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Cours et exercices corrigés Licence 3 • Master • Écoles d’ingénieurs
LIAISONS CHIMIQUES Structure et réac...
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Cours et exercices corrigés Licence 3 • Master • Écoles d’ingénieurs
LIAISONS CHIMIQUES Structure et réactivité
Alain Sevin Christine Dézarnaud-Dandine
LIAISONS CHIMIQUES Structure et réactivité
LIAISONS CHIMIQUES Structure et réactivité
Alain Sevin Directeur de recherche au CNRS Ingénieur E.N.S.C.P., ancien enseignant à l’École Polytechnique et à l’École Nationale Supérieure de Techniques Avancées
Christine Dézarnaud-Dandine Maître de conférences à Paris VI Docteur en chimie-physique (Paris VI) Docteur en philosophie (Paris IV)
Illustration de couverture : DigitalVision
Ce pictogramme mérite une explication. Son objet est d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit, particulièrement dans le domaine de l’édition technique et universitaire, le développement massif du photocopillage. Le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit en effet expressément la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or, cette pratique s’est généralisée dans les
établissements d’enseignement supérieur, provoquant une baisse brutale des achats de livres et de revues, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée. Nous rappelons donc que toute reproduction, partielle ou totale, de la présente publication est interdite sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC, 20 rue des GrandsAugustins, 75006 Paris).
© Dunod, Paris, 2006 ISBN 2 10 049499 6
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Préface
Les modèles en science sont bâtis de bien des façons. Il est possible de partir d’un point de vue purement empirique. Ou bien d’idées préconçues sur les facteurs physiques qui sont à considérer. Il est également possible de partir de la théorie complète (tout en sachant que ce qui a pu passer quelque temps pour complet peut se révéler en réalité ne pas l’être, songeons à la mécanique newtonienne et à la mécanique quantique.) Nous prenons alors cette théorie complète et en détachons certains morceaux, réduisant ainsi la complexité jusqu’à ce que nous obtenions quelque chose de simple et d’aisément traitable. Puis, nous réintroduisons la complexité, par petites étapes, afin d’atteindre une meilleure simulation de la réalité. À première vue, la théorie de la liaison chimique semble un bel exercice consacré à cette construction de modèle. Nous avons l’équation de Schrödinger. Nous pouvons la résoudre pour l’atome H. Nous rencontrons alors de grandes, grandes difficultés, pour obtenir des solutions pour les atomes comportant plusieurs électrons, sans parler des molécules. Est-ce pour autant que nous baissons les bras ? Certes non; nous négligeons l’interaction électron/électron et nous construisons une théorie monoélectronique des molécules, utilisant les orbitales atomiques. Puis, nous commençons à réintroduire ce que nous avons laissé en route. Ah, si les choses étaient aussi simples ! En fait, si nous suivions cette voie sommaire, nous n’arriverions jamais à un contact fécond avec la chimie. Au lieu de cela, un autre fait apparaît dans la théorie, à la fois simple mais aux conséquences immenses, que les auteurs introduisent dans cet ouvrage. Revenant à l’équation qui a été élaguée, ils retiennent l’essentiel du langage de la mécanique quantique, de la méthode variationnelle, des orbitales moléculaires, de la théorie des perturbations et de la théorie des groupes. Mais ce qui rend l’ensemble prédictif et productif, ce n’est pas la réintroduction des termes négligés, ou le fait de savoir si l’expression des
VI
Liaisons chimiques
perturbations converge. Au lieu de ces préoccupations, dans cette façon hybride de construire des modèles, d’autres approximations sont introduites, telle que la proportionnalité approximative des éléments de matrice aux intégrales de recouvrement. Ces nouvelles approximations sont moins justifiées par la tâche de reconstituer la théorie qui a été tronquée que par le désir d’élaborer un lien avec les idées de la chimie : notion de liaison, de conjugaison, d’effet de substituant, d’acide ou de base. Le langage de la chimie, consacré par le temps, est explicitement graphique. Au premier abord, la mécanique quantique semble bien éloignée du monde de la chimie : tout ce dont nous semblons disposer sont des probabilités, et avant tout des mathématiques appliquées. Mais les Orbitales Atomiques (sous forme réelle, devenant plus réelles à mesure que nous les utilisons) sont le pont entre les deux langages. Les Orbitales Moléculaires sont avant tout graphiques et, grâce aux notions liées aux diagrammes d’interaction et aux Orbitales Frontières, elles permettent de bâtir une logique qui, d’une certaine manière, relevant à la fois du graphique et de la syntaxe, s’assimile à celle qui régit la réactivité et la synthèse. La façon dont la mécanique quantique évolue vers un véritable modèle chimique est remarquable ! Roald Hoffmann (prix Nobel de chimie 1981)
Table des matières
PRÉFACE
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AVANT-PROPOS
V XIII
CHAPITRE 1 • DES ORBITALES ATOMIQUES AUX ORBITALES MOLÉCULAIRES
1
1.1
Introduction 1.1.1 Unités et ordres de grandeur 1.1.2 Unités d’énergie 1.1.3 Unités atomiques 1.1.4 Conventions de signe pour l’énergie 1.1.5 Les principaux opérateurs de la chimie quantique
1 2 3 3 3 4
1.2
Principes de quantification 1.2.1 La fonction d’onde 1.2.2 Relation au temps 1.2.3 Longueur d’onde associée à une particule 1.2.4 Principe de correspondance : mécanique classique Ù mécanique quantique 1.2.5 Équation de Schrödinger 1.2.6 Notation de Dirac 1.2.7 Méthode utilisée dans la suite de ce chapitre
5 6 6 6 7 7 8 8
1.3
Onde plane à une dimension 1.3.1 Dérivation de l’équation de Schrödinger à une dimension
9 10
1.4
L’atome de Bohr 1.4.1 Énergies des OA d’après le modèle de Bohr 1.4.2 Nature des OA des atomes selon le modèle de Bohr
12 14 15
VIII
Liaisons chimiques
1.5
Résolution de l’équation de Schrödinger pour un atome hydrogénoïde
17
1.6
Fonctions d’onde hydrogénoïdes : nombres n, l, m
19
1.7
Forme mathématique des fonctions d’onde : le concept d’Orbitale Atomique (OA)
20
1.7.1 Étude des parties radiales 1.7.2 Étude des parties angulaires 1.7.3 Représentation conventionnelle des Orbitales Atomiques
21 23 24
1.8
Orbitales atomiques des atomes réels
24
1.9
L’ion moléculaire H2+
26
1.9.1 Élaboration d’une fonction d’essai et résolution mathématique correspondante 1.9.2 Signification physique de Ψ1 et Ψ2 1.9.3 Résolution explicite de l’ensemble des équations obtenues
28 29 30
1.10 Exposé qualitatif condensé du contenu des pages précédentes 1.10.1 1.10.2 1.10.3 1.10.4 1.10.5 1.10.6
Détermination des Orbitales Atomiques (OA) Conventions de dessin Propriétés associées aux OA Orbitales Atomiques des atomes réels Construction de la classification périodique Électrons de valence
33 33 34 34 35 36 37
EXERCICES
38
1.1
(*) Les principaux constituants de l’atome
38
1.2
(**) Les Orbitales Atomiques de l’atome d’hydrogène
39
1.3
(**) Orthogonalité des Orbitales Atomiques 1s et 2s, d’une part et 2s et 2pz d’autre part
40
1.4
(**) Potentiel d’Ionisation, Affinité Électronique et électronégativité
41
1.5
(***) Densité de probabilité radiale de l’orbitale 1s
43
1.6
(***) Étude de la molécule d’azote
46
1.7
(***) Le diagramme des niveaux d’énergie de la molécule LiH
50
1.8
(*) Un modèle homothétique de l’atome d’hydrogène et son électron
52
1.9
(**) Potentiel d’ionisation et configuration électronique
52
1.10 (**) Énergies selon la théorie de l’atome de Bohr
53
CHAPITRE 2 • LA MÉTHODE DE HÜCKEL APPLIQUÉE AUX ORBITALES MOLÉCULAIRES
55
2.1
Obtention de la fonction d’onde d’une molécule : Orbitales Moléculaires (OM)
55
2.2
Représentation graphique du recouvrement
56
2.3
Intégrales de résonance Hik
57
2.4
Résolution dans le cas général
58
Table des matières
IX
2.5
Énergies et fonctions d’onde associées pour la molécule H2
59
2.6
Méthode de Hückel généralisée et méthode de Hückel dite « simple »
60
2.7
Rôle fondamental de la symétrie
61
2.7.1 2.7.2 2.7.3 2.7.4 2.7.5 2.7.6 2.7.7
61 66 68 72 74 74
Notion de symétrie locale Quelques propriétés de symétrie déduites de l’examen d’un jeu de boules Généralisation des résultats empiriques précédents Aperçus qualitatifs sur la théorie des groupes à l’usage des chimistes Conventions pour le choix des axes et des opérations de symétrie spatiale Exemples de groupes ponctuels : Cs et C2v , définitions et généralités Un théorème fondamental relatif aux éléments de matrice du type Oij = < Ψi Oˆ Ψj > 2.7.8 Étude de la molécule AH2 dans la géométrie C2v 2.7.9 Étude de C2H4 (groupe D2h) 2.7.10 Étude d’un groupe comportant des représentations irréductibles dégénérées : C3v
81
EXERCICES
84
2.1
(**) De l’emploi du jeu de boules dans le traitement du recouvrement entre OA de type 2p
84
2.2
(***) La notion d’Orbitales de Symétrie dans le cas d’une molécule carrée
87
2.3
(**) Le groupe ponctuel D3h : étude de la molécule AlCl3
93
2.4
(**) Symétrie de quelques molécules usuelles
99
2.5
(***) Étude des OM de l’ammoniac NH3
102
2.6
(***) Étude de la molécule F2
106
CHAPITRE 3 • POLYÈNES ET ANNULÈNES 3.1
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77 77 80
111
Dessin des hybrides d’OA
111
3.1.1 Composition vectorielle des OA 2p
112
3.2
Recouvrements du type σ et π
114
3.3
Construction des OM de l’éthylène
116
3.3.1 Obtention des OM π 3.3.2 Cas du déterminant 10 × 10 3.3.3 Bilan thermodynamique
117 117 118
Polyènes et annulènes
119
3.4.1 Conventions de dessin
121
3.5
Polyènes : propriétés générales
121
3.6
Propriétés des solutions de C. A. Coulson pour les polyènes
122
3.6.2 Propriétés des coefficients c1 et cN
123
Propriétés de symétrie des coefficients
124
3.4
3.7
X
Liaisons chimiques
3.8
Annulènes : énergies et OM associées 3.8.1 Construction graphique des solutions de l’énergie pour un annulène 3.8.2 Étude du motif cyclopropényle : C3H3 3.8.3 Remplissage des niveaux électroniques du radical cyclopropényle
125 127 128 129
3.9
Comparaison entre le système allylique C3H5 et le système cyclopropénique C3H3 3.9.1 Comparaison du cation et de l’anion allyle au cation cyclopropényle 3.9.2 La résonance dans le système allylique
130 131 131
3.10 Charges et indices de liaison π 3.10.1 Applications : éthylène C2H4, C3H5 et C3H3 (radicaux, cations et anions)
132 132
3.11 Énergie de conjugaison
135
3.12 Étude comparative du butadiène et du cyclobutadiène 3.12.1 Étude du butadiène
136 136
3.13 Les composés butadièniques dans l’industrie et la nature
138
3.14 Étude du cyclobutadiène
141
3.15 Annulènes (arènes) : aromaticité et antiaromaticité
142
3.16 Un exemple récent d’application des règles d’aromaticité
145
APPLICATIONS
147
3.A. Traitement des hétéroatomes par la méthode de Hückel
147
3.B. Paramétrisation de la méthode de Hückel pour les hétéroatomes
149
3.C. Utilisation de la table précédente : obtention des OM du formaldéhyde
150
3.D. Étude des valeurs propres d’un déterminant 2 × 2 en fonction de k
151
3.E. Comparaison de deux systèmes comportant un atome d’oxygène
153
EXERCICES
154
Exercice 3.1 (*)
154
Exercice 3.2 (**)
156
Exercice 3.3 (**)
158
Exercice 3.4 (**)
159
Exercice 3.5 (**)
162
Exercice 3.6 (**)
164
Exercice 3.7 (***)
166
CHAPITRE 4 • DE LA CHIMIE CONSIDÉRÉE COMME UNE APPLICATION DE LA THÉORIE DES PERTURBATIONS
169
4.1
169
Le cadre conceptuel de la théorie des perturbations appliquée à la chimie
Table des matières
4.2
Exposé succinct de la théorie des perturbations
170
4.3
Résolution approchée de (4.5) dans le cas de deux niveaux quasi-dégénérés
172
4.4
Résolution approchée de (4.5) dans le cas de deux niveaux éloignés en énergie 4.4.1 Dessin des fonctions d’onde associées
174 175
4.5
Établissement d’une règle d’or : interaction d’une OM d’un fragment avec plusieurs OM d’un partenaire
176
4.6
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XI
Dessin qualitatif des fonctions d’onde résultant des interactions de perturbation 4.6.1 Construction d’une fonction d’onde de perturbation dans le cas de deux niveaux dégénérés 4.6.2 Construction d’une fonction d’onde de perturbation dans le cas de deux niveaux non dégénérés
177
4.7
Théorie des Orbitales Moléculaires frontières 4.7.1 Les OM frontières
182 182
4.8
Donneurs et accepteurs d’électrons
184
4.9
Interactions entre OM frontières
185
178 180
4.10 Interaction entre un donneur et un accepteur d’électrons
187
4.11 Extension de la théorie des OM frontières
188
APPLICATIONS
190
4.A. Interaction des OM du formaldéhyde avec un électrophile
190
4.B. Interaction entre une cétone ou un aldéhyde et un nucléophile : additions aux composés carbonylés
192
4.C. Compétition entre addition [1-2] et addition [1-4] sur les cétones et aldéhyde conjugués (réactions de Michäel)
195
4.D. Obtention qualitative des OM du furanne
199
4.E. Comparaison d’une addition électrophile (H+) et une addition nucléophile (H–) à l’éthylène
201
EXERCICES
205
Exercice 4.1 (*) Rôle du recouvrement dans les interactions à quatre électrons
205
Exercice 4.2 (*) Étude du proton solvaté [H5O2]+ par la méthode des perturbations
206
Exercice 4.3 (**) Étude de l’interaction Donneur/Accepteur
207
Exercice 4.4 (***) Étude des composés en série oxazole
211
Exercice 4.5 (**) Étude du triméthylèneméthane
215
BIBLIOGRAPHIE
221
Un cinquième chapitre intitulé : Théorie des perturbations, symétrie et topologie. Applications aux réactions de cycloaddition et d’électrocylisation ainsi que de nombreux exercices corrigés en relation avec les chapitres 4 et 5 sont disponibles sur Internet.
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Avant-propos
Cet ouvrage est le résultat d’une longue expérience de l’enseignement des notions fondamentales relatives à la liaison chimique et la réactivité des molécules. Notre but est de fournir aux étudiants les bases nécessaires à la compréhension, l’analyse et l’utilisation des principaux concepts qui constituent le langage unitaire de la chimie, dans l’ensemble de ses applications. Ce langage repose sur une base assurée : la mécanique quantique. Dans un souci de simplification, d’efficacité et de pédagogie, les chimistes théoriciens, suivant en ce domaine les travaux de pionnier de Roald Hoffmann et de son école de pensée qui ont élaboré une approche qualitative fondée sur des concepts relevant de la pratique expérimentale. Au premier rang de ces concepts, nous citerons les Orbitales Atomiques (OA) permettant de construire de façon simple, en les combinant, les Orbitales Moléculaires (OM.) Nous nous sommes efforcés tout au long de cet ouvrage de montrer que des considérations très simples, largement basées sur des applications graphiques, permettent de résoudre directement la plupart des problèmes rencontrés. À cet effet, des considérations élémentaires de symétrie sont déterminantes. Dans chaque chapitre, nous avons tout particulièrement mis l’accent sur les applications des notions exposées. Ces multiples applications sont traitées sous la forme d’exemples au fil du texte mais aussi, à la fin des chapitres, sous la forme de problèmes complémentaires résolus en détail et d’exercices variés dont la solution est également fournie. Le niveau de difficulté des exercices est indiqué par le nombre d’astérisques (*). Dans une courte partie introductive, avant tout par souci de cohésion, nous rappelons quelques résultats fondamentaux de la mécanique quantique en vue de leur utilisation ultérieure. L’étudiant peu porté à ces développements mathématiques, peut directement rejoindre leur exposé qualitatif, donné un peu plus loin. Nous abordons ensuite la notion centrale d’OA qui permet, à l’aide de transformations élémentaires, de construire les OM. Nous illustrons très largement la méthode simplifiée
XIV
Liaisons chimiques
d’obtention des OM (méthode de Hückel dite « simple ») à l’aide de très nombreux exemples. L’étude des polyènes usuels, ouverts ou fermés (annulènes) permet d’illustrer les multiples propriétés qui sont aisément déduites de la nature des OM et du décompte électronique. Les propriétés structurelles des molécules sont alors utilisées pour l’étude de la réactivité. Nous abordons ensuite le second point central de notre ouvrage : l’exposé qualitatif de la théorie des perturbations mise au point à l’usage des chimistes. En utilisant la définition très simple des Orbitales Frontières, la théorie des perturbations nous permet d’aborder la réactivité des systèmes. Nous donnons de très nombreux exemples d’utilisation de cette méthode. L’étude des réactions de cycloadditions se prête particulièrement bien à ce type d’application et nous permet de traiter de nombreux points effectivement rencontrés lors de la synthèse des molécules. D’importants compléments comportant les réactions électrocycliques dans le cadre des règles de Woodward et Hoffmann ainsi que de nombreux exercices corrigés sont également disponibles sur le site web www.dunod.com. Tout au long de cet ouvrage, nous avons cherché à montrer que les concepts mathématiques abstraits, une fois traduits dans un langage adapté à la réalité moléculaire, restent d’un emploi simple et efficace en faisant appel à des notions de symétrie élémentaires et aussi, il convient de le signaler, de conventions graphiques. L’usage intensif du dessin schématique permet le plus souvent de montrer que l’intuition spatiale relaie et très souvent surpasse en pouvoir explicatif la sécheresse des résultats du calcul. Ce dernier reste toujours possible, mais n’est que très rarement nécessaire, comme s’il était pour le chimiste un défaut d’imagination créatrice. Les auteurs
Chapitre 1
Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
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1.1
INTRODUCTION
Ce chapitre a pour but de fournir à des étudiants ayant des formations variées, le moyen de s’adapter aux concepts communément utilisés par les chimistes. Ainsi, certains seront amenés à revoir des notions un peu familières, pour d’autres, nous proposons une approche progressive des principales notions relatives aux Orbitales Atomiques (OA), puis aux Orbitales Moléculaires (OM). Nous partirons de modèles mathématiques simples et familiers à tous, pour montrer comment nous parvenons, par étapes, aux techniques quantiques indispensables à la compréhension et à l’étude des structures chimiques ainsi qu’à leur réactivité. Il est bien entendu que l’ensemble des démonstrations et des calculs contenus dans ce chapitre n’est donné que pour illustrer la cohérence de notre approche. Les résultats essentiels pour la suite du cours seront alors signalés dans le cours de l’exposé. Nous avons tenu à montrer comment ces derniers dérivent de considérations théoriques rigoureuses, sans qu’il soit toutefois nécessaire de s’attarder sur les aspects mathématiques qui les sous-tendent. En toute rigueur, une approche purement empirique, partant des résultats établis est également possible; elle a l’inconvénient de mettre au premier plan des concepts et des résultats qui peuvent paraître arbitraires pour quiconque n’en a pas suivi l’élaboration. En ce domaine, il appartient à chacun de suivre sa méthode de travail personnelle. Il est clair que ce chapitre ne constitue que la mise au point d’outils dont seules les applications futures justifient l’apparente complexité. Nous donnons rendez-vous au paragraphe 1-10 aux lecteurs peu portés sur le formalisme mathématique.
2
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
1.1.1 Unités et ordres de grandeur Avant d’entrer dans les détails des démonstrations, il est important de donner quelques définitions et surtout de définir les unités et les ordres de grandeur des quantités que nous aurons à utiliser dans toute la suite du cours. Il est justifié de définir la chimie comme la science de la matière pondérale. Par le biais de cette notion, nous introduisons les deux notions annexes de taille et d’énergie. Les composés que manient les chimistes sont caractérisés par des assemblages d’atomes, nommés selon les circonstances molécules, complexes, radicaux, polymères, agrégats, etc. Toutes ces entités ont en commun le fait de posséder des atomes liés entre eux : le concept de liaison chimique est central dans toute description de la structure et de l’évolution de la matière qui nous entoure. Une liaison chimique résulte de l’union stable dans le temps, et sous certaines conditions énergétiques, de deux ou plusieurs atomes. De multiples observations expérimentales montrent que les distances interatomiques varient entre 10 – 10 m et 3 · 10 – 10 m. L’unité usuelle de mesure est l’Ångström (Å). 1 Å = 10 – 10 m = 10 – 8 cm Quelques longueurs de liaisons, ainsi que les énergies de liaison associées1 sont données dans le tableau 1.1, il s’agit de valeurs moyennes. Tableau 1.1 Liaison
Longueur moyenne (Å)
Énergie (kcal · mole– 1)
H–H
0,74
103
C–H
1,09
95-100
C–C
1,54
80-90
C=C
1,34
155
C=C
1,20
> 200
C-O
1,40
85
C=O
1,20
160-180
C–Cl
1,70
70
C–F
1,40
110
Le tableau précédent montre qu’à une longueur donnée, donc à un mode de liaison donné (simple, double, triple), est associée une énergie de liaison. Nous reviendrons très largement en détail sur ce point dans la suite du cours. 1. L’énergie de liaison est définie comme l’énergie que l’on doit fournir pour dissocier la liaison considérée en ses composants.
1.1
Introduction
3
1.1.2 Unités d’énergie Différents systèmes d’unités sont couramment utilisés. Leur emploi est avant tout gouverné par la pratique et dépend des techniques d’observation. Les unités suivantes ainsi que les facteurs de conversion, sont d’un usage universel. kilocalorie par mole
kcal · mole– 1
kiloJoule par mole
kJ · mole– 1
électronVolt
eV (rapporté à 1 mole)
unité atomique
u. a. (rapportée à 1 mole)
(centimètre)– 1
cm– 1 (unité spectroscopique)a
a. Le cm– 1, nombre d’onde, égal à 1/λ (λ longueur d’onde), est rapporté à l’énergie par l’expression E = hν = hc/λ. 1 eV = 23,06 kcal · mole– 1 = 8 066 cm– 1 ; 1 kJ · mole– 1 = 0,239 kcal · mole– 1 ; 1 kcal · mole– 1 = 4,18 kJ · mole– 1 ; 1 u. a. (ou hartree) = 627,52 kcal · mole– 1 = 27,21 eV.
Dans la suite de ce chapitre, nous utiliserons largement les unités atomiques (u. a.) dont nous allons préciser la nature.
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1.1.3 Unités atomiques En mécanique quantique, il est pratique d’utiliser un système d’unités pour lequel nous fixons la plupart des constantes usuelles à 1. Il faut alors adapter les autres unités à l’aide de facteurs de conversion. Dans ce système, nous prenons comme unité de masse celle de l’électron. La valeur absolue de sa charge est fixée à 1. L’unité de longueur est le Bohr notée a0. Masse de l’électron est égale à 1 Charge de l’électron en valeur absolue égale à 1 Longueur de liaison en Bohr a0 (1 a0 = 0,592 Å) 4πε0 = 1 h/2π = h– = 1 1.1.4 Conventions de signe pour l’énergie Dans toute la suite de cet ouvrage, nous serons appelés à utiliser différentes définitions de l’énergie, les plus courantes étant l’électronVolt (eV) et les unités atomiques (u. a.). Il s’agit d’un usage essentiellement pratique qui ne tient pas toujours compte des recommandations officielles. Ce choix d’unités est lié à la nature des calculs quantiques, tous effectués en u. a. et dont les valeurs numériques sont converties ensuite dans des unités adéquates. Ces dernières dépendent largement des habitudes des utilisateurs. Prenons un exemple. Les spectroscopistes utilisent généralement le nombre d’onde en cm– 1 parce que leurs résultats sont fournis par leurs appareils
4
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
avec cette unité. Il est toujours possible de se ramener à un système où le mètre servirait d’étalon, mais les nombres convertis n’évoqueraient rien pour un utilisateur au quotidien de ces techniques. Il en va de même pour les u. a. qui ne sont ni parlantes ni pratiques pour le chimiste expérimentateur. L’énergie d’un atome isolé de taille moyenne, qui atteint plusieurs milliers d’u. a. soit des milliers de fois 627,52 kcal · mole– 1 n’a rien à voir avec les énergies de référence du chimiste qui étudie des réactions usuelles où les énergies mises en jeu sont de l’ordre de 100 à 200 kcal · mole– 1, pour fixer les idées (voir tableau 1.1). Dans tout ce qui suit, nous allons considérer des énergies liées aux propriétés électroniques des atomes. Il importe avant tout de préciser les conventions thermodynamiques. L’énergie d’un électron lié à un système est négative, comme le montre le calcul le plus élémentaire. Elle est proportionnelle à – Z 2/n2, Z étant la charge du noyau et n le nombre quantique principal de l’atome considéré (voir plus loin). Plus cette énergie est négative, plus la force de liaison est grande. Une réaction quelconque s’écrit sous la forme conventionnelle : Réactifs → Produits Le bilan thermodynamique s’établit selon l’expression : ∆E (réaction) = E (Produits) – E (Réactifs) Si ∆E est < 0 la réaction est exothermique, si ∆E est > 0 elle est endothermique. 1.1.5 Les principaux opérateurs de la chimie quantique Dans les développements qui suivent, nous aurons à utiliser les opérateurs de la mécanique quantique. Les opérateurs usuels tels que × (multiplié par); / (divisé par), opèrent aussi bien sur des nombres que sur des fonctions ou des vecteurs. D’autres d opérateurs jouent un rôle important. Au premier rang, nous citerons l’opérateur dq (dérivé par rapport à la variable q), et les opérateurs associés en coordonnées cartésiennes. Le premier est l’opérateur gradient. Dans un repère cartésien normé i, j, k, il s’écrit :
Ê d d d ˆ —=Á ◊i + ◊j+ ◊k Ë dx dy d z ˜¯ L’opérateur laplacien est égal au carré du précédent, et par suite de l’orthogonalité de la base, il est égal à :
Ê d2 d2 d2 ˆ —2 = Á 2 + 2 + 2 ˜ dy dz ¯ Ë dx Les deux grands opérateurs Lˆ et Hˆ utilisés en mécanique classique définis à partir des opérateurs énergie cinétique ( Tˆ ) et énergie potentielle ( Vˆ ) sont : – le lagrangien qu’on écrit Lˆ = Tˆ - Vˆ ; – l’hamiltonien ayant pour formule Hˆ = Tˆ + Vˆ .
1.2
Principes de quantification
5
Dans la suite de l’ouvrage, c’est uniquement l’opérateur hamiltonien ( Hˆ ) que nous utiliserons. Il est possible de démontrer que dans un système possédant un potentiel central de la forme (r – 1) (r étant la distance noyau-électron), on a la relation : 2 Tˆ + Vˆ = 0, (théorème dit « du viriel »).1 À retenir :
Hˆ (opérateur hamiltonien) = Tˆ (opérateur E cin.) + Vˆ (opérateur E pot.) 2Tˆ + Vˆ = 0 (si le potentiel central est de la forme 1/r, théorème du viriel) Les éléments de volume à utiliser sont : • dv = dx · dy · dz (coordonnées cartésiennes); • dv = r2sinθ dr dθ dφ (coordonnées polaires r, θ, φ) : r ∈ [0, ∞[; θ ∈ [0, π]; φ ∈ [0, 2π]. Un certain nombre d’intégrales classiques utilisées dans certaines applications futures sont rappelées ci-après : •
Ú1
•
Ú0 Ú
x n e - ax d x = x n e - ax d x =
+ 1 n - ax x e dx -1
Ú sin
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1.2
2
n !e - a a n +1 n! a n +1
= ( - 1)
ax d x =
n
Â
k =0 n +1
ak = An ( a ) k! An ( - a ) - An ( a )
x 1 + sin 2 x + constante 2 4a
PRINCIPES DE QUANTIFICATION
Il importe de bien considérer que le formalisme décrit dans ce paragraphe a une origine expérimentale. C’est afin de résoudre les paradoxes apparents qui résultaient des mesures physiques effectuées sur les propriétés électroniques des atomes, que les plus grands noms de la physique de la fin du XIXe et du début du XXe siècle se sont unis pour mettre au point la méthode mathématique que nous allons décrire rapidement. Il est bien clair qu’aujourd’hui, la plupart des traités spécialisés présentent l’ensemble des résultats sous une forme axiomatique. Cela risque de nous faire oublier que cette dernière formulation n’est venue qu’après la mise au point des 1. Une démonstration rigoureuse se trouve dans C. Cohen-Tannoudji, B. Diu, F. Laloë, Mécanique Quantique, Hermann, Paris, page 1179 et suivantes.
6
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
postulats que nous allons énoncer. En fait, la mécanique quantique ne repose que sur un petit nombre de postulats. L’interprétation de ces derniers continue de susciter des interrogations, mais leur « réussite » est justifiée a posteriori par près d’un siècle de succès. Nous l’illustrerons par de nombreux exemples dans la suite de ce cours. 1.2.1 La fonction d’onde Un système donné de particules est complètement décrit par sa fonction d’onde Ψ. Cette fonction dépend de toutes les variables dynamiques : positions, vitesses, masse des particules composant le système. Elle peut comporter une partie complexe, mais dans la suite du cours, nous n’utiliserons que des fonctions réelles. En tant que telle, la fonction Ψ n’a pas de signification physique, par contre, pour une particule donnée i, le produit Ψ(i)*Ψ(i)dv (réel), représente la probabilité de trouver la particule i dans l’élément de volume dv. Il est dès lors évident que : •
Ú0
Ψ * (i ) Ψ (i ) d v (i ) = 1
(1.1)
ce qui atteste l’existence de la particule i. La fonction d’onde est liée à l’énergie du système selon l’équation de Schrödinger via l’opérateur hamiltonien Hˆ (voir plus haut) : (1.2) Hˆ Ψ = E Ψ 1.2.2 Relation au temps La fonction Ψ est liée à l’évolution temporelle du système selon l’équation d’évolution :
ih ∂ Ψ = Hˆ Ψ 2π ∂ t dans laquelle Hˆ est l’opérateur hamiltonien, qui ne dépend pas explicitement de t. Pour une valeur propre Ψn de l’équation de Schrödinger, nous avons donc : ih ∂ Ψ n = En Ψ n 2π ∂ t ce qui entraîne : -
ihEn t 2π
(1.3) Ψ n = Ψ n( xi ) e où la fonction Ψn(xi) ne dépend que des coordonnées spatiales xi et non du temps. Pour un état stationnaire, indépendant du temps, nous ne traiterons que de telles fonctions. 1.2.3 Longueur d’onde associée à une particule Nous devons à Louis de Broglie (1892-1987) la relation suivante, postulée en 1924 : à toute particule en mouvement, dotée d’une masse m, et d’impulsion p (avec p = mv), est associée une onde de longueur d’onde λ telle que :
1.2
Principes de quantification
7
λ=
h h = mv p
(1.4)
(h étant la constante de Planck.) 1.2.4 Principe de correspondance : mécanique classique Ù mécanique quantique L’utilisation des postulats énoncés par Louis de Broglie permet d’établir de manière simple une correspondance entre les opérateurs de la mécanique classique et ceux de la mécanique quantique. On opère de la façon suivante :
Mécanique classique
Mécanique quantique
position (x, y, z)
<===>
impulsion (p = mv)
<===>
(x, y, z)
p=-
ih — 2π
L’impulsion p = mv de la mécanique classique est remplacée par l’opérateur gradient (dérivée par rapport aux coordonnées spatiales définie plus haut) multiplié par une constante imaginaire. On déduit de cette correspondance un résultat fondamental concernant l’opérateur énergie cinétique Tˆ en mécanique quantique. En 1 1 2 effet, dans l’expression classique T = mv 2 , nous avons T = p qui devient : 2 2m 2 1 Ê ih ˆ — Á ˜ , soit : 2m Ë 2π ¯
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h2 Tˆ = - 2 —2 8π m Exprimée en unités atomiques (m = 1), cette égalité prend la forme suivante : 1 Tˆ = - —2 (pour un électron) 2 Tˆ = -
1 —2 ( A) (pour une particule de masse MA) 2M A
Remarque : la masse du proton est égale à 1 840 fois celle de l’électron. 1.2.5 Équation de Schrödinger L’équation de Schrödinger, pour un état stationnaire, s’écrit :
Hˆ Ψ = E Ψ
(1.5)
8
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
Partant de cette équation, deux possibilités s’offrent à nous. La première consiste à travailler sous la forme différentielle, qui s’écrit, pour un seul électron et compte tenu du résultat établi au paragraphe 1.2.3 :
-
1 2 — Ψ + Vˆ Ψ = E Ψ 2
(
)
1 2 (1.6) — Ψ + Vˆ - E Ψ = 0 2 Nous pouvons également utiliser la forme intégrée de l’équation de départ en multipliant à gauche par Ψ*, puis en intégrant sur toutes les variables spatiales, ce que nous symbolisons de la façon suivante : -
soit :
Ú Ψ * ( Hˆ Ψ ) d v = Ú Ψ * ( E Ψ ) d v = E Ú Ψ * Ψ d v
(1.7)
(E est un scalaire multiplicatif qu’on sort de l’intégration.) 1.2.6 Notation de Dirac Afin d’éviter de traiter sans arrêt des signes d’intégration, il est devenu d’un usage universel d’utiliser la notation symbolique proposée par P. A. M. Dirac (1902-1984). Dans cette notation, la fonction d’onde est assimilée à un vecteur généralisé que nous écrivons sous la forme du ket Ψ > . Sa partie conjuguée, Ψ* s’écrit sous la forme du bra < Ψ. La valeur propre d’un opérateur Oˆ s’écrit selon la convention :
Ú Ψ * (Oˆ Ψ ) d v = < Ψ * Oˆ Ψ >
Cette écriture signifie : l’opérateur Oˆ agit d’abord sur Ψ. Le résultat est multiplié par Ψ* (si Ψ est réel, on multiplie par Ψ), puis le résultat de ce produit est intégré par rapport à toutes les variables. Le produit intégré s’écrit :
Ú Ψ * Ψ dv = < Ψ Ψ > L’équation de Schrödinger s’écrit alors selon : < Ψ Hˆ Ψ > = E < ΨΨ >
(1.8)
1.2.7 Méthode utilisée dans la suite de ce chapitre Afin de partir d’une base commune à tous, nous allons maintenant nous ramener à des cas simples qui vont nous permettre d’illustrer l’ensemble du formalisme abstrait que nous venons d’évoquer. Dans ce but, nous allons dans un premier exemple rappeler les équations qui régissent le comportement d’une onde plane. Nous montrerons ensuite que le fait de la confiner entre certaines limites entraîne l’apparition de conditions de quantification. Nous montrerons que l’équation de Schrödinger à une dimension en découle, en imposant à l’onde unidimensionnelle la condition de Louis de Broglie :
1.3
Onde plane à une dimension
9
h h = . Cette première approche nous permettra d’étudier rapidement l’atome mv p de Bohr. Une fois ces prémisses connues, nous aborderons les solutions exactes de l’atome hydrogénoïde, qui nous permettrons de dégager le premier concept fondamental, celui d’Orbitale Atomique. L’étude rapide de l’ion moléculaire H+2 nous permettra de dégager le second concept fondamental, celui d’Orbitale Moléculaire. Une approche qualitative, plus familière aux étudiants ayant déjà des connaissances approfondies en chimie est exposée à partir de la partie 1.10. λ=
1.3
ONDE PLANE À UNE DIMENSION
Rappelons pour commencer que pour une corde vibrante de longueur L, les longueurs d’onde permises sont de la forme :
2L , où n = 1, 2, 3, … (1.9) n Chaque mode de vibration possède n – 1 nœud(s) où l’amplitude de vibration est nulle. Nous voyons que la quantification des longueurs d’onde permises tient au fait que la corde est contrainte à vibrer entre deux points séparés par une longueur L. Considérons maintenant la propagation d’une onde lumineuse selon une seule dimension. Sa fonction d’onde Ψ(x) est définie par les conditions classiques : λ=
∂2
Ψ=
1 ∂2
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Ψ (1.10) v2 ∂ t 2 ∂x2 Dans cette équation, v est la vitesse de propagation de l’onde1. La solution classique d’une telle équation différentielle est : Êx ˆ (1.11) Ψ = a sin 2 π Á - vt ˜ Ëλ ¯ v Dans cette expression, a est une constante et ν = . Pour que l’onde soit stationλ naire, elle doit se propager vers x et – x également, ce qui entraîne deux solutions couplées : Êx ˆ Ψ + = a sin 2 π Á - vt ˜ Ëλ ¯
(1.12)
Êx ˆ Ψ - = a sin 2π Á + vt ˜ Ëλ ¯
(1.13)
1. Les relations suivantes relatives à la propagation des ondes sont utilisées T (période) = 2π/ω (ω pulsation); ν (fréquence) = 1/T; v = νλ (λ = longueur d’onde). Dans le vide, v = c (vitesse de la lumière).
10
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
et l’onde totale, en tenant compte du fait que sin (a + b) + sin (a – b) = 2sina cosb, prend la forme :
x (1.14) cos 2 π vt λ Si nous forçons l’onde à être contenue entre 0 et L, la fonction (14) doit s’annuler pour x = 0, mais elle doit aussi s’annuler pour x = L. Cette condition entraîne que L L sin 2 π = 0 , donc que 2π = nπ . Nous retrouvons donc finalement la condition λ λ nλ , condition qui n’est autre que la condition de quantification obtenue pour L= 2 une corde vibrante. Si nous remplaçons alors la longueur d’onde λ obtenue par celle de l’égalité (1.4), il vient : Ψtot = Ψ + + Ψ - = 2 a sin 2 π
h 2L n2 h 2 d’où v 2 = = mv n 4 m 2 L2 Nous en déduisons pour le cas d’une onde quantifiée λ=
mv 2 n2 h 2 = (1.15) 2 8mL2 Nous voyons que l’énergie est quantifiée par les valeurs entières de n, résultant des conditions aux limites imposées à l’onde. E ( n) =
1.3.1 Dérivation de l’équation de Schrödinger à une dimension L’équation de Schrödinger s’écrit sous la forme générale :
Hˆ Ψ = E Ψ Nous allons chercher à exprimer l’équation de Schrödinger à partir de l’équation (1.10) que nous avons établie précédemment. Posons par commodité : Ψ = f(x) cos2πνt. En dérivant par rapport à x, nous obtenons : ∂2
Ψ=
∂2 f ( x )
cos 2 π vt ∂x2 ∂x2 En dérivant par rapport au temps, nous obtenons : ∂2
Ψ = - f ( x )4 π 2 v 2 cos 2 π vt
∂t En reportant dans l’équation de propagation (1.10), nous avons : 2
∂2 f ( x) ∂x
2
cos 2 π vt = -
1 v2
f ( x )4 π 2 v 2 cos 2 π vt
(1.16)
1.3
Onde plane à une dimension
11
En tenant compte du fait que ν = du temps :
∂2 f ( x) ∂x
2
=-
1 λ2
v , nous déduisons une équation indépendante λ
f ( x )4 π 2 . Si nous posons de nouveau la condition de quan-
h , nous obtenons, en passant à la fonction Ψ ne mv contenant pas le temps et en utilisant les dérivées directes car nous n’avons plus qu’une variable :
tification de Louis de Broglie λ =
d2 dx2
Ψ=-
4π2 m2 v2 h2
L’énergie cinétique est toujours de la forme T = T + V, d’où nous tirons v 2 = geant les termes :
Ψ
(1.17)
1 mv 2 et l’énergie E est égale à 2
2 ( E - V ) , soit en reportant dans (1.17), et en réarranm
Ê ˆ h2 d2 + Vˆ ˜ Ψ = E Ψ Á 2 2 Ë 8π m d x ¯
(1.18)
Cette dernière équation n’est autre que la célèbre équation de Schrödinger pour une fonction à une dimension. Le terme d’énergie cinétique est alors égal à l’opérateur :
h2 d2 Tˆ = - 2 qui se généralise en trois dimensions à : 8π m d x 2
h2 Ê d2 d2 d2 ˆ Tˆ = - 2 Á 2 + 2 + 2 ˜ 8π m Ë d x dy dz ¯
(1.19)
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En unités atomiques nous avons la forme compacte que nous avions déjà rencontrée au point (1.5) :
1 Tˆ = - —2 2
(1.20)
où —2 est le laplacien du système. Nous venons de montrer comment nous pouvions obtenir une expression exacte du terme cinétique intervenant dans le hamiltonien grâce à une correspondance entre l’approche ondulatoire (onde dans une direction) et la dérivation directe à partir des postulats de base. Mais jusqu’alors, nous n’avons pas encore utilisé le terme relevant de l’énergie potentielle. Nous allons l’aborder dans la partie suivante qui va nous permettre d’aller plus loin dans la compréhension de la quantification des niveaux électroniques atomiques.
12
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
1.4
L’ATOME DE BOHR
Avec ce nouveau point de notre approche, nous abordons le cas d’un système central. Considérons le système formé par une charge positive entière, Ze, et un électron de charge – e, gravitant à une distance r du noyau. Nous considérerons dans la suite de notre étude que le noyau central est fixe (approximation de Born Oppenheimer), donc que son énergie cinétique est nulle. Dans ces conditions, seul l’électron est mobile et gravite autour d’un noyau de grande masse par rapport à lui, assimilé au centre de gravité de l’ensemble (figure 1.1). z
–e θ r
Ze y
ϕ x
Figure 1.1
Le champ créé par la charge centrale est E =
1 Ze . 4 πε 0 r 2
La force exercée sur l’électron (de charge – e) à distance r est alors : F=-
1 Ze2 4 πε 0 r 2
(1.21)
Cette force est négative si nous comptons positivement r à partir du centre, c’est une force d’attraction dirigée vers lui. À cette force correspond une énergie potentielle qui est définie par : dV = – F dr, d’où nous tirons l’expression classique de l’énergie potentielle : V =
r
Ú• - F d r
(1.22)
En explicitant, il vient : r
1 Ze2 1 È1˘ V =Ú dr = Ze2 Í ˙ 2 • 4 πε 4 πε 0 Î r ˚• 0 r r
1.4
L’atome de Bohr
13
soit finalement : V =-
1 Ze2 4 πε 0 r
(1.23)
Considérons maintenant l’électron situé sur une orbite de rayon r. La force centrifuge est alors :
mv 2 , v étant la vitesse de l’électron. Cette force est égale et opposée r
à la force F décrite en (1.21). On a donc
mv 2 1 Ze2 . On en déduit immédia= r 4 πε 0 r 2
tement que : 1 1 Ze2 Tˆ = mv 2 = 2 8πε 0 r
(1.24)
On vérifie immédiatement en comparant (1.23) et (1.24) que Vˆ = - 2Tˆ , ce qui est conforme au théorème du viriel. L’énergie est E = Tˆ + Vˆ soit : E=-
1 Ze2 8πε 0 r
(1.25)
Dans l’équation (1.25), r n’est par quantifié et peut a priori varier entre 0 et l’infini, ce qui est contraire à l’idée d’orbite stable. L’idée de génie de Bohr fut de postuler que seules certaines valeurs de r sont permises. La démarche est d’une grande simplicité : une fois de plus, nous utilisons la relation de Louis de Broglie. En effet, revenons à l’expression
mv 2 1 Ze2 . Si nous posons que la = r 4 πε 0 r 2
h , il nous reste à imposer une contrainte : nous mv voulons que l’onde se retrouve en phase après un tour, ce qui revient à écrire λ = 2πr. © Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
longueur d’onde λ est égale à
Nous avons alors : v =
1 n2 h 2 1 Ze2 nh . , d’où nous tirons mv2 = = 4 πε 0 r 2 2 π rm 4π2 r 2 m
Nous déduisons : r=
ε 0 n2 h 2
(1.26) π mZe2 En nous reportant à l’expression de l’énergie obtenue en (1.25), nous obtenons l’expression due à Bohr :
E ( n) = -
m Z 2e4 8ε 20 n2 h 2
(1.27)
14
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
Il est pratique d’écrire cette expression sous la forme : E ( n) = - K
Z2 n2
En unités atomiques (h/2π = 1, 4πε0 = 1, m = 1, e = 1), nous obtenons K =
(1.28) 1 , ce 2
qui conduit aux formes très simples pour E(n) et r(n) : E ( n) = r ( n) =
1 Z2 2 n2
(1.29)
n2
(1.30) Z2 Dans le cas de l’atome d’hydrogène, pour l’orbite la plus stable (Z = 1, n = 1), nous avons E(1) = – 0,5 u. a. soit – 13,6 eV. Il importe de remarquer que les résultats que nous venons d’obtenir ne nous renseignent en rien sur la nature de la fonction d’onde, et pour cause : nous ne l’avons pas introduite dans nos calculs ! Toutefois, les résultats donnés en (1.29) et (1.30) nous permettent déjà une discussion qualitative très intéressante. 1.4.1 Énergies des OA d’après le modèle de Bohr Dans un premier temps, nous appellerons Orbitale Atomique (OA) l’ensemble {E(n), r(n)} défini dans les égalités (1.29) et (1.30). Le résultat le plus fondamental est évidemment que les niveaux d’énergie sont discrets et dépendent d’un nombre quantique entier n qui varie de 1 à l’infini. L’énergie des différentes OA ainsi obtenue est négative, ce qui signifie que l’électron est lié au système. En effet, lorsque n → ∞, E(n) → 0 et r(n) → ∞. Nous pouvons interpréter ce résultat de façon simple : plus n croît, plus l’orbite devient grande, plus l’électron s’éloigne du noyau. À la limite, il n’est plus lié, son énergie est nulle. Le bilan thermodynamique s’établit selon : ∆E(formation) = E(Atome avec l’électron lié) – E(Atome avec l’électron libre) Si ce bilan est < 0, c’est que l’électron se lie au noyau de manière exothermique (avec ∆E < 0). Il est également aisé de comprendre que plus l’électron gravite dans une orbite de petite taille, plus son énergie est grande, car il subit alors une très forte influence de la charge centrale. Il est également important de constater que l’énergie est proportionnelle à – Z 2 /n2, pour n donné. Cela signifie que plus la charge centrale est grande, plus l’électron est couplé au noyau et plus son énergie est grande. De plus quand Z croît, la taille d’une 1 orbitale donnée – à n fixe – décroît, en fonction de 2 . Ceci veut dire que plus Z est Z grand, plus l’électron ressent un champ intense et gravite près du noyau. Cet ensemble de constatations se rattache à trois notions classiques très utiles en chimie,
1.4
L’atome de Bohr
15
le Potentiel d’Ionisation (PI) ainsi que l’Affinité Électronique (AE), qui correspondent à des mesures très précises, et l’électronégativité qui est une notion dérivée de constatations empiriques. Nous allons les étudier rapidement. 1.4.2 Nature des OA des atomes selon le modèle de Bohr L’une des conséquences de la partie 1.4 est que les niveaux quantifiés se « resserrent » quand n croît et tend vers l’infini (voir la figure 1.2). Dès les débuts de la spectroscopie, des lettres furent attribuées aux premiers niveaux, correspondant à leur caractéristiques expérimentales : n = 1, 1s (sharp = raies fines), n = 2, 2p (principal), n = 3, 3d (d pour diffuse), puis on continua : f, g etc. On appelle aussi K, L, M les trois premières couches (voir plus loin). Nous verrons par la suite que les couches de niveau n > 2 se décomposent à leur tour en niveaux quantifiés, mais pour l’heure, avec le modèle de Bohr, un seul type de niveau est obtenu pour n donné. E=0 etc. n=4
Stabilité
n=3 n=2 n=1
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Figure 1.2
Le Potentiel d’Ionisation, PI, est défini par le travail qu’il faut fournir pour arracher l’électron de la couche considéré et l’emmener à l’infini. Cette quantité est > 0 car elle correspond à un processus endothermique. Il est clair que d’après le schéma de la figure 1.3, le PI est proportionnel à l’énergie de l’orbitale, donc à Z 2/n2, pour un n donné. Si maintenant nous considérons les premiers éléments de la classification périodique, pour une valeur de n fixée, n = 2 par exemple, nous voyons que l’énergie des niveaux se répartit selon une branche de parabole (~ – Z 2). La variation du Potentiel d’Ionisation est alors facile à suivre, puisqu’elle dépend de la distance du niveau considéré à la ligne marquant l’énergie 0. De façon concomitante, l’Affinité Électronique (AE) consiste en l’aptitude de l’élément à accommoder un électron supplémentaire1. Il est clair que pour les atomes réels, la dépendance en – Z 2/n2 n’est que qualitative (voir plus loin). Nous voyons que pour n donné, le PI croît de gauche à droite, de même que l’AE. Mais il 1. On la définit selon AE = E(élément neutre, X) – E(anion, X–), elle est donc positive quand l’anion est plus stable que l’élément neutre.
16
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
E(Z)
E=0 PI AE
Couche n = 2
Z 3 Li
4 Be
5
6
7
8
B
C
N
O
9 F
10 Ne
Figure 1.3
faut remarquer que ces deux grandeurs expérimentales ne sont pas directement liées, de par leur définition : PI = E(X+) – E(X) et AE = E(X) – E(X–). En effet, si dans les deux cas E(X) est en commun pour un élément donné, les états cationique et anionique de l’atome ne sauraient être rapportés de façon simple à une donnée commune. Nous voyons que par exemple, il est bien plus aisé d’arracher un électron au lithium (Li) qu’au fluor (F), tandis que la propension à recevoir un électron surnuméraire est beaucoup plus marquée pour F que pour Li. On dit que les éléments de la droite de la classification périodique sont plus électronégatifs que ceux de la gauche : ceci veut dire qu’ils « attirent plus les électrons » par suite d’une forte charge positive sur le noyau. Les Potentiels d’Ionisation mesurés pour les éléments de la figure précédente sont donnés dans le tableau 1.2, ainsi que leur électronégativité. Cette dernière est définie de manière empirique. Considérons les liaisons A–A, B–B et A–B. Dans A–A et B–B, la symétrie impose que le dipôle total soit nul. Il n’en est pas de même pour A–B. Supposons que nous ayons une légère dissymétrie de charge de la forme Aδ––Bδ+. Cela signifie que dans la molécule A–B, l’atome A « attire plus » les électrons du système que l’atome B. On dit alors que A est plus électronégatif que B. L’électronégativité est donc un critère empirique qui mesure la propension d’un atome à attirer vers lui la densité électronique au sein d’une molécule. On la mesure à l’aide de différentes échelles, dont la plus utilisée est celle de Pauling1, qui en diffusa le concept et dont l’usage est devenu classique. 1. Linus Pauling (1901-1994).
1.5
Résolution de l’équation de Schrôdinger pour un atome hydrogénoïde
Tableau 1.2
17
Potentiels d’ionisation, mesurés en eV, et électronégativité (sans dimension). Li
Be
B
C
N
O
F
PI*
5,39
9,32
8,29
11,26
14,53
13,61
17,42
Électronégativité
0,97
1,47
2,01
2,50
3,07
3,50
4,10
* Nous n’avons reporté que le premier PI, celui qui correspond à l’énergie minimum nécessaire à arracher un électron. Il correspond à la couche occupée ayant le plus grand nombre quantique principal n. La couche correspondante s’appelle couche de valence (voir plus loin). Il est en effet évident que pour arracher des électrons des couches plus profondes, ayant un n plus petit, il faut fournir plus d’énergie. Il est également possible d’arracher plusieurs électrons, conduisant à des ions de plus en plus positifs. L’énergie mise en jeu dans ce cas devient considérable.
Jusqu’alors, nous n’avons abordé que des modèles approchés de l’atome réel. Cela nous a permis de montrer les liens très étroits qui existent entre les propriétés des éléments chimiques et les propriétés quantiques des solutions de l’énergie. Toutefois, nous n’avons pas encore abordé un problème crucial : quelle est la nature mathématique des fonctions d’onde associées aux solutions de l’énergie ? Nous possédons maintenant suffisamment d’expertise pour aborder le problème à son niveau réel de complexité : résoudre directement l’équation de Schrödinger pour un atome monoélectronique.
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1.5
RÉSOLUTION DE L’ÉQUATION DE SCHRÖDINGER POUR UN ATOME HYDROGÉNOÏDE
Un atome hydrogénoïde est un atome formé d’un noyau central de charge Ze et d’un seul électron de charge – e. Dans tout ce qui suit, nous n’entrerons pas dans le détail des calculs qui conduisent aux solutions exactes, par souci de concision. Ceci n’apporterait d’ailleurs pas de connaissances nouvelles en ce qui concerne la suite de notre discussion et ne constitue qu’un délicat exercice de mathématiques. Nous en donnerons cependant les grandes lignes, afin de comprendre l’origine des nombres quantiques qui permettent de bâtir la classification périodique. Nous avons vu qu’en unités atomiques, le noyau étant supposé fixe, l’expression 1 de l’énergie cinétique de l’électron est de la forme Tˆ = - —2 , tandis que l’énergie 2 Z potentielle est Vˆ = - . L’équation de Schrödinger s’écrit alors : r Ê 1 2 Zˆ ÁË - — - ˜¯ Ψ = E Ψ 2 r
(1.31)
18
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
Cette équation ne peut être résolue en coordonnées cartésiennes et il est nécessaire de passer en coordonnées polaires (r, θ, ϕ). L’énorme complexité qui en découle n’est qu’apparente : en effet, si le laplacien dans ces coordonnées est très complexe, il possède l’avantage sans précédent de posséder des solutions analytiques exactes ! Le laplacien s’écrit en effet :
—2 =
1 È ∂ Í r 2 ÎÍ ∂ r
∂ ˆ ∂2 ˘ 1 ∂ Ê 1 Ê 2 ∂ ˆ + θ + r sin ˙ ÁË ˜ Á ˜ ∂ r ¯ sin θ ∂ θ Ë ∂ θ ¯ sin 2 θ ∂ ϕ 2 ˚˙
(1.32)
Il faut remarquer que dans les équations (1.31) et (1.32) r agit seul dans l’énergie potentielle, tandis que dans le laplacien — 2 , les variables r, θ et ϕ sont séparables. La fonction totale peut donc s’écrire sous la forme d’un produit de trois fonctions indépendantes : Ψ (r, θ, ϕ) = f(r) g(θ) h(ϕ) (1.33) La fonction f(r) est appelée partie radiale tandis que g(θ) et h(ϕ) sont appelées parties angulaires. La résolution séparée des trois équations différentielles fait apparaître, toujours par le biais de conditions aux limites, trois nombres quantiques n, l, m, et non plus un seul comme pour l’atome de Bohr. Ces nombres entiers vérifient les conditions : 1 ≤ n ≤ ∝; 0 ≤ l ≤ n – 1; – l ≤ m ≤ l
(1.34)
Les solutions normalisées sont données dans les tableaux 1.3 et 1.4 pour n = 1 et 2. Selon l’usage, les parties angulaires sont regroupées dans une seule fonction Ylm (θ, ϕ). Tableau 1.3
Fonctions radiales normalisées.
n
l
R(n,l)
0
Ê Z ˆ R(1, 0) = Á ˜ Ë a0 ¯
3/2
1
0
Ê Z ˆ R(2, 0) = Á ˜ Ë a0 ¯
3/2
2
2
1
Ê Z ˆ R(2, 1) = Á ˜ Ë a0 ¯
2e
3/2
-
Zr a0
Zr
1 Ê Zr ˆ - 2a0 Á2 - a ˜ e 2 2 Ë 0 ¯ Zr
Ê 1 Zr ˆ - 2a 0 Á ˜e Ë 2 6 a0 ¯
1.6
Fonctions d’onde hydrogénoïdes : nombres n, l, m
Tableau 1.4 l
m
0
0
1
0
1
±1
19
Fonctions angulaires normalisées. Ylm (θ, ϕ ) Y00 =
Y10 =
Y0±1 =
1 2 π 3
2 π 3
2 2π
cos θ
sin θ e±iϕ
Nom usuel
1s et 2s
2pz
2px , 2py
Dans toutes ces expressions a0 est une constante, c’est le premier rayon de l’atome de Bohr (a0 = 0,529167 Å). Les fonctions complètes, appelées Orbitales Atomiques, forment une base orthonormée, ce qui se traduit par la relation fondamentale : < Ψi Ψj > = δij (δij = 1 si i = j et 0 si i ≠ j)
1.6
FONCTIONS D’ONDE HYDROGÉNOÏDES : NOMBRES n, l, m
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Les résultats précédents font apparaître trois nombres quantiques, n, l, m. Il importe de préciser leur signification physique, c’est-à-dire de montrer à quelles propriétés des atomes ils sont reliés. Le nombre quantique n est appelé nombre quantique principal. Il n’apparaît que dans la partie radiale R(n, l), en même temps que la charge centrale Z, qui n’est autre que le nombre de protons du noyau considéré. L’atome est donc avant tout caractérisé par la partie radiale de sa fonction d’onde. Nous avons déjà vu avec l’atome de 1 Z2 . 2 n2 Le nombre quantique l est appelé nombre quantique secondaire ou azimuthal. Il h est lié au moment angulaire L de l’électron qui est égal à l (l + 1) ou l (l + 1) 2π en unités atomiques. La valeur de l est liée à celle de n. Quand l ≠ 0, par exemple l = 1, ce nombre définit trois niveaux appelés « 2p » soit : 2px, 2py, et 2pz (voir les tableaux 1.3 et 1.4). Ces niveaux ont la même énergie en l’absence de champ magnétique extérieur, on dit qu’ils sont dégénérés, ils ne diffèrent que par le nombre m. Si un champ magnétique est présent, il interagit avec le moment et lève la dégénérescence.
Bohr, que l’énergie s’exprime sous la forme E = -
20
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
Il en va de même dès qu’un autre électron est présent, son moment angulaire lève la dégénérescence et les niveaux correspondant à des valeurs différentes de l ne sont plus situés à la même énergie. Ainsi, les niveaux 2s et 2px, y, z qui sont dégénérés dans l’atome hydrogénoïde (un seul électron), ne le sont plus dès que Z est égal à 2, et bien sûr pour Z > 2. La figure 1.4 résume ce comportement. Le nombre quantique m est appelé nombre quantique magnétique. Il ne joue aucun rôle pour un atome monoélectronique. Il est lié à l’orientation du moment angulaire L vis-à-vis d’un champ magnétique extérieur. Si un champ est présent, le moment L peut prendre plusieurs orientations et la dégénérescence est levée pour les trois niveaux 2p.
E
2px, y, z 2s, 2p
1s
Un seul électron
2s
1s Plusieurs électrons
2px, y, z 2s
1s
Plusieurs électrons champ extérieur
Figure 1.4
1.7
FORME MATHÉMATIQUE DES FONCTIONS D’ONDE : LE CONCEPT D’ORBITALE ATOMIQUE (OA)
Nous allons maintenant étudier les propriétés des fonctions radiales et angulaires que nous avons données dans les tableaux 1.3 et 1.4. Nous travaillerons en unités atomiques, ce qui veut dire que les longueurs sont exprimées en fonction de a0 (a0 = 0,529167 Å). Il importe de rappeler que les fonctions radiales dépendent de Z, tandis que les fonctions angulaires sont indépendantes de Z. Ces dernières sont donc les mêmes pour tous les atomes, ce qui nous permet une évidente simplification. Dans un premier temps, nous étudierons les fonctions radiales, puis nous examinerons les fonctions angulaires. Enfin, conjuguant les deux études nous terminerons par la représentation conventionnelle des Orbitales Atomiques (OA).
1.7
Forme mathématique des fonctions d’onde : le concept d’orbitale atomique
21
1.7.1 Étude des parties radiales En revenant aux fonctions radiales du tableau 1.3, nous voyons que les fonctions correspondant aux orbitales 1s (n = 1, l = 0), qui sont de la forme Ce–Zr ne s’annulent pas pour r = 0. Il en va de même pour les fonctions correspondant aux orbitales 2s, de forme générale C(2 – Zr)e–Zr/2 (où C est une constante). Il faut noter que les fonctions de type 2s, ont une valeur nulle pour r = 2/Z, comme le montre la figure 1.5. 0,8 0,7 0,6 0,5 R (2, 0), OA 2s
P(r)
0,4 0,3
R (2, 1) OA 2p
0,2 0,1 0 – 0,1 0
2
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 1.5
4
6 Distances en u.a.
8
10
12
Dépendance radiale R(2, I) (I = 0, 1).
D’autre part, ces fonctions changent de signe, elles sont positives pour r < 2/Z et négatives pour r > 2/Z. La valeur de r pour laquelle la fonction Ψ s’annule et change de signe définit une sphère (r = constante), on appelle cette sphère surface nodale. (On dit que la fonction change de signe en « traversant » la surface nodale.) Les fonctions de types 2p, de forme générale CZre–Zr/2 s’annulent pour r = 0, comme le montre la figure 1.5. Elles passent par un maximum, qui correspond de nouveau à r = 2/Z (on obtient aisément ce résultat en différentiant R(2, 1) par rapport à la variable r). Probabilité radiale. La signification physique de la partie radiale est toutefois mieux perçue quand on examine la probabilité de trouver l’électron dans une couche sphérique située entre les valeurs r et r + dr. Sachant que l’élément différentiel de volume est : dv = r2 sinθ dr dθ dϕ, cette probabilité est égale à : P(r) dr = [R(n, l)]2 r2 dr Ú
π
2π
θ = 0 Úϕ = 0
(Y )
m 2 1
sin θ d θ d ϕ
(1.35)
22
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
Comme les fonctions angulaires sont normées, il vient : P(r) dr = [R(n, l)]2 r2 dr, d’où : (1.36) P(r) = [R(n, l)]2 r2 0,6 0,5 P(r ) 1s
P(r)
0,4 P(r ) 2p
0,3
P( r) 2s 0,2 0,1 0 0
2
4
Figure 1.6
6 Distances en u.a.
8
10
12
Probabilité radiale P(r).
Nous avons tracé dans la figure 1.6, le comportement de P(r) en fonction de r pour les fonctions 1s, 2s, et 2p. Nous voyons clairement que la probabilité de trouver l’électron à une distance donnée du noyau décroît quand n croît. Toutes les P(r) s’annulent pour r = 0, la fonction 2s présente deux maximums, le plus important étant situé à grande distance. Ce second maximum est proche de celui de la fonction 2p. Valeur moyenne du rayon d’une orbitale. Nous pouvons chercher à approfondir la discussion précédente relative aux maximums de P(r), en cherchant la valeur moyenne du rayon des orbitales examinées. La valeur moyenne d’un opérateur, comme nous l’avons vu au point (1.8) s’exprime selon l’intégrale < Oˆ > = < Ψ Oˆ Ψ >. La valeur moyenne du rayon d’une orbitale est donc : < r > = < ΨrΨ > = Ú Ψ r Ψ d v
(1.37)
Les mêmes calculs que pour obtenir P(r), tenant compte de la normalisation des fonctions angulaires, conduisent directement à : =
•
Ú0 [ R(n, l )]
2 3
r dr
(1.38)
L’intégration des fonctions décrites dans l’égalité (1.38) met en jeu des intégrales dont la forme analytique est donnée au paragraphe 1.1.5. Nous obtenons les valeurs suivantes :
1.7
Forme mathématique des fonctions d’onde : le concept d’orbitale atomique
OA
Ψ1s Ψ2s Ψ2p
3/2Z (< r > en u. a.) 6/Z 5/Z
23
D’une manière générale, le rayon moyen s’obtient par la formule : < rn, l > =
n2 Z
È 1Ê l (l + 1) ˆ ˘ ˜˙ Í1 + ÁË 1 2 n2 ¯ ˚ Î
(1.39)
Nous voyons que les rayons moyens des OA de type 2s et 2p ne sont pas identiques, mais restent cependant très voisins. Nous constatons également qu’à Z constant, le rayon augmente avec le nombre n. D’autre part, pour n donné, nous voyons que le rayon moyen diminue avec Z, ce que nous avions déjà constaté et expliqué qualitativement lors de l’étude de l’atome de Bohr (voir plus haut au § 1.4) : plus Z est grand, plus l’électron est soumis à un champ électrostatique fort qui le confine près du noyau.
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1.7.2 Étude des parties angulaires Rappelons en préambule que les z parties angulaires sont indépendantes de Z et sont donc communes à tous les éléments. θ Pour les représenter, on trace le m r = cst graphe de Yl à r constant. Les graphes correspondant aux fonctions Y(1s) (n = 1, l = 0, m = 0) et Y(2s) (n = 2, l = 0, m = 0) sont des sphères de rayon r. Il en va de y même pour le carré de ces fonctions. Si nous prenons pour valeur de r, la valeur de < r > x précédemment obtenue, nous aurons pour ces parties angulaires des sphères de taille différente, comme nous le préciserons un peu plus loin. Le graphe corresFigure 1.7 pondant à la partie angulaire d’une orbitale de type 2p est un peu plus complexe. Si nous prenons par exemple, l’orbitale 2pz, le graphe de sa partie angulaire, ( Y10 = cosθ) pour une valeur de r constante est une courbe dont la forme est donnée dans la figure 1.7.
24
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
Nous voyons sur ce dessin que la fonction Y(2pz) s’annule pour θ = 90° et change de signe : comme pour les fonctions de type 2s, nous avons encore une surface nodale, mais cette fois-ci, c’est le plan xy qui sert de plan de réflexion pour l’orbitale 2pz dont nous n’avons ici représenté que la projection le plan yz. En faisant tourner cette courbe autour de l’axe z, on obtient un volume de révolution. On obtient des courbes semblables pour les parties angulaires des orbitales 2px et 2py, qui sont de révolution autour des axes x et y, respectivement. 1.7.3 Représentation conventionnelle des Orbitales Atomiques Cette partie revêt une grande importance pour la suite, car elle va nous permettre de dessiner les OA de façon qualitative, ce que nous aurons à faire de très nombreuses fois. Si nous nous reportons aux fonctions décrites dans les tableaux 1.3 et 1.4, nous voyons qu’il n’est pas possible de dessiner à la fois les parties radiales et les parties angulaires. En particulier, nous avons vu que r varie de façon continue entre 0 et l’infini. D’autre part, les propriétés nodales des orbitales sont essentielles pour la suite de nos travaux. Nous choisissons donc une convention. Convention pour le dessin des OA. Pour une OA donnée, nous conservons la forme de la partie angulaire, avec l’indication de son ou de ses plans nodaux. Afin de marquer la dépendance en r, nous limitons le contour en posant qu’à l’intérieur du volume qu’il délimite, nous avons, par exemple, une probabilité de 0,98 de trouver l’électron considéré. Une autre solution consiste à considérer que le contour est limité par la valeur de r correspondant à < r >, ou toute autre considération analogue. La convention précédente est très réaliste si nous considérons que les fonctions d’onde exactes s’amortissent de façon exponentielle en fonction de r. Mais il faut bien remarquer que la convention comporte une clause hybride : nous télescopons deux définitions, une qui porte sur une partie de la fonction, et une autre qui porte sur son carré, car c’est de lui que dépend la probabilité de présence de l’électron. Il faut donc se souvenir qu’il ne s’agit que d’une convention de dessin. En effet, tout calcul exact utilise les fonctions mathématiques complètes. Par contre, nous verrons très vite que le dessin des OA se révèle d’une très grande fécondité pour l’analyse des liaisons et des propriétés chimiques des molécules.
1.8
ORBITALES ATOMIQUES DES ATOMES RÉELS
Les fonctions que nous avons obtenues par le calcul exact présentent l’immense avantage d’être en parfaite adéquation avec le formalisme complet de la mécanique quantique. Mais il faut bien considérer que l’atome hydrogénoïde qui nous a servi de modèle constitue au plus un modèle pour le cas des atomes réels. En effet, dès que plus d’un électron est présent dans le système, la résolution exacte du hamiltonien
1.8
Orbitales atomiques des atomes réels
25
devient impossible. Il est connu que le problème « à trois corps » n’a pas de solution intégrable en mécanique classique, cela reste évidemment vrai en mécanique quantique. Alors ? Eh bien, une solution empirique a été trouvée ! Elle est basée sur des prémisses que nous allons expliquer et de plus elle se trouve extraordinairement bien vérifiée par les innombrables calculs et vérifications en tout genre qui ont été effectués depuis son origine. En accord avec tous les fondateurs de la mécanique quantique, J. C. Slater (1900-1976) a en effet proposé la démarche suivante : 1) Pour un atome quelconque, nous gardons la forme générale de l’OA hydrogénoïde la plus proche (mêmes n, l, m), mais nous limitons la partie radiale à une Z expression de la forme rn – 1e–ρr où ρ est un exposant de la forme ρ = eff , où n Zeff n’est plus le véritable Z, mais un nombre plus petit qui tient compte de l’écran électrostatique formé par les autres électrons présents dans la molécule. La figure 1.8 permet de comprendre qualitativement la grande importance de l’effet d’écran.
° °
+ ZN
° n=1
n =°2
électron considéré
°
° ° ° ° ° °
r
n>2
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Figure 1.8
Les couches séparant l’électron considéré de la charge centrale créent une distribution électrostatique négative uniforme qui diminue la charge effectivement ressentie à grande distance. Plus n est grand, plus l’effet est sensible. 2) On garde la forme universelle des fonctions angulaires. 3) Pour certaines OA, il est difficile d’obtenir un paramètre ρ qui reproduise bien les propriétés mesurées par ailleurs avec la plus grande précision. Dans ce cas, on utilise un développement limité à quelques termes de la forme ρ(r ) = Â i ci e -ρir . Une telle OA est dite OA de Slater, elle a la forme générale : Ψ(n, l, m) = N r n – 1 e – ρr Y(θ, ϕ)
(1.40)
Dans cette expression, N est un facteur de normalisation adapté pour que l’on ait < ΨΨ > = 1
26
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
En conclusion de cette partie
– Le calcul exact sur l’atome hydrogénoïde donne des fonctions dépendant de trois nombres entiers, n, l, m; – les solutions obtenues sont des fonctions normées; – ces fonctions forment une base < ΨiΨj > = δij* (δij est l’opérateur de Kronecker est égal à 1 si i = j, et égal à 0 si i ≠ j); – la nature de l’atome est contenue dans la partie radiale de la fonction d’onde; – les parties angulaires sont indépendantes de Z; – on dessine de manière conventionnelle les OA à l’aide d’un schéma hybride comportant de l’information sur la forme de la fonction, la position de ses plans nodaux et en même temps sur sa taille en fixant un contour limité englobant une valeur donnée de la probabilité de présence de l’électron. Pour la suite de ce chapitre
Nous venons de voir qu’il est possible de déterminer des fonctions d’onde exactes pour les atomes hydrogénoïdes, qui sont ensuite paramétrées pour un atome quelconque. Cet ensemble de données constitue le corpus relatif aux Orbitales Atomiques (OA). Il est maintenant temps de tenter de résoudre les problèmes posés par la structure des molécules. Nous allons opérer par analogie avec la partie précédente : dans un premier temps nous allons traiter un problème ayant des solutions exactes, le cas de l’ion moléculaire H2+. Nous généraliserons ensuite les résultats obtenus au cas d’un système quelconque d’atomes, aboutissant ainsi au concept d’Orbitales Moléculaires (OM) et aux techniques d’algèbre linéaire qui permettent de les obtenir très simplement.
1.9
L’ION MOLÉCULAIRE H2+
Nous nous plaçons d’emblée dans le cas où les atomes sont fixes (leur énergie cinétique est nulle). Cette approximation, contraire à l’observation élémentaire qui montre que toute molécule vibre même à la température de zéro absolu (0° K) constitue l’approximation de Born et Oppenheimer. Elle revient à considérer les mouvements atomiques comme très lents devant les mouvements électroniques. Un seul électron est présent, il y a donc excès d’une charge positive, ce qui n’implique aucune difficulté supplémentaire. Le modèle que nous utiliserons dans la suite des calculs est décrit dans la figure 1.9. Le problème est posé de la façon suivante1 : en unités atomiques, chaque atome d’hydrogène est porteur d’une orbitale atomique du type ϕ(1s), Z = 1, et les longueurs sont mesurées en unités de a0. Chaque OA est donc de la forme 1. Le traitement complet de ce problème a été initialement effectué par : H. Eyring, J. Walter et G. E. Kimball, dans Quantum Mechanics, J. Wiley and Sons, 1944, Chapitre XI.
1.9
L’ion moléculaire H2+
27
–e
rb
ra
HA
HB
R Figure 1.9
ϕ=
1
e - Zr . Nous notons ces orbitales ϕA et ϕB. L’énergie de l’électron dans une
π de ces orbitales, en l’absence de toute perturbation est EH = – 0,5 u.a. (voir le § 1.4, égalité (1.29)). Le hamiltonien total du système s’obtient simplement en faisant la somme des termes présents : 1 1 1 1 Hˆ = - —2 - + 2 ra rb R
(1.41)
Dans cette équation, le premier terme est l’énergie cinétique de l’électron, les deux suivants représentent l’énergie potentielle de l’électron dans le champ des deux noyaux et le dernier terme, > 0, représente l’énergie de répulsion de noyaux positivement chargés. Effectuons Hˆ ϕA. Nous obtenons, en regroupant les termes :
Ê 1 Ê 1 1ˆ 1ˆ Hˆ ϕ A = Á - —2 - ˜ ϕ A + Á - + ˜ ϕ A ra ¯ Ë 2 Ë rb R ¯
(1.42)
La première parenthèse est égale à EH, puisque c’est l’équation de Schrödinger pour l’atome A seul. L’égalité (1.42) peut donc s’écrire :
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Ê 1 1ˆ Hˆ ϕ A = Á EH - + ˜ ϕ A rb R ¯ Ë
(1.43)
En multipliant à gauche par ϕA puis en intégrant, nous obtenons :
(
)
ϕ2 1 H AA = Ú ϕ A Hˆ ϕ A d v = E H Ú ϕ Aϕ A d v + Ú ϕ Aϕ A d v - Ú A d v R rb Nous avons, par construction,
Ú ϕ Aϕ A d v = 1 ,
et nous posons E AA =
(1.44)
Ú
ϕ 2A dv . rb
L’équation (1.44) s’écrit alors : H AA = E H +
1 - E AA R
(1.45)
28
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
Si nous multiplions maintenant l’équation (1.43) à gauche par ϕB, puis en intégrant comme précédemment, nous obtenons :
(
)
1ˆ ϕ ϕ Ê H AB = Ú ϕ B Hˆ ϕ A d v = Á E H + ˜ Ú ϕ Aϕ B d v - Ú A B d v Ë R¯ rb
Si nous posons S AB = Ú ϕ A ϕ B d v , et E AB =
Ú
ϕ Aϕ B d v, nous obtenons : rb
1ˆ Ê H AB = Á E H + ˜ S AB - E AB Ë R¯
(1.46)
Après avoir défini l’ensemble de tous les termes intervenant dans la résolution, il nous reste maintenant une partie essentielle à effectuer : calculer l’énergie du système complet ainsi que la fonction d’onde associée à la (ou les) solution(s). 1.9.1 Élaboration d’une fonction d’essai et résolution mathématique correspondante Nous bâtissons une fonction d’essai à partir des fonctions que nous possédons, en posant : Ψ = cA ϕA + cB ϕB
(1.47)
Afin d’illustrer la stricte équivalence avec le formalisme intégral utilisé précédemment, nous allons dans ce qui suit utiliser le formalisme de Dirac. La résolution de l’équation de Schrödinger conduit à : < Ψ Hˆ Ψ > = E < ΨΨ >. En remplaçant par les coefficients précédents, nous obtenons une égalité qui se décompose en : cA2 < ϕA Hˆ ϕA > + cB2 < ϕB Hˆ ϕB > + 2cAcB < ϕA Hˆ ϕB > = E (cA2 < ϕAϕA > + cB2 < ϕBϕB > + 2cAcB < ϕAϕB >) Nous posons maintenant : HAB = < ϕA Hˆ ϕB > = < ϕB Hˆ ϕA >, ce qui est vérifié pour les opérateurs hermitiques1 en général. C’est également évident quand nous examinons la valeur algébrique trouvée en (1.46). Du fait que les fonctions de départ sont normalisées, nous avons < ϕAϕA > = < ϕBϕB > = 1. Comme précédemment, nous avons < ϕA Hˆ ϕA > = HAA, et < ϕB Hˆ ϕB > = HBB. En réorganisant l’équation précédente nous obtenons : cA2 (HAA – E) + cB2 (HBB – E) + 2cAcB(HAB – E SAB) = 0
(1.48)
Pour obtenir les coefficients cA et cB nous pouvons nous reporter à l’équation de Schrödinger de laquelle nous pouvons extraire E en fonction des coefficients cA 1. Une définition simple : c’est un opérateur pour lequel on a Hij = Hji.
1.9
L’ion moléculaire H2+
29
< Ψ ΩHˆΩΨ >
et cB. Nous avons E (ci ) =
< ΨΩΨ >
=
N . Si nous dérivons ce quotient par rapport D
à ci, pour optimiser E(ci), nous obtenons la condition :
∂E 1 ∂N N ∂D = - 2 = 0. ∂ ci D ∂ ci D ∂ ci
Cette condition se ramène à : ∂N ∂D -E =0 ∂ ci ∂ ci Nous avons autant d’équations que de ci. Si nous dérivons (1.48) d’abord par rapport à cA, puis par rapport à cB, nous obtenons un système homogène de deux équations égales à 0 (équations séculaires) équivalent à la condition précédente. Une condition nécessaire et suffisante pour que le système ait deux racines autres que cA = cB = 0 est que le déterminant bâti sur les coefficients soit nul, ce qui nous conduit à l’équation :
H AA - E H AB
H AB - ES AB c A =0 - ES AB H BB - E cB
(1.49)
Pour une raison de symétrie évidente, nous avons HAA = HBB et cA = cB, ce qui nous permet des simplifications. Les solutions de l’énergie sont alors : H AA + H AB H - H AB et E2 = AA (1.50) 1 + S AB 1 - S AB L’égalité HAA = HBB implique également que cA = ± cB. En reportant les solutions E1 et E2, nous obtenons les fonctions d’onde associées. En normalisant les fonctions Ψ± = cA(ϕA ± ϕB), nous obtenons la condition sur cA : E1 =
2cA2 ± 2cA2SAB = 1, soit en posant SAB = S, cA(±) =
1 2(1 ± S )
, d’où l’ensemble de
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
solutions complet : E1 =
H AA + H AB 1 + S AB
Ψ1 =
E2 =
H AA - H AB 1 - S AB
Ψ2 =
1 2(1 + S ) 1 2(1 - S )
(ϕ A + ϕ B )
(1.51)
(ϕ A - ϕ B )
(1.52)
Nous pouvons nous poser la question de savoir à quoi correspondent les fonctions d’onde Ψ1 et Ψ2, même si nous n’avons pas encore complètement résolu le problème des énergies associées. 1.9.2 Signification physique de Ψ1 et Ψ2 La densité électronique est de la forme ρ = Ψ2. Nous avons donc :
ρ1 =
(
)
(
1 1 ϕ 2A + ϕ 2B + 2ϕ Aϕ B et ρ2 = ϕ 2A + ϕ 2B - 2ϕ Aϕ B 2(1 + S ) 2(1 - S )
)
30
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
Si nous nous plaçons au milieu de la ligne qui sépare HA et HB, (voir la figure 1.9), nous avons en ce point les amplitudes de ϕA et ϕB égales, ce qui entraîne que pour ρ1 2ϕ 2A , tandis que ρ2 = 0. Nous (1 + S ) voyons que dans Ψ1, nous avons accumulé une partie de la densité électronique totale entre les deux atomes, tandis que dans Ψ2, au contraire, nous ne trouvons aucune densité électronique. On dit alors que l’orbitale Ψ1 est liante, tandis que l’orbitale Ψ2 qui éloigne la densité électronique de la zone interatomique est dite antiliante. Nous pouvons maintenant reporter les valeurs trouvées en (1.45) et (1.46) dans les solutions précédentes pour résoudre l’ensemble explicitement.
nous obtenions une densité égale en ce point à
1.9.3 Résolution explicite de l’ensemble des équations obtenues Nous nous proposons de calculer dans cet ordre, les intégrales SAB, HAA, HAB, EAA et EAB précédemment définies. Ce paragraphe est nettement technique, il n’est pas indispensable d’en répéter tous les développements, par contre, il montre comment les intégrales usuelles que nous utiliserons très abondamment sont liées aux paramètres géométriques et énergétiques du système. Calcul de SAB. L’intégrale SAB = Ú ϕ Aϕ B d v est appelée intégrale de recouvrement entre les ϕ fonctions ϕA et ϕB. Pour résoudre l’ensemble des calculs, nous allons travailler en coordonnées elliptiques. Dans ce but, nous définissons, selon la méthode classique, les variables intermédiaires : rA + rB r -r ; ν = A B ; avec 1 ≤ µ ≤ ∝; – 1 ≤ ν ≤ 1; et 0 ≤ φ ≤ 2π R R L’élément de volume est : µ=
R3 2 (1.53) (µ – ν2) dµ dν dφ 8 Dans ces conditions, l’intégrale, notée S par souci de simplicité, est égale à :
dv =
(
)
1 2π 1 -(rA + rB ) R 3 • - Rµ e d e d µ Ú µ 2 - ν2 d v Ú d φ v = Ú Ú 1 1 0 8π π Après avoir intégré sur ν et φ, l’intégrale se partage en deux termes :
S=
(1.54)
R 3 • 2 - Rµ R 3 • - Rµ µ e d µ Ú Ú e dµ 2 1 6 1 En utilisant les formules données au 1.1.5, nous obtenons finalement : S=
Ê R2 ˆ S = e - R Á1 + R + 3 ˜¯ Ë
(1.55)
1.9
L’ion moléculaire H2+
31
Calcul de EAA et EAB. Avec les fonctions utilisées, nous avons EAA =
1 π
Ú
e - 2rA dv . rb
2 e - 2 R ( µ + ν) Ú µ - ν dv . Rπ Le traitement de cette intégrale est pénible, après quelques efforts, il conduit à :
Cette intégrale se ramène, après substitution à : EAA =
1È (1.56) 1 - (1 + R )e - 2 R ˘˚ Î R De la même manière, nous obtenons EAB : (1.57) EAB = (1 + R) e–R En nous reportant aux valeurs trouvées en (1.45) et (1.46) nous obtenons : E AA =
H AA = E H +
1 1 1 1 - E AA = E H + - ÈÎ1 - (1 + R )e -2 R ˘˚ = E H + (1 + R )e - 2 R R R R R (1.58)
1ˆ 1ˆÊ R2 ˆ - R Ê Ê H AB = Á E H + ˜ S - E AB = Á E H + ˜ Á 1 + R + e - (1 + R )e - R ˜ Ë Ë R¯ R¯Ë 3 ¯
(1.59)
Interprétation de HAA et HAB. Les termes en R–1, représentent l’énergie de répulsion entre les deux protons. À grande distance de séparation, le terme HAA → EH, c’est-à-dire vers l’énergie de H isolé. À courte distance, au terme négatif EH, on ajoute un terme correctif positif, c’est-à-dire que HAA est un peu moins stable que EH par suite de la répulsion entre les centres positifs. À la distance d’équilibre de H2+,
1 (1 + 2,005) e – 4,01 2, 005 = 0,0271 u. a. soit une correction positive d’environ 6 % (à rapporter à – 0,5 u.a.). En général, dans la suite de nos travaux, nous assimilerons HAA à EH. Le terme HAB est plus complexe, mais ce qu’il importe de voir c’est que, une fois les termes rassemblés nous pouvons écrire :
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qui est de 1,061 Å, soit 2,005 u. a. le terme correctif est :
Ê 1 2R ˆ H AB = E H S + e - R Á ˜ ËR 3 ¯ Ainsi, nous voyons que HAB peut être assimilé à EHS à un terme correctif de faible valeur près. Cette propriété qui montre que HAB est proportionnel au recouvrement entre A et B nous sera de la plus grande utilité par la suite. Ce qu’il importe de retenir de l’étude particulière de ces deux termes, ce sont deux approximations qui vont pour nous revêtir la plus grande importance : HAA ≈ EH (1.60) et HAB est proportionnel à SAB (1.61)
32
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
Calcul de E1 et E2. En prenant la valeur exacte de la distance HH optimisée1 dans H2+, soit 2,0050 u. a. (1,19 Å), nous obtenons S = 0,5851; EAA = 0,4716 et EAB = 0,4046. Ceci nous permet d’obtenir directement HAA = – 0,4728 et HAB = – 0,4053. Avec ces valeurs, nous avons : E1 = – 0,5540 u. a. et E2 = – 0,1627 u. a. (1.62)
Nous constatons que l’orbitale moléculaire liante est plus stable que l’orbitale de H isolée, tandis que l’orbitale moléculaire antiliante est nettement moins stable que l’orbitale de départ.
Le calcul de l’énergie de liaison est simple : au départ, nous avions un seul H pourvu d’un électron soit EH, plus un proton (E = 0) d’où le bilan : Eliaison = E(H2+) – EH = – 0,0540 u. a. (– 1,47 eV) La formation de la liaison est exothermique, bien qu’étant assurée par un seul électron alors qu’une liaison normale est dans le cas le plus général formée par une paire d’électrons. Cependant, nous voyons que cette énergie de liaison est faible devant l’énergie de liaison de H2, neutre, avec 2 électrons présents (≈ 5 eV, tableau 1.1). La raison en est que dans H2+, la répulsion entre les hydrogènes est forte du fait qu’il existe dans cet ion moléculaire une charge plus en excès. Cela augmente la distance d’équilibre HH qui passe à 1,19 Å alors qu’elle n’est que de 0,74 Å dans H2 neutre. Un mot de commentaire regardant l’ensemble des développements mathématiques que nous venons d’effectuer. Dans cette longue partie technique, nous avons tenu à montrer qu’il est toujours possible de calculer exactement TOUTES les propriétés que nous allons désormais utiliser très largement de manière qualitative. Les concepts dont nous allons maintenant proposer un usage très général reposent sur des bases très solides. L’usage ne fait que confirmer cette stabilité sans égale dans les sciences expérimentales. Chaque fois que cela sera nécessaire, le lecteur pourra se référer à un calcul ou une définition mathématique contenue dans cette partie. Mais il est néanmoins possible d’exposer les principaux résultats obtenus d’une manière beaucoup moins formelle, comme nous allons le faire dans la courte partie suivante. Il appartient à chacun de choisir la méthode qui lui convient le mieux. La partie qui suit peut être considérée comme une introduction pour un lecteur peu enclin à entrer dans les arcanes de la mécanique quantique et qui n’aurait pas eu la patience de lire les pages précédentes. 1. Cette optimisation a été effectuée par un calcul quantique très précis, indépendant du calcul présenté ici.
1.10
Exposé qualitatif condensé du contenu des pages précédentes
33
1.10 EXPOSÉ QUALITATIF CONDENSÉ DU CONTENU DES PAGES PRÉCÉDENTES La démarche que nous allons suivre dans cette dernière partie, va consister à partir des Orbitales Atomiques telles qu’elles résultent directement de la résolution de l’équation de Schrödinger. Nous en rappellerons brièvement les propriétés (énergies, tailles, propriétés spectroscopiques), en nous appuyant sur le formalisme simplifié de Slater. Puis, afin de résoudre le problème posé par la constitution des molécules à partir de leurs atomes, nous partirons du cas d’école de H2 que nous généraliserons en exposant les méthodes qualitatives de Hückel Généralisée et de Hückel dite « Simple ». Chaque fois que nous utiliserons une donnée qualitative, nous rappellerons à quelle partie de la résolution mathématique exacte elle se réfère. Tous les développements qui suivent ne portent que sur une approche monoélectronique, même si par la suite, nous utiliserons l’ensemble des électrons des systèmes considérés. 1.10.1 Détermination des Orbitales Atomiques (OA) Les postulats de la mécanique quantique, décrits au début de ce chapitre, reposent pour nous sur deux objets mathématiques que nous n’expliciterons que partiellement. Le premier est la fonction d’onde, Ψ dont le produit Ψ2dv représente la probabilité de trouver l’électron dans le volume dv. Le second objet est le hamiltonien total du système considéré : Hˆ = Tˆ + Vˆ . Dans toute la suite, nous utiliserons les unités atomiques. Sous sa forme différentielle, l’équation de Schrödinger s’écrit : Hˆ Ψ = E Ψ. Considérons le système hydrogénoïde formé par une charge Ze centrale et un électron de charge – e. La résolution exacte de cette équation différentielle, en coordonnées polaires (r, θ, ϕ), montre que Ψ peut se décomposer en un produit de deux fonctions (équation (1.33)) : Ψ(r , θ, ϕ ) = f (r )Y (θ, ϕ )
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L’existence de conditions aux limites introduit la présence de trois nombres quantiques entiers, n, l, m. Ces nombres sont déterminés de façon à respecter la séquence : 1 ≤ n ≤ ∝; 0 ≤ l ≤ n – 1; – l ≤ m ≤ l Voir les tableaux 1.3 et 1.4 pour les valeurs algébriques exactes des fonctions radiales f(r) et angulaires Y(θ, ϕ). Une fonction d’onde exacte s’écrit sous la forme : Ψ (r, θ, ϕ) = N (Polynôme de degré n – 1) e N est un nombre apporté par la normalisation de Ψ,
-
Zr na0
Y (θ, ϕ )
(Ú Ψ dv = 1) , la partie radiale 2
dépend de n et l et inclut Z dans ses paramètres, y compris, évidemment dans l’exponentielle. La partie angulaire est un produit de fonctions trigonométriques usuelles.
34
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
Le nombre quantique n est appelé nombre quantique principal. Il est directement 1 Z2 2 n2 1 obtenue pour l’atome de Bohr. Le rayon d’une orbitale de Bohr est également relié
lié à l’énergie du niveau quantique par l’égalité (1.29), en u. a. : E ( n) = -
à Z et n selon (1.30) : r ( n) =
n2
: Z2 – le nombre quantique l est appelé nombre quantique secondaire ou azimuthal, il est lié au moment orbitalaire L de l’électron en mouvement; – le nombre quantique m est le nombre quantique magnétique, qui décrit le comportement de L en présence d’un champ magnétique extérieur. Selon la nomenclature usuelle, les niveaux atomiques s’écrivent en fonction de n, l, m :
n
l
m
nature de l’OA
1 2 2 2 2
0 0 1 1 1
0 0 0 1 –1
1s 2s 2pz 2px 2py
Forme des OA. En se plaçant à r constant, les OA de type 1s et 2s ont une forme sphérique car elles n’ont pas de partie angulaire. Les OA de type 2p ont la forme décrite dans la figure 1.10. Il faut noter que pour n = 2, les OA présentent une surface nodale, à travers laquelle la fonction change de signe. Cette surface est sphérique pour 2s et c’est un plan perpendiculaire à l’axe principal et passant par l’origine pour les OA 2p. La densité électronique est minimum au voisinage de la surface nodale. 1.10.2 Conventions de dessin Pour représenter une OA, on choisit de garder la forme de sa partie angulaire et de limiter le contour de façon telle qu’à l’intérieur il contienne, par exemple, 98 % de la probabilité de trouver l’électron. C’est donc de ce fait un volume fini. En coordonnées cartésiennes, nous avons donc les représentations symboliques montrées dans la figure 1.10. 1.10.3 Propriétés associées aux OA Nous avons vu que pour une valeur donnée n = 2, qui caractérise la plupart des OA des atomes légers que nous utiliserons dans la suite du cours, à l’exception évidem1. Attention, ce n’est pas le même rayon que le rayon moyen obtenu par le calcul complet, (voir (37) et (38), même s’il suit une variation parallèle.
1.10
Exposé qualitatif condensé du contenu des pages précédentes
35
z
z
y
y
x
x 1s, 2s
2pz
2px
2py
(pour les OA 2s, nous ne dessinons que la plus grande des deux sphères concentriques.) Figure 1.10
ment de H (n = 1, OA 1s), l’énergie d’un niveau quantique dépend de – Z 2/n2 (voir le § 1.6). D’autres propriétés sont liées à la nature des solutions analytiques exactes. En effet, nous avons vu que dans la partie radiale, l’amortissement rapide de l’OA est géré par le terme e –Zr/n. Il est donc clair que plus Z est grand plus l’OA est compacte [relations (1.36) à (1.39)]. En se référant à la classification périodique, il est pratique de dire, de manière qualitative, que « la compacité de l’OA croît de gauche à droite ». Ce résultat est dû au fait que plus Z est grand, plus le champ « ressenti » par l’électron est fort, et plus son rayon moyen est faible. Ainsi, paradoxalement, la taille de l’atome n’augmente pas sensiblement avec le nombre d’électrons, du moins pour les deux premières lignes de la classification périodique. Les valeurs mesurées du Potentiel d’Ionisation, (PI) et de l’Affinité Électronique (AE) sont à la fois liées à l’énergie du niveau considéré et à la nature de l’exposant de l’atome (voir le § 1.5) :
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– plus Z est grand, plus le niveau est stable (profond en langage imagé) et plus il est difficile de lui ôter un électron (mesure du PI); – plus Z est grand plus il est aisé pour l’atome de capter un électron supplémentaire, conduisant à un anion (AE). (Ceci ne concerne pas les gaz rares dont la couche de valence est complète.) Ces deux données quantitatives permettent de cerner la notion d’électronégativité qui mesure de manière empirique la propension de l’atome à attirer les électrons de ses partenaires dans les liaisons (voir le tableau 1.2). L’électronégativité, tout comme la compacité de l’OA, croît de gauche à droite sur une même ligne. 1.10.4 Orbitales Atomiques des atomes réels Nous renvoyons le lecteur au § 1.8 où ce point est traité. Nous nous bornerons à rappeler que nous utilisons en général une forme paramétrée de l’OA hydrogénoïde exacte sous la forme générale proposée par J. C. Slater (voir § 1.8) : Ψ(n, l, m) = N r n – 1 e – ρr Y(θ, ϕ) [voir (1.40)]
36
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
Pour ce qui nous concerne, la représentation de ces orbitales ne change en rien puisque les parties angulaires ne sont pas modifiées par rapport aux atomes hydrogénoïdes. Il importe de noter que, comme pour les OA hydrogénoïdes « exactes » : – chaque OA de Slater est normée; – les OA d’un atome forment une base, c’est-à-dire qu’elles sont orthogonales entre elles dès qu’un des trois nombres quantiques diffère. Ceci s’écrit de manière formelle :
ÚΨ
2
d v = 1; Ú Ψ i Ψ j d v = δ ij ou bien < ΨiΨj > = δij
δij = 1 si i = j; δij = 0 si i ≠ j (opérateur de Kronecker) 1.10.5 Construction de la classification périodique Pour les atomes polyélectroniques, la dégénérescence d’une couche n ≥ 2 est levée par suite des interactions qui ont lieu entre électrons et nous obtenons la séquence classique des niveaux, par ordre de stabilité décroissante : 3s 3px, 3py, 3pz, 3d (5 niveaux) etc. 1s 2s 2px, 2py, 2pz Il nous reste à accommoder les électrons dans ces niveaux. Le principe de construction (appelé aufbau prinzip par les fondateurs de la mécanique quantique) est simple : – nous partons du niveau le plus stable; – un niveau donné (n, l, m fixés) ne peut recevoir qu’au plus deux électrons par suite du principe d’exclusion de Pauli; – à chaque électron est attaché un quatrième nombre quantique, le nombre de spin, lequel, en unités atomiques, ne peut prendre que les valeurs ± 1/2. On utilise souvent ↑ ou α pour + 1/2 et ↓ ou β pour – 1/2; – pour les couches comportant des niveaux dégénérés telles que 2p, 3d, etc. on commence par ranger les électrons avec le maximum de spins parallèles1. Ce résultat qui provient de l’expérience et se vérifie par le calcul exact de l’énergie, porte le nom de « Règle de Hund ». Il est ainsi possible d’obtenir tous les éléments de la deuxième ligne de la classification que nous utiliserons tout au long de cet ouvrage. En pratique, la configuration électronique des atomes est écrite sous la forme condensée suivante : on donne le suffixe du niveau et l’on met en exposant le nombre d’électron(s) qu’il renferme, par exemple H (1s1). Les premiers éléments sont donc de la forme : H (1s1) B (1s)2(2s)2(2p)1 F (1s)2(2s)2(2p)5
He (1s2) C (1s)2(2s)2(2p)2 Ne (1s)2(2s)2(2p)6
Li (1s)2(2s)1 N (1s)2(2s)2(2p)3
Be (1s)2(2s)2 O (1s)2(2s)2(2p)4
1. On utilise souvent la notion de Multiplicité : M = 2 Σ (spins individuels) + 1.
1.10
Exposé qualitatif condensé du contenu des pages précédentes
37
Nous voyons que les gaz rares comportent une couche complète, par exemple à 2 électrons, (1s)2 pour l’Hélium (n = 1), ou 8 électrons [(2s)2(2p)6] pour le Néon (n = 2). 1.10.6 Électrons de valence
Les électrons de valence sont ceux de la couche occupée ayant le plus grand nombre quantique principal n. On dit aussi qu’il correspondent à la couche occupée la plus externe. Par exemple, H possède 1 électron de valence (n = 1) tandis que C en possède 4 (n = 2, couche formée de 2s + 2p). Il est de la plus haute importance de considérer les énergies mesurées des couches atomiques, comme le montre le tableau 1.5. Énergies expérimentales des niveaux atomiques (en électronVolt, eV)
Ces énergies sont données dans le tableau 1.5 où nous avons sélectionné quelques atomes usuels. Pour les atomes de la troisième ligne de la classification périodique, nous ne reportons que les énergies des couches de valence correspondant à n = 3 pour les sous-couches 3s et 3p. Tableau 1.5 1s H C N O F
– 13,6 – 308,18 – 425,29 – 562,43 – 717,92 3s
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Si P S Cl
8,08 10,66 – 23,94 – 13,78
2s – 19,20 – 25,72 – 33,86 – 42,79
2p – 11,79 – 15,44 – 17,19 – 19,86
3p – 14,69 – 18,90 – 11,90 – 29,20
Avec les valeurs du tableau précédent, nous voyons qu’à l’exception de la couche 1s de H, toutes les couches 1s des atomes sont situées à très basse énergie et diffèrent d’au moins un facteur 20 des énergies des couches de valence. Si de plus, nous comparons ces valeurs à celles des liaisons usuelles, situées au voisinage de 5 eV, nous réalisons qu’en fait les énergies de liaison n’apparaissent que comme une perturbation des énergies des électrons de valence1. Conformément à la pratique de 1. Cette propriété est corroborée par les mesures liées aux couches profondes qui révèlent qu’elles sont très peu affectées par l’environnement chimique de l’atome.
38
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
tous les chimistes, nous nous bornerons donc désormais aux seuls électrons de valence pour décrire les édifices chimiques et leur réactivité. Nous n’en dirons pas plus sur les Orbitales Atomiques des atomes légers. Nous aborderons plus loin un nouveau chapitre en effectuant la transformation d’algèbre linéaire qui nous permet de passer des OA aux Orbitales Moléculaires (OM), par une méthode que nous avons déjà largement évoquée lors de l’étude de l’ion moléculaire H2+ (voir la partie 1-9).
EXERCICES 1.1 (*) Les principaux constituants de l’atome a) Donner la définition du symbole ZA X , de A et de Z et en déduire le nombre de protons, d’électrons et de neutrons de l’élément X. b) Identifier les éléments suivants et préciser le nombre d’électrons, de protons et de neutrons pour chacun des atomes identifiés : Électrons
Protons
Neutrons
14
14
14
47
47
61
12
12
12
35
35
45
c) Introduction de la notion d’isotope. Tous les isotopes d’un élément donné ont le même nombre de protons dans le noyau (P ou Z). Par contre tous les atomes d’un même élément peuvent ne pas avoir le même nombre de neutrons. On dit alors qu’il existe plusieurs isotopes d’un même élément. Sachant que la masse d’un atome est due aux protons et aux neutrons, les isotopes d’un même élément ont des masses différentes. Identifier l’élément suivant et préciser le nombre de ses principaux constituants : 35 17 X
et
37 17 X
d) La masse molaire atomique du chlore vaut Cl = 35,453 g. Sachant que le chlore est un mélange des isotopes 35Cl et 37Cl dont les masses molaires atomiques valent respectivement 34,96 g et 36,96 g. Calculer les proportions de ces deux isotopes dans le chlore naturel. Solution a) Le symbole ZA X permet d’identifier un élément de la classification périodique. On caractérise la masse d’un atome par un nombre A appelé nombre de masse, égal à la somme des
Exercices
39
masses des protons et des neutrons, exprimées en unités de masse atomique. A indique donc le nombre total N des neutrons et P des protons d’un atome. Le numéro atomique Z donne la charge du noyau, exprimé en charges élémentaires, il indique en même temps le nombre de protons contenu dans le noyau et par conséquent le nombre d’électrons gravitant autour du noyau. Le nombre de masse A s’écrit en haut et à gauche du symbole de l’élément, le numéro atomique Z en bas et à gauche
A ZX.
Pour l’élément de la classification périodique ZA X : – le nombre de protons P d’un atome ou le nombre d’électrons est égal à Z; – le nombre de neutrons N est donné par la différence (A – Z). b) Identifions l’élément X constitué de 14 protons, 14 électrons et 14 neutrons avec N = A – Z nous avons A = N + Z soit A = 14 + 14 = 28 d’où A = 28 et Z = 14. 28 14 Si
(Silicium)
Soit N = 61 le nombre de neutrons, Z = 47, celui des protons : A = 61 + 47 = 108. 108 47 Ag
(Argent)
Soit N = 12 le nombre de neutrons, Z = 12, celui des protons : A = 12 + 12 = 24. 24 12 Mg (Magnésium)
Soit N = 44 le nombre de neutrons, Z = 35, celui des protons : A = 45 + 35 = 80.
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80 35 Br
(Brome)
c) En consultant la classification périodique, l’élément ayant un Z égal à 17 correspond au chlore. Le nombre de neutrons est égal à N = 18. 35Cl est un isotope du chlore d) Les proportions de ces deux isotopes nous sont données par ce système de deux équations à deux inconnues : 34,96 x + 36,96 y = 35,453 x+y=1 Soit 34,96 x + 36,96 (1 – x) = 35,453 ¤ x (34,96 – 36,96) + 36,96 = 35,453 ¤ – 2x = – 1,507 d’où x = 0,7535 et y = 0,2465. Dans le cas du chlore, on a 75,35 % de l’isotope le plus léger 35Cl et 24,65 % de l’isotope le plus lourd 37Cl, ce qui donne une masse atomique du chlore égale à 35,453 g.
1.2 (**) Les Orbitales Atomiques de l’atome d’hydrogène Les fonctions doivent répondre à une condition de normalisation, ce qui signifie d’un point de vue physique que l’électron de l’atome d’hydrogène sera décrit de façon satisfaisante si ces fonctions sont continues et définies en tous points, de plus, l’électron devant se trouver quelque part dans l’espace entourant le noyau, l’intégrale de la densité de probabilité de présence, étendue à tout l’espace, doit être égale à 1.
Ú espace ψn, l, m (r, θ, ϕ) dv = 1
40
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
On donne pour l’atome d’hydrogène les valeurs de R(r), Θ(θ), φ(ϕ) R1, 0 = 2e– r
R2, 0 =
1 2 2
2 2
φ0 =
Θ1, 0 =
6 cos θ 2
φ +1 =
1 2π 1 π
cos ϕ
1 3 φ -1 = sin ϕ sin θ 3 2 6 π Donner les expressions des ψ1s, ψ2s, ψ2pz, ψ2px, ψ2py pour l’atome d’hydrogène. R2, 1 =
1
(2 - r )e - r / 2
Θ 0, 0 =
r e -r / 2
Θ1, ± 1 =
Solution Connaissant les relations reliant les nombres quantiques (l ≤ n ≤ ∞; 0 ≤ l ≤ n – 1; – l ≤ m ≤ l) qui caractérisent une fonction d’onde nous pouvons écrire les différentes orbitales atomiques correspondantes. pour n = 1 l = 0 et m = 0 1s pour n = 2 l = 0 et m = 0 2s l = 1 m = – 1 (2py); m = 0 (2pz); m = 1 (2px) ψ1s = ψ1, 0, 0 = R1, 0 Θ0, 0 φ0
2 2
soit ψ1s = 2e - r
soit ψ2s =
soit ψ2pz =
1 2 2 1 2 6
d’où ψ2px =
soit ψ2py =
r e -r / 2
2 6
2 6
2π
r e -r / 2
r e -r / 2
1
e -r π ψ2s = ψ2, 0, 0 = R2, 0 Θ0, 0 φ0
d’où ψ1s =
(2 - r )e - r / 2
1
1
1
2 2
1
d’où ψ2s =
1
(2 - r )e - r / 2
2π 4 2π ψ2pz = ψ2, 1, 0 = R2, 1 Θ1, 0 φ0
6 1 1 cos θ r e - r / 2 cos θ ψ2pz = 2 2π 4 2π ψ2px = ψ2, 1, 1 = R2, 1 Θ1, 1 φ1 1 3 1 r e - r / 2 sin θ cos ϕ sin θ cos ϕ ψ2px = 2 4 2π π ψ2py = ψ2, 1, – 1 = R2, 1 Θ1, 1 φ– 1
3 1 sin θ sin ϕ 2 π
ψ2py =
1 4 2π
r e - r / 2 sin θ sin ϕ
1.3 (**) Orthogonalité des Orbitales Atomiques 1s et 2s, d’une part et 2s et 2pz d’autre part Vérifier que les fonctions de 1s et 2s d’un atome hydrogénoïde qui ont été 1 -r e et obtenues dans l’exercice 1.2 et qui ont pour expression ψ1s = π
Exercices
41
1
ψ2s =
4 2π
(2 - r )e - r / 2 sont orthogonales et qu’il en est de même pour
les fonctions ψ2s =
1 4 2π
On utilise l’intégrale
•
Ú0
1
(2 - r )e - r / 2 et ψ2pz =
4 2π
r e - r / 2 cos θ .
x n e - αx d x = n !/ α n + 1 .
Solution Orthogonalité des orbitales 1s et 2s. •Ê
Ú0 =
1
1 -r ˆ 1 1 1 e ˜ (2 - r )e - r / 2 r 2 d r = ÁË ¯ 4 2π π π 4 2π
• - 3r / 2
Ú0
e
(2 - r )r 2 d r
• - 3r / 2
Ú 2 0
e (2r 2 - r 3 )d r = 2 ¥ 2!/(3 / 2)3 - 3!/(3 / 2)4 = 1/(3 / 2)3 [4 - 4] = 0 4π Orthogonalité des orbitales 2s et 2pz.
Ú4 =
1 2π •
Ú0
(2 - r )e - r /2 1
4 2π
puisque l’intégrale
1 4 2π
(2 - r )e - r / 2
π
Ú0 cos θ sin θ d θ
r e - r / 2 r 2 cos θ d r sin θ d θ d φ 1
π
4 2π
2π
r e - r / 2 r 2 d r Ú0 cos θ sin θ d θ Ú0 d φ = 0
est toujours égale à 0.
1.4 (**) Potentiel d’Ionisation, Affinité Électronique et électronégativité
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Dans cet exercice nous appelons le Potentiel d’Ionisation PI, l’Affinité Électronique AE et l’électronégativité χ. Les premier et deuxième potentiels d’ionisation PI1 et PI2 (en électronVolt, eV) des premiers éléments sont : Li
Be
B
C
N
O
F
Ne
PI1
5,4
9,3
8,3
11,3
14,5
13,6
17,4
21,6
PI2
75,7
18,2
25,2
24,4
29,6
35,1
35,0
41,0
a) Justifier la très forte valeur de PI2 pour le lithium. b) À partir de Be, la tendance générale consiste en une augmentation de PI2 avec le numéro atomique de l’atome. Expliquer l’anomalie observée entre Be et B. Expérimentalement, on trouve que la couche 2p de B (– 0,30987 unités atomiques = – 8,43 eV) possède pratiquement la même énergie que la couche 2s de Be (– 0,30927 u. a. = – 8,42 eV). Il faut remarquer que ces énergies, mesurées sur l’atome neutre, ne sont pas identiques
42
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
au PI, mais en restent proches. Rappelons que l’Affinité Électronique des éléments, notée AE, est calculée par convention selon la définition :
ΑE = E (atome neutre) – E (atome négatif, ayant capté un électron) Cette définition conduit à un nombre positif quand l’anion est plus stable que l’atome neutre, car les énergies E sont des quantités négatives. La liste suivante donne les AE (eV) et les électronégativités χ (nombre sans dimension) de quelques éléments usuels : H
Li
Be
B
C
N
O
F
Cl
AE
0,75
0,82
– 0,19
0,33
1,12
0,05
1,17
3,45
3,61
χ
2,20
0,97
1,47
2,01
2,50
3,07
3,50
4,10
2,83
c) Commenter la séquence qui va de C à F. d) Commenter les valeurs comparées de l’AE et de l’électronégativité pour les couples {H, Li} et {Be, C}. e) Proposer une explication qualitative pour le fait suivant : l’atome Cl possède un AE légèrement plus grande que l’atome F alors que l’expérience montre que F possède une plus grande électronégativité que Cl. Solution a) Avant toute chose, il nous faut préciser la notation que nous allons utiliser : les OA d’un atome et leur remplissage électronique sont réparties selon la séquence : (1s)2(2s)2(2p)6(3s)2(3p)n etc. Il suffit de se rappeler que les couches de type s sont complètes avec deux électrons, les couches de type p avec six électrons (trois OA notées 2px, y, z ), les couches de type d (cinq OA) avec dix électrons etc. En exposant, nous portons le nombre d’électrons présents dans la couche examinée. Dans ces conditions, l’hydrogène possède la distribution H : (1s)1, et le lithium, Li : (1s)2(2s)1. Si nous enlevons l’électron de la couche 2s, nous formons un premier ion Li + (1s)2, cela correspond au premier Potentiel d’Ionisation, PI1 (5,4 eV). Pour former le second ion, Li++ (1s)1, correspondant à PI2, il faut enlever un électron de la couche 1s du Lithium, qui est beaucoup plus stable que la couche 2s, donc il faut fournir une énergie nettement plus grande que pour PI1. b) Les configurations électroniques de Be et B sont : Be (1s)2(2s)2 B (1s)2(2s)2(2p)1 Pour former l’ion Be+ (1s)2(2s)1 il a fallu enlever un électron d’une couche 2s, tandis que pour former l’ion B+ (1s)2(2s)2 nous avons enlevé un électron de la couche 2p. Les énergies très voisines de ces deux couches (voir l’énoncé), expliquent que les deux PI expérimentaux soient assez proches. c) La séquence qui va de B à F est classique car elle varie pratiquement par demi unités. Les électrons arrachés pour mesurer PI1 et PI2 appartiennent à la couche 2p. Pour chaque atome, l’énergie d’une OA 2p est proportionnelle à -
Z2 n2
, avec n = 2, constant. Nous avons en réalité
Exercices
43
à tenir compte de l’effet d’écran des couches complètes 2s et 1s, mais la variation reste nette : l’énergie de la couche 2p croît en fonction de Z, même si la variation n’est pas exactement en Z2. Le PI suit cette variation qualitative. d) L’AE de H et Li est faible. L’addition d’un électron à H, créant l’anion H– met deux électrons dans une couche compacte 1s, et une seule charge positive est présente sur le noyau : les répulsions entre électrons compensent en grande partie l’attraction due au proton central. Un phénomène du même ordre se produit pour Li. Au contraire, l’arrachement d’un électron conduisant à Li+ crée un ion qui possède la structure du gaz rare le plus proche (l’hélium, He). Cet élément possède une plus grande propension à perdre un électron qu’à en gagner un, l’on dit qu’il est « électropositif. » Be possède une AE négative, ce qui signifie que l’électron se fixe selon un processus endothermique, créant de ce fait une entité métastable. Au contraire, la couche 2p du carbone, incomplète, peut accommoder un électron supplémentaire selon un processus endothermique. e) L’anion F– possède la structure électronique du Néon, il est très stable et cela correspond à une très forte AE. Les OA de F sont compactes et l’effet d’écran est faible : la répulsion inter électronique joue une certain rôle. La couche de valence de Cl est la couche 3p : Cl : (1s)2(2s)2(2p)6(3s)2(3p)5. L’addition d’un électron supplémentaire lui confère la couche (3s)2 + (3p)6 complète du gaz rare situé juste après, l’Argon. Les électrons de la couche externe sont situés dans une OA de plus grande taille que dans le cas de F (n = 3 comparé à 2), ceci explique que la répulsion inter électronique soit un peu plus faible que dans le cas de F. Par contre, l’électronégativité se mesure à partir de la polarité des liaisons avec des partenaires différents. Le fluor possèdent des OA plus compactes que le chlore conduit à des liaisons plus courtes, où l’effet de la charge central est plus ressenti par les électrons des liaisons que de la cas de Cl. Ce dernier, qui est nettement plus gros, conduit à des liaisons plus longues avec des effets d’écran plus importants qui masquent en partie la charge centrale.
1.5 (***) Densité de probabilité radiale de l’orbitale 1s Nous avons vu dans le texte (1.36) que la probabilité radiale Prad s’exprime selon Prad = [R(n, l)]2r2 pour autant que les parties radiales et angulaires d Prad dr d’une fonction Ψ normalisée s’écrit sous la forme générale : Prad = 4π r2Ψ2. La fonction de densité de probabilité ponctuelle s’exprime selon dP l’expression : = Ψ2. Cette dernière expression dérive directement de dV la définition : dP = Ψ2 dV.
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soient normalisées. La fonction de densité de probabilité radiale
d Prad obtenue en dérivant dr l’expression [R(n, l)]2r2 est identique à celle que l’on obtient à partir de la définition Prad = 4π r2Ψ2. Montrer que cette fonction dérivée est nulle pour r = 0 et tend vers 0 pour r = ∞. Quelles conséquences peut-on en tirer pour la courbe représentative de Prad ?
a) Montrer que la densité de probabilité radiale
b) Tracer sur le même graphe les fonctions Y1 = dP/dV et Y2 = Prad pour r variant entre 0 et 6 unités atomiques.
44
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
c) Pour l’OA Ψ1s déjà utilisée, calculer Prad pour les différentes valeurs de r : r = 0,01
r=1
r=2
r=3
r=5
r = 10
d) Calculer la valeur moyenne < r > pour ces trois OA, sachant que nous • n! avons l’égalité Ú x n e - ax d x = n + 1 . 0 a Z3/2
e - Zr . π Calculer la distance moyenne < r1s > dans cette OA pour l’hélium Z = 2 et le fluor Z = 9.
e) Pour les OA hydrogénoïdes nous écrivons l’orbitale ψ1s =
Solution a) Considérons l’orbitale 1s dont nous connaissons la fonction d’onde pour l’avoir cons1
e - r . Par ailleurs, la partie radiale normalisée de π cette fonction est donnée dans le tableau 1.3 : R(1, 0) = 2e– r. Nous en déduisons que Prad = 4r 2e– 2r. Par ailleurs, en l’application de la formule Prad = 4πr 2Ψ2 conduit à Prad =
truite dans l’exercice précédent Ψ1s =
2
Ê 1 -r ˆ 4πr 2 Á e ˜ = 4r 2 e - 2r . Les deux expressions sont bien identiques. Dérivons Prad, nous Ë π ¯ d Prad d Prad = 0 quand = 8r e - 2 r - 8r 2 e - 2 r = 8r e - 2 r (1 - r ) . Nous voyons que dr dr r = 0, 1 ou bien → ∝. Par ailleurs, Prad est nul pour r = 0 et r → ∝. Il est donc aisé de suivre qualitativement les variations de Prad. La figure 1.11 résume ces résultats.
obtenons
Prad
r 0
1
infini Figure 1.11
Nous constatons que cette figure est analogue à la courbe exacte calculée de la figure 1.6. b) Le tracé des fonctions Y1 =
dP 1 2 = ( Ψ1s ) = e - 2 r et Y2 = Prad = 4r2e– 2r. dV π
Exercices
45
La figure 1.12 montre leurs variations entre les bornes fixées. 0,6 4*(x**2)*exp(–2*x) (1/3.14159)*exp(–2*x) 0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
1
0
2
3
4
5
6
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Figure 1.12
c) Calculons Prad pour ces différentes valeurs de r. Nous obtenons : Prad (0,01) = 4(0,01)2e(– 0,02) = 0,039 Prad (1) = 4(1)2e(– 2) = 0,541 Prad (2) = 4(2)2e(– 4) = 0,293 Prad (3) = 4(3)2e(– 6) = 0,089 Prad (5) = 4(5)2e(– 10) = 0,004 Prad (10) = 4(10)2e(– 20) = 0,0000… Nous voyons que la probabilité décroît rapidement avec r car il ne faut pas oublier qu’une unité atomique de longueur vaut environ 0,5 Å. Pour r = 3 (1,5 Å environ) la probabilité est déjà devenue très faible. La valeur moyenne d’un opérateur O ou d’un variable v est définie par l’égalité < O > = < Ψ | O | Ψ > ou bien < v > = < Ψ | v | Ψ >. La dernière égalité, dans le cas où v = r (rayon moyen), s’écrit sous la forme intégrale : =
ÚÚÚ Ψ * r Ψ d v
=
ÚÚÚ Ψ
2
r d v car nous opérons avec des fonctions réelles. En écrivant
Ψ sous la forme Ψ = R(n, l) Ylm , puis en séparant les parties angulaires et radiales, nous arri•
Ú0 [ R(n, l )]
π 2π
2
ÈYlm ˘ sin θ d θ d ϕ . Î ˚ En utilisant des parties radiales et angulaires normées, la double intégrale de droite est égale vons à l’égalité < r > =
•
r d r Ú0
2 3
Ú0
à 1. Il reste < r > = Ú0 [ R ( n, l )] r 3 d r . Les fonctions radiales des orbitales 1s 2s et 2p de 2
l’hydrogène (Z = 1) sont (voir le tableau 1.3) :
46
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
Ψ(1s), R(1, 0) = 2 e– r ; Ψ(2s),R(2, 0) =
1
(2 – r) e– (r/2) ; Ψ(2p),R(2, 1) =
1
r e– (r/2) 2 2 2 6 d) Calculons le rayon moyen de l’électron de l’atome d’hydrogène pour l’OA 1s : •
Ú0
< r(1s) > =
(2e )
•
-r 2 3
r d r soit < r > = Ú 4r 3 e - 2 r d r , d’où, en appliquant la formule 0
3! ˆ précédente : < r > = 4 ÊÁ = 1,5 unité atomique (environ 0,75 Å). Ë 23 + 1 ˜¯ 2
•È 1 ˘ Pour l’OA 2s, nous avons < r(2s) > = Ú Í (2 - r )e - (r / 2) ˙ r 3 d r . Cette intégrale se 0 Î2 2 ˚
décompose en : < r(2s) > = Ú
•r
3
0
8 gration effectuée, nous obtenons :
(
)
4 + r 2 - 4r d r =
•Êr
Ú0
3
Á2 Ë
+
r5 r4 ˆ - ˜ d r . Une fois l’inté8 2¯
1 1◊ 2 ◊ 3 1 1◊ 2 ◊ 3 ◊ 4 ◊ 5 1 1◊ 2 ◊ 3 ◊ 4 + = 3 + 15 – 12 = 6 unités atomiques (≈ 3 Å) 2 1 8 1 2 1
< r(2s) > =
2
•È 1 ˘ • 1 5 -r De même nous avons < 2p > = Ú Í r e - (r / 2) ˙ r 3 d r = Ú0 r e d r . Une fois intégré, 0 24 Î2 6 ˚ 1 1◊ 2 ◊ 3 ◊ 4 ◊ 5 nous obtenons < 2p > = = 5 unités atomiques (≈ 2,5 Å). 24 1 Les valeurs que nous venons de trouver sont identiques à celles qui sont données dans le texte au paragraphe 1-7.1 en posant Z = 1.
e) L’égalité < r(1s) > = < r(1s) > = π
•ÈZ
Ú0
2π
Ú0 sin θ d θ Ú0
Í ÎÍ
ÚÚÚ Ψ
2
r d v devient :
2
˘ π 2π e - Zr ˙ r 3 d r Ú0 sin θ d θ Ú0 d ϕ . Les intégrales sur θ et ϕ se ramènent à : π ˚˙
3/2
d ϕ = [ - cos θ ]0 2 π = 4 π . L’intégrale totale devient alors : π
•ÈZ
2
˘ 3 Z 3 • 3 - 2 Zr Z3 1◊ 2 ◊ 3 1 < r(1s) > = 4π Ú Í r r r r π e d e d 4 = = = 1,5 ˙ Ú 4 0 0 π π (2 Z ) Z ÍÎ π ˙˚ Pour l’hélium (Z = 2) nous obtenons, en unités atomiques : < r(1s) > = 0,75 et pour le fluor (Z = 9) < r(1s) > = 0,17. Nous voyons que lorsque Z croît, le rayon moyen de l’OA 1s diminue considérablement. Pour les atomes très lourds (Z très grand), le rayon moyen très faible et la très grande énergie associée à l’OA 1s rend le modèle usuel caduc et il faut alors prendre en compte les corrections relativistes. 3/2
- Zr
1.6 (***) Étude de la molécule d’azote La molécule d’azote possède la formule N2. C’est une molécule très stable, inerte vis-à-vis de la plupart des réactifs usuels. Nous nous proposons d’examiner la manière dont les électrons sont répartis dans les orbitales de
Exercices
47
la molécule. À cette fin, nous utiliserons deux résultats qualitatifs fondamentaux : a) si nous disposons de N OA au départ, nous obtenons nécessairement N combinaisons linéaires (N OM) après formation de la molécule; b) à toute OM liante est associée une OM antiliante. Chaque azote dispose de 4 OA {2s + 2px, y, z} et de cinq électrons. a) En utilisant l’écriture des structures de Lewis, que peut-on dire de la répartition des électrons dans N2 ? b) Il est possible de montrer (chapitre 2) que les paires libres de N2 sont disposées selon la direction NN, pointant vers l’extérieur de la molécule. Nous pouvons fractionner l’ensemble des quatre OA sur chaque atome en deux sous-ensembles. À l’aide des axes définis dans la figure 1.13, nous avons l’ensemble formé par les OA 2s et 2pz et l’ensemble formé par les OA 2px, y sur chaque N. Comment décrire alors la formation des OM de l’ensemble ?
2px,y
4 OM
2s + 2pz
4 OM
2px,y
2s + 2pz y
N
N
x
z
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Figure 1.13
c) Pour obtenir la configuration électronique d’une molécule nous employons l’écriture conventionnelle suivante : toute OM ou ensemble d’OM est mis entre parenthèses, en exposant nous reportons le nombre d’électrons présents. Écrire à l’aide de ces conventions et des OM précédemment trouvées la configuration électronique de la molécule N2. Nous utilisons par convention l’ordre énergétique en partant à gauche de l’OM la plus stable. Il s’agit en l’occurrence de l’OM σ, nous trouvons ensuite l’ensemble des OM π, puis les deux paires libres σ+ et σ–. Cet ordre n’est pas arbitraire, il sera justifié au chapitre 2. d) Quel est l’indice de liaison de N2 ? e) En supposant que nous ayons le même ensemble d’OM pour les atomes N, O et F, quel est l’indice de liaison dans O2, dans NO et dans F2 ?
48
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
Solution a) Un atome tel que N peut, au plus, être tétravalent. De ce fait, pour accommoder dix électrons il n’est pas possible d’imaginer la formation de cinq liaisons usuelles entre les deux N. Nous disposons en tout de huit OM. Le premier cas possible est évoquée dans la figure 1.14; la combinaison des OA conduit à quatre OM liantes et quatre OM antiliantes associées : 4 OM antiliantes (revoivent 2 électrons)
4 OA
4 OA
4 OM liantes = 8 électrons
N
N2
N
structure de Lewis associée : N
N
Figure 1.14
Avec ce schéma, il faut obligatoirement peupler une OM antiliante, ce qui est préjudiciable et entraîne une très grande instabilité de l’ensemble. Il existe une autre possibilité, elle consiste à créer trois liaisons (six OM associées) et il reste deux paires libres, sans contrepartie antiliante, comme montré dans la figure 1.15 :
4 OA
4 OA 2 OM non liantes (4 électrons)
3 OM liantes (6 électrons) N
N
N2
Structure de Lewiis associée :
Figure 1.15
N
N
Exercices
49
Ce schéma est celui qui assure le maximum de cohésion possible, avec six électrons dans des OM liantes. Si nous augmentons le nombre de paires libres, nous diminuons la cohésion de la molécule car il y a nécessairement moins d’électrons dans des OM liantes. b) Les OA 2px, y se combinent deux à deux conduisant à quatre OM, deux liantes (πx et πy) et deux antiliantes (π*x et π*y). L’ensemble des OA 2s et 2pz est plus complexe. Pour être en accord avec la structure de Lewis de la figure 1.14, les quatre combinaisons résultantes doivent contenir une OM liante, et une OM antiliante associée et deux OM non liantes. Pour obtenir ce résultat, nous allons employer un artifice : nous allons d’abord combiner sur chaque atome les OA 2s et 2pz, selon une combinaison du type 2s ± 2pz conduisant à deux hybrides, puis nous combinerons entre eux ces hybrides pour obtenir les OM finales. Cette démarche est illustrée dans la figure 1.16. +
=
2 hybrides résultants
–
+
=
Figure 1.16
Il nous reste alors à combiner graphiquement deux à deux ces hybrides. À cet effet, nous devons tenir compte du recouvrement entre les partenaires. Lorsque les hybrides sont dirigés vers l’extérieur, les petits lobes restant n’interagissent pratiquement pas, nous obtenons ainsi des OM non liantes car elles ne contiennent qu’une très faible densité électronique entre les deux atomes. Cet ensemble de constructions est explicité dans la figure 1.17. OM antiliante σ∗
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σ−
σ+ 2 OM non liantes
OM liante σ
Figure 1.17
50
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
c) À l’aide des conventions précédentes, nous avons pour la configuration électronique de N2 : (σ)2(πx, y)4(σ+)2(σ–)2. La somme des indices est bien dix (dix électrons en tout), et nous vérifions qu’aucune OM antiliante n’est peuplée. Les OM π*x, y et σ* restent vides. Nous définissons l’indice de liaison IL selon la formule : 1 (Nombre d’élec. dans des OM liantes – Nombre d’élec. dans des OM antiliantes) 2 d) Nous avons six électrons liants et aucun dans une OM antiliante. IL est donc égal à 6/2 = 3. La molécule de N2 est donc caractérisée par une triple liaison, ce que montre bien la structure de Lewis de la figure 1.15.
IL =
e) La molécule O2 comporte douze électrons, deux de plus que N2. Ces deux électrons ne peuvent être placés que dans une OM antiliante ce qui correspond à la structure électronique (σ)2(πx, y)4(σ+)2(σ–)2(π*x, y)2. L’indice de liaison correspondant est donc :
IL(O2) = 0,5(6 élec. dans des OM liantes – 2 élec. dans des OM antiliantes) = 2 Le fait que deux électrons soient contenus dans l’ensemble d’OM antiliantes π*x, y entraîne pour O2 une stabilité très inférieure à celle de N2. De fait, O2 est une molécule très réactive, ce qu’atteste le fait qu’à la surface de la terre, tous les minéraux soient oxydés, c’est-à-dire qu’on les trouve, à de rares exceptions près, sous forme d’oxydes. Sur le plan thermodynamique, toutes les réactions connues en présence d’oxygène vont dans le sens de l’oxydation. Toute matière vivante finit sous la forme H2O + CO2 qui sont les formes oxydées de H et C. Dans le cas de NO, nous avons une molécule qui contient 5 + 6 = 11 électrons, c’est un radical. Un seul électron est contenu dans l’ensemble π*x, y, ce qui entraîne formellement un indice de liaison demi-entier : IL(NO) = 0,5(6 élec. dans des OM li4antes – 1 élec. dans une OM antiliante) = 2,5 La situation de NO, (σ)2(πx, y)4(σ +)2(σ–)2(π*x, y)1, est donc intermédiaire entre celle de N2, très stable et celle de O2, molécule instable. La molécule F2 contient quatorze électrons, toutes les OM disponibles sont doublement occupées, à l’exception de σ*. La structure électronique de cette molécule est donc : (σ)2(πx, y)4(σ +)2(σ–)2(π*x, y)4. Nous en déduisons : IL(F2) = 0,5(6 élec. dans des OM liantes – 4 élec. dans une OM antiliante) = 1 La molécule F2 est donc très faiblement liée, il est clair qu’une réactivité exceptionnelle peut en être déduite, ce que confirme évidemment l’expérience.
1.7 (***) Le diagramme des niveaux d’énergie de la molécule LiH Construire le diagramme des niveaux d’énergie de la molécule LiH à partir des orbitales atomiques de Li et H dont on calcule les énergies. Les Z* ont été calculés en utilisant une règle définie par J. C. Slater : l’énergie d’une 13,6 OA de nombre quantique n est obtenue par la formule : E = - 2 (Z*)2. n Dans cette équation, Z* est un paramètre dépendant de l’atome considéré que l’on obtient en retranchant au Z réel une quantité ajustée empiriquement en fonction de n : Z* = Z – nω. Pour Li, nous avons ω(1s) = 0,31; ω(2s) = 0,85.
Exercices
51
Solution La configuration électronique de Li est 1s2 2s1, avec E(n) = -
13,6
(Z*)2. n2 Pour l’orbitale 1s nous avons : n = 1, d’où Z* = 3 – 0,31 = 2,69 ce qui conduit à : E(1s) = – 13,6 × (2,69)2 = 98,41 eV
Pour l’orbitale 2s : n = 2 d’où Z* = 3 – 2 × 0,85 = 1,3 et finalement : 13,6 × (1,3)2 = – 5,75 eV 4 À partir de ces deux énergies, dont nous constatons qu’elles sont très éloignées l’une de l’autre, il est possible de construire le diagramme énergétique conduisant qualitativement à la formation des OM de la molécule. L’OA 1s de Li reste inchangée car son énergie est trop éloignée de l’énergie des électrons de valence. Par contre, les deux OA, 2s (Li) et 1s (H) sont relativement proches en énergie et peuvent se combiner pour donner deux OM. La plus stable de ces combinaisons est liante, nous la nommons σ, la moins stable est antiliante, nommée σ*. Comme nous disposons de deux électrons de valence (un sur H, un sur Li), c’est l’OM liante σ qui est doublement occupée. La figure 1.18 résume cet ensemble de résultats.
E(2s) = –
σ *( OM antiliante)
eV – 5,75
2s
1s – 13,6
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σ ( OM liante) 1s
– 98,4
H
1s
H – Li
Li
Figure 1.18
L’indice de liaison est défini par : IL =
Nombre d’électrons liants - Nombre d’électrons antiliants 2
52
1 • Des Orbitales Atomiques aux Orbitales Moléculaires
ILLiH =
2-0 =1 2
une simple liaison
1.8 (*) Un modèle homothétique de l’atome d’hydrogène et son électron En prenant 1 pour masse de l’électron, la masse du proton est 1 840. Le diamètre du proton est 10– 15 m. Le rayon moyen de l’OA 1s est de 0,75 Å et celui de l’OA 2s est environ 3 Å (voir le texte et l’exercice résolu 1.5). Nous prenons un modèle très simple : le noyau est représenté par un melon d’environ 1,85 kg et l’électron par une abeille de masse 1 g. L’échelle atomique est alors respectée. a) En assimilant le melon à un point matériel, à quelle distance du melon l’abeille gravite-t-elle en moyenne lorsqu’elle se trouve dans l’OA 1s ? Proposer une échelle pour rendre compte du phénomène. b) Comparer la distance précédente à celle d’une seconde abeille gravitant dans l’OA 2s. Solution a) La valeur du rayon moyen < r1s > est 0,75 Å, soit 0,75 ⋅ 10– 10 m = 7,5 ⋅ 10– 11 m. Cette distance, rapportée à celle du proton prise comme unité, donne 7,5 ⋅ 10– 11/10– 15 = 7,5 ⋅ 104. Pour fixer les idées, si le proton avait un diamètre de 1 m; l’abeille graviterait à 75 km du centre. Pour un gros melon, prenons un diamètre de 20 cm. L’abeille se trouve alors à 0,20(7,5 ⋅ 104) = 15 km, l’échelle reste très parlante : la distance est considérable par rapport à la taille du noyau. b) Si une seconde abeille gravite dans l’OA 2s, à 6 Å du centre, le précédent rapport devient : 6 ⋅ 10– 10/10– 15 = 6 ⋅ 105. Avec la première convention de la question 1 (diamètre de 1 m), si la première abeille gravite à 75 km du centre, sa consœur gravite à 600 km ! Avec la seconde convention (diamètre de 0,2 m), nous obtenons une distance de 0,2(6 ⋅ 105) = 120 km (comparé à 15 km). Ces constatations sont très surprenantes : il est évidemment extrêmement difficile de réaliser à quel point la matière est avant tout faite… de vide ! Cela nous permet aussi de réaliser qu’en pratique, si nous devions décrire mathématiquement le système formé par l’abeille et le melon, il nous faudrait employer un système de localisation qui prenne en compte à la fois l’énormité des distances et la mobilité de l’abeille : une méthode probabiliste s’imposerait alors naturellement. Il en va de même pour l’atome et ses électrons. Nous pensons que ce modèle très élémentaire répond à la plupart des questions que se posent les partisans du déterminisme, choqués par les méthodes de la mécanique quantique.
1.9 (**) Potentiel d’ionisation et configuration électronique a) Donner la configuration électronique du magnésium (Z = 12). b) Combien y a-t-il de potentiels d’ionisation successifs pour le magnésium ? c) À quelle configuration électronique mettant en jeu l’enlèvement d’un seul électron correspond le plus élevé d’entre eux ?
Exercices
53
Solution a) La configuration électronique du magnésium (Z = 12) est : 1s2 2s2 2p6 3s2. b) Il y a douze potentiels d’ionisation successifs pour le magnésium. c) La valeur la plus élevée du potentiel d’ionisation impliquant le départ d’un seul électron correspond à la configuration électronique 1s12s2 2p6 3s2 (on enlève un électron à la couche la plus stable). Cette énergie est de l’ordre de 49 u.a. soit environ 1 333 eV). Il est clair qu’on peut également envisager une ionisation totale du type Mg11+ → Mg12+ + e, mais ce processus implique des énergies considérables qui sont loin de correspondre à la gamme des énergies impliquées en chimie classique.
1.10 (**) Énergies selon la théorie de l’atome de Bohr a) Donner en eV puis en kcal ⋅ mole– 1 l’expression de l’énergie de l’électron de l’atome d’hydrogène en fonction de n, nombre quantique principal. Rappelons que l’énergie calculée pour l’atome de Bohr (formule (1.27) dans le texte) est donnée par E(n) = – Rydberg l’expression Ry =
m Z 2e4 8ε 20 n2 h 2
. On appelle constante de
me4
; Ry = 13,6 eV (0,5 unité atomique 8ε 20 h 2 d’énergie et 1 ev = 23,06 kcal ⋅ mole– 1). b) Calculer en eV puis kcal ⋅ mole– 1 la valeur de l’énergie dans l’état fondamental (n = 1) et dans les états pour lesquels n = 2, 3 et 4. Solution a) L’expression de l’énergie de l’électron de l’atome d’hydrogène en fonction de n, nombre quantique principal est :
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Z2
Z2
Z2
= – 13,6
=–
13,6 × 23,06 kcal ⋅ mole– 1 = –
Z2
313,616 kcal ⋅ mole– 1 n2 n2 n2 n2 b) Calculer la valeur de l’énergie en eV et en kcal ⋅ mole– 1 dans l’état fondamental (n = 1) et dans les états pour lesquels n = 2; 3 et 4. n=1 E1 = – Ry = – 13,6 eV = – 313,616 kcal ⋅ mole– 1 n=2 E2 = – Ry / 4 = – 3,4 eV = – 78,404 kcal ⋅ mole– 1 n=3 E2 = – Ry / 9 = – 1,51 eV = – 34,803 kcal ⋅ mole– 1 n=4 E2 = – Ry / 16 = – 0,85 eV = – 19,601 kcal ⋅ mole– 1 E = – Ry ⋅
Chapitre 2
La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
2.1
OBTENTION DE LA FONCTION D’ONDE D’UNE MOLÉCULE : ORBITALES MOLÉCULAIRES (OM)
Nous n’allons considérer que le problème correspondant au cas d’un hamiltonien monoélectronique, en généralisant les techniques que nous avons définies dans le premier chapitre. Considérons deux atomes A et B quelconques, possédant chacun des OA, que nous notons pour l’instant ϕAi, ϕBk avec i = 1,… n, k = n + 1,… N. Nous allons, comme dans le cas de H2+ (voir le § 1.9), tenter de fabriquer une fonction d’essai de la forme : Ψ = Â 1 cr ϕ r © Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
N
(2.1)
Introduisons cette fonction dans l’équation de Schrödinger sous la forme intégrée, où Hˆ est le hamiltonien total du système. Nous obtenons :
Ú Ψ * Hˆ Ψ d v = E Ú Ψ * Ψ d v <==> < Ψ Hˆ
Ψ>=E<Ψ Ψ>
(2.2)
En effectuant la substitution, nous voyons apparaître deux grands types d’intégrales que nous noterons : (2.3) Sik = < ϕiϕk > Hik = < ϕi Hˆ ϕk > (2.4) Considérons d’abord les intégrales Sik. Deux grands cas sont à considérer : a) Si i et k appartiennent au même atome, nous avons Sik = δij, par suite de l’orthogonalité des OA sur chaque atome.
56
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
b) Si i et k appartiennent à des atomes différents, Sik est un nombre réel quelconque. On appelle Sik l’intégrale de recouvrement (overlap en anglais) entre les OA d’indices i et k.
2.2
REPRÉSENTATION GRAPHIQUE DU RECOUVREMENT
Avec les conventions de dessin des OA qui ont été données au § 1.10.2, il est possible de représenter graphiquement le recouvrement de deux orbitales. Prenons le cas simple de l’intégrale de recouvrement entre deux fonctions 1s (deux sphères situées à une certaine distance), comme dans le calcul de H2+. Nous devons adopter une convention pour donner consistance au fait que nous pouvons avoir ϕ1 + ϕ2 ou ϕ1 – ϕ2. La convention universellement adoptée est simple. Nous utilisons deux couleurs, mettons noir et blanc, ou bien des hachures et pas de hachures : quand les deux fonctions s’additionnent, on les représente avec continuité de coloration, quand elles se soustraient, on change la couleur d’un des partenaires, il n’y a plus continuité de coloration. La figure 2.1 donne des exemples simples de représentations graphiques :
ϕ1
– ϕ1 + – ϕ2
+ ϕ2
S>0
ϕ1 – ϕ2
– ϕ1 + ϕ2
S<0
Figure 2.1
2.3
Intégrales de résonance HIK
57
Dans le premier cas, l’on dit aussi que les deux fonctions sont en phase, dans le cas contraire qu’elles sont en opposition de phase. Lorsque le recouvrement se fait avec le signe +, l’intégrale de recouvrement est > 0, et < 0 dans le cas contraire (voir le calcul exact du recouvrement au premier chapitre).
2.3
INTÉGRALES DE RÉSONANCE HIK
Les intégrales Hik appelées souvent « intégrales de résonance » demandent une attention particulière. Nous avons vu lors du traitement de H2 + qu’elles entraînent des calculs vraiment délicats [voir (1.58) et (1.59) au chapitre 1]. Nous allons maintenant utiliser une formule approchée très pratique, qui découle du calcul exact [voir (1.59), chapitre 1] : Hik est proportionnel à Sik1. Hik = K Sik (Ei + Ek) K est une constante allant de 1 à 0,875
(2.5)
Dans cette expression Ei et Ek sont les énergies de l’électron dans les OA ϕi et ϕk des atomes isolés. Il résulte directement de l’expression (1.67) (chapitre 1) que : a) si les OA ϕi et ϕk appartiennent au même atome, Sik = δik, d’où nous déduisons que Hii est très voisin de Ei si i = k, et d’autre part, Hik = 0 si les OA ϕi et ϕk (i ≠ k) sont situées sur le même atome. Ce résultat est conforme au résultat que nous avons trouvé au premier chapitre où HAA était égal à EA plus un petit terme correctif positif. Par la suite, nous appliquerons l’approximation : Hii = Ei (2.6) b) si les OA i et k sont situées sur des atomes différents, Hik est donné par la formule (2.5).
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Signe de Hik. Si nous considérons les termes de l’égalité (2.5), nous voyons que Ei et Ek sont négatifs. Le terme Hik est donc du signe de Sik. Nous prenons dorénavant la convention générale suivante : Hik est un terme négatif quand Sik est > 0. C’est une énergie : elle est liante quand S est > 0, antiliante dans le cas contraire. On l’appelle énergie de résonance de l’électron, partagée entre deux atomes par l’intermédiaire des OM ϕi et ϕk. À l’aide des expressions approximatives précédentes, il nous est possible de traiter simplement le cas d’un système quelconque. 1. Cette approximation porte le nom d’approximation de Wolfsberg-Helmholtz.
58
2.4
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
RÉSOLUTION DANS LE CAS GÉNÉRAL
Examinons un système formé d’atomes fixes, et cherchons une solution monoélectronique de l’énergie. Pour simplifier nous noterons les OA portées par tous les atomes ϕ1 à ϕN, sans avoir à préciser sur quels atomes elles sont fixées. Nous avons alors Ψ = Â1 ci ϕ i . L’équation de Schrödinger s’écrit : N
< Â 1 ci ϕ i H N
Â1
N
ci ϕ i > = E < Â 1 ci ϕ i N
Â1
N
ci ϕ i >
(2.7)
Nous n’expliciterons pas les intégrales pour le moment, nous bornant à généraliser les notations déjà rencontrées lors du traitement de l’ion moléculaire H2 +. Nous obtenons directement :
c12 ( H11 - ES11 ) + c22 ( H 22 - ES22 ) + … + cN2 ( H NN - ESNN ) + 2c1c2 ( H12 - ES12 )
(
)
+ 2c1c3 ( H13 - ES13 ) + … + 2c( N -1) cN H( N -1) N - ES( N -1) N = 0
La condition pour obtenir les coefficients d’équilibre s’écrit, comme nous l’avons ∂N ∂D montré au premier chapitre : -E = 0 , ce qui conduit directement au déter∂ ci ∂ ci minant séculaire écrit ci-après. Dans ce déterminant, nous avons tenu compte du fait que Sii = 1 et Hii = Ei dans les termes diagonaux qui sont alors de la forme Ei – E. Nous avons donc : E1 – E
H12 – ES12
…
H1N – ES1N
c1
H21 – ES21
E2 – E
…
H2N – ES2N
c2
Ei – E…
HiN – ESiN
ci
EN – E
cN
Hi1 – ESi1 HN1 – ESN1
=0
Cette équation comporte N + 1 inconnues, les cik et l’énergie associée Ek. On ajoute donc une N + 1-ième condition qui consiste à normaliser la fonction Ψk obtenue pour chaque valeur de Ek : < ΨkΨk > = 1. Le déterminant séculaire précédent possède N solutions réelles, car il est hermitique. En effet, Hij = Hji, cette égalité résultant directement de la définition (2.5). Il faut noter que ce déterminant, appelé déterminant de Hückel Généralisé, n’est autre que la généralisation du déterminant 2 × 2 que nous avions trouvé lors de la résolution de H2+ au chapitre 1. Afin de clarifier l’ensemble des résultats obtenus, nous allons maintenant étudier le cas très simple de la molécule H2, dans laquelle deux électrons sont présents.
2.5
2.5
Énergies et fonctions d’onde associées pour la molécule H2
59
ÉNERGIES ET FONCTIONS D’ONDE ASSOCIÉES POUR LA MOLÉCULE H2
Nous avons deux atomes d’hydrogènes H1 et H2, situés à une certaine distance R, porteurs des OA ϕ1 et ϕ2 de type 1s. Pour simplifier la notation, nous posons H11 = α, c’est l’énergie d’un électron porté par un atome d’hydrogène isolé. Nous posons également H12 = β et S12 = S. Le déterminant séculaire associé s’écrit alors : α – E β – SE c1 =0 β – SE α – E c2 Nous avons déjà résolu ce déterminant lors de l’étude de H2+ (§ 1.9). Les solutions évidentes de l’énergie et les fonctions d’onde associées sont : E1 =
α +β 1+ S
Ψ1 =
E2 =
α -β 1- S
Ψ2 =
1 2(1 + S ) 1 2(1 - S )
( ϕ1 + ϕ 2 )
(2.9)
( ϕ1 - ϕ 2 )
(2.10)
Puisque β est < 0 quand S > 0, E1 est plus négatif que α donc plus stable. La fonction Ψ1 est liante et correspond à l’addition des deux fonctions de départ. Avant la formation de la liaison, chaque hydrogène est porteur d’un électron. Après formation de la liaison qui crée la molécule H2, les deux électrons vont se trouver dans le niveau le plus stable afin de constituer l’état fondamental du système. Le bilan thermodynamique est : ∆E(formation) = 2 E1 – 2α. Si nous négligeons S devant 1 dans (2.9), nous obtenons : ∆E ≈ 2β (2.11) Nous voyons ainsi apparaître une signification très simple de β : c’est la moitié de l’énergie de liaison.
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La figure 2.2 résume schématiquement cet ensemble de faits. E = (α – β) / (1 – S) Ψ2 = Cst.(ϕ1 – ϕ2)
H1
H2 E1 = (α + β) / (1 + S) Ψ1 = Cst.(ϕ1 + ϕ2) Figure 2.2
Cst. est une constante adaptée à chaque cas
60
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
2.6
MÉTHODE DE HÜCKEL GÉNÉRALISÉE ET MÉTHODE DE HÜCKEL DITE « SIMPLE »
Dans le déterminant séculaire général que nous avons obtenu plus haut, les quantités Ei de la diagonale sont fixées une fois pour toutes et constituent une base de données. Il est possible de les obtenir à partir de mesures expérimentales, ou de les adapter par tests successifs. Il en va de même pour les OA qui servent de base à la fabrication de la fonction d’onde Ψ. Par contre le recouvrement S dépend à la fois des fonctions atomiques et des positions géométriques. Il ne peut donc être obtenu que par un calcul exact, l’ensemble de la technique porte alors le nom de méthode de Hückel Généralisée. Le calcul des Sik, la résolution des équations et le calcul des coefficients d’un déterminant séculaire, de taille même modeste, requiert l’utilisation d’un calculateur rapide à partir de N > 3, mais ne présente aucune difficulté technique particulière. De tels problèmes se traitent en routine et ne nécessitent pas de réflexion approfondie pour la suite de ce cours. Notre but est tout autre, nous voulons fournir aux chimistes un outil qui justement leur permette de s’affranchir de l’emploi d’un ordinateur ! À cette fin, nous allons effectuer une série d’approximations, tout en gardant la cohérence de la méthode générale. La base de ces simplifications porte naturellement sur la quantité Sik puisque c’est la seule qu’il nous faille calculer exactement. L’examen de Sik montre que cette intégrale dépend d’une exponentielle qui s’amortit très vite avec la distance [voir (1.55), chapitre 1]. D’autre part, nous avons vu que le terme Hik est proportionnel à Sik. Nous effectuons donc la transformation suivante : – dans l’expression des termes situés en dehors de la diagonale, du type Hik – ESik, nous négligeons le second terme devant le premier qui se ramène donc à Hik seul; – nous ne gardons les termes non diagonaux Hik que si les atomes i et k sont plus proches voisins et de plus liés par une liaison chimique classique. Dans le cas contraire nous posons Hik = 0. Le déterminant de H2 devient alors : α-E
β
β
α-E
=0
Les solutions évidentes sont : E′1 = α + β associé à Ψ′1 =
1
E′2 = α – β associé à Ψ′2 =
1
2
(ϕ1 + ϕ2)
(ϕ1 – ϕ2) 2 Nous retrouvons bien les mêmes termes qu’en (2.9) et (2.10) en posant S = 0. Il est aisé de comparer les deux méthodes à l’aide de la figure 2.3. Nous constatons la cohérence des deux méthodes qui sont d’autant plus proches que S est faible, ce qui est le cas dans la plupart des structures usuelles. Nous donne-
2.7
Rôle fondamental de la symétrie
61
(α – β)/(1 – S) α
β
α–β
β
α
(α + β)/(1 + S) α+β Figure 2.3
rons de multiples applications de la méthode simplifiée dans toute la suite du cours mais, pour l’heure, nous nous bornerons à cet exemple dans ce chapitre.
2.7
RÔLE FONDAMENTAL DE LA SYMÉTRIE
Jusqu’à présent, nous avons défini des Orbitales Atomiques à partir d’un modèle de champ central (r, θ, ϕ), puis nous avons défini deux grands types d’intégrales, que nous avons appelées respectivement Sij = < ϕiϕj > (intégrales de recouvrement) et de la même façon, Hij = < ϕi Hˆ ϕj > (intégrales de résonance). Nous avons particulièrement insisté sur le fait que Hij est proportionnel à Sij. Il se trouve donc que les intégrales de recouvrement entre deux fonctions atomiques portées par des atomes différents revêtent un intérêt tout particulier. Rappelons une fois encore que sur un atome, les OA forment une base orthonormée, c’est-à-dire que nous avons par construction un ensemble de fonctions ϕi tel que : (2.11) < ϕiϕj > = δij (δij = 1 si i = j; δij = 0 si i ≠ j) Ces propriétés disparaissent dès que les OA ϕi et ϕj ne sont plus portées par le même atome. Nous allons montrer à l’aide d’exemples simples que les intégrales de recouvrement dépendent directement de la symétrie locale des OA considérées.
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2.7.1 Notion de symétrie locale De très nombreuses molécules possèdent des éléments de symétrie spatiale tels que des axes de rotation, des plans de symétrie, un centre d’inversion, etc. en étroite relation avec la structure géométrique de l’ensemble d’atomes considérés. Nous allons nous servir de ces éléments pour bâtir des déterminants séculaires et montrer que leur solution dépend étroitement de la symétrie du système considéré. Premier exemple : la molécule hypothétique LiH2 linéaire. Les deux distances LiH sont prises égales, la molécule possède plusieurs éléments de symétrie, mais nous nous bornerons à considérer le plan orthogonal à l’axe moléculaire et passant par Li, défini dans la figure 2.4. L’axe H Li H définit la direction que nous nommons z et nous traçons le reste du trièdre de référence en prenant les axes x et y passant par Li. Ces axes sont définis à une rotation près, d’angle quelconque, autour de l’axe z.
62
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
x 1 z H
Li
1s
H
y
S12 > 0
2
3
2s
1s
S23 > 0
Figure 2.4
Les OA mises en jeu sont : – une OA de type 2s sur le lithium; – une OA de type 1s sur chaque atome d’hydrogène. Une fois que la direction z > 0 est fixée, toutes les OA situées le long de cet axe sont automatiquement orientées. Nous adoptons la convention évidente suivante : la partie positive d’une OA est laissée en blanc si elle possède le signe plus, elle est colorée si elle possède le signe moins. Dans ces conditions, entre deux parties spatiales de même signe, le recouvrement est > 0, comme nous l’avons calculé au chapitre précédent pour deux OA de type 1s situées à une distance R. Nous traduisons cette propriété dans le dessin précédent en colorant d’une même manière les OA en interaction. Le déterminant 3 × 3 de Hückel résultant (méthode de Hückel Simple) s’écrit immédiatement en prenant les conventions usuelles et la numérotation de la figure précédente : < 1s(1) Hˆ 1s(1) > = < 1s(3) Hˆ 1s(3) > = αH < 2s(2) Hˆ 2s(2) > = αLi < 1s(1) Hˆ 2s(2) > = < 2s(2) Hˆ 1s(3) > = β, < 1s(1)¦ Hˆ ¦1s(3) > = 0 < 1s(1)2s(2) > = < 2s(2)1s(3) > = S Nous obtenons alors : αH – E
β
0
β
αLi – E
β
0
β
αH – E
=0
Nous pouvons effectuer la transformation αLi = αH + kβ, puis en posant x=
αH - E avec E = α – βx β
(2.12)
2.7
Rôle fondamental de la symétrie
63
Nous sommes directement conduits au déterminant équivalent en x : x 1 0 1 x+k
1 =0
0
x
1
Les solutions de x(x2 + kx – 2) = 0 sont :
-k ± k 2 + 8 (2.13) 2 Sachant que le lithium est nettement moins électronégatif que l’hydrogène, posons pour fixer les idées k = – 1. Nous avons alors αLi = αH – β, avec β < 0, et nous avons donc ainsi αLi moins négatif que αH, ce qui est réaliste. Les valeurs correspondantes de x sont dans ce cas : x = 0; x = 2; x = – 1; ce qui nous donne les trois valeurs de l’énergie : E (liante) = αH + β; E (non liante) = αH ; E (antiliante) = αH – 2β. Il est aisé d’obtenir les trois fonctions d’onde associées ce qui est laissé à la discrétion du lecteur. Nous obtenons l’ensemble des solutions : x = 0 et x =
1
E (liante) = αH + β, Ψ1(liante) =
3
[1s(1) + 2s(2) + 1s(3)]
1
E (non liante) = αH ; Ψ2(non liante) = E(antiliante) = αH – 2β; Ψ3 (antiliante) =
1 6
2
[1s(1) – 1s(3)]
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
+ 1s(3)
– 2(2s(2))
Ψ2 1s(1)
– 1s(3)
Ψ1 1s(1)
+ 2s(2)
+ 1s(3)
Figure 2.5
(2.15)
[1s(1) – 2(2s(2)) + 1s(3)](2.16)
Ψ3 1s(1)
(2.14)
64
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
Si nous examinons de plus près les trois solutions précédentes, nous voyons que Ψ1 et Ψ3 sont symétriques par rapport au plan de symétrie précédemment défini, tandis que Ψ2 est antisymétrique et de ce fait ne comporte aucune contribution de l’OA 2s du lithium. Ceci nous montre que l’OA 2s du lithium qui est symétrique par rapport au plan de symétrie de la figure 2.4 ne se combine qu’avec une combinaison également symétrique des hydrogènes. Nous allons chercher à préciser ce type de résultat dans un autre exemple. Cas de l’OA 2pz du lithium traitée avec les axes définis plus haut
Considérons maintenant l’OA 2pz de Li et deux hydrogènes équidistants du centre par lequel passe le même plan de réflexion que dans le cas précédent (figure 2.6).
S<0
S>0
2pz(2)
z
1s(1)
1s(3) Figure 2.6
Une fois orienté l’axe z, nous dessinons toutes les OA intervenant dans le schéma avec la convention précédente : aucune coloration correspond à la partie positive de chaque OA. Il est clair que l’OA 2pz possédant un plan nodal, c’est-à-dire qu’en le traversant la fonction change de signe, les recouvrements de cette OA avec 1s(1) et 1s(3) sont de signe opposé, comme montré sur la figure 2.6. Dans ces conditions, le terme H12 = < 1s(1) Hˆ 2pz > est > 0 (antiliant) puisque le recouvrement < 1s(1)2pz > est < 0.1 Au contraire, le terme H23 = < 1s(3) Hˆ 2pz > est < 0 (liant) car le recouvrement est > 0. Pour construire le déterminant séculaire correspondant, il nous faut évidemment tenir compte du fait que H12 et H23 sont égaux en valeur absolue mais de signe opposé. Si nous prenons de façon conventionnelle la valeur H23 = β (< 0 par définition), nous avons évidemment H12 = – β. Dans ces conditions, nous obtenons un déterminant identique au cas de l’OA 2s, mais avec certains changements de signe. αH – E –β 0 –β
αLi – E
β
0
β
αH – E
=0
1. Nous avons défini plus haut que l’intégrale Hij est < 0 quand S est > 0.
(2.17)
2.7
Rôle fondamental de la symétrie
65
Après les transformations usuelles, nous obtenons le déterminant en x : x
–1
–1
x+k
0
1
0 1 =0
(2.18)
x
dont les racines sont solutions de x(x2 + kx – 2) = 0, soit, en prenant comme précédemment k = – 1, les valeurs x = 0; x = – 1; x = 2. Les fonctions d’onde associées sont aisées à obtenir, nous donnons directement le résultat : x = – 1; E = αH + β; Ψ1 (liante) =
1 3
1
x = 0; E = α; Ψ2 (non liante) = x = 2; E = αΗ – 2β; Ψ3 (antiliante) =
[1s(1) – 2pz(2) – 1s(3)]
2
1 6
[1s(1) + 1s(2)]
(2.19) (2.20)
[1s(1) + 2(2pz(2)) – 1s(3)] (2.21)
Les dessins de la figure 2.7 en donnent une illustration qualitative :
Ψ3 1s(1)
– 1s(3)
+ 2(2pz(2))
Ψ2
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1s(1)
1s(3)
Ψ1 1s(1)
– 2pz(2)
– 1s(3)
Figure 2.7
Une fois encore, nous voyons que l’OA centrale 2pz(2) qui est antisymétrique par rapport au plan de symétrie de référence ne se mélange qu’avec la combinaison [1s(1) – 1s(3)] qui possède la même symétrie de réflexion (le même plan nodal).
66
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
Les deux exemples précédents, portant sur une molécule triatomique linéaire, nous induisent à une généralisation lourde de conséquences : seules peuvent se combiner les OA, ou les combinaisons linéaires d’OA des constituants qui possèdent la même symétrie par rapport à un plan de symétrie qui est un élément de symétrie de la description spatiale de la molécule complète. Nous allons chercher à approfondir empiriquement cet argument à l’aide d’un jeu de boules. 2.7.2 Quelques propriétés de symétrie déduites de l’examen d’un jeu de boules Dans cette partie, nous allons utiliser pour simplifier des OA sphériques de même taille. Nous avons montré dans le chapitre 1 (équation 1.55) que le recouvrement de deux OA ϕi et ϕj de type s, situées à une distance R s’écrit sous la forme : È R2 ˘ Sij = e - R Í1 + R + (2.22) ˙ 3 ˙˚ ÍÎ Nous allons maintenant faire l’approximation très qualitative suivante : une OA de type 2p peut être représentée par deux sphères tangentes. Le plan orthogonal à la droite joignant les centres des deux sphères est le plan nodal par convention, c’est-àdire que la fonction de l’une des sphères est prise positive d’un côté de ce plan, celle de l’autre sphère est prise négative, comme le montre la figure 2.8.
+
-
+
OA 2p (contour conventionnel)
Modélisation d'une OA de type 2p par deux sphères OA 2p (contour conventionnel) Figure 2.8
Dans ces conditions, il devient possible de modéliser les recouvrements du type < 1s(i) ou 2s(i)2p(j) >; < 2p(i)2p(j) > par des recouvrements entre sphères de type 1s. Les trois exemples suivants sont particulièrement caractéristiques :
2.7
Rôle fondamental de la symétrie
67
R1
+
+ 1
2
R2
z
3
I (sphères alignées)
3
-
-
3
R2
R1
+
R1
+
1
+
+
R2
1
2
2
IIII (3 sphères quelconques) II (un plan nodal pour 2p)
Figure 2.9
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Examinons l’exemple I où les trois sphères sont alignées. Nous avons :
È È R2 ˘ R2 ˘ (2.23) Stotal ( I ) = e - R1 Í1 + R1 + 1 ˙ - e - R2 Í1 + R2 + 2 ˙ 3 ˙˚ 3 ˙˚ ÍÎ ÍÎ Dans cette somme, le second membre est beaucoup plus petit que le premier et dans ce cas de figure Stotal(I) est positif, ce qui n’a pas d’importance particulière, l’essentiel étant de constater que du fait que R1 et R2 sont différents, cette intégrale est différente de zéro et ne devient nulle que lorsque R1 et R2 → ∝, c’est-à-dire pour des distances très grandes qui n’ont pas pour nous de sens chimique. Dans l’exemple II, la sphère notée 1 est située dans le plan nodal de l’OA 2p, sur une droite orthogonale à celle qui joint les deux centres des sphères. Du fait des propriétés de symétrie évidentes, nous avons R1 = R2 et il s’ensuit que quelle que soit la distance R, nous avons : (2.24) Stotal(II) = 0 Enfin dans l’exemple III, les trois centres des sphères forment un plan et les trois sphères sont symétriques par rapport à ce plan. Tant que l’inégalité R1 ≠ R2 est
68
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
respectée, nous avons une somme du même type que pour Stotal(I) et la valeur de Stotal(III) est quelconque, avec les mêmes conditions aux grandes distances que pour Stotal(I). Il serait fastidieux de répéter les mêmes arguments avec quatre sphères représentant le cas de deux OA de type 2p situées sur deux atomes différents. – Dans l’exemple I, les trois sphères sont coaxiales, elles possèdent donc en commun le seul élément de symétrie commun à cette figure, l’axe qui joint leurs centres : leur recouvrement est un nombre quelconque. – Dans l’exemple III, les trois sphères sont symétriques par rapport au plan formé par leurs trois centres qui est le seul élément de symétrie : le recouvrement est de nouveau un nombre quelconque. – Dans l’exemple II, la sphère 1 est située dans le plan nodal des sphères 2 et 3. L’élément de symétrie commun est un plan passant par le centre de la sphère 1, le point de tangence des sphères 2 et 3 est orthogonal à la droite joignant les centres de ces deux dernières. La sphère 1 est conservée par réflexion par rapport à ce plan, elle est dite « symétrique » par rapport à cette opération. Au contraire, la pseudo OA 2p change de signe par réflexion : elle est dite « antisymétrique » par rapport à la transformation précédente.
Nous retrouvons donc dans cette analyse géométrique ce que nous avons déjà trouvé précédemment par le calcul : seules des OA ou combinaison d’OA ayant les mêmes propriétés de symétrie par rapport aux éléments de symétrie de l’ensemble peuvent conduire à un recouvrement non nul, donc à une éventuelle combinaison.
2.7.3 Généralisation des résultats empiriques précédents Afin de ne pas alourdir l’exposé de cette partie, nous allons dans cette généralisation qui revêt la plus grande importance pour la suite de nos discussions accepter sans démonstration des résultats dont nous n’avons examiné qu’une approche qualitative très élémentaire. Seule la théorie des groupes permet de les justifier d’une manière très élégante et définitive. Nous en donnons un peu plus loin un aperçu qualitatif destiné à nous familiariser avec ses applications les plus simples. Revenons sur les deux résultats précédemment traités, que ce soit à l’aide d’OA ou de sphères équivalentes. Prenons maintenant l’espèce linéaire HLiH. Nous plaçons comme précédemment un système d’axes cartésiens centré sur Li, l’axe z étant dirigé selon les atomes, comme dans la figure 2.10. Sur Li, (atome 2) nous avons un ensemble d’OA formé de 2s, 2px, 2py, 2pz ; sur les atomes H1 et H2, nous avons respectivement deux OA 1s, notées respectivement 1s1 et 1s2. Les OA 2px et 2py étant orthogonales à l’axe z et évidemment orthogonales à 2pz, ne se mélangent pas avec l’ensemble formé par {2s et 2pz} sur Li et {1s1 et 1s2} sur les hydrogènes. Il est possible d’écrire directement le déterminant de l’ensemble du système en assimilant, pour simplifier l’écriture, les valeurs absolues des inté-
2.7
Rôle fondamental de la symétrie
69
x
z Li 2
H 1
H 3
y Figure 2.10
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
grales de résonance < 1s Hˆ |2s > et < 1s| Hˆ 2pz > à une valeur commune β. Pour écrire ce déterminant, il n’existe a priori aucun ordre privilégié de classement des atomes et des OA. Nous pouvons par exemple employer celui que nous avons pris arbitrairement sur la figure précédente, mais il est évident que nous pouvons prendre n’importe quel autre. En effet, cela revient à intervertir l’ordre des lignes et colonnes d’une déterminant égal à zéro, ce qui ne l’affecte en aucune façon. (Rappelons que le fait d’échanger deux lignes ou deux colonnes d’un déterminant ne fait qu’en changer le signe). Nous obtenons dans ces conditions : 2s 2px 2py 2pz 1s2 1s1 1s1
αH – E
β
0
0
–β
0
2s
β
α2s – E
0
0
0
β
2px
0
0
α2p – E
0
0
0
2py
0
0
0
α2p – E
0
2pz
–β
0
0
0
α2p – E
β
1s2
0
β
0
0
β
αH – E
=0
(2.25)
Considéré sous cette forme, ce déterminant 6 × 6 pose avant tout un important problème mathématique : comment résoudre une équation du 6e degré, même si, à l’évidence, de très nombreux zéros apparaissent. En nous basant sur la symétrie des OA et ne mettant à part celles qui sont conservées par rotation autour de l’axe z, c’est-à-dire les OA {1s1, 1s2} et {2s, 2pz}, nous pouvons réarranger le déterminant selon : 2s 2pz 1s1 1s2 2px 2py 2s
α2s – E
0
β
β
0
0
2pz
0
α2p – E
–β
β
0
0
1s1
β
β
αH – E
0
0
0
1s2
β
β
0
αH – E
0
0
2px
0
0
0
0
α2p – E
0
2py
0
0
0
0
0
α2p – E
=0
(2.26)
70
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
Nous voyons apparaître deux déterminants indépendants, le premier 4 × 4 regroupe les OA conservées par rotation, le second 2 × 2 regroupe les OA orthogonales aux précédentes. Ce dernier déterminant a pour solutions les deux OA 2px et 2py, pures de tout mélange, d’énergie α2p : elles sont dégénérées (orthogonales entre elles et de même énergie). En dépit de sa forme simple, le déterminant 4 × 4 ne possède pas de solutions évidentes. Cependant pour le simplifier, nous pouvons chercher à utiliser les propriétés de symétrie que nous avons déterminées auparavant. Nous avons vu en effet que l’ensemble {1s1 + 1s2} ne se mélange qu’avec 2s tandis que l’ensemble {1s1 – 1s2} ne se mélange qu’avec 2pz. Formons donc deux nouvelles combinaisons normées d’OA :
1
Ψ1 =
2
(1s1 + 1s2 )
(2.27)
1
(1s1 - 1s2 ) (2.28) 2 De telles combinaisons sont appelées Orbitales de Symétrie. L’énergie des ces deux combinaisons est αH car les deux OA n’interagissent pas au sens de la méthode de Hückel utilisée, n’étant pas portées par des voisins liés. Calculons l’intégrale : Ψ2 =
< Ψ1| Hˆ |Ψ1 > =
1 < 1s1 + 1s2| Hˆ |1s1 + 1s2 > 2
1 [ < 1s1| Hˆ |1s1 > + < 1s2| Hˆ |1s2 > ] = αH 2 Les atomes 1 et 2 n’étant pas liés, les termes croisés sont nuls. Il en va de même pour l’intégrale < Ψ2| Hˆ |Ψ2 > qui est égale à αH. Les nouvelles intégrales de résonance incluant les OA 2s et 2pz sont alors, tenant compte de ce que nous avons déjà démontré auparavant :
=
< 2sΨ1 > =
1
2 < 2sΨ2 > = 0
< 2pzΨ1 > = < 2pzΨ2 > =
[ < 2s1s1 + 1s2 > ] =
1
1 2
2 2
β
(2.30)
[ < 2pz1s1 + 1s2 > ] = 0
[ < 2pz1s1 – 1s2 > ] = -
(2.29)
2
(2.31)
(2.32) β 2 2 Nous pouvons donc réarranger le déterminant 4 × 4 selon la disposition suivante :
2.7
Rôle fondamental de la symétrie
Ψ1
2pz
Ψ2
β
0
0
αH – E
0
0
0
α2p – E
2s 2s Ψ1
2
α2s – E
2 2
2pz
0
Ψ2
0
71
2
β
-
0
2 2
β
-
2 2
=0
β
αΗ – E
Notre patience est venue à bout du problème; il ne reste que deux déterminants indépendants de taille 2 × 2. Nous disons que ces deux déterminants sont irréductibles car il est impossible d’en diminuer encore la taille. Les solutions sont alors évidentes, nous avons, en posant pour simplifier la notation : α2s = α2p = α avec α = αH + kβ (nous prenons encore k = – 1, voir plus haut). En posant x = x+k
2/ 2
2/ 2
x
α-E , il vient : β
=0
L’équation du second degré correspondante est x2 + kx – 2 = x2 – x – 2, ce qui conduit à : E1(2s) = α + β, avec l’OM associée :
(
Γ1 ª 2 s + 2 Ψ1
)
(2.33)
soit, une fois cette OM normée :
1
Γ1 =
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
6 E2(2s) = α – 2β, avec l’OM associée :
( 2s + 1s1 + 1s2 )
(2.34)
Ê ˆ 2 Γ 2 ª Á 2s Ψ1 ˜ 2 Ë ¯
(2.35)
soit, une fois l’OM normée :
1
(
)
(2.36) 2 ( 2 s ) - 1s1 - 1s2 6 Nous retrouvons bien les OM que nous avons trouvées précédemment. De la même façon, en résolvant le second déterminant 2 × 2, nous obtenons la même équation du second degré x2 + kx – 2 = 0. Ses solutions sont évidemment les mêmes, à condition de remplacer (1s1 + 1s2) par (1s1 – 1s2).
Γ2 =
72
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
(
)
E3(2p) = α + β avec l’OM associée Γ 3 ª 2 p - 2 Ψ1 , soit une fois l’OM normée :
1
Γ3 =
3
( 2 p - 1s1 + 1s2 )
(2.37)
Ê ˆ 2 E4(2p) = α – 2β avec l’OM associée Γ 4 ª Á 2 s + Ψ1 ˜ , soit, une fois l’OM 2 Ë ¯ normée :
1
(
)
2 ( 2 p ) + 1s1 - 1s2 (2.38) 6 Nous retrouvons donc effectivement à l’aide des OM de symétrie les solutions déjà trouvées en (2.19), (2.20) et (2.21). Γ4 =
Nous venons de voir qu’en utilisant les propriétés de symétrie des OA ou de combinaisons adéquates de ces dernières, la réduction des déterminants de grande taille est possible et simplifie considérablement la résolution des problèmes. Nous avons également montré en résolvant exactement les équations que le calcul mathématique intègre dans ses solutions la symétrie intrinsèque du problème. Le hamiltonien moléculaire contient donc, de par sa forme mathématique, la solution du problème moléculaire en termes d’OM irréductibles les unes aux autres, appartenant à des symétries locales différentes. En fait, nous venons de montrer l’étroite parenté qui existe entre les solutions des équations séculaires et l’existence d’OA et d’OM de symétrie, irréductibles les unes aux autres. Nous venons de découvrir une petite partie des propriétés d’un édifice infiniment plus vaste : la théorie des groupes.
Il est maintenant temps pour nous d’aborder très qualitativement la théorie des groupes. Toutefois, l’approche que nous allons exposer ne repose que sur des applications très limitées de cette théorie qui contient sans aucun doute les aspects mathématiques les plus universellement employés dans les sciences de la matière et de la vie. 2.7.4 Aperçus qualitatifs sur la théorie des groupes à l’usage des chimistes Nous allons dans un premier temps rappeler axiomatiquement les propriétés élémentaires des groupes finis. Soit un ensemble G{A, B,…} formé de g éléments, pour lequel on définit une loi de composition appelé produit (×). Ainsi, deux éléments A et B possèdent un produit unique, C = A × B. L’ensemble G est appelé groupe d’ordre g si les conditions suivantes sont satisfaites :
2.7
Rôle fondamental de la symétrie
73
– il existe une relation de clôture : à chaque paire {A, B} de G correspond un unique élément de G tel que A × B = C. – le groupe possède une loi de produit associative : (A × B) × C = A × (B × C) = A × B × C – il existe un élément unitaire, noté E, ou élément identité, tel que E × A = A × E = A; – il existe un élément inverse, tel que, à chaque élément de G soit associé un élément B de G tel que A × B = B × A = E. On l’écrit généralement : B = A– 1. Un groupe pour lequel nous avons la propriété A × B = B × A est dit abélien. Nous ne démontrerons pas les propriétés fondamentales suivantes :
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
1) les opérations de symétrie spatiale d’une molécule définissent le groupe ponctuel de la molécule. Ce groupe ponctuel possède des représentations irréductibles qui forment une base pour la représentation de toutes les propriétés électroniques de la molécule; 2) en particulier, les OM d’une molécule appartiennent à des représentations irréductibles du groupe ponctuel de la molécule; 3) lors de la formation de ces OM, seules les OA des fragments possédant la même représentation irréductible peuvent se combiner.
La plupart de ces propriétés ont été démontrées empiriquement dans les paragraphes précédents dans le cas particulier d’une molécule modèle triatomique en nous référant à un seul plan de symétrie. Ces trois points fondamentaux constituent donc une généralisation de ce que nous avons établi à tout ensemble moléculaire ou tout système d’atomes quelconque, possédant une structure fixe donnée. Avant d’entrer dans l’étude de quelques groupes ponctuels, il importe d’insister sur la définition de la symétrie globale et des éléments de symétrie particuliers d’un ensemble d’atomes quelconques. Un élément de symétrie spatiale correspond à toute opération géométrique de géométrie euclidienne usuelle : réflexion par rapport à un point, un plan, rotation par rapport à un axe. Pour que l’élément de symétrie appartienne à la molécule, il faut que l’opération correspondante laisse cette dernière inchangée. Toutefois au cours de ces opérations des atomes peuvent changer d’emplacement, nous considérons que l’opération de symétrie laisse la molécule inchangée si des atomes de même nature s’échangent.
La symétrie moléculaire est certes déduite de la figure géométrique formée par les centres des atomes, mais il faut aussi que des atomes identiques, postulés indiscernables, soient échangés au cours des opérations de symétrie, de façon telle que la molécule reste inchangée dans son ensemble.
74
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
2.7.5 Conventions pour le choix des axes et des opérations de symétrie spatiale Pour une molécule donnée, on choisit d’abord l’axe de rotation d’angle θ qui correspond à la plus grande symétrie : on le note Cn, où θ = 2π/n. De cette façon, un axe de symétrie d’ordre 3 est considéré comme ayant la priorité sur un axe d’ordre 2. Cet axe porte alors le nom d’axe principal, il porte par définition l’axe z des coordonnées. Les axes d’ordre n qui lui sont perpendiculaires sont lors notés C′n. Les plans de symétrie sont notés σ. On en distingue trois types : a) σh est une réflexion dans un plan perpendiculaire à l’axe principal, b) σv est un plan contenant l’axe principal, c) σd est une réflexion dans un plan contenant l’axe principal et bissecteur de deux axes C′2. Sn est une rotation d’ordre n, suivie d’une réflexion dans un plan perpendiculaire à l’axe principal. i est l’inversion par rapport au centre d’inversion. Il est bien évident que la présence de tels éléments de symétrie dépend de la structure du composé examiné. Un très grand nombre de systèmes ne possèdent aucun élément de symétrie : toutes les OA et par conséquent les OM appartiennent dès lors à la même représentation irréductible. Ce cas trivial ne nous intéresse pas, l’on cherche toujours en général à idéaliser les structures de manière à faire apparaître des éléments de symétrie, aussi restreints soient-ils. À ces éléments, il faut ajouter dans tous les cas l’opération d’identité, notée E. Les symboles utilisés pour les représentations irréductibles sont les suivants : – A et B sont utilisés pour des représentations irréductibles d’ordre 1 (non dégénérées), A est conservé par rotation autour de l’axe principal, au contraire de B; – les représentations dégénérées d’ordre 2 sont notées E et celles d’ordre 3 sont notées T; – s’il y a un centre d’inversion, ce qui est conservé est noté g, ce qui ne l’est pas est noté u; – dans tout groupe, il existe une représentation irréductible conservée dans toutes les opérations de symétrie. On l’appelle la triviale et on la note A1 ou A1g selon les cas et Σ+ ou Σg+ dans les groupes linéaires (par exemple toute molécule diatomique du type X2). On nomme groupe ponctuel, tout groupe de symétrie pour lequel tous les éléments de symétrie contiennent le centre des coordonnées. 2.7.6 Exemples de groupes ponctuels : Cs et C2v définitions et généralités La formulation des groupes ponctuels sous la forme de tables de caractères est fixée une fois pour toutes et pour illustrer notre propos, nous allons donner des exemples qui vont nous permettre d’en définir les principaux termes et leur mode d’emploi.
2.7
Rôle fondamental de la symétrie
75
Pour chaque groupe ponctuel, nous allons définir les éléments de symétrie spatiale et donner la forme classique des représentations irréductibles. Ces dernières sont caractérisées par + 1 ou – 1 en regard de chaque opération de symétrie : le signe + est attribué si l’opération de symétrie considérée conserve la propriété examinée; le signe – est donné dans le cas contraire. Sur une même ligne sont données les caractéristiques de chaque représentation irréductible, sous la forme d’une suite de ± 1. Nous mentionnerons pour mémoire le groupe C1 qui ne comporte aucun élément de symétrie et ne possède qu’une seule représentation irréductible, A. Le groupe Cs est un groupe ponctuel très simple, il correspond à un seul plan de symétrie noté σh et possède les représentations irréductibles A′ et A′′. Le groupe C2v est plus élaboré, il correspond aux éléments de symétrie d’un triangle isocèle et possède quatre représentations irréductibles, A1, A2, B1, B2. Groupe Cs axes Groupe C1 E 1
A
E
σh
1
1
A′
x, y
1
–1
A′′
z
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Groupe C2v
axes
E
C2
σv(xz)
σ′v(yz)
1
1
1
1
A1
1
1
–1
–1
A2
1
–1
1
–1
B1
x
1
–1
–1
1
B2
y
z
À l’aide de ces tables de caractères, il est possible de préciser la nature des représentations irréductibles. Considérons le groupe Cs. Les représentations irréductibles A′ et A′′ peuvent être considérées comme des vecteurs de base dont le produit scalaire est nul. En effet, si nous effectuons le produit des caractéristiques sous la forme d’un produit scalaire généralisé, nous obtenons, en prenant le nombre entier P comme la somme des opérations de symétrie présentes, en l’occurrence 2 dans ce groupe : A′ × A′ =
1 1 [1 × 1 + 1 × 1] d’où A′ × A′ = A′′ × A′′ = [1 × 1 + (– 1) × (– 1)] = 1 P 2
1 1 [1 × 1 + 1 × (– 1)] = A′′ × A′ = [1 × 1 + (– 1) × 1] = 0 2 2 Nous voyons que les représentations irréductibles A′ et A′′ possèdent effectivement les propriétés de vecteurs de base généralisés (vecteurs unitaires orthogonaux). Par ailleurs, les caractéristiques découlant d’un produit de caractéristiques définissent un vecteur qui, par définition d’un groupe, doit appartenir aux représenta-
A′ × A′′ =
76
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
tions irréductibles de ce groupe. C’est le cas des produits A′ × A′ et A′′ × A′′ conduisant aux caractéristiques [1; 1], soit celles de A′, tandis que les produits A′ × A′′ et A′′ × A′ conduisent à [1; – 1], soit celles de A′′. Nous obtenons donc aisément de cette manière la table de multiplication du groupe :
A′ A′ A′ A′′ A′′
A′′ A′′ A′
Considérons maintenant le groupe ponctuel C2v . En utilisant les définitions précédentes, il nous est aisé de vérifier que les quatre représentations irréductibles forment bien une base généralisée (vecteurs normés et orthogonaux deux à deux). Par ailleurs, le produit de deux représentations irréductibles engendre une représentation du même groupe, par exemple : A1 × A2 a pour caractéristiques 1 1 –1 –1 = A2 A2 × B1
1
–1
–1
1
= B2
B1 × B2
1
1
–1
–1
= A2
Il n’est pas nécessaire d’effectuer tous les produits, nous constatons que nous avons pour les lettres : A × A = B × B = A; A × B = B × A = B et pour les indices, nous avons : 1 × 1 = 2 × 2 = 1, 1 × 2 = 2 × 1 = 2. La table de multiplication qui en découle est obtenue aisément : A1 A2 B1 B2 A1
A1
A2
B1
B2
A2
A2
A1
B2
B1
B1
B1
B2
A1
A2
B2
B2
B1
A2
A1
Nous utiliserons par la suite l’ensemble des propriétés des représentations irréductibles dans de très nombreux exemples. Nous allons dans un premier temps utiliser les propriétés de multiplication que nous venons d’établir. Remarque : dans chaque groupe, il existe une représentation irréductible qui conserve les propriétés d’une sphère placée au centre des axes de référence, cette représentation est appelée triviale : elle conserve tous les éléments considérés. Par exemple, dans le groupe C2v c’est la représentation irréductible A1.
2.7
Rôle fondamental de la symétrie
77
2.7.7 Un théorème fondamental relatif aux éléments de matrice du type Oij = < Ψi Oˆ Ψj > Considérons un ensemble d’atomes ou une molécule de structure fixe appartenant à un groupe ponctuel donné. Chacune de ses Orbitales Atomiques (OA) ou Orbitales Moléculaires (OM) appartient à l’une des représentations irréductibles de ce groupe. Il en va de même pour toute fonction bâtie sur ces OA ou ces OM. Nous noterons ΓΨi la représentation irréductible de la fonction Ψi. L’opérateur Oˆ intervenant dans l’intégrale < Ψi Oˆ Ψj > possède également une représentation irréductible au sein du groupe ponctuel que nous appelons Γ Oˆ . Pour que l’élément de matrice que nous écrivons < Ψi Oˆ Ψj > conduise à un nombre réel, donc à une quantité invariante au cours de toutes les opérations du groupe ponctuel, c’est-à-dire possédant la symétrie de la triviale au sein du groupe, il faut que le produit des représentations irréductibles possède la propriété suivante :
ΓΨi ¥ Γ Oˆ ¥ ΓΨ j = Γ triviale Par exemple, l’opérateur Hˆ , homogène avec une énergie, donc un nombre réel, doit être invariant dans toute opération de symétrie qui laisse la molécule inchangée : il possède donc la symétrie de la triviale dans le groupe considéré. Pour que l’intégrale < Ψi Hˆ Ψj > ne soit pas identiquement nulle, il faut donc que nous ayons ΓΨi × Γ Hˆ × ΓΨj = Γtriviale, soit ΓΨi × Γtriviale × ΓΨj = Γtriviale, donc que ΓΨi × ΓΨj = Γtriviale ce qui revient à la condition unique : ΓΨi = ΓΨj car ce produit est toujours identique à la triviale (voir plus haut les exemples de table de multiplication). Nous retrouvons ainsi, sous une forme compacte et d’utilisation très aisée ce que nous avons laborieusement démontré à l’aide de calculs précédemment. Le même raisonnement s’applique évidemment pour toute intégrale du type < ΨiΨj > dont le résultat est un réel : pour que le résultat ne soit pas identiquement nul, il faut que ΓΨi = ΓΨj. Il existe des opérateurs possédant une symétrie différente de celle de la triviale, par exemple l’opérateur vectoriel µ (moment dipolaire). Nous avons µ = qr , où q
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
est la charge électrique et les composante de r sont x, y, z . Ces trois vecteurs possèdent les représentations irréductibles des axes dans le groupe ponctuel considéré. Pour que l’intégrale < Ψi µ Ψj > soit non nulle, il faut que l’un des produits ΓΨi × ΓΨj × Γ(x, y ou z) = Γtriviale, ce qui nous conduit à des résultats très simples, sans effectuer de calcul. Nous allons maintenant utiliser l’énorme potentiel de la théorie des groupes, très simplifiée pour notre usage afin d’obtenir par simple inspection des tables de caractères la symétrie des OM d’une molécule quelconque. 2.7.8 Étude de la molécule AH2 dans la géométrie C2v Pour illustrer plus avant cet ensemble de définitions, nous allons étudier les OM d’une molécule AH2 où A est un élément de la deuxième ligne de la classification
78
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
(C, N etc.). Pour traiter cet exemple, nous poserons que la molécule possède la géométrie d’un triangle isocèle, appartenant de ce fait au groupe ponctuel C2v. Les éléments de symétrie de la molécule sont rappelés dans la figure 2.11.
z C2
σyz A
σxz H2
H1 y
x Figure 2.11
La rotation de π autour de l’axe C2 et les réflexions dans les plans de symétrie σxz et σyz laissent la molécule inchangée. Par contre au cours d’une rotation de π (180°) autour de l’axe z, noté C2 et au cours d’une réflexion dans le plan σxz, les atomes H1 et H2 sont échangés : il nous faut donc considérer les combinaisons linéaires H1 ± H2 comme nous l’avons vu lors du traitement mathématique de HLiH linéaire (voir plus haut). Nous résumons ces propriétés dans le tableau suivant en tenant compte du fait que nous attribuons comme précédemment le signe ± 1 selon que l’opération considérée conserve le signe de la combinaison linéaire d’atomes ou bien le change. C2, σxz
A→A
+1
H1 + H2 → H2 + H1
+1
H1 – H2 → H2 – H1
–1
2.7
Rôle fondamental de la symétrie
79
Nous pouvons maintenant étudier l’obtention des OM de AH2 en notant les transformations des OA et des combinaisons H1 ± H2 dans toutes les opérations du groupe C2v. Nous supposons que l’atome A est situé au centre des coordonnées. E
C2
σxz
σyz
2s, 2pz, H1 + H2
1
1
1
1
A1
2px
1
–1
1
–1
B1
2py, H1 – H2
1
–1
–1
1
B2
Nous voyons que les OA se répartissent en trois sous-groupes A1, B1 et B2. Il en va évidemment de même pour les OM correspondantes. Le déterminant de Hückel de la molécule, qui comporte six termes se ramène à trois blocs de tailles respectives 3 × 3, 2 × 2, 1 × 1; comme montré dans la figure 2.12.
2s, 2pz, H1 + H2
0
2py, H1 – H2 0 2px
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 2.12
Nous aurons donc trois OM ayant la représentation irréductible A1, deux ayant la représentation B2 et une seule, réduite à un OA isolée, ayant la représentation B1. On remarquera que ceci ne nous donne en rien la forme analytique des OM qui dépend évidemment des paramètres géométriques exacts de la molécule. Seul le calcul précis nous fournit la valeur des coefficients intervenant dans les combinaisons linéaires. La seule chose qui soit fixée est que chaque OM doit posséder la symétrie globale de sa représentation irréductible. Le dessin qualitatif des OM calculées est donné ci-après dans la figure 2.13 :
80
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
A1
B1 OM liante
OM non liante
OM antiliante
OM non liante B2
OM liante
OM antiliante
Figure 2.13
2.7.9 Étude de C2H4 (groupe D2h) Il est intéressant de détailler les éléments de symétrie d’un groupe ponctuel comportant un grand nombre de représentations irréductibles. L’éthylène est dans ce cas. Dans la figure 2.14 sont montrés tous les éléments de symétrie de cette molécule plane. C2(z) σyz
σ xz
i σxy
C2(x) Figure 2.14
C2(y)
2.7
Rôle fondamental de la symétrie
81
La Table de caractères est assez complexe : σxy
σxz
σyz
1
1
1
1
–1
1
1
–1
–1
1
–1
1
–1
1
–1
–1
–1
1
1
–1
–1
1
1
1
1
1
–1
–1
–1
–1
B1u
1
1
–1
–1
–1
–1
1
1
axe z
B2u
1
–1
1
–1
–1
1
–1
1
axe y
B3u
1
–1
–1
1
–1
1
1
–1
axe x
E
C2(z)
Ag
1
1
1
1
B1g
1
1
–1
B2g
1
–1
B3g
1
Au
C2(y)
C2(x)
i
Avec ces axes, il est aisé de démontrer que les OM π et π* qui vont nous devenir très familières dès le chapitre suivant appartiennent aux représentations irréductibles B1u et B3g comme le montre la figure 2.15 :
OM π, symétrie B1u
OM π*, symétrie B3g Figure 2.15
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E
C2(z)
C2(y)
C2(x)
i
σxy
σxz
σyz
π
1
1
–1
–1
–1
–1
1
1
B1u
π*
1
–1
–1
1
1
–1
–1
1
B3g
Les deux OM appartiennent donc effectivement aux représentations irréductibles B1u (π) et B3g (π*). 2.7.10 Étude d’un groupe comportant des représentations irréductibles dégénérées : C3v Ce groupe est celui de la molécule NH3 ou du radical non plan CH3° ou encore de l’anion CH3–. Les axes de référence sont définis dans la figure 2.16.
82
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
z C3
y
N
chaque plan de symétrie σv passe par l'axe z et contient une liaison NH. Il y en a donc 3.
H H
H x Figure 2.16
La Table de caractères du groupe C3v est : E 2C3 3σv A1
1
1
1
A2
1
–1
–1
E
2
–1
0
axe z Rotation autour de l’axe z axes x et y
(Les caractéristiques qui apparaissent dans cette table ne peuvent être justifiés dans notre exposé restreint.) Nous voyons que cette table, comporte des difficultés dues à la dégénérescence des axes x et y dans ce groupe ponctuel : une rotation de 2π/3 transforme la molécule en elle-même, mais mélange les axes x et y en une combinaison linéaire selon la transformation linéaire Ê X ˆ Ê cos θ sin θ ˆ Ê x ˆ ÁË Y ˜¯ = ÁË - sin θ cos θ˜¯ ÁË y ˜¯
(avec θ = 2π/3)
Il est aisé de retrouver par la technique de Hückel la justification de ce fait en écrivant le déterminant séculaire correspondant quand l’atome central est C : les paramètres sont : αC, αH et l’intégrale qui définit β est égale à β = < ϕH Hˆ ϕC >. Nous avons donc pour CH3° : αH – E β β β β
αH – E
0
0
β
0
αH – E
0
β
0
0
αH – E
Les solutions de ce déterminant reviennent à résoudre l’équation du 4e degré en E : (αC – E)(αH – E)3 – 3β2(αH – E)2 = 0
2.7
Rôle fondamental de la symétrie
83
Nous voyons que la racine (αH – E)2 = 0 conduit à la solution dégénérée. En la reportant dans le déterminant, il est aisé de voir que pour E = αH, nous avons le coefficient cC = 0 et la première ligne, à β près, revient à c2 + c3 + c4 = 0, dont les solutions linéairement indépendantes sont :
c2 = 0, c3 = c2 =
2
1 2
, c4 = -
, c3 = c4 = -
1 2
1
6 6 Les OM liantes calculées, une fois les OA de type 2p du carbone prises en compte, sont représentées dans la figure 2.17 :
A1 E Figure 2.17
Il existe une OM non liante, ayant la représentation irréductible A1 (figure 2.18) :
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OM non liante A1
A1
E Contreparties antiliantes des trois OM liantes Figure 2.18
84
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
De très nombreux compléments sur les propriétés du Groupe D3h sont donnés dans l’exercice résolu 2.3 qui suit. Un calcul effectif de l’OM non liante de NH3 est proposé dans l’exercice 2.2. Nous bornerons là notre étude très rapide de quelques uns des principaux aspects de la théorie de groupes appliqués à des molécules simples.
EXERCICES 2.1 (**) De l’emploi du jeu de boules dans le traitement du recouvrement entre OA de type 2p Nous allons considérer deux OA 2p simulées par deux sphères de signes opposés, dont les centres, situés sur deux atomes distincts, sont séparés par la distance D et dont les axes respectifs forment un angle θ, 0 ≤ θ ≤ 90° (π/2), comme le montre la figure 2.19. d1
S1(–)
d1 θ
d2
S1(+) D
d2
A °
R1 R2
S2(+) B°
S2(–)
°C
R2 R1
°D
Figure 2.19
Montrer que les recouvrements entre les sphères est maximum, quand les axes des deux OA sont parallèles (c’est-à-dire quand θ = 0). Solution Considérons avant tout la symétrie de l’ensemble des sphères de la figure précédente. Si nous ne regardons que les centres des sphères (notés A, B, C, et D dans partie droite de la figure), nous voyons que deux distances seulement sont à considérer, R1 (AC, BD) et R2 (AD, BC), avec la relation R1 < R2. Nous avons par ailleurs rappelé au paragraphe 2.6.2 un résultat démontré au premier chapitre : le recouvrement entre deux OA sphériques dont les centres È R2 ˘ sont séparés par une distance R s’exprime selon S ( R) = e - R Í1 + R + ˙ . Le recouvrement 3 ˚˙ ÎÍ total s’écrit : ÏÔ È È R2 ˘ R 2 ˘ ¸Ô S ( R ) = 2 Ìe - R1 Í1 + R1 + 1 ˙ - e - R2 Í1 + R2 + 2 ˙ ˝ 3 ˙˚ 3 ˙˚ ˛Ô ÍÎ ÎÍ ÓÔ
Exercices
85
Le signe moins provient des signes attribués aux sphères. Considérons l’un des termes de Ê x2 ˆ cette expression comme une fonction de la variable x : F ( x ) = e - x Á 1 + x + ˜ . 3¯ Ë F(x) 1 (exp(–x))*(1+x+(x**2)/3)
0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1
x
0 2
0
4
6
8
10
Figure 2.20
La variation de cette fonction est décrite dans la figure 2.20. F(x) est toujours > 0, elle varie entre la valeur 1 pour x = 0 et 0 pour x = ∝. Sa valeur maximum est obtenue pour x = 0, ce qui correspond à deux sphères concentriques. De plus, la fonction décroît très vite quand x croît. Si nous posons que les centres des deux sphères ne sont pas confondus, cela entraîne que la valeur de F(x) est maximum quand la distance x est la plus petite possible. Examinons maintenant à quelle condition la valeur de R1 dépend de l’angle θ formé par les deux droites d1 et d2. Pour cela, nous allons refaire un peu de géométrie élémentaire. Considérons les centres des sphères et plaçons un système d’axes cartésiens (O, x, y, z) comme montré dans la figure 2.21. z
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d1 A ° d O'
dcosθ
°C
y
dsinθ
D – dsinθ
B °
θ d2
D°
O – dcosθ
x
A C D
Figure 2.21
x –D 0 0
y 0 dsinθ – dsinθ
z d dcosθ – dcosθ
86
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
Les coordonnées des points A, C, D sont obtenues sans difficulté et nous en déduisons directement les carrés des distances en utilisant la formule de géométrie classique : RS2 = (xS – xR)2 + (yS – yR)2 + (zS – zR)2 Cette expression nous conduit à : AC2 = R12 = D2 + d 2sin2θ + (dcosθ – d)2 = D2 + d 2sin2θ + d 2cos2θ + d 2 – 2dcosθ d’où, finalement : R12 = D2 + 2d 2 – 2d 2cosθ R12 varie donc entre D2 (θ = 0) et D2 + 2d 2 (θ = 90). De la même façon, nous obtenons R22 en changeant de signe dans l’égalité précédente : R22 = D2 + 2d 2 + 2d 2cosθ Nous voyons que R22 varie entre D2 + 4d 2 pour θ = 0 et D2 + 2d 2 pour θ = 90. Nous en tirons deux résultats de la plus grande importance :
Le recouvrement est maximum pour θ = 0. En effet, dans S(R) la quantité affectée du signe plus est alors à sa valeur maximum, (R1 minimum) tandis que la quantité affectée du signe moins, qui diminue donc S(R) est à son minimum (R2 maximum). Pour θ = 90 (π/2), R12 = R22, donc R1 = R2 et S(R) = 0.
Nous venons de retrouver à l’aide d’un calcul de géométrie simple un résultat que nous avons énoncé auparavant en termes de symétrie. Si nous considérons le trièdre de référence de la figure 2.21, nous constatons que lorsque θ = 0, les directions d1 et d2 sont orthogonales au plan contenant la droite D, ainsi que les axes x et y, le recouvrement S(R) est alors à son maximum. La direction d2 variant en fonction de θ, elle se trouve contenue dans le plan x, y quand θ = 90 et S(R) = 0. Si nous considérons le plan x, y comme élément de symétrie de référence, nous voyons que quand θ = 0, les deux OA modèles sont toutes deux antisymétriques par rapport à ce plan, leur recouvrement est mesurable : les deux OA peuvent donc se combiner via un terme de résonance, lui-même proportionnel à S(R). Lorsque θ = 90, l’OA dirigée selon d1 est antisymétrique par rapport au plan x, y tandis que l’OA dirigée selon d2 est devenue symétrique par rapport à ce plan : il n’y a plus d’interaction possible car S(R) est nul. Le calcul des recouvrements nous confirme le résultat obtenu de manière bien plus concise et élégante à l’aide des seules considérations de symétrie. À l’aide des résultats du calcul précédent, nous trouvons que, lorsque θ prend une valeur quelconque telle que 0 < θ < 90, le recouvrement S(R) prend une valeur qui est elle-même fonction de θ. Avec les OA 2p réelles, il est pratique de poser que le recouvrement dépend de θ selon une loi simple. Si S0 est le recouvrement maximum, obtenu pour θ = 0, nous avons S(θ) = S0cosθ. Cette fonction, à son maximum pour θ = 0, s’annule pour θ = 90 conformément aux résultats des calculs modèles. La figure 2.22 résume ces résultats.
Exercices
87
z θ
d1
d1
d2
θ d2
y x
S = S0cosθ
Figure 2.22
2.2 (***) La notion d’Orbitales de Symétrie dans le cas d’une molécule carrée Les molécules présentant un atome central et quatre substituants situés aux sommets d’un carré ne sont pas connues en chimie du carbone, le carbone tétrasubstitué étant tétraédrique, comme par exemple dans CH4. Par contre, les molécules plates, appartenant à la géométrie appelée « plan-carré » sont très nombreuses dans les composés organométalliques. À titre d’exemple, les porphyrines du fer jouent un rôle considérable dans l’économie du vivant car tous les animaux à sang « rouge » respirent par leur intermédiaire. La partie centrale du cytochrome P450, composant de l’hémoglobine, comporte un atome de fer entouré par quatre groupe azotés, comme le montre le schéma simplifié de la figure 2.23, où les substituants des cycles ne sont pas reportés.
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N
N
Fe
N
Figure 2.23
N
88
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
La partie centrale peut être modélisée par un atome X entouré de quatre substituants identiques Y disposés aux sommets d’un carré. Prenons comme cas d’école que les atomes X et Y sont porteurs d’un ensemble d’OA du type {2s + 2p}. (Dans la molécule réelle, l’atome de fer possède en outre des OA 3d que nous ne traiterons pas ici). Nous nous proposons d’étudier les propriétés de symétrie du modèle XY4. a) Définir les éléments de symétrie de la molécule XY4. b) Calculer dans un premier temps les OM associées à quatre atomes identiques portant chacun une OA de type s, formant un carré. Déterminer leurs représentations irréductibles dans le groupe D4h. c) Nous posons les conditions suivantes : l’atome central X est porteur d’une ensemble {2s + 2px, y, z} et chaque atome Yi est porteur d’une OA 1s. Quelles combinaisons peut-on obtenir avec les OM de symétrie précédentes ? En vous aidant de la table de caractères du groupe ponctuel D4h, donner la nature de chaque combinaison obtenue. d) Nous posons maintenant que chaque atome Yi est porteur d’une OA 2pz, parallèle à l’axe z de la figure 2.24. Dessiner les OM de symétrie correspondantes et déterminer les représentations irréductibles auxquelles elles appartiennent. Solution a) Avant toute chose, nous définissons dans la figure 2.24 un système d’axes cartésiens de référence, conformes à ceux qui sont utilisés par convention dans la théorie des groupes.
z C4 C2
Y2 °
y
X
Y3 °
C'2 C'2
C'2 ° Y4
° Y1
x
C'2
Figure 2.24
Le motif XY4 dont la géométrie est appelée plan-carré possède de nombreux éléments de symétrie :
Exercices
89
– un axe de rotation d’ordre 4 (θ = π/2) noté C4. Il fait correspondre (Y1 → Y2, Y2 → Y3, Y3 → Y4, Y4 → Y1); – un axe de rotation d’ordre 2 (θ = π) colinéaire avec l’axe z et l’axe C4 noté C2 : axe z (Y1 → Y3, Y2 → Y4, Y3 → Y1, Y4 → Y2); – deux axes de rotation d’ordre 2 (θ = π), notés C′2, dirigés selon les axes x et y : axe x (Y1 → Y1, Y2 → Y4, Y3 → Y3, Y4 → Y2); axe y (Y1 → Y3, Y2 → Y2, Y3 → Y1, Y4 → Y4); – deux axes de rotation d’ordre 2 dirigés selon les bissectrices des axes x, y, notés C′′2 : selon le premier (Y1 → Y4, Y2 → Y3, Y3 → Y2, Y4 → Y1); selon le second (Y1 → Y2, Y2 → Y1, Y3 → Y4, Y4 → Y3); – un centre d’inversion i tel que (Y1 → Y3, Y2 → Y4, Y3 → Y1, Y4 → Y2); – un axe S4 colinéaire avec l’axe C4, comme nous le montrerons plus loin; – un plan de symétrie horizontal, contenant les atomes, (plan contenant les axes x, y) noté σh ; – deux plans de symétrie contenant l’axe C4 : notés σv (σxz, σyz);
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– deux plans de symétrie contenant l’axe C4, perpendiculaires à σh et passant par les bissectrices des axes x et y (contenant donc les axes C′2 précédemment définis). Ils sont notés σd. Tous ces éléments de symétrie définissent un groupe ponctuel D4h dont les représentations irréductibles sont données dans la table suivante : 2S4
σh
2σv
2σd
1
1
1
1
1
–1
1
1
1
–1
–1
1
–1
1
–1
1
1
–1
1
–1
1
1
–1
1
–1
1
0
–2
0
0
2
0
–2
0
0
1
1
1
1
1
–1
–1
–1
–1
–1
A2u
1
1
1
–1
–1
–1
–1
–1
1
1
B1u
1
–1
1
1
–1
–1
1
–1
–1
1
B2u
1
–1
1
–1
1
–1
1
–1
1
–1
Eu
2
0
–2
0
0
–2
0
2
0
0
D4h
E
2C4
C2
2C′2
2C′′2
A1g
1
1
1
1
1
A2g
1
1
1
–1
B1g
1
–1
1
B2g
1
–1
Eg
2
A1u
i
Axes
z
x, y
Remarques : ➤ le chiffre 2 devant C4 et S4 est imposé par l’étude théorique complète des caractères de ce groupe très complexe et ne sont pas à utiliser lors de notre étude; ➤ les suffixes g (gerade en allemand) et u (ungerade) se rapportent à la symétrie d’inversion : on note g si la symétrie est maintenue et u dans le cas contraire;
90
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
➤ Il existe deux représentations dégénérées Eg et Eu dont les caractères ne sont pas justifiés dans notre approche succincte. b) Le problème est délicat, il va nous permettre de manipuler un déterminant de grande taille, (4 × 4) ce qui peut présenter de l’intérêt pour ceux qui ne sont pas familiers avec cette technique mathématique. En notant les atomes de 1 à 4, le déterminant s’obtient très aisément dans le cas le plus général en posant : a) toutes les valeurs des Hii sont égales à une valeur commune α ; b) l’intégrale Hij reliant deux atomes liés est égale à β. En nous aidant de la numérotation de la figure 2.24, nous écrivons directement : Y1
Y2
Y3
Y4
Y1
α–E
β
0
β
Y2
β
α–E
β
0
Y3
0
β
α–E
β
Y4
β
0
β
α–E
=0
En développant en fonction de la première ligne, nous obtenons :
(α – E)
α–E
0
β
β
α–E
β
0
β
α–E
β
β
–β 0 α–E β
β
β α–E
0 β
–β
α–E
0
β
β
0
β α–E =0 β
En développant à son tour chaque déterminant 3 × 3, nous arrivons à : (α – E)4 – 4β2(α – E)2 = 0, d’où (α – E)2 [(α – E)2 – 4β2] = 0, qui conduit aux solutions : E1 = α + 2β; E2 = E3 = α, solutions dégénérées, correspondant à deux fois la valeur α et E4 = α – 2β. Pour obtenir les OM associées, nous reportons chaque valeur de l’énergie dans les équations aux coefficients associées. En nommant ci le coefficient de l’OA φi associée à l’atome i. Pour E1, nous avons : – 2βc1 + βc2 + 0c3 + βc4 = 0 βc1 – 2βc2 + βc3 + 0c4 = 0 0c1 + βc2 – 2βc3 + βc4 = 0 βc1 + 0c2 + βc3 – 2βc4 = 0 Nous constatons que chaque expression se déduit d’une autre par permutation des indices et nous en déduisons la solution c1 = c2 = c3 = c3, ce qui nous conduit à l’OM associée : Ψ1 = 1/2 (φ1 + φ2 + φ3 + φ4) Les coefficients associés à E = α s’obtiennent à partir des équations : 0c1 + βc2 + 0c3 + βc4 = 0 βc1 + 0c2 + βc3 + 0c4 = 0
Exercices
91
Nous avons ainsi deux couples de coefficients c2 = – c4 avec c1 = c3 = 0 ainsi que c1 = – c3 avec c2 = c4 = 0. Les deux OM normalisées associées sont donc :
Ψ2 =
1
(φ1 - φ3 )
1
(φ 2 - φ 4 ) 2 2 Il est aisé de montrer que Ψ4 = 1/2 (φ1 – φ2 + φ3 – φ4). Il faut noter que la topologie de ces OM ne dépend pas des valeurs de α et β utilisées. Si par exemple, nous éloignons les atomes les uns des autres, β diminue, mais la topologie des OM, c’est-à-dire les grandeurs et les signes relatifs des coefficients restent constantes. Quand β → 0, nous obtenons de cette manière un ensemble invariant d’OM que nous appelons OM de symétrie. Le dessin schématique de ces quatre OM est donné dans la figure 2.25, ou les OA φi sont représentées par des sphères.
Ψ1
Ψ3 =
Ψ4
deux OM dégénérées Ψ2 et Ψ3 Figure 2.25
À l’aide de la table de caractères décrite à la question précédente, il est possible d’attribuer une représentation irréductible à chacune de ces OM.
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Remarque très importante : pour obtenir ces OM, nous n’avons pas fait d’hypothèse sur la nature précise des OA mises en jeu. Nous obtiendrions le même déterminant séculaire pour n’importe quel système d’OA équivalentes placées aux sommets d’un carré. Les dessins de la figure 2.25 ont donc une valeur très générale. Nous retrouverons de telles OM en étudiant les OM de type π du cyclobutadiène au chapitre suivant. L’obtention des représentations irréductibles des OM Ψ1 à Ψ4 est relativement aisée pour les trois premières. En effet, Ψ1 est conservée dans toutes les opérations du groupe, elle possède donc la symétrie de la triviale soit A1g. Les OM dégénérées Ψ2 et Ψ3 ne sont pas conservées lors d’une inversion par rapport au centre du carré (blanc → foncé et réciproquement) : elles appartiennent donc à la représentation irréductible Eu. Le cas de Ψ4 est plus difficile, il nous appartient d’examiner comment s’échangent les atomes lors des opérations du groupe. Avec les conventions usuelles, nous portons + 1 quand la figure est conservée avec ses signes relatifs et – 1 quand ces derniers s’inversent. Nous avons dans ces conditions, avec les axes de la figure 2.24 : Ψ4
E
2C4
C2
2C′2
2C′′2
i
2S4
σh
2σv
2σd
1
–1
1
1
–1
1
–1
1
1
–1
Les caractères de Ψ4 sont ceux de la représentation irréductible B2g.
92
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
c) En lisant directement la table de caractères, nous avons les correspondances suivantes entre les OA de l’atome central et les OM de groupe des quatre substituants : Atome X ensemble Yi représentation irréductible 2s
Ψ1
A1g
2px, 2py
Ψ2 , Ψ3
Eu
2pz
…
A2u
…
Ψ4
B1g
Nous constatons que Ψ4 et 2pz ne se mélangent pas avec les substituants. Nous obtenons par ailleurs très aisément les autres OM résultantes en faisant la somme des contributions dans les OM liantes et la différence dans les OM antiliantes associées. Dans chaque cas, le nombre de composants avant interaction se retrouve évidemment dans les OM finales. La figure 2.26 résume cette construction.
2s – Ψ1 y
2s
2 OM A1g x
Ψ1 2s + Ψ1
Ψ3 – 2py Ψ2 – 2px Ψ2, Ψ3
2px, y
4 OM Eu Ψ2 + 2px
Ψ3 + 2py
Figure 2.26
d) Les coefficients des OM de symétrie étant ceux que nous avons utilisés pour résoudre la question précédente, nous dessinons directement les OM Ψ5 à Ψ8 associées dans la figure 2.27. À l’aide de la table de caractères nous attribuons les représentations irréductibles suivantes : (symétrie de l’axe z) Ψ1 ↔ A2u Ψ2 et Ψ3 ↔ Eg Ψ4 ↔ B2u
(ensemble dégénéré, conservé par inversion)
Exercices
93
z y
Y2
z
Y3
z
Ψ2
Y4
y
Y2
Y1
x
Y3
x
Y3
Ψ3
Y1
Y4
y
Y2
Y1 Ψ1
Y2
z
Y3 Y4
y
x
Ψ4 Y1
x
Y4
Figure 2.27
Pour Ψ4 : il s’agit d’une représentation u qui change de signe après l’opération C4, il reste donc B1u et B2u. Pour les départager, examinons les opérations C′2, qui consistent en une rotation de 180° autour des axes x et y. Cette opération change la coloration des lobes, et possède la caractéristique – 1 : la représentation irréductible de Ψ4 est donc finalement B2u.
2.3 (**) Le groupe ponctuel D3h : étude de la molécule AlCl3
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La molécule AlCl3 est plane, les trois atomes de chlore sont disposés au centre d’un triangle équilatéral dont le centre est occupé par le métal. Chaque atome est porteur d’un ensemble d’OA {3s, 3p}. La molécule appartient au groupe ponctuel de symétrie D3h. Les OM de symétrie de trois sphères disposées aux sommets d’un triangle équilatéral sont données dans la figure 2.28. Le paramètre β utilisé est arbitraire.
{2, – 1, – 1}
coefficients relatifs {1, 1, 1} Ε1 = α + 2β, φ1
{0, 1, – 1}
Ε2 = Ε3 = α – β, φ2, φ3
Figure 2.28
a) Normaliser les OM précédentes. b) L’atome Al possède trois électrons de valence et Cl en possède sept. Déterminer sans calcul le nombre et la nature des OM occupées et vides de la molécule.
94
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
c) En utilisant les axes cartésiens définis dans la figure 2.29, dire quelle est la nature de l’OA vide de Al associée à la lacune électronique. z y Cl2 Al
Cl3
Cl1
x
Figure 2.29
d) Cherchons maintenant à adapter les OM de symétrie au problème précis de notre molécule. Bien entendu, nous allons exploiter autant que faire se peut les propriétés de symétrie de la molécule. e) À l’aide des données de la table de caractères précédente, donner les représentations irréductibles des OM Γ1, Γ2, Γ3 de la figure 2.33. Solution a) Pour chaque OM, nous écrivons l’OM sous la forme Ψi = Niφi telle que nous ayons Ni2 < φi | φi > = 1. Soient ci1, ci2 et ci3 les coefficients associés aux OA γ1 à γ3 dans l’OM φi. Nous obtenons, en reportant ces coefficients dans l’intégrale de recouvrement, < φi | φi > = (ci1)2 < γ1 | γ1 > + (ci2)2 < γ2 | γ2 > + (ci3)2 < γ3 | γ3 >. En négligeant les termes de recouvrement croisés du type < γn | γm >, (n ≠ m), en accord avec les prémisses de la méthode de
1
Hückel. Puisque < γi | γi > = 1, nous avons finalement Ni =
ci21 + ci22 + ci23
.
Nous obtenons donc finalement les OM normées :
Ψ1 =
1 3
( γ 1 + γ 2 + γ 3 ); Ψ2 =
2 6
γ1 -
1 6
γ2 -
1 6
γ 3 ; Ψ3 =
1 2
γ2 -
1 2
γ3
Remarque : le choix de l’atome noté 1 est arbitraire pour Ψ1. Par contre, dans les OM dégénérées Ψ2 et Ψ3, il faut une notation unique pour caractériser sommets. b) Pour former les trois liaisons Al–Cl, chaque partenaire doit mettre en commun deux électrons par liaison, soit six électrons en tout. L’atome central est entouré par six électrons, sa couche de valence est incomplète, il possède donc une lacune électronique, c’est un acide de Lewis. Chaque atome de Cl a perdu un électron pour former une liaison avec Al, il lui reste donc six électrons qui ne sont pas engagés dans des liaisons, ils constituent donc trois paires libres. Nous disposons au départ de quatre OA sur Al et 3 × 4 OA sur les trois Cl, soit un total de 16 OA, pour 3 + 3 × 7 = 24 électrons en tout. Nous rappelant qu’à chaque OM liante doublement occupée est associée une OM antiliante vide, nous obtenons directement le décompte suivant : a) trois liaisons Al–Cl donnent trois OM occupées (six électrons) et trois OM vides;
Exercices
95
b) trois paires libres par atome de Cl donnent neuf OM non liantes sans contrepartie antiliante. Nous avons ainsi employé : six OM pour trois liaisons plus neuf OM pour neuf paires libres, soit un total de quinze OM sur un total initial de seize OA : il reste donc une OA inoccupée, c’est évidemment celle de la vacance électronique. La figure 2.30 résume ces résultats qualitatifs. lacune électronique
Cl
Cl
Al
Cl Figure 2.30
c) Dans la figure 2.29, le plan des atomes contient les axes x, y. Les OA 3s, 3px et 3py de l’atome Al sont symétriques par rapport à ce plan et peuvent se combiner pour engendrer trois hybrides de type sp2 qui à leur tour conduisent aux trois liaisons avec les Cl. Il reste donc sur Al l’OA 3pz, orthogonale à l’ensemble précédent. Comme les trois électrons de valence de Al sont engagés dans les liaisons, cette dernière OA est vide, c’est elle qui est associée à la lacune électronique sur Al. d) Chaque direction Al–Cl définit la direction d’une paire libre dirigée selon cet axe. La deuxième et la troisième paires libres lui sont orthogonales comme montré dans la partie gauche de la figure 2.31. Ces trois composantes des paires libres sont orthogonales entre elles pour des raisons de symétrie évidentes. Il est alors possible d’engendrer l’ensemble des paires libres des atomes de chlore par rotation autour de l’axe C3 d’un motif unique. Afin de garder une cohérence dans l’utilisation des OM de symétrie, il importe d’orienter convenablement les composants sur chaque centre. Pour cela, nous orientons un des motifs et nous le faisons tourner par incréments de 120°. Nous déterminons ainsi une figure qu’il est aisé de traduire sous la forme de trois déterminant séculaires. Nous allons pour cela opérer par étapes et dans un premier temps examiner les OM qui sont contenues dans la plan x, y de la figure 2.29. I2
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y
S < 0; – β
J1
x K H
J2
I1
J I
les trois paires libres de HCl
J3 I2
Figure 2.31
S > 0, β
96
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
Les trois paires dirigées selon les directions notées I1, I2, I3 (figure 2.31), ont un recouvrement > 0 et par conséquent l’intégrale de résonance Hij (i, j > i avec i, j variant de 1 à 3) est posée égale à β < 0. Par contre, les paires dirigées selon les direction J1, J2, J3 ont un recouvrement < 0 et par conséquent conduisent à un β > 0. Les deux déterminants séculaires, écrits en parallèle sont très semblables, au signe de β près : selon les directions Jk Selon les directions Ik α–E
β
β
β
α–E
β
β
β
α–E
=0=
α–E
–β
–β
–β
α–E
–β
–β
–β
α–E
Le déterminant selon les directions Ik se ramène à l’équation : (α – E)3 – 3β2(α – E) + 2β3 = 0 Il est possible de montrer que cette expression (voir le chapitre 3 pour une résolution détaillée) peut se mettre sous la forme : (– E + α – β)2(– E + α + 2β) = 0 Nous arrivons finalement aux valeurs de l’énergie E = α + 2β et E = α – β (deux fois). Ces valeurs sont en accord avec celles qui ont été données dans la figure 2.28. Nous avons donc une OM liante et deux OM antiliantes. Si nous changeons β en – β, nous obtenons le déterminant selon les directions Jk qui se ramène aux solutions E = α – 2β, et E = α + β (deux fois). Nous avons alors une OM antiliante et deux OM liantes. Les coefficients de ces OM sont les mêmes que ceux des OM de symétrie, mais il faut respecter en les appliquant l’orientation des Ik, Jk que nous avons adoptée au départ de la résolution. Les OM correspondantes sont montrées dans la figure 2.32. Les coefficients n’ont pas été normalisés, les valeurs correspondantes ont été calculées plus haut dans la question 1. 1
–1
1
0 1
2 –1
–1
1 E = α + 2β
E=α–β
–1
1
1 0
–1
1
1
–1
2
E = α – 2β
E=α+β Figure 2.32
Exercices
97
Les OM de symétrie correspondant aux trois paires libres parallèles à la direction z conduisent à un déterminant identique à celui des directions Ik et sont obtenues directement dans la figure 2.33.
–1
–1 1
1
1
–1
1
2
E1 = α + 2β, Γ1
E2 = E3 = α – β, Γ2, Γ3 Figure 2.33
La table de caractères du groupe D3h est donnée ci-après : E 2C3 3C2 σh 2S3 3σv Représentation 1
1
1
1
1
1
A′1
1
1
–1
1
1
–1
A′2
2
–1
0
2
–1
0
E′
1
1
1
–1
–1
–1
A′′1
1
1
–1
–1
–1
1
A′′2
2
–1
0
–2
1
0
E′′
Axes
x, y
z
Remarques : ➤ a) le nombre 2 devant C3 et S3 est imposé par l’étude théorique complète des caractères de ce groupe, il n’est pas à utiliser lors de notre étude;
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➤ b) il existe deux représentations dégénérées E′ et E′′ dont les caractères ne sont pas justifiés dans notre usage de cette table. e) Avant toute chose, il nous faut repérer les éléments de symétrie sur une représentation de la molécule elle-même. Cette description est effectuée dans la figure 2.34. Nous suivrons dans un second temps les modifications de chaque OM au cours des opérations de symétrie du groupe en utilisant la notation ± 1 quand cela sera possible. Les caractères des OM dégénérées sont faciles à déterminer. La comparaison de ces deux représentations irréductibles montrent qu’elles diffèrent pour les opérations de symétrie σh et S3. E 2C3 3C2 σh 2S3 3σv 2
–1
0
2
–1
0
E′
2
–1
0
–2
1
0
E′′
98
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
z σv σv
C3 σv
y
S3
C2 C2
x C2
σh
Figure 2.34
Par rapport au plan de symétrie σh, les deux OM Γ2, Γ3 sont antisymétriques et appartiennent nécessairement à la représentation E′′. Il est possible de suivre le sort de Γ1 dans toutes les opérations du groupe à partir du dessin de la figure 2.33. Nous avons : E
2C3
3C2
σh
2S3
3σv
1
1
–1
–1
–1
1
Γ1 = A′′2
Nous retrouvons les caractères de la représentation non dégénérée A′′2. Ce résultat n’est nullement surprenant, l’OM Γ1 possède la symétrie de l’axe z dont la représentation irréductible est précisément A′′2. Remarque : il est intéressant de suivre l’opération S3 pour une OA de type 2pz, afin de faciliter l’usage éventuel de ce type de symétrie. Ces opérations de symétrie sont décomposées par étapes dans la figure 2.35.
σh
σh
Première étape : rotation autour du C3 (120°) Figure 2.35
σh Deuxième étape : symétrie par rapport à σh
L’opération S3 dans le groupe D3h.
Exercices
99
2.4 (**) Symétrie de quelques molécules usuelles Décrire les éléments de symétrie des molécules décrites dans la figure 2.36. H
H
H
C
H H
C H C H C
H
C H
H
C
C H
H
2 (cyclopropane)
H
3 (allène)
H
C
H
C
C
C
C
H
C
H
C
H
1 (méthylènecyclopropane)
H
C
H
H
C
C H
H
H
H H
5 (méthane)
4 (benzène)
Figure 2.36
Solution Le méthylènecyclopropane 1 possède un axe de symétrie d’ordre 2 et deux plans de symétrie. Le premier contient les atomes de carbone et les deux hydrogènes exocycliques1, le second lui est orthogonal et contient l’axe de la double liaison. La figure 2.37 montre cet ensemble d’éléments de symétrie ainsi que les axes cartésiens attachés à cette molécule qui appartient au groupe ponctuel C2v, étudié dans le texte. z
C2
H
H
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C
y
C
x H C H
H C
éléments de symétrie : a) l’axe de rotation C2 dirigé selon z b) le plan xz c) le plan yz
1
H
Figure 2.37
1. C’est-à-dire qu’ils ne sont pas reliés au cycle.
100
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
Le cyclopropane 2 est hautement symétrique. Il contient un axe de rotation C3, noté z dans la figure 2.38. Trois axes de rotation C2 sont présents ainsi que trois plans de symétrie verticaux, passant par l’axe C3. Le plan des atomes de carbone, orthogonal à l’axe C3 constitue un plan de symétrie σh. Enfin, colinéaire avec l’axe de rotation C3, nous avons un axe du type S3 qui fait correspondre, par exemple, l’hydrogène noté 1 avec celui qui est noté 5. σv
σv
H2
C2
C3, S3
σv H1
C2 H5
H3
C1 C3
C2 H6
C2 H4
Le plan de symétrie σh est celui qui contient les trois atomes de carbone
Figure 2.38
Cette molécule appartient au même groupe ponctuel D3h que AlCl3 étudié dans l’exercice résolu 2.3. L’allène 3 est un hydrocarbure insaturé qui possède une géométrie particulière : les deux groupes CH2 sont contenus dans des plans orthogonaux contenant l’axe formé par les trois atomes de carbone comme le montre la figure 2.39. Un axe C2, noté z et deux plans de type σv sont présents. Cette figure possède aussi un axe de type S4 passant par les trois carbones : une rotation de 90° autour de cet axe, suivie d’une symétrie par rapport au plan contenant les axes x, y transforme l’hydrogène noté H1 en celui qui est noté H3. La molécule de benzène 4 possède de très nombreux éléments de symétrie. Avant tout, le plan de la figure est un plan de symétrie du type σh. Orthogonal à ce plan et passant par le centre du cycle nous avons trois axes colinéaires C6, C3, C2, comme l’illustre la figure 2.40. Nous avons également des axes de rotation C′2 et C′′2 (trois axes de chaque sorte) contenus dans le plan x, y. Contenant l’axe z et chacun des axes C′2 nous avons trois plans σv. De même, avec l’axe z et chaque axe C′′2, nous avons trois plans σd. Enfin, nous notons que le cycle comporte un centre d’inversion noté i. (Tous ces éléments de symétrie ne peuvent être reportés sur une seule figure sans l’alourdir à l’extrême, nous n’en montrons qu’une partie.) Le benzène appartient au groupe ponctuel D6h, l’un des plus riches en éléments de symétrie; dans ses caractéristiques complètes il comporte en plus des éléments précédemment définis, un axe de type S6 et un axe de type S3, colinéaires avec l’axe C6. Ces éléments de symétrie ne sont pas étudiés ici car nous ne pouvons pas les mettre en évidence avec une figure plane. Nous terminons par le méthane 4, CH4, molécule tétraédrique, dont les très nombreux éléments de symétrie sont difficiles à mettre en évidence. Afin de les étudier, on place le carbone au centre d’un cube et les atomes d’hydrogène selon quatre sommets avec les axes conventionnels de la théorie des groupes montrés dans la figure 2.41.
Exercices
101
z C2
σv H1 σv
H2
C C y C
x H4
H3 S4
Figure 2.39
z
y
C6
y
C3 σd
σv
C2
C''2
y
C'2
i
i
x
i
C'2
C'2
x
x
C''2
C''2
Figure 2.40
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
H
H
z
C2, S4 C3
H
C2
C
C
H
H H
C H
y
H
H x
Figure 2.41
H
H
H
102
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
Comme dans le cas du benzène, il n’est pas possible de reporter sur une seule figure tous les éléments de symétrie de 4. Notons que chaque liaison CH servant de pivot peut échanger les trois autres hydrogènes par rotation de 120°, définissant ainsi quatre axes C3. La bissectrice de deux liaisons CH est également bissectrice de deux autres liaisons comme nous le montrons dans la partie droite de la figure 2.41. Il est possible de déterminer de cette manière trois axes de rotation C2. Dans la partie gauche de la figure, nous constatons l’existence d’un axe de type S4 qui transforme un hydrogène de la face supérieure en un hydrogène de la face inférieure. Toujours dans la partie gauche de la figure, nous voyons que les plans diagonaux orthogonaux à la face du haut sont des plans de symétrie de CH4. Il existe six plans de cette sorte, définis à partir de deux faces opposées comme l’illustre la figure 2.42.
deux plans de symétrie diagonaux
traces des autres plans de symétrie diagonaux
Figure 2.42
Le méthane appartient au groupe de symétrie tétraédrique Td.
2.5 (***) Étude des OM de l’ammoniac NH3 La molécule d’ammoniac, NH3 est pyramidale. Elle appartient au groupe ponctuel C3v, dont les axes canoniques sont donnés dans la figure 2.43. z
y N x
H
H
H Figure 2.43
Exercices
103
Pour former les OM de la molécule, l’azote avec cinq électrons de valence apporte un ensemble de quatre OA composé de {2s, 2px, y, z} et chaque hydrogène apporte un électron et une OA 1s. a) Faites le décompte des OM occupées et vides en précisant leur nature. b) La table de caractères du groupe C3v est donnée ci-après. En utilisant cette table et les OM de symétrie données dans la figure 2.28 de l’exercice 2.3, préciser la nature de toutes les OM de NH3. Table de caractères du groupe C3v : E 2C3 3σv Représentation 1
1
1
A1
1
1
–1
A2
2
–1
0
E
Axes z
x, y
c) Considérons l’ensemble formé par les OA de symétrie A1. En posant que l’énergie des OA 2s et 2p est égale à α et celle de la combinaison de symétrie A1 des hydrogènes est égale à γ, écrire le déterminant séculaire correspondant. En déduire la forme de l’OM associée à la paire libre de NH3. Solution
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a) Les OM de la molécule sont constituées à partir des quatre OA de N et des trois OA 1s des hydrogènes, soit une base commune de sept OA engendrant sept OM après résolution du déterminant global correspondant. Au départ, les partenaires apportent cinq électrons pour N et trois pour les hydrogènes, soit huit électrons en tout. La molécule comporte trois liaisons NH, ce qui mobilise six électrons, et repose sur un ensemble de trois OM liantes, associées à trois OM antiliantes, soit six OM au total. Il reste donc deux électrons qui ne sont pas impliqués dans les liaisons, et une OM pour les contenir. Ces deux électrons forment donc une paire libre et l’OM associée est non liante, elle n’a pas de contrepartie antiliante. b) Dans le texte et dans l’exercice 2.3 (figure 2.28), les OM de symétrie correspondant à trois composants identiques, disposés aux sommets d’un triangle équilatéral sont données. Nous les répétons, en indiquant leurs représentations irréductibles en fonction de celles du groupe C3v. Cette attribution est très aisée, elle est donnée dans la figure 2.44, où les trois composants de base sont les trois OA 1s des hydrogènes. 0 2 1
1
–1 1
Ψ1, symétrie : A1
–1
–1
1
Ψ2, Ψ3, symétrie E
(les énergies ne sont pas précisées, et les coefficients ne sont pas normalisés) Figure 2.44
104
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
Revenons maintenant aux axes définis dans la figure 2.43 de l’énoncé. Il est aisé de constater que les quatre OA de N se répartissent selon les représentations irréductibles du groupe C3v données dans la figure 2.45. N
z
N x
H3 Ψ1
y
2s
2pz
H H
Ψ2, Ψ3
H
Représentation irréductible A1
E
2py
2px
Figure 2.45
Nous avons donc deux ensembles appartenant aux représentations irréductibles A1 et E. L’ensemble de symétrie A1 comporte deux OA et une OM de symétrie, ce qui conduit à la formation de trois OM. L’ensemble E comporte deux OA et deux OM de symétrie, conduisant à quatre OM. La molécule NH3 comporte donc trois OM ayant la représentation irréductible A1 et quatre ayant la représentation irréductible E. Nous serons amenés à préciser plus loin la nature liante ou antiliante de ces OM. c) Considérons l’ensemble de trois composants {2s, 2pz, Ψ1} appartenant à la représentation irréductible A1. Si nous posons que l’énergie des OA 2s et 2pz est α, et celle de Ψ1 égale à γ (γ < 0), il nous faut convenablement orienter tous les composants afin d’écrire convenablement les termes de résonance dans le déterminant séculaire. Nous adoptons pour le dessin la convention arbitraire suivante : les parties colorées correspondent au signe + des OA. Cette convention est indispensable pour interpréter convenablement le signe des combinaisons résultant de la résolution du déterminant. La figure 2.46 nous sert alors de base pour bâtir le déterminant séculaire associé. z 2pz
2s S>0
S<0
Ψ1
Figure 2.46
Les conventions choisies entraînent que le recouvrement < 2s | Ψ1 > est > 0, donc que le terme de résonance β associé est < 0, tandis que le recouvrement < 2pz | Ψ1 > est < 0, donc l’élément
Exercices
105
de résonance associé est – β. Finalement, en tenant compte du fait que < 2s | 2pz > = 0, nous arrivons au déterminant séculaire suivant : 2s 2pz Ψ1 2s
α–E
0
β
2pz
0
α–E
–β
Ψ1
β
–β
γ–E
=0
La résolution conduit aux termes : (α – E)[(α – E)(γ – E) – β2] + β[0(– β) – β(α – E)] = 0. Cette expression s’écrit sous la forme (α – E)[(α – E)(γ – E) – 2β2] = 0. Il est possible de développer les parenthèses, ce qui nous conduit à (α – E)[E2 – (α + γ)E + αγ – 2β2] = 0. Nous avons une racine évidente, (α – E) = 0, et une équation du second degré dont les solutions sont : 1È 1 (α + γ ) ± (α + γ )2 - 4αγ + 8β2 ˘ = È (α + γ ) ± (α - γ )2 + 8β2 ˘ ˙˚ 2 ÍÎ ˙˚ 2 ÍÎ Le terme sous la racine est toujours > 0, la racine E– est donc plus négative que la somme α + γ, elle correspond à une OM liante, la racine E+ est moins négative que α + γ, elle correspond à une OM antiliante. La racine E = α correspond à une OM non liante. Il est intéressant de chercher les OM associées à ces trois solutions. Examinons la racine E–. Posons que α – E– = Γ, Γ étant alors > 0 (E– est plus négatif que α). En reportant E– dans le déterminant de départ, nous obtenons trois équations aux coefficients : Γc(2s) + 0 c(2pz) + β c(Ψ1) = 0, d’où c(Ψ1) = – Γ/β. Ce terme est > 0. Avec la deuxième ligne, nous avons : 0 c(2s) + Γ c(2pz) – β c(Ψ1) = 0 d’où, en reportant la valeur de c(Ψ1) trouvée auparavant : c(2pz) = – 1. Les trois coefficients de cette OM sont donc c(2s) = Γ, (> 0), c(2pz) = – 1, c(Ψ1) = – Γ/β (> 0). Il est clair que nous n’avons là que des valeurs très approchées, liées aux simplifications que nous avons effectuées. Elles nous permettent cependant une construction grossière de l’OM correspondante en additionnant avec les signes convenables les composants de départ donnés dans la figure 2.9. Cette construction est effectuée dans la figure 2.47. Nous ne répéterons pas la même construction pour l’OM antiliante associée à E +, nous nous bornons à la dessiner dans la partie droite de la figure. E± =
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c(2s) > 0
c(2pz) = – 1
OM liante ( A1)
OM antiliante (A1)
c(Ψ1) > 0 Figure 2.47
Il nous reste à examiner l’OM non liante correspondant à E = α. En nous reportant aux
équations aux coefficients, nous obtenons : 0 c(2s) + 0 c(2pz) + βc(Ψ1) = 0 0 c(2s) + 0 c(2pz) – β(Ψ1) = 0 β c(2s) – β c(2pz) + 0(Ψ1) = 0
106
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
Nous en déduisons que c(Ψ1) = 0 et c(2s) = c(2pz). Le fait que c(Ψ1) soit nul est évident : l’OM est non liante, ce qui veut dire que les hydrogènes n’y jouent aucun rôle. Il nous reste à composer les OA 2s et 2pz avec le signe plus : nous obtenons la construction de la figure 2.48 :
+ 2s
+ 2pz
OM non liante de symétrie A1 Figure 2.48
Cette OM doublement occupée pointe à l’extérieur de la molécule, elle ne contient pas de contribution des hydrogènes. (Il ne faut toutefois pas perdre de vue le caractère approximatif de la méthode et des simplifications que nous avons utilisées.) Nous pouvons maintenant résumer toute cette analyse, car les OM de symétrie E sont dès lors simples à placer : trois OM liantes A1, E trois OM antiliantes associées A1 , E une OM non liante A1 Nous avons ainsi mis en évidence l’ensemble des représentations irréductibles des OM de NH3. Nous avons également au passage montré comment les OA de type 2s et 2p peuvent s’additionner ou se soustraire : ceci n’est autre que l’hybridation, en l’occurrence, nous combinons ici une OA 2s et une OA 2p, il s’agit d’une hybridation sp.
2.6 (***) Étude de la molécule F2 Nous cherchons à construire les OM de F2 dans le cadre suivant : a) chaque atome apporte sept électrons de valence; b) chaque atome dispose d’un ensemble {2s + 2px, y, z }; c) le centre des coordonnées cartésiennes est pris au milieu de F–F, l’axe de rotation passant par les atomes est noté z; nous notons les atomes selon l’ordre F1–F2 en partant de la gauche. a) En utilisant comme élément de symétrie de référence l’axe de rotation selon z, séparer les OA selon deux groupes : celles qui sont conservées par rotation et celles qui ne le sont pas. b) Considérons le groupe d’OA qui n’est pas conservé par la rotation. Donner l’énergie et la forme des OM résultantes en prenant β pour valeur de l’intégrale entre deux OA < φ(1) | H | φ(2) >; β est < 0 si < φ(1) | φ(2) > > 0. c) Considérons les OA qui sont conservées par rotation autour de l’axe z sur chaque atome. En considérant la direction positive de l’axe z, nous orientons toutes les OM avec la convention suivante : les OA de type s sont
Exercices
107
colorées en foncé si elles portent le signe plus et la composante foncée d’une OA de type 2p correspond à sa partie positive. Nous prenons les paramètres suivants : a) la valeur commune de toutes les intégrales < φi | H | φi > est α; b) la valeur commune de toutes les intégrales < φi | H | φj >, où i et j sont sur des atomes différents, est β (β < 0 si < φi | φj > > 0). Écrire le déterminant de Hückel correspondant. Il se ramène à l’équation (α – E)2[(α – E)2 – 4β2] = 0. d) Donner la forme qualitative des OM obtenues à partir des solutions du déterminant précédent. Remarque : Cette question est difficile, elle implique de bien utiliser l’orientation relative des OA de départ ! Solution a) Pour bâtir les OM de la molécule F2, nous disposons de huit OA (deux ensembles {2s + 2px, y, z} et nous devons accommoder quatorze électrons. En nous référant à l’axe de rotation noté z dans la figure 2.49, les OA se répartissent en deux groupes : celles qui sont conservées par rotation et celles qui ne le sont pas. x F2
F1 2s
2s z axe de rotation
2pz
OA conservées
2pz
y
2px
2px
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OA non conservées 2py
2py Figure 2.49
Nous avons donc un groupe de quatre OM conservées par rotation et un autre groupe de quatre OM qui ne le sont pas. Les composants de chaque ensemble sont orthogonaux à ceux de l’autre, ce qui entraîne que nous pouvons les examiner séparément. b) Considérons les OA 2px et 2py sur chaque atome. Le plan x, z est orthogonal au plan y, z, nous sommes donc en présence de deux ensembles indépendants constitués de deux OA 2px et deux OA 2py. Il nous reste donc à combiner entre elles deux OA identiques séparées par la distance F1-F2. Par analogie avec les OA de H2 calculées au chapitre 2, nous obtenons dans
108
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
chaque cas deux OM qui sont constituées de la somme (pour l’OM liante) et de la différence (pour l’OM antiliante) des OA 2p de départ. La figure 2.50 résume ces constructions.
y
deux OM antiliantes
deux OM liantes x
énergie α + β
énergie α – β Figure 2.50
c) En nous reportant aux données de l’énoncé et à l’orientation des OA donnée dans la figure 2.49, nous devons dans un premier temps noter le signe des termes de résonance. Cette analyse est effectuée dans la figure 2.51. 2s1
2s2
β<0 β>0
β<0
2pz1
2pz2
β>0
F1
F2
Figure 2.51
Le déterminant séculaire correspondant s’écrit alors : 2s2 2s1 2pz1
2pz2
2s1
α–E
0
β
–β
2pz1
0
α–E
β
–β
2s2
β
β
α–E
0
2pz1
–β
–β
0
α–E
=0
Nous laissons au lecteur le soin de vérifier, à titre d’exercice que ce déterminant, une fois développé, est égal à (α – E)2[(α – E)2 – 4β2] = 0. Nous obtenons directement les quatre solutions associées :
Exercices
109
E1 = α + 2β, (OM liante); E2, E3 = α, (deux OM non liantes); E4 = α – 2β, (ΟΜ antiliante). d) À partir des valeurs de l’énergie obtenues à la question précédente, nous pouvons remonter aux équations aux coefficients. C’est le moment d’utiliser les relations de symétrie de la molécule : celle-ci présente un centre de symétrie, ce qui entraîne que dans toutes les solutions les coefficients des OA 2s sont égaux en valeur absolue. Il en va évidemment de même pour les coefficients des OA 2p. Examinons d’abord la valeur de E1. Nous obtenons en divisant toutes les lignes par β, les quatre équations suivantes : (1) – 2 c(2s1) + 0 c(2pz1) + c(2s2) – c(2pz2) = 0 (2) 0 c(2s1) – 2 c(2pz1) + c(2s2) – c(2pz2) = 0 (3) c(2s1) + c(2pz1) – 2 c(2s2) + 0 c(2pz2) = 0 (4) – c(2s1) – c(2pz1) + 0 c(2s2) – 2 c(2pz2) = 0 Du fait que E1 correspond à une OM liante, nous posons arbitrairement c(2s1) = c(2s2) = 1 pour avoir une relation liante entre ces deux OA. Nous en déduisons à partir de (1) la relation : – 2 + 1 = c(2pz2), soit c(2pz2) = – 1. En reportant cette valeur dans (2), nous obtenons : – 2c(2pz1) + 1 + 1 = 0, soit c(2pz1) = 1. Sans chercher à normaliser les coefficients nous avons donc : c(2s1) = c(2s2) = c(2pz1) = 1 et c(2pz2) = – 1. Il est alors possible d’obtenir graphiquement l’OM correspondante, en respectant les signes des OA (il faut changer celui de 2pz2 par rapport à la figure 2-14). Le résultat est montré dans la figure 2.52. 2s1
2s2 F1
F2
OM liante entre F1 et F2 2pz1
– 2pz2
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L’OM antiliante associée est F1
F2
Figure 2.52
Nous obtenons l’OM antiliante associée en changeant la coloration de l’un des hybrides. Examinons pour terminer le valeur E = α pour les deux OM non liantes. Nous obtenons les équations aux coefficients : 0 c(2s1) + 0 c(2pz1) + c(2s2) – c(2pz2) = 0 (1) (2) 0 c(2s1) + 0 c(2pz1) + c(2s2) – c(2pz2) = 0 (3) c(2s1) + c(2pz1) + 0 c(2s2) + 0 c(2pz2) = 0 (4) – c(2s1) – c(2pz1) + 0 c(2s2) + 0(2pz2) = 0
110
2 • La méthode de Hückel appliquée aux Orbitales Moléculaires
Les équations (1) et (2) nous donnent : c(2s2) = c(2pz2), tandis que (3) et (4) donnent une relation indépendante : c(2s1) = – c(2pz1). Prenons arbitrairement c(2s1) = c(2s2) = 1, nous obtenons l’ensemble : c(2s1) = c(2s2) = c(2pz2) = 1; c(2pz1) = – 1 De la même façon en prenant c(2s1) = 1, c(2s2) = – 1, nous obtenons : c(2s1) = 1; c(2s2) = c(2pz2) = c(2pz1) = – 1. Nous pouvons alors construire graphiquement les deux OM correspondantes, comme l’illustre la figure 2.53. c(2s1) = 1
c(2s2) = 1
Première OM non liante c(2pz1) = – 1
c(2s1) = 1
C(2pz2) = 1
c(2s2) = – 1
Seconde OM non liante c(2pz1) = – 1
C(2pz2) = – 1 Figure 2.53
Conclusion, nous avons obtenu par étapes : – une OM liante conservée par symétrie, (E = α + 2β) et une OM antiliante d’énergie α – 2β; – deux OM non liantes également conservées par symétrie, (E = α); – quatre OM appartenant à l’ensemble x, y, non conservé par symétrie, (E = α + β, pour deux OM, E = α – β pour deux OM). Dans cet ensemble de huit OM, sept sont doublement occupées et contiennent tous les électrons de la molécule F2 . Il reste, avec une énergie très positive, l’OM très antiliante conservée par rotation, d’énergie α – 2β. Il convient de noter que cette OM est nettement plus antiliante que celles d’énergie α – β, il est donc normal que ce soit la seule qui reste vide. Par ailleurs, dans F2, deux OM antiliantes d’énergie α – β sont occupées, ce qui rend cette molécule riche en électrons très instable, son énergie de liaison est faible.
Chapitre 3
Polyènes et Annulènes
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À partir de ce chapitre, nous allons appliquer à des molécules réelles les résultats que nous avons établis dans les chapitres précédents. Toutefois, nous n’utiliserons que les aspects qualitatifs des diverses approches théoriques, et plus particulièrement la méthode que nous avons appelée « méthode de Hückel Simple » que nous intitulerons désormais « méthode de Hückel » pour simplifier l’écriture. Avant toute chose, rappelons les principales notions nécessaires à la bonne compréhension de ce chapitre : – connaissant la géométrie d’un système quelconque d’atomes, il est aisé de bâtir le déterminant de Hückel associé; – les différents termes de résonance, écrits sous la forme Hij ou β le plus souvent, sont toujours proportionnels au recouvrement Sij entre les centres i et j concernés; – la symétrie des motifs examinés joue un rôle fondamental car elle conditionne le calcul de Sij donc celui de Hij. Seules des OA de même symétrie locale conduisent à S ≠ 0. Avant de plus amples développements, nous allons montrer sur un exemple la façon dont cet ensemble de conditions peut être aisément utilisé.
3.1
DESSIN DES HYBRIDES D’OA
Le dessin qualitatif des hybrides ne présente aucune difficulté, il s’agit d’une construction purement graphique, destinée à suggérer visuellement la superposition de deux OA qui se mélangent avec des coefficients quelconques. Nous procédons généralement de la manière suivante : considérons deux OA, l’une de type 2s, l’autre de
112
3 • Polyènes et Annulènes
type 2p et une direction arbitraire positive, alignée avec l’axe de l’OA 2p. Nous choisissons par convention que + 2s sera en grisé, – 2s en clair et que + 2p aura le lobe grisé dans le sens positif (figure 3.1).
– 2s
+ 2s
+ 2p
– 2p
Figure 3.1
Sur l’atome considéré, on bâtit alors la somme et la différence de ces OA de manière qualitative : soit elles s’additionnent (de même signe), soit elles se retranchent quand elles sont de signes opposées (figure 3.2) : Addition graphique
+
=
Soustraction graphique
=
–
2s + 2p
+
=
2s – 2p = 2s + (– 2p) Figure 3.2
3.1.1 Composition vectorielle des OA 2p Nous avons vu au premier chapitre que les fonctions 2p ont une forme analytique du type re–ρrY(θ, φ). Or si nous examinons les parties angulaires des trois fonctions 2p, par exemple Y(θ, φ) = cosθ pour 2pz, (voir les tableaux 1.3 et 1.4 au premier chapitre), nous voyons que les trois OA 2p peuvent se mettre sous la forme analytique cartésienne 2pz ≈ ze–ρr, 2px ≈ xe–ρr, 2py ≈ ye–ρr. Il est donc aisé de voir que ces fonctions possèdent les mêmes propriétés vectorielles que les axes x, y, z. Supposons maintenant que dans un contexte moléculaire précis nous ayons, sur un atome donné, à dessiner une combinaison du genre F(2px, 2py) = cx 2px + cy 2py. Nous avons pris les axes x et y pour fixer les idées, mais il est clair que la combinaison peut également porter sur trois composantes, x, y, z, la construction suivante porte alors sur les trois axes du trièdre de référence défini sur l’atome considéré. Nous prenons comme convention arbitraire que la direction positive sur chaque axe correspond, par exemple, à la teinte grisée. De plus, nous posons que la forme déjà définie pour représenter les OA est prise comme unité. Le vecteur résultant est alors
3.1
Dessin des hybrides d’OA
113
obtenu simplement en composant deux vecteurs proportionnels à cx et cy. Ce vecteur résultant peut à son tour être hybridé par une OA de type 2s située évidemment sur le même atome, conduisant à une combinaison générale de la forme : F(2s, 2px, 2py) = cs 2s + cx 2px + cy 2py (tous les ci sont pris > 0 dans la figure 3.3). Le dessin résultant, toujours obtenu de manière qualitative, s’obtient en additionnant d’abord vectoriellement les composantes 2p, puis en les hybridant avec 2s, en tenant compte des signes des coefficients.
F(2s, 2px, 2py ) = 2s + 2px + 2py (cs = cx = cy = 1)
+ 2s x y x + 2px
cx
=
y
x
cy
x + 2py
y
y
y Conventions arbitraires
première étape : on combine les fonctions 2p
x
+
x
=
y
y
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seconde étape = on combine le vecteur obtenu avec l’OA 2s Figure 3.3
De la même façon, si nous considérons maintenant les trois hybrides de même nature, résultant des combinaisons linéaires possibles d’une OA 2s et de deux OA 2p, toutes trois situées sur le même atome et se mélangeant dans une géométrie trigonale (θ = 120° entre les hybrides), nous obtenons trois hybrides coplanaires, puisque les axes des deux OA 2p définissent un plan passent par l’atome, comme montré dans la figure 3.4. La coloration de ces hybrides est arbitraire, en fait, les trois combinaisons sont indépendantes les unes des autres. Elles définissent trois directions de liaisons. Si les deux OA 2p sont 2px et 2py pour fixer les idées, nous obtenons trois hybrides situés
114
3 • Polyènes et Annulènes
y
y x
x
x
y – 120°
120° y
ensemble de base vue perspective
x
vue du dessus
Figure 3.4
dans le plan (x, y). Ces trois directions sont dirigées à 120° les unes des autres si le motif qui les soutient comporte lui-même cette symétrie, comme par exemple dans le fragment CH3 plan. Pour obtenir ces combinaisons, nous utilisons une OA 2s et 2 OA 2p, nous disons alors que l’hybridation est du type sp2. Si nous mélangeons de la même manière une OA 2s et les trois OA 2p, nous formons quatre combinaisons indépendantes, pointant dans les quatre directions d’un tétraèdre. Ce cas se rencontre très fréquemment dans les composés saturés du carbone, par exemple dans CH4, et il est d’usage de dire que nous sommes en présence d’une hybridation de type sp3. Il faut retenir que le langage de l’hybridation est avant tout pratique, disons même mnémotechnique, nous ne l’utiliserons pas dans les problèmes que nous aborderons.
3.2
RECOUVREMENTS DU TYPE σ ET π
Considérons une molécule diatomique AB. La direction AB peut être prise comme axe de référence, noté z. On distingue sur A et B, les OA du type 2s et 2pz qui sont conservées par rotation autour de l’axe z, et les OA 2px et 2py qui ne sont pas conservées par cette opération de symétrie. Le recouvrement entre une OA 2s ou 2pz d’un atome avec une OA de même nature sur l’autre est conservé par rotation autour de l’axe, il est appelé « recouvrement de type σ » comme le montre la figure 3.5. Il existe un second type de recouvrement appelé « recouvrement de type π », qui se développe quand deux OA de type 2px (ou 2py avec le système d’axes choisi dans la figure 3.6), parallèles entre elles, se recouvrent de la manière suivante (figure 3.6). Il est aisé de concevoir que les deux recouvrements que nous venons de définir n’ont pas la même grandeur. Le recouvrement de type S(σ) permet aux deux lobes en interaction de très bien se recouvrir tandis que le recouvrement S(π) est nettement moins favorable. Pour une distance donnée séparant les deux centres, nous avons toujours : S(σ) > S(π) (3.1) Il est toujours possible de ramener tout type de recouvrement à ces deux prototypes. En effet, plaçons-nous dans le cas décrit dans la figure 3.7, rapportée à un
3.2
Recouvrements du type σ et π
A
115
B (S(σ) > 0)
A
(S(σ) > 0)
B
z
z
B (S(σ) < 0)
A
A
B
(S(σ) > 0) z
quelques possibilités de recouvrement σ Figure 3.5
recouvrements de type π x z S(π) > 0
S(π) < 0 Figure 3.6 x Deux OA quelconques
z B
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A
S(π) x Résolution par projection
z B
A S(σ)
Figure 3.7
116
3 • Polyènes et Annulènes
plan. Entre deux centres A et B, nous avons en vis-à-vis deux OA de type 2p ayant une direction quelconque. Nous fixons les axes de référence du système en prenant l’axe AB (noté z) et un axe perpendiculaire à AB (noté x) situé dans le plan contenant l’ensemble de la figure. Sur chaque centre, on décompose le vecteur en ses projections sur les deux axes que nous avons définis et il est évident que le recouvrement total est alors la somme de deux termes, un du type S(σ) et l’autre du type S(π). Dans l’espace tridimensionnel, on se ramène à un recouvrement S(σ) selon l’axe z joignant les deux centres et deux recouvrements S(π) selon les axes x et y orthogonaux à z.
3.3
CONSTRUCTION DES OM DE L’ÉTHYLÈNE
La construction qualitative des OM de l’éthylène, C2H4, revêt pour nous une très grande importance, car elle va nous permettre de dégager des notions que nous utiliserons abondamment dans la suite du livre. Pour mener à bien notre tâche, nous partirons des connaissances structurales élémentaires suivantes : la molécule d’éthylène est plane, les quatre hydrogènes sont équivalents, les deux carbones sont équivalents. Ces informations nous permettent d’éliminer un grand nombre d’isomères1 possibles et conduisent empiriquement à la structure géométrique suivante (figure 3.8) : y H
H C
H
C
x H Figure 3.8
Afin de décrire la symétrie des OA constituant la molécule, nous nous référons au plan formé par les six atomes, dans lequel nous fixons les axes x et y d’un trièdre trirectangle. L’axe z est perpendiculaire à ce plan. Les OM mises en jeu sont : sur chaque carbone, l’ensemble {2s + 2p} et quatre OA 1s, une par atome d’hydrogène. Avec les axes que nous avons fixés, les quatre OA 1s des hydrogènes, les deux OA 2s (une sur chaque carbone) ainsi que les six OA (2s, 2px et 2py sur chaque carbone) sont conservées par réflexion par rapport au plan des atomes. Nous dirons pour simplifier le langage, qu’elles sont « symétriques par rapport à ce plan ». Sur chaque carbone, il reste une OA 2pz (donc deux en tout), orthogonale au plan de référence; nous dirons que ces OA sont « antisymétriques par rapport au plan de référence ». 1. Composés ayant la même formule brute, mais des schémas de liaisons différents.
3.3
Construction des OM de l’éthylène
117
Le déterminant séculaire qui a une dimension totale de 12 × 12 se ramène donc à deux sous-déterminants, un déterminant 2 × 2 et un déterminant 10 × 10. Nous disposons de 2(4) + 4(1) = 12 électrons en tout. Le problème consiste maintenant à bâtir les OM de l’ensemble. Si nous nous reportons à la figure 3.8 nous voyons que nous pouvons former dans un premier temps cinq liaisons contenues dans le plan. À ces liaisons sont associées cinq OM liantes et cinq OM antiliantes : nous épuisons ainsi les possibilités du déterminant 10 × 10. Le déterminant 10 × 10 sert à bâtir cinq OM liantes et cinq OM antiliantes, contenues dans le plan des atomes. Nous appellerons cet ensemble « ensemble de symétrie σ ». Ces OM correspondent à cinq traits représentés dans la figure 3.8. Pour peupler les cinq OM liantes, nous prenons dix électrons à l’ensemble, il reste donc deux électrons pour peupler les solutions du déterminant 2 × 2. 3.3.1 Obtention des OM π Examinons maintenant le déterminant 2 × 2. Il est très simple et se présente sous la même forme que le déterminant de H2 que nous avons déjà étudié en détail. Toutefois, le terme de résonance entre deux OA 2pz adjacentes, que nous écrivons H(π) = KS(π)(E2p + E2p) = βπ (3.2) est maintenant proportionnel à l’intégrale de recouvrement S(π) = < 2pz12pz2 > (3.3) qui est de symétrie π. Nous posons que si Sπ est > 0, le terme β est < 0. Nous obtenons directement le déterminant (3.4). E2 p - E
β
β
E2 p - E
=0
(3.4)
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Les solutions sont évidentes et nous nous bornons à utiliser les résultats obtenus pour H2 au deuxième chapitre. E1 = E2p + β
Ψ1 =
E 2 = E2p – β
Ψ2 =
1 2(1 + S ) 1 2(1 - S )
(2pz1 + 2pz2)
(3.5)
(2pz1 – 2pz2)
(3.6)
Il est clair que le couple {E1, Ψ1} correspond à une OM liante, appelée généralement OM π, tandis que le couple {E2, Ψ2} correspond à une OM antiliante, dont le nom usuel est : OM π*. 3.3.2 Cas du déterminant 10 × 10 Toutes les OM issues de ce déterminant ont la symétrie σ, c’est-à-dire qu’elles sont conservées par réflexion par rapport au plan. Si nous tenons compte du fait que les OM de symétrie σ comportent un terme βσ qui implique un fort recouvrement axial, avec βσ >> βπ , nous avons l’ordre énergétique des OM représenté dans la figure 3.9.
118
3 • Polyènes et Annulènes
5 OM σ* OM antiliantes énergie > 0 E2 E = E2p
OM π*
niveau non liant E1
OM π
OM liantes énergie < 0 5 OM σ
Figure 3.9
Les OM π et π* sont les plus proches du niveau E = E2p, (niveau non liant), car le βπ associé aux énergies E± = E2p ± βπ est faible. Les dix OM de symétrie σ composées de cinq OM σ et cinq OM σ*, ne sont en général pas explicitées. La raison est d’ordre expérimental : les liaisons associées sont très stables et ne sont pas impliquées lors des transformations chimiques mettant en jeu un alcène quelconque. On dit que ce sont des liaisons « paraffiniques », c’est-à-dire, en d’autres termes, « sans réactivité chimique ». Le fait que les OM de type π soient isolées sur le plan énergétique et orthogonales à l’ensemble des liaisons σ, permet de considérer que les électrons π forment un ensemble isolable dans le potentiel général créé par le reste de la molécule. Les deux électrons restant sur les atomes de carbone vont peupler le niveau liant, formant une seconde liaison entre les carbones. Il est donc parfaitement justifié d’écrire une double liaison entre les carbones de l’éthylène : un premier trait signifie « une liaison σ ", le second signifie « une liaison π ». 3.3.3 Bilan thermodynamique L’énergie de formation de la liaison π s’établit très aisément. Comme pour le cas de H2, nous calculons la différence : ∆E(formation) = 2E1 (produit final, 2 électrons) – 2E2p (deux électrons dans une OA 2p)
3.4
Polyènes et annulènes
119
En posant E2p = α, il vient : ∆E(formation) = 2(α + βπ) – 2α = 2βπ
(3.7)
Une fois encore, nous retrouvons la signification physique de βπ : ce paramètre est lié à l’énergie de liaison π. Comme βπ < βσ , l’énergie de formation de la liaison π est plus faible que l’énergie de formation de la liaison σ. Cette dernière propriété est très intéressante : les électrons π, du fait qu’il participent à des liaisons de faible énergie, peuvent aisément être perturbés et les composés insaturés possèdent de ce fait une grande réactivité potentielle.
3.4
POLYÈNES ET ANNULÈNES
Nous allons maintenant utiliser les propriétés des OM que nous avons démontrées avec l’éthylène, pour les généraliser à un enchaînement quelconque de carbones portant chacun une OA de type 2p, aptes à former un système conjugué. Considérons une chaîne formée de carbones liés à trois plus proches voisins, et délimitant un plan où se trouvent tous les atomes, comme montré dans la figure 3.10.
b
a
e
g
C
C
C
C
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d
i
C
C
f
h
Figure 3.10
La chaîne peut être ouverte et nous disons qu’il s’agit alors d’un polyène, mais elle peut aussi être fermée dans le cas d’un annulène. Pour former la chaîne, chaque atome de carbone met en commun trois OA et trois électrons pour former trois liaisons σ avec ses voisins. Sur chaque site il reste donc une OA 2p orthogonale au plan, portant un électron. Nous examinons l’ensemble des OA 2p orthogonales au plan de la figure, formant le système π conjugué. Afin de faciliter la notation dans tout ce qui suit, nous utiliserons les conventions que nous avons déjà utilisées : E2p = α ; < 2pi2pj > = Sij ; < 2piH2pj > = βij, avec βij = 0 si i et j ne sont pas liés (3.8).
120
3 • Polyènes et Annulènes
Nous travaillerons dans le cadre de la méthode de Hückel. Nous ne chercherons à connaître dans la suite de ce chapitre que les propriétés du système π formé par les OA de type 2p, parallèles entre elles. Un très grand nombre de polyènes et d’annulènes sont connus. Parmi les polyènes nous citerons parmi les plus utilisés dans l’industrie, l’éthylène H2C=CH2, le propène CH3–CH=CH2, le butadiène H2C=CH–HC=CH2 et l’isoprène. Parmi les annulènes les plus utilisés nous citerons le benzène, le toluène, le naphtalène, ainsi que de très nombreux composés tirés de la houille et du pétrole. Quelques structures planes classiques, ainsi que leurs noms usuels, sont donnés dans la figure 3.11.
H
H
H C
C
C
H
C
H
H
éthylène
H
CH3
C
H
H C
H
butadiène
H H
C C
H
C
C
H
propène
H
H
H
H C
H
C
H
C
C
H
H
CH3
C H
isoprène
radical allyle ... quelques alcènes ...
C H2
cyclopentadiène
benzène
indène
C H2
naphtalène
CH3
CH2
toluène
cyclopropène
cyclobutadiène
... quelques annulènes...
Figure 3.11
cyclooctatétraène
3.5
Polyènes : propriétés générales
121
3.4.1 Conventions de dessin Pour les alcènes, nous avons indiqué les hydrogènes qui sont reliés aux carbones « insaturés », c’est-à-dire porteurs d’une OA 2p et reliés à trois voisins, mais la plupart du temps, on ne dessine que le squelette carboné, comme dans le bas de la figure 3.11 où, sur la structure des annulènes, nous n’avons pas reporté les hydrogènes liés aux différents carbones insaturés afin de ne pas surcharger le dessin. Ceci se justifie dans la mesure où ne tenons aucunement compte des substituants liés par liaison σ aux carbones qui nous intéressent. Nous voyons aussi apparaître la possibilité de motifs insaturés comportant un nombre impair d’atomes de carbone, donc d’électrons de type π si le motif est neutre. Nous verrons plus loin que ces composés, s’ils ne posent aucun problème particulier, ne peuvent pas être convenablement décrits à l’aide d’une seule structure de Lewis classique.
3.5
POLYÈNES : PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES
Considérons une suite de N atomes de carbone, contenus dans un plan, tous liés à trois voisins et tous porteurs d’un OA 2p perpendiculaire à ce plan, avec un électron. Nous disposons donc de N électrons si le système est neutre. Mais si N est impair, de la forme 2P + 1, nous pouvons envisager des systèmes à nombres pairs d’électrons : soit le cation possédant 2P électrons et l’anion possédant 2P + 2 électrons. Dans tous les cas, la résolution du déterminant séculaire correspondant ne dépend pas du nombre d’électrons. ...i
2 1
3
...N – 1
...i + 1
N
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Figure 3.12
Nous numérotons les carbones de la chaîne à partir d’une extrémité que nous notons 1. Les carbones sont donc marqués de 1 à N. Le déterminant séculaire s’écrit alors : 1
2
3
4
5 …
N
α-E β
β α-E β
0 β α-E β
0 0 β α-E
0 º 0 º
0 0
β
0
β
α -β
º
=0
(3.8)
122
3 • Polyènes et Annulènes
Ce déterminant est caractérisé par le fait que sur une ligne donnée, ses éléments non nuls sont de la forme : [β...α – E…β]. Il est possible d’utiliser un formalisme un peu plus pratique en remarquant que nous pouvons diviser tous les termes par β ≠ 0. α-E Nous posons alors : x = et la condition équivalente E = α − βx (3.9). Le β déterminant devient, une fois que nous avons divisé par β non nul par définition :
x
1
0
0º 0
1
x
1
0º 0
º (3.10) =0 º1 x 1º 0 º º 1 x Un tel déterminant comporte des solutions analytiques simples. Elles ont été données initialement par C. A. Coulson1. La j-ième racine du déterminant en x et les coefficients associés sont donnés par les expressions suivantes :
jπ jπ soit Ej = α + 2β cos ( N + 1) ( N + 1) Le coefficient associé pour le r-ième atome dans la j-ième OM est : x j = - 2 cos
c jr =
2 jr π sin ( N + 1) ( N + 1)
(3.11)
(3.12)
Il est intéressant d’examiner cet ensemble de solutions analytiques, afin d’en tirer des propriétés générales dépendant de la taille du système et du rang de la solution pour l’énergie.
3.6
PROPRIÉTÉS DES SOLUTIONS DE C. A. COULSON POUR LES POLYÈNES
3.6.1 Considérations sur l’énergie L’examen des solutions de l’équation (3.11) montre que pour j = 1, et j = N, nous π Nπ et EN = α + 2β cos . La solution E1, obtenons E1 = α + 2β cos ( N + 1) ( N + 1) 1. C. A. Coulson a écrit en 1952 un livre devenu depuis lors une source d’inspiration pour plusieurs générations de chercheurs : Valence, Oxford University Press.
3.6
Propriétés des solutions de C. A. Coulson pour les polyènes
123
correspond à l’OM la plus stable possible. Lorsque N = 2, nous avons le plus petit polyène possible, c’est-à-dire l’éthylène et nous retrouvons évidemment la valeur E1 = α + 2β cos(π/3) = α + β. Lorsque N → ∞, E1 → α + 2β et EN tend vers α + 2βcosπ, soit EN → α − 2β. La valeur de E correspondant à N/2 tend alors vers 0, car le cosinus tend alors vers π/2. Lorsque N est impair, de la forme N = 2P + 1, nous avons i π . Donc, si i = P + 1, nous une racine qui est de la forme Ei = α + 2β cos ( P + 1) 2 avons une racine pour laquelle l’argument en cosinus est nul et pour cette valeur Ei = α. Il est aisé de voir que si P = 1, (2P + 1 = 3), la racine E2 est égale à α; si P = 2 (2P + 1 = 5), la racine E3 est égale à α, etc. Nous obtenons donc ce résultat général : Pour tout polyène impair, de la forme 2P + 1, la racine médiane, i = P + 1 est égale à α.
Une telle OM est non liante puisqu’elle a l’énergie des atomes isolés. De plus, si nous considérons les coefficients de l’OM non liante d’un tel polyène, ils peuvent s’écrire sous la forme :
c( P + 1)r = cste ◊ sin
( P + 1) π π r = cste ◊ sin r 2( P + 1) 2
(3.13)
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Donc, si r est impair, c(P + 1)r est non nul, si r est pair c(P + 1)r est nul. Nous avons donc pour l’OM non liante une alternance de coefficients non nuls sur les carbones impairs et de coefficients nuls sur les carbones pairs. Nous pouvons résumer cet ensemble de résultats de la manière suivante : Les valeurs de l’énergie des OM liantes sont comprises entre α + β (N = 2) et α + 2β (N = ∞). Les valeurs de l’énergie des OM antiliantes sont comprises entre α − β (N = 2) et α − 2β (N = ∞). Dans les polyènes impairs, N = 2P + 1, la racine de rang P + 1 est non liante. Ses coefficients de rang pair sont tous nuls.
3.6.2 Propriétés des coefficients c1 et cN L’examen des coefficients va nous permettre de dégager un résultat qui revêt la plus grande importance. Considérons donc les coefficients c1 et cN d’une solution de rang j quelconque. À une constante près que nous allons omettre pour faciliter l’écriture, nous avons toujours :
124
3 • Polyènes et Annulènes
cj1 = sin
jπ Nj π et cjN = sin ( N + 1) ( N + 1)
Le second coefficient peut s’écrire sous la forme
(3.14)
Nj π jπ = jπ – . Le ( N + 1) ( N + 1)
coefficient cN devient alors :
Ê jπ ˆ jπ jπ cos j π cN = sin Á j π = sin j π cos - sin ˜ Ë ( N + 1) ¯ ( N + 1) ( N + 1) Dans (3.15) le premier terme est nul quel que soit N. Nous avons donc : cN = – sin
jπ cosjπ avec cosjπ = 1 ( N + 1)
(3.15)
(3.16)
Nous obtenons donc une égalité remarquable c1 = cN . Le signe du produit 2
È jπ ˘ (c1)(cN) est celui de - Í sin ˙ ◊ cos j π , donc finalement le signe du produit ( N + 1) ˚ Î est égal à celui de – cosjπ. Si j est impair, nous avons – cosjπ = 1 si j est pair, – cosjπ = – 1. Nous obtenons donc le résultat final :
Dans tout polyène, pour toute valeur de l’énergie Ej, – les coefficients c1 et cN ont même valeur absolue, – ils ont même signe si j est impair, le signe contraire si j est pair.
3.7
PROPRIÉTÉS DE SYMÉTRIE DES COEFFICIENTS
Nous venons de voir que les coefficients terminaux d’un polyène sont égaux en valeur absolue. Nous allons montrer qu’il existe pour tout polyène des propriétés semblables pour les autres coefficients pris deux à deux. Tout polyène considéré comme une chaîne possède soit un point médian si N est pair, soit un atome médian si N est impair. Considérons ce point médian comme centre de symétrie de la figure. Partant du premier carbone (r = 1), nous avons son symétrique en partant de N, il est de rang N – r + 1. 1—2—(3)—4—5—6—7—(8)—9—10 r N–r+1 Comparons les coefficients des carbones de rang r et N – r + 1. Ils sont comme
jr π j π( N - r + 1) Ê jr π ˆ et sin . Le second sinus peut s’écrire sin Á j π . ( N + 1) ( N + 1) Ë ( N + 1) ˜¯ Or nous avons vu au paragraphe précédent que ce dernier terme peut s’écrire : sin
3.8
Annulènes : énergies et OM associées
125
Ê jr π ˆ jr π jr π = sinjπ cos – sin cosjπ (3.17) sin Á j π ˜ Ë ( N + 1) ¯ ( N + 1) ( N + 1) Nous voyons donc que les coefficients des carbones de rang r et N – r + 1 sont comme
jr π jr π et – sin cosjπ ( N + 1) ( N + 1) Comme cosjπ = ± 1 selon la parité de j, nous voyons que : – si j est impair (OM 1, 3, 5 etc.), cjr = cN – r + 1 – si j est pair (OM 2, 4, 6, etc.), cjr = – cN – r + 1 sin
(3.18)
Si nous repérons la symétrie par rapport au point médian, en notant S (symétrique) si les coefficients symétriques sont égaux et de même signe et A (antisymétrique) s’ils sont égaux et de signe opposé, nous obtenons la relation fondamentale :
Les OM d’un polyène sont disposées alternativement, en partant de la plus basse ( j = 1), selon la séquence S, A, S, A, S, A, S, etc.
Cette propriété est de la plus grande importance pour la suite de nos travaux.
3.8
ANNULÈNES : ÉNERGIES ET OM ASSOCIÉES
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Pour étudier les annulènes, nous utiliserons une méthode beaucoup plus légère sur le plan formel qu’au paragraphe précédent. Afin d’obtenir le déterminant séculaire, nous opérons comme pour les polyènes, avec une légère différence : nous numérotons les carbones en partant de l’un d’entre eux quelconque, puisque aucun centre ne joue un rôle qui le distingue des autres. Au coefficient β multiplicateur près, le déterminant général a la forme suivante : x 1
1 x
º º
0 1
1 0
º 0 º º
1 º
x 1º 0
1
º
1
=0
(3.19)
x
Les solutions analytiques ont également été proposées par C. A. Coulson, en opérant de la manière suivante. En assimilant le cycle à un conducteur, nous cherchons une fonction d’onde périodique de la forme Ψ = Aeimφ, où A et m restent à
126
3 • Polyènes et Annulènes
déterminer en fonction du système examiné. L’amplitude de la fonction sur le r-ième atome est de la forme1 cr = aeirθ où θ dépend à nouveau du système. L’équation liant les coefficients de trois atomes successifs est de la forme : cr – 1 + xcr + cr + 1 = 0
(3.20)
Un fois effectuée la transformation en fonction de θ, nous obtenons, au coefficient a près : ei(r – 1)θ + xeirθ + ei(r + 1)θ = 0
(3.21)
En multipliant par e–irθ il vient e–iθ + x + eiθ = 0, relation qui se ramène à la condition unique : x = – 2cosθ. La condition de périodicité s’exprime alors : cr = cr + N , ce qui revient à écrire eirθ = ei(r + N)θ, soit eiNθ = 1, d’où l’ensemble de conditions : x = – 2cosθ et cosNθ + isinNθ = 1. La seconde condition entraîne : θ=
2 jπ , avec 0 ≤ θ ≤ 2π, avec j = 0, 1, 2, N – 1 N
(3.22)
Il est plus pratique de prendre pour intervalle – π ≤ θ ≤ π, ce qui conduit aux conditions finales : Ej = α + 2β cos j = 0, ± 1, ± 2, ± 3, … ±
2 jπ N
N -1 si N est impair 2
ÊN ˆ N j = 0, ± 1, ± 2, ± 3, … ± Á - 1˜ , si N est pair Ë 2 ¯ 2
(3.23) (3.24) (3.25)
Il est important de remarquer qu’à l’exception de la valeur de l’énergie la plus stable, soit α + 2β obtenue pour j = 0, et, le cas échéant pour la valeur la moins stable unique, α − 2β, obtenue pour j = N/2 quand N est pair, toutes les autres valeurs de l’énergie apparaissent par paires. Nous disons alors que ces racines de l’énergie sont deux à deux dégénérées.
Les coefficients normalisés sont imaginaires, ils sont de la forme :
c jr =
1 N
1. Rappel : eiθ = cosθ + isinθ; e–iθ = cosθ – isinθ.
◊e
Ê 2 πj ˆ ir Á Ë N ˜¯
(3.26)
3.8
Annulènes : énergies et OM associées
127
Le cas échéant, ces coefficients ne sont pas utilisés sous cette forme, mais comme les combinaisons classiques :
1 [c + c ] et 1 [c – c ] (3.27) jr –jr jr –jr 2 i 2 Nous n’insisterons pas plus sur ces formules car il existe une méthode graphique très simple pour obtenir les énergies des OM d’un annulène. 3.8.1 Construction graphique des solutions de l’énergie pour un annulène La partie en cosinus de la formule (3.23) fait immanquablement penser aux solutions classiques obtenues avec le cercle trigonométrique, à condition de faire un changement de variable très simple. Pour cela, prenons un cercle de rayon 2β. Un diamètre horizontal, sert d’énergie de référence que nous fixons à α. Un diamètre vertical coupe le cercle en deux points; le plus bas nous sert de point de départ pour inscrire le polygone régulier en partant d’un sommet. Un calcul géométrique élémentaire permet alors d’obtenir les valeurs de l’énergie aux points où les sommets du polygone touchent le cercle. La construction suivante, effectuée pour le benzène et le cycle « cyclopentadiényle », (figure 3.13) illustre la différence entre un annulène comportant un nombre pair de sommets et un cycle de taille assez proche comportant un nombre impair de sommets. (La terminaison en « yle » du cycle à cinq chaînons tient au fait qu’à l’état neutre nous avons un radical, avec cinq électrons. L’anion, avec un électron de plus comporte alors le même nombre d’électrons que le benzène.) α – 2β
α–β
α – 1,176β
α – 1,176β
R = 2β α–β
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E=α
α+β
α + 0,618β
α+β
α + 2β
α + 0,618β
α + 2β
benzène
radical cyclopentadiènyle Figure 3.13
Nous allons dans ce qui suit donner quelques exemples d’applications très simples de ces constructions.
128
3 • Polyènes et Annulènes
3.8.2 Étude du motif cyclopropényle : C3H3 La molécule neutre est un radical car elle comporte trois électrons π. Sa structure est celle d’un triangle équilatéral. La figure 3.14 montre quelles sont les formes de résonance neutres que nous pouvons dessiner pour ce motif : H
°
°
°
C1
H
3
C 2 H
formes de résonance Figure 3.14
Le déterminant séculaire du système π est de la forme suivante : x 1
1 x
1 1 =0
1
1
x
(3.28)
Une fois développé ce déterminant conduit à : (x + 2)(x – 1)2
(3.29)
dont les solutions sont x = – 2 et x = 1, cette dernière valeur apparaissant deux fois, ce qui indique que la solution est dégénérée, d’ordre 2. Nous avons donc pour valeurs de l’énergie les valeurs E1 = α + 2β, E2, E3 = α – β. Il est intéressant de calculer les coefficients associés à ces OM sans avoir à passer par le formalisme général. La valeur x = – 2, conduit au système d’équations : – 2c1 + c2 + c3 = 0 c1 – 2c2 + c3 = 0 c1 + c2 – 2c3 = 0 La solution évidente, non normée, est c1 = c2 = c3 d’où les coefficients normés E1 = α + 2β
c1 = c2 = c3 =
1
(3.30) 3 La valeur propre x = 1 conduit à trois équations identiques : c1 + c2 + c3 = 0. L’ensemble des deux solutions canoniques, orthogonales, avec des coefficients normés, est : E2 = α – β
Ψ2 =
2 6
c1 –
1 6
c2 –
1 6
c3
(3.31)
3.8
Annulènes : énergies et OM associées
E3 = α – β
Ψ3 = 0 c 1 +
129
1
1
c3 (3.32) 2 2 D’après les résultats énergétiques, il est clair que le couple {E1, Ψ1} correspond à une OM liante, tandis que les deux OM {E2, Ψ2} et {E3, Ψ3} sont toutes deux antiliantes. En nous reportant aux fonctions d’onde associées aux racines de l’énergie, nous remarquons que dans tous les cas, la solution correspondant à l’énergie la plus stable possède des coefficients égaux sur tous les carbones car le fait de choisir un atome pour origine est parfaitement arbitraire. Par contre, pour les deux solutions dégénérées, une fois que nous avons choisi un carbone comme origine, les deux fonctions Ψ2 et Ψ3 sont déterminées sans ambiguïté. Il est bien clair que le choix de l’atome numéroté 1 reste entièrement arbitraire. Les trois fonctions d’onde, représentées avec les conventions usuelles sont données dans la figure 3.15 :
3
3
3
1
2
Ψ1
1
1 2
2 [1, 1, 1]
c2 –
[2, – 1, – 1] Ψ2
[0, 1, – 1] Ψ3
Figure 3.15
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3.8.3 Remplissage des niveaux électroniques du radical cyclopropényle Nous avons trois électrons à placer dans les niveaux obtenus précédemment. Le niveau d’énergie α + 2β peut en accommoder deux et le troisième électron est placé dans l’une des OM antiliante d’énergie α − β. En prenant comme référence l’énergie d’un électron sur un atome de carbone isolé, soit α, l’énergie de formation du système π est : (3.33) ∆Eformation = 2(α + 2β) + 1(α – β) – 3α = 3β Le fait de peupler une OM antiliante apporte une déstabilisation partielle au système π. Il est intéressant de calculer l’énergie de formation du système cationique correspondant, c’est-à-dire du système ne possédant que deux électrons π. Le bilan est : (3.34) ∆Eformation (cation) = 2(α + 2β) – 2α = 4β Nous obtenons un résultat qui n’est paradoxal qu’en apparence : avec moins d’électrons, le système cationique est plus stable. En fait, il n’y a rien de surprenant à cela : en peuplant une OM antiliante, l’électron supplémentaire ne fait que déstabi-
130
3 • Polyènes et Annulènes
liser l’ensemble de la molécule. Il est également de la plus haute importance de constater qu’avec le même nombre d’électrons que l’éthylène, le cation cyclopropényle est deux fois plus stable puisque l’énergie de formation du système π de l’éthylène, toutes choses égales par ailleurs, n’est que 2β. Nous approfondirons ce phénomène fondamental un peu plus loin en étudiant l’aromaticité des annulènes.
3.9
COMPARAISON ENTRE LE SYSTÈME ALLYLIQUE C3H5 ET LE SYSTÈME CYCLOPROPÉNIQUE C3H3
Les deux systèmes, ouvert pour C3H5 et cyclique pour C3H3, comportent le même nombre de carbones et le même nombre d’électrons π, ils sont tous deux plans, et par convention de dessin, nous poserons que les OA de type 2p sont orthogonales au plan de la feuille. Nous allons examiner les conséquences de la conjugaison sur ces deux motifs dont la structure est donnée dans la figure 3.16 : H
H
C 1 C 2 H H C 1
3 C
C H
H allyle
H
C 3
2
H
cyclopropényle Figure 3.16
Nous avons étudié l’annulène à trois chaînons au paragraphe précédent, nous allons maintenant examiner le système ouvert correspondant qui porte le nom de radical allyle. Le déterminant en x associé est : x 1
1 x
0 1 =0
0
1
x
(3.35)
Les solutions de (3.35) sont : x(x2 – 2) = 0 soit x = ± 2 et x = 0. Nous avons donc pour l’énergie : E1 = α + 2 β; E2 = α; E3 = α – 2 β. La racine E1 correspond à une OM liante, la racine E2 à une OM non liante et E3 à une OM antiliante. Nous retrouvons avec ce système la remarque que nous avions faite en examinant les solutions donnant l’énergie des polyènes : à une OM liante est associée une OM antiliante, tandis qu’une OM non liante n’a pas de contrepartie antiliante. En utilisant les
3.9
Comparaison entre les systèmes allylique C3H5 et cyclopropénique C3H3
131
équations aux coefficients, il est aisé d’obtenir les solutions associées aux différentes valeurs de l’énergie. Nous obtenons les coefficients normalisés : {E1 = α +
2 β, Ψ1}
{E2 = α, Ψ2}
c1 = c3 = c1 =
1 2 , c2 = 2 2
2 2 ; c2 = 0; c3 = – 2 2
1 1 2 , c2 = – , c3 = 2 2 2 L’énergie de formation du radical est égale à :
{E3 = α –
2 β, Ψ3}
c1 =
∆Eformation (radical) = 2 E1 + 1E3 – 3α = 2 2 β
(3.36) (3.37)
(3.38)
(3.39)
Cette énergie de formation, égale à 2,828β est légèrement inférieure à celle du radical cyclopropényle, ayant le même nombre d’électron qui est de 3β (voir le paragraphe précédent). 3.9.1 Comparaison du cation et de l’anion allyle au cation cyclopropényle Nous avons vu dans la section précédente que le cation cyclopropényle est beaucoup plus stable qu’une molécule d’éthylène (∆Eformation de 4β comparé à 2β). L’énergie de formation du cation allyle est égale à ∆Eformation (cation) = 2(α + 2 β) – 2α = 2,824β. Nous constatons que le cation cyclisé est nettement plus stable que le système ouvert. L’anion allyle, obtenu en ajoutant un électron au radical allyle possède la même énergie de formation que le cation : ∆Eformation (anion) = 2(α +
2 β) + 2α – 4α = 2,824β
(3.40)
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Nous en déduisons une conséquence importante :
Le fait de mettre des électrons dans une OM non liante n’a pas de conséquences pour l’énergie de formation du système, (pour autant que nous restions dans le formalisme de Hückel).
3.9.2 La résonance dans le système allylique Lors de l’étude de C3H3, nous avons montré les structures de résonance neutres (trois structures identiques à une rotation près). Pour le radical allyle, il est possible de dessiner deux structures de résonance identiques à une symétrie près, dont on remarquera qu’elles respectent la symétrie du motif moléculaire initial (figure 3.17) :
132
3 • Polyènes et Annulènes
°
° Figure 3.17
Deux questions émergent de ce schéma : a) le fait de ne pouvoir écrire que deux structures de résonance neutres au lieu de trois pour la forme cyclique est-il lié au fait que cette dernière soit plus stable ? b) existe-t-il un moyen quantitatif pour traiter ce problème ? Nous allons tenter d’y apporter une réponse en définissant les charges atomiques π et l’indice de liaison π entre deux atomes.
3.10 CHARGES ET INDICES DE LIAISON π Si nous considérons les coefficients normés d’une OM, la somme de leurs carrés est égale à 1 par construction dans la méthode de Hückel. De cette manière, nous définissons la somme suivante, où l’indice i court sur les OM occupées et l’indice r sur les N atomes du polyène, ni étant le nombre d’électrons présents dans la i-iéme OM occupée :
 i =1  r =1 ni cir 2 occ.
N
(ni = 1 ou 2)
(3.41)
Nous obtenons comme résultat le nombre total d’électrons présents dans le système. La référence des atomes avant formation du polyène est : un électron par atome de carbone. Nous définissons alors la charge π après formation du motif conjugué comme l’expression : . qr = nombre d’électron(s) de l’atome avant conjugaison -Â iocc n c 2 (3.42) =1 i ir
Pour le carbone, le nombre d’électron avant conjugaison est égal à un. Il est évident que la somme des Nqr est égale à la charge totale du système. De la même façon, nous définissons l’indice de liaison π, Prs, entre les atomes r et s liés, comme la somme : Prs = Â i =1 ni ◊ cir ◊ cis occ.
(3.43)
Cet indice procure une mesure de la répartition électronique entre les atomes r et s. 3.10.1 Applications : éthylène C2H4, C3H5 et C3H3 (radicaux, cations et anions) Dans le cas de l’éthylène, nous avons une seule OM occupée par deux électrons. La 2
Ê 1 ˆ charge correspondante sur un carbone est : q1 = q2 = 1 - 2 Á = 0 . Ce résultat Ë 2 ˜¯
3.10
Charges et indices de liaison π
133
est conforme à la réalité, l’éthylène est une molécule qui n’a pas de moment dipolaire car elle possède un centre d’inversion. L’indice de liaison π, calculé pour Ê 1 ˆÊ 1 ˆ l’éthylène, est égal à : P12 = 2 Á = 1 . En effet, nous avons bien une seule Ë 2 ˜¯ ÁË 2 ˜¯ liaison π entre les deux atomes. Pour le système allylique, nous obtenons très aisément le tableau suivant :
q1 = 0
Radical allyle
q2 = 0 2 2
P12 = P23 =
q1 = 0,5
Cation allyle
q2 = 0
q1 = – 0,5
q2 = 0
q3 = – 0,5
2 2
P12 = P23 =
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q3 = 0,5
2 2
P12 = P23 =
Anion allyle
q3 = 0
Les résultats précédents nous montrent qu’entre deux carbones liés, nous n’avons pas une liaison π complète, mais seulement ≈ 0,7 liaison π. Mais nous avons deux structures symétriques à prendre en compte, ce qui fait qu’au total nous avons 2(0,7) = 1,4 liaison π pour l’ensemble du système. Le fait de peupler l’OM non liante par zéro, un ou deux électrons ne change rien à l’indice de liaison, mais bien sûr modifie la charge sur les carbones terminaux. Les hybrides de résonance sont souvent dessinés de manière conventionnelle afin de résumer cet ensemble de résultats (figure 3.18). Nous allons maintenant effectuer les mêmes opérations sur les composés C3H3 en calculant les charges et les indices de liaison Prs dans les différents cas. Cas du radical neutre C3H3. Un problème se pose, car l’électron célibataire est réparti dans deux OM dégénérées. Il nous faut donc prendre une population de 0,5 électron pour chacune de ces OM. Calculons la charge pour deux sommets du triangle équilatéral, avec les coefficients normalisés donnés en (3.30), (3.31) et (3.32) (voir plus haut). Nous obtenons : 2
2
Ê 1 ˆ Ê 2 ˆ q1 = 1 - 2 Á - 0, 5 Á - 0, 5(0)2 = 0 ˜ ˜ Ë 3¯ Ë 6¯ 2
2
(3.44) 2
Ê 1 ˆ Ê 1 ˆ Ê 1 ˆ q2 = 1 - 2 Á - 0, 5 Á - 0, 5 Á =0 ˜ ˜ Ë 2 ˜¯ Ë 3¯ Ë 6¯
(3.45)
134
3 • Polyènes et Annulènes
radical
°
cation
+
=
°
°
=
+
+
= anion
–
–
–
Figure 3.18
Il est clair que la charge sur les 3 carbones est nulle comme le montrent les trois formules de résonance qui ont été vues précédemment. L’indice de liaison π doit être calculé dans les mêmes conditions, nous obtenons : Ê 1 ˆÊ 1 ˆ Ê 2 ˆÊ 1 ˆ P12 = 2 Á + 0, 5 Á ˜ Á ˜ ˜ + 0 = 0, 5 Ë 3¯Ë 3¯ Ë 6 ˜¯ ÁË 6¯
(3.46)
Ê 1 ˆÊ 1 ˆ Ê 1 ˆÊ 1 ˆ Ê 1 ˆÊ 1 ˆ P23 = 2 Á + 0, 5 Á + 0, 5 Á ˜ = 0, 5 ˜ Á ˜ ˜ Á ˜ Ë 2 ˜¯ ÁË Ë 3¯Ë 3¯ Ë 6 ¯Ë 6¯ 2¯
(3.47)
Nous comparerons ces données à celles que nous allons obtenir pour le cation et l’anion. Cas du cation [C3H3]+. Nous n’avons plus dans ce cation que deux électrons dans l’OM la plus stable. La charge sur chaque carbone est : 2
Ê 1 ˆ 1 q1 = q2 = q3 = 1 - 2 Á = ˜ Ë 3¯ 3
(3.48)
L’indice de liaison π est : Ê 1 ˆÊ 1 ˆ 2 P12 = P23 = P13 = 2 Á = Ë 3 ˜¯ ÁË 3 ˜¯ 3
(3.49)
Cas de l’anion [C3H3–]. Cette fois-ci nous avons un électron dans chaque OM dégénérée. Nous obtenons directement le résultat à partir des données relatives au carbone noté 1 lors du traitement de C3H3 (voir plus haut) : 2
2
Ê 1 ˆ Ê 2 ˆ 1 q1 = q2 = q3 = 1 - 2 Á - 1Á =˜ ˜ Ë 3¯ Ë 6¯ 3
(3.50)
Ê 1 ˆÊ 1 ˆ Ê 2 ˆÊ 1 ˆ 1 P12 = P23 = P13 = 2 Á + 1Á ˜ Á ˜ ˜= Ë 3¯Ë 3¯ Ë 6 ˜¯ ÁË 6¯ 3
(3.51)
3.11
Énergie de conjugaison
135
Le tableau suivant collecte l’ensemble des données obtenues pour le cycle et la forme ouverte associée :
C3H5
C3H3
q1 = q3 q2 P12 = P23 q1 = q2 = q3 P12 = P23 = P13
Radical 0 0 0,707
Cation 0,5 0 0,707
Anion – 0,5 0 0,707
0 0,5
0,333 0,666
– 0,333 0,333
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L’examen des données du tableau précédent révèle les profondes différences que l’on observe entre les deux types de composés : a) Dans le composé ouvert, le carbone central n’est jamais chargé; la charge totale se répartit entre les deux carbones terminaux; l’indice de liaison π est indépendant du remplissage de l’OM non liante. b) Dans l’annulène, les trois sommets sont équivalents; la charge totale se répartit également entre eux; l’indice de liaison varie avec le nombre d’électrons dans l’ordre P(cation) > P(radical) > P(anion). Ce résultat est dû au fait que dans le radical et dans l’anion on doit peupler des OM antiliantes, plus on les peuple, plus l’indice de liaison π est faible. c) Si nous faisons la somme des indices de liaison π pour chaque forme la plus stable, en l’occurrence le cation, nous obtenons 1,414 pour C3H5+ et 1,5 pour C3H3+. Il apparaît alors que le cation [C3H3]+ possède la plus grande stabilité et que les atomes y sont plus liés que dans la forme ouverte. Si nous comparons les anions, nous avons toujours 1,414 pour C3H5– mais seulement 0,999 pour C3H3– : la tendance précédente est inversée. Nous utiliserons ces résultats plus loin lors de l’étude de l’aromaticité.
3.11 ÉNERGIE DE CONJUGAISON D’une manière générale, l’on définit empiriquement l’énergie de conjugaison comme la différence entre l’énergie totale du composé examiné et celle du même nombre de molécules d’éthylène occupées par le même nombre d’électron. L’énergie du système π de l’éthylène est égale à 2(α + β) (deux électrons dans l’OM π liante d’énergie α + β). Par exemple, le cation allyle peut être comparé à une molécule d’éthylène plus un cation porté par un carbone trisubstitué, d’énergie E = 0 car ne comportant pas d’électron. Nous obtenons de cette manière : Econjugaison (cation allyle) = 2(α + 1,414β) – 2(α + β) = 0,828β. Il est frappant de constater que la conju-
136
3 • Polyènes et Annulènes
gaison apporte près d’une unité de β ! De la même manière, nous obtenons l’énergie de conjugaison de l’anion allyle : Econjugaison (anion allyle) = 2(α + 1,414β) + 2α – [2(α + β) + 2α] = 0,828β Une fois encore, nous constatons que le fait de peupler une OM non liante ne change rien au bilan énergétique. Il est évidemment aisé de mener le même genre de comparaison pour toute molécule neutre ou chargée, il ne nous paraît pas nécessaire de multiplier les exemples à cet endroit de notre exposé.
3.12 ÉTUDE COMPARATIVE DU BUTADIÈNE ET DU CYCLOBUTADIÈNE Le butadiène est un composé stable, d’usage très courant. Il constitue le prototype de la vaste série des composés naturels isoprénoïdes. L’isoprène, produit par l’hévéa, donne en se polymérisant le caoutchouc naturel. Le butadiène est également une matière première de l’industrie utilisé en très lourd tonnage. Par contre, le cyclobutadiène n’a jamais été isolé à l’état libre ! Nous nous proposons d’expliquer cette dichotomie frappante en examinant les systèmes π de ces deux entités neutres. H H
C 2
C C
H
3
forme s-trans
H H
C
H
C
C
C H
forme s-cis
H
H C
C H
Butadiène
H H
H C
4
1
H
H
Cyclobutadiène
H
H
H
H C
C
C
C H
Figure 3.19
Dans un premier temps, nous allons étudier le butadiène, puis nous examinerons les propriétés de l’annulène correspondant dans une seconde étape. 3.12.1 Étude du butadiène Le butadiène existe sous deux formes planes de stabilité voisine, appelées s-trans et s-cis (figure 3.19). Ces deux formes s’échangent par rotation autour de la liaison
3.12
Étude comparative du butadiène et du cyclobutadiène
137
C2C3. Si la forme s-trans est la plus stable, c’est très souvent sous la forme s-cis que le butadiène réagit et nous l’étudierons plutôt sous cette forme par commodité. Il va de soi que tout ce qui peut être dit d’un conformère est également valable pour l’autre. Le déterminant séculaire du butadiène est construit en utilisant la numérotation des atomes de la figure 3.19 :
x
1
0
1 0
x 1
1 x
0
0
1
0 c1 0 c2 1 c3 x c4
=0
(3.52)
Ce déterminant est égal à x4 – 3x2 + 1 = 0, ce qui conduit directement à : 2
3+ 5 3 + 5 Ê1+ 5 ˆ (3.53). Si nous remarquons que =Á x=± ˜ , nous obte2 2 Ë 2 ¯ nons les racines : E1 = α + 1,618β; E2 = α + 0,618β; E3 = α – 0,618β; E4 = α – 1,618β (3.54)
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Les deux premières racines, E1 et E2, correspondent à des OM liantes, les deux suivantes, E3 et E4, à des OM antiliantes. Les coefficients normalisés sont donnés dans le tableau suivant : OM
c1
c2
c3
c4
E
E1
φ1
0,3717
0,6015
0,6015
0,3717
α + 1,618β
E2
φ2
0,6015
0,3717
– 0,3717
– 0,6015
α + 1,618β
E3
φ3
0,6015
– 0,3717
– 0,3717
0,6015
α – 1,618β
E4
φ4
0,3717
– 0,6015
0,6015
– 0,3717
α – 1,618β
Avant toute chose, il importe de constater que les quatre OM trouvées respectent effectivement l’alternance de symétrie par rapport à un plan perpendiculaire au plan des quatre carbones, passant par le milieu de la liaison C2C3, propriété très importante que nous avons déjà signalée auparavant. L’énergie de formation du butadiène est obtenue par la différence : ∆Eformation = [2(α + 1,618β) + 2(α + 0,618β)] – 4α = 4,472β (3.55) Énergie de conjugaison. Une comparaison intéressante est obtenue en comparant l’énergie précédente à celle de deux molécules d’éthylène isolées. Econjugaison (butadiène) = [2(α + 1,618β) + 2(α + 0,618β)] − 2(2α + 2β) = 0,472β (3.56)
138
3 • Polyènes et Annulènes
Comment interpréter ce résultat ? À quel phénomène peut-on associer ce surcroît de conjugaison par rapport à deux molécules d’éthylène isolées ? Nous allons d’abord calculer les charges sur les carbones avec les coefficients normalisés que nous avons donnés plus haut. Il est aisé de vérifier que : q1 = q2 = q3 = q4 = 1 – 2(0,3717)2 – 2(0,6015)2 = 0
(3.57)
Le système π n’est pas polarisé, ce qui est conforme à la réalité, cette molécule ne présente pas de moment dipolaire appréciable sous la forme s-cis, sous la forme s-trans, elle possède un centre de symétrie et donc ne peut avoir de moment dipolaire. Le calcul des indices de liaison π conduit par contre à un résultat intéressant. En effet, nous avons : (3.58) P12 = P34 = 2(0,6015)(0,3717) + 2(0,3717)(0,6015) = 0,8943 P23 = 2(0,6015)(0,6015) – 2(0,3717)(0,3717) = 0,4473
(3.59)
La délocalisation du système π révèle qu’entre les carbones 2 et 3 existe une liaison π partielle, tandis qu’entre les carbones 1 et 2 (ou 3 et 4) nous trouvons un peu moins d’une liaison π complète. Ceci signifie que l’écriture de la formule du butadiène qui localise les deux liaisons π à partir des carbones terminaux ne représente qu’une structure limite de la réalité électronique. La figure 3.20, où sont reportés des hybrides de résonance illustre ce fait : etc. 0
0
+
–
Figure 3.20
Nous retrouverons le butadiène dans de nombreuses applications, nous allons présenter rapidement le rôle très important que jouent les composés de ce type.
3.13 LES COMPOSÉS BUTADIÈNIQUES DANS L’INDUSTRIE ET LA NATURE Les composés possédant deux doubles liaisons conjuguées présentent un très grand intérêt économique. La production mondiale de butadiène était en 1995, de 2 millions de tonnes/an en Europe, 1,67 MdT/an aux USA et 0,99 MdT au Japon. Il sert essentiellement à l’industrie des polymères et parmi les nombreuses applications, à la fabrication du caoutchouc synthétique et des élastomères en général. Citons aussi cette intéressante suite de synthèses : 1) CH2=CH–CH=CH2 + 2 HCN → NC–(CH2)4–CN 2) 50 % NC–(CH2)4–CN + H2 → NH2–(CH2)6–NH2 diamine
3.13
Les composés butadièniques dans l’industrie et la nature
139
3) 50 % NC–(CH2)4–CN + H2O → OH–CO–(CH2)6–CO–OH diacide 4) diamine + diacide → polyamide COOH–(CH2)6–CO–NH–(CH2)6–NH–CO– etc.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Le polyamide qui correspond à la copolymérisation de deux unités comportant six CH2 n’est autre que le nylon 6-6. Parmi les dérivés du même type, une mention toute spéciale doit être accordée à l’isoprène de formule CH2=C(CH3)–CH=CH2. Ce composé est le monomère qui conduit au caoutchouc naturel, dont la production reste faible, en particulier à partir de l’hévéa qui ne représente que quelques % du total, le reste étant fabriqué par des procédés industriels. Par contre, de très nombreux composés naturels comportent dans leur squelette hydrocarboné une ou plusieurs unités isopréniques. Ils constituent la classe de terpènes (composés en C10) des sesquiterpènes (C15), des diterpènes (C20) et des triterpènes (C30), tétraterpènes (C40) et des stérols qui sont la base des hormones naturelles. Il n’est évidemment pas question de passer en revue toutes ces familles, mais de vous montrer quelques exemples de composés naturels très courants, comportant plusieurs unités isopréniques dans leur constitution. Les figures 3.22 et 3.23 regroupent un certain nombre de dérivés des terpènes, à seule fin d’illustrer leur immense variété dans les produits naturels. (Pour alléger le dessin des formules, les hydrogènes ne sont pas mentionnés.) À titre de curiosité, nous donnons dans la figure 3.21, la biogénèse du cholestérol à partir de six unités d’isoprène constituant le squelette du squalène, molécule naturelle que l’on trouve en grande quantité dans l’huile de foie de… requin ! Des constituants ayant la même condensation en carbone, mais partiellement cyclisés, (ambréine), sont trouvés dans l’ambre gris extrait du cerveau des cachalots. Ceci suffit à montrer que le même type de molécules est employé dans presque tous les règnes du vivant, aussi bien par des animaux que des plantes.
HO
squelette du cholestérol
squalène = 6 isoprènes
(au cours de la synthèse, trois groupes CH3 du squalène sont éliminés) Figure 3.21
140
3 • Polyènes et Annulènes
Quelques terpènes très utilisés :
CH2OH
CH2OH
myrcène baies du laurier, piment de la Jamaïque
d-limonène citron, orange
géraniol gingembre
citronellol huile de rose
1 2
3
4 CHO 3
4 2 1
OH
O
menthol menthe
citral schénanthe (jonc odorant) Figure 3.22
Quelques tétraterpènes importants :
β-carotène (jaune vif)
γ-carotène (jaune) Figure 3.23
camphre camphrier
3.14
Étude du cyclobutadiène
141
lycopène (rouge)
Le précurseur des carotènes impliqués dans le mécanisme de la vision, entre autres, est la vitamine A, un diterpène. CH2OH
vitamine A (diterpène) Figure 3.23 (suite)
3.14 ÉTUDE DU CYCLOBUTADIÈNE Le déterminant séculaire du cyclobutadiène, ainsi que la construction que nous avons déjà utilisée sont donnés dans la figure 3.24 : α – 2β
x 1 0 1
3 α
α
4
1 x 1 0
0 1 x 1
1 0 1 x
c1 c2 c3 c4
=0
2
α + 2β
1
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 3.24
La construction géométrique nous montre d’emblée qu’avec quatre électrons le cyclobutadiène obéit à la règle de Hund et ne présente pas tous les spins appariés. Les coefficients des OM sont très aisément obtenus à partir des racines en x qui sont (± 2, 0, 0). Ils sont donnés dans le tableau suivant : c1
c2
c3
c4
0,5
0,5
0,5
0,5
liante
– 0,707
0,0
non liante
0,0
– 0,707
non liante
0,5
– 0,5
antiliante
E1
α + 2β
E2
α
0,707
0,0
E3
α
0,0
0,707
E4
α – 2β
0,5
– 0,5
Nature de l’OM
142
3 • Polyènes et Annulènes
L’énergie de formation rapportée à des OA 2p isolées et l’énergie de conjugaison, rapportée à deux molécules d’éthylène isolées sont : (3.60) ∆Eformat. = 2(α + 2β) + 2α – 4α = 4β ∆Econjug. = 2(α + 2β) + 2α – 2(2α + 2β) = 0 (3.61) Au contraire du résultat que nous avons obtenu avec le cation cyclopropényle qui est nettement plus stable que le cation allyle, nous voyons que le cyclobutadiène est beaucoup moins stable que le butadiène qui est le système ouvert ayant le même nombre d’OA de type π. L’indice de liaison π entre deux carbones successifs est : P12 = 2(0,5)(0,5) + 1,0(0,707)(0,0) = 0,5 (3.62) Si nous tenons compte du fait qu’il y a quatre indices de ce type, nous arrivons à 2 liaisons π, ce qui est égal à deux molécules éthylènes isolées, comme le montre l’énergie de conjugaison nulle. En conclusion de cette étude, nous voyons que quel que soit le critère que nous retenions pour caractériser ce système, nous trouvons qu’il n’est pas stable sous la forme cyclique et serait plus stable, soit dans une géométrie où le cycle ne serait plus carré mais rectangulaire, avec deux liaisons π isolées, ou bien sous une forme ouverte comme le butadiène. Dans le cas d’une structure rectangulaire, il n’est plus possible de passer d’un rectangle à l’autre sans passer par la forme carrée qui apparaît alors non comme une forme stable, mais comme un état de transition (figure 3.25).
Figure 3.25
Dans la figure 3.25, nous n’avons pas des structures de résonance car les liaisons ne sont plus égales, ce qui est implicite dans la méthode de Hückel puisque nous prenons le même β pour tous les carbones adjacents or, β dépend du recouvrement entre les deux centres et donc de leur distance : un β unique implique des distances égales entre les carbones.
3.15 ANNULÈNES (ARÈNES) : AROMATICITÉ ET ANTIAROMATICITÉ Il est bien connu expérimentalement que le benzène avec six électrons π est très stable, au point qu’il faut des conditions très dures pour le modifier chimiquement. De nombreux composés possèdent ce type de propriété. Tous présentent des structures planes, avec un ou plusieurs cycles accolés. Ils ont été découverts empiriquement vers la fin du XIXe siècle, à partir des substances qui restaient dans le fond des creusets lors de la distillation de la houille. À cause de leur odeur typique, on les a
3.15
Annulènes (arénes) : aromaticité et antiaromaticité
143
alors désignés sous le nom générique de « composés aromatiques ou arènes ». Parmi ces composés, citons (figure 3.26) :
N
benzène
pyridine
N
naphtalène
indole
X = O furane X = S thiophène X = NH pyrrole
X
anthracène
H
anion cyclopentadiényle
cation tropylium
Figure 3.26
Nous voyons que nous avons des composés neutres ou chargés. Ces composés comportent six électrons π pour le benzène, la pyridine, le cation tropylium, la série du furane et l’anion cyclopentadiényle, ou bien dix électrons π pour le naphtalène et l’indole, ou encore quatorze pour l’anthracène. Dans ce décompte électronique, il faut évidemment faire entrer le nombre convenable d’électrons de l’hétéroatome quand c’est nécessaire (un électron de N dans la pyridine, deux électrons d’une paire libre dans la série du furane). Par contre, les composés de la figure 3.27 sont, soit très instables comme dans le cas du cyclobutadiène, soit ne sont pas plans et présentent une alternance de liaisons longues et de liaisons courtes, comme dans le cas du cyclooctatétraène. Le même décompte électronique que précédemment nous donne quatre électrons π pour le cyclobutadiène et l’anion cyclopropényle, ou bien huit comme dans le cyclooctatétraène.
4é © Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
8é cyclobutadiène
4é
cyclooctatétraène non plan
anion cyclopropényle
Figure 3.27
144
3 • Polyènes et Annulènes
Un des très grands succès historiques de la méthode de Hückel est d’avoir fourni une explication de la dichotomie observée expérimentalement entre les deux séries de composés précédents, sur une base orbitalaire très simple. Nous avons déjà vu comment les OM du benzène et du cyclobutadiène sont obtenues par une construction simple. Pour distinguer les deux types de situations, nous pouvons remarquer que nous obtiendrons toujours deux OM dégénérés d’énergie α si, dans l’égalité 2 jπ 2 jπ , nous avons une valeur nulle de la fonction cos , c’est-àE j = α + 2 cos β N N 3π π dire quand nous avons 2 j π = N ou bien 2 j π = N . La première condition 2 2 3N N revient à j = , la seconde à j = . Dans les deux cas, pour que j soit un 4 4 nombre entier, il faut que N soit divisible par 4. Sachant que les OM apparaissent comme j = 0, j = ± 1, j = ± 2 etc. Nous voyons que si N = 4, la valeur de j = ± 1 aura pour valeur de l’énergie α; il en va de même si N = 8, auquel cas ce sera la valeur j = ± 2 qui aura pour énergie α. On retrouve plus facilement ce résultat en considérant l’inscription des annulènes dans un cercle avec les conventions que nous avons définies : un carré, un octogone, ont deux sommets sur le diamètre horizontal de référence. Si nous considérons que pour une molécule neutre, nous avons autant d’électrons que de sommets et nous bornant dans un premier temps à un seul cycle, nous voyons se dessiner deux familles : a) les composés neutres comportant 4N + 2 sommets sont très stables dont nous dirons qu’ils sont aromatiques; b) les composés neutres comportant 4N sommets qui sont dits antiaromatiques. En transposant ce résultat au nombre d’électrons de l’annulène, nous obtenons une règle qui peut être, sur une base largement empirique, étendue à un très grand nombre de composés insaturés cycliques. Cette règle est le plus souvent appelée règle d’aromaticité, elle s’applique pour autant que 4N + 2 électrons conjugués soient concernés. La règle complémentaire (4N électrons) s’applique évidemment comme critère d’antiaromaticité. – si 4N + 2 électrons sont présents dans l’annulène, et qu’aucune OM antiliante n’est peuplée, le composé est aromatique. Il présente alors une grande stabilité, en particulier par rapport au système ouvert ayant le même nombre d’atomes de carbone et d’électrons conjugués; – si 4N électrons sont présents, le système est antiaromatique et le système ouvert correspondant est plus généralement plus stable.
Un des grands problèmes qui se pose avec cette définition, qui est avant tout basée sur l’expérience, est que lorsque nous parlons de stabilité exceptionnelle, il s’agit de savoir quelle est la référence à laquelle nous comparons l’annulène. Il y a plus d’un siècle que les chimistes réfléchissent à ce problème, le résultat à retenir est que la
3.16
Un exemple récent d’application des règles d’aromaticité
145
notion d’aromaticité reste une notion relative, dépendant du système auquel nous nous référons. Prenons un exemple. L’énergie de formation du benzène et son énergie de conjugaison sont : (3.63) ∆Eformation (benzène) = 2(α + 2β) + 4(α + β) – 6α = 12β (3.64) ∆Econjugaison (benzène) = 2(α + 2β) + 4(α + β) – 3(2α + 2β) = 6β L’énergie de conjugaison est égale à celle de trois liaisons de l’éthylène. Nous n’allongerons pas inutilement cet aspect fondamental de la chimie des annulènes, nous bornant à rappeler cette règle d’or que plus d’un siècle de pratique a mis en valeur depuis les travaux de Kékulé :
La première chose à considérer dans un annulène est le nombre d’électrons : s’il est de la forme 4N + 2, la stabilité de l’ensemble, quel qu’il soit, est à considérer; s’il est de la forme 4N, l’édifice moléculaire est instable, beaucoup moins stable que tout système ouvert ayant le même nombre d’électrons conjugués.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
3.16 UN EXEMPLE RÉCENT D’APPLICATION DES RÈGLES D’AROMATICITÉ Ce court paragraphe se propose de vous offrir un certain délassement. En effet, nous pouvons penser que les critères d’aromaticité sont maintenant à mettre au rang des accessoires d’arrière-grand-papa. Il n’en est rien. L’exemple suivant, tiré de Accounts in Chemical Research de l’année 2002 (pages 944-951) en témoigne. Cet article de M. J. Marsella est intitulé, de manière un peu provocatrice : Classic Annulenes, Nonclassical Applications. L’auteur se propose de faire le point sur la mise au point de « Muscles Moléculaires ». Qu’est-ce qu’un muscle moléculaire ? Imaginons une fibre musculaire, au repos elle possède une certaine forme, un certain volume; sous l’effet d’un stimulus approprié, elle change de forme, par exemple se contracte et peut de ce fait effectuer un certain travail. Il en va de même pour une molécule : si en présence d’un changement d’environnement électronique (le stimulus), elle change radicalement de forme, de manière évidemment réversible, elle peut effectuer certaines « tâches » (travail réel, signalisation chimique, etc.) puis reprendre sa forme initiale. Le premier système imaginé est basé sur la règle des 4N + 2 électrons. Considérons le cyclooctatétraène dont nous avons donné la structure en « baignoire » précédemment (voir plus haut figure 3.27). Avec huit électrons π, le cycle est antiaromatique et donc non plan, présentant une alternance de liaisons courtes et de liaisons longues. Si nous lui ajoutons deux électrons, le dianion correspondant possède alors dix électrons, si nous lui en retirons deux, le dication en possède six : ces deux formes sont alors de la forme 4N + 2 électrons et sont susceptibles d’être planes, avec toutes les liaisons égales, ce que confirment des calculs quantiques modèles.
146
3 • Polyènes et Annulènes
2–
+ 2é – 2é
dianion plan du cyclooctatétraène
cyclooctatétraène Figure 3.28
Si maintenant, nous relions les sommets opposés de deux cycles à huit électrons par une chaîne flexible, nous pouvons suivre la très importante modification de géométrie qui résulte de l’addition de quatre électrons à l’ensemble, comme montré dans la figure 3.29 :
(CH2)n
O
2–
O
(CH2)n
(CH2)n
O
O
+ 4é
2–
(CH2)n
– 4é
Figure 3.29
Sous l’effet du passage à la planéité, les deux cycles à huit chaînons tendent considérablement les chaînes qui les lient, l’ensemble présente un très important changement de forme spatiale. Si la capture d’électrons est réversible, il est clair que nous avons un système qui, à l’échelle moléculaire, se présente comme une fibre musculaire. De très nombreux travaux ont permis de synthétiser des systèmes nettement plus complexes, qui présentent ce type de changement, ouvrant ainsi la voie à toute une nouvelle chimie.
Applications
147
APPLICATIONS 3.A. Traitement des hétéroatomes par la méthode de Hückel Jusqu’ici nous n’avons raisonné que sur des composés constitués de carbones insaturés. Or, de très nombreux composés insaturés comportent des doubles et même parfois des triples liaisons analogues à celles que nous venons d’étudier. Les exemples suivants permettent au lecteur de se familiariser avec quelques systèmes insaturés ainsi qu’à leurs noms usuels (figure 3.30) :
O
O
C
C
R1
R2 aldéhyde, cétone
N
C
R2
ester
amide
C
R2
N
R1
O
R1
R3
O
R1
R3
R2 imine O
N
C
C
N
R
R
nitrile
isonitrile
O
R3
O
R4
C R2 C R1
R2
éther d’énol
C R3
R1 O
C
R1
C
C
R2
C
C R3
cétone, aldéhyde conjugués
R3
R4
ester conjugué
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 3.30
Dans les formules précédentes, nous n’avons pas fait apparaître les paires libres sur les hétéroatomes. Tous ces composés sont stables, ils jouent un rôle considérable tant dans les produits naturels qu’en chimie industrielle. Nous nous proposons de calculer les OM de leurs systèmes π à l’aide de la méthode de Hückel que nous avons précédemment exposée. Décompte électronique. Il est certain que le décompte électronique devient délicat dès qu’un hétéroatome est présent. En effet, nous devons distinguer le cas où il met en commun un ou deux électrons dans une liaison avec un carbone adjacent. Prenons le cas de l’oxygène. Lorsque l’atome est terminal, comme dans les aldéhydes (R1 ou R2 = H) et les cétones (R1, R2 quelconques), il possède deux paires libres et ne met en commun qu’un seul électron avec le carbone pour former la double liaison. Lorsque l’oxygène est disubstitué, il intervient dans une éventuelle conjugaison par
148
3 • Polyènes et Annulènes
une seule de ses paires libres et compte alors pour deux électrons. Ainsi, dans un ester, l’oxygène de type cétonique (liaison C=O) n’intervient que pour un électron, tandis que l’oxygène porteur d’un second substituant intervient pour deux électrons (figure 3.31). 2 é pour former une liaison π R1
2 é par liaison
° C
° O
R2
le système π comporte 2 é
°° °°
2 é par liaison
° C
ALDEHYDE, CETONE
2 é dans une liaison σ
4é pour former des liaisons π R1
2 paires libres
° O
une paire libre dans le plan des atomes (spectatrice)
°°
°°
R2
le système π comporte 4 é
°°
O
une paire libre apte à se conjuguer
R3
ESTER
une paire libre dans le plan des atomes (spectatrice) Figure 3.31
Il est évident que dans le cas de l’ester, par exemple, l’oxygène lié par une double liaison et l’oxygène lié par deux liaisons simples, ne sont pas équivalents. Les structures de résonance de la fonction carbonyle permettent de placer trois paires libres sur l’oxygène, tandis que l’oxygène lié par deux liaisons simples étant saturé ne peut que céder ses deux électrons à un système voisin, comme le montre la figure 3.32 où nous avons reporté les principaux mode de résonance d’une fonction carbonylée d’aldéhyde ou de cétone (C=O) et le mode de résonance d’un oxygène lié par deux liaisons simples à deux voisins. Il en va de même pour les atomes d’azote et de phosphore, selon qu’ils sont liés à un carbone par une liaison double ou bien à deux voisins par deux liaisons simples.
Applications
149
(–)
(+) C
O
C
O
aldéhyde, cétone
(–) O
ester
(+) O
R
R
Figure 3.32
3.B. Paramétrisation de la méthode de Hückel pour les hétéroatomes Nous avons pris pour le carbone une valeur de l’intégrale < 2piH2pi > égale à α dans l’ensemble de nos calculs. Il est aisé de généraliser cette écriture au cas de n’importe quel hétéroatome. Pour cela, nous fixons le paramètre de résonance entre deux carbones adjacents liés Hij = < 2piH2pj > = constante = β. Il est alors possible de faire un changement d’échelle en posant :
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αC = α αX = α + kβ
référence, OA 2p de l’atome de carbone énergie de l’OA 2p de l’atome X
Puisque β est négatif par définition, k est > 0 pour les atomes plus électronégatifs que C (par exemple, N, O, etc.) et < 0 pour les atomes moins électronégatifs que C (B, Li, etc.). De plus, k est différent selon que l’atome appartient à une liaison double ou bien est substitué par deux liaisons simples. En toute rigueur, il faut aussi tenir compte du fait que le terme de résonance entre deux carbones, étant proportionnel au recouvrement βCC ≈ < 2pC2pC > n’est pas égal à celui qui relie C et O par exemple car nous avons βCO ≈ < 2pO2pC >. Il est possible de se référer à βCC dans ce cas, bien que le plus souvent on ne tienne pas compte de cette différence dans les raisonnements qualitatifs. Le tableau 3.1 est le résultat de nombreux calculs empiriques et il reste d’un emploi très général : Tableau 3.1 O
(1 é)
O doublement lié à C dans C=O
αO = α + β
βCO = β
O
(2 é)
O lié à deux carbones dans R–O–R’
αO = α + 2β
βCO = 0,8β
N
(1 é)
N doublement lié à C dans C=NH
αN = α + 0,5β
βCN = β
N
(2 é)
N lié à trois carbones dans NR3
αN = α + 1,5β
βCN = 0,8β
150
3 • Polyènes et Annulènes
F
(2 é)
Une paire libre de l’atome
αF = α + 3β
βCF = 0,7β
Cl
(2 é)
idem
αCl = α + 2β
βCCl = 0,4β
Br
(2 é)
idem
αBr = α + 1,5β
βCBr = 0,3β
CH3
(2 é)
Substituant méthyle
αCH3 = α + 2β
βC–CH3 = 0,7β
B
(0 é)
Lié à trois carbones dans BR3
αBR3 = α − 0,5β
βc–BR3 = β
En accord avec des calculs plus élaborés, nous avons reporté le méthyle (CH3) comme substituant donneur d’électron, d’assez basse énergie. Dans ce cas, on assimile l’ensemble du groupe CH3 à une OA de type 2p, doublement occupée et d’énergie α + 2β. 3.C. Utilisation de la table précédente : obtention des OM du formaldéhyde Le formaldéhyde, de formule CH2=O est le plus simple des composés carbonylés. Pour calculer les OM de son système π, nous posons directement le déterminant séculaire à deux corps correspondant : H CC –E H CO
H CO H OO –E
En remplaçant HCC par α et HOO par α + 2β (tableau 3.1), nous obtenons en prenant HCO = βCO ≈ β, le nouveau déterminant : α-E
β
β
α + kβ - E
En divisant par β et posant x = (α – E)/β, nous obtenons finalement en prenant k = 1 :
x 1
1 cC =0 x + 1 cO
Ceci nous conduit à l’équation x2 + x – 1 = 0, dont les solutions sont x1 = – 1,618 et x2 = 0,618. Les valeurs correspondantes de l’énergie sont alors : E1 = α + 1,618β (OM liante) et E2 = α − 0,618β (OM antiliante). Calcul des coefficients des OM. Il est intéressant de calculer les coefficients normalisés attachés à ces OM. La technique est un peu laborieuse, mais ne pose aucun problème sérieux. En reportant x1 dans le déterminant, nous obtenons : – 1,618 cC + cO = 0 qui conduit à cC – 0,618 cO = 0. Posons cC = 1,0 nous obtenons cO = 1,618. Les coefficients normalisés sont alors : cC =
1 1 + 1,6182
= 0,5257
cO =
1,618 1 + 1,6182
= 0,8506
Applications
151
Nous obtenons directement les coefficients correspondant à la racine x2 : cC = 0,8506 et cO = – 0,5257. La représentation schématique de ces deux OM est donnée dans la figure 3.33. 0,8506
0,8506
0,5257
OM liante π
– 0,5257
OM antiliante π∗ Figure 3.33
Nous voyons que l’OM liante est concentrée autour de l’atome le plus électronégatif (l’oxygène), tandis que l’OM antiliante est concentrée autour de l’atome le moins électronégatif (C). 3.D. Étude des valeurs propres d’un déterminant 2 × 2 en fonction de k Le déterminant en fonction de k s’écrit, dans le cas général :
x 1
1
cC
x + k ck
=0
Il conduit à l’équation aux valeurs propres x2 + kx – 1 = 0, dont les racines sont :
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x1 =
-k - k 2 + 4 2
x2 =
-k + k 2 + 4 2
Si nous traçons le graphe de ces deux valeurs, nous obtenons la figure 3.34. Rappelons que l’énergie en fonction de x est : E = α – βx. Nous constatons une tendance très intéressante : quand k > 0 augmente, les OM liantes associées à x1 « plongent » tandis que les OM antiliantes, associées à x2 tendent vers 0, c’est-à-dire que l’énergie de l’OM correspondante tend vers α, ce qui correspond à une OM non liante. Une tendance qualitative peut être déduite de la valeur des racines x1 et x2. Si k2 >> 4, nous pouvons poser k2 + 4 ≈ k2 et les racines tendent vers : x1 → – k Eliant → α + kβ
x2 → 0 Eantiliant → α (non liant)
152
3 • Polyènes et Annulènes
x
x2
1
OM antiliantes k
–1
1 –1
2 OM de H2C=O
OM liantes x1
Figure 3.34
La figure 3.35 permet d’illustrer cette tendance. Nous avons reporté les solutions pour k = 0, k = 1 et k « grand ». (Il est évident que k tendant vers l’infini ne sert qu’à tracer le profil asymptotique des courbes) :
α–β α – 0,618β α
E=α
α+β α + 1,618β
α + kβ k=0
k >> 2
k=1 Figure 3.35
k
Applications
153
3.E. Comparaison de deux systèmes comportant un atome d’oxygène Nous allons comparer les systèmes 1 et 2 décrits dans la figure 3.36. Dans les deux cas, l’atome d’oxygène est porteur de deux paires libres dont une seule participe à une conjugaison de type π avec les deux carbones voisins. Le composé 1 est ionique, et résulte de l’ouverture d’un oxyrane (appelé aussi époxyde ou oxyde d’éthylène). Le composé 2 est l’énol dérivé de l’acétaldéhyde. H H C
O
C
C
H
H
H
H
C
O
(–)
O
°°
H
°°
(+)
oxyrane
H O(+)
(–)
°°
(–)
°°
(+)O
1 oxyrane ouvert
H H
C
C O
H
C
C O
H
H
H
°°
H H3C
(–)
H
C
(+) O
H
acétaldéhyde 2 énol
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Figure 3.36
Les composés 1 et 2 comportent quatre électrons π. Leurs principales formes de résonance sont données et nous voyons que dans les deux cas l’oxygène met en jeu deux électrons d’une paire libre. En nous reportant au tableau 3.1 donné précédemment, nous devons donc prendre pour l’énergie d’une OA 2p portée par cet atome la valeur α + 2β. Nous allons résoudre le déterminant séculaire dans les deux cas, en prenant une valeur commune de β pour l’intégrale de résonance entre deux atomes voisins. Étude du composé 1. En nous reportant à la numérotation du système schématisé ci-après, nous obtenons aisément le déterminant séculaire : O
2 C
1
C
x 1 0
3
Figure 3.37-a
1 x+2 1
0 1 =0 x
154
3 • Polyènes et Annulènes
Les solutions sont : – 2,73; 0; 0,73. Les valeurs correspondantes de l’énergie sont donc : E1 = α + 2,73β ; E2 = α; E3 = α – 0,73β. Nous obtenons une OM liante, une OM non liante (d’énergie α) et une OM antiliante. Afin d’alléger cette partie, nous ne calculerons pas les coefficients des OA attachés à ces OM, ceci peut s’effectuer sans difficulté particulière. Étude du composé 2. En utilisant la même représentation schématique que pour le composé 1, nous avons : C
2 C
1
O
x 1 0
1 x 1
0 =0 1 x+2
3
Figure 3.37-b
La résolution exacte de l’équation du 3e degré nécessite un moyen de calcul adéquat. Un calcul approché, tenant compte des arrondis fournit pour les trois solutions x : – 2,48; – 0,69; 1,17, d’où les valeurs de l’énergie correspondantes : E1 = α + 2,48β; E2 = α + 0,69β; E3 = α – 1,17β. Nous constatons une différence notable avec le composé 1, car cette fois-ci nous avons deux OM liantes et une seule OM antiliante. Il est intéressant de comparer les deux énergies de formation en prenant comme référence l’énergie des constituants isolés. Nous obtenons : ∆Eformation (1) = {2(α + 2,73β) + 2α} – {2α + 2(α + 2β)} = 1,46β ∆Eformation (2) = {2(α + 2,48β) + 2(α + 0,69β)} – {2α + 2(α + 2β)} = 2,34β Nous constatons que le composé 2, qui possède deux OM liantes est nettement plus stable que le composé 1. Ce résultat, obtenu avec une méthode évidemment très qualitative, est conforme à l’expérience : l’énol 2 est un composé stable, tandis que la forme ionique 1 est un intermédiaire réactionnel instable que l’on ne peut isoler. La mise en évidence de ce type d’intermédiaire sera évoquée plus loin au chapitre 4.
EXERCICES Exercice 3.1 (*) L’énergie de la j-ième OM d’un polyène formé uniquement d’atomes de jπ carbone est donnée par la formule : E j = α + 2β cos (1 ≤ j ≤ N), où N +1 α est l’énergie d’une OA 2p isolée de C et β l’intégrale de résonance entre deux atomes liés.
Exercices
155
a) À quelle condition portant sur N le polyène possède-t-il une OM non liante ? b) Considérons un polyène possédant une OM non liante. Le rang d’un atome est r, le premier atome étant noté 1, le dernier N. Que peut-on dire des coefficients des atomes de rang r pair dans cette OM ? c) En vous reportant à la construction du déterminant séculaire, que peuton dire des coefficients de rang impair dans cette même OM ? d) Quels sont les coefficients normés de l’OM non liante de C7H9 ? Solution a) Pour avoir une OM d’énergie α, il faut que cos
jπ = 0 , donc que l’on ait la relation : N +1
jπ π N +1 = + k π (j = 0, 1, 2, etc.). Pour k = 0, nous obtenons j = . Pour que j soit N +1 2 2 entier, il faut que N + 1 soit pair, donc que N soit impair. Toute autre valeur de k conduit à une
impossibilité. Par exemple, k = 1 entraîne : j =
N +1 + 1( N + 1) £ N , soit 3N + 3 ≤ 2N ce 2
qui est impossible. b) Les coefficients des atomes de rang r, à un facteur multiplicatif près, sont de la forme : rπ jr π N +1 , avec j = . Nous obtenons c jr = sin . Si r est pair, cjr est nul. 2 N +1 2 c) Une ligne générale du déterminant séculaire s’écrit : c jr = sin
0
β
α–E
β
0
0 = 0 (avec E = α)
…
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Nous en tirons la relation générale sur les coefficients : c(r – 1) + 0cr + c(r + 1) = 0 qui revient à c(r – 1) = – c(r + 1). Si r est impair, r – 1 et r + 1 sont pairs et nous avons vu que c(r – 1) et c(r + 1) sont tous deux nuls. Si r est pair, r – 1 et r + 1 sont impairs et nous avons la relation c(r – 1) = – c(r + 1). Il est dès lors aisé de trouver les coefficients d’une OM non liante en partant d’une extrémité, nous obtenons la séquence :
1
2
3
4
5
6
7
Figure 3.38
La relation de symétrie liant les OM successives à partir de la première (S, A, S, etc.), s’applique également dans tous les cas. d) Pour N = 7, la quatrième OM est non liante, de symétrie A. Nous avons quatre coefficients égaux en valeur absolue, donc la relation de normalisation est très simplement
156
3 • Polyènes et Annulènes
obtenue : 4cr2 = 1, soit cr = 0,5. Si nous prenons arbitrairement c1 = 0,5, nous avons la séquence : c1 c2 c3 c4 c5 c6 c7 0,5 0 – 0,5 0 0,5 0 – 0,5 (Voir la figure 3.38)
Exercice 3.2 (**) Considérons un polyène conjugué dont les atomes sont numérotés 1 à N en partant d’une extrémité. a) Comparez les énergies des OM de rang j et de rang N – j + 1, selon le schéma suivant :
N–1 1
2
3
4
N–3 N–2
N
Figure 3.39
b) Est-il possible d’obtenir une racine commune pour les deux ensembles ? c) Comparez les coefficients du r-ième atome dans les OM de rang j et N – j + 1. Solution a) Nous avons pour l’énergie de la j-ième racine : E j = α + 2β cos
jπ et de la même N +1
façon nous obtenons :
[( N + 1) - j ] π = a + 2β cos Ê π -
jπ ˆ jπ ÁË ˜ = α - 2β cos N +1 N + 1¯ N +1 Nous voyons que les racines de rang j et N – j + 1 sont symétriques par rapport à la valeur α de référence. b) Nous avons une valeur de l’énergie commune aux deux séquences d’indices quand N +1 j = N – j + 1, soit j = . (Cette valeur est la même que celle obtenue dans la question 1 2 de l’exercice 3.1.) Pour que j soit entier, il faut que N + 1 soit pair, donc N impair. Sur une échelle énergétique, nous avons donc les deux arrangements possibles, obtenus selon que N est pair ou impair. Cette très intéressante propriété est à utiliser de pair avec l’alternance d’OM de symétrie S et A (voir exposé dans le texte). La figure suivante montre les deux cas E( N - j +1) = α + 2β cos
Exercices
157
possibles. Quand N est impair, l’OM non liante apparaît comme étant sa propre symétrique par rapport à l’énergie de référence α (figure 3.40).
N
N
N–1
N–1
N–j+1
N–j+1
α
j = (N + 1)/2
j
j
2
2
1
1
N pair
N impair Figure 3.40
c) À un coefficient de normalisation près, (voir le texte) les deux coefficients s’écrivent :
( N + 1 - j )r π jr π et c( N - j + 1)r = sin N +1 N +1 Le second coefficient peut être réarrangé :
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
c jr = sin
sin
( N + 1 - j )r π jr π ˆ jr π jr π Ê = sin Á r π = sin r π cos - cos r π sin ˜ Ë N +1 N + 1¯ N +1 N +1
Nous avons toujours sinrπ = 0 et cosrπ = (– 1)r. Il s’ensuit que c( N - j + 1)r = -( - 1)r sin
jr π N +1
soit finalement : cjr = (– 1)r + 1 c(N – j + 1)r Nous obtenons donc le résultat intéressant suivant : les coefficients cjr et c(N – j + 1)r sont égaux au signe près. Cette propriété permet de ne calculer les coefficients que dans la moitié des OM.
158
3 • Polyènes et Annulènes
Exercice 3.3 (**) a) Le dication cyclique [C4H4]2+ est-il stable a priori ? b) Quelles sont les structures de résonance de l’annulène cationique [C3H3O]+ ? Ce composé est-il stable ? Donner les structures des composés ouverts ayant le même nombre d’électrons de type π en conjugaison. Quelles sont leurs structures de résonance. Que peut-on dire de leur stabilité comparée à celle du système cyclique ? Solution a) Le dication [C4H4]2+ est dérivé du cyclobutadiène C4H4. L’annulène neutre comporte quatre électrons π, il est antiaromatique. Le dication comporte seulement deux électrons π, donc de la forme 4N + 2 électrons avec N = 0. Il peut donc être considéré comme étant aromatique et de ce fait, il est plus stable que le composé ouvert ayant le même nombre d’électrons conjugués, en l’occurrence l’éthylène. La figure 3.41 résume ces résultats :
H C
C H
2+
H
H
C
C H
H
C
H C+
C
C +
H
H C
C
etc. C H
H
+
C + H
E = α – 2β
E=α
E=α
E = α + 2β Figure 3.41
L’énergie de formation associée au dication est E = 2(α + 2β) – 2α = 4β (deux électrons présents et deux carbones sans électron). Comparé à l’éthylène ayant 2 électrons dans une OM d’énergie α + β, la différence d’énergie est : ∆E = E (dication) – E (éthylène) = 2β, très en faveur de la forme cyclique. Ceci reste vrai, mais à un degré moindre, si l’on prend le dication du butadiène (deux électrons dans une OM d’énergie α + 1,618β, conduisant à ∆E = 4β − 2(1,618β) = 0,76β. En pratique, la présence de deux charges positives sur deux carbones adjacents dans le cycle déstabilise très sensiblement le dication, mais ce type d’interaction électrostatique n’est pas pris en compte dans la méthode de Hückel. b) Considérons l’ion cyclique [C3H3O]+ (figure 3.42). Cet annulène comporte quatre électrons π, il est antiaromatique. Les composés conjugués ouverts ayant le même nombre d’électrons π sont les suivants (figure 3.43).
Exercices
159
C
C
C+
C
H
H
H
H
H
H
C
C
C
etc. C
O
O
+
C
H
H
O
+
H
(4 électrons π) Figure 3.42
H
C
C
H C
O
+
O
H
CH2
C H
H
C
H
ion positif H
+
O
acroléïne, molécule stable
CH2
H C
C H
H
Figure 3.43
Les deux structures de la figure 3.43 possèdent quatre électrons π conjugués dans un système ouvert voisin de celui du butadiène, ils possèdent une énergie de résonance du même ordre. La molécule d’acroléïne, un aldéhyde conjugué, est stable, elle est très utilisée en chimie. (Il convient de remarquer que ces résultats obtenus dans le cadre limité de la théorie de Hückel n’apportent que des informations qualitatives.)
Exercice 3.4 (**) Considérons les structures I à IV de la figure 3.44 : H © Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
B H
C
1
2
H
3
H
I αB = α – 0,5β
H
H
H
C
N H
H
O H
C
C
C
C
C
H
H
H
H
H
III
II αB = α
αB = α + 1,5β
H
H C
C
H
H
IV αB = α + 2β
(les liaison π ne sont pas indiquées, tous les β entre atomes liés sont identiques )
Figure 3.44
Ces quatre molécules neutres sont planes et possèdent des systèmes π conjugués dont nous nous proposons de comparer les propriétés. À cette
160
3 • Polyènes et Annulènes
fin, pour chaque atome, nous posons que l’énergie de l’OA 2p de l’atome central entrant dans la conjugaison est d’énergie α + kβ, la référence étant le carbone dans la structure II (énergie α). a) En utilisant la numérotation des atomes indiquée pour I (figure 3.39) et α-E en posant x = , écrire et résoudre le déterminant séculaire général. β Montrer que dans tous les cas nous obtenons une OM non liante. Donner l’expression des autres racines, et calculer leur valeur numérique en prenant les valeurs de k données dans la figure précédente. b) Calculer l’expression générale des coefficients normés de chaque OM. À cette fin, il est recommandé d’utiliser les propriétés de symétrie de la figure. Donner leur valeur numérique dans I et IV. c) Écrire dans chaque cas les principales structures de résonance. d) L’expression de la charge π, du r-ième atome dans un polyène peut être mise sous la forme générale qr = nombre d’électron(s) π de l’atome isolé -Â ni cir2 , où ni est le nombre d’électrons de la i-ième OM occupée. Calculer les charges des atomes dans les molécules I et IV.
Solution a) Le déterminant séculaire général s’écrit : x 1 0
1 x+k 1
0 1 =0 x
Il conduit à : x [x (x + k) – 1] – x = 0 soit x (x2 + kx – 2) = 0. L’OM non liante correspond à la valeur x = 0 (E2 = α). Les racines du trinôme sont :
-k - k 2 + 8 -k + k 2 + 8 et x+ = 2 2 Les valeurs de l’énergie calculées sont : I B (k = – 0,5), x– = – 1,186, E1 = α + 1,186β; x+ = 1,686, E3 = α − 1,686β. ΙΙ C (k = 0); x– = – 1,414, E1 = α + 1,414β; x+ = 1,414, E3 = α − 1,414β III N (k = 1,5), x– = – 2,286, E1 = α + 2,286β; x+ = 0,851, E3 = α – 0,851β IV O (k = 2), x– = – 2,732, E1 = α + 2,732β; x+ = 0,732, E3 = α − 0,732β b) Soit y la valeur d’une racine du déterminant séculaire en x. Nous savons que par symétrie c1 = c3 dans chaque OM. Les OM sont classées par ordre décroissant de stabilité, φ1 (liante), φ2 (non liante) et φ3 (antiliante). En nous reportant à la première ligne du déterminant séculaire, nous avons yc1 + c2 = 0. Prenons c1 = 1, nous avons c2 = – y et c3 = c1. Pour la normalisation, (voir texte) nous devons avoir N 2(1 + y2 + 1) = 1. Les coefficients –y 1 normés sont donc : c1 = c3 = ; c2 = . 2 2+y 2 + y2 x- =
Exercices
161
Nous obtenons ainsi l’ensemble des valeurs suivantes : I (k = – 0,5) φ1 c1 = c3 = 0,5418 c2 = 0,6426 φ2 c1 = – c3 = 0,7071 c2 = 0 φ3 c1 = c3 = 0,4544 c2 = – 0,7661 IV (k = 2) φ1 c1 = c3 = 0,3250 c2 = 0,8880 φ2 c1 = – c3 = 0,7071 c2 = 0 φ3 c1 = c3 = 0,6279 c2 = – 0,4597 c) Les principales formes de résonance sont respectivement (figure 3.45) :
B
°°
°C
°C
C
°
II
°
C
C
°C
B
– +
etc.
C
C
C
°
C
C
+N
N+
°°
°
C
C
°C
N
C
+
C–
I
°C
B
C – °°
C
°C° –
C
III
°
C
°° O °°
°O°
°° O °C
C
+
C – °°
°C° –
+
C
IV
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 3.45
d) Il faut tenir compte du fait que dans les fragments isolés qui composent I, il n’y a aucun électron π sur l’atome B (B est trivalent), alors que dans IV, l’oxygène met en commun deux électrons π (voir texte.) Dans I, nous avons donc deux électrons π disponibles en tout, et seule l’OM φ1 est peuplée, ce qui nous donne pour les charges des atomes du polyène final : q1 = q3 = 1 – 2(0,5418)2 = 0,4129; q2 = 0 – 2(0,6426)2 = – 0,8258 Nous vérifions que la somme des charges est nulle car la molécule est neutre. Cette distribution de charges est en parfait accord avec les formes de résonance, les carbones donnent leurs électrons qui sont transférés vers la lacune électronique de B (l’atome B possède une couche de valence incomplète, à six électrons; BR3 est un acide de Lewis possédant une lacune électronique). Dans IV, nous avons quatre électrons π et les OM φ1 et φ2 occupées. Les charges π calculées sont : q1 = q3 = 1 – 2(0,3250)2 – 2(0,7071)2 = – 0,2112; q2 = 2 – 2(0,8880)2 = 0,4229
162
3 • Polyènes et Annulènes
Une fois encore, nous vérifions que l’ensemble est bien neutre (– 0,2112 – 0,2112 + 0,4229 # 0,000) et que les charges sont bien conformes aux principales structures de résonance de IV.
Exercice 3.5 (**) L’hexatriène, C6H8, est un composé insaturé conjugué. Nous supposons que l’ensemble des liaisons de type σ est placé dans le plan de la feuille et que les six OA de type 2p portées par chaque carbone sont orthogonales à ce plan. Ces OM forment un système π conjugué. Afin d’assigner à chaque OM π une symétrie de type S (symétrique) ou de type A (antisymétrique) par rapport au plan médiateur du système, nous nous rapportons à la figure 3.46 :
H
H C
C
H
H
C C
C H
C H
H
H
Figure 3.46
La trace du plan bissecteur est indiquée en pointillés. Entre les lobes de deux carbones successifs, une interaction de type +/+ ou –/– est liante, notée L, une interaction entre deux lobes de signes opposés du type +/– ou –/+ est antiliante, notée L*. Pour une OM donnée du polyène on fait alors la somme des interactions, en suivant la règle : L + L = 2L, L + L* = 0, L* + L* = 2L*. Les OM sont notées φ1 à φ6, à partir de la plus stable. a) Donner la symétrie des OM de type π du système. b) Quelle est la BV de l’hexatriène ? c) Quel est le nombre d’interactions L (ou L*) total pour chaque OM ? d) Donner l’enchaînement des signes de φ3 et de φ6. e) Les énergies des niveaux de l’hexatriène sont, par ordre de stabilité décroissante : α + 1,802β; α + 1,246β; α + 0,445β; α – 0,445β; α – 1,246β; α – 1,802β. Calculer l’énergie de délocalisation en vous référant à la molécule d’éthylène dont l’énergie totale est 2α + 2β. f) Le système fermé correspondant à l’hexatriène est le benzène C6H6. En vous aidant d’une construction graphique, comparer l’énergie totale des deux systèmes. Qu’en conclure ?
Exercices
163
Solution a) En partant de l’OM la plus stable, φ1, de symétrie S, nous avons la séquence : φ1
φ2
φ3
φ4
φ5
φ6
S
A
S
A
S
A
b) L’hexatriène comporte six électrons π, donc 3 OM occupées. La BV est donc φ4, de symétrie A. c) La première OM est liante entre tous les atomes (pas de plan nodal), le nombre de plans nodaux augmente ensuite régulièrement. En respectant la symétrie du problème le nombre de plans nodaux varie de un à cinq, nous obtenons les correspondances suivantes : Plan nodaux
0
1
2
3
4
5
Nature de l’OM
5L
3L
1L
1L*
3L*
5L*
d) Nous écrivons de façon schématique les signes des coefficients : φ1 [ + + + + + + ] 0 plan nodal,
5L
φ2 [ + + + – – – ] 1 plan nodal,
3L
φ3 [ + + – – + + ] 2 plan nodaux,
1L
φ4 [ + – – + + – ] 3 plan nodaux,
1L*
φ5 [ + – + + – + ] 4 plans nodaux,
3L*
φ6 [ + – + – + – ] 5 plans nodaux,
5L*
Il est intéressant d’observer les propriétés de symétrie des racines par rapport à la valeur de référence α de l’énergie : à φ1 (5L) correspond φ6 (5L*); à φ2 (3L) correspond φ5 (3L*); etc. (voir l’exercice 2). e) L’énergie de formation de l’hexatriène est égal à : 2(α + 1,820β) + 2(α + 1,246β) + (α + 0,445β) − 6α = 6,986β Par rapport à trois molécules d’éthylène, possédant le même nombre d’électrons π et dont l’énergie de formation est 2(α + β) − 2α = 2β, nous obtenons une différence de 0,986β en faveur du système conjugué. L’énergie de délocalisation est donc 0,986β. f) Les énergies OM du benzène sont obtenues par la construction de la figure 3.47 :
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
α – 2β α–β
α–β
α+β
α+β
α + 2β Figure 3.47
L’énergie de formation du benzène est donc : 2(α + 2β) + 4(α + β) – 6α = 8β. Rapportée à 6,986β (question e), nous obtenons une énergie voisine de β en faveur de la forme cyclique, aromatique.
164
3 • Polyènes et Annulènes
Exercice 3.6 (**)
Nous vous proposons d’étudier le système π de 1 (figure 3.48), dont le nom chimique est « triméthylèneméthane ».
H
H C2
x
C C H
C
1
4
3
1
C
H
C
2
1
C
y
H
z
4
C
3 y
x
H
(tous les atomes dans le plan de la feuille)
dessin en perspective Figure 3.48
Pour former 1, chaque atome de carbone apporte une OA de type 2p, portant un électron. Le carbone central est lié à trois voisins, les carbones 2, 3, 4 ne sont pas liés entre eux. Dans la suite du problème, nous ne considérons que le système π formé par les quatre atomes de carbone. Pour simplifier les figures, nous ne dessinerons pas les hydrogènes qui, du fait qu’ils sont situés dans le plan orthogonal au système π, ne jouent aucun rôle. Sur chaque atome de carbone, noté k, l’OA 2pz est notée φk . Le coefficient associé est ck (k = 1 à 4). L’énergie d’un électron dans une OA φk isolée est α. L’intégrale de résonance entre deux carbones liés i et j via un recouvrement Sij, est notée βij. Nous posons x =
α-E lors de la résolution des déterminants séculaires. β
a) Écrire en fonction de la variable x le déterminant séculaire du système, et calculer les valeurs de l’énergie associées en fonction de α et β. Les OM obtenues seront notées Θ1 à Θ4, la plus stable étant Θ1. b) Sachant que, par raison de symétrie, les centres 2, 3, 4, jouent un rôle semblable, calculer les coefficients normés de Θ1. En déduire directement ceux de Θ4 ?
Exercices
165
Solution a) Le déterminant séculaire du problème s’écrit directement : x
1
1
1
1
x
0
0
1
0
x
0
1
0
0
x
=0
Une fois développé, nous obtenons x4 – 3x2 = x2(x2 – 3) = 0. Les quatre racines sont donc : x = - 3 , 0, 0,
3 , conduisant aux valeurs de l’énergie : E1 = α +
3 β, OM liante
(Θ1); E2 = E3 = α, OM non liantes (Θ2, Θ3); E4 = α – 3 β, OM antiliante (Θ4). Ce résultat n’est pas surprenant, la présence d’un axe de rotation d’ordre 3 permet de prévoir l’existence de deux racines dégénérées (voir dans le texte le cas des dérivés du radical cyclopropényle). b) Reportons la valeur x = - 3 dans le déterminant. Nous obtenons l’équation aux coefficients : – 3 c1 + c2 + c3 + c4 = 0. En tenant compte de la symétrie du problème entraînant c2 = c3 = c4 = y, nous avons
- 3c1 + 3 y = 0. Posons c1 = 1, il vient y =
3 . 3
1 3ˆ Ê La relation de normalisation s’écrit N 2 Á 1 + 3 ˜ = 1 , soit N = . Ë ¯ 9 2
Nous obtenons finalement : c1 =
Ê 3ˆÊ 1 ˆ 1 Ê 1 1 ˆ , c2 = c3 = c4 = Á ; Á = = 0,7071; = 0, 4082˜ ˜ Á ˜ ¯ 6 Ë 2 6 2 Ë 3 ¯Ë 2¯
1
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Le dessin de cette OM est donné dans la figure 3.49.
0,4082
0,4082
– 0,7071
0,7071
OM Θ 1
OM Θ 4 Figure 3.49
On obtient directement les coefficients de Θ4 en changeant simplement le signe de c1.
166
3 • Polyènes et Annulènes
Exercice 3.7 (***) Examinons les composés cycliques 1 à 7 de la figure 3.50. HC
–
CH
HC
CH
HC
CH
HC
C H
2 HC
CH
HC
CH
HC
CH
CH
HC
3 HC
CH
HC
CH HC
HC
CH
HC
CH
CH
4
CH
HC
–
H C
CH
HC
C H
1
+
H C
+
CH
HC
CH
O
S
N
5
6
H 7
Figure 3.50
(Les composés 1 et 2 sont respectivement l’anion et le cation cyclopentadiényle, 3 et 4 sont le cation et l’anion tropylium, 5 est le furane, 6 le thiophène et 7 le pyrrole.) a) Dans chaque cas, comptez les électrons de type π susceptibles d’entrer en conjugaison. Dire si chaque composé est ou non aromatique. Dans chaque cas, écrire quelques structures de résonance. Considérons maintenant les composés 8 à 15 décrits dans la figure 3.51 où les éventuelles doubles liaisons n’ont pas été reportées à dessein.
HC
CH HC
C C H H C
HC
C H H C
8
H C CH
HC
CH
HC
C C H 10
CH C H
H C
H C
CH HC
HC CH
CH
H C
CH C H
C
HC
C
CH
HC
C
CH
14
CH C H
12
CH CH N
C H
15
Figure 3.51
CH C H
H C HC HC
13
CH C
C C H
CH
C C
HC
HC H C
HC
CH
C H
C
CH
HC
HC
C
H C C
C H
C C H9 H
C CH H 11
CH
H C C
CH
C C
HC
H C
CH HC
C
HC
H C
H C
H C
Exercices
167
(Les noms usuels de quelques uns de ces composés sont : 8 naphtalène, 9 cyclooctatétraène, 10 anthracène, 11 azulène, 12 phénanthrène, 13 acénaphtylène, 15 pyridine.) b) Quelle est la nature du système π de ces différents composés ? Solution a) À l’état neutre, 1 comporte cinq électrons π, c’est un radical pour lequel les règles d’aromaticité ne s’appliquent pas. Par contre, l’anion cyclopentadiényle correspondant, avec six électrons est aromatique. Au contraire, le cation, avec quatre électrons est antiaromatique. Les constructions géométriques de la figure 3.52 sont d’usage pratique pour vérifier que 2 comporte deux électrons non appariés.
structure électronique de 2
structure électronique de 7 Figure 3.52
De la même manière, le cation tropylium 3 avec six électrons est aromatique tandis que 4, avec sept électrons est un radical instable, comportant un électron libre dans une OM antiliante.
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Les composés 5, 6 et 7 sont tous trois aromatiques avec six électrons π conjugués, chaque hétéroatome apporte une paire libre dans la conjugaison. Sur O et S, il reste une seconde paire libre, non concernée par le système π. b) La figure 3.53 donne une illustration (parmi d’autres possibles) des positions des doubles liaisons dans les composés 8 à 15. Les composés 8 et 11, avec dix électrons π sont aromatiques. Il en va de même avec 10 et 12 qui comportent quatorze électrons π (4N + 2 avec N = 3). Par contre, les composés 9 (huit électrons π) et 14 (douze électrons π) sont de la forme 4N et sont antiaromatiques, ils ne sont pas plans et présentent une alternance de liaisons courtes (liaisons doubles) et longues (liaisons simples). Le composé 13 avec douze électrons ne peut être considéré comme aromatique. La pyridine 15 est une base aromatique très stable, avec six électrons π. L’azote doublement lié à un carbone et simplement lié à un second met en commun trois électrons avec ses voisins, il lui reste donc une paire libre située dans le plan du cycle, indépendante du système π, comme le montre la figure 3.54.
168
3 • Polyènes et Annulènes
HC
CH HC
C C H H C
HC
C H H C
8
CH
HC
CH
HC
H C
CH HC
CH C H
H C
CH C H
14
CH C H
CH C
C C H
CH
C C
HC
HC H C
HC
C
12
CH C H
H C HC
CH
CH CH
HC
CH
C
N
C H
C H
C C H 10
HC CH
CH
C
HC
C
CH
HC
CH
C
C
H C
HC
HC
H C
C C H
C C H9 H
C CH H 11
CH
H C
H C
CH
C C
HC
H C
CH HC
C
HC
H C
H C
H C
15
13
Figure 3.53
H C HC
HC
°
CH
° °
N °
° CH ° 5 électrons autour de N Figure 3.54
Chapitre 4
De la chimie considérée comme une application de la théorie des perturbations
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De la chimie considérée comme une application de la théorie…
La théorie des perturbations que nous allons maintenant développer est très largement appliquée, elle constitue un exemple typique de la manière dont les chimistes utilisent à des fins qualitatives des concepts dont la justification théorique complète demande de nombreux efforts et un formalisme complexe. C’est par son usage répété et les très grands succès qu’elle a rencontrés, au rang desquels nous devons mettre le Prix Nobel conjoint de Roald Hoffmann et Kenichi Fukui en 1981, que la théorie des perturbations, a fini par convaincre l’ensemble des chimistes de son incomparable efficacité, au point de devenir une véritable « façon de penser », à la limite presque « naturelle ». Nous nous proposons d’en donner l’approche la plus élémentaire possible en évitant au maximum tout formalisme qui ne ferait que compliquer inutilement un outil dont nous voulons avant tout montrer la très grande simplicité et les base intuitives.
4.1
LE CADRE CONCEPTUEL DE LA THÉORIE DES PERTURBATIONS APPLIQUÉE À LA CHIMIE
Le formalisme quantique de la théorie des perturbations, a été initialement établi par Rayleigh et Schrödinger1 toutefois, pour notre usage, nous utiliserons une approche 1. Voir par exemple : C. Cohen-Tannoudji, B. Diu et F. Laloë, Mécanique Quantique, Tome II, Chapitre XI, Hermann, Paris, 1973.
170
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
plus qualitative, délibérément placée dans le cadre du formalisme de Hückel que nous avons utilisé jusqu’alors. Posons-nous la question : comment raisonne implicitement un chimiste quand il aborde un problème ? Pour illustrer notre démarche, prenons un cas d’école simple : supposons que nous cherchions à savoir comment une amine, l’ammoniac NH3 par exemple, réagit en présence d’acétone CH3–CO–CH3. Dans un premier temps, nous examinons par la pensée séparément les deux partenaires. a) L’ammoniac est une base, cette molécule possède une paire libre susceptible de donner ses électrons à un acide de Lewis, c’est-à-dire à une entité possédant une lacune électronique. b) L’acétone possède une fonction carbonyle, caractérisée par une double liaison C=O, polarisée très nettement selon Cδ+–Oδ–. D’après cette analyse élémentaire, il est clair que la partie nucléophile (la paire libre de NH3), va « attaquer » la partie électrophile de l’acétone, donc le carbone de la fonction C=O. De fait, c’est bien ainsi que se passe la réaction chimique entre une amine et une cétone ou un aldéhyde. Quelle démarche avons-nous implicitement suivie pour arriver à une conclusion a priori ? D’abord, nous avons modélisé nos deux partenaires, les réduisant à la seule partie que nous estimons susceptible de conduire à la réaction, en l’occurrence nous avons réduit l’ammoniac à sa paire libre, ce qui serait également vrai pour toute amine, puis nous avons réduit la cétone à son groupement carbonyle, ce qui serait également le cas pour toute cétone ou aldéhyde. Dans un dernier temps, nous avons mis en présence les deux réactifs en adaptant leur approche de manière à optimiser tous les facteurs électroniques. Il est notable que nous n’avons pas tenu compte des substituants, tant de l’amine que de la cétone, ce qui, le cas échéant, serait à faire dans une étape suivante qui consiste à examiner les « effets stériques » qui ne sont pas directement liés aux parties des deux molécules qui sont concernées dans la réaction. La théorie des perturbations que nous allons développer revient à formaliser les étapes précédentes, en les rationalisant sur la base des connaissances que nous avons des OM des deux partenaires.
4.2
EXPOSÉ SUCCINCT DE LA THÉORIE DES PERTURBATIONS
Supposons deux partenaires A et B, molécules, radicaux, fragments etc. dont nous connaissons par ailleurs les OM et les énergies associées, lorsqu’ils sont isolés. À l’entité A sont associées les OM que nous notons pour plus de facilité {EAi, φAi} et {EBk, φBk} pour B. En partant d’une grande distance, où aucune interaction (aucun recouvrement des OM) n’a lieu pour des raisons purement géométriques, approchons les deux partenaires. À partir d’une certaine distance, très supérieure à la distance de liaison A–B, les OM les plus externes de A et de B commencent à se recouvrir très faiblement. Par analogie avec la théorie de Hückel, le terme de résonance PAB, proportionnel à SAB, qui en résulte est très faible devant celui qui est observé à distance de liaison, que nous avons jusqu’alors appelé H0AB = β. Toutefois, nous avons dans les deux cas une relation de proportionnalité au recouvrement entre les OM en interaction.
4.2
Exposé succinct de la théorie des perturbations
171
PAB ~ SAB (grande distance) ; H0AB ~ S0AB (courte distance) Posons par définition que PAB est au moins du premier ordre devant HAB PAB est < 0 (liant) quand SAB est > 0
(4.1)
Il existe toujours pour le système {A + B} une solution exacte, résultant du traitement de l’équation complète H0 Ψ{A + B} = E0Ψ{A + B} mais il est clair que son obtention pose de grands problèmes techniques et ne répond en rien à notre volonté de réduction aux seules OM qui sont a priori impliquées dans les changements réactionnels. Nous bâtissons alors un hamiltonien approché, Hˆ que nous écrivons sous la forme de trois opérateurs distincts :
Hˆ = Hˆ A + Hˆ B + P
(4.2)
Dans Hˆ , la partie Hˆ A n’opère que sur A, Hˆ B n’opère que sur B et P n’opère que sur A et B à la fois. Considérons maintenant l’interaction d’une OM de A, que nous appelons {EA, φA} et un niveau de B {EB, φB}, dans le cadre général montré dans la figure 4.1.
EB, φB
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EA, φA
B
A Figure 4.1
Déterminant séculaire du problème à deux niveaux. Comme pour obtenir les OM d’une molécule, nous cherchons maintenant à obtenir celles du système A + B en formant une fonction d’essai à partir des OM des constituants en interaction, du type : Ψ = cAφA + cB φB
(4.3)
172
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
Dans ces conditions, l’équation de Schrödinger s’écrit, de façon symbolique : < cAφA + cB φB Hˆ A + Hˆ B + P cAφA + cB φB > = E < cAφA + cB φB cAφA + cB φB >
(4.4)
En développant et en tenant compte des simplifications d’écriture : < φA Hˆ A φA > = EA ; < φB Hˆ B φB > = EB ; < φA Hˆ A φB > = < φA Hˆ B φB > = 0; < φAPφB > = PAB Nous obtenons comme dans la méthode de Hückel classique le déterminant séculaire : EA - E PAB
PAB c A =0 E B - E cB
(4.5)
Il est évident que ce déterminant est identique à celui qui serait obtenu pour la formation d’une liaison A–B, à cette différence près que PAB n’est qu’un terme du premier ordre devant HAB, donc également au moins au premier ordre devant EA et EB. Tel quel, le déterminant (4.5) n’est que très rarement résolu explicitement. Tout en restant cohérents avec nos prémisses, nous allons le résoudre dans deux cas limites qui sont très fréquemment rencontrés dans la pratique. En effet, l’examen des OM de deux systèmes quelconques, montre que nous avons deux grands cas de figure : soit les deux OM en interaction sont très proches en énergie, soit elles sont très éloignées. Nous verrons plus loin à quel type de situation ces deux limites correspondent généralement.
4.3
RÉSOLUTION APPROCHÉE DE (4.5) DANS LE CAS DE DEUX NIVEAUX QUASI-DÉGÉNÉRÉS
Lorsque les deux énergies des OM en interaction sont très proches, nous disons que les deux niveaux sont en situation quasi-dégénérée. Ils peuvent être exactement dégénérés en énergie si les deux fragments sont identiques, ce qui peut évidemment se présenter. Soit Em la valeur moyenne de l’énergie. Le déterminant (4.5) possède alors les solutions évidentes analogues à celles que nous avons obtenues lors de l’étude de H2 au chapitre 2. E+ = Em + PAB E– = Em – PAB
avec Ψ+ ≈ φA + φB avec Ψ– ≈ φA – φB
(4.6) (4.7)
Puisque PAB est négatif par définition, la solution E+ correspond à une interaction liante, la solution E– à une interaction antiliante. Nous pouvons résumer cet ensemble de résultats dans la figure 4.2.
4.3
Résolution approchée de (4.5) dans le cas de deux niveaux quasi-dégénérés
173
E– = Em – P Ψ– = φA – φB –P (EA # Em) EA
φB Em
φA
EB (EB # Em)
+P E+ = E m + P
Ψ+ = φA + φB
Figure 4.2
Les OM résultantes, Ψ+ et Ψ– s’obtiennent très simplement par une construction analogue à celle qui a été obtenue pour les OM de H2, à condition de remplacer φA et φB par les OM réellement en interaction. (Voir la construction du paragraphe 4.4.) Remplissage des niveaux E+ et E– Il nous faut maintenant placer dans les niveaux obtenus le total des électrons présents dans les OM de départ. De nouveau, deux grands cas émergent : a) Le système comporte deux électrons, ce qui se rencontre en particulier si les deux fragments en interaction sont deux radicaux, chacun porteur d’un électron. Dans ce cas, les deux électrons vont se placer dans E+, et l’ensemble du système est stabilisé par le bilan : ∆Einteraction (2é) = 2(Em + PAB) – 2Em = 2PAB
(4.8)
Nous voyons que PAB joue un rôle analogue à l’intégrale de résonance HAB, à un ordre de grandeur près. Si par la pensée, nous faisons tendre la distance d’interaction vers la distance de liaison, PAB tend vers HAB (ou β comme nous l’écrivons souvent). Le terme 2PAB tend alors vers l’énergie de liaison A–B qui est 2HAB comme nous l’avons vu précédemment. b) Le système comporte quatre électrons. Dans ces conditions le bilan énergétique est de la forme :
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∆Einteraction (4é) = 2(Em + PAB) + 2(Em – PAB) – 4Em = 0
(4.9)
Nous voyons que dans ce cas, aucune stabilisation ne résulte de l’interaction globale. Il est même possible de montrer, en incluant le recouvrement dans l’expression du déterminant (4.5) que le bilan (4.9) devient positif dans ce cas. Nous tirons de cette étude une conclusion très importante pour la suite : Dans le cas de deux niveaux quasi-dégénérés en interaction : a) si deux électrons sont présents, et si les OM ont même symétrie (pour autant que S soit ≠ 0), le système est stabilisé par l’approche; b) si quatre électrons sont présents, l’ensemble ne gagne aucune stabilisation et devient même répulsif.
174
4.4
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
RÉSOLUTION APPROCHÉE DE (4.5) DANS LE CAS DE DEUX NIVEAUX ÉLOIGNÉS EN ÉNERGIE
Nous allons nous placer dans un cas de figure où nous posons par commodité que l’OM {EA, ΦA} est située à plus basse énergie que {EB, ΦB}. Plaçons-nous alors au voisinage de EA. Nous posons que la correction apportée à cette énergie sera au moins du premier ordre par rapport aux quantités EA et EB. Dans ces conditions, dans le déterminant (4.5), la différence EB – E peut être égalée à EA – EB à un terme au moins du premier ordre près. Une fois effectuée cette substitution, le déterminant précédent devient : EA - E PAB
PAB cA =0 E B - E A cB
(4.10)
La solution de (4.10) est :
PAB 2 (4.11) EB - E A Compte tenu du fait que nous avons placé EA en dessous de EB, le terme EB – EA est toujours > 0. C’est aisé à vérifier : si EA et EB sont > 0, il est clair que l’inégalité est vérifiée, si au moins EA est négatif c’est également vrai, et cela reste vrai si EA et EB sont tous deux < 0. Dans (4.11), nous ajoutons donc à EA un terme négatif, ce qui entraîne que dans tous les cas, E′A soit plus stable que EA. Le calcul des coefficients de l’OM associée conduit à l’égalité : E A¢ = E A -
PAB 2 + cB PAB = 0 EB - E A Or au voisinage de A, nous avons posé par hypothèse que l’énergie et donc la fonction d’onde n’est que peu perturbée, il est donc légitime de prendre cA très voisin de 1, soit en fait de poser cA = 1. Il vient alors le couple de coefficients approchés, qu’il serait inutile de ce fait de normaliser : cA
PAB (4.12) EB - E A Nous avons vu que EB – EA est > 0 et, du fait que P est négatif par hypothèse, cB est > 0. Ce terme est petit et du premier ordre en P tandis que le terme correctif sur l’énergie est du deuxième ordre. Il est évident que pour obtenir les solutions au voisinage de EB, il suffit de permuter les lettres A et B dans l’expression du terme correctif de l’énergie. L’énergie est alors :
cA = 1
cB = -
P 2 AB (4.13) E ¢ B = EB E A - EB Le terme correctif, au deuxième ordre en PAB, est alors positif car EA – EB est < 0. Le niveau obtenu est donc moins stable que le niveau de départ, il correspond à une
4.4
Résolution approchée de (4.5) dans le cas de deux niveaux éloignés en énergie 175
interaction du type antiliant. On a alors pour la fonction d’onde associée à l’énergie PAB . Dans ce cas, cA est petit et < 0 (3 signes E′B, les termes cB = 1 et c A = E A - EB < 0 apparaissent dans son expression). Posons pour simplifier l’écriture PAB = P
E ¢ A = EA -
λ =
P2 EB - E A
P E A - EB
E ¢ B = EB -
φ′A = φA + λ φB λ est petit et > 0
P2 E A - EB
φ′B = φB – λφA
4.4.1 Dessin des fonctions d’onde associées
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Les fonctions d’onde φ′A et φ′B sont aisées à dessiner dès lors que les OM en interaction sont connues. Pour fixer les idées, plaçons-nous dans un cas de figure où EA possède une énergie plus négative que EB, les fonctions φA et φB étant assimilées à un ovoïde pour φA et une sphère pour φB afin de simplifier le dessin. La figure 4.3 donne le résultat sous la forme d’un schéma qui est d’une très grande généralité, il suffit dans chaque cas réel de remplacer l’ovale et la sphère par les OM qui sont véritablement en interaction. Nous verrons plus loin, au paragraphe 4.6, comment l’on doit procéder en pratique pour être certain de ne pas se tromper dans cette construction graphique. Interactions à deux et à quatre électrons. Si deux ou quatre électrons sont concernés, à partir de l’énergie EA prise comme point de départ, les bilans thermodynamiques s’établissent ainsi : ∆Einteraction (2é) = 2EA – 2
P2 P2 – 2EA = – 2 EB - E A EB - E A
∆Einteraction (4é) = 2EA – 2
P2 EB - E A
+ 2EB – 2
P2 – 2EA – 2EB = 0 E A - EB
(4.14)
(4.15)
Comme dans le cas des interactions quasi-dégénérées, nous voyons que l’interaction à deux électrons conduit à une stabilisation tandis que l’interaction à quatre électrons conduit à un bilan énergétique nul et, une fois le recouvrement ajouté, à une déstabilisation.
176
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
– λ φA
φB
φ’B = φB – λ φA
EB φB
λ petit et positif EB φA φ’A = φA + λ φB φA
λ φB
Figure 4.3
Un point important reste à considérer. Jusqu’à présent nous n’avons considéré que des quantités arithmétiques, ce qui ne pose pas de problème majeur. Mais tout devient plus délicat dès que nous voulons représenter les fonctions d’onde car nous avons à combiner des OM de fragments ou de molécules variés. Nous allons apporter un soin particulier pour traiter ce point délicat.
4.5
ÉTABLISSEMENT D’UNE RÈGLE D’OR : INTERACTION D’UNE OM D’UN FRAGMENT AVEC PLUSIEURS OM D’UN PARTENAIRE
La construction des OM obtenues dans le cas d’une interaction non dégénérée quelconque revient toujours au cas décrit dans la figure 4.2. Il importe toutefois de bien considérer si nous examinons ce qui se passe autour du niveau {EA, φA}ou bien autour de {EB, φB}. Il est clair que l’OM φA est stabilisée par l’OM φB, tandis que l’OM φB est déstabilisé par l’OM φA. Nous parvenons à une règle unique, en nous référant à la situation relative des niveaux sur une échelle énergétique : une OM donnée est stabilisé par une OM du partenaire qui se trouve au-dessus d’elle et déstabilisée par une OM qui se trouve en dessous d’elle. Il est aisé de généraliser ce résultat au cas de plusieurs OM (φ1, φ2,…, φN) en interaction avec une seule OM φ0 d’un partenaire. La figure 4.4 illustre cette situation :
4.6
Dessin qualitatif des fonctions d’onde résultant des interactions…
177
φN
φ0 mélange avec le signe plus φN – 1
φ0
φ2
φ0 mélange avec le signe moins
φ1
φ’0 = φ0 – λ1φ1 – λ2φ2 .... + λN – 1φN – 1 + λ NφN
Figure 4.4
Nous énonçons alors directement la règle d’or correspondante, très utilisée dans la pratique courante :
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Une OM donnée mélange avec le signe moins toutes celles du partenaire qui sont situées en-dessous d’elle et avec le signe plus toutes celles qui sont situées audessus.
4.6
DESSIN QUALITATIF DES FONCTIONS D’ONDE RÉSULTANT DES INTERACTIONS DE PERTURBATION
Cette partie revêt une grande importance pour la résolution de tout problème, et il importe de suivre une méthode sûre afin de tenir compte de la totalité de l’information résultant de l’interaction étudiée. Afin de bien décomposer la démarche à suivre, nous allons étudier les deux cas possibles que nous avons déjà signalés : celui d’une interaction quasi-dégénérée et celui d’une interaction quelconque.
178
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
4.6.1 Construction d’une fonction d’onde de perturbation dans le cas de deux niveaux dégénérés Considérons la formation de la molécule d’éthane à partir de deux radicaux méthyle (CH3°). Chaque radical CH3° est caractérisé par une OM non liante portant un électron. Les trois OM liantes et les trois OM antiliantes associées aux trois liaisons C–H ne jouent aucun rôle au cours du processus envisagé, nous disons alors qu’elles sont « spectatrices ». 1) – avant toute chose, on définit la géométrie du problème et on distingue les éléments de symétrie; 2) – on identifie les différentes OM en interaction; 3) – on dispose les OM en interaction dans un diagramme énergétique. Ce dernier point est généralement approximatif; 4) – on dessine de manière schématique les OM qui vont être examinées de façon telle que leur recouvrement soit > 0 (en phase). De cette manière les termes de perturbation P sont < 0 (correspondant à un terme liant); 5) – en tenant compte du fait que seules des OM de même symétrie locale peuvent interagir, on construit les OM après interaction puis on dessine les fonctions d’onde résultantes. Le signe plus dans la fonction résultante revient alors à additionner les deux contributions de départ, la fonction d’onde résultante ne présente pas de plan nodal entre les fragments. Le signe moins dans la fonction résultante revient à soustraire les deux contributions, donc à introduire un plan nodal entre elles. La forme initiale des OM en interaction doit évidemment être obtenue par ailleurs. En l’occurrence, dans le radical CH3°, elles ont la même forme que les OM d’une paire libre de NH3. Il s’agit d’un hybride formé par l’OA 2s et les trois OA 2p de l’atome central (sp3). Les points précédents sont repris dans les figures suivantes. Début de l’étude : a) on définit la géométrie et les éléments de symétrie
H
H
H H
H H
1) on définit la géométrie du problème. Les éléments de symétrie du problème sont : a) l'axe de rotation C–C le long duquel se développe l'interaction b) le plan médiateur, perpendiculaire à l'axe de rotation et passant par le milieu de C–C
Figure 4.5
4.6
Dessin qualitatif des fonctions d’onde résultant des interactions…
179
b) identification des OM en interaction H
H
H H
H
électron libre de CH3°
H
analogie, paire libre de NH3
2) on identifie les OM à considérer L'OM correspondant à l'électron de chaque radical est conservée par rotation autour de l'axe C–C. (cette OM est similaire à celle d'une paire libre de NH3) Figure 4.6
c, d) on bâtit un diagramme énergétique et l’on place les OM avant interaction 3 OM antiliantes S>0
2 OM non liantes 3) on place les OM par ordre d'énergie, 4) on les dispose pour que S soit > 0.
3 OM liantes CH3°
CH3° Figure 4.7
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
e) on résout les interactions puis on dessine les OM obtenues Il est aisé de bâtir les OM du système après interaction comme montré dans la figure 4.8. E– = E0 – P Φ– = φA – φB E0 E0, φΒ
E0, φA
E+ = E0 + P Φ+ = φA + φB
Figure 4.8
180
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
On dessine enfin les OM de manière qualitative (figure 4.9) :
Φ– = φA – φB
φA
φB
5) on dessine les OM en tenant compte des signes.
Φ+ = φA + φB
Figure 4.9
Remarque importante : Il faut bien noter que de cette manière nous n’avons pas vraiment construit les OM liante et antiliante correspondant à la liaison qui s’établit entre les deux carbones de l’éthane. Nous en avons obtenu une forme approximative, pour une distance d’interaction supérieure à la distance de liaison. Il est clair que si nous rapprochons les deux fragments, ces deux OM de perturbation vont tendre vers les OM de liaison par continuité et il est courant de dire que nous avons ainsi obtenu les OM de la molécule, par un léger abus de langage. Ceci se justifie par le fait qu’un dessin qualitatif de ces OM ne tient pas explicitement compte de la distance C–C. 4.6.2 Construction d’une fonction d’onde de perturbation dans le cas de deux niveaux non dégénérés Il n’est pas utile de répéter la méthode générale que nous avons suivie au paragraphe précédent, nous allons l’appliquer à la résolution d’un cas typique. Nous nous proposons de construire les OM de type π d’une fonction carbonyle du type R1R2C=O. Afin de simplifier les schémas, nous posons R1=R2=H, ce qui ne change rien à la suite du raisonnement. À cette fin, nous allons considérer que l’ensemble des liaisons de type σ de la molécule est déjà connu par ailleurs. La figure 4.10 permet d’identifier les OA en interaction ainsi que les éléments de symétrie du problème.
4.6
Dessin qualitatif des fonctions d’onde résultant des interactions…
181
S>0
H H
2 paires libres contenues dans le plan
O
C
Figure 4.10
Dans le plan des atomes se trouvent : trois liaisons σ (une liaison C–O et deux liaisons C–H) et deux paires libres situées sur l’oxygène. Il reste une OA de type 2p sur C et O, ce sont elles qui vont servir à bâtir la liaison π. Ces deux OA sont contenues dans un plan orthogonal à celui des atomes. Pour bâtir un diagramme énergétique, il faut tenir compte du fait que l’atome d’oxygène est nettement plus électronégatif que l’atome de carbone. Dans ces conditions, l’OA 2p de l’oxygène se situe à une énergie nettement plus négative que celle du carbone (voir le tableau des énergies de Hückel au chapitre 3, exercice 3B). Il faut ensuite résoudre le système ainsi posé en tenant compte du fait que les interactions sont maintenant au deuxième ordre de perturbation (figure 4.11). E’C = EC – (HOC)2/(EO – EC) Φ’C = 2pC – λ 2pO
O
C
OM π* antiliante 2pO
EC
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λ est petit et > 0 EO 2pC
E’O = EO – (HOC)2/(EC – EO) Φ’O = 2pO + λ 2pC
C OM π liante Figure 4. 11
O Φ’O
Φ’C
182
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
Nous remarquons évidemment que les OM obtenues comportent des contributions de taille différente sur C et O. L’OM la plus stable, liante, est centrée sur l’atome le plus électronégatif, et l’OM antiliante est centrée sur l’atome le moins électronégatif. Ceci correspond évidemment à la polarisation Cδ+–Oδ–. Ce résultat est évidemment qualitativement très semblable à celui qui a été obtenu en résolvant directement le déterminant de Hückel (voir le chapitre 3). Toutefois, il est évident que les OM ainsi obtenues n’étant pas normalisées, il ne nous est pas possible d’en déduire des valeurs numériques pour les charges ou les indices de liaison, pas plus que nous ne pouvons donner leur énergie réelle. Très souvent les chimistes n’ont pas besoin de valeurs précises de l’énergie pour raisonner, par contre la forme et en particulier la localisation principale des OM est de la plus grande importance. Nous l’obtenons très aisément par la théorie des perturbations.
4.7
THÉORIE DES ORBITALES MOLÉCULAIRES FRONTIÈRES
Dans les parties précédentes, nous avons montré comment la théorie des perturbations, limitée à une version adaptée aux problèmes usuels de la chimie, permet l’obtention de renseignements énergétiques ainsi qu’une construction qualitative des OM après interaction entre fragments. Il nous reste à montrer l’intérêt considérable que revêt ce type de raisonnement car il nous permet une approche extrêmement efficace et simple de la réactivité chimique. C’est le but de cette partie au cours de laquelle nous allons exposer de manière succincte la théorie des Orbitales Moléculaires Frontières qui constitue sans aucun doute l’outil le plus utilisé par la communauté des chimistes. Il convient de noter que la plupart du temps son usage s’effectue sans même y faire explicitement référence, tant il fait partie d’une façon de réfléchir et de discuter qui est presque devenue « naturelle ». Pour expliquer ce fait, nous allons procéder par étapes : d’abord nous allons définir ce que nous entendons par le terme « OM frontière(s) », puis nous définirons ce qu’est un Donneur d’électrons, ce qui constituera une extension de la notion de base de Lewis, ainsi qu’un Accepteur d’électrons, (généralisation de la notion d’acide de Lewis). Enfin, nous exposerons le concept d’interaction entre OM frontières et nous l’illustrerons par des exemples simples. 4.7.1 Les OM frontières Pour toute molécule ou fragment, les OM se partagent en trois grands groupes : a) les OM occupées, liantes, b) les OM antiliantes associées, vides, c) entre les deux ensembles nous pouvons trouver des OM non liantes, par exemple doublement occupées dans le cas de paires libres, ou simplement occupées dans le cas de radicaux, voire vides, comme par exemple dans l’OM non liante du cation allyle. Dans tous les cas, nous pouvons définir une zone qui sépare les niveaux occupés des niveaux vides. En règle générale, les niveaux situés en dessous de cette zone sont d’énergie négative et les niveaux situés au-dessus sont d’énergie positive, mais nous pouvons également raisonner par rapport à une énergie de référence, comme dans les cons-
4.7
Théorie des orbitales moléculaires frontières
183
tructions de la méthode de Hückel. Nous définissons alors les OM frontières comme étant les plus proches, au-dessus et en dessous, de cette zone limite. L’ensemble ainsi défini ne comporte généralement que quelques OM, dont la sélection dépend évidemment du système considéré et également du problème que nous nous proposons d’examiner. Nous allons tout de suite donner des exemples. Considérons la molécule de formaldéhyde H2CO dont nous avons déjà étudié le système π (voir le chapitre précédent). La formule chimique de cette molécule nous renseigne au premier coup d’œil sur la nature des liaisons et des paires libres (figure 4.12). H C H
O
Cette molécule comporte 1) trois liaisons σ 2) une liaison π 3) deux paires libres
formaldéhyde
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Figure 4.12
Pour construire les OM de cette molécule, nous disposons de quatre OA sur C, quatre OA sur O, et deux OA pour les deux H, soit dix au total. Une fois combinées, elles engendrent dix OM. Nous savons qu’à chaque liaison, qu’elle soit de type σ ou π, sont associées deux OM, une liante et une antiliante. Nous avons donc de ce fait quatre OM liantes et quatre OM antiliantes, soit huit en tout. Il reste deux paires libres, représentées par deux OM non liantes n’ayant donc pas de contrepartie antiliante. Notre ensemble de dix OM est complet. Par ailleurs, nous avons quatre électrons sur (C) plus six électrons sur (O) plus deux électrons sur deux H soit douze électrons. Donc six OM sont doublement occupées et il ne reste que quatre OM vides. Il est aisé de reproduire le raisonnement précédent pour toute molécule : nous savons donc aisément combien de niveaux nous devons placer dans un schéma énergétique. Quelles OM frontières allons-nous maintenant choisir ? La réponse n’est pas évidente. Il nous faut réfléchir maintenant à la nature des liaisons. Les trois liaisons σ sont très stables, donc les niveaux associés sont soit « très bas » (très stables) soit « très haut » en énergie (très antiliants) ce qui nous fait un ensemble de trois OM occupées et trois OM vides. Il nous reste la liaison π avec les deux OM associées, que nous appelons π et π*, ainsi que les deux OM associées aux paires libres, que nous appelons pl1 et pl2. Nous conserverons donc cet ensemble de quatre OM pour définir les OM frontières du formaldéhyde. Il reste bien clair que selon la nature du problème qui sera étudié par la suite, il faudra choisir parmi ces OM celles qui sont plus particulièrement concernées. Il n’en reste pas moins que cet ensemble est défini sans la moindre ambiguïté, comme l’illustre la figure 4.13. Nous aurons par la suite l’occasion de définir les OM frontières de nombreux motifs, la généralisation de ce que nous venons d’établir ne pose aucun problème particulier. Toutefois, en choisissant l’ensemble précédent, nous avons évoqué le fait
184
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
OM antiliantes
3 OM antiliantes très hautes en énergie
π∗
OM non liantes
pl2 pl1 π
OM Frontières
OM liantes 3 OM liantes très stables
Figure 4.13
que parmi les quatre OM sélectionnées, toutes n’étaient pas nécessaires au traitement d’un problème donné. Nous allons continuer d’approfondir ce dernier point en définissant ce que sont un Donneur et un Accepteur d’électrons.
4.8
DONNEURS ET ACCEPTEURS D’ÉLECTRONS
Un Donneur d’électrons, par analogie avec une base de Lewis, est un composé ou un ensemble d’atomes, susceptible de céder aisément tout ou partie de sa densité électronique à un partenaire. Si nous considérons cet aspect en termes de niveaux électroniques, un donneur doit posséder une (ou plusieurs) OM doublement occupée(s), d’énergie proche de la zone des niveaux non liants. Dans ces conditions, l’énergie électrique nécessaire à l’arrachement d’un électron de cette OM, correspondant au Potentiel d’Ionisation (PI) examiné au premier chapitre, est faible. De tels Donneurs sont constitués par les véritables bases de Lewis, qui comportent au moins une paire libre, comme les amines, les éthers, les anions tels OH–, CH3–. Mais un Donneur peut plus généralement être défini comme apte à donner ses électrons à un partenaire, sans nécessairement posséder de paire libre. Nous donnerons donc la définition générale suivante :
Un Donneur d’électrons est un composé comportant au moins une OM doublement occupée de haute énergie (voisine des niveaux non liants). Un Donneur d’électrons est appelé généralement « nucléophile ». C’est une base de Lewis au sens le plus large du terme.
4.9
Interactions entre OM frontières
185
De manière complémentaire à la définition précédente, nous définissons un Accepteur d’électron comme un composé comportant au moins une OM vide, de basse énergie, proche de la zone frontière. L’archétype d’un tel accepteur est évidemment H+, d’énergie électronique égale à 0, mais également tout acide de Lewis et plus généralement tout composé comportant une OM vide de « basse » énergie.
Un Accepteur d’électrons est un composé qui comporte au moins une OM vide de basse énergie, voisine de la zone frontière. Un tel composé est appelé généralement « électrophile ». C’est également un acide de Lewis au sens le plus large du terme.
Tout comme les concepts d’acide et de base conjugués, la notion de Donneur d’électrons (nous dirons Donneur pour simplifier), et d’Accepteur est relative et dépend du couple considéré. Ainsi, le formaldéhyde doit être considéré comme un Donneur (nucléophile) via ses paires libres, vis-à-vis d’un bon Accepteur (d’un électrophile en d’autres termes), et considéré comme un Accepteur (électrophile) via son OM π*, vis-à-vis d’un Donneur (nucléophile).
4.9
INTERACTIONS ENTRE OM FRONTIÈRES
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Considérons le cas le plus général possible : deux systèmes A et B, en interaction (figure 4.14). Nous cherchons à savoir si l’approche est favorisée et si elle peut éventuellement conduire à une réaction, c’est-à-dire à la formation de liaison(s). Nous supposons connues les OM de chaque partenaire et nous les disposons en regard, sans tenir compte pour l’instant des éventuelles restrictions de symétrie.
Sur chaque système, nous définissons la plus haute OM occupée par HO et la plus basse vacante par BV. Quand un seul électron est présent dans la plus haute OM occupée on la dénomme SO (simplement occupée).
Parmi toutes les interactions qui se développent entre tous les niveaux de A et ceux de B, nous avons : a) des interactions entre niveaux quasi-dégénérés, la perturbation est alors au premier ordre. Si les deux OM sont occupées (interaction à quatre électrons), le bilan de l’interaction conduit à une répulsion; si seulement deux électrons sont présents, le résultat correspond à une grande stabilisation. Ce dernier point est fréquent lors de l’interaction de deux SO de fragments radicalaires. b) nous avons aussi des interactions entre niveaux éloignés en énergie. Celles qui nous inté-
186
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
BV
BV
Frontière
HO
HO
B
A Figure 4.14
ressent concernent les interactions de stabilisation, donc lorsque deux électrons sont présents dans l’ensemble. C’est en particulier le cas quand un niveau occupé d’un système interagit avec un niveau vide de l’autre. Si nous examinons les interactions qui conduisent à la stabilisation du système, (interactions à deux électrons), nous sommes ramenés, soit à l’interaction de deux SO, soit à une interaction du type OM occupée/OM vide. Cette interaction est d’autant plus forte que les niveaux considérés sont plus proches en énergie. Pour remplir cette condition, il faut que les OM appartiennent à l’ensemble des OM frontières.
Les interactions OM occupée/OM vide sont maximum quand les niveaux sont les plus proches possibles : soit ils sont quasiment dégénérés, soit il s’agit de l’interaction de la HO d’un partenaire avec la BV de l’autre.
Dans le cas d’une interaction HO/BV, la perturbation est la plus grande quand ces niveaux sont quasi-dégénérés, si les niveaux s’éloignent un peu en énergie, le terme
SHO/BV 2 et le EHO - EBV dénominateur est le plus petit possible dans le cas du couple HO/BV, c’est donc le terme dominant.
de perturbation au deuxième ordre, PHO/BV est proportionnel à
4.10
Interaction entre un donneur et un accepteur d’électrons
187
Les deux interactions croisées HO/BV constituent donc la contribution la plus importante à l’énergie d’interaction : il importe donc de les considérer en toute priorité. Toutefois, les considérations de symétrie gardent toute leur importance : si ces OM n’ont pas la symétrie requise pour interagir, aucune stabilisation ne saurait évidemment en résulter.
4.10 INTERACTION ENTRE UN DONNEUR ET UN ACCEPTEUR D’ÉLECTRONS Parmi toutes les situations énergétiques possibles, il en est une qui est particulièrement favorable : c’est quand la HO d’un Donneur interagit avec la BV d’un Accepteur. D’après leur définition, ces OM sont très proches de la zone frontière et le dénominateur de l’expression précédente est alors le plus petit possible. Une stratégie d’étude très efficace en résulte : Lors de l’approche d’un Donneur vers un Accepteur, l’interaction HO(Donneur)/ BV(Accepteur) est de loin dominante. C’est elle qui régit l’éventuelle réactivité du système. On cherche alors à minimiser toutes les interactions de répulsion à quatre électrons et à optimiser l’interaction HO/BV en cherchant la géométrie la plus favorable. La figure 4.15 illustre l’aspect énergétique de cette partie de notre argumentation :
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BV HO
Donneur
interaction dominante (ayant le plus petit dénominateur)
Accepteur Figure 4.15
188
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
Il est bien évident que les aspects géométriques sont à prendre en considération et ils ne dépendent que de l’examen des espèces en interaction. Nous allons l’illustrer plus loin dans l’exercice résolu 4.A, en utilisant le formaldéhyde comme substrat commun lors d’une réaction avec électrophile et lors d’une réaction nucléophile.
4.11 EXTENSION DE LA THÉORIE DES OM FRONTIÈRES Jusqu’à présent, nous avons choisi des exemples où les OM interviennent par l’intermédiaire d’un seul centre. Il est important de considérer la façon de traiter des interactions où plusieurs centres interagissent simultanément, ce qui a lieu dans de nombreuses réactions. (On peut voir chapitre 5, disponible sur www.dunod.com que c’est en particulier le cas lors des réactions de cycloaddition.) Ce point est délicat à traiter, car il fait appel à des schémas qui peuvent poser de gros problèmes si la méthode générale précédemment exposée n’est pas suivie avec rigueur. Pour illustrer ce point, nous allons prendre l’exemple simple de deux molécules d’éthylène situées l’une en face de l’autre de façon telle que les systèmes π se recouvrent (figure 4.16) :
d
b
c
a 1
2 Figure 4.16
Nous avons choisi de mettre en vis-à-vis les deux partenaires pour que leur recouvrement soit positif. Soient a, b, c et d les OA de type 2p qui servent à construire le système π de chaque molécule. Sur 1, l’OM liante est de la forme générale π1 = caa + cbb et sur 2 nous avons π2 = ccc + cd d. L’interaction de perturbation s’écrit : P1 2 = < caa + cbbPccc + cd d > (4.16) Selon la théorie de Hückel que nous avons développée, seule sont retenues les interactions entre plus proches voisins, ce qui conduit à une somme de deux interactions élémentaires P1 2 = < caa P ccc > + < cbb P cd d > qui se ramène à la somme des termes ca cc < aPc > + cb cd < bPd > (4.17). Comme les OA en interaction sur chaque centre sont identiques, les deux intégrales < aPc > et < bPd > sont égales et nous posons que leur valeur commune est γ. Nous avons donc : P1 2 = (cacc + cbcd)γ (4.18). Nous voyons donc que cette expression algébrique
4.11
Extension de la théorie des OM frontières
189
dépend de la valeur et du signe des coefficients sur chaque partenaire. Comme nous avons disposé les deux systèmes, il est clair que γ est positif et P1 2 est négatif pour autant que le produit (cacc + cbcd) soit positif. C’est le cas si nous prenons les coefficients de façon telle que les lobes de même coloration soient en vis-à-vis, nous pouvons mettre en regard aussi bien des lobes en blanc que des lobes colorés. Remarque : Nous aurions pu prendre aussi bien une autre convention, en repérant tous les lobes par rapport à une direction donnée. C’est d’ailleurs ainsi que procède un ordinateur qui ignore toutes nos conventions de représentation ! Pour un programme de calcul il n’y a qu’un seul trièdre de référence pour le calcul des recouvrements. Par exemple, toutes les OA 2pz sont considérées comme étant parallèles à la direction z de ce trièdre comme montré dans la figure 4.17.
b
a
d
c
axe de référence orienté
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Figure 4.17
Dans ces conditions le recouvrement entre les deux motifs est < 0 et P est alors > 0 : Si E est la valeur de l’énergie d’un système π isolé, le calcul fournit alors deux valeurs pour l’énergie, E + P et E – P. La solution E + P correspond cette fois-ci à une OM antiliante car E + P est moins < 0 que E de départ. La fonction d’onde associée π1 + π2 est égale à la somme des OM telles qu’elles sont orientées au départ, donc à une OM effectivement antiliante. Par contre la valeur E – P correspond à une OM liante et la fonction π1 – π2 met bien en regard des lobes de même coloration. Ceci illustre le fait que c’est uniquement pour la commodité de la construction graphique que nous disposons les OM de chaque constituant de manière à créer les conditions de signes les plus intuitivement simples. Nous ne souhaitons pas alourdir à l’excès cette partie, mais illustrer les paragraphes précédents par des exercices d’application qui constituent de véritables modèles généraux. Cette démarche nous permettra de revenir sur les conditions pratiques d’application de la théorie des perturbations qui posent avant tout de délicats problèmes de représentation des OM, avant et après interaction.
190
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
APPLICATIONS 4.A. Interaction des OM du formaldéhyde avec un électrophile Les OM frontières de type π du formaldéhyde ont déjà été étudiées au Chapitre 3 et au début de ce chapitre. Toutefois, pour la commodité de l’exposé nous devons également donner une représentation des OM des paires libres. Ces OM ont été calculées par ailleurs et nous en donnons pour un usage qualitatif une représentation simplifiée dans la figure 4.18. Il importe de bien noter la symétrie de chaque OM. x
z
z
O
O C y
y
C H
x
H
Frontière
π liante
1re paire libre, pl1
2e paire libre, pl2
OM liantes
π∗ antiliante
OM antiliantes
stabilité décroissante Figure 4.18
Les deux OM des paires libres sont localisées dans le plan des atomes, le plan (y, z), tandis que les deux OM π et π* sont situées dans le plan orthogonal (plan x, z). Pour la suite de l’exposé, nous choisissons comme électrophile un acide de Lewis très simple, Li+ caractérisé par une OA 2s vide (figure 4.19).
Applications
191
Li
structure électronique Li : (1s)2(2s)1 Li+ (1s)2(2s)0
OA 2s vide de Li+ (électrophile) Figure 4.19
L’OM occupée du formaldéhyde qui est la plus susceptible d’interagir avec Li+ est celle de la paire libre pl1, selon une géométrie axiale qui permet un recouvrement de type σ (de révolution) très efficace. La géométrie d’interaction est la suivante (figure 4.20) :
OM avant interaction
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Figure 4.20
Il faut noter que toutes les autres OM frontières ont une symétrie locale différente, elles sont spectatrices et n’interviennent pas dans cette interaction. La construction de l’OM résultante (figure 4.21) est très simple en utilisant les conventions de dessin que nous avons exposées en détail au début de ce chapitre et que nous avons respectées dans les fragments avant interaction puisqu’ils présentent un recouvrement positif. Seule l’OM liante résultante est peuplée. Elle est centrée sur l’élément le plus électronégatif qui est évidemment l’oxygène, ce qui résulte également de la disposition relative des niveaux. La nature de l’OM liante formée montre que l’oxygène transfère une partie de sa paire libre vers Li+ pour créer une liaison ionique (dative). L’ensemble de ce processus peut évidemment être assimilé à une réaction acide/base et peut se décrire selon le formalisme de Lewis conduisant aux structures de résonance II et III de la figure 4.22. Il est important de noter que le schéma de perturbation très simple que nous avons utilisé met en relief des conclusions chimiques fondamentales : la complexation d’une paire libre par un acide de Lewis exalte la charge positive sur le système et elle se localise largement sur le carbone. Le caractère électrophile se transmet donc au
192
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
2s Li+
λ>0
pl1 φ = pl1 + λ 2s Figure 4.21
(+) C
Li
O
+
C
I
O
Li
II
(+) C
O
Li
III
Figure 4.22
motif complexé. Expérimentalement, ce fait est bien connu : l’addition de sels de lithium à un composé carbonylé conduit à une complexation très efficace et exalte la réactivité électrophile de la partie carbonée de la molécule. 4.B. Interaction entre une cétone ou un aldéhyde et un nucléophile : additions aux composés carbonylés Les composés carbonylés, aldéhydes ou cétones, contiennent le motif C=O. Les additions nucléophiles à ces composés constituent l’une des réactions les plus utilisées en synthèse. Un très grand nombre de nucléophiles, neutres ou chargés sont utilisés à cet effet. Nous allons dans ce qui suit examiner les nucléophiles carbonés comportant un carbone chargé négativement du type RC– où R est une partie carbonée saturée. Ces composés sont très utilisés et généralement faciles d’accès. Associés à leur contre-ion, ils font partie de la grande famille des composés organométalliques de formule générale RC–M, où M est un métal ou un groupe cationique. Citons parmi les plus courants les composés organomagnésiens (Réactifs de
Applications
193
Grignard) par exemple C2H5–MgBr, (bromure d’éthylmagnésium) ou les organolithiens, tel CH3Li (méthyllithium). Leur obtention dans un solvant neutre et anhydre est aisée à partir d’un halogénure RC–X (X=Cl, Br) et un métal M (M=Li, Na, Mg), selon le schéma général : RC–Br + Mg (solide) → RC–MgBr Exemple : CH3–CH2Br + Mg → CH3–CH2–MgBr RC–Cl + Li (solide) → RC–Li + LiCl. Exemple : CH3–Cl + Li → CH3–Li + LiCl Tous ces composés possèdent une liaison carbone métal très polaire dont la forme ionique limite est C––M+. Dans ce qui suit, nous ne reviendrons pas sur le fait que M+ est susceptible de complexer l’oxygène du groupe C=O, comme nous l’avons vu dans l’exercice 4.A, pour nous concentrer sur l’interaction du nucléophile carboné RC– avec le groupe carbonyle. Dans ce but, nous prendrons comme prototype CH3– dont l’OM frontière doublement occupée, φNu est une OM analogue à celle d’une paire libre (figure 4.23) :
C
φ Nu
HO de CH3– H
H
H
Figure 4.23
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Comme molécule modèle pour les composés carbonylés, nous prenons l’acétone CH3–CO–CH3. Les OM frontières sont les mêmes que celle du formaldéhyde examinées dans l’exercice 4.A. La seule OM vide de basse énergie disponible dans cette molécule est la BV π* de C=O. Il faut remarquer que cette OM électrophile est centrée sur le carbone, en conformité avec la polarité Cδ+–Oδ–. Les OM π et π* sont contenues dans le plan orthogonal à celui qui est formé par les atomes CCO. Pour interagir avec ces OM de type π, le nucléophile doit donc s’approcher dans le plan qui les contient. La géométrie d’approche optimale est décrite dans la figure 4.24. H
H C-
H3C H3C
H3C C
–CH3
H
C
O
H3C
Li+ O
H3C H3C H3C
C
H2O
H3C H3C H3C
géométrie d’approche
schéma réactionnel complet Figure 4.24
OLi
C
OH + LiOH
194
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
Les interactions à prendre en compte sont données dans la figure 4.25 où l’énergie de φNu a été placée proche de la zone frontière.
π∗ 2
φNu 1
π
Figure 4.25
L’interaction marquée 1, à quatre électrons, est répulsive, tandis que celle qui est marquée 2, à deux électrons, conduit à une attraction. Pour minimiser la répulsion selon 1 et rendre maximum l’attraction selon 2, il est clair que le nucléophile doit se tenir loin de l’oxygène, groupe chargé négativement et s’approcher du carbone chargé positivement, en conformité avec le mécanisme décrit dans la partie droite de la figure 4.24. L’interaction qui conduit à la formation d’une liaison C–C a donc lieu entre φNu et π* comme résumé dans la figure 4.26.
HO du nucléophile
π*
BV de l’électrophile
L’interaction conduit à une stabilisation
φNu
Figure 4.26
Applications
195
L’OM liante qui résulte de cette interaction reste centrée au début sur le nucléophile, mais elle incorpore une certaine quantité de π* et par ce biais une partie de la densité électronique de la paire libre est transférée vers le carbone, conduisant, si on laisse le processus se développer à la formation d’une liaison CC : CH3– a donc effectué une addition nucléophile sur le carbone de la fonction carbonyle. Ce type de réaction est extrêmement général et joue un rôle essentiel en chimie de synthèse puisqu’il permet de créer des liaisons entre atomes de carbone. 4.C. Compétition entre addition [1-2] et addition [1-4] sur les cétones et aldéhyde conjugués (réactions de Michäel) Nous avons vu dans les exercices résolus 4.A et 4.B comment les éléments d’un réactif nucléophile, CH3– et Li+ s’additionnent sur les atomes formant une fonction carbonyle C=O. Si dans cette fonction nous notons l’atome d’oxygène 1 et le carbone 2, nous disons par commodité que nous avons une addition [1-2] du nucléophile. Que deviennent ces critères lorsque la fonction carbonyle est conjuguée avec une double liaison ? La figure 4.27 montre les deux cas possibles d’addition nucléophile selon un processus [1-2] ou un processus [1-4] de CH3Li à une cétone cyclique conjuguée, la cyclohexènone. (Le cycle n’est donné que par référence à de nombreuses réactions de ce type en synthèse classique, il ne joue aucun rôle dans les interactions entre OM frontières que nous examinons.) Li-O
CH3
HO
C
1
O
2 C
[1-2]
H2C
CH 3
H2C
CH C H2
H2C
CH
H2C
CH C H2
H2C
CH
H2C
CH
+ LiOH
OLi
4 [1-4]
O
C
C
CH
H2C
H2O
CH C H2
(alcool)
C H2
+ CH3Li
H2C © Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
H2O
CH3 C
CH3
CH2
H2C
(cétone substituée)
H2C
CH C H2
CH3
Figure 4.27
L’addition [1-2] de CH3Li a été étudiée dans l’exercice 4.B, nous ne l’examinerons pas de nouveau. L’addition [1-4] se présente différemment. Dans un premier temps, l’addition du nucléophile a lieu sur le carbone noté 4 (figure 4.27), conduisant à un énolate conjugué qui capte le cation lithium. Dans un second temps, l’énolate de lithium est hydrolysé, conduisant à une cétone, après addition d’un hydrogène provenant de H2O sur la double liaison énolique. La séquence réactionnelle est détaillée dans la figure 4.28. (Il convient de noter que les flèches qui appa-
196
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
raissent dans cette figure ne constituent qu’un moyen pratique pour décrire les changements de localisation électronique entre les réactifs et les produits. Nous pouvons les considérer avant tout comme un moyen mnémotechnique résumant les ruptures et formations de liaison.)
Li
Li+ O
O
H2C
C
H2C
C
étape d'addition de CH3– –
CH3
C H2
H2C
C
H2C
C
énolate lithien
H2C
C C H2
O
O
H
H C
H
Li
O
O
H2C
H
H
Li
CH3
C H2
H
cétone conjuguée + nucléophile
C
H
C
H
C
C
H
étape d’hydrolyse
CH3
C
H2C H2C
H
CH3
C C H2
H
H
cétone saturée + LiOH
énolate lithien Figure 4.28
Le processus complet d’addition [1-4] débute par l’addition du nucléophile sur le carbone 4 de la cétone conjuguée. Traduit en termes d’OM, ceci revient à dire que la HO du nucléophile, φNu, interagit avec la BV de l’électrophile. Il nous faut donc examiner la structure de cette OM et à cet effet nous allons modéliser la cétone conjuguée par le motif le plus simple possible possédant le même système π. Il s’agit de la molécule d’acroléine : CH2=CH–CH=O décrite dans la figure 4.29. 1O 2C
H
3C
H
H
–
C
+
C
4 C H
O
O
H
acroléine
H
C
H C
H
C+
C H
H
A Figure 4.29
–
H
H
B
Applications
197
Les structures A et B révèlent qu’au cours de la résonance, une charge positive apparaît sur les carbones notés 2 et 4. Il est clair que l’addition de CH3– sur ces deux sites conduit respectivement à l’addition [1-2] et l’addition [1-4]. Il nous importe maintenant d’obtenir la BV du système π de manière qualitative. Dans ce but, nous allons opérer de manière progressive. Dans un premier temps, nous rappellerons la structure de la BV du butadiène (figure 4.30) qui est le système conjugué le plus simple ayant le même nombre d’électrons. Dans un second temps, nous chercherons à obtenir la BV de l’acroléine en considérant qu’elle résulte, en première approximation, de l’interaction entre un motif éthylénique et une fonction C=O coplanaire, reliés par les carbones 2 et 3 selon le schéma montré dans la partie droite de la figure 4.30. Les énergies des OM des motifs considérés ont été calculées par ailleurs au chapitre 3. Nous avons à prendre en compte pour la double liaison C=C les OM πCC (α + β) et πCC* (α – β) ; pour le motif C=O, les OM πCO (α + 1,618β) et πCO* (α – 0,618β). direction des OA 2p du système π
C
4
C
C3
O 2
1
BV du butadiène π*CC α–β Noter l'orientation des OA sur C2 et C3 de façon telle que le recouvrement soit > 0 avant toute construction graphique
C4
O
π*CO α – 0,618β
C3
C2 1
πCC α+β C4
2
C3
πCO α + 1,618β
O C2
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 4.30
La BV du système complet résulte de l’interaction qui se développe entre π*CO et πCC selon le trait ondulé 1, d’une part et π*CC selon le trait 2 d’autre part. L’interaction 2 est la plus importante du fait de la proximité énergétique des OM π*CO et πCC mises en jeu. Afin de résoudre rapidement cette double interaction, il nous faut nous rappeler la règle d’or très simple du paragraphe 4.5 :
Une OM donnée en interaction avec les OM d’un autre fragment mélange toutes celles qui sont situées en dessous d’elle avec le signe moins (en opposition de phase) et toutes celles qui sont situées au-dessus avec le signe plus (en phase).
198
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
Comme dans tout ce qui précède, le terme de perturbation P entre ces OM est de
S2 où S est le recouvrement entre les OA portées par ∆E les carbones notés 2 et 3 et ∆E l’écart énergétique. Nous pouvons donc écrire de façon simplifiée : φBV ≈ π*CO – λπCC + λ′ π*CC
la forme |λ | proportionnel à
Avec les signes que nous avons pris, les deux termes λ et λ′ sont positifs et λ′ > λ du fait des positions énergétiques relatives de la figure 30. Il nous reste à traduire graphiquement cette expression. À cette fin, il faut évidemment tenir compte de l’orientation des OA que nous avons précisée préalablement. (Il ne faut pas perdre de vue que cette construction « manuelle », n’a qu’un caractère approximatif et ne peut apporter qu’une connaissance approchée de la nature réelle de l’OM considérée.) Le résultat de cette construction est donné dans la figure 4.31.
O C2
C3
π*CO O
C4
O C2 C3
− λπCC
C2
C3
φ BV
C4
C4
O
(λ’ > λ) C3
C2
+ λ’π*CC
C4
Figure 4.31
Les contributions s’additionnent sur C4 et se retranchent sur C3. L’inégalité λ′ > λ entraîne que sur C3 il reste une légère contribution en phase avec le carbone C2. Nous vérifions par la même occasion que l’OM finale φBV possède la même topologie que la BV du butadiène, avec évidemment des amplitudes différentes. Les contributions dominantes sont localisées sur les carbones C2 et C4, en parfait accord avec la polarité déduite des formes de résonance. Tout nucléophile s’approchant de ce motif conjugué aura donc deux possibilités, soit attaquer le carbone C2, soit le carbone C4. Cette compétition est effectivement observée expérimentalement. L’étape d’hydrolyse de l’énolate lithien peut être considérée comme une réaction ionique, rapide et
Applications
199
complète. La thermodynamique de l’équilibre énol R cétone est en faveur de la cétone et cette étape de la réaction ne requiert pas une attention particulière. Les chimistes organiciens ont mis au point des procédures expérimentales permettant de sélectionner l’une ou l’autre de ces attaques. Un très grand nombre de nucléophiles, neutres ou anioniques, conduisent à des additions de type [1-4] sur les cétones ou aldéhydes conjugués. De telles réactions sont généralement appelées « Réactions de Michaël » ou « de type Michaël ». 4.D. Obtention qualitative des OM du furanne Le furanne, C4H4O est un composé aromatique que l’on trouve dans les goudrons. Il possède six électrons π disposés sur cinq atomes (figure 4.32).
HC
CH
HC
O
CH O
(une demi-molécule est représentée)
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 4.32
Le décompte électronique peut être effectué en considérant que cette molécule résulte de la fusion d’un motif butadiéne (C4H4) avec quatre électrons π portés par quatre OA 2p des carbones avec un atome d’oxygène porteur de deux paires libres comme dans H2O, un alcool R–O–H ou un éther-oxyde R–O–R′. Une de ces paires libres est contenue dans le plan des atomes, orthogonal au plan des OA 2p, l’autre est parallèle aux quatre OA 2p des carbones et entre dans la conjugaison. Nous obtenons donc six électrons π répartis sur cinq centres. L’obtention exacte des OM de type π du furanne implique la résolution d’un déterminant 5 × 5 qui ne peut s’effectuer sans longs calculs. Nous allons les obtenir à l’aide d’un schéma de perturbation partant des deux motifs utilisés pour le décompte électronique, en tenant compte du plan de symétrie orthogonal au plan des atomes et passant par l’oxygène. Par rapport à ce plan, la nature et la symétrie des quatre OM du motif C4H4 sont connues (voir le chapitre 3), ce sont les OM du butadiène notées Φ1 à Φ4. Si l’énergie d’un électron 2p du carbone est α et si β est l’intégrale de résonance entre deux centres adjacents, ces OM ont pour énergie : α + 1,618 β ; α + 0,618β ; α – 0,618β ; α – 1,618 β ; leur symétrie est alternativement S, A, S, A. L’énergie d’une OA de type 2p, correspondant à une paire libre sur
200
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
l’oxygène est α + 2β (chapitre 3). Cette OA, contenue dans le plan de symétrie possède la symétrie S par rapport au plan de référence. Nous disposons donc avant interaction les OM de C4H4 ainsi que l’OA 2p de O en respectant approximativement leur ordre énergétique et nous les disposons de façon telle que le recouvrement entre les atomes qui vont éventuellement se lier soit > 0. Il est d’ores et déjà assuré que seules les OM de symétrie S vont interagir, le dessin des OM de symétrie A reste donc arbitraire (figure 4.33).
Φ4
α − 1,618β
A
Disposition des OM avant interaction α − 0,618β
Φ3
S
Φ2
S>0 β<0
A α + 0,618β
Φ1
S α + 1,618β
C4H4
S
α + 2β
O Figure 4.33
Il reste maintenant à bâtir qualitativement les OM résultantes. Les OM de symétrie A ne posent aucun problème, ce sont les deux OM du butadiène, qui restent inchangées par la perturbation. Les OM de symétrie S, au nombre de trois peuvent s’obtenir en tenant compte des considérations énergétiques. En effet, l’OA 2p de O est très proche de Φ1 et cette interaction peut être considérée comme ayant lieu entre deux niveaux quasi-dégénérés tandis que l’interaction avec Φ3 est faible du fait que les niveaux sont éloignés. Restant dans le cadre qualitatif que nous avons fixé, nous pouvons donc considérer que les OM obtenues sont de la forme : Ψ1 = Φ1 + 2p(O); Ψ2 = Φ1 – 2p(O) (deux OM résultant d’une interaction du type quasi-dégénéré). La troisième OM est Ψ3 = Φ3 – λ2p(O) (interaction provenant de deux niveaux éloignés en énergie). Le dessin de ces OM dessin, donné dans la figure 4.34, s’obtient en respectant les règles d’addition et de soustraction que nous avons déjà expliquées.
Applications
201
Pour effectuer correctement ces sommes algébriques de lobes, nous constatons qu’il est de la plus grande importance d’avoir au préalable défini toutes les relations spatiales entre eux, comme montré plus haut dans la figure 4.33. C’est seulement dans ces conditions que l’addition ou la soustraction des fragments constituants sont reliées à un sens physique véritable.
Ψ3 = Φ3 − λ 2p (O)
O Ψ3
O Ψ2 Ψ2 = Φ1 − 2p (O)
O Ψ1
Ψ1 = Φ1 + 2p (O)
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Figure 4.34
Il faut remarquer que la perturbation indépendante des OM de symétrie S et des OM symétrie A ne permet pas de classer respectivement les niveaux de chaque symétrie obtenus après construction approchée des résultats. Ceci constitue évidemment une restriction importante. En fait, seul un calcul complet permet de classer l’ensemble des niveaux S et A et nous obtenons alors l’ordre décroissant de stabilité : Ψ1, Φ2, Ψ2 (trois OM occupées), Ψ3, Φ4 (deux OM vides). Les OM Φ2 et Φ4 proviennent des OM du butadiène de symétrie A, non perturbées. Pour conclure cet exercice, il faut bien considérer qu’en pratique, la théorie des perturbations n’est utilisée que pour répondre à une seule question donnée et ne saurait constituer une méthode générale d’obtention des OM. Nous ne l’avons « poussée » ici qu’à seule fin de fournir plusieurs exemples de construction des OM résultant d’additions et de soustractions de motifs simples. 4.E. Comparaison d’une addition électrophile (H+) et une addition nucléophile (H–) à l’éthylène Expérimentalement, il est bien connu que les alcènes réagissent vivement avec les acides de Lewis, conduisant à des complexations et des polymérisations très exothermiques, tandis que les additions nucléophiles sont rares et difficiles, nécessi-
202
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
tant l’emploi de catalyseurs organométalliques. Nous allons étudier cette importante différence en utilisant la réaction modèle la plus simple possible : pour modéliser les alcènes nous prendrons l’éthylène et pour réactif antagoniste nous prendrons le plus simple des électrophiles, H+ et le plus simple des nucléophiles chargés, H–. Le système π de l’éthylène est constitué par ses deux OM π (α + β) et π∗ (α – β) déjà souvent rencontrées, tandis que H+ et H– sont représentés par une OA 1s. L’énergie de H+ est d’énergie égale à 0 (pas d’électron) et l’énergie de H– est également proche de cette valeur par suite de la forte répulsion qui résulte de la présence de deux électrons dans une OA de faible taille, il nous sera donc pratique de prendre pour les deux possibilités une OA unique, située à mi-distance de π et π*. Afin de bien préciser les facteurs à prendre en compte, nous allons dans un premier temps examiner l’interaction de H+/H– avec l’éthylène dans une géométrie isocèle présentant un plan de symétrie (géométrie 1, figure 4.35), puis nous examinerons ce qui est changé quand la symétrie s’écarte de la géométrie isocèle (géométrie 2). H+/H–
H+/H–
C
C
C
C
2
1 Figure 4.35
Examen de la géométrie 1. Le plan de symétrie passant par le milieu de la liaison C–C permet de classer très simplement les niveaux en interaction et nous avons la disposition et les OM résultant de la perturbation représentées dans le schéma suivant (figure 4.36). Φ2 0 ou 2 é
A π∗ 1s
S S π
Φ1 Figure 4.36
0 ou 2 é
Applications
203
Nous n’insisterons pas sur l’obtention des OM Φ1 et Φ2 du système perturbé. Il est par contre essentiel de bien examiner les deux cas possibles de remplissage de l’OA 1s. a) Si aucun électron n’est présent dans cette OA, seule l’OM Φ1 est peuplée après perturbation et nous obtenons une stabilisation globale par rapport aux réactifs isolés. Nous en déduisons que la complexation d’un alcène par un acide de Lewis présentant les mêmes caractéristiques que H+ sera très aisée et exothermique. b) Si deux électrons sont présents dans l’OA 1s (cas de H–) il faut peupler soit l’OM π* non perturbée, soit Φ2, car nous n’avons pas de critère pour placer ces deux niveaux l’un par rapport à l’autre. Dans les deux cas, nous devons peupler une OM antiliante et cette situation est très défavorable : il est donc clair qu’aucune addition nucléophile n’est envisageable dans cette géométrie. Examen de la géométrie 2. Dans cette géométrie, le plan de symétrie précédent n’est plus présent, et toutes les OM en interaction sont situées dans le plan de la figure : elles ont alors même symétrie et sont susceptibles de toutes se combiner. Par contre, la situation énergétique des niveaux n’est pas changée. Nous sommes donc en présence d’un schéma d’interaction plus complexe (figure 4.37) :
H+/H–
Ψ3
π∗
S>0
2
S>0 0 ou 2 électrons
Ψ2
1s π
Ψ1
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Figure 4.37
En effet, l’OM 1s interagit à la fois avec les OM π et π*. Il en résulte trois OM, Ψ1, Ψ2 et Ψ3. L’obtention de Ψ1 et Ψ3 est simple : elles résultent respectivement de l’addition et de la soustraction de 1s de H à π et π* : Ψ1 ≈ π + λ1s avec λ petit et > 0; de même Ψ3 ≈ π* – λ′ 1s, avec de nouveau, λ′ petit et > 0. Par contre pour Ψ2 la construction est plus complexe car cette OA interagit en mélangeant l’OM située en dessous d’elle avec le signe moins et avec celle qui est située au-dessus avec le signe plus (Rappel de la règle d’or du paragraphe 4.5). Nous avons donc : Ψ2 = 1s – επ + ε′π*. Les coefficients ε et ε′ sont petits et > 0. Dans le cas de H+ ; ε = ε′ car l’OM 1s vide est située à égale distance de π et π*, son énergie étant 0. (Dans le cas de H–, l’égalité précédente n’est plus qu’approchée). Il nous faut faire une construction graphique au cours de laquelle les notions d’addition et de soustraction vont de
204
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
nouveau prendre tout leur sens. À cet effet, la disposition initiale des OM est primordiale. Nous disposons donc le dessin de façon à pouvoir effectivement additionner ou soustraire les trois composantes et obtenir ainsi la résultante par superposition. Cette construction est effectuée dans la figure 4.38.
1s
C2
C1
(–) S < 0
C1 – επ
+ ε′π∗
(+) S > 0
C2
?
résultat de la superposition des trois dessins : Ψ 2
Figure 4.38
Sur le carbone C2, les contributions colorées s’additionnent tandis que sur C1 elles se retranchent. Au total, il est difficile de dire s’il reste une contribution sur C1 et de quel signe elle est : l’essentiel est qu’elle soit très petite (marqué par un ? sur la figure 4.38). Nous constatons à l’examen des OM obtenues que nous avons une OM liante (Ψ1), une OM antiliante (Ψ3) et entre les deux une OM pratiquement non liante (Ψ2). Dans le cas d’une addition électrophile (H+) deux électrons sont présents dans Ψ1 et de nouveau nous obtenons une stabilisation par rapport aux réactifs isolés. Pour une addition nucléophile, l’OM non liante Ψ2 est peuplée et il s’ensuit que le caractère antiliant de la géométrie isocèle est nettement amoindri par suite du peuplement d’une OM non liante au lieu d’une OM nettement antiliante. Nous pouvons donc dire que si une addition nucléophile a lieu, elle ne sera pas très favorable, mais que de toute façon elle aura lieu selon la géométrie 2. Les résultats expérimentaux sont en très bon accord avec ces conclusions : la protonation de l’éthylène conduit à un intermédiaire stable ayant une géométrie isocèle légèrement préférée à une géométrie gauche de type 2, les deux formes sont très proches en énergie et permettant un rapide échange du type : CH3–CH2+ R [forme pontée]+ R H2C+–CH3
Exercices
205
EXERCICES Exercice 4.1 (*) Rôle du recouvrement dans les interactions à quatre électrons Considérons l’interaction de deux OM quasi-dégénérées en énergie {EA, φA}, {EB, φB}, la valeur moyenne de l’énergie étant EM. Nous posons que PAB < 0 quand SAB est > 0. Pour résoudre les questions suivantes, il est recommandé de se limiter aux termes d’interaction du premier ordre. a) Par analogie avec la méthode de Hückel incluant le recouvrement (chapitre 2), construire le déterminant séculaire correspondant incluant le recouvrement entre les OM φA et φB, SAB = < φAφB >. b) Établir le bilan énergétique dans les cas suivants : 1) deux électrons en tout sont présents; 2) quatre électrons sont présents. Qu’en déduire dans le dernier cas ? Solution a) Le déterminant de la méthode de Hückel Générale s’écrit en posant : EM – E pour les termes diagonaux et PAB – ESAB pour les termes non diagonaux (voir la définition de cette méthode au chapitre 2). Nous avons alors : EM - E
PAB - ES AB
PAB - ES AB
EM - E
=0
Ceci nous conduit à (EM – E)2 – (PAB – ESAB)2 = 0, d’où nous tirons les deux valeurs de l’énergie : E+ =
E M + PAB E - PAB et E- = M . 1 + S AB 1 - S AB
b) 1) Si deux électrons sont présents, ils sont placés dans l’OM la plus stable, E+ et le bilan E M + PAB - 2 E M . Il est légitime de négliger SAB devant 1 1 + S AB au dénominateur, de telle sorte que ∆E ≈ 2PAB. Ce terme est négatif, l’interaction conduit donc à une relation endothermique, stabilisant le système et mène éventuellement à la formation d’une liaison. Remarquons que 2PAB est l’énergie de stabilisation obtenue dans la méthode qui néglige le recouvrement. 2) Si quatre électrons sont présents, le bilan thermodynamique s’établit selon :
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
énergétique s’établit selon ∆ E = 2
∆E = 2
E M + PAB E - PAB +2 M - 4EM 1 + S AB 1 - S AB
Il est possible de réécrire cette égalité de la manière suivante :
∆E =
2 1 - S 2 AB
[(EM + PAB )(1 - SAB ) + (EM - PAB )(1 + SAB )] - 4 EM
En négligeant S 2AB devant 1, il vient : ∆E = 4EM – 2PABSAB – 4EM = – 2PABSAB. Ce terme est > 0, ce qui montre que le bilan de l’interaction est endothermique, elle conduit à une déstabi-
206
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
lisation du système de départ. Dans la méthode n’incluant pas le recouvrement, nous trouvons un bilan nul. En incluant le recouvrement, nous trouvons une légère déstabilisation égale au produit de deux termes de faible grandeur, PAB et SAB.
Exercice 4.2 (*) Étude du proton solvaté [H5O2]+ par la méthode des perturbations L’ion [H5O2]+ possède la structure décrite dans la figure 4.39 :
H
H O
H
+
O
H
H Figure 4.39
Il est plan et résulte de l’interaction de deux paires libres portées par les molécules d’eau et d’un proton H+. Les OM de l’eau et l’OA de H+ mises en jeu sont données avant toute interaction dans la figure 4.40.
OM avant interaction Figure 4.40
Dans le cadre de la méthode Hückel, nous posons : l’énergie de l’OM d’une paire libre de H2O est α, l’énergie de l’OA vide de H+ est 0 (pas d’électron) et l’intégrale de perturbation entre une paire libre et H est notée P. a) Écrivez le déterminant séculaire de l’ensemble. Montrer que E = α est solution. b) Dessiner qualitativement les deux OM résultantes occupées.
Exercices
207
Solution a) Le déterminant s’écrit directement en jalonnant le système selon la séquence O–H–O :
EO - E P
P EH + - E
0 P
=0
0 En posant EH+ = 0, EO = α, nous avons :
P
EO - E
α-E P 0
P
0
-E P
P
Nous obtenons (α – E) [–E(α – E) – les trois racines sont E = α, E ± =
P 2]
–
P2(α
=0
α-E – E) = 0, soit (α – E)(E2 – αE – 2P2) = 0, dont
α ± α 2 + 8P 2 . La racine E = α, correspond à une OM 2
non liante. b) Les deux premières racines sont aisées à décrire, nous les donnons sans justification supplémentaire dans la figure 4.41.
OM non liante (E = α)
OM liante
Figure 4.41
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Exercice 4.3 (**) Étude de l’interaction Donneur/Accepteur Dans tout le reste de ce problème, la lettre D est synonyme de Donneur d’électrons (nous lui associons une paire libre) et la lettre A est synonyme d’Accepteur d’électrons (nous lui associons une lacune électronique). Dans le cadre de la théorie des OM frontières, nous considérerons la HO du nucléophile et la BV de l’électrophile, rapportées à une molécule d’éthylène substituée selon la figure 4.42. Nous nous proposons de déterminer par un calcul de perturbation comment un substituant donneur modifie l’énergie de la HO et comment un substituant attracteur modifie celle de la BV. Pour ce faire, nous utiliserons un modèle simple, l’éthylène caractérisé par ses deux OM π et π* perturbées par un substituant D ou A de symétrie appropriée, selon le cas considéré. Les deux situations sont décrites dans la figure 4.43.
208
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
+ D
D 1C
°°
2C
A–
A
1C
1C
1C
2 – C
2C
2 + C
HO
BV
Figure 4.42
α–β π*
α–β π*
π
π α+β
D
A ΨA α – 2β
α+β ΨD
α + 2β cas d’un substituant Accepteur
cas d’un substituant Donneur Figure 4.43
Les énergies des niveaux D et A ont été choisies arbitrairement. Dans tout ce qui suit, nous nous plaçons dans le cas de perturbations non dégénérées au deuxième ordre. L’élément de perturbation est posé égal à P. De plus, nous considérerons que seuls les niveaux les plus proches en énergie interagissent. a) Calculer l’énergie de la HO par l’OM résultant de la perturbation de l’OM π par l’OM ΨD associée à D. b) Calculer l’énergie de la BV résultant de la perturbation de π* par l’OM ΨA associée à A. Il est aisé de généraliser les données précédentes à des systèmes conjugués autres que l’éthylène. Dans la figure 4.44 sont présentés les composés neutres ou ioniques 1 à 9. c) Dire pour chaque composé s’il est nucléophile ou électrophile. Dans chaque cas, il est demandé de le montrer en utilisant une ou plusieurs structures de résonance. Sur quel(s) centre(s) carboné(s) le caractère nucléophile ou électrophile est-il concentré ?
Exercices
209
H2C
O
CH3
CH2
O R1
R1
O
C
C
C
C
C
NC R4
O
CN
C
C H
R2
R2
R3
R3
1
C C
C H3C
2
CH3
CH3
4
C
3 H H
H2 C CH3
H2C
CH HC
CH2 N
C
H
NO2
C
CH2
O
C
O
C
4 H2C
H
HC
C
CH
5 H3C
CH C H2
HC
C
C
O
C
6
CH
O
CH3
C H
H
+ C
HC
O H C
HC
CH3
7 C H3C
C2H5
H2C
–
CH3
H2C
CH2
O
O C
C
8
HC
O
C CH
9
C H2
Figure 4.44
Solution
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
a) L’interaction de l’OM π avec l’OM ΨD du donneur d’électrons met en jeu quatre électrons. Le schéma de la figure 4.2 montre que l’OM la plus basse en énergie (ΨD) est stabilisée tandis que la plus haute (π) est déstabilisée (figure 4.45). De ce fait, l’OM Ψ2, HO du système, est repoussée vers la zone frontière qui sépare les OM liantes des OM antiliantes. Les électrons de la double liaison sont alors moins liés aux carbones car leur énergie diminue, ils deviennent plus aptes à être transférés vers un électrophile. En d’autres termes, la réactivité de type nucléophile est exaltée par l’influence d’un substituant donneur d’électrons. b) Par un raisonnement tout à fait analogue au précédent, nous voyons que l’OM π* est abaissée vers les OM non liantes par suite de l’interaction avec l’OM ΨA, vide, de l’accepteur d’électrons. De ce fait, l’énergie de la BV du système devient moins positive, donc plus électrophile, c’est-à-dire plus apte à recevoir des électrons de la part d’un nucléophile. Ce comportement est illustré dans la figure 4.46. c) D’une manière générale, il est utile de garder en mémoire les propriétés de quelques groupements d’atomes usuels. Dans les amines (NR3), les alcools (ROH), les éthers oxydes (ROR’) l’hétéroatome possède une (cas de N) ou deux (cas de O) paires libres et se comporte
210
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
OM antiliantes frontière ΨΗΟ = Ψ2 = π − λΨD π
OM liantes
ΨD
Ψ1 = ΨD + λ π
λ petit et > O de la forme P2/(ED – Eπ)
Figure 4.45
Ψ4 = ΨA – λ’π* ΨA
OM antiliantes λ’ petit et > 0
π*
ΨBV = Ψ3 = π* + λ’ ΨA frontière Figure 4.46
en donneur d’électrons. Il en va de même pour les atomes chargés négativement. Les groupes carbonyle (C=O), nitrile (CN), nitro (NO2), ester (COOR) sont généralement accepteurs d’électrons, de même que les atomes chargés positivement. Il est alors possible d’écrire pour chaque composé une ou plusieurs structures de résonance mettant en relief le caractère nucléophile ou électrophile du composé, comme montré dans la figure 4.47.
Exercices
211
O–
CH3 R1
O +
R1 C
C–
C+
R2
R3
NC
C
C
R4
R2
R3
H2C N
CH
+
C
H2C
CH2
C+ H3C
CH3
CH3
3 (électrophile)
H
O–
+
C
N
C
CH2
H H
+
C
C
O
+
HC
4 (nucléophile) C H
CH
5
CH
HC
O–
C
CH
O–
N
C HC
CH C H2
C
H
– H2C
C C
H3C
H2 C CH3
NC
C C
2 (électrophile)
1 (nucléophile)
N–
N
(électrophile)
HC
CH C H
délocalisation de la charge + sur le cycle Figure 4.47
Exercice 4.4 (***) Étude des composés en série oxazole Les dérivés de l’oxazole I, dont la formule générale est donnée dans la figure 4.48 sont des composés que l’on trouve dans de nombreux produits naturels. H
H
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C
C
N
O C
I H
Figure 4.48
Ils servent également de produits de départ pour fabriquer des arômes de synthèse en parfumerie et dans l’industrie agro-alimentaire. Nous nous proposons d’effectuer une étude de leurs propriétés électroniques.
212
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
a) Le cycle de l’oxazole est plan. Combien d’électrons π sont concernés dans la conjugaison ? Ce cycle est-il stable ? b) Il existe sur cette molécule deux sites basiques au sens de Lewis. En présence d’un acide (H+), lequel sera protoné préférentiellement ? Pour répondre à cette question, nous considérons deux paires libres modèles : une sur l’oxygène, l’autre sur l’azote. En vous basant sur l’électronégativité de ces deux atomes, et sachant que l’énergie de l’OA associée à H+ est 0, construire un diagramme de perturbation mettant en jeu la paire libre de chaque atome et H+. En déduire le site de protonation préférentiel. Nous nous proposons maintenant d’étudier un système π proche de celui de l’oxazole. Afin de conserver le même nombre d’électrons π que dans la molécule I, considérons, en toute première approximation, que le système IV modélisé résulte de la réunion des deux motifs II et III décrits dans la figure 4.49.
H
5 C
O
H
1
C H 4
O
3 IV
2
1 O
C
+ C
5
+ C
H C 4 H
II
O 3
2
H
III
Figure 4.49
Dans cette modélisation, limitée aux électrons π le motif II comporte deux électrons et ses OM sont assimilées à celle de l’éthylène. Le motif III comporte quatre électrons (deux par oxygène, aucun sur C+). Les énergies des OA de type 2p sont : α pour C, α + 2β pour O et en première approximation, l’intégrale de résonance de type Hückel entre O et C, notée βCO, est égale à βCC = β pour alléger l’écriture. c) Construire le déterminant séculaire du système π de III en utilisant la numérotation de la figure précédente. α-E , résoudre le détermiβ nant. Quelles sont les énergies des OM occupées ?
d) En posant, de façon conventionnelle x =
e) Calculer les coefficients des OA dans la HO de III. Quelle est la nature de cette OM ?
Exercices
213
Considérons maintenant la réunion des systèmes π de II et III comme présenté dans la figure précédente. f) Établir le diagramme de perturbation des deux fragments en précisant l’élément de symétrie de référence, l’énergie des OM mises en jeu et leur symétrie de type S (symétrique) ou A (antisymétrique). g) La formation du système π global est-elle aisée ou difficile ? Solution a) Le décompte des électrons s’effectue de la manière suivante : chaque double liaison apporte deux électrons, la paire libre restante de l’azote est localisée dans le plan du cycle, de même qu’une des paires libres de l’oxygène. Il reste une paire libre sur l’oxygène localisée dans une OA de type 2p, orthogonale au plan du cycle et apte à entrer en conjugaison (voir dans le texte les OM de H2O). Nous avons donc un total de six électrons π, typiques d’un cycle aromatique. De ce fait, une grande stabilité thermique et chimique du cycle peut être prévue a priori. b) Les deux paires libres qui n’entrent pas dans la conjugaison de type π sont localisées dans le plan du cycle et peuvent être représentées par un hybride de type sp2. En effet, sur l’ensemble 2s + 2px, y, z, 3 OA sont utilisées par N pour créer trois liaisons avec ses voisins, tandis que dans le cas de O, il faut deux hybrides pour lier les voisins et une OA 2p non hybridée pour la paire libre engagée dans la conjugaison. Dans les deux cas, il reste une OM disponible pour accommoder une paire libre. La figure 4.50 résume ces données. Une paire libre dans le plan du cycle H
N
C
C
H
C H
O
une paire libre dans une OA 2p entrant dans la conjugaison π
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Une paire libre dans le plan du cycle Figure 4.50
L’oxygène est plus électronégatif que l’azote, cette propriété se reflète dans la position énergétique des paires libres, la plus stable étant celle de l’oxygène. Nous avons donc, vis-à-vis d’un proton H+, d’énergie 0 (pas d’électron), la disposition décrite dans la figure 4.51. La paire libre de N est plus proche du niveau de H+, il s’ensuit que son interaction de perturbation, possédant le plus petit dénominateur conduit à l’interaction la plus forte. Le site de protonation préférentiel est donc situé sur la paire libre de N. Cette propriété est très générale. Dans de très nombreux produits naturels, comme par exemple les acides aminés, des sites oxygénés et azotés sont en compétition lors de la protonation en milieu acide : ce sont toujours les sites azotés qui sont protonés préférentiellement.
214
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
H+
N δE = P2/∆E énergie de perturbation au second ordre O Figure 4.51
c) En utilisant la numérotation de la figure 4.45 (chapitre 4), nous écrivons directement le déterminant de III : α + 2β - E β 0
β α-E β
0 =0 β α + 2β - E
d) En effectuant la substitution en x, nous obtenons : x+k 1 0
1 x 1
0 1 =0 x+k
Nous obtenons en développant le déterminant : (x + k)(x2 + kx – 2) = 0, soit avec k = 2, (x + 2)(x2 + 2x – 2) = 0. Les racines sont = – 2,732; – 2; 0,732, ce qui correspondent aux valeurs : E1 = α + 2,732β; E2 = α + 2β; E3 = α – 0,732β. e) Quatre électrons sont présents dans le système, la HO est donc E2. Les coefficients associés sont aisés à déterminer. En effet, cette OM est non liante puisqu’elle a l’énergie des atomes d’oxygène isolés (α + 2β). Si nous reportons la valeur x = – 2 dans l’équation aux coefficients, nous obtenons : 0c1 + c2 = 0, d’où c2 = 0. En prenant la deuxième ligne nous avons : c1 – 2c2 + c3 = 0, d’où c1 = – c3, soit en coefficients normés : c1 = c2 = 0; c3 = -
1
1
;
2
. Ces coefficients sont bien ceux d’une OM non liante. 2 f) En prenant comme élément de symétrie le plan médiateur des fragments de la figure 4.49, il est possible de construire le diagramme d’interaction des deux fragments. Nous avons d’une part les deux OM de l’éthylène (π, Eπ = α + β, symétrie S et π*, Eπ* = α − β, symétrie A) et d’autre part les trois OM que nous venons de calculer : {E1, φ1, symétrie S}; {E2, φ2, symétrie A}; {E3, φ3, symétrie S}. La figure 4.52 résume l’ensemble des données. g) L’interaction la plus forte a lieu entre l’OM occupée liante π de l’éthylène II et l’OM vide φ3 de III, l’écart énergétique n’étant que 0,268β, cela permet de considérer cette interaction comme mettant en jeu deux niveaux quasi-dégénérés. La fonction d’onde résultante est obtenue en faisant la somme des deux contributions π + φ3 des deux partenaires. La figure 4.53 illustre cette construction.
Exercices
215
π*
α – 0,732β S
α + 2β A
α + 2,732β S
π
φ3
A α–β
S α+β
φ2
φ1 Figure 4.52
O C C
C O
π + φ3
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Figure 4.53
Exercice 4.5 (**) Étude du triméthylèneméthane Le début de ce problème a déjà été proposé à la fin du chapitre 3. Rappelons que l’on se propose d’étudier le système π de 1 dont le nom chimique est triméthylèneméthane (figure 4.54). Pour former 1, chaque atome de carbone apporte une OA de type 2p, peuplée d’un électron. Le carbone central est lié à trois voisins, les carbones 2, 3, 4 ne sont pas liés entre eux.
216
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
H
H C2
x
C C
4
H
C
1
3
1
C
C
H
2
1
C
y
H
z
4
C
3 x
y
H dessin en perspective
(tous les atomes dans le plan de la feuille)
Figure 4.54
Dans la suite du problème, nous ne considérons que le système π formé par les quatre atomes de carbone. Pour simplifier les figures, nous ne dessinerons pas les hydrogènes qui, du fait qu’ils sont situés dans le plan orthogonal au système, ne jouent aucun rôle. Sur chaque atome de carbone k, l’OA 2pz est notée φk. Le coefficient associé est ck (k = 1 à 4). L’énergie d’un électron dans une OA φk isolée est α. L’intégrale de résonance entre deux carbones liés i et j est notée Sij. Nous posons une fois encore α-E = x lors de la résolution des déterminants séculaires. Les OM obteβ nues sont notées Ψ1 à Ψ4, la plus stable étant Ψ1.
Nous voulons déterminer qualitativement les coefficients des OM Ψ2 et Ψ3 en utilisant le diagramme de perturbation décrit dans la figure 4.55. Ce diagramme prend en compte l’interaction d’un fragment allyle composé des carbones C1 (OA associée φ1), au centre du motif allyle, C3, C4 aux extrémités (OA associées, φ3, φ4) d’une part, et d’une OA 2p d’énergie α, notée φ2, portée par le carbone C2, d’autre part. H
H C
2
4 1
C
2
1
H C H
H
4
C
3
3
H
Figure 4.55
L’élément de symétrie de référence est le plan orthogonal au plan des atomes, passant par C2 et C1, bissecteur du triangle C3C1C4.
Exercices
217
a) Placer sur un même diagramme d’interaction les trois niveaux π notés Π1, Π2, Π3, du fragment allyle et, en regard, le fragment portant C2 (α, φ2). Noter les symétries de type S (symétrique) ou A (antisymétrique) de chacune de ces orbitales par rapport à l’élément de symétrie de référence. L’élément de perturbation reliant C2 à C1 est pris égal à P < 0. Après interaction, les quatre niveaux de départ engendrent quatre OM nouvelles, que nous notons de Ψ1 (la plus stable) à Ψ4. b) Donner en la justifiant la forme qualitative de Ψ1 et Ψ4, sans tenir compte de l’énergie de ces niveaux. c) Donner la forme analytique (perturbation au second ordre entre niveaux non dégénérés) de l’énergie du niveau intermédiaire Ψ2, associé à C2, après interaction avec les niveaux de l’allyle de même symétrie. Comparer l’énergie de Ψ2 et Ψ3. d) Donner une construction graphique de l’OM approchée Ψ2, obtenue à la question c. Solution Dans un premier temps, il est nécessaire de préciser la nature de l’élément de symétrie auquel nous nous référons tout au long de la discussion. Il s’agit du plan orthogonal au plan des atomes de carbone, passant par les centres C1, C2 et médiateur du motif C3C1C4. Sa trace est reportée dans la figure 4.56. C2
trace du plan de symétrie de référence C1 C3
C4
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Figure 4.56
a) Les trois OM associées au fragment allyle (voir le chapitre 3) sont Π1 (α + 1,414β, symétrie S); Π2 (α, symétrie A) et Π3 (α – 1,414β, symétrie S). L’OM φ2, (énergie α), contenue dans le plan de symétrie de référence est de symétrie S. L’OM Π2, de symétrie A, n’est pas perturbée. En tenant compte de l’ensemble de ces éléments, nous avons donc le diagramme d’interaction donné dans la figure 4.57. b) En appliquant directement la règle d’or du chapitre 4-5, il est aisé d’écrire directement la forme analytique approximative de Ψ1 et Ψ4, résultant de l’interaction avec φ2. Nous prenons pour les deux interactions un terme unique λ, petit et positif. En effet, les énergies de Π1 et Π3 sont, en valeur absolue, également distantes de celle de φ2. De plus, sur l’atome C1, le coefficient de φ1 est le même, en valeur absolue, dans les OM Π1 et Π3 (voir le chapitre 3). Nous obtenons finalement : Ψ4 ≈ Π3 – λφ2 Ψ1 ≈ Π1 + λφ2
218
4 • De la chimie considérée comme une application de la théorie…
Ψ4 α – 1,414β Π3
Π2
S Ψ2
α A
S
Ψ3
φ2
Remarque : l’ordre relatif Ψ2, Ψ3 n’est pas fixé a priori, les deux OM ayant des symétries différentes
S Π1 α + 1,414β Ψ1
Figure 4.57
Ces égalités se traduisent par les dessins de la figure 4.58.
Π1
Π3
+ λφ2
– λφ2
Ψ4
Ψ1 Figure 4.58
c) La troisième OM de symétrie S s’obtient de la même manière, mais cette fois-ci en additionnant à φ2 les deux contributions des OM Π1 et Π3. Nous obtenons, toujours en appliquant la règle d’or du paragraphe 4.5 : Ψ2 ≈ φ2 – λΠ1 + λΠ3 L’énergie associée à Ψ2 est α car les deux contributions de Π1 et Π3 s’annulent, ayant même valeur absolue et des signes opposés. Les OM Ψ2 et Ψ3 sont dégénérées. Le calcul exact, effectué dans l’exercice 3.6 du chapitre 3 corrobore ce résultat. d) La construction graphique correspondante est donnée dans la figure 4.59 : Les contributions s’annulent sur C1 et s’additionnent sur C3 et C4.
Exercices
219
C3
C1
C2 φ2
C4 Π3
S>0 – λΠ1
φ2 Π1
avant interaction + λΠ3
C1
Ψ2
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Figure 4.59
Bibliographie
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Ouvrages importants
R. B. Woodward et R. Hoffmann, « Stereochemistry of electrocyclic reactions », Journal of the American Chemical Society; tome 87, pages 395-397, 1965. Il s’agit de la première publication qui a bouleversé la compréhension de la réactivité chimique. Cette publication a été suivie par un très grand nombre de travaux qui aboutirent à la détermination de ce qu’il est devenu classique de considérer sous le nom générique de « Règles de Woodward et Hoffmann ». R. B. Woodward et R. Hoffmann, The conservation of Orbital symmetry, Verlag Chemie, 1970. L. Salem, The molecular Orbital theory of conjugated systems, W. A. Benjamin, 1966. Nguyên Trong Anh, Les règles de Woodward et Hoffmann, Ediscience, 1970. H. E. Zimmerman, Accounts of Chemical Research, tome 4, page 272, 1971. Les travaux relatifs à la topologie du type Hückel/Möbius ont été inspirés par cette publication originale (voir le complément sur www.dunod.com). Nguyên Trong Anh, Orbitales frontières, manuel pratique, Interéditions, 1995. Cet ouvrage indispensable comporte de très nombreuses références et de multiples exemples effectivement réalisés par les chimistes expérimentaux. Ouvrages généraux en français
M. Condat, O. Kahn et J. Livage, Chimie théorique, concepts et problèmes, Hermann, 1972. Y. Jean et F. Volatron, Les orbitales moléculaires en chimie, McGraw-hill, 1991. B. Vidal, Chimie Quantique, Masson, 1993. P. Chaquin, Cours de chimie générale, Ellipses, 1996.
222
Liaisons chimiques
C. Millot et X. Assfeld, Chimie quantique, exercices et problèmes résolus, Dunod, 2000. J. Lebreton, Atomistique et liaison chimiques, Vuibert, 2001. R. Lissilour, Chimie théorique, Applications à la spectroscopie, Dunod, 2001. Y. Jean et F. Volatron, Structure électronique des molécules, Tome 1, De l’atome aux molécules simples, Dunod, 2003. Y. Jean et F. Volatron, Structure électronique des molécules, Tome 2, Géométrie, réactivité et méthode de Hückel, Dunod, 2003. Ouvrages en anglais
M. J. S. Dewar, The molecular orbital theory of organic chemistry, McGraw-Hill, 1969. I. Fleming, Frontier orbitals and organic chemical reactions, Wiley and sons, 1976. T. A. Albright, J. K. Burdett et M-H. Whangbo, Orbital interactions in chemistry, Wiley and sons, 1985.
049499 - (I) - (1,5) - OSB 80° - SCM - MMC Achevé d’imprimer sur les presses de SNEL Grafics sa rue Saint-Vincent 12 – B-4020 Liège Tél +32(0)4 344 65 60 - Fax +32(0)4 341 48 41 mars 2006 — 36940 Dépôt légal : avril 2006 Imprimé en Belgique
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Alain Sevin • Christine Dézarnaud-Dandine
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ALAIN SEVIN est directeur de recherche au CNRS, ingénieur E.N.S.C.P., ancien enseignant à l’École Polytechnique et à l’École Nationale Supérieure de Techniques Avancées. CHRISTINE DEZARNAUD-DANDINE est maître de conférence à l’université Paris VI – Pierre et Marie Curie, docteur en chimie-physique (Paris VI) et en philosophie (Paris IV).
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