Centre de Recherche d'Histoire Ancienne Volume 67
Marie-Claire Amouretti
Le pain et l' huile dans la Grèce antique De l'araire au moulin
Annales Littéraires de l'Université de Besançon, 328 Les Belles Lettres - 95, boulevard Raspail- 75006 PARIS 1986
Je dédie ce travail à Bernard, Jean-Luc et Françoise : sans leur soutien inébranlable, cette entreprise n'aurait pu voir son terme.
REMERCIEMENTS
Il nous est un devoir bien réconfortant de remercier ceux qui, au fil de ces recherches, nous ont aidée. C'est en Crète, entre 1957 et 1962, avec l'équipe constituée à Mallia autour de H. et M. Van Effenterre, que nous avons pris conscience de l'intérêt des travaux comparatifs Les géographes étaient présents à part entière et nos randonnées sur l'île, comme les contacts avec les habitants de Mallia et du Lassithi nous ont permis de visualiser des techniques que nous ne connaissions que par l'image. Là aussi nous avons appris la valeur du travail en commun, et les amitiés qui se sont nouées ne se sont pas démenties. Nous ne pouvons rappeler tous ces noms; que ceux qui liront ces lignes " retrouvent un peu de' la chaleur d'antan. Que Françoise Ruzé, dont les conseils et l'aide pratique - utiles à une époque où l'accès aux ouvrages est devenue particulièrement ardue pour les provinciaux - ne sc sont pas démentis, les représente tous dans nos remerciements collectifs. Le séjour que nous avons effectué à l'Ecole Française d'Athènes en 1983, les facilités d'accès à la bibliothèque et à la photothèque et l'accueil amical fourni par le Directeur, O. Picard et le Secrétaire, Y. Lempereur, ont aussi beaucoup aidé à l'achèvement de la rédaction; que tous en soient remerciés ici. A Aix-en-Provence, au cours de nos années d'enseignement à la Faculté des Lettres - devenue l'Université de Provence -, les appuis ont été nombreux. C. Vatin a accepté, à partir de 1975, de diriger nos recherches. Ses conseils, sa bienveillance, comme l'ambiance du petit groupe qu'il a constitué autour de lui nous ont été une aide précieuse. A chacun des participants va aussi notre gratitude pour les remarques et suggestions apportées lors de la présentation de certains de nos dossiers, et particulièrement à D. Pralon, J. Bordes et P. Villard. De la part de mes collègues de l'Unité d'Enseignement et de Recherche, les encouragements ne m'ont pas manqué non plus. P.A. Février et Ph. Leveau m'ont communiqué avec infiniment de gentillesse les documents d'histoire romaine qui pouvaient m'intéresser. Mais ma dette est aussi grande envers les chercheurs des autres périodes. Avec F. Pomponi, qui nous fit découvrir la richesse de la Corse, et G. Cornet qui partage les espoirs et labeurs de tant de travaux collectifs, nous avons constitué l'équipe pionnière de la vie matérielle du monde rural, à laquelle s'est joint H. Amouric. Nous avons travaillé avec le Laboratoire d'archéologie médiévale, les géographes et les ethnologues des Universités aixoises et des chercheurs des Centres étrangers, ainsi G. Lerche, de l'Agricultural Museum de Copenhague. Un appui particulier pour les enquêtes régionales nous a été fourni par le Groupement d'intérêt scientifique de la Maison de la Méditerranée Sciences humaines sur l'aire méditerranéenne. Nous avons personnellement bénéficié du soutien et des conseils d'Ho et G. Camps qui ont beaucoup encouragé l'orientation de notre recherche, de celui de M. Gast qui a libéralement fourni ses photos personnelles. Dans le cadre du Centre Camille Juillan, nous avons trouvé, comme lors de la publication de La crypte hypostyle, un soutien constant. P. Gros, J.P. Morel ont su, chacun à un moment donné, apporter l'encouragement 'nécessaire, qui permet au chercheur de ne pas se sentir isolé. M. Borély a dessiné cartes
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
et restitutions; photographes et bibliothécaires ont ouvert largement les portes de ces lieux de trava qu'ils ont su rendre efficaces et accueillants, à l'image de cette équipe rodée et dynamique. Avec la patience et la rigueur qu'ont pu apprécier tant de chercheurs de cette Université, D. Blan a fourni les épreuves définitives de ce manuscrit, que M. Sellier a bien voulu accepter de relire avec un fidélité et une bonne humeur bien réconfortantes, tandis qu'Y. Salaün y avait apporté l'œil du non spécialiste. La soutenance de la thèse en novembre 1984 a permis de rectifier plusieurs points grâce à la vigi lance de J. Pouilloux. François Salviat m'a apporté nombre de suggestions nouvelles et, sans l'appu de P. Levêque, la publication n'aurait pu voir le jour si rapidement. Qu'ils soient tous les trois particu lièrement remerciés ici. Ainsi, bien qu'il soit issu d'une thèse, travail individuel par excellence, cet ouvrage est cependan le reflet de cette communauté de chercheurs sans laquelle aucun d'entre nous ne peut espérer mene à terme ce type d'entreprise.
M.C. AMOURETT décembre 1985
* ABRÉVIATIONS ET RENVOIS
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les abréviations des revues sont celles de l'Année philologique; seules celles qui n'y sont pas recensées sont citées en entier. Les titres renvoient à notre bibliographie, p. 297 sq.
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D.A. Ch. DAREMBERG, E. SAGLIO, Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, Paris, 1877-1919. R.E. A. PAULY, C.WISSOVA, W. KROLL, Realencyclopàdie der Klassischen Altertumswissenschaft, Stuttgart.
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Test. Texte et traduction cités en Testimonia, p. 263 sq.
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les figures sort dans le texte. les cartes à la fin des chapitres. Les tableaux numérotés p. 282 sq. Les planches hors-texte en fin de volume. Musée de Nicosie: clichés CNRS Chené et Réveillac, pris lors de l'exposition «Travaux et jours à Chypre », Paris, 1982 - Marseille, 1984.
INTRODUCTION
L'histoire des techniques reste la parente pauvre de l'histoire de la Grèce antique, particulièrement dans les écoles scientifiques françaises. Certes, on s'interroge périodiquement sur le « blocage des techniques dans l'Antiquité», mais les fortunes diverses qu'a connues ce sujet de controverses reflètent l'insuffisance des analyses technologiques effectuées dans le domaine hellénique 1 • Si l'on accepte la défmition de Géminard, «la technologie est l'étude complète des techniques, outils, appareils, machines, matériaux qui sont utilisés en vue d'une action définie, dans un milieu humain, économique, géographique déterminé et à une époque donnée» 2 , force est de constater que l'histoire technologique de la Grèce antique n'est pas faite en France. Seuls quelques domaines (ainsi l'architecture et la construction, les machines de guerre, les mines, la navigation) ont suscité analyses détaillées et travaux de synthèse 3. L'artisanat et l'agriculture n'ont pas entraîné d'études techniques équivalentes; le cas de la céramique reste un peu à part : on a étudié minutieusement les styles, on s'intéresse au commerce plus qu'à la fabrication ellemême. Cette relative absence de travaux érudits répond à l'indigence des sources, estiment les spécialistes; attitude courante qui, sous couvert d'une insuffisance de documentation, reflète un certain mépris pour ces domaines, jugés peu nobles: tout au plus peuvent-ils apparaître au détour d'une histoire des mentalités ou comme l'appendice d'une histoire économique, considérée elle-même comn.e presque inabordable 4. Ainsi, pour l'Ecole historique française actuelle, l'histoire des techniques dans l'Antiquité grecque n'en est même pas à chercher sa place dans l'épistémologie, elle reste à élaborer dans la plupart des domaines; les articles de synthèse qui font le point sur les dernières découvertes sont tous étrangers, alors que le début du siècle avait fourni un apport majeur des historiens français s. Dans cette conjoncture, on ne s'étonnera pas que les techniques agraires soient particulièrement mal loties. Aux thèses célèbres d'A. lardé (925) sur les céréales, de R. Billiard (1913) sur la vigne, n'a succédé que le travail de P. Vigneron (1968) sur le cheval. Tout récemment cependant, elles sont revenues à l'honneur par le biais de l'étude des cadastres 6. 1. Controverse relancée par le regretté Bertrand GILLE (1978), p. 361 sq. et (1980), p. 170-195. B. GILLE, on le sait, couvrait l'ensemble de l'histoire des techniques. Au contraire, The History of Technology, dirigée par C. SINGER (1954-1958), rassemble des auteurs différents selon les périodes et les thèmes. Les synthèses antérieures françaises sont représentées par" Dictionnaire archéologique des techniques (1963-1964), la collection dirigée par M. DAUMAS (1962), et le Manuel de D. FURIA el P. Ch. SERRE (1970), 2. 1, GÉMINARD (1970). 3. R. MARTIN (1965), Y. GARLAN (1974), J.P. ADAM (1981). La présence en France des services du Bureau d'architecture antique n'est pas étrangère aux progrès dans ces domaines, cf. le Courrier du CNRS (1983); tandis que l'archéologie sous-marine a renouvelé nos connaissances en construction navale, P. PoMEY (1984). 4. Ainsi, P. VIDAL·NAQUET (1983), L'artisan, héros secret, p. 308 et bibliographie, n. 104. On peut comparer les deux articles radicalement pessimistes des deux historiens qui ont particulièrement contribué à relancer l'histoire économique grecque en France : E. WILL (1972) et M.I. FIN LEY (1982), à leurs propositions initiales en 1962, durantla deuxième Conférence internationale d'histoire économique (1965). 5. Songeons à l'entreprise du Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, paru de 1877 à 1919, où l'on retrouve les travaux de A. ARDAILLON, R. BILLIARD, M. BESNIER, G. DAREMBERG pour ne citer que quelques noms célèbres. Les dernières recensions sur l'histoire des techniques antiques sont celles de A.W. PLEKET (1973), p. 6·47, et 1, CRACCO RUGGINI (1980), p. 46·66. On sait combien l'école italienne y attache de prix: A. CARANDINI (1979), (1980). Deux synthèses récentes: K.D. WHITE (1984), J.P. OLENSON (1984). 6. CL le rapport de F. FAVORY (1983) au colloque 1980 de Besançon,
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Cette situation est d'autant plus regrettable que d'autres disciplines ont renouvelé en France notre approche de l'histoire des techniques préindustrielles. Parmi les grandes enquêtes lancées par M. Bloch l'histoire de l'alimentation a suscité la publication d'importants résultats. Plus récemment, plusieurs colloques ont eu lieu autour du thème de la conservation des grains, un autre sur l'histoire des techniques et les sources documentaires; à Paris, deux nouvelles revues viennent de se lancer sur l'archéologie industrielle et les rapports entre culture et technologie 7. Dans tous ces domaines les historiens son1 présents, mais ce qui frappe c'est leur dispersion, l'absence de coordination. Il semble que les historiens français soient pris de complexe devant le travail accompli par le Musée des Arts et Traditions populaires et les équipes des ATP, dominé par les ethnologues. Et il est vrai que l'ouverture du Musée en 1971 marque la reconnaissance d'un travail remarquable où la France a su s'imposer par des méthodes originales. Tout au plus pourrait-on lui reprocher un centralisme parisien, parfois dangereux pour la recherche elle-même. Mais le réveil des musées provinciaux pourra servir de support à des équipes locales, si l'Université et les enquêtes de l'Inventaire monumental savent les rejoindre sur le terrain 8. Toutes ces recherches ont renouvelé la problématique dans le domaine des techniques agraires. Bien souvent elles se réfèrent, à titre de comparaison, aux auteurs et techniques de l'Antiquité. Les Agronomes romains, et Pline l'Ancien particulièrement, fournissent les comparaisons obligées et, à travers eux, le recours à l'Antiquité grecque. Or, les traductions des termes techniques posent des problèmes, renvoient à des réalités antiques bien définies. On retrouve ainsi toujours les mêmes exernples, parfois les mêmes erreurs, ce dont on ne saurait s'indigner car la faute en incombe aux antiquistes qui fournissaient peu d'analyses détaillées. La situation a changé en histoire romaine grâce aux travaux de C. Parain, J. André, K. D. White et J. Kolendo en particulier 9, mais le retard reste grand en histoire grecque. c'est en tenant compte de ce contexte bien particulier que nous nous sommes orientée vers les techniques agraires grecques. Nous n'avons voulu faire ni une histoire de l'alimentation ni une histoire de l'agriculture, qui seraient cependant bien utiles. Nous avons voulu commencer par les bases les plus élémentaires des realia : la culture et la transformation des produits, la part des hommes dans. ces processus et leur insertion dans un milieu historique précis. Nous avons choisi de tester deux produits, malgré la difficulté que peut présenter la faiblesse des sources antiques, et nous avons privilégié les céréales et l'huile d'olive. Certes, la vigne complète normalement la trilogie méditerranéenne. Mais la relative abondance de la documentation iconographique et la place privilégiée que la vigne a toujours tenue dans les recherches agronomiques françaises rendent son étude moins urgente. Le travail fourni par R. Billiard reste en grande partie utilisable et les recherches se sont poursuivies sous différents angles 10. Sans doute pensera-t-on qu'il en est de même pour les céréales, et il est vrai que l'étude de A. lardé, la recension de H. Blümner et le travail novateur de L. Moritz demeurent des éléments de base indispensables I l . Mais l'archéologie a apporté depuis beaucoup de nouveautés, plusieurs interprétations de textes ont été renouvelées, ainsi celles de la collection hippocratique, source souvent sous-estimée; enfin aucun des ouvrages cités n'envisage l'ensemble des opérations dans sa chaîne technologique et 7. J .J. HEMARDINQUER (1970), L. STOUFF (1970) ; Annales E. S. C. (1975), p. 402 sq. ; colloque sur Les Techniques de conservation des grains (1979,1981,1983), sur Les Techniques et sources documentaires (1982 et 1984);revueR.A.M.A.G.E., publiée par l'Institut d'Art depuis 1982; Technologie et culture, par la Maison des Sciences de l'Homme (1982). Le titre du colloque « L'histoire des sciences et des techniques doit-elle intéresser les historiens? », tenu à Paris en 1981, était significatif. 8. Cf., pour le domaine agricole, la rencontre des petits Musées, organisée par Ph. JOUTARD en 1982, Causses et Cévennes, n" spécia11983, et la rencontre sur les Musées d'agriculture organisée par F. SIGAUT, à Niort, en 1983. 9. J. ANDR:Ë. (1956) (1981); C. PARAIN (1979); le volume rassemble les articles anciens sur ce sujet; K. D. WHITE (1967)'(1970) (1975) et dans sa synthèse (1984). Voir aussi le récent article de Robert ETIENNE (1981). 10. R. BILLIARD (1913) (1928). Les recherches ont été renouvelées par la découverte archéologique d'implantation de pieds de vigne en Italie: W.F. JASHEMSKI (1979), p. 202, 265; en Chersonèse: V.F. GADJUKEVIC (1971), p. 179 sq. Pour des études nouvelles sur le vin, P. VILLARD (1975). sur l'ivresse en Grèce, A. TCHERNIA (1984), sur le commerce italien. 11. H. BLÜMNER. paru en 1885, réédité en 1912, demeure pour sa recension textuelle irremplaçable. A. JARDÉ (1925), L.A. MORITZ (1958) abordent les questions, le premier sous l'angle économique, le second par un biais purement technologique. L'ouvrage de A. MAURIZIO traduit en 1932 donnait les premières bases d'une étude comparative pour l'histoire de l'alimentation antique; l'équipe de H. A. FORBES s'y est de nouveau intéressée pour la Grèce (1976) (1982).
INTRODUCTION
Il
pour une période précise : diversité des espèces, diversité des modes de mouture, diversité de l'alimentation forment des éléments intrinsèquement liés sur lesquels l'étude comparative apporte des éclairages intéressants. Le rôle des céréales dans la vie des cités grecques a suscité nombre d'études, qui portent sur l'aspect quantitatif. Il paraît important d'ouvrir un rayon sur l'aspect qualitatif de cc problème et les phénomènes qui lui sont liés, en particulier celui de la main-d'œuvre. L'étude de la fabrication de l'huile dans la Grèce antique présente un intérêt tout aussi évident. Nous avons eu l'occasion de souligner que les historiens suivaient en général toujours les mêmes sources. Certes, on ne saurait surestimer sur ce point l'importance de Caton, mais on a eu tendance à surestimer sa postérité: tous les pressoirs romains sont devenus des pressoirs de Caton, et l'on s'est peu interrogé sur l'origine même de ce mode de broyage et de pressurage. Nuus avons montré ailleurs comment la concordance temporelle entre la traduction des Agronomes et les fouilles de Pompéi avait, en France, marqué la problématique de la recherche sur les pressoirs antiques. Le type de pressoir décrit par Héron d'Alexandrie, et remarquablement étudié par A.G. Drachman, a mis longtemps à être pris en compte 12. D'une manière générale, les archéologues avaient privilégié soit le modèle de Caton soit celui de Héron sans chercher de solutions intermédiaires; nous disposons maintenant de recensions typologiques des moulins à huile romains, dont les témoignages sont beaucoup plus nombreux que ceux des moulins à huile grecs 13. Nous espérons que notre travail facilitera sur ce point les recherches en cours: si pauvre que soit la documentation grecque, elle précède dans le temps la documentation romaine. Mais si les sources techniques grecques sont peu nombreuses sur les pressoirs, notre documentation est beaucoup plus riche sur l'huile elle-même et, de même que pour les céréales, procédés de transformation et usages ne peuvent être entièrement dissociés. Or, les usages de l'huile ont été nombreux et divers dans la Grèce antique où ce produit joue un rôle fondamental. Indispensable à l'alimentation et à l'éclairage, l'huile est aussi utilisée dans les soins du corps, au gynécée comme au gymnase, mais aussi comme lubrifiant. Nous avons délibérément restreint l'étude à la fabrication de l'huile d'olive, prépondérante en Grèce; l'huile de graines mériterait à elle seule une étude où interviendrait largement la source égyptienne. Ce choix délibéré, l'étude de deux produits antiques à une période donnée, repose sur une approche méthodologique particulière. Ces recherches font appel aux sources de l'histoire des techniques que nous avions définies en étudiant l'araire archaïque 14 ; aux rares textes techniques s'ajoutent les références littéraires éparses, qui apportent souvent des compléments non négligeables. L'épigraphie permet une approche différente et introduit des termes techniques nouveaux. L'iconographie est limitée, la coroplastie propose une documentation plus abondante que la céramique, qui fournit cependant quelques-unes de nos illustrations les plus précieuses. On regrette que l'archéologie soit si pauvre mais nous verrons qu'il ne faut pas totalement incriminer le manque d'intérêt des chercheurs : certaines techniques ne laissent pas de traces archéologiques. Avant de tenter l'analyse de ce matériel, nous avons cependant fait appel à un autre type de sources, moins utilisées par les antiquistes : la documentation des professionnels. Avant d'essayer d'éclairer les documents antiques, dont rares sont ceux qui avaient une visée technique, il est indispensable de restituer clairement quelles sont les contraintes techniques externes qui pèsent sur les opérations de transformation. Quels que soient les « blocages» techniques dont ont souffert les Anciens, il existe toute une série d'impératifs qu'il faut respecter. Si l'on n'en saisit pas la portée, on s'interdit toute analyse logique du matériel et de sa fonction. En ce qui concerne l'olivier particulièment, même les spécialistes de l'histoire des techniques ne semblent pas toujours avoir saisi la fonction du broyeur par exemple 15. C'est l'ensemble du déroulement des opérations que nous avons voulu rendre dans toute sa complexité et avec toutes ses possibilités. Cependant l'apport des professionnels
12. 13. 14. 15.
M.C. AMOURETTI-(f981) ;AG. DRACHMAN (1931); M.C. AMOURETTl, G. COMET, CI. NEY, J.L. PAILLET (1984). J.C. BRUN (1982) (1985), avec la bibliographie antérieure. M.C. AMOURETTI (1976), (1979). «La première opération consistait à séparer le noyau de la pulpe», B. GILLE (1978), p. 293.
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se limite souvent, comme c'est naturel, aux acquis les plus récents, et il faut remonter dans le temps. Nous faisons nôtre cette définition de H. G. Haudricourt dont les ouvrages nous ont été si précieux Si l'on peut étudier le même objet de différents points de vue, il est par contre sûr qu'il y a un point de vue plus essentiel que les autres, celui qui peut donner les lois de l'apparition et de la transformation de l'objet. Il est clair que pour un objet fabriqué c'est le point de vue humain, de sa fabrication et de son utilisation par les hommes, qui est essentiel, et que si la technologie doit être Une science c'est en tant que science des activités humaines.
Nous ajouterons toutefois que cette science doit être insérée dans des contextes chronologiques précis, c'est en historienne que nous avons voulu aborder ces problèmes. En effet, si les méthodes comparatives nous ont paru essentielles, celles-ci doivent être clairement définies. Nous ne nous sommes pas transformée en ethnologue : lorsque des enquêtes existaient, nous les avons utilisées, nous n'aurions pu les remplacer. Même muni d'un appareil de photo et d'un œil curieux, un historien ne s'improvise pas ethnologue, et l'enquête sur le terrain suppose de longs séjours et une, parfaite connaissance du milieu pour éviter toute interprétation hâtive 16. Et, même si l'ethnologie ne dédaigne pas d'englober l'histoire, les ethnologues qui ont fait équipe avec des historiens savent combien l'approche est différente, mais les échanges demeurent permanents, A l'ethnologue tenté de restituer un passé immobile, sans référence chronologique, l'historien fournit les interrogations indispensables : dans quel contexte social, politique, cette technique a-t-elle évolué, quelles sont les ruptures, les évolutions, les reculs, même dans le temps long? Inversement, le regard des ethnologues est irremplaçable: ils nous apportent en effet le mode d'emploi d'une technique donnée, puisqu'ils la voient fonctionner. Devant l'objet mort de l'archéologue, le mot isolé dans une inscription, le terme réemployé dans un contexte littéraire à résonance multiple, l'objet représenté sur une image dont la destination n'est pas technique, l'éclairage de l'ethnologie est indispensable. Nous avouons pour notre part qu'il nous semble devoir préexister à toute l'archéologie expérimentale, si intéressants qu'en soient les résultats, car il répond à l'insertion d'une technique dans un milieu historique réel 17 • Ces comparaisons nous ont apporté nombre de clefs pour l'étude de l'alimentation, et celle des pressoirs; certes, l'utilisation doit être prudente : l'araire d'Hésiode n'est pas exactement celui de .Corfou bien qu'ils demeurent proches, les meules manuelles ne sont plus utilisées durant le même laps de temps qu'il y a deux mille ans, mais les gestes observés de nos jours, les problèmes posés, l'inventivité manifestée pour les résoudre nous permettent de comprendre certaines questions suscitées par les sources antiques, sans prétendre les résoudre toutes. A cet apport si riche nous avons ajouté, dans le cadre des équipes aixoises, une donnée un peu particulière, celle des textes et de l'iconographie des périodes médiévales et modernes jusqu'au xrxsiècle inclus. En effet, depuis 1972, une équipe pluridisciplinaire travaille à Aix-en- Provence sur la vie matérielle du monde rural. Elle a eu l'occasion d'effectuer de larges recensements iconographiques et bibliographiques sur les techniques agraires méditerranéennes 18. Ce travail en équipe a été pour nous inestimable car il nous a permis de replacer l'histoire des techniques grecques dans une histoire longue des techniques méditerranéennes. Si beaucoup de points d'ordre pratique ont été éclairés, c'est aussi la problématique qui a, de ce fait, évolué. Dans le cadre d'un travail individuel qui ne peut prétendre à l'exhaustivité, nous ne souhaitons qu'apporter des éléments et une façon nouvelle de poser les questions, pour une histoire à poursuivre. C'est pourquoi nous avons délibérément envisagé de suivre nos deux produits essentiellement dans un 16. Interprétations hâtives fréquentes en Grèce où beaucoup d'ethnologues cherchent immédiatement à retrouver un état «antique». Cf. les remarques critiques de A.N. OIKONOMIDES pour la réédition de l'ouvrage de BENT(l966) et celles de S. GEORGOUDI, in La
cuisine du sacrifice en pays grec (1979). 17. Les expériences d'archéologie expérimentale en agriculture sont essentiellement effectuées avec des outils préhistoriques, ainsi en Angleterre, dans la ferme expérimentale de Butser, avec P. REYNOLDS. et au Danemark, autour du Musée d'Agriculture de Copenhague, avec Grith LE RCH. Sur les apports de l'ethnologie à l'archéologie', les rencontres, d'inégale valeur, se sont multipliées récemment en France. Une bonne approche est donnée par J. AURENCHE (1984). 18. M.C. AMOURETTI, H. AMOURIC, G. COMET (982). Cf. aussi la diapothèque constituée sur les techniques agraires méditerranéennes et le numéro spécial de Provence historique. mai-juin 1983.
INTRODUCTION
13
cadre chronologique précis, du VIlle à la fin du Ive siècle av. J .-c. Si les limites de ce cadre sont données par des sources littéraires importantes - celles d'Hésiode et de Théophraste - elles correspondent, à notre avis, à des limites réelles de l'histoire agraire du monde grec, qui ne pourraient évidemment être données sous forme de chronologie absolue. Nous avons voulu traiter en effet seulement le monde grec égéen, les exemples de Grande-Grèce et du Pont n'apparaissant qu'à titre de comparaison, car leur système technique nous a paru différent, leurs rythmes chronologiques décalés. Dans le monde égéen, par contre, une coupure intervient réellement à partir du me siècle av. J.-c. Certes, elle est annoncée par l'évolution du Ive siècle, mais nombre d'innovations apparaissent et se développent entre le Ille et le jer siècle avant notre ère: meules rotatives, moulin à vis en sont deux témoignages importants, mais la herse, le tribulum, semble bien se diffuser à cette époque. La chronologie fine reste à faire, seule l'archéologie pourra l'effectuer. Elle en a les moyens si elle s'y intéresse. Un des objectifs de notre travail aura été en effet aussi de convaincre les archéologues, et en particulier ceux qui travaillent en Grèce, de l'intérêt des trouvailles qui se rapportent aux techniques agraires et à leur évolution. Intérêt pratique parce que, pour certaines périodes, une chronologie assurée rendrait des services probablement plus grands que l'apport de la céramique, mais intérêt pour ces techniques elles-mêmes. Car, contrairement à ce qu'ont pu écrire certains de nos meilleurs historiens 19, les techniques demeurent une donnée fondamentale de l'histoire. Cultures et transformations nous ont donc paru deux chaînons indispensables pour aborder l'histoire des techniques agraires. Les enseignements tirés de ces analyses nous ont permis de poser différemment les problèmes sous-jacents à ce type de recherches: y a-t-il eu progrès en agronomie, quelle est la part de la main-d'œuvre servile, faut-il accepter l'a priori des 'historiens sur le blocage des techniques dans l'Antiquité? Au cours de cette quête patiente au fil des années, notre regard s'est sensiblement modifié sur ces points.
19. E. WILL (1972), dans son manuel, à propos des techniques agraires: «Ceci est banal ct exposé partout», p. 638.
PREMIÈRE PARTIE LES TECHNIQUES DE CULTURE D'HESIODE A THEoPHRASTE
vme-rv- SIECLE AV.J.-C.
CHAPITRE 1 LE MILIEU MEDITERRANEEN
• UN CliMAT ORIGINAL
La contrainte la plus impérative qui s'exerce sur la culture des céréales et sur celle de l'olivier demeure la contrainte climatique; on a même pu confondre la frontière du climat méditerranéen avec celle de l'olivier 1. Un coup d'œil sur les cartes générales du monde méditerranéen fait apparaître l'originalité grecque : avec ses hivers doux et humides, ses étés chauds et secs, la Grèce appartient au régime « strictement méditerranéen », comme disent les géographes français, avec quelques régions de l'Italie du sud et de l'Espagne méridionale, ainsi que de la Tunisie et de la côte palestinienne. On y retrouve les maxima des pluies d'hiver, la longue durée de la saison sèche. Seule la partie nordorientale, Thrace et régions pontiques, connaît un régime des pluies d'automne supérieur au régime des pluies d'hiver. Les conséquences de ces données de base sont importantes pour la culture, la coupure agricole de l'année reste celle de la saison sèche, tandis que les maxima d'automne et d'hiver imposent, pour les céréales comme le blé et l'orge, des semailles d'automne. La faiblesse et l'irrégularité des pluies de printemps, comme la précocité de l'été rendent marginales les semailles de printemps. D'Hésiode à Xénophon nous retrouvons la même préoccupation, l'arrivée de la saison des pluies pour commencer les semailles. C'est avec soin qu'il faut écouter le cri de la grue : « Elle apporte le signal des semailles et annonce la venue de l'hiver pluvieux» 2. « L'automne venu, tout le monde a les yeux tournés vers la divinité : quand va-t-elle faire tomber la pluie et permettre ainsi d'ensemencer la terre ?» 3. Les semailles de printemps sont toujours restées exceptionnelles, comme nous l'indique Théophraste 4, et il est paradoxal de reprocher aux paysans cet attachement, que les agriculteurs contemporains ont conservé: il ne s'agit ni de routine ou d'ignorance mais de données dont ils ont dû tenir compte impérativement dans leurs assolements, comme nous le constaterons plus loin.
1. P. BIROT (1964), p. 68 et 78. 2. Hésiode, O., 438,450. 3." Xénophon, œ«. XVII, 2. 4. Théophraste, H. P., VIII, 1,4.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
• DES VARIÉT~ RÉGIONALES (cartes 1 et 2, p. 29,30)
La chaleur de l'été caractérise toutes les régions grecques, comme le montre la carte des isotherme: de juillet, cependant que les isothermes de janvier décroissent régulièrement du nord au sud. L, moyenne annuelle des températures s'élève ainsi de 13° en Macédoine à 20° en Crète. Mais ce: moyennes masquent des contrastes, particulièrement accentués dès que l'on pénètre à l'intérieur dei terres. Ainsi on a pu relever à Larissa, en 1968, - 22° en janvier et + 47° en août! Sans aller jusqu'à des écarts aussi impressionnants, on relève pour la partie nord (Macédoine, Thrace, Thessalie), de: écarts saisonniers de 20 à 22 degrés s. Enfin les vents ont une influence très différente, selon les régions Le vent du nord-ouest peut apporter la pluie (Cyclades, Eubée, Béotie) ou au contraire la sécheresse (Péloponnèse ). Mais, du point de vue agricole, c'est la répartition des pluies qui retient l'attention. En dehors des montagnes, les isoyètes font apparaître un domaine tempéré, avec plus de 600 mm annuels, et une tendance semi-aride (entre 200 et 600 mm) en Attique, dans quelques îles et certains bassins intérieurs. Mais ces précipitations ne sont pas toutes utilisables au même degré, etles très fortes pluies d'hiver et de printemps sont loin d'être emmagasinées par le sol qu'elles contribuent à lessiver. D'autre part, la durée de la saison sèche, le degré d'aridité tel que P. Birot le calcule, et avec plus de précision parfois les cartes de l'UNESCO, permettent de mieux saisir les potentialités agricoles 6. On a pu ainsi distinguer trois grands types de climats (l'altitude apportant évidemment des correctifs décisifs 7) à l'intérieur desquels on détermine l'indice xérothermique (nombre de jours biologiquement secs) : le climat de montagne (axérique tempéré; subaxérique froid; subméditerranéen) - le climat méditerranéen véritable (chaud et sec; atténué) - le climat méditerranéen mixte (sec; à tendance continentale); mais, à l'intérieur de chacun de ces types, des nuances sont à apporter. Si le climat de montagne connaît des hivers rudes et une saison sèche réduite, les versants occidentaux sont plus arrosés que les versants orientaux, et à altitude égale la chaleur est plus forte selon la latitude; c'est la zone du hêtre et des chênes à feuilles caduques. A l'intérieur du climat méditerranéen véritable il faut distinguer les côtes de la mer Egée, avec lès régions où la saison sèche est particulièrement accentuée (Attique, nord-est du Péloponnèse, est de la Crète, Cyclades méridionales) des côtes ioniennes plus arrosées où l'on trouve la forêt mixte, et des côtes méridionales de l'Asie mineure, plus chaudes. Enfin un certain nombre de régions, rangées sous le vocable climat méditerranéen mixte, subissent soit des influences qui les rapprochent du climat continental (Macédoine, Thessalie, bassins intérieurs) avec des maximas ·de température contrastés, une saison sèche plus réduite, des pluies d'automne plus importantes que les pluies d'hiver; soit, 'dans la région pontique, une pluviosité beaucoup plus grande, sans saison sèche, avec un maximum d'automne . • CLIMAT ETCULTURE
Si le botaniste détermine les différentes associations végétatives propres à chaque climat, l'agronome et le géographe cherchent à inventorier les cultures les mieux adaptées à un climat et un sol donnés. Cela ne va pas sans contradictions, car bien d'autres facteurs influent sur la réussite ou l'échec d'une culture; il convient d'être prudent sur ce point, nous aurons l'occasion d'y revenir s. Cependant, 5. Les ouvrages de base pour les relevés des températures restent ceux de E.G. MARIOLOPOULOS (1925, 1938, 1964). Les cartes de l'atlas de B. KAYSER et K. THOMPSON (1964) peuvent être complétées par celles de E. Y. KOLODNY (1974). Bibliographie complémentaire, P. MAHERAS (1976). Sur les vents, Théophraste, Des vents, et Sign.. 26-38, Aristote, Mëtëor., 2,6. Bonne chronique locale in C. STEPHANOS (1884). 6. P. BIROT (1964), p. 48 et 88; UNESCO (1963) (1970) (1979). 7. Naval Intelligence Division: Greece, vol. 1 (1944), fig. 62, et p. 102; A. PHILIPPSON (1948), p. 83, 91,95, 99; P. BIROT (1964), p.57. 8. Les conseils des géographes changent: J. SION voudrait que l'on améliore la culture du blé en Péloponnèse (1934), p. 569, J.I. DUFAURE voudrait l'éliminer (1976), p. 26 ; voir aussi G. CHAINE (1959), p. 318 sq.
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il est utile de rappeler les liens entre les exigences de la plante et les données climatiques, ne serait-ce que pour éviter des affirmations excessives. Les céréales sont, sur ce point, des plantes opportunistes par excellence, comme le notait un agronome 9. On connaît un peu mieux main tenant leurs besoins aux différents stades, bien que les expériences aient surtout porté en milieu tempéré océanique ou continental 10 . Déjà Théophraste avait reconnu les principaux stades, et il en donne (H. P., VIII, 1,5; II, 6) la progression. Sont ainsi clairement déterminées: la levée et la germination, en 7 jours pour l'orge et le blé; le tallage; puis la montaisonépiaison, période critique; et la maturité d'environ 40 jours, selon lui. De la germination à la récolte, il faut sept mois pour l'orge et un peu plus pour le blé. Ces observations, que confirment les expériences agronomiques contemporaines, ont été fragmentairement reprises par certains agronomes. Ainsi Pline dans le Livre XVIII. Mais, s'inspirant de Théophraste, il n'en donne que des citations tronquées. Ce sont les botanistes de l'époque moderne qui reprendront, à partir de Théophraste, le déroulement des différents stades 11. Les expériences des laboratoires agronomiques permettent d'en préciser maintenant le calendrier.
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(Théophraste, H.P., VIII, 2,4)
(Théophraste, H.P., VIII, 2, 3)
(Théophraste, H.P., VIII, 2, 1)
Figure 1. - La croissance du blé. Phases automnales et hivernales (dessin M. CLÉMENT-GRANDCOURT. J. PRATS, 1971) et correspondances chez Théophraste.
9. G. PERRIN de BRICHAMBAUT et C.C. WALLEN (1964), p. 41. Voir aussi K. THOMSON (964) : « La faculté d'adaptation du blé à des conditions climatiques et pédologiques variées a été largement éprouvée en Grèce». 10. S. PONTAILLER (1966), M. CLÉMENT·GRANDCOUR et Y. PRATS (1971), p. 19 sq. 11. Ainsi G. BAUHIN (1623), R. DODOENS (1574), L. FUCHS (1542). Sur les emprunts à Théophraste, Pline, XVIII, 49·51.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
• Germination et levée Sous l'action de l'eau et de la chaleur, la graine s'humidifie et gonfle, l'enveloppe du grain éclate, apparaissent les radicules et le coléoptile qui englobe la première feuille: lorsque cette tigelle émerge, elle étale les trois ou quatre feuilles qui la composent et verdit. La température est très importante, elle doit être supérieure à 0°. Entre la germination et la levée-tallage, il peut s'écouler de vingt jours à trois mois. • Tallage La tigelle - le rhizome - forme, tout près de la surface, un faisceau de racines plus nombreuses et plus puissantes, tandis que les premières radicules s'atrophient. Ce collet de racines, ainsi que les nœuds voisins lorsqu'ils sont enterrés, émettent des rejetons, les talles. Cette extension, qui peut durer vingt jours, est favorisée par une longue période froide antérieure : la Thessalie, la Béotie sont de ce fait plus favorables que l'Attique par exemple. La résistance aux très grands froids dépend des variétés. • Montaison-épiaison A la fin du tallage herbacé les plantes se redressent, la tige principale commence à s'allonger. La montaison commence quand la température se réchauffe, elle est activée par une humidité suffisante. C'est la période critique en climat méditerranéen. Il faut que les pluies soient suffisantes sans que l'évaporation demeure trop accentuée pour que les tiges s'allongent et que l'épi apparaisse hors de la gaine folliculaire. Dix à quinze jours après le début de la montaison les premiers nœuds naissent à la base de la tige. • Epiaison-floraison L'épiaison correspond au temps d'éclosion de chaque épi hors de sa gaine. Quelques jours après, des étamines apparaissent hors des épillets: c'est la floraison, la croissance des tiges est achevée. Lorsque les étamines sont sorties, la fécondation est déjà réalisée, le nombre de grains est définitif', • Maturation Il faut alors au jeune plant chaleur et lumière pour que s'accumulent les réserves. Le grain passe par trois phases: laiteuse, le grain est vert et contient un liquide blanchâtre riche en amidon; pâteuse, le grain est jaune-vert et s'écrase en formant-une pâte; sèche, le grain est jaune, dur, roulant sous les doigts sans s'écraser; cette période est aussi critique, car le grain craint aussi bien le coup de chaleur précoce - il-sèche avant d'avoir atteint sa taille maximale - que le coup de vent ,:;i peut coucher brusquement lamoisson : échaudage et verse sont des dangers redoutés de tous les agriculteurs. L'arrivée de la saison sèche est toujours surveillée avec inquiétude: trop précoce, elle est dangereuse, trop tardive, elle favorise les maladies contre lesquelles il fut longtemps difficile de se prémunir 12. Si le cycle s'accomplit normalement, il s'étend en Egée de novembre à mai pour l'orge, juin pour les blés. L'altitude décale la date de moisson jusqu'en juillet et même début août dans le nord. Les céréales s'adaptent à toutes les nuances de climat que nous avons définies et montent jusqu'à 800 et 1 000 m, mais les conditions climatiques, sans être rédhibitoires, ne sont pas optimales: hiver doux et été précoce ne favorisent ni le bon tallage ni une maturation régulière.
* Il n'en est pas de mêmepour l'olivier, dont la culture se calque plus rigoureusement sur les données climatiques méditerranéennes. L'olivier est en effet un arbre dont les caractéristiques xérophytiques sont bien marquées: l'importance de son système radiculaire lui permet de résister aux mois d'aridité; 12. M. CL~MENT·GRANDCOURT et 1. PRATS (1971), p. 52; R. BILLIARD (1928). p. 119. Sur les maladies. cf. ci-dessous, chapitre III, p. 68.
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ses feuilles persistantes, d'une durée de vie de trois ans, sont coriaces, à forte cuticule, capables d'emmagasiner pendant les journées ensoleillées de l'hiver et de résister à la transpiration pendant la sécheresse de l'été. III
IV
V
VI
VII
VIII
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X
Critères thermiques de l'olivier Stades de développement Repos végétatif hivernal (risque de gel) Réveil printanier (risque de gel) Zéro de végétation Développement des inflorescences
Températures
Fécondation Arrêt de végétation
35
Risques de brûlure
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5 a C à - 7'C 9 -c à 10 -c -, 14 -c à 15 "C 18'C à 19 -c 21°C a 22 -c
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Figure 2. - Le cycle de l'olivier. (D'après R. LOUSSERT et G. BROUSSE. 1978).
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Le cycle végétatif annuel est un peu particulier: pendant le repos hivernal. de novembre à février, il faut une durée de froid minimale sans laquelle floraison et fructification ne se produisent pas : en région équatoriale, la croissance végétative existe, mais les arbres ne fleurissent pas. Cependant l'arbre ne peut supporter des froids excessifs. En Grèce, des expériences ont montré que le repos hivernal est acquis lorsque les températures de décembre descendent à - 1,3 0 , celles de janvier à - r, ce qui favorise les olivettes de moyenne altitude 13. L'olivier peut supporter des froids de - 12° et _13° au maximum, mais il craint surtout les gelées tardives, les chutes de neige importantes et les froids accompagnés d'humidité. P. Birot limite son extension au nord à l'isotherme de - 8° comme minimum moyen annuel 14 (carte 3).
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Réveil végétatif et floraison : la différenciation des bourgeons s'amorce en mars/avril, mais c'est en avril, mai, ou juin, selon les cas, qu'a lieu la floraison sur le bois de l'année précédente: c'est une période critique, les gelées tardives de mars sont dangereuses, il faut un printemps relativement humide, mais pas trop, et une chaleur suffisante. Le climat océanique est ici défavorable. La maturation va profiter de la chaleur et de la sécheresse de l'été, les fruits vont grossir et emmagasiner de l'huile, les premières récoltes en vert peuvent avoir lieu en septembre, les récoltes d'olives à huile s'étendent de novembre à février, même mars/avril. L'olivier peut supporter moins de 200 mm d'eau, ce qui représente sa limite normale. La sécheresse de l'été, en favorisant la constitution de bourgeons qui porteront des fleurs l'année suivante, facilite sa résistance au froid. On voit qu'une grande partie du domaine grec est favorable à ces exigences climatiques. Un coup d'œil à
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13. R. LOUSSERT et G. BROÙSSE (1978), p. 61 et 168. 14. P. BIROT (1964), p. 79. En fait, la résistance au froid dépend de l'état végétatif de l'arbre, de la rapidité de la chute des températures et des conditions hygrométriques. « Si les basses températures surviennent graduellement, en période de repos végétatif à - 12' ou _13°, les dégâts sont peu importants» : R. LoUSSERT et G. BROUSSE (1968), p. 168. Elle varie aussi suivant les espèces. mais d'un arbre à l'autre la résistance peut changer à l'intérieur d'une même oliveraie, comme on le constate à chaque gelée importante.
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la carte 2 permet de déterminer les régions particuuèrement favorables à indice xérothermique élevé dans le climat méditerranéen véritable. L'arbre est évidemment arrêté par l'altitude (au sud, il monte jusqu'à 800 ml, dans certaines îles, par l'exposition au vent trop violent IS, sur les bords de la Mel Noire dans quelques régions, par trop d'humidité. Au nord sa limite, définie par P. Birot, a étë affinée par les thèses les plus récentes 16. A l'est enfin c'est encore le froid hivernal qui arrête sc progression sur les plateaux anatoliens. La limite régionale a pu ici prêter à discussion, et le pro blème soulevé par X. de Planhol !? doit être élargi : étant donné les conditions climatiques rigou reuses de la culture de l'olivier, les variations de son domaines peuvent-elles nous permettre de déterminer certaines variations climatiques entre l'Antiquité et nos jours?
• LE CLIMAT A-T-IL CHANGE DEPUIS L'ANTIQUITE?
La question a d'abord été posée par les voyageurs du XIXe siècle : le contraste leur paraissait s: grand entre les étendues, désolées et en partie retournées à l'état sauvage, qu'ils parcouraient, et l'image de la richesse antique qu'ils avaient conservée, que seul un changement brutal des conditions extérieures leur semblait fournir une explication suffisante. Des géographes reprirent les hypothèses pour parvenir ~ une théorie, assez vague, d'un déboisement général et d'un asséchement qui aurait conduit vers UnE beaucoup plus grande aridité et une sévère érosion Il!. La réfutation vint des travaux des savants à l'observatoire d'Athènes, Enginitis et Mariolopoulos; le premier montra que la fructification des fruits du dattier correspondait, selon les indications de Théophraste, aux conditions de température actuelles il pousse et fructifie mais ses fruits ne mûrissent pas en Attique où la température moyenne annuelle oscille entre 17 et 18°. le savant grec Mariolopoulos, qui poursuivit les relevés météorologiques qu: servent de base à toutes les études de climatologie sur la Grèce, souligna la faiblesse du réseau hydro graphique dans l'Antiquité, comme de nos jours, et la permanence du phénomène des vents étésiens permanence confirmée par de récentes études 19. Enfm, les indications d'Hésiode et Xénophon confir· ment la permanence des semailles d'automne entre le 20 octobre et le 20 novembre. Ces arguments ont été repris par les géographes et les historiens, qui se sont attachés à réfuter les thèses du changement climatique, jusque vers les années 1960. les historiens en particulier ne pouvaient admettre ce que E. le Roy-Ladurie appellera «l'anthropocentrisme naïf des premiers historiens du climat », et estimaient à juste titre que le déclin de la Grèce n'avait pas besoin de ces explications externes pour se justifier 20. Ajoutons, et nous aurons l'occasion d'y revenir, que les ressources et la mise en valeur de la Grèce antique ont toujours été très faibles : très tôt elle a utilisé les céréales de l'extérieur. Inversement l'évolution de ces cinquante dernières années nous montre une reconquête du terroir agricole, sam changements climatiques notoires; la reprise démographique après l'Indépendance, une politique volontariste ont transformé la plupart des régions. Cependant l'histoire des variations climatiques a été remise à l'ordre du jour ces dernières décennies par E. Le Roy- Ladurie ,et les études se sont multipliées sur la période située entre 1500 et 1850 de notre ère, qualifiée de «petit âge glaciaire» 21. Ces recherches portent en fait sur l'Occident, ne serait-ce que 15. 'Comme le note P. Y. KOLODNY (1874), I, p. 72, pour Caudos, certains versants de Mykonos, l'sara, Phaulégandros, Santorin et Paros. 16. M. SIVIGNON (1975), p. 255. 17. X. de PLANHOL (1954). 18. P. BIROT, II (1956), p. 167. Théorie émise par A. FRAAS en 1847, reprise par E. HUNTINGTON à partir de 1910; bibliographie A. JARD~ (1923), p. 24 sq., PHILIPPSON (1907) (1948), p. 123, MARIOLOPOULOS (1925), E. SEMPLE (1935). 19. É.G. MARIOLOPOULOS (1925. et 1938); E. ENGENITIS (1908). En dernier lieu G. LIVADAS (1974) sur la permanence de! étésiens, P. MAHERAS (1980). 20. A. PHILIPPSON (1948), p. 159-168. A. AYMARD à propos de l'ouvrage de PHILIPPSON, REA, 1951, p. 126-129. E. LE ROY LADURIE (1967), p. 19. W.E. WRIGHT, Antiquity (1968) à propos de celui de R. CARPENTIER (1966). 21. Bibliographie in Annales E.S. C; 1977, mars/avril.
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parce que l'évolution des glaciers n'a pas d'équivalent en Méditerranée orientale, et les dates de vendanges tardives y sont la règle. Or ce sont les principales données utilisées. Les préhistoriens, à leur tour, se sont intéressés aux changements climatiques qui auraient pu correspondre à l'apparition du néolithique. Les recherches avaient été surtout menées au MoyenOrient et en Egypte 22. Les enquêtes palynologiques en Grèce ont été beaucoup plus tardives et restent fragmentaires. On tend maintenant à des analyses plus régionales, les changements constatés aux confms du Sahara ne sont plus transposés systématiquement pour les autres régions. On semble s'accorder sur un léger réchauffement entre 8000 et 6000, et une relative permanence en Egée à l'âge du bronze 23. Enfin, géologues, météorologues et agronomes se sont intéressés ces dernières années à ces problèmes, en particulier dans le cadre du programme de l'UNESCO sur les régions arides 24. Il n'était en effet pas indifférent de savoir si le domaine aride et ses marges risquaient de changer au cours des temps, lorsque l'on voulait envisager de déterminer l'usage des terres dans ces conditions. L'utilisation des satellites a redonné vigueur à ces études. Les géographes ont poursuivi leurs recherches pour élucider quelques problèmes bien précis: ainsi l'ensevelissement des ruines d'Olympie est-il dû à un changement de climat, et à quelle époque 2S ? Un groupe de l'école géographique française a lancé un programme sur les transformations du paysage à l'époque historique sur les côtes nord de la Méditerranée 26. Toutes ces recherches ne se recoupent pas toujours, et autant chacun reste prudent dans les conclusions touchant sa discipline, autant les extrapolations sont osées lorsqu'on aborde les phases supposées de la période historique, il est impossible de rie pas souligner les contradictions. Il faut rappeler que les données historiques, dès lors que l'on n'a pas de longues séries, sont à utiliser avec prudence 27. Nous allons en donner trois exemples avecl'olivier, On a pu faire reposer l'aggravation des conditions climatiques de la fin du premier millénaire av. J.-c. sur la quasi-disparition des lampes à huile des fouilles de l'époque géométrique, soit jusqu'au vue siècle av. J.-c. : indéniablement les gens ont cessé de s'éclairer de cette manière et utilisaient les torches dans les poèmes homériques 28, alors que l'on sait l'importance de ces lampes à l'âge du bronze. En ajoutant qu'Hésiode ne parle pas de l'olivier, peut-on inférer que celui-ci avait disparu? Cette conclusion nous paraît tout à fait exagérée: un certain nombre d'acquisitions techniques et d'habitudes culturelles ont été abandonnées à la période géométrique, mais la Grèce ne s'est pas transformée en désert pour autant. Disparition des lampes à huile ne signifie ni disparition de l'usage de l'huile, encore moins de l'olivier; l'huile est utilisée chez Homère, où l'on trouve référence à l'arbre d'Athéna. Tout au plus nos textes nous permettent-ils d'envisager l'hypothèse d'un équilibre différent entre olivier sauvage et olivier cultivé 29. Que la culture de l'olivier ait régressé après la chute des palais mycéniens qui en faisaient une exploitation si importante, c'est évident; de là à conclure à sa disparition et à en tirer des conséquences sur un possible changement de climat, il y a une conclusion sans rapport avec les prémisses [Test. 2, 10]. Une autre anomalie avait été relevée par les voyageurs du XIXe siècle : la contradiction entre certaines indications de Strabon sur la culture de l'olivier en Anatolie et les conditions climatiques qu'ils constataient à leur époque; les hivers rigoureux l'excluaient alors. X. de Planhol, en reprenant 22. Bibliographie générale in H.E. WRIGHT (1972) et K.W. BUTZER (UNESCO 1961). 23. J. RENFREW (1975), C. RENFREW (1972), p. 268 sq., (1982), p. 96. 24. Le programme a commencé en 1956. La collection comprend plus de 34 titres, nous intéressant particulièrement "Ir cc sujet UNESCO (1961,1963,1965,1970), T. XX, XXI, XXX. 25. En dernier lieu J.J. DUFAURE, B.A.G.F. (1980), n° 433, p. 85 sq., pour qui le site serait resté sec pendant trois millénaires, . les débuts de l'ensevelissement datant de 700 ap. J.-C. 26. Cf. Revue de Géographie physique et de géologie dynamique, janvier! mars 1977; « Colloq ue sur l'évolution des paysages depuis la dernière glaciation sur la rive nord-méditerranéenne », 1980, Bulletin de l'Association des géographes français, n" 466; numéro spécial de Méditerranée, 1983,48,2, consacré à la Grèce. 27. On peut comparer les séries contradictoires de K.W. BUTZER (UNESCO, 1961) et celles de G.G. MISTARDIS (967) ou les affirmations divergentes de M. BABERO - P. QUEZEL et R.S. POMEL, in Méditerranée (1983). 28. Reprise de l'ensemble des arguments par 1. BOARDMAN in J. HUTCHINSON (1967), p. 187 sq. 29. Sur ce point, voir notre chapitre II, p. 42 sq.
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l'ensemble du dossier, concluait à un changement de climat, les hivers auraient été plus cléments du temps de Strabon 30. Cependant cette conclusion doit être nuancée, elle ne serait à prendre en compte que si d'autres éléments venaient la compléter. Prise isolément, que signifie-t-elle ? Que l'on trouve des cultures d'olivier sur les franges du domaine naturel? M. Sivignon a fait la même remarque pour certains coins de Thessalie, les causes en étaient historiques 31. On notera que l'olivier résiste d'autant mieux au froid que l'été est chaud et que l'humidité est moins grande, ces conditions sont d'autant mieux remplies ici que - la carte de l'UNESCO nous le montre - l'aridité pénètre très profondément dans le plateau anatolien; enfin, des oliviers ont été signalés autour du lac de Van 32'. Inversement, les notations de Xénophon lors du périple de l'Anabase nous donnent une image du domaine de l'olivier qui correspond à la nôtre. En particulier, il est intéressant de noter qu'il constate sa disparition dans les zones où il est actuellement exclu par les pluies d'été. C'est un argument qui s'ajoute à ceux d'Enginitis : permanence des températures, des vents étésiens, des dates de semailles, de l'extension de l'olivier prêchent en faveur d'un climat très proche du nôtre. A condition de reconnaître que nous ne pouvons l'affirmer que pour la période qui s'étend du VIlle au Ille siècle av. J.-C., durant laquelle toutes ces références ont été trouvées 33. La profonde pénétration de la mer, la barrière des Balkans confèrent d'ailleurs à la Grèce des caractères originaux dans la circulation barométrique, que la permanence des vents étésiens de juillet à septembre avec leurs prodromes en mai/juin vient confirmer. Il semble bien que le cadre général que nous avons défmi reste le même dans sa répartition saisonnière. Certes, on ne peut pas sous-estimer les variations microrégionales : on s'oriente d'ailleurs de plus en plus vers une analyse régionale tant des variations du niveau marin que de l'analyse des conséquences des secousses sismiques 34. Le problème de la dégradation des sols et des conséquences de l'occupation humaine sur l'évolution climatique ne peut être envisagé que dans un cadre restreint. Nous verrons qu'il est inséparable de l'analyse que nous faisons des techniques agraires. Mais ces variations régionales elles-mêmes mériteraient d'être affmées. En effet, que veut exactement dire climat plus sec? Un total de pluies inférieur? Il n'est réellement important pour nos cultures que s'il tombe moins de 200 mm sur une longue période; ce schéma ne semble envisagé par personne. Alors une répartition des pluies d'automne ou d'hiver plus concentrées, un allongement de la saison sèche? Cela pèserait peu sur l'olivier. Evidemment, des hivers plus froids peuvent changer la frontière de ce dernier; à condition, nous l'avons vu, qu'ils soient plus humides, et surtout que le phénomène se manifeste sur une très longue durée 35. En effet, des variations locales, le climat méditerranéen en connaît constamment: on pourrait même dire que sa caractéristique principale réside dans cette irrégularité.
• L'INSTABILITE DU CLIMAT Cette irrégularité est particulièrement marquée dans le domaine pluviométrique: 172 mm à Naxos en 1898, 542 mm en 1928, soit trois fois plus 823 mm à Pobia (Crète) en 1954,318 mm en 1958 3 6
30. Strabon, XII, 577, 528, 556, 535. X. de PLANHOL (1954), p. 1 sq. 31. M. SIVIGNON (1975), p. 255 sq. 32. M. CLERGET (1938), p. 96. 33. Les recherches sur l'environnement menées dans un cadre régional par des équipes américaines et anglaises recoupent cette conclusion, mais avancent Thypcthèse d'un climat plus humide entre 250 et 1500 ap. L-C. qui expliquerait en partie les terrasses d'Olympie. Cf. r.i, BINTLIFF.in F.W. CARTER (1977), p. 77. 34. P. PIRRAZOLI (1976) (1980) et r.i, BINTLIFF (1977). 35. B. BOUSQUET et P. Y. PÉCHOUX ont parfois tendance à extrapoler les indications historiques (1980, 1), p. 33-45. R.S. POMEL, Méditerranée (1983), fait une analyse d'un microclimat à Santorin, p. 27, que l'on ne saurait non plus extrapoler. 36. E. Y. KOLODNY (1974); P. BURGEL (1965), p. 2.
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et ces exemples pourraient être multipliés. Les sautes de' températures sont aussi fréquentes: un hiver trop doux et la floraison hâtive est à la merci d'un coup de froid ou d'un violent coup de vent du sud. Il est rare qu'une récolte échappe successivement à tous les dangers qui la guettent, a souligné F. Braudel dans des pages célèbres 37, tandis que tout le poème d'Hésiode est sous le signe de cette précarité: malgré le travail accompli, jamais on ne peut être sûr que la récolte sera suffisante et que les jarres seront remplies 38. Cette inquiétude, constante pour les céréales, est une donnée permanente de la culture de l'olivier : rien n'est plus irrégulier que la récolte des olives, même en tenant compte des productivités bisannuelles; il n'est que de consulter les rapports actuels pour s'en convaincre 39. Cette instabilité joue au niveau des microclimats. Théophraste avait déjà noté (CP, V, 14, 2) qu'aux environs de Larissa des drainages, en changeant le degré d'humidité, avaient accentué la rigueur des gels néfastes aux oliviers. Une étude attentive après un gel rigoureux permet d'ailleurs de voir que, dans un même champ, certains arbres sont touchés et d'autres échappent, en fonction de leur position. A quelques kilomètres près, une oliveraie sera ravagée, une autre intacte. Ainsi l'incertitude des récoltes est une donnée permanente de l'agriculteur grec, et c'est le ciel qui est d'abord responsable de ces variations. Cette irrégularité ne doit jamais être oubliée lorsque l'on porte des jugements péjoratifs sur la technique agraire des anciens (ou des modernes). C'est bien souvent avec des préjugés de climat tempéré, de sols limoneux que l'on propose des remèdes. Pourquoi étendre la culture des céréales sur des terres aux rendements faibles, mélanger arbres et céréales, ne pas spécialiser, pourquoi de si faibles rendements? Pourquoi si peu d'investissements? Tous ces progrès supposent de grands risques, car de gros investissements à la merci d'une bourrasque, d'un coup de chaleur, d'une gelée précoce, ce sont des paris que même de grands propriétaires hésitent à faire, et il ne faut pas s'étonner que l'on ait gardé les recettes éprouvées; il faut s'interroger au contraire' lorsque des changements interviennent. Le climat permet donc une culture étendue des céréales et de l'olivier, mais avec des risques constants, les aptitudes des sols interviennent bien évidemment comme autre composante.
• LES SOLS GRECS ET L'EXTENSION DES CULTURES Nous constatons ici aussi que nos deux cultures ne sont pas très exigeantes. • OliVIERS ET ESPACEMENT DES CULTURES
L'olivier adapte son système racinaire à la profondeur du sol en fonction des réserves d'eau. En sol profond très perméable, il peut résister à une pluviométrie qui ne dépasse pas 200 mm, les sols sablonneux sont favorables en zone semi-aride, les sols lourds, limoneux, argileux peu perméables ne permettent un développement correct qu'avec une pluviométrie relativement élevée (+ 700 mm). D'autre part, l'olivier se contente de terrains pauvres ou même dégradés à condition qu'il puisse développer ses racines. Il s'accommode des teneurs très variables en azote en cours d'année, caractéristiques des terres méditerranéennes. Il préfère les sols légèrement alcalins et supporte des teneurs élevées en calcaires actifs; là encore, ce sont des conditions qui le rendent particulièrement bien adapté aux sols grecs. Seuls les terrains marécageux et les nappes phréatiques lui sont répulsifs 40. Les correctifs apportés 37. F. BRAUDEL (1966), p. 223. 38. Hésiode, O., 475. 39. Ainsi in L'Olivier, fév. 1979, p. 7; M.C. AMOURETTI, G. COMET (1985), p. 122 sq. 40. R. LOUSSERT et G:BROUSSE (1978), p. 172 sq. pour les précisions agronomiques les plus récentes. On trouvera les référence .. traditionnelles des textes anciens dans les articles de A.S. PEASE (1937), «Olbaum », R.E., XVII(2), col. 1990 ct sq. et M. BESNIER (1907), «Oleum», D.A., IV, l, p. 162.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
par les sols à l'extension climatique de l'aire de l'olivier sont donc faibles, mais les caractéristiques que nous venons de défmir obligent à insister sur l'importance de l'espacement, qui défmit l'individualité de chaque oliveraie : • En sol peu profond, on aura de grands espacements, jusqu'à 24 x 24 m entre chaque arbre, soit 17 arbres à l'hectare, disposition indispensable au développement latéral des racines. • En sol perméable, avec une pluviométrie dépassant 700 mm, on peut avoir un écartement de 6 à 8 m et des densités de 200 à 250 arbres à l'hectare, ce qui paraît le maximum en culture sèche méditerranéenne (certes, avec une forte irrigation de mai à octobre on peut atteindre des densités plus élevées de 300 à 500 arbres, mais il faut des conditions pédologiques excellentes et des variétés bien choisies) 41 (tableau XII, p. 291). La diversité des espacements proposés par les anciens est donc à considérer avec attention; il ne s'agit pas pour eux de moyennes, mais de propositions précises, en fonction du terrain. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner des larges espacements de la Numidie et de l'Égypte par rapport aux faibles espacements avancés par Caton, ces derniers correspondent à des conditions pédologiques et climatiques favorables. Mais, à la suite de Théophraste, tous les agronomes anciens, suivis par les commentateurs, lient l'espacement des oliviers et la présence de cultures intercalaires: dans un terrain qui ne porte pas de blé ils proposent de resserrer les oliviers 42. En fait, nous venons de le voir, l'espacement sur le plan agronomique est lié aux conditions pédologiques et climatiques. Plus le sol est pauvre avec une pluviométrie faible, plus l'espacement est important, que l'on tente ou non une culture de céréales intercalaires. C'est pourquoi, dans ce cas, la solution du champ complanté, des oliviers en bordure de route n'est pas absurde sur le plan agronomique. Par contre, dans de bonnes conditions avec des densités possibles de 200 arbres à l'hectare, la concurrence est forte avec les céréales, et souvent la solution adoptée est la culture mixte, que stigmatisent les agronomes du XVIIIe et du xrx- siècle et les géographes du xxe siècle 43; l'écartement est alors légèrement accentué. Les oliveraies compactes qui se développent en Grèce depuis ces dernières années 44 ont existé en Campanie, mais probablement assez peu en Grèce antique : les bonnes terres à oliviers faisant de moyennes terres à céréales, on a souvent difficilement renoncé à ces dernières. • LES TERRES A BU
Certes, les vraies terres à blé, permettant de hauts rendements, sont plus exigeantes: les céréales demandent des terres de limon argile-siliceuses et argilo-calcaires; leur structure stable, leur perméabilité et leur réaction voisine de la neutralité les rendent favorables au développement d'une culture, qui reste. sensible aux composantes chimiques. Le blé a besoin d'azote et de phosphore, et la carence du premier influe sur la croissance, tandis que' la carence du second entraîne des chutes de rendement 45. La seule vraie terre à blé de Grèce est la Thessalie. Elle l'était déjà dans l'Antiquité 46, et elle a retrouvé sa vocation après la période d'occupation turque dominée par les éleveurs; multipliant ses rendements, elle estpassée de 15 à 25 quintaux à l'hectare entre 1950 et 1970 4 7 • Actuellement la 41. P. LOUSSERT et G. BROUSSE (1978), p. 178 et 182. 42. Columelle, V, 9. 43. G. BURGEL (1965); p. 49. 44. Tableaux et cartes récentes in E. Y. KOLODNY (1974), p. 88, et carte B6, qui souligne qu'à l'heure actuelle les arbres peuvent être dispersés parmi les vignobles, lentisques, caroubiers, amandiers, et estime l'association avec les céréales préjudiciable à l'olivier. En 1969, il Y avait 96.703.000 oliviers dont 80 % en plantations compactes (chapitre repris des Actes du colloque de 1972). Malgré la difficulté de recenser exactement le nombre des oliviers (cf. G. BURGEL (1965 J, p. 46), les plantations semblaient progresser régulièrement. Le mouvement s'est arrêté à l'heure actuelle. 45. M. CLÉMENT-GRANCOURT et J. PRATS (1971), p. 57 sq.; K. THOMSON (1964), carte 10. 46. Théophraste, H.P::VlII, 7, 4; 10. Xénophon, Hell., V, 4,56; VI, l, II. P. GARNSEY. T. GALLAND, D. RATHBONE (1984), p. 30-45, qui soulignent cependant l'irrégularité des récoltes: la région peut être déficitaire. 47. J.J. DUFAURE (1976), p. 20. M. SIVIGNON (1968) (1975) et in C. W. CARTER (1977), p. 378-400.
LE MILIEU MEDITERRANEEN
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Macédoine est devenue la seconde terre à blé, mais il s'agit d'une évolution récente postérieure à la guerre de 1914 : de gros travaux d'assainissement et de drainage ont été effectués pour faciliter l'accueil des populations transférées de la zone turque. Les conditions n'étaient pas les mêmes dans l'Antiquité, la mer pénétrait plus profondément, mais la côte était plus salubre. La plaine de Krénidès est ainsi transformée en plaine à céréales au Ive siècle av. J.-C. 48. Les terres fertiles, considérées comme terres à céréales, sont énumérées au livre 1 de Thucydide: «La Thessalie, la Béotie, la majeure partie du Péloponnèse, l'Arcadie mise à part» 49. En ce qui concerne l'Asie Mineure, on doit indiquer une partie des bassins de l'Ionie chantée par Hérodote et la Cilicie dont s'émerveille Xénophon 50. La fertilité des îles est plus rarement soulignée, à juste titre. Cependant Lemnos a des blés d'un bon poids et la richesse de Mélos est encore admirée au XVIIe siècle par Pitton de Tournefort; Lesbos produit une excellente farine; dans la petite île de Chalkia on peut faire plusieurs récoltes successives; Samos et Thasos ont .quelques références élogieuses SI. Mais il s'agit de références à de petites plaines ou bassins fertiles, plus qu'à l'ensemble de l'île, plus souvent c'est la stérilité et l'aspect pierreux qui sont rappelés, ainsi à Égine, Délos, Mykonos, Icaria 52 .•. On a récemment montré que l'Eubée n'était pas le grenier à blé que l'on imaginait à partir d'une interprétation fausse d'une phrase de Thucydide 53. Dans l'ensemble, les terres à blé ne sont pas très importantes. Faut-il en déduire que la Grèce ne peut utiliser que 18 % de sa superficie en cultures et qu'il en était de même dans l'Antiquité, comme on l'écrit couramment 54 ? • L'ESPACE CULTIVÉ (carte 4)
En fait, si l'on reporte sur une carte les terres à céréales, si l'on élimine les hauteurs de plus de 2 000 m et les terres gagnées par alluvionnement ou drainage depuis l'Antiquité, on constate qu'il reste un domaine non négligeable des piémonts et des collines où les conditions sont médiocres mais non exclusives pour la culture. Naturellement, il ne s'agit pas de surfaces cultivées en continu, garrigues et maquis y tiennent une large place. Mais, nous le constatons encore sur place dans quelques régions, un champ de blé ou d'orge, des oliviers et caroubiers s'accrochent sur un terrain dépierré que nous jugerions totalement improductif. Culture extensive à faible rendement dont il ne faut pas tenir compte? Si on la compare aux rendements procurés par les champs de tabac, .les cultures irriguées d'agrumes ou de tomates, certes. On semble oublier que tous ces produits d'introduction récente ne pouvaient évidemment pas être les éléments d'un choix dans l'Antiquité. Le choix grec a été celui d'une culture sèche intensive, dont nous verrons les modalités, plus originales qu'on ne le croit, associée à des cultures arbustives, le problème étant pour eux l'équilibre entre les deux, dans un terroir souvent défavorable. A l'époque classique, la tendance poussera à l'extension de ce terroir même dans des terrains médiocres: l'île de Rhénée fournit blé et vin à Délos, des céréales de printemps sont utilisées à Naxos; Andros et Péparéthos sont des producteurs d'huile. Des régions maintenant abandonnées témoignent encore par une bâtisse ou une ferme d'une exploitation qui nous paraît étonnante 55. Ce sont en fait de petites exploitations qui jouent sur la diversité, céréales, légumineuses, cultures 48. Théophraste, CiP; 5, 14,6. Sur les transformations postérieures à 1914,1. ANCEL (1930), p. 106 sq, 49. Thucydide, l, 2. Ajouter sur la Béotie Théophraste, VIII, 2, 2 et 4, 5; Messénie: Euripide, fr. 1068; Strabon. VIII, 5. 6; ArgoIide : Iliade, XV, 372; Sicyone: Athénée, V, 219. 50. Hérodote, l, 142; Xénophon, Anab., 1,2,22. 51. Lemnos: Théophraste, c.P., IV, 9, 6; Lesbos: Archestratos, apud Athénée, III; Chalkia : Théophraste, H.P., VIII, 2, 9; Mélos: . PITTON de TOURNEFORT (1717); Samos: Diodore, V, 81 ; Chios : Hymne à Apollon, V, 38. Cf. notre carte 6, p. 48. 52. Sur l'aridité d'Égine, Strabon, X, 5, XIII; Andros : Hérodote, VIII, 2; Mykonos: Athénée, l, 7; Icaria : Strabon. X. V, 13; Délos: Pindare, Isthme, l, 3, 4; Callimaque, Hymne, IV, 11,12. 53. O. PICARD (1979), p. 338. 54. A la suite de A. PHILIPPSON (1894). p. 537-538; J. SION (1934), p. 569; A. JARDt (1924), p. 79. 55. Ainsi beaucoup de tours et de bâtiments ct des installations agricoles ont été reconnues en Attique. en Argolide, en MégariJe ou dans les îles sur des lieux maintenant incultes. La prospection systématiq ue commence à Thasos, elle a été poursuivie à Melos sur la longue durée, C. RENFREW (1982).
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
arbustives, et on retrouve quelques rares exemples de ces types d'associations culturales, ainsi à Amorgos qui vendait encore du grain en excédent au XVIIe siècle 56. Si dans l'Antiquité on a utilisé plus largement que maintenant des terrains médiocres, on a aussi à certaines époques tenté de reconquérir des terres par drainage. De ce point de vue, le Ive siècle constitue une période très active. Nous savons par Théophraste (V, 14 et 15) - et les textes antérieurs nous le confirment - que plusieurs grands travaux ont été entrepris au milieu du Ive siècle, la plupart sous l'impulsion de Philippe II de Macédoine. C'est le cas dans la plaine de Philippe, l'ancienne Krénidès, dans celle de Pella. Nous avons vu plus haut que la région de Larissa en Thessalie avait aussi connu des drainages qui avaient affecté son climat. Une inscription d'Érétrie nous fournit pour la même époque une proposition de bail pour drainer un marais. Même si ce dernier contrat n'a pas été rempli,' ce texte nous prouve que cette période a vu des efforts plus systématiques pour gagner sur les terres d'alluvionnement récent 57, certaines très probablement pour les céréales, d'autres pour des pâturages. Cependant ces conquêtes ne pouvaient que demeurer limitées et les Grecs ont dû chercher avant tout à s'adapter à des conditions relativement peu favorables.
* Cette adaptation, bien particulière, aux données naturelles, fait évidemment intervenir d'autres facteurs que les impératifs du temps et du sol dans les choix culturaux. Ce sont ces facteurs qui vont nous préoccuper désormais. Mais il ne faut jamais oublier, dans les jugements implicites ou explicites portés sur les techniques agraires des Anciens, les données incontournables du milieu. Même de nos jours, le milieu méditerranéen reste, de fait, très mal maîtrisé par l'homme sur le plan agronomique et ses possibilités limitées, parce que précaires, malgré quelques réussites spectaculaires.
56. C. CONNEL (1980) pour la période actuelle. J. PITTON de TOURNEFORT 1 (1717), p. 285. 57. l/G, n" IX, Erétrie ; on sait aussi par Strabon (IX, 18) que, sous le règne d'Alexandre, un ingénieur fut chargé de nettoyer les émissaires du lac Copais dont une partie avait été transformée en pâturages antérieurement.
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Climat méditerranéen
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Carte 2. - Climats et durée de la saison sèche. Carte M. BÛRÊLY, d'après la carte bioclimatique de l'UNESCO, 1963.
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LE MILIEU MeDITERRANEEN
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
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cultures de type méditerranéen terres cultivables pacages et prairies forêts etterres non cultivables
Carte 4. - Occupation du sol. A) Variations historiques de la plaine de Pella (F.W. CARTER, 1977). B) Grands domaines actuels (carte M. BORÉLY).
CHAPITRE II LES ESPÈCES ET LEUR DIFFUSION
• LES CEREALES Lorsque nous nous tournons vers les textes antiques pour essayer de déterminer quelles étaient les espèces cultivées à l'époque archaïque et classique, la première impression est décourageante 1. Beaucoup de textes tiennent compte soit des particularités de la culture, soit des qualités nutritives. On a ainsi des variétés géographiques qu'il paraît presque impossible de faire coïncider avec nos anciennes variétés (il n'est naturellement pas possible de les faire coïncider avec nos variétés hybrides actuelles 2). Les céréales que nous étudions sont des plantes monocotylédones appartenant à la famille des graminacées. Nous laisserons de côté le riz, l'avoine et le seigle; connus dans l'Antiquité, ils n'ont joué aucun rôle réel dans le monde égéen à l'époque qui nous concerne 3. Trois genres principaux nous intéressent parmi ces céréales : le blé, triticum, l'orge, hordeum, et le millet, setarica et panicum. Ces genres correspondent à ceux que les botanistes depuis le xv le siècle avaient distingués, à la suite de Théophraste 4 [Test. 1.2]. Cependant la classification des variétés s'est affinée au xxs siècle avec la découverte des gènes et des chromosomes, même s'il faut rester prudent dans l'interprétation des résultats fournis par les palynologistes 5. Mais les préoccupations des historiens des techniques diffèrent de celles des botanistes et se rapprochent plutôt de celles des agronomes : les intéressent dans une espèce, et surtout dans ses variétés, les besoins (eau, température, sol), mais aussi les performances (rapidité de la maturation, résistance aux intempéries et aux maladies, productivité, facilité de battage, bonne conservation). Les usagers, surtout quand ils sont eux-mêmes producteurs, sont sensibles aux qualités du grain et de la paille en fonction des besoins à satisfaire. Les classifications varient donc en fonction de ces critères, qu'il s'agisse d'auteurs antiques, médiévaux ou modernes. 1. A. JARDÉ (1924), p. 4 sq. A. MAURIZIO (1932), p. 373. Selon Pline (H.N., XVIII, XIX, 8), ~ les espèces de blé ne sont pas les mêmes partout et là où elles sont les mêmes elles ne portent pas toujours le même nom». Même remarque chez O. de SERRES (1600), édit. 1804, t. 1. p. 134, 135. 2. M. CLÉMENT-GRANCOURT, J. PRATS (1971), p. 86. Cependant G. HEUZE (1896-97) avec des tableaux plus larges permet certains recoupements. 3. L'avoine, {3PO/.lOç, a été reconnue dans quelques sites préhistoriques: M.J. RENFREW (1973), p. 83. Elle est connue comme une plante sauvage par Théophraste (H.P., 8, 9, 2). Le seigle n'apparaît dans les fouilles qu'en Anatolie à l'époque romaine. La plus ancienne citation est celle de Pline (XVIII, 16). Le riz, opv~a, est décrit par Théophraste comme une plante des Indes (H.P., 4, 5), il avait été évoqué (sans nom) pour la même région par Hérodote comme un gros millet (111, 100). 4. Ainsi L. FUCHS (1542), R. DODOENS (1616) considèrent Théophraste comme le «père des botanistes». Il distingue plantes sauvages et cultivées, organes constitutifs et organes transitoires. Voir ci-dessous, chap. X. 5. Sur cette prudence à observer, voir les remarques de R. DENNEL (1978), p. 22 sq., suivi par R. TREUIL (1983), p. 382.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
C'est chez Théophraste que l'on trouve les seules réelles tentatives de type botanique, mais sans tableau général. Dioscoride nous fournit un premier herbier, destiné aux usages médicaux. C'est aussi comme usagers qu'Hippocrate et Galien s'intéressent aux qualités des céréales, essentiellement sur le plan nutritif. Le principal agronome reste Columelle, dont le Livre II est pour notre propos un témoignage précieux. Quant à Pline, dont le Livre XVIII reste la source privilégiée des historiens de l'agriculture, il est difficile à utiliser. Sur les céréales, il mêle constamment les différents types de classification en mettant bout à bout des extraits, plus ou moins bien compris, des auteurs qu'il utilise. Cependant, certaines indications lui sont propres, et on ne peut lui dénier des remarques personnelles ; elles concernent surtout l'Italie 6. Pour la Grèce, il ajoute peu à Théophraste, sinon quelques citations sur des régions. Les autres auteurs, même lorsqu'ils envisagent directement l'agriculture, comme Hésiode ou Xénophon, ne se sont pas intéressés aux espèces de céréales, et c'est indirectement qu'une allusion peut nous éclairer. Ces allusions prouvent que les Grecs distinguaient parfaitement les grands genres de céréales, et les sources littéraires sont plus riches sur ce point que les seules sources techniques n'auraient pu nous le faire penser. Quant aux sources archéologiques, l'orientation actuelle est un peu particulière. C'est en effet la préhistoire qui a focalisé toutes les recherches, avec une question qui rassemblait naturalistes et préhistoriens: d'où viennent les céréales, quand sont-elles apparues dans le monde? Après les travaux de A. de Candolle au XIXe siècle et Vavilov après la première guerre mondiale, les recherches ont été systématiquement reprises en Orient avec l'aide des archéologues. On voulait préciser les lieux géographiques où apparaissaient espèces sauvages et espèces cultivées, et en fixer la chronologie. Des progrès considérables ont été effectués avec les expériences de Jarmo. Sur ce site, les fouilles, commencées en 1948, se sont poursuivies jusqu'à nos jours avec une collaboration internationale de naturalistes et de préhistoriens. Elles ont montré la coexistence de formes sauvages et cultivées en Syrie dès 6000 av. J.-C. et la très grande variété des espèces sur un même site 7. La Grèce n'a pas bénéficié d'expériences aussi poussées, et on dispose de peu d'analyses palynologiques. Cependant les fouilles de sites préhistoriques ont été multipliées depuis la dernière guerre, et une première synthèse des résultats a été tentée par J. Renfrew 8 pour l'Europe et l'Asie occidentale et C. Renfrew pour l'âge du bronze en Grèce 9. Elles nous montrent qu'en Grèce aussi les premières espèces ont été plus diverses qu'on n'aurait pu le penser. Malheureusement, ces progrès des recherches préhistoriques n'ont pas encore suscité un intérêt équivalent chez les chercheurs des époques postérieures. D'autant plus que l'identification des grains, souvent carbonisés, est beaucoup plus délicate qu'on ne le pense habituellement : les laboratoires susceptibles de la faire demeurent extrêmement rares, et les spécialistes mettent en garde contre bon nombre d'interprétations anciennes et même récentes 10, au point que dans sa thèse sur le néolithique et le bronze ancien en Égée, R. Treuil renonce même à utiliser les classifications botaniques 11. Cependant, si les résultats analysés doivent être maniés avec prudence, il nous sernb-. utile d'en faire état car ils permettent d'esquisser une problématique. Nous avons donc confronté les résultats des fouilles préhistoriques aux acquis apportés par l'étude des textes de l'époque archaïque et classique. Cette confrontation nous a permis d'affmer un certain nombre des hypothèses présentées par A. Jardé et complétées par les travaux de N. Jasny (encore trop peu connus des chercheurs français) 12 et de proposer quelques conclusions personnelles. Tous les problèmes ne sont pas résolus et ne pourront l'être : le vocabulaire demeure, comme toujours dans l'agriculture ancienne, terriblement imprécis; le même mot· désigne des céréales différentes, ou des 6. Voir sur ce point la défense de M.H. LE BONNIEC, in Congrès Guillaume Budé (1948), p. 84. 7. Rétrospective et bibliographie sur les origines de la culture des céréales in G.A. WRIGHT (1971), p. 447 sq. B. M.J. REN FREW, Palaeoethnobotany, the Prehistoric Food Plants of the Near East and Europe, Londres, Methuen, 1973, p. 7 sq, 9. C. RENFREW, The Emergence of Civilization, Londres, 1972. 10. Cf. n. 5. Sur la génétique de la domestication des céréales, J. PERNES (1983). 11. R. TREUIL (1983), p. 382, n. 31. H.N. JAR MAN (1972), in E.S. HIGGS, Papers, p. 15, 16, insiste à juste titre sur les ambiguïtés de la notion de plantes sauvages et cultivées. Sans rejeter totalement les hypothèses actuelles, il insiste sur les recherches à poursuivre dans d'autres régions que celles considérées comme le berceau naturel des céréales. 12. N. JASNY, The Wheat of CiassicalAntlquity, Baltimore, 1944.
LES ESPÈCES ET LEUR DIFFUSION
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céréales se trouvant à des stades différents de transformation ; ainsi aï TOC:, qu'il vaudrait mieux traduire par grain, peut désigner aussi bien le blé que l'orge, et 1fVPoC: peut concerner aussi bien le blé nu en général, le blé vêtu débarrassé de sa balle, qu'un type précis de blé nu 13 (cf. notre tableau l, Test., p. 282).
Figure 3. - Anatomie d'un épillet de blé tendre. L'épi est composé d'articles rachidiens disposés en quinconce et portant, chacun, un seul épillet (à gauche}. La dissection d'un épillet montre qu'il contient plusieurs graines (au milieu). La disposition des articles rachidiens est plus évidente de profil (à droite). Chez certaines variétés, il n'y a pas de barbe à l'extrémité des glumelles.
Rappelons que les céréales vêtues sont celles dont le rachis fragile se brise .au battage, une partie de l'enveloppe restant attachée au grain plus ou moins fortement, ce qui nécessite des opérations complémentaires avant la mouture, tandis que dans les espèces à grain nu' le rachis résistant permet l'éviction du grain dès le battage, D'autre part, la teneur en gluten et en amidon varie suivant les espèces. Or, la force des farines - la tenue et le gonflement de la pâte - est liée à la richesse en gluten. Par contre, la proportion du son qui reste dans la farine dépend des modes de mouture et de blutage, quelle que soit la proportion d'origine. Enfm, la teneur en eau dépend, certes, des espèces, mais bien plus des conditions climatiques. Elle varie, parfois considérablement, sur un même grain, ce qui doit nous rendre très prudents sur le poids des grains 14. Naturellement, céréales d'hiver et céréales de printemps ne sont pas des variétés, comme Columelle l'avait bien compris, à la différence de Pline 15, et toutes peuvent en principe être semées suivant les saisons. Cependant, certaines variétés réussissent mieux mais, pour la Grèce en général, les exemples de céréales de printemps sont mineurs, dans l'Antiquité comme de nos jours, car le climat, nous l'avons vu, ne s'y prête guère 16. 13. Cf. A. ANDRÉ (1925), p. 2 sq., .et HEICHELHEIM, article « L
(TOO> ,
in R.E., sup. VI, 1934; col. 819-892; N. JASNY (1944),
p.6 sq. 14. R. LEGENDRE (1935), p. 10 sq., rappelle que le grain des céréales n'est pas une marchandise définie de poids constant. Le taux d'humidité peut varier de 5 % à 21 %, faisant varier le poids total. Un échantillon de blé de 100 gr récolté à Biskra, expédié à Alger et laissé quelques jours à l'air, augmente de 3 à 4 gr; entre Paris et Londres, il augmente de 7 à 8 gr. 15. Columelle, R.R., II, IX : «Neque enim est ullum, sicut multi crediderunt natura trimestre semen : quippe idem jactum automno melius respondet», Ce qui entraîne l'indignation de Pline (XVlIl, XII, 70). 16. La principale source est Théophraste qui cite l'Achaïe (H.P., VIII, 4,4), l'Eubée (VIII, 4. 4), Lernnos (CP., IV, 9, 6). la Thrace. Enfin, Pline, H.N., XVIII, 7, 70 (cf. notre carte 6, p. 48).
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
• LES BUS vtTUS
La distinction blés nus / blés vêtus intéresse particulièrement l'agronome et l'historien des techniques. En effet, dans les blés vêtus l'enveloppe reste avec le grain. Cette particularité conditionnera en partie les procédés de mouture. Ces caractères étaient clairement définis par Théophraste qui appelle ces espèces 1TOÀ.VÀ01rot 17. La Grèce préhistorique connaît deux groupes de blés vêtus : l'engrain (Triticum monococcum) qui contient un seul grain par épillet, et l'amidonnier iTriticum dicoccum). On sait que I'engrain sauvage se rencontre. encore en Anatolie, tandis que l'amidonnier prédomine au Moyen Orient. Ces deux espèces - souvent confondues au début avec l'épeautre, dont les traces ne sont pas assurées en Grèce - ont une bonne résistance aux maladies, en particulier à la rouille. Des expériences ont montré qu'elles se moissonnaient très facilement: en une heure on pouvait obtenir le repas d'une famille 18. La plante sauvage a d'ailleurs un rachis encore plus fragile que la plante cultivée, une partie de la récolte est souvent emportée par le vent avant la moisson 19. Les expériences de Jarmo ont prouvé qu'espèces sauvages et cultivées coexistent sur ce site au VIle millénaire. Au Vie millénaire, seul apparaît sur les sites environnants l'amidonnier sous sa forme cultivée 20. En Grèce, dès le néolithique ancien, engrain et amidonnier sont présents. Ils restent dominants au bronze ancien sans que l'une des espèces semble l'emporter sur l'autre. L'engrain sous sa forme sauvage est peut-être autochtone, l'amidonnier aurait été introduit à partir de l'Orient 21. Ces deux espèces, bien adaptées au climat de la Méditerranée orientale, ont besoin de beaucoup d'eau au départ mais de moins d'humidité au printemps. On les conserve et on les sème avec leur balle. L'amidonnier est un peu plus facile à décortiquer que l'engrain. Leur goût était apprécié, et l'on sait combien Pline célèbre le far comme le grain par excellence des Anciens 22. Les blés vêtus gardaient de l'importance en Méditerranée au Ive siècle av. J .-c. et Théophraste les énumère souvent sur le même pied que l'orge. C'étaient les céréales prédominantes en Égypte et en Thrace par exemple 23. Mais en Grèce même elles étaient devenues des céréales marginales, bien connues des voyageurs qui en notent la présence 24. Cette évolution est perceptible à la fois par les textes et par les fouilles archéologiques; engrain et amidonnier sont identifiés le premier avec la ri'Pf/, le second avec les termes de ~€t(i et oÀvpa (le terme de ~€tci pouvant aussi désigner l'ensemble des blés vêtus). Ils sont distingués très clairement des autres céréales dès Homère 2S. En fait, leur culture n'a pas reculé devant celle du blé nu, mais devant celle de l'orge dès l'âge du bronze. Le cas de la Grèce est intéressant car il est original. La céréale ancienne et vénérable des Hellènes ce n'est pas le far, mais l'orge. • L'ORGE
L'orge passait aux yeux des anciens Grecs pour une plante indigène 26, et cette tradition repose peut-être sur une réalité. Toutes les espèces d'orge semblent issues d'un même ancêtre, Hordeum spontaneum, que l'onretrouve à l'état sauvage actuellement de l'est de la Méditerranée à l'Afghanistan 17. Théophraste, c:r; IV, 6, 3. Pline, H.N., XVIII, II, 112. 18. J. HARLAN (1967) pour engrain et amidonnier sauvage: en trois semaines une famille engrange pour son année (p. 197). 19. M. FELDMAN et E. SEARS (1980) montrent, photo L, les épillets dispersés en Palestine du Nord, p. 80; pour eux la zone où serait apparu le type cultivé de l'espèce est le sud- ouest du croissant fertile (p. 83).' 20. H. HELBAECK (1960). 21. J.M. RENFREW (1973), p. 45. 22. Pline, H.N., XVIII, 7. 23. Théophraste, H.P., ï, 1; cf. les remarques de N. JASNY (1944), p. 117 sq. et W. VAN ZEIST (1969), in P.J. UCKO, p. 35 sq. 24. Hérodote, Il, 36; Xénophon, An., V, 4, 25, à Pergame à basse époque. . 25. Od., IV, 604; Il., V, 196; VIII, 564. Sur l'utilisation tardive du mot oÀvpa en Égypte ptolémaïque avec le sens de sorgho, cf. H. CADELL (1970), p. 71. Maison ne peut accepter ce type de traduction pour les références d'Hérodote, l'amidonnier est encore dominant. Même pour l'époque hellénistique, l'argumentation de H. CadeU n'est pas vraiment convaincante: eUe pense que les paysans ne pouvaient faire la différence botanique entre deux espèces de blé, mais les différences entre blé nu, blé vêtu et orge sont immédiates pour l'utilisateur, en particulier pour les boulangers. Il nous semble que le mot a dû glisser de sens à basse époque au moment où la culture de l'amidonnier régresse pour disparaître presque totalement au Bas-Empire. 26. Platon, Ménéx., 23, 7 e.
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(carte 5), et certains chercheurs pensent qu'elle pourrait être 'Originaire aussi d'Égée. Les premières formes cultivées sont des formes à deux rangs, nues et vêtues, qui apparaissent dès le néolithique ancien 27. L'orge à six rangs (Hordeum vu/gare L.) se rencontre en Grèce dès la fm du Vie millénaire dans le sud, et devient pèu à peu prééminente, aussi bien dans les sites du sud que dans ceux du nord, à l'âge du bronze 28. Les caractéristiques végétatives de l'orge ont malheureusement été moins bien étudiées que celles du blé par les agronomes modernes 29. Une fois soulignée la rapidité plus grande de son cycle (130 à 150 jours), ce qui permet une récolte en avril ou mai particulièrement utile pour la soudure, on peut marquer sa sensibilité à la verse, sa résistance à la nielle, du fait de sa paille plus molle, l'échaudage se produit aussi plus précocement. Ses besoins sont surtout importants dans le début de son développement; céréale d'hiver dans la Grèce antique, elle a besoin 'des fortes pluies de cette saison, ce n'est que très exceptionnellement qu'elle a pu être cultivée au printemps 30. Ses racines se contentent de terres minces et caillouteuses à condition qu'elles aient été bien travaillées, point fondamental sur lequel insistent tous les agronomes, de l'Antiquité à nos jours. La plante est tolérante au calcium, et l'azote est un facteur de rendement de moindre importance que pour le blé. Mais il faut un minimum d'apport de phosphore en début de cycle 31. On le voit, l'orge est bien adaptée au climat et au sol égéens, et on constate la permanence de sa culture, en particulier dans les Iles à travers l'époque moderne jusqu'à l'époque contemporaine 32. L'orge connaît deux grandes variétés: Hordeum vu/gare L. à six rangs, et Hordeum disticum L. à deux rangs; dans chacune existent des sous-groupes, à grains nus ou vêtus. Bien que toutes les espèces aient le même nombre de chromosomes (14), leurs relations génétiques sont moins bien établies que celles du blé, La principale représentante de YHordeum vu/gare, l'orge commune, est l'escourgeon, orge d'hiver à grains vêtus, ou orge carrée: dans les six rangs qu'elle présente, il y en a deux qui se confondent avec les autres, et l'épi ne présente que quatre arêtes 33. On a reconnu aussi comme sous-groupes l'Hordeum hexasticum à six angles distincts, et l'Hordeum nudum ou Hordeum cœleste L. à grains nus. La préhistoire connaît toutes ces variétés, cependant l'orge vêtue semble l'emporter peu à peu sur l'orge nue. De même l'Hordeum vu/gare l'emporte sur l'Hordeum disticum. Columelle distingue clairement les deux, en précisant que l'Hordeum disticum peut être semée au printemps 34. Qu'en était-il à l'époque classique? Le seul texte qui puisse nous donner quelques indications est celui de Théophraste, les autres auteurs grecs désignant l'orge sous le nom général, "pd,it. Les premières mentions écrites de l'époque mycénienne permettent de reconnaître l'idéogramme, et le mot Ki-ri-ta qui est le Kpd,it des textes homériques et des Hymnes. Les Grecs de l'époque classique différenciaient le blé nu, les blés vêtus et l'orge, mais ne semblaient pas remarquer de caractères distinctifs entre les variétés d'orge cultivées en Grèce. Ceci a amené beaucoup de spécialistes à conclure que, vu les caractéristiques de culture et de mouture, il s'agissait essentiellement d'orge vêtue du type de l'escourgeon d'hiver décrit par les auteurs du xvm- et xrxe siècles 35. Elle est restée la variété la plus cultivée jusqu'à nos époques dans les pays méditerranéens, qui l'utilisaient pour la nourriture (des hommes et des bêtes) et non pour la bière. 27. R. TREUIL (1983), p. 378. 28. A Myrtos comme en Thessalie, à Sitagroi. C. RENFREW (1972), p. 280, et P. WARREN (1968), p. 316. Cependant, à Troie V le blé reste dominant. 29. Comme le remarquent M. CLÉMENT, G. GRANCOURT ,p. 244; cf. cependant C. V. GAROLA (1896), p. 435 sq. 30. Théophraste, c.P., IV, 9, 1. Les orges de printemps peuvent pousser en soixante à soixante-dix jours. 31. C.V. GAROLA (1909), p. 454; G. HEUZE (896), t. II, p. 87; M. CLÉMENT-GRANCOURT (1971), p. 270 sq.: ROZIER (1784), p. 148. 32. L'orge occupait en 1961 5 % de la surface totale cultivée en Grèce, et Il % de celle des céréales. Elle est cultivée là où on Ile fait ni maïs ni avoine (B. KAYZER [1964), carte 30). Son importance a été notée au Colloque sur les régions arides (UNESCO, 1964), p. 67. Elle était déjà remarquée par les voyageurs du XVIIe ct du XVIIIe siècle. . 33. A ne pas confondre avec ïHordeum tetrasticum, sous-groupe abandonné maintenant. A l'époque actuelle, les paysans appellent escourgeons toutes les orges d'hiver (à deux et six rangs), mais au XIxe siècle et antérieurement on distinguait clairement l'escourgeon ou orge commune tHordeum vulgare) et la paumelle tHordeum disticumï, meilleure pour la brasserie. On voit que les problèmes de vocabulaire ne sont pas plus résolus à l'époque moderne que dans l'Antiquité. Le résumé de A. L. GUYOT (1942), dépassé, est inutilisable. 34. Columelle, Il, 9. Il distingue en fait l'orge galate, disticum, semée de préférence en mars, de l'orge hexasticum ou cantharicum, qui est pour lui une orge nue et la plus répandue (en Espagne? en Italie). 35. Ainsi dans le Dictionnaire très répand u de l'abbé ROZIER (1784), article « Orge».
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Cependant, tel n'était pas l'avis de A. Jardé, qui affirme : «Il faut en conclure que les espèces les plus cultivées en Grèce étaient des orges nues ... et l'on peut se demander si les Grecs en ont connu d'autres» 36. Nous savons par les fouilles préhistoriques qu'ils en ont connu d'autres, mais l'affirmation de A. Jardé repose sur le texte de Théophraste (H. P. VIII, 4, 1) repris par Pline. Elle a été repoussée par N. Jasny et Moritz, ce dernier déclarant même que l'orge est la céréale vêtue «par excellence» 37. Ces derniers auteurs appuient leurs affirmations sur l'étude technique de la mouture, et concluent qu'on ne peut se fier à Théophraste. En fait, on ne peut se fier à Pline quand il traduit Théophraste, mais une étude plus attentive de Théophraste jointe à une comparaison avec les analyses des agronomes du xrxs siècle permet de lever la contradiction. En effet, si l'on prend l'ensemble du texte et non la phrase isolée telle que Pline nous la transmet, on obtient un résultat différent. Au lieu de l'expression qui semble défmitive «le blé a plusieurs enveloppes, l'orge est très nue» 38, on constate que dans son passage [Test. 1.1] Théophraste compare l'orge aux blés vêtus et non à l'ensemble des blés. En effet, la comparaison est absurde si elle concerne les blés nus, contradiction qui n'a pas embarrassé Pline. Il faut reconnaître que Théophraste est subtil, mais c'est que le problème n'est pas facile et il cherche à noter les différences entre les différentes classes ('Y€v€a) et puis les distinctions qu'il faut effectuer à l'intérieur d'une même classe (OIlO'Y€v7]C;). Ainsi, ce que veut dire là Théophraste c'est que par rapport aux blés vêtus l'orge se sème nue; elle est particulièrement nue. Et c'est exact. Comme nous le rappellent les agronomes du xix» siècle, l'orge commune, vêtue, se bat sur l'aire, se dépique dans le Midi, facilement lorsqu'elle est bien mûre. Elle ne garde qu'une légère enveloppe, et surtout les barbes qui ne partiront qu'après passage à la meule et blutage, ou grillage. Mais ces opérations sont beaucoup moins difficiles que pour l'amidonnier et l'engrain, et plus tard l'épeautre. Enfin, l'amidonnier et l'engrain sont les seuls qui se conservent en épis, d'où la référence à la semence 39. Théophraste sait aussi qu'il y a plusieurs variétés d'orge, et que le nombre maximal de rangs est six. Cependant, à l'intérieur même de ces variétés, il ne donne qu'une vue rapide et Columelle est plus clair 40. Selon nous, l'Antiquité classique connaît donc plusieurs variétés d'orge, nue et vêtue, mais la variété dominante serait la plus proche de l'orge commune du monde moderne, l'escourgeon, Hordeum vulgare L. à grain vêtu et à six rangs (planche 1). Le second point sur lequel nous voudrions insister c'est l'importance de la culture de cette céréale, qui reste prédominante selon nous en Grèce aux ve et Ive siècles. C. Renfrew, par une analyse des trouvailles de l'âge du bronze, a montré qu'en Grèce l'orge remplaçait peu à peu les céréales à grains vêtus, et que cette évolution était achevée au bronze récent 41. La découverte des tablettes du linéaire B nous confirme son importance. Une étude attentive des quelques références classiques connues nous montre la répartition de sa culture dans un très grand nombre de régions de Grèce et d'Asie mineure. On sait par l'inscription d'Eleusis de 328 42 que c'était à cette époque la céréale prédominante parfois à 90 % en Attique. Mais s'agit-il encore d'une culture destinée à l'alimentation des ~Jmmes ? ou estelle devenue uniquement la ressource du bétail pour laquelle sa balle est appréciée? Les Grecs sontils encore des «mangeurs d'orge» par rapport aux Romains comme ils l'étaient à l'époque archaïque? «Le pain d'orge dont usaient les Anciens a été condamné par le progrès» écrit Pline, et la traduction française accentue l'idéologie inconsciente: la progression du pain blanc serait le symbole du progrès 43. Mais si, indéniablement, les Romains méprisaient le pain d'orge et après eux les Grecs cultivés des époques tardives, il n'en était rien pour l'époque classique. L'orge était la nourriture traditionnelle 36. A. JARDÉ (1925), p. 8. 37. L.A. MORITZ (1958), p. 147; J. ANDRÉ (1981), p. 50. 38. Pline, XVIII, X, 61. 39. L'ébarbage de l'orge après battage est encore pratiqué au début du xx e siècle. GAROLA (1909), p. 530; G. HEUZE (1896), 1. Il, p. 87. 40: Selon Théophraste, lesdifférentes variétés ont deux, trois, quatre et cinq rangs, alors que Columelle distingue clairement entre orges à deux rangs et orges à six rangs. Théophraste, H.P., VIII, 4,2; Columelle, R.R.. IX. Cf. l'article de ORTH (1910), R.E., VII, «Gerste», col. 1281. 41. C. RENFREW (1972), p. 275. 42. L'analyse la plus complète de cette inscription IG II' , 1672 reste celle de A. JARDÉ (1925), p. 36 sq. 43. Pline, XVIII, XV, 74. Traduction Le BONNIEC (1972).
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des Spartiates, on le sait, mais elle reste une composante fondamentale de la nourriture athénienne, comme nous le verrons ci-dessous au chapitre V, à égalité avec le blé, et la qualité de sa farine y était même renommée 44; les fragments plus dispersés de Xénophon nous la montrent largement utilisée en Asie mineure 45. L'erreur vient de ce que l'on a pensé trop longtemps aux pains d'orge, pour lesquels cette céréale employée seule est mal adaptée. On a cru trop vite à une élimination de l'orge comme nourriture en utilisant soit des textes tardifs, soit Aristophane 46. Mais on n'a pas pris garde que les plaisanteries d'Aristophane, dans le contexte de la guerre du Péloponnèse devaient être interprétées très différemment : toutes les allusions aux mangeurs d'orge visent les Spartiates, elles ne peuvent être que négatives; en fait les Grecs utilisent orge et blé, et ceci est attesté depuis Homère et largement confirmé par les textes classiques 47 et les inscriptions. Mais, aux ye et rvs siècles, il ne faut pas comparer pain d'orge et pain de blé. Le premier est en effet de qualité inférieure et lève moins bien. Les Grecs utilisaient l'orge sous forme d'aÀI,OLTa et de J.l(ï~a, préparations à base de farine précuite dont nous verrons la composition ci-dessous (ch. V et Test. 5.6.8). Nous arrivons donc à la conclusion que ce qui caractérise l'alimentation céréalière de la Grèce à l'époque classique c'est l'utilisation conjointe de l'orge et du blé nu dans leurs cultures et leur alimentation, à l'exception des Spartiates, dont l'alimentation restait par tradition majoritairement dominée par l'orge. Peut-on fixer plus précisément l'introduction du blé nu et le détail des espèces? • LE BLÉNU
Les trouvailles de blé nu sont moins importantes à l'époque néolithique que celles de blé vêtu ou d'orge; cependant on le voit apparaître très tôt, tout comme en Orient. On le trouve à Knossos, en Thessalie, dans les Balkans dès le néolithique 48. Dans presque tous les cas, il s'agit du groupe hcxaploîde, Triticum aestivum et Triticum compactum, donc du blé tendre, notre froment, que l'on retrouve pour l'Italie de Pline sous le terme de siligo. Or, en Grèce, actuellement, comme sur l'ensemble de la Méditerranée orientale, la variété prédominante est le blé dur, dont les caractères peuvent se retrouver dans certaines descriptions de Pline sous le terme triticum; les grains sont de forme allongée et pointue, à cassure vitreuse, aux balles longues et aiguës, à la paille fine, pleine ou mi-pleine, toujours barbus. Si l'on a discuté de la présence de blé poulard, Triticum turgidum, tous les historiens du xxv siècle s'accordent pour faire du blé dur, Triticum durum, l'espèce de blé nu utilisé en Grèce 49. Mais nous cernons plus mal son arrivée, et l'on avait pu, à tort, la reporter à une époque tardive 50. C'est une espèce qui a des besoins assez proches de ceux de l'amidonnier, dont elle dérive, avec de fortes pluies au début de végétation, mais qui supporte des printemps plus secs et résiste bien aux coups de chaleur. Mutant du Triticum dicoccum, il serait donc originaire des mêmes lieux SI. Cependant, le blé tendre, qui deviendra prédominant en Italie, existe aussi. Les variétés cultivées au printemps étaient probablement du blé tendre 52. 44. Théophraste, H.P., vnr, 2. 45, Xénophon, An., YI, 6,1; IY, 8, 23; IY, 2,1. 46. D.A. AMYX (1945), p. 269; A. JARDÉ (1925), p. 124; R.J. FORBES, Ill, p. 97, contre N. JASNY (1950), p. 230, suivi p~r W.K. PRITCHETT (1956), p. 185. 47. Il., Xl, 67. Premier relevé de citations dans ce sens, in S. ISAGER, M.H. HANSEN 11975), p. 18 sq., puis M.C. AMOUH.ETTI (1979), p. 64, 1. GALLO (1983), p. 450. 48. C. RENFREW (1972), p. 280; EYANS BSA (1968), p. 339; R. TREUIL (1983), p. 379. Selon R. TREUIL (1983), le blé dur apparaît à Servia au néolithique moyen (p. 379). 49. A. JARDÉ (1"925), p. 10; N. JASNY (1944), p. 53; L.A. MORITZ (l958), p. XXIII. 50. L'origine génétique du blé dur reste encore très discutée. HUTCHINSON (1965), p. 75, On n'avait jusqu'ici retrouvé qu'un scu] grain dans l'Égypte gréco-romaine, et sur la foi des analyses du botaniste du XVIe siècle DOnOENS, on le pensait tardit HELBAECK l'aurait peut-être reconnu à Beyce Sultan. Cependant, les informations restent peu claires: 1. RENFREW (1973), p. 45. Mais les réccntcv découvertes de Knossos confirment sa présence très tôt: BeH. 1981, p. 870. 51. Selon W. YAN ZEIST, in HUTCHINSON (1977), p. 37. 52. M. YOIGT, Rein. Mus. (1876), p. 1055 sq. Il est impossible de trouver des correspondances aux variétés localcv dunt parle Théophraste, H,P., vm, 4,3; c.e, Ill, 21, 2.
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Il est malheureusement difficile de faire un tableau précis des régions qui cultivaient du blé nu en Grèce puisque, nous l'avons vu, le terme OLTOC;, souvent utilisé, peut désigner soit le blé, soit l'orge, soit les deux. Cependant, nous avons regroupé sur la carte les quelques indications que l'on peut recenser pour cette période. Nous nous trouvons donc, comme dans le cas de l'orge, devant le problème de la concurrence des céréales (carte 6, p. 46). Avant de l'aborder, il nous faut cependant rappeler l'existence d'une céréale qui a pu jouer, en Grèce, un rôle moins marginal qu'on ne semble le penser, le millet. • LE MILLET (planche 2)
Il existait deux sortes de millet dans le monde grec antique, et le vocabulaire prête parfois à confusion. Le millet commun (broncorn millet des Anglais), Panicum miliaceum, est le "ErXPOC; des Grecs, tandis que le millet à grappe ou le millet des oiseaux, Setarica italica, est le JlfÀ.ivn, ËÀ.UJlOC;, le panicum des Latins. Le terme de sorgho doit être réservé au miglio indiano qui n'est pas cultivé ici. Les origines du Panicum miliaceum sont mal connues. On ne le voit apparaître que vers 3000 av. J.-c. en Mésopotamie, alors qu'il est connu en Chine dès le néolithique. Le Setarica italica est moins fréquent. On les trouve tous les deux cependant dans des sites de l'âge du bronze et parfois du néolithique. Ils ne sont jamais majoritaires 53. En fait, il s'agit d'une culture d'été, comme le note très précisément Hésiode 54; le millet commun, semé en mai, mûrit en août. Certes, les Athéniens le méprisent, comme le rappelle un texte de Démosthène, mais il est cultivé en Laconie, en Thrace, sur les bords de la Mer Noire, et Xénophon s'émerveille des riches moissons de Cilicie 55. Il ne faudrait donc pas le considérer uniquement comme un substitut au pain en temps de crise, mais plutôt comme un complément dans certaines régions, complément qui sert de culture dérobée 56 (cf. ci-dessous, p. 56). Il est bien connu des Grecs qui en notent la culture quand ils le rencontrent dans leurs voyages. Lorsqu'Hérodote veut évoquer le riz comme une plante extraordinaire des Indes, il parle d'un millet aux grains de très grande taille, et Théophraste lui réserve une place honorable. Sans jouer un rôle aussi important qu'en Italie, il est donc loin d'être abandonné, et l'importance du vocabulaire dérivé de "€'YXPoc; nous le confirme; c'est d'ailleurs le millet commun qui passe pour la plante la plus résistante 57. Mais le panic (JlfÀ.ivn) reste, du temps de Pline, la nourriture préférée des populations du Pont 58. Les deux termes apparaissent dans l'inscription des Hermocopides, témoignant d'une certaine utilisation à Athènes même 59. • LA COMPLÉMENTARITÉ DES CÉRÉALES
Nous sommes donc frappés, au terme de cette analyse, par la variété des céréales u •ilisées conjointement à l'époque classique, dans le bassin égéen grec. Un texte de Xénophon dans L'Economique nous confirme que cette pratique est habituelle. Lorsqu'il veut trouver une idée du désordre, il prend la comparaison d'un cultivateur «qui verserait pêle-rnële de l'orge, du froment, des légumes secs, ensuite, chaque fois qu'il lui faudrait galettes, pain ou plats de légumes, il devrait les trier au lieu de les trouver séparés à l'avance» 60. L'usage de céréales multiples est d'ailleurs encore recommandé par les agronomes du XIXe siècle et il correspond au désir de limiter les risques en cas de maladies ou d'accidents climatiques, mais aussi à celui d'étaler les récoltes dans le temps afm de prévenir au maximum 53. J.M. RENFREW (1973), p. 99. Sur le vocabulaire, cf. J. ANDRÉ (1956), et A. CARNOY (1959). 54. Sc.• 398.
55. pémosthène. VIII, Chers., 100-101; Hérodote. III. 117; Sophocle, frg. 534; Xénophon, An., 1,2.21; II. 4,13. 56. Là durée de végétation du panic (cinq mois) est un peu plus longue que celle du millet commun. mais il est plus productif. GAROLA (1909), p. 478. 57. Théophraste, H.P.. 1. 11, 2; 8. 1, 1; 8. 1,4; 8, 2, 6; 8, 3,2-4; 8. 7,3; Galien, De alim. fac .. 1,15.3. Selon Athénée. il sert à faire de la bière, X. 447, d. En général, ORTH. R.E., VIII', 1955-1956, Hirse. 58. Pline, XVIII. 101. 59. SEC. XIIl. 13.1. 138-139; commentaire in W. KENDRICK PRITCHETT (1956), p. 186, 191. 60. Xénophon, œ«. VIIl. 9 1Test. 4.4 J.
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la disette. A l'époque préhistorique, ces mélanges étaient beaucoup plus grands et un même champ comprenait plusieurs céréales 61. Une certaine spécialisation s'est peu à peu effectuée dès l'âge du bronze et peut-être même dès le néolithique, selon les régions. Ainsi en Grèce l'orge et le blé nu avec un peu de millet restent les dominantes à l'époque classique, tandis qu'en Égypte c'est à l'amidonnier que l'on peut joindre l'orge. Enfm, en Italie c'est le blé nu, notre froment, qui remplace l'amidonnier à l'époque archaïque, tandis que le millet garde une place complémentaire. Mais ces habitudes, si précieuses en régime d'autarcie, sont d'autant plus marquées en Grèce que ces régions ne sont pas à dominantes exportatrices. C'est probablement une des raisons qui explique la permanence de la culture de l'orge à côté de celle du blé depuis l'âge du bronze. Nous aurons l'occasion de revenir sur cette question plus tard, car d'autres données interviennent, évidemment. Nous avons voulu souligner avec force qu'il ne faut pas comparer la situation de la Grèce du v e et du Ive siècles avec celle de Rome au temps de Pline. Il ne s'agit pas de concurrence des céréales mais de complémentarité, tant dans la culture que dans l'alimentation, avec des formes régionales variées, et cette complémentarité est une donnée de base du développement des céréales dans le bassin égéen .
• L'OLIVIER (planches 3 et 4) Il est difficile de remonter aux origines de la culture de l'olivier, car elle a suscité moins d'intérêt et de recherches précises que celle des céréales 62. Certains points restent encore en discussion tant parmi les naturalistes que parmi les préhistoriens. L'olivier appartient à la famille des Oléacées qui fait partie - avec le lilas, le troène, le jasmin, le frêne - des Ligustrales, caractérisées par des fleurs hermaphrodites régulières, à pétales soudés, à deux étamines, à deux ovules par loge. Ce sont des plantes Iigneuses à feuilles opposées, certaines à fruits secs (frêne, jasmin), d'autres à fruits charnus. Le genre Olea comprend trente espèces différentes, réparties sur les cinq continents. Seul nous intéresse l'Olea Europaea L. On peut distinguer plusieurs sous-espèces, dont les relations génétiques restent discutées 63.
Olea Europaea L. Euromediterranea
série O/easter (de Cand.) : Oléastre (= O. Europaea a L.) série Sativa (de Cand.) : Olivier cultivé (= O. Europaea b L.)
Laperrini
Va. Typica Va. Cyrenaica Va. Mairena
L'Olea Europaea L. Laperrini se rencontre actuellement à l'état sauvage en bordure du Sahara jusqu'à 2700 m d'altitude. Les séries Oleaster et Sativa se trouvent sur tout le pourtour de la Méditerranée, à l'intérieur des limites climatiques que nous avons définies ci-dessus. Il est actuellement impossible pour la Grèce de déterminer si l'oléastre est antérieur ou non à l'olivier cultivé, et nous ne 61. La faiblesse des rachis entraînait la disp.crsion précoce des céréales; il nc s'agissait pas d'une volonté délibérée; le mélange dans un même champ de semailles d'origines différentes (le méteil de l'ancienne France, le ulli-yoaÀtç de la Grèce contemporaine) ne semble pas avoir été pratiqué. La complémentarité des céréales, blé, orge, maïs, à travers les nomes actuels sc poursuit. Cf. les cartes de B. KAYSER (1964) et pour la Thessalie les analyses précises de M. SIVIGNON (1977) ct P. GARNSEY (1984). 62. On trouvera cependant chez quelques botanistes méridionaux des remarques intéressantes. Ainsi BERNARD (1783), pl. 1; J. (P.) TOURNEFORT (1717), p_ 821. Récemment, ce sont les travaux, souvent contestés, de A. CHEVALLIER (1948) qui ont réveillé l'intérêt. Un résumé en est donné par R. LOUSSERT - G. BROUSSE (1978), p. 48. Sur la place de l'olivier en Grèce, cf. TU RRIL (951), p.449. 63. HEHN-SCHRADER (1911), p. 102 sq.; A. de CANDOLLE (1925), p. 222 sq.; R. LOUSSERT -G. BROUSSE (\978), p. 48; A. CHEVALLIER (1948).
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
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chercherons pas à trancher sur ce point. Il faut remarquer que c'est une des plantes caractéristiques de l'association végétale appelée «oleolentiscenum » dont on peut tracer les contours sur tout le pourtour méditerranéen (carte 7). Si les plus anciennes traces, par charbons et pollens, attestent l'existence de l'Olea europaea L. en bordure du Sahara dès le XIIe millénaire av. J.-c. 64, on ne possédait pas jusqu'ici de témoignages aussi anciens pour la Méditerranée orientale. En Palestine et Syrie, la présence de noyaux est attestée dès le me millénaire, mais la culture pourrait remonter au Ive millénaire 65. En Grèce, c'est au Ille millénaire que nous avons des traces de pollens et des noyaux. Mais beaucoup d'anciennes fouilles ne s'intéressaient pas à ces problèmes, et nos documents sont rares. Ils devraient se multiplier avec le développement des études palynologiques 66. La présence d'Olea europaea L. est maintenant attestée par des empreintes fossiles de feuilles à Santorin, les premières connues en Grèce, datées de 37000 ans av. J.-c., cependant elles manquent dans beaucoup de séquences anciennes de diagrammes polliniques avant le bronze moyen 67. A cette époque, c'est finalement la documentation archéologique prouvant la fabrication de l'huile qui atteste du développement de la culture, en Crète et dans les îles, puis sur le continent. Au bronze récent, il est indéniable que l'exploitation de l'olivier pour l'huile recoupe le domaine climatique sud-méditerranéen qui lui est le plus favorable, avec une place particulièrement importante pour la Crète 68. S'agit-il à cette époque d'oléastres, d'oliviers cultivés, ou des deux formes? L'apparition des premiers textes écrits avec les tablettes du linéaire B nous autorise à poser le problème pour le xm- siècle. Mais il faut d'abord clairement définir les caractéristiques des deux séries.
noy.u .•.
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coupe longitudinale du fruit
coupe transversale du fruit Rameau fructifère d'olivier, réduit au tiers
Figure 4. - L'olivier et l'olive.
64. G. CAMPS (1974), p. 51 et 90. 65. En dernier lieu K.M. JENYON, p. 194, in HUTCHINSON (1977). 66. J. RENFREW (1973), p. 133; J.L. BINTLIFF (1977), p. 194. M.J. RENFREW a pu analyser des noyaux d'olives à Myrtes, Iolkos, A9siki, Salamis de Chypre. Des olives ont été signalées dans les fouilles de Phaestos, Zacro, Haghia-Triada, Palaikastro, Knossos. 67'~.L. FRIEDRICH (1980), p. 116 sq., et fig. 7, 8. Cependant Friedrich reste très prudent sur l'origine de l'arbre à la période postpléistocène et ne pense pas pouvoir affirmer au vu des seuls fossiles son autochtonie, soulignant les séquences plus tardives en Macédoine et Béotie (p. 285). _ 68. Les relevés des témoignages archéologiques ont donné lieu à des interprétations légèrement différentes sur l'importance des différentes régions. Si l'ancienneté de la culture et de la fabrication en Crète a été confirmée par les découvertes de Myrto, P. WARREN (1972), p. 255, les analyses de W. RICHTER (1968), qui continuaient à minimiser la production du continent (p. 136), semblent infirmées par les résultats des recherches en Messénie. Cf. C. REN FREW (1972), p. 287; 1. 1. BINTLI FF (1977), p. 71, p. 104.
LES ESPÈCES ET LEUR DIFFUSION
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• L'OUASTRE (carte 3, p. 31)
Car si les origines sont encore discutées, les différences entre les deux arbres n'avaient échappé ni aux Anciens ni aux Modernes. Théophraste choisit même cet exemple comme un des plus probants pour montrer les distinctions entre une plante sauvage et une plante cultivée 69. L'O/ea europaea L. Sativa, l'olivier cultivé, est un arbre' qui peut atteindre jusqu'à 10 m de hauteur, à l'écorce grise, au feuillage gris argent. Les feuilles sont oblongues, lancéolées, vert cendre au-dessus, blanc soyeux en dessous, rétrécies en un pétale court. Tandis que l'oléastre, O/ea europaea L. Oleaster, est un arbuste très rameux et épineux à branches quadrangulaires, à feuilles très petites. Il pousse dans la garrigue, les lieux rocailleux; il résiste mieux aux tempêtes. Ses' fruits, petits, produisent peu d'huile et leur goût est acerbe. Cependant les Anciens vantent l'excellence de son bois, préféré à celui de l'olivier cultivé 70. Un olivier abandonné peut parfois donner l'illusion d'un olivier sauvage, et un oléastre taillé change quelque peu d'aspect. Il est intéressant de noter que Théophraste avait parfaitement posé ces problèmes, que les botanistes n'ont pas encore vraiment résolus. Ainsi l'on peut fmalement rencontrer: a) Un oléastre non entretenu, dont on peut cueillir les fruits, petits et produisant peu d'huile. b) Un oléastre taillé, ou mieux un plant transplanté, donnera des fruits plus gros mais qui resteront peu productifs en huile. C'est l'olive dite r.pavÀia, à laquelle fait référence Théophraste, et dont l'huile est recommandée pour les parfums 71. La base de ces oléastres est moins épineuse que celle des oléastres sauvages, mais ses feuilles restent petites. c) Un olivier cultivé, abandonné, deviendra beaucoup plus rameux; ses olives, plus petites, seront moins nombreuses. Mais ses feuilles restent les mêmes. Il n'y a pas de buissons épineux. Il y a donc beaucoup de points communs entre les deux séries, et l'on comprend que certains aient pu se demander si l'oléastre ne dérivait pas d'oliviers abandonnés au bout de quelques générations n tandis que d'autres soutenaient que l'olivier cultivé procédait de l'oléastre. Ces questions sont évoquées par Théophraste, qui pense que parfois le noyau d'olive peut donner un olivier sauvage, mais que rarement un olivier cultivé peut retourner à l'état sauvage 73. Mais si les botanistes s'interrogent, les agronomes ne se posent pas de questions, et la confusion entre les deux n'est jamais faite par ceux qui ont pratiqué la culture. A l'époque classique, l'oléastre est devenu marginal. Nous le trouvons essentiellement en référence à des lieux sacrés, et principalement pour la couronne des athlètes d'Olympie et en liaison avec certaine légende d'Héraclès. Cependant ces références ne sont pas nombreuses 74. On peut y ajouter quelques allusions de Pausanias pour expliquer des bosquets ou des arbres isolés : à Mégare, Trézène, Epidaure. Strabon cite encore le sanctuaire de Poséidon 7S. D'ailleurs, Théophraste est très net: l'oléastre est mal connu et plus difficile à observer. On remarquera que l'olivier d'Athéna est, lui, un olivier cultivé, et pour plusieurs sanctuaires on ne peut trancher sur l'espèce 76. Si la présence d'un olivier près d'une source ou près d'un sanctuaire est fréquente 77, les deux oliviers sacrés les plus célèbres à l'époque 69. H.P., l, 14,4. 70. Théophraste, H.P., l, 8,4; V, 3, 2; V, 4,4; V, 7,8; De Odor., 15. 71. C.P., 6, 8, 3; H.P., 2, 2, 12; Lucien, Lex., 5. Giovanni PRESTA avait fabriqué en 1786 une huile à partir doléastrcs entretenus. COUTANCE (1877), p. 95. Pline la conseille aussi pour la médecine, XXIII, 28. 72. C'est l'hypothèse" controversée, de CHEV ALLIER (1948), l'hypothèse inverse étant plus couramment admise. W: RICHTER
(1968), p. 134. 73. HP., II, 2,4; 3,1. 74. La première mention de la couronne d'Olympie dans Pindare, A/., III, 24, ne précise pas la nature de l'arbre. C'est dam Aristophane, Pi., 586, que la référence, avec ironie, est très nette. Pausanias la précise, V, 7, 7 et 15, 3. Le pied aurait été rapporté par Héraclès du Jardin des Hespérides dans les régions hyperboréennes. Scylax, 100, Pausanias, Anth., 9-357. 75. Mégare, Théophraste, H.P., 5,2,2; Pline, 16,199; Trézène, Pausanias, II,32,12 (olivier d'Hippolyte); Ëpidaure, Pausanias, II, 28, 3 (légende d'Hyrneto). Isthme, Strabon, VIII, 3, 13. .. 76. Ainsi pour Dodone, Pausanias, 2, 28, 7; pour l'olivier d'Athènes, cf. O. PEASE, « Olbaurn ». R.E., XVII', col. 2011; M. DÉTIENNE (1973), p. 294. 77. Ainsi l'olivier sous lequel s'abrite Déméter, Hymne Démet, 100; R.E., XVII, col. 2011, pour un relevé des citations.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
classique sont l'un l'olivier d'Athéna, le symbole même de l'olivier cultivé, l'autre l'olivier d'Olympie, l'exemple type de l'oléastre. L'ancienneté des deux séries est donc confirmée par la tradition. Elle nous est rappelée par l'étude des textes homériques et des tablettes du Linéaire B. Précisons tout d'abord le vocabulaire. L'époque classique utilise trois mots, qui sont dits équivalents par Pausanias et les lexicographes: tornvo; est utilisé par Aristophane et par Théophraste, et semble le mot populaire 78. En poésie on utilise !{)v'Aia et à'YPu:'Aaia (qui, pour Théophraste, semble plutôt désigner l'olivier abandonné) 79. Dans l'Odyssée un vers, particulièrement précieux pour nous, évoque un olivier cultivé greffé sur un olivier sauvage; le terme employé est '{)v'Aia, qui pourrait peut-être correspondre au mycénien pu-ra-te-ro. Mais les textes mycéniens font aussi état à côté de l'idéogramme de l'olive 122 de deux déterminatifs : OLIV A et OLIV T que Chadwick avait interprétés comme Q.'YPWC: et m?aaoc:. L'hypothèse a reçu un encouragement par les recherches de J. L. Melena sur la parfumerie 80. Selon lui, l'importance de la fabrication des parfums justifie la large utilisation des oléastres, entretenus ou non, par rapport aux oliviers cultivés. Nous sommes là, bien sûr, dans le domaine des hypothèses, mais l'avancement des recherches paraît bien éliminer cependant les affirmations de Hehn, si souvent reprises, selon lesquelles le monde homérique n'aurait pas cultivé l'olivier, et n'aurait utilisé que l'huile d'importation 81. En fait, une étude attentive d'Homère contredit cette position, et l'on y trouve d'ailleurs davantage de précisions sur la culture de l'olivier que chez Hérodote ou Xénophon par exemple 82. Il est évidemment dangereux d'interpréter les silences d'un poète, dont l'objectif n'a jamais été de faire un traité d'agriculture. En fait, l'olivier est cultivé chez Homère dans les vergers. On le trouve isolé sur l'agora, on pratique la greffe d'un olivier sauvage sur l'oléastre, et la plantation d'un olivier cultivé 83. Ce qui n'apparaît pas, ce sont les olivettes, pas plus que chez Hésiode 84 •
• LAPROGRESSION DE L'OUVIER CULTIVf:
En comparant les données de l'époque mycemenne et celles de l'époque géométrique, on peut esquisser, à titre d'hypothèse, le schéma suivant: l'olivier cultivé s'étend à l'époque mycénienne, par greffe et plantation, mais l'oléastre demeure important et l'économie de cueillette prédominante. La chute des palais mycéniens et la période de troubles qui suivit a pu entraîner une régression des oliviers cultivés, tandis que les oléastres ont continué de se propager par semis de noyaux recrachés par les oiseaux (le noyau d'oléastre est d'ailleurs beaucoup plus fertile que le noyau de l'olivier cultivé 8S). Mais il ne faut imaginer pour autant ni une disparition totale de l'olivier cultivé, ni l'oubli des techniques utilisées. On sait que l'arbre se reproduit par la pousse des rejets, et qu'un même tronc peut produire pendant deux siècles; il n'y a pas eu rupture, et les traditions athéniennes sur l'arbre d'Athéna, comme l'importance du développement de l'huile en Asie mineure le confirment. Mais la production était faible, ce qui explique l'abandon des lampes à huile, et l'oléastre restait important et largement 78. Aristophane, P.P., 586;Av., 621; Théophraste, H.P., 1,8, i; 1, B, 2; i, 8, 3; 1, 8, 6; 1,14,4;2,2,11 ;2,3,1; 3, 2,1; 3, 6, 2; 3, 15,6; 4, 13, 2; 4, 14, 12; 5, 2,4; 5, 3, 3; 5, 4, 2; 5, 4, 4; 5, 7, 8. Le fruit, Anth., 9, 357; Pausanias, II,32,12; V, VII, 7. Selon A. CARNOY (1959), le mot serait d'origine thrace-pélasgique (p. 91) . . 79. ct>vÀlT),
LES ESPÈCES ET LEUR DIFFUSION
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utilisé 86. C'est indéniablement aux VIlle et VIle siècles que les plantations s'étendent, au détriment de l'oléastre. On peut aussi penser que la lente formation des frontières entre cités a joué aux dépens de ia cueillette de l'oléastre. Enfin, la reprise du commerce et l'exportation de l'huile à l'époque archaïque a favorisé une politique de plantation dont Ed. Will a montré pour Athènes les implications 87. De même, le serment de Dréros, qui prescrit à chacun des éphèbes de planter un olivier, quelles 1 qu'en soient les sources religieuses, témoigne de l'extension des oliviers cultivés 88. Le développement urbain facilite le retour àl'usage de la lampe à huile. Il faut penser que dès la fin du VIle siècle l'oléastre a presque disparu, et l'olivier cultivé domine avec une productivité beaucoup plus grande, en Grèce propre. La législation de Solon veut régulariser un phénomène, elle ne le provoque pas; lorsqu'elle interdit l'arrachage et impose des espacements, il faut y voir plus une mesure de police contre les litiges qu'une loi économique. Nous aurons l'occasion d'y revenir 89. Ainsi l'olivier a pris dans les institutions politico-religieuses de la cité une place de choix, comme l'a montré M. Détienne 90, et Sophocle, dans des vers restés particulièrement célèbres dans l'Antiquité, en fait l'arbre du monde grec 91 au ve siècle. • LES Y ARIeTfS D'OLIVIER CULTIVÊES
A l'intérieur même de la sous-espèce Olea saliva, peut-on reconnaître des variétés? On sait que les agronomes latins en ont énuméré un certain nombre pour le monde romain: Les botanistes ont essayé de les faire coïncider avec des variétés contemporaines dès le XVIIe siècle, sans grands résultats 91. En fait, la pratique empirique des greffes conduit à une grande variétabilité et les spécialités régionales comportent souvent des noms locaux, sans que l'on puisse forcément distinguer une variété caractéristique. Le lien ne peut être fait avec les variétés produites actuellement en Grèce (variétés de noires à conserves particulièrement réputées, mais avec une dominante dans les grosses productrices d'huile) car la reconquête des oliveraies en Grèce est un phénomène récent 93. Les distinctions de vocabulaire que nous rencontrons se réfèrent plus à des modes d'utilisation: olives cueillies vertes ou noires, conservées comme telles, ou utilisées pour l'huile, qu'à des variétés. . Nous les retrouverons plus loin. Tout au plus peut-on relever dans les énumérations des auteurs latins deux noms qui ont une origine grecque: l'orchis, avec un gros fruit, et qui resterait largement répandue dans la Méditerranée au XVIIe siècle 94, et la circites (ou radius) de forme allongée, qui serait plutôt pour la table. Enfm, deux étymologies prêtent à discussion (licinia. murtea). Si l'introduction en Méditerranée de variétés d'origine grecque est indéniable, nous n'avons pas la possibilité d'en faire un tableau pour la Grèce même. Si Théophraste n'en a pas éprouvé le besoin, c'est qu'il considérait que ces noms différents ne recouvraient pas des différences réelles d'espèces; sur ce point, il avait raison, on va le voir réagir plus en botaniste qu'en agronome. On remarquera que cette disposition d'esprit prévaudra jusqu'au xixs siècle.
* 86. En particulier en Asie mineure où demeure encore à l'heure actuelle une grande variété d'oléastres et la pratiq ue de la greffe sur semis d'oléastres. Cf. ci-dessous.chap, III, p. 59 sq. La large utilisation du bois d'olivier dans Ylliade et l'Odyssée pour les armes, les outils, peut être le fait de l'une comme de l'autre espèce. Cependant, Sophocle, pour le bûcher d'Héraklès, précise qu'il faut utiliser du bois d'oléastre (Sophocle, Trach., 1195). 87. Ed. WILL (1962), p. 70 sq.; pour certaines nuances, M.A. L~VI (1980), in Primer Congreso : Producciôn y Comercio dei Aceite, p.231. BB. Syll." 527,1. 140-160 .Inscr. o«, l, 1935, p. 84-B5. 89. Les réglementations de Solon sur les distances entre les arbres, Pollux, V, 36; Plutarque, Solon, 23,7, comme l'interdiction de déraciner un olivier [Dém. c. Macartatos, 711 et l'autorisation d'exporter [Solon, 24, II, au début du VIe siècle, ne se comprennent que si un grand nombre d'arbres étaient arrivés à maturité, et donc plantés trente ou quarante ans auparavant. 90. M. DÉTIENNE (1970), repris in Problèmes de la terre en Grèce ancienne, sous la direction de J.P. VERNANT (1973), p. 292 sq. 91. Sophocle, Œd. à Col., 694-705. Selon Plutarque, ce sont les vers qu'il choisit de déclamer devant le tribunal. 92. L'énumération la plus complète (sans critique) reste celle de COUTANCE (1877), p. 75. 93. Les travaux antérieurs au xx e siècle font ressortir une certaine confusion entre critères botaniques et agronomiques selon G. BROUSSE (1978). Mais il reconnaît que cette classification reste souvent difficile pour l'époque actuelle. 94. J. AND~ (1956).
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
Arrivée au terme de ce chapitre, nous avons parfaitement conscience d'avoir soulevé plus de problèmes que donné de réponses, esquissé plus d'hypothèses qu'avancé de certitudes. Cependant quelques éléments se dégagent. Insistons d'abord sur la complémentarité : complémentarité des espèces de céréales, mais aussi des céréales et des légumineuses. Cette particularité s'est maintenue aussi bien pour les îles que pour la Thessalie du début de ce siècle. Mais à côté de cette complémentarité (dont nous verrons dans le chapitre suivant qu'elle est aussi une conséquence de certaines techniques culturales) il existe une concurrence sur ces terroirs réduits : concurrence entre les céréales et l'arboriculture, concurrence entre la vigne et l'olivier, entre certains terroirs de pacage de plaine et les céréales. Les choix des agriculteurs ont été bien souvent dictés par des circonstances externes : accroissement des oliviers sous la domination vénitienne, de l'élevage sous la domination ottomane, par exemple; la question que l'on peut se poser au terme de ces deux chapitres est différente : quels que soient les choix faits historiquement, existe-t-il des données de base qui privilégient tel ou tel terroir pour l'une ou l'autre culture? Existe-t-il des terres à oliviers, des terres à céréales plus favorables à l'une ou l'autre espèce? Il est sans doute plus facile de répondre pour l'olivier. Si l'on restitue précisément les domaines actuellement dominés par l'association oléolentiscenum, on dispose des régions naturellement aptes à la culture de l'olivier (carte 7). On peut y ajouter bien des terroirs où dominent actuellement l'association du pin d'Alep et l'on recoupe en partie, mais plus largement, les régions à climat méditerranéen accentué dont l'été sec permet une meilleure résistance aux coups de froid de l'hiver. Le domaine possible de l'olivier est naturellement plus étendu et nous en avons indiqué les limites actuelles pour le monde égéen, complétant et précisant la carte plus synthétique de P. Birot. On voit qu'il faut être prudent dans les généralisations et ne pas opposer trop vite une Grèce du sud à une Grèce du nord ou à une Grèce de l'ouest. D'autant plus que les conditions favorables à l'olivier le sont aussi à la vigne dans les régions que nous venons de déterminer. Cependant, plus on monte vers le nord, plus celle-ci reprend l'avantage, On doit enfin aborder le problème sous l'angle chronologique. On constate ainsi que le tableau que l'on peut esquisser pour l'époque classique - permanence du blé nu et de l'orge utilisés conjointement, complément du millet et prédominance de l'olivier cultivé - résulte d'une évolution lente qui débute à l'âge du bronze, près de deux millénaires auparavant. Elle semble exclure les «révolutions agricoles », comme d'ailleurs les permanences totales: aucune des quatre grandes périodes définies par les historiens récents, l'âge du bronze, la période géométrique, la période archaïque comme l'époque classique, n'a dans le tableau des espèces un visage strictement identique. Aux données du milieu les hommes ont adapté des techniques agraires qui ont évolué. Mais ces évolutions ne sont pas linéaires.
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LES ESPÈCES ET LEUR DIFF.USION
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Carte 5. - Distribution contemporaine de l'orge sauvage (1966).
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Sites connus et raisonnablement certains où l'on a retrouvé de l'orge sauvagc. Zone particulièrement dense (J.R. HARLAN, D. ZOHARY (19661. p. 1075).
Sur le plan agronomique. ce que l'on a pu appeler le « syndrome de la domestication» (J. PERNES [1983 D correspond à l'ensemble des caractères biologiques utiles à l'agriculture: essentiellement, que les gros épis arrivent à pcu près simultanément à maturité (alors que dans l'espèce sauvage ils se dispersent sur une longue période); parallèlement. que les caractères retardant la germination soient égaux; enfin, les enveloppes moins développées facilitent la préparation. Le choix des grains portant plus fortement cc syndrome entraîne unc sélection, en les semant seuls on obtient naturellement les espèces cultivées.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
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CHAPITRE III LES TECHNIQUES AGRAIRES
Il est courant, en particulier chez les lùstoriens français, de prétendre qu'il n'y a plus rien à écrin: sur les techniques agraires proprement dites, à l'époque classique. Elles n'auraient pas évolué et on pourrait dresser un tableau identique d'Hésiode à Théophraste. A cette stagnation une raison péremptoire : l'agriculture pour les Grecs n'est pas considérée comme une technique, mais comme un mode de vie, respectueux de la Nature et des dieux 1. Peut-être faut-il, à la lumière des études sur l'agriculture méditerranéenne et des recherches récentes sur les techniques agraires européennes, nuancer ces affirmations, d'autant plus que l'épigraphie nous a apporté quelques éléments nouveaux .
• JACHÈRE ET ASSOLEMENT • LE CYCLE DES CeREALES D'AUTOMNE ET L'ASSOLEMENT BIENNAL
Certes, la confrontation des Travaux et les Jours d'Hésiode, de L 'Economique è~ Xénophon, de l'Histoire des Plantes de Théophraste permet de dégager des permanences entre le Ville et le Ille siècle av. J.-C.; pour nos trois auteurs, le système principal est celui des céréales d'automne sur jachère labourée. Le calendrier agricole sur une parcelle comprend donc : la préparation de la jachère, de mars à octobre, les semaillesennovembre.lamoissonenmai-juin.suivie du battage et du vannage. Un cycle donc de seize mois, bisannuel. Une fois la moisson achevée, on laisse le champ en l'état, en friche. Aux chaumes se mêlent les mauvaises herbes, la saison chaude est commencée, il est trop tard pour préparer les semailles d'automne, la friche restera jusqu'au printemps prochain ... ou au suivant. Cependant, céréales d'automne et assolement biennal ne sont pas couplés automatiquement, et on rencontre jusqu'au début du xxe siècle des types de cultures céréalières méditerranéennes où le champ reste en friche quatre ou cinq ans ou plus 2. 1. En réaction contre les tableaux trop optimistes de P. GUIRAUD (1893), p. 512-514, suivi par G. GLOTZ (1948), p. 405, A. JARDÉ (1925) avait souligné à juste titre la pauvreté des ressources naturelles (p. 89-90). J.P. VERNANT (1971, paru en 1955), p. 22,
met en relief les résistances psychologiques aux changements. Ses analyses, nuancées, souvent reprises, conduisent les manuels français à des conclusions définitives': «Des techniques culturales il n'y a rien à dire '" médiocres, sinon même primitives», Ed. WILL (1972), p. 22. Les analyses étrangères sont moins simplificatrices, en particulier M. JAMESON (1977-1978), p. 122·145. 2. Ainsi au Portugal au XVIIe s., A. SIL BERT (1966), p. 259, en Crète au XIXe s., L. LACROIX (1853), p. 594 et encore dans une partie de la Grèce en 1911, M. SIVIGNON (1977), p. 394. Sans doute était-ce le système proposé par Théophraste avec une jachère labourée commençant en hiver ou, à Mégare, des-labours tous les cinq ans (CP., 111,20,4). Il faut bien distinguer ces friches longues des
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C'est pourquoi il faut être prudent dans les conclusions que l'on tire parfois des textes: si Homère ne parle de labours que dans une jachère avant les semailles, ce n'est pas forcément le signe d'un cycle biennal, la jachère peut être plus longue. De même, diviser par deux la production connue pour obtenir la production d'une année, et de là la superficie, reste aléatoire 3. Enfrn, même une culture continue d'automne avec jachère, c'est-à-dire la reprise sur le même champ tous les deux ans des céréales, n'entraîne pas forcément la division de ce champ en deux soles régulières : il suffit que le paysan ait plusieurs champs dans des endroits différents pour qu'il décale ses rotations, et avec de petits champs c'était parfois indispensable. Ce système individualiste exclut toute vaine pâture collective dans la friche. Les troupeaux, essentiellement de caprins et d'ovins, paissent dans la garrigue, parfois sur la montagne en été, leur pacage sur les territoires sacrés est souvent interdit explicitement 4 par les baux. La pression coutumière, pour des systèmes de soles cultivées conjointement de la même manière sur un terroir, semble particulièrement faible, et les baux dont nous disposons sont beaucoup plus contraignants sur les plantations à faire que sur le mode de culture: dans deux cas, le bail laisse aux preneurs la liberté de cultiver à leur guise, av {30VÀWVTaL (I. G., IF, 2492, l, 5), les terres arables pendant la durée du bail. Mais la dernière année, dans le règlement des fermages des domaines religieux du dème du Pirée, le mieux conservé (I. G., IF, 2498), le bail est plus précis : la dixième année, les preneurs ne pourront labourer que la moitié du fonds à ensemencer, iuuoeo» àpovv (1. 18-20), afin que les successeurs puissent commencer <de labour de défoncement », V1Tep1ateutJaL, au mois de mars. On a donc bien là la préparation d'un domaine pour un assolement biennal, mais qui n'exclut aucun autre système dans les années précédentes. Si le système biennal est le plus intensif avec les céréales d'automne, il n'est pas automatique. • LES TYPESD'ASSOLEMENT SANS JACHÈRE BIENNALE
En dehors du système très extensif à friche longue ou de la culture continue avec jachère, peut-on percevoir d'autres types? Lorsque l'on étudie les assolements anciens du monde méditerranéen, on voit qu'ils peuvent se regrouper autour de plusieurs possibilités: A) Le triennal méditerranéen A la récolte de céréales riches succède une année de fourrage, puis friche et jachère labourée et de nouveau céréales; ce système qui ne fait apparaître les céréales que tous les trois ans privilégie l'élevage. Il prédomine là où les transhumants sont nombreux; son remplacement par le biennal, avec des céréales tous les deux ans, correspond toujours à un accroissement de la pression démographique 5. B) L'utilisation du restoublage «Restoubler », dans l'ancienne France, c'était semer deux céréales d'hiver à la suite l'une de l'autre, pratique que l'on retrouvait occasionnellement un peu partout et qui était en principe interdite par les baux 6. L'étude récente de N. Coulet sur les baux provençaux montre qu'elle était en fait plus répandue que l'on n'a pu le penser, mais elle fait souvent succéder à la première récolte une céréale semée plus légèrement, avoine, épeautre, orge, et destinée aux bêtes. Le mot «restouble » nous vient du latin restibilis ager, expression dont le sens agronomique s'est lentement fixé, et dont nous pouvons systèmes de cultures temporaires, dans les landes, les terrains vacants, où on récolte deux à trois ans de suite après écobuage, puis on abandonne. F. SIGAUT (1975), p. 124 sq., A. SILBERT (1966), p. 196. 3. Il convient donc de nuancer les conclusions de P. GUIRAUD (1893), p. 472; A. JARD~ (1925), p. 90. 4. Bail d'Héraclée, l.G., XIV, 645,1. 129-130; bail d'Amorgos, l.G .. XII, 7, 62. Sur les droits des troupeaux, cf. S. GEORGOUDI (1974), p. 154 sq. 5. A. SIL BERT (1966). 6. F. SIGAUT (1975), p. 250; N. COULET (1985); dans le Dictionnaire Du Cange, article «Restoblagium ». G. COLLOMB, R. DEVOS (1981), p. 23. On appelle en 1806 dans le quartier de Thonon cette pratique «semer en prachis », en Savoie « restroubler ».
LES TECHNIQUES AGRAIRES
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«RESTOUBLE,RESTOUBLER» Le mot «restouble » vient du latin restibilis ager, et la définition nous en est donnée très clairement par Varron: L.L., 3.39: «Ager restibilis, qui restituitur ac reseritur quotquot annis : contra qui intennittitur, a novando novalis.» . .
complété par Festus, s. v. restibilis : «Restibilis ager fit, qui biennio continuo seritur farreo spico, id est aristato, quod ne fiat, soIent quo praedia locent excipere.» Si, à l'époque de Varron, l'équivalence ager novalis avec vetck est bien claire pour la jachère labourée (opposée à la friche ou à l'éteule), le mot grec rraÀtJ.lt3"Jl.auT17c; signifie plus 'largement «qui germe de nouveau, qui repousse». Cependant, le sens de restibilisager n'est pas encore, du temps de Varron, attaché aux céréales seules. En effet, si l'on recense les références des agronomes latins, on obtient le résultat suivant à propos du mot
restibilis : Caton, 55, 2: employé pour le blé de printemps. Varron, 1,44: à propos des fèves. I, 9, 6 : en Étrurie, où les terres sont riches, deux céréales à la suite. II, 10,4: à propos du phaselus. II, 10, 6: à propos des pois. II, 10,31 : à propos ôu farrag», Pline, XVIII, 162 : à propos d'une terre fertile de Babylonie. Le sens donc est devenu plus étroit que le mot grec rraÀtJ.l/3ÀaaT17l;"mais s'applique soit à des terres exceptionnelles où l'on peut faire succéder deux céréales, soit à des alternances de céréales et de légumes ou de fourrage, c'est l'absence de l'ager novalis, la vetoc;, qui définit la pratique de la restouble. Au temps de Festus, le mot a pris un sens plus restreint qui sera celui du Moyen Age: faire succéder deux céréales, mais qui peuvent être blé et avoine, blé et orge, blé et seigle, sur un même champ. Cette évolution sémantique reflète l'extension des variétés de céréales disponibles et le recul des légumineuses de plein champ.
retrouver en partie le cheminement dans les textes. Les auteurs latins connaissent le restoublage mais la pratique en est rare, le mot restibilis désigne encore souvent une terre qui produit des récoltes chaque année sans interruption, mais pas forcément des récoltes de céréales. L'équivalent grec 1raÀtl-/(JÀaaT71C; est encore plus général et signifie «qui repousse, qui germe de nouveau» 7. Et lorsque Théophraste cite des cas exceptionnels de fertilité, il désigne par exemple Olynthe (C.P., l, 20, 4) dont les oliviers donnent chaque année, mais la troisième année moins fortement, Chalkeia, près de Rhodes, 0~ l'orge, la même année, pourrait être récoltée deux fois, et Mélos, où les récoltes viendraient en trente à quarante jours; aucun de ces cas, que Théophraste n'a pas vus lui-même et dont il rapporte prudemment l'écho (Àèyovaw, ipaolu), ne correspond à de véritables restoublages. Pour Olynthe les historiens, qui citent Théophraste d'après Varron, n'ont pas pris garde que ce dernier avait gauchi le texte pour le transposer aux céréales alors qu'il s'appliquait aux oliviers s. Fondamentalement, le système grec semble rester celui des céréales d'automne avec friche et jachère, c'est celui d'Hésiode, de Xénophon, de Théophraste. Cependant, n'était-il vraiment pas possible d'utiliser la friche? C) La mise en culture de la friche
En.système triennal ou biennal, y a-t-il possibilité de sortir du cycle long des céréales d'automne ou de le contourner? Le triennal traditionnel du nord joue sur les céréales de printemps et les prairies, irriguées ou en fourrage artificiel. Cet élément lui permet de nourrir un gros bétail qui lui servira aussi 7. Etym. Restib/is : Euripide, frag. 1274; Théophraste,.H.P.• 7, 2,4; c.P.X., 4, 8. La Souda cite comme déraisonnable le cas d'un Athénien qui a ensemencé deux fois en blé : même à son époque, le restoublage paraît absurde. 8. Varron, R.R., 44, 2, 3, cité par A. DICKSON (1802), r, p. 217; P. GUIRAUD (1893), p. 473; K.D. WHITE (1970), p. 120.
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bien pour le fumier que pour le travail. Cette solution est peu répandue dans la Grèce antique (elle n'a d'ailleurs pas été choisie dans la Grèce moderne), d'abord parce que les céréales de printemps restent marginales faute de pluies suffisantes, comme nous l'avons vu au chapitre I. L'élevage du gros bétail est rendu difficile par la faiblesse des prairies naturelles et la coupure de l'été; une extension de l'élevage aurait fait diminuer les emblavures en céréales pour se procurer le fourrage nécessaire, elle reste liée en pays méditerranéen traditionnel à une moindre occupation démographique : ce qui était le cas à l'époque homérique, ce qui le deviendra en Thessalie turque par exemple mais sur friches longues. La Grèce classique paraît dominée par le petit bétail, chèvres et moutons, à élevage de plein air, qui peuvent utiliser maquis et garrigue et les quelques prairies naturelles. Il semblerait donc qu'elle soit condamnée au mieux au système biennal avec friche, et c'est la conclusion désabusée des historiens 9. Or, une étude attentive de certains baux et une comparaison avec des méthodes contemporaines fait apparaître un système biennal intensif dont on n'a pas vu l'originalité: l'alternance avec les légumineuses en culture sèche . • U'.GUMINEUSES ETASSOLEMENT BIENNAL' (tableau II, p. 282)
Dans la rotation des cultures à l'époque classique, les légumineuses ont pu jouer un rôle fondamental. Nous en voyons encore des exemples à l'heure actuelle à Chypre, en Argolide, dans les Cyclades, récemment aussi en Thessalie. Ainsi à Chypre on prépare trois récoltes: on sème en octobre blé, avoine, orge ou lin; en février petits pois, pommes de terre, anis, vesces; en avril coton, tabac, sésame, millet. En Argolide et dans certaines îles, les enquêteurs récents ont observé l'extension des cultures légumineuses de plein champ, semées en automne et au printemps après des labours intensifs pour profiter de la moindre pluie 10. Les observateurs du xrx- siècle avaient déjà mis en valeur l'importance de ces cultures complémentaires 11. Mais entrent évidemment dans ces cycles contemporains beaucoup de cultures inconnues de l'Antiquité (pommes de terre, maïs, tabac ...) et les Grecs de l'époque classique disposaient d'un choix plus limité que celui des Romains. Essayons de le fixer précisément. Les légumineuses apparaissent chez Théophraste, Caton, Columelle et Pline dans les mêmes chapitres que les céréales. Théophraste définit, au début du chapitre VIII de l'Histoire des Plantes, céréales, légumineuses et plantes d'été (pour lesquelles il ne trouve pas de nom approprié), comme des graminacées dont le mode de propagation est la graine dans la majeure partie des cas [Test. 1.2}. Et les légumineuses occupent dans tout le chapitre une place presque aussi importante que celle des céréales. Les deux mots qui les désignent, X€ôpomi, ôonoia, sont donnés comme synonymes. C'est le second que l'on trouve plus facilement dans la langue courante et en particulier dans les baux. Il s'agit des légumineuses à gousse, qui peuvent être mangées avec leurs cosses - comme nos haricots verts -, en graines, fraîches ou sèches - comme nos fèves, pois et lentilles -, et, plus rarement, en vert sur pied par les animaux -lupin, pois, fèves, vesces. Les plantes d'été. - semées à partir d'avril, récoltées jusqu'en septembre - sont pour Théophraste le lin, le millet, le sésame, l'érysimum (H.P., 8, 2 et 8, 7); rave, navet, raifort, classés par Columelle (2, 10, 22) comme des légumineuses de plein champ, sont rangées par notre botaniste parmi les plantes potagères cultivées dans le /(flrro<: 12.
9. A. lARDÉ (1925), p. 87-89. Cependant l'usage non exclusif des bœufs pour l'araire ct pour les sacrifices oblige à nuancer. Il a existé des troupeaux pour les temples et des régions à pâturage; P. LÉvÊQUE (1957), p. 227 : certaines îles se spécialisent même dam cet usage. C. VIAL (1984), p. 320, pour Delos; Icaria est utilisée comme pâturage par les Samiens; Strabon, X, 5, 13. 10. M. SACOPOULO (1956), p. 360 sq.; H.A. FORBES (1976), p. 6 sq.; C. CONNEL (1980), p. 18; P. GARNSEY (1984), p. 32-33. 11. L. LACROIX (1854), p. 593, 598; r. BENT (1885); C. STEPHAN OS (1884), p. 486 : «Dans les champs laissés libres on sème en avril, après un triple labourage les ,
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LES TECHNIQUES AGRAIRES
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la vesse. ou pesette. Planche de botanique. XV//J' siècle
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Planche de botanique. XVlll' siècle.
Figure 5. - Légumineuses
On notera que les Grecs du Ive siècle ne distinguent pas nettement légumineuses et plantes fourragères, comme le feront les agronomes latins (legumen et pabulum). On envisage mal de cultiver une plante pour les seuls animaux: l'avoine est considérée comme une mauvaise herbe, la luzerne est connue comme une plante étrangère venue de Perse, IlTl8LI<.T1 (1Toa), niais il faut attendre Columelle pour en trouver un éloge convaincant (R. R., I, 165 sq.) ; le fenugrec n'est cité par Théophraste avec ses synonymes qu'à titre de comparaison 13. Toutes les légumineuses peuvent être aussi mangées par l'homme. 'B. Sur la luzerne, A.J:i}tophane,Eq., 606; Aristote, H.A., 3, 21; Théophraste, H.P., 8, 7, 7; eUe n'est pas connue de Caton; le fenugrec, {3ovKepaç, T7'i~tÇ, est cité- à titre de comparaison par Théophraste. Pline l'Ancien le cite (jenum graecum, silicia) comme une plante venue de la Grèce. Il semble qu'elle soit surtout cultivée en Orient; on la retrouve dans l'Ëgypte romaine (T7'i~IÇ) sur le papyrus London 131. M. SCHNI;:BEL (1925), p. 1'73; A. SWlDEREK (1960) ; il s'agit de Trigonelle Foenum Graecum.
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L'enfouissement en vert de la fève en fleur, comme engrais, n'est pratiqué qu'en Thessalie, terre riche où l'on peut se permettre le luxe d'utiliser une semence alimentaire sans récolte (Théophraste, H. P.. VIII, 9, 1). Les légumineuses jouent dans l'assolement des rôles différents suivant leurs caractéristiques: la plupart sont des cultures nettoyantes (lupin, fève, pois gris, lentilles); demandant des labours préparatoires et des sarclages constants, elles laissent le champ après la récolte bien nettoyé; certaines sont épuisantes (la fève) et demandent une fumure; d'autres amendent le sol (lupin, pois, vesce) 14 (tableau Il, p. 283). On cherchera, dans l'année destinée aux légumineuses, à les varier suivant ces possibilités. On a ainsi parfois des assolements quadriennaux où la céréale revient tous les deux ans mais les légumineuses alternent tous les quatre ans. Mais ce système demande du travail: le problème en assolement biennal reste, celui du labour; après la récolte de céréales, on peut brûler les chaumes puis se contenter d'un labour hâtif de semailles, on peut même semer les légumineuses dans le chaume, si la récolte en vert permet ensuite des labours de printemps. Des semailles plus tardives (février ou même mars) permettent de véritables labours de jachère. Après la récolte, le champ est suffisamment nettoyé pour recevoir les céréales. En fonction des légumineuses plus ou moins épuisantes et de la main-d'œuvre disponible, on ensemencera tout ou une partie seulement de la friche. Nous possédons quelques baux qui font référence à ce type d'assolement: le bail consenti par la phratrie des Dyaléens (1 G., 112, 1241) où le bailleur peut semer des légumineuses sur la moitié de la terre, av {30VÀ1/TaL, le bail des domaines sacrés de Rhamnonte (J. G., IF, 2493) où il pourrait utiliser, semble-t-il, le quart de la friche, le bail d'Arnorgos où la proportion est plus difficile à déterminer en l'état de conservation de la pierre (I. G., XII, 7, 62, S.f. G.3, 963). Le plus ancien remonte au milieu du ve siècle 15. li s'agit donc d'un système biennal de type intensif dont nous avons trouvé trace en Attique et dans les Cyclades, mais dont on peut penser qu'il était plus répandu dans les régions de climat méditerranéen accentué (cf. carte 2). En effet, les légumineuses gardent une très grande place dans la vie quotidienne grecqqe, les allusions des Comiques comme les références de la médecine hippocratique nous le prouvent, et Galien souligne encore à l'époque romaine leur rôle dans l'alimentation .des habitants d'Asie Mineure. On comprend mieux ainsi pourquoi, lorsque Xénophon veut donner l'exemple le plus banal des ressources alimentaires qu'il ne faut pas négliger, il cite le blé, l'orge; les légumineuses, chacune servant pour un plat différent (Œc., VIII, 9). Mais, sauf la fève, les légumineuses apparaissent peu dans les traditions religieuses ou mythologiques, où on les connaît comme plantes potagères 16. On a eu parfois tendance à penser que leur poids dans la Grèce contemporaine venait du rôle du carême. La tradition est au contraire très ancienne, beaucoup de ces plantes sont connues dès le néolithique et le bronze ancien 17. Elles peuvent donc intervenir dans l'assolement de trois façons: en jachère verte, soit enfouies directement en fleur (fève), soit utilisées comme fourrage sur pied (vesce, lupin); cependant ces usages sont cités comme exceptionnels, le lupin pour les animaux est norrnalernent employé macéré; en cultures dérobées sur la jachère labourée de printemps: c'est le cas de la plupart des cultures d'été, millet, lin, sésame, gesse blanche; ainsi en Béotie (Hésiode, Sc., 398), Laconie et Cilicie (Xénophon, Anab., l, 2, 21 ; II,4, 13); en assolement avec les céréales, sur une partie de la friche, ou la friche tout entière. Les indications des baux que nous avons recensés ci-dessus montrent qu'on cherche à limiter une pratique, non à l'introduire. Celle-ci était donc largement répandue au v« siècle. 14. La meilleure analyse reste celle de G. HEUZE (1869), p. 35 sq. Les agronomes latins se contredisent parfois sur ccs points. 15. M. JAMESON (1978) annonce la publication par D. LEWIS dans la troisième édition du corpus JG P, 252 avec la restauration djurrp€v€, pour J. G.. II',2493, Hesperia, Sup. 1982, p. 87 sq. 16. Sur le refus de la fève par les Pythagoriciens, M. D"ËTIENNE (1972), p. 96 et 110, et surtout M.D. GRMEK (1983), p. 306-354. 17. Vesces, pois, lentilles, ers apparaissent dès le néolithique, la fève au bronze ancien, R. TREUIL (1983), p. 377 et 380.
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• LA VALEUR AGRONOMIQUE DES ASSOLEMENTS GRECS
Nous avons évoqué dans les pages précédentes·les trois grands systèmes d'assolement que nous avons pu déceler pour la Grèce classique. fi nous semble que le second groupe est dominant. La comparaison avec les autres systèmes méditerranéens en vigueur jusqu'au début du xxe siècle - car il ne faut comparer que ce qui comporte des éléments identiques - n'est pas au détriment de l'Antiquité classique. Evidemment, si l'on se demande pourquoi la Grèce n'a pas adopté les assolements de la Beauce ou de la Normandie, on en conclura qu'elle était «routinière» ; la démarche ne nous paraît pas convaincante ... Compte tenu des plantes cultivées à la disposition des habitants, l'assolement biennal était loin d'être une solution paresseuse et le triennal n'était pas un progrès. Une expérience a contrario dans la Tunisie coloniale i a nous apporte sur ce point des éléments intéressants: cherchant lés modes de culture de céréales de type intensif, différents des cultures de type temporaire pratiquées par les indigènes (qui, économes de fumure et de main-d'œuvre, ne visaient pas à fournir des surplus), les colons proposent dans les régions semi-arides (entre 300 et 600 mm de pluies) soit le biennal sur jachère labourée, qu'ils redécouvrent, soit le biennal avec légumineuses ou le quadriennal. Ils soulignent que la jachère labourée, seule, avec le blé, permet en vingt ans de redonner une grande fertilité aux champs dans les régions qui reçoivent entre 400 et 600 mm d'eau et les terres légères, et la fumure ne doit être utilisée qu'avec précaution 19. Les légumineuses en assolement sont conseillées lorsque la moyenne des pluies est plus proche de 600 mm, mais elles demandent plus de fumure et de main-d'œuvre. Il s'agit de cultures sèches, nous retrouvons fèves, pois chiches et quelques plantes fourragères. Ces colons ne connaissaient ni Théophraste ni Columelle, et c'est le bénéfice qui les intéressait. Ils disposaient d'un plus grand choix de fumure et de blés hybrides que leurs ancêtres. Gens du nord parfois, découvrant les contraintes du midi, ils ont adopté pour ces terres difficiles, par expérimentation, les assolements mêmes des Grecs. Or, ils désiraient des rendements élevés, aucune loi religieuse ou naturelle ne les contraignait à respecter un ancien ordre établi. Ceci nous prouve que les jugements définitifs et méprisants sur la routine des Grecs oublient souvent de tenir compte des contraintes naturelles, et méconnaissent la complexité des solutions mises en œuvre. Mais les solutions plus intensives sont coûteuses en temps. Les colons de Tunisie commencent à disposer de moyens mécaniques, le problème de la main-d'œuvre se posait pour les Grecs. Et c'est en fonction de la main-d'œuvre que la plupart des pratiques furent choisies. En effet, préparation et entretien des cultures demandent des soins constants mais divers.
• LA PREPARATION DU SOL • LES LABOURS DE JACHÈRE
En pays méditerranéen, ces labours ont une utilité précise, qui rejoint certaines pratiques du dryfarming 20. lis sont destinés à enfouir les mauvaises herbes avec les restes des racines des chaumes de l'année précédente, à emmagasiner l'eau pendant la saison humide, à briser la couche superficielle du sol et empêcher l'eau de remonter à 'la surface par capillarité et de s'évaporer durant la saison chaude et sèche. De ce fait, il peut être imprudent de procéder à des défonçages trop profonds. Enfin, comme 18. F. BŒUF (1931), p. 310 sq., évoque les expériences de 1899. H.J. HOPFEN (1972) pour la période contemporaine: il conseille dans les régions où les pluies sont de 400 mm, blé-jachère-blé, p. 17. Voir aussi O. FRENCH (1973), p. 227, pour la Turquie. 19. Comme le rappelle H.J. HOPFEN (1972), p. 46, contrairement à ce que pensent la plupart des historiens, persuadés que sans fumure la terre ne peut aller qu'en s'appauvrissant, cf. A. SORLIN OORIGNY (1914), « Res Rusticae », D.A., p. 904. 20. A.G. HAUDRICOURT (1955), p. 266; H.J. HOPFEN (1960), p. 36, (1972), p. 17; E.C. SEMPLE (1931), p. 385. 8; K.O. WHITE -(1970), p. 173. Sur la conscience plus ou moins précise que les Grecs avaient de l'utilité des labours qu'ils effectuaient, cf. cidessous. chapitre X.
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sous tous les climats, la terre doit être rendue suffisamment pulvérulente pour bien accueillir la semence. De la bonne qualité des labours va donc dépendre le rendement à venir, tous les agronomes anciens et modernes sont d'accord sur ce point. Mais ces différents labours n'ont pas tous la même utilité et c'est ce qui explique les distinctions apparentes d'un auteur à l'autre entre les types de labours. Le premier labour est un labour de défoncement, c'est celui qui arrache et enfouit les chaumes et les mauvaises herbes accumulées en cas de friche longue. Xénophon emploie très précisément le terme technique utilisé par le bail du Pirée, IJ1Tep"{ateailat, et qui correspond au proscindere latin, et il explique clairement pourquoi il faut le faire au printemps; l'hiver, la terre serait une fondrière, l'été, la terre serait trop dure. C'est un labour difficile, le labour de jachère par excellence qui enfouit déjà sous forme .d'engrais vert les premières pousses sauvages 21. Le second labour en été, iterare, offringere des Latins, «biner» dans d'anciens textes français, intervient sur une terre déjà travaillée, il doit la rendre le plus meuble possible et pour cela un émottage au maillet sera parfois utile. Il faut empêcher la formation de la croûte de terre sèche qui arrête toute évaporation, mais ne pas creuser trop profondément. L'araire est l'instrument le plus approprié, et il a été utilisé comme tel jusqu'au XIX e siècle, même dans les régions qui pratiquaient la charrue pour le labour de défonce 22. Le troisième labour est celui des semailles, àooto«. Dans la pratique d'Hésiode et de Xénophon, comme sur l'illustration des vases du VIe siècle, l'araire passe après le semeur pour recouvrir la semence. Cependant, dans les terres plus froides de semailles en ligne, elle servira à ouvrir le sillon pour enterrer suffisamment le grain; souvent un dernier labour précède les semailles le jour même. Le travail de l'araire n'est pas toujours suffisant et comme les Grecs ne semblent utiliser aucune forme de herse, il faut parfois compléter le travail, c'est ce que fait le petit esclave derrière le laboureur dont parle Hésiode (O., 470). Ces trois labours sont la norme habituelle dans l'Antiquité grecque, et Homère chante la jachère trois fois retournée, TpL1rOÀOl;. On peut multiplier les labours intermédiaires, les pseudo-labours; seuls en fait le premier, le labour de défonçage, et le dernier, le labour des semailles, sont indispensables 23, dans la jachère labourée, Veto, (planches 7,8). • LES PLANTATIONS (planches 4 et 5)
Le renouvellement de la plantation est une préoccupation majeure de l'agriculteur, que nous retrouvons constante à travers les baux : les prescriptions concernant les plantations y sont toujours plus développées et plus précises que celles qui concernent les terres à blé. Au minimum, il faut rendre la terre avec le même nombre d'arbres en bon état, c'est-à-dire que plusieurs ont dû être renouvelés. Dans certains cas on précise les plantations nouvelles à faire, elles concernent souvent l'olivier; l'arbre mettant plusieurs années à devenir productif, il faut y penser tôt. La cité effectue aussi des plantations dont le caractère symbolique s'accorde avec les exigences de l'arbre: ainsi dans le serment de Dréros où ce sont sans doute les jeunes éphèbes qui doivent chaque année planter un olivier et faire prendre le plant: il ne commencera à rendre réellement que dix ans plus tard, quand les jeunes gens auront atteint l'âge d'homme, et le renouvellement des arbres suit le renouvellement des générations 24. Les oliviers sacrés d'Athènes, les mariai du jardin d'Académos doivent aussi être renouvelés (Aristote, Athen. Polit., IX, 2). Mais pour comprendre ces prescriptions, publiques ou privées, sur les plantations, il est utile de s'arrêter un peu plus longuement sur leurs modalités techniques. Nous disposons de références relativement précises pour le monde grec. La plupart des auteurs latins s'en inspirent, les 21. Xénophon, œ«, XVI, 9,15;I. G., n-, 2498,1. 20. 22. V. CHOMEL (1961), p. 621, 629. Le binay ou arayre est encore construit dans le Bas-Dauphiné en 1925. 23. Sur le rôle de l'araire dans les semailles en Grèce archaïque, voir M.C. AMOURETTl (1976), p. 35. Sur le sens de àpow et tiooro: comme temps des semaillesv Théophrastec éï.P.• VIII.I.2etlesanalysesdeC.HOFINGER(1967).p.l0.mais nous ne le suivons pas lorsqu'il refuse l'interprétation traditionnelle de TpiTro'Aoç. Sur le labour avant les semailles, Théophraste, c.P., III, 20, 8. 24. Insc. Cret. 1 (1935), n° 1; Syll.", 1218. Sur le sens symbolique, M. Dt::TIENNE, p. 296 sq. in M.1. FINLEY (1973).
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agronomes de l'époque moderne nous permettent d'en compléter plusieurs éléments. Théophraste nous énumère au livre II de l'Histoire des Plantes les principales modalités des plantations (II, 5, 4), qui sont parfois confondues. Il distingue: 1) Le recépage,
OT€À€XO, :
Pratique constante dont le Cours complet d'Agriculture de Rozier nous donne la description: «Lorsque l'arbre est sur le retour il est temps de l'abattre; alors on le coupe proprement à fleur de terre, et on recouvre la plaie de 27 à 54 mm (1 à 2 pouces) de terre fine et bonne. L'écorce forme à peu près le bourrelet et recouvre une portion de la plaie et sur toute sa circonférence : du bourrelet partent des rameaux dont on supprime la plus grande partie à la seconde et troisième année; enfin on laisse jusqu'à. cinq ou six ramea;ux des plus vigoureux. Leur nombre doit être proportionné à la bonté du sol. C'est de cette manière qu'après le désastreux hiver de 1709 on repeupla les carnpagnes.» 2S
C'est aussi de cette manière, avec un plus fort nettoyage des souches, que l'on repeupla une partie de celles de Provence après l'hiver de 1956. C'est ainsi que procédèrent sûrement les Athéniens après les ravages des campagnes de la guerre du Péloponnèse; vingt ans après les oliviers ont une production vraiment importante. C'est ce que prévoit le bail du dème d'Aixoné, les oliviers ayant été abattus et vendus avec l'accord du bailleur, il entretiendra dans les cuvettes pour le renouvellement les excroissances, P.VKl1T€" qu'il aura laissées à la hauteur d'une palme au moins. Quarante ans après, à l'issue du bail, le dème aura des arbres en pleine maturité, le bailleur aura pu en profiter une ou deux décennies auparavant (l G., rr, 2492,1. 43-45). 2) Plantations par souchet: La racine de l'olivier produit des rejetons particulièrement vivaces. On peut renouveler un arbre ancien et dégager un des rejetons que l'on laisse en place (1rpép.vov KaraK01rT€LV). Une fois celui-ci suffisamment fort, on abattra l'arbre trop ancien. Mais plus souvent, on utilise les fragments de souche coupée que l'on a dégagés de l'arbre et qui sont particulièrement productifs; tranchés la seconde année, ils sont plantés directement en fosses lorsqu'ils ont plusieurs années: ce sont les chevilles, souchets, souquets, des agronomes traditionnels, c'est à eux que fait référence Xénophon dans l'economique (XIX, 13). Les boutures ligneuses. paI380" xapa~, comme sur la plupart des arbres, fournissent aussi des jeunes plants féconds. Elles sont en général nombreuses sur le collet de l'olivier. Si on les choisit de petite taille, elles peuvent être plantées verticalement et horizontalement. On peut utiliser des boutures de plus grande dimension, donc plus âgées et plus résistantes, ce sont les «garottes », de 0,6 à 1,00 m de longueur. Elles seront replantées directement, mais les risques d'échec sont plus grands. C'est· à ce système de plantation par souquet et bouture, avec transplantation du rejet et soin jusqu'à son départ, soit pendant un à trois ans au moins, que le serment de Dréros fait allusion. Une fois la bouture bien racinée, on dégagera un seul rejeton, c'est le plant proprement ;it, epVTEVT11PWV. epvrov.
.
3) Greffe de l'oléastre : La greffe de l'oléastre, qui a régénéré les oliveraies de Kabylie au début de ce siècle, est citée par Pline pour l'Afrique (XVII, 129); Théophraste y fait référence précisément avec deux types de greffe, €voept9'aÀp.itELv (par inoculation), €P.epVT€V€W (en fente) (C.P., l, (i, 10) et nous avons vu qu'un texte d'Homère permettait de la reconnaître pour la période géométrique (Od., V, 480). On peut ajouter un élément apporté par les agronomes modernes: la reproduction à partir du noyau n'est pas pratiquée à l'époque, à cause de sa lenteur et des aléas, la reproduction naturelle des oliviers sauvages à partir des noyaux recrachés par les oiseaux est, elle, beaucoup plus efficace. Les agriculteurs prenaient donc un 25. Abbé F. ROZIER (lSÔ9), tome
V. p. 96. art. Olivier; M.C. AMOURETTI - G. COMET (1979), p. 93.
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PLANTATION DESOLIVIERS. [ ... ] 5. Couper et unir horizontalement le dessous de la souche. 6. Rafraîchir avec la serpette toutes les racines et le chevelu. 7. Enlever de la souche tous le bois mort, chancré ou taré. 8. Faire trois mois à l'avance les trous, si le terrain n'a pas été effondré à plein, de la largeur de mètre 50 centimètres carré, et de 1 mètre de profondeur. 9. Dans les terrains effondrés, faire le trou à la profondeur nécessaire, pour enterrer toute la souche jusqu'à la naissance de la tige. 10. Planter à 50 ou 60 centimètres de profondeur, quand la hauteur de la souche ne nécessite pas un trou plus profond. Il. Battre avec les pieds la terre du fond, sur laquelle doit s'asseoir la souche. Si elle est sèche l'arroser pour la bien serrer et unir, afin qu'il n'y ait point de vide. 12. Asseoir la souche sur le terrain sans jour ni vide. 13. Chausser la souche avec de la bonne terre passée au crible. 14. Combler le trou en forme de cul de chaudron. 15. Chausser peu à peu chaque année le pied de l'olivier, applanir le trou la troisième année. 16. Couper la tige à 75 centimètres ou 1 mètre au-dessus de terre. 17. Faire un' grand trou, et changer la terre si l'on plante en place d'un olivier mort. 18. Espacer les oliviers de 5 à 6 mètres dans les terres maigres et de 6 à 8 dans les terres fortes ou grasses. 19. Dans les plantations à plein, disposer les oliviers en échiquier ou quinconce.
DESpEPlNIÈRES D'OLIVIERS.
1. Laisser croître de la souche des oliviers morts, et dont on a coupé la tige à ras de terre, les rejetons que poussent les vieilles racines. 2. Couper les plus frêles, ne laisser que les plus vigoureux, et assez distants l'un de l'autre, pour pouvoir être séparés de la mère-souche, sans endommager les plants voisins. 3. Laisser croître au pied des vieux oliviers sains, un du deux rejetons, poussant loin du pied de la tige. 4. Soigner et élaguer les rejetons pendant trois ou quatre ans. 5. Planter les rejetons à demeure, ou dans la pépinière avec les précautions ci-dessus indiquées pour la plantation des oliviers. 6. En séparant les rejetons de la mère-souche, leur laisser un fort éclat de racine adhérent. 7. Planter les rejetons dans des tranchées parallèles de la distance de 75 centimètres en tout sens, et à la profondeur de 50 ou 60 centimètres suivant la hauteur de la souche. 8. Le terrain de la pépinière doit avoir été effondré à plein, avant d'y placer les rejetons, à 75 centimètres de profondeur. On a dû le bien épierrer et l'aplanir avant d'ouvrir les tranchées pour planter. 9. Enlever d'un coup de hache les vieux troncs abandonnés, les éclats de racines, pour faire une pépinière de souchets. 10. Choisir les souchets les plus sains, les plus gros, et qui ont le plus d'yeux. Il. Les disposer dans la pépinière comme les rejetons transplantés. 12. Combler la tranchée, en laissant à chaque souchet, auquel il faut mettre un échalas pour signal, un creux en forme de cul de chaudron, le combler peu à peu, en chaussant le rejeton qu'il poussera à mesure qu'il croît. 13. Donner au moins trois œuvres à la bêche dans l'année à la pépinière, et l'arroser, si elle souffre de la sécheresse. Comte A. de SINETY, L'Agriculteur du Midi, 1803.
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RECtPAGE
SCIAGE RAS LE SOL
CURETAGE PROGRESSIF
Figure 6. - Bouturage et greffe. D'après R. LOUSSERT (1978) etA. WITTENBURG (1983).
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jeune plant d'oléastre qu'ils transplantaient, en le greffant d'une bouture cultivée tout près de son pied; ils faisaient disparaître ce dernier plus tard. Il est possible que Théophraste se réfère à cette pratique, qui est différente de celle citée par Pline pour pérenniser les anciennes oliveraies. Bouturage, plantations par souquet, greffage d'un jeune plant d'oléastre peuvent se faire en pépinière (l{)VT€vJJ,.a) : Théophraste en parle d'une manière générale, Columelle est plus précis dans son livre V et prévoit une culture en pépinière pendant cinq ans, la transplantation se fera lorsque le tronc n'excède pas la hauteur d'un bras 26. Pour l'implantation défmitive, Xénophon (Œc., XIX) 13) nous donne une description précise de la fosse, telle qu'on peut la voir le long des routes: elle est plus profonde que pour les autres arbres, soit 2 pieds y. (± 80 cm). Ces fosses ({301'JPOL, 'YVPOL) doivent être préparées longtemps à l'avance, un an parfois, selon Théophraste, recommandation suivie par les agriculteurs de l'époque moderne. On y implantera le souquet dont on aura colmaté les cicatrices avec de l'argile et que l'on protégera par un vase renversé. Le texte de Théophraste [Test. 1.3] permet ici de compléter et de préciser Xénophon [Test. 4.3]. La tradition grecque, telle qu'on la pratiquait communément, s'est donc transmise sans grands changements à travers les écrits agronomiques grecs et latins sur ces points 27. Si l'olivier se reproduit aisément comme le précisent tous les auteurs, la lenteur de sa maturation, même par bouturage, explique le soin et les prescriptions des baux: pour l'entretien et le renouvellement de l'olivette, ce n'est pas d'une année sur l'autre, ou tous les deux ans, qu'il faut prévoir les travaux de plantation, mais pour dix ans d'avance au minimum. Il nous semble que c'est à cette particularité, plus qu'à une extension particulière de l'arbre, que l'on doit la référence fréquente aux plantations d'oliviers dans les baux. • LAFUMURE
Labourée ou plantée, la terre doit être fumée. Depuis longtemps les Grecs obéissent à cet impératif; qui ne connaît la célèbre image du chien Argo reposant sur le tas de fumier de mulets et de bœufs où les esclaves d'Ulysse venaient prendre de quoi alimenter le grand domaine (Od., XVII, 297) ? Elle évoque pour nous le traditionnel fumier de nos campagnes issu de l'étable. C'est ainsi que nous interprétons le rôle d'Héraclès nettoyant les écuries d'Augias. Mais pour l'époque classique il faut sans doute élargir le sens du mot K.orrpoc:. Certes, la fumure animale n'est pas ignorée, mais la stabulation du gros bétail est rare, le pacage des troupeaux dans les chaumes souvent interdit par crainte des dégâts aux arbres, probablement. La fumure animale devient minoritaire. On en a conclu que les Grecs ne fumaient pas leurs champs et que c'était là la cause de leurs faibles rendements. Il faut y regarder de plus près. D'une part, nous venons de le voir, un excès de fumure trop acide est néfaste aux céréales dans les terres légères ou trop sèches. C'est d'ailleurs au chapitre des arbres que Théophraste parle de la fumure. D'autre part, il est tout à fait inexact de dire que les Grecs ne se préoccupaient pas de fumure: celle-ci tient une grande place aussi bien chez Théophraste que chez Xénophon, et les baux s'y réfèrent souvent 28. Mais ces dernières indications peuvent paraître déroutantes: seul le bail d'Amorgos impose de transporter chaque année 150 couffes de- fumier, malheureusement nous ne savons pas sur quelle superficie. Les autres baux ont des indications négatives: ils imposent de ne pas transporter hors du terrain loué : les chaumes, axvpov, les broussailles, vÀf/, les boues, lÀvc:, l'herbe, XOpTOC:, la.Iitiêre, ovpipero« qui s'y trouvent 29.
c.r.,
26. Théophraste, III, 5, 2, H.P., 2, 5, 1. Les références de Xénophon, XIX, 13, ne s'appliquent pas à une pépinière, comme le dit P. GUIRAUD, p. 487, mais à des arbres en bordure de route. Sur la greffe d'oléastre, A. WITTEN BURG (1983), p. 510. 27. Pline, XVII, 80, 81 ou XVI les résume et les cite tous à ce propos. Les Géoponiques, IX, 5, 6, Il, Y changent peu. 28. Théophraste, III, 10, 3; 17, 5; 10, 3; H.P., II, 7, 1-4; VIII, 9, 1. Xénophon, œ«. XVIII, 2; XX, 4, 11. F. SALVIAT (1972), p. 371 sq.; P. GUIRAUD (1893), p. 466; A. JARDÉ (1925), p. 25, par comparaison avec les chiffres du XIX e s., propose pour Amorgos 13.650 kg de fumier: mais il envisage un fumier de ferme. 29. Rhamnonte, 1.G., II 2 , 2493; Délos, I.D., 354, 1. 19; Delphes, C.1.D., 10, L 21; Héraclée, 1.G., XIV, 645; Pirée, I. G., II 2 , 2498; Amorgos, 1.G., XII, 7, 62. Bail Temenos Ne1eus et Basile en Attique, 1.G., 12 , 94; Thasos, bail thasien et verger d'Héraclès, XII, 8, 265. réédition et complément in F. SALVIAT (1972), p. 363 et 367.
c.r;
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En comparant ces sources, on peut faire un tableau des possibilités de fumure: a) Animales, peu importantes, celles des moutons paraissent parfois néfastes; cependant porcs, chèvres, moutons, pigeons, mulets, bœufs peuvent procurer un appoint. b) Végétales: chaumes brûlés ou enterrés, litières et broussailles de la garrigue, plantes adventices de la friche utilisées à pourrir dans les fossés avec les herbes naturelles de ces derniers, plus rarement engrais vert: fève enterrée en fleur en Thessalie. c) Minérales: plus rares; le chaulage est cité pour Mégare, le nitre à Erétrie, mais comme des exceptions. d) Fabriquées : les rognures de cuir des corroyeurs sont recommandées, mais la lie d'huile, àJJ.oP'Y'T/, dont Caton fait un si grand cas, n'est citée ni par Théophraste ni par Xénophon. En fait, ce sont les engrais végétaux qui sont prédominants, et le «onpo; est souvent une sorte de compost végétal. Il en reste encore trace chez Caton: après avoir vanté la colombine, il pose la question «avec quoi faire le fumier (stercus) 'l » et il propose «les litières, le lupin, les pailles, les tiges de fèves» (Agr., 36). Après lui Columelle, Varron et Pline reviendront au principe de la fosse à fumier avec dominante animale et humaine. On a vu là un progrès de la science agronomique 30. En vérité, il s'agit surtout d'un contexte agricole différent. Les anciens partaient des constatations d'expérience et des possibilités, après quoi ils donnaient une explication. Si Théophraste croit à tort que les engrais apportent chaleur et froid et doivent être proportionnés selon ces données, le classement qu'il donne, en fonction de ses sources, tient compte de l'intérêt des engrais animaux 31. Mais les ressources en étaient limitées: petite propriété et pacage dans la garrigue se conjuguaient dans un système qui, nous l'avons vu, mettait l'accent sur les céréales et les légumineuses alimentaires; il fallait chercher autre chose. Des comparaisons dans le temps peuvent nous éclairer, car on retrouve des pratiques identiques dans la Provence et l'Italie du xtxe siècle, avec un certain nombre d'éléments communs: petites exploitations, polyculture, arboriculture importante 32. La quête des engrais devient une préoccupation essentielle, mais les solutions adoptées ne sont pas celles auxquelles pensent les agronomes. C'est avec cette optique qu'il faut envisager les prescriptions des baux. Ils cherchent à limiter, ou à garderpour le terrain tous les éléments susceptibles d'amender les terres. C'est donc que la pratique poussait à des échanges ou même à des achats. On a le cas des boues, lÀvç, du lac de Délos qui pouvaient être vendues comme engrais. Nous pensons que l'üÀ'T/ que transportent les "'1iers de Phainippos dans le discours de Démosthène (XLII, 7) ne désigne pas du bois de chauffage mais ces feuillages et broussailles dont une partie pouvait être brûlée, chez les boulangers, par exemple, mais dont une autre servait pour les composts. C'était là une ressource non négligeable de l'Êoxanu 33. Notons pour terminer que dans les terres sèches l'excès de fumure et en particulier l'acidité peuvent être néfastes au blé, un fumier trop compact est dangereux car il freine l'aération et l'humidité 34. De ce point de vue la fumure végétale n'était pas une si mauvaise solution. Il ne fallait pas en attendre des miracles mais, en dehors de la Thessalie, aucun miracle, même avec fumures, n'était à attendre de la terre grecque.
30. A. SORLIN·DORIGNY (1914), D.A., Rustica res, IV, p. 363 et 367; K.D. WHITE (1970), p. 124. 31. L'inspirateur de Théophraste, serait ici Chartodras (H.P., II, 7, 9), malheureusement inconnu, dont le nom est peut- être corrompu. 32. M. AGULHON (970), p. 36. 33. Sur le sens du mot, A. lARDÉ (1925), p. 93; 1. ROBERT (1960), p. 304, 306. Le sens donné par D. M. LEWIS (1973), à partir des inscriptions attiques, n'est pas contradictoire, mais trop restreint: la garrigue est en général sur les collines: susceptible d'être cultivée parfois, elle ne l'est jamais entièrement, c'est toute l'ambiguïté du mot saltus, tel qu'il conservera au Moyen Age ce sens agronomique. opposé à ager, indépendamment du sens juridique proprement dit. 34. F. BŒUF (1931); K.D. WHITE (1970), p. 129 et 131.
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• DES SEMAILLES A LA RECOLTE, LES FAÇONS • LE BON SEMEUR
Semailles et plaritations ont un caractère à la fois technique et rituel. La capacité du bon semeur à bien répartir la semence est le propre de l'homme mûr et expérimenté, Hésiode et Xénophon se complètent sur ce point [Test. 3.2 et 4.1], et il est amusant de joindre un texte du XIXe siècle à titre de comparaison: J'étais le laboureur; mais quand il s'agissait d'un labourage de semaille, je ne pouvais tout faire seul. Je n'étais point capable de m'attacher sur la poitrine le sac-à-poches, qui renfermait la semence, d'y puiser tour à tour de la main gauche, de la main droite, et de répandrë devant moi, en marchant à pas mesurés, les grains avec une parfaite régularité: un paysan que nous occupions presque toute l'année, c'était souvent mon parrain, Agricol Bernard, dit Calandre, excellent homme, dont le souvenir m'est demeuré cher, qui venait accomplir cette œuvre. Agricol PERDIGUIER, Mémoires d'un compagnon (la scène se passe vers 1812).
Il y a certes là, sous-jacent, le rôle de l'homme adulte comme agent de la fertilité des plantes comme des hommes, et le temps des semailles est toujours un temps marqué parle divin 35. Mais la capacité technique n'est pas exclue pour autant: il faut bien savoir choisir sa semence, parmi les meilleurs grains de l'année précédente, selon Théophraste (H.P., VIII, 2, 9), mais surtout savoir la répartir. Dans cette dernière opération interviennent deux éléments, d'une part le calcul de la quantité à répartir en fonction de la terre : d'une manière imagée, Xénophon rappelle qu'une terre maigre doit recevoir moins de semence car elle est moins capable d'en produire (Œc., XVII, Il). Certes, il ne faut pas charger une terre légère, mais une bonne terre permettant de son côté de produire davantage d'épis par grains semés ne doit pas être non plus semée trop serrée; ces constatations d'expérience expliquent les hésitations et les contradictions des agronomes antiques et modernes sur ce point 36. La bonne estimation de la quantité à répartir est d'autant plus délicate que la terre est mauvaise. Relativement aisée dans les limons du Nil, elle devient problématique dans les terres à céréales médiocres. C'est pourquoi il ne faut pas s'étonner de l'absence de références chiffrées dans les baux. Celles-ci n'apparaissent que dans les pays riches où la productivité est à peu près assurée à un niveau régulier, ou lorsque le système de prêt de semence est lié à une redevance ultérieure: ainsi à l'époque mycénienne. Mais là encore la superficie n'est pas toujours indiquée: on en a vite conclu que les Anciens n'avaient pas le sens de la rigueur économique et du rendement ... Lorsque le pays a une administration forte, celleci se préoccupe du rendement, à cause de l'impôt; ce n'était pas le cas en Grèce classique. En pays méditerranéen, sauf dans les terres très riches, imposer des taux précis de semences à la superficie aurait été tout à fait illusoire. La comparaison avec les habitudes médiévales de certaines régions du nord, et encore plus avec nos terres fertilisées aux engrais chimiques, est faussée. Nous avons bien quelques rendements par rapport à la semence, dont certains sont élevés, mais rien de précis pour la Grèce sur les semences. Les très rares références que nous possédons nous sont en effet de peu d'utilité 37. Qu'est-ce qu'une terre de trois médimnes (Aristote, Œc., II, 2, 26)? ou un domaine de 170 KlJ1rpoL? S'agit-il de semences, ce qui semble le plus probable, ou de rendement? Le seul chiffre de semence est celui de Cicéron pour Léontinoi, une terre riche, soit un médimne par jugère, 2,10 hl par ha ( Ver., III, 47, 112). Ce chiffre rejoint celui de Columelle (11,9) qui donne 6 modii d'orge pour une jugère. Cette estimation en volume a été transformée en poids pour faire des comparaisons. Mais le poids choisi par A~ Jardé 35. La fête agricole des proerosia est celle qui a lieu rrpo TOi! apoTpov. 36. Columelle, R.R., Il,9,5; Pline, HN., XVIII, 198; O. de SERRES (1600), ii, 4, p. 105; Théophraste, VIII, 6, 2. 37. Recensées par A. JARD~ (1925), p. 30 sq. Mais il faut renoncer à utiliser l'inscription d'Ëleusis, faute de superficies, les chiffres restant alors purement hypothétiques. De même, la superficie du domaine de Phainippos ne peut être 300 ha, comme le pensait A. JARD~ (1924), p. 36 sq., et était sûrement bien inférieure; S. ISAGER et M.M. HANSEN (1975); sur l'ensemble du discours de Démosthène, XLXII, G.E.M. de Ste CROIX (1966), p. 109 sq.
· LÊ!SiTECHNIQUES AGRAIRES
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pour l'orge (64 kg par hl) paraît trop élevé. Il correspond aux moyennes françaises du début du xxsiècle. Mais à Berlin en 1800 on ne trouve que 59 kg à l'hl et Pline (XVIII, 62) donne 15 livres au modius, ce qui équivallfà'56kgà'Ph1.Pour les terres riches d'Italie, on arrive donc à une semence de 1,17 q à l'ha enèrgé? Pour' ltf-blé les chiffres sont seulement ceux des agronomes latins (Varron, 1, 44; Columelle, Il, 9 ~tPlliie,:XVnl;24; 198). 5 modii par jugère, soit 1,75 hl, et selon le poids du blé en Sicile (77,9 kg à 'l'h}), '1,,36 'q'àl'ha> Il faut noter que ces taux d'e semences rejoignent ceux que l'on peut trouver pour la Sicile du XVIIIe siècle ou la Crète du XIXe. Dans l'ensemble, on sème en orge 2 à 2,4 hl à l'ha et en blé de 1 à 2 hl 38. Mais il faut prendre ces chiffres pour des moyennes, non pour des impératifs. La qualité du-bon semeur est justement d'estimer la quantité à fournir en fonction de la qualité de la terre. Et cette quantité se transmettait, comme cela s'est longtemps fait dans nos campagnes, par tradition orale. On la modulait par rapport au temps des semailles. C'est probablement ainsi qu'il faut comprendre l'estimation d'une terre «de trois médimnes ». Il serait aventureux d'en tirer des conclusions sur sa superficie. L'autre qualité du bon semeur après l'estimation de la quantité globale à répartir par champ est sa distribution régulière. Ce point est fondamental dans ces terres sèches, où il reste toujours quelques mottes mal écrasées. Il faut que les tiges aient suffisamment de place. La comparaison musicale de Xénophon rejoint toutes les prescriptions des agronomes modernes. Malheureusement, il est moins précis sur la répartition des planches et l'iconographie ne nous éclaire pas non plus. On peut comparer avec les méthodes de l'ancienne France: le champ régulièrement émotté par les labours de jachère, on délimitait tous les 4 à 8 mètres des planches à ensemencer en approfondissant à l'araire ou à la houe une des raies. Le semeur avançait dans la raie et remplissait à la volée la planche 39, Certes, on pouvait semer en ligne, dans chaque raie enfoncée plus profondément. Ce dernier système utilisé souvent pour les fèves peut être recommandé pour les céréales soit dans les régions froides, pour enfoncer davantage la semence, soit dans les terrains très limoneux; le semoir est alors utile et nous le trouvons d'ailleurs à l'époque contemporaine sur des terres d'Anatolie, à l'époque ancienne en Égypte et en Mésopotamie. Il n'aurait pas eu grand intérêt en Grèce 40. Pour recouvrir la semence, trois méthodes sont possibles : à la houe, comme le petit esclave d'Hésiode, méthode très longue qui ne convient que dans un très petit champ et qui est plutôt utilisée pour compléter le travail. A l'araire, méthode la plus courante, à la herse, méthode la plus économique en temps. Aucun de nos textes littéraires grecs ne fait référence à la herse, un seul mot, ètdoria, dans l'inscription des Hermocopides (5. E. G., XIII, 13, 1. 120) a pu, parfois, être interprété comme tel. Cependant, nous ne pensons pas que cette traduction puisse être retenue. Le hersage supprime ou remplace le sarclage manuel; or, celui-ci est le seul connu des Grecs. Nous ajouterons qu'à notre sens le problème de la herse est aussi lié à celui du tribulum ; c'est en étudiant l'ensemble de l'outillage au chapitre suivant que nous y reviendrons (cf. ci-dessous, p. 107). A l'époque qui nous occupe, le semeur est cet homme indispensable dont la cornp- '_.~nce va conditionner en partie la récolte, et l'iconographie nous en montre plusieurs exemples: il prend dans son panier, I()OpJlOC;, le grain qu'il va répandre (planche 8). C'est un personnage important et symbolique, celui qui n'est plus, comme -Ie Cyclope, le barbare qui recueille les f iits de la terre «sans travaux ni semailles s. mais celui qui sait l'ensemencer 41.
38. A. JARD~ (1925), p. 50-57; M. AYMARD (1973), p. 475 sq. 39. H.G. HAUDRICOURT (1955), p. 331. Le problème du vocabulaire en français est particulièrement délicat car cette planche était appelée sillon, puis ce mot, à partir du XVIe siècle, dans la langue littéraire, a servi à désigner la raie, et c'est ce sens qu'il a conservé de nos jours. 40. On trouve des araires à semoir en Mésopotamie à haute époque (2000 av. J.-c.) et en Assyrie. Moins usités en Égypte, ils se rencontrent cependant sur l'iconographie et dans les textes tardifs. Ce ne sont pas des instruments compliqués et ils n'indiquent pas forcément l'existence d'une grande propriété, comme le pensait SCHNEBEL. Un araire à semoir contemporain en Anatolie orientale a été étudié par F. CHRISTlANSEN-WENIGER (1967), qui a rassemblé aussi l'iconographie antique. Cf. aussi R. ELLISON (1982), p. 181 ; dans ses expériences, P. REYNOLDS (1979) sème en ligne. 41. Sur tous ces points, cf. P. VIDAL-NAQUET (1970-1983), p. 278- 279.
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• LA PLANTATION ET LE PREMIER ENTRETIEN
Le geste de planter est un peu différent. Nous en avons vu la préparation et ses modalités. La plantation défmitive peut avoir lieu en automne ou au printemps, on conseille de planter dans le terrain qui est en jachère; dans les champs complantés ainsi, l'arbre bénéficiera des labours. C'est souvent au jeune homme, et non à l'homme mûr, qu'est confié le soin d'enterrer le plant, et Xénophon insiste sur le fait que la technique est à la portée de tous (Œc., XIX, 14). En fait, à la différence du blé, ce sont les soins des trois premières années après la plantation - qu'elle soit en pépinière ou directe - qui conditionnent sa réussite : les jeunes plants doivent être arrosés au pied après l'ouverture d'une cuvette (rreptxvrpwp.a), les arrosages seront à poursuivre au pied de chaque arbre, régulièrement tous les mois, jusqu'aux premières pluies automnales, si la plantation est effectuée au printemps. Les exigences actuelles sont de 40 à 50 litres d'eau par plant; on a ainsi un excellent tassement de la terre et l'on évite les poches d'air. Lorsque cet apport n'est pas possible, on peut pailler le sol 42. On entretiendra très soigneusement les cuvettes au moins pendant trois ans afin de faciliter la conservation de l'eau à la moindre pluie. Mais les échecs sont possibles: le plant s'enracine mal, il est renversé par le vent avant d'être parvenu à maturité, et voilà plusieurs années de perdues. Homère a choisi une belle comparaison pour évoquer la croissance du plant d'olivier élevé avec soin et renversé par la tempête [Test. 2.l0l. C'est pourquoi le serment de Dréros impose l'obligation de planter mais aussi de présenter le plant d'olivier bien pris 43. • LES FAÇONS D'ENTRETIEN
Une fois lancés, le plant ou l'arbre doivent être entretenus, mais on confond trop souvent labours de jachère et façons dans les terres semées et plantées. Les soins apportés aux céréales, une fois la terre ensemencée, peuvent être totalement absents. C'est le cas dans le texte d'Hésiode; on passe des semailles à la moisson, et l'hiver est la saison morte 44. Mais Xénophon insiste au contraire sur l'importance du sarclage; son insistance prouve que le précepte était parfois discuté, car il en explique les raisons, alors que la plupart des autres opérations sont dites reconnues par tous. On voit se dégager à partir de son texte les deux travaux dont les agronomes latins nous donnent les descriptions : -Ie houage, la sartoris des Latins, le sarclage, la runcatoris 45. Xénophon utilise un seul terme, OKaÀ€lk, pour le sarcleur, qui participe aux deux opérations. o
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Le houage vise au sortir de l'hiver, en février souvent, à favoriser un bon tallage. Il faut parfois éclaircir les semis, souvent ramener la terre sur les racines, et parfois dégager les premières mauvaises herbes. C'est une opération qui se fait à l'instrument manuel pour les Grecs. De nos jours, on l'effectue encore à la herse, mais c'est une opération contestée car délicate pour les racines, et certains la déconseillent 46. Le sarclage vise les mauvaises herbes, et particulièrement les graminées reparties au printemps et
qui atteignent une certaine hauteur; elles peuvent gêner l'épiaison en étouffant les épis mais elles gêneront aussi moissonneurs et vanneurs, blessant les mains des premiers, retardant le travail des seconds. On enverra donc au champ les sarcleurs arracher, à la main parfois, avec une petite serpe, 42. R. LOUSSERT et G. BROUSSE (1978), p. 190. Id 11',2492,44. 43. Et non «en fleur» comme le propose M. DÉTIENNE (1973), p. 305, dans T€i}pullll€V11V le sens de «nourri, élevé» est impliqué. Inscr. Cret., 1 (1935), n° 1. 44. O., 494-495, M. MAZON (1913), p. 117, suggère que le vers «Le froid tend à écarter l'homme des champs à un moment où ul) travailleur courageux pourrait accroître grandement la valeur de son bien» indique que le paysan doit au contraire effectuer ces travaux d'hiver. 45. Xénophon, Œc., 17, 12 sq. ; Théophraste, c.r., III, 20. 6. Sur les travaux des agronomes, Columelle, II, II, 1- 2; Palladius, 11, 9,1; discussion principale chez M. KOLENDO (1968), p. 56 sq., (1971), p. 104-120; L. CRACCO RUGGINI (1980), p. 46. 46. O. de SERRES (1600), Il, 5, p. 124, s'étonne du faible emploi de la herse et l'envisage pour ce travail. M. CLÉMENTS-. GRANCOURT et J. PRATS (1971) rappellent que le hersage se pratique toujours pour faire taller le blé, mais le déconseillent et préfèrent les désherbants.
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ou tout simplement une binette, mauvaises herbes et broussailles; travail long, pénible, et cependant délicat, car il faut éviter d'abîmer le blé. Les femmes y sont parfois employées, et le mot noàcrpia se rencontre isolé chez les Comiques (Phrynichos le Comique, fgt l, 380; Archippos, fgt 2, 797). Notons que plus la jachère a été bien nettoyée avant l'ensemencement, moins les mauvaises herbes repoussent, et moins le sarclage est utile. En dehors de ces opérations, on ne relève que des allusions très succinctes aux possibilités d'effanage: lorsque la moisson semble s'annoncer très dense, on peut chercher à l'éclaircir pour éviter les risques de verse, soit en envoyant des animaux brouter dans les champs avant l'épiaison, soit en coupant les tiges trop hautes à la faucille. Théophraste y fait référence pour la seule Thessalie, €1ftV€JJOVUt «ai ènuceipouc« TOV oirov. Hérodote emploie sans doute cette comparaison pour évoquer le rôle du tyran décapitant l'aristocratie. Mais il l'envisage comme une absurdité. L'ensemble des terres grecques n'étaient pas concernées par le risque des moissons trop serrées 47. On laboure aussi dans les plantations. Mais il faut distinguer les soins donnés aux jeunes plants qui sont buttés au moins deux fois, en mars et en avril, et les arbres adultes. Ce n'est que dans une agriculture soigneuse qu'on donnera une ou deux façons autour du pied, la plupart du temps on ne fait rien et les arbres profitent des façons des champs dans les terres complantées. Cependant certains baux précisent le travail de buttage, de cavaillonnage, que l'on doit effectuer à la sortie de l'hiver, et qu'il ne faut pas confondre avec l'entretien des cuvettes, indispensables aux jeunes plants, moins à l'arbre adulte. On nettoie littéralement le pied de l'arbre et on dégage les racines (KaTaaKti1rTw). Il faudra alors les recouvrir de nouveau avant l'été. Ce sont là des travaux soigneux et exigeants; nous en trouvons quelques allusions dans les baux 48. De même la taille, qui occupe beaucoup de temps et demande du savoir-faire dans les plantatic.is intensives modernes, était-elle plus réduite. On parle d'ébranchage; Théophraste (H.P., 2, 7, 1) cite la Buucàôaooi«, la taille proprement dite, mais ses indications sont peu précises, En fait, la taille de l'olivier est assez particulière à cause de la croissance végétative de l'arbre, et elle reste controversée, même parmi les agriculteurs modernes (planche 5). Il faut bien distinguer les trois types de taille : o La taille de formation: Elle consiste à dégager dans les premières années les rejetons qui poussent annuellement afin de conserver forte la charpente maîtresse, et d'autre part de «conduire l'arbre» pour qu'il ait une large frondaison. Celle-ci récoltera un maximum de chlorophylle avec son feuillage toujours vert, et l'arbre ne montera pas trop haut. Plus cette taille est sévère, plus elle retarde la production. Il semble que les anciens l'aient peu pratiquée, car l'iconographie nous donne une image d'arbres en .hauteur ; ils dégageaient les rejetons mais ne «conduisaient» pas l'olivier. o La taille de fructification : «L'arbrenon taillé a tendance à donner plus de fruits qu'il n'en peut alimenter. Ce pe..chant s'accentue avec l'âge et les charges pléthoriques entravent fâcheusement la croissance des pousses de l'année, ce qui a pour effet de réduire d'autant la fructification de l'année suivante. Ce phénomène de saisonnement des productions est particulièrement marqué sur les oliveraiescultivées en sec sous climat semi-aride: c'est l'alternance.» 50 On récolte un an sur de~x ... La taille de fructification a pour but d'atténuer l'alternance en essayant
de régulariser la production par une taille annuelle très délicate. La fructification ne s'effectuant que sur le bois de l'année précédente, il faut à la fois tailler pour .prévoir une bonne 'récolte l'année suivante et ne pas compromettre celle de l'année en cours. Au 47. Théophraste,H.P., VIII, 7,4 ; Hérodote, V, 92; Pline, XVIII, 161; R. BILLIARD (1928), p. 115. 48. Virgile, Gëorg., Il, 420-425; Columelle, R.R., V, 8; Pline, N.H., XV, 4. nepLoKaljleL' Kai 1rOTLoKaljlei, bail d'Héraclée, J. G., XIV, 645, 1. 173. Les prescriptions de binage et buttage sont beaucoup plus fréquentes pour la vigne, et les conclusions que Ed. WILL (1962), p. 70, a tirées des textes sur la culture de l'olivier semblent un peu exagérées: ce sont en fait la plantation et le départ du jeune arbre-qui exigent le plus de soins. , 49. Théophraste conseiUe la troisième année de ne laisser à chaque bouture que deux rameaux (H. P.• V, 9; 2, 7).11 suit ici Androtion et pense que l'enquête devrait être poursuivie sur la taille. Il semble ne faire référence qu'à la taille de formation et de régénération. 50. R. LOUSSERT et G. BROUSSE (1978), p. 269.
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contraire, la taille traditionnelle, espacée, attend le vieillissement naturel des rameaux pour les retirer; ils ne produisent plus et sont suffisamment ligneux pour procurer du bois de chauffage. Ce vieillissement s'effectue sur une période de cinq à huit ans. On comprend le conseil de Columelle pour une taille tous les huit ans (R. R., UV, V). Mais ce rythme accentue le phénomène de l'alternance, que les Grecs considèrent comme une des caractéristiques de l'arbre. Ce n'est que très récemment que l'on a cherché à la contrecarrer par une taille annuelle associée à la fumure. La taille de restauration ou de rajeunissement: Sur un arbre vieillissant, mal entretenu, ou dont la charpente a subi de graves dégâts, on peut pratiquer une taille sévère : on rabat le sommet de l'arbre au profit des branches basses, cette taille est exécutée en période de repos de l'arbre. Au bout de trois ou quatre ans les nouvelles pousses ont atteint suffisamment de vigueur pour que l'arbre puisse retrouver sa vigueur initiale. Le profit est donc plus rapide que dans un recépage ou une .bouture, mais les plaies de cicatrisation étant fortes, les risques d'échec et de maladies sont plus grands.
• LES MALADIES (tableau III, p. 283)
La récolte, quels que soient les soins apportés, n'est en effet jamais acquise. Les accidents climatiques sont toujours possibles, nous l'avons vu, et Xénophon le rappelle d'une manière générale (Œc., V, 18) : grêle, gelées, sécheresse, pluie excessive, ravages des prédateurs et maladies laissaient les agriculteurs grecs aussi démunis que leurs homologues européens jusqu'à une époque récente. Ils ont cependant cherché à mieux les connaître. Si Xénophon se contente de citer la rouille, Épvoi{31/, Théophraste est plus précis (H.P., IV, 14, 10). Pour le blé, il distingue les parasites et en particulier le eouôaoi», probablement l'alucite; et il s'interroge sur l'origine de la rouille, considérée comme une pourriture. Ce champignon qui attaque les grains en réduisant leur taille, avec des tâches noires ou brunes, est sans doute confondu sous le même nom avec l'autre champignon, particulièrement néfaste au blé, le charbon ou la nielle, dont les effets sont assez proches. Nous trouvons référence de la rouille chez Platon, comme chez Théophraste et Aristote 51. En ce qui concerne l'olivier, on a maintenant l'exemple par les fossiles de Santorin d'attaques sur le fruit à très haute époque 52. Les insectes les plus dangereux sont la mouche de l'olivier, Dacus oleae, et le psylle. La première est la plus nocive (60 % des pertes à l'heure actuelle lui sont dues). Ses larves installées dans le noyau et la chair accentuent l'acidité et provoquent la chute précoce des fruits. C'est son action que désigne Théophraste sous le nom général de OKWÀ1/~. Le psylle; que l'on appelle parfois «coton» actuellement, à cause de la matière cotonneuse qu'il sécrète, est aussi décrit par Théophraste sous le nom de àpaxv1/ (H.P., IV, 14, 3). L'olivier craint enfin certains champignons, ainsi la fumagine ou noir de l'olivier, qui peut entraîner le dépérissement de l'arbre et s'attaque aux feuilles, c'est sans doute la l/Iwpa, traduit souvent par «gale ». Il faut la distinguer de la rogne de l'olivier, tumeur d'origine bactérienne cette fois-ci, qui entraîne une réduction de rendement. Elle se caractérise par des plaques et des tumeurs, des protubérances que le botaniste énumère aussi: ilÀoç, /lVK1/C;, À01l'aç (H.P., IV, 14, 3); l'arbre semble attaqué par des brûlures de soleil. Théophraste dans ce chapitre est très attentif à distinguer accidents naturels et maladies. Son propos n'est pas de chercher des remèdes à celles-ci mais de les classer. Ces remèdes, nous en trouvons quelques exemples dans les Agronomes latins et. les Géoponiques. Ils semblent reprendre plus des traditions populaires devant des maux que l'on ne maîtrisait pas que des recettes assurées. On a ironisé sur ces superstitions de paysans ignorants. Mais la lutte contre parasites et maladies est restée, de fait, dérisoire jusqu'à l'apparition des insecticides. Encore ceux-ci doivent-ils être maniés avec une grande prudence, en particulier sur l'olivier. On peut difficilement reprocher aux Anciens de les avoir ignorés! 51. Platon, Rep., 60, 9, a, Conv., 188 b; Aristote, H.A., 22,3; Théophraste, c.e.. 3, 24,4; 22,12. 52. W.L. FRIEDRICH, Thera and the Aegean World (1978-1980), p. 119, fig. 12, impression sur une feuille d'olivier fossile d'une larve d'Aleurolobus olivivus silvestri (puceron d'olivier).
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En 1930 encore, en Tunisie, un agronome.reconnaît que la seule lutte contre les parasites des céréales reste le choix d'espèces particulièrement résistantes 53. La faiblesse des défenses traditionnelles contre maladies et parasites explique aussi l'attachement à certaines espèces dans des régions données, ainsi l'orge et l'amidonnier qui résistent bien à la verse et à la rouille. Et les conseils de Théophraste et Columelle se rejoignent : essayer au maximum d'adapter le choix de la récolte au type de terrain, à son exposition, au vent, au soleil, à l'humidité. Ces préceptes constituaient le meilleur des moyens à la disposition des agriculteurs. Ainsi les travaux des agriculteurs peuvent peser dans une certaine mesure sur les récoltes à venir, d'Hésiode à Théophraste chacun insiste sur l'importance de ces travaux pour la récolte future: quelles qu'en soient les motivations, le résultat est là, cette récolte dépend en grande partie de l'activité menée précédemmen t.
• LES RECOLTES Pour le paysan grec, le calendrier des récoltes s'étend du printemps à l'hiver avec quelques pointes: mai, juin voient les céréales et quelques légumineuses arrivées à leur terme; septembre et octobre sont dominés par les vendanges; 'la récolte des olives qui commence par les vertes et, pour les fruits tombés, dès août, se prolonge parfois jusqu'en février; mais les mois les plus importants sont novembre et décembre. D'une manière générale, les récoltes sont souvent étalées, ce qui facilite le recours à la maind'œuvre familiale: on coupe le raisin très mûr, on peut prolonger la moisson, on proportionne la récolte des olives aux possibilités de presse. Cependant elles restent l'instant privilégié où se joue l'année à venir, et qui demande souvent un appel de main-d'œuvre extérieure. Si -nous possédons quelques textes, les illustrations sont peu nombreuses, en particulier pour la moisson elle-même, et les baux ne nous sont plus ici d'une très grande utilité.
• LA MOISSON
Nous disposons de trois textes précis qui peuvent nous permettre de décrire les opérations de la moisson: l'évocation du bouclier d'Achille de Ylliade [Test. 2.16], la description de Xénophon dans l'Economique [Test. 4.2], celles d'Hésiode, moins précises, dans Les Travaux et les Jours [Test. 3.3.4]. Quelques allusions éparses et les textes des agronomes latins peuvent nous permettre de compléter certains points, mais l'essentiel des éléments se trouvent dans ces trois références. Pour «moissonner», le Grec emploie soit le vieux mot àJ1aw conservé dans la poésie et qui a fourni plusiei..s termes techniques - ainsi ce' qui concerne la mise en gerbe - soit ftepisw. Ce terme est celui qui désigne d'une manière générale les récoltes d'été; il est employé en prose, c'est celui qu'utilise Xénophon dans sa description de la moisson des céréales. Le geste du moissonneur, déjà décrit par Varron, et soigneusement étudié par les ethnologues, consiste à prendre dans la main gauche une poignée d'épis, la javelle, [,pa:yp.a, la tordre légèrement, puis la couper d'un geste sec avec la faucille S4. L'ouvrier la pose derrière lui puis continue avec la javelle suivante. Lorsque les moissonneurs sont nombreux, on avance en ligne pour ne pas risquer de se blesser ni de laisser échapper les grains [Test. 7. 1]. La hauteur de la coupe dépend de l'usage que l'on veut faire de la paille, habituellement on coupe à mi-hauteur; il faut en effet de la paille 53. F_BŒUF (1931); sur le rôle des insecticides et les maladies actuelles, R. LOUSSERT et G. BROUSSE (1978), p. 283-329. 54. Il., XVIlI, 550-557; œ«. XVIII, 1-2; O., 478-482; 571-577 ; Sc., 288; Théophraste, c.r, 4, 13, 6; Varron, R. R., r, 52; ColumeIle, Il, 20, 3; Pline, XVIII, 296- 297; Théocrite, X, 1 et 43·45. Cf. LE GALL (1959), p. 55 sq.
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pour les litières, mais point trop pour faciliter le dépiquage [Test. 4.2]. Cependant, si la moisson est mauvaise, il faudra couper accroupi, au ras du sol, comme le rappelle Hésiode, et les javelles seront liées tête-bêche [Test. 3.3].
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Figure 7. - Les gestes de la moisson à la faucille. a) Champs peu fertiles. b) Moisson relativement abondante. (G. LERCHE, 1968, Iran). Clichés International Secretariat for Research on the History of Agricultural Implements.
Derrière les moissonneurs marchent les botteleurs. Avec les javelles on constitue une gerbe parfois avec cinq ou six javelles, parfois davantage. Ces gerbes sont courtes, il ne faut pas les imaginer comme les nôtres, en général elles sont transportées directement sur l'aire. Celle-ci, encore de nos jours, est souvent près du champ, sinon on transporte les gerbes dans des filets ou à dos d'âne. On va ensuite laisser gonfler le blé sur l'aire. On cherche à moissonner plutôt un peu en avance qu'un peu en retard'. Cette pratique, à laquelle les agronomes donnent des motivations variées, vient essentiellement du fait que le grain trop mûr s'égrène et que l'on veut éviter d'en perdre. On a une référence de Démosthène sur les glaneuses (X, 6), mais seul Varron (R. R., l, 53) fait allusion à la vente du droit de glanage. La moisson est faite avec beaucoup de soin pour éviter justement les pertes.
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• DÉPIQUAGE (planche 15)
C'est autour de l'aire, àÀw71, dÀwc;, 5ivf/, que s'accomplissent les travaux ultérieurs. Celle-ci est construite dans un endroit venté, elle est proportionnée aux récoltes utilisées, et celles de Phainippos considérées comme de bonne taille mesurent un plèthre 55. Actuellement en Méditerranée, et particulièrement en Grèce, des usages très variés peuvent coexister dans une même région. Nous avons vu dans le Péloponnèse et en Crète des aires dallées comme des aires simplement enduites d'argile. La Corse connaît encore l'usage de la bouse séchée. Les Romains ont beaucoup prôné l'utilisation de l'amurca pour enduire les aires. Nous n'en trouvons pas référence pour nos périodes 56. L'essentiel pour l'aire est que le sol soit parfaitement dur et lisse et puisse facilement être balayé. Le procédé utilisé en Grèce est en effet le dépiquage aux pieds par les animaux: celui-ci se distingue donc à la fois du battage au fléau, employé dans les pays septentrionaux, et du rouleau à battre, introduit dans l'Italie et la France du Midi à la fm du XVIIIe siècle. Ce dépiquage nous est décrit par plusieurs textes grecs 57 [Test. 2. Il; 3.5; 4.2]. On y emploie des bovins ou des mulets. Si l'usage d'un fléau simple (en une seule partie comme un bâton) est parfois utile pour quelques légumes à cosses, le dépiquage représente la méthode essentielle aussi bien pour la plupart des légumineuses que pour les céréales. C'est à lui que se réfèrent les verbes dÀoav, rpi{3€Lv.L'orge est dépiquée sur l'aire comme le blé tendre. Seuls, à l'époque de Démosthène, quelques peuples de Thrace engrangent encore leurs amidonniers en épis. Le tribulum, planche hérissée de silex traînée par des animaux, n'apparaît pas avant le Ille siècle av. J.-c. Le dépiquage doit être conduit avec soin. On dispose les gerbes en cercles et on les délie. Le grain est constamment ramené sous les pieds des animaux et ceux-ci doivent être surveillés. On utilise le bétail dont on dispose : bœufs, chevaux ou mulets. Ce piétinement réduit évidemment la paille en morceaux et balle et grain se séparent. Le même travail est accompli pour la plupart des légumineuses. Il reste donc en fm de journée un tas de paille, grain et balle mêlés à quelques mauvaises herbes. Il faut rapidement songer à le nettoyer. C'est là le travail des vanneurs. • LE VANNAGE (planches 15 et 16)
Xénophon nous a donné à la suite de la description de la moisson et du battage une analyse très soigneuse du vannage [Test. 4.2]. Cette opération, qui paraît simple à première vue - jeter paille et grain mêlés pour que le vent les sépare - demande en réalité beaucoup de soin et une main-d'œuvre attentive; deux comparaisons d'Homère, l'une relative aux céréales, l'autre aux fèves, sont particulièrement pertinentes. [Test. 2.3 et 8}. Il s'agit, profitant d'un bon vent, de jeter en l'air avec la pelle à vanner une pelletée du produit du dépiquage. Mais ce geste doit être adroit. Il faut en effet le proportionnér à la force de la brise pour que tas"de grains et tas de résidus soient bien séparés et que, de la colonne qui s'élève alors au milieu de l'air, se dégagent les produits souhaités, sa.e que le travail soit à recommencer 58. Si le grain est trop mélangé, on crible sur place, puis on le range (planche 16). Dépiquage et vannage sont des travaux fatigants et longs que l'on fait en pleine chaleur pour que le grain soit bien sec. • RANGEMENT ET CONSERVATION
Tout peut être conservé, et d'abord ce mélange de paille brisée et de balle qui constitue l'dxvpa; c'est un produit de valeur, que nous retrouvons dans l'inventaire des Hermocopides, pour lequel on a à 55. Démosthène, XLII, 6. Soit un diamètre de 29 m, et 840 m'. Habituellement, on trouve des aires de 20 et 30m de diamètre. 56. On sait que Caton (91 et 129) s'y réfère. Cf. aussi Varron, R.R., l, 51; Columelle, R.R.. 2, 19; Palladius, 7, 1; Pline, H.N., XVIII, 295. Columelle, I, 6, 23, parle d'aires pavées. Les Gëoponiques, Il, 26, reprennent la plupart de ces usages. 57. Sur les classifications des méthodes de battage, C. PARAIN (979), p. 17 sq., A.G. HAUDRICOURT (1975), p. 48. Bonne descfiption, G. LERCHE 0!1{i8), p. 32749. Sur le vocabulaire, H. BLÜMNER 1(2) (1912), p. 3·5. 58. Xénophon, œ«. XVIII, 6-"10; A. STEENBERG (1943); J.E. HARRISSON (1903), p. 299, (1904), p. 241; H. RASMUSSEN (1969), p. 100.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
Délos des granges particulières. Mais il ne faudrait pas imaginer ces granges à paille remplies de gerbes comme les nôtres. Le produit est en fragments. Il peut être conservé en tas, mis dans des contenants de sparterie. On s'en sert pour la nourriture des animaux, la litière, mais aussi dans le bâtiment, mélangé à la terre et la chaux 59. Mais, bien sûr, le problème le plus important reste celui de la conservation des grains. Des travaux récents ont bien rappelé les divers éléments de la question et les solutions mises en œuvre au XIX e siècle 60. Les céréales sont en effet susceptibles de s'altérer à cause de l'humidité qui entraîne la fermentation, et par les insectes qui s'introduisent facilement et se développent dans ce milieu favorable. Il faut ajouter enfm les prédateurs traditionnels (rats). Lorsque le grain n'est pas immédiatement destiné à la vente, 'le problème de son engrangement est important. Conservation des semences d'abord : Théophraste y consacre plusieurs pages (H.P., VIII, 1). Normalement, on les conserve pour l'année suivante, plus rarement davantage. Il existe des fosses à grains; la technique a été longtemps employée dans le Midi français dans les champs mêmes. Elle est proche de la technique du silo, oioô«. Ceux-ci sont attestés : l'inscription relative aux prémices d'Éleusis au v e siècle av. J .-C. y fait référence (1. G., P, 76, 1. 10-13); nous en trouvons encore référence dans la Grèce classique pour la Grèce du nord (Démosthène, Chers., 45), mais on constate qu'à O1ynthe les silos du VIe siècle sont abandonnés et les réserves deviennent individuelles dans les maisons. Elles sont alors dans des contenants en céramique et c'est à ce type de réserve que se réfère Hésiode (O., 611). Les termes grecs pour désigner le grenier, la réserve, sont d'ailleurs très imprécis : ri drrotJilKT/, ri KaÀta, 0 tuôecov. 0 m.Jp,,{oc;, 0 po"{oc;. 6 atTO{3oÀ€Ïov, TD rauieiov ; ils peuvent indiquer le magasin, la cabane, le cellier. Il n'y a pas d'équivalent à notre mot «grange », Dans les rares fermes fouillées en Grèce, exception faite pour la Chersonèse, la . réserve apparaît mal 61. Elle est parfois localisée dans la tour (1TlJP"{oc;) avec un pithos enterré, mais la règle est loin d'être constante. Plus souvent, et l'inscription des Hermocopides nous le confirme, les jarres de grains et les paniers voisinent avec les jarres d'huile. Tout indique donc une conservation brève, ne dépassant pas l'année, souvent moins longtemps même. Et l'étonnement de Xénophon durant l'Anabase devant les réserves à long terme de certaines régions d'Arménie (A n., IV, V) nous confirme que tel n'était pas l'usage en Grèce. Il se posait un problème en cas de siège, et la description la plus précise que nous possédions des réserves à grains provient du traité de poliorcétique de Philon de Byzance, au livre V, la Syntaxe mécanique; Y. Garlan l'a daté des environs de 225 av. J .-c. et en a donné analyse et traduction 62. On y trouve trois types de réserves à grains : Les silos, otpoi, creusés : «... enduire leur fond sur quatre doigts d'épaisseur d'argile bien pétrie et mélangée à la paille hachée, et enduire sur leur pourtour d'amurque (àJ1oPY'1). On fermera avec un couvercle en cône de briques enduites d'argile.» (B,6)
Les greniers, dont les murs et le plancher sont aussi enduits d'amurque, constructions aériennes en bois avec des ouvertures pour l'aération. Des celliers voûtés en pierre; pour faciliter la conservation, on place au centre un vase rempli de vinaigre, ou l'on ajoute des produits assez étonnants : foie de cerf, fenugrec broyé ou origan, dont l'odeur forte éloignait les souris. . Ces réserves à grains sont désignées par Philon sous le nom de OLT0{30ÀWV (B, Il, a). On retrouve ce terme au ne siècle, dans un papyrus et dans les comptes déliens (J. G., XP, 287 A, 1. 170); les formes 59. W. KENDRICK PRITCHETT (1956), p. 182·183. Pour le bâtiment, Théophraste, H.P., VIII, 4, 1 et Y. GARLAN (1974); ilxvpwv apparaît dans sept domaines de Rhénée et dans deux à Délos, I. G•• xl' , 287 A, où il semble désigner le grenier.
60. M.GAST, F.SIGAUT(1979), F.SIGAUT(1978). 61. Sur ces points, M.C. AMOURETTI (1979), p. 60-62. Les femmes sont recensées in N. NOWICKA (1975) et J. PECIRKA, in FINLEY (1973), à partir des travaux de J.H. YOUNG (1956), p. 123-146, J.H. KENT (1948), J.E. JONES, A.J. GRAHAM (1962 et 1973). Ltp6~ est attesté dans les papyrus, G. HUSSON (1983), p. 252. . 62. Y. GARLAN (1974), p. 281-404.
LES TECHNIQUES AGRAIRES
73
OtT0f30ÀtoV, OtT0f30ÀOV sont aussi attestées 63. Il semble qu'elles désignent des greniers publics, ou religieux, et pour les maisons privées le vocabulaire est beaucoup plus vague : en fait, la réserve contient aussi bien les céréales, les légumes, l'huile et le vin.
OtTof30ÀetOV,
• LA RÉCOLTE DES OUVES
La récolte des olives pose des problèmes bien différents de ceux que nous venons d'évoquer. Les olives, fruits de petite taille, sont très longues à ramasser et demandent beaucoup de main-d'œuvre. D'autre part, la maturation de chaque arbre varie, dans une même plantation, suivant l'orientation, le microclimat, l'âge : ces différences étant plus accentuées encore dans l'agriculture traditionnelle. Lorsque l'olive est cueillie en vert, elle peut servir directement à l'alimentation, après préparation (cf. ci-dessous, p. 178) ou fournir une huile qui est plus fruitée, de couleur verte, moins acide mais moins abondante que celle de l'olive noire. Le temps des récoltes s'étend donc sur une longue période, de la fm août jusqu'en mars-avril pour l'Italie, la Corse, de novembre à mai actuellement dans le comté de Nice 64. Cependant il semble, d'après les remarques de Théophraste sur la maturation de l'olive (C' P., 6, 19, 3; 6, 8, 1; 6,8,5), que dans le monde égéen la maturation s'étendait plutôt d'octobre à décembre, et la récolte en vert en septembre. Il faut enfm souligner qu'un bon nombre d'olives tombent avant maturation, soit en septembre au moment des premiers coups de vent ou de pluies trop violentes, soit dès août lorsqu'elles sont attaquées, en particulier par la mouche de l'olivier. L'agriculteur soigneux les ramassera rapidement. On va donc adapter les techniques de récolte à trois impératifs : a) D'une part la dimension de l'arbre : taillé bas, il permet une cueillette à la main qui peut être le fait des femmes comme ce fut le cas dans la Provence du xrxe siècle. Mais laissé en hauteur, il ne permet qu'un gaulage, souvent acrobatique, ou l'attente de la chute des fruits à maturation. b) Mais intervient aussi l'usage désiré du produit: pour l'olive de table en vert et l'huile verte, on ne peut se contenter de la chute naturelle si l'on en désire une petite quantité. Par contre, une huile médiocre et très acide sera facilement obtenue de fruits tombés et conservés jusqu'à ce que le total soit suffisant pour le moulin. On les recouvrira de sel pour éviter la putréfaction 65. c) Enfm, l'impératif fondamental reste aussi la disponibilité en main-d'œuvre. La cueillette familiale commence avec le ramassage par les femmes dès août, en fm de matinée, après la rosée, des olives tombées. Mais en novembre, il est bien rare que l'on ne fasse pas appel à un peu de main-d'œuvre extérieure. Les dernières olives tombées après maturation sont souvent ramass-es encore par les femmes, malgré la rigueur du climat. Actuellement, le coût de la main-d'œuvre correspond à 60 %80 % du coût de l'exploitation et occupe 80 % du temps employé à l'entretien des oliviers 66. Il existe trois techniques de récolte: le ramassage sous l'arbre des fruits tombés qu'il faut ensuite nettoyer; la cueillette sur l'arbre des fruits à la main ; enfm le gaulage, qui suppose un ramassage immédiat et un vannage. Tous les trois sont utilisés en Grèce, comme nous le prouvent les illustrations des vases et les textes de Théophraste; mais gaulage et ramassage semblent les plus pratiqués, tandis que les Agronomes latins vantent surtout la cueillette à la main et déconseillent le gaulage 67. Mais la pousse 63. On pourra comparer avec les descriptions de Varron, R.R., l, 57. Sur les correspondances archéologiques dans le monde romain, G. RlCKMAN (1971), p. 213-241. Sur Ut'T0{30hEWV, P. ROUSSEL (1935), p. 375 sq.; Y. GARLAN (1974), p. 370. Dans les papyrus, G. HUSSON (1983), p. 253. On y trouve mentionnés ricin et sésame. 64. R. LOUSSERT et G. BROUSSE (1978), p. 331; P. RAYBAUT (1982), p. 506. Pour l'Italie antique, Columelle, XI, 87; XII, 52; Pline, XV, 13. Pour la Grèce actuelle, C..CONNELL (1980), p. 40. 65. Palladius, XI, 621. P. RA YBAUT (1982), p. 508, n. 10, rappelle que cette technique s'est conservée par endroits. 66. R. LOUSSERT et G. BROUSSE (1978), tableau p. 332. M.C. AMOURETTl, G. COMET (1985), p. 65-72. 67. Columelle, XII, 52, 9; Pline, XV, 6, 9; Palladius, XII, 17, 1; Géoponiques, IX, 17, 1 ; IX, 13, 3.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
en hauteur rend celui-ci inévitable, dès lors que l'on veut accélérer la récolte pour une presse relativement rapide. Aucune de ces techniques n'est facile, contrairement à l'image donnée par les cartes postales, sur lesquelles de charmantes jeunes filles semblent, par jeu, ramasser aisément des kilos de fruits. En fait, il faut tirer le fruit qui ne se laisse pas facilement arracher, et jouer habilement du panier accroché ou tenu à la main ou de la poche ouverte pour cueillir et engranger le plus rapidement possible. Un bon cueilleur va jusqu'à 9 à 10 kg par heure, parfois jusqu'à 15, mais les journées d'hiver raccourcissent et le temps passé n'est pas illimité. La norme de 100 kg par jour n'est atteinte que dans d'excellentes conditions, et la moitié paraît plus justifiée, souvent. C'est le chiffre donné pour Amorgos en 1980, dans un cadre traditionnel 68.
Figure 8. - Le gaulage des olives. Amphore attique à figures noires, VIe siècle av. J .-C. British Museum, B. 226.Croquis P. RAYBAUT (1982).
68. C. CONNELL (1980), p. 40.
LES TECHNIQUES AGRAIRES
7S
Le gaulage fait tomber les olives d'un arbre en une demi-heure ou une heure pour une bonne production et un arbre bien taillé. Encore faut-il ensuite ramasser les fruits, puis les «venter», c'est-à-dire les séparer des feuilles et brindilles attachées. On procède avec une pelle de bois comme pour le vannage. Le gaulage est toujours complété par un élagage de l'arbre, destiné à récupérer du bois pour les échalas et des brindilles pour le feu. Les gauleurs montent avec leurs serpes à émonder. Il faut être habile, non seulement parce que l'exercice est souvent périlleux, mais aussi parce qu'un gaulage brutal abîme irrémédiablement l'arbre. Sur ce point, les recommandations des agronomes rejoignent les traditions locales : on gaule toujours de l'intérieur vers l'extérieur. Enfm, le ramassage n'est pas lui-même de tout repos. Il faut une bonne technique de préhension pour saisir le maximum d'olives dans la main et ne redresser le dos que le moins souvent possible. Si l'automne est souvent ensoleillé, on ratnasse aussi en hiver, les doigts gourds. Notre documentation grecque n'est pas très importante, surtout comparée aux textes des agronomes latins. L'huile, OJ,ll{)aKLVOV ou wJ,lorpt.{jÉç (Théophraste apud Athénée, 2, 67, 6), est fabriquée à partir des olives vertes, cueillies ou tombées, et citée dans le corpus hippocratique; elle est employée pour les parfums, à partir d'oliviers sauvages (Théophraste, De odor., 15), et reste appréciée. Mais pour l'alimentation, nos références sur cette huile omphacine sont tardives et rejoignent les traditions romaines. Nous connaissons mal les goûts des Grecs. L'huile de Samos si renommée et dite blanche était-elle fabriquée à partir d'olives non parvenues à maturité, ou bien déjà violettes, comme l'huile viride des Romains, souvent citée comme la meilleure? Ou au contraire était-ce une huile tardive de peu de goût 69 ? Le mot 6pV1r€1rijç a prêté à interprétations diverses à cause de l'usage qu'en fait Pline 70. Cependant, il semble désigner pour les Grecs l'olive qui a mûri sur l'arbre et qui est prête à tomber (Théophraste, H.P., 6,8,4), noire et acide. Si l'on attend trop, elle donnera une huile de mauvaise qualité. Enfin, Aristophane (Vesp., 712) nous parle des ramasseurs d'olives, €ÀaoÀ&yoL, «toujours prêts à suivre celui qui leur donnera un salaire », ce qui confirme l'utilisation de ces travailleurs temporaires, peu considérés et sur lesquels les agronomes latins sont plus prolixes. La récolte des olives s'étendait certainement, à l'époque grecque classique, sur une plus longue durée que nos récoltes actuelles. Mais les techniques ne différaient pas réellement de celles qui ont été utilisées jusqu'au xxe siècle.
• TECHNIQUES ROUTINIÈRES OU TECHNIQUES COMPLEMENTAIRES? Ainsi, tout au long de cette étude, nous avons pu souligner les permanences, mais aussi mettre en relief la complexité et la complémentarité d'opérations, que l'on a trop vite qualifiées de simples et routinières. Agronomes et· historiens ont peut-être un peu rapidement décelé dans ces pratiques le symbole de la routine des Grecs et de leur indifférence par rapport au progrès technique et se sont persuadés qu'elles n'avaient qu'un faible rendement. Les rendements grecs pour les céréales sont toujours donnés par rapport à la semence et non par rapport à la superficie. On aura donc un rendement de cinquante .pour un,de cent pour un, de trente pour un. Ces chiffres fabuleux se réfèrent en général à des terres riches et à des exceptions. Ils ne sont pas totalement invraisemblables comme tels. On rapporte pour la Tunisie un rendement de trois cents pour un pour un blé hybride 71. Mais pour les terres méditerranéennes? On a un peu vite repoussé les 69. En fait Columelle distingue l'huile blanche, d'olives vertes, et l'huile viride, d'olives proches de la maturité, et Pline distingue l'huilllomphacium de l'huile virtde (XXXIlI, 79); cf. aussi Dioscure, II, 29-30; Géoponiques, IX, 19.
10. Pline semble, en Xv:, 6, confondre druppa et drypetis. 71. F. BŒUF (1930), p. 165.
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rares chiffres que nous possédions, comme trop élevés. Une étude sur la Sicile moderne montre que les chiffres de Cicéron n'étaient pas si exagérés 72. On y parvient à des rendements de sept et dix pour un en blé, de neuf et onze pour un en orge sur les bons terroirs. Soit, en tenant compte des semences de 10 à 12 q à l'hectare pour le blé. En 1911, dans une période peu favorable, le rendement est de 9 q à l'hectare, soit six pour un. Les chiffres de Cicéron qui donne huit à dix pour un correspondent à une agriculture attentive et soignée; ils ne sont pas invraisemblables. En fait, jusqu'à une époque récente, les rendements restent très inégaux par rapport aux terres et aux années. C'est cette donnée qu'il faut retenir et ne pas exclure systématiquement les rares chiffres que nous possédons sous prétexte que nous estimons qu'ils sont a priori trop élevés pour les possibilités de l'agriculture grecque. Celle-ci, avec beaucoup de soins, et en particulier une jachère rigoureusement travaillée, pouvait obtenir des résultats intéressants, mais ne pouvait espérer les maintenir d'une année sur l'autre. Ainsi, nous sommes toujours ramenée au problème de la main-d'œuvre. Les points originaux des techniques culturales grecques: assolement avec légumineuses en cultures sèches, labours soigneux de jachère, fumures végétales, sarclage, supposent un travail important. C'est lorsque ce travail n'est pas effectué que la culture est de type semi-extensif. Elle peut d'ailleurs se prolonger avec des rendements faibles. C'est avec ces données qu'il faut relire Xénophon et ses références constantes à celui qui fait les choses en temps voulu, opposé à celui qui est négligent, qui «ne veille pas à faire ensemencer» ou «à faire fumer » (Œc., XX, 2). Que Xénophon en tire des conclusions morales conformes à son tempérament n'exclut pas 'pour autant qu'il constatait un fait bien réel de son époque : ce type d'agriculture, pour obtenir des rendements élevés, demandait plus de travail manuel que d'améliorations de l'outillage, ces dernières étant particulièrement difficiles à introduire, car la chaîne des opérations se complétait d'une façon rigoureuse. Le problème de l'agriculture était un problème de bras: ainsi on coupe à la faucille et on ignore la faux, on gaule les olives,' ce qui abîme les arbres. Comme ces techniques se sont pérennisées très tard dans beaucoup de régions méditerranéennes et que la résistance à l'introduction de la faux comme la pratique du gaulage ont suscité des recherches, on peut mieux expliquer ces «routines» qui n'ont rien de particulier à la Grèce classique. La faux 73 a d'abord été utilisée au Moyen Age pour le fourrage; d'ailleurs, certaines faucilles gauloises à très longues lames sont proches d'une faux. Le geste du faucheur est tout à fait différent de celui du moissonneur: tenu à deux mains, l'instrument, lourd, est manié par un adulte, il coupe au ras du sol, heurtant les cailloux qui l'abîment fréquemment en pays médite-rranéen; fait pour les prairies herbeuses, il a mis longtemps à être utilisé pour la moisson et les plaintes suscitées par son introduction chez les grands propriétaires nous révèlent par contrecoup l'intérêt de la faucille : les petites gens refusent un instrument qui ne peut être adapté aux grains très mûrs, qui tombent, et dont beaucoup se perdent, alors que la javelle tenue bien en main et coupée à la faucille conserve ses épis. Les chaumes coupés ras ne peuvent plus être utilisés par les bêtes tandis que le dépiquage est plus pénible avec ces longues pailles. Enfm, l'instrument est cher, s'abîme facilement sur les sols pierreux et reste dangereux dans les petits champs. Bien souvent dans le Midi on est passé directement de la faucille à la moissonneuse. Le seul avantage de la faux pour la moisson, la rapidité, n'a pas paru, pour les petits propriétaires et les tenanciers, compenser les inconvénients. Les pays méditerranéens et leurs champs de petites tailles au sol pierreux, tout comme la tendance familiale des exploitations, se sont satisfaits très longtemps de la faucille : le temps et la fatigue étaient compensés par l'économie de grains, le choix de la hauteur de la paille, le faible coût de l'outil et de la main-d'œuvre. En ce qui concerne la récolte des olives, Ce n'est que tout récemment que l'on a commencé à installer des filets de nylon entre les arbres et expérimenté des vibreurs, qui ne donnent pas entièrement satisfaction, d'ailleurs. Certes, la cueillette à la main est la meilleure, tous les agronomes 'sont d'accord, et les régions de production de qualité l'avaient adoptée. Mais elle demande beaucoup de main-d'œuvre et de temps. 72. A. JARD!! (1924), p. 60, renonce en fait à tirer parti de ses calculs et fait une estimation délibérément trop basse. Sur la Sicile moderne, M. AYMARD (1973), p. 475 sq. Les rendements, dans les expériences de P.J. REYNOLDS (1979) sont élevés. mais il sème en ligne. 73. LE GALL (1959), p. 55 sq., essentiel sur ces points, rappelle que le mot «faux» devrait être éliminé des traductions. Sur l'époque moderne, F. de DAINVILLE (1955), p. 36 sq.; R. TRESSE (1955), p. 341 sq.
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LES TECHNIQUES AGRAIRES
Dans ces opérations complexes qui nous ont conduite de la préparation de la jachère à la récolte, nous avons pu constater que les contraintes méditerranéennes étaient fortes mais que les choix existaient. Tant pour les assolements que pour les travaux d'entretien, le paysan peut et doit faire des choix, qui reposent en grande partie sur le temps de travail qu'il veut mettre en œuvre, davantage que sur l'outillage dont il dispose. Celui-ci forme un ensemble, plus varié qu'on ne pourrait le penser, mais relativement stable. Il nous faut le recenser avant de porter un jugement d'ensemble sur les rapports entre les hommes et la technique et le résultat fmal des opérations. Mais nous avons voulu conclure ce chapitre par un tableau qui mette en relief l'enchaînement des différents calendriers : le choix que fait l'agriculteur pour telle ou telle méthode repose sur un agencement précis du temps; c'est ainsi que le système technique reste particulièrement rebelle au changement, non par routine, mais parce que tout changement sur un point ébranle une série d'autres éléments et que le bénéfice gagné ici est parfois perdu en amont ou en aval.
Terre à céréales 1re année (ou sole 1) coucher matinal des N Pléiades (8-11 novembre)
3e labour et semailles âooro«
Terre de plantation oliviers
2e année (ou sole 2)
Plantation
éteule
préparation des fosses
- 1er labour de jachère
plantations
taille possible
arrosage
labour possible
1 1 1
D
I!
Oliviers en production
cueillette en noir et élagage buttage et cavaillonnagc
1 1
J
1
1
F
1 1
lever vespéral Arcturus (6 mars) lever des Pléiades
M
sarclage
1 1
A
1
jachère labourée
1
(v('t()ç)
M
moisson, battage, vannage
1
J
éteule (chaume et friche)
(6 mai)
J
A
1 1 1 1
2e labour possible
1
1 1 1
S
o
1 1
cueillette en vert et ramassage des fruits abîmés
1 1 1
Calendrier des travaux.
1
CHAPITRE IV L'OUTILLAGE AGRICOLE
Un bon outil est celui qui permet le maximum de travail avec le minimum de fatigue. Le choix en est donc très individualisé, car le corps, habitué à certains gestes, ne gagne pas forcément à changer, même pour une production plus élevée. «Les postures appuyées, les gestes minutieux des tâches agricoles, artisanales ou ménagères constituent tout un savoir qui s'imprime au plus profond du corps dès la petite enfance et se transmet par un long apprentissage.» 1
D'autre part, la fabrication de l'outil et son coût demeurent un facteur essentiel dans sa diffusion : la durée d'un outil peut s'évaluer de plusieurs façons, il peut en effet être changé complètement ou renouvelé par parties; ce renouvellement peut se faire à la maison ou demander une intervention extérieure. D'une manière générale, les parties en métal demandent l'appel à l'artisan extérieur, donc le paiement, et le déplacement, ce dernier élément étant un facteur de coût non négligeable. Toute exploitation de taille moyenne ou petite, à revenu modeste, tend donc à conserver l'outillage qui a fait ses preuves, de même l'ouvrier agricole itinérant travaille avec le même outil. Il ne faut pas s'étonner des permanences que l'on prend pour des routines; dans le monde agricole traditionnel, changer d'outillage est une rupture importante. Mais, si l'on ne prend pas à la légère le risque d'un changement total, les aménagements', les améliorations sont constants. Aucun outil ne demeure absolument sans changement, et les exclamations admiratives sur l'araire de Virgile, ou l'araire d'Hésiode, que l'on verrait encore traîner par des bœufs à notre époque, ne correspondent pas à la réalité: si proches qu'ils semblent, dès qu'on les examine de près, les outils les plus élémentaires présentent d'une région .. l'autre, d'une époque à l'autre, des différences de détails qui ne sont jamais anodines. C'est pourquoi, si la comparaison ethnologique est ici précieuse pour comprendre l'agencement, le geste, elle doit rester très prudente: il faut essayer d'utiliser des séries, ne pas se contenter d'un élément de comparaison, savoir qu'un même outil a pu être utilisé et aménagé un ou deux siècles plus tard pour un autre usage. C'est ainsi que l'araire, presque totalement abandonné pour les céréales à la fin du xix- siècle en France, s'est maintenu longtemps pour les pommes de terre, mais on l'avait légèrement transformé. Ce sont souvent ces araires que l'on retrouve actuellement oubliés dans les ·hangars. Ce petit exemple permet de souligner qu'aucune transposition intégrale n'est permise : aucun des araires recensés en Grèce à l'heure actuelle n'est le modèle exact de l'araire grec antique. Mais leur comparaison permet d'éclairer un certain nombre de problèmes posés par ce type d'outil. La typologie de l'outillage est indispensable avant son étude par les textes et les documents. Malheureusement, cette typologie n'est pas encore totalement unifiée : les géographes s'y sont intéressés en fonction des études de géographie humaine, 1. Musée national des Arts et Traditions populaires (1978), p. 12. Cf. aussi A. LEROI-GOURHAN (1943 et 1971), p. 62; (1945 et 1973), p. 375.
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mais elle restait pour eux secondaire; les agronomes nous fournissent des indications intéressantes mais ils sont, ce qui est bien normal, plus tournés vers l'avenir que vers le passé 2; ce sont évidemment les ethnologues dont la typologie est la plus affinée. Elle devient même une science par elle-même, perdant parfois la relation avec l'usage et l'homme: l'outil devient objet de musée, au mieux, d'écomusée; la tendance est très accentuée en France, avec des résultats heureux mais quelques problèmes 3. Une école un peu différente s'est développée dans les pays anglo-saxons et scandinaves avec les musées d'agriculture et une archéologie expérimentale très dynamique 4. En fait, le plus ancien musée d'agriculture est hongrois, fondé à Budapest en 1863, et cette tradition du xix- siècle a été reprise dans plusieurs pays socialistes. L'outil devient un élément dans une évolution vers le modernisme. La perspective marxiste rejoint une tendance ancienne de l'école allemande 5. Les typologies de l'outillage ne manquent donc point, elles seraient même plutôt trop nombreuses et gagneraient à plus d'unification. Le problème du vocabulaire est en effet une pierre d'achoppement non négligeable; même si beaucoup de progrès ont été faits, les termes techniques d'agriculture sont beaucoup moins unifiés en français que les termes «automobiles» par exemple. Et ce que nous appelons pioche ici s'appellera hoyau là, pour ne prendre que des termes francisés. Plus souvent, c'est une appellation locale, qui peut varier du tout au tout d'une microrégion à l'autre. Les atlas linguistiques ont permis un relevé systématique au moment même où les outils concernés disparaissaient chez les antiquaires; plus leurs enquêtes se font précises', plus ils découvrent la variété et la richesse des usages 6. Face à ces efforts, il faut bien reconnaître que les archéologues et les historiens restent en retrait pour la Grèce antique. On dispose maintenant pour Rome des travaux de K.D. White 7, et les archéologues italiens ont entrepris de vastes confrontations sur la vie matérielle, dont l'outillage n'est pas exclu 8. On ne trouve pas l'équivalent pour la Grèce, et l'entreprise de recension de J. Deshayes, achevée en 1960, pour l'o,utillage de l'âge du bronze, n'a pas été poursuivie pour les époques suivantes, le nombre d'outils publiés ne le justifiant pas d'ailleurs, à l'heure actuelle 9. On voit bien le cercle vicieux : autant un tesson, même non décoré, est maintenant recensé et inséré dans une typologie longue, autant un outil est souvent brièvement indiqué, parfois sans mesure. Nous aurons les mêmes problèmes avec les outils de transformation, cependant plus nombreux. Certes, les parties en bois disparaissent, le métal est souvent réutilisé, l'outillage agricole, de par sa nature même, est rare; il devrait être d'autant plus précieux; force est de constater que ce n'est pas le cas, beaucoup d'archéologues étant persuadés que les outils n'ont pas changé depuis deux mille ans, et sur ce point, pour des raisons différentes, ils rejoignent nombre d'historiens. C'est pourquoi il nous a paru utile de présenter ce chapitre sous forme typologique. Nous espérons ainsi faciliter et encourager les enquêtes sur le terrain, qu'elles soient archéologiques ou ethnologiques. Seules celles-ci permettront de résoudre un certain nombre de problèmes que notre essai a cherché à dégager.
* 2. Le dictionnaire de P. FÉNELON (1970) n'a pas entraîné la totale adhésion; il est peu centré sur la Méditerranée; M.l. HOPFEN (1960, réédition 1970) reste très utile par sa clarté. . 3. C'est toute l'école des Arts et Traditions populaires, dont les enquêtes ont commencé un peu avant la seconde guerre mondiale et dont l'ouverture du musée à Paris en 1972 a consacré la prééminence. Ses petits guides fournissent une très claire présentation typologique de base, n° 4·5, Techniques de production de l'agriculture. Une certaine réaction s'est dessinée contre un centralisme parisien accentué et les petits musées locaux se développent beaucoup. D'autre part, la nouvelle revue Techniques et culture représente un courant différent qui veut lier typologie et société. 4. Dont on trouvera l'écho dans la revue Tools and Tillage, éditée à Copenhague, et les travaux de A. STEENSBERG et G. LERCHE. 5. Ainsi P. LESER (1931) et les travaux de la revue polonaise Archaeologia. 6. Sur les résultats des différents atlas ethnologiques et linguistiques, cf.Te récent congrès tenu à Aix-en-Provence en octobre 1982. 7. K.D. WHITE (1967 et 1975); voir aussi les travaux de l. KOLENDO, rassemblés récemment (1980). 8. Congrès de Côme 1979, Atti dei Convegno di Como (1980); Séminaire international de l'Institut Gramsci à Pise, 1979, dont les Actes ont paru en 1981, a cura di A. Giardina e A. Schiavone , 9. J. DESHAYES (1960) fonde sa typologie sur les emmanchements, puis la forme de la lame; la fonction est secondaire. Seule l'école américaine, avec les enquêtes thématiques à Mélos et en Argolide, reprend certains problèmes; C. RENFREW (1982), H.A. FORBES (1976).
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1. L'ARAIRE, APOTPON
1. 1. L'INSTRUMENT •
TYPOLOGIE
Le terme de «charrue» doit être prohibé des traductions des textes grecs de notre époque. L'étude de A.G. Haudricourt en 1955, L'homme et la charrue à travers le monde, explique très clairement le travail de 'chacun des outils: l'araire ouvre la terre, la charrue la retourne. Le premier est un instrument symétrique; le second un instrument dissymétrique, caractérisé par un coutre et un versoir. L'araire est dominant dans le monde méditerranéen jusqu'à la fm du XIXe siècle, et les types d'araires varient suivant l'agencement des différentes parties: A) Les pièces travaillantes : Le dental, ou sep, est le morceau de bois qui pénètre dans le sol et trace la raie. Il peut être muni ou non d'un soc de métal ou de bois durci. Le dental peut être encadré de deux ailes de bois. B) L'appareil de traction : La chambige, âge ou haye, est la pièce de bois courbe qui relie le dental au timon; celui-ci est fixé au joug ou au palonnier par des courroies, des anneaux ou une clef. Chambige et timon peuvent être formés d'un seul morceau que l'on appelle alors timon; souvent le timon est percé de trous qui servent à réguler la distance de l'attache aux bêtes et l'angle d'attaque du dental. C) L'appareil de gouverne: TI peut y avoir un ou deux manches, munis ou non d'une poignée. Nous utiliserons le tetrne de mancheron pour désigner l'ensemble du manche lorsque celui-ci n'a pas de poignée. D) L'agencement: L'agencement entre les différentes parties se fait par emboîtage et chevilles; l'araire peut «sauter» sur les pierres, nombreuses, il faut que le paysan puisse le 'remettre en place d'un coup de maillet. Une des pièces peut jouer un rôle particulier, l'étançon qui relie la chambige au dental peut servir de régulateur : la chambige peut être légèrement déplacée et l'angle d'attaque varier. Le soc a été le premier élément en métal; l'étançon l'est aussi quelquefois, ou du moins la partie qui le fixe à la chambige ; le reste des pièces est en bois, ce matériau explique le faible coût de l'araire par rapport à la charrue. Les études sur l'araire se sont multipliées, on a pris conscience de leur diversité; chaque région a son propre araire, et cet élément peut être un indicatif technologique très intéressant. La classification présentée par A.G. Haudricourt distinguait trois types d'araires: 1) l'araire manche sep: le manche et le dental sont formés d'un seul morceau de bois; 2) l'araire chambige : les parties travaillantes et le manche traversent la chambige suivant des procédés variés; 3) l'araire dental: le manche ou la chambige sont fixés directement sur le dental. En fait, la multiplication des enquêtes a montré que cette classification était un peu trop simplificatrice, car elle ne rendait pas compte d'un certain nombre de types intermédiaires 10 (voir planches 6,7,8,9). 10. Ainsi F. SACH (1968), p. 11 sq. envisage dix types, et ne les recoupe pas tous. Pour notre propos, les enquêtes locales les plus utiles ont été celles de G. RAVIS-GIORDANI (1974) en Corse et A. SORDINAS (1978) à Corfou, C. CONNEL (1980) à Amorgos.
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Le travail dissymétriq ue de la charrue (d'après F. SACHS).
Paysan chypriote labourant son champ de vigne à l'araire en avril 1983. Cliché M.C. AMOURETTI.
Figure 9. - Le travail de l'araire.
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On se rend compte maintenant que la période romaine a connu divers types d'araires. Dans l'ensemble, les Romains ont adopté dans les régions conquises l'araire utilisé l l . Il semble que le monde grec égéen soit plus homogène. • SOURCES LITTÉRAIRES
o
Documentation écrite On peut regrouper la documentation littéraire
12
en trois ensembles:
A) La description d'Hésiode, avec la référence aux différentes parties de l'araire: Hésiode., O., 427·440 et 467. B) Des allusions littéraires brèves sans références techniques, sinon au joug: Homère, u., X, 353; XIII, 703; Od., XIII, 30-35; XVIII, 373 (sur le bouclier d'Achille, la description, sans nommer l'araire, renvoie au travail du labour avec les bœufs: XVIII, 541). Théognis, 1201, Hymne à Déméter, 309. Pindare,P., 4,424. Aristophane, Pl., 515. Pausanias, l, 22. Apollodore, I, 9, 23. Apollonios de Rhodes, Argonautiques, 111,232,412. C) Les commentaires 'tardifs sur les textes d'Hésiode et d'Apollonios. Ils essaient de donner des définitions des différentes parties de l'araire évoquées par Hésiode. Ces commentaires se contredisent, et une illustration des différentes interprétations le montre: Hésychius, aux mots 'Yv*" ËÀ.v/Ja, lOTO{30€Vc;. Schol. Apollonios de Rhodes, III, 232; Pollux, l, 252; Moschopolus, ad 441, 463; Proc1us, ad 425, 467; Etym. Magn.. p. 173, 16.
o
Documentation écrite et figurée (planche 12)
On dispose des illustrations des manuscrits d'Hésiode 13. Il s'agit évidemment d"une documentation tardive, qui s'étend du XIe au XVIe sièc1e de notre ère. Des croquis, soit dans les marges, soit en pleine. page, indiquent les différents instruments avec leurs noms. Cette tradition iconographique semble remonter à une source commune, byzantine sans doute, que l'on ne peut dater. Elle ne se réfère pas à des traditions locales mais à une illustration savante dans la lignée de celle des commentateurs alexandrins, car le vocabulaire des différentes parties de l'araire varie suivant les manuscrits (cf. tableau XII, p.292). •
DOCUMENTATION ICONOGRAPHIQUE
Si nous relevons les seuls documents du monde égéen illustrés, pour la période allant des origines à la fm du me sièc1e av. J.-C., en laissant délibérément de côté les documents plus tardifs [Test.p.293] (planches 7,8,9), nous obtenons un petit corpus non négligeable, où nous relevons: 11. K.D. WHITE (1967), p. 123-145, où l'on trouvera la bibliographie de base pour le monde romain. L'article Aratrum du D.S. est inutilisable et raisonne sur un faux, la fig. 435. Il est cependant utilisé par R. BILLIARD (1913) et dans l'édition Budé, la note Q 171172 du livre XVIII de Pline. Sur l'araire romain et berbère, G. CAMPS, in Technologies (1984); toujours utile à sa date, l'article Pflug (1938), R.E., XIX1 , 1461-1472. 12. Recensement in A.S.F. GOW (1914), p. 249-275; W. SCHIERING (1967), p. 149-159; M.C. AMOURETTI (1976), p. 26-52; K. KOTHE (1975), p. 126. 13. G. DERENZINI, C. MACCAGNI (1971), p. 65-93.
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Figure 10. - Les différentes parties de l'araire antique, d'après la coupe de Nikosthénès et le texte d'Hésiode.
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:
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A) Des araires attelés: Le plus ancien provient de Chypre (2000 av. J .-C.). Les illustrations les plus précises sont celles du VIe siècle, petits groupes de terre cuite et de bronze comme vases à figures noires. Une seule représentation date du ve siècle. B) Des instruments seuls : Dès le second millénaire, l'araire apparaît comme un signe hiéroglyphique; il est aussi utilisé comme marque d'amphore et sur les monnaies. Ce symbole est rattaché aux rites éleusiniens dans un certain nombre de vases à figures rouges mais alors l'objet a perdu une partie de sa précision, on aurait bien du mal à se servir des araires tenus en main par Déméter et Triptolème. La documentation iconographique nous permet de reconnaître à travers des sources extrêmement variées, tant dans leurs matériaux que dans leurs origines, urt type d'araire très caractéristique: • il a un dental long et effilé, sans ailes, mais avec un soc à douille, ligaturé ou cerclé sur le dental; • chambige et timon sont en deux morceaux reliés par une ligature (vases) ou par des chevilles (monnaies, timbre d'amphore); il n'y a jamais d'étançon; • bœufs et mulets sont attelés par un joug de nuque 14; on voit rarement la clef du joug, indiquée une fois avec des courroies; • le mancheron est toujours perpendiculaire au dental; il arrive à la hauteur de l'aisselle du laboureur. Naturellement, aucun de ces documents n'aune visée technique. Beaucoup ont été interprétés dans le cadre de fêtes religieuses (Thesmophories, Bouphonies) sans que ces interprétations puissent jamais être totalement démontrées. Par contre, dans certains cas, le contexte éleusinien est clair 15. L'hypothèse selon laquelle le vase de Campana illustrerait le texte d'Hésiode (O., 427-440 et 467) nous paraît tout à fait justifiée. On y retrouve aussi bien. le semeur que l'esclave qui recouvre la semence avec la pioche 16. On notera que les exemplaires du VIe siècle sont beaucoup plus précis, les modalités du travail sont bien indiquées, A partir du ve siècle, à l'exception du cratère de Baltimore, l'instrument seul est dessiné par des artistes qui se soucient peu de la vraisemblance (on aurait du mal à l'atteler), mais respectent les différents éléments indiqués plus haut; il est tenu par un homme ou une femme .. •
DOCUMENTATION ARCHEOLOGIQUE
Les araires protohistoriques de bois que l'on a pu découvrir jusqu'ici proviennent de régions plus humides que la Grèce 17. La chronologie s'est affmée avec les analyses au carbone 14. L'araire de Vebbestrup dans le Jutland est daté des environs de 910 av. J .-C., on en a identifié un en Ukraine de ± 1390 av. J .-C., tandis que l'araire dit de Dabergotz est situé au VIlle siècle de notre ère. Les deux premiers exemples, à manche perpendiculaire, sont proches de l'araire grec. Il s'agit probablement d'araires déposés dans un but cultuel, mais leur taille est proche de celle d'un araire normal, à la différence des bronzes votifs indiqués dans le catalogue des illustrations et planche 23. A défaut d'araires, on trouve parfois des socs 18; les socs de bronze sont les plus nombreux, et on peut esquisser une typologie qui paraît s'être prolongée et développée à l'âge du fer (planche 10). 14. C'est le terme normalement utilisé par 1. HOPFEN (1960), p. 17.11 faut prohiber l'expression «joug de garrot», cf. ci-dessous p. 89 sq.
15. Ainsi D.M. ROBINSON (1931), p. 152, voit sur le cratère de Baltimore l'illustration du héros Bouzygès. Tandis que A. COOK (1964), 1, p. 223 et pl. XX pense à Triptolème. La coupe à figure noire du British Museum a été interprétée comme une représentation des Thesmophories par B. ASHMOLE (1946), ce qu'a contesté BEAZLEY. Pour le recensement de l'iconographie éleusinienne, cf. C. DUGAS (1960), p. 123, et H. METZGER (1965), p. 7 sq. Pour les Bouphonies, J.L. DURAND (1980-8\), fig. 98. 16. L'hypothèse avait été émise par A.S.F. GOW en 1914. Elle est reprise par K. KOTHE en 1975. 17. C. SINGER (1956), t. r, fig. 46; I. BALASSA (1975), p. 242 sq.; G. LERCHE (1972), p. 64,'(1975), p. 255 sq.: F. SACHS (1968), p. 50 sq. 18. R.E., Pflug, (1938), XIX, 2, p. 1467, fig. 2; K.D. WHITE (1967), p. 135 pour les socs romains; R. VIOLANT et SIMORA (1935), p. 122; ëJ.ëlKOVA (1968), p. 117-122 sur les socs thraces. Les socs à douilles ouvertes effilés avaient été interprétés par J. DESHAYES (1960), p. 142, comme des lames de houes, mais H.G. CATLING (1964) a bien montré pour les exemples de Chypre qu'il s'agit de socs, p. 81. Socs en fer datés du VUe s. av. J .•c. offerts en Sicile..E. GABBA, G. VALLET, La Sicilia antlca (1980), p. 419.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
On peut distinguer : les socs à douilles ouvertes de forme effilée, particulièrement bien reconnus à Chypre (planche 10. 1 et 21); l'extrémité est souvent triangulaire (araire de Corfou contemporain) ; les socs à soie (planche 10.6-15 et araire d'Amorgos contemporain); les socs à reille : la reille est une baguette de métal terminée par une pointe; on ena trouvé un . exemple en Thrace (planche 10. 10-12); le dental peut être enfoncé en force dans le soc, comme un manche de houe; on ajoute souvent des ligatures en métal. •
DOCUMENTATION ETHNOLOGIQUE (figure Il et planche 6)
On trouve trois types principaux d'araires dans le monde égéen contemporain. L'un se rattache au type chambige; il était encore largement répandu dans la Grèce moderne au début du xxe siècle 19. Les deux autres se rattacheraient au type dental, mais ils ont été confondus, et ils n'accomplissent pas le même genre de travail : • L'araire dental classique, avec manche perpendiculaire, se retrouve à Amorgos et Chypre; on y décèle tous les éléments de l'araire grec ancien, auquel s'ajoute un étançon (qui apparaît aussi dans les manuscrits) 20. Le travail avec ce type d'araire est très caractéristique : le paysan marche à côté, et non derrière l'instrument; il appuie sur le mancheron vers le bas et accentue parfois l'effort en posant le pied sur le dental. Celui-ci pénètre horizontalement. En cas de pierres, d'obstacle important, il faut retirer l'appareil du sol. Cet araire est bien adapté aux semaillesr soit pour les semailles en lignes, soit pour les recouvrements. • Mais on rencontre aussi un type légèrement différent: le mancheron incliné en arrière est fixé à un dental dont l'extrémité forme coude. Ce type constitue donc un intermédiaire entre l'araire dental et l'araire manche sep. Le travail est différent, car l'angle d'attaque n'est pas le même, le dental pénètre en biais, sa profondeur peut être modulée sur trois degrés avec l'étançon et les trous du timon. Nous l'avons recensé à Corfou, en Argolide, à Chypre, en Crète, à Skyros, à Mélos 21. Dans un cas (Corfou), on a un seul bois pour le manche et le sep, mais le vocabulaire relevé par A. Sordinas montre que cette forme n'est pas originelle, car ses informateurs lui indiquent deux mots différents, l'un pour le mancheron, X€poÀci{3a, l'autre pour le dental, aÀ€Tp01Toôt, alors même que ces deux parties sont faites d'un même bois 22. Enfin, une comparaison entre les vocabulaires utilisés à Amorgos et à Corfou montre que certains termes restent permanents: le manche, le joug, le garrot, le régulateur, le soc. Seuls varient complètement les termes désignant la chambige, le timon, les ailes, variations plus fortes encore à :',1élos. •
ARAIRES ANTIQUES ET ARAIRES MODERNES
Ainsi, entre araires anciens et araires modernes, nous trouvons un certain nombre de points communs: 19. A.G. HAUDRICOURT (1955); N. GREGORAKI (1979), p. 10, fig. 1 et 2. 20. C. CONNEL (1980), fig. 5, Chypre, Musée de Nicosie. 21. A. SORDINAS (1971), Corfou; H. FORBES (1976); A.G. HAUDRICOURT (1958), Crète et Skyphos ; à Mélos, C. RENFREW (1982), p. 173, fig. 14.1. On retrouve ce type dans le Comtat venaissin et aux Baléares (R. VIOLANT et SIMORRA (1953), p. 122, fig. 4 et 5~ M.C. AMOURETTI (1976), p. 190), mais pour le Comtat avec une reille. Faut-il y voir une évolution locale de l'araire dental, ou une influence extérieure, italienne ? L~ type est en tout cas plus répandu que celui de l'araire dental traditionnel dont le type le plus proche de l'araire antique (sans étançon) se retrouve actuellement ... au Pakistan. 22. A. SORDINAS (1971), p. 42.
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Araires à un seul mancheron: la tradition s'est maintenue. Araires dentals avec manche perpendiculaire à la partie travaillante et utilisation du pied; mais on trouve un étançon qui n'existe pas dans la Grèce antique. Socs de métal à douille et non à reille. Construction simple effectuée par l'exploitant lui-même; bois dominants, olivier et chêne vert. La longueur du timon est adaptée à la taille des champs, d'où l'intérêt d'un timon en deux parties qui permet de changer celle qui est attachée aux bœufs. Maintien du joug de nuque et d'une attache très souple du timon sur le joug avec une courroie, ou un anneau de cuir. L'intérêt de ces engins est leur légèreté, leur souplesse, qui leur permet de s'adapter aux champs de petites dimensions, en pente, pierreux. L'inconvénient est la faible profondeur d'attaque, la fragilité. A Chypre en 1983 j'ai vu travailler, dans deux champs de vigne contigus, un paysan avec son araire (figure 9), son voisin avec un motoculteur. Seuls ces instruments tenus à la main pouvaient être facilement arrêtés, soulevés, dans un terrain particulièrement sec et pierreux. Charrues et tracteurs n'auraient pas été utilisables. Plus les arbres sont nombreux, plus la pente est forte, le terrain pierreux et petit, plus l'araire est adapté. En revanche, dans de bonnes terres et sur de vastes étendues, une charrue ou un rotoculteur donneront évidemment de meilleurs résultats. Ce sont alors d'autres raisons qui ont favorisé le maintien de l'araire: essentiellement le faible coût d'un côté et la médiocrité des animaux de labour de l'autre. •
DISCUSSION: LES ARAIRES D'HESIODE
Un type d'araire s'est bien dégagé de l'ensemble de notre documentation : c'est l'araire dental qui correspond à l'araire 1f17KTOV, d'Homère et d'Hésiode, avec la cham bige emboîtée sur le dental et chevillée ou ligaturée au timon, le long manche inséré perpendiculairement au dental. Cet araire diffère dans sa construction et son utilisation des araires manche sep d'Égypte et de Mésopotamie. C'est une erreur de croire à une mutation ou à un progrès de l'un à l'autre, comme le pensait A.G. Haudricourt 23. Ils apparaissent indépendamment l'un de l'autre. L'araire à un mancheron permet, en ne tenant le manche que d'une seule main, de guider l'attelage avec l'aiguillon et de peser sur le dental. Les obstacles rencontrés' sont plus nombreux que dans les sols du Moyen Orient. Nous avons dit ailleurs que l'invention de l'araire nous paraît porter beaucoup plus sur la maîtrise des animaux que sur le détail de l'agencement, et il faut ranger au magasin des accessoires le fameux «araire croc» qui aurait été le premier type d'instrument tracté, et dont on cherche l'illustration ... sur les monna'cs romaines. Il est au contraire fout à fait notable de constater qu'une fois un principe d'araire adopté, il se maintient des millénaires durant, les améliorations (ici : ailes, étançon) ne remettant pas en cause le principe général. Ce fuf le cas en Égypte, c'est le cas en Egée, Nous pensons donc, et nous l'avons écrit, que la Grèce archaïque et classique ne connaît qu'un seul type d'araire, dont la forme remonte au moins à l'époque mycénienne 24. Cependant, on ne peut faire l'économie, dans le texte d'Hésiode, du passage où il parle de deux (&>La) araires, l'un 1f17KTOV, l'autre aÙTo')'Vov, au moment où il en décrit la construction (O., 433). Contrairement à ce qu'écrivent A.S.F. Gow et W. Schiering, l'iconographie très homogène ne permet pas de restituer deux types différents d'araire et d'imaginer cet araire alJTeJoyVOV. Il ne nous reste plus que le vocabulaire. Nous avons noté que certains termes techniques ont pratiquement traversé les siècles : joug, garrot, manche, qui se retrouvent pour d'autres instruments, alors que les mots qui désignent dental et chambige varient non seulement du grec ancien au grec moderne, mais à l'intérieur même du grec moderne suivant les régions. Ce sont les termes propres à l'araire, ils n'ont donc pas forcément d'équivalent dans la langue courante, et on utilise les termes de la langue vernaculaire. Ceci nous 23. A.G. HAUDRICOURT (1955), p. 76-77,137, critiqué par G. RAVIS-GIORDANI (1974), p. 48. 24. M.C. AMOURETTI (1976), p. 29 sq.
L'OUTILLAGE AGRICOLE
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permet de comprendre les hésitations des Alexandrins comme celles des manuscrits. Ouvrages de savants qui se trouvent aussi démunis devant ces mots que les auteurs des articles de dictionnaires récents. Qu'en était-il pour Hésiode? Les mots -yV'I1ç et vua sont-ils forgés pour la langue savante, utilisés en Béotie à l'époque? Nous n'en savons rien, et lorsque Xénophon ou Théophraste se réfèrent au travail de l'araire ils sont beaucoup plus vagues. L'interprétation que nous indiquons sur notre croquis est celle qui est la plus communément admise et qui correspond le mieux, ou le moins mal, à l'étymologie des deux mots. Elle ne permet pas de résoudre complètement la difficulté : aV'TCÎ-yvov désigne alors la chambige à elle seule, bois courbe le plus difficile à trouver. Le paysan aurait gardé chez lui un élément de rechange, susceptible d'être utilisé en cas de bris 25. On peut avancer une autre solution en tenant compte de l'enquête d'A. Sordinas : en cherchant bien, on peut trouver parfois des bois qui forment naturellement l'ensemble de l'araire 26. Mais on ne peut espérer faire régulièrement ce type de trouvaille. Ce qu'il faut souligner en tout cas c'est que ce développement s'inscrit dans la recherche des bois de construction et que les deux araires sont destinés à faire le même travail et à se remplacer: il n 'y a pas un araire primitif et un araire évolué.
n..
1.2.
•
LE JOUG, ZTrO~, ZTrON, ET SES ATTACHES
TYPOLOGIE
Le joug d'araire ne joue pas tout à fait le même rôle que le joug de charrette ou de char : on n'utilise pas en effet le recul, et les pentes ne sont jamais prises de face. Par contre, il faut une certaine . souplesse pour pouvoir soulever l'araire. Les araires antiques sont à timon rigide (en un ou deux morceaux), ce qui donne plus de peine au laboureur et moins de souplesse à l'attache que les attelages à palonniers. Les timons longs continuent d'être utilisés de nos jours, en particulier dans les îles (Corse, Crète, Chypre), mais nous avons vu que l'araire était maintenant muni d'un étançon et de trous de régulateur, ce qui donne plus de volant à· l'ensemble. Le système d'attache reste très souple dans son extrême simplicité. La typologie des jougs est importante car, depuis l'ouvrage de Lefebvre des Noëttes, un certain nombre d'interprétations et d'erreurs techniques se sont pérennisées; elles n'ont été réellement mises en lumière que par des études plus brèves dont l'importance est lentement reconnue. Si l'on avait très vite critiqué les conclusions historiques que le commandant tirait de son étude: l'esclavage n'est pas la conséquence de la «mauvaise» technique du garrot qui appuierait sur la gorge du cheval 27, on en avait accepté les restitutions techniques; si historiens et géographes se sentaient en mesure de mettre en valeur les failles du raisonnement historique, ils gardaient du respect pour la science hippologique du commandant. Or, des études récentes, qui n'ont malheureusement pas bénéficié de la même publicité que celle de 1930, ont pu résoudre le problème: non, les Anciens n'ont pas conservé pendant des siècles une technique défectueuse, ce qui paraissait difficile à comprendre. Le passage à l'utilisation des brancards comme des colliers s'est effectué lentement, mais le collier ancien n'appuyait pas sur la gorge des animaux, sinon déjà sur l'ensemble de l'encolure. Et des expériences ont été effectuées, avec
25. Ce que font les paysans pakistanais. 1. BERNOT (1967), p. 285. J. GIONO évoque aussi la construction difficile de la chambige dans Regain (éd. La Pléiade, p. 331). C'est l'hypothèse du remplacement de la cham bige que nous avons défendue en 1976. 26. C'est en partie l'hypothèse de K. KOTHE (1975), mais sa comparaison entre l'araire de Thessalie et la coupe du Louvre n'est pas recevable. De même que l'idée de la raréfaction du bois pour l'apparition d'un autre type. Il n'y a pas deux types d'araires. 27. On avait vite souligné que le rlle du transport par bât était plus important dans la Grèce antique et moderne que celui de la charrette, ce qui retirait beaucoup de val 'ur aux conclusions économiques et sociales entrevues. Bibliographie in P. VIGNERON (1968).
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
reconstruction de chars et courses, par un autre militaire à la retraite - l'honneur est sauf! -, J. Spruytte, à la suite des études textuelles de M.A. Littauer 28. On doit donc désormais faire le tableau typologique suivant: A) Jougs de bœufs : 1. Joug de come, 2. Joug de nuque. Tous deux sont utilisés, dans l'Antiquité comme de nos jours, et ne posent pas de problèmes techniques, la forte encolure des bovins facilitant la pose, les attaches, cordes ou baguettes, restant très simples. Le joug de corne est moins répandu, Columelle le tenait pour inférieur (II, 2) mais signale son existence. Il était utilisé probablement en Égypte où il est illustré dès l'Ancien Empire. Callimaque y fait sans doute référence pour des bœufs d'Epire (Hymne à Artémis, 179), avec le vocable K€pa€ÀK:i/c;. B) Joug de mulets, ânes, chevaux: L'encolure étant beaucoup moins large, il a fallu adapter le joug de nuque, et on a eu deux, et non un système: 1. Joug d'encolure avec fourchon; l'animal tire avec les épaules, c'est l'ancêtre du collier d'épaule. 2. Joug dorsal avec bricole écourtée; l'animai tire avec le poitrail, c'est l'ancêtre de l'attelage à l~ bricole. Les deux jougs, italien et grec, recensés dans l'édit de Dioclétien (15 - 26 et 27 -), se réfèrent sans doute à ces deux types. Il faut donc prohiber du vocabulaire .l'expression «joug de garrot », En vérité, le harnais n'a jamais appuyé sur le garrot lui-même, et le commandant des Noëttes a rassemblé dans un même type deux solutions différentes. Nos jougs d'araire sont simplifiés par rapport aux jougs de chars, mais ils répondent à ces grands types. •
TEXTES, ICONOGRAPHIE ET ARCHEOLOGIE (planches 7, 8 et Il)
Si nous reprenons l'iconographie de l'araire, nous observons des jougs de nuque pour les bœufs, avec un système de courroies larges dans certains cas, de cordes dans d'autres. Pour les mulets il semble bien qu'il s'agisse d'un système d'encolure avec fourchons: sur la coupe du Louvre comme sur celle de Nikosthènes, on distingue la petite sellette sur laquelle reposent soit les fourchvis (mulets), soit directement le joug (bœufs), et qui limitait les blessures occasionnées par des tirages inégaux. Le système d'attache du joug sur le timon par une courroie a été décrit dans l'Iliade (XXIV, 267) pour l'attelage d'un char fi des mulets. TI est fait référence à celui de l'araire dans le texte d'Hésiode (O., 469) et dans celui d'Apollonios de Rhodes (III, 130 sq.). Pollux précise les opérations (1, 252). En comparant ces textes, les illustrations et les documents ethnologiques, on peut reconnaître deux types d'attaches: 1) La courroie, f..I.Éoa{3ov, rv')'oômf..l.ov, beouo«, enserre la partié renflée du joug, op.l{)aÀoc;, devant laquelle est placée une cheville, Ëvôpvov, la clef du joug, qui empêche le timon de glisser. 2) Le joug et le timon sont reliés par un système d'anneaux souples coincés sur la clef placée sur le timon et sous le joug. Les deux parties du joug qui s'emboîtent sur le cou des animaux peuvent être maintenues par des baguettes ou des liens souples, ÀÉ1raôva. L'ensemble est désigné par le tenue de r€V')'ÀaL 28. M.A. LITTAUER (1968), J. SPRUYTTE (1977). Ce dernier ouvrage a été recensé par F. SIGAUT dans les Annales de mars 1982, p.369, ct G. REPSAET. in Antiquité Classique (1979), p. 171, 176, qui en montrent bien l'intérêt. Cf. aussi le colloque de Sénanque 1981, G. CAMPS, M. GAST, sur les chars du Sahara.
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L'OUTILLAGE AGRICOLE
LES HARNAIS DE L'ANTIQUITf: Attelace lUltique du commaJlclaDt Lefèbvre des Noëttes
.....:.:::\
Attelage à joug d'encolure Le fourchon d'encolure
prend appui sur le devant des omoplates. L'effort de traction s'effectue par les épaules.
r ~; La contusion des deux ......::.... attelages précédents ,(. /. donne naissance à un ", ------I.J,f! ~":' harnais défectueux \: .: constitué d'une bande ri souple passartt devant ~.; les épaules et rejoignant ~:::' le joug au-dessus du .. ~arrot. L'effort de traction s'effectue par la base de l'encolure dans ~. les plus mauvaises conditions.
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Attelage à joug dorsal
La bricole écourtée prend appui en travers du poitrail. L'effort de traction s'effectue par la masse du poitrail. FOURCHONS D'ENCOLURE
Figure 12. - Jougs et attelages antiques - Les restitutions de M.A. LITTAUER et J. SPRUYTTE.
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
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Il faut noter que les exigences demandées à ce type d'attaches sont différentes de celles du char. L'araire n'a pas à reculer, et au contraire doit pouvoir être soulevé; le système doit demeurer souple pour ne pas blesser les animaux en cas de choc avec une pierre, ce qui est fréquent. On comparera le système d'attache avec une longue courroie (neuf coudées, dit l'Iliade) sur le char égyptien conservé au musée de Florence et celui de nos araires. Plusieurs jougs d'araires antiques ont été conservés en Égypte. Le musée du Louvre en possède un (E. 270-70). Le joug double à timon est le système le plus simple pour atteler deux animaux et les diriger facilement. La Grèce, ne connaissant pas les brancards, n'utilise pas d'attelage unique 29. L'usage de l'araire suppose donc la possession, ou l'emprunt, de deux animaux. Il faut avoir une place suffisante pour les faire passer de front. Le joug double dans les régions complantées favorise les cultures intercalaires entre les rangs de vigne sur une largeur de 4 à 8 m. Mais la concurrence avec les instruments manuels pour le labour est forte, le coût d'un attelage et son rendement revenant cher. Soulignons pour finir un point fondamental: la force normale d'un animal est proportionnée à son poids et correspond très approximativement au dixième de celui-ci. Chez les chevaux cette proportion est supérieure (15 %), et ils peuvent pendant de brèves périodes produire une force égale à la moitié de leur poids. Si les petits animaux ne sont pas défavorisés par la traction, il faut qu'ils atteignent un poids moyen minimal 30. Et c'est probablement cette faiblesse plus que celle du harnais - qui n'était pas défectueux - qui explique les faibles poids déplacés en transport et l'attachement à l'araire par rapport à la charrue lourde. Ceci permet de comprendre cet attachement en Méditerranée bien au-delà de l'Antiquité, alors que les conditions d'attelage avaient changé (collier, brancard), mais que le problème de la nourriture du cheptel, et du coût de la charrue, restait important.
1.3.
L'AIGUILWN, KENTPON
L'aiguillon 31 est un instrument indispensable pour le laboureur dirigeant son araire, sauf si celuici dispose d'un aide pour guider les bœufs, comme l'indiquent quelques représentations. Eh effet, il n'utilise pas de guides, comme la plupart des laboureurs modernes, et c'est au seul son de la voix qu'il va conduire ses bêtes pour tracer le sillon droit. Certes, on aura soin de choisir des bœufs suffisamment âgés, neuf ans nous dit Hésiode (O.. 436), pour qu'ils ne se prennent pas de querelle; le timon rigide les maintient solidement, l'araire est léger, mais toute manœuvre est lente, en particulier la rotation à l'extrémité du champ; c'est donc pour guider les bêtes, non pour les piquer, que le laboureur est armé d'un aiguillon suffisamment long, de l,50 m à 3 m, pour pouvoir les toucher aux épaules. L'aiguillon est parfois muni de lanières, on les voit sur certaines de nos illustrations, d'une pointe ·~e fer, mais la gaule peut rester simple. Enfin, on peut ajouter à une extrémité un curoir, en forme de spatule ou de croc, qui sert à nettoyer le soc de l'araire, en particulier dans les terrains argileux. Cet instrument, utilisé actuellement, nous est décrit avec précision dans un texte de Pline (XVIII, 179) qui en donne le nom, le rallum. Nous n'en avons pas l'équivalent en grec; par contre, l'archéologie nous en a fourni à Chypre un exemple en bronze du XIIe siècle av. J.-C., que H.W. Catling compare aux instruments identiques actuellement utilisés dans l'île 32 (figure 13). 29. L'attelage unique de la tombe de Chypre trouvé en 1975 (Reports of the Department of Antiquity, Cyprus, 1975, p. 93-95) semble isolé. Sur l'apparition des brancards dans le monde chinois et romain, cf. A.G. HAUDRICOURT (1955), p. 174 sq.; P. VIGNERON (1968), p. 140 sq.; H. POLGE (1967). p. 19 sq. On notera que la possibilité des traits et du palonnier, qui favorisent la traction du cheval, n'ont pas fait disparaître en Grèce moderne le joug double associé au timon rigide. 30. Cf. sur ces points les tableaux de J. HOPFEN (1960), p. 10 et 11. J. SPRUYTTE (1977) a bien mis en valeur la petite taille des chevaux antiques (p. 107 sq.), et les efforts faits au Moyen Age et surtout à l'époque moderne pour améliorer leur poids. Mais c'est la mauvaise nourriture plus que lapetite taille qui fait du cheptel grec un mauvais agent de traction. Les petits chevaux étaient performants pour les chars. 31. Les articles stimulus et rallum du D.A. sont largement utilisés par K.O. WHITE (1967), p. 140, (1975), p. 210,211. 32. H.W. CATLING (1964), p. 85, fig. 8, 6. pl. 5, i; L. LACROIX (1853), p_ 592, indique que «le veredri est l'aiguillon à l'aide duquel le laboureur conduit ses bœufs; son extrémité inférieure est garnie d 'un croc en fer qui sert à débarrasser la charrue (ou l'araire) de la terre qui y adhère» .
L'OUTILLAGE AGRICOLE
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Le mot xévrpov répond très exactement au sens concret et abstrait du mot «aiguillon» en français. Il désigne aussi bien la gaule ou le fouet destiné aux animaux de trait, que l'instrument du cocher; il sert à piquer les esclaves, peut être un instrument de torture 33 (l3oV1rÀT7~); c'est plus précisément l'instrument du bouvier. MvwljJ, plus rare, est utilisé dans l'Anthologie avec une référence à la pointe de fer (àK.poaif>apoç). L'aiguillon est d'ailleurs évoqué plusieurs fois comme offrande du laboureur dans les épitaphes (Anthologie, VI, 41,95, 104), avec des termes variés :aK.atva, «évrpo», Enfin, les dernières éditions de l'édit de Dioclétien ont permis d'ajouter un mot nouveau : àK.ovrwv 34. Cet aiguillon vaut 15 deniers tout monté, ce qui n'est pas négligeable, et 4 deniers en pièces détachées, le même prix étant donné pour un fouet.
2. LES OUTILS ARATOIRES MANUELS
2.1. •
LES INSTRUMENTS TYPOLOGIE ET DOCUMENTATION ETHNOLOGIQUE
Il existe deux grandes classes d'outils aratoires manuels, en fonction du geste accompli pour briser la terre : soit l'instrument est lancé, et la force est donnée par le geste du bras soulevé et le poids de l'outil: plus celui-ci est lourd, plus le travail est fatigant, mais aussi efficace. C'est l'instrument à percussion lancée, type pioche ou houe. Soit l'instrument est posé et on appuie le pied dessus, puis on soulève, c'est la bêche, instrument à percussion posée. La fatigue vient du poids de terre soulevé et rejeté régulièrement. La bêche creuse à 22 cm environ (soit sept pouces). Un homme peut bêcher à l'heure environ 20 m 2 .de terre arable 35. Dans l'ensemble, pour le labour, les régions sont dominées par l'un ou l'autre des types. Les migrations des ouvriers agricoles favorisent parfois l'introduction d'un instrument sur l'autre, ainsi la bêche' ou luchet en Corse et Provence, utilisée par les Italiens au XVIIIe siècle. La bêche était dominante en Méditerranée au xxe siècle pour la préparation du sol, en Italie, dans certaines parties de la Syrie et de l'Irak, et en Afghanistan. Mais la houe et la pioche se retrouvent largement dans le reste de la Méditerranée.Elles sont utilisées aussi pour briser les mottes, butter et sarcler. C~ sont des instruments qui travaillent moins en profondeur que la bêche mais qui sont susceptibles d'un plus grand nombre d'applications. Le vocabulaire français reste assez vague, et on emploie souvent indifféremment les mots «houe» et « pioche ». Rappelons que: A) La houe a une lame large dont l'angle fait avec le manche est de 45° à 90°. Les crocs à creuser, nos bidents, bêchas, bigots, sont des houes à deux ou plusieurs dents, adaptés aux sols durs et caillouteux. La grande variété des formes de lames conduit parfois à une typologie par enmanchement : à douille, ou à collet 36. B) Le pic est un instrument à lame étroite destiné à percer et creuser. Il peut avoir une lame ou deux, se répondant symétriquement. C) La pioche associe de part et d'autre du manche une lame de houe large et une lame de pic étroite. Lorsque la partie large est coupante, en forme de hache pour débarrasser les arbustes, on l'appelle 33. Eschyle, Eu., 157; Hérodote, 3, 130. Mais dans le cas des chevaux la traduction par «éperon» semble souvent s'imposer. Xénophon, 7,129. 34. Ëdition de M. GIACCHERO (1974),15,17. Sur les mots nouveaux dans l'édit de Dioclétien, 1. ANDR'~ (1976), p. 199. 35. A. LEROI-GOURHAN, t. 1 0943,1971), p. 48;J. HOPFEN (1960), p. 38-42. 36. A. LEROI-GOURHAN, t. 10945,1971), p. 48 et 63 sq .; J. DESHAYES (1960).
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Figure 13. - Outillage manuel (Musée de Nicosie, âge du bronze). a) curoir; b) pics de l'athlète pour ameublir la palestre, v e s. av. (Dessin LP. PELLETIER. d'après les amphores de Brezovo et du Musée de Turin)
Figure 14. - Houe à deux dents, dikella , mosaïque de Constantinople, VIe s. ap. L-C.
J.-c.
L'OUTILLAGE AGRICOLE
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en France une dolabre. La serfouette est composée d'un manche et d'un fer à deux dents d'un côté, d'une lame tranchante de l'autre 37. L'ensemble de ces instruments a été bien distingué pour le monde romain grâce aux énumérations des agronomes 33. Il n'en est pas de même pour le monde grec, le vocabulaire dont nous disposons y est plus restreint et le même mot désigne souvent des instruments de typologie différente (il en est de même en français pour les mots houe et hoyau par exemple). Les enquêtes ethnologiques en Grèce sont moins nombreuses que pour l'araire. Il est à noter cependant qu'à Amorgos encore actuellement, ainsi qu'à Chypre, le. type à percussion lancée est dominant avec la pioche (et non la houe simple) et le croc à deux dents appelé ôu<.eÀÀi ou ôlKÀci, déjà signalé au XIxe siècle 39. En Crète au xix- siècle, l'ancien consul de France à La Canée a indiqué à L. Lacroix les instruments suivants: «Le scapeti est une houe dont la lame, quadrangulaire, est large de 4 à 5 pouces; elle est montée sur un manche long.
La scalida est une autre sorte de houe, employée principalement dans la culture de la vigne. Elle a également.un manche long, mais elle est d'une forme presque triangulaire. Le lissico est une bêche triangulaire à bord arrondi et à angles aigus. Elle est enmanchée à un manche long, qui porte à quelques pouces au-dessus du fer une petite traverse sur laquelle on appuie le pied pour faire pénétrer la lame dans la terre. La manaro scalida est une espèce de doloire dont on se sert pour couper les racines et briser les mottes. La lame est longue et étroite avec un marteau de l'autre côté. La scinari sert aux mêmes usages. Il est de la même forme aux dimensions plus petites.» 40
On constate donc qu'ici c'est la bêche qui est devenue l'instrument manuel lourd, et qui a remplacé la houe lourde à croc, le bidens. •
DOCUMENTA TlON ICONOGRAPHIQUE
On peut voir illustrés (cf. planches 8 et 13, et figure 13) 1. Des houes à deux dents, sur des timbres d'amphore de Thasos, puis sur des documents beaucoup plus tardifs (fresques et mosaïques du Ive siècle de notre ère) où le geste est bien montré. 2. Le pic des athlètes, parfois associé à la pioche sur des documents attiques du ve siècle av. J .-c. Ce sujet, assez prisé, semble remonter à la fin du VIe siècle et disparaît au Ive siècle av. J .-C. 3. La pioche, dans la coupe du Louvre F. 77, utilisée pour les semailles (planche 8), et sur le vase attique où Héraklès pioche la vigne du roi Syleus, enfin sur la mosaïque d'Argos du Ive siècle ap. J.-C. où elle figure l'instrument du laboureur. Cette documentation nous montre un instrument de profil dont nous ne pouvons connaître la largeur de la lame. Seuls les pics des athlètes ont donné lieu à des études, la documentation attique étant particulièrement ·importante. On notera que dans un cas deux instruments sont montrés sur le même vase: le pic traditionnel et la pioche à manche court que l'on peut rapprocher de cel1e de la mosaïque d'Argos. Sur les deux coupes ce sont des pioches à manche long. On ne trouve pas sur l'iconographie de houe à lame simple; par contre, la houe à deux dents est représentée assez tôt. Si l'iconographie de ces instruments manuels est peu abondante, c'est qu'ils ne représentent pas des attributs particuliers de dieux ou héros, et qu'ils ne peuvent être illustrés qu'à propos d'un travail de la mythologie, à la différence de l'araire, dont la portée religieuse et symbolique est plus forte. D'où l'intérêt exceptionnel de la coupe du Louvre, qui représente l'ensemble des semailles, avec un instrument manuel et un araire. 37. 'M.J. BRUNHES·DELAMARRE et H. HAIRY (1971); P. FENELON (1970). 38. Les études de K.D. WHITE (1967 et 1975) restent maintenant la meilleure recension (p. 57). Cependant, comme 1. KOLENDO (I 975) le rappelle, un même mot peut parfois recouvrir des outils légèrement différents. 39. C. CONNEL (1980). p. 22 et fig. 7; J. T. BENT (1885), p. 496 (édition 1966); Chypre. Musée de Hiéroskipos. 40. L. LACROIX (1853), p. 592.
96
•
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
DOCUMENTATION ARCHEOLOGIQUE
Pour l'âge du bronze, elle a été recensée par J. Deshayes, qui nous montre des instruments très diversifiés dès le XVIe siècle av. J.-C., avec prédominance presque absolue des instruments symétriques dont les lames se répartissent de part et d'autre du manche, et qui sont plus faciles à construire. On a ainsi des houes et des herminettes doubles, sur le même principe que les doubles haches. On trouve un type de pioche en Crète 41. Avec l'âge du fer, les formes ne se différencient que lentement et, surtout, notre documentation est encore plus limitée. Les lames de fer sont réutilisées, elles ont peu de chances d'être conservées dans les tombes comme des armes. Enfin, les archéologues s'y intéressent peu. Les trouvailles sont donc exceptionnelles comme en Egypte pour la période hellénistique, ou isolées dans les Balkans, ou en Sicile. En Grèce, on trouve à Olynthe une petite houe, du type sarcloir (Stadtliche Museum); à Priène et à Ephyra, dans le Nécromantéion, on cite l'existence d'outils de fer hellénistiques agricoles, houes et pioches, dont les mesures sont parfois indiquées 42, les lames ne dépassent jamais 25 cm de longueur, emmanchement compris; cette faible taille les a fait interpréter comme des objets cultuels, ou des instruments de sarclage.
2.2.
HOUE A DEUX DENTS,
BIDENT,~IKEMA
Aristophane, Pax, 570. Eschyle,frg. 196 N. Sophocle, Anf.• 250. II,131. Théophraste, CP., 111,20,8. Ménandre.Dvs, 390,415,525. Euripide, Phën.• 11555. Stèle des Hermocopides, SEG XIII, 13, 131. Comptes d'Éleusis I. G. 11 2 , 1673, 1. 51.
A l'époque classique, c'est l'instrument de labour par excellence: celui dont le vigneron Trygée se sert pour retourner sa petite pièce de terre après une longue absence, celui que Théophraste conseille très précisément pour les labours comme préférable à l'araire. Instrument lourd, son équivalence avec le bidens est clairement indiquée par les lexicographes 43. Enfin, l'illustration ancienne comme l'ethnographie nous montrent la permanence d'un type aux lames étirées; l'outil est emmanché perpendiculairement soit directement, soit par un collet rapporté. Il est particulièrement bien adapté pour le travail en terrain pierreux et dans les vignes. Il peut être muni d'un talon tranchant. Le détail du travail est décrit avec beaucoup de verve par Ménandre, lorsque l'amoureux des villes veut prouver à son futur beau-père ses capacités en maniant le lourd instrument: «Cette houe pèse quatre talents », soupire-t-il. Le soir il est tout courbatu et il évoque ses gestes «tel le balancier d'un puisoir, me relever à grand-peine, puis me pencher à nouveau », Le travail avec la OiK€ÀÀa symbolise le travail par excellence du petit propriétaire en cette fin du Ive siècle av. J .-c. Cependant, si le mot désigne assurément cet instrument lourd essentiel, il peut avoir le sens plus large d'instrument à deux dents, comme notre mot « fourche, fourchu» peut désigner des instruments à deux branches. Enfin, il faut noter qu'on le trouve sur deux inscriptions, celle des Herrnocopides et les comptes de construction d Ëleusis. Dans ce dernier cas, unedouzaine de OiK€ÀÀat sont comptées pour 24 drachmes. Mais on ne peut assurer qu'il s'agit de l'instrument agricole, plus probablement d'un outil de maçon 44. 41. J. DESHAYES (1960), p. 29 et pl. XXXV; pour Chypre, compléter avec H.G. CATLlNG (1964), p. 81. 42. K. MAJEWSKI (1977), p. 267, pl. 7; D.M. ROBINSON (1941), t. X, pl. CVII, et p. 343, 356 pour Olynthe; BCH (1961), Chroniques, p. 729; W.F. PETRIE (1917) pour l'Ëgypte, Sicile, Musée de Syracuse et P. ORLANDINI (1965), p. 445-453. 43. Cf. K.O. WHITE (1967), p. 49, ct R.E. (1897), (III) 1 bidens, col. 428, 2, qui distingue le travail durastrum de celui du bidens, ce qui n'est pas le cas des autres dictionnaires. Sur le sens donné dans l'épigraphie, J. KOLENDO (1968), p. 51 sq . 44. W. KENDRICK PRlTCHETT (1956), p. 290.
L'OUTILLAGE AGRICOLE
12.3.
PIOCHES ET HOUES
3 i 2..1. 1
97
};IJ.L VVl1 , Aristophane, Pax, 546;Av., 602;Nub., 1486-1500. Xénophon,cy~, 6,2,34. Platon, Resp., 370, d. Inventaire des Herrnocopides, SEC XIII, 13, l. 130; 14, l. 12.
Le mot désigne en Attique un instrument très courant. Xénophon conseille d'en avoir toujours en campagne militaire dans les bagages de l'intendance. Platon le met sur le même rang que l'araire. Il est vendu par le marchand d'outils agricoles dans La Paix d'Aristophane. A la fin du ye siècle, il coûterait 3 drachmes une obole, selon l'inventaite des Hermocopides 45. L'usage le 'plus précis est évoqué par Aristophane : on se sert de la UIJ.LVVl1 pour démolir un toit dans Les Nuées. pour déterrer un trésor dans Les Oiseaux. Ce qui semble exclure la houe simple et faire pencher plutôt pour un type à double tranchant. Interprétation qui semblerait favorisée par certaines équivalences tardives. Nous lui donnerions volontiers la forme de certains instruments actuels d'Amorgos.
2.3.2. MaKéÀl1, lJ.alŒÀÀa Iliade, XXI, 259. Hésiode, O.. 468. Eschyle, Ag., 526. Théocrite, 16,32.
Ce terme est le plus anciennement utilisé pour les instruments manuels et il garde, à l'époque de Théocrite, le sens général de l'instrument qui endurcit les mains du pauvre hère (16, 32). Il sert dans l'Iliade à déboucher le canal d'irrigation. Chez Hésiode, pour le jeune esclave, à recouvrir la semence. Chez Eschyle, c'est l'instrument de Zeus qui a déraciné Troie. Le mot est donc employé par les poètes pour désigner à peu près les mêmes travaux que la UIJ.LVvl1, utilisé en prose en Attique. Le sens est un peu plus large et, s'il désigne une pioche, il peut aussi sans doute désigner la houe simple. Si nous acceptons l'illustration de la coupe de Campana comme celle du texte d'Hésiode, l'ouvrier qui recouvre la semence le fait avec un instrument double, dont le revers est en forme de marteau et peut être rapproché de l'outil d'Amorgos. Cependant, dans les Corpus glossarium III, 368, 96, le mot est donné comme équivalent de ligo, qui désigne la houe simple, et ce sens est peut-être celui du texte de Théocrite.
2.4.
BECHE, HOUE LOURDE
Nous avons vu ci-dessus la différence entre le travail à percussion lancée et celui à percussion posée.
La MI<€ÀÀa est l'instrument le plus largement répandu pour retourner une pièce de terre, pour le labour manuel remplaçant le labour à l'araire. Cependant, le monde grec n'a-t-il pas connu, selon les régions, d'autres types d'instruments lourds?
45. Commentaire W. KENDRICK PRITCHETT (1956). p. 302. Le prix dans l'édit de Dioclétien est de 12 deniers. Dans les manuscrits d'Hésiode, le mot est parfois donné comme équivalent à 611<€ÀÀa, soit à un instrument double; G. DERENZINI (1970), p. 87; K.O. WHITE (1967), p. 38, Ligo (voir notre planche 12).
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
98
2.4.1. Miaxo, Théophraste,
c.r., III, 20.
Une seule référence, celle de Théophraste, qui explique précisément qu'il s'agit d'un instrument utilisé en Thessalie pour le labour et qu'il lui paraît plus efficace et meilleur que la ôiK€ÀÀa ou l'araire, pour les labours de jachère. Il insiste sur le fait que cet outil retourne la terre en profondeur. Etant donné l'usage et les comparaisons, il s'agit d'un instrument local lourd et performant qui ne peut être qu'une houe pleine ou une bêche. Les étymologies ne sont pas probantes, mais le travail fourni correspond bien à celui d'une bêche 46. Cet instrument que nous ne voyons illustré qu'à partir de l'époque byzantine a des correspondances archéologiques plus anciennes dans les provinces nord- balkaniques. Il pourrait s'être répandu lentement, en tout cas au Ive siècle av. J .-C. il représente une nouveauté. 2.4.2. AW'Yapwv Schol. Théocrite, 4,10. La Souda, sous awupetôio»,
Le mot n'est attesté que dans les textes tardifs. Cependant, à partir de l'époque byzantine, Àia'Yo, désigne bien la bêche, et s'est conservé en grec moderne avec ÀW'YaPl et Àia'Yo, , et leurs variantes, ainsi ltssicco en Crète au XIXe siècle. Faut-il en conclure que le mot a déjà ce sens précis à l'époque de Théocrite? Ou que les commentateurs l'introduisent tardivement? Le mot ÀW'Yapw, est attesté dans l'inscription du bronze Papadakis en Locride, pour qualifier une terre. Le sens de «défrichée, retournée» peut être avancé 47.
2.5.
MAILLET A f:MOITAGE, ~«pTPA Hésiode, 0.,435. Aristophane, Pax, 566. Anthologie, VI, 104.
Le maillet à émottage est utilisé dans les labours de jachère pour écraser les grosses mottes après le premier labour. Ce travail peut être effectué avec le revers de la ÔiK€ÀÀa. Et mieux le labour a été fait, moins utile paraît l'émottage. Il est conseillé, avec un maillet, par O. de Serres. Nous voyons l'opération illustrée par certaines peintures égyptiennes et des manuscrits du Moyen Age 48; elle était connue de l'Antiquité gréco-romaine et l'épitaphe de l'Anthologie évoque le travail précisément, en parlant du maillet wÀ€ai(3wÀo,. Il n'y a donc pas de raison de traduire le mot ar.pÏJpa par «houe». Sa construction est conseillée normalement par Hésiode avant la construction de l'araire. Ces maillets de bois ont un long manche mais ne diffèrent pas de maillets ordinaires qui servent pour les usages variés, en particulier pour enfoncer des pieux. L'instrument peut parfaitement être utilisé par les Centaures dans les représentations de l'Anodoi que C. Bérard a recensées. Le fait que sur ces vases les Centaures ne soient pas en train d'effectuer un travail agricole, mais ébranlent le sol de coups ne les empêche pas de se servir d'un instrument agricole dans un but religieux 49. 46. Le mot désigne la queue de feuille d'un fruit ou d'une fleur. Si le nom est donné par assimilation avec le manche, il peut se référer au pédoncule du manche de bêche sur lequel appuie le pied. Sur l'usage de la bêche dans le monde byzantin, E.E. LIPSIC (1951), p. 53. 47. C. VATIN (1963), p. 119. 48. G. COMET (1973), p. 115; The Luttrel Psalter, Ms add. 42 130; F. HARTMANN (1923), pl. CLI. 49. C. BÉRARD (1974), p. 77, n" 9, écrit à propos de la technique de l'émottage au maillet: «Nous n'en avons aucun témoignage antique ou moderne », ce qui est parfaitement erroné. En fait, il veut prouver que les Centaures ne pratiquent pas l'émottage sur ces vases, ce qui est sûrement vrai. Mais cela n'empêche pas l'émottage d'avoir été pratiqué avec un maillet, et il est logique de conclure que, pout une fête religieuse à résonance agraire, on se servait de ce maillet. Les gestes devant la statue que C. Bérard analyse avec tant de finesse pourraient être faits avec la o,/>ÎJpa.
L'OUTILLAGE AGRICOLE
2.6. 2.6. 1.
99
INSTRUMENTS DE SARCLAGE ET BUITAGE ~Ka1fcill'l1
Ménandre, Dys., 542. Théophraste, CP., III, 20, 2;HP., 2,7,1. Théocrite, 4,10. Anthologie, V, 240.
2.6. 2.
~KaÀic;
lG.,Ie 1424,1,391.
Stèle Herrnocopides, S. E. G. XIII, 13. Strabon, 17,3,2,9.
2.6.3.
~Ka'PELOV
Hypéride, Dem., 127.
t.c. XI2 , 144 A, 1. 84;IG. 11 2 , 1631,1.401. Diodore de Sicile, 4,31. Papyrus P. Cairo zen. 1642. P. Petrie 3, p. 109. P. London 131, recto, 222. èttunaupeiou, Delphes, comptes de Dion. 1.12.
Ces outils apparaissent dans les inscriptions et les textes pour plusieurs types d'opérations: Sarcler le blé ou la vigne, au sertir de l'hiver quand les herbes ne sont pas trop hautes. Butter et cavaillonner autour des arbres : dégager le pied au début du printemps, on ramènera la terre ensuite. • Pour la palestre et le gymnase, ameublir le sol; opération qui s'effectue régulièrement par les athlètes eux-mêmes, mais qui est aussi effectuée en grand annuellement, comme nous le montrent les comptes; elle est suivie du nivellement de la piste: osaupi»; «ai OJ.LciÀ~LC; 50. • Dans les papyrus, UKa'PELOV est parfois le seul instrument indiqué, aussi bien pour arracher les joncs que pour achever le labour 51. L'iconographie est essentiellement celle des instruments du gymnase : l'instrument le plus répandu est le pic des athlètes à manche court et lames symétriques (figure 13). Il peut servir aussi bien pour l'ameublissement que pour un nivellement superficiel. Mais on voit apparaître aussi un type de pioche proche de celle qu'utilise le roi Syleus pour travailler sa vigne sur un vase à figure rouge 52. C'est probablement à ce type que fait référence l'È1fWKa'PELOV dont les comptes de Dion prévoient l'achat de six exemplaires pour les travaux d'ameublissement de la palestre de Delphes. Le mot uKaÀtC; a eu plusieurs héritiers dans la Grèce moderne; ils désignent parfois de petites houes pleines iscalida en Crète, scalisterion à Chypre) employées dans les vignes, mais aussi des pioches. En Crète, manaro scalida désignait une sorte de doloire qui servait aux travaux de débroussaillage et sarclage 53. L'archéologie nous a fourni à Olynthe une petite houe pleine 54 qui pouvait être utilisée pour le sarclage. • •
50. J. POUILLOUX (1977), p.105 ;G. ROUX (1980), p. 137. 51. H. SCHNEBEL (1925), p. 280, 306. A. SWlDEREK (1960), p. 88; W. KENDRICK PRlTCHETT, p. 302, donne pour équivalent oKa~iç et oKa.p€'ov. 52. Au recensement de l'article du D.A.(1896) gymnastica, IV, p. 1701, ajouter D. TSONTCHEV (1957), p. 150. JEHASSE (1973), pl. 25. 53. Musée de Hiéroskipos (Chypre); L. LACROIX (1853), p. 592. 54. D.M. ROBINSON (1941), pl. CVll, nO 1635. La lame mesure 17,5 cm sur 22,5 cm.
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
100
Les instruments de sarclage ont donc des formes diverses. Et comme nous retrouvons pour la palestre plusieurs mots désignant pics et pioches, le même mot a pu désigner aussi un sarcloir à une seule lame, proche du sarculum des Latins, auquel les lexicographes donnent souvent l'équivalent de at
3. LES INSTRUMENTS DE LA MOISSON ET DU BATTAGE Les outils de la moisson ont suscité davantage de recherches que les outils manuels de labour, et les identifications sont plus assurées. Le vocabulaire grec est beaucoup plus succinct que le vocabulaire latin, et les nuances locales entre les différents types de faucilles ne peuvent être déterminées, par exemple, mais les grands types d'outils sont clairement précisés.
3.1.
•
LA FAUCILLE, .6.PEIIANON, .6.PEIIANH, APIIH (planche 14 et figure 15)
TYPOLOGIE
Il y a à l'époque grecque trois usages principaux de la faucille : • couper les céréales, ou les scier avec la faucille dentelée; • couper les chaumes laissés à mi-hauteur, ou davantage, dans les champs; • couper l'herbe, le foin naturel mélangé à la broussaille. Les faucilles peuvent être classées suivant la forme de leur lame, plus ou moins cintrée, dentelée ou non, et suivant le mode de fixation à la lame 56 • soie plate insérée dans le manche; • soie plate courte repliée à l'extrémité; • virole; • rivet; • douille; • manche long (faucilles tirées de Chine). Actuellement, beaucoup de faucilles comportent un onglet rabattu près de la poignée. Il sert de protection pour la main et donne une meilleure prise à l'outil. Souvent la partie de la lame proche de la poignée est fortement coudée, la lame n'étant plus alors dans l'axe du manche, la protection de la main est plus assurée. Cette dernière amélioration est perceptible sur certaines lames romaines, et très nettement sur les illustrations des xve et XVIe siècles des manuscrits d'Hésiode 57 (planche 12).
55:'K.D. WHITE (1967), p. 43; Corp. gloss.; sarculum oKaXiç. oKai{)lov, II, 178,50. 56. M.I. BRUNHES-DELAMARRE et Hugues HAIRY (1971), p. 33, n° 7 à 19; 1. LE GALL (1959), p. 55 sq.; A. STEENSBERG (1943); R.E. (1928), Sichel, lIA 2, cols. 2190-2193. 57. K.D. WHITE (1967), fig. 7a : faucille bronze Campanie; G. DERENZINI (1970), fig. 9, Cod. Ambr. (XV e siècle), fig. 14, édition Trincanelli de 1537.
L'OUTILLAGE AGRICOLE
101
Figure 15. - Types de faucilles de la Méditerranée orientale à Chypre (Musée de Nicosie). Iran: Le geste du moissonneur (G. LERCHE, 1968, cliché Agricultural Secretariat for Research on the History of Agricultural Implements).
102
•
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
DOCUMENTATION ETHNOLOGIQUE
La faucille est un instrument précieux, souvent personnel et adapté à la force de l'ouvrier. Il y a ainsi des faucilles de femmes plus légères que les grandes lames des moissonneurs qui vont parfois se louer, mais le geste est le même et il a été souvent illustré autour de la Méditerranée. La faucille courte, semblable à la serpe, se rencontre encore pour couper les fèves; en fer forgé, elle est très proche de nos exemplaires archéologiques. La faucille dentelée est devenue rare en Europe, cependant on la trouve encore en Afrique du Nord et en Iran pour couper l'orge et les broussailles; sa forme et son emmanchement nous permettent de comprendre l'agencement de certaines faucilles de bronze sur lesquelles s'interrogeait J. Deshayes S8. Actuellement, les moissonneurs qui utilisent des lames très recourbées protègent leurs doigts avec des tubes de roseau, ou des doigts de cuir. .La faucille est régulièrement aiguisée sur place sur une pierre à aiguiser, souvent imbibée d'huile. Encore de nos jours, la faux n'est pas fréquente dans la Méditerranée orientale, et l'on passe souvent de la faucille à la moissonneuse sans cet intermédiaire technique. C'est que le foin est rare, l'herbe est si souvent mêlée à la broussaille que les faux, même pour cet usage, y sont mal adaptées. En grec moderne, le nom drepani s'est conservé pour les grandes faucilles courbes, fassoulin pour les faucilles courtes utilisées soit par les femmes, soit pour les fèves. •
DOCUMENTATION ARCHEOLOGIQUE
A la différence des lames de houe, les lames de faucilles sont plus fréquemment retrouvées. C'est un objet d'offrande, évoqué par les épitaphes. Les faucilles de bronze sont nombreuses, et des trouvailles récentes se sont ajoutées au recensement de J. Deshayes 59, Des faucilles de fer nous sont parvenues de Tirynthe, Priène et Olynthe, Athènes, Kyrénia 60. Dans l'ensemble, ce sont des outils à courbure ouverte, assez proches de la serpe ou du fassoulin de la Grèce moderne. La différenciation entre serpe et «couteau à moissonner» n'est pas toujours facile. La tradition remonte au néolithique, pour lequel les dernières recherches sur l'usage des faucilles de pierre ont montré l'importance de ces outils. Le lustré sur certaines parties des lames indiquent bien un usage agricole 61. La faucille à dents entraîne un geste différent, plus circulaire que la coupe. La faucille très courbée à lame pleine est légèrement plus rapide mais plus dangereuse. . •
ICQNOGRAPHIE (planche 14)
L'iconographie grecque de la faucille est peu abondante. Une monnaie illustre un moissonneur en action; il coupe à mi-hauteur, sa faucille paraît être à manche relativement long et à lame courbe, assez proche des exemplaires actuels. Par contre, la mosaïque d'Argos pour le mois de juin représente le moissonneur, sa gerbe coupée dans la main droite, une faucille de l'autre, le travail achevé. Cette faucille est dans la ligne des faucilles de bronze et des fassoulins actuels; la courbure de la lame est moins accentuée. Cependant il faut tenir compte du fait que les instruments sont présentés d'une manière très particulière dans cette mosaïque 62. 58. G. LERCHE (1968), p. 36; J. DESHA YES (1960), p. 232, Catalogue Chypre (1982), n° 14, 15, 18. On trouve encore des faucilles dentelées en Camargue et en Crau pour couper les roseaux. 11 semble qu'il faille nuancer certaines conclusions de F. SIGAUT qui, dans un article, par ailleurs fort utile sur les méthodes de moisson, refuse aux faucilles de bronze toute utilisation pour les céréales (1985), p.33. 59. Ainsi les belles faucilles de bronze dentelées de Théra; S. MARINATOS (1971), vol. iv, pl. 89, celles de Chypre; H.G. CATLlNG (1964), fig. 8. 60. K. MAJEWSKI (1977), p. 273, fig. 8. Signalées aussi à Ëphyre , B. C.H.. 1961, chronique, p. 729; 1971, Kyrénia. 61. H. CAMPS-FABRER, J. COURTIN (1985); P. REYNOLDS (1979) souligne que, dans sa ferme expérimentale, la récolte des blés vêtus s'effectuait plus facilement à la main qu'à la faucille. La liaison entre l'espèce de céréale et la forme de l'outil est évidemment fondamentale. . 62. Bibliothèque Nationale, Cabinet des Médailles, n° 1305. Pour la mosaïque conservée au Musée d'Argos, dans la cour extérieure, on verra l'analyse iconographique de R. GINOUVÈS (1957), p. 253-54.
L'OUTILLAGE AGRICOLE
•
103
SOURCES LITTERAIRES èip1fT/, Hésiode, O., 57!. 6PE7rc1.VTj, Il., XVIII, 551 ; [Hésiode] .sc., 292. 6pE-rralJolJ, os.. XVIII, 368 ;Ant., VI, 95.
Le mot ap 1Tl1 , utilisé par Hésiode dans le contexte de la moisson, n'est conservé que pour désigner une arme, celle de Persée, celle d'Héraclès contre les monstres (Euripide, Ion, 192). Ces scènes sont illustrées sur certains vases attiques. Il ne s'agit plus d'une faucille proprement dite. Le sens de «faucille» s'est conservé pour Spénauo» qui apparaît déjà chez Homère; c'est le terme utilisé dans l'édit de Dioclétien comme chez les Byzantins et dans la Grèce moderne (xoproSpÉ1Tavov est employé dans le Corpus glossarium pour la coupe des chaumes ou de l'herbe, faix faenariaï. La simplicité de ce vocabulaire contraste avec la sophistication des termes latins. A travers les Agronomes, mais aussi dans les glossaires, là où le grec se contente de Soétuuov qui désigne aussi la serpe, les Latins ont ajouté une série d'adjectifs techniques. La faucille est un objet très courant que le marchand de faucilles, illustré dans les comédies, le Sp€1TaVovp'Y0" vient proposer aux chalands. Celui d'Aristophane vend pour cinq drachmes ses faucilles à la place des armes (pax, 548; Phérécrate, 269 c). J. Le Gall a rappelé avec netteté que le mot faix ne devait pas être traduit par «faux» mais par «faucille». Il en est de même pour SpÉ1Tavov. La faux n'existe pas dans la Grèce classique. Elle n'apparaîtra qu'au Moyen Age, pour le foin seulement. Les instruments armés qu'utilisent les machines de guerre le sont avec des couteaux, des faucilles, non des faux 63. Le même mot ôoéxavo» est utilisé, pour la serpe et la faucille, dans l'inventaire des Hermocopides (XIII, 13, 128); il est suivi une fois de l'adjectif àlJ,1T€'AOVP'Y0v qui permet alors de le classer comme serpe ou couteau à émonder.
3.2.
INSTRUMENTS DE VANNAGE (planches 15-16)
La Grèce classique n'utilise que les pieds des animaux pour le dépiquage. La planche à dépiquer est mentionnée pour la première fois au Ille siècle av. J .-c. Les instruments de vannage sont au contraire divers, et la typologie clairement définie. •
TYPOLOGIE
3.2.1.
Le van:
C'est un panier en vannerie en forme de grande coquille, sans rebord d'un côté et muni de poignées latérales. Il sert à nettoyer le grain qui vient d'être battu par un mouvement des poignées, en profitant d'un courant d'air léger qui éloigne les fragments de balle et les impuretés. Le van peut être utilisé en grange. C'est l'instrument normal après battage au fléau. La tarare l'a remplacé au cours du XIX e siècle. 3.2.2.
Le crible :
Il est fait d'une peau (porc, veau), tendue sur un cercle de bois à plus ou moins haut rebord. De petite taille pour les légumes (lentilles, vesces), de plus grande taille pour les céréales, il peut être tenu en main ou pendu à un trépied. La peau est percée de petits trous; on donnait au crible un mouvement circulaire, le grain plus lourd fuyait sur les bords, la balle légère restait au milieu et on l'enlevait à la main, les petites graines et la poussière tombaient à travers les trous. Le crible de l'aire est souvent utilisé en complément de la pelle à vanner, ou lorsque le vent n'est pas suffisant pour cette technique. 63. J. LE GALL (1959), p. 69, et bibliographie ci-dessus, p. 76, note 73.
104
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
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- Tribulum (va!).
Plauslellum Ü""ga/).
Figure 16. - Instruments de dépiquage et de vannage à Chypre. Clichés Musée de Nicosie, et M.C. AMOURETTI. - Modèles iraniens: M. BAZIN, C. BROMBERGER (1982).
..
L'OUTILLAGE AGRICOLE
105
3.2.3. La pelle à vanner, ventilabre : C'est l'instrument le plus utilisé en Méditerranée, où le vannage se fait à l'extérieur. Les enquêtes la montrent dominante en Grèce avec des noms divers. Elle est toujours en bois. Il y a deux types principaux : la pelle pleine et la pelle dentée à l'extrémité. C'est à partir d'une pelle pleine que ce dernier instrument est constitué. L'usage en est le même: jeter au loin une masse de paille, balles et grain, en profitant du vent; balles et pailles plus légères sont emmenées plus loin, le grain retombe plus près. Cette technique de séparation est évidemment beaucoup plus rapide que celle du van, et particulièrement adaptée au dépiquage où la paille reste mêlée à la balle. On utilise parfois successivement les deux instruments, dont les noms varient d'une région à l'autre de la Grèce moderne. En Crète, au début du xx- siècle, le I{)TVapi (pelle) était modifié sur place en tJpLvc'Lla (pelle à trois dents). 3.2.4. La fourche à vanner: Elle ne doit pas être confondue avec l'instrument précédent, et ne procède pas de la même construction. Elle est à deux ou trois dents de bois, entièrement dégagées, et sert à ramasser la paille et les balles en tas. C'est souvent la même que celle qui sert pendant le dépiquage (MpKavL en grec moderne). 3.2.5. Racloir: On utilise parfois une petite planche au bout d'un manche pour rapprocher les grains de céréales en tas et en laisser le moins possible sur l'aire. 3.2.6. Pelle à mesure: La petite pelle de bois de forme étroite (proche d'une pelle à cendre) qui sert à ramasser le grain pour le mettre en sac ne doit pas être confondue avec la pelle à grain. Elle n'est pas obligatoire, mais sa contenance, lorsqu'on l'utilise, est précise: elle correspond à une mesure locale. •
ICONOGRAPHIE
L'iconographie est particulièrement pauvre. On reconnaît une pelle à vanner sur la mosaïque d'Argos. Un vase à figures noires a été interprété comme une scène de vannage avec le tas de grain et peut-être la pelle. L'iconographie égyptienne nous montre des vans en forme d'écope 64. Enfin, on a une série de vans de vannerie hors du contexte agricole : c'est le van éleusinien, associé parfois à Dionysos, et que l'on retrouve utilisé comme berceau, dans les mariages; dans les cérémonies éleusiniennes il est devenu instrument de culte, mais J. Harrisson a bien montré que sa forme est celle du van agricole 65. On le voit par exemple en fonction sur une coupe de Siana (planche 16) : une femme le secoue devant l'autel, il s'agit d'un dernier nettoyage avant l'offrande des grains. Mais le van éleusinien est devenu ensuite l'instrument propre à tout rituel secret, selon la Souda, et c'est dans l'Occident méditerranéen que les véritables vans agricoles ont continué de se développer. •
SOURCES LITTÉRAIRES
Elles sont plus précises sur les gestes à accomplir que sur les instruments utilisés. Nous avons vu que les textes d'Homère et de Xénophon ne laissaient pas de place au doute; ils supposent, comme à l'heure actuelle, l'u tilisation de la pelle à vanner (Test. 2, 8). Les mots grecs sont plus difficiles parfois à préciser. 64. Mosaïque d'Argos, mois de juillet, Musée d'Argos; R, GINOUVÈS (1957), p. 267; Pyxis, Reading Museum, interprétée par Mrs. URE (1949)~ p. 19-20, comme Iacchos tenant en main un TTTVa", assis sur un tas de grain. Interprétation remise en cause pour le mythe par H.J. ROSE (1952). L'objet tenu en main est peu lisible. J. VANDRIER (1978), p.17 5, pour la bibliographie suri'iconographie égyptienne. 65. J.E. HARRISSON (1903), p. 292 sq.; N. GREGORAKJ (1979), fig. 7-8. C. MRARD (1976), p. 101.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
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'Al'Jr/P'r(ÀoL'Yoc; (Od., XI, 128; XXIII, 275) est un terme poétique qu'Homère emploie deux fois pour se référer à une comparaison riche en symboles : Ulysse doit pénétrer dans les terres suffisamment loin pour que les habitants confondent la forme d'une rame avec celle d'une pelle à vanner 66.
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ll1lJOV est la pelle pleine, dans la comparaison d'Homère (Il.. XIII, 588 [Test. 2,8]); elle fait sauter les fèves pour les séparer des cosses. Théocrite (VII, 156) rêve de planter de nouveau «sur le blé qu'elle entasse », La forme 1rT€OV apparaît dans l'inventaire des Hermocopides (SE. G. XIII.13.119). Dans les glossaires, les équivalents sont ventilabrum et pala. be ce fait, à la différence de la comparaison d'Ulysse, on ne peut savoir si 1rTVOV désigne une pelle à vanner pleine ou dentée et, selon toute probabilité, le même mot apu désigner les deux.
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ep{va~, traduit par «fourche» à trois dents, peut désigner aussi bien la fourche de bois destinée au transport que la pelle à vanner dentée. Une comparaison de l'Anthologie (VI, 104) où le laboureur consacre à Deo des ôoivaxe«, «mains de bois des travailleurs de la terre », se rapporterait mieux à la pelle à vanner dentée. Pour les laboureurs qui évoquent leurs outils brillants dans La Paix d'Aristophane (567), l'Jp{va~ peut aussi bien se référer à une pelle à vanner de bois qu'à une fourche à trois dents de métal. Cependant, celle-ci est moins fréquente dans la Grèce moderne. L'outil apparaît dans l'inventaire des Hermocopides 67 et dans l'édit de Dioclétien (15, 51), avec pour correspondant quinquedentem furcam ligneam.
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Le ÀïKVOV est le van de vannerie. On sait combien la vannerie est ancienne en Grèce, et des exemples en ont été trouvés pour le monde mycénien 68. Corbeilles et couffins sont utilisés largement. Il est un peu étonnant de voir la forme du van acquérir une telle place symbolique, alors même que l'instrument ne semble pas utilisé prioritairement. Son association avec le culte éleusinien, Athéna et Déméter, tout comme l'étymologie ne laissent cependant aucun doute sur l'usage du vannage. Mais c'est sur l'iconographie romaine des régions nord-ouest qu'on le retrouve comme instrument, plus qu'en Méditerranée 69. Ce que nous constatons pour notre époque, c'est qu'il s'agit essentiellement d'un objet utilisé dans les cérémonies religieuses 70 et que, depuis Homère au moins, la pelle à vanner est l'instrument normaleinent en usage dans le vannage agricole.
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KOOKtVOV àÀwvLKDv, le crible, est utilisé, lui, en complément de la pelle à vanner, soit pour achever
le nettoyage, soit pour pallier un manque de vent 71. Dans ce cas, on utilise le grand crible de cuir, que nous retrouvons dans maintes régions. C'est un instrument cher (250 deniers dans l'édit de Dioclétien, 15, 60a), qui peut être utilisé à la main ou sur un trépied. •
Signalons deux termes de vannage dont on ne possède que des références tardives: T!JPX'T/, fourche de bois (édit de Dioclétien, 15, 47); 0'T/Àd{3pa, donnée comme équivalent de velabre avec 1rTVOV 'dans l'édit de Dioclétien (15, 48); elle a pour référence dans les glossaires rutellum, et pourrait parfois désigner la pelle à mesure, d'une contenance d'une demi-mesure.
66. P. VIDAL-NAQUET in M.I. FINLEY (1973), p. 283, pour le sens symbolique. 67. W. KENDRICK PRITCHETT (1956), p. 292. 68. J.C. POURSAT (1978); C. BI!RARD (1976), p. 101. 69. J.M. HARRISSON (1903), p. 292-301; K.D. WHITE (1975), p. 75. 70. Ainsi à Délos, Ph. BRUNEAU (1970), p. 289, qui complète la bibliographie de LM. HARRISSON, et C. BÉRARD (1976). 71. Sur les tombes égyptiennes, le criblage suit toujours le travail du van, effectué par les femmes avec deux écopes. J. VANDRIER (1978), p. 175-182.
L'OUTILLAGE AGRICOLE
107
4. DIVERS 4.1.
PELLE
Le mot aIJ.'Yl est utilisé par Aristophane (Pax, 426; Av., 1145) et l'équivalence du Corp. glass. est rutrum. Le texte d'Aristophane renvoie plutôt à une pelle qu'à une bêche: Trygée s'en sert pour enle-
ver des pierres, l'instrument est comparé aux pattes des oies qui transportent le mortier dans une auge pour construire la ville des oiseaux 72. Des exemples de pelles apparaissent dès l'âge du bronze à Chypre 73. Il faut donc renoncer à toute traduction par « bêche ». 4.2.
SAC DE SEMENCE
Plusieurs illustrations nous montrent, tenu au bras par le semeur, le sac de semence. Celui-ci peut être un panier de jonc ou de sparte, ..poPWjç (Hérodote, VIII, 71; Hésiode, 0.,480; Polybe, 19, 13). L'origine en est ancienne puisque l'on a retrouvé des paniers tressés à l'époque mycénienne. On peut aussi utiliser la simple besace de cuir àtout faire, 1frlpa (Anthologie, VI, 95 et 104); enfin le sac de farine ou de grain en cuir sert au transport comme à la semence, ~vÀa~. 4.3.
AI~TPON, RACWIR,
POLISSOIR
La seule référence littéraire est celle de l'Odyssée : Eumée et le bouvier raclent le sol après la mort des prétendants avec cet instrument (XXII, 455), et le verbe est utilisé pour Laërte travaillant dans son jardin. La traduction de « bêche» et « bêcher» nous paraît à rejeter. En fait, le termé technique apparaît bien, mais comme un instrument de maçon, un lissoir, en forme de ciseau très mince avec un tranchant étroit (I. G. IF 1678 A, 1. 4; J. G. VII, 3073, 1. 20) pour le polissage des lits de pose 74. L'opération effectuée correspond exactement à ce que font Eumée et le bouvier. A notre avis,. c'est un instrument de maçon et non un instrument agricole dont ils se servent. D'autre part, les traductions de «fouir», «rechausser», données par les dictionnaires pour ÀWTpevw à partir du seul texte de l'Odyssée ne nous paraissent pas convaincantes. Le sens de Ài.aTpw';, « cuillère, spatule, truelle », nous semble mieux se rapprocher du sens de «râtisser, racler». 4.4.
INSTRUMENTS A DENTS, LE PROBLEME DE LA HERSE (planche 17)
Le mot ôidorca apparaît seulement une fois, au pluriel; dans l'inventaire des Hermocopides, après des instruments de vannage (S.E.G. XIII, 13.120). La traduction proposée, à titre d'hypothèse, par W. Kendrick Pritchett, est «herse », Cependant, elle reste douteuse 75, entre autres parce que le mot est au pluriel. Le nombre est malheureusement lacunaire (onze ?). En fait, une herse, ce serait déjà bien étonnant pour l'époque, mais plusieurs dans une même exploitation, cela paraît tout à fait invraisemblable. En effet, il faut bien préciser quel est le travail de la herse, sur lequel les confusions sont fréquentes. Si nous définissons la herse comme «un instrument agricole composé d'un châssis muni de dents en bois ou en fer», nous pouvons lui reconnaître soit une forme rigide triangulaire ou quadrangulaire, J. TAILLARDAT (1965), p. 108, n. 1. H.G. CATLING (1964), fig. 7, nO l , planche 3 a, b, c, d. R. MARTIN (1965), p. 182. P. CHANTRAINE, oxtoria. W. KENDRICK PRITCHETT (1956), p. 297, reste d'ailleurs très prudent. On pourrait penser plutôt à un râteau. 72. 73. 74. 75.
108
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
soit la forme d'un rouleau. Ce dernier n'intervient que pour l'émottage, après le second labour, à la place du maillet ou de la pioche. La herse triangulaire peut remplacer un sarclage léger et recouvrir la semence. Dans ce dernier cas, on n'enverra plus les sarcleurs manuels car il n'y aura plus de passages entre les lignes. La herse permet une économie de main-d'œuvre. Quand l'instrument apparaît-il? D'après les textes, au [er siècle. Son rôle a été soigneusement étudié par J. Kolendo 76. Non seulement aucun de nos textes grecs ne nous en parle, mais nous avons vu que Xénophon se référait précisément aux sarcleurs manuels. Notons aussi que la diffusion de la herse a été beaucoup plus lente que l'on ne pense. Ce n'est pas parce qu'elle est illustrée sur quelques manuscrits qu'il faut l'imaginer répandue largement au Moyen Age. Au XVIe siècle encore, Olivier de Serres se plaint de l'ignorance des paysans sur ce point 77. Au XIXe siècle, l'instrument est inconnu en Crète, et l'observateur note qu'il est remplacé par une simple planche de bois pour aplanir la terre avant l'ensemencement des légumes. Pour les céréales, on s'en passe. Cet outil porte le même nom que la planche garnie de pointes qui sert au dépiquage, le volossiri 78. Nous voyons donc que plusieurs instruments peuvent être, en fait, confondus. Les termes latins sont à peu près distingués depuis les études de J. Kolendo et de K.D. White 79 cratis . . . . . . . . . ., branchages traînés pour briser les mottes traha . . . . . . . . .. , traîneau de dépiquage tribulum planche à dépiquer p/ostel/um punicum . machine à dépiquer irpex .... . . . . . " herse
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Les équivalents grecs ne son t pas toujours évidents : Tpil3oÀoe; est la planche à dépiquer qui a donné son nom au mot latin, tribulum ; Varron nous en donne la première description mais Caton ne le connaît pas. Le mot désigne aussi le chardon, et probablement le chardon cardère. Il est utilisé avec le sens de « machine à dépiquer», dans l'Anthologie palatine (VI, 104), Tpil3oÀove; o~€Ïe; àxvpwrpLl3ae;. La plus ancienne mention remonte actuellement au me siècle av. J .-c.; Philon de Byzance conseille comme chausse-trappes des rpil3oÀoL Ote; àÀOWOL, mais l'instrument n'est pas en usage à l'époque classique. Il désigne aussi un piège à trois pointes. Tv"aV77 apparaît plus tardivement (Evst. 967.18) avec le sens aussi de « machine à battre de l'aire» (rvraV77 chez Hesychius). Les deux mots se sont transmis à la Grèce moderne pour désigner la planche à dépiquer 80. Traha, dans l'édit de Dioclétien, a pour équivalents grecs 7TalryÀa 1]rOL -yÀ€VÔLa, qui sont des mots . nouveaux 81.
UN OUTILLAGE ROUTINIER?
Si l'on compare les recensions que nous venons d'effectuer avec celles que l'on a pu faire à partir des textes de Caton par exemple, la comparaison n'est pas en faveur du monde grec pour la période archaïque et classique 82. L'araire est au fond la seule « machine» utilisée ni la herse ni les machines 76. J. KOLENDO (1971), p. 104-120. 77. O. de SERRES (1600), II, p. 113-114. 78. Sur le volossiri, 1. LACROIX (1853), p. 593; sur la herse, p. 476. 79. K.D. WHITE (1967), p.148;J. KOLENDO (1971), p.l04-120. 80. Sur la transmission en Grèce byzantine, S. VRYONIS (1971), p. 473. Les études des arts et traditions populaires en France ont plus porté sur le rouleau à battre, C. PARAIN (1979), et le tribulum attend toujours une recension globale pour la Méditerranée. On le trouve cependant depuis l'Iran (C. BROMBERGER, 1982) jusqu'à l'Espagne (Atlas linguistique, 1972, «Espagne, Grenade »). Pour la Turquie, P. LUCAS (1714), t. l, p. 180; pour la Grèce, CHANDLER (1763), p. 226. 81. J: ANDRÉ (1976), p. 204. 82. G.E. FUSSEL, A. KENNY (1966), p. 306 sq.
L'OUTILLAGE AGRICOLE
109
à dépiquer n'apparaissent, et les outils manuels sont beaucoup moins diversifiés. Certes, nos sources littéraires ne visent pas à l'exhaustivité, mais les quelques indications fournies par l'épigraphie, et particulièrement par la stèle des Hermocopides, confirment cette simplicité de l'outillage. Pour un domaine s'adonnant aux céréales et à la culture de l'olivier, l'équipement, pour les seules techniques de culture, comprend donc: a Pour le labour : l'araire avec soc et joug, la houe à deux dents, plusieurs pioches à lames plus ou moins lourdes, une pelle, un sarcloir à lame pleine, peut-être un maillet de bois. a Pour la récolte: plusieurs faucilles, une pelle à vanner, une pelle dentée, une fourche de bois, peutêtre une mesure à grain, des gaules pour les olives. a Auxquels il faut ajouter le couteau à émonder, la serpe, une hache. On notera que cet inventaire est encore celui d'une petite propriété à Amorgos au xxe siècle 83. On peut encore le rapprocher des résultats que l'on peut tirer de l'analyse du code rural byzantin, dont la date semble bien être celle du VIlle siècle de notre ère 84. Les instruments qui apparaissent sont l'araire, le joug, le soc, la faucille, la hache, le couteau à émonder, la bêche, la houe à deux dents. On a donc, par rapport à la Sicile grecque et Caton, mais aussi aux parties septentrionales de l'Empire romain, et peut-être même par rapport à Carthage, la permanence dans la partie égéenne de la Méditerranée d'une grande simplicité de l'outillage. Simplicité qui peut d'ailleurs s'accorder avec des méthodes techniques relativement sophistiquées, et une véritable culture intensive, nous l'avons vu au chapitre précédent. Cet outillage a accueilli des améliorations ou des instruments nouveaux, mais cette évolution s'inscrit dans un temps très long : apparition de la MK€ÀÀa après l'époque mycénienne, diffusion lente de la bêche, introduction d'un étançon sur l'araire, apparition de la planche à dépiquer à l'époque hellénistique, améliorations de l'attelage. On notera qu'aucune période n'a le monopole de ces petites améliorations. Toutes sont dominées par la permanence de l'ensemble. Cet équipement n'est pas onéreux. Les rares chiffres que nous possédons le confirment. Ainsi, le prix d'une pioche ne demande pas plus de trois jours de salaire journalier. De même, dans l'édit de Dioclétien, le coût d'un araire et d'un joug ne s'élève pas au-delà de quatre journées de laboureur. Mais ce serait une erreur de se contenter de ces mesures marchandes. D'une part, le surplus monétaire est rare dans les petites exploitations, mais surtout le problème est celui de la valeur du temps disponible. De ce point de vue, le Code rural byzantin est très intéressant. L'article 22 évoque le vol dela bêche et de la houe pendant le temps du labour. L'article 62, celui de l'araire; pour ce dernier, araire, soc, joug sont mis sur le même plan. Celui qui vole un de ces éléments paiera le salaire journalier d'un travailleur agricole, multiplié par le nombre de jours écoulés depuis le début du vol. Ainsi ce n'est pas la valeur marchande, en soi, de l'outil qui est importante, c'est sa valeur d'usage. Celle-ci est d'autant plus majorée que les types d'outils sont finalement peu nombreux. Si le Code rural byzantin est sévère pour les voleurs, si le Code de Gortyne protège lui aussi l'araire qui ne peut être saisi, ce n'est pas une question d'argent, mais d'usage et de temps. Lorsque vient l'époque des semailles ou de la moisson, il faut avoir ce matériel, même simple, à portée. Le temps perdu à le chercher est, lui, inestimable. Le temps mis à l'adapter au travail de l'homme qui le manie est irrécupérable. La machine n'est pas forcément synonyme de rendement accru: la planche à dépiquer par exemple se maintiendra chez les petits propriétaires; elle permet, en prenant son temps, d'économiser la maind'œuvre et même une grand-mère, comme je l'ai vu faire en Crète, peut tricoter assise sur la planche. Pour aller vite sur de grandes récoltes, mieux vaut posséder ou louer des animaux et les faire dépiquer dans la journée à grande allure.
83. C. CONNEL (1980). 84. Texte grec du Code rural ASHBURNER (1910), p. 85-108. Cf. aussi P. LEMERLE (1958). p. 250; E. PATLAGEAN (1977); E.E. LlPSIC (1951), p. 52-53.
110
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
Mais il ne faudrait pas conclure que cette relative permanence de l'outillage à travers les siècles correspond à une mise en œuvre constante, extensive et routinière. L'exemple de la Chine, par comparaison, montre bien qu'une agriculture intensive peut se développer avec un outillage simple. Les variations dans la mise en valeur et les rendements à travers l'histoire du monde grec sont d'importance. Le problème est un problème de main-d'œuvre. Mais, avant d'aborder cet aspect dans sa globalité, il nous faut envisager maintenant l'autre chaîne technique, celle qui conduit du produit récolté au produit transformé.
DEUXIÈME PARTIE LES TECHNIQUES
DE
TRANSfORMATION
CHAPITRE V LE «PAIN QUOTIDIEN» DES GRECS DES OBJEcrIFS DIFFeRENTS DES NOTRES
Les techniques de transformation visent à obtenir des résultats adaptés à la conservation et aux usages - alimentaires ou autres - des produits fournis par la culture. Ces techniques dépendent tout autant de la matière à transformer - ici le grain - que du produit à obtenir. Il est donc indispensable de préciser ces données, d'autant que le vocabulaire français prête parfois à confusion. On pourra mesurer ainsi combien les demandes sont complexes, même dans les civilisations dites traditionnelles, à partir du même produit. L'analyse comparative est ici précieuse, mais parfois dangereuse. Car dès que l'on parle de pain,. on entre dans un système de valeurs qui paraît tellement évident au lecteur occidental qu'il n'a pas besoin, lui semble-t-il, de l'expliciter; le chemin du progrès, c'est l'évolution qui conduit vers le pain blanc de froment. Or l'utilisation des céréales est beaucoup plus diversifiée, et il n'est pas inutile de dégager nettement les différents objectifs possibles à partir des réserves de grains.
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DU GRAIN AU PAIN, DES POSSIBILITES MULTIPLES
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VOCABULAIRE
Un grain de céréale, débarrassé de sa balle, se décompose ainsi; 1) l'amande, formée d'amidon et de gluten; elle fournira la farine; 2) le péricarpe, enveloppe cellulosique; notre son; 3) la plantule (gemmule, tigelle et radicule) forme l'embryon pour la germination suivante. La valeur nutritive des céréales est très grande, en particulier pour les glucides ; les céréales renferment 65 à 75 % d'amidon, glucide complexe qui se transforme progressivement en sucre simple, et donc en calories. Cette transformation lente évite à l'organisme les à-coups et la sécrétion d'insuline provoqués par le sucre blanc par exemple. Le tableau ci-après montre la valeur non négligeable en protéines et vitamines. Une partie de celles-ci est englobée dans la plantule. Les fibres de cellulose contenues dans le son sont inassimilables, mais facilitent le transit intestinal. En grandes quantités, elles rendent cependant la digestion pénible. Le pain blanc, les pâtes, faits avec de la farine dont le son est pratiquement éliminé, procurent, sous une forme concentrée, un maximum de calories. Mais
114
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
assise protéique
amande
-~I-__
bouclier -,~;:::::::~~
germe
-~~~-
Coupe schêrnanque longitudinale du grain de blé.
pour 100 grammes blé dur blé tendre orge
calories
eau
protéines
graisse
332 334 332
12 12 12
13,8 10,5 11,0
2,0 1,9 1,8
Figure 17. - Le grain et ses calories.
elles ont perdu une partie de leurs vitamines et nécessitent des compléments en fibres (légumes verts) pour éviter à terme les maladies intestinales. Inversement, pains et galettes faits avec une farine très mal nettoyée sont lourds à digérer et peuvent être dangereux (champignons, parasites). La fermentation facilite la digestion, le pain au levain est plus agréable que la vraie galette. La proportion de fibre idéale à conserver n'est pas encore bien déterminée; on revient actuellement au pain complet après avoir tant prôné le pain blanc (qui contient un maximum de 2 % de son); mais ce pain dit «complet» est loin de garder la totalité du son, contenu dans les graines (20 à 30 % du poids). En fait, les techniques de raffinage rendent très difficile le contrôle de la proportion exacte de son dans les pays modernes 1. 1. Il semble, d'après le dernier colloque des fabricants tenu à Paris en septembre 1983, que l'on tente de s'acheminer vers un affichage des produits contenus dans les fournées. Qui sait par exemple que la farine de fève est utilisée pour «blanchir» certains de nos pains contemporains?
LE «PAIN QUOTIDIEN» DES GRECS
115
Il Y a toutefois indéniablement un retour vers un pain moins blanc; cependant la hantise du « pain noir» n'est pas seulement psychologique. Lorsque la proportion de son et de déchets est trop importante, outre les risques d'intoxication, il y a deux inconvénients : avec un volume plus important, le pain nourrit moins, puisque les fibres ne sont pas assimilables; il en faut donc beaucoup, la digestion devient pénible. Ce qui est vrai pour le pain l'est encore plus pour les préparations (bouillies, galettes) non fermentées. Mais dans les civilisations traditionnelles, le grillage a paré à' la plupart de ces inconvénients : transformant une partie de l'amidon en dextrines, premier stade de la digestion, il facilite grandement celle-ci. D'autre part, le grillage élimine une grande partie des risques de parasites et permet une bonne conservation. Par contre, le gluten est altéré; or ce sont les propriétés du gluten, en particulier son élasticité, qui permettent la bonne levée du pain. On voit donc que les objectifs de la meunerie traditionnelle occidentale, tournée vers le pain blanc, ne seront pas forcément ceux de tous les utilisateurs de céréales, et que, d'un strict point de vue nutritionnel, le progrès ne sera pas toujours du côté du pain moderne. Il est indispensable de définir d'abord un certain nombre de mots de vocabulaire qui ont un sens précis dans le langage technique, mais sont employés en français dans des acceptions un peu plus larges parfois. •
Monder le grain: C'est lui retirer son enveloppe sans l'écraser; cette enveloppe peut être aussi bien la balle (blé vêtu), la barbe (orge vêtue), que le son proprement dit (tous les grains). Il faut donc toujours préciser la qualité de l'enveloppe. Le verbe grec est 1rTLOOW. •
Bluter, cribler, sasser: Le mot le plus général est crible; c'est l'instrument qui sert à séparer par des trous de tailles différentes des éléments de grosseurs différentes; le mot bluter désigne plus spécifiquement cette opération lorsque l'on crible de la farine. Le sassage qualifie un criblage de matière pulvérulente à travers un tamis fin en soie ou textile très serré. Le. tamis est un crible fin utilisé dans des matières pulvérulentes ou liquides pour en retenir des éléments plus gros: «tamiser de l'or». Le verbe grec est «oivc». •
Gruau, semoule: C'est le second mot qui est utilisé en français dans le langage courant depuis l'Encyclopédie de Diderot. Il désigne plus précisément les fragments d'amande non pulvérisés au premier broyage. Mais les meuniers et boulangers emploient là le mot gruau, et utilisent le mot semoule pour désigner les gruaux de blé réduits à l'état de boules régulières blanches, par passage dans des meules et des tamis spéciaux. La farine de gruau provient de l'écrasement de ces fragments, donc après un second passage à la meule, tandis que la farine de blé correspond à la partie centrale du blé qui s'écrase naturellement au premier passage. La fleur de farine provient du blutage de cette dernière. Nous conserverons le sens général de gruau = fragments d'amande. Avant d'aborder les opérations à l'époque grecque classique, nous allons en étudier le déroulement dans deux types de civilisations traditionnelles, afin de disposer du maximum d'éléments comparatifs. Nous commencerons par la fabrication de la meunerie traditionnelle, car elle conditionne notre échelle de valeurs sur les techniques de moutures et les jugements portés sur les aliments des Anciens. •
LA MOUTURE TRADITIONNELLE EN OCCIDENT
Le but de la meunerie spécialisée se définit clairement
2
2. La bibliographie est immense. Pour notre propos. nous avons trouvé particulièrement éclairants; A. PARMENTIER (1778); La Maison rustique (1847); G:ËRARD et LINDET (1903); M. ARPIN (1948).
116
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
1) tirer des grains toute la farine qu'ils contiennent; 2) n'altérer ni la qualité ni la blancheur de cette farine (liée à l'amidon), ni sa qualité panifiable (liée au gluten); 3) la séparer le plus exactement possible du son; 4) appliquer à ces différentes opérations les moyens les plus prompts et les plus économiques. Ces objectifs, définis au xix- siècle, nous semblent tout naturellement issus des temps immémoriaux, et c'est par rapport à eux que nous jugeons les procédés de mouture des Anciens: plus ceux-ci sont capables d'obtenir une farine pure pour un pain blanc dans un minimum de temps, plus leur technique mérite l'approbation. Il est implicitement admis que si le pain n'est pas blanc, il est gris ou noir, donc grossier, et les. techniques sont arriérées. Ce raccourci ne caricature qu'à ....eine les jugements, même portés par les spécialistes les plus avertis, sur les méthodes de mouture des Anciens 3. Et il est vrai que si l'on compare les textes de Pline avec ceux des traités de mouture du XVIIIe et du xrx- siècle, on peut avoir l'impression que, quelles que soient les améliorations apportées au cours des siècles, jusqu'au milieu du xrx- siècle 4 les problèmes techniques ont été proches et les opérations de même type. LA MOUTURE DITE ÉCONOMIQUE
Elle est très répandue en Europe aux XVIIIe et xrxe siècles, à partir du grain nu bien nettoyé; se succèdent les opérations suivantes: A) Une première mouture à la meule donne la «farine de rame» : l'amande est écrasée en fragments, de tailles différentes, mélangés aux débris de son et de plantule. B) On blute ce premier produit (par cribles manuels ou mécaniques de différentes tailles) et on obtient: - la fine farine, dite farine de blé, correspondant aux fragments réduits en poudre; - des morceaux plus gros de l'amande, les gruaux; - du son, gros et petit; - des débris de plantules, graviers, saletés, «recoupes» et «recoupettes». C) On procède à une seconde et troisième moutures des gruaux, suivies de blutages; on obtient: - de la farine; - de la farine g.Ise ou bise; - du son. D) Mélanges. Les différents produits donnent en moyenne pour 1 000 kg de blé commun tTriticum aestivum) : - 671 kg de farine blanche (Ire et 2e moutures) : 67 %] 75 % - 80 kg de farine grise: 8% 0 -108kgdeson: 22% - 116 kg de recoupes et recoupettes - 25 kg de déchets réels (évaporation, chutes) On utilise la farine blanche pour la meilleure qualité de pain, mais on pourra toujours remélanger ensuite, suivant les proportions désirées, farine, son et même recoupes. On parlera d'une extraction à 80 % ou 90 % pour le pain de soldat, alors que l'extraction de qualité (boulangerie parisienne) est de 7S %. LA MOUTURE DITE MÉRIDIONALE
On ne mout qu'une fois : on blute après avoir laissé reposer la farine de rame six semaines, et avec trois niveaux de tamis; on obtient: - avec le crible le plus fin, la farine dite «minot» (qui s'exportait en Amérique); - avec le crible moyen,la farine simple, utilisée localement; - avec le crible le plus gros, le « grésillon », proche des gruaux, mais plus imprégné de son. LA MOUTURE A LA GROSSE
C'était celle de beaucoup de campagnes ; le meunier ne blute que 15 % de son; le client fera le détail chez lui, en procédant à autant de blutages qu'il désirera.
3. Ainsi N. JASNY (1950), p. 247; L.A. MORITZ (1958), p. 215. 4. L'introduction des blés hybrides, des levures chimiques, et surtout des cylindres à la place des meules, a changé les contraintes externes. Cependant ces innovations se répandront lentement en Europe occidentale. Elles permettront une mécanisation accélérée sans échauffement exagéré et une séparation du son beaucoup plus efficace.
LE «PAIN QUOTIDIEN» DES GRECS
117
L'extraction du son n'était, dans tous les cas, jamais parfaite : elle dépendait certes d'un bon blutage, mais aussi de l'écartement et de la régularité des meules: trop fortement écrasé dès le départ, le son se séparait mal. La qualité du blé jouait évidemment un grand rôle. Le blé commun donnait une farine plus fine et un meilleur rendement; le blé dur, meilleur pour les gruaux, était aussi utilisé pour la fabrication des maçaronis et vermicelles dont l'Italie faisait une grande consommation. La qualité de la farine dépendait donc de deux choses : un bon broyage par les meules, et de bons blutages. Parmentier nous le dit expressément pour l'année 1778 : les meules usées et trop lentes ne font que concasser; il reste de la· farine dans le son et les pertes sont fortes: on n'extrait que 50 kg de farine pour 100 kg de blé. Mais, si les meules sont trop rapprochées, trop rapides ou trop piquées, elles réduisent une partie du son en poudre fine que l'on pourra difficilement séparer de la farine; celle-ci en contiendra une forte proportion. Le blutage est donc dépendant du premier broyage 5. Ensuite, il faut soigneusement adapter cribles et tamis. Trop fins, ils ne séparent pas le son des gruaux dans le cas des meules usées; trop gros, ils laissent passer le son avec la farine dans le cas des meules vives. Ces principes permettent de comprendre un certain nombre d'erreurs dans les analyses de taux d'extraction : actuellement, ce terme désigne la quantité de farine extraite d'un poids donné de blé. Comme on sait extraire le son, de cette quantité dépend la qualité de la farine: à 75 ou 80 % d'extraction, elle est fine. Mais lorsque les Anciens extrayaient 50 % d'un poids donné de blé, il restait dans ces 50 % beaucoup de son, tandis que des gruaux demeuraient mélangés à la partie dominante en son, que gardait souvent le meunier en paiement (appelé parfois le «son gras »). Les comparaisons avec nos taux d'extraction sont viciés, c'est ce qui explique des erreurs sur les tableaux de Pline, lesquelles ne sont d'ailleurs pas faciles à interpréter 6. En tout état de cause, la farine, même blutée, restait grossière et mélangée au son et il fallait plusieurs tamis fins pour dégager la fine fleur de farine utilisée pour les usages industriels ou la fine pâtisserie. Enfin, il faut souligner que si le blé tendre fait de la meilleure farine, forte en gluten, il s'écrase facilement, ce qui a des avantages (facilité de mouture) mais des inconvénients (mélange de son). Le réglage des meules' est donc particulièrement important. Par contre, le blé dur fait d'excellents gruaux; il est particulièrement adapté à la semoule, mais il s'écrase plus difficilement en farine. En dernier lieu, notons que la farine d'orge «est presque toujours défectueuse»' 7 à cause du son dont le tissu rude et coupant la rend dure au toucher. Nous verrons que les Grecs avaient pallié cet inconvénient, tandis que les Romains écartaient pour cela l'orge de la nourriture habituelle et la réservaient aux animaux.
!
La bonne réussite d'un pain, jusqu'au xrxe siècle, tient donc à sa blancheur et à sa légèreté; nourrissant, il se mastique et se digère facilement. Il devient symbole de réussite et d'ascension sociale, même si ces qualités masquent un certain nombre d'inconvénients: perte des vitamines, absence de fibre, et surtout mauvaise conservation. L'essor du pain blanc suppose la multiplication des boulangeries et leur contribution régulière. Dans les campagnes éloignées, et surtout dans les montagnes, lorsque le four communal marche encore, on fait des pains différents, blé et seigle mêlés: de couleur grise, ils peuvent se conserver plusieurs mois; on achève de les consommer en morceaux dans la soupe. Ils reviennent au goût du jour pour certaines fêtes locales actuellement.
5. A. PARMENTIER (1778), p. 161 sq, N. JASNY pensait qu'il n'y avait qu'une seule mouture dans l'Antiquité, comme dans la mouture méridionale (1944), p. 151; tandis que L.A. MORITZ (1958), p. 179, est persuadé du contraire. De toutes façons, c'est la première mouture qui est importante. 6. Pline, XVIII, 86-89; cf. les tableaux de L.A. MORITZ (1958), p. 191-192, et sa critique des analyses de N. JASNY; sur les différentes proportions calculées à partir des données d'un papyrus, A. REEKMANS (1966), P. Coiro Zen 19707. 7. A. PARMENTIER (1778), p. 567.
118
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
L'ART DE LA BOULANGE
C'est la bonne qualité de la farine qui fera donc le «bon pain». Encore faut-il que le boulanger soit à la hauteur de sa tâche dans les différentes opérations qui vont, en moins de vingt-quatre heures, produire le résultat attendu. Chacune nécessite des qualités particulières: • Le pétrissage, mélange de l'eau à la farine jusqu'à l'obtention d'une pâte lisse, est une opération fatigante, remplacée graduellement par le pétrissage mécanique. La proportion d'eau est calculée en fonction des types de pain, et le boulanger l'adapte à chaque fournée (1/3 du poids d'une farine de bonne qualité). Le pétrissage s'effectue graduellement ,avec le levain. • La pâte est mise à lever pendant cinq à six heures. Cette fermentation de la pâte est accomplie par la levure, champignon cellulaire dont la multiplication provoque des poches de gaz carbonique qui dilatent le gluten. Cette levure est introduite à l'état concentré par le levain. Le levain est constitué préalablement à partir de la pâte de la fournée précédente : le «levain du chef», morceau de pâte pris à minuit dans la boulangerie traditionnelle, est travaillé plusieurs fois avec introduction d'eau et de farine jusqu'à ce que sa composition paraisse adéquate à une bonne fermentation; il est il. apprêté» vers 19 heures et mélangé et pétri à la farine de la nouvelle fournée qui est mise à lever. On peut aussi se servir de levure de bière, mais les bons boulangers préfèrent leur propre levain de la veille. Déjà Pline (XVIII, 102) conclut son énumération des différentes sortes de levain en remarquant que, d'ordinaire, on se contente d'utiliser la pâte gardée de la veille. Mais il note qu'il existe toute une série de levains secs qui se conservent longtemps: on en confectionne avec du moût auquel on peut ajouter du millet, du son de blé et de la farine de l'amidonnier, avec des boulettes d'orge ou avec de la gesse blanche pour les pains d'orge. • Du sel est ajouté, environ 7 kg pour 318 kg de farine, au XIX e siècle. • La pâte levée est séparée suivant la forme des pains, travail fastidieux, et mise à cuire par fournées. C'est cette cuisson qui lui conserve sa qualité de pâte levée, tout en arrêtant la fermentation. La perte de poids due à l'évaporation dépend de la forme du pain comme de la chaleur du four. Au XIXe siècle, elle variait de 100 à 140 gr pour 1 kg de pâte. Cette cuisson doit être suffisamment vive au départ, tout en restant régulière, dorer la croûte tout en permettant une véritable cuisson à l'intérieur: plus la farine est homogène, plus cette cuisson est régulière.
JUt dabtt'panem tua quolemma peu .If,
Cord» e- irnpa/fi-uim reparareque.u;
Figure 18. - Une boulangerie traditionnelle (gravure sur bois, XVIe siècle).
LE «PAIN QUOTIDIEN» DES GRECS
119
Ces valeurs, qui tendaient à assimiler pain blanc et progrès, apparaissent dans les écrits de Pline même si, à son époque, certains gourmets apprécient le pain complet 8. Et lorsqu'au Ille siècle après J .-C. on remplacera définitivement distributions de céréales par distributions de pain, on légalisera une évolution qui fait des choix de Rome ceux de la Méditerranée, et à terme nos propres choix alimentaires. Mais cette évolution ne prend pas forcément naissance en Grèce, et il y aurait erreur complète à se contenter de transposer les objectifs de la meunerie traditionnelle pour la Grèce classique. Ils ne constituent qu'une faible part de l'usage des céréales pour cette époque. Si nous avons voulu commencer par eux, c'est qu'ils forrrient implicitement pour tout lecteur occidental une échelle de valeurs qu'il ne remet pas en question. Or, la fabrication du pain blanc n'est, à notre sens, qu'un élément parmi d'autres dans la consommation des céréales de la Grèce. Une autre analyse de méthodes traditionnelles va nous permettre de mieux le comprendre.
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LA PRÊPARATION DES CÉRÊALES DANS LE SUD MÉDITERRANÉEN
Que le pain n'ait pas été forcément l'alimentation dominante de certaines populations européennes jusqu'à une époque récente, A. Maurizio l'avait déjà noté avec beaucoup de clarté. Et il avait en particulier souligné le rôle des bouillies dans la nourriture des Balkans jusqu'au xxs siècle 9. Mais, transposant ces enquêtes à la lumière des écrits de Pline, on en a peut-être trop vite conclu que l'âge des bouillies précède automatiquement celui du pain, et ne se maintient que dans des régions arriérées. En fait, une étude plus attentive montre que ce sont des céréales particulières - seigle ou maïs - qui forment la base des bouillies et galettes de l'Europe des Balkans, Grèce moderne comprise. La comparaison avec la Grèce antique, qui disposait d'un éventail des espèces différent, est ainsi plus difficile. Mais en Afrique du Nord, Israël, Syrie, et au Liban, on retrouve dans maintes régions à la fois la dominante blé dur et orge, et des méthodes de préparation qui peuvent nous éclairer utilement sur le cas de la Grèce classique. Parmi les nombreuses descriptions et enquêtes sur la préparation des céréales en pays maghrébins, celles de la Tunisie et d'Israël nous ont paru apporter des éclaircissements particulièrement fiables pour notre propos 10. Nous rappelons dans le tableau ci-après l'ensemble du système, encore valable dans un certain nombre de régions actuelles. Ces .systèmes, parfaitement cohérents, utilisent au maximum toutes les ressources avec une grande . variété. Toutes les préparations d'orge sont grillées, donc précuites, et se conservent longtemps. Naturellement, il ne faudrait pas opposer cette variété au seul pain, mais aux ensembles : pains, pâtes, lasagnes, ou polenta, de maïs, pour l'Italie, par exemple. La différence, et elle est d'importance, c'est que le pain dans le système précédent a acquis la prééminence et surtout qu'il a échappé à la seule fabrication familiale et féminine. La préparation étant un temps de sociabilité que l'on ne cherche pas à limiter en Tunisie. . On retrouve entre les deux traditions beaucoup de points communs. En particulier, le goût pour les préparations de grains en vert (frick, karmel) qui ont conservé chez les paysans leur notoriété. Le rôle de la farine faite à partir du grain grillé (bsîsa, zumita, geresh). Elle se conserve facilement et il suffit d'ajouter eau, lait, miel pour en faire un mets. La permanence, de la Tunisie à Israël, mais aussi en Turquie, d'une préparation à partir du grain mondé à l'eau, séché, moulu iborgol, bulgur, rifoty. Dans tous les cas, le pain et les gâteaux ne sont qu'un élément parmi d'autres, avec des formes variées. L'objectif du « pain blanc» n'est pas celui qui est visé, pas plus que l'économie de temps; 8. Sur ces points, J. ANDRÉ 2 (1981), p. 68-69. 9. A. MAURIZIO (1932). 10. L. VALENSI (1977), E.G. GOBERT (1955), S. FERCHIOU (1978) donnent la bibliographie pour la Tunisie; y ajouter X. THYSSEN (1983); S. AVlTSUR (1975) pour Israël. On trouvera pour les populations du Sahara des indications particulièrement utiles chez M. GAST (1968), p. 86-109.
120
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
• En Tunisie contemporaine: les grains, une fois dépouillés de leurs enveloppes, peuvent subir toute une série de préparations, faites par les femmes:
o A partir du blé (blé dur)
o
:
Grains mondés:.
en vert, frtk, Les grains sont mis à bouillir séchés, battus pour faire sortir le son, concassés. Ils seront employés en bouillies. o grains mûrs, borgôl, Mis à bouillir; dès que les grains éclatent, ils sont étalés, saupoudrés de sel pendant une semaine. Mouture au mortier de bois pour enlever le son, tamisés, séchés. Utilisé en bouillies et potages.
Farine moulue (à la main ou en minoterie)
farine, dqtq. Pains et beignets. gruaux, semoule, diii, Couscous (après les avoir enrobés de farine) cuit à la vapeur,.et mhamza, bouillie, en sauce. c fragments lourds, enveloppes et germes, koskaras, parfois employés pour un pain plus lourd en les mélangeant à la farine. o son, destiné au bétail.
0
0
0
A partir de l'orge: les grains d'orge sont séchés au soleil puis grillés. Ils sont pilés au mortier pour enlever la balle. lis sont préparés. frtk d'orge vert. Grains mondés: Grains concassés au mortier et salés: maltût ; il sera cuit à la vapeur. En farine:
moulus en gruaux d~is conservés salés, potages. o moulus fin et tamisés,dgig, pain, galettes, et surtout bouillie, appelée ays (= «la vie»). o rissolés jusqu'à la teinte brune; au moment de les passer à la meule, on ajoute épices, coriandre, sel; la farine consommée simplement mouillée, on y ajoute huile, miel selon le goût; se conserve très longtemps: bstsa ou zumita. 0
• Traditions d'Israël :
o
Grains non mûrs :
o aviv. le grain est encore vert, mangé cru, généralement dans le champ, pour l'orge, mondé de la glume avec les doigts. o karmel. Grillés directement dans le champ, en tas avec la paille, ou placés en bottes et roussis à la chaleur puis égrainés. o mangés avec ajout d'eau chaude, lait, bouillis.
o
Grains mûrs:
c grillés: - qali. Mangés secs après grillage dans une poêle. - geresh. Seule farine qui se conserve deux à trois mois; mangée en ajoutant de l'eau et du lait. o mondés à l'eau, séchés, moulus: - rifot (bulgur, bulgor), mangé directement comme en porridge, ou roulé en boules. o crus: pilés au mortier, deshishot, gruau. - réduits en farine, qemah, pains et galettes.
Les préparations de céréales dans le Sud méditerranéen contemporain.
LE «PAIN QUOTIDIEN» DES GRECS
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le problème à résoudre étant beaucoup plus un problème de conservation et de diversification. Même lorsque l'on va chercher la farine à la minoterie, on conserve la variété des préparations adaptées aux usages de la vie sociale. C'est la disparition de ces usages, non les qualités du pain, qui fait reculer actuellement ces modes de préparations 11. Mais il est clair que se dégage une tradition de la Méditerranée orientale, encore très vivace au XIXe siècle, et qui conserve des témoins de nos jours. Elle prend ses racines très haut, et les références bibliques sont nombreuses. Elle associe pains et galettes (le plus ancien témoignage remonte au XVIe siècle av. J.-C.) à des préparations où le grillage, le mondage à l'eau, le séchage au soleil jouent. un grand rôle. C'est cette double tradition que nous allons retrouver en Grèce. C'est donc à la lumière de ces deux éléments comparatifs, mouture traditionnelle occidentale et mouture méditerranéenne, que nous allons aborder les textes grecs.
Figure 19. - Fabrication du pain dans le Hoggar (cliché M. GAST. 1966).
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LA PREPARATION DES CEREALES AU TEMPS D'HIPPOCRATE
L'intérêt des chercheurs s'est focalisé sur les textes de Pline, et il n'est pas question de sous-estimer l'importance de la documentation du livre XVIII. Cependant, les sources'grecques ne sont pas négligeables. Athénée est à utiliser avec prudence, car il rassemble ses citations d'auteurs anciens avec une optique déjà fortement marquée par l'empreinte romaine. Mais il a le mérite de nous fournir la plupart 11. S. AVITSUR (1975), p. 230; S. FERCHIOU (1978), p.195; X. THYSSEN (1983).
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
des références d'auteurs comiques sur le sujet. Théophraste, dans le Péri Eusébias, reconstruit lui aussi une histoire, celle des aliments sacrés, et ne témoigne pas dans les fragments choisis par Porphyre 12 sur son époque proprement dite. Mais nous disposons de deux sources majeures avec Aristophane et les écrits hippocratiques 13. Certes, les objectifs du Régime, par exemple, ne sont pas de décrire le régime quotidien des Grecs. Mais les ouvrages médicaux font référence très précisément aux multiples modes de préparation des céréales à l'époque classique, et les conseils donnés dans le Régime sont ceux d'un choix entre des aliments communs, non des remèdes fabriqués comme tels. •
VOCABULAIRE (tableau IV, p. 284)
Nous avons rassemblé en annexe les principales données du vocabulaire qui, comme pour les espèces, évolue aussi dans le temps. On notera l'importance des préparations de ·gruaux et le rôle du grillage. Il est fondamental de ne pas traduire maza et d'en garder le nom, même si le mot n'est pas dans le Littré, exactement comme nous parlons actuellement du couscous. La traduction par « pain d'orge» est à rejeter absolument. Le pain d'orge, "piihvoc; âoro«, lève mal, il est plus lourd que le pain de blé, et Pline y fait référence lorsqu'il déclare qu'il est condamné (XVIII, 74). Ce n'est cependant pas du tout le même produit que la maza, comme nous le verrons. Pour cette dernière, on traduit parfois par «galette », ce qui est déjà meilleur, mais nous semble toutefois à prohiber. En effet, c'est le terme aproc; qui se réfère, au temps d'Hippocrate, aussi bien aux pains levés qu'aux galettes cuites non levées. La maza est une préparation spéciale dont nous n'avons pas d'équivalent en France, mais que nous pouvons reconstituer par comparaison avec les techniques méditerranéennes. Avant de l'aborder, voyons les préparations à base de grains non moulus, qui connaissent un succès certain dans le monde rural grec. •
pREPARATIONS A BASE DE GRAINS NON MOULUS
Nous avons vu, pour Israël comme pour la Tunisie, que plusieurs types s'y référaient. Le plus simple, le plus commun est constitué par le blé grillé mangé directement et qui ne peut se conserver. C'est le "axpvc;, auquel fait allusion avec un certain mépris Aristophane (Nub., 1358; Vesp., 1304) : nourriture des animaux comme des rustres, son usage a reculé, semble-t-il; le mot a pu prendre ensuite le sens de grain nu, à partir d'un grain vêtu 14. Mais si le blé mûr grillé est un mets de peu de valeur, il n'en est pas de même lorsqu'il s'agit de grains non parvenus à maturité. Encore tendres, ils constituent une nourriture de choix qui donne lieu à des préparations variées. Ce sont les xi~pa, que célèbre le chœur des campagnards en évoquant le retour à la paix (Aristophane, Pax, 1304), ou Démos en pensant à son retour aux champs (Eq., 806). Un des papyrus de la correspondance de l'intendant Zénon en Égypte ptolémaïque nous confirme l'attachement de certains Grecs à ce mets d'origine campagnarde et nous éclaire sur son mode de préparation. Zénon écrit à son agent: «Ordonne aussi d'expédier à Crocodilopolis deux charges d'orge, la plus verte (tendre) et la plus grosse possible pour en faire des xi~pa. Dès que les épis seront mondés par frottement (coupés), qu'on les envoie aussitôt sans les griller, sinon le gruau serait tout à fait blanc et immangeable ... » IS. Une comparaison avec les techniques pratiquées en Tunisie et Israël permet de bien comprendre toutes les nuances de cette demande. On est au début de la moisson (la lettre est 12. Porphyre, De l'abstinence, 1. II et III, traduction J. BOUFFARTIGUES; et M. PATILLON, C. U.F., 1979, avec une introduction très complète. 13. Sur les comparaisons alimentaires d'Aristophane, J. TAILLARDAT (1965), p. 25, n" 4, .et p. 79-99. Les multiples travaux des vingt dernières années ont considérablement affiné la chronologie et l'étude textuelle du corpus hippocratique. Mais l'édition Littré reste une base précieuse, bien que l'index soit en français. Bibliographie G. MALONEY (1982). 14. Selon L.A. MORITZ (1958), p. 148. 15. P. Cairo zen. 59129, traduction C. OR RIEUX (1983), p. 62.
LE «PAIN QUOTIDIEN» DES GRECS
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datée de tybi 28 = 22 mars). On peut donc choisir les plus beaux des épis, sinon verts, du moins précoces mais frais (la différence se retrouve entre l'hébreu aviv et karmel, et Zénon a rectifié son texte). On ne mondera pas les épis directement dans le champ; on les coupera et ensuite, par frottement à la main, on les dégagera encore frais des glumes. Et c'est à Crocodilopolis que Zénon pourra veiller lui-même à la préparation, qui sera celle du frick tunisien: humidifiés, séchés, battus pour faire sortir le son, les grains pourront être ou non concassés. On notera que ce texte, daté de 256 av. J.-c., infirme tout à fait l'idée que les Grecs à cette époque tenaient l'orge bonne pour les animaux. C'est un mets de choix que Zénon veut obtenir, un mets qui lui rappelle son origine grecque 16. Enfin, la décoction d'orge, 1TTWciVf/, est conseillée par les médecins (Hippocrate, Diaet., XLII, 3) et gardera une certaine notoriété (Pline, XXII, 136). Elle est rafraîchissante (notre sirop d'orgeat en est demeuré un lointain descendant, jusqu'à sa transformation récente par l'utilisation des amandes). Toute une série de boissons rafraîchissantes à base de grains d'orge mondés, bouillis, réduits, sont d'ailleurs conseillées dans le troisième livre des Maladies (M. ac III, 17). •
PRÉPARATIONSA BASE DE GRUAUX
• On a assez peu de renseignements sur le KP'iJ..LVOV, qui paraît à la fois plutôt à dominante d'orge et plus grossier que les autres. On peut en faire du pain ou des galettes 17. • Par contre, la composition du xovôpoc; est bien établie; il s'agit de blé mondé par trempage et réduit ensuite en gruaux. Les Géoponiques en donnent la recette (3, 7); c'est l'équivalent de l'alica des Latins, du borgol de la Tunisie moderne, du bulgur de la Turquie, du rifot hébreu. A l'origine, fait avec du blé vêtu, il peut l'être avec n'importe quelle céréale, en particulier le millet. Un premier pilage permet d'ôter les "glumes. On concasse ensuite les grains au mortier, un moulin spécial (J..LvÀoxovôpoc;) apparaît plus tardivement. On met à bouillir les gruaux, puis on les fait sécher au soleil, saupoudrés de sel, on les tamise. fis seront ensuite consommés sous forme de bouillie, et c'est une nourriture appréciée des vieillards (Aristophane, Vesp., 737). On peut aussi les cuire en galettes, considérées comme très nourrissantes (Hippocrate, Diaet., XLII, 2). • Mais, indéniablement, aÀcptTa 18 représente la farine de gruau par excellence. A l'époque classique, le terme signifie «farine d'orge» par opposition à «farine de blé», et l'on a un double binôme: orge èfNptTa
Ilcïta
espèce mouture produit fini
blé
aXevpa âoro«
mais cette terminologie ne remonte qu'au v« siècle. Comme L.A. Moritz l'avait montré dès 1949, dans les poèmes homériques le mot désigne une préparation qui n'est pas rattachée à une espèce particulière 19. Préparation de farine de gruau opposée à une farine plus fme. Si la traduction par «farine de gruau» est en effet celle qui se rapproche le plus de la réalité des textes, l'originalité de la préparation n'a pas été vue dans toutes ses composantes. Comme la bsîsa et la zumita tunisiennes, ou la geresh des Hébreux, il s'agit d'une farine moulue après grillage, donc précuite, ce qui lui assure une conservation de deux à trois. mois. Nourriture des nomades emportée dans une besace de cuir, c'est un aliment sec qui peut être consommé avec un ajout liquide, eau, miel, lait, sans cuisson obligatoire. La confection de l'aÀcpt Ta peut aussi être restituée à partir des références de Pline, qui nous transmet une recette typiquement grecque à base d'orge, dont l'équivalent latin, à base de far, est la polenta. 16. Ce goût pour les
x16pa
semble, selon le scholiaste de La Paix, particulièrement répandu en Carie; cependant, 1. ROBERT, Noms
indigènes, p. 78-79, n? l , nuance ce propos. Sur l'orge vert, Pline, XVIII, 73. 17. Aristote, H.A., 501 b 31 ; Athénée, III, 126, c, d; L.A. MORITZ (1958), p. 148. 18. Presque toujours employé au pluriel. Nous adoptons l'usage et parlerons de l'alphita; le singulier IH"ptTOII n'est utilisé qu'une fois chez Homère (II., Xl, 631), et dans quelques inscriptions archaïques: LSCG (1955), n° 2 A,I. 3. 19: L.A. MORITZ (1949), p. 113-117, (1958), p. 149; Galien dit expressément que a~tTa peut aussi concerner les blés comme les légumes (XIX, 76 k). c'est donc l'originalité de la préparation qui la définit. Elle est bien vue par Aristote, Prob., XXI, 22.
124
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
«En Grèce, on arrose avec de l'eau, on laisse sécher une nuit, le lendemain on fait griller, enfin on moud. Certains la font rôtir plus fort, l'arrosent une seconde fois avec un peu d'eau et la font sécher avant de la moudre.» (Pline, XVIII, 72)
Grillage, mouture, humidification, séchage alternent donc. Ces opérations sont indépendantes du grillage de l'orge avant qu'on la débarrasse de ses glumes. Mais sûrement le fait que cette céréale était vêtue et nécessitait donc un grillage et que, d'autre part, la farine d'orge fermente facilement, a dû faciliter la spécialisation de la préparation sur cette seule espèce; on a en somme un aliment précuit. L'évolution sémantique est achevée au Ive siècle. A Athènes, à cette époque, eJ)",.ptTa désigne la farine d'orge, et aux textes collationnés par L.A. Moritz il faut ajouter le plus probant, celui de la Constitution des Athéniens, LV, 3 : les commissaires sont chargés de veiller à ce que le grain, OtTOC;, se vende au juste prix, ensuite à ce que les meuniers, J,lvÀw1Jpoi, vendent Tà aÀtptTa au prix de l'orge, et les boulangers, àpT01rwÀat, vendent les pains, àoroo« «en proportion du prix du blé». Dès la fm du ve siècle, on achète de l'èiÀtptTa, farine toute préparée. Et lorsque Xénophon, au retour de l'Anabase, demande des vivres aux villes de l'Hellespont, on lui fournit plusieurs fois le blé et aÀ..ptTa (IV, 8, 2, 3; IV, 2, 1). La meilleure farine d'orge, selon le gastronome Archestratos (apud Athénée, III, III e, f) est celle d'Erèse à Lesbos, «plus blanche que neige». Cependant il recommande aussi des produits de Thèbes et de Thasos. Théophraste avait vanté la farine d'Athènes (H.P., VIII, 8, 2) . • Quels sont les mets que l'on obtient à partir de cette farine de gruau précuite? Il faut noter le cycéon, breuvage liquide, utilisé dans les cérémonies éleusiniennes, mais aussi dans la vie quotidienne: on mélange avec de l'eau, on ajoute parfois vin ou fromage, mais plus souvent du pouliot (la menthe); c'est un breuvage frais et simple à composer. Il est très en faveur dans les traités hippocratiques 20. Il disparaît de la littérature après le me siècle av. J.-C. • Mais c'est évidemment la maza qui fournit le mets par excellence, les Grecs sont mangeurs de pain et de maza. Dans la collection hippocratique, on trouve nombre de références à ce double usage. Lorsqu'il faut définir «tout le monde », on parle ... «... des jeunes comme des vieux, des hommes comme des femmes, ceux qui mangent du pain comme. ceux qui mangent de la maza, ceux qui font beaucoup d'exercice et ceux qui n'en font pas.» (Hippocrate, Nat., VI, 54, 2)
Même les auteurs les plus avertis n'ont pas vu l'originalité de la fabrication de la maza. La comparaison avec la mamaliga de Roumanie, forme de bouillie, ne rend pas réellement compte des textes 21 [Test. 5,1-2; 6,1; 8,1 à 6]. LA MAZA DANS LE REGIME D'HIPPOCRATE .... régime aqueux fraîche
àTpi1TT'T/
l
uuJ.l.l{!vpiJaac;
préparée d'avance rrp0l{!vprdJ€iaa
\ fraîche
t préparée d'avance
35,9
contre les diarrhées
40,3
conseillée pour l'été
68, Il
condensée et très nourrissante nourrit moins, donne des selles
40,3
20. Sur toutes les recettes de cycéon, cf. A. DELATTE (1955). On peut aussi le comparer à Yafahâran des populations touaregs, fait de mil, fromage et dattes, A. de FOUCAULD (1984), p. 54. Fait et consommé immédiatement, il n'est pas destiné à fermenter. 21. A. MAURIZIO (1932), repris par N. JASNY (1950), p. 247. C'est à L.A. MORITZ (1949) que l'on doit la mise en valeur de la fabrication de 1'!1>"<'?'7'a. A partir de ses analyses, 1. FOXHALL et H.A. FORBES (1982) et 1. GALLO (1984) insistent sur l'importance de l'orge, mais aucun n'étudie la fabrication de la maza elle-même.
LE «PAIN QUOTIDIEN» DES GRECS
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On a donc au moins huit recettes de maza, avec deux grandes modalités. Soit elle est Tpt1rT17, soit elle ne l'est pas, et deux variantes chaque fois : on peut la confectionner juste avant le repas, ou la préparer d'avance. Dans tous les cas on peut ajouter lait, miel, ingrédients divers, mais le principe est le même que pour le cycéon : on mélange l'aÀI~n Ta avec du liquide sans cuire. L'opposition entre le pain, qui est cuit, et la maza, qui ne l'est pas, se retrouve déjà chez Hérodote comme comparaison à propos de pr-éparations de pâtes de poisson (1, 200). Elle est précisée très clairement par Platon qui oppose la nourriture à base de farine de blé, que l'on cuit, et celle de farine d'orge dont on fait des mazas (/..ui~aVT€ç, Resp., 372 b). Dans le tableau comique des esclaves de Trygée préparant la maza de l'escarbot avec du crottin [Test. 5, 1], on s'aperçoit qu'il y a deux opérations: au premier serviteur de Tpif3HlJ la gadoue, au second de iuu teiu. Le second terme désigne la finition: la galette est roulée, pétrie bien serré 22, mais le premier mot est plus difficile à cerner. Certes, on pourrait parler de broyer, cependant les qualificatifs qui s'y rapportent (bien serré, pendant un jour entier) ne semblent pas convenir. Si l'on compare ce texte et ceux d'Hippocrate, on voit que la maza Tpt1rTTt est plus condensée et nourrissante; elle a été bien mélangée et a ainsi bien absorbé le liquide. On aurait donc plusieurs recettes: l'une, proche du cycéon, se contente de jeter du liquide sur la farine; on a une sorte de bouillie; dans l'autre, on mouille la farine tout en l'écrasant avec les mains. On laisse reposer, puis on rassemble et pétrit vigoureusement en donnant la forme désirée; il s'agit alors d'un aliment solide, sous forme de crêpes, galettes ou boulettes 23. Les meilleures se mangent immédiatement, mais on peut les préparer d'avance; on les mouillera (!pvpaw) avec de l'huile ou du vin par exemple au dernier moment. C'est sous cette forme que les marins athéniens qui devaient porter rapidement aux habitants de Mytilène la nouvelle de la clémence d'Athènes s'en nourrissent «sans quitter le banc des rameurs» (Thucydide, III, 49). «Pain quotidien », la maza fournit les boulettes avec lesquelles on s'essuie avant de les jeter aux chiens, à1r0fJ.a'Y8aÀtai (Eq., 414) ou les fJ.voTiÀat qui servent à saucer. La maza est un véritable aliment national des Hellènes. Il n'y a donc pas abandon de l'orge comme nourriture humaine à l'époque classique, mais abandon, dans les villes, de toute autre nourriture à base d'orge au profit de la maza. Le pain d'orge, «piôwo« âoro«, est bon pour les esclaves (Hipponax apud Athénée, VII, 304, B); les grains d'orge vert, nourriture de campagnards ou de certaines provinces, restent importants. Mais la maza est répandue dans tout le monde grec, à Athènes comme à Mégare, dans les îles comme en Béotie. Elle est parfois dominante, comme à Sparte sans doute 24 mais aussi dans d'autres régions car la collection hippocratique souligne que certains sont habitués aux pains, d'autres à la maza. Un changement de régime suscite chez les premiers «pesanteurs et tensions», chez les seconds «troubles et gaz» (M. ac., 10). A Athènes aucun doute n'est possible : jusqu'à la fin du Ive siècle, pain et maza sont en usage. Platon célèbre encore le pays attique qui produit naturellement une nourriture «faite pour l'homme», «le fruit du blé et de l'orge» (Men., 238 a). Il n'y a pas déclin de l'orge au profit du blé. Ce qui serait d'ailleurs en contradiction avec la création et l'usage d'une bourse de la farine d'orge, aÀ!ptTD1rWNÇ, que les archéologues américains ont peut-être reconnue au sud de l'Agora d'Athènes. A. Jarde et Amyx, partisans du déclin de l'orge au v» siècle, avaient noté la contradiction de leur théorie avec la création 22. Le terme de «pétrir» reste encore le meilleur pour la traduction de pataw, dérivé de paoow, mais il est évident qu'il a un sens plus large qui comprend les deux opérations. Si l'on compare avec la mhamza de Tunisie - faite avec du blé, il est vrai -, on trouve la fabrication de grosses boulettes enrobées d'oignons; les sens de «compact», «masse », que le mot «amalgame» a aussi gardé en grec moderne, nous renvoient à l'idée d'Une matière friable bien ramassée et rassemblée par l'eau et une forme particulière de pétrissage. 23. Sans doute faut-il conserver pour Tpi'i;aç le sens donné par A. TAILLARDAT (1965), p. 98 : «bien travaillées». Il insiste sur l'aspect solide des mazu, se référant à A. WILLEMS (1919), t. I, p. 96-98. Celui-ci les compare à des sortes de crêpes simplement cuites quelques minutes sur une pierre chaude ou le couvercle d'une casserole et qui restent souples, selon la description d'une voyageuse au XIX e siècle en Orient, relatée dans la Revue des Deux Mondes (1854); description que l'on retrouve pour l'île d'lcaria : GEORGIRENES (1665), PITTON de TOURNEFORT (1717), éd. 1982, p. 314, mais il s'agit de froment. 24. Les textes sur la nourriture des Spartiates sont tardifs: celle-ci est à base d'orge, comme en témoignent les rations exigées des Hilotes, mais on ne peut se faire une idée assurée de la préparation des céréales (Plutarque, Lye.. 712). Les boulettes àllopU'y6al\lai renvoient plutôt à la maza.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
de l'àÀlj?tTChrwÀLç citée par Aristophane Œccl., 1685), mais sans l'expliquer 25. Si l'on relève l'ensemble des références d'Aristophane, on constate que la maza est encore un plat quotidien, tout aussi apprécié que du temps où Hésiode en faisait sa récompense après la moisson (O., 590). Il apparaît aussi bien dans la vie de tous les jours que dans les banquets iPlut., 190; Ecel., 425, 606-665). Les meilleures sont celles qui sont pétries par les femmes, dont c'est un des. travaux à la maison. Xénophon conseille à sa jeune femme de mouiller la pâte et de la pétrir, excellent exercice pour la santé (Œc., X, 10). Pour lui, pain et maza sont un plaisir pour l'homme affamé (Cyr., l, 12). A Athènes, pain et maza symbolisent ensemble la nourriture humaine (Aristophane, Pax, 662-664). C'est ce sens général de «pain quotidien de l'esclavage» qui est inclus dans le vers d'Eschyle qui évoque la oovÀiaç /.uitf/ç {3iov (Ag., 1041) et dont on a tiré abusivement un signe de mépris pour la maza. De même, les allusions d'Aristophane, lorsqu'il semble parler avec dédain de l'orge, doivent être étudiées soigneusement. Il s'agit de références aux Spartiates, mangeurs d'orge Uniquement, alors que les Athéniens de la ville sont mangeurs de pain et de maza. Le texte des Cavaliers est particulièrement éclairant (lOO-lI 05) : Démos refuse l'orge, KPL.,},1, qu'on lui propose, mais accepte èiÀIj?LTa et f.làta. Il est à mettre en relation avec le souhait qu'adresse Trygée au marchand d'armes à qui il ne veut que du mal : qu'il n'ait que de l'orge, KpL.,},1, non préparée pour toute nourriture (pax, 449). Si l'on vous offre de l'orge à la place du blé promis (Vesp., 718), on est évidemment perdant: à volume égal, l'orge est moins lourd, c'est de l'èiÀIj?LTa qu'il faut fournir. Ainsi il ne faut pas transposer l'évolution de Rome vue par Pline' et celle de la Grèce à l'époque classique. Les préparations précuites de grains et gruaux jouent un rôle important, et l'orge y tient une place prépondérante. Une maison riche est celle dont la huche est remplie d'èiÀIj?LTa selon Aristophane (Pl., 805). Dans les villes, et en particulier à Athènes, la farine n'est plus faite à la maison et achetée, mais la maza, elle, est confectionnée chez soi. Qui plus est, les préparations à base de farine sont loin d'être dominées par le pain. Les énumérations des auteurs comiques classiques cités par Athénée sont éloquentes (Nicophron, 645 c). •
PRÉPARATIONS A BASE DE FARINE
• Les mots èiÀ€vpa, àÀf/rov (àÀ€iaTa) dérivent du verbe àÀEW, «moudre», qui a aussi donné son nom à la partie supérieure de la meule, le broyeur; ils désignent d'une manière générale la farine, finement écrasée, par rapport aux gruaux, et ce n'est que lentement qu'ils ont pris le sens de farine de blé par opposition à farine d'orge. La distinction n'est pas encore tout à fait nette chez Hippocrate et ne le devient que chez Platon (Resp., 37) et Aristote (Ath., LV, 3) 26. La farine peut être conservée telle quelle, notre farine de rame, OV"(KoJ,.LLOrOç, mais elle peut aussi être blutée, «aôapoe ; la proportion de son, nitvpov, restait sans doute encore importante. Le son peut d'ailleurs être utilisé seul, sous forme médicale (Hippocrate, Diaet., XLII, 3), en infusion. L'usage de farine autre que celle du blé dur et du blé commun est cité à titre exceptionnel comme médicament: ainsi l'avoine en bouillie chez Hippocrate, {3p0f.lOç (XLIII, 1) 27. Ce n'est que tardivement qu'apparaît le mot "(VPLÇ pour désigner la fine fleur de farine pour les usages industriels et les gâteaux (Dioscoride, 1, 89; 2, 107). Le mot o€f.liôaÀLç pose plus de problèmes. Il désigne en effet à l'époque de Pline et plus tard la farine de second blutage de blé dur, le mot semilago étant traduit du grec. 25. Hesperia, XIX, 1950, p. 320; H.A. THOMPSON (1972), p. 172; A. JARDE (1925), p. 124, n° 8; D.A. AMYX (1945), p. 509. Cf. aussi le raisonnement de J. BOUFFARTIGUES, «Porphyre », D.A., 1979 : « Il n'est pas douteux que pour Théophraste l'évolution de l'alimentation atteint son sommet avec la consommation du pain». C'est la conviction du traducteur; non celle du texte. L'article ancien du D.A.,« Cibaria » (1887), notait, lui, la différence entre Grecs mangeurs d'orge et Latins mangeurs de blé. 26. Hippocrate parle dans un paragraphe consacré à l'orge de l'àÀ'1T6v iDiaet., XL, 2). Il désignerait alors la farine fine d'orge par opposition à la farine de gruau, celle dont on peut faire le pain. 27. Il ne peut être évidemment question de sarrazin pour ulTavLOv iDiaet. LXXXII, trad. JOLY). Il s'agit du blé de trois mois: N. JASNY, p. 61; J. ANDRt (1981 2 ) , p. 69, n. 220. Le sens du mot OTpt'rm, cité comme nourriture de l'âne (Archiloque, 184, et par Hippocrate) est plutôt à rapprocher d'herbes (Hésychius).
LE «PAIN QUOTIDIEN» DES GRECS
127
Mais on a rapproché aussi le mot de termes identiques du vocabulaire oriental, dont il semble issu, et qui désignent la farine blutée. D'où des traductions qui paraissent contradictoires : «fine fleur de farine», «meilleure farine» ou «gruau» 28, Hippocrate déclare expressément que le pain, apTOC:, fait de o€/.LifJaÀLC: et de xovfJpoc: est le plus nourrissant. li nous semble que l'on peut lever ces contradictions. La o€/.LifJaÀtc: est un produit du blé; dans le monde grec on ne distingue pas blé dur ou blé commun, comme ils le sont dans le monde romain. Mais pratiquement le blé dur semble dominant (cf. ci-dessus, p. 39). A l'époque de Pline, cette farine de blé dur commune désigne donc les gruaux, plus écrasés que les nôtres, restés dans le tamis après le premier passage de la farine et dégagés du son. C'est donc un produit obtenu après deux blutages et il est de qualité, puisqu'il s'agit d'amande de blé. Mais il est moins apprécié que la farine de blé tendre. Nous pensons qu'il en était de même au ve siècle, la o€/.LifJaÀLC: désigne les fragments d'amande de blé après un second blutage, àÀ71TOV désignant l'ensemble de la farine écrasée et 1<.a'IJapoc: la farine blutée. On retrouve ainsi l'origine orientale, bien blutée, et le rapprochement d'Hippocrate avec le xovfJpoc:, qui est aussi un gruau de blé, mais obtenu par trempage, s'explique. Nous sommes à l'origine de notre semoule. La traduction par «gruau» gêne en français, car le langage commun y voit un grain grossièrement broyé. Le terme de «semoule» rend peut-être mieux la qualité du produit. • Mais c'est avec le mot âoro« que la farine de blé est mise en relation précisément. Lorsqu'une espèce (orge, millet) n'est pas précisée, apTOC: est fait de blé. Nous le traduisons par «pain», ce qui est commode, à condition de ne pas penser au pain au levain uniquement. Celui-ci semble bien minoritaire dans les recensions que l'on peut effectuer à partir d'Hippocrate. APTOL DANS LE MGIME D'HIPPOCRATE (XL-XLV) (LXXXII)
l1U'Y" ouunô« aÀf/Tov "a-&apov ~vpi1T/e:
xvMe: a~vpoç
farine non blutée, pain complet farine blutée avec levain avec jus comme levain sans levain cuits au four
dessèche; laxatif nourrit plus; moins laxatif léger et laxatif nourrissant, léger, laxatif moins laxatif et plus nourrissant plus nourrissants, parce que moins brûlés que sur les broches (Ô(3EÀOi) ou les braseros (eaxéLpaL)
"Àt(3aviTat è'yKpv..piaL aEpiôaÀte: xovôpoe: atTaviwv rrvpwv TciJ TE xvÀciJ TWV mTlipwv e~,?pwpévw TVPciJ "ai péÀtTt
collés sur la paroi d'un vase ou sous la cendre semoule avec du gruau faits de blés de 3 mois fermentés à l'eau de son faits de fromage et de miel
plus secs les plus forts de tous les plus nourrissants, mais moins laxatifs conseillés en cas de maladie grave (fièvre, vomissements, absence d'urine) s'ils apparaissent en rêve, indiquent un excès de nourriture.
On ne suivra pas forcément toutes les implications médicales, qui sont parfois dictées davantage par la théorie du sec et de l'humide que par l'observation 29, mais elles ont l'intérêt de nous faire recenser des types réels, très divers, correspondant au mot âpro«, Le pain au levain n'y est pas dominant, les galettes sèches, en particulier cuites sur les parois d'un vase (cf. ci-dessous, p. 150) ou mélangées au fromage ou au miel, semblent tout aussi importantes. Il faut remarquer aussi que dans les nombreuses notations de Xénophon où il signale l'usage de l'apToc:, la précision du levain apparaît . 28. SZEMERNYI (1971), p. 156; J. ANDRt (1982), p. 60. 29. M. DtTIENNE (1979). Sur la collection hippocratique, cf. la bibliographie récente G. MALONEY, R. SAVOY (1982).
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE (
une seule fois (Cyr., 2, 28) dans un festin en Thrace. Le mot apToe; désigne donc essentiellement une pâte faite avec de la farine ou du gruau de blé et cuite; galettes ou pains, la différence est bien souvent difficile à déterminer, La proportion donnée par Pline (XVIII, 102-103) pour le pain grec est de 8 onces de levain (= 500 g) pour un boisseau et demi de farine (8,7541). Ce pain était-il confectionné à peu près comme les nôtres, et peut-on se servir des modes de comparaison avec les boulangeries traditionnelles? Les Grecs avaient bien compris le phénomène de la fermentation au IVe siècle 30 ; ils devaient donc laisser reposer leur pâte. Nous avons vu qu'il y avait plusieurs sortes de farines et que l'on distinguait au moins le pain complet de celui qui ne l'était pas. On a donc une mouture «à la grosse », moins raffinée que celle du temps de Pline (nous comparerions volontiers cette dernière à la mouture dite «rnéridionale »). Les comparaisons que A. Maurizio effectue 31 avec les pains confectionnés en Yougoslavie et en Pologne, à partir de meules manuelles, peuvent nous donner une idée de ces pains grecs dont l'aspect restait grossier et qui contenaient une forte proportion de son. On comprend que la concurrence avec la maza ne se soit faite que lentement, même si le blé paraissait plus nourrissant, à poids égal, que l'orge, comme le fait remarquer Hippocrate, à juste titre d'ailleurs (Diaet. , LXII, 1). C'est pourquoi les proportions dans les rations données en volume sont de deux chénices d'aÀI,OLTa pour un chénice de blé. L'orge est en conséquence moins chère mais il en faut plus, avantages et inconvénients se balancent, d'autant que les qualités de la maza étaient autres: bonne digestibilité, facilité de préparation, variété de formes et d'ingrédients. On achetait souvent en premier l'aÀI,O LTa , production locale, et les arrivées de blé devenaient particulièrement recherchées lorsque ces produits locaux s'épuisaient après la récolte. C'est ce qu'évoque le texte de Démosthène (Contre Phor., 37). Et le texte de la Constitution des Athéniens deviendrait incompréhensible si nous d'admettons pas que les Grecs de l'époque classique avaient à égalité deux «pains quotidiens», la maza d'orge et les pâtes cuites de blé, dont le pain au levain formait, dans quelques régions, un élément non négligeable. Ces pains avaient des formes variées, Hésiode (O., 449) parle déjà d'un pain à quatre entailles, T€TpaTpVI,OOV, et huit portions, OKTCi{3Àw/.J.Ov. On trouve le pain rond ou en couronne, le KOÀÀL~ ou KOÀÀa{30e; des comiques. Certains sont dits de grande taille, ainsi les àxatvaL que l'on portait aux Thesmophories de Délos et aux Mégalartia, Cependant, dans la longue recension qu'Athénée consacre aux différentes formes de pain (III, 108-115), les exemples les plus nombreux portent sur la composition. On retrouve les éléments donnés par Hippocrate, auxquels s'ajoutent des pains au fromage, à l'huile, au marc d'olive, au pavot, à la purée de pois, au sésame. La cuisson est aussi un élément de différenciation. Le pain cuit sous la cendre, le KÀL{3aviT1Je; est cité plusieurs fois. Athénée, à l'aide de nombreuses citations, distingue enfm quelques pains locaux, ceux d'Athènes cuits au four sont prisés, mais aussi le pain cilicien, léger, le pain de Chypre. Il cite même un fragment de Sophocle parlant d'un pain qu'il estime fait avec du riz d'Ëthiopie. Quelques pains sont différenciés pour leur usage proprement religieux. En ajoutant les autres références contenues chez Athénée, on arrive à 72 sortes de pains. Mais ce chiffre n'a aucune valeur statistique. D'une part parce que ces variétés n'ont pas été utilisées conjointement, aux mêmes époques et dans les mêmes lieux, d'autre part parce que la recension n'a rien d'exhaustif, comme le montre l'étude d'Aristophane. Ce qui intéresse Athénée, c'est l'érudition dont il peut faire preuve dans ses citations. Dans plusieurs cas, il ignore étymologie, forme et usage. Beaucoup de pains ne sont plus que des vestiges oubliés à son époque, le Ille siècle de notre ère. D'ailleurs, Athénée met dans la bouche d'un des érudits romains présents une déclaration précise: «Pour nous, nous n'avons plus d'intérêt ni pour la farine d'orge (car la ville est pleine de pain) ni pour ces catalogues de pains» (111-113). Et l'on introduit le pain des Syriens, celui de Cappadoce nouvellement appréciés. Au temps d'Athénée, et pour les Romains, le pain est devenu la denrée principale et un «art du boulanger» de Chrysippe de Tyane aurait vu le jour au 1er siècle 32. 30. Platon, Tim., 74 c; Aristote, Gen., A. 3755 a 18, 31, L.A. MORITZ, p. 214; A, MAURIZIO (1932); N. JASNY (1951). 32. Athénée, l, 54,186,410; Il, 10,42,100,148,188,222,232; V, 176 et surtout III, 108-115. D.S. (1887), Cibaria, l, p, 114; J. ANDRÉ (1981), p. 68-70; WEISSBACH, R.E" XI, l, 932-38. Rien n'indique que le K6i\i\t~, pain grossier puisqu'il est mangé par des
LE «PAIN QUOTIDIEN» DES GRECS
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• Une place à part doit être faite à la farine spéciale aJl.vÀov, la fécule (Dioscoride, 2101). Les agronomes latins nous en ont donné la recette, qu'ils estiment typiquement grecque: elle est fabriquée sans meule, comme l'indique son étymologie; l'amidon est extrait après long trempage, pressage dans un linge et séchage (Caton, Agr., 87; Pline, 18, 76, 82). Il a perdu son gluten mais sert à lier les sauces et peut faire des gâteaux. Pour Aristophane, c'est même un gâteau de fête (Ach., 1092). Souvent, les gâteaux ont un double usage, alimentaire et religieux : offrandes sacrées, ils sont aussi dégustés pour les fêtes et les mariages, ainsi les 1To1Tava (Thesm., 285). Nous préciserons plus loin cet usage religieux, quelque factice que demeure la séparation entre les deux aspects. Nous n'avons aucune idée, pour l'époque grecque classique, du poids des différents pains. On sait que pour les périodes plus tardives leur densité était beaucoup plus forte que celle de nos pains actuels. Les Romains s'émerveillaient d'un pain comme celui des Parthes, qui flottait et emmagasinait l'eau, et N. Jasny remarque avec humour que lui-même n'est jamais parvenu à fabriquer un pain qui coule directement, une fois posé dans l'eau 33. Mais les représentations grecques comme les citations recensées pour la période classique doivent plutôt nous évoquer de petits pains et gâteaux, des galettes, et la variété des expressions associées au mot âoro« montre bien que l'on n'était pas du tout parvenu à des fabrications standardisées et homogènes, même à l'intérieur d'une cité. La ration est en grain ou en farine, non en pain (tableaux p. 288-291); beaucoup de familles confectionnaient leur galette au fur et à mesure de leurs besoins, comme le rappellent les voyageurs de l'époque moderne: «En dehors des repas, il n'y a pas un seul morceau de pain dans toute l'île. Peu avant le dîner, ils prennent juste le froment dont ils ont besoin, le moulent avec un moulin à bras et le cuisent sur une poèle.» (Ile d'Icaria) (J. Georgirenes, A Description of the Present State of Samos, Nicaria, Patmos and Mount Athos, Londres, 1678) .
• Le vocabulaire des déchets rejetés après le premier criblage n'est pas toujours facile à élucider. Il faut distinguer clairement la balle du son. La balle est normalement retirée en même temps que la paille par le détritage. Ainsi que nous l'avons vu plus haut (p. 71), le mélange de paille brisée et balles est désigné par le mot axvpa, avec ce sens de déchet de l'aire. Lorsque l'orge sort du dépiquage, il lui reste une légère enveloppe, et surtout la barbe. Un dernier décorticage au pilon fait ressortir cette glume plus légère. Les comiques qui font des plaisanteries sur les maza ridicules où la pâte, ilxvpwJl.€lYf1, est mêlée d'axvpa, désignent sans doute les résidus du pilon (Poliochus, 2, 2). Mais le pain complet est considéré comme nourrissant. IItrupov désigne clairement le son, et le mot apparaît dans la collection hippocratique (M. Ac., 387) et chez Démosthène (XVIII, 259). Mais l'extraction du son paraissait sûrement moins importante aux Athéniens qu'à nos meuniers actuels, le mot est utilisé peu fréquemment, et les termes de èixvpa et IWPflf3ta peuvent aussi y référer. En fait, dans la fabrication des farines, il restait toujours beaucoup de son écrasé en même temps que le blé. Et dans la fabrication de l'iiÀ""t Ta il était retiré par trempage. On connaît la citation d'Aristophane dans Les Acharniens (502-506) où il compare les étrangers à la balle dont on se débarrasse par mondage, les Athéniens au grain, et les métèques au son. Le mot Tli axvpa doit être pris au sens large de «son gras», c'est-à-dire de péricarpe et la gélule: son, recoupe et recoupette de nos meuniers. La comparaison est très évocatrice sur les différents tas de résidus: le premier après le décorticage au pilon, le second après le mondage à l'eau avant la meule. Elle se comprend mieux d'ailleurs si Aristophane pense à l'orge. Les étrangers et les métèques sont ainsi différenciés dans une progression ascendante, mais de toutes façons ils sont considérés comme des résidus 34. personnes méprisables, soit un pain d'orge, comme le précisent certains dictionnaires, pas plus que le "o~~tipa d'ailleurs. Le "u~MaTlç. spécialité égyptienne, est un pain d'amidonnier. M. BATS, dans sa thèse de troisième cycle, considère l'ensemble comme représentatif de la nourriture des Grecs d'Olbia et donne une traduction française des principaux pains, à nuancer sur certains points (1985). 33. Pline, 18,105 ; Galien, VI,494, lI~vT
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
USAGES AUTRES QU'ALIMENTAIRES
Dans les usages sacrés nous retrouvons à peu près tous les modes de préparations: d'abord les grains entiers grillés, qui jouent encore un rôle non négligeable dans les cérémonies de l'époque classique (ovÀOXVTaL, oVÀai). Ces grains, crus ou simplement grillés, forment une offrande de type ancien, que l'on répand sur la tête des animaux ou sur l'autel. Homère en parle déjà (Il., 449,458; Od., III, 445, 761). Les classiques y font encore référence pour tes sacrifices (Sophocle, frg. 366, Nauck; Hérodote, 1, 133, 160; Aristophane, Pax, 948, 960); certaines illustrations de vases l'évoquent (pl. 16). Mais on peut utiliser- aussi la farine tout simplement comme offrande d'un particulier, offrande de pauvre tirée de la besace, mais dont Théophraste (apud Porphyre, II, 17, 2) nous rappelle qu'elle plaît aux dieux; mais la farine peut surtout, sous forme de pâte plus ou moins liquide, servir à enduire les viandes du sacrifice, tJvMp.aTa. Le terme de «pâtissé», employé pour rendre le sens de l'autre mot propre au sacrifice, l/JaLora, tient compte de la difficulté de la traduction. Il s'agit d'une farine qui a subi un apprêt, peut-être simplement roulée comme la mahmsa tunisienne 3S. Le mot 1T€Àavc:!ç est celui qui a suscité le plus d'études, en particulier à cause de son usage à Delphes. On sait, d'après les mises au point d'A. Amandry 36, que le sens est plus large que celui d'une offrande' alimentaire. Mais c'est ce dernier point qui nous concerne ici. Le 1T€Àavo, a eu longtemps un aspect liquide et il était versé en libation. Les exemples chez les Tragiques sont nombreux. Mais à la fin du Ive siècle c'est un gâteau. Il rejoint alors dans sa présentation les nombreux gâteaux d'offrandes, qui se présentent sous forme de galettes, ainsi les 1T01Tava offertes au sacrifice campagnard qu'évoque Ménandre (Dysc.,449-451), les grandes galettes plates 1TÀaKOVVT€, que l'on trouve comme ex-voto aux Thesmophories 37 ou même des pains. Ici, les termes peuvent recouvrir aussi bien une utilisation religieuse que laïque. Les formes de pains et gâteaux pouvaient être aussi diverses que celles que l'on trouve par exemple dans les pains de mariage qui ont tant de succès dans la Grèce contemporaine. Nous en avons une idée par les petites statuettes d'offrandes qui nous en montrent la multiplicité; pains et gâteaux sont accrochés au cou ou posés sur la tête de la prêtresse qui tient aussi corbeille ou van sacré. Certains se retrouvent associés à des fêtes, tJapyr]Ào, ou tJaÀvow, fait avec des grains nouveaux pour la moisson, par exemple (Cratès ap. Athénée, III, 114), et Athénée nous en donne plusieurs exemples. Ainsi les dépenses en grains et farines apparaissent fréquemment sur les comptes sacrés : pour les offrandes, pour la nourriture des prêtres, pour les repas de fêtes 38. La fabrication de ces pains, galettes, maza, est une occupation importante; illustrée par deux petits groupes de coroplastie (pl. 28), et qui semble réservée aux jeunes filles et aux femmes mariées. On se souvient de la célèbre invocation de Lysistrata sur les jeunes meunières au service d'Athéna (Aristophane, Lys., 641). Les céréales sont utilisées pour l'alimentation des animaux: on donne aux bœufs balles et débris de paille restant sur l'aire; on peut, pour les ânes, mulets et chevaux, mélanger le son et même de l'orge grillée directement. Mais c'est la balle qui est dominante, et les calculs d'A. Jardé qui voyait toute la production d'orge de l'Attique utilisée par le bétail sont évidemment à rejeter 39. Un .petit usage industriel est sans doute effectué pour la fleur de farine, en particulier pour l'encollage et les fonderies de cuivre (Pline, XVIII, 89 et 13, 89); mais nous le connaissons surtout pour les époques plus tardives 40.
35. R.E. (1939), XVIII l , opfet ; col. 602; A. CASABONA (1966), p. 123; J. BOUFFARTIGUES (1979), introduction à «Porphyre»,D.A., H, p. 67, 68; M. D~TIENNE (1979), p.190; L. LACROIX (1982). 36. A. AMANDRY (1950), Ch., VIII; R.E. (1937), 1T€Àu,,6ç, XIX, 246-250. 37. Ph. BRUNEAU (1970), p. 284. 38. F. SALVIAT (1959). Les dépenses en a),<{J(TU apparaissent sur les comptes de lois sacrées. LSCG (1955), n° 41, 1. 4; IG II' , 1184; LSCG (1969), n° 151,1.45. 39. A. JARDÉ (1925), p. 127. 40. M. MANSON (1973), p. 324, pour les ateliers monétaires et le nettoyage des flans.
LE « PAIN QUOTIDIEN» DES GRECS
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Ainsi l'évolution des habitudes alimentaires de la Grèce ne peut être calquée sur celle de Rome; on n'abandonne pas l'orge pour le blé, comme le far pour le blé commun dans l'Italie. On ne remplace pas la maza par le pain levé comme celui-ci le fera pour la pu/s. La caractéristique de la Grèce, c'est au contraire d'utiliser très tôt et très longtemps le blé et l'orge conjointement, le premier bouilli ou cuit, la seconde grillée et donc précuite. Ce n'est certainement pas avant le me siècle av. J .-c. que l'usage de la maza régresse au profit du pain, et cette régression est lente, car Pline signale encore le goût des Grecs pour l'orge. Les progrès vers le pain levé et sa suprématie s'accomplissent non à partir de la Grèce mais à partir de Rome, et l'importance du blé commun, particulièrement bien adapté à la cuisson du pain, n'y est pas étrangère. Mais la persistance de la maza en Grèce ne doit pas être considérée comme une régression : sur le plan du goût, des qualités nutritionnelles, de la digestibilité, elle n'avait rien à envier, bien au contraire, aux pains, crêpes et galettes qui formaient le complément obligé en céréales sous le nom d'apTo,. Le recensement que nous venons d'effectuer, en faisant apparaître la variété des préparations, nous permet de mieux cerner les objectifs qui pouvaient commander la technique grecque classique. TI ne s'agissait pas pour eux de tenter de fabriquer la farine plus blanche, le pain le mieux levé, mais d'utiliser plus diversement les céréales à leur disposition, blé dur et orge prédominant. Le grillage et la fabrication du gruau tenaient une place correspondant aux qualités intrinsèques de ces céréales. Le blutage était aussi important que la mouture proprement dite. La conservation de l'orge était facilitée par sa préparation. Les opérations techniques que nous allons étudier doivent donc être envisagées en fonction de l'ensemble de ces usages.
LA BS/SA TUNISIENNE
«Si la majorité des préparations alimentaires nécessite une cuisson, certaines sont directement consommables sans. En dehors des conserves de légumes et de poisson par salaison qui sont très usitées dans les familles rencontrées, il en est une que l'on consomme le matin au lever, la bsisa, dont la consommation est surtout le fait des personnes âgées; en milieu rural c'est invariablement le repas du matin. Cette préparation s'obtient ainsi: après les avoir grillés, on mélange des grains pilés d'anis ou de pois chiches à une farine composée d'orge et de blé. Ce mélange est délayé dans de l'eau jusqu'à l'obtention d'une pâte ayant la consistance d'un mastic, puis l'on verse de l'huile d'olive. Au moment de la consommation, du sucre fin ou du miel sont parfois ajoutés pour adoucir le goût. La bsisa est réalisée en quantité importante car elle se conserve bien. Chaque matin un bol de cette préparation très nourrissante suffit pour tenir jusqu'au repas de la mi-journée. 11 existe bien sûr, comme pour les ragoûts, les couscous, les potages, des variantes presque infinies de cette préparation qui sert de petit déjeuner bien que celui-ci soit composé de plus en plus souvent d'un verre de lait chaud et de gâteaux.» X. THYSSEN (1983), p. 178
CHAPITRE VI LA TRANSFORMATION DES CEREALES
Les instruments de transformation des céréales ont suscité davantage d'études que les instruments ce culture, parce que l'on s'est intéressé très tôt à l'histoire du pain. Le vocabulaire grec a été lentement élucidé, en particulier à deux moments : à la fm du xrxe siècle, les grandes recherches textuelles achevées, plusieurs travaux de synthèse ont vu le jour, en allemand, mais aussi en français J. C'est à un Grec que l'on doit en 1917 l'élucidation du fonctionnement de la meule à trémie, qui joue un si grand rôle dans la Grèce antique. Il semblait alors que vocabulaire et archéologie coïncidaient, et les découvertes archéologiques, en particulier celles d'Olynthe et de Délos, ont simplement popularisé des résultats qui ne suscitaient plus de nouvelles interprétations, mais des travaux de synthèse 2. Il faut attendre les années 1956-1958 pour que deux publications, malheureusement parues simultanément sans se compléter, remettent ces problèmes à l'honneur. La publication de la stèle des Hermocopides a entraîné des' mises au point détaillées sur les mots de vocabulaire technique rencontrés, et plusieurs concernent mortiers, fours, cribles et meules, que l'on pouvait comparer à certains objets des fouilles américaines de l'Agora. L'étude a été complétée ensuite, pour les instruments de cuisine, par les travaux de B.A. Sparkes, qui a effectué en particulier un remarquable recolement de l'iconographie 3; au même moment paraissait le travail de L.A. Moritz, commandité par la chambre des boulangers, British and Irish Mil/ers. Son propos était plus large, il s'agissait de reprendre en détail les origines de la boulangerie. Son travail de synthèse fait date, il utilise largement les études du début du xxs siècle et parvient à préciser quelques-unes des hypothèses qui y avaient été avancées. Ainsi, le moulin rotatif apparaîtrait plus tardivement que l'on n'avait pu le penser. Selon L.A. Moritz, il ne serait diffusé en Occident qu'à partir du Ile siècle av. J.-C., et la Grèce classique ne l'aurait pas connu 4 • .Cet ouvrage a fait date, mais paradoxalement il a entraîné une conséquence imprévue, il a clos les recherches. Désormais les traductions ou les ouvrages généraux s'y réfèrent, sans toujours l'avoir réellement travaillé. L.A. Moritz proposait en effet beaucoup d'hypothèses, et avançait des conclusions prudentes. Seule l'archéologie pourra confirmer ou infirmer ses éléments chronologiques qui ne reposaient que sur des références textuelles. Or, une seule analyse exhaustive de site, à Morgantine en Sicile, a tenté depuis une typologie chronologique sérieuse. Sur plusieurs points elle remet en cause 1. H. BLÜMNER,
P (1875·1887. 2e édition 1912); L. LINDET (1899); DA., articles mo/a. mortarium (1904). III 2 • p. 1960-1962
et 2008-2009; pistar (1907), IV1 ,p. 494-502; R. BENNET et J. ELTON (1899). 2. K. KOUROUNIOTIS (1917); D.M. ROBINSON (1938), Vlll (1946), XII; W. DEONNA (1938) reprend toutes les données de Délos; E.C. CURWEN (1937), C. CHILDE (1943) recensent les meules rotatives. La synthèse de ces recherches est donnée dans C. SINGER (1956), vol. II, R.F. FORBES, III (1956), 84 sq., p. 57. Cf. aussi l'article jlvi\1J. R.E., XVI.l (1933). 3. W. KENDRICK PRITCHETT (1956), D.A. AMYX (1958), B.A. SPARKES (1962) et (1965). 4. L.A. MORITZ (1958).
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GR~CE ANTIQUE
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les analyses de L. A. Moritz. Les trouvailles récentes de Byrsa en Tunisie viennent la compléter 5. On dispose maintenant d'une recension de meules pour la partie égéenne de la Grèce par C.N. Runnels, qui a procédé à une intéressante enquête comparative sur les carrières 6. Mais c'est du côté des recherches sur les mines que la problématique va trouver aussi des données nouvelles. Un type de broyeur semble bien commun aux mines et aux céréales 7. Ainsi, deux décennies après le travail de Moritz, il n'est pas inutile de faire le point et de tenter d'affiner, et parfois de remettre en question, ~rtaines de ses conclusions. Rappelons avant de commencer quelques données du vocabulaire français. La typologie scientifique est moins rigoureuse que l'on ne pourrait l'espérer. Le vocabulaire français adopté ici est le suivant 8 : Mortier : tout instrument creux à l'intérieur duquel on procède à un broyage par percussion et frottement; bois, pierre, céramique. Broyeur : instrument de forme oblongue, ronde, conique ou ellipsoïdale, utilisé manuellement pour écraser les céréales dans un mortier ou sur une meule plate (le terme de molette est parfois utilisé par les préhistoriens); en pierre. Pilon: instrument allongé, aminci au milieu pour la préhension, utilisé pour le décorticage des céréales; en bois, parfois en métal pour les mines. Meule dormante : la meule plate ou légèrement convexe sur laquelle s'effectue la mouture; elle peut être rectangulaire, cylindrique ou ovale. Broyeur à trémie : la meule supérieure rectangulaire qui effectue le travail est percée d'une ouverture par laquelle s'écoulent les céréales. Meule courante: la meule cylindrique qui effectue le travail est utilisée sur une autre meule cylindrique, manuellement ou par énergie animale ou mécanique. Moulin à trémie â'Olynthe : meule dormante rectangulaire et broyeur à trémie. Moulin de Pompéi: meule dormante conique, meule courante en coquetier. Moulin rotatif manuel: les deux meules sont cylindriques, plus ou moins coniques, et actionnées manuellement. Moulin rotatif semi-démultiplié : moulin de Salzbourg; le mouvement, actionné manuellement, est démultiplié par une perëhe et une pédale. Moulin à eau : meules rotatives, actionnées par la force de l'eau, avec une roue verticale ou une roue horizontale. Moulin à song: meule actionnée par un animal. Meta: meule dormante dans le moulin de Pompéi. wtillus : meule courante en coquetier dans le moulin de Pompéi.
Cependant, l'attention ne doit pas se polariser sur les meules, et nous suivrons les différents instruments qui permettent les opérations de transformation .
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LA MOUTURE
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GRILLAGE ET BROYAGE AU MORTIER, PERMANENCE DES FORMES
Nous retrouvons depuis l'âge du bronze des formes qui évoluent très peu et dont l'usage semble se pérenniser. Elles répondent à des objectifs dont nous avons vu la variété au chapitre précédent. 5 .. 00. WHITE (1963), p. 199-206 sur Morgantine. J.P. THUILLIER (1982), p. 93 et 164 sur Byrsa. Recension commode des moulinsâePompéi par B.J.B. MAYESKE (1972).
6. CiN. RUNNELS (1981). 7. ,HALLEUX (1977), thèse dactylographiée; A. MÜLLER, in Thasiaca (1979), p. 335-338; C. CONOPHAGOS (1980). 8. Sur le vocabulaire, cf. pour l'anglais C.N. RUNNELS (1981), tableaux 12-15, p. 328-331.
LA TRANSFORMATION DES C~R~ALES
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LE GRILLAGE DES CERÉALES 9 (planche 18)
Nous avons souligné l'importance de ce grillage, d'une part pour faciliter le retrait des dernières glumes dans le cas des céréales vêtues, d'autre part avant la mouture pour certaines préparations de l'orge. Le blé vêtu était grillé en épis; à l'époque classique, nous l'avons vu, il ne jouait plus qu'un rôle marginal. La céréale vêtue c'est l'orge, mais elle est battue sur l'aire et il ne lui reste qu'une légère enveloppe avec une barbe, c'est donc sous forme de grains qu'elle est grillée avant mondage; l'instrument pour cet usage est le ..ppu'Y€rpov, qui est un des instruments attribués aux filles au moment du mariage (Pollux, 1,246; Aristophane, Ecc., 221). On grille aussi les grains pour le sacrifice ou le grain vert mangé comme tel, parfois directement sur un feu de paille. Mais lorsque l'on étudie les différents types de grilloirs en usage en Méditerranée pour ce mode de cuisson, on trouve des sortes de poëles, la plupart du temps pleines, en métal ou en argile. 'Le ..ppu'Y€'rpov semble bien en argile, et on peut sans doute en donner l'illustration. li n'est pas exclu que certains braseros de l'âge du bronze aient pu servir à ce type d'usage. Ainsi le brasero de Théra à la surface plate. Le grillage des céréales suppose une bonne surveillance pour que les grains ne brûlent pas; il faut donc que l'on puisse très vite les éloigner de la chaleur, d'où l'importance des éléments de préhension (qui a pratiqué le grillage des châtaignes comprendra ce type de problème). On grillait aussi les pois dans un ustensile appelé aetocov. Ces instruments ne semblent pas changer de forme à l'époque classique. •
LE BROYAGE A U MORTIER
1.0
(planche 20)
Les types de mortiers retrouvés dans les fouilles sont très nombreux; faits de pierre dure, ils adoptent des formes variées. Leurs usages sont aussi divers et il n'est pas inutile de rappeler les multiples possibilités offertes par cet instrument. •
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On utilise des mortiers dans les mines: nous en avons référence en Grèce pour les mines de cuivre, par l'archéologie dès l'âge du bronze; le Musée de Nicosie possède un mortier à trois pieds, de forme évasée, sur lequel il' reste des traces de minerai de cuivre; le broyeur devait être là en pierre, et de petite taille. Par contre, la description de Diodore sur les mines d'or de l'Égypte nous évoque un mortier profond et un pilon allongé de métal : « Les ouvriers âgés de plus de trente ans prennent le minerai qu'apportent les enfants, le séparent en quantités déterminées et le jettent dans des mortiers en pierre où ils le cassent avec des pilons en fer jusqu'à ce qu'ils atteignent la taille de petits pois» (III, 13). On a retrouvé des mortiers de trachyte dans les mines du Laurion 11. Mais on utilise aussi de petits mortiers pour fabriquer des fards et des parfums où l'on écrase soigneusement les végétaux. C'est un instrument habituel du médecin et du pharmacien (Aristophane, Plut., 720; Pline, XLIII, 22). Ces petits mortiers sont proches de ceux dont on se sert couramment en cuisine pour piler les ingrédients nécessaires aux différentes préparations, ail, sel, condiments, et que l'on mélange ensuite au liquide, huile, eau, miel. Le matériau en pierre doit être résistant et ne doit pas conserver d'odeur (les mortiers à aïoli de ce type sont encore utilisés en Provence). Mais, naturellement, on peut aussi utiliser des bols de céramique. On se servait encore au siècle dernier en Syrie de mortiers de pierre et de pilons courts pour écraser la viande 12,
9. B.A. SPARKES (1962), p. 128; H. BLÜMNER (1912), p. 10-13. Sur le sens symbolique lors du mariage, M. D~TIENNE (1972). p. 215 sq. Etude ethnographique détaillée de la fabrication dans le Hoggar, M. GAST (196~n. p. 87 sq. Elle permet de comprendre les difficultés rencontrées dans l'archéologie expérimentale par L. FOXALL et H.A. FORBES (1982), p. 75-78. 10. H. BLÜMNER, p. 13-20; D.A. AMYX (1958), p. 235; L.A. MORITZ (1958), p. 22·28 ;.B.A. SPARKES (1962). p. 125·126 et pl. 24-30, (1965), pl. XXIX, 4; ROBINSON (1933), VIII, p. 326-336; DEONNA (1938), Délos, XVIII, p. 103-106; J.J. MAFFRE (1957), fig. 29 et commentaire. ,. 11. E. ARDAILLON (1897), p. 61, fig. 18. Mortier Musée Nicosie, provenance Artiki d == om 46 ; Théophraste, De Lap.. VIII, 58 ; R.J. FORBES (1965), III, p.141-148. 12. L. LORTET (1884), p. 624.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
Nos moulinettes et multiples instruments récents, qui transforment en chair à pâté en quelques minutes un morceau de bœuf, nous font oublier le lent travail et les multiples possibilités des broyeurs. Pouvons-nous restituer la forme de ceux qui étaient utilisés pour les céréales à l'époque classique? Il faut distinguer nettement deux types, dont le vocabulaire se retrouve en latin; A) Le petit mortier rond: ôueia ou L-ycSL\ ; mortarium avec un broyeur court : cSoicSv~ ou àÀ€1"pi(3avo\ : pistillum B) Le mortier profond: oÀ/Jo\ ; pila avec un pilon allongé, étréci en son milieu: V7r€POV ; pilum Le type A peut être en pierre ou en céramique; on le voit illustré sur certaines statuettes. Pour le mot ôueia, l'origine fluo\, aromate, renvoie aux parfumeurs, et les tablettes mycéniennes nous confirment son ancienneté (tuwea). C'est l'instrument de cuisine utilisé pour mélanger les ingrédients. Celui que prend Hermès pour broyer les cités grecques comme poireaux ou ail et les mélanger au miel et au fromage avec un àÀ€Tpi(3avo\, dans La Paix d'Aristophane (259-286). Cet instrument n'est pas attaché particulièrement aux céréales, mais peut servir à compléter une mouture et la mélanger avec d'autres ingrédients.
Figure 20. - Femmes pilant. Skyphos béotien à figures noires. (Collection Canellopoulos. Cliché Ecole française d'Athènes)
Le type B est plus précisément un mortier à céréales, les comparaisons sont évidemment faciles avec les mortiers à mil qui utilisent le même type de pilon. Cependant une observation attentive des illustrations montre la prédominance d'un mortier, certes plus profond que le précédent, mais posé sur un support. Le mot V\pOÀ/JLOV apparaît d'ailleurs dans un fragment d'Aristophane, d'après Pollux, X, 114. Le travail s'effectue debout. Les mortiers profonds posés par terre pourraient ainsi correspondre plutôt au travail du métal. "OÀ/JOL et V7r€POt sont liés souvent aux céréales; ils apparaissent dans la
LA TRANSFORMATION DES CEREALES
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stèle des Hermocopides à côté de la meule (SEC XIII, 13,1. 22-26; 14,1. 10). Ces mortiers peuvent être en bois ou en pierre. Ce dernier est cher, 8 dr, 5 oboles. Nous n'avons malheureusement pas le prix du premier. Un troisième, sans indication de matériau, coûte 1 dr, 5 oboles; il pouvait être en céramique. Instrument d'usage courant, mentionné par Hésiode comme objet de bois (O., 423), on le trouve chez la boulangère (Aristophane, Vesp., 201, 238) et son rôle semble bien lié au décorticage de l'orge. Cette hypothèse, proposée par L. Moritz, trouve une confirmation dans l'illustration d'un vase de la collection Canellopoulos, publié en 1975 13. On y voit deux femmes pilant le grain (figure 20), comme sur les vases à figures noires déjà inventoriés, mais le nom ooôôua, inscrit à côté de celle de droite, est attesté par Pollux et cité par Hésychius (KOÔO/Jr1) comme le nom de la servante qui fait griller l'orge. On a bien confirmation, par ce vase béotien, du rôle du pilon dans la fabrication de l'èiÀ'Pt Ta ; après le grillage, le décorticage est effectué par la même personne. L'V1T€POlJ était un instrument très commun; on l'attachait devant la chambre nuptiale le jour du mariage (Pollux, 111,37,38). On le voit apparaître sur certains vases comme une arme féminine, ainsi Andromaque le brandit pendant la prise de Troie 14. Est-ce parce que i5ÀjJ.OC; et V1T€POlJ sont des instruments de femmes ou d'esclaves qu'on les voit interdits dans des inscriptions se référant à des lieux sacrés? Ou parce que la présence de ces instruments est synonyme d'habitat permanent 15 ? Dans deux cas ils sont associés à la meule. Sans exclure que le mortier profond puisse servir, dans un second temps, à la fabrication de gruaux, comme l'indique Pline (XVIII, 98), d'après Magon, il faut lui rendre son usage principal en Grèce : décortiquer l'orge ou les légumes à cosses. Par ce type de décorticage, on évite de briser le grain. Il pourra ensuite être grillé, trempé, moulu, suivant les modes de préparation que nous avons vus au chapitre précédent. C'est certainement cette forme de mortier et de pilon qui est évoquée par Hésiode dans Les Travaux et les Jours (423-25). Il faut noter cependant que certains manuscrits ont illustré ce vers par un mortier d'Extrême-Orient 16. Ce type (planche 12) ne se retrouve sur aucune de nos illustrations antiques grecques, ni même romaines, et le texte d'Hésiode est malheureusement suffisamment vague pour que nous ne puissions pas en extrapoler une telle mécanique. Cette iconographie a connu un certain succès parce qu'elle a été popularisée par l'ouvrage de J. Strada imprimé en 1617, et quelques auteurs l'ont reprise 17. Ce qui nous paraît plus intéressant c'est de nous demander pourquoi le rédacteur du manuscrit a eu l'idée de chercher ce type de broyeur dès le XIIIe siècle. Le type traditionnel, illustré par nos vases du Vie siècle, n'était donc plus en usage, au moins en ville? D'autre part, cet instrument, qui ne paraît pas avoir rencontré une diffusion particulière au Moyen Age, a pu parvenir à la connaissance des érudits byzantins soit par des récits externes, peut-être par un usage local dans la canne à sucre, dont nous savons maintenant que la production s'est développée à Chypre au Moyen Age, et dès le xe siècle en Égypte et en Syrie, soit enfin par l'intermédiaire des marchands en contact avec la Chine où l'instrument utilisé pour le riz était en usage depuis le 1er siècle av. J._C. 18 • Mais il semble exclu qu'il ait pu être utilisé à l'époque d'Hésiode. L'iconographie antique est très homogène dans la représentation du pilon et du mortier.
13. Skyphos, inv., 384; 1.J. MAFFRE (1975), p. 467, fig. 29. Il existe trois autres vases à figures noires illustrant des scènes de pilage: un dinos ionien au musée de Boston, n° 546, une amphore attique du musée de l'Ermitage (A.B. V., p. 309, n° 95), un lécythe béotien (collection Serpieri, B.A. SPARKE (1962), pl. VII, 2. Un cratère corinthien à figures rouges illustre deux esclaves de comédie (M. BIEBER [1939], p. 92, fig. 136). D.A. AMYX (1958), p. 236, n° 27. 14. Sur la coupe du Louvre G. 152, C..DUGAS (1960), p. 6 jA.R. V., 245 j D.A. AMYX (1958), p. 238 et n° 48. 15. 1.0., XII, 5 (2),872,1. 50-51. CID (1977), n° 10,1. 24. 16.,G. DERENZINI e Carlo MACCAGNI (1970), fig. 1 en particulier 5 (Cod. Marc. gr. [Zanetti), 464.762 ID». Les illustrations n'ancrent pas toujours l'axe du pilon. 17. W. den BOER (1956), p. 1-10; Y.H. THIELS (1954), p. 109. 18. Sur les moulins à canne à sucre, fouilles médiévales récentes à Chypre, à Katopaphos et Paleopaphos, B.CH., 106 (1982), p. 737-744, 107 (1983), p. 647 j sur la Chine, J. NEEDHAM (1965), vol. IV, part. II.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
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UNE LENTE ~VOLlrflON, LA MEULE
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LE LEGS DE L'AGE DU BRONZE: MEULES ET BROYEURS MANUELS (planches 20-21, figure 21)
1) La meule plate et le broyeur: Le geste le plus connu pour écraser le grain est celui de l'ouvrier agenouillé devant la pierre plate qui lui sert de meule donnante et broyant le grain par un mouvement de va-et-vient de ses bras tendus, avec un broyeur de pierre. Les illustrations données sont en général d'origine égyptienne, soit sur les peintures de tombes soit dans les statuettes. On peut fournir quelques parallèles égéens avec la petite terre cuite de Kourion, conservée au Musée de Nicosie, et un exemplaire de collection privée; les datations n'en sont pas toujours précises 19. Ce type simple de broyage, d'origine néolithique, s'effectue avec des pierres volcaniques (laves, basaltes, trachytes), qui doivent être suffisamment résistantes pour durer longtemps et ne pas s'effriter avec le grain. Les exemples en sont nombreux dans les fouilles du néolithique et de l'âge du bronze 20. Cependant, la trouvaille de meules de cette forme n'indique pas forcément une date tardive ou une civilisation arriérée, car ce type, qui a le mérite de la simplicité, se prolonge jusqu'à l'époque classique et parfois au-delà. Le verbe àÀ€LV, àÀ€TPEVELV s'est d'abord référé à ce broyage, et l'exemple le plus célèbre reste celui des cinquante servantes d'Alcinoos qui sous la meule écrasent le blé d'or (Od., VU, 104); cette meule est une meule à va-et-vient et non une meule rotative, comme L.A. Moritz l'a démontré, et comme G. Lindet l'avait déjà souligné 21, et la jeune esclave qui abandonne son travail au palais d'Ithaque (Od., XX, 106), les genoux rompus, doit être illustrée par une femme agenouillée devant sa meule, ou debout, penchée devant une meule encastrée dans une table, comme les meunières de l'Égypte antique [Test. 2.17-18]. 2) Préparation de la meule dormante: Une première amélioration à l'instrument fut apportée par une préparation de la meule dormante; des stries, soigneusement entaillées en arêtes de poisson, facilitent l'écrasement. Nous en avons des exemples à Athènes et à Olynthe pour l'époque classique, à Délos pour l'époque hellénistique. L'usage de ces meules plates, qui pouvaient aussi servir à l'écrasement des légumes, s'est prolongé fort longtemps. A Morgantine, elles sont encore utilisées sporadiquement jusqu'au 1er siècle av. J.-c., alors que les autres types étaient largement répandus. Dans le Hoggar contemporain on ravivait la meule tous les dix jours et on pouvait moudre 900 grammes de blé en quinze ou vingt minutes 22. 3) Le broyeur effilé: On améliora aussi progressivement les broyeurs. De forme très variée, ils commencent à se standardiser à Athènes au VIle siècle av. J .-c., comme le montrent les recensions effectuées à partir des fouilles de .l'Agora 23. Se dégage un type effilé, aplati sur sa partie inférieure (planche 21). Dans certains cas, il peut être muni d'oreilles pour faciliter la préhension. Ainsi à Délos quelques exemplaires mal datés. 19. Pour l'Égypte, c. VANDIER (1964), t. IV, p. 273 sq. Les planches la et 2a données par L.A. MORITZ (1958) illustrent deux statuettes égyptiennes, la seconde provenant de Thèbes (non de Thèbes de Béotie, comme l'a fait remarquer B.A. SPARKES). La statuette de Kourion à Chypre a parfois été datée de l'âge du bronze, parfois du VIII/VIle s. av. J.-C. Sur les statuettes de collection privée, B.A. SPARKES (1965), n° 30 A, K. SCHEFOLD (1960), n° 193. 20. Cf. une très belle meule avec broyeur en place à Acrotiri, S. MARINATOS (1974), IV, p. 13, et pl. 10. Sur les meules de Troie, W. DORPFELD (1902); bibliographie générale sur l'Égée, W. DEONNA (1938), p.123 sq. et C. RUNNEL (1981), p. 260-278. 21. L.A. MORITZ (1958), p. 5; G. LINDET (1900), p. 17. Confusion dans l'article de la R.E. (1933), XVI, /LvÀ1j, avec l'illustration du bol dit « homérique », en fait hellénistique. 22. Recensement pour l'Attique et le Péloponnèse, C.N. RUNNEL (1981), p. 280 sq.; pour Délos, W. DEONNA (1938), p. 129; pour Olynthe, D.M. ROBINSON (1938), p. 326; survivance, R. MARCADÉ (1953), p. 592 pour la période hellénistique. Sur le Hoggar contemporain, M. GAST (1968), p. 348 sq. 23. C. RUNNEL (1981), fig. 24, p. 339.
LA TRANSFORMATION DES CtRtALES
Figure 21. - Les gestes de-la mouture à la meule plate. (M. GAST. 1968)
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
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Les rares représentations, en coroplastie de l'époque classique, qui nous montrent une femme en train de moudre, représentent ce type de meule déjà standardisé : la meule dormante rectangulaire, le broyeur effilé. On notera que la meule est posée dans une sorte de cuve plate qui permet de recueillir la farine. 4) Le broyeur à trémie manuel: Une innovation importante est introduite avec la trémie : le broyeur est percé d'une trémie (« en entonnoir», dit W. Deonna), qui peut être allongée parallèlement aux longs côtés ou de forme circulaire. C'est le premier système qui l'emportera. Le broyeur est toujours manié avec les deux mains. Les exemplaires de ce type sont actuellement peu nombreux 24. Le broyeur à trémie manuel peut être un intermédiaire entre le système manuel et le premier moulin mécanique, mais on a pu aussi passer directement du broyeur simple sur une meule rectangulaire, au moulin dit d'Olynthe.
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LE PREMIER MOULIN A MOUVEMENT ALTERNATIF, LE MOULIN A T1ŒMIED'OLYNTHE
1) In terprétation : Le «hopper rubber, pushing mill» des Anglais, pour lequel nous n'avons pas vraiment de mot français satisfaisant, représente une véritable mutation technique. D'une part, les meules sont désormais standardisées' et les dimensions d'un site à l'autre diffèrent peu. Meules dormantes et broyeurs sont rectangulaires, avec des largeurs de 0,36 m à 0,54 m, des longueurs de 0,42 m à 0,65 m. L'épaisseur varie de 0,08 m à 0,25 m. La forme de la trémie est plus variable, comme le montre la planche 22, mais toujours parallèle aux longs côtés. Enfin on assiste à un début de mécanisation: en effet le broyeur à trémie, qui constitue la meule supérieure, est maintenant surmonté d'un axe horizontal, fixé d'un côté à une table sUT laquelle repose la meule dormante, et actionné de l'autre par les ouvriers qui effectuent un mouvement de va-et-vient sur l'axe. Les meuniers sont désormais debout et le travail est évidemment plus efficace. Les premiers broyeurs à trémie que l'on avait trouvés sur des fouilles avaient souvent été mal interprétés et on les prenait pour des cribles ou des fenêtres; c'est à un archéologue grec, Kourouniotis, que l'on doit, en 1917, la véritable élucidation du système et le premier croquis que nous reproduisons 25. Il mit en effet en rapport ces pierres et un vase à relief, illustrant un moulin. Un second vase de ce type (dit parfois «bols .homériques », d'après les scènes souvent illustrées, ou «bols mégariens », d'après l'atelier envisagé) a été retrouvé 26, et Rostovzeff a popularisé l'interprétation, en montrant d'ailleurs qu'il s'agissait d'une scène de comédie 27. 2) Documentation archéologique: Mais ce sont les trouvailles d'Olynthe qui ont permis de saisir l'importance de ce type dans le monde grec et d'esquisser une première chronologie, puisque la ville a été détruite en 348 av. J.-C. Et le nom de «meule d'Olynthe, broyeur d'Olynthe, moulin d'Olynthe » a désormais été attaché à ce type de moulin. Nous garderons le nom de «moulin d'Olynthe» pour l'ensemble des deux meules, lorsque le système d'attache permet d'imaginer l'axe horizontal qui le fait se mouvoir. La meule supérieure est pour nous un broyeur à trémie, la meule inférieure une meule dormante. 24. Deux à Priène; T. WIEGAND (1904), fig. 474; deux à Théra: H. von GAERTRINGEN (1904), vol. IV, fig. 193. 25. K. KOUROUNIOTIS (1917), p. 151-157. La première hypothèse sur une utilisation de ces pierres dans la mouture avait été faite par F. PETRIE pour Tanis (1888), II, 27, et citée par R. BENNET et J.ELTON (1898),I,p. 53. E. ARDAILLON (1897) imaginait un crible, p. 69, fig. 32. L'article (1933) de la R.E., XVI, i, 1064-1072, ignore le problème. 26. Exemplaire du musée d'Athènes, NH 11797; du musée du Louvre, CA 551 CVA (15) III n pl. 8, trouvé en Béotie. Sur la datation très discutée, U. HAUSMANN (1959), qui renvoie au ne siècle av. J.-C., p. 45-51. 27. ROSTOVZEFF (1939), p. 86 sq. Analyse complétée par L.A. MORITZ (1958), p. 14-17, qui refuse de voir un moulin de type «Pompéi» au centre. De toute façon, la chronologie du vase est tardive.
LA TRANSFORMATION DES CeReALES
a
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Figure 22. - Le fonctionnement du broyeur d'Olynthe. a) Dessin du bol hellénistique mégarien (ROSTOVTZEFF, 1937). b) Restitution d'après K. KOUROUNIOTIS (1917) et D.M. ROBINSON (I938).
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D. M. Robinson a dégagé 31 broyeurs à trémie plus ou moins bien conservés. Plusieurs étaient à l'intérieur de maisons, donc encore en usage, d'autres réemployés. Sur cet ensemble, 24 sont particulièrement bien conservés, 15 ont une trémie rectangulaire, 9 une trémie ovale. Parallèlement, le chercheur faisait l'inventaire des meules retrouvées jusque-là; sa synthèse publiée en 1938 sert de base à la plupart des études parues depuis. A la même époque, W. Deonna rassemblait les trouvailles de Délos et tentait une typologie 28. L'importance de ce type pour le monde grec a été confirmée par la découverte en 1967 de 22 moulins à trémie dans la cargaison d'un navire naufragé au large de Kyrénia, que le découvreur date de la fin du rve siècle av. J.-C. Un exemplaire d'époque classique a été reconnu à Halieis en Argolide; un autre de même date provient des fouilles de l'Agora d'Athènes, qui en ont fourni huit autres, sans doute romains 29.' Mais d'autres trouvailles sont apparues et n'ont pas toujours été exploitées. Ainsi le Nékromanteion d'Ëphyra, dont la période d'utilisation couvrirait un laps de temps limité, du me siècle à 167 av. J.-C., présente un beau spécimen dont la trémie a une forme un peu particulière. Cinq exemplaires ont été inventoriés récemment dans les réserves du musée de Thasos et ct 'autres sont signalés sur les mines de l'île. Ce renouveau d'intérêt pour les mines a entraîné à Thorikos une reconstitution; malheureusement, les exemplaires signalés ne sont pas mesurés 30. La carte que nous avons dressée (carte 8, p. 152) reflète donc l'état archéologique de la recherche. D'autres trouvailles s'ajouteront sûrement à ce premier inventaire. La situation actuelle permet cependant quelques hypothèses : ce type apparaît certainement dès le début du ye siècle, le vte est encore dominé par les meules dormantes, rectangulaires parfois, et les' broyeurs simples 31. La diffusion du broyeur à trémie est particulièrement importante dans la Grèce du nord, les îles et l'Asie mineure, moins développée semble-t-il sur le continent. Il paraît dominant dans le monde grec au rve siècle, et la trouvaille de Kyrénia confirme le rôle des carrières et de la circulation des objets. Son usage se prolonge, parallèlement parfois à d'autres types,jusqu'au (er siècle av. J.-C. au moins, et parfois plus tard (Agora). Cet usage n'est pas limité à la mouture des céréales. En effet, si les trouvailles réalisées dans les maisons, comme à Olynthe ou Priène, celles du sanctuaire d'Ephyra, celles d'Halieis sont manifestement destinées à un usage alimentaire, il n'en est pas de même de celles de Thasos ou du Laurion. Certes, il faut aussi nourrir les ouvriers. Mais le texte d' Agatharchidès sur les mines d'or d'Egypte au 1er siècle av. J .-c., tels que nous le transmettent Photius (26) et Diodore (III, 13), évoque sans conteste un moulin avec un levier (KW7rT/) 32 : « Les femmes et les hommes plus âgés reçoivent alors ce minerai concassé à la dimension de petits pois, le jettent dans les meules, en files nombreuses, deux ou trois personnes se tenant debout à chaque levier le moulent» (le réduisant à l'état de farine); la version de Photius précise « de part et d'autre» (fKarépwl9-Ev) du levier. Il n'est pas impossible que l'innovation soit apparue dans les mines du nord (Pangée, Thasos) et se soit répandue ensuite dans les villes proches. Dans cette diffusion, le rôle des carrières et des fabricants a été fondamental. C.N. Runnels a apporté sur ce point des éléments très pertinents. Elle montre bien que les meules plates d'Argolide sont fabriquées à partir de carrières locales proches, dans l'isthme de Corinthe et le golfe Saronique, en andésite et thyiolite; mais les meules et broyeurs standardisés proviennent de carrières plus lointaines, et en particulier des îles de Nysiros, Mélos, à un moindre degré Egine et Théra 33. Une analyse pétrographique des broyeurs d'Olynthe, Délos et Thasos permettrait, de ce point de vue, d'affiner les conclusions. Mais il est indéniable qu'un fort accroissement de la demande a entraîné une standardisation dans la fabrication et une spécialisation de certains centres de production. r •
28. D.M. ROBINSON (1930), p. 176, 187; (1938), p. 338 sq. W. DEONNA (1938), p. 127 sq. 29. Kyrénia, M. KATZEV (1968), p. 265, 266; (1980), in HUCKELROY, p. 42-43;B.C.H. (1970), Chroniques, p. 223 et 291. Mesures in C.N. RUNNELS (1981), tableau 26, ainsi que celle des trouvailles d'Athènes, d'Halieis et de Corinthe, tableau 25. Il faut y ajouter celle du Laurion, signalée par E. ARDAILLON (1897), p. 62. 30. Sur Ëphyras, S. DAKARIS (1966), p. 114-127; B. c.u. (1966, II), Chronique, p. 562. Pour Thasos, A. MULLER (1979), p. 335338. Pour Thorikos, H.F. MUSSCHE (1974), p. 60. 31. Ce que confirment les fouilles de l'Agora, les représentations des coroplastes et la chronologie de K.D. WHITE (1963), p. 201. 32. Sur l'interprétation de ce texte -et le rôle du moulin d'Olynthe dans les mines, R. HALLEUX (1977),1, p. 143 et 144, et annexe t, p. 191. A. MULLER (1979), p. 337, note 65. 33. C.N. RUNNELS (1984), p. 68. Les meules d'Italie proviennent aussi de l'Etna, Strabon, YI, 269; X, 488; XII, 645. Le trachyte de Mytilène a été noté dans certaines constructions à Pergame, R. MARTIN (1965).
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3) Textes littéraires: Peut-on cerner la diffusion de ce type par les textes? Nous nous heurtons à de seneuses difficultés. En effet, les textes tardifs et les papyrus permettent bien de reconnaître la meule courante, p.vÀo" actionnée par le levier, K.W1I'f/, et reposant sur la Tpa1l'€ra 34. Déjà une première difficulté : celle-ci désigne-t-elle la meule dormante ou la table, indispensable, sur laquelle repose l'ensemble? Le terme de p.vÀf/ semble bien avoir eu à toute époque le sens général de «meule», comme dans notre français, et peut d'ailleurs tout aussi bien désigner une meule rotative 3S ; à l'époque classique, il indique plutôt la meule dormante et l'on voit utiliser l'expression OVO, ciÀETf/' ou 6vo, ciÀ€TWV pour la meule supérieure, dans l'inscription S.E. G. XIII, 13,1. 240, puis chez Xénophon (An., l, 5, 5). Ce dernier parle de fabricants de meules en Mésopotamie, qui gagneraient leur vie, dans un pays déshérité, par cette production. Les lexicographes rattachent en général OVO, ciÀ€Tf/, à la meule supérieure et p.vÀf/ à la meule inférieure 36. L.A. Moritz a montré que ce mot 6vo, ne pouvait être mis en rapport avec des moulins à ânes; de fait, l'identification n'est pas faite par les lexicographes, et c'est p.vÀo, ovuak que l'on trouve tardivement (Math., XVIII, 6) pour désigner, cette fois-ci sans conteste, un moulin à âne 37; et l'expression d'Aristote (Prob., 35, 3) ol OVOV À(,'Jov aÀovTo, montre bien que le mot désigne la partie en pierre, comme il peut aussi désigner un treuil. Mot technique, il est rarement trouvé dans les textes. Lorsqu'Aristophane a une jolie expression pour désigner une meule fraîchement taillée, V€OK.01l'TOV, pour broyer sa colère, il emploie le mot général, p.vÀf/ (Vesp., 648). Nous pensons que les mots ôuo« ciÀÉTf/' ont été utilisés dans les inscriptions pour différencier précisément un broyeur à céréales de type allongé des autres types de broyeurs. Dans l'inscription de Gortyne, il s'agit de ce que l'on ne peut saisir. L'usage disparaît lentement au cours du Ille siècle. Il ne nous semble pas qu'il ait pu désigner précisément le broyeur du type d'Olynthe. Au 1er siècle, celui-ci est appelé dans les papyrus p.vÀo" comme, d'ailleurs, le terme plus général de «pierre meulière », Cette imprécision des termes techniques dans la langue littéraire ne doit pas nous étonner, car il en est de même dans notre propre langue. Meules et moulins désignent indifféremment des instruments de fabrication de la farine ou de l'huile, alors que manifestement ils ont des formes et des modes de fonctionnement radicalement différents. C'est ce qui rend si difficile l'interprétation du terme utilisé par Xénophon dans la Cyropédie (VI, 2,31), XEtpop.vÀaL Notre auteur indique que cet instrument, qui lui semble·donc nouveau, est un des plus commodes, parce que léger. Comme le mot a désigné plus tard le moulin à main rotatif, on en a conclu qu'il évoquait l'introduction de ce nouvel aménagement, et que le moulin manuel rotatif était une innovation grecque. L.A. Moritz s'est élevé avec force contre cette assertion et il est vrai que, jusqu'ici, l'archéologie nous a fourni essentiellement des moulins du type d'Olynthe pour la période classique. Mais éliminer le moulin rotatif ne résout pas le problème d'interprétation du texte de Xénophon. Deux solutions sont possibles: 1. Xénophon désigne le broyeur à trémie manuel, et celui-ci pourrait être en fait une amélioration et une simplification du moulin d'Olynthe, et non son ancêtre 38. 2. Il désigne un ancêtre du moulin rotatif. Prise en effet dans son contexte, la remarque de Xénophon montre qu'il vise à emmener un instrument qui se différencie : des moulins lourds fixes, donc encastrés dans une table, probablement les moulins d''Olynthe ; de la simple pierre de meule avec broyeur qui s'est pérennisée, nous l'avons vu; des mortiers et pilons de pierre. 34. P. BERLIN, IV, 1067; 1,5. «MuÀo, "hjlla(,jKoi lI"~v"" oùv ..pall"~!ia,ç Kai K07Ta,ç (sic) », cité par D.M. ROBINSON (1938), p. 330. Le matériel du Fayoum est en granit. Voir aussi C. HUSSON (1983), p. 175-177. . 35. Ainsi une meule de moulin à huile, Géoponiques, IX, 18, 1; 19,6. 36. « La Souda», équivalent avec meta, Dig., XXXIII, 7; Pollux, VII, 19; Photius, 279, 22; H. BLÜMNER (1912 2 ) , p. 3D, n. J. 37. L.A. MORITZ (1958), p. 10-17. 38. C'est la solution adoptée par L.A. MORITZ (1958), p. 44. Il rappelle, p. 17, qu'un des manuscrits indique simplement /luÀaç. Mais cela ne résoudrait pas la question, car on ne voit pas bien à quels types d'opoyavwv "'''07TOtt"WV Xénophon opposerait ce /luÀaç.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
Avant d'éliminer l'hypothèse d'un moulin rotatif, il peut être bon de revenir sur la chronologie un peu « volontariste» de L. A. Moritz.
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L'APPARITION DU MOULIN ROTATIF
1) Une documentation littéraire ambiguë: Selon L.A. Moritz, le moulin rotatif n'apparaîtrait qu'au ne siècle av. J.-C. Il fonde sa démonstration sur les textes latins, en particulier ceux de Plaute et de Caton, et fixe l'introduction de ce type entre le moment de la mort de Plaute en 184 et celui de la composition du De Agricultura, vers 160. La découverte de moulins rotatifs dans le camp de Numance lui paraît confirmer la chronologie, et il rejette systématiquement toutes les trouvailles antérieures au ne siècle 39. Les trois moulins cités par Caton pour l'équipement de son oliveraie seraient donc: (DeAgr., 10,4 et Il,4)
molasasinarias : moulin à âne, type pompéien mo/as trusilates : moulin d'Olynthe, alternatif mo/as hispanienses : moulin manuel, comme ceux de Numance.
Un point n'a peut-être pas été assez souligné: pourquoi Caton éprouve-t-il le besoin d'avoir trois moulins différents? D'autant que si le premier mot passe bien dans le vocabulaire courant latin, les deux derniers ne seront plus utilisés sinon par quelques copies tardives ;·en particulier Aulu-Gelle (III, 3, 14) qui emploie avec la mola trusilatis le verbe circumagere. On peut évidemment penser qu'AuluGelle se trompe en recopiant Varron dont nous n'avons plus le texte; cependant l'interprétation des fragments de Plaute se rapportant au moulin ne permet pas d'éliminer définitivement l'hypothèse d'un moulin rotatif qu'il aurait connu dès sa jeunesse, donc vers 200 av. J .~C. 40. Mais ce que la variété des termes utilisés par Caton confirme, c'est que la période où il compose son ouvrage correspond pour l'Italie à l'introduction de types nouveaux; de ce point de vue, la démonstration de L. A.Moritz est convaincante et recoupe les données de Pline. C'est dans la première moitié du ne siècle av. J .-C. que le moulin rotatif est introduit en Italie, et c'est selon toute probabilité en Italie qu'il est adapté à l'âne, devenant le type que nous voyons illustré si largement, et dont Pompéi nous a fourni une abondante documentation. Mais ce qui est vrai pour la mola asinaria l'est-il des autres moulins? L'évolution de l'Italie est-elle celle de la Méditerranée? 2) La documentation archéologique (planches 24, 25) : L'archéologie nous permet de mieux cerner la diffusion de cette innovation que sera le moulin rotatif, et les tâtonnements qui l'entourent. Il faut d'abord bien distinguer les types: a) Le type pompéien, dont la meule est en forme de coquetier: 1. de petite dimension, actionnée à la main; 2. de grande dimension, actionnée par un âne. bl Les meules cylindriques: 1. à forme conique très accentuée; 2. à forme cylindrique aplatie, moulin manuel simple moulin manuel démultiplié.
39: Démonstration menée p. 62·121. Un exemplaire à Olynthe lui paraît être un gond, une meta, à Motyé (détruite en 397),l'exception lui confirme la règle. p. 55 (cf. quelques critiques sur ce point dans les recensions de son livre,J.R. S., 1961, p. 257 ; Gnomon, XXXI, 1959, p. 371-373). 40. En particulier de l'Asinaria, dont la date est discutée.
LA TRANSFORMATION DES CeReALES
Figure 23. - La meule manuelle rotative. a) Type pompéien à la main, actionné par un âne. b) Meules cylindriques simples en fonctionnement au Hoggar. Cliché M. GAST. 1968.
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C'est sur la forme b 2 que l'engrenage du moulin à eau s'est fixé, tandis que le type pompéien disparaissait. Mais si l'on a abouti à deux lignées différentes, au départ al et b l sont très proches, sans anille, ils doivent faire mouvoir la meule supérieure sur une meule dormante fortement conique. Ils sont lents. Une récente découverte à Byrsa, en Tunisie, nous montre le fonctionnement de ce moulin «prépompéien», que nous avons classé al' Les découvreurs ont eu la chance de mettre au jour la meule dormante en place et de pouvoir ainsi restituer la pièce. Ce moulin se distingue de celui qui fonctionne à Pompéi, puis en Italie avec un âne, non seulement par sa petite taille et par l'absence de ferrures sur la meta, mais aussi par le système d'attache et la faible hauteur utile de la meta, en partie enterrée. Il est impossible de le faire fonctionner par un âne, c'est un moulin manuel semi-alternatif, que des esclaves devaient manœuvrer. On s'explique ainsi le texte de Plaute qui avait conduit Moritz à refuser d'y reconnaître un moulin de type pompéien. Nous sommes donc là dans un système de transition entre mouvement de va-et-vient et mouvement alternatif 41. Ces tâtonnements apparaissent, semble-t-il, dès le Ille siècle, et même dès la fin du Ne, car D. White avait trouvé des moulins très proches à Morgantine, et sa datation est très assurée: l'un au moins est du me siècle (entre 270 et 203), et certains pourraient dater du Ive siècle 42. A Délos, inversement, on trouve, malheureusement mal datés, un moulin de petite taille et un moulin conique dont le cône est très accentué. En Espagne aussi et en Grande-Bretagne des moulins de type b l apparaissent avant la conquête romaine. Tout se passe comme si l'on avait, dans la période comprise entre le Ive et le 1er siècle av. J.-C., dans des régions différentes, des essais qui conduisent au moulin rotatif, mais le vocabulaire, même dans les papyrus, est de peu de précision 43. 3) Une mise au point lente: Il est d'ailleurs caractéristique que le moulin rotatif, sur un mode différent, apparaisse aussi en Chine au 1er siècle av. J.-C. 44. Il faut renoncer à l'inventeur génial, mais aussi sans doute à une seule région d'innovation. Il est notable que les Grecs eux-mêmes étaient incapables de formuler sur ce point même des hypothèses, et que les mythes rattachés à l'invention de la meule en général sont tardifs et de peu de relief 45. Pline attribue la diffusion du moulin à l'Italie, et il semble bien que le moulin pompéien adapté à l'animal se soit en effet largement diffusé en Italie même. Il était bien adapté à l'écrasement .du blé tendre car l'écartement des meules, que l'on pouvait régler, évitait l'écrasement précoce du son. Cette adaptation ne semble pas une innovation grecque, car les moulins de type pompéien à âne sont tardifs en Grèce, et la fidélité à la meule d'Olynthe et au mortier a été longue. Cependant, avant cette adaptation, nous voyons le monde carthaginois jouer un rôle non négligeable dans les tâtonnements précédant les mises au point. A Motyé peut-on vraiment rejeter la meta retrouvée dans la ville détruite en 397 ? Byrsa, pour le ne siècle, nous indique des tâtonnements encore importants. C'est à Numance enfin que l'on a retrouvé les premières meules rotatives de la Méditerranée. Le broyeur d'Olynthe était connu aussi à Kerkouane (planche 22). li faut bien comprendre que nous jugeons l'intérêt de l'innovation par rapport à la postérité: le moulin à eau. Mais les premiers moulins rotatifs manuels, encore lourds, sans anille, ne sont pas plus rapides que les broyeurs à trémie. Par contre, ils sont plus difficiles à tailler. Le rôle des carriers et de la standardisation des meules, une fois un type adopté, explique sa diffusion et son maintien dans une région donnée. C'est à titre d'hypothèse que nous présentons au chapitre XI une chronologie. Elle n'exclut pas que le XELP0fJ.,YÀ71 conseillé par Xénophon ait été un des premiers moulins rotatifs manuels. Mais il ne 41. S. LANCEL (1982), p. 85-103; fouilles de 1977. 42. D. WHITE (1963), p. 204-205. 43. CURWEN (1937), p. 133 sq.; G. CHILDE (1943), p. 19-26. En Égypte, un moulin à âne et des ~T)xa"ai b.ÀT)Tu
LA TRANSFORMATION DES CEREALES
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nous semble pas que cette innovation ait pu prendre naissance en Grèce. Si le monde égéen a été le centre de l'innovation et de la diffusion du broyeur à trémie, c'est plutôt vers Carthage et la région syro-égyptienne qu'il faut chercher les premiers tâtonnements sur le moulin rotatif. Avec un peu de retard, et peut-être indépendamment, ceux-ci se sont diffusés dans l'Occident préromain. C'est à . l'Italie qu'il faut accorder l'adaptation du catillus à âne et la large diffusion de ce type. Aux soldats romains enfin la diffusion du moulin manuel rotatif avec anille .
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DE LA FARINE AU PAIN
Les instruments que nous venons d'étudier pour la Grèce - mortier et pilon, moulin d'Olynthe, peut-être le tout début d'un moulin manuel conique - fournissent des moutures simples et sans doute uniques. Nous avons vu que le grain peut être précuit, et l'éD\.plTa avait une physionomie différente de l'aÀ€vpa plus douce. Mais toutes deux peuvent être fabriquées à partir de la meule simple, comme du moulin d'Olyilthe. La première nécessite pour l'orge un passage préalable au pilon et plusieurs grillages. On peut toutefois ensuite améliorer la composition des farines par blutage. Le Régime d'Hippocrate précise bien qu'il existe de la farine Kai1apoc:, donc blutée, du pain OV'YK0I.I.WTOc: de farine non blutée, et même des pains de son qui supposent donc que celui-ci soit isolé. Evidemment, plus le grain est écrasé, plus le son l'est aussi. La farine blanche suppose un réglage de l'écartement des meules qui permette de ne pas écraser complètement le son en même temps que la farine de blé. Cette amélioration n'apparaît qu'avec certains moulins de Pompéi et les petits moulins rotatifs à anille. Nous ne pouvons pas, pour notre période, trouver des degrés de farine aussi divers que ceux qu'évoque Pline. Lorsque .le crible intervient; il ne peut séparer suffisamment le son que si les gruaux restent assez importants. La farine de blé contenait forcément une part de son que même les cribles fins ne pouvaient pas dégager 46.
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LES CRIBLES,COMPU:MENTS INDISPENSABLES, KOl:KINON,KPHl:EPA, AAEYPOTHl:IC (planche 16)
Le plus ancien crible dont nous ayons la représentation est celui qu'illustre la petite statuette d'argile chypriote provenant de Kourion. Le crible est placé à côté de l'ouvrier qui broie. De même, sur le vase hellénistique du Louvre dit «bol homérique», un homme tamise la farine à côté du meunier. Bien qu'il ne soit pas exclu que ces ouvriers nettoient une dernière fois le grain avant le passage à la meule, il est plus logique de penser qu'il s'agit d'un véritable tamisage: la farine plus fine passe à travers les trous et est recueillie dans une vasque, tandis que le son reste dans le tamis. On voit de même un tamis dans la boulangerie illustrée sur les modèles en terre cuite de l'Acropole (planche 28). Forme, matériaux et prix des cribles varient suivant leur usage. Le mot KOOKlVOIJ a fini par l'emporter, et dans l'édit de Dioclétien les qualificatifs associés précisent la taille comme la matière: cuir, peau, textile (15, 60, 66) des sept cribles énumérés. On trouve dans le monde grec quelques noms qui désignent plus précisément les bluteaux pour la farine, en textile: Kpf/oÉpa, àÀ€VPOTTf/OlC:. Chez Aristophane?" apparaissent deux mots : Kwaxvpa, aipomuov ; peut-être créés par lui, pour désigner le sassage soit après le décorticage, soit avant la mouture. Il existe aussi des cribles pour les légumes. Le crible est un instrument très commun. Il apparaît dans l'inscription des Hermocopides à côté des meules et pilons (SEC XIII, V, 81). Le prix semble peu élevé; dans une inscription de Délos (lG XI, 2, 1594, l. 40) 46. D.A. AMYX (1958), p. 259; R.E. (1922), XI, 2, 1483-1484, K6aKLlIoll; H. BLÜMNER (1912), l, p. 49-55. 47;' Aristophane, Eccl., 730, frg. 480; Pollux, VII, 110, 160.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
il atteint 1 drachme 2 oboles. Cependant les grands cribles, sur lédit de Dioclétien, valent 200 à 250 deniers, autant qu'un araire. On peut regrouper la fonction des cribles en trois classes : .. les cribles de l'aire, de grande taille, en général en cuir; ils sont utilisés en complément ou en remplacement pour achever la séparation grain et balle; .. les cribles du mondage, utilisés aussi pour les légumes à cosse; ils interviennent après le grillage et le décorticage pour séparer grain et balle; on peut aussi utiliser un petit van, le À[K.VOV, et c'est ce qui explique l'importance de cet objet rituel, peu employé dans le battage (cf. ci-dessus, p. 106), mais qui est lié à l'usage du pilon et du mortier, et donc de l'orge; .. les cribles utilisés après la mouture, nos bluteaux, pour obtenir une farine plus ou moins «aôapo«,
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DES CONTENANTS AUX USAGES VARffiS (planche 28)
Une fois la farine achetée, et nous avons vu qu'il s'agissait d'aÀ€vpa et d'aÀIj?LTa, ou fabriquée sur place dans la campagne, on la conserve à portée. Dès Homère, Télémaque va chercher dans le cellier le précieux produit (Od., II, 344). Il l'emportera dans un sac de cuir, Sopô«. Théophraste (apud Porphyre, 15, 1) nous évoque encore le paysan offrant au dieu de la pâte tirée de sa besace, 1Ti/pa. A la maison, la farine est conservée dans des jarres en céramique, et il semble que la OL1Tl)T/ puisse être illustrée par quelques trouvailles archéologiques aussi bien que par un vase où on la voit posée sur une étagère. Dans les navires, c'est le T€VX0C; en bois 48. A Athènes, Aristote tŒc., VI, 2) nous le rappelle, on ne fait pas de grandes provisions d'avance. Mais pour fabriquer la pâte, Ij?vpap.a, on va utiliser d'autres contenants; peut-on restituer l'équivalent de nos pétrins? La préparation de la p.a.ta suppose, nous l'avons vu, un pétrissage efficace à la main. Le pain levé doit reposer de une à vingt-quatre heures. Dès lors que l'on en prépare une certaine quantité, le récipient qui sert au pétrissage sert aussi à laisser reposer la pâte, et il doit être assez profond. C'est le rôle de nos pétrins de boulangers. Les instruments dans lesquels on pétrit la pâte sont appelés P. DXTPa, K.ap501TOC;, OK.dIPT/, p.œyic;, et les références littéraires confirment cet usage 49. Archéologie et coroplastie nous permettent de distinguer deux grands types: A) la forme oblongue, «en baignoire», proche de nos pétrins de bois, mais qui semble uniquement fabriquée en céramique; B) la forme sphérique : la vasque étant souvent posée sur un trépied. L'archéologie nous a fourni des objets de ce genre en pierre. Il n'est pas toujours facile, ni même possible, de les distinguer des mortiers. D'ailleurs Pollux donne l'équivalent de ôoéio. et K.ap501TOC;, ce qui tend à en faire deux récipients ronds. La stèle des Hermocopides nous fournit des indications de prix et de matériaux pour le K.ap501TOC;, objet très courant (SEC XIII, 13) : trois pétrins en céramique (L. 9-10; 229-230; 103) : 2 drachmes chacun; trois pétrins en pierre (L. 4-5 ; 11-12; 231-232) : 7 drachmes 2 ou 5 oboles chacun; deux bases de pétrin (L. 32-34) brisé: 1 drachme 3 oboles; pour pétrin brisé (sans indication de matériau) : 6 drachmes 3 oboles.
48. D.A. AMYX (1958), p. 195-197, pl. 48 a; B.A. SPARKE (1962), pl. IV, 1. Sur les navires, Xénophon, An., VII, V, 14, et Hel., l, VII, 11 : aux Arginuses, un naufragé se sert d'un 'T€VXOç à 1I.OP{1"WV. 49. D.A. AMYX (1958), p. 239-241; Aristophane, Ran., 1159; Nubs., 1248; Platon, Phaed., 99 B (Kaplio1roç); Aristophane, Plut., 545; Ran., 1159; Xénophon, Œc., 9, 7 (~6.K1"pa). Cf. aussi H. BLÜMNER (1912 2 ),1, p. 61.
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On pourrait donc rapporter le mot l.uJ..K7pa plutôt à la forme oblongue, Kéz,p~o1roc: désignant la forme B, mais avec une grande variété de types: bols de céramique, vasques de pierre sur trépied plus ou moins profonde. La frontière avec les mortiers peut être esquissée, mais sans trop de rigueur: • Sur les statuettes, les pétrins ont une vasque moins profonde que celle des mortiers, leur hauteur totale est légèrement inférieure. • La différenciation n'est pas non plus toujours évidente entre le travail du broyeur sur une meule et le pétrissage. Quelques figurines nous paraissent plutôt appartenir à ce dernier (et naturellement le petit groupe béotien où l'on distingue bien plusieurs pains, ou maza, devant chaque ouvrière). Nous avons vu que les prix diffèrent en fonction du matériau: la pierre est quatre à cinq fois plus chère, ce qui est bien naturel, mais au total ce n'est pas prohibitif. Le pétrin est un instrument très commun, légèrement moins cher que le mortier. La maza peut ensuite être servie sans cuisson, dans le KaV€OV (Kavoüv en attique) ou la omipi«, corbeille d'osier, ou sur un plateau où on peut la découper, lJ.a~ovolJ.oJ), lJ.a~of3oÀ-LOV. Pour les bouillies, la marmite traditionnelle, la XV7pa, est l'instrument classique. •
LA CUISSON
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Nous avons vu apparaître dans les types de pains définis par Hippocrate des modes de cuisson différents (cf. ci-dessus, p. 127). Ils nous permettent d'énumérer les différents instruments en usage à la période archaïque et classique: broches: brasero: étouffoir, cloche à cuire : vase à cuire : four:
O(3EXoi ~axcipa 1T1I''Y EtX;
Kpi{Xwo<: ou KXi/3aIlOC; l 1T1I0c;
L'archéologie, et en particulier les trouvailles de l'Agora d'Athènes, a permis d'illustrer la forme de certains de ces objets, et la coroplastie nous en donne plusieurs exemples. La permanence de certains modes de cuisson en Méditerranée orientale permet de différencier plusieurs types: 1) Lesof3€À-oi:
Les of3€À-oi sont bien connues. Elles servent aussi au transport de la viande. On en a retrouvé dans les fouilles, ainsi que les porte-broches sur lesquels elles sont posées. Nous avons des exemplaires de ces derniers dès l'âge du bronze 51. 2) Les eoxapa (planche 18) : Les eoxapa ont des formes diverses qui ne cesseront de se compliquer jusqu'à la période hellénistique. Instrument de l'intérieur, qui sert à conserver les plats comme à apporter de la chaleur dans les habitations, le brasero de céramique adopte à l'époque classique deux types principaux : l'un est creux, on place dessus un récipient de céramique directement touché par les braises; l'autre a la partie supérieure plate, elle peut recevoir la pâte, ou une poële, ou une petite marmite. Sur ces braseros on place facilement la À-01rac: qui peut servir aux galettes et à certains gâteaux, ou le Ta'Yl1vov qui paraît plus tardif; rarmvtas: est le nom d'un gâteau fait à la poële. 50. H. BLÜMNER (1912'), l, p. 67-70; D.A. AMYX (1958), p. 230; B.A. SPARKES (1962), p. 128-129; J. ANDRt (1981'), p. 67-68; fM. FR,4.YN (1978), p. 28-33. Intéressante étude de l'évolution des formes des récipients céramiques de cuisson à Olbia chez M. BATS (1985), p. 221-228 et sq. Un nouveau type de support en céramique sur trépied mobile a été mis en valeur dans certaines fouilles, Y. GRANDJEAN (1985), p.277; voir notre planche 27. 51. S. MARINATOS (1974), IV, p. 13. Pour la viande du sacrifice et les obeloi, G. BERTHIAUME (1982), pl. 6.
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3) Le
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE 1TVL'Y€VÇ
(planche 27 et figure 19, p. 121):
Le 1TVL'Y€VÇ correspond au testu du texte de Caton et du Moretum. Le principe de cuisson est celui du tabun d'Israël 52 : par terre ou sur une assiette on fait un feu avec de fortes braises. On pose la cloche dessus jusqu'à ce qu'elle soit très chaude. On la soulève et on repousse rapidement les braises. On pose la cloche sur le pain à cuire, parfois on l'entoure de braises. Il est ainsi cuit à l'étouffé. Caton nous donne une recette de tourte confectionnée avec des feuillets de pâte et du fromage (Agr., 74). On a retrouvé dans les fouilles de l'Agora d'Athènes de petites cloches en céramique, marquées par le feu, qui correspondent à cet usage. 4) Le
K.p(~avoç
(planche 26) :
Le principe du K.p(~avoç est différent : il s'agit de la fabrication de pâtes que l'on colle sur les parois d'un instrument, chauffé préalablement. Elles cuisent en quelques minutes. Les textes latins, qui donnent l'équivalent, clibanus, sont précis sur ce point. Ce mode de cuisson est apprécié et donne des pains légers 53. Ces techniques se sont conservées en Méditerranée orientale sous deux formes : soit sous forme de pâte à crêpe sur un couvercle convexe de métal, le saj, soit dans un récipient de céramique à demi enterré, le tanur 54. Une description récente de ce dernier mode de cuisson, que A. Leroy-Gourhan avait déjà reconnu, nous permet d'en comprendre toutes les implications. Dans le Sahel, X. Thyssen a vu la fabrication de ces fours, confectionnés par des femmes, en colombins d'argile crue, et vendus à un prix très modique. On enterre l'instrument à demi dans la cour; il ne dure que deux ou trois ans. Le pain est fait par les femmes. La pâte, allongée d'un peu d'huile d'olive, est mise à lever une heure à une heure et demie. Les pains sont préparés en boules, aplaties au dernier moment. Le four est vigoureusement chauffé, puis on éteint les braises avec de l'eau. On obstrue l'entrée latérale et on tapisse la paroi de galettes. Elles sont cuites en quelques minutes et consommées avec de l'huile d'olive 55. Cette méthode est pratiquée sous une forme un peu différente dans l'Égypte antique. Là, ce sont souvent des vases indépendants qui sont chauffés, à l'intérieur de chaque exemplaire est introduit un pain. Mais à Karanis à l'époque romaine, on trouve plusieurs fours de grande taille dans les cours; à Khorsabad, les fouilles anciennes avaient mis au jour une boulangerie avec deux fosses à cuire. La techniqueparait donc orientale. Dans les fouilles récentes d'un quartier domestique à Thasos, un four de ce type pourrait être reconnu dans une cour 56. Le mot apparaît chez Hérodote (II, 92), à propos de la cuisson de la partie inférieure du roseau de papyrus en Égypte, qui nécessite un K.À(~avoç. Il est utilisé par les Comiques, et l'on doit avoir sa forme présente à l'esprit pour saisir le sens de leurs plaisanteries. Ainsi, lorsqu'Aristophane plaisante sur le bœuf cuit au K.À(~a voç, la traduction par «four», qui peut évoquer pour nous un four de boulanger, amoindrit le côté parodique de son image (Ach., 86, V, 1153). 5) L'l1Tvoç (planche 27) : Le four, c'est l'l1TVOÇ, dont nous avons plusieurs représentations dans la coroplastie. Les fouilles de l'Agora d'Athènes nous ont restitué un exemplaire, de petite taille, ce qui correspond bien aux représentations, et en deux parties, permettant une circulation de l'air chaud. C'est celui qui est utilisé pour le pain levé 57. La partie basse serait 1'€1TWTaT77ç à laquelle fait référence Aristophane (Av., 43 b). 52. B.A. SPARKE (1962), p. 128; S. AVITSUR (1975), p. 239-240; Aristophane, Nub .. 96, Av., 1001; 1. ANDRf: (1982), p. 67, qui semble cependant mettre sur le même plan le principe du 7rV~'Y€VÇ et du "piilavoç, J .M. FRAYN (1978), p. 28·33. . 53. Lucil., 1250-1251; Festus, 126, 11 ; Athénée, 110 b c, 113 a b. 54. S. AVITSUR (1975), p. 267; C. BROMBERGER (1982), p. 81-82; A. LEROY-GOURHAN (1945 et 1973), p. 157; H. DESMET (1980); M. GAST (1968), p. 348. 55. X. THYSSEN (1983), p. 180 sq.; cf. aussi C. BROMBERGER (1974). 56. Ces techniques apparaissent dès le Ille millénaire dans la tombe de Ti et se maintiennent au Nouvel-Empire: P. MONTET (1925), p. 230-256; 1. VANDIER (1964), t. IV, p. 278-293; Khorsabad, PLACE (1867-1870); Karanis, A.E.R. BOAK, E.E. PETERSON (1931), p. 34; Thasos, Y. GRANDJEAN (1984). 57. Fouilles de l'Agora d'Athènes, P. 14165 et P. 2116, B.A. SPARKES (1962), p. 128, fig. 2; Hérodote, V, 92, 7; Aristophane, Vesp., 139, Av., 436, Pl., 815; Antiphanes, KO<7I<., II, 83.
LA TRANSFORMATION DES CEREALES
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A la même époque, les fours de potiers comme les fours des métallurgistes peuvent avoir des dimensions beaucoup plus importantes et un conduit pour la fumée. Les fours romains sont de taille un peu plus élevée, mais ne diffèrent pas beaucoup dans leur principe des fours de campagne en pierre, dont l'usage s'est prolongé jusqu'à nos jours. L'allumage de ces fours actuels est lent, il faut chauffer presque une journée, ensuite la chaleur dans la pierre se conservera pour plusieurs fournées. Il n'en était pas de même avec des petits fours grecs, portatifs souvent. Faits en argile, ils chauffaient vite, coûtaient peu cher, et se remplaçaient facilement. Le mot IpOVPVOç qu'emploie Athénée (III, 113 c) pourrait désigner l'équivalent du four romain stable tel qu'il est illustré sur les sarcophages de boulangeries. Mais cela ne correspond pas à la réalité grecque des temps classiques. Les fouilles d'Olynthe confirment ce que nous apprennent les trouvailles de l'Agora d'Athènes, et les illustrations. Four, brasero, broches sont en céramique, sans installations fixes. UN EQUIPEMENT LEGER:
C'est sur ce point qu'il nous faut conclure ce chapitre. En Grèce, pas plus la cuisine que la meunerie ne demandent à l'époque classique un équipement lourd et dispendieux. La totalité des instruments de cuisine peut être en céramique, d'un faible coût. Certes, ils peuvent se briser mais on les remplace. De petites dimensions, ils sont tous portables, on les emmène dans la cour sans difficulté et une grande partie du travail, comme aujourd 'hui, peut se faire à l'extérieur. Les objets de pierre existent, essentiellement pour broyer les céréales, mortiers et meules; de prix plus élevé, ils ne sont cependant pas prohibitifs; à l'époque de la guerre du Péloponnèse, ils équivalent à un demi mois de travail au maximum, leur durée étant évidemment longue. La durée d'une meule à grain manuelle est de 15 à 20 ans. On ne s'étonnera pas, dans ces conditions, que le monde grec n'ait fourni ni boulangerie, ni cuisine, comme Pompéi où certaines fouilles romaines peuvent nous en montrer des exemplaires sa. Cela ne veut pas dire qu'elles n'existaient pas, mais leurs traces ont peu de chances de subsister. C'est encore l'iconographie qui est notre meilleur guide sur ce point. Cependant les rares documents que nous possédons nous paraissent illustrer des scènes religieuses, en particulier les terres cuites du musée d'Athènes et du musée du Louvre (planche 28); les personnages debout, encombrés de gâteaux de toutes tailles, peuvent difficilement s'interpréter autrement que comme des représentations de déesses. De ce point de vue, nous ne pensons pas que l'on puisse utiliser la date haute de ces terres cuites pour en conclure qu'il existait des boulangeries à Athènes à cette époque. Il existait des fours et probablement du pain levé, si l'on suit notre interprétation du pétrin, mais rien ne prouve que l'on ne faisait pas le pain chez soi. C'est au cours du ye siècle que l'on voit apparaître le pain vendu, encore faut-il se rappeler qu'il ne s'agit pas forcément de pain levé, et que la maza, toujours faite à la maison, joue encore un rôle fondamental. Ces données doivent être soulignées lorsque l'on appréhende l'évolution de la meule. 11 n'y a pas lieu de s'étonner d'une mutation qui nous paraît lente. C'est le contraire qui serait étonnant. Le broyage au pilon était indispensable pour l'orge et donnait des gruaux de meilleure qualité pour la maza. La meule à trémie d'Olynthe était déjà une transformation importante. Elle ne supprimait pas le travail de mondage et de grillage de l'orge; elle n'était donc qu'un instrument parmi d'autres, relativement cher, et pénible à l'usage. Le moulin rotatif au début est aussi pénible, et pas forcément plus efficace. Ce n'est que lorsque l'on peut y atteler un âne que l'on gagne de la main-d'œuvre, et cette adaptation s'effectue lentement. Le développement des boulangeries artisanales, que nous envisagerons au chapitre Xl, s'effectue avec les mortiers à monder, le broyeur d 'Olynthe, les petits fours en céramique, en cloche ou semi-enterrés. La fabrication à la maison, avec les mêmes instruments, était dominante.
58. B.l.B. MAJESKE (1972), pour leur recension complète.
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CHAPITRE VII LA FABRICATION DE L'HUILE DANS LA GRÈCE CLASSIQUE
La fabrication de l'huile en Grèce n'a pas entraîné autant de travaux de recherches que celle du vin. Il est vrai que les documents sont beaucoup moins nombreux : Dionysos, maître du pressoir à vin, tient une place que le modeste Aristée, inventeur du moulin à huile, ne peut lui ravir 1. Cette disproportion n'est pas propre à la Grèce antique. Nous avions souligné combien l'olivier tenait un rôle modeste dans les ouvrages d'agronomie moderne. Le montpelliérain Olivier de Serres ne lui consacre que sept pages, pour quatre-vingt dix-neuf à la vigne, dans l'édition de 1600 du Théâtre d'Agriculture et Mesnages des Champs, et la grande Encyclopédie de Diderot est aussi fort peu prolixe 2. Cependant, nous possédons une documentation de premier ordre avec les agronomes latins, et surtout Caton : les fouilles de Campanie ont permis de lui donner des répondants en archéologie, et les enquêtes sur les découvertes de pressoirs romains ont pu compléter, par des recensions récentes, les articles des grands dictionnaires; cependant, la Grèce reste sacrifiée 3. Ce n'est pas un hasard, notre documentation littéraire est particulièrement faible, et l'apport des Géoponiques reste très tardif et ne change pas fondamentalement les données fournies par les agronomes latins. On a donc eu tendance à transposer pour le monde égéen le tableau issu des descriptions de Caton, en prêtant d'ailleurs; à la suite de Pline, au monde hellénique l'invention d'un pressoir à arbre et à vis et, en fonction de l'étymologie, l'invention du broyeur. En somme, source des inventions les plus importantes sur le moulin, productrice et exportatrice d'huile, la Grèce semble étrangement silencieuse sur cette denrée précieuse. Certes, on peut glaner des références sur la fabrication de l'huile à parfum chez Théophraste (De odor., 1. Athéna est certes la déesse de l'olivier, mais on ne la voit pas surveiller la fabrication de l'huile comme Dionysos le foulage du raisin. L'attribution de l'invention du moulin à huile est tardive, «oleum et trapetas» (Pline, VII, 199). Cicéron parle aussi de l'olivae inventor. Traditionnellement le fils d'Apollon et de Cyrène, particulièrement honoré en Arcadie et à Cyrène, était crédité d'un bon nombre de c.onnaissances agraires: l'art de la laiterie, l'élevage des abeilles mais aussi d'inventions, comme le filet de chasse. 11 est appelé, par Pline, Athénien, ce qui permet de mieux justifier cette nouvelle technique. La découverte à OIbia, à quelques kilomètres d'Hyères, d'un sanctuaire agraire grec rempli d'offrandes qui lui ont été dédiées permet de mieux comprendre une attribution qui témoigne d'un rayonnement de son culte plus grand parmi les Grecs d'Occident que la tradition classique n'aurait pu le faire penser: 1. GIFFAULT (1985). Cependant aucune représentation réellement identifiée par inscription sur le plan iconographique n'est connue. B.F. COOK, LIMe, II, 1,606. 2. M.C. AMOURETTI (1982), p. 84 sq. 3. H. BLUMNER (1912), r, p. 332·364; D.A., Olea, Oleum, IV, 1 (1907), Torcular, V (1919); R. E., Oleum, XVII, 2 (1937); Torcular, Vinum (1937). Le travail fondamental reste, centré sur le moulin à huile, celui de A.G. DRACHMAN (1932), et son analyse des sources antiques (1964). Par contre, R.J. FORBES (1963) est décevant, vol. Ill; K.D. WHIT.E (1975. 1984) fait une synthèse de ces anciennes sources. On trouvera une recension des découvertes archéologiques romaines récentes in' P. MORRIS (1979), J.J. ROSSITER (1978) pour l'Italie; J.P. BRUN (1982) pour la Provence; O. CALLOT (1979) pour la Syrie du Nord; M.C. FERNANDEZ CASTRO (1983) pour l'Espagne; P. LEVEAU (1983), H. CAMPS·FABRER (1985) pour l'Afrique du Nord. Pour la Grèce,la seule étude d'ensemble récente sur les pressoirs à huile est celle de H.A. FORBES (1978); sur les pressoirs à vin de Délos, Ph. BRUNEAU et Ph. FRAISSE (1981, 1984); sur ceux du Bosphore, F. V. GALADJEVIC (1971).
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GR~CE ANTIQUE
22), et Dioscoride (I, 95), mais si Hippocrate cite parfois l'huile d'olive comme base de remèdes, il est muet sur sa fabrication. A part l'anecdote célèbre de Thalès de Milet monopolisant les pressoirs de sa ville (Aristote, Pol., Il, 1559 a), les indications glanées concernent la vente de l'huile, non sa fabrication 4. Or les méthodes de fabrication sont plus diverses qu'on ne pourrait le penser, mais souvent difficiles à recenser : agronomes antiques et modernes s'intéressent aux méthodes « de pointe» et n'éprouvent pas le besoin de décrire des coutumes révolues ou méprisées. Là encore, l'ethnologie sera d'un grand secours, bien que les enquêtes soient moins nombreuses que celles qui concernent l'alimentation céréalière 5. Mais nous serons amenée aussi à utiliser les sources italiennes concernant la fiscalité et les références indirectes des agrcnoesesdu XVIIIe siècle, de Provence et d'Italie. Cependant, la diversité des méthodes de presse répond à un certain nombre d'impératifs liés au fruit lui-même.
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LA FABRlCA TION DE L 'HUILE, LES CONTRAINTES
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LESCOMPOSANTS DE L'OUVE
A la différence du vin, l'huile d'olive ne subit aucune transformation chimique dans ses méthodes de fabrication: le problème est d'extraire le liquide du. fruit où il se trouve et de l'isoler des autres composants. Les opérations sont mécaniques. A mesure que l'olive mûrit, la proportion des lipides augmente (jusqu'à 58 %), tandis que celle de l'eau diminue. Comme l'avait bien vu Théophraste (C.P., l , 19, 13), à partir d'une certaine date cette proportion ne change plus, même si la chair peut encore grossir. Plus l'olive se dessèche, plus elle perd son eau et finit par rancir. Il est très important de bien connaître la période optimale, qui varie suivant les espèces, mais se situe environ un mois avant et un mois après le passage au noir. C'est durant cette période qu'il faut choisir sa date de récolte pour l'huile. •
LA PREPARATION DES OLIVES AVANT LE BROYAGE
Le problème de la conservation des olives avant la fabrication se pose sur plusieurs plans: ..
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Il faut avoir suffisamment d'olives à presser pour mettre en route le moulin. Dès lors, pour le petit exploitant qui ramasse à mesure, et même pour le gros qui doit tenir compte de l'étalement de la maturation, il faut pouvoir conserver les olives sans qu'elles s'abîment. Lorsqu'on a trop d'olives, le problème se pose en sens inverse: il faut que les moulins soient assez nombreux. Le cas était fréquent en Provence, de propriétaires obligés d'attendre, au risque de voir se perdre leurs olives. Les Agronomes au XVIIIe siècle incriminent souvent les Banalités, et la pression des Communes est forte' pour obtenir leurs propres moulins 6. Dans tous les cas, il faut prendre un tour et prévoir quelques moyens de conservation. Le cas existait en Grèce antique, puisque Thalès de Milet, ayant prévu une récolte importante, a pu faire une opération financière en monopolisant les moulins (Aristote, Pol., l, Il, 1259), C'est parce que les olives risquaient de se gâter que sa position était forte.
4. Recensions textuelles; H. BLUMNER (1912'), p. 357 et les articles cités au début de la note 3. Sur la vente, E. WILL (1962), Y. VELIRASSOPOULOS (1980), Ph. GAUTHIER (1982), p. 275, et la communication de P. VALAVANIS, «Les amphores panathênaïques et le commerce athénien d'huile» au Congrès international sur les amphores, Athènes, 1984, à paraître. 5. C'est à H. CAMPS-FABER (1953) que l'on doit la première comparaison systématique entre pressoirs antiques et contemporains en Afrique du Nord. Les travaux d'A. CASANOVA (1966,1968,1974) sont fondamentaux pour la Corse. R. CRESWELL (1960) pour le Liban. D.A. SORDINAS (1971,1974) sur Corfou. 6. A. CASANOVA (1978), Introduction au mémoire de BERNARD (1786); M.C. AMOURETTl, G. COMET (1985), p. 113 sq.
LA FABRICATION DE L'HUILE DANS LA GRÈCE CLASSIQUE
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Cependant, beaucoup d'agriculteurs, de l'Antiquité jusqu'à une époque récente, tendent à retarder au maximum l'envoi à la presse : une grande partie de l'eau de végétation étant écoulée, ils ont l'illusion qu'un décalitre d'olives fournit davantage d'huile. Cette illusion a été combattue par tous les agronomes depuis Caton (LXXIII) et Columelle (XII, 52) jusqu'à nos jours ''. Cependant, on peut avoir intérêt à faire macérer les olives : elles perdent ainsi la plus grande partie de leurs margines, la peau s'attendrit, le pressurage est plus facile, le paysan contrôle alors mieux le total d'huile qui sort du moulin à son compte.
Dans les trois .cas, les techniques de conservation se recoupent: on met du sel pour éviter la moisissure, et surtout on foule légèrement les olives, avec un bâton ou aux pieds; la couche huileuse qui recouvrira le tas le protégera à son tour. Contrairement aux conseils des agronomes qui prônent l'étalement des fruits sur la claie (l/;iaiJoc;), s'est pérennisé longtemps l'entassement des olives dans des bacs ou des cuves maçonnées assez profondes où on les faisait macérer 8. Les fruits avaient évidemment ensuite un goût âcre, et une acidité marquée. Mais l'attachement à cette technique nous est bien expliqué par l'agronome Laure, qui n'avait rien d'un esprit routinier ou ignorant mais qui, habitant dans le Var au xrxe siècle, était beaucoup plus conscient des intérêts des petits paysans. « Certes, dit-il, une huile faite avec des olives portées au pressoir quelques jours après la cueillette, à peine noires, est meilleure, mais je n'ai pas trouvé d'acheteurs au prix de revient. J'ai donc tout intérêt à utiliser des olives plus noires, suffisamment macérées, qui me donneront une huile âcre, mais qui ne me revient pas cher. et dont, somme toute, le goût me plait.» 9 Evidemment, en tout état de cause, il ne faut pas garder les olives au-delà d'une certaine limite : la marge idéale est de trois jours (délai habituel à l'heure actuelle) à vingt jours. Il est très frappant de voir se prolonger dans l'estimation de ces délais, depuis l'Antiquité, deux logiques: la logique commerciale qui estime impérative urie certaine qualité d'huile, et la logique familiale, qui met en rapport coût et fraudes possibles du moulinier, et se préoccupe essentiellement de la quantité. On notera que l'estimation de la qualité a toujours été extrêmement arbitraire 10.
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LES DIFFeRENTES OpeRATIONS TECHNIQUES
Le travail du moulinier est donc d'extraire l'huile contenue dans la pulpe et de la séparer de l'eau de végétation amère et salée. Les résidus, pulpes et noyaux, pourront aussi servir. Contrairement à la conviction de Columelle, suivie par beaucoup d'agriculteurs français, l'écrasement des noyaux ne change pas le goût. Les expériences menées par les professionnels dans les coopératives sont très concluantes Il. Par contre, il faut noter que la résistance de l'enveloppe est plus grande que pour le raisin: pour un bon pressurage il faut, par un moyen ou un autre, faire éclater le péricarpe avant la pression. Enfin, l'huile se coagule par temps froid; au contraire la chaleur facilite l'écoulement: comme l'huile surnage sur l'eau, on emploie de l'eau chaude pour accélérer les opérations et on chauffe souvent le local, d'autant que le'> opérations se passent en hiver. 7. CL les critiques de l'abbé ROZlER (1776) et de M. BERNARD (1786) ou de J. BELLA (1784) sur les olives macérées. 8. Columelle, XII, Let LII, la; Maison rustique (1843), p. 351. P. RAYBAUT (1982), p. 508. Certaines cuves maçonnées, retrouvées en Afrique du Nord, peuvent être des réservoirs de ce type. 9. H. LAURE (1837), p. 304-309. E. LAOUST(190l), p. 451, remarque que les olives conservées parfois pendant un an dans le pays berbère donnent une huile «qui a une forte odeur et un goût de rance tout à fait désagréable» ... mais note que certains la préfèrent et qu'elle se vend. la. Ainsi, pour lutter contre la fraude, les associations oléicoles contemporaines ont imposé le critère du taux d'acidité, qui est mesurable. C'est malgré tout un critère arbitraire lui aussi, qui ne tient pas compte du fruité du liquide et qui a pu, comme le faisait remarquer le descendant d'un goûteur d'huile, jouer à terme contre la fabrication locale (p. RAYBAUT (19821. p. 509). Il. Columelle, XIl, 50, repris par A.G. DRACHMAN (1932); pratiquement tous les auteurs cités à la note 3 restent persuadés que les noyaux écrasés donnent mauvais goût. Dès le XVlU e siècle, les agronomes provençaux combattent ce préjugé, et J. et P. BONNET. défenseurs infatigables des coopératives et de l'huile, le rappellent: « L'expérience a été recommencée vingt fois dans les huileries coopératives» d'une fabrication avec ou sans écrasement donnant le même résultat (1946), p. 19. Certains professionnels avancent maintenant l'idée que les substances contenues dans le noyau favorisent la conservation de l'huile.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
Le vocabulaire français, comme tout vocabulaire technique, a été fortement marqué par les expres sions régionales, qui varient donc à l'intérieur de la zone méditerranéenne. Cependant, l'existence d'une association professionnelle oléicole très dynamique, avec ses propres publications, a permis d'unifor miser récemment un certain nombre de termes. Dans la mesure du possible, nous les utiliserons 12. Le moulin à huile: désigne l'ensemble du bâtiment, broyeur et pressoir. Le broyeur à olives: instrument du détritage, il déchire la peau des olives et les réduit en une masse pâteuse (sous le! meules jusqu'à une époque récente). L'expression désigne l'ensemble de l'instrument (cuve et meules). Le pressoir : désignera uniquement l'instrument qui sert à pressurer cette pâte (le mot est employé souvent dans le sens général de «rnoulin »). Les scourtins : ce sont des sacs tressés, de sparte, alfa, ou nylon, dans lesquels on met la pâte du broyeur avant de la transférer au pressoir (à préférer au mot «scouffin», parfois utilisé). La maie: l'area latine. C'est la table de pierre, ou de bois, 'dont la surface est sillonnée d'une 'rigole circulaire avec écoulement épousant la forme des scourtins (souvent désignée sous le terme général de «table de pressoir» ). L'arbre de presse: le praelum latin. C'est le levier qui pèse sur la pile des scourtins. L'huile vierge: actuellement, la dénomination (définie par le décret du 2 avril 1968) est réservée aux huiles extraite! de l'olive par pression et centrifugation et ne contenant pas plus de 1 à 3 grammes d'acide oléique par 100 grammes. Évidemment. ce type de contrôle est exclu pour l'Antiquité et le monde moderne: l'huile vierge est l'huile de première pression, obtenue sans ajout d'eau, à partir d'olives saines, la meilleure étant celle qu'on recueille immédiatement avant que les margines l'ait imprégnée. Les grignons: c'est l'équivalent du marc de raisin, composé de la chair et des débris de noyaux. Il y reste toujours de l'huile, que l'on cherche parfois à récupérer. Les tourteaux: ce sont les grignons dont toute l'huile a été épuisée: Huile d'enfer, huile lampante: obtenue par décantation des eaux, c'est la dernière huile qui surnage, de très médiocre qualité. Huile de recense : obtenue par le passage des grignons mélangés avec de l'eau et mis une seconde fois à détriter et pressurer. Mërne qualité que la précédente.
Les opérations indispensables pour dégager le précieux liquide sont simples. Il faut: Détriter les olives: briser la peau pour que l'huile puisse s'échapper. Pressurer la pâte ainsi obtenue pour en extraire l'huile. Décanter le liquide extrait: séparer l'huile des margines (l'eau de végétation amère) comme de l'eau ajoutée au cours des opérations.
On verra l'illustration de ces opérations dans un moulin traditionnel sur une gravure sur cuivre de
J. Stradan, illustration la plus ancienne que nous possédions sur le déroulement de ces trois opérations. Elle date de la fin du XVIe siècle de notre ère et a été gravée pendant un séjour de l'artiste à Florence 13. Le déroulement de ces principales opérations se retrouve à travers les différents textes des Agronomes latins, et il n'est pas douteux qu'elles constituaient, à partir de Caton, la norme générale. Le détail du broyeur et du pressoir pouvait changer, la méthode était identique. En était-il de même à l'époque grecque? Ce n'est que tardivement que nous avons des exemples complets où l'on reconnaît côte à côte broyeurs et pressoirs. La plus ancienne illustration de pressoir est un vase grec du VIe siècle av. J .-C. ;il n'y a pas d'illustration grecque de broyeurs. Les plus anciens broyeurs connus sont ceux que l'on peut restituer à partir des cinq meules retrouvées à Olynthe 14; la pauvreté de ces sources comparée à l'abondance des trouvailles romaines n'est pas due au seul hasard. Avant d'aborder les différents éléments du moulin à huile grec, il nous faut envisager les autres possibilités de fabrication sans moulin. Elles obéissent aux mêmes principes: faire éclater la peau, pressurer, décanter, mais elles utilisent des instruments variés. 12. Revue L'Olivier, Maison des Agriculteurs, avenue Henri Pontier, Aix-en-Provence: Petit mémento du vocabulaire de l'olivier. Cf. aussi la revue internationale Olivae, éditée en anglais, espagnol, français, italien, à Madrid, par le Conseil Oléicole International. 13. Sur l'interprétation de ce type d'iconographie, M.C. AMOURETTI et G. COMET (1985'). 14.Skyphos béotien, musée de Boston (c 4096); Olynthe, D.M. ROBINSON, J .W. GRAHAM (1938), p. 337.
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LA FABRICATION DE L'HUILE DANS LA GRÈCE CLASSIQUE
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Figure 24. - Un moulin à huile au XVIe siècle. Gravure de 1. STRADAN, cliché B.N. A) B) C) D)
Le détritage. Ici sous une meule unique. Les olives sont versées directement dans la cuve et passées sous la meule qui fait éclater la peau et élimine déjà une partie des margines. L'ensachage (escourtinage) de la pâte broyée dans les scourtins. Opération indispensable qui nécessite un minimum de temps et beaucoup de soins. De la manière dont les scourtins seront disposés sous le pressoir dépend le bon fonctionnement de la presse. Le pressurage. Une première pression est recueillie soigneusement dans le vase situé sous la maie. Puis on arrose d'eau chaude, parfois on remue la pâte à l'intérieur des scourtins; on peut, ou non, procéder à une seconde ou même troisième pression. la décantation. Elle est essentielle. Ici, elle se fait dans des jarres; le maître du moulin ramasse avec une patelle la meilleure huile. qui surnage après les premières pressions. Ensuite, on laissera décanter naturellement: les débris de noyaux ou de pâtes qui ont passé à travers les mailles des scourtins tomberont au fond des vases. En Afrique du Nord et parfois en Italie sont installés de véritables bassins de décantation avec surverses, dès l'Antiquité.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
LA FABRICATION DE L'HUILE SANS MOULIN
Des allusions diverses de voyageurs se réfèrent parfois, particulièrement en Afrique du Nord, à des types de fabrication qui n'utilisent pas conjointement broyeurs et pressoirs. De récentes enquêtes ethnographiques permettent de mieux les comprendre.
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SOURCES ETHNOGRAPHIQUES
1. BROYAGE, FOULAGE ET IMMERSION
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L'exemple de la Kabylie :
On trouve souvent des références brèves à des méthodes primitives de fabrication par les femmes en Afrique du Nord, «dans un trou d'eau». Mais ce n'est que tout récemment que l'on a pu disposer d'une véritable description, l'observateur ayant pu suivre des méthodes traditionnelles, reprises dans un cadre familial par volonté délibérée. Nous la transcrivons dans son ensemble car elle est pour nous d'un grand intérêt à titre comparatif: « L'ensemble technique nécessaire à cette transformation comprend plusieurs éléments en pierre: - tout d'abord abray (ou avray) = meule et moulin, constitué d'une aire circulaire de quelque soixante centimètres de rayon.
revêtue de terre bien lissée et très dure, analogue à cel1e dont on fait le sol des maisons, entourée de grosses pierres qui en délimitent le pourtour. - Une grosse pierre aux angles arrondis sert de meule pour écraser les olives placées sur cette aire. - Ensuite lbaerka : cuve de décantation, à proximité immédiate de abray est constituée par un amas de pierres jointoyées entre elles par le même crépi de terre que le sol de abray, ménageant en leur milieu un creux circulaire d'ouverture de dimensions semblables à cel1es de abray et d'une profondeur également d'une soixantaine de centimètres. Ces deux premiers éléments construits se trouvent, dans le cas précis observé, établis à proximité immédiate l'un de l'autre, sur la marge de l'aire à battre familiale (anriar), depuis longtemps inutilisée, et située à l'extrémité nord d'une croupe de terrain, à quelques centaines de mètres du village en direction des champs. Enfin, tout en bas de la longue pente dominée par la croupe de annar, à un bon kilomètre de distance, dans le lit même du ravin: ah'adun, aménagement en forme de baquet, entre des pierres jointoyées de la même façon que lbaerka, avec de la terre. Les olives, récoltées par les femmes au fur et à mesure de leur chute, sont mises à sécher sur des claies dans ,la journée, ramassées pendant la nuit, puis, lorsqu'elles sont en quantité suffisante, apportées dans abray, où elles sont écrasées grossièrement à la meule maniée par une ou souvent deux femmes se faisant face, assises de part et d'autre de l'aire. Les noyaux sont laissés sur place, et la pâte de pulpe est alors transportée dans lbaerka où elle est foulée aux pieds avec addition d'un peu d'eau de temps à autre. C'est alors que l'huile commence à sortir que l'on transporte au moyen de ah'lav au ravin, dans ah'adun où l'on continue de mélanger et triturer pâte, huile et eau avec un bâton. Peu à peu, l'huile seule surnage, que l'on rapporte à la maison pour achever de la purifier par chauffage. Ce procédé est apparemment fort rudimentaire, pourtant, les femmes qui le pratiquent m'ont affirmé ainsi son intérêt : "On préfère écraser nous-mêmes parce que l'huile est très bonne, meilleure que l'autre, celle du moulin" (mécanique: lmâinsera). Déjà Hanoteau-Letourneux disait combien cette huile appelée zit uberray était appréciée mais rarement produite car ce mode de traitement était lent, les manipulations nombreuses et la quantité ainsi traitée forcément restreinte.» 15
C'est à ce principe qu'il faut rapporter la méthode à laquelle fait référence L. Valensi pour la Tunisie 16 : les olives sont broyées sous un cylindre que les femmes font rouler sur une table de pierre. L'huile est recueillie à l'aide d'un tampon de laine qu'elles pressent dans un vase. Les résidus sont portés à l'oued, lavés, et l'huile qui surnage ramassée. 15. C. LACOSTE-DUJARDIN (1982), p. 46. 16. L. VALENSI (1977).
LA FABRICATION DE L'HUILE DANS LA GRÈCE CLASSIQUE
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2. BROYAGEAUMORTIER
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L'exemple syrien:
Nous trouvons des références assez diverses à ce type de fabrication qui obtient des résultats encore moins rapides que le précédent, mais une huile meilleure. Ainsi en Syrie 17, les olives sont placées dans un mortier où on les pile; la pâte est mise ensuite dans une grande cuvette en terre cuite. On chauffe l'eau que l'on verse sur les olives et on les écrase à la main, ce qui fait surnager l'huile à la surface de l'eau; ensuite on ramasse l'huile «en passant les paumes des mains sur l'eau» et on l'exprime dans un autre vase. Il faut mettre en parallèle cette description et les références bibliques. Cette huile est l'huile d'olives concassées' qui servait pour les lampes de sanctuaires et les gâteaux d'offrandes (Nombres, XXVIII, 5; Exode, XXIX, 40) et les rituels y font encore allusion alors que l'usage du pressoir est largement développé Ill. 3. FOULAGE ET TORSION DANS UN SAC
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Les exemples corses, turcs, syriens et italiens :
Des enquêtes particulièrement minutieuses ont été effectuées en Corse par A. Casanova. Il a pu comparer des documents d'archives (en particulier les enquêtes napoléoniennes) à ses propres enquêtes ethnographiques locales. Il a ainsi mis en valeur la persistance dans l'île de méthodes de fabrication technologiquement diverses, qui fonctionnaient cependant parallèlement à la même époque. C'est ainsi que, bien que les pressoirs fussent connus et utilisés, la méthode dite du saccula était encore pratiquée majoritairement dans une bonne partie de l'île en 1829, et a persisté marginalement au xxe siècle. Les olives mûres et noircies sont placées dans un grand sac (saccula, 2,50 x 0,60 m environ) tissé en laine de brebis ou en poil de chèvre; la saccula est placée au fond d'une auge (palmentu) de bois, façonnée dans un tronc de châtaignier. Les fruits sont foulés au pied par un homme et une femme, pieds nus ou chaussés. Le sac est ensuite tordu par deux opérateurs: l'huile vierge coule dans l'auge et va dans un récipient iminitoghia ou secchione) par un orifice aménagé par le bas-côté du palmentu. Pour rendre la torsion plus énergique, on utilise des barres de bois passées dans les ourlets de l'extrémité, les torchini. Après une première torsion, la pâte est arrosée d'eau chaude et de nouveau tordue. On complète parfois l'opération en posant sur le sac de lourds blocs de bois et une perche alourdie d'une pierre 19. Contrairement à ce que croyait A. Casanova, le procédé est loin d'être un isolat technique de l'île. Les documents d'archives y font référence pour la Vénétie, et 1. Mattozzi a bien montré sur quoi reposait l'attachement à la méthode dei sacchetto : les résidus pouvaient être exprimés au moyen du sacchetto dans la maison du propriétaire qui désirait frauder le fisc, alors que le contrôle du pressoir était beaucoup plus facile. Ces méthodes étaient encore utilisées en Turquie au XIXe siècle, et W. Paton rappelle, avec moins de détails, que le pressoir le plus simple encore en usage dans beaucoup de villages d'Anatolie consiste en un baquet de bois dans lequel les sacs de pâte sont placés avec une planche de bois par dessus; les hommes se tiennent dessus pour presser l'huile; on y ajoute une pierre pour finir. Le baquet est de. forme oblongue et percé d'un trou par lequel l'huile coule dans un récipient en bois 20. Le principe du sac et de la torsion était connu de la plus haute Antiquité, puisqu'on le voit illustré, pour le vin, 'dès l'Ancien Empire égyptien, sur des reliefs de Saqqarah, et que la tradition se poursuit jusqu'au Nouvel Empire 21 • 17. C. LANDBERG (1883). 18. Cette huile est dite semen zayt katih dans le Talmud. 19. A. CASANOVA, in Ethnologie et histoire (1975), p. 156, et (1968), p. 237 sq. 20. Sur l'Italie, C. CIRIANICO (1975), p.122, I. MATTOZZI (1979), p. 7. En Turquie, W.R. PATON (1898), p. 209. 21. 4 exemples connus à l'Ancien Empire, 3 au Moyen Empire, 5 au Nouvel Empire. Les mieux conservés sont ceux de Ptah Hotep à Saqqarah, Menopteh à Beni Hassan, la peinture de Seti 1 à Abydos. Les deux derniers signalés par D.A., Torcular (1919), n° 11, p. 361, illustréspar H. CAMPS (1953), C. SINGER (1966). La description la plus complète de ce procédé avec l'analyse iconographique des gestes est celle de P. MONTET (1925), p. 271·273.
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Figure 25. - La fabrication de l'huile sans moulin. a) Italie, XIXe siècle. b) Égypte antique, Mastaba de Ptah Hotep. c) Gournia, Crète: vase de décantation de l'âge du bronze, argile (diamètre ouverture supérieure: D,55 ml.
LA FABRICATION DE L'HUILE DANS LA GRÈCE CLASSIQUE
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Il nous a paru important d'insister sur ces méthodes dites «primitives ». On a vu qu'elles échappaient même au regard des contemporains et en particulier des agronomes. Il faut souligner qu'elles perdurent alors même que les méthodes plus modernes se développent dans des régions proches et sont parfaitement connues. L'apparition d'un type de pressoir ne fait pas disparaître automatiquement les autres. Ceci n'est propre à aucune période de l'histoire : la conservation des méthodes traditionnelles tient alors à des motifs précis qu'il faut inventorier, avant de se référer à la routine ... ou au blocage des techniques : motifs religieux dans le cas de l'huile concassée (éviter de multiplier les manipulations et risques de souillures), motifs fiscaux pour l'Italie (éviter le contrôle plus facile du fisc au pressoir), motifs économiques en Corse (coût faible et paiement moins onéreux aux fouleurs qu'aux mouliniers). •
INTERPIU:TATION DESDOCUMENTS ANTIQUES
Ces remarques doivent nous rendre attentifs à la permanence de ces techniques en Grèce antique, alors même, nous le verrons, que broyeurs et pressoirs sont connus. La faiblesse des indications est indéniable : ces méthodes ne laissent pas de traces et, sauf illustration iconographique précise, un mortier ne révèle pas facilement son usage. Cependant quelques témoignages ténus sont à relever: 1 a C'est à ces méthodes qu'il faut se référer pour éclairer les documents de l'âge du bronze 22. Plusieurs huileries ou pressoirs sont indiqués par les fouilleurs. On y relève en général un vase collecteur, enterré ou non, et souvent ces larges récipients munis d'un trou d'écoulement, que certains ont appelés «séparateurs d'huile». On peut en effet y voir le récipient recevant les olives écrasées à la main, un premier filtrage dégageant les margines et l'huile. La pâte est ensuite arrosée d'eau chaude et l'opération peut être recommencée plusieurs fois. Il est probable que les magasins à rigole et vases collecteurs de Mallia ne servaient pas uniquement de réserves, et l'importance des installations fait aussi songer à la fabrication, en particulier celle des huiles à parfum qui jouent un si grand rôle dans le monde mycénien 23. 1 b Une comparaison d'Aristophane a exercé la sagacité des commentateurs (Eq .• 804) : Bédycléon voulant évoquer la. parcimonie des démagogues pour le démos, qui attend avec impatience son misthos, déclare qu'«ils te le distillent d'un brin de laine goutte à goutte, assez pour vivre comme de l'huile ». Cette image nouvelle a donné lieu à des interprétations diverses: soins qu'on donnerait aux malades de l'oreille, économie pour les lampes 24. Toutes font intervenir des éléments extérieurs. Il est plus simple d'y voir la référence à la fabrication telle qu'elle nous est évoquée pour la Tunisie. Patiemment, on ramasse l'huile avec de la laine comme avec une éponge et on remplit la jarre. Méthode longue mais sûre. 2. La méthode de broyage au mortier, pour les sanctuaires, nous est confirmée par un document tardif d'Éleusis où l'on voit sur une table votive une maie de pressoir, un mortier et un broyeur. On aurait bien là un broyage au mortier, comme l'huile concassée, mais assorti d'un ultime pressurage. Ceci permettrait sans doute d'expliquer une particularité de Délos dont on n'a pas toujours souligné l'étrangeté: le site a fourni un certain nombre de maies, que W. Deonna a soigneusement relevées. Toutes ne sont pas datables, un certain nombre ne sont pas en place. Mais on n'a relevé aucun broyeur, même dans l'«huilerie», à peu près conservée. D'autre part, on peut s'interroger sur l'origine des olives pressées ici. On n'a recensé dans les comptes de Rhénée de références qu'à 25 oliviers sauvages. Sauf à renvoyer l'usage des maies à celles de pressoirs à vin, on peut peut-être 22. Essentiellement signalés en Crète : Gournia, pl. l, 14, BOYD-HA WES (1908); Mallia, 6, CHAPOUTHlER (1951). p. 12; Vathypetron, MARINATOS, HIRMER, pl. 62; Myrtes, WARREN (1972), p. 984; Palaikastro, BOSANQUET (1903), p. 289. Des pressoirs sont signalés à Epano Zacro Zou près de Sitia, et Tourtouloi , N. PLATON (1971), p. 18,40,56 sq. Le plus ancien est celui de Myrtes (lJe millénaire av. J .-C.). J.W. GRAHAM (1962), p. 132, fig. 143. 23. Les magasins à rigole existent à Mallia dans le premier et le second palais, dans la crypte hypostyle, le quartier mu; ils paraissent particulièrement importants au M.M., Il. H. VAN EFFENTERRE (1980), p. 459, avec la référence aux publications. 24. 1. TAILLARDAT (1965), p. 399. Peut-être peut-on la rapprocher d'une image d'Homère? 1Test., 2, 171. infra. p. 191.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
là encore penser à une fabrication d'huile du type biblique, et mettre en relation ces vestiges avec la table votive d'Éleusis 2S. 3. Enfin le foulage des olives est attesté par les K.pOV1r€~aL, ces sandales de bois dont les lexicographes nous disent très précisément qu'elles foulent (rpa'Tr€w) les olives. Une seule illustration d'époque romaine nous est fournie par le relief Rondanini, dont K. D. White a montré la pertinence 26. C'est la méthode évoquée par Columelle (12, 52, 6-7) lorsqu'il parle de canalis et solea, les deux termes devant être conservés ensemble. Il s'agit donc du baquet de bois correspondant au palmentu corse et aux sandales. Il n'est pas impossible que le mot rpL1rT11P ait pu désigner de tels baquets.
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LE DETRITAGE DANS LE MOULIN
LES BROYEURS A OLIVES
Depuis les descriptions de Caton (R. R., XXIII, XXIV, XXV), le broyeur antique est souvent confondu avec le trapetum dont l'illustre agronome a donné une étude si précise. Comme nous l'avions souligné, cette popularité est due à une conjonction historique assez particulière: c'est en effet à la fin du XVIIIe siècle qu'ont paru à la fois les travaux des agronomes provençaux sur l'olivier, la première édition complète en français avec croquis du De Agricultura, et les découvertes dans les fouilles de Pompéi d'exemples de trapetum dont les archéologues italiens donnèrent des restitutions et dont ils firent des expériences 27, Le xrxe siècle accepta comme une évidence la primauté du trapetum, bien que Columelle lui-même ne l'ait placé qu'en seconde position dans les types de' broyeurs (XII, 50). Ce n'est que lentement que les découvertes archéologiques ont permis de se dégager de ce postulat et de discerner les filiations avec les époques modernes et contemporaines. •
LES BROYEURS MODERNES, APPORTS DE L'ETHNOLOGIE ET DE L'HISTOIRE (planche 30)
Les enquêtes sur les méthodes de broyage dans la Méditerranée contemporaine font apparaître plusieurs types. Si nous laissons de côté les broyeurs actionnés mécaniquement pour envisager ceux qui sont utilisés manuellement ou par un animal, on peut voir encore fonctionner des meules de petites dimensions (0,60 à l,20 m de diamètre, 20 à 30 cm d'épaisseur). Uniques, elles sont encore parfois actionnées à la main. Plus souvent par paire ou par trois, elles sont mues par la force animale. C'est ce système de la petite meule qui a été mécanisé dès le XVIIIe siècle et s'est lentement répandu. Puis les carriers n'ont plus fabriqué que de petites meules, que le moulin soit mécanisé ou non. L'évolution a été perceptible en Grèce dans le courant du XIX e siècle. Des exemples ont été fournis pour Corfou, Amorgos, ou la Crète, Chypre, l'Argolide. A Egine, la famille de carrier a changé le type en 1920, à Poros au milieu du xtxe siècle 28. Ces petites meules succèdent à des meules de très grande taille (plus de l,50 m de diamètre, 0,40 à 0,50 m d'épaisseur), actionnées par un animal, et dont nous retrouvons des témoins en Europe depuis le xve siècle. La grande meule semble avoir été nettement prédominante en Méditerranée au bas Moyen Age et jusqu'au XVIIe siècle. Il est possible que son introduction en Grèce ait été due aux Vénitiens ou que la taille se soit accrue sur place. Au haut Moyen Age, on a encore un exemple de meule de petite taille à Salamine de Chypre dans l'huilerie (VIlle ou rxe siècle de notre ère) 25. Musée d'Ëleusis, catalogue G. KANTA (fig. 44) : table, longueur 0,60 rn, largeur 0,40 m; VIe siècle ap. J.-C., W. DEONNA (1938), p. 97; KENT, Hesperia (1948), p. 289. A. JARD~ avait déjà proposé l'usage des mortiers pour Délos, in D.A., Trapetum, p. 407. Ph. BRUNEAU Yvoit essentiellement des pressoirs à vin; ceux qui sont datables sont tardifs, (1984), p. 721. 26. Hésychius, Photius: KpoulIétal; A.G. DRACHMAN (1932), p. 68; K.D. WHITE (1967), p. 227; J.P. BRUN (1979), p. 95. 27. M.C. AMOURETTl (1982), p. 86-88. 28. R. CRESWELL (1960), p. 34, pour les forces; étude détaillée du 'passage de la grande à là petite meule, A. SORDINAS (1971), p. 8-12, C. CONNELL (1980), p. 41; pour Égine, C. RUNNELS (1981), p. 227.
LA FABRICATION DE L'HUILE DANS LA GRÈCE CLASSIQUE
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mise au jour par les archéologues sur le site abandonné de la basilique 29. Restée en place, elle permet une bonne restitution. Comparée aux meules retrouvées en Syrie et en Orient,' elle confirme que la filiation pour les meules depuis l'Antiquité est bien régulière, avec seulement des variations dans les tailles. •
LES BROYEURS ROMAINS (planches 31-32 et figure 26)
Les recensions pour l'époque romaine s'étant multipliées, on peut tracer une typologie des broyeurs romains. Ils répondent technologiquement à quatre grands types: 1) Broyeurs à cylindre :
Illustrés en Afrique du Nord et en Syrie depuis les fouilles de Tchalenko en 1950, ils sont donc attestés pour l'époque romaine, Typologiquement, c'est le principe de la pierre ronde kabyle. Manœuvrés manuellement dans de grandes cuves de pierre, leur efficacité tient à leur poids, mais suppose une bonne technique. Un perfectionnement non négligeable est apporté par le moulin à huile romain de Madaure; le cylindre est cannelé et effilé, et s'adapte ainsi à la forme circulaire de l'auge du broyeur 30. 2) Trapetum:
Le principe est très différent : les deux orbes serni-cylindriques écrasent les olives contre la paroi du mortarium concave et non plus sur le fond. Le rendement de l'appareil est alors essentiellement conditionné par le bon ajustement des meules : si l'écartement est trop faible elles se bloquent, s'il est trop important le système est inefficace, comme A.G. Drachmann l'avait bien vu 31. Pour l'époque romaine, notre plus ancienne référence est le texte de Caton, donc le ne siècle av. J .-C. 3) Meules: Les olives sont écrasées par une ou plusieurs meules cylindriques perpendiculaires, qui tournent sur elles-mêmes et dans une cuve ronde. C'est ce système qui a connu une descendance technologique importante. On discerne à l'époque romaine des variantes: L'axe vertical long est fixé en haut, ainsi que l'illustre le sarcophage d'Arles, avec une ou deux meules. Le levier de manœuvre peut être placé sur l'axe vertical ou traverser les meules. 3.2. L'axe est court, ainsi que l'illustre le sarcophage Rondanini, et qu'on peut le voir à Salamine de Chypre. Le levier traverse alors la meule, soit directement par un trou rond (ainsi en Provence), soit par l'intermédiaire d'un manchon, l'ouverture est alors carrée. Le système peut être conçu avec une ou deux meules 32. 3.1.
L'iconographie romaine nous montre des engins actionnés à la main, et cela a dû être le cas pour le trapetum, mais les trouvailles de l'archéologie, comparées au fonctionnement des meules contemporaines de mêmes dimensions, permettent de restituer souvent un animal, donc des «moulins à sang» suivant l'expression française.
29. G. ARGOUD (1973), p. 201-219, fig. 55. Bon croquis restitué de l'insertion dans l'axe: J.c. BRUN (1979), fig. 33. 30. Sur ces broyeurs en Syrie, G. TCHALENKO (1958), et O. CALLOT (1979), au Maghreb; pour Madaure, M. CHRISTOFLE (1930), à Volubilis, R. ~TIENNE (1960), p. 157; A. AKERRAZ et M. LENOIR (1981), p. 72 et pl. 8. 31. A.G. DRACHMANN (1932), p. 12 et fig. 138, recensement et localisation des trapetum dans le monde romain, l.P. BRUN (1979), p. 262. 32. Ignoré par C. RUNNELS (1981), dont les conclusions chronologiques, p. 135, 136, sont discutables. Notons un exemple jusqu'ici unique de deux meules horizontales utilisées dans une huilerie, à Volubilis. A. AKERRAZ et M. LENOIR (1981), p. 72, qui citent une référence pour l'Espagne. Cette meule se différencie des meules à grains du quartier car elle est en calcaire et non en basalte.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
a c.olu",.. \l.
b
c
Figure 26. - Le détritage. Types de broyeurs antiques. a) trapetum ; b) mala olearia (dessin P. VALLA URI) ; c) cylindre.
LA F ABRICATION DE L'HUILE DANS LA GRÈCE CLASSIQUE
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LES BROYEURS GRECS
Selon l'étymologie même du mot, le trapetum serait d'origine grecque et dériverait de roasé:», fouler 33. Ce verbe est employé en effet pour le foulage du raisin, mais les exemples sont rares (Homère, Od., VII, 125; Hésiode, Scut., 301). Il faut remarquer qu'il n'y a pas de mot grec équivalent pour désigner l'instrument à l'époque classique ou hellénistique. Le mot rpo1rriïov est utilisé par Hipponax (Pollux, X, 75) pour désigner le moulin à huile en général; Tpa1r1'lTOC; n'apparaît que chez Hésychius. Dans les Géoponiques, une description est réservée au fonctionnement du broyeur (IX, 19, 6) pour une huile particulièrement fine : afin que les noyaux, 1rVP1lV€C;, ne soient pas écrasés et que seule la chair, acip~, et la peau, êéoua, soient comprimées, ilÀi{3wilaL. On emploie une meule propre, J,JvÀ1'I «aôaoà, pour broyer. On doit faire circuler, 1r€pLl{)ÉpwilaL, très légèrement l'engin. Les termes employés, J,JV Àl1 , ~Lci X€LPOC;, rpdxoc;, désignent-ils un trapetum ou une meule? On remarquera qu'ils sont au singulier, ce qui désignerait plutôt la meule. Cependant le texte des Géoponiques s'inspire des textes latins et ici, probablement, de Columelle. Il ne nous apporte pas de précisions sur l'origine grecque ou non de l'instrument. Que dit l'archéologie? Actuellement, les plus anciennes trouvailles de meules en forme d'orbes, jointes à un mortarium, sont d'époque hellénistique, à Corinthe et tout récemment à Kopetra (Chypre), ou romaine 34. Les autres orbes retrouvées l'ont été sans mortarium, et nous ne pouvons affirmer qu'il s'agisse de meules simples ou d'orbes, ce sont celles d'Olynthe, Chios et Nauplie, et des fragments provenant de Corinthe 3S. Les plus anciennes seraient celles d'Olynthe. Mais sur les cinq exemplaires dégagés dans les fouilles de cette ville un seul pouvait être encore en utilisation, les autres sont réemployés. Antérieurs donc à 348 av. J.-c., ils sont de taille légèrement inférieure à ceux de Pompéi, ou aux trapetum dont les dimensions sont données par Caton. Mais surtout, comme le montrent nos figures, une partie de la surface externe est plane. Les engins peuvent donc être restitués avec des meules écrasant sur le fond de la cuve plutôt que comme le trapetum, qui broie les fruits entre les parois, et le miliarium. On notera que le broyeur romain retrouvé sur l'Agora a d'ailleurs une cuve large, d'un type proche de celui trouvé à Madaure; et les orbes retrouvés dans les parages sont au contraire de faibles dimensions (planche 32). On voit donc que, si l'on veut comparer les sources archéologiques et littéraires, la marge d'interprétation reste large, et nous n'avons pas du tout l'équivalent de la description de Caton mise en face du trapetum de Pompéi. Nos certitudes sont les suivantes: • •
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La meule du broyeur est connue depuis le Ive siècle av. J.-c., nous ignorons s'il s'agit de trapetum ou de simple meule dans un mortarium assez large. Le trapetum de type pompéien semble attesté pour la période hellénistique (ne et 1er siècles av. J.-C.) dans quelques sites du Péloponnèse et à Chypre. Les meules sont de plus petite taille que les meules italiennes. Un type semble se développer en Grèce et il est attesté sur l'Agora d'Athènes pour la période romaine tardive, avec une cuve beaucoup plus élargie, et de petites meules, assez proches de celui relevé sur le relief du sarcophage Rondanini. La meule unique, de plus grandes dimensions, est attestée à Chypre au IXe siècle de notre ère. C'est probablement à ce système que fait référence le texte des Géoponiques.
33. Ou de 'T'phIW, 'T'pÔ.lIW, tourner? Un papyrus d'époque romaine indique un 'T'P'i!€IJç dans une huilerie; D. BONNEAU (1981) l'interprète comme un broyeur, p. 53. 34. Corinthe, puits Katsoulis, cot. 4107, ROBINSON (1976 b) : Chypre, fouilles d'urgence au lieu-dit Kopetra, près de Limassol, Annual Reports of the Department of Antiquity of Cyprus for the Year 1980; Nicosie, 1981, p. 42-43, BCH, «Chroniques», Chypre 1981, sans mesures. A Casarma, près de Nauplie, BCH, LXXIX, 1955, p. 245, fig. 32, non cité par C. RUNNELS. 35. Olynthe, D.M. ROBINSON, J.W. GRAHAM (1938), p. 337 et pl. 82,83; Chios, J. BOARDMAN (1959), p. 304; Nauplie, A,G. DRACHMANN (1932), p. 145.
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
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A titre d'hypothèse, en attendant des découvertes archéologiques, on peut proposer le schéma suivant: Ive-me siècles av. J.-C., tâtonnements et essais autour d'un engin intermédiaire entre meules et trapetum, les autres systèmes de détritage (sacs, foulage, broyage) restant importants; au ne siècle, le type du trapetum se développe en Italie du sud où il prend la forme plus élaborée connue par les fouilles de Pompéi et les textes de Caton. Il va se répandre en Italie et en Provence et toucher certaines régions romanisées de Grèce. Mais les meules continuent à être utilisées en Grèce et en Orient, sous forme de petites meules dans une grande cuve. C'est à la fin de l'époque romaine et à l'époque byzantine que se répand, sous l'influence de l'Orient, la meule unique. Les systèmes sans meules continuant d'être utilisés, en particulier enAsie mineure 36.
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PRESSOIRS (planches 33 à 38)
Les problèmes sont plus complexes parce que nos témoignages archéologiques sont plus nombreux, mais la plupart du temps incomplets, et que la diversité des types de pressoirs est plus grande que celle des types de broyeurs. Quel est l'objectif d'un pressoir? Exprimer le maximum de liquide en réduisant au maximum le volume de la pâte. C'est une opération un peu différente de celle de la presse (à foulon, à imprimerie) qui vise à susciter une adhérence ou une très légère expression. La «demande» de pressurage diffère selon les liquides. Dans les pressoirs traditionnels, on estime la pression nécessaire à l'huile dix fois plus forte que celle nécessaire au vin. Le liquide visqueux adhère fortement aux chairs. D'autre part, cette pression doit être plus lente au début et ensuite très régulière. Le pressoir le plus simple est constitué par une pierre posée sur la pâte avec, parfois, un simple bâti de bois. Il était encore utilisé à Corfou au siècle dernier, suivant l'enquête orale d'A. Sordinas 37. Avec le pressoir à coin, nous avons déjà une machine. Mais on remarquera qu'elle est utilisée pour des fabrications limitées, en particulier l'huile de parfum à Pompéi. Aucun témoignage archéologique ne pouvant en demeurer, seule l'Iconographie et l'ethnologie nous en donnent un écho. Nous ignorons si ce type a été répandu en Grèce 311.
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LE PRESSOIR A LEVIER
C'est le pressoir à levier qui est le type le plus ancien dont nous ayons des témoignages. 1) Levier et contrepoids: Le principe peut en être illustré par l'iconographie du vase à figure noire du musée de Boston (c 4096). La force est produite par le poids des pierres, la résistance par le bâti du mur, la pression s'exerce donc en P. Mais ce pressoir est entièrement manuel: il faut accrocher les pierres, tirer la corde, jusqu'à ce qu'elles se soulèvent légèrement du sol. Pour avoir plusieurs hauteurs de presses on peut envisager deux encoches dans le mur, mais l'arbre est alors nécessairement de faible volume (comme sur le skyphos). Selon toute probabilité, c'est le système encore employé à Praisos pour l'époque 36. W.R. PATON (1898), p. 209. 37. Sur la typologie fonctionnelle des pressoirs, C. PARAIN (1960) et (1979); H. POLGE (1967). Nombreuses illustrations in X. HUMBEL (1976). Typologie suivant les types de fondations et substructures, 1.P. BRUN (1979), p. 107 sq. Résistance des pâtes d'olives et de raisins, C. DUGAS (1904). Enquête à Corfou sur les différents types de pressoirs, A. SORDlNAS (1974). La presse simple était dite par les informateurs Ioetâs ou varos, p. 144. 38. Pressoirs à coins à Pompéi, peinture de Boscoréale et maison des Vetii, H. BLÜMNER (1912 2 ) , fig. 134 et 135. Survivances pour le vin, en Bourgogne, musée de Beaune, provenance Meursault; l'huile, en Algérie, H. CAMPS-FABRER (1953). Sur sa diffusion, C. PARAIN (1979), p. 271 et n° 8.
LA FABRICATION DE L'HUILE DANS LA GRÈCE CLASSIQUE
",." Ile ""'"
a) D'après le skyphos du musée de Boston, VIe s. av. J .-C.
b) D'après les traces d'un pressoir romain creusé dans le roc, en Kabylie (J.P. LAPORTE).
c) D'après les encoches, les area, contrepoids retrouvés.
Figure 27. - Typologie des pressoirs à levier. a) Levier et contrepoids. b) Levier et treuil fixe simple. c) Levier, treuil et contrepoids.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
hellénistique 39. La forme des poids a pu varier et l'on a sans doute négligé certaines pierres qui ont dû servir de contrepoids. Dans les rares cas de pressoirs à huile signalés en Grèce, on remarque en effet des pierres dont la forme peut être confondue avec celle d'ancres: ainsi à Chios et dans les fouilles d'urgence de Chypre. Nous en avons noté une aussi à Kourion. Ces pierres suspendues peuvent avoir des systèmes d'attache simples, combinant la corde et les pieux. Des exemples d'Orient nous en donnent une idée. Ainsi au Liban à l'époque moderne ou ancienne 40 (planches 33-34). L'arbre de presse est appelé ~vÀov ou ôoov (Eschyle, frg. 98; Ménandre, Com. FR. 4, 18, rapportés par Harpocration), comme l'explique Pollux (VII, 150; X, 130), qui nomme le câble T01fEiOV. Ce système était sûrement le plus répandu à l'époque classique. On-a pu l'améliorer très tôt avec l'usage des poulies. Celles-ci peuvent servir à remonter l'arbre, ce qui permet d'en augmenter le poids, mais aussi à en démultiplier les forces ou à remonter le contrepoids. Héron d'Alexandrie en donne un exemple (Mec., 3, 13-14). Certes, sa démonstration, agrémentée dans le texte arabe d'un croquis, ne permet qu'une restitution hasardeuse 41. Mais il n'est pas inutile de comparer cette restitution à deux types de pressoirs anciens : l'un relevé au xvn- siècle par un ambassadeur vénitien à Corfou, l'autre utilisé en Iran 42. Tous les deux jouent sur des poulies et des treuils et ont fractionné l'arbre de presse; la liaison avec la tradition relevée par Héron nous paraît nette. On notera que Héron, dont la récapitulation doit être datée du 1er siècle de notre ère, contemporain de l'éclipse de 62, décrit des engins existants, et ne note pas pour celui-ci qu'il s'agisse d'une nouveauté 43. Etant donné l'usage de la poulie dans les machines de levage en Grèce il est plausible qu'elle ait été utilisée assez tôt. Cependant, rappelons ce que nous enseignent tous les résultats des enquêtes ethnographiques : plusieurs types coexistent facilement dans une même région. On pourrait donc conclure que si le pressoir à levier simple avec ancrage dans le mur était dominant, la démultiplication des forces avec des poulies, et parfois la démultiplication de l'arbre de presse, a pu apparaître et se développer en Grèce bien avant l'époque où Héron en décrit un exemple. 2)
Levier et treuil fixe :
C'est le type illustré par le texte de Caton, et les trouvailles de Pompéi et des récentes villas de Campanie. C'est celui qui a fait couler le plus d'encre. Une récente thèse d'archéologie 44 a dégagé avec pertinence deux sous-types que l'on confondait et qui rendaient impossible une justè interprétation du texte de Caton : dans un cas (iconographie pompéienne et pressoirs de la ville) les arbores sont profondément ancrés dans le sol, et c'est cet ancrage qui a donné la résistance suffisante à l'arrachement; dans l'autre cas (texte de Caton, villas de Campanie et de Provence), c'est le bâti général du pressoir qui pèse suffisamment pour empêcher un arrachement que la seule insertion n'aurait pas suffi à arrêter. Lorsque les poteaux sont en pierre (Dalmatie), leur poids tient en partie lieu de bâti. Ce type de pressoir a connu un grand succès en Italie et en Provence sous le Haut Empire. Il n'a pas eu de réelle descendance, sinon le pressoir casse-cou dont l'insertion dans un bâti entièrement en bois rend le projet assez différent. L'inconvénient de ce pressoir tient à l'importance des substructures nécessaires et à la fragilité de la manœuvre : le serrage, et donc la pression dépendent de l'ouvrier seul. Une trop forte pression, et la corde risque de casser. Une trop faible, et le rendement est moindre. Par contre, comme on peut moduler la pression, le contrôle est plus facile, suivant la qualité. Pour la technique prônée pour l'huile 39. R. BOSANQUET (1902), p. 264-265. 40. Fouilles d'urgence de Kopetra (Chypre), «The weights closely resemble the objects which are usually interpreted as stone anchors», Annual Reports, op. cit., 1981, p. 43. J. BOARDMAN (1959), p. 296. Au Liban, Khan Khaldé, O. CALLOT (1979), fig. 7; R. CRESWELL (1960), p. 50 sq. 41. Analyse du texte et du dessin du manuscrit, A. DRACHMANN (1932), p. 63-67; (1964), p. 114-151. 42. I. MATTOZZI (1949). p. 13-15; A. WULF (1968), p. 297. 43. Pour la date des Mécaniques, nous adoptons la chronologie de A.G. DRACHMANN (1964), p. 12, et non celle de B. GILLE (1980), p. 122 sq, Ce dernier le situe à la fin du Ile s. av. L·C., tout en soulignant les incertitudes de sa chronologie. 44. J.P. BRUN (1979), dont l'étude nous dispensera d'insister sur ce type traité p. 110 sq. et 267 sq., avec une analyse du texte de Caton, en particulier dans les notes p. 286 sq. et la bibliographie. Pour lui, le pressoir italien de Settefinestre, restitué par A. CARANDINI (1979), pl. 19, avec un contrepoids à vis, serait de type catonien.
LA FABRICATION DE L'HUILE DANS LA GR~CE CLASSIQUE
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de qualité : briser d'abord au pressoir (Caton, Columelle), ce type est bien adapté. Jusqu'ici, aucun élément n'a permis d'en retrouver des exemples en Grèce, et les recensements effectués le cantonnent à l'Italie dont il semble issu, et à la Provence.
3) Levier et treuil sur contrepoids: Ce type procède des deux précédents mais a pu naître indépendamment. Le treuil est ici placé sur la pierre de contrepoids dont les trous d'encastrement sont caractéristiques. Une fois la pierre soulevée, elle peut peser de son poids naturel comme dans le type J, 1. Lorsqu'elle repose à terre, on donne un nouveau tour de treuil pour une autre pression (on peut aussi fixer la pierre dans un bloc maçonné et on est Tenvoyé au type précédent). Une fois le pressoir bien ajusté, les fausses manœuvres sont moins à craindre, la corde étant adaptée au poids de la pierre et ne se brisant que par l'usure. L'ancrage n'est plus que celui de la tête du pressoir. Il peut être dans la maçonnerie (dominant au Moyen Orient et en Afrique du Nord), dans des poteaux de pierre (Libye, Syrie du Nord), ou dans des poteaux de bois (Italie, Provence, Afrique du Nord). Comme dans le cas 2, l'encastrement de ces poteaux est soit fondé dans le sol, soit maintenu par une forte substructure. Les exemples connus semblent montrer une diffusion particulièrement importante aux ne et me siècles de notre ère pour le monde romain, mais il apparaît peut-être à Carthage 45. Actuellement, pour le monde grec, on ne connaît que le contrepoids de Kalymnos, non daté, et ceux de Délos. Ce type étant relativement bien connu depuis 1930, les archéologues auraient peut-être repéré des contrepoids de ce type s'ils avaient été nombreux 46. Il semble qu'il faille en voir la diffusion à partir de l'Afrique du Nord romaine où il est dominant, le monde grec restant plus fidèle aux contrepoids simplifiés de type ancré. Et il est probable que certaines régions sont passées directement ensuite aux types à vis. Tous les types de pressoirs à levier ont en effet plusieurs inconvénients: d'abord les manipulations pour charger et décharger; il faut soulever l'arbre par une poulie. Ensuite la fragilité des cordes ou courroies, enfin la pénibilité du travail et les risques d'accidents non négligeables dans le cas 2. Par contre, la simplicité des installations dans le type 1 explique sa permanence.
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LE PRESSOIR A LEVIER ET A VIS (planches 35-36)
C'est un type intermédiaire entre les pressoirs à levier et les pressoirs à vis directe. La plus ancienne description dont nous disposons est celle de Héron d'Alexandrie (Mécaniques, 3, 15) qui précise qu'il est destiné à l'huile. Celui-ci en délimite parfaitement les avantages par rapport aux pressoirs précédents : c'est désormais la vis qui soulève le contrepoids, la manœuvre est beaucoup plus facile et beaucoup moins dangereuse. D'autre part, une fois le contrepoids reposé sur le sol, la vis sert à remonter l'arbre pour les manipulations. On a sous-estimé ce type de pressoir car on ne pensait pas que les vis puissent résister à ces manœuvres, et on estimait qu'il les fallait de si grande taille que ces constructions devaient présenter de grands inconvénients 47. Une étude ethno-archéologique d'un pressoir portugais encore en activité ces dernières années permet de lever beaucoup de ces difficultés. Non seulement la manœuvre est très facile (un seul ouvrier y suffit), mais l'ancrage de la vis s'effectue avec des moyens simples mais remarquablement efficaces 48.
45. En Algérie, vingt-deux pressoirs dans l'huilerie de Kherbet Agoub; région de Césaerea, Ph. LEVEAU (1984), J.P. LAPORTE (1985); Madaure, CHRISTOFLE (1930); au Maroc, pour Volubilis, A. AKERRAZ et M. LENOIR (1981),55 pressoirs recensés; Tripolis, A.G. DRACHMANN (1932), p. 96, fig. 31-32; Provence, J.P. BRUN (1979), p. 117-120; témoignage pour Carthage, A. BERTHIER (1980), p. 11 sq.; Libye, CATANI (1976), p. 435. 46. Pour Kalyrnnos, W.R. PATON et J.L. MYRES (1898). Pour Délos, les contrepoids n'ont été mis en évidence que récemment par Ph. BRUNEAU et Ph. FRAISSE (1984), p. 713 sq.lls datent de l'Antiquité tardive. 47. Ainsi O. CALLOT (1979) est persuadé que la pierre ne se soulève pas. 48. M.C. AMOURETTl, G. COMET, Cl. NEY, LL. PAILLET (1984).
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
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Les problèmes techniques posés par ce type de pressoir étaient de deux sortes: d'abord l'ancrage de la tête du pressoir, donc de la résistance. Chez Héron comme au Portugal, l'ancrage s'effectue dans le mur. Par contre, les pressoirs d'Italie, de Bourgogne ou d'Autriche ou de Dalmatie du X1Xe siècle sont bâtis sur des arbores. Mais il faut prendre garde que ces pressoirs «à grand point» sont manœuvrés d'une manière un peu différente. Le jeu sur les aiguilles permet plusieurs positions de l'arbre: la force est plus grande mais les manœuvres plus délicates 49. En Turquie, comme à Chypre actuellement, l'ancrage est dans le mur 50. Le second problème est celui de l'écrou et de l'angle de la vis. En effet, il faut que l'angle de la vis et de l'arbre soit constant (planche 36) pour éviter que celle-ci ne se brise. Sur les pressoirs contemporains, les solutions vont de l'arbre en fourche à l'écrou inséré dans une chambre large. Pour l'Antiquité, nous l'ignorons, et toutes les restitutions sont particulièrement difficiles. Le problème n'a pas été résolu d'un coup. La description très précise de Héron permet une restitution, qui tient compte des acquis de l'étude archéologique du Portugal (planche 36). Le principe en était différent de celui des pressoirs actuels. La vis montait dans l'écrou, qui restait solidaire du contrepoids, et elle poussait l'arbre pour l'élever. Le jeu était faible, mais le contrepoids ne se soulève que de quelques centimètres. Cependant, ce système était moins performant. Il est possible que ces hésitations aient retardé la diffusion du pressoir à arbre et à vis. Connu dès le 1er siècle avant notre ère, et peut-être antérieurement, ses témoignages en sont surtout nombreux au Bas Empire et à l'époque byzantine. Les exemples de Syrie, comme les contrepoids isolés de l'Agora d'Athènes nous renvoient aux ve et VIe siècles ap. J.-c. Les documents de Provence sont aussi tardifs. On constate au Maroc un remplacement général, au Ille siècle, des contrepoids à treuil par des contrepoids à vis SI. Mais, une fois introduit, le pressoir à levier et à vis témoigne d'une belle longévité. On en trouve des témoignages nombreux dans l'iconographie médiévale dès le xe siècle et, au Portugal comme à Chypre, il est utilisé sur plus de quinze siècles 52.
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LEPRESSOIR A VIS (planches 37-38)
C'est le pressoir à vis (KoXÀiaç) qui a connu la descendance technologique la plus riche, puisque seul il a été mécanisé et construit en métal. Il apparaît en Italie dans le dernier quart du 1er siècle av. J .-C., selon Pline (XVIII, 317), et cette datation nous est confirmée par les textes de Vitruve et les découvertes de Pompéi, mais nous ignorons sa filiation antérieure. C'est durant le 1er siècle de notre ère qu'il se répand, et probablement plus rapidement que le pressoir à arbre et à vis. Deux types sont à distinguer, tous deux décrits par Héron.
1) La presse à vis encastrées : La description précise de Héron (Mécaniques, 3, 19) a donné lieu à des interprétations diverses 53. L'auteur grec explique que les extrémités des vis sont encastrées dans le banc inférieur et peuvent tourner chacune dans leur alvéole. Celle-ci est soigneusement fixée par un système de coins qui rappelle le système contemporain employé au Portugal. En tournant, les vis abaissent ou relèvent un petit arbre placé entre elles et dans lequel elles pénètrent par deux trous filetés. Cette mécanique a paru invraisemblable à Drachmann. Il en existe cependant un exemplaire daté de 1800 au musée de Spire, et c'est à ce type qu'il faut rapporter les doubles vis du Fayoum conservées au musée du Caire 54. 49. A.G. DRACHMANN (1932) avait senti le problème, mais malgré le texte de Héron, il restitue des pressoirs avec arbores, ce que reprennent les Histoires des technologies, ainsi C. SINGER (1956). 50. PATON et MYRE (1898), Chypre, exposition duMusée del'Homme. 51. G. TCHALENKO (1951), fig. 102; O. CALLOT (1979), pl. 63-64 pour la Syrie; FORBES (1976), p. 43, fig. 10, contrepoids del'Agora d'Athènes. 52. Salamine de Chypre, G. ARGOUD (1973), p. 201-219; M.C. AMOURETTI, G.COMET, a. NEY, l.L. PAILLET (1984), pour l'ensemble du développement sur ce type de pressoir. 53. Cf. des restitutions de CARRA deVAUX (1894) et NIX (1909). 54. A.G. DRACHMANN (1964), p. 129, fig. 50 a. Musée deSpire, X. HUMBEL (1976), fig. 40. La vis d'El Harit au musée d'Alexandrie n'est malheureusement pas datée.
LA FABRICATION DE L'HUILE DANS LA GRÈCE CLASSIQUE
JUMELLES
FAUSSES JUMELLES ARBRE
CLEFS VIS
MASSE A PRESSER
CONTREPOIDS
LE
PRESSOIR A BASCULE
o
6Oc.-
S 1..L._ _...J1
Figure 28. - Pressoir à levier et pressoirs à vis, types contemporains, au Portugal et en Grèce.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
Cette ligne technologique s'améliora lorsque l'on fixa les vis et que l'on fit tourner le petit arbre dt presse avec deux écrous. Ce dernier système a connu une assez grande diffusion, et on en a retrouvi des exemplaires aussi bien en Italie qu'en Espagne, Dalmatie et Grèce, jusque dans la première moitit du XIX e siècle. La plus ancienne iconographie est actuellement celle du pressoir mystique de la Bible historiée datée du xve siècle, mais l'illustration arabe du manuscrit de Héron pourrait s'y rapporte] et nous renverrait au IX e siècle. 2) Le pressoir à vis à action directe : Décrit par Héron (Mécaniques, 15, 20), c'est probablement à lui que font référence les quelque! lignes de Pline (XVIll, 317). Maintenant c'est la vis qui appuie directement sur le volume à compresser Ce type de presse est représenté à Pompéi sur les murs de la maison du foulon Hypsaeus (découverte en 1875) : les deux vis tournent dans deux écrous sculptés dans la partie supérieure de la presse, le banc. Les vis sont manœuvrées par deux leviers courts et appuient sur une pièce de bois. Leur forme est légèrement tronconique. Actuellement, les plus anciennes trouvailles archéologiques, contempo raines de l'illustration, sont constituées par les fragments de vis carbonisés découverts à Pompéi e1 Herculanum et qui appartiennent manifestement à des presses à vis à action directe 55. Mais les hypo thèses proposées récemment par M. Gichon pour restituer sur des sites palestiniens de l'époque républicaine des presses à huile à vis à action directe à partir des pierres pouvant servir de cadres latéraux nous donneraient des datations du ne et du 1er siècle av. J.-C. Or on a retrouvé des presses de ce type dans le Bosphore. Ce type de presse est répandu en Orient pour le vin au Bas-Empire, comme en témoignent les mosaïques. Le relief d'Aquilea n'est malheureusement pas daté 56. Les pressoirs à vis à action directe sont décrits par Héron. Ce type de pressoir a connu une longue postérité et devint le type dominant d'une partie de la Méditerranée à l'époque moderne 57. Les problèmes techniques posés par les pressoirs à vis sont tout à fait différents de ceux des pressoirs à arbre. La pression est ici contrôlée par l'homme, qui donne à mesure le tour de vis nécessaire 58. La faiblesse du pressoir vient de la partie supérieure. Elle doit résister à la force donnée. Plus celle-ci est grande, et donc plus le pressoir est efficace, plus le risque est important. Au début, ces pressoirs sont de petite ·taille, donc beaucoup moins efficaces que les pressoirs à levier. Utilisés pour le vin surtout, ils se transportent facilement. On cherchera à améliorer le bâti, puis à améliorer la manœuvre pour démultiplier la force nécessaire au tour de vis. Parfois, on encastrera les grands bâtis. On utilisera aussi les grottes naturelles: d'où l'importance des huileries troglodytes, la paroi naturelle servant de résistance. Mais, si les bâtis de pierre permettent de retrouver l'emplacement des pressoirs à vis, il n'en est pas de même des bâtis de bois. Bon nombre de tables de pressoirs ont dû appartenir à des presses à vis. •
DESSOURCES ARCHEOLOGIQUES AllX SOURCES LITTERAIRES: LE TEMOIGNAGE DE HÉRON D'ALEXANDRIE
Arrivée au terme de cette présentation, nous allons, à l'inverse de ce que nous avions fait précédemment, reprendre nos sources littéraires. En effet, les découvertes archéologiques comme les recherches ethnographiques et historiques permettent de les considérer un peu différemment. Si le texte de Caton a l'intérêt de donner une description technique précise, celle-ci s'applique à un seul type de pressoir, à treuil fixe, dont la diffusion a été limitée dans le temps et l'espace. Les cinq lignes de Pline (XVIII, 317) doivent être considérées avec une grande prudence. Fautives dans le manuscrit 55. Restitution à l'huilerie de la Via dell'Abbondanza à Pompéi (Rg VII, ins. IV, n° 25). 56. M. GICHON (1979), p. 207-244. Mosaïque du Mont Nebo, Jordanie, VIe s. ap. L-C. St Christophe à Kabr Hiram, Liban, VIe s. ap. L-C.; J. LANCHA (1973), p. 520 sq.; Ph. BRUNEAU (1981), p. 166 sq. 57. M.C. AMOURETTI, G. COMET, Cl. NEY, J.L. PAILLET (1984). p. 417-418; M.C. AMOURETTI, G. COMET (1985), p. 85 sq. 58. La restitution d'un animal par M. GICHON (1979), fig. 10, n'est pas vraisemblable: les tours de vis ne sont pas réguliers, et dans aucun des systèmes postérieurs l'animal n'est utilisé.
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sur plusieurs lettres, il ne faut pas leur demander plus qu'elles ne peuvent donner. Précieuses sur le plan chronologique, elles nous apprennent que dans l'Italie du 1er siècle de notre ère le pressoir à action directe est une innovation récente; par contre, le pressoir à arbre et à vis serait connu en Orient depuis au moins un siècle; il est dit « à la grecque ». Il faut souligner que les restitutions de deux types de pressoirs à arbre et à vis à partir du texte de Pline sont tout à fait hypothétiques et, pour notre part, nous ne croyons pas du tout au type donné par les ouvrages d'histoire des techniques (planche 36). Il est regrettable que, par rapport aux deux textes précédents, celui de Héron ait été sous-estimé. Certes, nous ne disposons que d'une transcription arabe du texte grec. Connue tardivement, après une longue controverse sur Héron lui-même, elle n'a pas suscité la popularité, c'est peu dire, des descriptions de Caton 59. C'est au baron Carra de Vaux que l'on doit, en 1894, la première traduction à partir de la version arabe de Kosta-Ibn-Louka, datée du IXe siècle ap. J.-c. W. Schmidt utilise trois manuscrits pour l'édition Teubner; en 1903, A.G. Drachmann a repris plusieurs des textes et des croquis illustrant le manuscrit arabe dans son étude parue en 1963. Mais ses travaux ont été peu exploités 60. Cependant, le texte de Héron est 'beaucoup plus intéressant que celui de Pline si souvent cité, et donne beaucoup plus d'exemples que celui de Caton. Mais son objectif n'est pas la découverte technologique pour ellemême. Ce qui l'intéresse, c'est l'exemple mécanique à partir duquel il peut élaborer une théorie. Ce que cette théorie apporte à la connaissance scientifique ne nous importe pas ici. L'intérêt réside dans la description des machines. Héron s'attarde sur les difficultés de construction, il note les avantages et inconvénients de chacun des types. La presse à levier avec ancrage dans le mur est appelée lénos, ce qui nous confirme la référence à Hésychius, où ~T1v6c; est assimilé à torcular. La presse à deux vis est employée pour les olives. Elle est dite de construction facile. Héron note qu'il y a encore beaucoup de genres de presses et qu'il est inutile qu'il les décrive parce que leur usage est très répandu et qu'elles sont inférieures à celles qu'il a citées. Or, il décrit en fait quatre pressoirs: deux pressoirs à levier, deux pressoirs à vis. On a' donc une première confirmation : à son époque, les systèmes sont encore très variés. Sans être des innovations, les pressoirs à vis ne sont pas répandus partout, et la mise au point du pressoir à levier et à vis n'est pas encore achevée. Deux siècles plus tard, elle le sera devenue puisque nous voyons les contrepoids de pressoirs à vis se multiplier après le me siècle de notre ère. Naturellement, la vis n'a pas remplacé automatiquement les autres systèmes, parce que la technique à acquérir pour la construction demandait une certaine spécialisation, mais aussi parce que les avantages des pressoirs à contrepoids simple n'étaient pas négligeables : facilité de construction et efficacité. Quant aux systèmes de torsion, ils gardaient l'avantage du faible coût et de la simplicité. On a donc, sous les termes de pressoir et de moulin à huile, des réalités bien différentes qui expliquent aussi les difficultés du vocabulaire (tableau VII, p. 285). Il n'est pas possible actuellement de faire une recension du vocabulaire des huileries à l'époque classique dans le monde grec, comme nous avons pu le tenter pour le matériel de meunerie et de cuisson. Nos sources sont en effet tardives et très lacunaires. Le texte de Héron, qui est le plus intéressant, n'est connu que par sa tradition arabe. Parfois certains mots sont transposés directement du grec, quelques termes grecs peuvent se retrouver par d'autres translations, et A.G. Drachmann s'y est employé 61, mais le résultat est limité. Nous disposons ensuite des lexicographes, des Géoponiques et de quelques papyrus. Tous ces textes sont tardifs et, en particulier pour les papyrus, n'emploient pas toujours le même vocabulaire technique. Le tableau que nous donnons en annexe tient compte de ces limites; si précis que soit souvent le vocabulaire des auteurs latins, il ne nous permet pas toujours d'éclairer suffisamment la réalité grecque. Cependant, en tenant compte de la diversité des modes de pression que nous avons évoqués, on peut parvenir à quelques résultats. 59. Sur les textes rassemblés sous le nom de Héron, A. DAIN (1933), P. TANNERY (\912). L'article Héron de ï'Encyclopaedia Universalis ,ne mentionne même pas les Mécaniques. 60. CARRA de VAUX, in Journal Asiatique (1893), (1894); B. GILLE (1980). 61. A.G. DRACHMANN (\963), p. 111 sq.
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• Ainsi les contenants en vannerie souple dans lesquels on met la pâte d'olive au sortir du broyeui pour les placer sous le pressoir (fig. 24, B), et que l'on voit illustrés par le vase à figure noire de Bostor (fig. 27), nos scourtins, sont désignés par Caton et Columelle par les termes de sporta, fiscus, [iscinc (De Agr., 13; R. R., II, 2, 90; XII, 50, 10); selon Columelle ils sont en sparte, cette fibre végétale dom l'Espagne fournissait encore jusqu'au xix- siècle beaucoup d'huileries, mais qui pousse assez communé ment dans toute la Méditerranée, ou en feuilles de palmier. Théophraste (H.P., II, 6, Il) indique que ce palmier est très commun en Crète et en Sicile pour la confection de deux sortes de paniers : 1:: O1rvp{Ç et le '{)opp.oç. En conjuguant ces informations avec celles des lexicographes, on peut pensei que l'équivalent grec du scourtin pourrait être Œ1rVp{Ç, ce qui n'exclut cependant pas l'utilisatior d'autres termes désignant des paniers souples , ainsi le vieux mot ràsaoo; 62. Selon la taille des scourtins la pile sera plus ou moins élevée. Avec des scourtins dépassant 0 m 80 de diamètre, on n'en place que quatre ou cinq sous l'arbre, comme dans l'exemple portugais. Avec des scourtins plus petits, la pilE peut atteindre le chiffre de dix ou douze et ceci n'est pas indifférent pour la répartition des forces Les maies retrouvées dans le monde grec indiquent plutôt 'des scourtins de petite taille (0 m 50 à 0 m 70) Cependant les scourtins ne sont pas les seuls contenants possibles. On peut utiliser des enveloppes d'étoffes grossières ou de laine, une simple corde, mais ces systèmes sont plutôt retenus pour le vin Enfin Héron nous parle d'une cage de bois, le texte arabe transcrit directement le mot grec 'YaÀ€G.'Ypa La galéagra est une innovation à l'époque de Héron et paraît bien destinée aux premiers pressoirs à vis. Les restitutions peuvent donner lieu à quelques variations (planche 38), mais le principe est celui d'une cage de bois en lattes (d'où son nom emprunté à celui de la cage à belette) 63. Le principe n'a pas survécu pour l'huile, alors que les cages de pressoir sont restées en usage pour le vin. C'est que les impératifs de la pression sont différents, comme nous l'avons vu plus haut. • Le mot À7]IJOç désigne sans conteste la table de presse sur laquelle on foule les raisins, et nous es1 largement illustrée par des vases des VIe et ve siècles 64; pour Pollux (X, 130), il s'applique, pour l'huile à la maie, v1roÀrllJwlJ désignant le récipient qui reçoit l'huile. Mais pour ce dernier, le mot Tpt1rTr1P es1 employé plus fréquemment, et Pollux lui-même le précise (VII, 150). En fait, le terme fait aussi certainement référence à l'auge dans laquelle on presse la pâte d'olive dans les systèmes sans moulin, cuve allongée à fond plat à laquelle pourrait faire référence un texte de Nicandre (Alex., 493) et sa scholie, L'objet apparaît deux fois dans la liste des Hermocopides, une fois il est dit en céramique, ce qui correspond bien au vase récepteur 65. • La citerne à huile est désignée précisément par Aristophane sous le terme de '{)pÉap, tandis que le poète évoque dans le même texte le vin dans des amphores (Pl., 810). Il s'agit de la réserve familiale, et nous n'avons pas d'indications sur les citernes de décantation dont on a trouvé plusieurs exemples pour le monde romain. La décantation s'effectuait peut-être, comme sur notre figure 24, dans de simples pithoi. • Enfin il faut souligner que broyeurs et pressoirs ne sont pas toujours distingués dans le langage populaire et savant. De même pour nous les mots «moulin à huile» ou «pressoir» recouvrent souvent l'ensemble des machineries. C'est donc à juste titre que l'on traduit par «moulin à huile» €ÀaWTr1PWIJ dans l'inscription de Mylasa; €ÀawTp01rWIJ (Géoponiques, VI, 1); mais le terme de À7]IJ€WIJ, plus courant pour le pressoir à vin, est employé aussi par les Géoponiques (VI, l, 3); €Àawvp"'{€Ï.olJ, utilisé dans les papyrus, est proche de €Àawvp'Yov, employé par Aristote (Pol., II, 9); i1rWTr1PWV apparaît dans les papyrus.
62. Sur la vannerie souple utilisée dans le matériel agricole romain, K.D. WHITE (1976), p. 88-104; sur l'illustration des paniers, D,A. AMYX (1958), pl. 51. 63. Le mot apparaît dans la stèle des Hermocopides (SEG XIII, 13,1. 124), et W. KENDRICK PRITCHET (1956), p. 290, adopte pour lui la traduction de cage, en excluant l'identification avec le système du pressoir. Théophraste indique que la galéagra est en bois (H.P., V, 7,6). 64. Ainsi, coupes à figures noires, Paris, BN 320, Bruxelles R 278. 65. SEG, XlII, 13, 1. 1; 16,1. 32. D.A. AMYX (1958), p. 247-249.
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L'histoire du moulin à huile dans le monde égéen ne peut encore que s'esquisser, mais elle présente cependant des caractères qui la différencient de la diffusion qui s'opère dans la Méditerranée occidentale. On doit d'abord souligner que les méthodes de foulage aux pieds et sandales de bois comme l'usage du mortier se sont certainement prolongées, même après l'apparition des autres broyeurs. Pour le moment, notre plus ancienne référence pour eux nous ramène au Ive siècle av. J .-c. Nous aurions tendance à penser que le type de broyeur utilisé était plus proche de la meule que du trapetum ; en tout cas, ce n'est que lentement que celle-ci se répand, et ce n'est que vers le ve ou le VIe siècle de notre ère qu'elle paraît relativement dominante, mais avec de petites meules, dont on voit le témoignage à l'Agora d'Athènes. Le pressoir à levier simple a été lui aussi certainement utilisé fort longtemps; on en a des témoignages aussi bien à Chypre à l'époque hellénistique qu'à Chios au VIe siècle de notre ère. Il a été amélioré par des systèmes de poulies, mais il ne semble pas que le treuil fixe ou le treuil à contrepoids ait connu un aussi grand succès qu'en Afrique et en Occident. Le treuil sur contrepoids est peut-être une innovation carthaginoise et les exemples de Délos sont très tardifs. Par contre, nous aurions tendance à penser que de petits pressoirs à vis ont été utilisés assez vite, en Égypte hellénistique en particulier, et que leur diffusion commence dès le 1er siècle avant notre ère. Si le pressoir à vis et levier est connu au moins dès le jer siècle av. J.-c., sa diffusion a été lente, car le type décrit par Héron est peu performant. Il ne s'agit ici que d'hypothèses. C'est l'archéologie qui doit .nous donner des réponses. Mais, si les archéologues ne restent pas hypnotisés par la recherche de vestiges de type « catonien » ttrapetes. traces d'arbores et de stipitesï, ils peuvent changer les perspectives : la recherche de contrepoids de type ancre, les ancrages dans la paroi, l'adaptation des meules à un mortarium de type ouvert sont des indications nouvelles qui permettraient peut-être d'éclairer certains problèmes. Mais, de toutes façons, il faut avoir présent à l'esprit d'une part que les méthodes de foulage se sont prolongées, d'autre part que chaque innovation a besoin de temps pour arriver à être performante, tâtonnements et expériences s'étendant sur la longue durée. C'est pourquoi il nous a paru utile d'éclaircir les différentes typologies des pressoirs à vis, car il n'est pas impossible que leurs origines remontent au-delà du me siècle av. J.-c. Seule l'archéologie peut nous donner des réponses et affiner l'originalité de l'ère égéenne dont nous avons seulement esquissé les contours.
CHAPITRE VIII
LES PRODUITS DE L'bUVIER : CONSOMMATION ET USAGES VARIES
Si l'olivier a paru parfois symboliser l'arbre éternel, dont la longévité et les méthodes de culture portaient la marque d'une longue permanence, l'usage que l'on a fait de ses produits a largement varié au cours des temps. Actuellement, cet usage tend à se réduire à la consommation alimentaire; tout au plus le bois est-il utilisé pour la sculpture. Il n'en a pas toujours été de même, et les utilisations ont sensiblement changé d'une période à l'autre. Certaines sont sous-estimées; ainsi, l'importance de la consommation de l'huile dans les draperies a beaucoup pesé sur le trafic de l'Italie de l'époque moderne. Il en est de même pour les savonneries de Marseille, grosses consommatrices, en particulier depuis le XVIIe siècle. Elles ont représenté pour les marchés du Levant (Crète, Chypre, Corfou) un débouché constant, qui enrichissait d'ailleurs davantage les intermédiaires - les ports francs comme Gênes, et les fiscalités d'Etat - que les paysans poussés à la monoculture. Ces exemples nous montrent des volumes très importants d'huile circulant, en dehors de toute consommation alimentaire 1. If faut cependant prendre garde que ces demandes n'existaient pas sous cette forme à l'époque antique et que le volume total en circulation était certainement très inférieur, à l'époque 'grecque, à celui de l'époque moderne et contemporaine. Avant de tenter de l'estimer, il nous faut faire le tour des usages possibles des produits de l'olivier: l'Antiquité, sur de nombreux points, se différencie de l'époque moderne et contemporaine, comme des temps médiévaux .
•
USAGES ALIMENTAIRES
On consomme les fruits de l'olivier sous deux formes: l'olive et l'huile, toutes deux correspondent à des préparations culinaires. •
LES OLIVES
Les olives formaient un élément essentiel de l'alimentation paysanne, et non un simple condiment pour hors-d'œuvres (platon, Leg., VI, 782 b). On en emportait facilement pour un repas extérieur: le 1. Pour Venise, S. CIRIANICO (1975), p. 15; sur l'huile de graissage. J. CHAPELLE (1906), Congrès de St-Rëmy-de-Provence (1911); sur le commerce et la fiscalité au xvm e s., P. BOULANGER (1982), p. 409-430. Sur la consommation actuelle. M.C. AMOURETTl, G. COMET (1985), p. 9.
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paysan, pour sa journée à l'Assemblée, comme l'évoque avec regret le Chœur de l'Assemblée des femmes; les soldats, dans leurs provisions de départ (Aristophane, Ecc., 309;Ach., 550). Placées dans de petits récipients en sparterie, bois, céramique, dont on trouve encore l'équivalent dans les campagnes, elles pouvaient se garder un certain temps, à condition d'avoir subi une préparation. Ce sont ces olives préparées que l'on vendait sur le marché. On pouvait aussi garder une réserve familiale. Peut-être est-ce à ce type de provision familiale que se réfèrent les olives recensées sur une stèle des Hermocopides 2. Malheureusement, le prix est effacé. Nous n'avons plus qu'une référence de Plutarque (De Tr. an., 470 f), qui nous donne 2 drachmes le médimne. Les olives qui venaient de loin coûtaient plus cher. L'archéologie nous a apporté témoignage d'amphores avec des restes d'olives et des traces de moût et de fenouil et parfois desinscriptions peintes 3. Ces olives sont, comme de nos jours, préparées en vert ou noir, et certaines espèces se prêtent mieux que d'autres à chacun des types. Si les auteurs romains sont assez prolixes, nous disposons surtout pour la Grèce de deux pages d'Athénée (II, 56, b-f) et de quelques recettes des Géoponiques (IX, 28, 1-30). 1) Olives confites en vert: Actuellement, celles-ci forment une grande partie de nos olives confites. On ne peut manger directement les olives vertes car elles ont un fort goût amer dû à un glucoside (aleuropéine) plus ou moins accentué suivant les espèces et qui diminue avec la maturation. On doit donc les désameuriser 4 : on les traite pendant un certain temps dans une solution diluée de soude caustique ou de potasse; si elles sont proches du mûrissement, dans une solution de sel ou même d'eau simple. On renouvelle régulièrement. A l'heure actuelle, on cherche à les garder intactes pour l'exportation. Dans l'Antiquité, et dans beaucoup de recettes régionales, on les concasse légèrement, ce qui facilite le trempage et réduit le temps imparti; il peut s'écouler de trois jours à un mois. Après la désameurisation, on procède à un lavage abondant pour éliminer la soude. Dans l'Antiquité, on employait essentiellement l'eau claire, salée ou non, que l'on renouvelait. On pouvait donc passer directement à la troisième opération, la mise en bocal. Il s'agit de placer l'olive dans un liquide aromatisé et dans un récipient bien fermé, afin de la préserver de l'oxydation et de la fermentation, et d'empêcher l'odeur rancie qui se dégage de l'huile vieillie. On ajoutera donc du moût, du vinaigre, du vin, et des herbes variées où domine le fenouil 5. Mais on peut aussi se contenter d'eau salée ou d'eau de mer, ce sont les KOÀvjl{3âbec;, qui nagent dans la saumure. Le terme grec qui est à l'origine du mot romain, colymbades, est cité par Callimaque (apud Athénée, 56 c) pour des olives encore blanches mises à nager dans le sel à la fin de l'automne, c'est-à-dire nos olives vertes. Les olives bien préparées se conservent toute l'année. 2) Les olives mangées noires : Les olives tombées, les olives contenant peu d'huile, servent à la nourriture des esclaves, pour Caton. Si elles sont trop véreuses, on pourra les laver dans de l'eau tiède 6. Mais on peut aussi consommer simplement l'olive concassée, èÀaia ~ÀaaTrI. Certes, un seul fruit ne représente pas un mets suffisant, et Poliorchos (apud Athénée, 60 c) s'en gausse dans l'énumération d'un repas particulièrement mal soigné. Le terme àÀllâc; désigne sans doute aussi l'olive noire confite, bien que nous ne puissions le vérifier que par des allusions indirectes; dans l'ordre d'appréciation, selon les citations d'Athénée, 2. W. KENDRICK PRlTCHETT (1956), p. 196. Les olives apparaissent sur la stèle II (S.E.G., XIII, 13),1. 84-89 et 118 en stamnoi, mais la capacité de ce vase, une petite amphore, est discutée pour l'Attique. D.A. AMYX (1958), p. 190-194. 3. Ces olives sont souvent conservées dans des amphores contenant du defrutum, ce vin cuit, réduit de moitié selon Pline (XIV, 80), ou du tiers selon Columelle (XII, 21,11). En Grèce le vin cuit est le elpauw, le moût réduit l'1!1/i'7l-la. R.LEQUÉMENT, 1.1. MASSY (1980), p. 263-266; B. LIOU (1982); Gallia, 40,2, p. 437-454. 4. 1. BONNET (1923); 1. et P. BONNET (1946); P. LOUSSERT et BROUSSE (1978), p. 389,420; M.C. AMOURETTI, G. COMET (1985), p. 20; 1. ANDRt (1982), p. 91. 5. Columelle, XII, XLVII; Caton, De Agr., 117, 118. Selon Archestrate tapud Athénée, 56 cl, le fenouil (marathos) serait un souvenir de Marathon, 'mais ce type de préparation est évidemment antérieur. Les olives 1rLTvpioEÇ (Ath., 56 c) de petite taille sont de qualité médiocre. 6. Caton, Agr., 58; Columelle, XII, 1.
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nous avons les noires concassées, les àÀp.aô€c; dans lesquelles on met du fenouil, enfin la pâte d'olives sur laquelle nous reviendrons 7. Quelle est la meilleure époque pour confire les olives? Les Romains conseillent le moment où les fruits mûris sur l'arbre (et non tombés) virent au noir. Ce sont les druppae pour Pline, qu'il assimile à la ÔPV1r€TrlC; grecque (XV, 6). En fait, Athénée compare le terme de druppa à celui de ÔPV1r€1rrlc;. Il explique ensuite que le mot a le sens général d'«olives mûres», et les deux comparaisons empruntées à Didyme le confirment (Athénée, 56 d). Pour Théophraste, les bptmenei»; sont les olives bien mûres, et même très mûres, par opposition aux olives vertes (C.P.. 8, 3 et 6, 8, 4). Il semble donc que les Grecs choisissaient les olives prêtes à confire à une date plus tardive que les Romains. Pour la conserve, on employait des techniques dont le principe s'est maintenu dans certaines conserves dites «à la grecque». L'essentiel était de maintenir les fruits entièrement recouverts de sel par couches alternées ou en tas, durant trente à quarante jours, puis de les essuyer avec une éponge ou un linge propre (c'est-à-dire sans les mouiller). Ensuite apparaissent toute une série de recettes (Columelle nous en donne trois) où l'on imbibe les fruits dans du vin cuit, du miel, du vinaigre, après les avoir fendus. Mais c'est du soin apporté à la première opération (salage), pour évacuer les margines, que dépend la bonne conservation suivante 8. L'olive mûre contient en effet une forte proportion d'eau de végétation. 3) Préparation d'olives écrasées en vert et en noir : La pâte d'olive, OTÉJ,lIfJVÀOv, est appréciée et vendue sur le marché (ce commerce est d'ailleurs décrié, selon Diphilos [apud Athénée, 55 e]); elle est faite à Athènes d'olives noires. Les méthodes de pressurage laissaient d'ailleurs suffisamment d'huile. Mais on peut utiliser directement la pâte simplement broyée, retpuuiéuo», pour des recettes appréciées. Nous connaissons essentiellement les procédés que nous a transmis la tradition romaine qui se réfère d'ailleurs à des recettes grecques. Ainsi l'épityrum de Caton (Agr., 119), qui semble plutôt devoir être attribué aux Grecs de Sicile (Varron, LL, 7, 86). Elle s'effectue avec des olives vertes, violettes ou noires. On enlève les noyaux: «coupez-les elles-mêmes en morceaux, ajoutez huile, vinaigre, coriandre, cumin, fenouil, rue, menthe; confisez dans un pot, que l'huile les recouvre ». La sirape est analogue à notre tapenade, où les câpres remplacent l'anis d'Égypte. Selon Columelle (R.R., XII, 49), les olives passées légèrement sous le pressoir (pour évacuer les margines) sont mises sous la meule sans que les noyaux soient écrasés. «Quand elle est réduite en bouillie, on y mêle à la main du sel torréfié et égrugé et d'autres assaisonnements secs, du fenugrec, du cumin, de la graine de fenouil, de l'anis d'Egypte ». On versera ensuite sur la pâte de l'huile chaque fois qu'elle semblera s'assécher. Conseillée avec la Pausée, elle ne se conserve cependant pas plus de deux mois. Reprise par les Géoponiques. la recette implique broyeurs et pressoir pour une production notable. Mais on peut l'imaginer avec un pilon. Les préparations d'olives écrasées paraissaient aux Grecs plus digestibles que celles que l'on effectuait à partir des olives entières (Diphilos, apud Athénée, 56 a).
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L'HUILE
1) Les différentes qualités d'huile:
Rien n'est plus difficile à déterminer que la qualité de l'huile par rapport au goût. Certes, on peut actuellement distinguer les huiles alimentaires de celles qui ne le sont pas. Le récent scandale espa-
gnol a bien montré que le mélange d'huiles de moteur avec de l'huile d'olive pouvait être mortel! On l'aurait pensé. Mais, à l'intérieur même de l'huile d'olive, où s'arrêtent ces qualités qui la rendent 7. Athénée, 56 c ; Aristophane, fr. 190; Plutarque, M. 687 d (àÀj.L,J). 8. Columelle, XII, XLVlll; Géoponiques, IX. 28,1; 30.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
comestible? La législation française est très sévère et élimine toutes les huiles provenant de l'extraction finale par solvant, mais aussi certaines huiles de grignon. Le contrôle s'effectue en fonction de la teneur en acide oléique. Cette législation est relativement récente et, jusqu'au xxs siècle, on s'en tenait aux grandes classifications proches de celles de l'Edit de Dioclétien, et que l'on retrouve dans les traités d'agronomie de l'époque moderne 9. Se distinguent clairement:
a) Les hui/es de première qualité : celles qui sont issues de la première presse sans mélange. Elles peuvent être faites: .. d'olives vertes; c'est l'huile acerl.um, omphacium, WfJ.oTpt{3ilc; 0fJ."I'éLl
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les multiples usages de l'amurca prouvent une récupération systématique 13. Nous n'avons pas d'équivalent pour la période grecque. Il est plus probable que les qualités étaient moins séparées et que la faiblesse des moyens de presse n'entraînait pas une économie aussi diversifiée. Quels étaient les goûts des Grecs? Une huile très fruitée comme celle prônée par Caton et Colu.melle ? En réalité, en dehors de l'OJ.1'PaK~VOv dont les usages semblent plutôt réservés à la médecine et au parfum, les huiles grecques sont peu citées pour leur goût. L'huile de Samos est dite excellente et blanche, un type d'huile printanière (Antiphane, apud Athénée, 66 f). Galien cite une huile douce, rÀVKÉÀawv (2, 398 a). En fait, ce serait une erreur de croire que le label était le même pour toute la Méditerranée. P. Raybaut a évoqué avec beaucoup de verve au Congrès de l'Olivier de Grasse en 1979 les aptitudes d'un goûteur d'huile, métier fort bien rémunéré encore sur la place de Nice avant 1914 : capable d'évaluer une quinzaine de qualités en deux heures pour déceler les fraudes, le goûteur présidait à une époque où les commandes aux négociants étaient précises: on voulait tel mélange, tel arrièregoût. Et les qualités prisées par les Méditerranéens - fruité, couleur s'opposaient à celles que recherchaient les gens du nord: peu de goût et d'acidité, clarté. Ce sont ces derniers qui, en France, l'ont emporté, à partir de la fin du XVIIIe siècle. Les Grecs avaient des goûts divers eux aussi. Athénée nous en donne quelques échos. Mais, comme d'habitude, cet érudit est plus soucieux de multiplier les citations originales que de faire de véritables recensions. C'est ce qui explique les ambiguïtés de l'Edit de Dioclétien. Il détermine pour l'huile d'olive trois qualités qui, en latin, pourraient se comprendre en fonction des pressées. On aurait ainsi 14 : olei flos :
huile vierge de première pressée
sequens : de seconde pressée cibaria :
ordinaire
- 40 deniers -- 24 deniers - 24 (ou 12) den iers).
Mais, lorsqu'on regarde les équivalences en grec, les choses sont un peu plus compliquées, puisque nous avons: àJ.ll{JaK~VoV (oleifios).
qui correspond en principe, nous l'avons vu, à l'huile acerbe.
ôenepo» 'Yer.JJ.laTOC; (sequens] : le mot grec désigne la qualité, le goût, non la pression. )(Voaiov (cibaria) : il s'agit bien de l'huile commune, ordinaire.
On a donc, en fait, trois qualités d'huile comestible. La première correspond à l'huile faite avec des olives vertes ou bigarrées, mais de première pressée; non mélangée et purifiée : l'équivalent de l'huile d'Aix au XVIIIe siècle. La seconde, purifiée aussi, mais faite avec des olives noires de bonne qualité. La troisième est le tout-venant: faite avec des olives tombées, mais comestibles; probablement aussi l'huile vieillie. Pas plus qu'à l'époque moderne, la distinction ne devait être facile à déterminer. •
LA CONSOMMATION
La très bonne huile est placée sur la table; elle va servir pour les crudités mais aussi pour les sauces. Les Grecs connaissaient l'huilier, et l'objet a pu être découvert par l'archéologie. A. Bovon et Ph. Bruneau ont montré, en effet, que certains vases à deux becs correspondaient à deux réservoirs différents et répondaient à cet usage: les Grecs pouvaient y mettre huile et garum et se verser du rapÉÀawv sur leurs plats, ou plus souvent huile et vinaigre pour obtenir l'o~ÉÀaLOv 15. Pour la plupart, l'huile commune servira à tous les usages alimentaires. Cependant, la graisse de porc et d'oie, dont nous voyons faire grand usage en médecine, n'est pas totalement à négliger. Mais les Grecs 13. Sur la rentabilité des caquiers et de la recense, A. BERNARD (1788), éd. CASANOVA (1978), p. 117-121. Sur l'usage romain, 1.P. BRUN (1982), p. 76-83. 14. Edition GIACCHERO (1970), 3,12. Pour 1. ANDRÉ (1982), p. 181, il faudrait corriger le troisième prix en 12 deniers, car il est nécessairement moins cher que le second. 15. A. BOVON, Ph. BRUNEAU (1966), p.131-134.
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Figure 29. - Les contenants. En haut, vinaigrier hellénistique de l'agora d'Athènes, P 23300 (A. BOYON, 1966); en bas, vente d'huile à parfum d'après une pelike à figures rouges, ye s. av. J.-C.
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ont encore des habitudes frugales. Ils utilisent beaucoup d'aliments bouillis et en particulier de soupes. L'huile intervient pour le nappage des viandes, et comme liant en pâtisserie. Elle peut être consommée fraîche sur du pain, l'habitude s'en conservera longtemps en Méditerranée. Il est peu probable, comme on l'écrit parfois, que la cuisine grecque ait pratiqué les longues fritures au même degré qu'aujourd'hui. On utilisait la Àmraç pour faire revenir certains plats 16. Indéniablement, cependant, l'huile reste la matière grasse prépondérante dont l'usage est la marque même des Hellènes. Il serait important de pouvoir mesurer la consommation d'huile par habitant. En effet, c'est l'apport principal en lipides (100 gr d'huile apportent 900 calories et contient de 4 à 14 % d'acides gras insaturés); la consommation de graisses animales semble quantitativement peu importante, autant tout au moins que nous puissions en juger par les pièces d'Aristophane ou le Régime d'Hippocrate, sources qui demeurent évidemment très partielles. Cependant les rations de Sparte comme celles de certains salaires d'ouvriers sont en céréales et parfois en huile (tableaux VIII à X, p. 287 sq.). Si les animaux de chasse y apportaient un complément certain, il ne semble pas que la viande de porc ait joué un rôle aussi important qu'à l'époque homérique 17. L'huile tient dans l'alimentation une place fondamentale. La ration habituellement proposée comme moyenne est celle de 15 litres par an, soit, en tenant compte de la densité de l'huile (entre 914 et 920 gr), 13,95 kg 18. Ce chiffre semble élevé, cependant, si on le compare à certains chiffres fournis par des enquêtes alimentaires, il apparaît qu'il est peut-être sousestimé. Ainsi, en 1974, la moyenne nationale de consommation par habitant et par an est pour la Grèce la plus élevée du monde (18,9 kg). Au xixe siècle, H. Raulin avait été frappé par l'importance de la consommation familiale : 12 mistabes par an, soit 139 à 168 kg. Les familles représentent une moyenne de cinq personnes, soit une consommation qui s'élève entre 25 et 30 kg. Elle comprend ici l'éclairage. Mais en Sicile au XIVe siècle, alors que la cuisine est au saindoux, la seule consommation de novices jésuites est de 20 kg' par tête. Certes, c'est une consommation de privilégiés, et les galériens ne disposent que de 3,6 kg. Mais on retrouve au Portugal au xtxe siècle, pour des ouvriers, des rations de 100 gr d'huile par jour, ce qui nous fait rejoindre, en tenant compte des jours fériés et d'un apport de graisses animales pour certains jours, des moyennes annuelles de toutes façons élevées et dépassant 20 kg 19. Il nous semble donc qu'il ne faille pas extrapoler trop vite des besoins estimés aux surplus disponibles, car ces besoins étaient élevés, et nous les estimerions plus près de 20 que de 15 litres par personne et par an, soit 18,5 kg.
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LES SOINS DU CORPS Il s'agit d'une utilisation fondamentale des produits de l'olivier concernant essentiellement l'huile.
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L'HYGIÈNE CORPORELLE: L'ONCTION APRÈs LE BAIN
Notre savon dur, on le sait, n'est apparu qu'après des tentatives et des essais divers. Mais ii est lïls de l'huile d'olive. C'est au XVIIIe siècle que les fabricants marseillais trouvent le secret de fabrication du savon à 72 % particulièrement cristallin, à la fois efficace et non répulsif pour la peau. Il était fait 16. Sur ces points, KOUKOULES (1956), V. Malheureusement, E. PATLAGEAN (1977), qui le critique, estime que (( la consommation de l'huile d'olive en Proche-Orient avant, pendant, après notre période, est trop notoire pour qu'il soit nécessaire de la documenter», p. 40. Nous n'avons aucune idée précise des rations pour l'époque byzantine. 17. Sur l'alimentation des Grecs on ne dispose pas d'un ouvrage équivalent à celui de 1. ANDR~ (2e éd. 1982). L'article de N. JASNY (1951) n'a pas été renouvelé. Cependant, par le biais du sacrifice du mythe, plusieurs études traitent de l'alimentation : M. DÉTIENNE (1972-1979), G. BERTHIAUME (1982). 18. Moyenne donnée dans l'ouvrage de P. CUISINIER (1963) et reprise par nombre d'auteurs; ainsi H. VAN EFFENTERRE (1980). p.456. 19. Recensement 1974; LOUSSERT et BROUSSE (1978), p. 22; V. RAULIN (1869) pour la Crète. Les autres chiffres sont extraits de l'enquête des Annales, présentée en 1973 et publiée dans un dossier spécial (1975), p. 424, 595.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
uniquement à base d'huile d'olive. Cette dernière fut remplacée lentement par les huiles de graines, mais Marseille conserva longtemps sa primauté. Celle-ci était ancienne, et dès le IXe siècle, à l'imitation des Arabes, on était passé à la fabrication du savon dur en incorporant de la chaux à l'émulsion d'huile, d'eau et de cendre. Le mot sapa désignait une invention celtique à partir du suif et de la cendre. Les Méditerranéens remplaçaient le suif par l'huile et obtenaient une sorte d'émulsion savonneuse dont on a quelques références à partir du 1er siècle 20. Qu'en était-il auparavant? L'ensemble du linge de maison est apporté à la rivière ou à la fontaine et les servantes de Nausicaa le foulent dans des trous d'eau (Od., VI, 118). Elles ont pu auparavant le laver avec des produits à base d'alcali, ou de potasse, tirés des végétaux brûlés ou bouillis. C'est ce que suggère R. Ginouvès 21 (on peut noter que, jusqu'à une époque très récente, dans certaines campagnes provençales, la lessive s'effectuait dans un cuvier où l'on plaçait le linge dans un ordre précis, avec une couche de cendres de bois. On l'arrosait d'eau tiède et on récupérait sous le cuvier cette eau que l'on reversait jusqu'à ce qu'elle devînt noire, ce liquide servait de détergent. Un bon rinçage, l'exposition au soleil donnait des étoffes parfaitement blanches 22. On n'avait donc pas besoin de savon pour la lessive). Pour la toilette du corps dans la Grèce antique, on utilisait essentiellement l'eau, chaude ou froide, chez soi, ou dans les bains publics, avec son éponge. Peut-être une pâte, crème à base de végétaux, était-elle en usage. C'est le sens que R. Ginouvès donne à O,,1fl'Ylla. Mais bien souvent on se contentait de l'eau seule et d'un brossage énergique. Par contre, l'onction à la sortie du bain était considérée comme indispensable. Cette friction réchauffait le corps, l'assouplissait et évitait l'asséchement provoqué par les frottements et l'eau calcaire. Si l'on ne peut pas prendre de bain, estime Hippocrate, il faut le remplacer par des frictions d'huile et de vin. C'est le rôle des femmes dans les poèmes homériques d'oindre le corps (à'AEi..pw, xptw), après le bain. Télémaque en voyage chez Nestor aura droit au massage de la plus jolie fille de son hôte tOd., III, 466). Souvent ce sont de simples servantes (Od., VIII, 454) qui accomplissent cet office. Quand elles ne sont pas là, on effectue l'onction soi-même : Ulysse et Diomède se lavent dans la mer, se baignent dans une cuve, se frictionnent avec de l'huile (Il., X, 577). Et Ulysse découvert par Nausicaa et désireux de reprendre un aspect aimable décline son aide pour se laver : «Je saurai sans votre aide me laver à l'écume et m'oindre de cette huile que depuis si longtemps ma peau n'a pas connue» (Od., VI, 96). Le mot à'AEt1TTr/<:;, masseur, finira par désigner le maître du gymnase. C'est ainsi que la petite fiole d'huile que chacun apporte pour le bain devient un objet quotidien, souvent illustré sur les vases. De forme allongée ou ventrue, elle contient le liquide doré. Magnifiée chez Homère entre les mains d'Héra ou d'Athéna, elle devient chez Théophraste l'objet quotidien par excellence : le mesquin n'en a qu'une toute petite, le superstitieux verse la sienne tout entière sur les pierres sacrées, et le profiteur apostrophe l'esclave qui le frictionne au bain en déclarant qu'il a acheté de l'huile rancie aomoov, dont se contente le malpropre. En cette fin du Ive siècle comme à l'époque précédente, chacun apporte soi-même son huile, et bains pas plus que gymnases n'ont encore leurs propres réserves 23. •
L'ONCTION DES GYMNASTES
L'utilité des onctions après le bain doit être distinguée de celle des gymnastes. Certes, les athlètes se baignaient après l'effort, l'onction ajoute alors un véritable travail de massage qui assouplit et défatigue la peau et les muscles. Pour la même raison Hippocrate la conseille dans les courbatures (Diaet., XV). Elle est parfois employée chaude (Aristote, Prob/., 863 b). Les frictions d'huile précédant les exercices ont des fonctions un peu différentes. L'échauffement et l'assouplissement provoqués par les 20. C. SINGER (1956), p. 355; J. ANDRÉ,R.E.A. (1958),60. 21. R. GINOUVÈS (1962), p. 143; J. L. MELENA (1980) pense, pour l'époque mycénienne, à la Saponaria officinalis 1., qui pousse en Crète, ou à la Salsola carpatho 1., p. 178, n° 6. 22. P. MARTEL et J.P. ROYER (1978) pour l'enquête contemporaine dans les Alpes de Provence. 23. Théophraste, Char., X, 25; XVI, 11; XXX, 16; XIX, 6; R. GINOUVÈS (1962), p. 140; J. DELORME (1960), p. 304; C. ROLLEY (1974), p. 169.
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massages huileux évitent les accidents musculaires. Nos sportifs actuels ne font pas autrement avec des pommades sophistiquées. La pratique grecque, en pays méditerranéen, du sport en plein air, y ajoute une protection de la peau contre les différences de température. Hippocrate y voit surtout une protection contre le froid (Diaet., XV); elle n'est pas négligeable contre le soleil. Enfin, dans les exercices de lutte, le corps est malgré tout protégé contre les coups. Ces vertus étaient si bien admises que, durant l'Anabase, pour se réchauffer, les hommes transis par la neige tomhée dans la nuit se frottent de matière grasse et Xénophon note que l'on se servait comme onguent, xpLup.a, de saindoux, d'huile de sésame ou d'amande au lieu d'huile d'olive (An., V, IV, 13). Après les exercices, le corps huilé est recouvert de sable et de la poussière de la palestre en adhérence avec l'huile. On enlève cette couche protectrice, 'YÀOLC)ç, avec le strigile, dont les exemples comme offrandes dans les sanctuaires remontent assez haut 24. Cette mixture, UTÀÉ'Y'Ywp.a, est réutilisée, parfois pour l'usage médical. Du temps de Pline, la vente enrichit le gymnasiarque, sans que nous sachions si cet usage médical était le seul. Par décantation, on pouvait sans doute récupérer de l'huile de lampe 2S.
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LES PARFUMS
L'huile est souvent dite €ùw[)f/C::, et son parfum propre en constitue donc naturellement un onguent de qualité. Mais elle sert· aussi de base aux véritables parfums. Le vocabulaire utilisé désigne aussi bien les produits liquides que les crèmes et onguents solides 26 : o
o
o
o
aÀ€L'Pap: sert à oindre après le bain, avec un sens général. Le produit, liquide ou solide, peut être
à base d'huile d'olive ou de graisse de porc. Le mot apparaît tôt (Il., XXIlI, 170; Od., 111,408). A-re-pa-zoo désigne en mycénien le bouilleur d'onguent. xpLp.a, xpîup.a : semble davantage utilisé à l'époque' classique. D'après Hippocrate et Xénophon, il peut s'agir d'un onguent dont on s'enduit après le bain ou avant le gymnase. Il est normalement à base d'huile d'olive en Grèce, et Xénophon note comme une exception l'usage d'huile de sésame, d'amande, de graisse de dauphin (An., IV, IV, 13 et V, IV, 28). Dérive du verbe employé majoritairement dans les poèmes homériques pour oindre, xpiw. p.vpov: c'est le parfum proprement dit, c'est-à-dire la préparation, solide ou liquide, dans laquelle l'huile sert de base, d'excipient, et les essences de corps. Le mot apparaît pour la première fois chez Archiloque à propos du parfum des femmes (38 et 237). EVTpLp.J..la: représente les fards, en poudre ou en onguent, dont les femmes usent pour le visage. ils sont à base de graisse animale. Nous ne nous en préoccuperons pas ici 27.
La fabrication du parfum apparaît très tôt dans le monde grec puisqu'il joue un rôle très important à l'époque mycénienne et sert de base à une partie des exportations des palais. Les principes de fabrication se retrouvent à travers les siècles. Nous disposons, pour l'Antiquité, essentiellement des références de Pline au livre XIII, de Dioscoride au chapitre l, de Théophraste dans le traité Des Odeurs et de quelques allusions de l'Histoire des plantes. On peut y ajouter maintenant quelques tablettes mycéniennes; enfin deux peintures de Pompéi. Ces indications, malgré tout souvent allusives, sont éclairées par les 'procédés contemporains. Les éléments qui composent le parfum sont les suivants:
24. 1. BOARDMAN (1971). p. 136; R. GINOUVÈS (1962), p. 143. D.A .. article Gymnastica (896); Lucien, Anach,. 29; Hippocrate, A cur., 395; Platon, Hipp. min., 368 c. 25. Pline, XV, 19; XXVIII, 50; Dioscoride, I, 30, 6 ; Aristophane, Nuées, 449 Schol. 26. A l'étude de H. BLÜMNER (1912), p. 357-364, et à l'article Unguentum, D.A. (1919), il faut ajouter R.J. FORBES (1964), III et les travaux sur le monde mycénien, en particulier l.L. MELENA (1980) et M. WILOCK (1970). 27 lis ont été étudiés par B. GRILLET (1975). Le substantif n'apparaît que chez Plutarque, mais le verhe llJTpi(Jw est utilisé par les auteurs classiques (p. 28).
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1) Éléments de base:
a) L'excipient: Théophraste (De Odor., IV, 14, 15) indique quatre huiles, utilisées à l'époque comme excipient du parfum 28. L'huile de Ben, venue de Syrie et d'Égypte, la meilleure, puis l'huile d'olive, l'huile d'amande amère produite en Cilicie, l'huile de sésame. Les qualités demandées à ces huiles sont la bonne résistance à la chaleur, la conservation, la réceptivité non à toutes les odeurs, mais à certaines odeurs. Théophraste se demande de ce point de vue s'il vaut mieux une huile qui a peu d'odeur comme l'huile Wf.loTpt~éc; ËÎ\awv faite avec des olives à demi sauvages ou l'huile de Ben qui a sa propre odeur (De Odor., IV, 15). L'huile d'olive, la meilleure pour les parfums, est donc l'huile acerbe d'olives vertes, 0f.l'Pcuavov ou wf.loTpt~éc;, et si possible à partir d'une espèce produisant peu d'huile 29. Ce n'est pas la quantité qui importe, mais la qualité. Dans la peinture de Pompéi cette huile est fabriquée à partir d'un pressoir à coin, donc avec un pressurage lent 30. Columelle (XII, 50) conseille de procéder à trois opérations : un premier pressurage léger, pour extraire l'amurca, un broyage avec des meules très écartées pour ne pas écraser les noyaux, enfin le pressurage : l'huile étant recueillie immédiatement dans les vases avec la coupelle. Dans la peinture de Pompéi, seul le pressurage est indiqué.
b) L'essence: le corps, qui va donner son nom au parfum. Il s'agit donc de la plante dont le parfum va désormais imprégner l'excipient. Le mot i/8VUf.laTa (pl.) est employé une fois par Hippocrate dans ce sens. Cette imprégnation ne .se fait pas à partir de la distillation, comme la plupart de nos parfums, mais suivant trois techniques que l'on retrouve dans la parfumerie traditionnelle: o
o
o
L'extraction par expression: la plante est déchiquetée et écrasée, souvent au pilon et mortier. Extraction par épuisement à chaud, macération à chaud. Les fleurs sont mises dans l'huile très chaude, 60 à 70°; on remue constamment, ceci douze à quarante-huit heures, en renouvelant régulièrement, l'huile étant retirée du feu. Ainsi pour l'huile de rose, il faut 1 kg de pétales de roses pour 1 kg d'huile. Les extractions à chaud se font au bain-marie (Théophraste, De Odor., 20-23). Extraction par épuisement à froid, ou enfleurage : ce procédé permet de produire des matières odorantes très fines. Ainsi on imbibe d'huile des morceaux de grosse toilé, on les étend sur un cadre, on y répand les fleurs; quand on a répété l'opération plusieurs fois, on presse les linges pour en extraire l'huile. On peut aussi mettre les fleurs dans un sac, le plonger dans l'huile en renouvelant les fleurs toutes les vingt-quatre heures pendant un mois 31.
c) Les huiles aromatiques: Certaines huiles servent à la fois d'excipient et d'essence, mélangées entre elles ou employées seules. Pline les indique sous le nom d'«huiles artificielles», mais les confond avec les excipients (XV, 24). L'extraction de leur essence est de même nature que celle des autres plantes. 11 s'agit essentiellement de l'huile de laurier, de myrte, daphné, cédrat, coing, lentisque, henné; la noix de Ben peut aussi être traitée 'directement en huile aromatique 3•. 28. Le mot uTI}/-i/-ia est employé par Dioscoride dans le sens d'«excipient», 1,76, pour la première fois. Il désigne auparavant la qualité d'astringent. 29. Dioscoride, 1, 30, qui donne l'équivalence entre OIJ.'PQ.KLVOV et W/-iOrpL{3t!ç, l.L. MELENA (1980), p. 265. 30. Maison des Vetii et maison VII, VII, 5, celle-ci n'étant plus connue que par un dessin; H. BLÜMNER (1912'), fig. 134. 31. M.WILOCK(1971),p. 117 et 126. 32. Ce point a été bien vu par M. SARAT dans son mémoire sur Les parfums et leurs composants végétaux dans l'Antiquité, dans l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien (1982), Université de Provence. 1. ANDRÉ souligne dans l'édition du livre XV que « toutes ces huiles ou pseudo-huiles sont confondues dans un désordre ahurissant», p. 78, note 1 du § 24.
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2) Éléments complémentaires:
a) Colorants, plantes ou minéraux que l'on retrouve dans les tissus et qui servaient aussi de fixateurs; ainsi l'orcanette ou l'anchuse teintent en rouge, le henné verdit. b) Fixateurs. C'est une fonction essentielle, puisqu'il s'agit de maintenir longtemps le parfum extrait. La gomme et la résine sont cités par Pline: on obtenait la première à partir du ladanum, du styrax, du galbanum et même de la myrrhe. Le premier se trouvait en Crète comme à Chypre et il jouait encore à l'époque moderne un rôle important dans ces régions 33. c) Conservateur: l'huile, et en particulier l'huile d'olive, se conserve mal au-delà d'un an et prend facilement une odeur de ranci. On ajou te du sel; l'orcanette joue le même rôle. Comme on a pu le constater, certains de ces éléments, que nous avons isolés pour la compréhension, se retrouvent dans la même plante. L'art du parfumeur est de les utiliser au mieux et ses secrets en font la valeur. La durée, les dosages vont différencier un parfum de qualité d'un autre. Ainsi l'huile « à la rose», EÀaWIJ jJOOLIJOJ,l, est mentionnée par Homère (Il., Xll I, 184,7) pour les soins du cadavre d'Hector. Il s'agit du parfum dont l'excipient est l'huile d'olive et l'essence la rose. Mais le « parfum de rose », POOLVOIJ p.vPOIJ, contient en sus divers aromates : Théophraste conseille l'cwmiÀalJo<; (Calycotome vil/osa), et surtout beaucoup de sel (De Odor., 25). Pline donne la recette complète (Xll l, 9) : « De l'omphacium, des pétales de roses, du safran, du cinabre, de l'acore, du miel, du joint odorant, du sel fin, de l'orcanette et du vin », Les deux produits, huile parfumée et parfum, sont nettement différenciés par Galien (XI, 538). Comment les Grecs usaient-ils de ces parfums? Dans beaucoup de cas comme des onctions d'huile vues précédemment. Mais les citations de p.vpov qui apparaissent chez les poètes lyriques concernent des femmes et souvent des courtisanes. Leur parfum, sur la tête, sur les seins, est là pour susciter le désir 34. D'une manière comique Aristophane, on s'en souvient, évoque la ruse de Myrrha Mynthe qui se fait apporter par son mari un parfum répulsif au lieu du parfum érotique prévu pour leurs ébats tLy s., 940-945). Il y a donc une double connotation dans le fait d'user d'huiles parfumées et odorantes : positive, elle évoque le corps, bien huilé sur le gymnase, au sortir du bain; négative, c'est la femme et ses apprêts artificiels 35. La rencontre avec les Perses provoque l'étonnement devant l'usage de se parfumer la tête. conjugué avec la très grande variété des parfums orientaux; et Pline (Xlfl, 3), comme Athénée (XV, 686 f-687 a) développeront l'idée que les Grecs ne connaissaient pas les parfums qui auraient été introduits par les Perses. Cependant Athénée précisant que Solon interdit les parfums, ces derniers avaient donc bien été introduits avant l'arrivée des Perses. C'est l'absence du mot p.vPOIJ dans les écrits d'Homère qui sous-tend aussi cette analyse, qui sert à illustrer les vieux topai : l'opposition entre les habitudes frugales des héros et la dépravation efféminée des contemporains, celle-ci introduite par les mœurs orientales. En fait, les Mycéniens sont des fabricants de parfums importants. Les techniques n'ont pas dû se perdre, et les références d'Homère se rapportent à des extractions à froid. Mais les Grecs d'Ionie ont pu introduire l'usage d'une multitude de composants, et surtout le goût pour des produits venus d'Orient, la noix de Ben ({3aÀavo<;) en particulier. A l'époque classique, le parfum est utilisé par les hommes comme par les femmes, et la médecine en fait même usage. Cependant, le fait de se frictionner d'onguents est encore le propre des vaniteux chez Théophraste tChar., XXI). L'onction doit être destinée à l'hygiène, non à la parure. Et lorsque Plutarque évoque le souplesse d'Alcibiade, il songe à ses nouvelles manières en Laconie où « on le voyait se raser jusqu'à la peau, se baigner dans l'eau froide ... et l'on se demandait si cet homme avait jamais eu un cuisinier dans sa maison, s'il avait jamais vu un parfumeur, ou consenti à toucher un vêtement en tissu de Milet» (Vie d'Alcibiade, 23). La boutique 33. Description vivante du ramassage au XVIIIe siècle par J. PITTON de TOURNEFORT (1717), p. 85. 34. Archiloque, 38 et 237 ; Alcée, 112 et 78; Simonide d'Amorgos,Iambes, VII, 60. 35. B.,GRILLET (1975). p. 92 sq.; sur Minthe, Myrrha, M. DÉTIENNE (1972), p. 121-122.
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LE PAIN ET L'HUlLE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
b
Figure 30. - Divers usages de l'huile. a) La fiole d'huile pour le bain (d'après une amphore attique du VIe s. av. L-C., musée Villa Giulia, Rome) et le gymnase (d'après un cratère attique, VIe s. av. J .-C., Staatliche Museum, Berlin. b) Lampes d'argile de l'âge du bronze, Mallia, Crète.
LES PRODUITS DE L'OLIVIER: CONSOMMATION ET USAGES VARIES
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du parfumeur est parfois illustrée. L'huile est contenue dans une amphore semi-enterrée, on puise avec un petit vase en entonnoir que le vendeur bouche ensuite avec son doigt. •
USAGES MeDICAUX
L'huile d'olive paraît, pour la médecine hippocratique, avoir des vertus curatives par elle-même, en particulier dans l'hygiène corporelle, qui fait partie intégrante de tout régime. Quand on conseille des exercices, on précise s'il faut huiler le corps tDiaet., II,73). o Elle est conseillée en onction dans le cas du choléra sec, pour les soins du visage, et ses vertus d'adoucissant musculaire sont à mettre en relation avec son rôle dans la médicamentation des courbatures (M. Acut., II; Diaet., II, 7; Mu/., Il, 38). o En instillation : tiède dans les oreilles contre la surdité, elle rejoint nos remèdes traditionnels contre les bouchons de cérumen tEpid., 7, 63). o Comme désinfectant et cicatrisant: on pense à notre huile de millepertuis et aux nombreux remèdes à base de plantes trempées dans l'huile. En fait, la pratique hippocratique fait apparaître dans les plaies et les brûlures des baumes à base de graisse d'oie et de porc, l'huile étant utilisée dans un moins grand nombre de recettes. Cependant, on conseille de ne pas placer les baumes à base de graisses animales sur des plaies fraîches. Leurs vertus curatives étaient plus discutables (U/c., 2, 21) que celles de l'huile. o Maladies gynécologiques : l'huile sert de base à plusieurs traitements gynécologiques sous forme d'emplâtres, d'injections (Nat. mul., II, 177). Son pouvoir aseptisant peut avoir ici un caractère non négligeable. Par contre, on reste sceptique sur ses vertus pour faciliter les eaux dans l'accouchement (Nat. mul., 1,34) ... o Usages internes: les professionnels actuels se sont efforcés de distinguer les vertus de l'huile d'olive, en particulier face aux campagnes publicitaires de l'huile de graines, qui avançaient une meilleure digestibilité de cette dernière. On a ainsi mis en valeur le rôle favorable de l'huile d'olive dans le développement osseux et le fonctionnement de la bile, son absence de conséquences sur les maladies cardio-vasculaires 36. L'huile est employée comme vomitif par les Anciens, mais aussi comme base de certains remèdes. Ainsi contre le tétanos (M. Acut., II,9). A ces emplois non négligeables, il faut ajouter ceux des feuilles et fleurs d'olivier, utilisées macérées ou en décoction. C'est un fébrifuge efficace, et la tradition s'en est maintenue. Dioscoride et Pline recensent toute une série d'emplois, comme collyre, contre l'inflammation des gencives, contre les ulcères, en pessaire pour arrêter les règles (Dioscoride, l, 105; Pline, XXXIV, 3). D'une manière générale, on apprécie les qualités intrinsèques de l'huile, qui réchauffe le corps et conserve la jeunesse; c'est «un rempart contre les fatigues» selon Platon (Ménèx., 234 c). Le nombre des remèdes tirés des feuilles de l'olivier aussi bien que de l'huile, s'accroissent dans la tradition de Dioscoride par rapport à la tradition hippocratique. Dans cette dernière, il ne faut pas surestimer le rôle de l'huile d'olive en médecine; les graisses animales servent à bien des remèdes, mais l'usage de l'huile reste important dans les frictions et les onctions. L'introduction du christianisme accentuera cet emploi, en liant onction sacrée et friction médicale, ce que soulignent certains voyageurs d'époque moderne 37. Reste pour l'Antiquité la conviction que l'huile d'olive est un produit bon pour la santé, et cette conviction reposait sur deux réalités : l'apport de lipides, introduits dans le régime grec par l'huile d'olive, était indispensable pour équilibrer le faible apport de graisses animales et la forte composante de légumes et céréales. Son rôle dans l'hygiène et comme adoucissant dans l'activité musculaire était indéniable. 36. Recherches du D.A. CHARBONNIER, fiche technique Conseil oléicole (1980), p. 34. 37. J. PITT ON de TOURNEFORT (1717), p. 411 sq. Arcadius, au livre V, reproche aux Orientaux de se faire oindre dès qu'ils sont malades.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
USAGES INDUSTRIELS
L'huile, comme tout corps gras, est un lubrifiant naturel, mais elle a joué dans l'Antiquité un rôle particulièrement important dans l'éclairage, qui utilise certainement la plus grande partie des huiles de mauvaise qualité.
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L'HUILE DE LAMPE
L'étude des lampes dans l'Antiquité a pris un essor suffisamment important pour que l'on puisse parler de la « lychnologie » pour désigner la branche scientifique qui s'y réfère. C'est en effet un instrument de la vie matérielle que l'on retrouve à toutes les périodes, période géométrique exceptée. Après une remarquable production à l'époque minoenne et mycénienne, la fabrication reprend, semble-t-il, à la période archaïque 38. Lampes d'argile les plus nombreuses, lampes de métal; simplement posées dans une niche, tenues à la main, ou placées sur un pied ou enfin suspendues, elles ont en général des contenances de quelques centilitres. La durée moyenne de la majorité des lampes, une fois remplies, semble être de deux heures et demie avant de nécessiter une recharge. On a pu parfois parler de lampes de dix heures dans les mines 39. Mais cette durée dépend de la taille de la mèche qui boit (7riVEtv) plus ou moins, et le maître économe morigène l'esclave qui dépense trop d'huile (Aristophane, Nub., 57). La fourniture de l'huile pour la lampe est normale dans tout banquet commun (Théophraste, Char., XXX). On en prévoit pour les locaux de réunion et c'est un don que l'on fait aux hôtes, avec les aliments et le coucher 40. Cet éclairage est essentiellement celui de la maison. Pour l'extérieur, on peut, certes, s'en servir, on utilise le plus souvent les torches de résine comme à l'époque homérique. Mais la nuit, la femme qui se lève pour allaiter son enfant, le méfiant qui va vérifier ses trésors (Théophraste, Char., XVIII, 4) s'éclairent normalement à la lampe à huile. Et l'iconographie nous montre la femme, derrière sa porte pour ouvrir au visiteur nocturne, la lampe à la main 41, cette lampe confidente de ses secrets (Aristophane, Ecc., 1-20). A l'époque hellénistique, nous avons quelques exemples de l'importance de ces lampes dans les maisons: ainsi dans l'îlot des comédiens à Délos, on recense une moyenne de dix lampes par pièce; au moment de l'abandon des maisons en 88 av. J .-c., même les latrines sont éclairées 42. Il ne faut pas compter un nombre aussi élevé pour les petites habitations de l'époque classique. Une lampe par pièce paraît un maximum, d'autant que le rythme suit celui du soleil. Normalement la lampe n'a pas besoin d'être allumée plus d'une heure par jour; la dernière heure du jour est dite par Hérodote «l'heure des lampes». Un litre d 'huile donne l'équivalent de la contenance de dix à douze lampes, soit 250 à 300 heures d'éclairage, à titre approximatif. Ainsi, la célèbre lampe d'or de Callimaque consacrée à la statue d'Athéna sur l'Acropole, dont parle Pausanias (I, XXVI, 6), pour brûler jour et nuit pendant un an, devait contenir une trentaine de litres, à peine un métrète ; ce n'était pas une dépense extraordinaire. Les lampes sont souvent trouvées dans les tombes. Les usages ultérieurs qui prévoient une lampe allumée ont parfois conduit à surestimer la dépense faite en huile à cette occasion. Certains archéologues pensent que, pour la plupart, ces lampes ne sont que des ex-voto et ne servaient pas 43. Mais c'est probablement seulement à l'occasion de certains travaux que les lampes brûlent longtemps, ainsi dans les mines où la durée de dix heures paraît correspondre à une journée d'éclairage et de travail dans les galeries 44. 38. Bibliographie récente in Ph. BRUNEAU (1980), p. 9 sq.; M.I. d'A. FLEMING (1980), p. 187-193, qui complète les articles Lucerna, Lychnos, D.A. (1926),1. III; Lucerna (1961), Enciclopedia dell'Arte; R.I. FORBES (1966), vol, VI. 39. Ph. BRUNEAU (1980), p. 20. 40. Ainsi dans les dons d'hospitalité prévus entre Delphes et Magnésie de Méandre, selon Aristote (apud Athénée, IV, 173 O, Cf. J. BOUSQUET, BCH, 66-67 (1942), p. 135-136. 41. CEnochoé à figures rouges, tin du ve s., Metropolitan Museum of Art, n° 37.11.19, New York. 42. Ph. BRUNEAU (1980), et BCH, 94 (1970), p. 525. 43. Pour un usage des lampes dans les tombes, M.P. NILSSON (1950), p. 96 sq. 44. C.E. CONOPHAGOS (1980).
LES PRODUITS DE L'OLIVIER: CONSOMMATION ET USAGES VARIEs
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USAGE TEXTILE
Un vers de l'Odyssée où l'on évoque «l'huile qui goutte des tissus en travail» (VU, 107) nous rappelle l'usage de l'huile dans l'artisanat textile. Cependant on aimerait que cette technique soit précisée : les ouvrages parlent à ce propos du lin, de la laine ou d'un graissage des fils, soit dans le filage à la quenouille, soit dans le tissage 45 lTest., 2.17]. o
Pour la laine, il faut en effet pratiquer un graissage, appelé l'ensimage, après les opérations de lavage et de triage, avant le cardage et le peignage. Cette opération se pratique toujours, bien que l'on n'utilise plus d'huile d'olive en général. Dans l'Encyclopédie de Diderot, cette opération est appelée «drousser » la laine, et nous avons référence à la pratique dès le XIve siècle. Un traité italien de la laine précise que pour une étoffe soignée on doit mélanger une émulsion d'eau et d'huile après le cardage, mais aussi après le peignage: le fil de la trame recevra deux fois le volume prévu pour le fil de la chaîne 46. Ces quantités d'huile d'olive peuvent être importantes. Au XVIIIe siècle on emploie un quart de livre d'huile sur la laine destinée à la trame, un huitième sur celle destinée à la chaîne. Cette utilisation pour l'Italie au XVIIe siècle constitue le quart de ses importations d'huile 47. Qu'en était-il pour l'Antiquité? Textes et archéologie sont peu prolixes sur ce point et il nous faut raisonner par analogie. La laine est souvent expédiée brute, mal lavée. Elle sera cardée puis teinte et filée sur place 48. Pour les vêtements grossiers l'ensimage est inutile. 11 semble se développer à une époque où la demande de draps fins devient importante dans l'Europe médiévale. Cependant il existait des lainages de qualité dans la Grèce antique et un léger ensimage est possible, à la maison comme en atelier. Mais il n'apparaît pas important; d'ailleurs, l'équivalent du métier de «drousseur» ne se rencontre pas. Dans la description des opérations de transformation de la laine par les femmes, Lysistrata n'y fait pas référence (Aristophane, Lys., 575-580). Ainsi le vers de l'Odyssée peut faire référence à une chaîne destinée à un tissu fin, mais les textes ne nous permettent pas d'envisager une quantité d'huile importante à ce sujet.
o
Le lin, quant à lui, est une fibre végétale extraite par rouissage à l'eau, puis broyée et peignée. Le produit, à ce stade, doit demeurer bien sec pour être filé au fuseau, la qualité du fil dépendant essentiellement du savoir-faire de l'ouvrière 49. Pas question jusque là d'user de l'huile. Par contre, pour monter la trame, il faut que les fils de chaîne soient recouverts d'un empois et restent légèrement humides. A-t-on usé alors d'huile, ce qui expliquerait la comparaison d'Homère? Les quantités demandées sont peu importantes.
Enfin, pour la conservation des vêtements, on peut parfois utiliser des produits à base d'huile. Ainsi les foulons rafraîchissaient les vêtements fripés avec de l'huile (Athénée, Xlll, 582). C'est une opération régulière que le nettoyage chez le foulon, Théophraste y fait souvent allusion dans les Caractères (XVIII; X) pour le manteau. C'est peut-être ce qui pourrait expliquer une référence, malheureusement unique dans la collection hippocratique (De Salubr., 3). L'auteur conseille de porter en hiver des manteaux nettoyés, «aôaoà uiàmo; en été ÈÀawrrtvÉa, soit «huileux », avec une nuance de saleté. Il s'agit de conseiller des vêtements humides dans un cas, secs dans l'autre. Mais tout le texte fait allusion à des usages courants, non à des remèdes. Peut-être faut-il penser que l'on pouvait par le nettoyage au foulon rendre le vêtement plus ou moins dégagé de l'huile, et que la demande pouvait correspondre à des utilisations différentes 50. 45. H. BLÜMNER (1912), l, p.184;D.A. (1919), Textrinum, renvoie au lin. O. PELON (1966), p. 572, n° 1; H. VAN EFFENTERRE (1979), p.154-160. 46. W. ENDRE! (1968), p. 98; Encyclopédie (1756), article Laine. On ensime toujours la laine dans les filatures actuelles, mais on se sert d'huile de graine. 47. P. CHORLEY (1965), S. CIRIANICO (1975), p. 123 sq. 48. J.P. MOREL (1978), p. 105; E. WIPSZYCKA (1965) n'évoque pas l'ensirnage dans sa description des opérations, p. 155 sq., pas plus que W.O. MOELLER (1976) pour Pompéi. 49. W. ENDREI (1968); Pline, XIX, r.t n. 50. On a pu employer du parfum pour garder les draperies en réserve, si l'on interprète ainsi une œnochoé à figures rouges du Metropolitan Museum de New York, où des femmes semblent arroser des couvertures avec le liquide d'un lécythe.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
Cette utilisation de l'huile dans le r-xttle, manifeste dans l'Antiquité sans être quantitativement importante, s'est considérablement accrue à l'époque moderne et elle explique à notre avis en grande partie l'extension des oliveraies dès le XVIe siècle de notre ère 51.
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LUBRIFIANT
L'huile est indiquée dans quelques cas comme lubrifiant, et ce rôle était sans doute plus important que les quelques références connues ne nous permettent de l'entrevoir. Ainsi nous trouvons un préposé à l'huile, ÉÀ.awXPr7orac;, sur le rôle d'un équipage de Rhodes. Or, nous savons, pour les époques plus tardives, que de grandes quantités d'huiles lampantes étaient utilisées par la marine de guerre pour le graissage. Ici, il en faut sans doute pour les matelots, mais aussi pour l'entretien des parties en métal et de certains éléments de bois 52. Couramment, ivoires, cuirs, métaux étaient entretenus avec un baume, ÙÀ.OL.prJ, qui nous est dit précisément, dans quelques cas, confectionné avec de l'huile 53. L'enduit des jarres à vin est désigné sous le nom d'aÀ.€Llj?ap dans un texte de Théocrite (VII, 147). Mais on voit bien, par ces derniers exernples, que l'huile comme lubrifiant est plus souvent utilisée comme base d'un onguent que seule. Il est parfois difficile de savoir si ce produit est à base d'huile d'olive ou de graisse animale. D'autre part, certains de ces usages semblent recouper ceux que pratiquent les Romains avec l'amurca. Il nous faut donc considérer le problème dans son ensemble.
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LES DÉRIVÉS
A
Les grignons, usages contemporains
Actuellement, en 1985, les grignons servent de combustible, en particulier comprimés en briquettes pour le chauffage des huileries; une partie est utilisée en engrais, une fois neutralisée l'acidité par de la chaux; on peut aussi employer des grignons bruts en dégageant la pulpe des noyaux, celle-ci sert aux cochons ou aux moutons, ceux-là, pulvérisés, sont utilisés dans les industries de la floriculture et dans la boulangerie comme isolant du four 54. Lorsqu'on ne trouve pas d'utilisateur, il arrive cependant qu'on les jette, ainsi dans certaines huileries de la Provence actuelle où il reviendrait plus cher d'envoyer des,tourteaux en Italie pour le retraitement que de bénéficier de leur vente. Au xix- siècle, au début du xxe, et dans quelques régions traditionnelles contemporaines, le retraitement s'effectuait essentiellement par recense et décantation dans certains moulins. On obtenait : de l'huile de mauvaise qualité pour les lampes et les machines, les résidus de la pulpe, les noyaux, les restes des margines. Les noyaux bien nettoyés pouvaient fournir soit la poudre blanche citée plus haut, soit des débris qui servaient de matériau de chauffage et de cendres de lessive; cet usage, encore fréquent en Espagne, avait retrouvé des adeptes en France pendant la seconde guerre mondiale. Les résidus de pulpe, plus huileux que de nos jours, servaient parfois à la nourriture des animaux, l'usage comme fumier était discute, en particulier à cause des margines. Il arrivait bien souvent que les tas moisissent dans la cour de l'huilerie et soient jetés. A la fin du XVIIIe siècle, toute une campagne est faite en. France 51. Extension soulignée par les historiens, ainsi F. BRAUDEL (1961), mais qui n'est pas toujours reliée aux besoins nouveaux de l'industrie textile. 52. Dédicace pour un commandant de la flotte (1er s. av. L-C.), Rhodes; texte et commentaire, Institut Fernand Courby (1971), n° 29, p. 156-161. L'huile d'olive a longtemps servi de lubrifiant dans la marine de guerre. En 1911 au premier Congrès de l'Olivier à Saint-Rémy de Provence, les oléiculteurs français se plaignaient amèrement du fait que la marine, rompant un usage attesté depuis Colbert, ne leur réservait plus un débouché pour leurs huiles lampantes (Congrès de l'Olivier à Saint-Rémy, Bibl. Méjanes, Aix-en-Provence). 53. Homère, Il., XVII, 389-393; R. E., Oleum, XVII, 2, 1937. Des recettes traditionnelles pour cirer les meubles font encore appel à l'huile d'olive, M.C. AMOURETTI, G. COMET (1985), p. 48. Comme enduit dans la construction, R. MARTIN (1965), p. 186,430. 54. COPEXO (1982), M.C. AMOURETTI, G. COME! (1985), p. 47.
LES PRODUITS DE L'OLIVIER : CONSOMMATION ET USAGES VARIEs
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et en Italie pour une utilisation plus rationnelle 55. On constate que les usages des grignons dépendaient beaucoup du type de contrat passé avec le moulinier: dans le cas d'un paiement en argent comme à Marseille, les grignons étaient jetés, parfois employés pour les porcs. Dans le cas d'un paiement en huile, le moulinier les conservait souvent et avait donc intérêt à mal pressurer pour récupérer de l'huile lampante. Dans les moulins communaux, les communes avaient leurs propres caquiers et revendaient huiles, pulpes et noyaux, ou s'en servaient pour les hôpitaux. Enfin, dans les moulins banaux, que le paysan devait obligatoirement utiliser, les grignons revenaient au seigneur, qui avait donc tout intérêt à les obtenir encore bien fournis d'huile 56. Mais si les campagnes des agronomes provençaux nous permettent de saisir quelques pratiques, les usages dans les périodes antérieures demeurent inconnus; Olivier de Serres pas plus que l'Encyclopédie ne nous en parlent; cependant les archives témoignent du souci de récupération de certaines communes dès le XVIe siècle 51. ...
Uamurca, dans l'Antiquité Pour l'Antiquité romaine, nous avons au contraire abondance d'informations sur un produit précis:
l'amurca désignait en fait deux choses, d'une part l'eau de végétation, comme le dit Pline (XV, 9), d'autre part les résidus de la décantation contenant encore huile et pulpe, comme le remarque Varron
(R. R., I, 55, 7); ce dernier constate qu'on voit souvent l'amurca s'écouler des huileries dans les champs sans en tirer usage. Caton avait cependant bien expliqué les opérations de décantation (De A gr., 67, 2): on transvase chaque jour à la main avec un coquillage, concha, la bonne huile, mais aussi l'amurca, des jarres jusqu'à la Cuve du cellier. Varron (R. R., I, 64) est le plus précis: on transvase «ce qui est le plus léger, en soufflant », c'est-à-dire les matières huileuses, et on réduit ensuite des deux tiers en le faisant bouillir; on obtient donc un liquide gras et pâteux, qui est appelé lui aussi amurca. Ses usages multiples ont été souvent recensés : graissage pour essieux et cuir, bois, cuivre; crépis des murs, des sols de greniers, de l'aire; conservation de certains produits (le bocal ou les feuilles étant enduits d'amurca); étanchéité des jarres; remèdes : ulcérations buccales, fortifiant pour les bœufs, contre la gale, les insectes, les chenilles; comme cicatrisant pour les bœufs 58. Nous retrouvons un bon nombre de ces usages dans les Géoponiques; à cette époque, les pratiques des agronomes latins sont intégrées. Qu'en était-il auparavant? On n'aura pas manqué de remarquer que certains de ces usages comme lubrifiant correspondent à des emplois du mot grec aÀ€t<.pap ; celui-ci a le sens très général de «produit pour graisser», à base d'huile ou non. Il peut correspondre à la réduction de l'amurca après décoction. En effet, si le mot même d'amurca vient du grec ap.oP"/fl, ce dernier terme est .peu fréquent à la période qui nous occupe. Cependant il est cité par Hippocrate dans une comparaison: quand on ouvre un abcès du foie par cautérisation ou incision, si le pus coule blanc ou pur le malade en réchappe, s'il est semblable à de l'àp.oPYTl le patient succombe (Aph., VII, 45).11 s'agit donc ici d'un liquide noir, visqueux et malodorant correspondant bien à celui qui est issu des pressoirs après décantation de l'huile. Théophraste s'y réfère une fois (c. P., V, 8,3). Enfin, plus tardivement, Dioscoride propose une utilisation en médecine: après décoction dans un chaudron de cuivre «jusqu'à la consistance du miel» (5, 81 et 105). Nous avons donc dans ce dernier cas le même type d'usage que les Romains. Peut-on remonter plus haut? En fait, la plus ancienne référence en grec à cette utilisation est celle de la Syntaxe mécanique de Philon de Byzance dont Y. Garlan a donné l'analyse et la traduction 59. L'ap.op,,/oc; est ici employé pour la protection des greniers et silos (B, 61). En 225 av. J.-C., cet usage est donc bien précisé. Pour les périodes antérieures, le terme générique d'èiÀ€t<.pap peut aussi bien recouvrir une décoction de lie d'huile, qu'un baume à base d'huile commune ou de graisse animale. De même, nous ne pouvons assurer que les noyaux, bien utilisés à l'époque 55. Cf. BERNARD (1788), in A. CASANOVA (1978), p.1l7, 128; comte de SINETY OBOJ). 56. Plainte des paysans contre le seigneur de La Fare, M. BOURGET (1962). 57. Ainsi à Nyons (Drôme), la commune a dès le XVIe siècle onze moulins à grignons (Archives de Nyons. devis du «moulin à graignons », musée de la Coopérative de Nyons). 58. D.A., Oleum; Caton, Agr., 91 sq.: Pline, XV, 33-34, XXIII, 37; Columelle, VI, 4, Il, 14, J, 6; J.P. BRUN (1979), p. 76-79. 59. Y. GARLAN (1974), p. 301 ; Synt., B 6.
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
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romaine, puisqu'ils entrent même dans les héritages comme combustible 60, l'étaient autant à l'époque grecque. La permanence de méthodes assez traditionnelles de pressurage explique sans doute que l'on se soit moins préoccupé de l'utilisation des déchets, moins faciles à dégager les uns des autres. Mais le silence des sources ne permet que des conclusions prudentes.
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USAGES RELIGIEUX
Il est souvent difficile de séparer l'usage profane de l'usage religieux. Lorsqu'Athéna donne à Ulysse la fiole d'or contenant l'huile qui va lui rendre beau té et force, ce dernier accomplit avec ce présent un acte quotidien chargé de sens religieux. Lorsque le corps de Patrocle mort est oint après avoir été lavé, ses proches ont accompli bien évidemment un geste sacré, mais ces soins donnés au corps après trépas rejoignent l'usage des vivants: l'onction après le bain est habituelle comme le baume qui ferme les blessures et ralentit la putréfaction; et c'est à propos des funérailles de Patrocle qu'Homère se réfère à l'huile de rose que nous avons évoquée plus haut. Cependant les libations d'huile appartiennent au seul monde religieux. Si l'on en croit Sophocle cité par Porphyre (II, 2), elles font partie des offrandes traditionnelles qui plaisent aux dieux avec «la laine de la brebis, comme celle des fruits et de la cire des abeilles». Selon Théophraste, appelé aussi à l'appui de la démonstration de Porphyre, dans l'ordre d'ancienneté l'huile vient en troisième position après l'eau et le miel et avant le vin. On consacre d'ailleurs des contenants d'huile, mais vides, en offrandes: lampes, amphores panathénaïques. Mais l'huile joue un rôle moins important dans les libations que le lait, le miel, l'eau et le vin. Et lorsqu'Hérodote parle de libations d'huile généreuses, c'est pour évoquer un exemple égyptien (II, 40). De même, la combustion de parfum se réfère à des sacrifices orientaux : sur l'autel de Mardouk, devant l'image d'Isis. En Grèce on l'utilise en petites quantités, par deux ou trois cotyles, dans les achats prévus par les prêtres. Elle sert aussi comme ingrédient: ainsi les 1')vÀrlJ.J.a m , ces enduits dont on recouvre les viandes à sacrifier, sont faits de farine mélangée d'huile et de vin 61. Et surtout, on oint d'huile les pierres sacrées. En particulier les stèles funéraires, comme nous le rappelle le récit de Plutarque à propos du sacrifice funéraire en l'honneur des Platéens (Vie d'Aristide, 21) : après des libations de vin, on a offert des cruches d'huile et de parfum, puis la stèle soigneusement lavée a été ointe. Le geste est évoqué sur certains vases. Ainsi l'huile est prévue avec le vin dans le règlement funéraire de Céos, au v e siècle av. J.-C. (l. G., XII, 5, 593,1. 8). Cette tradition dépasse le culte funéraire puisque l'on oint encore d 'huile les pierres des carrefours au temps de Théophraste. Mais c'est un signe de superstition ridicule d 'y déverser en passant toute l'huile de sa fiole (Char .. XVI, V). Ce dernier exemple illustre la forme habituelle que doit prendre l'emploi de l'huile dans les sacrifices et libations: un usage modéré, qui s'oppose aux excès orientaux. Il faut ajouter un élément quantitativement plus important, celui de la récompense dans les jeux. L'exemple le mieux connu est celui des Panathénées. Il nous confirme d'ailleurs la difficulté que nous rencontrons à séparer usages sacrés et usages profanes. On sait que l'huile remise aux athlètes provient de la récolte des oliviers sacrés, uopia», ceux-ci issus, selon la tradition, des rejets de l'arbre d 'Athéna. Douze rejetons se trouvaient dans les jardins de l'Académie près du temple d'Athéna, un grand nombre dans la plaine. Durant la guerre, beaucoup avaient été détruits par les Lacédémoniens, et au temps de Lysias la législation les concernant était encore ambiguë, on ne risquait plus la mort pour avoir arraché un olivier sacré, mais on risquait sans doute une peine grave, si l'on en croit les allusions du paysan accusé, à tort semble-t-il, d'un tel acte 62. 60. Digeste, 32,55. 61. A. CASABONA (1964), p. 123; scholie à Paix, 1039-1040. Elle intervient donc assez souvent dans le casuel des prêtres, d'autant qu'elle sert aussi aux lampes. Ainsi à Athènes, 1. G. 11' , 1356 (L.S. C. G. (1969), n° 28), 1. 3, 7, 8, 21. 62. Euripide, Ion, 1433; Lysias, 110, 17; La Souda, uooiai,
LES PRODUITS DE L'OLIVIER: CONSOMMATION ET USAGES VARIES
195
La Constitution des Athéniens (LX, 2) présente, un demi-siècle plus tard, une législation qui a avalisé la nouvelle situation et exige des propriétaires un quota en huile d'un cotyle et demi par pied (41 cl), que les oliviers existent encore ou non. Cette huile sera remise aux vainqueurs dans des amphores dites panathénaïques (figure 29). D'après les inscriptions, le vainqueur de la course du char à trois chevaux gagnait 140 amphores panathénaïques, tandis que d'autres épreuves permettaient de remporter 40 à 50 vases. On distribuait ainsi tous les quatre ans 700 amphores (J. G. II 2 , 2311) et peut-être 1300. Celles-ci ayant la contenance d'un métrète (3919), on arrive à une circulation très importante qui devait fortement enrichir les vainqueurs, la gloire de ces jeux n'était pas de pure forme! Un métrète d'huile coûtait 12 drachmes au IVe siècle. Une victoire à la course pouvait donc rapporter 1680 drachmes à une époque où le salaire journalier s'élève à une drachme. Cette huile circule puisque l'on a retrouvé des amphores panathénaïques aussi bien en Etrurie dès le VIe siècle qu'en Crimée et en Afrique du Nord au IVe siècle. Nous savons par la stèle des Hermocopides qu'un même personnage, sans doute Alcibiade, avait encore un lot de plus de cent amphores vides, sans doute celles de sa victoire de 418. Vides, celles-ci n'ont d'ailleurs qu'une valeur de 2 à 4 oboles; elles sont parfois dédiées dans les temples 63. Ceci pose plusieurs problèmes : d'abord la conservation de cette huile, car sur trois ans elle ne devait pas être excellente, à moins qu'on ait cherché par des fixateurs à la parfumer; elle devait logiquement être employée aux soins du corps. Mais on est impressionné par les quantités mises en circulation (de 25 à 50.000 litres tous les quatre ans) par rapport au faible quota exigé par les propriétaires, moins d'un demi-litre par pied, ce qui supposerait un nombre élevé d'oliviers sacrés, aux VIe et ve siècles tout au moins.
* Si nous tentons de cerner les caractéristiques de l'usage de l'huile dans le monde grec du vue à la fin du Ive siècle av. J .-c., nous pouvons avancer quelques conclusions et quelques hypothèses. L'usage alimentaire et l'usage corporel sont manifestement très importants; ils restent à la charge des particuliers, et les villes n'ont pas encore des besoins tels qu'ils nécessitent les dons et fondations que nous verrons se développer plus tard. C'est l'usage sacré qui est le besoin collectif le plus précis, dans l'ensemble on cherche à le satisfaire par possession directe de la cité ou du temple. Peut-on faire une évaluation des besoins des particuliers? On peut tenter une estimation maximale pour un gros consommateur : l'homme libre, citadin, qui fréquente le gymnase. Sa consommation pourrait être estimée à : Besoins alimentaires Hygiène corporelle Médecine Usagessacrés Lubrifiants, lampes
20 litres 30 0,5 .. 2 3 55,5 litres par an
Ce chiffre doit être pris comme une consommation exceptionnelle. Une femme de condition libre et de situation sociale élevée doit pratiquer des dépenses légèrement inférieures à celles de son mari. Par contre, il faut largement diminuer la consommation pour l'usage corporel dans le cas des ruraux, et la consommation alimentaire pour les non libres et les jeunes enfants. A titre de pure hypothèse, pour donner un ordre de grandeur, une famille de quatre personnes, avec trois esclaves, vivant en ville, peut consommer 200 litres par an, soit 5 métrètes, tandis qu'une famille de quatre personnes avec deux esclaves vivant à la campagne de ses seules ressources aurait besoin de 90 litres par an. Soit 184 kg dans le premier cas, 82 dans le second. Ces chiffres ne semblent pas exagérés 63. Chaque archonte prélève l'huile l'année de sa charge et la remet au trésorier d'Athéna. Un vase de l'Agora d'Athènes évoque peut-être ce transport; P.E. CORBETT (1948), pl. 73. Sur le dossier des Hermocopides, AMYX (1958), p. 178-186. Sur la circulation des amphores panathénaïques en Méditerranée, communication de P. VALAVANlS au Congrès d'Athènes de 1984 (à paraître, Sup. BC/f).
196
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
si on les compare à la consommation familiale du XIXe siècle; mais il faut les prendre pour ce qu'ils sont: des estimations, non des statistiques. Si nous envisageons un rendement moyen de 3 litres d'huile par arbre, ce qui est relativement élevé pour des oliveraies traditionnelles 64, nous voyons que la demande pour une consommation autarcique suppose un nombre d'arbres relativement important. Il faut un verger de 60 arbres, en tenant compte de la récolte bisannuelle, pour la famille rurale, et de 132 pour la famille citadine. Ce sont des chiffres élevés; compte tenu d'un espacement de 80 arbres à l'hectare, il faut près d'un hectare occupé par les oliviers pour la plus faible consommation. Or, le texte de Xénophon (CEe., XIX, 13), la loi de Solon (Plut., Sol., 23, 10), la référence d'Aristophane (Achar., 998), qui représentent nos rares indications sur les plantations d'oliviers, nous les montrent, en fait, situées en bordure, non en olivettes, et les allusions des baux égéens nous renvoient davantage à des arbres disséminés dans les champs ou alternant avec les vignes 65. Les petits exploitants n'avaient pas d'olivettes concentrées, et ils devaient à peine suffire à leurs besoins. Le surplus d'huile vendu dans l'Attique ou exporté ne concerne que quelques domaines. D'ailleurs, l'Attique ne couvre pas toujours ses propres besoins, comme nous le montre un décret honorifique datant du Ile siècle av. J.-c. (1. G., IP, 903) : un marchand de passage à Athènes est remercié parce qu'il a accepté de vendre sa cargaison aux autorités athéniennes, alors qu'il la destinait au Bosphore, et n'a pas profité des circonstances une forte pénurie d'huile due à une mauvaise récolte - pour jouer sur' les prix 66. Il écoule toute sa cargaison (5[>.000 litres). La production de l'huile est donc plus aléatoire qu'on ne pourrait le penser. Même les régions qui sont considérées comme des productrices de qualité, Athènes, Samos, Sicyone, ne peuvent être considérées comme des exportatrices chaque année 67. Fonder tous ses espoirs sur l'olivier aurait été bien dangereux pour un petit exploitant. Mais, comme pour le vin, sans doute faut-il tenir compte des différences de qualité, l'huile o,..upàKLVOV n'a pasbesoin d'être vendue en grande quantité pour procurer des bénéfices, mais le coût de la production est élevé, car il faut cueillir tôt quand les olives ne sont pas au maximum de leur rendement. Ainsi l'étude des usages de l'huile nous conduit à souligner une hiérarchie beaucoup plus grande entre les exploitants qui pratiquent l'arboriculture qu'entre ceux qui cultivent les céréales. Certes, la plupart produisent les deux, mais si les oliveraies ont pu être des sources de revenus non négligeables, cela n'a pu concerner qu'un petit nombre d'exploitants, une très forte consommation familiale absorbant la plus grande partie de la production locale. S'étonner que les Grecs ne se soient pas davantage spécialisés dans l'arboriculture par exemple, c'est, oublier combien l'économie est insérée dans le cadre même de la Cité avec ses contraintes. Production et transformation en sont dépendantes. Pour envisager l'évolution des techniques, il nous faut maintenant aborder les problèmes à travers leur contexte social.
64. Les chiffres de rendements donnés par A. lARDÉ dans sa note 4, p. 186, sont beaucoup trop élevés. La moyenne de 75 kg de fruits par arbre ne peut être retenue, même en tenant compte de techniques culturales soignées. 40 kg est une bonne récolte, 12 kg se trouvent encore dans des oliveraies traditionnelles. La moyenne mondiale actuelle tourne autour de 20 à 30 kg, et le rendement à 20 % d'huile, mais ce rendement peut facilement tomber à 14 %. Cf. notre tableau XI, p. 291. 65. Cf. le commentaire de 1. ROBERT sur les baux de Mylasa (1955), p. 82, à l'époque hellénistique. La rangée onixoç lJpxoç, désigne encore la vigne, ÈÀâ,voç est employé souvent au singulier. La mention de l'arbre dispersé, 01rOpâS1W, donc du champ complanté est fréquente. 66. Commentaire de Ph. GAUTHIER (1982), p. 286 sq. 67. Ces trois régions ont illustré certaines de leurs monnaies d'une branche d'olivier. Pour Virgile (Georg., Il,519), l'olive broyée sous le trapetum, est encore «le fruit de Sicyone ». Samos est dite ÈÀaUilpVTOÇ par Eschyle (perses, 884), cf. notre planche 39.
TROISIÈME PARTIE LES HOMMES ET LES TECHNIQUES L'HERITAGE GREC
CHAPITRE IX LA MAIN-D'ŒUVRE
Nous avons pu constater, tout au long des chapitres précédents, que les techniques et l'outillage utilisés en Grèce étaient plus complexes que certains jugements rapides ne pouvaient le faire penser, mais techniques de culture comme techniques de transformation font une place prépondérante au travail manuel proprement dit: la simplicité de l'outillage, contrairement aux préjugés souvent entretenus, suppose pour une bonne efficacité une technique bien adaptée. L'enchaînement et l'imbrication même des opérations reposent sur des choix et des décisions, pour une adaptation constante aux aléas du climat comme aux imprévus de la vie courante: guerre, absences, etc. L'image du paysan routinier, réglant «les éternels travaux des champs» au rythme du soleil et des fêtes religieuses, est une image de citadin, qui ressurgit souvent, d'une manière qui n'est pas innocente. Mais il est vrai que la technicité des travaux ruraux ne peut se définir selon les mêmes normes que celles de l'artisanat ou de l'industrie. Dès lors que l'on jauge uniquement la rentabilité du travail selon le rapport production par hectare/temps de travail sur l'hectare, on estimera dérisoire la rentabilité des exploitations traditionnelles, la seule technique à introduire étant la mécanisation et la fumure chimique. Le critère de technicité est alors défini en fonction de ces objectifs: changements d'outillage, fumures animales sont les seules références admises. Un certain nombre d'échecs tant dans les pays industrialisés que dans les pays du Tiers Monde devraient nous faire réfléchir sur la validité de ces critères 1. Ils sont ceux de l'industrie, appliqués, pour des motifs très variés, à l'agriculture. Mais plus encore l'historien se devrait de moduler ses jugements en fonction de la civilisation envisagée et des objectifs qu'elle se donne. L'agriculture tient une place fondamentale dans le monde grec à l'époque qui nous préoccupe du vue à la fin du Ive siècle av. J.-C., elle est l'occupation de la grande majorité de ceux qui vivent en pays grec, libres et non libres. Cependant le modèle hellène n'entre pas dans les catégories des sociologues : ce n'est ni une société primitive, ni une société paysanne, ni une société industrielle 2. Ce qui caractérise l'insertion du mode de vie agricole dans la société générale, c'est l'intermédiaire de la polis. Communauté de citoyens, celle-ci leur réserve le droit de propriété comme le droit politique. Ces cités de petite taille ont défendu leurs frontières et limité de ce fait la cohérence d'une société paysanne. 1. Voir plus particulièrement les remarques de H. RAULIN (1967), p. 179; sur la Méditerranée et sa marginalité en matière agricole. M. crPÈDE (1968); et F. LÉRY (1982), p. 172 sq.. sur l'introduction de nouveautés techniques au Maghreb. 2. Sur les courants historiques entre primitivistes et modernistes en histoire ancienne, on verra maintenant le rapport de J. ANDREAU et Roland fTIENNE (1985). - La société paysanne. pour H. MENDRAS (1976), p. 12. se définit par cinq traits - l'autonomie à l'égard d'une société englobante - l'importance du groupe domestique - l'autarcie relative - les rapports internes d'interconnaissance et les faibles rapports avec les collectivités environnantes - la fonction décisive de médiation des notables.
200
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
Cités autonomes et militaires, elles ont perpétuellement cherché à empiéter sur le territoire les unes des autres. Cités liées par les cultes, elles ont dû faire place dans leurs propres domaines aux ressources affectées aux dieux. Mais cités grecques, liées par une culture grecque, elles ont eu aussi des sanctuaires communs, avec leurs propres propriétés. Si le Grec est avant tout un citoyen et si les autres statuts se définissent par rapport à celui-là, il l'est par naissance: la famille joue un rôle fondamental, la terre, sa transmission, la dot des filles, l'accroissement du patrimoine, de l'oikos .- la maison au sens large du terme , pèsent sur les ressources que l'on espère tirer de ces biens. Enfin la ville joue dans chacune des cités un rôle différent. L'exemple d'Athènes, de Corinthe, des cités d'Asie Mineure, ne doit pas masquer celui des nombreuses petites cités où la ville est à peine une bourgade et où l'ensemble de la population n'atteint pas le millier d'habitants, particulièrement dans les îles 3. Pour tous ces cas divers, les possibilités techniques ont été à peu près les mêmes, avec parfois un décalage dans le temps pour la diffusion des nouveautés, lentes de toute façon. Par contre l'utilisation de la main-d'œuvre a différé, or c'est par ce biais que s'effectuaient les principaux gains de productivité. En effet, la progression des rendements, la lutte contre les aléas du climat dépendent peu d'un changement de l'outillage de culture pour lequel, nous l'avons vu, les possibilités étaient restreintes dans le monde méditerranéen, tant à l'époque antique qu'aux périodes suivantes. La productivité repose essentiellement sur un accroissement quantitatif du travail et une bonne gestion de sa répartition. Le problème de la main-d'œuvre est au cœur de l'étude sur l'évolution des techniques, mais on ne doit pas oublier que la transformation des produits se fait sur place et que ce point a souvent été sousestimé. Il faut au contraire l'envisager à la fois dans le cadre de l'oikos et dans le cadre de la ville lorsque les opérations se différencient des productions familiales pour devenir des métiers propres. C'est donc la relation entre les besoins en main-d'œuvre et les possibilités offertes que nous allons envisager 4. Peut-on déterminer ces besoins dans le cadre des cultures que nous avons définies, et de quelle façon l'offre, telle qu'elle se présente dans le monde grec, y a-t-elle répondu? Les recherches récentes sur l'esclavage, le travail libre, la dépendance se sont multipliées, l'historiographie mettant en valeur le substrat idéologique, en particulier entre marxistes et non marxistes s. Un certain nombre de points d'accord se sont dégagés. Notre intention n'est pas de reprendre des recherches que d'autres, mieux qualifiés, ont menées brillamment, mais de confronter les acquis avec ceux que notre étude technique peut apporter pour cerner plus précisément l'originalité du monde grec .
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LES BESOINS EN MAIN·D'ŒUVRE RURALE
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LE TEMPS DE TRAVAIL ET LES CONTRAINTES DE LA PRODUCTION
Les seules références détaillées dont nous disposons en matière de temps de travail sont celles de Columelle. Au chapitre XIII du livre Il d'une part, il énumère, en s'inspirant de Saserna, les normes d'une exploitation de type intensif; dans le calendrier des travaux donné au livre XI d'autre part, il fournit plusieurs fois des précisions sur les temps de labour. Ces normes ont été particulièrement 3. Ainsi les recherches sur Mélos: C. RENFREW (1982) situe le chiffre entre 2.000 et 5.000 h, à partir des possibilités d'autoconsommation en céréales. Ces dernières sont corrigées par G.D.R. SANDERS (1984), p. 252 sq., qui retient aussi le chiffre de 5.000 comme un maximum pour l'Antiquité, mais estime que l'île pouvait facilement exporter. 4. On trouvera la bibliographie récente pour ce qui concerne les statuts de la main-d'œuvre agricole in M.H. JAMESON (19771978), p. 122; Y. GARLAN (1980), p. 18, (1982), p. 99 sq. et 72 sq.; C. MOSSE (1974), p. 85-97; E. LÉVY (1972), p. 33; D.M. PIPPIDI (1973), p. 63-82. 5. Sur l'historiographie générale récente de l'esclavage, Y. GARLAN (1982), p. 10; M.l. FIN LEY (1981), p. 13-85; P. VIDAL· NAQUET (1973-1983), p. 223 et 248.
LA MAIN-D'ŒUVRE
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étudiées par J. Kolendo, qui a mis en valeur le rôle du travail à bras, mais aussi par K.D. White qui les a comparées à des normes anglaises et américaines 6. Il peut être utile de les comparer à des normes traditionnelles de la région méditerranéenne. ... Mais il ne faut pas sous-estimer, pour les labours, les résistances différentes des terres. Cette notion a été longtemps expérimentale. Ce n'est qu'après la première guerre mondiale que l'on a pris réellement conscience qu'à composition égale un terrain pouvait, selon le climat et la température, présenter des résistances beaucoup plus fortes qu'on ne l'imaginait. Ainsi les constructeurs de machines agricoles qui essayaient après 1918 d'inonder l'Afrique du Nord de leurs tracteurs s'étonnaient des échecs répétés; jusqu'à ce que des mesurer au dynamomètre aient montré qu'en Algérie certaines terres opposaient une résistance de 20 kg au dm", alors qu'en Europe du Nord le même type n'opposait que 12 à 15 kg. Il ne faut donc pas trop ironiser sur les faiblesses d'analyses des terrains des anciens. Ce qui importait au laboureur c'était la résistance pratique à l'outil de labour; de ce point de vue les données calculées en temps, même approximatif, lui étaient précieuses 7. Les quelques normes que nous possédons nous montrent que Columelle a des normes élevées dans l'estimation du temps imparti, mais il faut prendre garde que Pline est prêt à multiplier les labours en fonction de la terre. Nous les avons comparées à deux exemples du monde méditerranéen pour lesquels nous avions des données précises, au xrxs siècle; des statistiques du département du Var, qui employait encore à l'époque en majorité l'araire et dont les ressources reposaient essentiellement sur la trilogie blé, vigne, olivier 8; des statistiques de la Crète à la même époque, transmises par L. Lacroix, sur des indications du consul français et ses propres observations. Ces dernières retrouvent des chiffres proches de ceux qu'ont relevés les enquêteurs de Mélos 9. Ainsi, dans le Var, au xtxe siècle, un hectare est labouré (à l'araire) en quatre journées; mais il faut quatre passages de l'araire dans l'année pour que le champ soit correctement travaillé, soit seize journées avec un attelage. Si l'on veut retourner manuellement, il faudra trente-trois journées de piocheurs et deux façons, soit soixante-six journées. Ces dernières normes rejoignent celles que donne G. Heuzé pour la France à la fin du xtxe siècle: un bon ouvrier laboure à la houe 3 à 4 ares par jour, à la bêche 2 ares, soit de vingt à trente-trois journées à l'hectare, et l'intérêt du travail à bras est encore loué; il ne revient d'ailleurs pas forcément plus cher à cette époque que la location d'un attelage 10. La solution, dans le cas de l'exemple crétois, est celle d'une région faiblement peuplée, d'où une agriculture semi-extensive à faible rendement. L'observateur note cependant qu'avec les légumes de plein champ le paysan va jusqu'à passer quatre fois la planche et double donc le temps imparti. Il passe l'araire à une profondeur de 8 pouces pour le labour des jardins alors que celle des champs est de 4 pouces. Ces méthodes ont pu être celles de certaines régions grecques, mais ce ne sont pas celles que préconise Xénophon, qui serait beaucoup plus proche des normes de Columelle. ... Pour le temps de récolte, nous avons moins de données. La moisson d'un hectare de céréales à la faucille peut être effectuée par un homme très qualifié et très rapide en deux jours, mais le cas est exceptionnel Il ; il faut prévoir en outre deux aides pour le ramassage; la moyenne est en vérité d'autant plus difficile à estimer qu'elle dépend de la forme de la faucille, de la force du moissonneur, et surtout de l'état du champ : céréales denses et régulières ou clairsemées. Elle dépend aussi des opérations précédentes : les mauvaises herbes dans un champ non sarclé retardent considérablement le travail. L'estimation de Columelle (cinq jours) rejoint d'ailleurs celle de Palladius, avec un bon moissonneur
6. J. KOLENDO (1968; 1977; 1980), p. 35-36; K.D. WHITE (1970), p. 413. 7. F. LERY (1982), p. 172, sur l'Afrique. Beaucoup de mesures traditionnelles (jugéres, journal) correspondent au travail d'une
journée à l'araire à l'origine. C'était sans doute le cas pourle plèthre. 8. Le Préfet FAUCHET, Statistiques (1805), commentaire par M. AGULHON (1970), p. 37, n° 23. 9. L. LACROIX (1853), p. 593, pour la Crète, C. RENFREW, M. WAGSTAFF (1982), p. 119 sq. pour Mélos. 10. G. HEUZE (1897), p. 30. Suries rapports entre travail à bras et travail à l'araire, on notera qu'en Provence une façon de lichet (bêche) vaut deux façons d'araire. 11. G. LERCHE (1968), p. 37, observation en Iran.
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
202
Temps de travail pour un hectare de céréales
*
(le nombre de jours indiqué entre crochets est estimé)
Columelle (11,12,1) Saserna blé
:
Var (France)
Crète
XIXe s.
XIXe s.
1 1
14 j 4/5 (3 labours)
1
16 j (4 labours)
11 J
179-18
manuel -+--------1"-
-----~--_._---j------
labours à l'araire
~
1
à l'araire
orge
Pline XVlll,
9j (2 labours)
1
1
llj (2 labours) [+ semailles] 4 j 1/3
1
labours manuels
66j (2 façons)
1
1
1
hersage
3 j 2/3
1
claie ou râteau [3 j 2/31
planche alourdie pierre 4j
3 j 2/3
1 1
7j
lei: sarclage
5j
1 1
~
sarclage
3 j 2/3
1
1
arrachage mauvaises herbes
3 j 2/3
moisson
5j
1 1
1
38j - -
3 j 2/3
1
-
1 1
-
[5 jJ
[5 jJ
5j
[5 j]
25 j
71j
14 j
24 j
-
23 j 2/5 _
* Nous avons ramené les estimations de Saserne transmises par Columelle à des rendements à l'hectare. Elles sont évidemment données en jugères (0,27 ha) et, selon l'agronome, pour 8 jugères et un homme à temps plein il faudrait envisager davantage de journées car il faudrait compter les temps de repos. Nous ne les prenons pas comme des temps donnés en continu mais comme des repères annuels.
Temps de labours selon les terres
Columelle
XI, 2,46
Pline XVIII, § 178
Crète XIXe s.
- - - - - - - - ------------l-----------+---------------premier labour Terres faciles Terres difficiles ---------
7j •
llj
premier labour
premier labour
3 j 2/3
1 j 1/2
7j
6j ----
-----------~-----------'------------
LA MAIN-D'ŒUVRE
203
pour l'orge, et celle du XIX e siècle. On n'oubliera pas que, lorsque le champ a été coupé à mi-chaume, on vient souvent effectuer ensuite la coupe de ces chaumes, ce qui ajoute un temps non négligeable 12. Ensuite vient la préparation de l'aire, puis le battage-vannage. Là aussi nous avons peu de chiffres, et la nature même des opérations permet de le comprendre : la force du vent, le nombre de bêtes employées pèsent beaucoup sur les résultats. Cependant on peut noter que pour 10 à 12 heures de travail, un groupe de douze chevaux dépique 60 à 90 hl de blé 13. En fait il faut pouvoir prévoir le renouvellement des bêtes qui travaillent deux à trois heures pour écraser le contenu d'une aire. Si l'on veut renouveler deux à trois fois ce contenu dans la journée, il faut au moins trois ou quatre personnes, en plus du conducteur des bêtes. Au contraire, le possesseur d'un tribulum qui effectue son propre battage étalera dans le temps : dix jours sont nécessaires pour battre la production d'un hectare avec une planche à dépiquer tirée par deux ânes, deux vaches ou un cheval 13. ... Mais les céréales ne sont jamais les seules cultures. Les études sur les travaux de la vigne pour lesquelles la documentation est plus développée en Italie' permettent d'évaluer pour un hectare de vigne à un tiers de plus le temps nécessaire, vendange non comprise 14. Un bon vigneron peut exploiter 7 jugères, soit 2,9 ha soigneusement. Selon Columelle (IlI, 3, 8), il sera occupé à temps plein (c'est-àdire en tenant compte des fêtes religieuses et des jours non occupés qui s'élèvent à 115). ... Il est plus difficile d'évaluer le temps à consacrer à une oliveraie; souvent les arbres sont complantés et les labours sont ceux du champ de céréales. Les travaux de chaussage et déchaussage sont cependant réguliers, la taille étant plus étalée. On peut donner à titre de comparaison l'exemple d'un cultivateur traditionnel qui exploite à lui seul 4,5 ha et 2 ha de vigne 15. Le temps imparti pour une oliveraie seule pourrait être la moitié de celui de la vigne, mais la récolte fait appel à une main-d'œuvre importante. A Mélos, les courbes établies par C. Renfrew et M. Agstaff sont éloquentes (cf. tableau VI, p. 285). Pour un hectare planté de 80 arbres, selon le chiffre de Columelle (V, 9), compte tenu de la récolte bisannuelle et d'une moyenne de rendement d'arbres adultes de 20 kg, il faudrait pour la cueillette à une seule personne presque un mois, en travaillant tous les jours. On peut donc soit étaler dans le temps pour se contenter de la main-d'œuvre familiale, soit faire appel à la main-d'œuvre extérieure. Les Grecs ont utilisé les deux systèmes, mais ont eu tendance à étaler la récolte sur les mois d'hiver, moins coûteux en main-d'œuvre: c'est l'avantage de l'olivier. ... Il faudrait enfin comptabiliser le temps de la transformation. Du moins celle qui s'accomplit dans Yoikos et qui comprend donc grillage, mouture, criblage, cuisson pour les céréales. Cette fois-ci l'Antiquité ne nous fournit plus aucun repère et ceux que nous possédons le sont à titre comparatif. Les chiffres fournis par l'observation ethnologique sont plus élevés que ceux de l'archéologie expérimentale; les Touaregs obtiennent la ration journalière d'un homme (2,5 kg) en une heure 16. Cependant un texte de Thucydide nous apporte une indication précieuse (II, 78) : lorsque les Platéens, au début de la guerre du Péloponnèse, se voient acculés au siège, ils renvoient la plupart des habitants et ne gardent que 480 combattants et 110 octonoio; (fém.) pour les nourrir. Il ne s'agit pas, bien évidemment, de « boulangères» qui auraient existé dans la ville, mais des femmes, probablement de condition servile, indispensables pour préparer la ration journalière nécessaire aux combattants, soit une proportion 12. Palladius, VII, 31. Un bon moissonneur peut récolter 5 modius en un jour sur une superficie ensemencée avec 5 modius. Comme il indique plus loin (11,4) qu'une jugère reçoit 8modius d'orge, on obtient 5/8 dejugère par jour. Pour II: XIXe siècle, A. JARD~ (1925), p. 160, cite une moyenne de cinq jours pour un hectare. 13. C. PARAIN (1979), p. 42. M.C. AUBIN (1985), p. 82, 84; O. AURENCHE (1984), p. 82. 14. Sur ces travaux, R. BILLIARD (1913), p. 356 sq.; W.F. JASHEMSKI (1979) pour la bibliographie récente. 15. A Cotignac dans le Var, M.C. AMOURETTI, G. COMET (1985), p. 126-128, soit 6,5 ha. 16. Ainsi un moulin manuel rotatif a pu procurer un kilo de farine grossière en trois heures de travail intermittent. C. N. RUNNELS (1981), p. 251. Cf. aussi les remarques prudentes de L. MORITZ et C. JONES (1950), p. 2·4; certaines expériences obtiennent des résultats rapides surtout quand le grain est bien sec ou grillé, CURWEN (1941), p. 28-30. Selon C.N. RUNNELS, SUMNER (1967), p. 9397, obtint environ 1,400 kg de farine avec un moulin alternatif (thèse non publiée). Sur les expériences de mondage de l'orge vêtue, cf, L. FOXALL - H.A. FORBES (1982), dont nous donnons quelques résultats en annexe 4. On comparera avec ceux que transmet M. GAST (1968), p. 346 pour le Hoggar.
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
204
d'une pour cinq, elles comprises. Etant donné les conditions du siège, on avait estimé que c'était là un minimum incompressible, qui nous donne une idée intéressante du besoin en main-el'œuvre exigible pour la transformation des céréales, et qui est corroborée par nos chiffres, car à la mouture il faut ajouter le criblage, le pétrissage et parfois la cuisson. La durée pour la fabrication de l'huile est plus concentrée. Au xrxe siècle en Grèce, on peut estimer que le rendement est de 2 kg par homme et par heure dans le moulin traditionnel avec broyeur et presse. En une journée de 10 heures on peut obtenir la ration annuelle pour une personne. En reprenant la moyenne de 20 kg par arbre et 15 % leur rendement en huile, on a une production de 120 kg d'huile par hectare pour laquelle il faut deux semaines de travail pour un homme 17. En fait, autrefois comme maintenant, le moulin doit tourner en continu pour éviter la perte des fruits: on est donc obligé d'avoir au moins deux personnes, ou de multiplier les moulins. •
LE NOMBRE DES OUVRIERS ET LA TAILLE DES EXPLOITATIONS
Maintenant, si l'on envisage le minimum vital pour une famille de trois personnes, la dimension proposée est de 7 jugères (2,3 ha) à 20 jugères (7,4 ha); ce qui laisse, dit-on, une large disponibilité en temps et en ressources à l'agriculteur 18. En fait, on a omis les travaux de transformation. Pour une petite propriété, l'agriculteur doit soit limiter son temps de travail et le seul qu'il puisse réduire est celui des labours, au dépens de la productivité -, soit, en augmentant la productivité, augmenter le temps de travail et faire appel à la main-d'œuvre extérieure. Intervient donc la composante de la taille de l'exploitation. A un certain niveau, l'exploitation permet des gains de temps, d'autant plus importants que la transformation s'effectue sur place. C'est ainsi que nous avons des propositions de main-d'œuvre par Columelle et Caton (ce dernier cependant fait appel à la main-d'œuvre extérieure pour la récolte des olives), pour des domaines que nous considérons de taille moyenne (50 à 60 ha). Ces chiffres ne doivent pas être pris comme des normes, car Caton, dans son ouvrage, fait référence à six types de domaines, mais ils nous donnent des éléments 19 où la polyculture intervient toujours. CATON oliveraie 240 jugères [et céréales] 1 fermier, 1 fermière 5 manœuvres 3 bouviers 1 ânier 1 porcher [3 paires de bœufs, 4 ânes, 100 moutons]
13
*
**
*
COLUMELLE vigne 100 jugères (1,6)
}
**
200 jugères céréales 2 laboureurs 6 valets [2 attelages 1
200 jugères céréales + arbres
}
idem
idem
+ 3 personnes 16
+ 3 personnes 8
11
dont 200 jugères en oliviers et le reste en terres à céréales et bois à peu près. dont 65· 70 jugères en vigne environ.
17. Le rendement par heure et par homme est calculé à partir des moyennes données par les enquêtes de A. SORDINAS (1970) C. RUNNELS (1981), tableau 45, en Grèce, et J.L. PAILLET au Portugal, ~1.C. AMOURETTI, G. COMET, J.L. PAILLET (1984). Ù1 moyenne de 75 kg de fruits par arbre prise par A. JARDÉ (1925), p. 186, n. 4, est beaucoup trop élevée et surestime la productivité d'un hectare d'oliviers. Voir ci-dessus, p. 196. 18. Adopté par K.O. WHITE (1970), p. 336. Cf. Pline, XVIlI, IV. M.H. JAMESUN (1977·1978) envisage pour 5 personnes 4 ha en céréales (soit 8 avec la jachère), p. 131, à partir 'des besoins estimés. 19. Sur les nuances à apporter dans l'interprétation de ces chiffres, K.O. WHITE (1970), p, 388-392. Bibliographie C. NICOLET (1977), p. 101 sq. R. ETIENNE (1980), p. 121-128.
LA MAIN-D'ŒUYRE
205
On peut donc en tirer quelques éléments de comparaison pour la Grèce antique. Les recherches récentes ont mis l'accent sur la faible superficie des propriétés et leur morcellement. Des terres de 300 plèthres (26 ha) sont considérées comme de grandes propriétés, ainsi celle d'Alcibiade ou celle qu'achète Aristophane. Lorsque les Athéniens font don d'une terre au fils d'Aristide, Lysimaque. en Eubée, elle n'atteint que 100 plèthres. Ce que nous considérons comme une petite ou moyenne propriété (9 ha, 26 ha) semble donc nous faire entrer dans les catégories supérieures. On pourra penser que ces chiffres sont propres à l'Attique, où les terres sont morcelées et les petits paysans dominants. Or, il est particulièrement intéressant de voir que les dernières recherches, à partir des cadastres, confirment ces normes athéniennes. C. Vatin et F. Salviat proposent, à partir de l'étude d'une inscription du Ille siècle av. J .-C., une norme de 50 plèthres pour des K.ÀijPOL à Larissa, à la fin du ye siècle; on trouve en Chersonèse trois types de lotissements du rve et du Ille siècle qui vont de 50 à 300 plèthres 20. Certes, chacun peut ajouter des fermages publics ou privés à ses champs, ou même acheter des terres publiques ou confisquées que la cité met en vente. L'étude des inscriptions pour l'Attique à l'époque classique a apporté une confirmation intéressante. Ces ventes portent sur de petits lots; ils sont connus par leur prix, non par leur surface; mais, même en tenant compte d'un prix sous-estimé à cause de l'origine des terres, la vente de l'année 320 révèle une grande parcellisation et des acheteurs multiples 21. Ce faisceau d'éléments convergents montre que la norme en Grèce à cette époque est une exploitation de faibles dimensions et d'une certaine mobilité. S'il n'y a pas eu concentration en grandes propriétés, il y a des seuils; 50 et 60 plèthres paraissent donc le seuil minimal normal, puisqu'il est encore employé pour de nouvelles distributions 22. 300 plèthres est un seuil supérieur, on est déjà un nanti. L'évaluation du domaine de Phainippos que A. lardé estimait à 300 ha a été considérablement abaissée, puisqu'on le situe, avec une circonférence de 40 stades, à la moitié ou au quart de cette superficie 23. Il ne faut pas oublier le rôle des terres extérieures qui, pour les Athéniens, ont pu constituer un apport fort appréciable, comme Ph. Gauthier l'a rappelé 24. Mais notre propos n'est pas d'envisager la taille des propriétés ou leur transmission mais la taille des exploitations en fonction de la main-d'œuvre utile. On a donc assez couramment en Grèce des lots de 4 à 5 ha. Compte tenu des moyennes que nous avons envisagées, ils peuvent être exploités par trois personnes à temps plein, l'une d'elles étant en partie attachée à la transformation, la femme normalement. Il faut en effet envisager 3 ha pour les céréales pour tenir compte de l'assolement biennal, et 1 ha de vigne et d'oliviers avec quelques arbres fruitiers; il est rare qu'un domaine soit entièrement occupé de terre arable, une part de garrigue fournit d'ailleurs bois et nourriture pour les animaux. Le minimum de deux personnes employées à la culture est obtenu non en additionnant les temps évalués, qui n'occupent pas une année entière, mais en tenant compte du fait que ces travaux ne peuvent être étalés que sur les mois utiles: de mars àjuin et d'octobre à novembre pour les céréales, et les travaux J'entretien de la vigne et des arbres fruitiers, septembre/ octobre pour les vendanges; seule la récolte des olives peut mordre sur décembre et janvier. Si la vigne prédomine dans l'exploitation, les temps sont un peu plus élevés. Il faut évidemment aussi veiller à l'entretien des bœufs. Certes, on peut aussi faire appel au travail extérieur pour les périodes de pointe. Il faudra alors le rétribuer, en nature ou en argent. Ces deux personnes employées à la culture doivent évidemment être présentes aux périodes utiles. Or, celles-ci correspondent en partie aux mois d'été : le calendrier de Thucydide nous le rappelle très précisément, les Spartiates partent en campagne en Attique quand les blés sont mûrs, parfois même 20. F. SALVIAT, C. YATIN (1974), p. 247-262, (1980), p. 309-311; sur les résultats des recherches cadastrales, voir la récente synthèse de F. FA VORY, pour le colloque de 1980, (1983), p. 92-108 pour la partie grecque. 21. Y.N. ANDREYEV (1974), p.14, estime le prix du plèthre à 50 drachmes, ce que n'accepte pas D.M. LEWIS (1973). 22. A. BURFORD COOPER (1977-1978), p. 168, avec la bibliographie antérieure. . 23. Démonstration menée par G.E.M. de SAINTE-CROIX (1966), p. 109-114. La thèse de la concentration des terres et de l'endettement paysan qui s'appuyait en partie sur l'étude des bornes hypothécaires a été remise en cause par les analyses de M. 1. FINLEY (1952). Sur l'aliénabilité des biens et la crise agraire, les études de F. CASSOLA (1965), 1. PEélR KA (1973); C. MOSSE (1979) a nuancé les conclusions de sa thèse de 1962. 24. Ph. GAUTHIER (1973), p. 163 sq.
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
206
LES DONNeES EN SUPERFICIE (Yc [][C ,
~l\
J-c.) en plèthres
en hectares
300 min. 300 100 60
26,5 26,5 ou + 8,74 5,4
ATTIQUE
• • • •
Domaine d'Alcibiade (Platon, Al., I, 123 c) Achat d'Aristophane (Lysias, XIX, 42) Don des Athéniens if Lysimaque en Eubée (Plutarque, Arist., 27,2) Héritage en plaine
THESSALIE
• Inscriptions de Larissa 2 • JG IX , ]014
50 100
4,37 8,74
60
5,4
MACEDOINE
• Inscription de Pharsale (JG IX 2 , 234) PONT
• Chersonèse, exploration archéologique • Ancien: Majacnyj Kalos Limen • Presqu'île Héraclée
50 80 et 100 200 300
4,37 7 à 8,8 17,5 26,5
297
25,95
GRANDE-GRÈCE
• Métaponte, prospection aérienne COMPARAISONS DE SURFACES (d'après F. FAVORY [1983], p. 57)
1 ha
630
m~----------------
kleros de Chersonèsos
362
m~ i
, 1
centurie de 200 iug.
.
..
·-1
"Iéros n'4 de Katos Liman
1 1
1
1
210m~~--~~ Il 50 plèlhr1!s (Lariss.1
Il 1
iugerum
71 m
200 m 210m
LA MAIN-D'ŒUVRE
207
avant leur maturité (II, 19; III, 1; IV, 1). Si le paysan athénien est inscrit sur les listes de conscription, le voilà engagé loin de son domaine jusqu'à l'automne; l'absentéisme pour les petites exploitations est grave. Ainsi, la propriété « standard» de la Grèce suppose un personnel extérieur au maître de maison de deux personnes si sa femme effectue les travaux de mouture, sinon de trois, qu'il emploiera parfois en dehors de l'exploitation, car il participe activement à celle-ci. Bien évidemment, les plus petites exploitations peuvent être entretenues par une seule personne, mais elles ne suffisent pas à entretenir une seule famille et doivent être conçues comme un complément à d'autres ressources, ou n'assurer la subsistance que d'un nombre réduit d'individus. La dimension de 60 plèthres (5,4 ha) a même paru trop faible pour nourrir cinq personnes. M.H. Jameson pense qu'il faut au moins 8 ha 25. Cependant, si l'on utilise les chiffres moyens donnés par les rendements et les rations alimentaires, on voit (p. 291) que cette base est suffisante, à condition de considérer vigne et oliviers comme susceptibles de fournir - par l'échange ou la vente - le surplus nécessaire pour parer aux aléas climatiques et aux demandes externes : équipement militaire, dot. On notera que ces données ne font pas état d'une charge permanente - impôt, tribut - qui changerait totalement la situation. Mais souvent des fermages s'ajoutent à ces lots de base et permettent d'arriver à une douzaine d'hectares qui, en polyculture, peuvent encore être exploités par un propriétaire et trois serviteurs. Un grand domaine grec ne semble pas dépasser une trentaine d'hectares, soit nettement moins que les exemples fournis par Caton et Columelle. Cependant, on ne peut pas réduire en proportion le nombre des ouvriers; il faut, si le maître est absent, un intendant; au moins une sinon deux personnes pour la transformation des céréales; un attelage minimum et quatre à cinq ouvriers permanents. Si le domaine doit, par là, non seulement nourrir ce personnel mais aussi la famille du maître et dégager un surplus pour l'équipement militaire ou les liturgies, il doit être cultivé de façon intensive ou spécialisée comme celui de Phainippos (orge, bois et vigne); sinon il n'est plus rentahle, mieux vaut réduire le personnel et pratiquer une culture extensive, en cherchant des ressources ailleurs ... ou même laisser en friche des pièces un certain temps, luxe que peut se payer quelqu'un qui a des terres d'origine variée suffisamment étendues. Les champs abandonnés que rachète le père de Xénophon (Œc., XX, 27) correspondent moins à des propriétés dévastées par la guerre qu'à des terres dont l'exploitation n'est plus rentable en fonction de la main-d 'œuvre disponible. Où trouve-t-on des exploitations relativement importantes de ce type? Nous avons donné quelques exemples athéniens, dans les îles; R. Etienne souligne certains regroupements aux mains d'une famille à Ténos, regroupements qui ne peuvent atteindre des dimensions exorbitantes vu la taille de l'île 26. On aimerait avoir quelques certitudes sur le cas de Sparte. A. Jardé avait fait des propositions en tenant compte des textes sur la redistribution des K'Xflpot et de la superficie de la Laconie et de la Messénie. Il aboutissait à une estimation, pour les lots de Laconie, comprise entre 27 et 36 ha 27. On sait que la critique actuelle tend à rejeter complètement le système des tenures égalitaires viagères comme une reconstruction historiographique née au Ille siècle av. J .-c., à partir de textes du IVe siècle mal interprétés. C'est cette reconstruction qui aurait inspiré Plutarque 28. La propriété privée aurait été en fait à Sparte inégalitaire et dans une large mesure inaliénable; reste qu'en tout état de cause, et pour notre propos, Sparte, donne l'exemple d'exploitations, privées ou publiques, redistribuées ou non, de taille plus importante qu'à Athènes et qui, vu la baisse démographique, ont eu tendance à s'accroître. Même en tenant compte de ce fait, les dimensions de la Laconie et le nombre des citoyens ne permettent pas d'envisager des domaines dépassant 50 ha. En calculant à la fois d'après les besoins 25. M.H. JAMESON (1977-1978), p. 131 pour Mélos. 26. R. ETIENNE (I 984) a repris l'ensemble du dossier; d'après IG XII, 5, 872, on ne possède que tes prix, non tes dimensions des biens sur lesquels sont gagés des prêts dont le montant maximal est de 2.320 dl. 27. A. JARDÉ (1925), p.li3, essentiellement à partir des textes de Plutarque (Luc., 8,3 et 29,.10, et Agis, 8,5,3). 28. P. CARTLEDGE (1979), p..168 ; «1 do not believe there is any way we can rationally calculate the size or number of the kleroi», à la fois parce que le contexte géologique a changé et par critique des textes (relevés dans l'annexe 4, p. 347·356). Cependant les changements géologiques n'empêchent pas une approximation générale, ce qui était le cas pour A. Jardé. Même hypercritique chez U. COZZOLI (1979), p. 1 sq. et 156 sq. La meilleure bibliographie sur Sparte est maintenant celle de J. DUCAT, REG (1984), p. 194- 225.
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
208
pour l'exploitation et la taille de ces domaines, on arrive donc pour le monde grec égéen à une fourchette de deux à douze travailleurs employés sur une propriété (dispersée ou d'un seul tenant). Dans le premier cas, le propriétaire ou fermier participe aussi directement et ajoute sa force de travail, dans le dernier ni lui ni sa femme n'interviennent manuellement sinon, dans le meilleur des cas, comme contrôle. Les exemples les plus fréquents se placent dans la situation intermédiaire, le travailleur des champs étant aussi souvent employé au travail domestique 29. Cette fourchette relativement étroite correspond-elle à des statuts unifiés pour ces travailleurs?
•
L'OFFRE: LES DIFFERENTES CATEGORIES DE MAIN-D'ŒUVRE RURALE
Compte tenu de ces données, il nous faut envisager les différentes solutions qui ont été utilisées dans le monde grec. Nous ne pouvons les considérer du seul point de vue de la technique agricole et de sa productivité; .les analyser en fonction d'une norme idéale implicite (qui n'a jamais existé en Méditerranée) serait tout aussi inconséquent. Etant donné le cadre social et politique de la société grecque, les possesseurs du sol étaient en même temps les défenseurs de la cité et les magistrats. La productivité reposant, nous l'avons vu, essentiellement sur l'accroissement du travail manuel, comment les cités grecques ont-elles concilié ces demandes contradictoires et y sont-elles parvenues? En fait, l'analyse met en valeur l'extrême diversité des solutions envisagées et leur instabilité. Trois siècles ne sont pas, au regard du temps long agricole, une durée importante, et cependant durant cette période l'évolution a entraîné une grande diversité des situations. •
LA MAIN-D'ŒUVRE SERVILE
L'esclavage rural a été longtemps sous-estimé par les historiens, particulièrement parce que l'on considérait que la petite taille des exploitations le rendait inutile 30; cependant, les textes nous prouvent le contraire, et ils ont été mis en valeur récemment. Mais l'étude doit être menée en fonction des régions et des époques, les généralisations dans ce domaine sont dangereuses. Le monde grec a connu deux grands types de solutions à la main-d'œuvre rurale dans le cadre de la 7TOÀLÇ : la dépendance ou l'esclavage proprement dit, le chattel slavery des Anglais. o
Les dépendants ruraux:
La distinction entre esclavage-marchandise et formes de dépendance est un des acquis des écoles historiques dans les années 1960, à partir de l'œuvre de M.I. Finley, et doit beaucoup pour sa diffusion aux différents colloques de Besançon 31. Le terme même qui définit ces catégories reconnues par les Anciens «entre les hommes libres et les esclaves», comme le dit Pollux (III, 83), peut prêter à discussion; Y. Garlan souligne combien il recouvre de modalités différentes. Cependant, du point de vue très précis qui nous occupe ici, il s'agit d'une réalité juridique qui s'oppose précisément à celle de l'esclavage-marchandise : la dépendance par rapport à la terre et à un lieu donné, opposée à la servilité liée à une personne dont on est la propriété et qui peut ou non vous employer sur sa terre. Avant d'aborder la catégorie des dépendants ruraux dans le monde grec proprement dit, il peut être utile de faire une rapide comparaison avec les solutions adoptées dans les marges de l'occupation 29. Il s'agit précisément de la main-d'œuvre, non de l'ensemble des personnes vivant sur une exploitation. 30. Ainsi G. GLüTZ (1920), p. 202-203, (1948), p. 404; R.L. SARGENT (1924), p. 79. Bibliographie d'ensemble M.H. JAMESüN (1977-1978), p. 125, na 12. 31. L'historiographie de ces problèmes.est à l'ordre du jour, elle domine la dernière réflexion de M.l. F1NLEY (1981) et celle de P. VIDAL-NAQUET (983), p. 223-248; une part importante lui est faite chez Y. GARLAN (1982), p. 13-26 où l'on trouvera la bibliographie générale et le détail des congrès de Besançon (p. 10-1 1).
LA MAIN-D'ŒUYRE
209
hellénique, là où les Grecs étaient au départ en minorité parmi des populations non grecques. Le phénomène de la dépendance rurale n'est pas la règle constante et à vrai dire nous ne connaissons pas toujours les caractéristiques de la main-d'œuvre. Nous serions bien en peine par exemple de dire avec certitude qui exploitait la chorade Marseille entre le Yle et le me siècle (les conclusions sur l'étendue de cette chora restant elles-mêmes controversées, mais des hypothèses intéressantes ont été émises sur un parcellaire proche du système grec 32). Nous saisissons cependant pour Syracuse que les Kylliriens étaient les indigènes contraints par les gamores à cultiver leurs terres (Hérodote, VII, 155); la politique successive des tyrans a peu à peu intégré ces dépendants aux différentes cités de Sicile comme nouveaux citoyens. On peut estimer qu'un tel type d'esclavage a existé aussi à Géla et dans certaines cités de Grande-Grèce; Aristote le compare à celui des Hilotes et des Pénestes (Pr., 26); il survit, malgré tout, mal aux multiples bouleversements politiques de ces régions. Lorsque Timoléon veut relancer l'économie de la Sicile au milieu' du ive siècle, il est obligé de faire appel à des colons agraires venus de toute la Grèce (Plutarque, Tim., 21-22; Diodore, XVI, 82). On s'est donc trouvé en Sicile devant une réelle pénurie de main-d 'œuvre agricole 33. Des solutions proches de ce type de servitude se retrouvent dans plusieurs régions de la Mer Noire et sur les côtes d'Asie Mineure. Ainsi, à Héraklée du Pont, à Byzance, sans doute à Cyzique, très probablement en Carie. Sur les marges du territoire de Milet et Priène on peut déceler des populations rurales asservies qui semblent coexister avec une main-d'œuvre servile classique sur le reste du territoire. Nos renseignements sont bien souvent très fragmentaires, mais l'étude fait apparaître l'existence d'une main-d'œuvre rurale d'origine indigène, plus ou moins rattachée à la terre dont elle extrait un surplus fixé par la polis. Il serait utile de pouvoir distinguer le système du surplus fixe exigé globalement par village, proche du système oriental, et le surplus de type colonial exigé pour chaque exploitation par le propriétaire, qui peut d'ailleurs participer lui-même au travail 34. Le premier type pourrait être illustré par la Carie, le second par la Chersonèse de Thrace, sans nous cacher que ces hypothèses reposent sur des textes peu nombreux et souvent peu explicites 35. Il était cependant nécessaire de montrer que l'asservissement des populations indigènes pour l'exploitation de la terre avait été une des solutions trouvées par les Grecs, solution qui se maintient dans certaines régions de l'Asie Mineure d'autant plus facilement qu'elle est proche du système employé dans l'empire perse. Mais les Grecs eux-mêmes différenciaient ces types de solutions de celles qui correspondaient à un asservissement de populations rurales d'origine grecque. C'est au rve siècle qu'ils prennent conscience de la différence entre système de dépendance et esclavage proprement dit, au moment même où la servitude entre Grecs tend à reculer dans plusieurs régions; et Platon dans Les Lois (776 c) souligne que le système des hilotes de Sparte était le sujet le plus controversé en Grèce, les uns l'approuvant, les autres le critiquant. La plupart des auteurs anciens ramènent les types de servitude. entre Grecs au type hilotique; la critique moderne a au contraire essayé de les différencier 36. On peut envisager d'une part les cas isolés où la servitude apparaît tardivement (et disparaît durant notre période) et les trois régions, Crète, Sparte, Thessalie où, antérieure à notre période, la servitude rurale lui survit. Cas exceptionnel sans doute celui de la Locride occidentale. Une inscription ancienne, le bronze de Galaxidi, atteste, pour le début du ye siècle semble-t-il, l'existence d'une population attachée à la terre 37. On peut envisager que les gymnètes d'Argos, qui disparaissent au ye siècle, et les korynéphores 32. M. CLAYEL.LEYÊQUE (1977), p. 79-91; F. FAYORY (1983), p. 98. M. BATS, C. TREZINY, Table ronde sur la chora de Marseille (1985), à paraître. ~3. Sur l'œuvre de Timoléon, on verra le numéro de Kokalos 1962, qui tente d'utiliser aussi les informations archéologiques. P. LEYEQUE (1968), p. 135. 34. La meilleure étude sur ces problèmes reste celle de D.M. PIPPIDI, in M.I. FINLEY (1973), p. 63-82. 35. Sur Héraklée et les Mariandyniens, Platon, Lois, YI, 776 c-d; Aristote, Pol., 5, 1327 b; Posidonius, apud Athénée, VI, 263 c ; Strabon, XII, 3, 4; sur Byzance, Phylaque apud Athénée, YI, 271 b; Cyzique, Diodore, XYlII, 51 ; Polybe, IY, 52,6-7; en Carie, Philippe de Théangéla apud Athénée, YI, 271 b; Zélée, svu», 279. P. DEBORD (1982). 36. C.MOSS~ (1979), p. 85-97; Y. GARLAN (1982), p. 101, où l'on trouvera la bibliographie. 37. I.J.G. 1, XI; R. MEIGGS, D. LEWIS, nO 20; commentée par L. LERAT (1952), p. 141-142, C. YATlN (1963), p.1l9;cf. aussi P, YIDAL-NAQUET (1983), p. 277.
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et katanokophores de Sicyone, les konipodes d'Ëpidaure cultivaient la terre. Dans ces derniers cas il ne s'agit que d'hypothèses 38. Par contre, les pelatai et hectémores athéniens «travaillaient les champs des riches» (Aristote, Il, 2); l'approche historique moderne, si elle n'a pu résoudre le problème de l'hectémorat, l'a mieux replacé dans le phénomène général de la dépendance rurale 39. Nous ne prétendons pas apporter de réponses définitives à ce lourd dossier, qui a toutes chances de demeurer en partie insaisissable, mais faire deux remarques à propos du «loyer» : les hectémores athéniens travaillent sur les champs des riches; donnent-ils le sixième de leur récolte, selon Plutarque (Sol., XIII, 4), et Hésychius (È1rLj10proc;) ou doit-on comprendre cinq-sixièmes (Eustathe, Comm., Od T 28), ce qui a paru invraisemblable à toute la critique moderne? S'il s'agit de céréales, cette interprétation est assurée, les rares contrats dont nous possédons des éléments chiffrés pour les hautes périodes ne dépassent pas une redevance d'un tiers. La redevance des Athéniens serait faible, la contrainte étant finalement celle d'être asservi à la terre. Mais on trouve des contrats un peu différents dans le cas de cultures arboricoles: G. Cardascia les appelle des contrats de jardinage 40 et les définit clairement à partir des archives de Murasu, donc au ve siècle av. J ,-CO dans la région de Babylone. Il s'agit de contrats d'entretien ou de plantation de la palmeraie. Le jardinier engage sa force de travail pour l'entretien d'une palmeraie qui ne lui appartient pas; en échange il a droit à l'usufruit du sol, c'est-à-dire à «ce qui croît sous les dattiers », cultures intercalaires de céréales, et à un sissinnu de quelques kurs de dattes, d'un montant très faible, environ le produit de trois ou quatre arbres; le reste revient au propriétaire. On trouve encore des contrats de ce type dans les palmeraies de Tunisie, et G. Tchalenko les a rapprochés des contrats de plantations des oliveraies, toujours en vigueur actuellement, dits mûgârasa, qu'il imagine fonctionner pour les grandes plantations d'oliviers du ye siècle ap. J.-C. Pour obtenir une oliveraie rentable, le propriétaire propose le terrain au métayer. Celui-ci fait les plantations, tous les travaux, récolte les céréales intercalaires et, au moment où les oliviers arrivent à maturité, dix ans après, partage les fruits 41 et le domaine. Il se trouve alors engagé de fait sur la terre dont il assure l'entretien et les récoltes, et ceci peut l'amener, si sa propre main-d'œuvre est faible, à engager par avance une partie de sa force de travail pour assurer les prêts de semence et les revenus pendant les années improductives. A titre de purehypothèse (celle-ci s'ajoutera au dossier) il nous semble que l'on doit lier l'hectémorat au phénomène général de dépendance, mais noter que son aggravation est peut-être due à une extension des oliviers, les formes de contrats de travail ne rendant pas invraisemblable, s'il porte sur les fruits, l'interprétation d'un métayage des cinq-sixièmes. Ce qui est étonnant c'est la décision, éminemment politique, de rompre cet engagement, décision qui, de ce fait, retirait essentiellement aux plus grands propriétaires une partie de leur main-d'œuvre. On l'a rappelé, cette rupture donne à la démocratie athénienne une base de petits exploitants mais l'engage aussi irrésistiblement dans le choix de l'esclavage rural, tandis qu'une partie des citoyens libérés par Solon vont gonfler la dernière classe des thètes. Il faut souligner surtout le caractère politique de l'émancipation: il s'agit de conserver des citoyens, non de régler le problème de l'exploitation des terres. Ce problème a pu paraître cependant trouver une solution rationnelle dans les trois systèmes de dépendance rurale: hilotes de Laconie, clarotes de Crète, pénestes de Thessalie. Car comment imaginer meilleure solution que celle qui dégage les citoyens pour les obligations civiques et militaires et assure la subsistance de tous? Notons encore que ce type de dépendance ne semble pas entraîner une mauvaise exploitation; les champs de Laconie produisent un excellent blé en dehors de l'orge traditionnelle, le millet d'été y est soigneusement irrigué et l'exemple de leur bonne gestion est souvent donné (Théophraste, HF., 8, ~, 5; AI., l, 122 D). Les dépendants semblent même s'enrichir puisque 6.000 hilotes 38 1.,. Pour Argos, Hérodote, YI, 83; P. A. SEYMOUR (1922), p. 24-30; D. ASHERI (1977) ; R. F. WILLETS (1959) sur la liaison entre l'épisode du mariage forcé et les gymnètes assimilés aux périèques par Aristote tPol., Y, 1302 b 33-1303 a 14), p. 496; Sicyone, Pollux, III, 83. 39. Bibliographie de ce lourd dossier, E. WILL, «Soloniana », REG, LXXXII (1969), p. 112, et R.H. (1979), p. 247. Depuis, surtout C. MOSSÉ (1979 '),p. 425-437, avec l'intervention de M. SAKELLARIOU (1979), p. 99-113 et P. LÉVÊQUE, p.114-118. Sur un point de vue plus «moderniste », P. LÉVÊQUE (1978), p. 523-524 et 540. 40. G. CARDASCIA (1951), p. 136-139. 41. G. TCHALENKO (1953-1958), p. 414-415.
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de Laconie pourront au
Ille
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siècle payer au roi Cléomène les cinq mines de leur libération (Plutarque.
Cleo., 23). Non seulement l'apophora traditionnelle, les 70 médimnes d'orge, plus douze pour la femme,
et des fruits en complément tLyc., 8, 7) suffisent à entretenir les syssities (12 médimnes par an 42), mais cette contribution laisse une large part pour les enfants et plusieurs fils au besoin. A. Jardé a calculé en fonction de la superficie disponible (et quel que soit le type de répartition des KÀflpot) que les revenus pouvaient facilement nourrir dix hilotes pour un citoyen, ce qui est la proportion donnée pour le ve siècle. Nous ressentons la même impression de réussite agricole pour la Thessalie. Nous avons vu que la région est souvent citée par Théophraste pour ses techniques avancées: on y travaille à la bêche, on utilise parfois les engrais verts, on envoie les bêtes dans les champs pour éclaircir les épis 43, Les pénestes d'ailleurs passent pour plus riches que leurs maîtres et semblent intégrés comme citoyens à la fin du ve siècle (Xénophon, Hell., 2, 3, 36). En ce qui concerne la Crète, nos informations sont plus vagues. Aristote note pour les Clarotes crétois (Pol., II, 10,8) : «Sur l'ensemble des produits de la terre et du cheptel appartenant à l'f:tat et sur les redevances payées par les Périèques, la loi fixe une part pour le culte des dieux et les services publics et l'autre pour les repas en commun, de sorte que tous, femmes, enfants et hommes sont entretenus aux frais de la communauté.»
C'est-à-dire que le fermage sur la terre est calculé non en fonction du rendement mais du nombre des citoyens et de leur famille, en terre crétoise comme à Lacédémone. Les autres catégories crétoises appartiennent-elles à la terre 44 ? Nous savons qu'ils avaient un droit de possession sur les troupeaux, une famille reconnue légalement. La redevance distingue la part fixée pour le culte des dieux et la contribution destinée à l'entretien des repas des citoyens et de leur famille. Aristote nous apprend encore qu'ils étaient moins portés à l'insurrection que les hilotes, et le philosophe estime que le morcellement géographique des cités crétoises a freiné les regroupements possibles de révoltés (Pol., 1272B 1720). Mais nous constatons que cette solution au problème rural, la dépendance de populations grecques, est de fait remise en question par les Grecs eux-mêmes. Certes, la libération des hilotes de Messénie en 370 est une affaire nationale, les Messéniens libérés conserveront d'ailleurs une terre prospère. Les pénestes gardent aussi une conscience nationale qui explique leurs révoltes; ils sont peut-être intégrés dans le cadre des citoyens à la fin du v« siècle, selon Xénophon (Hel/., Il, 3, 36). Mais on ne peut en même temps souligner l'oppression extra-économique, l'humiliation voulue et acceptée qui permet le maintien de l'asservissement, comme plusieurs articles l'ont bien montré 45, et mettre en valeur le seul ressort du nationalisme, si puissant qu'il ait pu être. Dans ce type de situation il faut rappeler tout de même la part objective qui est faite aux dépendants d'origine grecque: seuls exploitants, participant à la guerre, ils sont irremplaçables et de ce fait dangereux. Certes, le rôle des femmes dans la gestion des domaines à Sparte est important, et l'on sait combien Aristote l'a souligné (Pol., 1269 b -1270 d), mais elles ne semblent pas intervenir dans les travaux eux-mêmes. Le système entraîne peu de jeu dans le marché du travail, puisque les étrangers sont exclus et que les citoyens ne doivent pas intervenir. Certes, il reste les périèques sur lesquels nous savons si peu de choses 46, mais il ne semble pas qu'ils travaillent en dehors de leur domaine. Dans la situation dangereuse pour les citoyens que constitue la présence des pénestes et des hilotes il y a cet élément qu'on a peut-être 42. Et selon Dicéarque (pr. 72 Wehrli) un médimne et demi d'aiphita par mois, soit l'équivalent en mesure attique. Cf. pour les rois, Hérodote, 6, 57, 3, en orge aussi. Il n'est pas impossible que les hilotes de Messénie, qui ont dû, suivant le vers de Tyrtée, verser la moitié des récoltes (Frg.6, 7) après la seconde guerre de Messénie, aient conservé ce type de métayage. mais la probabilité va vers une uniformisation de l'apophorade tous les hilotes sur le modèle du fermage par tête de citoyens. Sur ce point, bibliographie in P. CART· LEDGE (1979), p. 194, avec recension des textes, p. 347-356 et V. COZZOLI (1979). Note bibliographique P. DUCAT, REG, XCVI (1983), p. 210. 43. Sur la portée de ces différentes techniques, voir supra, p. 55, 75,97. 44. H. VAN EFFENTERRE (1982), p. 89; R.F. WILLETS (1963), p. 257. 45. Depuis l'article de 1. DUCAT (1974), 1451-1464, on a cherché à distinguer plus nettement le danger messénien du danger laconien; pour P. CARTLEDGE (1979), p. 177, la tradition de la victoire spartiate sur un pays conquis contribua beaucoup au maintien des humiliations. G.E.M. de SAINTE-CROIX (1981), p. 93; A. ROBAERT (1977), p. 141 sq. 46. R.T. RIDLEY (1974), p. 280-291; P. CARTLEDGE (1979), p. 178. Le mot neaiouco« utilisé pour le groupe social de Sparte est employé dans un sens général par Aristote pour désigner les dépendants, F.R. WILLETS (1983), p. 496.
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sous-estimé, le monopole de la main-d'œuvre rurale. Et si la situation en Crète est moins tendue, c'est sans doute justement aussi parce que la variété des statuts permet un certain marché de cette maind'œuvre. Ainsi, au Iye siècle av. J.-C., si la dépendance rurale reste relativement bien attestée sur les franges du monde égéen et de la Mer Noire, elle tend à devenir isolée et contestée dans la Grèce propre et les îles, au profit de l'esclavage proprement dit (carte 9). o
L'esclavage-marchandise dans le monde rural:
L'esclavage rural est attesté aux ye et Iye siècles en Attique, chez les comiques comme à travers les orateurs 47, mais aussi à Corcyre où Xénophon s'émerveille des champs bien cultivés et plantés, et souligne que «les esclaves et bétail y sont en quantité» (Heli. , VI, 2, 5). Des noms de 'Y€wP'Yoi apparaissent sur les phiales d'affranchissement dédiés à Athéna à la fin du rve siècle 48. Ces exemples sont certes moins nombreux que ceux que nous possédons pour les autres catégories d'esclaves, mais ils sont bien attestés et on ne comprendrait pas l'existence d'un ouvrage comme l'Economique de Xénophon si l'esclavage rural n'était pas une norme du monde grec. A l'intérieur de ce monde servile, toute une hiérarchie peut être établie. En haut de l'échelle vient le régisseur 49. Périclès le premier, nous dit Plutarque, aurait eu l'idée de laisser complètement la direction de ses propriétés à un régisseur et se serait servi du budget pour l'entretien de sa maison à Athènes (Per., 4-6), pratique qui est devenue courante au Iye siècle pour les plus riches, les régisseurs athéniens étant en général de condition servile (Aristote, CEe., 1344 a). Nous avons chez Xénophon une description du soin à apporter au choix de ce régisseur, énirpctu»; (CEe., XII, 2-XV, 1). Les qualités requises sont bien marquées par le caractère servile de la fonction. Le régisseur doit posséder le dévouement, la bienveillance, EVVOta, pour l'OLKOC;. Il doit être vigilant, €1fLI1EÀEfaifaL, ce qui sera obtenu s'il ne s'attache ni au vin, ni au sommeil, ni à l'amour, mais s'il s'intéresse au gain, «eobaiveiv. Sa formation, qui comporte la connaissance préalable des travaux, porte essentiellement sur les qualités de décision, savoir quand et comment, 01fOrE «ai 01fWC;, il faut entreprendre, et les qualités de commandement vis-à-vis des subordonnés (ceux-ci sont comparés dans une page célèbre aux animaux [XIII, 6,12]). Mais tout cela ne servirait à rien si le régisseur n'était honnête, l'amour du gain qu'on lui conseille ne doit pas le pousser à s'enrichir aux dépens de son maître; la rigueur des peines proposées, comme la limite des encouragements envisagés montrent bien l'ambiguïté de la situation. Xénophon aborde d'ailleurs dans les Mémorables (II, VIII, 3, 4) le problème d'une autre façon: Socrate conseille à un homme libre de s'engager comme régisseur, de toute évidence cette solution de clientélisme paraît meilleure à Xénophon pour le maître que la confiance totale donnée à un esclave, mais l'interlocuteur de Socrate refuse net : s'engager dans une telle occupation ce serait s'aliéner. Ainsi le régisseur peut avoir une situation relativement privilégiée, ce qui est dans l'intérêt du maître lui-même, il n'en reste pas moins, par nature, digne de suspicion et on ne voit pas que l'affranchissement lui soit particulièrement promis. Les 'YEwP'Yoi qui apparaissent sur les fiaIes d'offrandes de la fin du rve siècle sont plus probablement des esclaves qui se louent et peuvent ainsi se garantir un pécule. En somme, des xwpic; OlKOÛVTEC;. Le plaidoyer du Contre Nicostratos nous en donne un exemple typique pour le milieu du rve siècle. Pour 47. M.P. HERVAGAULT et M.M. MACTOUX (1974), p. 80; E. LÉVY (1974), p. 33, qui estime qu'il ne faut pas surestimer leur nombre, p. 36. 48. IG II', 1553-1578. Il Y a 11 noms sur 85, et deux àll1T€Àovp"yol, mais M.H. JAMESON (1979), p. 137, fait remarquer àjuste titre que les esclaves des petites gens employés sur la terre avaient peu de chances d'être affranchis et, d'autre part, étaient désignés sous le nom d'o/KÉTat aussi ceux qui travaillaient sur la terre; c'est le même mot utilisé par Xénophon dans l'Économique précisément pour ceux qui vont travailler au-dehors (YII, 34). 49. G. AUDRING (1973), Klio, 55, p. 109-116; sur les régisseurs à travers les agronomes latins, René MARTIN (1974), p. 271-275. Le modèle prôné par Columelle a beaucoup de points communs avec celui de Xénophon.
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prouver l'appartenance des esclaves à un certain Aréthousios, le plaideur rappelle leurs activités : lorsqu'ils achetaient une récolte sur pied ou se louaient pour la moisson ou se chargeaient de quelqu'autre travail agricole, c'est Aréthousios qui figurait pour eux comme acheteur ou loueur de services (Démosthène, LIlI, 21). Ainsi se confirme l'existence d'un certain marché du travail agricole, surtout pour les récoltes. La possession d'ouvriers agricoles, indépendamment de toute propriété, pouvait enrichir le maître. Les esclaves spécialisés apparaissent plus rarement, mais il en est de même pour les hommes libres. Nous avons deux àjl:rreÀovp-yoi sur ces mêmes listes d'affranchis, et des âniers, oV71ÀaTat, sont cités sur le domaine de Phainippos (Démosthène, XLII, 7). En fait, plus nombreux sont les esclaves employés sur les petites exploitations comme hommes à tout faire; ils sont aussi domestiques, et le recensement effectué par E. Lévy nous en donne une idée assez claire 50. On les voit aussi présents dans les domaines évoqués au hasard d'une plaidoirie (Démosthène, XLVII, 53 et 60), accompagnant leur maître pour un travail précis comme l'arrachage d'un tronc d'olivier (Lysias, XVII, 19). Les bergers forment un groupe à part, mal·reconnu 51. C'est souvent un jeune garçon qu'on emmènera avec le troupeau en cas de confiscation (Démosthène, LIlI, 6), un marginal qui passe six mois de l'année loin du domaine, sur le mont Cithéron, comme celui qu'évoque l'Œdipe roi de Sophocle (11211141). C'est être un homme vraiment pauvre que de passer sa jeunesse comme Phrynicos à garder les troupeaux, et l'on finit sycophante soulignera Lysias (XX, Il). Enfin, il faut faire une place particulière aux femmes. La femme est indispensable pour garder les réserves et effectuer les transformations des céréales. Déjà Hésiode l'avait évoquée (O., 405), et l'autourgos de Ménandre dispose tout de même d'une vieille servante qui n'hésite pas à mettre la main à tout, comme elle le rappelle plaisamment iDys., 580 sq.). L'intendante choisie par Xénophon a pour rôle de garder les provisions à l'intérieur et de diriger les servantes dans la maison comme son homologue masculin entraîne les hommes à l'extérieur. Les mêmes qualités sont requises, sauf l'art de commander, et elle doit posséder de plus une bonne mémoire, car ses compétences rejoignent celles d'un bon magasinier (IX, Il). Mais le rôle particulièrement dévolu à l'esclave c'est la transformation du grain, le rôle de atT01fOtOÇ. Et Hécube songeant à sa servitude future dans Les Troyennes d'Euripide (490) soupire: «Moi, la mère d'Hector, atT01fotEÎIJ ! », Certes, la femme libre pétrit encore la maza et, quand elle est de condition élevée comme la femme de Xénophon, il lui est encore conseillé de «mettre la main-à la pâte» de temps en temps, excellent dérivatif bon pour la sante tŒc.. X, II). Mais il n'est plus question de travailler à la meule. Le temps mythique où les femmes faisaient résonner le village du bruit de leur meule, qu'évoque Phérécrate, est bien révolu 52. Déjà chez Homère (Od .. XX, 105; VII, 104), ce sont des servantes qui font la mouture (àÀEÎIJ). Le travail reste attaché à des femmes libres dans quelques circonstances religieuses, comme l'àÀ€Tpiç évoquée par Lysistrata pour le service d'Athéna (Aristophane, Lys., 644 a) 53. La procession qui emmène les instruments des Thesmophories comprenait peut-être une meule 54. On sait que les femmes y fabriquent elles-mêmes les gâteaux et les pains nécessaires. Mais on notera que dans beaucoup d'inscriptions religieuses on demande de fournir aÀlçJtTa ou àÀEiaTa toutes prêtes 55. Les différentes opérations, le grillage en particulier, sont devenues serviles; envoyer une servante griller de l'orge à la campagne, c'est une menace redoutable. Certes, le ..ppV-Y€TPOV reste un des symboles du mariage depuis Solon, nous dit Pollux, mais il s'agit de diriger les servantes plus que de s'en servir soi-même. Celles-ci restent confinées pour ce travail, et le plaidoyer de Démosthène Contre Evergos et Mnésiboulos évoque bien l'atmosphère d'un domaine 50. E. UVY (1974), p. 33, repris par Y. GARLAN (1982), p. 74. 51. Sur la figure du berger grec, M.C. AMOURETTI (1979), p. 155-167. 52. Phérécrate, frg. 10, apud Athénée. VI, 263 b, dans sa comédie Les Sauvages; sur l'interprétation de ce temps mythique révolu, P. VIDAL-NAQUET (1983), p. 231. 53. Sur ce rôle, M. D~TIENNE (1972). p. 216-217; N. LORAUX (1981), p. 176-177. 54. Dans l'Assemblée des femmes d'Aristophane, lorsque Chrémès appelle les différents objets sortis de sa maison (730-740), la meule est évoquée par la joueuse de lyre K,{Japyooç qui le réveillait chaque matin. 55. A Milet, 500 av. 1.-C., F. SOKOLOWSKI (1955), n" 41, 1. 4; à Athènes, sur le calendrier de la Tétrapole (\ 969). n° 20 b, 1.50; à Cos, sur un calendrier du IVe siècle, n° 151 A, 1.47, B, l. 18.
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proche d'Athènes. La maîtresse de maison mange dans la cour avec la vieille nourrice affranchie tandis que les servantes s'enferment au moindre danger dans leurs appartements (XLVII, 55- 56). Ainsi ce monde servile est hiérarchisé et fragmenté. La petite taille des exploitations, la variété de l'utilisation de ce personnel expliquent l'absence totale de révoltes organisées. On insistera aussi sur le fait que les esclaves ne peuvent avoir de famille comme les dépendants, et demeurent beaucoup plus mobiles. Enfin, ils se trouvent sur le marché de la main-d'œuvre aux côtés des hommes libres; travail rural servile et travail libre sont complémentaires plus qu'antagonistes dans le système grec, et c'est ce qui explique les contradictions qui se manifestent dans l'attitude des écrivains grecs sur le travail agricole.
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LE TRAVAIL LIBRE ET SES AMBIGUÏT~
Tous ceux que nous allons évoquer et qui participent d'une manière ou d'une autre au travail de la terre sont loin de se sentir une «conscience paysanne» et une solidarité quelconque S6. Sur le plan juridique, ils sont certes des hommes libres, et la coupure est nette avec le statut servile. Mais on remarquera que le mot 'YEWP'YOç désigne aussi bien un homme libre qu'un esclave, et il est employé avec mépris par Xénophon pour caractériser, avec les cordonniers, les tanneurs, ceux qui peuplent l'Ekklésia et devant qui un jeune homme de bonne naissance ne doit se sentir aucun complexe (Mem., III, VII). S'agit-il vraiment de ces paysans qui doivent former l'idéal de la Cité depuis Aristophane et sur lesquels Aristote veut, en fin de compte, s'appuyer? Là encore les différences sont grandes entre les catégories. 1)
Le travail libre salarié
Être un thète louant sa force de travail c'est, chez Homère, la pire des conditions; Eurymaque la propose avec dérision à Ulysse déguisé en mendiant (Od., XVllI, 346), et Achille l'évoque comme une comparaison redoutable: «J'aimerais mieux, valets de bœufs, servir de thète chez un pauvre fermier qui n'aurait pas grand-chère, que régner sur ces morts» (Od., XI, 489-471). Mais si l'idée de se louer chez autrui pour les travaux agricoles répugne aux âourro«, n'est-ce pas une situation plus répandue . que l'on ne pourrait le croire, pour le commun? En tout cas, Euthéros dans les Mémorables (lI, VllI, 3-4) la préfère à la place d'intendant pour laquelle «j'aurais trop de peine à me soumettre à cette servitude », Lorsque, à la fin du ve siècle, les mercenaires du Spartiate Etéonicos se trouvent désœuvrés et sans solde à Chios, ils se louent pour la belle saison et trouvent facilement du travail aux champs (Xénophon, Hell., II, l, 1), tout à fait comme les esclaves du Contre Nicostratos que nous avons évoqués tout à l'heure. Et lorsque l'on décrit le misanthrope Cnémon (Ménandre, Dys., 328-331), c'est pour s'étonner qu'il n'utilise «ni un esclave ni un homme loué du voisinage, ni un voisin». Le travail salarié agricole est donc quelque chose de normal mais, pour un homme libre, essentiellement temporaire. C'est parce qu'Euthéros s'est trouvé ruiné par la guerre qu'il en fait sa seule ressource, et c'est comme une déchéance et une situation particulièrement difficile qu'il est évoqué pour la femme qui doit se louer pour les vendanges comme rpv'Yr7rpw (Démosthène, LVII, 45). On est glaneuse par pauvreté (Théocrite, 111,32; Anth., IX, 89). La connotation est aussi négative chez Aristophane lorsqu'il évoque les cueilleurs d'olives, È"ao"0'Y0L, à la recherche d'un salaire (Vesp., 712). On le voit, ces travaux temporaires sont essentiellement liés aux récoltes qui peuvent être affermées comme peuvent l'être une partie des travaux de transformation de l'huile, si l'on en croit l'anecdote de Thalès de Milet rapportée par Aristote (Pol., 1, II, 9). On a donc un relatif marché du travail, qui doit comprendre non seulement les travaux de récolte mais certains travaux d'entretien plus spécialisés, comme le jardinage, peut-être les pépiniéristes, car ces deux métiers- K177TOVPOÇ, ..pvrovP'Y0ç - apparaissent sur la stèle de 401 (lG IF, 10) dans l'énumération des personnes récompensées pour leur fidélité à la démocratie. Et ce marché 56. W.E. HElTLAND (1921), p. 17-112. reste fondamental pour la documentation littéraire; Y. GARLAN (1980), in P. GARNSEY, p. 6-23, donne la bibliographie récente.
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permet à l'aristocratie une certaine souplesse dans l'exploitation des domaines sur lesquels elle réside moins. o
D'Homère à Xénophon, l'aristocratie et la conduite de l'exploitation:
A. Ayrnard a montré avec pertinence l'évolution entre le maître d'Ithaque qui sait conduire un araire droit, construire son lit, et les aristocrates du Ive siècle pour qui le travail manuel est méprisé 51. L'agriculture est une conduite, non une technique, nous rappelle J .-P. Vernant. Ainsi Xénophon s'inscrirait dans la lignée d'Hésiode, louant un mode de vie respectueux de la nature 58. Peut-être faut-il nuancer ces propos; Xénophon n'envisage absolument pas de tenir l'araire. Son mode de vic est bien clair: diriger son exploitation comme on dirige une armée, en tirer le parti le meilleur; pour cela utiliser au mieux, et d'une façon fort réaliste, sa main-d 'œuvre. Piété, respect des dieux vont de pair avec une attitude extrêmement pratique. La plaisanterie sur son père qui s'enrichit avec des terres remises en culture comme un marchand avec le blé correspond à la réalité. Au IVe siècle, on peut s'enrichir avec l'agriculture, l'exemple de Phainippos est tout à fait probant. A condition naturellement d'avoir une étendue suffisante et une main-d'œuvre servile. Pour pouvoir vendre 1.000 médimnes, Phainippos dispose de 26 à 52 ha environ de terres ensemencées, selon que l'on estime que le rendement a été très bas (12 hl à l'hectare) ou très élevé (24 hl). Il Y ajoute des vignes et des broussailles dont nous avons vu l'intérêt. Mais il suit attentivement ses affaires. Ce n'est pas le cas pour tous. Souvent, lorsque l'on est absent pour des occupations nobles mais onéreuses, les triérarchies par exemple, c'est à un voisin que l'on confie ses affaires. Parfois à tort, semble-t-il, comme le jeune homme du Contre Nicostratos de Démosthène. Mais l'absentéisme est la règle pour la classe aisée des Athéniens au Ive siècle, et le jeune citadin ne sait plus tenir la houe, une journée de travaille remplit de courbatures (Ménandre, Dys., 522, 545). Il y a une très grande différence entre le mode de vie pratique de l'agriculteur chanté par Hésiode et celui du propriétaire aisé idéal tel que l'évoque Xénophon. Cependant au Ive siècle les Athéniens des deux premières classes ne représentent que 1.200 personnes, le nombre des citoyens de Sparte qui n'accomplissent aucun travail n'atteint pas 1.000. Restent tous les autres. Les quatre cinquièmes des citoyens athéniens qui possèdent une terre, ces petits et moyens propriétaires des îles et du reste du Péloponnèse forment-ils, en dehors des cas de travail temporaire, une masse de maind'œuvre rurale importante? (>
Le paysan libre, propriétaire ou fermier:
On a rappelé que le véritable aV7ovP'YOÇ, qui cultive seul sa terre, est un cas exceptionnel, évoqué au théâtre pour exciter la pitié, comme l'époux d Ëlectre mis en scène par Euripide, ou le rire, avec l'atrabilaire de Ménandre. Le cas le plus fréquent, nous l'avons dit. est plutôt celui du paysan qui, en conjuguant terres louées et héritage, peut exploiter 5 à 12 hectares. Sans doute, plus facilement, pourrait-on rapprocher cet agriculteur moyen du paysan chanté par Hésiode? Celui-ci a des esclaves et si l'obsession de la misère est toujours présente, sa terre ne peut être de dimension dérisoire 59. Cependant, là encore, il faut nuancer. Si nous comparons avec Athènes, nous trouvons chez les paysans évoqués par Aristophane un état d'esprit différent. Vignerons pour la plupart, leur appréhension du monde est plus optimiste. L'agriculture de plantation reste, comme l'a rappelé H. Jeanrnaire, celle de la cueillette et des dons, de la joie aussi 60. Certes, il faut du travail, mais c'est pour la vigne que nous trouvons les seules mentions de spécialistes, tradition qui se repère dans tous les pays vignerons et qui correspond à une réalité technique: la taille suppose un bon doigté et de sa bonne mise en œuvre dépend non seulement la récolte à venir mais la croissance future du plant. Ce groupe de paysans moyens est, on le sait, l'idéal des hommes sur lesquels espèrent s'appuyer 57. 58. 59. 1)0.
A.AYMARD(1967),p.315. J.P. VERNANT (1971), p. 22. Ernest WILL (1965), p. 542-556. H. JEANMAIRE (1951), p. 31-33.
216
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
les philosophes du Ive siècle : chacun pense qu'ils seront à même de défendre valablement la république et leurs champs. Mais la contradiction est forte : il faut être présent pour que le travail s'accomplisse, même avec l'aide de deux ou trois esclaves. Car on ne peut se payer un intendant comme Xénophon dans son domaine de Scillonte. Certes, la guerre apporte, à partir du ve siècle, une solde complémentaire, mais celle-ci ne compense pas entièrement, loin de là, les inconvénients de l'absence. Les pays à dépendance rurale ont résolu à leur façon la contradiction, mais pour Athènes l'évolution est nette. La rupture de la guerre du Péloponnèse marque, Thucydide l'a écrit en des pages célèbres, le moment où un grand nombre de gens, qui n'avaient pas quitté leurs champs vont vivre à la ville (II, 16-17). Lentement s'accroît le nombre de ceux qui utilisent plusieurs sources de revenus: misthoi et exploitations par exemple. Mais celles-ci sont alors plus petites, de 2 à 5 ha. Cette dimension n'est pas ridicule en Méditerranée; elle offre des ressources non négligeables, compensées par un apport extérieur, elle permet de vivre à une famille 61. Les fermages, qui changent souvent de main, apportent un complément. Globalement, le revenu et le mode de vie peuvent être même plus élevés au Ive qu'au ve siècle. La circulation des richesses accentue quand même les différences, l'agriculture est un complément, non le total. Cependant elle reste l'occupation qu'une grande majorité des Grecs sait pratiquer manuellement et dont ils souhaitent obtenir un revenu. Le succès de Timoléon lors de son appel aux futurs colons le prouve. La revendication du partage des terres aussi. L'idéal du paysan libre, travaillant la terre avec quelques esclaves, reste présent, il correspond à un mode de vie qui devrait dégager dans ce type d'agriculture suffisamment de temps pour répondre à l'idéal du citoyen, qui n'est plus de vivre sur sa terre en complète autarcie. Ainsi l'extraordinaire diversité de la main-d'œuvre à l'époque classique explique l'ambiguïté des propos de la classe dirigeante face à un mode de vie qui, de fait, changeait. Ce paysan qui pousse l'araire dans son champ est-il un hilote pitoyable, un esclave a priori malhonnête et paresseux, un malheureux touché par les vicissitudes de la guerre, un concitoyen qui votera à nos côtés à la prochaine assemblée, un soldat expatrié comme clérouque, ou un habitant obligé de travailler pour ce même c1érouque ? D'ailleurs on se trompe en prenant le fils de la maison pour l'esclave. Le Grec qui parcourt la mer Egée est bien conscient de ces différences. Elles n'empêchent pas un marché relativement ouvert du travail agricole parce que, en fin de compte, la demande est toujours plus forte que l'offre. Le poids des journées de travail, la faible dimension des exploitations, qui limite la main-d'œuvre servile qu'elles peuvent entretenir, expliquent la fragilité de la situation agricole. Elle n'a pas empêché la progression lente de l'agronomie, nous le verrons, facilitée par une relative compétence de cette main-d'œuvre libre ou servile, mais elle est plus dépendante de ce marché que de l'évolution des prix.
•
TRANSFORMATIONS ET spECIALISATIONS
Si nous avons pu nous interroger sur la diversité des évocations du personnel employé dans la culture et sur les réalités que recouvre le mot 'YEWP'YOç, c'est que nous disposions de sources littéraires d'origines diverses : théâtre, philosophes, orateurs, historiens font apparaître ces acteurs du monde rural. L'imaginaire et la tradition religieuse chargent d'un impact parfois lourd à déchiffrer les connotations qui s'y réfèrent. Mais lorsque l'on aborde les activités qui se rapportent à la transformation, la situation est tout autre. Le meunier dans la tradition moderne jouit d'une réputation très ambiguë, mais ses activités évoquent pour nous des images précises 62. Le boulanger a hérité d'un véritable mythe et a symbolisé longtemps la pérennisation de la vie collective des villages comme le dynamisme des quartiers, particulièrement dans le monde occidental. Non que la dureté du travail ne soit connue 61. Voir l'analyse récente de C. BROMBERGER (1983) sur la façon dont un ouvrier- paysan de l'arsenal de Toulon répartit son temps sur 4 ha de terre dont une partie lui appartient et l'autre est en métayage ou louée, p. 127-144. 62. Sur moulins ct meuniers modernes, on verra en dernier lieu H. AMOURIC (1984), thèse dactylographiée.
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LA MAIN-D'ŒUVRE
mais elle bénéficie d'une image positive, en particulier au XIXe siècle. Ces traditions ne peuvent être transposées pour la Grèce antique, et la faiblesse même de nos sources reflète l'origine de l'occupation, celle des femmes et des esclaves. Certes, on possède des données, bien fragmentaires, sur l'aspect quantitatif de cette consommation. On s'est souvent interrogé, on continuera à juste titre de le faire, sur le volume et les fluctuations de prix des céréales par exemple. Nous avons voulu aborder le problème par un autre biais et nous pencher sur l'aspect qualitatif de cette consommation, et les conséquences qu'impliquent les transformations obligées sur l'évolution de la main-d'œuvre. Si ces phénomènes entrent dans la longue durée, ils n'ont rien de permanent. Si l'exemple d'Athènes tient une grande place, c'est que nos sources y sont plus abondantes mais aussi que la taille de l'agglomération a entraîné une évolution plus rapide. •
UN ÉQUIPEMENT LÉGER
Nous avons vu aux chapitres V et VI sous quelles formes étaient consommées les céréales et quels instruments devaient être employés, tandis que les chapitres VII et VIII ont pu nous donner quelques éléments sur la variété des utilisations de l'huile et des moyens de pression. Dans les deux cas, l'investissement en matériel n'est pas, pour l'époque qui nous occupe, très important. Ainsi, pour fabriquer de l'aÀ'PLTa, il faut 63 : o
o
o
un mortier profond pour le décorticage, en bois en pierre la base un pilon de bois pour le décorticage, un crible
et probablement au o o o
ye
3 dr 8 dr 6 dr 1 dr 1 dr
2 oboles 5 7 2
siècle:
une meule pour la mouture, supérieure inférieure pour le mélange, un mortier court, une vasque ou un pétrin, en pierre en céramique Pour le pain, il faut ajouter le four, en céramique :
7 dr 1 7 dr 8 dr 6 2 dr 3 dr
Ces prix recoupent ce que nous pouvons observer dans les régions où certaines de ces techniques se poursuivent. Le temps de fabrication d'un tabouna est très bref en Tunisie, son coût dérisoire (2 à 5 dinars), sa durée 2 à 3 ans. La fabrication d'une meule manuelle en pierre peut prendre moins de deux heures pour un ouvrier qualifié, mais à partir d'une pierre déjà dégagée de la carrière 64. La durée des meules manuelles actuelles en Grèce peut dépasser une génération, mais elles sont utilisées peu de temps, alors que les meules antiques l'étaient tous les jours: on peut estimer qu'elles pouvaient rester utiles de quinze à vingt ans, à condition de les retailler régulièrement. Opération qui ne coûtait pas très cher, de trois à quatre oboles; dans un mime d'Hérondas (VI, 80-84), on voit une servante tenter d'en faire l'économie et moudre avec la meule du voisin. Aristophane parle d'une meule fraîchement taillée, V€OK01TTO, (Vesp., 648) pour broyer la colère; le nom de métier connu par des textes plus tardifs est J.l.VÀOK.01TO, [Test. 7,2]. Les meules de moulins à huile sont un peu plus longues à fabriquer et la pierre en est plus résistante; elles doivent s'adapter à la cuve; pour les grandes meules (plus d'l,50 m) taillées à la fin du siècle dernier en Grèce, il fallait sept à dix jours pour un homme, transport de la carrière au port compris. Le coût du transport maritime pèse beaucoup sur l'ensem ble; au total l'investissement n'est 63. Cf. supra, p.l23 sq., 134 sq. 64. Tabouna, cf. X. THYSSEN (1983), p. 180. Sur l'observation d'une taille de meules rotatives au Maroc (1979), information orale. Sur les carrières en Grèce moderne, N:C. RUNNEL (1981), p. 225-243.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
pas prohibitif, et le renouvellement est lent pour les objets de pierre, mais d'un coût dérisoire pour ceux de céramique, les plus nombreux. Cependant leur nombre est important pour la transformation des céréales dans une ville, vu la diversité des processus et la faible taille des meules que nous connaissons. On comprend qu'une simple boulangère puisse s'équiper et porter sur le marché sa propre production. Le processus est resté familial dans les villes de faible importance, et le texte d 'Hérondas nous le confirme encore pour le Ille siècle. Qu'en est-il pour les plus grandes villes, et en particulier Athènes? •
UNE LENTE DIVERSIFICATION DES METIERS
Le texte de Thucydide évoqué plus haut nous apporte des indications importantes. Il faut 110 femmes (ULTD1rDLDC;) pour transformer les céréales pour 480 hoplites. Comme il ne fallait pas s'encombrer de bouches inutiles pour un siège, ce chiffre est un minimum indispensable, soit une personne pour quatre hommes. Si nous transposons ces données pour l'agglomération d'Athènes, nous obtenons cent fois plus, Il. 000 personnes, et plus probablement deux cents fois plus, 22 -,000 personnes, qui utilisent une meule et les innombrables petits instruments que nous avons évoqués. Même en prenant une moyenne d'un fabricant pour dix consommateurs, en tenant compte des rations plus faibles des femmes et des esclaves, on obtient des résultats impressionnants. Certes, dans beaucoup de villes moyennes, les céréales continuent d'être transformées dans la maison, c'est le cas à Olynthe où la plupart des meules ont été trouvées dans les pièces d'habitation. Certains Athéniens pouvaient se faire envoyer le grain transformé de leur domaine mais, selon Aristote, ce n'est plus le cas au Iye siècle, les exploitations ne gardent pas de réserves. Le cas de la ville est bien particulier car il accentue la demande de transformation en réduisant la consommation sous forme de grains simplement bouillis et grillés par un appel à la mouture, et il semble que la tendance des armées, grosses consommatrices, ait été aussi de pousser à une consommation de grains moulus. A Athènes, l'évolution est très nette. A l'époque d'Aristophane, on se nourrit de maza et de pain, les autres préparations sont destinées aux campagnards ou aux vieillards, mais c'est surtout l'accompagnement, olJiDv, qui différencie l'alimentation de la ville et de la campagne (Platon, Resp., 572 d-e). Et, si la maza est faite à la maison, la farine qui lui sert de base est, quant à elle, achetée au .marché. Il y a les achats possibles sur l'agora et une bourse spéciale, l'ài\I,OLTo1rwi\Lç uroa. (Aristophane, Ecc., 682), que les archéologues américains ont pensé pouvoir placer au portique sud 6S. La diversification du vocabulaire concernant meuniers et boulangers n'est pas indifférente. Nous en avons rassemblé les principaux termes en annexe, tableau V, p. 285. Si nous considérons l'usage chronologique de ces vocables, nous constatons que ULTD1rDLOÇ reste largement utilisé; il désigne aussi bien le personnel particulier de Cyrus, les esclaves, le personnelqu'il faut emmener avec l'armée de Xerxès ou en Sicile pour l'intendance, et le mot général qui reflète pour Platon une occupation servile relative aux soins du corps 66. Les termes se référant à l'ai\I,OLTa apparaissent dans le dernier quart du ye siècle et au rve . C'est dans les Mémorables que Xénophon évoque le cas de ce citoyen qui fabrique de la farine d'orge et tire de sa fabrication de quoi nourrir ses esclaves et des porcs (avec le son etles recoupes certainement). II fait suffisamment de bénéfices pour participer aux liturgies. Il est bien précisé que cette solution, considérée comme exceptionnelle, n'est possible qu'avec des esclaves barbares, alors que la fabrication du textile peut être effectuée par toute la maisonnée (Mém., 7, 6). On ne se trompera pas beaucoup en estimant qu'à Athènes la fabrication de l'ai\I,OLTa, faite auparavant à la maison, s'est commercialisée à partir de la guerre du Péloponnèse et de l'enfermement des Athéniens, la fabrication finale de la maza restant l'apanage familial. Dans les Cavaliers (l 010), Aristophane ironise sur les vendeurs qui trichent sur la vente de la farine sur l'agora. 65. R.E. WICHERLEY (1957), p. 21, n° 3 et 193. Sur les incidences entre le marché et la concurrence blé-orge, L. GALLO (1983), p. 452 et note 106, apporte des vues nouvelles. 66. Xénophon, Cyr., YIII, 5, 3 ; 8, 20; Hérodote, YII, 187; Thucydide, YI, XXII et XLYII, l ; Platon, Gorgias, 517, d.
LA MAIN-D'ŒUVRE
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Cette fabrication de farine précuite s'effectue-t-elle au moulin? Le p.vÀwl')poc; fabrique, d'après Photius, aÀ..ptra et àÀf/rcL et il n'est pas douteux qu'à cette époque l'aÀ..ptra est aussi moulue. Au vrai, la condition juridique et matérielle de ces moulins nous échappe. Le lieu est infamant et, à partir de la seconde moitié du v« siècle, envoyer quelqu'un au moulin est considéré comme une punition grave: on voit aussi les mots JlvÀwt?-poc;, JlvÀwt?-pic; remplacer progressivement les mots dérivés d'aÀew. Quelques meuniers ou meunières sont propriétaires mais aussi fabricants eux-mêmes (Démosthène, LIlI, 14). Nous avons dit (cf. ci-dessus p. 141) pourquoi nous suivions L.A. Moritz et imaginions ces moulins aux ve et Ive siècles av. J .-C. comme celui qui est illustré sur le bol du Louvre et non comme des moulins à ânes. Le travail est proche de celui des mines, pénibilité et opprobre s'y attachent, au point que Dicéarque peut rappeler aux Athéniens qu'ils ont condamné à mort un homme coupable d'avoir obligé un enfant libre à travailler au moulin (I, 23) 67. Il semble donc que ces moulins se soient développés aussi pendant la guerre du Péloponnèse. Une grande partie semble privée. Existait-il des moulins publics utilisés en cas de distribution de grain? Ne doit-on pas penser plutôt à des moulins privés affermés? Ils ne constituaient probablement pas de grosses unités, et la pièce MVÀwapic;, titre d'une comédie d'Eubule (apud Athénée, XI, 484 e) semble souligner l'existence de petites entreprises, ou même de fabrications familiales vendues ensuite sur le marché; certains travaillent la nuit, comme le rappelle l'anecdote de Ménédème et Asklépiades, alors jeunes et pauvres, qui travaillent la nuit au moulin pour deux drachmes pour pouvoir s'adonner à la philosophie (Athénée, IV, 168 a). Ces moulins fabriquaient-ils la farine de blé, ou le boulanger effectuait-il tout le travail? Il faut distinguer tous les mots qui se réfèrent à la fabrication du pain et dont Y. Duhoux a montré l'origine philologique 68 (tableau V, p. 285). Les boulangères sont mal considérées, de véritables harengères (Aristophane, Ran., 852), sans oublier que les plaisanteries comiques se réfèrent aussi au double sens donné à l'expression «mettre ses pains au four» et dont Hérodote nous a donné l'exemple: Mélissa rappelle à Périandre, par l'expression «mettre ses pains dans un four froid », qu'il s'est uni à elle déjà morte. Aristophane joue sur le comique en employant le mot Kpt(3alloc; (apud Athénée, III, 112 c) ; Hermippe intitule 'Apro1TwÀtôec; une comédie dans laquelle il s'acharne contre la mère d'Hyperbole comparée à une putain. II est possible que la boulangère honorée d'une statue à Delphes par Crésus pour l'avoir sauvé ait évoqué ce double rôle (Hérodote, 1, 51, 5). Le pain est d'ailleurs connoté fortement à l'homme avec une valeur positive, la maza davantage à la femme, comme le montrent quelques citations de la collection hippocratique [Test. 6, 1-2]. Les Spartiates restent une exception, mais pas totale, car Xénophon remarque que les plus riches se font faire des pains (Lac., 5, 3). Le pain est cuit, et le premier sens de aoronoxo«, que l'on retrouve dans l'origine mycénienne a-to-ko-po est bien «celui qui cuit la pâte». II ne faut évidemment pas imaginer pour autant des boulangeries spécialisées à cette époque, mais une fonction précise, au service des plus riches ou du maître du palais, comme en Egypte par exemple. Le mot àprOK.01TOC; apparaît plus tardivement, à la même époque que les métiers se rapportant à l'aÀ..ptTa. II désigne précisément «celui qui pétrit» et le boulanger auquel ce mot se réfère, le célèbre Théarion, fait cuire ses pains dans un Kpi(3alloc;; c'est donc une petite installation 69. Elle marque cependant nettement le début des premières boulangeries qui se différencient des étals des revendeuses de l'Agora. La qualité de l'aproc; est due au pétrissage, qui le distingue des crêpes, mais il n'est pas obligatoirement au levain. Le phénomène a dû se développer, puisque la Constitution d'Aristote a un paragraphe spécial pour la surveillance du poids du pain (LVI, 3), en même temps que celle de l'aÀ..ptTa, 67. Dans le discours de Lysias sur le meurtre d'Ëratosthène, le plaideur menace la servante de l'envoyer au moulin comme une punition terrible. Chez Euripide, Silène parlant au Cyclope des forfaits prémédités par Ulysse imagine qu'il veut l'enlever pour Jejeter au moulin. A l'époque romaine, la condamnation au pistrinum est une punition sévère. R. eTIENNE (1974), p. 252. 68. Y. DUHOUX (1974), p. 320-324 ; cf. aussi J.F. KINDSTRAND (1983), p. 86 sq. 69. Les trois références à Théarion sont celles de Platon (Gorgias, 518 b), d'Aristophane, dans deux fragments cités par Athénée, lII, 113 e, et d'Antiphane apud Athénée, 113 d; toujours selon Athénée, Archestrate, le gastronome sicilien, conseillait des boulangers phéniciens ou lydiens.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GR~CE ANTIQUE
Pouvons-nous, pour le milieu du IVe siècle av. J .-C. et pour Athènes, restituer les différentes opérations qui alimentent le marché en produits finis? En spécifiant bien que ce tableau n'est valable que pour la grande cité et à une époque déterminée, essayons de suivre le parcours du grain. Le grain arrive sur le marché par deux biais : c. De l'intérieur, il doit aller directement à l'Agora; Phainippos vend ainsi son orge ~ et un bon prix, comme le remarque son adversaire. c. Par mer, il passe d'abord par le Pirée; le grain, OLTOC;, arrivé au Pirée est ensuite redistribué sous la surveillance des Epimélètes entre l'agora d'Athènes et celle du Pirée, dans la proportion des deux tiers pour la première, d'un tiers pour la seconde 70. Il est racheté aux êunopo: par les petits marchands, ces OLT07TwÀaL qui sont pour la plupart des métèques, comme nous le rappelle Lysias (XXII, 5). Ces transactions s'effectuent avec déclaration et contrôle des prix par les sitophylaques. C'est auprès des OLT07TwÀaL que se servent les particuliers mais aussi les meuniers, les fabricants de farine, les boulangers, et la transformation doit être immédiate. Pour prévenir le danger d'accaparement, les OLT07TwÀaL n'ont pas le droit d'acheter plus de cinquante 1{)0pJ1oi à la fois (Lysias, XXII). Par jour, ou au total? La réponse n'est pas simple. Comme le notent D.A. Amyx et D. Kendrick Pritchett, le mot I{)OPJ10C; désigne à la fois la contenance mesurée en volume et l'objet, un panier, comme l'amphore est à la fois contenant en céramique et mesure. Ce' type de mesure est constant dans les sociétés traditionnelles aussi bien pour le grain que pour l'huile. Il évite les longues pesées, mais il prête, bien sûr, à la fraude. L'équivalence entre phormos et médimne paraît la plus probable 71. Il est notable que dans les recensements, aussi bien des propriétés de la ville que de la campagne, sur la stèle des Hermocopides, le grain soit entreposé en 1{)0pJ.L0L. C'est donc l'équivalent du sac de nos campagnes. Le grain arrivait du Pirée dans ces paniers. On notera que dans la Constitution des Athéniens, on ne parle plus de la limitation à cinquante 1{)0pJ1oi mais on contrôle le prix à l'issue du produit fini, farine d'orge et pains (Aristote, Ath. Const. LI, 3). Il semble qu'à cette époque le marché de la transformation se soit définitivement organisé. Au terme de cette dernière analyse centrée sur Athènes, mais qui préfigure l'évolution de beaucoup de cités à l'époque hellénistique, on soulignera plusieurs points. Remarquons d'abord la très forte pression exercée par le besoin en main-d'œuvre nécessaire à la transformation des céréales. Rien de tel pour l'huile et le vin, pour lesquels la demande est temporaire, les réserves annuelles possibles. Pour l'huile, si l'on en juge par ce que l'on peut extrapoler de la loi d'Hadrien, la transformation s'effectue essentiellement à la campagne et par des esclaves 72. Au contraire, pour les céréales, cette demande est forte à la ville et quotidienne, elle pèse sur la maind'œuvre servile, dont nous avons vu qu'elle restait souvent mi-agricole, mi-domestique. Mais il faut remarquer aussi que les intérêts et les réactions des petits et gros exploitants divergent face au marché du grain. Lorsque le prix du grain s'élève, comme nous en avons plusieurs exemples, que se passe-t-il ? Le marchand cherche le meilleur marché et pousse ainsi à la montée des prix. L'exploitant local, s'il est largement producteur, va vendre au mieux tout en gardant le nécessaire pour se protéger des fluctuations. Mais que fera le petit exploitant? Il lui faut augmenter sa production personnelle afin de ne pas avoir à acheter; il va donc utiliser au maximum les forces de travail dont il dispose, et le marché de la main-d'œuvre risque d'être plus tendu. Certes, on peut vendre huile et vin, 70. Selon l'analyse très convaincante de Ph. GAUTHIER (1981), p. 5-28. 71. Sur tous ces points, D.A. AMYX (1958), p. 274-275, et D. KENDRICK PRlTCHETT (1956), p. 194; références qui rendent caduques les discussions plus anciennes notées par Ph. GAUTHIER (1981), p. 23, n. 51. Les transactions peuvent aussi se faire sous cette forme dans Yemporion du Pirée. A dire vrai, nous savons mal dans quels contenants le grain était entreposé sur les navires. 72. J. H. OLIVER, Ruling Power, 960. H.W. PLEKET, Epigraphica, 1, 15, les tXEWV
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mais l'apport reste marginal. Reprocher aux Athéniens de ne pas s'être spécialisés dans une agriculture de marché c'est sous-estimer les caractéristiques de la société d'alors et l'intérêt minimal de chacun, toute routine ou politique de prestige mise à part 73. Certes, le système spartiate avait sa logique économique hors du marché, à condition de s'en tenir à une certaine frugalité, mais le poids réel de la maind'œuvre était alors relativement contraignant, et l'autarcie, on le sait, n'a jamais été complète. Au point de vue où nous nous sommes placée, l'originalité du système grec apparaît bien. A l'intérieur d'un monde méditerranéen dont les contraintes climatiques sont fortes, il a développé des solutions particulières. Le système de la 1To7uç de petite dimension, réservant le sol aux citoyens par lots relativement faibles mais exigeant leur présence à la guerre ou dans les rôles politiques, a nécessité l'apport d'une main-d'œuvre externe. Celle-ci a puêtre formée de dépendants, d'esclaves ou des deux, tandis que les citoyens eux-mêmes y participaient. Mais jamais aucun des groupes ne l'a emporté, et la taille même des exploitations en limitait le nombre. Le poids de la guerre a joué un rôle déstabilisateur constant. Inversement, la variété des situations, leur perpétuelle mouvance ont freiné toute émancipation collective, sans exclure les crises régionales et temporaires. En somme, on constate des mouvements d'adaptation perpétuels et des tensions continues, d'où cette impression de crise agraire sous-jacente. Ce qui est remarquable c'est que cette situation n'a pas desservi l'agriculture, qui reste au cœur des préoccupations des citoyens, mais dont les degrés d'intensité varient au cœur même de chaque cité. Aurait-on pu l'améliorer plus substantiellement par des changements de la technique elle-même, et le poids de la main-d'œuvre a-t-il freiné les innovations? Ce problème qui est resté sous-jacent dans tous nos développements doit être abordé maintenant.
73. On verra sur ce point les distinctions de M. AYMARD (1983), p. 1394, pour la période moderne sur l'idéal illusoire de l'autoconsommation alors que la majorité des lopins sont minuscules et la diversité des réactions face au marché urbain particulièrement rigide, et les limites du marché de céréales,
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Carte 9. - Les dépendants ruraux (carte M. BORÉL Y).
CHAPITRE X AGRONOMIE ET AGRONOMES DE LA PRATIQUE A LA TH~ORIE
LES LIMITES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE
Si l'on en croit nos dictionnaires actuels, l'agronomie représente «l'ensemble des sciences et des principes qui régissent la pratique de l'agriculture»; un agronome est «un technicien versé dans la théorie de l'agriculture en vue d'en perfectionner la pratique », Ces définitions larges permettent de regrouper un certain nombre d'écrits qui ont parfois des visées différentes. L'agronomie, au cours des siècles, a pris des aspects divers auxquels les historiens se sont intéressés de manière inégale, mais elle reflète deux grandes tendances: la tendance théorique qui tend à en faire une science susceptible d'être appliquée dans n'importe quel contexte; la tendance pratique qui y voit essentiellement un reflet de l'expérience quotidienne, par définition contingente. L'opposition du praticien face aux théoriciens se retrouve toutes les époques 1. Nous la décelons au XVIe sièclé chez Olivier de Serres qui se pose en praticien méfiant face aux théories, bien qu'il se nourrisse de la lecture des agronomes latins 2. NOliS la saisissons sur le vif dans les querelles qui opposent les agronomes méditerranéens au XVIIIe siècle. C'est ainsi que l'abbé Couture vivant dans un petit pays oléicole en Provence se dresse contre les théories de l'abbé Roziers ou P.J. Bernard sur la culture de l'olivier et les pressoirs; il cherche ridiculiser certains de leurs procédés 3. La comparaison des trois ouvrages montre d'ailleurs que, si Rozier analyse correctement certaines faiblesses des pressoirs provençaux, il propose parfois des améliorations techniques irréalisables et surtout il ne tient strictement aucun compte des structures économiques et sociales : la machine produit plus, donc c'est un progrès, donc on doit l'appliquer. Toutes les objections ne sont; que routines paysannes et obscurantisme. C'est la tradition théorique et parfois bureaucratique de l'agronomie. Inversement, la tradition expérimentale est toujours le reflet d'un groupe social précis: tenant compte de la chaîne des techniques et des contraintes économiques où il se trouve inséré, son représentant va proposer des améliorations ou au contraire les refuser en fonction du groupe dont il révèle les intérêts et des antagonismes de classe qu'il soulève. Dans son mémoire de 1786 Bernard lutte contre les privilèges aristocratiques sur les moulins à huile au nom à
à
1. Sur la diffusion de la littérature agricole en Europe on trouvera les bibliographies: pour le Moyen Age, chez L. BOLENS (1974) ; pour le XVIe siècle, C. BEUTLER (1973); pour l'époque moderne, A. BOURDE (1967) i pour le XIXe siècle, F. SIGAUT (1978), pour le XXe siècle, on peut se faire une idée des deux tendances en comparant les différents ouvrages de R. DUMONT (1946; 1956) avec ceux des collections de l'Enseignement agricole: ainsi, M. CL~MENT-GRANDCOURT et J. PRATS (1971); sur la pensée agronom.que en France, M. ŒpÈDE et B.W. VALLUIS (1969). 2. Relevé in M. GORRICHON (1976), p. 171 sq. 3. Bibliographie in M.C. AMOURETTI (1981), p. 85 sq. et A. CASANOVA (1978), p. 29 sq.
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des propriétaires aisés. Couture évoque, lui, les intérêts d'une plus petite paysannerie et de petits nota bles peu soucieux de gros investissements. Les débats techniques s'intègrent donc dans cette double lignée qui n'est jamais tranchée: le spéculatif qui veut imposer une science universelle, et le praticien représentant plus ou moins conscient de son groupe social. Mais l'agronomie, quoi qu'en disent ses plus ardents théoriciens, ne peut être considérée comme une science au même titre que la physique et les mathématiques. Non parce qu'elle devrait refléter les éternelles lois de la nature selon la vision traditionnelle, mais tout simplement parce qu'il lui manque un élément essentiel : la répétition expérimentale de la théorie; répétition qui donne son caractère expérimental à la science. En effet, sauf dans le cas de l'agriculture en serre et hors-sol, l'expérience dépend encore des éléments climatiques et physico-naturels du sol. Quelques correctifs qu'on lem apporte, dès que l'on sort de l'expérience en laboratoire, les conditions sont différentes. D'autre part l'expérience s'intègre dans un mode de vie qui influe directement sur le comportement de l'expérimentateur. De ce point de vue, les expériences archéologiques menées en particulier au Danemark et en Angleterre sur les modes de culture dans les conditions et avec les instruments de type préhistorique et protohistorique sont particulièrement intéressantes, mais ne pourront jamais rendre la rigueur d'une expérience renouvelée de physique. Ne serait-ce que parce que, quel que soit le sérieux apporté par les expérimentateurs, une partie des conditions leur échappe du fait de l'ignorance à peu près totale du réel contexte social local 4. On ne peut porter un jugement équitable sur l'agronomie des Anciens si l'on n'a pas pris conscience de la relativité de notre regard agronomique par rapport à l'environnement socio-économique: il faut ainsi un minimum d'esprit critique sur la surévaluation contemporaine de certains facteurs des techniques agricoles, mécanisation et fumure par exemple. Dès lors que les calculs de productivité à l'hectare ne font pas entrer en compte la part de dépenses dans l'agriculture mécanisée, la part de travail dans l'agriculture traditionnelle, toutes les comparaisons sont faussées. Ironiser sur les types de calculs faits par les Anciens c'est, d'une certaine, façon, surestimer les données scientifiques de nos calculs de rentabilité actuels. Et, dans les conseils souvent passionnés fournis par les ouvrages d'agronomie, il existe toujours une certaine part d'approximation. Enfin, si les praticiens montrent sans ambage le milieu auquel ils appartiennent et qu'ils défendent - petits propriétaires parfois, grands propriétaires plus souvent -, les théoriciens s'affirment trop souvent au-dessus des antagonismes du monde paysan : illusion ou mauvaise foi; le fait est que toute politique qui .vise à changer les méthodes d'exploitation du sol ne peut être socialement neutre s. Les premiers agronomes dont nous cernons clairement les contours, les agronomes latins, s'adressaient chacun à un public précis que R. Martin, dans sa thèse, a cherché à délimiter 6. Celui de Caton concerne des exploitations de taille moyenne, une soixantaine d'hectares, fondées sur l'arboriculture de type spéculatif. Varron, un siècle plus tard, s'adresse encore dans le livre 1 à des propriétaires moyens, mais le livre II et le livre III intéressent les possesseurs de grandes villae, réalisant leurs bénéfices grâce à l'élevage sur les latifundia. Columelle, certes le plus savant sur le plan agronomique, voudrait reconstituer une classe de propriétaires aisés s'adonnant à une agriculture coûteuse, forte consommatrice de main-d'œuvre pour de hauts rendements, et s'oppose aux intérêts des grands éleveurs extensifs. En réaction, Pline l'Ancien, dans son livre XVIII, veut s'adresser non aux grands propriétaires mais aux paysans qui cultivent eux-mêmes la terre; délibérément passéiste, il prône une économie de moyens et un travail acharné, et tente de conserver soigneusement pratiques et proverbes traditionnels. Conscient de la diversité des méthodes de culture, il nous donne sur l'outillage une série d'exemples souvent plus précis que ceux de Columelle. Quant à Palladius, son ouvrage, plus tardif, s'inspire des précédents et essentiellement de Columelle; il a dû son originalité à sa présentation, sous forme de calendrier des travaux à faire chaque mois. Il était ainsi plus accessible et plus pratique pour 4. Cf. en particulier les expériences de P. REYNOLDS (1979) sur l'âge du fer en Angleterre; celles de G. LERCHE au Musée d'agriculture de Copenhague, et celles des préhistoriens français en Bourgogne et en Provence. 5. Les exemples les plus récents abondent, de ceux de la «dékoulakisation » en URSS dans les années 30 jusqu'au plan vert de la France des années 60. 6. René MARTIN (1971), p. 89 sq., 160,218 sq., 324, 329.
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un utilisateur rural, et c'est ce qui explique le nombre des rééditions. Les Géoponiques, œuvre de compilation commandée par l'empereur byzantin Constantin VII au xe siècle, réutilisent et traduisent en grec nombre de citations des auteurs latins 7. Tels sont les objectifs et les publics auxquels s'adressaient les ouvrages latins qui nous sont parvenus, et qui ne représentent qu'une petite partie de la littérature agronomique utilisée en Italie 8. A chacun peuvent s'appliquer les définitions que nous avons données d'un agronome, même si chaque ouvrage possède aussi d'autres caractères : Caton reste toujours pragmatique et son De Agricultura se présente comme une énumération de recettes; Varron demeure l'érudit grammairien, parfois plus soucieux de l'étymologie du mot que de la réalité qu'il sous-tend; Pline est d'abord un naturaliste et un érudit curieux des mirabilia ; seul Columelle demeure avant tout un agronome. Mais tous les quatre participent de cette littérature agronomique (dans laquelle nous n'avons pas inclus Virgile, poète avant tout) et qui a parfois été présentée comme une des caractéristiques du génie romain. A-t-elle ses répondants dans le monde grec? Quand s'élabore une théorie agronomique? A quel public s'adresset-elle ? Ce public était-il ouvert et favorable à une littérature technique agricole? Il n'est peut-être pas inutile de souligner sur ce point une certaine évolution dans la production littéraire des poèmes homériques à la fin du ve siècle.
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IMAGES ET REALITES AGRICOLES DANS LA POESIE ET LE THEÀTRE A VANT LE Ive SIÈCLE
Lorsque nous abordons les poèmes homériques, nous sommes frappée du nombre des références à l'agriculture, et plus précisément aux techniques agraires. Elles sont envisagées avec une grande précision, et nous en donnons la liste [Test. 2, 1 à 15]. Ulliade, poème guerrier s'il en fut, qui se passe au pied des murs de Troie et n'a donc pas de raisons intrinsèques de valoriser l'agriculture, nous fournit, par le biais des comparaisons, toute une série d'évocations agricoles où la technique joue un rôle précis : voici l'attelage de deux bœufs ·qui tirent l'araire, les champs où s'affairent moissonneurs, botteleurs et javeleurs; ce sont les dépiquages et vannages où nous voyons les bœufs fouler l'orge et le grain, et le pois chiche sauter-au vent sur la pelle; mais apparaissent aussi les catastrophes dévastant une agriculture bien soignée : le vent renverse le plant d'olivier planté dans un lieu solitaire, le fleuve ravage les terres après les grandes pluies, le sanglier vient faire des déprédations dans les vignes. Le quotidien le plus humble surgit parfois : ainsi les mouches dans l'étable bourdonnant autour des pots de lait. Il faut remarquer que tous ces exemples servent de termes de comparaison pour évoquer une image guerrière: l'armée renversant tout sur son passage, le héros abattant ses ennemis ou abattu à son tour. Certes, demeure ainsi le lien entre vie militaire et vie agricole, ce mode de vie aristocratique dont la mentalité se conservera longtemps. Mais nous voudrions attirer l'attention sur un point: la précision de l'image technique. Pour chacune, on pourra mettre en face une photographie d'ethnographe, et beaucoup d'ouvrages l'ont fait, ce qui veut dire que pour ceux qui écoutaient les poèmes la puissance d'évocation était suffisamment forte parce qu'ils pratiquaient ces techniques et leur accordaient une valeur positive. L'étude de l'Odyssée nous le confirme; cette fois-ci le sujet permet de voir les héros au travail. Non certes à tous les travaux: c'est parce que Laërte est vieux et abandonné qu'il travaille son jardin, et ce sont ses gens qui bâtissent les 7. René MARTIN (1976), introduction à Palladius, t. l, édition C.U.F., J. HEURGON (1978), introduction à Varron, Dere"mica. I, C. U.F. Sur la diffusion des agronomes latins à partir du XVIe siècle, C. BEUTLER (1973), p. 1297. Sur les sources des Géoponiques. P. LEMERLE (1971), p. 288. La partie la plus originale du traité, sur le plan agronomique, concerne la vigne et intègre sans doute les expériences en Bithynie d'un des compilateurs, Cassanius Bassus. 8. Sur les agronomes perdus et l'influence de Saserna, cf. les travaux de J. KOLENDO (1968; 1971 ; 1980) et René MARTIN (1971), p. 81-85. t,
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murs de clôture, comme les aides d'Eumée pour la garde des cochons. Mais Ulysse ne répugne pas à conduire l'araire, et celui-ci est évoqué plusieurs fois dans le poème (cf. supra, p. 81). C'est encore dans l'Odyssée, nous l'avons vu, que l'on peut reconnaître la servante peinant sur la meule. Or c'est le seul cas de toute la littérature grecque' de cette période où l'on voit cette activité précisément évoquée. Les rares exemples où apparaissent le mot «meule» ou le verbe «moudre» ne nous montrent pas la technique en œuvre. Ainsi la pratique de l'agriculture imprègne les poèmes homériques; elle répond à une demande qui est celle du groupe social dont M.I. Finley a montré les contours et que nous plaçons au IXe ou VIlle siècle av. J.-C. 9 • Que la réalité des voyages s'inscrive ou non dans un monde précis, que l'île des Phéaciens soit imaginaire ou non importe peu à notre propos, car ce monde est évoqué avec des images qui correspondent à une réalité, pour laquelle nous avons trouvé des concordances précises tout au long des chapitres précédents. Cette réalité nourrit aussi le poème d'Hésiode [Test, 3, 1 à 6]; mais cette fois-ci le problème est tout différent, et finalement beaucoup plus complexe. Hésiode est reconnu par Columelle comme le premier des agronomes : «A leur tête le célèbre poète béotien Hésiode qui n'a pas peu travaillé pour notre profession.» (R. R., l , 7) Et il est bien vrai que, dans la littérature gréco-romaine, Hésiode est le premier qui ait mis dans ses descriptions agricoles un caractère résolument didactique. Evidemment, c'est un poète; il n'a pas l'intention d'écrire un ouvrage d'agronomie comme le feront les Latins. Mais était-ce possible à son époque? Nous allons voir que l'agronomie se dégage lentement de sources assez diverses. Et la façon dont nous reprochons aux auteurs grecs de ne pas correspondre aux modèles apparus. cinq siècles après eux est fort discutable. Finalement elle présuppose qu'écrire un ouvrage sur la pratique agricole serait simple, évident, et au fond devrait traverser les siècles; la lecture du poème Les Travaux et les Jours nous montre qu'il n'en est rien. On hésite encore sur le public auquel s'adressait Hésiode, sur la part d'inspiration orientale-de son poème 10. Il eut cependant une gloite posthume qui conduisit Virgile à renouveler le genre dans un contexte tout à fait différent. De notre point de vue, l'étude d'Hésiode est à la fois passionnante et déroutante. Certes les pratiques techniques y sont nombreuses: ce sont même les seuls endroits où nous avons une description de la fabrication de l'araire, des références au pilon, des conseils précis sur le temps des semailles, sur quelques travaux d'hiver, des allusions au battage. Mais, paradoxalement,' bien que plus technique que les poèmes homériques, le chant reste beaucoup moins clair dans ses allusions, et l'on a vu (ci-dessus, p. 81), combien les restitutions correspondantes prêtaient à discussion. Mais apparaît un élément absent des poèmes homériques: la notion de l'effort, du travail sont indispensables à la réussite. Certes, ils ne la déterminent pas; les aléas du climat, les imprévus peuvent toujours l'empêcher mais, sans elle, pas de résultat. Que la pensée d'Hésiode soit fondamentalement religieuse, que le travail soit pour lui indispensable au contrat moral qui l'engage à la divinité, comme l'ont montré M. Détienne et J.-P. Vernant 11, n'ôte rien au fait qu'agriculture et travail sont posés comme complémentaires. Bien évidemment, Hésiode s'était aperçu des contraintes externes et, par expérience, de la valeur de certains rythmes, en particulier les semailles; son originalité tient en ce qu'ilveut les enseigner et pas seulement s'y soumettre. Même si Hésiode n'est pas le représentant d'une paysannerie misérable, il évoque un temps où l'espace est compté, où les jachères longues, les pacages sans frein deviennent plus difficiles. Un temps aussi où l'araire est un instrument respectable et utile. La prospérité des champs ne se conçoit pas sans la prière faite dehors, sur la terre elle-même, avec son propre outillage. De ce chant savant, inséré dans une époque troublée, les siècles suivants tireront des conclusions variées. Mais il nous faudra attendre Caton pour que, de nouveau, l'outillage agricole prenne une place aussi importante que les plantes elles-mêmes ou la main-d'œuvre dans une description littéraire 12. 9. M.I. FINLEY (1978), p. 133 sq., et la bibliographie adaptée par P. VIDAL-NAQUET, p. 223 sq.; A. MELE (1968). la. Ernest WILL (1965), p. 542-556 contre Edouard WILL (1957); cf. aussi M. DtTlENNE (1963), P. WALeOTT (1966); P. ruccr (1977). 11. M. DtTlENNE (1963), p. 32 sq.; J.·P. VERNANT (1971), in Le Travail et la pensée technique, p. 8; Travail et nature dans la Grèce ancienne, p. 19 et 20. 12. Sur le rôle social de l'araire d'Hésiode, M.C. AMOURETTI (1976), p. 37-38.
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On notera pour finir que c'est au VIe siècle que l'on peut rapporter les illustrations les plus précises d'opérations agricoles sur les céramiques, en particulier les céramiques attiques. Nous avons vu que certaines d'entre elles pouvaient être mises, non sans vraisemblance, en relation avec le texte d'Hésiode sur les semailles, cependant le propos doit être élargi. Les vases à figures noires fournissent une série d'illustrations sur des techniques agricoles mises en pratique: gaulage, pressurage des olives, foulage du raisin sont dessinés avec une précision qui montre le personnel en activité, quel que soit par ailleurs le thème originel à illustrer. Or, seule la représentation du foulage gardera cette précision 13. Nous avons vu que, à une exception près, les illustrations d'araires deviennent des représentationsd'objets à la période suivante (cf. annexe p. 293). Or cette remarque ne peut être transposée complètement pour toutes les activités artisanales illustrées sur les vases 14. 11 Y a bien à partir du ye siècle, et surtout au Ive, lente disparition de toute représentation des activités agricoles sur les vases grecs, nos meilleurs témoins pour des séries iconographiques. Cette mutation accompagne un recul de l'image agricole technique dans la littérature grecque, que nous saisissons essentiellement à travers la littérature athénienne, notre source presque unique. Pindare en effet fournit bien quelques images agricoles, elles restent si vagues qu'elles ont été interprétées de manière tout à fait contradictoire. C'est à partir de quelques vers des Néméennes 15 que l'on en a conclu que tous les Grecs croyaient que la jachère servait à reposer le sol, par exemple, ce qui est exagéré. En effet, une image qui se réfère à la technique agricole peut utiliser des référents différents. Soit sa description des gestes utilisés est suffisamment détaillée pour que le vocabulaire n'ait pas besoin d'être technique, la scène est restituée d'elle-même avec minutie, c'est le cas des poèmes homériques. Soit l'auteur emploie au contraire des mots dont le sens technique est spécialisé, la compréhension étant impliquée par la précision du terme. C'est le cas dans plusieurs passages d'Hésiode. Enfin, l'image peut se vider de tout référent précis à un geste technique, la campagne apparaît alors essentiellement par le biais de la nature et non plus d'une activité donnée précise. Telle est la tendance qui prédomine au ye siècle. Il est frappant de voir que le théâtre fait peu de place aux images du domaine agricole. W.E. Heitland avait déjà noté la faible part que les travailleurs ruraux occupaient dans le domaine tragique 16, Euripide seul faisant surgir quelques figures : le mari d'Électre, pauvre hère dont le destin doit nous apitoyer et la grandeur d'âme faire apparaître par contraste la noirceur de celle des nobles; le travail est lié à la pauvreté. Certes Sophocle, dans le chœur d'Antigone, rappelle que l'homme, cette merveille, sait fatiguer la terre intarissable et inépuisable du va-et-vient de son araire (Ant,,' 337), que l'olivier aux feuilles glauques est l'arbre d'Athènes (Œd. C: 694-705). Mais cette nature fidèle est une nature éternelle, l'agriculteur n'est plus le pendant du guerrier. Marginal comme le berger ou l'homme qui loue une terre (Œd. R., 1121-1141), il est certes respectable mais sa technique n'est plus le miroir où l'on choisit les comparaisons. De ce point de vue, la confrontation du Cye/ope d'Euripide et de son modèle chez Homère montre l'appauvrissement de cette source littéraire 1 ~. Sans doute, dira-t-on, mais la Comédie a pris le relais et apporte une source d'inspiration populaire fondée sur la réalité agricole. En vérité, comme V. Ehrenberg l'avait montré 18, les comédies d'Aristophane nous fournissent, certes, toute une série de portraits de paysans, depuis Dicéopolis venu de son village en passant par Strepsiade mal marié à une citadine, et surtout Trygée le valeureux vigneron. Mais les aventures qui les occupent se passent à la ville, même la campagne de Trygée reste à peine esquissée. L'évocation célèbre de la petite pièce de vigne à retourner dans La Paix est isolée (Pax, 565-580). La campagne et les travaux agricoles sont évoqués comme des absents regrettés (Pax, 1140-1170). L'étude de J. Taillardat fait apparaître que les métaphores agricoles sont' essentiellement favorisées par te sens 13. Sur les scènes de foulage, relevé in D.A. AMYX (1958), p. 244; H. METZGER (1972), p. 120; L. JEHASSE (1972), p. 36. 14. Voir sur ce point le recensement de 1. ZlOMECKI (1975) et les illustrations de A. BURFORD (1971). 15. Pindare, Nem., VI, XV, 21 : « L'hérédité est pareille aux champs fertiles qui tour à tour laissent les hommes récolter sur leur sol une moisson abondante et se reposent pour reprendre des forces» ; même idée en XI, 48-50. 16. W.E. HElTLAND (1921), p. 31. 17. Euripide, Cycl., 210, 387-393; Homère, Od., 219- 256. 18. V. EHRENBERG (1951), p. 73-94. W.E. HEITLAND (1921), p. 51.
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figuré sexuel des verbes àpoin», 01r€LP€LV, !PVT€V€LV, Tpv'Yàv 19. Plusieurs expressions sont cependant utilisées avec une référence précise à une action technique agricole. Ainsi aÀoàv, « tourner en rond comme le bétail sur l'aire », pour un personnage qui s'agite depuis l'aurore (Thesm., 2), ou « broyer sous les coups» (Gren., 149), les deux images répondant bien à l'évocation de l'animal en train de dépiquer. De même on brise les stratèges comme des sarments, avec le verbe K.ÀaOT(i~€LV, comme on taille des rameaux de vigne (Cav., 166). On maltraite quelqu'un comme on brise les mottes de terre, ~wÀoK.o1r€ïv (fr. 57 Dem.). Mais, par rapport aux métaphores tirées de la cuisine, en ce qui concerne Aristophane, les références aux techniques agricoles sont mineures 20. Nous avions cependant relevé plusieurs citations d'outils, serpes, faucilles, houes, houe à deux dents (cf. ci-dessus, p. 96, 97,98, 103), mais seul le travail de la houe dans le champ de vigne est évoqué précisément avec la référence toujours reprise de La Paix. Elle montre que si le vocabulaire agricole est encore courant, les mises en situation le sont moins. Par contre les activités de transformation des grains et leurs instruments restent une mine constante d'images pour le poète, mais ce n'est peut-être pas un hasard si l'abandon de l'activité agricole comme sujet littéraire coïncide avec le début d'un courant agronomique théorique .
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LES ORIGINES DE L'AGRONOMIE GRECQUE
C'est au cours du ve siècle que l'on peut discerner la naissance de plusieurs courants d'où naîtra au siècle suivant ce qui nous paraît représenter réellement l'agronomie grecque. Ces courants sont issus de mouvements scientifiques dont ils ne se séparent que lentement. •
MEDECINE ET PHILOSOPHIE
C'est à partir des écrits hippocratiques que l'on peut effectuer la première recension des plantes connues dans l'Antiquité. Plus de trois cents noms ont ainsi pu être inventoriés 21. On s'intéresse à l'époque aux propriétés médicales de ces plantes, et surtout à celles de leurs racines. Mais on s'interroge aussi sur la génération et la croissance, les lieux d'habitat, le climat. Ce courant sur ce point rejoint les recherches que nous classons, d'une façon un peu artificielle,' comme purement philosophiques. L'importance accordée à la !pUOtc: avait mis au goût dujour ce type d'enquête, et la plaisanterie d'Aristophane sur la croissance du cresson comme sujet d'étude (Nub., 234) reflète certainement une théorie en vogue sur la croissance des plantes. De même Anaxagore est cité à propos d'une théorie sur les semences (Théophraste, H.P, 1,4). C'est dans ce contexte qu'il faut poser le problème de Démocrite d'Abdère, cité comme une source agronomique par Varron, Columelle et Pline : la tradition lui attribue un ouvrage, Georgika, auquel Columelle fait référence (R. R., III, 2). Théophraste le cite plusieurs fois, essentiellement dans le De causis plantarum (l, 8, 2; II, 7, 9; 6,1; 6,2,4), sans que nous sachions s'il fait référence ou non aux Georgika. La question se complique du fait que s'est constitué sous le nom de Démocrite un véritable Corpus à l'époque romaine, avec les écrits du Pseudo-Démocrite, Bolos de Mendès en Égypte. Le physicien du ye siècle est parfois cité précisément, mais plus souvent, sous le nom de Démocrite, on se réfère aux écrits alexandrins. Ce sont eux qui inspirent directement Cassianus Bassus, un des compilateurs des Géoponiques 22. Nous reste donc la seule certitude que Démocrite s'était intéressé à l'agriculture et 19. J. TAILLA'RDAT (1965), p. 100,351. 20. Sur la cuisine, aux relevés de J. TAILLARDAT on peut ajouter les réflexions de S. SAÏD dans Les Cahiers de Fontenay, n° 17, déc. 1979, p. 44 sq. 21. C. SINGER (1927), p. 1; M. TIl0MPSON (1958), p. 12 sq.: pour la bibliographie hippocratique, on verra maintenant G. MALONEY et R. SAVOIE (1982). 22. Surie Pseudo-Démocrite, voir les mises au point de J. ANDRÉ (1970), p. 11-24. Sur les sources des Géoponiques, P. LEMERLE (1971), p. 288 sq. Sur Bolos de Mendès, bibliographie de P.M. FRASER (1972), 1. I, p. 440 et notes 1. II, n. 524.
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probablement à la génération et à la croissance, peut-être aux jardins (Columelle, IX, 14). Il paraît difficile de lui attribuer un ouvrage proprement agronomique, comme on l'a fait parfois, car ce qui caractérise les tendances de son école, telles que les fragments peuvent les faire percevoir, c'est justement qu'ils ne distinguent pas biologie physique et botanique 23. Mais au cours du Ive siècle ces tendances vont se spécialiser et un courant proprement agronomique se dégager. Beaucoup d'ouvrages sont malheureusement perdus. •
LES ÉCRITS PERDUS
On sait que les agronomes latins Varron, Columelle et Pline citent au début de leurs œuvres une liste impressionnante d'auteurs grecs dont ils se seraient inspirés. Cinquante pour Varron, quaranteneuf pour Columelle, cinquante et un dans le livre XVIII de Pline. On a montré que, pour une grande partie, ces auteurs n'avaient pas été pratiqués directement, et la liste provient de l'édition abrégée que Cassius Dionysius d'Utique avait réalisée en 89-88, en grec, des écrits de Magon, et à laquelle il avait ajouté des éléments pris à ces auteurs 24. Cependant, la confrontation de ces trois listes à partir du tableau que nous avons reconstitué constitue une source intéressante. Chacun des auteurs latins isole d'abord Hésiode, soit en tête (Pline et Columelle), soit en queue, comme un poète (Varron). Il n'y a à notre sens aucune raison de chercher un ouvrage perdu d'Hésiode pour cette référence. Les Travaux et les jours conviennent .parfaitement : nous avons montré ci-dessus pourquoi Hésiode pouvait apparaître aux auteurs latins à la fois comme un «grand ancêtre », le premier qui ait parlé d'agriculture comme d'un enseignement, et comme .l'auteur d'un ouvrage différent des autres. Puis, chaque auteur énumère, dans un ordre parfois différent, sept personnages célèbres qui se sont occupés d'agriculture. Il s'agit, dans la tradition alexandrine, que soit représentée chacune des autorités auxquelles on se doit de référer: la royauté, l'armée, la philosophie 2S. Le roi Attale III Philométor est d'ailleurs si mal connu de Columelle et de Pline qu'ils en font deux personnages différents. Il est donc inutile de trop rechercher pour chacun de ces personnages des ouvrages perdus. Par contre, nous constatons dans la suite des livres que Xénophon est cité, à travers la traduction de l'Economique. par Cicéron; Archytas fournit quelques références chez Pline et Columelle. Et, bien évidemment, Aristote et Théophraste constituent une source importante. Les listes énumèrent ensuite à peu près les mêmes auteurs, reclassés dans des ordres légèrement différents. Ainsi Columelle tente un classement par lieu d'origine. Pline supprime la fin de la liste mais ajoute dix-huit noms d'astronomes. Manifestement, ces deux listes sont tirées de source alphabétique identique. Cependant certains noms peuvent être, par recoupement, attribués à une époque précise. Ainsi Amphiloque d'Athènes a écrit un traité sur la luzerne à l'époque alexandrine. De la même période datent quelques éloges généraux sur l'agriculture. Cependant, certains noms apparaissent aussi comme sources chez Théophraste et Aristote, et permettent de se faire une idée du genre d'ouvrages qui ont commencé à se développer au milieu du Ive siècle. Ainsi Apollodore de Lemnos et Androtion. Le premier, cité par Aristote, faisait autorité sur les terres à ensemencer, le second, plusieurs fois nommé par Théophraste et par Athénée, avait écrit sur l'arboriculture, et on le trouve cité à propos des pommiers et des oliviers 26 (H. P.. 2, 7, 2, 3 ; CP; 3, 10, 4. Athénée, III, 7, 75 d; III, 23, 82 c), Théophraste fait aussi référence à un certain Chartodras, dont le nom est peut-être estropié (H.P., 2,7,4), qui aurait écrit tout un traité sur les fumiers qu'il classe. Il n'est pas impossible que ce classement ait inspiré celuide Caton (De Agr., 36). 23. René MARTIN (1971), p. 58, pense à un ouvrage agronomique réel, à partir des deux citations de Columelle; à noter Diogène Laërce, 9, 7, 7, où Démocrite est censé annoncer à son frère le temps pour rentrer la moisson. 24. J. HEURGON (1976). p. 441 sq. 25. Nous devons à D. PRALON cette remarque qui permet de comprendre ce choix qui a tant intrigué les commentateurs; sur les citations dans le corps des ouvrages, cf. les introductions aux éditions citées à la note 7. 26. B. EINARSON. introduction au De Causis plantarum, éd. Loeb (1976). XX, XXI.
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
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LISTE DESAGRONOMES GRECS PERDUS PLINE L'ANCIEN (indices, Livre XVlll)
COLUMELLE (l, 1,7,11)
VARRON (l, 1,8-10)
Le Béotien Hésiode Démocrite d'Abdère
Hésiode Théophraste
Xénophon, disciple de Socrate Le Tarentin Archytas Le maître Aristote et le disciple Théophraste des péripaticiens. Siciliens: Hiéron, Ëp icharmes, Philométor, Attale
Aristote Démocrite Le roi Philométor Le roi Archélaos Archytas Xénophon
ainsi qu'Arnphiloque d'Athènes Anaxipolis de Thasos Apollodore de Lernnos Aristophane de Mallos Antigone de Cyme Agathocle de Chios Apollonius de Pergame Aristandros d'Athènes Bacchius de Milet Bion de Soles Chaeresteus et Chaereas d'Athènes Diodore de Pirène Dion de Colophon Diophane de Nicée tpigène de Rhodes tvagon de Thasos Euphronios d'Athènes Euphronios d'Amphipolis Hégésias de Maronée Ménandre de Priène Ménandre d'Héraclée Nicésius de Maronée Pythion de Rhodes
Athènes: Chéréas Aristandros Amphiloque Chrestus Euphronios
Amphiloque d'Athènes Anaxipolis de Thasos Apollodore de Lemnos Aristophane de Milet Antigone de Kyrne Agathocle de Chio Apollonios de Pergame Aristandre d'Athènes Bacchios de Milet Bion de Soles Chéréas d'Athènes Chéreste d'Athènes Diodore de Priène Dion de Colophon Épigène de Rhodes Ëvagon de Thasos Euphronios d'Athènes
Androtion Aeschrion Aristomène Athénagore Cratès Dadis Dionysos Euphiton Euphorion Eubule Lysimaque Mnasseas Ménestrate Plentiphane Persis Théophile [dont j'ignore la patrie)
Androtion Aeschrion Aristomène Athénagore Cratès Dadis Dionysos Euphiton Euphorion [dont j'ignore la patrie]
Hésiode d'Ascra et Ménécrate d'Éphèse (ont traité le sujet en vers) Cassius Dionysus (a traduit en langue grecque Magon et y a ajouté beaucoup de faits empruntés aux auteurs cités) Diophane de Bythinie (a réduit cette traduction de six livres)
Lysimaque Cléobule Ménestrate Plentiphane Persis Théophile
Hiéron de Sicile Attale Philométor Parmi les philosophes: Le physicien Démocrlte' Le socratique Xénophon Les péripatéticiens Aristote et Théophraste Le pythagoricien Archytas
Amphipolis: Euphronios Ëpigêne de Rhodes
Agathocle de Chio Evagon et Anaxipolis de Thasos Ménandre de Priène Diodore Les Milésiens Bacchus et Mnasseas Antigone de Cyme Apollonius de Pergame Dion de Colophon Hégésias de Maronée Diophane de By thinie Abrégé de Denys d'Utique
Androtion Aeschrion Lysimaque Denys Diophane
Thalès Eudoxe Philippe Callipe Disithée Parrnénisque Méton . Criton CEnopide Conon Euctémon Harpale Hécatée Anaximandre Sosigène Hipparque Aratos Zoroastre Archibios
(qui a écrit sur l'agriculture) (qui a fait de même) (qui a fait de même) (qui a traduit Magon) (qui a abrégé Denys)
AGRONOMIE ET AGRONOMES
231
Nous trouvons enfin chez Théophraste, Ménestor de Sybaris, Clidernus et Léophanès, athénien ou ionien, qui restent pour nous des inconnus (C.P., 6,3,5; c.r.. 4, l, 2). Mais Théophraste s'est aussi inspiré de travaux de ses contemporains qu'il ne cite pas par leurs noms: Phanias d'Erèse, qui écrivit sur les plantes, et avec lequel il a correspondu, et l'amiral Androsthène 27. Mais dans ces enquêtes on peut maintenant distinguer plusieurs tendances. D'une part les herboristes, rhizotomes, héritiers d'une certaine tradition médicale, collectionneurs de racines à des fms médicales ou magiques, poursuivent l'enquête sur les plantes. Le plus ancien, reconnu comme tel, est Dioclès de Carystos qui pratique à Athènes vers 350 av. J.-C. Cette tendance donnera lieu au 1er siècle av. J .-c. aux premières illustrations de plantes, celles du corpus de Crateuas; Dioscoride s'en servit et le ll€PL VÀ17C; larpLK:rlC; (Materia medica) deviendra la source botanique des Arabes et, par leur intermédiaire, de l'Europe. Elle n'est pas indifférente à l'agronomie car beaucoup de ces plantes sont cultivées en plein champ comme légumineuses ou en jardin 28. Nous voyons d'autre part apparaître des traités qui semblent plus franchement agronomiques : ainsi les semences, les arbres et leurs maladies, le fumier sont les sujets que nous avons évoqués dans les auteurs cités par Théophraste. TI ne faut pas surestimer le nombre de ces publications, la plupart des auteurs des listes anonymes de Magon sont alexandrins. De plus, le succès même de la traduction du livre de Magon, peut-être destinée à faire pièce à l'ouvrage de Caton, semble prouver que cette somme n'avait pas eu de réels prédécesseurs et que le hasard des pertes d'ouvrages n'en était pas seul responsable 29. li est toutefois indéniable que deux types d'enquêtes se sont dégagées au Iye siècle, celles des rhizotomistes et celles des ouvrages d'agronomie, centrés sur une question. Mais vont s'y ajouter deux importants apports : celui de Xénophon, qui ne peut se comprendre si on l'isole de ce contexte, et celui de l'école aristotélicienne, à laquelle Théophraste apporte un visage bien particulier. •
xtNOPHON ET LA NAISSANCE DE L'AGRONOMIE EXPeRIMENTALE [Test. 4, 1 à 3]
Les textes de Xénophon représentent une mine inépuisable pour l'historien qui ne se fait pas faute de s'en servir. Mais les jugements de valeur sur l'auteur sont souvent contradictoires, et Xénophon n'a pas suscité les recherches dont bénéficient ceux dont la comparaison l'écrase: Thucydide et Platon. Même dans le domaine qui nous préoccupe, il n'est pas considéré comme représentatif et ni la technique ni la gestion ne seraient son projet, le véritable sujet de l'Economique étant celui du chef: « qu'est-ce qu'un chef, et d'où provient ce pouvoir sur les hommes qu'on appelle I'autorité ?» 30. Cependant, l'Economique fut traduite par Cicéron, et cette traduction, dont se servent Columelle et Pline, .rencontra un succès certain auprès de la classe même des citoyens aisés qui possédaient un domaine 31. Que Xénophon soit un homme pieux, conservateur, un militaire dans l'âme n'ôte rien au fait qu'il représente pour son époque une tendance de l'agronomie dont nous avons souligné l'importance au début de ce chapitre, et dont la tradition se maintiendra jusqu'à une date récente, celle de l'expérience. Nous avons vu qu'au IVe siècle commençait justement à se développer une agronomie théorique, héritière de la philosophie et de la médecine. Xénophon veut délibérément s'en démarquer parce qu'il estime que ses connaissances pratiques et la gestion de son domaine le rendent plus capable que les théoriciens. La présentation caricaturale des questions de Socrate et le souci constant de vouloir faire de l'agriculture une connaissance déjà acquise, qu'il suffit de retrouver parce qu'elle est naturelle, a pu prêter à ironie. Très artificielle, elle est prétexte à des développements. parfois mal reliés aux questions. 27. R.E. (1899),3 (2), col. 2023, n° 8 (Chareas) ; (1918), sup, III, col. 244 (Chartodras); (1935), sup. YI (Androtion); (1957), sup, YII (Theophrastus), col. 1354-1562. 28. Sur la transmission des traités grecs, R. WALZER (1962). Article Dyuskurides, Encyclopédie de l'Islam (1965), t. Il; sur les herboristes, C. SINGER (1927), p. 1-27. 29. 1. HEURGON (1976), p. 441 sq, G. HENTZ (1979). 30. M. CASTER, in Mélanges Desrousseaux (1937), p. 49; René MARTIN (1971), p. 62. 31. Pline, XYIII, 224.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
Elle est insérée dans la forme de piété habituelle à Xénophon qui témoigne d'un grand conservatisme mais garde un esprit curieux, soucieux du détail. La description des pratiques agricoles de Xénophon ne reflète pas la même réalité que celles chantées par Hésiode. Sous son aspect «littéraire », la partie technique, XVI à XIX, est menée avec logique: la connaissance dela terre, la préparation de la jachère, les semailles et les soins à donner aux 'céréales, la moisson et le battage, les plantations. Pour chacune' de ces parties, Xénophon prend position sur les problèmes de techniques agraires qui étaient mis en avant par les théoriciens et dont nous retrouverons plusieurs échos chez Théophraste. Et il le fait toujours avec une grande précision: ainsi, à propos de la connaissance du terrain à cultiver (Œc., XVI, 2); il s'oppose aux analyses dont Théophraste se fera le compilateur (C.P., II,4) : on n'a pas à chercher si un terrain est léger, lourd, chaud, froid, mais à s'informer avec prudence sur ses possibilités par les récoltes obtenues auparavant. Méthode pratiquée par bon nombre d'agriculteurs, qui se fient rarement, même de nos jours, aux seules analyses des techniciens et font discrètement le « pedigree» du champ à acheter, par une enquête soigneuse sur ses antécédents. Xénophon ne compare pas sa pratique à celle de techniciens avertis et munis de moyens scientifiques, mais à celles de botanistes. Que son raisonnement soit scientifiquement discutable (Columelle cherche quelques siècles plus tard à améliorer les moyens, très rudimentaires, d'estimation du sol) n'empêche pas qu'il était pratiquement fort défendable. Sans doute, dira-t-on, mais il s'accordait avec des préjugés religieux sur la pérennité de la nature. En l'occurrence, la marge d'utilisation des terrains, en fonction de leurs qualités naturelles, était faible, nous l'avons dit. Dans les paragraphes suivants, Xénophon s'écarte d'ailleurs d'une application mécanique de principes immuables. TI précise le calendrier qui lui paraît le meilleur pour les labours; il explique précisément pourquoi il envisage labour à bras ou labour à l'araire et premier fumage par l'enfouissement des herbes (XVI, 10-15). Son choix sur la date des semailles est essentiellement pragmatique, semailles cl/a:utomne, mais en tenant compte de la date des pluies et en évitant les risques (XVII, 1-10). Sur la répartition des semences, on le sent plus hésitant (XVII, 8-11), et nous avons vu pourquoi. On remarquera que c'est justement un traité sur les semailles qui faisait autorité dont l'écho s'est transmis jusqu'à nous sous' le nom d'Androtion. Mais c'est avec le sarclage que Xénophon prend position le plus précisément, sur un point qui a toujours été discuté par les agriculteurs: il faut sarcler le blé à la sortie de l'hiver, au moment du tallage et au début du printemps, déclare-t-il (XVII, 12-15). La moisson et le battage sont envisagés dans leur pratique gestuelle. Xénophon nous conseille pour chacune de ces opérations une amélioration pratique de détail: il faut couper en tournant le dos au vent, la hauteur de la paille dépend à la fois de la taille des épis et de l'usage envisagé (XVIII, 2), dépiquage et vannage demandent intervention constante et ordre dans les gestes (XVIII, 6-8). Sur les plantations c'est la taille de la fosse et la disposition des plants (XIX, 2-5) qui permettent de donner les précisions voulues: ces précisions nous semblent évidentes parce que nous les retrouvons chez les agronomes latins. N'oublions tout de même pas que Xénophon écrit deux siècles avant Caton! Si Xénophon ne traite pas de pratique et de théorie agricole dans un but didactique, nous voyons mal de quoi il traite [Test. 4, 1,2,3]. En fait, on reste gêné par trois éléments: la forme maladroite du dialogue, la constante référence à la divinité, l'absence de liste d'outillage. Xénophon ne cherche pas à traiter son sujet de façon exhaustive. Comparant avec Caton et Columelle, on se refuse à classer son ouvrage comme un ouvrage technique. Mais ce n'est pas parce que Xénophon est un précurseur dans ce genre et qu'il agrémente son propos, comme toutes ses œuvres, d'une «enveloppe» littéraire, qu'il veut rendre aimable, que son propos n'est pas sérieux. On a cru, parce qu'il déclare que tout le monde connaît les principes de l'agriculture, et que c'est la vigilance et non la «découverte de quelques procédés apparemment ingénieux pour cultiver la terre» qui fait réussir les agriculteurs, que Xénophon était hostile au progrès, qu'il considérait comme Hésiode la terre avec une attitude religieuse typiquement conservatrice 32. Il faut y regarder de plus près. 32. J.P. VERNANT (1971) paru en 1955, p. 22-24; M. DÉTIENNE (1963), p. 55. La piété de Xénophon n'est évidemment pas à sous-estimer, mais l'aspect technique et instrumental apparaît, de fait, et la gestion du domaine est parfaitement rationnelle. On peut difficilement soutenir, comme M. CASTER (1937), p. 49, que Xénophon traite de l'aspect technique de son sujet « avec une hâte visible de s'en débarrasser ».
AGRONOMIE ET AGRONOMES
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L'ouvrage de Xénophon ne peut se comprendre que par rapport aux études théoriques que l'on commençait à voir circuler. Nous venons de constater que ses descriptions extrêmement précises sur le déroulement des différentes techniques agricoles engageaient des choix. Certes, Xénophon se trompe lorsqu'il essaye d'expliquer l'usage scientifique de la jachère, mais ce qu'il a constaté c'est son importance et son utilité dans le rendement ultérieur, comme celle des sarclages. Et toute son analyse agronomique repose sur un choix précis: c'est par une bonne gestion de la main-d'œuvre que l'on va obtenir des rendements meilleurs. En effet, toute l'analyse qui précède le chapitre XVI montre que le développement de son domaine repose sur une organisation rigoureuse de la main-d'œuvre. Et nous avons vu (cf. ci-dessus p. 75) que, de fait, les choix possibles pour une agriculture intensive reposaient sur une augmentation des heures de travail : sarclage, légumineuses et, dans une moindre mesure, entretien des plantations. L'analyse est claire : un champ abandonné en friche peut être récupéré, mis en exploitation; l'opération est rentable si le coût de la main-d'œuvre est faible. Ce problème de la main-d'œuvre est fondamental pour Xénophon. On le voit dans les Mémorables où il conseille à plusieurs reprises, par la bouche de Socrate, à des Athéniens en difficulté de se placer chez un autre. Mieux vaudrait un intendant libre, pense-t-il, et la forme de clientélisme qu'il préconise correspond à ses soucis de propriétaire. Ce cheptel d'esclaves, même s'il est réduit, cause bien du souci, et la hiérarchie que l'on cherche à établir entre les différents esclaves, les punitions préconisées, les défauts évoqués montrent bien que la gestion de la main-d'œuvre n'est pas facile (IX, 11-18) 33. Mais sans elle pas d'enrichissement possible. Ces qualités de chef, sans doute pensera-t-on que Xénophon en a hérité de ses expéditions, il serait militaire avant d'être agriculteur. En fait, les deux n'ont rien d'incompatible, et il est frappant de voir Xénophon nous fournir, le long de l'Anabase, comme dans les Helléniques. toute une série d'observations agricoles dont nous n'avons aucun équivalent ni chez Hérodote, si curieux cependant, ni chez Thucydide. Dans les pays qu'il traverse, Xénophon voit tout de suite les ressources. Certes, c'est l'œil du militaire qui envisage le ravitaillement, mais ce militaire a l'œil sagace de l'agriculteur; il sait voir les champs de millet ensemencés et .irrigués en Laconie, et il énumère avec précision les ressources de Cilicie: vigne, sésame, millet et panic, blé et orge. La description de l'Arménie évoque ses greniers et l'originalité des produits. Sur le haut Euphrate, il note que les gens, faute de cultures, se nourrissent en échangeant des meules tirées de pierres du fleuve contre le blé de Babylone (Anab .. I, II, 21; IV, V, 25; I, V, 5). Certes, ces notations sont moins nombreuses que celles qui concernent l'attitude des soldats et le rôle de Xénophon, mais il est amusant de les comparer avec le voyage fait, sur les traces de Xénophon, par G. Cousin en 1898 ! Le pays n'existe qu'à travers les distances et ses noms, à la rigueur les inscriptions antiques, et le savant est fort choqué parce que Xénophon «ne s'intéresse guère qu'à ce qui se mange» 34. Si nous avons insisté sur l'originalité de Xénophon agronome, c'est qu'elle nous paraissait parfaitement s'inscrire dans ce contexte du IVe siècle où les premières recherches agronomiques se dégagent lentement 35. Naturellement, Xénophon est là le représentant de son groupe social de propriétaires aisés, désireux de tirer partie de leur terre, et c'est à eux qu'il s'adresse. Que sa mentalité soit conservatrice, respectueuse de la piété, que son tableau du citoyen idéal, surveillant ses champs entre deux visites à la ville, corresponde à une frange bien typée du monde grec dont il se fait le chantre donne plus de prix à l'ouvrage. Ce n'est pas l'œuvre géniale d'un innovateur, c'est bien au contraire l'écho d'un observateur réaliste. Elle nous prouve que, face aux courants théoriques, l'idée d'une agronomie pratique, rentable, didactique faisait son chemin. 33. Sur les désagréments de l'esclavage dans la mentalité antique, voir les remarques d'Y. GARLAN (1982), p. 154·155. 34. G. COUSIN (1904), p. 224. n s'étonne que Xénophon ne pose pas de questions sur les plantes et n'a qu'une remarque écœurée sur l'agriculture qui «y est en état d'enfance », en citant le dépiquage dont manifestement il n'avait jamais entendu parler (p. 26). li se contente en général d'une remarque vague:« bien cultivée », ou «mal cultivée ». 35. Sur la date de L'Économique, on verra E. DELEBECQUE, REG (1951), p. 21-58. On l'inscrivait habituellement entre l'installation à Scillonte en 390 et le départ du domaine en 371. E. Delebecque souligne les raisons pour lesquelles elle devrait plutôt se placer entre le retour d'exil, 367-365, et la publication des Poroi en 355.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
DU LYCEE AU MUSEE D'ALEXANDRIE, NAISSANCE DE L'AGRONOMIE DIDACTIQUE
La période qui s'étend de la fondation du Lycée d'Aristote en 335 à celle du Musée d'Alexandrie au début du me siècle est particulièrement passionnante pour l'histoire des sciences. Désormais l'accumulation de connaissances trouve un point d'appui dans le cadre d'une école stable où peuvent se fixer les repères écrits, qui suivent un véritable programme de recherches collectives. Certes, cette mise par écrit' est elle-même fragmentaire, conditionnée par l'enseignement oral du maître à ses disciples, sujette à des retours et des reprises, et l'on sait combien la chronologie des œuvres de l'école aristotélicienne reste délicate. Cependant, l'ensemble des acquis dont on peut esquisser l'énumération pour cette période est impressionnant 36; les œuvres qui nous ont été transmises apportent, dans notre domaine, une vision à la fois plus ouverte et plus précise que celle des périodes précédentes. D'une part, l'espace accessible s'est considérablement élargi; l'apport de l'expédition d'Alexandre aux recherches botaniques permet d'inclure un certain nombre de plantes inconnues auparavant, bien que les savants aient témoigné de plus d'intérêt pour les éléments de merveilleux que pour les pratiques agricoles, mais l'expédition, en changeant le cadre des frontières politiques, permet une circulation des hommes qui faèilite les comparaisons et les échanges. Le fracas des luttes des Diadoques ne doit pas masquer cet élément fondamental. En particulier l'Égypte, mais aussi la Syrie permettent aux Grecs une approche que même la circulation des mercenaires et des artistes à la période précédente n'avait pas rendue possible. Cette accumulation de connaissances est encore aspirée par l'ancien monde grec, avec son centre athénien dont la richesse intellectuelle contraste avec la faiblesse politique de la cité. Cependant; les noms de savants qui se sont intéressés aux plantes ne sont pas en majorité athéniens, bien au contraire. La Grèce du nord est représentée avec Aristote, mais aussi le médecin Hérophile de Chalcédoine, vers 300; la Grèce de l'est et des îles surtout avec Théophraste, mais aussi le médecin de Séleucos, Erasistrate de Céos, et peut-être Nicandre de Colophon, si l'on place son œuvre au début du Ille siècle. On lui doit les Thériaca qui élargissent notre connaissance sur le nombre des plantes, et on lui attribue les Géorgika, malheureusement perdues. On voit que l'on retrouve la tradition des médecins et des herboristes. Mais. l'apport du Lycée est fondamental et marquera profondément les études ultérieures. On sait qu'il ouvre la voie, en particulier par Théophraste, à la botanique: le successeur d'Aristote distingue clairement l'origine des plantes et celle des animaux, à la différence de son maître 37. Recherches utiles à l'agronome, certes, mais ouvrages de naturalistes, dira-t-on, pour lesquels on ne peut pas parler d'agronomie. C'est encore l'opinion de Varron qui déclare par la bouche de Stolon (R. R., I, 5) à propos de l'Histoire des plantes et des Causes des plantes qu'«il s'agit d'ouvrages qui sont faits pour ceux qui veulent cultiver moins la terre que les discussions philosophiques; et je ne dis pas qu'ils n'offrent pas certaines choses utiles et communes aux deux », «Jugement lucide », déclare J. Heurgon, en accord avec R. Martin 38, qui ajoute que le même jugement pourrait être porté sur Aristote. Et cependant nos deux auteurs antiques sont toujours largement cités en tête des sources agronomiques et, en ce qui concerne Pline, Théophraste est une source majeure, même s'il n'est pas toujours compris 39. Nous laisserons de côté l'Histoire des animaux et la Génération des animaux, largement utilisées par Columelle, pour aborder les deux ouvrages de Théophraste qui font une part majeure aux céréales et aux plantations. S'agit-il seulement de botanique? On semble s'accorder pour penser que l'Histoire des plantes comme les Causes des plantes ont été composées et reprises par Théophraste tout au long de sa vie, et que le plan en est son œuvre. Et l'analyse de Regenbogen a permis de rejeter l'hypothèse, séduisante, de Senn, soutenu par Brunet et 36. P.M. FRASER (1972), 1, p. 336·346, et notes II, p. 495-646; G.E.R. LLOYD (1974), p. 119 sq.; A. REYMOND (1955). 37. Sur Théophraste botaniste, M. THOMPSON (1958). Théophraste est considéré par les Botanistes du XVIe siècle comme le grand précurseur. S. AMIGUES (1984), p. XVIII. 38. René MARTIN (1971), p. 65. J. HEURGON, introduction à Varron (1978), p. XXX. 39. Sur l'utilisation de Théophraste par Pline, H. LE BONNIEC, introduction, livre XVIII, p. 25.
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AGRONOMIE ET AGRONOMES
Mielle. Le savant suisse pensait que la division des écrits n'était pas due à l'auteur mais était l'œuvre de ses éditeurs du Musée d'Alexandrie, qui auraient regroupé d'un côté les premiers écrits de Théophraste, encore sous l'influence d'Aristote, et de l'autre ceux, postérieurs à la Métaphysique, où il se dégage du principe téléologique 40. .Mais la rigueur même des enchaînements et du plan dans l'Histoire des plantes exclut qu'elle ait pu être un rassemblement de «morceaux choisis », L'objectif des deux livres n'est pas de «donner une théorie visant à la pratique de l'agriculture », et de ce fait il est bien vrai qu'ils ne peuvent être baptisés «livres d'agronomie ». Cependant, à la date où ils ont été conçus, ils ont apporté beaucoup à l'agronomie, et sur bien des points Théophraste réagit comme un agronome. Il pratiquait des expériences dans son jardin; son testament transmis par Diogène Laërce nous montre d'ailleurs toute l'importance qu'il attachait à ce jardin et sa pratique arboricole est certaine [Test.. 1, 3]. On sait qu'il a voyagé aux côtés. d'Aristote, de quinze ans son aîné, et qu'il entretenait des relations épistolaires avec plusieurs savants, ainsi Phanias d'Erêse, Certes ce n'est pas un praticien comme Xénophon, Caton ou même Columelle. C'est la lignée des théoriciens, et il n'est pas étonnant que Pline lui emprunte tant. Si l'on étudie le plan des deux livres de Théophraste, on s'aperçoit en effet que la défmition «histoire naturelle» ou «botanique» ne répond pas tout à fait à leur fondement. En effet, tout le développement des livres III et IV des Causes des plantes est fondé sur les effets de l'agriculture sur la croissance, et le livre V comme le livre IX de l'Histoire des plantes sont dominés par la recherche de l'usage, des bois pour le livre V, des plantes médicinales pour le livre IX 41. D'autre part, la distinction entre arbres, arbustes, plantes de jardin, graminées et légumineuses est une distinction typiquement agronomique, qui répond bien à l'agriculture et à la répartition de ces plantes dans la Grèce classique: arbres de plantation, céréales et légumineuses de plein champ (d'automne, d'été), légumes de jardin et herbes sauvages de complément, enfm arbustes de la garrigue. Les justifications introduites ne sont pas convaincantes, et la distinction du naturaliste - graminées, plantes à bulbe, à racines - est en fait connue par Théophraste. Mais l'importance qu'il attache au double impact de l'influence des conditions physiques, sol et climat, et techniques, par l'intervention de l'homme, le conduit à avoir une classification d'agronome. Son souci constant, au livre IV par exemple, de lier les plantes à certaines régions, mais aussi d'en voir les variations 'lorsqu'elles sont transplantées en fait le précurseur des méthodes expérimentales d'introduction de nouveaux plants. De même le goût qu'il montre pour les greffes d'hybrides, avec les naïvetés qu'il laisse passer parfois, rompt avec la tradition représentée par Xénophon : à chaque terre son plant. L'importance accordée aux semences, à leur conservation, annonce elle aussi ces tentatives d'amélioration des espèces qui mettront longtemps à se développer. De même, dans l'analyse des maladies, Théophraste essaie soigneusement de distinguer accidents, maladies et insectes. Le conseil fmal : tenir compte des conditions locales et du sol rejoint, nous l'avons vu, les préceptes des agronomes du XIXe siècle et s'oppose à tous les remèdes empiriques que l'on voit fleurir, dans les Géoponiques par exemple. En ce qui concerne le labour, dont nous avons souligné le rôle pour le développement de la culture des céréales, Théophraste le met au premier plan. Il nous parle de la bêche en Thessalie, des méthodes de fumure. D'une certaine manière son ouvrage fait le point sur les pratiques agronomiques de son temps. Quelques références précises montrent qu'il utilise des ouvrages d'agronomie, sur le fumier, sur les semences. Mais on voit aussi qu'il s'est informé sur place. Une étude attentive de ses citations montre qu'il a plusieurs types de sources : directe par des informateurs, en Arcadie, en Crète, en Eubée et en Béotie, à Lesbos; l'Attique ne tient pas une place particulièrement importante, les cités du Pont sont assez bien représentées. D'autres paraissent plus livresques comme l'Ionie, les îles, le Péloponnèse; Sicile et Grande-Grèce sont à peine citées, Massalia ignorée. D'une manière générale, au monde des cités de la Méditerranée orientale, Théophraste ajoute l'Égypte, citée 47 fois, la Syrie plus de dix fois, quelques allusions à l'Inde et à la Babylonie. L'empire d'Alexandre en somme. Lorsqu'il s'interroge sur des mirabilia, il est toujours prudent. Il ne les introduit 40. O. REGENBOGEN, R.E. (1958), col. 1450.1; contre G. SENN (1956), éd., Die Planzenkunde des Theophrastos, 41. Sur le fait que le livre IX n'appartiendrait pas à Théophraste, voir C. SINGER (1927), ses conclusions, p. 27.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE PLAN DES DEUX OUVRAGES
HISTORIA PLANTARUM:
De CousisPlantarum : TIc:pl ifllJTWIJ alnwlJ
DÉTAIL DU LIVRE VIII
Livre
1: L'œuvre de la nature. A) De la génération B) La croissance C) Fleurs et fruits. · Excursus sur la part du chaud et du froid et la part: de la nature dans ce qui croît sans aide ou cultivé. \
Livre
Il : Comparaison entre les effets de la nature extérieure et ceux de l'agriculture sur la croissance. 'Etude du premier point. A) Les éléments du dessus ; hiver. pluies, vents, climat B) Les éléments du dessous : sol, eaux de surface, localités C) Effets variés expliqués par des occurrences saisonnlêres D) Problèmes particuliers: · effet d'une plante sur une autre · mouvements de plantes E) Conclusion III : Les effets de l'art.
Livre et Livre
Livre
Livre
Livre
IV : Rappel de la liaison entre les deux points : nature physique et intervention de l'homme. A) Un groupe de transition: les plantes qui rejettent la culture B) LjlS 'méthodes de l'agriculture: les arbres · communes à tous · spéciales à la vigne , · spéciales à certains arbres C) Les arbustes et légumes D) Les plantes à graines V: Les effets de la nature et de l'art sur les pheoomènes naturels et extraordinaires. A) Le phénomène extraordinaire spontané, 'réel ou apparent B) Effets extraordinaires de l'art C) Dépérissement et mort · dépérissement · mort naturelle non naturelle VI : Goûts et odeurs. Sur les odeurs A) Définition B) Les différences · goûts naturels · odeurs naturelles VII : (perdu)
Historia Plantarum : TIepl ifllJTWIJ lorop{aç
Livre Livre Livre Livre Livre
Livre Livre Livre Livre
1 : Sur les 'Principes de classification et leur difficulté. II : Moyens de propagation, spécialement des arbres. III : Sur les arbres sauvages. IV : Sur les arbres et plantes particuliers à certains districts. V : Sur les bois et leurs usages. VI : Sur les arbustes VII : Sur les plantes herbacées, légumes de jazdins et . herbes sauvages. VUI : Sur les plantes herbacées, céréales, légumineuses, et cultures d'été. . IX : Sur le jus des plantes et leurs propriétés médicinales.
1. Les semailles 1. définition des trois classes 2. les deux périodes de semailles 3. précoces 4. tardives 5. levée, plus précoce ou plus lente 6. les raisons Conclusion: en fonction des semailles. II. Germination: le mode. 1. même point ou extrémité du grain 2. différent des arbres 3. racines et feuilles 4. tallage 5. floraison 6. épiaison Conclusion : selon le sol et le climat; exceptions et exemples (8.11). III. Différences entre les classes et à l'intérieur des classes. 1. feull1es 2. la tige 3. fleurs 4. fruits. IV. Différences entre les classes. 1. blé/orge et blés vêtus 2. espèces d'orge 3. espèces de blé 4. rapidité de maturation blé de printemps 5. poids 6. raison, sol et climat; argument Babylone. V. 'Différences entre les légumineuses. 1. enquête moins grande 2. différences de poids 3. différences de forme des semences. VI. Comment semer. 1. temps des semailles; pluies, sol 2. semer plus ou moins 3. travail du sol 4. types de sol 5. pluies et soleil . exemples régionaux . pluies de printemps VII. Natures particulières, 1. changements 2. le poids 3. céréales d'été 4. techniques .par ticuliêres pour alléger la récolte en Thessalie 5. céréales qui repoussent. Conclusion : importance du climat, dicton, du sol, du travail. VIII. Qualités des semences. 1. importance et définition 2. exemple orge à Athènes 3. mauvaises herbes. IX. Sur les plantes qui fatiguent le sol. X. Accidents et maladies. 1. différencier maladies et accidents; Kantharis 2. la rouille 3. la verse 4. les champignons Xl. Conservation des semences 1. techniques, selon sol et climat 2. âge, terres particulières, chaleur 3. particularités.
AGRONOMIE ET AGRONOMES
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que parce que ces exceptions méritent d'être citées et tente de les expliquer. Certes, si son étude de la croissance des plantes est nettement expérimentale dans le jardin du Lycée, ses références aux pratiques agronomiques sont souvent livresques. Que nous devions ou non à Théophraste lui-même, innovateur ou compilateur, l'ensemble de ces connaissances, nous importe peu ici; l'essentiel est qu'elles correspondent au niveau de l'agronomie à l'époque. Théophraste a utilisé ces éléments pour comprendre l'origine de la croissance et de la vie des plantes, il n'en a pas fait un manuel d'agronomie à l'usage de l'honnête homme. Mais si l'on étudie par exemple son chapitre sur les céréales, on voit que les différents éléments se retrouvent finalement chez Columelle aussi bien que dans un manuel contemporain d'agronomie. Le plan général des deux ouvrages nous montre que l'agronomie apparaît par trois biais. D'une part la croissance des plantes et en particulier des céréales, dont il est le premier à marquer en détail le déroulement vital; puis les conditions, sols et climat, inhérentes à cette croissance. Ainsi, les principes de l'agronomie sont soumis à l'objectif de la connaissance botanique, ils n'en sont vas moins dégagés avec beaucoup de soin, et Théophraste essaie de s'appuyer essentiellement sur des exemples et des expériences avant de tirer les règles qu'il énonce. Par contre, en ce qui concerne l'économie rurale, la gestion de la maison et de sa main-d'œuvre, c'est à un autre ouvrage qu'il faut se référer. On sait que c'est le sujet de l'Economique, attribué à Aristote, et que les agronomes latins croyaient peut-être de la main de Théophraste. Il faut avouer que ce traité apporte peu par rapport à celui de Xénophon et reprend les principaux éléments abordés, débarrassés de toutes précisions sur les techniques agraires. L'importance de la main-d'œuvre, le rôle de la femme semblent nous montrer que peu de changements sont introduits dans les exploitations grecques. C'est ailleurs que vont apparaître les innovations..
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L'HERITAGE
Nous avons vu se démarquer, au fil des siècles, et même en tenant compte des écrits perdus, plusieurs types de recherches différentes qui dégagent peu à peu l'agriculteur-du seul respect des contraintes divines. La tradition médicale ouvre la voie -aux rhizotomistes, qui apportent une contribution non négligeable à la connaissance des plantes et à leur diffusion. Cette orientation, un peu étroite, sera finalement celle qui remportera avec Dioscoride. Xénophon ouvre la voie aux traités pragmatiques d'économie rurale repris sans grande originalité par l'école aristotélicienne. Des ouvrages plus précis sur des méthodes agricoles apparaissent au Ive siècle : fumure, arboriculture, semences ont été traitées à part. Théophraste s'en sert dans ses deux ouvrages qui reposent sur les acquis de l'école aristotélicienne. Sur le plan botanique, sa méthode servira de base aux classifications du XVIe siècle, tandis que le Moyen Age utilisera essentiellement, à partir des traités arabes, celle de Dioscoride et l'illustration de son traité par Crateuas. Sur le plan agronomique, Pline puise largement chez Théophraste mais, isolant les exemples du déroulement très rigoureux de la pensée de son prédécesseur, il commet beaucoup d'erreurs, Erreurs de détail dues à sa , méthode de travail et de prises de notes après lecture à haute voix 4Z; erreurs d'interprétation dues à une méconnaissance de l'architecture du livre de Théophraste. Varron utilise aussi ce dernier directement. Si Columelle le cite peu, on retrouve dans certains éléments du plan la méthode de Théophraste. Car ce qui nous paraît une évidence - suivre le déroulement de la croissance des céréales, de la germination à la maturation - ne l'était pas du tout jusqu'au IVe siècle. 42. Sur les méthodes de travail de Pline botaniste, J. ANDlŒ, R.E.L. (1955), p. 297-318. Sur sa place dans la littérature technique. R. SCHILLING (1978), p. 271 sq,
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
A-t-il existé avant le traité du Carthaginois Magon un ouvrage grec traitant globalement de l'ensernble de l'agronomie théorique et pratique? Il est difficile, bien sûr, de répondre, puisque beaucoup de textes grecs sont perdus. Cependant la tradition grecque, jusqu'au Ille siècle, semble bien juxtaposer des modes d'approches parallèles : connaissance des plantes, gestion de la maison, traités spécialisés. Mais, dans chacune de ces branches, l'apport du Ive siècle est fondamental. On aura au siècle suivant quelques tentatives d'expérimentation dont la plus connue est celle du domaine d'Apollonios, dioecète de Ptolémée II Philadelphe, dans sa dorea du Fayoum exploitée sous la direction de son intendant Zénon. On sait que l'importance de la documentation a fait de cette expérience, bien localisée dans le temps, un exemple privilégié pour les historiens. On y a vu un modèle d'expérience, capitaliste selon les uns, dirigiste selon les autres 43. La critique est venue après certains excès. Hypercritique maintenant, et l'on se demande, après avoir lu quelques articles, si cette expérience a bien eu lieu ou pas ... 44. POUl qui va dans le Fayoum, devant le spectacle du désert qui a repris sa place, ne laissant que des dunes attendant leurs fouilleurs, il faut un sérieux effort d'imagination pour ressusciter l'activité de ce chantier d'où avaient surgi une ville et des domaines. Mais, puisque l'historien dispose d'un matériel documentaire important, il aurait tort de s'en priver. L'expérience d'Apollonios est passionnante, justement parce qu'elle est bien datée -les archives de son intendant s'étendent de 261 à 229 av. J.-C. - et dans un contexte historique que l'on peut bien cerner. Apollonios est un Grec, tout lui semble possible à essayer pour le service du roi; il n'hésite pas à tenter de transplanter au Fayoum des plantes venues de son pays, des oliviers par exemple : il fait des expériences et il reprend à la fois la tradition des jardins expérimentaux d'Égypte et des paradis persans et les apports de l'école aristotélicienne. Plantes et semences nouvelles vont être utilisées, ainsi du blé hâtif pour une double récolte annuelle. Non dans le cadre d'une propriété limitée comme celle de Xénophon, mais avec à la disposition du dioecète des terres - 2. SOU ha --=- dont il jouit facilement, une main-d'œuvre, parfois difficile à mener mais abondante, des débouchés spéculatifs fondés sur sa position très particulière d'administrateur du roi. Toutes conditions qui n'existent pas dans la Grèce du Ive ou du Ille siècle av. J .-C. Exploitation destinée à enrichir son maître, certes, mais exploitation qui ne pourrait survivre hors du bon vouloir du roi pharaon. Dans cette expérience, Apollonios et son intendant; le Carien Zénon, mettent un véritable enthousiasme et l'on sent, là aussi, l'influence du mouvement de pensée qui a permis l'ouverture du Musée d'Alexandrie. L'agronomie semble promise à un bel avenir, elle semble permettre des surplus bénéfiques. Et cependant, fortement liée à la prospérité du pharaon et à l'activité de son dioecète, l'expérience ne lui survivra pas. Elle nous donne toutefois une certaine clef pour porter un jugement plus serein sur l'agronomie grecque, d'Hésiode à Théophraste. Celle-ci s'est inscrite dans le cadre d'une agriculture limitée par les circonstances extérieures, sol et climat, et le cadre humain de la' cité orienté vers la nourriture d'un petit nombre d'hommes et reposant sur une main-d'œuvre servile qui ne pouvait dépasser un certain chiffre par rapport à la dimension moyenne des exploitations. Elle en a tiré un parti non négligeable et s'est préoccupée lentement de théoriser les effets de l'expérience. L'importance du travail manuel correspondait aux cultures mêmes mise en œuvre à l'époque, en particulier les céréales. L'outillage s'en est d'ailleurs conservé bien au-delà de l'époque antique. Pour que les recherches agronomiques puissent obtenir des résultats en Grèce, il aurait fallu une série de conditions que l'on retrouve dans l'Égypte du Ille siècle : facilité de main-d'œuvre, terres exploitables sur une superficie importante, capitaux de départ, marché protégé pour la spéculation. Ces conditions, on' s'en rend compte, ne pouvaient qu'être exceptionnelles, et ne pouvaient s'envisager à l'échelle d'une cité, et même d'un pays. Elles ont été le lot d'un grand dignitaire de Ptolémée II Philadelphe. On ne peut faire le reproche à la Grèce de ne pas les avoir connues. Ce n'est pourtant pas un hasard si ce sont des Grecs du Ille siècle, Apollonios et son intendant Zénon, qui ont eu le désir de mettre en pratique la somme de connaissances accumulées par l'expérience comme par les recherches savantes depuis trois siècles. 43. a. PR~AUX (1937), M. ROSTOVTZEFF (1922), C. ORRIEUX (1983). 44. M.l. FINLEY (1982), p. 697 sq.
CHAPITRE XI PROGRÈS OU BLOCAGE DES TECHNIQUES AGRAIRES DANS LE MONDE GREC? LES CHEMlNS DE L'INNOVATION
Poser le titre du dernier chapitre avec un point d'interrogation c'est d'abord reconnaître que nos réponses ne seront pas définitives, qu'elles déterminent une approche, non des solutions catégoriques. Nous avons tout au long des développements précédents essayé de cerner l'histoire du pain et de l'huile dans la Grèce sur une période précise: d'Hésiode à Théophraste, du vne à la fin du rve siècle av. J.-C. Nous avons souligné l'originalité du monde égéen -consommateur de maza d'orge au même titre que de pain, d'olives et d'huile dans des domaines variés -, et précisé, compte tenu de nos sources et des techniques. à la disposition des anciens, la main-d'œuvre utile. Ces techniques n'ont pas été immuables, cependant beaucoup d'entre elles s'inscrivent dans le temps long méditerranéen. Elles se prolongent jusqu'à nos jours parfois, à la grande indignation de certains 1, avec des changements, certes, mais non des ruptures réelles dans la typologie. Est-ce à dire que nous sommes dans un temps immobile où l'innovation n'a pas sa place? Et la période étudiée n'aurait-elle pas connu de mutations technologiques réelles? En fait, celles-ci sont décelables dans les domaines de la transformation; moulin à eau, pressoir à huile apparaissent dans l'Antiquité et correspondent à de véritables innovations. Parvenue à ce point de l'enquête, il nous faut les replacer dans l'histoire thématique de ces deux machines, et nous interroger sur ce qu'est réellement l'invention dans l'Antiquité, question qui nous renvoie à bien des interrogations sur notre propre regard contemporain à propos de l'innovation technique. Mais nous allons être amenée à faire un détour par l'historiographie, ces questions se posant en France d'une manière bien particulière 2.
L Cf. l'exclamation indignée de G. ORWELL, traversant un village pendant la guerre d'Espagne et découvrant un tribulum : «je me souviens du sentiment presque d'horreur qui s'était emparé de moi lorsque j'étais pour la première fois tombé sur un de ces instruments à l'intérieur d'une hutte abandonnée dans le no man's land. Cela me rendit malade rien que de penser à la somme de travail qu'avait dû exiger la fabrication d'une telle chose, et à une misère à ce point profonde qu'il faille employer le silex au lieu de l'acieu (Catalogne libtè, col.Tdées, p. 81). 2. Pour le bilan de la recherche historique française sur l'Antiquité ces vingt dernières années, on verra le récent numéro de la REA (1986) qui rassemble les communications à la table ronde de la Société des Professeurs d'Histoire Ancienne de l'Université sur ce sujet.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GR~CE ANTIQUE
LE BLOCAGE DES TECHNIQUES DANS L'ANTIQUITE? UNE IDEE DEVELOPPEE ENTRE LES DEUX GUERRES
Dans une introduction à un recueil d'articles étrangers traduits en italien, sur les artistes et les artisans en Grèce, F. Coarelli soulignait que le débat sur le travail dans le monde classique, la considération sociale de l'artisan et de l'ouvrier, les relations entre les développements technologiques et scientifiques, ont toujours eu un écho limité en Italie et en Allemagne, à la différence du monde anglosaxon et surtout de la France. Cette remarque, qui demeure moins vraie pour l'Italie actuelle, doit aussi être nuancée. L'approche anglo-saxonne est très différente de l'approche française 3. Cette dernière a ceci de caractéristique qu'elle s'inscrit souvent dans une démarche philosophique. C'est en France que la thèse sur le «blocage des techniques» a pris le plus d'impact et suscité le plus d'études. Il n'est pas inutile d'analyser d'un peu plus près la façon dont ce thème apparaît dans les cercles scientifiques et s'y développe. . Certes, une telle proposition aurait bien étonné les savants du début du siècle; ce genre d'hypothèse n'entrait pas dans le cadre conceptuel des recherches; patiemment on rassemblait les données archéologiques, épigraphiques et textuelles sur la vie matérielle, et l'approche était surtout dominée par des problèmes de type économique dans le cadre de ce que l'on a appelé la conception moderniste. L'Antiquité a-t-elle connu la division du travail, source de progrès pour les uns, d'asservissement pour les autres? Pourquoi les Anciens n'ont-ils pas su profiter des marchés? Ces.marchés ont-ils contribué à l'appauvrissement des petits au profit des grands? Telles étaient les questions sous-jacentes, La place de l'esclavage ne pouvait être esquivée; elle était cependant, pour la Grèce, repoussée au Ive siècle, début du déclin de l'esprit moral, et l'opposition entre les esclaves heureux d'Athènes et les hilotes malheureux de Sparte était parfois poussée à la caricature 4. C'est en fait de l'extérieur du petit monde des historiens que la question de l'évolution des techniques est posée. Un article de G. Lumbroso-Ferrer en 1920 en donne sans ambages tous les éléments 5 : «C'est une vérité généralement admise sans discussion comme pierre angulaire de notre système d'idées que la civilisation dont nous jouissons est l'effet de quelques grandes inventions faites à la fin du XVIIIe siècle [ ... l. Est-il possible de douter que si Héron avait voulu actionner une meule, un métier, un char, au moyen d'une force inanimée; il aurait été capable de résoudre ce problème?»
A cette impuissance de l'Antiquité ... prolongée jusqu'au xvme siècIe,-l'auteur donne deux grandes raisons: une conception aristocratique et traditionnelle de la science qui méprise à la fois la technique et l'accumulation des richesses d'une part, des conditions économiques défavorables (taille des entreprises, dimensions des cités, manque de capitaux) d'autre part. On reconnaîtra là la rencontre entre la tradition positiviste triomphante du XIXe siècle et la découverte relativement récente de certains travaux scientifiques des Anciens, en particulier ceux de Héron 6. L'idée que la machine à vapeur aurait pu être inventée dans l'Antiquité reste une idée couramment admise, bien que manifestement discutable 7. 3. F. COARELLI (1980), p. VII et VIII. Pour l'Italie, cf. maintenant l'introduction de C. CARANDINI à l'ouvrage de J. KOLENDO (1980), p. IX-LV. Le monde angle-saxon est représenté par des ouvrages aussi divers que W.G. CHILDE (1949), B. FARRINGTON (1947), R.J. FORBES (1964-1971); bibliographie J. GOODWIN (1977). L'article de M.l. FINLEY paru en 1965 a été traduit en. 1984, «Innovation technique et progrès économique dans le monde ancien », avec une bibliographie complémentaire (sans ouvrage en français). Synthèse utile, avec des conclusions très différentes in K.D. WHI'tE (1984), qui joint les tables chronologiques de certaines innovations, surtout fondé sur le monde romain. Sur des points plus particuliers, J.G. LANDELS (1978). Voir aussi les Scandinaves, avec une école très axée sur la technologie (DRACHMANN, T. SCHIl1'LER, J.P. OLENSON). 4. P. GUIRAUD (1893 et 1900); G. GLOTZ (1920); P. WALTZ (1914; 1922; 1923 ; 1924). Les travaux de W. SOMBART (1902) et M. WEBER (1908) ne sont pris en compte en France que tardivement: cf. M.l. FINLEY (1981), p. 101 sq. et l'intervention de H. BRUHNS in P.A. FtVRIER, Ph. LEVEAU, Origine des richesses (1985), p. 255-269. 5. G. LUMBROSO-FERRERO (1920), Revue du mois, p.455. 6. La première traduction complète des Mécaniques de Héron date de 1893; une mise au point sur les différents auteurs rassemblés à l'origine sous ce nom estfaite par P. TANNERY dans les Mémoires scientifiques de 1915. 7. Contra B. GILLE: «L'éolipy1e d'Héron d'Alexandrie ne pouvait conduire logiquement à la machine à vapeur. celle-ci est née de la connaissance du vide, de la condensation, de la pression atmosphérique, toutes notions que les Grecs ne connaissaient pas ». Ajoutons qu'il fallut attendre le XIX8 siècle et la maîtrise de la métallurgie de la fonte pour que ses applications puissent s'étendre. Discussion reprise in G. LANDELS (1978) et K.D. WHITE (1984), p. 195.
PROGRÈS OU BLOCAGE DES TECHNIQUES AGRAIRES DANS LE MONDE GREC?
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L'article de G. Lumbroso-Ferrer eut peu d'écho dans le monde scientifique français. Il fut cependant recensé dans L'Année Philologique. C'est un autre apport extérieur qui obligea les historiens à s'intéresser à ces problèmes: celui des ouvrages du commandant Lefebvre des Noëttes. La première publication sur l'Histoire de l'attelage date de 1924, mais la seconde édition, parue en 1931, et intitulée L'attelage, le cheval de selle à travers les âges, contribution à l'histoire de l'esclavage, fut préfacée par J. Carcopino. Un large public y apprécia les illustrations variées et fut sensible à l'assurance du professionnel et à la simplicité des thèses. Celles-ci, développées dans cet ouvrage et dans une série d'articles parus dans le Mercure de France, se complétaient: l'Antiquité aurait connu un collier d'attelage défectueux, dit «collier de garrot», qui rendait les gros transports impossibles et entraînait le recours au travail manuel, donc à l'esclavage. L'origine de l'esclavage se trouvait donc dans une déficience de la technique, son maintien entraîna un blocage des techniques, et tous les grands progrès sont à reporter au Moyen Age 8. Parallèlement paraît la première 'édition de P.M. Schühl, Essai sur la formation de la pensée grecque (1934), qui met en valeur le mépris du travail servile, par rapport à la mentalité aristocratique et l'influence de Platon. Celle-ci oppose la contemplation et la recherche scientifique gratuite qui sont valorisées à l'expérimentation et la mécanique devenues méprisables: le blocage serait mental ; ces thèses avaient d'autant plus d'impact que l'esclavage antique devenait, avec le développement des cercles marxistes, très à la mode : toute thèse qui permettait de l'expliquer sans recourir à la liaison entre mode de production et lutte des classes était bien accueillie par les écoles classiques. La réaction des antiquistes devant l'idée que l'Antiquité avait refusé le machinisme fut très prudente 9. Quant à l'école des Annales, elle adoptait vis-à-vis des courants marxistes une position pragmatique dans laquelle beaucoup d'historiens se reconnaîtront encore 10. Un autre facteur explique la réaction plus dynamique des Annales. Le commandant Lefebvre des Noëttes avait assorti son analyse technique des transports dans l'Antiquité d'une défense, en poids et mesure, des acquis du Moyen Age 11. Et devant ce renversement des perspectives la réaction des historiens français a été très particulière.
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L'AVÈNEMENT DU MOULIN
A EAU OU L'4.VÈNEMENT DES MEDIEVISTES?
On sait que le numéro des Annales de 1935 est tout entier consacré à l'histoire des techniques. Le programme, tel que le précise L. Fêbvre, s'appuie sur trois objectifs. Il faut étudier la façon dont les ouvriers ont procédé, la part de la science dans l'invention technique, l'insertion de la technique dans les besoins de l'époque. Un exemple est donné avec le moulin à eau dont l'étude est menée par M. Bloch. La critique des différentes thèses de Lefebvre des Noëttes porte sur les aspects historiques et géographiques. Elle est menée en particulier par J. Sion : quelles que soient les limites du collier antique, les transports se faisaient par bâts et par eau en priorité; dans l'Antiquité comme de nos jours, les conséquences de la faiblesse de l'attelage étaient donc minimes, souligne-t-il. Mais l'impact du numéro des Annales de 1935 dépassait cette controverse. Il fut largement diffusé à l'étranger après la guerre. En France, les Annales ont abandonné le programme lancé par L. Febvre, et l'histoire des techniques, surtout de, nos jours, y reste la parente pauvre 12. Le numéro marque tout 8. C. LEFEBVRE DES NOE'I''I'ES,Mercure de France, mai 1932, février i 933. 9. Ainsi Y. CHAPO'I' (1938), p. 158-162, qui critique certains points des thèses avancées et met en valeur l'absence de division du travail dans l'Antiquité, pour s'en réjouir d'ailleurs, et souligne la distinction à effectuer entre les progrès de l'outiUage qui sert à alléger le labeur ou à en accroître l'efficacité, et celui qui a pour objet de le supprimer. 10. «Dans leur travail et en tant que travailleurs nos historiens ne sentent pas le besoin de références à Marx. C'est que ce qu'ils ont été amenés à constater, ils n'ont pas conscience de l'avoir tiré d'une lecture théorique mais d'une pratique ... ». L. FEBVRE, Annales, 1935, p. 620. Il. Ce renversement de perspectives avait été amorcé pOUT l'histoire des sciences par les travaux de P. DUHEM (1905-1906) critiqué par A. KOYRt (1939). 12. Traduction des principaux articles du numéro de 1935 en italien, Lavoro e tecnica nel meâioevo, Bari 1959, en anglais (1966); dès 1937, on demande à M. Bloch s'il ne connaîtrait pas un Français pour écrire sur les techniques agricoles dans la O1mbrldge Economie History, fi transmet à C. Parain (lettre citée, C. PARAIN [19791, p. 125). En 1965, dans le rapport sur la recherche historique en France
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
de même un état d'esprit dynamique, sinon triomphant des médiévistes, face à la vision pessimiste, sinon complexée des antiquistes par rapport aux techniques de leur propre période. Le moulin à eau, après. la machine à vapeur, voilà la seconde erreur du monde antique : cette fois, il avait inventé une machine mais n'avait pas su s'en servir! Naturellement, M. Bloch n'exprime rien de tel. Mais de son article fouillé et nuancé, qui esquisse une première chronologie, on retient la conclusion «invention antique, le moulin à eau est médiéval par l'époque de sa véritable expansion». De plus, la liaison, fermement posée, entre diffusion d'une technique et contexte social ouvre la voie pour les marxistes à une analyse plus fine des relations entre techniques et sociétés. Les articles sur le moulin à eau médiéval se multiplient, entraînant d'ailleurs mises au point et nuances 13. Par contre, les antiquistes français restent sur la réserve; réserve qui a été paradoxalement encouragée par la parution après la seconde guerre de l'Histoire du travail, ouvrage collectif publié sous la direction de L. 'Parias, qui fait une large place aux techniques; la postface du tome 1, consacré à l'histoire de l'Antiquité, a eu autant d'échos que le moulin à eau de Marc Bloch. Il n'est pas inutile de rappeler les éléments de cette célèbre conclusion due à A. Aymard : «Les Grecs ont été animés du véritable esprit scientifique, et il n'a tenu qu'à eux d'appliquer pratiquement les principes que leurs raisonnements leur ont fait découvrir ... ce n'est pas par ignorance que l'Antiquité a péché, c'est par refus ... »
Les causes de ce refus, A. Ayrnard les voit dans l'idéal aristocratique, la primauté donnée à la science pure, le mépris de l'enrichissement: «Cet idéal complexe postulait une hiérarchie des activités ... exercer un métier manuel ... accepter d'entrer dans l'ordre, de préoccupation qui est sien suffit à dégrader l'homme libre en lui donnant une âme d'esclave ... En d'autres termes, les civilisations antiques n'ont pas imaginé et maintenu l'esclavage parce qu'elles ne pouvaient pas, sans lui, et sans la contrainte qu'il permettait d'exercer sur certains travailleurs, suffire à leurs besoins matériels. Au vrai, lorsqu'elles se sont trouvées en l'état d'inventer des machines et de les utiliser pour satisfaire à ces besoins, l'intégration déjà acquise de l'esclavage à toutes leurs structures et le mépris suscité par son existence à l'encontre des activités productrices leur interdirent, ou rendirent au moins extrêmement lent le changement de front qu'elles eussent dû accomplir.»
L'ouvrage fut publié en 1958, mais deux articles parus en 1943 et 1948 l'avaient préparé, et ces conclusions veulent manifestement apporter une réponse à ce qui est devenu un axiome: l'Antiquité aurait pu promouvoir un début de machinisme, elle ne l'a pas fait: le moulin à eau est devenu médiéval. Si les antiquistes à l'étranger ne se désintéressent pas de la technique 14, en France ce domaine n'est plus abordé, à quelques rares exceptions près, que par le biais de l'histoire des mentalités. Ainsi, en histoire grecque, Platon va être au cœur des interrogations sur la T€XV7l .. Ceci nous a valu d'admirables études sur les artisans, leur place dans la cité, l'attitude des Grecs vis-à-vis de la pensée technicienne, et certes il n'y a pas lieu de le regretter 15. Mais en même temps s'accentuait la coupure, marquée chez les hellénistes entre historiens et archéologues sinon épigraphistes 16. Le prestige de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, le dynamisme de sa politique d'édition ont fini par donner l'impression que, hors de l'histoire des mentalités, il ne peut y avoir d'histoire technique, ce qui est original ... C'est ainsi que les articles et études plus spécialisés portent sur le monde romain 17. Et lorsque les ouvrages de B. Gille relancent de 1940\à 1945, édité par le CNRS,J. GLENISSON souligne que l'histoire des techniques trop peu pratiquée en France.figure en tête du catalogue des déficiences, p. XIX. Un colloque à Paris en 1981 s'intitule « L'histoire des sciences et des techniques doit-elle intéresser les historiens?»; P. REDONDI y note que l'histoire des techniques dans les Annales «est l'histoire d'un serni-échec » (p. 188). Pour un bilan des travaux français, M.C. AMOURETTI (1985 2 ) ; sur la technologie dans l'école anthropologique française, J.P. DIGARD (1979), p. 76 sq. 13. Ainsi B. GILLE (1953) pour les différents types, C. PARAIN (1965), V. de MAGALHAES-VILHENA (1962), G. DUBY (1962), p. 73, 195; 437; 1. FOSSlER (1981). Sur une valorisation des techniques médiévales, 1. WHITE (1969). 14. Ainsi les travaux de M. ROSTOVTZEFF (1941·1957). (C'est d'ailleurs en partie pour réfuter ses thèses économiques que les archéologues se sont attachés à affiner les recherches en céramique.) M.I. FINLEY (1959 et 1965). Pour la bibliographie récente, on verra les recensions de H.W. PLEKET (1974), 1. CRACCO-RUGGINI (1979), K.D. WHITE (1984), M.C. AMOURETTI (1985 2 ) . 15. J.P. VERNANT (1955; 1956; 1957), dernière réédition 1981. M. D~TIENNE et J.P. VERNANT (1974), P. VIDAL-NAQUET (1979; 1983), F. FRONTIZI-DUCROUX (1975). 16. Malgré les tentatives de G. VALLET (1958) et F. VILLARD (1960). 17. C. PARAIN (1941; 1960; 1963; 1965; 1977). Ainsi ceux de J. ANDRt (1956 j 1961 ; 1981), de Y. LE GALL (1959). La thès : de P. VIGNERON constitue une exception.
PROGRÈS OU BLOCAGE DES TECHNIQUES AGRAIRES DANS LE MONDE GREC?
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la controverse en 1978 et 1980, on a l'impression d'un combat ancien et déjà perdu. D'autant que B. Gille réanime cette controverse d'une manière bien particulière: pour lui, le progrès technique date bien de l'époque grecque, essentiellement des VIe-Ille siècles av. J .-C. Il y aurait ensuite une période très remarquable de diffusion de la technologie et la liaison entre tradition scientifique et tradition technologique connaît son âge d'or avec les Alexandrins. Puis les systèmes sont bloqués ... jusqu'au Moyen Age: le moulin à eau est toujours médiéval 18. Nous avons résumé, en les simplifiant, bien sûr, les principales étapes de ces controverses pour la France qui toutes s'appuient sur un certain nombre de présupposés: • LUMBROSO (1920)
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Le machinisme est à la portée des Anciens, mais l'esclavage est moins coûteux
r- le travail manuel est lié au travail servile ... mépris de l'élite pour le travail manuel et le progrès technique ... blocage des techniques. LEFEBVRE DES NOETTES' Faiblesse des techniques de transport (attelage défectueux, faiblesse du gouvernail) (1931) ... nécessité du remplacement- par le travail manuel ... esclavage ... absence de progrès. Ceux-ci sont médiévaux. P.M. SCHUHL (1934·1948) Progrès scientifique et technique au ve siècle, mais influence de Platon et dissociation science et pensée contemplative valorisées-contre mécanique et expérimentation rnéprisées. D'où assimilation travail servile/travail manuel et blocage technique. A. AYMARD (1942-1958) Machinisme à la portée des Anciens qui le refusent par idéal aristocratique, hiérarchie des occupations ... travail manuel assimilé à travail servile >- esclavage justifié -.. favorise la paresse technique. P. VERNANT (1952-1957) Pas de changements technologiques réels par rapport à la pensée scientifique et dissociation entre les deux, la première restant réservée à l'élite -.. blocage technique -.. appel aux esclaves -+ mépris pourle travail manuel. B. GILLE Toutes les machines ne sont pas à la portée des Anciens. Progrès scientifique et tech(1954-1978-1980) nique VIe·Ive siècle av. J.-C. dans les techniques de pointe, bilan scientifique et technique par l'École d'Alexandrie, mais peu d'inventions techniques nouvelles, blocage à l'époque romaine jusqu'à l'époque médiévale (XIIe.XIIIe siècles). V. de MAGALHAES· Variétés des techniques chez les Anciens, naissance technologie et idée de progrès en VILHENA (1962). Grèce, mais blocage idéologique et social,
En ce qui concerne l'histoire des techniques, qui est le seul point qui nous préoccupe ici, on voit qu'un certain nombre de propositions se contredisent, mais qu'un certain nombre de présupposés sont admis par tous : • Le progrès technique est lié au monde savant, et particulièrement à l'élite sociale; si celle-ci ne le reconnaît pas, il est automatiquement bloqué. • Le progrès technique est lié aux machines, tout au moins celles qui ont donné lieu au xrxe siècle aux progrès de la mécanisation par la force hydraulique et la vapeur: d'où la place accordée à la machine de Héron et au moulin à eau. • Progrès technique et travail manuel sont antinomiques, la machine est marque de progrès; l'utilisation du travail des bras marque une régression. • Le monde antique est pris soit globalement, sait par périodes chronologiques mais, dans les deux cas, la stagnation technique doit précéder le progrès du Moyen Age. • Par un biais ou un autre, esclavage et blocage technique sont liés; la position est souvent morale: admettant l'esclavage, l'Antiquité doit avoir freiné le progrès technique. Enumérés sous cette forme un peu simplifiée, nous l'admettons volontiers, ces présupposés font ressortir la marque profonde du xtxe siècle positiviste, que son héritage marxiste soit accepté ou refusé, mais aussi quelques préjugés propres à l'éducation française et qu'on ne retrouve pas à ce degré dans 18. B. GILLE (1978 et 1980). L'histoire des techniques n'est pas signalée dans L'Année philologique. et l'ouvrage sur Les Mécani· ciens grecs n'a eu de comptes rendus que de la part des revues d'histoire des sciences, non des antiquistes. Dans les Annales. d'ailleurs. le compte rendu est dû à F. SIGAUT.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
les écoles étrangères. Ainsi cette conviction plus ou moins déguisée que le progrès technique passe par les élites. D'où le souci mis à enfoncer ou disculper ce malheureux Archimède de l'accusation de se préoccuper de la science pure sans ses applications. Les scientifiques restent étonnés de cet acharnement 19. Après tout, qui a jamais exigé qu'Einstein ait inventé la machine à laver le linge? C'est cependant une invention qui a autant libéré de la «peine humaine» que le moulin à eau! Il Y a en France la double tradition, ancienne, du savant respecté qui œuvre pour l'humanité, symbolisée pal Pasteur au xixe siècle, et récente de l'engagement du savant hors de la science pure tel qu'il apparaît juste après la seconde guerre mondiale dans la mouvance marxiste. A cela s'ajoute la constatation, réelle pour le monde moderne, que l'invention a besoin de capitaux et d'un substrat économique solide; sans le soutien des élites, elle ne peut réussir. S'ajoute enfin, mais inavoué, le mépris pour une activité technique lorsqu'elle n'est pas reconnue par la science. Les techniques artisanales, orales pal essence, ne semblent pas susceptibles de progrès. Les travaux des ethnologues commencent à ébranler cette conviction, fondement du xixe siècle, mais si on ne la fait pas disparaître on s'interdit toute étude sérieuse des progrès techniques dans les sociétés pré capitalistes. Dès 1963, M. Daumas avait mis en garde contre cette confusion entre révolution technique et révolution industrielle, mais ses sages remarques sont restées ignorées. Evidemment, borner le progrès à l'étude des innovations qui annoncent le machinisme entraîne à passer à côté d'un grand nombre de changements et d'évolutions qui ont parfois davantage marqué la vie' réelle des gens. Naturellement, on ne peut pas aborder le système technique des Anciens sans aborder l'esclavage, nous l'avons vu dans les domaines bien précis qui nous concernaient, mais envisager automatiquement les deux problèmes de front, progrès technique et esclavage, risque de bloquer cette fois-ci la première analyse, celle que L. Febvre appelait de ses vœux : la façon dont les gens procèdent, la technique elle-même. Et l'on voit bien que c'est cette partie-là qui a toujours été négligée. On se rend compte en effet que si les études de mentalités, dans ces théories, restent opérantes et fructueuses, tous les exemples techniques sur lesquels elles s'appuient, peu nombreux à vrai dire, sont démentis par les faits, parfois d'une théorie à l'autre 20. C'est le cas pour les propositions du commandant Lefebvre des Noëttes. Non, le collier antique n'était pas défectueux, c'est la reconstitution qui l'était; non, les navires antiques n'étaient pas fortement retardés par leur type de gouvernail ou le maniement des voiles. Fausse aussi la conviction assurée que les Anciens auraient pu construire unernachine à vapeur. Ils n'ont pas refusé la faucille, la charrue et la moissonneuse; elles n'étaient adaptées ni à leurs besoins ni à ceux de leurs successeurs en Méditerranée 21. Mais, comme l'avouait avec un soupir un des participants à la discussion du colloque sur les Techniques à Aix-en-Provence en 1982, «reste tout de même le moulin à eau», ce fameux moulin que se sont approprié les médiévistes remplissant de complexes les malheureux antiquistes ! Il nous faut aborder sa diffusion, et le considérer non pas isolément comme un précurseur génial des chutes d'eau électriques, mais pour ce qu'il est, un chaînon dans le système technique des Anciens.
19. Sur la place d'Archimède comme mécanicien, voir les études de A. DRACHMAN (1956; 1964), l'introduction de P. VEREECRE (1960) dans la Collection des Universités de France et les mises au point de P. THUlLLIER (1977). Le titre donné par A. REY au volume IV de l'Histoire des Sciences était d'ailleurs L'apogée de la science technique grecque. Mais il faut noter combien notre connaissance directe des traités scientifiques et techniques des anciens Grecs est parcellaire compte tenu des ouvrages perdus, ainsi ceux d'Archytas de Tarente, qui aurait vécu au Ive siècle et à qui on prête nombre d'inventions. Les auteurs plus tardifs, en particulier les compilateurs comme Pline ou Plutarque, ont de plus tendance à attribuer en bloc des inventions à quelques grands noms, alors que celles-ci sont souvent antérieures et anonymes. 20. .La situation est inversée en histoire du Moyen Age. G. DUBY a dû rappeler dès 1973 le poids des mentalités dans la réalité économique et technique des campagnes médiévales, vingt ans après avoir souligné l'importance de l'étude de l'outillage (1954). SUI l'absence de liaison entre esclavage et progrès ou blocage technique, cf. KIECHLE (1965-69), mais que nous ne suivons pas dans toutes ses conclusions. Pour une analyse néo-marxiste sur la liaison entre technologie et forces productives, cf. J.P. DIGARD (1979), p, 87-89. 21. Cf. supra, p. 75, 89, 108. Les récentes mises au point sur l'attelage antique ne sont pas encore intégrées dans l'ouvrage de synthèse de K.D. WHITE (1984), p. 130-140.
PROGRÈS OU BLOCAGE DES TECHNIQUES AGRAIRES DANS LE MONDE GREC?
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LA DIFFUSION DE L'INNOVATION : MOULINS A GRAINS ET MOULINS A HUILE
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LA CHRONOLOGŒ DES SYSTÈMES DE MOUTURE
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En envisageant en effet l'ensemble des innovations concernant la transformation des céréales dans l'Antiquité au chapitre VII, nous avons été frappée par leur diversité. Certes, mortiers et pilons traversent les siècles. Prédominants pour l'orge en Grèce, pour l'amidonnier en Italie, pour le mil en Afrique, ils deviennent lentement marginaux dans certaines régions, sans disparaître pour autant. A l'époque classique, ils sont encore largement représentés en Grèce et restent attachés au décorticage des céréales vêtues. L'avancée des blés nus en Italie ou en Égypte les rend moins utiles, mais l'on remarquera que dans la villa de Montmaurin, donc au Bas-Empire, ils sont les seuls instruments représentés et restent fréquemment cités dans l'Égypte romaine. Ils sont cités dans la règle monastique de saint Isidore 22. Ils retrouveront d'ailleurs un usage dans certaines régions avec l'arrivée du maïs ~3. Cependant, même pour le décorticage, ils deviennent marginaux car, lorsque l'on a appris à maîtriser l'écartement des meules, on a pu utiliser ces dernières pour le mondage des blés vêtus 24 (planche 19). De même, certains types de fours ont été utilisés jusqu'à notre époque: ainsi du taboun de Tunisie, du tanur de Syrie et d'Iran. Faible coût, facilité d'usage, faible consommation de combustible sont des qualités indéniables. Par contre, le lent progrès du four à pain à partir de l'époque romaine, avec sa construction en pierre, correspond à une utilisation de plus en plus dominante du pain de blé au levain. Ce dernier est connu depuis longtemps. Sa progression tient à quatre facteurs : transformation des progrès de la mouture, prédominance des céréales nues et en particulier du blé tendre, prédominance urbaine, choix de Rome, d'où un certain modèle culturel qui se répand plus vite en Méditerranée. Mais la prédominance du pain est beaucoup plus marquée en Méditerranée occidentale. Cependant indéniablement, prédominance du pain et demande de mouture vont de pair, car la qualité de la farine est importante. D'autre part les deux groupes d'opérations : mouture d'une part, pétrissage et cuisson d'autre part, peuvent être isolés du moulin à la boulangerie. Au contraire, dans les systèmes où plusieurs céréales sont complémentaires et où les opérations sont plus nombreuses (grillage, mondage, séchage), la qualité de la mouture influe moins directement (fig. 18, 19,21,23). Il ne faut pas oublier ces données lorsque l'on envisage les innovations qui ont transformé le moulin à grain. Nous avons vu au chapitre VI le détail du mécanisme de chacun des six types dont nous indiquons la chronologie sur le tableau ci-après. La force utilisée est donc: manuelle: pour les mortiers, meules plates, broyeurs à trémie comme les moulins rotatifs (na 1 à 4, 6 et 7) animale: pour le moulin à sang de type Pompéi (na 5) hydraulique: pour le moulin à eau (na 8).
mais la progression ne va pas du moulin manuel au moulin à eau. On peut aussi faire en effet une distribution entre ... ... ...
instruments simples de type familial (na 1,2,4,6) .instruments améliorés avec usage familial et artisanal (na 3, 7) machine avec usage dominant pour des collectivités (na 5 et 8)
en tenant compte du coût de l'objet et de son rendement : coût de sa fabrication, mais aussi coût de l'entretien. La productivité doit mettre en relation la quantité produite, mais aussi le coût de la maind'œuvre. L'innovation ne sera acquise que lorsque l'on pourra avoir sur place les artisans qualifiés, et que le rendement et le coût du nouvel appareil justifieront son remplacement, Si l'on a bien présents 22. G. FOUET (1970), G. HUSSON (1983), p. 156, 176, 177. Isid., Reg.• 21. Sur la pennanence et les améliorations apportées au pilon, C. PARAIN (1963; 1979), p. 312. 23. Cf. l'illustration d'un mortier à mals dans les Alpes, L.M. SAGE (I976), p. 30. 24. P. RAYBAUT rapporte que l'épeautre fut abandonné en Haute-Provence au xx e siècle lorsque l'on ne disposa plus de moulins à meules lentes. .
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
à l'esprit ces différents éléments, la progression du moulin à eau dans l'Antiquité s'inscrit très normalement -Ians l'histoire générale des moyens de mouture. SIECLES VIle 1)
2)
VIc
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1er
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7) 8)
systêmè attesté avec l"autres 1) mortiers et pilons 2) meules plates et 'broyeurs
~_.~
système attesté sporadiquement
3) broyeur à trémie d'Olynthe 4) meta et catillus manuel
5) moulin à sang type Pompéi 6) moulinrotatif manuel
système dominant dans certaines région 7) moulin à engrenage manuel 8) moulin à eau.
Figure 31. - Chronologie des systèmes de mouture.
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LA PLACE DU MOULIN A EAU
Pour le circuit familial, ce moulin est d'un intérêt limité en Méditerranée à cette époque; en effet, l'irrégularité de l'approvisionnement en eau rend son utilisation difficile sur toute l'année et particulièrement en été, sauf à avoir plusieurs engins. Le coût est élevé, huit fois celui d'une meule manuelle (mais le moulin à sang vaut encore six fois celle-ci), selon l'Edit de Dioclétien (15, 56-59). Sa diffusion devrait donc concerner les villes et les personnes susceptibles de concentrer un investissement suffisant, comme de prévoir un approvisionnement en eau régulier. Le moulin à eau va donc concurrencer essentiellement le moulin à sang. Il met près de trois siècles à le supplanter définitivement, c'est le laps de temps qu'a mis le broyeur à trémie pour supplanter la meule plate, le moulin à sang pour faire disparaître le 'broyeur à trémie. Si nous considérons en effet le propriétaire de moulin qui, dans ces trois cas, travaille pour la vente, il faut envisager ses propres problèmes: il lui faut s'approvisionner en matériel, donc trouver les carriers et charpentiers adéquats, puis amortir son matériel. Il prévoit la main-d'œuvre en conséquence: esclaves ou animaux, c'est aussi un investissement. Pour changer de moulin (car c'est lui qui change, ce n'est pas une Antiquité abstraite), il faut qu'il y trouve son intérêt d'une part, qu'il en ait la possibilité d'autre part. Ces deux conditions sont loin d'être réunies dans les petites villes et même à Rome 2S. Le hasard des textes et des trouvailles permet de reconstituer pour l'Occident méditerranéen un premier cheminement. Autour de notre ère le moulin à eau est encore une nouveauté; il apparaît pour Vitruve comme une machine à classer avec les machines d'irrigation. Il est d'ailleurs mal adapté à la forme des meules de type Pompéi. A l'époque de Caligula, les moulins à sang sont encore dominants, au ne siècle aussi, et Apulée nous en donne une description particulièrement évocatrice (IX). 25. Les droits de mouture sont relativement faibles par rapport au prix du blé, comme l'a souligné N. JASNY pour Ëphése du me siècle (1944 ; 1947).
PROGRÈS OU BLOCAGE DES TECHNIQUES AGRAIRES DANS LE MONDE GREC?
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LA DIFFUSION DU MOULIN A EAU (. attestation archéologique;
Méditerranée occidentale siècle av. J .-C.
1er
... textes)
Méditerranée orientale ... Signalé par Strabon à Cabire (pont) près du palais de Mithri· date, comme une nouveauté (XII, 3. 30).
Epoque augustéenne ... Description d'un moulin à eau à roue verticale (Vitruve, X, V, 2). ..
... Epigramme d'Antipater de Thessalonique (Anth. palat., IX, 418).
Néron, Vespasien ... Pline signale leur existence en Italie pour le pilage de l'amidonnier (XVIII, XXIII, 97). [Suétone : Caligula ayant réquisitionné tous les chevaux, plus de pain; donc pas dominant à Rorne.]
ne_me siècles Vestiges archéologiques à Martre-de- Veyre (Puy-de-Dôme) (1978). • A Chemtou (Tunisie) (SALADIN, 1892; RAKOB, en cours). • Près du mur d'Hadrien (Angleterre) (F.G. SIMPSON, 1976). ... Inscription de Promona (Dalmatie) (CEL III, 14969/2). Sur droit d'eau meuniers. • A Ickham (Kent) deux moulins à eau sur une rivière (Britannia, 6, 1975). •
• IVe
Caesarea (P. LEVEAU, 1984) (sans date).
siècle
... Edit de Dioclétien (15, 54) : moulins à eau (2000 deniers) reconnus dans tout l'Empire, avec moulins à sang (1250 deniers à âne, 1500 avec un cheval) et moulins manuels (250 deniers). ... Corporation des meuniers d'eau (448). ... Ausone en signale sur la Moselle (Mosella, v. 363). ... 324-326 : inscription d'Orcistus (Phrygie), moulins à eau nombreux, dominant dans la cité. ... Palladius (R.R., I, 41) les conseille pour utiliser l'eau des thermes dans une villa rurale. ... A Antioche, selon Libanus (Or., IV. 29). à propos des bou• Aménagement de la pente du Janicule à Rome, sur dérivation. pour les moulins (G.P. STEVENS, 1915-1916)_ Restes langers : «l'eau moud le blé pour eux ». de meules. ... Edits d'Honorius et d'Arcadius (398) (Cod. Théod., XIV, XV, 4) pour régulariser les abus dus à l'installation. ... Edit de Dynarnius (CEL VI, 1711) sur les meuniers du J amcule.
v» siècle •
•
Vie
Moulins en cascades de Barbegal (Bouches-du-Rhône) à roues verticales (F. BENOIT, 1940). Date discutée, certains les croient moins tardifs. Traces archéologiques à Venafre (sans date) (Musée de Naples).
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Petit moulin à eau de l'Agora d'Athènes (A.~. PARSONS, 1936) (entre le Ille et le ye siècle).
... Égypte (Papyrus SB VI, 9137)_ ... Inscription de Sardes mentionnant un ingénieur spécialisé dans les moulins à eau (C. FOSS. 1976).
siècle
... Moulins à eau du Janicule dominants; expériences de mou• Roue verticale sur la mosaïque du palais de Justinien. lins à bateaux sur le Tibre (Procope, De bello gothico, V, 19). ... Cassiodore, Varia, XI, 39, 2. Grand nombre de moulins à eau à Rome. ... Grégoire de Tours, Hist. France , 1I1 : 19 moulins à eau à Dijon. Pour le détail bibliographique, cf. les recensions de notre note 26.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
Au cours des ne et me siècles, on voit le moulin à eau se répandre lentement dans les provinces les plus diverses : Bretagne, Gaule, Afrique nous en apportent des témoignages. Dans ces provinces, la meule rotative était d'ailleurs plus répandue que le moulin de type pompéien. Au début du rve siècle on note dans l'Edit de Dioclétien que le moulin à eau représente un des autre types classiques de mouture. C'est au cours du IVe siècle qu'il évince lentement le moulin à sang à Rome même; les pentes du Janicule sont aménagées, le Code Théodosien(XIV-IV) doit légiférer à la fin du siècle contre les abus. Au vte siècle, la situation est renversée par rapport au 1er, les moulins à eau sont dominants à Rome; si l'on coupe leur approvisionnement, la ville doit chercher d'autres solutions; elle aurait essayé les moulins à bateaux que nous voyons ensuite fonctionner régulièrement sur le Tibre. Le moulin à eau s'est aussi répandu dans les villas rurales, comme nous le montre Palladius, et les différents codes ruraux. Diffusion donc à deux niveaux en Occident, avec quelques réalisations spectaculaires pour les villes (la meunerie de Barbegal en est une), mais plus lente vers les campagnes. Dès que les recherches archéologiques sont plus systématiques les trouvailles se multiplient. Ainsi en Angleterre pour laquelle nous n'avons indiqué que les références datées 26. Qu'en est-il dans la partie orientale, berceau du moulin à eau? Notre tableau peut donner l'impression d'une diffusion en 'deux temps [Test., 7,3-4], avec un «trou» pour le Haut-Empire. Mais cette absence d'information archéologique correspond à une lacune identique pour tous les autres types de mouture; nous ne pouvons donc en tirer aucune conclusion. Par contre, A. Chastagnol a souligné récemment l'intérêt de l'inscription d'Orcistus (Phrygie), anciennement connue et dont une meilleure édition a été donnée en 1956. La nouvelle lecture des lignes 29-31 est particulièrement fructueuse. Elle n'avait soulevé aucun intérêt, preuve de plus que les aspects techniques n'attirent pas l'attention. A. Chastagnol montre au contraire le parti que l'ondoit en attendre 27 : il s'agit d'une petite ville qui vante les avantages de son site pour demander à conserver des privilèges. Elle précise qu'elle possède des bains publics, une population nombreuse et «en outre, grâce à la pente des eaux qui y ruissellent, une grande quantité de moulins à eau». Ainsi, dans cette région proche de celle qui a vu la naissance du moulin à eau, puisque la nature le permet, on est parvenu à une situation soulignée comme très avantageuse: les moulins paraissent travailler pour toute une région. Il est donc exagéré d'affirmer que le monde méditerranéen oriental n'a connu une diffusion du moulin à eau qu'au ye siècle de notre the, sous prétexte que l'on en a un exemple, de petite dimension d'ailleurs, à Athènes. La vérité, c'est que nous ne savons pas réellement comment les Grecs transformaient leurs céréales pour les périodes qui s'étendent du 1er au rve siècle de notre ère. Le moulin à sang est sûrement répandu, la légende commune de l'âne de Lucius, empruntée par Lucien et Apulée, l'atteste, mais les témoins archéologiques sont peu nombreux. Par contre nous avons des témoignages tardifs de meules manuelles d'époque romaine sur l'agora d'Athènes, broyeurs à trémie comme petits moulins manuels avec catillus et meta. On constate dans le monde égéen une persistance plus grande des moulins manuels, et la codification de l'Edit de Dioclétien au Ille siècle, qui tarifie trois types de moulins (à main, à sang, à eau), pourrait bien correspondre à une réalité dont nous voyons les premiers exemples à Délos mais que nous pouvons encore retrouver au vne siècle dans le code rural byzantin, et au XYIle siècle à travers les récits de voyageurs: la coexistence de plusieurs types de mouture est la règle dans le monde égéen ~8. En fait, quand on les analyse de près sur le plan régional, on se rend compte que les moulins à eau en Méditerranée ont surtout progressé lorsqu'ils avaient un complément permettant d'éviter les aléas de la saison sèche, ou lorsque les propriétaires pouvaient, d'une façon ou d'une autre, accaparer l'eau. C'est ainsi que, loin d'être un concurrent pour le moulin à eau, le moulin à vent me paraît avoir joué
26. A la recension de M. BLOCH, il faut maintenant ajouter pour l'Antiquité celles de O. WlKANDER (1981) et K.D. WHITE (1984), p. 178-201. O. WlKANDER est probablement excessif en pensant à une diffusion très rapide dès le rer siècle. 27. A. CHASTAGNOL (1981), p. 417. L. CRACCO-RUGGINI (1973) la signale aussi dans sa note 26, et y avait fait une allusion brève en 1977. Non cité par K.D. WHITE (1984). 28. Articles 81 et 82 du Code rural byzantin. PITTON de TOURNEFORT (1717), éd. 1982, p. 316.
PROGRÈS OU BLOCAGE DES TECHNIQUES AGRAIRES DANS LE MONDE GREC?
un rôle incitatif dans cette diffusion dès le XIe siècle en Provence par exemple dans les îles grecques.
29,
249
et probablement aussi
Un dernier élément doit être souligné. Ces moulins à eau en Orient, mais aussi en Occident, sont souvent à meules horizontales. L'affirmation selon laquelle le moulin à roue horizontale, d'origine. grecque, serait supplanté par le moulin à roue verticale, comme celui dont Vitruve nous donne le détail, doit être révisée à partir des dernières enquêtes régionales. Ainsi en Provence le moulin à roue horizontale est dominant jusqu'au XIXe siècle, et cette particularité semble bien, d'après l'enquête napoléonienne, être le fait de la moitié sud de la France, suivant une ligne de partage qui irait de Bordeaux à Belley. Nous en retrouvons des exemples en Grèce au xvne siècle et A. Sordinas l'a bien étudié à Corfou pour l'époque contemporaine 30 alors que la mosaïque de Constantinople nous montrait indéniablement un moulin à roue verticale. Là encore nous voyons des types de diffusion qui mériteraient d'être affinés car ils recoupent à la fois des critères régionaux et sociaux. L'iconographie savante a privilégié la roue verticale préférée par les villes et les palais, mais le moulin à roue horizontale s'est pérennisé dans les campagnes. Or, il laisse peu de traces. Ainsi, envisagée sous le seul angle technique, l'histoire des moulins à eau a encore beaucoup à nous apprendre à condition de ne pas la considérer indépendamment de l'ensemble des systèmes de mouture, et des périodes précises. M. Bloch avait bien mis l'accent sur le problème fondamental de l'Occident médiéval, la victoire du moulin sur les meules et broyeurs, moins coûteux, de type familial, mais le moulin à eau était très largement diffusé à la fin de l'Antiquité. Que les médiévistes aient su voir l'originalité de la diffusion à leur époque, c'est tout à leur honneur; qu'ils aient eu besoin pour la valoriser de dévaloriser celle de l'Antiquité, la faute en incombe bien aux antiquistes eux-mêmes, qui semblent avoir voulu se laver du péché d'esclavage en sacrifiant leurs moulins ...
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LES MOULINS A HUILE
Abordons maintenant l'autre volet, celui des pressoirs. N'ayant pas donné lieu au développement de la force motrice, ces derniers sont considérés comme quantité négligeable. C'est pourtant de la presse à vis que sort en droite ligne la presse à imprimer et, s'il existe une machine, celle des pressoirs en est bien une. Là encore, la chronologie s'esquisse seulement, et des méthodes diverses ont coexisté beaucoup plus longtemps que pour les méthodes de mouture, comme nous l'avons vu au chapitre VIII. Plusieurs innovations apparaissent cependant, là encore leur histoire est régionale. Un coup d'œil sur notre tableau (p; 251), malgré les incertitudes chronologiques qui demeurent encore, permet de distinguer les adaptations du moulin à huile à partir d'innovations technologiques plus générales, et les inventions qui concernent directement moulins ou pressoirs. L'adaptation de la poulie et du treuil aux pressoirs se fait de manière inégale suivant les régions, actuellement notre plus ancienne attestation est celle de Caton, mais ces deux instruments étaient utilisés bien avant le ne siècle av. J .-C. en Grèee pour des usages variés (marine, machinerie, théâtre, construction). Si les attestations archéologiques, dans les fouilles de l'agora d'Athènes, sont hellénistiques, les inscriptions nous fournissent dès la fin du ye siècle des références précises à la poulie, TPOXL ÀO<; , et à l'ensemble des mouffles utilisés dans la construction 31. Les puits, d'abord à 29. C'est l'impression que je retire des éléments rassemblés par H. AMOURIC (1983) au chapitre YI. section 1 de sa thèse sur les moulins de Basse-Provence (p. 422). 30. Enquête napoléonienne 1809. A. POU~E (1980), p. 177, pour la France. A. L. CASTELLAN (1811), moulins près de Lampsaki. A. SORDINAS (1981), à Corfou. C. PARAIN (1965) le rappelait déjà pour certaines régions, comme le Danemark et la Suisse (p. 308). Il est encore omniprésent en Corse. J. ORSATELLl (1979). 31. IG nz , 1672, 1. 205; IG I Z , 313, 1. 112 et 314 ;IG n-. 1627 b,l. 336. L'attribution des premières poulies aux Assyriens d'après une seule iconographie peu lisible ne paraît pas convaincante, mais nous ignorons la date exacte de l'apparition de cet engin.
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
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Ancrage de l'axe. Goujon de pierre. Rayons de bois Axe vertical Base de pierre rectangulaire Meule dormante Meule courante Support de la trémie Trémie Régulateur.
Figure 32. - Moulin à roue horizontale. Exemple contemporain de Corfou (A. SORDINAS, 1981).
PROGRÈS OU BLOCAGE DES TECHNIQUES AGRAIRES DANS LE MONDE GREC?
251
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type dominant dans certaines régions
Méthodes sans moulin (broyage aux pieds, torsion ...) ,. 5 Pressoir à levier et cabestan sur contrepoids Pressoir a coin 6' . à Pressoir à levier et contrepoids simple . Pressoir levier et vis sur contrepoids Pressoir à levier et cabestan ancré (types catoniens et pompéiens) 7. Pressoir à vis directe (double vis, vis fixes et vis pressante)
rp première attestation par l'iconographie;
• première attestation par l'archéologie;
Figure 33.
~
•
première attestation par les textes.
Chronologie simplifiée des pressoirs.
balancier, ou avec une margelle fermée d'un simple rebord de pithos, sont de plus en plus souvent construits avec des margelles de pierre au Ive siècle. L'usage de la poulie se généralise dans le domaine quotidien 32. On notera que les pressoirs à contrepoids simples mais démultiplication par des poulies se sont maintenus jusqu'à nos jours en Orient et un des exemples donnés par Héron peut être mis en rapport avec un système persan actuel (planche 35). Très vite on a en fait joué à la fois sur le treuil et la poulie. Le système catonien, qui se retrouve avec des variantes d'ancrage à Pompéi', en propose une combinaison très simple. Il s'est ensuite largement répandu dans la péninsule et .de là en Provence. Il est peu à peu supplanté par l'adaptation du treuil au contrepoids, plus pratique, qui devient le type dominant en Afrique du Nord, que l'on retrouve en Provence et dont nous avons quelques exemples tardifs en Grèce. Pour tous ces types l'adaptation de l'ancrage du levier aux ressources locales (bois, pierre) est remarquable. On peut penser qu'au IVe siècle av. J .-C. treuils et poulies étaient utilisés dans les pressoirs, mais sans doute pas encore les pressoirs à contrepoids : dans tous les cas, il s'agit d'adaptations; l'ouvrage de Héron au I
32. C. ARGOUD, in J. METRAL (1981), p. 70-73 pourles puits.
252
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
Quant au pressoir à vis, nous le savons attesté pour les foulons et pour le vin et l'huile (supra, p. 171) Mais il naît des premières adaptations sur le pressoir à levier et contrepoids, dans la Méditerranée orientale, comme nous le confirment les remarques de Pline et de Héron. La vis était-elle apparue pour les pressoirs ? LA VIS D'ARCHIMÈDE o o o o o o o o o o o
Diodore, I, XXXIV, 2 : «[dans le delta égyptien] les habitants peuvent facilement arroser toute l'île à l'aide d'une machine construite par Archimède de Syracuse, laquelle pour sa forme porte le nom de limaçon (KoXÀiaç)). V, XXXVII: «[dans les mines en Espagne] ils épuisent entièrement les eaux au moyen des vis égyptiennes qu'Archimède de Syracuse inventa pendant son voyage en Égypte» . Strabon, XVII, 807: «[dans le delta] l'eau est montée de la rive par des roues et des vis et cent cinquante prisonniers sont employés à ce travail». 819 : citées en Égypte pour l'irrigation. III C, 147 (rapporté de Posidonios) : cité dans les mines de Turdetanie. Vitruve, X, VI, 1-4; V, 12,5 : description de sa construction. Select. papyri, II, n° 406 : pour l'alimentation en eau de la ville d'Arsinoé, pour monter l'eau du canal. Vestige en bois, mines de Sotiel en Espagne. Iconographie: peinture murale de Pompéi, maison de l'Éphèbe, l, 7, 10. Relief de terre cuite romano-byzantin. Ethnologie: encore commun en Égypte.
Figure 34. - Vis d'Archimède en fonction en Ëgypte.
PROGRÈS OU BLOCAGE DES TECHNIQUES AGRAIRES DANS LE MONDE GREC?
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L'invention de la vis, KOXÀias, KOXÀLOV, a été attribuée à Archytas, à Archimède et à Apollonios de Perge, soit à la fin du IVe siècle ou au me av. J .-C. 33. Nos textes les plus anciens concernent en fait la vis d'Archimède, machine à monter l'eau, employée dans les mines et le delta, et les navires. Elle est illustrée sur une peinture de Pompéi et par une statuette. On en a encore des exemples, à l'époque· contemporaine, en Égypte. Selon Diodore, elle aurait été inventée par Archimède pendant son voyage en Égypte 34; nous sommes donc au milieu du Ille siècle av. J .-C. Cependant, l'application au pressoir suppose d'autres aménagements : construction de l'écrou, jeu de l'écrou dans l'arbre, bâti du pressoir pour résister à l'arrachement. On notera que les usages de la vis en dehors de la machine à monter l'eau et des presses sont presque inexistants à travers l'Antiquité et le Moyen Age. Elle n'est pas employée en charpenterie, et il faut attendre le xrxe siècle et la fabrication en métal pour la voir remplacer les clous; tout au plus quelques appareils de levage, à l'image de ceux de Héron, avaient été tentés. Par contre, son usage dans la presse, à vin, huile, foulon, pour les apothicaires, explique la facilité avec laquelle on l'adapta plus tard à la presse à imprimer. La fabrication de la vis pour la machine à pomper l'eau est différente de celle de la vis destinée à s'insérer dans l'écrou. Vitruve nous décrit la première, Héron la seconde. Le soin apporté à ces descriptions par des auteurs du 1er siècle témoigne de la nouveauté des instruments, pour le monde savant tout au moins. Il n'est pas impossible que l'écrou soit apparu d'abord dans la vie quotidienne sous forme de couvercle, car on trouve une boîte à vis en Sicile. On voit touteJois par le texte d'Héron (Mécaniques, 15, 3) qu'il y eut des tâtonnements avant de l'appliquer à une machine. Nous avons proposé avec J. L. Paillet une restitution de la vis et de l'écrou du pressoir à vis et à arbre, d'après le texte et les mesures observées sur un pressoir au Portugal. On sait que le système de Héron place l'écrou sur la pierre. Ce n'est qu'au xe siècle que l'on voit les premiers exemples d'écrous placés sur l'arbre. Cette amélioration date, pensons-nous, du me siècle ap. J .-C. et explique la grande diffusion des pierres de pressoir de ce type à cette période. Mais il avait fallu alors résoudre plusieurs autres problèmes: l'angle de la vis avec l'arbre devait être maintenu à 90° ; l'écrou devait donc avoir de la souplesse. Les siècles suivants ont fourni des solutions très variées à ce problème, par l'ancrage dans l'arbre et dans la pierre 3S (planche 41). Dans le cas des pressoirs à vis directe, les problèmes sont différents. L'homme contrôle toujours la pression, à la différence des pressoirs à arbre pour lesquels, arrivé au point désiré, il laisse l'appareil fonctionner par son seul poids. Il faut donc calculer cette pression de manière à ne pas faire sauter la machine. D'où l'intérêt des pressoirs troglodytes, insérés dans une paroi, le fait aussi que les pressoirs à vis restèrent longtemps petits et transportables. On voit donc, avec les machines à presser l'huile, se déployer des forces d'innovations locales, prudentes - lorsqu'un problème est résolu, on tend à s'y tenir - et qui répondent à des demandes elles aussi locales, tenant compte des matériaux disponibles - pierre, bois - et d'un savoir oral qui tend à améliorer les types mais qui s'est montré particulièrement ouvert et réceptif. C'est en effet au cours des deux premiers siècles avant notre ère que l'on voit apparaître, venant de l'Orient grec, les pressoirs à arbre et vis et à vis directe. C'est au ne siècle a,v. J .-C. que se répand, venant d'Italie, le pressoir à treuil de type catonien. Enfin, c'est essentiellement sous le Haut-Empire que se diffusent, surtout dans l'Occident méditerranéen, les pressoirs à treuil et contrepoids. Ainsi sont mises en place toutes les lignées de pressoirs méditerranéens. Les siècles suivants y apporteront des aménagements, des améliorations, mais n'en changeront pas les principes. 33. Voir sur ce point la communication de A.G. DRACHMANN au VIlle Congrès International d'Histoire des Sciences (1956). TI conclut sur la paternité d'Archimède, vol. III, 940-943. 34. Diodore, 1, XXXIV, 2; V, XXXVII; Strabon, XVII, 807-819; Athénée, V, 43; Vitruve, 5,12,5; Papyrus P. London 1177; relief en terre-cuite, ROSTOVZEFF (1941), 2 pl. LIlI, S, peinture de Pompéi, maison de l'Éphèbe, l, 7, 10; A. MAIURI (1938). Voir maintenant r.r. OLENSON (1984). 35. M.C. AMOURETTI, G. COMET, a. NEY, LL. PAILLET (1984), pour l'étude détaillée et thématique des pressoirs l arbre et à vis.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
Innovations de prestige, destinées à l'élite? Non. Ce sont des machines plus performantes pour une demande, l'huile, qui s'est considérablement accrue. Mais l'on ne saurait trop insister, elles ne sont pas standardisées, elles ne se diffusent pas' à partir de Rome. Les types sont régionaux et n'éliminent absolument pas les systèmes peu coûteux qui restent en place dans bien des endroits et dont nous avons montré ci-dessus la persistance. Ainsi pour ces deux produits indispensables -le pain et l'huile - l'Antiquité n'a cessé d'améliorer ses méthodes de fabrication. Loin de se contenter des automates qui charmaient ses élites, elle a, mais discrètement, témoigné, par ses charpentiers et ses carriers, d'une inventivité étonnante. A Alexandrie, au 1er siècle de notre ère, ces témoignages servent même de base à la réflexion théorique de Héron d'Alexandrie. Cependant on voit bien que la période cruciale IIIqer siècle av. J.-C. a été préparée par les avancées antérieureS. Sans meules rotatives, pas de moulin à eau; les améliorations du broyeur à huile avec la meule verticale appellent des pressoirs plus performants. Treuil et poulies préparent les améliorations des pressoirs à levier. Les innovations demandent parfois plusieurs siècles pour les mises au point définitives, mais la chronologie n'est tout de même pas innocente. Les conquêtes d'Alexandre, puis la conquête romaine ont eu deux effets cumulatifs qui ont favorisé la diffusion de l'innovation: la mise en contact de peuples différents, une demande urbaine en farine comme en huile, plus grande. Dirons-nous que la vulgârisation scientifique de cette époque a aidé à cette diffusion? Au fond, pour les domaines qui nous occupent ici, nous n'en sommes pas sûre. Il n'y a pas lieu de s'étonner que la description du moulin à eau par Vitruve n'ait pas' entraîné une diffusion rapide de ce système. Ce n'est probablement pas par le monde des savants que ces machines se sont propagées; on peut le regretter; il faut en tout cas se réjouir pour la documentation des historiens que certains savants antiques s'y soient intéressés, même si l'on a eu tendance à les traiter de vulgaires mécaniciens. Cependant, cette présentation un peu provocatrice des choses ne peut faire l'économie complète de la figure d'Archimède qui semble bien, contrairement à la vision anecdotique'donnéepar Plutarque, avoir participé à ce vaste mouvement d'innovation pratique. Par contre, Vitruve ou Héron observent mais n'innovent pas euxmêmes. Vitruve participe même plutôt de la mentalité traditionnelle et conservatrice des élites 36. Reste un dernier 'point : inventions grecques, de l'Orient grec? d'Archimède et de la Sicile grecque? Ces termes, on le sent, sont trop vagues. On voit bien que certaines inventions - le pressoir à vis, le moulin à eau - viennent de la Méditerranée orientale. D'autres - le moulin à sang - d'Italie; d'autres encore, comme la meule rotative manuelle, se laissent plus difficilement donner une patrie. précise. Indéniablement les engrenages, les machines à eau se développent dans l'ancien empire perse, Iran, Syrie, Égypte. Carthage a joué un rôle beaucoup moins négatif qu'on n'a pu l'écrire. Le monde grec, lui, a été l'inventeur de la meule à trémie d'Olynthe à laquelle il s'est tenu longtemps, de la poulie, probablement de la meule verticale du broyeur à olive, et a su appliquer le treuil à ses machines. Dans les domaines qui nous concernent, on ne le voit jouer ni le rôle d'inventeur majoritaire, ni celui de routinier conservateur que les uns ou les autres.voudraient lui attribuer 37. Mais l'étude de l'évolution technique des moyens de transformation et de leur diffusion le rend plus solidaire des pays de la Méditerranée orientale que de ceux de la Méditerranée occidentale, et ceci nous a été confirmé dans le domaine de l'alimentation. La constitution de l'Empire byzantin s'appuie ainsi sans doute sur une communauté de traditions techniques qui confortent la communauté de langue et de religion qui font sa relative cohésion. ' 36. P. GROS (1982), p. 660 sq. 37. Voir en dernier lieu la contribution de F. SlGAUT au VIlle Congrès d'histoire économique de Budapest (1982). La place de la Grèce y est surévaluée, la liaison entre progrès de la mouture et esclavage est inversée; c'est le second qui est responsable de l'innovation: ~ Ce serait en Grèce que l'on verrait pour la première fois des hommes intervenir régulièrement dans le travail de la mouture des grains»; repris dans sa communication au Colloque sur Histoire des techniques et sources documentaires (1985), p. 199-200. Ceci est manifestement fâux : l'Égypte antique connaît pour le palais du pharaon des esclaves masculins pour mouture et boulangerie. Mais ces théories ont le mérite de sortir les spécialistes de leurs habitudes et de leur rappeler qu'ils doivent fournir des matériaux plus explicites à la réflexion des théoriciens.
PROGRÈS OU BWCAGE DES TECHNIQUES AGRAIRES DANS LE MONDE GREC?
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Plus qu'une interrogation sur le blocage des techniques, qui nous semble stérile et scientifiquement peu fondée, des études régionales sur la diffusion des-innovations restent à entreprendre. En prolongeant l'enquête sur les moulins dans l'Antiquité, dont M. Bloch avait posé les bases, nous avons acquis l'assurance que d'autres témoignages pourraient apparaître. Encore faut-il que les antiquistes, et en particulier les archéologues, retrouvent la conviction que ce pan de l'histoire n'est pas «bloqué »,
CONCLUSION
Ainsi nous avons vu, au cours de cette étude, s'esquisser l'originalité du monde égéen, mais aussi ses limites dans le cadre de la période envisagée. Le monde grec connaît-il réellement un «système technique» spécifique? Les termes mêmes de «système technique», employés par B. Gille, restent ambigus, et les anthropologues s'interrogent sur leur définition exacte. Nous l'envisageons dans son acception la plus concrète: l'ensemble des opérations productives régulièrement exécutées par lesmembres d'une société, ensemble qui est organisé en réseau. Nous avons cherché à éclairer deux de ces réseaux : celui qui conduit de la culture des céréales à leur transformation et celui qui mène l'olivier de sa plantation à la consommation des olives et de l'huile. La période que nous avons abordée possède-t-elle dans ces domaines une spécificité technique? Nous nous sommes efforcée, tout au long de l'étude proprement technique des procédés de culture et de l'outillage, de replacer ce milieu égéen dans le monde méditerranéen et d'en évoquer les contraintes, c'est-à-dire de mettre en valeur ce qui n'est pas spécifique à la Grèce antique dans le maintien de certains procédés et l'attachement à ceux-ci: il ne faudrait pas parler de spécificité du monde grec antique lorsqu'il s'agit de conditions qui ont concerné la Méditerranée sur plusieurs siècles! On conçoit bien que ces conditions ne sont pas prises comme un déterminisme géographique simple mais comme l'interaction entre des contraintes de sol et de climat, plus rigoureuses qu'on ne le dit, et des formes d'exploitation de type familial qui se sont pérennisées à travers des contextes historiques différents, enfin une adaptation de l'homme à son outil par les gestes du corps, qui constitue une donnée impérative et conservatrice par excellence. • Certes, il a fallu insister d'abord sur les contraintes permanentes, climatiques essentiellement, mais aussi les demandes de la plante elle-même. La cartographie des mois secs, moins connue que celle des pluies, permet par exemple d'affiner la délimitation des domaines privilégiés de l'olivier. Dans l'analyse des espèces, la place prépondérante de l'orge dans le monde égéen trace déjà les contours d'un domaine alimentaire original. Nous avons isolé ensuite techniques de culture et corpus de l'outillage. L'analyse comparatiste permet d'éclairer nombre de points. Dans ce temps long, les innovations existent mais ne constituent pas de révolutions. C'est l'apparition de la ôiK€ÀÀa, houe à deux dents, probablement à partir de l'âge du fer, qui devient l'outil manuel par excellence du monde égéen; puis la lente diffusion de la bêche, connue d'abord en Thessalie, qui n'est vraiment adoptée qu'à l'époque byzantine, certaines îles restant réfractaires. Nous voyons la planche à dépiquer apparaître dès le me siècle, devenir un outil familial et non un outil pour les grandes propriétés; par contre, la herse, plus tardive, reste marginale. Ainsi la période grecque s'insère dans ce rythme lent de l'histoire méditerranéenne de l'outillage, dominée par des impératifs fort différents de ceux de l'Europe du nord. En revanche, sa marque est historiquement forte dans les méthodes de culture proprement dites. Indéniablement, nous avons, face à la Mésopotamie, l'Egypte et l'Iran qui cherchent à maîtriser l'eau et l'irrigation, des techniques originales en culture sèche, associant céréales et légumes et conservant une diversité de céréales avec l'orge et le blé nu, mais aussi le millet. L'arboriculture a mis au point les principales techniques dont hériteront les Romains, en particulier pour l'olivier, et lentement on commence à les théoriser.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
En étudiant les processus de transformation, la méthode comparatiste aura été plus utile encore, On a pris le parti d'isoler quelques exemples -l'alimentation en Tunisie et Israël, un pressoir au Portugal -, toute présentation exhaustive étant évidemment impossible. Ces exemples ont permis d'éclaire! certains points importants: ainsi la fabrication de la maza à base d'orge, qui reste un des «pains quotidiens» de cette époque. Il faudra en tenir compte: on ne doit pas inférer de l'évolution alimentaire de l'Italie, à base de blé, à celle de la Grèce : il faut aussi comptabiliser la production locale de l'orge comme consommation alimentaire lorsque l'on entreprend des calculs de population à partir des données d'importation. Nous avons voulu montrer enfin l'importance des usages et de la consommation de l'huile, qui explique l'avance technologique régulière dans ce domaine. Les premiers tâtonnements qui conduiront au trapetum et à la meule, comme l'introduction de la poulie et du treuil, préparent les innovations de l'époque romaine, tandis que se diversifient les pressoirs à levier que l'Antiquité lèguera au monde moderne avant l'innovation capitale de la presse à, vis. Cependant, ces procédés ne font pas disparaître toute une série de méthodes de fabrication de l'huile sans moulin dont nous avons pu voir l'importance et la variété . • Si les hommes et les techniques occupent notre troisième partie, c'est que ces deux éléments nous ont semblé indissociables. De notre point de vue, le problème de la main-d'œuvre agricole se comprend différemment, une fois rappelés les impératifs techniques, et la vision que l'on projette d'une crise agraire grecque au Ive siècle av. J.-C. doit être nuancée en tenant compte de l'évolution et de la diversité même de cette main-d'œuvre. Plus encore la naissance de l'agronomie grecque méritait d'être envisagée avec ces nouvelles données; et, par contrecoup, nous avons été amenée à revoir le rôle qu'y tenaient Xénophon et Théophraste, sources littéraires fondamentales de ce travail, avec les auteurs de la collection hippocratique qui tiennent une place importante dans l'étude des données alimentaires.
C'est cette approche différenciée qui nous a conduite, dès la rédaction des premiers chapitres, à nous interroger sur la vision traditionnelle de l'histoire des techniques grecques. Cette indifférence que l'on a parfois reprochée aux archéologues vient en grande partie des historiens. Dès lors que l'on est persuadé que les techniques antiques sont «bloquées», ne progressant plus·, suivant l'expression consacrée en France, et que l'on cherche les causés de ce blocage en se désintéressant de ces techniques ellesmêmes, les questions posées aux archéologues risquent d'être peu nombreuses. Toutes nos recherches nous ont conduite à refuser l'idée même de blocage qui ne repose que sur quelques exemples isolés. Mais nous nous sommes rendu compte que cette notion apparaissait en France comme une telle évidence - il faut l'avouer, nous l'avions acceptée nous-même d'emblée au départ - qu'il a semblé utile d'en faire l'historiographie récente. L'illustration dans la thèse joue ici un rôle corollaire. En histoire des techniques, le problème des restitutions est important et finalement mal résolu. Il faut en effet clairement distinguer ce qui représente dans la restitution archéologique la part assurée sur des documents mesurables, et la part hypothétique élaborée par comparaison. Nous avons intégré quelques restitutions de type archéologique avec l'aide de M. Borély sur le broyeur alternatif; ainsi que celle du pressoir d'Héron que nous avons élaborée après de longues discussions avec J. L. Paillet. Il s'agit bien de restitutions effectuées à partir de documents mesurables. Mais ce type de dessin est souvent mis dans les histoires des techniques sur le même plan que des croquis, proposés à partir d'un texte ou d'une iconographie. Ces croquis donnés par les auteurs avec prudence sont ensuite repris comme des certitudes et servent de base à des théories : ainsi des deux pressoirs de Pline par exemple. Nous nous sommes efforcée de garder un caractère historiographique à certaines des illustrations pour que l'on puisse disposer des documents d'origine sur lesquels reposent de nombreux schémas. En vérité, ce détour par l'historiographie - qui n'a rien d'exhaustif - vise aussi à faire percevoir au lecteur français combien son approche des problèmes de la naissance et de la diffusion de l'innovation est déjà conditionnée par une présentation antérieure. Or c'est avec une grande modestie que nous devons accepter de revoir cette évolution technique. L'apport
CONCLUSION
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des ethnologues dans la tradition d'A. Leroi-Gourhan doit ici se conjuguer avec l'étude rigoureuse des traités scientifiques anciens, et la compatibilité des deux sources n'est pas forcément immédiate. Là réside pourtant une des originalités du système technique grec. Les méthodes qui nous semblent techniquement les plus simples ne le sont pas forcément, l'explication donnée à des usages qui nous paraissent procéder d'une mentalité préscientifique peut coexister avec un savoir technique dont l'efficacité est réelle. Lorsque Xénophon affirme que la jachère doit être retournée pour être «rôtie au soleil», il renvoie à tout un système de valeurs qui ne repose pas sur un savoir scientifique. Mais le fait technique - la multiplication des labours de jachère augmente la productivité - est, lui, bien réel. Et pour pouvoir multiplier ces labours, Xénophon préconise une bonne gestion de sa main-d'œuvre servile, ce qui est parfaitement rationnel. Nous avons donc ici la coexistence de trois «savoirs» concernant l'agronomie, qui peuvent paraître contradictoires. Mais c'est cette coexistence même qui fait l'originalité d'une société. Et c'est par les savoirs techniques et les modes de vie réels qu'un homme participe aussi plus ou moins fortement à un groupe social. Les traditions dites «culturelles» reposent souvent sur une gestuelle quotidienne, sans laquelle elles ne se maintiennent pas. Une des caractéristiques du monde grec souvent sous-estimée, qui dépasse évidemment les deux domaines envisagés ici, est justement la coexistence de plusieurs types de connaissances techniques. Cette diversité reflète plusieurs niveaux d'utilisation dont la complexité et l'interaction donnent son caractère propre à la société, et qui peuvent paraître à première vue contradictoires: ... opposition entre une agronomie théorique et une agronomie pratique, ... 'opposition entre une culture extensive avec jachère longue, et une culture intensive avec légumineuses, nombreux labours et sarclage; ... Mais aussi entre une arboriculture soignée, utilisant pour les plantations irrigation et entretien, et celle qui laisse l'arbre à de .seules tailles occasionnelles; ... Enfin, opposition entre une consommation des produits de Yoikos et une consommation de denrées achetées à la ville. Ces différentes oppositions ne recoupent toutefois pas forcément les mêmes usages. Une agriculture intensive peut être pratiquée par le petit exploitant qui y occupe toute sa-force de travail et celle de ses esclaves, par des dépendants qui en tirent leurs revenus comme l'alimentation des citoyens, par des propriétaires qui cherchent à obtenir un surplus commercialisable, les fluctuations des prix entraînant des conséquences fort différentes pour les uns ou les autres. Mais une agriculture plus économe en bras sera aussi bien le fait de propriétaires aisés, qui utilisent leurs esclaves à d'autres types de mise en valeur, que de petits exploitants dont l'absence, due aux aléas de la guerre, limite la main-d'œuvre disponible. La consommation familiale est souvent le fait des propriétaires aisés qui conservent le surplus disponible et font faire pain et maza à la maison; cependant Périclès nous donne, le premier semble-t-il, l'exemple d'Une gestion où l'ensemble de la récolte est vendu, le produit servant aux achats alimentaires, gestion critiquée par sa famille. Acheter le pain et la farine d'orge et faire la maza à la maison est devenu au Ive siècle la coutume la plus générale à Athènes, celle que consacre la Constitution des Athéniens; manger collectivement le repas à base de farine d'orge est la règle à Sparte, mais les homoioi les plus aisés se font faire du pain à la maison. Les cités interviennent dans ces relais intercroisés. L'objectif normal de toute cité grecque est de vouloir nourrir ses citoyens, groupe. d'hommes adultes, et en fonction de ceux-ci les autres groupes, femmes, jeunes gens, étrangers, non-libres de son territoire. Citoyenneté et possession du sol étant liées, le jeu normal, comme à Sparte, devrait être l'autarcie : le sol de la cité nourrit ses citoyens qui
la défendent. Mais, même à Sparte, ce jeu ne fonctionne jamais complètement. En effet, d'abord la cité impose d'autres dépenses, essentiellement religieuses, dans le domaine tant de la construction que des fêtes, mais aussi utilitaires. Bien commun, ces manifestations sont en partie financées par les citoyens. La ponction opérée sur la production pour ces deux dépenses est cependant faible, directement, et le surplus exigé médiocre. La cité cherche en effet à se procurer à l'extérieur de tels revenus:
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par la guerre et la pression sur d'autres.cités. De ce point de vue, la Ligue de Corinthe en 337 aura pour résultat que les cités, ne pouvant trouver au dehors des ressources financières et devant d'autre part alimenter désormais une part du tribut à Alexandre puis à ses successeurs, seront amenées à chercher des financements extérieurs pour les dépenses de construction, mais aussi à se préoccuper beaucoup plus soigneusement de l'approvisionnement : notre travail appelle prolongement pour cette période hellénistique dont le contexte est différent. Si, indéniablement, la circulation des céréales, comme de l'huile, a permis dans un commerce international l'enrichissement de producteurs parfois, d'intermédiaires souvent, la circulation locale comme l'autoconsommation, quelle que soit la diversité des régimes, sont fondamentales. C'est pourquoi d'ailleurs le système est fragile, reposant sur des exploitations de petite et moyenne dimension, et sur le nombre de bras dont elles peuvent disposer. Cette précarité n'a pas empêché les progrès et les innovations tant dans le domaine de la réflexion agronomique que dans celui des méthodes de transformation. Un certain nombre de procédés anciens restaient plus performants par rapport à la demande : coût plus bas, gestes adaptés. Cette lenteur des transformations semble en contradiction avec les progrès scientifiques et la maîtrise de l'expression écrite que nous transmettent les textes. Dans les progrès mécaniques des moyens de mouture et de pression, tâtonnements et mises au point ont été lents. Ils se sont transmis par;le savoir oral de la culture traditionnelle. Or celle-ci, contrairement à ce que l'on affirme, disparaît très vite dès que le contexte technologique change; A. Sordinas en a fait l'expérience à Corfou en enquêtant sur des moulins encore en usage une génération avant celle de ses interviewés; la plupart des souvenirs étaient oubliés, seuls restaient quelques gestes, le dessin même de l'objet ne pouvait être retransmis. Le savoir-faire technique est avant tout gestuel, il fait partie de toute l'expérience corporelle, il s'appuie sur toute une série de gestes codifiés: le moulinier que J. L. Paillet a interviewé au Portugal construisait sa vis sans croquis et sans calculs, sans manuels. Savoir complexe, inventif, prudent, qui domine son matériau mais non l'usage ultime que la société lui attribue. Plus souvent qu'on ne le pense, ce savoir s'est transmis à côté sinon en dehors du monde savant, et on lui doit bien des innovations. Il constitue une donnée fondamentale de la culture de chaque société. Le négliger c'est d'ailleurs se priver d'une source historique importante: nous aurions, pour les périodes s'étendant du IVe au 1er siècle av. J.-C., des témoignages inestimables sur la chronologie mais aussi sur certaines frontières si nous pouvions disposer de séries archéologiques rigoureuses sur les instruments de mouture et les pressoirs à huile, car cette période constitue techniquement une charnière. En même temps, le maintien sur le temps long de méthodes de consommation et de techniques agraires traditionnelles dessine les contours de domaines culturels parfois difficiles à entrevoir autrement. De telles entreprises ne sont pas à la portée d'un chercheur isolé; nous avons voulu montrer, pour une période précise, la diversité et la richesse de ces possibilités. Nous avons bien conscience que cette entreprise était risquée, faute d'une documentation archéologique suffisante. Mais cette documentation, nous en sommes persuadée, pourrait largement être affinée et étendue. SiIa méthode comparatiste a permis d'opérer un premier défrichement, beaucoup de soins sont encore à fournir pour mener le plant à son terme, et notre modeste but aura été d'abord d'en convaincre le maximum de chercheurs.
TESTIMONIA
SOURCES LITTeRAIRES
Les auteurs anciens sont cités dans le texte et la traduction de la Collection des Universités de France, édition Les Belles Lettres. Lorsqu'un changement a été apporté à la traduction, il est signalé. Pour les auteurs non encore publiés dans cette collection, le texte grec ou latin est celui des éditions suivantes: • Athénée de Naucratis : (CUF : livres 1 et II seulement): The Deipnosophistes, traduction anglaise C.B. GULICK (Londres-Cambridge Mass., Harvard University Press, The Loeb Classical Library), tomes 1 à 7. Index. • Collection hippocratique : (CUF : Du Régime, De la génération, De la nature de l'enfant, Du fœtus, Des lieux dans l'homme, Du système des glandes, Des fistules, Des hémorroïdes, De la vision des chairs, De la dentition, Du régime des maladies aiguës, Appendice, De l'aliment, De- l'usage des liquides, Des maladies II [1 et 2]). Les abréviations utilisées ici sont celles du dictionnaire grec d'A. BAILLLY. Hippocrates opera omnia, œuvres complètes, traduction nouvelle avec le texte en regard, accompagné d'une introduction, suivi d'une table générale des matières, par E. LIITRf (Amsterdam, 10 tomes, 1840-1862). Index en français seulement.
• Columelle: (CUF : livre XII seulement). Les Agronomes latins, Caton, Varron, Columelle, Palladius, avec la traduction en français, publiés sous la direction de M. NISARD (Paris, 1851). • Géoponiques : Gëoponica, siue Cartiani Bassi Scholastici, De Re Rustica Ec1ogae, Recensuit H. BECK (Lipsiae, 1895, Teubner).
• Héron d'Alexandrie : Mécaniques (texte arabe et traduction allemande). Heron A lexandrinu s, opera quae supersunt omnia. Editeront W. SCHMIDT, L. NIX, H. SCHOENE, J. L. HEIBERG (Stuttgart, 1903), tome 2. Teubner, Les Mécaniques ou l'élévateur d'Héron d'Alexandrie, publiées pour la première fois sur la version arabe de Costa Ibn Lüga et traduits en français par M. le baron Cavra de Vaux in Journal asiatique, vol. 9, 1-2, 1893; vol. l , p. 386· 472 ; vol. 2, p. 152-269.420-514.
Traduction anglaise de plusieurs textes et restitution de certains croquis des manuscrits arabes in A.G. DRACHMANN, The Mechanical Technology of Greek and Roman Antiquity (Copenhague, 1963). • Théophraste: Theophrastus Enquiry into Plants and Minor Works on Odours and Weather Signs, traduction anglaise par Sir A. HORT, tomes 1 et II. Index grec des plantes (Londres-Cambridge Mass., Harvard University Press, The Loeb Classical Library), 4e édition, 1968 et 1977. De Causis plantarum, traduction anglaise B. EINARDSON et G.K.R. LINK (Londres-Cambridge Mass., Harvard Uni. versity Press, The Loeb Classical Library, 1976), tomes 1 et II seulement. eEO
CHRONOLOGIE DES SOURCES TEXTUELLES ANTIQUES
La datation de certains textes restant parfois en discussion parmi les spécialistes, nous indiquons les dates adoptées ici pour les auteurs des textes cités dans le corps de l'ouvrage ou les Testimonia; elles ne sont pas sans conséquences parfois sur la vision personnelle que nous avons donnée de l'évolution de la pensée agronomique ou de l'apparition des innovations. Les auteurs qui ont fourni une œuvre qui nous paraît relever de la littérature à caractère technique (agronomie, médecine, mécanique ...) sont indiqués d'un astérisque.
*
* * * *
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IX-YIIIe s. av. J.-C. Homère Hésiode fin du vnre-dëbur du vue s. av. J.-C. Archiloque première moitié du YU e av. J.C. Pindare 518-vers 438 av. J.-c. Eschyle 525-455 av. J.-c. Sophocle 499-406-5 av. J.-C. Hérodote vers 484-vers 425 av. J .·C. Cratinos vers 484-vers 418 av. J.-C. Démocrite d'Abdère milieu du ve-dëbut du rve av. J .-C. Thucydide vers 460-début du Iye s. aV.J.-C. Euripide vers 480-406 av. J.-C. Hippocrate de Cos vers 460-vers 390 av. J .-C. Aristophane vers 445-vers 386 av. J.-C. Traités hippocratiques, comme Du Régime, Du Régime des maladies aiguës, Epidemies 1 et III, fin ye s. av. J .-C. Platon 428-347 av. J.-C. Xénophon 428-vers 355 av. J.-c. Dinarque milieu ive s. av. J.-C. Antiphane vers 406-vers 330 av. J.-C. Démosthène 384-322 av. J.-C. Aristote 384-322 av. J .·C. Traités hippocratiques, comme Le Traité des humeurs, Épidémies V, VII, première moitié du ive S. av. J.-C. Ménandre vers 342·vers 392 av. J .-C. Alexis vers 372-vers 296 av. J.-C. Théophraste 372-296 av. J.-C.
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TESTIMüNIA
Période hellénistique
tic
Théocrite Callimaque Apollonios de Rhodes Hérondas Nicandre de Colophon Archimède
Période romaine Diodore Strabon
*
vers 90-vers30 av. J.-c. vers 60 av. J.-C.-25 ap. J.-C.
vers 254-184 av. J.-c. 234-149 av. J.-C. 116-26 av. J.-C.
Empire Virgile
Héron d'Alexandrie Plutarque Pausanias Galien Pollux Diogène Laërce Athénée
vers 50-vers 120 ap. J.-C. [er s. ap. J .-C. 48-50-120 ap. J.-c. 160-190 ap. r.c. 131·200 ap. J.-C. Ile s. ap. J.-c. première moitié du Ille s. ap. J .-c. début du Ille s. ap. J -C.
* *
Columelle Pline l'Ancien Apulée
Edit de Dioclétien bilingue
* Palladius Hésychius
ve S. ap. J.-C.
Période byzantine
*
Auteurs latins
* Vitruve
* Dioscoride *
première moitié du me s. av. J .-c. vers 31O-vers 235 av. J .-C. vers 295-vers 215 av. J.-C. milieu du me s. av. J.-C. fin du Ille s. av. J -C. République 287-212 av. J.-c. * Plaute * Caton * Varron
Photius
IX e s. ap. J.-c.
La Souda Gëoponiques
xe s. ap. J .-C. xe S. ap. J.-C.
70-19 av. J .-C. ? - 26 ap. J.-C. 1er s. ap. J.-C. 23-24-79 ap. J .-c. vers 124-vers 190 ap. J .-C.
301 IVe s. ap. J.-c.
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
1. Théophraste, Histoire des plantes. 1.1.
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D'une part les différentes classes varient entre elles mais aussi entre les plantes de la même classe il y a des variation! du fait que leurs propres éléments diffèrent entre eux. Parmi les céréales le blé comparé à l'orge a une feuille plus étroite une tige plus lisse, sa tige s'attache plus fortement et est plus difficile à écraser. Parmi les semences de blé il Yen a qui ont plusieurs enveloppes, celle de l'orge est nue. L'orge en effet a une semence particulièrement nue, tandis que l'engrain et l'amidonnier et les plantes identiques ont plusieurs enveloppes et cela peut être dit aussi de l'avoine. (HP., VIII, 4, 1,2;
1.2.
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C'est assez parlé des autres plantes herbacées, Nous devons maintenant parler des céréales et des grains de même nature de la manière dont nous l'avons fait pour les autres. Il y en a deux classes principales. D'une part les céréales telles que le blé, l'orge, l'engrain, l'amidonnier et les autres qui ressemblent au blé et à l'orge. D'autre part les légumineuses à gousse comme la fève, le pois chiche, le pois et en général celles auxquelles on donne le nom de légumineuses. Il existe en . outre une troisième classe qui comprend le millet, le panic, le sésame, et en général les plantes qu'on sème en été et pour lesquelles manque une désignation commune. Il y a pour toutes ces plantes un mode de propagation général. Elles poussent à partir du grain de semence, rarement et dans peu de cas à partir des racines. Il y a deux époques de semailles pour la plupart d'entre elles. La première et la plus importante se situe vers le coucher des Pléiades, règle que nous trouvons chez Hésiode et presque tout le monde. C'est pourquoi quelques-uns appellent cette époque le temps des semailles. (HP., VIII, I, 1-2)
1.3. Les Causes des Plantes Twv oe Ti/C; EMac; aü TWV p.vppivwv K.ai oÀwc; ôoa \pueTaL p.et~w 1TtiV7WV anoorévooo: Tàc; Top.o.c; 01TWC; p.i/O'l1Àwc; p.i/O' üowp Àâjj1J' K.ivovvoc; "(o.p voai/aaL pa"(ev. TIeptaÀet\povaL Bè oi uè» 1T1/Àdv J1ovov oi O€ aKiÀÀav Ù1TonO€V7ec; dT' avwOev 10V 1TT/Àdv E1Ti TOUTe.:.> 013 10 ôorpasov- OOK.eL "(dp il uèv aK.iÀÀa XÀwpov 1Tap€X€LV 0 OE 1TT/Àdc; EK.€iIl1/V TT/pêLV TO o'OaTpaK.OV TOV 1T1/À6v.
Pour les plants de l'olivier et des myrtes, et de tout ce qui pousse et atteint un grand développement, on enduit les plaies afin que ni le soleil ni l'eau ne les attaquent. Il y a danger que, le plant ayant été coupé, la maladie ne l'atteigne. Les uns enduisent seulement de boue, les autres mettent d'abord au-dessous l'oignon, ensuite au-dessus la boue et pardessus la poterie. Il semble en effet que l'oignon le maintient plein de sève, que la boue protège l'oignon et que la poterie protège la boue. (CP., III, V, 5)
TESTIMONIA
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2. Homère 2.1.
Wl; 5' OrE /Wl11a'l1 Zél/JUPOl; (3aOr) Mwv €ÀOwv, Àd(3POl; €rraL'Yitwv, èni r' 'i/IlVEL àaraXl.΀aaLV, Wl; rwv ttiio' a'YoPTt KLV7'!OT/,
... de même encore que Zéphyr s'en vient secouer la haute moisson et sous son vol puissant fait ployer les épis, de même est secouée toute l'assemblée. ai, Il, 147·149)
2.2.
(JÛVE 'Yàp âllrrE6iov rrorall.<.iJ rrM(JovTL €OLKWl; XELlJ.app~, ik t' wKa p€WV €K€5aaaE 'YE(jJvpal;' rov 5' oirr' lip re 'Y€l/JupaL €EP'YIl€VaL ia:x.C1JIdwaLV, ovr'lipa ËpKEa taXEL aÀwéJ.wv EpLfJriÀ€wv €ÀOovr' E~arriVT/l;, or' E1fL(3piU1] ~LOl; 01l(3POl;' 1WÀÀà 5' ùrr' aùroû ep'Ya KaritpLrrE KaÀ' aitT/wv, Wl; ùrro Tu5EUiU rrUK iual KÀOV€Ovro (jJaÀa'Y'YEl; Tpwwv, oùô' tipa IlLV uiuio» rroÀ€El; neo EOvrEl;",
... Il va, furieux, par la plaine, pareil au fleuve débordé, grossi des pluies d'orage, dont les eaux ont tôt fait de renverser toute levée de terre. Les levées formant digue ne l'arrêtent pas plus que les clôtures des vergers florissants, quand il arrive tout à coup, aux jours où la pluie de Zeus s'abat lourdement sur la terre. Partout, sous lui, s'écroule le bon travail des gars. Ainsi sont bousculés, sous le choc du fils de Tydée, les bataillons compacts des Troyens, et, pour nombreux qu'ils soient, devant lui ils ne tiennent pas. (Il., V, 87-95)
2.3.
',Ql; 5' aVEIl0l; axval;
Comme on voit, sur les aires saintes, le vent emporter la balle du blé, les jours où vannent les hommes et où la blonde Déméter se sert du souffle vif des brises pour trier le grain de la balle : les tas de son * alors peu à peu deviennent tout blancs; de même les Achéens apparaissent le haut du corps tout blanc, sous le tourbillon de poussière qu'au milieu d'eux les pieds de leurs chevaux, en frappant le sol, soulèvent vers le ciel de bronze, cependant que la mêlée recommence et que les cochers tournent bride. * Exactement la balle et la paille brisée. (Il., V, 498.505)
2.4.
Dl 5', Wl; r' allT/rilpE(; èuaurio; aÀMÀoLULV O'YIlOV €ÀavvwaLv av5p0l; llaKapOl; Kar'a.poupav rrupwv il KpL(}WIJ. ra 5è 5pà'Yllara raoeéa ni rrrEL' Wl; TPWEl; xal 'Axawi èn' aÀMÀoLUL OopovrEl; 57jovv, où6' €rEpOL Ilvwovr' OÀOOLO epo(3ow. "Iocc 6' ÙallivT/ K€(/XlÀàl; eXEv, oi Bè ÀlJKOL Wl; (}ûvov' "EPLl; 6' ap exaLpE rroÀlJarovoc; etoooôcooa:
Ainsi que des moissonneurs, qui, face les uns aux autres, vont, en suivant leur ligne, à travers le champ, soit de froment ou d'orge, d'un heureux de ce monde, etfont tomber dru les javelles, ainsi Troyens et Achéens, se ruant les uns sur les autres, cherchent à se massacrer, sans qu'aucun des deux partis songe à la hideuse déroute. La mêlée tient les deux fronts en équilibre. (Il.• Xl, 67- 75)
270
2.5,
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
11, ô' DT' OVO, nao' ôpcooa» lwv è{3tr'waTo ttaiôas; vw(hi" y ôi/ rroÀÀà nepi porraÀ' àll(/Ji, èc1:yrl, «eioei T' ElaeÀ8wv {3a8v Mwv· oi TE ttaibe; TUrrTOUatV porraÀOWt· {3iT/ TE vT/rriT/ aVTWV' arrouô1j T' è~71Ààaaav, ènei T' èsooéooaro (/JOP(Yii,' W, TOr' èneir' A'iavTa Ilèyav, TEÀapWVWV uiov, TPWE, ùrrep()u}J.Ot TT/ÀEKÀEtTOi T' ènisoooo: VUaaOVTE, I;UaTOiatlleaOV adKo, atèv énouro. ôé
ôé
Souvent un âne, au bord d'un champ, tient tête à des enfants. Il est buté; on peut briser sur lui bâton après bâton: entré dans le blé dru, c'est lui qui le moissonne. Les enfants l'accablent de coups. Puériles violences! Ils auront peine à le chasser: il se sera ,d'abord repu tout à loisir. Ainsi en est-il pour le grand Ajax, fils de Télamon, devant les bouillants Troyens et leurs illustres alliés. Ils le piquent de leurs lances en plein bouclier, tous attachés à ses pas. (Il., XI, 558-565)
2.6.
àÀÀ' W, T' à}J.(/J' OVPOWt ôu' àVÉPE ôT/ptaaa80v, uérp' èv XEpaiv ËXOVTE" èrrt~uv~ ev apoupu. T' OÀi"M èvt XWP~ epi~T/TOV neot 'iaT/"
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W, àoa TOV, ÔtÙP'Yov erraÀ~tE'· oi ô' imèo aùréco» ôuouv àÀMÀwv Ù/J.
àaniôo» EVKUKÀOU, Àata7]ta TE rrTEpOEVTa. On dirait deux hommes en dispute pour des bornes, avec des instruments de mesure en main, dans un champ mitoyen, et qui, sur un étroit terrain, luttent chacun pour son droit. De même, les deux troupes ne sont séparées que par un parapet, et eux, par-dessus, mutuellement déchirent autour de leurs poitrines leurs boucliers de cuir rond, et leurs rondaches légères. (Il., XII, 420-427)
2.7.
A'ia, ô' OVI<.l!Tt tuumau, 'OtÀi/o, TaXV, uio" iorar' àrr' A'iaVTo, TEÀallwviou 000' i/{3atov, àÀÀ' W, T' èv VEt4J {36E otvoue rrT/KTOV iiPOTPOV loov 8u}J.ov exovTE rvraiverou- Ù/J.
Pour Ajax, le rapide fils d'Oïlée, jamais il ne s'éloigne, si peu que ce soit, d'Ajax, fils de Télamon. On dirait deux bœufs, à la robe couleur de vin, qui, dans la jachère, tirent d'un même cœur la charrue* en bois d'assemblage. A la racine de leurs cornes perle une sueur abondante. Sauf le joug poli, rien ne les sépare, quand ils foncent sur la ligne du sillon et qu'ainsi la charrue* atteint le bout du champ. Les Ajax sont là, de même, rangés strictement de front. (Il., XIII, 701-709) .. L'araire.
2.8.
npWlliÔT/, uè» éttevra «arà aTi/80, {3aÀEv 10 8WPT/KO, 'YooÀov, àrro ô' ËrrTaTO rrtKpO, 6wn)ç, ô' DT' àrro rrÀaTÉo, rrTuO
'n,
w,
Le fils de Priam, de sa flèche, atteint son adversaire en pleine poitrine, juste au plastron de sa cuirasse, d'où la flèche amère aussitôt rejaillit. Ainsi, de la large pelle à vanner, sur une aire immense, sautent fèves noires ou pois chiches, dociles au vent sonore et à l'élan donné par le vanneur; ainsi, de la cuirasse du glorieux Ménélas, la flèche amère rejaillit et se perd au loin. (Il., XIII, 585-593)
TESTIMONIA
2.9.
271
wç aré
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Ô' alei neo! VéKPOV 0lliÀéO/l, uoia: aTaOIl'iJ EVt (3poJl.ewat rrépt'YÀa'Yeaç «arà rreÀÀaç WPU eVélapwij, ôte Té 'YM'YOç anéa ÔéUêt.
Sans répit ils se heurtent autour de son cadavre. Telles des mouches dans l'étable bourdonnent autour des pots remplis de lait, dans les jours de printemps où le lait emplit les vases, tels ils se heurtent autour du mort. (Il., XVI, 640-645)
2. 10.
Olov ôÈ TP€cf>et EPVOÇ àvr,p ept01/ÀÈç eÀai1/ç XWp4J ev olorroÀ4J, 0fJ' aÀtç àIla(3é(3poX€/l üôwp, KaÀov T1/ÀéOdov' ToM Té nvouii Souéooo; rravToiw.v auéua»; Kai Té (3PUét è'wOeï ÀéVK~' nOWV ô' È~arrill1/ç ôueuo: aw ÀaiÀam rroÀÀij {308pov T' e~éaTpéVJé Kai e~fT(ivvaa' èn! 'Yaiu' Toiov IlcivOov viov ÈVlllléÀi1/V Eücf>op(3ov 'ATpéïôllç MéVéÀaoç ènei KTcivé, TéUXé' eaUÀa.
On voit parfois un homme nourrir un plant d'olivier magnifique, dans un lieu solitaire, un beau plant plein de sève, arrosé d'une eau abondante, vibrant à tous les vents, qu'ils soufflent d'ici ou de là, et tout couvert de blanches fleurs. Mais un vent vient soudain en puissante rafale, qui l'arrache à la terre où plonge sa racine et l'étend surlesol. Tel apparaît le fils de Panthoos, Euphorbe à la bonne lance, que Ménélasl'Atride vient de tuer et qu'il dépouille de ses armes. (Il., XVII, 53·60)
2.11.
'nÇ ô· ôte rte ~éU~1] (36aç ôaoevo» EÙpvlléTwrrouç Tpt(3élléVat Kpi À€VKOV eVKnllév1] ev àÀwf.J, pillcf>ci Té XérrT' e'YevoVTO (3owv ùrro rroaa' eptIlUKWV, ùrr' 'AXtÀÀf/oçllé'YaOullav IlWVVXéÇ 'l.rrrrot aTêi(3ov 0IlOÜ veKvciç Té Kai àarriôaç.
wç
De même qu'on attelle des bœufs au large front pour fouler l'orge blanche dans l'aire bien construite, et que le grain bien vite se dépouille sous les pas des bœufs mugissants, de même, sous le magnanime Achille, les chevaux aux sabots massifs écrasent à la fois morts et boucliers. tIl., XX,495.500)
2.12.
'nÇ ô' th' àvilp OXéT1/'YOÇ àrro KPr/Il1/Ç lléÀavtJôpov âp. cf>vrà «ai Kr1rravç üôan pOov 11'Yé1lOVéU7]
xepo! IlciKéÀÀav EXWV, àp.d.P1/ç è~ Exp.am (3cinwv' roü Il€V Té npopéouro; Ù1r0 Vi1/cf>iôé<; ânaoai OxÀ€ÜVTat· TO ô é r' WK.a KaTét(30lléVov KéÀapU~ét XWp4J evi rrpoaÀêi, cf>OciVét Té Kai Tav a'Y0VTa' w<; aiei J\XtÀf/a KtXr/aaTo KVlla bôou: aü ÀatVJ1/pOV eovTa; ôé
Qui n'a vu un homme tracer des rigoles partant d'une source sombre, pour guider le cours de l'eau à travers plants et jardins? Un hoyau à la main, il fait sauter ce qui obstrue chaque canal. L'eau alors se précipite, roulant en masse les cailloux, et vivement s'écoule, murmurante, sur la pente du terrain, dépassant même celui qui la conduit. De même, à chaque instant, le flux atteint Achille, si prompt qu'il puisse être. (Il., XXI, 259-264)
2.13.
'n<: ô' Or' orrwptvo<: Bopé1/<: ueoapôé' aÀw71v aW àV~1/pciv'l.i· xaipét Bé IltV 0<: n<: èOel.PU· w<: è~1/pcive1/ rréôiov nàu, Kàô ô' âoa VéKPOU<: Ki/éV.
On voit, à l'arrière-saison, Borée soudain assécher un verger arrosé l'instant d'avant, pour la plus grande joie de ceux qui le cultivent. De même la plaine est toute asséchée, la feu a brûlé les cadavres. (Il., XXI, 345-349)
272
2.14.
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
wç 0' dvelJoç ~a* t/wv 017IJWVa nva~tl KaprpaXÉwv, ra IJ€V ap re Biecséôao' aXXvoLç aÀ.À.u, wç ri/ç oovpara uaso« ôieoxéôao',
Sur la paille entassée, quand se rue la bourrasque, la meule s'éparpille aux quatre coins du champ; c'est ainsi que la me sema les longues poutres. to«, V, 368-370
2.15.
wç O· or' àvi}p ooprroLO XLXaieraL, c.;J re rravfilJap veLov àv' €XKT/TOV {3oe orvorre rr17Krovaporpov' aottaoiu»; 0' âoa rc.;J KarÉov rpaQÇ T1eXioLO Odprrov erroix€UOa~, {3Xci{3eraL ôéte rouvar' lovn' wç 'Oovai}' tumaorô» €OV
Ainsi vont au souper les vœux du laboureur lorsque, dans la jachère, ses bœufs tachés de vin ont traîné tout le jour h charrue d'assemblage." ... Et comme il est joyeux quand, le soleil éteint, il revient, les genoux flageolants, au souper! .. D'un cœur aussi joyeux, Ulysse salua le coucher du soleil. (Gd., XIII, 30-35: ... L'araire ajustée.
2.16.
... €vOa 0' €P~OO~ fJlJWV o~eiaç operravaç ev xepatv €xovreç' opawara aXXulJer' frylJOV errilrp~lJa 1ri1TrOV €pa~e. aXXa 0' àlJaXXooeri/peç ev eXXeoavoia~ Séovrot peis: ap' àlJaXXooeri/peç e
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... Des ouvriers moissonnent, la faucille tranchante en main. Des jav.elles tombent à terre les unes sur les autres, le long de l'andain. D'autres sont liées avec des attaches par les botteleurs. Trois botteleurs sont là, debout; derrière eux, des enfants ont la charge de ramasser les javelles; ils les portent dans leurs bras et, sans arrêt, en fournissent les botteleurs.
(Il., XVIII, 550-555)
2.17.
nevmuoura hé oi olJ'-fJat Karà oWlJarvvaiKeç' ai IJ€V àXerpeUovaL lJuXua' €m IJT1X01ra Kaprrov ai 0' iarouç ùrpowm Kat r,XaKara arpwrpwaLv TllJevaL, ola Te rpuXXa lJaKeovf7ç al reipOLO' aupooécov O· OOovÉwv àrroXei{3era~ Ù'ypàv ËXaLOv.
Des cinquante servantes qui vivent au manoir, les unes sous la meule écrasent le blé d'or, d'autres tissent la toile ou tournent la quenouille, comme tourne la feuille en haut du peuplier; des tissus en travail, l'huile en gouttant s'écoule.
to«, VII, 105-108) 2.18.
r/JiIlJ17V 0' è« OrKOLO rvvil rrpO€17KeV àXerpiç rrX17aiov, €vO' apa oi lJuXa~ elaro 1TO~IJÉVL Xawv, rijaLv owoeKa rra.aa~ erreppwo/lTo rvvaiKeç, aXrpLra revxovaa~ Kat àXeiara.lJv€À.ov àvopWv' at IJ€V ap' aXXa~ eèôo», ènei «arà rrvpov aXeaaav' r, Of lJi' ov 1TW rraver', àrpavporar17 O€ tétuero. "H pa IJUX17V ornooaa €1rOÇ rparo, ai/lJa ëvasrc .
AAE. - lev nàrep, i)ç re Beoioi Kat
il lJeraX'
àVOPW1rOLU~ àvaaae~ç,
e{3p6vr17aaç à1r' oùpavov aarepôevro; . ovo~ rroOL véoo« èart- répos; vu re'-fJ rooe
273
TESTIMONIA
fJ./lTfOTijpec; rrVfJ.anJv Te Kai txrraro» iifJ.an T4J6e ev fJ.erapow' '06voijoc; eÀoiaTo Bair' epaTeLrn7V, oï 611 fJ.OL KCLfJ.a7<-:J 8VfJ.aÀrÉL rOvvaT' eÀvoav aÀtfHra T€VXOV0-U' VÜV ôorara 6eL rrrn7oeLav.
'" et, du logis tout proche, une femme parla. Car le pasteur du peuple avait en son moulin douze femmes peinant à moudre orges et blés * qui font le nerf des hommes: les onze autres dormaient, ayant broyé leur grain; une seule n'avait pas achevé sa tâche; elle était la plusfaible. En arrêtant sa meule, ce fut elle qui dit, présage pour son maître: SERVANTE. - 0 Zeus le père, ô roi des dieux et des humains! dans les astres du ciel, quel éclat de ta foudre! ... Pourtant, pas un nuage! ... C'est un signe- de toi! '" Alors, exauce aussi mon vœu de pauvre femme! fais que les prétendants, en ce manoir d'Ulysse, viennent prendre aujourd'hui le dernier des derniers de leurs joyeux festins! ... Ils m'ont brisé le cœur et rompu les genoux à moudre leur farine! ... qu'ils dînent aujourd'hui pour la dernière fois! (Od., XX, 106-115)
*
li s'agit en fait de deux types de préparations qui ne sont pas encore attachées au blé et à l'orge: gruaux et farines.
3, Hésiode, Les Travaux et les jours.
3.1.
ndÀÀ' e1rLKafJ.rrvÀa KâÀa' tPÉpeLv rvrw, 07' av ei)puc;, ec; OlKOV, KaT' opoc; 6L~'I1fJ.eVOc; Tl KaT' âpoupa», noivivov- OC; ràp {3ovoiv àpoi)v oxvpwranx; èorw, eVT' av 'A8rwaiT/c; 0fJ.4J0c; ev eÀVfJ.an rr1l~ac; rOfJ.tPOWLV rreMoac; rrpoaapf/peTaL iOTO(3aiiL. ~oLà 6E 8éo8aL tiporpa, noonoàuevo; KaTà OlKOV, aùTorvql( «al, rrT/KToV, ènei rroÀv Àwwv OVTW . er x' ~TepOIJ a~aLC;, €TepOV K' èni {3ovoi (3a.Àow. ~àtf>VT/C; li' Tl tite ÀÉT/C; àKLwTaToL i o70(3aiiec; , 6pvQc: ËÀVfJ.a., rUTIc; noivoo. Boe 6' èvvaerùpc» ôaoeve KeKTi/o8aL, TWV ràp o8Év(1Ç .OÙK àÀarra6vov, 'l'I{3T/C; fJ.ÉTPOV EXOVT€' TW eprateo8aL aoiorcoOÙK av TW r'epiowTe ev avÀaKL KàtJ. fJ.EV aporpov a~eLav, TO 6E ~prov èrcoou» aiJ8L Ài'rrOLev. ôè
Les bois courbés ne manquent pas, mais ce qu'il faut rapporter chez vous, si vous en découvrez en cherchant dans la montagne et dans la plaine, c'est une haye de chêne vert: c'est celle qui résiste le mieux, quand on laboure avec des bœufs, une fois que le Serviteur d'Athéné l'a emboîté au sep, puis appliquée et chevillée au timon. Faites-vous deux charrues que vous fabriquerez chez vous, l'une d'un seul morceau, l'autre de pièces ajustées; ce sera tout à fait bien " : si vous brisez l'une, vous mettrez l'autre derrière les bœufs. Le laurier et l'orme sont pout le timon ceux des bois qui se piquent le moins, le chêne pour le sep, et le chêne vert pour la haye. Procurez-vous une paire de bœufs mâles de neuf ans : à cet âge leur force est difficile à abattre, car c'est pour eux là plénitude de la jeunesse, et ils sont excellents au travail. Ils n'iront pas se prendre de querelle dans le sillon, pour briser la charrue et laisser là l'ouvrage inachevé. (0.,427-440) * Traduction proposée, vers 432-34 : Faites-vous deux araires, que vous fabriquerez dans votre maison, l'un composé de la seule chambige, l'autre tout emboîté, ce sera tout à fait bien.
3.2.
... Boe 6 evvaerilpw âooeve KeKTflo8aL, TWV rap o8Évoc; OÙK àÀarra6v6v, iif3r1c; fJ.ÉTPOV €)(oV'Te' ,,;; eprateo8aLàpioTw' OÙK èiv TW r' èoloaute ev avÀaKL Kèq..L uév âporpo» a~eLav, Tà 6È eprov éttocun: aiJ8L ÀirroLev. Toic; 6' afJ.a reooaooxovraerin aitT/Qc: ênoiro aprov omrvr'/aac: rerpaTpul/JOv, oKraIJ}"wj.tov, oc; eprov fJ.eÀeTwv i8eiciv K' wÀaK' eÀaVvoL, J1T/KÉn nanralvcav fJ.e8' 0J111ÀLKaC;, àÀÀ' èni ~prL-:J 8vfJ.C}v exwv' TOi) 0' OV n vetoreoo; aÀÀoc; àj.tEivwv onépuata ôôaoaoëo: aü errwrropiT/v àÀÉao8aL' KovpOrepoc; ràp à.v1'tp fJ.e8' 0fJ.'I1ÀLKac; èntoitmu,
274
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
... Procurez-vous une paire de bœufs mâles de neuf ans : à cet âge leur force est difficile à abattre, car c'est pour eux la plénitude de la jeunesse, et ils sont excellents au travail. Ils n'iront pas se prendre de querelle dans le sillon, pour briser la charrue et laisser là l'ouvrage inachevé. Qu'ils soient suivis d'un homme robuste, de quarante ans, qui aura dîné d'un pain à quatre entailles et huit portions et qui, soùcieux de sa besogne, poussera droit son sillon, sans chercher de l'œil des camarades, le cœur tout à son ouvrage. Un plus jeune ne saurait pas comme lui répartir la semence et éviter le sursemage : le jeune homme a sans cesse l'esprit en l'air en quête de camarades. (O., 435-447)
3.3.
EL ô é «ev f/eXiow rpo1Tijc; àp04.JC; XOova bio», iip.evoc; éLlJ.i/aetc; oXi'yov nepi Xetpdc; Up "!w v, avria tieap.eVwv «exovcuévo«, ov p.aXa Xaipwv, oloeo; ti' EV rjJopp.~· 1TaVpOt 8é oe Orii/aovraL
Si tu attends les jours où tourne le soleil pourlabourer la terre divine, tu moissonneras accroupi le peu d'épis que saisira ta main; tu les Helas à bêchevet, tout poussiéreux, le cœur sans joie; tu les emporteras dans un panier, et peu de gens, à te voir, s'émerveilleront. (0.,479-482)
3.4.
'AÀ.À.' o1Tor' âv rjJepeOtKOC; a1Td XOovdc; â.p. corà {3aiV7] flX71tMac; rjJev"!wv, rore tir? aKarjJoc; oVKÉn oivécov, aXX' ap1Tac; re xapaaaÉp.evat «a; tip.wac; è'Yeipetv, rjJElJ"fetv Sé osiepos« OWKOtJC; Kai E1T' f/w xoiro»
WPfJ ev éLlJ.i/rotJ ore r' i/èXwc; xpoa KaprjJet. T71p.oiJroc; a:rrevtietv «ai o'iKMe «aanô» a,,!tveiv opOpotJ àuumuievo«, Lva rot {3ioc; èipKWC; e'i71.
Mais, quand le Porte-maison monte de la terre à l'escalade des arbres, fuyant devant les Pléiades, ce n'est plus le temps de piocher les vignes. Aiguisez les faucilles et éveillez vos serviteurs. Fuyez les siestes à l'ombre ou les sommes prolongés jusqu'à l'aube, au temps de la moisson, quand le soleil sèche la peau. C'est l'heure de faire vite, de ramasser votre récolte chez vous, debout dès l'aube, si vous voulez avoir votre vie assurée. (O., 570-577)
3.5.
flp.wai ti' E1TorpVVetv, il71p.i/repoc; tepô» CLKriW bwéue», eUr'av 1Tpwm rjJavîj oëévo« Tlpiwvoc;, xwp~ EV éÙaÉtKai È1JrpoXdX~ EvaXwij. Mérp~ ô' ev «ouioaoôac EvaTIeatv. Avràp E1T1]V tiTi
1Tavra {3iov Kœra071at èttàpueuo» €vtioOt OLKOtJ, Oi/ra r' èLotKOV noieioôo: «a; areKIJOV ëptOov tii~71aOat KÉXOP.at. xaXe1TTiti' v1To1Topnc; ëptOoc;· aü KVva Kapxapotiovra KOP.éÎv, p.r? rjJeitieo olroo, p.i/1Toré a' Tlp.epOKOtrOC; avilp a1Tdxpi/p.a(J' ÈÂ71rat. Xoprov ti· èoxouioa: aü avpr/Jerov, orjJpa rot e'i71 {3otJai Kai f/p.tOVOWtV ètmercué». Avràp ëneera tip.wac; ava1/lv~at rjJiXa "!ovvara Kai {3ae À.Ûaat.
Ordonnez à vos esclaves de fouler en cercle le blé sacré de Déméter, dès que paraît la Force d'Orion, dans un endroit éventé et sur une aire ronde. Mettez-le ensuite dans des vases, en le mesurant. Puis, quand vous aurez ramassé et rangé dans la maison le grain qui vous fera vivre, je vous engage à vous procurer un valet sans famille, à chercher une servante sans enfants - une servante qui a été mère est toujours pénible - et à nourrir un chien aux dents aiguës, sans épargner sur sa nourriture, si vous ne voulez qu'an «dort-le-jour» vous vienne prendre votre bien. Engrangez aussi fourrage et litière, pour que vos bœufs et vos mules en aient en abondance. Après quoi, laissez vos esclaves reposer leurs genoux et dételez vos bœufs, (O., 596-608)
TESTIMûNIA
3.6.
275
... 'AÀÀà ror' 17&r1 elT/ 1rETpaiT/ re alW7 Kai fJi{lÀLvoe; oivoe;, J.l.a~a t' àp.oÀraiT/ raÀa r' airwv afJe/JlluJ.l.evawv ...
Alors puissé-je avoir l'ombre d'une roche, du vin de Biblos, une galette nourrissent plus ... * maza.
* bien
gonflée et du lait de chèvres qui ne (0.,588·590)
4. Xénophon, Economique 4.1. 7 «Ti rap, {r/Yriv €rW, EV r4J bltneu: rD attépua 1ro'KiÀTf TèxIJ11 ëveorc;» «nalJTwe;, Ër/YrI, W LWKparee;, €1rtaKe1J;wJ.l.e6a Kai toirro. "On J.l.EV ràp €K rflc; xe,poe; Bei p'1rrea6a, rD onèpua Kai
aV 1rOU oloûa», {r/Yri. ' «Kai ràp èiaposa:», Ër/Yriv èrw. «'Pi1rre,v bé re, ËCPT/, oi J.l.EV oJ.l.aÀwc; ôvvalJ'fa, , oi ô' OV.» «OVKOVV roino uév, ËCPT/V €rW, flôT/J.l.eÀÉrT/e; ôeirai , wanep roie; Kt6apwraie; T1 Xeip, o1rwe; ôVlJ11ra, inmpeteiv ri] rvwJ.l.tI.» 7 «Et maintenant, dis-je, quand il s'agit de lancer la semence, existe-t-il une technique compliquée?» «En tout cas, Socrate, dit-il, examinons encore ce point. Il faut lancer la semence avec la main, tu le sais sans doute aussi bien que moi.» «Oui.je l'ai vu faire», dis-je. «Mais dit-il, il Y a des gens qui savent, en la lançant, la répartir également, tandis que d'autres ne savent pas.» «Nous avons donc besoin maintenant, dis-je, de nous y exercer, comme les citharistes, pour que la main puisse obéir au cerveau.» (Œc.• XVII,7)
4.2. La moisson XVIII 1 «'Aràp ovv, ~r/Yriv €rw. €K rourou (ipa Oepi~e'v eLKoe;. LiiôaaKeovv eï n Ëxe,e;J.l.e aü eie; roôto,» «"Hv p.iI re cpavije;. ËCPT/. Kat eie; toino raVrà èuoi èttuntuieuo«. "On J.l.EV ovv réuueiv rov ai rov Sei oiuOa.» «Ti Ô· OV J.l.ÉÀÀW»; ecpT/v èrw. «IIorep' ovv réuvoie, eCPT/, ordc Ëv6a 1rvei aveJ.l.0e; fi avrioe;;» «OVK iunlo«, Ër/YrIv, I!rwre' xaÀe1rov ràp olua: sai roic ôuuaac «ai raie; xepai rirvera, iurtiov axtlpwv Kai à.8épwv 6epi~e'v.»
2 «Kat aKporoJ.l.0iT/e; ô' av, ÉCPT/, 17 napà ri/v téuuocç;» «"Hv J.l.EV fJpaxtle; fi 0 KaÀaJ.L0e; rou airou.érwr Ër/Yriv. Kàrw6evav réuvouu, ïva iKavà rà axupa J.l.aÀÀov rirlJ11ra,' èà» ôe ù1J;T/Ààe; fi, vop.i~w opOwe; av 1roteiv ueooroiuov, (va J.l.ilre ot aÀowvree; J.l.0xOwa, neocrrô» 1rOVOV J.l.ilre oL À'KJ.l.wvree; WV oùôev naooôéovrai. TOôE ëv n} ri] Àe,qi}Ev T1rOUJ.l.a, Kai wasoxaoôèv auvwcpeÀeivav r'l1v ri/v aü eie; K01rPOV èJ1fJÀT/OEV r'l1v K01rPOV aUJ.l.1rÀT/6i.Jve,v.» [ ...] «OVKOUV, ÉCPT/, toôto J.l.EV oloôa ù1ro~uri4l aÀowa, rov airov.» 4 «Ti Ô· OVK, er/Yriv hw. olôa ; Kai Ù1ro~vr,d re KaÀoVJ.l.6ila 1ravra ouoic»; (3oüe;, T1J.1.'ovove;, ïtmouc,» «OVKOUV, Ër/YrI, raina P.EV T1rei roooôro J.l.0VOP elôéua: nareiv rov airov €ÀavvoJ.l.eva;» «Ti 'Yàp âviiÀÀo, er/Yriv èrw, ù1roNrw elôein ;» 5 «"01rwe; ôe ro Beôuevo» Ko1J;oua, «ai oJ.l.aÀ,eira, 0 àÀ01'/roe;, riv, roino, W LWKparee;;» Ër/Yri. «Lii/Àov OTt, ÉCPT/V hw, roie; è1raÀwaraie;. LrpÉcpovree; ràp Kai ùm) roùe; 1roôae; imo{jaÀÀovree; ra arp, ma aei ôi/Àovon J.l.aÀwra op.aÀi ~0' evav rov ô ivov «ai rd xwra avVro,ev.» «Taùra J.l.EV rolvo», ËCPT/, OVÔEV èJ.l.oU Àeittet reYlJwaKwv.»
on
XVIII 1 «Mais à propos, dis-je, après ces travaux vient sans doute la moisson : enseigne-moi ce que tu peux sur ce point.» «Oui, dit-il, à moins que je te trouve sur ce point encore aussi savant que moi. Voyons, il faut couper le blé, tu le sais.» «Cela va de soi», dis-je.
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
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«Le couperais-tu, dit-il, en tournant le dos au vent, ou en lui faisant face?» «Pas en lui faisant face, dis-je; on se fait mal, je pense, aux yeux et aux mains, quand le vent pousse la paille et l'ép face au moissonneur.» 2 «Et couperais-tu le blé, dit-il, près de l'épi, ou au ras du sol 't» «Si la tige du blé est courte, repris-je, je la couperais en bas, pour avoir plus de paille à ma disposition; si elle es haute, je crois que je ferais bien de la couper en son milieu afin de ne pas donner aux batteurs et aux vanneurs une pein supplémentaire dont ils n'ont nullement besoin. Quant à la partie de la tige que l'on laisse en terre, je crois qu'en 1 brûlant on améliorerait le terrain, et que si on la jette au fumier on en accroît la quantité.» [...] «Eh bien, dit-il, voici un point que tu sais: on utilise les bêtes de somme pour le battage.» 4 «Bien entendu je le sais, dis-je, et je sais aussi que l'on appelle bête de somme indistinctement bœufs, mulets e chevaux.» «Et maintenant, tu penses bien que ces bêtes ne savent qu'une chose, fouler le blé sur lequel on les fait marcher?» «Qu'est-ce que pourraient savoir d'autre, dis-je, des bêtes de somme ?» 5 «Comment écraseront-ils ce qui doit être écrasé, comment le blé à battre sera-t-il également réparti sur l'aire? 0, qui est-ce l'affaire? Socrate», dit-il. «Des batteurs, évidemment, dis-je. S'ils retournent et poussent sans cesse sous les sabots le blé qui n'est pas encon écrasé, c'est, évidemment le meilleur moyen pour égaliser l'aire et achever le travaille plus rapidement.» «Voilà un point, dit-il, sur lequel tu en sais tout autant que moi.»
Le vannage 6 «OVKOUV, Ër/1riV È'yw, W .IaxotlaXE, EK TOUTOU fiil Ka(JapOUtlEV rov ai tou ÀtKtlWVrEe;.» «Kat Àé~ov ré uoc, W r;WKparEe;, ~r/>rI à 'IaX0tlaxoe;, fi oloôa on ilv EK TOU npoonvéuov uéoo»; ri)e; aÀw aPX7J, 6 t' àÂT/ ri)e; c'iÀw oioera! ao( ra c'iXJJpa ;» « 'AVci'YKT/ "'toP», f:/ÎlI7v E'YW. 7 «OÙKOUV ElKoe; «a; èm. ni 1TTEtV, ËI/>7), aùra èni rov oirov,» «IloÀu rap èoriv, f/Îll7V è'Yw, ra vrrEpEvEx(Jfwat raaxvpa vrrÈp rov atrov els; ra KEvàv ri)e; aÀw.» « 'Hv Bé rte, ~/ÎlI7, ÀtKtlQ. EK TOU îmnvéuo» apX0tlEVOe;;» «.1i)MV, ~/ÎlI7v È'yw, EùOVe; EV r'Q aXJJpo66KU ëorai ra c'ixvpa,» 8 «'ErrEtoav Ka(jcipue;, f:1/>7), rov oirov tl€XPt TOU tuiloeo; ri)e; aÀw, turteoou w(Jue; oirn» KEXVtlÉvov TOU ciro» ÀtKtlrJ oeu: ra c'iXJJpa ra ÀOt1Taij ooncoa« rov Ka(Japov rrpoe; rov 1TOÀOV we; els; orevôrarov» ; «r;vvwaae; vfI .1i', f:1/>T/V E'YW, rov «aûaoô» oirov, l'v' ùrrEpl/>ÉpT/Tai uo: ra c'iXJJpa EtC; ra KEVOV ri)e; aÀw, Kai tlil 6i, ÀtKtliiv.» raÎJra aXJJpa
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6 «Eh bien, Ischomaque, dis-je, après cela nous nettoierons notre blé en le vannant.» «Explique-moi maintenant ceci, Socrate, dit Ischomaque : sais-tu que si tu commences du côté de l'aire d'où vient If vent, ta balle sera dispersée à travers l'aire tout entière ?» «Forcément », dis-je. 7 «Et sans doute, dit-il, s'abattra-t-elle sur le grain ?» «II y a trop'loin , en effet, pour que la balle soit soulevée et transportée au-dessus du grain dans la partie vide de l'aire. » «Et si l'on vanne, dit-il, en commençant du côté opposé à celui d'où vient le vent?» «Alors évidemment, dis-je, la balle arrivera immédiatement à l'emplacement qui lui est réservé.» 8 «Et quand' tu auras nettoyé le blé, dit-il, jusqu'à la moitié de l'aire, continueras-tu tout simplement à vanner le reste en laissant le grain répandu sur l'aire, ou vas-tu entasser d'abord le blé déjà vanné vers le centre dans lIU espace aussi étroit que possible? » «Par Zeus, dis-je, j'entasserai le blé vanné, afin que ma paille soit soulevée et transportée par-dessus dans la partie vide de l'aire, et que je ne sois pas obligé de vanner deux fois la même paille.» (Œc., XVIII, 1-2;4-9)
TESTIMONIA
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4,3. « 'EÀaiav ôÈ 7TW" lt>T/V €rW, >lYTeVaOfJ.€V, W 'IaxofJ.ax€;»
'A7T07T€tpg, fJ.OU Kai TOVTO, (§>T/, fJ.aÀWTa 7TaVTWV €1TtOTéqJ.€VO" 'api)., fJ.ÈV rap ofJ on I3a8UT€po, OpVTT€Tat TIÎ €ÀaiQ. (308po,' Kai rap naoà rdc oOOlk fJ.aÀtaTa 0PUTT€Tat' opg" 0' on 7Tp€fJ.Va niun. Toi, >lYT€UTT/piOt, naôoeoriv- ôpi)., 0', Ë>T/, TWV >UTWV 1rTjÀdv Tai, K€>aÀai,mwat, èttuœiuevov Kai 7TQ.VTWV TWV >lYTWV èaTE""f'OOfJ.ÉVOV Td ww.»
«Maisl'olivier, dis-je, comment le planterons-nous, Ischomaque 't» «Cette fois encore, dit- il, tu veux me mettre à l'épreuve, car tu le sais parfaitement bien : on creuse des trous plus profonds pour l'olivier, tu le vois, car on les fait le plus souvent le long des routes; tu vois aussi que tous les rejetons sont attachés à des souches; tu vois aussi, ajoutait-il, qu'on a coiffé la tète de tous les plants de terre glaise." et que la partie supérieure de tous les plants est couverte.» '" On a en fait enduit de boue la plaie, cf. Test. 1,3, le texte précis de Théophraste et notre figure p. 61.
(Œc., XIX, 13)
4.4. 'H 0' Ma~ia OfJ.OtOV Ti uo: ÔOK€Î elviu. OlÔV7T€P €i r€Wprd, ÔfJ.OV èfJ.l3aÀot Kpt8à, Kai 1TVpOl.k «ai ôonou» Kèi7T€tTa 07TOT€ béoc 7'1 fJ.a~T/' fllipTOU 7'1 ol/Jou, OtaÀÉr€tV oÉOt aVT4) aVTi TOV ÀaPQVTa Ot€UKptVTJfJ.Évot<; x'piJa8at. Voici ce qui donne, à mon avis, une idée du désordre: un cultivateur qui verserait pèle-mêle de l'orge, du froment, des légumes secs, ensuite, chaque fois qu'il lui faudrait galette, pain ou plat de légumes, il devrait les trier au lieu de les trouver séparés à l'avance. (Œc., VIII, 9)
5, Aristophane 5. 1. La maza de l'escarbot dans t» Paix OIKETH~
A'
Alp' alpe fJ.â~avw, TaXo, T4) Kav8apCItJ·
OIKETHE B' 'Uiou• .:lo, aVT4), T4) aucsor' a7ToÀOUfJ.€VCItJ,
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Kai fJ.iJ7TOT' avTi], fJ.â~av iJOiw >arOt.
A'
.:lo, fJ.â~av èrépa», è~ ôviowv 7T€7TÀaafJ.ÉVTJv.
'Ioov fJ.aÀ' aiJ8re. nov rdp fw vvvOiJ '>€P€,; av KaTÉ>ar€V; A' Md TOV si: aÀÀ' €~ap7Tdaa, oÀT/V €V€KaVJ€ 7T€ptKuÀiaa,Toiv noôoiv. 'AÀÀ' w, TaXtaTa Tpi(3€ 7TOÀÀà, Kai 1TVKva,. B' "Avop€, K07TpoMrot, 7fj,)oaÀà(3€a8€ 7TpO, 8€wv. €i fJ.r7 ue (3ovÀ€o8' a7T01TVt r€VTa 7T€P uôeiv. A' 'ETÉpav èrépo» Ô<;)ç, 7TatOO, f/TatpT/KOTO,' T€TptfJ.fJ.ÉVTJ' rQ.p tPT/mv è7Tt8ufJ.ei.v,
Ol. B'
al. al. al.
Premier serviteur. Passe, passe au plus vite une maza pour l'escarbot. Deuxième serviteur, Voilà, sers-la lui à la bête maudite, et puisse-t-elle ne jamais manger de meilleure maza. Premier s. Donne-lui en une autre, faite de crottin d'âne. Deuxième s. Voilà encore. Où donc est celle qu'à l'instant tu lui portais? ne l'a-t-il pas mangée? Premier s. Ce n'est pas le mot, par Zeus; mais il me l'a arrachée et l'a avalée tout entière après l'avoir roulée dans ses pattes, Allons, au plus vite, travailles-en beaucoup et bien serrées. Deuxième s. Ramasseurs de gadoue, aidez-moi, au nom des dieux si vous ne voulez pas me laisser asphyxier. Premier s. Une autre, une autre encore, d'un jeune prostitué, car il l'aime, dit-il, bien triturée,
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
278
01. B'
'lcSou. 'Evoç ué», WVcSPEÇ, à1TOÀEÀUaOa' uoc cSOKW' OÙcSEtÇ 'Ydp av <paiT/ p.Ep.a:TTO/IT' èoûleu:
01. A' Al(3ot·
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ètépos;
SJ.d TOV :A7TdÀÀw 'YW uèv OV' où 'Ydp ~O' ol6ç T' EtP.' U1TEP€xE'V Tilç à/ITÀiaç. 01. A' AùTlIv ap' o'iaw avÀÀa(3wv TTIV à/ITÀiav. OI. B' N17 TOV b.i' èc KopaKcit; 'YE, Kat cauro» 'YE 1Tp6ç. 'Y'p.wv 'Y' Et rt olcSé SJ.O' KaTE'1TdTW 1TdOEVaV 7Tpwip.T/v/Jtva p.1I TETPT/P.€VrW OùcSèv'Ydp ëp'Yov {IV tip' àOÀ'WTEPOV f'l KavOdp4) wiTTO/ITa 1TapéXEtv ëoelei». 'Y'ç uèv 'Ydp, wa1TEp av xéau nç,Î/ KUWV
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Deuxième s. Premier s. Deuxième s. Premier s. Deuxième s.
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Voilà. Il Y a une chose messieurs, dont je suis quitte, je crois: personne ne peut dire que je mange en malaxant. Pouah! Passe-m'en une autre, une autre encore, et une autre; et travaillez-en encore d'autres. Non, par Apollon, non! car je ne suis plus capable d'avoir le nez sur cette sentine. Alors je vais la prendre elle-même et l'emporter, la sentine. Oui par 'Zeus emporte-la aux corbeaux et toi avec. Et vous, si l'un de vous le sait, qu'il me dise où je pourrais acheter un nez non troué. Car il n'y a pas de besogne plus misérable que de malaxer de quoi donner à manger à un escarbot. Un porc ou un chien prend les matières comme on les rend et se les appuie sans façons; mais lui, par fierté, fait des manières et ne veut rien manger, si je ne lui sert sa pâture travaillée pendant un jour entier. (Pax, 1-25)
5.2,
IlA. Mrl1TW 'Y', lKETeVW a', àÀÀ' auàuecvo», wç è'Yw Kp,(Jdç 1TOP'W 00' Kat (3iov KaO' ilw!pav. b.H. OÙK àvexolJ.a, KP'OWV àKouwv' 1ToÀMK,Ç è~T/7TaT'l70T/v U1TO TE aov Kat 80v
Le Paphlagonien ..... Pas encore, je t'en supplie; attends un peu; moi je te fournirai de l'orge et ta subsistance chaque jour. Dèrnos. - Je ne puis souffrir qu'on me parle d'orge. Tant de fois j'ai été dupé par toi et par Thouphanès. Le Paphlagonien. - Maisje te pourvoirai cette fois de farines toutes préparées. Le Charcutier. - Etmoi donc, de petites galettes pétries à fond; et les mets seront rôtis: tu n'auras qu'à manger. (Eq., 1100-1105)
6. Hippocrate, Du Régime 6.1. Lamaza .,. 'OKOaa Bè cSel l/;v~a' «a; ~T/pi/va', aÀ
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TE5TIMONIA
279
l/Jvxpov TO OepJJ.ov· "aTaVaÀLa"0JJ.€VOV ÔE TOU V'YPOU e" Ti/<: "oLÀiT/<: aVcl.'Y"TI ~T/paive08aL, TOU ÔE üOaTO<: TOU OVV Tij JJ.Q.t1] ÈoeÀ(J6/ITo<: l/JuxeoOaL È1TL'YLVoJJ.evov. "Ooc ouv ôei l/Ju~aL fi ~T/pi/vaL 17 liLappoi1] tx.0JJ.evov fi aÀÀ1] riv! OepJJ.aai1]. 11 TOLcWTTJ JJ.a~a ôLa1TPr'100eTaL. 4 'H OE ~T/P1Î TPL1TTT! ~T/paiVeL JJ.EV oux èuoic»; ÔL
'" Dans tous les cas où il faut refroidir et dessécher, la farine d'orge peut agir dans ce sens, quelle que soit la préparation du pain d'orge *. Telle est la vertu dupain d'orge *.2 La farine grossière nourrit moins et est plus laxative; la farine pure nourrit plus et est moins laxative. Le pain d'orge * de farine pétrie d'avance.humectée et grossière est léger, laxatif et refroidit. [...] 3 Mais si on donne le pairi d'orge * immédiatement après qu'il est pétri, il dessèche. En effet, la farine, qui est sèche et qui n'a pas encore eu le temps de s'imprégner de l'eau, tire l'humidité du ventre quand elle y arrive, étant donné sa chaleur. Car, par nature, le chaud attire le froid etle froid le chaud. Quand son humidité est consumée, il est fatal que le ventre se dessèche, et grâce à l'eau qui a pénétré avec le pain d'orge *, que se refroidisse ce qui en résulte. Dans tous les cas où il faut refroidir ou dessécher un patient qui souffre de diarrhée ou de quelque autre inflammation, un tel pain d'orge * est efficace. 4 Un pain d'orge sec *, de farine pure, ne dessèche pas autant, parce qu'il est très condensé, mais il est très nourrissant, car les conduits peuvent recevoir la nourriture qui se dissout lentement. Elle passe donc lentement et ne provoque ni flatulence ni vomissement. Le pain d'orge * de farine pure, pétrie d'avance, nourrit moins, donne des selles plus abondantes et provoque plus de flatulence.
* maza.
(Diaet., Il, XL)
6.2. Les pains d'Hippocrate XLII. 1 rrvpoi ioxvparepoL "pL8wv "ai TpoI/JLJJ.wTepoL, ÔLaXWP€OVOL OE ùooo» "ai aùro! "ai 0 XVÀ6<:. "APTO<: OE à ~T/lpaiveL "ai ôLaxwp€Ï, à ÔE «oûaoô« Tp€I/JeL JJ.€V JJ.iiÀÀov, OLaXWp€ÏÔE floaov. AUTWV ôe TWV lÏpTwv à JJ.EV ~VJJ.iTT/<:"OUI/Jo<: "ai liLaxwp€Ï' "ou
uév aV'Y"OJJ.LaTO<:
XLII. 1 Le blé est plus fort que l'orge et plus nourrissant; mais il est moins laxatif, de même que son jus. Le pain de farine grossière dessèche et est laxatif; de farine pure, il nourrit plus et est moins laxatif. Parmi les différentes sortes de pain, celui qui est fait avec du levain est léger. et laxatif; léger parce que l'humide est consumé par l'acide du levain; c'est sa nourriture; laxatif, parce qu'il est vite digéré. Sans levain, il est moins laxatif et plus nourrissant. Le pain pétri avec le jus est très léger; il nourrit bien et est laxatif. Il nourrit parce que la farine est pure; il est léger parce qu'il est pétri avec une substance très légère, qu'il lève grâce à elle et est passé au feu; il est laxatif parce qu'il y entre ce qui est doux et laxatif dans le blé. 2 Si on considère les pains en eux-mêmes, les plus gros sont les plus nourrissants, parce que l'humide y est très peu consumé par le feu. Cuits au four, ils sont plus nourrissants que cuits sur le gril ou à .la broche, parce qu'ils sont moins brûlés par le feu. Cuits au four de campagne ou sous la cendre, ils sont les plus secs, les derniers à cause de la cendre,les premiers à cause de la terre cuite qui absorbe l'humidité. Les pains faits de fleur de farine sont les plus forts de tous, hormis ceux faits de gruau>, qui sont très nourrissants, mais sont moins laxatifs. 3 La farine pure, absorbée dans de l'eau, refroidit, de même que l'infusion de pâte passée au feu. Une infusion de son bouilli est légère et laxative. Les farines bouillies dans le lait sont plus laxatives que bouillies dans l'eau, à cause du petit
280
LEPAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
lait, spécialement s'il s'agit de lait laxatif. Toutes les préparations de farines bouillies ou rôties au miel ou à l'huile sont fort échauffantes et provoquent des rapports; ceci, parce qu'étant nourrissantes, elles ne sont pas laxatives; cela, parce que s'y trouvent mêlées des matières grasses, douces et mal assorties, qui ne demandent pas la même cuisson. La fleur de farine et le gruau, bouillis, sont forts et nourrissants, mais non laxatifs.
(Diaet., II, XLII)
... Il s'agit exactement de la semoule de blé dur après tamisage.
7. Varia
7.1.
MIAnN 'Ep"yaTiva Bœxaie, ri vvv, c.;;~vpÉ, 7Te7TovOw;; Ov Teov 6rJJ.ov aretv op()dv 8uvQ-, wç TO noiv areç, où8' ôua ÀQ-OToJJ.eiç Tc.j) TTÀaTiov, àÀÀ' à7ToÀei1T1], wa7Tep oïç noiuvas, aç TOV nôôa KciKTOÇ ËTvl/lev.
MILON. - Ouvrier Boucaios, que t'arrive-t-il aujourd'hui, malheureux? Tu n'es pas capable de mener droit ta coupe comme tu la menais auparavant; tu ne tranches pas les épis aussi vite que ton voisin, mais tu restes en arrière, comme en arrière du troupeau une brebis qui s'est piqué le pied à un cactus. (Théocrite, X, 1-5;
7.2.
KO. "E8et ràp, àÀÀÔ. uacpôv où ttpénovr' elvai '11 À110ev TI Bcréroc ev JJ.Éa'+J 80VÀ11" cWr'T/ ràp TlJJ.éwv TlJJ.ép'T/V Te Kai vVKTa Tpil30vaa TOV ôvcu aKwpi'T/v nenoinxev, OKWÇ TOV WÙTfiç JJ.TJ TeTpwl3oÀO[v] KOI/l7].
CORYTIO. - Certainement il fallait, mais, fort mal à propos, il y avait là la servante à Bitas, venue moudre son grain. Celle-là, nuit et jour elle use notre meule et en fait une dégoûtation, pour ne pas dépenser quatre oboles à faire retailler la sienne. (Hérondas, VI, 80-84)
7. 3. Refrain des meunières "IaxeTe xeipa JJ.vÀaiov, àÀeTpioeç, eMeu uaxoà, KTiV opOpov 7TPOÀÉ'Y7] ri/pvç àÀeKTpvovWV. ~'T/w ràp NUJJ.tf>awt xepwv ënereû.aro JJ.OXOovç' al oE KaT' àKpOTaT'T/V àÀÀ0JJ.evat TpoXdW a~ova &verJovatv, 00' iucriveaciv ÈÀtKTaï.ç aTpwtf>Q, Nwvpiwv KoiÀa I3tip'T/ JJ.vÀd.Kwv. revoJJ.eO' àPXaiov l3uYrov 7TciÀtv, el oiXa JJ.OXOov oaivvaOat ~'T/OVç apra &oaaKOJJ.eOa.
Retenez votre main qui moud, travailleuses de la meule, dormez longtemps, même si la voix des coqs vous annonce l'aurore. Car Dêo a chargé les Nymphes du travail de vos mains. Et elles, jaillissant jusqu'au sommet de la roue, font tourner l'essieu qui, grâce aux rayons recourbés, met en mouvement les lourdes et creuses meulières de Nisyros. Nous goûtons a nouveau la vie du premier âge, puisque nous apprenons à consommer sans travailles présents de Dêo, (Antipater de Thessalonique, Anthologie palatine, IX,418)
TESTIMONIA
281
8. La maza (voir aussi 5.1,5.2,6.1)
8.'1.
'Ev ôopi uév J,J.OL J,J.ii~a J,J.€J,J.arJ,J.€VT/, ev ôopi ô' olvo« 'IaJ,J.apLKoc:· niv:» ô' ev ôopi K€KÀLJ,J.€VOC:.
De ma lance dépend ma ration de maza, de ma lance mon vin d'Ismaros, et je le bois, appuyé sur ma lance. (Archiloque, 7) 8.2. (Delphes doit fournir aux pélerins d'Andros, le jour de leur arrivée .... ... maza,.viande, vin, comme ils veulent :..
... J,J.ii~av, «péa, olvov orroa[o]v {3oÀOIITUA. ... (F. SOKOLOWSKI.(l962), nO 38, lignes 16, 17, 18. Début du
8.3.
ve s. av. J.-C.)
Kai rraïôa réLp rOL caoi»: 'AÀKJ,J.r7VT/C: noré. rrpa(J€VTa rÀrwaL ôovÀiac: J,J.~T/C: {3iov.
Le flls d'Alcmène lui-même jadis fut vendu, dit-on, et dut se résigner à vivre du pain de l'esclave.
(Eschyle, Ag., 1041)
8.4. ... TOVC: ètteire âv (JT/p€1JaallT€C: aV~vwaL 1fpoc: ~ÀLOV, 1fOL€ÛaL rdôe- ea{3éLÀÀovaL ec: oÀJJ.ov Kai À€r7VaVT€C: tmépoun. oiooc ôLd awôdvoc:' «ol oc: J,J.EV ô» {3ovÀT/TaL aV'TWV liTë J,J.ii~av J,J.a~c4L€voc: eÔ€L. 0 ÔE l1.prov rptmou ôrrTr7oac:.
Quand on l'a pêché et séché au soleii [le poisson], voici ce qu'on en fait: on le jette dans un mortier, on le broie avec des pilons, et on le passe à travers un linge; on le mange ensuite comme on veut, pétri en une pâte épaisse ou cuit comme du pain. (Hérodote, l, 200)
8.5 . ... (JpélJJoV'TUA. ÔE èic J,J.EV TWV KpL(JwvaÀ
J,J.éL~ac: r€vvaiac:
Pour se nourrir, ils prépareront des farines d'orge et de froment, cuisant celles-ci, se contentant de pétrir celles-là. Il en feront de belles maza et des pains qu'on servira sur des chaumes ou des feuilles bien propres. (Platon, Resp., 372 b)
282
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
TABLEAU 1 LES·ESptCES DE C~IŒALES
,---------------------------------------------toute graine pouvant servir à l'alimentation les céréales en général aim e; l'alimentation céréale Grain { les céréales par opposition aux légumes, à la viande frumentum les blés à l'époque tardive le blé tendre
Orge
Tout blé vêtu:
Kptfh7 {
hordeum
~€t(l.
{
Far
::;~~e; Tout blé nu :
{
triticum frumentum (tardivement)
Millet
Seigle:
pas à l'époque classique
ki-riota en linéaire B { Hordeum vu/gare à grains nus ou vêtus
283
TESTIMONIA
TABLEAU II LES L~GUMINEUSES
nom botanique
nom français
Vicia sativa L.
VESCE COMMUNE
date semailles
qualités agronomiques dans assolement
main-d'œuvre et travail
usages
LEGUMINEUSES DE PLEIN CHAMP à",aKTI
octobre, dêcernménageante bre, parfois mars mais étouffante
pour animaux
------------- -------------- -------- f - - - - - - - - --------- -------- ------ÈpÉ{jUJiioç
Cicer arietinum L.
récoUe longue sec et en bottes labour : autant alimen tation humaine et que le blé animaux
POIS CHICHE à partir de mars
et automne
----------~-,-
iiÉp/Joç
------------ -------- --------- --------- -------- -------Lupinus L.
LUPIN
cuit et macéré le tiers du semé septembre amende les terres, culture nettoyante temps consacré peut être enfoui récolte été en vert aux céréales
------------ ------------ f - - - - - - - - - -------- ---------- -------- ------KVcqJOÇ
r---------~--
;>"âiiupoç c.:J)(poç
Vicia faba L.
novembre et décernbre ; une fève de printemps
épuisante mais nettoyante
grains frais et un peu moins que le blé, plus secs; gousses; possible en vert que l'orge pour animaux
------------ r-------- --------- --------- -------- ------Lathyrus sativus L. Lathyrus ochrus
r------------ -----------I)po{joç
FÈVE
Ervum ervilia Vicia ervilia
en grain; parfois moulu
GESSE BLAN- semée mi-juillet· CHE ou POIS vient en octobre CARRÉ
~'--------
POIS VESCE
--------- --------- -------- ------septembre ou janvier
f - - - - - - - - - - - - - f-------------- - - - - , - - - - - --------1Twdç Pisum sativum POIS GRIS octobre et s. E. Pisum arvense L. suivant récolte
amende les sols
comme le lupin
grains frais et secs; possible en vert pour animaux
--------- -------- ------en sec
nettoyante
dès avril
r------------ r------------ ----~------------ --------- -------- ------lpaKdç
Eruum lens
LENTILLE ERS
milieu novembre ou février
exigeante mais nettoyante
Brassica rapa
RAVE
août, juillet, septembre
nettoyante
comme fève
grains frais et secs; en vert pour animaux
LEGUMES A RACINE DE JARDIN MAIS PARFOIS DE PLEIN CHAMP 'l'onu;>"i';
------------- 1------------lIa1TU
Brassica navus L.
-------~
NAVET
-------- --------- -------- ------juillet, août
nettoyante et épuisante
------------- 1-------------- 1---------- -------- --------- -------/Jalpalloç
aliments hommes et animaux aliments hommes et animaux -----~-
Brassica cretica
CHOUX
juillet, janvier ou avril
aliments hommes
Muscllri comOBum
MUSCARI
juillet, août récolte février mars
se conserve bien /IUment des hommes; doit être bouilli
LEGUMES A BULBE {jo;\./}dç
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
284
TABLEAU III LES MALADIES DE L'OLNIER PRINCIPAUX PARASITES VISÉS ET DESCRIPTION DE LEURS DÉGATS
mars - avril fin du stade hivernal début du réveil végétatif
de février à mai fin mai en début de floraison
Teigne: chenilles minent feuilles puis bourgeons. Neiroun : galeries annulaires sous l'écorce Hylésine : galeries longitudinales dans le bois Thrips : déformation des feuilles et des extrémités des brindilles. Otiorrhynques : broute le bord des feuilles jaunes Psylle Glyphodes unionalis : extrémités des jeunes pousses. Cyc1oconium : tâches rondes brunâtres sur les feuilles. Cochenille noire: le long des nervures des feuilles et sur les rameaux ligneux. Fumagine: pellicule noire sur l'arbre; Teigne: sur les boutons floraux Psylle: boules blanches cireuses sur les grappes florales et rameaux. Insectes brouteurs . Thrips
fin juin - début juillet Teigne: dans le noyau et détruit l'amande, provoque la chute des olives dès juillet. Nouaison grossissement des fruits début juillet à octobre Mouche de l'olive: mange la pulpe jusqu'à complet développement. septembre-octobre
Cyc1oconium . Champignons sur fruits.
(d'après le Comité Oléicole International)
TABLEAU N DU GRAIN AU PAIN • GRAINS
Blé et orge oû~6Xl!1"a', oû~a{
"d)(plJç, Ka)(pv6wv xi6pov, x i 6pa 7Tnudv1j
morudo» • GRUAUX
"piIlVOV x6v6poç (aUca) ll~.p'Ta (polenta)
1
KVK€WV
~lJ~T\llaTa Ila~a
• FARINES oell{6a~,ç alllJ~Oç
'"yOp,ç 7Td~1j
aTaiç
(pluriel)
grillés, en offrande orge grillée blé ou orge vert, mondé (débarrassé de sa balle) ; mangé grillé ou bouilli. orge mondé; orge mondé en décoction. grain vêtu, débarrassé de sa balle (Édit de Dioclétien) gruau grossier, plutôt d'orge, consommé en bouillies ou galettes. blé mondé (débarrassé du son) par trempage, puis réduit en gruau. grain mondé (débarrassé de la balle et du son), trempé et grillé avant broyage, spécifiquement d'orge à partir de la fin du Ve s. av. L-C. farine de gruau cycéon, breuvage pâte dont on enduit les viandes de sacrifice. maza semi-liquide (fraîche ou rassie) ou solide. grains finement écrasés et tamisés; désigne, à partir de la fin du Ve s. av. J.-C., la farine de blé. semoule, gruau bluté de blé, tardivement farine de blé dur de second blutage. fécule; obtenue par trempage et séchage sans la meule; gâteau de cette fécule. fleur de farine (tardif), farine tamisée pâte de farine d'amidonnier
• PAINS ET GALETTES
• GATEAUX
tlPToÇ
pâte de farine de blé; cuite (avec levain, sans levain, au four, à la broche, sous la cendre) de farine blutée ou non pain d'orge
.".6.".avov .".~a"oOç
gâteaux de sacrifices, usages festifs pâte semi liquide pour les sacrifices à l'origine, puis solide gâteau plat, crêpe plate non levée.
UIJ'Y "ail' unlç .".{TlJPOV axv1j aXlJpa KlJp1j{3,a
farine plus son son de blé balles balles et débris de pailles, barbes de l'orge, glumes, son son de blé ou d'orge, recoupes et recoupettes, glumes.
""E~av6ç
• RÉSIDUS
285
TESTIMüNIA
TABLEAU V LES FABRICANTS eGénéral : OITOlTOllk (m. 1'.)
celui ou ceUe QuÎ transforme les céréales, blé ou orge, et peut effectuer tous les travaux, grillage, mouture! blutage, pétrissage et cuisson.
eMouture: àÀETpiç
celle Qui moud, meule alternative: mot employé en poésie ou pour désigner une fonction religieuse. meunier; soit propriétaire, attesté chez Démosthène pour un citoyen, soit exécutant, sur le vase hellénistique du Louvre. meunière; sans doute propriétaire et exécutante; métier attaqué dans une pièce d'Eubule Qui porte ce titre. meunière (tardif). le moulin est un lieu servile par exceUence; apparaît chez Thucydide (VI, 22), Euripide (Cycl., 235), Lysias (I, 18), Dinarque (l, 23); dans les trois derniers cas comme une menace infamante. moulin (papyrus)
(1'.)
j.LIJÀwl?pôç j.LIJÀwl?piç j.LIJÀEp-yaTllç j.LIJÀWIJ
ILIJÀaïoil
e Fabrication et vente de l'aÀ'PtTa : la fabrication de la farine; entreprise par le citoyen Nausikydès avec ses serviteurs; suffit à nourrir ses serviteurs, des porcs (avec le son), et lui permet d'accomplir des charges publiques (Xénophon,l,1ém., 7, 6). farinier, en t'ait marchand; on ne sait s'il fabrique lui-même (Aristophane, Nuées; 640, Oiseaux, 490, Assemblée,
àÀ'PITOlTOtïQ.
425).
àÀ'PITOlTWÀllÇ àÀ'PITOlTWÀIÇ OToa
marchand de farine; Nicoph. apuâ Athénée, 126 e. portique de l'~À'PITa (réserve publique ?).
• Fabrication et vente du pain de blé: àPTOlTOIOÇ (m. Ù,PTO/(01TOÇ (m.
et 1'.) et 1'.)
boulanger (gère) ; effectue sans doute toutes les opérations. boulanger (gêre] ; pétrit et cuit.
àPT01T01l0Ç àPT07tTllÇ
b ou 1anger (ori . mycemenne ânienne) ; ce lUIqUI ' . curt . 1e pain. . ongme
Ù,PT01TWÀIÇ àpTO/(a.lTllÀoc;
vendeuse de pain; semble aussi les faire. vendeur de pain (tardif). . boulangerie (attesté dans les papyrus à partir du 1er s. av. J.-C.).
apTo/(07tE[OIJ
TABLEAU VI Le travail mensuel de 74 fermiers à Mélos en 1974; nombre total de journées. D'après C. RENFREW, M. WAGSTAFF (1982), fig. 10.
_ _ oliviers _._.- blé - - viene _ _ orge ___ légumes
a
"
D
.
.
TABLEAU VII
LEMOULIN A HUILE
Grec ancien
Grec ancien
Grec moderne
poteaux d'encadrement
(arbores latins)
àOPclXTL
vis
KOXÀiaç
Grec moderne -----
sandale de bois pour fouler
KpovnÉ~cu
broyeur
ÉÀawTpr./3efa ÉÀawTpomov Tpa111]TT1ç (?)
àÀEaTLKL lJ.ovoÀilh
ÀT/vÉwv èÀawvP1'€L'OV ÉÀaLaTrypwv èÀaioTpomov
ÉÀawTpL{3w
------._---------- 1----------------1-----------------
KOXÀiaç --------------- - - - - - - - - - - - - - - - ----~------------ f-----~---------- ~-------------------------------IJ.vÀT/ meules du broyeur TPOXOÇ - IJ.vÀT/ écrou a<pov6EÀT/ ----------------- --------------- ~------------------------------------------------------------7TÀclKa auge du broyeur ou TPL11TT1P ôoov (?) banc {3Àclv6pa KaToÀilh ÀT/VOç du foulage 1--------------------------------- --------------- - - - - - - - - - - - - - - - ----------------- --------------"--
----------------à huile moulin (broyeur + pressoir)
--------------- 1----------------
--------------- ~------------------------------ÀoaToç, ôl, a<povôEÀT/, pressoir 11LEOTTIP
treuil
KOXÀia<:;
(horizontal)
........
1'paVcl~L (cabestan
-
vertical)
-------------------------------a7Tvp{ç,aap/clVT/ a
scourtins
1'aÀEfrypa
Taov{3aÀL
,---------------- ---------------- ---------------récipient pour l'huile Tp{7TTT/P KaTovaP
f-------------------------------- ---------------pâte mise à broyer ara
opov,ou tVÀov
ÀoaToç
(long)
patelle pour puiser l'huile
287
TESTIMONIA
TABLEAU
vm
LA CONSOMMATION D'HUILE A L'troQUE CONTEMPORAINE
Consommation moyenne de corps gras actuelle (1977-80) dans la Communauté à neuf, en Grèce, en Espagne et au Portugal.
AI
--
En tonnage (milliers de tonnes)
Pays
Grèce Espagne Portugal
huile d'olive huiles et et huile de huiles graisses beurre grignons de graines et saindoux marines et d'olive terrestres alimentaire 193 360 42
------ f-------Total
595
48 363 97 ------
508
6 11 6 -------
16 42 15
Par habitant (kg)
Total
263 776 160
huile d'olive et huile de grignons d'olive alimentaire 20,8 10,0 4,8
huiles de graines
5,2 10,1 11,0
------ ----- -------- f-------'--
23
73
------ f - - - - - - - - - - ------ ------- ------
1199 -----
11,0
9,4
----.----- f-------
• 6838 3340 1390 1580 2,0 12,7 ------ f-------- ------- ------- ------ - - - - - - -------- f------Total CEE' 12,1 1123 3848 1413 1653 8037 3.5 (12) ------ f---------- ------- ------- ------ - - - - - - - - - - - - - f--------Italie 8,8 500 716 97 125 1438 12,6
CEE (9)
528
huiles et graisses autres 2,4 1,5 2,4
Total
Population (milliers hab.)
28,4 21,6 18,2
9280 35959 8842
- - - - - - f------ - - -
1,8
54081
- - - - - - f----------
11,3
--
26,0
--
--
263000
----,--
~------
9,7
25,3
-
--_._--
317081
- - - - - - f---------
3,9
-- --
-
22,2
25,3
---- ---56870
BI Nombre d'hectares France Grèce Italie Espagne Portugal Agriculteurs :
Nombre d'oliviers
Production
5000000 117000000 185000000 173000000 50000000
2500,tonnes 240 000' tonnes 450 000 tonnes 4'20 000 tonnes 51 000 tonnes
585000 2225000 2200000 1115000 40 000 familles en France 300 OOO.familles en Grèce 1 000 000 familles en Italie 1500 000 familles en Espagne
(Chiffres cités par J. de REGIS (1985), p. 177-179).
Consommation annuelle par habitant 0,5 20 8 10 5
kg kg kg kg kg
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
288
TABLEAU IX RATIONS ANTIQUES
AI Rations grecques Par homme et par jour Source
2 choenix d'alphita (attiques)
Spartiates à Sphactérie (Thucydide, IV, 16, 1)
kg
2,174
1,400
a) 4641 b) 2320 ---------f-----------1,286 a) 4270 b) 2135 ----------f------ - - - 1,3 a) 3416 b) 1208
f----------------~---------------
2 choenix d'alphita (grecs)
Roi de Sparte (Hérodote, VI, 57,3) Cuisinier Mykonos (SIG', 1024,1. 14) f-----------------------------Contribution des Spartiates aux Syssities (Plutarque, Lyc., 12,2 : 1 médimne alphita par homme et par mois)
2
idem 1,6
f------------------------------
1 choenix 1/2 de blé ou 3 choenix d'alphita
1,6 3,3
2 cotyles de grains (d'orge ?)
0,5
Délos, ouvriers (lG XI, 158,1. 48 sq.)
Athéniens prisonniers aux Latomies (Thucydide, VII, 87)
calories
litres
---------f1,26 2,1
4204 a) 6961 b) 3480 1289
0,386
---------f--------
Soldats bloqués p-arCassandre à Pydna (Diodore, XIX, 49, 2) 5 choenix ~ par mois
0,12 430 ---------f----------0,69 a) 2320 b) 1160
0,66
------------------------------ -------------------Ration des hilotes à Sphactéries (Thucydide, IV, 16, 1)
----------
1 choenix à'alphita
1,087
1 choenix blé ou 2 alphita
1,087
Ration moyenne habituelle (Hérodote, VII, 187,2)
0,83
1------------------------------
2803
----------- ---
Ration des Romains et alliés (Polybe, VI, 39, 13) 2/3 médimne de blé attique par mois L---''--
0,89
1,15 .L
---''--
-'-.
BI Rations des esclaves de Clton (De Agr., 56) vol. en litres Esclaves travaillan t l'hiver imodii grain/mois ~-------------------
Esclaves travaillant l'été 4 modii grain/2mois -~-----------------
Vilicus, berger "_ 3 modii grain/mois ------------------Esclaves enchaînés 4 livres pain/jour ----------_._-------Esclave enchaîné piochant la vigne 5 livres pain/jour
poids en kg
1,14
0,88 (grain) - - - - - - - - - --------1,29 0,99 (grain) --------- --------0,86 6,65 (grain)
Pour un homme/jour (calories) (H.A. Forbes) (R. Etienne)
--
2964
--------2223
--------- --------- ---------
-----------
-
1,3 3281 (pain) --------- --------1,6 (pain)
2959
3334 ------_._-
4101
------------
2088 ---------
3386
--
-
---
2990 _
TESTIMONIA
289
• Référents adoptés: blé dur blé tendre pain complet huile d'olive
100 gr 100 gr 100 gr 100 gr
332 334 240 900
calories calories calories calories
alphita
100 gr
solution a) : 332 calories (= gruau d'orge moderne) solution b) : 166 calories (= la moitié de celles du blé dur).
Poids adoptés : 11 de blé 1 1 d'alphita
0,77 kg 0,64 kg.
N. B. ; R. Étienne transforme toutes ses rations en pain en admettant quecelui-ci donne une augmentation de 30 %, ce qui peut paraître élevé.
LES RATIONS ALIMENTAIRES
L'évaluation des rations alimentaires dépend de plusieurs facteurs:
AI Le passage de la mesure antique, estimée en volume, à celui de la mesure moderne estimée en poids. Si les correspondances sont relativement aisées pour les liquides, elles se heurtent pour les grains à plusieurs difficultés: le poids des céréales n'est en vérité jamais connu rigoureusement, celui des céréales vêtues est encore plus aléatoire, toute correspondance est approximative, et tout tableau qui n'indique pas ce choix est inutilisable. Plus difficile encore pour les périodes anciennes est l'estimation du poids en farine, ou en pain. Même pour le Moyen Age, pour lequel on a davantage de chiffres, les querelles entre spécialistes vont bon train. L. Foxhall et H.A. Forbes (1982) ont effectué des expériences de mouture et nous avons utilisé les poids obtenus (p. 76) dans nos référents, bien que l'orge qu'ils ont employée soit peut-être un peu' plus lourde que celle de la Méditerranée antique (cf. Pline, XVII, 62). BI Les calories. Nous avons gardé les équivalences de la FAO, sans pouvoir résoudre le problème de ï'alphita. L. Foxhall et H.A. Forbes adoptent l'équivalence donnée pour le gruau d'orge fabriqué avec les méthodes modernes, tout en reconnaissant que les calories sont sûrement alors surévaluées. Ils refusent l'équivalence donnée par A. Jardé, pour lequel une ration de blé vaut deux rations d 'a/ph ita, et qui semble bien cependant ressortir de l'inscription de Délos où un ouvrier est payé certains mois en blé, d'autres en alphita, et où aucune correspondance de prix ne peut être trouvée à cette pratique: il semble bien s'agir de rations. On aboutit donc à des comptes très différents selon que l'on adopte l'une ou l'autre solution. La vérité est probablement entre les deux: 100 gr d'a/phita n'avaient pas le pouvoir calorique de 100 gr de blé dur, mais dépasssaient cependant largement la moitié de ce pouvoir. Plutôt que de proposer une moyenne hypothétique, nous avons laissé les deux solutions, Les rations données pour les esclaves de Caton sont particulièrement précieuses car elles envisagent plusieurs cas de figure. H.A. Forbes utilise les estimations en grain, R. Étienne ramène tout à des estimations en pain complet. Malgré la prudence à accorder à ces chiffres, qui ne sont jamais à prendre comme des statistiques mathématiques, ils nous fournissent des données relatives non négligeables. Il peut être intéressant de comparer nos tableaux avec des rations d'hommes adultes actifs disposant d'un volant limité de ressources. Ces tableaux sont donnés par M. Gast (1968) pour le Hoggar.
290
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
TABLEAU X RATIONS CONTEMPORAINES DU HOGGAR
Ration journalière attribuée en 1907 aux méharistes d 'In Salah - établie par le capitaine Dinaux, chef d'annexe. Homme de troupe d'origine autochtone: 600 g de blé concassé 80 g de sucre 40 g de café 15 g de sel 30 g de beurre 765 g de nourriture 20 g de savon
~
2820 calories, dont 2100 en céréales
Ration des méharistes installés en Ahaggar en 1909 - rapportée par le médecin Robert Hérisson. Par jour
Pour 15 jours
666 g 100 g 33 g 20 g 33 g 66,6g 66,6 g
10 kg de blé concassé 1,500 kg de sucre 0,500 kg de café 0,300 kg de sel 0,500 kg de beurre 1 kg de riz 1 kg de pâtes ~
3458 calories, dont 2331 en céréales
985,2 g
Ration pour travailleurs de force dans les chantiers. En 1961 les chantiers d'Iniker employant la main-d'œuvre locale avaient basé leur intendance sur les chiffres suivants: Pour 15 jours par personne : 6 kg de farine 2,400 kg de sucre 0,250 kg de thé 0,300 g de sel 0,7501 d'huile 3,900 kg de couscous 6 boîtes de sardines à l'huile ~ 3859 calories, dont 2310 en céréales
Par jour 400 g 160 g 16,66 g 20 g 59 cl 260 g 856,66 g
sans l'huile
Les rations des méharistes peuvent, au moins pour les premières, se rapprocher de celles des Spartiates qui ajoutaient à leur ordinaire du vin, du fromage, des figues, sans compter le gibier occasionnel (Lye., 12,2); selon H.A. Forbes, on parviendrait à 4230 calories, mais si l'on adopte l'hypothèse basse pour l'alphita, à 3134 calories. Les rations des travailleurs du chantier peuvent être rapprochées de celles de Caton. On notera que les rations d'Iniker seront considérablement améliorées après une grève des chantiers (M. Gast, p. 308). Comme le note R. Étienne (p. 71), si les rations des esclaves sont suffisantes en calories, elles présentent des carences en vitamines A, D, C. Mais en ce qui concerne les céréales et l'huile, elles n'avaient pas à être augmentées. Les Athéniens utilisaient, eux, largement le miel, et les recettes de maza au fromage, au miel, aux légumes, permettaient un équilibre alimentaire auquel l'huile ajoutait un apport de calories non négligeable.
291
TESTIMüNIA
Ces rations élevées en céréales pouvaient-elles être fournies par les petites propriétés? Si l'on adopte le taux moyen de 1,5 W à 2 W de semence à l'hectare (blé), et le rendement de 4 à 5 pour l , selon Columelle, 1 ha fournit 6 à 10 W par an, soit 2 ha (avec l'assolement biennal) peuvent nourrir de 1 à 3 personnes selon la qualité de la terre et le travail effectué. Le prix du médimne de blé (0,51 W) varie aux ve et Ive siècles de 3 à 6 drachmes le médimne (avec une pointe exceptionnelle à 16 drachmes), l'alphita de 1 2/6 à 4 drachmes selon nos informations fragmentaires (tableau Sitos, R.E., sup. VI, 887-8 et Kendrick Pritchett (1956), p. 197). Le coût mensuel des céréales reste très bas, le salaire journalier s'élevant de 1 à 2 drachmes. Il était plus intéressant de payer en nature ... à condition d'avoir le grain disponible.
Le prix de l'huile connaît aussi des fluctuations, mais nos chiffres sont beaucoup moins nombreux pour la période classique; selon Aristote (Œc., II, 1347 a), un chous d'huile à Lampsaque vaut 3 drachmes, soit 36 drachmes le métrète (39,391). Selon l'inscription attique IG IP, 1356, l'huile pour le sacrifice vaut de 1 à 1 1/2 obole le cotyle, soit 12 drachmes le métrète. Le salaire journalier d'un manœuvre au Ive siècle (1 drachme) permet d'acquérir de 1 à 3 litres d'huile.
1
Etude comparative de productions obtenues en plantation traditionneDe et Intensive d'olivier sans irrigation Exploitation: .Manero. (ArJona-Jaén)
ANNEES
PLANTATION INTEN~VE Dace de p1aatalloa: 1968 Delllllé: 3U o/vien'b •• VarWIé: PIcuaI
PLANTATION TRADmONNELLE Ale: + de 80 • • DeDslti: 80 oIIvten1ba, Variélé:PkuaI PRODU~ONS
PRODU~ONS
(KGfHA)
OLIVES
(KGIHA)
OLIVES
HUILE
HUILE
-
1972
4.205
-
1.147
1973
2.435
673
5.160
1.254
1974
1.274
360
2.718
635
1975
3.099
749
5.164
1.265
1976
1.420
354
1.373
292
1977
2.550
743
7.050
1.760
MOYENNE 1973-1977
2.156
576
4.293
1.041
=7,14 m. D= 4,69 m.
l
H. 3."m
DISTANCES: 12 x 12 m.
---._--L
PLANTATION INI'ENSIVE
LANTATION TRADITIONNELLE (ANDALOUSIE)
TABLEAU XI (D'après M. PASTOR MUNOZ COBO, in Olivae, n" 5, 1985).
---._D ::;.I::.:;, STANCES: 6,9 x 6.9
TABLEAU XII
E2
==
A
T~
a L.----=__ .. VYlS;
(Pollox) Schol. Apoll. Rhod, Etym. Genmnum
~
iAv~«
VdUa ·14; 1 u, o. Gin 1786 Elton ·1809, 2J815
Gr.eviu& 1667 Le Clerc 1701 Rohinllon 1737 Krebs 1746 Loesoer IT;'H Zomagnu 1180 u. ü.
Lchrmclnuug seit Ende de. 18. Jh. (siche Tobelle S. 13)
Proldos
:Mougcz IM15
G1
G2
G3
c Cholrcboskoq ~) 'I'zetzes
f),V).
·1144, 11146 (The G""'llieka of Virgil)
Hertel 1564 li. o. RumWl 1,)12 HenÎSC'h 157-1 Heinëiua 1622 wtereetcn 1635 PIlMOr 16-1-(1 Schrevc! 1(}.;j(J u.
FrwWl ·1548, ·1562 MelsnchÙlOll lM( RiecÎua ID80~ ·1611 Schmidt reer. 1623 Dieterteh 16..'"19 JI .... J71l11'
,
r'
.i\Io3l·hopulos(?~
Etym.
yv~ç;
o.
8alvini 1741 Cooke 1811 Mitchell 1863
L'araire d'Hésiode: propositions de restitutions d'après les manuscrits et les premières éditions (KOTHE, 1975).
Gudianum
[VYYL,Ç]
D MœdwfJuloat
L'araire d'Hésiode: propositions de restitutions d'après les commentateurs anciens (KOTHE, 1975).
TESTIMONIA
293
L'ARAIRE
Documentation iconographique (:2e millénaire - me s. av. J.-C.)
• ARAIRES ATTELES 1. Table d'argile provenant de Vounous (Musée de Nicosie)
Chypre, ± 2000 av. J.-C. Table supportée par 5 pieds (longueur: 41 cm). Dessus deux paires de bœufs labourant, chacun suivi par un personnage. Sur un côté, deux personnages tiennent un objet étroit, derrière un animal (?) et un autre personnage. Deux araires donc de quelques centimètres chacun, et grossièrement esquissés (en partie insérés dans la table). Date: 2100-2000. Trouvé dans les fouilles de Vounous, 1931/1932. P. DIKAIOS, A Guide to the Cyprus Museum, 3e éd., 1961, vol. V, n° 4, et p. 29. P. DIKAIOS, «The Excavation at Vounous-Bellapais in Cyprus (1931/1932)>>,Archaelogia, vol. 88, Londres, 1940, p. 127, pl. IX a, b; pl. X a. 2. Terre cuite de Tanagra (Muséedu Louvre) VIe siècle av. J.-C. B.I03. Longueur totale: 0,24 m. Hauteur: 0,12 m. Un paysan vêtu d'une tunique sans manches et chaussé de bottes peintes tient le mancheron d'un araire attelé à deux bœufs. Le groupe est posé sur une plaque de forme irrégulière peinte de sept raies parallèles, figurant les sillons. Le bras gauche et la main droite du laboureur ont disparu. Thèbes, première moitié du VIe siècle; acquis en 1891. S. MOLLARD-BESQUES, Catalogue raisonné des figurines et reliefs en terre cuite grecs. etrusques et romains, 1,1954, pl. XIII, et p. 18. La description la plus détaillée de ce groupe, souvent reproduit, est donnée par MARTHA, B. CH.. 1893,17, p. 80-84, et p1.I.
3. Groupes de bronze Smyrne, VIe siècle av. J.-C. Huit groupes identiques. Hauteur: 5,5 à 6 cm; longueur: 9 à 13 cm. Pour chacun, laboureur avec araire et' attelage dont un bœuf est toujours inversé, indiquant sans doute :..;".;; l' aller et retour des animaux dans les sillons, suivant l'hypothèse de J.L. DURAND (1980). A)
British Museum - 52.9-1.13
.Chambige d'une seule pièce; le bœuf de droite est à l'envers; acquis en 1852 de la Borell, Coll. ~ 75.3-13.11 Le timon et la chambige sont faits de deux pièces, le timon rattaché au joug par un rivet. Malgré une restauration de l'attache, semble exact; bœuf gauche à l'envers. Coll. Purnell. B)
Berliner Museum Berichte N.F. 16,1966,2 f abb. 1 et 2.
Timon et chambige en deux parties.
294
LE PAIN ET L'HUILE DANS LAGRÈCE ANTIQUE
C)
Cambridge; Fitzwilliam Museum - 32.4 : chambige d'une seule pièce; le bœuf gauche est à l'envers. Duncan Bequest. - 32.5 : idem, bœuf droit à l'envers. Duncan Bequest.
D)
Copenhague; National Museum - AB a 708 : une seule pièce; le bœuf droit qui était inversé est manquant. Acquis en 1855/1856.
E)
Athènes; British School Une seule pièce : bœuf gauche inversé; deux lettres sur le côté droit du manche araire; Coll. Finlay, dit trouvé à Tchesmé en Asie Mineure.
F)
Ancient Art in American Private Collection (1954), n. 193, SCHIERING, pl. h 1. Après confusion sur leur origine (dite de Chypre), une étude a montré qu'ils provenaient sans doute d'un sanctuaire près de Smyrne et ne seraient pas plus anciens que le VIe siècle av. J .-C. D.E.L. HAYNES, «A Group of East Greek Bronze»,J.H.S., 1952, vol. 72, p. 74 sq. SCHIERING, p. 148, n. 1123, pl. h I.
4. Vases attiques à figures noires A) British Museum Inv. 1906, 12-15, 1 (Sian a) Coupe fond blanc, figures noires. La frise du revers montre un laboureur nu, aiguillon en main, qui guide un attelage formé de deux énormes taureaux; derrière, un autre paysan remonte le sillon en laissant tomber le grain . . Rhodes; donné par Sir H.M. Howorth en 1906. Deuxième quart du VIe siècle av. J.-C. Attribué au Burgois Group par BEAZLEY. A.H. SMITH, C V., British Museum (2.), Great Britain (2.). III He, p. 10,6 b. A. LANE, Greek Pottery, 1953, p. 38 B. J.D. BEAZLEY, Attic Black Figure Vase Painters, 1956, p. 89. F. VILLARD, «L'évolution des coupes attiques à figures noires»,R.E.A., XLVIII, 1946, p. 153·181. B)
Musée du Louvre F 77 (Inv. Campana 630). Série dite «des petits maîtres». Coupe à bande décorée à l'extérieur; h. : 0,15 m; d. : 0,21 m. Sur le revers B, labourage et semailles. De droite à gauche : un mulet, un paysan nu tenant un panier semble jeter la semence, un autre, nu aussi, conduit l'attelage de bœufs qui traînent un araire sur lequel appuie le pied un troisième laboureur qui tient à la main un fouet à lanière double. Derrière, un quatrième travailleur ramène la terre à l'aide d'une pioche. Enfin, un personnage (restauré) porte un fardeau devant un éphèbe. Sur le revers C, transport des grains et labour. Le laboureur nu appuie du pied sur un araire conduit par des mulets puis, encadré par deux éphèbes, un attelage de mulets traîne une charrette transportant des amphores bouchées. Trouvé en Ëtrurie ; entrée en 1863; troisième quart du VIe siècle av. J .-C. E. POTTIH., Vases antiques du Louvre, ~ série, 1901, p. 99 (sans illustration). N. PLAOUTINE, C. v'A. France (14), Musée du Louvre (9), groupe III He, pl. 82,4,56.
C)
Musée de Berlin (Inv. Nr. F), 1806. Coupe de Nikosthénès 4; h. : 0,162 m; d. : 0,268 m; fond blanc, figures noires. L'intérieur de la coupe est illustré par trois groupes de laboureurs armés d'un aiguillon, conduisant chacun un araire traîné par des bœufs. Un semeur porte un gros panier. Entre les groupes sont intercalés des animaux sauvages et un chasseur armé d'un bâton. Vulci, dernier quart du VIe siècle. E. GERHARD, Trinkschalen und gefliJ3e des kôniglichen Museums zu Berlin (1848.1850), Taf. l, 1-3. J.D. BEAZLEY, Attic Black Figure Vase Painters, p. 223.
D)
Skyphos attique à figures noires Gemeente Museum of the Hague. inv. 1973.
TESTIMONIA
295
Sur la bande réservée à l'extérieur, deux scènes de labours: sur une face, un paysan nu conduit un araire traîné par des bœufs; sur l'autre, l'instrument est tiré par des chiens. Provenance inconnue. entre 550 et 515. L. KAMPMAM-PLATT, «Chien tirant la charrue», R.E:G., 1939, p.416-417. G. VAN HOORN, «Kynika», Studies David Moore Robinson, St-Louis, 1953, p. 106·107. J.D. BEAZLEY, «Paralipomena», Addîtions toAttic Black Figure Vase Painters, Oxford, 1971, p. 87. S. Vase à figures rouges Cratère attique (Musée de Baltimore, Harvard 60.345) Hauteur: 0,41 m. Un laboureur pose le pied sur l'araire attelé à deux bœufs, dont le dental est court et volumineux. Une femme armée d'une lance et un vieil homme barbu sont tournés vers lui. C. V.A., Baltimore, Robinson II, pl. 48-2. ROBINSON, «Bouzyges and the First Plough»,A.J.A., 1931, XXXV, p. 152. J.D. BEAZLEY, Attic Black Figure Vase Painters, II, p. 1115. • INSTRUMENTS SEULS 6. Idéogramine de l'écriture hiéroglyphique Reproduit six fois sur deux sceaux et quatre tablettes de Cnossos. EYANS, Scripta Minoa, p. 190, n° 27. 7. Vases à figures rouges, ye siècle A)
Skyphos béotien. Musée de Berlin, 3412. Araire tenu en main par Triptolème. S. RUBENSOHN, Eleusinische Beitrage, Berlin, 1911, p. 211. C. DUGAS (1960), p. 131 sq. A.M., XXIV, 1899, pl. 7.
B)
Péliké,IMusée National d'Athènes, 16346 Hauteur :Q,26 m. Pluton/Ploutos et Déméter avec come d'abondance. C. V.A., Athènes (2), pl. 27. Acquis en 1938 par confiscation: araire tenu en main par Déméter. J .D. BEAZLEY, AR V' ,p. 1113/11. H. METZGER (1965), p. 26, n° 54.
C)
Cratère en cloche attique Cabinet des médailles, n° 425 ; peintre des Niobides.
D)
Cratère dit c de Cumes» Paris, Cabinet des médailles, na 424; peintre d'Hector; 2e moitié du ye siècle av. J .-C. : départ de Triptolème. COOK, Zeus, l, pl. XX. C. DUGAS (1960), na 76.
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B)
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INDEX DES REFERENCES EPIGRAPHIQUES
ATTIQUE
IG l' , 76 (LSCG, 1969, n" 5) : 72. IG 1',94 (LSCG, 1969, n° 14) : 62. IG 1',313: 249 .. IG 1',314: 249. IG Il',10 (TOn, GHI, 2, n° 100) : 214. IG IP, 903 : 196. IG II', 1184 (LSCG, 1962, n° 24) : 130. IG Il',1241 : 56. IG Il',1356 (LSCG, 1969, n° 28) : 194. IG 11',1358 (LSCG, 1969, n" 20) : 213. IG IP, 1424 : 99. IG II',1553-1578 : 212. IG II' , 1627 b : 249. IGII', 1631 :99. IG II',1672 : 38, 249. IG II',1673 : 96. IG II' ,1678 a: 107. IG II' , 2311 ; 195. II',2492 : 52,59. IG II' , 2493 ; 56, 62. IG Il' ,2498 : 52,58,62. SEG. XIII, 12-22 : 40,97,99, 103, 106, 107, 137,147, 148 174.
le
pELOPONNÈSE
PLEKET, Epi.. n° 15 : 220.
GRÈCE CENTRALE
IG VII, 3073: 107.
GRÈCE DU NORD
IG IX', 234 : 206. IG IX', 1014 : 206. /JG, n° IX : 28. R. MEIGGS, D, LEWIS, n° 20 : 209. Comptes de Dion 1 : 99. CID (1), 1977 : 62.
ILES
IG XI', 144 A : 99. IG XI' , 287 A et B : 72. IGXI',159 :147. ID, 354: 72. IG XII, 5 (1),593 (LSCG, 1969, n° 151) : 130, 194. IG XII, 5 (2), 872 : 137, 207. IG XII, 7,62 : 52,56. IG XII, 8, 265 : 62. lns. Cret. (1935), n° 1 : 58, 66. Inst, Courby, 1971, n° 29 : 192.
ASIE MINEURE
LSCG. 1955, nO 41: 130, 216. Sy[[.3, 279 : 209.
GRANDE GRÈCE
IG XIV, 645 : 52, 62, 67.
EDIT DE DIOCLETIEN (Edition M. GIACCHERO) : 90, 93,97,106,108,148.
CID: Corpus des Inscriptions de Delphes. ID ; Inscriptions de Délos. IG : lnscriptionae Graecae. lns. Cret. : Institut F. COURBY .Nouveaux choix d'inscriptions grecques, Paris, 1971. IJG : R. DARESTE, B. HAUSSOULIER, Recueil des Inscriptions Juridiques grecques, Paris, 1890-1904. lns. Cret. : M. GUARDUCCI,Inscriptiones Creticae, Rome, 1935-1950. LSCG : F. So KOLOWS KI, Lois sacrées des cités grecques, 1955,1962,1969. MEIGGS, LEWIS: R. MEIGGS, D. LEWIS, A Selection of Greek Historical Inscriptions, Oxford, 1975. PLEKET, Epi. : H.W. PLEKET, Epigraphica, Leiden, 1964. Sy[[.3 : W. DITTEMBERG, Sylloge Inscriptionum Graecarum. .
TABLE DES CARTES
Carte
1 2 3 4 5 6 7 8 9
Température et pluviométrie Climats et durée de la saison sèche Extension de l'olivier et de l'oléastre en Méditerranée Occupation des sols Distribution contemporaine de l'orge sauvage Les céréales en Grèce d'après les citations d'auteurs antiques La végétation naturelle en Méditerranée et les limites de l'olivier La diffusion des broyeurs à trémie en Méditerranée orientale Les dépendants ruraux en Grèce
29 30 31 32 47 48 ,. 49 152 222
TABLE DES FIGURES DANS LE TEXTE
Figure
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Il 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34
La croissance du blé Le cycle de l'olivier Anatomie d'un épi de blé ,.............. L'olivier et l'olive Légumineuses Bouturage et greffe Les gestes de la moisson àla faucille Le gaulage des olives Le travail de l'araire . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. Les différentes parties de l'araire antique L'araire grec moderne Jougs et attelages antiques ~ Outillage manuel: curoir, pic et pioche La houe à deux dents, dikella -", . . . . . . . . . . . . .. Types de faucilles de la Méditerranée orientale contemporaine Instruments de dépiquage et vannage ' Le grain et ses calories Une boulangerie traditionnelle Fabrication du pain au Hoggar Femmes pilant, skyphos béotien Les gestes de la meunerie ,à· la meule plate Le fonctionnement du broyeur d'Olynthe Les types de fonctionnements de la meule rotative Un moulin à huile au XVIe siècle La fabrication de l'huile sans moulin Le détritage. Types de broyeurs Types de pressoirs à levier Pressoirs à levier et vis et pressoirs à vis contemporains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. Les contenants d'olives et de pâte Divers usages de l'huile Chronologie des systèmes de mouture '. . . . . . . . . . . . . . . . .. Moulin à roue horizontale. Exemple contemporain de Corfou Chronologie simplifiée des pressoirs La vis d'Archimède
19 21 35 42 55 61 70 74 82 84 87 91 94 94 101 104 114 118 121 136 139 141 145 157 160 164 167 171 182 188 246 250 251 252
TABLEAUX • • • • • • • •
• • • • • • •
Restouble, restoubler Plantation des oliviers (Comte A. De Sinety , 1803) . . . . . . . . . . .. Calendrier des travaux La mouture économique, méridionale, à la grosse L'art de la boulange " Préparations de céréales dans le sud méditerranéen contemporain La maza dans Le Régime d'Hippocrate APTO!: dans Le Régime d'Hippocrate La bsisa tunisienne Temps de travail pour un hectare de céréales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. Nombre des ouvriers dans les exploitations de Caton Les données en superficie (ve-rne s. av. J.-C.) Liste des agronomes grecs perdus selon Varron, Columelle et Pline De Causis Plantarum, Historia Plantarum, plan des deux ouvrages - détail du plan du livre V111 La diffusion du moulin à eau
53 60 77 116 118 120 124 127 131 202 204 206 230 236 247
TABLEAUX HORS TEXTE Tableau 1 II III IV V VI VII VIII IX X XI
Les espèces de céréales, vocabulaire grec , , Les légumineuses, vocabulaire grec Maladies actuelles de l'olivier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. Du grain au pain, vocabulaire grec ,. Les fabricants, vocabulaire grec Temps de travail mensuel à Melos Le-moulin à huile, vocabulaire, grec ancien et grec moderne Production et consommation d'huile contemporaine Les rations antiques Rations dans le Hoggar contemporain Les productions d'oliviers en Méditerranée selon les types de plantations contemporaines '. .. XII Les différentes parties de l'araire d'après les manuscrits d'Hésiode
282 283 284 284 285 285 286 287 288 290 291 292
TAB.LE DES PLANCHES
Planche
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Il 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41
Iconographie de l'orge. Iconographie du millet et du panic. Iconographie de l'olivier. Types d'oliveraies. Taille de l'olivier. Araires méditerranéens contemporains. Iconographie de l'araire antique. Iconographie des semailles. Iconographie de l'araire, objet isolé. Typologie des socs. Jougs et attaches de jougs. Illustration d'une des premières éditions d'Hésiode. Outils manuels. Faucilles modernes et faucilles de l'âge du bronze. Dépiquage et vannage; Vans et cribles. La herse. Instruments de grillage et cuisson. Le broyage au pilon. Position des ouvrières devant la meule plate. Meules plates et broyeurs à trémie. Types de broyeurs à trémie. Broyeurs à trémie. Restitution. Moulins antiques d'Occident. Meules manuelles rotatives. Le fonctionnement du clibanos. Fours et cloches à cuire, . Fabrication de pains et gâteaux religieux. Les contenants. " Grandes et petites meules de broyeurs à huile contemporains. Le fonctionnement des broyeurs antiques. Types de meules à huile. Types de contrepoids en Grèce romaine. Pressoirs à treuil romains. Pressoirs à levier et vis. Restitutions proposées pour les pressoirs à levier et vis. Pressoirs à vis directe. Pressoirs à vis antiques. L'huile et l'olivier. Le moulin à eau. Vis et écrou. Deux innovations décalées.
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Planche 1. - Iconographie de l'orge selon a) R. DOnOENS (1616); b) J. PITTON de TOURNEFORT (1694). Cliché CNRS, Chené-Réveillac,
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Planche 2. - Iconographie du millet et du panic. Détail des fruits. 1. PITTON de TOURNEFORT (1694). Cliché CNRS, Chené-Réveillac.
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Siludl:ris Olea .",e.lf).,JUr. • ac edam z~""' vocatur ~ à noonulhsiM," Al~cr;m~: LaunisOleafter, Connus, Olea A;.ll1l,p"'a: Germani. IDllDcr tltlMum: Itahs Oli.,J.I.""I: H.(pani' Âub"rh~, Â%.IImb.the,,. : Gal", DI,.", gt • Oliuz aurem , quz quidern adcè matura (urn, vc Iponre rua vel cadant , velm". catura: ( quas J):v;nni( appell.llt ) mode..!, Cl h'0(
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Planche 3. - Iconographie de l'olivier selon R. DOnOENS (1616) et l'abbé COUTURE (1786). Cliché CNRS, Chené-Réveillac,
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Planche 4. -Types d'oliveraies. Oliviers conduits en hauteur, Delphes. a) mer d'oliviers dans la baie d'ltea; b) jeunes oliviers replantés dans la montagne. Cliché Réveillac.
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Le tronc 2 a été supprimé. Le tronc J a été conservé avec ses deux charpemlëres mais celles-ci ont été écimées. "
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Planche 5. - Tailles de l'olivier. a) Plantation et taille courte à partir d'un souquet, A. COUTURE (1786); b) Taille de regénération. Oliviers taillés. Olivae, 1984.
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Planche 6. - Araires méditerranéens contemporains. a) Pakistan; b) Afghanistan; c) Kurdistan ; d) Syrie; e) Chypre; 0 Melos. Dessins J.P. Pelletier, d'après H.J. HOPFEN (1972) et C. RENFREW (1982).
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Planche 7. - Iconographie de J'araire antique. Araires attelés. Statuettes votives. a) Chypre, 2e millénaire av. J.-C.; b) Anatolie, VIe s. av. J.-C. Cliché British Museum (cf. notre catalogue, p. 293).
Planche 8. - Iconographie des semailles sur des coupes attiques à figures noires. a) Cliché British Museum; b) Cliché Chuzeville (cf. notre catalogue, p. 294).
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Planche 9. - Iconographie de l'araire. L'objet isolé. a) Timbre d'amphore de Thasos, ve s. av. J.-C. Cliché Ecole Française d'Athènes. b) Détail d'une monnaie de Métaponte (Iye s. av. J.-C.); c) Détail d'une pelike à figures rouges, ye s. av. J.-C. (cf. notre catalogue, p. 295).
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Planche 10. - Typologie des socs. F. SACHS (1968).
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tQUERRAGE DU JOUG SUR LE TIMON
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Planche 11. - Jougs et attaches de jougs. a) Musée de Florence :joug égyptien Nouvel Empire, d'après A. SPRUYTTE; b) Jouguets contemporains près de Cherchell. Cliché Ph. Leveau; c) Maroc. Cliché UER d'Histoire, Aix-en-Provence.
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Planche 12. - Illustration d'une des premières éditions d'Hésiode.
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Planche 13. - Outils manuels. a) Dikellll, timbre d'amphore de Thasos, ve s. av. J.-C. Oiché Ëcole Fran~ d'Athènes. b) Binette et houe actuelles à Chypre, musée de Nicosie. c) Émottage au maillet, relief gallo-romain, musée Arlon. d) Paysan tenant son araire et sa pioche, mosaïque, calendrier d'Argos, Ive s. ap. J.-C. Oichés UER d'Histoire, Aix-en-Provence.
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Planche 14. - Faucilles modernes et faucilles de l'âge du bronze. a) Petite faucille dentelée utilisée en Iran pour l'orge et les broussailles (G. LERCHE, 1968). b) Faucilles de bronze de Théra (MARlNATOS, 1972); c) FOIsou!in de Chypre en fer forgé, 1. : 0,29 m. Musée d'Art populaire de Nicosie; d) faucille de bronze mycénienne, Chypre (CATLING, 1964).
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Planche 15. - Dépiquage et vannage. a) Turquie, 1983, dépiquage au tribulum et vannage. Document transmis par P. Charles. b) à gauche, dépiquage sur le tribu/um, à droite avec les chevaux, Espagne, XVII' s. de notre ère. Illustration gravée de BRAUN. Cliché CNRS, Chené-Réveillac.
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Planche 16. - Vans et cribles. a) Le crible de l'aire moderne. Dessin Centre de Manne. b) Tamis fait de croisillons d'intestins de mouton, d. : 0,49. Musée Art populaire de Nicosie. c) Usage du van pour nettoyer le grain avant la mouture, Hoggar, 1966. Cliché M. GAST. d) Usage du liknos avant le sacrifice, coupe attique à figures noires. Cliché British Museum.
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Planche 17. - La herse. Types septentrionaux et méridionaux. a) Herse danoise, XIXe s., en bois, trouvée par G. LERCHE, même type de construction que des fragments archéologiques du 1er et IXe s. Cliché Agricultural Museum, Copenhague, 2,05 m x 1,15 m. b) Hersage à la planche, Iran, 1983. Cliché Agricultural Museum, Copenhague; dessin-M. BAZIN, C. BROMBERGER, 1982.
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Planche 18. - Instruments de grillage et cuisson. a) Grilloirs, brasero, cloche à cuire. Fouilles de l'Agora d'Athènes (B.A. SPAR KES, 1970). b) Instruments contemporains, saj d'Israël et d'Iran servant de grilloir à céréales ou de plaques à cuire les galettes. c) Trépied et marmite (Y. GRANDJEAN, 1985). .
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Planche 19. - Le broyage au pilon. a) Modèle de terre cuite du Louvre, B. 120. Béotie, début v e s. av. J .-C.. Cliché Chuzeville. b) Le geste des broyeuses, d'après un vase à figures noires du Musée de Léningrad. Le pilon, uperon, tenu en main comme une arme, d'après une pelike attique, Musée de Munich, début ve s. av. J .-C.
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Planche 20. - Position des ouvrières devant la meule plate. a) Debout. modèle de pierre du Moyen Empire egyptien. Cliché Musée Borely , b) Agenouillée. modèle de bois égyptien, mouture de l'orge. Musée du Louvre, cliché Chuzeville.
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Planche 21. - Meules plates et broyeurs à trémie. a) Broyeurs standardisés d'Athènes, Vile s. av. J.-C. (C.N. RUNNELS, 1981). b) Broyeurs à trémie manuels, Priène. c) Différents types de meules trouvées dans la maison de l'Hermès à Délos. Cliché Ecole Française d'Athènes.
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Planche 22. - Types de broyeurs à trémie. a) Meules carthaginoises, me et Ue s. av. J.-C., Byrsa (Y. LANCEL, 1982); Kerkouane (. MOREL. 1969) b) Meule d'Halieis (C.N. RUNNELS, 1981).
Planche 23. - Broyeurs à trémie. Restitution à partir d'un broyeur du navire de Kyrenia. Dessin M. Borély. Broyeur retrouvé à Thasos, Musée de Thasos. Cliché Ëcole Française d'Athènes.
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Planche 24. - Moulins antiques d'Occident. a) Moulin à bras de Byrsa (I.P. THUlLLIER. 1982). Dessin M. Borély. b) Le moulin à sang de type pompéien. Dessin M. Borély.
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Planche 25. - Meules manuelles rotatives. a) Exemple antique de Délos, II-lei:s. av. ].-C. Cliché Ecole Française d'Athènes. b) Fonctionnement d'une meule contemporaine à Chypre. Musée d'Art populaire de Nicosie. c) détail d'un moulin rotatif, Hoggar, 1966. Oiché M. GAST.
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Planche 26. - Le fonctionnement du clibanos. a) Modèle en terre cuite, Musée de Carthage, Ive s. av. J .-C. Cliché P. Arcelin. b) Fabrication contemporaine, tabûna en Égypte. Cliché P. Arcelin, 1984.
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Planche 27. - Fours. a) Four portatif de l'Agora d'Athènes (B.A. SPARKES, 1970). b) Modèle béotien, v» s. av. J.-C. Musée du Louvre. Cliché Chuzeville.
Planche 28. - Fabrication de pains et gâteaux religieux (Ve s. av. J.-C.). a) Le pétrissage, modèle de terre cuite béotien. Musée du Louvre. Cliché Chuzeville. b) L'ensemble des opérations, modèle miniature d'Argos. Musée d'Athènes. Cliché Musée archéologique d'Athènes.
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Planche 29. -- Les contenants. a) Sacs de semence, détail, pl. 8 et fig. b) bât de transport de cruches, contemporain. Chypre, Musée de - Nicosie. c) Amphore panathénaïque, VIe s. av. J.-C., Musée Borély. Cliché Folio CNRS.
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Planche 30. - Grandes et petites meules de broyeurs à huile contemporains. a) Corfou, d'après A. SORDINAS (1971). Dessin P. Vallauri. b) Chypre, moulin de plein air, 1983. Cliché M.C. Amouretti.
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Planche 31. - Le fonctionnement des broyeurs antiques. a) Le trapetum, exemplaire de Pompéi. Cliché H. Amouric; fonctionnement normal, meules non adaptées. Dessins P. Vallauri, d'après A.G. DRACHMAN. 1932. b) Moill oleorÎil, sarcophage romain d'Arles. Cliché CNRS. Dessin P. Vallauri.
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Planche 32. - Types de meules à huile. 1) Meules de Pindakas (Chios), Olynthe, Pompéi,llpidaure (H.A. FORBES, 1978). 2) Broyeur romain, Agora d'Athènes. American School, Excavations in the Athenian Agora. Picture Book nO 7. 3) Fonctionnement du moulin à huile contemporain de Beni Ferah (Aurès) (M. CAMPS·FABRER, 1953·1985).
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Planche 33. - Types de contrepoids en Grèce romaine. a) Pindakas (Chios), Vie s. ap. J .-C., d'après BOARDMAN, ABSA. 1958-59, p. 304. b) Kourion, Chypre. Cliché M.C. Amouretti. c) Une proposition de restitution au Liban, époque byzantine, O. CALLOT (1979). d) Contrepoids tardifs de Délos, restitution (Ph. BRUNEAU, 1984).
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Planche 34. - Pressoirs à treuil romains. a) Pressoir à treuil de Pompéi, restitution sur place. Cliché H. Amouric. b) Pressoir romain à treuil creusé dans le roc en Grande Kabylie (J.P. LAPORTE, 1985). c) Pressoir à treuil et poulie du Levant contemporain (H.E. WULF, 1966). d) Proposition de restitution du pressoir à treuil et contrepoids de Héron de A.G. DRACHMAN (1932).
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Planche 35. - Pressoirs à levier et vis. a) Le pressoir de Salamine de Chypre (G. ARGOUD, 1973). Restitution: broyeur, contrepoids, encoche dans le mur permettent une restitution assurée, cependant la forme de l'écrou, la taille de la vis, l'attache de celle-ci restent hypothétiques. b) Fonctionnement d'un pressoir à vis à Chypre à l'époque contemporaine. Musée des Arts et Traditions populaires de Chypre.
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Planche 36. - Restitutions proposées pour le pressoir de Héron à levier et à vis. a) SCHMIDT (1903). b) CARRA de VAUX (1893). c) A.G. DRACHMAN (1932). d) M.C. AMOURETTI-J.L. PAILLET (1984) et celui de Pline (A.G. DRACHMAN). On notera les différences dans l'ancrage et l'attache de la vis sur le levier.
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Planche 37. - Pressoirs à vis directe. Témoins contemporains à Chypre. a) en métal, de plein air. Cliché M.C. Amouretti. b) Ancien pressoir en bois et nouveau en métal. Musée des Arts et Traditions populaires de Nicosie.
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Planche 38. - Pressoirs à vis antiques. a) Presse à foulon. Peinture de l'atelier d'Hypsaeus, Pompéi (quartier VI-VII-20. 21). b) Relief d'Aquiléa. Musée d'Aquiléa. c) montants de pressoirs du Ile siècle et proposition de restitution par M. GlCHON (1979-1980). d) une ancienne proposition de restitution: celle du lavis de J. HOUEL en 1782. Après avoir dessiné les pierres d'un pressoir antique de Sicile, il a projeté le dessin des pressoirs modernes qu'il voyait fonctionner sur place.
Planche 39. - L'huile et l'olivier. a) Monnaie de Sicyone. Cliché Archives de Marseille. b) Vase d'argent de Boscoreale. Musée du Louvre, cliché Chuzeville.
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" Planche 40. - Moulin à eau. a) Le moulin d'Athènes. D'après W. PARSONS. Hesperia, 1936.
b) Le moulin de Barbegal. D'après F. BENOIT ,RA, 1940, I.
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Planche 41. - Vis et écrou. Deux innovations décalées. a) Vis d'Archimède en bois, trouvée à Sotiel, Portugal. Cliché UER d'Histoire d'Aix-en-Provence. b) Vis et écrou d'un pressoir à huile du XVIe siècle, Barcelone. Cliché G. Cornet.
TABLE DES MATIÈRES
9
INTRODUCTION
A THOOPHRASTE
PREMIÈRE PARTIE : LES TECHNIQUES DE CULTURE D'HEsIODE (Ville-IVe
s. av. J.-Co)
15
Chapitre 1 : Le milieu méditerranéen
17
• Un climat original 17 • Des variétés régionales .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 18 ~ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 18 • Climat et cultures • Le climat a-t-il changé depuis l'Antiquité? 22 • L'instabilité du climat 24 • Les sols grecs et l'extension des cultures " 25 • Olivier et espacement des cultures 25 26 • Les terres à blé • . L'espace cultivé 27 o'
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Chapitre II : Les espèces et leur diffusion
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33
• Les céréales 33 • Les blés vêtus '. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 36 36 • L'orge ' 39 • Le blé nu 40 • Le millet • La complémentarité des céréales 40 • L'olivier 41 • L'oléastre ~ 43 • La progression de l'olivier cultivé 44 • Les variétés d'olivier cultivé ... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 45 0
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Chapitre III : Les techniques agraires • Jachère et assolement • Le cycle des céréales d'automne et l'assolement biennal • Les types d'assolement sans jachère biennale • Légumineuses et assolement biennal : • La valeur agronomique des assolements grecs
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LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
• La préparation du sol • Les labours de jachère :............................................. • Les plantations • La fumure • Des semailles à la récolte • Le bon semeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. • La plantation et le premier entretien • La taille • Les maladies • Les récoltes • La moisson • Le dépiquage et le vannage • Rangement et conservation • La récolte des olives • Techniques routinières ou techniques complémentaires? Chapitre IV : L'outillage agricole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. • L'araire 1. 1. L'instrument 1.2. Joug et attache du timon 1.3. Aiguillon • Les outils aratoires manuels . . . . . . . . . . . . . .. 2.1. Les instruments '. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 2.2. Houe à deux dents 2.3. Pioches et l:\.oues 2.4. Houe lourde, bêche 2.5. Maillet à émottage i .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 2.6. Instruments de sarclage et buttage • Les instruments de la moisson et du battage 3. 1. Faucilles 3.2. Instruments de vannage • Divers 4.1. Pelle 4.2. Sac de semences : 4.3. Racloir polissoir 4.4. Instrument à dents, la herse .Un outillage routinier? DEUXIÈME PARTIE: LES TECHNIQUES DE TRANSFORMATION
Chapitre V : Le pain quotidien des grecs, des objectifs différents des nôtres • Du grain au pain, des possibilités multiples ,............................................ • Vocabulaire • La mouture traditionnelle en Occident • L'art de la boulange • La préparation des céréales dans le sud méditerranéen • La préparation des céréales au temps d'Hippocrate • Le vocabulaire
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5~ 6: 6,: 6,: 6{ 6~ 6~
65 65 71 71 7~
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75 81 81 85 9: 9~ 9~
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95 l Oï l Oï 103 lai lai lai lai 107 108
'. . . . . .. 112
. 113 . 113 . 113 . 115 . 118 . 119 . 121
TABLE DES MATIÈRES
• • • • •
Préparations à base de grains non moulus Préparations à base de gruaux Préparations à base de farine Les déchets Usages autres qu'alimentaires
122 123 126 129 130
Chapitre VI : La transformation des céréales
133
• La mouture • Grillage et broyage au mortier, permanence des formes • Une lente évolution, la meule • De la farine au pain • Les cribles • Des contenants aux usages variés • La cuisson • Un équipement léger
134 134 138 147 147 148 149 151
Chapitre VII : La fabrication de l'huile dans la Grèce classique
153
• La fabrication de l'huile, les contraintes • Les composantes de l'olive • La préparation des olives avant broyage • Les différentes opérations techniques • La fabrication de l'huile sans moulin • Sources ethnographiques • Interprétation des documents antiques • Le détritage dans le moulin: les broyeurs à olives • Les broyeurs modernes, apports de l'ethnologie et de l'histoire • Les broyeurs romains .;................................................... • Les broyeurs grecs • Les pressoirs • Le pressoir à levier • Le pressoir à levier et à vis -. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. • Le pressoir à vis • Des sources archéologiques aux sources littéraires: le témoignage de Héron d'Alexandrie
154 154 154 155 158 158 161 162 162 163 165 166 166 169 170 172
Chapitre VUI : Les produits de l'olivier; consommation et usages variés
177
• Usages alimentaires • Les 'olives • L'huile ;Jes différentes qualités d'huile • La consommation • Les soins du corps • L'hygiène corporelle, l'onction après le bain • L'onction des gymnastes • Les parfums • Usages médicaux • Usages industriels • L'huile de lampe • Textiles
177 177 179 181 183 183 ', . .. 184 185 189 190 190 191
LE PAIN ET L'HUILE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
• Lubrifiants • Dérivés • Usages religieux • Conclusion
19:
'. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 19: 1919:
TROISIÈME PARTIE : LES HOMMES ET LA TECHNIQUE - L 'H~RITAGE GREC
Chapitre IX : La main-d'œuvre
19'
~
19~
• Les besoins en main-d'œuvre rurale 20t • Le temps de travail et les contraintes de la production 20t • Nombre d'ouvriers et taille des exploitations 20• L'offre: les différentes catégories de main-d'œuvre rurale 20: • La main-d'œuvre servile , 20: • Le travail li bre et ses am bigu ïtés 21• Transformation et spécialisation ,). . . . . . . . .. 211 • Un équipement léger ......•.................................. :............ 21' • Une lente diversification des métiers 21: " 22:
Chapitre X : Agronomie et agronomes, de la pratique à la théorie .. :
• Les limites de la science agronomique '. . . . . . . . . . . . . . .. • Images et réalités agricoles dans la poésie et le théâtre avant le Ive siècle • Les origines de l'agronomie grecque • Médecins et philosophes • Les écrits perdus • Xénophon et la naissance de l'agronomie expérimentale • Du Lycée au Musée d'Alexandrie, naissance de l'agronomie didactique • L'héritage Chapitre XI : Progrès ou blocage des techniques agraires dans le monde grec? Les chemins de l'innovation '
22: 22: 221 221 22~
23: 23, 23'
; . . . . .. 23~
• Le blocage des techniques dans l'Antiquité, une idée développée entreles deux guerres ~ • Avènement du moulin à eau ou avènement des médiévistes? • La diffusion de l'innovation: moulins à grains et moulins à huile • Chronologie des systèmes de mouture • La place du moulin à eau • Les moulins à huile
24( 24] 24~ 24~
24( 24Ç
CONCLUSION
25~
TESTIMONIA
26::
• Sources littéraires • Théophraste • Homère • Hésiode • Xénophon • Aristophane
26~ 26~
265 27~
'
27~
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 27f
TABLE DES MATIÈRES
• Hippocrate
278 280 282 289 293
• Varia • Tableaux hors texte • Les rations alimentaires • L'araire: documentation iconographique BIBLIOGRAPHIE
297
INDEX
319
TABLE DES CARTES
325
TABLE DES FIGURES
325
TABLE DES TABLEAUX
:
326
TABLE DES PLANCHES HORS TEXTE
332
PLANCHES
333
ANNALES LITTBRAIRES DE L'UNIVERSITB DE BESANCON CENTRE D'HISTOIRE ANCIENNE
Dernières publications et volumes annoncés:
50. P. Brun. Eisphora . Syntaxis . Stratiotika. Recherches sur les finances militaires d'Athènes au IVe s. av. J. -C; 1983 (volume 284). 51. E. Bernand. Inscriptions grecques d'Égypte et de Nubie. Répertoire bibliographique des LG.R.R., 1983 (volume 286). 52. M. Clavel-Lévêque et P. Lévêque. Vllles et structures urbaines dans l'Occident romain, 1984 (volume 288). 53. Dialogues d'histoire ancienne, IX, 1983 (volume 289). 54. Archéologie et rapports sociaux en Gaule (Préhistoire et Antiquité), 1984 (volume 290). 55. Hommages à Lucien Lerat, 1984 (volume 294). 56. L.-P. Delestrée. Les monnaies gauloises de Bois-l'Abbé (Eu, Seine-Maritime), 1984 (volume 295). 57. Dialogues d'histoire ancienne, X, 1984 (volume 301). 58. M. Garrido-Hory. Index thématique des références à l'esclavage et à la dépendance. Martial, 1984 (volume 303). 59. Ch. Pérez. Index thématique des références à l'esclavage et à la dépendance. Cicéron, Lettres à Atticus, 1984 (volume 304). 60. Y. Garlan. L'esclavage dans le monde grec, 1984 (volume 305). 61. M. Gitton. Les divines épouses de la ISe dynastie, 1984 (volume 306). 62. L. Lerat. Dans Besançon gallo-romain. . . Fouilles sous l'ancien parc de la Banque de France, 1985 (volume 318). 63. M. Crampon. Salve lucrum, ou l'expression de la richesse et de la pauvreté chez Plaute, 1985 (volume 319). 64. Cl. Orrieux. Zénon de Caunos, parëpidèmos, et le destin grec, 1985 (volume
320). 65. H. Walter. La Porte Noire de Besançon. Contribution à l'étude de l'art triomphal des Gaules, 1985 (volume 321). 66. F. Laubenheimer. La production des amphores en Gaule Narbonnaise, 1985 (volume 327). 67. M.-CI. Amouretti. Le pain et l'huile dans la Grèce antique, de l'araire au moulin, 1986 (volume 328). 68. Les grandes figures religieuses: fonctionnement pratique et symbolique dans l'Antiquité, 1986 (volume 329). 69. Dialogues d'histoire ancienne, XI, 1985 (volume 69).
Maquette, composition et mise en page réalisées par le Centre de Recherches et d'etudes Linguistiques (C.R.E.L.-France) Aix-en-Provence
Réalisé sur les Presses de Rivette Imprimerie - Besançon