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. L'argument ne nous parait pas probant, car l'Iliade (XVI, 386-387; XVII I, 497) nous laisse erttrevoir cette institution qui se développera dans le monde d'Hésiode, infra, p . 151 sq. ; dans leur édition, Ameis-Hentze considèrent avec raison cet &:v1jp comme un noble, un géronte qui r eçoit du roi une délégation de pouvoirs judiciaires. . 3. Odyssée, I, p. 53, note; Navigations d'Ulysse, II, p. 198. 4. Strabon, VIII, 343-345. Cf. Nestor commandant à ses neuf agglomérations (Il., 11, 591-594) qui ont leurs 1jy1j-rope:ç (Il., XI, 687} dont il est ~ctatÀe:oç (Il., II, 54; Od., XI, 285). T"qp, ÔVOf-1-&~e:-rocL 8~ Xl)(t ,EÀw8ép~oç, 8·1JÀO~ xa.t lVUvl)(v8poc;. Et les modernes ne sont pas parvenus à !J.OV -rv7t't"OV'r<XÇ cXÀÀ-/jÀrov -rà: vw-rcx. TO(iÏ't"O(. 8s Ëcr·n l(ieu81j. 4. Bekker, Anecdota, I, p. 234. 5. Paus., III, 11, 7. "l. "lll'l91À:tt mv lh.V~vw; 'l'f;ç ci-y.>;:iiç d;ç CÙ>«<
L'AGORA HOMÉRIQUE : LES T EXTES
comme V. Bérard, des liens de parenté entre cette fédération et celle des Ioniens autour du Panionion, on peut souligner cependant le rapprochement qui s'impose avec d'autres groupements identiques dont le sanctuaire d'Apollon à Délos nous offre peut-être l'exemple sinon le plus ancien, du moins le plus brillanV. De l' lliade à l'Odyssée, l'évolution est sensible, marquée par un enrichissement de la notion d'agora et une ex tension de son rôle et de ses fonctions dans la vie de la communauté. Dans l' Iliade, l'assemblée n'existe que par la volonté du roi qui la convoque, la dissout, la réunit où il veut et au moment qu'il choisit. Ses pouvoirs sont limités à un contrôle moral des décisions des chefs. L 'assemblée n'a rien encore d'une institution constitutionnelle. L'agora d'Ithaque révèle une indépendance et une puissance plus nettement organisées. Elle se réunit si elle ne reçoit pas de convocation légale ; les chefs de famille craignent ses décisions ; elle est capable de jouer le rôle d'arbitre dans les querelles des princes. Rôle qui va lui conférer, par la suite, les caractères et les droits d'une cour de justice. En outre, l'agora de l'Odyssée s'est détachée du palais royal pour s'installer à l'abri des cultes protecteurs de la cité ; à Schérie comme à Ithaque, les autels des dieux y sont dressés ; elle fait partie du téménos divin. Institution déjà complexe, l'agora de l'Odyssée préfigure l'important organisme qu'elle deviendra dans les cités classiques. Ces prémices de l'histoire de l'agora reflètent assez exactement ce que nous savons par ailleurs des origines de la cité grecque; elles évoquent les diverses étapes de sa formation depuis le moment où la royauté mycénienne garde encore intacts ses privilèges jusqu'à l'époque où, dans les cités évoluées du monde ionien, le groupement conscient des citoyens en assemblée fait de celle-ci une institution politique aux fonctions précises et efficaces. Mais notons aussi que rien, dansla période homérique, ne reflète les luttes âpres et parfois sanglantes qui, aux vn e et vi e siècles, vont accompagner 1. Nous retrouverons plus loin cette forme d'agora qui explique du point de vue architectural les rapports entre agorai et sanctuaires. Sur l'identification discutée du site de Pylos, problème renouvelé par la découverte en Messénie d'un palais achéen, AJA, XLIII, 1939, p. 557-576.
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LES ORfGI NES DE L'AGORA GRECQUE
la gestation des constitutions démocratiques. L'épopée nous maintient dans un monde relativement calme où les prérogatives royales ne sont pas encore mises en cause; la hiérarchie n 'est pas attaquée par les forces sociales que l'évolution économique mettra en mouvement. Nous restons avec les poèmes homériques dan,s un état politique antérieur au vue siècle ; nous nous trouvons aux origines mêmes de la notion d'agora. 3)
Aspects de 1'agora homérique d'après la tradition littéraire
Les textes homériques évoquent deux sortes de places d 'assemblée, différant plus par leur situation et leur étendue que par leur structure architecturale. Les unes s'identifient avec une esplanade aménagée aux portes du palais royal; les autres sont descendues dans la ville basse, au pied de l'acropole qui porte le manoir. C'est pour avoir méconnu ce double aspect de l'agora primitive que les commentateurs de l'épop·ée furent entraînés à des généralisations trop hâtives 1 • R écemment, W. McDonald a le premier contesté cette généralisation, mais sans marquer les caractères particuliers de chacune de ces places 2 • Le témoignage des textes est formel. Les Troyens tiennent leurs assemblées régulières devant le palais de Priam, sur l'acropole de Troie 3 ; Nestor réunit sur une esplanade aux portes de son manoir ses fils et les étrangers, ses gendres, là où siégeait déjà le vénérable Nélée ; .d est là aussi qu'il offre des sacrifices à Athéna 4 • Devant le palais d'Ulysse, les prétendants tiennent conseii avant de se livrer aux jeux de leur caste. Il ne s'agit pas d 'un terrain vague, mais bien d'un lieu construit et aménagé avec des sièges en pierres lisses, bien taillées, blanchies, dont l'enduit 1. Ainsi Van Leeuwen, des passages de!'lliade attestant l'existence de l'agora devant les portes du palais de Priam (Il., II, 788; VII, 345-346), en conclut à la· situation régulière de l'agora homérique sur l'acropole, devant to palais, llias, II, p. 674. 2. W . A. McDonald, Meeting Places, 1943, p. 20 sqq. 3. Régulières, à côté des assemblées de caractère un peu exceptionnel réunies en d'au tres points, comme celle que convoque Hector sur une place nette, au bor d du fleuve, après le combat (Il., VIII, 489-490) ou ce conseil de guerre tenu autour du tombeau d'Ilos, • au milieu de la plaine • (Il., X, 414-416) ; cf. Jl.,:n. 788; VII, 345-346; Od., VIII, 503-504. 4. Od., III, 386 sq. ; 406.
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est soigneuse men~ entretenu 1 • Le sol est nivelé, voire dallé pour les jeux et. e..xercices gym niques. Cet te place d'assemblée restrein t e se présente comme une sor te d'audilorium r-ustique, élevé sur les côLOs ou autour d'une esplanade, réservé au laos. Au cen t re ou :ll'un des a ng les de l'esplanade, se dressait. l'autel d 'Athéna à qui Nestor consacre une vict.ime avant. le repas comm un (Od. , Ill, 444-445). Reten ons ee double caroctère, politique et religieux 2 • On aimerait pouvoir évoquer ici, par delà le texte d'Hérodote (VII, 197), le À~t....ov des At.hamanes, lieu d'assemblée militaire, particulier aux pays achéens. C'était un bois sacré où s'élevait un édifice, le npu-ro-.vYjLov, qu'il no faut. point. identifier avec le Prytanée des cités classiques. Nous avons ici lu ma rque de survh·anccs achéennes, de caractère exclusivcmenl. militaire'. A côl.é rl e ces places d e hauts-lieux, d'autres agorai sont bien aLI;esli:es dans la ville basse. A llhaque, elle s 'é ~end loin du manoir, au pied de la bulLe derrière laquelle disparaissent. les deux oiseaux de Zeus q uand 1ls on t survolé l'assemblée •. Les scènes agitées qtJi s'y déroulent évoquent le m~m e décor de bancs de pirrre où les chefs onl. leuT place réservée; T6lémaque occupe celle de son père (Od., Il, 14). Plus précise est la dcscripl.ion de l'agora des Phéaciens. Sa siLuaL10i1 est. dé fi nie par le port - elle lui est. co ntjguë, puisque là sont. installés les fabricants d'agrès, de ' 'oilc3, de cordages - el par le sanctuaire de Poseidon rl onl. elle occupe une partie du t.éménos. Quand Uly sse, sur les traces de Nausicaa, monte du rivage vers le manoir d'Alkinoos, devant ses yeux se dérou le un panora ma dont., à deux reprises, les plans sont dél.nillés (Od., VI, 26()..269 ; VII, 4-45) : les ports de pu rL el. d 'a utre de l' isthme sa blonncux qui ra t tache Jo ville au co ntinent avec 1. Od., VII I, 5: dtu.
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LES ORIGINES DE L'AOOIIA GRECQUE
les vaisseaux tirés presque sur le bord du chemin, puis l'agora, ent ourée d u P oseidoniort, el. en fln les hauts murs de la citadelle. Lidenlill ca t ion t radi Lionoelle nu site sur la presqu'tic de Polaeopoli reste vala ble malgré l.e s eliorts de V. Bérard 1 ; elle p<'rmel.. de suivre avec p récision la promenade vespérale ù'Uiysse; la ville d'Alkinoos ét.ait sil..uée sur la pointe d e la presqu'tic, l'agora élait. sur l' isthme, là où se développa la ville d'époque classique, cnlre le port d'Aikinoos (baie de Kaslradés) eL le port HyllaTrync (baie de I
L' ACORA llOMÉRlt)IJ E ! LES T E XTE S
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s 'applique donc qu'ù une par ti e du l éménos. ' ous pourrions puiser des exemples comparables jusqu e d ans la Grèce classique, mais l 'Odyssée elle-même suggôre le ra pprochement avec l'agora des Pyliens, comprise elle aussi d ans le téménos de Poseidon 1 • Sur neuf rangées de gradins éta ient assis les Pyliens, chacun des groupes offrant le mème nombre de vietimest. Qu'il s'agisse d ' une agora féd érale* ou non , le dispositH n 'en reste pas m oins très voisin de celui de l'agora de Schérie et appn l'lient à un ty pe de constru ction déjà fixé d ans ses lignes essentielles. T ou tefois chez les Phéaciens, l'a gora présen te une structure plus complexe qui, outre les ba ncs de pierre tradi tionnels, comprend une aire aménagée pout· les jeux, les lu ttes ct les courses et un e orcflcslr a pour les d anses•. Nous imaginons les diverses par ties de cet. ensemble autour du sanctuaire de Poseidoo : de vasLes gr adins, avec les sièges d ' honneur réservés aux princes et a ux hôtes de m arque, en hord ure d 'une piste et. d' une esplanade p ropice aux évolut ions chorégraphi qu es; les plans se développent jusqu'à la mer avec les a teliers de marins, les cales pour les bntcnux el:. enrrn le port.. Quelque rudimentaires qu'en soient les const ructions, l'ensemble o(Jre les grandes lignes d ' une composit io n urbaine qui annonce les magislrales réalisat.ions des v illes ioniennes du ve siècle cL on ne peut q u'évoquer , en arrière-plan, les rivAges ct les sit.es de la gra nde cité milésienne. Nou sommes ramenés à un e co mposition plus limi tée par les tablea ux qu ' H ~ pha istos grnve en tra it... précis su r le 1. Od., Ill, 5 sq. ~. C't8~ 1~ sens norm~ l de 13ptX.< dan• 1l omère et l'on on 1>euL guèl'& occop t.er l' int.er pr6ta oon donnu pu Mury, Ody~&tJI p. na : • eom pagnies, seeLion• '· Cl . Glol~, LtJ Cilt grecqu,, p. 44. Uœ dllllcullé n1Slde dans le nombre d et Olllill· ta.ols, 500 par grad in, noliS d1L 1~ poète, ce 11u1 implique des gradins d' une longu•ur cons.illerable. Plui.IIL que de eorrlger le t.exte, eomme le propose W. MeDnnold, o. c., p. 26-27, nous a ccorderions tl ~P"' un sen' plus large; le moL s •appllqucrnlt Il un' ensemble do gradins (et. III, 3 1, Il etlt6 de Oéyupl(), sortu de division comparot>le oux )U9><1&; dos LMA ~res posLérlours. 3. C'est J'expliea.Uon - t.rœ vraisemblable - propolée par V. SéMird, OdiJ~Mc, 1, p. 63, not e, qui voiL iCi le socrlnce fédéral réunlnooL los repr6&eu· t.a.nt.s des 9 villes sur lesquelles r~ne Nestor eL, au-delli, le souvenir des Eaçrlfices l6d6roux du Panlonlon, dam un autre sonoLualre do Poseldon, non loin de Mllet. 4. Od., V III, 121 sq.; 2S8aq.
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LES OniGJNES I)E L'AGORA GI\RCQU8
Bouclier d'A chjJie 1 • Les ciooyens, les laoi, sont rasscmbl6s au tour d 'une scène de jugemen t; les j uges, les gérontes, sont. assis, suivan t la règle, sur des pierres polies, tandis qu'au to ur d'eux, debou t, se presse le public contenu avec peine par les Mra uts. A première vue, rien ne distinguerait cette agora des Lypes précMenLs si une précision du poète n'était venue jeter le trouble parmi les commentateurs : c Les Anciens, nous dit -il, son t. assis sur des pierres polies dans un cercle sa cré». Et les scholies n'ont. fnit qu'égarer les recherches en citanL, pour écla irer ce t.émoignage, d es textes qu i sont visiblement inspirés par luit. Euripide et Sophor.lc font tous deux allusion à un p lan ci rcul:~ ire de l'agora, l'uJJe en dé nn issan t le brave homme de la campagne, peu habitué à la ville, q ui ne l"réq ucn le pas c le cercle de l'agora a ; l'autre• en formulan t. les pouvoirs d'Artémis, asso<' iéc il Eucléia, q ui règne sur c le trône circulaire d e l'agora ». Or, ancun détail, a ucune n otation descript ive ne permetten t. d'i maginer un dispositif circulaire pour les au t.res places homériques, en parLicu lie1· celles d'Ithaque eL de SeM rie. Nous t rouverons da ns les cil.és a rchaYq ues un typo ri e place correspondant aux descriptions de ces dernières ; ou contraire, aucun vestige conl cmporain ne laisse reconoatlre un plan circuJuire pour les grandes places pubü ques. Les scènes d u Bouclier ol) l'imagination paratt. souvent modifier la réalité, où des influences d'esthétiq ues d iverses ont. laissé leurs ma rques, ne fera ient-elles pas ullusion, soit à un modèle étranger, soit. à un type d 'édifice an térieur ? L'agur-.t circulairo t.
Ir., :>..'"VI II, 497 scr.
2. Eustal bo, ad JI., XVIII, 604 : ' l cpl>c; al xGxJ.oç o
6étJ.LV xal 3bc-r,v, l:Jv l
Lo &Ll"iCle conslrucllon grn mmnlicalc rnpporte l'épithète à 6p6voç. Ne a'ngiroil.-11 pu alors s implement d 'un temple rond on AriA\ mis scrnit honorfe Y Mnis connott.oo beaucoup de temples rond.t consacr~ ô Art.émls 7 Tous les Arltmi11a jusqu'alors ont rév~l6 des naol de type rectangulaire. Il nous&cm.blo quo le rappor~ est plus va(fUe et que l'l
L' ACORA HOltÉAIQUE : LES TEXTilS
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n'ap pn rLiendr.ti l pas à la même zone chronologique. ous a uri ons dans Je poème les traces de deux structures archiLectu rales. Seule l'éLude des données arcMologiqu\JS peut nous pennet.tre de situer dans l'espace d dans le Lemps ces deux types d'agora.
CHAPITRE II L'AGORA HO~RIQUE : lNTERPRBrATION DES DONlŒES ARCIISOLOGIQUES
1) L'agora circulaire D'après les témoignages littéraires, conservant le souvenir de ce plan, des généralisations prématurées ont été formulét-.s, que les laits n'ont pas toujours confirmées. Une théorie comme ceUe d 'Aicroft, admet trop aisément que 1'agora primitive est toujours circulaire 1 et l'auteur étend ceLLe conclusion, sans que rien dans le texte ne la justifie, à l'agora et. au téménos des Phéaciens ; le centre serait occupé par le monument fu néraire de l'ancêtre d'Alkinoos, plus attendu que le aanct.uaire du dieu ébranleur du sol. Or, ni les installations que la majorit.è des descriptions homéri.ques permet tent. d'évoquer, ni les ruines suscept.ibles d'illustrer ces témoignages n'impliquent l'existence d'un plan circulaire pour l'agora des cités grecques archaïques. Cette tradition a encore faussé l'hypothèse de J . Charbonneaux sur le plan primitif des lieux d'assemblée 2 ; associant à cet te idêe du • cercle sacré • la forme de la Skias de Sparte et de la Tholos d'Athènes, il taisait de ces édifi ces les modèles qui auraient imposé leur plan à beaucoup de salles d'assemblée postêrieures. Or, nous ne savons pas encore très exactement ce qu'est la Sl
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réunion, t.ous de pl:m recüligne cL de conception très difTérenLel. En outre, nous avons mo ntré déjà avec quelle lenteur la forme de l'orchestre du théllt.re avai t influencé le plon des constructions annexes eL de la cavea en part.iculicr, donL la structure ancienne comportait un disposili r rectiligne•. Dans une syn lltè~e des questions rela tives ù la destination des M ifices circulaires en Grèce*, F. Robert n'a pas abordé ce problèrne de l'agora de même plan, qui lui par ut sans doute déborder le cadre de son étude. Cepend:mt, les conclusions mêmes qu'il a formulées, en meU.ant en évidence la signification reügieuse de ce plan, associé à des culles funéraires eL chthoniens, auraient. pu, sans doute, recevoir confirmnLion d'u n examen plus approfondi d'un problème en apparence accessoire. Les difficultés de ceLle recherche rèsniLenL des contradictions internes des témoignages. D'ab01•d, on invoq ue les scènes du Bouclier d'Achille (Il., XVIII, 504 sq.) en faveur d'une théorie généro le sur la forme de l'agora homérique sans :remarquer que ce Lémoignage est isolé et que !.oules les nulrcs dcscripl.ions du poèllle se réfèrent. à des places de plan d iiTérent., dont. nous trouverons l'image dans les rui nes des cit.és a rchaïques. D':~u tre part, la tradition liLLérni re conserve le souvenir d'une agora circulnire jusqu'en pleine époque classique, alors que rien, dans l'urbanisme contemporain , mise à part l'ogorn de Mantinée - ne permet de j ust.ifier une telle concept ion. Faut-il cependant. récuser ce témoignage et conclure de l'absence de confirmations archéologiques il une fantaisie du poète ? Ce serait commel!re le même excès de généralisation hâtive que nous avons critiqué dans les théories précédentes. EL il vaut mieux lenl.cr de définir la réalilé qui se cache sous l'expression épique. otons d'ahord que, en parlant du texte même, il est difficile d'affirmer q ue toute la place d'assemblée était circulaire•. Il semble plutôt que le tribunal des Anciens n'en occupait qu'une partie aménagée en Mmicycle avec des Il. A. T hompson, Tlu ThoiOI and ,,, p rtdUefiOTI, 1/uptrio, IUppl. rv. p. IS Aq., 4().4.4 ; n. Martin, BCfl, LX\'1-L..'XVII, 1942~13, p. 348-359. 8CU, r bid., p. 288-298. F. Hobert, Thvmm, 1939. Vnn Leeuwen, llla1, Il, p. 674, d'nprês lequel tout.e t'ugora éta U comprlilo à l'in~rleu r de ee eerclc saerê ; il y volt les orliJoes do ln t holos. 1. 1940, 'l. 3. •·
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LES ORIG INES DE L1AGORA GRECQUE
sièges de pierre. Cette construction n'était point séparée de l'agora 1 et, si el1e n'en constituait pas le centre géométrique•, elle en était, du moins, un élément essentiel. Ce fait ad mis, quelles sont les origines de ce plan ? Y o-t-il quelque cause à cette discrimination entre les deux dispositifs, rectiligne et circulaire ? Quelque raison écarta nt J'un au profit de l'autre? On o vu d'abord dans le choix du plan circulaire le résultat de néccssiUs pratiques et on eut tôt fait d'en rapprocher les lignes de l'orchestra ct du théâtres. Mais l'exploration archéologique ne rend plus possible celte dérivation, car les installations des plus anciens théâtres sont rectilignes• et nous verrons que les plus anciens lieux d'assemblée oo l'agora hellénique a puisé ses éléments et ses principes de composition sont aussi rectilignes•. Si cette description est autre chose qu'une création fantaisiste du poète, en quelle époque et quel lieu faut-il chercher les modèles qui ont inspiré cet te évocaLion de la cité en paix ? La réponse dépend de l'interpré tation litt.él'aire el archéologique de l'ensemble du Douclier. Les recherches s'orientent en deux direct ions différentes ; les uns rattachent cette œuvte d'orfèvrerie 1\ l'inspiration créto-mycénienne ; les autres, plus orientalisants, au courant d'art cypro-phénicien qui, au déb ut du premier 1. Sehoemann, Griuh. A lltrtaiiiLr, I, p. 20. 'l.. J. Cbtt rbonn.eaux, BCH, XL IX, 1925, p. IG9. 3. Telle sembla e~.r<~la conclusion 1mpliell6 de J . Cbubonoeaux, ibid., p. 1691ïO ~t eelle aussi de W. lleOona.ld, Al«ling Placu, p. 28 sqq. 4. La tM3t.re de Tborieos eon!l
quelques ros~ de la proedrie donnent t.out lieu de croire qu'elle 6t.alt prim.lUvement en ligne droite, E. F iecbtor, /Jas Dio11!JIOI·T htaW i n A lhtn, 111, p .72. Au IV• a. encore, le! gradins du tbMtre de Tégoo 6ta.lent reetllign~ au bord d'une orebeat.ro circulaire ou somi·eir<:ulelre, Il. Vo.lloi•, Lt lh(61r• de 1tate, B CH , L, 1926, p.I GS, pL V-V Il . m do trts ancienne.• salles d 'assemblée eomme le Télest.érion d'Eleu!is ~t le premier Oouleul.érlon de l'agora d'Athencs ont le piao en n ; H uperia, V 1, 1937, p. 133, 0«. 72, J'IOn qui luL COI'l$trVÔ aux fpoques postél"leures dans le Tbet3Uion de \!~&polis, d&ns I'Eeclésia31.éTlOn de Milet tl le Bouleutêrion de Priène: 1'. Krbchen, Ani. Ralhiiuur, 194 1, pl. 25. Cl . la théorie déleodue sysllmaliqu.,_nt p&r C. Anll, Tealri grui UI'(.Qici, 19•7, p. 109 iqq. el les erjliques pertinen tes rormuJU.' pu R . E. W:yeherloy, J HS, 67, 1947, p. 13?· 138. 5. I nfra, p. 85 sq.
L'AGORA HONÉR1Q\1E : DONNÉES ARCHÉOLOGIQUES
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millénoire, a produit une série de coupes dont. les décors sont inspirés par des sujets identiques•. Les opinions présen tent une gamme étendue de oua nces 2 et opè1-ent un dosage varioble d'in11 uences orien ta les ct de traditions crdt.omycénirnnes. La t endance prédominante depuis Helbig est d'illust rer la description homérique avec les sujets des coupes dites phéniciennes ou cypro-pbéniciennes dont Jo date oscillera iL entre le 1xe et. le v u c siècle av. J .-C. 3 . Myres a ét.é particulièrement sensib le à la composit.ion organisée, bala ncée de ces scëncs où la descri ption (ait a ppel à la symétrie, aux reprises et s'oppose à l'anarchie d es représent.at.ions préhelléniques. La description du poète rai t np pel à des thèmes exploités par l'une el l'aut.re tradition. Les scènes de combat sous les yeux des femmes et des en[anls q ui s'accrochen t a ux remparts, le spectacle de la cil:iJ en paix a don née aux paisibles travaux des champs décorent. los vases d'argent exhum~s des tombes du c cercle royal • de Mycènes et les fragmen ts du rhyt.on d'Haghia Triad a, avant. d'être repris par les a rtisa ns phénioieiUI avec moins de vie et moins d 'ngitatioo 1 • L es défilés de troupeaux et. les lut.tes de taureaux et de lions 1. De• hypothèses diverses ont été pn!ten!Mes su:r les • mod~M • du poèt.a homlrique. Déja Hclblg, L'4pop4a ltomlrlquc (trod. rnm~aiM, 1894) p. &:13, écrivnit : • ens modèles sont eurtout dil8 vuo.. an mêlai, d'Importation ph6nicienne ou des Imitations grecquC6 de cOl derniun •· Murray, Hi•lory of t;ntlt Swlpltu IIM Gnda1 Ber~eley, 1930, p. &17, sqq., el meme méthode appliquée au bouClier d' HU.clèa, J RS, LXI , 19<1l, p. 17-38. Sur les coupes eL lount dates, cr. en dernier u.,u OJ ontlad, Oputc. af(/r., IV, 1946, p. 1-18. 4. G. Karo, Die Sc/iaclllgrâber •"" Mvltt nai, 1930, pl. CXXII ; A. E vans, P alaœ of M inos, Ill, fig. 50-&9; Gjeulad, o. c., pl. VI, V I llet OC
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L.ES ORJOINES llE L'AGORA C fiJ:iCQUB
ét.aient lr.s thèmes favoris des artistes minoens et mycéme ns dans leu•·s productions d'orfèvrerie•. L'inspiration esthétiq ue de ce passage est très complexe ; là se mêlent, sans doule plus qu'a illeurs, des souveni rs littéraires el des l radi Lions héritées des arts plastiques•. Doil.-on même a dmettre un modèle plast.ique immédiat pour l'{luLeur de ln réd action définitive du Lexl:.e q ue nous lisons ? Plusiew·s éléments de ce pnssage révèlenl. u ne tradilion égéenne q ui aurait été modifiée et transposée au gotlt. et. d'après les idées d'one époque archaïque plus récent.c•. Sans même po er ici le problème d e la sur vivance des modèleR nrehit.ecluraux de l'art crélo-mycénien - nous y revieodronN, infra, p. 105 sqq. - , nous pouvons, à travers les diverses ét.a pes de la création poètique de l'épopée, retro uver 11ne inspiration qui dérive de ln tradition égéenne. Ainsi s'expliqueraient des caracti:res esthétiques qui nou paraJssent distinguer l'ampleur de celLe cornposil.ion, le goût des accumulalions, le plaisir évident de raconter, de l'nr t précis, limité, organisè Pt. déjà un peu sec, des coupes l:yprophénicien nes•. Nous pourrions être reportés, à la suile de 1. Les mogniflque.s poignard' do Mycèoes, eu brunze avec lnerustallons d 'or d d'argcnl (et. le travail d'H6pb&i•los, JI., XVIII, ~7H>7~) SQnL du MR 1 : Ka.ro, &ha
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L'AGORA UO\IéRIQUJ> : DONNÉES ARCHÉOLOGIQUES
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Lransformations dont le détail nous échoppe, il des souvenirs précis d 'œuvre.~ ou do constructions appartenant à la dernière pérjode de la civilisation mycénienne, alors q ue la royauté féoda le des castels de Tirynthe fléchissait déjà sous les assa uts des roitelets voisins, à une zone chronologique Lrès différente de celle oil nous ma10 tiennent. les descriptions des agorai d'I thaque ou de Phéacie. Les correspondances arclu~o logiques seront, don;· lou t. autres. Nous pouvons maintenant, avec plus de p•·écisioo et de s;\rurilé que Schliema nn 1, restituer l'nspeuL et. les caractères des lieux d'assembl~e mycéniens. L'étude de la fonclion religieuse de l'agora nous fou rnira l'occasion de préciser les très ét.roiles relalions qui unissent. les sépultures hérolquc~ cL les lieux d'as.~cmblée. Le problème soulevé par l'agora circulaire permet de nouer les premiers :mneaux de cette cbatne ct de remouLer peut-être à son origine. De nombreux témoignages attestent, dans La Gréce achéenne, l'attraction des sépultures su r les assemblées. Hector (Il. , X, 144 sq.) convoque les chefs en un conseil restreint a utou r d u tumulus d 'llos; l'assemblée des Macédoniens, de ra rnclilre militaire, directement issue de la lra dition homérique eL achéenne, était précédée de sacri llr.cs uiTerls sur la Lombe d'u n héros; les rites d'énagisma et de purification ne laissent. pas de doute ~u r ln lia ison originelle de ces assemblées :1vec un culte héml'q ue 1 • On connalt le rôle du cercle funérnirc dr I'Aitis, a ttribué, sur la foi de Pausanias, 1i Pélops, dans la rurruaLion de l'agora du sanctua ire. C'est là m•i~
le mouvement •'nrn'ltl !ur le mann, debout., qui lœ eont.emple. Or cos prinelpe3 de eompMlllon sont ceux du dernier nyle des tresques de Cnooao•, J . t:harbrulneaux, L "or! tg6tn. p. '.!0 sq. On saiL que d"alllrcs paBSOlgœ des poèmeo h•oquent des companusons ~mblables avec l u pelnlurœ et lœ déeon myc6nir.ns; ct. A. St'vtr)ns, Jloma-e. Le cadre hillotiquc, Z• M ., 1941, p. ·1~6 lUI" 1"11· lustro ti on des i!Cl!nes de ehosse. l. SChliemann, Muctnet, p. 124· 130. 2. F. Gmnicr, Die Maktaonlsthc Jletreluerlammlung (Manch. Btilr. :ur Popyrustonch., Xlii, 193 1), p. 4-22: Usener, Ar~h./. Flelig. IVI.a., V Il , 100~ , p. 301 sqq. TexledoSuldns, s. v. !votylt<»v (- Polybo, XXIII, 10, 17): !votyltoua•v o~v -<~ EON().;ï (ol Mocxo36vc<) MrLY.e36.. xotl x~~:O«!>~~o!lv nor.ou
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LBS ORI GI NES D E L' AGORA CR t;CQUil
sans doute q ue se c{;lébrèrenL les p1·cmiers jeux olym piques 1 ; ils ne [urenL pas sans ra pport. avec la form ation d 'une
gra ndi Il df:Mein par Pindare, mais ou nu po~uL co pendant reJeter complbtement eelle tradition, comme l'a la IL Faroell, Oreek l{uo Cull•, p. 1~ sqq. R. ValloiS accorde davantage de crédit 6 cel Hêracl~ cr éLoi•. ~lalo cccl Importe peu, d'ali· leur&, pour la localisallon de-s premiers jou x autour dij la 1é pullun~. 2. Pindare, 01., V, E.: ()"'''oô~ ~ 8•~~.
L'AGORA IIOMÉIIIQUE ; DON:-ItBS A.RCHt;O LOCI QUI!S
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aux mythes de l' AILis; "l'image d'un on rnnt morl, gardien du sol sacré, noue dans l'atmosphère d'Olympie »1 • C'est autour de ces pilhoi funéraires qu e s'est rormée la légende de Pélops, du héros représenta nt de la race cL proLecLe ur de ses descendants. Le caractère national do ce cul te et des cérémonies primitives qui l'honorent fa it de ce sama l'ancêt.re d'une longue lignée de sépu ltures qui, sur 1'agora hellénique, consti tuent le ce nt,rc sp it·iLuel, politique et religielL"< de la Polis. L'importance du cercle funéraire du P élopion s'éclaire por compara ison avec d 'a ut res constructions semblables qui re mouLent aux premiers stades de la civilisation mycénienne. Pour delL"< époques difTêrenLes, Mycl-ncs en Argolide et Malthi co Messénie ofTrenL de beaux exemples d e ces cercles funéra ires, lieux d'assr mblée en même temps que de cul tes héroïques. On conna'it le rameux cercle royal depuis les conclusions si pr6cises de Schliemann qui n 'hésita it pas à restituer touL a uto ur l'agora de Mycèrles sur laquelle, comme à l'époq ue classique, des morts a uraient été inhnm6s'. L'excès m ême de ces précisions a jeté le discrédit sur la t héorie du fouilleu r allemand ; l'id~c cc pl'nda nL Ool tatL dans l'air, puisque le cercle royal rut retenu comme une él apc da ns les recherches sur les origines de la l.holos•. Dans notre nouvelle perspective l'hypothèse peuL être reprise, à condi t ion de renverser l'ordre de la succession cL de laisser au cercle dc.o; Lombes son caractère primitif d e lieu de cultes funérnircs. L'a ménagement archiLecLural est contemporojn de l'enccinLu uL de la parLe des lions ; il rait partie du plan dont. relève aussi le mégaron do la terrasse intermédiaire ; ce plan est daté du débuL de I'H . R. III pa r les derniers fouilleurs de Mycènes•. ~lais J. R. Vallois, ibicl., p. 119 2. Schliem ann, ."'lu~nt•, p. 19(>.20-1. L'nu~ur nou~ (lnnn~ ml!me un seMmo de e~ • sièges • qu'utiliMienL 1~ chers de Myeèn••, fig. \!1 0 o. On comparera la rosl.t>urnlion donn~ pnr A. Wnc6, Mu
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23C).'.!3~.
4. A- Wace, OSA, XXV, 1921·23, p. U5-2A6 ; 2SS.269. I d., Mv
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LES 01\JGINES DE L'AGORA GRECQUE
quelques Lombes sont plus anciennl'.s et. appa rtiennent à un premier état de l'acropole cent ré a utour d'u n palais qui se dressait sur le sommet même de la colline ; quelques rares vestiges incitent Wace à le rattacher aux conceptions a:rcbit.ectu ralcs minoennes'. La date de cette construction devrait 1·emonter pour le moins à l'H. R. I ainsi que les Lombes correspondantes 2. Un lieu de culte comparable à celui de Mycènes, avec tombes et sanctuaire, a été mis au jour dans les fouilles de N. Valmin sur le site de Malthi, en Messénie'. Sur une !.errasse sjtuée au S. de l'habi t.3t, à proximité de la porte principale de l'enceinte, comme à Mycènes, un cercle de pierres entourruL lrois Lombes de 1'1·1. A., manifestement objet d'une vénération particulière. A ces to mbes était assocjé un cul te don t les vestiges furent découverts à proximitll dans un édific.e comprenant deux salles accolées ; dans chacune d'elles, une grande dalle constituait un autel où les victimes étaient. brûlées ; ces dalles étaient ent,ourées de cendres et d'os car bonisés. N. Va.lmin interprète avec raison cet édifice comme un double sanctuaire où des ol1randes étaient consacrées a ux ancêtres inh umes dans le cercle des tombes•. On notera que là aussi, comme à Mycènes, l'aménagement architectural est plus récent que les tombes ; le sanctuaire peut êlre daté de l 'H. M. II. Or les deux occupations, H. A et H . !\IL, semblen t séparées par un événement violent cL l'installation de l'H. M. entratne un nouveau système de plans et de constructions ; c'est alors q ue la ville, d'abord onverte, est munie d'une puissante enceinte et se transforme en forteresie, mais l'ancienne civilisation subsiste pendant un temps 6 • Là, comme souvent ailleurs, les nouvea ux occupants adopt.en t et respectent les cultes ancestraux des populations soumises. Les constructions 1. A. \Yaoo, BSA, ibid., p. 2-32. 2. Wace, Mvccnat, p. 59 sq.; resliLuUon du cen:l8 des Loml>es, fig. '22. Cl. Surin, Xlii, 193'Z, p . 345. 3. N. Vnlmin, The SW«J. Etped. Mel&t nia, 1938, p. 126 sqq. On peut rnpproeber aussi de eœ aeux e....:emples le cerc;le de pierrei en lourant les pilhoi run6raires de Leukas, dotant du H. M., W. Doerpfeld, A/1-11/iaka, p. 206 6q. 4. I.'ru
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d e cette période, et en par Liculier l'édifice le plus importan t de la terrasse centrale, av ec son foyer 1 et ses offra ndes, entretiennent des liens de parenté avec le site d'Asiné et sa saUesancLuaire où fu t trouvé le fameux « lord n~. Or cette construction appartient à L'époque mycénienne et porte les ma rqu es d'u ne influence minoenne 8 • Ainsi, malgré les d ilTérences de date, il est légitime de ra pprocher les deux lieux sacrés et de les attri buer à une même zone de civilisation où, dès l'H. M., le cult.e des Ancêtres éta it. bien établi. On saisit ici les origines et le débu t des cul tes héroïques. Que ces lieux de culte ancestraux aient attiré à eux, avec les cérémonies funéraires, les assemblées des chefs d e elans ct des membres des gént, nous ne sam·ions nous en étonner ; tout.e l'histoire de la cité primitive ct de sa form ation peut. venir t émoigner. H ors de Grèce mème, des faits similaires ont été récemment évoq ués. P. G<Jessler• a rapproché le rôle des cercles funéraires en terre hellénique et la fonction des lumuli de l'Europe occidentale ~. C'est u n parallélisme, plus que des influences, que pour raien t suggérer, si elles se v éri llent , les hypothèses émises par A. Grenier qui reconnatt des installations de cul t~s héroïques au cœur même de certains sanctuaires; ces cultes constitueraient des centres d'at traction pour les cérémonies religieuses et les assemblées polit iques•. Tel serait le rôle de l'édifice qui occupe le centre de l 'espla nade bordée de trois temples dans le sanctuaire du Donon. L'auteu r expliq ue de la rnème façon ce qu'on appelle le «gran d forum» de Sanxay et les constructions de SainL-Merd-les-O ussines s ur le plateau de Millevaches'. En d 'au tres points du monde méditerranéen La même associat ion peut être décelée entre centres cul tuels de plan ·circulaire et lieux d'assemblée. Nous avons les r eprésentations 1. N. Vo.lmln, ibid., p. 77-79, Hg. 20. 2. A. W. J>ersson, A&in<, 1938, p. 74 sq. 3. M. P. Nilsson, Mirtoart-Myu.nne
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LES OIIICJNES DE L1ACORA Cl\8CQU6
de tels ensembles dans la reUgion cypriote 1 • Ce plan remonte sans doute ici à une t rès haute antiquité, car, dès le Bronze
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Les N urag hi d e S. Villorin dl S erti.
· Ancien, les tendances de l'architecture domestique resten t attachées aux formes rectangulaires 2 ; toutefois, il a pu sur1. Syria, X li i , 193Z, p. 345. P. Dikal<>S, Tite t:rc. al Yourwus-Bellupait in Cyprus, 1940, p. 118 iq., pl. Vl l el VIII. Z. Cjerslad, Sludiu q n prehilloric Cyprur, 1926, p. 19 sq.
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L'AGORA HOMÈ!l!QU E : DONNÉBS A.RCRÈOLO CIQUllS
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vivre duns les époques postérieures du Bronze 1• R. Dussaud a rapproché ces lieux de cul te du téménos de l'acropole de Mycènes'. La Sardaigne conserve les restes de consLmctions aménagées aussi en lieux de réunion sur un plan circulaire. Les N uragili et leur intcrprétat,ion resten t. encore pour les archéologues un domaine obscur. Les auteurs grecs eux-mêmes étaient. incerta ins sur les rapprochements qu'ils pouvaient établir ent re ces édifices et les tboloi helléniques'. S'agit-il de sanctuaires au centre desquels il fa udrait retrouver des lieux de culte avec puits sacré ? Ou bien d'enceintes for tifiées, comme peut le laisser croire leur installation sur des sommets bien dégagés et sur des guettes importanles 4 ? Seul, le principal de ces groupements, le sanctuaire fortifié de S. Vittoria di Ser ri • (fig. 1) évoque, par son curieux arrangement., un lieu de réunion de plan circulaire q u'il n'est pas indifTérent. de comparer avec les types antérieurs ou voisins. Le caractère religieux de cet ensemble n 'est point attesté par des témoignages irrécusables ; dans l'une de ces constructions, A. Taramelli croit retrouver des surviv:mces minoennes eL en particulier les traces d'un culte de la double hache'. L 'ensemble de ce sanctuaire fortifi é comprend, à l'intérieur d'une enceinte de 60 mè tres de diamètre, une place grossièrement dallée autour de laquelle sont disposés des petites chapelles, des portiques et des salles avec banquettes adaptées au x festins que l'on préparait sur le foyer d'une cuisine toute proche. Les rapprochements minoens ou mycéniens suggérés par l'auteur restent hypot1létiq ues 7 ; cependant, il est tenOn pout rntt.aehcr à ceUe t.-adition l'alre d:ùhle circulairo de Hughios lakovos, Swcd. Cyp. exp., 1, p. 356 sq. 'l. Syria, XIII, 1932, p. 226. 3. Perrot-Chipie>:, H ü l . Art, JV, p . 35, Rg. 27. Sur les conslrucUon.s les plus importantes récemment dégagées et étudiées, M on. Ani., XXll l, 1916. col. 407 sqq., Og. 97-100; XXX IV, 1931, col. 67 sq., pl. VIII ; XXXVI Il, 1939, col. 1-70. 1. P. R obert, Thymtu, p. 61 , n. 6. 5. A. ToromeUi, M on. Ani., XXXIV, 1931, col. 67 $qq., pl l·Xl ; Varia, 19~2, p. 296 sqq. 6. Dans une thèse récente, D. Sel\lumM rger él.tlblll des liens de parenté enlr~ les occuJXlnt.s des nuraghi ct les Phéniciens. 7. Con ~ro ces hypo~llèses, Schuehhnrd t, Arch. A nt., 1921, 259,· 260 ; PatronJ, Altne • Roma, 1916, p. 145·168 ; P. Robert, 1"hymtli, p. IG1 sq. les considère au point de vue t.eobnJque dans leurs rapports Avec ln l.holos. !.
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LES ORIGINES 01! L'AGORA CRECQUE
t ant de voir dans cette enceinte de 8 . ViUoria di Serri un lieu cult uel dont la destination s'éclaire par la série où nous avons pu l'insérer. Pas plus que les lieux d'assemblée de plan circula ire concen trés autour d'un tu mulus fuoémire , tels qu'ils nous apparaissent en pays celtique, les nuraghi n'impliquent, pour leurs occu pants, des liens de parenté avec les Achéens de Mycènes ou de Malthi ; l'él ude de ces liens serait un aut re problème. Il n'en est pas moins rema rquable de retrouver ains~ en divers points du monde méditerra néen, à dl'.s époques tantôt voisines, tantôt éloignées, des traces évidentes de lieux d'assem blée circulaires, toujours en rapport avec des ri~cs ou des cul tes dont le caractère funéraire est en général bien at~cstét. Le témoignage de l' /li ade pt·end une valeur nouvelle par rapprochement avec ces constatations atchéologiques. Tl se réfère à des coutumes ancien nes, à des constructions réelles du monde mycénien el à des traditions assez généra les pour 1. La m&me association - sans qu'lnlen •ienne ici la lorme du plan - pnrall avoir attiré les premières assemblées sur le forum romain el lut à r orlgtne de ses desUnée! ruLures. Le forum s'esl établi sur les restes d'une nêcropole, da.ns une région basse el marécageuse, mal commode, que rien ne paraissait dêslgner pour un tel rôle. Sonl-ce exclusivement des ra.lsonscomme,<Çia.les, ( H. Thêdennt, t..e forum r-omai11 ~ll•s fora imp~riaux, 1911, p. Il sq.,) ou l'aUrait d 'un croise· ment de voies de communiealioM po rtieu 1iêremenllm porta ole$? Thbe qui C$L Il !"origine de la théorie de A. Pi!faniol, 1-<• originu du Jlorum, dans .Mllaroges ~?col~
.Romt, l908, p. 233·263. Tl e!l proboble que de! racleun religieux ont
rentoreé ou peuWtl'e pr!ddê les circonslanCe! ~conomiques. El o'esl plutôt, me sernble-L-ll, dans la direction marquée par Hillsen, Das F orum romanum, trad. J . Carcopino, 1906, p. 4 sqq., reprise touhèeemmMl enco~ par le meWeur connai.S!leur des monuments de la Home anüque, G. Lugli, Roma anlictr, JI œnlro monumonlale, l946, p. 61 sq., qu'il raul s'orienter. t.ea cood.ilion• politiq ues el religieuse.~ qui pré!idèrenl à l'union des population• du Palatin, du CaplLole el du Quirinal (R . Bloeb, L e$ orlginu de Rome, l947, p. 4 sq) trouvèrent dans ce Lerrain de passage, sous la prol.tction de quelque ctùlc primiLil, san! doute funéraire, Jo lieu de leurs assemblées politiques, religieuse.• el commerciales. La lMidilion qui fa isait de •la pierre noiNJ •la tombe de Hom ulus fixe au moins le centre primJUt du forum politique; c'est la ngion df)J! rostres et d es comices (Gjer!tad, Opu8c. qrch., 1941, p. 97 sqq.). li:sl-ee un hnSSird si les fonctions poliUques du forum el l'emplacement des MSemblo\es rllpubllenlne:s furent as.soci6s au olus 8.0(:ien monument run6raire qu'on aiL retrouvé dans ce:Ue r~ion T (bibliographie da ns G. LugH, fl omn anlicti, 1946, p . 120·121 et 125-126).
CeUe perspective des origines el de l'hisloire du forum républicain Sera peu diiTilrente de œ que nolre recherche ultérieure nous rera connall.re sur les origine! de l'agora.
L'AGORA HOM ÉRI QUE : DONNÉES ARCHÉOLO GIQUES
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qu'on en retrouve la marque à des époques et en des lieux bien di:ITérents. Les assemblées primitives sont associées à des lieux de culte de plan circulaire plus ou moins régulier; c'est là que se réunissent les chefs pour honorer le héros commun et délibérer, avec sa protection, sur les a:ITaires les plus graves, en particulier sur les affaires de meurtres. La fon ction judiciaire et politique de l'agora se r attache a insi aux plus anciennes traditions du monde grec et nous serons moins étonnés de sa persistance vivace et efficace dans la constitution de la polis. Le plan de ces lieux-saints, à l'origine, n 'est sans doute que le résultat pratique de l'édification du tumulus et ne répond à aucune préoccupation rituelle ; le symbolisme religieux du plan circulaire ne serait que le souvenir de cette association primitive 1 • Le tepèc; x.uxÀoc; ne peut désigner l'agora elle-même que p ar une extension du sens transféré de la pa rtie à l'ensemble. Lieu de réunion bien connu du monde mycénien , l'agora circula ire aménagée autour d'un tumulus ou d'un groupe de tombes n 'était déjà plus dans l'lliade qu' un souvenir, souvenir d'une construction appa rtenant à une civilisation du passé, image littéra ire associée à l'évocation de ce passé. Ce souvenir s'est perpétué jusqu'à l'époque classique sous la form e d'un cliché. Pindare et les Tragiques sont encore nourris de ces mêmes traditions, mycénienne et homérique, quand ils évoquent tantôt les tombeaux des rois vénérés devant les palais : « les autres rois, descendus dans l'Hadès, ont ailleurs, devant le palais, la sépulture où on les honore ,,z, tantôt l'agora de Mycènes où le peuple est convoqué par la voix du héraut 3 • L'appel adressé aux 1. F. Robert, Thymélè, p. 193-194; 229-230. 2. Pindare, Pyth., V, 96-98 : ~A-rep6e Sè 1tpo Sw!J.&-rwv e-repot Àcxx6v-rec; &t8cxv ~cxcnÀéec; ltpo( èv-r( ... 11:d. et trad. Puech, Budé, p. 96. La situation de ces rois est opposée à celle de Battos qui joue le même rôle sur l'agora de Cyrène. 3. Euripide, Électre, 707-712 : 'Ayop&v &yop«v, Mux'l)v«i"ot, a-n(xe-re (J.OCxcxp(wv OljiO(J.EVOL -rup«WW\1 qxX<J(J.OCTCX Sdy(J.OCTCX. Xopot 8' A-rptt8iiv tyépcxtpov o(xouc;.
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LES ORIGINES DE L'AGORA GRECQUE
ancêtres, l'évocation des chœurs célébrant la terrible famille, la vision des lhymélai et des autels chthoniens 1 viennent confirmer cette association de l'agora et des tombes ancestrales devant les portes du palais. Dès lors, l'expression de Sophocle appliquée à Artémis Eucleia se charge d'une valeur toute particulière 2 • Le seul souvenir de la tradition homérique en constitue une justification suffisante ; mais sa valeur réelle est beaucoup plus riche ; Eucleia, associée à Artémis, est à l'origine une divinité funéraire dont la double fonction, sociale et religieuse, maintenait le culte sur toutes les agorai de Phocide et de Béotie 3 • Sophocle, avec son sens profond des traditions religieuses, redonnait d'emblée, à l'expression usée, sa valeur séculaire en affirmant le caractère primitif de la déesse protectrice de l'agora. Il atteignait ainsi aux couches profondes de l'histoire politique et religieuse de la cité, couches auxquelles appartient la notion du ;
L'agora des Phéaciens, avec ses bancs de pierre, son vaste terre-plein, dépendait du sanctuaire de Poseidon en même temps qu'elle communiquait avec le port; toute grouillante de présences, point de rencontre des seigneurs et des hommes du peuple, des étrangers et des voyageurs, elle ofire un spectacle coloré dont nous sommes tentés d'aller chercher traits et couleurs sur les rivages orientaux de la mer Égée, vers les xxe et vme siècles av. J .-C. Si les sites d'Éphèse et de la .Milet archaïque pouvaient être dégagés et fouillés en profondeur, nous au rions beaucoup de chances d'y voir apparaître le modèle de l'agora phéacienne. N'est-e~ pas lui, en effet, que nous imaginons à travers les rares renseignements que nous livrent une tradition avare et des fouilles impossibles. A Éphèse, Androdos et ses Ioniens ont établi, sur l'agora, le sanctuaire d'Artémis, dès leur installation au xe-1xe siècle 4 • Mais nous ne connaissons ni l'emplacement de. 1. F . Robert, Thymélè, p. 268-271. 2. Sophocle, Œdipe-Roi, 161 :. "ApTe!itv & xoxMev't"' &yopiiç 6p6vov SÔxÀÉ<X 6cicrcre\. 3. Sur le caractère d'Eucleia et ses fêtes, rnfra, p. 212 sq. 4. Athénée, VIII, 361E : x<Xt lepov 'Ap't"É!it8oç è1tt 't"7i ciyop~ t8pûcr<XV't"O. Cf. G. Radet, Ephe.siaca, p. 18 sqq.; Ch. Picard, Éphèse et Claros, p. 13, 15, 16; et
L'AGORA HOMÉRI QUE : DONNÉES ARCHÉOLOGIQUES
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cette agora, ni la nature de son culte primitif, puis q~e les vestiges les plus anciens mis au jour dans les marats du Caystre ne remontent pas au-delà des premières années du vne siècleJ.. Le temple A ne semble pas avoir comporté d'autres constructions qu'une chapelle et un autel, réunis par une aire dallée ; ils s'apparentaient ainsi au type primitif des sanctuaires égéens consacrés à la Déesse-:\fère 2 • N'est-ce pas l'image même du Poseidonion des Phéaciens? Qu 'à ce sanctuaire aussi fû t associée une place d'assemblée, le texte d'Athénée ne permet pas d'en douter. Ce fut là sans doute pour les Éphésiens le premier centre de vie nationale et internationale, où échanges politiques et manifestations religieuses étaient accompagnée de tractations commerciales 3 • Ce caractère commercial de l'agora, encore exceptionnel à cette époque , est plus net à Milet où le port mycénien, avec son marché, apparatt comme une dépendance du sanctuaire d 'Athéna ou du culte qui l'a précédée 4 • Plus tard , ce quartier formait la ville basse, au pied de la colline de Kalabaktépé où une agglomération vint s'installer, sans doute au moment de l'occupation ionienne 5 • D'après A. von Gerkan, les deux couches de population , l'ancienne et la nouvelle, vécurent d'abord côte à côte et il est probable que le port, le sanctuaire pour le rapport avec les culles anciens, ibid., p. 538 sq. Sur la topographie de l'Éphèse archalque, J. Keil, J al!resh., XXI-XII, 1922-1924, p. 96-112; XXIII, 1926, Deibl., p. 254-262. 1. G. Hogarth, The arch. Arlemision, p. 69 sq.; JHS, XXVIII, 1908, p. 338. 2. Une restitution de ce sanctuaire a élé proposée par W. R. Lelhaby, JHS, XXXV II, 1917, p. 1 sqq., fig. 15 ; Ch. Picard, o.c., p. 14-18; R. Vallois, M élanges Glolz, 1932, II, p. 839-850. Sur la disposition des lieux de culte et sanctuaires crétois, Ch. Picard, Les R eligions préhelléniques, 1948, p. 57 sq. 3. Do telles installations permettent d'établir le passage du Il • au ter millénaire que Lehmann-Harlleben se refusait à admettre dans so n élude des installations portuaires antiques, Die anliken Hafenanlagen, p . 15. Nous admett ons nous aussi que l'agora des Phéaciens se réfère à l'époque archalque, mais les exemples ioniens d'Éphèse et de Milet évoqués par la description homérique se rattachent Lous deux à une tradition égéenne où subsiste le souvenir de ces comptoirs minoens établis sous la protection de la Déesse-Mère, en de nombreux points de la côte asiatique. Ici, ports, sanctuaires et agorai sont intimement et organiquement associés comme dans le poème épique. t\ . Sur la valeur de ce culte d'Athéna à l\lilet, W. Aly, Delphinion, Klio, XI, 1911, p. 6, n. 2; M. P . Nilsson, Guch. der griech. R elig., I, p. 324-325; 405 sqq. 5. A. von Gerkan, Milet, 1, 8, p. 14 sq.; 113 sq.; F. Noack, Gnomon, 1931, p. 450 sq.
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et le marché constituaient la zone neutre où elles procédaient à des échanges. Le groupement subsiste après l'occupation complète du site par les Ioniens. Mais les vestiges sont rares. De l'époque mycénienne, outre les petites t rouvailles attestant l'anciennet é du culte, seuls les restes d'un mur d'enceinte et d'une porte fortifiée ont été dégagés 1 • Le marché archaïque n'a laissé qu'un vaste dépôt d'amphores sous les constructions récentes intégrées au plan directeur du ve siècle ; le marché hellénistique survit même au déplacement du centre de gravité de la ville vers le N.-E. En outre, cette zone avait attiré à elle les deux grands axes de la région :l'un, la route du rivage, aboutissait à la porte fortifiée que le temple d'Athéna a recouverte, elle venait de l'Ouest et rejoignait par un détour l'agglomération de Kalabaktépé; l'autre, la voie sacrée, reliait la ville au grand sanctuaire du Didymeion ; elle dut subir une forte déviation pour s'adapter au tracé du ve siècle et rejoindre l'agora du Sud et le Delphin ion 2 • Milet nous offre, à l'époque archaïque, une image assez précise de la cité des Phéaciens avec son port, son agora et son sanctuaire groupés au pied de l'agglomération principale que défendait un puissant rempart. Tout comme Ulysse, le voyageur qui débarquait à Milet, en t raversant l'agora encombrée de marchandises et d'agrès, en longeant l'autel d'Athéna, apercevait les lignes sombres des remparts sur le sommet de la colline où s'étageait la ville haute. Nous aimerions évoquer avec plus de netteté l'agora des Pyliens à l'aide de quelque installation fédérale contemporaine. Malheureusement, l'exploration archéologique du sanctuaire de Poseidon à Calaurie , qui, comme celui des Pyliens et vers la même époque, était le centre d'une confédération importante, n'a pas permis d'en déceler même les grandes lignes. A Calaurie seuls les états classiques et hellénistiques ont laissé leur empreinte sur le sol ; ils on t fait disparaître les modestes installations primitives et archaïques 3 • N'avons-nous donc aucune ruine permettant de saisir dans leur réalité «ces pierres lisses >> et «ces bancs bien enduits >> 1. Milet, 1, 8, p. 113. 2. M. Meyer, RE, XV, s. v. Mifetos, col. 1631. 3. AM, XX, 1895, p. 274 sq.; G. Welter, Troizen und J(alaureia, p. 51 sqq.; K. Lehmann-Hartleben, Die anlilren Hafenanlagen, p. 16-17.
L'AGORA HOMÉRIQUE : DONNÉES ARCH ÉO LO GIQUES
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où siègeaient les assemblées homériques ? Nous trouverons ces correspondances archéologiques non point sur les côtes d' Ionie, mais dans quelques cités de la Crète archaïque. F . Tritsch voyait dans l'agora de Lato l'illustration archéologique exacte de la description homérique 1 . Le parallélisme poussé jusque dans les détails ne saurait être accepté sans les nuances qu'exige la chronologie complexe des constructions2. Il est très exact , en effet, comme l'a déjà noté E. Kirsten 3 , que la constitution définit ive de l'agora appartient à l'époque hellénistique; c'est alors que l'ensemble est complété par le portique oriental (n° 28 du plan) (fig. 25) date confirmée par le style d'un chapiteau dorique conservé sur le site - et se ferme avec l'exèdre méridionale 29. K irsten attribue à un même plan les gradins du N. et la tour 35, tandis qu'il reconnaît un état plus ancien dans les salles 36 et37 qui seraient des vre et ve siècles av. J .-C. 4 • Nous ne savons pas les raisons constructives qui déterminent Kirsten à associer la tour et les gradins ; il semble bien étonnant que ces derniers soient postérieurs au Prytanée ; en tout cas, leur r ôle architectural s'explique par la présence du sanctuaire voisin, et c'est en fonction de ce dernier qu'il faut les étudier. Or, on s'accorde à reconnaître les caractèr es archaïques de cet édifice, at testés par l'appareil polygonal des murs et la nature des trouvailles faites à l'entour qui confirment sa destination cultuelle 5 . Il est au centre de l'agora, élément 1. F . Trllsch, Jahres/1., XXVII, 1932, p. 83, encore que la présence du prytanée lui parût anormale, parce que cet édifice est la marque d'un état politique plus évolué; c'est le signe de la démocratie, écrit-il p. 84. 2. Ces mêmes nuances chronologiques interdisent de porter une condamnation globale contre la théorie de F. Trilsch, à la manière de W. McDonald, Meeli.n g Places, p. 35. 3. RE, suppl. VII, col. 342 sq. Kirsten s'insurge vigoureusement contre la théorie longtemps admise de Lato, première ville grecque. J. Demargne, BCH, XXV, 1901, p. 305-307 avait déjà rectifié les conclusions par trop • mycéniennes • de Sir A. Evans, BSA, II, 1895-96, p. 173 sq. On n'a pas trouvé, en effet, à Lalo d'antiquité franchement mycénienne ; les premières traces d'occupation sont datées par des tessons et des terres cuites géométriques, P. Demargne, BCH, Lil i, 1929, p. 382 sq. (date approximative: début du vu • s. av. J.-C.}. 4. Kirsten, ibid., col. 348-349; cf. C. Weickert, Typen arch. Archit., p. 174,
n.l.
5. A. Evans, BSA, II, 1895-96, p. 185; Mon. Ani., IX, 1899, p. 4 18; Karo, RE, XI, s. v. J(rela, col. 1794 sq.; P. Demargne, BCH, LIIJ, 1929, p. 382 sq.
cr. infra, p. 227 sq.
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LES OR IG INES DE L'AGORA GRECQUE
primitif qui attira à lui fêtes religieuses et assemblées politiques. N'est-ce pas pour les spectateurs de ces fêtes et les membres des assemblées que furent aménagés les gradins ?" J usqu'à maintenant ce sanctuaire est resté anonyme; rien ne permet de l'attribuer à la principale divinité de La to,. Eleithyia. L'hypothèse séduisante de A. Evans 1 , d'après. laquelle un culte de l'arbre, dans la pure tradition minoenne, y serait célébré, a été repoussée récem ment par E. Kirsten qui fer ait plutôt de cet édifice un hérôon, le sanctuaire du héros fondateur de Lato. K irsten appuie son hypothèse sur l'exemple de l'agora voisine de Gortyne 2 • La vérification de cette idée aurait une grande portée, car elle marquerait la rupture totale, à Lato , avec les traditions minoennes. Mais, sauf le cas similaire, encore que mal attesté, de Gortyne, Kirsten n'apporte pas d'argument décisif contre la démonstration de Sir A. E vans qui reste valable et l'exemple de Dréros peut être opposé, avec plus de valeur, à celui de Gortyne, en faveur des survivances m inoennes. En efTet, si les constructi ons de Lato paraissent trop récentes pour répondre aux descriptions homériques, un dispositif très comparable est, à Dréros, daté des v m e et v u e siècles. Au N.-E. du temple d'Apollon, découvert par Sp. Marinatos 3, l'exploration archéologique a mis au jour les vestiges, très mutilés, mais évocateu rs, d'une agora archaïque avec gradins 4 • L 'unité du plan qui associe le t emple, l'esplanade et les gradins suggère une date commune pour toutes ces constructions, hypothèse confirmée par la découverte d'un petit bronze archaïque fiché entre les deux blocs d'un degré 6 • L'ensemble peut donc être daté du vm e siècle 6 • 1. JHS, XXI, 1901, p. 100-101, adoptée par Karo, ibid., col. 1794-1795; Arch. f. Religwis., VII, 1904, p. 144-145. 2. KirsLen, RE, su pp/. V II, s. u. Lalo, col. 354 ; Das dorische J(rela, p. 38. 3. Sp. Marinatos, Le temple géométrique de Dréros, BCH, LX, 1936, p. 216 sq. ; CRAI, 1935, p. 478-489. 4. P. Demargne, et H. van E!Tenlerrc, BCH, LXI, 1937, p. 10 sq., pl. l. L'association de l'agora et du sanctuaire soupçonnée par Sp. Marinatos, o. c., p. 229 a été bien mise en évidence par tes rouilles de l'année suivante. 5. P. Demargne et H. van EtTenterre, ibid., p. 12-13, pl. II. 6. Sp. Marinatos, ibid., p. 229 sq. DaLe et association des édifices acceptées par Kirslen, RE, suppl. V Il, s. v. Dreros, col. 130-131. Les rapports avec la tradition minoenne ont été soulignés par les inventeurs, BCH, LXI, 1937, p. 11 : • Cette agora ressemble à celles qu'on trouve dans la Crète minoenne à
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Amnisos, non loin de Dréros, conserve aussi l'empreinte de survivances minoennes - voire même les marques d'une liaison entre minoen et géométrique ; au lieu de cult e était associée une place d'assemblée avec gradins comparable aux précédentes. A la différence de Lato , mais comme à Dréros, le sanctuaire se trouve sur le côté de la place 1 ; malgré les incertitudes relatives à la date de fondation du sanctuaire hellénique qui s'est implanté directement sur les ruines minoennes, la nature des tessons permet de la reporter à la plus haute époque archaïque, au début du vme siècle. Ces places d'assemblée, avec gradins en belles pierres polies, toujours associées à des sanctuaires de proportions limitées, pouvaient fournir aux aèdes leurs modèles, au moment même de la composition et de la mise en forme définitive de l' Iliade et de l'Odyssée. Le poète les a-t-il connues ? Nous ne saurions l'affirmer; en tout cas, ce type paraît s'être répété en de nombreux points du monde grec, même sur les côtes d'Asie Mineure, avec quelques variantes dues aux divergences politiques. Dès lors, la restitution de l'agora homérique, dont les traits se précisent par la confrontation des textes et .des vestiges archéologiques, emprunte ses éléments à des moments divers et à des courants d'influences variés 2 • Malgré cette diversité un plan uniforme se laisse reconnaître ; l'agora de cette période comprend une place limitée, une esplanade en terre Gournia, à Phaestos, ou à Cnossos, et plus encore à. l'agora archaïque de Lato •· P. 12- 13 : • Notre statuette {bronze des gradins); représenterait assez bien un art sub-minoen qui se maintiendrait à Dréros jusque vers 500 au moins, à côté du nouvel art dédalique •. P. 17 : • Bien qu'aucune trace d'occupation minoenne n'ait été relevée à Dréros, on y .trouve cependant maintes preuyes d 'une puissante infl uence minoenne. Notre vase {vase en stéatite à cupules) est peut-être le premier objet d'origine et non plus seulement d'influence minoenne». On lira aussi ce qu 'écrit Sp. Marinatos dans la publication du Delphinion, BCH, LX, 1936, p. 238. 1. Pra/il., 1934, p. 130; 1935, p. 196 sq., fig. 1; RE, suppl. VII, s. v. Amnisos, col. 33-35. 2. Nous n'avons pas fait appel à des témoignages incertains comme cette vaste construction circulaire découverte par IC Kéramopoullos, à Aixonè, en Attique, dotée d' une exèdre rectangulaire sur l'un des côtés, Prakt., 1919, p . 4446, fig. 4. L'inven teur y reconnaît une agorè homérique. Mais la date de cette construction est bien trop incertaine - elle peut aussi bien être d'époque hellénistico-romaine - · pour qu'on y voie autre chose qu'un lieu d'assemblée de dème ou d'association privée.
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LES ORIGINES DE L'AGORA GRECQUE
battue, autour d'un lieu de culte, divin ou héroïque, dont elle occupe une partie du domaine . Ce lieu de culte peut être une simple chapelle 1 , ou même, plus fréquemment, un groupe de tombes, un autel, un enclos sacré dont la forme ne dépend nullement des nécessités propres à l'agora. La place d'assemblée comporte des sièges en pierre, un auditorium, dont les seuls exemples conservés présentent des dispositions rectilignes et nous imposent quelques réserves sur le prétendu plan circulaire primitif. Dès l'origine, la confusion est grande dans les fonctions de l'agora ; le sacré se trouve intimement mêlé au politique. Et le rôle commercial apparaît déjà en quelques points. La structure architecturale reflète cette confusion. L'agora est à l'image d'une cité encore embryonnaire où les organismes politiques se dégagent avec peine du chaos. Nous sommes bien loin des grandes places de l'urbanisme classique. Pour mesurer les difficultés et la longueur du chemin qui reste à parcourir, pour évaluer l'originalité et la force créatrice du génie grec qui va s'appliquer à la réalisation de cette forme d'architecture urbaine, il faut essayer de saisir comment ces pauvres installations sont devenues de riches et savantes compositions, quels furent les modèles, s'il y en eut, comment les éléments empruntés furent associés, organisés, fondus en une œuvre uniforme et originale. I. On sait d'ailleurs combien les temples étaient encore rares à l'époque homérique. Dans l'lliade, il n'est question que de 5 naoi : d'Apollon, à Chrysé (Il., 1, 39), à Troie (V, 446-448), à Delphes ( IX, 404), d'Athéna à Troie (V I, 297 et 379), à Athènes (II, 549), tandis que le nombre des téménos avec autels ou bois sacrés est considérable. Sur les conséquences religieuses de ces faits, F. Robert, Homére, 1950, p. 73-llO. D'ailleurs quels étaient ces naoi homériques? Un tout petit abri sans doute pour le xoanon et les objets sacrés. Sur l'évolution du temple et du sanctuaire, K . Lehmann-Hartleben, Die Antike, VIII, 1931, p. 11-48, 161-181 et K. Hanell, Corolla Arch., 1932, p. 228-237. Sur le temple dans Homère, cf. aussi, H. L. Lorirner, Homer and the monuments, 1950, p. 433-451.
CHAPITRE II 1
L'AGORA GRECQUE ET LES PLACES PUBLIQUES DANS L'ORIENT ldDITERRANÉEN
Les Grecs auraient-ils connu des types de place publique susceptibles d'avoir influencé la forme de leur agora primitive? Telle est la première démarche imposée à notre enquête. R echerche difficile certes, et forcément incomplète. Notre but n'est pas, en effet, de pousser à fond une étude comparative des places publiques du monde méditerranéen ; cette synthèse ne sera possible qu'après des monographies particulières et celles-ci, à leur tour, dépendent de fouilles plus complètes et plus exhaustives. Les villes égyptiennes ou orientales, construites en matériaux périssables, comme l'argile, voire le simple limon, installées sur des sites où les conditions géographiques n'ont cessé d'attirer de nouveaux habitats, échappent aux recherches les plus minutieuses ; d'ailleurs, en de nombreux points du sol asiatique où paraissent se croiser des courants de civilisations diverses, comme la Syrie du Nord, les côtes phéniciennes, et même la Crète, les explorations urbaines sont loin d'être su ffisantes pour permettre des conclusions définitives. Notre propos est plus modeste. Il s'agira seulement, à la lumière des connaissances actuelles, de déterminer les caractères et le rôle des places publiques dans les civilisations susceptibles d'avoir influencé le développement de la structure architecturale de l'agora dans la cité grecque ; si cette recherche s'avère négative, elle servira du moins à dessiner avec plus de netteté les t raits originaux de cette structure, en l'opposant aux réalisations d'autres urbanismes. 3
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LES ORI GINES DE L' AGORA GR ECQUE
1) La place publique en ~gypte
lVf aspero évoque, dans les vieilles cités égyptiennes, avec plus de poésie que de précision, «la place irrégulière, ombragée d'acacias ou de sycomores , où les paysans de la banlieue tenaient le marché deux ou trois fois par mois >>. Mais où se t rouvait cette place ? Comment était-elle organisée ? Quel était son plan ? Quels édifices venaien t l'orner ? L'auteur ne nous le dit pas, car les fouilles n'ont fourni que de maigres témoignages. Cependant, la place était un élé ment essentiel de la vie urbaine, puisque sa disparition était comptée parmi les grands malheurs : <<j'ai entendu dire ce qui est arrivé aux ancêtres; leurs murs sont détruits, leur place n'est plus » 1 . Et Hérodote, décrivant Boubastis, la bell e capitale où s'installe la XXII 0 dynastie , admire la large voie qui réunit le temple de la déesse Bast à un autre sanctuaire, en traversant une vaste place, une agora, nous dit l'historien 2 • Les textes égyptiens eux-mêmes restent muets sur la disposition des cités dont la création a continué de marquer l'avènement de toute nouvelle dynastie. Ces chartes règlent les conditions de peuplement, précisent la situation des habitan ts, mais ne nous éclairent pas sur les principes d'urbanisme qui présidaient au tracé des installations nouvelles 3 • Des villes de l'Ancien Empire nous ne savons rien ; même l'aspect de la capitale Memphis nous échappe. Seules , peut-être, les cités des morts de Gizeh et de Saqqarah évoquent les grandes lignes d'un plan régulier, axé sur les directions cardinales ; s'il est vrai que les cités des morts sont le reflet de celles des vivan ts, il faut admettre, déjà dans le cours du me millénaire, un certain souci de régularité dans la composition 4 • Les pa uvres vestiges 1. Maspero, Causeries d' Eoypte, p. 82. 2. Hérodote, II, 138 : Kcx-rèt !J.ÈV 87) T"~v €ao8ov ~a-rpw!J.&v"l) ~a-rt ôl>oç ÀŒou ~nt Cl'rct8(ouc; -rpc'Lc; fJ.tXÀ~CITtX xr,, a~èt T'ijc; &yop'ijc;
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de Mykérinos ne permettent aucune impression precise. Le site de Cahun, contemporain de la XIIe dy nastie, s'il nous apporte quelques renseignements précieux sur la maison égyptienne, n'intéresse que faiblem ent notre recherche. Doiton mentionner la petite place, située au pied de l'acropole, là où aboutit la rue qui s'identifie avec l'axe E.-0. de l'agglomération? Bordée d'habitations, elle ne présen te aucun caractère architectural, malgré le petit édifice isolé du côté Sud 1 • On aimerait retrouver les traces d'un dispositif analogue à El Amarna, le site qui nous offre l'image peut-être la plus complète de ces créations totales. Mais ni dans la glorieuse installation d'Aménophis IV 2 , ni dans la cité ouvrière dont l'échiquier est si régulièrement dessiné 3 , on ne constate l'existence de place publique bien organisée, constituant une des pièces maîtresses de la composition urbaine. Ici, comme ailleurs, l'importance de la rue est primordiale, car elle met en rapport palais et temples, symbolisant l'union de leurs fonctions politiques et religieuses. Par ses deux grandes artères, la rue dite du Grand Prêtre et celle qui relie le palais à l'emplacement de Hagg Quandil, El Amarna met en évidence le rôle essentiel de ces coupures dans le tracé urbain en Égypte ; la rue reste indépendante des maisons qui la bordent ; elle r emplit une fonction publique et religieuse en offrant les vastes espaces nécessaires aux processions. La place, sans rôle fonctionnel, demeure une annexe du palais et du t emple. Seules les influences religieuses sont prédominantes; Philadelph. Univers. Mus., 1924. Sur la disposition de la nécropole de Saqqarah, J. Capart, Une rue de tombeaux d Saqqarah, l, p. 15. 1. Fondée par Sésostris II, auprès de sa pyramide, la ville de Cahun r eflète l'état social de l'époque par la spécialisation de ses quartiers; un mur épais sépare la cité du roi et des grands de l'humble quartier où se tassaient les artisans et les ouvriers, W. Flinders Petrie, Illahun, Cahun and Gurob, 1891 ; Maspero, Hist. A ne., 1, p. 315; P. Lavedan, Hist. ur b., I, p. 47-48, plan fig. 17. 2. Premières rouilles publiées par W. Flinders Petrie, Tell El Amarna, Londres, 1894; puis fouîlles allemandes, P. Timme, Tell El Amarna vor den deutschen Ausgrab., 1917, etC. R. des travaux par L. Borchardt, Mill. Orient. Gesell., 44, p. 14-31 ; 46, p. 16-32; 50, p. 1-40; 52, p. 1-55; 55, p. 3-39. Ensuite fouilles anglaises, J our. Egypt. Arch., VII, l 921, p. 169 sq.; VIII, 1922, p. 48 sq. et de XVIII à XXII; Peet--Woolley, The City of Akhenaten, 1923. Sur les conditions politiques et religieuses qui presidèrent à la fondation de la cité, J. Vandier~ Les :;tètes frontières d'El Amarna, Mon. Plot, 1944, p. 5-22. 3. Mise au jour par l'expédition anglaise, Journ. E gypl. Arch., VIII, 1922, p. 48 sq., pl. XVI; Peet-Woolley, o. c., pl. XVI.
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LES ORIGINES DE L'AGORA GRECQUE
elles vont imposer le développement monstrueux de l'habitation du dieu et les places d'assemblée deviennent un élément du plan du sanctuaire. << Il y a donc un ordre urbain, dont le temple est l'élément générateur. De même que l'art architectural apparaît d'abord sous la forme d'édifices religieux, de même l'art urbain se montre primitivement à nous dans la dépendance du culte »1. Les conditions politiques qui favorisèrent le développement de l'agora dans la polis grecque ne se rencontrent pas en Égypte. L 'identification du pharaon avec la divinité, la concentration et la personnalisation des pouvoirs politiques, associées aux principes essentiels de la religion égyptienne 2 et à l'organisation sociale, ne pouvaient que rendre plus étroite et plus nécessaire l'union des assemblées, des sanctuaires et des palais. L'agora de la cité égyptienne, nous la voyons dans les grandes cours péristyles, voire les grandes salles hypostyles des temples de Karnak 3 , de Médinet-Rabou, de Louxor 4 , annoncées, dès la ve dynastie, par les cours du temple du roi Sahuré 5 • En outre, quand les cit és grecques chercheront, en tâtonnant, les principes et les éléments architecturaux de l'agora, l'Égypte sera plongée dans des difficultés qui interrompent les échanges. Cet isolement durera jusqu'à l'époque saïte, date à laquelle reprennent les importations égyptiennes en Grèce ; les relations se rétablissent alors, mais les influences ne joueront plus que dans le sens N.-S. et transformeront de plus en plus profondément les traditions nationales de l'art égyptien 6 . 1. M. Poêle, lnlrod. à l'urbanisme, p. 126-127. 2. Ce fut très caractéristique du schisme atonien et de la fondation d'El Amarna, par Aménophis III, J . Vandier, Mon. Piot, 1944, p. 5-7. 3. Sur les constructions de la XVIII• dynastie L. Borchardt, dans Sethe, .Unlersuchungen ..., V, p. 1 sqq. 4. Jéquier, Temples memphiles el thébains, pl. 61-70. 5. L. Borchardt, Das Grabdenkmal des Konigs Sahure, I, Der Bau (Wiss. Verofl. deut. Or. Gesell., XIV). Cf. A. ScharlT, dans Handb. der Archaeologie, 1939, p. 473; J. Ca part, L'ar.chileclure égyptienne, pl. 67, 68, 70; J équier, Les temples memphiles et thébains, 1920, pl. 28, 37 et 38,3. 6. G. Leroux, Les origines de l'édifice hypostyle, p. 146 avait déjà souligné ce ·caractère des salles hypostyles égyptiennes, mais sans en tirer les conséquences : c L'adjonction au sanctuaire de cette véritable place publique couverte marque .une époque dans l'histoire de la grande architecture •.
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2) La place publique et les lieux d'assemblée
dans 1'Ancien Orient
Il fut longtemps admis que la place publique était un organisme inconnu de l'urbanisme oriental, qui s'opposait, sur ce point, aux traditions de la Grèce et du monde romain. G. Perrot a donné l'expression la plus nette de cette théorie : «En Orient, la porte de la ville a été de tout temps, elle est encore à peu près ce que l'agora était pour les cités de la Grèce et le forum pour celles de l' Italie »1 . Le rôle de l'agora est dévolu à la porte de l'enceinte ; cette opinion, appuyée sur de nombreux témoignages tirés des textes bibliques, a été confirmée, en partie seulement, par les découvertes archéologiques. Il est en effet certain que le plan complexe des portes de villes orientales, dont les exemples les plus évocateurs sont la porte d' Ishtar à Babylone et la grande porte de Khorsabad 2 , s'explique par cette fonction. Dans cette dernière, un escalier interdisait le passage aux voitures et assurait aux réunions, tenues dans les cours intérieures ou dans les salles annexes, toute la tranquillité nécessaire 3 • Cependant, il convient de nuancer et de limiter ces affirmations trop catégoriques ; les fouilles nous laissent entrevoir, à l'intérieur des cités, les vestiges de quelques places qui paraissent être des lieux de réunion aussi importants que les cours ou les salles voûtées aménagées dans les puissantes enceintes de briques. Ces témoignages sont rares, rareté qui s'explique par les difficultés de l'exploration des sites urbains sur les 1. Perrot-Chipiez, Hist. A rt, II, p. 484-486 et reprise encore par A. Parrot, Archéologie mésopotamienne, 1946, 1, p. 74. 2. Plan de la porte d' Ishtar, Wiss. Veroff. deut. Or. Gesell., XXXII, pl. III et I X ; de celle de Khorsabad, Place, N inive et l'Assyrie, pl. IX, XII et XIII, repris dans A. Parrot, o. c., p. 71, fig. 17, qui écrit, par ailleurs, en confirmant l'idée de G. Perrot : • Rappelons que (ce plan) s'explique non seulement par les nécessités d'un trafic qui devait être soutenu, mais surtout parce que les portes étaient en Orient le centre par excellence des réunions, des marchés, l'emplacement des tribunaux ... la • porte • de la ville était donc mieux et plus qu'un passage. Toute la vie politique et économique d'un pays pouvait s'y donner rendez-vous • (p. 74). On peut aussi rappeler, également de l'époque néo-babylonienne, les portes sacrées de l'enceinte de l'Etemennil d'Ur, L. Woolley, Ur Excavations, II, pl. 1. 3. Les tribunaux populaires rendaient là leurs sentences: Genèse, XXI II, 10 ; Ruth, IV, 1 et 2.
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tells orientaux. Nous devons nous contenter de données fragmentaires dues à des sondages limités, portant sur des zones restreintes. Mais ces restrictions mêmes donnent plus d'importance aux renseignements épars que nous pouvons glaner. Le site de Tépé Gawra présente, dans la couche VIII, contemporaine de Dj emdet Nasr et d'Uruk, un dispositif inhabituel à la Mésopotam ie . Les fouilleurs ont pu fixer les limites d'une place comprise entre quatre sanctuaires groupés inorganiquement autour d'elle. La cour n'est pas le noyau central, l'élément premier de la composition, suivant la r ègle traditionnelle de l'architecture mésopotamienne ; elle n'est qu'un espace laissé libre par les édifices qui l'entourent!. A Mari, dans un quartier qui remonte aux temps sargoniques ou présargoniques, les maisons du type mésopotamien, à cour intérieure, sont associées souvent en blocs compacts qui, entre eux, laissent libre une piazza du même type que celle de Tépé Gawra 2 ; les vestiges de piliers massifs permettent de restaurer sur les bords de la place une galerie couverte, si caractéristique des bazars orientaux de tous les siècles. C'est là sans doute que les marchands déballaient leur pacotille ; nous sommes dans le centre commercial de la capitale des rois de Mari. Il ne s'agit parfois que d'un élargissement de la rue, comme à Babylone, dans le quartier de Merkès 3 ; au carrefour, devant un sanctuaire, la rue atteint huit m ètres et la voisine, au-delà, mesure onze mètres 4 • La présence d'un autel au milieu du croisement donne à ce carrefour le caractère d'une véritable place, associée à un lieu de culte ; elle apparaît comme le parvis du temple voisin 5 • 1. Sur ce niveau, compris avec les 7 précédents, Speiser, Excavations at Tepe Gawra, 1, p. 13 sq. Le rôle joué par la cour ici, n'est pas sans rapport avec la forml\tion de la cour centrale des palais crétois du MM, infra, p. 83 sq. 2. Syria, XVII, 1936, p. 11-13. 3. Mitt. deul. Or. Gesell., XLVII, 1910, p. 27-28; O. Reuther, Die lnnensladl von Babylon {Merkes}, 1926, p. 16 sq.; F. Wachtsmuth,Der Raum, p. 26 et plan fig. 8. 4. Ces dimensions sont tou t à fait exceptionnelles dans la ville babylonienne où la largeur moyenne est de 2 mètres. De nombreuses rues dans Babylone ne dépassent pas 1 m. 60. Cf. P. Lavedan, Rist. Urb., 1, p. 68 sqq. 5. C'est à de telles places sans doute qu'Hérodote fait allusion quand il parle de l'exposition des malades sur la place publique, 1, 197: è.tu-repoc; 8è:
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LES ORIGINES DE L' AGORA GRECQUE
Assur a conservé le plus bel exemple d ' une place véritable, architeduraJcment organisée, a pparentée p ar ses fonctions à l'agora hellénique 1 . Cette place - appe lée « Tarbas suse •, « la place du peu ple » - s'ét endait à proximit é de la porte de Gurgurd par où les processions l'atteignaient. C'est un e vaste esplana de qui s'étend devant l'a ncien palais, appuyé lu i-même à u:ne p orte monumentale~. En face du palais, se dresse u n t ribunal royal; à côté, s'ouvrent les portes d 'un double Lemple consacré aux dieux Sin et Samash fondé , d'après W. Andrae, vers 1540 av. J .-C.; au S.-O., le temple p lus an cien d'Ishtar et d'Assur; à l'O., un autre double temple anonyme. Telle était la strucLu re de cette place réalisée millénaire, dont les traits essentiels se dans le courant. d u maint iendron t jusqu'à la fin de la puissance assyi·ienJJes. Quatre ru es y débouchaient et elle était enfermée par quatre groupes archi tecturaux, le palais et trois temples. Son rôle peut être précisé par un texte de loi découvert enlre le vieux palais et le sa ncLuaire d ' Anu-Adad ; ce texte mentionne précisément une p lace où se réu11issaient les parlis en discorde pour plaider leur cause en présence du roi , inst allé lui-même sur le tribunal•. Le cadre traditionnel - bien qu e fi ctif d u t r ib unal populaire est ici conservé ; il y a comme un déplacemen t des constructions h abituelles, attirées sans doute pa r le palais ; elles reçoiven t une nouvelle consécra tion par la p résence des sanctua ires voisins . Cette place d ' Assur présente comme la syn thèse des deux lieux d'assemblée propres à l'Orient ancien :la porte de ville et la cour du palais. Les gr andes cours des palais royaux sont les véritables ·centres de v ie publique, comme l'indique u n t ext e de Babylone5. Toutle plan du palais de Mari (fig. 2), sur le Tell H ariri 8 ,
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1. W . Aneltae, Das witderwst••'ls1ur, 1938, p. 41-42. 2. W. Androe, o. c., p. 42, Rg. 24. s. 1bld., p. 99. 4. Devan~ la gronde porte dont le plan ressemblail à une porle de ville, {bld., p. 134. 5. R. Koldewey, Das wledertrsl. Baby/on, 1925, p. 11 2-113; d. plan dans Wacblamutb, Der Raum, p. 23, llg. 6. 6. Comptes rendus des rouUICl> depuis 1933 dans Syria, XVI, 1935 â XXI, 1940 et blbUograpble détaillée dana A. Parrol, Arcll. mt•opol., 1, p. 521-522. cr. A. Parrot., Mari, une ville perdue, 3• éd., 1945 ; Syria, XVII, 1936, p. 15-20.
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L'OfUBNT ) !ÉOITERRANÉEN
répond à cette nécessit~ d'associer ~es services .adm~istratiC~, les fonctions religieuses1 aux besoms de la Vle pr1v~e. Mms aucune de ces places ne peut être comparée à l'agora hellénique; elles portent la marque d'un autre état politique qui -~~..lf'~"'b...,_ - ~/
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Fig. 3.- L'agor;. ps rlhe d'MSI!r.
n'a jamais connu la vie municipale de l'Occident, qui en est resté a u stade du r~gime patriarcal et du gouvernement. monarchique. Seule, l'agora parthe d'Assur, mais à une date beaucoup plus récente, et après avoir subi des influences
1. Centre religieux constitué par la eour 65 et les d eux salles attena.nt.es; l' une est une chapelle sul'élevée eL l'autre, de plnn oblong, contient un podium q ui était sons doute couvert d'un baldaquin, Syria, XVI!I, 1937, p. 69 sq., pl. VI Il , IX, Z. 3- 1
72 bell~maLiques, permettrruL un paralli'le plu• •xorL 1• As!ur
ne se N!leva des ruines entassées par la chute de l'empire •••yrien en 614 av. J .-C. qu'avec l'arri,•fe des Pnrtbes. l:;ur le• Mlines de la uggurat ils étal>Jirenl une sorlr d 'ncrojl()le, cilndellc enfermée d9ns une enceint~ sp~iolo, réduit d e la gnrni•oo où le satrape in;talla peu t..~tre son palais. Au pied de celLe petite éminence ort:ilîcielle, •u r le plnlco\1 qu'occupaient le temple o' Ealil et le témimos II'A ... ur, a'êt..ndil liAC vaste place ~ordi:c, sur, deux cOtes ou moins, do portique• el de sfooi ( Og. 3). Les pilièrs ronds élnicnl nn l11·i<J ucs ot oo gy pse, prcx:édé de .conslruct.ion connu su r d'a ul•·os sites mésopotnmions plus anciens'; ils supportaient, au lieu d'n•-chi· l.rnvc, dos ures (• vouasoi~ qui prenn ienl nppui q,ur ,Je gros•iers cbopit.ooux•. Le oot.e libre de porli<JUCS éluiL lcnné par un edifice à • liwou • eL une conslr nctioo péripl-1\I'C. Lo ()1\'lmier dominait la place ; on y accédait p:tr une large rompe rl'e.calicl"! ; il faut y voir une salle de réception. peut.-èLre un tribunal. L'édiflu périptère, • nonyrue, est u n curieux mélange d'inDuences orientales, h•ll~nique• et rle traditions loenles 0• Il est a l'image de l.ouL l'ensemble <JUI resle une 1'<\oli•ation jusqu'ici unique de l'architecture orientale•. La urbau1$mc:s voisins hilUle, syro--hillilc ou bourriLe e t. rMnicicn n'apportent aucune contribution notable A notre rt.'
tll/1'0, p. 127•-t·
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3. 1...- Partbelavaie.nt 4ti Aarritnf te prtotlpe dt la oouvmu_,.. d'un par UQ II"Co La mliuuoo la mieu.x N!Mde dt Ct typt li'Chlhd.ur.~l ~l .. Jardin del• m:r.hon du ttut de SI.AWrib. • AUUr, \\', And.rot, •· c,, p. 3'J .aq., ftr, 10.20; Warhl.!mutb. fkr Ra.wn, p. ~66. ftJ.I'l. Ct. 1" ch.Jplteawx menllono-
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DHtNH~t da• W. •\ndl'H, • · C".. Ag.~. 4, Andra~~o o.c.. p. 119,1lg. 7i ; le pérlpt.Orvn
w. no t 'étend que ' "' lroh c.)l ti. tl. Sur ki ca• 11 curieux dG Do.urt· EUI'IlP04. Jn/NJ, p, ~11 0 I#J·
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L'ORIENl' MÉDITERRANÉEN
caract.ere essentiellement militaire, organisé en une sorte de féodalité héréditaire 1, n'exigeait aucune place d'assemb!é.e populaire. Cependant, les textes rituels et le caractère pohtl-
M. N.
Fig. 4.- L'acropole de Sendjlrli.
que de certaines divinités, en part.icu lier de la déesse Soleil d'Arinna 2 , permettent d'entrevoir une association assez ét.roitc entre le politique et le religieux et laissent supposer que les l.emples étaient le principal lieu de réunion de l'as1. L. Dela porte, !.et Hillilu, 1936, p. 169 sq. Z. H. Bosser!., Das h
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LES ORI GINES DE L'AGORA GRECQUE
semblée des notables et des guerriers sous la haute direction du roi-prêtrel. Cou rs des palais et des tem ples jouaient sans doute le même rôle que les esplanades des palais mycéniens où se réunissaient les bas ileis achéens. Les viUes du second empire hittite, implan té en Syrie d u Nord, nous son L mieux connues. Les noms de Garcllemisch , Sendjirli (fig. 4), Tell-Hala[, Arslan-T ash évoquent une organisation urbaine assez précise dont les principes r estent fidèles à l'ancienne t rad ition de la capitale anat.olienne, mais dont les éléments et les form es ont subi de p ro rondes modifications. No us aurons à y revenir d ans L'étude particulière de certa ins types architecturaux 2 • E n elTet , l'architecLu re hittite d ' An at olie n'ofTre rien de comparable a u curieux ensemble du « palais d 'en bas • de Sendjirli (fig. 5). Dan s son état act uel, l'édifice comprend une cou r P , limitée au N . et au S. par deux st oai pa rallèles, à l'O. et à l' E. par les f!ilani H 2 el H 3 3 , reliés a ux préc6dentes stoai par des portiques la téraux•. La chronologie relative de ces édifices est discutée 6 . Un repère fixe esL [ourni par le 1. L. Dela porte, o. c., p. 267·269. En dernier lieu, B. Dussaud, Les Re/igio/18
du Hilliles <1 de• Hourrites, • Mono •, 1945, p. 335 sq. ; P. Demargne, Lo Crtù didalique, 1948, p. 68-69. 2. Infra, p. 134 sq. 3. Nous conservons l'appellaLion LradilionncUe, sans prendre parU ici sur le rôle et l'ioterprétatlon de ces édifices. Sur ceu .e discuSSion, Wacht.smuth, Der Raum, p. 76 sq. ; Eber t, Reolle:tikon der l' orgU(;h., V, p. 323-324; W. Andrau, dans Handb. ' lrchat<>l., 1939, p. 703. 4. R . l
L'OIIIENT ~I KOITEJI!IANéEN
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relie( et. l'inscription du roi Barrekub qui a consacré ct. sans doute construit. le porLique nord (P) ; a-l-il con~u tout. l'ensemble de ln cour et. sommes-nous en présence d'une composition homogène ? Ou bien la partie du Sud est-elle plus récenle et. la cour résulte-t-elle d'u n assemblage progressH ? Les conclusions sont souvent., comme ~lles de F . Wachtsmuth, raus ées par le souci de défendre des vues t rop théoriques sur l'évolu lion des divers éléments de cette composition. L'examen des ropports de rouilles nous semble imposer les conclusions suiv:mtes : 1° Tcchniqt1e, méthodes de construction e t conception du pla n établissent. un lien de parenté étroit. cnt.re tous les porLiq ues, celui d u No rd et. celui du Sud, P 1, P 3, et. P l Ot. Les procédés de construction sont sem bla bles da ns tous les murs de fond : un soubossement de pierres portait. un gril de chevrons entrecroisés ct les plll·Lics hautes étaient en briques cr ues. Les antes ct les piliers d'angle reposent sur des soubassemcnt.s quad ra ngulaires q ui soutiennent les bases de colonnes de style hiLLile ; ces soubassements sont faits de grands ort hostates, ornés de reliefs a u Nord, mais to us les blocs présentent. les mêmes cavités de scellemcnts 1 ; les piliers intermédiaires étaient munis de couronnes en bois, uvee revï;tements de mêtol ; les rouilleurs des deux sLoai a boutissent au x mêmes conclusions'. 2° Stoai et llilai!Ï ne sont. pus dtlS constructions contemporaines et. nous croyons que 11 3 est. a nt.érieur à H 2. Au Nord, l'ext.rémiLé orientale de la st.oa semble bien s'adapter à l'angle de H 3 puisque son mu r de fond se renforce et s'élargit pour compenser la légère dévia tion des murs de !'/li/ani qlli n'est pas per pendiculaire à l'axe longitudinol de la sloa 4 • Au S ud, la jonction des colonnades ovcc les murs de H 2 el. H 3 se fait par simple juxtaposition de deux gros piliers qui a morcent les portiq ues ; ces pihers sont conçus comme des piliers d'angle. Si les H ilani ont. interrompu la rangée des soutiens inlermê1. Nous adop!AoronJ les dMign&lion! de la pubUeaUon Arugrab., IV, pl. L I ,
reprodulle dans nolN> fig. !>. 2. On comparera la 6lruclure des baees 1 ~id., Il, Og. 72, cL IV, Qg. 169-172. 3. A. l{oldewey, Au•urab., Il, p. 167 et G. Jacob)', IV, p. 308-309. 4. Ibid., 11, p. 16·1 et ri. XXVI-XXVII.
76
I.KS OlllGlNES Dll L'AGORA GRECQUE
·diaires, il faut. admet tre une réfection de ces piliers. Seuls quelques vestiges d'une telle moctification apparaissent sous H 2 ; Oelmann1 y a reconnu les restes d'une porte monumentale qui fut détruite par l'implantation de l 'Hilani~. Les
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Fig. 5. -
Palais d u roi Barrekub à Sendjlrli.
1. F. Oelmann, Jal~rb., XXXVI, l92J , p. 85·98 ae !ondanl s ur lM cnractère>~
des êditices êlnbUt une aulre séquence; Je premier étal est consLitu6 par B 3 entour~ d'une vasle cour à portiques; les fondallon.~ de ln stoa K se prolongent sous H ~ qul a pris la pillee de la pramière entrée monumenlnlc; le portique P, agrandi vers le S., ienil l'œuvro de Barrekub, vera 730 av. ,J.·C ; en fln Il 2 o.w-o.ll êl6 ench:l~•u dans la s loa don l il a d~truil la pMlic N. 2. 11 rcslllue Je lt-.1Cé primitif de la sloa sous la consLruetion réunt e, Oelmann, lbîd., p. 91, Jlg. 6.
L'ORIENT MÉDITBRRAN'é8N
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coupes faites sur les fonda tions à la jonction de H 3 et .de P 10 laissent. une impJ-ession très di1Jérente 1 . Les fondatiOns du pilier son t à 0,75 m. plus haut que celles de l'Hilani; celles-ci forment une sor te d'empat tement sur lequel les autres prennent appui, avec un léger retrait sur l'alignement de la façade. P ar conséquent, ou bien I'Hilani est antérieu r ou, pour le moins, les deux constructions sonL contemporaines. li semble donc que le· premier éta t, dû à Barrekub, comprenait H 3 avec une cour complètement fermée où l'on accédait par u ne porte monumentale, en [ace de l'Hilani. Il s'agit don c bien d'un ensemble homogène, modifié ensuite par l 'introduction de H 2. C'est. le premier état qui correspond le mieux aux Lermes de l'inscription dans laquelle le roi Barrekub commémore les embellissements qu'il apporte au pal ais de ses pères dans la deuxième moitié du vJU 6 siècle av. J.-C. 2 • Les portiques constituaien t la t< parure 11 dont le roi était si fi er 8 • L'architecte de ccL ensemble pouvait, lui a ussi, être fier de son œuvre ; il re trou v aiL une formule archi tecturale perdue depu is q uelques siècles, mais destinée à une fl orissante rena.issance. Le portique devenu stoa a retrou vé son indépendance et devient l'élément essent iel des compositions archi tectu rales sur cour q ui son t à l'origine même de l 'agora hellénique. On voudrait mieux connanre les a utres si te~> urbains de la même région et de ceLLe même période. Nous a urons à préciser Je rôle de ceLte architecture dans la renaissance de l'art de construire en Grèce archaïque. Les réalisations de Sendjirli qui étaient. conçues à l'époque même où les premiers portiques faisaient leur apparition dans les sa nctuaires a rchaYques de Larisa su r l'Hermas ct de l'Héraion de Sa mos révèlent le premier jalon un peu sûr de noLre recherche comparative. 1. Au•grob. , I V, p. 317, fig. Z. I bid., Il, p. 168·169.
221-~22.
3. La $lOo 1'1., a .. ee la statue de Barreku b en gloire, d art! l'exercice de se.' pouvoirs humains et. divins, devenait une véribbl& • s toa aa cr~e • (ibid., [V, p. !ldG-958, pl. LX-LX II!). Avec ses niches, la sloa do l'E. suggue eUe nussi l'idêe do quelque gaJerio d'exposition o~ des stèles, semblables a celle qui fuL t.rou,•ée non loin de là, pou,•aien~ Slre expos6es (ibid., IV, pl. !, XVI). On n'oubliera. pao que les morts de la lamill&royale ét.nient peul-lllre inhumés da os le poiMs (ibid., li, p. 168) ; le cadre ornemenl..'ll de la cour se chargerait ainsi pl us nettement encore d'une fonction •ncrée. Lo st.o.~ du S. nvllt. sa rane~e de c h•mbres joun il sans doute un rôle pltt3 pra li que rtanslo vie mal~riella du palais ; on peuL y voir de• logefnenL' ou des reas<)rres.
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LES ORIGINES Ot:: L'AGORA GRECQUE
Il est. possi ble que les villes de la côte syrienne, les cités marchandes de Phénicie doivent constituer une éta pe importante de notre enquête ; mais de Tyr , de Sidon, des villes de Palestine, de Mégiddo, de Jéricho, nous ne connaissons guèr e que les restes de leurs enceintes, les vest.iges de leu rs portes; rien ou p resq ue rien de la cité dont. l'emplacement n'a cessé d'être habité pendant des millénaires. En dehors de ses sanctu aires, Byb los ne [ournit aucun élément à notre dossier. L'exploration de Ras Shamra, si précieuse par les comparaisons qu'elle suggère avec les civilisations occidentales, n'a pas encore laissé percer son secret en architecture; seuls, des rapprochements de détail sont. actuellement possibles1 • C'est peut-être dans la ville basse, au bord de la mer , dans le q ua rl.ier des marins, des pèlerins, des marchands, qu'on dégagera un jour le typ e d e l'agora mycénienne que nous cherchons vainement. ailleurs, car c'est avec la fort.e émigration cypriote et mycéniern1e des xvc eL xrve siècles av. J .-C. que ce quartier prend de l'extension et construi t. son dédale de rues étroites, encore qu'assez régulièrest. Si ces régions ne pr ésen tent point. un type de p lace publique bien Mfin i, elles ont conservé une composit..ion architectu rale qui n 'a pas éLé sans influence su r la naissance et Le développement posLérieur de l'agora grecq ue. Il s'agit d u sanctuaire à ciel ouvert, composé d 'une cour entourée de stoai, fréquent en P hénicie et en Chypre dès le IJe millénaire av. J .-C. Ce type de sanctuaire est bien connu depuis les relevés de Renan à Amrith 3, où une terrasse, artificiellement am énagée da ns 1. Sgrla, XVlll, 1037, p. H3; XIX, 1938, p. 24? •q., 31 1 sq.; XX, 1939, p. 2i8 sq.; XX l, 19 40, p. 24; C. A. SehaefTor, Ugarilica, 1, 1939, p. 70 sq. ; 92 sq . 2. S!Jr la, XVI, 1935, p. 168 sq. ; XV I!, 1936, p. 14.8. li en va di lft!remmool pour la ville haute ou la cl1.e mycénienne renèl.e a.,;c~ exaelernenl le plan el les Ugnes c:l!néro1cs de l'lnst.nllaLion phenicienne. Le reseau régulier des ruu orien· tées E.-0. emerre sans dlnlcul1.e dans ses mailles lœ deux grand.s t emples pbt!nic;cns de BAal et de Dagon donl la fondaUon remont.e au Moyen Empire, Sgria, XVIII, 193i, p. 127 sqq. L'lnJluence mycénienne parnll, dh maintenant, s uffisamment rort.e pour justifier des appor ts :u-ebitecturaux même slla coloni· sati on • acheenne • ct' Ugarl~ que souUont C. Sebaerter peut Olre mise en doule: Scbachermeyr, JJ•tlliter u. Acha•er, p. 109 sq.; Walzinger, Htmdb. Arch., p. 804 onl pour eux le roll quo les maisons sont d'un ty pe plus orlentalisant que
mycénien. 3. Ronan, Mission, p. 63, pl. V IIJ -X. Une longue deserJpUon en esl donnoo aans Perrot-Chlplez, Hlst.
L'ORIENT MEDIT&RRANÊEN
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le rocher , support e une petite cha pelle ou plutôt un baldaquin qui abrite l 'image divin e ; un a utel était voisin el un léger portique, appuyé a u rocher , entourait la cour. U~ sanctuaire de ce genre- celui d'Am rith ne semble pas a nt éneur à l'époq ue perset - s'est niv élé t rès ancien à Byblos dont l'état primitif peut r emonter à l'an 2000 av. J .-C. '· Pendan t deux millénaires, les lignes essentielles sc conse rvent puisqu'o n en reLrouve le profil sur une monnaie de l'empereu r Macrin repr ésentant la cour sacrêe entou rée d'un porlique et , au centre, le bétyle protégé par u ne balustradeJ. Qu'o n pense encore au temple d'Eschmoun à Sjdon•. C'est aussi le plan du sanctuaire de Qatna qui contenait, outre le naiskos, un bassin sacré que recouvrait un baldaquin à quatre colonn es&. La permanence de ce type est un trru t de l'architecLure religieuse de Chypre. Plusieurs de ces enceintes sacrées appartiennent à la fin du Bronze récent ou même a u début de l'âge du fer (période 1200-1000 av..1.-C.). L'une d'elles fait part ie d'un ensemble plus com plet sur la pointe occidentale de l' ldalion 8; le dernier état, qui r emonte à la fi n du géométrique et fut conservé pendant to ute la période arch aïque, se r Muit aux élément s essen tiels : cou•· avec autel et n iche cultuelle. Le sanctuaire d' H aghia Irini est plus com plexe 7 ; dans la cou r se trouven t les fon da tions de petits édifices mal idenWiés où l'on reconnaiL cependant une chapelle avec table de sa cri fiees, d épôt d'offrandes et banquettes au long des murs 8 • Sur l'agora ou dans le t éménos grec, l'autel ou le 1. D'après Wntzlnger, lfandb. Arch., p. 813. Z. M. Dunand, Syriu, V I 11 , 1927, p. 98 S
. .
80
1
l.I>S ORIGINES DE L AGORA CJ'Ui:CQUE
tombeau passe au premier p lRn, mais le principe architectu1·al est identique. Dans l'architecLurc hellénique, ce t ype donne lieu à des réalisa tions diverses, profanes ou religieuses : l 'ago ra d' [onie, les sancLua ires fer més comme le Delp hinion milésien et le téménos macé
n
L'ORI ENT MÉDJTI!RIIANÉE N
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complex ité de leur architecture ont ~uls retenu les efforts ~es fouilleuTS et en fait n ous ne conna1ssons pas encore une Cité de la belle époque minoen ne l. Seuls, des sites d'époque récen te
Fig. 6. -
Plan du pala is de Cnossos.
1. A Cnossos, quelques sondages seulemcn~ ont été exécu tés nu long de la voie royale, entre le grand eL lo pem palais, mols ces recherche.~ sont i.Migni· JI antes comparees à l'aire d'extension probable de la cit.é au début du M R, Palau, Il, p. 545 sq . eL plan en face p. 1>47. A Mallia, ('!!,cole trançai,e en est restée elle au~>si au s tade des sondages; nous commençons Il eonnanre la maison de Ma.llia mals nous voyons eneoro mal ce qu'était la ville, P . Demargne, B CFI, LY 1, 193~., p. 76 sqq. ; un Casciculo œL en préparation sur les maisona de MalUo
LES ORIGINES DE L'AGORA GRECQUE
co mme Gou rnia 1 ou d 'importance secondaire comme Palaikastro~, Amnisos 3 eL Phylakopi 4 on t ét é complèt ement dégagés. Nous devons donc interpréLer nos con na issances lacunaires à la lumière des ren seignements fournis par les cités plus tardives, mais m ieux connues, en contrôlan t nos conclusions par les précieuses données des monuments figurés. Les palais de Cnossos ( rlg. 6), de Phaestos (fig. 7) et de Ma llia (fig. 8) ont élé suflisamment dégagés pour laisser reconnanre qu'ils constituent, comme eelui de Gournia , un pôle d'attraction à l'int érieur du groupement ur bain. Les principales voies de communica tion y a boutissen t 6 ; c'est autour d'eux, sons doute, q ue venaient se serrer les riches demeures des pri nees, des che[s de guerre, des administ rat eurs. L a fonction des p al ais crétois n'ét ait pas, en cela, t rès di fférente de celle des palais orienl.aux ; lf',s uns comme les autres étaien t la demeur e privée de la fa mille royale et aussi un cen tre de vie publiq ue. Leu r structure architectm·ale devai t donc répon dre à cette double nécessité. CelLe constatation a déterminé un efTor t d'an alyse peut-être trop sysLèmaLique pour identifier dans les palais ins ula ires les divers organismes d'u ne administra tion centraliséc 6 • MAlgré bien réœmmenl dégagées; on aj outera les villas do T yUssos, publiée• por ~Janidakls, .Studt~
ne,
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L 0RIBNT MéDITERRANÉEN
83
des vraisemblances, il est difficile de suivre F. von Reber dans toutes ses conclusions ; il imagine trop ln constitution minoenne d'après les t extes de Platon , d'Aristote, de X énophon et de Plutarque ; or , bien q11e tous se réclament du règne idéal du boo roi Minos, leur témoignage ne saurait l'atteindre ; il se réfère tout au plus au règime archaïque des cités doriennesl. ll faut, je crois, attendre avec prudence le déchifTrement des archives mi noennes pour évoquer avec quelque certitude les institutions politiques et sociales contemporaines des palais. Il n 'en reste pas moins que certai ns quartiers de ceux-ci so nt, évidemment d estinés à l'exe~cice des fonctions politiques eL publiques eL qu e de vastes lieux de réunion y étaient. prévus. La cour centrale des palais m inoens est-elle à même de jouer un t el rôle ? Par son origine, elle n'est. pas sans rapport avec l'histoire de l'agora hellénistique. Elle répond, en efTet, au principe de l'uni fi cat ion progressive d'édifices d'abord isolés autour d'un espace libre ; c'est seu lement da.n s l'éta t récent des palais qu'elle devient. l'élément central de la composit,ion . La structure des premiers palais de Phaes t.os, Cnossos, même Mallia où l'indépend ance fonctionnelle des quartiers am ène F . Chapout hier à parler d'insulae, rêsulte d'une même évol ution t_ A Pbaestos, L. Pernier, par les traces des construct ions qu 'il a repérées sous le palais du M. M. 8 , a pu suivre le passage d 'un habitat dispersé, avec maisons isolées, à un êdifice complètement unifié; une concenLration p rogressi ve s'opère au cours de la période immédiatement antérieure à la construction du premier palais ; des tlots se constituent autour de l'espace laissé vide pour la grande cour centrale. A Cnossos, le premier état est conçu dans le même esprit; chaque insu/a sem ble avoir été fermée, isolée par une sorte d'enceinte et dotée d'une rela tive indépenda11Ce 4 • Au M. R. III encore, à 1. Kirsten, Daa dori$CIIt J(rela, 1, p. 171 sqq. cherche ~ inlerprét.er, avec plus
de raison, les Mlflees des ville!! arebalques à la lunù~re de ces témoignages li"éralres. 2. F. Cbapoutbier, Êtudu crttoi•u, Mattia, VI, p. 72-75 ; F. Chapoulhier en voiL la preuve donsl' irrégularit.é des façade!! extérieures qui denotent la presence de quarUers mal inl(!grés à l' ensemble organ.i~ autour de la cour centrale. 3. L. Pernier, Pe1101, 1, p. ~30 sq. Caraet.ére déjà not.é par A. Evans, Palau, 1, p. 144. 4. Poloce, 1, p. 144 : • H is t.o thiS epoeh then U>nlwe musl reler Lbe first gl'\lat remodelling or the lnterlor arrangements or tho Knœsian enceinte, wl•icb linked
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LES Ont fl! NilS DE L AGOn A Gn ECQUE
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L' ORIENT ilfÉDITE RRAN.IÎEN
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Plati, un groupe de constructions ill ustre bien le parti choisi pour les p remiers palais 1 • On a hésit é sur l'int erp rétation de ceL ensem ble (fig. 9). F aut-il y reconnaître un éd ifl cc organisé suivant ces principes primi tifs? Ou bien un groupemen t de maisons indépendantes autour d ' une place publique • ? Cet. arra ngement u rbain serait di1Têrent de ce qu'on a trouvé en Crète à cette époque, à Palaikast ro et à Gourn ia (fig. 10), où les maisons s'alignen t toutes le long de ru es éLroites. En fai t, la disposiLion de la façade de l'édifice Sud, fidéle aux traditi ons minoetmes, et les indices que nous avons su1· la formation des pala is p rimitifs nous semblent t émoigner en faveur de la première hypothèse ; ce lierait. une survivance locale - et fort instructive de principes anciens 3 • Mais dans le plan éla boré le <'A'l ractère de la cour cen trale est. dirTé ren t. Elle est un principe de groupement, et sem ble réservée à des manifest ations privées ou se mi-privées plutot qu 'au développement de la vie publique et offi cielle. Les véritables places de réunion publique da ns la cité minoen ne sonL à l'cxLérieu r du palais. On s'accord e à recon nattre de telles places d'assemblée dans la Thealral A rca ùe Cnossos 4 eL dans la vaste cour occidentale d u premier palais de Phaestos&. Le dernier up a nd uniOed what appear lO llave bccn n sueeesslon of separat.e bloek! ran8$<1 1·ound tbe C~ntral Court •. 1. Troi~ bloes A, 8 el C sont dispœés au r les eôLI\s N., O. et S. d'une cour de 15 mètres de cOI.é environ; au S., le plan est très clair; un large couloir A 10 ouvre directement sur ln cour que domine une façade de type minoen •vee large hall à colonne unique, 8Sfl, XX, HH3· H , p. 7 sq., pl. 1, 111, :1. 'l. l
p. 289 sq.
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LI!S ORIOINilS D R L'AGORA GRECQUE
historien des places publiq ues en Gr èce, W. A. McDon ald 1 a joute au m ême groupe la place de Gournia, l'esplanade de la cour centrale de Ma llia, les degrés d'un e cou,. dallée d' Hagbia T riade ; mais iJ mc semble q ue des nua nces sont à ménager ct. que ces orrangemenLs archi tecturaux ne jouent p as lous le même rôle. Les uns, comme la place de Phaestos', sont. conçus pour de grandes assemblées populaires tandis que les autres sont am~nagés pou r des réunions rest rei ntes. On n'a pas assez remarqué que la Theairal A rea est à l'écart du palais, sans rappor t architectura l immédia t avec lui, indépend ante de l'entrée nord et de la place occiden tale, qo'ellc comporte en outrt:ttne encein te fermée et qu'elle est de dimensions restreint es' ( fig. 12). On comparera plus justem ent à l' esplanade de Phaest.os la première place de Cnossos qui a précédé la Thealral A rea ; les rech erches poussées en p rofondeur ont prouvé q ue, sous le ihéalron du M. R. 1. ou 11, il y eut une cour bordée de grodins, contemporaine de celle de Pbaestos, puisqu'elle remonte a u l\1. M. ((1 . Ainsi le palais primiW avu it. sa cour principale de récept ion dans l'angle N.-0 . ; celle-ci fut su pplant ée d ans les remaniemen ts d u M. R. pa l' la cour occident ale d ont. le rôle explique le caract ère monumen ta l de la façade'. Le plan de la cou r ct l'architecture l . W . A. McOon~Jd, Mwing Plaœ•, p. 6 sq. Le premier rapprochernenl sysléruaUque des plneM mi noennr.a avec les agora/ grecques uvail êlé rail par F . Tril~~eb, Johruh., XXV 11 , 1932, p. 92 sq. 'l. On sail que l'êll!L primitif de la ploce daUêe, avec oe> gradiM èl ses ebapeUes latbales, tpparllenl au premier pola!s du ~lM II (Pernier, Ft$lo4, p. ~37-438) ; au ) 111 1, la e ou r rut recouverte d'u n sol de wrre lassée, l.e s 5 escaIIHS lnf~rleurs du lMM.ron eL les c hapelles recouvert.&, t.andii que lM d~ •upêrleu,. conlinualenl • u Uii!l>s ainsi que l'escalier XXXI conduisan t • la terras~ supérieur~. 3. Un mur de ci6 Lure l'enferme au !S. el à l'O. o(l un êlroil passage de 1 m. W al hliiH pour la rue dall~e; l'accu prillelpol ét.oll au S., pa r le haut des gradins. T ou• ees détails lOnl vl~iblt3 s ur les rcpr6sentatlon.s el plans de Pala«, Il, ng. 363 el 366. Le nombre d es SJlflela te urs admis dans celle enceinte était limitA à ~au m~ximum, d'aprè.! A. Evan! , Pa/act, Il, p. ~85. Par un calcul très p~ Mc Dona ld, u. c., p. 18-19 flx~ ce nombl'l) ê 485. Il conllate lui-m&me combien nous 11o mmes loin des roules reprtsêntl!es wr les rre~;ques. ot. Pulacc, Il, p. r.80-S81. 5. S.:h6ma de ces tronsrormallons, Palace, Il, p. 609 sq.; IV, p. 50, ng. ao ; dole llaq uelle le palaJA 6ltlil moins grand, mals protégé par un mur d'enceinte qui lruvemll la cour O. On aa il q uo l'éloge supporté par les puissantes subi!· truc Lions des mog11sins comporltli l <10 magniRque10 talles d'apparat, Palaœ, Il,
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L'ORIENT MÊOITllRRANÉEN
de la façade répondent aux mêmes conceptions qu'à PhaesLos et les mêmes raisons ont joué à Mallia' {Pl. I, 1). Ge caractère • officiel • de la cour occidentale est marqué, à Cnossos
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plan A el C; J . O. Pendlebury, A Handb. lo lhe Palau of M înM, p. 3'2-33, plan 3. Elles ouvra ient sur la cour por de vast.es loggia à eolon.n es d 'oô le roi pouva il
prolslder toutes les assemblées populaires. F. von Reber, Silzber. 8auer. Al
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L6S OJUGINES DE L'AGORA GRECQU6
comme à P haestos, par la présence d' autels don t les substruct ions ont été bien identi 0ées 1 . Ce so nt là les véritab les lieux d'assemblée pop ulaires de la Ct ète minoe nn e. Une tell e in terp rétation 2 se tro uve confir mée p ar le p lan de l'esplanade de Goumia 3 . Nous insisterons moins sur les degrés, dont le rôle architectural est bien clair ' , que sur le petit port ique qui bo rde l'angle N.-0. de la cour . Cette esplanade, i nd 6pendante archiLectu ralement du palais puisqu e !>rois ou qua tre maiso ns du qu ar tier H ouvraient su r elle, - lu i resLe ce pendant associée par le caractère monu mental qu 'elle confère à l'ent rée ; c'est une véritable annexe publique du p alais privé. Le port ique latéral, avec ses piliers carrés, couvre une sorte de loggia qui do m ine la place et constitue la t ribune réservée au pr ince et à son en tour age dans les r éunions politiq ues ou re ligieuses 6 . C'esL le premier exemple d'une place p ublique organiq ueme nt aménagée su r des principes assez comp arables à ceux de l'agora grecq ue archaïque. Le dernier état de cettle cour est co ntemporain de l'in troduction du mégaron dans les cités minoennes 6 • La cou r tendra à se détacher du palais. Un dédoublement, t rès révélateur sc produit à Hachia Triada, en fin du M. R. III. La p lace de l'entrée, au débouch é de la rampa dal mare, s'est considérablement réduiLe, à l'échelle sans dou Le de la v illa , m ais aussi parce que s'est développée, à proximité, une deuxième place que les archéologues italiens on t. Rppelée p ublique; L'appareil extérieur en larges pierres bien réglées, s'oppose à la négligence des bloctoges viSibles s ur tes autres laces du palais. Cett.e remarque esl vabble pour Mallia, Cnossos, Phaestos et Gour nia . 1. Des signes de la double b&ehe sont gl'llvés sur les murs memes du palais, Palace, Il, p. 012-613. 2. Déjà bien mise en évidence avant nous, F. T rli.A;ch, Jal~res/1., XXVll, 1992, p. 97-98 et MeDonald, o. t. p. !. 3. Boyd-Hawes, Gournîa, p. '25, Og. 10, aménagemcnL dalanl du M R l. 4. Les uns, dans l'aile orient.ele, donnenl aooês au couloir d'entrée du palals ; les autres, postérieurs, en ret.our vcrs le S., permeLLenL de monter sur l'tsplanude. &. On n 'oubliera pas qu'une paire de cor nes de coniécraLion a !té rel.rouvée au pied du stylobat.o du por l.ique, dans l'angle de la cour, Gournia, p. 26, pl. X l, 25. 6. E n efTeL tes fondal.ions grossières du •Lylobnle N. paraJssenl uno adjoncl.ion postêrieure au Lronçon S. qui porte encore lei Lr11ces d o 2 piliers, fi. Oelmnnn, JaJ~rb., XXV!l, 1912, p. 38 sq., eL, sur la cornparaison avec le pèlit mégaron de Tirynthe, ibid., p. 43, flg. 3-4.
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L'ORUlN'f MÉ D ITERR ANÉE N
l 'agor a « minoica »1 (fig. 13). La première est dominée, à l' Est , par la façade à étage d 'un petit portiq ue d on t Le p uissant mur de fond forme soutènement (Pl. r, 2). L a. deuxième place, au Nord de la v illa, en est. comp lètement, md épcndan te; elle résulte de l'éla rgissemenL de la ru e q ui ab outit à l'entrée Nord eL elle est bordée d'un long port iq ue, à double
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Fig. 9. -
Groupe de maisons el cour de PlaU.
nef, peuL-être à étage (?) (Pl. V). Elle p eut passer, à juste t itre, pour le proLo type de l'agora grecq ue. Ces places d 'assemblée mi noenn es, annc.xées au palais royal, recevaient des a ménagements te mporaires aux jours d e fêtes solenn elles. Les peintures murales permet tent d'en resta urer les grandes lignes. J e n'imagine pas une imp01·Lante réun ion, comme celle que représente la fresque cnossiennea 1. L. Pernier, F e$/Qq, p. 17, llg. 8 ; B ollellino d'A rte, Il• ser., 1, 1922, p . 437, Pa/a~•. III, p. 16 sq .. pl. xvr.
2.
90
LES OR IGINES DE L'AGORA GRECQUE
(Pl. II), dans la coul' centrale, malgré la présence du temple min iat ure qui serait La reproduct ion de celui qtJe Sir A. Evans a pu restaurer en bordu re occidentale 1 ; aussi bien, la fresq ue représente-t-elle des soubassemen ts maçonnés dont il ne reste ici aucun vestige. Ce sont les d étails de la cour extérieure de Phaestos qui permet ten t la meilleure interprétation de cette scènc 2 • Retenons d'abord q uelques par ticularités du plan que M. P. Nilsson a pu comparer à d'au tres dispositi[s. Dans une étude sur la forme des lieux de Clllte minoens•, il mention ne les autels et niches votives des cours des palais. La piazzale dei S ar.eUi, à Haghia Triada, présente le t y pe le plus achevé de ces sanctuaires, bien identifié par un dépôt de terres cuites et figurines de bronze •. Dans la cour Est du petit. palais de Ni rou Khani, qtielques gradins app uyés au Dl llf prononcent. une saiUie vers l'aulè; da ns l'angle de cet te avancée, Les [ouilleurs on t trouvé une corne de consécration tombée sans doute du premier degré ; l'ensemble présentait tous les traits d' un petit autel 5 . M. P . Nilsson propose d'interpréter de cet te façon les ressauts de la voie daUée sur les gradins de la cour de P haestos • (Pl. III, 1). Un empla cement sacré aurait. été ménagé là, corresponda nt. a ux a utels de la place Ouest de Cnossos. A l 'app ui de l'inter prétation proposée par M. P. Nilsson, on peut, croyons-nous, invoquer La représentation de la fresque cnossien ne. Le sanctuaire est placé au centre de la composition, en une position surélevée par ra pport à la cour d u premier plan ; de part et d'autre, les personnages sont assis comme sur des gradins. Le dispositif réalisé est exactement celui q u'on imagi ne aux jours de fêtes dans le cadre de la cour de P haestos avec un autel dressé sur les derniers degrés. On remarquera, en out re, que sur la fresq ue, comme à !. Palace, II, p. SOl aq., Jlg. &25·&27.
2. Il ne s'agit certes paa de retrouver sur cette fresque lous les détAilS do telle ou telle pa rtie du palala de Cnossos ou de Phaestos ; on connatt t.top la fantaisie et le goQt do la stylisation des art!sl~ crétois pou r cbereher ici uno st.tlete reprêo>entalion de la réalité ; mais le cadre cependant est certainement composé d•êlêments trad itionnels. 3. M. P. Niluon, M inoan-Mycenaean Religion, p. 89 sq., 99. 4. R endic. Lincel, X IV, 1905, p. 370; Ann uario, N. S., Ill· lV, 1941-43, p. 9 sqq.
5. XanLboudidèa, Arch. Eph., 1922, p. l &q., piAn 3, et p. 4, fig. 2. G. Le Lrac6 de ceLLe vole esL bien v!Alble sur la planche IX de Pola::o dl Ftslos.
L'ORlBNT MÉD!TEI\1\A.NÉEN
Fig. 10. -
Plan de Gournia.
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LES OR.!GTNllS DE L'AGORA. GRECQUE
Phacsws, les personnages sont assis sur des gradins très bas q ui les obligent à ramener leurs jambes sous eux 1• La masse des speci:A:Iteurs est placée au-dessus de ce premier groupe sur un terre-plein que soutient une belle construction en appareil régulier (Pl. Il). L'allongement de la composition a été exigé par le cadre de la frise et le peintre a dù représenter, de part et d'autre du gro upe centra l, cc qui, dans la réalité, se disposait en plans superposés. Pour les détails de construction représentés sur la fresque, on trouvera des correspondances encore dans le beau mur de fond do la place de Phaestos qui soutenait une vaste esplanade où des centaines de speclaLeurs pouvaient s'entasser. Les piliers dessinés sur la fresque sont suscep Li bles de recevoir une double explication suggérée par les ruines elles-mêmes. Ils peuvent être interprétés comme des supports fixés au mur par un collier de bois 2 (fig. 11 ) ou bien comme des élément s réellement indépendants destinés à souLenir une couverture légère ; ils correspondraie nt aux supports qu'il raut restituer dans les cavités conservées sur l'esplanade 8 . Tous les éléments de la 1. On vol~ nettement le mouvement des jambes sur les dess1ns au trait, Palace, Ill, p. 51, JJg. 29 ct p. 63, JJg. 3 1.
Z. Les piliers de la fresque ont tout partieulièremcnl retenu l'attention par leur proOL en trone do cOno reposant sur Ln base la plus grande et par la forme de leurs chapiteaux toujours associi!S ê cc type de piliers. Un Cragment do ••aso en stéati te trou••é clans la région N.-E. elu palais, a Cnossos, Palau, 11 r, p. 64, et Oif. 3ï repri!Sentant de tels piliers (Fig. J 1), manUestemen~en bois, permet, jo crots, de proposer une explication appropriée de ces obopii.Caux. Cc rragment de vase représente le cléfllé d'une procession devan.t une construction s acrée : soubassement d'autel en appareil réglé, supportant une corne de conséeraUon. Les piliers, en forme do ronelins, son~ appuy6s contre le soubassement et sont Oxés par un coUler, dont la lorme antérieure présente le même dessin, simpli fié, que los chapiteaux do la fresque- ct de pluSieurs autres représentations, Palace, 1, p. 688 sq. ct II !, p. 64. Sur la fresque mGmc, je ne suis pnssOr que les chapiteaux ne j ouent pas égalemcnL ce rôle Cie collier, fixant le pilastre de bols à une maçonnerie avec une att.acbe fiebée Clans le mur; bien que le dessin en blanc d' uno sorte de base semble reprUenter le départ d'un pUier d'étage Indépendant. On a pu d'a Ulenrs emprunter le dessin elu collier pour un chapiteau en bois ; de telles persistances sont constantes ClanB l'arcbltecture antique. 3. Ces cavités cireulaiJ'cs ménag6cs sur le cOté O. sont placées Lrop près du mur (0 m. 50) et on~ un diamètre un peu flllble (0 m. S~-0 m. :l6) pour conilituer un portique; J'y verrais plutôt Les éléments d'une solide a rmature de lwis. Une explirotion un peu différente est suggérée par le rapprochement qu'on peut 6tablir entre les piliers des scènes do vases et le portique à étage do la piana d'entr~c d'Haghia T rloda. Les scènes de jeux évoqué"3 sur ces rbytuns, Palace,
L'ORIENT ~I ÊDITERRA.NÉEN
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pein tu re murale se trouveraient ainsi expliqués. N'ou blions pas, d'ailleurs, que Cf'..s peintures sont attribuées au M. M. IIP et que les tra nsformations du palais de Phaestos ne remonten t •
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J'ig. LL -
Fragmen~
de rhyton.
qu'au M. R. 1 ; il f.',<;t donc possible que l'art iste ait connu la première place dt1 P haestos, voire la grande place de Cnossos IV, p. 19·2 L, Rg. 10 (cr. aussi los vases d'nrJ,'llnl de Mycènes, ibid., 111 , p. 90.93, fig. C.0·5l) se déroulenl devant un decor ds fond dont les pièce» essenUelles sonl du piliers simples ou superposés. Or, le rôle ùu porUque de la villa semble blen être celui d'une loggia d ·o~ il é La il possible de suivr e du Lallc'l! m anlteslalions sur la ploee do palais. Documents Rguré$ el vestiges architecturaux s'expliquent le$ uns par Jes autres. 1. Palou, Hl, p. 50 et 1, p. 644 sq.
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L BS ORI GINES 0 13 L' ACOI\A (li\ECQUE
dont seuls quelques vestiges attestent l'existence antérieure à la T hcairal A rea. Dans u ne composition un peu libre, l 'artiste d u M. M. Ill nous aurait ainsi conservé la représentation d ' un lieu d 'assemblée contemporain des premiers palais. Nous pou vons compléter cette vision par quelques autres fr agments trouvés dans le voisinage, d e style très comparable, a ppartenant sa ns dout e à une représentation paraUèle. Une lady, sœut· ou cousine des précéden Les, suit les cérémoni es d'u n balcon ou d ' une loggia bordée d'une barriére en bois'. A. Evans a justement rapproché de cette scène• les longues séries de documen ts crêto-mycéniens, cy priotes et orientaux, où des personnages regardent à travers des ouvertures, des fenêtres d 'après l'opin ion commnnc 3 • Ces moti[s son t bien caractéristiques de l'architec~ure domestique minoenne; de là, les dames d u palais pouvaient suivre les processions et les cérémonies qui se déroulaient à leurs pieds. Et même les toits à terrasse du palais n 'offraien t-ils pas des p laces de choix, comme, à not.re avis, le laisse supposer un fragment. de stuc du M. M. également• ? T el était, croyons-nous, le rôle des places annexes des palais, rôle précisé et. ill ustré par les représentat ions des fresques. Lieu des grandes assemblées à caractère religieux, lieu peut-être aussi des représentations à grand spectacle qu'affectionn aient. les Crétois, elles étaient. un trait. d'union en tre Je palais du p rince et sa cité ; largement. ouvertes au public, p lacées sous la protection de quelques a utels et lieux de cult.e, elles o!Trent, d ans l'urbanisme minoen, l'image assez exact e de cc q ue sera l'agora dans la cité hellénique&. L es J. Palau, 1Il, p. 59, Og. 35. z. Palace, 1, p. ~44, ng. 320; n, p. 60 1 sq., Hg. 374.-375. 3. Un examen plus approfondi permet aiM:menl de (.onsl.ater qu' il ne s'agit pas toujours de fenêtres, mali lrès fréquemment de piliers, representants symboliques de quelque lieu d'asoemblée ou d e quelque lM âtron. ~. Palau, 1, p. 527, Og. 384. 5. Pour Glre complou, n'oubliollll pM que d'au tres lieux d"o.sse mblêe sont oussl o.U.estes hon du palais. Tel esl celui qu'6voque, ovcc une 6olato.nt,e sensation de v ie e~ de mouvement, la fre!que d&~ donses sacrées, Palau, Ill, p. 66 sq ., pl. XVJII. Les mouvements rylbmiquM d 'une quinzaine Cie da nseuses tionl sulvls por une roule ~s nombreUAe etJlassée sur tes pentes d' une colline, ombragée de quelques oUvien sèculalre!. Seules les mureLtos Lro.duJsent l"lntervenlion d 'une moln bumalne. La correspondonee nreh>lologiquc d'une tette repNil;()nl.a-
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LES ORIGINES DE L' AGOIIA. GIIBCQU E
suivi dans le délll il. C'est là qu'on a vu 1 le modèle des a go rai grecques, mais le problème de la t.ransmission de ces éléments de la Crète minoenne à la Grèce archaïque rest.e enlier. Fautril accorder une importance lout.e particulière à l'héritage proprement mycénien '1 Sans doute, c'est d'nhord avec des 6lémen t.s mycéniens qu'il nous a se mblé nécessaire de d érlnir certains as pecls religieux de l'agorn p rimiLive. L'agora ~ ci rcuJ aire •, dont le souvenir s'c~L conservé dans la t rad ition lit téraire, s'appnrcnt e li des lieux d 'assemblée don t les (ormes les plus anciennes remontera ien t au Bronze moyen, tant en Grèce propre que dans d 'autres régions de l' Europe. Mais on est. allé plus loin dans la recherche des influences mycéniennes ; on a vu dans la cou r intérieure du palais, dont Tirynihe (F ig. 15 ot 19) représente la forme la plus achevée et la plus comp lèt e, le modèle arch ilcctural ùe la composition postérieure d u sanctuaire grec'. De là à en rapprocher l'agora hellénique, la t.enllltion était grande et le pas fut vile franchi'· A notre avis, ce ra pprochement. est purement factice. D'abord, nous pensons avec W. A. McDonald, que la cour du palais mycénien n'avait. aucun rOte politiq ue - sauf celui qu'elle tenait du caractère officiel de la gra nde salle - el que si des assemb lôes siégeaient à proximité d u palais, elles se t.enoicnt s ur une esplanade extérieure; tous les témoignages le con ll r men t •. En outre, en la limiLant à une stricte compara ison arclutecturale, la difYérencc nous paratt rad icale. Sans dou te, la cour
1. Tr lt.sch, Jahn1/1., XXVII, 1!132, p. llZ sq,
Z. M. P. NilMon, Minoan·Mv
r.,
o. t., p. 233, n. 1 el Trlllch, o. p. IOZ !q. ' 'oil une 6•·oluUon continuo de la ploce mlnoenno ll l'380nt par la cour du palais mycénien qui serail le poinl crueiol de cc développement., sorlc de charnière. Des objeeU11ns oM dêjà ~lê for muléeS par E. Gj erslad, Opust:. arclt., Ill, 1944, p. 68 &q. cl W. A. Mc Donald, Muling Platu, p. 35-:JG. 4. Noull ne •ulvons pu Ici W. A. MeDon Rid dans ID crJUque eX'lrème (p. 36) qui •llpare loot à rnit to place d'unemblée de la eitoclollu. Le cercle des tombes do )lycènei d, plus encore, l'exemple de Thèbes (Infra, p. 125) nous semblent tiro des connrmoUona uchtoiOfllques ineont.e:st.ablEIII dea lémolgno,es apporté&
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LES OR IGI NES DE L'AGORA GRBCQUE
d u mégaron est. du type« conjonctif • 1 ; elle n 'est qu' un espace libre entre des édifices accolés les uns aux autres (fig. 15 et 19) ; nous reconna1trons un principe identique dans la composition de l'agora classique. Mais la différence essentielle réside dans le fait q ue la cour n'est qu'une annexe de l'édifice principal, conçue et aménagée pour mettre en valeur la façade qu i domine l'ensemble 2 (fig. 20); la cour est !aile pour le mégaron et ce caractère est évident dès les premières réalisations monumentales de ce t ype à Troie II. le~ l'esplanade n'a aucun caractère architect ural, mais cependant elle est intégrée au mégaron par le petit mur d'enceinte qui l'isole de l'espace libre au long des remparts ; on a pu déceler les vestiges d'un portique rudimentaire, mais déjà significatif3. Avec toute la di1Térence Qll Î sépare une for me monumentale achevée, comme celle d u palais de Tiryntl1e, du modeste enclos des maisons d'Orchomène, le principe reste le même et caractérise to utes les const ructions qui, sur le continent, se rattachent a u plan du mégaron•. La cour n'est qu'une extension, un élargissement et une faible défense de la maison. Le principe est donc complètement di!Jérent de celui qui préside à l'organisation d'une place d'assemblée, aussi ru dimentaire soit,-elJes. Sur les villes de Tirynthe eL de Mycènes, nos connaissances sont très limitées 6 • On a pu croire, un instant, posséder un 1. Suivant le cl;l.uement propoiO t>ar Koldewey, Die Tempe! """ Bobylon und Borslppa, 1911, el adop1.6 depuis par K. MOlier, AM, XLH, 1917, p. llO cLGjerstad, Opusc. Arch., Il l, 1944, p. 40 sq. 2. Ce caractère est bien mis en évidence dans l'analyse du plon de K. MOUer, Tiryns, Ill , p. 195-196. 3. W. Ooerpfeld, Troja u. Jli011, p. 83-84, ng. 23; AJA, XLI, 1937, p. 2420, llg. 7.
4. H. Bulle, OrciwmenoJ, p. 57, l ll; Licht enberg, Ho us, Dor{ " · Sind/, p. 48; F . Oclmann, !laus und lio/ im Allcrl.um, 1, 1927, p. 8:'. sq.; V. ~UlUer, AJA , XLVI I[, 1944, p. 342-348. fi. Quant au problème des déri,•ations pos~i~ures el de! innuonces possibles de ccrt.atnes formes mycéniennu sur l'arohit.ecture aroh~Tque et classique, nous y reviendrons, Infra, p. 122 iq. La distinction établie par Koldewey cnLro type , conjoncW • eL type • disjonclir •, bien qu'appliquée aux plans de maison, vau~ pour loul e.")XlcO vide entouré de coMlruciJons; elle pcrmellrn d'opposer l'ail)ra grooquo à la cou r périsLylo; L'ori.gino même des cours minoenn e3 nous 0 monlrê qu'JI ne fallait 1ms établir une di fférence radicale cnli'C cour de maison cl place construite. 6. Seuls quelques sondages ont ét.i> exêcut.és par G. Koro, au pied N.·E. de l'acropole de Tiryn the, G. Karo, POhnr dureil Tirqns, 2• M ., 1934, p. 34.
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LES ORIGINES DE L' A.GORA (;RECQlJl!
bel exemple d'agora mycénienne sur l'acropole d'Arnè, en Béotie. Mais la con troverse entre A. De R idder et F. Noaclt n'a pas jet.é la lum ière sur l' in terprétation de ces ruines ; nous n'avons même pas un relevé complet- des fouilles 1 • Dans les deux édifices p arallèles, de plan allongé, qui prolongent, vers le Sud, les constructions du palais, F . Noack r cconnatt des sloai qu i bordent. une longue p lace dont il fait. l 'agora de l a cit-é ; celle-ci ne serait pas seul ement- une place forte, mais un lieu de refuge et d 'échanges très important. A. De Ridder a contesté, avec quelque h auteur, cette interprétation ; il est d iffi cile de j uger, tant. sa descr ip t ion du siLe est imprécise et p eu conforme a u plan qui souvent ne porte pas t ra ce des édifices dont il est fai t mention dans le texte. Cependan t, les dimensions de ces consLructions• ne correspondent mJ\lemen t au type comlu des sloai primitives; de t elles proporlions ne sont attestées qu 'à 1'époq ue hellénistique. E lles a ppartiennent plutôt à un sysLème de défense militaire, avec division de la forteresse en secteurs indépenda nts, suivant, le p lan qui se ret.rouvera plus tard dans les encein tes d'Étolie et d ' Acarnanie. R ien ne nous autorise à les con s idérer comme des constru ctions qui seraient exceptionnelles dans l' architecture mycén ie nne p ar leur plan et leurs pr oportions. Sur le co ntinen t, aucune installa tion mycénienne ou prémycéniennea ne nous offre un t ype quelconqu e de place d 'assem blée autre qu e les enceintes ftméraires. Il fa u t revenir d ans la zone d ' influences :minoenn es pour r encon t rer une v aste es pla nad e, analog ue à celle de Gournia, deva nt le pal ais de Phylakopi •. L a t roisième cité de PllYlakopi est dotée d'un palais avec mégaron q ui borde, au nord, une place de 14 mètres de côté environ, où quelques rues débouchent d irectement, 1. Dos recherches pliJ'lielles ont ~th e!lectuécs par A. Oe Rldder, BCH , >..'VII I, 1894, p. 271 sq., pl. X; en m6me Lemps, P. Noacll donnai L une description du site et publiait une esquisse levte par lui-milmo, AM, XIX, 1894, p. 405 sq., pl. X-X II. Roponso de A. De Ridder, BCH , XVIII, 1894. l'· 451 e l nole de Noael;, J ahrb., Xl, 1896, p. 219·\!W, n. 36. 2. A et B meo;urenL 46 m. de long eL lB m. oO de l~rgo ; C el 0 dépassent largamenL 100 m. (12S m. &0 et 131 m.). 3. Aucun des grand.s centres belladiques ou pré-mycéniens fouillés dans la Grèce méridio nale ou centrale ne pré.~6nte de lieux d'~ssemblôe cn actérlsês. On meLLra à parL la place sacrée de KJrrba donLle t ype se rappr<~ehe des agorai· sanctuaires de l'époque a rchatq"e, Ch. Pieard, RA, 1938, 1, p. 97·99 . .t. o. AlLidnson, Ezcav. ar Phylakopi, Suppl., JHS, 1904, p. :'>5 sq., pl. 11.
L'OIIIENT Mi\DITERI\ANÉEN
lOI
(fig. 14). Celte cour, bien qu'élroit.ement. associée au palais, n'est pas inlkgrllc à sa structure ; l' union n'est pas a ussi intimement. réali ée q u'à Tirynthe ou à Mycènes. Le principe rest.c conforme à la tradit.ion du mégaro n troyen où la place constitue un dégagement. nal.urcl soulignant le motif de la façade. Ainsi conçue, par son archi tecture et. sa fonction, la cour du mégaron pri mitif ne diffère pas sensiblement de l'esplanade annexe ries pa la is minoens où nous avons reconnu l'agora des cilés créloises. Cette place ne cesse jamais d'être frêquentke lnndis qu'u ne a utre agora, plus populaire et marchande, s'établit. dans la ville basse, à une époque indét.errrùnée' . !\Jais nous n'en nvons pas d'exemple ava nt l'époque archaïque, alors que la renaissance de l'urbanisme grec est commencée. Cot.w cnq uète un peu lointnine, bien que rapide, nous amène à constater qu'aucune dms civilisat.ions antérieures ou apparentées à celle de la Grèce ne lui o!Trait le modèle exact. de son agora . Comme ln vic collect.ive d'un groupe humain ne peut. se passer de lieu d'assemblée, chacune de ces civil isations a conçu et réalisé la pla co publiq ue dans des condi ~ions spécifiques, oiJ fad eurs religieu x et éléments polil.iques sont toujours prédominant.s. L'agora grecque a pparatt donc, dès l'époque archaYque, comme une for me d'arclùt.ccture originale et. inspirée directement por les !oncLious qu'elle doit assumer dans la vic de la ci!k. TouLefois, si la conception est intimement liée A la not.io n de polis et se trouve en êlre le reflet, en plusieurs point.s d u monde oriental et égéen, des similit.udes nous sont. apparues, des rapprochement.s de dét.ail se sont imposés, des élément.s particuliers se sont a vérés communs. A la lumière de celt.c enquét.e ra pide, l'agora grecque se défmit comme une composition d'a rchit.eclure originale et complexe, mois clont les élémcnt.s const.it.uliCs sont empru ntés à des zones d'influences dlllérent.es et à des traditions variées. La diversité même de ces éléments : théâtres, lieux de cult.c, portiques, explique peut-êt.re le long délai qu'il [allut a ux 1. La theorie do F. Tril...:h, Jahruh ., XX\' Il, 1932, p. 103 sq. voyan ~ dans le dtdoublemenl dea plncu myc6nlennes è Jo fols la fin de l'agora minoenne el Jo eommeneemMl del"ngorn grecqua para IL trop aystêmauque; U y raul apporler
tanl de nuances qu'elle flnlt par a'êmlottu.
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LES ORI GINE S DE L' ACORA GRECQ UE
architectes pour en harmoniser les formes, les unir en un ensemble cohérent, indépendant, ayant ses propres lois de composition. Puisqu'il n 'existe pas de modèle, mais une association originale de formes empruntées, le progrès de notre recherche nous impose un double travail ; identifier ces éléments, préciser les emprunts et en déterminer l'origine, - ensuite, suivre les cheminements, souvent confus et enchevêtrés, par lesquels les traditions lointaines se sont transmises et établir les fil iations qui ont permis à l'architecture grecque de retrouver, d'utiliser et d'élaborer ce précieux héritage.
CHAP ITRE IV INFLUENCES ET FILIATIONS
Dans la recherche des influences et des filiations entre architect.ures voisines ou successives, pour ne poin t se satisfaire de rapprochements superf'iciels, ni se laisser abuser par des rappor ts extérieurs de formes, il convient de défmir avec quelque précision les conditions dans lesquelles elles agissent d'une civilisation sur une autre. Ces conditions sont, en effet, assez diiTêrentes de celles qui président. aux ra pports des ar ts plastiq11es. Elles son t liêes à d'autres facteu rs et ne permettent pas toujours les mêmes conclusions. ObjeLs de céramiq ue, vases ou terres cu iLes, œuvres de st.at.uaires sont d 'un transport aisé et peuvent aller loin de leur pays d'origine laisser des marques de leur passaget. Ce sont des produits d'expansion qui jalo.n nent des zones de conquête militaire ou économique, des aires d 'i.nllnence, tandis que des similitudes de styles architect uraux impliquent des rapports plus étroits de culture, des conditions de vie plus proches, des parentés de croyances, d'idées morales ou politiques. De plus, comme l'a noté fort justement E. Gjerslad 2, la compara ison des styles céramiques, des conceptions sculpturales, des moWs décoraWs dans les art.s mineurs implique, s inon u n synchronisme exact da ns le temps, du moins des périodes d'inlluences t rès proches l'une de l'autre, alors que les 1. Celle remarque esL ègslemenL vraie pour le décor arcbil.e<;Lural, capable
de s'imm iscer :i l'int.êrieor de structures lrèt diffêrenLes ; ct. l'exLension ver$ l'E. des décor• hellénisUqueo;, H. Seyrig, Syria, XXI, 1~0. p. 287 sqq.; R. Vallois, L'archiltclure à Dll01, p. 290 sq. 2. E . Gj er$lud, Corolla arch., 193'2, p. 150-151.
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LES ORIC INES DE L'ACORA. CRECQUE
édifices son t élevés po ur des siècles eL q u'une forme a rchitecturale, un typ e de construction peuvent être adoptés et repris par des civilisations bien postérieu res. Bn ou tre, les t raditions d'écoles, les habitudes sont plus constuntes en architecture que dans les aul..res arts, car la matière lui impose des limitations plus étroites et des servitu des plus fortes. D'a illeu rs, la loi du matériau doiL toujou rs intervertit· dans l'éLude des formes. L'évolution technique et stylist ique sera donc plus lente et des car act ères identiques survivent plus longtemps. On tiendra compte, enfin , de la permanence des p lans et des styles, liés à la péren.n.ité des croyances, même par dell\ les changemen ts de technique et de foncLion 1 . A l'intérieu r même de ces problèmes, propres aux influ ences architecturales, nous devons faire une distinction entre les similiLudes de techn.ique et les parentés de slyles, de plans ou de formes. Les procédés techniques, liés plus ou moi.ns à la nature des ma tériaux, peuven t aisément être emprun tés à des architectures étrangères eL adaptés à des formul es très diverses. C'est pourquoi ils ne constituent pas Loujours la marqu e indiscuta ble d 'une influence extérieure ou d'une parenté; ils gera nt le rés ulta t de conditions matérielles identiques ou seront imposés pa r des matéria ux semblables eL de même n atu re ~. Au con t raire , l'adoption d'un style ou d ' un plan, d ' un e for me d'éd ifi ce bien définie n ous paratt seu l l' indice véritable d'une parcnt.é de civilisa tion, le signe de rap ports profonds de pensée, de vie ou d'art entre deux J. T ouL n'esl pas périmé d2.ns la théorie de Chipiez qui retrouvall dans la construcUon primilivv un boil! les origines des rormcs de l' ordre dorique, H l:tolredts originel et de la jurmulion des ordrtl gru&, p. 187 sq. 11 rau~ y apporl.er seulement quelques nuanceG, ct. les étude! de fi. Dt.mangel, Fent$lrorum lmaglnu, BCH , LV, 193 1, p. 117 sq.; L X..X, 19•1G, p. 132- 1•17; Antcdola Dorlcc 1, A nnuario Sc. Alene, XXJV-XXV I, 1950, p. 17-23, el Lenir compte des autres matériaux employés pri miUvoment, en particu lier de la brique. Sur l'lnnuence des moLériaux prlmiWS dans les archile(:lu""" orienL•les, W. Andrne. Dio lonische &'Iule, IJau{orm odu SymbQ/? J993, p. 53
I NFLUENCES F.T I'IUATIONS
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archiLertures. E n erTet, malgré les nécessités techniques, le plan d 'un édifice, un style architectural _sont l'expressio_n d'une idée, d'une croyance, d'un mode de v1e; 1ls sont conditionnés par des fa ct eurs spirit uels, moraux ou sociau.'l:. Leur survivance d 'une période à la suivante, leur passage d'u ne civilisation à une antre im pliquent donc une continui té profonde, une inlluence réelle qui v a au-delà des simples relation s a l,testées par la présence de céramiques ou d 'œuvres d'art, de slyle ide11tique. C'est en vertu de ces p ri ncipes que nous pouvons étab li r quelques liens de filiation entre l'archi tectu re grecque et ses voisines, nous permettant de p réciser l'histoire des origines de l'agora et de ses éléments fondamentaux, les por tiques. 1) Filiations créto-mycéniennes
Les découvertes progressives faites sur des sit es • de passage» permet tent d'invent or ier, avec q uelque p récision , l'hériLagc CJ'éto-mycénien que l'art gr ec arch aïq ue a reçu et mis en œuvre. Après les périodes d'excès 1 , on parvien t à dé ta iller peu à peu les dépôts laissés par chaque courant. Le fonds religieux égéen se dégage d e l'amalgame ou il fut enrobé avec d'autres traditions, encore que le dosage« orient al 11 soit pl us ou moin s for tf ; les art s plastiq ues reçoivent eux aussi leurs titres de noblesse et bien des formes, des thèmes ou des techniq ues réclament une ascendance créto-mycénien ne que la renaissance géométrique, bien loin d'inter rompre, n'aurait fait qu e prolonger; ces sur vivances sont plus senties que démontrées ; elles r elèvera ien t d'une tradition où les habitudes 1. P. Domargne, La Crtle dtdalique, p. 38 sqq ., a faille bilan de ces recherches
en prenant une posilioo moyenne d'équ ilibre entre les excès des • Oe1:ldentaux • et des • Orientalistes •. 2. Ch. Picard, Les originu du polylhéism• he/Unique, 1, L'art crtlo·myct.lien, 1930, fa isait une pa rt exce.plionnelle à cel apport égéen; M. P . Nil,;son, The Minoaii·Myeenotall Rell9ion, 1927 el '
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LES ORfGTNES DE L'AGORA GRECQUE
seraient plus for~es q ue l'imitation consciente' ; en tout cas, elles ne semblent plus pouvoir être mises en doute~. Et dans la ren aissance de l'architectu re grecque, n'aut·aiL-on aucune t race des con structions minoennes ? Notons bien qu e si un style ou des formes se sont conservés, ils ne peuvent qu'appart enir au dernier état de cet art, contemporain ou post.érieur à l'intr usion massive des Achéens en Crète, sans se con fondre, cependa nt, avec les for mes de l'architecture mycénienne continentale. Il nous faut donc examiner d'abord si des t raditions minoennes peuvent subsister, par descendance di recte, dans 1'art archaïque en Crète mèmc ou ailleu rs, avant de rechercher, dans un second moment, les p ossibilit és d'un hêritage proprement mycénien , transmis soit en ligne directe , soit par des branches colla t érales. Si les historiens s'accordent en général pour placer vers 1400 av. J .-C. la ruine des palais de Cnossos, Phaestos et. Haghia Triada 3 , ils divergent. beauco up à la fois sur les ca uses de cette destruction et sur son ampleu r • ; il semble que de nombreux sites restèren t occupés, vivants ct actifs, même après le cataclysme~. Les poèmes homériques donnent de la Crèt e une image dont les LraiLs sont trop précis pour n'êt re inspirés que pa r une civilisation de fantômes; les figurants y sont. dotés d ' une puissance solide et bien matérielle&. 1. P. Oemargno, o. c., p. 104, qui dès 1937 signnJni~ cell e conLinuit.é iles formes minoennes Il. lravers un art submyeénien encore mal étudié, BCH , LXI, 1937, p. 1'2-13. 2. Sp. MnrlnaLOOl, BCH , LX, 193G, p. 238: • J e ne serais pas él.onn6 qu'u n jour on dêeouvril une idole minoenne dans un t.emple grec de Crète •· Cf. W. Deonna, Mélanges Rode/, 1940, p. 1'2-l; 1, . l:lanU, Annuario Sc. ,1/ene, N. S., I ll -IV, 194 1-43, p. 30 sq., fig. 16-18. 3. Sur ln valeur des nuances qu'on a essayé d'Introduire dons la dal.atlon d e ces falLs, P. Oemargne, La Crtle dMoli.qu<, p. 48, n. 2; et problèmes chronologiques résumes pur H. Gallet de Santerre, f{r~llka Chronika, 1949, p. 371-373. 4. E. Meyor, Gcsch . du Allerl., Il, 1, p. 238; G. Glott, IUsl. grecque, l , p. ô8-59 l'nllribucnl à l'invasion dorienne e~ la c~nsidèrent comme radie~~ole; Beloch, Griuh. Guch., !, 1, p. 126 sq. qui confond, c1an.s la m&mB alt.aque, invas ion achéenne et. invasion dorienne, ta ra tL débuter au x1v• s., mais la dépeint sous une forme progrenive. A. Evans, Palace, IV, p. XXIII e~ 94~-946 Y reconn atL J'effel d'un cataclysme naturel. 5. Pendlebury, The A rchaeoloqy of Cnte, p. 261-262 et. cart.e n• 12 (p. 238), n donn6 un tableau des sites encore occ:upés au MR I ll . 6. Allen, Th< Homeric Calalo(l"e of Ships, p. 36-38, 168 sq. :la Crèl.e fournil une contribution de 80 vaisseaux, contingent. que seules :.lycènes el P ylos dêpassen~. avoe un cbitlre respeclit de lOO et 90 (JI., Il. 576, 602 el652).
INFLIJENCES llT FILIATIONS
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D'ailleurs, l'e:xploraLion des palais a mon tré que la r uine ne fut pas toujours radicale puisque la villa royale minoenne d'Haghia Triada se transforme en une solide deme~re mycénienne du t ype continenlaJl. Et les restes de Gourma, de Phyla kopi révèlent une occupation achéenne ta rdive. Mais que se passe-t-il jusqu'à la " renaissance» dorienne des vme et vu e siècles ? Il nous semble incontestable que des édifices, même à demi- ruinés, se sont conservés, q ue des traditions se sont mainLenues qui fu•·en t adoptées pa r les nouveaux: arrivants•. On a souligné souvent, depuis F . Noack et G. Leroux, le caractère« minoen» du plan barlong, si fréquent dans la Crète archaïque, au Pythion de Gortyne, à P baestos, à Sta Lénika 3 • Encore q ue ce plan soit bien connu ailleurs• et que l'Orient ait contribué à son expansion dans le monde grec ou italique', il nous pa rait. dillicile de ne pas admettre qu'en Crète même il soit la marque d'une survi vance ancienne et locale. Le temple de Dréros, par de nombreux détails, en particulier par sa banquette d'offrandes, évoque des lieux rlc cu lte bien connus des explorateurs de Cnossos'; les chapelles crébo-mycéniennes de la • réoccupation» sont sans doute à l'origine du plan inLérieur de ces premiers temples de la Crète archaïq ue dorienne'. Le rn ème lien ne peut-il 1. L. Pernier, Fes!os, p. 32-33. 2. L'exemple de Sparte nous montre avec quelle souplesse les occupants doriens savaient adopter coutumes, traditions et Installa lions indigènes, P. Roussel, Sporlr, 1939, p. 20 sq., 34 sq. 3. (), Leroux, Lu origille8 de Ndifiu hyposlglt, p. 1S I·I S'.!; F. NoaeJc, llomeristhe Poléide, p. 4 •q. Cr. J . Bousquet, BCH, LXH, 1938, p . 389 sq., pl. XLIII. ·1. R. Vallois, L'orclliledure à Dti~M, T, p. 137 ct jusqu 'en Occident, RA, 1946, 1, .... 70-75. 6. Infra, P<Jrlie IV, Chap. IIi, passim. 6. Sp. MarinaLo;, BCH, LX, 1936, p. 233; Ch. PiCOrd, CRAf, 1935, p. 489.
La tradition m1ooenna s'est chargée sans doute Ici d'éléments mycéniens. Oulre le mégaron les Aclulens semblent avoir introdui t Jo type dos chapelles isolée.5 qui remontcot ou lemps de la • réoccupation • (BSA, VI II, 1902-03, p. 95 sq .). Le sanctuaire de la Oouble-Hache et iurlout le sanctuaire à bnssin du Cnrova nsérnil appartiennent à celle époque, Palace, l, p. 123 sq., 335 sq. 7. Ln pércnnlt.é du cul te est en etTet al lestée dana le sanctuaire du Mravansèrail par la présence de tessons proLo-goom6triqucs, Palace, Il , l"· 123. A Amnisos, Sp. Marinatos croit pouvoir affirmer la continuité du culte devant la grolLe d'llythlo, Prakt., 1929, p. 103 ; Arch., An:. 1931, p. 296; et mAme le paSliage direct de l'établissement minoen aux cow;LrucUons grecques, dans Le peUtsanetuQJre !lu porL, Prakl, 1933, p. 100; 193
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U lS O Rl GINES DE
t.' AcGOI\A
GRECQUE
êLre établi ent re les théât res primitifs de Phaeslos, de Cnossos et les gradins si caractéristiques des agorai de Dréros ou de Lato ? Une étape intermMiaire, encore que simplifiée, est marquée par la place de Gournia et. les gradins du sanctuaire d'Amnisos, la première a ppartenant à la cité prédorienne, les autres aux débuts de l'époq ue archaïque'. Ainsi, de Phaest.os à Dréros, les anneaux de la chatne pourraient se nouer sans qu 'il soit besoin de les allonger à l'extrême. Nous rencontrerons sur les côtes orientales de l'Attique Lm type d'agora comparable aux places des cités crétoises. Devrons-nous le reHer à la t radition minoenne par filiation directe ? Ou chercher un moyen terme et ad mettre sur les lieux de réunion de Thoricos, Rhamnonte, Icaria une influence de la Crète archaïq ue ? Que cette côte ait entretenu avec la Crète minoenne des relations très étroites, d'ordre commercial et religieux, toute la t radi tion légendaire en conserve le souvenir; c'est là qlJe Déméter, débarquant de Crète, fit ses premiers pas sur la ten e attique 2 et les vestiges a rchéologiq ues confirment les témoignages lit.téraires 3 • Restée à l'abri des remous q ui accompagnèrent, les migrations égéennes des xuo..xe siècles, ceLte région a pu conservet· une tradition vivante. Toutefois, une influence plus efficace, me semble-t-il , est due au renouveau crétois des vnre et vue siècles, donL l'action se fait sentir jnsque dans l'histoire obscure de la Tét rapole de Marathon. N'est-ce pas de ceLte côte qu'est venn le mouvement d'unification de l'Attiq ue, à une date ancienne, mais postérieure à l'âge mycénien ? L'exemple des cités crétoises si bien organisées politiquement et, si prospères esthétiquement pouvait alors être fécond ~. Le Lype 1. L'aménagement do Gournia appnrUenl, par le Slyle de ses coJuLrucUons,
à la ville prêdoriMne qui porte lo marque de l'occupulion mycénienne {curac· lèrM qui se retrouvent dans la couche la plus récente do Pbylakopi, F. Oolmaon, Joilrb., X.'XVll, 1912, p. 38 sq .) . Pour Amnisos, cf. Prakt.,1935, p. 196 ell98 Dg. 2. 2. Cb. Picard, REG, XL, 1927, p. 320 sq. ; Lu el d' Éleu&il, Rt.tt. His t., CLJ\."'VI, 1931 , p. 4.3 el ot5.
tulles primiliotl d' A lhtnes
3. Tou le la elite orien!.ale de l'At.tlque esl pal'$ernee de sépullures mycéniennes. T borikos, Pori.O Rnpbtl, Brouron, Raphlna, Marathon, el.c ... lémol~roenl d'une ooeupallon créto-mycênicnne lrès dense ; O. l<aro a dressé la lisle d e ces polnl3 dans RE, Suppl. V 1. s. v. Mykelli~elle /(ul/ur, col. 608·609. ot. P. Oemar~rne, La CrtJe d6dal!que, p. 320 iQ. a insiste sur l'importance du r<'lle qu'a joué la Crète dans la renaissance archalque el O. Mytonas, All>
INFLUENCES ET 1'1 LLATIONS
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d 'agora avec théalran et lieu de culte plon~crai L ses rac!nes dans la tradition minoenne mais son épanomssement, sera1t le fruit d'un esprit nouveau insuffié par la Crète archruque. L'histoire d es édifices du sanctnaire d'I!;Jeusis peut s'éclairer à la lumière d'une telle hypothèse. Sans qu'on puisse mettre en doute l'existence d 'éléments minoens dans les cultes éleusiniens, la forme primitive d u sanctuaire semble avoir été marquée par les tradi tions continentales puisque le temple pr imitif était conforme au type hérité du mégaron 1 ; mais au vue siècle, l'aspect du lieu de culte est transformé par la construction du premier t.élest.érion ; cet éd ifi ce, par son plan barlong et ses gradins rectangulaires, est tout à fait conforme à l'esprit et au plan des premières agorai ; en s'inspirant de la place d 'assemblée à l'air libre, l'architecte d'~leusis élabore un des p remiers exemples de salle de réunion couverte que nous ayons en Grèce p ropre 2 • N'y a-t-il là qu'une simple coYncidence? Ou bien plutôt la preuve d'une l aveur toute parliculière attacMe à une forme architecturale qui, associée aux lieux d 'assemblëe, renouait, par l'intermédiaire de la Crète dorienne, avec une antique tradition égéenne ? Le problème est plus complexe s i nous abordons l 'emploi du portique, élément bien caractéristique de chacune des architectures minoenne et hellénique. Y a-t-il ici encore la possibilité d'une transmission directe? Elle n'aurait pu se faire q ue par l'intermédiaire des constructions mycéniennes, soit Sludiu prt~enltd lo \V. S. f.'trguson, Harvard Sludits, 1940, p. 1 t-31;, rapporte
b l'époque orchatque une parUe des témoignages se référant aux. lien. tra
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Fig. 15. -
Plan du palais de Tirynthe.
IN F LUENCES ET FILIATIONS
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en Grèce même, soit dans les autres régions du domaine mycénien. Un premier temps s'impose à notre recherche qui est d'évaluer la part de l'influence minoenne dans les plans mycéniens. A l'origine, esprit et conception des deux architectures diffèrent profondément, on ne saurait plus le mettre en doute 1 . Le mégaron est un type d'édifice continental bien défini dont l'évolution se poursuit pendant toute la période du bronze 2 • A la fin du tvoisième millénaire, vers le début du Bronze moyen, la Crète s'affranchit des traditions cycladiques ; sous des influences encore mal définies, elle emprunte à la tradition orientale un type de palais qu'elle transforme à l'aide de procédés constructifs qu'elle prend à l'Égypte 3 ; elle crée ensuite, au M. lVI. I , un type de palais qui tient son caractère original de la place fait e à la colonne et au portique. Dès le M. M. I , les architectes de Crète sont en possession d'une technique très sûre qu'ils vont mettre au service des princes soucieux de donner à leur puissance un cadre plus grandiose que les simples maisons héritées de l'époque néolithique". Le portique fut aus&itôt un élément essentiel de ces constructions; outre le système du porche à colonnes - souvent à colonne unique - les architectes des premiers palais semblent avoir afl'ectionné le portique en péristyle, partiel ou complet, composé l. Les études de D. Mackenzie, BSA, XI, 1904-05, p. 181-223; XII, 1905-06, p. 216-258 où il réduit cette opposition à l'absence ou à la présence de foyer (contra P. Demargne, BCH, LVI, 1932, p. 76 sq.) étaient dictées par une théorie très personnelle du peuplement primitif du monde égéen. Quant à celles de Doerpfeld, opposant radicalement premiers et seconds palais (AM, XXX, 1905, p. 257·297), elles ne tiennent aucun compte des faits bien attestés qui prouvent la continuité de l'architecture minoenne du MM jusqu'à sa ruine. Les différences entre architecture minoenne et architecture mycénienne ont été bien formuléeP par: K. Müller, 'lïryns, II I, p . 193 SI}.; F. Matz, Die Anlike, XI, 1935, p. 171 sq. ; C. Bleven, AJA, XLIX, 1945, p. 4'l-43. 2. Sur le~ fo rmes et l'évolution du mégaron en (;rèce continentale, V. Müller, AJA, XLVIII, 1944, p. 343-348. 3. En particulier l'emploi constant, dorénavant, du pilier quadrangulaire, J. Charbonneaux, BCH, LII, 1928, p. 350 sq.; LIV, 1930, p. 352 sq. 4. Ce type semble avoir survécu, sans solution de continuité, pendant tout le Bronze ancien ; cf. les maisons du néolithique récent dans la cour O. de Cnossos, BSA, XXX, 1929· 30, p. 53-73 ; Palace, li, p. 18-21; III, p. 350; IV, p. 123, 982 sq.; P . Demargne, BCH, LVI, 1932, p. 76 sq. Pour Phaestos, L. Pernier, Feslos, I, p. 430·431.
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LES ORIGINES DE L'AGORA GRECQUE
Fig. 16. -
Portique de l'entrée S. du palais de Cnossos.
INFLUENCES ET FILIATIONS
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autour d'une cour. Les palais de Mallia 1 et de Phaestos 2 ont conservé des vestiges particulièrement éloquents. Ces portiques du M. M. I présentent des proportions réduites et s~ nt disposés autour de courettes dallées, dont une constru ctiOn annexe du premier palais de Phaestos (XLII, 103) précise le plan 3_ On les comparerait justement à des sortes de vérandas dont le rôle est double : elles éclairent les salles voisines et protègent la circulation à l'intérieur du quartier. A la même époque, l'architecte du palais de Cnossos trouve dans le principe du portique un élégant procédé pour donner à l'escalier méridional du palais le caractère monumental qu'exigeait sa situation dominante 4 (fig. 1.6). Cet escalier est fermé à l'Est tandis que, à l'Ouest, il a vue sur la plaine par les travées d'une colonnade irrégulière qui repose sur un puissant soubassement 5 • L'architecte, par ce procédé, réalisait une l:,rès sérieuse économie de matériaux et éclairait largement sa galerie en l'ouvrant sur le paysage environnant. C'est, en effet, le trait commun de ces premiers portiques minoens ; ils ressemblent, plus à des galeries ou à des couloirs largement ouverts qu'à de véritables sloai 6 ; le principe qui 1. A Mallia, sous la longue stoa qui borde, au N ., les quartiers III et IV. les vestiges d'un porUque coudé ont été reconnus avec un stylobate de dalles d'où émergent deux bases de colonnes bien conservées, F. Chapouthier, Éludes crétoises, V I, p. 25, 74-75. 2. Dans le premier palais de Phaestos, sous le péristyle 74, à un niveau intermédiaire entre une maison du MA et le sol du palais récent, les restes d'un péristyle antérieur sont datés du MM I ; les colonnes du portique récent ont employé les bases anciennes. Plus nets encore sont les restes d'un portique dont le rythme alterné de colonnes et de piliers est analogue à celui de Mallia ; ils furent recouverts par le sol des salles 61 et 91, L. Pernier, Fe.stos, I, p. 336, 431 et pl. Il (en bleu). 3. Ibid., p. 128-129 et pl. II. 4. Palace, II, p. 141-153, fig. 74-75 (Vue perspective). 5. La première section comporte 8 colonnes inégalement espacées (de 2 m. 50 à 4 m. 50 env.); après le premier palier, l'intervalle entre chaque colonne atteint 6 mètres. La largeur de l'escalier qui détermine la profondeur du portique est d'env. 5 mètres. 6. Il faut sans doute attribuer à la même époque tout ou partie du portique N. de Mallia. On a pu constater que la colonnade pénétrait à l'intérieur même de l'aile occidentale, Études crétoises, 1, p. 33-34 et pl. X XI. Le sol du vestibule voisin porte les traces de deux états ; primitivement le sol de la cour se continuait dans le vestibule ; ultérieurement, on y superposa un dallage de plaques de sidéropétra, dont le niveau est plus élevé que celui de la cour ; cette transformation est opérée au MM II.
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LES ORIGINES DE L'AGORA GRECQUE
consiste à percer un mur par de larges baies pour le transformer, à l'extrême, en portique serait, d'après J . Charbonneaux, à l'origine du plan de la salle hypostyle crétoise 1 • Il n'est pas étranger à la plupart des portiques des deuxièmes palais. Le motif du péristyle, déjà réalisé au M. M. I. , s'est développé dans les reconstructions du M. M. III et M. R. I, car il n'y a pas rupture dans le passage des uns aux autres 2 • Les portiques extérieurs du H all à la Double Hache, le péristyle complet du petit palais de Cnossos 3 , le péristyle 74 à Phaestos et celui de la villa d'Haghia Triada sont les réalisations les plus heureuses de cette manière d'orner les puits de lumière. Mais le portique n'est toujours qu'un motif; le but pratique de ce motif est évident dans les nouveaux aménagements des cours centrales. A Mallia, le portique se présente comme une annexe de la salle hypostyle 4 • Le procédé était commode 1. J . Charbonneaux, BCH, LIV, 1930, p. 352 sq. qui, en contestant l'hypothèse purement égyptienne de R. Joly, BCH, LII, 1928, p. 324-316, cherche dans J'architecture minoenne elle-même le principe d'évolution qui explique la structure de la salle hypostyle minoenne : • Les rangées de piliers ne sont que· des murs percés de baies·· Nous verrons que cette définition peul bien caractériser aussi les premières stoai de l'architecture minoenne. 2. Les éludes d'A. Evans ont définitivement ruiné les hypothèses de Doerpfeld sur une solution de continuité radicale entre les premiers et les seconds palais, cr. supra, p. 92 sq. 3. Palace, II, p. 516 sq., lig. 317-318. 4. li borde la cour sur toute sa longueur (22 m. 30) avec une façade de 11 colonnes rondes (0 m. 50 de diamètre) laissant entre elles des intervalles très rapprochés, de 0 m. 75 à 1 m. 30. Les travées étaient fermées par une clôture, sauf aux deux extrémités, à l'O. en face du couloir C' et, à l'E., au débouché· de l'escalier du quartier IX, Études crétoises, I, p. 33 sq.; IV, p . 1 sq. Cf. J. Charbonneaux, BCH, LIJ, 1928, p . 361-363. F. Chapouthier croit reconnaître que la place des colonnes a été fixéo par la structure des murs qui sont par derrière, Études crétoises, VI, p. 24, n . l : • On peut fa ire la même observation au portique N. de la cour centrale où l'écart des deux· premières bases à l'O. correspond à l'ouverture du couloir C', où la troisième et la quatrième sont en rapport avec l'entrée de la salle hypostyle, où les deux bases orientales ménagent le passage à l'escalier du quartier IX •. Ce dispositif accentuerait encore les liens entre Je portique et la salle. Mais ces observations ne me paraissent pas concorder avec les données du plan général où les colonnes sont assez se nsiblement décalées par rapport aux antes des murs voisins, ce qui serait d'ailleurs plus conforme à l'hypothèse de l'appartenance du portique au premier palais et plus conforme aussi aux habitudes des architectes minoens qui, même dans des salles d'apparat comme le Hall de la Double Hache de Cnossos, n'ont eu aucun souci d'établir une correspondance entre les colonnes des puits de lumière et les larges baies
INFLUENCES ET F ILIATIONS
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.au moment même où les efforts des constructeurs tendaient à accentuer l'unité et à accroître la valeur monumentale de ces cours intérieures 1 ; il fut mis en œuvre partout. Le portique Est de la cour de Mallia, avec son rythme alterné de piliers carrés et de colonnes 2 , semblable au portique Est de Phaestos, le portique S.-O. de la cour de Cnossos en sont les plus nettes
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Fig. 17. -
Plan du passage N. du palais de Cnossos.
illustrations. A Cnossos, les deux états successifs sont nettement visibles et la variation de la profondeur de la galerie {0 m. 75 à 2 mètres) montre que son seul rôle était d'achever des deux grandes salles. Le rythme mieux adapté du portique N. de Mallia, devant le quartier III, pourrait être alors un signe de date plus récente ou ... un etlet du hasard, car le portique oriental de la cour ne fait pas exception à la règle générale. l. L. Pernier, Festos, 1, p. 432 sq., a insisté sur le caractère • unitaire • du palais de Phaestos dont les principales lignes de la composition se déterminent ·aisément, encore que Pernier lui-même (p. 435) ait relevé quelques irrégularités dans la distribution des blocs. 2. Ce type de colonnade n'est pas, comme on l'a cru, caractéristique d'une époque, puisque cette alternance apparalt à Phaestos dès le MM 1 et fut ·conservée dans les seconds palais du MM III ; nous le retrouvons à Gournia et à Palaikastro au MR 1 (BSA, VIII, p. 310-316, fig. 23, pl. XX) et plus tard -encore dans le grand portique de l'agora d'Haghia Triada (L. Pernier, Festos, fig. 8); cf. Ëtudes crétoises, VI, p. 22 sq., pl. V.
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LES ORIGINES DE L'AGORA GRECQUE
la façade 1 . Au rôle pratique s'ajoute un certain souci ornemental2. Un progrès se manifeste alors; le portique se trouve détaché d'un plan précis et devient une construction indépendante. Cette transformation est une conquête de l'architecture minoenne qui en fait une véritable galerie de peinture (fig. 18)3, prélude à une réalisation favorite de l'architecture grecque. Le couloir Nord de Cnossos fait un usage original de ce nouvel élément ; le vestibule était orné d'un portique double à étage qui constituait un cadre digne de l'entrée officielle du palais 4 (fig. 17-18). Ces constructions appartiennent, d'après A. Evans, aux aménagements du M. M. III a. A l'époque suivante, l'évolution s'est poursuivie et l'agglomération d'Haghia Triada présente le type le plus achevé de la stoa minoenne constituée en édifice parfaitement indépendantô: · Dans' la villa, lès stoai sont employées avec beaucoup de liberté et de souplesse et apportent une solution très heureuse aux difficultés inhérentes aux dénivellations du .terrain 6• L'agglomération voisine, au début du Bronze récent, possèd"e un type de construction qui fera la gloire, bien des siècles après, de l'urbanisme hellél. Palace, II, p . 802 sq. La position respective des deux façades apparaît sur le plan fig. 525. A. Evans a donné un plan restauré de cette grandiose composition, ibid. p. 814, fig. 532. 2. Il en est de même à Mallia et à Phaestos. A Phaestos, on pourrait peutêtre voir l'indice d' une telle régularisation dans une anomalie signalée par L. Pernier, Mon. Ani., XIV, col. 351 sq. ; le dallage en calcaire qui recouvre la cour centrale ne vient pas border le stylobate du portique; il est interrompu à une distance de Z m. 12 ·au N. et 4 m. au S. ; ici, la cour est recouverte d'un amalgame de chaux et d'argile badigeonné de stuc fln qui n'existe d'ordinaire que dans les pièces couvertes. Pernier penserait à une forte avancée du toit ou du premier étage (surplomb de 4 m.). L'hypothèse d'une régularisation me paratt plus normale. 3. Le passage qui, de la porte N., conduisait à la grande cour de Cnossos, était bordé, à l'E. et à l'O., de deux portiques de 5 colonnes chacun do nt le mur de fond était décoré de fresques, Palace, III, p. 160 sq., plan restitué et élévation, fig. 106 et 107. 4. Paluce, III, p. 160 sq., plan restitué et élévation, fig. 106 et 107. Ce plan présente quelques différences avec le plan d'ensemble en pochette du vol. II, 2• partie; il ne semble pas que l'existence d 'un puits de lumière soit bien attestée au N. 5. Ce n'est pas que les types traditionnels soient absents de la belle villa du MR I, Rendic. Lincei, XII, 1903, p. 330-331. 6. Rendic. Lincei, XIV, 1905, p. 381-383, no 10 du plan de Feslos, fig. 8.
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I NFL UE NCES ET t1 LIATIONS
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Fig. let. - Portique de l'enlrée N. du patois de Cnossos.
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LF.S O niG IN BS I>E 1.•AGORA G RECQU E
nisliquc. l,o rue minoenne, en eiTt~L, s'élargit eo façade d'u ne longue colonnade ol) pilters et colonnes alternent.. Ce portique Conne galerie devant. huit chambres régulièrement disposées comme dans les grandes const.rucUons hellénistiques ' · Le rythme de la façade semble déterminé par les divisions intérieures de l'édi flee (Pl. 1V). 'ous abou tissons ainsi uu terme d'une longue évolul.ion commencée au )1. A. Durant. Loutc celLe période, des caract.ères permaneot.s définissent. Je port ique minoe n : propor tions limiwes et. fai ble profondeur s, intervalles réduits entre supporLs 2, rythme alterné des colonnes et. piliers. Les exemples de Cnossos au l\1. M. Il 1, ceux d'Haghia Triada au l\J. R. 1 prouvent. que les architectes minoens ont. su dépasser une simple concepLiou ornementale et faire du porLique un édifice organique et indépendant, ayant. son uniUl, son ryt.hme et ses lois de const.ruction. C'est par le développement. du portique à l'intérieu r de la mossc comracLc d u plun continental que se t raduit. le plus nellr.menl, ~elon nous, l'infl uence minoenne sur l'architecture mycénienne. La nat.ure de cet te infl uence est. discutée. Les • Crétois •, tels A. Eva ns et. J. Pendlebury •, soutiennent que la Crète avait. établi un véril nble empire sur le conLinent au l\L R. 1, accompagné d 'une hégémonie politique, commerciale et esthétiq ue. Les u cont.incnla ux »,comme A. Wace et C. Blegen, onl protesté cont re les excès d'une telle théorie• en limita nt cette oction a u domaine esthétiq ue et. en insistant, avec juste ra i~o n , su•· la contin ui té de la civilisal.ion continentale de I'H. A. à I'H. R. Il ne nous appartient pos de nous pron oncer sur l'ensemble du problème; mais, en limitant nos observat.ions au domaine architectural, on ue peut que constater le caractère extérieur des formes minoennes introd ui tes dans
1. Cf. lu rapport.a p,..llminalres: Bolldlino d' Arte, 2•sérte 1, 1922, p. 497 ;
Annuario, N. S., Ill-IV, 1941-43, p. 3 ~q. 2. '2 m. 50 ou 3 mètns au maximum ; quand elle aluinl !> ou 6 mètres une colonnade inlbfeure double celle de la façade. 3. Surtout aux périodes anciennes du moinS; proporUoll$ très réduite. pa r comporolson uvee le diamètre dea colonnes ou les dlmew;ions des piliers. 4. Palace, 1, p. 23·24; IV, p. '283, 754 ; Pendiebury, Arch. o( Creù, p. 225-'2~6. 6. En dernier lieu, IWo, 1940, p. 138 sq .; l<aro, Di• Schachlqra!Mr uon Mykc11at, p. 34!>; I l. J . l
INFLUENCES ET FILI ATIONS
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les palais mycéniens dont le noyau central el organisateur reste le mëgaron el sa cour•. Dans leur état actuel, Les palais de Tirynthe cl, d e Mycènes sont contemporains, contrairement à ce qu'on avait pu pcnser2 ; ma is Tirynthe nous se mble porter, plus profondément
Fig. 1!J. -
Cour du palai• de Tirynthe.
1. On Invoquera peul-être Ici les o~ervaUons Cragmentalres présentées par les fouilleurs anglais sur les vestiges du premier palais de Mycènes, BSA, XXV, 1921-23, p. 203, 245-249, 268·269, 270-'275, d'après lesquelles ce premier état aurait présenté un caract ère plus • crétois • que le second; 14 place milmc du mégoron sur les eôl~ el les travaux de terrassement nécessités par son implantation en cet endroit m ~l commode ré,•èleraienl un apport secon
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LES ORIGINES DE L'AGORA GRECQUE
imprimée qu'à Mycènes, la mo rque des artisans insulaires. D'après K. Müller •, l'infl uen ce crétoise dans le palnis de Tirynthe se limi terait. aux: procédés techniques 2 • Plus nette, à nolre aviq, est une in Ouence slylislique qui se Lraduil par l'emploi el le rôle des portiques don t los architectes de Mycènes ne semblent pas a voir la it un usage auss i développé. L a grande cour de Tiryn the (fig. 19-20) était. e ntourée su r trois côtés par des colonniJdes duni. le st yle (faible profondeur: 1 m . 30) et. la techni que (bases légèrement su rélevées, for me du fût en tronc de cône renve rsé) sont. m inoens. Les portiques Est ct Su d dessinent un plan coudé, très cu racléristique des méthodes crétoises; la base carrée rie l'angle S.-E. soutenait. un pilier angula ire sur lequel s'arti culaient les deux colonnades ; le portique Ouest. ne semble pas avoir [ait part ie du même plan et. rut sans douLe a jouté, comme le portique .-0. de la cour de Cnossos, pour achever la composilion mon umentale. Le portique Est, par son rôle, r elève d irecte ment du styl e erHois. Il double, sur la cour, un long co uloir qui mel en commurucalion d irecte le p ropy lon el le petit mêgaron; ce portique présente lui aussi une parle à chaque extrémité qui assurait un couranl de cireulalion parallèle à celui d u couloir. L 'un des procédés est proprement minoen, l'a u lre cont inental ; cel ui-ci reste en constan t usage dans la demeure fortifiée d'Amè 3 • La juxtaposition d'u n procédé crétois à un motif continenlal est bie n caractéristique de la manière dont les nrlisans du pays de Minos ont. « crét.isé ~. souvent. d ' tme façon tou t extérieure, des plans put•ement indigènes. Tirynthe présente encore, par le dis positif de sa première cour, un parallélisme frappant avec la courette Nord de Cnossos. Elle est bordée à l' Est. par un long port ique de 12 colonnes, peu profond, qui forme galerie devant une série de chambres
que Tirynthe. Let! touilles angluls~ ont montrô les lrGn&formallou• succe~lves de )l ycènes, DSA, XXV, 1921-23, p. 170 sq., ct A. Wuce, Myctnoe, p. 86 sq. Certaines peinw ~ peuvent appartenir au premier polaiJ de l'Il R l , mala le mégoron, ovee l'enceint.c elles lombes à t.holos, npporUent à I'H Tl II 1 • el b, donc • la m4!me epoque que r en..,mble de T irynthe, Tirun•, 1 l i, p. 208·209. 1. Ti'fiM, Ill, p. 199·200. 2. Les colonnes de bols et la torme del! antes, Jo dlspoallion du toiL, l' emploi du stuc ct dea lreaqu es, onan la place elin forme elu foyer. 3. BCH, XVII I, 1894, p. '.!71 aq.; AM, XJX, 1894, pl. X -XII.
INFLUENCES E'1' FILIATIONS
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aménagées au-dessus des casemates•. Le principe de la cour avec portiques s'implanta dans les mœurs mycéniennes, sans doute à l'H . R., au point d'influencer même l'architect ure domestiquct. L'achèvement des fouilles de Pylos 3 nous permettra sans doute d'éta blir d'a utres rapprochements plus précis encore entre ce palais du Péloponnèse occidental et les vastes demeures minoennes. On y signale, en effet, 1'emploi a bondant de portiques, ouverts sur le paysage en bordure du plateau ; ils constituent des promenoirs dont la galerie Sud de Cnossos, dominant toute la plaine mêridionale, otTrait un magnifiq ue exemple. L'intégration de ces formes minoennes aboutit à la constit ution d'un plan original oC1 le goût décoratif, le dégagement des espaces et la recherche des perspectives obliques aèrent, assouplissent et articulent la masse sobre et compacte du palais ~on tinental. Ce schéma a-t-il laissé quelq ues t races dans l'architecture des périodes suivantes ? E n d'autres termes, les édifices mycéniens ont-ils s ubsisté assez longtemps pour permettre une survivance des formes et fournir des modèles à la pêriode géométrique 7 Il faut distinguer les zones d'influence et les divers domaines de la cultu re mycénienne•. E n Gt·èce continentale, la décadence de La civilisation mycénienne s'est produite avec plus de violence qu'en d'autres points de la Méditerranée orientale et cependant , même ici, fut-elle assez radicale pour supprimer toute possibilité d'action sur l'avenir ? On constate actuellement une tendance à établir des t ransitions plus nuancées, voire des rapprochements stylistiques, entre l'art mycénien et le géométrique, par des étapes encore mal définies, qu'on les a ppelle 1. Doerpreld , 1'irgns, p. 209; K . Mùll~r, Tiryns, 111, p . 74; Karo, Fdhrer dureh Tirgns, 2• M ., p. JG-17, 19, avait déj a souligné Je caracl.êre cret.ols de
ce port ique. 2. Une maJson de l'acropole de Mycènes prêsenle le disposilir d'une cour bordée d'une colonnad& à l'O. (5 colonnes) et A 1'1::. (3 colonnes), encadrant l'entrée au N., Arch. Anz., 1940, col. 209·210; Cb. Pic.u d, RA, 19 40, 1, p. 93; A. Wace, Mgcenae, p. !Ji'> sq . 3. Poursuivies en 1939 par I
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LES ORlGlNllS OE L'AGORA GRECQUE
submycéniennes ou protogêométriques ; les parent és sont peu contes tables et le p roblème semble plu Ult d'ét ab lir les voies par où cet héritage a pu se transmettre q ue de souligner les rapprochements. En arch itecture, la q uestion est. liée à celle t
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Fig. 20. -
Les portiques du palais de Tir ynthe.
de la conservat ion des édifices. Or, si le palais de Mycènes subit une destru ct ion sérieuse a u x u e siècle av. ,J.-C., celui de Tiryn the semble avoir jou i d ' une survie b eauco up plus longue. Alors qu 'on ne peut guère ét ablir de contin uité ent re le temple de l'acropole mycénienne et le palais', celui de 1. 111. London NeWtJ, 16 di:<:. 1939, p. 909. Du temple archalque, seuls sont. conservés quelques blocs remplo)•és dam un éd ifiC
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INFLU ENCES liT FILIA'nONS
Tirynthe a prolongé, sans interruption, la vie du mêgaron 1 . Les façades des grands tombeaux de Mycènes restaient visibles et pouvaient présenter leurs colonnes décoratives en modèles aux artisans de la renaissance dorique en Argolide 2 • Ne pourrait-on trouver dans ces survivances les raisons de l'épanouissement architectural qui fait du centre argivocorinth.ien, aux vne et vre siècles, une zone de construction dont l'infl uence s'ét.end jusq ue sur le sanctuaire delpbique? Si nous ajoutons à cela que l' Héraion est un des premiers sanctuaires à faire un usage systématique et déjà très évolué des portiques en Grèce conli.nentale, employés à la fois en péristyle de temple• et en sloai indépendantes dont les ~ractères stylistiques sont apparentés à ceux des portiques mycéniens, IH t rHnsmission directe de certaines formes architectu rales mycénienJles est un fait très probable•. l. On a eonle$hl l'idenliRealion du temple de Tiryn the où C.
Ell~en
reconnallrail plutôt une construction du mycènien lardi!, comparable :\ l a maison L de K orakou, Korakou, p. 130 sq., mais les eonslalalions de K. Millier, T iryno, I ll, p. 2 14-215 semblent bion confirmer l'bypol bèse de Frickenbaus, T iryn>, 1, p. 2 sq., el, d'après le même auteur, une grande parlie du palais aurait ôté ()CCup~e jusqu'au milieu du v11 1' s. av. J .-C. (on sailles im por l.8nte.' conclusion.! que M. P. Nil55on en a tirées MinOOfi·My anaton Religion, p. 406·407). 2. Cl. Rodenwaldl, J{orkyra, Il, p. 151. Sur la colonne du trésor d'Alrêe, D. S. Roberl!on, JHS, LXI, 1941, p. 14-16 et sur le cha piletlu arcboJquo de Tirynt he, H. Suite, A rt h. Ain., 1936, col. 14 sq., avec les reslrielions apportéea par H . Schleir, l{orkyra, 1, 194.0, p. 90, n . 1. Une nouvelle resl.
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LES OIUCINBS Dll L'AGORA CRECQUil
On peut saisir , en certains poin ts, une co ntinuité sans coupure entre les insLaUaLions mycéniennes et les édifices cor respondant. d 'l:poque géométrique. Athènes et T hèbes, pou r l'hisloire de l' agora, permettent de jalonner les étapes progressives de ceUe t.ransformalion. En Att.ique, pendant. des siècles le rocher de Zeus et d'Athéna demeura le centre politique et religieux d e la cité d'Athènes et conserva longtemps les principaux édilices polit iques et administratifs, tout part.iculiérement, su r les restes mêmes du palais mycénien, le Prytanée, symbole de l'unité na tionale. L'histoire des lieux d'assemblée aU1éniens est riche d'enseignements et, pour ln période de transit.ion qui nous occupe, les fouilles américaines ont apporté de récentes et nouveUcs précisions. Le vénéra ble t ribunal de l'Aréopoge, le premier conseil des chefs de la cité, tenait. ses assises sur la colline funéraire dont il avait pris le n om ; les trodiLions anciennes qui cherchent à justifier ce choix onL évidemmen t la valeur très relative que nous pouvons accorder à ce genre de légendes aitio logiqucsl. Mais si nous nous rappelons les caract.ères des lieux d'assemblée mycén iens et l 'action attra ctive q u'exercent les sépultures des ancêtres, nous comprendrons plus ueLt.emellt ce rô le d e la colline d ' Arès après la dècouverl.o des nombreuses to mbes qui jalonnent la pente septent rion ale a u p ied même du rochert. Comme à 1\la lLhi, co mme à Mycènes, bien des siècles auparavant., les chefs de l'Athèn es mycénienne et, p lus t.a rd, de l'ép oque géométrique, se réunirent auprès des lombes de leursancètres. La rupture avec ces anciennes Lraditions se produisit bien
LXX, 1!148, p. 111·~7). el les lraMfonnaUons qu' il subi~ dans I.e • èdiOc~<~ du domaine dorique oceldenlal ; il fa udrail ~lemenl expliquer pourquoi, en 0~ propr. Cr. W. Judelcb, Topog. Alhtn, 2• éd. 19:JI, p. 29!1·300. 2. C'esL don& lu plus spaclemc d'entre eux qu·a éL' trouvée la célèbre py>:i
INFL UENCES ET FILIATIONS
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longtemps après quand la nouvelle agora du Céramique devint le symbole des revendications et des conquêtes démocratiques. Thèbes présente un exemple encore plus net de cette continuité entre les temps mycéniens et l'agora h ellénique. La capilale béotienne eut en efTet deux agorai, l'une sur la Cadmée, l'autre dans la plaine. A une époque où la cité, comme beaucoup d 'au tres villes grecques , se resserrait dans les limites d'une grosse bourgade, Pausanias n'a vu que la première sur laquelle il nous donne de précieux renseignements que des fouilles partielles ont confirmés. Elle s'étendait, nous dit-ill, sur l'emplacement du palais de Cadmos ct la plupa rt des cultes ou des souvenirs de cette agora appartenaient au cycle légendaire de ce personnage, en particulier Dionysos et Déméter 2 • La déesse, appelée Thesmophoros, avait occupé une partie du palais, s'alliant à Cadmos tout comme Déméter Thesmophoros à Kar sur l'acropole de Mégarc 3 et Athéna à Érechthée sur l'acropole d'Athènes 4 • Les fouilles ont révélé que l'agora occupait l'emplacemen t d' un palais mycénien; les bases de la colonnade hellénique étaient implantées dans les substructions du palaiss. Mais quelle avait pu être l'influence de la tradition architecturale mycénienne ? Comme à Tirynthe ou à Athènes, des plans ont pu survivre 6 , des formes pa rticulières être reprises el imitées , mais les liens véritables étaient plutôt d'ordre t opographique et religieux et n'impliquent nullement une influence directe sur la composition architecturale, comme on l'a parfois soutenu 7 • Ces traditions locales, qu'il serait sans doute possible de 1. Paus. IX, 12, 3. 2. Pindare, Pyth., Ill, 90; Diodore, V, 49, l. Cf. Kéramopoullos, Arch. Deltion, Ill, 1917, p. 339 sq. 3. Paus., 1, 40, 6. 4. Schroeder, Neue Jahrb ., 1923, p. 134 sq. souligne le fait qu'à Thèbes Déméter ne l'emporta jamais complètement, à la différence d'Athéna sur le roch er de Cécrops. 5. Kéramopoullos, Arch. Eph., 1909, p. 107 sq. et surtout p. 12 1- 122; Prakl., 1912, p. 85; A rch. Dellion, 111 , 1917, p. 339 sq. 6. La chambre de Sémélè est appelée <TI)X6ç par Euripide, Bacchantes, 11. cr. Prakl., 1911, p. 15 1 ; Maas, Jahreslt. , XI, 1908, p. 12. Des2chambres conservées, celle qui appartient à Harmonia est en ruine (ipd7t~a), dit Pausanias (IX, 12, 3) et celle de Sémélè const itue un &ôa'
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LES ORIGINES DE L'AGORA GRECQUE
préciser par une étude systématique de l'architecture archaïque du Péloponnèse, mettent en relief ces liens ténus qui maintiennent la continuité entre l'architecture mycénienne et les édifices géométriques 1 • Ces survivances sont sans doute limitées à des formes précises, à des détails comme l'emploi de la colonne, les lignes du chapiteau, le principe du support indépendant, ou même la technique du toit. Il faut éviter, croyons-nous, d'accentuer la coupure; ce fut plutôt un arrêt, une mise en sommeil qu'une rupture complète de la tradition. La renaissance fut facilitée parce que le principe même de la colonnade n'avait jamais été oublié. Les colonnades continues et associées en larges compositions sont le fait d'une architecture riche, puissante, qui possède des matériaux abondants et une technique sûre d'elle . Ces conditions étaient loin d'être réalisées dans la Grèce des x1e-Ixe siècles où la vie s'était ralentie, où les ressources étaient maigres ; les survivances mycéniennes, quand elles 1. Il n'est pas exclu que des procédés de construction plus importants soient passés d'une architecture à l'autre. Ainsi la maquette du petit édifice en terre cuite de l'Héraion d'Argos avec un portique distyle soutenant une terrasse, a pu conserver certains traits de la façade du mégaron mycénien. Dans sa restauration, K. Müller, AM, XLVIII, 1923, p. 52 sq. avait déjà vu dans ce portique un type de construction dérivé du vestibule où les côtés auraient été ouverts. G. Oekonomos, Arch. Eph., 1931, p. 25, conteste cette hypothèse, mais sans rien proposer d'autre et nous ne voyons pas en quoi la nouvelle restitution rend caduc le rapprochement de Müller. Bien au contraire. La présence d'une galerie au-dessus du vestibule du mégaron de Mycènes para1t bien attestée (BSA, XXV, 1921-23, p. 170 sq.). Elle bordait sans doute un étage, A. Wace, Mycenae, p. 78 sq.; mais les auteurs de la restauration, A. Wace comme Holland (BSA, ibid., p. 275-276) hésitent sur la restitution du toit du mégaron. La répartition des supports intérieurs et les portées qui en découlent : 3 m. 60, 4 m. 40, 3 m. 60 d'avant en arrière, 3 m. 25, 3 m. 90 et 3 m. 25 latéralement (à Tirynthe ces dimensions ont respectivement : 2 m. 90, 4 m. 75, 2 m. 90, et 2 m. 60, 3 m. 40, 2 m. 60) ne s'expliquent-elles pas dans l'hypothèse d'un toit à double pente mais de surface réduite comme celui de l'édicule géométrique ? Les 4 piliers centraux seraient disposés pour recevoir les retombées de chaque versant et les versants eux-mêmes peuvent présenter en façade une ouverture identique à celle du toit restitué par G. Oekonomos. Il n'y aurait plus alors opposition entre les témoignages littéraires des poèmes homériques et les données archéologiques. On sait que Sp. Marinatos a adopté une solution analogue dans sa restitution du temple géométrique de Dréros, BCH, LX, 1936, p. 214256, 267-285. Par leurs références à une tradition mycénienne, ces édifices géométriques s'opposeraient au pur type dorien constitué par une simple cella fermée et aux types à colonnade centrale où les influences orientales seraient sans doute plus sensibles.
INFLUENCES ET FILIATIONS
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existent, se caractérisent par un appauvrissement continu. Ce sont peut-être plus les conditions économiques que des bouleversements esthétiques qui imposèrent tout d'abord cette léthargie protogéométrique. L'esprit était en somm eil, mais la matière était toujours à la disposition de l'ar tiste . Il suffisait d'un choc pour redonner l'impulsion à la puissance créatrice de l'architecte grec. D'où lui vint cette impulsion , quels furent les facteurs de cette renaissance architecturale ? 2) Le portique dans l'architecture orientale
Vers les mêmes époques- avec peut-être un temps d'avance en Mésopotamie - les architectures de l'Élam et de l'Égypte mettent au point les premières réalisations, encore bien maladroites, d'une forme architecturale appelée à un très riche épanouissement. C'est au début du I lle millénaire qu'à Saqqarah, dans le mastaba à degrés du roi Djoser (Ille dynastie), la colonne en pierre apparaît comme support d'un portique rudimentaire qui bordait et agrandissait l'entrée du temple 1 . La technique reste inférieure à la conception. Cependant, le principe était fécond ; il révèle la tendance profonde de l'architecture égyptienne à utiliser le portique comme élément accessoire d'un plan pour délimiter les espaces, constituer les volumes et en accroître la masse et l'ampleur. L a colonne prend sa véritable indépendance dans la cour à péristyle du temple funéraire du roi Sahuré, à Abousir (Ve dynastie) où elle se charge d'un épistyle librement organisé 2 • La colonnade était alors trouvée et elle va recevoir de multiples applications tant dans l'architecture privée que dans l'architecture religieuse. La mise au point fut rapide puisque, dès la fin du Ille millénaire, le portique devenait un élément essentiel de toutes les 1. L. Borchardt, Die Entstehung der Pyramide, 1928, p . 32 sq.; J. Ph. Lauer, Saqqarah, I, p. 125 sq., fig. 108. Cf. Ch. Picard, REA, XXIV, 1927, p. 246 sq.; Jour. desSau., 1937, p . 250. En même temps que le portique de façade apparalt le plan de la salle à pilier, ct. la tombe de Merekuka (VI• Dynastie), Handb. Arch., p. 487, fig. 28. 2. L. Borchardt, Das Grabdenlc. des J(onigs Sahure, I,DerBau, (Wiss. Ver/jn. deut. Or. Gesell., XIV).
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LES ORIGIN ES DE L'AGORA GRECQUE
compositions, sépultures ou temples 1 • Mais quelle pouvait être l'influence de ce motif sur les architectures voisines ? Y eut-il intervention directe des méthodes égyptiennes dans la formation des architectes grecs ? Malgré les rapprochements si t entants qu'on a proposés entre les colonnes de Saqqarah et les colonnes doriques primitives de la Grèce 2 , dans l'emploi de motifs particuliers comme la form e de certains frontonss, nous croyons peu à une influence directe de fo rmes architecturales si éloignées. Les échanges peuvent porter tout au plus sur des procédés techniques. D'ailleurs, les procédés et les plans de l'architecture égyptienne ét aient si profondément marqués par le pays, si nettement limités et adaptés aux croyances, aux traditions religieuses et aux forme s de pensée de cette civilisation qu'aucun n'a pu être recueilli intégralement par les Grecs 4 • On se tromperait donc en cherchant l'origine des plans dans la vallée du Nil 5 ; m ais il est probable que des échanges techniques ont eu lieu. Il semble bien prouvé que la for ce d'expansion de l'Égypte au début du Moyen Empire, sous la X IIe dynastie, a laissé des traces nombreuses tant en Crète que sur les côtes d'Asie 6 • Ainsi la technique de la taille de la 1. On pense ici au prostylon, avec colonnes à 16 pa ns, qui orne les tombes de Beni-Hassan, J . Capart, L'Architecture égyptienne, pl. 67, 68, 70, etc... et à J'emploi si so uple et varié des portiques dans Je temple funéraire de Mentuholep II ou III, à Deir-ei-Bahari. Toutefois cette évolution rapide est elle-même surprenante, cr. J équier, Lu Temples memphiles el thébains, p. 6-7. 2. Ch. Picard, REA, XX IV, 1927, p. 246 sq. 3. P. Gilbert, Chronique Êgypte, XVII, 1942, p. 83-90 cherche dans l'art égyptien J'origine des frontons arrondis de J'architecture gréco-romaine. 4. C'est pourquoi nous sommes peu enclins à accepter les th éories trop • égyp tisantes • sur J'origine des tombes à chambre mycéniennes, A . W. Persson, New tombs at Dendra, p. 168-175, 191. La présence d'objets égyptiens n 'implique pas une influence des formes architecturales qui sont liées, plus encore que d'autres, aux caractères de la civilisation; il faudrait alors admettre, dans l'affirmative, une influence réelle de civilisation, ce qui res te à démontrer {Contra, A. \"'ace, Chamber lombs at Myltenae, p. 125). On appréciera la prudence des jugements de H. J. Kantor, AJA, LI, 1947, p. 3 6-<11 et, en dernière analyse, A. Wace admettrait une évolution interne continue depuis les tombes à chambres anciennes aux tomb es à tholos et à dromos de l'H R I ll, Mycenae, chap. IV. 5 . R. Joly, BCH, LII, 1928, p. 324-346. Critique de J. Charbonneaux, BCil, LIV, 1930, p. 352 sq. 6. A. Evans accepte un très important apport égyptien dans l'épanouissement de la civilisation minoenne au début d u 1\fill, Palace, I, passim. Pour
INFL UENCES ET FILIATIONS
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pierre, condition essentielle de l'emploi du pilier, semble avo1r profondément transformé l'architecture minoenne au début du M. M., sous une influence égyptienne. · Est-ce donc vers l'Orient qu'il faudrait plutôt chercher l'origine de ces plans? 11 est inutile de revenir ici, après beaucoup d'autres!, sur le rôle effacé de la colonne dans l'architecture mésopotamienne et babylonienne; la nature des matériaux a été d'un effet déterminant 2 • Devenue un luxe, un objet précieux et coûteux, faite de matières étrangères et rares, la colonne fut réduite à une fonction plus ornementale que constructive 3 • Cependant, l'architecture de ce pays d'argile a employé les formes essentielles du portique monumental de façade, la colonnade intérieure, la stoa et le portique d'étage. L'emploi ornemental, peut-être religieux 4 , du portique d'entrée est attesté dès la fin du IVe millénaire à Tell-ElObeid où furent découverts les fragments de fO.ts de colonnes en bois portant un revêtement de plaques de cuivre 6 ; ces colonnes supportaient un auvent qui protégeait et embellissait l'entrée du temple. On retrouve ce dispositif à Ur 6 • l'architecture, cr. H. R. Hall, JHS, XXV, 1905, p. 320 sq.; J. Charbonneaux, BCH, Lll, 1928, p. 351, n. l. Des nuances plus orientalisantes sont apportées par P. Demargne, Égypte, Crète el Orient, dans Annales de l'Université de Gand, II, 1938, p. 31 sq. et La Cr~le dédalique, p. 79 sq. 1. P errot-Chipiez, Hisl. A rt, II, p. 141 sq.; W. Andrae, Das GoUeshaus und die Urformen des Baues im A/lerl.,I930, p. 38 sq.; F. Wachtsmuth, Der Raum, p. 24 sq. ; R. Demange!, La Frise ionique, p. 64 sq. Cf. la réaction de G. Conteneau, Manuel arch. orientale, I, p. 462 sq. 2. Cf. les remarques de F. W achtsmuth, Jahrb., XLVI, 1931, p. 32 sq. 3. On ne sait quel était le rôle du massif pilier de Tello, à 4 colonnes, SarzecHeuzey, Découvertes en Chaldée, 1884-1912, p. 62-64, 424-435, pl. 52-53; A. Parrot, Tello, 1948, p. 156-158, fig. 34. Le rôle décoratif est évident dans les constructions avec colonnes engagées, cf. Jo mur d'enceinte de ·warka, E. Bell, Early arch. in Western Asia, p. 47. 4. Ch. Picard, REA, XXIX, 1927, p. 263. 5. C. L. Woolley, E xcav. al Tell-el-Obeid, Antiq. J ournal, IV, 1924, p. 329 sq. ; L. Speleers, Les Arts de l'Asie antérieure ancienne, p. 89 ; G. Contenau, Manuel, I, p. 464, fig. 334; A. Parrot, Arch. mésopotamienne, 1946, p. 273 sq. 6. Ur-Excavations, I, pl. XXXVIII, mais contesté par W. Andrae, Das Gotleshaus, p. 39. Il se poursuit dans l'art néo-babylonien; on en a retrouvé des traces dans le grand palais S. de l'acropole de Babylone, en avant d'une grande salle d'apparat, F. Wachtsmuth, Der Raum, p. 24, fig. 2. Sur les survivances et les applications postérieures de cette forme, Coptenau, o. c. III, p. 1378-1381. A Babylone, tous les autres vestiges de portiques et de colonnades appartiennent
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LES ORI GINES DE L'AGO RA GRECQUE
Sous sa forme allongée, embryon de la stoa ou du péristyle, le portique apparaît en plusieurs points de la haute et basse Mésopotamie. Le palais de Kish a conservé les traces d 'un tel plan 1 . Le portique de la Ziggurat de Mari (fig. 21) rend moins invraisemblable la stoa de Kish. Au bord de l'espla-
Fig. 21. -
Porlique de la Ziggu r·at de Mari.
à une époque tardive, imprégnée d'influences occidentales, R. Koldewey, Das wiederersl. Babylon, p. 108, llg. 66, et p. 211-212. Ce motif doit être rapproché
des petits sanctuaires légers représentés sur les reliefs : chapelle du dieu Shamash sur la stèle de Sippar (Pcrrot-Chipiez, II, p. 210, llg. 71), tableaux des portes de Balawat (Speleers, o. c. p. 139). 1. S. Langdon, Excaualions at J( ish, 1, p. 69 sq.; C. Contenau, Manuel, II, p. 705; A. Parrot, Arch. mésopolamienne, p. 313, plan, fig. 77. La restitution de celle stoa est contestée par vV. Andrae, H andb. A r ch. , p. 765. On discute la date du palais dont la construction ne peut cependant descendre dans le III• millénaire puisqu'il fut reco uvert par un cimetière dont tout le ma tériel attest e une époque présargonique, contemporaine des premiers patesis de Lagash, ·entre 2850 et 2750 av. J.-C.
INFLUENCES ET FILIATIONS
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na de 1 s'étendait un long portique de cinq piliers en briques crues. Sous ce portique furent dégagées une dizaine de bases en pierre qu'il faut mettre en relation avec quelqu~ !nstallation cultuelle 2 • Au même groupe et à une époque v o1sme, vers Je début du IIJe millénaire, appartient une construction de Tellos. Dans la même série, on placera encore le hall du sanctuaire d'Eanna , à Uruk, soutenu par d'énormes colonnes m osaïquées qui dominent une cour située en contre-bas ; cette construction appa rtiendrait au milieu du JVe millénaire 4 • A lui seul, le « péristyle>> d e Tello ne pouvait permettre aucune hypothèse 5 • Or, le groupe où il prend place nous incite à voir dans ce genre de portique, associé à une esplanade, non plus une exception, mais une forme élaborée de la plus ancienne architecture mésopotamicnne 6 • Emploi et conception de ces portiques sont très proches des principes observés par les architectes de Minos. La technique égyptienne, appliquée à une conception orientale, tel nous paraît être en définitive le caractère du portique minoen 7 • 1. Syria, XX, 1939, p. 7 sq., plan pl. I et vue pl. 1II, 1.
2. Dans ce même ensemble, A . Parrot signale la présence d'un portique d'entrée avec 2 colonnes d 'angle, ibid., p. 9, pl. VI, l.
3. Décrit par G. Contenau, Manuel, 1, p. 462. 4. A. Parrot, Arch. mésopotamienne, p. 344, fig. 87 et 89. 5. R. Demange!, La Frise ionique, p. 65, n. 7. 6. On en saisit la loi primitive et l'origine dans la grande cour du palais de Mari, où des cubes de pierres, percés de trous et enfoncés dans le sol, S<'rvaient de bases à des poteaux de bois qui soutenaient une couverture légè re protégeant le mur, Syria, XVIII, 1937, p. 71, pl. VIII. 7. Oserons-nous enfin rapprocher des somptueuses réalisati ons crétoises, les modestes portiques d'étage que nous pouvons déceler dans l'architecture mésopotamienne et surtout assyrienne, à une époque plus récente ? Ici encore l'ampleur de la conception minoenne et la nature des matériaux ne doivent pas complètement dissimuler l'idée primitive. Cf. en particulier les représentati ons du relief de Ninive, P errot-Chipiez, Rist. Art, II, p. 140-142, fig. 39 ; 2 19-221, fig. 76. Sur le problème g6néral des rapports entre l'Orient et la Crète, E. Meyer, Gesch. des Allerlums, I, 2, p. 680 sq.; E . Pottier, Mém. de la délég. de Perse, XIII, p. 86-94; Helbig, Jallresll., XII, 1909, p . 27 sq.; K. MUller, Jallrb., XXV, 1915, p. 282 et historique par P. Demargne, La Crèle dédalique, p. 41 sq. Une étape importante de cette recherche sera fournie par les fouill es du palais el du t emple de Tell Atchana où L. Woolley a retrouvé les éléments d'une histoire continue de la Syrie du N. de 2000 à 1200 av. J.-C. ; su r ces fouilles en cou rs, F. Schachermeyr, Klio, 1942, p. 11-12; L. \Voolley, Anliq. Journal, XVII, p. 1-15; XVIII, p. 1-28; XIX, p. 1-37; JHS, LVI, 1936, p. 125-132; AJA, LI, 1947, p. 199.
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LES ORIGINES DE L'A GORA GRECQUE
Un mouvement de reflux va bientôt rendre à l'Orient ce que la Crète lui avait emprunté. On constate, en effet, que de nombreux types d'édifices régionaux subissent, dans la
Fig. 22. -
Temples II ct III de Boghaz-KOy.
deuxième moitié du Il 6 millénaire, une soudaine transformation qui amalgame les tendances discordantes, associe les éléments hétérogènes et détermine une rapide évolution des plans par le développement des colonnades. Cet épanouissement se produit dans une grande partie de l'Asie antérieure et ne peut s'expliquer que par l'intervention d'un élément nouveau et d'une influence commune prépondérante. En Anatolie d'abord, les récentes fouilles sur les sites environnant la capitale du Hatti ont révélé une t ransformation très nette des conceptions et de la technique de l'architecture hittite dans le courant du xve siècle av. J .-C.; la pierre, dans les soubassements appareillés, remplace les murs de briques sur moellons tandis que les piliers et les colonnes se multiplient. A Büyük-Kale, les grandes salles d'archives, reconstruites vers le milieu du xve siècle, sont très représen-
INFLUENCES ET FILIATIONS
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tatives de cette révolution 1 . Sur le même site une grande construction composée autour d'une cour centrale, analogue au temple I de Boghaz-Koy, comportait une longue stoa sur le côté E., avec de puissants piliers accolés au mur de fond2. La même évolution est constatée à Yaz1hkaya où les constructions primitives assez simples furent dotées, au xive siècle, d'un portail monumentaP. C'est enfin à cette époque que remontent les imposants ensembles deBoghaz-Koy qui font de la stoa un emploi très voisin de celui de l'architecture minoenne 4 : parure de façade 5 ou passage couvert 6 (fig. 22). Tous ces portiques restent mal intégrés au dessin de l'ensemble; ils apparaissent toujours comme ·des accessoires que l'architecte utilise avec peu d'habileté et que le constructeur réalise avec de grandes difficultés 7 • Les progrès réalisés par l'architecture néo-hittite sont éclatants 8 • La technique a suivi les leçons de grands maîtres 1. Sur les 4 salles primitives, 2 furent agrandies et munies d'une double rangée de piliers quadranguhires, Mill. deut. Or. Gesell., LXX, 1932, p. 2 sq., 16, fig. 8; LXXIV, 1936, p. 18 sq., pl. 1 ; plan général, ibid., LXXIII, 1935, en face, p. 13. Ce même type de salle se retrouve dans les magasins S.-E., ibid., LXXIII, 1935, p. 12 sq., Og. 5 et 6. 2. ibid., LXXIV, 1936, p. 33 sq., fig. 28 et pl. Il. 3. ibid., LXXVIII, 1940, p. 31-32. 4. Dans leur état primitif, les salles d'archives du palais de BüyOk-Kale ne comportaient aucun pilier ; c'est à une réteclion du x1v• ou du xm• s. que les salles doivent leur double rangée de supports. Les premières constructions de la couche ancienne (1650-1440 av. J.-C. ) n'en laissent reconnaltre aucune trace (ibid., LXXIV, 1936, p. 5 sq.). Les identifications proposées par O. Puchstein ont été discutées, mais sans que des conclusions certaines aient été proposées. Les fouilles du site voisin, sur la butte de BUyOk-Kale, remettent ces identifications en question, ibid., LXXIV, 1936, p. 39 sq. 5. Tel est le cas des portiques O. et N. du temple Ill, O. Puchstein, BoglwzKOi, Die Bauwerke, p. 136 sq., pl. 43. 6. K. Millier, AM, XLII, 1917, p. 131 - 136. Seuls les 2 murs extrêmes sont percés d'une porte, O. Puchstein, o. c., p. 146 sq., pl. 42. 7. Même plus tard, à SendJirli, les colonnades ne sont pas régulièrement axées sur les antes; dans le palais du haut, la base de la colonne du porche d'entrée fait une saillie de 0 m. 70 exigeant sans doute une selle entre la colonne et les poutres, suivant la solution proposée par Von Luschan, Au~grab. in Sendscllirli, IV, p. 264, fig. 154. En outre, la base des piliers était faite d'un blocage entre orthostates posés de champ ; cet te technique du su pport maçonné parait être lo propre des architectures où la colonne et le support isolé sont des éléments hétérogènes. 8. JI est en effet difficile de ne pas être sensible aux différences d'esprit comme aux différences de technique qui séparent les édifices des x1v•-xm• s. à B. K. ct
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LES OR101NM DE L' ACOI\A 01\8CQ08
dont nous aimerions connattre le pays d 'origine; en tout. cas, les conceptions sont très comparables à celles de l'ar chitecture créto-mycénienne. Elles sont seules, avant 1'archit.ecture helléniq ue, à avoir su trnnsrormer le portiq ue en stoa indépenda nte, le t.rait.er pour luj-même, eL en raire un principe de composiLion en l'associan t. à une cour (F ig. 5 et 23). L 'architecture de Sendjirli, aux rx• et vme siècles, apparatt comme l'héritière de plusieurs traditions, les unes locales, p ropres à l'archit.eeture syrien ne, d'aul.res étrangères et. im portées. Or, les t rai ts m~mcs de ces composit.ions, tout spécio lement 1'empl oi si &Ju ple des longues sloai par le roi Barreku b da ns le palais inféneur, ne p euvent laisser de doute sur les ascendonces de ce courant ; ces caractères sont t rop vois ins de ce ux d e l'orchitecture crél o-mycénienne pour ne pas s'y ratt acher par une influence très directe. Si au cun e des lormes de la ston ne semble complètement étrangère à l'a rch itecture orienLule, Loutes se t ransformen t ct s'é panouissent, sculemun L à la fin du ne millénaire. Or, celle rennissunco correspond à une époque où ln puissance d'expa nsion de l' Égy pte par att li mitée mais où p ar cont re, un peu partout sur ln côte d'Asie, se manirestent les traces d'une occupation créto-mycéniennc. Il esl Lrès signi ficatif q ue les for mes les plus arhcvées de la salle à colonn ade et du portique d 'enlrt'!e sc rcnco nLrent à Ras Sbamra d ès le xve siècle, rln l c: où l'inllueoce créto-mycénienne bat en brèche l'occu pali on phénicienne, où l' invasio n des produiLs myréniens est. telle« qu'elle implique un apport de population a chéenne q ui imprime au premier niveau son facies caractérisLique • 1 • Deux Lemps, semble-l-i!, sont. à wst.inguer dans les p rogrès égéens ver3 les côt.es d'Asie; une première phase, de caractère essent.iellemenL commercial, fait connattre les produits crétois aux régions de l' B. dès le ~1. ~1. Il, l'int.erm êd i:~ire paraisqa nt. a voir été Chypre•. C'est à la demùème les constructions que le. rois do S4lndjirU, onl t h.vées au:..: nc..,•m• i. Malgr6 que1qne3 almahLudes do dé~ li, aucuoo dérivaUon eoounue ne peul être établie entre lt.!l t.eehnlquct cl loo lormti a.-.:hileelttra1e3 de ces deux périodes. 1. A. Oussaud, Lu dleou~rlu dt Ra• Shamra tii"Aneien Tulamuat, 1937,
p. '!1 "'l·
2. A.IA, X LlV, 19-10, p. 11, U sq., la question a elé discutée potr J. Pend· lebury, Tire , l rch. of Cr
li••
135
I NFLUE NCES ET FILIAT I ONS
phase d 'expansion nisme que se rapportent les influences st.ylisLiques et qu'on peut. at t ribuer la prépondérance des éléments occidentaux. De jour en jour, en eiTet., les grandes
'• 1•
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Fig. 23. -
Palais
fouilles orientales précisen t. les progrès de ceLt.e emprise de la eu!Lure mycénienne sur les pays de l' Est à parLir du milieu du xve siècle. Les grandes étapes de cet t e ro ute maritime sont 5- 1
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1
LES 01\I CI NES DE L AGORA GR CCQUe
julonnées par les marchés de Rhodes et de Chypre d'où E ukomi jet.t.e un pont. vers Ugarit et la côte d'Asie. Le cnractère d e cette expansion est. encore d iscuLé 1 ; nous ne pouvons que verser au dossier les résull ots de celle enquête partielle. Soulignons que l'existence d ' une influence stylistique, et non pas seulement. technique 2 , semble témoigner en faveur d'une emprise, sinon politiq ue, d u moins colonisatrice•. Elle fut en tout cas profonde ; un nouveau style est créé par la fusion des apports mycéniens dans la tradition syrienne ; il portera plus loin les perspectives et les recherches de l'architecture à colonnes•. 1. Mi$e au point des problèmes hl310rlques reloUt• à ees rapport.s, sous l' ongle mydolen·hitlil6 pAr F. SehnehOrmeyr, Hethlter und A<Mtr; \Voe.,. Blegen, IWo, XXXII, 19<10, p. 131 -147; P. Demorgno, l.a Crtle dtdaliqut, p. 58-!'.9. 2. On lflluv& de-el <1&-ll des observaUons sur lu 111pport.s de l.«hruqu e entre l'arcbltedure créto-myeéniennc cL les dl,·ei'Se3 branehes do l'arehtteelure orientale: murs de brl~u es our soubassements do plerrei, emploi des orU.osutcs ol cle blocs appareilles, eholnogo do bols dons les muri de briques, bases do colonnes en pierre pour COI.8 en bois, !IGI!Orollons murale&, constituent les princi1"'1~ r ubriquu. Cl. pour Ugarit. SJ1rla, XVIII, 1937, p. 127 ; X IX , Hl38, p. 'l47 sq., XX, 1939, p. 'l78 sq.; XXI, 19.10, p. U ; C. Sebaeller, Ugorüiea, l, p. 9'l sq. ; pour )lad, Syrln, XX, 1939, p. Il sq. ; pour Tell Atcbana, L. Woolley, Anliq. Journal, XVIII, 1038, p. ZZ·U. 3. Dlscù5slon &au levéo pnr les rouilles do Ras S hamra, bypoU•è•o lo rmul6o par C. Seh• etTer, Ugartli
INFLUENCES llT Fl LIATIONS
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Cette incursion sur la terre d 'Asie révèle un for t couran t créto-mycénien qui se répand en une a ction continue d epuis 1400 av. J .-C. jusq u'au début du [ er miUénaü·e. Vérita ble ,, conservatoire» de cette t radition 1, les centl'es ur bains voisins de la côte syrienne ne furen!rils pas un des points où la renaissance archaïq ue grecque a pu puiser, à l'origine, ses formes et ses inspirations ? N'est-ce point par l'Orien t, par la Sy rie, autant que pa r l'Anatolie, que s'est conservée une grande partie de l'héri tage don t quelques bribes seulement avaien t été t ransmises directement sur le sol natal. Merveilleuse semence pour de nouvelles moissons. C'est par 1'étude particulière des formes el. des motifs qu'il faudrai t rep rendre l'histoire des o1·igines de l'archi tecture grecque. Les varian tes sont nomb1·euses et nous ne pouvons nous y arrêter 2. Poursuivant le but que nous nous sommes p roposll, nous limiterons notre recherche à l'étude de la transmission d' un motif particulier : le por tique. C'est directement d'abord que des échanges on t eu lieu dans les cités de la Syrie du Nord . Les marchands grecs on!. eux-mêmes laissé des marques de lem passage 3 , et les cités de la côte d'Ion ie OIJ des tles étaient en relation directe avec les por l.s de la côl.e syrieune ; Samos, qui a conservé les t races d es plus anciens portiques d ans son Héraion, pourrait bien avoir été une des premières à nouer les relations •. J . Peters, A .lA, IX, 1905, JI- 450-452. Avee le mouvement de llux et de reOu"
qui ea ractérlse les échanges " ''ee le monde égéen et le monde orienta l, ces traditions helléniques reviendront plus t.ard s'opposer au courant classique oecic!ental, H. 5eyrig, Syria, X.'Cl, 1940, p. 292 sq. 1. P. Dcmo.rgne, La Crtle dédaUqru, p. 63. 2. On sc rcrn une idée d o ln souplesse et de ln ''ariét.é de ces formes par la lecture du classement des MiO ces détiens opérhvec tant de prtciSion parR. Vallois, L'ur.:hlleclur e
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!..ES ORIGINES DE L'AGORA GI\ECQUE
Mais d'aut.res centres ont pu jouer le même rôle. Depuis longtemps, on a marqué les rapports qui avaient uni, aux ha ules époques, gphèse et les traditions hittites•. L'exacte na tu re de ces rela t ions rest e mal dêflnie, mais les constructions archaïques d'Éphèse portent; l'estampille de cette in0uence2. La base de colonne, av ec ses motifs sculp tés, trouve llvidem-
Fig. 24. -
Palais de Larisa sur l'Hormos.
ment ses modèles dans les orthostates à reliefs de Boghaz-Kôy et de Sendjirli, mieux encore dans les animaux jumelés qui soutiennent les colonnades de ces mêmes polais 3 • L 'ordre snnlcs de K. Bitte!, 8ogh4!-KOI, Neue Unlorsuchu11gen in der Ht lh ili$chtrt Haup•lad.l, APAlV, 193S, p . 60, n. 1 eL 1l propos des louiUes de la Smyrne archnlque, Ekrcm Ali:u.real, Bayrakl1, ET~Ier Var/. Berichl aller dit Au!grob. im ,1/1-Smyrna, 1950, p. 92-9•1. 1. Sut le problème historique, E. Meyer, GtS
lNFLUENCES 1;'1' FILIATIONS
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~ntier du premier temple d'Éphèse a étè influencé par le
style de colonnes ioniques employées par l'architecture hitlite1 . Le t émoignage de la ville éolienne de Larisa sw: l'Hermes est plus éloquent. encore. Au milieu du v1e siècle~, un dynaste local se fait construire sur 1'acropole un palais dont le plan est directement inspiré de l' Hilani nord-syrien (fig. 24); un portique de façade (quatre colonnes in antis) s'encadre entre deux tours carrées qui l'arrêtent par une forte saillie à chaque extrémité; de ce p ortique, on accède à deux pièces rectangulaires placées côt.e à côte. Dans le dét.ail, en particulier par les deux tours détachées du corps central, le plan diJTèl'e de !'Hilani de Sendjirli, mais le principe d u gro upement reste identique 3 ; il est possible que q uelques constructions int ermédiaires aient modifié le plan primitif ; quelq ue emprun t n'aurait-il pas été fait - simple hypothèse - au palais de Sardes•? En tout cas, la composition de la façade est un produit de l'architecture nord-syrienne. Ce plan n'ét a it pas à Larisa un accident. Même après les t ransformations app ol't.ées dans ceL ensemble au milieu dLt vu siècle, le nouvel édifi ce, où se trouve intégré le palais archaïque, obéit à la même inspiration. Ce que les archéologues allemands ont appelè le Hallenbau 6 comprend un long portiq ue en façade mêridionale qui donne accès à une grande salle de plan barlong et à une série de petites chambres latérales ; l'extrémité orientale était nanquée d'une grosse tour saillante. A propos du prytanée de Délos, R. Vallois a souligné les rapports de son plan intérieur avec un type de maison qui serait m al connu 6• Le dessin si curieux de la façade avec son portique com pris entre deux bastions symétriques n'évoquet-il pas très directement les façad es de l'Hilani évolué et du Hal/enbau de La•·isa? N'au rions-nous pas là le souvenir d'un type dont quelques réalisations seulement seraient conn ues, hérité, lui aussi, par l'Éolide, des tradi tions orientales ? C'est encore à Larisa que, dès le milieu du v te siècle, 1. Gllr$lang, o. <. pl. 68-69. 2. Lttrlsa om ll.rmo•, 1, Jl. 27-30, 84-Sl).
3. E. Oetmann, Bonner JuJrrb., J 27, 1922, p. 189 sq. 4. Lariro om 1/ermot, 1, p. 84, n. 1. l'>. Ibid., p. 35·36, Rg. 6. 6. R. ValloiS, L'(lrchileclure
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Lf:S 01\ICI NES DE L'AGORA CIIECQUE
l'esplanade du temple sur l'acropole est bo•·dée de sloai qui son t, avec celles de l' Héraioo d e Samos et des Na:>ciens à Délos, les premières ma nifestat ions, dans l'arcbatsme, de l'arrangement monumental d'une place. Formes et p rincipes de composition d ont Sendjirli nous oiJre le plus bel exemple au vu1e siècle'· En Anatolie centrale, un autre élément. de transition se précise avec nos connaissances progressives de l'architecture p hrygien ne qui s uccède à la civilisation hittite, souven t sans solul.ion de continuit é. Les fouilles récen tes de B üyük-Kate et de Paza rh fournissent des jalons précieux à not re recherche. A BüJiik-Kale', l' un des édifices phr ygiens (1-0(7-11 d u plan) com prend un ensemble de chambres disposées autour d 'une cour dont le c0L6 S. ét.a il dominé par un portiq ue à deux piliers in anlis qui form ait. loggia. L'habitation rcmaniëe à una da te plus récente mont re que les grandes salles reçuren t. alors des fonda t ions pour supports intérieurs, suivant. le plan que nous r encont r ons à la même époq ue en Ionie. Les fouilles 1. On pourrni t eonnrmcrcœ remarques par l'hi!loire du méaaron à Laris•; cella cit.6 6Lo1L englobée d "obord duni uno zone purement an.Lolienne (par sa céramique t..ari•a am Hcrmo1, 1. p. la aq.) ; la lradlUon arehiteeLurale du mégar on rt\3PI'•rnll sous lo lorme d"un hnl>llal humain el non d 'un temple, dlvcrgenee es~nLicllo cnt.ro l"Orlonl el l'Oœidenl. A l'ipoque pri!bellénlquo eL mycénienne, sur le conUM ol grec co1mne A Tr oie (V . MOIIer, ;1JA, XLVI II, 1944, p. 34'l-348), le m~oron olt réservé A l'habilaUon d es bommes. CetLo tndllion se 1118inliML en Anatolio jusqu'ô !"époque hellenistique où il reste l'élément central de lo m olson do Prlt no. Qua111l la d"'linalion cultuill<>se eoostil.uo-l-cUo7 Il est mal& ise d'en 111islr lœ débuts; cependant dè! l' li A, un sanctuaire dornes· Uque d' Aslnè lniJSO prévoir celle évolution future. A. Vallois a relev6 la r aN>I.é daM lM temples grecs du dlipooJtlt central à 4 colonnes, Ei earaelérlsLique du m~ron de Myelines et d e Tirynthe (o. c., p. 14()..141) ; les plus anciens naol $0Rl dotis d "uno colonnade axiale qui les relle Il une l.radll.i.on minoenne.•• e~ orien la le. I.e type o élé proospue dan• tou~ le m onde gree du \ ' tn' au VI' s., voire ju!qu'311 IV' (au Ptolon béotien. BCJJ, !..X, 1936, p. 1 sq.) ; el. lea U.\4o qui ont tl6 dreS34!es, pour les le.nps pr~beUeniques, N. Yalmln, Bau. S<>c. Leur.. de Lund, 1 ~7-28, p. 3·11; 1... DanU, Annuario, N. S., Ill· lV, 1911-43, p. 7 sq.; pour 1'6poquo archa!que, B. Pace, Mon. A nt., XXVI Il, 192'2, p. 244 sq.; P. Marconi, .Aqr lgtnM a~alea, 1931, p. 14 1 sq.; R. Vallois, L'anhitutur• a Dtlot, 1 9~4, p. 140, n. 2. Celte double innuenee, survivance en Grèce pro pre (Sparte el Prinias) eL détour orlent.nl (Nêandria), s 'est répandue dans toul le monde gree el a proRt.6 du mouvement d'ext.en•ion Ionienne jusqu"en Grande Gr èce el Slelle. 2. Mllt. dcul. Or ient. Citlfll., LJO..'Vill, 1940, p. 36·3 7, plan 2 ; H. B05urt , Alt·Analollen, p. 80·83.
I.NFLU il NÇt.S ET Fl l.IAn ONS
14 1
de Pazarh meLLent enco•·e mieux en évidence l'étroite rclaLiori de l'architecLure d omestique avec les traditions hittites ct le rôle d 'intermédiaire qu'elle a pu jouer. La maison de Pazarh 1 comporte un corps cenLral barlong, flanqué de deux p1èce, à chaque ext rémité ; la [açade est encadrée par delL"< constructions en saillie qui ra ppellent à la fois les lignes d u bil-hilani récent. ct le plan à paraskértia hellénique. Le sens suivan t lequel se sont exercées les infl uences reste imprécis. Alors que la Ph rygie parut d'abord u n des centres où des traditions orientales auraien t pu sc conserv er pour agir sur l'art. grec 2 , une théorie inverse repose sur une nouvelle inlerpréLIJLion des sujets des terres cuiLes de Patarb, confir mée par les premiers résul tvts des fouilles de la Smyrne archaïque•. Il pat'att cependa nt assuré que la Phrygie a d'a bord subi des infl uences annLoliennes, et les plans a rchitecLuraux a pportent. leur lèmoisnage. A partir du vue siècle, les échanges entre les ciLés grecques de la côte ct les villes intérieures sont certai.n ement très intenses. Des plans eL des mot ifs on t a lors pu servir de modèle a ux architectes de ces cités archaïques. D'autres régions d'Asie Mineure pourraient. fourn ir des jalons aussi précis si l'exploration archéologique était suffisanto ; on pourrait ainsi doser le rôle de la Lydie•, de la Lycie, do la Cappadoce. I l est p robable qul:l Sardes a p résenté des modèles à l 'architecture nrchaïque de l' Ionie, qu'elle a ser\'Ï de lien entre celle-ci et. les pays de l'intérieur ou du Sud; mais les q uelques vestiges d'édifices d'époq ue lydienne mis au jour sur le siLe n'ont rien laissé apparattrc des formes originales de celte urchi LecLure•. Du temple archaïque de Cybèle q ui a précédé l'Artémision hellénistique, q uelques fragmeJJLs sont seuls conservés ; nous avons aussi des décors de stèles 1. llomi~ :Z.Obcyr J{'*ay, Lu F~ulllu Ile Pa:arh, 1941, pl. XXX.'V ll l. 2. 1{ I:IIUd, An::.lt. An;., H!31l, col. 143; llamil Ko~ay, ibid., p . 1!~21 ; Ch . l'ttArd, .\fon. P1ol, X:X..'-'Vlll, 1911, p. 83 11q. 3. 1; . Akurgal, Btlltlen, 1013, p. 28-31 oL • O·I l (du tir.~ge tt !)
n.
p. 3·4. Ct. & rd/6, 1, p. 3 sq.
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LES ORIGrN BS DE L'AGORA GaECQUE
lydiennes qui déno tent une ét.roite parenté avec le style ionique connu ailleurs, à Milet ou à Ê phèse 1 . La Lycie garde encore son secret en architect ure; mais il est per mis d'espérer qu'il sera prochainement levé par l'explora tion de Xa nt hos où il sera possible sans doute de saisir quelques t ransi tions ent re des formes anciennes, entre les plans a na toliens ct nordsyriens et les créa tions helléniq ues:. Le legs de l'Orient - Anatolie ou Syrie - ne fut pas transmis à la Grèce exclusivement par l'Asie Mineure et l 'Ionie. De même q ue Chy pre avait été une des marches de l'expansion créto-mycénienne ve rs l'E., elle fut aussi une place d'échanges dans le mouvement de refl ux qui ramenait en Grèce un héri tage modifié et t ransformé. Rôle de conservation sur tout; car, à l'époque géométrique, Chypre semble s'être refermée sur elle-même ; les Grecs ont appris à connaître là des for mes et des types architecturaux de leur passé qu'ils avaient oubliés. Nous ne reviendrons pas sur le sanctuaire à ciel ouvert entouré de sloa.i q ue Chy pre possède en commun avec la Phénicie ; il eut une riche descenda nce en Grèce hellénisLique. D'aut res édi fices ont marqué de leurs t ra its particuliers la tradition grecque postérieure ; on a déjà sou ligné l'importance de telle chapelle géométriq uc d 'Haghios l alm vos pour l'histoire du temple hellénique 0• Le palais de Vo uni {fig. 69), dans son éta t ini tial, montre La même tendance conservatrice ; il est composé avec des éléments orientaux que les Grecs ont pu connaît re dans le couran t d u ve siècle, date à laquelle Lis l'ont t ransformé pa r l'introd uction du mégaron•. Ainsi , j usqu'au ve siècle les archi tectes classiques se t rouva ient encore, dans les marches de l'empire, en présence de formes, de plans, de motifs, qui dérivaient t.rès directement d'architectu res où t raditions orienLales et procédés mycéniens avaient fusionné 5. 1. Sardi$1 11, p. 53 sq., 75 sq. 2. Sur Je mélonge des él6mcnt.s grecs et orien ta ux dans le déeor des reliefs, cl. E. Ak urgul, C.riuhi~he Reliefs dtl V 1. Jahrhund
IN f"L Uil NCSS ET F I LIATIONS
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Tous les indices relat.Hs à l'histoire des formes et des types architecturaux de la Grèce archaïque nous ramènent au même point, à une sorte de lcoinè architectu.rale ~ ui se. serait constituée en Syrie du N. au débu t du premier mtllénaJ re par la rencontre de traditions variées, par le confluent de courants venus à la fois de l'Est et de l'Ouest. L'étude du portique dans ce nouveau style permet de déceler une contrLbution crétomycénienne rort importante, même là où sa na ture primitive a été modifiée au contact des traditions indigènes. Rénovée et pleine d'u ne nouvelle sève, la force créatrice des primitives civilisatiotlS de la Grèce lui fut ramenée par un mouvement de reflux na turel, au moment où les parcelles sauvées de la grande floraison du ne millénaire couraient le risque d'un complet désséchement. Les cités de la Grèce archaïque qui sortaient de leur léthargie et qui prenaient conscience des réalités poliLiques, de leur idéal régénéré, vont puiser dans cet affi ux les de la Syrie du N., de l' Anatolie el de Chypre. On s'accord e maintenant pour reeonnaltre A l'origine du motif dêcoraW du chapiteau à volutes une forte inOuence égypUenno qui nurnlt agi en PMnicie à la fin du li• mlll6noire ( Prt)'luski, R A, 1936, !, p. 3-16; R . VaUois, R B G, 1937, p. 77 ; L·archilecturc à Dtll>$, p. 286-286 ct n. 3; Waltzinger, Handb. '1roh., p. 81 6 ; P. Oemorgne, La Cr tlc dtda/iquc, p. 152- 153). Lo. fonction orchltAlclonlque oppornlt dès le .,. s. à Megiddo, sur des chapiteaux de pllostres, et à So.marle ( Wolulnger, o. c., p. 8Hi·816, pl. 196, l-2; llrcli . An:. 1933, col. 95, llg. 6 et 7), antérieurs por conséquent oux chopi!Alou...: do Chypre de même style (P. Oemorgne, o. c., p. lM serait. d'avis contrnlre). Cette fonction o.rchltAlctonlque pornlt bien s'être élaborée dans le domaine syro·p henlclen à lo nn del'llge du Bronze, t out specialement, en se mat.érlallsa nt dans la pierre, sous forme de l'arb re de vie ou de aupporb de lnblelteo; des reliefs de Tell Halai du x• s. ( F. von Oppenhelm, Der T•/1-Hala/, pl. XIX b), des plaquette~; d·lvolre d·Arslan·Tash du IX' s. (T hureauOangin, Artlan-Tash, pl. XXVII, ut X LV, 97), el, à Samarie, un véril.nble chapiteau d•ivoire (Crowloot, Early /uorifB/r om Samar/a, p. 42-43 et pl. XX I I) jalonnent la for matio n de ce type de iupporL. Ello est donc bien a ntèrleuro aux décors assyriens de Bubylonû ut rend peu vraisemblable I'Jn.Ouence assyrienne $Ur les types de 1-.u-eha!sme grec, comme lo penso J;:. Kunze, Kr
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LES Of\ICINES DE L'ACORA CRI!CQUE
sLructures et les techniq ues qui sont le mieux a da ptées à leurs besoins. A la polis nouvelle il fallai t un corps nouveau. Les portiques et les stoai vont. jaillir du sol pour poser les grandes lignes d'une forme originale d'architecture urbaine : l 'agora.
DEUXIEME PARTIE
L'AGORA ARCHAÏQUE
Oès ses origines, l'histoire architectu rale de l'agora nous est apparue liée l rès étroiLemen t à la forme politique de la communauté primitive. Ce tra it lui donne a ussitôt son caractère part iculier qui la distingue de toutes les places d'assemblée d ont nous avons évoqué la physionomie dans les civilisations voisi nes. La polis grecq ue a créé son type architectural, au fur et à mesure de ses besoins, à l'aide d'éléments hérités d 'archi tectures an térieures. La nature des maLériaux n'enlève rien à l'originalité de la créat ion. Elle nous impose seul ement la méthode de recherche. Les eiTort.s tent és jusqu'alors pour esquisser l 'histoire de l'agora ont abou Li à quelques confus ions, car ils ne considéraient que sa for me définitive ; or, celle-ci est le résul~t d'une longue évolution au cou rs de laq uelle s'est réH iisé l'amalgame d'éléments hétérogènes. Expression archi tecturale de la cité don t elle refl ète à chaq ue instant le ca ractèr e moral eL poli tique, J'agora est u ne création mouvante, instable, en continuelle évolu tion . AuLant le temp le et le p lan d 'un édifice cultuel sont dépendants des cro yances et des r ites, autant la structure architecturale de l'agora est foncLion des caractères poli tiques, religie ux, économiques de la cité. C'esL a insi que notre recherche doit aller de l'une à l'autre pour éclairer l'étud e archi tectura le par l'histoire politique. Structure et fonction ne peuvent. être d issociées. Il nous faut donc définir avec netteté, pat· le témoignage des textes, les [onctions qu i enrichirent. successivement cette n ot.ion.
CHAPIT RE PREMIER LA FONCTION POLITIQUE ET lUDICIAIBE
Du vme au v1 e siècle av. J.-C., le monde grec est en gesta tion. Les poèmes homériq ues reflètent un état politique hiérarchisé où l'idéal et la réalité se confondent en des teintes si bien fondues qu'il nous est difficile d'en cerner les contours. Mais cette société aristocratique laisse deviner, tout au moins dans les passages les plus récents des poèmes, en particulier dans l'Odyssée, les premiers remous q ui vont agiter le drmos, cet te masse anonyme et sans droits, qui, en deux siècles, parvient à conquérir la suprématie politique. L'atmosphère claire et sereine de l'épopée fait place, avec les poètes suivants, Hésiode et les Lyriques, à une tension parfois sanglante où les cris de colère, de dépit et de révolte se succèdent en accents énergiques. Dans ce brassage des idées où certaines disparaissen t à jamais, tandis que d'autres se cristallisent en principes fond amentaux, il est difficile de formuler une dérmiLion précise de l'agora, car elle est elle-même une notion en devenir. C'est cependan t la tâche qui s'impose à nous. t) L'agora
a
hésiodique •
L'expression que nous adoptons ici n'impliq ue nullemen t une déllnition de l 'agora propre à Hésiode; c'est, en rait, un ler me qui nous parait d ésigner avec assez de précision un aspect et un état de la société grecq ue correspondan t aux poèmes d'Hésiode, soit donc à une période comprise approximativement entre 750 et 650 av. J .-C., celle qui marq ue à Athènes l'établissement de magistra ts réguliers et qui prépare le code de Dracon (621 av. J .-C.). Que les réalités de ces poèmes soient le reflet d' une société plus évoluée q ue celle
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L'AGORA AI\CIIAiQUE
de l'llialk cL de l'Odyssée, il est dilliciJe de ne pas l'admettre pour des raisons littéraires el philologiques• et, plus encore, pour des considérations d'ordre économique•, politique et social•. Si ce progrès ne peut. être mis en doutê, la portée du témoignage d'Hésiode est. cependant limitée par les conditions da ns lesquelles l'œuvre !ut élaborée•. Les Trava/13! elles J ours port.ent la morquc d'une expérience personnelle douloureuse qui ahoulit., pour l'auteur, à la pert.e d'une partie de son héritage ; son propre frère la lui enleva, lui qui sut faire dévier en sa faveu r les sentences des juges. C'est. pour parer à une nouvelle attaque qu'Hésiode écrit celte sorte de prédication morale où Travail et Justice sont. posés comme les de ux !orees qui doivent. inspirer la conduite des individus et les décisions des chers de ln cité•; ces principes ont. leurs [ondemeats dans les prescriptions des dieux et Zeus, avec vigilance, veille à leur application•. D'autre part , lo. société qu'Hésiode fait vivre dans son poème est la paysannerie de Béotie du vm 0 siècle, société où tous les pouvoirs sont. ou.x moins d'une aristocratie terrienne, de grands propriétnircs contre lesquels commence à s'agiter la masse des petits pu ysm1s écrasés de charges ct impuissants à l. M. Croiset., 11111. 1111. grecqur, 1, p. 524 Ml· el surtout la disserlaUon d e A. Ruch, Dtr Dlateltl du H
XIX , l!l".A, p. 167-168. 3. J . Banner el G. SmiLb., Tht AdminiwolrOil of Ju1liot from Homer /o ttr i&IDII<, 1, p. 41 ; G. Glolz, La Solldarilt dt lo Jamlilt p. I l sq .. 14., n. 4. Cc~ndanl, 10 encore, les dlll,rence! chronologiques des c1iven;ea parlies du ~mes homeriques Interviennent pour nuancer des eonetusions Lrop oyi lémaUques ; nous \'trront que Jo dénouemer>l p3eiUque de l'Odyssée, •oui l'action directe do Zeus el d'AU•éna , correspond à des ldtes plus proche6 de cellu d 'B... chyle que do cellea d'Htllode. 4. Nous n'enlreronl pu Ici daM 1~ dl3Cuss.Ions relaU,·ea à l'allribulion de la Thh>g<~nleou poète béolten. Conlro, \1, Crol!el, llltt. IIU. grtcqu<, 1, p oi.?Z aq . ; P. Wall~, REG, XXVII, 1914, p. 232 P \lozon, atltibue preaque saBS ~l3llon 13 Thiogonlt À llè~lode, êtl. Budé, p. 3, de mtmo que F. Solmsen, Htsiod and A l!!l
FONCTION POUTIQUE ET J UOJCIATRE
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lu t ter con tre les in justices de l'oligarchie régnan te . Des tendances et des idées nouvelles s'insin uent. lentement. dans cet te société déséquilibrée, mais Hésiode ose à peine leur accord er quelq ue crédit . C'est dans une atmosphère étoufTan te et à la suite d'u ne expérience vécue qu' Hésiode compose so n poème des Travatl:t, condi tio ns q ui doru1 en t certes un accen t morda nt. et. véridique à son témoignage, mais q ui p euven t aussi en limiter la va leur hist.orique. P lus exact.ement encore que dans la période précéden te, l'agora d ' Hésiode peut. être défi ni e • as the medium of communi ty self-help 1>1 . Le mot n 'a pas va rié de sens; il désigne soit l'assemblée, soit le lieu de l'assembl ée 2 ; mais sa puissance évocatrice, les forces qu'il représente se sont chargées d'une au tre val eur. Un d ouble aspect se révèle dans l'en richissement de cette notion : l'agora devient une force de justice, p lus enco re que politique, en même temps que son con tenu religieux se p récise et s'accroît. Depuis l'É tat homérique, des transformations politiques sc son t produi tes; l'étape Msiodiqu e de ce tt.e évolution esL ca racLé risée par la prédom inance des problèmes de justice et d'orga nisation judiciaire. Dans la Théogonie (S<J) et les Travaux (29), l'ago ra est présentée essentiellemen t com me le lieu où se règlent. les procès, où siègent « les rois • dans l'exercice de leur fonction judiciaire. Il n'est. plus (ruestion ici d'un ~&.CLÀEu~, «plus roi • qu e les autres Gérontes ; le mot s'a ppliqu e toujou rs à un e plu ra lité. De la royaut é personnelle, nous sommes passés au régime aristocratiq ue q ui donne la direction des a !Ta ires aux chefs des grandes familles ou des tribus 3 . Leurs fonctions militaires, primordiales dans la cheval erie homérique, sont ma in tenant oubliées et leurs se uls titres de g loire, d'après Hésiode, repose nt sur leur sagesse et leur esprit de justice : tt car c'est à cela qu'on reconnatt les rois sages, à ce qu'au x homm es un jour lésés, Ju31iee, 1, p. 26. 2. Des 3 passagei O(J le mol uosl employé, 1'h6ogonic, 89 cl ~30, Trau. cl Jours, 29, le premier el le troisième d6slgnenl la place, le Z• est douteux : tt t'&.,.opf. >.aoiatv f.ICTŒnpé-nn av x' è6éÀ1)GtY. L'ex:prcsslon ~ '\"'liyopn peut aussi bien s'oppliquer à l'assemblée qu'â la place même. Nous retrouvons la même imprécision que dans certains paSSllgll$ des poèmes homériques, l nnL les deux sens sont maintenan t bien associés. 3. G. Glot", La SolidariU de la famiJJe, p. Il 6q.; G. ·rhomson, 1\tJehglus and Alhcns, 2• t\d., 1946, p. 59 sq. l. R. J . Banner el C. Smith, The Administration of
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L' AGOHA. ARCIIAÏQUI!
ils savent donner sur la place une revanche sans combat en entraînan t. les cœurs par des mots apaisants "1 ; au milieu de l'assemblée, Je roi ne brille que par sa c courtoise do uceur •. Quelles élaicnlles fonctions de ces Basiltis? L'emploi constant. du pluriel dans Hésiode a suggéré l'hypothèse qu'ils consl.iLuaient un collège •, hypothèse élablie sur une explication cont.estable de l'emploi homérique du lerme• et doublée d'une interprétation douteuse du rôle de Persès dans les T ravaux•; elle n'u pas oLe retcn ue 5• Elle pourrait Mrc confirmée ccpendanl. par des arguments extérieurs nu poème que Birt. n'a même pas signalés. Cette évol ution reOèterait assez exacLement l'état contemporain des insl.iLutioos atMDiennes où le roi est remplacé par un collège composé d'abord de trois archontes•. Cette réforme remonte au début. du vn u siècle puisque la liste des archontes éponymes commence avec Léocratës en 686/685 av. J.-C.'. En Élide, les basileis semblent bien intervenir, avec loutes les prérogalives d'un collège, dans les procès criminels, d'après une inscription d'Olympie du vuo siècle av. J .-c.a. Cc l.exLe est un des jalons les plus importants de l'é~olu Lion, dont nous reconnaissons les premières traces do ns les poèmes hésiodiques, vers 1. Thlogonlt, 89-92., tra
•
J'ONC1'10N r OLIT IQLiU .Gr JUO ICJA IR&
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l'installation d'une ju ridiction soeiale qui ionpose ses décisions oux deux parties. Le collèfl'C que nous croyons entrevoir daus les ciLts btotiennes d u vu• siècle ne sernit donc pas une exception. Et le text e d'H~iode, confirmé par l'inscripLion d' Olympie, met en valeur les lonct.ioos judiciaires - en mème Lemps que religieuses - de ces chefs. Us d~tieunent la connaÙ'sance des jurisprudences el du droit archalques. n. Liennenl Jeun a .. iies sur l'agora qui devient le symbole de colt: leurs jugements ne sont pos • droits • ; il• ne sont pas inspirts par la lradilinn, mai! r-mprunft nt. dt' voie' détourné~~,.. Le mkonLenl.emeoL lermcnt.e dans le peuple
eussions politiques et sociales prolong~es. CetLe lermental.ion d'idées ct d'ospiraLions nouvelles, la lulLe pour u ne juslie» renovée se concentrent ouLour des tcib1maux de l'ogora, sur la place qui devient le vëriwblo creuset o!l se tond un idêal polilique nouveau, bas6 sur la juslicc. N'esL-oo pas su r ceLLe J. P. Guiraud. LA /)H/)'JUA /Md'-"t, l893, p. !)()..tU i C. CloU. W TIUGll 4am /G Grl• onl.ifU•· 1~, p. ii aq.
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1.' ,\CORi\ A'RCIIAÏQUR
n ouvelle agora que Solon éln blit. les bases judiciaires de la démocratie athénienne? L'hist.oire de l'agora d'At.hènes précisera les !.raits encore incertains de l 'évocation que permet. l'œuvre du poèt.e paysan de Béotie. Le développemen t de ces idées est. lent; et bien souvent, la seule ressour ce de l'opprimé sera do foire appel de la justice des hommes à la justice des dieux. L'époque d ' H ésiode voit. les dieux s'inslnller sur la place p ublique, au cœur de la cité. Conquête d ifficil e qui ne sera pleinement. achevée que d ans le monde polit.iqu e d 'Eschy le. L a notion d'agora s 'enrichiL d 'idées nouvelles en même temps que la polis étend ses limites ; au.'< notions de droit. et. de j ustice s'ajoute un complexe d'influences et de croyances religieuses, liées elles aussi in timement à la forma t ion de la cité. L 'œuvre d ' Hésiode nous paratt refléter un moment important. de ceLI.e installa tion des d ieux sur l'agora ' . Par une double a clion. en appa rence conlradict.oirc, le poèt.e dégage d 'abord l'id êe d'une d ivinité so uveraine, d ' une [oree unique par q ui t out arrive, d'un Zeus qui d isLribue au x hommes comme au reste du monde leur par L respective ; il enrichit, en outre, le panthéon homérique de t.out un monde ignoré de d ivinités secondaires, parfois t.rès anciennes, émergea nt des croya nces populaires q ue la société aristocra tiq1.1C de l' !li ade el de l'Odyssée voulait ignorer. Pa r sn concepLion d 'une puissance d ivine supérieure à t.ous les a ut res dieux ct souveraine du monde, Hésiode est le premier des gr ands poètes religieux, l'ancètre d'un e lignée qui, par Phérécyde de Syros, P indare, Eschyle, a bout.il à Sopllocle 2 • Plus intéressan te, pat· les répercussions q u'elle au ra sur la conscience collective du citoyen grec, est la réaction, consciente ou non, du poète d'Askra contre la «religion des seigneurs •. n donne d roi t de cité à t ou tes les croyances populaires q ui président. aux actes les plus hu mb les de la vie, m~me si eUes relèvent plus de la magie q ue de la religion ; il Ure de l'obscurité une légion de 1. O. Kern, Religion der Griechtn, 11 p. 244 sq. qui eèdo encore au x Lendancœ ct~ l'hypererlllque phllol(l81que eL n'8ccorde pas à Hésiode le rôla •i lmportanL qu'li o joué dans l'évolution des eroyaneea N!llgloull4lt; M. P. Nil••on, Ge~ch. du qtûch. Rtllglon, 1, p. &87 8(J. 2. o. Kern, o. c., 1, p. 2i 1-272; WllamowiU·Moollendorr, Dtr GIJJu~dtr H tl· lcntn, 1, p. 346·3H. Conçeplioo aussi netlo dans le1 Travaux I'Z'l5 sq.; 320 sq.) que dAns lo Thtogonif.
FONCTION POU TIQUE ET J UOIC!AJDE
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divin ités q ui vo nt. rétablir une chaine cont inue ent re le ciel et la terre, entre les Olym piens et les h om mes 1 . E lles sont là pour soutenir l'homme sur le rude sentier q ui le conduit à la justice et à la paix. L' idée de progrès, la con fiance el l'espoir dans u n avenir meilleur co nstituent. comme l'ossat ure d u poème des Travaux ; ces idées s'expriment dans le mythe des ci nq âges et dans celui de P rométhée qui place, à la base de t.oute action, la force de l'individu, la puissance et les ressources de son inven tion , les ressorts de son intelligence, gage su prême de son bonheur•. Mais ces qualités individueiJes n e trouveront leur pleine réalisat.ion que dans le cadre de la communauté et de la cité - idée grecque par excellence, elle a ussi - dans l'Eunomie et dans l'H armonie. Ce sont là fil les de la J u.slicc, de Thémis eL de Dilrè, au Lres entités sociales. Sans les dieux, l'œuvre ne peuL s'achever, d'où l'appel pat hétiq ue du poèLe à Zeus 3, cri d'espérance envers et malgré t.out es les difficultés. Lo destin de la cité entière est mis en ca use par les l. TMoou:t, 249-250; F. Pllsler, Philolo!J!I&, LXXXI V, 19'lS, p . 1·9; 13. 1>. Sikes, Folklore in lht Work4 ttrtd Daus, Cla•s- neu., VU , 1893, pl 389 sq. J>ar lA, l lësiodf\ est ft]:t:p."lrentA 8U)( divers mouv e mt~nt..' • mystiques • de ln pensée greeque, en particulier 1\ J'orphisme, P. Schuhl, Euni 311r la fotmalion dl! ln penste grtcqut, 1934, p. 179 sq.; M. P. Nilsson, o. c., p. 590-591 ; ce mSmb esprit religiem<, cel~e croyance il l'action proronde des divinilt\s en tout domRine ront d' HéSiode le pr6eurseur d' uno tendance qui mettra plusieurs siècles à se coneréUSer dans des œuvres artis tiq ues, de la tendance 11 personniller les grandes id~es morales ou politiques, à raçonncr des allégories. La Nuit enJante Sarcasme et D6tresso ( Thtog., 214) et Lutte met au monde une sinistre descendance: Peine, Oubli, l"alm, Querelles, Dispute, Anarchie et Désastre (ibid., 226-229), à laquelle on préférera le cortège ae TMmis qu'accom pagnent DiScipline, Justice el Pail< (ibid., 901-902). C'est pourquoi on peul s'étonner de l'abscncn d'Hésiode dans l'ét.uds de L. Dsubner sur les Pcr$()nni{icalioru:n dans Je L e:ûeon de Roseher, Ill, col. 2096 sqq. C. Papacos~ea, Riv. Clas1ica, l, 1929, p. 115-123 et 191-201 a montré justement, selon nous. que lo. Théogoflic est, en ee sens, le complément ru.lurel des Trou. et Jours. C'est sous ceL aspect que l'on perçoit le mieux l'unité protonda de la pcns
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L'AG ORA ARCHAIQUE
mauvaises actions des chefs (Trau. 213-226), et le bonheur individuel dépend de la prospérité commune. La conscience de la collectivité, déjà sensible chez Homère, atteint ici la force persuasive qui lui per mettra de se réaliser matériellement dans Les institutions de la polis. Zeus, dans sa tâche souveraine, est secondé par une multitude de divinités accessoires ; Diké vient soutenir Thémis 1 • Elle est là, s ur l'agora, présidant aux tribunaux ; mais est-elle outragée ? «Aussitôt elle va s'asseoir au.x pieds du Cronide, son père, et lui dénonce le cœur des hommes injustes • ; il faut que le peuple paie pour La folie de ses rois; nous saisissons en plein t ravail l'œuvre de transformation des cultes primitifs, sous l'inJluenc·e des idées sociales 2• Cristall isée autour de la paci fication in térieure de la cité, associée à l'installation des t ribunaux, l'action des dieux se localise sut· l'agora qui matérialise avec de plus en plus de force la conscience collective de la communauté. C'est en justicières, en pacificatrices que ces divinités occupent l'agora et deviennent agoraioi. Les échos de cet te lutte et de cette période hérolque de la polis en gestation ré.~onent aussi dans les poèmes lyriques de T yrtée, de Solon, d'Archiloque, de Théognis, etc., q ui, dans leurs vers, chantent. leur idéal, modulent leurs aspirations et pleurent leurs déceptions et leurs rancœurs. Pour tous, le mot d '~yop~ n'a q u'une profonde résonance poliUque. Il désigne traditionnellement encore l'assemblée 3 ; mais, plus souvent, il ëvoque la vie et l'agitation de la place publique où triomphe la parole• ; de là, dérive son sens plus précis de 1. Trav.
tt JOUJ'&, 248-254 : • Toul près de vous, me lés aux llomme3, des
I mmortels sont là, observant ceux qui, par des sentences torses, oppriment l'homme par l'homme el n'ont souci de la crainte des Dieux. Trente millions d'ImmortelS, sur la efèbe nourricière, sont., de par Zeus, les stu:velllant.s des mortels ; Us surveillent leurs sentences, leurs œu,"re• méchante• •· 2. Cil. Picar
l'ONCTION PO L ITIQUE ET JUDICIAIRE
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harangue, discours politique~_ Cette évocation reste confuse comme l'était la situation politique. Archiloq ue, le plus ancien peut-être•, n'a pas un idéal bien différen t de celui des aèdes ; il vit au milieu d'une aristocratie vouée au métier des armes, au service du dieu Enyalios que tempère parfois le cu ILe des Muses ; privé de sa fortune, aigri, il n'a que les sentiments et les colères d'un aristocrate déchu ; il invoque lui aussi la j uslice de Zeus contre ses ennemis, mais il reste loin des conceptions précises d'Hésiode; il n'aperçoit qu'u ne force aveugle, une justice immanente qui règle le ra pport du monde et des hommes; ce n'est qu'une Moira antique qui nous maintient attachés aux instiLuLions primitives du clan 3 • Par contre, Théognis associe, comme Hésiode,
1910, p. 216), è t.orl, me semble-t-il, car ciyop&ç icyOpru'"' désigne la e6an.c e do l'assemblée que tionnent lu Troyens.
il s'est conservé dans les dérivés [email protected] (JI., 1, 73, etc ... ) Cl ciyop<Ô<.> (VI II, 542; P s.-Phocylide, nergk, Ibid., ~l aiS
Il, p. 81, vers 5 et 10). 2-- Sur la date d'Arelliloquc, P. JaCOb)', Tl!< dale of Archi/ochos, C/o.ts. Quar-
ter/v, 1941, p. 102 sq. 3. Fro~ment 16 : IU"'o: TuY.'I ><:xl Moï~""• Ileplxl.teç, civ8pl. Bl&>a<. Cl. sur lo 1-1-otp_.., G. Thomson, Auol•vlas, p. 38 sq. Sur lu idées morales et politiques d'Archiloque, llauvette. Archiloque, 190&, p. 180 sq . 4. ThGognls, Èltglea, 1, 268. 5. J. Carrière, Thtognl• de Mtgare, 1948, p. 208-213, 216-224. 6. Dn ns la J>lèco contenue dans le d.lsoours d.e Ot\mosthène Sur l'il.mbo•sadt, ~!)~.
7. M. Croi•el, La Morais el la C/14 dan8 les poules p. 586 i
~
Solon, CRAl, 1903.
J;)S
çaiL sa pleine aclivilil'. Là , se concentraient progressivement toutes les forces et toutes les conquêtes de la jeune démocratie a thénie nne en for mat ion . Sous quelle forme se manifeste cet en richisscp1ent? Quels sont. les d ieux q ui, avec l'épilhèl.e d'à:yop:t!ot, s'installent sur l'agora et devien nent les protecteurs de l'ordre intérieur de la cilé pa ci fiée eL policée ? Ce sont les poètes de la génération suivant.e, Pindare et Eschyle, qu i pe uvent. nous l'apprendre.
2) L'aaora d.ans le tbélUre d' E8Cbyle Après les poèmes épiques d' Homère et les œuvres did actiques d'Hésiode, «pou r école de mora le les citoyens d 'Athènes eurent le lhéâlre•'· C'est en etTct avec Eschyle qtJ e les idées d e mo1·a le civi le ct poli tirtu c sc cla rifient. eL s'organ isent pour constit uer u n r nscmble précis et collèrent.. Elles se mat.érialison l. peu il peu da ns les institutions ; mais les longues et. sanglantes lut tes intérieures qui paralysèrent. la p lupar t des villes grecqu es aux v u e ct vto siècles av. J .-C. témoignent des difficult és et de la ler\leur de Mt te évol ution'. L'idée de pr'Ogl'ès individue l, encore confuse cl a ns les Travaux et les J ours, prend d am~ le drome e~c hyloen une va leur dra ma Lique et efficace qui ra iL do Pro méthée le symbole de la desLinéc humaine ; les progrès réalisés sur les sociélks A demi ba rba res des époq ues primitives, les hommes le.s doivent à un e lenLa acLion, à d e douloureuses el. violen te.'! ex périences q ui peuvent. reta rder, mais ne sauraient em pêcher l'avè nement de la paix el. de la prospêr it.é. Car c'est. e n eux - la trilogie d es Prom élllée v isait à le prouver - que les hommes découv riront les éléments nécessaires il l'élabhssement de ce régim e de modéral.i on et de conciliation; ils \'eufan l.eront. eux-mêmes dans la douleur. Celle force • efficiente •, seule capable de donner le bonheur aux hommes el. a ux cilés, se redui t à un mot : Justice. Toute l'œuvre d 'E chyle est consacrée à Dikè; elle est par tout , elle csL • l'essence d u drame•, car elle« s'est incorporée à la dé finiLion même de l'homme • •. Avec Eschyle, l'idée de j ustice 1. Plultlrque, Solon, 8. 2. O. G lnu, l. n Sol/dar/tt do la famill<, p. 407. 3. O. fOiot.z, Etudtl eoclallf Il juridlqu,., p . 34 "'!· 4. P. Ma•on, éd. Bud6, 1, p. V I.
l'ONCTION POLITIQ UE E T J UD!CJ AmE
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s'insinue partout, elle dirige tous les événements et conduit tous les personnages, divins ou humains 1• Mais cette installation définitive de Diftè parmi les hommes n'est possible que dans le cadre d e la cité et grâce à la protection des dieux : t.el sera le rôle des O.:o! ayop«!oL que nous voyons apparaît re dans le drame eschyléen. D'Hésiode à Eschyle, les progrès de la puissance collective des citoyens sont immenses. Les luttes contre les basileis oppresseurs se sont terminées par la victoire du Démos qui maintenant sait faire entendre sa voix et faire payer son mécontentemen t. u La voix du peuple, pleine de ressentimen t, esL lourde ; on doit. payer les imprécat ions lancées par le peuple" 2 ; même dans sa toute puissance de roi vainqueur, Agamemnon redoute les manifestations de son peuple$. Tous les rois doivent rendre compte de leurs actes devant les assemblées populaires et. les représentan t.<; de la cité. Agamemnon à Argos (Agam., 84~845) , É Léocle à Thèbes (Sept, 14 sq.), Pélasgos à Argos (Suppliantes, 398 sqq.) ne prennent aucune initiative qui n'ait été ra t ifiée par l'ensemblo des citoyens. Seul Je vote de celte assemblée est souverain et sans appel•. Certes, le roi reste le représentant de la communau té : «c'est toi la cité, c'est toi le conseil, chc.f sans cont rôle, tu es le mattre de l'autel, foyer commun du pays» (Suppliantes, 370 sqq.) ; mais Pélasgos n 'accepte que les dem iers termes de l'identification et. ne se sent responsable que de son foyer (ibid., 365-398). L'unité morale et politique devien t une réalité et toute souillure atteignant l'un des membres de la communauLé ou l' un de ses organismes flétrit. la cité tout entière ; c'est le peuple réuni qui doit 1. Les Danatdcs ne se réeln.menL que de la Jusllce. ~léocle et Polynice !"invoquent I.Our à tour dans leur lutle lrtltricido (Sept cvnlre Tilibu, 645 sq.) ; Polynice parLe même une représent.lion de Oik~ sur l"embhlme de son bouclier. Considérée sur le plan di,•ln de la Némosis, elle est la grande leçon des Porus el, dans la trilogie des Promtl/tt;; ella inspire la grandiose réconcilia tion des bomrnc• eL des dieme, s i magnifiquement réalisée par 1'0r<$lit. En co sen•, les e.,mlnidu constnuen~ la conclusion logique de t.ouL le drnme eschyloon par l'apaisement nnal qui ault le d6ba~ entre les d6fell'!eu~ de l'ancien ord ro et ceux du droit nouveau. '2. Agamemnon, 456 :
«.rrc;,. ~-..ç ~.iv xc>Tc:> •
~"pet« 8'
8'llJ.OKpMOU 8'«piç "<(Vtl X'f'l:6Ç • 3. Agamen~>ron, 938 : IJJ1J!">i ye J"év"ro• 31')!L60pouç vl"ro: aOt...,. 4. Suppliante: , 942 : TO«Xae 81J1.L6np~1:0; !x rr6l.tcoo; [.<.!a
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L 'AGORA AOCI!AiQ UE
prendre les mesures nécessaires pour s'en préserver. Il est. certain q ue l'œuvre d'Eschy le est écloirée du reflet d es luttes ardentes qui accompagnèrent l'insl iluLion d u régime démocrntique athénien. Quelles que soient ses sympathies politiques t, il a défini son idéal avec nelteté dans les paroles qu'il met dans la bouche d ' Alhéno, idéal de modéra lion eL de réconcilia Lion : • ni anarchie, ni despotisme, c'est. la règle qu'il rna ville je conseille d'observer avec respect" (Euménides, 696-697) ; et. s'il pense alors aux récentes rMormes d ' l'?.phialt.èst, il voud rai!. voir les deux partis imiter les dieux et se réconcilier pour le b ien de la cité don t le res pect. est. une des idées essent ielles de sa morale. Ses opinions poliliques, d 'ailleurs, ont leur fondemen t. dans ses croyances religieuses. L'importa nce drs réalités divines d ans la pensée d'Eschyle est. considérable~. De même que les dieux constituent le ressort essen tiel de ses d rames, ils sonL les p rincipaux acteu rs de la scène polit.ique; et leur rôle est primordi al au cœur meme de la cit.é, sur l'ago ra. Pour Eschyle comme pour Pindare, l'agora est: le cenl.re de la communauté, le • nombril de la ville •• ; ln cité entière peut même s'iden t ilier nvec elle, son symbole&. Dès lors, les dieux 1. A· l· ll voulu soutonlr les l hêories arislocraUques, comm& 1& eroieM Sldg"''ICI< el Verrai, ou, au contraire, Hau.. u ravoroblu aux revenrlieationa dêmo· c,..llqu03 ' Des eommentat.eur~ ~unt.s odmellnionl plu !dl ce point de vue : R. W. Livingstone, JJJS, XLV, 19'l!>, p. 120 sq.; C. M. Smert.enko, JUS, Lll, 1932, p. 233-235. Euhyle avai t une conscience trop algull des problèmes viluux de 11011 t'poque pour •oulenir des opinions rétrograde.s ; mais, par oJileurs, Il avoilun sens hlsLorlque trop sOr des mœun el du tradiUono de &on P•Y• po ur aoc:ept.er dr.s ré,•otuüon• radjc;!l~s; suivant l'cxpreulon modolrêe de Glol~ (S<>lidGrill, p. 407) : • let grandes t.NI~dles d'Eochyle sont, pour olmi dire, tournees! ln rois vel'li le passé de la raoo greequu el vers son avenir •. 2. PalLes en 462/1, tandis que les Eumtroid•• au,., ienL 6Lé écrilu en 4!'>8 av J .-r~ S. A. lion nard, La P•n•h rtligieu-. d' Blchult, Rwue de lhtor. el do phil., 1933, p. 19\!-281. 4. FMgmt/118 dilhi}NJmblquu, IV, 3-6. &. C'ul alnsl quo noua lulerpr6Lons un pana go disçuLé des Ntmtenne~, Ill, 14 :
Mop;u.86vc; Cvoc lfpônpo• ~'l"""• ;;,., MM,(~ ~ oô>< tkyxice~aw 'Ap<
O'aprè! Walamownz .Pindat'OI, p. 277, l'exprtuion désigneran un quartier de la viUe; llonatdaon, dans son édition, renvoie a.u pMO!a.g e de I'Odyu~t, VII I, 109 sq. ofl les jeux Eonl c~l~brta par les Pbtaeiens sur leur aeora. Il eal pos•iblo
l'ONCTI ON POLIT IQUE ET JUDICIAIRE
161
chargés d'assurer l'o1·dre polilique et social, de veiller à la justice el à la sauvegarde des droits des citoyens, deviennent bt(o-.corco• T1ç &.ro?iç (Sepl , 272) et., plus simplement, «yopiXLOI (Agam ., 90) ou
8t 6.;(;iv .,-(;iv ~1-'0IV, ùr:
J.
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... Les manuscrits portent -t'..:.,O«Vlc.lv, lecluru qui est con•ervêe dons quelques édi tions, en parliculier dans ceUo de Sidgwick, n.mis il éprouve dans soncommen~ire, p. 9, quelque difficulté à expliquer la double antithèse qui, au contraire, dev ienl par!tülement claire avec la conjecture du Enger : -rs Oup
l GZ
L'AGORA ARCHAÏ(lUE
tribunaux, sont magnifiquement représentés pa r le plus grand de tous, par Zeus Agoraios qui triomphe dans les Euménides'. Promoteur unjque de l'action d ans la t.rilogie, p artisan inlassable de la justice:, c'est lui qui donne la réponse à la question angoissa nte qu 'GresLe for mule dans les derniers vera des Choéphores: • Où donc enfin, assouvi, a paisé, où donc !l'Arr~ te ra Je courroux de la fatal itè ~ •· 1..3 réponse est [ormulée par Athéna, au nom de Zeus, dans l'exposé des buts de son nouvea u tribunal qui remet aux hommes les pouvoirs de faire r égner désormais l'ord re et la jusl.ice, q ui confie aux représentants de la cité le soin de châtier les crimes du sang. Zeus Agoraios, da ns ceLLe fonction, n'est. pas seulement « le dieu de la parole •, ce n 'est pas le simple protecteur ou inspiral em des orateurs de l'assem blée, c'est. le Civilisaleur, le gran d ordonnateur de la vic juste ct. Ubre pour Lous, à l'in térieu r d'une cité bien organisée. Cc rôle paci ûca Leur de Zeus el d'Ath6na répond sn ns nucun dou Le a une croyance profonde qui inspire déjà ln conclusion de l'Odyssée. Alors que les deux partis, condui ts l'un par Eu pi thès, l'autre par Ulysse so nt snr le point de s'c ntretuer p our obéir aux funestes prescriptions de la ven dci,La familiale, Athena, sur le conseil de Zeus, i ntervient dans TLhaq ue eL leur impose une r6con ciliation nécessaire à la paix el. 3 la prospérité de la cit é. Dans J' Odyssée, l'inter vention de la divinil.é esL encore surnatu relle, e.x machina, c'est u n ordre d 'en haut. Dans les Eumin ides, la déesse se sert. des hommes eL la dé<'isio n esL le résultat d'u n débat.. S'il est vrai que les idées de ce passage odysséen ne répondent déjà plus aux mœurs de l'épo pée, u n nouveau progrès cependant est. acqu is dans les Eu ménides ; la justice n'est plus un acLe pur de la divi nil.é touLe-puissanle, les dieux peuvent maintenant confier a ux hommes une partie de leur pouvoir et. remeltre i1 nn t ribunal de citoyens le droit de juger les meurtres du sang.
•
J. Eumtnldu, 971 : IJJJ..' à(pi':"l)cn Ztitl; 'A"'(<'>?"io.;. 2. C'CJ~t 7.eu! en eiTcL qul lnclle AJPmemnon et l lénélas à punir Alexandre (A gu.m ., GO.Gl et362-363); lllmplre à o-te la. rorce néccssalro à l'accomplissement d o u vengeance (Chotphoru, 18-19, 'Z4.6 sq.J et c·es~ Dlkè, la nue do Zeus, qui dir1gele hrns d'Oreste loriqu'llfrnppe M mère (ibid., 948-9{)0). Apollon 1ui·m0mo n'e3l que l'inl.erprèt.e de la vo1ont6 de Zeus (Eumtnld••· 19, 816-818, 6~2. ~7. Cf. M. Croise~. FIRG, XXXI I, 1919, p. 100 sq.; Ch. Picurd, Poty· 1Mi1me lidltlli9ue, Il, p. 130-140); ALh6no, au cours de ses délxlts avec les ~rlnyes Invoqua Zeus dans chueune de ses t.irades (BumMidel, 797, S~-6, 8$0).
FONCTION POLI TIQUE ET J lJD ICIAlliE
163
Tout le progrès de la cité est dans le passage de ce pouvoir et dans cette reconnaissance. L'action de Zeus a été con tinue. ll était déjà avec Thémis sur l'agora d'Ithaque et c'est à eux que Télémaque s 'adressai t po ur obLenir réparation des torts commis par les préLend an t.s; il rét ablit la concorde d ans la ville d 'Ulysse en faisant tai1·e les ressentiments des vengeances famil iales ; partout et avec con t inuité, il oppose un ordre de just ice nouveau, celui de la cité, à l'ordre ancien basé sur la justice du clan, à l'ordre &yptoç, dur et sauvage, qui est ccllti des Euménides ' . Avec le témoignAge d ' Bschyle, nous arrivons a u Lerme de cette longue évolulion de plusieurs siècles a u cours de laquelle s'est constituée la polis dont le dernier ressort est la justice, le respect des droits de chaque citoyen. Au centre de cette cilê, comme le symbole mat ériel de son idéal, s'est développée progressivement l'agora. D'abord simple assemblée de caractère militaire, à laq uelle seuls les laoi, les hommes en at·mes, prenaient parL, eUe s 'est enrichie d'importantes fonctions judiciaires au moment où le droit, de la ciLé s'esL const itué . La notion d'agora se développe et s'accrott de t ous les progr ès poliLiques et moraux de la polis. C'est aut our d'elle que se sont groupes les organismes de justice, les t ribunaux d' arbitrage et les t ribunaux populaires qui apporlêrent l'ordre et la paix dans les cités en ébul lit ion. Hésiode et Eschyle nous ont montré la descenw des dieux sur la terre, leur installation sur la place publique, au cœur de la v ille. Dès lors, agora eL polis sont deux no tions étroitement. associées et indissolu bles ; la cité, pour un esp1·it grec, ne saura it do rénavant se concevoir sans une agora. 1. Eumtnidu, 971 : ~eS' ciy;:tc.~~ cti'CO
ques, W . Nes Lie, Hermu, LXXV I [, 1942, p. 64·6o.
CHAP ITRE II LA FONCTION REI.IGŒUSE
An cmnr de la cité, l'agora est un des lieux de culte les plus vénérés. Là, côLe ~ côte, be sont groupés les grandes divini tés olympiennes el les dieux secondaires, le;; héros légendaires ou historiq ues el même les hu mains q u'une heu reuse destinée fait. participer alLX honneurs surnaturels. Les formes le~ plus d iverses sunL données aux consécrations : temples, nutcls, to mbeaux, cénotaphes, téménos cl simples st a tues, horoi, t1lc. L'at1lè devient un lieu saint el- pour y pénélror, comme da ns un sanctuaire, il faut avoir le;; mains pures. Les lois de Dracon en écarl.a ient Le meurtrier, coaune do wu te terre sacrée'. Les Mba uchés, nu ve siècle, ne pouvaient s'y promener 1 ; quicon(jne élnit sous lt! coup d'u ne souillure ou était coupa hic lie quelque mèra1t à l'égard de ses parent,s, était exclu rie <'C lieu Ma cré'. Au 1ve siècle encore, aux jour!! de fêles, des vases sacrés êl aient places à chacune des entrées de l'agora cL ollraient. au ciloyen l'eau de purification nécessaire, comme aux propylées des saoct.uaires•. Ce rite le plus simple ne pouvait. être sumsant pour ceux qui tombaient sou. le coup d'u ne accusation de meurtre ; ils restaient inl.crdil5 1. JG, 1', 107. 1. 'la-';..'9 , p~rtpUon rappelée par Démoslbêoe, XXII I, Contre Arlflocr., 37 el 80. 2. D~mosthèoc, X.X ll, Conlrt Andi'Oioon, ?7. 3. Démosthèno, XXIV, Conln Tunoeralt.t, 60 : "").ù ~ 3f,mu f'oillo.. aL r.poaL8~ç " T.:>v ""'.w.. , ol -.o\.; yo••t2( >
lxovm.
FONCTION IŒI.IGi hUSE
165
jusqu'au jugement,! . Les limites de cette te rre sacrée, du !epllç xôû.oç hom6rique ou de la !1p~ &.yop~ d ' Halicarnasse', éLaient. fixées par des bornes, les horoi, q ui dMendaicn t le d omaine p ublic cout.re les envahis.~em euts de particuliers el le doma ine sacré con tre les souillures des indignes. L'uhondance des cul Les, la d iversité des lieux sniuts enrcrmés à l' intérieur de ces li miLes sacrées sont. telles qu'elles ont. pu fa ire croire que t ou te divi nité pouvait. être honorée sur l'agora'· En réa liU, sous une a pparence t.rès chaol1q ue, il est des règles et. des prin ci pes; cl Lou te présence, d ivine ou hérol'que, s'ex plique par référence ilia lradilion hjst.orique ou légendaire cie la c1té. E x pression maUrieUe de la communa uté politique, l'agora garde inscrits dans ses cultes les souvenirs de ln ll1genùe et. de l' histoire nationa les, elle en don ne un refl et. fidèle. On ne peul d onc étudier les cul tes d'une agora l')uelcooq ue q u'à la lumière drs légendes locales ou de l'évoluliou h istorique de ln cité. TouL essai de généralisation court. le risq ue d'être erroné si l'on no prend celle prl!cnul.ion élémenta ire. Deux exemples nous suffi ront.: T égée, pou r la ri chesse de ses 1'-vocaLions mythologiques da ns un eRdre tou r a tou r local et régional, el i\légalopolis, pour le raractère t rès p articulier q u 'elle doit à son rôle de rapi t nlc ff>dérale du l.·oinon arcadicn•. T égée, la p lus vén l!rnb lc des cil.ès d' Arcadie, ne cessa d'avoir des prl!t.entions n llllll hégémonie qu'e lle t.cnt..a, oprès q uelq ues échcrs, d 'associer à son sanctuaire d' Alé11. Le com plexe cullucl de son a gora• reflèle celle situnlion polil 1que. 1. Pollux, V Il , 96 : eEpyovto &l lepC.v xO
"'""'lun &liS.'!! la ploce. comme en Theualie, i11(ra, p. 282·'.!113 3. 1'. Trft.Sch, Jallrtlh., XXVI. 193'l, p. 8G. 4. Nous aurions pu choisir nuosl l'agoro .J'Athènes, mol• la enpiLnlo da I'Alllquo constJtuo uno excepllon dons lei cili:' ~ques par lo hou le anUquil.é de so fo rmolion en polle, grouJM)e d'ubord aulour de l'acropole e ~ par le CAl'ACLère •o rlillciel• de &on ogoro qui 1\Jl une eréallon d'ordre pur~menl poliuque. Cor~ nU>e otrriroll aussi un bel exomplu d'un centre eultu~l eon•Utué sur l'agora 1\ l'lmogc do ootw clt.é commorço ntu où Ill$ lnnuenees les phoA dh·ers .. e~ les couronla d 'Idées 1.. J>lu• var iê5 ow rvnconlrenl~l3C fondenL enlre lt3 deux por LS de Ccncbreal e~ du t.éd>:Jion. )lufj l'agora hcll6nlque, pr<>foMtmcn~ modiR6e par les lnstallallona ro maint'., no •• rëvèle que peu :\ peu """~ la pio<:he des fouilleurs oméricu ln•. Nouti: uuronj l'oc:easion de reve nir I~~lllrura sur le.s eultcs
do l'ogor.. de Cor lnUoe, in/ra, l'· 2 14 sqq. l>. Puus., V III , 48, 1-6.
166
L'ACOI\A ARCHAÏQUE
Au cen tre, le monumen t de Tégéatès, fils de Lycaon, évoque la période la plus ancienne de la fondation, le premier groupement de populations dispersées en huit dèmes qu'Apheidas devait ensui te associer auLour du temple d'Aléa 1• Cet te seconde période n'est pas rappelée sur l'agora de ln ville, car le cenLre de la fédér.ttion fut alors le sanctuaire. " Une inscription donne à penser qu'au vc siècle déjà existait comme une amphict.yonie des villes arcadiennes, dont le centre était le sanctuaire retrouvé : le culte de la déesse s'était alors développé du 1·ang urbain au rang fédéral )>, d' où le caractère a plus arcadien » que légéate des décorations de l'au teJ2. La na ture de l'Aphrodite, d on t Pa usanias mentionne le sanctuaii·e sur les bords de l'agora, n'est pas éclairée par son épithéte 3• Il est trés peu probable qu'elle soit due, comme le pense le périégète, à la forme de l'agora. Nous ct·oyons plutôt que, à la façon du J(érameikos d'Athènes, le Plinlhios serai t un quarlier de la cité qu i tiendrait son nom d'u ne industrie localisée aux environs et l' Aphrodite bi r.l..tvOL~ s'opposerait, par une épit hète topologiq ue, à l'Aph rodi te Paphia, l'éLrangère, qui éLait · allée s'installer plus loin. A côté de l'œkiste, les législal.eurs de la cité avaient reçu une place d'honneur : Ant iphanès, Krisos, Tyronidas et Pyrrhias. Un autel de Zeus Téleios, protecteur du mariage et d e la. ramille, se dressait ensuite, comme sur de nomhreuses a ut res places pu bliques (infra , p. 183-184). Plus intéressante est la présence d 'Arès, surnommé Gynaelwlhoinas\ dans lequel Ch. Picard recon natt l'hypostase de Dionysos&. Soit par ses élémen ts dionysiaques, soit par ses \.raits originaux, ce culte ét.ait étroitement associé à celui d'Athéna Aléa 8 • Eileithyia, d 'aut re part, confondue ici avec Augè, représentée iv "(Owt.<:IL, dans l'a ttitude si caractéristique des vieilles divinités préhelléniq ues, ainsi que les Nymphes, dont le cul te esL at testé par u ne dédicace', constituaient u n rappel discret des thèmes 1. Pa us., VIII, 48, 4. Sur MS cultes de Tégée et leu l'tl rappor t.s avec les myU>M a.rcadiens, Ch. P icard, REG, XLVI, 1933, p. 381 sq. (1); XLVII, 1934, p. 31!5 sq. (Il ) ; XLV I Il, 1935, p. 475 sq. ( Ill). Z. Ch. Picard, l, p. 388. 3. Pau s., VUI, 4.8 , 1 : 'A9Foa('"lC èa..!~ tv ocoTjj ~IXOç xoc).oUfdv'l; tv ><Àt-.Al{(j). 4. Paus., VIII, 48, 3. &. Ch. P icard, 11, p. ·103. 6. hn.merw3hr, K ullt und Mythen Arhadlenl, p. 1M-166. 7. O. Mende.! , fJCH, XXV, 1901, p. 276, n• 14 - I G, V 1, 65.
FON CTION RELIG IE USE
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arcadiens développés sur l'au tel fédéral. Ces t rois derniers cultes rétablissent le lien entre la eité et les courants religieux communs à toute l'Arcadie ; ils laissent soupçonner les prétentions de la ville de Tégée à la direction d'une confédération arcadienne, même si elle se faisait autour du sanctuaire. Le groupement culluel de l'agora de Tégée n'csL donc pas le produit du hasard ; il évoque, d'une part, le premier moment de la fon dation de la cité par des culLes héroiques qui lui sont propres ; il rappelle ensuite, avoo discrétion, que ses trad ilions religieuses participent a u bien commun de l'Arcadie et j ust.ifient ses droi ts d'hégémonie. P lus net teme11L encore, mais dans des conditions un peu différentes, l 'agora de Mégalopolis reflète par ses culLes le double caract.ère d'une cité autonome créée pour devenir une capitale fèdérale. Après la défaite de Spart.e, Épaminondas voulut opposer à son ennemi déchu une voisine puissante qui [erait l'union de t.oute l'Arcadie : ce rôle fut dévolu à Megalopolis. Elle ne devai t pas, comme Têgêe, diriger une confédéra tion , mais être elle-mème la ville fédéra le, constituée par la fusion en un même groupement urbain de contingents fourn is par les diverses provinces et cités arcadiennes '. Le plan de la ville rut inspil·é par eett.e préoccupation; au Nord, sur la rive droite de l'Hélisson, l'agora ; au Sud , sur l'autre rive, les organismes de l'administration fédérale ; le théâtre avec sa vaste cauea réservé aux assemblées générales de la ligue et. aménagé pour les représentat.ions de danses arcadiennes, le Thersilioo ensuite ou salle de conseilt. D'un côté, les organismes fédéraux; de l'autre, les organismes municipaux. Quant aux cultes de la nouvelle polis , ils devaient ra ppeler d'abord les grands sa nctuaires panarcadiens et aussi les LradiLions particulières de chaque cité fédérée. Les deux lieux de culte les plus vénérables de l'ago ra étaient donc le péribole de Zeus Lylmios, descendu de son sommet. où il restait cependant honoré 3 et ensui te le hiéro n des Grandes 1. Sur le caractère de cetie tondulion, Busoll.-Swoboda, Grieth . S/aaltk., Il, p. 1401 sqq. 2. Exoov. at M egalopolis, p. 17 sq., 34 sq. eL H. Bull&, Silzung•ber. Bay
p.
1~·200.
6- t
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L ACOilA ARCHAIQUE
Déesses, des Dupoinai, apportées de Lycosoura'. Dans ce téménos, attenant il l'agora, ét.a ien ~ groupés en une associalion pen homogène de nombreux cultes arrachés à la paix de lous les vallons arcadiens : Artémis, Asclépios el Hygie, P an, les Nymphes, H éraclès. Les divers con ti ngents qui avaient contribué à la forma tion de la grande ville étaien t lous représentés par leurs dieux. Les Phigaléens avaient apporté la statue d'Apollon !; ceux d'Akakésion , près de Lycosoura, avaient introduit Hermès Almhésios; les P arrhasiens étaien t accompagnés de ln Mère des dieu;"< ; ceux de T rapézous retrouvaient , ici comme là-bas, les .roana de Héra, d'Apollon et. des Muses. Asclépios, enfin, était. descendu de son vallon gortyn ien pour s'inst aller à proxiuùlé 3 . En outre, quelques cultes traditionn els prirent place sur l'ago ra ; ils représent aien t la nouvelle r.ommu naulé politique. Zeus S61er fut honoré dons un mn gni lique péribole avec temple et sloai'; le naos conl..cna il la statue de Mégalopolis, œuvr e des sculp teurs a théniens Céphisodole et Xénopbon 6 • Non loi n de là, so dressait un lcmple de TycM et., ratta ché au péribole des Grandes Déesses, s '~tendnit le sa ncLuaire de 7.eus Pllilios. Si nous ajoutons quelq ues statues honorifiques, don t celle de Polybe•, nous épui~crons l 'énumération du périégèt.e; en le suivant., nou ~ ovons fai L le tour des grands sanctuaires orcodicns ct del! prtnci pales v illes qui participèr ent à la fondalion. L'agora d e Mégalopolis n'ofTrait-elle pas l'image la plus fldèl e d u caractère si par liculier de cette cité dont le premier rôle ful d'être u ne capitale rédérale? Ainsi, seule l'histoire locale cl m ythologique peut expliquer le complexe religieux d ' une agora. Cependant, sous cette diversité, il esl des ronsl:wtes. Quelques dh·inités, q uelques groupes cultuels se rclrouvenl plus fréquemment. que d'autres su r les places publiques; il semble même exister entre l'agora 1. Arch. Dt/lion, 1889, p. 1 5~163 ; P rokl., 1896, p. !13· 126. 2. Et peut Hre oUNI Pon, d' après ~ubner, Rh. Mm., XLIX, 100.1, p. 473 oq. 3. Sur tc sa nctuaire gortyulen, BCJI, LXY I·LXVII, t!Mz.43, p. 334-339.
Oes rollllll!ll sont en couMJ.
4. E:uav. at Mtf/Giopolls, p. 52 sq.; KnobiAueh, Arch. An:., 1~2. col.
W~·t•9.
5. Ch. Plcord, CRAI, 1941 , p. 2 15-220; RA, 1944, 1, p. 77.SO ; Morrutl d'nrchtologle grecque, L a uulpturt, Ill, 1941:1, p. 1 18·119. 6. l'au!., V III, 30, 2 eL4.
•
169
FONCTION lii!LIGIEUSB
et certains culteS une association fonctionnelle qui s'exprime par l'épithèt e d'&.yopoctoç portée par un nombre limité de dieux. Nous devons donc tenter de dérmir les caractères de ces groupes ct de ces cultes en précisant les liens qui les at tachent à l'agora. 1) Les &.yopo:l. flewv
Précisons d'abord qu'on ne saurait confondre les O"ot &.yopo:'Lo~ avec les divinités gro upées en &.yopœL Les assemblées de Dieux so nt, en eiTet, des lieux de cu lte souvent distincts de l'agora, d ' un caract ère très particulier qu'il nous est possible de pr éciser puisque nous avons la bonne fortu ne, peu commune, de pouvoir cont:ronter les textes ct les trouvailles archéo logiq11es. Les découvertes de Théra 1 out confirmé dans le détailla description qu'E ochyle fait d'un tel sanctuaire dans les Supplianics:. Les • autels communs» (Suppl. , 222) des divin itès ainsi réunies en une agora per manente s'insta llent de préférence sur des hauteurs ou des croupes dominant les ha bitats humains. A Argos, ce lieu de culte est. à l'ext érieur de la v ille, sur une colline d'où la vue s'étend au loin vers la plaine et la mer (Suppl. , 180, 713 et 955) ; à T hér a, il occupe la pointe occidentale du site. Tous les dieux protecteurs de la citè s'y trou vent rassemblés 3 . Ils sont représentés par leurs images, les ~ph>) 4 • A Théra, leurs autels sont bien idenWiés par des inscriptions gravées sut· le •·oc~. De telles 1.
~! Iller
von Gaerlringen, Tl1cra, r, p. 283 sq.; Il l, p. 62 sq.
2. E. CurUus, Gttam. Abh., I, p. 322 sq. avoi~ donné, de ce tex Le, une analyse qui doit êtro molntenan~ eonrrontôo avec le ré$ul ~nt des rouilles. 3. Suppliantes, 332, e~ 31>5 : Scot ciy~v1m. L'épithète tel, comme dans Agamtmnon, 513, ne désigne paslœ dieux présidant o.ux jeux, mals lœ divinités qui •ont associôes en un ciy6w pris Clans sa valeur homérique d'assembJü, identique a ciyop«. Cl. JI., V II , 298; XVIII, 376 et Sehol.: St!oç ciy.:W · "'-"'~"'~ T(;iv O.wv - /1yup1ç ~.«1 GWo:y
-ra
-ra
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L 'AGORA A.I \CKATQUB
encein tes constituent des lieux d ' asile plus effi caces q ue les remparts les plus solldes 1 • La ressemblance entre les deux lieux dr. culLe s'éLend à la disposit ion in térieu re des sa ncLunires ; l.ous deux com por tent une z.onc dégagée, d'un accès facile, ouverte a u public pour les jours de fêles, e t une enceinte p lus fermée où étaient. groupés sans dou t e les a utels et les images divines. L'espla nad e de T béra, amén agée devant la paroi rocheuse, soutenue par un puissant m ur, constitue une remarqua ble place d 'assemblée'. E lle porte les resLes d ' un M ifl coa; c.IUJJS la paroi roch euse, s'ouvre u ne gr oU,e aut.o ur de laq uelle sont gravées les inscripl ions. Les dieux réunis en agora varient. suivant. les rilés. A Argos, les Suppliantes invoquent Zeus, H élios, Apollou, Poseidon, Hermès et d'au tres encore (210 sq) A Tbéra, les graffiti mention nent Zeus, A pollon, les Cou rèLes, les Dioscures, Léchaio et Da mia , eLc; mais on remarq uera q ue, ici comme là , Zeus tient le p remier rang ; c 'esl lm dont le nom est, le plus rréquemment invoquê à T héra, so uvent. avec l'épithète d' Hikésios ou de Meilichios, de même que dans le téménos argien, il apparatt co mme le protecteur le plus puissant•. Cur lius avait roison 6 de conclu re à 1'existence de tels enclos dans de nom breuses cit.és. Il invoquait le t.émoignage d'Ar isLide pour Cyûque• oü l'appella t io n sem ble s'être êlend ue à tout. un qua rtier de la ville ; il csl. fait mention d'à.yop«t 6ci:>v également. à :Ëieusis cL à ALhènes 1 ; ici, on a tout.e raison de la localiser sur la Pnyx, a utour de l'aut el de Zeus Ilypsislos. et d' y recom1 nlt.re un cent.re cult uel do nt l 'nLtraction s'exerça s u•· les réu nions de l'ecclésia. Au hasard des Lex tes, nous entrevoyons ). Suppllanlet, 100 : xpciooov at miP'((>u ~c.);t.ôc. 61ppl')X't'OV ~>
S. B. CU rUus, e. c., p. 323. 6. Ariolide, 2 /ofe de Cg:iyu~. 'l39 (od. Dindorr, 1, p. 387) : lo<>u: y&.p "' dtd...-wv &t•oc• TC.v Otwv lcpdt, '"""P l'jv xaloil<11V OO.w10 dtyop<Xv. •n.,.p y&p xocd x)..i)pou' &1tœt~L Oeotç l~nP'Iid"'l rriùJa. ~~ !"'~~~,., .... i. Ari•tide, Il, 8/oge d' Alhina, IG (M. Dindorr, 1, p. 27); Unobios, IV, 30: OcC.V dtyopi T&too; èv '~Ï'f\ · t!
FONCTION RELI Cll!USE
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aiUcurs quelq ues-unes de ces assemblées curieuses dont les p~r ticipants son t repr ésent és par leurs statues, leurs autels, votr~ même de simples pierres aniconiques. C'est. le cas de Pharat, en Achaïe, où une t rentaine de ces piliers car rés, symbolisant. chacun un personnage divin, étaien t groupés dans un ét range téménos, au voisinage d'une so urce consa crée à Hermès1 . Alexandre, sur les bords de l'Hyphase, ava it marqué par un sa nctuaire de ce t ype le point extrême de so n expédition ; il y avait fait dresser envi ron Lrente aut els pou•· lesquels nous n'avons q ue quelques noms 2 • E nfin, le sa nctuaire de Déméter à P ergame, comme celui d ' Éleusis, offrait asile à une assemblée des dieux. dont la variété évoque celle de Théra, b ien qu e le ca racLère en fût d ifférents. Sur une esplanade bien dégagée, en avan t des gradins qui donnent à ce sanctuaire une p hysionomie architecturale très particulière, se trouvaient de nombreux petits aut.els con sacrés à des diviniLés mu ltiples•. A côté des Grands Dieux, Zeus Klésios, Hermès, Hélios, probablement Asclépios et Héraclès, avaient pris place des person na ges secondaires comme Sélénè ; il y avait même des a utels co nsacrés à des allégories, à Nû!; u nie à TcM-r~, à K«).).
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2. Pb llostra tos, l'il. A potl., Il, 43. 3. E. Oblemut7~ Dit. l
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L'AGORA ARCHAÏQUE
assemblées de dieux etles cultes de l'agora 1 . Nous sommes en · présence de deux groupements cultuels très différents 2 • Il importe aussi de distinguer ces assemblées des autels des Douze Dieux. Ce n'est que par convention qu'un ensemble défini, comme les six autels doubles voisins du Pélopion de l'Altis ou ceux de Délos, sur l'esplanade du Dodécathéon, peut recevoir le nom d'à.yopà. Oewv. Mais il y a intérêt à éviter ces confusions, car nous sommes en présence de deux réalités religieuses différentes. Pour notre recherche, les Dodécathéon, au contraire des assemblées, constituent un élément important du complexe religieux de plusieurs agorai 3 • Les assemblées paraissent plus anciennes que les premiers t émoignages se référant aux Douze Dieux 4 • Nous n'avons pas à chercher ici les origines du groupement des Douze Dieux, mais il est évident qu'il appartient à un état r eligieux et politique de la cité beaucoup plus évolué. C'est à Athènes que 1. cr. Ch. Picard, Mon. Piol, XL, 1944, p. 123-124. Sur le sens et les raisons de cette évolution, Weinreich, Silzungsber. Akad. Heid., X, 2, 1919, p: 243 sq.; Arch. Anz., 1933, p. 778 sq. ; J acobi, 0e:ot ITocv-re:ç, Diss. Halle, 1930. 2. C'est dans cette perspective que nous comprenons la fête des 'Ayopl)Ï.rt., mentionnée dans deux textes de Théra, IG, XII 3, 452, ct IG, XII 3, Suppl., 1324 qui, à notre avis, ne doivent pas être séparés; fêle qu'il ne raul pas confondre avec les Karneia (H. von Gaerlringen, Bursians Jahresber. , 118, 1903, p. 157). Dans le commentaire du Suppl., l'autour était revenu déjà sur son erreur initiale, Hermes, XXXVI, 1901, p . 134-138. Studniczka, Gi!lt. Gel. Anz., 1901, p. 544, pensait aussi à rattacher ces textes à l'&:yopà: 6Ewv de Théra. Dans les deux cas, il s'agit de leclisternia offerts aux divinités associées dans leur sanctuaire rupestre - et non pas seulement à l' occupant de la grotte, et le deuxième t exte précise que ces repas auront lieu en présence des Mtyles (7tpb -ro croq.rn(o). Cf. M. P. Nilsson, Griechische Peste, p. 125. 3. Agora d'Athènes, avec autel de P isistrate, H esperia, Suppl. VIII, 1949, p. 82-103; de Xan.lhos, O. Benndorr, Jahresh., III, 1900, p. 98 sq.; 1~ . .Tristch, JHS, LXII, 1942, p . 40 sq.; de Magnésie du Méandre, et peut-être aussi de Léonlinoi en Sicile, d'après Polyen, Stralag., V, 5, 2. On peut ajouter encore le groupement signalé par Pausanias sur l'agora primitive d'Olympie (V, 14, 6- 10; 24, 1). 4, Le premier témoignage liltéraire es t fourni par l'Hymne à Hermès, 128 sq. - il n'en est fait aucune mention ni dans Homère, ni dans Hésiode - et les vestiges archéologiques les plus anciens sont ceux de l'agora d'Athènes, tandis que certaines des inscriptions de Théra remontent pour le moins au début du vt• s., IG, XII 3, 350-383. Cf. H. von Gaertringen, Die arch. J(ultur Insel Thera, 1897, p . 17 sq., el que le témoignage d'Eschyle se rap porte aux premières epoques de' la 'cité argienne. D'après Weinreich, dans Roscher, Lexicon, s. v. Zwi!lfglJiter, ·VI, col. 830-832; ces groupements appara!Lraient d' abord en Ionie dans le cours du vn• s.
FONCTION RELIGIE USE
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nous en saisissons le plus clairement la valeur et le sens. Il est sans doute aventureux de vouloir lier l'apparition de ce culte au synécisme de l'Attique 1 et rien ne justifie l'hypothèse d'une installation cultuelle antérieure à l'autel de Pisistrate2. Le r ôle qui fut attribué aux Douze Dieux par des arrangements postérieurs dans la tradition mythique de la cité jette quelque lumière sur les raisons de leur présence en cette zone de l'agora. Ils furent associés aux plus anciennes assises judiciaires de l'histoire athénienne, puisqu'ils arbitrèrent la querelle d'Athéna et de Poseidon, se disputant le sol de l'Attiques, jugèrent Arès après le meurtre d'Halirrhotios 4 et constituèrent le premier tribunal qui eut à connaître de l'afiaire d'Oreste et des Euménides (Démosthène, XXIII, 66). Cette fonction judiciaire, ils l'ont exercée durant l'époque classique en surveillant l'exécution des serments; on jurait par les Douze Dieux 5 • On comprend, dès lors, pour quoi Pisistrate dans son plan d'aménagement de l'agora voulut installer les Douze Dieux au Nord de la place où ne cessèrent de se t enir les assises judiciaires les plus traditionnelles de la cité, près de l'orchestra et de l'autel de Zeus Agoraios. Ils marquaient une étape importante des progrès de la démocratie athénienne et de l'histoire de l'agora. La place de choix qu'ils avaient r eçue est moins le symbole d'une unité plus forte des cités de l'Attique autour de la ville d'Athènes, que la marque d'une intronisation définitive des pouvoirs judiciaires du démos sur l'agora dont nous avons suivi les lents progrès au cours des siècles précédents 6 • 1. R~sum6 des diverses hypothèses par Weinreich dans Roscher, Lexicon, s. v. Z wi}/jgoller, V I, col. 772 sq., en particulier sur l'inscription (origine douteuse) de Salamine mentionnant les SwSe:x« 6ewv :E6Àwvoç. 2. O. Brown, Hermes the Thiel, 1949, p. 106 sq. 3. Apollod., III, 14, 1, 4; C. Robert, Die griech. Heldensage, III, 2, 1926, p. 1322. 4. Apollod., ibid., 2, I. 5. Aristophane, Oiseaux, 95 ; Cava liers, 235. Ce ~ô1e fut quoique peu tourné en dérision par les aut.'eurs de la com6dic moyenne, Aristophon dans Pythagorisles, d'après Athénée, XIII, 563 B; Koch, F CG, II, p. 280, frag. 11. 6. En allait-il de même pour les autres Dodécathéon, en particulier celuî de Xanthos ou de Magnésie, cf. Weinreich, o. c., p. 14 sq. ? Nous no saurions l'affirmer. C. R obert ne voit pas do différence dans l'origine et l'évolution du culte, o. c., p. 1321-1322, n. 6. Par contre les groupements de Délos et d 'Olympie ne semblent nullement comporter de fonctions judiciaires. On comparera à ceux-ci le Dodécathéon d'Oslie.
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L'AGORA ARCHAÏQUE
Il importe donc de distinguer, à notre avis, les &yopoct fkwv et les groupes de Douze Die11.x ; leur caractère est n ettement difTérent, de m ême q ue l'aspect. des lieux de culte. La co nfusion est venue des représentations figu rées auxq uelles on a donné trop a isément le nom d 'asse mb lées divines 1 , appellation valable nussi bien pou r le., t-i:u nioos restreintes d'un DodécaLhéon, comme la frise Est. du Parthénon, que p our d es groupements p lu nombreux de divinités variées, t elle la frise du temple d'Athéna Nikè'. La confusion des noms eL des représentations entralne la même in certi t ude dans l'élude de l'aspect cultu el. Tl importe, pour l'histoire religieuse de l'agora, d'en marquer ncltcment les li miLes, car les
2) Les &tot a.yopcxi:oL
Si n'import e qu elle divinité peut faire parLie d'une &yopa
Oewv, l'épithète d 'a.yopotioç n'cs!, mériLée que par un petit nombre de dieu x ct p our des caractères bien dét.errninés 3 • Seuls, à notre conna issa nce, Zeus, Athéna , Ar témis, Hermès ct. peul -êt re A phrod tte ont ce privilège, el encore faut-il préciser q u'Athéna n'est ains i nom mée qu'à Spar te•, Arlêmis à Olymp ie~ et à :Épidaure•, Aphrodite à Cyzique' . L'épithète n'est, donc accordée couramment qu'à H ermès pour des 1. PreUer-Ro~rl, Gr ttelt. Mvtllologle, 1, p. Il l ; A. von Premus!J>1n, tUf, XX>.."V Ill, 1913, p . ~1-222, auggbo que lu frise B . du Parthénon représente une
«-toP« OcWv.
2. La vlrit.blo ciyopi Otwv en mieux repR5entée par la rnse du trésor de Sipbnoi , Dtlphts, 1\', 2, p. 112 &q.; P. de La Cosle-~lesstlière, Au M tnte de Dtlpllt1, p. 336 aq., 319 aq. SUr quel<1ues aip«ls do ces repré6entaUon6, R. Dernangel, 1..11 Pri&< wnlqU<:, p. 400 6q. 3. Ici eneore, P. T rltJCb, Jaltrult., XXVI, 1932, p. 86 a ~tendu ebusl, ·emenl l'emploi de l'épithète A t oute divin! lA qui pouva it a,·oir son culte sur l"agoro. C'est uno erreur cor alto tpltbèl.o n'o, le plus rouvent, aucune valeur • lopogropbique •. 4. Paul., 1 Il, I l, !1. S. Paul., V, IG, 4. 6. Dédicace t• rdlvo ('224 op. J. C.) JG, IV', 405. 7. D'apr~s une reaUtuUon trù vraisemblable deL. Robert, BCH, Lll, 1928, p. 436-437.
1?5
fONCTION IIBLIGIEUS13
raisons assez claires - nous y reviendrons - et à Zeus à travers toul le monde grec. Sa valeur demande quelques précisions 1 • T rop sensibles à la formation morphologique de l'épil;hète, les Jliswriens des religions considtrent en général ce Zeus comme le dieu de l'assemblée, l'inspir ateur des orateurs et des bonnes décisions, simple variante de Zeus Bou1. Cult~ d'HermM A!JoNrio• connu à :Athènes {Pous., 1, 51, 1; Aristopbone, Caualiers, 297 et Sebol.; Philochore, FHG, T. 897, 82; H~sychlus, s. v. 'Ayopo.ioç
'l!lp"''ijo;; Lucien, J upp. Trag. , 33 ; Plutarque, Vil. X Oral., S44 B; Bekker, Anu,l. Gr., 1, p. 3:19, 1J; Thèbes (Pa us., !X, 1ï , 2) ; Sparte (Paus., 1Il, J1, 8); Sicyone ( Pn.u•., 11 , 6, 8) ; Imbros ( JG. XH 8, 67); Olbia (Latyschew, Jn:c. Or. &pl. P. Hu:r:., 1, p. 75 sq.). cr. complements noto p. 191, n. 2. Une liSI.e des lieux de culles de Z·tUS Agoralo• a déjà ete drossée pa.r Febde, dana Roscher, Lexil!()n, s. v. Zew,col. 593-59~ . Nous ne croyons pas inutile d o
L1
r~prendre
en la eomplél.ant sur plusieurs points : GRÈCB CBNTRAL"
Ath.ènes (sur l'agora et la Pnyx, Aristophane, Cavaliers, 41 0 et Schol. HtsychiUs, s. v ., 'Ayop!X(~u ~,6,). Thèbes {Paus., IX, 25, 4 ; Mnybllum, Ztu$k. in BoeOlltn, p. 8). PÉLOPONNI'lSE
Olympie ( Pnl1S., V, 15, 4 ).
Sparte (Paua., III, Il, 8;
Wid~,
Lakon. f(ultt, p. 8).
SICIJ.& CT GRANI)E CRËC&
Sélinonte (Hôr()(!ol.o, V, 46). Thourloi {TMOJihrast.e, d a ns Slobèe, Anlh., 44, 22). CnllTll Drt\roS (Sy/1' ., 527, IS sq. ; IC, l , !l, !. l B). l tanos, ( IC, 111, 4, s, 1. ).
Cnntanos ( /C, Il , 6, 1). Gortyne (JC, IV, 171. 1. 13). t\IAcé:ooJN E: 1 TnnAc& ET IL:J:: DE THRACe
Aleomenae {RA, 1872, Il , p. 29; JIU!. Glolz, Il, p. 871-876). Alnos (Th6ophrnst.e, dans Stob6c, Floril., 2, p. 129, 10 sq. H). Tha6os (JC , Xli, 8, 361 ). CvcL.Auns KT A"JI B MtNieURE
Thèra (SGD I , 4761 ). Lindos {Biinkenberg, l..lndo•, Jnserlpllons, 11 , 1, 221). l!rythrées (SGD I, 4, 880, 60 b, 1. 10; A. WUhelm, Jahrelh., 1909, p. 134 sq.) Ni~o!e (Bithynie} (N~rmh, 1888, p. 431; Head, Hi~l. Num., 2• éd., 493; Waddwgton-Babelon-Remaeh, Monnaies grecquea d'Atie Mineure 1 406 pl 67, 16].
SaitLai (Lydie) (Clots. Rev., XIX, 1900, p. 370).
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17G
t.' AOO!V.
ARCIIAlQU 6
la ios 1 • Seul, Farnell' signale brièv emen t le caractère de ce Zeus en l'opposant à Hermès ; Zeus Agoraios, di t- il, n'est en a ucune façon un dieu de l'échange ct du commerce. Nul, je crois, ne pourrait s'y méprendre. Dans les lext es, la v3leur de l'épithèt e res Le vag11e eL indéterminée ' . La personn alit é de Zeus A goraios est. cepend an t plus r iche ct plus précise, t.ant par le rô le q u 'il a ssume da ns la rormat ion ct la vic dr la cité
X<Xl tv
Tli bocl:r,oi~J.
&. Euripide, Htraclldu, 70 ; Arlsloph3ne, Caualltrr, 500 e~ achol. : Z oùc
•A-yopxioç • C:.Ç Zc~ç E ivLoç 1\ ~t>.!x•oç ~
FONCTION RI!LIGIEUSE
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t t·iomphe 1 • L 'é pi thète désigne plutôt le j us.licier, l~ civilisateu~ que «le dieu de la parole v ; la phrase mtrodmte par ocÀÀ« n'est pas une si.mple reprise de l'idée de la victoire de l'éloquence exprimée d ans les vers précédents ; ocÀÀd so wigne une opposition avec .Xyp(wç &.r.or.v1J'~«!'-i'~«<;, opposition de deux conceptions de vie sociale ; au règne de la violence sauvage, au régime des châtiments brutaux et personnels, des vengeances privées q ui carac térisent, dans l'Odyssée, l'état primitif où viven t les Cyclopes, eux aussi &.yp(wç, Zeus, par l'intervention d'Athéna, a substitué l'Ordre, l'Stat civilisé et harmonisé où les t ribunaux h umains sont chargés du jugement et de la punit.ion du coupable au nom de la communauté et a u nùeux de ses intérêts supérieurs. Ce dieu pacificateur est le même qui autrefois a int roduit le pardon des crimes au p rofit de la paix sociale et a purifié Ixion, l'auteur du premier meurtre volontaire•. Les premières purifications sont faites au nom de Zeus3. Tout. au long des Euménides, ApoUon rappelle qu'il agit conEormément a ux ord1·es de son père •. Animateu r de l'a ction, Zeus ne se dérobe pas deva nt les conséquences• ; poussant au châtiment des coupables, ayant en vue les int él. Euménides, 973
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Z<Ùc; 'AyopttL<>Ç.
2. Dpo>toxrO.oç, comme Esebyle l'n rappelé préoodemment dans sn pièce (441, 718). Cr. Pbéréeyde, dn ns schol. d' Apoll. do Rhodes, Arg., Ill , 62; Eus· tnLbe, ad. Il., X I X, 1183; SebOl. ad Pindare, Pyl/1. Il, 39. 3. Les Dnnnrdes Ol>t été purifiées par Ati\Ona et Rermès, sur l'ordre de Zeus, ApoU., Il, 15; Jason et MM6e pnr Circ6 au nom de Zeus H lkéslos, ApoU., V, 702, 71 1>. N'est-co paa aussi su r un autel de Zeus que Thésée lut purin!! au delà du ~pb ise, pour le meurtre de Siois et de Soiron? Ch . Pica rd, Rtu. Hlst., 166, 1931 , p. 6 CL S5. 4. ~1. Croiset, REG, XXXII, 1919, p . lOO sq. U elll même possible d'accorder â Zeus un rOie (>lus lmport11nt encore. OresLo ne peut-il prendro plac• dans la série des purUlcutions opérées par Zeus en Cavour des grands mourlriors : Ixion, lei Ou.naldes, Jason, MMée? Le véritable insUgaleu r do la purification n'eit pas Apollon, mals Zeus. N'oublions pas en effet qu 'à travers tou lu la trilogie, il soulionl le bras veng\lur, détcnseu r du droit et de la justice, qui lait couler le sang ùo;; Atrides. !>. Eumulide1, 92-93 et, apros la sentence, Oreille qui ne peul se l romper adresse iCS ultimes remeoociernents à Zeus (760). Athéna ne talt.-elle pas aUuiion deux fois à l'aventure d' Ixion? (Eumir~ides, 441 el 7 18).
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L'AGORA ARCHAÏQUE
r êt.s supérieurs de la cité et l'instauration d'un régime de paix sociale qui réprime les a bus famili aux de l'antique société, il n 'a bandonne pas les exécutants de ses volontés ; il agit à l'égard d' Oreste comme il avait agi pour les grands criminels; il le juslifie et le purifie. Apollon n'est qu'un inst.rument et ce rôle de Zeus eJ..."Plique, selon nous, le choix du rite d e p urification par le sang, car , à Athènes, ce rite ét:rit tradiLionncllement. at taché au culte de Zeus ' . Hors d'Athènes, une inscription d'Erythrées atteste la place éminent e de Zeus Agoraios dans la vie judiciaire 2 . Ce v.oxJ,oc; où se dresse une image du dieu Gxe sans dou t-e l'emplacement des 1-ribunau..x dont le fonctionnement est, réglé par un texte grav6 sur l'autre race de la pierre. A. Wilhelm n'hésit-e pas à rapprocher les deux t extes et à situer ce trib un a l su r l'agora d'Erythrécs 3 • A ces fonctions de Haute J ustice, Zeus Agoraios joint tou t naturellement le rôle de gardien des sermen ts. A Athènes, u n fragment de décret sur l'adoption, voté en 445 av. J.-C., laisse entrevoit· obscurément cette in tervention•. A Thourioi, colonie a thêni enne du ve siècle, elle est signalée par la trad ition6; on peut inférer, sans présom ption, que l'usage était. passé de la métropole à la colonie. A Ainos, d'après un autre l,émoignage de Stobée, il présidait aux ventes ct achats opérés entre h abita nts et étrangers•. A Athènes même, comme à Olympie, il jouait. un rôle plus essentiel encore d ans le fon ctionnement d es institutions comme garant des serments des magistrats suprêmes. On sait par Aristote que, depuis Solon, les archontes, à L'entrée et à la sortie de charge, J. Sur ta valeur ae ce choLx, ct l'hypothèse de P. Amnndry, JI A , 1938, 1,
p. 22 sqq . cr. infra. p. 183 2. SGOT, IV, 880, 60 b ; A. Wilhelm, Jalortsh., Xll, 1909, p. !34-13o : xo.l tç l>y xülW>v lôv a't'/jG(cu -ro Zi'jlvo~ >
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è)ilv o:Qhopxo-- - 5. T bé<>phrasLe dans Stobée, ' lnlh., 44, 2'1.. 6. Stobée, Fior., éd. ~lelneeke, Il, p. l67 : >
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f'ONCl"JON RELI Gll!USE
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prêtaient serment sur la pierre-autel q ui était chargée d.es morceaux des victimes, devant les kurbeis où le sage législa teur avait fait graver ses lois•. Aucun auteur ne précise la natu re ni la destination de cet autel, mais on s'accorde en généra l à l'attribuer à Zeus ou, peu trêt.re, en commun à Zeus et à Apollon 2• L'association de Zeus et d'Apollon est attestée en t ro is endroits au moins :sur l'acropole, sur l'agora et le long de l'Ilissos. Le serment, comme l'a bien v u Kéramopoullos, est prononcé au nom des deux divini tés, d'Apollon, dit.-il, en t.ant que père des Ioniens, et de Zeus, parce q ue père d'A])Ollon. Il nous semble qu'en réalité l'association de Zeus et d'Apollon, dans les cérémonies de caractère politique et civique, avec leurs épithètes de Phralrios ou Agoraios et de Palrôos, reflète L'évolution primitive de la ciLé atllé nienne et la fusion enlre L'ancienne organisation des familles, des phra tries, eL le nouveau système des trib us amorcé par Solon et mis au point par Clistbènes. Cette dernière ne fut jamais totale et il est difficile d'en suivre les détails•. )1 ais l'association des deux divinités da ns l'angle N.-0. de l'agora d'Athènes est., à coup sûr, le symbole de l'uni on de la polis, de l'intégration 1. Aristote, Cons/. Alh., 7, 1, el &5, 5. CI. Harpocration,s. v. )10oç; Démoithène, LI V, 2G el Philochore dans Harpoc~allon, ibid. LIU lex les ne mentionnent pas la nat.u•e de celle viclime; en toul cas, on ropouSS
2. Les textes ne parlent que d'un llSo.;, np~ ..Ov "l-(6ov. Arislole semble entendro la stèle
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L AGOR.A ARCHAÏQUB
des Lribus et. des fam illes à la commtmout é a thénienn e. L 'hypothèse qui ferait de cette pierre au serment un autel de Zeus Agoraios est séduisante et rorl. vraisemblable ; Zeus A go· raios aurait, en somme, sceUé l'harmonie ent re l'ancienne et la nouvelle organisation dans l'intérêt supérieur de la cité. A Olympie, le problème est plus compliqué parce q ue lié à lu localisation de l'agora. Pausanias (V, 15,4), dans lu lisLe des au tels, cit.e un Mmos de Zeus Agoraios et., tout il côté, une Artémis Agoraia. L. Wenigcr 1 a remarquu q ue le périégèt e ne m entionne pas dans son énuméra lion l'autel d e Zeus Horlcios qu ' il a situé p récMemmeul. da ns le Boulcu t.érion (V, 24, 9). Les athMtes devaien t. jurer là, su r les rest.es d'un pore sacrifié, de ne commettre aucune injustice dans les concours. Leurs pères eL frères étaient ten us à la prestation. Wenigcr estime q ue ce dieu du serment est précisément Zeus Agoraios qui était. représenté avec la tablette portant inscrite la formule d 'engagement. Lo simili tude des sacri fices serait un argument que n' a pos rail. valoir \Veniger ; la rareté d e ce ril.uel rend la resserob lam:o plus frappante encore. Les cill's crétoises en fin, à l'arma tu re in térieure si puissante et aux institutions très centralisées, font aussi de Ze us A goraios le garant des serments. A Dréros, il reçoit, avec Hestia, lu déesse du foyer com mun , le se rmen t qui donne a ux éphèbes le rang de cit oyen•. C'est par lui aussi que prêtent serment les l ta niens 1 ; il gnrnnlit, avec H estia, des traités d 'nlliance conclus ent re Gortyne et les gens d'Arcadès et nussi entre les trois cités de Drèros, Cnossos eL LycLos au tv e siècle av. J .-C.•. Tous ces témoignages s'accor dent à présenter Zeus .1goraios comme la dhrinit é la plus import.anLe de la vie politique des J . L. Woniger, K ilo, XIV, 1915, p. 43•1·4.3!;. 2. Sy/1 ' ., o27, 1.J8sq.; rC, 1, IX, 1 A,l. 19~.; Cook, Ztru, 1, p.129. 3. re, rbld., L 18; Cook, Zr.a, 11, p . 91!9, er. il H•erapytna, re, Ill, 3, 5. 4.. J C, IV, 171, 1. 13; Cuuer, Dialtklin$ch., Il, 121. Avee d'autres épith6tu, 11 intervient constamment
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cités grecques, bien diltèrente de ce personnage inconsistant qui, au c(.)in des rues ou sur les places publiques, inspirerait a ux orateurs de ca rrefours une éloquence abondante ct facile. L'origine de l'épithète et sa pleine valeu r trouvent leur explication dans les fonctions primitives de l'agora. Nous avons suivi l'installa tion des premiers tribunaux, des organismes judiciaires les plus anciens sur l'agora avec l'aide efficace des dieux, en par ticulier de Zeus et de Thémis 1. Celle-ci est une lorce politique a u même tit.re que l'agora, a.yop-1) T& Bé1.w; -re ( I l, XI, 807), et à travers l'hellénisme elle reste la déesse de bon conseil, Eu6ouÀoç, dit Pindare 2 qui l'invoque comme l'épouse de Zeus; de cette union, Hésiode fai t nattre les grandes ent ités de l'ord re social : les Heures, l'E:unomie, Dik<: et Eirènè'. Diodore se fait l'écho de cet te tradi t ion• et Aristide la résume 6 • Leur action éta it si intimement liée à l'agora qu'Hésychius cite côte à côte un Zeus Agoraios ct une Thémis Agoraia et que l'épithète d "Aynp::t:totv évocp1e pour lui l'équivalent : atXIXLOÀoy!ot'IG. A Thèbes, leur associa Lion est. symbolisée par la proximit.é des culLes ; Zeus Agoraios a sa statue toute proche du sanctuaire de Thémis '. Après Hésiode, l'association de T hémis et de Zeus fait partie des lieux 1. JI. , Xl, 80 7 ; XVI, :l8 7 ; XV I II, 497; Ody$$U1 XII , 439. Nombreux
exemples cités par Clot•, LA S olidarili, p. 'ZS-27 ; Hinel, Themi•, p. 69, n. 8, souligne ce ca:ractèr& public de la juslice grecque qui sc rend devant le peuple QSSCmbl6. Cf. HéSiode, Thtof}Ofi Î<, 84; Eschyle, Bumtnidt5, 556 sq . ; Platon, Lois, IX, Siio D. Cf. M. P. NUson, Bull. Soc. R oJ!lll< de Lund, 1933, p. 29 sq.; Cook, Zws, I ll, p. 949 sq.; J. Harrison, Them ik, p. ~82sq. 2. Jslh., VI II, 32; OI!Jmp., Xli i, Il. 3. Thiof}Onl., 901 :
6cû...,pov -l)y
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Eùvo~J.("I)V "te OÔ<"I)Y u 1«1<1 ~i)·I>)Y ..rtl<XÀuùcv.
Les textes eoncernnnt Thémis et Oikè, pnrèdres el conseillère• de Zeus, sont catalogués par 1-linel. Tllemis, Dike und Vcrwandlta, cu. 1, p . 412 sq . 4. Diodore, V, 67 : E>é~J.IV 8l ~o~o()o).oyoiiow !L'IM"kç >«tl fiua!.xç x«l OtaltOÔç ~ m pl "<Wv O.O>v np&rr1v cknn1;aoca6oc1 X«l cl m:pt 't"i)v eù·K>!lkv xal .Zp-I)VIJ• ><«"<«· 8ii~cn.
5. Or., 44 , (1, p. 837 de l'éd. Dlnclorf) : è-,ocÀ>)Gt«< xall-\nolou
7. Pau s., IX, 25, 4. On notera q u"fl ces deux so.ncluo.lres est assoeiê Je tém6nos des Moires ; or, dans les Buminldes, l'action po.ciRcoLrice des Moîre.' Mt citée Just& avant qu'Athéna ne déclare la vlclolre de Zeus Af}Oraios.
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L'AOOR.-\ A.cR CHAiQUil
communs de la lit.t.ératur e 1 , et le groupe s'adjoint Dikè; ceLLe trinit.é devient le symbole d e la justice no uvelle 2 • On ne s'éLon nera donc pas q ue ceUo aclion constant e de Zeus su r l'organisation judiciaire des cit.és se soit exprimée par une épithèle lourde de sens. Zeus Agoraios est. la p lus houte représen tation du génie civilisaleur q ui soit intervenue avec efficacité clans la formation de la polis grecque. De ce Zeus, nous n'avons que de rares représentat ions, la plupart. t.qrdivesa. Sauf la mention d'un Lemple dans une inscr iption de Sailt.ai {Lydie) cll'idenWication probable d'u n naos sur l' agora de Th a sos•, nous ne connaissons pas de t em ple de Zeus Agoraios ; il ét.ait. honoré dan.s des léménos de plein air ou sur des auLcls isolés. Nous sommes mieux renseignés sur les sacri ficf's qui lui éta ient offerts. Qu'il s'ngisse de la puri fication ou de la prestation du ser ment, la Yictime resle la même : on offre un porc. Ce 1·it.e élai t de règle à Alhènes 6 , de même q u'à ~leusis lorsqu'il s'agissait de p urifier ln sanctu aire ou la plaine thriasi~:ru1e de la souillure d'un cadavre ; à Délos, le temple éLai t purifié chaque mois pa r le sacrifice d'un
1. Pindare. 0/ymp.,
vu r, 2 1 ; Euripide, .'111.dl.<, 169 el I!Otl. On en peul
saisir les proml•no g~rmes dan.• 1' 1/iadt, IX, 63. 2. Arrien, A 'lob., IV, 9, 7. l'luta.rque. Alc:wndrc, &2 : OUx otoOIX -n,~ GIX'I)Y l;(u rc&pcSpcN 6 ~ >
on
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porcl. Le rite par lui-même, comme l'a bien souligné F. Robert, est apparenté aux cérémonies de purification de l'Hestia et à celles qui se pratiquent autour du foyer domestique 2 ; il rejoint ainsi, avec les amphidromia, la pratique des énagisléria et des rites funéraires. Une scholie d'Aristophane établit d'ailleurs un rapport immédiat entre le sacrifice offert à Zeus Agoraios et la purification de l'agora d'une part, les pratiques du culte de Déméter de l'autre 3 . Un texte plus tardif associe encore le culte de Zeus Agoraios à des fête s et à des rites funéraires. Une donation en faveur de la ville d' Alkomènes, en Macédoine, exige des sacrifices offerts une fois l'an à Zeus Agoraios et à Héra sur l'agora de la cité. Deux victimes, un agneau et un oiseau, seront brûlés avec des galettes et un mélange de figues et de noix avant la célébration d'un banquet funéraire 4 • Le rite de l'holocauste conserve le même caractère. Quel que soit donc son rôle, justicier, purificateur ou dieu du serment, par la communauté des rites et des sacrifices, Zeus Agoraios s'apparente plus aux divinités chthoniennes qu'aux divinités olympiennes et son culte relève plus de la tradition éleusinienne que des rites apolliniens 5 • Des interventions de Zeus plus limitées ou plus temporaires dans la protection de la cité se traduisent par la présence de quelques autres cultes sur l'agora. Il est probable qu'à T hasos, Zeus Agoraios était accompagné d'un Zeus Palrôos, le protecteur de l'organisation familiale 6 , et de Zeus K tésios, le proteel. Syll. •, 587, l. 120 et 126; Mommsen, Griech. Feste, p. 476, n. 4 ; Farnell, Cuits Greek States, IV, p. 304. 2. F . Robert, Tllymélè, p. 392-393; RE, s. v. Hestia, col. 1277-1278. 3. Aristophane, Acharn., 44, scholiaste : Eiw60(aw ot 'A6't)vO('i:'o~ 6utw 8é),cpO(XO( XO(L pO([VtlV -r<Xç x0(6é8pO(t; -rej> o:tfLO:"C~ o:(J-coü dç "C~fL-Yjv Tijç ~1JfL'I)"Cpoç - - - - "O·n xo:6o:Lpov-ro:~ ot &v -rfl èxxÀ't)G[q; xo!pou acpo:~ofLévou. Cf. Orth, dans RE, s. v., Schwein. Nous avons déJà rappelé que ce mode de serment sur des morceaux de victimes déposés sur les autels était connu à Phénée (Paus., VII I, 15, 3}. Or la pierre de Phénée est en rapport étroit avec le culte de Déméter puisque les deux grandes pierres assemblées cachen t les textes sacrés qui sont lus aux mystes lors de la célebration des mystères. C'est pourquoi on acceptera avec scepticisme la thèse de H. Lebrun, REG, LTX- LX, 1946-47, p. 28-45 et réponse de P . Amandry, Mélanges Grégoire, l, 1949, p. 27-41. 4. Mélanges Glolz, II, p. 861}-876 ; P. Roussel, BCH, LVII, 1933, p. 393. 5. Tradition qui me parait être très athénienne, d'où les caractères un peu artificiels du problème soulevé par P. Amandry, RA, 1938, 1, p. 22 sq. et Lebrun, REG, LIX-LX 1946-47, p. 30 sq. 6. RA, 1937, I, p. 195= / G, X II, suppl., 407. Il fut sans doute apporté de
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t eur des biens 1 • Il n'est pas besoin d'insister sur la valeur «politique>> des cultes de Zeus Phralrios, associé à Athéna Phralria, sur l'agora d'Athènes 2 , de Zeus B oulaios dont la statue se dressait dans le Boulcutérion athénien à côté de celles d'Athéna B oulaia, d'Apollon et de Démos3. Dans le même ordre d'id ées , on peut citer l'autel de Zeus Téleios sur l'agora de Tégée 4 • Ses interventions dans la politique extérieure des cités paraissent beaucoup plus rares ; elles déterminèrent cependant son intronisation sur l'agora avec l'épithète de Sôter à Argos, Calaurie, Man tinée, Mégalopolis, Acraiphia, P ergame, Cyrènes, avec celle de Sosipolis à Magnésie du Méandre6, avec celle d ' Éleulhérios à Athènes 7• Paros, la métropole thasicnne, où il était l'objet d 'un culte, IG, X II, suppl. , 208 et il passa dans les colonies de la Pérée thasienne, à Galepsos, BCH, XVII, 1894, p. 440 sq. 1. O. Gruppe, Griech . Myth., p. 1109. Cook, Zeus, II, p. 1056, met en évidence le caractère funéraire de ce Zeus. 2. Hesperia, VI, 1937, p. 105. 3. Anll phon, VI, 45, p. 789 : tv OLÙ-r<{l -ri!> (3ouÀtUT"f)pt~ ô~oç BouÀatou xcxt 'AO"f)viiç BouÀoclaç le:p6v &an, xoct daL6v-re:ç ol (3ouÀE:u1"al r.poae:vxonat. Pa us., 1, 3, 5. Le prêtre de Z. Boulaios avait son siège au théâtre, I G, II JI, 1, 5054. A Mylilène, il avait un sanctuaire com mun avec Boulaios, Polieus, Thémis et Oikè, Plutarque, Praec. Ger. Reip., 819 e; type d'une monnaie impériale, Head, His/. num., 488. A Sparte, Zeus Arnboulios et Athéna Amboulia, d'après Farnell, seraient proches parents (Paus., Ill, 13, 6). 4 . Paus., VIII, 48, 4. 5. Paus., II, 20, 5; I G, IV, 840, 1. 6; 481, 1. 22; Thuc., VII, 47, Il; Paus., VI Il, 30; L. Robert, REA , XX X I, 1929, p. 15, n. 2; BCJl, LI X, 1935, p. 443; Inschr. von Pergamon, 251. , 6. Hurnann-Kohte, Magnesia-am-Maea nder, p. 141 sq. Sur le caractère particulier des fêles el sur la nature du culte, O. Kern , Arr./1. Ar1z., 1894, col. 80-81 ; F. Robert, Thymélè, p. 7'l.. sq. 7. A Athènes, les deux épithètes paraissent avoir été confondues; les documents parlent tantôt d'un Zeus Sôter, tantôt d'un Zeus Eleuthérios. Pausanias (1, 3, 1) mentionne la statue d'un Zeus Eleuthtrios devant un portique auquel elle au rait donné son nom. Par a illeurs, les t extes épigraphiques !ont connattro un prêtre de Sôter ct d 'Athéna Sôléria (1 G, Il', 689, 690), et ces décrets honori fiques doivent être placés r.poç 1"f) a,.oq. ,.oü 6t6ç. Dans son Ploutos, Aristophane pr·ésenle un prêtre de Zeus Sôter comme un personnage secondaire el les sc holiastes, postérieurement, assimilent cc culte à celui de Zeus Eleulhérios. Les Athéniens eux-mêmes hésitaient sur l'origine de ces épithètes et les confondaient. Un texte d' Harpocration conserve la trace de ces hésitations : Harpo· cralion, s. v. 'EÀe:uO~ptoç Zsoç · ·r~epdô"f)r,; • ,.0 !J.tv ,.o(vuv 6 Li, .Xvôpeç Ôt>
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II est notable que Zeus ne se rencontre pas sur les places publiques avec son titre d'olympien, sauf à P atra.s où il est entouré de Héra, d'Athéna et d'Apollon 1. Un historien des cultes de P atras 2 a insisté sur Je caract ère officiel de cette association ; mais il convient de mieux préciser les conditions de leur apparition sur l'agora de cette ville. Ces dieux s'opposent aux cultes d'Artémis Limnalis et du héros Patreus, le fondateur de la cité. La tradition locale dont Pausanias présente un résumé assez fidèle 3 attribuait au héros Patreus le synécisme en une polis des trois villages primitifs d' Aroè, Antheia et lVIésotis. Les parentés de Patreus et les caractères du culte d'Artémis Limnatis attêstent un courant achéen, d'origine laconienne, mis en branle par l'arrivée des Doriens. On ne peut certes attribuer une exacte valeur historique à cette légende aitiologique de Patreus ; cependant, un fond cultuel commun en authentifie certains aspects. Dès avant le synoecisme, les trois villages· constituaient une sorte de koinon autour du sanctuaire d'Ar témis Triclaria ou Laphria; le progrès vers une union plus étroite se dessine avec la prédominance du bourg d'Aroè 4 , établie sur le culte d'Artémis Limnatis qui attira à lui la première agora, confondue avec une place d'assemblée autour du sanctuaire. Contrairement à R. Herbillon, nous ne croyons pas que l'installation des Olympiens remonte à ce premier mouvement caractérisé uniquement par un regroupement des cultes locaux 5 • L'apparition des cultes olympiens marque un stade t~û,eu8fpouç 't'1}v cr-roocv ob.:o8o[L'ijmx.~ -r1)v rrÀ'I)crLov a.ù-roü ». '0 8~ 6L8uw)ç
plus de précision sur l'origine de ces épithètes. La plus ancienne paraît être celle de Sôter ( IG, Il ', 333, 1. 13; 410, 1. 18, etc ... ), l'au~re qualification n'apparaissant que dans les décrets pos~éricurs à 378/7 av. J .-C. 1. Paus., VI II, 20, 2. 2. R. Her·billon, Les Culles de Patras, 1929, p. 86 sq. 3. Pa us., V li 1, 18, 5. 'l. Puisqu'alors Patreus, dit Pausanias, interdit à ses sujets d'habiter les ·deux au tres villages, cf. 1-lerbillon, o. c., p. 58-59. · 5. L'histoire de Patras est mal connue, cependant on sent que le synécisme ne se nt pas sans ·heurt ni sans résistance de la part des villages qui luttèrent pour la prédominance ; en particulier, village de Mésotis résis ta longtemps. A l'époque de Pausanias, il avait encore le privilège de garder toute l'année durant l'antique xoanon d'Artémis.
le
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plus évolué vers l'organisation de la cité centralisée, date à laquelle l'ancienne place religieuse devient une véritable agora dotée d'organismes civils ; cette création conserva toujours un certain caractère artificiel souligné par l'opposition des groupements cultuels. Enfin, on rencontre çà et là des cultes de Zeus de valeur purement locale. Que Zeus Néméios rappelle sur l'agora d'Argos la gloire du grand sanctuaire de Némée 1 ou que les Éléens honorent le grand dieu panhellénique sur des autels alignés en façade de la stoa des Hellanodiques 2 , nous ne saurions en être étonnés. Le Zeus Xénios de l'agora de Sparte et de Théra exprime la politique très précise que ces cités avaient adoptée à l'égard des étrangers 3 • Nous avons déjà noté la valeur politique et fédérale du Zeus Lykaios installé sur l'agora de Mégalopolis dans un bois sacré conçu à l'image exacte du sanctuaire panarcadien du Lycée 4 • Par les cultes des ago1·ai de Corinthe, Mantinée et Sicyone, nous renouons avec une tradition plus commune, celle des divinités chthoniennes. Zeus y est honoré sous les noms de Chlhonios, Eubouleus et Meilichios 5 • En ces trois cités, Zeus semble avoir assimilé des cultes héroïques primitifs. A Corinthe, il n'est pas sans rapport avec l'histoire complexe du temple B et de son installation mantique 6 • Eubouleus, identifié avec Pluton dans la tradition éleusinienne 7 , entretient d'étroits rapports avec les divinités chthonienness. A Mantinée, il faudrait peuL-être le rapprocher d'un Zeus Epidolès que mentionne Pausanias 9 •
Artémis. Artémis porte l'épithète d'Agoraia en deux grands sanctuaires du Péloponnèse , b. Olympie et à Épidaure, bien qu'elle ne soit pas en rapport direct avec la vie des cités et l'agitation de l'agora. A Olympie, elle a subi l'influence de 1. Paus., II, 21. 2. Paus., VI, 24, 2. 3. Pa us., III, 1 J, 8; Tllera, 1, p. 236. 4. Paus., VIII, 30, 2. 5. Paus., 11, 2, 5; G. Fougères, Mantinée, p. 304; Paus., II, 8, 6. 6. A l'époque de Pausanias, seul l'aspect chthonien de ce culte aurait survécu tandis que l'oracle aurait élé oublié, De Waele, Gnomon, 1932, p. 366-367; Eitrem, Philol. Woch., LI, 1931, p. 766 el Lili, 1933, p. Ill. 7. P. Foucart, REG, VI, 1893, p. 334. 8. O. Kern, AM, XVI, 1891, p. 1 sq. 9. G. Fougères, o. c., p. 304.
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Zeus A go rai os • ; leurs aul;els sont mentionnés à la suite par Pausanias alors qu'il vient. de passer devant. le Bouleutérion et s'apprête à sortir de l'Aitis sur la vaste place qui s'étend en façade du portique Sud 2 . A ~ pidau re 3 , l'épithète prend un sens plus net si l'on n'ou blie pas que la déesse était associée ici à l'organisation poMique, car nous connaissons une Artémis Pamphylaia 4 dont. le culte est en rapport. avec le système des tribus de la cité dorienne. Ces fonctions politiques a pparaissent en plusieurs endroits où la déesse est installée sur l'agora avec d'autres épithètes. A Sicyone, elle ét.a.it Palrôa 6 . C'est. sans doute à ses liens de parenté qu'elle doit d'être invoquée comme Boulaia à Athènes• el B oulèphoros à Milet', plutôt que pour ses qualités de déesse de la santé ou de la prospérité*. A Ar-gos, un cul te d'Artémis Peilh6 est. mis en rapport avec le célèbre procès d'Rypermnestre contre son père ; il est plus probable qu'il s'agit. d'une assimilation de l'ancien culte de Peilhô qui sut mieux se garder sur l'agora de Sicyone'. Les interventions d'Artémis dans la vie politique ou sociale restent exceptionnelles10• En effet, l'introrùsation d'Artémis sur les places de Patras et de Sicyone avec le titre de L imnaia ou Limnatis et sur les 1. Pa us., V, 15, 4; C. Rober!, Hermes, XXXIII, 1888, p. 431 ; \Verrticke, J ahrb., lX, 1894, p. 99 sq.; L. Wenlger, IWo, XIV, 1915, p. 43J; sq.
2. J altrb., Lill, 1938, Olgmpiabu., Il, p. 2S sq.; LVI, 194l, Otumpiabtr., 1 Il, p. 30 sq. a. I G, rv•, 1, 405. 4 . Ibtd., r.oa. 5. Paus., Il, 8, 6. N'y a-t-il pns quelque innuenoo de l'Apollon Pa11'6o• d'A thènes? G. Le çullAl, d'après Plutarque, serail une tonda lion de Thêmlstoole, Thtm., 22; ç f . Kirchner, /(llo, V III, 1008, p. 487 ; IG, Il ' , 798 et iG, li ', 848, 890, 967, etc ... 7. Syrt.•, 660 (1v• s. Il\', J.-C. ). 8. l nlerpréLaUon de O. Gruppe, Griech. Myfh., Il, p. 1282. On s'accorde en général à reconna!Lre l'origine égéenne, el plus spécialement lydienne, d'Art6mia, mais M. P. Nilsson. Gtsch. qritch. Reli9ion, 1, p. 451 sq. souligne ta diverl!lt6 des :.specl.s eultuels sui••an~ tes régions. 9. Paus., Il, 7, 7-8. JO. On peul encore mentionner une Arl.ém!s P hosphoras qui recevait aes sacrillces 3vant tes assemblées, J G, Il ', 902, 1. 6-8 : (1:wv Ouen;;,., ;;,., f}Ouov -r:i r:po w (v buù.7Jodiiv • ]- · x
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L 'AGORA ARCHAiQUB
a9orai des cités de Phocide ou de Béotie avec 1'é pithèw d'Euk/eia s'explique pour d'autres raisons. De ln première, on suit les tra ces dans les régions mt\ridionn les eL occidenLales flu Péloponnèse•. C'est une ancienne divmi té des marais et des terres basses donL la collusion avec le cul te d'Artt\mis s'explique par des caroclères comm uns. Dans le Pt\loponnèse, elles sont, tot1l.cs dcu" des divinités de la végêtalion exuMra nt.,e, propres uux 1-égioos basses, h umides, sc rio isanL nu voisinage des sou rces et des marais 2 • Leu r présence sur l 'agora r elève donc d'un aspect primitif de l' aLmosphère religieuse de ces placeo très imprégnée pa r les cultes runéraires eLcht.honiens. Dans la Grèce centrale, en Phocide eL Béotie, Arl.émis e t honorée sur les places publiques avec le lit-re d'Eukleia 1 ; des (êtes du m~m e nom sont célébrées à CorinUt<' comme à Delphes. lei encore, seule un e assimilation rie deux dh·inil,t\s explique la présence d'Artémis sur l'agoru. Eulcleia est ln déesse de la vie familiale, du mariage en part-iculier; elle reçoit, comme Artémis eo !l 'autres régions, les oiTrandes préa lables aux noces; jeunes gens eL jeunes filles leu r sn cri neut avant. de convoler, n'où la fusion des deux culLt-s. La lète d'Artémis Euifleia esL men tionnée à DelphcR à l'occasiOn des naissa nces• ; p1'oLectrice du mariage, elle préstn·ve la cité contre la dissol ution inlérieure et C'O nlre tout,e allia nce étrangère. A Corinthe, ces fêtes se déroulen t sur l'agora el nous verrons qu'elles n e sont. pas sans rapport avec les cul les funéra ires associés à l'exLension même de la placo 6 . Sou rôle 1. Limnaia entre Sparte ol Messène, Pnus., IV , 4, 2: 31 , 3; Strobon, VI Il ,
362. A Meuène m
z.
FONCTION REL IGI E USE
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assez ohscur sur les agorai de Phocide pe ut s'expliquer sans doule p ar les aspect.s primitifs de ce culte, de car act ère n et temen t funérai re •. C'est pa r le souveni r d'une tradi t ion locale qu ' Hésiode (1'héog., 430 sqq. ) men t ionn e Héca te dont le culte était porliculièremenl Créquen t en Béotie. Il ne semble pas q ue l'époque classiq ue l'ait acceptée ovee faveur. Quelqu es au tres d ivinités, comme A thén a et Aph rodite, portent accidentellement l'épi thète d'A goraia. AU1éna , la déesse de l'acro pole, ne v ienl sur l'agora q ue dans le sillage de Zeus 2 • QuanL à Aphrodi te , son action est liée à La vie m at érielle de la place pu blique ; elle est, avec H ermès, la divini té fa vorite des agora noroes el de tous les magistra ts chargés du bon ordre des ma rchès 3 • A po/lon. Apollon o 'est pas un dieu familier de l' agora, en core q ue l'épithète d'A goraios ru t pu lu i êt,re appliquée une fois 4 • S;Jns doute Apol lon a- t-il joué u n rôle indéniable d ans le progrès des idées polit iques et. dans le d éveloppement de la cité par les in terventions répétées de sou oracle delphique. Dès l'époque archaïque, il exerce, en pays ionien , un e réelle prépondérance de caractère fédératif. Ses sanctuaires so nt le centre de fédérations act ives el prospères. Cependan t il n 'en tre p as dans la cité, il ne s'insta lle poin t su r l'agora. N'est -il pas cependant. le dieu de l'assemblée politiq ue d ans les cités doriennes '? Eu fa it., les rappor ts étymologiques en tre' An6J..}..u>v et lintÀM resten t indémontrés 6 • Il est possible 1. M. Cua rtlucci, Sludl e Maleria/1 Slorla delle l lellgioni , XIV, 1938, p. 1 sq. 2. Une inRuunco exlêrieuro explique, è noLro avis, l'épblthète d'Agor aia accolée au nom d 'Athéna à Spa rlo (Paus., Ill , Il, 9), associée tl Zeus; plus ieurs couples sonl a ussi rnenlionnt\ij par les Lexles : Athéna Poli~ et Zeus Polùu•, Athéna Amltvutia eL Zt•us .A m/)()ulieus. 3. Aphrodite a pu porter l'épithète :) Cy-Lique, d'après une restlt..utlon de 1-. Robert, BCH, Lll, 1928, p. 436-4 37 : ~w1 8è "P'~' ('l'Oïl 'Ep11-oü -roü ' Ayop
mais obnndonnée dans l'~di üon de 1928, Il, 1, p. 284 . Cl. au contraire O. Kern, R elig. der Grit chen, J, p. l lO sq.; admise implieit..lmonl par Homolle, B CH, X IX, 1895, p. 44, dans son commentaire des Laby ades. M. P. Nilsson, Ceuh. griceh. Religion, 1, 1941 , p . 5'24, resl<> hésitant. Sur l'étymologie hittite, mêmes lnecrliludes, E- Lar<'ll'.h o, llechercl>e$ • ur lu nom• du dieuz /till il<>, 1947, p. 80.
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L'ACORA ARCHAIQUJ!
que les deux termes aient une comm uue origine qui n'im plique aucune valeur politique. La désignation de l'assemblêe par c!.n1:M« n'est que secondaire, dérivée, par compartùson, du sens primitif q ui s'a ppliq ue à un espace clos dn barrières, destiné à metl n: les troupea ux en sûreté 1 • C'est pourq uoi on hésilcrn à suivre Farnell quand il accorde une place privilégiée oux fon ctions politiques dons lf~s dive1'S aspects d u culte d'Apollon 1 ; il tire argument d u rôle d'Apollon Palr6os dans la démocratie athénienne, de sa parenté obscure, comme il le reconnatt lui-meme, avec le héros Lylros 3 et du rôle civilisa teur de l'Apollon Akésios dont le sanctuaire constiluait une des curiosités de l'agora d'lllis•. Nous ovons reconnu quelq ues otlrib uls poliLiques dans le dieu honoré des Ioniens ; c'est lui qui, sur l'agora d'Alhènes, est le symbole de la démocralie o thénienne complèlcmcnl unifiée, encore qu'il 3 ppa roisse dans la tradition avec les caract.ères d'un in tru~ assez violent et sous les traits d'u n séducteur étrange. Il témoigne nettement, en to ut, cos, do l'emprise ionienne sur Athènes. Il en est autrement de l'Apollon péloponnésien, aux aspects variés : J(am eios, Lyl.·eios, Épikourios el Akésios. Toutes ces épithè tes reflètent, à notre avis, l'ét.at primiW de ces cil és, occupées d'élevage, fic La protection de leurs t,mupeaux; Apollon est le prolecieur, le guérisseur, fonclions qu'il a dû enlever souven t à Lei héros local dont il a assimilé les pouvoirs en même temps que le culte. Nous comprenons de cette façon la place qu'il occupait pa rmi les cultes héroïques, sur les agorai d'Argos et de Sicyone avec l'épithète de Lykeios 5, sur celles d'Oet ylées, de Bot>ue et peut-être môme de Spar te sous le nom de J(arnéios• ; ù ~lis, il est Akuios, comme il est 1. Hëlyehiu•, a. v. d:~re>.>al · '"~""'· ix><À'I)a!:u,
d'Apollon, prot.eet cur des bergers ~:l de.' t roupeo.ux semble bien Ae retrouver dao6 les origines obscures de l'Apollon IJJittlol qui tenoil uno si grnndc place doœ les lradilions argiennCll comme sur l'agora de la eil~. li. P. Nilsson, Guch. orlech. R
FOI'CTION RBLICIEUSB
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Épilcourios à Phigalie el à Mêgalopolis1 . La diversiLê de ces épithètes cu lt.uellcs n ous [ait. Louclter atL-.: deux nspect s essentiels des cultes de l'agora en général ; en pays ioniens, nous nous t.rouvons dans les couches les pl us récentes d u complexe religieux, corresponda nt à l'épanouissement. dé fi nitil de la cit é réalisant son unit.6 politique : dans le Péloponnèse, nous atteignons les surv ivances d ' un clat. religieux populaire et p rimitif que l'organisation de la ciLê n'a !ait q u'adopter ou trans[ormer. H ermts. Après Zeus, Hermès est, par excellence, le dieu agoraios ; mais il es!:, plu~ dlfficile de préciser la valeur exacle de l'épit.hèle, tant le perso nnage est d'aspect changeant•. Dieu du commerce, il tien t, à l'époque classique, u ne place parliculièrernent importante da ns la vie mntérielle de l'agora; l'ironie et la richesse verbale de l'Hymne ne doivent pas obscurcir le véritable caract ère de ce personnage qu i o inventé l't:change pour [aciliter la vie des humains 3 • Il assure l'h armonie et. le bon ord re sur les marchés; tous les agoranomes eL a utres magistra ts occupés de la surveilla nce des relations commerctales lut témoignent leur reconnaissa nce à leur so rtie de charge•. L'étendue de ses p ouvoi rs et l'importance de son culte app araissent da ns le p•·ix ni.Lcint par sa prètrise ù f.:rythrées ; elle occupe de loin le premier rang 5 • L'épithète Lraduit. donc na t urellement ce rôle, soit en insista nt sur les caractères de ln divinitê du marché, soit en soulignant. 1. P~n!., VI 11 , 30, 2. Seuls pourraient ~Lre oberrnnt.s l' Apollon Til/arlos de Trf7JM, Pa us., Il , 3 1, 1 el l'Apollon Clar /at do Corinthe, Pa us., Il, 2, G ; mais erhol·el ,-.,nèle sur l'agorn do Corinthe les lnnutnc~ religieuses qui onl suivi le• rou ra nt• comuoe~ lau.'< à l'tpoquc nrchalque, O'Nell, A ncitnl Curln/h, 1930, p. 4G oq. el De Waele, Gnomon, 193'2, p. 366 aq. 2. Pour 1~ lieux de cullu d'Her mè6 Agorailll, à Ill h
'
192 simplement. la localisation du cul te par ra pport à d'auLres Hermès, comme c'est sans dout.e le cas à Sicyone ou à Thèbes. Mais quelle était. ln EoncLion exacte du fameux Hermès Agoraios d'Athènes, dressé à proximité du Poecile, snns doute avant. les guerres médiques? On dou tera qu'il soit un simple dieu du marché, marquant. la victoire des racLeurs économiques daus l'évolut ion polilique d'Athènes, comme on a voulu récemment le soutenir 1. Sa protection s'étendait. à d'aut.,·cs aspects de ln vie de l'ago1·a eL il rejoignait. par certains côtés Zeus A goraios lui-même. Entretenailril même quelques rapports avec les au t.res Hermès qui, depuis Hipparq ue, jalonmùenL les roules de I'AtLique eL guidaie nt. le voyageur 2 ? C'est. trop simpli fier l'histoire du culte que de la limiter à l'étude du déplacement de la borne frontière, loin clcs villes, sur les agorai des ciLés, quand la fonction commerciale s'y installe. Car, en plusieurs régions, Hermès A goraios semble sc rattacher aux éléments religieux lc.'l plus anciens de 1'agora. · Il est certmo d'abord qu'il ronserve quelque chose du caractère pt·imitif du lieu de l'assemblée, domaine de la parole oL de la vie politique. Pour Plato n, le nom d' Hermès évoque essentiellement la pu1ssance du verbe dont. toutes ses autres fonctions dépendent., y compris celle du mattrc des échan ges~. Associant, cet aspect du personnage à son rôle de héraut divin, Farnell a proposé de Lransposer cette fonction sur le plan public et de faire d'Hermès A yoraios le dieu de la parole ct le protecteur des orateu rs•, hypothèse qui serait confi rmée par un passage de Plutarq ue qui atteste ce goût d'Hermès pour le beau langage 5 • Il est possible que l' Hermès
1. N. llruwo, U trtnu th• Thltj, Il) 1?, p. 1 I I · I IZ. 2. Sur ee ..Ole primitif d 'llermu, /~Id., p. 37-38. Cr. Chrome, Hipparcheioi
fltrmal. AM, LX·WCT, 1935-36, p. 300.313. 3. Plat.on, Craly lt, 407B-408a : ' AX>it 1'-"1~ 't<>ÙTÔ )'C •OU<E mpt Myov n dvotl ô • E!:J.IiiÇ • - - - Xllt Tl. iyopllO'
FONCTION IŒ LIGIEVS&
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Agoraios d 'Athènes aiL participé lui aussi à cette activité de 1'a go rn
et que la consécration des Hermes a u nom de chaque Lribu, en commémoration des gr andes victoires rem portées par les généraux athéniens, traduise ce rôle protecteur q ui fl oit par s'étendre aux divers aspects de la v ie de la cité, in térieure et extérieu re 1 . Nous devons aller plus loin encore, nous laissa nt. guider pa1· d'a utres in dices. On sait que l' Hermès Agoraios de Sparte Hait représen té por tant Dionysos enfan t sur le bras 2 ; à Olbia, nous avons relevé l' oflrand e d'une Nikè d'argen t pour la sa uvegarde de la cité et la sa nté du donateu r~. [.'assoc iation d ' Hermès et des Charites que Plutarque int.er prét ait comme le symbole d ' une puissance oratoire et in t.ellect.uelle du dieu, nous paraît, a u contraire, évoquer bien davanLage l'aspect de ces cult es relatifs à la fertilité ct. à la prospér ité des Hres de la na ture . On connalt le caractèr e d ionysiaque des représentat ions qu i décorent. la face des piliers d ' H ermès•; le symbolisme ne peut s'ex pliquer uniquement. par le rô le d'amulettes apotropaïqucs q ui tiend raien t leur puissance du pouvoir magique p lacé primitivement dans les bornes rrontières 5 ; on ne comprendrait plus le rôle si important d'Hermès conducteur des âmes. C'est sous le même aspect que se présent e l'Hermès Agoraios de Pharae doté d ' un pouvoir oraculaire qu 'il exerçait par clédonoma ncie 6 ; le consultant , après avoir brülé de l'encens sur l'autel et. rempli les lampes d'huile, pose la question a u dieu en parlan t. à voix basse ; il tient ses oreilles bouchées jusqu'à ce qu'il a it quitté l'agora ; la première parole entendue ensui te constitue la réponse de l'oracle'. Le rôle pr épondérant d' Hermès se justi fia it. par des 1. A.
von Ootnuszewijkl, Die Hermon der Agora :u Athen, Sll;unglber. Akad.
H•id•l., 19 1•1, Abh. JO. p. 20 sq. ; F. Chrome, o. c., p. 308·309. La mulllatlon des Hermès à la veille du l'expédition de Sicile rut interprétée eiTeclivemon~ comme une manileslalion politiqua mise au compte des oligurques. 2. Pous., Ill , I l, Il. L'œuvre est repl'\l•enléo sur des monnaies impériales Jmhuoi-Dlumer-Gardnor, Numis. comm. of Paus., pl. N, VI. 3. Lalysc hev, lnscripl. P . Eu:. l, 76 . .a. Farncll, o. c., V, p. ll-1 2 ; Eil.rem, FIE, •· v. Jlermos, VIII, col. 771·ii6. 5. I nterpréta tion proposée pnr N. Brown, o. c., p. 34·35. G. Paus., VIl, 2'2, 2. 7. La clédonomancie parait 1\lre la lorme la plus courante <jeo; oracles d'Her mès, Bouché·Leclercq, lli• l. dela divination dan.t' ;lnliquilt, JI, p. 399:400; curieuses s urvivanc•s de ce culte d es fon l~ioes i:lCrécs, &ignaléeJ! p.ar C. Rbo-
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L'A~RA ARCKAJQUB
raiso ns locales puisque cette ville se donnait pour fondateur Pbarès, fils d ' H ermès et de Philodamia; le dieu était associé, par filiation directe, à la fondation myUlique de la cité et, par conséquent, au cuJ te héroYque de l'Oekiste •. Tl t.oucbe ainsi aux éléments qui sont à l'origine même de l'hist.oire de l' agora. Cel te parenté que notts po uvons saisir à Pharae nous échappe a illeu rs ; elle nous révèle du moins la complexi té d ' Hermès Jlgoraios dont l'épithète ne peut reeevoir une explica t ion uniforme. Elle dépend t oujours des circonstances locales. En t.out cas, ses références à la fonction commerciale de la place publique nous paraissent les p lus r éce ntes el correspondent à ce que nous savons par ailleurs de l'hiStoi re de l'agora .
3) Les cultes héroïques et funéraires Gn principe gé néral d e la législatio n grecque interd isait l'inhumation à l'intérieur d es cités; tou te in fraction él.ait j ustifl éo pa r des considérations d ' intérêt supér·ieur. Un e des exceptions les plus nol.ables est celle qui accordait les honneurs de la sépulture sur l'agora, cou tume resléo vivante j usqu'à la fi n de l'histoire gr ecq ue. ~ous uvoos pu sui vre les lointa ines ascendances de ceU.c t.radili on w ; elle a ses raci nes dans l'histoire des cultes runé rai res préhelléniques q ui all.i rèrenl à eux les assemblées. La croyance en l'a ction d irecte des héros pour ou cooLre les membres de la cil é fut un des élémen ts essentiels de cette (a veur cont,in ue. L'ancêtre mythique ou historique, le fondateu r, le 16gislaleur, rcstail ainsi présent., ne cessait d ' inspirer les citoyens, pouvait même, dans les circonstances graves, sortir de sa tombe el participer à une action directe contre les enne mis. Les Athéniens n 'él.aient.-ils mruos, Cullrs popu lai ru dt la Thrace.
10 19, p. 17 el 19-'l.ll Cf. J<.
Lo ttc, RE. s. v.
Or<Jktl, col. S:J0-831, qui cite ousei plusieurs oracles ciMonomanüqu~s de Zeus.
1. Sur la nature de c~ culte Usencr, G/Hûrnamcn, p. ~7-268. z. Supra, p. 47 sq.. E. RohdC, PIUCht, 1!128 (lrad. fNlntoll!e), p. 1Zl 1q. faUdêrl· ver le cul le d~ Mros du culte des AncOircs qui .-emiL pr~miLif ; P. Foucart, Le Culte du llüo1 ella lu CI'UI, M~m. A cod. /nsc., XLII , lll22, p. •1 sq. lo ruLtacho dlrect.ement au culte que les rois et le.i chef• reuv81tnt après leur mort el en volt l'origine daru la bh!ran:hle d& la socié~ mycénienne. Pour Fornell, Gruk lluo Cul!•, p. 313 sq, eulte des Anctlrœ ol culte d M Morts remontent lous dewc 11 des époques ancienne~~ eL se développent parallèlement. cr. à co propos 1~ romarqueo de Ch . Picnrd, con~ro Vollgrart, CRAI, 1\!44, p. 7·0.
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FONCTI ON 1\ELIC:IEUSE
pas persuadés que les héros de l'Attique avaient été vus parmi les combattants de Salamine? Avant d'attaquer une cité, on cherchait à la priver de l'appui de ses héros ; sur un oracle de la Pythie, les Athéniens agirent ainsi à l'égard d ' ~gine et la préparation de la guerre comporte l'installation d'.!Eaque, le M ros national éginètc, dans un téménos sur l'agora d'Athènes 1 ; Cimon fait. preuve d'un grand sens politique en opérant. le transfert. des os de Thésée sur le sol na tio nal (Plut., Cimon, 8). Parmi ces cultes, les plus anciens relèvent en partie de la légende et s'adressent à des héros mythiques ; d'autres honorent des personnages historiques, à des dates plus récentes. Ces honneurs cultuels s'adressent tantôt à un tumulus, à une to mbe réelle ou à un cénotaphe, ta ntôt à un autel ou même à une simple statue. Toute une partie des cultes héroïques attestés sur les agorai évoque des personnages dont la valeur historique est souvent contes ta ble ; d'autres s'adressent aux héros éponymes qui sont le produit. d'une réfection de la tradition religieuse, en [onction de l'histoire politique ou de grands événements extérieurs 2• On comprend sans difficul té les raisons qui, au moment. de leur synécisme et, plus encore, aux époques d'expansion, ont. amené les Mantinéens et les Tégéat.es à faire de leur agora le centre des culLes consacrés aux héros 1. Hérodot.e, V, 89.
Cr. la lis Le des • épipha nies • guerrièr es donnée par
z
M. La une y, fltchuchts sur les arm~u hellénls/lques, 1950, p. 897, n. et 898-899. 2. T el est le cas de : Arkas à Manlioi!e (Paus., V Il!, 9, 3; 36, 8; F. Pnst.er, Rtliquitnkull, p. 2.04 sq., 282) . tlatos à ~latée ( Paus., v, 34, 6). P aris 0 Pari on (ALMnagoras, D e legal., 26). Thtlrus Il Tbéra. Pat"reus à P a tras {Paus., VI 1, 20, 5; R. Herblllon Lu Culltl dt Plllra• ' p. 55 sq.). Ti:géates à Tégée {Pa us", vu L, 48, 6). Oxyl.,; à t lls (Pa us., V I, 24, 9]. AuLonoè à Mantinée ( Fougères, Manlinte, p. 193-1 94). Danaos à AI1:0S (SLI'nbon, VLII, 371; P aus., li, 20, 6). Gorgu Médusa à Ar~s (Pau•", 11, '21, 5). Gorgopbonê à ArflOS {Paus ., If, 2 1, 7)" K erdo à Argos (Pa us.. 11, 2"1, 1). Oreste à Sparte (Paus., 111 , 11, 10). Hellen à Mélilée {Strnbon, IX, :142). Leucippos ~ Magnésie du Méandre.
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L'AGOI\A ARCHAÏQUE
n ationa ux Ark:~s ou Tégéat.ès. De même qu'f:latos à Élat ée et Palreus à Patras peuvent. se passer de Lout substrat. historique, n'étant que le symbole d'union polit ique entre groupements dispersés. Mois ou-delà de ce lien historique, associant. le héros à l'agoro , l'union entre places d ' assemblée et. ~/>pu l lures apparalt. fouctioonellemenl. lrè ancienne el t rès êLro1le. Nous ne reviendrons pas ici su r les pri mit ives assemblées qui ont. fourn i à l'agora sa première défin ition de • cercle s:~cré n ($ttpra , p. 42sq .). Le lien s'est par fois mat.érialisé, comme â Corin the où Lou tc la région méridionale de la place a ét.é conquise aux dépens d ' une ut:cropole dont. quelqu es cultes ont profondément inlluencé le complexe religieux d e 1'agora postérieure. Mèrne là où le lien n'Hait pas éta bli entre l'agora grecque el. des traditions prot ohist.oriques, le caracl.êre primitif des lieux d ' assemblée n j usti fi é eL mème provoqué l'installal.ion de culles funéraires. Il ne faut, don c pas s'étonner si, a ux cô tés de sl':pult,ures my Lhiques, son t venues se placer les t.ombes de simples humains dont le destin était un sujet de gloire po111·ln cil.û. Par ceLLe association et ces origines, l'atmosphère religieuse de l'agora est marquée d'un indéniable ea racLère funéraire; eUe devient. un ce nt re d'aLt J·action pour les culles appar entés el., to ul. parliculièremen t, pour les divinités chthoniennes. Attirée dans les régions basses p our d es raisons cul tuelles et d es nécessit.és éeonomi4ues, l'agora adopta les dieux qu 'elle y r enco ntrait.. C'est. à ce m ême cycle, de caractère familial ou triba l, que sc ra l lachent des culles a nciens, comme celui de la Chèvre su r l'agora de Phlioot.e 1. O n veut. y voir tantôt une Art i>mis ou une Héra primitives•, Lanl.ôt u n Oiony!OS3 n s'agil. sans dout.e d ' une trè.~ nncienne divinité indigène q ui a pu constituer, très lôt, un centre de cristallisa tio n sociale ou politique•. Comme o Charad ra , la tradition locale hésitait. elle-même sur l'ident ité d e ces anciens cultes héroïq ues ; les
1. Paus., 11, 13, &. 2. Odelberg, Sacra Corlnthia, p. 109 lq. 3. Wille, Lait. Hnllt, p. 79, n. 1 ; FI'3Ur, Comm Pm,.., lll, p. 20<>. 4. C. Clerc, Le• IMoru• relalllltl au cult• du / mnqes, p. 18. 11 raul ~nser lçl aux OQ IIlbreux cu lW zoornorphlqu~ quu l'on reoeont.r& dans le Péloponnèse du centre et du N., l~IS le ZCU!·Loup du Lycêo <;L 1~ Dtmêl.Cr tl tête do cheval d o Phlgalle.
FONCTION RELI GffiUSE
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uns parlent. des D ioscures, les a ut res de héros i.ndigènes 1• En de nombreux cas, des divini tés plus réce ntes eL plus puis.<;antes assi milèrent ces cultes et en masquèrent le caractère primiW. Nous saisissons ici, je crois, la couche peut-être la plus ancien ne des éléments religieux de l'agora, étroitement associés à sa fonction primitive dans le grou pement politique a. C'est par la sépulture qu e les héros fondateurs furent honorés da ns leur ville; ils eurent. le droit d'êt re inh umés sur l'agora3. Il est difficile de fixer la date où des infractions si n otoires aux règles traditionnelles de l'inhumation dans les cités gr ecques furent a ccept-ées ; les sur vivances de ces pra tiques, courantes à l'époque m ycén ienne, du moins en l'honneur des chefs, exigeaient l'a ppr oba tion divine d 'u n oracle et souvent du plus important d'entre eux, de celui de Delphes; c'est su r un oracle de la Pythie que les Mégariens ont en terré leurs héJ•os dans le Bouleut.érion• et Mégare oiT re le plus a ncien exemple d'une sép ulLure sur l'agora : la tombe de Koroibos, le fond a teur d' une kômè mégarieone, respectueux d'un oracle py thiqu e 6 • Clisthènes insta lle sur l'agora d'Athènes l'enclos des héros éponymes pour obéir· lui aussi aux ord res de son alliêe de Delphes. A l'origine, l' institu tion d'un culte M r·oïque ne semble p as nécessa irement liée à la sépulture. Les Lacédémoniens accordèrent ces honneurs à Lycurgue, sa ns co nser ver son corps parmi eux. Même si l'historicité du personnage peut être discutée•, la tradition reste vivace et les rois, d'après un usa ge que les Spartia tes ont peut-être 1. Paus., X, 33, G : X"ptl8p
N. Kontoléon, 'l'o 'Bpix.Ouov, J949, p. 69 sq. Des tombeaux de héros l.raditionnels et rondateurs pouva ient se t ..ouver même duns des sanct.uair<>!, lei celtù de Kinyras, dans le sanctuaire d'Aphrodite à Papbos de Chypre, l mDUl.rados dans l'Eieusinion d'Athènes. Cl. sor celUi quesUon les remarques de Vollgrarr et Ch . Picard, CRA I , 1944, p. 7-9. 3. Ce~ honneur, d'après une sebolie de Pindare, serait devenu une rigle : Pindare, schol. ad 0/ymp., 1, 149 : Û( y«p ot><«n«l lv (Jiooc•ç =iç n61.t
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L'AGORA ARCHAÏQ UE
emprunté à leurs prédécesseurs, furent, à leur mort, l'objet de cérémonies religieuses qui s'adressaient, non pas à des humains, mais à des êtres d'une nature supérieure 1 . L'efficacité et la célébration des cultes funéraires expliquent que les cités aient voulu renforcer cet élément de sécurité par la présence réelle de ceux qui en étaient l'obj etz. Cette coutume, si elle précède le vaste mouvement d'installation coloniale des vme et vne siècles, en reçoit une très large impulsion. C'est en effet dans les colonies que la présence du chef fondateur semblait particulièrement utile et ces nouvelles cités qui étaient plus indépendantes que les métropoles à l'égard des traditions religieuses faisaient de leur chef un héros protecteur dont les dépouilles et le culte étaient installés au centre même de la ville , sur l'agora : tels Battos à Cyrène (P indare, Pythiques, V, 93), colonie de Théra et Timésios à Clazomènes, rétabli lors de la deuxième fondation d'Abdère par les Téiens en 654 av. J .-C. (H érodote, I , 168). Ni Foucarta, ni Farnell4, ni Deneken n'ont, à mon avis, suffisamment mis en valeur ce rôle des cités coloniales dans l'épanouissement du culte héroïque des fondateurs ou des bienfaiteurs. Deneken y voit une caractéristique des cités du Nord parce que, dit-il, les cultes des divinités chthoniennes et des héros mythiques avaient leurs racines dans cette région. En réalité, les sépultures et les cultes honorifiques n'y sont ni plus anciens ni plus nombreux que dans les fondations plus récentes du monde grec occidental. Si Hagnon, puis Brasidas, après la défaite athénienne, reçurent ces honneurs à Amphipolis (Thuc., V, 11), si Miltiade fut le héros de Chersonnèse (Hérodote, VI, 38), Timoléon, celui de Syracuse (Diodor e, XVI, 90, 1), Phalantos, celui de Tarente 6 , tous les tyrans ensuite qui ont travaillé à la 1. Hérodote, VI, 58 ; Xénophon, République Lacéd. , XV, 9. 2. L'héroisation, même à l'époque classique, reste indépendante de la sépulture; un véri table culte s'attacha au groupe statuaire d'Harmodios et Aristogiton sur l'agora d'Athènes, bien que leurs corps aient été inhumés dans le 87)!L6atov a1j!J.tt du cimetière du Céramique (L. Weber, AM, I., 1925, p. 153-1~6; Rhein. Mus., LXXV, 1926, p. 291 sq. ; il en fut de même pour l'athlète Theogénès de Thasos, R. Martin, BCH, LXIV-LXV, 1940-41, p . 163 sq. 3. P. Foucart, Le Culte des héros chez les Grecs, p. 132 sq. 4. Greek Hero Cuits, p. 361 sq. 5. Roscher, Lexicon, I, 2516 sq. 6. Pllster, Reliquienkull, p. 295-296.
FONCTION RELIGIEUSE
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grandeur de leur cité, Gélon à Syracuse, Théron à Akragas, obtinrent ces honneurs héroïques (Diodore, II, 53, 66). Isolées de la métropole, loin de la protection des dieux traditionnels de la cité mère, les colonies cherchaient dans des humains promus au rang de dieux ou de héros la protection dont elles avaient besoin contre des ennemis sans cesse aux aguets. A partir du ve siècle, cette coutume s'étend à d'autres personnages, aux grands législateurs qui surent faire régner l'ordre social et la paix politique 1 , aux citoyens qui avaient sacrifié leur vie à la défense de la patrie, honorés d'abord en groupe, comme les Oresthasiens à Phigalie (Paus., VIII, 41,1) et les Grecs tombés à Platées (Thuc., III, 58; Plut., Aristide, 21), puis à titre individuel ; nous pensons à Philippe de Crotone, mort pour les Égestéens (Hérodote, V, 47), à Maion et à Alpheios, les deux Lacédémoniens les plus braves tombés aux Thermopyles, dont la dépouille était honorée dans un temple à Sparte (Paus., III, 12, 7). Le tombeau de Talthybios, sur l'agora d'Aegion d'Achaïe, symbolisait aux yeux de ses concitoyens la résistance au P erse ; il avait mis à mort les envoyés de Darius venant demander << la terre et l'eau »2 • L'usage s'étendit aux écrivains, aux athlètes qui avaient illustré leur cité dans les rencontres panhelléniqu es ; c'est ainsi que, d'après une tradition encore mal assurée, il est vrai, la dépouille mortelle d'Hésiode aurait été transférée sur l'agora d'Orchomène de Béotie3; celle d'Hérodote, sur l'agora de Thourioi dont il avait été un brillant citoyen 4 , celle d'Anaxagoras sur l'agora de Lampsaque (Aristide, Rhél., II, 33). Les athlètes Cléomédès à Astypalaea , Théogénès à Thasos reçurent eux aussi les
1. Tels Charondas à Catane (Jamblique, Vit. Pytllag., 30, 172) et les législateurs de Tégée (Paus., VIII, 48, 1). 2. Pa us., III, 12, 7. Il est possible que dès le début du v• s., avant les guerres médiques, un cu!Le ait été célébré en l'honneu r d'Harmodios et Aristogiton su r ' 1•agora d'Athènes auprès de leur statue, L. Weber, AM, L, 1925, p. 153-155, d 'après Hérodote, VI, 109; mais le culte et les sacrifices furent rapidement attirés par la sépulture ; leurs corps avaient é\.6 inhumés dans le Démosion Sèma du Céramique, L. Weber, Rh. Mus., LXXV, 1926, p. 29 1 sq. 3. Plutarque, Conv. sept. Sap., 19; Paus., X, 31, 6; 38, 3. Sur cette tradition ct. Fridel, Jahrb., f. Iii. Philol., Suppl. X, 1878, p. 233-278 ; Pflster, Reli~ quienlcull, p. 230-231. 4. Suidas, s. v . 'Hp68o-.oç ; Strabon, XIV, 656. Ct. Ph. Legrand, Hérodote, Introduction, p. 12-13. 7-t
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honneurs héroïques sur l'agora de leur cité 1• .Même des étrangers, comme Thémist ocle à Magnésie du .Méandre, pouvaient, à titre de reconnaissance , être inhumés sur l'agora 2 • Liées souvent à des événements historiques, ces sépultures étaient soumises aux vicissitudes de la vie politique des cités; nous connaissons la déchéance d'Hagnon, supplanté par Brasidas à Amphipolis. A l'époque hellénistique, cette forme de culte prit une très grande extension en faveur de certains bienfaiteurs des cités grecques qui rencontraient alors les plus grandes difficultés matérielles 3 • Le culte des empereurs t rouva ici un terrain propice à son installation ; la coutQme des hoimeurs funéraires célébrés sur l'agora ne s'était pas affaiblie. Un citoyen romain L. Vaccius Labeo est couronné, après sa mort, sur l'agora de Kymè 4 ; le bûcher de Germanicus est dressé sur l'agora d'Antioche (Tacite, Annales, II , 73) comme celui de Pyrrhus l'avait été sur l'agora d'Argos (Paus., II , 21, 5); à Thasos, Lucius César fut honoré comme héros par un monument sur la grande place publique 5 .
1. Paus., VI, 9. 7. cr. M. Launey, RA, 1941, II, p. 22 sq.; R. Martin, BCH, LXIV-LXV, 1940-41, p. 163 sq. 2. Thuc., I, 138 ; Diodore, XI, 58 ; sur le transport d e la dépouille mortelle· de Thémistocle lors du déplacement de la cité en 400-399 av. J.-C., O. Rubensoho, Neue Jahrb., 1804, p. 457 sq., et l'opinion plus exacte de P Oster, o. c., p. 233-234. 3. Par exemple Diodore à Pergame, H. Hepding, AM, XXXII, 1907, p. 243: sq.; L. Robert, Etudes anatoliennes, p. 45-50; et Mithridate, Ilepding, AM, XXXIV, 1909, p. 329-340; L. Robert, o. c., p. 53, n. 3. 4. SGDI, I, 311, 1. 44 sq. 5. BCH, LXIII, 1939, p. 320; F. Chamoux, Mon. P iol, XLIV, 1950, p. 8395. On ajoutera la liste des sépultures suivantes attestées sur les agorai de nombreuses cités : Koroibos à Mégare (Paus., I, 43, 7). Thersandros à Elaea (Éolide) (Paus., IX, 5, 14). Aratos à Sicyone (Plutarque, Aratos, 53; Polybe, Vlll, 14). 1iéropy thos à Éphèse (1v• s.) (Arrien, Anab., 1, 17). Diodoros à Pergame (II s.) (L. R obert, Etudes Anatoliennes, p. 49). ltpiménidès à Argos (P aus., II, 2 1, 3). Ajax à Égine (Paus., II, 29). Aristias à Phlious (Paus., II, 13, 6). Plttheus à Trézène (Paus., II, 30, 9; 31, 3). Hésiode à Orchomène (Pa us., IX, 31, 6; 38, 3; Plutarque, Conv. stpl. Sap., 19; De SoU. animae, 13, 36).
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En se généralisant et se multiplian t, ces créations perdaient sans doute de leur for ce et de leur valeur. Mais elles n'en manifestent pas moins la permanence d 'une tradition aussi vieille que les cités grecques ; plus que les cultes des grandes divinités, elles mettaient en évidence la fonction religieuse de l'agora considérée comme le·symbole à la fois moral et matériel de la polis. Les caractères du complexe religieux de l'agora se trouvent ainsi précisés. La place accordée aux grandes divinités y est très réduite ; celles-ci n'y sont admises le plus souvent que sous le couvert de quelques cultes locaux qu'elles ont absorbés, sous la protection de divinités accessoires dont elles accaparent les pouvoirs. Sinon, seul leur r ôle dans la vie politique et sociale de la cité les intronise sur la place publique et cette installation est souvent tardive. En fait, les éléments religieux de l'agora les plus anciens appartiennent aux couches primitives et populaires de la religion grecque, à ce monde de cultes héroïques et fun éraires, peuplé de puissances bienfaisantes ou malfaisantes que le petit peuple redoutait plus encore que les grands dieux. Sous des couleurs souvent changeantes et bigarrées, nous avons touj ours retrouvé ce fonds commun de croyances primitives qui fut à l'origine même de la cité . Hérodote à Thourioi (Suidas, v. s. 'Hp68o>oç; Strabon, X IV, 656; Plutarque, De Exil., 13). Thémistocle à Magnésie du Méandre (Thuc., I, 138). Oresthasiens à Phigalie (Paus., VIII, 39, 5). Battos à Cyrène (Pindare, Pyth., V, 93). Brasidas à Amphipolis (Thuc., V, 11). Orsippos à Mégare (Paus., I, 43, 7). Phalantos à Tarent e (Pilster, o. c., p. 295-296). Podarès à Mantinée (Paus., V II, 9, 9). Talthybios à Aegion (Paus., VII, 24, 1 ; III, 12, 7). Timoléon à Syracuse (Plutarque, T imoléon, 39; Diodore, XVI, 90, 1). Phorôneus à Argos (Paus., II, 20, 3). Germanicus à Antioche (cénotaphe) (Tacite, Annales, II, 73). Adraste à Sicyone (Hérodote, V, 67) (déplacé au Prytanée par Clisthènes). Philopoemen à Mégalopolis (Syll. s, 624). Kléomachos à Chalcis (Plut arque, Amat. , 17). Euphron à Sicyone (Xénophon, Hell., VII, 3, 12). Dionysios à Éphèse (Philostratos, Vil. Soph., 1, 22, p. 225k).
CHAP ITRE III LA FONCTION « AGONALE »
La double fonction de l'agora , politique ct religieuse, explique, comme une !conséquence immédiate, son rôle que nous appellerons agônal. Centre de cultes civiques ou funéraires, elle devenait le siège des fêtes et des jeux associés à ces cultes. Nous n 'aurions qu'à renvoyer à la liste des dieux et des héros précédemment étudiés, si certaines fêtes et cérémonies n'étaient marquées d'un caractère spécial et ne permettaient d'apporter quelques touches complémentaires au tableau des origines de l'agora. Cette préoccupation dictera n otre choix ; car il ne peut être question de reprendre dans le détail l'étude de tous les sacrifices, de tout es les fêtes célébrées sur l'aire de l'agora ; de ces rites, nous ne ret iendrons que la valeur originelle et le sens primitif, lorsque nous pourrons le déceler ; de leurs formes extérieures, nous nous intéresserons seulement à celles qui peuvent aider à mieux interpréter certains aménagements topographiques ou quelques! dispositifs architecturaux très particuliers aux places publiques de la Grèce. Cette-fonction remonte à une haute époque ; elle est at testée déjà sur l'agora homérique, associée au souvenir des choro i crétois. Sans doute ne sont-ils pas expressément présentés sur l'agora, ces chœurs de danse que l'habile H éphaïstos cisèle sur le Bouclier d'Achille (Il., XV III , 590 sqq.), mais ces évolutions se déroulent sur des esplanades publiques qu'entoure le cercle pressant d'une foule «nombreuse et ravie>>. Les rapprochements possibles avec les scènes analogues de l'époque historique permettent d'évoquer le cadre de ces danses sur . les places publiques de la Grèce archaïque, voire même au-delà, sur les esplanades des forteresses mycéniennes ou dans les
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cours des palais minoens 1 . Le souvenir s'en était conservé, de nombreux siècles durant, dans des documents écrits ou sur des objets d'art suffisamment connus pour que le poète épique pût y faire allusion 2 • Ces descriptions sont traitées comme des « clichés » dont le caractère artificiel est sensible dans les expressions confuses de l'Odyssée où l'évocation de ces lieux de danse semble attachée aux demeures et aux assemblées d'êtres mal définis, comme les Nymphes ou l'Aurore, créant par leur imprécision même un halo de poésie lointaine 3 • Mais il est d'autres scènes vécues et contemporaines, tels les jeux et les danses des Phéaciens\ que le poète a pu voir plusieurs siècles après. Cet épisode prend place à l'autre extrémité de la chaîne chronologique ; tous les commentateurs s'accordent sur ce point. V. Bérard a souligné plus vigoureusement encore que ses prédécesseurs les caractères récents de ce morceau où l'esprit, comme les faits, porte la marque d'une époque : «Tout d'ailleurs respire la démocratie en cet épisode où les personnages estimés du public sont- non pas les nobles et les braves - mais l'athlète et l'orateur »5 . Le catalogue des Jeux paraît emprunté à la liste officielles des concours olympiques telle qu'elle fut à peu près fixée depuis le vne siècles. Le choix des juges évoque des institutions connues dans la Grèce d'Ionie dont les inscriptions archaïques, au Delphinion de Milet et à Téos, conservent le témoignage'. Cette tradition n'est pas spéciale aux pays ioniens, car nous verrons que, à Sparte comme dans les cités doriennes de Crète, des choroi ont aussi pour théâtre l'aulè de l'agora. Ainsi, à travers les réalités de l'épopée, de la royauté minoenne à la démocratie hellénique, se profilent sur les grandes places publiques, les 1. Supra, p. 44 sq. 2. Sur les souvenirs • égéens • des poètes épiques, P. l\1azon, Intr. à l'Iliade, p. 288-289. Sur ces chœurs égéens survivant à Tylissos, BCH, XXXIV, 1910, p. 531 ; Ch. Picard, Mélanges Grégoire, 1950, p. 492·493. 3. En particulier Od., XII, 4 : otx(oc xo:l xopo(; XII, 318 : xot/,ol xopot -lji)s
66wxot. 4. Od. , VIII, 120 sq. 5. V. Bérard, Inlrod. à l'Odyssée, III, p. 246 sq. 6. Gardiner, Greek athlelic Sports, 1910, p. 194 sq. ; Olympia, 1925, p. 300 sq.; Weniger, Klio, IV, 1904, p. 126 sq.; R. Vallois, REA, XXXI, 1929, p. 121 sq. 7. Milet, III, Das Delphinion, 133; pour Téos, Syll.3, 37-38. Sur ces magistrats, cf. Bilabel, Die ionische I
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évolut ions de chœurs où jeunes gens et jeunes filles célèbrent la gloire des dieux et maintiennent la tradition des cultes civiques. Quelle est la valeur de ces fêtes et pourquoi restentelles fidèl ement attachées à l'agora ? La plupart ont un sens politique et s'éclairent par leurs relations avec l'état social et politique de la cité ; d'autres, comme les cultes dont elles sont la manifestation, plongent leurs racines dans les croyances les plus anciennes de la communauté et nous permettent d'en atteindre les couches les plus profondes. 1) Les fêtes de caractère politique La plus célèbre des fêtes lacédémoniennes, les Gymnopaidies, qui attirait une si grande affluence à Sparte, se déroulait sur l'agora dont la plus grande partie, sinon l'aire tout entière, recevait le nom de xop6ç 1 • Le programme comportait des chœurs exécutés par les enfants, les éphèbes et les adultes ; les détails nous échappent; et on diffère d'avis sur leur caractère; on a même pu mettre en doute leur existcnce 2 • Ces incertitudes se manifestent déjà dans les t émoignages antiques où parfois les Gymnopaidies sont confondues avec les Hyakinlhies et mises en rapport avec l'autel d'Amyclées 3 ; d'autres textes les associent au culte d'Apollon Karnéios 4 , mais le sanctuaire de ce dieu n'était pas sur l'agora. Pausanias, mieux documenté, semble-t-il, établit une relation entre le xop6ç et les sanctuaires des Létoïdes, d'Apollon Pylheus, d'Artémis et de Létoo. Le caractère proprement religieux de ces représentations a été discuté ; elles seraient plutôt à rattacher à des rites éphébiques, liés à l'éducation spartiate et aux progrès du jeune Lacédémonien dans la hiérarchie politi1. Textes réunis dans L. ' '\'eber, Quaesl. /acon., Diss. GOllingen, 1887, p. 38 sq., 50 sq. En particulier, Plutarque, Ag., 29; Cimon, 10; Xénophon, Mémor., 1, 2, 61. i. Boelte, Lakon. Peste, Rh. klus., 78, 1929, p. 124 sq. Le texte de Sosibios, rapporté par Athénée, XV, 678 B et celui de Xénophon laissent entrevoir l'existence d'au moins deux chœurs, celui des enfants et celui des hommes. 3. Hésychius, s. v. ru!J.V07t<Xt8Lcxt • fvtot !J.èv topTI]v
FONCTI ON AGÔNALE
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que et socialei. Qu'elles restent cependant chargées ~'une certaine valeur religieuse, c'est peu douteux 2 ; elles la doivent aux traditions de la cité elle-même, mais leur aspect civique est devenu prédominant à l'époque classique. Ce n'étaient point des manifestations spéciales à Sparte ; ailleurs, les cités crétoises, l'Arcadie avaient aussi leurs danses nationales dont les représentations exigeaient sur les places publiques des aménagements complexes 3 • C'est pour avoir méconnu ce fait qu'on a parfois récusé le témoignage de Pausanias et mis en doute la célébration des Gymnopaidies sur l'agora, en fa isant comparaître, contre le périègète, Hérodote et Plutarque. Woodward, d'après la mention d'un 6éa:rpov dans les textes de ces deux auteurs, enlevait les Gymnopaidies à l'agora pour les placer dans le théâtre 4 • Il fut d'abord suivi par H. Bulle qui comprit ensuite la véritable valeur de ce terme, lequel désigne une place de spectacle sommaire sans constructions particulières, annexée à l'agora, dont nous retrouverons plusieurs autres exemples 5 • A Sparte, plus nettement que partout ailleurs, l'association des cérémonies cultuelles - dont aucune n'était dépourvue de valeur politique - avec les lieux d'assemblée permet de l. M. P. Nilsson, Griech. Pesle, p. 140-141. Contra, Farnell, Cuits Greek States, lV, p. 259. H. Jeanmaire, Couroi el Courèles, p. 553 sq. rattache, avec quelque incertitude, les r;ymnopaidies aux rites d 'initiation éphébique et tout particulièrement aux luttes entre classes d'âge qu'il cherche à déceler dans Je substrat politico-religieux de la Grèce archaïque et classique. Sans suivre l'auteur dans le détail de ses conclusions, nous retiendrons le sens social et politique de ces fêtes comme assez bien démontré; cr. surtout ce qu'il écrit sur les rites de flagella tion, p. 515 sq. 2. Boelte, RI!. Mus., 78, 1929, p. 129-130. 3. Polybe, IV, 20 sq. Leur présence en Arcadie doit nous rendre prudents dans l'emploi de l'épithète • dorienne • communément attribuée à ces danses. Ces traits, rapprochés des témoignages épiques, contribuent à reporter l'origine de ces cérémonies jusque dans le monde prédorien. La survivance de rites comparables à l'Amykleion n'en serait-elle pas aussi une preuve supplémentaire? 4. Woodward, BSA, XXVI, 1923-25, p. 119 discute l'opinion antérieure à l'aide de ces deux textes : Hérodote, VI, 67 : 1)le: èx TOÜ 6&
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t.' AGOR.>. ARCHA.JQOB
suivre l'évoluLion du groupement urbain et les grandes lignes de la structure architecturale de la ville. A cOté des Gymn opaidies, deux autres iêt.es eurent leu r part. de célébrité : la nagellalion des éphèbes autour de l'autel d ' Artémis Orlhia et les jeux de l'Amyklaion ; or, la première sùrement et les seconds sans doulo sc trouven t liés à un lieu de représen ta t ion qui fut , en son temps, un cent re politique de la cité lncédémo nieune. La fête des Hyakinthies est t rès complexe, car deux séries cultuelles sem blent interférer, d 'après les témoignages a nciens les pl us complets, rapporlks par Polycrat.ès et Polémon. A des rites héro~ques, d ' où le péan ét.ait strictemen t interdit, se superpo~ent. des cérémonies a polliniennes et. des fêtes locnlcs 1 • Le souvenir des origines de cc culte subs1sLe dans quelques fa its bien caractérisés, comm e lu présence, dans la pompè, d'une cuirasse d 'airain qui au rait. appartenu à T imomachos, allié des Spartiates dans leu r guerre conlre Amyclées 1 • Le nom m~ me d u héros comporte une dl-sincnce indiscu tablement. préhellénique ; dans ce person nage, M. P. Nilsson ne voiL qu'un dieu de la fécon dité, eL dans la fète, un cul le de la végéta t ion. La v érité semble plus complex e; les caractères du rituel ne s'expliquen t aisé ment. que !li l'on admet un culte héroïque et funéra ire associé à un état politiq ue prédorien don t les cérémonies ùe l'époque classifJUC ont conservé les t races. Lu p lace si importante réser vée à la jeunesse des deux sexes évoque non seulemen t les autres grandes fèles Lacédémoniennes mais aussi des cérémonies de caractère politiq ue connues dans d'au tres cités, telles les Tlléseia d 'At.nènes 3 • Ce complexe cultuel, par son su bstrat pr imitif, plonge ses racines dans le t emps où Amyclées él:.aiL la capitale de la région. Les Spartiates s'instollèrenl dans la plaine, d1spersés en villages qui furent réunis par un synéeis me dont la date pourrait remonter a u 1xc siècle•. Quel éLnit. alors le ce ntre 1. Témoignag~ eoos•.-véa pa r Alhên~. IV, 138 E el 1311 O. M. P. Nil...,n onolyse ces diverses c~rémonlca, Grlech. Fe•l<, p. 129-140. 2. Plndaru, Sçhol. ad t•lhm., VIl, 331. 3. On o JIU auS!i él:lbllr un porallêliime entre les ll ynklnlbies el les Thesmophories en pensant •urt.oul à une pùllllgchis commune, Euripld!, JUUne, 1466 sq. Cl. Wide, IAk. /Cullt, p . Z92 sq. 4. On sail que Sparle noqult du syru!eisme nes 4 village& de Pllan6, Mésoa , Kynosoura el Llmna i, HéroCiot.c, IX, &3; Cf. P. Roustol, Sparlt , p. 19 eq.
FONCTION AGÔNALB
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politique de cette commu nauté ? Les origines d e ses inst itutions restent obscures et le texte de la rhélra que Lycurgue aurai t obt.ouue de 1'oracle delphique est mal assuré ; les q uelques indicat ions topographiques transmises par Plutarque sont incerta ines1 . Les lieu..x dits Babyka , le fleuve K nakiôn n'on t. pas été ideoti fiés ; et les prescriptions mêmes de Lycurgue sur l'austérité nécessaire de ces lieux ont. sans doute empêché l.oute const ruction; ni portique ni édifi ce d'aucune sorte don!, les ru mes pourraient. a ider les recherches 2• Seules, les survivances cultuelles peuvent nous guider. Or, la tradi t ion littéraire et l'explora t ion a rchéologique s'accordent pour placer dans la région du Limnnion - qui est celle du sanctuaire d'Artémis Orlhia - les mani festations religieu.ses et politiques les plus ancien nes de SparLe. Dès la fm d u 1xe siècle, un petit temple se dressait là où tant d'offrandes archaïques furent recueillies 3 ; la t radition aitiologique des rites d e Oagellation rapportée par Pausanias sert au moins à no us prouver q ue ce culte était commun à Lous les villages lacédémoniens et q u'il fa ut le met t re en rapport. avec le synécisme•. Quelle qu'en soit l'origine, ces ri tes d emeurèrent vivaces comme une des institutions les mjeux établies de l'Éta t spar tiate ; ils furent peu t-ê tre adoucis, mais les cérémonies extérieures gardèrent toute leur importa nce puisq u'elles entratnèrent, à l'époque romaine, la construction d 'une cauea pour les spectateurs autou r du temple et de l'autel. Cet itinét·aire était en outre jalonné de cul tes qui se réfèrent aux mêmes époques anciennes ; ils se rappor tent to us aux légendes des Leucippides et des Dioscures et, fait. qui nous pa rait plein de sig nifica tion, c'est da ns ceLle 1·égion aussi que se t rouvaien t le hiéron de 1. Plu1.llrque, Lycurgue, 6. Sur la vo.teur lliSlOrique du 16gislot.eur, P. Roussel, SJXJrle, p. 31·39, 5 1 sq.; el sur eon rOte, WoCie·Gery, Class. f)u artcrl!l, x-'XXVII,
1943, p. 66·6i ; XXXV II I, 1944, p. H l. '2. Le lGmolgnage de Thucydide sur la Sporto du v• s. Olt.este que ces prescriplio ns ne sonL )las ruslêes loUre morl.o. 3. Dawkiru;, Arleml• Orlhla, p. 12 eL 19 ; dat.ô de la tin du ' " ' ou débu t du vm• s. par le>; explorateurs. Les tent.allvœ pou r abaisser la dal.o de ce ~emplo au v11 • s ., 1'\odenwaldt., AM, X L IV, 1919, p. l?ll sq. ne rurenL pas sul,•les, car elles ne correspondent pas à ce quo nous pouvons eonnalt.ro des origines de l'arehitecturc religieuse en Grèce, D. Robertson, H andb. of Gretk and Roman Archil., p. &3. 4. Paus ., Ill , 16, 9-10.
!.'AGORA AllCHAiQUE
Ly curgue et la tombe d' Eukosmos qui pnssaîL pou r son fils 1 • Or la loi est génér ale et ancienne da ns les cités grecques, qui accorde la sépultu re aux fonda Leurs et aux grands législateurs sur le lieu même de leu r acLion ; Lycurgue fut honoré là où il avait exercé sa féconde activité. Par la suiLe, à une d ate in déterminée, mais en Lo ut cas antérieure à la fin du v1o siècle av . •1.-G.. le centre poli tiq ue se déplaça v ers le S ud, dans la région où l'agora d'époq ue classique o été sûrernenL identifiêe 2 • Il se produit une sorte de dédoublemenL ; une partie des rites politiques et civiques, comme los Gymnopa idies , est tra n.s fêrèe sur la nou velle p lace, t.a ndis que d'autres, attachés à d'nnciens culles, b ln lombe de Hyakint hos el à l'autel d'Artémis Orlhia, su bsis tent. là où ils avaient. pris naissanr..e. Les culles héroïques récents, insLit.uês en l' honneur de Pausanias et de Léonidas, so nt attirés pa r le nouv eau cen tre polit.iq ue et s'install ent à proximité ; ici encore, les jeux ct!lébrés autour de ces tombes provoquèrent la consLrucLiou d ' un lhtalron,. C'esL ai nsi q ue les trois gran des fêt es à cnrncLèrt.J mir eligieux, mi-civique, de la • cité des Lac~démon iens" appanùssenL co111me les jalons des trois périodes successives que nous pouvons déceler dans l'hiqt oire de la v11le et restent liées, Lout ou part ie, aux centres cull.uels et politiq ues a utour desquels s'est constitué le cudeux ensemble des insliLu Lions spartiates. Premiers indices d u rô le essentiel tenu pa1· l 'agora dans les cités a risLocratiq ues : elle est d~s l'origine eL restera, avec moi ns de compromissions que dans les cités démocrat iques, le centre d 'attraction de ln vie civique cl le symbole de ln communau té pol.i l ique. 1. Paus., I ll, 16, f>. 2. Wald3Lein-Meadar, AJA, V Ill, 1893, p. 410-428; IX, 189~ , p. MS &q. O. Diekln•, BSA, XII, 1905-1006, p. d3'l ~q. En t.ou~ en•, Lous les souvenirs des vict oires ~ur los Persoe sont groupés autour de la nouvcl.le agorn : tom benu de PaUMnlaa CL etnot.opbe du U onidM, tlon des Perse&, c r. Ch. Picard, CRAJ' 193&, p. \!If> tq. U est wolsembbble que ee tran.tlerUul lieu dès la On de.! guerres de Mes~nie, car la révolte des Parthénles, déjouée par la survelllanee de• 'Ephores, Mnlt organisée sur une agora qui semble bien avoir 6lé déjà celle du l'epoque cloaslque, e phore dans Slrnbon VI , 279-280 • fi'JIG, l, p. 247, {gl03. S. 11. Bulle, Sit:ung1bu. Bayer. Akad., 1!137, p. 27 •4· C'est. d'ailleurs u n roJt. bieo s~lal a Spart.e que celle influence des jCU.'I el des repré<enlallons s ur lei wostruellons monumontllln et le Mveloppemenl urbain. Les r>Lu de l"aut.el d'Arlêmis Orfllia entralnont. l'aménogemcnl d' une oorte de lhMlre, de meme que le.. gymnopaialu sur l'ogoro et lro fêtes du hêroa ~u sanctuaire d"Amyklén. le t.h6Ur6 propremen t. dll fut. allir6 par les l ombev de PausanJas el de Léonlda•.
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L'agora d'Athènes connaissait, elle aussi,~~ certa ins jours une vie intense et colorée ; ne serv ait-elle pas de cadre à quelques-unes des plus grandes fêtes de la cité ? Les Dionysies urbaines, à l'origine d u moins, et les Panathénées se déroulaien t partiellement sut· l'aire sacrée de l'agora 1• Les grandes Dionysies, orgarùsées sans doute par Pisistrate à l'imitat ion des Dion ysies loca les xcx-t' c!lypouç, pour fêter l'installation du Dionysos d'Éleut hères sur le territoire d ' ALhènes1 , se déroulèrent d' abord sur l'agora ; la valeur politique ùe ce transfert Hait ainsi mise en évidence. Un frag ment de Pindare, qui prit part aux concours, ne !::~ isse pas de doute sur le lieu de la fête, à proximité d e l'autel des Douze Dieux dont Pisistrate avait fait le point de départ de toutes les routes de ·J'Attique : "Regard ez ce chœu r, Olympiens, et envoyez-moi une éclatante victoire, ô dieux, q uj vo us pressez vers cet ::~ u tel odoran t, si fréquenté, ce nombril de la ville, dans la saint.e Athènes, vers cett.e place glorieuse si b rillamment ornée »3 . Et nous savons que P ind are, vainque ur du concoars, fu t honoré par une slatue dressée sur le lieu même de la victoire, sur l'orclteslra•. Son emplacement., longtemps discuté:., peut, je crois, être main tenant fixé sans aucun doute depuis les fouille.c; de l'École a méricaine q ui nous ont fourni des points de repère bien assurés 6 • Pisistrate, en installant les concours des Dionysies sur l'agora, faisait preuve d ' un grand sens historique et renouait avec les plus anciennes traditions du monde hellénique. D'ailleurs, l'exemple était donné par les gens des campagnes qui, à l karia, à Aixonè, à 1. En ces jours de 1He3, l'agora éW.lt une aire sacrée donl t<>ut.e souillure dovail êlr& exclue; ln puriOcation initiale par J'eau êta il né.ees..,.a.ire, cf. $Upra,
p. 16·1-1 65. 2. Paus., 1, 38, 8; Mommsen, Oritch. Pt..d~, P- 428 sq.; OeubnerJ AUi$tht Pute, p. 138 sq. 3. Pindare, Frag. Dilhyr., 4, t sq . (M. Budé, p. 153}. 4. Paus., 1, 8, 4 ; Pseudo-Eschine, Lettres, IV, 3.
5. L 'inst.oHaUon mal.trielle de ces représentations rut d 'abord modeste; il n'y o.voit que des Sièges de oois, les (xpLtt; Photius, Lu., s. ,., bpx~
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1.' AG OI\A ARCHAÏQUE
Rbamnontc célébra ient les Dionysies wt.T' !ypou; da ns des t héi\Lrcs rnd imcnLaires aménagés sur leurs agorai 1 • An début. du ve siècle, pe ul.-èlre dès les dernières années du v1e sièele, les Dionysies furent transférées dans le sanctuaire de Dionysos sur les flancs Sud de l'acropole•. C'est. Pisistrate encore qui semble par ses réformes avoir associé plus ttroitement l'agora aux grandes Pa nathénées. La pompè s'organisait. dans le quartier du Céramique, près du Dipylon, ma is suns doulll aussi aux abords de la grande place•. ParLant du Pompeion, où étaient rangés les objets sacrés, ot en particulier le char en forme de vaisseau qui assurait. le transport. du péplos, Je cor tège n'était. défmitivement. organisé qu'après l'agora ; les a fTranchis ct les barbares aut.orisés à l'accompngne•· alt.enda ienl sur la place, munis de branc hes de chêne 4 • Apnis la fête et l'offra nde du double sacrifice, l'un consacré li Athéna Hygieia, l'autre consommé duns l' Ancien temple, les réjouissances populaires avaient lieu sur l'agora ; c'est là qu'élaient distribuées, suivant. un cérémonial fixé, les par ts des victimes aux magistt·ats et aux représentants de chaque dème 6 • Le lien que les Ponalh{mées étub)jssaient entre l'acropole et l'agora avail, la vuleu1· d' un védta ble symbole; il matérialisait l'union eni.J'C l':lncienne et la nouvelle Athènes ; il exprimait la réconcilialion de deux zones d'influence, de deux tendances politiques; symbole d'une unité que Pisistrate n'était. pas 1. Infra., p.~~~ aq. '2. Les premières Jru;LallaUou• du Uu!lllre de Diony110• remontent peul-ét-ro au vr• s.; en t oul ca•, deo cvn~Lruclion< pamanenle5 ne ru:renl dl'C6Séet qu'au d~bul du v• s., E. Flechltr, Da• DionJI'(Mihwlu in A lhor, Ill, p. ï Q-1"2: A . W. Plekard Cambridge, Th• Tlrculn of Diony&O! in Alh<M. 1946, p. iH~3. Telle en du moh1> l'lin pression qu'on rtUre du l'teil par Thuçydlde, VI, 57, du meurtre d'Hipparque encore que l'v.:pression de tot T K~ paral&SC bien dé1l11ner loullu quarlicr, par contre, la mention du Uoe6rion nous traMporlC 6Ur l'os;ona. L'éloignement momenlane des deux rre..... ··occupant des prépnroUB dolo proeeulon lals~ ~uppo3er que les di\·ers groupes ie réunis· !lllltnL eL s"oJ'ionl•alenl en des points dirterents, mais voisins de l'aguMl. 4. Bekker, Amctlola, 1, 243, 3 : 8pûv ~... 814 ~ Cyopaç · -«> -roÔ<; ci"W:uf)~~oe<; 8oû>.ouç xol ~uç {np~ouç ~ov 8pui>; lxow-rov &a njç tl.yopii; tot -.ft -:C.V n ..-nlh)-l
FONC'!'I O N AGÔN ALE
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fâché de met.tre en valeur. Ne peut-on en déceler la preuve dans le dêdoublemen t des sacrifices de caractère politique et de q uelques cérémonies, comme le serment des a rchontes? Les uns et les autres étaient répétés sur les autels de l'acropole et sur ceux de l'agora . Zeus Polieus éLait resté à côté d'At héna Polias sur le plateau rocheux où il recevait l' hommage des DipoliesJ ; mais, sous une autre forme, ce culte était descend u sur la place publique où les deux divini tés ét.aient honorées avec l'épithète de Phrairios et de Phrairia•. Apollon lui aussi possédait, outre son sanctuaire de I'IIissos, un téménos sur l'acropole et un temple sur l'agora ; les deux épithètes qui distinguaient ces derniers, Pylhien et Palrôos, reflHaienL deux aspects de la vie politique d'Athènes ; Apollon Pythien él:.ait même à certains égards Palrllos par son avent.u1·e avec Créuse et la naissance de Ion 3 • L'archonte venait prêter serment sous la roche sacrée a près avoir satisfait à une cérémonie identique sur l'agora•. E n somme, les Panat hénées refaisaient en sens inverse la route qu'avait suivie l'évolution des institutions de la démocratie athénienne. Le rocher d'Athéna maintin t, pendant un temps, les traditions de la royauté en conscr·va nt les premiers organismes de la cité ; nous sommes tentés maintenant d'admettre l'hypothèse de L. B. Rolland sur la présence du prytanée a rchaïq ue dans les ruines d u mégaron mycénien•. L'agora d'Athènes se révèle par ses cultes comme un élément récent de la polis qui ne réussit jamais à supplanter l'acropole. Toute la politique de Pisistra te visait à 1. Deubner, o. c., p. 158 sq. ; Cook, Zeus, 1Il, p. 570.005.
2. Huperi<1, VI, 1937, p. 106-107, Jlg. &&. 3. Euripide, Ion, 8 sq., 283 sq. ; Démosthène, Sur la CQUronne, 141 ; Aristote, Consl. A th., 55, 5. Sur h>Pythion de l'acropole, A. W. Pan;ons, Hesperla, X l i, 1943, p. 191 sq. 4. J<6ramopoullos, Art/>. De/lion, XH , 1929, p. 92 sq. ; R. MQrUn, JJCH, LX"Y I· T.XVII, 1942-43, p. 286·288. 5. Parmi les gra nds sanclunires cité! pa r Thucydide, deux sont ailremen L idonUtlés,le Pylbion, HC3~ria, Xli , 1943, p. '2.34-235, et celui de Zeus Olympien, O. Broneer, fltSpcria, Xl, 19·12, p. 2.50.274 . ~ Jlanos N. de l'acropole ru rent habités depuis l'époque neoli lbique et pendant tou le l'ère myeénienno, Htsp
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développer l'importance de ce nouveau centre de vie publique en l'opposant ô. la colline sacrée dont il avait. eu tant. de peine à se rendre maitre. Le développement. des fêt.es sur l'agora, le rôle de plus en plus important qu'il lui accordait. da ns la vie religieuse ne sont. qu'un aspect de sa polit.ique. 2) Le• tite• de caractère funéraire
L'agora étant • le musée de la cité ct de ses souvenirs •, les (êtes inspirées par les légendes et les my thes de fondation, toutes celles qui commémorent les héros ou les citoyens illustres y trouvent. leur cadre hisl.orique et religieux normal. Il n'est pas t.oujo urs aisé d'ailleurs de dé finir les caractères précis de ces têtes; car, au cours des siècles, des confusions, des j uxt.a positions se sont produites qni bouleversent ct obscurcissent les traditions. Les cérémonies cèl6brllcs sur l'agora de Corinthe offrent un bel exemple d'u n lei brossage. On sait d'abord, par Xénophon 1, q ue .chaq ue nnn6e les Ettlrleia y occupaient plusieurs jo~1rs ; le progrommc comportait, d'après ce texte, des concours dirigés par des a rbitl'cs et des juges : • Ils Lircnt leurs épées et lrappent aussi bien l'homme debout au milieu d'un grou pe ou assis ou au théâtre', et meme des urbitres du concours en train de siéger •. De quelle nu Lu re étaient ces concours ? Aucun document corinthien ne permet de le préciser. L'importance de ces fêtes est cependant aUestée par la mention d'un mois Eukleion da ns le calendrier de Corin thes ct la di \•init.é q:ui e n recevait l'hommage est bien connue da ns la Grèce centrale, en Phocide et en Locride•. Les Euldeia présentent deux aspecls, l'un civique et poliliq ue, l'autre funéraire . A Delphes, 1. X6nopboo, Ht/Unlquu, IV, 4, 2-3 : bu:tvo• 3' !i»><>.O
ol 8'ml ..Wç ~ ...~.
2. Dons ci pa uage encore l'emploi du mol 6bnpov n'implique nullement J'existence d'un véritable théALro sur l'arora de Corinlhe, mais seulemoM cles lnsi.AillaUona rudimentaires dressées Il roccaaion des fêles. 3. A tt• t-é dans la colonie de Corinthe, a Corcyre, IG, lX 1, 6!!4, 1. 5 1. 4. Pluta rque, .Ar/1lide, XX, 6 aq.
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en effeL, elles sont mcnLionnées da ns l'in scription des L abyades 1 ; pendant cl'..s fêLes, les L abyades prenaient des décisions concernant les 8~tX-r« ; elles furent r attachées au cycle d'Artémis protectrice de la fa mille, de la jeunesse et de sa dignité morale. Ces fonctions sont sans dou t e à l'origine de l 'associa tion d'Eukleia et d'Artémis!; Plu tarque insiste su r cet aspect du culte. Mais on ne doit pas méeonnattre le caract ère chth onien et funéraire, à l'origine du moi ns, de ceLte divinités. C'est. par le rôle qu'elle joue sur l'agora thébaine• qu e M. Guarducci dén ni t. la personnalité d'E ukleia. La présence de tombes dans soH sa nctua ire peut justifier ce point de v ue. Sans vo uloir attacher trop d 'importance historique au récit de Pausanias concernant les vierges A ndrok leia et Al eis, on doit cependan t les rapprocher des t r aditions analogues q ui expliquent le culte d'Hellôtis su r l'agora de Co1·i nthe. Sans doute Hellôtis fut-elle agrégée au cycle d'Athéna, mais l.cs fl cll6lia ne pr+..sen ten l, aucun Lrail com mun avec les a utres fêtes d'Athéna 5. Les Hellôlia ment ionnées par quelques comment a teurs de Pindare ont retenu d'abord l'attention. E lles comprenaient essentiellement une lampad èdromie et une procession dans laq uelle on promenait des feu illages. La tradition a itiologique ratta chait ce culte et ces fêtes aux luttes de Corin the co ntre l'enva hisseur dorien 6; au moment de la prise de la viUe, 1. T h. Homolle, BCH., XIX, 1895, p. 39 sq. Z. M. P. NiiSion, Grleth. Fe~re, p. 237-238. 3. M. C:uarducci, Eukleia, Studl • maltrlall Storla dul• Rellglonl, X IV, 1938, p. 1 sq. Son association~ 1\lb/mos avec Eukogmla ( Paus., 1, 1~ , 5; JG, 11-111 1, 3738, •Il 93, ete... ; Judeicb, Top., p. 399) m el davanlage l'accen\ sur l'aspeot civique du eult.e e l introduit IQ notion de gloire ol de bonne ren omm6o. Ce temple rut élev6 en souvenir des vlclolres su r les Porseij, nous dit Pausanias. Ceue inter prétation Ml 5ans dout.e Lardlve ; elle répond mieux aux tonda nees abstraites do l'époque de Pausanias qu'aux idées du v• s. D'ailleurF, l'assoelaUon Eukleia·Eukos mia dans les lexles êpigrilpbiquu iemble également tardive. tle,·6 il pr<"lmll.é de l'agora, pr~s de I'Ennéacrounos, lu temple J>aratt Ct.ro d'oborlt un monument eommemoralil en l'honneur du jeunes Alhünien• tomWs dons les guerres médiques. C'est une di•linclion ehronolo)liquu quo M. Ouarduccl no semble pas avoir sentie da.ns son élude prêcédennnenl ci tée. 4.. Paus., IX. 17, 1 sq.
r..
M. P. Nilsson, o. c., p. \14·95 oà sont cité$ n. 2 tous les textes se rapporlant
au culle d'HerMii•. G. Pindare, Scholie ad 01., X I li , 56. Sur Hd/61is, Odelberg, Sacru Corlnlllia, p. Z7·30 ; 1\, Lesky, H tllo•·Htllolîs, Witntr Sludien, XLV, 192ô-19Z?, p. 152.153; XLVI, 1928, p. 48-67, 107·129.
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r} AGORA ARCHAJQ VB
HellôUs, avec sa plus jeune sœur Chrysù, se serait jetée dans le temple d'Athéna en fla mmes ; selon d'autres, elle y aurait cherché refuge avec E urytiooè et elle aurait péri dans l'incendie d u l.cmplc q ue les barbares avaient allumé. Sur l'ordre de l'oracle pythien, consulté au sujet d'u ne pesLe tenace qui ravageait Corinthe, un nouvea u temple fut construiL pour Athéna et des tètes instituées en expiation. De la tradition se dégage l'imporlonce des rites d'expiation et de purification da ns ces cérémonies. La la mpadèdromie n'est qu'un aspect de ces ri Les expiatoires par le feu 1• Les fouill es ont mis rur jour, dans la partie orientale de l'anll:, deux lignes de départ, réservées d'après la forme tics encoches, a des courses aux fl ambeaux; on s'accorde à recom1altre Ill. des installations propres a ux HeUdlia a. Un texte d'Athénée, d'autre part, évoque une fêle crétoise (?} où l'on promena it en procession une immense couronne de myrrhe conLenunt les os d'Europè ; les lfelWia de Corin the a uraie nt comporté le même cérémonial'. Si l'assrmilation to ta le eut re les deux fêtes peut êLre contestée - car cc rite esL étrange-, on ne peut refuser !.oule valeur au témoignage ; c'est plus probablement l'effigie de la déesse qui Hait ainsi transportée en pompe a u milieu des feuillages. Cc texte incite à une intcrprétaLion très égéenne de ces W.es ; si l'on veul y reconnattre le souvenir des luttes ent re culLes indigènes et cultes de l'enva hisse ur, on est tenté, comme O'Neil, de rat tacher ces riLes à des influences minoennes•. M. P. Nilsson semble s'orienter vers la m~me ex plication eL il leur dénie tou t caractère [unêraire 5 • Celte 1. E . N. Gardiner, t;r.-k A lhlellc Spor/1 an d Pt$/it)(IL<, p. 2~293; L. Ooubner, Alli•ch~ Pute, p. 230-2.'1 1 Ill propos des E pllophin d'Athènes). Lu toreho ollememe nvoiL une valeu.r purlllcatrlc:e, évidenlt~ daru Ir~ m~·st~res élelUiniens, M. P. Nllsson, o. t., p. 360 sq., 39ô-390; Oeubner, o. t., p. 78. Caraclilre bien mJs en Ovldunce por ~'- P . Nllsson, o. c., p. 951. 2. AJA, XLI, 1937, p. &49, pL V, Z b; XVII, 1 a. 3. A lhi!née, X V1 678 a : l:b.cuxoc; lrt-. .,.jç [')~o:zv. 'Ellc.rtl8t>. l(I:X).ct~{ ~'1)<11 '\'~Y tK 1-'Upp(V'I)Ç n'ÀCXÔIJ."'I'' aU~O•t, - - - 7<0!-'l
5. M. P. Nilsson, o. c., p. 96, s'opposant à l'opinion RB, Il, col. 1971.
expr~m&l
por OOmruler,
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interprétation doit être revue 1 à la lumière des documents fournis par les dernières fouilles et rassemblés par O. Broneer 2 • Analysant un dépôt d'offrandes publiées par G. R. Robinson 3 , l'auteur établit un rapport étroit entre Poseidon Hippias et Athéna Hippia-Chalinitis par l'intermédiaire d'un héros Zeuxippos dont le culte est en relation avec les plus anciennes légendes de Corinthe, de Sicyone et d'Athènes. Or Athéna Hippia et Athéna Hellôlis sont assimilées dans la scholie de Pindare qui constitue notre source la plus complète. Les représentations du relief de Zeuxippos révèlent l'importance du cheval dans ces cultes et O. Broneer n 'hésite pas à en conclure à l'existence d 'une course, d'un agôn équestre dans les H ellôlia et à établir une connexion étroite entre ces jeux et les cultes funéraires attestés par ailleurs sur l'agora. On sait, en effet, que la grande stoa méridionale fut construite sur une nécropole des vn e et vxe siècles av. J .-C. dont le souvenir se perpétuait dans une très curieuse chapelle 4 • Dans ces rites, enfin, l'eau aurait joué un rôle important qu'atteste la présence d'un puits proche des installations de jeux. De ce puits, une conduite se dirige vers un bassin voisin lui-même de la fontaine aux triglyphes. Ce bassin paraît être le dernier état de la fontaine et il continua pendant un siècle ou deux à être un des instruments essentiels des cérémonies célébrées dans le petit temple à abside 5 • Le bassin et la conduite appartiennent a u même état que la deuxième ligne de départ (milieu du me siècle) et feraient partie du même plan , le dernier avant les transformations d'époque romaine. Dès lors, toutes les cérémonies attestées par les textes littéraires ou les documents archéologiques seraient marquées de ce même caractère funéraire et seraient centrées autour d'anciens cultes héroïques dont les rites d'expiation et de purifi1. La lampadèdr omie semble être une des cérémonies les plus constantes des rites et jeux funéraires; à Athènes, on la rencontre dans les Aianleia, les Anlhe.sléria et les Epitaphia. Elle est célébrée annuellement au Céramique en l'honneur des guerriers t ombés pour la cité, JG, IP, 1006, 1. 22; 1011, 1. 9. 2. O. Broneer, He.speria, x·r, 1942, p. 128-16 1. 3. I bid., p. 105-127. 4. Décrite par J. Morgan, AJA, XLI, 1937, p. 543-546, pl. XIII-XIV. 5. R. B. Richardson, AJA, V I, 1902, p. 306-320, pl. VII-XII; R. Demange!, BCH, LXI, 1937, p. 431-~34. O. Broneer résume, He.speria, X l, 1942, p. 151-152 les diverses théories émises sur la destina lion de ce t emple; P. Amand ry, La mantique apollinienne à Delplles, p. 138, n . 3.
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L'AGORA ARCHAÏQ UE
cation aurni ent été imposés pat· l 'agrand issement de l'agora a ux dépens de la n écropole. Cet essai de synth èse, pour séd uisant qu 'il soit, ne peul être accepté sans réserve. Tl est. en effet difficile, da ns l'~tat. act uel des découvertes, de réunir en un même group e tous les 6léments connus. La fontaine aux triglyp hes et le tem ple B s uggèren t a ssez nettement, qu elle q u'en soit l'origine, des riles et des prat iques oracula ires q ue rieu ne p ermet d 'associer au culte d ' Ilellôlis. L'assimila tiOn de tous les rites funéra ires, localisés au tour d e la chapelle S.-O. de l'agora, au cult.e d ' Alhlmu 1/clliJ/is manque aussi d'une preuve irréfuta ble. La chapelle a survécu à l'abandon de la nécropole ; elle a ~u t-être él.é ruinée- ce qui n 'est pas a bsolumrn t prou v6 - par la rêorga nisalion de l'agora n in fln du rvc siècle. Des autels su bsistaient en nombre suffisant pour recevoit•, à leur lou r, ces rites q ui com portaien t d'aulres cérémonies dont. O. Broneer ne fa it pas mention. Plusieurs dépôts d'offrandes avaien t été découverts avan t celui qu 'a interprété le savant. a rchéologue américain, a ttestant. l'existence de repas funèra ires l; la présence d'armes, de casques, de boucliers évoque un leclistemium oiTerl. à ries héros ou à des ri loyens héro'isés, analogue à celui q ue les Alhéniens préparaient en l'honneur d u héros de a la miue'. Ce lot. d 'ofirandes re flète donc d es cérémonies d'ordre st rictement. funéraire qu'il nous semble d im c~iJe d 'in tégrer a u culle d'J.lellcl/is. Que des associa tions se soient. produi les, que des co nfusions aient résullé de la proximité de certa ins cul tes ou des transform at ions t opogra phiques im pos6es par le nouveau p lan de l'ugora, q ue certaines cérémoni es aient même été communes ù plusie urs d ivini tés, co mme les courses de chars ou de cheva ux, beaucou p d 'indices semblent l'altesler ; mais il nous parait encore impossi ble d 'attri buer avec rigueu r chaque cér6mon ie à un culte précis. On peut d u moins dégager des pôles d'a t traction. Autour d'Athéna Jlell61is, se sont. fixés, à l'origine, des riles de purification el d'expinlion auxquels purent se joindre des jeu..'< 1. R oblnaon, AJA, X, 1906, p. 161 bq.; Broneer, AJA, XXXVII, 1933, p. 1>60 sq.; XL, 1936, p" 48 1 sq.; Morgan, A J A, XLI, 1937, p. f>5 1. 2. Plndtre, Scholie ad Nt IlL, Il, 19 : 3tà: "'11-iiç o! 'AO!)vœiO< -rbv AC1Y
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FONC'(ION ACÔN.U.J!
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et des cérémonies de caractère plus funéraire el. chthonien pa r l'int ermédiaire de P oscidon llippios et d'un héros Zeuxippos. Un culte plus exclusivement funéraire s'organisa, dès te v1e siècle a u moins, autour d 'une chapelle associée à la nécropole méddionale. C'est à ce cult e que nous alt.ribuerions tout le lot d 'offrand es attestant des jeux, des courses et des repas commémoratifs. E n rm, autour de la fontaine aux t r iglyphes et du temple à a bside, se cristallisèrent des ri tes oraculai res auxquels ta personnalité de Dionysos n'éta it certainement pas ét.rangère 1 • L'a gora de Corinth e nous apparat!. ainsi, pa:r les fHcs et les cérémonies auxquelles el1e servait de cadre, comme profondémen t marqu ée par les cultes funéraires dont la plupart r emontent aux origines mêmes de la cité. Tout se passe comme si celle-ci avait voulu fa ire de son agora un lieu de r·eruge intangible, préser·vé de l'envahissemen t des religions et des croyan ces étrangères que la fou le des marchands apportait derrière elle et fortemen t clifTérencié des cultes panl1elléniques d u sanctuaire de l' Isthme. Corinthe n 'est pas la seule à p osséder sur son agora des jeux funéraires i ils sont a t tirés par to ute sépu !ture héroïque ou humaine autorisée à l'intérieur de la ville. Ainsi les gens de P bigalie célèbrent chaqu e année des fêtes autou r du tombeau des Oresthasiens 2 . Ce genre de cér émonie existe encore à l'époq ue romaine sur l'agora de Kymè~ et Tacite nous r·apport e que le bûcher de German icus, comme celui d e Pyrrhos l'avait. été plusieurs siècles auparavant. sur l' agora d 'Argos, fut, dressé au milieu d e la p lace p ubliqu e d'Antioche 1 i sur le lieu de l'incinéra tion, un monument fut construit. Des r epas funéraires son t organisés sur l'agora, par une donation, à Alkoménes de Macédoine 6 • L'agora est donc restée, jusque dans le monde romain, un ilréalron réservé à des jeux funéraires, survivance remarqua ble des caractères propres aux plus a nciens lieux d'assemblée. 1. Le culte de Diony•o• ost bien nUestô sur l'agora de Corinthe soit avee de Bacch
2. Pnus., VHI, 4 1, J. 3. SGDI, 1, SI!, 1. 4.4 sq. 4. Paus., Il, lH, & ; Tacite, tl nnale•, 11, 73. 5. Mtla1t9<> Giou, U, p. 869·876.
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L' AOOnA A.R CHAÏQUB
3) Les jeux hippiques Cc qu e nous avons pu deviner des jeu x célébrés sur l'agora de Corinthe impliquait l'existen ce de courses de chars, bien qu' a ucun texte n'en ait apporté le témoignage formel. Au contraire, des fêtes hippiques sont bien attestées sur l'agora d'Élis au temps de P ausani as ; elles avaien t donn é son nom à la place qui s'a ppelait" l'Hippodrome • 1 • Ce même nom, sa ns dou te pour des raisons identiques, fut donné à. l'agora de Byzance~. E nfin , Xénop hon , dans un passage connu de son manuel de cavalerie, développe complaisa mment l 'évocation d es belles évolutions hippiques qu'il aim er ait vo ir associer à t ou tes les fêtes q ui se déroulent sur la place du Céramique ; il propose d'a ugmen ter le n om bre des cava liers q ui constituent l'escorte de la procession des Panathénées et de leur im poser des mouvemen ts d'ensemble auLour des autels et des sanct uaires de l'agor a. L a ligne de dépar t serait. fixée aux H er mès, là où débouch e le Dromos, et la représentation se terminer ait par une charge en direction de l'f:leusinion 3 . Cette charge menée par deux ou p lusieurs escadrons s'affrontan t constituait un e figure célèbre : l'anlh ippasia ; Xénophon en formu le les principes et Bryaxis nous a donné, su r basr etiers, la représentation des phy larques, faisant un to ur d' honneur après l'exer cice q u'ils ont conduit.. Au début. du u e siècle, l 'anlhippasia était intégr ée au programme de deme grandes If\t.es de la cité, a ux P anathénées et. aux Olympieia 4 • Ces exer cices, dans l'esprit de Xénophon, grand propriélaire aristocr at e et passionné de cavalerie, avaient. u n caractère 1. Paus., V I, 24, ~: lWoJ.!« 3è 'tf) .Xyop~ -rQ hp' -1Jru7>• lo-rw ' J mt6llpo(to.;. 2. F. 1~l t.seh, .Jahrcsh., XXVI l, 1932, p. 79. 3. X énophon, H ippar que, 1Il, 2. La localls alion de L'Eieusinion, a été
assurée du P>·Lhlon. les t.ext.cs permettent de locaUser nettement l' Eleuslnlon sur ;.,. premi~res pentes N. de t•aeropole ; le sanctuaire étai t l'une clos éta pes lmportantM de la grande procession, qui le rencontrait aussil.lJL apr(:s avoir traver!~ l'agora (A lmerios, Or., Ill, 12, et PhilosLrate, Vil. Soph ., JI, 1, 5). cr. R A , 1949, 11 , p. f>ô-o7. 4. Xénophon, Hipparque, Ill , 6 cL 10; BCH, XV, 1891, p. 369 s q. ; XVI, 1892, p. 590 sq.
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puremen t militaire 1 ; à cette époque, ils éLaienL célébrés dans l ' Hippodrome. Il faut les disLinguer, d'u ne part , des «y&ve:~ hmtxQ( qui faisaient partie de tous les grands jeux helléniques, des Pana thénées en particulier•, et, d'autre part , des parades qw accompagnaient les processions aux Panathénées, aux Epitaphia et aux Théseia 3• Le rôle des cavaliers dans la pompè panathênaiquc est indéterminé ; cependant la valeu r socia le de cette participation en corps cons~itués nous parat t être la plus naLu relle. Bien qu'aucu n texte ne l'affirme expressément, elle comportait des évolutions sur l'agora conduit es et dirigées p ar le comman dant. de la cavaler.ie. Démosthène reproche vivement à son adversaire de ne pas être capable de conduir e une procession à travers l'agora • et , au siècle suivant, on voit un autre hippa rque faire scandale en dressant sur la place publiq ue u ne estrade plus haut e que les Hermès pou r p ermettre à sa mattresse d'admirer sa p restance au cours de la p rocession •. C'est toute la cité en fêLe eL représent ée dans ses cadres sociaux et politiques qui défilait deva nt. les au tels et les édifices de la grande place publique d u Cérarnique 6 • Au con traire, les concours hippiques des T héseia et des É pit aphia se rattacha ient à la série des cérémonies funéraires dont les jeux organisés par Achille autour du bùcher de Pat rocle r estent le mod èle séculaire 7 • Mais il n 'est pas encore démontré que le tombeau de Thésée fût sur l'agora malgré les affirmations de W. Doerpfeld 8• t. Sur l'Anthippa..la, A. MarLlo, Lu Coualien ath~ntens, p. 196-1 99; M. Lau ney, Rccherchc8 :ur les armtu hellénitliquu, p. 886-887. 2. It est possible qu'une partie de ces exercices sa soit déroulée sur l'agora du Céramique, A. ~!Qrtin, L M Caoaliers olhiniw•, p. ~26 •q., 242 sq. 3. Deubner, A ltilche Fuie, p. 224-225. 4. OêmosLhène, Contre Mlda•, J 71 : O):eta6a, lM TT,~ clyopôlç t ooiç n6~trt«<<; ou W.IOV. cr. Ménondre, Cilé par Photius, 8. V . "'1-1'"'" . Mucp~ floovO
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L AGORA ARCBA.lQ1JE
'ous ne savons pas q uelle étai t la na ture des [êtes hip piques célébrées sur l' hi ppodrome de Byzance. A f:li s, les hypothèses sont permises. Pnusa.nins n'y voit que des exercices de dres.~oge 1 et le double caral:Lère de la capit ale éléenne cité de grands p ropriétaires terriens, a ux tendances oligarchiques, et viUe de préparat ion aux jeux olympiqurs semble d 'abord lui donner raison 2 • Sans doute, les othlèLes séjournaient et s'ent ratn aient à e lis ovunl, les grands jeux et l'agora, avec le gymnasn, était le centru de leur a ct.ivit é. Est-ee pour celle seule raison que l'agora r eçut le nom d'hippodrome ? E. Curt.ius estimait déjà que de vérita bles !mnx.o( tiyi:>vc~ s'y déroulaient • et certaines traditions relatives à la fonùaLion d 'f:lis me semblent justifier cetLe hypo tMsc. roou·büons pas, en efTet, que l'éd ifi ce le pl us o.ncien et le plus sacr é de l'agora était le curieux lrihon d'Oxylos. Qw éLait Oxylos 7 Les origines et la personna lité de ce fondateur se dissimulent. Avec qu elques d ivergences, les témoignages anciens s'accordent il le fai re intervenir dans la fondaUon d':E:lis d'o.bord eL dlJms la mainmise sur le sanct.uaire de Zeus ensui Lo•. Sa grande amitié a vec les Héraclides q u' il a a idés daus leur retour el ses liens d'alliance avec les St.oliens localisent. son a ctivité dans les lut tes qui accompagn èrent. et suivirent la d escent e des Doriens. D'a près une t1·adition élèen ne, il ne sera it pas sans r·apport avec les Pélopides et P élops lui-rnume 5 • Un lien , q uoique ténu, pourrait. a iosi relier le Pélopion d'Olympie eL Je mon ument d ' Oxylos sur l 'agor:~ d' Blis ; les jeux organ isés d'abord aux environs du t ertre funéraire de l'Altis pouvaient se répéter a utour de ceLte vénéra ble constr uction éléenne . Que nous soyons cu présence d'un culte funéraire ancien, associé a ux migrations doriennes et étol icnnes, nous p arait un des points a dmis dans les discussions sur l'rdcntit.é de 1. Pt'llJS., V 1, 24 , 2. 2. L• synéclsmo do 471-470 ov. J.·C. (Diodore, X l, 54, 1), qui abo uLissai L 11 ta ert8 Lion do la olLé d'itlis, no modiOa pas lo curuci.We campagnard do la populolion. A l'~poque de Polybe encore (I V, 73), elle prélérail tes villages Il ta vleeit.ad•ne; m nlgr6 1es aS$Oupli5!!ement.s du régimu t>olil•que, celui-cl cGilWVQ toujours un caroettre oligarcblqut, Swobodn, RB, '· v. Eli$, col. 23!12.-2393. 3. E . ('.url•us, Peloponnm>l, Il, p 2~. 4. Têmoignngcs ropportéi par Bphoros, F H G, 1, p. 236 (Slnbon, Vlll, C.47); p. 24 1 (Slrobon, X, p. 7 11). Cl. RE, XVI II, 1, Il. ' ' · Oxylor, col. 2034 sq. 5. P auJ>., V, 4, 3. Ct . R . Valloie, IIE A , X.XX I, 1929, p. 131-1 32. •
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ce personnage, mystérieux jusque darts son nom même 1 • Les courses organisées sur l'agora d'Élis pourraient bien ètre la su rvivance de jeux funéraires très anciens célébrés en l'honneur du héros wr(CTn)c;2 • Les tendances politiques et sociales de la cit é éléenne ont développé ces exercices équest res qui, à l'époque de P au-sanias, s'étaient con fondus avec la prépar ation des jeux olympiques; leur caractèt'e local s'étai ~ effacé devan t l'envahissement des administrations panhelléniques .
4) Fêtes diverses La diversité des documents mis a u jour permet de saisir quelques aspects fugitifs d'autres [êt..es associées à l'agora. Une inscription de Magnésie du .Méandre dépei nt les cérémonies pittoresques qui se déroulent sur l'agora de la nouvelle citk, a u Jv" siècle, en l'hon neu r de Zeus Sosipolis 3 • Elles comprennent deux p hases. En automne, an débu t. des semailles (~xo !J.&~ov
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L'AGORA ARCHAÏQ1.1E
aux cultes agraires•. Ce culte est ancien à Magnésie, sans qu 'on puis•e fixer nvcc précisio n ses ascendances•. Les cérémonies du sacrifiee de print.emps présentent cependant. un aspect. poliLique eL civique qu ' il importe de dégager ; les prescriptions du règlement. évoquenl une procession assez di iJérente de celle de l'auLomne. Lors de la présentation, la. victime est accompagnée de neuf jeunes gens ct de neuf jeunes flUes «wplOw'Lo;, choisis par les paidonomes eL les gynaiconomll$• ; l'aspect primitif des rit.es agra1 res, d u d1eu de la fécondit é et. de lu pros pé rité esL ains1 mis en évidence avant. de s'exprimer dans la prière q ui su iL (1. 2&-31). Le cortège de la victime, en Artémision, est. constitué par Loute la cité en ,corps avec collège de magis trals , «an ciens •, éphèbes, néoi et net~~· ; auLour du vieux culte proLccLe ur de la uature s'est organisée une fOte civique. JI esL possible d 'ailleurs que des con fusions eL nes ass imilaUous résultent de l'associat ion de Zeus Sosipolis eL d' Artémis 1.-eucophryènê. En efTeL, dans la d euxième phase des fêtes, les sacrifices étaient communs ; cette communauté, matéria lisée par la contiguïté des sanctuaires, s'exprimait aussi dans les représenLut.ions sculpturales ; une st.atuetLe nous montre Artémis debout. sur la main de Sosipo/is~.
Nous entrevoyons des cérémonies comp arables sur l'agora de Cos en l' honneur de Zeus Polieus. Le cho ix des vict1mes a Lieu, comme à Magnésie, sur l'agora où se for me la procession•; Hestia e t associée au sacrifice eL a ux repas publics qui J' accomp agnent.. La fèt.e est. plus s pécifiquement politique q u'à Magnésie. A Amorgos, dans les cités d' Arcésinè ct de ~tinoa, processions et organisations de repas sur l'agora Cout aussi part.ic des 1/onia'. Pausanias nous laisse soupçonner des 1. Ce earocl~re a él.é liQullgn6 par l'inventeur lul·même, O. Kern, Areh.
Anr., 1894, col. 78;
cr. Steugel,
Tltgmttt, p. 70..12. 'l. F. Robert, Ibid., p. 12. 3. o. Kcrn, Ibid., 1. 18·2'1. :
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Pu4chr. L. Priedlatnder, p. 420; F. RoMrt ,
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(b)L\~.
4. Ibid., 1. 36-39. 6. 1\rch. An:., 1 8~1, p. 80; 1-'Mncll, CuU6 Grtlk Stalu, IV, p. 173. 6. Po~on eL llic:ko, huer. of CnJ, p. Tl, n• 37; Sy/1. ' , IO'l5; Protl·Ziohen, Legt.1 MJcrat, J, p. 19, nt Ci. 7. Sl/11.', 104!>, 1. 7 •q.; 644, 1. 18.
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cérémonies identiques sur l'agora de Cynaithn, en Arcadie, dans la saison d'hiver, eu l'honneur de Dionysos 1• La fonction « agônalo » de l'agora permet de préciser la nature de ses éléments religieux. N'est-il pas caractéristique qu'en dehors des fêtes d'ordre nat.ional, politique et. social, toutes les cérémonies attachées à l'agora soient marquées d'un pro rond caractère funéraire et parfois, mais plus rarement, chthonien ? Au-delà des ·hon neurs récents accordés aux défenseurs et aux bieniail:.eurs de la cité, célébrés autou r de leur sépulture ou devant. leur statue, nous entrevoyons souvent des éléments plus anciens. L'association des lieux d'assemblée et des sépultures qui nous a paru un fait de la Grèce mycénienne a subsisté dans la Grèce archaïque et classique. Paua., VIII, 19, 1. Cf. l mboo!-Biumer, Zei11cl1. /. Numis., XXIV, 66, pl. Ill, 6, oû l'agora et le tem rtc de Dionysos sont représentés sur une monnaie impériale. 1.
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CHAPITRE IV LES AGORA! AR<:HAIQ UES: TYPES ET FORMES
L'histoire archit.eclurale de l'agora s'uxplique par les [onctions qtl 'elle doit assumer da ns la cilô ; celles-ci ngiront sur le choix des édifices, sur le plan et. le groupemen t. des constructions. C:'est cc d~velnppe ment. organique que nous tentel'()ns de suivre. SuivnnL les époques, l!'s régions, les tendances politiques, l'u n ou l'au tre des êlémeut.s sera prédominant. et d onnera il l'agora son caractère origina l. Les mêmP.5 principes ne seront. pas valables, il ln mê1ne èp0<1ue, pour to utes les villes du mond e grec. En oulrf', lu diversit.6 d~ 6lèment.'l conslitulirs accrott les diffi cultés ; les caractères primitifs et variés ne s 'effaceront ou ne se Lrans[ormeron t. qu e progressivement pour permettre leur iuLégration totale dans un complexe nouveau. Les lois p ropres à cotte créat ion originale ne pou rront être dégagées q u'au moment m ême où la cité est à ln veille de dis pa ratlre d u m onde antique pour faire p lace à d 'aulres formes de vie polil ique. La nècessil.6 de respect.er la d ivcrsil:.é des inOuences ct le souci de maintenir ce pendan t. ln conl inutté de notre recherche nous lracent la voie où nous devons nous engager. A la simplicit.é homériq ue, l' époque archaïque subst itue des aménagements complexes, très marqués encore pa r les caractères pro pres il chaque région, a ux tendances de chaque peu ple, à ln forme politique mème de chaque cilé ; les éléments héril:.és ou conservés des civilisations a ntérieures ou voisines maintiennen t leur origi ot~lilé. La [usiOn de ces car actères el l' unification progressive de ces éléments en un tou t harmonieux el un iflé seront le résultat d'u ne longue évolu t ion. L 'archaTsmo ici comme dans les a utres domaines de l'art., est. une pôriod~ de r echerches, de conquêtes, où les techniques
AGORAI ARCHAÏQUES : TYPES ET FORMES
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sont mises au point, où la fantaisie individuelle et les diversités régionales s'exercent dans des directions multiples et provoquent, par tout le monde grec, une floraison de productions architecturales riche de formes et de couleurs. Les limit es chronologiques entre lesquelles notre recherche s'exercera sont marquées par les débuts mêmes de la cité grecque, les premiers vestiges nous permettant de remonter au vme siècle av. J .-C. , et, à l'autre extrémité de la carrière, par les profondes modifications qui, à la fin du vre siècle, transforment la physionomie du monde hellénique, l'opposent plus nettement aux civilisations voisines et préparent l'avènement de la polis. Dans cette période, l'originalité et la diversité des tendances politiques, des traditions locales se reflètent dans les créations urbaines; l'agora n'échappe pas à la règle. 1) Les agorai archaïques des cités doriennes
C'est de Crète, d'après la tradition littéraire, que sont venus les grands législateurs 1 ; c'est en Crète que les textes épigraphiques attestent d'abord l'éveil de la conscience politique et de la notion de 7t6 ÀLç 2 ; c'est encore en Crète que les fouilles ont mis au jour les plus anciennes installations urbaines de l'époque archaïque 3 • Est-il étonnant, dès lors, que la Crète nous 1. Plutarque, Lycurgue, 4; A gis, Il ; Aristote, P olitique, II, 7. 2. Conscience atleslée par l'emploi de la formule cxS' r.FcxSr. 1toÀt~ dans une inscription archaïque (v n• s.) de Dréros, P. Demargne et H. van EfTent erre, BCH, LXI, 1937, p. 333 sq. Cf. V. Ehrenberg, JHS, LVII, 1937, p. 137 sq.; Class. Quarter/y, XXXVII, 1943, p. 14-18. On mettra en parallèle certains textes de la côte d'Ionie, de Cyzique, (vr• s.), Sy/1. •, 4 ct aussi l'inscription de Chios, Wilamowitz, Nordion. Sleine, Abllandl. Preuss . Akad., 1909, p. 65-71. 3. Lalo : BCH, JL'
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L'AGORA ARCHAÏQUE
ait conservé aussi les r uines des agorai les plus vénérables et les plus évocatrices ? Les vestiges les plus anciens ont été découverts dans 1'humble cité de Dréros où les trouvailles annexes permettent d'attribuer a u vme siècle le temple et l'agora 1 • De celle-ci
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Fig. 25. -
L'agora de Lato.
subsistent seuls les gradins qui borda ient le côté Sud, sur une longueur de 20 m ètres environ , avec retours amorcés à chaque extrémité. Les degrés sont construits en longs blocs irréguliers disposés suivant la pente du terrain qui a été grossièrement entaillée pour leur faire place; à l'angle S.-O. , où ils sont le mieux conservés, sept marches sont encore visibles 2 • Au niveau de la dernière, s'étendait l'aulè conçue comme une t errasse de terre battue ; elle m esure une quarantaine de mètres de long et vingt à trente de large 3 • P lus tard, la région Sud fut 1. Sp. Marinatos, BCH, LX, 1936, p. 229; P. Demargne et H. van EITenterre, BCH, LXI, 1937, p. 11.
2. P. Demargne, ibid., p. 11, fig. 5. 3. Il n ous parait difficile de prendre ces dimensions, trop incertaines, comme base d'évaluation du nombre des citoyens, E. Kirslen, RE, Suppl. V II, col. 148,
AGORAI ARCHAÏQUES : TYPES ET FORMES
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occupée par des constructions rudimentaires où il n'est pas interdit de reconnaître des édifices publics, salles de réception et de conseil, prytanée de la cité avec le foyer commun 1 , mais la date de cet agrandissement reste incertaine. A l'origine, l'agora n'est pas autre chose qu'une esplanade dépendant du sanctuaire, où cérémonies religieuses et manifestations politiques t rouvaient un cadre commun 2 • A Lato, les ruines sont plus complètes mais elles n'appartiennent pas toutes à l'époque archaïque (fig. 25). L'agora est accrochée aux flancs de la pointe septentrionale du site, sur une terrasse qui a la forme d'un pentagone irrégulier. Le petit côté Sud est occupé par une exèdre ouverte sur la place et la bordure occidentale par une stoa. Sur l'esplanade, se dresse une construction rectangulaire (4 m. 60 x 8m. 50)3 , dont les murs, en appareil polygonal bien taillé, sont conservés à 0 m. 60 au-dessus du sol; ils sont couronnés par une corniche. On a vu dans ce détail la marque d'un édifice hypèthre ; il s'agirait d'un enclos sacré à ciel ouvert. Mais les jambages de la porte d'entrée conservés avec le seuil s'élèvent bien au-dessus des murs ; le couronnement pourrait bien ne pas être un simple chaperon, mais souligner le passage à un appareil différent, à une maçonnerie de briques, et l'édifice, dans ce cas, serait à comparer au premier Pythion de Gortyne 4 • Au Nord, l'esplanade était dominée par une série de dix gradins limités à l'Est et à l'Ouest par deux bastions quadrangulaires. Les gradins ont une hauteur moyenne de 0 m. 35; ils sont au sujet des estimations proposées par Marinatos, o. c., p. 283-285 et déjà mises en doute par H. van Effenterre, BCH., LXI, 1937, p. 332. En aucun cas d'ailleurs, il ne nous a semblé possible d'établir un rapport quelconque entre l'étendue de l'agora et l'importance numérique de la population. Pour des d ifficultés semblables cr. l'agora de Sparte, infra, p. 295. 1. BCH, LXI, 1937, p. 15 : bâtiments marqués en noir sur le plan des fouilles, pl. 1. 2. Ajoutons que ce caractère est encore confirmé par la gravure de décrets publics sur les murs du temple, BCH, ibid. , p. 333-348. Mais on sait combien cette coutume est fréquente à toutes les époques. 3. La place mesure environ 34 m. dans sa plus grande longueur et 26 en largeur. L es mesures du temple données par J . Demargne, BCH, XXVII, 1903, p. 210, diffèrent un peu de celles de A. Evans, BSA, II, 1895-96, p. 176-177 (8 m. 10 x 4 m. 50). 4. Hypothèse formulée d'abord par A. Evans, BSA, ibid., p. 178 et JHS, XX, 1900, p. 100. Cf. Karo, Arch. f. Religionsw., VII, 1904, p. 144-145.
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L'AGORA ARCHAÏQUE
coupés par deux séries intermédiaires de demi-marches qui rappellent les escaliers divisant la cauea des théâtres en sections régulières. A l'O., deux petites chambres vinrent tardivement s'intercaler entre la tour et l'escalier. Au-dessus des gradins s'allongeait un édifice complexe comprenant deux grandes salles dont E . Kirsten a souligné le caractère spécial ; seule, celle de l'Ouest (37 du plan) est une véritable Bankellhaus, avec ses xÀLV<XL, disposées autour du foyer; l'autre (36) se rattache à une tradition minoenne avec des bancs disposés au long des mursl . Conçu à l'image de l'état politique, réservé au conseil et au collège des Cosmes, cet édifice est véritablement le prytanée de la cité 2 • La régularité apparente de cette esplanade ne fut obtenue que progressivement et les édifices restèrent toujours séparés par les multiples rues qui débouchaient sur la place 3 • La chronologie précise des constructions est difficile à fixer ; il est cependant assuré que l'aspect complet de l'agora, tel qu'il se présente à nous, date d'une époque assez récente. D'après E. Kirsten, exèdre et portique seraient des constructions hellénistiques 4 • L'appareil des murs distingue le sanctuaire et le prytanée ; ceux du premier sont en beaux blocs polygonaux, bien taillés; ceux du second, en petites pierres, grossièrement entassées ; l'appareil des tours, en semi-polygonal, avec bossage et tendance à l'horizontalité, pourrait appartenir au Ive siècle. Les trouvailles faites dans le sanctuaire et aux alentours s'échelonnent du géométrique à l'hellénistique, attestant l'ancienneté et la continuité dù culte. La plus grande partie des terres cuites se date aux environs 1. Kirsten, RE, Suppl. V Il, col. 350 sq. Cf. Fricl<enhaus, Jal!rb., XXXIII, 1917, p. 131 sq.; RE, XIX, col. 1603. 2. Cette identification proposée par J . Demargne et reprise par J. Charbonneaux, BCH, XLIX, 1925, p. 167 avait été contestée par C. Weickert, T ypen, p. 172 et 177. Elle ne peut plus être mise en doute après la démonstration de Kirsten, RE, Suppl. V Il, col. 350-352; Das doriscl!e I
AGORAI ARCHAÏQUES : TYPES ET FORMES
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de 650 av. J .-C. 1 . C'est donc au début du v n e siècle que paraît remonter la première inslallation du lieu saint. Le prytan ée en faisait-il partie ? Il est p lus récent, d'un siècle environ. Mais il ne nous semble pas douteux que, sur le modèle de Dréros et d'Amnisos, les gradins appartiennent au premier état. Le plan primitif est donc très simple. Sur une esplanade, aménagée autour d'un sanctuaire, au point de rencontre des principales artères de l'agglomération, ce lieu d'assemblée comportait des gradins rectilignes appuyés à une terrasse naturelle. Le centre cultuel et le théalron attireront ensuite des édifices publics et administratifs. Le progrès sera le même qu'à Dréros. On sera frappé sans doute du choix de l'emplacement, à Dréros comme à Lato. Le site urbain présente des grandes lignes comparables ; il chevauche une colline à deux sommets et tasse ses habitations dans la dépression intermédiaire 2 • L'agora fut installée à proximité du col qui réunit les deux sommets, en un point protégé des vents et accessible de la plaine et du port. Aucune de ces deux villes ne semble avoir comporté d'acropole fortifiée. La façade du prytanée de Lato, surélevée au-dessus des gradins et flanquée de tours, donnait à l'agora un caractère monumental assez rude, en faisait presque une place fortifiée, bien à l'image de ces époques primitives où des riva lités violentes opposaient les villes, toujours menacées d'êtres partagées entre deux voisines plus puissantes 3 • La cité de Gortyne enfin , malgré les insuffisances de l'exploration archéologique, laisse reconnaître la présence de deux agorai, l'une associée au temple d'Apollon Pythien, l'autre placée sur les bords du Lètè (Fig. 26) . L'agora du P ythion 4 se présente comme une cour sacrée annexée au temple dont le premier état remonte au vne siècle 5 . Les fouilles n'ont pas révélé 1. P. Demnrgne, BCH, LIU, 1929, p. 382 sq. 2. Plan g6n6ral de Lato, BCH, XXV, 1901, pl. XX; de Dr6ros, BCH, LXI, 1937, p. 6, fig. 2. 3. Tel est Je sort d'une cité dont Je territoire est divisé au profit de Gortyne et de Cnossos ; la ligne de partage passera sur l'agora : xal bd ri)v .Xyop&v EÙOOW!Lo[v l ]xovTac; TO TtpUTCXVl)iov, SGDI, 5016. cr. M. Cuarducci, Historia, VIII, 1934, p. 64-78, qui pense à la ciLé de Rhaucos, IC, I, p. 29!. 4. Halbherr, Mon. Ani., 1890, p. 9 sq.; Savignoni et De Sanctis, Mon. Ani., XVIII, 1907, p. 180 sq.; M. Cuarducci, IC, IV (Gortyne), p. 5-7. 5. C. Weickert, Typen, p. 64; D. Robertson, Handb. Gr. and. R. Arch., p. 57.
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L'AGORA ARCHAÏQUE
la forme de la cour. P lus t ard, un hérôon fut élevé sur l'esplanade et maintint le caractère traditionnel de l'agora 1 . Sur les rives du Lètè 2 , l'étendue du t errain , la masse des terres et la complexité des ruines n 'ont donné que des aperçus limités de
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Fig. 26. -
Sile de Gortyne.
1. C'est a insi que s'explique la présence de ce monu me nt funéraire à proximité du temple. Comme l'a noté Savignoni, M on. Ani., XV III, 1907, col. 235 sq., ce monument était consacré à quelque fondateur ou bienfaiteur de la cité. Plan du site, L . Pernier-L. Banti, Guida d. Scat•i Jlal. in Creta, 1947, pl. 22. 2. Une inscription réglant le niveau des eaux dans le neuve mentionne un c pont de l'agora •, Syll. *, 1183; cf. Halbherr, Mus. /lai., Il, p. 590 el 635 ; Comparelli, Mon. A ni., III, 1893, p. 303 ; Dar este-Haussoullier, I nscr. juridiques grecques, I, p. 402 sq.
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l'histoire de cette place 1 . L'édifice le plus célèbre était une rotonde dont les murs portaient l'inscription la plus complète que nous possédions sur la législation familiale en Grèce 2 • Son histoire n'est qu'une succession de remaniements ; au début du 1e siècle, ses blocs ont été employés à la construction d'un autre édifice circulaire, remplacé lui-même à la fin de ce même siècle par un Odéon romain qui fut encore transformé aux m-Ive siècles a p. J .-C. L'édifice primitif présentait de vastes dimensions (diam. : 33 m. 30) et était hypèthre. On y accédait par une porte dont un des piédroits a été conservé, le couronnement était décoré de fins ornements · ioniques 3 dont le style asiatique s'apparente au décor de deux chapiteaux préclassiques, l'un de Didymes, daté de 490 av. J.-C. environ, l'autre d'Athènes, un peu plus récenV; l'édifice aurait donc été construit vers le milieu de la première moitié du ve siècle 5 • Sur l'identification et le rôle de cette construction, des incertitudes subsistent ; on s'oriente de plus en plus vers une interprétation religieuse, en relation avec les traditions historiques et mythiques de la fondation de la ville 6 • Cet édifice n'était pas le plus ancien de l'agora du Lètè. Il fut 1. La synthèse la plus complète des travaux a été donnée par L. Pernier, Annuario, VIII- IX, 1925-26, p. 1-69. Sur les fouilles récentes, Colinis, Le Arti, Il, 1940, p. 267 sq. 2. Dareste-Haussoullier, o. c., 1, p. 416 sq. Sur cet édifice, en dernier lieu, E. Kirsten, Das dorische Krela, p. 37-39; F. Robert, Thymélè, p. 383-388. 3. L. Banti, o. c., fig. 33. 4. E. Kirsten, o. c., p. 41; AM, LV, 1930, Beibl. 62; R. i\lartin, BCH, LXVIII-LXIX, 1944-45, p. 362 sq. 5. La date de l'édifice serait donc plus basse que ne le suggère la chronologie traditionnellement admise : fin vi• s. 6. Il faut abandonner l'hypothèse de C. Weickert, Typen, p. 169, qui restituait un plan absidal et lui attribuait une fonction identique à celle du Bouleutérion d'Olympie. E. Kirsten, o. c., p. 37-39, a complété la critique de cette interprétalion à laquelle s'opposaient déjà les solides arguments deL. Pernier, Annuario, VIII-IX, 1925-26, p. 9-11, résumés nettement par F . Robert, Thymélè p. 384. E. Kirsten propose de voir dans cet édifice un hérôon de plan circulaire, hypothèse appuyée sur une dédicace du I•• s. av. J.-C. en l'honneur de l'archégète de Gortys, associé à une divinité Euétéria, hypostase fréquente de Déméter, Annuario, II, 1916, p. 311-313; VIII-IX, 1924-26, p. 32. Une observation ingénieuse de F. Robert, Thymélè, p. 385-386, lui a permis de proposer, avec quelque vraisemblance, le nom de Dionysos : des feuilles de lierre et des petites haches gravées ou dessinées entre les lettres de l'inscription seraient des symboles dionysiaques. Dans une hypothèse comme dans l'au tre, le caractère cultuel de ces édifices ne saurait être mis en doute. 8-i
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précédé d'abord par une construction rectangulaire dont les blocs inscrits servirent eux aussi de matériaux de remploi à l'époque hellénistique. Rotonde et édifice rectangulaire avaient été associés en un seul et même bâtiment de plan absidal ; cette association doit être rompue, çar les textes gravés sur les blocs rectangulaires sont tous plus anciens que ceux des blocs curvilignes et la destruction des deux constructions a eu lieu à plus d'un siècle d'intervalle 1 • Enfin, on a repéré les fondations d'une importante stoa archaïque ; elle se trouve à 2 mètres-2 m. 50 au-dessous du dallage romain ; elle a imposé son orientation à tous les autres édifices 2 • Des deux agorai, quelle est la plus ancienne? Le témoignage des trouvailles épigraphiques est formel. Tous les textes législatifs provenant du Pythion sont antérieurs à ceux de l'agora du Lètè ; la date de 500 av. J .-C. environ marque le passage de l'une à l'autre 3 . La place du Pythion ne fut pourtant pas abandonnée puisque, à l'époque romaine, on y construisit le prétoire, un nymphaeumetdenombreuxmonuments honorifiques, en même temps que le sanctuaire des Dieux Égyptiens 1 • Mais la fonction religieuse l'avait emporté, alors que les organismes politiques se groupaient sur la nouvelle agora. Ce dédoublement accompagne une réorganisation de la cité et se manifeste, comme à Lato, par un développement des constructions civiles. A Lato, la façade du Prytanée écrase de sa puissance l'ancien lieu de culte qui avait été pendant deux siècles le centre des assemblées religieuses et politiques. A Gortyne, la séparation est encore plus nette, puisqu'une nouvelle agora est créée à quelque distance du sanctuaire. Certes, un édifice comme la rotonde des lois maintient le caractère religieux, mais une vaste stoa l'avait déjà précédée. Les transformations architecturales r eflètent une évolution politique. A ce groupe, on peut associer les agorai primitives de Sparte 1. Annuario, VIII-IX, 1925-26, p. 11-13. 2. Des bases de colonnes reposant sur le stylobate appartiennent à un 2• état dans lequel le plan de la stoa rut bouleversé. A l'époque archarque, eUe était. ouverte au N.; à l'époque romaine, la colonnade rut portée au S. et le mur du post.scénium de l'Odéon servit, au N., de mur de rond, Annuario, ibid., p. 14-15 . 3. E. I
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et de Théra. L'ancienne agora de Sparte, par la volonté même du législateur, était d'une extrême simplicité, dépourvue de tout ornement susceptible de distraire les assistants des ~aves problèmes politiques 1 • Cependant celle du vre siècle ~'était pas absolument vide de toute construction ; Pausanias en avait pu voir de glorieux vestiges, telle la Skias, œuvre de Théodoros de Samos, sans doute le petit-fils du collaborateur de Rhoikos au temple de Héra, contemporain de Boupalos 2 • Le site de l'agora est bien fixé, au pied de l'acropole 3 , non loin du théâtre. Le doute n'est plus permis depuis les fouilles de G. Dickins qui, en 1904-1905, compléta la première exploration de Waldstein 4 • Ces recherches ont confirmé la prédiction de Thucydide et n'ont mis au jour que de rares vestiges. Les plus curieux sont les soubassements d'une vaste construction circulaire dont la moitié méridionale seule est conservée. Sur une sorte de crépis à trois degrés que double, à l'intérieur, un blocage de moellons assemblés sans ciment, se dressent deux assises d'orthostates, hautes de 1 m. 30 et 0 m. 97, séparées par une assise de parpaings, haute de 0 m. 30, large de 0 m . 70. Un blocage intérieur répond à ce parement bien dressé. Les orthostates sont en brèche. Au centre de ce cercle, dont le diamètre, mesuré sur la dernière assise d'orthostates, atteint 43 m. 30, une cavité circulaire est creusée dans le rocher ; elle mesure un mètre de diamètre et 0 m. 50 de profondeur ; elle se continue.par une cavité moins grande dont les dimensions correspondantes ont 0 m. 40 et 0 m . 50. Le sol est constitué par le rocher où, de place en place, disposés en demi-cercles concentriques, sont enchâssés des blocs de poros. La plupart de ces blocs n'ont reçu aucune forme architecturale bien définie, mais certains présentent un lit d'attente arasé et portent une 1. Plutarque, Lycurgue, 6. 2. Paus., III, 12, 10 : 'E-rÉp()( l>è lx: -.~ç &yopiXç lcr-rtv ë~ol>oç, x:()(6'1Jv 7tE7tobrr()(( cr
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trace circulaire de 0 m. 42 de diamètre ainsi que deux t raits incisés 1 . Ils sont groupés dans la moitié septentrionale de la fondation, au Nord de l'axe E.-0.; le centre des demi-cercles ainsi dessinés ne correspond pas exactement à celui de la circonférence décrite par le mur extérieur. Au moment de la découverte, les inventeurs pensèrent d'abord à un socle de tumulus, puis Waldstein proposa d'identifier ces fondation s ct les voisines, sur le témoignage de P ausanias, avec la Skias de Théodoros et le monument rond du crétois Épiménide 2 • Cette hypothèse fut contestée par Crosby qui ne voit dans ces restes qu'un mur de soutènement semi-circulaire, bordant une terrasse où se dresserait la statue m onumentale de Dèmos 3 • La réponse de Waldstein n 'est pas concluante, d'autant que les fou illes anglaises postérieures semblent confirmer l'hypothèse inverse 4 • Dans l'état actuel de la fouille inachevée 5 , on ne peut qu'interprèter cet édifice. La nature et le plan des vestiges nous paraissent correspondre à un lieu d'assemblée ancien, à une sor te de lhéalron dont la superstructure aurait été en matériaux légers. La présence de tronçons de colonnes dans la fouille n'apporte pas la preuve form elle de l'existence d'une colonnade, puisqu'on a trouvé aussi des fragments de frise dorique, rectiligne, étr angère à l'édifice. La disposition des blocs intérieurs de poros enchâssés dans le sol évoque l'image d'une cavea; et nous savons qu e les premiers t héâtres avaient des sièges de bois dont la solidité ne résistait pas à toute épreuve. N'avons-nous pas ici les restes d'un tel dispositif, installé su r l'agora pour les fêtes et les représentations nombreuses qui s'y déroulaient? Ne serait-ce pas là ce xopoç que P ausan ias signale sur 1'agora
1. On en rapprochera des rragments de colonnes trouvés sur le site, mesurant 0 m. 39 de diamètre à la base et 1 m. 40 de haut. 2. AJA , VIII, 1893, p. 418 sq. 3. AJA, ibid., p. 335-342; IX, 1894, p. 212-213, d'après Paus., III, Il, 8. 4. AJA, IX, 1894, p. 545-546; BSA, XII, 1905-06, p. 439 : • The Round Building on the Acropolis, partially excavated by Dr. \Valdstein, proves to be a semi-circular retaining-wull built round a small pro,iecting hill, embanked so asto form a platrorm •. Cependant F. Robert, Tllymélè, p. 113-117 admet sans réserve l'hypothèse de Waldstein. 5. Montrant cependant une construction hellénique sous des rérections romaines; élal confirmé ptu· G. Dicldns, BSA, Xli, 1905-06, p. 439-440.
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de Sparte, appelé ailleurs 6é<X-rpov 1 ? Nous avons nous-mêmes marqué avec suffisamment de netteté la continuelle association, à Sparte, des lieux de culte et des places d'assemblée 2 et nous ne contesterons pas le caractère religieux de cet emplacement. Le témoignage de Pausanias, faisant de la Skias un lieu d'assemblée, et la possibilité de couvrir partiellement cette vaste esplanade au moment des Karneia - sur le modèle des crxt&~eç de verdure où les Lacédémoniens se réunissaient pour les banquets sacrés, - ne sont pas des arguments à négligera. Si de nouvelles fouilles mettaient au jour quelqu e autel associé à ce terre-plein où l'on imagine, d'après la description de Pausanias 4 , le premier noyau de l'agora, malgré sa position excentrique, la parenté avec les agorai crétoises serait plus évidente encore. Théra, fondation dorienne, installée sans doute dès le xxe siècle sur sa croupe rocheuse, présente un type urbain très comparable aux cités archaïques de Crète 5 • Le rôle essentiel de l'agora y est, mieux qu'ailleurs, mis en relief parce que son emplacement semble être, pour la première fois, le résultat d'un choix délibéré. Il est malaisé de restituer l'état primitif de cette place profondément remaniée sous l'occupation des Ptolémées, au me siècle av. J.-C., puis au début de notre ère, sous Auguste. L'histoire de la stoa Basilikè comporte bien des points obscurs 6 . A l'origine, l'agora se présentait comme un élargissement de la rue principale, un simple carrefour ; l'esplanade ainsi dessinée mesurait plus de cent mètres de long et près de trente dans l'autre sens. La présence d'Apollon l. D'autres textes furent à l'origine de graves confusions dans les études sur la topographie de l'agora de Sparte, Hérodote, VI, 67; Plutarque, Agésilas, 29. Woodward, BSA, XXVI, 1920-21, p. 119 et encore H. Bulle, Unters. griech. Theater, p. 109, opinion corrigée dans Sitzungsber. Bayer. Akad., 1937, p. 33. 2. Supra, p. 205 sq. 3 . Démétrios de Skepsis, dans Athénée, I V, 141 F; crxL
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et d'Athéna Po lias - et sans doute aussi de Poseidon - y est assurée dès l'époque archaïque 1 • Or, l'installation de ces cultes est associée à l'histoire primitive de la ville, à des traditions antérieures même à l'arrivée des Doriens, puisqu'elle serait due à Cadmos 2 ; on sait par la même source que Théra, à sa fondation, fut consacrée à Apollon et un lion ofTert à ce dieu veillait sur l'agora dès le vue sièclea. Ainsi, un type d'agora archaïque apparaît dans ces villes doriennes primitives avec des traits assez précis4. Ce n'est point une place bien définie. A l'origine, nous n'apercevons qu'un lieu de culte placé à un carrefour importan t de la cité, en Crète comme à Sparte. L'importance de ce carrefour est due à ses facilités d'accès , au débouché des rues qui viennent de la plaine ou de la mer, et à sa situation au pied d'une éminence qui l'abrite des vents froids et présente des avantages naturels pour l'aménagement d'un rudimentaire thtlalron. Le site de Théra introduit une variante nouvelle ; l'étirement de la cité en longueur sur une étroite arête supprimait tout carrefour prédominant, d'où la décision de créer artificiellement une place par l'élargissement de la rue principale en un point de son parcours où une terrasse pouvait être aménagée; l'exemple de la métropole fut suivi à Cyrène. Dans tous les cas, un lieu de culte fait de cette place une enceinte sacrée. Les assemblées n'ont besoin que d'installations rudimentaires, gradins de pierres ou constructions de bois. Nous sommes loin encore des grandes compositions architecturales des siècles postérieurs ; la forme de l'agora se dégage avec peine de ses fonctions élémentaires. Le progrès architectural est dépendant de la maturité politique. Quand 1. I G., XII, 3, 450 ; Suppl., 1362, 1371, 1372. 2. Pindare, Scholie ad Pyth., IV, 11. CC. Thera, III, p. 57-58. 3. L'inscription trop détruite no nous dit pas à qui était dédié cc lion, 10, XII, Su ppl., 1380, mais comme le fait r emarquer H. von Gaertringen, 1'hera, III, p. 57, Artémidoros de Pergè, au 111° s. av. J.-C., pensait sans doute à un modèle plus ancien lorsqu'il représentait un lion sur un relief d'Apollon Sléphanéphore. Des blocs de la stoa portant des vestiges d'inscriptions arch arques (I G, XII, 3, 594-595) permettent do supposer qu'un premier état r emonte à une époq ue ancienne. 4. Très comparab le à l'agora de Théra, était sans doute celle de sa colonie, Cyrène ; elle s'étendait elle aussi sur une croupe, en bordure d'une ru e importante· le tombeau de Baltos en cons muait le centre cultuel. Mais les fouilles incom~lètes ne nous ont pas rendu encore cel état archaique, cf. infra, p. 391.
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les institutions de la polis se développeront en organismes plus complexes, elles exigeront un c.adre et des ~?ifices plus importants ; les carrefours s'agrandiront et empieteront su.r les quartiers voisins lorsque prytanées et salles de conseil seront nécessaires ; mais le caractère religieux, attesté dès l'origine, ne disparaîtra pas. 2) Agorai et sanctuaires
L'origine même de l'agora et la permanence de sa fonction religieuse déterminent une association étroite et prolongée entre agorai et sanctuaires. Le fait est d'importance, car tel lieu-saint s'est ahargé de fon ctions politiques et a évolué vers le type agora, tandis que tel autre persistait dans son rôle purement religieux .; les formes architecturales furent souvent communes. Cette union est particulièrement étroite dans les agorai qui se présentent comme les annexes d'un sanctuaire féd éral et constituent les lieux d'assemblée des premières ligues du monde grec. Le modèle est ancien, puisque le poète de l' Iliade dessinait déjà en traits vigoureux le tableau coloré des Pyliens réunis dans le sanctuaire fédéral de Poseidon et que celui de l'Hymne à Apollon évoquait avec complaisance les lignes ondoyantes et les vives couleurs des foules ioniennes qui se pressaient aux panégyries de Délos. Pour cette époque en particulier, les problèmes relatifs à la topographie religieuse de l'île d'Apollon sont loin d'être tous résolus. Où s'installa d'abord le culte d'Apollon à Délos? Sur les flancs du Cynthe et dans la haute vallée de l'Inopos 1 ? Aux environs du Létôon, sur les rives du Lac sacré, dans cette région que les Italiens ont annexée pour élever leur imposante Schola 2 ? Ou encore plus au Sud, dans la région de l'Artémision et autour du sèma d'Opiss? Des recherches récentes aux environs de l'Artémision ont précisé les limites et les dates d'occupation du «village mycénien» dont les vestiges étaient 1. Ch. Picard, RHR, CI, 1930, p. 223-250; CRAI, 1935, p. 487; RA, 1936, I, p. 116 sq. 2. Bethe, Herrnes, LXXII, 1937, p. 190-201; Die Anlike, XIV, 1938,p. 83 sq.; Délos, XIX, p. IX-x. 3. Ch. Picard et J . Replat, BCH, XLVI II, 1924, p. 247-263 ; R. Vallois. L'architecture à Délos, p. 8-14, 20 sq.
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repérés depuis longtemps sous les constructions archaïques de cett e région 1 . A la suite des installations du Cynthe au IIJe millénaire av. J.-C. 2 et après une période de vie ralentie, cet habitat mycénien marque une reprise de l'activité délienne qui ne cessera plus avant la fin du monde antique. Dans son ensemble, il peut être daté du xvie siècle av. J.-C.3; un petit palais en occupait le centre (région des Trésors) et, à la manière des sites plus récents connus dans les Cyclades méridionales ou en Crète, les sanctuaires étaient mêlés aux habitations des hommes : un premier groupement cependant s'esquissait déjà dans une région sacrée où les divers états de l'Artémision permetlent de restituer une série cultuelle inint errompue4; cette confusion a duré plus longtemps qu'on ne le pensait, s'étendant sur toute la période géométrique et une partie de l'époque archaïque. Il faut attendre la première moitié du vie siècle pour voir s'opérer la dissociation de la zone sacrée et de l'habitat qui éclat e à la fois vers le Nord et le Sud et assister aux premiers efforts de l'organisation architecturale du sanctuaire sous l'impulsion des Naxiens. Nous leur devons l'aménagement de la place sacrée qui correspond sans doute à l'époque de l'Hymne : une large esplanade dallée qui s'étendait entre l'Artémision, l'Oikos et la Stoa des Naxiens; un cadre architectural était ainsi dessiné et s'imposait à un centre cultuel annexe de celui de l'Artémision, jalonné par le pré-Oikos, l'édifice ret quelques autels primitifs 5 , premier état qui remon te au moins au vme siècle. La gracieuse parure de la stoa des axiens constitue un des premiers exemples d'un plan architectural nettement dessiné pour une place qui Cut sans dout e l'agora de la confédération ionienne. Dès cette époque, s'amorçait aussi, plus au Sud, le groupement des organismes politiques de la cité des Déliens, au tour du
1. CRAI, 1908, p. 180-182; un autre centre d'occupation, d'époque géométrique, s' ét end au S. de l'agora, CR A I , 1910, p. 311. 2. A. Plassart, Délos, XI, p. 11-50. 3. Nous utilisons ici les conclusions de deux mémoires inédits présentés à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres par H. Gallet de Santerre qui nous les a très libéralement communiqués et à qui nous adressons nos remerciements amicaux. Cf. CRAI, 1949, p. 250-252. 4. B CH , LXXI-LXXII, 1947-48, p. 242-254. 5. R. Vallois, L'arcllileclure à Délos, p. 14-22.
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térion » représenté par l'édifice .ô. 1 et de _quelques _autels: Ce nouveau centre civique s'accroche au H1éron, ma1s se tient hors de ses limites. L'évolution ainsi amorcée ne fera que s'accentuer au cours des siècles suivants 2 • Il n'en va pas de même à Delphes où l'agora demeure topographiquement liée aux cultes primitifs, à l'intérieur même du sanctuaire, car nous n'hésiterons pas à l'identifier avec l'esplanade de l'aire. D'après Plutarque, l'aire était réservée aux cérémonies curieuses du Septérion 3 , sorte de jeu dont le symbolisme religieux n'était pas pur de tout élément politique ni de tout résidu de rites sociaux primitifs". Ces représentations, données tous les huit ans, auraient-elles suffi à maintenir libre de toute construction cette place un peu irrégulière dont les contours extérieurs étaient limités par des exèdres, éléments indispensables de toute place sacrée, si elle n'avait été utilisée pour d'autres assemblées ? C'est u n lieu très anciennement consacré 5 ; des vestiges d'offrandes et de sacrifices sont récemment venus l'attester 6 • A l'époque hellénistique, elle fut peut-être agrandie vers le Sud où elle était soutenue par les bases du monument de la famille Lykos-Dioclès 7 • La présence du Bouleutérion et du Prytanée donne à cette place un caractère évidemment politique et je crois qu 'il s'agit d'organismes plus municipaux qu'amphictioniques. L'identification du Bouleutérion est bien assurée par la description de Pausanias et sa construction est en général assignée au début du vr 0 siècle par sa parenté avec le 1. R. Vallois, o. c. , p. 25-26; son caractère politique est bien attesté par la dédicace à Athéna Polias de l'angle S.-O., CRAI, 1909, p. 273-274; Inscriptions
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trésor de Corinthe 1 • Le Prytanée, avec ses fondations en conglomérat, est postérieur, mais il est connu au Ive siècle par un compte relatif à l'entretien du péribole, texte qui a permis de le situer parmi les édifices du sanctuaire 2 • Flanquée de ces constructions, l'aire n'a cessé d'être le centre politique de la cité delphique. Le caractère, à l'origine plus local, du sanctuaire pythien explique cette intrusion qui n'eut jamais lieu à Délos. Sans doute, on a voulu identifier l'agora de Delphes, hors du Hiéron, avec la place de l'entrée dont l'aménagement d'époque romaine est à destination purement commerciale. C'est la seule terrasse importante, dit Pomtows, sur la pente, où l'agora ait pu s'établir ; elle était à l'entrée principale du sanctuaire, sur la grande rue de Castalie, véritable te:p&. &.yopcl:. Mais aucun vestige ancien ne permet cette identification et l'on voit mal les raisons qui auraient provoqué la transformation de cette place en un bazar romain 4 tardif. Les nombreuses discussions relatives à la localisation de 1. P. de La Coste-Messelière, Au Nf usée de Delphes, p. 480, pl. 1, no XXVI. 2. Delphes, Ill, 5, 62, 1. 15-16. Sa position correspond bien au verbe xa:T<Xye:tv employé par Plutarque, De E apucl Delph., 16. Cf. D elphes, III, 1, 260 et 466. La disposition des fondation s ne me paratt pas justifier le plan restitué dans la pl. I, no XIV de P. de La Coste-Messelière. L'édifice n'est pas un trésor; il comprenait sans doute deux salles séparées par un large couloir médian, car l' aile occidentale est trop développée pour être un vestibule de plan in antis. Cette disposition répondrait mi eux aux exigences des prytanées dont les plans se rapprochent de ceux des maisons ct com prennent deux ou plusieurs salles. Un édifice à péristyle, extérieur au hiéron el à la même hauteur, pourrait aussi bien correspondre au texte de l' inscription, mais celte construction est, dans son état actuel, postérieure au 1v• s. En ou tre, le rôle du prytanée dans certaines pratiques de l'oracle (Plutarque, o. c.) implique sa présence dans le téménos plutôt qu'à l'extérieur. 3. Pomlow, Delphica, lll, p. 4 sqq. 4. Notre conclusion vient d'être vérifiée par deux sondages que J. Pouilloux a eu l'amabilité d'exécuter, à notre demande, sous le dallage de l'agora romaine (septembre 1949). Ils ont donné le même résultat et ont fixé la stratigraphie de cette terrasse. On rencontre de haut en bas: 1° Le dallage; 2° Un sol fait d 'argile tassée et damée (0 m. 50 env.); 3° Un vide de 0 m. 15 env. résultant du tassement des remblais; 4• Une couche de remblais où sont mêlés des tessons sub-mycèniens, géométriques, hellénistiques (peu d'époque classique) (ép. 0 m. 70 env.) ; 5• Une couche de savoura rouge, sans trace d'occupation, d'au moins 2 mètres d'épaisseur. Seule, une couche géométrique pourrait peut-être ( '1) se rencontrer après la savoura, mais alors il faudrait admettre une dénivellation de plus de 3 m. entre le niveau de la place et celui de l'entrée.
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l'agora dans l'Altis tiennent à une confusion dont l'exemple de Délos doit nous préserver. Deux places ont été successivement proposées pour Olympie, l 'une, à l'intérieur du téménos, qui s'étend devant la terrasse des Trésors et le portique d'Écho 1 ; l'autre, hors de l'enceinte sacrée, au Sud du Bouleutérion et du portique méridional 2 • La confusion résulte d'une ambiguïté inhérente au texte de Pausanias. Le périégète, après mention de l'atelier de Phidias, hors de l' Altis, revient, semblet -il, à l'intérieur du téménos, tout en prenant cemme point de référence le Léonidaion qui, lui, est à l'extérieur 3 • Les hésitations du texte et les nombreuses variantes du début du paragraphe précédent ont déterminé C. Robert à proposer une correction et à écrire : èx:roç -.~ç ''.AJ..-re:wç 4 • Les autels d'Artémis Agoraia et de Zeus Agoraios ainsi projetés hors de l'Altis, il ne faisait plus de doute que l'agora s'y trouvait également, là où, d'après Pindare, Héraclès en traçant les limites du téménos avait réservé une vaste zone pour les panégyries 5 • Une place s'étendait en effet au Sud du Bouleutérion, dont seule la limite septentrionale avait été reconnue ; les fouilles récentes d'Olympie ont confirmé indirectement sa présence en révélant le caractère monumental de la stoa qui la borde au Nord 6 • Cet emplacement était réservé à la foule des pèlerins et à la foire qui accompagnait les panégyries ; il n'avait aucun caractère politique ni religieux. Mais est-il l. Ce fut la solution adoptée par les premiers fouilleurs, Olympia, V, p. 26 sq. 2. C. Rob ert, Hermes, XXIII, 1888, p. 429 sq. ; E . Norman Gardiner, Olympia, p. 188 sq. 3 . Paus., v, 15, 1-4 : "Ecr-rt 8è orlO)fL<X tXTOÇ Tijç "AÀTEWÇ, X<XÀe:t'T<Xt 8t èpyOtCJ't"Î)pwv
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besoin de corriger le texte de Pausanias? Nullement, à notre avis: Les épithètes d'Artémis et de Zeus s'expliquent par d'autres raisons que par leur référence à cette place profane. D'ailleurs, le mouvement du texte indique clairement que Pausanias a franchi les portes de la 7tO{.L7t~X~ oa6ç au début du § 2 ; il s 'attarde un inst ant à la description du Léonidaion, mais, avec le début du § 3, il reprend sa marche sur la Voie Sacrée par la mention de l'autel d'Aphrodite ; or, ce dernier, bien qu'étant à l'intérieur de l'Altis, est situé par rapport au Léonidaion. Pourquoi C. Robert ne corrige-t-il pas aussi ce passage ? N'y a-t-il pas là une contradiction ? C'est que le contexte et la mention de l'olivier sauvage près de l'opisthodome du temple le lui interdisent ; il n'y a donc aucune raison d'accept er la correction du début du § 4. En outre, l'épithète est loin d'avoir toujours une valeur topologique ; ici, elle peut se référer au rôle de Zeus dans la prestation du sermenV et l'identification de la proédrie avec une des ailes du Bouleutérion rend plus vraisemblable encore le ra pport de l'épithète avec les fon ctions des Hellanodices 2 • Enfin, à l'intérieur du téménos, s'étend une autre agora, de caractère différent, dont on ne peut nier l'existence. En rapportant les combats sacrilèges qui opposèrent dans l' Altis Éléens et Arcadiens, en 364 av. J.-C., Xénophon 3 trace une description rapide de la région N.-E. du sanctuaire; les Éléens qui ont descendu la vallée du Cladéos franchissent le fleuve et repoussent leurs ennemis, Arcadiens et Argiens, jusqu'à l'intérieur du domaine sacré ; la lutte se circonscrit entre le Bouleutérion, le sanctuaire d 'Hestia et le théâtre . Quel est ce théâtre, entre le stade et le grand aut el, où se déroulaient certaines épreuves des jeux 4 ? L'historien désigne par cette 1. Supr a, p. 180. 2. Même si l'on voulait maintenir à tout prix un rapport entre Zeus Agoraios. Artémis Agoraia et l'agora méridionale, un détail historique peut encore justifier le texte traditionnel; on sait en effet que Néro n apporta de nombreuses modifications au sanctuaire et qu'il fit déplacer de nombreux au tels dans ou bors de l'Altis, AM, X II I, 1888, p. 335 sq. 3. Xénophon, Helléniques, VTI, 4, 30-31. Cf. Ch. Picard, Rev. Hisl., 186, 1939, p. 260-263. 4. Dyer, J HS, X XV III, 1908, p. 250-273 ; contre cette interprétalio n, Hatzfeld, dans l'éd. Budé des Helléniques, II, p. 206, n. 1. Mais, sans vouloir contester le sens ironique du passage, on peut adrneltre que la tradition historiq ue confirme plutôt la thèse de Dyer.
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expression l'espace libre autour du Pélopion, bordé au Nord par la terrasse des Trésors, à l'Est par le portique d'Écho, première arène des jeux olympiques et centre de la plus ancienne occupation de l' Altis. Pindare, fidèle à la tradition homérique et influencé par le vocabulaire béotien, la désigne par le nom d'&ywv 1 • Son caractère religieux ne fut jamais contaminé, car elle se transforma, dès l'époque archaïque, en un Dodécathéon, connu déjà de Pindare, xowoÔwf.t[<X de six autels doubles dont Pausanias c1te quelques possesseurs 2 • L'arrangement architectural de cette agora ne diffère pas beaucoup du type archaïque que nous connaissons ; c'est une place réservée aux jeux autour d'un lieu de culte funéraire, bordée de gradins dont le rôle est double, puisqu'ils servent aussi de soutènement à la terrasse des Trésors. Au rve siècle seulement, le portique d'Écho vint lui donner un caractère plus monumentaJ3. Des deux agorai d'Olympie, l'une était donc à l'intérieur du téménos, en rapport avec le lieu de culte le p lus ancien, le Pélopion . Elle attirera le prytanée dans l'Altis vers l'entrée principale 4 • La grande place du Sud n'a qu'une destination toute profane, réservée aux pèlerins de passage 5 . Un principe comparable à celui de Délos semble avoir déterminé les rapports de l'agora et du sanctuaire fédéral de Calaurie (fig. 27). Ville et sanctuaire occupent . une arête étroite de l'îlot, semblable à une proue de navire 6 • Il fallait composer avec le cadre resserré du paysage. Le temple s'élève à l'extrémité orientale de cette échine, isolé par un mur de péribole. Occupé dès l'époque mycénienne, le sanctuaire de 1. Pindare, 01., X, 24 sq. 2. Pindare, 01., V, 5; Paus., V, 24, 1. Cf. J{lio, IX, 1909, p. 291. 3. On sait maintenant (Jahrb., Lill, 1938, Beil., p. 45 sq.) que le portique d'Écho ne fut pas précédé d'un édifice plus ancien, comme l'affirmait la publication initiale, Olympia, II, p. 70-71. La stoa est contemporaine du mur E. de l'Altis et la céramique de la couche correspondant aux fondations permet de dater cette construction du milieu du 1v• s. (Jahrb., ibid., p. 51-53, fig. 29). Ces conclusions ont été contestées par vV. B. Dinsmoor, AJA, XLV, 1941, p. 399 sq.). Cf. réponse de E. Kunze etH. Weber, AJA, LII, 1948, p. 490-496. 4. Il jouait d'ailleurs un rôle important dans le cérémonial religieux d'Olympie, L. Weniger, Klio, VI, 1906, p. 4 sq. f>. Il est possible que, pendant les panégyries, tentes et baraques aient empiété sur le domaine sacré, Xénophon, Hell., VII, 4, 32. 6. G. Welter, Troizen und Kalaureia, p. 43, pl. 28.
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Poseidon se développe surtout dans la période archaïque où il est le siège d'une confédération importante 1 ; les réunions fédérales se tenaient autour du temple ; il est probable que la vaste place contiguë au téménos du vre siècle, limitée plus tard sur les côtés Nord et Sud par des sloai, fut l'agora primitive fédérale ; seuls quelques vestiges de murs anonymes conservent les traces de ce premier état. Quand, au IV6 siècle, la cité de Calaurie prend quelque extension et s'entoure d'une vaste enceinte, l'agora de la cité se substitue à la place fédérale, laquelle faisait intimement partie du domaine sacré et constituait, avec sa double rangée de colonnades, une entrée monumentale. Dans le nouvel état, un propylon marque la séparation des deux domaines, le religieux et le politique. Tous les textes se rapportant aux constructions du rve siècle, consécrations et dédicaces, mentionnent des magistrats de Calaurie 2 ; le culte de Zeus Sôter qui avait là son autel était un culte de la polis. L'agora était donc purement municipale; elle conservait le plan de la précédente 3• On peut regretter que les fouilles de Naucratis n'aient pas été exhaustives, car elles auraient pu nous rendre un curieux exemple de ces agorai archaïques. Les conditions particulières de cette concession abandonnée par le pharaon Amasis, dans le deuxième quart du vie siècle, à un groupe de cités grecques, se réflétaient dans l'établissement urbain 4 • Les explorations partielles du site 5 ont montré que la ville comprenait deux agglomérations: au Sud, la ville égyptienne; au Nord, l'habitat grec. Celui-ci, avec ses rues étroites et tortueuses, ne diffère pas des villes de la Grèce archaïque, Théra ou Lato. Les points essentiels de la colonie étaient les 1. AM, XX, 1895, p. 274 sq. ; Strabon, VIII, 6, 14, p. 373-374. 2. 1 G, IV, 840, 841. 3. IG, IV, 841, 1. 22; G. ·welter, o. c., p. 51. 4. Les conditions dans lesquelles Naucratis fut fondée, sur un site occupé sans douto dès Je milieu du vu• s. par un établissement milésien, restent obscures; documents rassemblés et étudiés par D. Mallet, Les Rapports des Grecs avec l'Égypte, Mém. Inst. arch. or. Caire, XLVIII, 1922, p. 54-75. 5. Premières fouilles de Flinders Petrie en 1885-1886, Naukralis, 1 et Il. Puis fouilles de 1899 et 1902-1903 par Hogarth, BSA, V, 1898-1899, p. 26-97; JHS, XXV, 1905, p. 105-136. Mise au point par H. Prinz, Funde aus Naukratis, Klio, Beilrüge, 1908; D. Mallet, Les Premiers établissements grecs en Bgypte, Mém. Mission Caire, XII, 1893, p. 175 sq.
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sanctuaires dont plusieurs furent reconnus par les inscriptions ; le plus important groupait, avec l'emporion, les dieux de toutes les cités, à l'exception des Éginètes, des Samiens et des Milésiens qui possédaient chacun le leur propre. Cet Hellénion fut identifié grâce à la découverte de tessons inscrits, dédiés aux 6eoi:ç -rwv 'EÀÀ~v<.ùv ainsi qu'à Héra, Aphrodite, Artémis et Héraclès 1 . A l'intérieur d'une vaste enceinte régulière, les constructions s'entassent sans beaucoup d'ordre, alignées le long des murs : chapelles, magasins, édifices administratifs. La multiplicité des fonctions remplies par l'agora aboutit ici à la plus grande confusion : marchés, lieux de culte et d'assemblée, organes administratifs, tout était groupé dans cette enceinte, véritable cité en miniature dont nous aimerions connaître les détails. L'étude des rapports ent re agorai et sanctuaires resterait incomplète si l'on ne mentionnait les nombreuses places de fêtes aménagées autour des t emples et des autels. Les similitudes sont telles que l'on assiste parfois, comme à Sélinonte, au passage de l'une à l'autre. L'agora archaïque et classique de Sélinonte r este à trouver sur le site de la v ille qui n'est pas encore fouillé; en tout cas, on ne saurait, comme le proposaient Cavallari et Fougères 2 , reconnaître l'agora de la cité du ve siècle dans la place sacrée qui s'étendait au N.-E. et à l'Est des t emples C et D. Ce n'est qu'avec l'époque hellénistique, quand la ville, affaiblie et diminuée, se réduit à l'acropole , que cette place devient l'agora 3 (fig. 40-41 ). Deux de ces places sacrées présentent, pour nott·e étude, un intérêt tout spécial, car elles nous font remonter aux origines mêmes de leur formation : l'une est à l'Héraion de Samos et l'autre sur l'acropole de Larisa sur l'Hermos. Les fouill es de l'É cole allemande à Samos ont bien jalonné les diverses étapes de l'évolution architecturale du sanctuaire 4 • Établi au rxe siècle sur les r estes d'une bourgade préhellénique, l'Héraion ne présentait d'abord que des installations rudimentaires : 1. JHS, XXV, 1905, p . II2el 116-117. 2. F'ougères-Hulot, Sélinonte, p. 152 sq. 3. cr. détails de l'histoire de l'agora, infra, p. 351-354. 4. Résullaldes fouillesdansArch.Am., 1927,col.440 sq.; I930,col.l47sq.; Gnomon, 1928, p. 53 sq. et vue d'ensemble par E. Buschor, Heraion uon Sa mos, Frtihe Baulen, AM, LV, 1930 (q ue nous ciLerons d'après la paginotion du tirage à part) ; AM, LVIII, 1933, p. 146-173.
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Fig. 28. -
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Acropole de Larisa vers 500 av. J.-C.
place, souvent remaniée, sont mal définis ; la céramique correspondant à ce niveau est purement géométrique 2 • Dès le vme siècle av. J .-C., un premier temple périptère était élevé en bordure de l'esplanade 3 , tandis qu'un bassin était installé, à environ 80 mètres au Sud. Ces constructions dispersées dans les sables et les marais n'ont encore qu'un aspect inorganique. Au siècle suivant, les g randes lignes du sanctuaire se dessinent. Le premier t emple est remplacé par un second édifice, de plan légèrement différent; un propylon est établi sur la Voie Sacrée à l'angle N.-E. du domaine de la déesse; les deux lieux de culte, temple et bassin, sont reliés par 1. Rapportées par Athénée, XIV, p. 672. 2. E . Buschor, Frahe Baulen, p. 11-12. 3. 1 bid., p. 10, Bei!. 11.
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u ne longue s ton qui forme la limite oricnw lc de la place sacrée' ; un mur de léménos borde le sanctua ire au S.-E. Au vue sillcle, ceLt e composit ion, encore bien maigre, prend cependant la valeur d'un t ype en têLe d' une longue série. Les mi:mes tendances se manifestent dans l'aménagement du téménos de l'acropole de Larisa (fig. 28) 2 • Comme à Snmos, le premie r sanctuaire, consa cré sans doute à Cybèle, n 'ôLa it qu'u ne petite chapelle ouverte (4 m . 30 x 7 m. 59), abritant le bétyle; elle se dressait sur une sorte de podiu rn, dominant une ASsez la rge espla nade dont les cOLés O. eL N. son t orn6s de sloai dès la fin du vue siècle. Ln plus ancienne ne fut peut-~lre qu ' un simp le aiJVent appuyô au mur du t éménos; la seconde était u n édifice ind6pcnùant. Cet étal pr imiW du sa ncLuuire, mal connu dans ses détails'. subsiste jusqu'aux modifications qu'apporte au vc siècle l' in terv entinn athénienne. L'associalion [réqucnte à l'époq ue archaïque d' agorai et de sanctuaires, le~ pa rentés ind éniables qui s'établissent entre elles c l, les places sacrées vont. influencer profondément leur évolu tion arch il.ccturale. Des formes et des p lans, co mme les sloai, leur sont communs; certains principes de co mposition se I'etrouven t semblables, aux époques postérieures, dans les unes c~ les a utres. 3) Agorni
e~
théâtres
Les ra pporls entre agorai cl lhéà t res sont posés, dans le pri ncipe, par la !oncLion agô nale des prcmii:res cl, en fait, par la slructu rc des places d'assemblée archaïques de Crèlc et, plus encore, de celles des dèmes attiques. Ici , en eltet, l'importan ce des représenta Lions da ns la vic publiqu c 4 et le caractère démocratiq ue d es nsseroblécs déterminent un type
1. l bul., p. 22 sq., Og. 7, Oeil. V-LX. 2. Ar
4. On snll quo l' un cherche dans cos N prilscntalic>nS popula ires de daMes miméeO e t dialogu~o, dans les forces sat yriques du cullc dlo ny•iaque c~ la nature du cllœun primiUf!, l'expliCaiJon de la ronno d e l'orchOiilnt, H. DuUe, Unlen. orluh . Thealcr, p. 2 11-212.
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d 'agora dont les organismes reflètent la p rimauté de la fonction représentative. Le ihéalror~ 1 de Thoricos, célèbre par son plan original, n'est en fait qu'un auditorium installé sur la petite place publique d u dème ; il n'a servi, comme l'a démontré H. Bulle, que Lardivement de cad re aux représen tation s scéniques!. A l'origine, il se rédui t, à u ne série de gradins, donL la secLion centrale, rectil igne, llanquée de deux reLours dissymétriques, dominait une esplanade artificiellement aménagée. Cette place étai t libre de co nstructions ; sur le côté, à l' E st, était creusée, dans le rocher mème, une petite sa lie avec deux banq uettes où l'on peut reconnaître un Bouleuterion ou un tribu na l. Ce lieu de réu nion obligea l'a.rcltitecte à tronquer l'aile orientale de la cavea. Quelle est La date de cet ensemble ? Seuls, les indices fournis par quelques tessons t rouvés dans les déblais et la grossièreté de l'appareil d u mur de soutén emen L permeU.ent d'attribuer cet aménagemen t att milieu du v1e siècle environ 3 . L'esplana de fut installée sur de puissants r em blais de t erre et. de p ierres que contenait un mur, sur le côté Sud, haut de 4 m. 90 au moins ; i l fall ut aussi, à l'Ouest, établir un souténemenl; en constructions massives pour appuyer les gradi ns ; l'aide fournie par la pente du terrain ét ait faible et rien n ' interdisait un t racé ci,·culaire. On mesu re toute l'importance de cet te conclusion; cet te cauca se trouve apparentée aux dispositifs des villes crét oises de Dréros et de Lato cL nous avons vu l 'importance de cet te parenté pour l'hisLoire des ty pes archaïques et des origines de l'architectur e grecque. A la fin du v 0 siècle et au début du rv•, l'agora de Thoricos se transforme au moment où le go ût des représentations th éâtra les se développe même à l'extérieur d 'Athènes, a lors q ue le rôle poli tique des assemblées de dème diminue. Un 1. C'asL là que Dionysos seraiL arrive en ALlique eL que DémêLer aurait ~lleinlla côte en venant de Crète, Ch. Picard, REG, XL, 1927, p. 320 sq. Ce
terme n'implique nullement une consLruclion complèle et achevée, cl. Vollgrn!r, BCH, XXXI, 1907, p. l66· 167. 2. Il a él.é touillé en 1886 pnr l' École Américaine, W. ~tiller, Pup•r~ of !he Am. School al Alhellf. IV, 1886·86, p. 1 sq., pl. l-VI . Une stoa voisine, aujourd'hui dispa rue, avait été publi~e par le3 DileU.anli, Uned. .tlnliq. of A ttica, chap. 9, pl. l; cl. BS.4., XJ..III , 1948, p. 128 sq. ; X LV, 1950, p . 25-27.
3. W.
~llllur,
o.c., p. 10.
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petit temple est construi t su1· le côté E st de l'esplanadet-andis q11 c l'autel est déporté à l 'autre extrémité; les gradins inférieurs sont entaillés pour permet tre la circulation a utour de la table de sacrifice. On ne const ruit pas de shénè i les a cteurs du rent se contenter d'un podium en bois sout.eou par quelques piliers 1 ; la petite snlle creusée dans le rocher fut annexée a u théUrc et ut.ilisée comme vestiaire. Le caractère de la const.ruct.ion est. ainsi modifié et. l'emprise de Dionysos et de ses jeux est presque complète. C'est pour remplncer sans doute la petite salle de réunion qu'une ston rut construite au même moment, à l'Ouest du tMâtre, avec colonnade sur chaque face ; on puisait dnns le décor tradition nel des agorai . La place publique de Thoricos se développait. toul en changeant de fonction. Plus t.a rd ivement, Rhamnonle el lkaria, deux autres dèmes de la cOle septentrionale de l'Attiq ue, prll~c nl.aienl le même type d'agora, réd uit à un fhéalron rudimentaire. Celle de Rbamnonte occupait un t erre-plein au Sud de la pointe de l 'acropole, d'où la vue sc p orte complaisamment sur l'Ettbéc et. sa mer bleue. Au p ied d'u ne pente douce, ümitée a u Nord par une ra ngée de bases - el non pas, comme l'affirme H. Bulle, pn r le dialeichisma de l'acropole - s'allonge encore une rond at ion composlle de trois blocs d 'eulhyn téria (long. tota le : 4 m. 81), réunis pa r des scellements en dou ble T et prolongé . à l'Est, par une plaque de marbre inscri te, à l'Ouest., par une série de socles. Des dalles supporLllient les sièges de la proédric dont quelques exemplaires subsistent. à proximité; l'un d'eux a été consacré il Dionysos par un citoyen de Rhamn oot.e, Xénocratèst. Dr rrière la p roédrie, aucun veslige de gradins ; 1<~ foule s'éparpillait sur 1<~ penle et utilisait des sièges de fort.un e. L'esplanade est limitée au Sud, d'après H. Bulle•, por un édi fl ce de p lan rectangulaire situé à 1. H. Bulle, o. c., p. 12·13. L"attribullon d u temple à D i.o nysos eaL fondée eur une unlquu Inscription, A
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11 m. 40 de l.a fonda tion de marbre ; il ne s 'agit sans douLe point d 'un bâtiment de scène, mais plutôt. d'un édifice admin istrati f, associé à l'agora . Les r estes grossiers d'une pet ite fondaLion peuvent appar tenir à un autel (?). On n 'a pas hésité à donner à cet ensemble, de plan sensiblemen t rect angulaire, limité par des rangées de stèles et d ivisé en deux par les sièges de la proédrie, le nom de 6t.~:rpov 1 • Comme l'atteste la dédicace, gravée su r le siège, ce lieu était placé so us l'égide de Dionysos ; l'attribution est confi rmée pa r la consécrat ion d'u ne chapelle à D ionysos Lénaios, faite par un certain CallisLhénès, au déb uL du me siècle 1 . l ei, comme à Thoricos, nous sommes en présence du centre p olitique du dème, de son agora! où se tenaien t les réunions publiq ues et où se célébraient les fêtes locales. E ntre Thoricos et R hamn onte, dominant le go!Ce de Marathon, Je dème d 'Ikaria ava it aussi son t héâtre eL son ago ra. consacrés à Dion ysos, ma is étroitement associés à un sanctuaire d'Apollon P ythien 4 . Le di spositif est le même qu 'à R hamnon te ; au pied de la pen te , se t rouvaien t, quelques sièges qui [ormaient la limit.c d 'une esplanade soutenue par un hau t mur de terrasse dont. les ex t rémités faisaien t un reto ur à angle ouvert; la place ét ait consacrée à Dionysos•. Le souvenir des grandes pérégrinations divines vivait ici dans ces humbles const ructions; quoi d'étonnant que la cite en eOt (ait le centre de sa v ie politique ? Malgré leur date plus récente , les agorai de R hamnonte et d ' Jka ria ne di ITèrent pas de celle de Thoricos 6 ; ce son t, elles l'esplanade t enant lieu d'orohe.~tu ne aerait pas limitée autrement que l'aire de la ro<>W, par des stèles et des statues. t. Prokt., 1891 , p. l6;cr. fG , Il ', 1311. 'l. ibid., p. Hl. L.n décti~nce est gravée sur un bloc d'entablement provenant de cellll rêglon. L' hypolllèsa lie H. Bulle, qui cherche cette ebapelle dans des r uine., voisines est umtanl.e, mals Impossible à vérifier dnnsl'6lat oetuel du site. 3. Miletthoeter, JC arltn u011 Allil qui appelle cette place • agora des Demos, M •ll
6. De ce type d'agora, U roudra!L rapprocher des !leux de 1'\lunlon, des places d'assemblée aménn~:ées en plat.e·rorme, avec slè~;es Lalllés dans le rocher,
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aussi, des places politiques autant que religieuses; même après la création du Prytanée commun à Athènes, les sentimen ts particul aristes des dèmes contribuèrent à ma.i ntenir ces centres de vie collect ive ; leu r modeste rôle administra tif e:-:plique leur pauvreté architecturale ; seules, furent, aménagées les constructions qu 'e>dgeaient les rares manilestations d'indépendance que leur accordait l'Eeclésia. Ce ty pe d'agora archaïq ue a mnuencé l'organisation des places publiques d'époque classique. Le plan de celle de Mantinée s'explique par ce rôle p rimitif du théât re qui domine toute la comp osition 1 • Il fut édifié au cœur de la ville, sur un terrain plat qui nécessita de puissan ts remblais pour constituer l'analenuna. Il était d 'abord ouvert sur la place et l'orchestra communiquait librement avec l'aulè. C'est à l' époque romaine qu e les bâtiments de la scène ont fermé filcheusement la perspective. En ellet, l'orientation du proslrénion , en oblique par rapport à l'axe d u /roi/on, la nature de la maço nnerie faite do moellons p1-is dans un lit de mortier et de cbau.x, si différente du bel appareil hellénique de l'analemma, l'absence de tou t e fondation ancienne sous les constru ctions romaines démontrent que Le proslcénion et le logeion sont des adjonctions récentes. Le th éâtre était donc conçu plus pour les assemblées politiques que pour des r eprésentation s théâ t ra ies. L e même dessein dicta, à l'origine, le plan du théâtre de Mégalopolis qui devait être le lieu des assemblées fédérales de la ligue arcadie nne. L 'aménagement de la colline est. postérieur de plusieurs années à la construction du Thcrsilion 2. L'ensemble était conçu comme une grandiose agor a lelle la place • aux 7 fau teuils • sur Les na nes du Mouselon, è AIMnes, Judcicb, Top•., p. 397. Le petit tMUro d'Argos, taillé dans les Onnes do la Larissa, non loin de J'ugora, apJ>&rlient au même type de construction et nous verrons qu'à Athènes même, sur le C6ram.ique, il est possible qu' un 8 oulcul6rion ancien ait ôté ~wènage do ns les OnnC.\1 du Colonos Agoroios, infra, p. 264. Mais ort évitera d'ollribuer à l'époque arellarque les gradins s itués à l' O. du tomple d"Apollon PotrOos, BC!i, LXVI·LXVII, 194Z.43, p. 281; Il . A. Thompson e~t rormcl su•· la dale de œ disposol.if quf ne romonle pas au dela du rnmeu du v• s. t. C. Fougères, .Manlinte, p. 165·173, plon llg. 37. 2. Le Thersilion peut lllro attribué à la p(lriode de prospôrllê qu i suivit lu bataille de Mantinte en 362 av. J . C., Boille, GDII. Gel. An:., 1897, p. 724 ; Jltrmt$, XXXII 1, 1898, p. 314. Le IMAlre est postérieur d"au moins dix ans;
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fédérale 1 à laquelle s'opposait, sur l'aut re rive de l' H élisson, l'agora de la cilé mégalopolitaine1. On sait que ces constructions de pierre avaient ét é précédées par des installations rudi mentaires en bois, les t>tllv.c, dressées à l'occasion des jeux et. des grandes fêt.es . Quelques scènes d u répert oire céramique permettent d 'en évoquer l'aspect extérieur. La plus ancienne et la plus éloquente de ces représentations orne les flancs d'un di11 os de Sophilos• où des spectateurs installés sur des gradins suivent la course des chars en l'honneur de Pat rocle. L es sièges sont p résentés en coupe, t aillés dans les flancs d'une sor t.e de l'aménagement du I
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tertre artificiel. Sur une amphore << tyrrhénienne ) 1 et une amphore attique de la Bibliothèque naLionale 2 , les gradins sont. évidemment. construits en pierre; L'appareil est schématisé par des cubes de couleurs difTérenles suivant un système courant dans les représentations archileclurales 9 • Des peintures de tombes étrusques, au début du ve siècle, ont gardé Le souvenir des constructions en bois•. Des poteaux sont fichés en terre ; des barres transversales, assujetties au tiers de ln hauteur, supportent un plancher où les spectateurs prennent place assis sur des bancs rusliq u!'.s ; un velum accroché au sommet des poteaux les protégeait conlre les ardeurs du soleil ; il n'est pas douteux que ces bâtis rudimentaires étaient utilisés, avec quelques variantes, sur les agorai primitives 5 • 4) L 'agora d 'Athènes et 1'apparition des édifices civils
Comme la plupart des théories sur l'èvolution de l'Athènes archajque, noLre conception de l'agora athénienne du temps de Solon doit être r errùse sur le chan lier à 13 lumière des fouilles américaines. L'agora de la cité athénienne, ce célèbre creuseL ou tant de passions ont fermenté, se dégage peu à peu de ses ruines suivant les progrès d'une exploration t.rès méthodique dont les résultats ont été, avec une louable rapidité, mis aussilôt. à la disposition du public snvant; ils ont rendu caduques toutes les études an té rieu res sur le cent re politique de la démocratie athénienne•. Son histoire architecturale se dessine 1. H. Tbiench, Tyrrileniscile Amphonm, p. 63, pl. IV; E. P!ubl, Ma/erti und
dtr Critchen, 19'23, Ill , pl. 48, n• 206. 2. C VA, Bibl. Nalioualo, 2, pl. 88 e~ 89. 3. Ct. la fontaine de la coupe de Phlneus, E. Pottier, Cal. V
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en traits d o plus en plus précis ou fur et à mesure q ue paraissen t les publications documentées et bien illustrées dans la revue réser vée d 'a bord au x fouilles de l'agora '· C'est. dans le premier qu ar t, du VI" siècle qu e les conslrucLions les plus an ciennes de la place du Céramique font leur apparition nu pied du Colonos Agoraios 1 . Une question préalable se trouve donc posée à nous pa r un lémoignage d ' Apollodoros, t ransmis p ar IIarpokrul:.ion , d 'après leq uel une tiyop« lipzœ!ot est associée a u culte d'Aphrodite Pandèmos•. Mal gré qu elques hésitations dont. W. J ud eich sc fait l'écho•, la situation du sanctuaire de la Pattdèmos ne peut faire de doute ; il se trouva it sur les flancs S.-O. de l'acropole, a u p ied du bastion d'A théna Nikè; Pa usan ias le décrit au long du chemin qui l'amène du th6âtre aux Propylées, à la suite d e l' Asclépieion, avec les enclos de Gè J(ourolrophos ct de Déméter Chloè. Le sens de l'épit hète a été discuté, mais je ne vois pas de raisons pou1· lui refuser la valeu r polit ique qu 'Apollodoros et. Pnusanias lui reconnaisse nt, lous deux, bien que se référa nt il des Lt·aditions diiTérentes. D'a près P ausa nil.lR, la na issa nce du culte se r attachera iL a u mouvement. d'un i fi -
lM ré!.Wcncce o.ux: e randes ayntJ\èaes o.nléri0ures. On consultera encore avec proUt pour ln masse des documents mla en œuvre, E. CurLius, Dl• Sladlguclo. uoro Alhtn, I891, (3\'tc recueil complet dea t.exles anciens); Alllache Sluditn, Il, Dtr }(t ramti/108 und dl• Guclt. dtr AgOI'a u011 Aillon, 1865; J. E. Ha!Tison, M!Jllt. and M on. of A nt. A lhtns, 1890 (lrèa alleoUve aux plt6nomèoei religieux ) ; Wachsnlutb, Sladl A lhtn im Alltrlum, 187I-I880 (mise en œuvre très silre el tr~s lnltlllgeot c de tous les lilmolgnojles anciens). 1. t.œ nombreuoes controverses aoulevêu pa.r les dOoouverLes américa.ones tl,lout porl!oullèrernonl, par les idcnUOcoLion> de monuments, svronlexo.minées ehaculle il leur place, dans l" aullc de noire étude. Nous trouvuns inulile Cl'cn drts~r Ici le toslidioux calnloguc. CUomo •implement, pour l'importance qui lui a êt
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ACOI\AI ARCHAÏQUES : TYPES ET FOR MES
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cation de Thésée; d 'apr ès Ni kandros de Colophon ct. Philémon, aux réformes politiques et sociales de Solon 1 • L a première hypothèse expliquerait le choix du lieu de culte, car le synécisme s'est fait autour d'une Athènes dont l'acropole était le centre politique ; la seconde dormerait à l'expression d' Apollodoros une valeur très précise, en opposan t une agora an cienne à une nouvelle place publique ; or, c'est précisément en liaiso n avec les réformes de Solon q ue s'est créée celle du Céramique. Deux agorai auraient a lors existé, pendan t un t emps du moins, symboles des deux couran ts politiques qu i s'affrontaient 2 • Qu' une agora soit déjà associée à la vie d'Athènes dès le milieu du vue siècle, Lou t ce qu e nous connaissons de sa fonction essentielle dans le développement de la polis nous inciterait à l'admettre, même si nous n'avions pas des témoignages formels. Solon entre d ans la vie politique en 621 par une pathétique intervention sur l'agora où, de la pierre des hérauts, il excite les citoyens à l'expédition de Salamine. Et Dracon, d ans ses lois édictées a u troisième quart d u vue siècle, prescrit d'écarter de l'agora le meurtrier qui porte avec lui la souillure du sang versé ; il ne pourra pénétrer s ur la place publique qu'après avoir été purifté 3 • P ouvons-nous préciser la situation topographiqu e de cette agora? JI fut un temps où, suivan t le témoignage de Thucydide (Il, 15), on a cherché les vestiges de l'A thènes primitive sur les rives de l'Hissos, au Sud de l'acropole, et l'ancienne place publique aurait été, ovec l ' Rnnéacrounos, quelq ue part dans cette région , non loin du sancLunire d'Apollon Pulhien. Après les fouilles de W. Doerpfeld dans la vallée qui sépare la Pnyx 1. Paus., 1, 22, 3. Cf. Hespma, 1, 1!132, p. 62; Il, 1933, p. 346; VII, 1938, p. 161 sq.; Wilomowilz, G/aube dtr Htll., 1, p. 97, veut voir dans U.f~J.
un équ ivalent de S'liLon:>:i)ç en s'appuyant sans dout.e sur la tradition des poè~ comiques dont Athénée ropporte plusielll'S t.ëmoignoges, XIII, 66!1 D. La tenta· lion ét.nil trop rorte pour ce:s esprits (rondeurs d'e:
L ' AGORA ARCIIAÏQU&
de l'Aréopage, on s uivi t l' arcMologue allemand dan s sa t héorie vigou reusement. défendue qui situait.l'Eunéakrounos et l'ciro?« &:pxŒL« avre le Dionysion i:v AÎILvoc:~, dont il prétenda it avoir retrouv é los restes, dans celte dépression . C'est là qu 'aura it ét.é le centre politique d'Athènes jusqu'il l'llp oqur. de Cimon , auquel on serait redevable de la nouvelle ngora , créée autour du tombeau d e Th6s6e 1 • Les fouilles réce ntes, qui n'ont pas convaincu Doerpfeld, nous semblen t opposer un démenti formel à srs hypo thè>es. ous verrons d':~Dord q ue la création de l'agora du Céramique est bien antérieure à Cimon ct que, d'autre part, les culLes ct les organismes politiques d'Athènes, a u..x vme-vn• siècles av. J .-C., sont, bea ucoup plus élroitcment associés à l'acropole qu'il ne le supposait . En ellet, on peu t mett re en paral lèle ovcc les sn no.:L uaires cit.és par T h ucyd ide comme point.s de rep ère, d es doub let s q ui furent identi fi és sur les pentes 1.-0. du rocher de P allas; nous conna issons là des lieux de cult.e conS:~crés à Zeus Olympien et à Apoll on P ylhien j il n' es~ pas j usqu'à l'Enn 6altrounos, le poin t le plus discuté, qui ne puisse êtr·e sa ns doul.o localisée nu pied des pen t.es 'o rd de l'Aréopage, a u voisinage du sanctuaire d e Gè que nous pouvons, avec v raisembla nce, reconnatlrr dans un des plus oncicns lieux de cult.e ch thonien de cette région 2 • On ne sn urni ~ négliger le témoignage de Th ucydide, ni, à plus forte raiso n, corriger so n Lextc p uisqu'uu Olympieion et \JO PyLhion sont sûrement a lles tés vers l' Il issos. Les trouvailles céramiques remonten t a u '1° siècle dans ln région de \' IIissos ; des docu monts ana logues laissent. reconnottre u u remaniement du P ylhion de l'acropole au début du ve siècle; mais l'occupa lion do ce dernier est bil'n assurée d ès l'époq ue mycénienne t andis q ue la zone du Pylhiou du bas n e sem ble pas avoir été co nsacrée a u cul t e à nne 1lat.e a ussi :J ocienne•. Il faut rlonc admettre un d édoublement des culles 1. A.\1, "\"\, 18\15, p. :ill ~>q., tMorie reprise don5 All·Aihen, 1, l'· 3 1 sq. 2. AM, LX·LXI, 1935·36, p. 2<>8 sq.; l l .sper ia, Il , 1933, p. 352 8(1.; rY , 193&, p. 000 ; VI, 1937, p. MIO iQ. ; Xl, IU12, p. 2&0 sq.; Xli, 19 13, p. Hll sq. Gtl RoumlrtJphD• ét.ai~ lnalallûc aus•l ou pied du bosllon d'Athénn N 1kt, a.'•cc Déméter Chtol, Hupula, X, 1941, p. :ra·~; t.oul nu long de ces penl.es 1". do l'acropole cL d o I'Ariopoge, s'HagealenL d o nombreu>< cultes anelens d e la f6condill, donl faiSait sans doute parUe eu'l5i le AtowcMv lv A!!-Lvot<ç, Huptrla, XI, 1942, l'· 260 sq. 3. DaM ln région prt\clv, rnenl o~ s'inslallenl superbotnent Zeus Olympitn ol
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et des sanctuaires q ui ont oscillé d'abord entre ces deux régions, suivant un rythme q ui se répétera à l'époque classique ent1·e l'agora du Céramique et l'acropole. L'areMologie apporte une brillante con firmation à la tradition mi-légendaire, mi-historique qui, à t outes les époques, jusqu'au vu e siècle, fait de l'acropole le centre politique d'Athènes'. Les Erech· t héides, comme Thésée lui-même, ont bien compris le sens et, la valeur de ce rocher sacré. C'est. pourquoi nous sommes assez fa vorable à l'hypothèse qui voit dans les ruines de l'Hécatompédon le premier prytanée d'Athènes, le successeur le plus direct du palais d'Erechthêe 2 • S'il est peu vraisemblable qu'une place d'assemblée ait été aménagée avec to utes ses installations 3 , par contre, la tradition dont Apollodoros s'est fait - un peu tardivement - l'écho ~ ne doit pas être absolument rém1sée; une première agora pouvait être associée à ces cultes anciens q ui constituaient un réseau protecteur autour du rocher sacré. Le cœur politique de l'Athènes archaïque était là ; il batt.ait pour l'Attique tout enLière$. Entre l'acropole et l'Aréopage, au pied du bastion d'Athéna, le terrain était propice à l'aménagement d' une place d'assemblée à la mesure de cet te cité naissante. La t radition conservée dans ApoUodoros trouve une confirmation indirecte dans le réctt q u'Aristote nous a transmis de la prise du pouvoir par Pisistrate; celui-ci convoq ue le peuple à l'enLrée de J'acropole pour l'inciter à accepter son régime•; nous devinons encore, un Pythion, 8Cll, LXIV-LXV, 1940-41, p. 237-238. Il n'y a donc pas lieu de corriger le lexle de Thucydide, II, 19, 1rp0.; 110'<6v en "PÔÇ ~x..-ov, eomme le propose A. W. Parsons, Huperia, XII, 1943, p. 192, nole l. Dédoublement cultuel qu'li faut sans doule mettre en rapport avoo quelque évl:oemenl historique ct plus sptcia,lemeol l'insl8JJalion des Ioniens, Ch. Picard, Rtuu• hist., 126, 1931, p. 45-<46 (du tirage à parll. 1. Sur les souvenirs de cette longue histoire, Ch. Pieard, ibid., p. 45 sq. 2. Doro Le\'1, Annuario, VT-V l l, 1926, p. l sq. ; L. B. Hollaod, AJA, XLIII , 1939, p. 289·298. 3. H. von Gaert rlngcn, a proposé cette restllution dans 1 G, 1', 3, 1. 29 : iv ü [• «yopci• "'Ei CIJ. n]6:het, en précisant qu'Il s'agirait d'uM agora, mineure '· 4. C'est ce qul a amen6 U. Koehler à ln rejeter, AM. 11, 187?, p. I75·1?6 eL n. 1. 5. Le tableau si olalr et Si vigoureux que Ch. Picard a brossé dM • luttes primltives d'Athènes et
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soug les Propylées de Mnésiclès, les restes d ' une place avec gradins [ormant. t ribune, à l'a nglu S.-O. des P ropylées de Pisistrate. Les éludes de G. P. Stevens ont. en effet mont ré que la prét endue exèd re d e Ch. W eUer était plu!:ôl ~ne tribune d'hon neur ' . Ln rom pe de l'époq ue archaïque lrussa 1l. on terrep lei n où le démos pouvait s'entasser el. éco uler la harangue de P isislra l.e qui retrouvait su r cel. emplacement. sacré une t radition dont. nous avons suivi les ascen dances bien des siècles a uparava nt. Le profondes l ra nsCormnlions économiq ues et sociales qui agitent la cité at.Mnicnne ou vu o siècle ent.ralnent bienl Ot un véritable bouleverse ment top ogra phiqu e ; le cenl re de gravi té de ln v ic polili<1ue se déplace vers la ville b asse ; le roche r tl 'At,hi"n n est dépou illé d ' une de ses pa rures sécul aires; il ne ~onservera quo la cou ronne de ses temples. C' est en eiTet. au déb ut d u v 1e siècle que natt. l'agora du Cémrrûq ue, da ns la depression qui s'étend à l'E st, du Colon os Agoraios. a u débouché du v allon q ui sépa re ln Pnyx ùe l'A réopage. Cette région ful très ancien nemen t occupée p uisque les p remières t races remontent. 1\ 1' 11. M., vo i1·e à I'H. A . et que des mu rs on l pu ~t.re da tés de l' H. R. Il P . Dès cette époque, la région de l'agora él.ait une zone de passage qui ne !ul point occupée par un h abitat dura nt la période m ycénienne ; elle ét.ai t réservée aux in humalions 8 ; au cours des v m "-vue siècles, on assisle à la rccon quète progressive de ceLLe ai re. L'expansion semble s'être Co ite par les basses pentes de l' Aréo page. Au S.- E . de la T holos, une fosse contenait une a bondan te poterie protogéométrique; u n cimet.ière, au vm" siècle, occupe les bords de la rue • ; la pot erie géoméLrique est très a bondan te j usque sous la Stoa Basileios. Au vu " siècle , le doma ine des morts est nel l.emcn t délimité et les maisons a pparaissent.. Les restes d'u n vnslc nlclicr uvee chambres et. cours ont été reconnus a u S .-E. de la T holos6. cs m urs vien nent au contact 1. AJA, VIII, 1001, p. 34· 70; C. P. Sle,•e ns, He.pcria, X."V, 1946, p. 80-31,
ag. ~ el 6. '2. 3. 4. 5.
He1ptrfa, $uppl., I V, p. 3. He1ptrla , VI, 1037, p. 167. R . S. Youn,.-. lftopor la, Suppl. Il, 1999.
blue• IITé!;ullen de calcaire do l'acropole baignan l dans un lil d'~rttile, e~l édlllce élall un va•Le uleller de pOLiort donl un four esl rela li· vemenl bien con.erv6, Jluperla, Suppl. I V, p. S, 7. Comln•il
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du péribole du cimetière et leur jonction révèle leur unité ; ils sont contemporains. Ils reposent sur une couche de gravier riche en poterie du géométrique récent qui permet d'at tribuer ces constructions à la fin du vme siècle et au début du vJie siècle. L'atelier tomba en ru ines au milieu de ce même siècle et ne fut pas relevé. Dans les environs immédiats, l'abondance des tessons de même époq ue atteste une occupation assez dense ; les murs furent sans doute rasés par les constructions postérieures. Les premiers restes d'édifices présenta nt un caractère monumenl..al se trouvent un peu plus au Nord, sous l'aire d u Métrôon hellénistiq ue. Ce premier état (fig. 31) comporte une esplanade limitée à l'E. et à l'O. par deux murs de soutènement; a u N., cette terrasse constit uait une cour en façade d'un petit édifice rectangulaire (6 m. 70 x l5 m .) composé de deux chambres indépendantes ; les murs, d' un style polygonal grossier, sont. en calcaire de l'acropole'. Au S., une autre construction D fermait la terrasse ; les murs sont aussi en calcaire de l'acropole, mais l'assemblage des blocs est plus soigné, de même que le ravalement des parements externes. En avan t de D, vers Je centre de la cour, subsiste l'angle S.-O. des fondations, en calcaire, d'un bâtiment de même style que les précéden ts, mais complètement détruit par les soubassements hellénistiques. Cet ensemble curieux ne fut pas réalisé en une seule fois ; on a pu constater que l'édifice C est le plus ancien ; il appartient au premier q uarl du vte siècle 2 ; la date de D est ass urée par la poterie d'un pui ts qui rut comblé au moment de la construction ; cet te poterie est du second quarL d u même siècle; en oui-re, Je mur de terrasse O. fut alors prolongé. Telle était, dans sa simplicité, la pretniére agora du Céramique. Vers le milieu du siècle, o.n décèle une première phase d'agrandissement.. Une vaste construction F est élevée a u S. de D qui fut alors abandonn.é (fig. 31 ). Cc nouvel édifice s'inscrit da ns les lignes générales d' un rectangle mesurant environ 27 mètres de long et 18 m. 50 dans sa plus gra nde 1. Édifice C de la nomenclature de H. A. Thompson que nous conservons, Ruperra, VI, 1937, p. 117 sq. ; Suppl. IV, p. 8-JO. 2. 1 bld., da~ o.vce sulllsammenl de précision pa r les l6.'30M l rès comparable• à ceux d'un dépOL mis au jour au pied de l' Aréopage, Htsf>tria, 11, 1933, p. 572 sq. 9-1
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L'AGORA AJIClWQUB
largeur; il llOmprend t rois ailes articul 6es autour d 'une cour in térieure ; un simple mur ferme ceUe-ci ù l'E. Les ailes N. et ., :ryan t respectivement qua t re et trois chambres, étaient bordées d'un portique dont les colonnes en bois reposaient. sur des bases rte calcaire ; plusieurs son t conservées in si/u' ; cette cour répèt e en plan les lignes générales de l'édi nee, en accentuan t Sll forme Lra pez.oidale. L'a ile !'{. est. percée d'un large passnge qui assure les communicat.ions avec l'esplanade ; la salle d ' honneur occupe le centre de l'aile S.; chaque cham bre esl indépendante ct ouvre sous les port.iq ucs' (fig. 31). Tous les murs sont. con struits en calcaire de l'acropole; l'irrégularité des blocs est compensée pa r des petites p ierres employées en • bouchons • (épaisseur des murs ext.érieurs: 0 m. 50). La da t e de cet im port.anl édifice est fournie par la poterie de la couche où son t. implantées les fondations ; elle appartient. à la première moilié clu siède, ce qui permet. de placer la construct.ion au milieu du v te siècle. Deux puits ulil isês pendant la période d'occupaLion furent comblés lors de sa ruine ; or les tesso ns appar tiennent aux L)'lles de cét·amiquc associés communément aux destruct ions d es Perses, vers 480 av. J .-C. Apr~s ln construelion de F , le mur B. de la terrasse fut prolongé vers le S., jusqu'à l'angle de l'Mince, et doté, semblet-il , d'un propylon; à la hauteur de C, qui rut alors rest.auré 3 , u n escalier donnait accès au terre-plein. En même Lemps, le mur occidental de la terrasse fut d émoli et l'es pla nade étendue jusqu'au pied du rocher où un vaste hémicycle fu t eut.aillé, comme pour constituer un audilorium rupesLre dont. nous a vons rencontré de fréquents exemples• (tig. 31). Le sol de la terrasse était en argile tassée, à un niveau supérieur a u précédent ; la poterie trouvée dans les remblais qui servirent à surélever le niveau fixe la da te de ces transformations d ans le
1. L'enlraxe mesure 1 m. SS& el lt • colonnes sont cenl"mi Il 2 m. 10 du
pQremenl dM mu:rs. 2. LM ~nlles de l'allo occldenlale •onL dlspo~es nu tour d'une courette qui coo11tiluo unG M rl.C d o bloc lndi:pend9nl ; ceLte allo ost bien idcnU116e commo le quartier domestique, /lnperia, Suppl. IV, p. 2Z.27 OL 73-84. 3. Ibid., p. 15, rœtourolloni qui porl~renL sur 1•o ngtu S.-E. et le• murs do retend. 4. Ibid., p. 43, fie. 13. L'emplacement ru:t enaull.e occupé pnr le nouveau Bouleulérlon, il la on du v• 1.
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troisième quar t du v1e siècle 1• Une vaste place, qui mesure environ 30 m. dans chaque sens, réunit ainsi les d eux conLruct ions F et C ; elle est soigneusement isolée de la rue que borde le mur de soutènemen t. L'ensem ble const itue une t rès réelle llllité archiLect.urale, l'esplanade jouan t le rôle d'une grande cour associée nu x d eux édi fiees principaux. D'au tres t ravaux affect.èrent la région septentriona le de cetle zone (fig. 33). A une vingtaine de mètres a u N. de l'édifice C, sous le temple d 'Apollon, sont conser vées des fondat ions qu i d écrivent un arc de cercle de 8 m. 50 de dia mètre ; la disposition de l'ensemble permet de resLiLuer une construction de plan a bsidal dont l'entrée devnit. êt re ll l'Est. Les tessons corres pondant. au niveau des fo nda tions indiquen t u ne époque contemporaine de t:elle de F'. E nfi n, elu même pla n, relèvent les vestiges d 'u n pet.it. sanctuai re mis a u jour sous la St.oa Bnsilcios ; on a reconnu u ne solide fond ation rectanguloire en po rus ( 1 m. 78 x 2 m. env.) part iellement dét,ruite pnr le troisième pilier de la st.oa•. Les fouilleurs ont rapporlé nu même ensemble les restes d'u n autel silués à une vingt.nine de mètres à l'Est, otl sc mêlent pierre de Carn et r.nlcai re de l 'acropole; c'est un nu!.el a rch aïque que des fra gments de Pentéliq ue permet tent do restaurer sur le modèle de ceux de Vouliagmêni ou d e Némésis(?), à R hamnont.e. n appartien t à ln même époque (3U quart du v1e siècle)•. ot.ons que ces dernières consl,ructions agrandissent encore le domaine public vers le ord, dans u ne zone qu i était réservée a ux habitations privées. Tous les indices révèlen t u ne ex tension considéra ble de l'agora a u milieu du siè<:le, d'après tm p rogra mme qui se réa lise progressivemen t a u cours des a nnées suivRnt.es. Un nou vea u progrès est mnrq ué par la fl n de Jo période archaYque, au t ournant des v 1 <~ et vo siècles (Og. 32). U n gra nd édi fiee q ui couvre toute la moitié septenLrionale de 125·1'.!6.
Le s~yle d u mur, t.n polygonal s oigné, &'appa rente aux oodell des lortiOealions êleusinien~ asslgntcs tl la fln de la période piSisltoUquc. 2. Ibid.• p. 79-84, pl. I ll . 1. lf<•peria, V I, 1937, p.
3. Jbld.• p. 9-12. 4. I bid., p. 10, ng. 5, n up
A-001\Al ARCHAÏQUES : T YI'ES ET FORMES
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l'esplanade remplace a lors C. De plan carl'é (2f),30 x28,80), il comprenait deux salles de dimensions inégales. A l'inlilrieur de la plus grande, des fondations de bases isolées dessinent un plan en n •. La deuxième salle ne constiLuait qu'un prodomos ; le plan comporte donc un auditorium et un vestibule d'enl rée. Les murs extérieurs sont en calcaire du r, les fondations intérieures en poros, mélange de matériaux qui s'oppose aux procédés de la période précédente, caractérisés par l'emploi du calcaire de Cara 2 . Ces faibles indices, ajoutés au fait qu'il est postérieur au remaniement de la terrasse ei!ectué dans le troisième q uart du v 1e siècle eL au grand égout qui date de la période 527-510 av . J .-C. 3 , font de cet édifice la dernière création de l'époque archaïque, à la fln du v1e siècle. Sa construction eut des répercussions sur ses voisins; les exigences de sa large façade firent abattre toute l'aile N. de F, mais la cour restai t intacte ; la partie démolie fut remplacée par un long bâtiment avec chambres alignées côte à côte ; le style des murs en blocs de calcaire de l'acropole grossièrement assemblés est comparable à celui des fondations de la salle carrée ; les tessons correspondant au mveau des fondations se datent des environs de 500 av. J .-C. ; une deuxième couche, contemporaine de quelques restaurations, appartient à la décade 490-480 av. J .-C. •. Enfin, au N. de l'écti fice carré, une construction présente un plan tout à fait semblable à celui d' un temple rectangulaire, avec cella et pronaos dist yle in anlis. La nature de ses maLériaux, sa situation, son niveau et les tessons prouvent q u'elle est conLemporaine de son voisin et fait partie du même programme 5 • 1. Ibid., p. 121 i;Q.,
n11• 12.
2. En particulier, comme lo souligne H. A. Thoml)6on, dans les éc:lifices plsls· traliquos bien caract.ôrisés, comme le Lemple d 'AlMon Poila• sur l'ncropole, le Téleilérion an:haTque d'ltleusls et I'Oiymplelon de Pisistrate. Dans ces trois éd ifices, les londaUon.& exlérleures sont en calcaire de Ca ra alors que ce matériau est pratiquemen t a l··i
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AGORA! AI\Ct!A.ÏQUES : TYI'I::S ET FORMES
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D 'importants travaux de drainage complét:.aien L ce plan; un vaste réseau d'égouts et de canalisations était. comman dé par un grand canal qui, en direction du N., longeait la façade des édifi ces ; ses parois en appa reil polygo nal soigné permett ent de dater sa construction du demier quart du VJ 9 siècle (période 525-510 ov. J.-C.)l (fig. 33). L'agora commençait a ussi à déborder la rue vers l'O., p u.isque sous Hippias , un membre de la fam ille consacrait J'au tel des Douze DielLx don t la b ase de Léagros o permis l'identification certa ine• ; tout à proximité, dès la fin d u v1e siècle, Pindare triomphait sur l'orchestra où se célébrai ent, dep uis Pisistrate, les g1·andes Dionysies 3 • Le souci d'unifier les constructions et de fixer les limi t.es de l 'agora s'est manifesté avec p lus d e netteté quand son domaine s'est déve loppé au delà des régions primitives ; des horoi ont. sé paré le domaine public des t.errains privés. U ne borne reste en p lace à la croisée des chemi ns, au S.-E. de l'édi fice F; la lorme des lett.res en fait un document caractérisé de la fin du vt 0 siècle, sans doute antéllieur à la mort. d'Hipparque; d'aut.res ont élé retrouvées, er rantes, à l' intérieu r de I' Héphaisteion et. au Nord de la zone fouillée~. Elles relèven t toutes du même plan don t la réalisaLion fut. act.ivemen t poussée dans le dernier qua rt du v1e siècle. Tel était, a pr·ès la dernière phase de constr uctions, l'as pect de l'agora d'Athènes à la fm de la période archaïque et. t el il demeura jusqu'à l'invasion des Perses. Est-il possible d' aller a u-delh de ces constatations, d'identifier les édifices et d'interpréter les divers u momen t.s »de ce programm e, à la lumière des
1. Ht.'lperia, lV, 1935, p. :160; V I , 1937, p. 11 ; Suppl. rv, p. 106-107. 2. Th UC., VI, M : T,;;, 3~e:.o:t Oz(;)v ~fLOV ~m tv -rj) ti·(opif li?X'•'" tivlO'I)>
tenant bien déterminée, R. MurLin, BCil, LXV !-LXVII, 1942-43, p. 1!.79-282. H. A. Thompson a bien voulu nous raire savoir qu'il sc ralliait n notre démonstru lion. 4. Huperla, VIII , 1939, p. 205-200, fig. 4; Suppl. IV, p. l 09-110; lX,l 940, p. 286-267. Une 3• borne nstslgnalée par JI. A. Thompson, Hesperia, Suppl. IV, p. 106, n. 91, dont seul le bandeau supérieur subslst.c avec : (tiyJopii[ç hop)oç.
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L AGO ftA A RCHAlQI!E
tex tes et des t vénement.s historiq ues? De suivre, en un moL, la forma tion organique eL vi va nlc de celte agora ? Le pla n des premiers édifices, sans être très éloquent., per met t'ependa nl d'afilrme r q ue ce ne sont. pas des constructio ns relig1euses. Sous l'a rchontat de Solon, les archont.es qui j usqu'alors avaie nt siégé en des points difTérents, se réu nissent dans un seul édifice, le Thts mollléleion 1 • Les réformes du législateur comportaient. en out re ln créalion d' un Conseil de q uatre cents m embre~. disl inl'l de l'Aréopage. !\'est-il pas tent.an t. de mcllre les com;Lruclions de la nouvelle a gora en relation avec l'insliluliou de ces organismes, politiques el judiciaires, complément des réfor mes sociales? En face du pouvoi1· t raditionnel des anciennes forces groupées autour de l'acropole, les magistrats et les conseils créés pour affra nchir la personne d u citoyen athénien s'insl aUèrent dans les q uartiers de ceux q u'ils protkgcaienl, dans la plaine, au bord de la plus grande rue de la ville basse suivant le sens d u coura nt commercial cl religieux. Ces premiers édi fiees, C d'abord q ue H. A. T hompson a a ppelé le • primilive Council FlOtlse >l 2, ptliR quelq ues années plus tard D, abritèrent, très vraisemblablement, les burea ux de la Bou lè solonienne et ceux des T bcsmot.hètes qui révisaient. les lois primitives d'Athènes. Aucun ne pouvait contenir une assemblée de quatre cents membres. !\lais lo ut.es les assemblées ne se tenaient -elles pas alors en plein air ? L'esplanade q ui unissait les deu..x M limenLs répondait sans doulc ù ce but.. I nstallations bien humbles, à l'image des débuls difficiles de la démocratie athénienne. An milieu d u n e siècle, une ext.ension considérable des conslruclions primitives semble matél'ialiser une nouvelle étape de la conquêt.e d u pouvoir. Ces remaniements correspondent. aux grandes réformes de Pisistrate dont toute la politique vise à rechercher l'a ppui des pelites gens conl re les gTandes fa milles bannies. C'est sur l'agora que Pi.s ist.ra te avait. fondé son pouvoir en 561 av. J .-C., ava nt de s'emparer de l'a cropole. Un déplacement. des forces s'était déjà opéré depuis ln LcnLalive de Cylon en 632. L'appui que P isistrnt.e rechercha it auprès des paysans de I'Al t.ique et des ar tisa ns de la ville exigeait qu'il leur donoàl. d u t ravail; comme to us leP 1. Arislolo, Conll. A tlt., Il l, tl. 2. llt~pcrio, V I, Hl37, p. 222.
AGORAl ARCKAÏQUES : TYPES ET FORMBS
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tyra ns, il entreprend la ré~lisati~n d'un grand . pr~~ramme d'urbanisme ; il veut embelhr la c1Lê et tout pa rt.icuüerement l'agora. C'est pour les P rytanes sa ns doute que fut d 'abord construi t l'édifice F , le premier 7tpu'tr.mxàç oixoç don t une partie des !onctions passera ensuiLe à la Tholos' . Avec ses nombreuses sa lies, il répon dait aux diverses activités de ces roagi~LraLs : repas en commun, banquets officiels, récept~on et logement des am bassadeurs étrangers. Plan et conceptiOn fonL de cet édifice le vérita ble << palais» de la jeune citée. Préoccupations poliLiqucs et respect de la t radition religieuse étaient inséparables et P isistrate a suffisamment prouvé combien il y était sensible par son attitud e à l'égard du grand sa nctuaire d ' Éleusis q u'il sut placer d ans la complète obédience d 'Athènes, tout en le dot an t d'une riche parure•. L'agora ne pouvait rivaliser avec l'acropole que si elle devenait, elle a ussi, un cen t l'e religieux. Dès lors, en même temps que ln région des édifices civils était profondément t rans formée, que l'esplan ade primitive s'agrandissait encore, Lundis que la Boulè receva it, pour ses séances, un auditorium mieux aménagé, creusé dans la paroi rocheuse, et que les magistra ts s'installaien t plus à l'aise, une zone cul tuelle se dévelop pait sur la place Li bre, au Nord. P etit temple en a bside, chapelle, aut els attestent cet.te prise de possession dans la deuxième moitié du v te siècle. Ces L Un prytanee existait bien avant Solon, pcut.-lltre depuis T hésée (Thuc., 11, 15; Plu tarque, Thé•ét, 24) el nous QvOùS de bonnes raisons de croire qu'il èWL d'abord sur l'acro pole. Viol-il jamali •'établir sur l'agora 1 On en peul douter, pui!quc du Lemps de Pausa ruas il éloil encore accrocM au>< Oancs N. de l'acropol& ( 1, 18, 3·4). Cependant les Pr)·lanes exerçaient une parUe de leurs offices sur l'oçor~, dnns uno région appelée le Pry/anihm, Cl. li:. Vandorpool, Heaperia, rv, 1933, p . .PO ; œnlra, Ch. Picard, RA, 1938, Il , p. 97-98; pui• H . A. Thompson, H"ptria, Suppl. fX, p. 15 1. 2. Il s'oppose, pa r son plan, nux types de maison~ arch2Jques et classiques connus en G rèœ propre. La di.<posl lion des pièees, plus larges que profonûes, autour d'une eour qui prllsento déjà lous les traits d'un péristyle, relève de la tradition orchitccLurole égéenne, conservée par la Grèce d'Asie. On nowro en particulier la division binnlre du porlique de l'a.ile O. eonsliwt\ par une seulo colonne entre 2 piHers accolés, rythme ordinaire dM propylées crétois, mais inconnu du mégnron conllncnl
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L'AGORA ARCUA1QUB
lieux de culte ne sont. bien identifiés q ue pour ln période suivante des vo et 1ve siècles ou Apollon, Zeus et. Athéna, la Déesse More y sont. honorés. Ne peut-o n rien conclure de là sur les premiers occupant s de ces s;JncLuaires ? Le caractère politique de ces cul tes j ust.ifi o pleinement, croyons-nous, de telles inductions. Que Pisislrat.e ait. senti le besoi n d e place r la nouvelle a go ru so us la protcct.ion d' Apollon et do Zeus, le; t.endances de sa poliLique et le rô le de ces di r ux en a vportcnt. la preuve. C'est Apollon, comme père des Ioniens et prot.ecteur rlo l'ordre familial et social, nvcc l'épithète de Palrôos, qu i p~u-att être le plus sûr occupant. du pet.it. temple à abside, type d 'édifice bien al lesté dans les sa nctuaires apolliniens, ô Délos, à Delphes, au Pt.oYon ; l'acropole même d'Athènes en possédait u n d u même gen re q ui a pu servir de modèle il celui de l'agora 1. ous ne reviendro ns pas s11r le rôle continu de Zeus dans la vie polit.ique at.nénicnnc ct su 1· ses d1·oits de propriété volables pour t.oute la ume N. de l'ugorat. Ils sont. trop bien aLtest.és pour que nous pu issions lw cont.est.er l'at.Lribution du sanctuaire ct de L'auLill archaïques situés au N. de coLLe région. E n inst.alla nt ces cult.e, qui rivalisèrent, mais sans les supplanl.er3, avec ceux de l'acropole, Pisist.rat.e [aisait. preuve d'un sens poli! ique Lros aigu, car il dotait l'ago ra du Céramique de cel te fonclion religieu e essentielle ûont le co ndit.ions parliculières de sa création l'avaient. privée. Le domaine civiquo sc dessinait a insi en traits plus précis, mais encore nnnrcbiq ucs, auxqu els la poülique ur baniste des successeurs de Pisistrate allait imposer cet te régularisat.ion qu'ils cherchaien t. à établir dans toute la C' it.é 4 ; l'aut.el des Douze Dieux, les bo r·ncs réservèrent les limites de l'agora cL la protegèrenl con tre les env a hissement.s des constructions privées qui l:J pressaient de tou l.c par t. 1. 1~. Courby, Mtlangu 1/olleau:t, Jl. 64 sq.; Dalphe1, ll , Tura•~~t du Temple, Jl· 186-187 ; Wiegn nd-ScbJ'llder, Poro•af'tll., JI. 165 ; 16 1· L62 ; C. Welckerl, Tu~n, p. JO sq., 80 8 1. 2. Su pro, p. 178 sq. 3. Sur ce dédoublement de plusieurs eêrêmoniUil omelelles, supra, p. 'l11 ~q . ~-
On 80il en eiTeL qu'liippias dlweloppa 1eJ principes urbanlst.es de Plthtrale; il nt reeliOilr l'ollgnement de t4lrtaines rues percées au basord et frnpJ1'l d'une laxo 1.6!1 Immeubles qui dèbordolent sur lu voie publique; Il n tout un 61at..-major d'orebitt~:ta à SOl\ service, Ant.iSt.al.èa, CaUa.!scbros et AnUmaebhlèf, Perrol-Chipie•, H i•t. Arl, VIII, p. 56.
AGORA! ARCHAÏQUES : TYPES BT FOIUŒS
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La troisième phase de construction, que ses cara ctères techniques diflérencient. des édi fi ces antèrieurs, trouve place entre les grands travaux pisistratiques et la dure ép reuve de 480-479 av. J.-C. La gr ande salle d'assemblée carrée, dont le plan évoque irrésistiblement la comparaison avec le Télest.érion de Pisistrate à Éleusis, représenterait, non sans grandeur, les réformes de Clisthènes, si cett.e ressemblance même ne laissait quelque dout.e 1 . D'autant plus qu'au même p lan appar tient le temple a llongé qui vint se placer au Sud de l'édifice a bsi dal, dans lequel on reconnatt, avec quelque v ra isemblance, un culte de Déméter en rapport plus ou moins direct déjà avec celui de la Déesse Mère. Il nous para tt difficile de limiter exactement l'emploi de la grande salle d'assemblée; car les rapports entJ·e les séances de la Boulè et les sanctuaires de Déméter à Athènes res tent ét.roit.s. H. A. T bompson explique ce plan pa r des raisons de commodité pratique et il est possible, en eflet, que ce Télestérion athénien, utilisé une fois l'an lors des fêtes de Démét er, fQt occupé le reste de l'année par le nouveau Conseil de Clisthènes. Le fait. que, à l'époque classique, la séance de la Boulè qui suivait la célébration des mystères dtît se tenir obligat oirement d ans l'Eleusinion pou rrait. bien êl;re la survivance d'une pratiq ue plus constan t.e et plus ancienne. L'agora d 'Athènes achevait a insi son évolution. Faisant une ex ception très notable à la règle générale, les organismes polit iques semblent. avoir p récédé les édifices religieux; la ronclion politique fut. primordi ale ; l'exploration archéologique a confirmé cerl;ains aspects que l'analyse des text es nous avai t permis de déceler ; tous les cult.es de l'agora athénienne présentent un caractère secondaire et. récent ; c'est parce que l'agora du Céramique fut une création essentiellement politique. +
••
L'étude de ces divers types d'aaorai archaïques fait. apparatLre q uelques !.raits communs sons les diverses tendances qu i 1. H. A. Thompson, Ruperia, VI, 1!137, p. 12.7 sq., propose l'identilienWon avec te 13ouleuterion, mais souligne les rapports possibiM avec Jo cul t.& de o•mi!~er; Cb. Picard, RA, 1938, H, p. 97-!lB est plus sensible à l'l nnuenee de l'édifice ~leusinien.
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L'AGORA ARCUAlQUB
se manifesten t dans les origines. Les liens entre assemblées et cultes sont partout. sensibles ; l'agora n'est souvent. q u' une esplanade, comme à Gortyne ou il Dréros, associée à un sanctuaire. Cet aspect reflèt.e la soumission primit ive du politique au religieux. Que la protection du sanctuaire s'étcndt t a ussi à des échanges commercia ux, c'est v raisemhlable; mais ils restent. secondaires, comme un accessoire d es assemblées religieuses ou polit iques. Le marché - nous y reviendrons - ne parai t pas être ô l'origine ùe l'agora. On notera aussi la simplicité de ces a ménagements a rchitecturaux. L'agora n'occupe pas une place privilégiée dans le plan urho io, bien modeste lui aussi. Une aire libre autour d'un aut.el ou d'une chapelle, ou, plus souvent., un cnrrcrourde ru es, l'élargissemen t. d'une artère princi pnle sont. à l'ol"igine d e ce qui deviendra la place essentielle de la cité classique. La conception d' une place autonome et indépendante sc dégage le ntement sous Jo p ression de l'évolution urbaine. Ce sont des lieux de cul Le popltlaires, des carrefours, ce sont des voies de circulation plus importantes, qui constituent l'embryon de la p ince publique. Les agorai si représcntntives de Lato et. d 'Athènes sont. étroitement. associées it des carrefours de grande circu lation; les premiers édifices s'alignent. au long de la rue qui p rogressivement s'élargit. Il est très notable q ue les contemporains de Solon ont appuyé leur p remière agora au rocher du Colonos Agorajos, dans un espace très réduit, et q u'il fallut. a ttendre la ûn du v J• siècle pou r la voir pousser quelques timides empiètements a u delà do la rue. Ces hum bles origines expliqueront, la lenteur du développement a rclait.ect.ural, et ses inccrliludes, dans les villes de la Grèce cooLinentale. L'agora n'est. poin t une forme, un Lype emprunté à des civilisat ions an térieures, elle est la conquête lente d'un urbanismo lié à une stru cture politique originale ; elle en porte la marq ue. EUe reflète aussi les hésita lions et la complexit.6 de l'art archaïque. Les types sont d ivers ; les élémen ts sont. variés, à l'image des cités primitives. L'œuvre des urbanisLes classiq ues sera rio fondre et. d'associer tous ces Mémen Ls en une conception don t les t rai ts déflniLirs seront. délerminés pa r l'évolution politique et sociale des grou pements urbains.
TROISIJ3:ME PARTIE
L 'AGORA DANS LA Cl~ GRECQUE (Ve. n e SIÈCLE AVANT 1.-C.)
A l'aube du ve siècle, la polis prend sa form e défi ni tive et trouve son e>.J.lression la plus complète dans la cité athénienne. La ville de Pallas subit la rude épreuve de la défaite et sa jeunesse s'est vite mûrie aux durs contacts de la guerre. Ayant repoussé et vaincu Je plus puissant empire de l'époque, le Grec place son idéal politique dans le type de communauté auquel il attribue sa victoire et qu i lui paratt assurer le plus complet développemen t de la personnali té, dans l'É tat-Ville, dont. les proportions limitées eL précises sont celles de toute l'esthétique grecque. L' Hellène est ct restera imperméable aux notions d'empire dont 1'Orient lui oflrait l'exemple ; ni la dynastie macédonienne, ni l'empire romain ne réussiront. à lui inculquer un idéal cüflérent. Ses plus grands théoriciens, Platon comme Aristote, ne conçoivent pas d'autres cadres sociaux ct politiques que les limitR,s bien définies de l'ÉtalCité. Quelles qu'en soient les raisons profondes, morales ou naturelles 1 , plus psychologiques, à notre avis, que géograp hiques, pendant plusieurs siècles la vie politique de la Grèce reste enfermée dans une for mule étroite - Platon n'admet que 5.040 citoyens dans sa cité des Lois- fond ée sur l'isonomia, l 'égalité de ceux qu i ont les prérogat ives de citoyens et leurs droits communs à porticiper au pouvoir. L'idéal, a uquel tendent touLes les études théoriques soucieuses d'améliorer la réalité, est. d'instituer une société fermée sur elle-même dont une savante hiérarchie permettrait de satisfaire tous les besoins. Dans une telle communauté, le rôle et les fonctions 1. Sur la formatio n de ln cité, H. Franco~Lc, La Polis f!rtcque, dana : Slud.
zur Guch . und }{ul/ur des Alter!., l, 3-4, 1907; A. Joràé, La PormaliM du peuple f!rec, 1923, p. 81 sq. ; F. Trilsch, Die Stadlbildungen del Aller!., dans : /{1••, XXII, 1928, p. 1-83; V . Ehrenberg, Grfech. Land und Gricch. Sladl, Die Antike, Ill, 192?, p. 304-325 a particulièrement Insisté sur les • rronllères naturelles • des cités g•-ccques; cr. id. dans Gercko-Nor
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L ' AGORA Q;\.NS LA CITÉ Glll!CQU'E
de l'agora se résument dans leurs traits essentiels : centre religieux, n otion morale, fonction économique. Il n'y a pas rupture avec Je passé, mais évolution continue et enrichissement. Cette extension d u rôle de l'agora posera a ux: législateurs ct, aux archi tectes de nouveaux problèmes, car la variété des fonctions exigera une plus gra nde complexité des organismes et des édi fices. Dans la cité classique, l'une d'elles se développe au:-.: dépens des plus anciennes: l'agora devient le centre des échanges et des relat ions commerciales. Cette excroissance n e va pas sans provoquer de vives réa ctions ; on cherchera à opérer une distinction plus net te ; on Lend à une spécialisalioo des places qui pro~gcraiL le caraclère primitit eL sacré. Des tâtonnemenLs, des hésitations mêlés il des irwentions originales caractérisent alors l'histoire de ce motif privilégié de l'architecture urbaine. Mais les lenda nces et les aspects du nouveau type a insi crèé ne se comprennent qu'à la lumière de son rôle fonctionnel dom; l'hist oire de la cit é a.ux vo et rve siècles.
CHAPITRE PR EMIER D!VELOPPEMENT ET !VOLUTION DES FONCTIONS DE L'AOORA DANS LA OIT~ CLASSIQUE
L'évolution sémantique du moL .iyopli porte le p remier reflet. des transformations subies par cette noLion depuis la fln du v 1e siècle av. J.-C .. Jusqu'alors les sens apohliques•, qu'il s':~gisse de l'assemblée, du üeu où elle se tient ou des discours qu'on y prononce, sont seuls attest.és. Aucun emploi dans les poèmes homériques, rions les lyriques anciens ne fait exception ; le mot ne désigne JO mais le mn rché, le lieu des lract.alions commerciales. Un des plus anciens e..xemples d 'un tel sens sera it. rourni par l'épigramme homérique X 1V dont la daLe resLe incertaine ; elle ma rque en touL cas u ue Lrn nsformation de la la ngue épique, puisque le mot désigne ici Je mnrch6 des poLiersJ. Avec Pindare et. Eschyle, le sens tradit.ionncl demeure sans changement=, comme aussi dans les lyriques~ où il nous parait alourdi encore par les lut.t.es politiques qui forgen t. et. durcissent la première ci Lé. CeLte valeur ancienne se 1. Splg,. Uom~'iqut, X I V, (>..'V), 5 : xo>.>4 (.lèv cl.v «yopjj >WkWf'CIŒ, m>lla
3'ciyu~«ic.
2. Nous croyons qu' li y a lieu de corrig!r quelques lndlcaUon3 dans l"arliele du Lulcon cle Uddeli-SeoU qui clane tous la r ubrique • plau du marcb6 •, Piud • ...,, Puth., V, 93 : Mer: 1tpi)!J.IIOÏ Ç ciyopilç fx.. 8(;.:« l'~Ïnl. 6..-.o,... La mention du tumbcuu de Batl.os montre qu'il s'nglt do la plus anolonna valeur du mot dé$ig•mnt le centre politique et cultuel de lu cit.é. Seule pout-êt.re l'expreMion J>ulh., IV, ~: èv &.~ 1'J.f,a.,.~oc; llx).ou pourrait évoquer une Idée voisine de nÀ>;OOilcn;ç ciyopiç 61 r~quenle par 13 suite. l'ô ous avons vv rexact.e valeur du ver$ d 'E-OCh)•le, Stpl ctml't Thlbu, 212; Oooiç, m10'161J.OC.Ç TC "!iyopiiç bnox6~. On corrigera sur ce point ausall'nrLiele eilé. 3. Contrairement il l'omrma Lion de H . Knorringa, Empo~•. 1926, p. JG, d'apr~ qui, dana les anciens poètes I>Tiques, le moL est souvent employe avec Je sens de • ma:ebé •.
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L'ACOI\A DANS LA Cl'ri: GI\ECQUE
maintient. dans le vo~bulaire des tragiques où «yop&. ne désigne jarnois q ue l'assem blée ou le centre poliLique. Les gloses des loxicographes reflètent ceLle évolution ; l'agoro, pour eux, c'est d'abord l'!KY.17jalrl 1 • L es mots dérivés ou romposés n'évoquent, da ns ce même cycle, qur des idées mla tives à la vie politique, aux assemblées eL aux l1ar:mgues ; aucune allusion aux transactions commerciales. ' Ayopa.(J), ckyop&.Oj.Lt.tl, .Xyop'fjT'Î)~. ~~1Xy6p1JÇ et même tiyop&,~w primitivement s'appliquent. aux divers aspecls de l'assemblée des citoyens, aux discours, aux discu ssions, à la conduite des a!Jaires mili taires ou politiques. Ln valeu r nouvelle du mol correspond à une réali l u ; le négoce, dans la sociét.é de l'épos, est réduit à une forme s1 mple, au colpo rtaget; et le terme de x
a. v, iyo~ · ;, ÔO<À"I)CJL!t - -- Ko:l o T67<0( M« m >tpiaxn«< m GJV'4, x«l ...X.X -cl .::;..-. H~oyoblus, 1.v. è><xl."'"h • a•ho .0 &Opola'r"" • x«l o"
><0<1 0 -:6r:o; ><0<1 0 l.6y0(.
2. K. BOcher, D ie Hn•tehung dor Volklwiruch., l, p. 1~. Cl. O. Glolt, L t TrauaU daMia Grtu ontit:Jmt, 1920, j). 6S sq., S·~ sq.; Il. Knorringa, limporo1, p. 1 1-13. 3. C'esl un nrgum• nl cie plus il Ofl ll<>••• "'" vues trop Lhéoriquea de F. TriiSCh, Jahrtsh., XXV 11 . 193'~. p. 101 sq. puur qui l'ngorn homilrlquc sere iliA~ Aynlhè$o de deux places qu'il crotl retrou,·er dan! ls Cll.é mycénienne, l'une politique. aunchoo uu pa lais, l'outre marc banele, iMLalllle nu pied du • burg •. Ln ..Oall t.ê est plus eornplexe EL e'esL là oll6si une de! fAibiCS606 de la thèse de E. Mlreaux, tu Palme$ homtriqut8 et l'llllloin gr«qut (1 el Ill qui ~~iocie 6 l'épopée des pMnom~nes économi'Jlli!S sans doute posltrlours sinon à Il\ réda~Uon d6finlUvo, du moins ~ ieJ principales sourcee d 'inspiration. 4. Héllode esl1e prnmicr nu Leur à employer Ofo'!I"OPI'l nu sen• de • commerce •, TtOU. d Jouro, G4G.
FONCTIONS DE L'AGORA DANS L A CITÉ CLASSIQUE
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plupart des passages, &.yopli désigne la place publique, le centre politique de la cité hellénique, ce q ui la distingue d u monde barbare 1 ; le sens homérique d'assemblée n 'est pas oublié•; mais l'acception nouvelle du mot, marché et lieu des échanges, semble réservée d 'abord à la peinture des m œurs étrangères3 ; l'historien fait usage aussi d e l'expression si const an te par la suite, 1rlY)60uG"IJ~ ou 1rÀY)6uolio-~~ &yop'ijç, pour désigner le milieu de la malinée, l' heure où le marché baL son plein et &yop'ijç lMÀva1ç pour marquer la fm de la ma tinée, un peu avant le milieu du jour•. Mais q uelques hésitalions, ou du moins des distinctions, montrent que cet te valeur du mot n'est pas encore complètement instaurée ; Hérodote [ait une difi'érencc entre «yop&~w , Créquen tcr le marché et xoc=;Àro«l, exercer le commerce de dét ails ; un autre passage laisse enlendre que l'agora n 'est t oute fois pas un s imp le marchée, fonc Lion désignée par 1rp't)'rljprov; l'agora dem eure le lieu de réunion, de promenade, d'assemblée, où l'on cause. Comme il arrive 'fréquemment. dans l'histoire des mots, le sens seccndaire, mais nouveau, l'emporte ; &.yo~ désignera de plus en plus co uramment, dans la prose attique , la place march ande, à. tel point qu'au 1ve siècle, Aristote éprouvera le b esoin de préciser le terme par une épithète qu an d il s 'agira de la place publique : &yopa ÈÀ&v0splll 7 • P our les m êmes rajsons, 1. 1, 37 (lieu sacré d'où lu Lranre esL écarté); V, 46 (culte de Zeus Agoraios);
V!, 54 (!ymbole de flclêiJI.é pour un citoyen grec) ; V Il, 26. 2. IV, 78 (les assemblées à Sparw en général). 3. li, 39 (à propos des ~gypUen;;) : 'roÏO'I ).'tv &•1 olyop1) Kotl "IDJ.'I)Vi' <>tl '"'"' bn87unoc. fp1t0po,, ol 3l <;>~VTt' sç 'rt1v olyopt1v tin' <:-.v ~~ovto; 1, 153, (à propos des Perses) ; commenlairu de ce passage par G. Radet, La Lyllit elle monde oree au lemps du Mermnades, p. 243. 4. Il, 173; rv, 181; 111, 104. Suidas prllclse, s. v. r.l,i)Oouaot ciyopci qu' il s'agit de la dernière partie d e la ma.li née, de la 1• il la G• heure. 6. 1r, 35 ; en outre, Il clisli11gue les >
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1
L AGOnA DANS LA CITS GReCQUE
le vocabulaire politique fait appel à des mots de secours pour désigner l'assemblée; lxxÀ'I)CIL« est le terme officiel de la démocratie a thénienne ; il passera dans la koinè ; quelq ues cités doriennes préfèrent celui d'halia; à Sparte, nous avons l'apella 1 • Cependant le sens primitif se conserve en quelq ues <·ns précis dans des institutions de caractère archnYque. A Athènes meme, les assemblées secondaires des tribus et des dèmes sont encore appelées &:yopa:t, de môme que les assemblées des associations religieuses, des pbrabies, des thiases et des orgéons~. Mais il est plus significatif q ue, dans les cités crétoises, l'assemblée des citoyens soit couramment dénommée ~yopci jusq u'en plein m e siècle•. Tel est le terme offi ciel encore da ns les constitutions de q uelques cités doriennes : Arcésiné, Cos, Nau pacte et dans toute la Locride•. A Delphes, la formule &.yop~ ttÀ1no~ présente un remurquable exemple de cette survivance. E. Bourguet disti nguait l'agora des citoyens de Delphes de l'ecclésia internationale chargée de contrôler l'administration d u sanctuaire, mais il rencontrait de gra ndes difficultés ù rendre compte des termes txXÀ'Y)GUx 'tlilv At::>.q>Wv, attestés fréquemment jusque dans les textes postérieurs au m e siècle'. L. Lera t a montré récemment., et avec décision, qu'il s'agissait en réalité d'une expression stéréot ypée, archaïque, conser vée dans los formules de sanction ou de résolution des décrets delphiques à côté de la seconde, plus récente et vivante, qui apparatt. dès le rve siècle et devient. courante à partir de 275 av. J .-C. 8 • On peut relever a ussi q ue Sophocle 7 mentionne les &.yopat( des Ampbictions, aux Pyles, mais on n'oserait tirer a rgument, de ce passage poétique. La T hessalie, aux formes politiques traditionnelles el conservatrices, maintient en bien des villes l'appellatio n nncienoe de l'assemblée ; ainsi, à Larissa, à Mopsion, à Pba1. G. Gtou, lA cm gruq'"• p. 9G-99. 2. JG, Il ', 1140, 1141 , 1165, 1'102, etc. cr. Busoll-Swobodo, Grialt. Sl4all · k., p. !169 sq., 974 sq.; Michel, R tcutil, 139, 1. 23; 961 , 0, 1. 28; 9G9, 1. 2; 979, 1. 16. 3. SGDI, 4085, 4991 , X, 34, XJ , 12. ... s11 u.•, 47, 1. 21 ; 525, 1. JI ; 1045, t. !l; 1012, 1. 2.. Ct. T od, Gruk R îll. I IIIOÎpl., Z• 6d., 1, n. '24, p. 31 sq. 5. E. &u~e~. Admi11i1. flMntitr~ Sancl. pglh~uo, p. 43, 59 I l). 6. L. Lerot, ll1u. Pllil., LX I X , 1943, p. ?0 6Q. 7. Trachlnl•nnu , 638 el scholies.
FO NCTIONS DE L'AGORA DANS L A CITÉ CLASSI QUE
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lanna 1 • Et il est possible enfin, d'après A. Aymard, que les réunions générales de la Confédération achéenne aient, parfois, reçu ce nom, employé à deux reprises par Polybe 2 • Un caractère commun paraît s'appliquer aux assemblées qui ont conservé l'appellation traditionnelle; elles sont d'importance secondaire, ou bien elles appartiennent à des constitutions archaïques qui présentent d'autres survivances de l'époque primitive, tels que les repas en commun. 1) Le développement de la fonction commerciale
L 'évolution sémantique du mot révèle une profonde t ransformation des fonctions de l'agora, résultat des progrès économiques qui ont créé aux vie-ve siècles de nouvelles conditions de vie sociale et politique. Le rôle commercial de l'agora devient tel à l'époque classique qu'il finit par éclipser les précédentes fonctions et cette prépondérance a pu donner l'illusion qu'il était le plus ancien, d'où la tendance à ramener la notion d'agora à celle de marché 3 • En fait, l'histoire de la place de commerce est souvent indépendante de celle de l'agora ; elle commence avec l'Emporion, lieu d'échange neutralisé, installé soit hors de la cité, soit à la limite de deux groupements de population 4 • Ici, comme sur l'agora, les dieux durent fréquemment se porter garants de l'ordre et de l'honnêteté des échanges ; d'ailleurs, certains emporia, comme Délos ou Calaurie, n'eurent jamais d'autre protection que celle d'un sanctuaire à caractère fédéral 5 • 1. I G, IX, 2, 512, 1. 22; 1056, 1. 5; 1229, 1. 6. 2. Polybe, XXVIII, 7, 3; XXIX, 24, 5. Cf. A. Aymard, Les Ass. de la Conf. achéenne, p. 76-77. 3. E . Curtius, Pnyx und Kerameikos, Gesam. Abh., I, p. 339-348; E. Wymer, Marklplatzanlagen der Gr. und R., 1926, p. 2-3. 4. Sur l'histoire de l'Emporion, K. Lehmann-Hartleben, Die anliken Hafenanl. des Miltelmeeres, Klio, Beil., 1923, p. 28 sq.; E. Ziebart, Beilr. zur Gesch. des Seeraubs und Seehandels im allen Griechenland, 1929, p. 6-7; l'institution a continué à se développer et plus tard des agglomérations de ce type s'appellent Emporion, L. Robert, Etudes anal., 1937, p. 243-245 et Hellenica, Il, 1946, p. 135-136; A. Garcia y Bellido, Hispania Graeca, 1948, II, p. 30 sq. 5. Foires et panégyries prirent naissance autour des sanctuaires grecs, très exactement comme foires et pèlerinages s'attirèrent mutuellement au MoyenAge, Huvelin, Essais sur le droit des marchés et des foires, p. 15 sq. Dans la Grèce moderne certaines panégyries présentent encore ces deux aspects, religieux et
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L'AGORA DANS LA CITÉ CRECQUB
En qu elq ues cas, ils attirèrent à eux la place politique, en par ticulier dans les cit.ês où un équilibre devait Hre recherché entre deux popu lo~ions de race d ifTérente; à Halicarnasse, l'agora et. le cenLro commercia l so nt a u fond de la baie, entre les établissemen ts des colons grecs et des ind igènes, là où la place des échanges s'était installée, duns u oe zone neutret; à Samos, l'agora fu t établie, pour les mêmes raisons, entre les collines occupées lace à fa ce par les Grecs et les Caricnst. Là où il n'y a pM cu con[usion , l'attraction de l'emporion eL du port sur l'agora est. très nette. A Chaleis 3 , à Cos4, comme à TI1asos, l'a gora fut. étroitement associée uu port, tout en garda nt son indépend ance. A celte m~me innuence se rattache sans doute le n om d 'agora don né au pori. par les Thessaliens•. Ln place march and e, ainsi conçue comme organisme indépendant, se rencontre même en dehors de toute :JgglomèraLion, sur les [rontières de cités voisines; elle n'ode rapport que le nom avec l'agora proprement dite de la polis. Ce sont des marchés de frontières ou bien des ccnl:.res d'échange installés le long des routes, aux grands carrefours de circulation. Le comploir de Molè, dans les ea ux crétoises, répond sur le rivage il ceLle destination 6 ; su r terre, l'existence de ces marchés est maintes fois aUestèe; on les coona1t sous le nom d'~yopc.r.t è<pop(lt~ ct la définilioo en est donnée par Démosthène q ui en rapporte l'origine ù une époque a ncien ne 7 • Les !llégariens, les Éléens, à A lésion, ont des marchés extérieurs de ce t ype• ; çomm~reiaux;
W. J. Woodhou.c, .Adolia, p. 2!l sq. signale qu' à KarpéniSSi, se tient chaque &nn~ ou m ou d'aoQl, une grande loire appel~ ....xvfnu?« èf1.1tOp1Xlj, disUnet.o de l"ossomblêo r ellgicu•e, ln nlt'll)yvpu; buv."l)
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FONCTIONS DE L' AGORA DANS LA CITÉ CJ.A.SS IQU&
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Aristot e ci~e une Agora Koinè sur les rives du Pont-Euxin 1 ; ils jalonnen t les rou~s de Lydie et son t auta nt de poin ts d e relâche pour les caravanes ; cc sont les ancêtres d es grands carava nsérails des routes de l'Orient'. Cer tains si tes ont même pris le nom d'Agora, metœnt ainsi en évidence leur rôle et leur foncliona. Une forme très curieuse prise par ces marchés extérieurs, établis en ter rain neutre, est celle des centres d e ravitaillement organisés par les armées en campagne près des populations ind igènes. II y a là, semble-t-il, une véritable institu tion militaire don t nous trouvons, depuis Th ucydide, de t rès fréquen ~ mentions chez t.ous les hisloriens. Toute armée en cam pagne se préoccupe, dès qu'elle campe ou se prépare à un siège, d'établir des centres de ravitaillement où elle achètera le nécessaire. Les cités voisines ou alliées, disposées à livrer des viv res, n'ouvrent pas cependant les marchés ordinaires aux ravitailleurs de l'armée, mais installent, par con vention , des places d'échange en dehors de la ville. Ainsi les Péloponnésiens et les gens de Platées, appuyant Olynthe contre Athénes, n'ont pas leur entrée dans l'enceinte, mais un marché hors les murs est prévu pour leurs approvisionnemen ts•. Les flottes elles aussi ont de tels points d'at tache: les Athéniens à Maléa, contre Mytilène, les alliés de Syracuse sur le rivage près de Rhégion, en lace de Messine5. En pays étrangers ou barbares, le problème elu ravi taillement. cL des marchés constitue la préoccupation majeure des stratèges ; on en peut juger à la lecture de l'Anabase. Quand les contingents grecs marchent sous les ordres de Cyrus, ils sont dépendants du bon vouloir des bar bares, car les centres de ravitaille ment sont dans l. Arl!lot.e, Mir. auscull., 104 : Elv«< 1>~ xd 't't""' Tlmov tv TOÏÇ cbtt tJhrov 8w.oT1)f40Cow, W; ôv &.yopà:ç xmvijç ywo;dw,ç nw).zio&l. ~tapci tùv Twv b. -roü II6nou tfL"'\pwv
Mysie s'oppelait :
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4 . Thuc., 1, 62 : IIo'tUS
l<>Tpo:Tottt&owro r.pl.ç 'OU.vllou bœr.o!'l""'·
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6. l'hue., Il l, 6; V I l, 3 9-40; V I, 50.
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L' AGORA DANS LA CITÉ GRECQUE
le camp de ceux-ci 1 ; c'était un véritable service d ' in tenda nce qu i suiva it l'armée et lui était intégré; il jouai t, le rôle d'inLermédiaire entre les gens du pays ct les troupes, en évitant les razzias impopulairest . Ces tractations se faisaient sous la surveillance directe des stratèges•. La défaite de Cyrus place les contingen ts grecs dans une situa tion difficile; l'accès des marchés et l'ouvertu re de centres de r avitaillement constituent l'un des )Xlllll.s essentiels de la convention conclue entre le Roi et les Grecs par l'intermMiaire de T issaphern ês : " De votre côté, il faudra nous jurer d e faire rou te comme sur un Lerritoire ami, en ne prenant, sans dommnge, de quoi manger et. boire que lorsque nous ne vous ouvrirons pas de ma rché ; lorsque nous en ouv r1rons, c'est contre de l'argenL quu vous acquerrez vos vivres • •. Et ce problème devient hallucinan t a près la trahison des Perses eL ln d ispa riliou des stratèges'. On saisit. à travers les harangues du Démosthène les difficultés que, mème en pays grec, les généraux rencontrent pour assurer ce service. Elles ' 'ont. grandissan t à mesure que les stratèges on t plus de libcrt.é d ans la levée de leurs l.roupes mercenaires. Le cas d e Diopeilnès évoqué dans les Affaires de Chersonnèse, est typique. Ces ogorai • mi litaires • ap paraissent comme le résultat. de conve nt.ionR passées à l'amiable entre les chefs et les cités•. Dans les arméos heUénistiques, l'orga nisnl..ion se prôcise et les diverses mod alités de ces marcMs de vin, du blé interviennent dans la rétribution même des soldats ; elles sont bien connues par des documents d'É[,-ypte 7 • C'est. 1. Xénophon, Ana b., 1, 3, 1•1:
ct. 1, '2. 3. 4.
Tt S'«yop!
~'' èv ' ~
!>, 6. Ibid., 1, 2, 18.
1, 5, 12. lbicl., 11, 3, 27. 1). Ibid., Ill, 1, 2; 2, 20 ot2l o(llua Grecs decident de vivre sur le pays san• s'oœuper des marcMs lndlg6nes. 6. On notera la dlsllncuon inLéresaanle tai~ pBr Tlluey4lde entrs !crru et
ov
FONCTIONS DE L'A COMA DANS LA CJTt CL!\SSIQ\JE
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dans le courant du v~ siècle seulement que nous les voyons pratiquer systémaliquement.'. Il n'en est. pas encore question dans tes récits d'Hérodote. A l'intérieur des cités, les rapports entre le rôle commercial de 1'agora el ses fon ctions traditionnelles, poliLiq ues eL religieuses, ne paraissent pas s'établir partout suivant les mêmes règles. L'union, en tout cas, ne sera jamais complètement. réalisée, même là où l'effort fut. tenté comme à Athènes; l'installation des :x~n>)ÀOt , des boutiquiers, des trafiquants et. des changeurs sur la place elu Céramique au ra pour conséquence de dégrader la valeur ancienne de cette notion , symbole de l'évolution démocra tique, et bien des organismes politiq ues se réfugieront dans des lieux moins profanes. Les problèmes soulevés par cette opposition que nous allons préciser en étudiant. l'évolution de l'agora et son rôle dans la communauté auront leurs répercussions dans les nouvelles formules d'urbanisme eL sont.., pour une part , à l'origine de la grande règle de la spécialisation qui caractérise les plans io1liens. Même là où fonctions éeonomiq ues et politiques sont réunies sur une seule place, elles s'exercent dans des groupes d'édifices distincts. La séparation sera toujours maintenue dans les projets théoriques de cités idéales eL les philosophes du Ive siècle réagiront vigou1·eusement contre l'intrusion du commerce sur l'agora. 2) Évolution de la. fonction politique et judiciaire A)
L'Agora el les A ssemblées
Le nom de la place ot1 sc tiennen t les réunions politiques dérive, nous l'avons vu, du nom même de l'assemblée ct cependant, à l'époque classique, leur association est loin d'être eonst:.ant..e; la séparation va mème s'accentuant; d'aillew-s, l'installation des organismes poli tiques sur l'agora ne se nt pas sans heurLs et sans résistance. li y eut lutte souvent entre cette dernière qui eonstitwut le centre attractif des nouvelles forces politiques et l'acropole où restaienL attachés les souvenirs de la cité archruque. l. Plus l.ôL done que ne le pense M. Launey,
o. c., p. 740; les tnxtt.s de Tftucv-
dldc rnen Uonnés plus haut ne laissent pas de doute.
· lO
,
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1
L AG01\h DANS LA CITÉ C l\llCQUB
Les fon ct ions essentielles de l'administration de la cit.é étaient. cenLralisées dans la demeure royale ; en particulier les lieux de cultes, celui du foyer, ceux des ancêt.res, de la divinité commune ét.aienL groupés ici sous la prolecLion du roi qui en était le grand prêt.re. A la chute de ce ré"une, quand la royauté rut abuLtue ct que la direction do La cill: passa aux mains d'un conseil de chefs eL ensuite d'un conseil élu, les préroguldves du palais furent distribuées ù des organ ismes diiTérents'. Le cul te de l.a divinit.époliassurvécutsouvcnLaux t'li ines Ide cc palais et son temple s'éleva là où so d reStiait la puissanLc demeure des rois, myLhiques ou réels. L'acropole d'Athènes illust1·e cette contin uité. Le cult.e du foyer, au cont raire, cL les fonctions politiques s'en détachèrent. eL vinrent, en 1-ilgle généra le, s'insta ller dans la ville basse, au pied de l'acropole. L'esplanade où se réunissaient. les Basileis, ot'1 les jeunes nobles sc livraient. à leurs jeux favoris, devin t d omaine religieux ; elle se transforma en place sacrée, réservée aux [aslueuses processions des gr:lndes fêtes nationales. Il est pourt.ant des cas exceptionnels où l'agora dcmcu1·a attachée au x ru ines du palais. La transmi!Sion des pouvoir.. sc fit sur place. Telle semble êt.re L'histoire de ln Cadmêe à Thèbes. Le palais mycénien de Cadmos rut. parLiellemenL conservé à l 'état de reliq ues dans les sanctuaires de Déméter ct de Dionysos au.."
]. F. Tri~h, l
FONCTIONS DE L'AGORA DANS LA CITt CLASSIQUE
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vénérét, surent maintenir cOte à cOte fonctions politiques et religieuses ; les premières s'incarnèrent clans tme agora et un lieu d'assemblée qui semble être resté le seul en usage pendant toute l'histoire thébaine, d'après les témoignages de Pindare, Sophocle, Xénophon, Pausanias i les traditions religieuses furent conservées dans les deux sanctuaires implantés sur les vestiges du palais. La fonction commerciale fut sans doute réservée à l'agora de la plaine. Argos conserve les traces d'une étape intermédiaire. Il est prouvé, par la nécropole de la Deiras, qu'une installation mycénienne importante occupa it les dcu..x acropoles d'Argos, l'Aspis et la Larissa 2 • Le culte des divinités po lia des est resté sur la Larissa ; l'assemblée politique n'est pas descen due jusqu'à l'agora officielle. En eflet , les textes, confit·més par les recherches topographiques, at testent l'existence d'un lieu de réunion sur les fl ancs de l'acropole, le ïtpw~ ou xp1-rljptov. Euripide (Oreste, 872 sqq.) nous montre le peuple d'Argos gravissant les pentes de la Larissa pour gagner l'endroit où Danaos, dans son procès avec Egyptos, convoqua la première assemblée des Argiens; c'est là qu'Oreste aussi devait être jugé•. D'après les scholiastes, en ce lieu, siègent non seulement le tribunal des Argiens, mais aussi leur assemblée 4 • .Jusqu'à preuve du contraire, il n'y a pas lieu de conjecturer qu'à Argos l'assemblée et les tribunaux populaires aient jamais Lenu leurs assises sur l'agora. Dans les cités démocratiques, le développement des organismes politiques et l'installation de l'assemblée sur l'agora sont comme le symbole de la victoire du Dèmos. Toute 1. On y voyon la statue de eulte de Dionysos Cadmeio., en forme de pilier, Paus., [X, 12, 4; Zichen, RE, s. v . Thtbni, col. 1509·1 5IJ ; O. Kern, Jallrb., Xl, 1896, p. 113 sq. 2. VoUgraa, BCll, XXVIII, 1904, p. 364 sq.; encore que le! rouilles n'aient pai permis de découvrir l'emplacement exact de cet établissement, BCH, xxx, 1906, p. 5-7. 3. Euripide, Orula, 872 : op(;) 3'6xXov G't't!xov-t:x X«l 0/iaat>v~· lix~«V,
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01) cp<XGI r:çwTOV
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4. Wilamowltz, J(ydalhtn, p. 93 sq. n con~cslé l'assimillllion des deux empla· cements : siège du tribunal et lieu de l'assemblée, car Pausanias pnrle, lui, du xp<-djpuN (Il, 20, &) ; mais CurUus, Pelopon., Il, p. 35?, puisE. Meyer, For&ch. u~r allen GucJ•. , 1, p. 101·104, etC. Robert., Pout. al! Sr.llri{Uuller, p. 133, on~
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L'AGOIIA DANS I.A CITE G RECQUE
l'hist.oirc inté rieure do l 'Athènes archaïque est r11mplie par cet te lu t te. L'arropole n'a rien ou presque rieu gardé d es institutions polit.iques a nciennes. , culs q uelques indices, l nnl liLtôraires qu'archéologiques, peuvent êt-re inlerprét,és comme les souve nirs de celle au lique t.rad ition. Deux sortes d e lhééilron onl ôt,é reconnus sur l'acropole par le~ recherches minutieuses de G. P. St.uvens, l'un au Nord de l' ErechLheion, l'aul re sous l'aile S.-O. des Propylées mnl\sikléens •. Mais n i l'un ni l'autre ne sont en rapport nvec des ma nifestations politiques don t. aucun text..c épigraphicrue ne [ait mention; ils ont. un caract ère puremen t religieux 1 • Plus nett..cmeoL, la présence t oute proche rlu culte d' Aph rodit..c Pnndémos qu'tl faudrai t associer au souvenir d'un e &.yopoc &.px_ociœ, pout constit.uer un argumen t en faveu r d'u n lieu d'a~ em blée a ncien situé à l'en trée de l'acropole. Il n'est. pas doute ux que cet.Le ploce, si olJc a existé, ru t complètemonl abandonnée ct q ue les déb uts assez difficilr.s de la démocratie nlhénienne sont liés à l' installa t ion de 1'agora d u Céramique da ns les premières années du vtn siècle 3 • Dès lors, penda nt plus d 'un siècle, les asse mblées populaire' se l ieoncn L sw· l'o,-cfteslr a de l'agora •. Au d6but d u ve siècle, peut.-êLre pour des raisons de commodité, l'ccclésia émigra vers ln Pnyx, puis au cou r~ d u '"" siècle, d anb le Lhéàt re de Diony~os, et. même nu Pirée d ans le Lhéâtre de Mounychie'. Touterois, les nssernblécs apporté de bons
o rgutt~enl~
tn fa.eur de cen e assimilation, theorie adopl6e par l'explornteu r d'Argoi, VoUgrorr, IJCR, XXX I, 1907, p. 170 aq. qui o pu ldenlillrr 1~ npwv av~oe une lura53e nmênng6e orli ficiellentenl au N. (lu UtM l...,, BCH, XLIV, 19"20, p. ?'U. 1. 1G, 1', 3, 1. 18 el \!9 ; Judetch, T op•., l'· 68 ; llt8{ftrta, XV, 19i G, p. g;. 102 (l!:reehthelon) el il· 73 S<J. (f>rOJl)'l~es). 2. 11•B assemblée~~ exceptionnelles pou,•aienl s 'y ltnir, eommo la réunion habilemrn~ Lraruférec par Pi•i>trato de l"ogor.l au propylon de l' Acropole, s:.n• doute sur ce IM41ron repêr6 por G. r. Sleveni (Ar;.tote, Con41. lllh., XV, 4 ; l'oly~n, .~!Miag., 1, 21, 2). 3 . .A.rth. Ddllon, Xli , J 'l'~. p. 73, Ill. I.e texte d'Apollodore rapporté por llnrpoernLion (8upra, p. 2:iG) laisse nppnra1lre lu hé~lollons des Anciens ~ntr~ les dtnx sortes d' explic:.llon!. 4. AlllrmaUon ntiie en doute pnr f'. Wyehsmu lll, Sladl .Aihcrt, l, p 167; 11, p. 31 2 sq.; mols eonrlrm~e par Judolch, Top'., p. 351 c l BCII, t.XVI· LXV 11, 1942-43, Jl· 2ï9 aq. 5. Lo premier état do la rnyx pourroil reonooter d'npres les fouilloun~ oux env. do 600 av. J.-C. , l luputa, 1, 193Z, p. 90·2 17. CL n onsmoor, AJA, X..'L"<:V li , 1933, p. 180 sq. el Allen, PubL Un/v. Cali/Orttia, 1936, p. ZS.30. Sur les pfrtgrt·
FONCTIONS Oll L'AGO RA DANS LA CITÊ CLAS~IQUB
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plénièi·es, chargées de se prononcer su r 1'ostracis me, continuèrent à siéger su r l'agora', â l'intérieur d 'une enceinte temporaire portant, le nom de nspi
R"~gil
d'une enceinte
vQlanl~.
2. Philoehoros, 79h; Plu torque, A ri$1., 7; Pollux, V I II, 20. Cf. H. }lnrtln, BCN, LXVl- LXVIl, 1942-4 9, p. ~79 bq. 3. Les to uille! réecnles de 19 47-•18 unL dêcouver~, ou S. d O l'agora, au pied de I'Aréopago, un édifice dont le plan parai~ illustrer tres exaetcmen~ Je ~~>
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L'A CORA DANS LA CITÉ GREC-QUE
L'abandon de l'ngo1·a par l'assemblée paratt un e règle pr esque générale a ux époq ues classique et hellénistiq ue, d'après le témoignage des textes lit téraires et épigraphiq ues. W. A. Mcdonald a dressé une longue liste des ciLé~ dans lesquelles men tion est faite d'assemblées réu nies au théâtre : Corü1lhe, Délos, Gphèse, Messène, elc. 1• La diversité des solutions est. encore p lus grande dans les villes évoluées que dans la Grèce archarq ue. Bien souvent a ux raisons de commodité s'ajoutent des causes d'ordre religieux ou politiquet. T out efois cc divorce n'affecte pas les assemblées de cuructère j udiciairc 8• Nous avons suivi les luttes qui ont a ccom pagné l'installution définitive des tribun aux sur les agorai, avec l'appui constant et nécessaire de Zeus et de ses parèdres. La justice dans la cité grecque conservera ce caractère large ment public qui nous éto nnait dans le monde homérique. Même s'il n'est pas acteur dans le procès eL ne participe pas à la d6cision, le peuple suit les débats (Hésiode, Théog., 84 ; Eschyle, Eum. 556 sqq.). Dans sa cité idéale, Platon reste fidèle à cette coutume n uLiq ue ; il exige la présence du peuple devant le tribun al (Lois, I X, 855 0 ). Que ce soit sur la place publiq ue , oux ca rrefours ou le long des grondes rues, les Grecs veulent une justice pu blique•. Cette coutume du droit grec nous se mb le L1·ouver son explication dan s les circonstances qui présidèren t aux originesdelapo/isct dans le rôle p rimitif de l'agoro. La cité, dans son aspiration iJ devenir une communauté de cit.oyens li bres et tgaux, eut à lutter contre des droits a cquis 5 ou 1. W . McUonold o. o., p.61·6'2. Mals beaucoup d"exomp1os ne sont attestés que par un li>moignage 11Ll6raire; il ne faudrait donc pao en conclure A une régie ab.olur. A 061oa, par exemple, on salt que doa è>oV-'1'1{,.' xupw se Lenaiwt dnn~ I'Eodûlnsl érlon, Intt:.r . Dtlos, 1497, 1. 3-'1 ; 1498, 1. 3 el, pour la même 6poque, d"autres u&~~embl~ 8onL algnal6ct uu lhé~t..-e, 11'>()4, 1. 62. Par contre li Samos, oo des "''JJ.•\cx nxolentla placo dos citoyen• groupés >«<~ x<>.,•cnô•, le lhéAL.re csl bion le lieu régulier des réunlo111. 2. Thuc., VIII, 67 &lllnllle une auemblte en 411 av. J .• c., à Colone, dons te ianctuall't d~ Poseldon, au cours de laquelle le régime d~moeraUque ut 1'\lmplacé par lM Quatre-Cenis. Pendant Loutc celle ~riode, Ill Pnp: semble d~sertée, w . A. MeDonold, o. •·· p. d5·~6; Fcrguson, CAH, v, l'· 3'28. Dans leo< eus de tumulte ou do do nger public, les osscmblOes recherchen~ 1~ pro~ecUon d81l enceinks Mcrées. 3. R. MQrlln, 8CH, LXVI· L>..'VII , 19-12-43, p. '27~. 4. Frugn>~nL de Tarpondre, daO! Uergk, Poelae lyn
l'ONCT IONS D ll r.'AflORA DANS LA CITE CLASSJQU E
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contre des rites t radition nels'. L'agora devint le symbole de la communau té établie sur des règles nouvelles; on vou lu t que là fussenL jugés et t ranchés les procès qui opposaien t les forces en p résence pour que tous les membres de cette communauté y eussent, sinon participation aeLive, d u moins droi t de regard ; de ce fait, la sanction prise s ur l'agora recevait une sorte d e consécration plus large et plus durable ; elle était dotée d 'un car actère p lus universel et marquait mieu.~ la victoire du d roit. de l'gtat sur le droit de la famille. La sentence puisait enfin une force plus grande dans le fait q u'elle avait été décidée sous la protection des cultes communs à tous et près des Lombes des ancêtres, des fondateurs ou des législateu rs. Cette aut.o-défense de la communa.ut.é par des mesures prises ct appliquées sur l'agora exp lique un certain nom bre de pra tiques demeurées vivaces jusque dan s la cité classique. C'est ainsi q ue la loi de GorLyne prescrit que les mesures d'expulsion d'un coupa ble (XI, 12-13), t.ous les actes d' adoption ou d'expu lsion (X , 33 sqq. ; X I , 15 sqq.) seront décidés en présence des citoyens assemblés sur la place, p ar proclamation faite du haut de la pierre d 'où l'on s'ad resse au peuple. A Kymè, l'épouse coupable est. exposée aux regards, sur une pierre de l'agorat; à Lé]Jréos, l'aman te reste exposée elle aussi onze jours sur l' agora'. La coutume du carcan où le débiteur est enserré sur l'agora de T hèbes relève des mêmes principes 4 • On pourrait multiplier les exemples de ces mesures judiciaires décidées et app liquées sur la place publique, qui t •·aduisent. la volont.é de la communauté de se dé[endre cont re les germes intérieurs de la désagrégation . C'est en ce sens qu'elle resLe le centre de la vie publique, le cœur de la cité, plus encore que par son association avec les assemblées populaires. Nous revenons ainsi à la définition de l'agora !o•·mulée d ès les origines : manifestation presque matérielle de la eonscience collective de la cité. On a . vo ulu en (aire le signe essen L.iel de la démocratie et lier son développement aux 1. 2. 3. 4. p. 29 jouu
H. Jeanmaire, Courol el Court/Il$, p. 115 ~q. Plutarque, Quacsl . Gra~c., II, 219 E ; llû;;ych iu;;, s. v. 'Owe
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l..'ACORA DAN!. LA CITÉ C RI!CQUI!
conquêles succcl!sives du Démos 1 • C'est. Lrop élargir des conclusions proprrs n Alhènes. L'agora n 'est pas liée à la noÀtnloc, elle eslle signe de la n6À1~ .
B) L'il gora da11s les cilés oligarchiques Le rôle de l' agora à Sparle ou dans les cités d e Crèle et. de T hessalie monlre avec évidence q ue son sor t n 'est pas dépendant des assembl6cs poliliq ucs. On sail la faible pa rt q ui leur élaiL d6volue dn ns rrs régi mes oliga rch iques. Aristote a rort bien onnlysn les divcr~ p1·océclé3 que le ela· es d irigeanles metta ic nl en œ u vre pour Téd uire les pouvoirs de l' A pella ou de l' Halia (Polilique, VI, Il , 9). T anl ôl. elle n 'n qu 'u n droit. d e ralificnlion sur les proposilions pr6por~cs à l'avance ; souvent, elle n 'a que v oix consul t olivc ; on connut!, a ussi la parodie qui pr~sidc nu x 6lcclions de S!Jurl-e. Dans les v illes d e Cr ète, seuls les ritoyens des héLa iries on t le droit. de r atifier à mains lcvéell ou a u !;Cru Lin secret. les proposiLions que présPnlent le f:onseil eL les Cosmes ; 1) certaines occasions, ils sont réduits a u rôle de figurants auxq uels on refu se le d1·oit de pa role~. Dans les cités béotie nnes du vo siècle, l'a:;semblée est d ivisée en q ua t re seclions qui prépa rent el int-rodu isent t our à tour les projets de loi qui Rcronl, t·nli flés en séa nce pléniére 3. Cepend ant, l'agora rc;;lu le cœur v iva nt. de ces cités. A Sparte même, c 'e~l hi .,u'éclalen t les p lus graves crises poliliques dont les tcx t.es no us onl conservé le so uveni r. La révolle des Porlh ~ nies ces jeunes Sparliates dont. la naissance illégitime ava it cependa nt Qo uvé la cilk du danger de dépeuplement lor d'u ne des guerres de Messénie - devAit. se déclencher su r le signo l d ' un Lonoet lacon ien élevé pa r un des chels de Jo. co njurnli on a u mi lieu de l'agora ; ils euren t le tort de raire pa rti ciper à leur complot des liiloLes dont certains tra hirent. le secret. cL les éphoi'CS e>.-puJséren t de la place pu blique to us les chels coifTé.'> de ce bonnet; les Parlh ~n irs furent envoy6s foncier lu colonie de T arente•. 1. F. 'frit..c h, .)llhrtsh., XXVII , 1932, p. S.l. 2. Arislole, PollllfiiC, Il, 7, 4; Lui de Gorlyne, IX, 33-36 ; Da resle· Hauuoulli~, lntc. Jurld. or., 1, p. 386. 3. Pop. Ozyr., X l, p. 38 sq.; TJC/1, XXX Il, 1908, p. 271. 4. ephore, dnns SLrnbon, VI, Z7~'l80; F ll (i, f, p. 247; Polyen, S!ral ., Il, J.l, 2.
FONCTIONS DE L'AGOI\A DANS LA CITÉ CLASSIQU E
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C'est de L'agora que part aussi un soulèvemen t con~re le législateu r légendaire de Spa rte, Lycurgue, qu i en est expulsé à coups de pierres•. L'historicité de Lycurgue rest.c fort douteuse, mais le fait. n'en perd pas sa valeur symbolique. Nous sommes mieux renseignés sur la grave conj uration qu i, au 1ve siècle, ébranle l'éd ifice chancelan t de l'état polit,iq ue et social de Sparte ; Cinadon en était Je che fi. Devant les hésitations de certai ns conjurés il les amène à une des ex:trémiLés de l'agora et les prie de dénombrer les [orees a dverses qu i sont réunies sur la place : les rois, les éph.ores, q uelq ues vieillards et. une quarantaine d'autres person nages q ui t.iennent en mains le pouvoir, tandis qu'ils ont. pour alliés t.ous les a ut res citoyens q w sont là au nomb re de qua tre mille. Il n'est pas précisé l 'occasion qu i avait rassemblé les chets de Sparte et une gra nde parlie des citoyens, ma is les argumen ts de Cinadon et. le souci q u'il a de s'emparer de l'agora sont un signe de l'importance que celle-ci conserve mème au 1ve siècle. E nfin n'oublions p.-.s q ue le plus grand deuil de la cité lacédémonienne, à la mor t d'un roi, entraînait la fermetu re de la place qui était. jonchée de paille et toute J'é union était int.erd it.c pendant. dix jours 8 . Cette importance était plus q u'un souvenir de l'époq ue où l'asse mblée était souvera ine, comme l'avait voulu Lycurgue•. Au JVC siècle, celle-ci avait perdu depuis longtemps ses prérogatives et, depuis Jongt.em ps aussi, l'idéalisat ion polit.ique de Spartc avait commencé 6 • Cependant l'agora conservait tout son lust re. E lle ne le devai t pas à sa parure; car les lois de Lycurgue interdisaient. toute construction 6 ou décora tion susceptible de dét.ourner l'esprit des citoyens vers des idées trop légères et néfastes aux bormes décisions ' . Au ve siècle, la règle était respectée, puisque Thucydide souligne l'étonnante opposit.ion entre la grandeur J. Plutarque, Lyeurgue, U. 2.. Xénopbon, Hel/., 111, 3, ;, sq. 3. Hérodote, VI, b8; H6raelit.e du Pont, F'f!G, 11, p. 2.10; Xénophon, R épubllqu• des Lae., Xl li, 9. 4. Plul3rque, L1Jeurgue, 6. &. Ollier, L e Mirage spar:tate, 1, p. 198 sq.; P . ROu$Sel, Sparte, p. 2ll sq. 6. Plutarque, l.geurgue, 6 : èv (do~> lil -rou-rwv -ni~ ~><XÀ'Ija!œç ·'Frfov oüu:
mxo-ni8wv oùaiilv oüte ~1')Ç -nvô~ Y.ll:~o:mttU);;. ' • 7. N. Crosby a raison, JO crois, de laire porler t•expr~sion de Pausanias ox~h 6!...; sur la situation
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L' ACOI\A DANS LA CITé CllECQUI!
historique de Sparte cl. la pa uvreté de la ville. CeLI,e n ud ité donne plus de relie( encore a u rôle mora l de l'agora . Son imporla nce et sa valeu r se manifestent a ussi dans la consta nte pr éoccu pation des cites aristocraLiqu es à la protéger coutre toute souillure mercantile. Chez les Thessaliens, nous dit Aristote, il y avait. une agora «li bre •, u ne c place de la liberté », l 'ciyop~ tuoOtp«, et cett.e place ét ait. int.erdite a ux ma rchandises de tous genres ; les artisans, les a gricul teurs, tous ceux qui besognaien t n'y a vaien t accès que sur convocation des magisLra ts 1• On sait qu'il en était de mi\mtJ d ans les cités crét.oises. Tous les h abita nts ne sont pas cit.oyens a u même l.it.re et. n'ont pas accès à l'agora. La poli$ est divisée en deux parties, -:o tJ.«Y.L!J.OV et -:o y•wpyoüv ; scu ls les premiers sont citoyens et. fréquentent • l'agora libre ». A Sparte, t.out citoyen qui est frappé d 'atimie pa rce q u'il n e peut fou rnir sa part. aux repas commu ns to mbo dans les catégo ries i nférieures q ui ne par tici pent pl us a ux assem blées ct sonl. exclues de l'agora. Le Lacédémonien, au reste, n 'y 11 va il. accès qu' après lt·ente ons, lorsq u'cn fln il jouissai t de tous ses droi ts politiques'. On sait que ces divisions de la polis en classes sont. à la base de to utes les théories politiques des v• et 1ve siècles a''· J.-C.•. P our les besoins ma tériels de l'agglomération eL les nécessités de la v ie économique, une autre agora est inst.al\ée, loin de la première q ui nu doit pas être t.roub lêc p ar cette agit.ation de ma uvaise qualité : c' est l'agora à.v~ty-.c
2.. Plut.arque, Lucurgu•, 25. 3. L. Robin, /.,a Pt nséo grecque, Il· 160 sq.; A. DolaUo, Ei sol 111r la palltique Puthag., p. 40 sq ., 1::>8 sq. 4. SLean, Top. der ani. Sparta, p. 15.
A
FONCTI ONS DB L'AGORA DANS LA CIT" Cf.ASSIQ UE
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des lombes de P ausanias et de Léonidas J. EUes sont toutes associées à des manifest.alions politico-religieuses. Quant à la fon ction économi que, elle ét ait assurée par un marché que Pausa nias mentionne expressément.; les fouilles l'ont idenlillé2. Ainsi à Sparte, l' agora eL l e marché ét aient deux places distinctes ella p remière, comme en Thessalie, restai t u pure •· L'agora dans les régimes aristocratiques ou oligarchiques est conçue à l'image de l'organisation politique. Comme la cité, elle esLfermée, d 'un accès difficile, symbole de ces cons Litu tions où le cor ps des citoyens est jalousement. défend u contre les bassesses du travail manuel ou du n égoce et contre les influ ences venues de l 'étrangeJ· 1 . Quelq ues documen ts épigra phiq ues per.mettenL de dater l'apparition de ces caractères. C'est au v ru" siècle av. J .-C. q u'à Sparte, la conscience de la polis se claril1e eL se précise, avan t la première guerre de Messénie. Les inscriptions men tionnen t la polis à la fois en I onie• et en Crèt.c 5 • L 'emploi du mot dans les décrets p ublics, comme le so ul igne V. E hrenberg, ne peul aUer sans un e conscience rationnelle et t rès p récise de la l't6!..t~ en tant q11 e commun au tè complète et distinct e. L'a ppariLion de l'agor a est liée à cette prise rle conscience, elle en est le symbole, limité et. [er mé, comme les principes mèmes sur lesquels repose une telle communauté. L'agora bénéficie de l'efTort p ersévérant exercé par les cités doriennes pour main ten ir leu r régime politique et social sous la ga rantie su prême de la Loi. Pind are {frag. 151 ), par excel lence le poète des a ris tocrates, exprime avec nett et é cet idéal des nob les dont la grandew· n e réside pas en eux-mêmes, mais dans leur union L Pau s., Ill, 11, 2 sq.; H . Bulle, Siùung•ber. Bayer. Akad., 1937, p. 27 sq. 2. Paus., Il l, 13, 4. Cf. BSA, XIII, 1906-1907, pl. I; Arc/1. Am. , 1932, p.l •l4. 3. C'esl un des point. sur lesquels Platon a le plus nellemenl insisté dans les Loia; seu ls quelques étrangers de choix seront admis duns la. cité el reçus p~r l' Étal. Sur le r ôle des étrangers dons les ciloli crétoises, ct. M. P. Niluon, K lio, X U, 19 12, p. 316; E. l{irsten, Do$ dorische /{re/a, p. 76 sq. 4 . lnscr. de Cy1ique, eolouie de Milet, Sy/1. 1 , 4 ; cf. insc~. de Chios, Wilamowi~t- M oellendorr, 1\ordion. Sleine, Abh. P rtu•r. Akad . lVi••·· 1909, p. 65·71; Tod, G N 1, 1', no 1. 5. l nsc. eretlalque de Dr-éros, BCH, L XI, 193/, p. 333 sq. L'importance de ceu e formule est soulignee par V. E hrenberg, ClaiS. quorlerly, XXXV 11, 1943, p. J.i-18. Ce Lex le a éehapp6 à E . Kirsi.Cn, Da• dorische Krela, p. 1&5. La formule ëao(e .,-a, n61.• se mainUcnl longlemps dans les tex tes do Delphes, L. Lerat, Reu. Phil., 19<18, p. 62 sq.
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1
L AGORA DANS LA CITÉ GRECQUE
avec l'État et dans leur soumission à l'ordre souverain du Nomos. Platon s'est fait l'écho de cette divinisation des Lois, supérieures aux représentants de la cité (L ois, IV, 715 d ; VI , 762 d) . Thucydide qualifiait la constitution des cités crétoises d' ÔÀLyotpx(ot ta6votJ.oc; : tous les citoyens sont soumis à la m ême loi. Le culte de la Loi reste à la base de toutes les théories politiques à tendances aristocratiques 1 . Associée à ce culte, l'agora, jusqu'aux époques récentes, y garda son caractère primitif, imprégné des traditions religieuses et politiques.
C)
L'Agora de la Démocratie athénienne
Le synécisme de l'Attique, attribué ·à Thésée, ne fut pas le simple groupement d'une population éparse en une cité centrale, comme celui de Mantinée ; il est marqué d'un caractère politique évident dont les Athéniens eux-mêmes avaient conscience et que définit Thucydide dans une magnifique formule de synthèse (II,15) . Il a rassemblé des groupements déjà organisés en une polis unique, autour d'un Prytanée et d'un Bouleutérion communs. Cette particularité a laissé des traces jusque sur l'agora de l'Athènes fu ture où les cultes des Phratries attestaient, à côté des dieux communs à tous, les divisions primitives. La date de ce synécisme ne peut être fixée avec exactitude. Il r emonte au v m e siècle au moins, car les luttes d'Athènes et d'Éleusis qui s'était jetée du côté de Mégare ont conservé le souvenir des difficultés qui accompagnèrent à ses débuts le n ouvel état. Faudrait-il remonter jusqu'au xe siècle 2 , sous prétexte que le catalogue des vaisseaux dans l' Iliade ne mentionne que des Athéniens ? Mais on sait que ce morceau eut à subir de multiples arrangements récents et ne peut être un témoignage incontestable. Le rocher de l'acropole fut bien le centre d'attraction de cette cité primitive, mais nous ne savons guère où s'élev èrent le premier Bouleutérion et le premier Prytanée. L'Athènes d'époque géométrique s'étendait assez loin au Nord et à l'Ouest du rocher d'Athéna et occupait, en particulier, la 1. Dans la doctrine pyLhagoricienne, A. Dela ttc, o. c., p. 40 sq. ; cf. aussi la divinisation de la loi dans certains t extes orphiques, Hymnes, 64, fgts 109 et 126 2. Glotz, llist. grecque, I, p. 388-389.
FONCTIONS DE L'AGORA DANS LA CITÉ CLASSIQ UE
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colline de l'Aréopage et ses pentes Nord; ici s'en trouvaient sans doute les limites, car les sépultures commencent au S.-O. du Colonos Agoraios 1 • Nous avons suivi pas à pas la constitution et l'évolution de l'agora archaïque en liaison directe avec les progrès de la cité. Chaque étape et chaque gain dans le domaine social et politique ont laissé leur marque dans sa structure architecturale. Durant toute cette période, jusqu'aux guerres Médiques, l'union entre l'agora et l'évolution politique est très étroite. Qu'en advient-il après 480, au moment du plein épanouissement de la démocratie athénienne ? De la bourrasque, Athènes sortait avec des forces et un moral plus tendus, mais la ville offrait un triste spectacle : des magnifiques monuments de l'acropole, il ne subsistait que des décombres ; sur l'agora, seul le Bouleutérion de Clisthènes était suffisamment intact pour pouvoir être remis bien vite en usage 2 • L'agora reste d'abord au premier plan des préoccupations de la démocratie athénienne qui avait encore besoin de quelques réformes pour compléter ses victoires antérieures. En même temps qu'Ephialtès préparait l'écr asement définitif du conseil de l'Aréopage dont il transféra les derniers pouvoirs en 462-461 av. J .-C. à l'Assemblée du peuple, à la Boulè et aux tribunaux de l'Héliée, s'achevait le premier monument qui suivit la défaite, la Tholos des Prytanes, dont la construction peut être sûrement attribuée à la période 470-465 av. J.-C. 3 • Dans la zone septentrionale de la place publique, l'aspect devait être misérable ; des boutiquiers, des forgerons s'installèrent sur les ruines du sanctuaire de Zeus d'où ils ne devaient être expulsés qu'à la fin du siècle4. Cimon, pour corriger cette pénible impression à peu de frais, avait orné l'agora de platanes dès 475, plantation qu'il poursuivit en 468, après l'Eurymédon 5 . Les urbanistes modernes ont tout 1. L'habitat mycénien centré au tour de l'acropole occupait déjà cette région N. de l'Aréopage, He$peria, II, 1933, p. 460 sq.; IV, 1935, p. 188 sq. ; à l'époque géométrique {Ix•-vm• s.) l'occupation s'étend encore, Hesperia, II, 1933, p. 464 sq.; 542 sq. ; et un lieu de culte important fut trouvé dans cette région ibid., p. 637-639. ' 2. Hesperia, VI , 1937, p. 212 sq. 3 . Hesperia, Suppl. IV, p. 126 sq. 4. Hesperia, VI, 1937, p. 14-16. 5. Plutarque, Cimon, 7, 13; Paus., X, 15, 3; Glotz, His!. grecque, II, p. 121 et 130.
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L'AGORA DANS LA CITÉ GRECQUE
récemment appliqué le même système pour atténuer le spectacle de nos villes bombardées. En outre, les libéralités de Peisianax lui avaient permis d'élever un des premiers portiques en bordure de la place, sans doute le plus somptueux, le Poecile 1 • Ainsi pansée de ses plaies, l'agora pouvait attendre des temps meilleurs pour être restaurée dans son éclat; elle attendit jusqu'à la fin du ve siècle, date à laquelle reprennent les constructions 2 • Les grands chantiers ouverts à partir de 450 sur l'acropole devaient laisser peu de temps et de moyens à Périclès pour s'occuper du Céramique, encore que le pseudo-Théseion et quelques édifices aient été exécutés ici ou là 3 . Mais la raison en est peut-être aussi psychologique. Les préoccupations du grand stratège, soutenu par une importante maJorité de citoyens, dépassent maintenant le cadre de la cit é et prennent un caractère impérial. La formation, la direction et la conservation de l'empire athénien constituent la ligne directrice de sa politique et l'entraînent à faire de l'acropole d'Athènes le centre matériel et moral de la Ligue, d'où l'exclusivité de ses préoccupations. Il eut certes à ciseler et à polir l'œuvre des grands démocrates antérieurs, mais sa puissante personnalité déborde les cadres de la cité. Il pense «impérialement,,; dès lors, l'agora devenait beaucoup moins importante que l'acropole. Par contre, ses successeurs ont plus besoin que lui des forces populaires, au moment de la crise qui ébranle la puissance d'Athènes à la fin du siècle; ils sont plus diposés aussi, par leurs tendances et leur origine, à les flatter et à embellir le cadre où ils doivent agir. C'est sans doute un peu pour cette raison que les constructions reprennent sur le Céramique dans le dernier quart du ve siècle. Que représentait alors l'agora dans la pensée des citoyens d'Athènes? Au début du siècle, Eschyle nous laisse apercevoir une véritable identification entre la cité et l'agora. Pour Pindare, dont les tendances politiques ne sont pas douteuses, elle est l'image même de la cité; le poète béotien ne craint pas d'écrire un dithyrambe_ à la gloire de la glorieuse place 4'Athènes. Sophocle encore identifie la ville d'Argos avec son 1. Judeich, Top•., p. 336 sq. 2. La Stoa Basileios et le nouveau BoÙleutérion, Hesperia, VI, 1937, p. 39, f\4
et p. 153-154. · 3. W. B. Dinsmoor, Hesperia, Suppt: V, 1941, p. IZS sq.
FONCTIONS DE L'AGORA DANS LA CITÉ CLASSIQUE
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agora (Électre, 7). Intimement liée, comme nous l'avons vu, aux progrès de la démocratie, elle devient, dans la cité athénienne, le symbole de ce régime. Elle en suivra les vicissitudes et sera profondément atteinte par sa décadence. Au ve siècle, l'idéal démocratique d'Athènes reste élevé et le plus bel éloge en fut donné par un adversaire même du régime, Thucydide, dans l'Oraison funèbre qu'il place dans la bouche de Périclès : «La constitution qui nous régit n'a rien à envier aux autres peuples, elle leur sert de modèle et ne les imite pas. Elle s'appelle démocratie, parce qu'elle vise l'intérêt, non d'une minorité, mais du plus grand nombre» (II ,36). L'évolution rapide des mœurs politiques fait rapidement virer au sombre les belles couleurs du tableau de l'historien ; n'apporte-t-il pas lui-même des retouches caractéristiques ? << Les hommes raisonnables savent bien ce que vaut la démocratie ... ; rien de nouveau à dire sur une extravagance reconnue» (VI, 98,6). Et l'agora n'a plus le même sens pour tous. La place du Céramique était devenue rapidement la propriété commune de la masse des petites gens qui, au Pirée comme à Athènes, se consacraient aux affaires, au petit négoce, pratiquaient les multiples métiers d'artisans dont les boutiques débordaient sur le domaine public 1 • Dès lors, nobles et philosophes, tous ceux qui, par caractère ou par tendances politiques, éprouvaient quelque hostilité pour le peuple et la foule, critiquèrent ce régime et s'abstinrent de fréquenter l'agora. Socrate avait peu de respect pour cette assemblée « composée de foulons, de cordonniers, de maçons, d'ouvriers sur métaux, de laboureurs, de revendeurs, de colporteurs, de brocanteurs »2 • Aristophane traduit en termes très durs les pensées d'une partie de ses concitoyens. Pour ces esprits distingués, la place publique est le symbole de tous les excès de la démocratie, le cadre où s'exerce l'activité de tous les démagogues, ses ennemis. Tous ceux qui, comme Philocléon, vivent médiocrement d'une ou deux oboles, se croient les maîtres d'Athènes et de l'Empire lorsqu'ils se promènent en discutant, la tête haute, avec force gestes, devant la Stoa Basileios; l'agora représente l. Lysias, Sur l'Inval., 20; Xénophon, i\1émorables, IV, 2, 1; Hesperia, VI, 1937, p. 14-15. . 2. Xénophon, Mémorables, III, 7, 5-6.
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L1 AGORA DANS LA CITB 01\ECQUB
la puissance ; pour eu..'C, c'est le signe de la force'. Là est leur idéal, le cent re de leur activit
To&<...-
PONCTIONS I)Jl r} AGORA DANS LA CI T É CLASSIQUE
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ville, ni l'agora circulaire; il travailla it aux cha mps : c'était un de ceux qui a ssurent La solidité du pays • (Oreste 917 sqq.). Ces gens nous sont dépeints dans les A charniens, bûcherons, charbonn iers, marchands de figu es et de fromages, qui descendenL pl us volontiers à la ville les jours de marché q u'aux séances de l'Assemblée. Pour eux, la Pnyx est un lieu néfaste et dangereux ; l'agora ne représente q ue la possibilit é d' écouler leurs produits. Dicéo polis (Acharniens, 719-728), la paix revenue, trace avec délices les limites de son marché qu'il ouvre à t ous, Péloponnésiens, Mégariens, Béotien.s ; il en confie ta surveillance aux agoranomes ; aucLm syco phante n' y pénétrera ; ce seu1 mot caractérise l'agora politique dans son esp rit. Aristophane s'est faiL le dé[enseur et le porte-parole de cette classe ru rale, démocrate de t endances, mais hosti le aux ex cès des démagogues de la ville'. BUe triom phe à la paix de 42 1 av. J .-C. quj appara!t vraiment comme sa victoire, celle du ycwpytJ
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4. Id., AMtm.b/6t. dufemmt$, 680 tq.
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L'AGORA DANS LA CITÉ GRECQUE
des farouches partisans de l'aristocratie ; M. Croiset a insisté, avec raison, sur cet aspect modéré de la critique d'Aristophane. S'il eut des rapports avec les hétairies des jeunes aristocrates contemporains et fut sans doute utilisé par eux, il reste un fidèle partisan de la démocratie modérée d'antan, de celle qui forma la génération des guerres Médiques. Il représente un important mouvement d'idées dans l'Ath ènes du ve siècle, opposé aux excès des démagogues. Pour toute cette fraction du peuple athénien, l'agora avait perdu son lustre et n'était plus que le repaire de la tourbe populaire, de l'&.yopoc~oç ISxXoç, souillée par toutes les affaires louches qui s'y traitaient ; elle se confondait avec les excès de la démocratie ; il ét ait de toute urgence de la débarrasser de cette pègre en même temps qu'on rétablirait l'austérité primitive. Plus acerbe encore et plus méprisante était la critique des purs aristocrates qui ne voyaient le salut que dans les institutions de Sparte ou des cités crétoises, embellies par une auréole de légende qui en estompait les rudesses 1 • Si les démagogues puisaient dans les pratiques des sophistes ou des rhéteurs 2 les arguments et les formules de leur action politique, les arist ocrat es s'appuyaient sur une critique plus solide et sur les théories systématiques de philosophes dont Platon , puis Aristote, furent les chefs de file. Le pamphlet le plus vigoureux - et souvent clairvoyant - est la R épublique des Athéniens, traditionnellement attribué à Xénophon 3 , où le régime démocratique est présenté comme le triomphe des éléments les plus mauvais de la cité. Platon n'accorde même plus à l'agora la place importante qu 'elle n'a cessé d'occuper dans les États oligarchiques. Exclusivement orienté vers la culture du Vrai et de la Justice, préoccupé essentiellement du progrès moral de l'individu, Platon a donné les plans d'une cité idéale où tout le politique est garanti par le religieux. L'agora traditionnelle n'y a plus de place. Dans la R épublique, elle est réduite à sa seule fonction commerciale. Le sage et les vrais chefs de la cité idéale << ignorent dès leur jeunesse le chemin 1. Ollier, L e Mirage spartiate, I, 1933, p. 139 sq.; P. Roussel, Sparte, p. 211 sq. 2. Représentés par l'ô18txoc; Myoc;, des N uées, et idenliflés à tort avec Socrate. 3. ÉdiUon et commentaire, H. Frisch, The Constitution of Ille Alhenians, Copenhague, 1942. Ct. sur les idées de Xénophon à l'égard de la démocratie athénienne, Luccioni, L es idées politiques cl sociales de X énophon, 1949, p. 108 sq.
FONCTIQ!';S OB L' AGOM T,)A!';S LA ClTÉ CLASSIQUE
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d e la place publique ; ils ignorent aussi l'endroit 01'1 siègent le t.ribuna l el. Je conseil ainsi que tout autre lieu d e réunion qu i p eul. exister dans la ville ~ 1 . Les marchés eux~mèmes ne sont admis que comme une nécessité découJa n t de la gra nde loi p latonicienne de la division du travail. Dans le P olitique (289 e) et les Lois (VI II, 14), lew· acl.ivit é est soumise à une réglementation précise qui po rte sur les échanges indispensables enl.•·e citoyens et les rapports entre citoyens et ét r angerst. Une pa rtie de la fonction politique de l 'agora passe aux sancLuaÏJ·es. Toute la cité est , en e!Tet , confiée à la protection d es dieux nationaux, des héros, des daimones locaux, et c'est dans leu rs sanctuaires, q ue se tiendront les assemb lées (Lois, V, 9, 738 dl ; les élecLions des magistra ts a uront lieu dan s le temple le plus vénér é de la ville (ibid., VI , 2, 753 d ) ; la d ivision de la cité est. elle-même réglée par le princip e divin e t chacune des douze tribus aura ses d ivinités pro tectrices'. Dans la colonie crétoise dont les Lois fixen t les principes, Plat on doi t faire une p lus large concession aux r éalités contemporaines. L'agora conserv e sa place au centre de la cité ; elle occup e toutefois le second rang, après l'acropole d'où parten t les divisions terri toriales. Elle est située a u m ilieu des san ct ua ires et. sous lem· proLecLion, loin des marclJés q ui son t rej etés aux portes de la v ille, ou même à l'extérieur•. E lle est réduite à sa fonction r eligieuse et ne conserve q ue de rares ves ti~tes d e so n rô le politique ~ . La cit é p latonicienne supprime en fai t l'agor a polit ique•. 1. J>Jalon, Tliéelèle, 173 c; ilépublique, 1V, 425 d; c r. Espinas, REG,
XXV li, 19 14, p. lOI> sq. cL Z36 sq.; P . Lachiè?,c-Rey, Lu Idtu moraw1, sociale$ el fJOiiliqut$ de Pla/on, Il· 18-1 9. 2 . Platon, R~puhlique, 1 [, 371 b :
J'electeur a inscritJ avec le nom da celui qu'il choisit, de son pèro, de sa ldbu et de son dème, le sien propre avec les mGmes dHails, sera exposé$ sur l'agora, Loi•, VI, 2, 753 c; eLlors des reddil.ions da eompLt$ des magistrats, les tablolluij où sont Inscrites les peines sont éga lement alllchées sur l'agora, •bill., X l i, 3, 9·16 d.
6. C'est en partant de là. sans douL& qu'on a pu fair& d& l'agora te symbole
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L'ACOIIA DANS LA CITÉ GRECQUE
Des t rois foncl,ions essentielles, religieuse, politique et commerciole, Platon ne re tient, que la première ; la seconde a éLé submergée par la troisième, la plus récente ; l'équilibre a été rompu et le sens primitif de l'agora au cœur de la cité est oublié. Aristo te, dont la critique est plus nuancée, plus proche des réalités historiques eL de l'observation contemporaine, prend conscience de cet te évolution subie par un organisme cssenUel de la ciLé. Dans sa construction idéale, il retrouve le sens profond de l'agora et tentera de sauver ses caractères primitifs, politiques ct religieux, en la ptu·ifiaut des souillures que, selon lui, la démocratie y a vail. accumulées. En même temps, il !ait la pa rt des nécessiLés vitales de l'agglomération urba ine ; il sait rcr.onnattre 1'importance de la fonction commerciale ; ma is i l 1'isolera et, oMissant à la leçon des [aiLs, il saura distinguer l'agora iMu&tpr.t et l'ogora ci'la.r-
FONCTIONS OJ;; L'ACORA. DANS LA CITÉ CLA.SSIQUE
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da ns le groupement urbain : un haut lieu sera rése1-vé aux écü fiees cultuels ; là, les magistrats prendront leurs repas en commun ; - a u p ied et tout à proximité, s'étendra l' agora politiq ue qu 'Aristote conçoit su r le modèle de l'agora l).E:uO~po: des T hessaliens. Elle sera libre de toute marchandise, réser vée à la seule classe des citoyens, in terdite à tout artisan et agricu lt eur à moins qu' il ne soit convoqué par les magistrats 1 ; lieu d'agrément où les hommes d'âge trou veront. des emplacements paisibles pour leurs réunions; on doit l ui assurer le calme et le silence ; - en fin, loin de là, bien isolée, sur u n emplacement d'accès fa cile aussi bien pou r ceux q ui v iennent de la mer que de l'intérieur sera aménagée une autre agora, le marché, réservée aux échanges; agoranomes et astynomes y a uront leurs bureaux~. Ains i, tout en conservant à l'agora son rôle politique, Aristote évil:.e le danger d 'invasion par l'&yopc.:î:oç oxÀo<; pour lequel il n'a, lui aussi, qu e mépris 8 . Il se rallie aux tendances d'Aristophane et. du parti modéré q ui auraien t vou lu, da ns l'Athènes du 1ve siècle, restaurer l'antique sévérité des déb uts de la démocratie. Comme eux, il esL favora ble à la classe des paysans qui ne perdent pas le ur t emps à flâner sur les places et dans les rues, mais restent, loin des marchés et. de la ville i ce serait , à son avis, la mei lieure forme de démocratie. Tourbillonnant, sans cesse sur l'agora et dans les rues, cette masse populaire se réunit sans peine en assem blée. Les laboureurs au contraire, cüspersés dans la campagne, n'éprouvent pas le même besoin de se réun ir . Mais si le terr itoire est distribué de telle sorte q ue les champs soient. for t. éloignés de la ville, on peuL établir ai.s6ment, dans cette condition, une excellente démocr atie et même une républiq ue . La majorité des citoyens est a lors forcée d'émigrer de la ville et d'a ller vivre da ns les campagnes; et l'on statuera it. q11e la foule des o.'·· p. :19 sq. sur les préoccupation$ de géomè~re introdulws pnr les P)'lbagoriciens dans ln science politique ; ils cherchèrent à assimiler !'~tot parrall a une cerlaino forme de triangle. Pour Platon lui-m~me, le nombro a un e<~racl>}re divin qui purine C~ transformG loule l'orgaoi>alion SOCiale, Lbis, Vi, 771 b.
Cf. Eipinas, REG, X.'CV II, 1~ 14, p. lU sqq. 1. Politique, I V, (VJJ ), J 2, 1331 a : "")-ri) (:iyoptt) 3' èa-nv ~v &;: >c«<"pà.v .. '.,1. . ~ t l VfXI. TWV WVWJY tt!XV'fû.)\1, 2. Ibid., IX, 8, 1321 b; fV, 12, 1331 b. 3. Ibid., IX, 1, 1319 a .
306 mnrcha uds ne pourra jo.mnis se réunir en ossembléo g6nérale, •ans la présence de la masse agricole'· Pen dont tnutle cours du av• si~ le, les orateurs exprimeront, de-ci, dn-là, ce regret de voir l'ago•·a en proie à la !oule des petits marchands. des !&i.nënnls, des oisils, de tnus ceux qui, de mœurs douteu~s, tratnenL id dea journées inO<'cupées, Ala recherche de la moi.nd re disl•·nction ou du goin le plus minime'. Mais la décadence des mœurs politiques élait trop avancée: elle ne pouvniL èLre enrayée et l'agora était entr.ttnée avec elle. Cette notion qu i CuL el resln, pendant plu•ieurs siècles, le symbole de la cité. s'èloil trouvée liée trop èLroitem•nl à l'hislotre de lo démocrolie nUlénicone; elle s'ofToiblit ovee elle. C'él:lil une conséquence du developpement du comm•rce et des écbonges qui en avait profondément lr.tnsformè le caractère primjl..if; nouvelle venu~. 1o fonction éconoroiq\IC de l'agora avait $upplant.e les autres aspects de son ~elivilé et ceux-ci s'etaient rHugi~$ en d'autres pomlo de lo vill~. l! o ~quilibre éLa il possible, comme quel<[ues cités l'ont m ontre, mais il e~eait one structure arcbiteeturale b i<·n adaptée ; en fait, le problème ful résolu par un divorce pre•que compte~ entre les places mnrchandea et les or~nnismes politiques; celte dist.Ulction ser" UJ18 dea lois do l'urbanisme hcllènislique. La décad•nce d u symbolisme politique el religieux de la place publiq ue, si sensible à Alhènes, cuL enOo une cause plus profonde et p lus grave. Elle était on des aspecte de la décadence même de lo cité. Après le •v• siècle nv. J .-C., la polis o pratiquement cessé d'avoir uue existenco indépendante; les nou,·eUu eonditioos de l'empire mocêdonien. les rivalit.és des princes ct des lignes ont boufe,·ersê 1.. eonceplionSIIOiiliquotlradiüounellrs de la Grèce; l'agora cesse d'~Lre animée de celte vie profonde qui en faisait un élément moro! essentJel de la communauté ; eUe ne sera plus qu' une lorme monumentale as.socillc à un groupement urbain, mals ptivée de toute tigmflcat.ion. Pour nous, l' histnire de l'agora en tant que notJon rnorule et Olémenl constitutif rie la p<>lis se termine ici ; il nous reû-e b suivre 10n d6,·cloppement archiLecturol. 1. JNL. lX, 4, 1319 •· 'l. hocrat.e, .iriopaJ., .&8: Oi~tbtœ, C.nln: dtUIOCI'IIlifn, :n sq.; 8Jc.hlnc:.
ConJrt C"•ipJion, 17$.
CHAPITRE II STRUCTURE ARCHITECTURALE DE L'AGORA DU V• SIÈCLE EN GRÈCE CONTINENTALE
Jusqu 'à la fln du Vl • sièele, les ago rai des cités grecques se 1-éféraient ù des types simples dont la stru ctut·e était déterminée par la fonction prédominante, politique ou religieuse. Les guerres Médiques marquent un tournant dans l' histoire architect urale de l'agora comme dans l'hist oire de l'm·banisme grec. Au moment où la polis devient un système politique plus complexe, mieux organisé, chargé de responsabilités plus impérieuses, dot é d'éléments ct d'organismes plus stables .et mieux déflnis, au moment où la conscience politique du citoyen grec atLeint sa maturité et sa pleine clarté, avec toujours plus d'exigences matérielles ou spirituelles, les ruines laissées par les luttes contre les Perses, tant en Asie Mineure que dans les cités de Grèce conli:nenLale, permettent dè transformer le plan des villes, de les adapter à lem-s fon ctions nouvelles et la place de l'agora dans ces conceptions sera privilégiée. Cette rénova tion n'est pas une rupture avec le passé ; elle est marquée au coin de tendances et de tMories qui se cherchaient déjà au siècle précédent . E lles ne s'épanouiront que progressivement et là où elles avaient d'abord fait, souche. On assistera, en efJet, au cours du ve siècle, à l'extension lente en Grèce pm pre d' idées et de principes qui ont pris naissance sur les côtes d'Asie Mineure et notre recherche devra suivre ce mo uvement de flux eL de reflux cette sor te d'oscillation continue ent re les deux rives de l'J;;gée. En Grèce propre, la complexité des fonctions remplies par l'agora se reflète dans la structure indéfinie, inorganique, embroui1lée de la place où
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L'ACOF\A DANS LA CITÉ GRECQUE
bat le cœur de la cité; les agorai d'Athènes, d'l1;1is son t les exemples les mieux con nus de ces réalisations un peu chaotiques, priv~es de pla n di recteu r. Dans celLe confu ~ion , dans cet entassr.menL sa ns règles d'édifices aux [ormes divrrses, un souci d'ord re et de régul arisa tion ne tarda pus à s'in trod uire, sous l'influence de théoriciens el d'ingénieurs venu s des villes d'Asie Mineure, de Milet en par licul ier , ol) ils avaient, dès la résurrection des cités ioniennes, enfin dèbarrassées du joug perse, imposé leurs pri ncipes. Nous auron s à déceler les premières mani festations de ce courant dans les diverses porLies d u monde grec, à suivre son exten~ion progr essive en Grèce propre et, toul spécialement, dans les [ondations u rbaines du 1 vo siècle, Mégalopolis, Mcssène, Manlinée, so n influence insinuante et. novatrice da ns los a nciennes agorai d 'Oiynthe, d e Corinthe, de Thasos, d'Athènes. Le libre êpanouis~e ment et la pleine réalisa tion ds ces tenda nces, nous les ~rouverous sur la rive orient.Jle de la mer Égée, dans drs ensemble archltect.uraux aussi b ien composés q ue ceux ùe Milet, Priène, .'11agnésie du M~andre. De celte étude analytique et. historique, nous aurons à dégager en fiules élémenLs et les principes, les caractères de structure et. d e forme, les règles de lo composition, permettant. do définir avec précision cette riche et importa n te p ériode de l' histoire de l'agora a u cœur de la cilê grecque, en liaison avec l'évolution urbaine de son tem ps. 11 est. tr~s curieux de cons ta ter que, dons la Greee continental e, le ve siècle en urba nisme, ma rque un t em ps d'arrêt par rapp or t aux innovations de l'époque antérieure, quelle qu 'ait pu êLre l'im portance de la personoalilê et des pri ncipes d'Hippod
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L'AGORA DU ye S ll'\CLF: E N GR ÈCE CONTIN E NTALE
arts se révèle tlre un momen t de plein épanouissement classique ' · La ro nrusion in il ialc, ln r omplexil.é ct l'cnchevêlremenl d el! édifice:. son t. sensi bles dans deux agorai d u ve siècle
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312
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L AC0RA D!
distinct ion, deve nue classiq ue, entre les deux types d'agoroi du monde grec ; • L'agora d'lJ:Iis n'est pas semblable à celles des pays ioniens eL des cités grecques voisines de l' Ioni e ; elle est construit e d'u ne façon plus archaïque, avec des sloai isolées les u nes des autres et séparées par des rues »1 • Les fouilles exécutées sur ce site par l'fnstilut archéologique aut richien de 1910 à 1914 ont. permis de reporter sur le terrain les grandes lignes de la descrip t ion de P ausanias 1. L'agora est située sur un plateau qw s'étend au pied et à l 'Ouest de l'acropole, dominant la vallée d u P énée (fig. 34). Les avantages topogra phiques d e cette région se manil estent dans la h âte que les envahisseu rs mettent chaque fois ll prendre possession de l'agora et à s'y installer•. Sur cette esplanade se croisaient plusieurs rues, l'une venant du gymnase situé en cont.re- bns, l'outre de l'acropole et du théâtre, la troisiè me au Sud , jttlonnée encore par des sépul tures, à proximité du petit village de Kalyvia ; c'est nu carrefour do ces rues qu' une sorte de place irrégulière rut aménag6c, réduite aux espaces laissés vides enLre des constru ctions diversemen t orientées. L 'arma Lure d e l'ensemble était constitué pnr deux sloai, aux lignes imposantes; l ' une~ était le siège de l'nctiviw d es H eUnnod.ices; l'autre, un tropbée élevé avec le butin de la victoire rempor tée p ar l5:lis, au..x côtés des Co1·inthlens, contre les Corcyréens, dons les combats qui préludèrent à la guerre du Pél oponn~se •. La première st oo qu e Pausan ias rencontre eu venant du gymnase est de style doriq ue, d ivisée en trois nefs par deux rangées de colonnades ; c'est là que les Hellaoodices passent la plus grande partie de leurs journées ot font leurs proclnmations'. Perpendiculaire à celle-ci, ma is bien détachée J. P~us., VI, 24, 2: 'R 8è ciyopci w~ 'EJ>.eioLÇ OÙ~ 1tpb~ 'lc.lV~
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2, 28, eL par les Artadlcns erwubi>saol i'Rllde, en 365 av. J •.C., •brd., V I l, 4, 14. 4. Combats peu déciSifs de 43& el 433 nv. J.·C., Thuc., 1, 1&·61>. &. La luogueur l<>laJe de colle s loa ati.OIDL 96 tnèlres ; l e>~ murs repo>•ienl
•
par un la rge passage, s'élevait une au t re stoa dont le plan n 'est pas exactement défini ; s'il fau t lui a ttribuer le mur qui lui est parallèle, plus nu Sud, on est en presence du plan de la sloa des Corcyreens, telle q ue nous la décrit Pausanias, avec un mur médian séparant. l'édifice en d eux part.ies; mais ceu.e appa rtenance reste é(JUivoqur da ns les rnpports de fouille 1 • Au :'\ord , l'esplanade éla iL limit.ée par un édifice de p lan analogue à celui du Léonidaion d 'Olym pie et. qu'on ident.ifie avec bea ucoup de vraisembla nce comme l'H ellanodikaion , l'hôtel des Hcllanodices. I.Snlre ces grandes constructions, le long des ru es, sans ordre, se groupaient autels et naoi, consacrés à divers dieux et héros de la cité. La plupart r emon tent à l'époq ue de ln tra nsfor mation de la bourgade campagnarde en ville, lors du synllcismc de 471-470 av. J .-C., tels le mnema d 'Oxylos dont la slrucluro légèt-c laissait peu d 'espoir d e t•etrouv cr quelques t races eL lo petit temple G, daté, par la forme de ses cram pons en do uble r cL le sty le de sa sima, d e la première moitié du v c siècle. En a nn exe de l'agora, Pausanias m en lionne un soncLuai rc archaïq ue dont le péristyle est à moiLié ruiné el le Lemple d'AphrodiLc dont on aurait peutêtre les vestiges dans le gr·ou pc dn constructions r·etrouvées a u Sud des sloai (VI, 24, 4 ). Dans lou!. cet ensemble, a ucun principe de groupement, a ucune unité dans la composit ion, les éléments de la su perstructure manquen t pour juger d u style. L'orienluLion [ut imposée par les ru es q ui se croisaient sur la t errasse eL l'on ne d écèle même pas l'idée d'une p lace neU.emenl délimitée, aux ron l ours définis ; elle s'aUonge et s'étire sur les bords des rues qu i, loin de servir de trai t d 'union, accentuent. la dispersion en créant des coupures net tes entre les édifices que plus rie n ne réunit. sur d'épawu tondalloDS (1 m. &0); ln da~ a ppr<>ximallve (2• moitié du v• s.) oeroûl fondée &ur la torm& d es leellem•nu (double T ) el •ur le style des anl&flxtjj el des 1armleM!, avec routUIIres l~onlne.. tn l8re cui~ pein~, Paus., VI, 24, 2 ; Philool raLos, Vll. llpoii.,V1, 6, p. 2 10, 29 ; Jahruh., XVI , 1913, Belbl., p. 145 Aq , plan fig. 38 ol 40. 1. l, es iot .,rllludcs de~ roullleure nppara tl!enl dans leun plans. Tril&eh, JalJruh., XXV II, 1931, p. 68, lit:. 77, nMoele les deux édifices el en tail la •loa des Coreyr~n~ eontorrne Il Jo d06Crlptlon de l'aueanias; O. Wal~r ne semble pas sc rolll~r b celt.c so1ullon, pro~osé& comme une hypot.Mse dan• Johre~~h., X"V I II, 19 15, Delbl., p. 64 ; lieo pions r6ecnta, 0/ymp. Rundschau, 15, 1941, p. 1 l, llg. 2, ~l IJ
t.'AGOIIA DANS LA CJTf: CJ\ECQUE
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L'impression que nous !:~isse l'agora d'Athènes au ve siècle n'est. pas ditTérrnl c. Les grandes lignes de la place du Cér:~ roique sont. dépendantes, elles a ussi, d'u n carrefour de rues
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Agoro ti'Atllènea. Région de la TI•olos au ,.• siècle.
qui se coupent. en laissant. un espace vide triangulaire dont. la base con~lit.unit le premier axe du groupement. La voie sacrée el la roule des Panathénées ven~ml du Dtpylon se rejoignaien t avant. de ~·in fléchir vers le S.-O., eu direction de l'acropole. Une transversale se dét.arhail a u Sud (fig. 30), Longeant la Caloisc du Colonos Agoraios, pour constituer l'artère principale de l'important qua rtier Lassé entre l'Aréopage et la Pnyx. Elle coupait. à l'ongle N.-0. de l'Aréopage la rue qui, vcnonL de la porte du Pirée, sc divisait. en deux bra nches E.-0., dont. l' une sc prolongeait. par la rue des T ré-
L'AGORA OU
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SIÈCLE F.N GRÈC E CONTIM>NTA.LE
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pieds et l'autre rejoignai l la voie des P ana t.hénées 1. C'est. autour de ce triangle que se constitu a l'agora, les édifices s'aHgnant les uns à la suite des autres, comme pour une exposition, entre le p ied du rocher et. la ru e N.-S.Nous avons suivi dans le détail le développement des constructions jusqu'à la fin du v1e siècle. Dans la période suivante, le schéma architectural de l'agora ne varie pas. Après la retraite des Perses, le spect.acle de cette région, comme celui de tout Athènes, devait. être bien décourageant : " De l'enceinte, il ne restait debout que p eu de chose, nous dit. Thucydide~, et la plupart des mo isons étaient par terre; il n'en subsisLait. qu ' un petit nombre où avaient logé les pl us considérab les des P erses». Au lendemain de 479, une grande partie des construct.ions publiques élevées dans le cou ra nt du v1• siècle étaient endommagées. Au Sud , l'édifLce F et les bâtiments anne.xes étaient dans un tel état qu'i ls n e semblent pas avoir été réoccupés après la tourm ente et que la prernière mesure p rise par les At.héniens fu t de les remp lacer par la Tholosa (Fig. 35-37). Plus a u No rd, la sa lle hypostyle avait moins souffert, car elle resta en service un Joug temps encore, jusqu'au début du ne siècle, date à laquelle un ensemble plus impor tant. vint prendre sa p lace. Le temple voisin, au Nord, qui appar tenait vraisemblablement à Démét er, n'eut. qu'une existence très courte; complètement détruit en 480, il ne fut j amais relevé•. De tous les autws petits sanctuaires consacrés à Apollon et à Zeus, les Barbares ne laissèren t que des ruines : petit t emple d'Apollon, sanctuaire et autel de Zeus furent d étruits par un violent incendie qui laissa des traces vi si bles sur le site&. Les desl.ructions furent telles que cette région, 1. Un des premiers résulla t.q de l'exploralion américt~in" ru ~ de dégager ~L d'll~udler 00 r6sc4u complexe d o rues. Outre les rapr>ur~~ pérlodi!JUCS de rouilles, e f. Ht~peria, VI, 1937, p . 1 e~ 4 sq.; Supp/. IV, 19<11, p. 106 sq.; Xli, 1943, p. 191 sq.; X"VI, 19-17, p. 203. sq. eL Og. 2; Suppl. VIII, 1 9~9, p. 387 sq., Og. 1. 2. 'rh ue., 1, 89. 3. Jlupuia, Suppl. IV, p. 32-33, 126-128; slr3tigraphio et style du I'Cd!Ooo s'accordenl pour la OxaUon de cet~e dale. 4 . 1-/"ptria, VI, 1937, p. 13f>· l40. 5. Sur l'hisloiru do co sanctuaire ct dBS temples, •bid., p. 8-14, 7?·107, él ude qui lnllrme toutes les hypothèses de Doerpleld, A/1-Aihtn und uine Agora, 1, p. 59 sqq.; Il, p. I
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L'AGORA DANS LA CITÉ GRECQUE
dans la première moil-ié du siècle, lut abandonnée aux: instal lations profanes, expulsées plus tard par la construction de la St.oa Basileios, d es ch apelles d'Apollon, de Zeus el d'Athéna'. De l 'autre côté de la rue , l'aut el des Douze DielL'< continua it sans doute à marquer le cent.re de la cil6 ; q uelques au tres brisaient la m onot.onie de cette vaste esplanade où la fou le des Athéniens ne cessait cependant d'affluer• I l est très remarqua ble q ue ce fut au tou r d'une agora à rirmi ruinée, da ns des ~dilices noircis par les incendies, dont les façad es 6taient ra petassées hâtivement, que sc reconstitua la démocratie athénien ne, que sc livrèrent les luttes politiques les plus vives. que le Démos prit conscie nce de sa puissance et. ro nçut les plus vostes réformes et les plus a udacie ux projets. La volont é d e puissance et. les nécessités impériules l'emportèrent sur les préoccupations int~ricut·es, ca t· clics dict.èrent le programme de reconstruction de l'acropole et. lui donnèrent le pas sur l'embellissement. d u cent re politique de la cité. O n se cont ent.ail d'installations de (ort.une, de gradins ta illés il mème le roc 3 , de ba raq uements en planches amimugôs sur 1'orchestra •. Nous se rions cependant très inj ustes à l'égard de Cimon St nous passions sous silence les elJorts indéniables qu'il fit. pou r rendre à l'agora, aux moindres frais, sinon une structure organique, du moins un as peeL ordonné et presque accueillaul. Sans faire de Cimon le premier urbaniste a thénien ct. le disciple des architect.cs ioniens, il [aut. reconnattre qu 'tl fut. le premier à poursuivre un plan systématique d 'embellissement de l'agorn 5 ; espr it pra tique ct réalisat eur, il n 'eut pas l'inte n1-ion de transformer l'an tique place publique d'Athèn es sur le modèle de celles q u'il avait pu voir dans ses voyages d'Asie; il restaura d' abord nu mieux les ruin es laissées par l'wvasion 1. H apuia, V 1, 1!!37, p. 14·15, 8S, 86·9<1. 2. En puUcuBer l'autel on:hatque en ealca.ira de Caro, recomuuit plus tard, I/e1peria , Ibid., p. 1(). 11; sur le t éménos cl~ Doute Dlowc, M. Crosby, ll-.puia, Suppl. VII I, 19•19, p. 82-103. 3. Jluperia, VI, 1!137, p. 338-341; cr. n. Volloia, REG, L 11 , 1939, p. 271·2'1'"~. 4. L ·ancienne lhéoric reprise dans le livre réun~ do C. Antl, Tealri grtti artalci, !947, p 185 sq., ne tlenl pas compt.e tlo toutes les données nouvellM de la qut»Uon. ~. W. Ooorpfeld, o. e., p. 40-41 voll l'inJluenco d 'Hippodamos danJ le pl~n de Cimon; sur co point, ln{l"ll, p. S58 sq.
L'AGORA DU V0 SIÈCLE EN G!l:èCF.: CONTINE NTALE
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perse. En outre, à l'étaL. cimonien de l'a gora appa rtient le fameux_ P oecile, appelé aussi Peisianacleion 1 • Célèbre par les peintures d e Polygnote, Mikon et Panainos, monument de la gloire athénienne, ouvert au public qui venai t y fl âner et s'y pénétrer de grands souven irs, ce portiq ue sort à peine de l'obscurité. Il est impossible de voi r le Poceile, avec W . Doerpfeld dans la grande st.oa méridionale donL style eL technique appartien nent a11 u e siècle av. J.-C.•. La quasi unanimité des opinions localisant cette stoa a u Nord de l'agora ne peut se fonder uniquemen t sur le texte de P ausa ni as qui, au momen t où il ia décrit, se !.~:ouve quelque par t a u cent re de la place et ne suit pas un ord re bien fixé3 . Cependant la m ention de l' Hermès Agoraios et d'une port.e lou te proche lo isse sup poser que la stoa ét ait en bordure et que l 'une de ses extrémités avois.inait ou limitait un e entrée ~. Comme nous connaissons main tenant les limiLes orienLales, méridionales eL occidenLales, seule la bordure Nord r este libre pour le Poecile'. Les fouilles de 1949 exécutées dans l'angle N.-E . de l'aulè ont ren du q uelques vestiges précieux de la fa meuse stoa 6 . Elle pa rail avoir été reliée à la Stoa Basileios par un al ignement d'Hermès don t l'origine r emont.e aussi à Cimon eL évoque quelque jufl uence ionienne 7 , par leur ressemblance Plutarque, Cimon, o. On hésite sur le rôle exact de Peisianax, le beau-frère cie Cimon, dans la eonstrucUon
muth, Sladl Alhen, Il, p. !'>00 sq. ; Furtwaen~rler, Nlcl#et'IIJ/JI'Iie, p. 66, n. 4. 2. W . Ooerpleld, o.<., 1, p. 70 sq .; H esperla, l V, 193S, p. 323 sq.; V, 1936, p . 4 sq. Ct. Shcar, Cla••· \Vukly, 1938, p. 75 sq.; 1940, p. 195 sq. 3. Cf. toutefois l'essai de E. Vunderpool, Htspl11'ia, XV IIl , 1949, p. 128·137. •L Pnus., 1, 15, 1 : ' loùo• llo npà' -rl)y aTo«v, f)v Uo•xl>.'IJII bvc~J.côCoucnv ci!tO t<;•• y~@v, l!a-:tY •E?l'-;j<; :r.«À:
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L'AGORA OAJ'I S LA CJT~ GIU!CQU&
avec les allées oricnLnles bordées de sta tues do nt la voie sacrée des Branr hides reste l'exemple le pl us célèbre et , Fn ns doute, le plus souvent imité d ans le monde grec. Ces Herm ès co nst iluuiun t un poin t de repère bien connu des ALhénienst. N'o ubljons pas les célèbres platanes q ue Ci mou avail [ait plant er sur l'agora , ~loquent. souveni r de sa jeu nesse en Th race où il avait a ppr~c iô les grands arbres qui, autrefois comme aujou rd'hui , jalonnaient les points d'eau de la ~ftH·é doine. Ses concitoyeus en ru rent [rappés et la trad ition s'eu est conse rvée longtemps comme un e marque o 1·igina le de l'œ uv re urba niste de Cimon 1 • Au cent re de cette place où s'e nlassajent les offra nde et les souven irs glorieux, on a c:ru que Cimon avait implan t~ le léménos de T hésée d on t il ava it u, avec beau coup de sens politique, découv rir les ossements d:Jns l'rie de S kyros'. Après les fouill es a môricaines, W. DoerpCcld chcrl'hai l le T héseion dans u n Odéon d'époque romaine; il a soutenu sa théori e ron t re toute évidence et. mn lgré lt:~ résultats négatif'> d es recherches en pro ro nd eu r ' . S'il n'est pas possible de parler d'u n véritable plon cimonien qui au rait vi s~ il transrorm er l'agora archaYque d 'Athènes en une place r~gul i ère, à la mode ionienne, hord 6e de stoai enveloppa nt de leu r colonnade un sanclunire na t ional, il reste vrai q ue Ci mon a orienté l'évolu t ion future de l'agora atMn icn ne l'outre d u c:élèbr~ voisines, Wade·Cery, JHS, 1..111, 1!133, p. 6~ 1<1·: et depuis 1113 rouill,., ll tspuio, Il, 1933, p. 106, 137-1 3tl; J. Tmvlos, llt~[JnsUluoll un point de rassemblement, llésycbiu•, a. v. atyt!pou O.ot. 3. Plul.arque, 1'hl~u. SG; Cimon, 8: Thuc., 1, '.lB. 4. l)o(!rpteld, A ti-Aibm, 1, p. 41-42; Il, p. 21>4-~7. Ct. Htlpuio , I X, l'.l~O, p. 30·1 wq .; 1... Sh~&r, CI0$1. 1\'eekiJI, XXXI II, 1910, p. 19$ iQ. l"ol.ons d'ailleurs que les l.t\moignnges litl.6rolros sonl vague~. parlant du • milieu de lA ville • (Piul.:lrque, Th~l,, 36) et à'nprès Pau!ania• (1, 17, 2), ce tém~nos se trouvait sur la vhipbêrte
L 'AGORA DU
ve
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SÙ!CU: EN GRÈCE CONTINENTALE
en fixan l. ses limites par w l premier portique et cont inué la t rad ition en renfot·çant sa fonction morale et. religieuse. Recherche d'une certaine régula rité et souci de l'agrément s'allièrent d ans ses efforts encore fragment aires, mais ])ien ca ractéristiq ues de la vigue ur et de la vitaUté qui présidaient à la résu r rection et au r elèvemen t d'Athènl'.s .
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Il faut attendre la fi n du siècle pou1· que le développemen t monumenta l de l'agora s 'aJTirmc et que ses lignes architecturales se définissent. Une foi s les travaux de l'acropole bien avancés, les Athéniens se tourn en ~ à no uveau vers la région basse. Deux chantiers sont ouverts aux environs d e 430 av. J .-C. ou dan s les ann ées qu i suivent, l'un, à l'Ouest de la salle hypostyle d u v1 e siècle, l'autre, plus au No rd, po ur repr endre possession du terrain a bondonné depuis 480. L'identification de ces deux édifices a fourni la l'tUitière de nombre uses discussions. A l'iden tification de la St.oa Basileios sont. liés plusieurs pro blèmes topographiques qui s'éclairen t ma inten a nt par la Il
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1
L A00R A l>ANi; 1.A CITÉ Cnl!CQUB
confrontat ion dos textes ct. des données archéologiques. Quand les archéologues américains, au début de leurs trnvaux en 1932, dégagère nt. II'S ruines d'un port.iq ue muni de deux ailes en saillie dans l'ongle N.-0. de l'agor·a, ils les idenlifl èrent. aussit.ôt avec relies de la Sloa Bosil<>ios 1, mais, par la suite, souvent pour défendre des posil ions antérieures, on n comballu ou modifié celte identification. Car la Sloa avait son histoire ava nt de réapparntlrc ii la lumière. Dès 1895, \V. Ooerp[eld croyait avoir retrouvé le célèbre lribuoal de l'orchonte dans le petit édifice qui, au Suri du portiq ue, est généralement appelé lemple d'Apollon Palr6os ~. Malgré les doutes émis par 1\lilclrhoe(e.r et Judeirh 1 , eL conl re les ro uilleurs américains, \V. Doerpreld n mninteuu sa position ; le portique à ni les no serait que le Mb ut d'une impo•ontc colonnade qui bordait le Dipylon 4 • Touws les difficulté, résul tent de la presence rie deux nom rlnns les textes épigropbjq ues et littéraires otl il s'agit t:mlôL de la <1TOà. Baawto; ou ao;-oà -:-oü Iha~w~•, ou simplement de la crToa •, ta ntôt. d o la o-ro&. -roü ~(ôç ou o-roà -roü ~.bç 'EMvOtp!ou 7 ; et la descri ption de Pausanias n'éta nl pas assez précise, on a cherché daM les édifices mis au jour les (ondalions correspondant. à ces deux sloai . Au début des fouill es, L. hear, qui n'a pas cessé d'admcl.lre cette dualité voyait la SLoa Basileios dans le portique à niles ella St.oa de Zeus duns ln façade des Lâliments situés au Sud du temple d'Apollon; ilfut.suivi pttr R. Stillwell. Mnis lorsqu'il eut reconnu 1. J/uptria, Il, 1933, p. 108. 2. W. J udelch, Top •., p. 332·333. 3. A. Milchhoeier, lJerl. Phil. 11'ot11., 1901 , p. 347 sq.; J udclch, T op'.,
p.
33~.
n. 2.
4. W. J udcieh s'est rallié au mêrn e poin~ de vue (Arch. Am., 1938, coL 382355), tano.lis que l{&brstedl N!prenollla qucsUon en montrant les inoumsanrA\~
do cc locul pour le rille !lU"on tenail A lui !afro jouer (Artll. An:.. Hl-t l, col. 92-9'J). 5. PlQLon, l;."u[IJ., 2 o; TMatl., 210 d; Arist.olo, Const. ' !th., V I 1, 1 ; Snhol. d6 Oémootbène, XX, 112; H ésychlU&, Suldus i.v.; H arpocrot.lon s.v. ·~JL"Ï; I G., l', 115, 1. 7 eq. 6. Andocide, 1, 8~ et 85. Dnru l'M. Bud6, f'· 4 ~ eL ~3, 11 esL question, è torl, du Poecile; il s'agi~ en ..-auu. de ln Sloa Bu•ileios o6 le proeèa •• juge devonl l'A reboute-Roi. 1. Plaloo, Erf~%.. 392 a ; Xénophon, Bconom., VIl, 1; Isocrule, Evag.• IX, li7; Pnui., X, 'li, 6; Olog. Laërl., V I, 22; I G, U•, 68ll, 1. 28 ; 690, 1.1 1 ; I G, 1l', 107fi, 17 ~~~Lilut).
L' AGOI1A DU y e SI ÈCLE: EN Gn ÈC I: CO:-!Tl N"ENTAL E
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d ans ce de rn ier ensemble le Mélrôon et que le indices a rchilcclurn ux im po~èrcnlu n c d:1le beauco up plus basse qu'on ne pouva il l'a dm••llrr pour Jo t on de Zeus, il dépou illa les fondations lJ P••ra..,kénia de le ur pri vi lège ; elles ne furent plus que la toa do Zeu;,, et le Porl1que Roya l deva it è lre c herché p lus au ;\'ord, au delà de la ligne du chemin de fer 1• O. W aller, A . Rum pf e l H . Megaw 1 partagen t,, a vec quelq ues nua nces, la même opinio n. ~lais le pa rtisa ns de cette thèse se heur tent à la diffic ullé de trouver pl us a u ~ord la place nécessaire à un édillce irn po ri~ n t. Une born e d écouverte en 1939 fixe le tracé de la rou l u d u Oi pylo n r l , pa r suite, les limi tes septentrionales de l'agora s. L. hc:u· ;,up posnil pou1· ln Lo11 une or ienta lion E.-0., hypolhèse reprise par J. T ra vlos 4 q ui l'app u.i e sur une étude pr êcise du Lracé des rues. Ma is JI rauL reronnAttre q ue dA ns ces rond ilion la St oa se trouverait h or s de l'agora, cc <Jlli paratt con t raire au Lcxle de Pausanias. Les recherches les plus r!!rC'n l.cs t émoignen t aussi contre l'hypothèse des archéologues am6ricuins ; une sloa , dite st oa N .-E., a été mise a u jour dans l'angle N.- K do l' nu l06 ; son mur de fond s'aligne sur l'angle N.-E. du péribole des Douze Dieux et l'ext rémit é N. de la St oa Dasilcios, J élimil a nl ainsi ln rue q ui consti t uait, deva nt le Poecile, la limi te N. de l'ago ra ; il n'y o donc plus de place a u delà pou t· une au t re stoa •. Les incerl il.udcs l ena nt à la dualité d es noms peuvent. être alténu êes si l'o n se rnllic {) l'opi nion sout en ue p ar N . Valmi n , dans le sens q ue préconisait le premie r Ch. P icard 7 • !'\. Val min a mon t ré q uo jamais les aul.curs classiques ne pn rient simulta némen t. des de ux portiques et. q ue seuls les textes ta rdifs des scholiast es et des lexicogra phes men tionnent 1. llupula, Il, 1033, p. 108 110 tl 4:>1; IV, 1935, p. 3M-3~. 2. O. Woller, Johruh., XX:>., 1!137, D~ibl., col !16-100; A. Rumpr, Jaltrb~ l ill , 1938, p. 111>-121 ; Il . Mcpw, JIIS, LVI, 1936, p. 136. 3. H u JHrla, IX, l!l 101 p. ':!67 ~l pl. 1. 4. l lupuîa. Suppl. V Ill , 1949, p. 3119·390 tl Og. 2. 5. 1/<tptnu, X X, 19!>1. p. f>3·D6. Celle •loa, l colonnode unique, m~sure <-n viron 26 m. 60 xi mt'tr ts ; elle h l de SI ) le Ionique, elu ••• siècle sans doute av. J ·C. G. Conduilon lwl>llclternent udmiSe pnr H. A. T hompson, i bid., p. 5!>-56, qui ror mu Le nellemenl ln cvntt'(Juences de ceu e dffOU\'erle pour la topographie de 1.' r~pon N . d• I'~Roru. 7. Rull. Soc. arch. Luflcl., 1033·34, p. 1·7 ; Ch. P icard, R A, 1934, Il, p. 97.
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L' AGORA DANS I"A CIT.t: GRE CQUE
deux sloai qui se ra ient. disposées =P ' ~ç ' . L 'a uteur en conclut, avec un e certa ine vraisemblance, qu'il s'agit d ' un m~me édifice désigné par deux n oms difTérent.s; la confusion n o se serait. produi te q ue plus tard. Dans sa publir ntion archit.ect.ural e, H . A. Th ompson a adopté cette thèse cu la complétant.:. C. W . E lderkin sc ra llie au m ~me point. de vue et explique l'expr«>..sssion des scholiastes en atLribuant. ;\Zeus la ner posté.rieure, réservant aux t ri bunaux la première gal erie ~ . La démonstration de N. Va lrnin n'est peut-êlre pns indiseuwble et, tou t aussi longl.cmps q ue les fouilles n 'a uront pns m is a u jou r la partie septent rionale de l'agorn, il y aura place à cont estation . O!pondant des •·approchemcnt.s s'imposent. enlre certains édifices menlion nés pnr les t.extes et bien idenWlés su•· le lorrain : au tel de~ Dou1." Dieux, Odéon , temple d'A rès. qui ent.ratnen t à leu r lour la localisa t ion de l'orcileslra eL ùu périschoinisma, emplacement s associés à la Ston Ba~ileio . Les repères bien fixés sont. le 16ménos des Douze Dieux avec ln bnsc de Léagros•,la Tholos', l' Odéon • et le temp le d'Ar6s'. E n liaison avec ces mouuments nous dét.erm inerons sans peine la p lace de l'orclrcslra el du périscltoinisma, construct.ions légères qui n 'ont sans dou te pas laissé de trace. L'orchestra a stimulé l'ingéniosité des historiens des monuments d'ALhènes et a p rovoqué de multiples h ypothèses. On l'a localisée to ur à Lour entre l'acropole el l'Aréopage, sur les p entes N ord de l' Aréopage, su r la colline de la Pnyx 8 • l. HarpocrnUon, s.v. a«GÜ.r•o>
L'AGORA DU
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SIÈCLE E N GRÈCE CONTIN ENTALE
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C'est une première erreur de la chercher hors de l'agora ; les textes sont formels : 7tpûhov èx/,~fl'YJ èv tii &.yop~'· Emplacement primitif et rudimentaire des· fêtes religieuses et, en particulier, des grandes Dionysies avant qu'elles fussent transférées dans le sanctuaire de Dionysos 2 , l'orchestra fut le premier théâtre d'Athènes, d'apparence bien grossière certes, avec ses constructions légères en bois qui subsistèrent un temps dans le nouveau sanctuaire 3 . Quand l'Odéon fut découvert et identifié, on crut qu 'il occupait la place de l'ancienne orchestra et, bien que la région n'ait pas encore été dégagée, des sondages furent effectués pour vérifier cette hypothèse . Ils restèrent sans résultat 4 • Qu'aurait-on pu découvrir d'ailleurs ? Cette esplanade ne pouvait guère laisser de traces. Seul le témoignage des textes peut être invoqué. L'orchestra était, à l'époque classique, le lieu où se dressaient les sta tues des Tyrannoctones , Harmodios et Aristogiton 5 . Or, dans la description de Pausanias, ils prennent place entre une statue de Pindare et l'Odéon (1, 8, 5). Suivons le périégète. Il est près du temple d'Arès et mentionne les statues qui l'entourent : H éraclès, Apollon ... et Pindare. Il continue : « Non loin se dressent Harmodios et Aristogiton » et passe ensuite à l'Odéon . Les lim ites des recherches se rest reignent puisque nous connaissons et le temple d'Arès et l'Odéon. Un texte d'Arrien nous maintient dans la même région 6 en plaçant les illustres meurtriers là où une route commence à monter vers l'acropole, à peu près en face du Métrôon et non loin des Heudanémons ; cette route est connue ; elle traverse l'agora duN .-0 . au S.-E. Dans cet espace restreint, la description de Pausanias permet encore de pré1. P)lOlius, s.v. opx~cr<pa:. 2. Ibid., s.v. (xp~a:, <à. t'l T7i &:yop(j.. 3. Le premier état de l'orchestra du théâtre daterait du v1• s., mais ce n'est que dans la 1,. moitié du v• s. que les.constructions permanentes furent dressées, E . Fiechter, Das Dionysos-Thealer in Alhen, III, p. 70-72; A. W. P ickardCambridge, The Theatre of Dionysus in Athens, 1946, p. 5-15. 4. Élude des constructions antérieures à l'Odéon, H. A. Thompson, He.~ peria, XIX, 1950, p. 36-37. 5. L'emplacement choisi souligne le caractère de cette ancienne orchestra; les libérateurs furent honorés là où le peuple tenait ses assemblées. C' est pour la même raison que les tombes des héros nationaux furent placées sur les agorai. Cf. textes cités dans Judeich, T op•., p. 340, n. 2. 6. Arrien, A nab., III, 16, 8.
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L'AGORA DANS LA CITÉ GRECQ UE
ciser. Il rencontre les Tyrannoctones après la sta tue de Pindare; or celle-ci ava it été élevée en l'honneur du poète béotien pour un hymne chanté aux Dionysies sur l'orchestra . Elle fut consacrée sur l'emplacement m ême du t riomphe; on ajoute, par a illeurs, qu'elle se trouvait devant la Stoa Basileios 1 • Ce dern ier texte a jeté la plus complète perturbation dans les études su r la topographie d'Athènes . La conclusion, cependant, nous paraît simple : si les Tyrannoctones sont près de l'orchestra et près du temple d'Arès, à côté de la statue de P indare, si la statue de Pindare est devant la Stoa Basileios, l'orchestra, le temple d'Arès ct la Stoa Basileios sont proches l'un de l'autre dans la même région, au N .-0. de 1'agora . Cette conclusion qui paraît rigoureuse ne fut qu 'exceptionnellement adoptée 2 , alors que les hypothèses les plus ingénieuses étaient brillamment développées pour résoudre cette difficulté imaginaire 3 : on a récusé soit l'un soit l'autre témoignage suivant qu'ils contrariaient telle ou telle position ; on a supposé deux statues de Pindare, ou encore un déplacem ent de la même statue à des époques difTérentes ! L 'itinérair e du périégète se reconstitue sans peine. Après avoir suiv i l'espace libre le long duquel s'alignaient, du Tord a u Sud, tous les édifices de la bordure Ouest de l' agora, il revient sur ses pas, décrivant les monuments à main droite, comme il l'avait fait précédemment 4 • Ajoutons que le temple d'Arès n'aurait été réédifié sur l'agora qu'à l'époq ue d'Auguste, à juger par les lettres et les marques que portent tous les blocs 5 • Il fallait, pour rendre possible cette reconstruction, qu'une large place fût encore vacante à l'Est du Portique Royal. Elle s'y t rouvait précisémen t parce qu'elle avait toujours servi à certaines réunions et avait, de ce fait, été respectée. 1. Paus., J, 8, 4; Pseudo-Eschine, Lellres, IV, 3. 2. Wachsmulh, S/adl Alllen, I, p. 169 sq.; II, p. 402-403, n. 4 ; C. Robert, Paus. als Schriflsl., p. 312. Elle co rrespo nd aussi aux indications que l'o n peut tirer, malgré leur rantaisie, des vers d'Aristophane, Assemblée des femme,~, 681 sq. relatifs aux tirages au sort et à la répartition d es jurés dans les tribunaux populaires. 3. Bibliographie dans J udeich, Top•., p. 349, n . 6 et p. 350, qu i se refuse à admettre, lui aussi, les conséquences de ce rapprochement pour rester fidèle à sa conception pri mitive de l'agora. 4. Cf. E. Vanderpool, Hesperia, XVIII, 1949, p. 128-137. 5. Hespt ria, VII, 1938, p. 32; lX, 1940, p. 2, 38 et fig. 15. Cr. AJA, XLV II, 1943, p. 325-326 el 383-384.
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Des hypothèses tout aussi nombreuses ont été formulées sur une région de l'agora que les textes nomment le périschoinisma. Les deux problèmes doivent être associés. Des assemblées, en apparence diverses, se tenaient sur cette place : réunion de la Boulè, réunion de l'Aréopage, siégeant dans la Stoa Basileios sous la présidence de l'archonte-roi, assemblée plénière connaissant de l'ostracisme 1 ; deux autres textes pourraient faire croire à l'existence d'une construction fixe et permanente 2 • Certains commentateurs n'ont fait aucune distinction entre les textes et considèrent que le même emplacement était utilisé pour ces diverses assemblées 3 • W. J udeich, par contre, a cru pouvoir reconnaître des constructions qui seraient permanentes pour l'ostracisme et des installations provisoires, dressées pour les réunions de l'Aréopage et de l'Héliée; les premières marqueraient la place des anciennes assemblées du peuple, hypothèse contestée par les commentateurs précédents 4 • D'autre part, J . Carcopino a récusé le témoignage de Pollux et n'accepte pas le terme de 7tep~crx_o(v~<>fL<X pour désigner le lieu des séances consacrées à l'ostracisme 5 ; mais rien dans les deux textes du pseudoPlutarque et d' Alciphron ne justifie la distinction de W. Judeich et, même si le terme utilisé par ·Pollux est impropre, il est très vraisemblable qu'il mentionne un emplacement identique. Primitivement, l'enceinte était sans doute constituée par des cordes d'où le nom de périschoinismaG, mais ensuite ce furent des planches ou des barrières volantes que l'on plantait en terre ou qu e l'on adaptait aux colonnes du portique ; elles étaient démolies et refaites à chaque séance; les textes sur l'ostracisme et les expressions ordinaires dési-
l. Harpocration, s. v. &rrs:
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gnant cette opération ne laissent pas de doute 1 . Il ne faut pas chercher des emplacements différents pour chacun de ces tribunaux, ni distinguer entre constructions permanentes et installations provisoires : le périschoinisma est un endroit précis de l'agora où siégeaient, dans une installation de fortune, divers tribunaux qui tous avaient quelque rapport avec la Stoa Basileios. Il est possible de le localiser. On l'a cherché sur les pentes Nord de l'Aréopage, situation, disait-on 2 , imposée par les nécessités pratiques d'une assemblée ; car C. Robert 3 , avec plus de raison, établissait un rapport étroit entre le périschoinisma et la Stoa Basileios et les plaçait à proximité l'un de l'autre. Ici encore suivons les textes. Pausanias (I, 8, 4) situe le temple d'Arès par rapport à une statue de DémosLhène et un texte de P lutarque• précise que cette statue était. près de l'autel des Douze Dieux et du périschoinisma. Le temple d'Arès, l 'autel des Douze Dieux sont des points aujourd'hui connus et le périschoinisma se place· tout à côté. Évidemment, on peut encore là, comme pou1· celle de Pindare, parler de deux sta tues de Démosthène. Il nous semble cependant qu'on ne saurait récuser les témoignages concordants de ces divers textes . J udeich se refusait bien à placer cette statue de Démosthène près de la Stoa Basileios, car il niait tout rapport entrf\ ce portique et le périschoinisma. Or le portique est englobé dans l'enceinte provisoire ainsi déterminée 5 . Du même coup s'établissent ses rapports avec l'or·cheslra. Les deux places sont comprises entre l'autel des Douze Dieux, la Stoa Basileios et les environs immédiats du temple d'Arès; toutes deux sont dans la dépendance du Portique Royal ; réservées, l'une aux cérémonies religieuses, l'autre aux sessions judiciaires, n'ont-elles pas leur origine commune dans l'aire sacrée de l'agora archaïque où se tenaient successivement assemblées religieuses et assemblées politiques ? Les termes 1. Kahrslcdt, Arch. Anz., 1941, col. 97-98; Philocboros, FHG, 1, p. 306, frg. 79 b. C'est pourquoi il y a quelque difficulté à accepter l'hypothèse de M. Crosby qui propose de l'identifier avec le téménos des Douze Dieux, Hesperia,
Sup,,l. VII I, 1949, p. 84-86. 2. Judeich, Top., p. 351. 3. C. Robert, Paus. ais Schrif/$1., p. 313. 4. Plutarque, Vil.X Or ., 847 A. 5. Judcich, Top •., p. 349, n. 2; Démosthène, XXV, 23.
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désigneraient alors plutôt deux aspects différents d'une même place que deux installations distinctes . Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas, à dessein, considéré la Stoa Basileios comme un repère fixe dans les considérations précédentes. Mais le simple rapprochement de ces textes a pour conséquence directe, nous sembl~-t-il, de confirmer l'identification de la Stoa Basileios avec les fondations du portique à ailes que les fouilles américaines ont mises au jour. Les divers recoupements que nous avons pu établir font de l'autel des Douze Dieux, du temple d'Arès, de la Stoa Basileios les parties d'un ensemble constamment associées. L'orchestra et le périschoinisma constituent un autre élément d'union entre ces divers édifices. Nous avons, en outre, de fortes présomptions d'identifier avec l'autel de Zeus Agoraios la ((pierre» où venaient prêter serment les archontes à leur entrée en charge, les diaitètes, lors des arbitrages, et les témoins par è~w(.Locri.oc . Cette obligation fut imposée par Solon dans la première moitié du vie siècle et la tradition se continua 1 • Les textes s'accordent à placer cette pierre 1rpèç BoccrLki.cp cr't'oiV L'assimilation proposée par Wachsmuth fut repoussée par Judeich 3 qui liait, avec raison, l'autel de Zeus Agoraios au périschoinisma, mais cherchait, à tort, ce lieu de réunion au Sud de l'agora, donc loin de la Stoa Basileios. Or les nouvelles fouilles permettent, au contraire, d'associer tout cet ensemble. Que cet autel soit consacré à Zeus et qu'il se trouve dans l'angle N.-0. de l'agora, il y a tout lieu de le supposer, comme le prouvent tous les cultes civiques de Zeus attestés dans cette région : Zeus Eleuthérios ou Sôter, Zeus Phralrios avec Athéna Phratria4. Dans l'arrangement qu'imposait la construction de la Stoa Basileios, les liens religieux sont maintenus. C'est ainsi que la base circulaire qui supportait le Zeus Eleulhérios, selon H. A. Thompson 5 , a été comprise dans le plan de la Stoa, car son centre est exactement sur l'axe E.-0. du portique, déter-
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1. Aristote, Consl. Alli., VII, l, et LV, 5. 2. Aristote, ibid.; Plutarque, Solon, 25 ; Pollux, VIII, 86. 3. Wachsmuth, Stad/ Alhen, 1, p. 352; Judeich, Top•., p. 335, n. 4. 4. Arch. Deltion, 1929, p. 92 sq. ; le même Zeus semble avoir été appelé tantôt Sôter, tantôt Éleuthérios; cf. supra, p. 184; Hesperia, VI, 1937, p. 106107, fig . 65. 5. Hesperia, VI, 1937, p. 57-58. tt - t
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mina t ion précise qui n'est pas due au hasa rd. Les moùil1cations apportées à l'aul.cl archaïq ue sont sn ns doul.o cont.emporaines du portique•. C'est là que nous proposerion de voi r l'autel d e Zeus A goraios ; à travers des vicissitud es diverses, il continuait à jouer 1!! même rùle el ma rquait l'emplacement des plu" anciennrs assemblées politique et judiciaires tenue, sur l'agora d'Al.hènes. L'amônngement de ceLle r~ gion êlaiL dirigé pt~r un plan d'ensemble dont le motif cenlral était constituf> par la colonnade de la too. Le pa rti choisi par l'nrc·hit.ccLc, inspiré snns at•cun doul.c par les réalisations conlempora ines, au théâlre cl uux Propylées, limitait heureusement l'esplanade ver;; le i"\ord par un portique de r ythmtl dorique, aux lignes cl aux proportions particulièrement. heureuses, lout imprégn~ de la nellclé et de la précision classiqu e~ qui 11 va1en t présidé à la rêalisnlion des programmes d'Iclinos el. de l\lnésiclès sur l'Acl'opole. Vers la même époque, plus au S., le roc du Colonos Agornios Hoil enL:~illé pour per mettre l'implantation d 'un édifice rccLangul:~ire (22 m. 50 x l 7 m. 50), orienté .-S. rians son grand axe. dolé d'un portique sur la raçMie méridionale et. organisé intérieurement en trois ners ovec quatre r.olon nes groupées deux il deux 2• Nouveau Borllculérion ou temple de la Dùsse Mère? Problème qui rut. l'objet. d ' une vive conlrovcrsc dont il est. plus rar ile d '6Lublir le bilan que rlr propo~cr une solution indiscut.ablc. En publiant l'édiOce, H. A. Thompson •y reconnaissait un Bouleulérion, conslruil dans la deu.xième moitié du ve siècle, à côl(; de La suite cliaLhénienne qui aura it été exclu~ivemenl réservée au culte de la Déesse 1. Ln date n'os~ pas aisée ~ déterminer. le~ malérlaux employlls sont le
conglomérat ct le murbre do l' llymeuc, cc dont Il . A. Thomp30n Lire 91'1:UiliCIIl pour ptactr la reeonslrucUon au,... s. Mals le marbre de l'llymettc est employé dès le v• •· dans lB Pompeion de Conon, dans un canal du lheâlre de Dlonyso• (Il. B ulle, /JIIttrsutiL , p. 55 >
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Mère. Cette salle hypostyle 11e d isparut que beaucoup plus Lard, au début du H~ sircle av. J .-C., quand rlle CuL rem placée p ar un ensemble de qu atre pièces contiguës de plans diiTérenls, dont l'u nité a rchil.e<:lurale était rependant. obtenue par un long porl.ique de façade ; cet ensrmiJlc aurait ét.é le Mélr6on , l'ité rlnns la Periégèse de Pausa nias ct connu pnr d'autres textes, tout spécialement célèbre par se dépôts ù'archives 1 • Les ar>guments du savant. a rchéologue am61"icaro se fondent d ' abord sur les l ro uvoilles relatives au Métrôon : tuiles gravées consncrécs à la Déesse i\lèrc que H . A. Thompson 11 pu comparer à des tuiles de Pergame el dont. la date correspond aux autres critères ehrn nologiques de l'édillrc: ; stèle et bose inscrit.cs trouvées en 1907 sur le ite•, tandis qu e des [ragmen t.s de gradins Avaien t été mis au jour Su r les [ondations du bâlimeol plus ancien. Des remarques d'ord re architecturol soutien nent. cette hypothèse, en parlieulier l'épnisseur inaecoutumèe des murs (1 m. 95 à 1'1!:. el au S., 1 m . 40 au N. el à l' O.), suggé rant la restitution d'un audilori!fln dont les poussées auraient exigé cc renrorcemenl. Enfi n l'étude des textes rela tifs à l'a socialion, puis à la dislinclion BouleutérionMétrôon, témoignerait. en [aveur de cet.t e id entifica t ion , cor ils impliquen t la conslruction d'un M ince nouvea u à la fl n du yo siècle. A celle thèse, Ch. Picard oppo;a une identilico tion différen te qui rnisa iL du Boulcutériun de H. A. Thompson le :\1élrôon et. du :\Jétrôon un ensemble plus complexe contenant le Boulcutérion et le P ryl.a nikoo, enceint.c ou ûdi lice con tarnment. menlionnè dans lrs Lext.es épigraphiques se rétérant aux: prywnes et. a ux honneurs q ui con acren l ieur sortie de charge •. L' hypo thèse de C:h. Picard s'appuie su.- des considérations religie uses, topographiq ues el archileclurales. Pour lui, la 1. Ibid.. p. 205-215. 2. Hupuio. Suppl. IV, 19 10, p. 1&0·15 1, tulles de l"arsennl bell6nlsUque de Pergame. Ali. •·cm Pergamon, X, p. 39 ~· 3. 1 G, 11'. 140; décret sur les prêmicc' ereuslnlonnes qui devftll6Lrc pl ad • devant le llélri)on • et., à elllé. base de la statue cl"un prêlre do Ml!tllr, Arch. Eplt., 1910, p. 10·18. 4. Ch. J>ic:ard, RA, 1938, ri , p. 97-101 ; Cllfll, 1938, p. 386, n 4, 387, Rg. 1. Sur eea Jo:des S. Dow, 1/t.tpt.ria. S uppl. 1, Prylant11, paoslm. Une aulro ldenUOenLion oval~ été proposée pnr E. Vanderpnol lltiJHriu, tV, 1~35, p. 1i0 II<J., ù aoutcnue par Thompson, Huperlu, Suppl. IV, p. 151.
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SIÈCL E S N CRÈCio CONTINENTALE
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const ru ction du Métrôon su r l 'agora est. liée aux afl'a ires des Métragyrt.es qu.i agiLèrent Athènes d ans le dernier tiers du ve siècle et A la consécration officielle de ce culte j usq u'alors laissé dans les faubourgs d'Agra, sur l'ord re d'un oracle de Delphes•. Le plan de l'éd ifi ce, avec por t iqu e de fa çade , répond mi eux à un e destination reli gieuse qu ' à une fonction civile. La restituUon d ' un audilorium à 1'intérieur serait un tra it hellénistique, étranger aux formes classiques. L'édifi ce, en outre, serait de pmportions trop petites pour abriter le Conseil des Cinq Cents, les cultes de Zeus Boulaios et d ' H estia Boulaia, avec tous les documen ts des archives ; les trois pièces et la st oa de L'édifice oriental oLTrent plus de possibilités. Les fondations, inter prétées comme un autel par Ch. P ica rd , se comprendraient mieux en façade d 'un t emple que d 'un Bouleutérion. En ou t re, la div ision tripartie du plan évoque le Boul eut érion d'O lympie, tandis que l'êrullce septent rional, avec sa cour péristyle entourée de chambres, ra ppelle les prytanées connus, lei celui d'Olymp ie. Réplique fut don née à cette nouvell e iden t ificat ion par l'au teu r de la première théorie 2 et, sous une forme plus vive, mais moins pertinente, par W. A. MeDonald qui se rallie à la l:.llèse des fowlleurs 3 . De celte discussion, il résu lte une plus juste estimation des arguments dont certains ont perdu leur valeur et nous croyons qu'une co nfrontation plus p récise d es textes et des résultats des [ouilles permet main tenant de retracer l'histoire topographique de cette région•. L'association des édifices et même leur confusion à l'origine sont nettement prouvées p ar les témoignages litLéraires. Une scholi e d ' Eschine rappelle que le Métrôon fut d 'abord une partie du Boul eutér ion 6 ; il y eut ensuite deux êdi fiees 1. H. Oraillot, Le Culte de Cy bl le, 191 2, p. 9, 22 sq. S ur le Mtlrôon d' Agra, H. )(oeblus, AM, Llll, 1928, p. 1 sq.; LX· LXI, 1935·36, l'· 231 sq., avec Les
précisions apporléos sur le sens de la frise seulpUJe pa r Ch . Picord, Jl'fanu<J Sculplure, Il , p. 709 sq. 2. H . A . Thomp!on, H uperla , Suppl . lV, l'· 11')().151 3. W. MeDonald, M eeting Placu, p. 177·178, ct. c. r. de Ch. Picard; R t l , 1951, 1, p. 8 0·89. 4. Nous avons pu, à plusieurs reprises, véri fier sur le Lerrain les données topographiques et arebileetu.rolM du problèmo. 5. E scblne, Contre Clt&lphon, 187 :'Ev TC>lwv T'Ï> f.L')Tp4q> r.Œ~ ; ~OUÀro rljp
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L'M:OI1A DANS LA CIT É CI\ECQUB
djstincl.s et le Mélrôon devin t le dépôt offi ciel des texles publics. La p lus ancien ne réC6rence au Métroon et. :l sa fonctjoo remonle aux dernières années du ve siècle ; elle se trouve d ans un Lextc de Chamailéoo du Pont conservé p ar Athénée 1• Il y eu t alors consécra tion d'une 1.one sacrée, mais des textes, nous ne pouvons tirer aucu ne précision sur la nature de ce« hiéron » q ui pouvait aussi bien être d'ubord une pa rlie d ' un édifice (infrà, p. 49 sq .) qu 'o n l errain nouveau. En fl n , on sai t q ue la consécrati on do ce «san ctuaire n à la Mère des dieux s'accompagna d'une offrande statuaüe, œuvre lrès proba ble de l'élève de Phidias, Agoracri te~. D 'après ce textes, la qucccssion des événemcn Ls pourra it f:tre la suivant e : un «hiéron • rut consacré à ln Déesse ~I ère, soit à l'inlérieur d'u n édifi ce dont le co r acl ère éleusinicn est hi en a llcsté el qui él ait. ulilisé aussi pour le réunions de Jo Boulé' , saiL sur un te nain dependant. de cc « Bou leu té rion D ; tn ais, très vi te, deux bâ timrnls so nt. alt.est.és côte il rôle eLreçoivent u ne allrib ulio n parLiculiè1'C; l' un élan L le vé rita ble Métrôon , l'aulre la salle du Conseil. Complét ons en fir1 cett.c tradition lit.U ra ire. Pausanias qui, en progressant. sur la rue N .-. . d e 1'agora, t•i l" s uccessivement le Por·Liq ue Royal ou St oo de Zeus, le temp le d 'ApoUon , le MHrOon, le Douleut.érion 4 , énumèr e le.-; sculpLu rcs et. les peintu res qui d éco rent. cc dernier. Out-re un a:oanon de Zeus Boulaios , u n Apollon, mu vre de P cisias, el 1111 Dèmos, œuvre rle Lyso n, l'édifice cont enait des pei nlures qui paraissent bien avoir 6lé conçues eL ex:6cutées pou r· la èml'l=" ol 'AG-qv..to• -:0 :<17(t';:<'~o·•· 'E•• ciu~i!• T<Î> !op<;> lv <;> •il ~ou).l:UT'Iip•ov ètrn.,, &:.&:....-.= ·~P«vo!'iv
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fon clion qu'il devaiL remplir ; les T hesmothèt es par Proto
les
PCubl, Maler mys,èrcs, la 13oulè tenait s6ance dans l' FJeu•inion. 3. En outre, les tondalions qu i, au S. de l"i\dlflce principal, avalent pu llLrc prise! pour celles d 'un uulel, se son L révéhies à un examen ultérieu r eomme les vestiges inconlesloules d'une fontaine, li. A. Thompson, Fl esperla, Suppl. I V, 1.
p. 149·150.
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L' AGOIIA DANS LA CITÉ GRECQUE
cycle est perLiJ.Jen Le 1 ; B . A. T homp so n n'aLlribua il. d'ailleurs les gra dins q u'à un second étilt. L'épaisseur ext raordinaire des mu rs•, la place des colonnes, symétriq ues mais repoussées vers les m urs laltra ux, s'expliq uen t. mal dans l 'hypolh~sc d 'un naos cL év oquent plu tôt un nrnéMgemenL intéri eu1· pou r salle d'nssemù lée, suivan t un d ispositif rerl.angu laire, tel qu 'il ful encore ex éculé dans le Boulculérion d 'Héracl(!e du Latm os 8 . Il est diffi cile de t irer une preuve des proportions réduites, car l'a rgument. peu t sr reLou roer à volonté contre l' u ne ou l'aut re th éorie, nuc:une s~ille do l'édilke récent n'élnnt p lus grande que co Roulculério n supposé 4 • Ln disprrsion ùes trou vailles (stèle, bnse, Lu iles inscrites) est t elle qn'rll e pourra toujours donner lieu à contest.aLion, avec ceLle rustriclion que lA ma jorilé des Lu iles fut découverte en façade de l'édifice réccn l &; ma is on doit. reconnn1tre la ,·aleur d'un nouvel argurnunt formulé pa•· Il . A. T hompson qui rapproche~ c:es t.ujJes de modèles idenUques Lrouvés à Pergnme 6 ; or, toute l'archiLecw rc de l'édifice à cha mbres est apporenlée au style pergaméru en de la ~t.oa d'Alt.ale : nntur" ues n•al.éria ux, stéréolomie, sceUements sont ideotiqnes ; il serail étrange fJ Ue des Lu iles de style pergamén icn n 'a pparLinsscnL pas h cet édülcc; le ur style récent., en l on!. cas, les d ifTérenl'ir des fragmen ts trouvés dans les tl~ b lais de l'édifice ancien ; il faudrait odmeLLre, si on veut. les lui at.t.rib ucr , UM réfection de la Loilu rc. Enfin uo dernier argument, simplemen t signa lé par 1-I. A . T hompson, renforce l' idenliflroLion du Bouleutérioo W. llcOonold, o. c., p. 178; et. H~ptrio, \ ' 1, 1937, p. 142-113. 2. 1 m. 95 À l'B. H 011 S., 1 rn . '10 3U N. Clé l'O. 3. F. 1\risehcn, Ani. Ralhiiu•cr, pl. 25, 3 et 27-3·1. Ln syrnélrlo ctes colounes pourrait aus!l lftbser suppœer un alignement rec:Uiigne des gra.d ins, le long des murs E. el O., d o pnrLOL d'o utre J'une •ll~c centrale d'aprètlle plan du Phoolcou, déc:riL var Pauilllnlns, cr. W. A. McDnnold, o.t .. pl. XV II I. L'exempt~ de ~IUel qui a !or~rnenL lmpreEsionné la re.-.wuro Uon Ile H. Thompson nous parait Ici peu probant. 4. On sail d 'nlllcura que la •o lle d..s ooonces i>lull lrop pctilo, Dinnoslhene, Sur I'Amb. H erprrio, VI , 1937, p. 191 : emq rurenl Lrouvtes dovnnt ln tuçade, en tre le porllque el IG grand c!gout, unft sur l'i!goul, une à l'angle 5.-F.. du temple d'Apollon, deux en tnçado d u propylon donnanl uce~s À 1'6diRco ancien el trois seulement dons lo cour de cet Mlllee. 6. H ..puia, Suppl. J V, p. 1!)0.151. 1.
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SièCLE EN C RI'lCE CONJ'INENT.U.Il
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avec l'édi!1ce de la fln du ve siècle ; la date de la coost1·uction orientale est i ncont.csta blernent fixée par ses caract ères architecturoux' dans le troisi ème quart du 1!8 siècle av. J .-C.; elle est contemporaine d e la stoa d ' At.tale élevée entre 159 eL 138 av. J .-C. Comment alors expliquer la prése nce dans cet édi fi ce des peintures de P rologénès exécutées au plus t.o·ud dans le premier quart du me siècle ? Il n'es t certes pas prouvé que ces peinLures aient été des rrescru es. Et même, conlre cette hypothèse, la décou verLe récente des carrea ux en paros de ln. Poilrilè peut venir t émoigner. Mais l'exemple de la SLna Basileios eL du pseudo-Théseion poussera it. à l'explication contraire. F aud rait-il admettre que les t.ablen ux, faits pour un auLre édifice, ont été LI'!lllspor t.és plus tard dans le Bouleutérion? Que l'édifice constnû t à l' O., à la fln du v• siècle, soit en rapport avec l' intrusion de la Déesse Mère, c'esL incontes table. ~ l n is ses caracLères a rchiwcturaux ne répond ent pas à ceux d'urt ruws. Puisq ue les données archéolo· g iques, sans être absolument. concluantes. s'accordent cependant assez bien avec la tradition liLU:rairc pour témoigner en fave ur d'un nouveau J3oul eu t érion, pourq uoi n e pas admettre que la divin ilé a pu être installée dans la salle hyposty le de ca racl ère éle usinicn, ru ors que le Conseil recevait en fin u ne salle de réunion indépendante ? La st1·ucture de l'agora d'Alhi:n es au ve siècle porl;e la marque des ten dances esthétiq ues contemporaines. Uo certain souci de régularisation a ligne les éd ifices en bordure de la place et on voit upparattre les colonnad es q ui constitu er·ont toujours l'ar·mature des ensembles arehit,ectu raux, mais ces slooi so nt, isolées, elles ne visenL qu'à limiter u ne aire don t le conLou r reste ince rta in et llottant. Peu ou pas d'unité. Sur le côté occidenta l, édi fi ces religieux et constructions ci viles viennent se place r les un es a côté des a utres sans liaiso n de st r ucture n i d e forme. A I'E., les !_imites de l'agora
•
1. H. A. Thompson u bien a nal)s6 ees caractères qu'Il me pardonnera d 'avoir v
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L1AGORA DANS LA CITÉ GR ECQU~;
sont. incerta ines. Les rouilles récentes (Hl119) ont pr6cis6 les r onl ou rs exl.érieurs d'une importante r onRlru rtion disposée en obliq ue par r ap port. aux gr11 nns n-xes de la place; elle p eut remon ter a u 1ve siècle. Sous ceLte cou r q ua drang ulaire, sans doute périsLyle, son t npparus les restes d'un édifice de même type - gy mnnse ou pluLôL m a rché?- p lus a ncien . T ou te la r~gion or icnLale éLail. encore a ba ndonnêe tl des insl.llllalions m i-civiles, mi-proranes. Le cenl re de groviLé de l'agora conti nua it à èLre d6porté vers l'Ouest. Il n' y avai t pas cu l 1·ansfomw tion opérée par Cimon ct ses successeurs, mais respect de la tradition prépersique qui an it inslallé d éjà ~:es principaux édifice3 au pied d u Colon os Ago ru ios. Une rf' sta uration do l'a gora athé nienne serail. bien inco m plète q ui liend ra iL compte eulem en l. d es conslru('tions do nL les vcsl iges subsistent sur le terra in . Il raut a '•o1r reco urs ici a ux
lémoignages des lexteo pour imng iner le specl;:tcle des activi ~ês mercanlilcs qu i s'6tn icnl. emparé de la région o1·icnt.ale. Les assa uts des houtiques él.aient. condu its de Lous côtés ; il peine le domaine p ublic est-il délaissé que les rouille!' ré,•èlenL son enva hisl>t! meot par les m a isons el le<~ nlf'l iers 1 • L ' Invalide de Lysi ::~~> uous en d on ne la raison; la p ra tique se pressait. dans les bo ut iques proches de l' ago l'll : « Vou!> avez l 'hab il.ude d'aller raire votre lo ur, q ui chc6 un pm·rumeur, q ui cl\ez un barbier ou un savrlicr, chacun où il lui plalt.; m ois les p lus no mbreux vonl. r hf'7. les commerçants ioslallés toul. près de l' agora ct hcnucour moins chez ce ux q ui en sont très éloignés,, (P our l'l nvalide, 2.0). La pro miscuité rl rs consl ruct.ions était. sans rl oule bien p itto resq ue. 'est-ce pa~ un salon de luxe qui va s'inbtaller l out à côté des Hermès, là où freq uentent. su rLout les gens de Décélie ~ ? S ur tou t.e la place, nu long ùes rues, appu yées nnx murs des sloai, s'élev aien t des consJ . AgorA ma rebande e l agora polillqu• : disüueUon odm!se pour lou leS les reeonslitullo ns de l'ogoro d 'Alhèn .. deputs E. CurUus, JIU. Sluditn, Il, et Sladlgucll. """ Alnen, p. l 69 >q .. Cf. Wnchiimulh, Sladl Allum, 1, p. 152 sq. ; 11, p. 305sq.; llorrlson. A lle. Jlliltn• , p. 14 aq. ; Mllelll.octer, Berl. P hil . \Vod!., 1900, p. 351 eq., 379 Eq. Le même d6foul marque ces O>SiliS eomme o.uw eelu• de Judei,h, Top•., p. 3 H , Og . • 3. 2. Lyslns, Contre Pancllon, 3 ; par con Ire, oo renconlra llles Pl:~léen> •urtoul , aux rromngcs Crois •, lu dernier jour nu mois, Ibid., 6. Ct. Xénophon, M ém., I V, 2. 1.
L'AGORA DU y e SlÈCLE 2N GRÈCE CO:\'Til"ENTALE
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tru etions provisoires pour les petits boutiquiers dont. P la lon définit. le rôle dans la cité', sans compt er l'a fll uen ce, à certains jours, des paysans de 1'AWque dont la troupe pittoresque est évoquée, en J•iches couleurs, pa r Aristophane•. Comme d ans les souks de l'Orient moderne, ils se voyaient attribuer des places définies, les v.û:ù.o~, où l'amateur pouvait à coup sùr alle1· acheter l'article don t il avait besoin', même des œuvres littéraires mises en v ente à vil prix, d'après les auteurs d'épigrammes (Anlfwl. Palal., l V, 3, 10-11). Pollux, à l'aide des auteurs de comédies nouvelles, évoque avec précision la diversité de ces xuxJ.ot désignés seulement par leurs spécialités : sç ToUipov, tç -:o'l o!vo•1, sç T«ç Y.ÔTpa-.ç, eLc. 4. Parfois lout. un groupe est associé en une expression commune ; tous les articles de la toilette fém inine se renco ntrent à l'agora yv"aŒd:r. 6 • Ces boutiques étaient des constructions vol an tes, des len tes', des baraques en p h1nch es, couvertes av~ des peaux ou des claies d 'osier, les y€pp« cie tout genre qui, un beau soi1· de défaite, fw·en t toutes alluméf.s pour jeter l'alarme dans Athènes en danger 7 • La p romiscuité de ces marchés fut telle qu'au cours du ve siècle, l'ecclésia émigre à la P nyx et que les représentaLions théàlral es se donnent chez Dionysos. Il est probable que l'agora du Céramique gardera cet aspect jusqu'au 1re siècle av. J.-C., date où eUe est alors dotée de vastes port iqu es, au Sud et. à l' Est, qui se ront. plus spécial ement aiTectès au négoce. Sa stru d ure arch itecturale ne répond donc pas to ut aussitôt, malgré les eJTo rLs ini t ia ux: de Cimon, à l'ensemble de ses fonctions; il n 'y a qu'un effort négatif pour prot éger l'agora politique contre l'invasion des boutiques. 1. Platon, République, 111, 371 c : Aùtoù Y·Xp ô~;; JÛvo~ oohoùc; ntpl TY,'I ayop
2. Arislophone, L
4. P oilu.'<, X, 18-19. cilant des ve1·s d'AIOl
Cf. Arislopb.•ne, ScMiie;. Cltooliers, IS7. 5 . Pollux, X, 18, e:.:pre.~ion lnncée pa•· )lénandro, frgl. 466 et reprioe par les mornliSl.eS, ThéophraRl.e, Garac/tru, 2. Est-ce par contrasl.e CJUe les gens de Cyzique menllonnent une ngora «~s"""' oô une statue doit etre érigoo, A M , VU. p. 2ô2; JN S, XXIll , 1903, p. 89·91 '/ 6. Ho.rpocratlon, s.,•. m:·1vl"''ç. 7. Au soir de la bntallle
L' .A GORA DANS LA CITÉ GRECQUE
Le principe de La spécialisation des zones, sinon
places , loin des
di!S
n'apparat!. ici qu'en germe; nous sommes t~ncore grandioses r éalisations des cités io nit~nnes. Le p remier cen tre poli tique d'OJ.ynlhe, à l'extrémité septentrion~~ le de ln colline Sud 1 , s'apparen te a u t.ype ancien ; il présen le la même il•régularité et. absence de plan que l'ensemble du quar tier. On y a reconnu les vest.iges d 'un 6difice hypust.yle - on prytanée (?) - avec cour d'a ccès bordée de deux por tiques et. salle barlongue nu fond ; au voisin age, on a p u repér er les traces fic conslrud ioos allongées, vra isemblablement tlt>s ~loai, dont l'une est. conservée sur une lonp;uenr de 26 m ètres ; la colonnade de façade est. à l m. 50 rl u mur de rond :. Le r.lpport de ces ru ines ent re elle.~ esL malaisé ù déterminer; en to ut cas, elles ne sont pos disposées sur un schéma régulier. E lles sonl comme enchâssées dans les maisons voisines q ui les en tourent de t.ous colés, sans souci d 'un alignement , quel qu 'il soit. Sous ces const ructions de n ombreux puits creusés dans le congloméra t cont.cnn irmt des t essons jalonnant une occu pal ion très dense du su bmycéoien a u venùs noir d e la fin du Vl" siècle•. 1ons RO mmes en présence du plus :mcien habit.al du site eL l'histoire doc~ • ciuic cenlre • présente les mêmes cnractèrcs q ue celle de l'agora d'Athènes. Il est le fruit d'une lente (:onqu QLe du domaine public sur les inslallalions privéf'.s, menée au hasard des dis poni bilit.és, sans pla n p réconçu ; les édi lkes élaienl drc~sés là où i l~ trouvaient tle la place. Ce cent.re poli t ique ru t a bandonno à la fi n du v" siècle, lors de l'expansion d e la v ille sur la colline Nord ct. ses pen les orien tales. L'agoro nouvelle prévue dans ce pla n prêeent e les caractères du ty pe moderne. Nos rares connais.c;n nces sur l'ét.al classique de l'ogora de Corinthe excitent nol re curiosité plus qu'elles ne la satisfont (fig. 38). Le dévelop pement et l'extension de 1·e v aste ensemble Curent. protondémenL inOuencés par le~ l m dilions religieuses. L'effort des Corinth ien s'esl porté d'a bord, aux v Je-ve siècles, 1. 8 ® . al 0/yrttiiUt, 11, p. 16 sq., nvuc pla n de l'édiUce reeonslltu~ dans Ez.c., X l i, pl. 240. ':!. Celle &loa c'l con•id~~ eomme un ur.enal par D. Robinson, E.x. ul Olvnllws, X Il, p. 3~310 en raiL, sa falblo profondeur (4. n•. 50 ~nv.) présente un t rait bien curuclêrislique de t·a~hilecture deutoalor<:haTques. cr. Thompson, AJA, LI, 1947, p. 334.
3. E ze. ol Ol!inlllu•, Il , 1'· 27 sq.
L'AGORA DU
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S IÈCL.E EN t;RÈCE CONTINENTALE
339
sur l'aménagement a rchi tectural de la colline du ~m~le ; ell.e fut entourée sur trois côtés au moi ns par des sloat qua conslituèren t le p remier centre de vie civique à Cor intl1e' . L'agora
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Fig. 3S. -
Agora de Corinthe.
apparat!. comme une annexe rlu temple et de son enceinte monument.<~ le; auve siècle, cet te vaste place était occupée en par t ie par des installations cultuelles, dis posées au hasard ; le te mple de plan absid al et la fontaine aux trigly phes son t les l. B. H ill, AJA, XXX, 1926, p. 46 sq.; De Wo.ele, AJtl , XXXV, 1921,
p. 394-423; Ar! and Archoeology, XIV, 192'2, p. 193 sq.
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L'AGORA DANS LA CIT É GRECQUE
témoins de cette époque 1 • Vers le centre, les fouilles ont mis au jour les restes d'une ligne de départ pour lampadédromies dont le premier état remonte au yve siècle. Il faudrait peutêtre mettre en rapport avec elle un édifice voisin qui présente des fondations circulaires enveloppées postérieurement dans une construction quadrangulaire 2 • La forme circulaire du noyau primitif évoque le plan d'un hérôon ou d'une tholos, bien conforme au caractère des cultes de l'agora de Corinthe 3 . Visiblement l'extension de l'agora s'est faite du Nord au Sud. Une première stoa, orientée sur celles du temple, a précédé l'édifice que les fouilleurs américains appellent le« N.W . Building4 ll, lequel appartient au plan d'ensemble conçu et réalisé aux me-ne siècles av. J .-C. La région S. fut progressivement conquise sur une nécropole et un habitat ; le cimetière semble avoir été en usage jusqu'au début du ve siècle. Une série de puits, comblés à des époques précises du vre siècle jusqu'au début du rve, permet de jalonner les progrès du domaine public 5 • C'est alors seulement que l'aire tout entière fut acquise à l'agora et aménagée suivant un plan d'ensemble qui porte la marque des conceptions nouvelles. Ces quelques lueurs qui permettent d'entrevoir les phases de la formation de l'agora corinthienne évoquent, en tout cas, un processus identique à celui que nous avons reconnu à Athènes et à Olynthe ; il s'agit toujours d'une progression lente, à partir d'une zone privilégiée, sans plan préconçu, sans souci d'alignement ou de régularité. La formation organique de l'agora reflète les conquêtes progressives de la polis .
l. AJA, VI, 1902 . p. 306·320; XXIII, 1919, p. 253 sq.; XXXIJI, 1929, p. 368-375. 2. AJA, XL I, 1937, p. 549 sq., pl. V, 2 b et XVII, 1 a. 3. Cette fondation circulaire est faite de blocs de poros dont la date ancienne est rendue évidente par les cavités de bardage en U, analogues à celles de plusieurs édifices archaïques de Delphes, en particulier du trésor de Corinthe, BCH, XXXVI, 1912, p. 650, fig. 3. Le centre fut ensuite remblayé par un blocage et la périphérie enfermée dans un carré. Sur cette nouvelle construction s'élevait un monument circulaire dont l'identification est douteuse, Hesperia, XI, 1942, p. 128 sq., 314-315. 4. Corinlh, I, 2, p. 89~90. 5. AJA, XLI, 1937, p. 546-547, et sur la survivance de ·ces cultes, O. Broneer, Hesperia, XI, 1942, p. 128-161.
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S IÈ CLE EN GRÈCE CONTINENTALE
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* • •
On commettrait une erreur en opposant trop catégoriquement ce type d'agora de la Grèce continentale aux pratiques du monde ionien. Cette désignation, traditionnellement admise sur la foi de P ausanias, correspond à un état récent ; la comparaison devrait se faire avec les cités de la côte d'Asie antérieures aux reconstructions ou aux restaurations du xve siècle ; or, nous n'en avons qu'une connaissance très limitée . Là où nous décelons les états anciens, la structure de l'agora ne semble pas différer profondément des principes que nous venons de voir. Ainsi des travaux partiels exécutés sur le site de Colophon 1 ont mis au jour une place voisine du Métrôon , limitée. sur deux côtés par un portique coudé (fig. 39}; elle pourrait bien être l'agora principale de la ville dont les limite sont très étendues à la fin du rve s. 2 • Sous ces constructions d'inspira tion hellénistique, les explorateurs ont pu reconnaître le premier état de la place. C'était une esplanade au carrefour de plusieurs rues entre lesquelles les édifices se disposaient librement . L'une de ces rues, qui fut coupée par la branche orientale de la nouvelle stoa, mettait la pla ce en communication avec les quartiers Nord. A l'Ou est, il n'y avait primitivement que cinq salles, sans colonnade ; la dernière s'arrêtait au bord de la rue principale qui descendait de l'acropole ; la prolongation des bout iques vers le Sud et la construction d'une colonnade continue imposèrent une déviation de cette grande artère. C'est là toute la différence des deux plans. Le premier répondait au type de l'agora ancienne, organisée a u croisement de deux rues importantes dont les édifices respectaient le tracé ; le nouveau plan régularise la place et l'enferme sans se préoccuper des voies d'accès 3 . l. L . B. Rolland, Hesperia, XIII, 1944, p. 51 sq., pl. IX . 2. Mer itt, AJP, LVI, 1935, p. 358-371; L. B. Rolland, ibid ., p. 169-171; L. Robert, Rev. Phil ., 1936, p. 158-159, qui date ce texte de la dernière décade
dU
IVe S.
3. D'après l'inscription réorganisant l'assiette de la ville, cf. infra, p. 363, l'agora ancienne deva it être dans la par tie basse, 1. 14-15 : xaTaoxvT<X~ 1e:!ç T'f;fl. rt<XÀ<X(av &yop&v, et l'emplacement d 'une nouvelle agora, avec boutiques, doit être fLxé par la Commission des Dix et l'architecte, chargés de co nduire ces trava ux, ibid., l. 26-27 : OltW; &yop~Ï xa:t &pyacr-.'ijpta ... È~atpe:6'/it .
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L'AGORA DANS LA CITÉ GRECQUE
Le peu que nous pouvons deviner de l'agora de Xanthos en Lycie, l'apparente à celles d'Élis ou d'Athènes. Elle a pu être localisée sur le terrain grâce à l'inscription de la stèle de Xanthias, voisine du monument des H arpycs 1 . La situation de cette agora, ses rapports avec les sépultures voisines qui fixent ses limites au Nord ct avec le téménos des Douze Dieux, maintenu pur de toute souillure marchande, évoquent évidemment le type classique de l'agora continentale, constituée par un assemblage souvent irrégulier d'édifices, d'autels et de sanctuaires , disposés dans les espaces laissés vides par des rues qui s'enchevêtrent. Seules les fouilles en cou rs pourront confirmer l'hypothèse séduisante formul ée par F. Tritsch 2 , d'après laquelle l'agora, limitée au N. et au S. par les pentes du terrain, à l'O. par le lit de la rivière, ne pouvait se développer que vers l'E. où, à l'époque romaine, des inscriptions votives semblent prouver l'existence d'un forum distinct de la place primitive. L a loi de spécialisation peut avoir joué et l'on aimerait savoir les raisons et la date de ce transfert, s'il a eu lieu. La nouvelle agora se présentait, à juger par les quelques ruines relevées sur les plans, comme une cour à portiques continus dont le type s'est généralisé dans les villes hellénistico-romaines ; elle difrérait donc profondément de l'ancien plan dont la dispersion des éléments était la règle, aussi bien à l'E. qu'à l'O. de la mer Égée 3 . En Grèce occidentale, nous croyons retrouver la marque de cc type ancien dans la première agora de Pompeï, le F orum 1. Des incertitudes sur le sile exact de l'agora résultent de la confrontation des deux plans publiés, l' un par Benndorf, Jahresh., III, 1900, p. 100, fig. 23 (levé parE. Krickl), l'autre par l
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triangulaire. On discute certes sur les influences qui ont pu jouer aux divers moments de l'évolution urbaine de Pompeïl . Toutefois, tant par l'architecture du temple grec élevé sans doute à la fin du VI 6 siècle que par certains caractères de l'enceinte 2 , l'influence hellénique ne peut être absolument contestée 3. L'esplanade du temple, située dans la région la plus anciennement occupée qui échappa même à la régularisation postérieure du plan 4, présente tous les caractères de l'agora hellénique du ve siècle : place irrégulière con fondue avec un téménos ; au temple est associé un lieu de culte funéraire ; le monument actuellement conservé est tardif, mais il semble avoir remplacé une construction antérieure ; il est notable qu'il occupe la place normale de l'autel ; on n'a pas hésité à l'identifier avec la tombe du héros fondateur 5 • Au ue siècle av. J .-C., pendant la seconde période samnite, celle cour fut complètement fermée, bordée de portiques sur deux côtés et ornée d 'un p ropylon ionique. Elle subit la m ême évolution que l'agora de tradition h ellénique. Le g rand forum du centre, dominé par le temple de Jupiter, répond à une conception architecturale et à des principes de composition un peu différents. Son plan est conforme a ux n ormes de l'agora ionienne récente, mais il subit ensuite l'inOuence du « téménos-typus » qui est à l'origine des fora impériaux. Ce plan d'agora classique dont on trouve des exemples dans tout le monde grec continue l'évolution amorcée à l'époque archaïque . Ce n'est encore qu'une place irrégulière où
1. En particulier sur la part de l'influence étrusque, vigoureusement défendue par Sogliano, Sludi elr., 1, 1927, p. 173; Pompei ne/ suo Sviluppo storico, I , Pompei preromana, 1937, p. 78 sq. et par G. Patroni, Vetutonia, Pompei e la Storia, Studi etr., XV, 1941, p. 109 sq.; Archiletlura Etrusca, 1941, p. 260-261; déjà mise en doute par von Duhn, Der griech. Tempe/ im Pompeji, 1890, nettement contestée par Maiuri, Historia, IV, 1930, p. 74 sq.; 274 sq., et par A. von Gerkan, Der Sladtp/an von Pompeji, 1940, et RM, LVIII, 1943, p. 169 sq. qui, plus qu'une influence hellénique, retrouve dans les dispositions du plan des caractères italiques anciens dérivés des Terramares. 2. F. Krischen, Die Stadtmauern von Pompeji, Die hell. Iümst im Pompeji, VII, 1941, p. 7-18. 3. Historia, IV, 1930, p. 274-279. 4. A von Gerl<.an, Criech. SWdleanl., 1924, p. 119-120 ; A. Patroni, Arch. Etr., p. 260, fig. 313. 5. Mau, Pompei, 1900, p. 132-134.
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s'entassent des édifices civils et religieux. Elle est le résultat d'aménagements progressifs et ne ressemblé en rien à une composition organisée, aux lignes précises et bien tracées, dans lesquelles la situation de chaque édifice, de chaque élément serait organiquem ent prévue.
CHAP ITRE III LES INNOVATIONS D 'IDPPODAMOS DE MILET
Pendant longtemps le ve siècle appa rut, couronné par la personnalité d'Hippoda mos de Milet, comme l'âge d 'or de l'u rbanisme ; époque où s'épa nouit enfin une conception claire et raisonnée du groupement urbain dont on reconnaissa it les origin es dans les principes de composition de l'architecture orientale 1 . Au con t:-.cL des riches civilisations de l'Asie, en liaison av ec le monde ussyro-babylonien et ses imposantes réalisations urbaines dont Hérodote restait encore tout étonné, l'Ionie - et tout spécialem ent .Milet aurait été le creuset où ces influ ences diverses se ser aient amalgamées, refondues à la chaleur et à la lumière de la philosophie ionienne, avant de se répandre à travers le m onde méditerranéen et de modifier la tradition proprement hellénique don t les vieilles cités de Grèce, At hènes, Corinthe , Thèbes, restaien t prisonnières, livrées aux encombrements de rues étroites et tortueuses, privées de toute composition claire et organique. A la stricte rigidité et à la froid e régularité orientales, les Ion iens auraient ajouté la souplesse de leur humanisme, de leur sens politique, tenant compte de la 1. Tradition qui remonte à C. H ermann, De Hippodamo Milesio, 1841, admise et développée ensuite non seulement par les historiens de l'urbanisme, G. Hirschfeld, Die Enlwick. des Stiidleba ueR, II, p. 317 sq.; Die Enlwick. des Sladlbildes, 1890, p. 29 1 sq.; Zur T ypo/. griech. Ansiedl. im Allerlum, dans Historische A ufsiilze en l'honneur de E. Curtius, 1884, p. 355 sq. ; Erdmann, Pllilologus, XLII. 1884, p. 183 sq.; H. Niessen, Pompeijanische Sludien, 1877, p. 585 sq.; M. Poète, Introd. à l'urban isme, 1929, p. 211 sq. fait la part plus grand e à la tradition purement égéenne et admet des résurgences créto-mycéniennes dans la ville grecque archaïque. Les historiens eux-mêmes ont suivi et ont adopté les mêmes conclusions, E. Curliu s, Grieclz. Gesclz., li, p . '204 sq.; J. Beloch, Griech. Gesch., II, 2, p. 209 sq.
LES I NNOVATI ONS D'HIPPODAMOS DE MILET
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forme des régimes politiques qui devaient se refléter dans les lignes des groupements urbains et légitimant cette nouvelle science par des considérations philosophiques et mathématiques que la spéculation intellectuelle et religieuse mêlait à la vie pratique . En fait, le problème des origines et de l'ex tension du plan régulier en urbanisme, dont l'invention et la mise au point fu rent trop rapidement attribuées à Hippodamos le Milésien, se révéla beaucoup plus complexe, dépendant plus étroitement des problèmes généraux liés aux courants de civilisations du bassin méditerranéen dont la carte est loin d'être définitivement dressée. Ce fut d 'abord à la pel'sonnalité même d'Hippodamos et à son originalité que les premières attaques ont été portées lorsqu'on s'aperçut que dès les vue et vre siècles, les colon ies grecques de l'Est, et s urtout de l'Ouest, imposaient à leurs cités un plan t rès régulier, conforme aux règles les plus stricLes du quadrillage moderne. C'est ce qui mena A. von Ger kan à faire le procès d'Hippodamos en reportant bien avant lui l'influence des archiLectes milésiens 1 • Même les origines orientales de ce système sont mises en doute, car l'exploration des cités mésopotamiennes et assyriennes, voire hittites ou néo-hittites, ne semble pas justifier l'admiration que les Grecs manifestaient pour elles , ni, par conséquent, cette influence déterminante qu'on avait tendance à leur accorder. A. von Gerkan voit dans le plan orthogonal une nécessité sociale et politique du régime des colonies grecques où chaque individu devait avoir son lot ct sa part exactement délimités et, autant que possible, égaux à ceux du voisin. Le but même de ces groupements urbains imposait donc un plan auquel les colonies ne se sont pas refusées. Les Grecs en apprécièrent les commodités et les avantages; il devint d'un usage courant dans toute construction de ville nouvelle ; la métropole ellemême, Milet, profita de ses ruines de 494 pour adopter, dans la reconstruction qui suivit sa libération, les principes que ses colons avaient appliqués aille urs. Hippodamos, au ve siècle, n'était plus qu'une sorte de symbole de cette nouvelle école, connu surtout à Athènes où il rendit sans doute d'évidents services tant au Pirée que pour la fondation de Thou rioi. 1. A von Gerkan, Griech. Sliidleanl., 1924, p. 28 sq.
348
L'AGORA DANS LA CITÉ GRE CQUE
Parallèlement, et avec un temps d'avance, P. Lavedan 1 , avait repris les pièces du procès pour aboutir aux mêmes conclusions en récusant le témoignage incertain de Strabon sur la fondation de Rhodes 2 ; il n'accepte au bénéfice d'Hippodamos que son intervention au Pirée dans le plan de Thémistocle et à Thourioi, cette fondati on panhellénique inspirée par les Athéniens et Périclès 3 • Mais 1'apparition des premiers plans réguliers dans les cités du monde grec occidental ne pouvait pas no pas être mise en parallèle avec les créalions urbaines d'autres civilisations voisines. Dès l'époque pt·éhistorique, les Terramares de l'Italie du Nord comportent des alignements très réguliers, un groupement des habitations organisé sur des axes perpendiculaires, principe dont l'héritage serait peut-être conservé dans la civilisation villanovienne, représentée su r le site de Bologne 4 . Enfin, la cité étrusque se développe elle aussi suivant un plan régulier dont les grandes lignes sont relativement bien connues par les témoignages des écrivains latins, en particulier de Festus, Caton et Varron 5 . C. Cu ltrera, dans ses études sur l'architecture hippodamienne, a accentué la différen ce entre le système grec et les groupements italiques 6 ; il n'y aurait pas de rapport entre eux ; nous serions en présence 1. P. Lavedan, Hist. urbanisme, 1, 1924, p. 123 sq. 2. Strabon, XIV, 2, 9 : Y) St vüv n6Àt<; È'..t-r(o&tj Y.l.l...X Tà lle:ÀC1tOVVl')atl.lxà ~mo Toü l.lÔToü &:p:;(LTÉ'.tTovo<;, w~
LES INNOVATIONS D'HIPPODAMOS DE MILET
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de deux courants différents, l'un spécifiquement italique, l'autre d'inspiration hellénique. Mais le problème s'est compliqué tout récemment encore par les recherches menées sur les cités de Campanie, à Pompeï en particulier, terres d'élection pour l'étude des interférences entre civilisations indigènes et influences étrangères. Étudiant la forma tion de Pompeï, A. von Ger kan 1 ne reconnaît rien, dans la couche primitive, qui ne soit pas italique et sa régularité primitive ne doit rien à l'influence hellénique ni à l'influence étrusque ; il serait assez tenté, par contre 2 , de voir dans les Terramares et ensuite dans les cités villanoviennes - encore que celles-ci soient assez mal connues - l'origine des plans réguliers et orthogonaux. A cette thèse, s 'opposent vivement certains partisans de l'Étruries qui défendent la théorie d'un apport toscan dans la délimitation et la division des sites urbains de l' Italie du Sud et surtout de la Campanie 4 , région où la tradition des Terramares n 'aurait joué aucun rôle. Ces princip.es, les Étrusques les auraient apportés avec eux d'Orient ; des courants divergents, mais issus de la même source, ne feraient que se regrouper 5 . D'autres influences, d'origine orientale également, pourraient aussi m êler leurs teintes aux premières par l'intermédiaire de Carthage et de la Sicile. Particulièrement importante serait, pour Ducati, l'existence d'un plan régulier, analogue au quadrillage hippodamien, dans la cité punique de Solunto 6 , plan mis au point et parfaitement réalisé à l'époque romaine, mais dont les grandes lignes sont antérieures à cette occupation ; or, la similitude des principes directeurs qui ont inspiré ce tracé avec les lignes du plan de l'acropole de l. A von Gerkan, Der Stadtplan von Pompeji, 1940. 2. RM, LVIII, 1943, p. 169 sq. 3. G. Patroni, Studi Elr., XV, 1941, p. 109 sq. 4 . J. Heurgon, Capoue prèromaine, 1942, p. 118 sq. 5 . Sur cet apport oriental, Ducati, La cilla etrusca, Historia, V, 1931, p. 8 sq. Encore faudrait-il savoir à quelle région d'Orient rattacher ce courant étrusque, car A. von Gerkan, RM, LVII, 1943, p. 172 sq. fait remarquer, avec quelque
raison, que jusqu'à maintenant rien dans les fouillès d 'Asie Mineure - et à Troie moins qu'ailleurs - ne nous fail entrevoir un urbanisme semblable à celui des Étrusques et le principe du cardo et du decumanus est étranger aussi bien à la Babylonie qu'à l'Assyrie. 6. Ducati, o. c., p. 374-375, idée reprise par B. Pace, Arte e Civilta della Sicilia antica, II, 1938, p. 365 sq.; bibliographie sur Solunto, p. 345, n. 4; plan, fig. 298.
350
L'AGORA DANS LA CITÉ GRECQUE
Sélinonte est suprenante. Ici même ne peu t-on poser la question de l'influence possible de l'urbani sme punique ? Celui-ci est malheureusement t rop mal connu pour qu'on puisse actuellement résoudre la question 1 . Le problème est donc fort complexe et notre documentation n'est pas suffisante pour permettre de dépasser le stade des enqu êtes préliminaires. Mais d'ores et déjà, nous pouvons retenir que, dans l'apparition et le développement du plan orthogonal à travers le monde grec archaïque et classique, les architectes helléniques ont joué un rôle de propagateurs plus que d'invent eurs ; l'originalité des urbanistes milésiens s'en trouve précisée, mais non pas diminuée; car ils semblent avoir adapté au cadre de leur cité eL au mode de v ie hellénique des principes et des règles qu'il nous faudra bien un jour découvrir quelqu e part dans l'Est d u bassin méditerranéen, réceptacle où puisèrent les Ioniens, les É trusques, les Phéniciens et, par eux, les Car thaginois, tous avec leur génie particulier. Seulement alors il nous sera possibl e de déterminer les apports réciproques de chacu n d'eux dans les divers moments d'une synthèse progressive 2 • Les architectes et les savants de ~1il et, dont le nom d'Hippodamos concrétise l'œuvre anonyme, ont t ravaillé à un édifice qu'ils ne furent pas seuls à bâtir ; la première étape de cette construction est marquée par les villes-colonies des v u e et vie siècles; les travaux du siècle suivant ne constitu ent qu 'un e sorte de choc en retour sur les vieilles cités de Grèce qui vont se t ransformer, en profitant souvent des ruines laissées par l'envahisseur, mais ce reflux ne 1. On sait qu'on a voulu voir récemment une influence de J'architecture punique sur le plan et la conception de !'OJympieion d'Agrigente, Il. Dreru p, Ber. V 1. J(ong. Arch. Berlin, 1940, p. 379-387, et Je problème des influences puniques se renco ntre aussi dans l'histoire de l'architecture militaire, Gsell, His!. Anc., 11, p. 4 13-42.0; F. l
2.. Nous ne pouvons que renvoye1· à ce que nous avons dit des dilllcu llés inhérentes à toute recherche sur les origines de l'architecture grecque quand celte recherche s'o riente vers l'E. Peu à peu cependant, au fur et à mP.sure des progrès de l'exploration archéologique, des aperçus nouveaux se précisent q ui permettent de jeter quelques jalons dans ce désert. Le problème ne s'arrête pas aux époques anciennes ; ilrenatt, plus important encore, aux lemps hellénistiques ei romains, cr. en exemple l'élude de E. Gjerstad, Ursprung. r i!m. J(aiserfora, Opusc . arch ., 111, 194 11, p. 40 sq.
LES INNO VATION S D'HIPPODAMOS DE MILET
351
se développera largement qu'au rve siècle. Le ve siècle n 'est donc qu 'un moment- et non point le plus important- de ce long travail d'élaboration et de réalisation qui aboutira à l'urbanisme clair et précis de l'époque hellénistique. Nous limiterons notre enquête aux répercussions de ce mouvemen t créateur sur l'histoire architecturale de l'agora, en cherchant à déceler et à formuler les premiers indices de ces profondes transforma tions.
..
Notre déception sera grande devant la pauvreté des renseignements que nous pouvons recueillir sur les agorai de ces premières grandes cités r égulières de Sicile et de Grande Grèce ; ou bien, comme à P ompeï et à Paestum, l'état romain dissimule complètement le faciès primitif de la place ou, comme à Sélinonte, notre documentation reste partielle et récente ou encore, comme à Syracuse, à Mégara Hyblaea , à T arente, elle n'est que littéraire et manque de données topographiques et archéologiques . Des fouill es en cours sur l'agora de Syracuse 1 permettront peut-être un jour de confronter les r enseignements de Diodore avec les ruines de l'agora a ncienne, encore que celle-ci fût sans doute profondément modifiée par sa transformation en forum. A Sélinonte, l'histoire de l'agora est obscure. Où faut-il la localiser ? Il n'est pas de point du site où on ne l'ait cherchée : sur la colline orientale autou r du temple G 2 , dans le vallon, entre l'acropole et Manuzza 3 , ou bien encore au fond du port oriental', enfin sur l'acropole même devant le temple D 5 • F ougères a tenté de concilier ces diverses hypothèses 6 , m ais 1. A J A, LT, 1947, p. 298 : aucun édifice n'est encore s ignalé, mais seulement des tessons en abondance et un antéfixe en !orme de gorgoneion ; stratigraphie précisée dans Not . Scaui, 1948, p. 196- 197 où est annoncée une étude générale consacrée aux fouilles de l'agora. 2. Fazello et Goetlling. Ge-sam. Abh., II, p. 86. 3. Schubring, Goelling. Nachrichl. , XI, 1865, p. 410, suivi par Holm, Guch. Sicil., I, p. 137. 4-. O. Benndorf, Die Melopen von Selin unl, p. 14. 5. Cavallari, Boil. Ani. in Sicilia, V II, 1874, p. 19 sq., à cause des armes retrouvées là qu'il attribuait au dernier combat des Sélinontins, en 409, autour de l'autel de Zeus Agoraios. 6. F ougères-Hulol, Sélinonte, 1910, p . 149 sq.
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L'AGORA DANS LA CITÉ GRECQUE
son raisonnement reste trop théorique. D'après lui, l'histoire de l'agora se confondrait avec celle de la ville ; la cité de Pammilos aurait eu la sienne sur l'acropole, entre les temples et le rempart oriental. « Mais de même que l'agora populaire du Céramique d'Athènes supplanta au vie siècle l'agora ancienne comme centre de la vie politique et la réduisit au rôle de place des fêtes, de même à Sélinonte, l'agora politique dut émigrer au cœur de la ville extérieure tandis que l'agora de l'acropole n'était qu'une place sacrée ». Après la défaite de 409-408 (Diodore, XIII , 57), dans le resserrement de la cité d'Hermocratès, l'agora aurait réintégré son ancienne place. En outre, Fougères faisait la part trop grande aux influences hippodamiennes . Il attribuait 1 à la reconstruction d'Hermocratès la régularisation de l'acropole par les deux grands axes perpendiculaires que le respect du domaine sacré avait légèrement déportés hors des centres géométriques et il en attribu ait le mérite à l'influence des réalisations d'Hippodamos qu'Hermocratès et ses architectes auraient connues ou vues à Thourioi ct à Rhodes. Les fouilles récentes de E. Gabrici n'ont pas confirmé toutes ces perspectives 2 • Elles ont montré d'abord que, à l'époque archaïque, l'acropole occupait une surface limitée et que son enceinte, au tracé polygonal, n'enfermait que des édifices sacrés ; il n'y avait point de place pour l'agora ; le temple C, le petit mégaron, le temple aux métopes et une petite construction à l'Ouest de C occupaient cette acropole restrein te. Au milieu du vie siècle, le temple D est alors construit et les limites du téménos furent repoussées vers le Nord. C'est à la fin de ce même siècle que commencent les travaux d'agrandissement et de régularisation du plan, donc bien avant l'influence hippodamienne. Ils comportent 1'élargissement des terrasses vers l'Est par un remblayage massif qui permet d'appuyer l'esplanade au nouveau mur de péribole en gradins ; un propylon, les temples 0 et A sont alors 1. Ibid., p. 192 sq. 2. Mon. Ani., XXXIII, 1930, col. 61-112, pl. I-IV. Les hypothèses de G. Fougères furent déjà mises en doute par A. von Gerkan, Griech. Sliidlea nl., p. 36-37, qui avait montré la nécessité pratique de ces grands axes pour assurer la circulation entre les importants quartiers de la ville situés de part et d'autre du plateau. Or, ceLLe nécessité ne jouait pas dans l'hypothèse de Fo~g~res puisqu'alors la ville, diminuée et affaiblie, s'était concentrée dans les hmttes de l'acropole.
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L'AGORA DANS LA CIT É GRECQUE
construits. Tous ces travaux ont lieu entre le milieu du vie siècle et le milieu du ve siècle 1 • C'est alors que les axes sont tracés et que la place sacrée à l'Est des temples C et D est pourvue d'un caractère monumental (fig. 40) ; elle est nettement délimitée au S. et à l'E. par une stoa coudée dont ne subsistent que les deux lignes de fondation s, distantes de Z m. 80, longues au t otal de 57 mètres ; l'aile Est s'appuyait au mur en gradins. Aucun fragmen t d'élévation ne peut être attribué à ce portique dont l'entraxe (3 m. 27) est donné par des cavités disposées régulièrement sur le mur de fond, dans l'axe des colonncsz ; le centre de la place est dominé par le grand autel ; le tout est bien orienté suivant les deux grandes rues de l'acropole. Cette place n'était certainement pas l'agora du ve siècle, comme on l'a proposé 3 • A l'époque hellénistique, quand Sélinonte devint une pauvr·e petite cité, après la concentration de la ville dans les limites de son acropole, la place sacrée va se trans former en agora. La stoa coudée avait été ruinée ; le seul édi fi ce important de cette petite agora provinciale, sans prétention, fut construit au N ., pour former la limite de la place ; il comprenait une rangée de douze chambres rectangulaires alignées derrière un petit portique, profond de 2 m. 80, ouvert au Sud par une lignée de piliers (0 m. 45 de côté), placés à 1 m. 25 l'un de l'autre 4 • Agora bien modeste certes, mais à l'image de la cité qui vivait sans éclat sur les ruines d'édifices somptueux (fig. 41). Des données fragmentail·es - le plus souvent limitées aux quelques indications de textes historiques - que nous possédons sur d'autres villes de Sicile ou de Grande Grèce, nous ne 1. Auparavant, l'acropole jouait le rôle de domain~> sacré fortifié, avec un mur en polygonal, percé d'une porte au S., enfermant le temple C, le mégaron, le petit temple aux métopes et l'édifice situé à l'O. du temple C, Mon. Ani., XXXIII, 1930, col. 100-101 ct 109, pl. II. 2. Il ne semble pas nécessaire de supposer, comme le voudrait E. Gabrici, ibid .. col. 79 sq., des pilastres intermédiaires entre les colonnes qui ramèneraient l'entraxe à 1 m. 85. Ce dispositif, caractéristique des portiques minoens, serait sans autre exemple dans l'architecture grecque, tandis q ue l'entraxe normal se retrouve dans des constructions contemporaines ou plus anciennes. 3. Cavallari, BoU. Ani. in Sicilia, VII, 1874, p. 19-22, d'après Diodore, XIII, 57. 4. Mon. Ant., XXXIII, 1930, col. 61-70, pl. 1-IV; c'est à proximité de cet édifice que furent trouvés deux étalons de mesures en pierre, ibid., col. 71.
LES
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pouvons rien trouver permettan t d'imaginer la stru cture orgnnique de l'agot·a ; tout au plus csl.ril possible parfois d 'en deviner la place dnns la r..omposilion urbaine et ses rapports avec les gra nds oxcs de ln r.ilé. Celle do Tarente est ment ionnée da ns plusieurs textes•, dont le plu im portant e t cel ui de Polybe sur l'occupation de ln viUe pa r les Cartha gi nois lor s do la défection de 213 av. J .-C. ; on devine que trois grandes rues y donnaient nccès et qu'on y déboucha it par trois pnssngcs qu e les con j u•·és occupent. : • Les compagnons de ileon el:. Tragiscos ... se divisant en 1rois groupes, rnon laieo t la garde, après s'en êlrc emparés, a uprèii des troi~> en Lr~es les plus faciles de l'agora ... t (YIH, 29). La mention de ces lroi accès - les plus aisés, ce qui implique des enlr{!es moins commodes - n 'évoqu e pns une place bien délim itée, ni soigneuse ment fermée, mais uo l rès largl' d égogeml'nl, compr is t!nlro des ru es qui se croiqcnt, a ,·cc drs débouchés accessoires sur des ruelles seconnnil"l's; elle n'élail pas sur un grand axe lo ngit udinul, mais su r urte rue lransversale mon tante: ~ lis s'avaocèrcnl; vers l'agora par la rue Large qui mon t.e ne ln rue Basse • 2 • La soule conclusion assu rée esl que J'agora no se l•·ouvait pas à proximité immédia t.c de la mer; ccci nous expliquerait. l'exislence de deux auLres places marchandes, voisines sans doute des cnLrcpôts d u pot·l, suivant une loi de spécialisation très caraclilristiquc des nouvelles tcn donces ur ban isles 3 • Le siLe d e l'agora de Métapoote est idenli fié par ses ra pports avec le tem ple d' ApoUon Lykeios, con nu sous le nom de Chiesa d i Sansonc • ; à proximité se trouvait. a ussi le lhéàtrc ; 1. Rossembl~ par P. Wuillenml.r, Tarente, p. 244 &q . ; Polybe, VIII, 'l!l, 7: o! llè :tt?lm N~ .. x«l T~ov--- ~LtÀÔ~ <>~iiç dç '
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D'B H'l'ODA.b!OS DE MILET
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mais il Eau L attendre d'une exploration systématique les ~léments d'une reconstitution. Quant à Paestum, selon Loute vraisemblance, l'agor a h elléniq ue s'étendait là où fut plus tar d le forum ; les recherches en cours satisferont. bientôt peut-êt re notre curiosité . •
•
•
Ainsi le bilan est maigre et encore les q uelques indices fournis pa r cette enquête en Sicile et Grande Grèce n e s'expliquent-ils que par comparaison avec les agorai des cités de Grèce conLinentale ou d'Asie Mineure. Plus qu'aucune a utre, il est une de ces réa lisations urbaines du v 11 siècle qui devrait fournir une contribution parLiculièremenl:. précieuse à notre recherche, c'est l'agora du Pirée connue sous le nom d' llipf•6damcin. Son nom même ne lui donnerait-il pas la valeur d'u n type? E n Lu uL cas, l'appellation populaire courante pour désigner l'agora politiq11e d u cen tre de la ville pa ra tt bien avoir été 'h7to8ciiJ.~w: ciyopci ou même' H 'Inr.:oMfi.Et.OC; elle est rapportée par tous les lexicographes et déjà par des t~moign agcs littéraires du rv e siècle • ; par contre, le nom officiel dans tous les textes 6pigra.phiques l'opposait à l'agora d'Athènes, à l'agora de l'.Xa
Bok l;cr, Ance. Graoc., l, 266; Andoeide, 1, 45; X t nophon, /Jtll., 11, 4, ll; Démos· !Jlènc, XLIX, 22. Le texte d'AndOcide montre qu'elle joue au Piree le mi!m& rôle que l'agora du Céramique Il Athènes; loNI d'une alerte, los citoyens armés sont convoques &u r l'agora du Céramique il Athènes, sur J'agora d'Hippodamos au Pirée. Z. 1 G, Il •. 380, l. 9, 36 &q. ~~ 39 : .;, «·ro?Œ Y] èl-' 1Ja.p1X.Lti: ; 1668, 5 eL 1176, 1. ~0 : i) «yop.i ~<;,v 8YJ;.tO'!'C>V. 3. Paus., 1, 1, a : Moc xll.{ltGTl)>
èo-:l.v hipoc.
4. Hlrsehfeld, Ber. aber die Vtrhllnd. der Sach. Geaell. lVi.,.., XXX, 1878, p. 1 sq. ; Milchhoeter, dans J(arttn 110n Allika, pl. Il.
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L'ACOR A. D A.N$ LA CITÉ CRI3CQU B
leurs conclusions se sont trouvées souvent en contradiction avec les découvert es faites au hasard des trava ux modernes ; ces résultats ont incité W. Judeich à la prudence et l'ont amené à publier un plan moins complet , mais sans doute plus sûr1 ; de celui-ci, il est possible de tirer une consta tation su rtout négalive; les di!Téren ts qua rtiers n'ont pas reçu la même orientation ; ils sont décalés les uns par rappo1·t aux autres ; le syst ème d u damier ne fut donc p as appliqué à la p resqu'Ile tout entière; des zones ruren t délimi tées et ensuite traitées isolément. Tant que des recherches sy stéma t iques n'auront pas été fait es - rendues bien difficiles par l'inst allation de la "ille moderne - il faut renoncer a ux considérat ions théoriq ues su r le plan primitif du Pirée ; mais je croi s que la m éthode même q ui a été suivie dans le t racé d e ce plan peut être formulée bea ucoup plus fermemen t q u'on ne l'a [ait et ces con clusions, p ar les rapprochements q u'elles permetkont, sont loin d 'être n égligeables. Un élémen t important du t ravail de division et de delimitation nous a été conservé : ce son t les bornes qu i jalon_naient sur le terrain les Limites d e quartiers ou les emplacements d 'édi fices!. Leur première contribution à l'éLude du Pirée (ut de met;t.re fin aux discussions sur la daLe du tra cé : Thémis tocle ou Périclès ? Pour vouloir trop attribuer à Hippoda mos et laisser à son actif la reconstru ct ion de n hod es en 409, on avai t t endance à associer l'archi t ecte milésien à P él'iclès ct à porter la fondation du Pirée à L'actir d u grand st.ratège3. P. Foucart a souligné les caractères commu ns à tous ces textes (sur blocs de poros taillés en cippes rectangulaires) et à leur 1. W. Judeicb, Top'., p. 430 sq. el plan lll. Les prlnclpales donnéesservanl de point de départ aux reconstitutions ont élé r6sumées par P. Luvedan, Flisl. urb., 1, p. 132 sq. 2. l. a serie des bornes anciennes, 1 G, !', eSï· S96 a él.ê completee par d 'autres axemplaireo trouvéS à Ailiènes, D. K. lllll. JlJA, XXXVI , 1932, p. 254 sq. dont la première, p. 2.'i·l, fig. 1 el 2, est à comparer à I G, 1', 892 el3 aul~ para issenl ~lre les répliques un peu plus récentes de 1G., 1' , 891. On ajoutera aussi les bornes qui r6porLissaient les diverses parUe• du corp• miiHaire entre les trittyes, 1 G, P , 897-901. 3. T bêse ndmiso depuis Hermann, De l1ipp"'Jamo Mile>io, 184 1, ndopl.6e par Waebsmulh, llirschreld et Milchboerer; E. CurLius, cepcnd3nt avait déjll mJs en doute le l6moigage de St rabon pour s'en tenir au lex t.e de ThuC)'dide, r, 93 : T~ll« xcr.-..:GY-Wv
Lt:S INNOVATrONS D'HIPPODAMOS DE NIL.ET
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gravure (ca ractères pr ofondémen t incisés et. d e grandes dimensions); certains remontent. bien à l'époque de Thémistocle •; il est possible que d'au t.res soient un peu plus récents. On peut distingu er deux catégories ; les u ns se réfèrent à des délimitations de zones ou de quartiers : limites du port 2, limites du territoire en tre Athènes et le Pirée el limites de quartiers à l'i ntérieur du Pirée 3 , limi tes des terrains réservés au domaine p ubUe 4 ; les a ut res mentionnent des emp lacements précis à l'intérieur même des zones précédemment fixées : Uroi tes de l'agora 6 , limites d 'ancrage public et privé' à l' in térieur du port, emplacement d'une leschè 7 , emplacement d'un propylon public', emplacemen t réservé à chaque trittye•. C'est dans cett e deuxième catégorie q u'on pourrait déceler sans doute des textes u n peu plus récen ts (relatifs au propylon et aux trittyes)1 0 qui correspondrai ent à une seconde phase rlu t.ravail. 1. P. Foucart, Jour. Sao., 1907, p. 177 sq. La meme date est proposée
par l'êdlteur des nouveaux text es, AJA, XX.'>:Vl, 1932, p. 205·206, pour les t.a.xtes les plus anciens du moins. Certains apparLiennen~ en elleL à une série un peu plus rêcen te. 2. I G, l', 887 a et b dont l'une trouvée in situ, derrière l'église d'Hnghlos Nicolao•. S. !bir!., 893, 894, 958 (?). Une di~Sl:usslon s'est 61evée sur l'lnt.orprétalion de lt<m> dans 893 : ltxp• "<<{ ç) 1 h oa;) -<Ëio3t TO èél<mJ Te'i)8t vcv!ltu"
presqu'Ile d'Aet.è. 8. Ibid .. 89 1 et AJA, o. c., fig. 4, 5, 6. 9. Ibid., 897·901. 1O. AJA, XXXV 1, 1932., p. 25G sq. ; ces blocs sont en etTot taillés d'une laçon un peu dltTéranle et ln lorme des lettres n'est pas exactement semblable, encore qu'aucun critère précis ne pui~se être invoquè; c'est une question d'impression; ta dltTérence en tout cas ne pourrait être que de quelques ann~es.
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L'AGORA DANS LA CJTt CllECQUE
Les plus anciennes apparl.iennent. au premier trocé qu i eut. lieu d'après le pla n d e l'architecte lui-même; les limites des quar tiers so nt fiXées et des t errains son t prév us pour les inst.alluLions d u port ; cc qui répondait à la préoccupation cssenLiclle d u fonda teur Tbémislocle ; ensuite des zones de Lerrain son t laissées libres cL uLLrib uées à I'ÉLat; elles permettront, par la suite, des extensions de co nslructions néce:>silées par le développement du port et d e la cit é. Une deuxième ph ase de travaux comporte l'nmêoagement de ces zones et la conslrucLiuu des édifices prévus, phase q ui durait de longues onnéf>.s, comme nous allons le voir . CeLLe réal isation du p lan pa r étapes, telle que nous pouvons la déceler dans la d iversité d es bornes, e>.." Pliquerait les va riations de d étail qui interviennent à l'intérieur d'un quartier; les gra ndes lignes une {ois fixées, l'orientation particulière des rues ou nes édifices peut s'infléchir ou varitH' suiva nt, des règles p ropres à un quartier, sans que pour cela l'existence d'un trneé général pût, êt.re mise en doul.c. Hirschfeld et 1\-Iilchhoerer onl été trop systématiques dans leur reconstru ction, mais par nilleurs le scepticisme de P. L avedan paratl lui aussi excessif. L'esprit grec, en urban isme comme dnns les autres domaines de l'orchileclu re, ava it assez de sou plesse pou r évoluer 1i l'aiStJ, dans ses réalisal ions de déliHL, à l' intérieur d'un traré dont les grandes lignes seules avaien t été très n etteml\nt fixées. D'ailleurs la natu re même de cet,te opération est sng1,~ré9 pal' les term es qui sol· virent à la désigner dans les LeJCLes li tléraircs ou épigraphiqu es VI:VtJJ.'r)TO'.\ ', 'lmto8r/.ftOU VfJJ.'rj!1\Ç OU lC7.TIX">:tfLVt.l 0 • JI S'agit dans les deux cas d'un découpage d e zones sur le Lerrain et d ' un partage, d'u ne répa rtition de ces zones entre les d ivers organismes, privés ou publics, essenLicls à la constitu t ion et au fonctionn ement de la cite•. Cel aspect des t ravau.x, ainsi réalisés par t ranches, loin d'élimi ner ou réduire le rOi c d' Hippodamos, permet au contraire de le confirmer et de le préciser; le Mi l6sien appliqua a u Piréo très e..xacLemen L la méthode
1. lG., l', 803. ~-
13ek.ker, Anu. Gr., 1, 20G, comme Arlsl.ol.e, Polilique, 11 , 6. S. Slln.s que l'on puisse y ret.t-c>uvcr la division tMorfqu&, recomm:lDdée par JltppodamOil, d'opnls Ari•t.ote., du territoire urbain en 3 sccteun : publie (8wOO..Ov}, &aerO (l•p6v) et priv6 {rli\ovl; P. Lavednn, o. c., p. 135-136, ~ jus· lement eriUqué l'hypothèse formulée ô ~su tel par Hir8Chfeld.
LES INNOVATIONS D'llll>POOA ~IOS OE MI LET
361
qui rut celle de ses concitoyens rians la reconslrucl-ion de sa cité d'origine. En eiTel., l'histoire urbaine de Milet présente des analogies fruppunLes avec celle du Pirée qui, croyons-nous, méritent d'être mises plus en évidence qu'on ne l'a fait jusqu'à présent. _ L'histoire archil,ecl.ura le de Milet ne commence, à vrat dire, qu'après sa destr·uet ion il peu près complète pur les Perses en 494 qui on l to ut abattu, maisons el temples, et ont déporté les hubilunts 1• De lu ville prépersique, nous avons une vision très fragmentaire, car les vestiges n 'en a pparaissen t qu'en trois points ; au Delphinion, dans la région du temple d'Athéna el sur la colline de Kalabaktépè où un h<~ bi tat, de plan ancien et lrès irrégulier, subsista jusqu'att v re siècle 2 • A leur retour, les ~lilésiens font preuve d' un état d'espri t bien d ifTérent de eelui des At héni ens. Au lieu de reco nstruire leu1· cité telle qu'elle était, sur ses ruù1es, ils vont l'organiser, l'aménager et la transforrne1· au point d'eu faire un modèle de l' urbanisme anLique. Les premières traces de cette résurr·ection nous amènent à nouvea u sur la colline de Kalabaktépè qui offrait un site plus favorable pour une insLallat,ion temporaire, à l'abri de fortifications qui pouva ient être facilemenL restaurées ; le territoire de la grande ville était abandonné à l'acLion des archi tectes. On disculc sur les débuts de ceLle entreprise. A-t-elit~ suivi immédiatement la libér·at.ion de la cilé vers 478 av. J.-C. - à moins que celle-ci n'aiL eu lieu q u'en 46S - ? Ou bien fallut-il allendre plusieurs a nnées encore, jusq ue vers '150, pour que le nouveau tra cé fût alors élaboré et reçOt un commencement d'exécution'? Pourquoi les i\filésiens auraient-ils t nnL tardé a dessiner leur plan moderne et à repo rter ses grandes lignes sur le terrain, eux qui Curent les plus efficaces représentants des tendances novatrices dans les auLres régions de Grèce? Et n'a-t-on pas la preuve que les _plus anciennes const ructions, a u Oelphirrion comme au te mple ci'A théno, sont soumises aux mêmes aligneL
~rerodote,
VI, 22.
2. ll:lud lé par A. von Gerkan daru; J"'ilel, 1, 8, 1925. 3. A. von Cerkan est p~rlisan de la dale bauLo, Mlltl, 1, 8, p. 120 sq.; Grieell. Stadteanl., p. 38 sq.; W Uomowilt, Go//. Gel. ; lm., 1911, p. SI adopterait plus volontiers la Z• hypothèse, U>ndis que M. Meyer croiL que le plan o suivi de peu la llbêroLion, mais celle-ci n'a pèut-iltre eu lieu qu'en 466, RE, B- v. MileiO$, XV, col. 1633 sq_
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L'A GO RA DANS LA CITÉ GRECQUE
men ts que les réalisations posléricurcs 1 ? Aucun vestige n'a Hé trouvé q ui fùt en con tradiction a vec l'or ientation génér ale du plan, mais il est des pcLites variations qui laissent su pposer un processus identique ù celui que nous avons déce lé au Pirée ; i:l l'examen, les Lrois quarLiel'$ principaux sc révèlent légèrement, flésaxés les tms par rappo rt a ux nulres : déviation assez cnsiblc de la direction des rues d ans les deux qu artiers N.-0. 11L N.-E. et unité mal réalisée par la région de la grande ugora Sud'· Ces a nomalies s'expliquen t aisément, si, comme au Pirée, une di,;sion générale du site fut d'a bord exécutée qui fixa les limites des principaux quartiers et déLe•·mino les t errains réservés à l'ÉtaL et. a ux constructions publiq ues, a u cœur même rlc la péninsule. Ensuit e, penrl a nt deux ou trois siècles, les édiûces fur ent. const.ruits dans chaque quart.ier suivant une perspective limitée il. cc q uartier. Il est cerlain que les a rchitectes du ve siècle n'av:uent pas prévu d ans le délai) le plan n i la structu re des grandes agorai Sud et Nord ; ils n 'en avaient que réscn ·é la place d ans les découpages du terrai n ct fix é l'orientation générale. Le Delph inion luimême, ancien sanct.uaire cert.cs et Lieu de cul te p répersique à n 'en pas douler 3 , se trouvait d 'abord da ns un quartier e..xcenlrique et su conslcuction [ut cornmeucée bien avan t, celle des édi fiees voisins ; cependan t, il s'intégra aiséml'nL da ns l'ensemble du plan, car ses limites enrerma ienl:. de ux insulae rom prises ent re quatre rues du damier ; les contours extérieurs de l'agora Curent l racés eux aussi de façon à réserver la surface de seize insulacj plus tard , dans la mise en place des portiques, 1m léger décalage s'est, prod uit vers le Sud pour respccLer la largeur d'u ne transversale venue de l'Ouest• ; ce dernier détail prouve bien quo des a ccommodements étaient. pris avec le plan généra l quand il s'agissait d 'intégrer aux grandes lignes de ce cadre des cons1. Ml/el, Ill, p.
contre A. von C~rl
LES ll'fNOVATI ONS D'lii PPODA~IOS OF. ;\I !LI!:T
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t ructions élevées plus d'u n siècle après le t racé. Il n'en reste pas moins que ces inCract ions étaient limitêes et que l'œ uv re des premiers architectes fut remarquabl e d e neLLel..é eL de précision pou r s'être imposée avec ta nt de facilité pendant des siècles. Le mérite en revient à une organisation précise des services d' architecture de la ville que nous entrevoyons dans les textes épigraphiques. Toute cons tru ction nouvelle semble soumise à l'a utorisat ion préalable de l'architecte'; on le voit in tervenir da ns l' installation des nouveaux citoyens 2 ; un architecte a gt·éé pa r la vi lle di rige aussi les travaux des leichopoioiB. Il est vra ise m blable qu e c'!'.st à lw qu' incombait la charge de fai re respecter le pla n d'urban is me•. Un texte épigraphiq ue vient fort opportunément confirmer la ma rche des Lravau.x telle que les édifices et les textes nous ont permis de l'imaginer à Milet ct au P irée •. Colophon , dans les dernières années du rve siècle, modifie l'étendue de la ville dans une enceinte agrandie et procède à u n nouveau t racé de l 'habitat; une commission de dix mem b res est instituée qu i, après avoir choisi un archi tecte, orgaoise la reconstru ction de l'enceinte en se procura n~ l'a rgent nécessaire par une é7tt&a,~ 8 ; ensuite, elle procède à une nouvelle division du sol par un Lt·acé des ru es q ui délimite les zones réservées à l' habitat et. choisit l'emplacement de l'agora , des a te liers el de t ouL ce crui esL nécessaire aux installations d'État 7 • Le 1. Décret d'Antiochos sur la construelion de la stoa E. do la grande agora, i nfra, p. GOO.
2. M f/el, Ill, n. 33 d et p. 1?3. 3. Ils sont e horgés de ln gravure et do la mise en plaec des décrets, Mi/cl, Il l , 141, l. !;0; 143, l. 37 ClC). .• : 1, 7, no 270. 4. Le• Athéniens semblent ovoir cu recours, plus que les Gt·ees d'Ionie, au système du bornes nxanL sur le terrain les détails du plan. Ils y éta ient accoutumés par ln prutique du bornage Imposé dès le vr• s. por les Pi.slstralides. On se rappelle que de t elles bornes prot.Cgerucnl. dès 520-510 av. J .-C., l'agora du C6romique contre les envahissements des parLicullers. Les limites incer~ines et nou.antes du domaine public l'exJgeolent puisqua ceLUI d6limita.tlon so laisail au haM rd des conslrucLions ~ un carrefour de ruœ. 5. B.D. Merilt, A JPh., LVI, 1935, p. 3t>i·39ï; L. Hobert., Reo. Ph., 1936, p. 168-159. 6. Ibid., l. 21·25 : cbro8c~«< Si è!Y8p<XÇ 3€:
L'ACOR.'I. DANS LA CITÉ GllllCQUS
p rincip e reste toujours le mllme; à l' intérieur des limil:.l-..s ainsi fixées, des zones reçoive ut, des afiect.alions spéciales, cert.aines étant attribuées nux constructions d'J;:tat qui pourront. être exécutées pnr la suite, en fonction des ressources de la cité. Nous saisissons là un des principes essentiels de l'urbanisme helJénique des veeL Iv" siècles. Les mêmes principes sont ap pliqu és pour la constru ction d ' une agora au Soun ion 1 ; une commission de lrois membres est choisie qu i délimiLera un e place ; toute consLructiou publique ou privée est interdite sur l'aire fixée. L 'originalité des architecLes milésiens nous apparart. ainsi assez p récise. N'est-ce p as cet te mélhode de réo.liso t ions progres:.1ves qui frappa les Athéniens da ns l'œuvr e d'Hippodamos au Pirée, méthode bien difJérenLe de leur aLL1Lude à eu..x qui refaisaienL, là où ils llt.aienL, les édifices ruinés par la guerre, plus Hdèlcs aux imperfections du passé que sensibles aux avanlages pratiques des concPpl.io us ioniennes. Il manquait à la Grèce co ntinentale le sens de la vie urbaine s i développé en Ionie et favorisé par la J)rospérit.é de ces cités archaYques dont le gollt s'ét;JiL affiné a u conta ct des civilisations voisines, assyrienne eL syro-p h.éniciennc. l'our en revenir au Pirée, seule, sans douLe, la première par l.ie de l'œuvr e, la di vision générale de la presqu'tic en grandes zones eL la fixation des orga nismes essentiels de lo n ouvelle cité, les ports et les agorai, esL due à H ippodnmos. S'agit-il d'Hippodamos lui-ml!me? D'un ou de plusieu rs autres architect es venus de MilcL ? Il n 'y a a ucune raison de récuser complètement le témoignage des Athéniens et les similitudes dans la marche dos travaux entre les deux cit.és sont trop gra ndes pour qu'on puisse mcilre en doute l'o.ppar Lenancc des a rchit ect es à u ne même école. Mais ces a rchitectes ont-ils eu une conception également originale de l'ugora, justifiant l'aLtribulion du nom de l'un d'eux à celle du P irée q ui prendrait ainsi la valeur d'un type? La t enta tio n èlait gran de - et plusieurs h i:.loriens de l'urbanisme y ont cédé - de 1·estituer les trait.s de cette agora hippod amienne. La diversilé, pour ne pas dire les cont ra xp«&i)on"'' ou;.ep6v=ç x"l 6,;w; ~ ~'I)IL6cn«
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1. Mk:hel, Rtawl, 14~.
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LES INNOVATIONS D'HIPPODAMOS DE MILET
365
dictions, des conclusions formulées incite à la plus grande prudence. G. Hirschfeld, reportant sur l'agora du Pirée les constatations faites sur celles des cités ioniennes du Ive siècle, y voyait une place entourée de portiques et complètement fermée sur tous les côtés 1 • Erdmann, par une interprétation des textes fondée elle aussi sur des considérations trop théoriques2, aboutit à la conclusion, pour le moins paradoxale, que l'agora était du type ancien, caractérisée par des sloai indépendantes que séparaient des rues débouchant sur la place ; conclusion erronée due à une fausse conception de l'agora ionienne. Ici encore, nous devons limiter nos prétentions à la mesure de nos documents ; or les données archéologiques ou architecturales sont inexistantes, nous n'avons que quelques témoignages littéraires et épigraphiques : - 1° Dans les affirmations des lexicographes, il n'est aucune indication sur l'aspect de l'agora, ni sur les caractères de cette création d'Hippodamos, si même il y a création, car rien n'indique expressément qu'elle est l'œuvre de l'architecte lui-même 3 ; Le plus ancien témoignage se référant à ce nom est celui d'Andocide : ((le Sénat, après avoir convoqué les stratèges, les invite à proclamer que les Athéniens de la ville doivent se se rendre sur l'agora, en armes, ceux des Longs-Murs au Théseion, ceux du Pirée à l'agora d'Hippodamos »4 , et Démosthène, ou l'un de ses contemporains, mentionne au hasard d'un discours la maison d'un certain Timothéos en bordure de
- zo
1. G. Hirschfeld, Ber. Sachs. Ges. Wiss., XXX, 1878, p. 1 sq. 2. Erdmann, Philologus, XLII, 1884, p. 2I:l sq., d'après le récit de Xénophon, Hell., IT, 4, 11.
3. Harpocration, s. v . 'llmoMfLe:ta • ~"l)fLooSbn)ç &v -.(i) 7tpoç Tt(.L68e:ov ocyop&v
L'AGOilA DA-NS LA CITA Gf\EtQUE
l'agora d' Hippodamos•. P lus prtcitux e•lle réelt de Xênophon su r les combats de rue qui oppos•nL les troupe• de Thrasybule et de Criti•s dans les guerros civiles, •ous les Trente : • Les porlisans do Grit ias venu• d' Athènes se por~rent sur l'ugoro d' Hippodomo5 o~ ils fo•·mèrent leurs r Angs de façon à ga rnir la rue qui tondu il au saoctua.ire d'Art!mis .Hounychia el au Btndithion; leurs rangs 8tl.t'ignaient. une profondeur d•n,1 moin~ cinquante bouclirrlôl • '; comme ils éln u:nt près de t roil5 mille, les r"n g~ comportaient nu mjnimum 60 ho rumei de
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30 ~ 40 mètres, .-li me-l-{)0 • n géuéràl. EnOn .Pausanias ajoute un précieux complément en nous ttvertiunnl q ue ((' P irée poS!kdait d~ux agoroi, l'une marchand•, prt's du port allennnt à la Longuo Stoo, I'M•lre à l'écart de• affaires'. - 3• Des textes ~pi~rnpbique•, ,..,lunoos qu'un rr~gmen~ dn borne indique que l'ngo'"" avni l éiA déli uulk~ en m~mc lemps sans doute quo le port• ; r nr la suile, de• lrovaux de neltoyege eL de nh•ellemenl y •ont .CTectuês'; la Skeuol bèque de Philon esl milo~·enne; les deux Miflees ont un propylon commu n qui marque le depa~L du long abri dont la construct.ion ost mise en ndjutlicalion•; r n fln, cette ngora étai~ le centre politique do ln eilé, là où se ••!:unissaient les gens du dèm•, assimilée o relie du Céramique'. O'aprt's l'ensemLie de ees ltmoigual(eS, il esL vosûble dr formuler quelques jugements précis sur les"""'"' de restitution proposés el de d~gogcr quelques condu:Uons positive.•. J.cs hésitations &ur son emplntelnent d'a bl'lrd onL pris fin avec la d~cou vc,.le du dovis de P hilon . l~irschtclct el 1. Pt. -Df:mœlWot, XLIX, '22 : ~ dç ~ c.hc.(~ ti;" iY llcljlOUt ~ i'ol1j ··~,)icÎq . : Xtnophon, lfd l., 11, t , 11 : o-! &i llC. 'Q)il 4.rr.ul.; etc "'"-" 'JmtrJii!-'a.t,.., ~Ô;<1 ii.Ot'f~Ç1 r~Cnw loÙV OV'4~-1\11"01 ~~ ip.:""J.i',o~ rl-jY 6lWN ~ t;~f~~~ xp6~ tt Tb lcçt... ti'jc Mwwx.l~ •Apd[-U~ xtx\ tb Urv!'~. K
l'i?'..O' "!'CTT6.1)(1ov nUEiç..tv. 1. IG,U•_, 3$0,,:f) 4yoyi ~ i:;t fic.t.p;udtLIC, Il',lll&,'l
~ottyCw,
LES INNOVATIONS D'HIPPODAMOS DE MILET
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Erdmann en effet, fidèles à leur conception théorique du plan hippodamien, imaginaient l'agora au centre de la composition, à l'intersection des deux grandes rues qui se coupaient à angle droit ; dans cette perspective, ils cherchaient l'agora dans la région de la place la plus importante de la ville moderne, la place CoraP. C'était méconnaître le principe même de la division du plan orthogonal dans lequel l'agora ne peut occuper qu'une ou plusieurs insulae. L'étude du devis de Philon et sa confrontation avec le récit de Xénophon permirent de repousser cette hypothèse et imposèrent de placer l'agora politique à peu de distance en arrière du port de Zéa. La galerie des agrès réunit le propylon de l'agora aux cales, évidemment placées sur le rivage même; or, la galerie sera de quatre phèthres (4 x 29,6 = 118 m . 40), ce qui nous permet d'évaluer approximativement à 150 mètres la distance du propylon de l'agora aux quais; d'autre part, à l'Ouest, une très large rue la reliait au sanctuaire d'Artémis Mounychia; sa largeur est exceptionnelle; mais s'agit-il d'une rue véritable ? Ou plutôt d'une bande de terrain libre de constructions, qu'il faut imaginer comme ce large passage qui, à Milet, ,·eliait l'agora Sud au Delphinion ? Celui-ci ne devait prend re l'aspect d'une rue qu'après l'achèvement du marché Nord au premier siècle av. J .-C. et ne reçut son ornementation monumentale et définitive qu'un siècle plus tard. Il en fut sans doute de même au Pirée où l'agora était, comme la place Sud de :Milet, prévue d'abord dans une vaste zone de terrains publics qui se développait jusqu'au port, puisque la galerie de Philon put s'y installer à la fln du rve siècle sans avoir été gênée par d'autres constructions. Quant à l'a1'pect de l'agora, il nous est difficile, sinon impossible, de l'imaginer. Ici, comme à Milet, le travail d'aménagement et la réalisation du plan définitif exigèrent beaucoup de temps. Dans la deuxième moitié du Ive siècle, un côté au moins de cette place était libre de constructions puisque la maison de Timothéos était riveraine de la pl ac~ publique; s 'il faut y restituer des portiques, ceux-ci n'occupent encore que deux côtés . D'ailleurs la place ellemême est loin d'être en état, puisqu'un décret de 320-319 av. J .-C. prescrit des travaux de terrassement et de nivellement
'
1. Hirschfeld, o. c., p. 7; cf. Milchhoefer, Karten, p. 41-43..
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L'AGORA DANS LA CITÉ GRECQ UE
confiés aux agoranomes 1 , et les interdictions finales du texte laissent deviner l'état peu resplendissant où l'agora avait été réduite par l'insouciance et l'incurie des gens du Pirée qui venaient y jeter déblais et détritus 2 • La mention de bureaux administratifs, comme l'agot•anomion, qui sont généralement installés à l'intérieur de portiques, laisse imaginer des sloai sur un ou deux côtés de la pla ce. Une autre conclusion, très importante pour la suite de notre recherche, se dégage de ces textes : la spécialisa Lion de cette agora dans son rôle politiqu e et ses foncti ons religieuses s. Non loin de h< agora des démotes ll, vers le port marchand du Cantharos, se trouvait une autre place réservée au négoce, annexée à l'emporion et inscrite dans ses limites. C'est autour de ce marché, centre des transactions et des afiaires, que se pressaient les cinq sloai dont nous parle une scholie d'Aristophane4. Il est très vra isemblable d'ailleurs que le vaste dégagement reliant l'agora politique au sanctu aire d'Artémis se prolongeait vers l'Est jusqu'au Cantharos et même jusqu'à ce marché de caractère international. Ici encore s'impose la comparaison entre ce dispositif et celui que les Milésiens réalisèrent autour de la Baie des Lions, devenue le premier port après la restauration de 478 av. J.-C. ; le marché Nord dont les limites avaient été fix ées dans le tracé primitif joue le même rôle que celui du port au Pirée et la correspondance s'établit d'elle-même entre la grande place milésienne du Sud et l'agora d'Hippodamos. Cette dernière constatation nous permet alors de préciser l'originalité de l'Hippodameia)· elle ne réside point dans un plan spécial, ni dans une stru cture particulière des édifices, mais elle est une pièce maîtresse de la composition urbaine dont l'emplacement et les limites sont très exactement 1. 1 G, 11', 380, 1. 8 sq. : arrw<; &)v Yi &.yop,X Yi è(~J.] TIEtpo:te:Ï x( tX]-rtXa( xe: Juo:aOer x lo:t O~J.tXÀta(:l&i WÇ x
LES INNOVATIONS D'HIPPODAMOS DE MIL ET
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prévus dans le damier et dont les rapports avec les autres points importants de la cité sont matérialisés par de larges zones de terrains laissés libres pour les aménagements futurs. L 'agora archaïque, dont Athènes conservait le type, s'était formée avec peine, au hasard des constructions, autour d'un carrefour important, en luttant pied à pied contre les édifices profanes ou privés. Que vînt une tourmente et l'envahissement du domaine public reprenait toute sa puissance ; on l'avait bien vu à Athènes après les destructions médiques, malgré les bornes des Pisistratides ; cette lutte était le symbole des difficultés que la polis avait elle-même rencontrées pour se constituer et se donner des lois. L'idéal politique de la cité était maintenant bien étabLi ; il sortait fortifié de la lutte contre le barbare. Quel que fut le régime intérieur, cette conscience politique avait forgé les liens d'unité du monde grec en face de la puissance orientale envahissante où l'individu n'était rien, où la notion de citoyen n 'existait pas. Dès lors, l'expression matérielle de ce régime politique, si fortement charpenté dès l'époque archaïque partout où la polis est une réalité effective, demande à s'épanouir au cœur même de la ville nouvelle ; l'agora n'est plus seulement une notion morale, elle devient l'élément le plus important de la composition urbaine. Telle fut, nous semblet-il, la véritable révolution introduite par les architectes milésiens. Mais il restait à déterminer une structure architecturale . N'apportaient-ils qu'une forme vide de t out édifice, dépourvue de tout squelette ? Il le semble, à juger par les rares vestiges archéologiques qui nous sont conservés, impression renforcée encore par les quelques textes dont on a voulu parfois tirer d'importantes conclusions. Rapprochant la critique burlesque des nouvelles théories formulée par Aristophane dans les Oiseaux 1 et certains passages des Lois de Platon 2, Erdmann en dégageait les principes essentiels d'Hippodamos 3 . La forme idéale de la cité aurait été le plan circulaire, dans lequel l'agora se trouverait à la 1. Aristophane, Les Oiseaux, 995 sq. :
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2. Platon, Lois, VI, 20, 778; VIII, 13, 848. 3. Erdmann, Philologus, XLII, 1884, p. 206 sq.
370
L'AGORA DANS LA CITÉ GRECQUE
croisée de deux diamètres perpendiculaires, les autres rues coïncidant avec des rayons divergents ; le tracé quelqu e peu obscur d'Aristophane serait confirmé par les indications très précises de Platon : « Il faut construire les sanctuaires tout autour de l'agora ainsi que la ville tout entière en cercle »1. Dès lors, le plan retenu pour le Pirée aurait été un demicercle et l'emplacement de l'agora se trouverait défini exactement par l'intersection de deux grandes rues se coupant à angle droit. On retrouverait ainsi les principes essentiels exprimés dans la caricature de l'arpenteur présentée par Aristophane. Retenons d'a bord de ces rapprochements que l'auteur comique et le philosophe s'intéressent essentiellement au choix de l'emplacement, qu'ils cherchent à le déterminer géométriquement, mais il n 'est en aucune fa çon question de com position ni de structure architecturales. De ces indications théoriques elles-mêmes, que pouvons-nous retenir de certain sur les principes de ce choix ? Comme l'a noté P. Lavedan 2, Aristophane se fait l'écho de discussions philosophicoarchitecturales sur les avantages de deux types de plans co nnus par l'urbanisme oriental ; le plan circulaire des villes syrohittites et les plans en damier de l'Assyrie. Ces spéculations paraissaient sans doute assez vaines aux contemporains d'Aristophane et au poète lui-même, toujours enclin à bafouer les nouveautés qu'il jugeait dangereuses pour les mœurs de sa cité. De cette gesticulation géométrique où le compas s'allie à on n e sait quelle règle courbe (xa.vwv xa.r.mvÀoç) pour réaliser une figure complexe avec l'aide supplémentaire d'une équerre (xa.vwv op66ç) , nous ne pouvons retenir qu'une seule constatation, conforme à celle que nous a suggérée l'étude des plans du Pirée : le souci éviden t de donner à l'agora une place prépondérante; la préoccupation de Platon n 'est pas différente : « déterminer dans chaque agglomération d'abord les sanctuaires et l'agora »3 ; ce qui implique un choix préalable et pose ce choix comme démarche initiale. P as un m ot n 'est dit de la façon dont les édifices doivent être 1. Lois, VI, 20, 778 c. 2. P. Lavedan, fli sl. Urb., 1, p. 127-128. 3. Lois, VIII, 13, 818 d : ~~~ Y.WfLn ÔÈ €x
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LES INNO VATIONS D' HIPPODAMOS DE MILET
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répartis autour de la place ; ce problème n'intéresse pas Platon ; il faut attendre Aristote pour obtenir quelques indications pratiques sur la nature et la disposition des consLructions. Le Ive siècle seulement accorde aux préoccupations matérielles une place prédominante et modifie les exposés théoriques des législateurs et des philosophes. Le ve siècle nous a révélé le plein épanouissement de la notion d 'agora ; notion complexe comme l'étaient ses fonctions ; en conséquence, les nouvelles écoles d 'urbanisme reconnaissent sa place primordiale dans le plan des cités. Les considérations théoriques se donnent libre cours et, poussées à l'extrême, exercent la verve des poètes comiques ; dans les faits, les règles sont moins strictes et moins géométriques. Tout simplement, l'agora, organe essentiel de la cité, a sa place réservée dans tout plan de ville, mais elle n'en constitue pas, et n'en constituera jamais, le principe organisateur ; elle peut être tout au plu s un élément de liaison, une pièce d 'articulation dans le dessin d'ensemble.
CHAPITRE IV LE D~VELOPPEMENT DES THÉORIES NOUVELLES ET LA FORMATION DE L'AGORA IONIENNE
Les théories qu e les architectes milésiens venaient de mettre au point et dont ils offraient les prémices à la Grèce continentale faisaient de l'agora un élément essentiel du plan urbain, non point cependant l'élémen t directeur dont l'orientation et l'emplacement auraient joué un rôle déterminant dans le tracé . En outre, ils ne fi xaient point le détail de sa structure. Une place libre et dégagée de toute construction était prévue et choisie pour répondre à des fonctions que l'évolut ion de la cité avait permis de formuler très nettement; le plan de cette place, sa composition architecturale, la nature et la disposition des édifices qui devaient l'entourer sont des problèmes qui n'entrèrent point dans la réforme d'Hippodamos. Un lourd et délicat travail restait à accomplir dont nous allons saisir les premières manifestations à la fin du ve siècle et suivre les réalisations tout au long des Ive et m e siècles. Il est en effet très remarquable que c'est seulement plus d'un siècle après le triomphe des principes hippodamiens que, architecturalement, se précisent les lignes originales d'un nouveau type d'agora ; nous constaterons que ces lignes ont été imposées, dans une certaine mesure, par l'ensemble du plan où la place se t rouvait intégrée. Ce long travail de recherche ct d'élaborations progressives a échappé aux hist oriens de l'architecture qui ont accepté, trop aisément, la définition de Pausanias pour en faire le principe d'une classification rigoureuse. C'est oublier que cc dernier fonde son jugement sur un état urbain qui date du ne siècle a p. J .-C., où l'aspect de l'agora proprement hellénique s'était profolildémcnt modifié. Vitruve lui-même ne se laissait-il pas déjà abuser
FORMATION DE L'AGORA IONIENNE
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quand il définissait la place publique grecque comme un carré complètement entouré de portiques 1 ? Plus ou moins consciemment, ces textes sont à l'origine des théories exprimées dans les plus anciennes études de l'agora. E. Curtius le premier a voulu définir les caractères de chacun de ces types, l'ancien et le nouveau 2 • Il avait relevé l'importance attachée, au ve siècle, à la délimitation de l'agora, mais sans relier cette préoccupation aux nouvelles idées de l'urbanisme ionien. D'emblée, il l'envisage comme une place fermée de tous côtés par des sloai, coupée de rues qui s'arrêtent à la limite extérieure et empruntent des portes monumentales pour déboucher sur l'aulè ; or , rien de tel n'existe sur les agorai helléniques avant le 1er siècle de notre ère; car les portes de Corinthe, de Patras qu'il cite en exemple ne sont pas antérieures à celles de Milet ou de Magnésie du Méandre. Les études contemporaines sur Hippodamos et le rôle de l'urbanisme ionien ne pouvaient que contribuer à renforcer cette thèse 3• Celle-ci trouve sa parfaite expression dans la dissertation de E. W ymer 4 qui reprend et développe les idées déjà présentées par R. B on·mann 5 . Pour avoir méconnu le rôle essentiel de l'agora dès les origines de la cité grecque et avoir accordé la primauté au rôle commercial sur les fonctions politiques et religieuses, E . Wymer délaisse toute l'histoire de l'agora ancienne, antérieure au système d'Hippodamos avec qui commencerait seulement le rôle de la place publique dans la vie collective de la cité ; d'où le besoin que l'on éprouve alors de l'isoler par des murs, de la fermer par des portes, de l'organiser en dehors des grandes rues qui la contournent ; lui a ussi voit dans la fermeture complète de l'agora en une vaste cour péristyle la marque d'une évolution 1. Vitruve, V, 1 : Graeci in quadrato, amplissimis et duplicibus porticibus fora cons tituunt. 2. E. Curtius, Gesam. Abh., T, p. 148-153. 3. Hermann, De Hippodamo Milesio, 1841 ; Erdmann, Philologus, XLII, 1884, p. 193 sq. ; Haverfield, Ancienl Townplanning, p. 29 sq. Nous avons vu à quelles conséquences paradoxales elle entraînait certains de ces commentateurs. Erdmann n'aboutissait-il pas à la conclusion que l'agora du Pirée était du type ancien '/ Il croyait ainsi combattre la restitution de Hirschfeld qui en faisait une place complètement fermée. 4. E. Vvymcr, i\1/arklplalzan/agen der Gr. und R ., Oiss. Munich, 1916. 5. H. Borrmann, Die geschlossenen Platzanl. im Allertum, dans Slcïdlebauliche Vorlriige, V, 8, 1912.
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I.'ACOR A DANS I.A. CITÉ GRECQUE
spécifiquement. hellénique qui dél.erminera ensuite la sLructure des fora impéria ux. Les Lypes achevés de cette tra dition se trouvent. dans les agorai de Cnide et d'Aphrodisias. Sans préjuger les ré~ult.at.s de notre enquête postérieure, remarquons tout de suite q ue E. Wymer a conlondu deux conceptions architecturales très ditlérent.es à J'origine, l'agora et la cour péristyle. Le problème est. inl1uiment plus complexe. En réalité, nous nous trouvo ns en présence de plusieurs types d'édifices q ui se défl1lissent. pa r des caractères différents et. suivent des évolutions para llèles, mais disti nctes; là où E. Wymer ne voyait. qu'une série purement linéaire sans solution de cont.inuité, il y a des inlerlérences couLinuelles; la chronologie des constructions ne permet. plus une solution aussi simple de ce problème. Le premier, A. von Gerkan a montré les insuffisances el les erreurs cie 1:elte conception en iosist.ant sur le fait q ue l'agora ionienne ne rompt. pas complètement to ute relation avec les rues avoisinantes, puisque les plus caractérisLiques de ces places, à Milet et à Priène, sont en bordu re d' une des artères principales de la cité'. E n ouLre, plus sensible que ses prédécesseurs aux nus nc<'s chron ologiques, il a souligné l'appariLion tardive des port.es monumentales dans la structure de l'agora ionienne ; mois t.raitée au cours d'une his loire générale d u site urbain dans le monde grec et romain, ccl.le éLude laisse de cllté bien des problèmes. A. von Gcrkan considère encore 1'agora nouvelle dans son étal de parfa it achèvement , sans marquer les rapports qw existent, entre les deux types et sans tenir suffi amment. compt.e des fonctions qu'elle avait il rem plir da ns la vie de Jo cité, d'où de nomb reuses lacunes. Ce sont elles que s 'eJTorcèrent de combler les études de F. 'fritsch sur la formation des villes dans l'antiquité et. l'histoire de l'agora grecque arehaique'; la place publique d'Slis illust re ce dernier type donL les élémenls, la forme, les édifice, prennent. leur vérit.able sens à la seule lumière 1. A. von Gerk•n, Grilth. Slddleanl., 19'21, p. 9 1 aq., eL aussi P. Lavedan, Hut. ur b., 1, p. 1:15 eq . z. 'fritsch, Dlr Stndlbildung der Allerlums und dit qri<e/1. Poli~, Kilo, XX!I, 19Z8, l'· 1-83; Jahrtlh., XXV II , 1932, p. 64 oq. Les éludes de Kornemann, P olit mu/ Urb,t, lOto, V, LOOG, p. 1'! HJ.; lltiligt St
FO RMAT I ON DE L'A. GOR.'\. ION"IENNE
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de l' hist.oire de la polis . La perma nence des fonctions assure la continuité d'un plan à l'au t re, comme l'a remarqué R. Wycherley dans une éLude q ui complète heureusement le tableau de l' ago•·a a rchaïq ue dessiné par F. Tri tseh'. Pas p lus qu e la précédente, l'agora ionienne ne j)ouvait et ne devait être séparée du reste d e la cit.é; elle continue à être le symbole mat ériel de la collectivité ; les échanges doivent. donc être fa ciles parce que contin uels. C'est seulement au moment. ot• la notion de polis s'est, vidée de son conten u qu e l'agora d evient un édi fice isolé, complètement, fermé, pa1•ce qu 'eUe ne r épond plus à une nécessiLé vivan te. Mais R. Wycherley considère encore trop 1'agora ionienne dans son état achevé, comme une partie inhéren te du système hippodamien. C'est. la genèse de cette no uvelle structure archiLecLurale q u 'il nous fau t mAintenant, considérer. No us avons pu constater que, malgré le presliJ;e de l'Rippodameia du Pirée, ceLte st ru ctur e n'avait pas [aiL l'objel des préoccupations des archit ectes milésiens du ve siècle. Cepeodan t le nom d'a gora ionienne lui resta a ttaché parce qu'à l'o rigi ne elle e.st, liée aux innovaüons de l'urba nisme ionien ct qu 'elle se constituera dans les insta lla Lions urbaines de la côte d'Ionie. Si les arch itectes qu i travaillèrent au Pil·ée, Hippodamos ou d' autres, avaien t créé un t,ype architectural, nous en trou verions des traces en Grèce conLinentalc a u Ive siècle. Or, H n'en est rien. L'agora des villes nouvelles emp runte aux cités anciennes éléments eL édi fiees. La se ul e différence réside dans une conce pt ion plus aérée et plus organisée de l'ensemble. 1) Les créations de la Grèce continentale Les guerres in testines elu rve siècle et la politique d'infl.uence qu e p ratiquèrent les chefs thébaiJIS après la défa ite de L acédémone ont d éterminé la constru ction ou la reconstruclion de plusie urs villes dans le Péloponn èse : Man Linée Méoalo. ' créées t> • "' '[essene. po 115, Ces fondations urbaines bien daLées,
l. R .. E. W)•cbcrley, 1"1•e Jonian .Agora, JRS, LXII, 1942, p. 2 1·32; ct. R. Marlm, RA, 1946, 1, p. 210·212.
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L'ACORA DANS LA Cl'rt CRECQUI!
pour des nns precises et s uivant. des principes connus, const.itucn t une ét.upe im port.an te de notre enq uète. Mantinée reste t.ou t à la fois une cxcepLion et une énigme dans l'histoire u rbaine de Jo Grèce. Le rude dest in ella dramat ique histoire d e Jo vailln nt.c cité arcad ienne se lisent. d ans la for me de son plon d on L l'élémenl. primaire est l'enceinte ; le dispositif est t.out entier imposé par les prl!occupations d6fensives. On connatt l 'histoire de Montinéc, toujours jalouse de son indépendance soit. en race de sa rivale arcadien ne T égée, soit. contre les prét.cnlions de la puissante Lacédémone. Profitan t rl' un moment où S parte se trouvait. en d ifficulté da ns le Péloponnèse en même lemrs qu 'elle devait. ma ter une des plus grandes révoltes qu'elle nit conn ue, en 464 nv. J.-C., eL où Tégée êt.a il en rébellion ouverte coolre ln ligue péloponnésienne, les Man t inécns, appuyés par Athènes cL par Argos, grou pent. en une seule ciLé les habitants de leurs cinq villages d ispersés. Une premu:Jre v ille est. fondée aux environs d e 455-460 av. J .-C. 1. M:~ is en 385, les Lacériémoniens, après la pa ix d 'An talcidas (387) qu i mottai ~ nn à une bien longue période de guer re, trouvèrent. le loisir de reprendre en mains leu rs allié;, douteux, t.rop la vor11 bles au pa1·ti démocra tique. Ils s'en prennen t d'abord à .Mt1ntinéo qui reçoit. l'ordre d 'obattro ses rempa rts. Les Ma otinéens résistent cL a iTront.en t un siège très dur que conduit. Agésipolis; seul, un stratagème du roi lacédé monien, conseillé sans doute par les Tégéates, permet. de venir à bout de l t~ vaillfmLc cité; il détou r ne les eaux de l'Opbis pour miner la base des rempa rts q ui étaient de briques crues ; sapés au pied , ils ne Lardèrent pas à s'écrouler par pons ent iers•; la vengeance des Lacédémoniens fu t Lf'rrible; le dioecisme de la cité fut prononetl, la ville rasée ; il ne restait debou t q ue les temples et. les édiflcos sacrés. Après Leuctres, en 37 1, sur l'intervention répétée d'A thènes, les :\fontinécns reviennent. d ans leur ville q u'ils reconstruisent et. entourent d 'u n nouveau re mp:~ rL; celui-ci J. La dolAI exacte du ~ynteismc n'est pas llxoo avoe précision. G. Fougolres, Mnnlinte, p. 37S sq., propose la polrlode ~61·4S9 av. J C lmméd.ln lemenl ap~s ln rovon e dllll Hiloles ; Olot<, Hlst. gncque, Il, p. 124, ~emble admettre, liallf le
dire oxpreuérnenl, une date un peu plus bauto 472-<170, Jl6riodo pcndonlla<1uelle TM rnJstoele, oslr.lei!!é, d6plol" la plus grande aetivlt.6 contre Sparte, eu parUCUIIOJ', à .1\riJOi el à ~JonUn~. 2. Xénophon, H
FORMATION DE L'AGORA IONIENNE
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prend a ppui sur un sot1bassement solide de bel appureil trapézoidal qui le mettait à l'abri d'une autre attaque. On ai mer ait co nnaît re les rapports ent.re les deux cités et sa voil· à quelle fonda lion il faut. att.ribuer le plan circul aire; malhe ureusement les fouilles, exécutées dans des conditions difficiles sur un terrain bas et marécageux:, n'ont, fourn i aucun indice 1 • Il est Lrès vraisemblable que les lignes générales, la forme de l 'enceint.~ et le principe de la division en q uartiers remonLent à la première cité du ve siècle; car, dès ce moment, les p réoccupations stratégique.<; et défensives étaient prépondérantes. Deux a rgumen ts me sem blent témoign er en faveur de cette thèse, tirés l' un de Pausanias, l'autre de l'explorat.ion a rchéologique. D'après le périégète~, la dest.ruct.ion ne fut pas Lotale ; il est probable que les vainqueurs n 'osèrent pas raser les temples ni les édHices consacrés aux djeux qu i rest èrent debout avec quelques maisons réservées aux anciens habitants de celle lrdmé 3 • Les fouilles ont en effet mis a u jour des fondations eL des murs dont l'appa reil remonte évidemment au v 8 siècle, ainsi que des fragments d'architecture, quelquefois r éemployés, dont le s~yle n'est pas celui du I V0 siècle. La conclusion de G. Fougères paraît justifiée : «La nouv elle Mantinée se superposa donc à l'ancienne, enfermant. dans le cadre neu f cle ses remparts, de ses édifices et de ses maisons modernes, les r estes vénérables qui la reli aient au passé • 4 • Le tracé du plan de Mantin ée remonte donc à la fln de la
1. Sur les rouilles el leon r~•ullals. (;. l'ou~rèrcs, tale, llroB, p. 130.195.
2. Paus., Vl111
Manlinte et l'Arcadie orien·
s. 9.
3. Le Lext.e de Xénopbon peul p~wr à dÎ!ieusslon, H ell., v, Z, 7 : ~<<j>xloO., a·'lj )1ot•n!w
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L'AGORA OMIS l.A Cl T i: GR ECQUE
première mo itié du v o siècle. Ne porte-l--il pas la mnrqu e des t héories nouvelles a ppliq uées a u Pirée et pnrodiées par Arist.ophane? Il est. not a ble en efJet qu e l'agora reçu t. une place privilégiée da ns ceUe com position ; elle n'occu pe certes point le centre géo métriq uo de ce cercle a pproxima tif, mais elle est d ans la rég ion où co nvergen t les rues q ui r elien t les portes de l'enceinle les une au x au t res (.fig. 42). Aucune de ces rues n':~ p u èlre sui"li'Ïe sur lout. son parcours, mais leu r départ a été dégagé au voisina~e des p ortes et. leUI· poin t d 'a bou tissement a éle repéré à J'ent.our de l'agora. La d éfinilion du t ype a ncien a ttiré por un carrefour, comme :\ Athènes, semble s'appliquer à la place publique de ){an tinée et. ce fa it a fra ppé C . F ougères qui la classe d:1 ns la mème série que les agorai rl ' f:Jis el. de Pharai 1 • Mais, t.rop fidèle ù la définition traditionn elle do l'ago ra ionienne ' , l'hist.oriun de )1a ntin ée n' a 1-1as relevé cc q u'un choix a usl'i précis et bien décidé comportai t d 'esprit. nou vet~ u, con forme en tout point. aux lendanccs qui avaient. imposé les emplacements d es aaorai politique et marcha nde du P irée. Le but. etait ici di!Térent . Tou t le pla n fu t dicté par les p réoccupations st rat.égiq ues q uj ont aussi, de Lo u te évidence, déterminé le choix de l 'cm placcmenL de l'agora. De Pisist rate ù Cinadou, à A th ènes com me 1i Spa1·te, les conjurés se sont to ujours eiTorcés de se I'Cod rc mattres d e l'agora r>ou r dominer un e cité'. Da ns ln résisl.ance qu'il fallait oppose r a ux assauts d ' un assiégen nt, l'ago ra 6tait, d'ap rès les LacLiciens, une pièce mnllrm;sc du système défensif. E Ue est lu rédu it où les trou f\C.'I sero nt. rasse mb lées et se tien dront pr êt.es à sc porter sur 11 11 poin t quelco nque d u rempart •, d 'où la nécessit.é de ménager des accès rapides vers le m ur d 'enceinte ; le syst ème des r ues de Man t inée répondait. à cette préoccu palion . Au cœur de ln défense, c'est là de préCérence q ue le chef doit installer son l':t.a lrmajor
t. Pa us., V U , 2'2, 2. ~ . C . Fo ugèt·es, ,._ c., fi.
16<1-160: cLet agoras modernes, diles de lype ionien,
éloienl conslruile, de Lou Les pièces ; c'~Laien~ moi ns des places i!Ul!llques q ue d es cours ou peristyle., rorlllllnl un paraUêlogramme régulier enlouré d'une bordure coollnue de porllques •· !\out lOmme! en l m ln de voir loul ce qu'il Y
u d'excessif d~n• eetLe lb6oric. 3. Aul~• ""cmples cil6e supra, p. 294 sq. 4 . Ae.nertl , Poliore., I, 3 .
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L'ACORA DANS LA ClTÊ CRE CQUE
et so n poste de commnn demcotl. Il fera stationner en ce point les troupes do r6~erve, t rès mobiles, suscepLib les de venir renforcer une po~i lion menacée•. L' agora de Mantinée, pa r sa situa lion eL ses co mmunications directes avec les port..cs de l'enceinLe, présente lous ces avantages t héoriques. Il se mble donc évident. q ue le choix de l'emplacement rut arrêté à dessein, en vertu ries mêmes principes q ui dictèrent la conception de la eit.é tout. ent ière. En ce sens, l'agora de ) Ja ntinée est. d'inspi raLion moderne. Cel l e hypolhè e est d 'auta nt. plus vraisemblable qu11 le synécismc - et sa ns doule aussi l'installation de la cit.é ont subi l'action d e Thémistocle qu i, que lques années auparavant, avait d iscuté Jc plan d u Pirée avec les arch:itectes de Milet . Cette inLcrvcnLion ùe T hémistocle, bien mise en évi dence par Fougères, ne !Jeut être contestée sur le plan politii!uo 3 ; lo ulo l'adivité de l'homme d'état at hénien, dnns les nnn écs q ui sui virent. le départ. des P erses, at.teste un es prit l:l rge ct clairvoyant q ui n'isolait point les problèmes politiqu es de leur cadre ; l'expérience acquise à Athènes au co ntact des Milésicns sc ret.rouve, il nolre avis, dans le plan de la cité q u' il nr. mnnqu u pa:; de conseiller aux Mantioéens ; il en fa isait, un busliou avancé aux por tes mêmes de son implacn hlr. ennemie ' . L n structure a rchitecturale de l'agora pri mitive n'est pas con nue. Le p eu que nous en apercevons sous les édifices de l'époque roma ine évoque une disper~ion comparable à celle des agorai anciennes. D'ailleurs que peut-on sùrcment. attribuer à l'état. du vc siècle? ur le côté N., entre le thélilre et. l'exèdre monumentole d'f:pigonè, le stylobate d'un ancien por Lique rccLiligne a clé dégagé; l'extrémilé occidentale butait. ron l rc un peliL édifice que les fouilleurs identi fien t avec un propy lon 1, peu vrai em blable cependant a u tv• siècle da ns uue agora de lype ancien ; il s'agit. plutôt. d ' une a nnexe d u portique. Vers l'Ouest, rel ui-ci se prolongeait. par un 1. Ibid., ~ :
W. l'l'/ CJ'l'll.~V •
• • t:nttx0~ ôd ~pl TOt cXpXtlot xal
tir-
~·
\!. Ibid., 26.
3. 4. do la 5.
G. f'OUIIèru, i\!ur~lir~~e, p. 37G llq. Cf. lea ru~K~i qu'il ovail d/opl~)'éM conlre les p~lenUoos $partiales, lors roconslrucUon des rempart.& d'Ath~nes, Thuc., 1, 90-91 . G. Fougàret, o. c., p. 179.
FOR){i\TION DE L' AGORA IONIEN NB
381
complexe de plan carré avec péristyle ; l'appareil des murs la isse reco nnaître des réparat ions importantes, les colonnes de la cour paraissent de style ancien et certaines serai ent des remplois; il s'agit là sans doute d'un éd ifice du premier état, restauré après 371 av. J .-C. quand la nouvelle Man tinée releva ses nlines' . Presque en face, au Sud, se dressait la masse du Bouleul.érion classé par son plan à paraskénia dans un gro upe d'édifi ces connus 2 • Les di sposit-ions primitives !m·ent sensib lemen t modifiées quand une colonnade vin t orne1· !:.1 façade méridiona le. Enfin , con t re l'analem ma S.-E. de la cavea du théât re, deux fondaûons pourraient être a t tribuées à une époque relativement ancienne, en dépi L des modifications la1·dives qu'eUes subirent. 11 est peu dou teux que ce soit. des édifices à d estination reljgieuse, consacrés à d es divinit és de l'agora , Zeus el H éra 3 (?). De-ci, de-là, d'autres fondations, pour la plupart helléniqu es, parsemaient la place. l\lalgré leur caractère fragment a ire, ces quelqu es indices p erm et tent d'évoqu er l'aspect primitif de l'ago ra d e Mantinée. Si l 'on pr olonge les tron çons de rues mis au j out· de façon à relier les portes principales de l'enceinte (suivant les diagonales AF, BG, CG, DI), on s'aperçoit qu e les directions ainsi déterminées ne se coupent pas en un poin t précis, mais délimitent une a ire en forme de tr11 pèze irrégulier où s'inscrit t.rès exa ctement, l'a gora. Nous ne savons rien sur la disposi tion des maisons de Mantinée, mais le respect des a li gnement s strict s p ara1t peu vraisemblable. Dès lors, suiva nt les habit-udes traditionnelles de la Grèce continen tale, les édifices se sont groupés en bordure d e ce terra in réservé au..-x const ru ctions publlques, sans répondre à un dessein bien anêté; 1. lbi
~5
wmporte un souiJas · semcnl en polygonal ~ joints droit• qui peu l bien être du v• s. av. J .-C., mai s vers la gauche ce soubassement est romplac6 par d~ enU.ssement.s de moellons; en hau t, il a él6 resU.urè mao.Hestem enl avec des l>locs de remploi. Quant aux colonnes, elles peuvent appartenir à l'édillce primitif ou provenir de quelque construclion vois ine. L'identilica lion proposée, • vieux marché •, resle douteuse, mais possible. 2. Sur ceL t\dillee et son plan, i nf ra, p. 467. 3. Hypothèse de G. Fougères, ibid., p. 187-168, d'a près Paus., VIl 1, 9, 3 el T lluc., VIl, 47, mise en doute par Frar.er, f>aus. De8ortp . of Gruce, IV, p. 212, ct critiquée par C. Robert, J>aus. al& Schrifl•l., p. 1!11-193.
3S2
L'AGORA DANS LA CITÉ GRECQUE
les vieux pr incipes d'Élis et d'Athènes restent en vigueu r ; il fallu t attendre l'ép oq ue roma ine ct; les donat.ions de t·iches particuliers pour réaliser un plan régulier. Le t émoignage de P ausanias sur la fondation de Messène et ses rites nous fait regretter plus encore l'insuffisance de nos conn aissances su r la v ille et son agora '· D'après ce texte, Épaminondas, en redonnan t. v ie à l'ancienne Messène abattue depuis des siècles par les Lacédémoniens, semble s'être conformé aux traditions no uvelles; il éLait enlouré de S]JécialisLes habiles à Lt·acer le réseau des ru es eL à dérouler le long ruban de l'enceinte. De la ville même ct de ce plan, nous ne savons rien ; de l'agora, seuls les édifices dtl cô té Est ont été d égagés, mais incomplètement publiés•. Notre recher che ne peut donc rien demandet· à ce siLe qui garde encor e son mystère. Au con t raire, à Mégalopolis, autre rondat,ion d 'É paminolJdas, si le tracé de la v ille ct son réseau de rues restent incon nus, nous apercevons mieux les principes qui diclèren t l'aménagemen t de l'agora. Dans l'esprit de son fondat-eur, Mégalopolis devait jouer un double rôle, ca.pitale fédéral e en méme temps que place forte dressée contre Spar te 3 . L'étend ue de l'encei nl:.e, co mme à 1\'lessène, per mettai t d'enfermer de larges su rfa ces non Mties eL les fouilles n'ont pu préciser les q uart.iers d'habi tation. Nous connaissons les deu..x grands centres de vie publique, les édi fiees fédérau..x sur la rive gauche de l'llélisson et, en face, sur la rive droite, l'agora de la v ille avec ses cultes el ses édifices « mun icipa ux •· Il esl probable q ue l'habiLat s'organis~tit a ut our de ces deux quartiers, largemen t étendu su r les molles ondulations qui domin ent la st.oa de Phi lippe ; sur l'un des poinls cu !minan ts,
1. Pous., 1v. 21. 5 : - - - oT-. 'Ti;r,VI) O'Tt'Xll1tOÙÇ xa-ra.nl~"ofl"" l
1947-48, p. 139 sq.
FOR)l A'llO:O. OB L'M;O I\A IONrENNB
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seJ c:J rcssait le sanctu ai re ri'Athéno P~lias• ; ~ett.e col.line jouait donc le rôle d'acropole, élémrnt. s1 essen~1cl des v~ll es archaïq ues qu1 tend à d1spara1tre des créal1ons ur bmncs plus rêcent.est. Id, comme fl :\Ianlinée, le choix des emploccmen ls rut llxé au moment mème de la fon da lion et ce no fut point le h asard qui rapprocha ces deux ensembles a rchi Lecl urnux. )Jême lrs rnpports du théâtre et d u T hcrsil ion, dont. le portique de façndc constituait le fond de l'orchestra, ava ient. élk prévus pour les assemb lées fédérnles et les r eprésen lal ions de fèt.es pan~u-ca diennos. Des fou ill e~ r.x6cutél's su •· ces deux places en ont dégagé 1(·~ (•flifices h:s plus import nnts et mis en valeur les j:(r andes lignes de la composiL10n 3 . Ta ndis que, sur ln r ive Sud, l'histoire des conslruclions se laisse recon nntt rc ùup uis le lem ps rl.c la fondation , su r l'agora, se ul u u élnL réccnL, 11e re111unlant pn ~ nu de là de la fin du 111° siècle, est vér itablement assuré. Pa r une intuilion assez remarquable, E. Curtius à l'aide de la description de Pnusania5 avait rcroMLilué un plan de l'agora dou t les t'l'andes lignes ont. Hé cuu ll nn ées pu r l'explorat ion archéologiq ue• ; seule, u ne co ncoplw n l rop schématique lui avoi~ inspr ré un d ispo~i tif t rop fermé. Au · ord, ln place rect.angulaire était. limiLée par une grande sloa, dit e sloa de Philippe, d 'après les wscri pLions gravées sur les tuiles'; cllu élaiL pr·olongée vers l'Est pa r un édinr.c publir , l'A rcheion, qui p résentait également une colonnada ùc fa~;nrlr. A l'Est, une autre longue slon rectangulaire, la Myropolis, dont l'exlrémilé l ord s'alignait. su r le mu r de fond de la sloa de Philippe, venait r ejoin di'O le léménos d e 1. l'au s., VIII, 31, !l: --- ~rm,,cics\ Mo t:ncs6rv ~ •.,.)~tc; 6~ M,><'l'tt't;. Le ...,lld de ces collines esL si peu manjué qu·on a pu nier l'exlslence de ces deu>. polnt.es donl porle Pau~aniu. E. Curtlus, l'tlopMn'IO$, l, p. ~SG tq. offin11o
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l-'AGORA DANS 1,.-\ C!TR GI\ECQUB
Zeus S6ler q ui occupait l'angle ' .-E . de la p lace ; ceLLe sloa a tteignait près de 100 mètres ùo lonq. Au S ud , su r les hords d e l' lJ6lisson, se dr essai!, lu sloa d'.4rislandros, ma is le neuve en a cmpor lé les derniers Yestiges ; à l'O uest., s'alig naient d'a utres édifices p ub lics dont u n gymnase. La regula ri té de ceLLe place, bien clélirrül:.ée ()ar ses porliq ues, ne suffit cependant point. à 1'apparenter au lype ionien. D 'a bord , la réalisation du pino est relalivemcnl ta rd ive, car la chronologie de:> édifices, a ussi mal fixé<' soil -elle, impose des limites assez basse à cel ensem ble. La sloa de Phüi ppc - Ph üi ppe II ? - présente des cn 1·nd è rcs t echn iques q ui peu vent difficilement être antéril'urs au Ul e siècle. Plusi eurs indices permettent d'at tribuer â la même période de coosu·uction cet te ston el le portique élevé en laça dc d u T hersilion 1 , encore q ue la sloa pré en le des caractères plus récents : le co ngloméra t romplace le tu f da ns les fonda ti ons et la frise de la sloa est d'un tylc p lus évolu6 q ue celle d u porti q ue t. Or , à la suite des multiples discussions su r la date des tran sfor ma tions qui a ffectèr·cnt simult anément le t.h étitre et le T hersi lion 3 , on peu L a dmettre l'opinion vraisembloble de H . Bulle q ui associe r:nLle période de co nslruclion ù l'aide que la Macédoine accorde aux lllégalopolitnins a près Chéronée (338 av. J .-C.) 4 ; la mise en chantier d e la sloa- qu i pourra it
1. Le !ail quo les colonnes du portique ne sont pas aKées sur les rangées de supports in th leurs no au ffi raiL peut-êlro pas à )un ifier cotLe hypothèso ( J;:unua· liotU, p. 23-\!4); mals tel. comme dans la sto3 d o Pbllippo, -nemenl.s on double
n
Tel crampons en &onl •imultanément empto~s. En outre le remanlem~ut atrecta lo dispositif do l'entrée oll 3 paasagns nouvonuK romplacèrenl les & ouvertures anc:umoes ; Il ne reile que les fondnUon' dOl piliers lnt.ermMJnires. Un trait caraetêrisUquo commun aux deux MIRees esl l'emploi d'un elsuu dentelé dont on relève les Lruccs sur le <1ernier llcgr6 du portique du Therslllon el sur le stylobate ct 106 fOLs d~ colonne' de ln ston. 2. Dan s les triglyphes, la porUe supér~eurc du carutl n'e•L pas rorouillée comme nu Thcrsilion. mais l~lllée en obUquo de l'extérieur à l' Intér ieur ; le bandeau sup~.rieur a même largeur a u-dessus d es t.rlglypbes el des mêtopes; ici, le triglyphe est pluaél3nd (la proportion d o la bau leur à la largeur est 7 / 1 dans ln st.oa, 6 /•1 nu Thon;ilion), ce qui entralnc une provortion diiTerenl.o de 13 mêLope; elle est presque carrée au Tberllllon, Ici le rappurl Hau L.·Larg. - 1 16, el lu baut.eur: ArChitrave + Fri~ qui Hait de 1,142 0 au Therslbon oLlelnL ici 1,063 D (ft N6méo 1,368 0). 3. J O, V, 2, 460; cf. E r&CtJ JJUiiOrt&, !'.xc., p. 123 (avant 350). 4. If. Bulle, Un lu~. griech. 1'htXJiu, p. 10~.
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consliluer, sans avoir été dir ectement financée par le prince macédonien, u n t émoignage de reconn aissance pour d'autres bien fa ils - est. encore postérieure el son achèvement semble avoir duré de nombreuses annécs 1. E lle a, p ar a illeurs, sub i des réparations; Philopoemen, en pa rt icul ier, lui a p eut-être consacré une pa rtie de l'tu·genL q u'1l ra pportait. de Sparte en 183 av. J .-C. 1• Quoi qu'il en soit , le premier état de ceLLe vaste stoa appartien t., au plus tôt, aux dernières années du 1ve iécle el, plus vra i emblablement, au début du siècle suiva nt.. Les caractères architecturaux de la sloa orien ta le n'ont. pas été bien déO nis par les fouilleurs; les vestiges l'aura ien t-ils poniJI S ? i l'idcnLillcalion est cxaetc1, eUe est le produit du bulin d e guerre qu 'Arislodèmos enleva aux Lacédémoniens en 265 av. J .-C. ; il est p eu douteux qu e le sanct ua ire de Zeus S61er soit de la mèroe époque•. La régularisa l ion d e l'ogorn de Mégalopolis et. sa structure architecturale son t. doue: IJicm pnsl ~ri eu res ù la fonda lion de la ci lé. En out re, les m oyeus mis t:n o•uvr·n ni' r~po ndent. pas a ux principes des traditions ionicnnuz;. Nous un r·nst.ons ici il la sloa isolée, à des colonnades pla\:ocs cOlo ù cô te dont- l'unité architecturale n'est pa.; réalisée; ce n'esL q u' un refl et, une imitat ion des r,omposit.ions dont, nous allons suivre los débuls et. les progrès ùans les créali on ~ de l' urbanisme ioni en. A Mégalopolis commo ù Munl.inéo, les Msila lions , les compromis en tre les agorai t.raditionnelleb el les principes nouveau.x moot.reo t bien que l'école des archtlecles milésiens du ve siècle n'avait pas associé une stru cture nrch iteclu ralc de l'agora a ux pla os
1. Des d~t.lls ncuement htllhitllques eomrue lo prodl convexe des eannelurei sur les t ambour& lnfOroeurs dt la colonne Ionique intérieure s·expliqueraienl • • 'Uilil.
2. T ile-Llvo, XXX. VIII, 34; les coups portés ~ cette colonnade par CIMménès s 'expllquualcnt nl~ment !l elle •ymbolloall, aux yeux del$ M~lopo libi11!, les boni rapporta qu'Us nvolenL ontnlenus avec les princes de àlaeértoane. C'est a cell11 n\focUon du M buL du u• s que lei explorateurs sont len~ d'allcibuer l'~lul de la &loo ~vtl6 r •r 1~ rouilles (E:rt41X!IIons, p. 66), m&•s les indices no ionl pus lous coneordonL..•. Il au"'il ian~ doute fallu uno rucploraUon plus syalémallque eL une etude plus p~lso de l'edifice pour apport.er une ~ponse salilfal•ante à ce diJ!Jcllo problème chronologique. 3. lille a loul lleu d'tlre exocLe, d 'après le lex te de Pousarùaa, VI II, 30, 7. Cf. E,z;coooliont, p. 105· 100. 4. Jn(ro, p. 528.
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L.'ACOI\A [)Al'(S LA ClTÉ GI\CCQUE
urbains dont ils imposaient, les règl{]ti aux v ioillos cités g1·ecq ues. Deux cilés de la Grèce septent rionale, Olynth! et Tha,os confirment l'impression que nous laisse 1'6tude O P~ villes pélopon ~ésienn es. Les dernières rouilles ti 'Olynthe ont, permis de préctscr les prog1·ès du développement urbain ; le site
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...... Fig. 43. -
Olyntlle : la nouvello agord.
comprend trois groupes d'ha bitations, deu..x sur les collines Sud et Nord, le l.t•oisième dans la plaine'. Le trnco ùu plan orthogonal, basé sur un damier que dessine nt de la rges avenues N .-S. coupée~ de transversales perpendiculaires, ne remonte sans douLo pas au delà du dernier liers d u ve siècle. Comme au Pirée, on a procédé par q ua rtiers; la zone orientalo, d:ms la plain e, n'est pas exactement. axée sur les divisions de la colline Nord ; l'orientalioo générale reste lu même, mais on a tenu compte, dans le détail, des mouvements du Lerrain. Quan t à la colline Sud, la plus anciennement habitée, elle conserva toujours son plan anarchirrue et irrégulier. Ce premier établissement avait été doLé d' un civic centre 1. E:tau. al Olunlhu•, Xli, 1916, p. 1~ sq., :109 sq., 32a sq .. pl. 271 -212. Cr. Il. A. Thornpeon, A.IA1 LI, 1947, p. 33J; R. &. Wycherley, 1/ow Ill~ Grttk& bu/tt CWer, 19.t8, p. 2 1·22 ct 187-188.
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FORMATION DE L'ACORA IONIENNE
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installé à la pointe Nord de la croupe; ses ca raclères confus l'appa rentent, nous l'avons vu, au type préclassique de la Grèce continentale. Il fut. abandonm! à la fin du ve siècle lors de l'agJ·andiF.scment de la ville. Dans le nouveau plan régulier, on reconnaît l'application de la règle hippodamiennc, suivant la même méthode qu'au Pirée; l'emplacement de l'ugora est fix é (fig. 43) ; on lui réserve une vaste wne entre les avenues A et B. au Sud du quartier A; eUe occupait la largcu1· de plusieurs insulae, comme le prouve la position de la sLo3 orientale dont l'extrémité déborde largement, la t•·ansvei'Sale rv du qua rtier B 1 • Le coté septentrional de la place [ut bordé p:u· une longue stoa don t la longueur toLale aLLeigna1 t environ 75 mètres, mais tou te l'extrémité Ouest a disparu:. La façade, au Sud, était partiellement; fermée puisque les bases de colonnes, sm U1l stylobate discontin\t, n'apparajsseut que vers le cent re. Forman t angle droit avec celle s loa , un édifice iJ colonnade centrale s'allongenit à l'Est, en bordure de l'avenue B ; il est vraisemblable, cotnrue D. Robinson le propose, d'y reconnaître un bouletJ térion de plan rectangulaire, dont Delphes et Délos offrent des exemples caractérisés•. La date de ceLte construction resLe d iffi cile à fixer, car les mal.ét-iaux poraissent bien être des ••emplois, empruntés sans doute aux Milices de la colline Sud quand le centre poliLique fuL déplacé•; en tout cas, il ne peut qu 'appartenir au nouveau pl3n de la fln du ve siècle. Cet édi fiee était prolongé vers le Sud par une fonLa ine monumenlale. L'identification de cette place avec l'agora de la no\IVelle cilé d'Oiynthe ne nous Jla.ralt pas contestable malgré les arguments présentés par D. Robinson 1. E:zc, al 0/ylllhus, X il , JI. 79 ~q., JIL 85 H 2.7 1. 2.. 1 bld., pL 6'2-65. 3. Ibid., JIL 67-84 ; c r. Olynlhus, Vll l, Il- 4Y. Mois on pt•Merera la reslilulion de bancs recUllgn•s •llpuyês 011 mur, propMee par Il. A. Thomp~n, o. c., p. 33~ 1\ eelle de l'hémiC)'Cie VOUlU J>M f'~uleur rf~ 1~ JIUblicalion. ~. Les Chapiteaux doriques !lê è~ hnll d'a..emhlêe lont Clillicnllè. Ln première date proposêe par l'auteur, On ,., s., avait o\tè légitimement eonw~t.ee par R. Vallois, REG, 1936, p. 149 ; la eriUque ne rut pas aeceplke 1••r r>. Robinson, Otunlllu8, Xli, p. 93. qui ne peut évidemment aLiribuer une d9 Le au~si haute 0 tout l'édince. L'e.xistence de tambours ~ 16 ~nnelnres â côlé do
tambours classiques à 20 connelures et la variation des entreeolonnements (les 3 enLraxes du N. ont 2 m. 60 ct les 3 du S. 2 m. 12) eonnrmentl'hypnLhè"'! de mal.ériaux emprunl.és à des édifices plus anciens.
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L' ... COJU DA;(S !..-. CITÉ GRECQUE
contre celle hypoth ~sc r.n faveu r d'un te rrain de manœuvre&. Une agora, diL l'auteur, comporte d'au tres constructions, temple,, aulels, elc ... ct le sol n'est pas nivelé, ni pavé. Mais
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f'l!l. ~ 1. - Agora de Tbasos.
l'exemple dCli vasles places de )!ilet, de l'agora du Pirée dont. le sol ne fu L a plani qu'au me siècle', montre que les travaux d'a ménagement de ces emplacements réservés étaient. de longue durée. L'auteur rr.con natt que l' iden ti fica~ion de la 1. Formu16! tlejà dnni Otynthu•. V 111, 1•- ~ 1. rcprî$ el développéS dans X li, p. 8 1 aq. ; or. déJIIIea réierves de Thn m p~n. AJ ri. 1.1, 1947, 334-335~- Cl.lc d6erol dM ù~•nol~ du l'lr+r Aur l'amllnngamenl de l'agora, J G, Il •, 380.
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t.' AGORA
OA NS LA CIT.é 0 1\ECQUB
longue sl oa Nord avee un ar ena! co mparable â celui de Pergamc 1 fait diffi cu ltë et. il y ver ra it. pl utôt des écur ies pou r la cavaleri e oly nlhie nne ; mai:; le type même d e cel t.e ston cnrrrs pnnd 1rop a ux grn nrlrs rnlonnn dc!' rlrs agora i ionien nes pour qu 'on n'y voie pat> un ed ifice réservé aux bureau."', a ux él.als de venle, eL<: ..., comme a illeun>, à Th asos en p articulier où la sloa . . -0. ~!tait elle a u si fermée à chaque extrémitë. Toutes les d ispositions, en réalité, répon dent. a ux caract.éres de la nouvelle agora ioni enne. Les fou illl's cxh a u~t i vcs rl e l'agora de Tba"WS2 révèlen t qtt'nu 1ve sir.;·le drs l m nsforma lions lrès impor tant es mod ifien t. l'as pect. pr imit if de la place. Dùs le v1e s., da te à laq uelle remonlenl les premières co nstructions dont. les ves tige subsist ent. dans la moili6 orientale de l'aulè, une agora ful insln llée entre le port. et. le Pryta née; le disposiW n 'en a ppa ra1t pas encore cla iremcnt, mais il semble q ue les édiflccs (édi flee ù oi/(oi , r nnsLr uction repérée so us l'édifi ce à par as k ê nin , fo n d nt.inns r. n po ly go nal ~;ou s le bàtiment en p01·os) nienl, Hl'\ dis posés lo luug d'une r ue qui co nduisa it d u pori. vers l'A~: ropol e ou passant, dans la région du Prytanée. Les lignes gérH'll'a les de cet.. a rra ngement évoquen t l'agorn a rchaïq ue d ' Athènes. Au début du 1ve siècle sans doul.e 3, un plan en tièrement nouvem1, a ux vasl es persp eclives, fut t.racC: sur le t errai n (fig. 44). L'nr:,rot·u devieol, uue " rand e place, at.teig na nt. 100 mi'l rrs 1lc long eL 80 du large, a ussi régu lière que le pcrml'l lnil l'ol'cu paliou dt'jà den;e de la région. Les a ncicn ncs rn nsl nu· Lio ns so uL araslies et on jet te les 1Htge!; n 'un cnsc mhlr a rchiLectura l conforme a ux idées nou,·elles. Ici comme ailleurs, o n commence pa r fixer les limites, mais la réalisalion est projlressive ; elle ne sera a chevée qu'à l'époque roma ine, elle est co nti nue ; en r fTrl, si la strntigr apltie permet 1. Ali. P tr!JOnlOit, x, n .. ltdl. ,\Ntnolt, 1937, pl. 3~-3:;, 3r-.u , idenlillcAtiOn prouvée par les lroU\'0 111~~ de dépôts d'or mes, malo Il n'y :t rien de tel il Otynthe. 'l. Pvur le dflnrl tte l'agora dt' Tho-=o.z, noull nou:r. peruletton~ tle renvo~·er le lecleur à notre ~l ooot. 'Jill dflll poMlllro proch~incmenl dan< les Èludd lha llennt•· 3. tl. uuo da le qu'Il t~l rnwre dtfficlle de préci•er, m:.is plus naisemblabJ()o m onl loul au Mbul t1oo •lèclo; une d ts premièceij con
POnMATION DE L'AGORA IONrllNNB
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de déceler la solution de conl[ouité entre l'état archaïque ct. le plan des v<>-IVe siècles, il n'y a p lus ~nsu it e au cu ne interruption jusqu'à la fin de l'époque romame; le n1 veau n'a pas ou presque pas cha ngé. Les constructions vont. s'intégrer dans les lignes du nouveau p lan à partit· du milieu du 1ve siècle. A l' E st, un édiilce administratif à p aras kénia uti)jse les fondations d'un premier état. pou r poser son dallage. T out le côté N .-0. de la place sera occup é au rue siècle par une longue stoa de 98 mètres d e long où son t installés les nombreux magistrat.<; chargés d 'administrer le commerce et les finances de la cité lhasienne. Mais il faut noter qu'ici, co mme dans les villes de Grèœ continentale, J'ancien esprit continue à présider aux transforma tions nouvelles; les édifices sont juxtaposés, placés bout à bout., sans unité réelle; aux angles de la place, on maintient. le débouché des rues qu i favorisent une rapide ci rculation vers l'extérieur. L'époq ue rom aine seul ement. verra la place se fermer, les édi fiees se souder les uns aux autres et les entrées s'orner de propylées. L 'agora thasienne, malgré son plan grandiose, restera longtemps encore marquée par les h a bitudes traditionneUes de la Grèce continentale. Par son ensemble tassé de monuments et d 'auLels accu mulés dans l'aulè - en particulier l 'au tel circulaire de Théogénès et la tholos de Télésiclès- l'agora de Thasos évoque quelque ressemblance avec ce que nous devinons de l'agora de Cyrène dont. mème l'état romain n'est pas complètement exploré 1 (fig. 45). L 'esplanade dessine un rectangle plus régulier qu'a Thasos ; elle est limitée, elle aussi, par une grande sloa consa crée à Zeus; dans l'aulè, partiellemen t recouverte d'u n dallage, se dressent plusieurs a utels anonymes et, parmi eux, la tholos a ttribuée avec beaucoup de vraisem blance au célèbre fond ateur Battos. On aimerait retrouver sous l'amas d es constructions byzanlines le véritable v isage hellénique de l'agora de Cyrène. Il faudra une nouvelle vague d'in(luences pour am ener à leur plein épanouissement les idées [ormu lées dès le ve siècle par les urbanistes ioniens et cet t e constatation nous permet de marquer les limites de leur action dans cc premier 1. Die Anlike, XIX, 1943, p. 207 s~ .. Og. 38, d'après Entycl. Jtaliana X 433 sq. • ' 13 -
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L'A GORA DANS LA CITÉ CI\I!CQUB
stade de l' histoi re de l'agora. Héritiers de la tradition scientifique cl philosophique dll l' Ionie ar chaïque, ils étaient plul.ôt des théoriciens que de véritables constructeurs ; eL ils ne propo83ie nt p as des formes défini t ives où puissent sc couler les innova tions donL ils se taisaient les fer vents propagandistes. C'est a ux constructeu rs ct. aux a rchitec tes des générations suivanles qu 'apparti endra le mérite de réaliser et de transposer en écli flrrs les théories d'Hippodamos et de ses contemporains . Le plus oûr de nos conna issances sur Hippodamos relève de s pécuhlions théoriques sur une cité idéale, sa form e polil ique, la répart ition d es classes et le nombre parfait de ses ciloyens 1 • li en va de même pour Pythagore eL ses tentatives de réalisations poli tiques ; ses efTorLs se portent avant touL sur les condit ions thé01·iques et morales de l'organjsation des ci tés. Les spéculoliuus platoniciennes conserveront une ln rgc part do ces eflorts an térieurs, tout en restan t t rès théoriques ; seu l. Aristote envisagera les conditions mat.érieUes de la vie en société e ~ s'appliq uct·a à la recherche des réalisat ions pratiqu es les mieux adu ptées à cette vie commune. Une différence de mame noturc dis tingue les urba nis te~ du ve siècle et les architl'd es des 1vo eL m o siècles ; ceux-ci son t pl us sensibles nux réalisations qu 'a ux spécul at ion s ; cc sonL eux qui vonl, d ou uer aux compositions urbaines h elléniques leu r visage dèfl ni tif. Nous suivons le déroulement de ces ciTorLs duus les cités d'Asie Mineu•·e aux 1ve ct. m e siècles.
2) Lu uorai des villes d' Asie Mineure aU% IVe. m • siècles Les circonst.nn rrs ravoriscronl, au cou rs du 1ve siècle, Jo mise a u point c~ les a pplical.ions pratiques des Lhêories rormul éc.c; da ns les écoles, car les ruines laissées pa r les armées perses dans le siècle précédent, les créations, les groupements nouv eaux, les changements de sile quj vont accompagner ou suivre le passage d ' Alexa ndre produiront. une intense activité 1. Lo plus .Or lém
ldwl de Pyt hagore, os~ divisée en 3 claues; le lerril.olre de Jo cit6 e;~ dlvlilll on 3 loi.S : celui des dieu", do 1'6~o~ et dilO cil.oyens; il y • 3 ~ypes de jugemenli corre&pond•nl ~ 3 rormes etc dommag-e•.
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L' ACOI\A DANS L" ClTB Gn nCQ\;6
u rboinc. Le rôle el l' influence de Milet Curent, sans aucun doute, Lrès importants dans cette période ; I)Ji c-mêmo montra iL l'exemple. On peut discuter sur la dat.e du nouveau plan•, mais la régularité des alignements, la st ricte so umission de lous les M i fiees n ux lignes du damier prouvent que rien n 'a été reconstruit avnnl. le Lracé ; il faut don c admettre que ce fu t le prcrrüer Lravail des Milésiens retrou vant leu r cité ct que Je m ilieu du yo siècle parait une dat.e in férieure linùte. Les méthodes ? Nous en avons décelé l'a pplical ion a u Pirée ct l'influence dans les créationR du Ive sJùclo eu Grèce propre. Des zones sont réservées au domaine public pour l'aménagement du port, rlc>s agorai, des sanct.u:~i res et. des cent res admioisLroti!s. A MilcL, on en fixa l'empl:~cement nu cœu r du grourcmeot urbai n; elles occu pèrenL n ne situntion intermédiaire enlre les de ux grands quartier~ d u Nord el. du Sud t:l. s'articulèrent aulour de la colline du lhèât.re et de la Baie des Lion (fig. <16). Peodonl. plus d 'un siècle, ces z.ones restèrent. ,·ides de consl..rudio ns permanent.es ; elles furen t soumises aux mèml)s règles q ue le reste du sit.e, car la place ct l'alignemen t des édifices ont été imposés pa r la direction d es rues avoi~inanLes el l'unité de surface parait avoir été le double bloc a dopté comme unilé dans les quartiers d'habiLutio ns. L' ensemble de cel-te 110ne comprenait un espace de 70.000 mètres ca rrés que ln rilé sul:. pro téger co nlre loute occupation en a tlendo nt. d 'accumuler les moyens nécessaires à la réalisation d'u n pla n grandio e. Ce dessei n est prouv6 par un pelit monument d 6gagé su r l'agora ord ; c'esL le socle d'u rte stèln inscrite d u milieu du ve siècle, rela t ive à l'exil des oligarques•; ces fondations en blocs de gneiss sont orientées de biais par rapport aux colon ua des, comme cinq a utres bases qui paraissent à peu près contemporaines. Les lignas du pl:m étaient encot·e l.rop gèuérales pour imposer leur orientation t\ ces p elil.s mou u-
l . Wllamowl~z. GCA, 1914, p. SI, ploeo nprô~ ~50 1~ débul do 13 reconst ruction; A. von (;erko n, Grl.ch. ,<;tadltanl.. p. 38 sq . el M l/tl, 1, 8 p. 121i sq.: r, 6, l'· 87 sq., en ptacelo premier t.rae6 Loul de sulle U[JI'Ù led"p•rt d es Per&es, en 47'lav. J •. c.; lt. Meyer, RB, xv, s.••. .Mild. col. 1633 contme la diSCuSSion de A. von Gerknn su r le Oelpbinion •l ee dtclare parllian d'une date rein livement. bassa 2. Miltl, l, 6, p. ·11 , Rg. &S.
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396
L'AGORA OANS W. CJTf.: GRE CQUE
menls 1 • C'cbL à lu nn d u 1vo siècle seulement que les lliilésiens enLreprenn cnl la r ealisa lion de leur plan par la cons tru cLion de gra ndes sloai'. lh commencent p ar le port ( fig. 47-50). Une lar ge stoa separe les quais cl les plages de halage des terrains où sc d~velop prrn l'ugora ord ; longue de 13.5 m. 85, eUe étnit. couMe ia I'Ouesl et une aile faisait retou r vers le Xord sur une longueur de 31 m. 75 ; la colonna de de façade, profonde à l'Ouest de G m. 29 et au Sud de 6 m. 9:>, était doublée d'une rangee de chambres ou de maga ins qui constitua ient aulant d'entrepôts pou r les ma rcha ndises; au Sud, ces chambres s'adossaient à une constru ct ion i:J périst yle, lrès rasée, mais sa ns dott tc plus nncienne. C'csl uerrière cette sloa, à l' Est, que le rnnrrhé Nord va sc de siner; une colonnade coudée dessine l'a ngle ' .-0.; elle est a ppuyée cont1·e les chamb res de la grande sLoa du port. ct. contre l'édifice péristyle, chaque ai le m esurant rcspecLivemcn t. 50 m. 38 ct 49 m. 70. Le retour du stylo b:~lc vers le Sud est cxaclemenl i.la ns l'alignement de la rue qui passe d er1·i ~rc le Bou leutèl'ion, de même que l'aile de la gra nde st.on du porl éLai~ limitée par une ru e parall ~le à celle-ei 3• Ainsi s'inlégraionLdans les lignes régulières du damier les nouvelles places au fur ct à mesure de leur aménagemenL. La limiLe méridionale sera fixée plus tard, aa ns doute au uo siècle, par 1m au l rc portique coudé don t l' aile Sud est. axée sur la même rue q ue les constru ctions a nnexes d u Bouleul érion ; la longueu r de la place sc trou va1Lainsi correspondre à la largeur de lrois insulae. Sur lo coté Ouest, les deux portiques son t. réunis por la façai.le mon umentale d'un te mple ' . La place mesu raiL 87 m. ~0 de long et. :>0 mètres de large environ. L'agora marchande de Jll ilct. était enfin achevée, par ét.apes, sans plan prévu à l'avance sur un p rogramme déterminé; 1. Le meme lait explique sant
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les ailes so nt t.outes de dimensions diiTérent.es, les entrnxes varient d'une st.oa à l'ou tre . La première fut d'abord considérée comme une extension du gran d portique, ta ndis que la pl us récente, au S.-O., ne [ut p as dolée de houliqu r.s; elle répond à un bul plus esthétique que prnlique; oUe éllliL exigée pa r la syméLrie de la composition cenLroe su r la façade du temple. La fermeture totsl le de la place ne foL réalisée qu'au premier siècle pa r un long mu r construit sur le côLé lib re, remplacé à l'époq ue impériale par un portique adossé fi la terrasse monumen ta le qu i vint a lors hord er ln rue elu Delphinio n. L n môme im pression de co nstruction progressive, un peu chuoLique, se déga ge de l'étude de la grande agora Sud (fig. 5 152). De vactes t errains, don t la surface correspond à vingt insulue, furent réservés da ns le Lrnré du plan à l'agora poli t ique, comm unémen t appelée l'agora Sud . La réalisation d'un L('l progra mme - ln place mesure 196 m. 45 de long et 163 m . GO de large - exigea it d 'énormes ressourrrs . Quel fu t cc p rogram me à l'origine ? Y eu L-ü môme un programme ? A. von Gerkan 1 croit pouvoir affirmer q ue le pla n en fer à chrva l, avec les por tiques couctés, a urait élé arrêté déjà nu •v" siècle. Cependant la ma rche des travaux et. les cons(:quences- q ue A. von Ge rkau a bien relevées - me pa ra isse nt. en contrad ict ion nvec cot te affirmat ion . En riTet, la constru ction la plus an cien ne est la long ue sl oa qu i, avec ses deux rangées de bou t iques alignées derriè re une colonnade sim ple, vin t occu per a u d ébut d u m e siècle la su rface d es ci nq insufae orientales ; son mur de tond borde une ru e N .-S. ct. lo fa çnde est. placée un peu en ar rière de la rue parallèle iJ I'Oueol1 • L 'identification de celle stoa avec un e fonda tion du Séleucide AnLiochos 1 parntt très vraisemblable. Les ca racLères de la d édicace conservés sur quelques blocs d 'arehiLrave a ppartiennent au débu t, du m c siècle 3 ; on en a rap proché un déereL d u Did ymcion, concernan t les détails de consLruction d'u ne st oa élevée a ux frais de cc p rinre à condi tion que lrs revenus 1. A. von Cerkan, o. c., p. n9 sq. Sur I''IJiora S. de Milet, Mll
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L'A GO RA DANS LA CITE GRECQUE
locatifs tussent alTecl.és attX Lrnvuux: du lcmple d'Apollon à Didymes. L 't>mplacenumL de celLe stoa doit être ind iqué à la commission du roi par un archi tecte dêsi~nê par la ville•. Les débuts de la grande a gora de Milet rappellent donc t•·ès ex:uctement. ceux des agorai d e C r·~ce conLinenLale Lels que nous les avo ns devi nés à Mégalopolis, à Olynthe, à Corint.he, à Thasos. Le pla n en fer 11 cheval ne l"e\ioit un commencement d'exécution qu'après la construction de la stoa d'Antiocho" lorsque fut élevé Je portique coudé du N .-0. ; ses carnrtères orchilecl ura ux lui ron l prendre p lace en t re cette s i ou et le Houleulérion, à la .fln d u me siècle sans d oule. li ne fuL pas dolé d e chambres ni de magasins ; il n e repondait donc pas à une nécessité pratique. Comme l'n remarqué A. von Ge rkan', . la composition archilr cturale d e l'agora d o Milet présentait une parliruln ril é nota ble ; la st.oa d 'AnLiochos occupe le cOt é réservé, da ns le type ion ien, au:x édifices odmi nislraLiCs; il csl possible que le Bouleutérion ait é~ !'('jeté à l'extérieur do la place, plus au Nord , par cette fondaLior1 d u Séloucide. L es l\lilésiens conserv èrent cependant leur grande agora en dehors des lransaclions commerciales et. des échanges, puisqu'ils disposaient des marché., N. et. O.; ma is elle perdait en même tem ps son rôlo politique essent.iel qui se rn t ransféré à la place voisi ne, do minée par la masse imposnnle d u Bouleulérion. CeLle inlracLion a u dispositif norm al semble b ien prouver que la réal isat.ion de ces compositions ar chileclura les n'élail pas st rictement. prévue dl!s le tracé de la place, ma is dépendait, pour une lorge part, d ' inspirations tempol'nircs el locales. Le placement des sloai est fonction d u t racé des rues qui resle la dominanLe du pla n ; on nol.cra simplement. la preoccupation cl'assun:r une circula t ion Cacile en lai;sa nt. des passages 1. Hau55oulllcr. L 'h11l. de Mild el du Didymeion, p. 34 sq . Cl. ~1. ll oll~aux, IIBG, XIV, 1001, p. 96. repris el mi• a Jour dans Stullr1 d'l pigrophit tl d 'ltililoi~ gr..,qurl. Ill, p. Ill . Il serait Ltnlnnt de reeonnollru dans ce per;onnage l'oreltitecle de la vOle ehurg\i de fair& r rspoeLer le plon d'urbani.!me, mois la longueur de ln lacune somblo Imposer la rosll~ution «lp·l)]f.lt(yoç; il n'y ~urail pM de ploee, d'après Hauisounier, pour b lipxc..ll<"
FORMATION DE L'ACOliA IONIENNE
401
dont la largeur est supérieure à celle des ru es. La stoa d'A ntiochos bordait exact emen t la r ue extérieure; ma is, du côLé de l'agora, elle était en rel-rait. si bien q ue l'extrémit é des autres sloai t ombe exactement à l'alignemen t des rues voisines 1 • Au Nord, on const ate qu'el le respecte la largeur exceptionnelle de la transversale E.-0. qui longe le Bouleu térion 1 . A l'Ouest.., entre les deux portiques coudés, l'entrée se trouvait dans l'axe d ' une transversale empruntée par les pt·ocessions ; en out re, c'était. pa.r là que s'ét.ablissait la liaison la plus directe avec les quartiers du gym nase et du marché oeciùenLal. Ai usi s'expliqueut le raccourcissement de l'aile du portique S .-O. et une dissym étri e sensible dans la composition. Le rôlo directeut· des rues ot d es carrefours, p rédominant dans le développemen t de l'agora a rchaïque et classiqu e, reste essentiel dans le dessin des places publiques a u tv" siècle. C'est, comme l'a noté R . Wycherley 3, la manifestation d ' un esprit identiqu e el. la marqu e d ' une fonction commune. L 'agora ne p eut jouer so n rôle au cœu r de la cité qu e si elle lui est intimement associée, si les co mmuni cations son t faciles et aisées. Priène a pour nous la valetl!' d'un type. Petite ville de province, aux ressourcos limitées, reconstruite au Ive siècl e sa ns su bi r l'inl1uence d ' un grand sanctuaire ou d'un grand port, elle va nous ollrir une vérit able épure du plan de l'agora ionienne . La consécration du temple d'Athéna, le p lus ancien des édillces de la cité, nous in dique approximativement l'époque où le tracé de la ville fut dessiné, dans la deux ième moitié du IV11 siècle ' . Nous n'avons pas ici à prendre parti sur les avantages ou les inco nvénients de ce da mier , appliqué trop systématiquement peut-être à un site montagneux$. Re tenons seulement ses répercussions sur l'a ménagemen t de l'agora. L'intérêt tou t spécia l de Priène est, au contraire de Milet, de
J. E:llo était appelee o=S,,.!cc, Milel, 1, 1, p. ZSI. 2. Elle t\L:til exceptionnellemenl large: p~s
402
L' AGOI\A D ANS LA CITÉ GRECQUE
nous révéler un programme architectural défini au moment même de la mise en chantier et réalisé sans solution cle continuité. Le parti choisi fu t très simple ; l'aire réservée à la place
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FORMATION DE L AGORA IONI ENNE
403
fermaiL la composi tion'· Dans un premier ét.a t , cette s toa était. alignée t rès exactement sur les por tiques en éque rre, le Bouleutérion et. le Pryt.anée rcstanL indépendan ts•. Le mur de fond des chambres disposées en arrière de la grande stoa d'Orophernes présente, sous le stuc, un parement en marbr e travaillé pour èl..re visi ble et les murs de refend prennent appui contre lui sans pénétration ; la première stoa n 'avait doue pas de chambres, m ais elle devait comporter une division intérieure avec u n dispositif de barrières (8~ci
404
L' A GOilA DANS LA CIT É GllECQU E
de la régulari té des alignemen ts. Cert es, la grande vo ie ti·ansv ersale a imposé l'arrêt. des sloai au No rd ; m ais, au Sud, les constru ctions déborden t sur la ru e ct même sur les in.sulae voisines ; on constate que le st ylobate des portiques esL implan té à la li mite des tlot.s réser vés à l'agora ; dès lor:;, tout e la p rofondeur de la stoa et des chambres a1mexes est. prise sur la rue eL les blocs contigus. D'autre p art, seule « la rue de la port e Ouest» p erm et une ci rcula t ion normale et aisée av ec l' aulè ; l'axe N.-S. a été in terrompu, totalement, au N ., pa rtiellement au S. où u ne porte a été percee d ans le mur de fond elu portique ; on y a ccède pa r des escRiicn; 1 . Ces por tiques en équerre consLit.uenL un ensemble, u n système complet, conçu et réalisé à la manière d ' un (;di fiee uniq ue et in div is, imposé au système des rues env ironnan tes qu i doit s'assouplir pou r l'accepter. Le fait es t nota ble ; ca t· c'est. la première lois que dans l'urbanisme ionien l'agora appa r11tt. comme un édi fiee doté d'un plan inclépendanL, précis et réalisé d ' un bloc. L 'exemple de Priène allait être su1v t et repris, avec des propor tions plus imposan t es, à la fin du m e siècle p ar les archi tectes de Magnésie du Méandrt>, dirigés et inspirés sans doute p ar Hermogénès, le réalisa te ur de l'euslyle'. Les Magnètes résolurent, au début du rve siècle, de déplacer leu r cit é pour se regro uper autour d u temple d'Artémis Leucoph ry éné 3, sur les p remières pentes du mont T hor ax; le site de la nouv elle ville (ut soumis à la division régulière qui venait de s'implan t er à Milet et à Priène ; le r éseau fut orienté suivant. les direcLions cardinales. Comme ailleurs, l' emp lacement de l'agora a été réservé, mais des r aisons re ligieuses imposèrent ce choix : elle devait être associée au sanctu aire d'Artémis. L'aménagement a.rehitectura l ne fut entrepris qu 'à la fin du m • si ècle quand la cité eut acquis les moy ens d 'en assurer la réalisation •. Tout in diqu e que nous sommes en 1. P. Bonnet, o. c., p. 369, n. 1, o inslslë sur le fuil qu'i l s'ngiMilitl:• tlo vérita bles passages couverts el que les toll.s des porlh1ues no s'arrêtaient pas a u
niveau de cos e!!Ca liers, com me le prouvent les l ravaulC d'écoulement pour les eaux de pluie encore visibles, d 'oprês l'aul.eur, •u r lui deJ!l'és. 2. Vitruve, l U, 3, 27 sq. 3. Beloch, Gr ùch. G
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L'/\GORII. IJ/\NS LI\ CITH GRECQOB
présence d'u n plo n préconçu, dessiné eLpensé avan t qu'aucune construclion n' nit él é mise en cha nt.icr. Notons d'abord que les liens religieux qui avuicu l at.lire l'agora à proxi mité du sa nctuaire pri ncipal de la cité ne jouèrent qu'un rôle minime dans la co nception d u plan ; son orientatio n ne fut nullement. imposée p ar celle du sa nctuaire préexistant.; la p lace fut intégrée, comme il 1\lilet cL il Priène, da ns le réseau régulier des rues r l prit ninsi une position obhque par rapport a ux nxes de ln composiLiou a nlérieure. Cet exemple de Magnésie esL précieux, car il nous révèle la force d'un principe Coudamental de l'urbanisme ionien qui donne la primauté ou système des ru es ; dans le conflit qui opposait ici l'orientation des constru ctions religieuses et la régularité du p lan orthogonal, la première fut sacrifi ée. L'::~go1·a occnpe la su rfa ce de sLx 1\oLs identiques à ceux qui ont été reco nnus au Sud ( fig. G4-55) ; le mur de fond du port iqun Ouest. lo rnbail dans l'alignement. du bloc mérid ional et bordait une ave nu e N.-S.; à l'E st., les limites éta ient fixées par le Ulménos d 'Ar~émi s; les exlrémi tès des por~iques orienlaux el occidentaux s'arrêt.,è rent su r les bords de l'axe E.-0. q ui assu rait. la ci rculnt.ion cnLre l'aulè ell'ex~érieur. L'agora de 1\'l ogntsir r{lVèlll les mêmes principes d e co mposition quo rr llc de l'riùne ; la vast.e place, au.x p ro portions con~id érn hlcs 1 , élait enfermée dans un ensemble de sloai associées en [er à cheval, ouvert. au Sud. Au delà de cette ru a, la perspecli ve était li mitée pa r une stoa rect.il igne servant., comme celle d'Orophernes à Priène, de vesti bu le à des édifices sacrés ou a dminislr11tifs; '' l'ungle S.-O., on a ide ntifié avec v raisemblance u n prylunéc 1 • Cet ensemble débordait les limites primilivrmc nL ft.'< ées à l'agora aux dépens des tro is insulae q ui sc trouvaient. au Sud; la liaison enl.re l'aulè el. les rues inl.rrrompues par la colonnade élait. assu rée par deu x communicat.ions percées dans le mur de rond ; tout se passe comme si ces conslru ctions élaienL posLérieures au lracé de 1. L •aul6 mcsuro, entre le• otylob&tes des porLiques, 188 m. '20 de long Il l' E. eL 188 m. 10 6 l'O.; on la rgeur, 99 m. 10 au N. eL 9a m. 10 au S., c:eUe
dltr6rcneo Lient à l'lmpo••it..ililo d'empitler sur le t.err:ùn do I'Art.émision; l'cnsemlllo do l'aire, y compris lu roruques, mesuralL en longueur 214 m. 80 à I'E. c~ 214 m. GO • l'O., en lnrg~ur, 1'1.5 m. 70 au N. eL 120 m. 90 au S. 2. Don& l'une dei ialles ouvrant ~ur la péristyle lnl.ér!eur de cel êdiOce S6
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L' AGORA DANS LA CIT" GRECQUE
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70 m. 73 de long ct 21 m. 48 de lnrgc cl, corresponùenL à deux blocs d'hab ita tions. Ln ro ut· inLériClll'll est. bordée à l'Est et à l'Ouest pm· une ra n~ee de dix cham bre~ que réun issait, nu Sud , un long mur plein. Chacune d e ces rangées de boutiq ues, qui mesure 50 m. 09 de lo n ~, él uiL eompléléo par une a ile à lrois chambres qu i Ca isnit 1~1 our m 1 Nord , vers l'in téri eur de la cour. Ainsi conslilut'r, l'ago ra Ot'\' U (.IC la surface de quatre tlots en largeur et corn-~po nd, eo profondeur, à la lonp:tl CU r rl' un bloc augmentée de la t ransversale E.-0 . Comme l'onL nolé les auteurs de la pu bliculion, il' t' lan primi tif rlr l'ago ra, dont l'c m(>lacemenl el le3 ll mitl'~ furen t prévus danl> le premÏt'r tracé, ouu pait uni' ~u rf11 cr co•·rcsponrlonl à huit, ilols' et. réponda it ù la stru cture théoriq ue de l'agora ionie nne : un e sétie d 'érlifl <'es renrcr nmut bureaux ct s ièges de ad minis tr·al ions su•· l' un des côlé de la pl :~re qui aur ait él6 en ferm6c rnsuile par un ensemble de bàl imcols en fer it cheval. Mais l:r réalisation fut plus modest.e ; srule la première part ie du plan a été ex écu tée ; la région Sud n 'a jamais reçu, semblo-L-il, sa paru re d'édiflcr.!< ; on relia les conslruclious exist an tes par u n simple mu r , la issant. inemployée une p artie du lerrain qui nva it êlé ré•erq}. Conception eL plan de cel le ngoro sonL bieu hell ~niques, comme le confirment des détails de Lf:r.:luriquc directement héri tés des constructeu r~; grecs 2• La seule différ ence réside da ns l'absenee de portiq ue; plutôt. q u'à la ra reté de~ ma léri:~ u~ ou à une innuence de l'archit.ecture l()C(tlc, il ra uL demander l'explicalion de cette o:~bsence aux rcslriclious ap port.ées, en ro urs d 'e.xt':cu tioo , à l'a mbitieux program me qui av ait été 23 sq., plon, n10.
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e qui délimlla•l une surface 6 peu prèi t!quivalenl~ A l'agora de Moinésle; ln >urr'"'' de 8 hint'• mrsuo·e 2;1.GIO m', '<'IL 1&9 m. 79 x 14 7 m. 13. C'ôloll plu• uo 4 roi~ la •11rloce dè l'ogortl du Priène, &% env. de ls surfa ce IOlDie do la c il é - lou le• lu agorai de l lllcL oceu.,anl ~.JS % rtu "'itt" urbain. Ceno c:onclu~ioo o ptnnb au' fo,tilleur:. tl~ tb.. cr t.rh e>.aclom•nl 1-. dill\('n;l,,n~ Lypeo du bloc tte Dourn, ibid.. 11. ·~ 1-~r•. coil 10 m. 40x3:, m. 20, d'ofl lo rnpporL 1/2, ~• quo o·orr.,pond ou\ ruc....,res de !Jase nd opt.
411
FO RMA.T ION DE L'AGORA IONIENNE
prév u. Le plan primitif est sans doute posLérieu~. de peu à la fondation de la ville, au tournant des 1v 0 el:. m 0 s1ecles; mms la réalisation en fu t assez lcnle, jusqu'au jour o ù le trésor royal s'aperçul dé flniLivemenL de ses insuffisances et. 11 t a.rrêter par le mur méridiona l le développement des boutiques v ers le Sud ; les car·acl:.ères tcchn iq ues ne semblent. pas révéler une très grande différence de dal.e entre les diverses constructions et c'est sans doute dans la deuxième moi tié d.n me siècle que l'agora prit sa Corme déflni~ivc . Nous n'avons pas la même cha nce pour les aui-J·es fondations séleucides. A Alep cependant., J. Sauva geL a pu localiser avec ,.,·aisemblance l'agora au long du grand axe E.-0. du d amier primitif!. Elle occupait la superficie de trois insulae environ•. Le principe resle le mo!mc ; le pla n orthogonal para1 t avoir été la règle pour ces inata lla tioos coloniales a.vec Lou tes les conséquence.'> relatives à Ill localisation et au schéma de l'agora 3 • A Druna.s, 1'ago•·a sub it 1'aLtracLion du sancLua ire principal ; elle est. reliée à lui pat· w1e g ra nde avenue qui rappelle le dispositif du Pirée ; sa place est. prévue d a ns le d amier où elle parait occuper la surface de hui t Tlots. connue à Dou•·a •; ce serait une place fermée où l'on déboucherait par des portes monumenta les don t des vestiges on t été retrouvés'. l\lais les tracés cl, les installations macédoniennes ont., la plupart du Lemps, comme à Apamée, à Antioche, dispat·u sous les transro rmations imposées par les a rch itcctes de l'empit·e romain. Ailleurs, comme à Laodicée-sw·-}ler ou à l. J. Sauvoget, Alep, 1911, p. 3 3 sq., pl. Lll.
2. l)e proporUons bien lnrt\ricures Il cel lM de Dour:\ pnr con.•équen t ; l'i11sula d'Alep pnrult sensiblement supérieure A celle de IJ<>urn-Europos : 110 x 52 m. au lieJJ d e 70x 35 env. Cr. les compaMlisons donn~es
..
4 12
L'ACOnA OAI'IS LA CJTR CRECQU&
Doura 1, le commerce quiltc l'agora pour chercher refuge sous les ~ro nfl es colonnades q ui bordent. les avenues. D'après ces exemple qui Tévèlcnt une remarquable permn-
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Ooun-Euro110S : plan ~nh-al.
nence des mêmes principes, il est possible de mieux interpréter nos connni~an ces fragme n~ ires relatives à l'agora de la plus célèhrc des fondations macédoniennes, Ale:umlrie d'ti:gypte. Alexand re lui-même était consta mment intervenu dans le Lracé du plan, llxanL les points essentiels de la cité, en parti1. Bull. Stude• Oritt~loles, V, 1!13·1, p. 04
sq.:
CIIAI, 1932, p. 3 16-317,
FOHMATION DE L'AGO RA I ONIENNE
413
culier· l'cmplacerneut. de l'agora 1 ; et l'on sait par le pscucloCallisthène que les travaux commencèrent. au Mésopédion:. Les grandes lignes du plan ont pu être repérées : il étaiL orthogonal•, mais malg1·é les descriptions de Diodore (XVII , 52) et de Strabon (XVI 1, 793-?95), il reste difficile de fixer des points de repère incontest.ables. Pour l'agora, en particulier, trop d'idées théoriques ont inspiré les discussions. Erdmann, emporlé pRr sa conception t.rop étroite des principes bippodamiens, a cherché l'agora à l'int.ersection des deux grands axes ])Cl'pendiculaires, là où l'archit.ecture impériale dressera un Tét.rapyle•; conception doublement crTonée, car jamais l'agora, dans le plan orthogonal hellénistiqLte, n'est au centre géométrique et le Tétrapyle, dans l'archil:.ecture romaine, ne p•-end pas la pince de l'agora grecq ue. Th. Schreiber, lui aussi trop systématique, conLesLaiL la possibilité d'une agora dans une fondation de prince macédonien et n'admettait qu'un marché, annexe de l'emporion mentionné par Strabon 6 • L'exploration des cités séleucides a montré l'excès de cett.e affirmation. F. Noack avai t émis l'idée d' une double place, une agora m:.rchande annexée a u port et Lme place publique ù l'intériellr de la vilJe 6 ; mais P. La vcdnn ne 1'accepte pas en précisa nt un peu trop le texte d'Arrien pour lequel l' ulLe rpréLaLion "agora marchande " 11e s'impose point•. L'exemple du Pirée et d'autres cités marchandes, comme Cnide ou Halicarnasse, semble justifier une interprétation des t.extes dans le sens préconisé par Noack. Ces villes possèdent deu:x aaorai, l'une marchande, vers le port, l'autre à l'intérieur, en rap port avec les organismes politiques et religieux. C'est l. Arrien. Anab. 3, 1. 2. Ps. Ccllis~hènc, 1. 32. 3. llottl, Plflro dela uille d'Aie®ndrie à r6poque ploltmaïquc, 1898; F . Noack, AM, XXV, 1900,p.2 l~sq.; G.Jon
a.
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L AGORA D A NS LA CIT!l CRECQUE
ce dispositif qu'évoq ue la Lra dition li ttérai re ù Alexandrie. L 'em porion d ·abord, :wee lell v•c~pt<:t cL le;, thtoadrn...; (St ra bon , XV ll , 794), orru paiL un large d~gagcm enl. au L - - --.J
1
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dP.houcM Sud de l'llcplasladio11 , entre les deux ports, bien ada pté à sa Conrlion exclu~i vcmenL commerctale. Un texte de Pline invite à chercher une au tre p ince pu blique à quclf1 ue distance d e res insla lla lions ulil it.aires 1 ; toute l 'bistoire religieuse de l'agora nous port,e à iden ti fier cette rlermère 1. Pline, Ffi1t. Nul ., XXX V, 9, ~ propos d ell obéli5ques ~criL : lndo oum navalibus 1ncommodurn 11axumus quidam praefeclus AegypU lronstulll ln forum.
FORMATION I)E L' AGOnA IONIEN NB
415
avec l'esplana de où se dr essait. le tombeau d 'Alexandre qui y ét ait honoré avec tous les r ites et les sacrifices d us au héros fondateur•. L'emplacement de ce lieu d e culte fut vraise mblablement imposé pa r la tradition ; le Sèma ne devait-il p as se d resser là oü Alexandre avait co mmencé so n œ uv re dans le Mésopédion ?t Le rapprochemen t du témoignage d'Arrien avec le texte du P seudo-Callisthène tend à [aire a t l.ribuer ce nom à l'agora macédonienne d'Alexandrie. Ne parla it-on pas du Céramique d 'At hènes et du Plinlfws de Tégée? Nous retrouvons ainsi dans la p lus illustre des fondations d'Alex andre l'application normale des principes relatirs à l'agora qu i se dédou ble dans les cit és marchand es, séparan t le centre de l'agora polit ique et r eligieuse, dégagée de t out cont act m atériel, où le culte du héros fondateur occupe un e place p1·épondéran te. •
• •
Nous mesurons par l 'exemple de ces villes coloni ales le chemin pa rcou ru depuis l'époque des tâtonnements, des r éalisations partielles ou hésit an tes dans les cités con tinentales du début du IVe siècle. A Milet même, la doctrine resLe longtemps incertaine et les architectes ne semblen t pas conduire l'exécut ion de leu rs ensemb les d'après un plan fermemen t dessiné ; les lignes et le dispositif de leu rs co mposi t ions leur ont été imposés par le cadre même où ils évoluent et ils obé.isscnt davantage à des nécessités momentanées et tem poraires qu'aux impératifs d'un p lan préalable. Priène, Magnésie, Dou ra-E uropos prése nten t a u contraire des r éalisations achevées et p arfaitement unifiées. La premièr e conquêt e de l'urbanisme auve siècle a vai t été d'introduire l'agora comme u n élément essentiel d u p la11, à un emplacement bien choisi ct r éservé en vue de fonctions t rès précises. La conqu ête du 1. Les Lcxles concernant ce eulle onl étû rassemblés p~r G. Lumbroso, L•EgllltJ dei Grcci cl d
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colonnades accompagnant les d eux grondes artères de la ci lé rornaino.
41 6
L'AGORA DANS LA CIT E GRE CQUE
rve siècle a porté sur lo slruclure mi:ma de l'agora qui reçoit une o~s11tu re définie el organique. Celle-ci lut. imposée par les lignes de l'ensemble où elle devait. s'intégrer. En présence
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Ooura-Europos : l'agora.
de l'esplanade vide qui leur était. réservée, les arrhilecles du rve siècle ont. créé, avec les moyens traditionnels qu'ils trouvaient. sur les agorai anciennes, un t.ype d'édifice qui s'impo•e à l'archileclure helU:nistique. Les élémen ts choisis pour celle création furen t les sloai, bien connues auparavant, mAis traitées en édifices indépcndnn t.s; leur simplicité, 111 régular ilé de leurs colonnades permettaient. de les adapter t rès ai sémenl ou quotlrilloge du plan orthogonal ; elles répondaient. exa clement. a ux nécessit.és d'entourer et. de limiter ces vides, de leu r don ner du volume tout en permettant de multiples vorialio ns grâce à la souplesse de leur arrangement.. Le mérite des architectes du 1ve siècle fut alors d'unifier ces éléments, de les associer en un ensemble organique, clairement.
FO LHIA'fiO N Dl> L'AC011A IO NI ENN E
417
conçu et dessiné, aux principes et au)< lois assez souples pour s'adapter à chaque cas particulier. Ces colonnades permettaient en outre d'intégrer à l'édifice nouvea u les organismes de l'agora p rimitive dont. la conservat.ion éLaiL exigée par le rô le qu'ils continuaient à jouer. Il fallait maintenir les salles de réunions, les bureaux des magistra ts, les lieux de culte, les aulels, les chapelles consacrées, tout en ajoutant. les magasins et les boutiq1.1es nécessaires a u négoce ; il fallait éviter les contacts trop impu rs, faciliter la circulation et les communications ent re les divers 6lémeots de l'ensemble et avec l'extérieur. Les a go rai de Priène et de Magnésic révèlent l'ha bile té des solutions choisies. On conserve BouleuLérion, P 1-ytanée, bureaux ; mais tous ces organismes a utrefois in dépendants sont groupés, associés par un portiq ue de façade qtri dissimule leur diversité ; les petites chapelles eL lieu.x de cul te sont, da ns la mesure du possible, aménagés à l'intérieur des sloai; d'aut.res au tels reslcnt dons L'aulè dont ils constituent la parure. Par sa fonction même, comme seul l'a fort bien montré R. Wycherley, l'agora ne peut être coupée du reste de la cité puisqu'elle en est le symbole ; le plan ionien reste donc la rgement ouvert; il est accroché à l'une des g•·andes artères de la cité, coupure qui permet. d'isoler les organismes poliLiques des installations marchandes. Avec ces agol'ai, nous arrivons au terme de cel le longue évolution qui a mtlri une (orme architectu rale digne de l'idée politique et religieuse qu'elle devai t matérialiser. Au moment même où la cité voyait son existence en danger, elle acquerrait. seulement la forme défi nitive de son agora. L'édifice est maintenant constitué ; il nous resle à en examiner les diverses variantes ainsi que le détail des éléments eL les principes de la composition.
CHAP ITRE V ,LES VARIANTES DU PLAN ET SES DIVERSES APPLICATIONS
•
La décadence politique des cités grecq ues fut l'œuvre d 'une lenlc désagrégation dont les citoyens n'eurent. pas eux-mémcs uno conscience immédiate; l'agora restera pendant touL co temps encore un élément essonwel du groupement urbain. Une rupture d'équili bre entre ses diverses fonctious provoque le développement do corlains organismes a ux dépens des autres eL romp t la continuité que bien des historiens de l'urbanisme avaient cru rema rq uer jusqu'au forum romnin. Cett.e théorie a été soutenue successivement. par E. CurLius, J. C. Wymer, Th. Schreiber, R. Herzog pour q ui la fermet ure progressive de la place hellénique aboutit sans heurl. au foru m du premier siècle de notre ère 1• Quelques critiques se sont élevées dc-ci de-là contre la rigidité de cos conclusions. A. von Cerkan , P. Lavedan et surtou t E. Gjcrstad' ont insisté sur la complexit.é du problème rclaLiC au x origines du forum impérial ; le dernier, plus particulièrement. a bien mis en relief le caractère hétérogène de coL édilicc et l'a raLLaché à un eoorunt d'infl uences étra nger à l'agora hdléniqoe. Mais aucun de ces auteurs n'a mis surfisarnment en valeur les raisons profondes de cette solution de conwnuité. En précisant et développru1t l'idée deR. F.:. Wycherlcy 3 sur la parenté 1. r::. CurUus, Guam.llb/1., I, p. 148·1 63; J. C. Wymer, Marltlplal:anlagen du Griedlen und R6mer, 1016, p. 16 ~-;Th. Scbrelber, Pulsehrifl /Ill' Klepul, p. 313 i
LES VA RIA NTE S DU
PL.
419'
des agorai anciennes eL ioni enn es, nous sommes a menés à établir une coupure entre la conception hellénique de la place pu blique et le forum de 1'empire roma in'· L'erreur des théories précéden tes avai t ét.é en effeL de considérer l'agora dans ses réalisa t ion s d'époq ue t ar di ve, alors qu e son caractère s'est profondément modiflé, q u'elle a subi les influences d'au t res p lans et d'a utres formes, qu'elle rejoint d 'autres structures architecturales com me la cour péristyle dont elle se di!Tér en cie radicalement à 1'origine. Il en r ésulte a lor-s une méconnaissance co mplète des conditions h ist oriq ues, politiq ues et religieuses qui avaient présidé à l'élaboration de ce type et qui seules son t ca pables d 'en expliq uer les formes et les aspects. Avec la décadence de la polis q ui se désagrège en perdan t sa liberté et son indépendance, l'agora est une notion qui dispara1t et l'édifi ce qui la ma térialisait se trouve libre pou r d ' au tres fonctions et prêt à su bir d'a ut res influences. L'exemple d es agorai p lus récen tes de Pergame, de Délos, etc., dérivées du t ype ionien, illustre cette trans formation. Biçn qu 'ayan t conser vé les grands traits du plan , elles ont subi les effets de l'esp rit. n ouveau. E lles sont les dernières réalisations de la t radibon proprement hellénique. On assiste à l'application sysl éma tiq ue d'un pr incipe don t nous avions décelé les premières manifestations dès le ve siècle et qui reçut un e consécration définitive dans l'œuvre d'Aristote. ' le principe de la spécialisation. Il règl e la répa rtition des p laces dans le site urbain d'après leurs fonctions. Or , l'économie du monde hellénistique est bouleversée pa r le dévelop pement des écha nges co mmerciaux ; les gt ands centres de concen tration et. de distri bution, comme :Milet , Délos, auront besoin de vastes marchés, de bourses du commer ce, de dépôts bien organisés eL commodes l. Nous n'aurons pos Jo possibilil6 de parcourir ncluellemenl celle étape;
notre rou te C$l déjà bien lon~rue el les matériau)< exigés par l'élude de ces nouvellts perspeelivo• sont encore diffiellemenl aecell•ibles. Nous espéron• un jour pouvoir les rèunir el complél.er not.re recherche presente par l'élude do celle ex lrnordlnnire période d'urbanisme qui, de Pergame, par t outes les cités lie I'Anal.olie méridionale el de ln Syrie elu N., n oug amènerait à la Romo impériale; qui, de J'agora hellén.ique de type clasSique, nc>us conduirait à L'élude des va nds emembles à colonnades de Sldè, Termessns, Aspendos, Antioche, Palmyre, eL.c.; et, on fln de course, à l'examen aes problèmes relatifs 3ux forums de ln Rome impériale.
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L'AI:OnA DANS LA CITÉ GRECQUE
pour répond•·o aux besoins de leur clientôle 6t1·angèrc. Ce qui resLe de ln tradition polit.iquc d'antan protège l'agora contre l'envahissement de Lons ces édiOces et. l'on voit. se développer en dehors d 'elle d es marchés, des entrepôts qui emprunten t souvent au plan classique des {ormes et des éléments, mais lesa da pl cnl à leu r oou velle fonction. Les rap ports entre l'ogorn et. la nouvelle cité ne sont plus aussi ét.roit.s et, en parlicuJie r, les communicalions n'exigent. p lus d'être lo rgement. ouvertes puisqu'une partie des coura nts intérieur!i est détournée vers des marchés spécialisés. La traduction architecturale de ces nouveaux racLeurs se man ifeste par une coupure de p lus en pins radicale qui sépare la place et ses organismes du reste de la vi lle. Elle sc ferme, les sloai sc rejoignent, des port.es motmmenLales isolent l'aulè; rl'au trcs inOuencos, comme celle d e la cour péristyle, favorisent. en outre cell e tendance qui aboutit au type de l'agora co rn pietement fermée de Cnide, de Cos ou d'Aphrodisias. Pour Loutes cos raisons, le plan de l'agora ionien ne classique co mporte bien des variantes. Son princip e était. si mple : la place réservée dans le tracé ot·Lhogonal, choisie plutôt au centre vit.al qu'au centre géométriq ue du site, appuyée par l'un de ses côtés à une grande artère de circulation, était ornée d'un ensemble de constructions t raitées comme un édi fice unique dont l'une des fa çades restait ouver t.e snr ceLLe voie d e communicution. Le parti choisi par les archi tectes faisait appel è des eiJels d'alignement et dr perspect ive, fl des assemblages de colonnades qui dissimulaient. les organismes nécessaires aux cliver es fonctions. Un plan idéal fut alors fou rni par la st oa en ou en rer il cheval qui consliluait l'armnt.ut·c sur laqucUe s'organ isaient les détails ct se grelToient. les annexes; ce plan ne pouvait ètre parfaitement. réalisé q ue dans les fondations nouvelles, là oü de vastes dégagemen ts a vai ent été prévu~ cL étaient respectés. Des facteurs divers en gênaient. pa rfois l'n ppücation, en particulier les exigences d'un ter ra in limjté, la présence de constructions nnriennes dont. il était impossi ble de !aire ta ble rase. A pnrt.ir du 111v siècle, on assiste à des e!Torts pour ad apter à co schéma idéal les agvrai anciennes; ln t endance génér ale eoL d ' imposer une u nit.é même arliOcieUe à l'aide de colonnades qui régulnrisent. les contours de la place j~sq~'alors bien indécis. Dans ces aménagemen ts, lu centrahsat1on et le groupement des organ;ismcs de même nature se précisent.
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LJ>S VIU\IANTES O U PLAN
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Nous •wons vu co mment, dans les plans élaborés au rve siècle à Priène, à Magnésie, à l\1ilet, les salles d ' assemblée, les b ureaux constituen t dans le cadre même de l'agora une petite • cité a dministrative »,sépa rée de la gra nde p la.ce où la foul e, à chaque heure, s'amasse, circule et s'agite. Pergame, au début du n " siècle, ofJre l'exemple d ' une agora nouvelle où ces prin cipes de base sont ad aptés à un vaste plan d' urbanisme original, assez diffèrent, pour des raisons topograph iques eL poliliques, des créations hellén istiques t m ditionnelles. Table rase a été faite de l'agora ancienne q ui occupait, dès l'époque des dynastes, la première terrasse de l'acropole, en contre-bas de l'autel' ; les fondations l uren t enfouies au cours des tJ·avaux de n ivellement.. Cett e terra sse, longue d'une centaine de mètres, large à l' E st de 63 mètres, se trouv ait réduite au N .-0. par l'esplanade dominante de l'autel de Zeus ; d'autre part, elle était co upée en deux par~i es inégales par la princi pale voie d' accès à l'acropol e (fig. 60-61). Cette situation même compliquait la tâche de l'archi tecte, car il ne pouvait trai ter le pla n de l'agora indépendamment du dessin d'ensemble qui comprenait successivement la terrasse de l'au tel, le san ctuaire d'Athéna, puis au poin t eLtlminant les palais avec leu rs annexes ; ceLLe composition étai t hardiment centrée sur le théâtre dont les longs porticrues ourlaient la b ase de ce monument al éven tail déplié en terrasses 2 • Il s'appuyait, au Sud, sur l 'agora qui fer mait la composition. L'e:xamen du plan d'ensemble mel en valeu r l' habile té du part i choisi. Une grande stoa en [cr à cheval vin t border Les côtés Sud eL Est de la Lerra sse en dessinant un retou r au Nord . L a dénivellation d u terrain imposa une stoa à étages dont le rez-de-chaussée constituait les substructions d 'un j)o rtiquc situé au niveau de la place. Ce port ique p rolongeait les lignes amorcées pa r la grande stoa d u théUre el fermait ainsi vers le Sud le développement de la composition ; La branche Est. du fer à cheval retrouv ait. le mouvement de l'arête orientale de 1. L 'élnl ac lu cl de !"agora a ppartienl à une ml! me 6poque, co.r tous les édiOccs nnLéricu•-s onl Hoi ras.\$, Ail. Pergumon, Ill , 1, p. 93 ~q.; mOrne l'édiOce du N.-0.
est de celle époque, avee <1uolq ues modiOcalions postérieures, con~nlremont 6. ce qui est dit ,1/1. Pergomon, 1, p. 183 ; il n •wouverlle• fond ations d'un b!l.limont plus ancien donl rien n'a éLé conservé da !li le nouveau plan ; er. Zsehietzschmann. RE, X IX, col. 1252sq.; E. V. Hansen, Tlle Allalidsof Pergamort, 19<17, p. 219 sq, 2. Zscbielzschmann, o. c., col. 1252-53.
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L'AGORA DANS LA CITÉ GI\JlCQOB
Fig. GO. -
Pergamo : pl.-n
g~nérol.
LES VARIANTES DU PLA.'I
423
l'acropole où se d ressaien t les palais . .Mais la g rand e terrasse de l'autel empêchait le dé veloppement. symétrique do l'aile ord, en même temps q u'elle in terd isait la co ncentration des édifices administ rati fs, si parfai tement réalisée à Priène. Ceux-ci furen t divisés en deu.x grou pes, les uns associés à la branche Nord du fer à cheval' ; les au tres, d e caract ère plus net tem ent. r eligieux, se logèrent. dans l'angle N.-0., Ill où dans l' ancienne agora se dressait. vraisemblablement déjù un tem plt: d e Dionysos 2 • Le curieux édifice, a u Nord dn temple récont qui fermait. la pcrspt:cl.ive de la place, ann once, par son plan et son a bside, le nymphaeum postérieur. 6lémen t essentie l de pla~s d e l'u rbanisme romain orient.a l 8. L:.t faib le importance occordét: aux organismes civils, la préoccupat.ion de co mposer l'agora moins pour clle- mûme que par rapport à l'rmsomble de l'acropole révèlen t, pl us n ettement enco re qu 'ailleurs, l'êvolution des idées depuis le 1ve siècle. L 'ngora deme ure u n élément de la cité, mais un élément, secondaire don t le plan est, dépendant de wut l'ensemhl c qui a été des iné pou r· melLre ou valeur la résiden ce royale d u sommet, le pnluis, centre de la composition v ers lequel co nverge l.oute l'activité de Pergame; l'essent iel d o la vie administrative s'y est tra nsporté ; la vie religieuse s'ordonne au tour du gro nd sa nctu aire d'Athéna ; 1'acl.ivit é commercia le s'est. con centrée dan.s la v ille ousse. L 'agora se vide ainsi de toutes ses runelions esse nlielles. C'est. un organisme qui se meur t , redui t au rôle accessoire de constituer l'entrlle monumentale de l'ac ropole•. L'adaptation d u plan ionien a ux étroi tes limites d'une terrasse, r éalisée harmonieusement à l' agora de Pergame, était desti née à ra ire fortune. S'agit-il d 'un e crllation pergn mé1. A/1. Ptryommo, I ll , J, pl. XXVII, J ; il CSL possible !JUC ceLLe sullo liOIL p~l~rieure au porlique, i bid , ii· tlï. C'e;;l dont l'une
LES V ARIANTES UU P LAN
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nienne? Il sera it plus e..xact de parler d'u ne adaptation ou d'une mise au poin t qu i servit ensuite d 'ex empl e. Car si des agorai comme celle d'Aegae ou d'Assas parai ssen t très inspi rées des méthodes pergaménienues, le p lan de celle d' Alinda semble an térieur . L'agora d 'Alinda a pris place su1· la seule terrasse d u site q ui permît un vaste a rrangemen t architectural (Pl. VI ) 1 • CeLLe espla nade est bordée à l'O uest pa r un long édi fi ce de t rois ét ages d on t les deux premie rs son t en sous-sol pa r r ap por t à l'au lè; le t roisième ouv ra it. sur la place pa r une co lon nade• ; les extrémités compor ta ient un ordre à pilast res qui se répétai t peuL-être sur te long côté oc:cidenLaJS (Pl. VII eL XI, 1). La place avai t un plan rég ulier rectang:\daire ; le côté Est 6tait bordé par un aut re portique d ont le mur de fond form ait soutènemen t •. Sur le petit côté Sud . s'allon geait aussi un po rt ique dont les vestiges sont encore neUem en t visibles ; il compoa-tait vraisemb lab lement un propylon per mettant l'accès ; a u N., contre les fl ancs de l'ac•·opote, l'ét at actuel ne laisse pas r econ natl re si la p lace éta it ouver te ou fermée. Les principes pergamén iens on t inspiré le plan de l 'agora d 'Aegae'. Une t er rasse de 80 mètres so r 40 env iron est. sou tenu e par un puissan t édi fiee, de plan ident iC[l.le à cel ui d ' Alinda , mu ni en oull'e d' une pelite aile en retour à l'extrémi té orientale. l ei aussi deux étages de magasins so utenaient un por tiq ue dont. la colonnad e bordo it l'!lll lèc. En fa.ce, une sl;oa l. Vue de la t errasse dans Trémou~, Eœplorallon arch. tn Asi• Min•ure, 1874, Alinda, pl. l et Il ; plan eL êl6vaUon d u grand portiq ue dans Le Bas, l'oya{ll: an:h., Ar ch. li, 5, sous le Litre • P alais •; compléments dans R. Dohn, Ali. von A egat, Juhrb ... Erg/Jn: ., Il , JSS9, p. 2$·30, 1111. 27-2$. 2. Il est difficile d'accepl.er la r estitu tion de Le Bas, ibid., llg. 2 qui él.end au long côté lei! piliei'S engagés ùos murs lalôrnux; tous les portiques do ce Lypo présentent une colonnade ~u r l'~ulè. 3. Aucun des rappor l.i; ne perrnel uoe réponse decisive, R. Bohn, 1bid., p. 'l9 el n. 7. cr. les observations faites sur ce por Li
par des murs pleins; l'étage inte•·mêdiaù·o est d ivisé en 2 nor. par une r angée de piliers quad ron~rulaire• il. Aegne, avec des colo nn!li :tccoMes ~ Alind a; lo 3• 6Lagt. eompor loit une double colonnade.
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L'AGORA VANS L•\ CITÉ GRECQUE
s 'appuya it. à la penlc et formait le food de la compositionl_ Comme à Prrgomc. uni' r ue t raversait. l'aulè en diagonale ; les édifi ces rubli cs parais~enL avoir été concenLrés dans l'angle N.-0. La da l e de ces constructions est mal fixée. Le portique d 'Aegae portail une dédicace qui implique des répa rations à l'époq ue impé riale 1 • Les inventeurs seraient tentés de faire remonter nu m ~ ~ièrlr la ronslruction primitive. en tiran t argument. surtnut de l'appareil soigné des murs, en carreaux el bouLisses, bieu ca ractér istiques des débuts de l'époque hellénislic1ue en Asie Mineure ; mais le style des chapiteaux doriques dont l'abaque est. couronné d'un kymalion, répHé en couronnement. de la frise, ne nous sem b le pas a nt.ér ieur au ue sièc!,.. av. J .-C. 0 • fei, l'influence de Pergame est donc sensible 4 ct justifiée pa r l'hisLoiru de la cité•. Nous sommes moin~ nln rrnn Lifs sul'l'éuifice d'Alinda; les éléments de l'élévation manquu11L el il serait. vain de vouloir se décider d'après l'appareil du sou bassement 8 • Nous n'avons pu repérer ni chapi tea ux, ni blocs d'épistyle; l'appareil du m ur en longs blocs réguliers nous paratt. plus ancien que celui d'Aegae ; les seules moulures conservées, h la partie inférieure des colonnes int.éricut•cs, sont. forte:; ct. soutenues, 11ullcment. ap laties, bien
1. Cette stoa présente un curieux couronnement; sur t'épistyl& vient, s·•l faut en crot re l'khtcur A. Bohn, Ibid., p. 30-31, fig. ~. une a5!i5e comportant des prolomes d~ teurcaux i l'intêrleur el un larmier il caissons ,-ers l'exl.érieur. 2. Rien n'empf(:ho d&IOialtrlbuer à la rec:onslruclion de la ville sous l'il>èrt\, comme le vouiAil Sehuehhard, Ibid., p. 26; ct. iur te point L. R obrJt., Lt6 glodiolwr& d~na l'Or/ml gr<<, 19 tO, p. 214-115 el ~6, n. 3. 3. Style d~>S dlllplt.eaux du Bouleulérton de )lilel, M il1 0 eL le travAil du larmier eL du chéneau tir~ d'un meme bloc. 4. D'autre! délllib ,·on~ daru lo même sens, en p8rLleulir.r le dédoublement des murs de oou tènement, R. Bohn, 1/lid., fig. 16, el l'emploi du chapiteau (1 palmes; t outefoiS 1 aLlrtbuUon do ce ehaplleau, certaine pour la sloa du :-..O., ne l'est nullement pour le grond êdiOce, car un ebapiteau ionique trouve do~~> lo rouille pourrait convenir a l'ordre lnUrieu r; stylo et décor sont tardifs, ibid., p. 21, Rg. 23. No peut-tl Coire parUe des re1U.uratioM du,., s. ap. J.·C. t r.. Textes ei~s psr R. Bohn. Ibid., p. 64-65. G. Il nous pftull moins &ofené que l'uppareU de l'enceintfl et de quelques parUe• du UtMLM', mals est-00 un indice de dale postérieure? Il faut ten ir compt• ''" u>nL~rlnu, un granit dur ol dlmcilo Il lravniller.
LES VA RIANTES DU PLAN
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que taillées dans une pierre difficile à travailler (PL VII 1 et X , 2). L 'encein te, avec ses to urs remarq uablemen t conservées, remon te au Ive s. ; théâtre et a gora doivent avoir êté prévus aussi dans cet te période prospère d e Ja cité. Compt e tenu d es délais de réalisation, l'édifice pourrait bien a voir été construit dès le débu t du m e siècle av. J.-C., et serait a ntérieur, par conséquent, aux influences possibles de P ergame 1. P ar contre, elles paraissent incontestables à Asses où la dis t ribu tion des édifices obéit. aux mêmes principes q ue l'agora pergaménienne du haut 2 • On sent la préoccupation d 'ada pter le plan tradi t ion nel aux lignes de l'esplanade tra pézoïdale que fourn issait une t errasse natu relle, très allongée, plus étr oite à l'Est qu'à l 'Ouest (fig. 62). Au Sud , la place fut limitée par un de ces portiques connus dont le rez-d echaussée, a dossé à la t errasse, était occupé par des bains et. suppor ta it un étage au ni veau de la cour. Cet te stoa était ouverte des deux côtés, dispositif qtù répond au caractère d'un promenoir couve rt tel que Stra bon l'a défini (XI r, 622). Au Nord, a pp uyée au rocher, Ulle a utre sLoa lui donna it. la réplique. Les édifices annexes ont été, comme à Pergame, répartis en deux groupes ; les burea ux et cen tres a dministra tifs furent inst allés à l' Est, a utour d u Bouleut érion qui dominait l'extrémité de l'agora de sa puissan te façade décorée de colonnes engagées; à l'Ouest, un petit temple se trouvai t da ns l'axe, occupan t. un e situation ex acte ment comparable à celle du t emple de Dionysos sur l'agora de P ergame ; l'enceinte était complètemen t fermée par une ligne de constructions - sans dout e des boutiques - ouver tes sur la rue, indépendan tes, par conséquent , de l'agora où l'on en trait par une porte monument a le (fig. 63). On ne sau rait se fier ici à l'apparent e dispersion des édifi ces et rapprocher l'agora d 'Assos des ty pes anciens de la Grèce continentaJe3. L'étroiLessc de la ter rasse, la d ispropor tion entre la longueur et la largeur rendaient impossible l'emploi de la stoa en fer à cheval que les architectes de Pergame avaien t encore pu adap ter à l'irrégularité de leur place ; mais techniques et conceptions 1. CI. déloils complémentaires sur cu porUque, I nfra, p. 489. 'l. Clarke, Bacon, Koldcwoy, Jnvul. al As110s, !, p. 2 1 sq. et 33 sq. 3. Tendance deR. E. Wycherley, H ow 1/11 Creek• bull/ Clllu, p. 7.
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sont fid èles à la t.radil ion ionienne, mises a u point et repensées da ns un cadre spécial par l'école de Pergame. Le principe du groupement des édifices identiq ues est rigoureusement appliqué; ici, dnn<~ cette peLile cilé a utonome, réappa ratt le Boule ulérion qui Ha iL, à Perg;1me, absorbé par le palais. Qu'on imagine par la pensée une aut re sloa a u delà de l'entrée méridionale, le pla n de Pergame, plus contracté, sera il e.xact.emenl réalisé. Cette parenté, d'ailleurs, trouve ses raisons dans les circonstances historiques qui ont placé Assos sous la domination des At.lalidcs penda nt près d' un siècle, de 241 à 133 av. J.-C. Le problème rie lu da te des constructions de l'agora d' Assos est à pei ne 6voq ué dans la publication un peu sommaire. Toutc rois, le style de la grande stoa d u Nord est très aiM1·é pnr des procédés qui appa raissent au u e siècle dons les const ru ctions d' Asie Mineure : mélange des ordres (profll ionique de 111 corniche au-dessus d'une frise dorique). t.raitemen l simplifié du chapiteau (lorge listel au lieu des annelets t.ra ditionnels) ; ces troit.s, alliés a ux: négligences de technique (lorges conoux cie coulée doubles pour le scellement des ta mbours sur ln sl.ylobnte), évoquent une da te voisine de cet te période de domination attalide ; c'est. sous l'infl uence rlirectc des a rchitectes de Pergame que nous sommes tent.és de s ituer le tracé ct l'organisation de l'agora d'Assos 1• Les rares vestiges de l'agora de Notion su ggèren ~ un plan apparent.é à ce lype. Elle occupe une dépression' sit.uée enlre la 1. On nottra meme d es rupprochumunli lrb précis a''ee les proeédts de conslruellon peJ'iam~nlcns ; oul.nll'uUII.alloo des dénivellations du Lerrain pour tt.abUr des correspondances enlre êl;i~e> de porliques (le portique N. 3 un étate auquel on aeeêdo depuis la rue qui domine la leN'a.5se de l'agora), on constate l'emploi d'un proc~dé conslarnmonl oppliquo ~ce genre de portique à Pergame : un espoco llbro œ l loujoun m'nagé ô
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pointe occidentale où se dressait le temple d' AUléna et la région du théâtre. Sur trois côtés au moins, dans l'état actuel, nous reconnaissons la présence de sloai, à l'O., au Sud et à l'Est. La colonnade occidentale, dont les fondations apparaissent à l'angle S.-O., était interrompue par le passage d'une rue descendant de la terrasse du temple. Au Sud, une grande stoa évoque le plan du portique méridional de l'agora de Priène. Elle corn portait sans doute u.ne sorte de sous-sol, avec magasins ou dépôts, bien qu'a ucune division intérieure ne soit. visible. Des piliers octogonaux, sur base carrée, sans caractères précis, comme la plupart de ces ordres intérieurs de soubassement , soutenaient le rez-de-chaussée (Pl. X II , 1). On rcconnalt au Sud les restes des [ondations d'un mur dans lequel des porLes étaient percées ; deux seuils sont encore visibles. A l'Est, la stoa servait de fa çade monumentale 1i un Douleutérion de plan carré q ui constit uait sans doute le centre de l'agora «politique» (Pl. XII, 2) . •
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En Grèce propre, l'Influ ence du plan ionien se tradui t par des alignements a rtifl ciels imposés a ux a nciennes constructions et par un effort systématique pour fixer les cont.ours de la place. Tel est le résultat des tra nsformations « pcrgaméniennes • de l'agora d'Athènes a u u • siècle av. J .-C.1 Nous connaissons mal encore la topographie profonde de la région orientale 2 ; sans dou te êtait.-elle occupée par des baraq ues légères où grouiUail une fou le chère aux auteurs de la Nouvelle Comédie. Ses limites se précisent au cours d u u e siècle. A l'Ouest, la SLoa Basileios es t. continuée par une colonnade; une série de salles irrégulières q ui recouvrent les vestiges d'édifices antérieurement isolés s'organise derrière till portique ionique, en bord ure de la grande rue N .-S. jusUOu ~ No lion la présence de deux: agorai, déJ ouiJiemenl qui 1>arall élre spécial aux grandes clt.ês commerçantes, qui onl uns place marchande à proximil6 du porl ( Milel, Le Piroe, ltphèse) ou dans la villo ba~o (Pergame), à c
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L'AGORA DANS U
ClTfl GR ECQUR
(fig. 64-65) . La da Lo ùe cet ensemble ost établie par les similit udes de Lochnique q u'il enlr elient avec la Stoa d' Attale•. Le développemen t d'u ne longue colonnadr ét.aiL interd it par les constructions voisines, la Tholos au Sud, le temple d'Apollon et le Portiq ue Royal uu Nord. L'unificat ion du groupe administra tif s i bien réalisé à Priène, à la même époque, par l'exLension du grand portique N . en façade du P ry ta née et du Douleulérion, n'a ura it pu se faire u~i que par un bouleversement de tout e la ré0rion . Au contraire, a u S . et à l'E., de vast es espAec!s étaient libres ; deux sloai, de propor tions considérables, vont donner à l'agora d'Athènes ce caractère monumental q ue l'époq ue classique n 'avait pas réalisé. A l'E., la Stoa d' Attale élève ses deux éta ges su r une terrasse qu i domine le nivea u de l' aulè. Ce nivellement était rendu nécessaire par le relèvement progressif du Lerrain ve rs le S. Dan s son état définitif, la Stoa mesure 111 rn. 90 de long ct 20 mètres ùe large cm-iront. Au S., en face du Poecile, une swa doub le, d 'ordre dorique, complét.ai t cc plan ; longue de près de 150 mètres, elle présentait, comme celle d'Assos, une colonnade sur chaque façade; elle était divisée en deux ne fs par une rangée de colonnes médianes que r éunissait u n rnur 3 • Le rôle de ceLle stoa est éviden t; elle forme lu limite méridionale do 1'ogora et complèt e le plan amorcé pur la consécrat.ion d'Atlnt e•. Si son ident.ifica1. Choix eL emploi del mo lériaux daM le!! dlveraea parties de l'éd! nee, etc.. . c r. ~upra, p . 335, n. 1.
2. 13ihllogropltle duns Judeieb, Top.•, p. 354 sq. Lo &Lruclure des fondalions montre que le plnn primitif ne mesurait. que !17 m. 35 avec: 18 chambres, 3 furent ajoutées ensuite, port..nt la longueur tolftle a 116 m. env., y eompri• le>J cages d'escalieno. Le& orcMologun américains lW! livrent octuellemenl li une élude plus prèeio;e de ln &lOD el on v longent M. rcst.nuro.Uon complète pour r inst.nller le musée de l'ngorn : 1/erperia, XX, 1%1 , p. 48-:>'l. 3. Celle &t.oa mise nu jour en 1932-33 n'a pas encore él.é eomplètemenl éludjée, ni publiee, 1/upuia, rv, 1935, p. :JU-324, 361-362; quelttuea compl6ments dans llt•puia, XVII, 1948, p. 151-11>3. 4. On peul discuter, Il ' 'ui di.re, sur ln limite S. du l'agof3; raut-li l'arr~ler ici ou la reporter ou porUquo simple, pornllèl& ù ln gru.nùu aloa, siLu 6 A quclquea mètres plus nu S. 1 Une rilponoQdéOnltlv& ne pourroélrodonnéequ'oprilsl'cxploration exhousUvc de coUe région Q!pendanl.. dès maintenant, d'oprtîs los pr~ipd dont nous avon• huivi la lormallon e~ l'application, la ~om posillon arcbileetur~le est axée aur lei! deux grandes sloai, celle d'Attale Il l'b., la st.oa double au S.; te porllque shnple ne pnrntt j ouer aucun rôle dnns co dessin. Quelle èt.nil M dœtioallon? Il faut saM d
LES VAl11ANT ilS DU PLAN
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Lion reste incertaine, sa date ne paratt. guère contestable ; une exploration plus complète de l'extrémité occidentale a per mis de retrouver des éléments de l'élévat.ion, d u chéneau de terre cuite en particulier qu! conl1rrnent . res pre"?ières indicati?ns. Pourra-1:.-elle être att.nbuée à la meme équ tpe de teclullc1ens que le portique ioniq ue du complexe d'édifices situés au N. de la Tholos ? JI faut attendre l'étude exhaustive actuellement en préparation. Notons seulement une similitude no table avec la Stoa d'Attale : sa situation sur un terre-plein qui, à l'O., se dressait à plusieurs mètres au-dessus du niveau de l'aulè. Ainsi à l'Est comme nu Sud, eelle-c.i était dominée par Ja masse énorme de ces de.ux sloai placées sur un podium 1 • Corinthe fait eiTort aussi dans la demàème moitié du me siècle pour « modern:isen son ago ra (fig. 38). Depuis le vu siècle, celle-ci ne cessa it de s'étendre aux dépens d'une zone d'habitat et d'une nêct·opole dont le souven ir a survécu sous la forme de culles runérairest. Jusqu'alors les aménagements n'a va ient porté que sur· les abords de la colline du temple d'Apollon •. Dans la première moitié du m • siècle, semble-t-il, nmënogement exl.érieur à l'agora prvpNmonl dito. .Beaucoup d 'erreurs sur la ~opogr•phJe de l'àgora alhênienne onl éli> commises el le sont encore - el. tout récemment les conclusions, tm contestables, de C. AnU, Tealri grcci arr.aici, p. 185 Il(). - parce qu'on ignore la cenlralisaUon progressive do lous l es organ ismes de l'agora. La dispersion lrèa rela tive de l'époque aroho.Tquc, due à la situation de l'ngorn au C..'>rrMour de quelq·ué• grandes rues, oosse oomplèt.emenL avec les conceptions du tv• s. C'est méeonnullru coLto loi gt!nérule en même temps que les efforts rniL, po.r les Athéniens pou r limitel' l'éparpillement de l'agoro. que do repousser encore plus au S. lco limites de la place. La eltuo uon rnGme do lo gronde stoa qui, lt. l'une de ses extrémités, s'harmonise o.vee la stoa d'Atl.&le et, à l'outre, o.bouut à ln borne limit.e de l'agora, rnel on valeur son rblo dans la composition d 'ensembl&. Son plan, a veç double façade à colonnades, maintient un lion cepen<Ja.nl avec la région S. oo, d'apr~ les oxernple~ do Mllel et do Priène, on peul lmo.giner un marché annexe. Mai& la limite do l'agora proprement dite est bien fixée par cette stoo double. Quo nt à la stou Po!kllè, eUe i>tait bien au N. Cr. 1/esperia, XVII, 1948, p. 151, pl. XXXVII 1, 2. l. Sur ce motif Infra, p. 506-{;07. '2., On suit l'extension progressive de l'agora il la série des puits c t des égouts qui, dat\4 celto 1-onc, turent remplis à diverses époques (protocorinlbienne, fln vt•, On v• s ., 2• quart du,,•• s.) AJA, XLJ, 1937, p. 546·547. Sur los cultes funéraires el Mrotques, O. Droneer, lletSperia, XT, l942, p. 1'28·161 el svpra, p. 213 sq. 3. Succession de 3 sloai, au N. du temple sous le mareb.é romain : début v•, On v•, et milieu 1v•, AJA, XXXV, 1931, p. 394·423; êdJOce appelé le • North Building •, datant do lu On du v• s., implAnté sur les Ranes E. do la colline, Art and A rcilato/oyy, X IV, 1922, p. 193 sq. Premier état de la litoa
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plan définitif fixe les limites de la vaste place qui se développait dans la dépression au S. du temp le, au croise~en_L des routes p rincipales reliant Cori nthe à ses porLs. La hm1to S . -est mttrquée par u ne grande stoa, lon_gue d'envi ron 16_5 n~ètres, avec un portique à double nef, donque en façade, !Omque à l'ioLérieur, précédant u ne double ra ngée de 33 chambres1 . Cette stoa s'élevait, comme celles d 'Athènes, sur u ne terrasse dont le m ur de soutien a été retrouvé à environ 12 m. 20 au N. de la façade' ; elle servait à la fois de thMtron aux spectateurs des courses dont le départ était donné sur l'agora près d u monu ment circulaire voisin au N.-E. et de lieu d'exposition pour de nombreuses statues et. offrandes qu i on t laissé leurs cavités d 'encastrement sur l 'assise supérieure 3 • Ce dis posit if im posera le plan romain de l'agora corinthienne quand elle sera modifi ée à la li n du xer siècle av. J .-C. Suivant la même orientation , une stoa de dimensions moind res vient border la place au N. en s'appuya nt sur le rocher de la colline d u temple. SLoa do uble, elle a ussi, don t la longueur LoLale sur le stylobate mes ure 101 mètres environ ; elle était sans doute pourvue d'un étage•. Les indices chronologiques sont. rares, ma is le st yle de la colonnade ionique présente les caractères de l'ordre connus dans le Péloponnèse à partir du JV 0 s iècle ; bases et chapiteaux peuvent. èLre da t.és de la fin du m e siècle plutôt que du ue5_ Les deux sloai N. et S. doiven t être sensiblement contemporaines. w1
::-1.·0., a u S. de la colline, don~ il ne resto que les traoo.. sur le sol vierge, AJJI, XXlX, 1926, p. 46-4 7 et Corlnlh, 1, 2, p. B9 sq. 1. Celte stoa lui decouverte en 1903·1904 eL dat6e alors de la nn du v• il., T . \V. Reermance, AJA, V III, 1904, p. 431 sq.; tes nouvelles etudM des éléments Mehlt.eeturaux el un examen des Lrouva11lcs céramiques ont mo nu-é qu'il talla il abaisser cette dale dans la 2• moitié du ru • s., AJA, XX>.'V I I, 1933, p. 559 sq.; XXXI X, 1935, p. 53 sq. ; la publieallon récente de l'entah lemenL confirme ceLte conclusion, H espuiu, XVI, 1947, Jl. 238 6q., pl. LXII , llg. 26 e t LX IV, llg. 27. ~- Mur en gro• blocs de poros reemployôs, A J A , XLI , 1937, p. 55 1; X Llll, 1939, p. 257-258. 3. AJA, X LIII, 1939, p. 257; A Gui
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L'AGORA DANS LA CITÉ GRECQU E
· La structure des deux autres côtés de l'agora hellénique reste très mal connue. Dans l'état romain, la bordure occidentale, traitée elle aussi en surélévation, présentait une série de temples sur podium dont une identification a été récemment proposée 1 ; mais il est possible que la limite de l'agora d'époque grecque doive être reportée plus à l'O., puisque l'extrémité occidentale de la stoa N .-0. déborde ce terre-plein ; le débouché de la route de Sicyone, régularisé plus tard par l'alignement des boutiques occidentales, pourrait en marquer l'angle N.-0. Quelques vestiges sont signalés sous les temples romains; il faut attendre une étude topographique de cette région pour les interpréter 2 • A l'E., seules quelques traces de dallage ont été retrouvées aux environs des installations utilisées pour la lampadédromie, au voisinage de quelques restes de murs anonymes dans l'angle N .-E. 3 . Le plan de régularisation imposé à l'agora de Corinthe ne pouvait avoir la parfaite ordonnance obtenue sur des sites vierges ; trop de traditions et de prescriptions devaient êtres respectées ; d'autre part, trop de rues importantes s'y croisaient et les nécessités de la circulation interdisaient une fermeture rigoureuse. On le vit bien dans l'élat romain puisqu'il fallut laisser un passage à travers la stoa S. pour la route de Cenchréai qui avait été déviée vers l' O. au moment de la construction de ce vaste édifice'. Le système des rues reste donc toujours un p. 177-178, fig. 3, dans les portiques coudés d'É pidaure, au N.-E. du léménos (m • s). Le chapiteau, au canal très écrasé, de forme trapue, est plus évolué que
celui du Philippeion d'Olympie, Olympia, II, pl. LXXXVI ; E. I<.unze et H . Schl eir, Olympische Forschungen , 1, 1944, p. 15 sq. 1. R. L. Scranton, Hesperia, X I II, 1944, p. 315 sq.; XV I, 1947, p. 283 sq. 2. Il est possible que, dès l'état hellénique, cette région ait eu un caractère religieux bien marqué. puisque des cultes anciens y sont attestés, celui de Poseidon en particulier ; elle constituait déjà, semble-t -il, une petite terrasse délimitée par une ligne de blocs en poros signalée parC. ~1organ, AJA, XLI, 1937, p. 540 sq. M. R. L. Scranton a bien voulu nous faire savoir qu'il n'avait trouvé duns celte région aucun vestige de construction monumentale, mais seulement quelqu es traces de maisons et peut-être (?) d'un sanctuaire, cf. AJA, XL, 1936, p. 43 sq. 3. AJA, XL, 1936, p. 467 sq. Celte région fut occupée sans doute jusqu'à une daLe récente par des maisons et des installations privées su r lesquelles J'agora n'empiétait que très lentement, AJA, XLIJ, 1938, p. 258. 4. Ce qui nous expliquerait l'absence de grandes constructions à l' O. dans le plan hellénistique ; ce côté de l'agora pouvait être occupé par une large artère reliant, en ligne droite, la route de Cenchréai à celle de Sicyone, une branche
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élément prédominant ; les principes rigides de la composition théorique devaient s'assouplir pour s'inscrire dans un courant de circulation déjà tracé. L'élément fondamental qui fut à l'origine de l'organisation primitive de l'agora dans la cité classique de la Grèce continentale n'a pas changé à l'éyoque hellénistique et a même brisé, en ses éléments essentiels, le cadre schématique que les cités ioniennes pouvaient aisément réa liser. Conception et répartition des places sont aussi soumises à un autre principe qui est un héritage de l'urbanisme ionien ; le principe de spécialisation avait joué dans le tracé du Pirée ; il était à la base de la division du site de Milet!. Il trouve son illustration la plus précise et originale dans l'histoire des places de Délos . L'aménagement des agorai et des places de l'ile sainte reflète très exactement le rythme de son développement religieux, politique et économique. Cette histoire monumentale prend un intérêt particulier, car elle met en valeur un facteur original: les rapports entre ville et sanctuaire. L'île « rocheuse » tient en effet toute sa fortune de ses lieux-saints et c'est autour d'eux quo se groupèrent toujours les installation s humaines, mis à part l'habitat primitif du Cynthe 2 • Dès l'époque mycénienne, un« village)) était associé au lieu de culte précédant l'Artémision 3 . Plus au S. dans la région de l'Oikos des Naxiens, les vestiges de constru ctions nous permettent de remonter également, sans solution de continuité, sc détachant pour traverser l'agora en diagonale et rejoindre le départ de la route du Léchaion. Ce serait donc en définitive, à Corinthe comme à Athènes, le système des rues qui aurait imposé ses nécessités aux tentatives de régularisation. 1. La distinction des divers domaines de l'État : priv6, politique, religieux, élait formulée dans toutes les études théoriques depuis la fin du v• s. Ce principe reçoit une Impulsion nouvelle du grand mouvement d'expansion éco nomique qui modifie la physionomie du monde grec du Iv• au u • s. av. J.-C., Roslovtzer, The Social and Economie llislory of the H el/. World, I, 1941, p. 90 sq. 2. A. Plassart, Délos, XI, L es culles du. Mont Cynlhe, p. 11 sq. 3. L'heureuse trouvaille de ll. Gallet de Santerre et de J. Tréheux, complétant précisant et confirmant l'étude · architecturalo de R. Vallois, L'architecture à Délos, p. 7 sq .. a prouvé définitivement la continuité du culte sur le site de l'Artémision depuis le sanctuaire mycénien dont subsiste quelqu es vestiges {Ac), occupé sans interruption jusqu' à la fin du vm•s., date de construction du temple archaTque E. L'étude de toute celle région, aux périodes mycénienne ct géométrique, va être reprise par I l. Gallet de Santerre. Rapport préliminaire sur la trouvaille : BCH, LXXI-LXXII, 1947-48, p. 148-254.
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jusqu'à l'époque protogéométrique, voire mycénienne 1 . Deux centres cultuels par conséquent avaient attiré, dès l'âge du bronze, un habitat concentré dans la région N .-0. du futur hiéron apollinien z. C'est à partir de la fin du vme siècle q ue le sanctuaire va conquérir une place de premier plan parmi les lieux-saints helléniques, au momen t où les Ioniens lui reconnaissent un caractère fédéral et s'y rassemblent en de brillantes panégyries que l'Hymne homérique évoque avec complaisance 3 . Une place encore bien rudimentaire sans doute servait de cadre à ces évolutions ; nous la chercherions sur la terrasse qui dominait le premier quai, entre l' Artémision et la région de l'Oikos des Naxiens, c'est l'&yu~& évoquée par le testimonium de Thucydide 4 • Au milieu du vre siècle av. J .-C., cette place, comme un symbole de la prospérité du sanctuaire, reçoit une riche parure de marbre ; elle est entièrement. dallée et bordée au S. et à l'O. par la stoa des Naxiens formant le lien entre les deux régions sacrées. En même temps, plus au N ., les Naxiens complètent et aménagent la grande voie qui reliait le débarcadère de Skardana au Létôon (fig. 66). L 'occupation profane du village mycénien cesse vers le vne siècle au moment où toutes ces transformations s'amorcent; l'habitat se transporte plus au S., au pied même de la colline du théâtre, dans une région où les tessons attestent une occupation qui remonte à l'époque 1. R. Vallois, o. c., p. 14-20. 2. Les foui lles n'ont pas révélé d'installation aussi ancienne en d'autres points de l'île, mis à ;:>art le sommet du Cynthe, ni dans la région du Létôon où Bethe cherchait les vestiges les plus anc iens du culte d'Apollon, Hermes, LXXII, 1937, p. 190-201 et Die Antike, XIV, 1938, p. 83 sq. ; ni dans la haute vallée de l'Inopos, Ch. Picard, RHR, 101, 1930, p. 223-250; RA, 1936, I, p. 116 sq., où Héra pri t place dès l'époque géométrique (A. Plassart, Délos, XI, p. 150 sq.), mais ici l'exploration archéologique, rendue très difficile par les entassements de déblais, ne peut être encore considérée comme définilive. 3. Hymne à Apollon, 145 sq., et la date de cette première partie de l' Hymne ne peut être de beaucoup postérieure aux débuts du vn• s. av. J.-C. Sur l'état archit ectural qui répond à cette période, R. Vallois, o. c., p. 16-17. 4. Thuc., III, 104 rapporte une variante des vers 146-150 : tvOo: 'TO~ é:)vcexhwv~:ç 'I&ove:ç -ljyepÉ()ov'To:~ crùv cr<poÏcrtv 'Te:xs~:crcrw yuv«~~L 'TE cri)v tç &yu~&v. Je ne crois pas qu'il faille laisser • à ce terme so n imprécision lamartinienne. (éd. Budé, p. 85, n. 3); le term e désigne uvee précision la place primitive autour de l'autel, sur la terrasse de l'O.
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L'AGO RA DANS LA CITÉ GRECQUE
géométrique 1 . Mais le lien entre les habitats et le Hiéron sera maintenu par une vaste zone réservée aux organ ismes de la polis. Des autels archaïques voisins du Prytanée, le Bouleutérion -éd ifice tl - au S.-E. du téménos apollinien, associé au culte d'Athéna Polias, expriment la réalité de ce lien dès le vxe siècle 2 et donnent son caractère civique et politique à cette région dont l'aménagement architectural sera progressif. Cert aines parties du Prytanée appartiennent à un état qui remonte à la première moitié du ve siècle; mais les grands travaux ne commenceront qu'avec la période de l' Indépendance. Libérés de la tutelle athénienne en 315-314 ou 3173, les Déliens entreprennent aussitôt la restauration du Prytanée et l'aménagement d'un terrain vide où se tenaient déjà sans doute les foires et les marchés. Au S., une st oa simple, le portique oblique, appartient par sa technique et l'appareil de ses murs à cett e époque (fin xv 6 -début m 6 siècle av. J .-C. )•; une autre stoa jouait le même rôle au N.-E.; ses pauvres vestiges ont été reconnus sous le portique co udé 5 • Dès cette époque, les textes trouvés dans cette région soulignent le caractère municipal de cet ensemble proprement délien ; ce sont des actes du Démos et des consécra tions de magistrats municipaux 6 • La cité délienne manifestait son désir de maintenir son indépendance matérielle et morale, de mieux distinguer sa propre administration de celle du sanctuaire et ses monuments des multiples consécrations des dédicants l. CRAI, 1910, p. 311; BCH, XXVI, 1902, p. 551, el peut être au N. d'après CRAI, 1909, p. 265; • toutes les époques • dit R. Vallois o. c. , p. 206, n. 1. 2. Ces monuments de la polis ont toujours été sépa r~ du /litron par un mur, R. Vallois, L 'architecture à Délos, p. 25-26, 54. 3. J. Tréheux, BCH, LXVI II-LXI X, 1944-45, p. 292-295. 4. BCH, XXV I, 1902, p. 500 sq.; R. Vallois, o. c., p. 161. Portique simple de faible profondeur, 3 1 m. 83 x 5 m.; les colonnes étaient monolithes et de petites dimensions : hau t. : 2 m. 45; d. : 0 m. 36 ; enlraxes r6duits : 1 m. 94; tout autant de traits qui apparentent encore celte sloa aux formes anciennes et la distinguent des conceptions plus larges du ut • s. 5. H. Vallois, o. c., p. 16 1. 6. BCH, XXVI, 1902, p. 505 sq. : dédicace du dèmos b Â"t)À(c.>v (p. 506); invocation à Hestia (p. 509) ; dédicaces d'un agoranome et d'un astynome (p. 510-5 11, 5 14; cf. BCH, Xlii, 1889, p. 411 ), d'un prêtre de Zeus Polieus ct Sôter et d'Athéna P olias el Soteira (p. 5 19 sq.), divinités qui so nt crutJ.6c.>tJ.O~ à Délos (p. 523 sq.) et dont l'a utel se trouve à l'E. de cette zone.
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royaux 1 . Cette préoccupation a dicté, croyons-nous, la position du portique S.-O. ou Petit Portique qui séparait l'agora de la merz et ouvrait sur une vaste grève occupée seulement par un édifice à trois salles en rapport avec l'activité du ports. Voisine des quais, cette grève était envahie par les marchands et les visiteurs qui, par là, gagnaient les propylées du téménos. Les Déliens ont voulu protéger leur agora de ce flux, tout en dotant la place d'un Deigma avec boutiques. Les détails de technique révèlent une construction pénible et assez longue pour laquelle il fallut sans doute avoir recours à des subsides étrangers, peut-être à l'aide des Attalides 4 • Le dispositif ainsi réalisé répondait aux meilleurs principes de l'urbanisme du rve siècle et les Déliens s'inspiraient fort heureusement des leçons données par Milet; ce plan évoque en effet le système de l'agora Nord de cette dernière ville et il y avait là ·les germes d'un dispositif harmonieux répondant architecturalement à la fois aux nécessités du port et du commerce et aux désirs des Déliens. D'autant qu'à cette même époque, le caractère plus «international » de la région N. du sanctuaire s'accentuait. Les Déliens, certes, n 'en étaient pas absents ; le groupement d'autels réalisé progressivement dès la période amphictyonique évoque assez bien une agora des dieux déliens ; mais dès le début de l'I ndépendance, le temple qui leur était consacré, le Dodécathéon, fut usurpé par les Insulaires au profit des Antigonides 5 • Il se constitua ainsi, à l'opposé de l'agora proprement délienne, un autre centre politique en rela1. Il y a une grande différence entre Délos et Delphes où les organismes municipaux étaient plus étroitement associés au sanctuaire puisque Bouleutérion et Prytanée sont à chercher à l'intérieur même du téménos. Les rapports entre sanctuaire et ville se posent différemment sur les deux sites. 2. BCH, XXVI, 1902, p. 544-552; P. Roussel, DCA, p. 294-295; R. Vallois, Délos, VII, 1, pl. IX et XIII; L'architecture à Délos, p. 65-66, 161. 3. R. Vallois, L'architecture à Délos, p. 66 y roconnaftrait la douane, avec le sanctuaire de Héra È'l Àtp.é'lt; sur les fonctionnaires de la douane et leurs bureaux, P. Roussel, DCA, p. 179 sq. 4. Sur ces détails, R. Vallois, ibid., p. 66-67 et n. 4. Ct. E. V. Hansen, The Alla/ids of Pergamon (Cornell class. s!ud., XX IX ), 1947, p. 268; A. Aymard, Mélanges De Visscher, III, 1950, p. 86-88. 5. R. Vallois, BCH, Lili, 1929, p. 232 sq. Aux arguments déjà cités par R. Vallois, il faut ajouter ceux de Ch. Picard, Mon. Piat, 1946, p. 79-80 qui insiste sur les consécrations de la confédération des insulaires dans cette zone dès l'époque de Démétrios Poliorcète dont l'effigie était sans doute dans le temple, cf. RA, 1944, II, p . 5.
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t-' AGO RA
D ANS L.A CITê GRECQUE
tion avec la vic panhellénique du sanctuaire. Cette opposit.iou se mani!cst.e clairement. par la natu re des t.ext.es épigraphi ques groupés dans chacune de ces zones. Pendant toute la période de l' l ndépcnt!a ncc, les décrets déliens (proxénies, alélies, décrets honori fi ques, consécrations de magistrats, etc.) sont entassés dans la région S., aux abords du Prytanée et du Bouleutério n 1, tandis q ue les décrets en rapport a vec la confédération des Nésiot.es se trouvent. près du temple ou au N. du sanctuaire'. A p11rtir de 166 av. J .-C., les textes a dmioist raWfs t rouvés dons ln région du Prytanée et de l':Jgora sont très rares ; ils sc rencont rent plutôt au N. C'est la période des • colonies» commerciales ou religieuses et chacune d'elles expose les documents qui la concernent a utou r de sou établissement. Les efforts des Déliens pour organiser architecluralement leur zone suivant les principes modemes vont êLre contrariés par la volonté de leu1·s bienfaiteurs. Philippe V, en efiet., sépare le polit porlique des q uais par sa st()a monumenta le, « don vrniment. royal d'un prince qui lena il à fra pper les imaginations el à ra ire éta lage de puissance et de richesse »5 , monument d'apparat. et non point utililaire, inspiré aussi pat· le désir d'éclipser l'œuvre rivale des Attalides•. Cet 1. Il eu nn pour s'en eonvaincrc d o leulllet.er le recueil d M in!!eriplions de Délos do eelt.e ptrlode, J G, Xl, 4 du n• Dl9 à 800 el au delll; les lieux rte trou· ' 'aillea son~ bien IOC811~a l l'inl.éricur do cellA! xone. On saiL que eut.atns de ces d~creL5 6\.l)lenL graves en double, par la cilè el les hi~opeo, el tes copies élaJenl placeM les unu dons le Bouloulérlon, les autre.. daM le saneluoire ( J r., x 1, •.r.:~o, 1. 24 : «·""Y?i4.,•3h63e ~ V/l:;>WJU!no.. !ÙJ.< f3ou>.v,...tç ~1 <~ • ~ÀOir.i;?'""• -ro(O ,ç & [~•Jo~ç --- Ce q ui ex:plique quo de nombreux décrets lurent lrouvtll 8UX environs du temple el des Trêsorll. Les décrel4 ou déùieaces dea Oéliena en l' honneur des rois ét Mingers étaient aussi dons la régioo du pryt.ante {1b1d., l0i6 O. 1103), ceux eo l'honneur des Mae6donlens autour du Portique de Pbthppe. Les eon&écraUons de magistrats sont dana la ~ion de l'agora, ibid., 1137 o\ IISZ. '2. Ibid., 101r, ~qq. u ·ameuNS, auprê• du groupe d~ autels N., fuL lnst.allé l 'eccl~iiast•roon, de etlrRclèro plus panhellénique que local, s'oppo&anL olnoi aux or)(QOI>~Oe$ proprement d éllens du S., cl. R. Vallois, B Cfl, Lil l, 10'2~. p. 248·'249 el n. 1 oo &ont opport68 quelques argumenl-9 en '"''llUr de cel~ hypot hè.e •ur l'organlutlon anns celle zone d'un cenlt6 poltUquo et religieux ùo la Con lt'
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4. Otto•, VIl, 1, p. l&a.
LES VAI\lANT F.S DU PLAN
édifice modifie alors complètement Je plan dont les Délieus avaient. amorcé la réalisation ; il occupe une partie de la terrasse réservée au négoce et l'isole des quais; il impose au ~erra in compris entre les deux portiques un caractère très difiérent; il l'annexe au Hieron sous la forme d' un dromos monumental où vont s'entasser les ex-voto ; il coupe défmitivement les communications entre l'agora Tétragone et les quais. Devant J'extension du commerce. à la fm du me siècle et au début du He, les Déliens portent d'abord leurs e!To rts sur leur agora ; un portique coudé avec chambres vient border les côtés N. et. E. ; il fut élevé dans les dernières années de l'Indépendance, mis en cha ntier ve1·s 173 av. J.-C.1 Mais le bouleversement que Je retour des Athéniens provoque à Délos en 166 av. J .-C. et surtout les nouvelles conditions favorables à la prospérité commerciale de l'tle - la création d'un port franc destiné à abattre Rhodes, la ruine de Corinthe en 146 av. J .-C. - changent le rythme de l'évolution architecturale. Le portique de Philippe ayant supprimé les vastes dégagements nécessaires à un débarcadère, il devenait urgent d'aménager de nouvelles places; elles ne pouvaient se développer qu'au S. et au N. de l'ancien port puisque toute la région interméd.iaire étai t occupéet. Elles ne relèvent certes pas d'un plan unique et systématiquement. organ isé; elles sont le résult.at, de la pression des circonstances. Au S., l'agora des Hermaïstes, au N. celle de Théophrastos assurent, aux deux ext.rémités du bassin, une circulation aisée des voyageurs et une évacuation rapide des marchandises. Ces. places ne présentent aucun caractère architectural ; elles ont été
1. Cootlruclions qui sont aUestèes dans les text es, P. Roussel, DCA, p. 294 sq.; F. Ourrbuch,IJCN, XXVI, 1902, p. 9Z.q. 2. Nous croyons, çornmo n. Vallois, Dllo:, VU, l, p. 164-165, que ln galerie du portique oceidenlal de Philippe tut ajoutée, à la On de l'Indépendance, por les Déliens eux-mêmes pour essayer de rcm6dier aux lnconvénteot.s qui résultaient de la fondation macédonienne et remplacer, dam une certaine mesure • le dûgma S.·O. qui devenait sans utilité. Cette coru;tructlon avait MA accompagnée d' une reclillcalion des quais (ibiil., p. 143-145). Ce~le réalisation resle bien dans la ligne du programme délien primmr. Les DOU\'eaux plans, de l'epoque ~t.b6nlenne, relèvent d'une perspective loute difT,renle.
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t.' ACOHA OANS LA CI T É GRECQUE
conq uises s ur la mer par des remblais artificiels. Au S., l'a gora des Hermaïstes éta it limitée par un q uai orienté E .-0. don t l'aménagement n 'avait été possible qu'à la suite du développement- progressif des constructions aux. dépens de la mer dans la région du portique de Philippe et. de ses annexes 1 ; sur les aut res côtés, elle éta it. entou rée de maisons el de magasins. Le seul ornement. de cet te esplanade irrégulière était., a u centre, un édicule circulaire consacré à Maia et à Hermès eL, contre l'ex trémité d u port ique de P hilip pe, un petit édifice ionique offer t pa r les H ermaïstes~. Les installations marchandes étaient rédui tes à des constructions légères et lempot·aires ; on voit encore dans le dallage les cavités où l'on plantait des piliers de bois pour les tentes des forains aux jours cle gra nde a ffiu ence ; car, par cette place, passaient quelq ues grands courants de circulation: vers le sancluaire et l'agora Tétragone par Je Oromos, vers la région E . de la ville par la rue qui longeai t le portique oblique et vers le théâtre par la r ue principale de la colline. Elle ne jouait cependant q Ll'Lm rôle local ct te mporaire, petit marché où. les pèlerins en débarquant trouvaient tous les bibclols et accessoires nécessail·es à leur séjour let à leurs dévotions da ns un grand sanctuaire. Le cent re des affaires était fixé plus au N. da.n s la région où Théophras Los, épimélète du port, avait su donner sat isfacIacLion aux emporoi et naucleroi de toutes nationalités q ui se cotisèrent pour lui dresser une statue 8 • Comme l'a montré P . Roussel, les t ermes de l'inscription sont quelq ue peu exagérés, car les constr uctions borda nt l'agora a u N., associées à la sloa hypost yle, n'ont aucune unité et ne relèvent d'aucu n plan; la pluparL sont antérieures à l'activité de TMopbrastos q ui se localise à la fin d u t roisième qua rt. du n ~ siècle•. Les remblais dont il s'agit n'affectèrent sans doute pas tout le port , mais uniq uement la terrasse où s'élevait l a statue et q ui n'eut même pas les honneurs d' un quai ; elle fut 1. R. Vallois, Dtlo•, VIl, 1, p. 143 sq., " " porlieu'ier coupe Og. 219. A l'époque
a rebatque, te qua i N.-S., après ln s~oa des Noxiens, faisait retour sur le côté
méridiona l d u téménos; l'agora prlmllivo dei Déliens M trouvait donc en r11 pport immédiat avec la mer . 2. I bid., p. 112- ll!l. 3. Dédi~ce publiée d 'abord par Hornolle, 13Cfl , V t ll, 1884, p. 123 sq.; étudice par P. Housset, D CA , p. 297 sq.; R ouasel-Laml&)', /ru<. Délos, 1645. 4. F . Durrbaeh, Choi: d'inscription.< de D t los, p. 1Gl-163.
[.ES VA illANTES DU P LAN
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bordée d'enrochements. CeLLe place, par ses liens a vec la stoa hypostyle, grand en trepot et vaste bourse d 1.1 commerce, était exclusivement. reservée au négoce, d 'aul:JnL plus que le caractère« inleroational • de la région N. s'était accentué. En effet, c'est là q11e les grandes associaLions de marcha nd élrangers avaien t installé leUI·s centres, vérita bles "clubs», de caractère à la fo is commercia1 et reli,gieux, oll ils descenda ien t, se réunissaienL et célébraient leurs cu lLes. Nous en connaissons deux, l'établissement. des Poseidooiastes de Bérytos ct l'Agora des ) taliens. Archi tecturalement le prem ierl n'intéresse pas not1·e recherche. L'agora des Ita liens présentait. un caractère monumental diiTérent=, à la mesure de l'importance que celte colonie avait prise dans la vie déliem1 e eL dans le mouvement des affai res. Cet édif1ce dont le plan compor te une vaste cour en to urée de portiques continus, doublés de salles et d'annexes, les unes en rapporl avec les portiques, les au tres, simples bot1tiq ues de loca tion ouvra.nt sur les r ues extérieures, fut construit. sur un terra in · q ui appartenait primilivemenl; an t.éménos de I.éto, l.err·ain vague, marécageux q ui n'a révélé aucun vestige d'occupa lion antérietr re. Nous reviend rons sur le caractère architectural de cette const r uction ; notons simplemen t que le nom traditionnellement attJ; bué à cet ensemble ne doit pas faire illusion. I l ne s'agit pas d 'u ne agora véritable; les contemporains ne s'y t rompaien t pas qui l'appelaient no:aTdtc; -roov ' ho:~.<>
Btrutos, 19ZL
2. E. Lnpaluo, Dtlos, X IX, L'agora
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t.' AGORA !)ANS LA CITE
G RilCQ UE
chez eux.. Les loge qu'ils avaient décorées d es statues des magistra ts romains, les bains qu 'ils y a vaient fait. construire, les jeux q u'ils y donnaien t., comme sor un forum de Campanie ou du Lati um , faisnienl de celle pl01ce une sorte d 'enclave italienn e en IRrre grecqu~ • 1 • Achevée dans les dernières a n n~~ dn u• siècle ~•v. J .-C., elle est la dernière gra nde manifeslalion monurn enl ale du développement urbain de Délos. Ce développement n 'apporte q ue de faibles cont ributi ons à l'histoire arch itecturale de l'agora, mais il est précieux par l'as ocialion intime q u'il révèle entre l'aménagement des places et l'évnl u lion poljliq ue, religieuse, économique de la cité. On y suit. duns Il! déLai! l'application du grand principe de spécialisa t ion qw l ut une originalité de l'urbanisme ionien . A Délos, les réali a t ions qu 'il inspire se dégagent des n écessités internes, pro pres à une cit é n ée d'un grand san ctuaire panhelléniqu e, deven ue une des places de commerce les plus importantes du monde ontique. La paru re architectura le ne fut peut-èlr e pas t oujours digne de ce rô le internationa l, mais les facteurs csscn Liels dl} cette évolu tion n 'en a pparaissent qu'avec p lus de clart.é, dépouillés de tout accessoire. L'histoi re des O(foroi d
QUATRII!:ME PARTIE
J!:LitrMENTS ET PRINCIPES DE LA COMPOSITION ARCHI'fECTURAI.E
CliAP ITRB PRE)[IER LES t!.tMENTS DE LA COMP08mON ARCHITECTURALE
LES STOAI : PLANS
C'est aux sloai de vastes proportions que les a rchitectes du Jvê siècle ont recou rs pour constituer la structur e d éfiniLive de l'agora. Tls chercheront. dans les arrangements de colonnades les lignes essen Li clics de leurs compositions. Dès l'époque archaïque cet elTort était sensible, mais les types et les plans héri lés des a rchi Lee tu res an térieures ou cmprunt.ês aux voisines devaient évoluer eL se transformer pour s'adapt er aux conceptions nouvelles. 1) Les stoal simples ou doubles
La stoa arehaique présen te des proportions rédui tes, car elle se détache à peine de sou rôle d 'accessoire, de molil uLilit.airc ou décoralil compris dans un ensemble. La profondeur resLe fa ible, atteignant à peine et. dépassant. rarement cinq mèlres. Les sloai de Larisa sur l'Hermos (vue et v ie siècles av. J .-C.) mesurent 4 m. 90 et 3 m. 50 1 ; celles de Gortyne (On v1e siècle-début du ve siècle) on t 4 m . 85t; la stoa des Naxiens Il Délos mesure 4 m. û6 environ 1 ; ces traits archa1ques sont encore très nets dans Je portique des Athéniens à Delphes (déb ut du ve siècle)•. Cett.e faible profondeur trouve, je crois, l. Lariw am lltrmo•, 1, p. !!5·97.
2. Annuar/o, Il, 1916, p. 303 sq.; V tlf.JX, 192;;·'26, p. 5 SQ. 3. H. Vallois, L'archllttlun d Dtt01, 1, l'· 100. 4. En dernier lieu, ovoo lo blbllogrephle anU:riwre, P. Amandry, BCH, LXX, 1946, p. 1-8. Lo stoo sa mienne qui ornoll le eôUi N. du unc~uaire d' Héra, t, l'tpoque de Rbolkus, conalltuo uno Ol
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ÊLÉ ~I BN"t'S E T PRI NCI PES DB I.A. COMPOSITION
son explica tion dans l'embarras où furent les constructeurs de pose•· un loit sur ces portiques devenus constructions indépenda ntes; il me semble peu douteux q ue, à l'origine, ils conservèrent. le toit à versanL uniqu e q u'ils tenaient de leur emploi en auvent.. Tnexpérience sensible dans les premières sloai à double ne[ ; bien que dotées de supports intérieurs, elles restent. Lrès éLroites ; elle sont Le t6moin des premiers essais rails pour jeter sur ces constructions très allongées un toit. à dou ble pente qu'il rallu t souLcnir au milieu. A Samos, le long portique de l'O. n'avaiL encore, au vue siècle, q u'une profondeur de 5 m. 90 pour un e dou ble rangée de colon nes ; on notera que les entraxes intérieurs et extérieurs sont les mêmes' . Ces caractères 50nt. aussi ceux nes premières stoai de I'Héraion d'Argos, en particulier de la sLoa II profonde de 8 m. 82 1• L'histoire dét.aill~e de ce pla n ne saurait. fa ire abstraction des comparaisons possibles avec les constructions fermées de murs sur les quatre côtés et dotées de supporls intérieurs : telles ln lescho des Cnidiens à Delphes - le sanctuaire argien présente même sur ce plan une construction coudée (édifice X ) dont la dale malbeureusemenL reste incertaine (ve siècle av. J .-C. ?)' - et. ln série des édifices à colonnade axiale où l'on reconnal t en général des salles d'assemblée : Delphes, Délos, OlynLhe, etc., le plus célèbre ét.ant. la stoa Basilikè de l'agora de 'l'héra•. Ce plan est resté vivace da ns l'arcbilect.ure clnssique et hellénistique,Lrouvant avec 1. Ibid.. p. '.!2, B~iL V . L'ent.raxo lnt.érieur e!l le mêmn quo celui de la raçado : '.! m. 30. 2. Wald•lein, 7'he ArQIIJt H eratum, 1, p. 112 sq., pl. 1 X-Xl, Xl!. Oislanu enlrll n~e do la colonnade inl.érieuro ct parement Interna : 4 m. ~0; lu longueur
Intérieure dela s loa ut de f>O m. 9:1. L'êd itlce d~slgnl> comme atou Il l , à l'B., (pl. V) n'o peul·~lre jamais pn'lscnth de colon nade en f3çade; à ~poque "'cenlcl los mul'1! E. et $. onl H6 reroits, mois il n'y n aucune roison de ""ppo~r une cotonnodo anlérieure au mur. La lolblo hauleur de la eolonno lul.érieuro dont un fOL monoliU•e est conser.•6 sur lo lerrain ne permet pas une reslaurollon l!(lt iS!atsonte d e la fa~.ade avec uno colonnade dont la proportion serail e•ngu· llèremnnL bas&e. Sur ce• t.dltlces uno 1\Lude réccn t.e de P. i\mandry doil p3ra1lro dans Huperio, 19~2. 3. Ibtd., I, p. 136 el aussi ln stoo Ill (o. el-dessus) qui, par le slyle de ses colonnes remoule po~tr Jo moins au d6but du ,.,, s., pou~lre au vu• a. 4. Delphes, IJCil, XXXVl, 1912, p. 488; PomLow, IlE, suppl. lV, col. 1\!9 1· !n; W. ~lçOonald, Mullng Placu, p. 185-187. Olynlhe, Ez. O/gn/h118, X JI, p. 82 sq., pl. 68-S::.. Thérn, T /iera, 1, p. 217 aq., fig. 18.
u:s
STOAI : PLANS
451
la sa Ile hypostyle les possibi li tés d'un agrandissement basé sur la multiplicité des nefs. Le ve siècle ne se degage que lentement. de l'emprise des règles archaïques ; la longueur des sloai se tasse tandis que les largeurs s'accroissent ; les proportions se stabilisent et prennent plus d'équilibre ; les colonnades intérieures s'aèrent eL se dégagent ; Je r yUune. qu i va s'imposer est caract érisé par un entraxe intérieur double de celui de la façade . Ce p rogrès est marqué par les sloai de l'Héraion argien du ve siècle dont. le porlique VI, large de 12 m. 74, possède une colonna de intérieure dorique ; l'entt·axe de façade est de 2 m . 28, la d istance entre les bases des colonnes intérieures mesu re 3 m. 55 en moyenne et le d.ia mètre inférieur de ces colonnes 0 m. 87, ce q ui, avec les quelques centimètres de retrait q ue marque le pied de la colonne sur les bords de la plinthe, permet d'évaluer l'entraxe intérieur au double de celui de la façade' . Au rv• siècle, la règle est bien établie, constante da ns les portiques d'Olympie, stoa d':Ëcho et portique s . ~. les sioai de Calau ricn, le por tiqltC d'i ncubation de l'Amphiaraion d 'Oropos4, celui de J'Asclépieion d'Athènes que nous ret rouverons plus loin. En même temps q u'un rythme défi ni s'établit da ns les lignes du plan, s'instaure une spécialisation des ordres ; le dorique se main tient en faça de des sioni enlièremen L ioniques comme l'Abaton d'É pidaure sonL exceptionnelles Rva nt l'époque romaine 6 - et l'ordre 1. ln date proposéo pour eelédifiee,410 av. J .·C. (Wa ldstein, o.c., p. 116, o. ! ) dai~ &ll'e ré\'isée. Le s Lyle du ehapi l~lllt est plus ancien que C
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éLÉ \I F.NTS F:T PR I NCII'IlS DE LA CO )IPOS ITION
ionique se généra lise da ns les su ppor ts inLérieurs, avec q uelq ues variantes corinthienn es et à palmes 1• C'est à la nn du vo siècle que s'opère cette di fTét•e nciation ; elle s'explique t rès vraisemblablemen t par les modifications a ppor t.ées dans le syst.ème du toiL et de la charpent.e. Les sloai archaïques con crvent dans leur st.ruct.ure la marq ue de leurs origines. Employé en auvent , accolé à un mu r ou en pé rislylc autour d'une cella , le portique reçoit une couver tu re à pente simple que supporto un assemblage de charpent.e triang ula ire ; la pièce horizontale va donner le p lafond à caissons des péristyles eL la pièce oblique s'inLègre à ln chnrpenLe de l'ensemble'. C'est le syst ème de couverture employé dans les portiques de prodomoi 1 . A l'époque archaïqu e, le p oint d 'a p pui de la charpente resle lA ail il esl, ni tendu dans une con truction en auvent., sur Il) larmier, a u niveau d u chéneau•. Par la suite, on !.end à abaisser le point où s 'exerce la charge ct à soulnger le larmier soit par une a rticula tion des éléments qui reporlc la poussée direcLement sur la frise 5 , soit pa r uno d issocialion des charges qui son t réparties sur deux points difTérent.s'. Cetle solu tion provoqu e lu d iiJé-
1. Au portique S. d'Olympie, Olympia, Il, pl. LX-LX I. Cl oddtnda, ~~ulcuu
11.
2. L'arbalétrier o u les ch!M'OIIll, dona Je &ysLème évolué, viennent prendre appui sur l'entablemenL du pUistyle, le mur de coll• no jouant qu'un rlllo de
support lnt.ennêd ioke. 3. P•rr<~l-Chlplet, 1/ill.
Art,
VIl, p. 3M sq., ng. tr..-1 ; 8, eompnte! a vee
181 -182. 4. A €gine, uvee J'nlde d'un Op«"JO; qui repoae sur la lri•o, mnl• IouLe Ill charvu porte liu r l'arrl~re du lnrmler, A tglna, pl. 30-40. Cf. aussi 1 ~ t.omple C de Sêlinonle o!l les chM'l'OM prennent appui derrih•• le cb6ne::uo, J . Durm, Baukun$! du Gricclt
LES STOAI : PLANS
453
renee de hauteur entre la frise et son ant.ithéma 1 • On en arrive enfin, à mesure que les proportions s'alfment et s'allègent, à reporter le point d'appui sur l'architrave même dont le parement interne est entnillé 2 • Quand le portique se détache de l'ensemble et devient, édifice indépendant, il conserve d'abord ce même système de couvertu re. La pièce horizontale joue le rôle d'entrait, soutenu par les supports intérieurs quand la stoa s'élargit en double nef. La stoa VI de l'Héraion d'Argos illustre ce dispositif dans lequel de gros arbaléLriers viennent prendre appui dans des encastremenLs taillés à l'arrière du larmier et s'assemblent, eu outre, avec des entraits horizontaux portant sur le ba u!; de la frise'. L'entrait est soutenu par la colonnade médiane dont les proportions doivent être plus élancées que celles de la façade •. Ces diiTérences devront. s'accrott.re au cours du ve siècle quand on entreprend d'alléger la charpente de ces vastes sloai. On supprime autant. que possible l'entrait et on renforce les arbal~tricrs qui s'appuient sur une fattière soutenue elle-même par la c.olormade intérieure. Mais la poussée exercée par Les arbalétriers qui ne "tiraient" plus sur les en trai ts peut devenir dangereuse si elle pèse sur la parLie la plus haute de l'entablement.; c'est pourquoi le point d'appui va descendre et se rapprocher de plus en plus de l'architrave. A partir du rve siècle, tm type de ferme courante s'installe ; elle comporte seulement des arbaléLriers qui prennent, a ppui sur des sablières, posées soit sur le lit d'attente de l'arcllitrave, soit
1. Temple A de Sélinonte, Koldcwcy·Puchstoin, o. e., llg. 92; même dilisociallon dana le• éd ifices circulaJres où les poussée! devaient ollre encore plus ollégoos : tholos de Delphes, D
4{)4
J!.L(!MUNT S ET PRINCI PES D E LA CO~IPOSl'!ION
m~me
dons une cnlnillc pro liq u~ nu parement interne de cett-e assisc1 • Do ns un lei système, la h a uleur des suppor ts inlèrieurs s'accrofl et il devient difficile de conserver l'ordre dorique dont. il faudrai t augmenter considérablement. le diamètre i11férieur. La colonne ioniq ue, aux proportions plus élancées, répondait à celle nécessité et fournissait u n support idéal qui, to ul en ga rdant. un diamètre pen di!Térent de celui de l'ordre r xlér ieur, porta it. son pomt. d 'appui beaucoup pl us haut. so us le fa1le du t.oit. ; ainsi s'explique son succès très rapide au cours du 1vo siède 2 • Les [ormes se normalisent. el il se constitue un type de st.oa q ui devient l'élémenl essen tiel des com posit ions architectura les de l'urbanisme hellénistique. Les pro portions grandissent, t) la mesure des surfaces à entourer et nous les avons v ues, sur les ayorai de Milet, de P rièn e, de Magnésio al.l cindrc et dépasser deux cents mèlrcs de long ; le porl.ique deviendra le mot.ii favor i des constructeurs de l'hellénisme t ardif el de l'empire roma in ; on Mit le développement qu ' il a reçu dans les Condalions urbaines de l'Orienl. C'est. q ue, entre lemps, lo ston avait. inLégré d'autres élémen ts; apr~s s'~Lrc élargie en une dou ble nef, elle fut encore agrunrli c pnr l'adjoncLi.on de chambres alignées derriè re le mur de fond. L'an:lait..eclure grecque conna i.s sait, dès la fin de l' archaïsme, une réalisation de ce plan d ons les édi11ccs à oikoi de destination surtou t. religieuse. Dès le débu t du ve siècle, le sanctuaire d'Epidnure en présente un des pl us 1. Sobllère• aur l'archilra~ : p<>
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456
itLÉMJ!NTS ET PRLNClPJ!S DE LA COliPOSIT!ON
a nciens exemples avec Lrois salles contiguës derrière un portiq ue qui ser t de vestibule1 ; il est repris à l'Asclépieion d 'Athènes q uand , à la fln du m ême siècle, s'o péra le transfert du culle sur les flancs Sud de l'acropolet. L'ex-p loration de l' H éraclcion de Th a~os a révélé un édifice semblable avec cinq snllc.'l ouvra nt sous un portique sans doute ionique, profond de 4 m . 50 environ a. On notera ici l'exacte correspondance en tre le ryt hme de la colonnade et les divisions intérieures : un support dans l'alignement de cbaque mu r d e refend el deux piliers in termédiaires en lrc lesq uels s'enca dre la por te de chaq ue salle; l'axe de l'en trée coïncide avec l'axe d e ln lrnv6c. Ccpcnd ont., ma lgré les apparences, il n'est pas certain que ce t ype nit eu une grande influence sur le développ ement. des sloai à magasins. C'est une nécessité pra tique qui imposa cet agrandissement.. Dans les gra ndes cités commerciales, au voisinage d es por ls, on sentit. le besoin d'enlre pôt,s [ermés où les mt•rchandi ses pouvaient êLre rapidement écoulées proxirrù Lé ùcs por tiques où les marchands et conscrv6cs, t o11 discu tai ent. c l; Lmi t aiuo t leurs affaires. Les Milésiens, pour répondre à co besoi n , ont conçu une des premi~res réalisa tions de ce genre : la stoa coudée du port do nL la constru ction a lieu dans la deuxième moitié du 1v e siècle' . Elle comprenait u ne grande aile S. en tièrement bord ée de magasins. Ce type v a se développer rnpidemeut; peu de temps a pr ès les Milésiens, les (lrl'hit.ect.es de P riène le rëa lisent dans la stoa S. de l'agora qu i érlaire le~ origines d u plan (fig. 67).
L''
Parfhtn6n • Il esL en etreL peu prubt
tonique lui ~rmcu..n olntl dv r~mplacer la colonnade d '6t.age nécessaire dalli la grsnde eella eL ndop~e l la tl~renlalion de 13 statue de eulle. ln3Î& loul à rail hOrs de propos eL tnestbtllque danJ le CM d'Un pla n carl'tl t.al qu'il se prt~ntelt dons la aallo de l'O. 1. llCII, LXVI-LXVI I, 1942-43, p. 330. 2. UCII, LXVIII LX IX, 1~14-<15, p. 3 19-3.'>1. 3. htuflu lllalitnnts, [, p. 77-&.; sur les r6&er'VC! qu'on peut raire concernant la dale de l'Minee. ReG, LXII, 1949, p. 'l21. Un édi fice similaire est connu daM le verger d' H6rocli'll por une ln~rlption découverte dans le sanctuaire, M. Launoy, OCII, LXI, 1937, p. 380~109 ~ 1(;, Xll, luppl., ~3 el ~ludu t ha1itnn<1, 1, p. 93-95: on n dl~eulêla .-..Ululion du nombre dessaUes, Ch. P>card, RA , t9:l'l, I l, p. 66·67 ot cr lli4ue de J . eL L. Robert, REG, Lill, 1940, p. 2 19\!20 · th~orle nouvelle u6' oloppée pur Ch. l'orar d, J our. Sau., 1949, p. 1 Hi-· 117. Mil
4.
LllS STOAI : PLAI'<S
457
L'ensemble est traité comme une stoa à deux nefs dont la colonnade cen trale, vers les extrémités, fait place à un mur qui permet de diviser la deuxièiPe nef en chambres de largeur variable, indépendantes du rythme de la colo!Ulade fron~le 1 • La st.oa occidentale compor tait aussi une rangée de magasms ; le portique, contrairement à la règle courante•, est plus profond que les cham bres {5 m. 85 et 4 m. 80). Une réalisation harmonieuse de ce plan nous ramène sur l'agora S. de Milet. Le premier édifice, fondation offerte par Antiochos aux i\'Iilésiens, était une sorte d'immeuble de rapport q uj devait être mis en location pour procurer des revenus supplêmentaires oux chantiers de Didymes 3 • Le plan répondait très exactement aux désirs du fondaLeur; le bâtiment comprenait trois rangées de chambres derrière le portique de façade , la troisième étant indépendante et ouverte sur la ru e extérieure à l'agor a ; il est clair que le portiq ue passe ici au second plan ; sur les 22 m. 69 de largeur totale, 7 m . 06 seulement lui sont réservés; les chambres mesurent successivement 6 m . 30, 2 m . 68 el 4 m. 13 de profondeur. Leu r largeur est. constante : 4 m . 80, soit le double de l'ent raxe, et les portes son t également espacées de 4 m. 80 d 'axe en axe. La composition est harmonieuse et le rythm e de la colonnade a été a dapté aux divisions intérieures ; portes et t ravées son t su1· le même axe. Une fois de plus, le por tique n'est p lus qu'un promenoir. Au me siècle av. J .-C. -eL de plus en plus rapi dement clans les siècles suiva nts - , ce t ype de construction se répand dans le monde grec. La bordure méridionale de J'agora de Corinthe est. limitée par une stoa de g1·a ndes dimensions qui, derrière un portique à deux nefs, comprend une double rangée de boutiques•. Les dépôts de t essons et. d 'offrandes mis au l. Wicgnnd, Priene, p. 189-192. Le plan primilir est .rêellement une stoa à 2 nefs rigoureusement égales, 6 m. , de parl et d'aulre du centre des colonnes el c'es~ aussi lo profondeur des chambre.,. Z. EUe s'explique par la nécessité de f3ire reposer le poids do la !altière sur
les mu rs des ehombres. 3. Milet, 1. 7, p. 31 sq. 4. AJA, V Ill, 1904 , p. 43olsq.; XXX VIl, 1933, p. o5G sq. ; XXXIX, 193!;, p. 53 sq.; XL, 1936, p. 30.31 ; XLl, 1937, p. 540 oq.; XLII, 1938, p. 35'2-370; X[.JIJ, 1939, p. 2ô9 sq.; Hcspuia, XVI, 1947, p. 238 sq. Tout~ le• chambres de la !•• rangée. s;~ur la 2• 111'0., eon tena ient un puit.• ; ces puits et.aien lalimen·
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Fl.Ê:M&NT5 t:T I'RI NCIPt:S UE LA COMPOSITION
jour so us la stoa ne permetten t pas d 'en pincer la constru ction ava nl la deuxième moitié d u m e siècle. Un bâtim ent. d'Agrinion, à peu p rès conlcmpora in. présent.c d'int.ére•santes var iantes' : en faça de, un portique de 72 mètres d e long, profonrt de 5 m. 75, avec un ordre à p ilastres quadra ngulni res, rtistant.s de 2 m. 40 d'axe en axe ; derri~re le por ~iq uc, une ra ngée de onze chambres, profondes de 4 m. ?0 et larges de 4 m. 80, répar ties de Ca~on à orcu per delL"< enlrecolonnemenls; un pilier cor respond à cha cu n des murs lat éra ux, un au lre se \.rouve d a ns l'axe de lu porte; c'est le système des supports qui délermi ne les div isions in térieures. De la sloa simple ct rect.iligne. l'em ploi des saUes an ne.xes fu t. éLeud u a des conslruclions plus romple.xes, a ul\. sloai coudées et aux péristyles. Dès ln rl éb uL d u 11 1c siècle, l' Asclépieion de Cos présente sur sn Lerrasse inférieure un vasl e ensemble de tels pori iq ues, dis1>oslis en éq uerre sur les t rois cOtés, doublés partout. de chambres annexes'. La modin cotioo du pla n de la st.oa par l'adjoncLion de ces chambre.<; n 'avait pas de répercussions su•· le disposiW de la co uvertu re. En général un seul to it. à dou ble pen te couvr ait portique ct. chamb res. suiva nt ln formule des sloai à double ne ra. La fattière p renn it appui sur le mu r de refend longit udinal ; on a v u q ue lt~s m urs transversaux étaient so u vent. indépendan ts de la colonnade de façade; ils ne jouaicnl. donc aucun rôle dons la réparlition des p ièces ri e charpen te ; la couvert ure êla il. conçue comme celle d'nne stoa dou ble •. té& pu un w ual relié à ta ront.•lnc Plrènc. Lu rOie t>•'"Liquc de ceLLa lnst.ollntlon c•~ nlml démonLré. 1. Prukt 19'l8, p. 100 •q. 'l. Schnmann, K 01, 1, p. Gl-67, pl. '2'~ 38-40; malheureusemonL, Il n'e•l ro ll nulle menllun de ce~ chambres dan& lo desc ription des portiques; Il eemble bien. d'après ln t•lanebe :18, qu'elles font purlie
LES STOAJ
l'LANS
459
2) Les stoai coudées Le dév eloppement du port.ique en ston indép end a nte d onne lieu à des assemblages de constructions dont la première phase sera le groupement de deux sloai réunies pa l' une de leurs extrémités et forma n t un angle voisi n de 90°. La stoa d es Naxiens à Délos p rend place, dans l'état actu el d e nos connaissances, en têt e d ' un e assez longue série de construct ions conçues sur le même prin ci pe. Peu après le m ilieu d u v1e siècle - vers 550-540 av. J .-C., d 'ap rès R. Va1lois 1 - , les Naxiens ont bordé l'esplanad e qui s'étendait au S.-O. d u hiéron apollinien p ar deux sloai d'ord re ioniq ue, raccord ées à l'angle S.-O. de la terrasse•. Les deux aj les éLaienl. inégales : 23 m. 50 au S., où elle vient s'appuyer aux propylées, et plus de 43 mèt res à l'O. • ; la J)rofondeur de cha que stoa est. sensiblement. la même : 4 m . 65 environ a u niveau du stylobate. Dix colonnes formaient la façade de l'aile S. et 17 travées celle de J'aile occidentale ; la colonn e d'angle n e semble pas avoir reç u un traitemen t part iculier. Il s'agit en fait. de deux sloai de t.ype archa:iqu e, semblables à celles de l' Héraion samien ct du Didymeion•, associées sans préoccupation de consLit.uer un édi fice unique et de style parfaitement homogènes. Leur raccord ne vient pas d ' un plan préconçu, mais de la nécessité de limjter le sanc tu aire sur deux côtés, pour l'isoler du port et des quais. pleinement qu'à la fin de l'époque hellénistique, qua nd le souci du détail fut étouJlé par la rechercb~ de$ compositions d'ensemble, ç'csL pourquoi nol!&en avons ré.•ervé l'ét ud$ nu cha pitre Ill. 1. R. Va lloill, Uarchiledurt d ~los, p. 21. Z. BC!I, XXXV III, 19 14, p. 297 sq . ; XLV, 1921, p. 238 sq. ; FI. Vallois, (). •.• p. 160. 3. Dans son 4II.H oCIJtOI, cnr il Ml possible que l'exlremilé N. ait élé raccoun:i& par l' implan tation do l 'oiko~ d 'Andros sous lequel on a remarqué des blocs de granit, semblables aux rondalions de la stoa, R. Vallois, o. c., p. 2.3, n. 1. 4. AM, LV, 1930, p. 53 sq. ; Th. Wiegand, V l" Vorl. Bericltl Obtr Mile! und Didymcion, Abh. Btrl. A /Md., 1908, p. 34 el V IJJ•• Vorl. Btr., ibid., 1924 pl. VI!!. 6. Le style des chapiteaux montre d 'n&
460
ÉLÉMENTS ET PRINCIPES DE LA COMPOSITION
En divers points du monde grec, les mêmes besoins ont fait surgir des constructions comparables. Telle la stoa coudée dont les vestiges ont été retrouvés par E. Gabrici sous les
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Fig. 68. -
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Acropole de Larisa sur l'liermos (Fin du v• s.).
constructions hellénistiques de l'acropole de Sélinonte 1 • En façade du temple C, s'étendait autour de l'autel une esplanade soutenue par le mur de soutènement et limitée au S. par une rue transversale ; après l'agrandissement de cette terrasse, sans doute dans la première moitié du ve siècle, une stoa coudée vint border cette place sur deux côtés en dessinant un angle obtus 2 • L'unité de façade était réalisée ; celle du plan reste encore flottante puisque les portiques n'ont pas la même profondeur. Le but est le même qu'à Délos: il s'agit de constituer un cadre à des assemblées. La « place aux citernes ,, de Larisa sur l' Hermos, antérieure 1. Mon. Ani., XXXIII, 1930, col. 78 sq., pl. Il. 2. Les cubes mesurent chacun env. 57 m. ; la profondeur varie : 4 m. 20 à l'E. et 2 m. 80 au S. ; de la colonnade de façade, il ne reste aucun vesUge; des encastrements ménagés dans le mur antérieur, situés dans l'axe des colonnes montrent que l'entraxe était de 3 m. 70; il n'y a pas lieu, comme le suppose E. Gabrici, de restituer des pilastres entre les colonnes. Ce rythme fréquent dans l'architecture minoenne n'a pas été adopté par les architectes grecs.
LES STOAI : PLANS
461
au palais du zve siècle, fut aménagée suivant les mêmes principes (fig. 68) ; la stoa présente deux ailes légèrement dissymétriques ; seul, le plan peut être restitué, encore que la longueur exacte de l'aile occidentale ne puisse être déterminée; cette construction appartient aux transformations qui suivirent l'avènement du régime démocratique, sous l'influence athénienne, dans la deuxième moitié du ve siècle 1 • Nous aimerions être mieux renseignés sur la structure, le style et la technique d'une stoa en équerre mise au jour par les fouilles anglaises à Pérachora 2 . Elle limite la terrasse étroite où le sanctuaire d'Héra Akraia s'était installé. Si par sa fonction elle ne diffère en rien des exemples précédents, la stoa de Pérachora marque un net progrès par l'unité de structure qu'elle présente. Les deux ailes sont à angle droit, parfaitement raccordées l'une à l'autre, de même longueur et comportant la même façade de six colonnes doriques (la colonne d'angle étant comptée deux fois). En outre, elle présentait un étage ionique constitué par des demi-colonnes que réunissait une balustrade pleine. La date proposée, d'après le style des terres cuites architecturales qui n'ont pas encore été publiées, se placerait au tournant du ve et du zve siècle av. J.-C. Deux constructions récemment connues montrent la formation et l'évolution de ce plan par adjonctions successives. A l'Héraion du Silaris 3 , un édifice à oikoi se développe en deux branches perpendiculaires. L'aile N. comporte, dans un premier état, une salle barlongue avec portique en façade de cinq colonnes comprises entre un retour des murs latéraux4 ; cette salle était flanquée de deux chambres plus 1. Faible prorondellr : env. 3 m.; cinq colonnes au S., quatre à l'O., Larisa am Hermos, 1, p. 35, fig. 6. 2. Arch. Anz., 1933, 153, 226; JHS, LII, 1932, p. 242; H. Payne, Perachora, 1940, p. 14 sq. 3. P. Zancani-1\'Iontuoro et l'IL Zanotti-Bianco, Not. Sc., XIII, 1937, p. 283298, plan fig. 55 ; JHS, LVIII, 1938, p. 253. CC. R. Vallois, L'architecture à Délos, 1, p. 121, n. 4. 4. Dimensions de l'aile : 30 m. 20 x 7 m. 67, avec salle principale de 17 m. 74 x 6 rn. 12. Long. occupée par la colonnade: 9 rn. 62; long. des murs en retour : 4 m. 07. Les travées étaient fermées car derrière les 2• et 4• colonnes subsistent des petits blocs qui portent des trous de crapaudines pour les battants d'une porte occupant les deux travées centrales.
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ÉLÉMENTS ET PRINCIPES DE LA COMPOSITION
petites (4 m . 65 et 4 m. 70 de large). L 'ensemble fut construit dans le cours du Ive siècle. Par la suite, un portique à pilastre:3 vint doubler la façade méridionale en conservant le même motif des petites salles encadrantes. C'est alors que fut ajoutée l'aile occidentale 1 . Le but de cette construction est purement pratique ; elle offrait un refuge aux pèlerins du sanctuaire 2 • On saisit mieux encore l'adaptation de ce type de sloai aux lieux d'assemblées, religieux ou profanes, dans la formation de l'agora cc haute)) de Colophon 3 • La place est limitée sur les côtés E. et N. par un portique coudé agrandi par une rangée de chambres qui dessinent, elles aussi, les branches de l'équerre. L'étude de la ruine révèle plusieurs étapes. L'aile N. se divise en deux parties très nettes; à l'O., cinq chambres que précède un portique profond d'envi ron 5 m. 70 sont séparées de la section orientale de cette aile par un double mur auquel correspond un changement d'appareil ; cette deuxième section comprend une salle plus vaste, avec pilier central, flanquée de deux petites chambres analogues aux précédentes. L'aile occidentale présente de même deux états distincts, soulignés par une différence d'appareil dans le mur de fond: au N., un groupe de cinq chambres analogues à celles de l'aile voisine ; au S., t rois pièces ajoutées postérieurement. Il semble bien que les groupes les plus anciens de chaque aile soient contemporains ; en effet, chaque rangée est limitée, à l'E. et au S., par une rue qui débouchait sur la place ; leur position était donc définie par le mouvement des rues environnantes. D 'autre part, à la différence du mur de fond, le stylobate du portique ne présente pas de solution de continuité, il appartient tout entier au deuxième état. Ainsi, au premier noyau constitué par deux séries de cinq chambres disposées à angle droit, on ajouta les salles annexes à l'extrémité de chaque aile et le tout fut unifié par un portique de façade. L'histoire de cette stoa coudée révèle l'adaptation
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1. Dimensions de l'ensemble: 15 m. 90 x 5 m. 49 et grande salle de 12 m. 55 4 m. 33. 2. Au centre de la salle H on a trouvé les restes d'un four, ibid., p. 295-297.
Il est possible aussi que l'entrée de la grande salle ait été protégée par un portique en auvent. 3. Hesperia, XIII, 1944, p. 103 sq., pl. IX-X .
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du plan en équerre à l'aménagement d'une place 1 • Nous avons là le noyau de l'agora ionienne et le principe de sa formation. Cette association de sloai répondait aux lignes et aux conditions du plan orthogonal choisi par l'urbanisme ionien ; la fortune de l'un va faire le succès de l'autre 2 • La première vaste réalisation à laquelle ce plan ait donné lieu est la stoa coudée du port aux Lions de Milet. Elle comprend deux ailes inégales 3 ; la principale, longue de 135 m. 87, s'étendait en direction du Delphinion; l'autre, faisant retour à 90° à l'extrémité 0., mesurait 31 m. 75. La krépis se continue de l'une à l'autre sans modification ; le type des colonnes est le même ; seul varie l'entraxe qui est légèrement supérieur en façade de l'aile S. 4• L'unité de la composition est marquée par la forme du pilier d'angle . L'articulation des deux colonnades se faisait au moyen d'un pilier quadrangulaire dont les deux faces extérieures étaient flanquées de demi-colonnes en saillie 5 • Le tambour était fixé au stylobate par trois goujons dont les cavités carrées sont disposées symétriquement suivant l'axe de l'angle . Le rythme de la frise était réglé par ce motif qui amorçait le départ des colonnades de façade ; un bloc d'angle porte deux demitriglyphes accolés ; la loi de limitation de la frise dorique à chaque extrémité était respectée, mais la loi de contraction angulaire ne jouait pas ; seuls, les entrecolonnements extrêmes étaient réduits, 1 m. 965 au N. au lieu de 2 m. 12 en moyenne 6 • 1. Ce plan n'était pas lié à une colonnade comme le prouve l'aménagement primitif de l'agora de Doura-Europos, The Excav. at Doura-Europos, /Xth Season, !, The Agora and Bazaar, p. 7 sq. 2. A cette liste de sloai coudées antérieures au 1v• s., il faudrait ajouter une construction de l'Héraion d'Argos, située hors du sanctuaire, The Argive Heraeum, 1, p. 136 et pl. IV. D'après le tracé des murs de soutènement, il est possible que nous ayo ns l'amorce d' un édifice ferm é dont les deux autres côtés n'ont pas été construits. L'état des ruines, parti()llement recouvertes, ne permet pas de porter un jugement précis, ni sur l'aspect architectural de cet édifice, ni sur sa date. 3. lv!ilel, I, 6, p. 4 sq., pl. XXIII. 4. 2 m. 115 /2 m. 135 au lieu de 2 m. 10/2 m. 11 à l'O. 5. Ibid., p . 6-7, fig. 3 et 4. 6. La profondeur des portiques diffère légèrement : 6 m. 29 et 6 m. 95. La façade occidentale était fermée par un mur d'entrecolonnement; les colonnes n'étaient cannelées qu'à l'extérieur; le mur était constitué par une double rang.ée de dalles scellées aux colonnes et scellées entre elles; il mesurait 2 rn. 10 de haut.
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A l'aile S., s'adossait une autre stoa coudée, ouverte sur la place marchande qui prendra le nom d'agora Nord. Le calcul des entraxes montre que les colonnades de chaque branche étaient ici parfaitement identiques ; l'unité d'imp1·ession n'était gâtée par aucune variation. Ces constructions donnèrent le branle aux grandes réalisations architecturales de Milet. Ce moti[ de la stoa coudée ainsi mis au point allait devenir l'élément essentiel des compositions ultérieures. L'agora N. est complétée dans le courant du ue siècle, semble-t-ill, par un autre portique coudé qui prend une position symétriqu e du précédent par rapport à la façade du temple. Cette stoa S. comport e, elle aussi, deux ailes mesurant à l'O. 38 m. 13, au S., 50 m. 44 2 • Le pilier d 'angle est mieux conservé ; trois blocs ont été retrouvés : pilier quadrangulaire dont deux faces sont transformées en demi-colonnes jumelées ; l'ajustement était fait avec beaucoup de soin puisque sur toutes les faces de joint les axes et les diagonales sont marqués de traits incisés 3 • Formes et technique furent reprises, sur un plan plus large encore, pour enfermer la vaste place de l'agora S. Deux portiques coudés constituent les côtés N ., 0. et S. ; les stoai étaient à double nef avec ordre dorique en façade, ionique à l'intérieur 4 • On voit ici avec netteté l'exacte adaptation de ce motif au cadre d'un tracé orthogonal. Très rapidement le plan se modèle sur la place et s'étire autour d'elle sur trois côtés ; la stoa coudée sera supplantée par le plan en fer à cheval qui constitue la forme définitive de l'agora ionienne. Il en résulte que, après le me siècle, rares sont les sloai en équerre; elles seront employées surtout pour compléter des ensembles inachevés. A Délos, la Tétra1. Ibid., p. 23 sq., p. 91-94, pl. XXIV. 2 . Elles ont enlt·atn6 cependant une 16gère variation des entrecolonnements; I'enlraxe mesure 2 m. 08. 3. Ibid., p. 24, llg. 26 ei 27. Un problème délicat était pos6 par la réduction progressive des deux colonnes dont la diminution doit être proportionnelle à celle des colonnes normales, alors que l'épaisseur des piliers n'obéi t pas à la même règle. A Magnésie, demi-colonnes et piliers se d6solidarisaient v ers le haut, Magnesia am Maeander, p. 120, llg. 126. 4. Milet, 1, 7, p. 3 sq. Les procédés techniques rest ent les mêmes : piliers d'angle avec demi-colonnes accolées, axées sur chacune des colonnades ; demitriglyphes aux angles, sans que les travées angulaires subissent de diminution.
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gone, dont deux côtés déj à étaient occupés par des sloai rectilignes, est fermée au N. et à l'E. par une stoa coudée 1 . Enfin, à P ergame, dans la première moitié du n e siècle av. J .-C., nous trouvons encore quelques exemples de ce plan ; la fameuse stoa du téménos d'Athéna 2 entoure le domaine sacré au N. et à l'E. en laissant dégagé le grandiose panorama de la plaine. Une recherche identique inspire la composition du sanctuaire qui domine le théâtre d'Aegae; la place du temple était entourée sur deux côtés par une stoa en équerre, avec étage ionique sur un rez-de-chaussée dorique 3 . La stoa coudée devient un type a rchitectural indépendant', analogue à la stoa simple qu'elle supplante en bordure des agorai ioniennes . Ce progrès rapide fut sans doute favorisé par l'influence de l'architecture domestique. E n effet, le portique en équerre entre dans la composit ion de cer ta ins plans de maisons où ce serait une erreur de le considérer comme un péristyle tronqué. L a maison de l' Inopos à Délos offre un bel exemple de cet emploi sur une terrasse où la surface réduite
1. BCJ!, XXV I, 1902, p. 442-498; n. Vallois, L'archileclure d Délos, p. 161162. L'aile N. mesure 51 m. 10, l'aileE. 42 m. 32; à l'encoignure, colonne normale au rez-de-chaussée, et piédroit carré à l'étage. cr. à Délos, à peu près contemporaine, la stoa coudée de l'Artémision dont il ne reste aucun bloc d'élévation. R. Vallois, L 'architecture à Délos, p. 160-161. 2. Ali. P ergamon, II, p. 256 sq., p. 26 sq. 3. R. Bohn, Ali. uon Aegae, Jahrb., Ergànz., II, 1889, p. 35 sq., fig. 36 ct 40. Architectures très voisine de celle de Pergame. Un heureux hasard a conservé un bloc du pilier d'angle; il présente les formes anciennes : pilier quadrangulaire muni de 2 demi-colonnes engagées. 4. Le support angulaire est traité dès le 1v• s. avec le motif des demi-colonnes associées à un pilier; elles amorcent ainsi les 2 branches de l'équerre : solution adoptée à M:ilet, stoa du port (Milet, 1, 6, p. 24, fig. 26-27) ; stoa de l'agora S. (Milet, 7, p. 13, fig. 11-12, pl. X ); l'agora de Magnésie du Méandre (Magnesia am M., p. 120, fig. 126); Aegae (R. Bohn, o. c., p. 36 sq., fig. 38, 7). Par suite du manque d'harmonie vers le haut entre le pilier et la colonne, le chapiteau a un profil plus rude que celui des colonnes normales. - Une solution plus simple était de renforcer la colonne d'angle comme à Pérachora, semble-t-il, et dans le t éménos d'Athéna à Pergame (Ail. P ergamon, II, p. 33-34, pl. XVI ) diam. inf. : 0 m. 780 au lieu de 0 m. 690 et 24 cannelures au lieu de 20. Ce fut peut-être aussi la solution adoptée dans le portique coudé de l'agora délienne; les deux frises so raccordaient en général par des demi-triglyphes (Milet, 1, 7, p. 13-14; portique coudé de l'agora de Délos) ; entraxes angulaires identiques aux autres à Délos; à Pergame, l'entraxe est plus grand : 2 m. 94 au lieu de 2 m. 495 (All. Pergamon, ibid., p. 33).
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rendait impossible le développement d'un péristyle compleV . A une époque plus ancienn e, un édifice annexe du téménos d'Apollon Zôster à Vouliagméni est organisé autour d'un portique semblable 2 • A l'intérieur d'une enceinte (19 m. 40 x 15 m. 20) que délimite un mur en appareil polygonal archaïque, les salles étaient groupées derrière un portique coudé ouvert à l'O. etau N. ,avecquatre colonnes sur la grande aileettroisen retour . Le plan était donc connu dès le vxe siècle; il suffisait de l'adapter. A la fin du ve siècle, la stoa coudée constituait un motif prêt à entrer dans toute composition architectu rale dessinée autour d'u n espace, cour, place sacrée ou agora .
3) Les stoai à paraskénia Le plan de la stoa, si sim ple dans son principe, est susceptible de multiples variations dont l'une connaîtra aux ve et Ive siècles av. J .-C. une grande faveur sur quelques agorai et sanctuaires de la Grèce continentale et des îles . Elle produit une série d'édifices dont le plan est caractérisé par le développement de deux ailes qui font saillie à chaque extr émité d'un corps cen tral. Ce plan a subitement reten u l'attention depuis la découverte de la Stoa B asileios sur l'agora d'Athènes; on a fait de cet édifice un type dont les autres ne seraient que des imi tations ; il doit cette faveur à sa date qui lui donne, en effet, une primauté chronologique, mais il n'est pas sûr qu'il faille, dans l'histoire de ce plan, lui accorder un tel privilège 3 • C'est dans le dernier quart du ve siècle que les Athéniens élevèrent sur leur agora, en bordure de l'orchestra, cette stoa au style précis et raffiné dans la pure tradition des mattres de
1. BCH, XIX, 1895, p. 506-509, pl. V; Délos, VIII, appendice p. 432-434; sur le péristyle, ibid., p. 158-159. \t. A. Stavropoullos, A rch. Eph., 1938 ( 1940), p. 1-31. 3. Hesperia, VI, 1937, p. 21-77. Importance du problème souligné par Ch. Picard, R A, 1934, II, p. 97. Pour toute la bibliographie antérieure à 1942 el l'identification de cette stoa, R. :\!artin, BCH, LXVI-LXVII, 1942-43, p. 274298. Depuis lors ont paru deux études importantes dont les conclusions méritent d 'être discutées, E. Eldorkin, Arch. Paper s, IV, 1942, p. 3- 16 etC. Anti, Tealri greci arcaici, p. 251 sq., dont une critique a déjà été faite par H . A. Thompson, AJP, LXIX, 1948, p. 451-453; R. E. Wycherley, JH S, LXVIII, 1948, p. 152155.
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l'acropole péricléenne 1 . Plusieurs autres édifices témoignent, par la suite, d'une conception de plan identique . Sur l'agora de Calaurie, une stoa à paraskénia date de la fin du Ive siècle ou du début du me siècle av. J.-C. 2 ; le corps central présente une colonnade dorique de dix travées (11 colonnes entre deux antes) et les ailes un prostyle de 4 colonnes précédant deux salles qui communiquent entre elles, mais non point, semblet-il, avec la partie médiane. L'uni té de la façade dissimule donc une indépendance totale des diverses parties de l'édifice. C'est le même principe qui a dicté le plan du« Bouleutérion >>(?) de .Mantinée 3 . L'état primitif comporte une salle centrale limitée par deux ailes en saillie ; les fondations du stylobate médian se prolongent derrière les ailes ; faut-il y voir la marque d'un changement de plan? Ou la trace d'un mur séparant une salle intérieure du vestibule prostyle ? L'exemple de Calaurie et l'a ménagement postérieur de l'aile occidentale témoignent en faveur de la seconde hypothèse, la chambre de l'E. ayant disparu par la suite . Mais faut-il restituer à tout prix un arrangement symétrique ? Rien ne le prouve. L'appareil des murs révèle une technique comparable à celle des remparts et permet d'attribuer le premier état à l'époque de la réinstallation des Mantinéens, ap1·ès 370 av. J .-C. Au siècle suivant, conformément aux normes hellénistiques, le plan se développe suivant des proportions plus grandes. Trois exemples illustrent, à dates diverses, cette nouvelle conception : la stoa de Philippe sur l'agora de Mégalopolis, le portique d'Antigone Gonatas à Délos et la grande stoa de l'acr opole de Lindos . La stoa de Mégalopolis pousse à l'extrême le caractère monumental de ce type avec ses trois nefs intérieures, séparées par deux colonnades ioniques 4 • L e portique l. lie$peria, VI, 1937, pl. I et II. Dimensions principales : long. totale :
46 m. 55; long. corps central : 21 m. 16; saillie des ailes: 5 m. 90; prof. totale:
16 m. 40; larg. des ailes: 12 m. 69. 2. AM, XX, 1895, p. 381 sq. G. Welter, Troizen und J(alaureia, p. 51, pl. 28. Long. totale : 48 m. 40 ; long. corps central : 32 m. ; larg. des ailes : 7 m. 20; saillie des ailes : 2 m. 45 ; prof. totale : 12 m. 30. 3. G. Fougères, Mantinée, p. 174 sq., fig. 42. Long. totale : 25 m. ; prof. totale 19 m. env. ; prof. du 1er état : Il m. 20; saillie des ailes : 2 m. 65; larg. des ailes : 8 m. 25. 4. Excavations at Megalopolis, p. 59 sq., pl. XV-XVI. Long. tot. : 155 m. 55; entre les ailes : 121 m. 70; larg. des ailes : 16 m. 90 env. ; saillie des ailes : 4 m. 115. Double colonnade intérieure : colonnade de façade très dense; des
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ÉLfi~J BNTS BT PIUXCI PES DB LA COMPOSTTION
délien sc présente comme • une réd uction simplifiée de la st.oa Philippeios •' · La nef est double, avec un ordre intérieur ioniq ue. La Vllst.e colonnade de l 'acropole de Lindos est, plus que les a utres, liée à une composition d'ensemble; car son but est évidemment d'accrotlre l'ciTct monument.al des degrés q ui relient l'esplanode du temple a ux terrasses inférieures 1 ; elle reprend, sur de plus vables proportions, le plan primitif des Propylées du vo siècle qui comportaient deux bastions en saillie. Celle série ne erait. pas complète si l'on n'y ajou Lait un édifice de l'agora de Thasos qui appartient an plan élaboré dans la première moitié du t ve sièclc 3 ; il présente lui a ussi une colonnade complète sur Lou te la façade, mais n'a pas de chambres intérieures ; c'est le l.ype le plus proche de la Stoa Basileios•. Le porl.ique du léménos de Brauronia sur l'acropole d'Athènes n'a que des ressemblances extêrieurcs 6 . D'abord, les proporlions sont. t.rès diiTérentes•; en outre, les édifices annexes for mant les ailes n'ont oucun rapport avec la stoa int.ermédioire ; ils ont leur entrée Ϋldépeudante ; aucune recherche d'unité archi tccJLurulo, même extérieure, puisq:1e les ailes n'on t pas de colonues ; seuls, q uelques pilastres accolés au mur lnLérnl interne J'appellent le moW de la colonnade ccnLralc ; le pia o a pparent tro mpe sur le rapport Yéril.able des difTérentes parties de l'édifice; il est« faux »7 • aUes p~nlen~ en façadeS travôes el, conune l'a noté R. Vallois, L'arthilotlure à D8o•. p. 16.1, elle eornporLolt ou•ol deux files de eolonn~, au contraire de la restitution proposée dans la publication. 1. DU
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Les var iat ions sur les lignes fondtunentalcs d u p lan sont donc nombreuses ; on a adoptk la st oa si mple (T hasos), à double nef (Stoa Basileios, Ca laurie, porLiq ue d 'Antigo ne), ~ triple nef (Stoa PhiHpp eios) ; a iles et corps central commuruquenL (Stoa Basileios, portique d ' An t igone, Thasos) ou bie n sont ind épendanLs (Calauri e, Mant inée). En général, une colon na de occu pe tou t.e la façade'. La réalisation de cette façade soulevait d 'ailleurs quelques difficult és qui n'ont pas été résolues par tout avec la môme net.teté. E lles t.en aient, les unes à l'ord onnance de la frise dorique répartie en troi ~ zones d iiTérentes, les autres à la mise a u point. d' un système d e couver l.ur e simple pouvant convenir à la fois a u corps central et aux deux ailes perpendicula ires. La disposition de la frise et. la détermination des en tra.xes v ariaien t suiva nt. que l'on accordai t la prééminence au corps cent.ral ou aux ailes. Celles-ci présen taient un type de façade classique, tktrastyle ou hexastyle, or née d' un tronton dont l'existence est attestée dans tous les édifices où les élêmcnts de l'élévation son t con nus 2 ; la règle classique de l'ordre y était appliquée et. on constate une contract ion des en traxes angulaires 3 ; dans ce cas, toutes les travées du por tique central son t égales en tre elles, mais d ifférentes des précéd entes, fait. très n o !.able q ui n 'est. pas spécial à la sloa d'An Ligone comme le croyait F . Cour by 4 . Au contraire, il semble qu e la règle t raditionnelle ait. aiTecLé la colonnade médiane du Bou leutérion de Cala urie, mais aucune donnée sûre ne nous est fourn ie sur la façade des ai les, si ce n 'est q ue la même discordance r égnait de l'une à l'autre 6 • Il faut donc en co nclure l. Ce~tc constnlaUon vA contre les hypothèses de C. Auli, o. • ·· p. 271 sq., IJg. 73, qui 1'\lst..itue une faÇ
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JlL(;~1ENTS llT P RINCI PES OC LA CO~IPOSITION
à une indépen dance relative entre le ryLhme du portique central et celui d es fn~ades encadra utes' · Cette independance s'ell.'llliq ue parce q ue la com position de l'f's deux parties de l'éd ifice est soumise à des nécessités diiTérentes. A l'époque classique, ordo nn ance inlkr ieure el ordonn ance extérieu re son t. ét.roi t.emcnt dépendant es ; le jeu en est réglé pa r le système r.Lla réparLiLion des termes de la charpente. De même dn ns le plan à para kénia, les tra vées de façade et les !.ravées intérieures sont rigou reusemen t déterminées lr.s unes par rap port aux :wt.res 1 • Mais la ltll'gcu r dr. l'aile est. rouclion de la profondeur d u co r ps central étu diée de rn anière à simplifie r le d essin du toit. E n efTel. le r<1Cco rd des Loi ts dans ce p lan peu Lse foire rle deux manières ; ou bien le toi t de chacune des nilcs oceu pc l.oute la profondeur de l'édifi ce et le fron t:.on de r11çndc sc répète à l'arrière ; la porLic cent1·nle s'enfonce en coin, à chaque e.xlrémite, en rléLermi nnnL d eux noues qu i exigent des supports spéciaux• ; l'autre solution , pl us sim ple, imposait au toi t le mou vcmenL même du plan par un raccordemenl de chllfJUC sectio n uvee noues o l'intérieur et croupes à l'exléricn r. Pl u.s encore q ue précédemment , la simplicit é d e la chnr[len le exige même largeur pour les ai les ct. le corps centra l. Il s'agit donc d'un facteur qui rend ubsolumen t indépendants les r~rth mes de la ! risc sur chacu ne des façades. Cdte solution a ét-é choisie pou r lu couvcl't.ure de la Sloa Basilcios (10 m . 596 et 10 m. 59) cL d" l'éd ifice l hasien . Les inconvénients de la solution inverse a ppara issenl dans la sLoa de Philippe à Mégal opolis, où le parallélisme n éLé rompu (19 m. 825 et 16 m . 92!)) ; il en résul te un Oot.tmnen t dans la répa rtitio n des supports intéricura aux poiut.s de
rocade, or les lZ ~ravées ul 1\sl obtenues mœureralonl 33 m. GO; en rn tt celle longueur ne dépa..., gu~re 3~ m., ce qui tmposo une lmportnnt.e rontraelion A chaque ex:tl'llmllè. 1. 11 en rhult.e de• iucerliludes daM l'ordonnance Ile la rrise. eontnui"Cment
nu principe ndo plê dan.i ln atoa eoud~e. lo retour d'angle av.o d~ux demitriglyphes no Hernulc pas la rigi~. Do ns ln sloa délienne, Il ln aton d 'ALMnos, 18 cololUillde cent..-ale esl arr6Lée par uno m~Lope. 2. Sloa Bo Ueios, 3 m. 018 el 6 m. 036; Sloa P bilippeios, 2 m. 03 eL 6 m. 10; SLM d ' Antl~ne, ~ m. 92 el 5 m. 84. 3. C'œL lo porli adopté ou portique d'AnUgone, Dt/0$, V, p. 3.1·31, fig. 49-50 qui meLtenl en évidence coLLe correspondance nécess•lre entre le!! la rgeurs de elloque porUo de l'êdiOce.
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jonction des ailes 1 . Ainsi largeur et rythme de la façade d<:s ailes dépendaient uniquement de la p rofondeur de la partie médiane. On s'explique alors les variations des entraxes de l'une à l'autre. A ma intes reprises déjà, on a souligné la parenté de ces s/oai avec les bâtiments de scènes à paraskénia dont le développement semble con tem porain, dans la deuxième moitié du ve siècle. Y a -t-il inOueitce d 'un type sur l'autre ? Ou deux· mauirestations difTérentes d'un même principe et d'un même plan 7 To ut récemment C. Anti a dHendu l' hypothèse d'u ne 111 iation en accordant. la primaute à la sldme, alors que G. W. Eider kin établi.t une ascendance inverse qui fait dériver la scène de la Stoa Royale ~. Certes de bons arguments ont Hé ava ncés pour montrer l'influence de formes orientales sur l'évolution architecturale du théâtre g1·cc ct de la skènis eu particu lier 3 • 0 . Drone er accorde une importance toute spéciale a u.'\': modèles que la lente abandonnée par Xerxès d ans sa retraite précipitée après Salamine aurait foul"llis aux dessinateurs ct décorateurs du théâtre•; i l est vraisembla ble, en efTeL, q ue des moti[s décoraWs rappelant les formes architectu rales des palais achéménides out inspiré le décor des pièces qui ont, suivi les guerres Médiques. Nous pourrions Lrouver là u n des maillons de la chaine que C. An t i cherchait à nouer avec le type de palais révélé par I'Anaktoron de Larisa sur l' Hermos, imilé par les 1-yran.s grecs du v1e siècle, les Cypsélides à Corinthe ou Pisistrate à Athènes•. Cependant, même en reconnaissant l'influence indéniable de ce trophée historique sur la conception eL la p1·écision des décors, peut.-on admettre qu'elle fut assez forte pour imposer une strucLure architecturale à la skènè aussi caractéristique q ue les paras-
1. JI faut rélohlir d r•ns les ailes deux flics de supports sinon la charpente serait complètement dé.séquilibrêe. 2. Dtto•, V, p. 13. C. An li, o. c., p. 251 sq.; O. W. Etde•idn, Arch. Papers, IV, 1, p. 12 sq. 3. M. Bicbcr, Tilt Historu of Thtitler, p. 2.17 sq. a Hé sensible surl.ouL aux opport.s orienl.au.x dons ta structure heUènisliquo de la scène. 4. O. Bronecr, The Tenl of X trU$ ond !loe Gruk Th
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Ë l.t" ENTS F.T PRIN CLI'ES DE LA COMPOSITION
ke11ia et. a ussi répandue à la fin d u v e siècle av. J .-C. 1 ? Il faut., me semble-t-il, une raison plus profonde q ue cet.t.e simple occasion. Ou bien si celle-ci eu t. de telles conséquences, c'est qu'elle trouvait a ppui d ans une t rad ition mieux établie. Nou!lllVOns déjà monlré combien , sur le sol même de la Grèce, ce plan éLait. intimement. associé a ux lieux d 'assemblées politique , religieuses ou scéniques'. Si, en ellet, le plan avec paraskénia était. né sous ln seule influ ence d'un cou rant. momenta né et. él.ait destiné à constit uer le cadre d ' une action exotique pour d es sujels emprunLés à des thèmes orientaux, comment. expliquer la fort.une qu'il a rencontrée dans les ami'Jnngemenls d'ayorai des ve et. JV" siècles a v. J.-C.? En fait., da ns l'architecture ant ique aut ant. q ue dans l 'architecture moderne, le plan d'u n édifice est étroitement dépendatlt de sa fonct.ion et. de son rôle. Toutes ces sloai, élevées en bord ure d'agorai , ét.a ien t. en liaiso n plus uu moins direct e avec des lieux d'assemb lée. La preuve en est failc pour le Portique Roya l qui, co nst.r uit à pro>dmi té de l'orchestra, servait de cadre aux séa nces d o l'Aréo page, aux assemblées p lénièt·es et. à celles de l' lléliée que présidaien t les archont.es. De la Stoa Dasileios, nous pouvons ra pprocher l 'édifice de l 'agora t hasienne et le B ouleut érion de MrUltioée•. JI est possible que de tell es préoccupr~lions ne soient pas étrangères a u plan du porlique d'An Ligone dun s le san ctuaire dé lien. Le souvenir de la st.on nthénicnne s'y révèle clairemen t avec l'accroissement p resque exagéré des d im ensions, le got'l t du grandiose el. du mon umen tal en faveur dans l'archit.ecl.ure h ellénistique. Les ailes furent a jout-ées en cours d 'cxécuLion 4 ; or, si l' on remar1. E. fliecbter, D01 Dwnfll tulhtaler ln Athen, Ill, p. i3 ; A. W. Piekard· Qlmbridge, Tht Thtolu ot Uwnum• in Athtm, 1~&. p. 1& sq., 1611·170. t rétric: E. FleebLer, Do1 1'hcnlu L>On Ertlria, p. 34 sq.; M. Bieber, o.c., p. 127 Og. 176. S)'l'llCUlie : R!uo, Il ltolro grtt~~ dl Siracwa, p. Ga sq., pl. Il, Hg. 31 ; C. AnU, o. c.. p. 85 5q. Sêgeste: M. llleber, o. c., p. 130, Og. ISO el 181. 2. BCJI, LXVI· LXV Il, I!Hz-13, p. 288 sq. Nous avion~ réuru à dessein le$ diverses manllesto.tlon~ de ce même principe (cr. R. E. Wycoortey, o. e., p. 155), ofTeetanl len~l un e$pace lnl.érlcur ou llmi~ pour les !pectateun;, IAntOI l'aire ou la raçaùe de~anl laquelle dcvull se concentrer l'action . 3. .erudn lltatitnn<•, Ill, l'A gora (~ parullre). 4. DU01, V, p. 16·17. t'eLirlbuUon b. Antigone Ooll8las reste la plus vral•em· blable, cl. les restrlcllons de A. Aymard, Mtlangfl Del'i.>sch
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que que les tombes des deux vierges Opis et. Argè, fl anquées de leur autel, se trouvent presque au cenlre de la façade (40 mètres à l'E. et 44 à l'O.), qu'autour de cette Lombe, dès l'époque d'Hérodote, les Détiens célébraient un culte important et que ce culte subsisLaiL encore à l'époque où Antigone consacre son oiTrande monumenta le<, on sera tenté de supposer que l'architecte a voulu disposer son édifice de telle sorte que le tombeau en fût le centre ct que la stoa constituâl une scène pour les cérémonies cultuelles. Ce dispositif était si natureiJement. adapté à cette fonction que nous Le voyons se glisser dans le plan primitif de la Pnyx. Le bèma s'appuyait à un mur de fond crui détachait, à chacune de ses extrémités, un p1·olongement en retour vers le spectateur•. Nous avo ns vu que ce plan était associé depuis plus d'un millénaire aux lieux d'assemblée égéens et plus tard, à l'époque hellénistique, il réapparaîtra dans de nombreuses salles de réunion couvertes 3 • Il était, lié à une fonction. Le dessin de la façade pousse des racines lointaines que les simples décors, aussi luxueux fussen t-ils, de la tente de Xerxès n'on t pas suffi à implanter en terre a t tique. Il se rattache à une tradition orientale qui reçut sa complète expression dans l'édifice Bil-H.ilani des xo-vmo siècles que les Grecs d'Asie ont bien connu•. Le principe de ce plan, dans ses traits essentiels, esL le su ivant : un espace central, en général barlong, largement ouvert par une colonnade, est encadré par deux éléments en saillie, tantôt fermés par un mur, ta olôt ornés eux aussi de colonnes. Avec des variantes, nous en retrouvons l'application successivement ou simultanément dans l'architecture civile (sloai à ailes, skénai à paraskénia, propylées), l'architecture militaire (por tes de villes avec baslions} et l'architecture domestique (Iagades de maisons ou édifices apparentés). Nous avons vu les sloai et les constructions scéniques. Mais n'oublions pas que ce parti passe pour êlre 1. I bid., p. 6!;; BCH, XLVIII, 192<1, p. Z.l9 sq.; ef. Hérodote, rv, 35, 3. Z. llesp
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ÉLÉMENTS ET PRINCIPES DE LA COMPOSITION
caractéristique des P ropylées mnésicléens de l'Acropole d'Athènes et il était plus sensible encore dans le plan complet que W. Doerpfeld a pu restaurer 1 • Avec des proportions moindres, mais fidèle au même principe, une porte de l'enceinte de Thasos, dite <<porte de Zeus», présen tait vers l'intérieur de la ville un dispositif analogue. Le passage central était compris entre deux bastions de faible saillie, mais très fortement délimités par d'énormes piliers d'angle . Les traits fondamentaux du plan sont adaptés aux fonctions défensives de la construction, tout en restant fidèles aux principes primitifs. Le Prytanée de Délos présente une façade inspirée des mêmes motifs 2 • Les avancées latérales ont un mur plein et encadrent peut-être un étage avec loggia, thème également peu fréquent de l'architecture helléniqu e. Cette façade est illu strée par un relief du Musée de Naples ; dans l'édifice représenté, on reconnaît tantôt une porte de ville, tantôt une fa çade de skènè 3 • La date proposée pour ce travail - deuxième moitié du xve siècle - semblait exclure toute comparaison avec un type architectural effectivement réalisé, si ce n'est un bâtiment de théâtre. En fait, l'hypothèse au premier abord hardie de R. Vallois sur l'existence d'une galerie d'étage au Prytanée de Délos trouverait ici une illustration très remarquable. Bien plutôt que la façade du palais lointain de Larisa sur l'H ermos 4, cette t erre cuite nous paraît représenter une composition très voisine de celle qu'évoquent les vestiges de l'édifice délien dont Je premier état remonte sans doute à la fin du ve siècle. Pour le plan déjà, R. Vallois faisait appel à un type peu commun de maison ancienne ; nous pourrions bien avoir ici un exemple précieux d'une composition dont nous ne connaissons que quelques traits isolés. Faut-il ajouter à ce dossier le curieux édifice où, depuis G. Fougères,· on reconnaît le propylon de l'acropole 1. AM, X, 1885, p. 38 sq., 131 sq., pl. II-Ill cl V. 2. Ce tte façade mesure 15 m. 12 de long et comprend un portique central à 4 colon nes doriqu es, encadré par deux avancées larges de 2 m. 57 et prononçant une saillie de 0 m. 50, R. Vallois, L'architecture à Délos, p. 171-174. 3. A. Levi, Terracolle del Museo di Napoli, no 773 el fig. 134; Docrpreld, AM, XLIX, 1924, p. 93 y reconnatl une porte de viJJe; 11. Bulle, Unlers. griech . Thealer, p. 225 sq. l'intègre aux documents illustrant l'histoire du théôlrc. La
date la plus probable paraît être la 2• moitié du Iv• s. Cf. les rostrictîons de M. Bieber, Gnomon, 1951, p. 106-108. 4. C. Anti, o. c., p. 263.
LES STOAI : PLANS
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de Sélinonte 1 ? C. Anti a relevé dans l'ouvrage de Fougères les difficultés de cette identification 2 et préfère y voir les restes d'une habitation archaïque. L'hypothèse n'est pas dénuée de fondement mais reste indémontrée ; le plan est remarquable une grande salle, sensiblement carrée, précédée d'un vaste vestibule, est bordée extérieurement d' un portique aux colonnes très resserrées ; elle est flanquée de deux petites salles carrées qui font saillie sur l'entrée de la pièce principale. La colonnade se poursuit sur les cô tés de ces salles a ccessoires et modifie le plan fondamental à la façon dont il sera traité dans les sloai à ailes. Le problème des origines de la stoa à paraskénia ne doit donc pas être traité sans que soient envisagées toutes les connexions possibles avec d'autres forme s architecturales. Il est vain de chercher à faire dériver les diverses réalisations de ce plan l'une de l'autre. E lles appartiennent toutes à un type ancien dont on a pu évoquer 3 les ascendances à la fois orientales et minoennes. Il est très probable qu'il fut transmis à la Grèce archaïque par un détour assez lointain, par l'intermédiaire de la Syrie duN. et de certaines régions d'Asie Mineure qui présentaient aux architectes de la Grèce archaïque des façad es de maisons ou de palais aux lignes très comparables; mais les constructeurs grecs ont transformé les données primitives suivant leurs besoins et leurs habitudes particulières. La stoa à paraskénia résulte de l'adaptation de ce plan à des nécessités locales, au désir de fournir une toile de fond et un cadre précis à des lieux d'assemblée restreints ; elle trouvait un t errain de choix sur le bord des agorai anciennes. 4) Les stoai en fer-à-cheval
Nous avons vu que la structure fondamentale de l'agora ionienne repose sur un groupement de trois stoai associées en une construction unique pour dessiner les trois côtés de la place, le quatrième étant laissé libre, comme le demandait Aristote. 1. Fougères, Sélinonte, p. 240 sq. ; B. Pace, Arte e ciuilta della Sicilia ani., II, p. 363 sq. 2. C. Anli, o. c., p. 269-270, fig. 71-72. 3. I bid., p. 263 sq.
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f:t.ËMENTS ET I'RI NCI P1!S DB LA CO.\lPOSlTION
Les deu x types de sloai précédentes, à paraskénia et en équerre, ~ la ienL suscep t ibles de se développer pour former ce nouveau cadre. G. Leroux accorde la prééminence au premre r : c C'est comme en hésita nt. et. par des étapes successives que les archit.ect.es grees développent en longueur la st.oa pour lui faire faire le t.our de la place publique. Ou voit d'abo rd la colonnade, borda nt. un côté de l'agora , pousser en avant deux court.cs a iles. Ce lype de portique est représen té à M ~gnl o polis pa r le Philippeion et la Myropolis ... Il suffira de prolonger en avant les deu.x ailes pour réaliser le portique à t.rois (aces en (orme de qui embrosse t oute l'agora , ne la laissant. grande ouverte que sur un seul côté »1 • Cette perspective est plus th ~oriqu e que fid èle à la réali té; elle ne répond p as à l'hist-oire drs portiques à ai les. Ils évoluent en effet comme lcH h1Himenl.s de scène q ui perdent leurs paraskénia a u début de l'é poque helléuislique . Les divers états du théâtre d'ÉrH rie jalonnent ce recul ; il comporte d 'abord une longue scène avec des paraskénia qui font une saillie de 5 rn. 31 ; lorsque les modifications apportées à l'orchest ra exigent la construction d'un terre-plei n entre celle-ci eL la skènè, ce t erre-plein luimême présente encore deux avan cées don t la saillie n'est pl us que de 2 m. 5? pou r le mf:me écart ement (20 m . 20) ; à l'époq ue h ellénist ique, un proslcénion vient garnir cel espace libre. Or H. Bulle et F iecbt.er datent tous deux, pour des raison s arcbitect.urales eL h isto riques, la première scène de 441-411 av. J .-C. et les deux tronsformaLions suivantes de la fln des Ive et ue sièclest. On assiste à une évolution très com para ble au théâtre d e Dionysos il At.bènes•, comme dans ceux de Syracuse et de . égest.c•. JI en va de même pour les sloai à paraskénio ; lorsqu' elles développent leurs dimensions en longueur et en p rofondeur, comme à Méga lopolis et à Délos, les ailes, hie n loin de suivre les mêmes p roportions, s'écrasent sur la façad e, sc fondent. dans la colonnade médiane ; la sloa ne pousse pas ses ailes vers l'esplanade qu'elle doit enfermer, elle les con tracte.
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1. O. ltrc>ux, Lf:8 or lglnu de fidlfl« hu~glt, p. 2ii 1-262. 2. 11. l'lull~, 4. c., p. 226 aq., pl. Il ; E. Fiecbter, Daa Thoaltr 11011 Brdria, p. 34 lq. S. E. Fieehltr, Da• DlonJIIOI·Ti•caltr in Alltm, Ill , p. 13 sq.; R. Vallois, REA, XL II , 1040, p. 365· 376. 4. C. AnU, o. c., p. 81! ! q.
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LES STOAI : PLANS
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La stoa en fer à cheval d6rive plutô~ des sloai en équerre pa r l'adjonction d'un troisième p or tique. Le rôle rempl i par le p lan primitif devai~ entra1ner l'extension de la colonnade sur le t roisièm e côté de la place. En outre, en faveur de cette thèse, on constate q ue les solu t.ions architect-urales retenues dans les sloai en rer à cheva l sont emprun tées aux particularités d es portiques coudés. Dans oucu ne des sloai à paraskénia la colonne d'angle ne reçoit un e forme JJa rticulière ; peut..-être sul, issait-elle un a ccroissemen t de diamètr e qu 'il n'est pas toujo urs fa cile de repérer. Par cont re, les sloai de !>riène eL de Magnésie ont les mêmes colonnes d'a ngle que les portiques co udés de Milet!. D'au tre part , l'extrémité des portiques latéraux n 'est jamais traitée avec un motif à colonnade, tétrastyle ou hexastyle, comme les ailes des sloa.i à paraskénia. A Priène\ la colonnade est. a r1·êl6e par un solide p ilier quadr::~ngulaire q ui form e l'a ngle, et Je passage libre entre ce pilier eL l'ante accolée a u mur des bou tiques est d iv isé en deux par une colonne, suivant une pra tique plusieurs fois attestée dans les sloai simples où le mu r de retour est arrêté par une a nte en arrière de la colonnade 3 • A Magnésie, l'extrémité du portique E. con tigu à l'Artémision a disparu dans les constructions byzantines, mais le struct ure de l'extrémité mél'idionale tlu portique O. est bien connue ' . E lle ét ait fermée pa1· un m ur élevé entre des p il iers en saillie su r le parement; sept piliers, espacés de 1 m. 30 au centre et l m . 80 aux extrémités, dessinaient les lignes verticales de ce t te fa çade ; q uatre des travées étaient décorées d'une fenêtre•. Le part i choisi est donc très ditTérent de ce qu e la isserait 1. Sehroder-Wlegnnd, Prient, p. 189-190, ont adoplê le$ Cormes connues è ~lileL c~ à Magnésie; er. Magnufa am M ., p. l W, fig. 12G oil 1.. angles des portiques sont soutenus pa r un piller quadrangulaire p<>rtunl sur deux faces conUguüs une dcml-eolonne. Les colonnes intérieures correspondante$ soul aussi modifiées; da ns l'encoignure N.-0 ., le chapiteau de la colonne iuléricuro; ost. orné de
2. Wiegand, Prlene, pl. Xl!. 3. A Corlni.Jlo, porUquo N.-0., Corinlh, 1, 2, p. 90-91, pl. rx ; Olympie, porliqucs S., Olympia. li, pl. L IX ; M~lopolis, Stoa Philippelos, Euavalion•, pl. IV. 4 . Magnuia am M ., p. 1 Ui sq. &. Rei lilulion do ceLle Coça
Stad/, pl. J'l.
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ÉLlÏMENTS GT I'R INCII'RS DE LA COMI'OSITION
aLLendl"o le développement. d es sloai ù paraskénia. Bien qu'une unité de prin cipe déterm ine les pro porLions ossonLielles de l'ordre, chaque portique esl. cependanL Ll'aiLé avec u ne relative indépendance su iva nt. le rôle ou la fonction q u'il doit jouer, comme on le constate à Priène•. A Magnésie, le dessin general de l'ensemble présente une p lus grande uni té dans la conception du moins, sinon dans l'exéculion!. f:'est. dans l'aménagement. inlérieur que Jo li berl l'l des consLruct.eurs s'est. man ifestée. D'abord, ils n 'avaieu L 1>as de place il l'O. pour disposer des chu mbr es derrière la double ner puisque l'agora ()tait. accolée au sa ncLuaire d'Artém is avec leq uel eUe commun iquait. par u n propylon monument.al 3 . Sur les deux a utres côt és, au N. et à l'O., une rangée de petii:R.s chambres s'align ait. derrière les porLiques; le ryt.hme de ces chambres, ax ées sur les travées de l'orrlre in térieu r , était inLerrompu de place en place pn r des exèd res, des chapelles traitées chacune avec un caracLére p ropre•. P riène et Magnésie du Méandre nous prll&e ut.ent à un siècle d'intervalle, t\ lu fln des tve et. ,, ,o siècles av . J.-C., une réalisation pnrfait.c du pla n de fa sloa Cil fer à cheva )•. Les architect es pouvaient. puise r, ici encore, dane le répertoire de l'arcbiLeclu rc domesLique. De tels portiques, assemblés sur t rois côtés de la co ur, seraient même, d'a près Vilruve, la marque des maisons grecques, le quatri ~m e côté, ouvert. au midi, devant. êlre occupé pa r ln paslas, grande galerie su r laq uelle donnent. les salles du yynaeco11ilis•. Ce plan resLe cependan~ assez ra re dRns les maisons privées. A Olynthe, deux des p lus bell e~ demeures, appartenant à des époq ues Lrès difTérentes, IR vi lla de la 13on ne Fortune ct la
1. Sym61riu complète nvont ln constMJcUon de I'Asclèpielon, nvoo lég6N> dürérence de lu vrorondeu r des eolonnocles, !> m. 8a ù l'O. el 5 m. 7!1 à I'E. On constate de grandu dürtrences dans lu dêlall de t'exéeuuon entre les dlven porli<Ju•• ; lei travaux eommenc~rent par le peUt côté S. du por Uque O., Magnula, p. 115. 3. Su r wl arrangement et d'autrca comparables, lnfrn, p. 532 aq.
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LES SI'().AI : PLANS
Mai "'n du Comédren, répondent à la description vilnJVr~ooc '. O. Robrnson • marqué quelque bésilntion à les eon•rdérer eormne de v~nlables pétÏ3lyles ; il y reconnoiL, ovcc •1u•h1ue !
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Pllaf.t de Vouni ( 1n l:lal).
ra ison, un ly!JC inlcrmédiaire qui réilulleroil d'une eon tamin;•tion ; au pla n à t)O.slO.& est ajoutée une sloa il trois portiqur' el la conception du plan, la répartition de• pulcco ré,·èlenl d•• principes as.ex dilf~rent.s de la maison à péristyle de Dêloo. Il r•L •igniflcatil qu'ici, dans Lous les cas oh..- pr+<entc ce type de rour a trois portiques, il s'agil d'expinhent.s, de
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ÉLÉMENT~ ET PRI NClPCS DE LA COI\IPOS!TlON
solutions imparfai tes ou de consl:.ruclioos inachevées ct., en aucun cas, d 'u n plan vérita ble, d'un parti clair et. bien arrêté par l'a rchitecte' · Qu'il ai t. cependant. joué un rôle indépendan t da ns l'architecture domestiqu e, quel ques exemple!! anciens l'a t testent., en conformité avec le témoignage de Vitruve. C'est su r ce plan , m e semble-t-il, que sc resLiLuent les port iques qui envelop pent la cour d e l'édifice P , mis au jour sur l'agora d 'Athènes, à l'emplacement même de la Tholos 1 • Sa forme irrégulière r ()vèle une cer taine gène dans l'exécution, ma is le resserrement des cnl:.raxcs prouve bie n q ue le eôlé O. de la cour ne comportaiL fJaS do port ique ; la distance enLI'e les buses extrêmes est lrop grande. Le palais de Vouni (fLg. 69), dans son premim· éta t du début du ve siècle :n·. J .-C., oiTre u n bel exemple de ce périst.ylc, en a pparence incomplet , co mpu ~é de trois portiques assemblés en avec trois colonnes dans la partie médiane ct qu at.rc su r les cô tés. Les colon nes d'angle ont reçu une forme allongée qu'elles doiven t à l'assemblage de deux demi-colonnes accolées à UJl pilast re ; sous les portiques, ouvrent. des chambres don t l'u ne, à l'O., de plan barlong, rorrcspood à la salle pr incipnle des maisons postérieures. Qu'il s'agisse b ien d'un parl.i dét erminé, fortement. dessiné, toute la s!lrcté de lo com position, son rythme, la répa rtit ion des p ièces suiva nt quelques grands oxes en constituent la preuve ind()niable; avec son escalier monumental , le portique intérieur esL le noyau d' une composition dont la mallr ise évoque p lusieu rs siècles d'expérience•. A cell.e rema rq uable unité, on ose à p eine compa rer l'assemblage un p r.u cha otique du n ou veau pala is de l'acropole de Larisn (Vl 0 siècle av. J .-C.), avec sa cour sensiblement carrée, bordée sur lrois côtés de portiques dont. un seul, à l'O. , rorm e u ne ga lerie contin ue ; les aut res résultent. de l'assembla ge d'Mi lices conçus sur le plan tr aditionnel du mégaron•. Des influences diverses se !ont sentir et ce pnlnis, co mme plusieurs autr es
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1. Dtro1 , VII I, J>. J 5~J.I 60. Sour dani le nouvel c.xcmplo donaê par les rouilles de 1 ~·1!1 qui ont dêlr-lg~ un , ·aste ddlfice appuy6 à la peolo ~. de la colltnC sur ln rive gnucho du l' lnopoR. L'emploi du péri!lylo à lrols portiquu esLiel txiiil
p9r lA &1tua Uon de 13 ma1son qui "'L Lrailée pa.r êlCifCB suœeulfs e.n rcl rniL. BCJI, LX.-; IV, 1950, p. 369-370 el pl. XLIV. 2. llu perfa, Suppl. l V, 1940, p. 150 sq. 3. Swed. Cvprus E:rp., 111, p. 1Il sq.; IV, 2 ; p. 23 sq. 4. Larl$a am Hum<M, 1, p. 39-30, Rg. 7, p. 93 sq.
LES STO .U : PLANS
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constr uctions de Larisa , porte la marque de ces courants hétérogènes. Le parti n'en reste pas moins le même. II est remarquable que les deux !ormes essentielles de la structure orchitectnrnle de l'agora ionienne, la stoa coudée et la sloa en fer à cheval, suggèrent des comparaisons avec des élémenls fondamentaux de l'architecture domesLique 1 . Nous en revenons ainsi à la même conclusion. Les architectes de la nouvelle école ionienne n'on t pas imaginé une str ucture originale de l'agora ; celle-ci s'est développée progressivement par l'adaptation d'éléments hétérogènes aux lignes du plan orthogonal. Les longues sloai et les alignements de colonnades s'intégraient aisément dans le réseau régulier des rues, s'ada ptaient aux vastes esplanades que les urbanistes avaient réservées dans leur tracé, c'est ce qui a fait leur forLune. L'originalité de l'agora ionienne est donc moins dans l'invention de formes nouvelles que dans l'exacte adaptation de motifs anciens et traditionnels à des fondions plus nettement définies. On comprend du même coup pourquoi les vieilles cités de la Grèce continentale furent si lentes à adopter cette architecture ; celle-ci ne trouvait, pas sa place dans les sites urbains demeurés réfractaires au tracé régu lie1·. 1. Ces emprunts roils pnr l'archlteclure ei\•ile à l'an:hilecluro domesUque ont 6lé maintes lois signnlés il propo• des prytanées; cr. en dernier lieu, les raJ)-
prochements laits po r H. V911oi.~. a u sujet du plon du prytanée dél ion, L'archlltcture à D~los, p. 164- 175.
CHAP fTRE II LES t r.tl!rŒNTS DE LA COKPOSITION ARCffiTECTURALE LES STOAI : DISPOSITIONS IN'rtRIEURES
La régularité dos pla ns ct la nécessit é de consol·ver les alignem<'nl.s de colonnades ne laissaient. aux a rcllitcctes hellénistiq ues que peu de liber té pour procéder par agrandissements successifs et répondre aux mult.iples lHlboins de l'agora. C'est dans les limi tes du cadre fixé, à l'int érieur de la st.oa, que l'inver1tion peu~ jouer tout en laissant il la colonnade de façade sn pnrfaiLe régularité. Nous avons vu déjà la st.oa étendre sa .surface dès le début. d u v• siècle a•·. J .-C. par le plan li double ne[, ensu ite par les ra ngées de bouLiques, t raitées d 'abord comme un cloisonnement intérieu r de la deuxième nef, p uis comme une véri table a nnexe du portique double . C'est à l'ioLérieur de ce plan désormais ftxé que l'ingéniosité et la fa nta isie dus archi tectes vont s'exercer n diviser ct répartir l e~ r:spaces di sponibles. 1) Les stoai à étage
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La su perposition d ' un étage apportait un remède co mmodo et fournissait. u n gai n très réel. La st.oa à étage vn rencontre•· à l'époque hell~nislique, aulour des agorai, une faveur toute pa r ticulière. On a fait au.x architectes de Pergame l'honneur d'avoir m is au poinL et développé ce lypo de construcLion ' · 1. A. MORd Man~l, .'oto
lES S'fOAI : DISPOSIT I ONS lNTÉRJ:E U RES
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S'il est exact que l'urbanisme de Pergame donne aux compositions en hauteur une importance exceptionneUe et a cont ribué à en répand re l'emploi da ns sa sphère d 'influence, les conditions propres à ce paysage expliq uent aisément la faveur accordée à un motif architectural qui était bien connu a uparavant de tou t le monde grec. Pour Vitruve, l'agora des Grec:s se distingue par ses portiq ues vastes et doubles' , port.anL à l'étage des promenoirs const ruits sur solives (ambulaliones in corliignalionibus). Vitruve par les mots : duplicibus porl icibus traduit l'expression grecque : ~m).'ij a'to&, couramment employée pour désigner un portique à doulJLe ne( 2 , et telle est en général l'interprétation des commenta teurs. Cependa nt elle peut être mise en doute si l'on songe à la valeur de ~m),ovç d ans un cer tain nombre de cas où il s'agit évidemment de portiques il étage 8 • La description de Vitruve serai t alors illustrée par l'architecture de nombreuses agor·ai b1 rd ives. Or, ces promenoirs d'étage apparaissent assez tôt dans l 'archi tecture hellénique. Les ûn~p<;iot o"totJtl étaient des galeries permettant., dans les grands temples du vc siècle, à Olympie comme au Parthénon, de contempler d'en ha ut les monumentales statues de culte• ; ces galeries sonl moins exceptionnelles q u'on ne l'a dit. 6 • L'architecture domestique conservait. eUe aussi la tradition de tels promenoirs. Les récitë de l'Odyssée témoignent. d'appartements situés à 1. Vilru,•c, V, 1. C'cs~ avec des porllques à double net, d'un seul élage, nveo Leri'QSSD-promenolr, quo 1\, Choisy illustre ce U.xle, A. ChOi•y, Vilruue, 1, p. 18"..-183; rv, pl. 44, n~:. 1, c. Z. Wlegoncl, Priene, p. 216. Lœ fouilles expliquent iei l'oxpl'llsllion êpigraJ>hlquo. D'autres ena sont moins nets, er. les exemples cité< pur J. el L . Robert, Ntllentca, IX, ! 9!\0, p. 29-3 1. 3. En i>arUcullor dans Callixénos, d'après Athénée, V, !18, 20.1 !, décrivant le grand yae.bl de Plo hhnée IV ; mp.!; aè -ôjç vcO.ç nc;>btU'tO< X
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éLJhLENTS ET PRI NCI PES DE LA COMPOSIT ION
l'é tage' ; q u' ils se réfèrent à la tradition créto-mycénienne et su r tout minoenne - ou à l'h abitation archaïque, ils t rouvent une illustration éloq uente dans les vestiges arcbéologiq ues1. L'époqu e classique est plus avare de documents ; mais, à travers les textes, nous devinons fréquemment ces galeries d 'étage q ui sont la plupart d u temps réser vées aux appartcmen l.s Iémini.ns 3 • A Olynlbe, l'étage est b ien attesté, mals nous n e savO !tS rien des p01·Liques•. Ao mi.Ueu d u m c siècle av. J .-C. la maison délienne de Kerdôn renoue avec une t radition ancienne 8 . Le principe de la colonnade d'étage Hait. d onc bien connu des architectes dès l'époque classiq ue. Un des p remiers exemples d 'une telle galerie est sa ns doute Iourrù par le p éristyle d u Wesl B uilding, à l' H éra ion d ' Argos 6 • Ce motif des colonnades superposées restait dépend ant d'une autre construction et. n 'était p as lraiLé pour lui-mème. Il nous semble que le branle fut donné par des por tiques dont la structure était imposée par les lignes d u terrain. On est passé progressivement de la colon nade élevée sur des substructions en sous-sol à la véritab le sloa d'étage indépendante. Un méri te de l'étu de de A. Müfid Manse! est. demet tre en va leur la liaison ent re ce type d'édifice et l'aménagement des terre-pleins, si caract éristiques de l'urbanisme heUérùstiq ue '· 1. Sur ce problème, cr. Noack, H omuitcM PnliW•, 1903, p. 56 sq. 2. Nou;; ~vons vu l'imporlance des portiques ~ lllages, des loggia eL des balcons dans l'architecture minoenne. On voil comment ces pro menoil"$ ont pu se développer à nouveau dans les m oisons arehaiq ucs à porlir de terrasses analogues à celles; du m odèle en t.rre euit& do I'Hérnion d'Argos. A rc/1. ftph., 1931, p. 13 sq. 3. Aristophane, frgt. 133 (td. Koeb); Lysias, Sur le .murlr~ a•eratoslll~n•s, 9-14. Toxl.cs qui pourraient l!lr$ illustrés pnr la représçntallon d'un vase nuptial d e Bonn, L. Deubner, J altr b., L l, 1936, p. 17&-179, fig. 1 ct o. 4. Eœcoualioru al Olyn!lwt, VIl 1, p . 214 $q. 5. DtlM, V I II, 1, p . 126 et 19 3·19G. JI f3ut njouter mnlnteno nL. ln maison récemment Clécou var te da.us la ' '9 11ée de l' lnopos, BCH, L X.' UV, 1950, p . 369 sq., pl. XL I V. 6. Waldsuln, dans sa public:. lion, The .ArgiDc lleraeum, l , pL XXV l donne en co upe 10. res~I LuUon de ce~ édifice avec deu>" étAges, m ais il n'est taU aucune mention de cette po.rUcul:u-ilé dans lo lcxle, i b id., p. 13 1 sq. E st-ce la conclusion lmplieltc tir~c de l'exlstance de deux sortes de cMrit.eaux (fig. 61, E, 1, K) eL de colonnes è 16 e~ 1114 canneluMJs? Il raul a ttribuer au Wcs~ BuUCilng une assise de eouronncmen~ dêco~e sur une face par lln l)eC rte corbin el s ur l'autre par deux bnnelcaux plal.s; lo lit d'ollenlc diverSement travaillé 6talt pro paré pour rce•woir les éléments d'un étage ; il est ros.~illl~ que retnge ait é~6 limiUi à une seule uile, cr. les remarquu> de P. Amondry, Uespcria, 1952. 7. ,\, MO fld. o. c., p. 62 S
LES STOAI : D ISPOSITIONS INTÉRIEURES
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La préparation d'une terrasse destinée à former. l'aire d'une agora ou d'un sanctuaire visait à perdre le moms de place possible. Cette préoccupation incitait à réduire la surface bâ.tie ; contre la pente montante, on poussait les portiques en hauteur et, vers la partie descendante, on plaçait l'édifice sur des substructions établies en dehors de l'esplanade et en contre-bas, de façon à disposer le portique au niveau de la place sans encombrer l'aulè ainsi préparée. Ce principe fut à la base de tous les aménagements de P ergame. Mais dès le Ive siècle, l'agora de Priène fut ainsi agrandie. Le portique S. reposait sur des chambres en sous-sol où l'on entrait depuis la rue extérieure 1 . Un dispositif identique apparaît sur le côté occidental de l'agora de Stratos dont le plan suggéré relève des habitudes hellénistiques 2 • Avant Priène, Corinthe présente une r emarquable application de ce système dans les constructions qui entourent la colline du temple d'Apollon. Les portiques appuyés aux flancs de cette légère éminence reposent tous sur des substructions aménagées en magasins. Au N ., les vestiges de trois édifices successifs ont été décelés dont les deux premiers, qui datent r espectivement de la fin du v 0 siècle et du Ive siècle av. J .-C., laissent reconnaître les grandes lignes de leur plan 3 ; celui-ci comprend une salle très allongée (92 mètres environ), divisée en deux nefs par une rangée de piliers quadrangulaires ; sur cette salle, appuyée à la colline, s'élève une st oa dont le sol était au niveau de celui de l'esplanade du temple ; l'existence de cet étage est prouvée par des blocs moulurés dont le lit supérieur garde les traces d'implantation d'une barrière de pierre. Un chapiteau dorique t rouvé dans la fouille pourrait appartenir à la colonnade supérieure ouverte au S., vers le temple. La pente méridionale de la colline fut à son tour, à la fin du me siècle, bordée d'une stoa à étage, ouverte sur l'agora'· Le rez-de-chaussée, adossé à la colline, comportait une colonnade dorique à l'extérieur, 1. Wiegand, Priene, p. 136 sq. Une des premières installations de ce genre se trouve dans le sanctuaire d'Éleusis, F . Noack, Eleusis, p. 189-193, en avant et en contre-bas du portique de Philon. Un espace compris entre les deux murs d'enceinte est divisé en trois nets par deux séries de piliers quadrangulaires, chaque net lalérale présentant un étage avec un plancher de bois, fig. 76-77. 2. F. Courby-Ch. Picard, Recherches arch. à Slralos, p. 96, plan fig. 58. 3. AJA, XXXV, 1931, p. 394-406. 4. AJA, XXX, 1926, p. 46-47; Cvrinth, 1, 2, p. 89 sq.
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BI KMENT~ E T PRINCIP CS OE U
CO MPOS ITION
ionique à l'intérieur; à l'ordr e de l'étage appartiennent quelques t am bours de colonnes no n cannelées don t la hauteur peul êl rc évaluée à environ 2 m . 95, soit les 3/4 du (ùL de l'ord re inférieu r (4 mèt res environ). Les orchit l'etes de P!'r~ame utilisèrent. ce type de construct ion pa rto ut où ils devaient. procéder à des aménageme nts de terrasses ; les portique E. ct. S. de l'agora de la v ille haute reposaien t. sur des magasins en sous-sol', dispositif répété ou marché de la ville basse et dans le t.éménos de Déméter~. Les plus im posantes réalisations de re plan se t ro uvent en bordu re des ogoroi d'Asso!! 1 , d'Héraclée du Latmos•, d'Aegae
ct
d'Al indn~.
Parallèlement. a ce plan, on voit se développer u n autre t.y pe de sto:J à éLage lié, lui aussi, aux déni vellat ions du t errain. Le parti choisi est différent; il ap puie la stoa à une paroi ve rtical e. Dès le tve siècle, nous avons l'exemple de la stoa du sanctuaire d' Héra à Pérochora et celle de l'Asclépieion d'Athèn es. La première est. un porLique coudé, adossé à 1me pente rocheuse qui fu L cnl.uilléu pour agrandir Le t éménos ' . On ne ~muroiL rn eLLre eu dout,c non plus l'existence d' u n étngo dans le premier état de La stoa qui, appuyée au rocher de l'acro pole. consti tue la bordure N. de l'Asclépieion d'Athènes'. Aux deux cxt.rémités, une rampe d'escaliers 1. Ali. Pugarnon, Ill, 1, p. 104 S(J . Z. AM, XXV II, 1902, p. 2( ~· ; XXIX, 100~,
p. 114 eq . ; X.'XXV, 1910,
p. SÎl'l f
Eei etfell sur 1'archileelure hrllénlsUque, ce type de comlrucliou reçut un<> e"~nsion conald~reblo par l'ont.roducUon de 111 \'OOie; ct. le> monumentale• mlisalions de Prtnest.e, dt.s 70 av. J. C., Oelbrilck, Htll. Bautm in Lolium, 1, p. 77 iq.; A rit ani , 11, 1946, p. 8l).9Q ; F1Utl arch., 1, 19 16, p. 136, fig. 33. Leo arcllilecle• d'l poquo omperialo c.~plollllrent ce •nolif pour doubler ainsi lei surl~~<:n ulill..,blrs en ~OWH!ol : porUque romain de l'agora do C)~ne, Dit AnWa, XIX, 1943, p. 206-207, eL IUt\oUL agora de Smyrne, B
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LES STOAI : DIS POSITIONS I NTÊRIEUR ES
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don nait accès à l'étage. Le m ur de fond ne s'éleva it pas a u-dessus d u plancher intermédja ire; les poutres soutena nt le t.oiL en auvent étaient engagées dans des cavi tés creusées à même la paroi rocheuse. Sur ce point encore, les architectes pergaméniens ne font q ue reprend re des formules déjà élaborées. Le port ique N. de l'agora d'en bas, les por tiq ues supérieurs du gymnase de Pergame', la grande stoa de l'agora d'Assos2 relèvent tous des mêmes principes, au cours des 111 e et ne siècles av. J .-C. Une a utre infl uence nous parait intervenir à cette époque. L'ex tension d e la colonnade d 'étage reçoit alors une vigoureuse impulsion du dévelop pement de l'ordre à pilastres ou Rl.t.ique, gj caractéristique de l'archi t.ecLure délienne. Nous saisissons dans les édifices de l'tic sain Le les t-ransformat ions q ui fon t, d'u n motif architcctural limit.é (jambages simples ou doubles, supports de lan t.ern eau) un véritable ord re d'étage. R. Vallois a marq tté les jalons de cette évolution à partir du lant.erneau elu Pythion 3 , en passan t par les galeries supérieures des temples et périslyles de maisons 4 • T rois demeures au moi ns parmi les plus anciennes de Délos - celles de Kerd ôn, de Dionysos et d e l 'Jnopos - présenten t u ne galerie d'étage do nt Je toit est suppor té pa r des parastades oblongues ou carrées 6 • CelLe restilution est confirmée par un décor mu rai provena nt. de la maison de Dionysos ; il représente un por t iq ue avec pilastres en léger relief où il est tentant de reconnal lre, avec J. Chamonard, une galerie de périst yle o. Au milieu du m e siècle encore, la cour périst yle de l'Asclépieion délicn reçut un étage dont. le disposit if sera peut-être
J. AM, XXV II , 1902, p. 24 sq.; Ali. Psrgamon, V J, 1923, p. 25 sq. '.!, l nvul. al Asso., p. 35-45. 3. CRAJ, 19 12, p. 105- lll>; R. Vallois, l. 'arcll/ltclure IJ. Ddlos, p. 253 sq. 4. Oès la lin du v• s., une ,·a rlanle de ce molli o rnull une porta do ln v ille ~ Thasos, la porlu dite do Zeus. Le passage central otalt nant)ué, vurs l'inlérleur, de deux uasliuns don Lies piliers angulaire~ supportaient un entablement dorique nu rez·de-chaussée el un attiq ue io nique à l'ùl'lgll, Etudu lhaûll1lllu, 11, Le8 llcmparls. Il esl possible qu'ail joui: l'innuene<> des dio;pooilirs il opaia. car actkrisUques des S$Jies d'inilia llo n, lelle la salle hypuotylo il Tha,;os môme. &. Dtlos, VIl r, p. 132 •q., 18<1 sq. el fig. 84. Il esL pu!iSiblu mai• non e<Jrtain que lM maisons du Trident el du lo.c aienl o·eçu des galeriûs d'6tagu avec colonnes. 6. I bid., p. 193·194, llg. 83. 11- t
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É t.SMENTS ET PRLNClPES DE LA CO~IPOSITION
éclairé pnr la public.!lt ion prochaine'. Des lanterneaux et des galeries de t emples ct de maisons, Le motif fut transporté à l'étage de sloai indépendantes. Un attique ioo.ique cou ronnait la colonnade dorique dll portique coudé su1· l'agorn T étragone et, plus tard, il se répète autour de la paslas des ILaliens2. Tous ces édifices son t antérieurs ou étrangers à l'influence pergamén ienne 3 • De ces rlivers coura nts devait enfin surgi r la stoa independante à éLage. Elle vint orner les côtés N. et E. du té:menos d'Athéna Polias à P ergame' el; les Alt alides en font. un véritable «produit. d'exportation •· Le che[-d'œuvre ûe ceLte école pergamén ienn~ fut la st.oa d' At.t.ale qui dominait, à l'E., la grande place du Céramique d'Athènes. Par l'ampleur de ses proportions, la régularité de son plan, la partaite association de lous les élément..-; eonslilutifs, lXlrtiques et ch am bres, elle représente, au début du ue siècle av ..J.-C., une des plus neu reuses réalisa tions de cette arclülecture'. On reconnatt dans la souplesse et la diversité des plans et des proportions la mar·que des tâtonnements qui ont a bouti à ce lype d'édifice. Le rythme de la colonnade n'est pas nettement 11xé ; si l'alter nance clorifJuc{ionirpJ C est. la. p lus fré· queu te, elle est loi.n d'être une règle. L'èLage inférieur a recours en général à l'ordre dorique, plus rude et plus puis1. )laiS bien attesté par la mention r~pétée d'un ôr.epwlc•• dans le compte
de 246, lm. Dt/0$, 290, 1. ZO, IZI. Cl. ln mention d'outres constructions d'étage. ôr.eçc~8L<>v, IG, Xl, 2, 287 A, 171 ; lm. Dt/011, 351, 1. 6 eL BCH, XÀ'Vll, 1903, p. 61; X.."'<...Xll, 1908, p. 77, n• 19, dont oo ropproohera.I'Ô"cpci>~v o(><'l)f.L« d'une inscription de Pergame, AM, XXVII, 1902, p. 21. 2. CRAI, 1912, p. 106--107, llg. 1; mtos, XIX, p. 25 sq. 3. D'après Ch. Picaro. RA, 1941, Il , p. 194. I'O&'Ora des Italiens aurait pu subir une telle inOucneo. L'emploi du pilastre libre ou cncMssé da ns un mur reste rare dans l'arcllitooturc grecque Jt1$Qu'à l'époque hellânisLique. On sail l'elle! qu'en tirèrcnL les o.rehitcotcs de I'Olympleion d'Agrigenlo, F. l
LES STOAI : DISPOSITIONS INTÉRIEURES
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sanV. La plus grande va riété se rencon tre à l'étage ; l' ordre dorique est répété dans la stoa de l' Asclépieion d'Athènes, celle de l'agora de la ville basse à Pergame et celle d ' Assos ; J'ordre ionique est plus fréquent (Pérachora, t éménos d' ALhéna à Pergame, stoa d'Attale à Athènes etc.); on Lrouve même à Milet le style éolo-ioniquet. Les Déliens out préféré les aligne· ments do parasta des. Les proportions entre les deux étages ne répondent pas à un canon défini ; l'ordre supérietJT peut être compris entre les 2/3 et les 3/4 de la hauLeu r de l'ordre in[érieu r et ces variations ne paraissent même pas fonclioo du style; car , si les sloai de l' Asclépieion d'Athènes et de l'agora d ' Assos marquent une limite in férieurc , celles du ma rché fermé de Perga me sont dans le rapport 3/4, bien q ue les deux ordres soienL doriques ; l'Hage ionique du portique du téménos d ' At héna est moins élancé (r appor t: 2/3). Les attiques détiens ont des proportions assez grêles ; le rapport entre les deux ordres se maintient, autou r de 3/4, des constru cLions les plus ancien nes (maison de Kerdôn} au.x plus récen tes (pas/as des 1ta liens). La structuJ·e intérieure est au ssi très variable su ivant les portiques. Elle est lourde et puissa nte dans les édifices placés en con tre-bas des agorai d'A egae, d'Alinda, d'Assos. A Aegae 3 , l'é tage in [érieur est composé de deux rangées de chambres, séparées par des murs de refend ; sa hauteur est. Jixée par les cavil.és des poutres du plancher intermédiaire ; elle aLteint. 4 m. 30. A l'ét age suivant , les murs de re[end sont remplacés par des piliers accolés aux mu rs liJI..éraux ; au cent re , se trouva ient sans doute des supports qu adrangu laires4. Le même système était. employé à Alioda où les piliers de 1. On ttom•c aussi
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ê l.l'll.IBNTS llT P HI NCII' Ill! Dll l.i\ CO'IP OSITION
l'étage int.ermédiai re avec leurs demi-colonnes sont bien conservés (Pl. IX ). A Assas, le porlique supérieur consl iLua iL un vériLa ble promenoir ouver t sur toutes ses [aces, d'un côté sur l'oulè ne l'agorn eL au . vers le thêiitre et la mer'. l:!icn imprécises sont nos connaissances sur la structu re des planchers d 'étage. E n règle générale, semb le-t.-il, l'ord re inférieur comprenait les élèmenLs réguliers de l'enl.ablernent isolé : archit rave, [rise ct lar mier ; celw-ci préseot.ait une surface horizontale sur laquelle reposa it la colonnade d'ét.age, soit. di rcrlcmcnt comme ùruts la stoa de l' Asclépieion a théniens ou à l'agoru des It.aliens à Délos•, soit. par l'in termédiaire d'une semelle for mant un nouveau st ylobate comme da ns la stoa . de l'agora d'Assos •, a u sanctuaire d'Athéna à Pergame ' , dans la stoa d'A t tale s~. At hèoes 8 • Le plancher in terméd iaire était soutenu par des poutres horizon tales qu i prenaien t. appui sur l'architra ve eL étaient placées sur cha m p de façon à suprlorl.er la tJueue du larmier•. Le niveau du planches· M t rou vu iL légoremcnt plus bas que le stylobate de la colonnatlo. Une barrière d'entrecolonnement protégeait les promeneUI'S con t re des chutes malencont reuses : barrière pleine à Assos, ajourée à epido ure, décorée de reliefs à Pergame. 2) DiapositioiU intérieures
La d iversité des ronct ions allribuées aux sloat imposait des a ménagemenLs au plan schéma tique du portique bordé de chambres. On assiste au cours de l'époque hellénistique à la créal ion de motifs curieusement associés à la colonnade d e le r~glemeol relallr ame cooslruclloll6 urbaines, .4M . XXV LI, 1002, p. 47 sq., col. 1Il, 1. 34, 44 ; p. 68-60. On en trouve l'applicalloo dès Je début du v• s. dans la ltKM Ile l' lleratltion do Tlwoos, Etudts lhalitnnta, l, p . ~; U n l çonnu aus.i • l' ll ~ralon d 'MfOS. 1. 1nL'ftl . ol A wu, p. 33 eq., ng. 4. 2. AJA, X\' , 1911 , p. 38-89, pl. V, 3. ~lOI, x IX, p. 24·25. 4. l11uul. of AUM, p. 43. &. Al/. Pugaman, Il, p . •16·3i, pl. XXI el }LXll l. 6. R. Bohn, 7tiu ch. f. Bauweun, 188'2 p. 387 !q. 7. Leur h~uleur lllail tlono éi olo à ~-..Ile de la Irise: sLoa d'ASSOS, st oa d'Athéna ~ Pergame, stoa d' Al talo il Athènes, stoa de I'Asctépieion il ALb&nes. Les entaille~ devalent ê tre dl~p05fM do rncon à nu pu aiTaiblir les parLies de la frise quo soutenaient les eolnnnca do l'êtcgo.
LES STOA! : DISPOSITIONS INTÉRIEU RES
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façad e ; plusieurs d'entre eux seront repris et. développés par l'architecture romaine. Le plus simple csl l'exèdre qui s'ouvre dans la série des ch ambres alignées derrière le portique. Les pans de murs, de part. et d'autre de la porte, sonL abattus et un cadre est constitué par un ordre indépendant soit à pilastres, soit à colonnes'. Le motif se complique parfois et interromp t plus net temenL Je déroulement monotone des portes de chambres. A Magnésie du M~ndre, deux niches étaient ainsi introduites, l'une dans la sl oa E., l'autre dans la stoa N.; la premièt·e, d'ordre dorique, distyle in anlis, l'aulrc ionique I.Hrasty lc~. Le motif peut prendre plus d'ampleur au point de modifiet· les lignes extérieures de la sLoa. Dans le Pllilippeion de Mégalopolis3, deux exèdres monumentales se détachent symétricruement aux extrémités du portique ~ur le mur de (ond qui fait saillie à l'extérieur; une façade, composée de deu.x piliers quadrangulaires ornés de demi-colonnes accolées in anlis, détachait, à l'intérieur, l'entrée des exèdres. Toutefois le style des demi-colonnes était apparenté à celui de la colonnade de façade. De ce plan, on rapprochera la curieuse variante 1·~lisée dans la grande stoa du La pb rion, à Calydo n •. A chaque extrémité, une niche provoque un décrochement dans le mur de fond du portique; chacune présente un plan d'hémicycle inscrit, dans un rectangle&. Deux autres édicules plus simples devaient conteni r des oiTrandes. La dale de l'édifice est déterminée par son sLyle eL sa technique ( fLn du me siècle-dêbu t ne av. J .-C.). S'il faut admeLLre l' hypothèse de E. Dyggve d'après laquelle ces niches étaient couverLes par une demicoupole, nous aurions un des plus anciens exemples de ce motif qui va trouver un vaste champ d'expansion avec J. Dans la sloa N. do Priène, 3 exèdres son~ olnsi ~menagees, WiegandSehrader, Priene, p. J92-L93, pl. XIII. 2. Magn ..ia am M ., p. 10S.I09, pl. I ll . Cf. les Cl.iv6rses formilS pri&es par ce mot.i! à l'agora des rtalietU de D~loo;, Dt/011, XIX, p. •19 sq. 3. E:unvali011s al M<9alopoli•, p. 61, pl. XV. 4. E. Urggve, Da• Lapllrion, 1948, p. 282-28{>. 5. ASsocia lion notable d'un élémen~ curviligne à un plan reeliligne, donl on trouve quelquu exempus dans l'!lrchit•ct.ure hellêniquc, cf. le 1.empte des Ko.biros à SamoLhrace, Unl
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ÉLÉIII B~TS llT P l'll NC IPBS DE LA C0)11'0S!T!O~
les exèdres monumcnl nlcs roma ines 1 • L 'architecture hellénistique ne répugne pus à associer l'arc, voire la voû te, aux lignes hori1.onl:tlcs du portique'. Aux premiers siècles de notre èt-e, sur l'agor a de l\lanti née, les constructions d'Epigonè comportaient, intégrée 1\ un promenoir•, une vaste exèdre de 37 mètres de diamètre couver te enns dou te par une caloLI..e semi-sphérique•. H ~rodc 1-\lLicus, à ALililnes, à Ol~rn1pie, reprend da ns sc~ ronsLrucLions ce moU[ archi tectura l don t Je coroclère monumc nlal répondait particulièrement bien aux préoccu!Jalions ùe ces •·iches don at.e urs 6 . L' indépendance de ln salle associée au porliquc est souven t complèt.e ; elle est. traitée pour clle-mèmr.. Les t ra nsform ations hellénist iques lar·divcs q ui oiTectenL l'agora ionienne classiq ue r évèlent une l ri's large r!xp loila l ioo de ces possib ilités d'arrangements rén l is~~ sn n ~ uiToct er l 'aspect extérieur d ' une colonn a de. La sloa méridionale d e l'agora de Corinthe en oiTre uu bel exem ple. Une gra nde par tie des boutiqu e~ rlu p lan pr im it if {m o siècle av. J .-C.) disparnl t pour faire p lace ù des const ructions d'aspccl l t•ès di(Tércnt . Au centre, une fontaine occupe la surface de plusieurs cba rnut·es ; elle ouv re sur la dou ble ne[ pnr u n por t,ique ù deux colonncss ; correspondant à 1. E . Dyggye, o. c., p. !2$3 ; cf. E . Oyggve.l'. l'ouiSen, DGA Rtr'OOn von JCal!JdOn , M<m. A oad. NJyale Danemark, 1934, p. 380 sq. 'l. Ul d6vcloppemonl do C~ nl Olit p O§e le prob1èmO c1C 1' assoclallon d'un &re, voire d'une> voOI.o oux IIK•><• horluont.n les du portique. L'arehilecl.ure heiMnlsUquo euo-mGmo s'elll plu à 'ar! er uu.e compœiUon; si 1:. resUluUon proposée par Wiegnnd, pour I'Epb~blon du gymnase do Prl~ne, Prlene, p. 273 •q. llg. 271 el 273 o 1!\ô cont.eslêa (F. KriJCben, J ahrb., XX..Xv l li-XXXIX. 192-3, p. 141 "'J.), le moue exlate b. MUet.. à Pttgame (A. ,·on Certnn el F. Kriic:hen, ThtrmM und P a/autr1n, l!IZS, ng. 49 el ~; AIL Ptrgamon. V I, pl. VII I el >..'VIl ); A lt phèsél (Ja/iruh., XXV II I, 1933, lltibl., p. 7-Si ; Il PalaUlza ( L. Heu· .ey el Oournet, Mtu/on en /lfuctduint, pl. Il ). 3. G. 1'ougè~. BCII, X.'<, 1896, p 1\!G sq.; M anlin«, p. 178 el 182. Là, Il«{Tl) dütgne uno vaste gulerk> ~ troi! nds; construction analogue menUonnêe à ~~~Mie du Mf andre, O. Kern, l n•ch . ron Magnt~ia, 1ï9, el peul- vraisemblable par l'ep31Slltur du mur cin:ulaire et du massif parallèle au mur do Cond du port ique. 1:1. 11 eon•IILuo le prlnelpo •n0mv du N)'mpMeum, 6di0ce essentiel de l'urba· nisme romnin en Orient; l'uss<J<:IaUon de L.'l umi-eoupole à une colollnade ~l parfaitement mlso ou polnl da
LES S1"0A l : OIS'POS I'fiONS I NTÉRIEURES
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cellc.">-ci, deux pilaslres cncadr<'ienL le bussint; la décoratio n inLérieure repose sur des oppositions de co uleurs demandées à des marbres d ivers : Skyros veiné, H ymet,te b leu té avec incr usta Lions d'onyx sur le parapet. Le style de la fontaine ne répond à aucun des autres motifs d u portique. Un Bouleu Lérion en hémicycle est amén agé plus à l'O., avec u n vesti bule de deux colonnes en façade et pilastres à l' intérieur; il p rovoquait, avec la salle voisine, un d écrochement dans le mur de fonde. La même irrégularité apparatt plus à I'E. où les bou titiques ont presque complètement dispa ru po u1· faire place à des salles de dimensions et de profondeU J' variables 3• Entre le BouleuLérion et la fontaine, un passage était laisse libre pour la rou te de Cenchréa sans C[l.le la colon nade N. a il été alTectéo•. Ainsi la parfaite unité ]Jl"imitive de la stoa et sa régularité un peu monotone [urenL complètement bouleversées par l'amén agement de salles aux plans va riés, traitées individue llement. Le porlique seul constitue une façade uniforme. Cet édifice commercial dont le plan était clai r f ut transforme en u n vér itable cen tre administratif où b ureaux, salles de réu n ion, promeJloirs et l ieux de cultes civiques se grou pèrent derrièr e un portique en une unité archi tecturale plus apparent e qu e réelle 5 . Le développement de ce motif architectural associant à une colonnade continue plusieurs salles de plan absidal ou rectangulaire va jn.fluencer profondément l'évolution de la stoa hellénisLique et sera à l'origine de formes et de motifs nouveaux 6 • JI est d'une application constante d ans l'aménage1. Plan connu par d'autres exemples, Arclr. Bph., 19 16, p. 100.101, fig. 11 el 12.
2. •IJA, XX IX, 1935, p. 57·58. 3. L'•u•u d'elles ét.al• sans doute une chapelle consacrée à Zeus 13or.zloio$, AJA, XX:XVII, 1933, p. 562-56·1. <1. AJA, Xl., 1936, p. 30-~. 5. Co ml!me prineir1c nvuit dicté la composition de l'agora do ~lagnésio du Méandre au S., o~ prytancu, iallos do réunion, cbnpenes, rues ét.aien~ rêunts e L diMirouJés par un., colonnade ininl.errompue, Magrot$ia am M ., p. lJ 1·112, pl. Il 1. JI reçul d'omples <.léveloppornenl.s à l'époque romaine, cl. lo rorum de Pompe!, Mnn, Pompeji, p. 36·-18, pl. 1[ ulle peli~ temple de l'ogorn de Po.Jmyre, CRA J, 1940, p . '238·240. 6. 03ns l'arehileduro domestique, çe principe so retrouve dans te plan de l 'œkm ouvran~ par une façade à colonne$ ou à pllasLres, sous un portique ou pO$/as, dispMitil bien dessiné a Olynlhc, E:rxao. at 0/gnthus, Xli, p. 369 sq.
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ÉLÉm;;NTS ET Pl\l:'(CIP•'~ DE LA CO \I POSITION
ment in térieur des gymn ases ' . Une étude complète qui sort de notre sujet - devr ait suivre le développement et les t.ransformat.ions d e ce motif dans la cou r péristyle. De l'arcbiLecture civile ou domestique, il pMsc nux const ructions cultuelles ct cons tituera le facies cara rt.C: rislique do CllrLaius hérôa dont Calydon ol1're un exemp le bien composé' ; le gro up ement. des salles eLleu r rapport avec le portique relèvent des principes mis a u poi nt dans l'archilcclure des g1·ande~ sloai. Qu'il s' ngisse do ue d'u n porlique isolé ou du péristyle fermé, 1'adjonction d'exèdres à plans reclilignes ou curviJjgues, de chapelles cul tuelles à raçadcs indépen dnnles du style du portique va contribuer à cüssocirr des Cormes primiLivement simples ct bien orgn nisées. A cùlé d'un ensemble homogène com me I'Hérôon de Calydon, on rencon t re des complexes aussi incoblwents que la grande stoa de Corinthe. l.\lais celle ana rch ie même sero Céconde, car elle pe rmettra à l'archiLcclu re h ellénistiqu e de reconstituer des types nouveaux 011 le J'ôle du portiq ue et de la colonnade sern modifié; de motifs indépendants, ils deviendront simples éléments de composition •.
1. Les multiples e•llea ~pôciali5ées dt5 gymnases reçoivent fréquemment une
a truel ure monumentale a\ eoc (Qçadc rtlalivemenL indfpendanto du por ll(lue sous lequel elles o uvnnl. Ce U•ème abouli•MIL à des omêoogemenu lrès divers. On n 'oubliera pas que le' premières hlhlioll\èques s'lnslllllen' en nnn~xes de •toai (Ali. Ptrqamon. 11, p. GG-7&). Ce enr•c~re subSiste C\ Romo o~ léi IJibUolhi'ques sont ossoclêes à de• p(JI'tici, cl c. C&llmcr, .\nt. Blblioll~tke,., Opu$< ardl., Il l, 10 11, p. 115 i
J. ES STOA I
3) Rôle
DISPOSIT IONS l~TÉRIE:URES
e~
4~5
construction des stoai
La diversité des formes et des p lans répondait à la mu ltiplicité des fonctions. A toutes les époques certes, en Or ient, les portiques des places p u bliques, profanes ou religieuses, (urent des lieux de promenade et de llâner ie, où l'on vient sc reposer, discuter, chercher un refuge cont re les a rdeu rs du soleil ou les vents froi ds de l'bive1·1. F réquentée pa r ur1 public nombreux, élément essen tiel de la structure de l'agora, la stoa devient t rès tot, dès le début du ve siècle, une sorte de monument commémoratif, qu'elle soit elle-même l'objet d ' une consécration ou q u'elle offre une galerie d'exposition pour les souveni rs h istoriques de ln cité. Ce type d'édi Hce, jouant. parfois le rôle de t rophée, eut une for tune p a rticulière aux veet.rvesiècles av. J .-c . ~. Une des réalisat ions les plus célèbres était la stoa Persikè, sur l'ago ra de Sparte. Const rui te a vec le butin pris aux Mèdes, elle offrait aux rega rds des ci t oyens de Lacédémone les portraits de quelques-u ns de leu rs plus farouches ennemis•. Les Thébains, après la ba taille de Délion , consacr·ent eux auss i une stoa où ils entassèrent armes eL butin de guerre 4 . Les É léens ut.i li sèren ~ à la m ~mc fi n la dtrnc du bu Li n enJevé aux Corcyréens 5 eL les Mégalopolitains celui qu 'ils arrachèrent aux Lacédémoniens battus pa r le tyran Ar istodèmos 8. Toutes ces sloai, comme le portique des Athén iens à Delphes', n'étaient. que de simples galeries dont les murs ou les colonnes ét,aienl. ornés d 'ar mes ou de matériel de guerre deven us objets de consécratio n s. 1. Slrnbon, Xlii, G22; Lucien, J upp. TrafJ., JG.
2. Oans les M l:lang« Ori,gnir<, 1, l950, p . 5 4-55, A. AyllUird disUngue précisém ent ce l)' I>O d o Lrophée d e M hai qui é!A>Il dressé sur tc champ de bolnille; à l'ori~dn.e du moins, Jes de ux types doivent. êl1·6 neLlcme:nt disUnguês. 3. Paus ., I ll, Il , :1 ; Ch. Picard, CRAI, 1935, p. 215 sq. Ajou tons que Lysondre, sur une autre st.oa de l'Acro pole, avelt dra.ossé des Nikês en l!ouven i.r de ses gran.. des victoires d'Éphèse el d 'Aegos-P otamos, Paus., U I, 17, 4. -t. Diodore, X Il, 70, 5; e•esL ce He sloa sons doul.e que Plutarque appelle rrcÀÛcrru/.av. Gtmc de Socralt, ::J~l et Ptf()p., X 1J . 6. Pa.us., VI, 24 1 4. G. P aus., VIl r, 30, 7. 7. En dernier lieu, P . Amondr)', RCII , LXX, 19·1G, p. G·S. 8. Les hnbitanr.s d'lEgion, en Aehale, eonstrulsenl un& sloa en l'honneur
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ÉI.ÉME NTS ET Pl\lNCl PES Dé
LA COMPOSITION
S uecè3 cl vicLoit·cs pouva ient y èli•;J c~ !é!>1·és suivant un procédé favori des Athéniens au ve siècle. Le Poecile comme la sLoa Basileios furent de véritables galeries d'exposition réservées à l'exal tation des grands événements et des gloires nationales. Histoire réelle et histoire mythiq ue éta ient associées dans la sloa Poikjlè où Polygnote de T hasos, i\1ikon et Panainos travaillèrent de concert À évoquer les combnts de Thésée ct des Athéniens contre les Am:.JZones, à commémorer la prise de Troie et. la bat.aille de :1\'laralhon. Les grands sujets occupaient. les murs de fond tandis que les murs latéraux avaient reçu des décors postérieurs cl secondaires : scènes d'une bataille d'Oenoè et boucliers votifs 1• Même association de st1jets mythiques et historiques clans la sooa voisine, le Portique Hoyal ou St.oa de Zeus 2 • Pa usanias y a vu Thésée, accordant la liberlé aux Athéuiens, llanqué de figures allégoriques, la Démocratie et Dèmos. Euphranor avait ensuite puisé dans les sujets d'actualité, puisq u'il avait peint un épisode de la bataille de Mantinée (362 av. J.-C.) ou Gryllos, fils de Xénophon , s'ét.a.i t distingué. S'agissait.-il de fresques ou de tablea.ux 3 ? L 'exploration archéologique semble imposer une réponse di!Térente pour cl1acune des sloai. Les blocs du mur de fond du Port.ique Roya l portent des canaux de coulée ver ticaux destinés à laisser passer de place en place des plaques de plomb qui devaient. empêcher les inflltt·a t.ions d' humidité et le piq1.1etage du paremen t intél'ieur annonce un revêtement de stuc. E n outre, le mur de fond était protégé par un soutènement indépenda nt •. Toul semble avoir été prévu pour une peint.llre à la fresque'. Les fouilles de 1949 ont ret.couvé de nombreux blocs de poros dont un mu•· tardif avait fait un large remploi et qu'il est vraisemblable d'a ttribuer il la stoa PoikiJè B. Ces blocs perlent de nombreux tenons en rer qui 1. Paus., !, 15, 2.. 2. Supra, p. 335 sq. 3. Cf. W. Judeich, Top., p. 337 èq. 4. ffupcria, \' 1, 1937, p. 'l3·24 el 69.
6 . Des Indices Loul à ta il semblables ont été relev6s sur les murs do I' Hépha lstcion. He•puia, Suppl. V, 194 1, p. 9-1,-104. 6. J e remercie M. E. Vanderpool qlli m'a forL libéro.lemenl laissé exam iner ces blocs : mawriaux, forme des triglyphes, decors peints, remarquablement eonser,•ês sur un chatliteau de p ilastre, modénaluro évoquent un oidiftco de la l " molllê du v• s. La règion d&trouvaille, au N. ile l'agora, prèli de la voie du Cllemin de 1er, .. t favorable à cett.e identlflcation.
LES STOA 1 : OISPOS!TWNS I NT ÉRIEU RES
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furen t utilisés pour fixer des objets au mur. On peut ce rtes p enser aux boucliers m en t-ionnés par Pausa nias, ma is ~ussi, et- plus v ra isembla blement, aux o-a:vt~~ç des texLes ancHmS 1 • L'œ uvre des grands peintres du v 8 siècle aurait donc é té exécutée sur de grands panneAUX rie bois fixés au murt. . L a tendance à raire des porLiq ues d'ago ra une gale rte d 'art se manifeste encore à l'époque hellénistique tardive. On voit même des sLaLues honorifiques, d'abord dressées dans l'a ulè, chercher refuge sous les sloai. Il en résultera un curieux motif de l'urbanisme hellénistico-romain qui associe les œuvres de sculpture a ux fot·mcs a rchiLecLurales. Sur l'ago.r a S. de Milet , le portique E. est doté d'une double nef vers le 1er siècle de n otre ère. Aux bases de la colonn ade intél'ieut•e êtaicnt accolés des piédestaux: dont. la fonction évidente était de porter des statues qui const ituaient un motif décora tif nouveau au long de la gran de r ue N.-S. de l'agora 3 . JI fut. répété aussi à Magnê
les galeries d' e."positlon. E n particulier le problème do la Jeschè de Cnide à Oelplles resLe entier ; une nouvouo Hude des lieux " mo ntré qu'eUe avait subi de graves dommages nu cours du " '• s. et qu" l'édif!eo ruL réparé en même temps que l'~nalemmo. Les peintures, s'il s'agil de fresques, ont pu êt.re retouchées { BCH. 1 9~0. p. 32<>). Je crois auss1 qu'Il raul abandonner J'hypothèse d' un Jnnt.cr-ncau ou d' un a trium. Un édifice de I'Hérnion du Sllilris (Not. seaui, 1937, p. 282 i<J., Ug. 33), préscnlon~ une raçnde de 6 colonnes comprises en LM) deux retours dei murs eL uno port.c formant les deux t.rav6cs CllnLratcs. répond exactement aux données deo; lexJ.es et des fouilles el fournit la solution la plus simple. 3. Milel, 1, i , p. ~1 -5~, '>5-66. 4. A Magnèsio. dos statues hooorinques étaient aussi ploc6es dans les poi'Uques S. ct O. du l'agora, Inschr. Magnesia, 143-144. Des porUques, ce moW est passé dans les colonnades de rues; Je support de la statue rut lnLI)gr~ à la colonne sous lor~ne du console; on sail l'etret qu'en ont tiré les Palmyrênlens. &. H . Seyrig, CRAI, 1910, p. 239 sq .; ct indlcaUons sur tes consoles duns J . Sl.arcky, ls>lll!nlaire du inscriptions df Palmyre, X, L'agoro, 191)(), passim.
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ÉLÉ}LENT$ ET PRINCn>ES 1)€ L A COMPOSIT ION
moins, d'où le rôle des • portiques sacrés •· Une par tie de l' édifice devient la propriété d'une d ivini té; elle lu i est délimitée comme un téménos de plein air. Dans le p ortique occiden tal de l'agorn de Magnésie du Méandre, une salle monumen tale in terrompa it. la série des bo utiques et ab ritait des groupes s tatuaires 1 ; deux de ces sta tues furent re t rou vées dans la salle ; leur ident ification peu douteuse avec des Athén a suggère déjà le rôle cultuel de cet.te chambre. Il est co nfi rm é par l'inscript ion : ()poe; i!poü, gr avée sur le mnr rie fond d u por tique, à quelq ue distance ve1·s le Nord ~ . Dans le porl iq ue S ., une zone sacrée étai t ai nsi réservée au wu r de la gt·a nde salle médiane par des opot identiques inscrits sur le mur de fond et sur une colonne vo isine de la r angée intérieure'. Le port ique de l'agora d e P riène portait le nom officiel de : !ip
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LES STOAI : DISPOSITIONS INTÉRIEURES
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une vie colorée et agitée grouille une partie de la journée. Bureaux de tous genres, magistrats, tribunaux, s'installent à ·c ôté des salles d'archives, des dépôts de textes 1 . La fonction ·commerciale de l'agora s'exerce dans les boutiques et les ateliers un peu obscurs et malodorants qui s'alignent derrière les colonnades. Les textes littéraires ou épigraphiques expliquent les découvertes archéologiques 2 • Aux hommes comme aux dieux, l'espace était limité; chaque corporation ou association se voyait attribuer quelques chambres ou une partie du portique 3 ; car des associations avaient aussi leur centre sur l'agora où leurs membres se réunissaient pour régler leurs affaires ou banqueter 4 • Nous saisissons, par ces textes, les multiples aspects du rôle attribué aux portiques hellénistiques. L'agora est devenue un édifice dont les diverses parties sont réservées à telle ou telle fonction . Il s'est produit une concentration et une organisation des activités. A l'anarchie qui caractérise le type ancien fait place un système réglé et défini où chaque organisation, religieuse, civile ou profane, reçoit l'abri qui lui convient. L'unité architecturale de l'agora répond, grâce à 1. Le Poecile lui-même fut envahi par le négoce, Lucien, Jup. Trag., 16, en même t.emps qu'il était le siège d'un tribunal, IG, IP, 1641, 1. 29. Les bureaux des Hellanodices étaient dans une stoa de l'agora d'Élis, Paus., VI, 24, 2. Les emplacements réservés aux magistrats étaient officiellement fixés, de même qu' à Athènes, les Eu thynes se tenaient près des statues des héros éponymes; Aristote, Consl. Athènes, 48, 4; certaines parties des portiques de l'agora de Milet étaient réservées aux stratèges, Milet, I, 7, 2llb, 213b; à l'&px.mpu't'<X.v(c;, ibid., 213a. Z. De nombreux textes mentionnent les boutiques et les ateliers des petits marchands et des artisans dans les chambres des sloai : à Panamara, BCH, L I, 1927, p. 86, n• 35 et L. Robert, Reu. Phil., 1929, p. 146 qui cite, parmi d'autres exemples, les portiques de Thyatire qui sont, très vraisemblablement ceux de l'agora ; x<X.t "à; tv <X.Ù't'<X.Ï:c; èpy<X.aT<7>v otx1J't'1Jpt<X.; cf. L. Robert, Etudes anatoliennes p. 532, n. 2 et B. Laum, Stiftungen, II, 94 et 98. Les portiques du sanctuaire d'Hécate (BCH, XLIV, 1920, p. 74; Reu. Phil., 1939, p. 234-238) et ceux du sanctuaire d'Athéna Kranaia à Élatée (Paus., X, 34, 7) avaient également des habitations à l'intérieur de leur colonnade. 3. Milet, 1, 7, 209 et 215-224; en général attribué à une personne, parce que sans doute la boutique était mise en location ; l'une d'elles était réservée à un Éphésien, tbid., 208. 4. Tels les banquets des Eu6ep&mot sur l'agora de Milet, Milet, I, 7, 214 ; L. Robert, Etudes anatoliennes, p. 25 et texte de Philippes cité ibid., n. 7; à rapprocher des banquets de Priène ct des qnÀ61tÀoo. d'Éphèse, Ephesos, III, n° 55 et 70 ; L. Robert, Les gladiateurs dans l'Orient grec, p. 24-26.
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ÉLÉMENTS ET PRINCIPES DE LA COMPOSITION
l'emploi judicieux des portiques, à une organisation plus rationnelle de ses fonctions. La construction de ces sloai exigeait un effort financi er que les cités n'étaient pas toujours en mesure de fournir. Il fallait la richesse des marchands milésiens pour mener à son terme le plan grandiose conçu au milieu du ve siècle, encore que cette cité dût avoir recours elle aussi, comme les autres, au système des fondations . princières et des contributions privées. Il est en effet très vraisemblable que la grande stoa orientale de l'agora S. a été construite grâce aux subsides fournis par Antiochos I, fils de Séleucos, au début du m e siècle av. J.-C. 1 . Aux termes du décret honorifique voté en faveur du donateur, celui-ci fournira l'argent nécessaire à la construction de la stoa, la ville offre le terrain gratuitement; elle comporte des oikoi ou des ergaslé1·ia qui seront loués à des marchands 2 ; le portique E. , avec sa double rangée de chambres, toutes indépendantes, ouvertes les unes sur l'agora, les autres vers 1'extérieur, répond très exactement à cette destination. Cette pratique se généralise. Si au Ive siècle des dèmes attiques comme le Pirée ou le Sounion pouvaient encore envisager la construction ou l'agrand issement de leur agora avec leurs propres moyens 3 , il n'en va plus de même à la fin de l'époque hellénistique. L'achèvement des plans grandioses ou la modernisation des agorai anciennes ne peuvent être réalisés qu'avec l'aide financière des princes 4 ou des riches marchands. Les exemples foisonnent. On voit Arcésiné honorer une généreuse bienfaitrice pour avoir 1. Les vestiges de la dédicace Milet, I, 7, p. 281 sq. correspondent au contenu du décret honorifique connu ailleurs OGI, 213 ct Haussoullier, L'hi.çt. de Milet et du Didymeion, p. 34 sq. On sait aussi qu'une stoa d'Antiochos est bien attestée à Milet, j\Ji/e/, 1, 7, 270; Ill, n• 145, 1. 29. 2. Nous interprétons dans ce sens un texte mutilé de Cos, A. Maiuri, Nuova Sill. epigr. di R odi e Cos, 440 où il s'agil sans doute du versement des sommes du es (nous lisons 1. 2 [ è)cp' il>v llEr) pour la location d'emplacements au ma rché au poisson : [ Èv -r'ij~ tiyo J p'ij~ -c'ij~ tx.Ouorcw[À~Il~ ]. A Thasos après les rouilles de 1950, J. Pouilloux me signale qu'il serait possible de reconnaître des épy(l(a~p~(l( dans l'édifice situé au N.-E. de l'agora d'où pourrait provenir le linteau publié par lui, BC/1, LXXI-LX XII, 1947-48, p. 270-272. 3. Syll.•, 313; Michel, Recueil lnscr. grecques, 142. 4. Les portiques des Atlalides se dressent un peu partout sur les agorai des cités appauvries. Le terme de ~(l(cn),e:Ùç sc retrouve si fréquemmen t dans les dédicaces de portiques qu'on a voulu y voir l'origine du mot basilique.
LES STOAI : DISPOSITIONS INTÉRIEURES
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réparé l'agora qui tombait en ruines 1 . Ailleurs, on fait ap~el à des prêteurs volontaires pour achever des constructwns arrêtées ; ainsi, la cité d'Halicarnasse qui s'engage à graver les noms des prêteurs sur les parastades du por tique ; le décret fixe les ressources publiques qui garantissent les intérêts et le remboursement des sommes prêté.es 2 • Comme Antiochos le fit à Milet, on voit de riches particuliers avancer les fonds et mettre eu·x-mêmes les èpyM~çna. en location pour rentrer dans leurs frais 3 ou assurer leur gloire future. Plus souvent encore des particuliers seuls ne peuvent assumer ces charges ; ils contribuent alors à la construction ou à la réfection de quelques t ravées, d'une portion du portique seu lement 4 ; ou bien ils s'associent pour mettre en commun leurs ressources. A Théra, la stoa Basilikè su bit ainsi plusieurs réparations financées d'abord par trois citoyens, en 116102 av. J .-C., puis, au milieu du siècle, par un r iche mécène dont les moyens étaient plus puissants 5 . A Apollonia de Phrygie de nombreux travaux sont exécutés par une même famille dont chaque génération assume des charges nouvelles 8 . De telles pratiques ne pouvaient que nuire à l'unité des constructions. Les préoccupa tions polit,iques et la recherche du p restige chez les rois hellénistiques, la vanité personnelle et la suffisance des riches citoyens les poussaient à mettre leur générosité en relief. Ils voulaient se survivre dans leurs créations ; l'œuvre n 'est plus l'expression des sentiments de la communauté, mais un titre de gloire pour un nombre limité de citoyens. D'autre part, la participation de plusieurs 1. IG, X II, 7, 49, 1. 10 sq.; à Messène, un ci toyen fait construire à ses frais un péristyle à l'Asclépieion, IG, v, 1, 1462; mêmes décrets honorifiques à Mégalopolis, IG, V, 2, 457 et à Ma ntinée, ibid., 281 pour des réparations exécut ées aux stoai et aux exèd res qu'elles renferment. 2. Newton, Halic., Cnidos, and Branchidae, 11, 2, p. 698 sq.; la st oa est consacrée à Apollon et à P tolémée. 3. Tel ce riche marchand d'Ha licarnasse qui dédie une stoa à la ville de Pha rsale, à condi tion que les revenus de la location soient affectés au gymnase et à un &.ywv, Y. Béquignon, BCH, LIX, 1935, p. 514 -519. 4 . Exemple cité par L. Robert, BCH, LX, 1936, p. 194- 195 et Études anal., p. 526-527, à Pergame (AM, XXVII, 1902, p . 93, n• 83) oü 3 travées avec leu r entablement ont été refaites et à Aphrodisias oü un certain J ason a fait reprendre, avec sa femm e, les cotonnes d' un périst yle depuis les fondations. 5 . Thera, III, p . 129 sq. 6. MAA1A, IV, p. 47 sq.
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ÉLÉ ME NTS E T PRI NC I PES DE LA COMPOSITI ON
donateurs à une même construction, les lenteurs apportées dans la concentration des fond s, les arrêts et les reprises des travaux contribuent. à rompre l'unité de l'édifice. Rien n 'était plus favorable à ce système de financement que la pratique des salles indépendantes, des chambres juxtaposées, traitées pour elles-mêmes, qu'un portique de façade venait enfin associer en une unité artificielle. Celle-ci ne se maintenait que par le r espect traditionnel de règles ct de principes bien installés dans les habitudes des constructeurs. Malgré les difficultés matérielles, les grandes lois de composition que nous allons formul er à la suite de cette étude analytique furent observées pendant un temps encore, même après la décadence de la polis. Mais à l'image des cités dont les pouvoirs s'étaient émiettés, dont l'idéal politique s'était estompé, l'agora se vidait de toute signification. Sous la façade d'une unité superficielle qu'exigeaient les lois d'une évolution de plusieurs siècles, les éléments architecturaux commençaient à se dissocier et se préparaient à une vie nouvelle.
CHAP ITRE II I LES PRINCIPES DE LA COMPOSITION ET L'INFLUENCE DE LA COUR P:ÉRISTYLE
L'histoire de l'agora ionienne, la seule qui présentât les caractères d 'un édifice construit et unifié, nous a montré qu'elle ne se différenciait nullement de l'agora ancienne, malgré les apparences ; car le principe de la composition reste le même. L'élément premier est la place, irrégulière dans un cas, aux limites précises dans l'autre et dépendante d'un réseau régulier de rues. L'association de sloai fournissait la meilleure solution au programme fixé : il s'agissait d'envelopper une aire parfaitement définie, dans un plan où toute infraction à la régularité et aux alignements était interdite ; les limites de l'espace libre ont imposé leurs lois. L'agora hellénistique appartient donc au type que Koldewey appelait «conjonctif» et Boethius « piazza-typus ll, par opposition au type «injonctif>> ou « temenos-typus »1 • Le premier se définit par un espace donné que des édifices viennent enfermer progressivement ; l'élément primaire et originel, c'est la place qui attire à elle les constructions et leur impose sa loi. Dans le second, l'élément primaire est l'enceinte, l'ensemble des co nstructions dont le plan est prévu et dessiné d'abord, la place n'est qu'un élément secondaire et résiduel de la composition. De ce rôle primitif de la place, résulte la première règle qui nous semble régir la composition de l'agora grecque : l'aulè 1. R. Koldewey, Die Tempe/ von Baby/on und Borsippa, Wiss. Ver. deul. Orienlges., XV, 1911, p. 14 sq.; A. Boethius, Roman Arch., p. 4, n. 2. Cf. distinction comparable dans la définition de la cour de maison, suivant que sa fonction est primaire ou secondaire dans le groupement des constructions annexes. dans V. Müller, AM, XLII, 1917, p. 110.
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ÉLÉMENTS ET PRINCIPES DE LA COMPOSITION
conserve toujours une indépendance relative, même dans l'agora ionienne. Le type ancien se caractérise par une vérit able anarchie. A Athènes, à Corinthe, à tlis, la place est encombrée de petits édifices, d'autels, d'enclos sacrés, de constructions temporaires, de statues et d'offrandes que les siècles ont laissé s'entasser sans ordre et sans règle. Aucune orientation ne leur est imposée, si ce n'est celle des rues et des passages, des courants de circulation qui constituent l'ossature de l'agora primitive. L'ordre ne règne pas plus ici que dans les grands sanctuaires de Delphes et d'Olympie ou sur l'acropole d'Athènes. Zone sacrée elle aussi, l' aulè n'a pas un aspect différent de celui du téménos réservé aux dieux. Sans doute, dans ce désordre, q uelques urbanist es ont eu souci d'apporter un peu de clarté et de gaîté. Cimon fit planter des platanes dans le Céramique 1 et, du temps de Pausanias, quelques massifs d'arbres s'élevaient de-ci de-là, autour de certains autels ; quelques-uns de ces gros arbres étaient des lieux d'affichage officiel 2 • L'agora de Calchédoine,en Bithynie, était entourée d'oliviers 8 • Il est probable que fréquemment des massifs d'arbres fournissaient une ombre propice aux flâneries et aux bavardages des habitués de ces sortes de square. L'aspect d'une telle place est curieusement illustré par une monnaie de Cynaitha, en Arcadie, représentant l'agora de la cité 4 • Le fond est constitué par une stoa (7 colonnes) ; en avant, au centre, une statue sur sa base ; à gauche, un petit édifice surmonté d'un fronton ou d'un toit pyramidant et, à droite, un temple tétrastyle ; dans le champ, quelques arbres parmi lesquels on distingue nettement un platane. Type de composition architecturale assez libre et sans doute très fréquente dans les petites cités grecques. La création d'un motif nouveau dans l'urbanisme ionien n'apporta qu'un faible changemen t sur ce point. Le seul progrès semble avoir été le souci de laisser l'aulè libre et dégagée de toute construction importante. Sans doute, les I. Plutarque, Cimon, 7.
2. Autel d'~leios, Paus., I, 17, l. Judeich, T op., p. 341-342. 3. Polyen, v 11, 11. 5 : èrcet 8è Y.OCTcX -ri)v cl:yop.Xv opôaaov<&c; E:Y!:'IOVTO (ol I ltpaoct) 'ŒXtJ.OC\fl~E:Vot p(~octc; TWV èM:twv, cr.t rc&pt -ri)v cl:yop<Xv èrc&cpÔY.<:aocv - -. 4. D'époque impériale sans doute, mais cette petite cité arcadienne récemment restaurée devait rester fidèle aux anciennes traditions, Zeitscllrifl f. Numismal., XXIV, 1904, p. 66-67, pl. 111, 6; cr. Paus., VIII, 19, l.
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autels, los sLaLues honorifiqu es ct. leurs bases, les exèdres s 'alignent encore en bordure de la grande rue qu i longe, a u ., l'agora de Priène ; ils envah issent, même les façades des port.iques ; m ais aucun e construction massive ne vien!. couper les perspectives el ro mpre les oiTel.s des vasLes colonnades du pou rtou r . Le temple de Zeus Sosipolis, sur l'agora de Magnésie du Méandr e, semble faire except ion. E n ta iL, ses faibles proportions l'isolenL des colon nades eovi.ronna nles (fig. 70).; sous a ucun angle, il ne peuL s'in tégrer au cadre archi tedural que dessinen t.. les porliq ues 1. Cetto indépendonce est; très éloquenl.e, si on la compare à la co mposition d u Corum de Pompeï et à celle de lous les forums impériaux. A aucun moment.., les sl oa i ne peuvent ût.re considérées comme le cadre d'u n M ifice plus imporLnnt qu'elles seraient. char gées de mei.Lre en va leur ; elles son t traitées pour elles-mllmes el. la cour resLe bien dégagée. Souvent m~mc, le nivellement., les travaux de terra ssement nécessaires il ln présent.at..ion de l 'aul é sui· va ient de loin la constru ct ion tlcs édi fices de bordure•. Rare ét..ait. une agor a en tièrement dal l6e comme celle de Magnésie d u Méandre 8 ; certaines l'êt.aienl. part..icllement (Thosos et Corinlbc) 4 ; dans les cas les p lus fréquents, l'aulè p résentait.. un sol de Le rre battue ou de moellons pris dans une couche de ciment. (Corinthe), remplacés à l'époque roma ine par des hélons p lus solides. Seule la bordure de la p lace retenai t l'atl.ention des architectes ; e'ét.uit. une conséquence de l'hisLoire de l'agora, qu'elle rot ancien ue ou m oderne~. ~ n'est. point ln I'Ccherche d'une uni Lê pad aiLe d e la co mposition qui, nux époques classiq ues du moi ns, para11. être la r ègle. Choq ue édifice est t raité pour lui-mèrne. i ndépendamment des a ut.res composan tes. Il semb le même que les architectes aien t soin d'éviter les e!Tel.s d'alignement, les perspecLives t rop horizon tales et t.rop linèaircs. P ar un très réel souci de mettre en voleur les masses ct. les volumes, ils fon t 1. Plnn reslllué e~ pcn1p~Uve dans J>. Krisellen, Die grieeh . Sladl, pl. 24. 2. Exemple du Pirée, S1111.', S l3. 3.. Magnuia am .11.. p. 108. ~ . A Thas~. région E. el l'.·E.; l rArinthc, AJA, X LI, 193?, p. 542-:..13; Xl.. Ill, 1!13!1, p. 2&>-2M. :;. C'est è une lnOuenee romoine, me aemblc+U, qu'on peul a ttribuer le g<>nt
des dallages, aux richci eiTels polychromes; les étole rornuins des (;(lrinlhe, Cyrène rappellent ~insi les forums impérloux do Rome.
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L'IN'FLVENCE DE LA COUR PÉRJSl 'YLB
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u n large emp loi de la composition en t er rasse. La place centra le de l'agora de Corinthe était dominée par la fa ç.ade imposante de la stoa méridionale , élevée su r u ne terrasse qui fut agrandie vers le N. à l'époque romai ne. Le « Portique Sacré • de Priène se dressait sur un terre-plein bordé de six gradins 1 . Au ne siècle av. J .-C., le motif r eçoit une ap plicalion systéma tique dans l'état « pergaménien • de l'agora d'At.b ~ nes; la stoa d 'AI.tale à l'E . et la double stoa d u S. étaient mises en valeur par un e puissante terrasse bien dégagée ~. Les arch itect es de Pergame ont largement uWisé la co mposition en terrasse et ont contribué à l'extension de ce motif ; ils ne l'avaient point inven té. Dès le vc siècle, Ictinos, à l'Acropole, en ava it, tiré les plus heureux effets pour la présentation du Partbénon• et, vers la même époque, l' Héraion d 'Argos est remarquablement aménagé en t errasses successives. Nous sommes donc bien en présence d'une recherche consciente qui pouvait servir , comme à Priène et. plus Lard à Corinthe, à séparer les centres adrn inis Lratils et r eligieux d e la z.one morchande réservée aux boutiques ct su rtout qui permettait d'aérer eL d'articuler une composit ion qui devait rester largement ouverte aux couran t s de circul ation. Ce n'est point que cel-te recherche de l'effet abou Lisse à ries com positions h eurtées et sans au cu ne unité. Pa r ce disposit i r, l'agora de Priène evite la morw tonie qui s'attache a ux plans Lrop recLilignes et dont les places de Milet n'étaien t sans doute pas exemptes. Les compositions les mieux réussies de cette tendance me paraissent être l'agora de la ,rille haute à Pergame et celle d'Assos. L'unité de la composit ion est ch erchée dans la souplesse des ar ticul ation s, d ans des co n-es ponda nccs pl utôt suggérées qu e dessinées. Toutes les conskuct ions sont enferm ées dans un réseau subtil de lignes convergen tes, contra ires à toutes les lois apparentes de la symétrie. Les stoai ne son t point parallèles, car elles obéissent au dessin génér al de la terrasse ; elles entraînent cependant le J'ega rd vers les édifi ces dont le rôle et les !onctions sont essen tiels, comme l. DonL l'erre~ 6t.oit encore
occcntu6 par les trois a cgrês d e la
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du porUquo, ce qui por!41t le niveau du stylo ba i.e à près c!e 2 m. au-dessus c!e I'aulè. Z. Le porLique N.-0. Cie l'agora Cie T Msos, avec moins d'ampleur, répondaiL dl:s Jo ,,. 5. à la mGmo prêoccupatlon. 3. C. J>. Swveru;, Hesperla, Suppl. II I, 1940, Il· 4·ï ; Cb. Picard, Jour. Sau., 1942, p. 120, n. 5.
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ÉLÉMENTS ET PRINCIPES DE LA COMPOSITION
le petit temple à l'O. et le Bouleutérion de l'E . Unité profonde qui n'est pas due simplement à l'association de rigides colonnades. Ni frontali té, ni axialité géométriques, mais un jeu de lignes parfaitement organisées. Tels sont les grands principes de la composition de l'agora grecque. Ils nou s permettent, sans contestation possible, de rétablir une continuité profonde entre l'agora ancienne et l'agora ionienne, continuité qui s'explique par la permanence et l'identité des fonctions. La composition architecturale reflète, suivant les meilleures règles de l'art de bâtir, le rôle fon ctionnel de l'édifice. 1 ) Evolution vers le plan fermé Du même coup, nous saisissons plus nettement la véritable solution de continuité qui interrompt l'évolution de l'agora à partir du ne siècle et modifie radicalement sa physionomie. On assiste, en effet, à une série de transformations qui font passer l'agora du type <
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Pig. 71. ·- Pergame. Agora de la ville basse.
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ÉLÉMENTS ET PRINCIPES DE LA COMPOSITION
portiques à étages, doublés de boutiques. Les entrées sont aménagées dans des chambres qui extérieurement ne se distinguent pas des autres. Le plan a été adapté à la fo rme ·et à la surface de la terrasse, mais on sent qu'il s'agissait surtout de mettre en place les constructions ; ce sont les portiques qui ont d'abord ét é dessinés pour occuper tout l'espace disponible; la cour n'est qu'une partie de l'ensemble, laissée libre entre les colonnades. Nous sommes en présence d'un édifice indépendant, parfaitement unifié, qui n'entretient aucune relation avec ses voisins 1 . Le parti choisi par l'architecte oppose très nettement cet ensemble à l' agora de la ville haute dont les éléments organiques ne son t pas reliés les uns aux autres, mais conservent une indépendance relative. L'unité de la place est organique, mais non pas linéaire. Nous avons donc deux formules architecturales correspondant à deux fon ctions différentes, conçues cependant vers la même époque puisqu'elles peuvent être toutes deux attribuées aux plans d'Eumène II, soit à la première moitié du u e siècle av. J.-C. 2 • A la tradition classique se rattachent les agorai ioniennes qui cherchent, par des transformations souvent artificielles, à se conformer aux nouvelles règles : Milet, Priène, Magnésie, Thasos permettent de déceler quelques-uns de ces procédés. Dans leur état final, toutes les places de Milet présentent l'aspect extérieur de la cour péristyle, complètement enfermée dans des portiques cont inus, reliés les uns aux autres, où l'on accède par des portes monumentales dont les façades sont richement décorées d'ordœs étagés. Il faut noter que ce résultat est l'œuvre d'une longue évolution qui ne s'achève pas avant le ue siècle a p. J .;-C. Nous avons vu comment la grande agora du S., prévue dans le Lracé du ve siècle, reçut peu à peu sa parure d'édifices d'abord isolés les uns des au Lres, laissant de larges passages au N., au S. et à l'O. 3 Une porte, de structure très simple, 1. Caractère de ce plan bien indiqué par A. von Gcrkan, Griecll. SIJdleanl., p. 101-102.
2. L'agora du bas fait partie, avec le gymnase, d ' une région intégrée au site urbain par Eumène Il, Hansen, Tlw .l lllalids of P ergamo11, 1947, p. 235. 3. Restitution de l'état de l'agora S. au milieu du n • s. av. J.-C., Milet, I, 7, p. 46-47, plan fig. 40. Le portique de l'E., d'après la dédicace qui lui est attribuée, serait du 1"' quart du m • s.; la stoa co udée du N.-0. est d'un style
L'INFLUENCE Dl:: LA COU R PÉRISTYLE
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ferma Je passage N. à une époque indéterminée!, premier sacrifice à la mode nouvelle. Mais il fallut attendre les grands bouleversements du n e siècle de notre ère pour voir l'esprit du p lan primitif modifié par le désir de transformer la place en une cour complètement fermée. Ce dessein entraîne la modification du plan de la stoa orientale qui reçoit un double portique par adjonction d'une colonnade intérieure ; les extrémités des portiques N. et S. sont abattues pour être poussées vers J'E. en direction du nouveau stylobate et s'adapter en même temps aux deux grandes portes monumentales 2 • Celle du N. fut traitée avec ampleu r et entra dans le programme d'aménagement de la place du Bouleutérion sur laquelle donnait sa façade principale ; elle n'entraînait pas de modifications dans le déroulement de la colonnade intérieure 3 • Au S., un simple passage, large de 3 m. 65, fut laissé ouvert dans le mur de fond du portique 4 • Ainsi l'agora assez proche mais déjà plus évolué, tandis que la technique de la sloa S.-O. l'apparente au Bouleutérion de la 1 •• moitié du u• s. 1. Milet, 1, 7, p. 47 sq. 2. Ibid., p. 5 1 sq., fig. 57. Les difficultés résidaient surtout dans l'ajustement des toits qu 'il fallait amener à un niveau voisin; dans ce but, il semble que l'étage de la stoa S. fut supprimé tandis que le toit de la stoa E. était surélevé par une colonnade intérieure dont les bases son t conservées; elles attestent l'existence de colonnes de dimensions beaucoup plus grandes que les colonnes extériflures. Elles soutenaient sa ns doute, en son milieu, une charpente qui prenait appui sur le mur antéri eur des chambres; un toit à double pente couvrait l'ensemble de l'édifice dont la larg. atteignait 14 m. 10 + 15 rn. 63 = 29 rn. 73. Celle largeur ne faisait pas difficulté puisque la colonnade intérieure sous le portique et le mur de refend, entre les deux rangées de chambres, dans l'autre partie, constituaient les supports int.errnédiaires des fermes. La nécessité de raccorder les t.oils par pénétration avait imposé cette harmonisation d es hauteurs. Nous ne croyons pas, contrairement aux auteurs (p. 53 sq.), que les toits des portiques hellénistiques au N .-0.,, étaient en terrasse. 3. Milet, I, 7, p. 123-124, pl. XV. Les 2 étages de la porte dépassaient le toit à double pente de la sloa N.; celui-ci fut coupé par le mur de fond de la porto q ui s'alignait sur le mur de fond du portique; le toit prit la forme d'un auvent et le vide qui résultait de ce changement, au niveau de l'extrémilé N. de la porte, fut bouché par un mur. 4. Ibid. , p. 59-60, pl. IV. La difficulté résidait ici dans la manière de raccorder le portique S. ella stoa E. légè rement plus courte que la distance séparant les deux portiques N. et S. Un artifice de construction permit de rattraper cette difTérence. On garde une partie du mur d'ante de la st.oa E., on prolonge le mur de fond du portique S. ct le décrochement entre les deux est bouché par un pilier d'angle. t7
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ÉLÉME NTS ET PRINCIPES DE LA COMPOSITION
hellénistique était transformée en cour fermée, -sau f cependant à l'O. où il n'y eut jamais de porte. Une évolution identique modifie l'aspecL primitif de l'agora
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Agora d'Éphèse.
de Magnésie. Tout d'abord, l'entrée du S.-O., bordée d'un e fontaine monumentale, était libre. Elle (ut fermée par une première porte à une époque qu'il est difficile de préciser 1 • 1. Magnesia am M ., pl. III.
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L•INft.UBNCB DE LA COUR Pé:JUSTYLn
Sou. l'ernpir
deux nouvelles colonnes doriques wnl placées don• le pa!!age el un pili-. Hnblil la jonction ~ntre les deux portiques'. Quelqu~ rores vestiges montrent que le m~me Lruvail lul exécuté ~ l'angle S.-E.•. La cour élnil done parloilemenl fermée el l'on y acctdn.it par des portes ouvertes
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ÉLâ~I ENTS llT PRINCIPE
D E LA COMPOSITION
elle aussi, n'es~lle pas le résul tat de travaux échelonnés et de consecrnlions sucees ives 1 Les deux grandes portes ne sont pas de la mème êpoque ; celle de l'O., par la technique des dét.ails, le style de3 bues de colonnes, celui des chapiteaux apparent.és aux forme.-; hellénist.iques de Priène, :Magnésie et Pergame, fut ronstruite vere la fin du u e siècle av. J .-C. 1 • Pnr conlre, la porle de l':mgle S.-E. est bien dalée de l'an 4, par la dédicace d'Auguste'. L:~ stoa occidentale présente elle a ussi de vestiges de murs, en a ppareil soigné, de technique hellénistique, bien diiTérents du st.ylc négligé de la stoa N. '· D'ailleurs le texte de l'inscript.ion de Timon, des environs de 80 av. J .-C., laisse cnLrevoir ceLLe constitution progressive de l'agora d'~phèse • . Les limit,es générales de la place furen t très ccrtainemcnl. fixées dès l'époque de la fondation do Lysimaque, comprises dans le pl:~n régulier qui fut imposé à la purl.ie basse de la ville. L'agol'a s'y trouvait englobée et son emplacement [ut réservé, suivant les habitudes de l' urbanisme ionien. L'étal impérial dc.'i H"· lllo s. a p. J .-C. q ui se\11 apparatt actuellement. ne doit pas ruiru oublier que l' histoire de cette agora est peu difTérent.e ùo cello des places de Milet. Même dr$ ar1orai d'époque tardive, en apparence pa r[aitement conformes aux règles du type péristyle, corrune celles
1. F onehungen ln Eplou<M, I ll, p 18 sq., 38-3!1, pl. [. Lœ ba•e• de colonnes intérieure' ont deux ocollu avec un lore cannelé; elles sont du mêmo lype que eerLo.lnes boses del:~. oloa N., réemployte8 lora de la rcconslruelion romaine do eo porUque (p. 101·~). Les cbaplleaux &onL! classer dans la même série que oeu>: do 14 &ollo des 6pbèbü à Priène (11• a. av . J.·C., Prl
L' INFLUENCE Dl! LA. COUR PÉIUSTYLE
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d'H~raclée du Latmost (fig . 73) ou de Nysa laissent des douLes sur
l'unit<: des constructions. On sait q11'à Nysaz les portiques étaienL ioniques sur les côtés N. et E ., doriques a u S. et à 1'0. En outre, les premiers n 'étaien t pas de proportions identiques ; la colonnade N. ét ait de dimensions plus réduites ; on ne sail comment ils se raccordai ent. La dat e reste aussi dans le domaine de l'indéterminé ; il faudrait, d' après Kou rouniotis, ad meLLre qu e l'ensemble était achevé au I" siècle av. J .-C. Notons d'aille urs que le plan t radi tionnel de l'agora rermée sur deux ou Lrois côtés seulement par des colonnades Landis q ue le quatrième reste disponible pour le groupemen t d'édinces civils• csl respect<:, sous l' influence de la t radition hellénistique, jusque dans les gra ndes fon da tions urbaines des débuLs de notr·e ère. Aspendos en P am phylie et Termessos en Pisictic en son t des exemples incontesta bles•. A Aspendos, la place H ait entourée de constructions sur trois côt<:s. A l'O., la bordu re élait constituée par un alignement de magasins précédés d'un portique; à l'E., pat· la basilique qui était elle aussi ornée d'un portique le long d e l'agora(?) et au N. par l'élégante façade d'un Nymphaeum qu~ ap rès le marché couvert cL la basilique, avait restreint la surfa ce de la place. Aucune construction importante ne semble avoir occupé le S. A Tennessos. l'agora était au cent re du quat·tier méridiona l de la ville. Elle était bordée de porliques au N., :i l'O. et sans doute a ussi à l'E. Le côLé S. étail ouvert, encadré, au S.-O., par deux construcLions anonymes; au S.-E., par un tombeau tnillé dans le roc qui pou r rait êLre un hérôon. Le portique occidental éLait l'œuvre d 'AUale et p résentait tout es les caractéristiques des construclions de cette série ; le p lan est le même que celui de la stoa athénienne due au mêm e
l . F. ICrlseben, Anl. Ralhiiustr, p. 23, pt '26; iei le plon et la disposilion des porllques rurenl nettement Imposés par la forme de la l.erra!!-•e compri$e entre un AS nc tuaire d'A l hênn et le. Oouleu t.érion. 2 . Vo n Dit'-l 1 Nysa tJd l'tfoeortdrt.trr'l 1 p. 3::t $tf·; 1<. l< o uro unioli$, Ardt. IJtllion,
VIl, p. 24 sq. 3. C'est. imJllicit.ement le disJlMilif que Vitn.1ve indique pour le plocemtnt de la basllique, V, 1, 9 . . 4. Malgré les insuffisa nces de L'exploration archéoLogique, LAnCk()ronski, Vllle8 de Pamphvlie cr Pi4idie, 1, p. 90 sq. ; 11 , p. 39 sq.
Ét.f!\JllNTS ET PRINClPllS DE LA CO~IPOSITION
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ÉLÉMENTS ET PRI NCIPES DE LA COMPOSITION
d 'un plan entièrement nouveau. Les colonnades ont été maintenues, comme dans l'état grec, au S. et au N. ; la basilique fermait le levant. En face, s'alignait sur une sorte de podium continu une série de temples consacrés soit à des dieux traditionnels, soit à des cultes nouveaux 1 . L'aménagement de la porte monumentale, au débouché du Léchaion, sacrifie certes à la recherche romaine du grandiose, mais les principes de l'agora hellénique restent efficaces. Il faut donc éviter toute généralisation hâtive sur l'évolution du plan ionien. Aucune agora véritable, chargée de répondre aux fonctions complexes que nous avons définies, ne se présente à l'origine comme un ensemble complètement fermé. A travers les étapes d'une unification progressive, nous retrouvons toujours l'empreinte des principes anciens et nous décelons les efforts qui tendent à intégrer en une unité artificielle des constructions bien indépendantes. 2,) Influence du plan péristyle
Sous quelle influence cette évolution architecturale s'estelle déclenchée.? Quelles furent les raisons d'une confusion qui fit associer plusieurs types d'édifices dont les rapports sont purement extérieurs ? Questions qui soulèvent le problème difficile des relations de l'agora avec la cour péristyle et celui, plus complexe encore, de l'origine et du rôle du plan péristyle dans l'architecture grecque. Ce dernier, à lui seul, mériterait une étude spéciale; car, dans l'état actuel de nos connaissances, sa complexité va bien au delà des limites entre lesquelles G. Leroux cherchait à l'enfermer 2 • Que ce plan ne fu t point familier aux architectes de la Grèce classique, on en trouvera la preuve jusque dans les incertitudes mêmes du vocabulaire. Le mot 7te:ptcr-.uÀoç semble d'abord employé comme adjectif pour désigner tout entourage de colonnes, que l'intérieur fût une cour 3 ou un 1. Sur l'identificaLion de ces temples., R. Scranton, AJA, XLI, 1947, p. 272273; Nesperia, XII, 1944, p. 315-348. 2. G. Leroux, Les origines de l'édifice hypostyle, p. 148. 3. Telle !'o;ÙÀ~ 7tEp(cr.oroÀoç du labyrinthe du Fayoum, dans la description d'Hérodote, II, 148, 153. Sur ce texte R. Vallois, L'architecture à Délos, p. 146.
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ÉLÉ MENTS ET PR I NC IP ES DE LA COMPOSITI ON
édifice 1 • Quand il deviendra substantif 2 vers les yve-me siècles av. J .-C., la confusion 'persiste puisque le même terme, dans les comptes déliens, désigne le ptéron du temple d'Apollon 3 et une grande cour péristyle de l'Asclépieion 4 . Les modernes font du péristyle la caractérislique d'un certain type de maison; mais dans l'antiquité ce sens esL tout à fait exceptionnel5. Malgré . quelques emplois épig n~phiques e, le mot n 'est pas du tout spécialisé dans la désignation d'u n type défini, indice assez net qu'il ne représentait pas une notion architecturale bien caractérisée 7 . C'est pourquoi il est nécessaire, dans toute étude concernant une (orme de péristyle, de définir nettement les types cL leurs divers emplois. Nous croyons pouvoir distinguer quatre aspects essentiels du 7te:p[cr-ruÀoç dans l'architecture grecque : 1o La colonnade extérieure enveloppant une cella, type que nous appellerons, pour éviter toute con fusion, la pél'islasis ; 2° La colonnade ct la cour ca eactéristiques d'un plan de maison défin i, privée ou publique, demeure bourgeoise ou Prytanée ; 3° L'ensemble des portiques q ui entourent une co ur associée à un parti plu s complexe (gymnases, palestres, Léménos, etc.), mais considérée comme un élément d'u n tout; 40 Les sloai enfermant l. Eu ripide, Andromaque, 1092, où il faut adopter, nous semble-t-il, la lecture du meilleur des manuscrits M : È-1 Tte:p~cr..U),OLç 8p6(Lo~ç, expression imagée qui désigne les promenoi rs couverts du ptéron aulour de la cella (et non pas 86!J.otç choisi par H. Suize, RE, suppl. V II, s.v. Perislylium, col. 953 et reprise par D. Robinson, Olyntlws, X II, p. 467). 2. Soit sous la forme 6 7te:p(crw),oç, Diodore, 1, 48 ; XV 111, 26 et i) m:pf.crw:t..oç, Polybe, X, 27, JO; soit sous la forme mplcr
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L'INFLUENCE DE LA COUR PÉRISTYLE
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une cour, le tout traité pour lui-même comme un parti architectural indépendant. Nous sortirions des limites de notre recherche en traitant longuement des deux premiers groupes. Par contre, l'histoire des deux types suivants nous semble avoir plusieurs points de contact avec celle de l'agora. Nous avons constaté que l'agora grecque ne s'identifie jamais avec une simple cour à portiques, sauf après des modifications tardives qui transforment la composition primitive et l'apparentent au groupe 4. C'est cette parenté extél'ieure qui a provoqué des confusions avec une série d'édifices auxquels s'applique exactement la définition de ce groupe ; nous parlons des marchés de plan péristyle qui, surtout à partir du me siècle av . .J.-C., se développent dans toutes les cités marchandes du monde grec. A cette série, nous rattacherons sans hésiter l'agora de la ville basse à Pergame!, le marché de Cnide 2 , (fig. 74) la place d'Aphrodisias de Carie 3 , le marché d'Éphèse4, celui de Pergés, une place de Xanthos 6 , l'agora romaine d'Athènes 7 , le marché de Corinthe 8 , l'agora
sloai, III, 13, 6 : ËcrTt Ill TL xw?tov ëxov crTo<Xç tv T<:T?<X'(WV'l> T<;i crx;-f)p.cc-rt po ur
désigner un marché de Sparte ; xex6crp:IJ-r<Xt I!È: rrÉ?t~ xbcn, dit-il du péristyle du temple de Zeus Sôter sur l'agora de Mégalopolis, VII I, 30, 10 ; par· contre rr<:?(crTu).oç désigne un e péristasis de temple, VI, 24, 10: v<Xèç &px;cci.:oç cr-ro<X'Lç tv XÔXÀ'l> rr:;p(crw).oç.
l. AM, XXV 11, 1902, p. 16-35. 2. Anliq. of Jonia, III, chap. 1, pl. XXIX-XXXI, C. Newton, Halic., Cnidos and Branchidae, Il, 8, p. 368, pl. L. S'agit-il de l'agora véri table? La proximité du port, son plan l'apparentent au marché N. de Milet et il faut sans doute chercher l'agora vér·itable plus à l'E. Le seul argument en faveur de l'hypothèse de Newton serait la découverte à côté de celle place d'une dédicace d'un secrétaire de la Boulê à Athéna Niképhoros et à Hestia Boulaia, II, 2, p. 771-773. 3. Antiq. of lonia, lii, chap. II, pl. IV-VIII. Sur les fouilles italiennes récentes, cf. E . \Vil!, RA, 1938, II, p. 228-231 ; .lacopi, Mof/.. A ni., 38, col. 96-168. 4. Vaste ensemble d'époque romaine avec chambres et portiques sur Je côté E . du por t, Forsclr. in Ephesos, I, p. 182-183, fig. 130. 5. Lanckoronski, Villes de Pamphylie et Pisidie, I, p. 47-48, plan, fig. 26. Place carrée d'env. 65 m. de côté entourée de portiques à chambres. 6. Place rectangulaire bordée de por tiques, présentée comme l'agora sur· le plan de T AM, II, 1, 1920, p. 95, qu 'il fa ut distinguer de l'ancienne agora bien localisée par· l'inscription de la stèle de Xanthias, O. Benndorf, Jahresh. III, 1900, p. 100, fig. 24; Tritsch; JHS, LXII, 1942, p. 40 sq. 7. Judeich, Top., p. 371 sq.; BCH, LXVI-LXVII, 1942-43, p. 325-326. 8. Marché romain a u N. du temple d'Apollon, AJA, XXXIV, 1930, p. 453454; Arch. Eph., 1937, I, p. 128-133.
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ULÉli ENT S liT I'R lN Cl PilS DE LA COMPOSITION
de Smyrne' et celle de Pnlmyre {fig. 75)t. T ous les témoignages épigraphiques ou nJThéologiq ues Co nt. de ces cours enlou rées tic sloni nvec bouliques des consLructions pa rtiellement, sinon exclusivernent., réser vées a u négoce• ; ce sont des (UixcUœ•. Leur extension à partir d u me siècle s'explique par le développement de la fonction commerciale de l'agora qui a pour conséquence la spécialisation des places. Le mouvement des écha nges, la nécessit é d 'enfermer certaines denrée , le goilt. des insl.n Ha lions p lus r-J.t ioruJelles contribuèren t à fnvor isl'r lu conslruclion de ces marchés dans t outes les villes ot) souvent. un renouveau de vie, à l'époque r omaine, ét.ait. dQ aux prog rès des relations commerciales. La similitude d es foncLions q ui parfois ét.aient. communes aux agorai et aux macella détermina u n mouvemen t d'inllue nce a rchil ectur·ale. Parenté de foncLions ct parenté de sLrucLure se sont développées de pair. Ce ty pe d'Mi lieu exi~t.ait avant. l'époque h ellénistique ; quelques vesl.iges •·epérés dc-ci, de-là permet tent d 'affirmer que le plan était connu dès le ve siècle av . J .-C. A Mantinée, il est peu douteux qu'u n macellon de ce genre a précédé, sur le côté N.-0. de l'agora, celui d' Épigonù et. les puissantes su bstructio ns de ~o n exèd re•. Le style des colonnes•, l'appa reil du soubnHsemcut. vrouven t l'appar tenan ce de cette constru ct ion Il l'ét.al le p lus a ncien de l'agora , voire à celui q ui précéda le d ioecisme. Dans la même série, nous p lacerons l'ét.lifiœ perisl yle de l' H éra ion d'Argos, plus par son pla n
1. Btlltlm, X>-VI, 1!11 3, p. 22'2 cq. '2. CRA 1 11140, p. 23!l eq.
3. Corinth, VII I, 2, p. 102; A J A, XXXI \1, 1930, p. 453-454; eontre e<~Ue hypotbm, o . Uron«r, A,..b. Bph., 1937, 1, p . IS0-133. Leur exi3Lenee est bien allestée ~ T~/ocl IG, v, 2, 11!3; 6 ManUnêe, Fougères, .\ f antinù, p . 18'2. Pau unias donne une d~fln11Aon de ce t ype d'édiflœ qu' il reneonl,.,.lt à Sparte, Ill , 13, G; d .•upm, p. 6'.!0.11. 7. •1. Sur l'origine Cl l'emploi du mo~ Camerv n, A J Ph., 1 ~31, p. '.! 19-250; RE, s.v., .Hacdlum, ou K. Schneider on rail une ill!lilution es~nticlle menl rom3ino; en réa iiU, t ype dï!diflec bion connu en Greee avant cette époque, cl. Infra. ~- O. Fougèrt.!, Man/lnù, p. 170- 181. Og. 4 1-15. 6. Slyle ancien ~n eongiomêrot stuqué. aux proportions tra pues; l'apporcll polygonal du soub~ 'lt~amont peut opporlenir lui-m~me au v• s., G. Fougères, ibid., p. ISO.
L' INFLU E NCE OR LA COUR PÉR ISTYLE
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qu e par sa fonction qui resle d~u teuse 1 : Il s'agit d'une cour recta ngulaire entou rée de porl1ques (cmq colonnes sur les côtés N. et S., six su r les co Lés E. et 0.) ; deu x des chambres
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qui ouvrenL sous le portique N. ont conservé les vestiges de banquettes ct de sièges qui apparenten t cet édifi ce à ceux, plus récents, de l'Asclépieion (?) de Tr·ézène~ et du sanctua ire 1. Waldstein, Tilt Argiuc J-tuar.um , J, p . 127 sq., pl. Vll, XX·XX!l ·
P. Amondry, llcsperla, XXr, 1952. 2. G. Welter, 1'rol:cn und J(alaurtia, p. 31·33, pl. 11-18.
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F.tf:liF.NTS F.T PRIN CIPES DE LA COMPOSITION
d'Épidaure 1 . Il prend place par ses caractères chronologiques en tête de la série 2. Ainsi l'archileclure grecque a connu bien ava nt l'âge hcllênisticru c le plan d e la cour péristyle, con çue et construite comme un édifice indépendant. Bien q ue la foncLion commerciale de ce plan ne soit pas exclusive, elle est très tôt prédominante ; elle connaîtra son plein épanouissement dans l'urb anisme h ellénistico-romain. F aut-il chercher ses origines hora du sol grec? CelLe enquête dépasserait notre but actuel et nous avons dêj à suggé1·é les directions oü elle doit. s'exercer (supra, part.ie I , cù. IV). A toutes les épo(jues d 'ailleurs, les Grecs ont pu trouver en Orient ou en Égypte des formes architecturales susceptibles de leur inspirer la con ception de tels édifices. Plus que des influences e.xtérieures, cc sont les conditions mêmes du commerce sur les côtes grecques ct. le rôle des emporia C[l.li ont. imposé l'évolu tion et. Le succès de ce pl.an. On a no lk que, aux époques anciennes, l'emporion sc trouve la plupart du lemps hors de l'en ce in ~e de la ville•, sur un terrain neutre qui exige une dêfense plus malkrielle q ue la protection des d ivirtités don t on occupe parfois une p ar tie du téménos . Ces nécessités ont dicté le plan des édi fi ees à la fois commerciaux et religieux rie la première concession internatio nale de Nau cra~is où cha pelles cultuelles et magasins d e v enLc enfermenl une cour d 'où l'absence de matéri aux a écarlk la colonne ~. A Milet, sur la baie des r)ions, u n des p remiers édifices compris dans la reconstruction du ve siècle 1. A ~piclnure, Milice p6rlsLyle du m• 6. dans la région N.-E. du L6ménos, Cavvadia.s, Tl> ' I.pô•J..., p.l58-lr>9. Les fouilles amé•·icnincs de l'.,gora. d'Athènes onL reconnu un édifice péristyle dans I'
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L'II'(I'LUENCE DE LA COUR P!Îl\lSTYLE
est. un ensemble péristyle de plan caJTé, avec porLiques e~ chambres adjacentes. Il n'a pas él é complètement dégagé, m bien êl.udié ; cependant, on peut cotlstaLer qu'il est de peu postérieur au grand b
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de Zeus Sôter.
gr·ande stoa co udée ùu porL~ ; c'est dans la première moitié du tv" siècle que cet édifice marque le premier eflort des Milésiens vers une organisation archi tccLur·alc conscienLe de leurs places marchandes. Au N. elu Léménos d'Athéna, sur l'aut.re baie, nous suivons l'évolution d'u n manhé depuis l'époque my c~nienn c. L'empo1·ion était déjà clans cette zone alors que la cité occu pai t encore le sommet. de J( alabaktépè 3 . Plus tard, un important dépôt marchand conLinua la tradition ; ltl
1. Mi/tl, !, 6, p. 89·91. Por l'emploi elu gnei5S el du poros, la conslruelion de ccl Mince r>eut être otlribuée fila l" rnoitio du ov• s. Z. I bid., p. 7 sq .. 90·91, pl. X.X ll i·XX IV . S. Milet, 1, 8, p. 13 sq .. 118-119 ; )!eyer, RE, >.:V, il. v . M ilelo•, col. JG3l·IG33.
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ÉLÉMENTS ET PIUNCIPES DE LA COMPOSITIO N
il ne reste que les substructions d'édifices dont le dessin rappelle un plan péristyle avec sloai et magasins ; leur orientation est indépendante du plan orthogonal, ce qui reporte cette installation pour le moins au vie siècle av. J .-C. Les entassements de jarres retrouvées in situ permettent d'évoquer le rôle de cet ensemble. Enfin au ne siècle av . J .-C., l'entrepôt prend sa forme définitive ; c'est une vaste cour, entourée par des sloai simples sur trois côtés, le quatrième étant fermé par un mur dans lequel s'ouvre l'unique porte. Ce n'est qu'un lieu de transactions ; les marchandises étaient entassées dans la cour, les portiques jouant le rôle de bourse du commerce. Ce marché était réduit à ses éléments essentiels 1 . La simplicité architecturale de ce plan répondait parfaitement à sa destination purement économique. Des portiques en général simples, entouraient complètement une vaste cour susceptible de servir d'entrepôt. On ajoutait parfois des rangées de magasins où les marchandises pouvaient être serrées. Complètement fermés, ces marchés constituaient des dépôts sûrs ; les portiques abritaient le personnel aux heures d'affluence. Aucun ornement, aucune fantaisie ne brisait la simple ordonnance de ces colonnades, en général doriques. On y accédait par des portes ménagées dans l'une quelconque des chambres qu'aucun caractère monumental ne distinguait. Ces marchés pouvaient être spécialisés ; on sait que celui de Corinthe était réservé à la vente du poisson 2 • Leur unité de plan comme la simplicité de leur exécution distingue nettement ces macella des organismes complexes que l'agora groupait autour d'elle . Néanmoins- c'est évident à Milet - ils ont eu une influence sur sa structure architecturale et ont contribué à l'extension du plan fermé . Mais cette influence n'aurait pas suffi pour obtenir ce résultat si elle ne s'était rencontrée avec un autre courant. Nous avons défini un type de péristyle où la cour et les portiques sont traités moins pour eux-mêmes qu'en fonction d'un édifice plus vaste qui domine la composition. Une parenté s'établit entre ce groupe 3 et l'agora par une communauté de fonction : la destination religieuse. Nous nous trouvons en effet en présence d'une certaine catégorie de 1. Ibid., p. 99 sq. 2. AJA, XXX, 1926, p. 49 sq.; XXXIV, 1930, p. 354-454.
527
L'INFLUENCE DE LA COU R PÉRISTYLE
sanctuaires dont on n'a pas suffisamment marqué l'importance et la place dans l'histoire des compositions ~rchitec turales helléniques. Ils représentent une conception plus
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1 Fig. 78. -
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unita ire et plus centralisée que le Léménos traditionnel où il est si diffi.cile de déceler un prin cipe d'organisation. Dans ce plan, les portiques entourant une place carrée ou rectangulaire sur trois ou quatre côtés servent de cadre à la façade d'un temple qui se détache su r la colonnade ; le temple peut être enchâssé dans les portiques eux-mêmes, ce qui paraît être la formule parfaite, ou bien il reste indépendant mais domine
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É LÉMENTS E T rRIXCI PES D E L" CO~ti>OSITIO N
pAr ses proporti ons la colonnade du péristyle. Les réalisations les plus représentatives de cette conception sont les temples de Zeus à Priène (fig. 76) et à Mégalopolis ( fig. 77). Le premier de ces t éménos est contigu au portique E. de l'agora ; deux sloai limitent la cour au N. et au S., loissant ent1·c elles u n espnce v ide de 20 m. 10 ; en profondeur, la cour aL teint 30 mètres. Le t em ple, sensiblemen t déporté vers le N ., est comme enchâssé dru1s une vnste salle rectangulaire adossée à la stoa de l'agora . A l'O., un mur de péribole ferme le tout. Les paren tés de t echnique el de style associent ce temple à celui d'J\Lhéna ; les deux constru ctions a ppartiennent à la fin n tl rvesiècle av. J .-C. La stoa m éridiona le du téménos est contemporaine du temple; celle du N. parait un peu plus récente, ce flu i ex pliquerai t les entorses fa ites à la parfaite axial ité de la corn position 1 • L' ml ité de conception est p lus net te à 1\légalopolis où tout l'ensemble a été dessiné eL 1·éalisé d'un seul jet. Des stoai à double nef entourent. la cour carrée sur les côt és E., N. et S. ; à 1'0 ., ln stoa compor te trois nefs et le te mple est complètemen t construit. à l'intérieur ; seule, la façade p rost y le h cxasl.yle fait llH illie; le pronaos à q ua t re colonnes est. al i1,'11é sur la colonnade extérieure du péristyle, le mur d e fon d ét.an t commun à la ston et au temple. L'entrée est à l' E., ornée d'un propylon à deux colonnes in nniis qui fa it. saillie a l'extérieur. Toute la composition esL parfait.emcnt centrée sur le grn nd axe E.-0 . 2• La da te de cet ensemble reste incertai.ne. Les détails cle constru ction révèlent une Lechnique p lus évoluée q ue celle des auLres gra nds édifices de Mégalopolis, d u Thersiliop et de la st.o a de Philippe; on y reconnat t la ma rque d'une époque asse z ava ncée (m c siècle av. J.-C. ?)'.Ce parli n 'est pas exceptionnel ; on le retro uve en divers points du monde grec. No11s revenons en Asie i\1iJ1cure av ec le sanctua ire de lo Mère des Dieux à Mamurt-
J. Wicgnnd-Sc hrader, Pritrre, p. 137- 146, pl. Xll · X Ill. 2. E:zœv. al M (lgalopoU•, Ug. 55; P. t<nobmuch, Arch. A11~., 194~, col. 148· 1'19. 3. Les ta mbours de colonnes sont scellés entre uux par 2 petits goujons carr~ plac~s sur les bo•·ds, Leebniquo qui ne peut êi.J"u anhirleure au milieu du m • •· Les blocs dœ mu rR, en eonglornê••nt., sont a•oumbl'-s par de larges goujons évasés, sans doule en bois, donL ln Corme s'explique pur la nature des molé ria u.~ ; elle ne peut consl.il.uer un indice ehronologl<[ue.
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L'INFLUENCE 0(; LA COU H PÉRISTYLE
J{alè, non loin de Pergame (fig. 78) 1. Deux slaai en équerre, fermées avec colonnade intérieure, délimitent le t.éménos ; le temple, isolé entre les branches extrêmes du portique, est siLué sur 1'axe de la composition ; sa façade distyl e in an lis s'aligne sur le mur in tér.ieu r des sluai. L 'inscription de l'architrave att.est.e une consécration de P hilétairos (283-263 av .
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Snnclu ai>e d& Dêmèter il Pri~ne. Ptli'UC O. de l'a,gorn de Pergame. Hérôo11 da Pergnme .
J .-C.). Le t emple, bien que de dimensions réduites, domLne l'ensemble p ar sa position su r un podium. Encore que pl us simple,le sa nctuaire de Déméter et de Coré à Priène relève de principes ilientiques (flg. 79). Une longue cou r (45 m.05 x l 7 m. 75) esL entourée de murs su r les q uat.re côtés ; au fond , s'ouvr e un temple à cella barlongue qu e précède un v es ti bu le distyle, p lacé dans l'ax e du propylon d'en trée, lui aussi réduit à ses éléments essentiels•. D'après le st-yle des nombreuses figurines ete terre cuite trouvées dans le sanduoirc, r.cl.te conslrucLion remont.e aux prcmiet·s t em ps de ln nouvelle P riène, vers le rrûlieu du lVe siècle.
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1. Con•e·Sehal.7.mnnn, Mnmurl·f(al
2.
Wi~nd-Scbrnder,
Prùn•, p. 147-155, fig. 119.
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ÉLÉMENtS ET PR1NC11'BS OB LA f:OMPOS ITl ON
J e crois qu 'il faut ajoute•· à ceLLe série des composit ions inspirées des m êmes prin cipes, ma is présen tan t q uelq ues var ian tes. L 'association enLrc temple ct port;iq ucs est. moi ns éLr·oite, mais les colonnades n'en constituenL pas moins le cadre q ui rnet en vale ur les m·a sses d u temple. C'est. Hermogénès qui , au début du ue siècle av . J .-C., a m is a u poin t la p lus grand iose réalisation de ce plan en dessinant l'Artémision de Magn ésie du Méandre '· Le tem ple de Dionysos à Téos, lui au ssi d ' Hermogénès:, et , p lus ta rd, le san ct ua ire d 'Athéna à NoLion 3 relèven L des mèmes pr inci pes. Dans ceLte Lignée , p rennent p lace aussi le plan d e la terrasse sup érieure de l'Asclépieion de Cos, vers 160-1 50 av. J .-C. •, le T rajaneu m de P ergame 8 , le t emple C de Corint he, au premier siècle de n otre ère 8 , et le sancLuaire de Ze us et d'.'\ rtêmis à Gérasa 7 • Enfi n le schêma fut adop té p our ce rtains hcr6a dont l'exemple Je plus caractéristique se rencontre da ns la nécropole de Téos : monum en L funéra ire reposant Sul' une fondation py ra midale, enLouré sur trois cô tés de longs portiques 8 • Il a u1spiré qu elq ues-unes des représenLaLions les pl us noloit·es de la peinture à suj et.s a rch itect uraux de l'époque h ellénist iq ue, en p ar ticu lier le sanctuai re à th olos rte la vi lla Boscoreale9. Susceptib le de nombreuses va riations, ce plan de pét·ist.yleLéménos a eu d es répercussions indén iables su r l'évol ution de la st ructure architectu rale de l'agora t rad it ionnelle ; n ous en avons quelques exempl es très nets. Toul- particulièrement, les d ive rses ét ap es de la const•·ucUon de l'agora N . de Milet 1. Magnesia am M., p. 39 sq. ; s ur Hermogtlnè9 el la date de ses créoWons, W. Hnhland, 13er. l'! . Rong. Arch. Ber/in, 19-10, p. ,123-42&. 2. P6 renl.é contestée pur Pullan, Ani. of l on la, IV , p. 3!1, maiS bien élolllle par Lelhuby. I bid., V, p. 10, 28-SO, coo.Jirmée por les roullles de Y. Béqulgnon ct A. Loumonlor, BCH , X J..LX, 1925, p. 29l·'l98, pl. V Ill. 3. R. Dema nge! el A. La umonier, B CH , X l. V I!, 1923, p. 3&0 sq., pl. X-Xl. 4 . /( 0$, 1, p. 72-73, pl. 37. a. A li. Pergamon, V, 2, p. 51, pl. X-XX I-XXX II. 6. Corlnlh, 1, 2, p. 131·149, pl. X VI-XVI 1. 7. C. H. Kraeli11g, Gml$0, p. 17- 19, 125-138 el plan l. 8. W. J, Hamilton, R ..earehts i n Asin Mu1or, 1842, Il , p. 16. 9. A. Snmbon, Les fresque• de Boscoreole, pl. IX; en dernier lieu, fi. Vallois, L 'arch. (! Dê/08, p. 2S l sq. qui indique qu elques rapprochements, en pnrUculier p. 351-3:)2.
L'INPL UENCE DE LA COUR PÉRISTYLE
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réponden t à l'application p rogressi ve_ de C?S pri nci pes. Ils ont. dicté la disposition du temple qu1 domme, de sa fa~ad~ prostyle tétrastyle, le côté occident.al de cette p lace ; amsl , au n e siècle a p. J .-C., elle rep résente une sort,e de compro m1 s
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Fig. 80. -
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d'Assur.
enLre les deux derniers t ypes de p éristyle que nous avons distingués. C'est a u ne siècle av. J .-C. 1 q u'u ne aile symét.t·ique lut ajoutée à la st.oa coudée qui avait éLé construite au début du Ille siècle. En même temps que cetLe deux ièm e sloa , le t emple fut élevé dans l'ax e transversal du marché encad ré par les ailes S. et N. des por tiq ues co udés 2 • La façade tétra1. Milcl, 1, 6, p. 23·:t6, 30 sq. 2. 11 comprend une cella presquG cnrrtc préeédM d'un vestibule qui tait une saillie de 3 m. 35 sur la colonnade du mQI'Ch(l; le vestibule ealSêpare des portiques par deu>< muri qui •• dèl.nchent do la cella, mais u ne porto permet la eireulalion de l 'un~ l'au !.re..
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h~MBNTS ET PII INCIPES DE LA COMPOSITIO:S
slylc !m ppnrl uil un rronlon qui domine le toit. des portiques udj acenls ; le molif est encore détaché par deux murs qui ven aient boucher, d e part et d'aulre, les deu.x premières lravées de chacu ne des ailes. Ce molir d' une colonn nrle p ré entée avec des proporlions plus ~trnntirs et plus mooumenlales, en relier su r 11ne nl'('hilecture linéaire plus basse, connattrn une grand!' ra veur à l'époq ue hellénistiq ue. CeLI.e nssneinlio n conslituera un des caractère- e entiels du c péristyle-temenos • el de 1:~ cour péristyle' . Quand le marché N. de Milet se fermera complèlemenl. d'abord par un mur , puis par une sloa, la façade du Le mple imposera le respecl dés disposi tions axia les ct. sy m ~t riqucs ; ln porl.e d'a ccès avec propylon disl y le scrn piarre sur ce~ ax e (Hg. 59-ti0) 2. A l'ngorn évoluant vers la cour fermée , le péristyle-l éméoos fourniL de:; nménagemenl.s de déta il et en particulier le dispositif des portes monumentales q ui viennen t s'io Légrer dnns les sloai préexistantes ; elles dégagent- leur façade Ms mu rs de fond, vers l'extérieur, cL harmonisc nl., à l'intérieur, leur ryl.hme avec celui des colonnades. Ces propylées son t de types \livers. C:crJ.n ins se fondent. dans la colonnade s:J. ns y oppol'l,l' l' de pe•·tu rl.>:.t~ion : telles les portes du côté S . de l'agora de i\laguésio ; ce sont de simple passages, ouverl.s dons le mur de fond des sloai entre deux salles, et ils cléboucheul sous le porliquc sans afTecl.er n i la couverture, ni La colonuaùe inl.érieurc 3 . 11 en va de m~mc 1\ Priène, aux angles S.-B. ct S.-O.• Ce syslème est oncien; il esL lié au premier él.at. de l'agora ionie nn e el. ma rque l'aùa pl.atio n de ce plan au résc:IU régulier des rues q ui su conl inuenl. ans he urt., jusq ue su r la p loce il Lra ver:> les porliques. P arfois le passage esl distingué 1»3 le ov• •· av. J .• c., ce molil ~~ 11nnoneé par le curieu.-.: disposiW
(saUIIe) e~ 14 m. 00 de longueur (hf'xa,lylf'), tong. toLale de la stoa : 0 m. ~G; long. de cha
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ÉLÉMENTS ET P RlNClPES DE LA CO~fPOS!TlON
des autres salles de la stoa par un motit de pilastres ou de colonnes engagées, voire de colonnes indépendantes, comme à Thasos, dans la st oa occiden Lale 1 . CeL ornement n'allecte q ue l 'in térieur de la st oa ; il prend place dans l'alignement des port es des magasins annex és aux: portiques. Pa r sui te du succès ren cont ré par le motif des façades enchâssées qui rompaien t agréablement le déroulement. un peu monotone des longues colonnades d'un péristyle, le plan de la por te se complique. En général, la façade principale est tournée vers l'ex térieur. Les passages sont percés dans le mur de fond des portiques, mais ils sont précédés d'un vestibule à colonnes ou à n iches qui fait saillie sur la rue. Des répercussions se font parfois sentir sur le rythme de la colonnade par l'introduction d 'un ordre différen t. Hermogénès a choisi ce pa1·ti pour le propylon qui, À Ma€,'1lésie, metLail; en communication l'agora et. le téménos d ' Artémis 2 • Les passages ét aient enca drés par quaLl·e colonnes ioniques in antis ; un fronton se dét achait dans le toit à dou ble versant de la stoa. Le dessin était répété d u côté d e l'agora, avec les deux piliers, les quatre colonnes ioniques et le fron ton 3 • Le pr opylon ét a il donc traité comme u n motif indépendan t, enchâssé dans la stoa, sur le modèle du temple de l'agora N. à Milet. A Éphèse, aucune des deux portes ne modi fi e la colom1ade du péristyle• ; les façades, là a ussi, accueillent. le visiteu r qui vient de l'extérieur. Deux rangées de colonnes ioniques, situées sur l'alignement des m urs de fond des chambres et des por tiques, encadrent les passages limités par des piliers quadrangulaires. Seule, la porte de l'O . ét a it décorée d'un dispositi[ monumental p récédé d 'une rampe entre pylônes 6 • A T hasos, le propylon du N.-0. reste ext érieur au plan d 'ensemble ; une large porte est ouverte dans le m ur latéral de la stoa occidentale et la façade 1. E ncore inMite, Ici Dg. 44.
2. Magnuin, p. 130-133, 01(. l3 ï , pl. Ill. 3. La jonction enlre lo l<>il du propylon eL celui de la slaa avait lmpos6 la bau leur des colonnes Ioniques qui élaiL égale à celle de l'ordre ionique inltricur, car 1~ colonnes correspondant à la oolonnadu médiane de la st.on supportaient a la rois l'&xlrémlt.A des laitières de la stoa el les sablières du propylon. d. Mêm& traitement dans la sloa du t.omple d'Alh6na à Pergame donL la façade &x t.érieure seule esL traitée avec ampleur, A ir. Ptruamon, Il, p. 50 OL 55, pl. xxx 1. 5. For.c/1. in Bphesos, p. 18-39, 12 sq., pl. l-11.
L1 1.NFLOENCE DE LA COUR PÉRl ST'VLR
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distyle domine la rue sur un perron auquel on accédait par sLx marches d'escaliers '. Ainsi, sous l'infl uence des deux types de périst yle, le marché et le téménos, l'agora traditionnelle évoluait elle aussi vers un plan de plus en plus fermé eL vers une conception architecturale différente de ses origines. Cependant, si les influences sont indiscutables, elles se traduisenL davantage par l'introduct ion de motifs limités que par des modifications généra les capables d'amener une con·fusion entre les deux plans. Toute notre éturle lJ montré ce qui séparait. J'agora d'un simple marché. ll fa ut aussi nettement la distingue!' du péristyle-t~ménos, ca•· ce sont deux partis a rch itecturaux relevant d'inspirations difi6rcntes. Jusqu'à la fln de son évolu tion, l'agora a ppartiendra au Lype de cour «conjonctif » où l'espace vide est l'élément primaire et s 'opposera au pét•istyle unifié, conçu et dessiné pour met.tre en valettr une façade dominante. E . Gjerstad a recherch6 l'origine de cc dernier pla n assez loin dans l'espace vers l 'Orient et assez ha ut da ns le Lemps, jusqu 'à l'époque de la troisième dynastie d'U r 2• Les divers maillons de la chatne qu'il a nouée sont d'inégale valeur et, quelques-uns auraient besoin d' une révision sérieuse 3 • 0 reste acquis cependant qu'une même tendance a favorisé, en diverses architectures d u monde oriental , l'éla boration d'un type de sanctua ire basé sur ce rôle secondaire des portiques. Plus que les notions d'a.xialiLé, de frontalité ou de symét rie, c'est le principe de la dépendance des porUques par rapport. à l'édiilce cenLral qui me parai t êt re le facteur déterminant de cette évolution, les aut res notions n'étant. que les éléments secondaires, les moyens pour parvenir au résultat•. Sans écarte1· 1. Eludes liwsiennes, Ill, l.'Agl»'a {à pnrattre) . 2. E. Gjerstad, Opu8. orcll., Ill, Hl44, p. 40-72. 3. Ayu11l adm is comme principes essentiels de e
de l)oura ou dans l'ogor\l parthe d'Assu~ Invoquée par l'auteur, o. c., Hg. 22-27. Si noua l'tcarlons cependon ~ co sera iL plutOt à cauae de son maoque d'unit.6 profonde ; pour nou!, celle cour appartient encore au t ype , conjonetïr •.
036
BL~~ŒNTS RT rntNCIP [lS D B LA COMPOSITI ON
aussi n eLtement que le fait. E . Gjer-3la.d le souvenir de l'architecl.ure mycénienne - la cou r de Ti.rynlhe repose déjà, con sciemmmen t ou non, sur ce rapport de dé pendance entre la façade du mégaron ct lf'..s po rtiques environnants - , nous serions plus sensible encor-e à cer ta.i.nes consl.ructions assyriennes ct. parLhes do nt quelques-unes sont. co ntemporuine8 ùe celles que nous éludions ; elles oiTrent des rapprochements plus pérempl.oires que les formes babyloniennes•. Ln • JIJ:Uso n des F êles • d' ssur , da ns son deuxi ème état", est une réalisation magistra le de ceLte tendance { fig. 80). La façade de la gra nde salle est l roitée comme le matH indépend ant. ct. princi pal auquel les regards sont amenés par les portiqu e~ la t ér3 ux où il faudraiL déceler , d it-on , une influence étra ngère . .Mais à Suse même, des édifices considérés comme des temples du !eu 3 , a u 1v~ si~cl e av. J .-C., ra pprochés par Oelmann de temp les na bat.€-e ns, comme celu i de Seeia.S i•, son!. inspirés par ln mll mc co nception archi tectura le que caract érise un e fn!;ade surélevée domi.nant u ne cour périst.yle ; ils justincn t, l 'expression utilisée par Polybe dans la descr ipt ion des pa lais d ' Ecb atane : iv -ro:i:ç a-.o«i<; x«l -:tepta-roÀO L~6. Le type restera prospère dans l'architectu re religieuse do Syrie à l'époque roma ine, o{t les inll uences h elléniq ues se mêlenL à des Lraditions locnlcs 6 • Vour notre recherche, et en liaison avec nos conclusions uu lérieures, il n 'esL pas indi!Téren t q ue nous soyon:; repa r Lés :\ nouveau , par l'un cl l'autre coura nt, il une or igi ne commune, aux conslruclions de Sendjirli, oCI lrs espaces s'organi enl :\ l'intérieu r de p éristyles encor e irr6guliers dont l'un des côt.és e t dominé par la p uissante structure des Bii-IIilani, surélevés sur un podium bordé de 1. E Ojrr'll-'<1, o. c., p 47 r.q. ; Il foudrull diiUnguer eneore lu ensembles
qui comportent vér~lablemen~ un édifice dominant une compo!'illon eL ceux qui ne sont, commr lo temple d'Aiiur (fig. Il ), aue l'arrang~menL d' une selle parmi d'o utre.' salles &ur lo bord d'un espace vide. '2. W. Andra~ [)ni wttdtrtrst. rluur, 192$, p. 1'23 sq., Rg. 48. 3. M. L>ieulofoy, L'flti'OfWI< dt Su.e, p.
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ÊLHMRNTS I!T PRI NCIPE<; DE l.A COMI'OS ITlON
~clin s. C'est ~
ceLl e t rad ition solidement implantée da ns les a rcll ileclu res orientales, an térieures ou r ontempora ines de leu r ép anouissemen t. qu e se rattachent les consLrucLious helléniques dessinées su r le plan du périsl.) le-téménos. Les Hellènes en onl con nu les réalisalions a u cours de leurs fréq uents conl nr ls avec ces pays, à tou les le5 époques, et les ont odnpt.ées aux formes particuliè res de leu rs snn ctuaire..'l. Du même coup, nous voyons Lout ce qui les disti ngue de l'agora dont l'histoire est plus complexe, plus sinueuS6, parce q ue liée à l'évol ulion d'une formule polilique lout à fait origin ale. •
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Dès lors s'éclairent aussi pour nous les dilTllrences qu i séparent les pri ncipes fondnmcntoux de ces deux composit ions . Le périslylc-téménos conserve de so n origi ne une cer taine rig idité cl., en Lou l ens. UllC com plète unite de dessin et de conce rlion. Il ropond assez so uvent, sin on Loujours, nux p•-incipr.A forrnullls par Gj ers\.ad : axi ali té, symétri e, fronLali t.é, pnrr,c qu ' ils sonl les plus apLcs à ob ten ir le but cherché. Les pori iques sonl des accessoires de la rornpositiou , des formes mises à la di sposition de l'archil.ecle pour limiter au mieux J'es pace où doit s'i nS('rirc la façade de l'édifice prLn ci pal. Celte raçade est mise l'fi valeur par le portique du rond su r lequel elle sc Mt Hrht>. Pour oviter toute confusion, on estompe parrois celte 1nile de ron d en supprimant, Lotalement. (comme au lemrlc dr Zeus à Priène) ou parliellemenL (comme su r l'agora N . de .Milet..) la colonnade de l'arrière-plan ; on peul dégager même, comme à i\1amurlr Kalè, les parois latérales du Lemplc ct, en pous,an t ceL efJet. dét.acher entiè rement. le temple et le placer en nvnnl du porlique. La composi tion est en généra l fronta le eL nu us 'oyons dans presque Lous les cas le p ropylon d'rn lrée be déplacer avec le t emple q uau d celui-ci n'es t. pas rln ns l'nxc de la co ur. Ces priu<· ipes t rouve ront leur complèle expression da ns les rorum s im périn ux. Ca r à notre a nalyse, on a reconnu la définilion même d'un tel plan 1 • JI n 'est pas inditlérenl que Césa r, remanian t a près P ha rsale son forum auquel il ajouta le temple 'de Vénus GénH rix 2 , ait voulu en fa ire un téménos et 1. Cl. l'nnalyse do CC8 principes d n.u l'et11d& CJttc de E. GJerst.sd, p. 4 1-44.
2. Thnmsen, At/a l n•l. Su.,;. /loma, V, 1941, p. 195 sq.
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f~Ü:MENTS ET PRIN CIPES DE LA COM POS ITION
une ago ra, réservée aux trib unaux, to ut. co mme les agorai des Perses, nous dit. Appien 1 . Il n 'est pas prouvé que Césa r ait voulu imiter la forme m ême des lieux d'assemblée p erses, mais il avait conscience des liens de parenté auxqu els sa constru ction se référait.. L'agora parthe d'Assur le montre bie n , qui se ra ttache à cette même t rad ilion 1 • S ur la base d ' un t riangle, dont. les deux a utres côtés étaient bordés de sloai , s'élevait un temple avec péristasis; la disposition évoque les grandes lignes de l'ago ra d 'Assos. Onns le plan rlc Césa r (fig . 82), sy métrie et ax iali té sont respectées ; le temple est séparé d.Js deux port iques dou bles lat érau.x, sa fllgade étant align ée sur le mu1· de retou r des sloai. Le plan cl tl forum d'Auguste relève des mêmes conceptions, mais le temple est avancé ve rs l'inlérietlr de la place. T ous les aut,res (11g. 81-82) obéissent aux mêmes règles et ce ux des p royjnecs, avec quelques va riantes, se conrorm en t à ces données fondament.ales. Celui de Pompeï" illustre cu rieusement, le passage d 'un type à l' autre (fig. 83) . La forma lion de la colonn ade a été progressive et le plan origin el, enserré dan s le réseau des rues, ne différait pas du schéma ionien ; la fo1·me définitive qui met en valeur le temp le de J upiter répond exactement aux principes du « t emenos-l;ypus • . En race de ces compositions organiq ues, aux ügnes prépar6cs, aux proportions calcul ées pour la mise en va leu r d'un élément. prédominant, l'agora grecque co nser ve des ca ractères originaux qui détermi nent u ne coupure radicale entre elle et le forum. D'abord, il est très rare qu' une fa çad e joue un rôle prépondérant. dans Ja co mposition . L 'u n des côtés de l'agora, comme à P ricne, à Corinlhe, à Athènes, à Magnésie, peut prendre une place toute spécia le par sa fonction ; ca r là se sont. groupés les cent.res administrati(s ; m a is arcru tecLura lemen t cette prédominance ne s'explique par a ucu n motif part icul ier, elle est. même souvent el:facée p at· l'a lignement artificiel que lui impose un portique semblable a ux a ut res. D'au tre part, même quand la com position n 'est pas le résu lta t. d'une j uxta position p rogressive des édiflces autour d e la place, mais présen te une unité réelle, comme à Priène ou à Milet, elle ne repose jam ais sur la recherche 1. Appien, De b
L'INfLUENCJ3 013 LA COUR l'É RISTYLE
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des eLTcts de symétrie ou de frontalité. Bien au con traire, les impressions de perspective, la présentation par les an gles son t préférées a ux compositions fron tales. L 'architecte grec recherche des e!Jets de lig nes el de volumes pl ulôt que de surfaces monumenta les. Les entrées sont toujours déplacées vers les angles, résull;at ma thômatiq ue sans doute de la situalion de l'a"'ora à un carrefou r ou à l' intérieu r d'un .r éseau 0 orth ogon al , en bordu re d'une grande 3r·tère, mais en défin iLi ve recherc]re consciente d'u n eJTeL esthétique. La découverte frontale de ces vasles alignemen ts, où l'étendue des portiq ues réduisait les proportions en haut-e ur et les l rruJ.:;formait en un déroulement horizont a l monotone, aurait provoqué une impression d'écrasement d'abord. de sécheresse ensuite. L 'alternance des ombres et des clairs a tirait accru ce sen t iment de rnonownie. Or, la découverte de vastes colonnades en perspedive modi fi ait tou tes ces impressions, transfor mait les résultantes hor izon tales en lignes fuyantes et les combina ib ainsi aux facteurs ver ticaux. Le jeu des vides et. d es pleins s'enrichissait de nuances variées à l'infini, car les angles d'éclairage étaien t constamment changeants. Le goût pour les s/oai surélevées répondai t a ux mêmes préoccupations ; elles cherchaient à rompre, par tous les moyens, la monotonie de l'horizontalité et de l'alignement. On a p u constater ailleurs la mème préoccupation ; I ctinos a voulu lui aussi que le regard saisrt d'abord le Pa rthénon par un angle; aux impressions de lignes sc combinait ai nsi avec plus de force le sen Limen t du volume de l'édifice. L e pllleri n de l 'acropole déco uvrait, par la hard iesse de son archi tecte, le monu · m ent de la Déesse dans ses Lrois dimensions. En franchissant les portes des immenses places ioniennes, le promeneur ne voyait a ucune des colonnades sous le même angle; tou te la corn posi l,ion sc dérou lait devant. ses yeux avec u ne am pleur de lignes el une richesse de lumière que la présenta Lion frontale aurait partiellement. détru ites. Dessins et voltrmes se complètent. remarquablement., car t ou tes les composantes changent à chaque instant. Es thétique d'artiste s'opposant à une esthétique de géomèlre, esthétique animée et viva nte s'opposan t à une esLhét.ique en r·epos, l eUc est la leçon qu'en définitive nous permet de formuler l'étude architectu rale de J'agora grecque.
CONCLUS I ON
Sous la mul tiplicité des aspects et des formes, l'histoire de l'agora présente une remarquable unité. Elle la doit aux conditions mêmes de sa fo rmation. Création originale de l'urbanisme grec, elle en porte l'empreinte. Elle part icipe à l'anarchie et à l'irrégularité des citês archaïq ues de la Grèce continentale i sa structure est alors inférieure à son rôle moral. Installée au carre!our de quelques grandes rues, elle en épouse les détours et les sinuosités i elle associe, sans souci d'ord re ni d'estMtiq ue, des édifices aux formes multiples dont l'unité n'est pas architecLurale, mais fonctionnelle. Il ne pouvait être question de nous at ta rder à l'étude de chacun de ces édifices ; seuls leur arrangement et leur groupement nous intéressaient. Enceintes sacrées, chapelles et sépultures héroïques se mêlaient aux salles de réunion, aux bureaux, aux dépôts d'archives, et, par la suite, aux boutiques et aux magasins. Les éléments en étaient. empruntés aux formes tractilionnelles e~ aux plans que l'on retrouve communément sur les au tres points du site urbain, soit dans les sanctuaires, soit dans l'architecture domestique. Ici encore, politique et. religieux , profane et sacré sont étroitement associés. Si l'agora ne présente aucun raciès caractéristique, on voit apparaître les éléments qui constitueront, au stade suivant, l'originalité de sa structure. Les sloai ollrent déjà aux assemblées, aux tribunaux, aux flâneurs enfin l'abri de leurs colonnades, le cha1me de leur décoration parmi lesquelles des peintures célèbrent les gloires nationales, historiques ou légendaires. Mais elle ne difièrent point. de tou tes celles qui ornent les sanctuaires des dieux un peu partout dans le monde grec. D'où viendra donc l'impulsion qui va distinguer l'êvolution de l'agora de celle du sanctuaire et provoquer la formation il
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RECHERCH'ES SC!\ L 1AGOIIA CRI!CQUI!
d'un type d'édifice co nsLruit, orga nisé, aya nt. ses propres lois de com posilion ? Qui fait. passer en un mot l'agora de l'onruchj e à 1'ordre, de la multiplicité inorganique à une uni Lô composée? C'est par son intégration étroite ou réseau régulier du damier ioruen que l'agora ~e t rouve orienlke vers un lype bien défini. C'est un racLeur in terne qui enlre en jeu et détermine l'union des 616meots d'a bord dispersés. Il ne faut donc pnA élabür uue séparation radicale entre les deux types. L'évolution suit les progrès du plan urbain. Dans la ciLô en plein épanouis ement des ve-1ve siècles av J .-C., les fonctions de l'agora sc sont crisl nllisées avec plus de netteté ; son rôle est devenu prédominant, effaçant celui de l'acropole· qui disparatL des créations urb aines récentes. Le choix de son emplacement n 'esL donc plus bissé au hasard. Dnns le tracé rigoureux du plan ionien, elle reçoit une place hien dé finie, si non privilégiée . Sa structure doit se sou mcl lre à la régularité d e l'ensemble. nien ne pouvslÎl mieux co nvenir à ce dessein q ue les longues s/oai qui vont so développer autour de la place et l'enfermer su1· Lrois côLôs a u moins, le quatrième restant librement. ouver t a u long d' une grande arLère de la cil é. L'ossature de l'agora cL ses lignes essentielles étaient ainsi trouvées cL lw donnaient son aspect original ct rtMlnit ir. Cette coroposiLioo matérialisait dans le groupement, urba in les fonctions pr6dominantes de l'agora dn ns la Polis. Otu1s u o type comme dans l'autre, le l racé des rues était à la base de la composilion ; le même élèment. qui, dan5 le premier, interdisai t tout ~roupement. organique, impo~a it a u second ses formes [on do ment.ales. L'évolution de l'agora est donc étroitement dépendante de l'histoir e du plan u rlmin ; elle ne sau rait en èlre séparée. On r econ no tt a insi la üa ison d 'un t ype à l'a ut re, la permanence des mêmes principes. Cette continuité était imposée par la si miliLude des fonclions qui se traduisai t. par le respect des mômes lois. L'agortl ne pouvrut être un élément isolé, fermé, complHement cou p6 elu r este de la cité, puisqu'elle en élaiL le centre politique, mora l et, d ans une large mesure, économique. Les ra pports devaient. être a isés et rapides entre elle et les rues avoisinnnles ; là, nbouLissaien t les grands couran ts de circulation. Faire de la cou r fermée le typ e déûniW eL parfait de l'agora grecque, c'est commettre un e grave erreur sur son interpr6tntion el son rôle ; c'est m6connattre l' importance et la nature de ses
CONCLUSION
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fonctions, c'est fa usser l.es lois de toute sa composition architecturale. L'agora grecque ne puise pas son originalité dans les t raits et les formes de tel édifice particulier ; elle ne dérive en aucune façon d' un mod<:le étranger. En a ucune des civilisations voisines ou antérieures, nous n'avons rencontré un complexe d'édifices capable d'avoir fo urni aux architectes grecs un modèle déterminé q u'ils pouvaient adapter aux nécessités propres de leurs cités. Seuls, les éléments ét aient connus. Les archi tectes t rouvaient en effet dans les diverses t raditions qn 'il est possible de déceler aux origines de la renaissance archaïque, les motifs et les formes qu'ils utiliseront dans leurs créations. Le portique et la stoa constituaient , dans les pla ns des a rchitectes minoens et mycéniens, des motifs d'une grande souplesse, don t ils jouaient avec a r t et aisance pour aérer leurs compositions et orner leurs façades. Les Grecs surent retrouver, après eux, la même mattrise; ils fi rent une place plus grande encore à la stoa indépendante qui donne à leurs créations urbaines une physionomie originale. On peut s'étonner de la simplicité qui fut toujoul'$ de rigueur dans cette architecture civile ; la décoration était r6duite à l'extrême; il faut attendre des époqt1es tardives pour voir les portiques se charger de lourdes guirlandes eL de motifs luxuriants. En général, la composition reste fidéle à l'ordre dorique. Elle en maintient la netteté et la sobriété. La loi fondamentale de l'esthétique archi tecturale des Grecs reste prédominante ; elle ne vise qu'à la parfaite adaptation de l'édifice à son rôle et à sa fonction . Le but pratique de l'agora n'esL jamais oublié ; la place n'est jamais t rai tée comme un simple enjolivement du groupement, urbain . C'est la grande leçon d'urbanisme que nous permet en définitive de f01·rouler ceLte étude architecturale ; très exactement intégrée à la cité, l'agora est déterminée par ce cadre- avec lequel elle reste toujours en harmon ie. Les développements exagérés, hors de p roportions, les excroissances gigantesques qni s'accrochent à la cité comme un organisme parasite n'apparaissent qu'après la décadence de la Polis ; le sens de la mesure [ait place à la recherche du grandiose, mais l'hist~ire de l'agora grecque esL terminée. Image fidèle de la cité antique, elle en a subi toutes les vicissitudes ; elle a participé aux dures épreuves des origines
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RECH ERCHES SUR L'AGORA GRECQUE
don t elle a gardé longtemps le visage meurtri et buriné, aux trai ts contractés. E lle ne s'est épanouie qu'avec la belle période classique, réalisant dans la pierre et le marbre le simple et harmonieux idéal de la cité grecq ue. Celui-ci mort , elle aussi s'est figée dans les traits d'un être privé de vie que les transfu sions les plus énergiques laissent inerte. Née et créée pour remplir une fonction définie, elle se désagrège quand elle cesse de répondre à une nécessité vivante ; elle se décompose en éléments divers que des civilisations voisines essayeront de s'approprier.
ADDENDA
P. 211, n. 1, 1. Il :lire • de
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ADDENDA
P. 2'25, n. 2: L'lnscrlpUon de Chlos esL plus atellS5ibl~ dans ~1. N. Tod, G,..elt hilloricol irotcrlptlom, '· z• 6d .. n• l, p. 2-3. P. 236, n . 2 · sur ce lion, oymbole d'Apollon, étude de R. A. Cabn, Oie u-n dL• AptJllon, .\lut. 1/olv., VIl , l~, p. l8S-189. P. 2-lo, n. 5: AcompiHer par le m6molre de E.ll. Smltb, NGuuali&, 19'1.6. P. 338 : Sur Slllnonle el Olynthe, 110te de n. E. Wycherley, AJA, LV, IWI, p. 231-236.
P. 4$ , n. 1> : A propoo de~ le"
11\DEX ORS )lOTS CRECS
àryop.x,
liyop'lj : - d 3ns llomère, 18, 28; - dans Héslode, 151 ; - dons les l) rlquei, lbG-157 ; - di veu,
161, 169, 279-283. oiyopa li•:xYl<"lot : 296, 306. dyopil O:'O!ipcl
O:yop'ijç nX'I)0oUO>}Ç : 281. O:yopa OtCl• : 4.6, 169-1 7~, 244, '•'•1. O:yopotïoç : -OcnL, 156 , ·159, 161,169, 174. 'AyoP'I)i4 : 1 72. &yp•oç: 163 , 171. &yup!Ç ; 18-19. dyC:.v; 19, 22, 48 , 161,169, 2'•~· &y~..oç: Ocol ~'Ml, 161,169. &,,.c).M : 190. 6\a-ru : 359. ~...,3: 492.
l'oW·f, :
diUlS llomêre, 19-20. 8f.y.•oç : 30.
31.%?ii"YI'œ : 403. t8pcu. : !!9. tfL"'p!TJ : 280. ~«voç : 4.52. 6(;\xoç : 19. tl
26.
?;f,l-:ov ; a'. X!Ooç: 119. vtll'lcnç (vcvfl''l'""') : 960. ot>
I NDEX G:E:NSRALL
AosmE : édifice Il - , 48, 215, 231,232,272 ; - associee à un plan rectangulaire, 491,493. AGORA : ca ractères généraux, 101-102; fonctions poliUques, 149 sq., 279, 287 sq. ; fonctions religieuses, 164 sq. ; fonctions judiciaires, 151 sq., 292 sq. ; fonctions commerciales, 280, 283 sq.; - et assemblées, 287 sq. ; -militaire, 285 sq., 378380 ; cultes de l'- , 165 sq. ; - des dieux, 169 sq. ; rëtes, 204 sq.;- fédérale, 34; -et palais mycénien, 36, 96, 280, 288; - et acropole, 287 sq. ; - double, 125, 208, 229,241,244,288, 296, 336, 341-342, 368, 414, 429; - circulaire, 40, 42 sq.,55, 96;- homérique, 61-62;- llésiodique, 151 sq.; - interdite, 164-165;- et poli~, 101, 147, 297, 308, 369;- et sépultures, 47 sq.;- et sanctuaires, 35, 38, ZJ? sq., 406;- et théâtres, 248 sq.; - ionienne, 312, 372 sq., 378, 503 sq., 532; - fermée, 374-375, 420, 508, 5 18 sq. ; composition, 50? sq. ; - et plan urba in, 229, 235, 274 , 367-369, 372, 398, 401, 404, 415416, •120 sq., 432. Agora: nom de ville, 285. Aegae : agora, 425-426, 486 ; saJICtua ire, 465 ; stoa, 489. Aegion : 199 ; sloa, 495. Agrigente: temple de la Concorde, 452 ; Olympieion, 488. Agrinion : portique à pilastres, 458. Aioos : 178. AISYM I'IÈT ES :
30, 203.
Aixonè: 6 1. Alep : agora, 411. Alexandrie: agora, 412-415. Alinda: agora, 425 ; stoa, 426-427, 486, 489-490. L Les ehiiTres renvoionl aux pages, te:>:t.e ou notes. Les mots grecs ou étrangers sont transcrits en italiques ; les noms géogra.phlques son ~ en carnclères gras.
l'iD EX GÎi.NÉR.- L
551
Alkomènes: 183. ALLBGO!Ites: - dans Hésiode, 155;- à Perg-d me, 17 1. Amnisos: sauct.uaire, 6 1, 108; grolle d'llilhye, 95, 107; sancLuoire du port., 107. Amorgos: 22'2. Amrith : sanct.uoire, 78-79. Anlhippasio: 218. Aphrodlsias: 498, 501, 521. APHRODITE : A goraia, 189; Pondimos, 256-257; Pop/ria, 1G6. J\POLLON : lB<J-19 1 ; A goraios, 189; Lyheios, 190; Patroos, 190, 211,272 ; -dans le Pélopon nèse, 190-1 9 1. A PPAREI L : -minoen , 85, 88 ; hitliLe, 75, 13G ; polygonal, 227-228, 2136, 38 1 ; arch aTquc, 233, 203, 267 ; hellénistique, 426, 521 ; - sur les peintu res de vases, 255. Annnes: - s ur l'agora, 299, 3 18, 504. Arcésiné: agora, 500-501. Ancun.
-"'-? ;>..,_
INDEX G~Nfli\AL
Asinè: sanctuaire, 51. Aspendos: agora, 515. . A sSBMilLÉE :-homérique, 20 sq. ; - militaire, 22 sq.; - d' Ithaque, 32; - des Macédoniens, 47 ; lieux d'assemblée et sépultures , 47 sq., 51 sq., 124; - ct agora , 287 sq. .Assos: agora, 427-429, 50? ; stoa, 486,487,490; temple, 454. Assur : place, 70 ; agora parthe, 71-?2, 541 ; péript.ère, 72; Maison des fêtes, 536 ; temp les, 535-536. ATHÉNA : Ayoraia, 189; Aléa, 166; Hellolis, 216; Hippia, 215; Phrairia , 211 ; Poiias , 211,440. Athènes : li·ropoc &.px.cdo;, 256-261, 290. AE,'Ora du Céramique, archaïque, 255-273; d'époque classique, 299-300, 314-337, 5()4, 523; au 11 6 siècle av. J .-C., 431-433, 507; gradins, 252; orches/ra, 291, 322-324 ; perischoinisma , 325-327 ; autel des Dou1-e Dieux, 269, 320 sq., 326; Dodécathéon, 172; tholos, 42 ; stoa Basileios at stoa de Zeus, 320 sq., 466, 4?2, 496 ; Ennéacrounos , 258 ; P oecile, 317, 335, 496 ; temple d'Arès, 324 sq. ; bou lcutérion, 252, 264 , 273, 299,328 sq.; Métrôon , 328 sq .; a utel de Zeus Agoraios, 327-328; stoa cJ 'ALtale,488; péristyle, 524 ; tombeau de Thésée, 318 ; œuvre de Cimon , 316-319; Athènes mycénienne, 124; agora des dieux, 170; topograph ie, 124, 209, 256 sq., 298-299; cultes, 179-180, 183, 192, 258 sq. ; (êtes, 209 sq.; concours hippiques, 218 St!-; prytanée, 21l, 259, 271 ; théâtre de Dionysos, 44, 210, 323, 476 ; thtHl.tre du Mouseion, 252 ; Pythio11, 258 sq. ; Olympieion, 258 sq. Acropole, 260-261, 290, 468 ; P arthénon , 452, 454-456, 483, 507 ; st oa de Brau ronia, 468 ; Pnyx, 473 ; stoa de I'Asclépicion , 4.56, 486-48 7. Agora romaine, 521, 522. ATTIQUE : ordre-, 487 sq . ; proportions, 489. Aulè : structure, 504, 506. AUTE LS : - minoens, 90-91 ; -dans une st oa, 498. AXTALJTÉ : principe de composition, 411, 528, 532, 535, 538. Babylon e: place, 68; grands palais, 129 ; colon nes, 129-130. BALDAQUIN : 71, 79, 254 . B AN QUETS : - dans les sloai, 499. BCl$ileus: dans l' Iliade, 23 ; dans Hésiode, 151-152; en ll:lide, 152153 ; en Béotie, 153 ; 500. BASILIQU E : romaioe, 494, 5J 5, 518. Bm u oTHÈQU E : 494. Boghaz-K èiy : temples, 132 ; stoa, 132-133.
INDilX GÉNéRAl-
553
Bo1s : son em ploi dans l'arehitectur11 m inoenne, 92;- dans l'architect.ure hittite, 75 ; à Mari, 131 ; dans l' architecture arch aïque, 104 ; extension, 136 ; théâtres en - , 234, 250, 254, 323 ; colonnes en - , 264 ; p iliers en - , 485. Boubastis ; description, 64. BouCJ..IER:- d'Achille, 40, 43,44-46,202-204. BouLEUTéRJ ON: sép ulture dans u n - , 197;- d 'Assos, 42? , 429; d' Athènes, 252, 264, 270, 299, 333 sq.; de Corin the, 493 ; de Delphes, 239; d'H éraclée d u Latmos, 515 ; de Mantinée, 381, 473 ; de Notion, 431 ; d' Olympie, 242 ; d' Oiynthe, 387 ; de Priène, 44, 403. B RJQUES : h ittites, 75 ; piljers de - , 131 ; - archaïques, 104 ; m urs de - , 136, 227. Büjük- Kalè : salles hypostyles, 140 sq. Cahun : 65. Calautie : agora ct san ctuaire, 58,244-245; sloai, 435,451,467. Calchédoine : agora, 504. Calydon : stoa, 491 ; hérôon , 4()4. Carthage: influen ces, 349-3.'50. CARYATIDES: ord re à - , 138. CtnAMlQUil :représentations a rchitecturales, 254-255. CRAlNACE : extension, 104, 136. C HAPITEAUX: - minoens, 92;- archaYqu es, 123, 126;- doriques, 136 ; -ioniques, 142-143,231, 436, 459,514 ; - à palmes, 426 ; à protomes, 477 ; - de pilastres, 143 ; - de piliers d 'angle, 465. Charadra : culles, 196-197. C HARPENTE ; des sfoai, 452-454, 470-471 ; - de.-; temples, 452453. Chof'()i : 202-204, 2.34. . Chypre : coupes chypriotes, 45 ; sa nct uaires d u B. A. à - , 52 ; sanctuaires archalques, 79; sanctuaires à ciel ouvert, 142. Clazomènes : l 98. Cnide : agora, :>21. Cnossos: pala is, composition, SS-87 ; cour centrale, 83; portiques, 85, 113 sq . ; fresques, 90 sq. ; T lrealral Area, 85 ; chapelles, 107; rues, 81. CoLONNE : - égyplie.n n9, 12? ; -mésopotamienne, 129 ; - mosaïquée, 131 ; - maçonnée, 133 ; - h ittite, 75, 133 ; - mycénienne, 120, 123;- en bois, 129, 136, 264 ; - oblongue, 136 ;
554
INDEX GÉNÉRAL
- d'angle, 136, 464, 165, 477, 480; scellements, 528; bases de- ionique, 138,435, 514. CoLONJIES EN GAG SES : 48'3, 491, 534 ; en Orient, 129 ; - /) P érachora, 461 ; - d'angle, 464, 465. Colophon: agora, 341, 363-354; stoa, 462. CoNcouRS : - sur l'agora, 203 sq. Corinthe: ab"'ra, 338-340, 433-437, 506, 516, 518 ; st oa Sud, 435, 457-458, 492-493; sloai à ét.nges, 485, 48'3; ma rché, 521, 526; cultes et fêles, 2 12-217 ; oracles, 216. Cos : agora, 284, 408 ; marché, 500 ; Asclépieion, 458, 530 ; fètes , 222. CouPOLE : demi-coupole, 491, 492. Co un : - centrale des palais minoens, 83, 85, 114-1 15; - des palais mycéniens, 96-98, 121 ; péristyle, 524 sq. ; cf. Péristyle. CuLTllS:- des ancêtres, 49, 51 ; - chthoniens et agora, 56. CYI!aitha: agora, 223, 50<1. Cyrène : agora archaï(JUEI, 236; agora, 391, 486, 498 ; Batlos de Cyrène, 198. Cyzique : quartier de la ville, 170. DA LLAGE :
506.
Damas: agora, 41L
Délos : ét.nt mycénien, 237-238, 437 ; places Mcrées, 237-239, 439440 ; agora Tétragone, 440, 44'2.-443, 465, 532 ; agora des Hermaïstes, 444 ; agora de Théophrast.os, 444-445 ; agora • internationale~. 441-442; paslas des Italiens , 445-445, 487 ; Artémision, 238, 437, 465 ; st.oa des Naxierls, 449, 459 ; portique de Philippe, 443, 454 ; portique d 'Antigone, 454, 468, 469, 472-473; stoa S.-O., 441 ; prytanée, 139, 440, 442, 474; ecclésiastérioo, 491 ; péristyle, 458, 487 ; maisons, 465-466, 479-480, 487 ; ordre attique, 487-488 ; sacrifices, 182. Delphes : 3€,"0ra, 239-240 ; agora romaine, 240 ; prytanée, 240 ; portique des Athéniens, 449, 495 ; lesch è des Cnidiens, 497 ; monoptère de Sicyone, 454 ; tholos rte Marmara, 153 ; Artémis Eucleia, 188 ; les Eucleia, 213. Dèmos: 26, 159. Di/cè: 155-157; - dans le thMLre d ' Bscbyle, 159. DrnNYSit::S : à Athènes, 209. DroNYsos : dans les dèmes atti ques, 250 sq. Dodècalhéon : 172-174, 326, 441.
I NDEX GÉNÉRAL
555
Donon: sanctuaire, 51. Doura-Europos : agora , 408-411 ; sanctuaires, 80, 635. Dréros : agora, 226-22'7; chronologie, 60; t.emple, 107, 126; cultes, 180.
EC(;/ésia : 282. Ecclésiaslérion:- 9 Milet, 44 ; - à Délos, 401. Égine : temple, 452. El Amama: plan, &>. m atée : portiques, 499. fileusis : Léleslérion, 44, 109, 254, 273 ; galerie d'él.age, 485 ; P louLooion, 109. Élis : agor a, 311-314 ; concours, 220-221 ; sloa, 495. E mporion: 283-285, 414, 524, 525. :Rphèse ; in fluen ces hitLiLeij, 138; agora a.rchaïque, 56-57; Artémision, 57 ; agora, 499, 513-514, 534 ; marché, 521. :Rpidaure : cul~es. 187 ; a baLon, 451, 489 ; tholos, 453 ; péristyle, 524. firétrie : t béiître, 176. Erytbrées: llgora , 178. ESCAL IERS : minoens, ll3. EscHYLE : idèes politiques, 158 sq.; dieux, lOO sq., 169 sq., 177178. ltTAGE : galerie mycénieDlle, 126; - en Mésopotamie et Assyrie, 131 ; sloai à étages, 482 sq. ; galerie d'étage , 483, 487-488 ; appartcmenl.s d'- , 483-484 ; proportions des ordres étagés, 488-489 ; slructure, 489-490. eTRUSQUE : influences, 344, 348-349. E ucleia: 56, 212. 'ex il D'RE: - dans une stoa, 491 sq., 498. minoennes, 94. FONTAJNE : à Athènes, 333 ; à Corinthe, 492-493 ; à Magnésie du Méandre, 477 ; à Olynthe, 387. FonuM:- romain , 54;- et agora, 342,344, 4 1J, 418-419; composit,ion, 506, 538-541. FRESQUES : cf. PcinLure murale. FfUSE : - dorique, 163, 464, 465, 469. F eNÊTRES :
Gérasa: n ymphaeum, 492; sanctua ire de Zeus, 530. Gizeh: plan, &1.
556
INDE X CÉNÉ RAJ..
Gortyne: agora du PyLhion, 229-230 ; agora du Léthè, 60, 230-232 ; stoa, 449. GournJa : p lace et p ortique, 88, l OS. GRADINS : 61' 107-108; a Oréros, 226; à É leusis, 109; à Lato, 227-228 ; à Olympje, 244 ; à Pérachora, 254 ; à Thèbes, 25
204-205.
Baghia Irini: sa nctuaire, 79. Baghia Trlada: villa, 88; agora , 89; sloai, 116-llS. Baghios Iakovo.s : sanctuaire, 53. Halicarnasse : ago ra , 284 , 500. H ÉCATF. : 189. Bellôlia : 213-216. Héraclée du Latmos : agora, 486, 5 l5. Hen~1Ès : Agoraios, l75, 191-194; oracle, 193; à Pergame, 423. ) ( J!RODOTE : SCll& Ùe d.yopoc dans-, 280 sq. H ÉRÔON : à Calydon, 494 ; à Corinthe, 340 ; à Gortyne , 230, 231 ; à Lalo, 6() ; à T éos, 53(); l:t Termessos, 5 15 . llÉSIODF. : 32, 150 sq. ; sépulture, 199. H ESTIA : 180, 222; B oulaia , 331. Bi/ani: 74 sq. ; influences, 139, 474, 536. H IPPODAMOS DB MlLET; 346 sq. , 392.
H tTTI'l'E : urbanisme, 72-74 ; techn ique, 75.
Ho~rlms : ~tat dans - ,
20-21 ; modèles, 45 . CL Agora, Iliade,
Odyssée. Horos: 165, 363; à Atllèncs, 269 ; nu Pirée, 358 sq. ; à Magnésie du
Méandre, 498. HYAKINT HIF.S ; HYP.imtRE :
204, 206.
édifice-, 227, 231.
Idalion: sancLuaire, 79. Ikaria : agora, 108, 251. lliade: agora dans 1' -, 22 Sl[.; comp des Grecs, 24-25; assemblées dans 1' -, 35 ; Bouclier d'Achille, 40 sq., 44 sq., 202. lnsula: - dans les palais minoens, 83 ; -hellénistique, dimensions, 410, 411. IONIQUE : base - , 43,1. cr. ChapiLeau, Ordre. Ithague: agora, 31,34-35,36-37. llonia: 222.
INO&'X GÉNÎ!R,\1:,
Jeu x: à Schérie, 30;- ru néraires, 212 sq. ; -
557 hippiq ues, 218-219.
Kameia : à Thé ra, 172..
Kin:ha : place sacrée, lOO. Kish : portique, 130. Kymè: 293. 487. LaM: 26, 1G3 ; assemblée du - , 20. Larisa sur 1' B ermos: place sacrée cL chapelle, 248; palais, 139; nou veau palais, 480; &loai, 140, 449, 461 ; chapiteaux, 143. llato : ogora, 227-220 ; ('hronoloboio, 59, 228. Leultas: sépu lturrs, 50. Lindos : sl nn, 'lr.S. WNTER'lEAU :
Ma ce/loti: 522, 526. Magnésie du Méa ndre : ngoru, 200, 404-408, 477-478, 497 , 506, 512-5 13, 634; sloai, 191, 4\12, 493, 498; temple de Zeus Sosipolia, 506; Artémision, 514, 530; [êtes, 221-22'2. MAISON : mycéni en ne, 121 ; - d~ !>azad t, 141 ; - archaïque, 271 ; - grCClJU C, ti78..J18 1 ; - à étage, 483-484 ; - il péristyle, 520 ; - à paslns, 493. MaDia : cour occidentale du palois, 87 ; portiques, t 13 ; maisons, 81. Malthi: M nctuolrc ct lieu d'asscmuléu, 50-51. Ma murt-K alè : 528-529. Mantinée: agora, 380-382; bouleu t.érion , 467 ; exèdre, 492, 501 ; péristyle, 501, 520; mactllon , 522; t héâtre, 252; pla n el tracé, 37&-380. MARCII ti : 279-281\, 3;}6, 4 19~2(), 50S sq., 521~2'2, 525-52ô, 535 ; ti'AUtènes, 307. 336 sq., 43a ; de Corinthe, 433; de )l.ilet., 58; d e Pergame, 4 G; de Priène, 458 ; de Sparte, 297 : - milita ires, 2a) sq . Mari : palais, 70-71 ; portiques, 130, l il l ; marché, 68. MATÉntAU : inRuenees des-, 104, 129, 52B ; en Crète, 85, 11 6; à Ath ènes, 267, 328 ; diversité, 493. MégaloPOlis : agora, 382-385; st.oa de P hilippe, 467, 470-471, 491 ; sloa d' Aristodl'mos, 405 ; thM tre, 252-253 ; Thersilion, 252 ; ch:.pcllcs, 497 ; tem ple de 7.eus, 628 ; constructio n, 501 ; p lan , 167 ; Cl t ll~~. 167-168. Mégare : 1!!7.
558
INDEX CÉNÉJ1AL
80; - mycénien, 107, 111, 11 9; hist.oire d u - 123, 126, 137, 140,480,535;- e~ cour, 98, 101 ; -et temple, 107, 137 ; - ct. meison 140. llllégiddo: chopileoux, 143. lllleaèoe: agora. 382; p6ristyle, 501. lol éTA.L : -dans la cooslruction hiUite, 75; revêtement en - 129. lllétapoote : agora, 35G. Milet : agora Nord, 396-398, 464, 530-532; agora Sud, 398-401, MtGAIION :
497, 499, 51().511 ; st.oa d'Antiochos l, 457, 500; portes de l'agora, 5 10 sq.;- archaique, 57-58; plan de - 361 sq., 394; cu lle d'AlMo n, 57; e~lésiastérion , 44 ; péristyle, 524-526; boulcut.érion, 80, 532; Dr.lphinion, 80, 362, 454 ; Didyroeion,
254, 459. llbcènes: premier pal ais, ll9 ; nouveau palais, 119-120; ma ison, 12 1 ; cercle des lombes, 45 , 49-50; tom bea u d'Atrée, 123; temple, 122, 123. Naucratis: agora, 245-246; Hellénion, 524. Néandrla: chapiteaux, 143. Nippour: pa lais et. da~c. 136·137. Nirou Khani : gradin s, 00. Nomophylalrioll; - de Pergame, 423. Notion: ngora, 420-431 ; sanctuaire d'Athéna, 530. N uraghi: 63-54. Nymphaeum: 232, 423, 492, 515. Nysa du Méandre: ogorn, 461, 515. ODYSSÉE :
composition, 27 ; chronolol)rie, 2S ;
étaL
politique, 33;
chœur, 203. Oi!.oi; 6diflrc Il - ; .t:pideure, 454 ; Héra ion du Silaris. 461-462 ; Thnsos, 390, 456 ; stoo h - , 499-500. OlYmpie : agora, 180, 187, 241-244 ; Pélopion, 47-49 ; portique d'Echo, 244, 451 ; por tique Sud, 451, 532; lemple de Zeus, 452, 483 ; J.lcLrOon, 452. Obntbe : agora primitive, 338 ; nouvelle agora, 387-390 ; tracé du plan, 386-387 ; maisons, 478-479, ·193 ; étages, 484. Orchestra: s ur l'agora des Phéaciens, 39, 42, 44, 209; origines du
plan 248 ; - d'Athènes, 322-324. Orcllomène: 109. ÛIIDI\ll :spécialisation des- 451 sq., 486, 488-189; mélange des429, 534 ; -
doriq ue (Crise) 463, 465, 460-470.
INDEX GÉNÉM L
559
Oropos: Ampbiaraion :théâtre, 254 ; stoa, 4.51. ÛflTHOST AT ES ; hittiteS, 75 j e::
560
lNDEX OÊ!'ÉRAL
Phlionte: cultes de l'agora, 196. P HRATRIES : - des P b.éaciens, 29. Ph ylakopi : palais, 100-101. PrnoRotTS : 231. PiLASTRE : ordre à - , 354, 487 sq., 493, 534 ; -engagé, 488. PILIER : égyptien, 128-129 ; - mésopotamien, 129, 131 ; en briques, 72;- hittit.e, 75, 132, 133 ; - minoen, 92; portique à-, 458, 462;- d'angle, 463, 464, 465,477. 480; - engagés, 464, 489, 490. PINDARE : 55, 297, 300 j statue, 324. Pirée: agora, 357 sq ., 365-369 ; tr&cé, 358 ; bornes, 359-361. PLACE : -publique en ll:gypte, 64 sq.; -en Orient, 67 sq.; minoenne, 80 sq., 88-89, 94-95, 101 ; - sacrée, il Kirrha, 100 ; à Délos, 238-239; à Larisa sur l'Hermas, 248 ; à Samos, 246247. PLAN :-hittite, 72, 139; valeur, 105;- barlong, 107, 141, 462, 480, 529; - périptère, 72, 123; - rectangulaire, 137; - à colonnade axiale, 140, 451 ; - péristyle, 271, 480, 520 sq. (cf. Péristyle); - urbain, 64, 229, 236, 245, 347-351, 369-371, 377-380, 387, 401. PLA NCfl ER : 490. Plati: maison et cour, 85. PLATON : conception de l'agora, 304-305, 370. PNYX: 29, 176. Podium: 71, 248, 433, 518, 529. Polis: formation eL hisloire, 35, 49, 55, 155 sq., 163, 182, 225, 277, 292 sq., 297 sq., 308. Pompéi : 'rorum triangulaire, 342-344 ; grand forum, 344, 493, 540. PORCHE : à colonnes : mycénien, Ill; oriental, 129; hittile,
132. PoRT : mycénien et archaïque, 57 ; - et agora, 284. P oRTs :-de viUe en Orient, 67, 70; -d'agora, 5 10 sq., 531 sq. ; - avec n1'CS, 513 ; cf. Propylon. PORTIQUE : - 6gypt.ien, 127 sq.; - oriental, 129, 130; - hittite, 74, 76, 132 sq.;- minoen, 85, 92-93, 116, ll8; - mi noen eL égyptien, 131 ; - mi noe n el g,.ec, 109 sq.;- créto-mycénien, 120, 121 ; - à supports alt.ernés, 115; - archaïque, 123 ; distyle, 126. CL Stoa. PosErooN : Rippios, 215, 436. Préneste : 486. Priène: agora, 401-404, 506; c ston sacrée •, 456,498,507; stoa Sud,
1NDCX CÉNéR,\I.
561
456-457, 485 ; bouleulérion, 44 ; gymnase, 492; temple de Zeus, 528; sanctuai re dr, Démêler, 529. PROPYLO~:- orienlal, 131 ; - de l'agora , 532 sq.; - · hi llite, 132; - à Calaurie, 2-15 ; Il Samos. 2-17 ; à Manlinée, 380. PRYTANéE : généralités, fi!l ; plan, 481 ; des Athamanes, 37 ; d'Athènes, 211 , 259, 271, 298; de Délos, 139, 440, 474, 481; de Delphes, 240 ; de Dreros, 227 ; de L nlo, 228 ; d'Olynlhe, 338 ; de Priène, 403. PRYTANJKON : 330-331 ; 271. Ploion: l iléalron, 2i 1. PUITS: - duns une stoa, 457. P um PtCATION : - à l'entrée de l'agora, 164 ; - avant l'assemblée, 176-177, 182. Pylos: agora, 34, 39; polois, 121. Rhamnonte: agora c~ théâtre, 108, 250-'.2!) l ; lhéalron, 44 ; temple de Némésis, 452. Ro t: - homérique, 23 ; - de Sparte, 23, 288. Cf. Basileus. Rome: forum , 64. RuE : élément du plan urbain, 05, 235, 532, 544 ; ll Corinthe, 430437 ; Il Lulo, 228 ; à Sélinonte, 352 ; à Théra, 235 ; à Ugarit, 78.
SABLrllnss :-sur l'a rchitrave, ·153. Saint-Merd-les-Oussines : 51. Sait~lli: 182. SAL1.6 u YPOSTYLE : minoenne, Ll4 ; mycénienne, 119 ; hit tite, 132, 134 ; phrygienne, 140 ; - à Athènes ct g leusis, 330; e.xtcnsion, 451.
Samarie: chnpiteou d'ivoire, 148. Samos : ogora, 2&1. H éroion, 137 ; place sacrée, 246-247 ; stoo, 449, 45 l. Samothrace: sloa, 4&8 ; Arsinocion, 488; temple des Kabires, 491. SANCTUA-I RE : minoen, 79-80, 107 ; - chypriote, 79 ; - phénicien, 79 ; - ct palais mycéniens, 96; - double, 50 ; - nvec stoai, 527 q. Sanxay : • forum •, 51. SaqqiU'a h : pla n, 64; port iqu es, 127. Sardes: construct ions lydiennes, 141. Sélinonte: ~oru urchaiq uo, 240 ; agora, 176, 351-354 ; sloa coudée, 4GO; propylon, 475 ; t emple A, 453 ; temple C, 452; temple D,
454.
562
INDEX GÉNÉRAL
Sendiirli: chronologie 74; palais d'en bas, 74-77; a rchitecture, 134,
036. SèPULTUI\E : -
et lieux d'assemblée, 41 sq., 47 sq. ; - sur l'agora, 194 sq.;- sur l'acropole, 197 ; -dans le palais, 77; - dans un sanctuaire, 197 ; - dans le bouleulérion, 197. SER)!ENT : dieux du - , 179, 180, 211. Smyrne: agora, 486, 522; viUe arehaïqu~:, 138, 141. SoLON : 157. So1Wlto : plan, 349. Sounion : agora, 364, 500 ; temple de Poseidon, 452. Sous-soL : 484 ; magasins en - , 486. Sparte: agora, 233-235; rôle de l'agora, 294 sq. ; Stoa Persikè, 495; Skjas, 42, 233-234; topographie, 207-208; cultes, 199; (êtes,
204 sq . STOA :-orienta le, 130 sq., 13-1;- hi ttite, 77, 132;- minoenne,
115-116, 118 ; -mycénienne, l OO ; uxtension, 136 ; - <sacrée u, 77, 498 sq.; - archaïque, 123, 140 , 228, 232, 449 sq.; coudée, 354, 459-4613 ; - à chambres, 455 sq ., 478, 499 ; - il double nef, 450 sq. ; - il paraskénia, 466-475; - en (er il cheval, 475-481 ; - à ét age, 461, 482-490; proportions, 451 sq. ; fonctions, 495 sq. ; galerie d'exposition, 77 sq., 495 sq.;trophée, 495 sq.; dispositions inlkrieures, 490 sq. ; - avec ateliers, 499-500 ; associat ions daJlS les - , 499 ; couverture et charpente, 450-454. Cf. Portique. Stratos: agora, 451, 485; temple, 451. Suse : t emples, 535. SnŒ:Tnm : composition, 531, 535, 538. Syracuse: agora, 351. Tare.n te: agora, 356. Tégée: cultes de l'agora, 165-167 ; Plintltios, 166 ; théâtre, 44. TÉLESTÉR!ON : d'Athènes, 257, 273, 333;- d'f:leusis, 44, 109. TeU Atchana : 131. TeU el Obeid : 129. Tell Halaf: supports à volutes, 143. Tello : portique pét·istyle, 131 . TEMPLES : orient aux ct minoens, 79, 107; - hittites, 74 ; homériques, 62; - à banquettes, 79, 107; - d'Artémis, 10; lieux de réunion, 66, 73-74. Téos : temple de Dionysos, 530 ; hérôo11, 53Q. Tépé Ga wra: place, 68.
"'rermeaos : agorn, 51& ; bouleuLérion, 488; sl.oa, 488. TERI\A)tARES :plan, 348-349. TERDA~E : arcbit.ectore en - , 435 ; améuagement.s, -t84 sq. i composition en-, 423, 507 sq. TBTRAPVUl : - et. ogora, 413. Thaaos : agoro, 284, 39
254. THÉMIS: A goraia,
181; Hilrésia, 18 1.
157. 'Théra: ngorn, '236-236 ; agora des dieux, 1&9 sq. ; stoa Basilikè, 450, fi()} ; ~a.lT'I), 492. Thermos : t empl es archu'i ques, 123-124. THOLOS : -el fluroghi, 53. Thoricos: agora , 108, 249-250; lhMire, 44 . Thowriol: 178, t ~ . Tbyatire: port.iques, 499. Tieyuthe: polais et ngoru, 00, 535; daLe, 119; inlluences crétoi3es, 120-121; pelil mégaron, 88; cour, 120; temple, 123; chapiteau archatque, 123. Toi T :-minoen, 94 ; - mycénien, 126 ; - archaTque, 137 ; -des $loai, 452 sq , 458, 5 11 , 534; -des slooi à pai'O.$kénw, 470-471 ; - hellénique à Douro, 410. ToMBES : mycéniennes, 128. TRmUNAL : IG3, 173, 177, 181, 29'2 sq. ; - dans H omère, 26;sur l'agora, 32-33;- en Orient, 67, 70; en Béotie, 152 sq.; à Argos, 289. TnJTTYES :Athènes, 29 ; bornes des-, 358. Troie: agorn , 2.\ 36 ; mégnron, 98. T~tornÉE : sLon - , -196 sq. T uiLES : - inscrites, 334 . THÉOGNIS :
•
564
INDEX GÉNÊIUL
Ugarit : (Ras Sb.amra) : ?8 ; Lombes, 136. U RBANISME : hittite, 72-?3; minoen, 81~; - des Pisistralides, 2?2 ; - au ve s., 310 sq. ; - d'Aristote, 306-307 ; - ion ien,
346 sq. Uruk: colonnes
m osalqu~es,
131.
définition de l'agora, 372-373, 483 ; de la moison grecque, 478, 494, 515 ; sloa à étage, 483. Vouliagméni: édifice à péristyle, 466. Vouni: palais, 142, 480. VoüT.e : 486, 489, 491-492, 513. VITRUVE :
Xanthos: agora, 342, 521. Z.aus : 170, 272;- dans Hésiode, 154 sq.; Agora.ios , 152, 173, 1 7'~ 183, 241, 327-328 (autel) ; 182 (représentations) ; A mboulios, 184 ; B oulaios, 184, 331 ; Eleullrérios, 184, 327 ; H ilcésios, 170; I-Iorlcios, 180; Ktésios, 183; Lylraios, 16?, 186; Meilichios, 1?0; Nemeios, 186; Palrôos, 179, 183; Plrilios, 168; Phratrios, 184, 211 ; Polieus, 211, 222, 440 ; Sosipolis, 184, 221-222; Sôter, 168, 171, 183, 184, 440; Te/eios, 165, 183; X enios, 186.
TABL E DES ILLUSTRATIONS
1. TA BLE OJ::S FlOURES OA~S 1.1': TEXTE
Fig.
1. -
Fig. Fig.
2. 3. -
Les nnragl1l de S. Vittorio di Scrri (d'a prè3 Mon . Ani., 1931, pl.lf) . . ... . ... .... ......... ... ..... ........... ... . Plan du pal~ls de ~l uri (d'après Syria, 1939, pl. Xl) ........ . L'agora parU1e d'Assur (d'après OptMc. artil. 1 ~44, p. li5, fig . 2.2) ......... . ... . ...... .... . ' ' ... . . . . . . L'acropole de Sendjirli (d'après Aus~r. ln &nd.,chirll, l V. 0
Fig. 4. Fig. Fig.
&. -
6. -
Fig. 7. Fig.
S. -
Fig. 9. Fig. JO. Fig. I l. -
Fig. 12. -
oa-.
52
69 71
••••••••
73
l6S) .. .... ....... .. .. . . .. . ... . ....... . . ....... . .
Sendjirli (d'~près F. WoebtsmuUI, Der Raum, Og. 36).. . .... . . . . . . ..... .......... .... . Plan du palais de Cnossos (d'après l'eno.llehury, .11 Htmdbook lo the .Palote of Minos al Kno$$05, r1an1.. .... ........ . Plan du palais de PhaeSlos (d'après 1... Pernier, Il Palazzo minoi
~
1
J>ig. 13. -
Fig. 14. Fig. 16. Fig. 16. Fig. 17. -
0
Fig. 18. Fig. 19. Fig. '20. -
0
Fig. 2 1. Fig. 2'2. -
••
•
•••
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0
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0
•
76 81
84
87 89 91 93 95 97 99
110 11 2 116
111 119 12'2 130
192
566
TABLE DES I LLUSTRATIONS Pages
Fig. 23. Fig. 24. Fig. 25. Fig. 26. Fig. 27. Fig. 28. Fig. 29. Fig. 30. Fig. 31. Fig. 32. Fig. 33. Fig. 34. Fig. 35. Fig. 36. Fig. 37. Fig. 38. F ig. 39. Fig. 40. Fig. Fig. Fig. Fig.
41. 42. 43. 44.
-
F ig. 45. Fig. 46. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig.
47. 48. 49. 50. 51. 52. 53.
-
Fig. 54. -
Palais de Sendjirli (d'après A usgr. in Sendschirli, IV, pl. L) Palais de Larisa sur l'Hermos (d'après Larisa am Hermas, I, pl. 30) ... .. . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L'agora de Lato (d'après BCH, 1903, pl. IV-V) ... ... . ..... Site de Gortyne (d'après M. Guarducci, IC, IV, Gortyne)... Calaurie. Agora et sanctuaire de Poseidon (d'après AM, 1895, pl. VII). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Acropole de Larisa sur l'Hermos vers 500 av. J .-C. (d'après Larisa am Hermos, I, p. 27, fig . 4) .. . .. ........... .... Pergame. Sanctuaire de Déméter (d'après AM, l9I2, pl. XVI) Agora d'Athènes (d' après plan dû à la courtoisie du Comité des Fouilles américaines de l'Agora).......... . . . . . . . . . . L'agora d'Athènes au début du vi• s . av. J .-C. (d'après H esperia, suppl. IV, .fig. 13). . .... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L'agora d'Athènes à la fin du vi• s. Région S.-O. (d'après ibid., fig. 32)....... .. . . .. . .. ... ... ... .. . ...... ... .. . L'agora d'Athènes au début du v• s . (d'après He.~peria, 1937, fig. 72).. . .. . ... ... .... ... . . . . ... ... . .. .. . .... .. .... Agora d'Elis (d'après J ahresh., 1932, fig. 77) .. .... . ... .. . . Agora d'Athènes. Région de la Tholos au v• s. (d'après Hesperia, suppl. I V., fig. 62) ... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Agora d' Athènes. Région de la Tholos au u• s. (d' après ibid ., fig. 63) .. .... . .. . ........... .. .. ... . ..... . ... . ... . .. Agora d'Athènes. La bordure occidentale (d'après Hesperia, 1937, fig. 126).. .. ... . ... ... ... ... ........... . ... . ... Agora de Corin the (dû à la courtoisie de l'École Américaine d'Athènes) . .. . . . . . . ....... . ... .. . ... .. ..... . .... . ... Plan de Colophon (d'après H esperia, 1944, pl. IX) ... .... .. Sélinonte. Esplanade devant le temple D (d'après Mon. ant., 1930, pl. li-III) ..... . .. .......... .. ... . . . ....... . .. .. Sélinonte. Agora hellénistique (d'après ibid., pl. TI- III)... .. Plan de Mantinée (d'après G. Fougères, Mantinée, pl. V III) Agora d'Olynthe (d'après Exc. at 0/ynthus, XII, pl. 85) .. .. Agora de Tbasos (plan des fouilles de l'École Française d'A thèrtes) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Agora de Cyrène (d'après Die Antike, 1943, p. 207, fig. 38). Plan général de .Milet (d'après A. von Gerkan, Griech . Stiidleanlagen, fig . 6). . . . ..... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Milet. Agora Nord. État I (d'après Milet I, 6, pl. XXIII) . . Milet. Agora Nord. État II (ibid., pL XXIV). ... . . ........ .Milet. Agora Nord. État III, (ibid., pl. XXV) . . ... ....... Milet. Agora Nord état I V (ibid., pL XXVI). . ..... . . . . . . . . Milet. Agora Sud. État 1 (d'après Milet I, 7, fig. 40) . ..... . Milet. Agora Sud. État II (ibid., fig. 57) .. .. . .. .. ......... Agora de Priène (d'après M. Schcde, Die Ruinen uon Priene, plan en pochette).. . .. .. . ... . .. ..... . . ...... .. ... . ... Magnésie du Méandre. Agora et sanctuaire d 'AI'témis (d'après Magnesia am Maeander, pl. Il)................ . .......
135 138 226 2.30 243 247 253 260 262 265 268 311 3 14 319 329 339 343 353 355 379 386 388 389 393 395 395 397 397 399 399 402 405
567
TABLE DES I LLUSTRATIONS
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Magnésie du Méandre. Agora (d'après Magnesia am Maeander pl. Ill) ........... .......... ·····.·················· Fig. 56. - Agora de Cos (d'ap~ès B ollellino d'Arle, 1950, fig. 2 1) ... ... . Fig. 57. - Doura-Europos. Plan générol (d'après The Exaualions at Dura-Europos, Prel. R eport of /he ninlh Season l, fig. 12) Fig. 58. - Doura-Europos. L'agora (ibid., fig. 10) .. .. . ........... ... . Fig. 59. - Doura-Europos. L'agora (ibid., fig. 11) .... . .............. . Fig. 60. - Pergame. Plan général (d'après Al!. von Pergamon, l, 2, pl. 1) . .. ... . ................................. . .... . . Fig. 61. - Pergame. Agora de la ville haute (d'a près Ali. von Pergamon, Ill, 1, pl. XXX) ........ .. .. .... ..... ........ ·· ····· · Fig. 62. - Assos. Plan de l'agora (d'après lnuesl. at Assos, fig. 4)..... . Fig. 63. - Assos. Vue restituée de l'agora (d'a près W. B. Dinsmoor, The Arch. of Ancien! Greece, fig. 125) ..... .. . ............ .. . Fig. 64 . - Agora d'Athènes. Bor·dure occidenta le de l'agor·a (d'après Hesperia, suppl. VIII, pl. 55) .. .... ................ . .. . Fig. 65. - Agora d'Athènes. Bordure occidentale de l'agora (vue du S.E. ) (ibid., pl. 55) .. ..... .... ............ ........ . . ... . Fig. 66. - Délos. Le sanctuaire d'Apollon et ses a bords immédiats (plan de l'~cole Française d'Athènes) ...... ................. . Fig. 67. - Priène. Intérieur de la sloa Sud de l'agora (d'après F. Krischen, Die griech . Sladt, pl. 23 ) ........ ................ . Fig. 68. - Acropole do Larisa sur l'Hermos à la fin du v • s. (d'après Larisa am H ermos, I, p. 35, flg . 6) . . ..... ..... ..... .. . . Fig. 69.- Palais de Vouni (1•• état) (d'après Swed. Cyprus exp., I ll, fig. 120) . ............. ...... ......... ......... .. • ..•. Fig. 70. - :Magnésie du )léandre. Le temple de Sosipolis et les stoai de l'agora (d'après F. l
Fig. 55. -
407 409 412 414 416 422 424 42g
430 434 434 438 455
460
479 505 509 512
516 517 519 523 525
527
529 53 1 533 537 539
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TABLE DES JL L!JSTRATIO NS
Il. TABLE DES PLANCHES HORS-TEXTE Pl. I, l.
Pi.
Pl. Pl. Pl. Pl. Pl. Pl. Pl.
Pl. Pl.
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Mallia. Esplanade dallée à l'entrée du palais. (Cl. F . Chapouthier).
Haghia Triada. (Entrée de la villa et le portique 10 (d'après Annuario, 1941-43, p. 25, fig. 12). II. - Fresque miniature de Cnossos (d'après A. Evans, P alace of Minos, III, pl. VI). Ill, 1. - Phaestos. Gradins et mur de rond de la co ur occidentale du palais (d'après L . Pernier, Il Palazzo minoico di F eslos, p. 189, fig. 80). 2. Pérachora . Gradins et autel aux triglyphes dans l'Héraion (cliché dQ à la courtoisie de M. T. J. Dunbabîn). IV. - Cnossos. Portique du couloir Nord du palais (d'après A. Evans, o. c., fig. 7). V. - Hagbia Triada. Stoa de l'agora • minoica • (d'après Bolleltino d'Arle, 1922, p. 437). VI. -- Alinda. Vue de la terrasse de l'agora et du grand portique Ouest (Cl. L. Robert). VII. - Alinda. Façade O. du grand portique d e l'agora (Cl. L. Robert). VIII. - Alinda. Ordres superposés des trois étages intérieurs. (CI. R. Martin). IX. - Les piliers de l'étage intermédiaire. (Cl. R. Martin). X, 1. - Alinda. La terrasse de l'agora. (Cl. L. Robert). 2. - Alinda. Détail de l'ordre entre le deuxième et le troisième étage. (Cl. R. Martin). X I, 1. - Alinda. Extrémité Nord du grand portique de l'agora. (Cl. R. Martin). 2 . - Palmyre. L'agora et l'entrée du temple annexe. (Cl. H. Seyrig). X II, 1.- Notion. Soubassement du portique Sud de l'agora (Cl. R. Martin). 2.- Notion. Portique et Bouleutérion du côté Est de l'agora. (Cl. R. Martin). 2.
Pl.
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