de commun avec le monde des"ihommes. "l sanctus (1) nous avons une aennition ;;;;- k ^.Pour I, 8, 8 : sanctum Digeste est quod ab iniuria homtnui (e,l;nsyn atqae.ntunitum est : << est saflcturn ce qui est er protdgd de I'atteinte des hommes >, cf. Digeste 9r*:ld: I, 8, 9 5 3 : proprie dicinus sancta qude fieqae sacra, fleque prolana sunt, sed sanctione quadam confirmata, ut lipes sanctae sunt... ; quod enirn sanctione quadam subnixin sanctum est, et si ",t!,,id proprement commedeo non sit consectatum.. <( on desrgne sancta les choses qui ne sont ni sacrdes ni profanes, mais qui sont confirmies p;; ;;; certaine sanction, comme par exemple des lfi- ,;;; sanc.tae; ce qui est soumis i une sanctioi, cela est sanctutt. quolque non consacrd aux dieux >>. Ces ddfinition, ,ori circulaires i est sanctam ce qai est appuy6 d,;;-;;o;;;;", forme abstraite du mot sanZtun. On uoit en to.rt ca, que sanc-taftr, ce n'est ni ce qui est <( consacrd aux diegx >>, qul sg dit sacer; ni ce qui est << profane o, .'"rt-a_dil ." qui s'oppose,d, ycerl c'est ce qui, n,dtant ni l;.rn ni ,,gf,r"r, est etabll, aftermi paf une sanctio, ce qui est detendu paf une peine contre toute atteinte, comme les teges sanctae. Il taut-comp-rendre que, dans lex suncta, I'adjectif a encore sa pleine^force de i"rri.ip.-prr iii.""""-'
du sens, qui est diffdrent^:
-(ffdlonsultera_ (1) Hubert et Mauss, Essai sur la nature et les lonctions du
fice, in M, Mauss, CEuares, t.
188
I,
Patis, Ed. de Minuit, 1968, p.
sacriL91-107.
sur ce_.mot une utile itude. encore valable
;?rffiuT:lf';Air:';;rh
dissertation
a. Lnl,-b"
par
uocis sanctus asu
189
LE VoCABULAIRE DES INSTITUTIONS
r,B sacRf
INDO-EUROPfEI,INE,S
Si le vieux nom de lieu Arnpsanctus chez Vitgile (Arnpsancti ualles) est vraiment A entendte undique sancti (Servius), c'est-i-dire << sancti de toute palt )>, arnb- signfiant << des deux c6tds >>, cela confirmetait sanctas comme << entour6 d'une d6fense, difendu (pat une limite ou un
obstacle) >. Dans l'expression Iegem sancire, la sanctio est-proprement la parfie de la ioi qui dnonce la peine qui frappera celui qui y contevient; sanctio est souvent associd i poefla. Pai suite sa.ncire Cquivaut i poena afficere. Or ians la vieille l6gislation romaine, la peine dtait appliquCe par les dieux eux-mdmes qui intetvenaient en vengeufs. Le principe appliqu6 en pateil cas peut se formuler : Qzl legin uiolauit, sicer estb .. Que ielui qui a viol6 la loi soit sacer >; les lois de ce genre s'appelaient leges sacratae. Ainsi la loi devenait inviolable et cette << sanction mettait la loi en vigueur. De ld l'emploi du verbe sancire pour indiquer cette clause qui permettait de ptomulguer la loi. On ne disait pas seulement legern sAncire,Iex sancta, mais aussi lege sancire, c'est-i-dire rendre quelque cho-se inviolable au moyen d'une loi, pat une disposition l6gale. De tous ces emplois, iI ressort que sanci'te, c'est d€limiter le champ d'application d'une disposition et rendre celle-ci inviolable en la mettant sous la protection des dieux, en appelant sur le violateur dventuel le chAtiment divin. La diffdrence entre sacer et san:ctus se voit en plusieurs citconstances. Il n'y a pas seulement la difidrence entre sacer, €tat naturel, et sanctns, r€sultat d'une opdration. On dit : uia sacra, ftzons sacer' dies sacra, mais touiours : ffiuras saflctus, Iex sancta. Ce qui est saflcttts, c'est le mur, mais non pas le domaine que le mur enceint, qui est dit sacer ; esi sancturn ce qui est ddfendu par certa.ines sanctions. Mais le fait d'entrer en contact avec le sacrd n'entraine pas l'6tat sanctus; il n'y a pas de sanction pourcelui qui, touchant le sacer, devient luim6me sacer ; 1l est banni de la communaut6, on ne le chAtie pas, ni non plus celui qui le tue. On dirait que le sanctam, c'est ce qui se uourie i la p6riphdrie du sacrttm, qui sert i I'isoler de tout contact. Mais cette difiirence s'abolit peu d peu, ) mesure que >>
190
la valeur ancienne du sacrd se transfBre i la sanction : sanctas n'est plus seulement le murus, mais I'ensemble du champ et tout ce qui est en contact avec le monde du divin. Ce n'est plus une ddfinition de caractBre n€gatif (<< ni sacrd ni profane >>), mais une notion positive i devient sanctus celui qui se trouve investi de la faveur divine et reEoit de ce fait une qualitd qui l'6lbve au-dessus des humains ; son pouvoir {ait de lui un 6tre interm6diaire entre I'homrne et la divinit6. Sanctus s'applique i ceux qui sont morts (les hdros), aux poEtes (uates), aux pr€tres et allx lieux qu'ils habitent. On en vient ) appliquer cette dpithdte au dieu lui-m€me, deus sanctu.r, aux oracles, aux hommes douds d'autoritd ; ainsi s'opdre peu d peu le glissement qui fait de sanctus l'dquivalent pur er simple de uenerandus. Ld s'achbve l'6volution : sanctus qualifie alors une vertu surhunraine, Si donc on tente de ddfinir ce qui distingue sacer de sanctas, on peut dire que c'est la difi6rence du sacrd implicite : sacer, et du sacrd explicite : sanctas. Par lui-m6me, sacer a une valeur pfopre, mystdrieuse, Sanctus est I'itat rdsultant d'une interdiction dont les hommes sont responsables, d'une prescription appuyie d'une loi. La difi6rencc entre les deux mots apparalt dans un composd qui les associe : sacrosanctus, ce qui est sanctils par un sacram ; ce qui est ddfendu par un v6ritable sacrement. Il n'est pas inutile d'insister sur cette difidrence, i voir Ies erteurs commises par ceux qui la ndgligent. Un comparatiste (1) cite ce passage de Varron, De re rustica 3, 17 z << Proinde ut sacti sint ac sanctiorcs quan illi in Lydia... >>. De ce passage, dit-il, rdsulte que le comparatif de sacer est sanctior. Etant donnd que le suffixe du comparatif indo-europden -tos s'ajoute i la racine nue, s-anctior est pour * sacior,. le supedatil sacerrirnus n'y fait pas obstacle, parce que le superlatif latin ne conserve pas une forme indo-europdenne. Un tel raisonnemenr m6connait la ftalitl. Si nous avions i prendre sanctior comme le comparatif de sacer, les deux adjectifs seraienr en somme interchangeables, sacer pouvant emprunter la (1)
p.
Specht, Zeitschr,
137.
l.
uergleichende Sprachlorschung,
65,
1938,
L9l
LE voCABULATRE DES INSTITUTToNS rNDo-EURopfnnNBs
forme de sanctus au comparatif. Faut-il donc traduire : <( comme s'ils (ces poissons) dtaient sacrds et plus sauis ici qu'en Lydie > ? Evidemment non ; ces poissons sont d'une part << sacrds >>, d'auffe part << plus sancti )> que ceux de Lydie. Sacer est une qualitd absolue, ne comporte pas de degrds ; tout au plus une expression suprCme est concevable, sacenirnas <( sact6 par-dessus tout >. Mais le sanctus est du domaine du relatif : quelque chose peut 6tre plus ou nroins sanctufi?. De ceci, confirmation est donnde dans une autre ceuvre du m6me Varron L. L. VIII, 77. Cette {ois c'est un texte grammatical, il s'agit du mode de formation des comparatifs et des superlatifs ; Varron attire I'attention sur les difidrences que prdsentent ) cet dgard des adjectifs qui ont m6me forme au positif. Il prend trois adjectils macer, sacer, tener; Ies supedatifs sont les mdmes : macerrintus, sacerrimus, tenerrimus. Mais il ne cite que deux mots au comparadf, rnauior et tenerior. S'il n'a pu alldguer '\' sacrior (alots qu'il fait 6tat de sacer et de sacerrimus), c'est que sacer n'avait pas de comparatif, parce que le sens du mot n'admettait pas de degr6s ; et ceci confirme ce que le passage prdcitd enseignait ddji.
GnEc.
-
hier6s.
Les faits grecs demandent aussi un examen d6tailld, deux termes sont en question : hiefts et hdgios. Tous les deux soulEvent bien des problEmes en grec et hors du grec, tant pout l'dtymologie que pour le sens exact A leur attribuer respectivement. De l'avis g6ndral, bieris est pourvu d'une dtymologie indo-europdenne, mais celle-ci lui confbre un sens que l'emploi m6me du terme ne reflBte pas. Le sanskrit joue ici un r61e ddcisi{. Hierfs, phondtiquement hiar6s (6olien), rdpond au vddique isirab ; et la qualitd du rapprochement fait que, malgrd les difficult6s de sens, on ne I'a jamais
ki
contest6.
L'adjectif vddique isirah exptime une qualitd qui est le prddicat de certaines divinitds, de personnages mythologiques, de notions religieuses. La traduction varie, mais se rattache d'une manibre ou d'une autte ) la notion de 192
r,n
slcnf
vigueur rr, de ., vivacitd >>. Les 6quivalents Drooosds appui sur la dirivation de- isirab i partir de t;li)-.<<.6tre vif, ardent, vigoureux >. Tel l.,.n, o16_ sumable, un peu vague, i irai dire, comme "itbien;;; ;;;_ lifrcations divjnes dans les hymnes vddiques. En consdle,rapprochemenr.de !_".:1.:, .isira- avec hier6s, bi; q;il sott tormellement irrdprochable, ne peut pas 6tre Ia condi_ tion de I'analyse de hier1s en grec.'C'est au contraire du sens. fourni par I'analyse interie de hier|s gu,on Dourra p31tir pour mieux ddfinir isirah (1). L'dpithetr'iri)i s'ajoute au nom du vent : isiro ,itab ., le vent rapid. ,, ou < agitd fr: L" sens n'est pas trds difidrent quind isirab est associd d aiua'<< cheval->> : Liuaib m6nolaiebhlr ;i;rat:b <<
pl:ln."l
<( avec des chevaux rapides, imp6tueux comme t" p."ie. ,, ou bien i Indra en tant que danseur : n[tau isiro'babhAthi < 6 danseur, tu as dtd impdtueux, agile , on p"r;l; Ji;; ;
aussi de ketu- << drapeau, dtendaid > ': isiianr kutii, vraisemblablemenr < diendard agit6. >>. Mais il qualifie encole d'autrJs notions, la voix : adcam anamZudm isirdrn << une voix sans d6faut, puissante >> ; des boissons telles que le soma ; l; fuii a., uu.f,., cdlestes ; le sens est << qui rafraichit >> ou <( qui rend vigoureux >. catdgories encore peuvent €ffe qualifides ainsi : ,. D'autres e.t.les dispositions d'esprit de celui qui sacrifie. *rprii Un dit isiram manab, locution d'autanr plus frappante qu'elle correspond au grec ltlrrii'-iino, : isirlna te
. sutdsya bhaksinihi, Rig Veda VIII, 4g, t toi (soma) press6, avec un esprit inspir6, ardent ,, (2). Au point de vue morphologique, la formation de isiraest claire. C'esr un adjeCtif_ddiivg de isayati < il rend vif, fort >>, verbe d6nominatif du fdminin is--< boisson d'oblr] tion roborante, rafraichissante >. Malgr6 la difficultd de fixet des dquivalences, on peut concluie pour isira- d un mdnas1 <<
Puissions-nous te ddguster,
(1) Une dtude de J.. Duchesne-Guillemin, Mdlanges Boisacq I, appqrle quelques- precrsions sur isirah en relation avec bi-errjs ;fii. cf'.
aussi L. Renou, Et.udes uddiqaes ei pinin1ennes, lV, p.-+O,.r"ni pr_ Eu^ro,_Jaggt d, clitica semantica, 1953, p. g9 et suiv. (2) Etudes. u1diques tX, igCt, p. 69, traduit : << D,une .L. Renou, ^ tervente ame nous souhaitons avoir_ part i toi, (soma) pressi >, avec
la note justificative
sv
isira-
p. l2J.
L93
I
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO.EUROPEENNES
r,r
tel que << vif, vigoureux, alette > dans l'ordre des qualitds divines. Il n'est pas rare que de pareilles notions conduisent i celle de << sacrd >>. Pout ne citer qu'un exemple, l'irlandais noib << sacer, sanctus >, de n noibo-, est en altetnance vocalique avec * neibo- qui a donnd le substantif niab << fotce vitale >> (1"). Voili les donn6es pr6liminaires, que fournit I'examen comparatif, d l'dtude de hier6s. Que veut dite hier6s ? A prendre successivement les sens qu'impose immddiatement chaque passage, on constate une diversit6 d'emploi telle que certains ont voulu distinguer trois mots bier6s chez Hombre. Dans la langue dpique bier6s s'applique en efiet i des choses et d des €tres qui ne paraissent pas relever du sacr6. On ttouve encore cette opinion chez Boisacq : il y aurait rn hier6s signifiant << sact6 >, un autre signifiant << fort >>, un troisibme signifiant << vif >. Aujourd'htti, on reconnait que cette division est artificielle ; tout le monde s'accotde sur I'unit6 du sens. Mais comment a-t-il dvolud ? On pose au point de ddpart le sens de << fort >>, puis << rempli de force par une influence divine >> et de lh, secondairement, << sacrd >>. Doit-on ndcessairement admettre cette filibre ? Il y aura intdr€t i s'en assurer. Proc6dons ) une revue des emplois. En premier lieu, hier6s accompagne des d6signations de culte comme born6s << autel >>, bekat6mbE << sacfifrce >>, Puis des noms de ville tels que Troie ; des noms de lieux : citadelle (ptolietbron, Od. 1,2), murs de Troie (krdderuna, Il. 1.6, 100), Thebes et ses murs, Pergame, I'Eubde, le cours de I'Alphde. On peut admettre que bierfs est une dpithbte de v6n6ration. Voyons maintenant des alliances plus singulitres, donc plus instructives. Les juges sibgent hierdi eni kilklai, Il, 18,504, << dans le cercle hier6s >>. MCme s'ils ne sont pas en eux-m6mes << sacr6s >>, les juges sont considdtds comme inspirds par Zeus. Quand Hdra invoque, dans un serment solennel, la hierd kephal| de Zeus, qu'elle ptend i t6moin (II. 15, 39),le mot s'interprbte immddiatement. sens gdndral
(1) Le rapprochement a 6rE tische Pbilologie, t. X, p. )09.
L94
lrabli par Meillet, Zeitschrilt
liir
cel
sacnf,
Mais pourquoi bier6s est-il dit d'un char (Il. j,7 464) ? Il_. .faut lire le-passage entier. I.a traduction par', ., f.irt, puissant >> esr hors de propos. Il s'agit d'un chir qui 6taii
immobilisd, les chevaux refusant d'a-vancer (c[. 441,, 41>l, 456) : alors Zeus inspire les chevaux et les anime i emoorter Ie char d'Autom6don. Voili pourquoi le char .ri dit bier6s. Il I'est dans cette circonsiance-ia, .. n'est pas une ipithEte de nature. , C'est qo5. lupEse T6T. raison, plus claire encore, que la balance qil les chanceJdes deux pays en iuite est 4"g: appelde hird (Il. 1,6,658). Les aires i batire Ie bl6 reqoi vent Ia mdme dpithbte (Il. 5, 499), mais ici aussi le contexte nous renseigne : << De rn€me que le vent souldve les ballcs de bld sur les aires hierai... lorsque ia blonde Ddmdter sdpare les grains et la balle... r, C'e-st I'association de I'aire et de I'op6ration du battage avec la divinitd qui Ies protdge qui a amen6 ici hierds. - Qr'." veut dire hierdn €mar dans une formule plusieurs fois rdp6tde : << Quand ce fut I'aurore et Ie jour^ ,*.6 ; (I1.. 8, 66) ; pourquoi << sacr6 > ? Il faut lire Ie passage entier. C'est un jour insigne, le jour oil Zeus .oni.,opi-.. du sommct de I'Ida, les appr€ts du combat aux abordi de Troie, aprBs qu'il a ddfendu aux dieux d'y participer. Dans tous les exemples de bierbn tmar, c,esi.n rel"iion avec quelque circonstance pareille. Hier1s est aussi la qualificarion d'une arm6e (Od. 24, 81) : est-ce une armde < _sainte >,.<< forte > ? Regardoni le contexte ici encore ; il s'agit des honneurs re"ndus i Achille : << nous avons mis tei os avec ceux de patrocle et I'armde hier6s a lfig1 un grand et noble terffe >>. C'est ici une dpithbte de circonstance et non pas de nature, oui qualifie I'armde dans Ie pieux rite qu'eilL accomplit. ^ - Ces emplois ne sonr pas ddterminds par le disir de la vafi6t4., mais par le contexte qui les enroure. Dans hierd elaie << I'olivier hier6s o (Od. lj, j72), on pourrair fort bien avoir une dpithtste traditionnelle j'rrn arbre consacrg gar maintes ldgendes. Cependant le contexte n'est pas indiff6rent ; sous cet olivief Athdna et Ulvsse sont assis et jamais, en dehors de cette circonstance. on ne trouve pareille expression. Quand un vallon est qualifid de bier1s (Od. I0,27 j), 195
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO-EUROPEENNES
c'est qu'on est proche de la demeure de Circ6, oil Ulysse lait Ia rencontre d'un dieu d6guisd. Si I'ipithEte est appliqude au Sunion, au <( cap sacr6 d'Athtnes >> (Od.3,278,), c'est qu'il est ddja considir6 comme tel, puisque le temple d'Athdna s'y trouve. Il reste un emploi unique et singulier, oi hier6s est appliqu6 ) un poiison (Il, 16, 407) : Patrocle soulEve du bout de sa pique un guerrier ennemi, comme quelgu'un qui, assis sur une pierre, titerait hors de la mer un poisson hier6s. Poisson sacr6 ? vif ? L'adjectif parait bien signifier <( tressautant, agit6 > ; il ddpeint le mouvement du poisson qui se ddbat au bout de la ligne. C'est l) le seul endroit oi hier6s garde quelque chose de la signification qu'on est fondd i poser par Ia comparaison. L'expression hierdn m6nos, avec un nom de personne, n'est ddji ainsi Od. B, 42L, hierdn tz|nos Alkin1oio - _On ne -plus qu'une cheville, une commodit6 mdrique. iauraif y lire la valeur qu'avait bierfs quand I'emploi 6tait vivant, Nous pensons n'avoir omis aucun emploi notable de bier6s, et partout, que ce soit avec des noms de lieux ou de fleuves (les fleuves sont divins), avec des noms de personnes ou d'objets, avec des noms de choses divines ou humaines ou des noms d'dl6ments, nous avons constat6 la m6rne valeur : partout hier6s appartient au domaine du << sacrd )>, que cette qualitd tienne i la notion par lien
naturel ou qu' elle lui soit associde par circonstance. Sans quoi on n'efit pas ddnomm6. td hieri I'acte sacrificiel. r*
:*
{.
Nous rencontrons au voisinage du grec, mais hors du grec et m6me hors de I'indo-europden, une s6rie de mots dont la forme est voisine de hier6s et du prototype qu'on lui suppose, et qui appartiennent h la m6me sphbre s€mantique. ee sont des adjectifs qui, dans les langues italiques et en dtrusque se rapportent aux dieux et au divin. Aesar est un mot 6trusco-latin citd par Sudtone pour expliquer le nom de Caesar; ce serait en dtrusque le nom du n-dieu i>. Nous le retrouvons sous diverses formes dans des langues italiques qui sont indo-europdennes et 196
LE
SACRE
qui ont eu des_ contacts dtroits avec l,dtrusque, tels I'osque << sacrificiis >., le volsque esaristron o sacrificiurn'r, - -'--- ' ' l'ombrien esono << diuinus ,i or, ., sacrificalis >>. D'autre part, en_dtrusque m€me, l,adjectif aisuna, aisna, . eisna (suivant les lieux et les dpoquesj signifie < divin > ou se rapporte au sacrifice. Evidemment, ce radical italique oftre une certaine ressemblance avec celui de hier6s'et isirah et l.es linguistes ont voulu y trouver Iu pr..r,r. d;rr. pare.nt6 (largement prdhistorique) entre liet.,rrqu" .i l'rndo-europden. -Kretschmer verrait l) le vestige^d,une couche proto-indo-europdenne dans le bassin rigaii.tr"aisusis
n6en.
,ll t'y a pas.lieu.de discuter ici,_l propos de ce cas par.ticulrer, une thdse d'une telle ampleur. On doit seule-ment marquer une difidrence entre lei deux sdries de formes. Le radical r, ais- panit signifier << dieu ,> ( 1) et de ce fait ne peut avoir rien de commun avec celui de hier6s << sacr6 et skr. isirab dont le sens initial est tour difidrent, .ornrnl on I'a,vu. Ii n'y a aucun.terme pour ( clieu > q"i;;;;;; orr ailleurs, se ramache ) la famille de hier6s. Ce sont deux notions distinctes. L'adjectif < divin >> se dit en grec thetos qui ne,se. confond iamais avec hier6s << sacr6 ,l non plus q.u en latln drumus avec sacer. >>
***
Nous pouvons dBs maintenant voir dans Ia valeur du ..ru:rf )> en grec quelque _ chose de particulier, qui ne corncide pas avec ce que Ie latin par sacer. ",rt"nd Dans sacer, il y a exclusivement ia noti,on d,un domaine _ distinct qui est attribud au divin. Le sens de sacer s'dclaire u
par
I'opposition avec prolanus
<( en
dehors J"
lanum (2).Le domaine du'sacer esr un domaine iapie " par Ia disposition m€me des lieux. Rendre sacer consiste en une espbce de retranchement, de mise hors du domaine {1) Du th|me aisar nous parait ddriver Ie terme celto_germanique < fcr > (a11. Eisen, .angl._ir-on, etc.) et etri agrll"E-;;;d'"i .o1T." << cdlesre > (Voir Celtici li.lr, 1955,' p. ilg sq.).' * isarno-
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797
LE voCABULAIRE DEs INSTITUTIoNS INDo-EURoPfrNNns humain par une afiectation au divin' Au conffaire, dans hier6s, sllon les exemples homdriques analysds ci-dessus, nous voyons une propri6t6 tant6t permanente, tantdt inci' dente qrri peut r3sultet d'un influx divin, d'une circons' tance ou d'une intervention divine. On n'obsetve pas en grec cette contamination du << sacrd > qui dqulvaut h une souillute et peut exposer I'homme sacer d la mort.
Gnnc.
-
h6s.ios, bosiE.
Trds voisin de hier6s est I'adjectif. b6sios, qui se.rapporte
sacrd >>, mais dans des acceptions distincte!' Le dictionnaire de Liddell et Scott pose que hisios signifie >' << Le sens de h|sios ddpend souvent de sa relation d'une part avec dikaios (sanitionnd par..une. loi bumaine), de I'autre avec hier6s (consacrd aux dieux) >. Voil) bien un terme de signification paradoxale' H6sios nourrait donc s'appliquer aussi bien h ce qui est sacr6 qu") ie q.-,i ert pro{an.. Nont sortirons de cette contradiction uppur.ttt" en ddlmitant avec pr6cision le champ d'appli.uiion de cet adiectif : on ddclare /t6sios ce qui est prescrit, permis par la Ioi diuine, mais dans les rapports !uy/1ts' ber lois, Lrne expression comme dikaios kai h6sios, est fixd comme rbgle dans dikrtia kai h6sia signifie < ce qui -hornmes les dieux >' les rappoi'ts huma]ns par les .".t .ptr. Les devoirs dits h6sia, comme ceux destgnes par dt?dm' sont des devoirs envers les hommes ; les uns prescrits par une loi humaine (dikaia), les aumes par une loi divine aussi au
(h6sia).
'
<<
Voyons maintenant la deuxibme s6rie d'emplois dans l'expression bierh kai b6sia. Le sens de h6sios, rnalgr6 l'apparence, ne change Pqs. L'gPposition porte sur. un u,rii" point': d'une p^-ft td bier6,lesacr6, ce qui appartient .n propt. aux dieux, de I'autre td h6sia, ce qui est p.ermis uu* hotorn.t. Le domaine hier6s, rdservd aux dieux, s'oppose au domaine b6sios, que les dieux concbdent aux hommes. Donc le sens propre de h1sios reste toujouts le m€me : << ce qui est prescrit ou permis aux hommes 198
rp secnf par les dieux >>. Mais cette opposition de hier6s << interdit aux hommes > et de h6sios << conc6dd aux hommes >> se rdsout ultdrieurement en une opposition hier|s <( sacrd h6sios << profane >, qui permettra alors un emploi comme celui-ci : kosmetn tdn p6lin kai tois hierots kai tois bosiois <( orner une ville de monuments aussi bien sacr|s que profanes > (Isocrate VII, 66). Cette interprdtation de h1sios est dictde par I'examen des exemples de l'6poque classique, mais elle est imposde ddjd par les emplois les plus anciens. Seulement ceux-ci ne sont pas ceux de I'adjectif h6sios, mais du substantif ionien hosi7 qui le reprdsente sous la forme du fdminin. C'est en efret bosiE seul qu'on lit chez Homdre : deux fois dans I'Odyssde, cinq fois dans les Hymnes. Chacun des exemples concourt h fixer la ddfinition de h|sios. Les deux exemples de l'Odyss6e consistent dans la formule n6gative oukb' hosiE. Ainsi 1"6, 423 : oud' hosiE kakd rhiptein alliloisin. Le sens est bien < il n'esr pas permis pir la loi divine de tramer de mauvais dert"in les uns contre les autres >. De mdme, au moment of la servante s'appr€te d pousser la clameur de triomphe devant les prdtendants massacr6s, Ulysse la r6primande et lui recommande la discr6tion ; on ne doit pas jubiler quand on voit des hommes tu6s : << cela n'est pas permis par la loi divine (oukh' hosi€) ,> (22, 41,2). On appelle donc hosie la rdgle imposde par les dieux ) la soci6t6 des hommes. Le sens de hosiE concorde bien avec celui que nous attribuons d hisios ; ce qui est ou prescrit ou permis par les dieux aux hommes. Tout difidrents paraissent les cinq emplois de hosid dans les Hyrnnes homdriques. Ici les philologues considbrent ltosii comme le < devoir de culte des hommes vis i vis des dieux >>, le << rite >>, ou 1'<< ofirande >>. Ce serait alors la relation inverse de celle qui nous est appafue partout ailleuts. Il faut donc voir si ce sens s'impose ici. L ) Hermbs, aprds avoir fait r6tir deux vaches, << divise les chairs en douze patts qu'il tire au sort, mais en donnant i chacune la valeur d'un hommage pafi.ait. Alors le glorieux HermEs eut envie de go0ter aux viandes consacr6es >> (Hymne d Hermds I, L30, trad. Humbert). L'expression est bosiE kre66n, qui signifierait littdralement >>
t99
LE voCABULATRE DEs rNsrrTUTroNs rNDo-EuRopfrunns
I'ofirande des viandes (i la divinit6) ,r, .. the rite of the flesh-offering > (Liddell-Scott). Mais ddji la suite rendrait cette traduction suspecte : <( leur odeur agtdable (: des viandes) le troublait, tout Immortel qu'il fOt ; mais mal916 la force de ce ddsir, dans son gdn€reux ceur il ne put se rdsoudre d les faire passer par son gosier sacr€ (bierds kati. deir4s) >>. Le podte met clairement hosi€ en antinomie avec hier6s. Le jeune dieu a envie de faire une hosiE des viandes, mais il lui est impossible de << les faire passet par son gosier sacrd (hier6s) >. Le texte ne laisse aucun doute : un dieu ne peut pratiquer une hosi€, parce que I'opdration ainsi ddnommde porterait atteinte i la qualitd de hier6s inh6rente au statut divin. On doit en conclute que bosid d6note rigoureusement l'opposd de hieris. II ne signifie ni << ofirande >> ni <( rite >, mais bien le contraire : c'est l'acte qui rend. le << sacrd >> acce ssible , qui transforme une viande consact€e aux dieux en une nourriture que les hommes peuvent consommer (mais qu'Hermds, dtant dieu, ne peut se permettre ) lui-mdme), I'acte de dtsacralisation. Dans le contexte cit6., hosid kre66n est d entendre << la consommation (ddsamalisde) des viandes r> et il ne peut 6tre entendu autrement. Nous retrouvons bien dans hosiE le sens qui a dtd ci-dessus posd pour h6sios << concddd par les dieux aux hommes >>, adaptd ici ) la condition spdcifique de I'of{rande de nourtiture. 2) Au vers 173 du m€me Hymne, Hermds dit ) sa mbre ; < En fait d'honneurs (tind), je vais m'assutet la m€me hosl7 qu'Apollon. Si mon pdre (Zeus) ne me (la) et je le puis d'€tre le donne pas, eh bien j'essaietai - par << pri- on traduit hosiE Prince des Brigands >>. Ici aussi vildge sacr6, culte >> : << I will enter into (enjoyment of) the same worship as A. > (Liddell-Scott). Mais cela ne convient nullement d la situation. I1 faut rappeler comment HetmBs s'est 6veill6 tout enfant i sa vocation. Il est fils de Zeus et de la nymphe Maia. Sa mbre vit retirde dans une grotte, dvitant la socidtd des Immortels (v. 5), oi visiblement elle n'est pas admise. Zeus vient la voir la nuit en secret, a I'insu de son dpouse H6ra et des autres dieux. Cette condition semi-clandestine prive son fils Hermbs des privilbges divins. Hermbs s'insurge, il veut 6tre pleinement dieu, il n'accepte pas que sa mdre et lui restent seuls parmi les <<
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LE
SACRE
Immortels i ne recevoir ni dons ni nourrirure ( 1) et croupissent dans un antre obscur au lieu de se pr6lasser dans I'opulence comme les autres dieux (v. 167^ss.). Ce n'est pas un << culte >> qu'il ddsire, c,est la jouissance des m€mes honneurs (tirne) er des m6mes priviidges de nour-
riture.(h.osie) qu'Apollon. Il y trouveia Ia ievanche du mal-n6, Ia compensation d'une vie humilide et frustrde. Le choix de tirn€ et de hosid pour d€nommer les biens qu'il convoite rd'ble Ia condition oil Hermbs se voit pr. ,"ooort aux autres dieux : infdrieur en droirs, riduit i'la poiiiion des humains qui-consommenr, aprbs qu'elle a 6.t6.:ta;illrsee, ta vlancle ofterte aux dieux. 3) HermEs..emploie encore une fois bosle dans les paroles ^ flatteuses qu'il adresse i Apollon. : << Tu sibges au premier. rang parmi les Immortels, fils de Zeus, ties vaiilant et fort, le prudsnt_Zeus te chdrit ce nbst que justice _. - > (469 ,r., trud. Hum_ el: t'a concddd des dons dclatants b:ll).: l'expression _ek p,isls hosies ( en roure justice ddfinit aussi cette hosii comme une concession'du dieu supr€me i un dieu de rang ndcessairement inf6rieur. 4)Deux autres exemples se prdsentent dans les Hymnes. L'un malheureusement au bord d,une lacune textuelle. Ddmtster affligde par la mort de sa fille reste inconsolable. Sa suivante Metaneira lui qu,ellc. -offre une coupe de vin, j"-^nd" refuse parce que le vin lui est interdit ; "ll"le pr6pare, seulement un certain breuvage. La servante et le lui tend. DBmEter I'accefte hosiEs 6neken, q'.,i i Jre traduit << pour-fonder le rite > (Hymne i Dim'itir, 2lL). Nous comprendro_ns bien plut6_t : . Le vers suivant est perdu.' 5) Nous trorrvons u-n dernier exemple dans 1,ilymne d 4-pglloy, v. 237, hds bosiE egdneto << the rites *.i. blished > (Liddell-Scott). Icf encore la traduction "rtr-a rdformcr. Il s'agit d'une coutume pratiqu6e i Onchestos, "ri dans un bois sacrd dddi6 a Poseidon. On y conduit un char >>
(1) Nous. adoptons ,ici Ia legon Lpastoi << privd de nourriture qur €s,t c€ile. de pl_usleurs, manuscrits et qui s'accorde avec ad6rEtoi dons.>, de prdfdre.nce d ,ilistoi < no_n-prids >, donn6 par un :-p-t-ty::,.d" manuscnt et qul.. n'a pas d'autre exemple. L,Hymne entier montre qu,Hermes revendtque .des. avantages trds matCriels : il est avide de bclles viandes. r6ties, il. ddrobe des vaches, il menace de piller ie somptueux trdsor d'Apollon (v. 17g). fl n,a cure de prieres,'----- --
>>
201
LE VocABULAIRE DEs INSTrrurroNs rNDo-EURopEut{Nss atteld de chevaux que le conducteur laisse aller i leur guise tandis que lui-m6me suir i pied. Si les chevaux emblllis
brisent l'attelage contre les arbres, on prend soin des chevaux, mais on laisse le char appuyd (contre le temple); on inyoque alors le dieu et le char est laissd sous sa garde. Pour autant que cette vieille coutume se laisse comprendre, l'incise << ainsi au ddbut fut la hosie >> se rapporte d une permission ou i une concession accord6e pat le dieu. Il faut en rapprocher une disposition de la loi sacrde de Cyrtsne : tdn hiardn hosia panti << tout le monde aura libre accEs (hosia) aux lieux sacrds >>. Cette bosia d'Onchestos consiste apparemment en ce que le conducteur est autoris6 b emmener ses chevaux en laissant le char seul sur le terrain sacrd de Poseidon. Telle nous parait 6tre l'interprdtation qu'appellent ies exemples homdriques de hoslE. Elle cadre avec les emplois de l'adjectif b|sios, qui porte touiours la notion de <<-permis par ia loi divine (aux hommes) >. Nous avions d'autant plus besoin d'efiectuer cette vdrification textuelle que nous ne disposons d'aucune dtymologie pour guider la recherche du sens. GnBc.
-
higios.
Passons maintenant
d b'igios (1). La famille comprend
un verbe et deux adjectifs : hdzornai, higios et bagr6s. Voil) les trois termes qu'il nous faut consid6rer. La difi6rence de style et de date entre les formes est assez marqude. Le verbe hdzomal est homdrique et resre podtique, alors que higios ne l'est pas et apparait d'abord en ionien chez H6rodote. En revanche bagn6s, dpithdte homdrique, est surtOut un mot po€tique. Le verbe ltdzomai << craindre )> se constLuit chez Hombre comme un verbe de crainte : hizeto... md Nukti... apothilmia 6rdoi << Il avait peur de faire quelque chose qli ptt ddplaire i la Nuit > (Iliade 14, 26L). On peut conlrcnter avons utilisd l'€tude assez ddtaillde de Ed. I7illiger, __ Hagi,os. Un,tersucbungen zur Terminologie des Heiligen, 1922, ioii aussi P. Chantraine et O. tr4asson, Festschrilt A. Debruxner, 1954, p. 85 et,suiv., .qui mettent higios en rapport avec igos < souillure >j en se referant a l-amblvalence du sacre. (1.) No_t1s
202
LE deux_ passages succ€ssifs,
I'un or)
<<
craindre
SACRE
> se
dit : < aie confiance en moi,'quelques ne crains pas (rn6te... de,idithi) Arbs >> (Il. 5, 827) er u.r, plrn loin,
deido
hazornat.. << ne crains pas (ntEd, hizeo) Ards >-(v. Bl0). C'est 6galemenr,dans cette relation i une divinitd que nous intcrprdrons. le plus ancien exemple (Iliade l, iL; Uhrysd_s vient prier les Atrides de lui rendre sa fille et leur,oftre en dchange une rang_on : il les adjure de << crain_ are \bazomenoi) >> Apoilon, fils de Zeus. il veut dveiller la oainte r"rp"cru"uJ" devant le dieu. On dit d. ;a;; (Odyssde 9, 200) que le pr€tre d,Apollon, ,;, filr-;;; femrne ont. d_rd dpa.rgnis_ par < crainte respectneuse > (hazdneuoi). Le verbe indique lc respect dprouvd devant un.dieu 9u ul personnage.divin; maii un r^erp".r n€gatif, qui consiste ) s'abstenir. de porter atteinte. On r"lj*ru, aprds Williger, une analogie- flappante entre hizomai ii qui se.compldte dans le paralldlisme des adjec:!!on,rli.et trts derrves hagnos et setnnds (< ,, seb-nos). A ces .exemplcs homdriques on en ajouterait bien ,. cl'autres, tirds des Tragiques, qui les confirment. Il valait mieux pa_rtir du verbe pour une prernidre ddfinition du t"nr, !"1 I'a<Jjectif hagndi i lui setrl'ne peur rien enseigner de precrs. ll e.st apposd souvent i des noms de ddesses : lIt.T5,, Persdphone,.une fois d beort| << f€te > (Odyss6e 21., 258-259). Chez.les. Tragiques bagn1s r'uppiiqu" uu territoire d.u dieu, d l'iduton -du diei. C,est'egui.r.ni l'dpithEte de Ia < terre. > .(hagft droura, Er.hyT;;-S;;;; 75)), mais dans une mdtaphore hardie qui vise en'rdoliti le sein marernel. Partour hagnds dvoque Iu notion J;u,i territoire < interdit r> .ou d'un lieu que d6fend Ie respect pour le dieu. De l) vient que chez ies Tragiqu * hogni, d6signe_un 6tre hunain comme << rituellemeit p.rr, r6!on_ dant i l'6tat requis pour une cdrdmonie >. C'.rt ,rn l"rru
lloLrvealr
i
est h4gn6s non plus seulement une construction.
un terlitoire, un animal sacrificiel, mais la vierge
ce qui s'accorde au sens de bd.zor,qai.
pure,
. Il
reste le troisidrne terme, hdgios. On le rencontre {'1b-ord dans Ia prose ionienn., c-h", Hdrodote, comme dpithEte d'un _<< temple r> en gdn6ral, mais aussi d,un particulier,-celui d'Hdrrf,lds. Ii manque .h"" G Frp.l. Tragiques. Aristophane le donne comme qualificatif des 203
LE vocABULATRE DES rNSTrrurroNS INDo-E{.rRopErNNEs mystBres. Les historiens, d la suite d'Hdrodote, font de higios l'dpithbte constante des temples. Chez Pausanias, h,igios implique que le temple est adfendu conue toure souillure par 7a menace d'un chAtiment divin. Mais Pausanias aussi imite Hdrodote. Chez Smabon, enfin, higios reste I'dpithbte fr€quente d'un lieu ou d'un objet sacr6. Ainsi les emplois sont d'une grande constance et ils montrent que bhgios est dBs I'origine difldrencid de hagr6s^ Nous voici amends i la question difficile de l'6tymologie de bdgios et hizontai. Traditionnellement, on en fait le correspondant de skr. yai- << sacrifier >>. Le rapprochement est donnd dans tous
les dictionnaires dtymologiques. Il a 6td cependant conrestd par Kretschmer et d'une manibre un peu plus explicite par Meillet ( 1), qui propose de rapprocher plut6t bigios de Iatin sacer. Nous aurions en grec un thBme 'r sag- en alternance avec "' sak- du latin sacer. M6me si I'on consent h poser la double forme ,', sak-f 'r sdE-t on est obligd de constater que le terme grec qui pour le sens rdpond h. sacer n'est pas ltigios, mais /tier6s. Ainsi sacerdo.r 6quivaut d hieretis i sacra uia d hierd od6s ; sacrilegus (sacrilegiunz) it hierdsulos ; Sacriportus d Hierds limdn Les faits de traduction, soit de latin en grec, soit de grec en latin, tdmoignent dans le m€me sens :-l'expression sacrosanctus est rendue par hierds kd isulos; en face de sacer ruorbu.r, on a hieri. n6sos; sacra... publica... e-t priuata est ffaduit, chez Denys d'Halicarnasse, par lri bieri... koini... . kai idia ; os sauunt rdpond d hierdn ost6on et bierdn pneilnza i, sacer spiritus (S6nEque). On se heurte donc i une difficultd majeuie en cherchant dans hdgios le correspondant de sacer. Ce sont vraiment deux notions difi6rentes. Le rapport de hier6s et hhgios en grec semble bien dquivalent ) celui de sacer et saflctus, en gros. Sacer et hier6s <( sacr6 )> ou <( divin >, se disent de la personne ou de la chose consacr6e aux dieux, tandis que hhgios comme sanctus indiquent que I'objet est ddfendu contre toute violation, concept negxif., (1) Kretschmer, Glotta, L0, 155 ss. ; Meillet, BuII. de la Soc. de Linguistique de Paris, 21, p. 126, et Dict. 1tym. de la langue latine, s.tf, sdcet, safictas.
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LE
SACRf,
et non, positivement, qu'il est chargd de la prdsence di. vin_e, ce qui est le sens spdcifique d6, hier6s.' On est donc ramend ) la comparaison classique de J; 4#j"t,avec skr. yai-. Phonltiquement, il n'y " ;"; cllrflculte, Ies deux ,, yeg_. sur un ancien ,tornres.feposent Mais Ie sens. appelle quelques _remarques. par yail, ly1
entcnd cn vddique I'acte de sacrifice, opdration pariaquelle on transfdre un dldment du monde dei humaini au rnonde divin. C'es_t par Ii que s,dtablit la communication entre le monde humain et lernonde divin ; c'est par cet acte qu'on nourrit les dieux. Dans la mesure m€me'ot ce verbe ddnote un acte_sp6cifique et positif, il semble ,rr", difi?_ rent de Ia conduite n6gative dnonc6e par gr. hizomai qui consiste ) s'abstenir de toute intrusion, de- toute atteinie. En fait, la distance est moins grande de I'un i l'ruffe qu'il^ne parait. A c6t6 de skr., ltaf-, l,avestiqr" yoz_ ii signifie pas simplement <( sacrifier'ri, mais <<'r6virer les dieux >> comme d'ailleurs v. perse yad_ ; il s'applique au culte en gdn&al, non particulibrement uu sacrifrce. 'pn.rni les d6rivds, il en est un, particulidrement important. oui est devenu en vddique une 6pithbte consrant; ae, ji"il" et dans I'Avesta le nom m€me du < dieu >> : skr. yaiata. ?y. yazata,litt6ralement: << celui qui est digne de."ti. o. I] v ." .lie.u d5 penscr que le vdiique a ipdcialisd dans I'emploi rituel un verbe de sens plus g6n€ral, << colere plut6t que <( sacrificare >>. Cela peut -expliq uer que yaise consrruit avec I'accusatif du -nom ai ta diuiniti et l'instrumental du nom de Ia chose consacrde : << rendre culte i un dieu auec quelque chose >. C'est plutOt-l" construcrion avec le datif du nom de la diviniid qu'on attendrait si le verbe signifiait << sacrifier r>. Si alors nous relisons le discours de Chrysds i Agamem_ non (Il. 1,20-21): << relAchez ma fille er'recevez"la rangon, t1ftioignant ainsi aotre rdudrence d Apolton (haz6ne_ noi... Apdll6nq),>, sans rrop serrer cet emploi, on ne le jugera pas si difidrent de ceux que nous oflrent ie Veda et I'Av_esta. Ce n'est pas une attitude ndgative qu'on demande i I'dgard du dieu, mais un hgmmagE positif qui lui sera rendu- Rien n'oblige donc i abandonn.i I. ."pprochement traditionnel, m6me s'il I'est pas aussi dtroit que le ferait souhaiter I'importance de la notion. >>
205
LE vocABULATRE DEs rNsrrrurroNs rNDo-EURopErNNns La revue de ces tefmes en a fait ressortir i la fois l'antiquit6 et la disparitd dtymologique. Chacun d'eux a son histoire et comporte ses enseignements. On n'accBde pa: i une prdhistoire commune du sacrd. - En_ outre, nous constatons que plusieurs des langues les plus anciennes possEdent une double expression,-dis. tincte en chaque langue, deux tefmes compldmentaires dnongant un double aspect du sacr6. En grec : hier6s et higios,'_en latin i sacer et sanctas; en avestique i spanta et yaoidata (1.). Mais on ne peut construire d I'aide de ces couples un m6me modble. Ils fonctionnent a I'intdrieur d'une langue seulement et les relations entre ces couples ne s'6tablissent pas,au m€me plan ; ou bien les notions se correspondent parfois d ttavers des termes distincts. Dans av. spettta coryme dans gr. bier6s, sous des formes dtymologiquement diff6rentes, la m6me id6e transparait, celle d'une puis. sance qui est pleine d'ardeur, gonflde de f6condit6. A quoi r€pond dans le gotique hails celle d'intdgrit6, d'accomplissement parfait : une force qui met I'objet ou l'6tre ) I'abri de toute diminution, qui le rend invulndrable. Au contraire. le latin sacer donne seulement ) entendre un 6tat de retranchement, une qualitd auguste et n6faste d'origine divine, qui sdpare de toute relation humaine. Entre la qualitd naturelle indiqude par I'avestique spanta et l'dtat de yaoidata, Ia difldrence est autre. Nous trouvons dans le neutre yaoi ltroitement uni avec la forme iranienne de indo-europden " dl)e-, I'id6e d'une conformit6 rigide i la norme : <( rendre apte h une opdration religieuse, mettre I'objet en mesure de satisfaire i tous les rites >>, C'est le rdsultat d'une opdration qui confbre la puretd rituelle. On a vu la relation dtymologique qui unit en latin sacer et snnctas, mais la formation de sanctus, qui est nouvelle, souligne le caractEre secondaire de cette cr6ation. Il semble que cette notion indo-europdenne ait 6td renouvel6e en latin, prdcisdment parce que, i date indo-europdenne m€me, il n'y avait pas de terme unique connotant
-ff f p.* 206
f'lnterprdtation de yaoid.a-, cf, cidessus,
LE
SACRE
du sacr6 ; mais il existait d6ji une dualitd de notions que chaque langue a not6e i sa manibre. Enfin hier6s et higios montrent clairement I'aspect positif.et.l'aspect ndgatif de la notion : d,une part c^e q.,i "rt animd d'une puissance et d'une agitation jacrdes, d'u.rtr. part ce qui est d6fendu, ce avec quoi on ne doit pas avoir 'de ces deux aspects
contact.
Voil) commenr se distribuent dans le vocabulaire
de
cfiaque langue ces deux qualitds, illustrant les deux uro".id'une m€me notion : ce qui est rempli d'une puisJance divine ; ce qui est interdit au contact des hommes.
p. lD, 207
chapitrb 2 la libation
.
Sonmaire.
L'oflrande liquide, telle que I'expriment en grec
- sptndomai et le'nom Ie verbe sp|nd6,
,i";;i,-;;"eai"ii'ro?+
nquement comrne << oflrande de sdcurit6 )>, Toute entreprise comportant un risque _ voyage, expidition guemiire, rn"ir-i"ril paix esi donc naturellerient preieJJ"-4"n.
li}i;ul'^"'de
-
La notion de sdcuritd
de garantie, est aussi i la base d" T^t. spi"i;;.-i;1, i"ii.r*j; i'::i"'o"X"l',*il'oiill".##"u?AJ"?:;' j,,,;,t,,::*":,"r\!:n d respondere ''.'t u iepona;; q;; -:;; :ff11t'!;"1ilff'r: 9."X1'
,4! l:or,
as,surde,
uniquemenr juridiq-ue,'
Ni khod, ni
spond€, qu,est-ce que la >, ddfinie en pour rout par Ia correspondance de gr. leiba avec lat. ".t, ttoo r' Le .groupe de gr. leibo gxprime la notion de << suintemenr >, d'< igouttem_e-nt > : leib6 < rdpandie q".Iq"", l;"i_ lg,u_t
:'J;:"53Tf!X!,,tf,'ff,nl::fi iiJT"*?:3iT.B,?"y. j;Hj
Ie.rite apotropaique au rite propitiatoiiJ, ddroutante du lat. libare < faire une libation, ^r;-1._!-oty::Tre ;"l:T"e"f ,H','i;,3i,ll,ooli,Y,"i,o::1,"'""f ["";.TT..:,#,:'*f qu-.e.s gouttes r>, on retient celui de << prilever une ffe, pitite partre )>,
I. Sponsio Nombre de termes se groupent avec le << serment > y a lieu d'6voq.r"r .eri qni s'y rattachenr pu, iu 1l srre meme de l'rnstltutlon. "e..rUn rite accompagne la prestation d'un serment ou la conclusion d'un,pacte;..i1 est dnoncd par gr. spLnda << faire une rDatlon >, hrttrte iipant et iipant, c,est_i-dire spand_, de meme sens, et lat. spondeo. Les rois formes, viiiblement apparent6es, se rapportent e des notions qui ne se caracArisenr pas'd. lu ,iEr* ..t
209
LE VOCABUI,AIRE DES INSTITUTIONS
INDO.EUROPEENNES
maniere. En latin, spondere est un terme juridique ; en hittite, spand- ddsigne une modalit6 de sacrifice ; or la notion de sacrifice est complbtement absente du termc latin. Le grec spdndo associe les deux significations que
lc hittite et le latin donnent sdpardment, d'une part ., faire une oblation liquide >, d'autre part << conclure une convention >. Le d6riv6 nominal spond6, avec degrd mdical o, signifie ., offrande liquide >>, mais au pluriel <. accord, trbve, armistice >>. C'est surtout en grec qu'on saisit la liaison avec le serment, quand la spondd accompagne la prestation. Cette association permettrait de comprendre que le verbe en grec se soit sp6cialis6, i l'actif et au moyen, au sens de << conclure un pacte >. On prdsume donc que le sens primitif 6tait celui d'une oblation li quide consacrant solennellement un engagement. Il y a ici un probltsme linguistique. Pour que, en grec et en latin, spend- ait dvolud vers une acception politique ou juridique, il faut que quelque chose l'ait pr6pat6 dans I'histoire sdmantique du verbe. Or grec sp|ndo se limite exclusivement i la << libation r>, sans que rien ne prdcise Ie sens propre de cette pratique. Si le verbe impliquait que la libation 6tait toujours faite h I'occasion d'un accord, la spdcialisation du sens irait tollte sellle. Mais souvent on ne voit aucune ndcessitd ) cet acte. Dans l'Odyssde, une spondd peut etre pratiqu6e sans relation avec un pacte. Les prdtendants, le soir, font une libation, et le fait n'indique aucun pacte conclu, aucull acte rituel. A maintes reprises, Ulysse et ses compagnons font des libations sans qu'un accord intervienne. En g6rrdral, la mention de Ia spondd n'est suivie d'aucun engagement collectif. Et cependant, Hdrodote arteste ddj) largemefi spAndoftxai et spondii dans leur signification de << concluLe un accord >> : sp1ndesthai eirdnEn << conclure la paix >>. Ce connaste a quelque chose de singulier. On ne peut le r6soudre autrement que par un examcn ddtailld des emplois anciens et d'abord des emplois homdtiques les plus significatifs. C'est en liaison avec le serment qu'il est fait mention des spondai ikrEtoi (I1,2,34L; 4, 159), tandis que les partenaires se serrent la main droite. Il s'agit bien d'un cdrdmonial ; or ce sont les seuls exemples homdriques 210
LA LIBATION iustement I'emploi
du terme indique
!:^:I-:f!!,,,,et concluston d'un acte prdcis. Dans quelques cxemplgs.r.sp\nda accompagne
la
un dis_ r'ud."rr" a Zidi iaiirii", mains, prit sa coupe, versa Ie vin er ensuite prononea une priare en faisant *. riu"ii"n i. vrn et en regardant le ciel. II demande a Z."r;;;t*;_i;. rg" compagnon qu,il envoie au combat ,.ui.rrn. ,"i !:.saut. et En 24, 287, on est ) la veille d,une enffeprise cours.
9\ I1.,,t6,.227,,Achille rehsgtkos ; il se lava les
dangereuse : Priam va. r6clamer aux Ach6en, ,o" hir-i";.'b? les conseils de sa femm., ir fait-"io* riu"iio, , ri". tient devant les dieux et s'adresse a ZL"r. "n. S" f.;;;;; prdalable, lui dit : << Demand. t favorable sous la forme J;r"q"i apparaisse droite, afi-n que tu puisses ull;?; "Gf" ii,'r. ,6curit6 _) notre et ie ne ferai p.lus obstacle a to" d!p"ri.-;E, p.i"rr-a'ror, ,o',rr,, << Accorde-moi, Zeus,- de pouvoir Ji.. -'iu .1,.r--a.iiif. .i donne-moi un signe fuuorrtl. ,our f;; i;r"'r"i"i" qLIt me montre Oue je puis aller en toute confiance ,"p;e;
Z;JL;;;Jr1;;i;:
des Ach6ens.
>>
-La libation accompagne donc une pridre destinde i obtenir Ia s6curit6. Cl.st a,, *"il*r-a. commencer une entrep.rise dangereuse pour soi et pour I", n";;;;-;j;
verse l'offrande liquide^de.stinde a t;;; ;;i";;;"iili; garanrir ) l'intdressd quli r"ui.nJru-lrin et sauf. Une confirmation en esr_ dinnde .r,"r-Hgi"jtr"fVii, Xerxds fait une libation u" Jtrrrfri, f, Gr_i..;;; ''o..n,inforrrn. ne l,empdche demandant au dieu qu'aucune d'envahir l'Europe entiarement nes. L'idde est bien d. ," prt-u;ir;;;r;" un danger avec I'aide des dieux. Ce sont exactemeot les- conditions qu,on __ tetfouve chez Homare, Od. 18, 15.1. Ulysse, d6fi;a;;;; ;t';r" les prdtendants. On lui ofire ; Jil;.-ii et comme il vient d,€ue question d,Ulysse, it uu"rtii"t.l prdtendants : << Malheur i celui qui, ie iour of Ul;;; rentrera ici, se trouvera sur son chemin 'r""lrriirr''o"" , personne ne se trouve dans ce casJi >. II u",.:Tb.u, d6cisi.f pour reconqudrir son foyer. ," tr6pr;; Le but esr toujours de protdger celui qui'est engagd dans
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211
LE VOCABULAIRE DES INSTITU'TIONS
INDO-EUROPEENNES
une entreprise difficile. Le contexte 6claire souvent l'emainsi, Od. 3, 334, au moment d'entreprendre ou de continuer un voyage sur mer, dangereux, on fait une libation ) Pos6idon. Dans 1'6pisode des beufs du soleil (L2, 363),les compagnons d'Ulysse afiamds rencontrent un troupeau qui est protdg6 par un interdit : aucun homme ne doit mettre ) mort ces beufs. Or ils en ont 6gorgd un et I'ont fait rOtir ; mais avant d'en consommer la chair, ils font faute de vin une libation avec de l'eau. Ils savent- qu'ils ont - un sacrildge ; ils veulent au moins apaiser le dieu commis intdress6. D'ailleurs ce dessein est dit comme en termes exprbs quand Pisistrate accueille i son festin T6l€maque accompagnd d'Athdna d6guisde : << Etranger, prie d'abord Posdidon, notte toi, car c'est i son festin qu'ici vous arrivez. Fais les libations ; prie comme il est d'usage ; tu donneras ensuite i ton ami la coupe, pour qu'il ofire i son toul' de ce doux vin de miel ; il doit prier aussi les fmmortels, je pense ; tout homme n'a-t-il pas m6me besoin des dieux ? > (Od. 3, 43 sq. trad. B6rard). Suit la priEre d'Ath6na A Posdidon, €nurn6rant les faveurs esp6r6es. On procdde de m€me ) l'dgard de Posdidon au moment oL les h6tes s'appr6tent ) dormir (ibid. 3, 333 ; cf. 18, 425, etc.). Quand Pindare dit figurdment : (Olutltpioi) spdndein aoidais (Isthnz. 6, 9) <, faire des libations (i I'Olympien) avec des chants >>, il faut voir que c'est i Zeus Sauveur, Sat€ri Oluwpioi, que s'adresse la spondC .' c'est donc pour assurer la victoire d'un grand champion qui afironte l'6preuve. Les m6mes conditions se retrouvent ) travers la littdrature) en ptose ou en po6sie. Les Grecs {ont libation et pridres ) Posdidon Sauveur, au moment oil, aprds le ddsastre naval des Perses, ils veulent regagner au plus vite l'Artdmision (Hdrodote VII, 192). Dans 1'Oreste d'Euripide (vers 1688), Apollon promet ) Hdltsne qu'elle aura un sort brillant, des honneurs parmi les hommes <{ et toujours elle recevra des libations r> : elle partagera avec les Dioscures la charge de prot6ger les humains des dangers des flots, varirar,g, ple66ouoa 0a)"&oo1q I c'est i eux que les marins rendent grAce quand ils dchappent i un p6ri1 :
ploi;
2L2
LA LIAATION HdlBne aura ddsormais ce privildge qui lui vaudra les spondai des matelots. . fl n'est -donc pas probable que le verbe spdndo ait une fois chez Hdrodote {IV, 187) le sens d'i< asperger >, comme on I'admet. Les Libyens, dit I'historien, o-nt r'r, remEde quand leurs enfants sont pris de convulsions ; ils les struvent en les << arrosant >>, (epi)speisantes (1 ), d'urine de bouc. On ne voit pas po_urq.toi dans ce seul emploi le verbe quitterait le sens qu'il a dans tous les autres exemples. Ce peut aussi bien €tre ici un rire accompli dans Ie dessein
de sauver d'un danger. Hdrodote n''avait pas dir. simplcmenc <( arroser )>.
besoin du verbe spdnda po.rr
PIus probablemenr, il s'agit d'une vdritable < libation > faite .pour pernretrre h l-'enfant de franchir ce passagc olIflctle. Chez les orateurs attiques et dans I'histoire ultdrieure du verbe, le verbe n'dnonce plus seulement un acte religieux, mais prend une valeur politique. La forme moyenne spdydonai tend ) pr6valoir. Si spdnda indique ,o-r" le fait de prendre les dieux pour garantr pui .,n."r,libation, le moyen marque que Ie procbs iflecte celui qui l,accomplit ou ceux entre lesquels il intervient. Pratiquement cela revient i : se prendre mutuellement pour gaiants, d,oi : s'engager vis-)-vis I'un de I'autre. Hdrod6te a pu dire ainsi tri1konta 6tea eirdndn sptndesthai << conclure urie p.aix pour trente ans > (VII, 148). C'est un pacte de sdcurit6 mutuelle que les deux contractants s,engagent ) respecter : le marin s'assure conne les pdrils de l-a iner, ici on s'assufe- aussi, mais conffe la mauvaise foi de l,autre, contre des violations possibles. On dira de m€me sp6ndesthai t€i presbeiai <( assurer h une ambassade un saufconduit >> (Eschine, Contre Ctisiphon 63), On voit comment le sens politique et juridique se d6veloppe i partir du sens religieux. Le jeu de I''actif et du moyen se manifeste. aussi, mais un peu aurrement, en dorien. dans le grand texre juridique di Gortvne, au iuiet de Ia condition de la femme I i I'actif,' episp1ndiin (1) Les manuscrits donnent speisantes, que van Herwerden corrise en.epispeisantes, Ieirure adoptde par Legrand (€d. Budd) qui maduit":
< ils atrosent I'enfant d'urine de bouc.
>>
2L3
LE vocABUI,AIRE DES INSTTTUTIoNS INDo-EURopf,el.rNrs << garantir de I'argent >> ) une.femme : c'est le pdre ou le frbre de la femme qui lui garantit cette somfiie contre les risques d'un divorce ou d'une r6pudiation ; au moyen epispdndesthai << accepter en garantie >. On trouverait bien d'autres textes appuyant ces indications. Nous avons choisi ceux qui r6vblent la valeur propre du verbe et font comprendre ) la fois I'acception religieusc et celle qui en est ddriv6e dans le vocabulaire politique. On conclura que le sens dtyrnologique et religieux de spondd est << ofirande de s6curitd >.
Maintenant, dans cette meme ligne dur ddveloppement, nous renconffons le correspondant latin spondeo. Ce verbe est sp6cialisd dans un emploi juridique, avec le sens de << se poftef garaflt en justice, donner sa caution personnelle pour quelqu'un >. Il est consacrd dans la terminologie du mariage : c'est ce qu'enseignent les tertnes m€mes de sponsus, sponsa << 6poux >>, << dpouse >>. Nous connais-
sons aussi les formules de demande en mariage et de consentement. Plaute les reproduit (Trinummus 1157, 1.1,62) : sponden (: spondesne).., tuam gnatant uxorem nzihi ? << t'engages-tu h me donner ta fille pour dpouse ? r>, demande le pr6tendant au pere de la jeune fille, et celui-ci rdpond : spondeo ., j" -'y engage >> et i nouveau : filian spondeo. fnvetsetuam sponden rnihi uxoren dari ? - homme << prends-tu ment, le pdre peut demander au jeune telle ieune fille en mariage ? >> et la rdponse est spondeo o j" m'y engage > (Aulu-Gelle IV, 4, 2). La sponsio reprend ces notions avec les ddveloppements juridiques qu'elles comportent. Comtnent cette notion spdcifiquement romaine s'articule-t-e1le ) celle que le grec vient de nous enseigner ? De part et d'autre c'est toujours une gatantie,-une idcuritd. De m6me que dans le monde hell6nique la libation servait i assurer la s6curitd de celui qui I'ofire, de m€me ) Rome il s'agit d'une sdcuritd, mais juridique, que le sponsor donne en iustice. Il est h pour garantir le iuge, la partie adverse, le droit, d'un manquement possible : que I'inculpd, le prdvenu fasse ddfaut, etc. Dans le mar1age, la sponsio est la sdcuritd donnde par le plre au quant ) sa fille, c'est li I'engagement' ^prdtendant Avec tpondeo, il faut considdrer re-spondeo. Le sens 214
LA LIBATION propre de respondeo etla relation avec spondeo ressortent Iittdralemenr d'un dialogue chez plaute iCaptiui 899). Le parasite Ergasile appone i Hdgion une bonne nouvelle : son fils, *rpury depuis longtemps, va renrrer. Hdgion promgt i Ergasile de le nourrir tous Ies jours, s'il dit irai. Et celui-ci s'engage i son tour :
898
.
..
.sponden tu istud ?
Spondeo.
899 At ego tuum tibi aduenisse liliun- respondeo. << Est-ce promis ? C'est_ promis. Et moi je te pro_ - ton fils est arciv| - > (trad. Ernout). mets de mon c6td que
Ce dialogue est consruit sur une formule juridique : une sponsio de l'un, une rc-sponsio de l,autre, f&m., d'une sdcuritd d6sormais rdciproque : << je t. gurnrrtir, en retour, que ton fils est bien anivd >. De . cette garantie_ dchangie (cf. notre expression . rdpondre de ...) nait le sens d61a bien dtabli en jatin de < tdpondre >>. Respondeo, respsflsuln, se dit des interorbtes des dieux, des prdtres, notamment des haruspices, donnant en retouf de- I'offrande la promesse, en retour du cadeau la sdcuritd;_c'est la < rdfons" ,, j'rrn oracle, d'un pr€tre. Ceci explique une acciption juridique du verbe : respondere di iuVe << donner une conrultaiion de 4.oil ,r, Le juriste, avec sa compdtence , gamntit la valeur de I'avis qu'il donne. Relevons une expression symdtrique en germanique : . vrerl angl. an-d-swaru << rdponse > (angl. Ansloer << r6pondre r>), en face de got. su)aran << ju1er, prononcer^des paroles solennelles )> r c'est presque littdralement /e-
I
il
ilt.l tl
il
il
spondere.
C'est ainsi qu'on peut prdciser, dans la prdhistoire du grec et du latin, la signification d'un terme hautement f-r.lpoJtant du vocabulaire religieur, et la valeur qui est ddvolue i la racine * spend- vis-i-vis des autres ierbes indiquant en gdn6ral I'offrande. En latin, une partie importante de la signification primitive a disparu, mais il reste l'essentiel et c'est ce bui d'une p-art ddtermine la notion juridique de 7a sponsio,-de I'autte la liaison avec le concepr grec-de spondi.
2L5
lltl
tl
1l
il
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LE vocABULATRE DES rNsrrrurroNs rNDo-EURopfnruNss
LA LIBATION
II. Libatio Dans le vocabulaire des institutions religieuses, il y a un verbe pour << ofrrjrla libation >. Paralldle ir gr. spdndo, Iat. spondeo-, il est restreint aux deux langues tlasiiques, c'est gr. Ieibo, Lat. ltbo. _ Le sens en est parfaitement clair, les emplois constants, les expressions memes, du grec au latin, se correspondent littdralenent. Pour le verbe grec leibein, la traduction usueile est << vetser >> en gdn6ral, et, chez HomEre exclusivement, du vin : leibein oinon, comtne lat. libare uinum. Au verbe leibo se rattacl-re un substantif loibd < libation qui est exactement dans le m6me rappor.t que spondd est ta sDendo. Le sens de << verser > est partout admis, en veftu d'emplois non religieux : ddkrua leibein << verser des larmes >>, attestd chez Hornbre aussi bien que lelbein oinon Dii << faire une libation de vin b,Zeus >>. Mais d examiner les choses de plus prds, le sens n'apparait plus si simple. On rencontre des difficultds quant d I'interprdtation du rite que ce verbe ddsigne. Si leibein signifie seulement <( verser >>, on peut se demander quel rapport de sens il faut dtablir entre leibeit et un autre verbe qui ddnote propfement I'action de verser et a proprement aussi un sens religieux : khid, avec le nom d'action kho6. On sait l'importance de cet acte dans les rites, en particulier dans le rite fundraire de verser sur un tombeau une kbo6. Ce verbe * g'heu- est un des mieux dtablis du vocabulaire indo-europden. Il est reor6sent6 en indo-iranien par skr. haa- (bi-1 << fake ,rn. oblation liquide >, rite central dans le rituel vddique ; le neutre hotra dlsigne cette oblation et le nom d'agent hoty le personnage qui la consacre. En iranien, les termes coirespondent exactement i zaa- << faire I'oblation >>, zaotarl'ofirant, zao\ra- I'oblation. Dans la m€me valeur rituelle, atm. jawnem << fafte une ofirande, consacrer )>. Cette meme racine '" g'beNt-, avec dlargissement en dentale, fournit le latin fundo << verser >> et en germanique le ,gotique giutan, all. giessen <( verser >>. A en juger par l'ampleur de I'aire dialectale et la constance de la signification, c'est ) ce verbe, en grec kh66, qu'on attribuera >>
2L6
le .sens primaire de << verser >>. Donc leibo ne peut pas indiquer la m6me notion, tout au moins pu, aL il;e;; manidre ni dans les m6mes circonstances. De plus lat. libare << faire une libation )> prdsente une . s6rie d'autres sens. C'est aussi bien : efflerirer, ,"".t., ldgbrcrncnt ; go0rer (libare ou delitbare se dit du mandse des abeillcs,qui butinent sur les fleurs), prendre r'rn. po"r_ tton de quelque chose (acception fr6quente) pour le ionsommer, pour s'en servir ; porter atteinte d qireique chose (€tre vivant, objet). En*e Ces divers ,"r* qrr:on i".ornuii au latin libare, il est difficile d'6tablir d'emblde i';;i;: Mais il esr ddji clair qu'ils ne ddrivent pas de t";;i;; cle <( velser >>. L'histoire prdlatine du mot est moins li9pt" qu il ne semble. Ellel'est m€me si peu q,r", u"lon l'6ty,mologiste \Walde, le verbe latin contin,r" d.,r* iu.in., difidrentes, I'unepour >, I'autre signihani ;;;;; cher, enlever r>. Sans aller jusque l), les diitionnaires 6tvmologiques rdcents soulignent la diffrcultg a" por.r-"n #,
I I I I I
uruque.
. Il faut reprendre Ia comparaison des emplois srecs et latrns, puisqu'il n'y a pas ici de moisidme langue?ont Ie tdrnoignage puisse arbitrer la difficultd. . A c6t6 de le,ibo, on peut noter en grec des formes sim_ ples, d'un e'rploi non r"ligi".rx, dont li sens est assez clair pour assurer une sigqificatiorr de base. Ces tdmoignages n'ont pas dtd assez utilis6s. D'abord le nom-racine ,t lips, g6n. lib6s, acc. Iiba < goutte >, formes casuelles isol6es d-'un vieux'rnot ,o*Lt en d6sudtude : militos tiba (Apollonios d. Rh;a;) miel > ; eks omrndton lelbousi Iiba (Esciyle : goutj:,de tum. )4) avec figure dtymologique : la larme est ici.ongrr. comme une goutte. Puis un substantif d6riv6 en _ad_, Iibds << suintement, 6panchement goutte i goutte >>, d'ori <( peiiLe source >, << flaque d'eau >> produite par de l,eau qui sourd- Ce tibds donne un diminutif llbad;on et un prisent libdzesthai << suinter, 6tre ruisselant > en purl*i de I'eau qui filtre. On trouve encore I'adverbe irfu;;; <( goutte d goutte >> ; et leibEthron << conduit d'eau >>. On est ddj) en mesure de ddfinir teibo de manibre plus prdcise : kdrnai leibousi tlaia (Callimaque) << la .h.vei,rr" est ddgoutrante d'huile >> ; apbrds peri st6ma lelbetai 2L7
I I
I
I
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n $ u f; fr,t
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JI $l
itl
LE vocABULAIRE DEs INSTITUTToNs rNDo-EURoPfpNNBs (H6siode, Bouclier 190) < l'6cume tombe goutte i goutte de sa gueule >> ; tdkein kai leibein (Platon, Rdpublique
411 b) < fondre et goutter >. Nous voyons que leib6 n'indique pas le versement continu d'un liquide rdpandu abondamment, ce qui est le sens prdcis6ment de khio. Au contraite leib6, c'est < dis' tiller, verser goutte i goutte )> ; un liquide s'dchappe goutte i goutte d'un contenant qui ne peut plus le tetenir : la source cachde ne verse pas ; elle laisse filtrer I'eau goutte ) goutte. De mdme dhkrua leibein (fin de vers frdquente chez HomEre) n'est pas <( verser des larmes >>, mais << laisser dchapper, filtret en quelque solte, des larmes >>' Il n'est besoin d'aucune transposition pour comprendre ainsi les expressions que nous avons cit6es. Le sens appa' rait chez Homdre m€tne, dans un exemple qu'on n'a pas assez considdrd : Od. 7, L07... othon1Sn apolelbetai hugrbn ilaion (pour emp€cher Jes fils fragiles d'un tissu de se rompre, on y rdpand de I'huile et) << du tissu de lin l'huile d6goutte >>. Pour tous les exemples que nous avons passds en revue, du verbe s'impose. Il faut l'appliquet aussi interprdtation f h l'exptession religieuse oinon leibein : non pas <( verser )> un vin qu'on r6pand largement d'une coupe ; mais << laisset filtrer le vin, en laisser ichapper quelques gouttes >>. Le substantif. loibd devra s'interprdtet de m6me. Il figure seulement dans I'expression double ; << honorer le dieu avec Ia loibd et la knisE > (Il. 9, 500). Par kntsd on ddsigne la graisse qui entoure certaines parties du corps de la victime ainsi que le brrilement de cette graisse et l'odeur qui s'en d6gage, La loibd sera donc la consdcration du liquide, goutte ) goutte. La conclusion ) tirer de ces tdmoignages est que le rite ddsignd par leibein consiste ) laisser filtrer goutte i gou-tte un liquide. C'est tout autte chose que les g,rands dpanche' ment; (khoai.) qui se pratiquent sur les tombes. En latin, si nous n'avions que le vetbe libare, il ne serait pas facile de tetrouver une filiation entre les difldtents sens qu'il of{re ; ils sont difficiles } concilier, ils orientent dans des directions difidrentes. Il y a heureusement deux formes apparent6es qui aident i dtablir un lien avec les formes grecques.
218
LA LIBATION C'est d'abord le substantif neutre libum << gAteau sacr6 i I'occasion d'anniversaires et dans cer-taines c6r6monies du culte >>. Ovide, Fastes III, 76L montre comment libum pourrait se rattacher b, libare, dans les condi tions d'une ofirande au Pater, au dieu Liber qui aime le miel : liboque infusa calenti... candida mella damu.r << nous donnons (au pEre qui a donn6 le miel) le niel ftpandu sut le libum chaud >>. Ceci est i rerenir; Ie gAteau^dit libunt est ofiiert baignant dans le miel. On peui alors ddfinir le lib-um.de manibre plus prdcise << gAteau, en rant qu'il ruisselle d'un liquide (tel que Ie miel) >. Ceci est confirmd par 7a forme nominale delibutus, adjectif verbal de delibuo (qui n'est pas attesrd), .onr..u6 dans certaines locurions anciennes : dilibuto capillo << dont la chevelure ruisselle de parfums >> ; delibitus gaudio (Tdrence, Phorm. 856) < inondd de joie >>, littdraliment joie r>. Le sens est donc <( trempd dans un << ruisselant .de liquide qui d6goutte >. Demeurant en latin m€me et sans extrapolation du grec au latin, nous trouvons dans cette voie le moven d'in-terpr6ter directement certains emplois religieux : Iibare rnelle, uino avec construction ir l'ablatif, comparable ) lacere uino, uictintZ << accomplir le rite ou' *oy"'n du vin, d'une victime >>. Dans libare melle, uino nous- avons finalement I'dquivalent exacr de gr. leiben oinon ; le sens est < faire au moyen de vin, de miel, une libation consistant i << dgoutter > le liquide >. . T"l est le point de ddpart de I'histoire propremenr latine des termes de cette famille. Pour en suivre^l'6volution dans les diverses acceprions oi libare s'est difidrenci6, il faut d'abord poser correcemenr la signification initiale, qui n'est pas <( verser >, mais << dgoutter r>, c'est-d-dire < ofirir une rou-te perite partie du liquide, qu'on laisse en quelque sorte filtrer de son contenanf >>. _ A partir de Ii, la norion de I'of{rande liquide, essentielle dans l'emploi religieux de libare, libatio, .t.., u fait place dans I'usage ordinaire d celle de < prdlever une petite partie >> : chez LucrEce, Iibare aequor << pr6lever de^l'eau de mer >> ou en valeur mdtaphbrique t dttibota deum nunzina << la puissance divine ) laquelle on a enlevd quelque chose, qui se trcuve amoindrie >. C'est bien le *C*"
offert
219
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO.EUROPEENNES
.' un attelage de
LA LIBATION
< arrache en passant une partie >> de I'dcorce d'un arbre . Le verbe peut se dire aussi de la nourriture, d'aprbs la ddfini-
apportd une loibd pour le cas oi, me prenanr en piti6, tu me laisserais rentrer chez moi, mais ta {ureur ,an, "rt Ia bornes >>. Ulysse essaie, par cette loibd, de d6sarmer
cot't.tingere
de Zeus. Le mot loibd est
verbe dans truncum delibare
bceufs
tion dtun grammairien latin : Iibare est aliquid leuiter ut si qu.is innitatas ad conuiuiunz uel potuftl perexiguuru quiddarn de esca uel potione samat << libare est toucher ldgErement i quelque chose, par exemple quand quelqu'un, invit6 i manger ou ) boire, prend une petite quantit6 de 1a nourriture ou de la boisson )>. 'Iel est le changement qui a efiectd libare d'rne valeut nouvelle. Au ddpart, c'est pr6lever une petite portion d'un
coldre de PolyphEme, comme plus haut, Ies Grecs la coldre i ia place.
liquide consac.rd i une divinitd, Puis, prendre une parcelle (de noumiture, par exemple), butiner comme font les abeiiles sur les fleurs. Les acceptions du verbe latin se coordonnent i partir d'une origine que nous saisissons en latin m€me, dans libar.m et delibuo; ot c'est celleJi m6me que nous indiquent les emplois grecs. Ainsi la considdration des faits latins, aprbs ceile des faits grecs, aboutit i des pr6cisions qui resserrent davantage les deux ftaditions. Il sera permis de toucher d un dernier point, bien qu'il ne soit plus proprement linguistique. A quoi sert la < libation >> ? quelle est la signification de ce rite ? Cela revient )r voir dans quelles circonstances s'emploie leibein. Ce verbe ne s'dchange pas avec spdndein. Consid6rons dans son contexte un emploi hom6rique (I1. 7, 481). Tandis que les Achdens festoyaient dans leur camp, << Zeus eut de funestes desseins contre eux et fit retentit un tonnerre efirayant ; Ia peur vette les saisit et ils r6pandirent de leur couDe du vin i terre et aucun d'eux n'osa boite avant d'avoir fait libation (teipsai) d Zeus >>. de boire, quelques gouttes L'intention est claire : ^vlntle courroux divin. Ce n'est r6oandues doivent d6sarmer pri, .o--. on l'a vu pour spendo, un accord h obtenir, mais une coibre dont on veut ddtourner les efiets. La m€me idde ressort, comme en parodie, de l'6pisode d'Ulysse trompant Polyphbme (Od. 9, 349). Le Cyclope a ddvord deux des compagnons d'Ulysse ; pour le d6sarmer, Ulysse lui apporte une outre d'un vin vieux : << Cyclope, bois ce vin puisque tu as mangd de la chair humaine, p,our que tu saches la qualitd du vin que notre navire rec6lait' le t'ai 220
221
chapitre 3
Ie sacrifice
Soinmaire.
- L'absence de terme comrnun. pour disigner Ie ::##'t','i,lu.LlT;.".T:r.iiT,"f, :TJ::"* j":n#1i".:rii
gnations correspondant au-* diverses-fJries cielle tibatioir (skr. iuhoti.'i.-reZ\;;r; de f;".il"r-.rlri?isolennel (lat. uoue.o, gr. enkhinaili [""qu"t de maenificence (Iat. daps), fumigation (er. tb,jaj,-i7li a.lr'lrilie;.
:
."cr;;ffi ;#;i ?j;i?;;;;
Dans la mesure
oi
hhgios peut etre apparentd
d shr. le., sa*ifiie ; Ji; ;"r"i"" du << sacrd >. En u8diq.re, yai- c,est propr....r, << sacrifier->, mais d'abord la constructiln m€me du verbe en, fait foi : accusatif- du nom du dieu, instru*.nrui a. I'objet y.ai-,une relation est posde en*e
*itilir., * i;;;;';;
s'g51 honorer le dieq, nait_re sa puissance au moyen d;oblations.
-
Nous voici inuoduits
cdrdmonies-par
i
l'6tude des acres positifs et des se ddfinit er s'entretieni t. ,o.rt ,-.. -quoi
sont les oftrandes, qui sont bien des << sacrifices >, des 'aun, de rendre sacrd, de faire passer t'lru*ui" f"ol."y re dlvtn. Ces offrandes sont de plusieurs natures et elles combor_ tent des termes difidrenis suivant q.r'elles-.-;;;;ffi chnoses,ou .en prilres. Car la pritsri "if._.er"^ .;;"r;; pl]_11f", eIIe agit par sa vertu efficace_; sous l,aspect de tormules tlxes accompagnant les rites, elle met en ielation l'homme et la divinitipar t,int.r,"iaiuir. d., ."i ."-
pr€tre.
i"
L'offrande matdrielle peut.6tre solide ou liquicle : ou libation, ou ce qu'on pourrait upp"l". n mactation )>. Il qy" soit pour Ia < libation )> clue nolrs ayons l^"T?,i., :" le terme le plus gdndralement attestd de tous ."u* qui ,. rapportenr au sacrifice : il ddrive de la racine qui est reprdsentde en sanskrit, par hau-, iuboti << faire ,u..in..-". 223
LE vocABULATRE DES rNsrrTUTroNs rNDo-EURopfBNnrs hotar- .<< pr6ffe sacrifiant >>, hotra- << sacrifice >. La fotme correspondante en iranien zau- foutnit pareillement z,aotar
<< pl€tre >> et zao\ra- << sacrifice r>. Nous avons li des termes importants dont chacun commande des ddrivds nombteux et frdquents. Cette racine est 6galement attestde en armdnien par jaunem << ofirir, consacrer )> avec valeur religieuse ; enfin par le gtec kb6o <( verser >>. Toutes ces {ormes teposent sur indo-europden * gheu-, comme aussi les prdsents ) suffixe lat. fundo, got. giutan << giessen, verser >>, Cette racine a donc regu dans la plupart des langues indoeuropdennes, mais non partout, une valeur religieuse, que certains d6rivds de khda prdsentent d'ailleurs aussi. Rapport6 ) la < libation >>, le sens propre de " gbeuest << vetser dans le feu >>. En vddique, c'est I'oblation liquide, beurre fondu, graisse, qui alimente le feu et nourrit la divinit6. Il suffit de rappeler une correspondance plus limit6e, mais qui int6resse aussi la sphbre de la < libation >> et dont la distribution dialectale est int6ressante : c'est celle de $, sp1ndo, spondd < libation >> et de lat. spondeo qui ne garde que la signification de I'acte que la libation appuie, de l'<< engagement >>, avec le hittite ilpant (iipant) << faire libation o (cf. p. 209 ss.). Dans la terminologie latine du << sacrifice >>, voici un terme limit6 au latin, mais qui doit €tte le teste d'une formation prd-dialectale : le verbe rzactare, dont le sens le plus frdquent h I'dpoque classique est << sacrifier une b6te >>. On ne peut en sdparer la forme nominale xtactus. A vrai dire, nous ne connaissons celle-ci pour ainsi dire qu'au vocatif macte, surtout dans la locution rnacte (aniruo) << honneut ! courage ! > qui ne s'ajuste guEre au sens du vetbe mactare. Le rapport de ces formes est si peu clair qu'il a fait imaginer deux verbes rnactare, 7'un signifiant << tuer >>, l'autre << exalter >> ou quelque chose de semblable. C'est une idde qui est certainement i
rejeter.
Mactare est i considdrer comme le verbe ddnominatif de mactus, mais le rapport de sens ne peut s'ilucider que par I'examen des emplois. Les Latins expliquent ruactus par
224
<<
magis auctus
>>.
Ce qu'il faut retenir de cette
LE SACRIFICE interpr6tation, c'est moins sa forme litt6rale, insoutenable, que la notion dont elle atteste ainsi la persistance, celle d'un accroissement, d'un renforcement du dieu, obtenu au moyen du sacrifice qui le nourrit. Il est indubitable que cette << €tymologie populaire >> de mactus a agi sur les ernplois de nacte; nzacte (aninto) << aie bon courage ! > oi nzacte s'explique par le sens qu'on attribuait d, rnactus. Cet adjectif doit €tre tout simplement un adjectif verbal, " rnag-to parallEle d 't mag-no (lat. nxagnus). Qu'on ait cleux formes d'adjectif verbal, I'une en -to-,1'autre en -no-, n'est pas pour nous surprendre : c'est le cas de plenus et -pletus; I'un, en -no- indique plut6t l'6tat de nature, l'autre en -to-,1'6tat dans lequel on a itd transfdrd. Ainsi le pr6sent ddnorninatif mactare signifie << rendre grand, accroitre >, c'est I'cpdration qui met dans 1'6tat rnactus. Les emplois les plus anciens, tel mactare deum extis, comportent le nom du dieu i I'accusatif et le nom du sacrifice i f instrumental. C'est donc rendre le dieu plus grand, I'exalter, et en m€me temps le renforcet pat l'ofirande. Puis, par un changement de constluction analogue i celui qu'on connait dans sacrare, s'est dtablie l'expression mactdre uictimam << offrir en sacrifice une victime >>. D'oi mactare <( mettre i mort >>, conserv6 paf espagnol ftxdtar <( tuer >. Chacun de ces termes ajoute quelque chose
i la notion du sacrifice, de I'ofl'rande, de la libation, par la liaison qu'il dtablit enre la notion fondamentale et les implications variables de la ddnomination. Voici encore un exemple : lat. uoueo, uotunx signifie bien << vouer, consacrer par un sacrifice > ; mais les correspondants de ce verbe latin dclairent mieux la signification initiale. D'abord I'adjectif verbal vddique uagbat << faisant vceu de sacrifice > et <( sacrifiant >, puis grec eilkhomai, eukhi. Ici ) premibre vue la notion est assez difidrente; < prier >, <( promettre > et aussi << se vanter >>, << aflirmef d'une manidre solennelle >. Enfin un quatridme terme important de la m6me sdrie dtymologique est la forme verbale avestique aogada < il a dit > (3" personne du singulier du
pritdrit). Nous avons une grande varidtd de sens, prdcis dans lat. uoueo <( vouer )>, assez vague dans av. aogada << il a 225
LE vocABULATRE DEs rNsrrrurroNs rNDo-EURopfr,NNrs
dit >. Le grec inttoduit une notion qui n'est ni ni
ofirir
<<
dire
>>
sacrifier >>, mais << {aire vceu )>, << dnoncer pubiiquement un engagement )>, <( consacret la qualit6 de quelque chose >>, et par consdquent << se donner pour )>. C'est l'affirmation solennelle qu'on engage quelque chose ou qu'on s'engage soi-m€me d fafue ou ] 6tre quelque chose. Cette prdcision en suscite une auffe. La forme verbale avestique aogadA est pltis instructive qu'il ne semble. Si <<
)>
ou
LE SACRIFICE
<<
on observe les emplois, elle apparait dans des circonstances solennelles, pour des personnages importants, pour
des divinit6s. C'est une 6nonciation qui a I'allure d'une promesse, d'un engagement, tenant son autorit6 de ceux dont elle 6mane (cf. ch. 4). ***
On voit ainsi que les valeuts sont rdpandues indgalement dans les correspondances unissant plusieuts formes d'une mdme racine, I1 n'est pas rare que ce soit dans une seule langue que la valeur proprement religieuse s'6tablisse ; ailleurs le mot entre dans le vocabulaire g6niral ou bien se spdcifie d'une aume manibre. Cette remarque est illusffde par un nouvel exemple, avec un mot qui ne relBve du vocabulaire religieux que dans une langue, bien qu'il soit lexicalement reprdsentd dans plusieurs autres. C'est un nom de l'<< ofirande >> particulier au latin : daps, ou plus commundment le pluriel dapes dlsignent le repas rituel d'ofirande qui suivait le sacrifice, tetme qui s'est assez rapidement vidd de son sens religieux, au point de ne plus signifier que <( repas, mets )>. Ici, bien que les rapptochements soient assutds, le sens d tirer de ces comparaisons n'est pas encore clairement d6gag6. A c6t6 de daps, il faut ranger des fotmes qui s'en dcartent pour le sens. Festus (P. F. 59,2I) ddfinit daps : << Apud antiquos dicebatur res diuina quae liebat aut hiberna sementi aut aerna. r> L'ofirande avait donc lieu aux semailles d'hiver et de printemps. A c6td de daps,ll y a dapatice, ajoute Festus, dont le sens est << magnifice r>; dapaticum negotiurn, c'est-)-dire << amplum ac rnagnificum >>. Comment concilier avec le <( repas d'ofirande r> ,la notion de << ample, magnifique,large,libdral > ? D'aprls le dictionnaire de Ernout-Meillet, le sens pre-
mier^de daps setait << sacrifice >. L'affirmation s'appuie sur Gaius Inst. 4,28 : pecaniarn acccpta* i,, dnnri. ii est in sacrific.ium impcndere < ddpensir I'argent i"E., daps, c'es.t-i-dire en iacrifice >. De le, ait te?i.tio"i,"f[, "o <( repas rituel qui suit le sacrifice >, puis, au sens profan"j
nourtiure r>. Horsdu latin, il y a.un groupe consritud par armdnien f€re >>, v. isl. talu < inimal du satifice, Uet" uoul" i!oyo-" I'ofirande >> ; et grec dapLnC << ddpense >, eui sc relie i <<
repas,
crapto
paftager, dfchirer >>. correspondance nous ramdne i un autre ntor , 9"rt: latrn, de famille et de sens apparemment trbs diffdrents ; c'est darnnum, << dommage )>, terme essentiel dans i" Jr"ii ancien de Rome, Ln forme darnnum remonte par un ancien *' dap-nonz au m€me type de formation qie daphne ei conrienr la m€me racine dgalement suffixde -1. <( repas >, < offrande >, <( dfpenser >>, << "" >,iraui, dommage tolrt <<
cela.manque d'unitd et semble m€me
le dictionnaire citd hdsite-t-il daps
h,
damnum.
)
contra.lictofi; A.r;;i; relation de
admettre
'ne
A noffe
avis, le rapprochement formel est assez prdcis pour nous engager i chercher les conditions d'un rapprochenrcur simantique. Pour cela, il faut ddfinir les slnr. Pourquoi daps est-il spdcialement un <( repas )> et non Das une ofirande ou un sacrifice ; p_ourquoi le diriv6, I'ad;eitii dapaticus impli.que-t-il magnificenies, lur.gerr.r? Erfi", comment justifier un rapprochement, sirggdrd par l; torme, avec dapind et aussi avec dannum ? Il nous sembie que daps, proprement, n'est pas I'ofirande err g6ndral aux dieux, mair^1. r.pas ofi"rt ,olbs une consdcration, repas de largesse, fdte de magnificence. On connait ce type de repas dans des socidtds -trbs dift6rentes, oil. il s'agit de {aire ltalage de I'argent qu'on depcnse. U'est un << sacrifice )>, au sens oD, dans une mentalitd de parcimonie, on l'entend aujourd'hui : ddpenser de I'argent pour i'apparat sans souci de ce qu'il , .offtd .t en sachant qu'on ne Ie retrouvera pas. C,jst cet engagernent que .signifie proprement la < ddpense ,, l,arge-nt qu'on prodigue pour un << sacrifi.. n uuns escomptef une compensation quelconque; on parle ainsi, dans-le comfirerce, d'un article < sacrifid >>.
226 227
LE vocABULAIRE DEs rNsrrrurroNs rNDo-EURopfrNNBs
LE SACRIFICE
Il
n'est pas fortuit non plus qu'on dise encore aujour<< oflrir un repas, un banquet )> comme << olfrir un sacrifice >>.Daps, ce serait donc le festin consacrd d honorer quelqu'un sans qu'il y aitb4n6frce ni restitution, et le sens de dapaticus, dapatice dveille I'idde de la profusion, de ce qu'on << sacrifie )> pour laire ltalage de sa gdndrositd quand on traite un invit6. Le latin daps et le grec dapin7 ainsi se rejoignent par ce trait commun d'une grande ddpense d I'occasion d'une f6te religieuse, d'un << sacrifice >>. La notion de < ddpense >> n'est Das une notion simple (cf. vol. I, p. 74 ss.). Etant donn6 Ie rapport de forme si manifeste entre dapdne et darnnuna, il nous faut voir sur quel rapport de sens on peut le fonder. Dantnunt, c'est d'abord la << d6pense )>) comme il ressort clairement de Plaute (Miles 699) : un petsonnage se plaint des embarras d'ordre financiet qu'entraine le mariage, des ddpense.r que sa femme Iui impose, haec atque eius modi darnna, ces << ddpenses qui sont proprement une <( perte d'argent >, un damnum. Ce sens persiste aussi dans I'adjectif damnosus qui ne veut pas dire autre chose que < Cdpensier >> ; enfin, dans damnare mdme, chez Plaute encore. Voici un exemple entre plusiews (Trinurnm. 829, pribre i Neptune) ; << N'astu pas entendu dire ce qu'on prononce i ta louange, pauperibus te parcere solitum, que tu as coutume d'6pargner les pauvres, mais diuites damnare atque domare, d,e ftapper les riches dans leurs biens ? >>. Par damnare ici, il faut entendre << conffaindre d \a ddpense )), la << d6pense >> 6tant considdrde toujours comme un << sacrifice >> d'argent. Voild I'origine du sens de damnum comme << dommage )> : c'est proprement de I'argent donn6 sans contrepartie. L'<< amende > est bien de I'argent donnd pour fien. Damnare n'est pas d'abord condamner en gdn6ral, mais obliger quelqu'un i une ddpense pour rien. Daps, qui a un sens religieux comme les mots qu'on en rapproche en armdnien et en islandais, 6claire la signification des termes qui lui sont apparentds et en regoit en m6me temps une cettaine clartd : << sacrifice >>, mais aussi << cdrdmonie d I'occasion d'une f6te >>. Selon un rite antique, aprbs la cdldbration d'une cdr6monie, on ofire,
d'hui
>>
par pure magnificence, un repas qui entraine une grande -a moindri i t" i".iir" H.;i;G;i r or) cetui-ci trouve.h ,;;*;;;;;; ?",hlnor.. ilirr..,' r,iil ses h6tes et de s'honorer Iuim€me p"r-r"-ge"gi*i,g. ainsi qu'on pi"r-urri...-iu',.tution entre des _^9^.:r -arotil;r,o; notrons qui se sont sp.cifiies soit aun, l. lat, damium. soit dani gr. dap,6nE. ddpense, q ui
iA;;;
il*..
Cette revue des termes relatifs au sacrifice comprend tbil6 <,u..if*;; -t,.rlgfri ;;;t;;;; d6rivds qui en- ddpendent. ";;;-[; en est assur6e : (ila.-repbr. sur un pr6sent * ihu-1,o dont le radical signifie proprement o produir. d; i; i;*;;-; ;; ;i::;-1"" apparentd direcremenr- au l4tin suf_fia u .*por"i-i aussi le verbe srec.
;;"i:il;,i;;'i9
.fumde, f,miger >>. .t,.a donnde par un ddriv6.gr.c,
1;eryrI"f.gi.'"rl doni-lu ,.r^rron avec x.dhan'est cependant oas dviiente , .Lil.^"om du <,< soufre >>. homdrique thdeion o.u thetin, qri-""r"*flement n,a rien d fafue avec I'adject{.it'itir''"T;i, ,;, comme Ia forme I'indique .luirlrl"i L1?"; une suffixation l^"1l.jlnl"radlcare en _r un ancien ,t dbwes-ion, cf. --"' Ie prgr.r,'liirr: -' nien duesiu << soufflef, haleter ,r.Le << sacrifice )> en grec est donc issu de Ia notion de o, graisse" g"'on fuir'iiti.r, exhalaison des vrandes qui rdtissent, flmde qui s'drdve offrande aux dieux : conception'dont "n L, rextes vddiques et Jromdriques ofirenr maints "*;;i.;. jlpprochemenr jette quelque lumibre sur Ia notion -,..-1<< l. ou sacrrhce )) en grec, il peut aussi dclairer ;r; i;ilil de mots latins qui ,i, d'une form. ruffi"d. ei * --ro, di*il_ro, on aboutit en latin au thbme t'ebro-,..febriL* ,i*triroorr, avec le nom de februarius. La rr'',iti" A Ia << puri"nii!;.-;"';;;;orre spdcifiques fication >>, fonction .illurtrt.-;;r;;".-ites I februarius, le mois d., purifi.Iri"*".r; i. aliri.i ,r"i, de l'ancienne ann6e .oniuin..-C"ir.'u""iurification >> esr dtymologiquement une < tumigation >>, l,intermddiaire srec pour < :,i:: l. terrne a rumrger pour purifier. La prdhistoire-de ces, deux groupes lexicaux importants peut tirer des clart6s d,une comparaison qui .rrri.-d;etr.
;..
lfllsrtion
., *"ni.
"pp".!n;-il;;-bl;;;'A;ffi;
ilf."";;;-;r;i.-;i;.';;;;l;
228 229
LE vocABULATRE DEs rNsrITUTroNS rNDo-EURopErNNns rigoureuse. N6anmoins ce n'est pas une certitude, soulignonsJe. Pour la ddrivation de-febro-, un f- latin peut avoir plusieurs origines , -br- admet d'€tre interprdt6 "r]tr"ment_; on ne peut donc ddmonffer que febro- ne reconnait pas d'autre prototype que " dbues-ro-.I1 sufiit que celuici offre une explication vraisemblable. Examinant les termes qui indiquent la << purification r> dans le monde romain, nous en reiiendrons un autre Darce qu'il soullve un problbme trbs discutd ; c'est lusirum, lustrare. On ddsignait ainsi une c6rdmonie qui, tous les cigq ans, servait-h purifier le peuple .urr.*bld sur le Champ de Mars et donnait lieu i des rites solennels accompagnds d'une revue des troupes. Dans cette notion, se group_ent trois unit6s lexicales ; lustrum, temps 6coul6, I'intervalle au bout duquel revient rdgulibrernent cette {6te ; Iustrare, pas,set en revue (perlustiare ocu.lis <( promener son regard tout le long de quelque chose >) ; lus tr at io, purification. On a beaucoup discutd sur la signification propre, 6tymologique, de c& rnots. Deux expTications ont &6 uvanc6es, qu'il faut bribvement rappeler. On prdsume que lustruru doit avoir un rapport avec la racinb qui signifie < briller >>, celle de lux, qui produit le verbe- illusirare, avec l'adjectif illustris qui en est vraisemblablement un ddriv6 plut6t que l'inverse, Or lustrare et illu.strare ne peuvent ni €tre dissocids pour la forme, ni rapproch6s pour le sens : illustrare s'explique directement p;f lux et ile montre aucune des valeurs techniques qui apparaissent dans lustrare. De m6me le neutre lustium pourrait reposer sut 't loukstronz, comme luna sut * louksia. Mais comme aucune relation ne semble assurde en$e illilstwre et lastrare, on a pris le parti de chercher pout lustrunt une autre explication. On a voulu le rattacher h la racine qui signifie << laver >>, Iofi6 en grec. Mais lustrunx est dtranger au sens propre de loil6 .. << laver > n'est pas < purifier >> et lustruna ne rappelle nullement le genre-de purification que I'eau procure par asDersion ou immersion. Il y a m6me une difficult6 phondtique. En remontant h Ia racine de loilo, on aurait un ancien * lowestron qui donnerait * l1strum rdgulibrement; lustrum serait alors une forme dialectale. 230
LE SACRIFICE
A ddfaut O'"":;:ljytion
ddfinitive, on peur essayer de,prdciser signrncarlon propre du terme. -la Le rexte le pftis expliciteist trds court (Tite-Live I, 44). relate Ia fondation
Il
d;
premidres
ir*;il;#-il;;;.,
iJ:?;
.opdrations d" ..rr.-b-,-"ri' a', o..urron du recensemenr ddictd par Servius Tullig"_que institui. Aprds'le recensement, Tullius enjoint rous les se prdse.ie' l"
I;,irc.;;ri;?; )
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< Ibi instructum. exercitum omnenz saouetaurilibus tastrauit, irique concliil ii'ilttoro*, quia is censendo finis factus
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*' 7f,,,: :,::f^;:,.TJ i :,,'ff;fi ;; Bud6)..M.1" r" q"i prdcdde ir"r'J {; lugttion immddrarement "?:1"'- contient une indica tion qu,il f"ut.probabl;;;;i retenir : << edixit ut. omnes ,iui, Martio prima I"r" o,"rriii-",r.'t; Ro*oni... in campo lrou.n, devaient _se prdsenter i l,aube, ,, Cemf-j.-Mu.r, form6s par cenruries, infanterie .uualerL. ll ;;;- a";."';."bJ# que prima luce 6tait une "t conditiot, .i*"ir" a"-i, .grrg-""iI et xon une T er
ood
;, u
circonstance fortuite. Nous savons comment s,opdrait la lustratio. Les purihcateurs, prCtres ou qoi1, un circuit autour du groupe de gens ou de l;6difi.. "fi..r"uli", a p"rin.r, en se dirigeant tou,ours vers la droite la purificaiion ; oonnnit ainsi lieu i. une circumambulation, iri,il)r"iiiiinritton. <( parcou_ flf, passef en fevue > et < purifier ,i m.m" temps. S,il de rapporter ai lustrzri "n 1" prt*o luce de la 111.-nemiis. qui prdcidg, explication peut en rdsulter l11rr. serait littiralemelr ,une i.ustrare u gduir"i >. La;;;;;;;i";; ici llmage d" ,ol"il q"il;il;. circutairemenr
lll
ses ibtr rayons
; il v aur,
de
du_pr€tre et cetie d;i1:r::J:'spondance enffe Ia d6mrtch" Une pareille exp]ication, Ia.plus_simple au point de vue dtymologiqu.,
r.ruir fond6e ai"r"f.r"Hii, r,r..orderair lc pJus simplement avec.ra rt"dition. "r i]'.ir.u.orburation Ie tour termind ,ou, l.r'g".ir'prrrd, en revue, l^.T::": re cens est accompli : is ", censendo lin;7 f)ctus est.
231
chapitre le vau
4
Somnaire.
_,
La .racine de gr. eikhestbai, lat, iloaeo se rerrouve en indo-iranien. Latin iloueo, uoru,i, spdcifique du < vceu >> et ir. o"tr- veut "ii"'t,*."olllri.ii clrre <( Dronon. rie:-,-;ii.' -" cer avec solenniti, orgueil t oi. iiiirti;i"H ;.ou '<< habituellement ftaduit tant6t par 'o.i, prier >, tant6t paf ( se vanter >. ,-
C.,1.
polysdmie
.per{ 4g son itrangetd.si l,on reconnait }
3=,ii,*i,;x",Jx*i:,.ru:.;Ulil;i -;;i;;-r.;i.ii., li#i'1'.,;#:fi A, Ia premiire
po,. eilkhesthai, te "d::,il' sens de < se vanter > ou mieux o se portei grtant ,ol.nn6il.i ment de la rcatitd qu'on proclam. o; Ie sens. de << prier ou itutof J,; ;;i"-il'a1.;iiiti,pi#i." protecrion divine ,,.."c.it.'',]nlie "d; '.?,Jft".e"1[i - fifi;,|J,fl'" :;t ; :,: Yr. s, y,: k ft ,,u b, tun ho,iZ,iq,l., i. ii'ir.i#"I'. h a
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;::ri4iFl?,hJi\y,ui,liin"i.fl l*:";i;#i'rti'i,i,iill domaine de ia parole.ce qu'est " #':;)'o1ifo!;t.3"^9:":-,F nctes : engagemenr solennel en' vue a,""".'ie.ilii?, "'y1 99s engage
(lat, orroit'liiott
serment quand c'est soimeme qu'on
Etudiant spdcialement en grec la terminoloAie du ser_ ment, nous avons rencontr6 plusieurs verbes qul derigr,*t Ies modalitds de Ia prestatioi d'urtr", qui en ddcrivent
"t verbe eit trds souvent les fttes, tel s-p'ndo. Un autre d s.pdndo, soit ) I'occasion d'un serment, soit dans i::":i6 cl aurres crrconstances : _c'est eikhesthai par exemple dans geite lnjongtion, chez Homdre : speison.'.. k;;-;-;ti;""iil. 24, 2,87). Il y a ainsi une liaison de f"it dtabte Lnue spdndein et eikhesthai. Nombreux sont les. p.assages oi les deux verbes se prdsentent ensemble ; visiblemlnt les deux actes ,orrt ii6r. 233
LE VocABULATRE DES rNsrrTurroNs rNDo-EURopfsNfrrs Comme pour spdnd,o-, il s'agit de vdrifier par l'dtude des enrplois et Ia comparaison avec d'autres langues la signification propre de ce verbe. Le verbe eilkbesthai, toujours au moyen i travers toute Ia tradition litt6raire, a deux sens : 1.)u prier >> ;2) << se vanter, dnoncer avec jactance >>. Cette double signification se marque aussi dans les ddrivds nominaux eukhd (une seule fois chez Hombre, Od. 10, 526), eilkhos et eukhole << pridre )> et << vantardise >>. Les anciens admettaient d6ji ces deux sens, mais on ne voit pas comment passer de I'un ) I'autre. L'un renvoie d un acte proprement religieux ; I'autre, i un acte de parole de caractbre orgueilleux. Ils semblent n'avoir rien de commun. Nous tournant vers les autres langues, nous trouvons la racine attestde en indo-iranien et en italique. Le sanskrit la connait sous la forme oh-, ohati << faire une annonce de caractdre oratoire >>, employd dans le vocabulaire religieux. Au sanskrit oh- ftpond I'avestiquo aog-, qui a simplement le sens de << dire, parler >> : ainsi Ahura Mazda << dit >> (aogada) i Zarathultra. Rien ici qui d6note la < pribre >>. Pour cette notion, I'avestique et le sanskrit ont plusieurs autfes termes. En latin, le verbe coffespondant est Ltoileo, avec les d6riv6s Nlotatru, uotiuus, et de-uoueo, de-uotio. Cette fois, le sens est <( vouef, consacrer h un dieu >>, mais non << ptier r>, C'est sans doute la mdme signification qu'il faut reconnaitre au terme ombrien uufru << uotiuus r>. On constate donc gu'en italique au moins cette racine se restreint b I'expiession du L ,o*r, ,r. On y ajoutera une forme isolde en armdnien, gog << dis >>, d'un verbe qui n'a pas sutvdcu. Toutes ces formes se ramBnent h un prototype t'aegh*-; mais le sens difiBre d'une langue i l'autre et ne laisse pas voir comment on pounait I'unifier. Le sens latin de << vmu >> est spdcifique. L'indo-iranien ignore ce sens. Le grec, tout en soulignant la notion de << priEre >>, ofire en m6me temps celle de << vantardise >>, qui ne Dcut pas s'y ramenet. Essayons d'dtablir, par I'analyse des emplois, une filiation vdritable. Un indice qui va nous aider i analyser le sens de gt. edkhesthai est le fait que efikhesthai est li6 ir 234
LE VGU spdndein. Nous pouvons alors faire dtat de la signification ptggr: de spdndein pour rechercher dans quelle"il;;;i;; est tart l'ace que ddnote eilkhesthai.
Considdrons un,elemgl.e hom6rique : Il. 24, 2g7... spetso, Dii pa-tri kai eilkheo oikadi' hikIsthai. d"-;;; se contenrer de traduire << fais une libatio" a Z.,ri-"i prig-le (ezikheo) de pouvoir rentrer chez toi ". Udr-pf", prdcisdment on ve*a ici I'expressicn d'un souhait et. accompagnant l; sp-ondd. O, i^ ,j";;/;; ^d;;;; l, Z.yr, chez Homdre et dans les emplois anciens une ofirande destinde d garuntfu.tne sdc.rrite (.i. lid.r*, p.,.)iil. fci, ,l'acte,, de .spdndeind'une'c.rtaine -est accompagnd parole,.,indrqu€e par eilkhesthai. parole et acte se comolEtent : ils onr m6me fin ; il s,agit de demander ) Zeus citt" faveut de p_ouvoir -rentrer ch& soi, aun, u" cas or) prdci_ sdnrent I'ofirant de Ia spondd, priam, s'aventure'chez er n'esr pur ..rtuin de ,on i-.io,rr. O, p;r;;;i; l_:".l"Ti rcl traduire eil/ehesthai par << exprimer un veu )>. L{ais il faut bien voii que ce terme de << vceu )> a une signification amhigue.. , 11 _r deux acceptions distinctes, grl'on voit dans I'emploi de termes latins uotunt, u.ou.eo. D'une part, on << fait^vceu->> d,accomplir un acte quelcon_ que ; de I'autre, on < exprim. ,r u*i, >>. Dans l" ;r;;;; cas,rlg.vcr, est quelque chose qu'on s'engage i accomplir-: on ralt veu de consacfer, par exemple, un temple c'est ; une promesse {aite iL Ia divinitd. Mais en m6me temps Ie <( vceu >> est la substance de ce qu'on souhaite obienir de la divinitd en 6change de ce q.r'o, I"i nrr"r.-, 7r" erat ht uotis, dit Horace, Sat. II,'6, 1 ,, voil) ce q". lsouhaitais >>. A cetre difidrence i6pondent en latin^der-i* expressio_ns : uoturn .soluere << s'acquitter de son vcu )> ; qu-l a {ait vceu >> de consacr.r ,rn" statue } une diviniti 1 s'il dchappe aux dangers de Ia guerre doit ,'u.q"iti"r-; * mais aussi uoti potiri << obtenii son vcu o (en'parlani de I'homme) ; c'est-i-dire << obtenir de Ia divinitd l?ccomplissement du souhait que I'on avait formuld >>. , Soulignons cette double valeur : tant6t le souhait que le priant demande ) la divinitd d'exaucer, tant6t ." qrr,il promet i la divinitd d'accomplir. Il faut tenir .., d.u* notions en regard pour interyrdter les forrnes d"s urtr.,
rangues,
235
LE voCABULAIRE DES INSTITUTIoNS INDo-EURopfENNrs
D'abord les donndes indo-iraniennes : oh- <( prononcer >> en sanskrit et aog- en avestique se corfespondent, et non seulement par leurs fotmes, mais aussi par des liaisons catactdristiques : Rig Vega VIII, 5, 3 : udcam dilto yathohise < la parole comme un messager je prononce >>. Avesta Yt XIII, 90 : yo paoiryo udtim aoxta << celui qui le premier Ia patole a prononc6 >>. Plus qu'une simple << dnonciation )>, ce verbe exprime une certaine activit6 du botar (qui iait I'oblation, annonce aux dieux l'ofirande et les invite i y prendte part), avec la m6me liaison entte olt- et l'ofirande qu'en grec entre eilkbesthai et spLndein En outLe, ce verbe vddique olsignifie <( se vanter, se faire gloire de quelque chose, affirmer quelque chose avec orgueil >>. Nous rejoignons par li un des grandes acceptions du terme grec. Enfin, s'apparente d oh-la forme nominale uaghat, ddsignation du << sacrifialrt )>, qr-ri organise le sacrifice, qui en d6clare la consdcration. Il dnonce avec autorit6 (h I'occasion d'un sacrifice destind aux dieux) ce qu'on attend d'eux dilto yatha, colnme un messager. En iranien, le verbe aog- signifie << dire r> ; mais il ne se dit pas de n'importe qui ; ce sont de trbs hauts personnages, Ies dieux, Zarathuitra leur porte-parole, dont les paroles sont introduites par aog-. C'est qu'ils profbrent une parole ddcisive, 6noncde avec autorit6. Le sens est un peu plus large en avestique qu'en vddique ; on rejoint n6anmoins la m6me signification ; << €noncer avec autoritd une parole qui engage, donner une assurance solennelle (dont le sens se pr€cise au cours m€me de I'opdration) )>. Cela permet, i I'occasion d'une offrande qu'on espBre payde de retour, l'6nonc6 d'un veu. Passant maintenant i I'italique, nous avons i considdret en latin Ltoueo, uotum,' en otnbtien : aufetes << uotis (consecratis) r> et peut-etre aussi aufru qu'on traduit par << uotiuum >>. A premidre vue, le sens pr6cis du latin uouere << vouer >) ne coincide pas avec celui du grec eilkbesthai << prier >> ni avec eukhd << pridre o. Il y a ici n6anmoins une m€me institurron dont les fondements restent i ddgager. Nous qe pouvons y atteindte qu'en pr6cisant de patt et d'autre ie sens des termes. 236
LE
Le sens de
<<
vouer
>>,
VCEU
en latin, trouve illustration dans
un dpisode de i'histoire romaine qui donne son plein relief i Ia notion de uouere (Tite-Live VIII, 10, f f). ft
s'agit de Decius Mus qui, en ?'40 av. J.-C., < ddvoue > sa propre pe,rsonne aux divinitds infernales poLlr qu,elles accordent la victoire aux Romains. Cette conidcratidn anticip6e _ de soi-m€me aux dieux infernaux est le gage que leur donne Decius Mus en dchange de I'appui qu;il"art&d d'eux. Ofirande anticipde, cet acre est fondd sur le principe ,. d'une_ rdciprocitd toujours accrue, que nous connairro?rs par.d'autres institutions : ce qu'on-ofire appelle un don supdrieur ; ainsi l'€tre << voud > est quoique demeurant en vie acquis par avance i la-divinit6 ; << vouet - de la rnanidre la pltis contraignante. Il est bon c-onsacre,-et de.rappeler que le_<( vceu > est l'objet*d'une r6glementation sricte dans la religion rcmaine. Il faut d'a"bord la nuncupatio., prononciation solennelle des vcux, pour que la < ddvotion >> soit admise par les reprdsentanisie l,E'tat et de la religion dans les for-mes coniacrdes. puis, il faut tormuler ce vcu, uotanz concipere, en se conformant a un certain moddle. Cette formule dont le prdtre avait l,ini_ tiative, le vouant devait la rdpdter exactement. Ensuite, il fallait que I'autorit6 prit recevoir ce veu, le sanctionner par I'autorisation officielle : c'dtait uotunz susciDere. Le vceu admis, venait Ie moment oil, en dchangl de sa demande, I'intdressd devait mettre sa promesse*i ex6cution : uotttm soluere. Enfin, comme dans toute opdration dg -g. genre, des sanctions 6taient prdvues po,ri l. .u, oi I'engagement n'6tait pas rempli : ielui qui ne s'acquirtait pas comme il I'avait promis 6.tait uoti reas, po,rrs.rivi comme tel, et condamn6 : uoti danznatus. L,isprit du droit romain est tout entier dans cette rdglementaiion. >>
Si maintenant nous regardons vers le grec, nous constatons que malgrd Ia vafi6.t4, la richesse des t6moignages, les termes paraissent d'une espdce autre ; ils se"mbieni dtrangers ) lalotion prdcise du << vcu >>, telle que le latin la prdsente. Il nous faut reprendre le' problEme entier et confronter de nombreux exemDles. DEs I'abord on rencontre .r.re question qui intdresse, 237
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
dans
le
vocabulaire homdrique,
LE
INDO-EUROPEENNES
la totalit6 du
d'eilkhos. Ce sont les deux sens d'etikhomai, < affirmer avec jactance >>.
<<
domaine >> et
prier
A consid6rer les exemples, fort nombreux (le verbe revient plus de cent fois), il semble que les taductions habitrrclles s'imposent. Selon le cas, eilkbetai signifie rantdt ; << il affirme avec emphase (qu'ii est le plus btave, qu'il cst fi1s d'Un tel) >>, tantdt : < il prie >, Comment ce verbe qui conservera dans toute la grdcit6 u1r sens religieux, a-t-il pu s'employer chez Homdre pour << affirmer emphatiquement )> ? Ou alors ne serait-ce pas lh le vrai sens : << proclamer i haute voix >, << dnoncet solennellcment >, comme le veulent les dictionnaires 6tymologiques ? Efl ce cas, tout le ddveloppen:rent du << vceu serait i lnettre au compte du latin. Nous n'avons d'autre ressource que I'examen des exemples caruictdristiques du verbe et du substantif chez >>
Homdre.
La traduction ne peut pas soulever de doute dans Il' rl, 101 s. : << Fais vcrtt(eilkheo) d'of{rir, i ton retour, une hdcatonrbe d Apollon. >> Cet exemple 6clairera eilkbontai dans d'autrer passuges or) il s'agit, d'aprbs les traductions, cl'une << pridre >>, ntais I'acte de < prier >> s'encadfe dans la description d'une cdrdmonie. Telle la priEre du grand prrOtre ChrysEs quand on lui a rendu sa fille, en consacrant uue hdcatombe autour de I'autel : < Et ChrysEs, i voix haute, ptie (megdl' eilk-beto) pour eux, mains tendues au ciel : Entends-moi, dieu i l'arc d'argeut... tu as ddji nagubre accompli mes vceux... cette Iois-donc encore accomplis mon ddsir, dcarte la p-e-ste des Danaens. Ainsi il paile en faisant une eukbd (eukb6rnenos) et Phoibos I'entendit ; et les autres eilksanto' en eux les grains d'orge > (Il' 1,450 ss.). ^projetant devant Toute cette scBne est articulde par le verbe m6me de la < prilre >>, eilkhestbai. << Autrefois, tu m'as ddji entendu eriksdmenos > (45r. P. Mazon introduit ad sensurn La notion essentielle en traduisant : <( tu as ddj) nagubre entendu rnes ueux >>. On ne distingue pas <( pribre r> et << vceux >> ; c'est la m€me opdration : ici la << ptiBre 6.nonce Lln <( vceu >>, en faveur des Danaens, et s'accompagne d'un sacrifice. On lie la divinitd par cette cons€cration,
>>
23E
VCEU
anticipant I'appui qu'on attend d'elle, selon I'injonction <<
6carte ce fldau
!
>.
Dans un deuxibme exemple (Il. 2, 410, ss.), les formules sont les m6mes ; le contexte est a consid6ret. Agamemnon fait un sacrifice : <<. Quand ils ont tous entourd le bcuf et ptis les grains d'orge, le roi Agamemnon, au milieu d'eux, prononga (ettkh1menos metiphe) << O Zeus... ne laisse pas le soleil se coucher... que je n'aie d'abord jet6 bas... le palais de Priam." que je n'aie aussi ddchird autour de sa poitrine la cotte d'Hector et vu d ses c6t€s ses compagnons en foule tomber le front dans la poussidre... >.ll-dit... Mais le fils de Kronos << ne se dispor" pur i accomplir ses vmux,.. >> L'ofirant consacre i la iiviniie le sacrifice sous condition: c'est le << veu >> qu'il 6nonce, I'objet de sa << pridre >. Ce passage livre, en,corr6lation textuelle, le verbe qui indique le vceu (eilkhotnai) et le verbe qui indique I'acceptation du veu par le dieu : (e pi-kraiaino). Enfin, comme par gradation, nous tfouvons, en Il. 6, 302 ss., de nouveaux d6tails qui pr6cisent encore le ddveloppement de la c6rdmonie. Des femmes se rendent au temple d'Athdna : <( toutes tendent les bras vers Athdna uv"i l. cri rituel > ; Thdan6 prend le voile, elle le mer sur les genoux d'Athdna aux beaux cheveux ; puis, sqPpliante (eukhorntni, 304), elle adresse ce vcu ) Ia fille
Je
Zeus...
I'ofirande, en I'espbce un voile qu'on ddpose dans le temple, puis une invocation b Ath6na, les bras tendus vers le iiel, enfin I'€noncd de la demande ; << Brise la pique de Diomdde et aussit6t, dans ton temple, nous t'offrirons douze gdnisses d'un an. t> C'est li un << vceu >> complet : ce qu'on demande et ce qu'on offre, un << uotum r>, ) la fois une chose voude et la parole qui la voue. - C)n retrouve cette condition dans tous les exemples de ia formule homdrique hds 6pbdt' euklt6ntenos : une ofirande actuelle, anticip6e, mais toujouff en contre-paftie de quelque chose qu'on attend. Aussi le sens de << pribre >, bien trop vague, doit toujours 6tre sp6cifi6 en <( vceu )>. Venons, maintenant, h la deuxibme cat6gotie d'emplois, oi ertkhomal est construit en proposition infinitive ou avec 239
It
LE vocABULATRE DES rNSTrTurroNs rNDo-EURopEEnrcs
un prddicat nominal. << Agamemnon qui aujourd'hui << se {:latre > d'6rre (eilkhetai etnai) de beaucoup le premier dans ce camp )> (Il. 1, 91); < ... marche au combat et nlontfe ce que depuis longtemps <{ tu te flattes >> d'€tre, etikbeai einai >> (4, 264). . Nous expliquerons ce sens ) partir de l'emploi religieux dont celui-ci est propren-]ent une vari6t6. C'est le m6me mdcanisrne de l'affirmation profdrde devant les dieux. On engage cette fois les dieux i sanctionner une affirmation d'existence ; i I'appui de cette affirmation, c'est son propre corps que, figurdment, on ofire : << je me consacre aux dieux, en tant que je suis fils d'Un tel, ou : le plus brave >>. C'est de cette cons6crarion mdtaphorique que rdsulte la valeur emphatique ; eilkbomai reste un verbe d'engagement : < Je fais engagement d'€tre... > et si I'on peut dire < je fais vceu que je suis (le plus brave, ou : le fils d'Un tel) >. La consdcration de I'of{rande, au sens religieux, que nous avons vue actuelle (HomEre, premier sens) ou promise (sens latin), soutient ici I'affirmation d'existence, qui est elle-m€me consdcration : il y a << ddvotion > vdritable i I'appui d'une affirmation. Si I'on ose dvoquer ici un parallble du frangais populaire, ce sera I'emploi dans ce sens du verbe << promettre >> i << ie uous plomefs qu'il est bien celui qu'il dit 6tre r> ; c'est une manibre de se lier ) la vdrit6 de la proposition qu'on 6nonce. Une seule vari6t6 d'emploi a l'ait d'dchapper, par sa consruction grammaticale, d cette explication. Elle est reprdsent6e par un exemple unique, mais de grand intdr€t. Alors que partout eilkhornai s'applique h l'avenir, ou au pr6sent, dans cet exemple il a l'air de se rapporter au pass6. C'est la singularitd d'un passage de la description clu bouclier (Il. 18, 499-500). La foule est rassemblde sur la grand place. << Un conflit s'est 6lev6, et deux hommes disputent sur le prix du sang (point) pour un autre homme tud. L'un pr6tend (eilkbeto) avoir tout pay6 et il le ddclare au peuple ; I'autre nie (anaineto) avoir rien regu. Tous deux tecourent ) un juge pour avoir une ddcision. Les gens... sont partagds en deux partis; des h6rauts contiennent Ia foule ; dans une enceinte sacr6e, les Anciens 240
LE VCU r[
*
,onl. assis, erc. > (Mazon). Cette traduction de efikhesthai et I'interprdtation de la scbne semble r€Eue panout : ce_ pendant, nous ne croyons pas qu'elle soii adrnissiai". O; lle comprend m6me pas le sens et f int6r6t d'une scEne ainsi ddcrite : I'un pr6tend avoir pay6.Ia poin6, t.u"to I'avoir regue. E' - quoi ,rn" p"r.iil. jirp,_ri.- ;;;r-_Ji; "i. passionner Ia foule,. pourquoi .onuoqu", t.. an.ii", p."i trancher.urre q.uestion de fait, s'il i,agit simpl.-.rl J" verrner,sr,Ie parement a eu lieu ? quel rapport donc entre ra potne d'un homme assassind et ce d6bat houleux ? Bien mieux, on ne voit m6me pas comment un prreil ddbai pourrait se traduire en images, ni de quell" m"nibr" l* tiste aurait reprdsentd I'enfeu d'un. telle q""..ti.. - "r_ La construction ne suscite pas moins d,objections. peutln djl. eilkhcto apo.dofrnai^< il pr6te"a orlot/ ir;;";, r anrenonte etant tndrquee par un simple aoriste ? peut_ on entendre anaineto hel1sihai par <( 'il niait uuoi. .i"r, reeu > ; alors que anainestbai n€ signifie jamais * ni.r-,r, mais seulement et touiours <, refusei ,, ? laissons-nous guider par la deuxibme phrase : << l,autre reluse de rien recevoir >. On retrouve aussit6t par inducsens de la premidre : << I'un s'engage i to,_,t poy., o. lionll: I e oeoat change completement de sens : << I'un s,engage "i tout payet,l'autre reluse de rien recevoir, ,, ,,Ia scdne prend^alors une tout autre portde. C'est un debat trds grave. Celui qui a commis un meurrre peut se racheter par un versement i Ia famille de la victime mais ; c'est un adoucissemenl d9 Ia rbgle primitive qui etaii la lo,t du talion ; selon le droir.anti{ue, c'est de ;;" ;"rfi; le coupable devait payer le rn.urir". Ici le meurtrier s'engage i tout payer, mais la parrie adverse refuse de rien recevoir ; c'eit donc qu'il e*is. le sang m6me du meurtrier, et il a pour lui Ie dr'oit ,tri.i. ia vie propre de celui qui ofire c€tte poind est en j";; ;; comprend qtle la foule se passionrie et se parfag". L" conseil des Anciens se rdunit, les h6raut, .i.."t"nl,- .rc. On peut imaginer le parti qu;en tire I'artiste , I'ofir.e de I'un, Ie refus de I'autie, devant le corps d. l" uictirrr., la scdn.e^ peut etre prdsentde aux yeux. Ainsi eilkhestbai' ni stgnrtte pas rcl << alhrmer avoir fait quelque chose >>, il ne vise pas un dvdnement passd, mais : << ,iogogr, ) quel241
LE vocABULATRE DES INSTITUTToNs INDo-EURopfrnNBs
que chose, faire vceu sous ld sanction divine )>, colrme partout ailleurs. Cette interpr6tation n'est dorinde par aucune traduction, aucun dictionnaire. Il y est seulement fait allusion comme i une possibilitd dans le commentaire grammatical a l'Iliade de Leaf. Elle nous paralt s'imposet. Concluons donc que eilkbomai ne porte jamais rdfdtence au passi ni ) un dv6nement accompli, mais seulement i une situation actuelle ou future. Voyons maintenant bribvement Ie substantil efi'khos. Celui-ci est constant chez Hombre, rhlors que le fdminin eukhd pr'6domine ultirieurement. Considdrons eitkho.s dans son rapport avec le d6riv6 eukhal|. La traduction usuelle de efikbos est << victoire, ttiomphe >>. D6ii les Grecs admettaient des dquivalents vari6s : 'eukbarc est glos6 chez Hdsychius par eukhC (priEre), kafrkbcsis (vantardise) , thusia (sacrifice), nikE (victoirc.), tdrpsis (plaisir), khari (joie). Dans sa construction otdi nuir", ,ikhot .rt toujours le compldment d'un verbe de don i u donner, accordef, tefuser >' En voici un exemple (Il. 5, 285) : << Tu es bless6 au flanc de part en part. J'imagine que tu ne tiendras pas longtemps ddsormais ; et tF ir'u.l."s donn6 une immense gloire, hdg' eilkhos > (ttad. Mazon). Efrkhos est-il << victoile )> ou <( gloire >> ? Ni l'un ni I'autre ; au combat le guerrier fait un << vetl >> et un seul, celui de remporter la victoire. Pour un guerrier, accorder le << vceu >>, dquivaut b donner la << victoite >> : les conditions de l'emploi expliquent ce glissement apparent de sens. Nous ramenons donc efikbos au sens de <( vceu >> et eukb1ld dlsigne, plus concrbtement, le motil de la << votion >t, de la ddvotion. Dans le culte, eilkhesthai indique ce qu'on promet de consacrer i un dieu pout telle faveur qu'on lui demande. Ici les deux sens se purtagent : tant6t assurer solennellement un avantage promis au dieu, eilkhesthai biereton (Lat. uoilere templum),-tant6t 6noncer express6ment la faveur attendue, iilkhesthai thi.naton phugein, demander en faveur au dieu d'6chapper d la mort. L'dvolution de eukhali est paralldle ) celle du verbe : c'est une affitmation de vdritZ, 6noncde publiquement avec solennitd, dans 242
LE VGU des circonstances oi elle pourrait passer pour une vantar_ dise : c'est ainsi I'affirmition d'6ire l. pL^ ;i;";;;', eukhald hriston etnai, affi,rmation emphaiiq"" ar"n. *pgrio_rird dont on se porte garanr.Le sens religieux de lilkhornai est donc ; prononcer un €ngagement vis-d-vis de la divinitd, engagement qu,on espdre payd par une laveur. Rien n;".rtJrii" ) taduire <( prler )> : cette traduction ne convient ni ) I'ensemble des emplois ni m€me ) un exempl. p"rticrrli"r. Pour revenir ultimement i notre point de ddpart, nous voyons corlrmenr eil.khestbai se conjoint d splidein : le << rite > et Ie < mythe > sont dtroitement asiocids. L,acte de parole a m€me signification que I'acte d'ofirande ; Ies deux ensemble accoLpagnent lu pr"rr"tion du serment e,lgageant ,deux peuples,- deux ur.i"r. t^ ,pioae,^"iit, de securitd, garantit les contractants contr" ,rn r'ullr"u, poss-rbte, contre une violation de la parole donnde ; eukhd est Ia m€me action dnoncde pu-t.r. C'est un 6nonc6 public, solennel, empfiatijl-re "n rn€me .i q"i .onui..ri a iu circonstance, puisque les delx parties pr6tent serment. Car Ie serment est bien une deuotio .. .b*m" on l,a i; hdrkos grec signifie.qu,on ," .onro.* "r, unticipation au far q:rr""it d'yne, divinitd vengeresse ., .u, a. t.urirg."rrion de Ia parole donn6e. On proclame comme assurde cette consdcration i une ,, drvrnit6,en.6change d'une faveur explicite , on .rt om avlnce.Irvre,au.pouvoir de Ia divinitd. De m€me, ibs qu'on tofmule le serment, on est paf avance un €ffe << voud >>. Tout se tient et ce n'esi pas un t ururJ ,i, dans. les emplois fondamentaux (Homdre est un tdmoin de ces, usages), ces verbes voisinent ;t- ,,;il;i: l:d-.i:fr Ient tous ensemble. A travers ces locutions, nous fetrouvons les restes d'une institution vraiment indo-"uro_ p6enne et commune i plusieurs socidtds.
24i
chapitre 5 pridre er supplication
_ Outre * pr.ek_, ddjt Ctudi6, plusieurs rermes fl?H.: H!';"i,^':,t:tent a des-iippio't""it' ri'iie'-."ii. Sommaire.
,"if',ti.:,ilJn;#t"?;x:l:i,?'.T,F.JlJ.n?[,*.'*:.{:];ff# 11.1,__-l" la
ce.ltique et le grec p.er.nt.ni'ious cles termes tirds de * ghwedb- u prier, aerii., ,r^-
rraclne r.a
orvergence,.de sens entre grec litd,.lissomai << pritre,
f,"iil,'3,:jililiiil'.:s"i"T"ft rt"'&"?.i:fl
q*li{'t',t'*
p.".,';:ila'irn."il5,.,f ig,li"Tif
"i'i]i::l"tti^hJTrr"*il; j3it.T!!:{,t1,,:il.sti,i;,jf {p;in.j";i,*:r,",,I :9, ?,1.J ',""0f.":. ainsi i eukbitn-; jii:l:,de ddvotion.>) : ;::!,ti:i_
,ir,
*i:t:#;"}, m{"::ffi
::q",ilrff sont tirds de racinei d".. u"l-.,i. -.o;.;;i.,
T *: :
desrgnant
le
gesre
l:is,ii*l',,i-',':+Ffqi[l*+l';+iruj?ffi de lorsque I'ofirande de riparation
le
sens
<<
supp
en^pe,n. .oroor.iille
r>
consiste
.Y.r'ol'.,.l'3{"'!:.1:;i:g,':\,"*}i:;;i}.nT,#l:"',: -o""r,?rno..,
1fi rapprocher avec certitude
ffiFu.lt
a, iiearb
supplication consiste
.n'.n.t-i'
toucher r> ; le toucher celui qu,on
Toutes ces cdrdmonies,. ofirandes et invocations mettent en relation, Dar I'opdr"tion au ,r;#;, divinit6. Maii i I'acie s'opp9* J;l;;lt. I,homme et la t, parole, qui i son tour agit et,..ortlet.;;rl;; C,est Ia pariie << pratique >> de cette relati,on .nir.l homme et ja diviniti que les termes vus iusqu'i;d;;;;'iou, on, fait consi_ ddrer. Partout u sacn
quecesoitparL^;.-;;:;:l;r;;::;;;;';rr#ff
;r:?r;r:;; 245
LE VOCABULAIR.E DES INSTITUTIONS
INDO.EUROPEENNES
PRIERE
I'ablatif : taaro fa.cere, ou par gr. rh6zein, par indoiranien kar- << faire ,>. lr'Iais toute << action > religieuse s'accompagne d'une << pridre >>. Ce sont les deux moitids du .rite complet ; les deux moyens d'accdder au monde avec
cllvln.
On ne trouve pout
<<
pridre
>>
que peu de mots com-
i plusieurs langues. L'n1r d'eux a 6td 6ttrdi6 ci-dessus; il procEde d'une racine '? prek- dont les ddrivds appartiennent ) plusieurs rdgions du vocabulaire : lat.
muns
precor, 't' prex, preces. Nous n'y teviendrons que pouf rappeler le sens propre de precor < chercher ) obtenir, demander par des paroles appropri6es ce i quoi on estime avoir droit >, procds qui exige I'intermddiaire de la parole. Au verbe precor est souvent associd dans le formulaire romain ancien quaeso (quaero) indiquant qu'on cherche i se procurer, d acqu6rir cluelque chose. Un terme indo-europ6en commun h plusieuts langues a €t6 mis au jour, quand on a pll identifier le verbe hittite maltAi- < rdciter des invocations, prier )> avec son ddriv6 nerltre rnaldeiiar < priBre I invocation , (1). Ce verbe hittite rejoint des formes qui n'6taient connues qu'en baltique et en slave, ce qui dtablit une liaison curieuse entre des dialectes qui n'ont pas autrement de rapports particuliers. On comparera hitt. rnaltai- avec lituanien rneldiiil melsti << prier >>, maldd << ptibre >> ; vieuxslave nolig avec la forme moyenne moliti (sg) traduisant respectivement 6fopau, napaxa}'Gt des Evangiles et npooev,troT,tau ; polonais modlit sig << prier ), rnodla Le baltique << pridre >, tchdque modla < idole ; temple ->' Avec une meld-y6. pr6sent au donc 't et le slave attestent finale du radical, consonne la phon€tique dans difidrence on pelrt rapptoclref armdnien malt"em < je prie, j'implore > oil ie t" r"por" sltr 'r- / ou "' th; il y aurait donc une alternance df t(h) qu'il {aut bien admettre ici en prdsence- d'une corrdlation sdmantique aussi 6troite. Le sens visible partout <{ prier, rdciter une pridre, implorer > f-ait- apparaiffe un gro,rpe*ent hittite, baltique, slave, auquel il faut peut-
(l)
Bull. ile Ia
Soc.
de Ling. de Paris
1),
L932,
p.
113.
6.tre ajourer aussi, mais avec
ET
SUPPLICATION
un sens affaibli, Ia famille de ..lr. .iii a;;," ;;a i ;;' cer )>. Nous avons.ici- un^.des -rures .n* ol l. hi;;it. ,tr;; urilisable immdcliar"rn.r,, pour Ia restitu Ii_tlT"jglage tron d'un terme d'institution religieuse. Une aure unitd lexicale pgui E;;"_de sous la forme ';_,g!-edh- ., ddsirer Efi.-.r,riprc,rd en iranien le fli.r, "l vreux-perse iadiw_, qv, ftd2a- u dema;.ier;;$;;(i i; divinitd) o, rogdi.n a-ga'd-elk., ,;;;;;'i i,aurre extrdmitd du domair,e I'irlandais- g, i,f Ii o ti;d";, ;;;;r";','A';;; < pridre >>. Entre les dcrix ,'gtublirr.nii., ,or*.-, grecques, qui se sont scinddes cn deux , ;;;;; poth1a < d6sirer, regretter >>, de-l'autre th|ssasthai)an << implorer o]-"' q:tranique dispose-d'une i..rninologil pi"pr. a. , L. la << pridre )>, avec got. -l;,tio,1u d.rnlno., i prier >>, bida < demande, pridre ",r. Mail i." J;;i;;s inua_ er extra_ germaniques sont ,cornpliqu6e, a" ?"it que les formes paraissent former deux groupes, respectivement bitten et Iseten. Deux_piossifilier-eif_ologiques allemand onr 6t6 envisagdes : d,un c6t6'avec i;;ifi.'d; W."tii", pefuha (cf. vol. L p. 11-5 ,.), a.-iu"-rr", en pananr de I'aiiem and
ru;;;?;#
m e Id e n, u
t
i
>,'prr f" .#puiuir."'a. v. saxon knio_ i^!!:dhbeda << priBre (oar agenouillernentj ,i u".. < qui plie les ginoux ,r. "k;:i;;;;;;<<.plier
Le principal probldme est celui d,une forme nominale au grec. << priere ,, ou * ;ppli*;L;;-il;_ lii:t:r!e." en grec par litd, base du d6nominatif lt,:: <( prler, supplier >. Mus n,avors i_ y comparefUrroill qu,une torme uds voisine, qu'on pe-ur rn€me diie pareille, *.i.iin, qui est litare. Maii ce verbe a ;;; assez diff.rent : litare.ne signifie pas <. suppli., *;i; .< ; obrenir un o16_ sage favoraLle o in ,uit" iirn ,r.i;H.", q"*j;orrl.":'; I'offranr, ou << prdsenter un prd.rg" i;;"l;Ci; ;'il;il;; parle de Ia b6te ofiert.. t. ,*, J.'tirir'r"l:{i#H?i;: pitier une divinit6, obtenir d,elle c. qu;o" aZr;r", i;#;!er. o-. Cette diffdrence esi assez notable pour fuir.'hdriter i d6finir le rapport_entre gr. arc ,t lit.'tlror". L* i;r,tr;
avaient conscience d'une piarent{ entre-les refmes
latin, et cenains l'expliquaie"t p;-;;'.-prrn, gfec et au srec < ,.. alii ex Graeco, a precibus tr., ltfi fr*s"ai*#
(Fesrus 1"0i, i.3). Cette
;
iotic. a.'f.rtur-f.ruit .Jri#;.;
246 247
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
comme le verbe ddnominatif de "'lita simplement pris au grec litd. Les opinions sont encore partag6es sur ce
litare
pRrinn ET suppr,rcATroN
INDO-EUROPEENNES
qui
lissomai. Les hommes << supplien t >> (liss6mezol) les dieux quand ils ont pdchd par tranigression ou erreur (vers 501). Lette supplication (lite) tend donc i obtenir pardon d,un tort causd aux dieux. Nou_s interprdrons dan, fa rn6rn"l""
serait
point
: le
dictionnaire d'Ernout-Meillet envisage un emprunt au grec, mais avec doute, et il ne dit rien du sens ; J. B. Hofmann tient litare pour un emprunt alr grec ; il explique la difidrence de sens en imaginant que litare aurait d'abord signifi6 << supplier >, puis que, en liaison et en opposition avec sauificare, il aurait pris le sens de < accomplir favorablement une ofirande de supplication >>, Cela ne parait gudre convaincant. Nous pensons aussi que litare est le ddnominatif de * Iitd, et que ce nom a 6td lui-m€me empruntd au gr. litd. Mais la distance entre gr. liti << priEre, supplication >> et Lat. litare << obtenir des augures {avorables )> reste infranchissable si I'on s'en tient aux traductions consacrdes. Il s'agit ici surtout de pr6ciser le sens de gr. litii, ltssomai, dont << supplier )> est un dquivalent trop sommaire. A quoi vise cette << supplication >> ? De quelle attitude procbdet-elle ? Pour ddfinir lit€ de plus prBs, i! nous faut revenir h un passage cdlEbre de I'Iliade (9,500 ss.) or), lors de I'ambassade chez Achille, les Pribres (Litai) sont 6voqu6es comme personnes divines. Phoenix implore Achille d'oublier sa colbre, et de teprendre les armes : << Non, ce n'est pas i toi d'avoir une 6me impitoyable, alors que les dieux m6mes se laissent toucher. N'ont-ils pas plus que toi m6rite, gloire et {orce ? Les hommes pourtant les fldchissent... quand ils les viennent implorer (lissdmenoi) aprbs quelque faute ou erreur. C'est qu'il y a les Pribres (Litai),les filles du grand Zeus... Elles courent empressdes sur les pas de l'Erreut (de I'Egarement, de I'Aveuglement, Ate)... Erreur va Ia premibre par toute la terre faire du rnal aux humains. Les Prilres, derribre elle, tAchent i gu6rir ce mal. A celui qui respecte les filles de Zeus lotsqu'elles s'apptochent de lui, elles pr6ten! un puissant secours, elles dcoutent ses vceux. Celui qui leur dit non et brutalement les repousse. elles vont demander i Zeus, fils de Cronos, d'attaiher Erreut (Ata) d ses pas, afin qu'il soufire et paie sa peine >> (ttad. Mazon). De ce passage, nous tirons deux suggestions pr6cises quant au sens de
Ie r6le des pribres. L'alldgori.' ,ignifie
J ;;;;;-";f;
99ly! crui soufire d,avoir pEchi p"i elr..,n.;;^'i;'p;;; ';;; (Litd) procure Ia gudrison i. "t l;u..oriplir;.";v-eux ; mais s'il repousse Ia priEre, celli_ci t"i ,rre"*" i. chAtiment de Zeus. La litd doit rdpar.r tb";;"'i;l;^;; dieux. Non pas seulemenr aux dieuxarr;;-"Ch;;;ar-;; prdsente avec les bandelettes sur un sceptre, -d'Apollon dans I'appareil d'une ddmarche i.f"r"af., ,f ^',rpff;; (elisseto) tous les Achiens.(Il . l, $), ..r puisrenr f".^ii."" vous accorder de prendre la ville de'priam .t a" ,"rourn., neufeusenrcnt chez vous ; mais i moi, puissiez-vous aussi me tendre ma fille .rn. ,ungo,r, montrant Dar -et -accepter li que.vous tdv&ez le fils de Z.rr, ap"ji;;;:..';;;';,;; 5;; Ies Achdens ont fait au pr.tre i;Adll""';; ;dril:i;; Cette titi a. Cnryrlr-;;r; fd.fll* ii.r, exige,paiement.^ de rdparation. De m6me Thdtis sufpliant (tis;;_ rndnE)^Zeus pour I'afironr fait i son fils Adnlti. ss.). Ou les supplications adressdes a Mdle"er.ir,-lbz pur-l." anclens' par ses parents, par sa femme pour lui faire bub[er .o"*1x (9, 553 ss.).; ou Antiloque suppliant M6;,t-o_n ras pour desarmer sa coldre (23, 609 sq.).-Il y a bien d'autres. pqss,aggl qui se rambnent',ou, a"iu',o;;3 ;;;;l uon. Alnsl Ia tit6 esr trds difldrente de l,efi.kbos ou d"
.1'eukbald.
En somme la litC esr une pridre pour ofirir r6paration celui, dieu ou homme, qu,or, o"rrljJ, o,.r en vue " j,un ourrage.d,obte_ nir- du dieu pour soimGme r6paration' ,, Norr. voyons maintenant que, enti.e ladn litari et srec I'tssomar, Ie rapport peut etre restaurd. La forme inteim6diaire lar' " liia- auta'signifid ,. p.iar. p"* rg.i'epr.rTi"" d un dieu gr. Iitd.bnn, l" .gl'gn a ofiensd >>, tbut denomrnatrt litare on verra I'id6e de < faire agrdet au dieu I'ofirande de rdparation.>, ce qui rdponJ., .ri.i a consacrd. Le dieu manife-ste ion agr6ment par un sisne favorable, aprds un sacrifice ""piutlio'i;f. 489 ; Liv. 27, 2j). Nous avons toujoufs tendance ) transposer en d,autfes
i
.o**.
fllpf"j irl;r;' i:;;.
i I
248
249
l rl
LE vocABULAIRE DES INSTrrurIoNS rNDo-EURopfeNnEs
pnrtnn ET supplrcATroN
langues les significadons dont les termes de m€me sens sont afiectds pour nous. Prier, supplier, nous ne voyons
l)
que des notions
)
peu prEs pareilles partout ou
ne
diiTdrant que par f intensit6 du sentiment. Les traduisant ainsi, nous privons les termes anciens de leur valeur spdci-
fique : l) or) i'on percevait une difidrence, nous r6pandons I'uniformit6. Pour corriser ces traductions d6formantes, il faut encore et toujouls le contact et I'inspiration des emplois vivants.
L'expression de la supplication est difidrente dans les deux langues classiques, plus prdcise cependant dans le monde ancien qu'aujourd'hui, parce qu'elle est chargde d'un sens matdriel que les termes n'indiquent plus, mais que nous pouvons encofe fetfouvef. Le verbe latin suppliclre << supplier > est formd i partir de l'adjectif. supplex, d'oi d6rive en outre le substantif sapplicium, qui a une dvolution trds particulidre. (1) Pour supplex, de sub * plex, II y a deux explications possibies, D'abord ceile qui est donnde explicitement par les Latins eux-m6mes, rapprochant -plex du verbe placare et qui est illustr6e paria tmEse sub uos placo chez un pobte latin (cit6 par Festus p. 309) pour << vobis supplico >>. Mais elle crde une difiicultd phondtique : pldc6 comporte un a long radical, qui n'aurait pu donnet l'a btef. suppos6 par -plex. En rdalit6, pldco est un causatif avec allongement ladical, formd sur le verbe d'6tat placeo << ie suis agrdable >>, d'oil placo << je rends agrlable >>, << je fais admettre >. On ne pourrait non plus supposer un rapport enfte pl(iceo et -plex, pour conformer 1'6tymologie au sentiment des Latins. L'explication vraie de supplex est donn6e par la sdrie des adjectifs efl -plex dont il fait partie : sirz-plex, du-plex etc. correspondant d gr, ha-ploiis, di-plofrs. On reconnait dans ce -plex la forme nominale de * plek- attestd par (irn)plicare et, avec un prdsent suffixd en -t-, pat plecto, amplector etc. L'idde est clairement celle de < plier >> ; ainsi (1) Dans leur ensemble les faits latins ont dt6 dclaircis dans une
dtride de Heinze, Archiu
et
suiv.
250
liir
lateinische Lexikograpbie,
t. XV, p. 89
sirnplex est <( ce qui ne fait qu'un pk >, plecto << plier pour tresser, pour enrouler, nouer ensemble dis fils
>>
tressds ; amplector litt6ralement << se recourber autour de >>, par ]i < embrasser >>. C'est encore ce -plex que nous retfouvons dans corn-plex.< pli6 avec )>, c'eit-)_diie < qui se lie dtroitemenr ) >; tel_esi Ie sens premier d. ronrptii-. Plus tard, dans la latinitd chrdtienne, comple:x ,tit'."r_ treint d < fi6 A une action mauvaise o, donc << responsa_ ble >>, << complice >>. . Int6gr6 )-cetre sdrie, supplex d€cilt la position du sup_ pliant, < celui qui se trou* plid aux pi.ds de... ;, ., i. prdsent supplico, -are signifie ., pr.njr. Ia position de supplex r>. Avec le substantif neutre supplicium la perspective ciralqe. Dbs le larin-ancien, aprbs'plaute, supplicium ne signifie plus que < chAtimenr,-supplice ,r.'Il v'uuuii aJia entre supplicium et supplicare la m€me difi6rence qu'en tranEais enffe supplice et supplier. Supplicinn a une histoire trEs particuliBre dont le ddbut peut Ctre conEu ainsi. A partir d'un sens littdral << f.ait d'6tre silpplex, de- se comporter en sapplex ), puis <( preuve de I'dtat de sapplex )>, on a ddsignd par iu'pplicium d'abord I'objet, pratiquement une offiande, par quoi Le supplex maniteste son attitude soumise aux dieux. Avec ce sens initial de sappliciam, va celui de sapplicare < ofirir au dieu une oblation pour l,apaiser > et de supplic(tio <:.ofirande, priEre, c6rdmonie four apaiser la cofAr" o un oleu )>. Nous sommes ainsi conduits ) voir ddj) dans supplex une connotation que ne rdvdle pas l'6tymologie et qui est due aux circonstances particulibres de la << supplicatlon >>, d savoir I'intention de calmer le coumoux d'un dieu. Trbs t6t, dans des conditions que nous ne connaisssons plus.. exactement, I'ensemble des termes de cette famille i'est resteint i I'idde d'apaiser Ia divinitd. Puis, par mdtaphore, on a employi ces tefmes dans le m6me sens pouf des rapports humains : Plaute, Merc, 991 sapplici sibi sumat quid aolt ipse ob hanc iniuriam << qu'il prenne ce qu'il veut comm€ supplicium en t6paration de cette injustice que je viens de comrnettre e son 6gard >. L'ofiens6 << prend >> (sumat /) un certain su\pli-
in
vocasulArRE
DES
rNsTrrurroNs rNDo-EURopfrNNss
$um. Cet exemple fait comprendre pourquoi suppliciun
a
assum6
la construction devenue
classique avec dare, sufixere.' Tdrence, Heaut. 138... ili de rue suppliciurn dabo. Cette fois de nze fait penser que supplicium est une peine corporelle, compensation physique qu'on ofire sur soim6me. La construction de supplicium est en efiet celle de poena dans poenas dare. Dans ces conditions, suppliciurn prend ddsormais un sens spdcifique I c'est la << compensation >> par excellence dans des circonstances of seul un dddommagement corporel pouvait payer un tort : c'est le << supplice > qu'on subit. Les conditions d'emploi religieuses montrent donc comment le sens ddsormais juridique s'est fix6. Le suppliciilffi devient une maniEre de placare << apaiset >; ainsi s'est consomm6e cette rupture de sens entre suppliciurn et supplicatio. On voit que des conditions particulidres peu-
vent briser une famille de mots pour introduire tels d'entte eux dans des ensembles sdmantiques difidrents.
Nous avons analysd briEvement les faits latins avant de i la notion grecque. Celle-ci s'exprime par le nom d'agent hikdtes << suppliant >. Telle est Ia forme classique, qui a survdcu dans la tradition, alors que les variantes hiktor, biktEr sont limitdes aux Tragiques. Il a pour d6rivds l'dpithbte hiketdrios << relatif au hik1tEs >, en fait << qui a fonction de prot6ger le suppliant >>, er le d6nominatif hiketert6 << Etre bikdtas >>, 6quivalent de lat. sapplico. Le nom hlkdtes d6rive de hiko << venir, arriver rr, gui fournit les pr6sents hikino, bikn1omai. Du point de vue morphologique, cette ddrivation est rdgulidre ; mais ces diffdrents prdsents n'indiquent que I'id6e simple d'<< amipasser
ver
)>,
Congoit-on un rapport entre <( arriver >> et la notion si prdcise de << suppliant >> ? Un compararisre, \Tilhelm Schulze (1), a pensd que hik1rcs n'avait rien i faire avec ces verbes, mais devait etre rattach6 ) une auffe racine '" l,€- (sans aspiration initiale), celle du gotique aibtron << mendier, demander en imploration )> qui traduit aitelo0au, npooe01eo0ar,. Nous nous rapprocherions du sens (1.) Qaaestiones epicae, 1RQ2 n
252
r'.Q1
PRIERE
ET
SUPPLICATION
de hikdtes, mais au prix d'une difficultd : Schulze a drj supposer que I'aspirde initiale de bik1rcs serait due ) un rapprochement secondaire avec hik6. n. ,. ,drigrr"rrii i cette explication de hik1tes que si On uu.un. au*e n,6tait possible en. ,grec m€me. Or L relation ior*"1t" ."tr" hteetes et hiko est aussi satisfaisante phon6tiquement et morphologiquemenr qu,on peut Ie souhaiter liiniiJ."tZ; d_es Jormes est dvidente. Le probldme est un pro_ lr,"rT:
Dleme de sens.
On traduit hiko, uniform€ment, par
arriver
; un clich6 iomdrique que I'expresiion d6moo uiertio"i <<
>>
c,est
arnver
chez soi >. Mais I'emploi le plus frdquent n,est pas ndcessairemenr le plus significatif. Ii peut ,i frir. l'usage devenu giy(r al, pour" des .uirorrr'-u"rirt t"r, ^.n1." "r" <{
un el€ment caract6ristique de la valeur premidre. prdsente d'autres d. ,.nr, trop peu -^.!:,y"lb. ; ainsi dans Hombrevaridtds considdrdes (Il. 4, 303 ,r.) , ,i 0u" personne n'aille seul, en avant des autres, uffront.rl., Troyens.,,.,,mais quiconque, en partant_de son propre char, atteint (hiketal) le chaf adverse, qu'il pointe'ru^lun.e. o De m6mc << la fumde du- sacrifice atieint (lrlpr) t" .i"f ,, if, 31.7); ou encore ave,c kl6os (cf. II., B, 1.92; Od. g, Zbl. la gloire_<-arteint > leciel. Voici qui ,'pJ.inJ -iI comme bikn1omai et de hikdno : ""lori'n'iii', almer pour suj.t r'rn terme d6notant un sentiment vif, une dmotion , .oft'.. tii. chagrin,.angoisse (,6khos) (23,47 t7t etc.) : ;2, ?,,:?1), l angotsse <( atternt >> le ccur du hdros une sensation ; physique .(1.i, 71.1),:.la fatigue .i u,r.in, ,l f., g"r;;.-" ,.,9'.r,r .) partir d'ici quJ I'expression bunai" d6ion hrKesthat reprend sa pJeine force : << atteindre, toucher son toyer (au terme d'un mouvement ou d,un efiort) >. font apparaiffe une intention plus _-i,r1:ln".r,exemples pfeclse :.<<. c'est pourquoi-maintenant je << parvien, ,, a^ t., q:nou] Ui,sd godnath' hik,Lnonai) pour savoir si tu es orspose a donner un boucljer et un casque mon fils (Il. 18, 457).Leverbe.monue bien Ie sens d'. mais en m6me remps il conduit i celui a, illriiir-^,-;-i;: nve au contact de tes genoux pour te supplier. ,, Dans un long passage de I'Odlssde les norionr'que nous avons clrssoclees se recomp,osent clairement. C'est la pridte d'Ulysse au dieu du-fleuve ,u, t., !ora, a"q"Jfrtr.-] >>
25)
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO.EUROPEENNES
p6tc vient de le jetcr : << j'arrive (hikino) i toi dont j'ai beaucoup espdr6 ; et il doit 0tre respect6 conformdment aux ldgles de I'l-ronneur, celui des hommes qui << arrive (hik7tai), perdu, tel que rnaintenant << j'arrivc >> (hikdno) aprds bien des soufirances, i ton cours et i tes genoux. Et le dernier vels con-ipldte la relation entre Ie verbe hikino et hikttEs ; < Prends-moi donc cn piti6, Seigneur ! je rne diclare ton supplianr., hik1fts o (Od. 5,445 ss.). Il suffit de lire ce passage en entier pour en recueillir la suggestion claire.- L'enchainement ;eme des termes montre qu'on sentait corlme liies les deux notions de bikino et de hikdtes. La formation de hikttes est ainsi justifide : c'est bien le nom d'agent de hiko. Nous nc somrnes d'ailleurs pas r6duits h un seul exemple. En voici un autre tout aussi clail (Od. 9,267-9): <( nous atteignons (hik|metha) finalernent tes genoux... et rcspecte les dieux ! Nous sommes tes hikdtai. Nous pouvons conclure que hik1rcs doit bien €rre reconnu comme nom d'agent de la racine dont ltiko est le pr6sent thdmatique. Une condition d'emploi a prdpard ce d6veloppement singulier. Le sens de < strppliant >> s'explique par un usage de guerre connu dans l'6popde : celui qui, pressd par I'ennemi, veut €tre 6pargnd, doit, pour avoir la vie sauve, toucher les genoux de son adversaire avant que I'autre au cceur m€me de la bataille I'ait bless6. Ainsi (Il. 21,65), Achille darde sa lance contle Lycaon, le vise, mais celui-ci se ddrobe et court lui toucher les genoux en s'dcriant : << je saisis tes genoux; je suis ton suppliant (bikAfts) ,>. C'est donc la liaison du verbe hikdstbai avec gorinata << parvenir aux genoux >> qui a fait du nom d'agent bik1tas le << suonliant >>. >>
chapitre
6
Ie yocabulaire
latin d.es signes et des pr6sages
>>
>>
Sommaire. _ se signale,par une grande abondance l" klll'usage. de termes qui, dans [ttirairl- s,emproient indistincte_
[:il.i"Jif xir!"qilff i#.l1;,f omen prdsage <
vdridique
>,
":'.,1g:;,fiii:,re''iiiiiil,'Ji"
ntonttlilm << €tre dont l,anomalie constitue troent > (moneo << avertir r>),
un avertisse_ h,f::#:iy,r.d"llui:1T;o%"'',.#"1.r,;lf o;),*nd(obs-)
portentilx, <( vaste perspective rdvilatriie de iavenir proposde (por-) auI. regards >>, et prodigittm o. paiole investie d,autoritd (aio) divine (ct. Aius) profdree en publiC @rod_) en fonciion- a" presage )>,
L'examen des termes. qui se rdftsrent aux signes, aux restreini au latin polr un. raison ma-sera jeure : c'est I'abondance relative de'ces termes en latin. A cet egard, Ie latin contraste uu.. l. gr". et encore davan_ tage avec les autres langues indo-eu"rop6ennes. fnr... on ne trouve que ttras < signe divin, prodige, rniracie -6tymologie ,r, sans cllire. i.l-olrr", tangues n,ont {iil]** meme pas de ddsignation rout a fait camctl,ristilue. prdsages (1),
Fn latin, nous disposons d'une sdrie de mots ) vareur prdcise, de formation en gindral. claire. L;, sont : ntiraculum, ornen, rnonstram, ostentum, ;r;.i;; forteiturn, prodigium.- En face. de ,i" t"rn on peur mettre 1es. "r, r'"nr..uTl-J", seulemenr Ie grec tiras. celui-.i t..o.rw. reprdsentatio's rdparties entre les six unitds a., iutin. l\ous ne trendrons pas compte de s7nteion, s6rna qui indi *(tiF*r.u,,e vue-d'ensemble du problime historique et rerieieux. cf..Raymond Bloch, Les prodisis iirr'i *iii'iiti" Paris,1e63', q"i i&;i,;';*ri rp'pl?s-60, 84-j) it ta ,rr^inotogirtof:i(:re., "
254
255
LE vocABULATRE DES rNsTrrurroNs rNDo-EURopfr,NNes
que seulement le << signe >> en gdndral, cortespondant i signum, m6me quand il s'applique i un phdnomBne surnaturel.
Il
faudrait d'abord ddlimiter chacun de ces termes en
latin m€me, d'aprbs leur signification pr€cise. On admet en gdndral que dans leut ernploi ordinaire, ils s'dchangent facilement. Setvius, ad Aen. III, 366,6crit d ce propos : conlusa pleruruque ponuntur << on les emploie la plupatt du temps sans les distinguer >>, Les historiens modernes confirment cette opinion ; pour parler du m0ile phdnomtne, ) quelques lignes de distance, l'un ou l'autre de ces mots est errployd indifidremment. Nous laisserons aux philologues le soin d'en d6cider. Notre propos sera d'analyser pour chacun Ia signification dtymologique et de voir ce qu'on peut en apprendre, m6me
si la reprdsentation que les Romains se faisaient de ces signes ne les distingue plus clairement. Ils sont tous de formation latine, donc de crdation lexicale secondaire, h l'exception de ornen. La formation de 6men pr6sente cette difficultd que le thbme se trouve r6duit ) la voyelle o-. Cela laisse ) la res-
titution plusieurs possibilitds, qui ont 6td en efiet envisapar les 6tymologistes sans qu'aucune ait paru d6montrable. Mais nous avons maintenant un rapprochement qui permet d'expliquer sans contrainte le sens et la formation de 6-rnen. Le radical latin o- peut se comparer directement au thdme verbal hittite ba- << croite; tenir pour vrai >> I en cons6quence 6nten s'interprdtefa comme << ddclaration de vdrit6'>>. Une parole fortuite, prononc€e dans une circonstance ddcisive, pollrra €tre acceptde comme 6rnen, coilme pldsage vrai, comme signe du destin. Ce sera une parole de bon << augure >>, annonciarice du sort (1). Plusieurs exemples en sont rapportds pat Cic€ton, De diuinagdes
tione
I,
ch. 46.
Le neutre monstrttfti se relie claitement au prdsent monstrare, mais avec une difi6rence de sens fortement narqude. On ne peut ddcider a priori lequel, de monstrunt ou de monstrare, est antdrieur ) l'autre ; il est n6anmoins probable que ntonstrare est le ddnominatif de rnonstrttn (1) Cf, notre ouvrage Hittite et
256
indo-europden,
1962,
p. 10
sq.
LE vocABULATRE LATrN DES srcNES ET DES pnEsaces
pour une raison dg qorp!9logie, Ia formation eh -stram.. Mais, dEs Ie dgbur- de Ia tradit.,r" nominale il-J;;; n.ont plus rien de commun : rilonstrare sienifie l.tT,r a peu pres << montrer >> ; monstram dlsigne ge-"J.J une <( chose qui sort de'l,ordinaire >; p"arfois "n 'r.porrrun,un*iqri chose de hideux, q"i uiot" Al& l,ordre naturel des choses. un <( monst r. ,r, *onitr;;'i;;r;;;;, dit Virgile. Les Latins avaient. elcore conscience de la formation du mot i monstrum..ddclarent_i-(-_;;;;, monestrum, de ftzoneo. Que monestrun ait exisid o,-i no.r, il est certain que nxonstruflu et monstrare se relient h, moneo. A partir de moneo, quel est le sens d, *;;;';;pour retrouver ce rappoft, nous aideri iv"", ;;r;ffi, du dd";;i;;i monstrare qui n'a oas 6td d6vid dans sa significaiirr';;;
des considdiations iqt,g1*r"-r.' 6rl;';r;lrit g.ndralement par << montrer >>. mais c'est li une dquival.r.; ;;;;;;'; j1 nt"r, il y a un uutr" u.rb_L;"i"p#;;*r.rn6rr,.nt, sisni_ he <( montrer >> i ostendo.La-difr.'rence est irii:A'i,*Err_ trare est bien moins <( montrer o oU;., q";_ ;;i_ gner une conduite. orescrire la voie "n ) suivre ;;; i q.ui tibi);;i;q;;; saepe"; monstrauiI ?:::" ly"p,:"f acne << T1ll qut t'al s.l scuvent donn6 .n vain de bonnes legons.> (Plaute, Bacch..r33) quotiens monstraui tibi ut... ; << combien de fois t'ai_je conseiild J;...- >> (Men. ]sfi , non periclurnst ne quid recte moflstres.. il';t ; tu. donnes un bon .orr.ii-,, (pseui. ;;"e; n". 91T"r,, oonc de monstrare, nous temontons i nxonstrum, pour en retrouver le sens littdral, efiac6 par I'emploi,"Gi;,i;;";; voyons q'oe monstrum doit 6tre compris comme un << con_ seil >, un << avertissem€nt > donn6;;; i., A;;.- Or";; par des.prodiges, ,igrr., q"i .o"forrl 9ie.1*,:.ioriment oenr I entendement humain. Un << avertiisement > divin prendra,l'aspecr d'un objet _o" d;"n- brr" ,"-rr,i."i; dit Festus, u on appell, ,roiitro ce qui sort du :"lT: monde naturel, un serpent qui a des pieds, un oiseau A quatre ailes, un homme ) deux tet", ,.^S.,rL h'pri*;.; divine peut manifester ainsi ses << avertirr.or.nt, >, C,est pourqg-oi Ie sens de monstrum s,est aboli dans ,a &rig;;: tion.. fl n'y avait rie_n dans Ia forme d,e monstrum qui appelat cetre notion de << monsrrueux ,, ,i";; i;-f;i; qil;
riil. i;
i.,
257
LE VocABULATRE DES INSTrrurIoNS INDo-EURopfpNNns
LE VoCABULAIRE LATIN DES SIGNES ET DES PRf,sAGEs
dans la doctrine des prdsages, un <( monstre >> repr6sentait un << enseignement )>, un <( avertissement >> divin.
Cette premidre prdcision peut
)
son tour nous aider
d
distinguer .nonstruflt de ostenturn et portefituar, puisque dans ces deux derniers termes la valeur de u montrei u survit encore vaguement.
Il n'y a pas de difldlence claire dans I'emploi enme
ostenturfl et portentum ; Ies m€mes faits peuvent €tre ddsign6s indifi6remment par l'un
tentarn, tandis qu'entre ostendo et ostentarn l'dcart est
de m€me natute qu'entte monstrare et tflonstrufti, quoique
moins marqu6. Le verbe simple tendo << tendre )>, apparentd ) i.-ir. lan-, gt. tein6, est tird de la racine indo-europdenie ,, tefl< tendre >. L'emploi, dans une acception auisi spdcifique, est p-r6cis6 par le prdverbe : ob-fobs- indique gdn€ralernent que I'action est produite << i la rencontre de quelque chose, en sens opposd de manidre h barrer la route >> (cf. obuiam). Le pr6verbe a encore sa pleine force dans un exemple ancien, comme celui-ci chez Caton dans son traitd d'agri. culture..: ager qui soli ostentus erit << un champ exposd au soleil >>. Ostentus signifie bien ici << tendu ) la iencontre de >. Cette relation expliquera litt€ralement ostendo et Ie sens religieux qui ne couvre qu'une partie de son emplor : un ostentum en tant que prdsage, est comme << tendu en face, ofiert aux yeux )>, non seulement <( montrd >>, mais < produit ) la vue (comme un signe qu'on doit interprdter) )>. Tacite, rapportant un prdsage, associe obtendo et ostentum (Hist. t, 56). Considdrons port-endo; I'essentiel est ici dans le pr6verbe^ por--, dont il subsiste peu d'exemples, mais frus significatifs : ponigo < dtendre ; ofirir quelque chose >>, poll,uo << souiller, profaner >>, polliceo(r) << prometrle )> ; polluceo et porricio, deux verbes relatifs alx ofirandes. ,Avec portendo, tels sont les exemples de por- et. fait remarquable, ils sont tous du domaine religieux. Fait seul exception polliceo(r), au moins dans son emploi habituel : 258
liceo
;ignifie << 6tre mis_ aux enchbres >>, liceor << enchdrir. acqudrir par voie d'enchires > le pr6ve rb. por_;;;; ; polliceor le sens dtymologique' d. ^., enchdrir l"r;- J;; quelque chose- de plus qu. I p;i; j".r"a? ;,_7te*,ofirir (cr, t'taute, tVlercator 439), d'oi ordinairement <( ,, pro_ mettfe )). On attribue i,. por-, dans les dictionnaires, le m€me sens. qu'it pro- et prae- i cause de leur origine corni 1: l-t.t"q,"9, prdverbes ne sonr pas synonymes, puis1r:if jr1-,ces recu en Iatin des formes disrinctes el que d,ailfy,jr^r ?llr 1eu,rs
rls ne permutent pas librement. Nous' devons
Pro-, prae-,-por- se caracdrisenr chacun par f.^::T^"i:lj querque trarr propre..qui les.dilimite. Enrre pro_ et prae_
Ia difidrence
i
fiit
u;;;
I'ob;et d';". alrilie.-iri.-ir de chercher .o.nrnJrrt por- d son tour -mainrenant se ddfinit. s'rigit
<(
ddji dans porrigo .don1 Ie sens propre est .Ot l" voit erendre sur toute sa longueur, ddvelopper, prolonier o ,
d'" gri*,'r, jtif*;;i;;; x por_iacio) pris porricio (de a l,accep,o. uon d un verbe d'offrande, c,est que <( jeter >> (iacio) ist par le. prdverbe Bt6:it: -por- << ,ui l" Iargeur enridre (de l-autel) ainsi proctde-t-on en efiet avlc les entrailles .>> .: de Ia vrctlme (exta), qu'.on dtale (ponicere) sur l,autel : si sacruliceffz summo loui atqae ii manibus tiiil* -ru ut poricianz... < m€me si j,diais en train d. "iro ,ulrifi.r Jupiter supr€me e1 si jg tenais cn mains ies entraille, oou, les drsposer sur I'autel... > (plaute, pseud.265); inre) caesa et porrecta. locution : << enffe le ddcoupage et l'6.talage sur I'autel >, pour dir. *-lu iernier moment )> (Cic., Att. i, LB,. t)..L1m6me reprdsentation se ddcdle dans poUuceo, verbe.de.la vieille langue religieuse << offrir en sacrifice un riche festin >>"(avec dipr, CoiiSi,-Agr. i;);, et aussi << servir sur la table les restes-du sacrifrce O, connalt plus ce uerbe luceo, mais le prdverbe ", ",i t"r_ i"diil; clairement g|! lgs mers_sonr prdsentds sur toute la ?a" geur de la table d'ofirande o,, i. la table i. iT,;;. ,-.t* le prdverbe por- impliqu. i'idd.
sa ctrmensron
S.i
JU" ,t.,rrstEme sublogique des pripositions en latin >, Traoaux da Cercle linpuistiaue de Copenhagtlt:, uol. Vf isqs, p. 177_lgj _ Problcmes de- tingiutique geiie;oti,'f;rir,"lto6, i. ttz_vl. 259
LE vocABULATRE DES lNsrrTurroNs rNDo-EuRopferunr,s pourquoi pollucere, polluctura 6veille toujours I'id6e d'un festin somptueux. C'est sans doute la mdme image qu'il faut voir dans le pr6verbe polluo (nous n'avons pas 't luo, mais seulement lutum << boue >) h peu prds << salir compldtement, ptofanet >>. Le sens de por-tendo se ddgage A prdsent dans sa particularit6 parmi les autres verbes de prds4ge et notamment en face de ostendo. On ddsigne par portendere, partentum, une sdrie de prdsages annonEant rme suite d'dvdnements qui se d6ploient dans la durde. C'est ce qui ressort des exemples suivants, recueillis chez Tite-Live : dii imnzortales... auguriis auspiciisque et per nocturnos etiam aisus ornnia laeta ac prospera portendunt < les dieux immortels,
par des pr6sages concordants et meme par des visions noctufnes, nous annoncent que tout aura une issue favorable et lreureuse ,, (26,41, 1B) ; ominatur, quibus quon-
daru auspiciis patres eornnx ad Aegates pugnauerint insulas, ea illis exeuntibus in aciem portendisse deos << il allbgue
en prdsage que les dieux leur ont assurd les m6mes auspices, au moment d'engager la bataille, qu') leurs pbres quand ils combattaient aux iles Egates o (J0, 32, 9) ; di irnntortales mihi sacrilicanti precantique ut hoc bellum mibi, senatui uobisque leliciter eueniret, laeta omnia prosperaque portendere << les dieux immortels auxquels je sacrifiais et demandais que la gueme tournAt heureusement pour moi, pour le sdnat et pour vous, m'ont pr6sagd que tout aurait une issue favorable et heureuse >> (3L, 7). Relevons cette formule de la langue augurale : << omnia laeta prosperaque portendere >>. Les exemples de portenta annoncent en efiet une perspective entiEre ; portefltum, d la difidrence de ostentunz, prlsage non pas un seul 6vdnement, mais un panorama tout entier et comme une perspective continui, d6voilant ainsi une grande porrio; de I'avenir.
Le terme prodigiutt est d'examen plus facile en ce sens qu'il peut s'analyser en latin m6me, plus difficile du fait oue les 6l6ments de formation sont eu;l-m€mes d interordter. ^.
L'analyse est fixde en '? prod- (doublet de pro- devant voyelle cf.. prod-eo) et -agiam, ddrivd nominal de ag-. Mais 260
LE VocABULAIRE LATrN DES srcNES ET DES pnfsacrs
Ce-quglle racine ag- s'agit-il ? On s'accorde i 6carter le radical oF; d? rzgo << pousser-> et on pense plutdt d r; J; substantlt,ddagio avec son doublet adagium << adage,-pro_
verbe >>. La formation en doit €tre rdiente, d'upib, i" , int6rieur conserv6 en face du j de prod_igiu'm. Ainsi lra_ digium et adagio se relient rous deux a li ,n.in" d,, Iltin aio << dite >>. Comm-ent, dds lors, interpr6ter littdralemen t prodi_ . gium ? Il faut admertre que ceite racine og Jiir;;; " pas srSremenr atestde au-del) du latin. On"expliqu; " gr.; . {j, t] )] par un ancien ', Eg-t, mais la reconstruction de ce radical formd d'une voyellJ unique laisse place a incertitude, y , u'e possibilitd de .uppi.o.lr"*";;-;;; "".f"r" Il l'armdnien ai-Ac, << parole proverbiale >, mais Meillet, qui i n si s re lu i-m 0 me su r I'i rrdglffi? t:"t_"1i,_ oe -ac en tace du verbe cscxt << ic dis >. Selon les glossateurs latins,' adagio (adagiun) comespono- pour te sens au grec prooimion << pr6ambule, exorde ,>. Il est difficile de-le confirmer, faute a;;;J; litr6raires. On renconrre seulement ;t;; Vr;;--;;;;;
H;;;;il;
ll
adagio est.
adagio .d adagium semble d0 ) I,analogie ,-t:-LT:?-qe.de prouerbium dont adagiande serait synonyme. Mais "ce sens ne s'accorde pas avcc celui de gr. probi*loo o--ori ruqe )> soll muslcal, soit oratoire, << exorde )> au fisurd ; chez,les Tragiques_, ce qui < prdlude ;; t;; ?rie".r1""r'i phroimia p6non (Eschyle) <. ies pr6lud", i"r-rnru"";;;; qui les annonce. It fauirait olo* ilnt.rp.:dter aclapio comme cire en exorde, pou, aonrr".l;;;;'; :l l::I"*",9u'on
olscours. Lela reste inceftain. Considdrons mainrenant le rapport de prodigium d aio.
Les_ dictionnaires
donnent ,.ri"n'"nt- i'olo T" ,";-J; nous faut spdcifier aio--eni.gu.d-d.r-;;d; verbes de. parole. Notons .rn. obs.ruation curieuse de Donlt :,a,io s'.applique, dit-il, i, des iiuisa, ,ta/ra, contern_ des choses d6sagrdables, vaines,'*dp;i;;_ <<
dire
>>.
fl
ff:!"i !"t:!: i Dres, fausses,
principaux emplois de ce verbe. Une , Parcou.rons .les lonctlons de aio est de s'opposer d nego, comme oui r> i << dire non >, Frdquenie aussi eit i,""pr.rri",dite ,, aiunt comme on dit ,r, ,oit pouf rapport., ,rn b.;i;;;; .
ctes
<<
<<
261
LE voCABULAIRE DES rNsrrTuTIoNs rNDo-EURopfrnNBs rumeurs, soit pour introduire une locution vulgaire ou proverbiale ; en tout cas, pour citer littdralement : ut ait Cicero, qriand on reproduit ses paroles m6mes. Aussi ait, et non un autre verbe, sert en incise quand on rapporte textuellement des propos. Dans la langue judiciaire, on rencontrc aio souvent i Ia premilre personne) dans des locutions consacrdes. Selon Gaius, la formule en revendication de propridtd 6tait : hunc ego hominem ex iure Quiritium lneuffi esse aio << moi je ddclare que cet homme est mien selon le droit des Quirites r>. Cette formule est reproduite h plusieurs reprises chez Plaute aussi bien que chez Cicdron (avec des variantes, lundum i la place' de hominem), quand deux hommes revendiquent la propridt6 de la m6me chose : et ego idem esse aio ftieum. Le sujet de aio pourra €tre la loi m€me : uti lex ait << comme dit la loi >>, ou chez Ulpien lex Iulia ait, ou encore uti mos ait. Voili, tapidement groupdes dans une signification gdndrale qui semble se suffire ) elle-m6me, les principales cat6gories d'emploi. En outte, de aio a 4,t6. tir6. un substantif employd comme nom divin, Aius. On connait ce dieu, ddnomm6 tant6t Aius seul, tant6t Aius Locutius, qui annonqa aux Romains, dans le silence de la nuit, I'arrivde des Gaulois. Varron dit la raison qui l'a fait appeler ainsi : Aius deus appellatus araque ei statuta quod eo in loco diuinitus uox edita est < Le dieu Aius fut ainsi appeld et un autel lui fut 6levd parce qu'h cet endroit, provenant de la divinitd, une voix s'est fait entendre > (cf. Liv.,5, 50 et 52). D'aprbs les fonctions caractdristiques de ce verbe alo, compte tenu du ddrivd nominal Aius doubl6 et explicitd pat LocutiuJ, on peut dire que aio se rapporte d'abord i I'dnonc6 litt6ral de la parole, et que cet 6noncd porte en lui-m6me une certaine autorit€. Que aio implique une dnonciation d'autoritd, cela ressort meme des acceptions les plus banales. C'est la raison pourquoi aio est de rigueur dans les expressions juridiques, non dico,' il n'6nonce pas une opinion, une croyance, mais un dit d'autorit6, qui a valeur d'engagement. De ld I'expression lex ait, alors que I'on ne rencontre pas lex dicit. De m6me on dcrira Liuius ait quand on cite ses propres 262
LE VoCABULAIRE LATrN DEs
SIGNES
ET DEs pnEsacrs
paroles, dans un cas of elles ont prdsomption d'autorit6. On ? vu que aio s'oppose d nego-et signifie << dire ll-, a valeur ""iqui" d'athrmation catdgorique et positive. Celui proftre aio prend a son compre une assertion de vdrii6. Le dieu Aius est agpe-16 ainsi quod diuinitus uox edita est, patce qu'une voix divine s'est fait entendre. Son nom n'esi pas * Dicius, mais Aias, c'est une voix investie d'autorit6. Toujours aio d.dsigne une dnonciation impers.rr.ti. .i-q"i tlre son autorit6 de qu'elle peut 6tre rapportde i un .ceagent supra-personnel, loi ou divinitd. Il y a)in le remarque_ra, une certaine analogie entre la connotation de aio en latin et celle de phsnx;l.n prec. Que signifie, ddsiors,_ prod"igiun, une fois ag- ddfini? On peut se rdfdrer utilemenii Ia description"d'un pro_ l1SlryrL a.ui 9ut- lier-r-sous le roi Tullus, dtprds Tite-Live (1, 3l). Aprds Ia ddfaite des Sabins, on'annbnce au roi et aux s6nateurs qu'il y-a eu une pluie de pierres sur Ie mont Albam. Un envoie des gens pour vdrifier Ie ptodige (ad id uisendurn prodigium). Ceux-ci voient #"t ,;;f'"; une grosse pluie de pierres semblables h "n des gr6lons. Ils crurent dgalement entendre une grande voix\uisi etiant audire aocem ingentem) s'dlever dins le bois qJi .o,rronn.
le sommet et prescrire aux Albains des saciifices selon leurs rites narionaux.. A la suite de ce prodi ge (ab eodem prodigio),.les Romains firent aussi une nluvaine, soit
qu'une voix cdleste (uoce caelesti) du mont Albain I'efft ptescrite, soit sur Ie conseil des aruspices. Ce. texte parait contenir I'explication dtymologique de prodigiun. Nous avons vu la liaison de Aius avec une voix divine le prodigiurn est caraddris6 par I'dmission; 9" T:-.g, (prod-) d'une voix divine (-agium), selon lei circonstances tATg qui accompqgnenr Ie prodigiurn citd. A I'origine, le prodigium aurait 6td le < prodige >> d'une voix divine se "signes. faisant entendre parmi d'autre_s Telle est lu ;"siincation de fait qu'on pourrait_donner ) cette interprdtation fondde sur le sens propre de aio.
26t
l
ll
l
r! i i I
chapitre
7
religion et superstition
Sonnaire. gy.es1
,la
Ne
concevant pas cette rdalit6 omniptdsente ^i$ure.,
rel.igion comrne,
un. lnititutiJn
H;:.,?:'ir'"T;'',U,"'T*1;".,,.,:T."ffi
:lrf
les Indo-
fi:'fJl*fi
.t#*
:Ffj-,i!.i"xiil:'.n,'ii:if;::.,,.,.','?#Tt,::?:#;;;" u,li;!;;il^:" de piescription' iuttu'tt"'
5l"i'":T;il,
Inconnu
:l+i:i"l:t'if
i'f"J',luif
iJf;
ni depuis plus lo.ngtemps,.
r'"'iil'5"a,1 illrf',Xto,il"'xtd' rant"sdmantiqi;;';;l.ii;#i,#fi legere
<<
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.";i.";::".0;l,,niilio,ojlliii:yf ;::;':2:111,;;;::,constituire Toutes les donndes le*icul.s examindes dans ces derniers chapitres ddrivent d'une notion ."n,rrl" -,
.,+;i ;;;;;;; ";;;^burarre oeu r-on ddfi nir, r"i; l; rndo_euro9::*::,, p.?f,-:" que nous appelons Ia < religion 1r n'y a pas -- c'est une .orrrtutrilon immddiate _ de terme indo-europden commun pour < ..iG;;;. "E*";; i dare historique, pluri"rrc J.r'G;;, :"do_europdennes >> ?
265
LE vocABULATRE DES INSTTTUTIoNS rNDo-EURopf,rNNns en sont d6pourvues, ce qui ne doit pas surpfendre; c'est la nature m€me de cette notion de ne pas se pr6ter i une appellation unique et constante. S'il est vrai que la religion est une institution, cette institution n'est cependant pas nettement sdparde des autres, ni pos6e hors d'elles. On ne saurait concevoir clairement, donc ddnommer la religion qu') partir du moment of elle est ddlimitde, or) elle a un domaine distinct, of I'on peut savoir ce qui lui appartient et ce qui lui est dranger. Or dans les civilisations que nous 6tudions, tout est imbu de religion, tout est signe ou jeu ou reflet des forces divines. On ne tessent pas, hors des confrdries spdcialisdes, ie besoin d'un tetme spdcifique appliqud i l'ensemble des cultes et des croyances et c'est pourquoi nous ne rencontrons, pour ddnommer la < religion )>, que des termes dont chacun rdsulte d'une crdation ind6pendante. Nous ne sommes m€me pas assurds de les entendre selon leur propre vdritd. Quand nous traduisons par < religion >> le mot sansktit dharma << rEgle r> ou Ie mot v. slave adra <( ctoyance >>, ne commettons-nous pas l'etteur d'extra. poler ? Nous retiendrons seulement deux termes qui, I'un en gfec et I'autre en latin, peuvent passer pour des 6qui valents de << religion >>.
Le mot grec tbrEskeia est proprement et la pi6t6.
Il
i
la fois le culte
a une histoire singulibre en grec m6me. Pour
Van Herten (1), thrEskeia ne s'appliquerait qu') des cultes dtrangers. En r4.alit6, i l'6poque d'Auguste, le n-rot ddsigne tout culte, indigbne ou 6tranger. Le mot est ancien, 1l apparait chez Hdrodote pour la premidre fois, puis disparait complbtement de la tradition pour ne ressurgir
qu') l'6poque de Strabon ; Ies exemples se multiplient
alors, dans les textes comme dans les inscriptions. Vocable proprement ionien, il n'a pas trouv6 t^ ubi. en attique, mais il a connu ensuite une faveur renouvelde, parce que c'dtait le terme le plus commode pour ddsigner un ensemble de croyances et de pratiques cultuelles. Les premiers emplois, deux de thrEskeiE, deux du prdsent (1) J. Van Herten, Threskeia, ealibeia, hik€tes, diss. Uttecht, -1934. La doiumentation a 6td enrichie et I'histoire du mot prdcisde par Louis Robert, Etudes 1pigraphiques et philologiques, I9)8, p. 226 ss'
266
RELIGION ET SUPERSTITION
tbriskeiein, tous chez H6rodore au livre II, se rapportent aux observances : << Les Egyptiens, voisins de la^ Lybi;: supportaient mal la r€glementition du sacrifice ." p-tii culier I'interdiction dela viande de vache > (II,"t18 ;i;;;
Ph.-E. Legrand). Aille-urs, Hdrodote indique les rbgles de puretd physique auxquelles.. s'astreignent ies pr€tr"es dgyptiens. ' plis' il aJoute : << ils observent mille autres tbreskilas > (II,37); ce sont des.pratiques imposdes aux pr€tres. Tel est ,"rrii" sens du verbe thrdskeilo (II, 64 65) << suivre minurieuse_ ; ment prescriptions religieuses r>, toujour, .h.;-i; .des lgyptiens. L'idde est donc celle de l, << observance )>) norion de pratique et non de croyance. On peut remonrer un Deu plus haut dans l'histojre du mot gric. i des timoignages 6pars' Le substantif thrEskeia d67ive assez curieusement d'un prdsent en -skd, que nous avons vu sous forme d'une -: glose chez Hdsychius }pipxw. vori et aussi 0pcioxew-avapullr\axerv <( faire ressouvenir >>. A son tout thrdsko est susceptiblg d'une analyse ; il repose sur un ,t tbr6d attestd par €v0peiv . gu),d,ooer,v ..< garder, observer >. Nous pouvons ajouter ) cette sdrie de formes encore une chainon ;. tbr6o suppose une racine ,t tber-, ce qui permet d'v rattacher I'adjectif nlgatif ather|s g\os6 an6eton (< in_ >),et,,.e qut,est plus intdressan"t, an|sion u impie-,r. 1en;6 t-nfln atherds est lui-m€me ) I,origine du prdsent homdri que atberlzo << faire peu de cas de,-ndeliser >>. Toutes ces donn6es s'enchaineni et"coi-rpretent la notion que le mot thrdskeia lui-m€me dvoque : celle d' ,, obr"r_ vance, rbgle de pratique-religieuse o. Il ," rattache ) un theme verbal marquant l,attention au rite, la prdoccupation d'6tre fidble )-une rBgle. Ce n,.rl pm ia n^relisio; o dans son ensemble, mais I'astreinte a.r*Utie";i.r;r'a, culte. ,*t'f
Nous en venons maintenant au deuxiEme terme, infini_ ) tous dgards : c'esr t" tni,i'r":iiiii, qur demeure, dans toutes les langues occidentales, l" iloi u{qqe et consrant, celui pour lequel aucun dq"iuul"nt-o., substltut n'a ;amais pu s'imposer. me.nt plus important
267
LE VOCABULAIRE DES INSTITUTIONS
INDO-EUROPEENNES
RELIGION ET SUPERSTITION
Que signifie religio ? On en discute depuis l'antiquit6. Les anciens ddji n'dtaient pas d'accord ; les modernes restent divisds. On hdsite entre deux explications qui tour i tour s'affirment, trouvent de nouveaux ddfenseurs, mais ne semblent pas permetre un choix d6cisif. Eiles sont reprdsent6es, l'une par Cicdron qui, dans un texte reproduit plus loin, rattache religio d legere, << cueillir, tassembler >, l'autre par Lactance et Tertullien, qui expliquent religio pat ligare << lier >>. C'est encore entre legere et ligare qre se partagent les auteurs d'aujoutd'hui. On ne peut citer que les principales 6tudes. A l'explication de Cicdron s'est ralli6 lW. Otto (1), suivi par J.B. Hofmann (2). En sens inverse, le dictionnaire d'ErnoutMeillet se prononce nettement pour religare, de m6me que I'article religio du Pauly-Wissowa (J). D'autres restent incertains : \7. Fowler (4) donne une bonne dtude descriptive du sens de religio, mais pour l'6tymologie, il cite I'avis de Conway que <( I'une ou l'autre explication Deut se ddfendre >. Voici le texte de Cicdron qui doit dominer toute discussion (De rlatura deorum II, 28,72) : Qui autem omnia quae ad cultum ,leorum pertinerent diligenter retractareflt et tanquam rclegerent, sunt dicti religiosi ex releqendo ut elegantes ex eligendo, ex diligendo diligentes. His enim in uerbis omnibus inest uis legendi eadenz quae in religioso. << Ceux qui reptenaient (retractarenr) diligemment et en quelque sorte relegerent toutes les choses qui se rapportent au culte des dieux, ceux-l) ont 6td appel6s religiosi de relegere, comme elegantes de eligere et diligentes de diligere. Tous ces mots ont en eflet le m6me sens de legere que religiosus
>>.
En sens inverse, pour Lactance, la religion est un << lien de pidt6 qui nous << relie > ) la divinitd, uinculo pietatis obstricti et religati sLrmus. L'opinion de Lactance est adoptde par Kobbert qtri ddfinit Ia religio << comme une force >>
(1) Etude sur religio et superstitio parue dans l'Archio Xfi, 5T: XIY, 406. (2) Lat. etyt,t. 'Vb., I, 352.
gionsuissenschaft,
(l)
liir
Reli-
L'auteur, M. Kobbert, y reprend I'essentiel d'une dissettation sur il est lui-m€me l'auteur. (4) Transactions du )' Congrds international d'Histoire des Reli-
le sujet (1910), dont gions,
268
t. II.
extdrieure ) I'homme, un tabou attachd ) certaines dpo_ ques, i certains lieux, i ceitaines choses, et par l.q,_,"I l'homnre priv6 de sa volont6 est lid, o.- '*^ "ri".f-,i lI faut d'abord nous demander ce que religio ddsigne rdellcment,,qucls cn sont les emplois propres et constants. rr surnra oe. rappelcr quelqu.es exemp.les parmi les plus marquants. A l'origine,.religio- ne d6iigne'pas la .; ;;li: gign r> dans son ensemble, i"l" .rt ,frr. Un vieux fragment_ d'une tragddie perdue de L. Accius nous a conservd ces deux vefs : Nunc, .Calcas, liryry religionunz t'ac : desiste exercitunt morari meque ab domuitione, tuo obsceno omine " (Non. 357,6 : Astyanax fr. V Ribbeck) <1 M,1ts un tcnn€) Calchas, d tes religiol/cJ .. cesse de retar. def I armee et de m'empdcher de rentrer chez moi par ton prdsage sinistre. i> .L.es religiones du devin .Calchas, ndes d,un prdsage I'armde ) demeurer ,", piu*-".i :lli"lt:, conrrajgxent emp€chent Ie hdros de rentrer chez lui. On vbit que religio-, terme de Ia langue augurale, ddsigne un ., ,..upul. relatif aux omina o., d.onc un-e dispositiSn ,ub,-".t1;;:T;i aussi le trait dominant de-religio dun, ,e, ?pp.t?:: <( lalclses )>. ""lpl"i; - Plaute, Curculio 150 : uocat me ad ceflarn ; religio fuit, denegare.uolui << Il m'invite ) diner -: i;ai eu'rriifrtri'i:^i voulu refuser >. Chez.Tdrence (Andri'enne g+f l thri;J, est mis en prdsence d'une jeune fille, sa propre fille qu,il croyait. perdue ; il hdsite i la reconnaitre : fu ;ii; ;;;; scrupulus re.stat, qui me male habet < Il me ,"rr" scrupule qur me tourmente >>, dit-il et l,autre rdpond"n ; : dignus es cxt/n tua religione', odio' , ;;';;;;p; "oiiiQlacrjs << tu mdriterais, toi, avec ta religio, d'€tre hJ,'t; cherches des difficultds li oil il n'y en-a pas < (rirtdralement : << tu cherches un nceud slr un jfnc i;i;;;" reprend scrupulus. De li. vienr I'expr"rrior, "). ,2t;gii''rrt .r avoir scrupule > et a rssi .religiori lsr ou ,rllg;i iuiii avec une proposition infinirive : religioni est q"uibusdam porta Carmentali e.gredl (Festus 285"M.) << certajns ont scrupule (dans telle circonstance) i sortir par la porte Carmentale >>. L'usage est constant ) l'6poque classique. par exemple, 269
LE VocABULAIRE DES INSTITUTIoNS INDo-EUROPEENFIns
RELIGION ET SUPERSTITION
au couts d'une dlection, le premier recenseuf des votes meurt subitement ; toute la procddure devrait €tre suspendue ; Gracchus ddcide n6anmoins de poursuivre, bien qu'il remarque rem illam in religionem populo ileflisse, << que la chose dveille une <( inquidtude >>, un scrupule dans le ceur des gens )> (Cicdron, Nat. Deorunt II,4, l0). Le mot est frdquent chez Tite-Live, en relation souvent avec des phdrrombnes religieux : quod dernouendis statu stto sacri-r religionern lacere posset .. << un fait qui pourrait indr-rire i se faire scrupule de changer la place de iertains cuhes r> (IX,29,10) : allusion au chitiment des Potitii qui ont dilaissi le culte d'Hercule ; adeo rninirnis etiam rebus prau,a religio inserit deos << tant il est vrai qu'un scrupule ddvoy6 m€le les dieux m6me au plus petites choses > (XXVII, 23,2). Le culte de Ceres, dit Cic6ron, doit 6tre accompli avec le plus m6ticuleux scuci des rites, selon le vau dis anc6tres : saua Cereris summa maiores nostri religione cont'ici caerimoniaque uoluerant (BaIb. 24, 55). - Le sens de religio, qu'on reffouverait dans quantit6 d'autres .exemples, est confirmd pat le ddriv6 reTigiosus << scrupuleux ) I'dgald du culte, se faisant un cas de-conscience des rites rr. Q,r. religiosus pOt se dire du culte m6me, cela est enseignd par plusieurs 6rudits romains : religiosum quod propter sanctitateru aliquam remotum ac sepositutn a nobis sll << est religieux ce qui en vertu d'une certaine sanctitas se trouve 6cartd et dloign6 de nous (Masurius Sabinus apud Aulu-Gelle N. A. 4, 9); religiosum esse Gallus Aelius ait quod homini lacere non liceat, r.tt si id faciat contra tleorurn uoluntatern uideatur lacere : <( est << religieux >> ce qu'il n'est pas permis aux hommes de {aire, en sorte que, s'ils le font, ils semblent aller contre la volont6 des dieux >> (Festus, p. 278 Mull.). Au total la religio est une hdsitation qui retient, un scrupule qui emp€che, et non un sentiment qui dirige vers une action, ou qui incite ) pratiquer le culte. Il nous semble que ce sens, dimontrd par I'usage ancien sans la moindre ambiguitd, impose une seule interprdtation pour religio : ceile que donne Cicdron en rattachant religio d >>
legere.
Considdrons de plus prbs 270
la forme de religio. Est-il
seulement possible d'expliquer religio par ligare rdponse sera ndgative, potu plusieurs raisons--,
? Notre
,.,1) Ii n.'y a..jamais eu- de ligare un abstait * ligio; l'abstrait de religare est religatio; au contraire, nous avons le t6moignage concluant du mot legio en faveur de legere. 2) C'est un fait peu remarqu6 que les abstrair, .i -1, se constituent gdndralemenr a parth de verbes de la 3" conjugaison, et non.de la premidre, ainsi : ex-cidio, regio, di!!?,.us.u-capio, le gi-rupio (rumperc), de-liquio (tiiqueTe)', obliuio ('t obliuere, obliuisci), ei aussi legii. l) Une citation d'un aureur ancien irancherait seule d6jd la question :- religentem,esse opportet, religiosus nefas (ye fyas /) < il f.aut 6.tre^re-l-igens,-ion religio.izs > (Nigi dius Figulus apud Aulu-Gelle-N. ,4. 4, 9, LI).Il imporie peu-ici que la tradition du dernier mot soit .orroripu.. La iorme, religen.teru de lego, Iegere enseigne clairerient
r orrgme d,e rel.tgxosus. Toutes ces raisons seraient apparues depuis longtemps
si le verbe ', religere avait laiss3-d'autres
existence..que le participe_religens, pour
ir.tru.,
"d.
,6"
fo;der le rapport
entte religio et legere. Mais on peut raisonner ,rri'd.,
verbes de m6me formation, comme intelligo et diligo, que ddj) Cicdron en avair.rapprochds, dans le purr"g. cit6 piu, haut : his enim uerbis- onunibus inest ai legindl ,oi"* quae in-religioso << dans rous ces mots (diligolinrclligo) se trouve le mdme sens de legere que nous ivons dani ieti_ giosus >>. En efet legere << recueillir, ramener i soi, reconnaitre susceptible _de maintes -applicationr .on.r!t.r, se pr€te a.ussi,avec divers prd.verbes i ddsigner des ddmarches de t'nteillgenc€, des attltudes de sentiment. Le contfaire de lego s'lnonce par negJigo <( ne pas se soucier de ,, ; diligo c'est < recueillir en isolant, avec prdfdrence, estimer, aimer. >> ; intelligo << recueillir en choisissant, retenir pat Ii r6flexion,.comprendre o ; l-f intelligence >> n'est_elle pas capacitd de choix et de synthdse ? De ces rapprochements on peur inf6rer le sens de reli_ gere << recollecter r> : il veut dire : << reprendre pour un nouveau choix, revenfu sur une ddmarclie antdriiure >> ; c'est l) une bonne ddfinition du << scrupule >> relisieux. Autant il convient d'6tre religens, disait lrligidius f;[ul"r, >>
271
LE voCABULATRE DEs rNSTrrurroNS rNDo_EuRopfrr{Nes
RELIGION ET SUPERSTITION
d'<< avoir souci >> des choses religieuses, autant il est mauvais d'6tle religiosus, d'6tre toujours portd au scrupule. Reconrmencer un choix ddj) fait (r.etraitare, dit Cic6ion), rdviser la dicision qui en, r6sulte, tel est le sens propr. d" rcligio. Il indique une disposition inr6rie,rr. .t ,rdr .rrr" propridtd objective de certaines choses ou un ensemble de croyance et.-de pratiques. La religio romaine, d I'origine, est essentiellenrent subjective. Il n'est pas fortuit q,r"" ." soit seulement chez les dcrivains chrdtiens qu'afparalt l'explication de religio pat religare. Lactance y inrirt. , nome.ft religionis a uinculo pietatis esse dedacturu, quod bonzinem sibi Deus religauerfu et pietate constrinxeiif << Ie terme.religio a €t6 tird du lien de la piltd, parce que Dieu se lie L'homme et I'artache par la pidtd >. C;est q.ri le contenu mdnre de la religio a chang6. Pour un chrdtien, ce qui caractdrise, par rapport aux cultes paiens, la nouvelle fbi, c,'est le lien de Ia pi6t6, cette d6pendance du fiddle vis-i-vii de Dieu, cette obligation au sens propre du mot. Le concept de religio est remodeld sur l'idde-que I'homme se fait alors de sa relation i Dieu ; idde toute difldrente de la yj.ill. ,religio romaine et qui prdpare I'acception moderne. Voil) l'essentiel sur I'histoire et I'origine iu mot relipio, tel que I'enseignent et les emplois et la forme du moi L'analyse du sens de religio contribue i dclairer 'le terme _qui chez les Romains eux-m€mes passait pour son contraile : superstitio. En efiet Ia notion de < religion > appelle pour ainsi dire en contraste celle de o su-persti-
t10n )>. C'est une notion cutieuse et qui n'a pu naitre que dans
une civilisation et
i
une dpoque oil I'esprit pouvait
se
ddtacher assez des ch_oses.de-laleligion por'rr apprdcier les formes normales et les formes exagdr6es de ii croyance ou du culte. Il_n'y a gubre que deux soci6tds oil l'on puisse observer pareille atitude, oil, de manibre inddpeniante, se sont crdds des termes qui I'expriment. En gr9c, la notion est regdue par le composd deisidaimon'ta, ddriv6 abstrait de deisidairndn, ptoptement <( qui craint les daimones >. Ce compos6, au Conrt de I'histoiie, a deux sens difidrenrs : d'abord < qui craint les dieux (da.irnones) )> comme on doit les craindre, qui est respectueux de la religion et ddv6t dans ses pratiques; puis, 272
sous I'effet d'un double procBs s6mantique, <( supersti_ tieux >>. D'une p.art, daimon a pris le sens'de'<< demin ,i; en outre, la pratique religieuseie complique d'obu..u^rr.", de plus en plus minutieuses or) interviennent Ia magie ainsi que. des influences dtrangdres. paralldlemenr s,affirrfrent de; dcoles philosophiques !ui, ddtachdes a", .tor.r-;;-t; distinguent entre le culte vrai et les pratiques l:'lrgtor,. puf lotmallsme. oe Cette dvolution est intdressante i suivre, ) l,intdrieur du grec ; mais elle rdsulte d'une prise de conscience assez tardive et limitie,
Le mot saperstitio,-par contre, avec I'adjectif ddrivd silperstitiosrlJ, a connu la m6me fortune qu, ,'rligio auquel il s'oppose._C'est le terme qui, porr ro,rr'.rJ.;;, ;h;; la notion.. En apparen..,
i. i.r*. .ri .iri., -q"rrir-i^r,
structure formelle. Mais il s'en faut _ et de-beaucoup _ !a signification nolrs apparaisse aussi clairement.' D'une-part, le mot a connu plusieurs acceptions en latin m6me. Mais aucune ne concorde avec le sens d., glt*."i, du composd ; on ne_ voit pas comment de super et de stiii serait issu Ie sens de << superstition r>. D'aprds sa forme, supeistitio devrait €tre I'abstrait cor_ respondant A superstes << survivant >. Mais comment les mettre en rapport ? car supersres lui_m6me ne signifie pas seulement << survivant >, mais dans certains empiois bien attestds << tdmoin >>. La m6me difficultd ,. prer""t. po,r, superstitio dans son rapport avec superstitioius. En admet_ tant. que superstitio ait 6t4 de quelque maniare amen6 i signifier. < superstition )>, comment concevoir que ,"purrtitiosus ait signifi6 non pas <( superstitierr" ,r, -ri, < devin o, < prophdtique r> ? la complexitd du probldme, Iimitd quant i ,,,9r,voit l'etenclue de la formation, mais de grande cons€quence oour I'histoire des croyances. C'est poirquoi le -;;;?;; rouVeflt dru_did, discutd et expliqud .h d"s sens ffEs diu"ir. Rdsumons bridvement ces interprdtations pour apprdcier tous les ildments de la discussion. a) L'interprdtation litt6rale par superstes << survivant condult a superstilto comme << sufvivance >>. Supersti,tio indiquerait alors un <( reste >> d'une vieille .roy"ii.. qof que_
>>
273
LE VoCABULATRE DES INsrrrurIoNS rNDo-EURopfrNNrs
i 1'6poque oi on I'envisage, panit superflue. A notre avis, cette explication repose sur un contfe-sens historique : ce serait pr€ter aux anciens, et dds avant la tradition fristorique, I'attitude d'esprit et le sens critique du xrx" sitscle ou de nos ethnographes modernes, qui permettent de discelner dans la religion des << survivances >> d'une 6poque plus ancienne .t qrri ne s'harmonisent pas avec le iesie ; et d'ailleurs on ne rend pas compte ainsi du sens particulier de superstitiosus. &) Dans I'dtude d'Otto sur religio, citde plus haut, le mot superstitio est dgalement considdrd. L'aureur ddfinit le sens chez les plus anciens dcrivains, mais renonce i I'expliquer par les ressources du vocabulaire latin ; il pense que superstitio est simplement la ftaduction d'un mot grec : ce serait le calque latin de 1kstasis <( extase )>. Conciusion bien surprenante, cat |kstasis n'a aucun rapport ni de forne, ni de concept, avec superstitio. Le pr6frxe ek- ne correspond pas d super; la sorcellerie, la magie sont dtrangbres au sens de |kstasis. Enfin la date m€me or) apparait le mot superstitio en latin exclut toute influence philosophique dans sa formation. De fait, cette interptdtation n'a pas 6td retenue. c) selon Miiller-Graupa ( l), superste..r esr un euph6misme pour << les esprits des morts r> : les morts sont toujours vivants ; ils peuvent toujours apparaitre ; de 1) viendrait leur qualification de superstes << survivant >>, d'oi superstitio << D?imonenwesen, essence d6moniaque _>> et aussi << croyance aux d6mons >> i superstitiosus signifierait < plein d'dldments d6moniaques, poss6dd par les mauvais esprits >> ; puis, i une dpoque de rationalisme, Ie mot aurait ddsignd la croyance aux fant6mes. L'auteur s'est lp.ergu que son explication avait d6j) 6td proposde par Schopenhauer, pour qui les fiiorrs <( survivaient (supirs" supertites) d leur destin ; superstitio serait la qualitd des
stites.
Cette conceprion est entib_rement gratuite ; jamais saperstes n'a eu ce rapport avec Ia mort; on ne voit pas qu,un mort <( srrrvive > de cette maniBre ni qu'il soit jarnais-qualifid de superstes. Dans la religion romaine, ri I"r -ort. (L) Glotta,
274
XIX,
1930,
p.
63.
RELIGION ET SUPERSTITION
ont une vie, ce n'est pas une vie de survivance, mais une
vie d'une autre essence. Enfin superstitio ne ddsiene pas la cjoyance au d6mon ; certe intruslon du ddmonia!". et du d6monique dans la norion de superstitlo esr une pure vue
de I'esprit. . /) D'autres explications ont dtd cherchdes en des voies drflerentes. Margadant (l) part, lui, du sens de << tdmoin pfopfe d. superstes et procdde tgalement pour superstitiosus du sens de < de-vin, proph5te >>. Superste.r, de < t6moin >> aurait pass6 dans supirstitioszr ar., ,.rn je o rvahr_ sagend, prophdtique >>, par I'intermddiaire de < qui diuinitus testatur >, << celui qui est un tdmoin de la divinitd >. cette idde esr bizarre ; 1l ne fanr pas introduire tu noiion de .<<.tdmoignage )> dans le domaine du divin, ,i ;";;;;l; Ilrr.drqye,en.rapporr avec la voyance. Celui qui esr doud de tacultes drvinatoires n'est pas aux yeux des Romains un << tdmoin >> de la divinit6 comme le seia le << martyr > chr6_ tie'. D'ailleuLs nous n'obtenons toujours pas l,explication du sens propre de superstitio. a 6t6 propos6e par _- e)-Enfiq, une dernibre expJication Flinck-Linkomies (2) : <( 'superstitio s'esi ddveloppd depuis le sens de supdriorit6_(Uberlegenheit, super_stiie, €tre au-dessus) par I'intermddiaire de- << pouvoii divina. torte, so^rcellene >>, pour en venir au sens de << supersti_ tion >>. ,9r1n" voit pas pourquoi << supdriorit6 > coniuit d < sorcelene )>, nr comment on passe de << sorcellerie > ) <( supefstition >>. _ Voili I'dtat prdsent du probltsme, Ici comme dans rous Jes cas semblables, une explication ne peut 6tre admise que si elle s'applique d tous les sens en lei accordant d'une manidre raisonn6e et si elle se fonde sur la signification >>
exacte des dldments composants.
Prenons les deux t"rr"r premier et dernier, silperstes sup.erstitiosus, puisque I'intermddiaite superstitio ne _ nous livre gubre qu'un substantif ddj) fixd dans le sens qu'il s'agir d'6claircir. Il y a en efiet ente le terme de base
et
superstes et Ie ddrivd second superstitiosus des difidrences
qui nous renseignent sur la signification propre, (1). Indogernaniscbe Forschungen, 48, 1930, '
(2) Dans la revue Arctos, Z, -p,
ll.
p.
284.
27'
LE VOCABULAIITE DES INSTIT'UTIONS
INDO-EUROPEENNES
Comment superstes, adjectif de superstare, peut-il signi<< survivant )> ? Cela tient au sens de super qui n'est pas pt:opfement ni seulement << au-dessus >>, mais << audel) >, de manidre i recouvrir, i former une avancde, selon Jes cas : satis saperque, c'est << assez et au-deld, assez et plus qu'assez >> ; Ie superciliurn n'est pas seulement << audessus du cil >>, il le protbge par avanc6e. La notion m€me de < supirioritd > ne marque pas seulement ce qui est <, au-dessus >>, mais quelque chose de plus, une progtession par rapport ) ce qui se trouve au-dessous. De m6me superstdre, c'est << se tenir par-del), subsister au-deli >>, en {ait par-deli un dvdnement qui a an6.anti le reste. La mort a passd dans une famille ;'\es superstites ont subsistd pardeld l'6v6nement ; celui qui a franchi un danger, Llne dpreuve, une p6riode difficile, qui y a survdcu, est su.perstes. << Je demande, dit un personnage de Plaute d une
6cr
femme, que tu puisses 6tre toujouts suruiaante b, ton mari >> ut airo tuo semper sis superstes (Cas. 817-B1B), Ce n'est pas ld le seul emploi de superstes,' << subsister par-deld r> n'est pas seulement <( avoir surv6cu ) un malheur, ) la mort x mais aussi bien << avoir ttavers6 un dvdnement quelconque et subsister par-deli cet 6v6nement )>, donc en avoir 6t6 << tdmoin >>. Ou encore << qui se tient (stat) sur (super) la chose m€me, qui y assiste ; qui est pr6sent >. Telle sera, par rapport ) l'6vdnement, la situation du t1ruoin. Nous voyons ddji ici I'explication de superstes comme << tdmoin )> qui est plusieurs fois attest6, par exemple dans un fragment d'une pibce perdue de Plante. Nunc mihi licet quiduis loqui : nemo hic adest silperstes (Plaute in Artemone apud Festus 394, 37) : << Maintenant, dit le personnage, j'ai le droit de dire tout ce que je veux; il n'y a pas de t4ruoin, je suis libre de parler >>. Cet emploi n'est pas isoli et d'auttes t6moignages permettent d'assurer qu'il est trds ancien . Chez Festus, loc. cit., superstites signifie << les tdmoins, les pr6sents > : superstites, testes, praesentes iignilicat; cuius rei testim.oniurn est quod superstitibus praesentibus ii inter quos cantrouersia est uindicias surnere iabentur << superstites signifie testes, praesentes; la preuve de ceci est que ceux entte qui s'est 6levd un litige reEoivent I'ordre de {ormuler une revendication en prdsence de tdmoins D, sil276
RELIGION ET SUPERSTITION
perstitibus praesentibus. Cicdron (Pro Murena, 12) reproduit une vieille formule en usage lors de la consdcration des routes : utrisqae superstitibus istan uiam dico ; Seruius le confirme (ad. Aen. III 3jg) : saperstes
praesenteffi signilicat. On voit la difidrence entre silperstes et testis. Etymologiquement testis est celui qui assiste en << tiers >> (', terstis) d une afiaire oil deux personnages sont intdressds; et cette conception remotte i la pdriode indo-europdenne commune. Un texte sanskrit €nonce ; (( toutes les fois que deux personnes sont en prdsence, Mitra est lA en tioi silme > ; ainsi le dieu Mitra est par narure le << tdmoin >>. Mais.superstes-dlcrit le << tdmoin >> soit comme celui << qui subsiste au-deld >>, tdmoin en m€me temps que saruiaant, soit cornme << celui qui se tient sur la chose >>, qui y est
prdsent.
. No^ur voyons i prdsent_ ce que peut et dort srgnrfier thdoriquement superstitio,la qualitd de superstes. Ce sera la < propridtd d'€tre pr6sent > en tant que << tdmoin >. Il
reste maintenant a expJiquer la relation entre le sens postul6 et celul que nous consrarons historiquement. Superstitio, en effet, est souvent associd i bariolatio << pr6diction, prophdtie >>,.fait d'€tre << devin >; plus ,orrrr"nt encote.saperstitiosrs accompagne hariolus << devin )>. Plaute le monue bien. Un parasite borgne explique son infirmit6 : << J'ai perdu mon-ceil dans un-combat ri : l,autre rdpond : << Peu m'importe que tu aies eu I'ceil crev6 dans un combat ou par .rn pof qu'on t'aura lancd i la figure Comment, s'exclame le parasite, cet homme est un devin, il a devind jqste ! >> : iaperstiiiorus hic quidenz est ; uera praedicat (Curc. 397). La << vdrird >> est Ie fait de << deviner )> ce i quoi on n'a pas assistd. De nr6me illic homo superstitiosust (Arnph. -jZ2). Dans le Rudens 1139_ ss., il est question diune femme; un des personnages
dit
;
Quid si ista aut superstitiosa aut hariolast atsue omnia quidquid inerit uera dicet ? << Et si cette femme est superstitiosa ou bariola et qu'elle dit vraiment tout ce qu'il y a (dans la cassette) ? Non feret, nisi uera dicet : nequiquan hsriolabitur.
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>>
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LE VoCABULAIRE DES INSTITUTToNS INDo-EURopf,sr.tnns
< Elle ne I'obtiendra qu'en disant la v6rit6 ; la sorcellerie n'y fera rien. On discerne la solution : superstitio,rtJ est celui qui est << dou6 de la vertu de superstitlo r> c'est-i-dire << qii uera praedicat >>, le devin, celui qui parle d'une chose pass6e comme s'il y auait rdelleruent 6td : la << divination >> dans ces exemples ne s'applique pas au futur, mais au pass6, Superstitio est le don de seconde vue qui pefmet de connaitre le pass6 comme si on y avait 6t6 prdsent, saperstes.. Voil) pourquoi saperstitiosas dnonce la propridtd de n double vue >> qu'on attribue aux <( voyants->>, celle d'dtre << t6moin >> d'dvdnements auxquels on n'a pas assist6. >>
Le mot est constamment associd dans I'usage commun i hariolus, mais c'est dans la langue des devins qu'il a dt acqudrir ce sens de << prdsence >> (magique). Au reste c'est toujours _dans les vocabulaires spdciaux que les mots gagnent leur signification technique. Nous en avons un e_xemple en franEais avec le mat uoyant << celui qui est doui de vue >>, mais au-deli de la vue ordinaire, < doud de la seconde vue )>. Ainsi les termes s'ordonnent rdgulibrement : saperstes, celui-qui peut passer pour <( tdmoin >> pour avoii assist6 ) une chose accomplie ; superstitio, << don de prdsence >>, tacult6-de t6moigner comme si on y avait €t6; superstitiosns, celui qui.est pourvu d'un < don de prdsence >, qui lui permet d'avoir 6td dans le passd : c'esf le sens q,rd nous constatons chez Plaute (1").Mais comment expliquer le sens moderne ? En rdalit6, il apparait en dernier dans I'histoire sdmantique du mot. Du sens qu'on vient de d6crire et qui a dff naiffe dans - nous est familier, l'6vola langue des devins i celui qui - Les Romains avaient horreur des lution se laisse retracer. pratiques divinatoires ; il les tenaient pour charlatanisme ; les sorciers, Ies devins 6taient m6pris6s, et d'autant plus que pour la plupart, ils venaient de pays dtrangers.-Jzrperstitio, associd de ce fait i des pratiques fdprouvdes, a pris une couleur ddfavorable. Il a ddnommd de bonne heure des pratiques d'une fausse religion considdrdes
RELIGION ET SUPERSTITION
comme vaines et basses, indignes d'un esprit raisonnable. Les .Romains, fidEles aux augures officieis, ont toujours condamn6 le recours ) la magie, ) la divination, d des
pratiques jugdes pu6riles. C'est alors, suf ce sens de nrdprisables >> qu'un adjectif nou-religieuses veau s'est formd par une nouvelle ddrivation i oartir du mot de base : superstitiosus, << qui s,adonne iria superstitio >> ou se laisse influencer par elle. De li s,est ddgagde une nouvelle id6e de 7a supirstitio, par antithBse avec religio; et qui a produit ce nouvel adjectif superstitiosus <( supershtieux )>, entibrement distinit du prlmier. antithdtique de religiosur avec la m€me formation. Mais c'est la vue dclair6e, philosophique, des Romains rationalisants qui a dissocif ,iligli, ie scrupule religieux, le culte authentique, de\la superstitio, foime d6giad6e, pervertie, de la religion. Ainsi se prdcise Ie lien entre les deux valeurs successives,de superstitio, refldtant d'abord l,6tat des uoyances populaires, puis I'attitude dcs Rrmains raditionnels i I'6gard de ces croyances. <( croyances
(1) Cette solution a dr6 esquiss€e dans la Reuue des Etudes Latines, 16, 1938, p. 35.
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